Histoire-Géographie-EMC 1re séries technologiques - Livre du professeur - Éd. 2019 2017097993, 9782017097990

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Histoire-Géographie-EMC 1re séries technologiques - Livre du professeur - Éd. 2019
 2017097993, 9782017097990

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1 h ISTOIRE G ÉOGRAPHIE é

re Série Technologiques

DUCATION CIVIQUE

Livre du professeur Programme 2019 Cristhine Lécureux IA-IPR histoire - géographie Académie d’Orléans - Tours alain Prost IA-IPR histoire-géographie honoraire Stéphane Beau Agrégé d’histoire-géographie Lycée Pothier, Orléans Nathalie Beriou Agrégée d’histoire-géographie Lycée Honoré-d’Estienne-d’Orves, Nice Florence Giry Agrégée d’histoire-géographie Formatrice à l’ESPÉ Centre-Val-de-Loire Benjamin Laplante Agrégé de géographie Lycée Édouard-Herriot, Lyon Stéphane Muzelle Agrégé d’histoire Lycée Marguerite-de-Navarre, Bourges Michaël Tierce Agrégé d’histoire-géographie Lycée Édouard-Herriot, Lyon Pierre Wardega Agrégé d’histoire-géographie Lycée Camille-Claudel, Blois

P001_180_HIST_GEO_EMC.indb 1

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sommaire Histoire

THÈME

1

L’Europe bouleversée par la Révolution française (1789-1815)

A. QUESTION OBLIGATOIRE

B. Sujet d’étude au choix

L’Europe bouleversée par la révolution française (1789-1815) COURS 1 L’émergence d’une nation de citoyens égaux (1789-1791).. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . COURS 2 La chute de la monarchie et la première ­expérience républicaine (1791-1799).. . . . . . . . . . COURS 3  La France de Napoléon Bonaparte (1799-1815). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . COURS 4  L’Europe napoléonienne (1799-1815). . . . . . . . . . . . Capacités et méthodes  Identifier et expliciter les dates et acteurs clés des grands évènements . . . . . . . . . vers le BAC  L’Europe bouleversée par la Révolution française (1789-1815). . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Sujet d’étude 1  1  0 août 1792 : la chute de la monarchie

19 20 21 23

25

et le basculement vers une république révolutionnaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 Capacités et méthodes  Identifier et nommer les périodes historiques, les continuités et les ruptures chronologiques.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 Sujet d’étude 2  L es puissances européennes contre Napoléon : la bataille de Waterloo. . . . 31 Capacités et méthodes  Identifier les contraintes et les ressources d’un évènement, d’un contexte historique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35 vers le BAC

25

Sujet d’étude 1  1  0 août 1792 : la chute de la monarchie

et le basculement vers une république révolutionnaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . 35 Sujet d’étude 2  L es puissances européennes contre Napoléon : la bataille de Waterloo. . . . 35 Histoire

THÈME

Couverture et maquette : Delphine d’Inguimbert, Valérie Goussot Mise en page : Julien Dandoy www.hachette-education.com © Hachette Livre 2019, 58, rue Jean Bleuzen, 92178 Vanves CEDEX ISBN : 978-2-01-709799-0 Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays. Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes des articles L. 122-4 et L. 122-5, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et, d’autre part, que « les analyses et les courtes citations » dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite ».Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français de l’exploitation du droit de copie (20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris), constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

2

Les transformations politiques et sociales de la France de 1848 à 1870

A. QUESTION OBLIGATOIRE

B. Sujet d’étude au choix

Politique et société en France sous la Deuxième République et le Second Empire e COURS 1 La II République, une démocratie ?.. . . . . . . . . . . . COURS 2 Le Second Empire, un régime autoritaire ? . . . . . COURS 3 L’industrialisation de la France.. . . . . . . . . . . . . . . . . COURS 4  L’haussmannisation, une transformation urbaine. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Sujet d’étude 1  V  ictor Hugo sous la Deuxième

Capacités et méthodes 

37 39 41 43

Identifier et expliciter les dates et acteurs clés des grands événements. . . . . . . . 45 vers le BAC Les transformations politiques et sociales de la France de 1848 à 1870. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

République et le Second Empire.. . . . . 46 Capacités et méthodes  Victor Hugo sous la Deuxième et le Second Empire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46 Sujet d’étude 2  L es établissements Schneider au Creusot sous la Deuxième République et le Second Empire.. . . . . 49 vers le BAC Sujet d’étude 1  V  ictor Hugo sous la Deuxième

République et le Second Empire.. . . . .

52

au Creusot sous la Deuxième République et le Second Empire.. . . . .

52

Sujet d’étude 2  L es établissements Schneider

Sommaire 3

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sommaire Histoire

THÈME

3

sommaire Géographie

La Troisième République : un régime, un empire, un empire colonial

THÈME

1

La métropolisation : un processus mondial différencié

A. QUESTION OBLIGATOIRE

B. Sujet d’étude au choix

A. QUESTION OBLIGATOIRE

B. Sujet d’étude au choix

La Troisième République avant 1914 : un régime, un empire colonial COURS 1 Construire le projet républicain.. . . . . . . . . . . . . . . . COURS 2  L’affaire Dreyfus : l’affirmation des valeurs républicaines.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . COURS 3  L’affirmation d’une République laïque : la loi de 1905.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . COURS 4  Les territoires colonisés des puissances européennes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Sujet d’étude 1  L ’instruction des filles sous la Troisième

La ville à l’échelle mondiale : le poids croissant des métropoles et des mégalopoles COURS 1 L’urbanisation du monde. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . COURS 2 Le poids croissant des métropoles. . . . . . . . . . . . . . COURS 3 Des métropoles inégalement attractives et influentes.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . COURS 4 La métropolisation en France. . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Sujet d’étude 1  L yon : les mutations

55 57 58 60

Capacités et méthodes  Employer les notions et le lexique acquis en histoire à bon escient.. . . . . . . . . . 62 vers le BAC La Troisième République : un régime, un empire colonial. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62

Histoire

THÈME

4

République avant 1914. . . . . . . . . . . . 62 Capacités et méthodes  Procéder à l’analyse critique d’un document selon une approche historique. . . . . . . . . 64 Sujet d’étude 2  V  ivre à Alger au début du xxe siècle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64 Capacités et méthodes  Mettre en relation des faits ou événements de natures, de périodes de localisations différentes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66 vers le BAC Sujet d’étude 1  L ’instruction des filles sous la Troisième

République avant 1914. . . . . . . . . . . . Sujet d’étude 2  V  ivre à Alger au début du xxe siècle.. . .

66

91 92 94 95

Capacités et méthodes  Employer les notions et le lexique acquis en géographie à bon escient.. . . . . . . 98 vers le BAC La métropolisation : un processus mondial différencié. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98

d’une métropole. . . . . . . . . . . . . . . . 100 Capacités et méthodes  Procéder à l’analyse critique d’un document selon une approche géographique. . . . . . . 104 Sujet d’étude 2  L ondres, une métropole de rang mondial.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104 Capacités et méthodes  Mettre en œuvre le changement d’échelles, ou l’analyse à différentes échelles. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108 vers le BAC Sujet d’étude 1  L yon : les mutations d’une métropole. . . . 108 Sujet d’étude 2  L ondres, une métropole de rang

mondial.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

66

Géographie

La Première Guerre mondiale et la fin des empires européens

THÈME

2

108

Une diversification des espaces et des acteurs de la production

A. QUESTION OBLIGATOIRE

B. Sujet d’étude au choix

A. QUESTION OBLIGATOIRE

B. Sujet d’étude au choix

La première Guerre mondiale bouleverse les sociétés et l’ordre européen COURS 1  La Première Guerre mondiale, une guerre totale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69 COURS 2  Une guerre mondiale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72 COURS 3  Une guerre meurtrière. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73 COURS 4  Sortir de la guerre, construire un nouvel ordre des nations démocratiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75

Sujet d’étude 1  J uillet-novembre 1916 : la bataille

Métropolisation, littoralisation des espaces productifs et accroissement des flux COURS 1  La recomposition des espaces productifs dans le monde. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111 COURS 2  La spécialisation des espaces productifs. . . . . . . 112 COURS 3  Des espaces productifs interconnectés. . . . . . . . 113 COURS 4  L’organisation des processus de production à différentes échelles.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115

Sujet d’étude 1  L es espaces des industries aéronautique

Capacités et méthodes S’approprier un questionnement historique................................ 78 vers le BAC La Première Guerre mondiale bouleverse les sociétés et l’ordre européen.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78

de la Somme. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78 Capacités et méthodes  Procéder à l’analyse critique d’un document selon une approche historique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82 Sujet d’étude 2  L ’Autriche-Hongrie de 1914 au traité de Saint-Germain. . . . . . . . . . . . . . . . 83 Capacités et méthodes  Confronter le savoir acquis en histoire avec ce qui est entendu, lu et vécu. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87 vers le BAC Sujet d’étude 1  J uillet-novembre 1916 : la bataille

de la Somme. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Sujet d’étude 2  L ’Autriche-Hongrie de 1914 au traité de Saint-Germain. . . . . . . . . 4 Histoire - Géographie - EMC

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87 87

Capacités et méthodes 

Nommer et localiser les grands repères géographiques ainsi que les principaux processus et phénomènes étudiés. . . . . . . . . . . . . . . . . . 117 vers le BAC Une diversification des espaces et des acteurs de la production. . . . . . . . . . . . . . . 117

et aérospatiale européennes. . . . . . . . 117 Capacités et méthodes  Identifier et évaluer les ressources pertinentes et histoire-géographie. . . . . . 122 Sujet d’étude 2  R  otterdam : un espace industrialoportuaire européen de dimension internationale. . . . . . . . . . . . . . . . . . 122 Capacités et méthodes  Mettre en œuvre le changement d’échelles, ou l’analyse à différentes (multiscalaire), en géographie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126 vers le BAC Sujet d’étude 1  L es espaces des industries aéronautique

et aérospatiale européennes.. . . . . . . . . . . 126

Sujet d’étude 2  R  otterdam : un espace industrialo-

portuaire européen de dimension internationale. . . . . . . . . . . . . . . . . .

126

Sommaire 5

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sommaire Géographie

THÈME

3

sommaire

Les espaces ruraux : une multifonctionnalité toujours plus marquée

A. QUESTION OBLIGATOIRE

B. Sujet d’étude au choix

Des espaces ruraux aux fonctions de plus en plus variées COURS 1 Des espaces ruraux agricoles à l’échelle mondiale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129 COURS 2 Des espaces ruraux grignotés par les villes.. . . . 130 COURS 3 Des espaces ruraux aux fonctions productives nouvelles. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131 COURS 4 Des espaces ruraux fragiles.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132

Sujet d’étude 1  L es espaces périurbains en France

(métropolitaine et ultramarine).. . . . 133 Capacités et méthodes  Savoir lire, comprendre et apprécier une série statistique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137 Sujet d’étude 2  L ’agro-tourisme en France (métropolitaine et ultramarine).. . . . 137 Capacités et méthodes  Justifier une production, l’exemple de la carte mentale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141

Capacités et méthodes 

vers le BAC

Utiliser une approche géographique pour construire une argumentation. . . . . 133 vers le BAC Les espaces ruraux : une multifonctionnalité toujours plus marquée. . . . . 133

Géographie

THÈME

4

(métropolitaine et ultramarine)......... 141

Fondements et fragilités du lien social

142

AXE

2

Les recompositions du lien social

L a promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175 Séquence 2  Les nouvelles formes de solidarité et d’engagements. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175 Séquence 3  Les nouvelles formes économiques.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176 Séquence 4  Les nouvelles échelles du lien social. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177 Séquence 5  La défiance vis-à-vis de l’information et de la science. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 178 Séquence 6  Les politiques publiques pour plus d’égalité et de citoyenneté. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 178 Séquence 1 

La Chine : des recompositions spatiales multiples B. Sujet d’étude au choix

Une diversification des espaces et des acteurs de la production COURS 1  L’urbanisation en Chine. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145 COURS 2  Littoralisation et rééquilibrage du territoire chinois. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147 COURS 3  Redéfinition des fonctions des espaces ruraux chinois. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149

Dossier 1  S hangaï, une métropole de dimension

Capacités et méthodes  Savoir lire, comprendre et apprécier un graphique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151 vers le BAC Une diversification des espaces et des acteurs de la production. . . . . . . . . . . . . . . 151

mondiale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152 Capacités et méthodes  Confronter le savoir acquis en géographie avec ce qui est entendu, lu et vécu. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157 Dossier 2  L es enjeux territoriaux des nouvelles routes de la soie.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157 Capacités et méthodes  Utiliser l’échelle appropriée pour étudier un phénomène.. . . . . . . . . . . . . 162 vers le BAC Dossier 1  L e poids du littoral en Chine.................... 162 Dossier 2  L e tourisme, révélateur des transformations

du territoire chinois. . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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1

D es fragilités liées aux transformations sociales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166 Séquence 2  Des fragilités liées aux mutations économiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167 Séquence 3  La montée du repli sur soi et le resserrement des liens communautaires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168 Séquence 4  La défiance vis-à-vis de la représentation politique et sociale, des institutions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169 Séquence 5  La défiance vis-à-vis de l’information et de la science. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170 Séquence 6  Les nouvelles formes d’expression de la violence et de la délinquance.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171

Enseignement moral et civique

Sujet d’étude 2  L ’agro-tourisme en France

A. QUESTION OBLIGATOIRE

6 Histoire - Géographie - EMC

AXE Séquence 1 

Sujet d’étude 1  L es espaces périurbains en France

(métropolitaine et ultramarine).. . . .

Enseignement moral et civique

162

Sommaire 7

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PROGRAMME

Programme d’histoire-géographie de première technologique

Préambule L’histoire et la géographie au lycée Des disciplines pour comprendre et agir Par l’étude du passé et l’examen du présent, l’histoire et la géographie enseignées au lycée transmettent aux élèves des connaissances précises et diverses sur un large empan historique, s’étendant de l’Antiquité à nos jours. Elles les aident à acquérir des repères temporels et spatiaux ; elles leur permettent de discerner l’évolution des sociétés, des cultures, des politiques, les différentes phases de leur histoire ainsi que les actions et décisions des acteurs ; elles les confrontent à l’altérité par la connaissance d’expériences humaines antérieures et de territoires variés. Partant, elles leur donnent les moyens d’une compréhension éclairée du monde d’hier et d’aujourd’hui, qu’ils appréhendent ainsi de manière plus distanciée et réfléchie. Le monde dans lequel les lycéens entreront en tant qu’adultes et citoyens est traversé par des dynamiques complémentaires, conflictuelles, voire contradictoires dont beaucoup sont les conséquences de faits antérieurs, de longues ou brèves mutations. L’histoire et la géographie permettent d’éclairer ces mouvements complexes et incitent les élèves à s’instruire de manière rigoureuse et, en développant une réflexion approfondie qui dépasse les évidences, les préparent à opérer des choix raisonnés. L’histoire et la géographie montrent aux élèves comment les choix des acteurs passés et présents (individuels et collectifs), qu’ils soient en rupture ou en continuité avec des héritages, influent sur l’ensemble de la société : elles éduquent ainsi à la liberté et à la responsabilité. Des disciplines complémentaires L’histoire et la géographie contribuent de manière complémentaire à la formation intellectuelle des élèves, à leur formation civique et à la construction d’une culture commune. Aussi ces deux disciplines disposent-elles du même volume horaire annuel et du même nombre de thèmes, spécifiquement choisis pour atteindre ces finalités. Assurer la continuité des apprentissages À leur entrée au lycée, les élèves maîtrisent des connaissances et des compétences acquises au collège. Il s’agit de les consolider, de les étoffer et de les approfondir d’une part en introduisant des objets

8 Histoire - Géographie - EMC

P001_180_HIST_GEO_EMC.indb 8-9

plus complexes et, d’autre part, en renforçant les capacités de réflexion et d’analyse, la curiosité, le questionnement pour développer l’autonomie des lycéens. La classe de seconde conforte les acquis de la scolarité obligatoire, fondements d’une culture scolaire commune, tout en ouvrant sur le cycle terminal. Elle enrichit les connaissances disciplinaires, consolide et développe la maîtrise des compétences et des méthodes. Les classes de première et terminale offrent l’accès à des thématiques plus ouvertes ; elles permettent ainsi de renforcer les capacités d’analyse et de jugement des élèves. L’objectif est d’aider ceux-ci à réussir les études supérieures qu’ils auront choisies et à devenir des citoyens éclairés et actifs, sachant faire preuve d’esprit critique. Capacités travaillées et méthodes acquises en histoire et en géographie À l’issue du lycée, les élèves doivent être capables de maîtriser des connaissances fondamentales diverses, de se confronter à des sources, d’analyser des documents, de prendre des notes ainsi que de mener un travail personnel. Pour cela, l’enseignement associe des temps dédiés : ––à la transmission des connaissances par les professeurs et d’écoute active de la part des élèves ; ––à l’étude de sources, à l’analyse approfondie et critique de documents variés (cartes, textes, iconographie, vidéos…) et à la réalisation de croquis. Le programme développe des connaissances et construit des capacités et méthodes spécifiques, qui complètent les savoirs acquis dans les autres enseignements communs (notamment l’enseignement moral et civique). Cet enseignement contribue au développement des compétences orales à travers notamment la pratique de l’argumentation. Celle-ci conduit à préciser sa pensée et à expliciter son raisonnement de manière à convaincre. Dans la continuité des compétences travaillées en histoire et en géographie au collège, les capacités et méthodes figurant ci-dessous doivent être tout particulièrement travaillées au lycée. Leur apprentissage, organisé de manière progressive, est indissociable de l’acquisition des connaissances.

Maîtriser et utiliser des repères chronologiques et spatiaux Connaître et se repérer

– Identifier et nommer les périodes historiques, les continuités et ruptures chronologiques. – Identifier et expliciter les dates et acteurs clés des grands événements. – Nommer et localiser les grands repères géographiques ainsi que les principaux processus et phénomènes étudiés. – Utiliser l’échelle appropriée pour étudier un phénomène.

Contextualiser

– Mettre un événement ou une figure en perspective. – Mettre en œuvre le changement d’échelles, ou l’analyse à différentes échelles (multiscalaire), en géographie. – Identifier les contraintes et les ressources d’un événement, d’un contexte historique, d’une situation géographique. – Mettre en relation des faits ou événements de natures, de périodes, de localisations différentes. – Confronter le savoir acquis en histoire et en géographie avec ce qui est entendu, lu et vécu.

S’approprier les exigences, les notions et les outils de la démarche historique et de la démarche géographique Employer les notions et exploiter les outils spécifiques aux disciplines

– Employer les notions et le lexique acquis en histoire et en géographie à bon escient. – Savoir lire, comprendre et apprécier une carte, un croquis, un document iconographique, une série statistique…

Conduire une démarche historique ou géographique et la justifier.

– S’approprier un questionnement historique et géographique. – Construire et vérifier des hypothèses sur une situation historique ou géographique. – Justifier des choix, une interprétation, une production.

Construire une argumentation historique ou géographique

– Procéder à l’analyse critique d’un document selon une approche historique ou géographique. – Utiliser une approche historique ou géographique pour mener une analyse ou construire une argumentation.

Utiliser le numérique

– Utiliser le numérique pour réaliser des cartes, des graphiques, des présentations. – Identifier et évaluer les ressources pertinentes en histoire-géographie.

II - Programme d’histoire
 L’enseignement de l’histoire au lycée Finalités L’enseignement de l’histoire a pour visées : ––la construction d’une réflexion sur le temps : outre l’acquisition de grands repères, l’élève doit comprendre ce qu’est un événement, une permanence, une continuité, une rupture, une mutation, une évolution pour saisir la manière dont des sociétés se transforment dans le temps ; ––le développement d’une réflexion sur les sources : l’élève apprend comment la connaissance du passé est construite à partir de traces, d’archives et de témoignages, et affine ainsi son esprit critique ;

––l’initiation au raisonnement historique : l’élève apprend à évaluer les ressources et les contraintes d’un événement, d’un contexte humain, temporel ou spatial, à comprendre les interrogations et les choix des acteurs individuels et collectifs, à appréhender les conséquences de leurs actions à court, moyen et long terme ; ––le développement d’une aptitude à replacer les actions humaines et les faits dans leur contexte et dans leur époque ; ––la prise de conscience par l’élève de son appartenance à l’histoire de la nation, de l’Europe et du monde, ainsi que des valeurs, des connaissances et des repères qui nourrissent son engagement et contribuent au développement de sa responsabilité et de sa formation civique ; Programme 9

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––l’acquisition d’un recul par rapport au présent et au monde d’aujourd’hui qui éclaire cet engagement ; ––le développement de la culture générale des élèves.

Un programme chronologique et structurant L’organisation des contenus du programme est chronologique ; l’exigence de cohérence requiert des choix qui forment autant de points d’appui à la construction d’une vision large de l’histoire, de ses lieux et de ses acteurs, et permettent, dans la continuité des programmes de la scolarité obligatoire, différentes approches. Le programme de la classe de seconde, intitulé « Grandes étapes de la formation du monde moderne », revient sur des périodes abordées à l’école primaire et au collège. Il couvre un temps long qui permet d’initier les élèves à une réflexion sur la notion de période historique et de leur donner des repères chronologiques. Il approfondit également la connaissance de l’époque moderne et de ses mutations profondes. L’étude de la Révolution française ouvre le programme de première, lequel mène les élèves aux lendemains de la Première Guerre mondiale. Le fil directeur est l’évolution politique et sociale de la France au cours du long xixe siècle qui s’étend de 1789 à la Grande Guerre alors que l’Europe est dominée par les monarchies et les Empires multinationaux, mais bouleversée par des valeurs et des expériences politiques en partie héritées de la Révolution française. Le programme de la classe terminale élargit la dimension internationale. À partir de la crise des années 1930, il interroge le jeu des puissances et l’évolution des sociétés jusqu’à nos jours.

Des thèmes associant le récit historique et des sujets d’étude Chaque thème comprend une question obligatoire : le programme propose des axes pour la traiter. La parole du professeur joue un rôle essentiel : elle garantit la cohérence, dégage les évolutions d’ensemble et les momentscharnières, met en place le contexte général de la période.

La question s’articule avec les notions indiquées qui sont un élément explicite et évaluable du programme. Deux sujets d’étude sont proposés. Le professeur choisit, en fonction de la problématique qu’il a déterminée ainsi que des appétences des élèves, celui qui lui semble le plus approprié pour étudier des notions et acquérir des connaissances relatives à la question obligatoire. Ces sujets d’étude permettent également d’initier les élèves au raisonnement historique, en inventoriant les contraintes et ressources des situations et des contextes en les amenant à saisir au plus près les situations, les contextes et le jeu des acteurs individuels et collectifs. Le professeur est maître de leur degré d’approfondissement, qui peut aller jusqu’à des travaux de recherche documentaire, individuels ou collectifs, et à des restitutions orales et écrites. Les sujets d’étude choisis peuvent être filés au fur et à mesure que la question obligatoire est traitée ou encore travaillés de manière continue, avant ou après la question obligatoire. Ils sont le support, en relation avec la question obligatoire, d’une partie des épreuves communes du contrôle continu.

Ce programme est centré sur la France de la Révolution de 1789 à la Première Guerre mondiale. Il vise à montrer comment, dans une Europe dominée par les monarchies et les Empires multinationaux, le pays, avec la Révolution française, pose les bases d’une conception nouvelle de la nation. Le pays connaît à la fois une modernisation progressive de sa société et de grandes oscillations politiques, qui cessent avec l’instauration de la Troisième République. Le programme se clôt par l’étude de la Première Guerre mondiale, qui, avec la victoire des Alliés, débouche sur une tentative d’application générale du principe des nationalités.

A – L’Europe bouleversée par la Révolution française (1789‑1815)

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Notions Révolution Souveraineté nationale Égalité devant la loi Nation République Empire

Mise en œuvre Ce chapitre vise à montrer l’importance de la rupture révolutionnaire en France comme en Europe. On peut mettre en avant : – l’émergence d’une nation de citoyens égaux en droit (Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen…) ; – la chute de la monarchie et une première expérience républicaine dans un contexte de guerre ; – la domination européenne de Napoléon Bonaparte qui conserve et diffuse certains principes de la Révolution ; – le congrès de Vienne qui entend restaurer l’ordre monarchique et asseoir la paix en Europe.

Notions

Mise en œuvre À partir de l’étude d’une journée révolutionnaire, on comprend la rupture des révolutionnaires avec l’Europe monarchique ainsi que le début d’une première expérience républicaine française marquée par les affrontements extérieurs et intérieurs. À partir de l’étude de la bataille de Waterloo et de ses protagonistes, les élèves appréhendent les motivations et l’ampleur de la coalition européenne monarchique qui empêche le retour de Napoléon.

B – Un sujet d’étude au choix : – 10 août 1792 : la chute de la monarchie et le basculement vers une république révolutionnaire – Les puissances européennes contre Napoléon : la bataille de Waterloo

• Thème 2 : Les transformations politiques et sociales de la France de 1848 à 1870 (5‑7 heures) Question obligatoire (A) et sujets d’étude (B) A – Politique et société en France sous la Deuxième République et le Second Empire

Classe de première : « Construire une nation démocratique dans l’Europe des monarchies et des empires : la France de 1789 aux lendemains de la Première Guerre mondiale » (24 heures)

• Thème 1 : L’Europe bouleversée par la Révolution française (1789‑1815) (5‑7 heures) Question obligatoire (A) et sujets d’étude (B)

Question obligatoire (A) et sujets d’étude (B)

B – Un sujet d’étude au choix : – Victor Hugo sous la Deuxième République et le Second Empire – Les établissements Schneider au Creusot sous la Deuxième République et le Second Empire

Notions Démocratie Suffrage universel masculin Régime autoritaire Industrialisation Urbanisation Droit de grève

Mise en œuvre Ce chapitre vise à mettre en lien l’évolution politique de la France entre 1848 à 1870 et les bouleversements économiques et sociaux qu’elle connaît. On peut mettre en avant : – l’affirmation des grands principes démocratiques et républicains en 1848 (instauration du suffrage universel masculin, abolition de l’esclavage) ; – la rupture de juin 1848 ; – la transformation de l’économie et de la société sous le Second Empire, régime autoritaire (industrialisation, urbanisation, essor du chemin de fer) ; – la chute du Second Empire en raison de la guerre franco-prussienne qui permet l’unité allemande. Ce sujet d’étude vise à comprendre comment Victor Hugo est devenu l’une des références majeures des républicains en raison de son évolution politique sous la Deuxième République et de sa lutte de proscrit puis d’exilé volontaire contre le Second Empire. Ce sujet d’étude permet d’appréhender la notion d’industrialisation (sidérurgie, transports…) ainsi que le rôle économique et politique d’Eugène Schneider. En outre, les élèves appréhendent la transformation des formes et lieux de travail ainsi que leurs conséquences sociales et politiques pour les ouvriers comme pour leurs familles.

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• Thème 3 : La Troisième République : un régime, un empire colonial (5‑7 heures) Question obligatoire (A) et sujets d’étude (B) A – La Troisième République avant 1914 : un régime, un empire colonial

Notions Démocratie République Libertés fondamentales Laïcité Antisémitisme Colonisation Société coloniale

B – Un sujet d’étude au choix : – L’instruction des filles sous la Troisième République avant 1914

Mise en œuvre Ce chapitre vise à montrer que la France se dote d’un régime stable qui reprend et approfondit l’ensemble des principes de 1789. La Troisième République relance l’expansion d’un empire colonial. On peut mettre en avant : – le projet républicain liant affirmation des libertés fondamentales et volonté d’unifier la nation autour des valeurs de 1789 (symboles, lois scolaires…) ; – l’antisémitisme autour de l’affaire Dreyfus ; – la loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État ; – les rivalités coloniales des puissances européennes ; – les territoires de la colonisation et le fonctionnement des sociétés coloniales. Selon l’entrée du Nouveau dictionnaire de pédagogie dirigé par Ferdinand Buisson, l’instruction des filles concerne » l’instruction primaire, secondaire et supérieure ». Les élèves sont également invités à se pencher sur la formation et le rôle républicain des institutrices. Les élèves s’intéressent aux différentes populations présentes dans la société d’une ville coloniale au statut de préfecture du département d’Alger. L’architecture, l’urbanisme, la toponymie ainsi que la caractérisation des différents quartiers et les relations entre les habitants peuvent être étudiés.

– Vivre à Alger au début du xxe siècle

• Thème 4 : La Première Guerre mondiale et la fin des empires européens (5‑7 heures) Question obligatoire (A) et sujets d’étude (B) A – La Première Guerre mondiale bouleverse les sociétés et l’ordre européen

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Notions Empire multinational Mobilisation Front Génocide Traité Diplomatie

Mise en œuvre Ce chapitre vise à présenter caractéristiques de la guerre, la fin des empires ainsi que la difficile construction de la paix. On peut mettre en avant : – les caractéristiques du conflit (guerre longue, pluralité des fronts et des terrains d’affrontement, guerre industrielle) ; – les différents aspects de la mondialisation du conflit (entrées en guerre, implication des empires coloniaux) ; – une guerre particulièrement meurtrière pour les combattants mais aussi les civils (génocide arménien) ; – les traités de paix et la fin des empires multinationaux européens.

Question obligatoire (A) et sujets d’étude (B)

Notions

Mise en œuvre Ce sujet d’étude permet de comprendre le fonctionnement de la Triple Entente et l’échelle mondiale de la guerre (mobilisation des soldats et de la main-d’œuvre en provenance des empires britannique et français ainsi que de la Chine). Les moyens d’offensive dans une guerre de position recourent à l’innovation technique (premiers chars d’assaut, premiers avions d’observation). Les élèves peuvent aussi mesurer le coût humain des combats, dont les traces et les lieux de mémoire marquent encore le paysage aujourd’hui. La double monarchie comprend un grand nombre de nationalités et joue un rôle décisif dans le déclenchement de la guerre. Sa défaite suivie de sa dislocation révèle les difficultés d’application du principe des nationalités qui a guidé les rédacteurs des traités de paix. Cet espace demeure ainsi une zone de tension.

B – Un sujet d’étude au choix : – Juillet-novembre 1916 : la bataille de la Somme

– L’Autriche-Hongrie de 1914 au traité de Saint-Germain

III - Programme de géographie
 L’enseignement de la géographie au lycée

Organisation des niveaux du lycée

Finalités La géographie vise à comprendre comment les individus et les sociétés organisent leur espace, s’y développent, le transforment. La géographie répond à des questions – telles que : Où ? Quels acteurs ? Comment ? Pourquoi ici et pas ailleurs ? – pour décrire et expliquer le fonctionnement des territoires à différentes échelles. Elle met en évidence les interactions entre les sociétés et leurs environnements. Pour rendre compte du fonctionnement des territoires, la géographie s’appuie notamment sur des cartes et vise les finalités suivantes : ––mobiliser, pour comprendre l’organisation des territoires, les notions géographiques en insistant sur les enjeux et sur les relations entre acteurs ; ––adopter une approche multiscalaire (à différentes échelles) qui rend visibles, d’une part, le fait qu’un même phénomène peut se traduire différemment selon l’échelle envisagée et, d’autre part, les interactions entre les territoires à différentes échelles ; ––effectuer des comparaisons entre les territoires, ce qui permet d’identifier les ressemblances et les spécificités de chacun ; ––mettre en évidence, en ayant recours à une approche systémique, les interactions entre acteurs ainsi qu’entre les acteurs, leurs territoires et leurs environnements ; ––développer l’analyse critique des documents, l’observation du jeu des acteurs, le contact avec le terrain ; ––assurer l’acquisition de repères spatiaux aux échelles française, européenne et mondiale.

Chaque année est l’occasion de mettre en œuvre les méthodes et l’apprentissage des exercices de géographie en ménageant une progressivité sur les trois niveaux du lycée : réalisation d’un croquis, composition, analyse critique de document(s). Le programme se prête à des visites sur le terrain, à l’utilisation de supports pédagogiques variés, à l’usage de l’outil numérique, ainsi qu’à l’intervention dans la classe d’acteurs de la vie économique et publique. Chaque année, le programme est structuré autour d’un axe principal et propose d’étudier quatre thèmes. Les trois premiers thèmes visent l’acquisition des connaissances et des grilles d’analyse qui permettent de comprendre les lignes de force et les caractéristiques majeures des objets étudiés. Le quatrième est un thème conclusif qui applique l’ensemble des savoirs et compétences acquis par l’étude des trois premiers thèmes à l’étude d’une aire géographique (ville, pays, ensemble de pays). Chaque thème est organisé autour d’une question obligatoire (A) et d’un sujet d’étude au choix (B) parmi deux proposés. La question obligatoire (A) constitue le développement général du thème, dont le contenu est précisé par les commentaires. L’enseignement repose toujours sur des exemples précis afin d’illustrer et de comprendre les notions abordées et de mettre en œuvre les grilles d’analyse proposées. Il s’agit de donner aux élèves des connaissances et des repères spatiaux fondamentaux sur une diversité de territoires dans le monde. Leur choix est laissé au professeur. La question s’articule avec les notions Programme 13

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indiquées qui sont un élément explicite et évaluable du programme. Le sujet d’étude (B) ouvre une possibilité de choix de contenu et d’itinéraire pédagogique. Il est forcément articulé avec la question obligatoire mais peut être étudié avant ou après celle-ci selon la démarche privilégiée par le professeur. Dans tous les cas, il permet de mettre en œuvre un changement d’échelle (approche multiscalaire).

Un programme donnant des clés de lecture du monde contemporain et des repères spatiaux fondamentaux Le programme place les sociétés et les territoires au cœur de l’analyse, en prise directe avec la réalité. Le monde dans lequel nous vivons a connu et connaît des bouleversements démographiques, économiques, environnementaux et politiques considérables qui ont d’importantes conséquences territoriales. Au collège, les élèves ont acquis une connaissance des grandes notions de géographie et de certains territoires ; ils ont développé des compétences et méthodes d’analyse. Il s’agit donc, en s’appuyant sur ces acquis, de leur permettre de prendre conscience des bouleversements et de leurs conséquences, de les comprendre, de disposer de grilles d’analyse et de repères spatiaux fondamentaux qu’ils pourront mobiliser face à des territoires et des situations nouvelles. Pour cela, le programme a abordé, en classe de seconde, les grands équilibres et défis d’un monde en transition. La classe de première étudie les recompositions des espaces de vie et de production liées à ces transitions alors que les mutations territoriales et géopolitiques liées à la mondialisation sont analysées en terminale. Trois processus sont au cœur des programmes pour l’étude des acteurs et des territoires : ––la transition, qui prolonge l’étude du développement durable en insistant sur les grandes mutations en cours et les défis qu’elles représentent pour les acteurs et les sociétés ; ––la recomposition, centrée sur l’étude des restructurations spatiales liées à ces grandes mutations ; ––la mondialisation, envisagée comme une affirmation du monde comme espace et échelle de référence, mais également comme un révélateur d’inégalités territoriales.

Étudier la France tout au long du lycée, en la replaçant dans un contexte plus large, pour que les futurs citoyens aient conscience des enjeux et de leurs possibilités d’action. L’enseignement de la géographie au lycée a pour but de comprendre le fonctionnement du monde contemporain en analysant les interactions entre les sociétés et leurs territoires. Ces relations sont étudiées dans différentes parties du monde et à travers le jeu des échelles. Une attention 14 Histoire - Géographie - EMC

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particulière est portée à la France – métropolitaine et ultramarine – et à l’Union européenne. Ceci conduit à une organisation spécifique des programmes. La France –  État membre de l’Union européenne, deuxième espace maritime mondial, présent sur tous les continents – est concernée par tous les enjeux abordés dans le programme. La France et l’Union européenne sont de ce fait au cœur des sujets d’étude au choix alors que la question obligatoire est l’occasion de donner des connaissances et des repères spatiaux sur l’ensemble du monde.

•Thème 1 : La métropolisation : un processus mondial différencié (6‑8 heures) Question obligatoire (A) et sujets d’étude (B) A – Les villes à l’échelle mondiale : le poids croissant des métropoles et des mégalopoles

Notions Agglomération urbaine Centre-périphérie Métropole/ métropolisation Ville

Classe de première : « Les dynamiques d’un monde en recomposition » (24 heures) Sous l’effet des processus de transition – appréhendés en classe de seconde –, le monde contemporain connaît de profondes recompositions spatiales à toutes les échelles. Dans le cadre du programme de première, l’étude des  dynamiques à l’œuvre fait ressortir la complexité de ces processus de réorganisation des espaces de vie et de production. Ces recompositions peuvent être observées à travers le poids croissant des villes et des métropoles dans le fonctionnement des sociétés et l’organisation des territoires. La métropolisation, parfois associée à l’idée d’une certaine uniformatisation des paysages urbains, renvoie toutefois à des réalités très diverses selon les contextes territoriaux. Elle contribue aussi à accentuer la concurrence entre les métropoles, ainsi que la diversité et les inégalités socio-spatiales en leur sein. En lien avec la métropolisation, les espaces productifs se recomposent autour d’un nombre croissant d’acteurs aux profils variés et dans des espaces aux configurations toujours plus complexes, autour de réseaux de production (internationaux, nationaux et régionaux). Les espaces productifs liés à l’agriculture sont traités plus spécifiquement dans le thème sur les espaces ruraux. La multifonctionnalité de ces derniers et leurs liens avec les espaces urbains s’accentuent, à des degrés divers selon les contextes.

B – Un sujet d’étude au choix : – Lyon : les mutations d’une métropole

Commentaires Depuis 2007, la moitié de la population mondiale vit en ville ; cette part ne cesse de progresser. Cette urbanisation s’accompagne d’un processus de métropolisation : concentration des populations, des activités et des fonctions de commandement. En dépit de ce que l’on pourrait identifier comme des caractéristiques métropolitaines (quartier d’affaires, équipement culturel de premier plan, nœuds de transports et de communication majeurs, institution de recherche et d’innovation…), les métropoles sont très diverses. Elles sont inégalement attractives et n’exercent pas la même influence selon qu’il s’agit d’une métropole de rang mondial, de rang national ou de rang régional. L’affirmation de la dimension métropolitaine de Lyon s’est accompagnée de multiples recompositions à l’échelle locale (renforcement des réseaux de transports et de communication, création et rénovation de grands équipements culturels, de formation, de santé ou de sport, reconquête du front d’eau et des friches urbaines, fonctionnement polycentrique, étalement urbain…). Ces mutations ont accentué les contrastes au sein de la métropole. L’agglomération londonienne fait l’objet d’aménagements d’envergure et de recompositions territoriales. Elle témoigne des grandes mutations liées à la métropolisation (concurrence croissante entre les métropoles de rang mondial, réorganisation des réseaux de transports et renforcement des connexions aéroportuaires, réhabilitation du secteur portuaire, création et rénovation de grands équipements culturels, influence des Jeux Olympiques, recompositions locales autour de nouveaux centres fonctionnels, accentuation des contrastes socio-spatiaux…).

– Londres, une métropole de rang mondial

• Thème 2 : Une diversification des espaces et des acteurs de la production (6‑8 heures) Question obligatoire (A) et sujets d’étude (B) A – Métropolisation, littoralisation des espaces productifs et accroissement des flux

Notions Espace productif Flux Production Réseau international de production Chaîne mondiale de valeur ajouté

Commentaire À l’échelle mondiale, les logiques et dynamiques des principaux espaces et acteurs de production de richesses (en n’omettant pas les services) se recomposent. Les espaces productifs majeurs sont divers et plus ou moins spécialisés. Ils sont de plus en plus nombreux, interconnectés et se concentrent surtout dans les métropoles et sur les littoraux. Les processus de production s’organisent en chaîne de valeur ajoutée à différentes échelles. Cela se traduit par des flux matériels et immatériels toujours plus importants.

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Question obligatoire (A) et sujets d’étude (B)

Notions

Commentaire Les espaces des industries aéronautique et aérospatiale européennes témoignent d’une mise en réseau d’acteurs et de territoires par un processus de production. Cela stimule des dynamiques territoriales à l’échelle locale, tout en relevant d’enjeux internationaux, comme le montrent par exemple Hambourg et Toulouse, dont le dynamisme est en partie lié à Airbus (emplois directs mais aussi sous-traitants). L’espace industrialo-portuaire de Rotterdam permet d’illustrer la mondialisation des processus de production, en lien avec l’importance fondamentale du transport maritime. Les dynamiques industrielles et portuaires recomposent les territoires et présentent des enjeux majeurs d’aménagement. On assiste au déplacement du port vers l’aval de l’estuaire et au déclin de zones industrielles au profit d’espaces de logistique

B – Un sujet d’étude au choix : – Les espaces des industries aéronautique et aérospatiale européennes

– Rotterdam : un espace industrialo-portuaire européen de dimension internationale

• Thème 4 conclusif : La Chine : des recompositions spatiales multiples (3‑4 heures) Question – Urbanisation, littoralisation, mutations des espaces ruraux

Commentaire La Chine connait des recompositions spatiales spectaculaires. Des campagnes aux villes, de l’agriculture à une économie diversifiée, du repli à l’ouverture et à une insertion de plus en plus forte dans la mondialisation, les contrastes territoriaux sont de plus en plus accentués.

• Thème 3 : Les espaces ruraux : une multifonctionnalité toujours plus marquée (6‑8 heures) Question obligatoire (A) et sujets d’étude (B) A – Des espaces ruraux aux fonctions de plus en plus variées

B – Un sujet d’étude au choix : – Les espaces périurbains en France (métropolitaine et ultramarine)

– L’agro-tourisme en France (métropolitaine et ultramarine)

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Notions Espace rural Multifonctionnalité Fragmentation Périurbanisation

Commentaires Les espaces ruraux connaissent d’importantes transformations. Globalement, le rôle de l’agriculture est encore important, mais ces espaces sont de plus en plus liés aux espaces urbains. Ils sont marqués par l’essor de fonctions résidentielle, industrielle, environnementale ou touristique, qui contribuent à les diversifier. Les espaces périurbains connaissent de profondes recompositions. L’agriculture a fortement reculé et évolué sous l’effet de la progression marquée des fonctions résidentielles, logistiques, de loisirs, de production non agricoles… On peut s’interroger sur leur extension, leur localisation et sur le maintien de leur caractère rural. L’agro-tourisme – tourisme valorisant l’agriculture et les produits du terroir – est en plein essor même si les flux concernés restent modestes à l’échelle nationale. Né de volontés individuelles locales et soutenu par les politiques nationales et européennes de développement rural, il contribue au renouveau d’espaces ruraux. La valorisation du patrimoine se traduit par une diversification des fonctions, un développement économique et une diversification des populations permanentes et saisonnières. Elle peut cependant poser la question de la préservation du patrimoine rural, qu’il soit bâti, paysager, ou encore culturel.

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Histoire THÈME

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L’Europe bouleversée par la Révolution française (1789‑1815)

Présentation du thème Ce thème permet de comprendre le renforcement de la nation française, qui acquiert de nouveaux droits. La jeune république, née des év nements de 1791‑1792, est rapidement menacée par des ennemis intérieurs et exté‑ rieurs. L’Empire napoléonien poursuit en partie l’œuvre de la Révolution, mais la liquide également en instaurant un régime autoritaire. La Révolution et l’Empire ont des retentissements dans toute l’Europe.

Rappel des notions associées au thème Égalité devant la loi : principe démocratique selon lequel tous les citoyens ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Empire : régime politique de type monarchique dirigé par un empereur ou une impératrice. Nation : communauté d’hommes et de femmes soli‑ daires, ui se reconnaissent dans les mêmes valeurs et res‑ pectent les mêmes lois. République : régime politique dans lequel la loi s’ap‑ plique à tous sans exception et où la fonction de chef de l’État n’est pas héréditaire. Révolution : changement rapide et brutal d’un pouvoir et d’une société. Souveraineté nationale : principe juridique qui offre le pouvoir à l’ensemble des citoyens. Présentation des diverses entrées Une image Jacques-Louis David, Le Serment du Jeu de paume, le 20 juin 1789, 1791‑1792 (p. 14) Ce tableau illustre l’union des députés au tout début de la Révolution. La scène a lieu dans la salle du Jeu de paume et le serment en est l’acte fort. Le personnage central est Bailly, doyen du tiers état et maire de Paris à partir du 15 juillet 1789. La lumière vient de l’extérieur et l’inonde car c’est lui qui prête serment au nom de l’Assemblée, sous les vivats de la foule. Un vent de liberté semble même s’engouffrer dans la salle par les fenêtres de gauche. Cette œuvre fait aussi figurer des per‑ sonnages absents lors du serment : le prieur de la char‑ treuse du Port Sainte-Marie (au premier plan) sert la main à un pasteur protestant, sous la bénédiction de l’abbé Grégoire. On distingue Marat, en haut à droite, rédigeant un article pour L’Ami du peuple. Il faut noter qu’il n’est pas encore député et que son journal ne paraîtra qu’à partir de septembre de la même année. Ces libertés prises à l’égard de la réalité historique font cependant de cette œuvre un symbole fort, voulu par David et financée par l’argent public, sur ordre de l’Assemblée. 18 Histoire

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La toile n’a jamais été achevée, car la divinisation de l’unité nationale est devenue caduque étant donné le fossé qui s’est creusé entre les modérés et les extrémistes. Elle a même reçu des coups de baïonnettes le 10 août 1792. Une vidéo La Révolution française – Les années lumière, Robert Enrico, 1989 (p. 14) La vidéo permet d’utiliser un support à la portée des élèves : le film de Robert Enrico, réalisé et produit pour le bicente‑ naire de la Révolution en 1989, La Révolution française – les années lumière. Le film raconte de manière chronologique tous les événements révolutionnaires et présente les per‑ sonnages clés. Une frise chronologique (p. 15) La frise chronologique présente quelques dates phares pour le traitement du thème. Les principaux régimes poli‑ tiques sont représentés par des couleurs différentes au centre de la frise, pour aider les élèves à se repérer. Une carte mentale (p. 15) La carte mentale réunit les axes de réflexion retenus pour traiter le thème. Un jeu de couleurs permet de comprendre les quatre étapes qui correspondent aux quatre cours du manuel : une nation en armes qui conquiert des libertés, une république menacée par des ennemis intérieurs et exté‑ rieurs, la prise de pouvoir de Bonaparte et les années impé‑ riales qui s’ensuivent et enfin le congrès de Vienne qui restaure la situation prérévolutionnaire en 1815. Le thème et moi (p. 15) Une image La scène du Serment du Jeu de paume rappelle la ferveur des victoires sportives. Elle montre tout l’en‑ thousiasme et l’union d’une nation qui se retrouve régu‑ lièrement dans ce genre d’événements. Une vidéo La colonne de Juillet, qui commémore la révo‑ lution de juillet, se trouve à la place de la Bastille. Une frise Depuis 1792, on compte désormais cinq répu‑ bliques. Une carte mentale La Seconde République espagnole renversée par Franco, la République de Weimar renversée par Hitler… sont des exemples de républiques renversées par un régime autoritaire. Mise en relation des documents Le professeur peut retenir une ou plusieurs des entrées possibles dans le thème, il peut conduire les élèves à saisir les attentes de celui-ci, à le problématiser.

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Question obligatoire L’Europe bouleversée par la Révolution française (1789‑1815)

Cours

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L’émergence d’une nation de citoyens égaux (1789‑1791) Présentation du cours L’enchaînement des événements des années 1789‑1791 s’explique en partie par les décisions prises par le roi au printemps 1789 et par un contexte favorable à la colère populaire. En effet, les dernières années sont marquées par la disette, d’autant plus difficiles à supporter que la pression fiscale est alors très forte sur le tiers état, les prix sont au plus haut et les finances du royaume sont exsangues. Le roi réunit donc les états généraux, pour la première fois depuis 1614‑1615, afin de trouver une solution à la crise financière en faisant voter de nou‑ veaux impôts. Les députés en profitent pour faire rédi‑ ger des cahiers de doléances qui doivent être présentés au roi à Versailles dès le 5 mai. Mais, certaines demandes du tiers état sont rejetées par le roi : le vote par tête et non par ordre, la fin de la monarchie absolue par la rédaction d’une constitution. Ces refus amènent les députés, le 20  juin  1789, à se réunir en Assemblée nationale et à prêter serment de ne pas se séparer avant d’avoir rédiger une constitution pour la France. Le ser‑ ment du jeu de paume peut donc être considérée comme l’un des points de départ du processus révolu‑ tionnaire. Repère La frise chronologique met en évidence la préci‑ pitation des événements des années 1789‑1791 : l’al‑ liance d’un peuple en armes et de députés qui siègent en Assemblée nationale accélère, dans des proportions inattendues, le processus révolutionnaire. Tantôt les vio‑ lences populaires déstabilisent la noblesse et le clergé (Grande Peur de l’été 1789), tantôt les députés ins‑ taurent de nouveaux droits pour une nation de citoyens qui se constitue. La Constitution civile du clergé de 1790 représente une cassure dans le processus révolution‑ naire : la condamnation des prêtres jureurs par le pape Pie VI en avril 1791 introduit une faille importante dans un monde révolutionnaire qui veut maintenir le mythe de l’unité. La fuite et l’arrestation du roi à Varennes, ainsi que la fusillade du Champ-de-Mars font perdre la confiance du peuple envers le roi.

Présentation des documents Doc. 1 Ce tableau anonyme met en scène le moment où le gouverneur de Launay est emmené vers l’Hôtel de Ville, juste avant d’être massacré. Aux abords du pont-levis de la forteresse, le sol est jonché des cadavres des gardes-fran‑ çaises et des gardes nationaux. Les piques et les baïonnettes levées, la fumée des incendies, tout cherche à dramatiser ce moment héroïque et libérateur d’un peuple qui a su prendre les armes. Les canons du premier plan évoquent l’argument majeur qui fut à l’origine de la prise de la Bastille (y trouver des armes en quantité.). Il s’agit de montrer le courage héroïque du peuple en action et assoiffé de justice : voilà ce qui devient la règle de la peinture de propagande révolu‑ tionnaire, amplifiée par la diffusion de la gravure. Doc. 2 La nuit du 4 août est décisive. En effet, l’abolition des privilèges marque la fin de l’Ancien Régime et clôt presque 1  000  ans de fonctionnement inégalitaire en France. Dans cette lettre, le marquis de Ferrières explique les raisons qui ont conduit la noblesse et le clergé a « sacrifié » leurs droits. La Grande Peur se propage dans les provinces françaises et il faut maintenir l’intérêt général et sauver la France. Il faut cependant nuancer les propos du marquis : il changera plu‑ sieurs fois de camp durant la Révolution. Il ira jusqu’à s’oppo‑ ser à cette abolition quelques temps plus tard… Doc. 3 L’Assemblé nationale, réunie le 17  juin  1789, s’in‑ vestit Assemblée constituante dans le but de rédiger une Constitution. Le 9 juillet, Jean-Joseph Mounier, député du Dauphiné, propose que la Constitution soit précédée d’une déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. De nombreux députés rédigent différents projets qui vont fusionner, par l’entremise d’un comité de cinq députés choisis par la Constituante. Le 19  août, la Constituante décide que les articles de la déclaration doivent être débattus un par un, à partir du lendemain. Les quatre der‑ niers articles sont adoptés le 26  août. Le lendemain, 27 août, la Constituante adopte la motion suivante, pro‑ posée par Mougins de Rocquefort : « L’Assemblée natio‑ nale décrète qu’elle borne quant à présent la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen  aux dix-sept articles qu’elle a arrêtés, et qu’elle va procéder sans délai à fixer la Constitution de la France pour assurer la prospérité publique, sauf à ajouter après le travail de la Constitution les articles qu’elle croirait nécessaires pour compléter la Déclaration des droits. » Sous la pression populaire, le roi est contraint d’adopter cette déclaration le 5 octobre.

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Choisir un itinéraire Itinéraire 1 À partir du printemps 1789, des députés souhaitent une constitution qui garantirait une monarchie de type constitutionnel, limitant ainsi les pouvoirs du roi. Ils veulent aussi plus d’équité dans le système de votes aux états généraux. Les refus du roi amènent certains dépu‑ tés, principalement du tiers état, avec des alliés issus de la noblesse libérale et du clergé, à se déclarer Assemblée nationale, pour représenter les intérêts et les valeurs qu’ils défendent. Les droits obtenus sont valables pour tous : la fin de la féodalité ainsi que la Déclaration des Droits de l’homme créent une plus grande équité au sein de l’ensemble de la population. Par ailleurs, le peuple prend les armes, notamment le 14 juillet 1789, en réac‑ tion au positionnement du roi, qui ne soutient pas les actions de l’Assemblée. La solidarité, toute relative, de ce peuple, laisse à penser qu’une nation unie se constitue pour défendre de nouvelles valeurs communes. Itinéraire bis 1. Le nombre des protagonistes, leurs armes, principale‑ ment composées de piques, la présence des canons au premier plan, des mansardes en feu à droite, ainsi que l’encadrement du gouverneur de Launay, montrent la violence de la scène. 2. Plusieurs faits poussent les nobles et les clercs à voter pour la fin de leurs privilèges. Tout d’abord, les revendica‑ tions des députés du tiers état sont soutenues par des alliés libéraux nobles et clercs. Puis, le texte montre que la Grande Peur de l’été 1789 inquiète les nobles et clercs. Enfin, le marquis de Ferrières évoque une sorte de sacri‑ fice pour l’intérêt général : « Cet amour de la patrie inné dans le cœur des Français, amour qui est un devoir impé‑ rieux pour la noblesse, tout nous prescrivait la conduite que nous devions tenir. » 3. « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits » et « Une contribution commune est indispen‑ sable, elle doit être également répartie entre tous les citoyens. »

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La chute de la monarchie et la première expérience républicaine (1797‑1799) Présentation du cours Ce cours permet d’aborder une deuxième phase du pro‑ cessus révolutionnaire. Après la mise en place d’une monarchie constitutionnelle, les masses populaires pari‑ siennes (la sans-culotterie nait au tournant des années 1791‑1792), très politisées, deviennent un acteur incon‑ tournable de la Révolution. C’est la convergence entre 20 Histoire

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leurs idéaux et le triomphe de la Montagne qui marque les premières années de la jeune République. Repère Les débuts de la République sont marqués par autant de troubles internes qu’externes. La France déclare la guerre à l’Autriche en avril 1792. L’empereur autrichien exige des révolutionnaires qu’ils rétablissent Louis  XVI sur le trône. Les députés espèrent que la guerre obligera le roi à prendre parti pour ou contre la  Révolution. La prise des Tuileries, le 10  août  1792, provoque la chute de la monarchie constitutionnelle et la mise en place de la Première République. La victoire de Valmy, en septembre  1792, arrête l’invasion étran‑ gère et permet un sursis à la jeune armée républicaine car elle est la première victoire de la France révolution‑ naire. Cependant, le procès puis la mort de Louis  XVI relancent la guerre. La levée d’hommes en masse est un facteur clé de l’insurrection vendéenne qui éclate le 10  mars  1793. Face à la conjonction de ces périls qui menacent la jeune République, la Convention installe le Comité de salut public à partir de l’été 1793. La Terreur est ainsi mise en place. Les députés de la Convention soupçonnent Robespierre et ses partisans de vouloir mettre en place une dictature, ils sont guillotinés en juillet  1794. La tentative de prise du pouvoir par les royalistes est avortée par Napoléon qui fait un coup d’état le 8‑9 novembre 1799. Présentation des documents Doc. 1 L’exécution de Louis XVI a lieu le 21 janvier 1793, place de la Révolution (actuelle place de la Concorde). La guillotine est au centre et occupe une place importante dans l’espace. La tête du condamné est normalement recueillie dans un panier en osier mais, ici, le bourreau cherche à valoriser un symbole fort : celui de la fin de plus d’un millénaire de royauté en France. En effet, il tient la tête du roi par les cheveux : c’est un acte d’humiliation, qui n’est pas sans rappeler les têtes promenées sur les piques aux premières heures de la Révolution. La scène met en évidence des symboles et des acteurs importants de la Révolution : les Gardes nationaux entourent l’échafaud, baïonnette à la main ; le peuple de Paris assiste à l’exécu‑ tion ; certains hommes portant le bonnet phrygien. Doc. 2 Robespierre, dans ce discours du 5 février 1794 (19 pluviôse An II) à la Convention, justifie la terreur pour sau‑ ver la jeune République : « La terreur n’est autre chose que la justice prompte, sévère, inflexible ; elle est donc une émanation de la vertu ; elle est moins un principe particu‑ lier qu’une conséquence du principe général de la démo‑ cratie, appliqué aux plus pressants besoins de la patrie ». La coalition des monarchies contre la France révolution‑ naire menace l’intégrité du territoire et les valeurs défen‑ dues depuis 1789 et la levée en masse provoque l’insurrection de certains territoires. La Terreur se veut

donc une forme de gouvernement qui lutte de manière radicale contre les « ennemis intérieurs et extérieurs », qu’il associe aux amis de la tyrannie. La violence à l’égard des condamnés est considérée de manière paradoxale par Robespierre comme une forme de « gouvernement démocratique et républicain ». Doc. 3 En août 1795, pour arrêter le cours de la Révolution, garantir de nouvelles institutions républicaines et main‑ tenir une majorité républicaine, la Convention vote le décret des deux tiers. Ce décret est la cause de la tentative de coup d’État par les royalistes, le 5 octobre 1795. Les royalistes appellent à l’insurrection pour forcer la Convention à révoquer le décret. La Convention a vent des préparatifs d’insurrection et nomme Paul Barras à la tête des troupes de Paris. Ce dernier s’adjoint le général de brigade Bonaparte. Les sept sections parisiennes qui ont voté l’insurrection marchent sur les Tuileries, siège de la Convention. Elles regroupent 25  000  hommes en armes. Barras ordonne alors à Bonaparte de faire feu. Pendant 45  minutes, les canons tirent sur les insurgés. On compte 300 morts sur les marches de l’église SaintRoch. L’insurrection est un échec, la République triomphe et le général de brigade Bonaparte en tire gloire. On le surnomme dès lors « le général Vendémiaire ». La gravure représente bien la violence de la scène : les canons à gauche sont braqués sur les marches de l’église SaintRoch à droite, de nombreux cadavres jonchent le sol.

Choisir un itinéraire Itinéraire 1 Mots qui évoquent la République Sans-culottes Assemblée constituante Suffrage universel masculin Constitution Députés Nation Comité de salut public Gouvernement démocratique et républicain Liberté

Ses ennemis intérieurs Royalistes Vendée Bretagne Tyrannie Amis de la tyrannie Conspirateurs Louis XVI

Ses ennemis extérieurs Monarchies européennes Coalition européenne Tyrans

Itinéraire bis 1. Louis XVI est exécuté le 21 janvier 1793 : le Doc. 1 met en évidence un bourreau (plus précisément son assesseur)

qui montre au peuple la tête de Louis XVI pour lui signifier que le roi est bel et bien mort. Cette mort est aussi la fin de plus d’un millénaire de monarchie en France. Le geste du bourreau marque donc un symbole important. 2. Selon Robespierre (Doc. 2) la Terreur est « la justice prompte, sévère, inflexible » : elle doit permettre de juger et de condamner ceux qui s’opposent à l’installation de la démocratie. Elle se justifie par l’urgence de la situation (« aux plus pressants besoins de la patrie ») : la jeune République doit se prémunir contre les ennemis inté‑ rieurs (les royalistes) et extérieurs (la coalition des monar‑ chies européennes contre la France). La Terreur est nécessaire selon Robespierre pour assurer la démocratie. 3. Bonaparte est appelé en tant que général pour empêcher un coup d’État royaliste (Doc. 3). Républicain, il défend la jeune République et acquiert peu à peu du prestige auprès des révolutionnaires, qui voient en lui un général stratège capable de consolider l’œuvre de la Révolution. Ses victoires à l’extérieur font aussi de lui un général très populaire.

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La France de Napoléon Bonaparte (1799‑1815) Présentation du cours Affaibli par une suite de coups d’État royalistes ou jaco‑ bins, le Directoire est en outre miné de l’intérieur. Élu Directeur en 1799, Sieyès entend renforcer le pouvoir exécutif. Il a besoin de s’appuyer sur un « sabre » pour révi‑ ser la Constitution. Des négociations sont alors engagées avec Bonaparte, fort du soutien de l’armée et du prestige de ses victoires en Italie et en Égypte. Le coup d’État est préparé. Le 18 brumaire, trois Directeurs conjurés démissionnent, les deux autres sont gardés par l’armée. Les assemblées législatives (Conseil des Anciens et Conseil des Cinq-Cents) sont transférées à Saint-Cloud, sous le prétexte d’une menace de coup d’État, tandis que Bonaparte obtient le commandement des troupes de Paris. Le 19 brumaire, Bonaparte est accueilli au Conseil des Cinq-Cents aux cris de « À bas le Dictateur ! Hors-laloi ! ». Le coup d’État semble avoir échoué quand Lucien Bonaparte, qui préside le Conseil des Cinq-Cents, prend la défense de son frère et fait chasser par l’armée les dépu‑ tés qui s’opposent à lui. Le Conseil des Anciens confie alors à Bonaparte, Sieyès et Ducos le soin de rédiger une nouvelle constitution. L’accueil de la population est plutôt positif, les Français attendent le maintien des acquis de la Révolution et le retour au calme, c’est ce que Bonaparte exprime dans sa présentation de la Constitution de l’an  VIII : « Citoyens, la  Révolution est fixée aux principes qui l’ont commen‑ cée, elle est finie. » 1. L’Europe bouleversée par la Révolution française (1789‑1815) 21

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Repère La frise chronologique insiste sur la réorganisation de la France et la transformation de la société française menées par un régime de plus en plus autoritaire. Bonaparte réorganise les finances, l’administration et la justice, il relance l’économie et met fin aux tensions reli‑ gieuses. Il s’appuie sur des fondations solides, « les masses de granit » (Légion d’honneur, Code civil, lycées…). Premier Consul, Consul à vie puis empereur des Français, Bonaparte cumule les pouvoirs et centre son régime politique autour de sa personne, transformant la République en une dicta‑ ture militaire ou une forme de monarchie nouvelle. Doc. 1 Alors que les différents régimes révolutionnaires n’ont pas su lutter efficacement contre l’instabilité moné‑ taire, ce qui a contribué à leur discrédit et à leur affaiblisse‑ ment, Bonaparte considère que le retour à l’ordre passe par un retour à une monnaie forte et pérenne. Il impose, par la loi du 17 germinal an XI (7 avril 1803), le bimétal‑ lisme La parité entre l’or et l’argent est fixée par la loi à 1 unité d’or pour 15,5 unités d’argent. Des billets sont égale‑ ment créés pour les grosses sommes (500  francs et 1 000 francs). Pièces et billets sont émis par la Banque de France, que Bonaparte a fondée en 1800. À l’apogée du régime napoléonien, le franc s’impose dans tout l’Empire et circule dans toute l’Europe comme monnaie d’échange. Si le côté pile rappelle que le régime créé par Bonaparte relève officiellement de la République française, le côté face montre le visage du Premier Consul, puis empereur des Français à l’image des anciens empereurs romains ou rois de France. La monnaie est ainsi un instrument au ser‑ vice du pouvoir. D’ailleurs, la pièce de 20 francs or (dont le poids de métal précieux correspond approximativement à celui de l’ancien louis d’or) devient le napoléon. Doc. 2 C’est en 1800 que Bonaparte, Premier Consul, confie à quatre juristes (Tronchet, Bigot de Préameneu, Portalis et Maleville) la mission de rédiger un Code civil des Français sous la direction de Cambacérès, deuxième consul. Le pre‑ mier objectif est d’unifier le droit en France et de mettre fin à la complexité juridique de l’Ancien Régime. Deux rédac‑ teurs (Tronchet et Bigot de Préameneu) sont issus du droit coutumier dominant au nord de la France tandis que les deux autres (Portalis et Maleville) relèvent du droit écrit pra‑ tiqué dans le sud du pays. Le second objectif est d’inscrire définitivement les acquis de la Révolution dans le droit fran‑ çais. Le Code civil (ou Code Napoléon) est présenté en 1804. Il confirme les grands acquis de 1789 mais il reflète l’évolu‑ tion autoritaire du régime. L’autorité paternelle sur la famille (sur l’épouse comme sur les enfants) est ainsi renforcée, à l’image de l’autorité qu’exerce Bonaparte sur la France. En unifiant les pratiques de l’Ancien Régime et en les moderni‑ sant selon les principes des Lumières, le Code civil fonde les bases du droit moderne. Il s’impose à la France napoléo‑ nienne et est repris par de nombreux pays alliés à Napoléon ou conquis par lui. 22 Histoire

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Doc. 3 Dès la proclamation de l’Empire (1805), Napoléon Ier entend diffuser son image en empereur. Les plus illustres peintres sont mobilisés à cet effet (Ingres, David ou Gérard notamment). Ici, c’est un empereur regardant le spectateur, que peint François Gérard. Il est accompagné de tous les attributs du pouvoir impérial et devient ainsi sacré. Il ceint la couronne de lauriers d’or, revêt le manteau de velours doublé d’hermine, tient le sceptre, porte l’épée de commandement et le grand col‑ lier de la Légion d’honneur. La main de justice et le globe impérial sont posés à côté de lui tandis que le trône mar‑ qué du chiffre N est placé derrière lui. L’analogie avec le portrait de Louis  XIV en costume de sacre par Rigaud semble évidente. Napoléon recueille ainsi l’héritage monarchique de la royauté dont il prend la précaution de se distinguer (couleur rouge et abeilles remplacent le bleu fleurdelisé). Ce portrait traduit ainsi l’ambivalence complexe du régime napoléonien, autoritaire et monar‑ chique mais héritier de la Révolution française.

Choisir un itinéraire Itinéraire 1 Les documents insistent sur l’évolution politique et sociale autoritaire du régime napoléonien. Dès le Consulat, Bonaparte dispose de l’essentiel des pouvoirs. À la tête du pouvoir exécutif, il s’impose à un pouvoir législatif divisé qu’il peut court-circuiter par l’organisation de plébiscites. Le régime est immédiatement personna‑ lisé, ce qu’illustre l’effigie du Premier Consul sur les pièces de monnaie (Doc. 1). La transformation du Consulat en Empire, approuvée par un plébiscite, confirme cette évo‑ lution et c’est revêtu de tous les insignes du pouvoir que Napoléon se montre à ses sujets (Doc. 3). Ce caractère hiérarchisé de l’État se reflète dans celui de la famille. L’homme, époux et père, impose son autorité absolue aux membres de la cellule familiale, à l’image de celle de l’em‑ pereur (Doc. 2) Le régime napoléonien est donc bien autoritaire et hiérarchisé. Itinéraire bis 1. Napoléon Bonaparte cherche à diffuser une image d’homme d’État puissant à la tête d’un régime fort, seul capable de rétablir l’ordre après la Révolution. 2. Au sein d’une famille sous le régime napoléonien, le mari dispose de droits très étendus sur son épouse et sur ses enfants. Il a autorité sur eux (articles 213 et 371), peut les contraindre (article  376) ou se passer de leur avis (article 1421). 3. Les symboles de pouvoirs sont visibles par la couronne de lauriers d’or, le manteau de velours rouge doublé d’hermine, le sceptre, l’épée de commandement, le grand collier de la Légion d’honneur, la main de justice, le globe impérial et le trône marqué du chiffre N.

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L’Europe napoléonienne (1799‑1815) Présentation du cours À partir de 1792, la France révolutionnaire est en guerre contre les grandes puissances européennes. L’arrivée au pouvoir de Bonaparte ne met pas fin aux conflits. Au contraire, ses victoires militaires au service du Directoire en Italie (1796‑1797) ou en Égypte (1798‑1799) l’au‑ réolent de gloire. Elles font de lui le « sabre » qui doit per‑ mettre de réviser la Constitution et de renforcer le pouvoir exécutif. À la tête du pays, Bonaparte entraîne la France dans des guerres incessantes. De 1800 à 1809, il connaît en Europe des victoires éclatantes qui lui permettent de construire le Grand Empire. L’année 1812 marque alors l’apogée de la domination française sur le continent. Pourtant, Napoléon a réussi à coaliser presque tous les souverains européens contre lui et, en moins de deux ans, le Grand Empire s’effondre (1812‑1814). Le congrès de Vienne (1814‑1815) permet aux ennemis de Bonaparte de réorganiser l’Europe et de clore cette longue période de conflits initiée vingt-trois  ans plus tôt. Malgré le désastre final de Waterloo et l’exil à Sainte-Hélène, une véritable légende se construit autour de Bonaparte. Repère La frise chronologique permet de montrer que l’Europe napoléonienne peut être divisée en deux périodes. Jusqu’en 1812, Bonaparte accumule les vic‑ toires contre les puissances européennes. Cependant, Trafalgar illustre la résistance permanente que va mener le Royaume-Uni face à la France napoléonienne, malgré le blocus continental (1806). À partir de 1812, les défaites se succèdent. La retraite de la Russie annonce l’écroulement du Grand Empire, vaincu par une Europe coalisée contre une France épuisée. L’épisode des CentJours n’interrompt pas la réorganisation du continent opérée par les puissances victorieuses au congrès de Vienne. Doc. 1 Cette carte représente l’Europe en 1812, c’est-àdire à l’apogée de la puissance et de l’influence napoléo‑ nienne. Cette puissance se manifeste par la constitution du Grand Empire. Composé de 130 départements, il est le résultat immédiat des conquêtes révolutionnaires et napoléoniennes. À cet immense empire, s’ajoutent des États vassaux qui n’existent que par la volonté de Napoléon ou à la tête desquels l’empereur des Français a placé un membre de sa famille. Dans les deux cas, leur indépendance n’est que virtuelle et l’influence française y est déterminante. Les États indépendants, théorique‑ ment alliés échappent à ce sort. Vaincus par Napoléon, l’Autriche, la Prusse ou le Danemark ont été contraints de ployer devant la France et de s’allier à elle. Le mariage de

Napoléon avec Marie-Louise d’Autriche, fille de l’empe‑ reur François Ier, en est l’illustration. Obtenue par la force, cette alliance ne dure que tant que la France parvient à s’imposer et s’évanouit dès les premiers revers de l’armée napoléonienne en Russie. Seul le Royaume-Uni apparaît comme un adversaire permanent. Sa situation insulaire et sa maîtrise des mers, qui s’est manifestée à Trafalgar (1805), le mettent hors de portée de l’influence napoléo‑ nienne malgré le blocus continental (1806) qui frappe durement son économie. Doc. 2 Désireux de contrôler la péninsule Ibérique, Napoléon  Ier propose au roi d’Espagne, Charles  IV, de conquérir le Portugal, allié traditionnel du Royaume-Uni. Il s’agit en fait d’un prétexte pour installer l’armée fran‑ çaise en Espagne. Ainsi, 23 000 soldats français, comman‑ dés par Murat, franchissent les Pyrénées en 1807. Alors qu’un conflit dynastique éclate entre le roi Charles IV et son fils Ferdinand, Murat fait entrer les troupes françaises à Madrid en mars 1808. Napoléon impose son arbitrage à la famille royale espagnole et convoque à Bayonne le père et le fils qu’il contraint à abdiquer tous les deux au profit de son frère Joseph Bonaparte. Le 2 mai 1808, une émeute éclate à Madrid contre l’occupation française. Dans la nuit du 2 au 3 mai, Murat mène une répression féroce et fait fusiller sommairement les insurgés. Francisco Goya (1746‑1828) a peint les deux événements sous forme de diptyque en 1814 : le Dos de Mayo et le Tres de Mayo. Dans ce dernier tableau, ici proposé, Goya traduit la brutalité de la répression française dont les soldats, sans visage, apparaissent comme inhumains, et animés par une force meurtrière quasiment mécanique. À l’in‑ verse, les révoltés, de face, sont peints en véritables héros. Au centre des condamnés, un personnage, mis en lumière par l’artiste, écarte les bras dans un geste christique d’ap‑ pel à la résistance. Doc. 3 Pour régler le sort des territoires libérés de la domination napoléonienne, un congrès s’ouvre à Vienne le 18 septembre 1814. Les grandes puissances entendent restaurer la paix et l’ordre en Europe. Il s’agit de supprimer toute trace de la Révolution française. Le congrès ne tient pas de séances plénières. Les principales décisions sont discutées entre les principaux vainqueurs : le RoyaumeUni, l’Autriche, la Russie et la Prusse. Ce sont les signa‑ taires du texte proposé. Celui-ci illustre la solidité de l’alliance qui a vaincu Napoléon en 1814 et a conduit à sa première abdication le 6 avril. Sitôt l’empereur de retour de son exil sur l’île d’Elbe, la coalition se reconstitue. Il s’agit de s’en tenir aux décisions du congrès de Vienne (Art. 1) et, pour cela en finir définitivement avec la menace que représente Napoléon (Art. 2). Le choix de restaurer un Bourbon, Louis XVIII, sur le trône de France n’était pas évident en 1814 : il est désormais assumé (Art. 8). Le frère de Louis XVI apparaît comme le seul capable d’incarner le 1. L’Europe bouleversée par la Révolution française (1789‑1815) 23

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retour à l’ordre que veut imposer la coalition. Ainsi, les Cent-Jours n’interrompent pas le congrès de Vienne et semblent ne constituer qu’une parenthèse que les Alliés entendent vite refermer. D’ailleurs, le congrès s’achève le 9  juin  1815, c’est-à-dire avant la défaite ultime de Napoléon à Waterloo (18 juin).

Choisir un itinéraire Itinéraire 1 La soumission de l’Europe au pouvoir napoléonien se manifeste territorialement (conquêtes et constitution du Grand Empire) mais aussi par des alliances plus ou moins contraintes. L’Europe vit ainsi à l’heure française : certains pays adoptent le Code civil (ou Code Napoléon) ou sont dirigés par des membres de la famille Bonaparte. Seul le Royaume-Uni échappe à cette soumission (Doc. 1). L’armée napoléonienne n’hésite pas à réprimer toute révolte dans le sang (Doc. 2). Cependant, la domination napoléonienne repose sur la force et suscite le rejet des populations. La révolte madrilène et la répression qui s’ensuit montrent que la présence française est rejetée par ceux-là même qu’elle est censée libérer (Doc. 2). Il suf‑ fit que Napoléon rencontre ses premiers revers pour que les souverains européens se coalisent à nouveau contre

lui, décidés à éliminer la menace que représente l’empe‑ reur des Français (Doc. 3). Itinéraire bis 1. L’Europe de 1812 peut être qualifiée de « napoléo‑ nienne » par l’immensité des conquêtes de Napoléon  Ier mais aussi par le fait qu’il ait soumis une grande partie du continent, contrainte de s’allier à lui. L’influence française se manifeste également par l’adoption par plusieurs pays satellites de la France du Code civil français (ou Code Napoléon). 2. Goya dénonce les guerres napoléoniennes et met en avant les fusillés. Les victimes sont désarmées, en pleine lumière, et semblent affronter la mort héroïquement. Face à elles, les soldats français, sans visage, accom‑ plissent sans émotion leur œuvre meurtrière. 3. Les quatre souverains victorieux renouvellent leur alliance pour « préserver contre toute atteinte l’ordre des choses si heureusement rétabli en Europe » et « maintenir […] les stipulations arrêtées et signées au congrès de Vienne ». Il s’agit ainsi de mettre fin aux guerres napoléo‑ niennes et de rétablir la paix et l’ordre. La royauté doit être restaurée en France en la personne du roi Louis XVIII. Cette restauration permet de clore la parenthèse révolu‑ tionnaire et napoléonienne.

capacités et méthodes

Identifier et expliciter les dates et acteurs clés des grands événements p. 26 Entraînement 1. Les acteurs mentionnés dans le texte sont « une milice indisciplinée et sans chef », des bourgeois soutenus par des « soldats de la patrie », des hommes libres. Autrement dit : les artisans du faubourg Saint-Antoine tout proche, les Gardes françaises et quelques bourgeois de la milice parisienne. 2. Ces acteurs sont venus s’emparer des munitions qu’ils pensaient trouver dans la prison royale. Ils l’ont prise par la force (Doc. 2) « en quatre heures » (Doc. 1) et en ont décidé la démolition. Il est à noter que la Bastille héber‑ geait aussi les archives du lieutenant de police de Paris, pillées et jetées dans les fossés de la forteresse. Les sept prisonniers ont été libérés. C’est un patron artisan très riche du faubourg Saint-Antoine, Pierre-François Palloy, qui se charge dès le 15  juillet, de la démolition de la Bastille. Patriote de la première heure, il est très tôt devant la Bastille le 14  juillet, sans que l’on ait une preuve qu’il ait participé à la prise de la prison. Son nom

vers le bac QUESTION OBLIGATOIRE

L ’Europe bouleversée par la Révolution française (1789‑1815) Questions de connaissances 1. La prise de la Bastille a lieu le 14 juillet 1789. Le peuple de Paris assiège cette forteresse qui représente le pouvoir arbitraire du roi absolu. 2. On admettra tout acteur de la Révolution française si le rôle qu’il a joué est présenté en quelques mots. 3. Les réformes sont nombreuses. On pourra citer : l’aboli‑ tion des privilèges, la création des départements, la Constitution civile du clergé ou encore la création du sys‑ tème métrique. 4. Réponse b. 5. La Terreur (septembre 1793-juillet 1794) est un régime répressif mis en place pour vaincre les ennemis de la République. Les suspects sont arrêtés et risquent la peine de mort.

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ne figure d’ailleurs pas dans le registre des « vainqueurs de la Bastille ». 3. La scène représentée dans l’aquarelle est violente : on y aperçoit les assaillants fusils à la main, armés aussi de canons ; un garde tombe dans le vide. La prison est entou‑ rée par des artisans parisiens, peu nombreux par rapport à la réalité. Le texte évoque la rapidité de l’opération (« quatre heures »), ce que l’auteur interprète comme la puissance de la liberté face à un « colosse effrayant ». 4. La prise de la Bastille n’aurait pas eu l’impact qu’on lui connait si la forteresse royale n’avait pas disparu dès le len‑ demain du paysage parisien : « Ce repaire affreux de l’infer‑ nal despotisme » est ainsi anéanti dès le 15 juillet 1789. Plus qu’une victoire des Parisiens sur une forteresse apparte‑ nant à la Couronne, l’événement devient un symbole fort d’un succès sur le despotisme, la Bastille représentant pour chacun à l’époque tout l’arbitraire du roi, qui pouvait y enfermer qui il voulait avec les lettres de cachet.

p. 27 6. On pourra citer : la création des préfets, de la Banque de France, du franc germinal, la signature du Concordat, l’institution des lycées, de la Légion d’honneur, du Code civil ou de la noblesse d’empire. 7. Le Grand Empire est le nom que l’on donne à la France à l’apogée du pouvoir napoléonien. Il englobe la France actuelle mais aussi les territoires voisins (de l’Allemagne du Nord à l’Italie centrale) et comprend 130  départe‑ ments. 8. Autour de la frise : 4 août 1789 : Abolition des privilèges 8‑9 novembre 1799 : Coup d’État de Napoléon Bonaparte 21 septembre 1792 : Proclamation de la République 18 septembre 1814‑9 juin 1815 : L’Europe est réorganisée par le Congrès de Vienne Dans la frise : 1792‑1799 : République 1804‑1815 : Empire

1. L’Europe bouleversée par la Révolution française (1789‑1815) 25

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B Sujet d’étude au choix Sujet d’étude

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10 août 1792 : la chute de la monarchie et le basculement vers une république révolutionnaire. Au début de la Révolution, c’est le régime monarchique que l’on veut abolir, le roi n’est pas encore en danger. Mais, sa fuite à Varennes rompt la confiance des français envers leur roi. La sans-culotterie s’élabore ainsi au tour‑ nant des années 1791‑1792. Une manifestation contre le roi se solde par la fusillade du Champ-de-Mars du 17 juil‑ let  1791, une cassure irréversible s’opère donc entre le peuple et les bourgeois qui le représentent à l’Assemblée. Les souverains étrangers lancent un appel à la coalition monarchique pour rétablir la pleine souveraineté de Louis XVI. La guerre contre le roi de Bohême et de Hongrie est déclarée le 20  avril  1792. Les premiers assauts sont catastrophiques pour l’armée française, désorganisée par le départ de ses officiers nobles. Le 20 juin, une première invasion, sans succès, des Tuileries est tentée par des manifestants parisiens, apeurés par l’idée d’un complot aristocratique. Les fédérés marseillais, entre autres, arrivent à Paris pour défendre la capitale et la patrie décla‑ rée par l’Assemblée « en danger ». Le trouble est partout et, durant l’été 1792, le mouvement populaire s’amplifie. Le 10 août, les sectionnaires parisiens et les fédérés prennent d’assaut les Tuileries. Le roi, réfugié à l’Assemblée, est sus‑ pendu de ses fonctions, les députés se prononcent pour une nouvelle Constituante, une Convention, dont il est prévu que l’élection se fasse au suffrage universel. Une jeune Première République nait le 21  sep‑ tembre  1792, au lendemain de la victoire des troupes révolutionnaires à Valmy : « La Convention nationale décrète [les 21 et 22 septembre 1792] à l’unanimité que la royauté est abolie ». Le roi jugé et condamné, le sort de la monarchie est véritablement scellé. Cette jeune République doit prendre forme par la Constitution de juin  1793. Mais, les périls intérieurs et extérieurs repoussent la mise en application de cette Constitution, qui ne sera d’ailleurs jamais appliquée. Voté le 10 août 1793, le texte est suspendu en octobre 1793 par décret : « Le gouvernement provisoire de la France est révolutionnaire jusqu’à la paix ». En effet, la victoire de Valmy ne met pas un terme à la guerre contre les monar‑ chies européennes coalisées et la levée en masse de 300 000 hommes décidée en février-mars 1793 provoque des soulèvements dans l’Ouest du pays. Les députés girondins souhaitent arrêter la Révolution car le retour à l’ordre est devenu essentiel. Ils sont arrêtés par les 26 Histoire

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Montagnards, qui veulent continuer à défendre la Révolution. Ils s’allient donc avec la sans-culotterie. L’arrestation des Girondins marque donc l’avènement d’un nouvel ennemi : le fédéralisme. Certaines provinces se soulèvent contre les décisions prises par les Montagnards et les sans-culottes de la capitale. Ce sont ces trois dangers (menace d’une invasion étrangère, sou‑ lèvement vendéen et chouan, et fédéralisme) qui mènent à la décision de mettre en place un gouvernement d’ex‑ ception : la Terreur commence, pour lutter contre tous ceux qui s’opposent à la Révolution, telle que la conçoivent les Montagnards et les sans-culottes. Le gou‑ vernement révolutionnaire est né à l’été 1793, et mis en place en décembre  1793 pour répondre à ces circons‑ tances exceptionnelles : « La Révolution est la guerre de la liberté contre ses ennemis ». Le Comité de salut public est alors la pièce maitresse du système. A Des causes profondes qui attisent la violence du peuple de Paris (p. 28‑29)

Présentation des documents Doc. 1 Le schéma met en évidence le fonctionnement constitutionnel de la nouvelle France. On constate que le roi perd son pouvoir absolu : une Assemblée législative, élue en septembre  1791, vote les lois. 6 ministres sont nommés par le roi. La Constitution de 1791 offre à Louis XVI un droit de veto sur les lois votées par les 745 députés. C’est un premier élément de cristallisation des mécontentements. Les droits politiques appartiennent à la classe bourgeoise : il faut être riche pour faire partie des 50 000 grands électeurs qui choisissent leurs députés. La Constitution crée ainsi une double citoyenneté, active pour une minorité, et passive pour 24 millions de Français. Doc. 2 Ce document iconographique est à mettre en rela‑ tion avec l’activité numérique proposée. L’article du magazine Historia révèle qu’une lettre codée a été retrou‑ vée en 2018 en Angleterre. Rédigée par le marquis de Bouillé, fidèle de Louis  XVI, elle était réputée perdue et indéchiffrable. Avec l’aide d’un mathématicien, la lettre a été décodée : elle révèle que la volonté du roi de fuir pour demander l’aide des souverains étrangers, est bien anté‑ rieure à la fuite en elle-même. La préparation de cet évé‑ nement remonte à avril  1791. La lettre était adressée à Axel de Fersen, favori de Marie-Antoinette. C’est ce der‑ nier qui emprunte les 300 000 livres nécessaires à l’opéra‑ tion et accompagne le roi dans sa fuite jusqu’à Bondy. Dans l’image proposée, la famille royale est représentée sous les traits de cochons : c’était l’une des insultes les plus utilisées par le peuple parisien pour qualifier son roi.

Doc. 3 Cette gravure représente la fusillade du Champde-mars : une manifestation contre le roi débouche sur une fusillade importante. À l’initiative des Cordeliers, des pétitionnaires réclament, en ce 17  juillet  1791 la déchéance de Louis  XVI. Elle a été demandée au préa‑ lable aux députés, qui l’ont refusée, inventant même la fiction de son enlèvement (sa fuite ne serait donc pas de son fait). Les pétitionnaires déposent alors sur l’autel du Champ-de-Mars un texte demandant « un nouveau pou‑ voir constituant », pour « procéder d’une manière vrai‑ ment nationale au jugement du coupable et surtout au remplacement et à l’organisation d’un nouveau pouvoir exécutif ». Le texte est signé par Brissot et Choderlos de Laclos. On invite les Parisiens à venir le signer. Les dépu‑ tés craignent l’anarchie et ordonnent à Bailly, alors maire de Paris et à La Fayette, commandant la garde nationale, de faire proclamer la loi martiale. Cette décision est ren‑ due possible par une loi qui a été votée le 21 octobre 1789 par l’Assemblée nationale constituante pour se prémunir des émeutes de plus en plus violentes depuis la prise de la Bastille. Les municipalités ont depuis lors la possibilité de proclamer la loi martiale et de se faire aider par la maréchaussée ou la Garde nationale pour rétablir l’ordre. Au premier plan à gauche, on aperçoit les troupes de la Garde nationale avec un drapeau : il serait rouge si l’image était en couleurs. En effet, les officiers doivent le brandir avant de faire trois sommations. Cependant, ce 17 juillet, il n’y aucune sommation. Les manifestants se laissent encercler au centre de l’image, et massacrer. Il y a plusieurs dizaines de morts, des arrestations, et le Club des cordeliers est fermé. Doc. 4 Cette carte montre l’isolement de la France. Les Révolutionnaires et leurs idéaux ne trouvent d’échos nulle part, ni même dans la monarchie anglaise, au sein de laquelle le roi doit composer avec les parlementaires depuis la Glorieuse Révolution de 1688 et la Déclaration des Droits de 1689. On compte alors des monarchies absolues en Espagne, au Portugal, en Autriche ou encore au Danemark. Aucun de ces pays n’a intérêt, d’un point de vue politique, à soutenir le mouvement révolu‑ tionnaire. On comprend dès lors pourquoi Louis XVI, qui tente de reprendre la situation en mains dès avril 1791, s’oriente vers l’Est pour demander de l’aide. Lors de sa fuite, Louis  XVI  veut rejoindre le bastion royaliste de Montmédy, d’où il pense pouvoir lancer une contrerévolution. Doc. 5 Le Père Duchesne est un ensemble de titres de journaux, parus sous des plumes différentes entre 1789 à 1793. Il est aussi l’allégorie d’un personnage populaire qui dénonce facilement les injustices de la société. Son style est enlevé, il est d’ailleurs destiné à être crié dans la rue. Certaines formulations de l’article proposé (le sans-culotte « a toujours son sabre pour

fendre les oreilles des malveillants ») relèvent plus de l’oral que de l’écrit journalistique. L’extrait fait l’éloge du sans-culotte : une personne simple, un artisan pauvre, un honnête homme (on ne le trouve « ni au café ni dans les tripots où l’on conspire »), intègre et entier, querelleur et patriotique, prêt à verser son sang pour la Révolution. C’est enfin un être politisé prêt à « appuyer de toutes ses forces les bonnes motions ». Si cette définition, qui a le mérite d’être complète et qui décrit d’une manière très imagée un personnage clé de la Révolution à partir des années 1791‑1792, elle reste très partisane. La violence de certains sans-culottes n’est pas du tout abordée, quand bien même l’auteur lui attribue une « pique ». Analyser les documents 1. Cette fuite est un tournant car le peuple prend conscience que le roi allait chercher de l’aide à l’étranger pour récupérer son pouvoir. Le peuple perd donc toute confiance en son monarque. 2. En 1791, la France révolutionnaire, qui installe une monarchie constitutionnelle à partir d’octobre 1791, est entourée par des monarchies absolues qui rejettent les idéaux révolutionnaires. 3. Sur tous les plans de l’image, la gravure met en valeur le nombre d’acteurs de cette journée. Au premier plan, on aperçoit un soldat qui s’en prend à une femme. Les fumées, qui se dégagent aux second et dernier plan, montrent l’usage intensif des armes à feu. 4. Le roi conserve un droit de veto sur les lois votées par les représentants de la nation et seulement 50 000 grands électeurs ont le droit de choisir leurs députés. Vingtquatre  millions de citoyens sont passifs. Les droits poli‑ tiques sont donc à l’usage d’une minorité. 5. Dans le texte, on lit que le sans-culotte « n’a pas de millions […], point de châteaux, point de valets pour le servir ». Il loge au dernier étage des immeubles, réservé aux classes les plus pauvres. C’est un paysan ou un arti‑ san. Il n’est ni poudré, ni musqué comme le sont les nobles. Activité bilan Au début du processus révolutionnaire, les décisions prises vont privilégier la bourgeoisie. Par exemple, pour être grand électeur, il faut payer au moins quinze  livres d’impôts. Les représentants de la nation à l’Assemblée sont eux-mêmes des bourgeois pour la plupart. Le peuple perd tout d’abord confiance en son roi après la fuite à Varennes. Puis, lors d’une manifestation pacifique, les bourgeois de la Garde nationale tirent sur les manifes‑ tants, le peuple perd aussi confiance en ses représentants bourgeois. La sans-culotterie prend naissance au tour‑ nant des années 1791‑1792 et prend part au processus révolutionnaire. 1. L’Europe bouleversée par la Révolution française (1789‑1815) 27

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B B. La fin de la royauté en France (p. 30‑31)

Présentation des documents Doc. 6 Jacques Bertaux livre un témoignage à chaud en représentant la cour du Carrousel qui voit s’opposer les fédérés et le peuple parisien d’un côté, et les Suisses de l’autre. La famille royale vit aux Tuileries depuis octobre 1789, sous surveillance constante. La présence des fédérés s’ex‑ plique par la volonté de l’Assemblée de défendre la capitale contre une menace étrangère. Elle a accepté, contre l’avis du roi, un camp qui les accueille aux portes de Paris. Ces 20 000 hommes fraternisent avec les sans-culottes et récla‑ ment la déchéance du roi et l’élection d’une Convention. Prévenue d’une attaque, la famille se réfugie dans la salle du Manège, qui accueille alors l’Assemblée. Sur cette toile, la perspective est tracée par la façade du château, mais le point de fuite est dissimulé par les fumées des canonnades. L’attention est portée sur les combats. À gauche, dans leur uniforme rouge, ce sont les Suisses. À droite en bas, un premier groupe est armé de piques, ce sont des sans-culottes (ils n’ont pas de bas de soie et sont coiffés du bonnet phrygien) ; les fédérés sont juste au-dessus, au niveau du point de fuite, dans leur uniforme bleu. Chacun de ces deux derniers groupes porte un drapeau aux couleurs de la France, déchiré. Le drapeau blanc de la monarchie est situé derrière les gardes suisses. Le cavalier armé d’un sabre peut représen‑ ter un garde national, chargé de la protection du roi, mais beaucoup ont déserté ou changé de camp pendant la bataille. Bertaux semble prendre parti pour les assiégés, la cruauté étant représentée chez les insurgés. Le peintre illustre une bataille asymétrique : 20 000 hommes armés d’un côté pour sauver la Révolution, 4 000 défenseurs du château de l’autre. Le nombre de morts est plus impor‑ tant à gauche, chez les Suisses, un seul parti possède des canons et la lumière éclaire les vaincus. Doc. 7 Charles Jean Marie Barbaroux est un avocat mar‑ seillais, qui défend les idées révolutionnaires. Il est notam‑ ment le directeur d’un journal démocratique à Marseille. Arrivé à Paris en 1791 en tant que mandataire de sa ville natale, il fréquente Manon Roland, puis participe à la prise des Tuileries. Il y sauve plusieurs Suisses. Il est élu député des Bouches-du-Rhône à la Convention. Il a laissé quelques fragments de mémoires, qui ont été publiés par son fils bien après la Révolution. C’est donc un acteur pri‑ vilégié de la journée révolutionnaire qui nous livre ici son témoignage. On voit clairement sa prise de parti : « on entend le cri de la victoire : elle est à nous ». Il soutient cette insurrection qui vise à « [venger] le peuple » des abus du roi (à savoir sa fuite à Varennes et ses liens avec les souverains étrangers, son absence de soutien à l’égard des idées révolutionnaires). Bien que prenant parti pour les fédérés, qui répondent à « l’impatience provençale » 28 Histoire

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(le trait d’humour est surprenant dans le cadre de ce témoignage), il souligne cependant les massacres perpé‑ trés par les insurgés, dans les moindres recoins du châ‑ teau, « sous les toits, dans les caves ». Éducation au numérique Le roi et sa famille trouvent refuge à l’Assemblée. Les sansculottes sont armés de piques, d’outils en fer et de fusils. Doc. 8 Ce document est un discours de Maximilien Robespierre à la Convention le 3 décembre 1792. Le ren‑ forcement de la toute jeune République imposait la mise à l’écart du roi et la question de son procès s’impose donc. L’Assemblée avait déclaré dans la Constitution toujours en vigueur à la date du procès que « la personne du roi [était] inviolable et sacrée ». Les députés se succèdent lors du procès pour tenter d’orienter le jugement dans un sens ou dans l’autre. Saint-Just assène le premier coup en décla‑ rant que « cet homme doit régner ou mourir ». Robespierre enfonce le clou en cette séance du 3  décembre : « Louis doit mourir parce qu’il faut que la patrie vive ». Trente-trois chefs d’accusation contre « Louis  Capet » sont présentés aux députés le 10  décembre, parmi lesquels le refus de contresigner l’abolition des privilèges, les tentatives de corruption de certains députés, dont Mirabeau, la fuite à Varennes et le massacre du 17  juillet  1791. Le 15  jan‑ vier 1793, on décide que chaque député doit se prononcer à haute voix à l’Assemblée pour ou contre la mort du roi. La pression populaire est telle que cette décision ne laisse aucune chance aux défenseurs du roi. 642 députés sur 718 présents jugent le roi coupable ; 387 députés sur 721 pré‑ sents se prononcent pour la mort sans condition. L’extrait proposé permet de comprendre le positionnement des Montagnards : radicaux, ils souhaitent la mort du roi. Pour Robespierre, Louis « est déjà jugé » : la victoire de la République scelle le destin du monarque. Doc. 9 Cette estampe témoigne de l’importance de l’ima‑ gerie révolutionnaire dès 1789. Les symboles sont ici aisé‑ ment identifiables : une République, avec des symboles nouveaux, qui prend les armes pour se défendre. Le bon‑ net rappelle celui des esclaves affranchis dans l’Antiquité à Rome, il est porté par les sans-culottes. La cocarde trico‑ lore rappelle les couleurs de la ville de Paris (le bleu et le rouge) qui encadrent le blanc de la monarchie et le coq symbolise, pour la République, la vigilance. Éducation au numérique On constate que la foule arrive dans l’Assemblée sous les slogans : « Plus de roi » et « Patrie, égalité, liberté ». Certains députés sont terrorisés, d’autres sont désemparés. Doc. 10 Ce document est un extrait de la Constitution de 1792‑1793 : il comprend les décrets des 21 et 22  sep‑ tembre 1792, qui proclament l’abolition de la royauté en

France, aux lendemains de la victoire de Valmy, et les pre‑ miers articles constitutionnels du 24  juin  1793. Cette Constitution, dite montagnarde, présente la particularité de n’avoir jamais été appliquée. Elle succède à un premier projet de Constitution, préparé par les Girondins, et qui était très décentralisateur. Elle instaure un régime d’as‑ semblée et a été approuvée par référendum (5  millions d’abstentionnistes sur 7  millions d’électeurs). Elle a été ajournée jusqu’à la paix, pour finalement n’être jamais appliquée, car remplacée par un autre projet après la chute de Robespierre. Malgré cela, elle est très populaire chez les révolutionnaires de gauche, et sera reprise comme cheval de bataille par l’opposition démocrate sous le Directoire et jusqu’à la Restauration. L’extrait choisi montre que les députés ont placé une déclaration des droits très moderne en tête de la Constitution, avec de nombreux droits sociaux. Il est d’ailleurs précisé que c’est l’État qui doit garantir l’accès à ces droits pour tous. Analyser les documents 6. Le Doc. 6 illustre la violence de la journée du 10 août par les nombreux morts, le feu des canons, la poussée des insurgés à droite, armés de piques. Dans le Doc. 7, on repère la « décharge terrible de fusils et de carabines », on parle de « massacre » qui a lieu dans les moindres espaces du château, « sous les toits, dans les caves ». 7. Les insurgés qui prennent le palais sont les fédérés marseillais et bretons, mais également (Doc. 6) des sec‑ tionnaires parisiens et des gardes nationaux. Ceux qui défendent le château sont les gardes suisses. 8. Ce sont les députés qui jugent le roi. 9. Louis XVI est accusé de n’avoir pas soutenu le mouve‑ ment révolutionnaire, il « dénonçait le peuple français comme rebelle ». Il a aussi demandé l’aide des rois étran‑ gers pour le défendre et punir son peuple. 10. On observe sur l’estampe le bonnet phrygien porté par les sans-culottes parisiens, la cocarde tricolore, le coq représentant la vigilance (il a lui-même les ailes aux cou‑ leurs de la France), les drapeaux français et ce qui devien‑ dra la devise nationale : « Liberté, égalité, fraternité ». Il est à noter que la plupart de ces symboles ne deviennent symboles officiels qu’au xixe siècle (1830 pour le coq, sous la IIIe République de manière définitive pour la devise). 11. Dans la nouvelle Constitution, on remarque que le peuple expose « dans une déclaration solennelle » ses droits sacrés et inaliénables. C’est au gouvernement constitué de maintenir et de garantir ces droits. Activité bilan Les élèves réalisent un court exposé dans lequel ils montrent le tournant que représente la journée du 10  août  1792. Quelques idées principales peuvent être retenues : cette journée marque la fin de la monarchie en France, et le début (dès septembre) de la République. Elle

marque aussi la politisation et les actions fortes menées par la sans-culotterie à partir de 1792. C Une première expérience républicaine douloureuse (p. 32‑33)

Éducation au numérique Une vingtaine de Jacobins ont la pipe à la bouche et un verre à la main, ils sont armés de piques et de gourdins. Ils jugent, devant un tas d’archives qui recensent toutes les dénonciations, un jeune homme, une jeune femme et une petite fille, qui ne sont pas accompagnés d’un avocat. L’atmosphère est intimidante, les suspects ne peuvent pas se défendre. Présentation des documents Doc. 11 Ce schéma montre le fonctionnement du gou‑ vernement révolutionnaire. Le maintien de l’ordre et la surveillance sont les premières des préoccupations des participants. Le Comité de salut public veille à l’inspec‑ tion des départements et au contrôle des armes Le Comité de sûreté générale surveille les suspects et les fait passer devant le Tribunal révolutionnaire, qui est animé par l’accusateur public Fouquier-Tinville. Les deux comi‑ tés émanent de la Convention nationale et réunit pen‑ dant un an les mêmes membres. Ce comité anime et coordonne l’impulsion révolutionnaire. La Convention nationale est élue par suffrage universel (appliqué seule‑ ment aux hommes à partir d’un certain revenu.) Doc. 12 Le tableau illustre un soldat de la jeune République, vu de face et de profil : il porte un bicorne noir, un habit gris aux liserés rouges, une culotte blanche et des guêtres. On remarque un paquetage jaune sur le dos. Raffet cherche à peindre avec la plus grande fidélité historique, alors même qu’il n’est pas contemporain des événements. Éducation au numérique Le général Bonaparte obtient la direction des opérations grâce au génie de sa stratégie militaire : la tactique qu’il propose et son assurance parviennent à convaincre le général Barras. Sa détermination se voit à travers sa for‑ mule : « J’ai pour principe d’aller au bout de ce que j’entre‑ prends, alors ne me demandez pas de compte sur le sang qui va couler. Si je sors mon épée, alors je ne la remettrai au fourreau que lorsque l’ordre républicain sera rétabli ». Doc. 13 Le 27 juin 1795, la flotte britannique débarque en baie de Quiberon avec plus de 4 000 émigrés et quelques centaines de prisonniers français enrôlés de force. Ils sont rejoints par les Chouans et s’emparent de la ville d’Auray puis s’enferment dans le fort de Quiberon. Le général Hoche a pour mission de les en déloger. L’assaut final est donné le 21  juillet, c’est une victoire pour l’armée révolutionnaire. 1. L’Europe bouleversée par la Révolution française (1789‑1815) 29

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La tentative de restaurer la royauté en France en relançant la guerre civile a échoué. L’armée royaliste est dirigée par le comte de Puisaye. Mi-juillet, ce dernier avait reçu l’appui de nouveaux émigrés dirigés par Charles de Sombreuil. Après une dernière sortie, qui est un nouvel échec, le comte de Puisaye s’enfuit et laisse la direction des opérations à Charles de Sombreuil, représenté à gauche du tableau avec ses derniers partisans. Ils cherchent à protéger la fuite des femmes, des enfants et des vieillards au second plan. Charles de Sombreuil forme avec un autre soldat une croix avec des fusils : elle rappelle la « croix des émigrés », qui sera érigée en souvenir de cette journée. Doc. 14 Cette carte met en évidence la situation de la France de 1792 à 1795. On y constate les soulèvements intérieurs. À l’Ouest, les Chouans sont des insurgés du nord de la Loire, composés à 80 % de paysans. Au Sud du fleuve, ce sont les Vendéens. La levée en masse les pousse à se révolter. Dans le Midi, le Lyonnais, en Aquitaine et en Normandie notamment, les fédéralistes s’opposent aux décisions des Montagnards à Paris. La situation intérieure s’améliore fin 1793-début 1794 : le fédéralisme est vaincu dès les premiers mois, Lyon est repris dès octobre 1793 et l’insurrection vendéenne est contrôlée en décembre (vic‑ toires révolutionnaires du Mans et de Savenay). La carte montre aussi les périls extérieurs : les débarquements des émigrés sur la flotte britannique en 1795 et les attaques à

l’est et au nord de la coalition européenne. La victoire française du début de l’été 1794 à Fleurus est décisive. Analyser les documents 12. Un gouvernement révolutionnaire peut prendre des mesures d’exception, et une armée de citoyens combat les ennemis intérieurs et extérieurs. 13. Les députés ne peuvent qu’enregistrer les lois propo‑ sées par le Comité de salut public. 14. Les ennemis intérieurs de la Révolution sont les Chouans, les Vendéens et les fédéralistes. 15. La coalition regroupe les Autrichiens, les Prussiens, les Hollandais, les Anglais, les Piémontais et les Espagnols. Activité bilan À partir de 1792, la Révolution est menacée par des enne‑ mis intérieurs : les Chouans et les Vendéens dans l’Ouest de la France, avec la levée en masse de 1793, et les fédéra‑ listes en province qui s’opposent aux décisions prises à Paris. La France est également menacée par une coalition des monarchies européennes qui s’opposent aux idéaux révolutionnaires. Pour lutter contre ses ennemis, la Révolution met en place un gouvernement révolutionnaire qui peut prendre des mesures d’exception. Une armée de citoyens doit maintenir l’ordre à l’intérieur et faire face aux coalisés aux frontières.

capacités et méthodes

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I dentifier et nommer les périodes historiques, les continuités et les ruptures chronologiques 1. Les acquis de la Révolution mentionnés dans le texte sont l’égalité civile, « voilà tout ce que l’homme raison‑ nable peut exiger » et le débat démocratique « qui fixent le sort de la patrie. » 2. La Déclaration de 1789 mentionne que l’égalité est en termes de droits (« les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune »). Autrement dit, chaque individu possède des talents qui le rendent diffé‑ rent d’un autre. Mais cette différence ne saurait impacter les droits de chacun. Or, dans le discours de Boissy d’An‑ glas, les citoyens issus du peuple ne peuvent avoir les mêmes droits politiques que ceux qui sont propriétaires : car c’est de l’éducation, propre aux milieux bourgeois et nobles, que découle la capacité selon lui à exercer le débat démocratique. 3. La Révolution est, dans un premier temps, favorable aux droits de chacun : la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen offre l’égalité entre tous en termes de droits, l’abolition des privilèges un mois plus tôt, a mis fin au régime de type seigneurial. Les premières années de la Révolution correspondent bien à une révolution sociale : suppression en ville de tous les monopoles, abaissement social et économique du clergé, destruction des privi‑ lèges de la noblesse… Les années 1792‑1794 peuvent être considérées comme une rupture : la révolution dite « bourgeoise » laisse de la place à une politisation impor‑ tante des masses populaires, avec le rôle-clé des sansculottes, sans que les députés bourgeois perdent leurs prérogatives au sein des assemblées. Si le peuple a perdu confiance en son monarque avec la fuite à Varennes, il a aussi perdu confiance en ses représentants bourgeois lorsque la Garde nationale ouvre le feu lors d’une mani‑ festation à Paris : la fusillade du Champ-de-Mars en juil‑ let 1791. La bourgeoisie thermidorienne finalement, par peur des insurrections populaires, par principe tout sim‑ plement, privilégie la sûreté et la propriété des plus riches. Les avancées sociales ont été réelles, mais l’égalité n’a pas été mise en place dans le domaine politique. Sujet d’étude

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Les puissances européennes contre Napoléon : la bataille de Waterloo Présentation La bataille de Waterloo s’inscrit dans la campagne de Belgique (15‑20 juin  1815). En effet, sitôt après que Napoléon revient de son exil sur l’île d’Elbe et débarque à Golfe Juan le 1er  mars 1815, les souverains européens 30 Histoire

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reconstituent une alliance pour le combattre. C’est la Septième coalition. Autrichiens et Russes convergent vers le Rhin et l’Italie tandis que Britanniques, Néerlandais et Prussiens (auxquels se sont joints d’autres alliés allemands) s’établissent en Belgique. Depuis Paris, que Louis XVIII a fui le 19 mars pour se réfugier à Gand, Napoléon reconstitue d’urgence une armée Le 12 juin, afin d’éviter la jonction des armées coalisées et l’invasion de la France, il décide de quit‑ ter Paris à la tête de son armée. Il s’agit de se diriger vers Charleroi, d’y vaincre les Prussiens, de combattre les Britanniques et les Néerlandais positionnés plus au nord et enfin d’affronter Russes et Autrichiens sur l’autre rive du Rhin. Grouchy obtient le commandement de l’aile droite des troupes napoléoniennes, Ney celui de l’aile gauche tan‑ dis que Soult devient major général de l’armée française. Le 15  juin, Napoléon envahit la Belgique et prend Charleroi. Le 16  juin, les Prussiens sont battus à Ligny mais Ney échoue à prendre Quatre-Bras face aux Britanniques. Le 17  juin, Napoléon envoie Grouchy, à la tête de l’aile droite de l’armée, poursuivre les Prussiens vaincus la veille. Il prépare l’attaque, prévue pour le len‑ demain, des Britanniques et des Néerlandais au MontSaint-Jean, situé au sud de la commune de Waterloo (à une vingtaine de kilomètres de Bruxelles), où s’est établi le quartier général de Wellington. L’histoire a donné le nom de bataille de Waterloo à cette confrontation. La bataille de Waterloo est, avec celle d’Austerlitz (1805), la plus célèbre des batailles engagées par Napoléon  Ier. Ultime combat de l’empereur, Waterloo marque l’effondre‑ ment de la construction politique qu’il a entreprise depuis 1799 et clôt l’épisode révolutionnaire. Le site est devenu un lieu de mémoire européen, lieu de deuil pour les uns, sym‑ bole de la solidarité européenne pour les autres. A Une bataille européenne

Présentation des documents Doc. 1 Ce tableau représente l’empereur au tout début de la campagne de Belgique. En présence de quelques sol‑ dats et alors que les combats font déjà rage à l’arrièreplan, Napoléon apparaît seul. Tournant le dos à ses hommes comme à la carte d’état-major établissant le plan de la campagne, il semble songeur. Éclairé par un dernier rayon de soleil, il a derrière lui un ciel lourd, chargé et cré‑ pusculaire, annonciateur de la défaite finale (la campagne de Belgique sera la dernière des guerres napoléoniennes.) Doc. 2 Ce tableau représente la rencontre entre le maré‑ chal Blücher, commandant de l’armée prussienne et le 1. L’Europe bouleversée par la Révolution française (1789‑1815) 31

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duc de Wellington, commandant de l’armée britannique, traditionnellement située au lieu-dit La Belle-Alliance au soir du 18 juin 1815. La rencontre a duré une dizaine de minutes, le temps, pour les deux vainqueurs, de se saluer, de se féliciter mutuellement et d’envisager la poursuite du combat contre Napoléon. pour les Prussiens, la bataille de Waterloo est la « bataille de la Belle-Alliance » (Schlacht bei Belle-Alliance). Doc. 3 Cette carte met en évidence les participant à la bataille de Waterloo. L’empire français apparaît comme nettement isolé lors de cette campagne durant laquelle se joue son sort. Il n’a plus rien à voir avec le Grand Empire de 1812 et ses 130 départements. Face à la France napo‑ léonienne, les puissances européennes se sont alliées. La Septième coalition est constituée le 10 mars 1815, soit un peu plus d’une semaine après le retour de Napoléon de l’île d’Elbe (1er mars) et dix jours avant son entrée à Paris (20 mars). Napoléon est mis hors-la-loi par le congrès de Vienne (15 mars) et ses ennemis promettent d’unir leurs efforts pour éliminer la menace qu’il représente. Toutefois, à Waterloo ce sont essentiellement les armées britan‑ niques et prussiennes accompagnées respectivement de soldats néerlandais et allemands, qui font face à l’armée napoléonienne.

tourne le dos. Wellington et Blücher sont accompagnés de nombreux soldats, symboles de leur force. L’auberge de la Belle-Alliance, où cette rencontre aurait eu lieu, apparaît à l’arrière-plan. Dans les deux documents, le ciel est sombre et symbolise la bataille. Dans le Doc. 1, la lumière vient du côté gauche et semble déclinante. Dans  le Doc. 2, la lumière vient du côté droit et semble croissante. 3. La France apparaît isolée car elle doit affronter à Waterloo deux puissances coalisées (Royaume-Uni et Prusse) alliées à d’autres pays d’Europe (Russie, Pays-Bas et Autriche notam‑ ment). Toute l’Europe est donc unie contre la France. Activité bilan On pourra attendre des informations sur la date, le lieu, les pays belligérants et les protagonistes de la bataille. B Une bataille historique

Présentation des documents

Analyser les documents

Doc. 4 Cette carte montre la complexité des mouvements militaires lors de la bataille de Waterloo. Les stratégies menées de part et d’autre sont contraires. L’armée britan‑ nique est en position défensive. Il s’agit de tenir les bâtisses de Hougoumont, la Haie-Sainte et Papelotte jusqu’à l’arri‑ vée des renforts prussiens. L’armée française entend au contraire mener une opération de diversion à Hougoumont (11 h 30) afin d’attirer les troupes réservistes de Wellington dans le combat puis attaquer au centre du dispositif allié au niveau de la Haie-Sainte (13  h  30). Les pertes sont lourdes des deux côtés mais les troupes alliées tiennent leurs positions, notamment grâce à la charge de la cavale‑ rie britannique (14 h 30). Alors que la cavalerie française a lancé une première offensive (un peu avant 16  h), les troupes prussiennes arrivent vers 16 h 30 et se dirigent vers Plancenoit. L’armée napoléonienne est alors menacée de débordement sur son flanc droit et doit utiliser une partie de ses réserves pour neutraliser la poussée prussienne. Alors que la Haie-Sainte est enfin prise par les Français vers 18 h 30 et que la situation des Alliés est compromise, l’arri‑ vée de nouveaux renforts prussiens vers 20 h 00 permet à Wellington de repousser la charge de la Garde impériale française qui recule. Cela donne le signal de la débandade française à partir de 20  h  30 alors que la pression alliée redouble. L’armée de Wellington, épuisée, laisse à celle de Blücher le soin de poursuivre ce qui reste de l’armée impé‑ riale française tandis que Napoléon parvient à fuir.

1. Napoléon apparaît seul et songeur, peut-être conscient de la défaite qui s’annonce. Wellington et Blücher appa‑ raissent unis et enthousiastes dans la perspective de la victoire qu’ils remportent. 2. Napoléon est entouré de quelques soldats et dispose d’une carte d’état-major sur laquelle est inscrit le plan de la campagne qu’il entend mener et qu’il a préparé. Il leur

Doc. 5 La scène illustre un moment de la bataille de Waterloo : les cuirassiers français chargeant contre les Britanniques. Ce tableau met en valeur le courage héroïque de l’armée française mais n’empêche pas le désastre final. Il est difficile de se repérer dans ce tableau tant sa composition est confuse. L’issue de la bataille n’est pas lisible. En revanche, l’œuvre permet de voir que le site

Éducation au numérique Les forces et les faiblesses de chaque camp avant la bataille de Waterloo : Côté français : Forces : soldats aguerris (vétérans des guerres napoléo‑ niennes) ; mousquets plus précis. Faiblesses : seulement 125 000 combattants ; mousquets plus lents à recharger. Côté allié : Forces : 210  000 combattants ; armée disciplinée, résis‑ tante et motivée par le nationalisme allemand naissant et la volonté de revanche sur la France ; les Britanniques dis‑ posent de shrapnels dévastateurs  ; mousquets plus rapides à utiliser ; carabine Baker très précise. Faiblesses : l’armée prussienne est peu expérimentée et peu endurante ; mousquets moins précis. Les Alliés sont donc plus nombreux et disposent d’une artillerie plus efficace que les Français.

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de la bataille ne comporte pas d’obstacle naturel majeur. La violence des combats est illustrée par le grand nombre des combattants, des cadavres et des assauts mais aussi par la fumée qui se confond avec les lourds nuages qui emplissent le ciel. Éducation au numérique On pourra relever les informations suivantes : les soldats français sont épuisés, trempés par une nuit passée sous la pluie. Napoléon n’a pas étudié le terrain de la bataille et ne savait pas où étaient cachées les troupes de Wellington. Les Français se sont entêtés à vouloir conquérir la ferme de la Haie-Sainte au prix de lourdes pertes. Enfin l’arrivée des renforts prussiens scelle l’issue de la bataille. Doc. 6 À l’occasion du bicentenaire de la bataille de Waterloo en juin  2015, plus de 6  000 « reconstituteurs » venus de 52 pays différents se sont rassemblés pour faire revivre devant plus de 60 000 spectateurs l’ultime défaite de Napoléon. Cette photographie permet de mieux visualiser l’armement et la position des soldats et ainsi de mieux imaginer les combats. Plus de deux siècles après, l’engouement permanent de si nombreux passionnés illustre en outre la dimension mémorielle exceptionnelle de la bataille de Waterloo. Doc. 7 Fidèle à la légitimité des Bourbons, Chateaubriand reste au service de Louis  XVIII après l’abdication de Napoléon  Ier en avril  1814. Le retour de l’île d’Elbe de l’empereur, moins d’un an plus tard, contraint l’écrivain à suivre le roi dans un nouvel exil à Gand. Mal à l’aise dans l’entourage de Louis XVIII et peu écouté par le roi exilé, Chateaubriand se réfugie dans des promenades soli‑ taires. Et c’est lors d’une de ces balades, le 18 juin 1815 après-midi, qu’il entend l’écho de la bataille de Waterloo. Chateaubriand est donc dans la position originale du témoin de la bataille à laquelle il n’assiste pas et qu’il ne peut pas voir mais qu’il entend. Cette situation lui per‑ met de mesurer l’ampleur du combat qui est mené mais également l’enjeu crucial qui dépend de son issue. Insistant sur le contraste entre la banalité de ce qui l’en‑ toure (« le berger des troupeaux qui paissaient autour de moi ») et l’événement historique qui se produit à quelques kilomètres de lui (« Le monde, comme la robe du Christ, était-il jeté au sort ? »), Chateaubriand est plongé dans une profonde réflexion traduite par la série de questions qui compose la moitié de l’extrait proposé. Ennemi de Napoléon et fidèle aux Bourbons, l’écrivain entrevoit un « exil éternel » en cas de victoire de l’empe‑ reur. Mais, Français avant tout, il ne peut se résoudre à souhaiter la victoire des « plus implacables ennemis de la France ». Châteaubriand expose ici le dilemme poli‑ tique qui le saisit, tout en faisant œuvre de témoin pour l’histoire.

Analyser les documents 4. Le site de la bataille de Waterloo est une grande plaine entourée de quelques bois. Il est donc plat, sans embûches, sauf les constructions agricoles. 5. Plusieurs éléments montrent la violence de la bataille : les nombreux cadavres et blessés, la fumée résultant de l’explosion de la poudre à canon, l’armement à feu (canon, mousquets et carabines) ou blanc (épées, baïon‑ nettes) et le bruit de la bataille. 6. Selon Chateaubriand, la bataille place le monde devant une terrible alternative. Soit Napoléon s’impose, sauve l’honneur de la France mais continue de l’opprimer (ce qui équivaut à un long exil pour l’écrivain), soit les puissances étrangères remportent la bataille, écartent définitivement Napoléon mais placent la France sous leur domination. 7. Le Doc. 4 montre les différentes phases de la bataille grâce aux repères chronologiques. Ainsi, la défaite de Napoléon peut s’expliquer par le fait que les Français ont attaqué à plusieurs reprises les armées de Wellington sans parvenir à les vaincre. S’épuisant ainsi, elles n’ont pu faire face à l’arrivée des renforts prussiens en fin de journée. Activité bilan Pour le déroulement, on pourra rappeler les attaques françaises, la résistance britannique et l’arrivée des ren‑ forts prussiens. Pour la violence, on pourra citer les diffé‑ rentes armes dont disposent les combattants, le carnage de la bataille et le tumulte (fumée et bruit) qu’elle produit. C Une bataille décisive

Présentation des documents Doc. 8 Exilé à Sainte-Hélène après la bataille de Waterloo et sa seconde abdication, Napoléon entreprend la rédac‑ tion de ses Mémoires. Il a l’ambition d’être l’observateur objectif et scrupuleux de sa propre épopée. Il analyse ainsi tant les actions de ses ennemis que les siennes même si c’est évidemment sa vérité qu’il expose. La bataille de Waterloo a une place éminente dans cette œuvre. C’est d’ailleurs par l’épisode des Cent-Jours que Napoléon com‑ mence la rédaction, cherchant des explications à l’échec final de son entreprise politique et militaire. Dans l’extrait proposé ici, il n’oublie pas d’envoyer une petite flèche aux Britanniques attribuant aux Prussiens les mérites de la vic‑ toire des Alliés. Les Mémoires de Napoléon ont également pour ambition de fixer, du vivant de l’empereur, la légende napoléonienne, telle qu’elle émerge dès la bataille de Waterloo. Le document proposé ici laisse entrevoir un empereur qui, par sa reddition, se sacrifie pour satisfaire les puissances coalisées et éviter un plus grand désastre aux Français. La fin de l’extrait montre Napoléon soucieux de l’empreinte historique et mémorielle qu’il va laisser, au point de l’écrire lui-même. 1. L’Europe bouleversée par la Révolution française (1789‑1815) 33

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Doc. 9 Dans cette gravure, un soldat britannique (en rouge) et un soldat prussien (en bleu) balaient l’Europe des reliquats de l’influence napoléonienne qu’ils précipitent à la mer. Le titre, La Belle-Alliance pour balayer la France, joue du double sens de Belle-Alliance : à la fois le lieu symboli‑ sant la bataille de Waterloo et l’union des forces britan‑ niques et prussiennes. Napoléon et sa famille prennent la forme de lilliputiens dont la taille contraste avec l’ambition démesurée de l’empereur. Celui-ci lève son épée contre les soldats coalisés dans un geste aussi dérisoire que ridicule. Tous sont dirigés vers Rochefort, d’où les Britanniques ont exilé Napoléon en direction de Sainte-Hélène.

La Sainte-Alliance (Autriche, Prusse et Russie) se charge de consacrer les nouvelles frontières et de prévenir toute menace révolutionnaire. Mais, l’ordre nouveau n’est pour‑ tant pas un retour à l’ordre ancien. En effet la carte montre plusieurs évolutions majeures. Tout d’abord, l’absolutisme n’est pas rétabli partout et les monarchies constitution‑ nelles forment le cœur de l’Europe (France et Royaume-Uni surtout). De plus l’émergence de nationalités en quête d’indépendance (Grecs, Belges, Polonais, Italiens) voire d’unité (Italiens et Allemands) laisse présager que les fron‑ tières fixées par le congrès de Vienne ne sont pas aussi intangibles qu’il n’y paraît.

Éducation au numérique

Analyser les documents

Wellington : héros national à son retour de Waterloo ; commandant en chef des troupes d’occupation en France de 1815 à 1818 ; Premier ministre du Royaume-Uni (1828‑1830), il contribue à l’indépendance de la Belgique. Il meurt en 1852. Napoléon Bonaparte : exilé à Sainte-Hélène, il fait rédi‑ ger ses Mémoires (à distinguer du Mémorial de SainteHélène rédigé par Las Cases)  ; deux légendes se construisent une dorée (libéral, démocrate) et une noire (bourreau, ogre). Il meurt en 1821.

8. Napoléon se présente comme quelqu’un qui, ayant le soutien de son armée et des Français, se sacrifie en se ren‑ dant aux Alliés pour éviter de plus lourdes souffrances à la France. Il agit donc ainsi avec noblesse et abnégation. 9. Il s’agit essentiellement de laisser un souvenir positif de l’empereur qui permet de dépasser l’échec final dans les mémoires. Il participe ainsi à construire sa propre légende. 10. La carte de l’Europe est profondément transformée. Les modifications imposées par les guerres révolution‑ naires et impériales sont effacées (Doc. 9) et la nouvelle Europe consacre, par des gains territoriaux, la victoire des ennemis de Napoléon. 11. Si la monarchie est restaurée en France et si les princi‑ pales puissances victorieuses sont des monarchies abso‑ lues (Sainte-Alliance), ce n’est pourtant pas un retour à l’Ancien Régime. La France, comme d’autres pays du nord-ouest de l’Europe, le Royaume-Uni notamment, est en effet une monarchie constitutionnelle. Les pouvoirs du roi y sont encadrés par une constitution (ou charte).

Doc. 10 La carte présente l’Europe après la bataille de Waterloo, c’est-à-dire l’Europe redécoupée au congrès de Vienne. Il s’agit d’abord de montrer l’affaiblissement de la France : la France est ramenée à ses frontières de 1790 et perd notamment la Savoie. Pour conjurer toute menée expansionniste, des états tampons sont installés à ses fron‑ tières orientales (Pays-Bas, Piémont-Sardaigne) et la Prusse est désormais toute proche à travers ses possessions rhé‑ nanes. À l’inverse, les principaux vainqueurs de Napoléon voient leur territoire se dilater : Russie, Autriche et Prusse apparaissent comme les principaux bénéficiaires du nou‑ veau découpage. La situation du Royaume-Uni est assez trompeuse : peu de gains territoriaux en apparence. Malte et les îles ioniennes lui permettent, avec Gibraltar déjà en sa possession, de contrôler la Méditerranée mais c’est aux Antilles, en Amérique du Sud, en Afrique et aux Indes que le Royaume-Uni s’installe, ce qui lui assure la maîtrise incontestée des mers et prépare son expansion coloniale du xixe siècle. À ce titre, on peut le considérer comme le principal bénéficiaire des guerres napoléoniennes.

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Activité bilan On peut dire que la bataille de Waterloo a été décisive pour l’Europe car elle met fin définitivement aux guerres révolutionnaires et napoléoniennes (1792‑1815) et inaugure une période de paix. Elle restaure un ordre monarchique mais tempéré par une constitution dans tout le nord-ouest du continent ; elle établit un nouvel équilibre des forces en consacrant les puissances victo‑ rieuses ; elle  donne naissance à la légende napoléo‑ nienne dont elle clôt l’épopée.

capacités et méthodes

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Identifier les contraintes et les ressources d’un événement, d’un contexte historique 1. Le document est une illustration qui représente Napoléon  Ier à la bataille de Waterloo. Les combats font rage, comme l’attestent les cadavres au premier plan, les blessés et la fumée qui s’échappe à l’arrière-plan. L’empereur, épée à la main, est placé au cœur de l’armée française, ce qui montre son courage mais aussi le repli des soldats autour de leur empereur, signe de la défaite qui s’annonce. Les forces coalisées ne sont pas représen‑ tées mais leur présence est suggérée par les regards des Français tournés vers la droite de l’image.

vers le bac 10 août 1792, la chute de la monarchie et le basculement vers une république révolutionnaire. Questions 1. Les acteurs de cette journée révolutionnaire sont : les députés de l’Assemblée nationale, les fédérés, les sections des Communes de Paris, les bataillons de la Garde natio‑ nale, et spécialement ceux des faubourgs Saint-Antoine, Saint-Marceau et Saint-Denis, « une immense foule de menu peuple », les fédérés marseillais « et ceux des autres départements qui se trouvaient là », des canonniers, le roi, la reine et le Dauphin. 2. Ceux qui veulent prendre le palais des Tuileries sou‑ haitent « en chasser le roi ». L’objectif est d’amener le roi à être déchu de ses fonctions. La Commune de Paris veut l’abolition de la monarchie. 3. On observe sur l’image des révolutionnaires qui conduisent le roi à la prison du Temple. Enfermer le roi, c’est mettre fin à la fonction politique du roi et à sa dimen‑ sion sacrale. 4. De nombreux acteurs ont participé à cette journée, avec des pertes allant de 2 000 à 2 500 morts. 5. Dans le doc. 1, on constate que le roi et sa famille trouvent refuge avant même l’assaut des Tuileries à l’As‑ semblée nationale. C’est cette même assemblée qui déchoit le roi de ses fonctions. Le doc. 2 montre que la famille royale est ensuite menée au Temple pour y être emprisonnée. Le procès de Louis  XVI commence en décembre  1792, quelques mois après la prise des Tuileries. Il est condamné et décapité le 21 janvier 1793. La prise des Tuileries, à l’été 1792, est ainsi un tournant de la Révolution : elle signe la fin de la monarchie en France ; la Ire République est d’ailleurs proclamée en sep‑ tembre  1792, le lendemain de la victoire des armées

2. L’auteur de cette lithographie est Louis Charles Bombled, réalisée vers 1900. 3. Le document a été réalisé près d’un siècle après la bataille de Waterloo, avant la Première Guerre mondiale. Le contexte a changé. La France républicaine songe à la revanche contre la Prusse. Le combat héroïque de Napoléon face aux Prussiens revêt alors une dimension patriotique et exemplaire.

p. 44-45 révolutionnaires à Valmy, contre l’armée austro-­ prussienne.

Les puissances européennes contre Napoléon : la bataille de Waterloo Questions 1. Le 1er  mars 1815, Napoléon revient d’exil (début des Cent-Jours) tandis que le roi Louis XVIII fuit en Belgique. Les puissances européennes sont réunies à Vienne pour redé‑ couper la carte du continent, elles forment la Septième Coalition à l’annonce du retour de l’empereur et sont déterminées à éliminer la menace qu’il représente. 2. D’après les documents, les trois acteurs principaux sont l’empereur Napoléon Ier, à la tête des armées françaises ; le duc de Wellington, à la tête des armées britanniques et le maréchal Blücher, commandant les armées prussiennes. 3. Le doc. 1 montre de nombreux cadavres (hommes et chevaux) et blessés. La fumée sortant des armes et les combats faisant rage laissent envisager une bataille meur‑ trière. Le doc. 2 évoque un « choc sanglant », une  « lutte ardente et noire », la « mêlée, effroyable et vivante brous‑ saille », « la mêlée en hurlant grandit comme une flamme » et « la batterie anglaise écrasa nos carrés ». Tous ces élé‑ ments soulignent la violence de la bataille. 4. Le passage en gras fait allusion à la Grande Armée qui, à l’apogée de l’épopée napoléonienne, a permis à l’empe‑ reur de contrôler, directement (Grand Empire) ou indirec‑ tement (états soumis ou alliés) l’Europe. 5. Les conséquences de la bataille de Waterloo sont mul‑ tiples : fin définitive des guerres révolutionnaires et napoléo‑ niennes (1792‑1815) ; restauration d’un ordre monarchique (en partie constitutionnel comme en France) ; nouvel équi‑ libre des forces en faveur des puissances victorieuses ; nais‑ sance de la légende napoléonienne dont elle clôt l’épopée. 1. L’Europe bouleversée par la Révolution française (1789‑1815) 35

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Histoire THÈME

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Les transformations politiques et sociales de la France de 1848 à 1870

Présentation du thème Le thème fonde sa chronologie sur les événements politiques : de la révolution de 1848 mettant en place la IIe  République à la chute du Second Empire. Le processus industriel prend son essor en France sur la même période ; il est associé aux transformations sociales. L’industrialisation ne commence pas en 1848 et n’est pas achevée en 1870 aussi peut-on élargir les bornes du thème pour traiter de cette question.

Rappel des notions associées au thème Démocratie : régime politique dans lequel le peuple est souverain, il détient les pouvoirs qu’il peut déléguer à des représentants par l’exercice du vote. Suffrage universel masculin : tous les hommes ont le droit de vote, l’âge de la majorité est déterminé par les législateurs, en France en 1848, c’est 21 ans. Régime autoritaire : régime politique où les pouvoirs sont concentrés dans les mains d’un seul. Droit de grève : droit de cesser le travail pour obtenir des améliorations salariales, ou conditions et temps de travail. Industrialisation : processus caractérisé par l’utilisation de nouvelles techniques, le développement de nouvelles branches d’activité et une forte croissance de l’activité. Urbanisation : processus d’extension urbaine dans le cadre d’un projet politique.

L es articulations possibles entre la Question obligatoire et les Sujets d’étude au choix La Question obligatoire est assortie de deux Sujets d’étude qui peuvent être traités en amont, en aval ou être filés tout au long de la Question obligatoire.

Présentation de la double page d’ouverture (p. 46‑47) La page d’ouverture du thème permet au professeur de choisir une manière d’entrer dans le thème afin de susciter l’intérêt des élèves, qu’il s’agisse d’une image, de repères chronologiques, d’une carte mentale, d’une vidéo ou d’un questionnement sur les représentations des élèves au regard de leur expérience personnelle. Présentation des diverses entrées Une image Inauguration de la gare de Cherbourg, le 4 août 1858, gravure extraite du Monde illustré (p. 46) L’intérêt de cette gravure est double : d’une part, elle souligne la manière dont l’empereur Napoléon III exerce son 36 Histoire

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pouvoir, d’autre part, elle met en avant l’importance du processus industriel et la place centrale du chemin de fer dans celui-ci. Le lien entre l’empereur et son peuple prend place dans des lieux qui magnifient la modernité à laquelle il est attaché et qu’il cherche à favoriser. Ici, il s’agit d’une gare. La gare au milieu du xixe  siècle est le point d’arrivée et de départ des nouveaux axes de communication que sont les voies ferrées, elle est le trait d’union entre ville et campagne. De plus, son architecture même résulte du processus d’industrialisation. Les gares construites dans cette période (1858 pour Cherbourg) utilisent toutes les mêmes matériaux : fer et verre. Ainsi, les rails, la locomotive, la gare rassemblent tous les progrès industriels qui se déploient depuis le début du xixe s, sidérurgie (production d’acier), machine à vapeur (on peut remarquer le panache de fumée qui s’échappe de la cheminée de la locomotive, véritable lieu commun de la représentation des trains) et développement de l’industrie du verre. L’arrivée du train impérial dans la gare de Cherbourg (le premier train y arrive le 14  juillet  1858, elle est inaugurée quelques jours plus tard, le 4 août) donne lieu à des festivités qui sont marquées par le fait son pavoisement : banderoles et drapeaux (dont le drapeau français qui encadre les arcs de la verrière à chaque extrémité de ceux-ci. Il est aussi fixé à l’avant de la locomotive où 4 drapeaux se croisent.) L’accueil de l’empereur est soigneusement orchestré : à sa descente du train il est salué, ainsi que l’impératrice Eugénie, par des « officiels », notamment le maire de la ville – les maires sont au service de l’Empire, nommés par l’empereur – qui est le premier à s’approcher d’eux (groupe au second plan dans la partie droite de l’image), ses adjoints pouvant être en retrait plus près de la locomotive. Le maire de Cherbourg, Joseph Ludé, lui remet les clés de la ville en prononçant ces mots : « Sire, daignez recevoir les clés de la ville, présentées pour la première fois à l’immortel fondateur de votre dynastie. Elles appartiennent à plus d’un titre au digne héritier de la couronne, au glorieux continuateur de son œuvre, au souverain à qui la France doit le rétablissement de l’ordre et de la prospérité au dedans, de sa dignité et de son influence au dehors. Votre Majesté comprend qu’en reliant Cherbourg à Paris, vous voulez à la fois donner un nouvel essor au commerce, vivifier nos contrées fertiles, un moment déshéritées, et rendre à jamais inexpugnable l’un des plus merveilleux remparts du territoire de l’Empire. » Ce discours, comme la remise des clés de la ville, est dans la continuité des entrées de ville royales de l’Ancien Régime. La foule située au premier plan à gauche de la locomotive est constituée de notables, leurs vêtements révèlent leur

appartenance à une classe sociale aisée ; femmes en robes à crinoline, capelines et mantelets ; hommes en frac et haut de forme. Un groupe, situé au premier plan à droite de l’image détonne en termes vestimentaires, il est probable qu’il s’agisse de « cheminots  », du chef de gare aux employés ou ouvriers de la compagnie de chemin de fer. Cette inauguration est l’occasion pour Napoléon  III de rencontrer dans les jours qui suivent la Reine Victoria et son époux, le prince consort, Albert. Une frise chronologique La frise chronologique présente quelques dates phares pour le traitement politique du thème comme pour son traitement économique et social. Une carte mentale La carte mentale réunit les axes de réflexion retenus pour traiter le thème ; les aspects politiques autour de la question d’une démocratisation, réelle, illusoire, rêvée… en France, comme les conséquences sociales d’un changement profond de l’économie par des mutations technologiques (invention/innovation). Toute la complexité de la question s’exprime par des avancées et reculs de formes démocratiques dans les deux régimes politiques de la période ; la République et l’Empire. Une vidéo La vidéo relie le thème 2 au thème 1 qui s’arrête à la chute du Premier Empire. Elle donne quelques

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éléments de continuité aux élèves sur le plan politique en particulier ; elle fait aussi la transition avec le thème 3 sur la IIIe  République. Les 12  minutes de cette fiction historique peuvent être visionnées par les élèves en amont de la leçon en classe, une fiche d’écoute active peut être proposée aux élèves. Les élèves repèreront les événements politiques : succession des monarques, journées révolutionnaires… comme des décisions politiques majeures, l’instauration du suffrage universel masculin ou l’abolition de la peine de mort pour raisons politiques. D’autres libertés sont évoquées, comme celle de la presse ou l’abolition de l’esclavage. Les lois liberticides, l’aspect autoritaire du Second Empire sont également expliquées ; la complexité de la période avec notamment la politique étrangère de la France (rôle dans l’unification de l’Italie, impact de la défaite face à la Prusse) est éclairée. La prospérité économique de la France apparait aussi en filigrane de la vidéo (système technique, développement en particulier du chemin de fer). Mise en relation des documents Le professeur peut retenir une ou plusieurs des entrées possibles dans le thème, il peut conduire les élèves à saisir les attentes de celui-ci, à le problématiser.

Question obligatoire

Politique et société en France sous la Deuxième République et le Second Empire

Présentation du cours

son petit-fils, le comte de Paris le 24  février. Un petit groupe de républicains, comprenant Lamartine, LedruRollin, Arago, Dupont de l’Eure et Marie proclament dans la nuit l’avènement d’un gouvernement républicain. Ainsi naît la IIe République.

Pendant la Monarchie de Juillet, les républicains n’ont pas le droit de tenir des réunions ; ils contournent la loi en organisant des banquets à partir du 9  juillet  1847. Des centaines de personnes y participent. La tradition des banquets républicains remonte à la fête de la Fédération du 14 juillet 1790. Au moins 70 ont lieu à Paris et dans les grandes villes du royaume au cours des sept mois suivants. François Guizot interdit un banquet parisien, étudiants et ouvriers manifestent dès le 22 février 1848. La Garde nationale composée de petits bourgeois les rejoint. Mais, le soir du 23  février, une manifestation dégénère devant le ministère des Affaires étrangères, sur le boulevard des Capucines. Un coup de feu entraîne une riposte des soldats, elle fait une vingtaine de morts. Les barricades se multiplient. Dans la nuit, Louis-Philippe rappelle Adolphe Thiers, qui l’a porté au pouvoir 18 ans plus tôt, mais c’est vain et le roi se résout à abdiquer en faveur de

Repère La frise chronologique oppose les avancées démocratiques des premiers mois de la République aux mesures qui reviennent sur des libertés. La création, puis la fermeture des ateliers nationaux constitue un point de tension entre les républicains. Les ateliers nationaux sont destinés à employer les ouvriers et artisans au chômage. Les républicains conservateurs ou modérés remportent la victoire aux élections de l’Assemblée constituante du 23 avril ; la dissolution des ateliers nationaux, est décidée le 21 juin, elle provoque des révoltes ouvrières et populaires à Paris du 23 au 26 juin. Ces journées de juin sont considérées, M. Agulhon le rappelle, comme « une bataille de classes à l’état pur ». Le général Cavaignac les réprime dans le sang : 4 000 morts, près de 15 000 hommes sont raflés, emprisonnés en attendant la « transportation » en Algérie. De même, le suffrage universel masculin accordé le 5 mars est reconsidéré par la suite, il est restreint après

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La IIe République, une démocratie ?

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l’élection de Louis-Napoléon Bonaparte à la présidence. En revanche, l’abolition de l’esclavage est définitive. Doc. 1 Karl  Marx distingue deux mouvements parallèles en février  1848, celui des bourgeois, hommes politiques, prêts à exercer le pouvoir et celui des prolétaires. Selon Marx, les postes de ministres sont déjà répartis entre ces bourgeois, au détriment du peuple, qui se verrait confisquer le pouvoir, comme en 1830. M. Agulhon explique que la duchesse d’Orléans emmène son fils de 9 ans (comte de Paris, désigné par Louis-Philippe) au Palais-Bourbon et qu’elle y trouve des députés et des insurgés, ceux-ci font pression sur des députés comme Lamartine pour que la République soit proclamée. Dans le même temps, des insurgés réunis à l’Hôtel de Ville veulent aussi constituer un gouvernement de la République. Lamartine, Ledru-Rollin y rejoignent Raspail et autres républicains ; sont rassemblés les républicains non socialistes rédacteurs du National et les démocrates plus ou moins ouverts aux idées socialistes et représenté par les rédacteurs de la Réforme. Un gouvernement provisoire est constitué de 11 hommes après des tractations complexes. Certains membres du gouvernement provisoire sont aussi ministres comme Lamartine, Crémieux, Ledru-Rollin, Arago ou Marie. Tandis que Dupont de l’Eure, à cause de son âge, Flocon, Louis Blanc ou Albert n’obtiennent pas de ministère en raison de leur radicalité. Ces tractations conduisent à relativiser le rôle du peuple au soir du 25 février, même si des slogans républicains sont invoqués et écrits sur les murs de Paris. Toutefois le souvenir des Trois Glorieuses incite à proclamer la République, elle est ratifiée par les acclamations des 100 000 témoins qui se trouvent place de Grève selon M. Agulhon. Aux yeux de Marx, 1848 incarne le grand tournant dans la lutte de classes, le moment où le mot même de révolution change de signification. Ce n’est plus un simple changement dans la forme du pouvoir politique mais une offensive contre l’ordre bourgeois lui-même. Doc. 2 Alphonse Garreau peint, L’Emancipation à la Réunion, une allégorie de l’abolition de l’esclavage fin 1848. En 1’53’’ l’émission D’art d’art ; https://www.youtube.com/watch? v=wdBt0pSyNmo, présente une analyse de l’œuvre tout à fait claire pour des élèves. Cette toile est typique de l’iconographie républicaine qui symbolise les idées par des événements (ici, l’abolition de l’esclavage par le commissaire général de la République à la Réunion, Joseph SardaGarriga.) La société esclavagiste de la Réunion avait rejeté la résolution de la Convention du 4  février  1794 abolissant l’esclavage dans les colonies. En 1848, le gouvernement ne veut pas refaire la même erreur, arrivé dans l’île le 13 octobre, il commence par faire enregistrer officiellement le décret du 27  avril avant d’en faire une proclamation publique. Les 62 000 esclaves de l’île obtiennent leur liberté. Sur la toile de Garreau, Joseph Sarda-Garriga est représenté debout, sur la dernière marche du socle d’un monument situé derrière lui, 38 Histoire

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tout comme le palmier qui situe dans l’espace tropical la scène. Il tient dans sa main droite une lettre où figure le texte de la déclaration et il montre de sa main gauche les outils utilisés par les esclaves dans les plantations (pelle, pioche, masse) ainsi qu’une roue de moulin à sucre. Il est écouté par une foule d’esclaves. Le bébé au sol devant une mère dépoitraillée (sein de la mère nourricière) peut symboliser l’avenir que l’on peut espérer meilleur. Joseph SardaGarriga porte l’écharpe tricolore et une cocarde rouge, insignes de la République. Derrière lui, sur la stèle trône une Marianne et le mot Liberté et une balance y sont gravés. À ses pieds, des chaînes brisées symbolisent la liberté et l’égalité. En arrière-plan, l’activité de l’île est évoquée par la présence d’une sucrerie dont l’énorme cheminée crache une épaisse fumée, signifiant sa prospérité. Les ruches situées à la droite de la stèle peuvent symboliser le travail, le labeur incessant des esclaves. Doc. 3 La lithographie de Frédéric Sorrieu représente le suffrage universel masculin. Elle date de 1850 et suggère que l’enthousiasme populaire pour le vote subsiste. Au milieu de l’image, on voit une allégorie de la liberté (une femme habillée à l’antique et coiffée d’un bonnet phrygien.) Dans sa main gauche, elle tient la table des Droits de l’Homme, appuyée sur une presse d’imprimerie, qui pourrait être une allusion à la liberté d’expression. Dans sa main droite, un flambeau éclaire l’urne électorale, comme la République éclaire le peuple. Un homme en blouse et lavallière, miouvrier, mi-rapin a apporté l’urne. Une corne d’abondance s’enroule autour du socle de l’urne soulignant les bienfaits que la République apporte au peuple, le suffrage universel apporterait donc aussi des bienfaits matériels. Des cortèges d’hommes convergent de toutes parts vers l’urne. Les hommes qui viennent de la gauche arrivent de la gare de l’Est (achevée en 1849), ils se montrent fraternels et représentent des hommes de toutes conditions. Ce mouvement est celui du progrès, du passé vers l’avenir. Les hommes de la réaction sont représentés à droite, tous se montrent inquiets. La République est aussi associée au progrès économique lié à l’industrialisation, ici évoquée par les deux cortèges d’électeurs en arrière-plan qui arrivent, les uns par le train, les autres par des bateaux à vapeur avec des roues à aubes. En arrière de l’urne, Ledru-Rollin adossé, bras croisés, à un arbre de la liberté, pavoisé de drapeaux tricolores contemple ce qu’il peut considérer comme sa victoire : l’exercice du vote au suffrage universel masculin.

Choisir un itinéraire Itinéraire 1 Tout d’abord, la République prend en compte les aspirations populaires. Elle ouvre des ateliers nationaux à Paris. Des libertés sont accordées, comme celle de la presse, la peine de mort est abolie pour raison politique, et surtout

le peuple peut enfin élire ses représentants au suffrage universel masculin (le droit de vote est instauré le 5 mars 1848.) L’abolition de l’esclavage est décrétée dans les colonies le 27 avril de la même année à l’instigation de V. Schœlcher, ministre des colonies. En 1850, d’autres lois sociales sont votées, elles concernent en particulier les logements insalubres et instaurent des sociétés de secours mutuel pour aider les plus pauvres. Cependant, au lendemain des élections d’avril 1848 il y a un revirement conservateur ; les ateliers nationaux, considérés comme trop coûteux, sont fermés, ce qui déclenche une émeute réprimée dans le sang. Peu à peu, les libertés sont rognées ; le parti de l’ordre, au pouvoir en 1849, restreint le suffrage universel et la liberté d’expression dans la presse. Itinéraire bis 1. Le travail est au cœur des revendications ouvrières car la crise économique en a conduit beaucoup au chômage. Les ateliers nationaux leur en procurent. 2. Les lois qui favorisent la démocratie sont celles sur l’abolition de l’esclavage et l’instauration du suffrage universel masculin. 3. Le revirement conservateur est rapide, il est enclenché par le résultat aux élections d’avril 1848, les ateliers nationaux fermés en juin. Des lois réactionnaires, après les élections de mai 1849, limitent peu à peu les libertés, celle de la presse par exemple ; le droit de vote est restreint.

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Le Second Empire, un régime autoritaire ? Présentation du cours En 1844, Louis-Napoléon Bonaparte publie un ouvrage intitulé L’Extinction du paupérisme, il est présenté par son auteur comme « un écrit qui a pour unique but le bien-être de la classe ouvrière ». Lors de son emprisonnement au fort de Ham, il fortifie sa pensée politique par l’écriture, il s’inspire notamment de Saint-Simon et professe des idées sociales avancées. Après six ans de captivité, il s’échappe en 1846 et se rend à Londres où il observe la ville ainsi que la vie sociale et politique. En 1848, à l’annonce de la Révolution de février, il rentre en France et se présente, avec succès, aux diverses élections législatives jusqu’à son élection à la présidence de la République de décembre. Il est élu pour quatre ans ; ses pouvoirs sont limités et il s’oppose fréquemment à l’Assemblée. La loi Falloux de 1850 est un tournant ; le suffrage universel rend le peuple électeur, aussi l’instituteur qui transmet le savoir a désormais une responsabilité morale majeure. Les conservateurs s’accordent à penser que seule la religion inculque au nonpossédant un solide respect pour l’ordre et la propriété. Cette loi est l’aboutissement de la réaction conservatrice

menée depuis juin  1849 comme le fait remarque M.  Augulhon. Ce conservatisme et l’impossible révision constitutionnelle précipitent le prince-président vers le coup d’État du 2  décembre  1851. Le bonapartisme s’est désormais constitué en force indépendante des bourgeois royalistes et des démocrates. Du coup d’État à la proclamation de l’Empire, il ne faut qu’un an à Bonaparte. Repère Avant la proclamation de l’Empire, LouisNapoléon conduit une répression importante visant à se débarrasser de ses opposants, républicains en particulier. Cette répression a pour principale conséquence le désintérêt des élites intellectuelles pour le régime. Les mesures prises au début de l’Empire renforcent un pouvoir autoritaire car la plupart des lois sont des régressions par rapport à 1848 (censure de la presse en décembre 1852, loi de sureté général en 1858 mais le suffrage universel est toutefois maintenu.). Le déséquilibre entre les pouvoirs renforce l’autoritarisme du régime : l’empereur gouverne au moyen des diverses instances, qui ne sont donc pas des contrepoids à son action. Néanmoins, Napoléon III n’a pas les moyens de se poser de manière durable en dictature, il a tendu à se libéraliser peu à peu pour diverses raisons. Tout d’abord, le personnel politique est en partie hérité du régime précédent la Révolution de 1848 et poursuit sa propre vision politique. Il ne dispose donc pas des moyens humains pour se montrer totalement autoritaire. De plus, A Plessis présente Napoléon III comme un homme qui n’est « ni réactionnaire, ni partisan de l’immobilisme » mais qui, au contraire, « sent la nécessité d’une évolution dans le sens du progrès ». Il se donne comme tâche de « fermer l’ère des révolutions en satisfaisant les besoins légitimes du peuple » (proclamation du 21 décembre 1851). La politique de Napoléon III s’appuie aussi sur un essor économique sans précédent. La prospérité économique est fondée sur l’aide à l’investissement, notamment dans le développement des moyens de communication. A Plessis indique que « les idées et l’œuvre sociale de LouisNapoléon Bonaparte ont longtemps été négligées par l’historiographie. Celle-ci a d’abord privilégié les aspects politiques de son régime, pour mieux en dénoncer l’origine illégitime. Puis, ceux qui ont voulu en donner une image plus positive ont mis surtout en valeur ses mesures en matière de grands travaux et de relance économique. Aujourd’hui, les initiatives sociales de Napoléon  III suscitent davantage d’intérêt » (http://www.napoleontrois.fr/ dotclear/index.php?post/2006/03/25/9-un-socialiste-aupouvoir) Le projet de grand service public pour l’éducation primaire gratuite et obligatoire peine à voir le jour. Il faut deux  ans de mobilisation pour qu’en 1867, une loi se contente de faciliter la gratuité et améliore quelque peu la condition des enseignants du primaire. Victor Duruy, son ministre de l’instruction publique déclenche la 2. Les transformations politiques et sociales de la France de 1848 à 1870 39

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fureur des catholiques en développant l’enseignement pour les filles. La libéralisation du régime n’a pas eu l’effet escompté : les classes populaires ne se sont pas ralliées à lui, le patronat s’offusque des droits accordés aux ouvriers… Aux élections de 1869, les candidats officiels reculent et les républicains, qui restent très divisés, triomphent dans les grandes villes. Un conflit diplomatique avec Guillaume II – Napoléon III veut obtenir de la Prusse que plus aucun membre de la famille Hohenzollern ne se portera candidat au trône d’Espagne – tourne au conflit ouvert ; c’est la guerre déclarée par Émile Ollivier le 19 juillet 1870. La France ne dispose d’aucune alliance, son armée est mal préparée, mal commandée et inférieure en nombre à l’armée prussienne. L’armée de Bazaine est enfermée dans Metz, Napoléon III tente d’aller le délivrer à la tête d’une armée de secours qui se laisse surprendre à Sean le 1er  septembre, l’empereur est fait prisonnier. Dès la nouvelle connue, des émeutes exigeant la déchéance de l’empereur et la proclamation de la République éclatent à Paris, le 4 septembre, la IIIe République naît sur les décombres de l’Empire. Doc. 1 Le portrait officiel de l’empereur est une copie d’après l’œuvre de Franz Winterhalter, L’empereur Napoléon III. Franz Winterhalter a réalisé le portait officiel de Louis-Philippe en 1839, il est de nouveau sollicité pour réaliser ceux de Napoléon  III et d’Eugénie. L’original est saccagé pendant la Commune de Paris. Dans son ouvrage Le Portrait officiel en France du v e au xxe siècle, Muriel Vigie en fait une description précise (à lire sur : http://ressources.chateauversailles.fr/IMG/pdf/11._ edutheque_napoleon_iii.pdf). Les codes de représentation sont restés à peu près identiques depuis le portrait de Louis  XIV de Hyacinthe Rigaud en 1701 : une posture hiératique, des insignes régaliens mais légèrement dissimulés par le manteau, (couronne, sceptre et main de justice ; Muriel Vigie fait remarquer que l’épée n’est peut-être qu’une épée de militaire sans réelle valeur symbolique) et un décor somptueux. La continuité avec le Premier Empire est à la fois assumée et discrète : grand collier de la Légion d’honneur au cou de Napoléon III ; avec le N au centre ; trône semblable à celui de Napoléon  Ier mais dans l’ombre en arrière de la table, pourpre impériale mais plus d’abeilles sur le manteau. Winterhalter, est un peintre de cour qui réside essentiellement en France depuis 1834, il est particulièrement apprécié par Napoléon  III. On note de grandes similitudes entre les portraits de Louis-Philippe et de Napoléon  III : l’ouverture sur l’extérieur par un pan de tenture (palais des Tuilerie), la posture du souverain, la table recouverte de tissu portant les insignes régaliens. Il réintroduit toutefois des éléments propres à 40 Histoire

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l’image que veut donner Napoléon III (manteau, trône) ; le peintre humanise ces souverains par rapport aux portraits officiels d’Ancien Régime. Doc. 2 Tous comme les officiers, les magistrats et les fonctionnaires doivent prêter serment à l’empereur lors de leur prise de fonction (« Je jure obéissance à la Constitution et obéissance à l’empereur »), c’est la marque d’un pouvoir personnel étendu. Ce document montre que Napoléon  III s’immisce dans des nominations à l’échelle locale qui n’ont pas de conséquences dans la politique nationale (la nomination un adjoint au maire.). Agir sur la vie politique à une échelle locale souligne la volonté de l’empereur à manifester sa puissance à tous les niveaux. Il montre aussi son intérêt pour tous les espaces de son empire. La titulature « Napoléon, par la grâce de Dieu et la volonté nationale, empereur des Français » fait la synthèse du passé et inscrit le Second Empire dans une continuité politique et le légitime. En effet, la composante de monarchie de droit divin de l’Ancien Régime est rappelée, tout comme la place du peuple, Napoléon  III est comme Louis-Philippe, souverain des Français. Il s’y ajoute une nouveauté, la volonté du peuple : il a été élu, puis plébiscité, mais ce n’est pas non plus sans rappeler la souveraineté nationale passée du roi au peuple lors de la Révolution de 1789. Doc. 3 Les avancées sociales sous le Second Empire sont importantes dans le domaine de la prévoyance et l’assurance volontaire des salariés, dans le cadre du mutualisme ; les sociétés de secours mutuel assurant leurs membres contre la maladie et les accidents. Des droits nouveaux sont accordés aux travailleurs ; des délégués ouvriers sont autorisés à aller à l’Exposition universelle de Londres et ils publient à leur retour des rapports où ils réclament les droits de coalition et d’association. Dans son discours d’ouverture de la session parlementaire de 1864, l’Empereur annonce la nécessité d’une réforme du droit de coalition, c’est avec son soutien, qu’une loi qui légalise la grève est votée en mai  1864. De 1866 à 1868, se succèdent des mesures qui facilitent le droit de réunion, la création de chambres syndicales. A Plessis souligne encore qu’en « 1870, les lois sociales de la France n’étaient pas en retard sur celles de l’Angleterre, ni sur celles de la Prusse ». Néanmoins, il indique dans De la fête impériale au mur des fédérés, qu’il est bien difficile de statuer sur une amélioration du niveau de vie des ouvriers, les écarts sont considérables entre les plus pauvres des ouvriers comme les ouvrières en chambre décrites par Jules Simon, l’Ouvrière, 1861, et l’ouvrier parisien qui « mange moins de pain et plus de viande » (cf. A Plessis), ce sont plutôt les paysans qui ont vu la pauvreté reculer.

Choisi un itinéraire Itinéraire 1 Louis-Napoléon Bonaparte a été élu président de la République pour quatre  ans, fin 1848. Cependant, la Constitution ne lui permet pas de faire un second mandat, et il veut conserver le pouvoir. Pour asseoir ce pouvoir résultant d’un coup d’État, Louis-Napoléon se fait plébisciter en décembre  1851 et il proclame le Second Empire un  an après. Il se rend légitime en se déclarant « Empereur par la grâce de Dieu et la volonté du peuple » (ce qui peut paraître contradictoire mais le rend incontestable car sa légitimité provient directement de Dieu.) Dans un premier temps, l’Empire est autoritaire, les libertés publiques sont limitées voire supprimées (la presse est censurée.) L’empereur réunit tous les pouvoirs, comme le montrent les insignes du pouvoir représentés près de lui sur son portrait officiel ; il dispose du pouvoir exécutif et législatif, sceptre, couronne, épée mais aussi du pouvoir judiciaire, main de justice. Il s’arroge des pouvoirs à toutes les échelles, comme celui de nommer des adjoints au maire, fonction municipale de peu d’envergure. Dans un second temps, Napoléon III revient à ses convictions sociales, il souhaite améliorer la vie de ses sujets et desserre progressivement l’étau de la répression. Un certain nombre de lois sociales sont adoptées. Elles permettent aux ouvriers d’être aidés par des sociétés de secours mutuels en cas d’accident ou de maladie ; elles leur donnent aussi la possibilité de revendiquer puisque le droit de grève, de réunion et d’association sont votés. Le régime, d’abord autoritaire, se libéralise à partir des années 1860 mais il s’effondre avec la défaite militaire de Sedan face à la Prusse le 1er septembre 1870. Itinéraire bis 1. Louis-Napoléon Bonaparte a été élu président de la République pour quatre ans, fin 1848, la Constitution ne lui permet pas de faire un second mandat. Comme il veut rester au pouvoir il fait un coup d’État le 2 décembre 1851. 2. La posture de l’empereur en uniforme militaire donne une impression d’ordre et d’autorité. Il est un souverain dans la continuité de ceux qui l’ont précédé, il dispose de la couronne (Doc. 1) et se dit empereur par la grâce de Dieu (Doc. 2), il est donc incontestable. Il a le pouvoir de justice (Doc. 1, la main de justice) et de commandement (Doc. 1, le sceptre et l’épée), il peut nommer des édiles (Doc. 2, il nomme un adjoint au maire), le ministre enregistre son choix. Napoléon III est donc un souverain autoritaire. 3. Les questions sociales intéressent le souverain qui accorde des droits nouveaux aux ouvriers ; droit de coalition et droit de grève. Ils peuvent aussi bénéficier d’aides de la part des sociétés de secours mutuels lorsqu’ils sont blessés ou malades.

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L’industrialisation de la France Présentation du cours Au xixe siècle, la croissance économique française est liée à l’industrialisation rendue possible par de nombreuses inventions et innovations. Napoléon  III a la volonté de favoriser le développement industriel par des mesures concrètes. Cependant, le processus se déroule sur l’ensemble du siècle et même au-delà, il n’y a de césure ni en 1848, ni en 1870, même si sur le plan économique le Second Empire est une période décisive. Napoléon III, très inspiré par les idées de Saint-Simon, est sans doute le dirigeant du xixe siècle qui a eu le projet le plus social, cherchant à ce que les fruits de la croissance améliorent le sort des populations les plus démunies. Le changement de système technique, permis par le couple machine à vapeur-charbon, profite à deux branches industrielles : le textile et la sidérurgie et par son application au chemin de fer. C’est dans ce domaine que les mutations ont été les plus spectaculaires entre 1850 et 1870 comme dans celui de l’urbanisme (cours 4). Doc. 1 La première phrase fait allusion à l’aide militaire qu’apporte la France au Piémont-Sardaigne depuis 1858‑59 dans sa lutte contre l’Autriche. En 1860, Napoléon  III pense que la situation internationale est apaisée et qu’il peut se consacrer à l’économie de son empire, d’autant qu’il a conclu un traité de libre-échange avec l’Angleterre dans lequel il voit un levier de la croissance (« affranchir de tout droit les matières premières indispensables à l’industrie »). Il le signe pour dix  ans. L’Angleterre s’engage à laisser entrer librement de nombreux produits finis et abaisse les taxes sur le vin français. La France exempte de taxes la majeure partie des matières premières et denrées alimentaires. Napoléon  III privilégie ainsi des objectifs économiques pour lesquels il mène donc une politique douanière et financière, un État qui impulse et favorise l’essor économique. Le nouveau système industriel qui naît nécessite de la part de l’État, s’il souhaite que le processus soit rapide, une aide à l’investissement. L’État réalise de très importants investissements (« et lui prêter, exceptionnellement et à un taux modéré… les capitaux »), au point d’augmenter lourdement la dette publique. Napoléon III n’hésite pas à utiliser sa fortune personnelle pour financer certains projets, comme la bonification de terres agricoles, notamment en Sologne (« on l’a déjà fait à l’agriculture pour le drainage »). Dans un régime libéral, c’est l’accumulation de capital qui conduit à l’investissement des entrepreneurs privés, mais cela présente des limites difficiles à dépasser, ne serait-ce qu’en termes de mentalités aussi, la politique de Napoléon  III est facilitatrice. La révolution 2. Les transformations politiques et sociales de la France de 1848 à 1870 41

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bancaire qui accompagne le processus d’industrialisation est essentielle pour le financement du « progrès ». La Banque de France devient un pivot d’un système de crédit centralisé. Elle aide en particulier les compagnies de chemin de fer en leur accordant des avances sur les actions et obligations, en leur faisant des prêts directs. Les vieilles maisons de banque suivent le mouvement des banques nouvelles comme le Crédit mobilier des frères Pereire car elles sont en concurrence. Le Crédit mobilier a pour objectif d’être une banque d’investissement commanditant des entreprises industrielles. Le dernier paragraphe insiste sur l’absolue nécessité de développer le réseau de transports tant fluviaux que ferrés. Le lien avec les banques est donc évident. En réalité, le transport ferroviaire a partiellement tué la navigation fluviale à vapeur, sur le Rhône par exemple. Elle a mieux résisté pour le transport des pondéreux lorsque les conditions de navigation sont favorables, car le coût de transport est faible. Doc. 2 Dans les années 1830 (carte 1), il n’y a que deux lignes de chemin de fer en France : la ligne d’Andrézieux à Roanne, 67 km, ouverte de 1832 à 1833 et la ligne ParisSaint-Germain-en-Laye qui est la première ligne de France conçue uniquement pour le transport de voyageurs et exploitée avec des locomotives à vapeur et mise en service en 1837. L’intervention de l’État est décisive pour la construction du réseau ferré : en 1842, une loi fixe les tracés de voies prioritaires et répartit les tâches. L’État se charge de l’infrastructure et les entreprises privées s’occupent des superstructures, comme les rails ou les gares… Les baux d’exploitation accordés aux compagnies sont de 99  ans en général pour qu’elles puissent rentabiliser leurs investissements. Le premier réseau est terminé en 1858 (cartes 2 et 3), le réseau arbore sa forme en étoile autour de Paris mais aussi autour de quelques autres villes, comme Lyon, Lille ou Marseille en 1850 et plus encore en 1860 (3 248 km de voies ferrées). Il forme une toile d’araignée dont Paris est le centre, les pôles industriels liés notamment à l’extraction minière sont privilégiés et il faut attendre 1870 (16 465 km en 1869) pour que les liaisons transversales deviennent conséquentes (carte 4). Cette dernière période se traduit aussi par une densification du réseau en particulier dans le massif central et le sud-ouest. Ces lignes sont souvent plus coûteuses à construire et moins rentables en termes d’exploitation. Aussi, l’État garantit-il l’intérêt des obligations émises par les grandes compagnies. Six grandes compagnies (du  Nord, de l’Est, de l’Ouest, du PLM, du Paris-Orléans et du Midi) se partagent le réseau, elles ont succédé aux quarante-deux petites compagnies qui existaient avant le coup d’État. Les vides qui subsistent, dans les Alpes par exemple, soulignent les limites technologiques qui existent encore. 42 Histoire

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Le cloisonnement d’espaces français dû au manque de moyens de transports rapides cède ; le rail est aussi d’un coût modeste, il est donc générateur de trafic. Le volume des marchandises transportées s’est accru deux fois plus vite que celui de la production industrielle, un marché national unifié signifie la fin des pénuries locales, notamment dans le domaine alimentaire. Il modifie la géographie économique de la France. Doc. 3 L’intérêt de cette gravure est de présenter une industrie liée au bâtiment et moins connue que la métallurgie ou le textile. La mécanisation se développe dans tous les domaines et la main d’œuvre se concentre désormais dans des ateliers et des usines de dimensions diverses. La Grande Tuilerie de Bourgogne a été créée en 1854 par Charles Avril, le propriétaire des houillères de Montchanin. Le charbon extrait de ses mines est de qualité moyenne et il cherche des débouchés locaux. La région recèle aussi des gisements d’argile, il crée donc une tuilerie industrielle (1858‑1866). Son entreprise connait un succès fulgurant (douze  millions de tuiles produites en 1910) grâce à l’invention de la tuile mécanique (en référence à sa fabrication qui se mécanise.) Ces tuiles sont plus rapides à poser et sont moins lourdes. Elles conviennent parfaitement aux nouveaux besoins de l’architecture urbaine et industrielle. La gravure montre la mécanisation précoce des phases de manutention des tuiles, l’argile est pressée de manière mécanique (alignement des presses à l’arrière-plan à droite de l’image). Les ouvriers des presses les déposent sur un tapis roulant, où les ouvrières les prennent pour les déposer sur un monte-charge ; la phase de séchage se fait à l’étage supérieur. On note que cette entreprise emploie des hommes et des femmes avec un partage des tâches lié, notamment à la force physique. Les engrenages, poulies, chaînes, roues, tapis roulant, presses… soulignent la mécanisation de cette entreprise, comme la main d’œuvre en grand nombre montre la concentration de l’activité. On notera que les femmes sont vêtues de manière traditionnelle alors que les hommes portent des vêtements plus adaptés au travail. Le local ne présente pas d’aspect de modernité : le bois domine.

Choisir un itinéraire Itinéraire 1 L’industrialisation de la France débute dans des espaces dotés de ressources minières (bassins houillers) ou d’une activité proto-industrielle (textile), le chemin de fer se développe rapidement entre 1832 et 1870 et la France est quadrillée par les lignes ferroviaires. Dans le même temps l’établissement d’autres voies de communication est aussi encouragé. Une politique nationale favorise le

développement industriel par la suppression de droits sur les matières premières essentielles ou l’attribution de prêts à taux modéré. Les usines se développent, concentrent de plus en plus de main d’œuvre, comme la tuilerie de Montchanin. Itinéraire bis 1. Le développement économique de la France est favorisé par la suppression des droits sur les matières premières essentielles, par l’attribution de prêts à taux modéré et par le fait que les bassins industriels sont reliés aux grandes villes françaises par le chemin de fer. 2. Le réseau ferré français prend naissance dans la région de Lyon dans une perspective de transport de produits houillers et entre Paris et St Germain en Laye. Il se développe ensuite dans les espaces les plus industrialisés et s’organise en étoile à partir de Paris. Le phénomène s’accentue au cours du xixe siècle. 3. Les ouvriers sont chargés de tâches liées à la presse des tuiles, au portage de celles-ci tandis que les ouvrières les déposent sur le tapis-roulant.

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L’haussmannisation, une transformation urbaine Présentation du cours Lors de son exil à Londres, Louis-Napoléon Bonaparte s’intéresse aux transformations de la capitale anglaise qui a été reconstruite et repensée (notamment par Christopher Wren, architecte) après le grand incendie de 1666. Londres constitue alors un modèle d’urbanisme et d’hygiène pour de nombreuses villes européennes. Louis-Napoléon Bonaparte, comme beaucoup de ses contemporains, a conscience que la ville est mortifère : les thèses hygiénistes comme la pensée saint-simonienne l’habitent. Une fois empereur, il cherche un homme pour réaliser sa vision de Paris et nomme Eugène-Georges Haussmann, préfet de Paris le 22 juin 1853. Celui-ci porte les projets de Napoléon III tout en imprimant à la transformation de Paris ses propres convictions. Le projet est extrêmement ambitieux car il s’agit de la plus grande transformation urbaine sans qu’un incendie en ait été la cause et sans arrêter l’activité de ladite ville. Trois missions principales sont dévolues à Haussmann : aérer, unifier et embellir. De nombreux hommes de lettres, comme LouisSébastien  Mercier dans son Tableau de Paris (1781‑1788), décrivent une ville sale aux logements insalubres et aux rues tortueuses, étroites et encombrées, l’air est vicié… c’est à tout cela qu’Haussmann, après Rambuteau et Berger (les préfets qui l’ont précédé), doit remédier. Son point de vue diffère quelque peu de celui de l’empereur en ce qui concerne la place des ouvriers dans la ville : l’empereur,

auteur de L’extinction du paupérisme, souhaite agir sur l’habitat ouvrier comme levier pour diminuer la misère physique et morale des prolétaires (projet de la villa Napoléon, quarante-et-un pavillons donnant sur l’avenue Daumesnil actuelle pour des ouvriers) ; Haussmann conçoit la rénovation de Paris comme une occasion de faire de la capitale la vitrine du régime. Il réunit une équipe de techniciens (aérer, assainir et unifier), d’architectes (embellir) qui servent le projet, sous l’égide de son gendre Maurice Pernety, chef de son cabinet, il charge Eugène Belgrand des égouts, Jean-Charles Adolphe  Alphand et Jean-Pierre Barillet  Deschamps, des parcs et jardins, Eugène Deschamps du tracé des voies nouvelles. Des architectes dotent la ville de bâtiments prestigieux, comme l’opéra de Charles Garnier, l’église de la Trinité par Théodore Ballu ou encore les deux théâtres de la place du Châtelet par Gabriel Davioud. Celui-ci participe aussi aux équipements collectifs de Paris, il est en charge du mobilier urbain ; tandis que Victor  Baltard rénove les Halles et que Jacques Hirtoff construit la gare du Nord. Le montage financier de l’opération est confié à Victor de Persigny, ministre de l’intérieur et aux frères Pereire (par leur banque). Haussmann a été très contesté pour la dette colossale d’1,5 milliard de F en 1870, Jules  Ferry dénonce les « comptes fantastiques d’Haussmann ». Le cadre législatif et réglementaire permet à Haussmann de procéder à toutes les expropriations nécessaires à la réalisation du projet, la ville accroît aussi son territoire par le décret d’annexion des communes suburbaines comme Belleville ou Ménilmontant de 1860. Pour aider les élèves à comprendre rapidement l’essentiel, la vidéo https:// education.francetv.fr/matiere/epoque-contemporaine/ sixieme/video/le-baron-haussmann-histoire-de-la-ville-deparis-c-est-pas-sorcier est particulièrement accessible. Elle peut être regardée en amont du cours. Repère Le plan de Paris montre l’extension de l’espace parisien et les éléments majeurs de la politique haussmannienne. Afin d’aérer et unifier la ville, de grandes percées sont réalisées, les nouveaux axes de circulation sont rectilignes : Haussmann a l’obsession de la ligne droite. Le plan montre également les places, comme celle de l’Étoile réaménagée, ou celle de l’Opéra, nouvellement créée ; qui organisent les axes, il s’agit de places ouvertes (qui succèdent à des places fermées comme la place des Vosges au xviie  siècle.) Les nombreuses réalisations monumentales (gares, les Halles et l’opéra) soulignent l’importance des projets prestigieux dans Paris. Le pouvoir se soucie de la qualité de l’air urbain : de nouveaux parcs sont construits (les Buttes-Chaumont…) et les bois de Boulogne et Vincennes sont rénovés et près de 80 squares sont implantés dans tous les quartiers. Près de 80 000 arbres sont plantés dans Paris. Doc. 1 Afin de percer les axes majeurs, les expropriations et démolitions sont nombreuses et la population la plus 2. Les transformations politiques et sociales de la France de 1848 à 1870 43

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pauvre est rejetée vers les périphéries. De grands boulevards forment une couronne autour de la ville. La photographie, qui est un art naissant au moment de la  transformation de Paris, s’attache à immortaliser les démolitions d’une ville dénoncée comme insalubre. Le regard du photographe souligne le gigantisme des travaux rendus nécessaires par la volonté de moderniser la ville. Des tronçons de rue disparaissent, des blocs d’immeubles sont démolis pour que le tracé rectiligne des nouvelles rues soit rendu possible, il faut aligner les immeubles sur des rues beaucoup plus larges, 20 à 30 m avec des trottoirs et atteignant jusqu’à 120 m pour l’avenue Foch actuelle et comprenant des allées et contre allées plantées d’arbres. Doc. 2 L’épidémie de choléra de 1832 a marqué les esprits. De retour en 1853, le choléra, véhiculé par des eaux saumâtres, fait près de 6 000 victimes dans la capitale La question d’une eau saine est alors cruciale pour Paris. La volonté de Napoléon III en la matière est attestée par le décret-loi du 26 mars 1852. Eugène Belgrand doit assainir Paris, un des problèmes est l’adduction en eau potable : de nombreuses bornes fontaines voient leur nappe souterraine polluée par les fosses à latrines qui les jouxtent ; l’eau de la Seine, souvent bue voit sa qualité altérée par tous les rejets artisanaux et industriels. En parallèle, deux réseaux sont mis en place : l’eau du canal de l’Ourcq est dévolue au nettoyage de la ville et à l’arrosage dans les parcs et jardins ; l’eau de la Dhuis (elle arrive par un aqueduc de 131  km, jusqu’au réservoir de Ménilmontant, d’une capacité de 100  000  m3) à l’est ou de la Vanne au sud constituent une eau potable de qualité. 600  km d’aqueducs sont construits à cet effet. Dans le même temps, il faut envisager l’évacuation des eaux usées, aussi le réseau d’égouts est-il repensé et étendu, 340 km d’égouts sont construits entre 1854 et 1870. La loi de 1852 oblige déjà les propriétaires à se raccorder aux égouts existants. Le système est conçu de façon unitaire, c’est-à-dire que les mêmes canalisations regroupent les eaux usées et les eaux de pluie. Un siphon inversé est créé sous le pont de l’Alma afin que les eaux des égouts de la rive gauche soient acheminées vers la rive droite. Doc. 3 Cette toile, de la taille d’une peinture d’histoire, alors qu’elle représente une scène de genre, souligne tout l’intérêt du peintre pour les transformations de la ville et la modernité. Au premier plan, la place ouverte occupe une grande partie de la toile, les rues sont pavées, les trottoirs bien délimités et la boue permanente qui caractérisait le vieux Paris est éradiquée. Les immeubles représentés à l’arrière-plan, comme sur les côtés de la toile, sont

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haussmanniens (pierre de taille, balcon en fer forgé filant à l’étage noble…). L’alignement des bâtiments permet que les axes soient rectilignes. D’autres éléments vont aussi dans le sens de la modernité : le bec de gaz (l’éclairage des rues est un enjeu de sécurité) qui partage la toile en deux ou les parapluies tenus par les passants (innovation récente qui se développe au début du xixe siècle.) Caillebotte croque des personnages bien vêtus comme un hymne à la prospérité économique de l’époque, Paris est bien la ville bourgeoise voulue par Haussmann.

Choisir un itinéraire Itinéraire 1 L’haussmannisation transforme Paris. De ville encore quasi médiévale, elle devient une ville moderne, embellie par des monuments ostentatoires, comme l’Opéra Garnier (1861) qui, dans son style éclectique, mêle des éléments d’influence baroque (Garnier admire les palais italiens de la Renaissance tardive) à des piliers de fonte dorée. La diversité chromatique des marbres enrichit la pierre. Des églises, des théâtres, des parcs en font une ville dont la renommée culturelle est prestigieuse. Des équipements collectifs, comme les Halles, le palais de justice, ou l’Hôtel-Dieu sont dignes de la puissance de la France. La circulation devient plus facile grâce aux grands axes percés dans la ville et à l’arrivée du chemin de fer dans les nouvelles gares centrales, les espaces sont mieux reliés entre eux. Les percées haussmanniennes rectilignes sont bordés d’immeubles en pierre de taille avec des balcons filant au-dessus de l’entresol et à l’étage sous les mansardes des toits. La ville embellie et aérée est aussi assainie ; Paris est enfin approvisionnée en eau potable et évacue ses eaux usées grâce aux travaux lancés par E Belgrand. Paris est la vitrine d’un empire prospère.

Itinéraire 2

1. Décrivez les principales transformations de Paris dans les années 1860. Les transformations concernent la voirie avec les grandes percées, l’architecture avec la construction des immeubles haussmanniens et de nombreux monuments comme l’opéra. Des parcs et jardins permettent d’aérer la ville. 2. Eugène Belgrand est responsable de l’approvisionnement en eau de Paris, il crée aussi un réseau d’égouts pour évacuer les eaux usées. 3. Napoléon III charge le préfet Haussmann de moderniser Paris, d’en faire une ville dont l’image reflète la prospérité de l’empire. Haussmann l’embellit, l’aère, l’unifie et l’assainit.

objectif bac capacités et méthodes

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Identifier et expliciter les dates et acteurs clés des grands événements Entraînement 1. Les acteurs évoqués sur l’affiche sont Louis-Napoléon Bonaparte (Président de la République), De SaintArnaud (ministre de la Guerre). L’affiche s’adresse au Peuple français Ceux auxquels l’affiche s’adresse, à l’armée (régiment, corps de troupe, brigade de gendarmerie, équipages de vaisseaux en mer…) et aux secrétariats des ministères et les ministres. 2. L’événement mis en avant est le coup d’État de LouisNapoléon Bonaparte et l’annonce du plébiscite pour l’entériner 3. Le coup d’État a eu lieu le 2 décembre 1851 afin de conserver le pouvoir. Le Second Empire est donc mis en place.

vers le bac QUESTION OBLIGATOIRE

L es transformations politiques et sociales de la France de 1848 à 1870 Questions de connaissances 1. La proclamation de la IIe  République/L’abolition de l’esclavage/Le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte/ Le sacre de Napoléon III/ La chute du Second Empire 2. La proclamation de la IIe République : février 1848 L’abolition de l’esclavage : avril 1848 Le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte : 2 décembre 1851 Le sacre de Napoléon III : 2 décembre 1852 La chute du Second Empire : 4 septembre 1870 3. a) Démocratie : régime politique dans lequel le peuple est souverain, il détient les pouvoirs qu’il peut déléguer à des représentants par l’exercice du vote. b) Empire autoritaire : les ministres et députés sont aux ordres de l’empereur qui concentre beaucoup de pouvoirs. c) Industrialisation : processus caractérisé par l’utilisation de nouvelles techniques, le développement de nouvelles branches d’activité et une forte croissance de l’activité. d) Urbanisation : processus d’extension urbaine dans le cadre d’un projet politique. 4. La IIe  République est proclamée à l’issue de journées révolutionnaires en février  1848. Les meneurs sont des républicains déçus de la monarchie de Juillet, comme Louis Blanc ou le poète Lamartine. Selon l’analyse de Karl Marx, les ouvriers ne veulent pas que la révolution leur soit confisquée comme en 1830, ils veulent une démocratie.

4. Le 2  décembre  1851 au matin, le prince-président publie six décrets, l’un dissout l’Assemblée nationale, un autre rétablit le suffrage universel masculin, il convoque le peuple français à des élections et évoque la rédaction d’une nouvelle constitution pour succéder à celle de la Deuxième République. Le plébiscite annoncé par l’affiche se déroule les 20 et 21 décembre. 5. Dans Paris, la résistance est limitée car le peuple ne soutient pas l’Assemblée, trop conservatrice. En revanche, dans les provinces des mouvements de rébellion ont lieu et ils sont durement réprimés ; près de 30  000  personnes sont arrêtées, inculpées, emprisonnées, exilées ou déportées. Le plébiscite donne un très large assentiment au coup d’État qui est donc couronné de succès. p. 59 5. La IIe République instaure des avancées démocratiques : l’instauration du suffrage universel masculin, sur lequel elle revient, l’abolition de l’esclavage qui est définitive. 6. Pendant le Second Empire, la France s’industrialise rapidement : des banques d’affaires sont créées pour que des investissements soient faits dans les nouvelles industries, le chemin de fer se développe et couvre une grande partie de la France. 7. L’invention de la machine à vapeur permet d’innover dans beaucoup de domaines. Elle permet de fabriquer des locomotives tractant les wagons de chemin de fer. Cela constitue une innovation majeure dans le domaine des transports. Ainsi, des produits agricoles ou industriels peuvent être acheminés rapidement sur l’ensemble du territoire français à la fin du Second Empire. Désormais, il peut y avoir des spécialisations régionales en fonction de ressources particulières. Les établissements Schneider au Creusot fabriquent des locomotives vendues dans toute la France. 8. Paris est une ville insalubre, encore médiévale. L’haussmannisation permet de l’assainir. Les égouts et l’apport en eau potable sont d’une importance majeure pour la santé des parisiens. Les percements de voies nouvelles, beaucoup plus larges, s’accompagnent de la plantation d’arbres, de la construction d’immeubles, dits haussmanniens qui donnent plus d’unité architecturale à la ville. De nombreux bâtiments monumentaux, comme l’opéra Garnier, embellissent aussi la ville qui devient une vitrine de la puissance impériale. Elle se dote aussi d’équipements publics modernes, les Halles, les gares… 2. Les transformations politiques et sociales de la France de 1848 à 1870 45

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B Un républicain convaincu

B Sujet d’étude au choix Sujet d’étude

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Victor Hugo sous la Deuxième République et le Second Empire A Un artiste célèbre

Doc. 1 Ce portrait est l’image la plus connue de Victor Hugo, Félix Tournachon dit Nadar en fait un patriarche à la barbe blanche. Il lui voue un véritable culte (il le photographiera aussi sur son lit de mort.). La pose, en léger ¾, reprend la tradition picturale : la photographie est un art nouveau mais elle adopte les canons de la peinture. Victor Hugo est assis, dans une attitude de penseur (son visage repose sur sa main droite, le coude appuyé sur deux ouvrages empilés sur la table.) Le décor est réduit au minimum afin de mettre son sujet en valeur. Nadar donne l’impression d’avoir zoomé sur son modèle, ne conservant qu’un plan taille. Il donne ainsi plus de force, de présence à Hugo, le spectateur n’est pas distrait par le décor. Doc. 2 En 1829, Victor Hugo écrit Le Dernier Jour d’un condamné. L’œuvre est rédigée à la première personne afin de faire ressentir au lecteur l’horreur de l’attente ; le condamné attend le moment où il sera exécuté. Ce livre constitue son premier réquisitoire contre la peine de mort dont il réfute l’exemplarité, il l’exprime clairement dans la préface de l’ouvrage. La gravure est une eau-forte ; 15,5 × 10,3 cm ; 24 x 16 cm, qui constitue le frontispice du livre d’Hugo. Elle illustre les pensées du condamné à mort, au centre de l’image. Au-dessus de lui, sont représentés, tout en haut, le tribunal qui l’a jugé, et en juste en dessous la place où est dressé l’échafaud. Des visions plus ou cauchemardesques de l’au-delà ou du monde vécu l’entourent, tout en bas, des anges entourent une figure christique ? Doc. 3 Le 7 janvier 1841, à seulement 39 ans, Victor Hugo est élu à l’Académie française. Le 5 juin 1841, il prononce son discours d’entrée dans lequel il fait l’éloge de celui dont il a obtenu le fauteuil (Népomucène Lemercier). Il y fait également l’éloge de la vénérable Institution en insistant sur ses idéaux et la défense de la liberté de penser en particulier. Le sens moral est mis en avant, le sécularisant dans une perspective historique (depuis Luther) ; Hugo insiste sur l’aspect universel de l’Académie qui honore tous les penseurs et conduit le peuple à faire l’usage d’une langue approuvée par elle-même. Doc. 4 Le fait que Victor Hugo soit caricaturé atteste de sa notoriété. Il est perché sur son œuvre qui l’a haussé dans la  société. Cette caricature est bien dans la manière de Daumier qui représente ses personnages avec une tête 46 Histoire

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hypertrophiée reposant sur un corps malingre. Le front immense et dégarni exprime l’idée que Victor Hugo est un penseur, mais un penseur tourmenté comme le souligne le paratexte et le montrent les rides de concentration qui sillonnent son front. Le ton du texte est ironique tout en restant complice (Daumier est républicain, comme Hugo). Dès 1832, commence sa collaboration avec le Charivari, (journal fondé par Philippon et jouant un rôle important dans la vie politique de l’époque par son engagement contre LouisPhilippe) dans lequel il publie cette caricature d’Hugo. Doc. 5 Victor Hugo écrit Les Contemplations en 1856. Ce recueil est composé de 158  poèmes rassemblés en six livres. Le poème Melancholia, écrit dans le registre pathétique, a une dimension sociale : il dénonce le travail des enfants et l’inhumanité du sort qui leur est fait. La modalité interrogative du premier vers interpelle le lecteur, l’antithèse « tous »/« pas un seul » suscite l’empathie du lecteur. Leur mauvaise santé est soulignée « que la fièvre maigrit ; quelle pâleur ! », comme leur fatigue « bien las ». La dénonciation du travail, et encore plus des mauvaises conditions de travail des enfants, est servie par l’anaphore (v2 et 3) « ces ». Les enfants sont soumis à un destin impitoyable qu’ils ne comprennent pas. La reprise de l’adverbe « sous » : « sous des meules », « sous les dents » permet de visualiser cette domination. Le monde de l’usine est comparable à l’Enfer, les machines sont personnifiées par l’utilisation des métaphores « Sous les dents d’une machine sombre », « Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l’ombre ». L’univers infernal de l’usine est qualifié de « prison, bagne et enfer ». Hugo oppose la faiblesse des enfants (« doux êtres pensifs », Innocents dans un bagne ») à la puissance des machines. Son idéal de justice sociale, d’éradication de la misère ou d’importance de l’éducation que l’on entend dans ses discours politiques est bien le message de ce poème. Analyser les Documents 1. Victor Hugo est perçu comme un penseur, que ce soit par la photo ou la caricature. Il est reconnu pour son génie intellectuel et connaît très jeune la célébrité. Son élection à l’Académie française corrobore cela. 2. Victor Hugo est écrivain, poète et dramaturge. 3. Les œuvres présentées soulignent son engagement contre la peine de mort et contre le travail des enfants mais aussi en faveur de valeurs morales sécularisées. Activité bilan Sur cette affiche, les éléments à faire figurer sont la production littéraire de Victor Hugo et son élection à l’Académie française.

Doc. 6 Tous les discours politiques de Victor Hugo en tant que représentant du peuple sont disponibles sur le site de l’Assemblée nationale. Ici, il milite pour la liberté de la presse et contre la censure. Il met en garde la république naissante contre le risque de reproduire les mêmes errements anti démocratiques que la monarchie. La liberté d’expression, dont la liberté de la presse, est un combat important pour Victor Hugo. Doc. 7 L’abolition de la peine de mort est un combat cher à l’auteur, comme le soulignait déjà son livre Le Dernier jour d’un condamné en 1829. Il considère que la peine de mort relève de la barbarie et veut saisir l’occasion de l’écriture d’une constitution pour que la France, qui a aboli la torture lors de l’instruction, s’affirme par son humanisme. Son argumentation convainc à gauche certains représentants mais les mentalités sont loin d’être ouvertes à la perspective de l’abolition. Doc. 8 Le discours du 9  juillet  1849 est un plaidoyer humaniste. Les effets littéraires en renforcent la puissance « Je ne dis pas, diminuer, amoindrir, limiter, circonscrire, je dis détruire », il arrête ainsi tous les modérés qui voudraient prendre des mesures relatives, alors qu’il souhaite de la radicalité. De même, pour impliquer ses contemporains, il évoque la misère, d’abord par opposition dans l’espace et le temps « Je ne dis pas en Irlande, je ne dis pas au Moyen Âge », puis la situe dans le quotidien de ses contemporains « Je dis en France, je dis à Paris, et au temps où nous vivons ». Il décrit de façon réaliste les lieux de vie des miséreux et leur dénuement. L’énumération « des familles, des familles entières, vivent pêle-mêle, hommes, femmes, jeunes filles, enfants » renforce le propos et rend la misère palpable. Il énonce son projet d’engagement de la société par le même procédé d’accumulation « toute sa force, toute sa sollicitude, toute son intelligence, toute sa volonté », rendant ainsi chaque citoyen responsable de la misère. Doc. 9 Victor Hugo, sous prétexte de relater les étapes majeures de la Révolution française, exprime sa conception de la République. Il oppose une république guerrière, autoritaire, qui censure la presse (celle qu’il dénonce dans son discours du 11  septembre  1848) à son idéal républicain. Il publie ce roman en 1874, lorsque la IIIe République se construit. Le succès de celui-ci contribue à valoriser un régime politique qui peine à se stabiliser, à obtenir l’adhésion d’une majorité de Français. La dernière phrase de l’extrait reprend les trois termes de la devise de la France : « Je veux la liberté devant l’esprit ; l’égalité devant le cœur ; la fraternité devant l’âme ». Ils sont associés à trois éléments, la liberté est conceptuelle, elle relève de l’esprit ; l’égalité relève de l’empathie pour ce qui est humain et elle est associée au cœur donc aux

sentiments ; la fraternité est pour Hugo comprise dans une vision biblique, elle est donc en lien avec l’âme. L’affiche montre des éléments liés à la Révolution française, qui peuvent être la conscription avec l’armée à droite ; la victoire de Valmy en-dessous, le tribunal révolutionnaire à gauche, peut-être la guerre de Vendée en bas à gauche. Analyser les Documents 4. Hugo saisit toutes les occasions pour prononcer des discours humanistes à l’Assemblée nationale : Il combat pour la République. Il la veut démocratique, dans le sens où les droits de l’Homme exprimés dans la devise de la France doivent être un idéal à atteindre. Que ce soit dans son œuvre littéraire ou dans son action politique, il défend les mêmes idées : liberté et droits de l’Homme, abolition de la peine de mort. 5. Hugo stigmatise la misère comme un manquement d’un gouvernement à son peuple. Elle est synonyme de perte de dignité par les conditions de vie des miséreux. Il évoque les logements exigus et sans confort, la pénurie d’alimentation et les vêtements loqueteux. Les définitions actuelles de la pauvreté reprennent cette idée de manque au niveau des besoins essentiels de l’Homme, se loger, se nourrir, se vêtir. Activité bilan Éléments à faire figurer dans la carte mentale : ––Un démocrate défenseur de la liberté • liberté de la presse ; • homme citoyen. ––Un humaniste défenseur de l’égalité • éradiquer la misère pour plus d’égalité entre les hommes ; • droits de l’homme. ––Un catholique qui adopte la République • fraternité ; • abolition de la peine de mort. C De l’opposant à l’exilé : 1850‑1870

Doc. 10 À partir du moment où la IIe  République fait machine arrière sur les avancées démocratiques, Hugo devient un opposant. C’est un catholique convaincu mais il considère que la société doit être laïque (« Je veux l’État laïque, purement laïque, exclusivement laïque ») et que la foi relève de la sphère du privé aussi s’oppose-t‑il à Alfred de Falloux qui prône l’école confessionnelle. Hugo soutient le principe d’une école publique, gratuite et obligatoire. L’obligation aurait des conséquences majeures sur le travail des enfants. Sa conception du maillage du territoire par l’école va dans le sens aussi de son engagement pour l’égalité (« Pas une commune sans une école, pas une ville sans un collège, pas un chef-lieu sans une faculté ») avec l’idée sous-jacente d’une forme de méritocratie républicaine. 2. Les transformations politiques et sociales de la France de 1848 à 1870 47

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Pour lui, la séparation de l’Église et de l’État est salutaire ; les acclamations des députés de gauche comme les protestations de ceux de droite montrent bien que cette idée ne fait pas consensus. Les idées du poète sont tout de même entendues et font l’objet d’une réflexion encore en gestation. Doc. 11 Victor Hugo n’a pas attendu que LouisNapoléon Bonaparte le fasse arrêter, exiler ou déporter, pour quitter la France. Il prend la décision de ne pas rentrer en France tant que la République n’est pas rétablie. Pour ne pas transiger avec ses opinions républicaines, il n’accepte pas de rentrer lorsque le régime impérial s’assouplit. Il ne cesse pas pour autant toute activité politique et il correspond avec des républicains européens. En l’occurrence, il ne correspond avec aucun Allemand pendant cette période et n’écrit cette lettre à Gloss qu’en réponse à la demande de ce dernier de lui écrire une préface pour un ouvrage. Il en profite pour réaffirmer son attachement à la République et sa conviction que les révolutions ont tout leur sens pour porter les valeurs démocratiques. Doc. 12 La photographie est prise par Charles Hugo à Jersey vers 1853. Le deuxième fils de Victor partage la passion de son père pour la photographie. Victor Hugo est représenté dans l’attitude du penseur, le visage appuyé sur sa main, de profil ; le regard perdu vers la mer que l’on suppose hors champ, à gauche de l’image. Les rochers, avec leur dureté minérale peuvent suggérer la difficulté de l’exil. Du reste, le lieu s’appelle le rocher des proscrits, cela ne peut être qu’un choix des Hugo de prendre la photo à cet endroit précis. Doc. 13 Victor Hugo avait soutenu la candidature de Louis-Napoléon à la présidence de la République, il est d’autant plus déçu par le coup d’État du 2 décembre 1851. Il ne peut pas pardonner à Napoléon III d’avoir trahi l’idéal républicain. Il poursuit son travail d’opposition politique au Second Empire et à l’empereur en écrivant un pamphlet contre lui en 1852. Son Napoléon le Petit marque considérablement l’imaginaire collectif au point de laisser à l’Histoire sa vision de l’empereur. La description physique qu’il en fait est déjà négative (« l’œil éteint »),

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elle  tranche avec la représentation de Napoléon  III par Winterhalter qui lui donne une certaine prestance. Il le surtout dénigre sur le plan moral (« C’est un personnage vulgaire, puéril, théâtral et vain »), ces critiques sont renforcées par les énumérations qui soulignent la frivolité de l’empereur (« Il aime la gloriole, le pompon, l’aigrette, la broderie, les paillettes »). Il parvient même à le rabaisser dans sa parenté avec Napoléon Ier dont le nom n’est pas cité mais reconnu par un procédé métonymique (« parent de la bataille d’Austerlitz »). Il le décrédibilise en affirmant qu’il ment sans cesse. Enfin, il use du jeu des questions réponses pour impliquer le lecteur, les interrogeant sur les lieux du pouvoir parisien et y répondant par les caractéristiques de Napoléon III selon lui. Doc. 14 L’auteur écrit à Guernesey une bonne partie de ses chefs-d’œuvre : Les Misérables, Les Travailleurs de la mer, L’Homme qui rit, La Légende des siècles… Hugo s’implique beaucoup dans la décoration de cette maison, dans l’aménagement du jardin. Analyser les documents 6. La censure de la presse, la loi Falloux tout comme la restriction du suffrage universel sont des décisions contraires aux idées de Victor Hugo. 7. Victor Hugo part à la suite du coup d’État du 2 décembre 1851 8. Victor Hugo est « nomade » de Bruxelles à Jersey avant de se fixer à Guernesey où il achète une maison pour la première fois de sa vie. 9. L’écriture lui rapporte suffisamment d’argent pour acheter sa maison et faire vivre sa famille. 10. Il nourrit une grande haine vis-à-vis de Napoléon III qui a trahi la République et ses idéaux humanistes. Activité Bilan Les idées suivantes doivent figurer dans l’hommage : un républicain démocrate attaché à la liberté, l’égalité, la fraternité. Un Homme avec des idées sociales avancées (il  veut éradiquer misère à éradiquer.) Ses visions de l’école, de la laïcité et de la séparation de l’Église et de l’État sont très modernes pour l’époque. Un écrivain toujours lu : poésie, romans.

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Mettre un événement ou une figure en perspective 1. Les combats de Victor Hugo pour ses idées sont : ––son engagement politique républicain en 1848 ; ––son combat contre l’ignorance et la misère ; ––son opposition au coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte et au régime impérial. 2. Dans le texte plusieurs événements historiques sont évoqués : ––l’instauration de la IIe République en 1848 ; ––la résistance au coup d’État du 2 décembre 1851 ; ––la période de l’Empire. 3. Lors de L’instauration de la IIe  République en 1848, Victor Hugo est élu représentant du peuple. Lors du coup d’État du 2  décembre  1851, il résiste en écrivant des textes pour appeler le peuple à la révolte. Enfin, durant l’Empire, il écrit un pamphlet : Napoléon le Petit. 4. Dans le texte, plusieurs faits soulignent la figure patrimoniale de Victor Hugo. Il est enterré au Panthéon et son enterrement a été suivi par de nombreux Français. Ses personnages de roman sont entrés dans le « Panthéon des esprits », ils sont connus dans le monde entier (Un Chinois d’aujourd’hui connaît Jean Valjean.) Les Misérables est traduit dans toutes les langues, lu dans le monde entier…

Sujet d’étude

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industriel lié à la houillère et la mine de fer, ressources qui permettent la transformation de ces matières premières. Grâce à ses nombreux voyages, il a une vision assez précise de l’industrialisation en Europe et même aux ÉtatsUnis. Il peut donc comparer ce complexe industriel à des usines en pointe pour des spécialités en Angleterre. Doc. 2 et 3 Les deux tableaux permettent de voir l’essor de la production des usines Schneider au regard de la production nationale. Ainsi que la croissance très importante du chiffre d’affaires des Schneider. Doc. 4  L-L Simonin est encore une fois précieux pour visualiser l’organisation de la ville du Creusot et comprendre que l’usine est dans la ville, que celle-ci se développe autour des établissements Schneider, soit de l’autre côté de la voie de chemin de fer, côté gare, soit au-delà de la sablière. L’emprise au sol des établissements Schneider est importante. Par exemple, la nouvelle forge est constituée d’une halle de plus de 300 m de long (voir photo p 70). La voie de chemin de fer est la colonne vertébrale de la ville. Elle permet d’écouler la production des usines. Le parc de la verrerie est encore important en termes d’emprise au sol. Analyser les documents

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Les établissements Schneider au Creusot sous la Deuxième République et le Second Empire A Schneider au Creusot, un haut lieu

de l’industrialisation en France

Doc. 1 Louis-Laurent Simonin est un ancien élève de l’École des Mines. Il occupe diverses fonctions dans des mines en Italie et en France et produit de nombreux ouvrages sur la thématique des mines. C’est donc en spécialiste de l’exploitation minière que Simonin décrit les établissements Schneider ; on comprend bien que le processus industriel est en pleine expansion et le rôle joué par les Schneider qui rachètent la verrerie en 1837. Il est au fait de la nouvelle place des entrepreneurs au xixe siècle et souligne justement l’esprit d’entreprise d’Eugène Schneider qui est à l’origine des transformations du Creusot. L’atelier de constructions mécaniques correspond aux besoins d’une France qui se modernise et développe en particulier le rail. Il exagère un peu sur le nombre des locomotives qui sortent des usines Schneider ; François Crouzet, (doc. 2) chiffre de manière plus juste cette production. Néanmoins, Simonin ne se trompe pas sur l’importance de la production à l’échelle nationale. Il met aussi en avant le complexe

1. Les trois branches présentent au Creusot sont La houillère, la mine fer et la construction mécanique. 2. L’usine est dévoreuse d’espace, elle occupe tout le site de l’ancienne verrerie même si le parc est conservé, les bâtiments industriels se développent. 3. Les principales productions des établissements Schneider sont les locomotives. 4. Elles sont vendues dans toute la France. 5. La croissance de l’entreprise est extrêmement rapide. B Les établissements Schneider,

un lieu de travail

Doc. 5 Trèmaux compose l’aquarelle avec son œil d’architecte et met en valeur l’agencement au sol des différents bâtiments avec une vue surplombante. Il célèbre la modernité d’une architecture industrielle (forme des toits de la fonderie, cheminées de briques) implantée en fond de vallée dans un espace où l’eau, le charbon et les voies de communication (canal et voie ferrée) ont un rôle majeur. Il met en valeur ce complexe industriel assez unique au milieu du xixe siècle, exemple de l’industrialisation de la France. La lithographie accorde une place prépondérante à l’ancienne fonderie dont les bâtiments sont à gauche de l’image, on les repère au centre et au nord. L’église est, en 1865, jouxtée par l’école et l’hôpital que 2. Les transformations politiques et sociales de la France de 1848 à 1870 49

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l’on ne voit pas sur la lithographie, ces nouveaux bâtiments répondent aux besoins créés par l’urbanisation du Guide à partir de 1853, proche de la nouvelle fonderie. Pierre Trémaux a travaillé pour les Schneider au Creusot, aussi a-t‑il une connaissance précise de l’organisation des bâtiments comme de leur fonction. Le quart en haut et à gauche de l’image est l’ancienne cristallerie devenue le logement des Schneider avec les fours coniques permettant de faire le puddlage dans la cour de ce « palais » à l’architecture classique. À l’opposé le quart en bas et à droite de celle-ci montre les logements ouvriers dans un type de bâtiment caserne (Cf. p. 72 du manuel élève). On notera la présence de petites silhouettes humaines dans les allées, donnant ainsi une échelle à l’ensemble. Un contraste dans le choix des couleurs est perceptible entre la partie basse de l’image, où les tons ocres, bruns, bleu-gris dominent faisant penser au feu, au charbon, au noir de fumée et la partie haute bien plus claire. Le fond de l’image semble éclairé par des rayons de soleil, s’agirait-il d’imaginer un avenir radieux grâce cette entrée dans une ère industrielle qui conserve les valeurs morales anciennes en bonne place (l’église est très visible) ? Les couleurs s’adoucissent de plus en plus à la rencontre du ciel et de la terre. Doc. 6 La photo de la halle fait partie d’un album de photos réunies à la suite de l’Exposition universelle de 1878, probablement constitué par la Société Schneider. La construction de la nouvelle forge et des fours à coke se fait au début des années 1860 en utilisant les matériaux nouveaux liés au processus industriel. La fonte utilisée pour les poteaux et le treillis métallique proviennent de la production locale. Les tuiles mécaniques viennent probablement de Montchanin (cf. Doc. 3 p. 53 du manuel élève). La brique constitue un matériau de remplissage. Doc. 7 François Bourdon, (1797‑1865), se passionne très jeune pour la mécanique. Sa première expérience professionnelle au Creusot date de 1827. Puis, il passe quelques années sur des chantiers navals à New York et Liverpool. Il est alors reconnu comme un grand spécialiste de la mécanique marine. En 1837, les frères Schneider lui proposent de prendre la direction des ateliers de construction du Creusot dont ils viennent de faire l’acquisition. Il invente en 1840, un marteau-pilon de 2,5 t, actionné par la vapeur. Le brevet est déposé en avril  1842 par la société  Schneider. Cette invention permet de forger les gros arbres de transmission des premiers transatlantiques. Sa réussite assure de nombreuses commandes à la société Schneider qui en vend de différentes tailles et puissances en France et en Europe continentale. En 1875, dix ans après la mort de Bourdon, un marteau-pilon de 100 t est construit. Il est posé sur 8,50 m de fondations, et a une hauteur de 21 m, le pilon pèse 550 t et le support de l’enclume ou chabotte, 750 t. Il sert à forger des pièces métalliques de plus en plus importantes  : canons 50 Histoire

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d’artillerie forgés et non plus coulés, plaques de blindage des navires militaires, roues de locomotives, voitures de chemin de fer,  etc. Près de lui, étaient installés quatre fours et quatre grues à vapeur, de 100 et 150 t. Il est resté le marteau-pilon le plus puissant au monde jusqu’en 1891. Il est devenu un symbole de la ville du Creusot, actuellement exposé à l’entrée sud de la ville. Doc. 8 Simonin a illustré son ouvrage sur le Creusot de dessins représentant les ouvriers au travail avec leurs outils. À cette époque, il n’y a pas de réels vêtements de travail. On distingue toutefois l’ouvrier de l’employé par le vêtement. L’ouvrier porte pantalon et chemise, éventuellement une veste de type bourgeron. Cependant, la tâche à accomplir peut nécessiter des accessoires particuliers. Le forgeron porte des protections sous forme de chaussures et de jambières et un casque à visière. Il porte aussi un tablier, sans doute en cuir, tout comme les chefs lamineurs. Doc. 9 Cette illustration de Neuville pour l’ouvrage de Simonin présente le télégraphe installé par les Schneider au Creusot, soulignant ainsi leur besoin d’être relié au monde dans le but d’écouler leur marchandise, prendre les commandes etc. La modernité dans toutes les activités du complexe industriel est une nécessité pour le développement de l’entreprise. L’intérêt de cette image est aussi de montrer que les établissements Schneider n’emploient pas que des ouvriers, on a déjà eu l’exemple de l’ingénieur-inventeur Bourdon ; on voit là, à l’œuvre, des employés. Celui que l’on voit de dos est sans doute un technicien du télégraphe, comme celui qui est assis à déchiffrer les messages. Ils portent un pantalon et une redingote courte. L’homme debout, mains au dos, est sans doute le chef de service porte pantalon et veste assorties, chemise au col rigide ou faux-col et cravate. Les deux hommes qui lisent le message sont sans doute des ingénieurs, en tous cas, leur posture dénote de l’assurance et leur vêtement de l’aisance financière comme le souci de suivre la mode. Le pantalon rayé de l’un, le chapeau à larges bords style canotier en sont un exemple, comme le nœud papillon qui remplace la cravate qui devient à mode dans la décennie 1860. La redingote longue se porte sur le gilet très ajusté au corps. Les vêtements portés par les ouvriers, les employés, les ingénieurs pointent la disparité sociale des travailleurs du Creusot. Analyser les documents 6. Elle s’agrandit notablement par l’adjonction de la grande halle qui renferme le marteau-pilon. 7. Les matériaux de construction sont le fer, la fonte, la brique et les tuiles mécaniques. 8. Les innovations que l’on peut voir au Creusot sont le marteau-pilon de François Bourdon, les fours à coke, les grues et les voies ferrées.

9. Les métiers présents dans l’entreprise sont variés : des ouvriers spécialisés (forgerons, lamineurs…), des employés (télégraphistes…) et des ingénieurs. Activité bilan Éléments à intégrer : ––datation des progrès techniques de 1840, le premier marteau-pilon à 1877 le marteau-pilon géant ; ––construction d’une halle adaptée à ce marteau-pilon géant avec des matériaux de construction issus de l’industrie ; ––intégration du marteau-pilon dans un complexe industriel très important ; ––succès des Schneider qui sont en lien avec le monde, les voies ferrées pour écouler la marchandise, le télégraphe pour les commandes ; ––audace et esprit d’entreprise des Schneider C Le Creusot, la ville des Schneider :

le paternalisme à l’œuvre

Doc. 10 Le bâtiment des « mécaniciens » est le dernier immeuble de type caserne (130  logements avec une certaine promiscuité) construit par les Schneider en 1845. On le repère sur la lithographie (Doc. 5), en bas à droite de l’image. Cependant, l’idéal des Schneider pour l’habitat de leurs ouvriers est la maison individuelle avec un petit jardin. La cité de la Villedieu regroupe 80 maisons construites sur ce modèle en 1865. Simonin observe cet habitat et le décrit : « dans des habitations indépendantes, dont un groupe forme une cité ouvrière que le Creusot a fait bâtir sur un modèle spécial. Dans cette cité, chaque maison est entièrement isolée de sa voisine, et jouit d’un jardin. Deux pièces au rez-dechaussée de plafond élevé, larges et bien aérées, bien éclairées, les mansardes en haut, la cave sur le côté, dans le jardin, telle est l’habitation que le Creusot donne à ses mineurs, mieux partagés, on le voit, que bien des petits bourgeois parisiens. Les chefs-ouvriers, les maîtresmineurs, ont des maisons encore plus confortables : il est juste que les caporaux soient un peu mieux traités que les simples soldats. » On voit que pour lui l’ordre social est naturel, juste retour des rôles de chacun. Simonin évoque aussi les matériaux de construction des maisons ouvrières  : «  moellon, chaux, sable, plâtre, briques, tuiles, bois » Doc. 11 De 1870 à 1875, la cité Saint-Eugène est édifiée au Creusot. Les maisons sont mitoyennes à locataire unique, avec jardin et dépendances, toutes sur le même plan, ce qui constitue la possibilité de standardiser la construction réduisant d’autant le cout de celle-ci. Le confort entre dans ces maisons d’ouvriers : on remarque la présence d’un cabinet de toilettes, sous lequel se trouve une fosse d’aisances.

Doc. 12 Simonin est un défenseur du capitalisme naissant et admire beaucoup les patrons des établissements du Creusot. Entre 1848 et 1870, lorsque les Schneider développent leurs établissements, G Noiriel considère que leur action relève du patronage plus que du paternalisme. Le texte de Simonin va dans le sens de ce patronage, accepté par les ouvriers qui y trouvent avantage. Du reste, on ne peut nier les avancées sociales de ce système qui éduque et soigne (Il a aussi l’objectif de moraliser, ce qui est sans doute plus discutable.) La paix sociale est préservée au Creusot, de la reprise des usines par les Schneider à 1870 quand le Second Empire s’effondre (http://www.commune1871.org/?Les-greves-de-1870-et-la-Commune) et de 1870 jusqu’à la grande grève de 1899, immortalisée par le peintre Jules Adler (https://www.histoire-image.org/fr/ etudes/greve-creusot-1899‑0). Dans l’article « Patronage et paternalisme » chez les Schneider (https://www.lecreusot. com/site/decouvrir/histoire/les_schneider/paternalisme. php, il est écrit que « le premier système mis en place par les patrons de la grande industrie naissante, en particulier dans l’industrie lourde, doit prendre le nom de patronage. Ce terme est celui qu’utilise Frédéric Le Play. Dans ce cas, l’action du patron est acceptée par les ouvriers et s’inscrit dans le cadre de rapports sociaux traditionnels du monde rural avec la domination des notables. Le paternalisme est un système plus abouti, plus complexe, où la population est davantage encadrée et où l’autorité du patron est plus brutale, la contestation de sa domination étant plus fréquente. Cette évolution se fait sous la contrainte des transformations économiques, techniques et politiques : la concurrence mondiale, les innovations techniques, l’installation de la République et l’apparition du syndicalisme. Cependant, selon lui, dans le patronage comme dans le paternalisme il y a un fond commun : c’est la question de la main d’œuvre qui, au début de l’industrialisation comme à la fin du xixe siècle, est rare, surtout lorsqu’elle est qualifiée. Il s’agit, par ces pratiques, de la stabiliser et de la ­conserver.  » Doc. 13 Eugène Schneider, est représenté en pied dans un mode réaliste : les vêtements sont bien ceux des hommes de la bourgeoisie de son époque (Il porte un pantalon assez large en bas recouvrant la chaussure, la chemise sur laquelle il a un gilet ajusté et un nœud papillon, et une redingote, sa cape est jetée sur son bras et il tient une canne.) À ses pieds, une femme (qui peut être considérée comme une allégorie de la Reconnaissance) explique à son fils, jeune forgeron, ce qu’il doit au « patron », elle le montre de son bras levé. Elle est vêtue simplement d’une robe enveloppante, elle est en cheveux ce qui la distingue socialement comme une femme du peuple. Le jeune garçon est torse nu, porte des sabots et tient une tenaille à la main, comme celle du lamineur (Doc. 8). 2. Les transformations politiques et sociales de la France de 1848 à 1870 51

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Analyser les documents 10. Les ouvriers du Creusot sont tantôt logés dans des immeubles « casernes », tantôt dans des cités ouvrières, ils disposent alors de maisons individuelles, mitoyennes ou non avec peu à peu plus de confort. 11. Cela présente plusieurs avantages pour les ouvriers : ils habitent à côté de leur lieu de travail, ce qui est très utile lorsque les transports en commun et individuels sont encore balbutiants. Le logement a un coût minime. Mais l’inconvénient est de rester sous le regard des chefs et de dépendre de la générosité du patron. 12. Les Schneider interviennent dans plusieurs domaines. Ils logent les ouvriers dans des cités ouvrières. Ils approvisionnent les magasins alimentaires à bas prix. Ils mettent

vers le bac Victor Hugo sous la Deuxième République et le Second Empire Questions 1. En 1862, on peut considérer que l’Empire est à son apogée Deux événements peuvent être relatés : ––Une réforme constitutionnelle qui assouplit le régime. En effet, le parlement a plus de pouvoir, notamment grâce à la possibilité de déposer des amendements avant le vote d’une loi. Un compte-rendu sténographique des débats est instauré et rendu public. Les modalités de discussion budgétaire sont modifiées, le budget n’est plus voté globalement par département ministériel, aussi l’Assemblée peut exercer un contrôle sur l’administration et la politique du gouvernement. ––Une amnistie générale a été proclamée. Victor Hugo vit en exil depuis décembre  1851 et il ne compte pas rentrer en France tant que le Second Empire perdure. Il a publié Les Misérables le 3 avril 1862, c’est son premier roman depuis Notre-Dame de Paris en 1830. 2. Victor Hugo et Lamartine sont tous deux des hommes de lettres, académiciens. Ils sont aussi tous les deux, républicains, élus représentants du peuple en 1848.

vers le bac Le Creusot, une usine, une ville

1. Le document 1 est un extrait littéraire, du Tour de France par deux enfants, Belin, 1877 par G. Bruno qui est le pseudonyme d’Augustine Fouillée. Il s’agit d’un manuel de lecture scolaire pour les classes de CM, il connaît un succès phénoménal et atteint un tirage de plus de 7  millions d’exemplaires à la veille de la Première Guerre mondiale. Sa 52 Histoire

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en place une caisse d’épargne pour inciter les ouvriers à placer leurs économies. Ils proposent aussi une caisse de retraite pour les travailleurs infirmes, âgés et donnent une pension aux veuves et aux orphelins. Ils proposent des soins médicaux et chirurgicaux gratuits et aident financièrement les ouvriers malades. Ils mettent en place un système éducatif qui permet aux enfants d’aller gratuitement à l’école et aux adultes d’assister à des cours. Enfin, ils veillent à la bonne moralité des ouvriers : l’église et le catéchisme contentent les besoins de l’âme et les bibliothèques les tiennent éloignés des cabarets. 13. Eugène Schneider a des idées sociales qui s’expriment par le paternalisme.

p. 76 3. Victor Hugo est un humaniste idéaliste qui refuse l’injustice, le mensonge, la misère (cf. son discours sur la misère qu’il dit vouloir éradiquer), l’ignorance. Il lutte pour une humanité « sans roi », il rappelle ainsi qu’il est républicain, il « enseigne l’ignorance » cela signifie qu’il veut instruire tous les enfants (cf. son engagement contre la loi Falloux). Il condamne évidemment l’esclavage aboli en 1848 par une des premières mesures de la IIe République. Il explique son attachement à la fraternité, très importante pour lui de manière durable  ; il le rappelle dans Quatrevingt-treize écrit une douzaine d’années plus tard. 4. L’écriture des Misérables est complètement liée à l’engagement politique de V Hugo, il exprime dans ce roman toutes ses convictions. Le titre même reprend le  terme de misère, or c’est ce qu’il voudrait le plus ­combattre, pur lui la misère est indigne de la civilisation. Avant même son entrée en politique l’écriture a été pour lui une manière d’affirmer ses idées, par exemple dans le Dernier jour d’un condamné en 1832, il voulait sensibiliser ses lecteurs à l’horreur d’une sentence telle que la peine de mort. Ou encore la poésie lui permet de dénoncer le travail des enfants, Melancholia, dans les Contemplations parues en 1856.

enfants dans divers domaines, toujours dans le sens de la valorisation du terroir et du génie français. Dans cet extrait, M. Gertal explique au petit Julien ce qu’il voit au Creusot, « la plus grande usine de France et peut-être d’Europe ». Le document 2 est une carte postale qui représente la cité St Eugène et l’Hôtel-Dieu du Creusot (hôpital), la légende précise qu’il s’agit d’habitations ouvrières construites en 1875. On voit des maisons individuelles toutes identiques entourées de petits jardins. 2. Les établissements Schneider au Creusot sont constitués de « trois grandes usines distinctes » comme l’explique M. Gertal : les mines de houille, les hauts-fourneaux et les ateliers de construction mécanique. Il explique aux enfants le rôle de chaque partie des établissements Schneider afin qu’ils comprennent comment une ressource minière la houille, entraîne son extraction puis son utilisation pour fabriquer fer, fonte, acier, ensuite matériau essentiel pour des locomotives par exemple. On notera que l’auteure reprend le chiffre de 100 locomotives par jour avancé par Simonin dans son ouvrage sur le Creusot (voir p 69). Il décrit aussi le fonctionnement du marteau-pilon inventé par F Bourdon mais sans en indiquer le nom. Les deux moyens de transport permettant l’expédition des machines et objets produits aux Creusot, sont évoqués le chemin de fer, par l’allusion aux locomotives et aux rails, la voie d’eau, il cite le Canal du centre. Le processus d’industrialisation associe des ressources naturelles (mines de houille et de fer ; comme le dit dans

son article Alexis Chermette, 1995, Le Creusot est la première concentration fer-charbon en France, https:// www.persee.fr/doc/linly_0366-1326_1995_num_64 _9_11091), des usines de transformation de matières premières, ici la sidérurgie et des voies de communication pour commercialiser les productions ; Le Creusot concentre tous ces éléments. 3. Une cité ouvrière est un ensemble d’habitations destinées aux ouvriers et construites à l’initiative du patron de l’usine. Les maisons sont toutes semblables, elles sont mitoyennes avec un jardin privatif. L’appentis qui flanque les maisons de part et d’autre est le cabinet de toilettes situé au-dessus de la fosse d’aisances (cf. plan des maisons de la cité St Eugène p 72). On notera le nom donné à la cité, le saint patron du premier des Schneider qui définit la politique sociale de la famille Schneider. La volonté de certains patrons des grandes industries qui naissant au cœur du XIXe s d’assurer un logement décent à leurs ouvriers, situé à proximité de leur lieu de travail s’accompagne souvent d’autres mesures sociales comme on le voit sur la carte postale, un hôpital est aussi construit par les Schneider. On désigne cela par le terme de paternalisme. Simonin décrit dans son ouvrage Le Creusot et les mines de Saône et Loire, toutes les mesures sociales des Schneider, les logements, la santé, l’éducation, l’assistance aux vieux, aux infirmes… qui s’accompagnent d’un contrôle moral, par le biais de la religion ou la volonté d’éloigner l’ouvrier du cabaret.

p. 77-78 structure narrative est celle d’un roman ; Julien dont il est question dans l’extrait a 7 ans, son grand frère André en a 14. Ils quittent Phalsbourg à la suite de la mort de leur père et l’annexion de l’Alsace-Lorraine par les Prussiens, ils rencontrent M. Gertal lors de leur périple à Valenciennes. Le manuel a un objectif patriotique mais aussi il a vocation à donner des connaissances aux deux 2. Les transformations politiques et sociales de la France de 1848 à 1870 53

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Histoire THÈME

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La Troisième République : un régime, un empire colonial

Présentation du thème Le thème porte sur la IIIe République, de sa mise en place jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale. Il s’agit de montrer que la France, après des hésitations politiques, se dote d’institutions stables. Ce nouveau régime reprend et approfondit les principes de 1789. Parallèlement, dans une logique de course à la puissance, la République se lance dans un politique de colonisation, qui suscite débats et oppositions.

Rappel des notions associées au thème Antisémitisme : doctrine ou attitude se caractérisant par la haine des juifs. Colonisation : occupation et exploitation d’un territoire par une population qui n’en est pas originaire. Démocratie : régime politique dans lequel le peuple est souverain, il détient les pouvoirs qu’il peut déléguer à des représentants par l’exercice du vote. Laïcité : principe politique qui garantit la liberté de conscience, la liberté religieuse et la neutralité de l’État. Libertés fondamentales : ensemble des droits ou libertés essentiels pour l’individu, assurés dans un État de droit et une démocratie. République : régime politique dans lequel la loi s’applique à tous sans exception et où la fonction de chef de l’État n’est pas héréditaire. Société coloniale : organisation sociale dans laquelle les ressortissants de la puissance colonisatrice assurent les fonctions de direction et d’encadrement et créent ainsi des rapports inégaux entre les communautés ethniques. Présentation des diverses entrées : Une image Illustration de la couverture d’un cahier scolaire par Georges Dascher, vers 1900 (p. 78) La couverture d’un cahier scolaire présente un triple intérêt pour entrer dans le thème. Tout d’abord, la couverture renseigne sur la politique scolaire conduite par la IIIe République : les lois Ferry renforcent le dispositif scolaire préexistant en rendant l’école obligatoire pour toutes et tous et en étoffant les programmes. Il s’agit de « rendre la patrie visible et vivante aux écoliers » en ayant une connaissance de la nation, de la République. Cela conduit au deuxième intérêt du document : la transmission de valeurs. Celles-ci sont explicites sur la couverture : la République est porteuse du « progrès », de la « civilisation » et du « commerce » comme on le voit sur le  bouclier aux couleurs de la France républicaine. Elle porte une couronne de laurier, symbole de prestige 54 Histoire

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et de victoire. Par ailleurs, cette France, cette République est incarnée par une femme en armure : Marianne assure la protection (armure et bouclier) mais garantit également la paix en brandissant de sa main droite un rameau d’olivier alors que l’épée est dans son fourreau. Le troisième intérêt du document est la valorisation de la mission coloniale. Marianne est accompagnée d’explorateurs de différentes époques, comme en attestent les costumes et les navires situés en arrière-plan. L’action coloniale de la IIIe République est la poursuite d’une politique conduite depuis plusieurs siècles. Cette politique répond à une mission civilisatrice, émancipatrices des peuples considérés alors comme « inférieurs ». L’attitude accueillante, admirative (mains tendues) conforte cette idée. Les personnages sont dominés par Marianne. Ils sont représentatifs des différents continents où la France est présente. Une vidéo Les trois couleurs de l’empire, J.-C. Guidicelli (p. 78) La vidéo est un court extrait du film de J.-C.  Giudicelli, Les  trois couleurs d’un empire diffusé sur Arte en 2001. L’extrait présente une autre image de l’action de la République. En s’intéressant aux témoignages de voyageurs, de colons et d’appelés, le regard porté sur « l’aventure coloniale » se défait des filtres instaurés par le pouvoir politique. Le documentaire, qui nécessite sans doute une diffusion en classe, interroge, questionne et soulève ce paradoxe : comment la République, porteuse de valeurs émancipatrices, s’engage-t-elle dans une politique coloniale dévastatrice ? Une frise chronologique (p. 79) La frise chronologique présente quelques dates phares afin de traiter la question obligatoire et des sujets d’étude. La frise permet de saisir les ruptures en termes politiques et les mesures prises par cette République qui peuvent être encore aujourd’hui l’objet de débats. Une carte mentale (p. 79) Elle articule les axes de réflexion retenus pour traiter le thème : l’enracinement du message républicain par différents vecteurs mais également des tensions qui renforcent ou divisent (Affaire Dreyfus, loi de 1905). L’élève choisit un mot dans la carte mentale et le rattache à un débat qui peut être d’actualité. Mise en relation des documents Le professeur peut retenir une ou plusieurs des entrées possibles dans le thème, il peut conduire les élèves à saisir les attentes de celui-ci, à le problématiser.

A

Question obligatoire

La Troisième République avant 1914 : un régime, un empire colonial Cours

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Construire le projet républicain Présentation du cours De 1789 à 1870, la France expérimente plusieurs régimes politiques : monarchie, république, monarchie censitaire, empire… Après les événements de 1870-1871, alors que « le pouvoir gisait à terre », la France met en place une nouvelle République ayant comme enjeu de rassembler et de réaliser l’unité nationale. Cette « plus longue des Républiques » a su vaincre les forces d’opposition en les marginalisant ou en réussissant à les intégrer. Elle doit pour cela séduire et faire face à une opposition encore très forte. Elle doit également rassurer. Les souvenirs d’une Ire  République violente avec la Terreur et d’une Seconde République marquée par l’agitation sociale en 1848 ont ainsi construit cette idée d’une « anarchie républicaine ». La IIIe République, en s’installant dans la durée, est ainsi parvenue à vaincre les effets de la Révolution et en particulier le recours à la violence politique. Mais cette République ne naît pas le 4 septembre 1870 : pour la nouvelle génération de républicains, la future fondation du régime repose sur une éducation politique des Français. L’idée de République se présente ainsi comme un horizon, un objectif poursuivi par chaque génération afin de mettre en œuvre ces valeurs républicaines. Elles sont ainsi réaffirmées en s’appuyant sur les principes énoncés dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Plusieurs lois viennent garantir ces droits (liberté de réunion, liberté de la presse…). La politique scolaire répond à cette volonté de lutter contre les inégalités, de former des citoyens, de faire aimer la République. Repère La frise chronologique permet de saisir les différents moyens d’enracinement de la République. La proclamation de la République le 4 septembre 1870 n’installe pas d’emblée la République : la perspective d’une fondation politique est repoussée en raison de l’élection d’une Assemblée à majorité monarchiste, le 8 février 1871 et de l’expérience de la Commune dont l’écrasement divise le camp républicain. Les lois constitutionnelles ne constituent pas davantage un acte de naissance de la République : il s’agit pour les différents acteurs d’un « fait provisoire », laissant à chacun le soin de se réserver pour l’avenir. Les victoires électorales de 1877-1878-1879 mettent en place ce que l’on a appelé « la République des républicains ». En dépit d’une majorité politique claire au Parlement, les

décisions et les grandes lois républicaines sont votées. Elles permettent de saisir cet enracinement. La République plus qu’une fondation, semble cumuler les moments d’éternelle prolongation. Doc. 1 La photographie, prise à Orbigny (Indre-et-Loire) après la loi de séparation de l’Église et de l’État, présente l’archétype de la salle de classe de la IIIe république. Le professeur circule et surveille le travail effectué par des élèves appliqués alors qu’un autre groupe, à droite, procède à des exercices de calcul. Cette partition des tâches répond à une gestion d’élèves d’âge différent : les enfants devant le tableau sont à la même hauteur que ceux assis. Dans ce cas (classe à plusieurs niveaux), le nombre maximum d’élèves était fixé à 40. Le local, neuf, spacieux et confortable, répond aux règles de la loi du 17 juin 1880 : hauteur de 5 m sous plafond (sans colonne de soutènement), trois rangées de tables par classe (avec un couloir de 50 cm entre chaque rangée) pour que chaque élève dispose d’un espace suffisant (1,25 m²). La lumière vient de la droite mais également de la gauche afin de répondre aux prescriptions des hygiénistes (lutter contre la myopie). Sur le mur, on retrouve les « outils » : carte murale, images de monuments, de lieux, de personnages historiques, Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, tableau noir avec leçon de morale, classement des élèves. Non visible sur la photographie, la salle devait contenir des armoires dans lesquelles étaient rangées manuels et outils de mesure. Doc. 2 Afin de célébrer la République française, un concours est lancé par la municipalité parisienne dès 1878. Ce sont les frères Morice (Léopold  Morice, sculpteur et François-Charles  Morice, architecte) qui remportent le concours et leur monument de la place de la République est terminé en 1883. Cependant, le projet d’AiméJules Dalou, arrivé en deuxième position, retient l’attention du jury et de la ville de Paris qui passe commande de sa réalisation en bronze pour être installé au centre de la place de la Nation. Dalou mettra vingt ans pour terminer cette œuvre colossale. À l’occasion des fêtes du centenaire de la République, un monument provisoire en plâtre peint est inauguré en 1889. La version définitive en bronze ne sera inaugurée que dix ans plus tard, le 19 décembre 1899. Située place de la Nation, cette place portait le nom autrefois de place du Trône. Elle tirait son nom du trône érigé le 26  août  1660 pour accueillir Louis  XIV et Marie- Thérèse d’Autriche lors de leur entrée à Paris. Sous la Révolution, on y érigea la guillotine et la place fut nommée Place du Trône 3. La Troisième République : un régime, un empire colonial 55

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renversé. La réalisation et l’achèvement de l’ensemble statuaire (entre 1879 et 1899) se fait dans un contexte qui voit la victoire des républicains et la crise liée à l’affaire Dreyfus. La période est ainsi marquée par une volonté de défendre les valeurs republicaines. Ainsi, la sculpture de Dalou est en mouvement, elle marche (à la différence de la sculpture des frères Morice qui a une pose altière et figée) : la République est un combat et non un fait acquis. Doc. 3 À partir de 1879, les républicains sont maîtres du pouvoir politique : présidence, chambre des députés. La République doit dès lors s’enraciner. Cette image a été diffusée à l’occasion des élections législatives d’octobre 1881. Accompagnée d’un bulletin de vote en blanc à détacher, elle est destinée à convaincre les électeurs de voter pour les républicains. À l’aide de seize  vignettes (le document n’en présente ici que trois), l’image dresse la liste des réalisations de cette jeune république. Le but de cette image est ainsi d’éduquer et d’orienter les citoyens grâce à des textes simples et des images facilement ­compréhensibles du plus grand nombre.

Choisir un itinéraire Itinéraire 1 La consigne invite à sélectionner des informations dans l’ensemble documentaire et de les classer selon des thèmes et des axes. On peut renseigner un tableau sur le modèle suivant et compléter à partir des informations délivrées dans l’itinéraire bis. Itinéraire bis 1. La salle de classe est le cadre de tous les apprentissages : hygiène, politesse, histoire, géographie, calcul, dessin, gymnastique mais aussi exercices militaires ou couture… La salle de classe permet la diffusion des valeurs républicaines En effet, on y trouve la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, une leçon de morale qui remplace la morale religieuse (la IIIe République promeut une « morale simplement humaine »), un classement des élèves ayant

Des valeurs La frise chronologique

1875 : vote des lois constitutionnelles

Doc. 1

Instruction obligatoire et laïque

Doc. 2

Droits de l’Homme

Doc. 3

Suffrage universel

56 Histoire

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pour objet de promouvoir les élèves (méritocratie républicaine) par l’acquisition de connaissances (leçon de calcul). L’école veut faire aimer la République et la nation en construisant une communauté de citoyens rassemblés autour de la connaissance de la nation. Le matériel pédagogique présent dans la salle de classe contribue à apporter une perception sensible de la nation et de la République : ––La carte murale donne une perception des reliefs, des cours d’eau, des frontières afin de se situer. Voir la carte revient à voir le territoire, le monde et le réel. La carte est un outil géopolitique au même titre que le récit du Tour de la France par deux enfants : ils développent un attachement aux territoires perdus en 1871 perçus comme une blessure inguérissable. ––Les manuels (Le Tour de la France par deux enfants, par exemple) livrent un récit national où les élèves sont appelés à prendre place et à s’identifier aux deux personnages qui quittent une terre dorénavant prussienne. Le protège cahier remplit le même rôle en identifiant des grandes figures de l’Histoire de France. Les manuels permettent aussi de saisir la richesse (agriculture, mines, industries…) ainsi que la diversité (paysage, relief…) d’un territoire contribuant ainsi à tisser un lien entre le proche/familier et le lointain/l’inconnu. ––Les images accrochées aux murs de la salle permettent de découvrir et d’aimer les paysages et les monuments historiques français. ––Les enseignants ont pour mission de transmettre les valeurs de la Révolution et les valeurs de la République : ce sont les «  hussards noirs de la république  » (Charles Peguy). L’école est ainsi laïque : elle cherche à garantir la liberté de croyances (qui relève d’un enseignement assuré par l’Église et les familles) et la neutralité tout en diffusant une morale républicaine. Elle est également patriotique en cherchant à construire une « communauté de rêves ». 2. La République, incarnée sous les traits d’une femme prénommée Marianne, domine un globe céleste placé sur un char tiré par deux lions guidés par le Génie de la

Des décisions 1881-1882 : Lois scolaires 1181 : Liberté de la presse et de réunion

Des symboles 1880 : première célébration du 14 juillet

Marianne, bonnet phrygien Lois scolaires

Buste de Marianne

Des principes

Des lieux

1881 -1882 : principes d’égalité et de laïcité Égalité, et laïcité

L’école

Liberté, égalité, travail

Une place L’Assemblée nationale

Liberté. Le surnom familier de Marianne lui a été donné pendant la Révolution (dans le Sud de la France au départ), sans doute parce que ce prénom, formé du nom de la Vierge et de sa mère, était très répandu dans le petit peuple, au xviiie  siècle. Marianne représente la mère patrie, la République fougueuse. Cette République porte le bonnet phrygien, un héritage de l’antiquité, symbole de la liberté, de l’affranchissement. Il devient le symbole de la Révolution Française. La République est encadrée par deux allégories : le Travail et la Justice. L’enfant, au pied du forgeron, soulève avec peine un gros livre, il rappelle ainsi le rôle de l’instruction et du travail intellectuel. La Paix, placée à l’arrière du convoi, distribue les fruits de l’abondance. Le char tiré par les lions symbolise le suffrage universel. Dalou porte en triomphe une République qui incarne à la fois la justice et la dimension sociale, mise à mal par la répression de la Commune. Dalou est fidèle à son engagement communard, il commémore une République à la fois politique et sociale. 3. La première vignette souligne le rôle essentiel du législatif (Chambre des députés) dans la déclaration de guerre. La critique porte sur le césarisme de LouisNapoléon Bonaparte (« un homme seul qui peut déclarer la guerre ») et renvoie aux lois constitutionnelles de 1875 qui stipulent dans l’article  9 que « Le président de la République ne peut déclarer la guerre sans l’assentiment préalable des deux chambres » (Sénat et chambre des députés). La deuxième vignette invite donc le citoyen à voter pour les républicains. La troisième vignette rappelle que les lois scolaires votées en 1881-1882 instaurent et garantissent la liberté, la laïcité et l’égalité par la gratuité. Cours

2

p. 82-83

L’affaire Dreyfus : l’affirmation des valeurs républicaines Présentation du cours Selon Vincent Duclert (La République imaginée, 1870-1914, Belin, 2010), l’affaire Dreyfus constitue un « événement fondateur » d’une République démocratique. La portée de l’évènement ne se mesure qu’à l’aune du temps mais les contemporains saisissent que l’affaire constitue une épreuve de vérité et oppose deux conceptions de la République. Cette affaire s’inscrit dans un contexte de tensions politiques exacerbées par la présidence au conseil de Jules Méline. Républicain conservateur, il est apprécié des catholiques et des campagnes et entretien une certaine nostalgie du passé. L’antisémitisme se propage dans une France marquée par l’inquiétude morale et le repli méfiant sur soi. Par ailleurs, le mouvement clérical se renforce et se radicalise rejetant « les ennemis de Dieu qui

ont forgé les lois sectaires » et « les sans-Dieu qui les appliquent ». Cette radicalisation facilite la mobilisation des républicains pour faire bloc lors des élections de 1898 où les nationalistes s’affirment (Drumont et Déroulède sont élus). La France, mais surtout Paris et ses élites, se divise sur la question dreyfusarde. Repère La frise chronologique couvre la période qui s’étend de 1894 à 1906. Une période courte de douze ans durant laquelle toutes les étapes de l’affaire peuvent être dégagées. On peut ainsi traiter des données factuelles en 1894. Puis, on s’attachera à déceler les prises de position qui font de l’affaire une affaire politique, une affaire d’opinion et une affaire médiatique. Enfin, cette lutte permet de traiter de la capacité de la République à faire face aux crises et à rassembler autour de principes et de valeurs. Doc. 1 Dreyfus est accusé d’avoir entretenu des intelligences avec l’ennemi en fournissant des documents secrets ou confidentiels. En raison de ces actes, Dreyfus est condamné à la déportation dans une enceinte fortifiée et à la dégradation militaire. L’acte présente deux autres intérêts. Tout d’abord, l’acte est daté du 22 décembre. À cette date, la presse antisémite et nationaliste s’est déjà «  emparée  » de l’affaire  : Edouard Drumond dans La Libre Parole, dénonce les actes de Dreyfus dès le 1er  novembre 1894. En s’appuyant sur cette « affaire » (qui n’en est pas encore une) et en faisant un amalgame, Edouard Drumond dénonce l’importance du « lobby juif » et de la menace juive. Cette une de La Libre Parole interroge sur les relations entre affaire et média. Ensuite, l’acte d’accusation délivre une description du capitaine Dreyfus. L’expression « nez busqué » employée pour décrire Dreyfus informe sur le caractère antisémite du tribunal militaire et de la société. Doc. 2 La médiatisation et les prises de position précèdent la condamnation de Dreyfus : de nombreux journaux relaient l’affaire et s’engagent dans ce filon qui fait vendre et donne naissance à une surenchère réciproque (rumeurs et mensonges sont largement diffusés.) Le dessin de Pépin, en une du Grelot, montre Basile Guesde alias Jules Guesde et Jean Jaurès sous une bannière maçonnique des « collecto-socialistes » (Guesde était collectiviste et Jaurès, socialiste). Sous leurs regards, Dreyfus reçoit des sacs d’argent contre le plan de mobilisation et y va de sa réflexion : « Moi aussi, je fais ma bedide gommerce internationaliste, et pis après ? ». L’accent allemand souligne le caractère étranger du juif et sa complicité avec le pays ennemi. La bannière (qui ne correspond à aucune loge maçonnique) suggère qu’il existerait une forme d’internationalisme qui couvrirait à la fois les intérêts du socialisme sans patrie, et ceux de la caste des traîtres vendus aux intérêts étrangers. 3. La Troisième République : un régime, un empire colonial 57

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Doc. 3 La une de L’Aurore du 13  janvier  1898 est « une canonnade », « une bombe ». En effet, Emile Zola avec J’accuse… ! renverse le rapport de force. L’objectif est d’accuser afin d’être poursuivi en diffamation. C’est là un moyen de faire défiler toutes les parties en présence et de débattre des arguments. La presse devra ainsi rendre compte de la discussion contradictoire : une bataille de journaux qui trouve des échos dans les pétitions multiples qui sont lancées et dans les manifestations de rue. Le procès intenté à Zola s’ouvre à Paris le 7 février et se déroule pendant deux semaines dans une atmosphère de tumulte. La foule, rassemblée aux portes du Palais, conspue l’accusé à chacune de ses entrées ou de ses sorties, ce qui provoque des bagarres quotidiennes. Le verdict déclencha une vague de joie dans la presse et dans la rue. Mais, la presse demeure globalement difficile à convaincre (enquête sur 55  quotidiens étudiés par Janine Ponty). Toutefois, après avoir accablé Dreyfus en novembre et décembre 1894, une partie de la presse a fait rebondir l’affaire, révèle les anomalies du procès, rend une part de l’opinion pitoyable au sort du condamné : « la vérité est en marche… ».

Choisir un itinéraire Itinéraire 1 L’affaire est conduite au nom de la liberté, en particulier celle de s’exprimer afin de réhabiliter un homme condamné injustement. L’affaire permet de poser la question de l’égalité : les juifs ont, depuis 1791, la possibilité d’accéder à tous les emplois. La IIIe République ouvre la très haute fonction publique (parlementaires, généraux, magistrats, préfets) aux personnalités juives alors que le décret Crémieux fait des juifs d’Algérie des citoyens français. Pourtant, la France est traversée par la haine antisémite à la fin du xixe  siècle (Edouard Drumont, Maurice Barrés, deux écrivains et hommes politiques, figures majeures de l’antisémitisme). L’affaire est conduite au nom de la vérité, de la justice, des droits de l’individu contre les défenseurs de la raison d’Etat et de l’autorité de la chose jugée. L’affaire est un combat pour la défense de la République et de ses valeurs. Itinéraire bis 1. Dreyfus est accusé d’intelligence avec l’ennemi et de haute trahison. Il est dégradé et condamné à une peine de déportation. 2. La division de l’opinion s’inscrit dans le temps. Majoritairement antidreyfusarde avant et au début de l’affaire, elle se rallie à la cause dreyfusarde après 1898. L’opinion souhaite avant toute chose une révision du procès. 3. Le combat des dreyfusards se fait au nom des droits de l’individu, de la vérité et de la justice contre les tenants de la raison d’État. 58 Histoire

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Cours

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p. 84-85

L’affirmation d’une République laïque : la loi de 1905 Présentation du cours La loi de séparation de l’Église et de l’État est l’aboutissement d’une politique en germe dès le concordat de 1801 qui déclare le catholicisme seulement « religion de la grande majorité des Français ». La loi de 1905 intervient alors que la IIIe République est installée depuis un tiers de siècle. Elle a surmonté de nombreuses crises (Boulangisme, Dreyfus, anarchistes…) et n’est pas encore stabilisée. Le mouvement républicain est tiraillé par différentes formes d’anticléricalisme : anticléricalisme politique contre les cléricaux qui font un usage politique de la religion pour faire chuter la République, contre les mauvais patriotes (les cléricaux sont au service d’un prince étranger) ; anticléricalisme religieux qui met en avant un combat entre deux modèles de société, entre deux conceptions de l’Homme. Ces combats anciens prennent ainsi le caractère de guerre de religion. Dans ce contexte de quasi guerre civile, la loi de séparation peut être perçue comme une nouvelle « persécution » contre les catholiques ou comme la seule issue pour deux pouvoirs qui ne dialoguent plus et n’ont que des relations basées sur la force, l’intimidation, la violence. Repère La frise chronologique permet de revenir sur quelques décisions clés qui témoignent de l’affirmation de la République par rapport à l’Église. Ces lois visent à rendre l’école laïque, neutre : faire adhérer à la République implique de former le citoyen, de le défaire des influences religieuses. Les mesures prises par la République relève d’une construction, d’un objectif qui est plus radical au tournant du siècle. Doc. 1 Émile  Combes, président du Conseil (Juin 1902-Janvier 1905), conçoit la loi comme une arme contre l’Église. Après la chute de son gouvernement, la loi est reprise dans un esprit de conciliation et d’apaisement. Aristide Briand, rapporteur de la loi, défend l’idée d’une loi équilibrée assurant la liberté de conscience et de culte (Art. 1) et la neutralité de l’État (Art. 2). Le retrait financier de l’État n’est pas total : les aumôneries reçoivent toujours des fonds publics (Art. 2). La loi prévoit un inventaire des biens mobiliers et immobiliers (Art. 3). Les établissements de cultes sont propriétés de l’État, des départements et des communes (Art. 12). Les cultes gardent la jouissance de ces édifices mis à disposition par l’État ou les communes (Art. 13). Doc. 2 La politique anticléricale conduite par Émile Combes et l’intransigeance du nouveau pape Pie  X

conduisent à une rupture des relations diplomatiques. La voie est ainsi ouverte à la séparation. Quatre personnages sont présents sur cette caricature : ––Émile Combes s’apprête à trancher le lien entre l’Église catholique et la France (nœud gordien né de 1 400 ans d’histoire). ––Voltaire, dans les cieux, apporte son aide : le progrès, la science et l’éducation doivent faire reculer l’ignorance, l’obscurantisme et la superstition. ––Marianne aide à cette rupture. ––L’Église (aveuglé et impuissante) est encore surveillée par Émile Combes. ––L’anticléricalisme de la caricature est très accentué : ––Au premier plan, à terre, un moine grassouillet au nez rouge (probablement un chartreux) cuve son vin, une bouteille pleine dans les bras, une croix dans la main (croix sur laquelle un verre est gravé…). ––Les détails de la tenue du Pape relèvent de la moquerie : la croix à la ceinture est en forme de tire-bouchon, l’Esprit Saint est enfermé dans une cage, un âne vénéré, des clous représentés sur les chaussures… Le document permet de saisir les oppositions fortes entre cléricaux et anticléricaux au tournant du siècle et accorde une place importante à Émile Combes. La loi est cependant promulguée après la chute de son gouvernement. Doc. 3 L’abbé Lemire est un ecclésiastique et un député du Nord de 1893 à 1928. Il commence par suivre le prétendant au trône, le comte de Chambord, pour ensuite se rapprocher des classes populaires selon les principes du catholicisme social. Il est l’une des figures importantes de la démocratie chrétienne, et suit la doctrine officielle de l’Église qui enjoint les catholiques à reconnaître la République naissante. Dans ce document, il s’exprime alors que la loi a déjà été votée, la teneur du propos montre à quel point les débats ne sont pas apaisés. La loi de 1905 pose les enjeux de la rupture du système concordataire, des biens ecclésiastiques (querelle des inventaires), des associations cultuelles qui vont à l’encontre de la hiérarchie canonique catholique. L’abbé Lemire se déclare favorable à la loi alors que le Pape Pie  X la condamne violemment dans l’encyclique du 11  février 1906. Le document est un texte d’apaisement et d’espoir qui permet de saisir la diversité des opinions sur cette question de la séparation.

Choisir un itinéraire Itinéraire 1 La laïcité garantit à tous la liberté de religion et d’opinion. Une fois posée cette définition, il apparaît que les débats subsistent entre les deux camps et au sein même de chaque camp. Pour les républicains modérés, la loi de 1905 doit mettre les pouvoirs publics en dehors et au-dessus

des dogmes et des pratiques des différentes confessions religieuses. Le combat est porté contre le cléricalisme (« Le cléricalisme ? Voilà l’ennemi ! ») et non contre l’Église ou la religion. Pour les républicains, il s’agit de mettre un terme à l’ultramontanisme et faire remporter les principes de « l’Évangile de 1789 ». Pour Paul Bert et Léon Gambetta, la République doit contraindre le clergé à être « le respectueux serviteur du régime ». L’anticléricalisme est donc conçu comme un programme politique contre les conservateurs, usant de la religion pour renverser le régime. Cependant, certains républicains sont animés par un sentiment virulent contre la religion. En effet, selon eux, la religion s’oppose à la raison, à la science et au progrès. Les oppositions sont fortes lors de la discussion de la loi de 1905. Le 10 avril 1905, la Commission fait une proposition plus accommodante afin de s’adapter aux réalités des français (même si une minorité se rend à la messe, les baptêmes et mariages restent la norme). Cette proposition est combattue par Maurice  Allard, député socialiste, qui estime qu’il y a une rupture avec la politique menée par le parti républicain depuis plus de trente ans. Il s’étonne, alors que le parti républicain n’a jamais cessé de combattre l’Église, que l’on demande de « déposer les armes et d’offrir un projet dit libéral, tel qu’elle-même n’aurait jamais osé le souhaiter. » Briand se présente comme un modéré alors qu’il pointe le caractère excessif de Maurice  Allard (« loi de suppression »). Faire de la loi une loi anticléricale serait une arme aux mains des ennemis de la République. Avant il fallait prendre des mesures répressives pour parer aux « dangers » encourus par la République ; maintenant ce serait la poursuite de telles mesures qui, indirectement, mettrait la République en danger. Les catholiques sont également partagés. Certains s’opposent à cette sécularisation et soutiennent des formations politiques plus conservatrices. À l’opposé, des hommes, tels que l’abbé Lemire, s’engagent derrière la République en allant à l’encontre des condamnations du Pape. Son engagement et son parcours témoignent des divisions au sein de l’Église. Itinéraire bis 1. La loi de 1905 repose sur la liberté de conscience et la neutralité de l’État qui n’intervient pas dans les affaires religieuses. 2. La loi concerne l’Église catholique, qui est ici moquée : prêtre endormi, pape aveuglé, multiples symboles détournés. L’Église catholique est la principale concernée en raison des liens traditionnels qui unissait le pouvoir politique et l’Église : « l’alliance du trône et de l’autel ». Ainsi, l’Église perd de son pouvoir et de son influence. 3. On peut construire un tableau afin de comprendre que la loi est discutée au sein de chaque groupe. 3. La Troisième République : un régime, un empire colonial 59

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Cours

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p. 86-87

Les territoires colonisés des puissances européennes Présentation du cours En 1871, la France est une puissance affaiblie et son redressement passe par la construction d’un empire colonial. Cette idée est défendue par Paul Leroy-Beaulieu, économiste libéral, qui considère qu’ « un peuple qui colonise, c’est un peuple qui jette les assises de sa grandeur dans l’avenir » (De la colonisation chez les peuples modernes, 1874). Cette opinion est partagée par les républicains opportunistes et les catholiques modérés. Ainsi, avec Gambetta et Ferry débutent vingt  années de conquête, d’exploration et de « pacification » armée. Les républicains, héritiers d’un empire, s’emploient à l’agrandir. Débute alors une véritable « chasse aux colonies » en raison de l’ouverture du canal de Suez, la découverte du fleuve Congo. Ces ouvertures font grandir les appétits, les tensions et renforcent les nationalismes des puissances européennes. Repère La carte présente les différents empires coloniaux en 1914. Les territoires français sont présentés en bleu et donne l’image d’un empire homogène. Cependant, Cette unité masque les profondes disparités de ces territoires : l’Algérie est un territoire départementalisé, la Tunisie est un protectorat depuis 1881 par le traité du Bardo, l’AOF est mise en place en 1895 alors que l’AEF n’existe qu’en 1910. Ces territoires sous administrés sont inégalement contrôlés et mis en valeur à moindre coût. La carte met aussi en évidence le « partage du monde » par les européens. Depuis la conférence de Berlin (novembre 1884-février 1885), quatorze pays définissent les zones d’influence en Afrique. Cette conférence a pour objet de neutraliser les conflits potentiels, en garantissant la libre-circulation des hommes et des denrées dans les bassins du Congo et du Niger. Malgré cette conférence, les tensions et les rivalités sont exacerbées. Doc. 1 Géographe et archéologue, Georges Saint-Yves publie un livre qui justifie la « colonisation bienfaisante d’une Europe civilisatrice ». Ce continent est l’objet de rivalités entre les puissances européennes et source de tensions. La couverture présente ainsi un soldat français érigeant un drapeau. En première position, il témoigne des accords conclus après plusieurs années de tensions afin d’établir un contrôle sur la péninsule indochinoise. Doc. 2 L’Assiette au beurre est un magazine satirique illustré français ayant paru de 1901 à 1936. La caricature montre deux Blancs : l’un enseigne à de jeunes Noirs les valeurs de la République française (symbolisées par un buste de Marianne) ; l’autre, en arrière-plan, est vêtu d’un 60 Histoire

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uniforme de colon et fouette deux Noirs qui portent un cercueil sur lequel est dessiné une croix catholique, et leur ordonne de se diriger vers un cimetière. Au premier plan, un Noir porte avec difficulté une caisse sur laquelle se trouve l’inscription impôts ; un autre se roule par terre de douleur après avoir ingurgité de l’absinthe. Son visage est marqué par la douleur et, dans un geste convulsif, il brise la bouteille par terre. L’image dénonce les décalages entre le message républicain s’appuyant sur les droits de l’Homme et la politique coloniale qui nie ces mêmes droits. Doc. 3 L’extrait du discours de Jules ferry est une véritable doctrine en faveur de la colonisation. On peut distinguer trois arguments : ––Un argument politique. Après la défaite face à la Prusse en 1871, la colonisation est un moyen de contribuer au retour du pays au premier rang des nations. Il s’agit donc d’une politique de grandeur. De plus, le climat nationaliste depuis 1870-1871 poussent les États les uns contre les autres. ––Un argument économique. La révolution industrielle accroît les besoins des pays européens en métaux précieux et en matières premières. La France doit donc accéder à de nouvelles ressources. Par ailleurs, le développement du protectionnisme pousse les pays européens à chercher de nouveaux marchés et de nouveaux débouchés. Après la Première Guerre mondiale, et de façon plus générale durant les crises, les puissances européennes se replient sur leurs colonies : les empires constituent des échappatoires à la crise. Les nouveaux territoires sont donc des marchés captifs. « La politique coloniale est fille de la politique industrielle. » ––Un argument humanitaire. Les nations européennes (« les races supérieures ») ont le devoir de répandre la science, la raison et la liberté aux pays moins développés. Il s’agit donc d’une œuvre émancipatrice : lutte contre l’injustice, l’esclavage et la « soumission aux ténèbres  ». Ferry en appelle aux droits de l’Homme pour justifier « cette nouvelle croisade civilisatrice ». C’est le « fardeau de l’homme blanc » selon Rudyard  Kipling. Ce sont les devoirs de la « civilisation » à l’égard de « la barbarie ». La conquête se fait ainsi dans la bonne conscience : alliance de la philanthropie et de la conquête, des droits de l’Homme et des rivalités de puissance, de l’esprit de mission et de commerce.

est une première étape. La conquête coloniale apparaît comme un moyen de compenser la perte de l’Alsace-Lorraine. Cette politique d’expansion interroge les républicains sur les principes énoncés et la politique conduite dans ces «  nouveaux territoires  ». Les nationalistes contestent ce « détournement », cet abandon des territoires conquis par la Prusse. Itinéraire bis 1. La couverture du livre montre bien plusieurs personnages issus de pays différents et qui partent à l’assaut de l’Asie, ce qui témoigne des rivalités entre les puissances européennes. 2. Jules Ferry, député de Paris, justifie la politique coloniale menée par la France à l’occasion d’un débat parlementaire sur le vote de crédits exceptionnels pour financer une

expédition à Madagascar. Jules Ferry défend ici les bienfaits économiques, humanitaires et stratégiques de la colonisation. 3. La question coloniale est un objet de débats, et ce dès la mise en œuvre de cette politique coloniale. Dans son discours, daté du 30 juillet 1885 et qui est une réponse au discours de Jules  Ferry, Clemenceau réfute l’argument humanitaire du chef du gouvernement en montrant que coloniser s’oppose à civiliser. Coloniser c’est la négation du droit. La caricature de l’Assiette au beurre dénonce les traitements infligés aux populations colonisées (esclavage, fiscalité, soumission) alors que la République cherche à diffuser les droits de l’Homme. La caricature souligne donc le paradoxe de cet engagement de la République dans la colonisation

Choisir un itinéraire Itinéraire 1 Après la défaite de 1871, la nouvelle République doit trouver de nouveaux combats pour reconstruire sa puissance. La reconstruction politique sur de nouvelles bases 3. La Troisième République : un régime, un empire colonial 61

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capacités et méthodes

p. 90

QUESTION OBLIGATOIRE

Les arguments sont également politiques (quête de puissance) et « humanitaires » (civiliser et diffuser sciences, progrès et raison). Cette « mission civilisatrice » est un habillage républicain d’une politique de puissance qui n’envisage guère d’assimiler l’indigène. 4. Les axes à développer sont les mobiles économiques et il faut également nuancer cette affirmation que d’autres mobiles sont à l’œuvre. Vers le bac p.91

vers le bac

p. 59

QUESTION OBLIGATOIRE

L a Troisième République : un régime, un empire colonial Questions de connaissances 1. Les trois symboles de la République française sont Marianne, la Marseillaise et la fête nationale du 14 juillet. 2. Les trois grandes lois républicaines sont les lois scolaires de 1881-1882, la loi de séparation des Églises et de l’État. 3. ––l’installation de la République : 1870, 1875 ––la première célébration du 14 juillet : 1880 ––l’affaire Dreyfus : 1894-1906

d’émancipation sociale

Analyser les documents

Employer les notions et le lexique acquis en histoire à bon escient Entraînement 1. Il s’agit de trouver des arguments qui permettront d’établir un lien entre la politique coloniale et la politique industrielle. 2. Les acteurs de ces politiques sont les hommes politiques, les militaires, les aventuriers et les missionnaires. La France se lance dans l’aventure coloniale dès 1830. La IIIe république relance cette politique. 3. Les mobiles de cette colonisation sont ici économiques : il s’agit de trouver des ressources, des matières premières et des débouchés.

B L’instruction des filles, un outil

4. L’antisémitisme est une doctrine ou une attitude se caractérisant par la haine des juifs. 5. la loi de Séparation des Églises et de l’État est un événement majeur de la IIIe République : car elle met en place et affirme une république laïque. 6. La colonisation est l’occupation et l’exploitation d’un territoire par une population qui n’en est pas originaire. 7. « Les rapports sont inégaux entre colons et colonisés » car les droits politiques des colonisés sont absents, ils sont exploités et forcés au travail. 8. Selon le document, la République apporte sécurité, protection, abondance, richesse, culture et éducation.

6. Les femmes exercent les activités de sage-femme, de maîtresse d’école, de servante, d’ouvrière et de paysanne ou encore de marchande, métier situé en haut de la pyramide. 7. Les femmes accèdent aux métiers d’avocate, d’enseignante ou d’infirmière. 8. Il s’agit bien d’une émancipation sociale en raison des lois de la République qui permettent d’accéder à ces nouveaux métiers. 9. Le regard est encore désapprobateur et péjoratif sur la place des femmes. Dans un cas, on les range au niveau de « femmes futiles », dans l’autre, pour convenir aux codes de la société, les femmes jouent un rôle. 10. Quel rôle l’instruction a-t-elle joué dans cette accession ? Grace aux lois scolaires et à l’école de Sèvres, les femmes acèdent à un enseignement encore très marqué. 11. Cette ancienne lycéenne montre que si l’enseignement s’est ouvert, la société est encore à convaincre. De fait, il s’agit d’un « couvent public » où les femmes seraient hors du temps. La société n’étant pas prête à cette émancipation, les femmes ont dû faire preuve de « prudence ». Activité bilan Rédiger un commentaire structuré afin d’expliquer en quoi l’instruction est un outil d’émancipation sociale qui présente des limites ? Il s’agit de montrer qu’une volonté politique se heurte parfois aux résistances de la société.

C L’instruction des filles, un enjeu politique

Analyser les documents 12. Les enseignantes sont formées dans des écoles (école de Sèvre) et reçoivent des enseignements variés afin de disposer de compétences multiples. 13. Le combat de la République est conduit contre les congrégations religieuses. Il s’agit de retirer l’enseignement, la formation de la jeunesse aux religieux. Ces enseignants sont considérés comme hostiles à la République et aux idées de la société moderne. 14. Les programmes sont laïcisés dès 1882. L’enseignement étant laïcisé, il faut également laïciser les enseignants. Cette laïcisation doit être rapide : le laps de temps est fixé à cinq ans pour les écoles de garçons. 15. La première revendication des femmes est l’égalité de l’instruction. Les femmes revendiquent le droit aux mêmes enseignements afin de garantir une liberté de conscience, une liberté d’opinion et une liberté d’action. 16. Cette liberté de conscience et cette liberté d’action doivent permettre d’accéder à des droits politiques. Les femmes doivent disposer du droit de vote afin de discuter des lois et consentir à l’impôt. 17. Les femmes doivent également militer, convaincre et diffuser le message républicain pour lutter contre l’obscurantisme. La diffusion du savoir par le biais des universités populaires est un outil de cette lutte. Activité bilan Construire un tableau de synthèse qui permettra de montrer que l’instruction des filles débouche sur de nouvelles revendications économiques, sociales et politiques.

B Sujet d’étude au choix Sujet d’étude

1

p. 92-93

L’instruction des filles sous la Troisième République avant 1914 A Une instruction des jeunes filles

en progrès

Analyser les documents 1. Selon Hubertine Auclert, aucun effort n’a été fourni pour élever l’éducation des femmes en leur offrant une plus large formation. Les femmes restent cantonnées aux tâches ménagères. Si on inverse leur formation, la société changera. 2. La loi de Camille Sée y répond en garantissant une scolarisation des filles mais toujours avec des enseignements spécifiques. 62 Histoire

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3. Même si les filles sont toujours moins scolarisées, la progression est significative. En effet, la part des filles dans l’enseignement secondaire augmente, passant de 3 500 en 1885 à 35 000 en 1914 et le pourcentage de filles illettrées passe de 31 à 2.7 %. 4. Les enseignements délivrés aux jeunes filles sont des enseignements traditionnels : couture, ménage, instruire les enfants et faire preuve d’honorabilité. 5. Chaque genre est « confiné » à un rôle spécifique. Activité bilan L’objectif est de montrer que le combat des filles est un combat d’actualité par le biais d’une carte mentale.

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capacités et méthodes

p. 99

Sujet d’étude Procéder à l’analyse critique d’un document selon une approche historique 1. Le document est une photographie prise dans une salle de classe lors d’une leçon de lecture. 2. La salle de classe correspond aux règles de la loi du 17 juin 1880 : espace, nombre de rangées de table, lumineuse. Au mur, on peut voir des cartes murales, le règlement, une déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. La photographie présente une leçon de lecture : l’institutrice est à son bureau avec un livre ouvert. Elle est assistée par deux femmes situées à sa droite. Les jeunes filles sont debout devant le bureau avec le livre ouvert. On peut supposer que les élèves sont amenées à lire à tour de rôle. 3. Il s’agit de forme et d’éduquer comme en témoignent les documents au mur et dans l’armoire. 4. Les filles reçoivent un enseignement mais celui-ci est différent de celui des garçons : il s’agit de former des épouses et des mères. Sujet d’étude

2

p. 100-106

Vivre à Alger au début du xxe siècle A Alger, une ville française hors de France

Analyser les documents 1. La ville d’Alger a connu deux périodes d’extension : de 1830 à 1880 avec une vision militaire de l’espace puis à partir de 1880 avec des opérations de développement. La ville s’étend vers le Sud. 2. Comment la ville est-elle organisée ? Alger est marquée par une forte bipolarité urbaine coloniale où l’on distingue la ville européenne et la ville arabe. 3. La population connaît une forte croissance : elle passe de 50 000 habitants en 1830 à plus de 220 000 en 1926. La forte arrivée de colons européens explique cette croissance (sur la même période, cette population passe de moins de 10 000 à 170 000). 4. Le port est agrandi, des places sont créées, des gares sont construites et des boulevards sont aménagés. 5. Il s’agit d’aérer la ville, de construire une ville à l’image des villes françaises et de faciliter le déplacement des troupes afin de contrôler l’espace urbain. 6. Deux villes cohabitent mais ne se pénètrent pas pour autant : au symbolisme de la Casbah répond le fonctionnalisme de la ville européenne, à l’espace fermé un espace ouvert.

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Activité bilan Montrez en quoi Alger est le résultat d’une construction politique visant à créer une ville française hors de France. Les nombreux aménagements de la ville (extension du port, construction d’infrastructures…), la forte croissance de la population, la bipolarité de la ville permettent de démontrer que Alger est « la porte de France ». B Alger, une ville coloniale

15. Les critiques portent sur l’existence de l’indigénat, la mise en place d’un système répressif violent, la spoliation des biens indigènes et l’absence de droits politiques pour les indigènes 16. Maupassant livre un témoignage de la spoliation dont sont victimes les indigènes qui se retrouvent sans bien, ce qui nourrit un sentiment tenace de révolte. Toutefois, il affirme que la présence européenne sera un bienfait et apportera davantage de richesses à ce territoire. 17. Les algériens souhaitent disposer de droits politiques afin de désigner des représentants qui pourront défendre les intérêts de la population arabe. Le peuple algérien souhaite mettre un terme à l’exploitation et à la répression dont il est victime.

18. Les auteurs craignent une rupture qui pourrait déboucher sur des soulèvements et des révoltes. 19. Les émeutes antisémites et les victoires des nationalistes aux élections témoignent des tensions qui traversent la société algéroise. Activité bilan Réalisez une carte mentale afin de rendre compte des inégalités et des tensions présentes dans cette société. On peut construire la carte mentale à partir des inégalités de différentes natures, des revendications et des tensions qui en découlent.

Analyser les documents

7. Les distinctions entre les populations reposent sur les nationalités et les différentes religions. 8. À Alger, les communautés présentes sont européennes, française, israélites et musulmanes (indigènes). 9. La Casbah est située sur la partie haute de la ville et en gradins. Elle est constituée de rues tortueuses qui constituent un labyrinthe d’autant que les rues ne portent pas de noms. La topographie est orale. 10. Les communautés cohabitent mais ne se mélangent pas. Les européens portent un regard hautain et méprisant sur la communauté indigène. 11. La salle de classe ne ressemble en rien à celle de la métropole. Plus d’une centaine de garçons sont présents, le regard fixé vers l’objectif. Au fond, on peut distinguer des enfants européens (ceux de l’instituteur entre autres). Le maître (au fond, à gauche) peut compter sur deux adjoints (un européen et un indigène, à gauche de la photographie). Le matériel rappelle davantage une classe de métropole avec le tableau noir, des instruments de mesure, des planches pédagogiques, un globe et une représentation de la toute récente Tour Eiffel. 12. Les inégalités sont nombreuses en termes de richesse, d’accès à l’éducation et d’accession à la terre. Activité bilan Présentez à l’oral cette société coloniale, cette juxtaposition de sociétés. C Alger, une ville sous tensions

Analyser les documents 14. Présentez les auteurs des documents. Les auteurs délivrent des regards, des points de vue différents : le regard d’un voyageur, celui d’un économiste (un expert) et celui d’un journaliste indigène.

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capacités et méthodes

p. 107

Sujet d’étude Mettre en relation des faits ou événements de nature, de périodes, de localisations différentes

1. Les documents sont deux photographies de salles de classe à la fin du xixe siècle. 2. Les documents portent sur la même période (fin xixe siècle) mais dans des espaces éloignés : le nord de la France et le nord de l’Algérie.

3. On retrouve dans les deux classes du personnel (instituteur et adjoints) ainsi que du matériel. En revanche, les effectifs différents et varient du simple au double. Par ailleurs, à Hellemmes, les élèves sont en activité alors qu’en Kabylie, ils posent et le regard des enfants fixent l’objectif, la photographie ne permet donc pas de mesurer les réelles activités conduites en classe, ni les enseignements délivrés.

vers le bac L’instruction des filles sous la Troisième République avant 1914 Questions 1. Le premier document est un article rédigé par un historien dans La Revue française de pédagogie. Cet article porte sur l’ouvrage de Françoise Mayeur, historienne spécialiste de l’enseignement des jeunes filles sous la IIIe République. Le second document est une photographie d’une classe déplacée en extérieur pour des raisons sans doute technique afin de réaliser le cliché. 2. L’objectif de la loi est de retirer toute influence à l’Église dans l’éducation et la formation des filles. 3. L’émancipation des filles est perceptible par l’accession à l’éducation, par l’accès à des emplois d’enseignantes avec la mise en place de l’École normale supérieure de Sèvres. 4. Les enseignements délivrés visent toujours à former de bonnes épouses et de bonnes mères. Les institutrices sont issues de la bourgeoisie et constituent ainsi une remise en cause d’un ordre moral traditionnel. Leur insertion dans la société est encore difficile.

p. 108-109

Vivre à Alger au début du xxe siècle Questions 1. Le document est un almanach qui délivre des informations variées (travaux agricoles…). Publié à Alger, il est destiné aux populations européennes locales mais également aux métropolitains. La couverture est une invitation à venir dans cette « Algérie heureuse ». 2. L’européanisation est perceptible avec la production de vin mais également avec le blé. On peut également relever cette européanisation avec les constructions d’habitations et la présence d’une église dont on voit le clocher. 3. Les transformations sont multiples et de différentes natures : exploitation agricole, élevage, ligne de chemin de fer, port d’Alger et aménagement de la ville. 4. Le colon est l’exploitant et l’indigène est un ouvrier agricole. L’acquisition des terres se fait au détriment de la population locale.

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Histoire THÈME

4

La Première Guerre mondiale et la fin des empires européens

Présentation du thème Ce thème invite à analyser la progressive totalisation du conflit par dimension mondiale, industrielle et ses conséquences tant humaines que politiques. La guerre est aussi totale car elle conduit à restructurer le monde. « À guerre totale, transformations générales » (Vaisse, Dufour, 1993), le conflit accélérant des mutations déjà en cours. Le thème s’inscrit par ailleurs dans une nouvelle configuration historiographique, développée par Jay  Winter, auteur d’une synthèse en trois volumes sur la Première Guerre mondiale publiée par la Cambridge History et les éditions Fayard en France (Volume  1 : combats/Volumes  2 : États/volume  3 : sociétés). Selon cet historien : « Voilà la première guerre entre pays industrialisés qui atteignit le Moyen Orient et l’Afrique, les Malouines et la Chine, aspirant les soldats vers l’épicentre européen depuis Vancouver et Le Cap, Bombay et Adélaïde. Voilà une guerre qui donna naissance à la Turquie d’Atatürk et à l’Union soviétique de Lénine et de Staline. Les exigences de décolonisation procédèrent d’une guerre qui avait promis l’autodétermination sans qu’il y eût beaucoup de suites. »

Rappel des notions associées au thème Diplomatie : politique qui concerne les relations entre les États, leur représentation à l’étranger et la défense de leurs intérêts. Empire multinational : communauté politique composée de peuples ou de nations différents, réunis autour d’un pouvoir unique. Front : zone contestée par deux forces combattantes. La ligne de front peut être en constant déplacement (guerre de mouvement) ou statique (guerre de position). Génocide : crime intentionnel et planifié contre un groupe national, ethnique, religieux ou racial. Le terme est adopté par l’ONU en 1948 et s’est appliqué rétrospectivement (cf. génocide des Arméniens). Mobilisation : terme désignant l’emploi de toutes les forces d’un pays pour la guerre. Elle peut être humaine (mobilisation générale pour les soldats), économique (économie de guerre), psychologique (censure et propagande). Traité : convention écrite et signée solennellement entre deux ou plusieurs États. Une image Carte sério-comique de l’Europe en guerre, Walter Emanuel, 1914 (p. 110) La carte n’indique pas de date précise, mais semble avoir été réalisée après l’attentat de Sarajevo et le déclenchement du conflit. Le point de départ du conflit se trouve sur la patte du 68 Histoire

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chien austro-hongrois, piqué par une guêpe. La carte évoque aussi la politique étrangère des pays européens, en focalisant l’attention sur les trois chiens (anglais, français et allemand), dont les aboiements sont les plus forts, comme le sont leur poids économique et leur place dans les relations internationales. Les ambitions de la Russie sont montrées par l’énorme rouleau compresseur qui écrase la queue du chien austro-hongrois. L’auteur valorise les forces britanniques. Cependant, son inquiétude s’exprime à travers le titre, les chiens aboient, qui correspond aux premiers mots d’une ancienne chanson populaire anglaise. Ils font « un tintamarre infernal », « la paix a été jetée aux chiens ! ». Les pays voisins regardent, angoissés le déroulement de ce combat, commencent à dégainer leurs armes (par exemple, la Grèce et la Bulgarie qui se tournent vers la Turquie) ou semblent hésiter (l’Italie, par exemple). L’auteur semble aussi attribuer à tous une part de responsabilité dans le déclenchement du conflit. Le document permet aussi de situer l’Europe comme le cadre du début de la guerre, d’identifier les acteurs du conflit par les symboles et d’évoquer la mécanique des alliances qui conduit au déclenchement du conflit. Une vidéo Apocalypse, la Première Guerre mondiale, Daniel Costelle, Isabelle Clarke, 2014 (p. 110) Ce documentaire a été diffusé en 2014, lors du centenaire de la Première Guerre mondiale. Le commentaire de Mathieu Kassovitz sur fond d’images colorisées rappelle ce qui a conduit au conflit, l’attentat de Sarajevo, en interrogeant sa portée réelle, au vu de la réaction des opinions publiques (à l’origine, un fait divers) et des autorités des pays Européens. Ainsi, comme le programme invite à le faire, la responsabilité de l’Autriche-Hongrie dans l’exploitation de l’attentat et le déclenchement de la guerre est questionnée (cf. sujet d’étude p.  132-133 du manuel élève). Une frise (p. 111) La frise chronologique présente quelques dates phares de la Première Guerre mondiale et renvoie pour l’essentiel à des repères évoqués par les documents du cours et des sujets d’étude. La question dans le thème et moi, permet d’incarner ces repères par le rappel des commémorations dont ils font l’objet ou des lieux de mémoire qui transmettent leur mémoire. Une carte mentale (p. 111) Elle réunit les axes de réflexion retenus pour traiter le thème : l’allongement du conflit, son caractère mondial et meurtrier, l’émergence et l’émergence d’un nouvel ordre mondial. L’élève peut exemplifier ces différentes dimensions à l’aide de la chronologie.

Le thème et moi (p. 111) Une image Malgré un cadre politique différent, avec la construction européenne, les rivalités entre les pays européens persistent et la résurgence de tensions liées à la présence d’anciens empires (la Turquie, la Russie, par exemple) est forte. L’exploitation de la mémoire du conflit dans ces tensions peut être interrogée. Une vidéo La région à l’origine du conflit se situe dans les Balkans. Elle constitue une véritable « poudrière » et a vu se dérouler d’autres conflits entre minorités techniques, notamment pendant la Seconde Guerre mondiale, et à partir de 1911 en Yougoslavie. Une frise Une réflexion peut être conduite sur le regard que les élèves portent sur le conflit, alors que vient de se terminer un grand cycle de commémorations et sur les rapports entre histoire et mémoire, en interrogeant ce qu’ils retiennent du conflit. La mémoire est effet le « présent du passé » : on se souvient, on oublie et on commémore en donnant du sens pour le présent. L’évolution des commémorations du 11  novembre l’ensemble de la période permet de mesurer la transformation de leur sens. Les cérémonies dans l’immédiat après-guerre visent à honorer les morts, rappeler leur sacrifice, aider les survivants à surmonter leur disparition. Les premières discours appellent à savourer la victoire et à la revanche, puis, plus pacifistes, ils défendent l’idée du « plus jamais ça ». Aujourd’hui, la signification même du 11  novembre a

A

changé, puisque la loi du 28 février 2012 en a fait le jour anniversaire de l’armistice de 1918 mais aussi de la commémoration annuelle de la victoire et de la paix. Ce jourlà, il est rendu hommage à tous les morts pour la France. Le professeur peut s’appuyer sur les ressources suivantes : ––http://www.lemonde.fr/societe/article/2013/11/11/les11-novembre-les-plus-marquants-de-l-histoire-defrance_3508691_3224.html ––http://www.vie-publique.fr/discours/selectiondiscours/commemorations-du-11-novembre-1918. html ––http://www.cndp.fr/entrepot/index.php?id=2 Une carte mentale L’élève peut, par exemple, associer « une guerre très meurtrière » à la bataille de la Somme ou encore « une guerre mondiale » à l’entrée en guerre des États-Unis. L’objectif de l’exercice est double : ––s’assurer des prérequis des élèves, démarche nécessaire avant d’aborder tout nouvel apprentissage et réactiver ses prérequis. ––avoir une vision globale des connaissances à acquérir et une meilleure compréhension du sens de ce qui va être étudié. Mise en relation des documents Que le professeur retienne une ou plusieurs des entrées possibles dans le thème, il peut conduire les élèves à saisir les attentes de celui-ci, à le problématiser.

Question obligatoire

La Première Guerre mondiale bouleverse les sociétés et l’ordre européen Cours

1

p. 112-113

La Première Guerre mondiale, une guerre totale Présentation du cours La Première Guerre mondiale est qualifiée de « guerre totale ». Ce terme, employé dès 1919 par le maréchal allemand Ludendorff dans ses Mémoires et popularisé dans un ouvrage publié en 1936, désigne la réalité nouvelle de la guerre. L’ensemble des composantes d’une société est mobilisé pour mener à bien le conflit (atteindre les objectifs fixés, vaincre l’ennemi voire l’anéantir). Les recherches actuelles interrogent cette « totalisation du conflit », pour reprendre l’expression d’Annette Becker. Elles soulignent une dynamique de radicalisation. En 1914, l’idée d’un conflit court n’induit pas la construction mentale d’une guerre totale. Elle le devient avec la durée

de la guerre et le passage de la guerre de mouvement à la guerre de position. L’industrialisation du conflit peut être aussi abordée avec le sujet d’étude sur la bataille de la Somme (Cf. p. 124-125 du manuel élève). Enfin, la durée du conflit interroge l’existence d’une culture de guerre, fondée sur le consentement au conflit des soldats (Doc. 1) et plus largement de la société (Doc. 3). L’intérêt de la démarche est de lier histoire des soldats et des civils, pour dépasser la division antérieure entre le front et l’arrière, en examinant la « communauté de culture » qui unit combattants et civils. Repère La carte présente les Empires centraux et les pays de l’Entente et leurs empires. Elle permet de voir l’extension du conflit dans l’espace et dans le temps : les principaux belligérants sont entrés en guerre entre le 28 juillet et le 4 août. La crise, à l’origine localisée dans les Balkans devient européenne du fait de la mécanique des alliances. Avec l’enlisement du conflit, de nouveaux pays rejoignent 4. La Première Guerre mondiale et la fin des empires européens 69

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ensuite les pays de l’Entente : l’Italie (mai  1915), le Portugal (mars  1916), la Roumanie (octobre  1916) la Grèce (novembre  1916). Les empires centraux : Empire ottoman (Octobre 1914), la Bulgarie (octobre 1915). La carte permet aussi de localiser la présence de quatre fronts : ––À l’ouest, en France et en Belgique, l’attaque étant lancée par l’Allemagne (plan Schlieffen). ––À l’est, entre la Russie et l’Allemagne : l’offensive est lancée par les Russes qui envahissent une partie de la Prusse et de l’Autriche. Leur offensive est stoppée en août 1914, après la bataille de Tannenberg. Après la stabilisation des fronts, les Allemands reprennent l’offensive sur le front russe dès 1915 et remportent des victoires décisives, occupant toute la Pologne, la Lituanie et une partie de la Lettonie. Une offensive, lancée par les pays de l’Entente dans les Dardanelles pour contrôler les détroits et soulager la Russie échoue. La Russie, très affaiblie voit en 1917 deux révolutions renverser le pouvoir politique. Les Bolcheviks signent le traité de Brest-Litovsk, en mars 1918. ––Sans le sud-est, entre les pays de l’Entente (Serbie, Roumanie, Grèce), pris en étau entre l’Empire austro-hongrois et la Bulgarie et l’Empire ottoman. On peut aussi noter le front entre la Russie et l’Empire ottoman. L’attaque de Sarikamich, dans le Caucase en décembre 1914-janvier 1915, où près de 100 000 soldats ottomans meurent, ouvre l’Anatolie aux armées du Tsar. ––Entre l’Empire ottoman et la Grande-Bretagne qui essaie de l’affaiblir sur son flanc sud : Une rébellion, soutenue par Lawrence d’Arabie, pour le compte des britanniques est menée entre 1916 et 1916 par Hussein Ibn Ali, chérif de la Mecque afin de libérer la péninsule arabique de l’Empire Ottoman. En 1917, Le ministre des Affaires étrangères britannique, Lord Arthur Balfour, promet l’établissement d’un État juif en Palestine. Les britanniques envahissent la Palestine dont ils gardent le contrôle jusqu’en 1947. La carte permet aussi d’identifier les principales formes du conflit, à la fois terrestre, mais aussi maritime (Doc. 2). Il apparait essentiel de ne pas se focaliser sur le front occidental, mais de montrer l’influence des fronts les uns sur les autres comme l’importance de la position géostratégique des belligérants. Présentation des documents Doc. 1 Le document est extrait d’un journal rédigé par Émile Carrière (1882-1977), professeur de chimie et mobilisé en août 2014. Cet extrait évoque le début de l’offensive allemande. L’Allemagne en est à l’origine, car elle doit se battre sur deux fronts. Elle prévoit d’en finir rapidement avec la France avant de se retourner contre la Russie. Elle attaque la Belgique, pourtant neutre, en août  1914. D’abord couronnée de succès, l’offensive est brisée lors de 70 Histoire

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la bataille de la Marne entre le 6 et 10  septembre 1914. L’auteur décrit le recul des troupes françaises (journal du 1er septembre). Les Allemands parviennent ainsi aux portes de Paris le 2 septembre. Puis, la contre-offensive française après le 6 septembre surprend les troupes allemandes fatiguées par leur course en avant, puis par l’attaque russe en Prusse-Orientale, plus rapide et plus violente que les Allemands ne l’avaient prévue. Chaque camp essaie ensuite de déborder l’autre lors de la course à la mer (journal du 17  septembre). Le témoignage rend compte du caractère très meurtrier des premières batailles qui montrent l’échec de la guerre de mouvement. Le front se stabilise du fait de l’équilibre des forces sur 800 km. Doc. 2  Cette lithographie, réalisée par Sandy-Hoook, représente le torpillage du Falaba le 28 mars 1915 Avec le blocus maritime britannique dès l’automne 1914 qui met en danger leur économie et leur effort de guerre, l’Allemagne décide d’établir un contre-blocus pour asphyxier à leur tour l’économie britannique. Pour renforcer l’efficacité de ses sous-marins qui auraient dû autrement remonter à la surface, l’Allemagne s’affranchit des lois maritimes (on ne coule un navire qu’après s’être assuré de son identité, après s’être livré à des sommations et évacué les l’équipage et les passagers à qui on doit fournir un moyen de regagner la terre). Entre février et septembre 1915, les sous-marins allemands coulent 21  navires sur les 5  000 qui se rendent sur les îles britanniques ou en partent, ce qui contribue à radicaliser la position britannique (saisie de toute marchandise en direction. Les États-Unis protestent auprès des deux belligérants d’abord contre les entraves au commerce international, mais aussi parce que ces incidents multiplient les risques d’une entrée en guerre des États-Unis. Le torpillage du Fabala constitue le premier incident grave avant celui du Lusitania. Le navire est en effet coulé le 28 mars en mer d’Irlande, à 60 km de la côte galloise. Parti de Liverpool, il faisait route vers la Sierra Léone, avec à son bord 242  passagers et plusieurs tonnes de cartouche. Le navire paraît suspect aux Allemands qui ne parvient pas à identifier sa nationalité. Le commandant du U Boot donne alors cinq minutes aux passagers pour quitter le navire dans des radeaux de survie. Pour une raison inexpliquée, sa torpille fait feu avant ce délai. Le Fabala coule entrainant la mort de 104 personnes, dont un ingénieur minier américain. Cela suscite une vive indignation aux États-Unis, comme en témoigne cette lithographie ou la réaction du New York times qui parle de «  meurtre  ». Si beaucoup d’Américains sont émus, d’autres, comme le secrétaire d’État William Jennings Bryan pensent que la victime s’est exposée au danger en voyageant dans une zone de guerre sur un navire belligérant. Ils jugent son attitude d’autant plus irresponsable qu’une telle attaque risque d’entrainer le pays dans la

guerre. La multiplication des incidents et surtout le torpillage du Lusitania le 7 mai 1915 qui entraine la mort de 1  198  personnes sur 1  250, entraine un revirement de l’opinion publique. Le gouvernement allemand cesse alors ce type de guerre sous-marine illimitée, c’est-à-dire contre les navires sans restriction, du fait des conséquences politiques trop élèves. La guerre sous-marine à outrance reprend cependant en 1917. Doc. 3 Cette affiche, dessinée par Georges Redon, incite les Français à souscrire aux emprunts de défense nationale, mis en place en 1915. C’est la banque Société Générale fondée en 1864 qui porte cet emprunt. Ce type de document pourrait donner à penser que les populations consentent unanimement à l’effort de guerre. Dans la réalité, les motivations peuvent être diverses. Jean-Baptiste Duroselle rappelle ainsi que « gagner de l’argent sous couvert de patriotisme convenait très bien à l’atmosphère de l’Union sacrée » (écrit Jean-Baptiste Duroselle dans La  Grande Guerre des Français). Par ailleurs, les soldats peuvent se montrer réticents à de telles opérations. Dans une lettre saisie par le contrôle postal, un soldat du 264e  régiment d’infanterie écrit ainsi à son épouse : « Si je te disais qu’ils ont le toupet de demander aux soldats de souscrire pour la continuation de la guerre et de les faire tuer. Jamais de ma part ils auront [sic] un sou. Et je te défends, et surtout ta mère, qu’elle ne fasse pas [sic] cette bêtise de souscrire ».

Choisir un itinéraire Itinéraire 1 La guerre de mouvement se transforme en guerre de position, ce qui génère une transformation de la nature du conflit. Ainsi, c’est au cours de l’année 1915 que les Français ont baptisé la guerre « Grande Guerre » et les Allemands « Weltkrieg ». Le blocage stratégique provoqué par la guerre de position conduit à une mobilisation en profondeur des sociétés belligérantes sans laquelle la prolongation de ce nouveau type de guerre n’aurait pas été possible. La guerre totale suppose la mobilisation de la totalité des forces militaires, économiques, humaines, psychologiques, l’accroissement du rôle de l’État. Elle mobilise ainsi tous les niveaux de l’échelle sociale (soldats, femmes, enfants, artistes, étrangers…). La guerre totale prend ainsi des formes multiples (une guerre économique, avec le blocus suivi de la guerre sous-marine à outrance). Ce processus de totalisation obéit à une logique cumulative, même si des retours en arrière sont possibles. Les documents permettent d’examiner et d’interroger la notion de culture de guerre, définie par Stéphane Audouin-Rouzeau et Annette Becker comme « un corpus de représentations du conflit cristallisé en un véritable système donnant à la guerre sa signification profonde » et qui renvoie « à l’outillage mental mis en œuvre par les

hommes et les femmes pour comprendre le monde en guerre dans lequel ils vivent et lui donner du sens ». Itinéraire bis 1. La chronologie des documents renvoie à l’idée de totalisation du conflit et le contenu montre la rupture qui s’opère entre 1914 et 1915. 2. La guerre de mouvement est une stratégie militaire utilisant des déplacements rapides pour remporter la victoire. Elle repose sur : ––l’utilisation d’une infanterie légère et mobile ; ––une dynamique marquée par l’offensive. Les soldats doivent « se porter en avant » ; ––d’importants moyens modernes (notamment l’artillerie, mais aussi les mitrailleuses « une grêle de balles et d’obus »). Le témoignage montre combien cette guerre de mouvement fut de courte durée, l’auteur mentionnant dès septembre 1914 la présence de tranchées à partir desquelles les troupes allemandes lancent leurs attaques et la stabilisation du front. Le système défensif, provisoire montre très rapidement sa supériorité sur l’offensive. La guerre de mouvement continue cependant à être recherchée sur d’autres fronts (Front de l’est, Balkan, opération des Dardanelles en 1915, Proche-Orient) ; 3. La guerre sous-marine conduit les Allemands à torpiller des bateaux ennemis, pour répondre au blocus maritime britannique. La lithographie, en insistant sur le torpillage, les victimes qui tombent à l’eau sans être secourue et en mettant en scène les Allemands sur le sous-marin qui semblent avoir des gestes triomphants, construit l’idée d’exactions. Ces représentations contribuent à alimenter le revirement de l’opinion publique américaine. De fait, le blocus et sa réponse, la guerre sous-marine à outrance constituent un élément de totalisation du conflit, du fait de leur conséquences alimentaires et économiques d’une part, militaires, diplomatiques et morales d’autre part, avec l’entrée en guerre en 1917 des États-Unis. 4. La mobilisation est d’abord humaine, avec celle des soldats qui partent sur le front (le portrait du soldat), alors que celle des civils est minimisée, la femme étant représentée au foyer, s’occupant des enfants. Le document construit une représentation, en décalage avec les réalités. La guerre est en effet une rupture, car les femmes déjà présentes sur le marché du travail, exercent désormais seules les responsabilités et occupe des emplois nouveaux. La mobilisation est aussi économique, avec la nécessité du financement de la guerre par le recours à l’emprunt, pour financer l’armement. Le document témoigne de la mobilisation des esprits avec la propagande qui vise les civils. On peut voir les éléments d’une culture de guerre qui justifie le conflit : le patriotisme (suggéré par les couleurs), le sens du devoir et la conviction d’être dans son bon droit (on libère le territoire qui a 4. La Première Guerre mondiale et la fin des empires européens 71

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été envahi, on défend sa famille). La mobilisation de tous les niveaux de l’échelle sociale : ce n’est pas l’État qui organise cette propagande, mais ici la Société Générale. La guerre est l’affaire de tous, même les enfants visés par cette affiche, pour qu’ils acceptent l’idée du sacrifice d’un proche et apprennent leur rôle de citoyen. Le document soulève la question du consentement de la population qui ne résulte pas seulement d’un bourrage de crâne, mais s’appuie sur un ensemble de représentations du conflit, qui lui donne un sens et qui vient de la population elle-même. L’affiche, en dénonçant « les horreurs de la guerre », traduit par ailleurs une évolution de l’opinion publique, lassée par le conflit.

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Une guerre mondiale Présentation du cours 72 pays ont participé à la Première Guerre mondiale. Le cours interroge les formes que prit la mondialisation du conflit. Il s’agit donc d’identifier les logiques qui amenèrent certains pays à participer à la guerre, leur degré d’implication, mais aussi de commencer à envisager les conséquences du conflit et la façon dont il a pu influencer l’histoire de ces pays. Le théâtre des opérations est ainsi immédiatement mondial, certains pays espérant en tirer des avantages ou étant impliqué dans le conflit de fait de leurs obligations coloniales. Le caractère mondial du conflit s’affirme surtout parce que les grands États colonisateurs, la France et le Royaume-Uni ont recours aux ressources de leurs colonies. Enfin, l’entrée en guerre des Etats-Unis marque un tournant. Repère La carte évoque l’entrée en guerre des différents belligérants et sa chronologie. La guerre d’abord européenne et mobilise immédiatement les empires coloniaux. Puis, le conflit dure et s’élargit à de nouveaux États et de nouvelles zones : l’entrée en guerre de certains pays européens est plus tardive, car ils cherchent à savoir quel camp protègera au mieux leurs intérêts. Ils cherchent souvent à obtenir des garanties. Enfin, la carte permet d’identifier l’année 1917 comme l’année de l’élargissement maximum du conflit, avec l’entrée en guerre des États-Unis, et dans leur sillage des pays d’Amérique Latine, mais aussi l’entrée en guerre de la Chine. Présentation des documents Doc. 1 Cette carte postale rend compte du point de vue d’un Français sur l’entrée en guerre du Japon qui rejoint le camp allié le 23 aout  1914. Le Japon est entré dans le conflit car l’ultimatum exigeait que les Allemands lui transfèrent ses concessions chinoises, ce qu’ils ont refusé. 72 Histoire

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Le Japon lance alors une attaque sur Qingdao, qui passe le 11  novembre 1914 sous son contrôle. Entre septembre 1914 et janvier 1915, il occupe les archipels micronésiens allemands. La carte postale tend à légitimer son intervention alors que le soutien militaire du Japon était en cohérence avec sa véritable motivation, accroitre ses intérêts en Chine. Le Japon présenta ainsi le 18  janvier 1915, ses « vingt et une exigences » dont une demandait à la Chine de nommer des conseillers japonais pour les affaires politiques, financières, et militaires. Les exigences japonaises amenèrent le gouvernement chinois à clarifier ses objectifs. C’est ainsi qu’en août 1917, la Chine déclara la guerre aux Empires Centraux. La Chine espérait alors retrouver une forme de souveraineté abandonnée à d’autres États depuis les guerres de l’Opium. Elle espérait être reconnue dans le concert des grandes nations. Sa grande contribution fut de fournir 140  000 travailleurs chinois pour soutenir l’effort de guerre français et britannique et ce, dès 1915. Leur contribution est une donnée importante de la guerre totale. Doc. 2 Cette affiche appartient à une série d’affiches de propagande commandées par le Ministère de l’Instruction Publique et des Beaux-Arts pour les enfants des écoles de France. La série, publiée en 1919 comprenait 31  panneaux pédagogiques illustrés par le peintre Victor Prouvé. Les textes associés étaient majoritairement d’André Fontaine, inspecteur d’académie. Doc. 3 Le document est une affiche d’un film intitulé US Army, Pershing’s crusaders, réalisé par le gouvernement américain. Le cinéma est à ce moment-là mobilisé pour justifier l’engagement américain dans le conflit et convertir le monde aux valeurs américaines. Sur ordre de Wilson, le 13 avril 1917, le Committee on Public Information (CPI) est créé pour diriger l’information et la communication de guerre auprès de la population américaine et des autres pays. À la tête de ce comité de propagande, l’ancien journaliste George Creel considère que la conquête des esprits est un véritable deuxième front. Le  CPI  met tout en œuvre pour convaincre le pays du bien-fondé de la guerre et de la mission des États-Unis en tant que guide pour les autres nations, se faisant la voix de la diplomatie morale prônée par le président. Reconnaissant le pouvoir du cinéma comme média de masse international, Wilson et Creel dotent le CPI d’une division spécialisée dans les films. Ces productions officielles n’ont pas le succès escompté. Creel demande alors à la Croix-Rouge de diffuser ses films et les met aussi à disposition d’autres associations. Craignant la concurrence déloyale, Hollywood accepte un compromis : l’abandon de la distribution parallèle contre l’acceptation de mettre dans chaque cargaison de films de divertissement pour le marché étranger 20  % de films éducatifs émanant du  CPI. Les exploitants européens ne peuvent obtenir de films

hollywoodiens que s’ils s’engagent à diffuser les productions du gouvernement américain et les licences d’exportation des films à l’étranger sont délivrés par le comité Creel. De plus, les exploitants de salle américains acceptent aussi de collaborer en accueillant les  Fourminute men, soixante-quinze mille bénévoles mandatés par le CPI pour faire de courts discours sur l’engagement du pays pendant les changements de bobine entre deux films ; et les cinémas se transforment ainsi en terrain de propagande.

Choisir un itinéraire Itinéraire 1 La carte laisse d’abord voir que la guerre se déroule dans le monde entier, mais selon des temporalités et des logiques différentes. C’est d’abord un conflit mondial que des puissances impériales mènent en Europe, au ProcheOrient, en Afrique et en Asie, en s’appuyant sur les ressources de leurs empires. Parfois, se greffent d’autres logiques (voir la rivalité Chine-Japon). Autre exemple, l’Australie doit faire face aux ambitions maritimes du Japon. L’Australie prit peu à peu pied sur des archipels possédés jusqu’alors par l’Allemagne, puis avec la Nouvelle-Zélande et la France s’empara de colonies allemandes au cours du conflit, comme les Samoa occidentales et la Nouvelle-Guinée. Elle parvint à évincer l’Allemagne et sécuriser ses proximités océaniques. Les États-Unis vont jouer un rôle décisif dans le conflit. Ils avaient d’abord résolu de rester neutres, en 1914 mais sont entrés en guerre, le 6 avril 1917, aux côtés de l’Entente. La guerre sous-marine à outrance » décidée par les Allemands qui torpillent les navires commerciaux neutres et leurs intrigues au Mexique ont précipité les Américains dans l’autre camp. Par ailleurs, la plupart des États d’Amérique Latine, jusque-là neutres vont s’engager dans le conflit en 1917, en raison de la mobilisation des immigrés, de certains milieux intellectuels, des effets de la guerre sur leur économie et surtout de l’entrée en guerre des Etats-Unis desquels ils sont dépendants. À partir de mars 1918 principalement, les États-Unis envoient en Europe une armée qui, au moment de l’armistice, dépassera deux  millions d’hommes. Sans cette intervention extra-européenne décidée en 1917, l’Entente était surpassée en effectifs et financièrement ruinée. En juin et juillet 1918, la 2e  division américaine contribue efficacement à interdire la progression des Allemands vers Paris. Enfin, l’engagement des différents pays ou territoires n’est pas sans conséquence : affirmation de la puissance des États-Unis (lien possible avec les 14 points du président Wilson), émergence de revendications dans les colonies, en lien avec les promesses faites par les métropoles, rancœur de la Chine en raison du traitement qui lui est réservé par les pays de l’Entente…

Itinéraire 1 bis L’ensemble documentaire est constitué pour l’essentiel de documents iconographiques qui interrogent le regard que les Européens portent sur ces interventions (Doc. 1 et 2), ou le regard que les pays extra-européens portent sur leurs actions (Doc. 3). 1. La carte justifie l’intervention du Japon contre les Allemands en soulignant l’engagement du Japon du côté des pays de l’Entente, la lutte contre la barbarie et l’association avec la Chine, et non sa domination (même si la Chine est représentée en position de vassal.) 2. La contribution des colonies à effort de guerre est multiple, même s’il doit être réévalué. Pour la première fois, les soldats indigènes furent utilisés sur le sol européen. On peut aussi noter la participation des soldats blancs venus des Dominions pour la Grande-Bretagne. L’effort de guerre s’est traduit par l’apport de plus de 600 000 soldats pour la France, 1 300 000 hommes dans les Dominions, qui serviront en priorité sur le front français, et un peu plus de 1  400  000 aux Indes (dont environ 870  000  soldats). Les métropoles sont approvisionnées grâce à la maitrise des mers. Les colonies apportent aussi une aide financière. Par exemple, les colonies françaises font crédit à la métropole, en accumulant des créances en francs contre les produits qu’elles lui envoient. Le franc se déprécie par rapport aux monnaies locales. C’est une autre manière, pour les colonies, de financer le déficit français. De même l’effort financier parait bien faible par rapport aux besoins. Entre 1915 et 1918, les colonies auraient ainsi contribué pour 2,7 % aux emprunts de la défense nationale. 3. L’affiche met en avant la mission que le général Pershing et les États-Unis remplissent. Il y a d’abord une forte personnalisation autour du général dont l’affiche affirme qu’il réalise une croisade. Ce n’est pas une croisade personnelle mais est celle d’un pays qui a une mission à accomplir. L’image fantasmagorique de cavaliers représente l’esprit des croisés et veulent symboliser une guerre pour une cause juste, soutenue par Dieu, qui est celle de la liberté. De nombreux Sammies, alors volontaires accompagnent le général, et témoignent de la force grandissante des États-Unis. Ces derniers vont adopter la conscription pour accroitre leurs forces.

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Une guerre meurtrière Présentation du cours Le cours questionne la violence de la Première Guerre mondiale, sous différents angles. C’est d’abord la violence des soldats qui est questionnée. Les recherches montrent en effet comment la guerre déshumanise et crée les 4. La Première Guerre mondiale et la fin des empires européens 73

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conditions d’une violence extrême. C’est ensuite la question du consentement de la population qui est posée. La thèse défendue par l’école dite de Péronne évoque un consentement à la violence, qui se nourrit du sens du devoir et de la haine de l’ennemi. Celle de Craonne montre que le consentement ne repose pas sur une culture de haine, mais sur la contrainte (voir les refus de guerre ou les mutins, entre 45 000 et 80 000 soit 1 % des soldats mobilisés). André Loez invite à sortir résolument de l’alternative entre consentement et contrainte pour mettre en évidence d’autres attitudes, faites d’indifférences, de résignation, ou plus généralement, de conformisme. Enfin, la double-page évoque la spécificité de certains crimes, en évoquant la question des génocides. Le terme renvoie à un néologisme forgé par Raphaël Lemkin, en 1944, à partir du grec genos (race, peuple), et du suffixe latin -cide (de caedere, tuer) pour désigner « la multiplicité des actions visant à détruire les bases de survie d’un groupe en tant que groupe ». Ce juriste juif d’origine polonaise, réfugié aux États-Unis en 1941, touché par l’immunité dont bénéficient les auteurs du génocide des Arméniens, témoin direct des persécutions dont les juifs sont victimes après 1914, milite dès les années  30 pour faire évoluer le droit international. Le terme est repris en 1948 par l’ONU, mais exclut, sous la pression de l’URSS les groupes politiques pour désigner tout acte « commis avec l’intention de détruire, totalement ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux comme tel ». Repère La frise souligne le caractère meurtrier du conflit qui touche aussi bien les civils que les militaires ainsi que les formes que prirent ces atrocités. On peut notamment travailler la violence de la guerre sur le front de l’Ouest, et en distinguer les étapes en les confrontant avec les documents proposés à l’analyse : l’année 1915 marque un enlisement du conflit, avec la consolidation du système des tranchées. L’armée allemande reste essentiellement sur une position défensive, afin de concentrer son effort offensif sur le front oriental. Les grandes offensives alliées sont de fait des échecs. L’année 1916 est le début des batailles totales et de la guerre d’usure qui conduisent à la mise en place d’immenses batailles de matériel. L’année 1917 constitue un tournant avec le passage des attaques en masse au moyen de l’infanterie vers une approche mécanique recourant à plusieurs armes et où l’infanterie est combinée à l’aviation, l’artillerie et les forces blindées. Aucun but stratégique n’est cependant atteint et le prix humain est très lourd. Il convient aussi d’identifier ce qui relève de crimes de guerre. En 1899, la communauté internationale débat à La Haye de la clause de Martens, concernant les « lois de l’humanité », qui figurera au préambule de la  Seconde conférence de La Haye sur les lois et coutumes de guerre 74 Histoire

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en 1907. Elle constate que « les populations et les belligérants sont sous la sauvegarde et sous l’empire du droit des gens, tels qu’ils résultent […] des lois de l’Humanité […] ». Une autre distinction peut être faite avec « les crimes contre les gens », à l’exemple du génocide des Arméniens, en le distinguant des morts qui résultent des seuls effets de la guerre (les violences contre les populations désarmées au moment des invasions de 1914 qui se poursuivent sur d’autres fronts dans les années suivantes, violences liées aux occupations, violence contre ses propres populations soupçonnées de ne pas être fidèle). Il s’agira d’inscrire le génocide des Arméniens dans un processus (spoliations massives et massacres à grande échelle de 1894-1896), qui crée un terreau idéologique favorable, alors que la guerre permet le passage à l’acte. Présentation des documents Doc. 1 Cette lettre, envoyée à ses parents, raconte une des premières expériences de combat de Louis Derenne, qui jusque-là a été en formation. Le 416e  régiment d’infanterie est présent dans la Somme, près de Dompierre tenu par les Allemands. Les soldats sont enterrés dans les tranchées, relativement proches (80 à 200 m selon l’historique des armées, avec des petits postes à 60  m, face à Dompierre). La lettre rend compte de la violence de l’attaque et des bombardements de l’artillerie (les 75 qui tapent contre les obus de 77 qui répondent, les bombes qui explosent et recouvrent de terre les tranchées, les fusillades entre les tranchées). Il s’agit pour l’essentiel d’une guerre d’usure qui vise à épuiser la tranchée adversaire avant de lancer l’offensive. Les échanges durent ici plus de deux jours, avec une intensité plus ou moins forte. Le document 1 permet d’approcher la notion de brutalisation des comportements. Doc. 2 Occupée par les Allemands dès août 1914, la ville de Péronne est presque entièrement détruite. Centre de grande activité militaire et de logistique, particulièrement pendant la bataille de la Somme, Péronne est bombardée par l’artillerie française pendant cinq mois, mais reste aux mains des Allemands jusqu’en mars 1917. Elle est de nouveau occupée par les Allemands en mars 1918. Cette carte postale a donc dû être élaborée entre mars 1917 et mars 1918. De nombreuses cartes postales, s’appuyant sur des reportages photographiques ont été consacrées à la ville. Support de diffusion très populaire, ces cartes sont un vecteur de propagande, à un moment où le conflit s’enlise et où les crises se multiplient. Doc. 3 Cet extrait d’article évoque les massacres débutés en avril 1915, prolongés par la déportation vers des zones de relégation. Son intérêt est de montrer que ce massacre est connu, de l’opinion publique (Le Petit journal est un des quatre plus grand quotidien français (850 000 exemplaires en 1914, 400 000 en 1919, 80 % du tirage en direction de la

province). Dès mai 1915, une déclaration des pays de l’Entente évoque des « crimes contre l’humanité et la civilisation » et indique que les responsables de ces crimes seront punis. Cependant, le sort des Arméniens, dans le contexte de la guerre n’émeut pas, d’autant que les massacres sont aussi instrumentalisés par la propagande. À partir de février 1916, le gouvernement turc décide l’exécution des déportés qui ont réussi à survivre dans les camps du désert syro-égyptien.

Choisir un itinéraire Itinéraire 1 Avant 1914, la conduite de la guerre a été encadrée juridiquement par des accords internationaux (convention de La Haye de 1899 et 1907). Cependant, l’enlisement et la totalisation du conflit font apparaitre des nouvelles pratiques qui radicalisent la violence des champs de bataille (de nouvelles armes, l’utilisation de gaz…). La distinction entre les combattants et les civils devient donc plus floue. En effet, les civils sont souvent victimes de violence, par exemple au moment des phases d’invasion, ou lors de l’occupation de certains territoires par les puissances centrales, qui sont exploités pour alimenter l’effort de guerre. La répression peut par ailleurs viser ceux qui résistent ou qui constituent une minorité perçue comme un danger. Ces violences sont aussi instrumentalisées par la propagande et ont été aussi perpétuées par le camp adverse (la Russie, par exemple). Les civils souffrent aussi de l’allongement du conflit et de la mobilisation des économies au service de l’effort de guerre. Par ailleurs, la guerre navale et aérienne fait de nombreuses victimes. Les zones de front peuvent être touchées par des bombardement d’artillerie de longue portée. Les Arméniens sont victimes d’une violence spécifique car ils sont exterminés à cause de leur identité même. Dès le 24  mai 1915, la GrandeBretagne, la France et la Russie accusent l’Empire ottoman de « crime contre l’humanité ». Itinéraire bis 1. La notion de « brutalisation », renvoie aux travaux de Mosse, historien américain d’origine allemande dont la famille a fui le nazisme et établi un lien entre les violences de la Première Guerre mondiale et la montée du nazisme. Certains historiens questionnent sa pertinence pour décrire le comportement des soldats (voir les travaux d’Antoine Prost). Ainsi, cet extrait montre la violence subie qui ensauvage les soldats au point de les rendre violent. Tout d’abord, le contraste est saisissant entre la beauté du cadre champêtre et la violence du combat, notamment le déluge d’obus. Par-dessus tout, Louis Derenne donne la mort sans hésiter, comme une machine. Il évoque d’ailleurs l’idée « qu’on ne voit plus ni  l’un (homme), ni l’autre (son instrument)  ». Son

témoignage montre un certain acharnement lié à un réflexe de survie. Le soldat est indifférent face à la mort (il mange à la suite de l’échange de feu : « et on put manger la soupe », l’appétit n’est pas coupé…) Cependant, les motivations patriotiques peuvent être réelles (la lette évoque le « boche »). On ressent aussi une certaine ironie, comme le sentiment que la mort est inéluctable. 2. Cette carte insiste sur les destructions opérées par les Allemands, à la suite de leur retrait, en soulignant les atrocités commises (une rue pillée puis dynamitée). Le désarroi des civils est souligné par leur quête dans les décombres du moindre effet personnel. 3. Le Doc. 3 illustre les caractéristiques d’un génocide, tel qu’il a été défini par Raphaël Lemkin, puis par la convention de l’ONU de 1948. Un groupe, dont la définition est donnée par le persécuteur, est pris pour cible. Il s’agit ici des Arméniens, minorité chrétienne localisée dans le nord-est de l’Anatolie, que l’Empire ottoman définit comme une menace pour son unité. Les références à l’islamisation montrent l’idéologie des Jeunes-Turcs arrivés au pouvoir en 1913 qui veulent renforcer le caractère turc et musulman de l’Empire ottoman et procèdent avant la guerre à des déplacements de population. Ils rendent ensuite les Arméniens coupables des défaites contre la Russie. L’article suggère l’idée d’un plan concerté visant à l’extermination du groupe-cible. Cette idée de plan est confirmée par de nombreuses sources (Livre bleu du parlement britannique, fonds DH. SFR du ministère de l’intérieur, bureau du chiffre). Si la question d’un ordre donné par Talat Pacha reste posée, la responsabilité du pouvoir central reste entière, car il ne peut ignorer le caractère meurtrier de la déportation. Les actes de violence sont d’abord orientés vers des cibles précises (les intellectuels, les hommes d’affaire, les ecclésiastiques), puis touche l’ensemble de la population (déportation vers les zones désertiques de Syrie et d’Irak conduisant inévitablement à la mort). L’armée et des groupes paramilitaires procèdent à des massacres. L’objectif est de détruire un groupe en tant que tel.

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Sortir de la guerre, construire un ordre des nations démocratiques Présentation du cours Le cours invite à réfléchir à la disparition des empires. Il est à envisager avec le sujet d’étude concernant l’Autriche-Hongrie, dont la partie 3 est axée sur le règlement de la paix. Il interroge la réalité les bases de la reconstruction de l’Europe et la façon avec laquelle le principe des nationalités est mis en place. 4. La Première Guerre mondiale et la fin des empires européens 75

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Repère La carte fait état des modifications territoriales de l’Europe à la suite des traités de paix. On peut noter les modifications de frontières, la naissance de nouveaux États. La description peut permettre de comprendre les logiques qui se sont imposées et les problèmes qui en découlent. Au nom du principe des nationalités, affirmé notamment dans les « Quatorze points » du président des États-Unis Wilson, certains peuples, auparavant minorités nationales dans les empires, ont droit à un État indépendant au terme des traités. Ainsi, au Nord, la Finlande et les Pays baltes sont constitués. La Pologne, disparue depuis la fin du xviiie  siècle, renaît et deux nouveaux États multinationaux sont constitués : la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie. L’empire ottoman disparaît : la République turque est créée en 1923 par Mustapha Kemal après le départ du dernier sultan. Le pays conserve l’Anatolie mais perd toutes ses possessions arabes (la Palestine et la Mésopotamie revenant à l’Angleterre, la Syrie et le Liban à la France et l’Arabie saoudite, officiellement créée en 1932, reste indépendante.) La fin de l’Empire ottoman se traduit par un énorme « échange » de population : près d’1  300  000 Grecs quittent l’Asie Mineure à destination principalement de la Grèce du Nord (Macédoine et Thrace) et près de 500 000 Turcs doivent partir de Grèce, le critère étant souvent plus religieux qu’ethnique. Certains pays, dans le camp des vainqueurs, agrandissent leur territoire : la France recouvre l’Alsace-Lorraine, l’Italie acquiert le Trentin et Trieste, la Roumanie rattache la Bessarabie et la Transylvanie, le Danemark rattache le nord du Schleswig, tandis que la Grèce s’agrandit au détriment de la Bulgarie et de la Turquie. Ce découpage cherche aussi à amoindrir la puissance de l’Allemagne, séparée en deux, par le corridor de Dantzig et à isoler la Russie devenue communiste. Les gouvernements des États vaincus marquent leur désapprobation, vis-à-vis de traités signés selon eux sous la contrainte et sont soutenus par leur opinion publique pour laquelle les sacrifices endurés pendant la guerre ne peuvent avoir été vains. Présentation des documents Doc. 1 Cette affiche est réalisée par Nicolas Kotcherguine, pour le 1er  mai 1920, alors que la Russie est en pleine guerre civile et qu’elle fonde le Komintern en 1918 afin de diffuser la Révolution. Elles sont réalisées sous l’impulsion du VTSIK, puis de Revvoensoviet. Doc. 2 Le discours appelé les 14 points du président Wilson est un discours prononcé par le président américain devant le Congrès. Le programme repose sur une architecture globale qui définit un « nouvel ordre mondial », grâce à une ligue des nations dans le but de 76 Histoire

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préserver la paix. Déjà évoquée par Théodore Roosevelt, Wilson en accentue la dimension morale. L’idée de sécurité collective repose sur le postulat que les nations ont un intérêt commun à s’opposer à un acte d’agression particulier et sont disposées à courir les mêmes risques en s’y opposant. Il s’agit donc de défendre la paix in abstracto, alors que jusque-là la diplomatie conduisait à former des alliances pour atteindre des objectifs précis et définissables et que la paix résultait de l’équilibre des forces. Les préoccupations de Wilson rejoignent celle de Kant dans son « Projet pour une paix perpétuelle ». Pour lui, la base de la paix est morale. La ligue des nations doit concerner les États acquis à la démocratie, car les nations démocratiques sont par nature pacifiques. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est une condition nécessaire et suffisante à la démocratie. Wilson pense pouvoir s’appuyer sur l’opinion publique : « les hommes se regardent dans les yeux et disent “nous sommes frères et nous avons un but commun”. Nous ne le comprenions pas autrefois mais nous le sentons maintenant. » (Discours du 14 février 1919). Doc. 3 Ce document fait partie d’un ensemble de planches réalisées par Victor Prouvé pour un public scolaire. Il révèle le discours tenu par les autorités françaises en ce qui concerne le règlement de la paix, alors que la conférence de paix se réunit à Versailles en janvier 1919 (l’affiche évoque ce qui constitue les « préliminaires de la paix »), ou ce qui a été obtenu à la suite de la signature du traité de Versailles. L’affiche indique que la paix doit être « juste, glorieuse, durable », ce qui révèle certaines contradictions.

Choisir un itinéraire Itinéraire 1 La conférence de la paix, qui débute le 18 janvier 1919 en présence de vingt-sept nations ennemies de l’Allemagne ou alliées, prend en partie en compte les souhaits de Wilson. Ainsi, le pacte des nations est intégré aux traités de paix (ce sont les 26 premiers articles du traité de Versailles). Il prévoit de privilégier la médiation et la prévention de l’apparition des conflits (articles 11 à 17), les litiges étant examinés par le Conseil de la SDN ou la Cour permanente de justice internationale, fondée en 1920. Cependant, la SDN est ouverte aux nations souveraines, les décisions doivent être prises à l’unanimité et la SDN ne dispose pas de forces militaires permanentes. Par ailleurs, Wilson doit accorder des concessions à ses partenaires européens et japonais, notamment dans les 440 articles suivants. De fait, les principes devant guider la mise en place d’un nouvel ordre mondial sont inégalement appliqués.

Les principes – Défendus par les États-Unis – Fondés sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et à choisir leurs propres formes de gouvernement – Paix désormais fondée sur une sécurité collective.

Leur applications

Les limites

– Les progrès de la démocratie : les quatre grands empires, l’allemand, l’austro-hongrois, le russe et l’ottoman ont disparu – La naissance de nouveaux pays La fondation de la SDN

Itinéraire bis 1. Le document glorifie la journée du 1 mai, en mettant en scène un défilé de travailleurs marchant « sur les ruines du capitalisme ». Le document permet de comprendre les idéaux du régime, par les personnages et les objets symboliques. Il s’agit de mettre fin au monde ancien (Tsarisme, représenté par la couronne et l’aigle à deux têtes, comme le capitalisme inscrit sur une cruche qui semble déverser de l’or.) L’avenir est incarné par deux enfants qui entrainent le groupe avec un drapeau rouge. Le communisme veut créer un monde nouveau fondé sur la fraternité et l’égalité. Les travailleurs (paysans et ouvriers) ont désormais entre leurs mains leurs outils de production (fin de la propriété privée) et sont tous sur le même plan. Il s’agit d’abolir l’exploitation de l’homme par l’homme. L’utilisation de l’iconographie est particulièrement importante dans un pays où une grande part de la population est analphabète : l’image est colorée, expressive et s’inspire de l’imagerie traditionnelle. Le document rend compte indirectement du climat de guerre civile. On écrase les symboles du monde ancien. La notion d’ennemi du peuple est forgée dès 1917 : une première police politique créée, la Tcheka, comme un premier camp de concentration. Il ne s’agit pas simplement de répondre à des opposants déclarés, mais de lutter contre des catégories qui, par leur nature peuvent représenter un danger. er 

– D’autres principes peuvent être appliqués : nouveau modèle avec la Russie bolchévique Certains pays vainqueurs veulent d’abord défendre leurs intérêts nationaux – Des accords secrets sont entérinés (par exemple, l’accord de Londres concernant l’Italie, les accords Sykes-Picot pour le Proche-Orient) – Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est inégalement appliqué : il ne s’applique pas aux colonies – Contestation des pays vaincus (le traité de Versailles est perçu comme un diktat par l’Allemagne)

2. Les 14 points du président Wilson donnent des exemples du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes : ––Art. 8 : le retour à la France des régions envahies et de l’Alsace-Lorraine ; ––Art. 12 : les autres nations qui vivent sous la domination turque qui ont la « possibilité de se développer de façon autonome ». 3. D’autres principes sont affirmés, tant sur le plan économique (liberté des échanges et du commerce, liberté de circulation), politique (droit des peuples à choisir leur propre forme de gouvernement, comme pour la Russie, Art. 6) que diplomatique (respect du droit international, publicité des débats diplomatiques, Art. 1). La fondation d’une association des nations doit permettre de faire vivre ces principes (Art. 14). 4. La France, avec à sa tête Clémenceau, président de la conférence de paix, cherche à imposer de lourdes sanctions pour empêcher la renaissance de la puissance allemande. En effet, l’Allemagne est jugée responsable de la guerre. L’affiche émet même le souhait de juger Guillaume II. L’idée est d’affirmer à la fois la responsabilité morale de l’Allemagne dans le déclenchement du conflit et de pose les bases juridiques des réparations. Des mesures visent à limiter la puissance économique et politique de l’Allemagne et à financer la reconstruction de la France. La SDN doit jouer un rôle majeur dans l’application de ces principes : elle est à la base de ce nouvel ordre et elle doit veiller à l’exécution de ces mesures.

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objectif bac capacités et méthodes

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S’approprier un questionnement historique 1. La question que se posent les historiens est de savoir pourquoi les soldats ont tenu lors de la guerre des tranchées. 2. Deux thèses s’affrontent  : celle du consentement (école de Péronne) et celle de la contrainte (école de Craonne). 3. C’est la première guerre dans laquelle les témoignages s’imposent avec autant de force. La première thèse s’appuie sur les discours produits, qui traduisent une certaine culture de guerre dans laquelle les poilus auraient baigné et qui auraient favorisé leur engagement. L’autre privilégie les témoignages des poilus et leurs pratiques ordinaires.

vers le bac

4. Documents qui justifient les thèses : Consentement Doc. 3, cours 1 : affiche d’emprunt de la défense nationale Doc. 1, cours 3 : témoignage des tranchées de Louis Derenne

Contrainte Doc. 11, sujet d’étude 1 : attaque de la tranchée Bukovine au moment de la bataille de la Somme

Plus que le témoignage, c’est la façon dont l’historien questionne celui-ci qui explique les différences. L’angle du regard est différent et oppose l’approche culturelle à l’approche sociale, les discours aux pratiques, l’acceptation de la guerre à celle des résistances (qui sont par ­ailleurs, par nature, toujours minoritaires).

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Question obligatoire

L a Première Guerre mondiale bouleverse les sociétés et l’ordre européen 1. Voir la carte repère du cours 1. 2. Les deux pays non européens participant au conflit peuvent être la Chine, le Japon mais aussi les États-Unis (voir carte repère du cours 2). 3. Plusieurs réponses sont possibles : A et B. La défection de la Russie puis l’entrée en guerre des États-Unis conduisent en effet à une évolution des rapports de force. 4. Génocide : crime intentionnel et planifié contre un groupe national, ethnique, religieux ou racial. Le terme est adopté par l’ONU en 1948 et s’est appliqué rétrospectivement. 5. La mobilisation des civils est liée à leur participation à l’effort de guerre  : travail dans l’industrie, dans les champs… Elle se traduit aussi par une participation

financière et touche toute la population : femmes, enfants et travailleurs étrangers. 6. Les empires multinationaux disparaissent à la fin de la guerre, du fait de révolutions (en Russie ou en Allemagne, par exemple) ou du fait de la proclamation de nouveaux États Les traités de paix entérinent la création de ces nouveaux États, définis selon le principe des nationalités. 7. Les États-Unis deviennent, à la fin de la guerre, une puissance globale. Ils deviennent une puissance économique, militaire et politique : de pays endetté, dépendant du financement britannique pour leur développement industriel, ils deviennent une puissance créditrice. Ils sont consolidés dans leur puissance militaire et sont à l’origine d’un nouvel ordre mondial avec les 14 points du président Wilson. Ils affirment aussi leur puissance grâce à l’affaiblissement humain, économique et militaire de l’Europe. L’après-guerre voit l’affirmation des revendications liées au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes dans les colonies.

B Sujet d’étude au choix Sujet d’étude



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Juillet-Novembre 1916 : la bataille de la Somme La bataille de la Somme est un sujet d’étude permettant de saisir l’évolution du conflit, avec le début de batailles 78 Histoire

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totales et une guerre d’usure qui conduisent à la mise en place d’immenses batailles de matériel. Jay Winter propose ainsi d’ajouter un nouveau terme au lexique de l’étude de la Grande Guerre. Selon lui, les batailles jumelles, la Somme et Verdun, ont constitué une métabataille, c’est-à-dire un ensemble d’engagements ayant

transformé la signification même de la bataille. Cette dénomination permettrait d’éviter deux impasses  : réduire la bataille de la Somme à une simple étape vers la victoire de 1918, perpétrer l’interprétation de la bataille de la Somme en des termes du xixe siècle, empêchant de voir l’aspect révolutionnaire de sa conduite et de son résultat : l’abandon de la percée. Par ailleurs, l’étude de la bataille de la Somme permet d’avoir une lecture globale du conflit. Cette approche conduit à « saisir les multiples niveaux de l’expérience historique comme autant de données, niveaux qui sont à la fois au-dessous et au-dessus du niveau national ». Il s’agit donc de réécrire les histoires nationales autrement, en dépassant le prisme réduit de l’expérience combattante et en pensant aux confins du monde, impliqués dans le conflit. A Les enjeux de la bataille de la Somme

Le Zoom Histoire permet de faire un bilan des forces en présence. Il peut être croisé avec la partie éducation au numérique qui renvoie au site du conseil départemental de la Somme présentant différents aspects de la bataille : https://www.somme-tourisme.com/la-grande-guerre La vidéo est extraite d’un reportage de France 2 diffusé au moment des commémorations du centenaire qui présente le cadre général de la bataille. Elle peut être croisée avec le Doc. 2, une carte qui localise forces en présence au 1er juillet 1916. Doc. 1 Ce document est un extrait des Mémoires du Maréchal Joffre (1852-1931). Principal artisan de la bataille des frontières où il fait appliquer le principe de l’offensive à outrance qui se révèle très couteux en vie humaine, il est l’artisan de la victoire alliée lors de la bataille de la Marne (« je ne sais pas qui l’a gagné, mais je sais qui l’a perdu »). Il est à l’origine des offensives de 1915 (Artois, Champagne) qui ne parviennent pas à opérer la percée décisive attendue. Il en tire les conséquences pour préconiser une nouvelle tactique : reprendre ses forces, agir collectivement, attaquer un point faible, user l’ennemi grâce à l’artillerie (bataille de la Somme). Son échec relatif, fait qu’il est remplacé par le général Nivelle. Il participe ensuite à une mission aux États-Unis, afin de convaincre Wilson d’entrer en guerre. Très controversé, il est vu aussi bien comme le « vainqueur de la Marne », que « le massacreur de 1914 », dont la vision de la guerre, héritée de Napoléon est obsolète. Ces mémoires ont été rédigées de 1922 à 1928, par un officier de son entourage et sous son contrôle, Joffre se contentant de retoucher et d’accentuer les critiques formulées. C’est donc un ouvrage dans lequel il justifie

rétrospectivement son action, avec parfois une certaine complaisance. Doc. 2 La carte localise les forces en présence au 1er juillet 1916, avant le début de la bataille. Elle peut être croisée avec la partie éducation au numérique qui renvoie au site du conseil départemental de la Somme présentant ­différents aspects de la bataille : https://www.sommetourisme.com/la-grande-guerre Doc. 3 Cet analyse d’historien, extrait de l’ouvrage de Jay Winter permet de comprendre les dissensions entre les alliés sur la conduite des opérations, voire les dissensions à l’intérieur des commandements, entre Haig et Rawlinson. Doc. 4 et 5 Ces deux documents iconographiques illustrent différentes formes de mobilisation et les moyens utilisés. Le Doc. 4 est une affiche produite par Arthur Wardle et qui invite les hommes de l’Empire à s’engager, à un moment où le système de recrutement met en place la conscription. Le Doc. 5 fait écho à une mobilisation peu connue : les travailleurs chinois sous contrat. Le 14  mai 1916, les autorités françaises et chinoises concluent un accord pour l’envoi de main-d’œuvre. 36 975 Chinois sont ainsi envoyés en France dans les usines d’armement, les ports, les mines, les exploitations agricoles et les forêts. « Pour ce qui est des travailleurs chinois recrutés par les Britanniques, le sont par le biais du Chinese Labor Corp, (entre 93 000 travailleurs et 100 000). ». La photographie, parue dans l’Excelsior met en avant l’implication de l’arrière dans le conflit. Analyser les documents 1. La Somme se trouve sur le front de l’Ouest. Ce site est à la jonction des troupes françaises et britanniques. Par ailleurs, il apparait comme le lieu alors le plus favorable à une offensive. 2. L’initiative de la bataille de la somme remonte à 1915 (lors de la conférence de Chantilly). Joffre fait le constat que les pays de l’Entente n’avaient pas coordonné leurs actions en 1915, ce qui les avait mis en difficulté. Il souhaite lancer une vaste offensive, en lien avec des objectifs stratégiques multiples. Il s’agit aussi de soulager le front de l’Est, gravement menacé par les offensives allemandes. Il est soutenu par les Britanniques, qui jusque-là étaient en appui, et dont la puissance militaire est en train de se construire. Désormais, plus d’un  million de Britanniques sont sur le front de l’Ouest. Le commandant en chef des troupes britanniques est Sir Douglas Haig, qui remplace sir John French après l’échec de Loos et pour qui c’est la première bataille. À cause de la bataille de Verdun qui mobilise l’armée française, l’offensive devient davantage britannique. 4. La Première Guerre mondiale et la fin des empires européens 79

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3. Douglas Haig a théorisé une nouvelle stratégie le big push (la grande poussée). Cette offensive consiste à lancer une attaque sur un front large pour que les troupes du centre soient protégées sur le flanc. Pour cela, il faut, tout d’abord, accumuler d’énormes quantités de canons et de munitions de façon à détruire les lignes de tranchées allemandes et les villages fortifiés. Puis, ces lignes doivent être détruites des bombardements massifs pour enfin, lancer une offensive majeure, car il s’agit de prendre trois lignes allemandes, afin de permettre ensuite aux quatre divisions de cavalerie de percer. 4. La mobilisation humaine prend différentes formes. La mobilisation est militaire  : du côté britannique, la conscription devient obligatoire en 1916, les empires envoient des troupes sur le front. La mobilisation est aussi à l’arrière : appel à la main d’œuvre étrangère, rappel en France de 500  000 ouvriers qui étaient sur le Front en 1915. 5. Les moyens militaires sont massifs. La mobilisation est aussi industrielle. En France, elle a lieu dès 1914 (conférence de Bordeaux qui réunit les grands industriels français autour du ministère de la guerre) pour faire face au manque de main d’œuvre et à l’occupation des régions industrielles. En Grande Bretagne, elle est plus tardive et est liée à la grave crise des approvisionnements. À la suite du scandale de la crise des ­munitions, un nouveau ministère est créé en GrandeBretagne élargissant le contrôle de l’État au secteur de l’économie (ministère des munitions né en mai  1915 qui est confié à Lloyd George). L’État peut en outre procéder à des réquisitions (loi de juillet  1915). La Mobilisation est également financière : dès 1915, les dépenses de guerre représentent ¼ des dépenses de l’État. Le Royaume-Uni recourt à une pression fiscale accrue (augmentation de l’income tax, création d’un impôt sur les bénéfices de guerre de 50 %). En France, l’impôt sur le revenu créé en 1914 n’entre en vigueur qu’en 1916. Elle finance la guerre par le biais de bons du trésor et d’emprunts. 6. Les raisons qui amènent Rawlinson à vouloir limiter l’offensive sont multiples. Tout d’abord, avec la bataille de Verdun lancée par les Allemands, le front d’offensive doit être plus étroit, car la bataille a ponctionné les troupes françaises. Les munitions fournies sont insuffisantes en quantité et en qualité. Ainsi, la majorité des obus livrés à Haig sont des shrapnels, excellents obus pour couper des enchevêtrements de barbelés, ou traiter les troupes à découvert, mais inefficaces contre les tranchées défensives profondes et les abris (que connaissaient notamment les britanniques). Puis, la cavalerie massée à découvert constitue une cible idéale. 80 Histoire

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Même si une partie des défenses ennemies est détruite, il peut y avoir des armes, non loin du front et hors d’atteinte capable de dévaster la cavalerie. Enfin, l’effet de surprise, du fait de la semaine intense de bombardement n’existe pas. Activité Bilan L’élève peut montrer le choix d’une offensive conjointe pour rompre le front et souligner l’intensité de la préparation de cette guerre de matériel. Il peut mettre en avant les contraintes du site et les divisions du commandement concernant la préparation de l’attaque. B Un lieu d’expérimentation

Présentation des documents Doc. 6 Ce document est extrait de la bande dessinée de Joe Sacco, La Grande Guerre Le premier jour de la bataille de la Somme, publiée en 2014. Cette fresque muette de près de 7  m de long s’inspire de la tapisserie de Bayeux. Ici, Sacco se concentre sur le premier jour de la bataille de la Somme, car c’est à partir de ce jour-là que « l’homme du peuple a pris conscience de la véritable nature de la guerre moderne. » Doc. 7 Ce document évoque l’avancée des troupes britanniques, vue du point de vue allemand. On peut alors comprendre les responsabilités du haut commandement dans le sacrifice des soldats. Doc. 8 Cette illustration est extraite de journal londonien, « The Illustrated London New », en septembre  1916 qui évoque l’utilisation des chars. Doc. 9 Ce document est le témoignage d’un soldat britannique qui explique les effets de l’utilisation des chars. Doc. 10 Cette aquarelle d’Éric Walter Powell, réalisée en 1916, témoigne de la fascination de l’opinion publique pour les armes nouvelles. Eric Walter Powell n’a pas participé à la bataille. Son œuvre, présente dans l’Imperial War Museum, créé en 1917 témoigne de l’importance de la bataille de la Somme dans la mémoire britannique. Analyse les documents 7. La bataille de la Somme commence par un intense bombardement. Dans la semaine qui précède l’assaut, 1 437 canons britanniques tirent 1 508 652 obus sans discontinuer. À l’aube du 1er juillet, à partir de 7 h 20, les armées française et britannique font exploser des mines sous les lignes allemandes.  L’assaut est lancé à 7 h 28. 8. Le 1er juillet 1916 devient le jour le plus sanglant de l’Histoire de l’armée britannique : 57  000 soldats sont

morts (40 % des effectifs engagés). Au centre, une division entière du 3ecorps parvient à peine au contact avant avec l’ennemi, avant d’être massacrée. À la fin de la journée, les Britanniques ont gagné un peu de terrain au sud de leur front, où ils combattaient avec les Français. 9. Les raisons de cet échec sont multiples. En effet, les bombardements de la semaine antérieure et l’explosion des mines n’ont pas détruit la défense allemande. Les soldats qui s’avancent de la tranchée britannique, avancent d’un pas lent, épaule contre épaule et sont mitraillés dans le no man’s land. 10  000 Britanniques furent ainsi tués, avant d’atteindre leur propre ligne de front. L’armée britannique est une armée nouvelle, constituée de « bleus » avec une expérience limitée de ce type de combat (participation à des batailles d’une moindre échelle). Un tiers des morts de cette première journée de la bataille auraient pu être sauvés s’ils n’avaient pas agonisé pendant des heures sur le no man’s land, dans l’attente désespérée d’être recueillis par des brancardiers. Le commandement ne permet pas au big Push d’être une poussée contre l’ennemi mais devient une succession d’assauts désordonnés, contre une série de défenses adverses sans cesse reconstituées. 10. Les documents permettent d’identifier les nouvelles armes utilisées : les chars (le 15 septembre, pour la première fois, des chars (britanniques) sont utilisés) et l’aviation (pour les observations aériennes et l’appui des troupes au sol essentiellement). 11. Les chars sont présentés comme ayant une puissance d’action terrible car rien ne les arrête. Mais, le Doc. 9 met en avant leurs fragilités : les chars ne sont utilisés qu’en petit nombre (une cinquantaine), ils tombent en panne, ils peuvent être touchés par des obus. Activité Bilan La bataille de la Somme devient un véritable « siège en rase campagne ». Les grandes batailles sont en effet suivies d’une rapide baisse d’intensité et en moyenne une poignée de divisions était engagée. Cette guerre d’usure est interrompue par de grandes offensives : Le 14 juillet, les Alliés lancent un deuxième assaut généralisé, contre la deuxième ligne allemande. mais aussitôt les Allemands rétablissent une troisième ligne, attaquée en septembre lors de la Seconde Bataille de la Somme où sont utilisés les premiers chars de la Grande Guerre. Et c’est alors une quatrième ligne de défense, contre laquelle les Alliés portent l’attaque à six reprises début octobre 1916, jusqu’à ce que le changement de saison, en noyant les soldats dans la boue, décide le commandement allié à interrompre l’offensive sans qu’il y ait un réel vainqueur. L’usure suivait l’échec de ces plans souvent trop ambitieux.

C Un coût humain considérable

Présentation des documents Doc. 11 Ce document est un extrait d’un journal tenu par Pierre Petit. Il raconte l’attaque de la tranchée Bukovine par division successive (la 18eet 152e), alors que les Français et les Britanniques ont décidé de relancer l’offensive sur la Somme. Cette dernière se heurte au froid, à la pluie, mais aussi à une meilleure préparation de la défense allemande (meilleure observation aérienne qui permet des tirs de barrage et de contre-batterie) et aux incohérences du commandement. Doc. 12 Cette photographie représente le cratère de Hawthon Ridge. Le 1er  juillet 1916, alors que toutes les mines explosent à 7 h 28, c’est-à-dire deux minutes avant le début de l’assaut, Hawthorn Ridge explose à 7 h 20, la décision ayant été prise par le Lieutenant-Général HunterWeston, commandant le 8e  corps. Son explosion fait des dégâts au sein des fortifications et des troupes allemandes mais ils ont le temps d’installer leurs mitrailleuses et de tuer la mort les fantassins britanniques qui partaient à l’assaut de cette crête avec 30 kg de matériel sur le dos et sur une distance d’environ 500 m. La dernière phase de la bataille de la Somme, le 13 novembre 1916, prend fin trois jours plus tard. Ce sont les Écossais de la 51e Division de s’emparer du village, toujours aux mains des Allemands. Doc. 13 Ce document est une gravure réalisée par Otto Dix. À la proclamation de la guerre, il s’engage avec enthousiasme dans l’armée allemande et prend part à la bataille de la Somme, puis part sur le front de l’Est en 1917. Il est gravement blessé plusieurs fois. La guerre, qui le traumatise profondément, devient le thème majeur de son œuvre. Il représente ici un blessé fuyant. Doc. 14 Cette photographie représente le mémorial francobritannique de Thiepval. Ce monument honore les 1 700 000 hommes et femmes des forces du Commonwealth qui périrent au cours des deux guerres mondiales. Doc. 15 Ce document est une planche de timbres éditée lors des commémorations de la bataille de la Somme en 2016. Une cérémonie a alors rassemblé François Hollande, la famille royale et David Cameron côte à côte, symbole de l’amitié entre les deux pays, huit jours après le vote du Brexit. La cérémonie, largement médiatisée en Grande-Bretagne n’a pas joui de la même médiatisation en France.

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Analyse les documents 12. Le bilan de la bataille est considérable : 1 million de victimes au total. 13. Ce bilan est lié à la longueur de la bataille, aux nouveaux types d’armes utilisées, au caractère massif des moyens mobilisés (7 millions d’obus entre juillet et miseptembre sont tirés par les Britanniques) à la stratégie de guerre d’usure. Enfin, on peut évoquer l’obstination du commandement à vouloir gagner quelques kilomètres. Soucieux de remporter une victoire, Haig lance par exemple une dernière offensive généralisée en octobre, malgré les conditions météorologiques défavorables. Malgré les échecs, il persiste afin d’arriver en position de vainqueur à la conférence interalliée de Chantilly. La victoire de Beaumont-Hamel couta la vie à 100 000 soldats Une lassitude croissante s’empare des combattants. Cependant, même si les gains territoriaux sont réduits, cette bataille a un caractère décisif. L’armée allemande a subi une saignée telle qu’elle n’en avait jamais connue jusque-là, y compris à Verdun. L’armée britannique, à cette occasion apprend à se battre, notamment à dompter les tactiques défensives ennemies. 14. La vidéo, élaborée par le conseil départemental évoque différents types de lieux de mémoire : le mémorial de Thiepval, le mémorial terre-neuvien à BeaumontHamel (présence de tranchées), des musées qui reconstituent la vie dans les tranchées ou le musée de Péronne, un historial qui explique les origines, le déroulement et les conséquences du conflit, des lieux comme le cratère de Hawthom Ridge. 15. Le choix du lieu commémore un épisode tragique de la guerre. En 1916, la colline de Thiepval ainsi que le village lui-même et le château (aujourd’hui disparu) est, avec Hamel, un des piliers de la défense allemande sur la partie nord du secteur britannique. Le mémorial rappelle cependant que les Britanniques remportent une victoire, avec sa forme en arc de triomphe. Le monument évoque le sacrifice des soldats britanniques. Sur l’ensemble des

capacités et méthodes

arches sont gravés les noms de 72  244  soldats britanniques et sud-africains disparus sur les champs de bataille de la Somme de juillet 1915 à mars 1918 et dont les corps n’ont pas été retrouvés. Leur nom est surmonté de couronnes de lauriers portant le nom des lieux de bataille dans la Somme. Le monument rend également hommage aux armées françaises et britanniques et aux combats qu’elles menèrent ensemble. En contrebas du mémorial, face à la vallée, le cimetière franco-britannique héberge 300  tombes britanniques et 300  tombes françaises de soldats inconnus pour illustrer le sacrifice équivalent des deux nations. 16. Le timbre émis à l’occasion de la commémoration de 2016 met l’accent sur l’amitié franco-britannique et évoque indirectement la violence du conflit (une tranchée en arrière-plan et l’organisation des secours). Activité Bilan Une distinction peut être opérée entre l’Histoire et la mémoire. L’Histoire est une « enquête », « une reconstruction problématique et incomplète de ce qui n’est plus » (Pierre Nora), la reconstruction par un historien d’un fait historique. La mémoire, au sens général, est le fait qu’une collectivité se souvienne de son passé et cherche à lui donner une explication et un sens au présent. Cette mémoire n’est pas homogène (mémoire officielle, mémoire collective, mémoires individuelles…). La mémoire oscille entre souvenirs, amnésie et refoulement, processus de revitalisation. Ainsi, la bataille de la Somme, peu présente dans la mémoire française constitue pour les Britanniques, « le Verdun français ». L’ampleur de cette bataille et le sacrifice des soldats ont été très rapidement connus par l’opinion publique, grâce à la diffusion d’un documentaire pendant l’été, La Bataille de la Somme. Cette bataille est la première vraie bataille de la Grande-Bretagne et le point culminant et le tournant de son histoire impériale et nationale (http:// centenaire.org/fr/espace-scientifique/pays-belligerants/ batailles-de-la-somme-quelles-memoires-100-ans-apres).

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Procéder à l’analyse critique d’un document selon une approche historique 1. Le document est extrait du Petit journal, un quotidien français qui bénéficie d’une large audience. Il est publié en septembre 1916, au moment où est lancée la Seconde Bataille de la Somme. 2. L’illustration montre un fait d’armes attribué aux ­soldats français : la prise du fortin de Biaches aux Allemands. 82 Histoire

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3. Les poilus se tiennent devant l’entrée d’un abri devant un soldat mort. Ils font prisonnier un soldat allemand qui semble désespéré. Les troupes françaises sont en nombre, alors que le soldat, isolé, représenté en plongée semble plus petit. 4. La réalité de la bataille de la Somme est tout autre. Les opérations sont réduites pour des gains insignifiants.

L’article du Petit journal valorise ce fait d’armes pour remonter le moral de l’opinion publique et celle des soldats. Sujet d’étude

2

A Une responsabilité dans le déclenchement

de la guerre ?

Présentation des documents p. 132-138

L’Autriche-Hongrie de 1914 au traité de Saint-Germain Le sujet d’étude sur l’Autriche-Hongrie permet de questionner les responsabilités dans le déclenchement de la Première Guerre mondiale, d’étudier la question des nationalités et de comprendre la fin d’un empire multinational. En effet, alors que la responsabilité de l’Allemagne dans le déclenchement de la guerre est affirmée par l’article 231 du traité de Versailles, celle de l’Autriche-Hongrie fait l’objet de débats : pour la plupart des historiens, l’empereur François-Joseph veut cette guerre contre la Serbie, accusée de financer les mouvements nationalistes de l’empire. Il pense que les autres puissances européennes ne réagiront pas (Andreas Weigl, Im Epizentrum des Zusammenbruchs : Wien im Ersten Weltkrieg  ). Pour Christopher Clark, la responsabilité est à partager avec des Serbes empreints d’un nationalisme fanatique (les Somnambules). Pour l’historien François Fejtö, les pays de l’Entente cordiale, la France et la Grande-Bretagne ont « assassiné » l’Autriche-Hongrie (Requiem pour un empire défunt). Différentes thèses interrogent aussi les racines de la disparition de l’Empire Austro-hongrois : certains historiens estiment que l’empire avait des faiblesses structurelles, révélées par une guerre qui lui a donné, en quelque sorte, le coup de grâce (Andreas Weigl). D’autres mettent en évidence la fidélité des peuples de l’Autriche-Hongrie à son empereur, qui avait en outre des projets de réforme (Alma Hannig). Si la guerre n’avait pas eu lieu, l’empire aurait survécu. Ce courant remarque que les États qui ont succédé à l’Autriche-Hongrie ont eu tendance à exagérer le degré de désaffection des populations allogènes vis-àvis de la double-monarchie. Enfin, la fin des hostilités n’intervient officiellement qu’au moment de la conclusion des traités de paix signés avec l’Allemagne à Versailles le 28  juin 1919, avec l’AutricheHongrie à Saint-Germain-en-Laye le 10 septembre 1919, avec la Bulgarie à Neuilly-sur-Seine le 27 novembre 1919, avec la Hongrie à Trianon le 4 juin 1920, avec la Turquie à Sèvres le 10 août 1920. Il s’agit d’examiner le règlement du conflit et ses conséquences pour comprendre pourquoi, un bon nombre d’acteurs politiques et militaires considèrent la Seconde Guerre mondiale comme le prolongement de la Première.

Doc. 1 Cette carte identifie l’Autriche-Hongrie en 1908, après l’annexation de la Bosnie. Depuis le congrès de Berlin de 1878, à la suite de la guerre entre la Russie et l’Empire ottoman, les provinces de Bosnie et Herzégovine qui étaient en droit ottomanes, avaient été placées sous l’administration de l’Autriche-Hongrie. Leur annexion irrite les Russes qui se considèrent comme les protecteurs des Slaves. Doc. 2 Cette analyse des nationalismes par Charles Seignobos est extraite d’un cours donné à la Sorbonne en 1913, au moment de la deuxième guerre balkanique. Il évoque la question du nationalisme, un principe politique né à la fin du xviiie siècle, qui tend à légitimer l’existence d’un État nation pour chaque peuple et qui s’est imposé au xixe siècle. Aspiration d’un peuple se considérant comme une nation à l’existence d’un État, il peut se transformer en mouvement politique voulant exalter sa nation par rapport aux autres. Doc. 3 Cette lettre secrète envoyée par François-Joseph à Guillaume II le 5 juillet, après l’attentat de Sarajevo, évoque la politique qu’il souhaite conduire à l’égard de la Serbie. Elle accompagne un mémoire, rédigé dès le 24 juin. Doc. 4 La une de l’hebdomadaire l’Œil de la police évoque l’attentat de Sarajevo. Ce magazine reprend globalement le principe des Faits-Divers illustrés fondés en 1905. Cette Une permet de comprendre comment était perçu l’attentat de Sarajevo. Doc. 5 Cette frise, associée au zoom histoire permet de comprendre la division de l’Europe en deux blocs d’alliance. Les tensions entre les pays européens sont en effet plus anciennes et pour se protéger, les États européens ont mis en place deux système d’alliance défensive : la Triple Alliance et la triple Entente. La course aux armements (accroissement des forces matérielles et humaines) témoigne de la préparation d’une guerre préventive qui consisterait à attaquer avant que l’ennemi ne le fasse et ne soit en position de force (voir Moltke en Allemagne). La mécanique des alliances, déclenchée par l’ultimatum austro-hongrois à la Serbie, conduit au déclenchement de la guerre. La ressource vidéo a été élaborée par Arte. Elle explique le fonctionnement de l’empire austro-hongrois et la question des minorités. Analyser les documents 1. Un empire multinational est une communauté politique composée de peuples ou de nations différents, réunis autour d’un pouvoir unique. 4. La Première Guerre mondiale et la fin des empires européens 83

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2. Les difficultés internes

Les difficultés externes

L’Autriche-Hongrie est constituée de 13 nationalités. On constate l’émergence de revendications nationales (les Tchèques), sous la forme du rattachement à des États déjà constitués, ou de la création d’un nouvel État. L’Autriche-Hongrie est, depuis 1867, une double-monarchie avec deux États autonomes qui ne conduisent pas le même type de politique à l’égard des minorités.

La Serbie profite des guerres balkaniques pour étendre son territoire au détriment de l’Empire ottoman, puis de la Bulgarie. Elle peut souhaiter la dislocation de l’Autriche-Hongrie et la réunion de tous les Serbes. La Serbie a le soutien de la Russie, au nom du panslavisme. L’alliance des pays de l’Entente tend à l’encercler.

3. François-Ferdinand est l’héritier de François-Joseph. Il est assassiné avec sa femme à Sarajevo, le 28  juin, par Gavrilo Princip, un bosniaque qui a fait ses études en Serbie. La voiture s’arrête devant lui et il les abat d’un coup de revolver. Les armes lui ont été fournies par une association nationaliste Serbe, « L’Union ou la mort ». Pour cette association, il s’agit surtout de faire pression sur le chef du gouvernement serbe Nikola Pasic, accusé de passivité envers l’Autriche-Hongrie. 4. La Une de ce journal montre les deux attentats. Leur description permet de comprendre combien l’attentat est peu organisé. Le premier se déroule à 10 h 15. Un des terroristes, Čabrinović, lance une bombe (ou un bâton de dynamite) sur la voiture de François-Ferdinand. La bombe rebondit sur la voiture du prince et atterrit sous la voiture suivante, l’explosion blessent gravement ses passagers (le comte Fos-Waldeck et l’aide de camp du gouverneur territorial, le lieutenant-colonel Merizzi), ainsi qu’un policier et plusieurs personnes dans la foule. Lorsque François Ferdinand décide d’aller voir les victimes, sa voiture, qui a pris le mauvais chemin, croise Gavrilo Princip qui tire deux fois sur leur voiture. Le journal insiste sur le caractère tragique de l’évènement, en montrant l’action et les victimes de l’attentat et il n’y a aucune référence au caractère politique de l’incident. 5. Le document est rédigé après l’attentat de Sarajevo. L’aide-mémoire témoignant des intentions de la Serbie est cependant rédigé, le 24 juin. 6. L’empereur évoque clairement son intention d’isoler et d’amoindrir la Serbie. Il s’agit de « déchirer d’une main vigoureuse le réseau que son adversaire voulait jeter sur sa tête comme un filet ». En lançant un ultimatum à la Serbie, et en refusant toute négociation, elle provoque l’engrenage de la guerre. Activité Bilan L’Autriche-Hongrie est décidée à contenir la puissance serbe. L’ultimatum adressé à la Serbie est volontairement inacceptable (il prévoit de faire de la Serbie une sortie de protectorat austro-hongrois) car il s’agit de mener une guerre punitive (décision prise lors du conseil du 7 juillet). 84 Histoire

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Pourtant, à la suite de l’ultimatum, le gouvernement serbe réagit immédiatement, car il n’est pas directement impliqué dans l’attentat. Il craint l’exploitation que l’Autriche-Hongrie peut faire de cet évènement. Il accepte en partie l’ultimatum. L’Autriche-Hongrie refuse, comme elle refuse toute tentative de médiation internationale. En déclarant la guerre à la Serbie, elle enclenche la mécanique des alliances. B Vers une dislocation de l’empire

d’Autriche-Hongrie

Présentation des documents Doc. 6 Cette carte permet de voir la place de l’AutricheHongrie dans le conflit et les difficultés liées à la multiplicité des fronts. Doc. 7 Il s’agit d’une caricature élaborée en 1915 et parue dans un journal italien avant la signature du pacte de Londres. Ce traité secret, signé par le gouvernement italien avec les représentants de la Triple-Entente, oblige l’Italie à entrer en guerre contre les Empires centraux en échange de substantielles compensations territoriales. Cet acte est décidé par le gouvernement, le roi et la hiérarchie militaire, sans la consultation du Parlement, le 26 avril 1915. Doc. 8 Ce document évoque les difficultés internes de l’Empire, notamment avec la montée des revendications nationales de la part des différentes minorités. Cependant, il ne faudrait pas déduire du document une opposition systématique des minorités nationale à l’Autriche-­ Hongrie. En effet, pendant longtemps, la fidélité l’a emporté et les soldats ont combattu aux côtés de l’empereur. À l’intérieur de l’Autriche-Hongrie, la classe politique tchèque fait preuve d’un loyalisme sans faille, espérant en retour une plus grande autonomie. Doc. 9 et 10 Ces deux documents évoquent la dislocation de l’Empire austro-hongrois avant l’armistice et les traités de paix. Le document 9 est un rapport du compte Czernin, ministre autrichien des affaires étrangères à

Charles  I, successeur de François-Joseph. Il évoque les négociations conduites avec les pays de l’Entente en vue de mettre fin à la guerre. Le document 10 est une photographie prise à Prague lors de la proclamation de la république tchécoslovaque le 28 octobre 1918. Éducation au numérique La ressource vidéo est un documentaire du Courrier international dans laquelle s’exprime André Loez. Après avoir rappelé les origines du conflit, il évoque le déroulement du conflit et la dislocation de l’Empire austro-hongrois avant la signature de l’Armistice. Il décrit aussi la façon dont les minorités sont gérées Analyser les documents 7. L’Autriche doit à la fois combattre sur le front ouest (Italie), le front Est (Russie), le front sud (Serbie, Roumanie). 8. L’Italie choisit de s’allier avec les pays de l’Entente à cause de la présence de minorités italiennes dans l­ ’Empire austro-hongrois et l’accord secret de Londres de 1915. 9. Les Tchèques sont une minorité de l’Empire AustroHongrois. En tant que citoyens de l’Empire, ils doivent combattre dans l’armée. La contestation vient pour l’essentiel des exilés, qui demandent dès 1915 la création d’un État indépendant. Le document 8 dénonce ainsi la « tyrannie » dont ils sont victimes et souhaitent constituer un État-nation (« réunir dans un même État les fils de la même patrie »), avec l’aide des pays de l’Entente. 10. Les pays de l’Entente soutiennent le combat des nationalités pour leur indépendance. Ils tentent d’exploiter à leur profit de ses revendications. 11. La mort de l’Empereur fragilise l’Empire. Il incarne en effet la dynastie des Habsbourg. Son successeur ne peut pas vraiment avoir une stratégie autonome. Activité Bilan Le schéma peut prendre la forme d’une carte heuristique mettant en valeur les difficultés de l’Empire austro-hongrois à la fois internes (mouvement des nationalités, épuisement de l’Empire lié à la durée du conflit), les difficultés externes (la guerre ; soutien des pays de l’entente aux mouvement nationaux). Cela entraine des réactions de la part des autorités austro-hongroises (négociations avec les pays de l’Entente, manifeste de l’empereur pour créer une fédération d’États nationaux). La fin de la guerre accélère le processus de dislocation. Ce n’est finalement qu’à l’été 1918, que des mouvements très actifs, mais très largement minoritaires, animés depuis l’étranger par des exilés, font pencher la balance en faveur de la destruction de la double-monarchie. Ainsi, à la fin de l’été 1918, le front cède. L’offensive balkanique des alliés les portent le 7 octobre à Belgrade, à la frontière de l’Empire. Fin octobre, les troupes impériales et royales doivent évacuer la Vénétie après la

défaite de Vittorio Veneto. Les peuples de la double monarchie, notamment les Slaves dont on avait toujours refusé l’autonomie refusent d’être associés à cette défaite. Les premières désertions massives de soldats croates ou tchèques sont signalées en Italie au cours du mois d’octobre. Des manifestations ont eu lieu à Prague, Zagreb, Cracovie. Le 25  octobre, des gouvernements provisoires slovènes et croates sont formés, tandis que la Hongrie –  excédée par la proposition de fédéralisation  – déclare son indépendance. Trois jours plus tard, un État tchécoslovaque est proclamé à Prague. Le 12 novembre, ce qui reste de l’Autriche devient la « République allemande d’Autriche. » Lorsque Charles 1er  abdique, le territoire de son empire et ses 50 millions d’anciens sujets sont désormais divisés en sept États. C Du droit des peuples à disposer

d’eux-mêmes

Présentation des documents Doc. 11 Cette une carte, centrée sur l’Autriche, illustre le devenir des empires après la Première Guerre mondiale. Doc. 12 Le traité de paix de Saint-Germain en Laye, signé le 10  septembre 1919, établit la paix entre les alliés et l’Autriche, et consacre la dislocation, neuf  mois auparavant, de la monarchie austro-hongroise, remplacée par sept États successeurs selon le principe, posé dans le 10e  des 14  points du président américain  Woodrow Wilson, du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Doc. 13, 14 et 15 Ces documents montrent l’opposition que ce traité, ainsi que celui de Trianon concernant la Hongrie, a suscité, aussi bien à la part des minorités (Doc. 13, une photographie d’une manifestation d’Allemands des Sudètes), des pays vaincus (Doc. 14, une carte postale hongroise), que des pays vainqueurs (Doc. 15, Italie, plus spécialement le mouvement nationaliste de Gabriel d’Annunzio, qui occupe, contre l’avis de Rome la ville de Fiume). Éducation au numérique La vidéo, réalisée par l’histoire par les cartes explique les bouleversements géopolitiques de l’Europe (modifications territoriales, changements politiques) et les intérêts des pays vainqueurs, par exemple ceux de la France. Analyser les documents 12. Après les traités de paix, l’empire Austro-Hongrois disparait. L’Autriche et la Hongrie perdent une grande partie de leur territoire. L’Autriche cède ainsi la Bucovine à la Roumanie, le territoire des Sudètes à la Tchécoslovaquie, le Tyrol méridional, le Trentin et Trieste à l’Italie, la Dalmatie au royaume des Serbes, des croates et des Slovènes. En Hongrie, la 4. La Première Guerre mondiale et la fin des empires européens 85

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objectif bac déstabilisation du pays favorise l’accès au pouvoir d’une République des conseils, inspirée par les Bolcheviks en mars 1919, qui dure peu de temps. Les Hongrois essaient de résister au dépeçage de leur pays. Cependant, le 4 juin 1920, le traité de Trianon entérine les acquisitions roumaines en Hongrie. La Slovaquie entre dans la composition du nouvel État Tchécoslovaque, tout comme la Ruthénie subcarpatique. Au total, la Hongrie est amputée de 71.5 % de son territoire de 1914 et de 63.6 % de sa population. 13. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est inégalement appliqué. En effet, les habitants de la région de Klagenfurt sont amenés à se prononcer par voie de suffrage sur l’État auquel ils désirent être rattachés. Le territoire, disputé avec la Yougoslavie a été rattaché à l’Autriche (Art. 49). A l’inverse, les pays de l’Entente souhaitent préserver l’intégralité de l’Autriche et refusent toute union avec l’Allemagne, contrairement au souhait émis par la population (Art. 88). 14. Au nom du principe des nationalités, affirmé notamment dans les 14  points du président des États-Unis Wilson, certains peuples, auparavant minorités nationales dans les empires, ont droit à un État indépendant au terme des traités. Deux nouveaux États multinationaux, sont constitués : la Tchécoslovaquie, qui rassemble des Slaves du Nord et la Yougoslavie, qui regroupe les

Slaves du Sud. Certains pays, dans le camp des vainqueurs, agrandissent leur territoire : la France recouvre l’Alsace-Lorraine, l’Italie acquiert le Trentin et Trieste et la Roumanie rattache la Bessarabie et la Transylvanie. Cependant, il apparut impossible de créer autant d’États qu’il y avait de nationalités, en particulier dans les Balkans, parce qu’il était estimé que des États trop petits ne seraient pas viables. Par ailleurs, le grand mélange des populations conduisit à multiplier les minorités. 15. Les Allemands des Sudètes, qui constituent une majorité de la population de la Bohème-Moravie, demandent dès novembre  1918 son autonomie. La Hongrie, dont la dislocation est officialisée en 1920 par le traité de Trianon, adopte dès lors une politique visant à «  réviser  » ce traité de Trianon. Les Italiens qui contestent une victoire mutilée, dans la mesure où certaines dispositions des accords de Londres n’ont pas été respectées. 16. Afin de contester les traités de paix, les populations manifestent (Doc. 13). Les États mènent des campagnes de révisions (Doc. 14). La Première Guerre mondiale renforce les idées nationalistes et irrédentistes de Gabriel d’Annunzio qui mène une vraie politique du coup de force (Doc. 15). Il s’empare notamment de la ville de Rijeka (Fiume en italien) qu’il offre à l’État italien.

capacités et méthodes

Confronter le savoir acquis en histoire avec ce qui est entendu, lu et vécu L’exercice cherche à montrer comment utiliser ses connaissances en histoire en travaillant notamment l’implicite et les inférences. Le document proposé en exercice témoigne de la politique révisionniste conduite par la Hongrie après la signature du traité de Trianon. L’élève peut travailler sur les procédés graphiques utilisés dans cette carte postale pour justifier le combat des Hongrois. Il peut faire la relation avec la double-page 136-137 du manuel élève pour montrer la difficile application du  droit  des peuples à disposer

vers le bac Juillet-novembre 1916, la bataille de la Somme 1. Le document est le témoignage d’un soldat britannique qui évoque, à partir de septembre 1916, une nouvelle phase de la bataille pendant laquelle Douglas Haig utilise des chars. La bataille implique les Britanniques (mais aussi les Français) contre les Allemands. 2. C’est une guerre de position pendant laquelle deux armées se trouvent face à face. Un no man’s land les sépare. Une offensive majeure est lancée en juillet  1916 afin de rompre le front et d’opérer une percée décisive. le big Push échoue et laisse place à une guerre d’usure avec des actions limitées. 3. Douglas Haig décide d’utiliser des chars. 4. Les chars permettent de franchir les tranchées adverses sans encombre et de protéger l’attaque de l’infanterie. La prise des différentes lignes est ainsi facilitée, d’autant que l’effet de surprise est important (« nos types avaient juste à marcher derrière et à occuper le front »). 5. La bataille de la Somme est un lieu d’expérimentation car des armes nouvelles sont utilisées. C’est aussi le début d’une nouvelle stratégie, avec le début d’une attaque de masse au moyen de l’infanterie à une approche mécanique recourant à plusieurs armes et où l’infanterie prenait place au côté de l’aviation, de l’artillerie et des forces blindées. Cette transition est le résultat de l’industrialisation du conflit.

L’Autriche-Hongrie de 1914 au traité de Saint-Germain. 1. Les deux documents sont relatifs à la crise de juillet  1914 qui va conduire à la guerre. Le document  1 est une illustration du Petit Journal évoquant l’attentat de Sarajevo. Le Doc. 2 est extrait du rapport de l’ambassadeur 86 Histoire

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d’eux-mêmes et les contestations que cela suscite aussi bien chez les pays vainqueurs que les pays vaincus. Une réflexion peut être conduite sur les tensions actuelles dans la région. Depuis son élection le 1er janvier 2011, Viktor  Orban cherche à réunifier la nation hongroise, au-delà des frontières imposées en 1920 par le traité de Trianon. Aujourd’hui encore, environ deux  millions de locuteurs hongrois vivent dans les pays voisins, dont certains ont été naturalisés dans une perspective électoraliste.

p. 140-141 allemand à Vienne, le comte Tshirschky qui rend compte de sa première conversation avec le chef du gouvernement austro-hongrois le 30 juin dans un rapport adressé au chancelier Bethmann. En marge sont écrites les réactions de Guillaume II. 2. L’attentat de Sarajevo est l’assassinat perpétré le dimanche 28  juin 1914 à l’encontre de l’archiduc François-Ferdinand, héritier de l’Empire austro-hongrois, et son épouse, Sophie  Chotek, duchesse de Hohenberg, par le nationaliste serbe de Bosnie nommé Gavrilo  Princip. Ce voyage était considéré comme une provocation par les nationalistes serbes, qui voulaient organiser un attentat. 3. La politique conduite après l’attentat par l’AutricheHongrie est d’en finir avec les serbes. Ils ont le soutien de Guillaume II qui indique qu’il faut en finir avec la Serbie. Le gouvernement allemand, sans forcément les presser d’agir, les laisse faire « c’est seulement et uniquement à l’Autriche de se décider. » 4. La politique conduite est risquée, notamment car la Russie est la protectrice des Serbes. Elle ne laissera pas faire l’Autriche-Hongrie. Plusieurs acteurs aussi bien en Autriche-Hongrie qu’en Allemagne sont conscients de ce risque et cherche à éviter toute précipitation. 5. La responsabilité de l’Autriche est ici questionnée et des nuances peuvent être apportées. Pour mener cette guerre punitive, l’Autriche-Hongrie doit avoir l’aval de l’Allemagne, ce qui lui avait été refusé l’année précédente. L’émotion suscitée par l’attentat est forte, comme en témoigne les remarques de Guillaume  II. On comprend alors sa volonté de se saisir de l’occasion offerte par l’attentat pour brider la Serbie, d’autant qu’il doit ménager l’allié austro-hongrois. Le gouvernement allemand, sans forcément les presser d’agir, les laisse faire, 4. La Première Guerre mondiale et la fin des empires européens 87

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au risque d’un conflit avec la Russie, dont on craint l’expansion. La question est de savoir si l’Allemagne souhaitait une guerre courte et localisée ou une guerre généralisée. La thèse de la « localisation du conflit », défendue par le Kaiser ou encore le chancelier Bethmann

est surtout un test pour savoir ce que veulent la Russie et ses alliés. La mobilisation générale de la Russie rend alors la guerre inévitable. Moltke a ensuite imposé son point de vue et décide d’appliquer sans attendre le plan Schlieffen avant d’attaquer la Russie.

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Géographie THÈME

1

La métropolisation : un processus mondial différencié

Présentation du thème Le métropolisation est un phénomène majeur de la géographie contemporaine. Celle-ci contribue aux recompositions et mutations spatiales, en lien avec la mondialisation. Il s’agit donc ici d’étudier le poids croissant des villes et des métropoles dans l’organisation des territoires, à toutes les échelles. Il s’agira d’associer dans ce thème l’urbanisation (augmentation du nombre d’habitants vivant dans les villes) à la métropolisation qui se caractérise par une forte concentration des activités et des fonctions de commandement dans les plus grandes villes.

Rappel des notions associées au thème Agglomération urbaine : unité urbaine caractérisée par la continuité des constructions, qui comprend la villecentre et les banlieues. Centre/périphérie : un centre est lieu qui possède des capacités d’impulsion par rapport à une périphérie qui est un espace dominé. En géographie urbaine, on oppose le centre-ville et la banlieue (périphérie). Métropole : grande ville qui concentre la population, les activités économiques et les fonctions de commandement, exerçant une certaine influence sur le territoire qui l’entoure ou d’autres plus lointains. Métropolisation : concentration croissante de la population, de la richesse et des fonctions de commandement dans les métropoles. Ville : agglomération relativement importante dont les habitants ont des activités diversifiées, notamment dans le secteur tertiaire. Présentation des diverses entrées Une image Rio de Janeiro (Brésil), une grande métropole du monde (p. 142) Rio de Janeiro abrite 13  millions d’habitants. Même après avoir perdu son statut de capitale, Rio de Janeiro reste la vitrine du pays dans bien des domaines et accueille souvent les grandes manifestations de prestige (en 1992, la conférence des nations Unies sur l’environnement et le développement (CNUCED), ou sommet de Rio ; les Jeux olympiques de 2016…). La ville a gardé plusieurs secteurs d’excellence (les chantiers navals ou les sièges sociaux de très grandes entreprises, comme le groupe de médias Globo, la compagnie pétrolière Petrobras ou la Banque nationale de développement économique et social (BNDES).) La découverte du pétrole au large de la ville en 1974 a causé un boom immobilier. La métropole brésilienne présente les caractéristiques des villes des pays émergents. Elle a été choisie pour 90 Géographie

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mettre en valeur les contrastes spatiaux, illustrés ici par la verticalité du quartier des affaires auquel est adossée la favela qui grimpent les pentes de la colline. Si les grandes entreprises brésiliennes et étrangères occupent les buildings du centre, les favelas sont des bidonvilles situés sur des terrains occupés illégalement et contrôlés le plus souvent par des trafiquants de drogue. Ils sont insalubres, et les habitations qui les composent sont construites avec des matériaux de récupération. Une vidéo Une grande ville vue du ciel : Bangkok (p. 142) Cette courte vidéo permet de familiariser les élèves aux paysages urbains des grandes métropoles du monde. Bangkok, la capitale de la Thaïlande, compte 19 millions d’habitants sur les 68 millions du pays. On fera observer aux élèves la verticalité des quartiers centraux, l’importance des réseaux de transports ainsi que la richesse du patrimoine. Une carte (p. 143) Cette carte à l’échelle mondiale et à projection polaire permet de rappeler la localisation des grands ensembles urbanisés de la planète, qui correspondent aux pôles métropolitains ou mégalopolitains. Une carte mentale (p. 143) La carte mentale réunit les différents axes retenus pour traiter le thème du métropolisation : ––La progression de l’urbanisation est un phénomène qui débute à partir de la révolution industrielle du xixe siècle. Une urbanisation progressive mais importante touche l’Occident, principalement l’Europe et l’Amérique du Nord. Les pays développés sont aujourd’hui urbanisés à près de 80 %. Depuis les années 1950, le phénomène d’urbanisation se généralise, avec une rapidité inédite, à l’ensemble des pays en développement. Il aura seulement suffi de quelques décennies aux villes du Sud pour devenir de grandes agglomérations urbaines. ––En 1950, sur les dix agglomérations les plus peuplées du monde, sept appartenaient aux pays développés. En 2018, la situation s’est inversée : seules Tokyo, OsakaKobé-Kyoto et New York sont classées dans les dix premières villes de la planète. ––Les villes mondiales sont des pôles majeurs de la mondialisation. Les métropoles sont les centres d’impulsion de l’économie mondiale car elles concentrent la richesse et les fonctions décisionnelles dans divers domaines : la finance avec la Bourse (Wall Street et le Nasdaq à New York), les banques ou assurances (la City de Londres). Elles attirent les investissements du monde entier. Mais ces villes accueillent aussi des sièges sociaux d’organismes

internationaux (l’ONU à New York, le FMI et la Banque mondiale à Washington, l’Organisation Maritime Internationale à Londres, l’UNESCO à Paris). La plupart des grandes manifestations sportives se déroulent dans ces grandes métropoles : les Jeux Olympiques de 2020 à Tokyo, ceux de 2024 à Paris. Les centres de commandement des métropoles se localisent dans le quartier des affaires (ou Central Business District en anglais). On peut citer le Financial District de Manhattan à New York (dans la partie sud de l’île), la City de Londres, le quartier de Pudong à Shanghai, etc. ––On distingue les métropoles à rayonnement planétaire, les capitales d’État et les métropoles régionales. Certaines métropoles cumulent leur rôle à l’échelle mondiale avec celui, dominant, qu’elles jouent à l’échelle nationale, en étant des capitales d’États. C’est le cas, par exemple, de Paris ou de Londres. Les capitales d’États concentrent, à l’échelle nationale, la plupart des fonctions politiques et

A Cours

administratives du pays. On y retrouve le plus souvent le siège du gouvernement, les ministères et les institutions politiques (le parlement, la cour de justice et la haute administration). À l’échelle infra-nationale, un grand nombre de villes sont des métropoles régionales qui organisent la vie économique et sociale de leur région. Celles-ci regroupent un centre hospitalier, des médecins spécialistes, des services aux entreprises, de grands centres commerciaux centraux ou en périphérie, des espaces de loisirs. Dans la plupart des pays, les métropoles régionales dépendent, à leur tour, d’un certain nombre de services centraux localisés dans la métropole nationale. Mise en relation des documents Le professeur peut retenir un ou plusieurs entrées combinées. Cela doit lui permettre de mieux comprendre les acquis et les lacunes des élèves par rapport au thème de la métropolisation.

Question obligatoire

1

p. 144-145

L’urbanisation du monde Présentation du cours Alors qu’un habitant sur dix vivait en ville jusqu’au milieu du xixe siècle, 55,3 % de la population mondiale est aujourd’hui citadine, une proportion qui pourrait atteindre 68 % à 75 % en 2050. C’est en 2007 que la population urbaine a dépassé la population rurale. La population mondiale a doublé en moins de 50 ans et la croissance urbaine est indissociable de cette explosion démographique. La croissance de la population urbaine est inégale selon les continents (42,5 % en Afrique, 49,9 % en Asie mais 74,5 % en Europe et de 82,2 % en Amérique du Nord). Certains pays ont même un taux d’urbanisation proche de 100 % ou même égal à 100 %, comme Singapour (100 %), Malte (94 %), l’Islande (93 %) ou le Japon (91 %). En revanche, la population urbaine de certains États est très faible, notamment en Afrique (le Burundi 13 %, le Niger 16 %). Cette inégale urbanisation du monde conduit à une hiérarchie urbaine bouleversée depuis 1950. À cette date, sur les dix agglomérations les plus peuplées du monde, sept appartenaient aux pays développés (3 à l’Europe, 2 aux États-Unis et 2 au Japon). Dans ce classement, figuraient donc trois villes situées dans les pays en développement : Buenos Aires, Calcutta (Kolkata) et Shanghai. New York, première ville du monde, comptait alors 12 millions d’habitants. En 2018, la situation s’est inversée : seules Tokyo, Osaka-Kobé-Kyoto et New York

sont classées dans les dix premières villes de la planète (respectivement aux 1er, 7e et 9e rangs). On assiste parfois à une décroissance urbaine dans certaines villes touchées par la crise (Cleveland, Detroit, Buffalo aux États-Unis). La croissance urbaine profite donc surtout aux pays du Sud : en 2035, Delhi, en Inde, sera la ville la plus peuplée du monde avec 43 millions d’habitants. Repère Les trois seuils de la légende font apparaître la suprématie des métropoles asiatiques, à la tête desquelles on trouve Tokyo et ses 37 millions d’habitants. Doc. 1 Comparer deux pays aussi différents que la France (67 millions d’habitants) et l’Éthiopie (94 millions d’habitants) à propos de la répartition entre population urbaine et population rurale, sur une période longue, de 1950 à 2018 montre les contrastes entre un pays développé dont la population urbaine dépassait déjà 60 % du total en 1950 et un pays africain parmi les plus pauvres, l’Éthiopie, dont la population est essentiellement rurale à la même date. En 2018, la population urbaine éthiopienne est de 20 % et celle de la France de 80 %. Si l’on établit des projections pour 2050, la population vivant dans les villes françaises devrait atteindre 90 % alors qu’elle serait de 40 % dans les villes éthiopiennes. La population urbaine de l’Éthiopie va doubler en 32  ans (2018-2050) alors qu’elle ne progressera que de 10 % en France. Doc. 2 Cette carte complète le Doc. 1 en montrant les inégalités des taux d’urbanisation dans le monde. Les seuils de la légende permettent d’observer les forts taux d’urbanisation, en particulier ceux qui dépassent 80 % 1. La métropolisation : un processus mondial différencié 91

22/07/2019 09:47

Itinéraire bis 1. La population urbaine de la France passe de moins de 60 % en 1950 à 80 % en 2018, avec une prévision de 90 % en 2050. Pour l’Éthiopie, on passe de 5 % en 1950 à 20 % en 2018 et 40 % en 2050. 2. L’Amérique du Nord, l’Europe de l’Ouest, le Japon et l’Australie dépassent 80 % de population urbaine. La situation est moins homogène dans d’autres régions du monde. Par exemple, en Amérique latine, le Brésil possède un taux d’urbanisation élevé alors que le taux du 92 Géographie

P001_180_HIST_GEO_EMC.indb 92-93

Le poids croissant des métropoles Présentation du cours La notion de métropolisation est à distinguer de celle d’urbanisation. La métropolisation se définit comme la concentration croissante de la population, de la richesse et des fonctions de commandement dans les métropoles. Il est important de préciser que, dans le monde, il y a 550 villes comptant plus de 1 million d’habitants et 35 en accueillent plus de 10  millions. La métropolisation progresse aujourd’hui, surtout dans les pays en développement. Mumbai, en Inde, comptait 3 millions d’habitants en 1950 et en compte 20 millions aujourd’hui. Les « villes mondiales » ou global cities regroupent une population nombreuse, concentrent les capitaux et favorisent l’implantation des entreprises multinationales. Ces grandes agglomérations disposent d’une grande accessibilité grâce à des équipements et un réseau de transports efficaces. Les quatre villes mondiales de premier rang sont Tokyo, New York, Paris et Londres. Les métropoles sont avant tout aujourd’hui des lieux de commandement qui se concentrent dans des zones urbaines caractéristiques, les quartiers d’affaires. Repère Cette carte complète le panorama des villes à l’échelle mondiale. Il s’agit de visualiser la croissance des villes depuis les années 2000, à travers deux éléments : l’augmentation en valeur absolue et en pourcentage. La population des villes asiatiques a le plus augmenté en millions d’habitants, comme en pourcentages de 2000 à 2020. D’une manière générale, ce sont les populations des villes des pays pauvres et émergents qui croissent le plus. En complément, voici un tableau qui présente l’évolution des grandes métropoles du monde :

2030 (prévision)

p. 146-147

2018

La première caractéristique est la forte augmentation de la population urbaine à l’échelle mondiale. En 1950, seuls 30 % de la population mondiale vivaient dans les villes, aujourd’hui, ce sont 55 % du total qui sont citadins, soit 4,1  milliards de personnes. Cette population urbaine pourrait atteindre 70 % en 2050. On note le ralentissement de la croissance urbaine dans les pays développés : l’Europe comptait 51  % d’urbains en 1950, elle en dénombre aujourd’hui 74 %. De nos jours, ce sont surtout les pays du sud qui profitent de la plus forte croissance urbaine. La seconde caractéristique est une évolution hétérogène selon les régions du monde. On peut opposer des taux d’urbanisation encore bas dans le Sud (50 % en Asie) mais élevés dans les pays riches : 74,5 % des Européens et 82,2 % des Nord-Américains sont citadins. Certains pays ont même un taux d’urbanisation proche ou égal à 100 % (Singapour, 100 %). Le taux d’urbanisation n’est que de 43 % en Afrique (le Burundi 13 %, le Niger 16 %). La troisième et dernière caractéristique est une forte modification de la hiérarchie urbaine. En 1950, sur les dix métropoles les plus peuplées, 3 étaient situées en Europe, 2 aux États-Unis et 2 au Japon. En 2018, 7 autres villes sur les dix premières sont localisées dans les pays du sud.

2

2010

Itinéraire 1

Cours

1990

Choisir un itinéraire

Villes (population en millions)

1970

Doc. 3 Cette photographie illustre l’urbanisation dans l’un des pays les plus peuplés du monde, l’Inde (1,3 milliard d’habitants. Les villes indiennes sont parmi les plus peuplées du monde : Delhi (30  millions d’habitants), Mumbai (20 millions), Kolkota (15 millions). L’Inde compte plus de 180  villes de plus de 300  000 habitants. Sur la photographie, on mesure les densités urbaines indiennes dans un des quartiers centraux de Delhi.

Guyana est inférieure à 40 %. On observe de grands contrastes pour les pays africains (plus de 80 % en Libye, moins de 40 % au Soudan) ou asiatiques. 3. L’Afrique est globalement le continent où un grand nombre de pays possèdent des taux d’urbanisation inférieurs à 40 %. En revanche, L’Amérique du Nord a, pour sa part, des taux supérieurs à 80 % (États-Unis et Canada). Quant à l’Amérique latine, les taux d’urbanisation sont plutôt élevés, comme au Brésil. 4. La photographie montre le quartier de Paharganj, situé à Delhi. On relève la densité du bâti, la présence de nombreuses publicités et une très forte occupation humaine. On note également une forte concentration de taxis de couleur jaune.

1950

de la population totale, comme l’Amérique du Nord ou l’Europe de l’Ouest, le Japon ou l’Australie. Plus surprenant, les forts taux de la Libye ou de l’Arabie saoudite. Les pays aux faibles taux d’urbanisation (moins de 40 %) se trouvent dans des pays d’Afrique ou d’Asie du Sud.

Tokyo (Japon)

11

23

33

37

37

37

New York (États-Unis)

12

16

16

18

19

20

Londres (Royaume-Uni)

8

7,5

6,8

8

9

10

Paris (France)

6

8

9

10

11

12

Shanghai (Chine)

4

6

9

20

25

33

Los Angeles (États-Unis)

4

8

11

12

12

13

Le Caire (Égypte)

2

6

10

17

20

26

0,3

1

5

10

13

21

Lagos (Nigéria)

Doc. 1 L’exemple de Singapour a été choisi car cette métropole asiatique se caractérise par son dynamisme et par son manque d’espaces disponibles. Singapour est à la fois une île, un État et une ville : Singapour a quasiment la taille de New  York. Particulièrement dynamique, cette métropole mène une politique d’expansion pour rester à la pointe de la modernité, mais sans renier son passé. Les nouvelles constructions rivalisent d’audace et de gigantisme.  Singapour est réputée pour accueillir les milieux d’affaires. Cependant, la ville investit énormément dans la protection de l’environnement en projetant le reportage de France 2 de juillet 2018 intitulé Singapour, des gratteciel anti-pollution. Doc. 2 La comparaison de la population des villes du monde présente dans ce document est particulièrement instructive. La période choisie va de 1950 à 2018, avec une projection pour 2030. Cela doit permettre au professeur de revoir avec les élèves la méthodologie de l’analyse des graphiques en courbes en partant d’une comparaison à la première date (1950) pour analyser les pentes des courbes des différentes métropoles jusqu’en 2018, avant de s’intéresser aux projections 2018/2030 ; Cela doit permettre de caractériser plusieurs profils : celui des villes des pays développés (New York et Londres), celui des villes des pays émergents et pauvres (Shanghai, le Caire, Lagos). Doc. 3 L’architecture des quartiers d’affaires n’est pas réservée aux métropoles européennes ou américaines. Abidjan n’est pas la capitale de la Côte d’Ivoire (Yamoussoukro est devenue capitale en 1983, car c’était la ville du Président de l’époque, Félix Houphouët-Boigny qui souhaitait également rééquilibrer le territoire ivoirien

vers le nord), mais c’est assurément la ville la plus peuplée et la plus dynamique. Avec 4,6  millions d’habitants, Abidjan est la capitale économique et commerciale du pays. Il s’y développe des industries agro-alimentaires (conserveries) et un important secteur tertiaire (administration, bourse) dans le quartier d’affaire du Plateau. Mais Abidjan est également le second port d’Afrique après Durban (Afrique du Sud). La photographie met aussi en avant le site lagunaire d’Abidjan.

Choisir un itinéraire Itinéraire 1 La métropolisation a comme première caractéristique la concentration des populations dans des agglomérations de taille de plus en plus grande. Si la métropolisation est importante dans les pays riches, elle prend une dimension particulière dans les pays en développement. En 25 ans, la population urbaine est passée de 2,3 à 4,1  milliards (+ 78 %). Plusieurs régions urbaines atteignent des dimensions exceptionnelles, comme celles de Canton (48,6 millions d’habitants) ou de Tokyo (40 millions). Ces métropoles sont les centres d’impulsion de l’économie mondiale car elles concentrent la richesse et les fonctions décisionnelles dans divers domaines, comme la finance et les organismes internationaux. Les métropoles entretiennent des relations denses et continues entre elles, ce sont les nœuds de communication majeurs de la planète. Les villes qui croissent le plus sont situées dans les pays émergents et les pays pauvres (Chine, Inde et Afrique). Certaines villes, comme Singapour s’affirment comme des pôles majeurs avec un hub international et des activités boursières de premier plan. En Afrique, Lagos au Nigeria était peuplée de 300 000 habitants en 1950 et de 14 millions aujourd’hui. En revanche, la croissance est moindre pour des grandes villes des pays riches, comme Londres ou New York. Enfin, les quartiers d’affaires des villes (aussi bien dans les pays développés que dans les pays en développement) se caractérisent par une architecture verticale qui abrite des fonctions tertiaires dominantes (Abidjan). Itinéraire bis 1. Singapour est une grande métropole asiatique peuplée de 5,5 millions d’habitants. Ses activités sont variées : activités aéroportuaires (l’aéroport de Changi), et portuaires (les ports de Pasir et Panjang), auxquels sont associées des zones industrielles, comme celle de Jurong. Singapour est donc un hub mondial pour les produits pétroliers et les conteneurs sur la route maritime Europe/Asie. Mais Singapour développe aussi des activités commerciales et financières dans le quartier des affaires. Enfin, signalons aussi les activités touristiques et culturelles de Singapour. 2. Les éléments du texte qui font de Singapour un hub mondial sont : « la création de vastes zones aéroportuaires 1. La métropolisation : un processus mondial différencié 93

22/07/2019 09:47

(Changi, ouvert en 1981), portuaires (Pasir, Panjang) et industrielles ultramodernes (Jurong) » 3. Les villes des pays développés présentes dans ce graphique en courbes sont New York et Londres. Les courbes de ces deux villes sont les plus « plates », dénotant une augmentation modérée de leur population. Londres stagne à 8 millions d’habitants de 1950 à 2018 et gagnera 2  millions d’habitants en 2030. New  York a connu une progression de sa population un peu plus importante (10,5 millions en 1950, 19 millions en 2018 et 20,5 millions en 2030. Le rythme de croissance est beaucoup plus élevé dans les villes des pays émergents (Shanghai : 4,5 millions en 1950, 27 millions en 2018, 34,5 millions en 2030). Il en va de même pour les villes africaines : le Caire, 2  millions d’habitants en 1950, 20  millions en 2018 et 29 millions en 2030, selon les prévisions. 4. Ce quartier du Plateau à Abidjan est le quartier des affaires de la métropole ivoirienne. Il rassemble la majeure partie des activités administratives, financières et commerciales de la ville. La plupart des grandes entreprises étrangères et ivoiriennes y ont leur siège social. On note la présence de tours et d’immeubles élevés qui surplombe la lagune.

Cours

3

p. 148-149

Des métropoles inégalement attractives et influentes Présentation du cours Les métropoles à l’échelle mondiale commandent la planète et sont les centres d’impulsion de l’économie, concentrant la population, la richesse et les fonctions décisionnelles. Elles comptent le plus souvent plusieurs millions d’habitants et accueillent des activités tertiaires diversifiées dans la finance, la recherche, le conseil, la communication, les médias, etc. Leur notoriété est aussi liée à la présence d’institutions supranationales, comme l’ONU à New York, mais également à des fonctions culturelles et sportives planétaires. À l’échelle nationale, les capitales d’États concentrent la plupart des fonctions politiques et administratives du pays (le siège du gouvernement, les ministères et les institutions politiques). Plus le pays est centralisé, plus les structures administratives et l’emploi tertiaire y sont présents. À l’échelle infra-nationale, un grand nombre de villes sont des métropoles régionales qui organisent la vie économique et sociale de leur région. Les métropoles régionales sont dotées d’une gamme suffisante de services pour que les habitants de la zone puissent éviter tout recours à une autre ville plus importante  et mieux équipée qu’elle (un centre hospitalier, des médecins spécialistes, des services aux entreprises, de grands centres 94 Géographie

P001_180_HIST_GEO_EMC.indb 94-95

commerciaux centraux ou en périphérie, des espaces de loisirs). Dans la plupart des pays, les métropoles régionales dépendent, à leur tour, d’un certain nombre de services centraux localisés dans la métropole nationale. Ainsi, certains ministères sont souvent relayés dans leurs actions par une antenne régionale. Par exemple, dans le domaine de l’éducation en France, les rectorats relaient dans les régions la politique mise en œuvre sur le plan national.

d’habitants. Elle est située sur les rives de la rivière Yarra, dispose d’un réseau de transports efficace et de très nombreux parcs. C’est aussi une métropole très sportive : elle accueille l’une des trois épreuves phares du tennis mondial avec l’open d’Australie et un grand prix de Formule 1. La qualité de vie y est réputée.

Repère On doit la notion d’archipel mégalopolitain mondial au géographe Olivier Dollfus qui propose en 1996 la première théorisation rigoureuse de l’AMM constitué de « l’ensemble des villes qui contribuent à la direction du monde ». Ces métropoles fonctionnent en système, d’où l’image d’un archipel constitué « d’îles » qui concentrent entre elles l’essentiel du trafic aérien et des flux de télécommunication : 90 % des opérations financières s’y décident et 80 % des connaissances scientifiques s’y élaborent. Les villes de l’AMM sont donc des métropoles mondiales, productrices d’activités et de richesses. Ainsi, le PUB (produit urbain brut) de l’agglomération de Tokyo est quasi égal au PIB de la France. Les métropoles mondiales ont deux niveaux d’intégration : celles qui participent au réseau majeur et celles qui sont plus périphériques.

Itinéraire 1

Doc. 1 La mégalopole qualifie à l’origine la conurbation s’étendant le long de la côte atlantique de Boston à Washington. On distingue habituellement deux autres mégalopoles dans le monde : au Japon et en Europe (la « dorsale européenne »). Le terme désigne des ensembles urbains reliés fonctionnellement (réseaux de transports, communications), mais l’urbanisation n’y est pas forcément continue : elle peut inclure des espaces ruraux, naturels (forêts, zones humides) et des poches de moindre urbanisation. Doc. 2 C’est le 21 avril 1960 que le président de la République brésilienne Kubitschek, inaugurait solennellement Brasília, la nouvelle capitale fédérale du Brésil. Brasilia est une ville neuve, édifiée à l’intérieur des terres (pour rééquilibrer le territoire brésilien), à 1 200 km des deux grandes métropoles du Sudeste, Sao Paulo et Rio de Janeiro. Brasília est la réalisation d’un projet d’une grande audace politique, urbaine et architecturale. L’agglomération de Brasília regroupe aujourd’hui 4,4  millions de personnes contre seulement 2,6 millions d’habitants en 2009. La photo satellite montre bien le plan caractéristique de Brasilia en forme d’oiseau que l’on doit à l’urbaniste Lucio Costa. Quant à l’architecture originale de la ville, on la doit au Brésilien Oscar Niemeyer. Doc. 3 Ce document présente le classement des villes où il est le plus agréable de vivre. Melbourne est classée première avec des indicateurs très élevés dans le domaine de la culture et de l’environnement, comme dans celui des  infrastructures. Melbourne est la deuxième ville d’Australie après Sydney, regroupant environ 4  millions

Moyen-Orient

/////////////////////// Dubaï ////////////////////

Asie

Tokyo

Océanie

/////////////////////// Sydney ///////////////////

Choisir un itinéraire Les villes mondiales sont inégalement attractives et influentes : aucune ville mondiale n’est leader dans tous les domaines. Si l’on considère les flux financiers, le transit de marchandises et de passagers, la connaissance ou la qualité de vie, les villes mondiales occupent des places différentes. Pour mesurer l’attractivité et le rayonnement d’une ville, on croise son produit urbain brut (PUB) et son importance dans l’économie mondiale (flux financiers, de marchandises, de personnes, d’informations, connexions Internet,  etc.). Il existe à travers le monde, notamment en Afrique et en Asie, d’autres grandes métropoles qui, en dépit de leur poids démographique, ne sont pas des villes mondiales en raison de leur précarité économique et des inégalités socio-spatiales concrétisées par la présence de bidonvilles. C’est le cas du Caire en Égypte, de Lagos au Nigeria, de Delhi en Inde ou de Manille aux Philippines qui comptent pourtant près de 20 millions d’habitants. On classe donc les métropoles selon les échelles : les métropoles au rayonnement planétaire ou global cities, les capitales d’État (Brasilia) qui disposent de l’essentiel des fonctions politiques et les métropoles régionales qui  sont attractives pour les espaces environnants (Melbourne). Parfois, certaines métropoles forment entre elles des mégalopoles comme au Nord-est des États-Unis. Itinéraire bis

Continents

2. La mégalopole américaine est un espace urbanisé en continu qui s’étend sur plus de 800  km, de Boston à Washington, associant aussi les métropoles de New York, Philadelphie et Baltimore. Cet espace urbanisé est densément peuplé (plus de 100 habitants/km²), avec de nombreux axes de communication et des infrastructures (ports, aéroports) le reliant au monde. On y trouve également des institutions internationales importantes, comme l’ONU à New York, le FMI et la Banque mondiale à Washington. 3. Le plan de la métropole de Brasília, capitale du Brésil depuis 1960, ressemble, vue du ciel, à un oiseau. 4. Les villes du tableau qui réunit les métropoles à la meilleure qualité de vie se situent essentiellement dans les pays développés. Trois continents sont représentés : ––l’Océanie avec les villes australiennes de Melbourne (1re) Adélaïde (6e), Perth (7e) ; la ville d’Auckland en NouvelleZélande (8e) ; ––l’Europe avec Vienne (Autriche), classée 2e et Helsinki en Finlande, classée 9e  et Hambourg en Allemagne (à la 10e place) ; ––l’Amérique du Nord et essentiellement le Canada avec Vancouver (3e), Toronto (4e) Calgary (5e).

Cours

1. Villes mondiales

Amérique du Nord New York

Pôles économiques et/ou politiques San Francisco Los Angeles Chicago Washington Mexico

Amérique du Sud

/////////////////////// Sao Paulo //////////////////// Rio de Janeiro

Europe

Londres Paris

Afrique

/////////////////////// Lagos ///////////////////// Johannesburg

Francfort Milan

Séoul Pékin Shanghai Hong Kong Mumbai Singapour

4

p. 150-151

La métropolisation de la France Présentation du cours L’urbanisation de la France est relativement récente, notre territoire a longtemps été un pays agricole. Ce n’est qu’en 1931 que la population urbaine dépasse la population rurale. Le pays a connu deux grands moments d’urbanisation : les révolutions industrielles au xixe  siècle et les Trente Glorieuses au xxe siècle. Ainsi, de 1945 à 1975, la croissance urbaine s’accélère avec la poursuite de l’exode rural, le baby-boom et l’accueil de populations immigrées venues d’Afrique ou d’Europe du Sud et de l’Est. Aujourd’hui, la population urbaine continue d’augmenter, mais à un rythme plus faible (0,29 % par an), principalement du fait de l’accroissement naturel qui reste positif, 1. La métropolisation : un processus mondial différencié 95

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des mobilités à l’intérieur du pays et de l’immigration car les villes sont attractives pour les actifs. La forte urbanisation du territoire s’accompagne d’un processus de métropolisation important. La mondialisation et les mutations de l’économie française favorisent cette métropolisation du territoire. Même si les métropoles françaises sont en moyenne moins puissantes que leurs homologues européennes, elles concentrent 52 millions d’habitants et réalisent la moitié du PIB français. Elles accueillent les populations mais également les activités économiques et les fonctions de commandement politiques, pour Paris. Elles constituent également des pôles attractifs en matière d’emplois. Les plus importantes abritent les fonctions décisionnelles des entreprises qui s’incarnent dans les quartiers des affaires. On assiste à une recomposition des espaces urbains français : les centres-villes se transforment (les prix de l’immobilier dans les centres-villes ont explosé), les quartiers centraux ont souvent été réhabilités et sont devenus attractifs pour les catégories sociales aisées qui s’y sont installées. Ce phénomène de gentrification a exclu une partie de la population, plus pauvre, qui a gagné les banlieues en périphérie. Par ailleurs ces banlieues s’étendent : les grands ensembles d’habitation (HLM) des années  1960 et  1970 sont toujours présents, même si les politiques urbaines tentent de les supprimer au profit d’habitats à taille plus humaine. Ils concentrent la pauvreté et sont délaissés par les classes moyennes. L’étalement urbain gagne l’espace rural proche où des lotissements pavillonnaires se construisent dans des villages ou des petites villes de plus en plus éloignés des centres-villes. Les mêmes phénomènes se retrouvent dans les paysages urbains des villes de l’Outre-mer. Repère La hiérarchie urbaine est dominée par l’aire urbaine parisienne, dont la population est 5 à 6 fois plus importante que les aires urbaines de Lyon et d’Aix-Marseille. On notera également le nombre important de petites métropoles régionales dont la population est de l’ordre de 200  000 habitants. Mais, l’intérêt majeur de cette carte est les profils d’évolution de ces métropoles : celles dont la population est en forte croissance (en rouge), celles qui possèdent une croissance modérée (en orange) et celles qui stagnent ou perdent de la population entre les deux dates (en bleu). On notera par exemple la poussée des villes de l’Ouest du pays et la Région Auvergne-Rhône-Alpes. On n’oubliera d’évoquer les métropoles de l’Outre-mer français avec des situations contrastées, comme le montrent les cas de Pointe-à-Pitre et de Saint-Denis de la Réunion. Doc. 1 Dans cet extrait, l’auteur évoque les différentes raisons de l’urbanisation au xixe siècle et distingue : ––les activités industrielles qui se sont installées à proximité des sources d’énergie et matières premières et qui ont généré l’apparition de villes ; 96 Géographie

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––l’émigration rurale (ou exode rural) qui est liée à la mécanisation accrue dans les campagnes. Les villes ont donc accueilli une population à la recherche d’un travail ; ––la troisième raison est liée au développement des activités tertiaires qui se sont implantées essentiellement dans les villes. Doc. 2 Cette carte montre les différents types de métropoles françaises. Afin de renforcer les territoires, le statut de métropole a été créé par la loi du 16 décembre 2010 pour affirmer le rôle des grandes agglomérations comme moteurs de la croissance et de l’attractivité du territoire. La loi du 27  janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles a créé 14 métropoles, rejointes par Nancy le 1er  juillet 2016. On distingue désormais : ––douze métropoles de «  droit commun  » (Bordeaux Métropole, Brest Métropole, Grenoble-Alpes Métropole, l’Eurométropole de Lille, Montpellier Méditerranée Métropole, la métropole du Grand Nancy, Nantes Métropole, Nice-Côte d’Azur Métropole, Rennes Métropole, Rouen Normandie Métropole, la métropole européenne de Strasbourg, Toulouse Métropole) ; ––deux métropoles à « statut particulier » (la métropole du Grand Paris et la métropole d’Aix-Marseille-Provence) ; ––une collectivité territoriale à statut particulier dotée des compétences d’une métropole et d’un département (la métropole de Lyon). Doc. 3 Cette image satellite montre l’espace urbain d’une des grandes métropoles d’Outre-mer, Saint-Denis de la Réunion. L’île de la Réunion est à la fois un département, une région d’Outre-mer et une région ultrapériphérique de l’Union européenne. La ville de Saint-Denis est la métropole la plus importante de l’île avec une aire urbaine d’environ 200 000 habitants. L’espace urbain est facilement identifiable avec son centre et les quartiers périphériques.

France aujourd’hui. À l’échelle nationale, l’influence des métropoles est très diverse. La métropolisation a renforcé le poids de l’aire urbaine de Paris qui, si elle ne représente que 2 % de la superficie du pays, concentre 18 % de la population et 30 % du PIB national. Ce sont surtout les métropoles de l’Ouest et du Sud du pays qui enregistrent les plus forts taux de croissance. Le déséquilibre hérité de la Révolution industrielle du xixe siècle (Doc. 1) entre une France de l’Est plus urbanisée car plus industrielle et une France plus rurale à l’Ouest et au Sud a tendance à s’estomper. Les grandes métropoles (Doc. 2) se concentrent principalement dans les vallées fluviales, sur les côtes et dans les régions frontalières. Dans les territoires ultramarins, la population se concentre de manière importante dans une grande métropole régionale. Ces métropoles régionales sont le siège des administrations et des forces économiques. Itinéraire bis 1. Les aires urbaines dont la population est la plus forte  (de 1 % à 2,6 %) sont Lyon, Toulouse, Montpellier, Bordeaux, Nantes, Rennes, pour les villes les plus importantes ; puis viennent Caen, Caen, Poitiers, La  Rochelle, Bayonne, Perpignan, Nîmes, Chambéry, Annecy, et Annemasse. Les aires urbaines dont la population stagne ou diminue sont Dunkerque, Douai-Lens, Valenciennes, Le Havre, Metz, Nancy, Limoges et Nice. 2. D’après l’auteur, les causes de l’urbanisation depuis le xixe siècle, sont la localisation des activités industrielles à

proximité des sources d’énergie et matières premières qui ont généré l’apparition de villes. On peut ainsi penser aux villes du nord de la France (avec les mines de charbon) et de l’Est (charbon et minerai de fer – la minette lorraine). G.F. Dumont évoque aussi l’exode rural qui est lié à la modernisation des campagnes. Le travail agricole change de nature et les villes accueillent alors une population nombreuse qui vient chercher du travail dans les usines. La troisième raison est liée au développement des activités tertiaires qui se sont implantées essentiellement dans  les villes. La tertiarisation de l’économie est créatrice d’emplois ce qui permet une progression de l’urbanisation. 3. Les 22 métropoles françaises se répartissent équitablement sur le territoire national. C’est sans doute une conséquence des lois de régionalisation qui donnent aux métropoles régionales un rôle clé dans l’organisation du territoire. En tout état de cause, les 22 métropoles sont attractives pour les espaces qui les entourent. 4. Réponse adaptée au cas particulier de l’élève. 5. Saint-Denis de la Réunion est une métropole située sur le littoral. On peut voir le centre-ville et la densité de son bâti, en haut à gauche de la photographie, c’est à dire au nord-ouest. Cette densité des habitations diminue vers l’est et le sud où se développent des espaces périurbains, dont certains classés prioritaires, c’est-à-dire faisant l’objet d’une attention toute particulière de la part des autorités locales. Plus à l’est encore, au sud de l’aéroport qui jouxte l’océan Indien, se trouvent des terres agricoles.

Choisir un itinéraire Itinéraire 1 85 % des Français habitent dans les villes mais celles-ci ne couvrent que la moitié du territoire national et ultramarin. 65 % des Français vivent dans les espaces les plus urbanisés (centres-villes et banlieues proches) et 20 % dans les communes périurbaines (communes rurales en périphérie des villes). Si l’on compte les habitants des espaces ruraux proches des villes, ce sont plus de 90 % des Français qui sont considérés comme urbains. Selon l’Insee, le territoire national comptait 792 aires urbaines en 2017. Avec les communes multi-polarisées sous l’influence de plusieurs pôles, ces aires urbaines regroupent environ 57 millions de personnes en 2017. Au total, près de 95 % de la population vit sous l’influence d’une ville en 1. La métropolisation : un processus mondial différencié 97

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objectif bac capacités et et méthodes méthodes p. 154 p. 100-101 capacités Question obligatoire Employer des notions et le lexique acquis en géographie à bon escient Entraînement 1. La métropolisation se définit comme la concentration croissante de la population, de la richesse et des fonctions de commandement dans les métropoles. L’urbanisation est l’augmentation du nombre des habitants qui vivent en ville par rapport à l’ensemble de la population. 2. a) Une région urbaine concentrant des dizaines de millions d’habitants sur un territoire urbanisé et continu est une mégalopole.

b) Une ville qui est très influente au niveau mondial et qui dispose de fonctions de commandement à l’échelle planétaire est une métropole mondiale. c) Lorsque cette ville compte plus de 10 millions d’habitants, on dit que c’est une mégapole. d) On parle d’archipel mégalopolitain mondial pour l’ensemble des grandes métropoles mondiales bien reliées entre elles. 3. Ce paysage urbain de Londres est constitué surtout de tours et d’immeubles élevés : c’est la City de Londres qui accueillent des sièges sociaux de grandes entreprises, des banques, des compagnies d’assurances ou de trading… La City de Londres est un haut lieu de la finance internationale.

6. « Dans les territoires ultramarins, une métropole principale concentre souvent la population et les activités administratives et économiques ». Dans l’Outre-mer français, la population se concentre de manière importante dans une grande métropole régionale. Par exemple, Pointe-à-Pitre regroupe 310 000 habitants sur les 429 000 que compte l’île (72 % de la population totale). En Guyane, 7. carte complétée

la moitié des Guyanais vit à Cayenne. Toutefois, Fort-deFrance n’accueille que 32 % de la population martiniquaise, Saint-Denis n’abrite que le quart des Réunionnais et Mamoudzou, principale ville de Mayotte, seulement 27 % des habitants de l’île. Ces métropoles régionales cependant sont le siège des administrations et des forces économiques.

4. Schéma complété : =

Urbanisation

Métropolisation

=

Etalement urbain

Concentration de population

+

+

vers le bac Question obligatoire

L a métropolisation : un processus mondial différencié Questions de connaissances. 1. Une métropole est une grande ville qui concentre la population, les activités économiques et les fonctions décisionnelles, tout en exerçant une forte influence sur le territoire qui l’entoure. Les métropoles mondiales exercent leur influence sur la planète entière. 2. « L’habitat pavillonnaire » correspond à un paysage caractéristique des périphéries urbaines de la seconde moitié du xxe  siècle, dans lequel les logements individuels dominent. Il est souvent associé à la périurbanisation, mais l’habitat pavillonnaire existe aussi en banlieue ou dans l’espace rural. L’élève citera un exemple personnel proche de son lieu d’habitation ou proche du lycée. Les « mobilités pendulaires » correspondent aux déplacements quotidiens qui sont effectués entre le lieu de résidence et le lieu de travail. On parle aussi de « migrations alternées » car elles s’effectuent dans un sens le matin et dans le sens contraire le soir. L’élève peut choisir de présenter le trajet entre son domicile et son établissement scolaire. 98 Géographie

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Périurbanisation

Concentration d’activités

+

Concentration des Fonctions de commandement

p. 155 3. Les grandes métropoles mondiales ont un rayonnement international dans les domaines politique, économique et culturel. ––Dans le domaine politique, les grandes métropoles mondiales peuvent être les capitales d’État et à ce titre, abriter les principales institutions politiques du pays. C’est le cas de Londres pour le Royaume-Uni, Paris pour la France et Tokyo pour le Japon. ––Dans le domaine économique, les métropoles mondiales accueillent les sièges sociaux des grandes firmes multinationales, des banques, des services aux entreprises (les quartiers d’affaires) ––Dans le domaine culturel, les touristes étrangers visitent les musées et monuments des grandes métropoles mondiales. 4. Les deux affirmations correctes sont : b) Aujourd’hui 85 % de la population mondiale vivent dans les villes. d) La ville la plus peuplée du monde, Tokyo, regroupe 37 millions d’habitants. 5. La définition d’étalement urbain. c) Croissance spatiale des villes sous l’effet d’un accroissement démographique et/ou de l’implantation de nouvelles activités économiques.

B Sujet d’étude au choix Sujet d’étude

1

p. 156-162

Lyon est la deuxième aire urbaine française après Paris. Capitale de la région Auvergne-Rhône-Alpes, la ville a connu récemment de nombreuses transformations. Lyon cherche également à renforcer son statut de métropole à l’échelle européenne, voulant rivaliser avec Barcelone ou Milan. L’aéroport Saint-Exupéry relie Lyon à 120 destinations en Europe et dans le monde. La ville dispose également du deuxième quartier des affaires du pays (la Part-Dieu), situé à proximité de la gare TGV, facilitant ainsi les déplacements vers les grandes villes françaises et européennes. La ville abrite aussi un pôle de compétitivité, Lyonbiopôle, qui soutient les innovations technologiques en médecine. Lyon ambitionne aussi d’être une ville durable avec la réhabilitation du quartier de la

Confluence, composé d’anciennes zones industrielles désaffectées. Les différentes banlieues font apparaître de fortes inégalités sociales et spatiales. Vaulx-en-Velin, au nord-est de Lyon, est la commune la plus pauvre du Rhône. Cette ville affiche un taux de pauvreté de 31,8 %. A Des aménagements pour

une recomposition urbaine

Doc. 1 Lyon a longtemps été un point noir de la circulation entre le Nord et le Sud de la France. Afin de fluidifier le trafic et faciliter la traversée de la métropole lyonnaise, un certain nombre d’aménagements ont été entrepris. Doc. 2 Ce texte est tiré du site Internet de la ville de Lyon. Il met en évidence les différentes composantes des transports en commun lyonnais  : bus, métro, funiculaire, 1. La métropolisation : un processus mondial différencié 99

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tramway… Ce texte met l’accent sur la qualité des dessertes pour l’ensemble des communes de l’agglomération. Doc. 3 Cette vue aérienne oblique présente le terminal de l’aéroport de Lyon Saint-Exupéry et la gare TGV. Dans les statistiques nationales, Saint-Exupéry est le 4e  aéroport de France après les deux aéroports de Paris et celui de Nice. Avec 11  millions de passagers, Saint-Exupéry dessert 120 destinations dont 67 % de destinations sont à l’international. Doc. 4 Lyon, comme toutes les grandes métropoles, s’est dotée d’infrastructures culturelles de renom, comme la halle Tony Garnier, anciens abattoirs devenus une salle de spectacle de 17 000 places. Doc. 5  Le stade de football, situé dans la banlieue est de Lyon, est une nouvelle infrastructure. Le Groupama Stadium dont on voit les infrastructures sur la photographie accueille les matchs de football de l’Olympique Lyonnais, un des grands clubs du championnat de France. Éducation au numérique La plate-forme aéroportuaire de Lyon-Saint-Exupéry a enregistré un trafic de 11 millions de voyageurs en 2018. C’est un record historique et une augmentation de trafic de 25 % en trois  ans. Cela confirme l’excellent santé de cette infrastructure aéroportuaire. Après les 10  millions de passagers annuels atteints pour la première fois en 2017, l’aéroport lyonnais enchaîne avec un nouveau record historique. Ce nouveau cap passé est le résultat d’une année riche en nouveautés. Ainsi, 27 nouvelles lignes au total sont lancées, avec 12 nouvelles destinations reliées, dont un long courrier avec XL Airways sur Pointe-à-Pitre. Aussi, 128 lignes sont à présent desservies en direct de Lyon, dont 7 long-courriers. On peut noter l’augmentation du trafic vers de grandes métropoles mondiales : 6 lignes vers des hubs majeurs bénéficient d’un accroissement : Amsterdam +  5 fréquences, Dubaï + 2, Moscou + 7, Francfort + 7, Istanbul + 4. Cela renforce fortement l’ouverture au monde au départ de Lyon, avec des connexions facilitées vers les autres continents. Analyser les documents 1. Pour traverser Lyon quand on vient de Paris et que l’on se dirige vers Marseille, on peut emprunter deux itinéraires : ––la voie la plus directe emprunte l’autoroute A6 puis l’A7 au Sud de Lyon ; ––l’autoroute A46 puis la nationale 346 et l’autoroute A46 vers le Sud. 2. Les transports en commun lyonnais sont très variés : 130  lignes de bus, 4  lignes de métro, 3  funiculaires et 5 lignes de tramway. Ce réseau dense dessert 73 communes dont les 59 communes de la métropole lyonnaise. 100 Géographie

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3. L’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry est une infrastructure importante car il relie la métropole lyonnaise vers l’Europe et le monde. En effet, 11 millions de passagers ont fréquenté cet aéroport en 2018, 67 % des vols s’effectuant à l’international. 4. La halle Tony Garnier peut accueillir 17 000 personnes pour des spectacles variés. C’est donc une infrastructure de prestige pour l’agglomération lyonnaise. 5. Le stade de football de l’Olympique lyonnais a été implanté en banlieue est de Lyon, dans un espace moins dense mais à proximité de voies de circulation. Activité Bilan Avec 1 370 000 d’habitants, la métropole lyonnaise est la seconde agglomération urbaine de France après Paris. Ancienne capitale des Gaules, Lyon est désormais la principale métropole de la région Auvergne-Rhône-Alpes. La ville a connu de nombreuses transformations ces dernières années, avec des contournements autoroutiers et la mise en place d’un système de transports performants. Lyon a également modernisé certaines infrastructures culturelles, comme la halle Tony Garnier ou sportives avec le stade de football du Groupama Stadium qui lui permettent de renforcer son statut de métropole à l’échelle européenne. Le quartier de la Confluence a permis de réhabiliter d’anciennes friches industrielles. B Lyon : les ambitions d’une métropole.

Doc. 6 Cette photographie aérienne oblique propose une vue du quartier des affaires de la Part-Dieu à Lyon. On peut y distinguer les principales tours de cet espace urbain qui est centré autour de la gare TGV. La Part-Dieu est en liaison directe avec Paris et l’Europe. Ce quartier s’est imposé comme le deuxième pôle tertiaire et de décision français. Plus de 2  500  établissements y emploient quelques 56  000  salariés, sur près 1  150  000  m² de bureaux. À terme, le tissu tertiaire sera encore renforcé pour accueillir 70 000 emplois, de nouvelles entreprises autour de l’ingénierie et des services urbains. La gare de la Part-Dieu accueille 500 000 déplacements par jour. Doc. 7 Ce texte présente les atouts du quartier de la PartDieu, tant du point de vue des composantes de son quartier d’affaires que des avantages de ce site du point de vue logistique. Le texte évoque aussi l’attractivité du centre commercial qui accueille 33  millions de visiteurs chaque année. Doc. 8  Ce document est composé de deux parties : un premier texte évoque le quartier de la Confluence autrefois, avec des activités aujourd’hui disparues (entrepôts à charbon, industries chimiques, manufacture de tabac…).

Dans le second document est présenté le projet LyonConfluence qui vise à rénover ce quartier en mettant en valeur les rives des fleuves et en aménageant les friches industrielles et logistiques tout en promouvant les transports en mode doux (vélo, tramway…) Doc. 9 Ce cliché montre comment se concrétisent les objectifs de Lyon-Confluence qui devient un quartier agréable, grâce à l’aménagement des berges du fleuve et au développement d’activités nautiques comme le canoë. Doc. 10 Au sud du territoire urbain lyonnais, le Biodistrict Lyon-Gerland regroupe des leaders mondiaux en sciences du vivan, des PME innovantes et des établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Les acteurs de ce quartier sont rassemblés depuis 2005 dans le  pôle de compétitivité mondial appelé  Lyonbiopôle. Spécialisé dans la lutte contre les maladies infectieuses humaines et animales et les cancers, ce réseau dynamique d’entreprises et de laboratoires publics et privés compte 84 membres. La présence de Lyonbiopôle crée un environnement stimulant pour l’implantation de PME innovantes et le développement de projets dans les domaines du vaccin, du diagnostic et de l’immunologie. Le Biodistrict Lyon-Gerland compte près de 5 000 emplois et 2  750 enseignants-chercheurs répartis entre plusieurs établissements d’enseignement supérieur, de structures de recherche, d’infrastructures de haut niveau, d’industriels majeurs, d’organismes nationaux et internationaux. Éducation au numérique Le projet Lyon part-Dieu est un des grands chantiers de la Métropole Lyonnaise qui a démarré à l’automne 2017 : Il concerne la requalification complète du pôle d’échange multimodal de la Part-Dieu, avec comme objectif principal, faciliter et fluidifier les déplacements. Avec ses 125 000 usagers quotidiens, la plate-forme est un point névralgique de l’activité métropolitaine, où se réunissent de multiples modes de transports. En plus d’accueillir les TER, les lignes TGV nationales et européennes, la gare Lyon Part-Dieu est connectée à 3 lignes de tramway, une ligne de métro, une gare routière et de nombreuses lignes de bus qui en font un nœud extrêmement complexe à gérer. Ce projet vise donc la Gare et ses espaces qui doivent être entièrement repensés. Cette dernière  doit notamment s’ouvrir sur la ville et son quartier avec le centre commercial et les traversées piétonnes du boulevard Vivier-Merle. En créant 3 nouvelles galeries  (Béraudier, Pompidou et Villette), la gare devrait pouvoir doubler sa surface. Analyser les documents 6. Ce quartier des affaires se caractérise par une architecture verticale que l’on observe sur le Doc. 1. Les tours

Incity, le crayon de la Part-Dieu, la tour Oxygène ou la tour Swiss-life abrite des sièges sociaux de grandes entreprises françaises ou étrangères. 7. Les atouts de ce quartier sont incontestablement la bonne desserte par les réseaux de transports. Outre la gare TGV qui permet de rejoindre de nombreuses villes françaises et européennes, le quartier de la Part-Dieu est bien connecté aux réseaux de transports urbains lyonnais et à l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry. 8. La proximité de la gare TGV et de l’aéroport de LyonSaint-Exupéry est importante dans la mesure où l’agglomération lyonnaise veut s’imposer comme une métropole de rang européen voire mondial. 9. Le quartier de la Confluence abritait des activités plutôt industrielles : entrepôts de charbon, manufacture de tabac et industries chimiques. Au début du xxie siècle, le quartier était plutôt constitué de friches industrielles, ce qui a permis une rénovation complète des espaces disponibles. 10. Le quartier de la Confluence a donné naissance à un projet innovant sur 150 ha. Il s’agissait de créer un nouveau quartier attractif en centre-ville, avec notamment des loisirs urbains, un aménagement des rives des deux fleuves (la Saône et le Rhône) et la mise en place d’un réseau de transports en mode doux, dont le tramway. Le site accueille en outre des bâtiments administratifs comme l’Hôtel de Région Auvergne-Rhône-Alpes. 11. Le Biodistrict installé dans le quartier de Gerland est un centre scientifique de première importance, spécialisé dans le secteur de la santé. On y trouve de grandes entreprises multinationales de la pharmacie, comme Sanofi, mais aussi des start-ups ou des établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Activité Bilan Titre : Lyon, une métropole ambitieuse Plan de l’exposé ou du diaporama : ––un quartier d’affaires de dimension européenne : Lyon Part-Dieu (Doc. 6) ; ––un hub de première importance (Doc. 7) ; ––une ville qui se rénove : le quartier de la Confluence (Doc. 8 et 9) ; ––des activités de dimension mondiale : le biodistrict (Doc. 10). C Périurbanisation et contrastes urbains

dans l’agglomération lyonnaise

Doc. 11 Cette photographie aérienne oblique montre l’étalement urbain de la métropole lyonnaise. Le site initial se trouve à la confluence entre la Saône et le Rhône. La périurbanisation est visible surtout sur la rive gauche du Rhône. Lyon est une ville ancienne : Lugdunum est 1. La métropolisation : un processus mondial différencié 101

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fondée en 43  av.  J.-C.  C’est d’abord une simple colonie romaine mais l’essor de la cité est rapide. Lugdunum devient la capitale de la province de la Gaule lyonnaise et le siège du pouvoir impérial dès 27 av. J.-C. Le site de Lyon permet le développement d’un important port fluvial. Au iie  siècle, un prétendant au trône impérial s’installe à Lugdunum pour affronter Septime Sévère mais il est défait et la ville est pillée. Lugdunum perd son titre de capitale des Gaules en 297. Les tribus burgondes font de Lyon leur capitale à la chute de l’Empire romain. Au début du Moyen Âge, Lyon est à l’écart des grandes routes et des centres de pouvoir mais la ville se développe lentement sous l’égide des responsables ecclésiastiques. En 1312, Lyon passe sous l’autorité du roi de France mais il faudra attendre la Renaissance pour voir revenir la prospérité. Lyon se développe fortement à partir du xve siècle et devient un important centre urbain, économique et intellectuel. C’est notamment le temps des grandes foires. La ville sera cependant fortement touchée par les guerres de Religion et la guerre de 30 ans. Par la suite, Lyon sera un centre majeur de la Révolution française de 1789. Au xixe siècle, la ville prend une place importante dans l’économie nationale grâce à ses activités de soieries ou le développement du secteur bancaire. Au xxe siècle, Lyon remplace sa base industrielle de la soie vers les secteurs de l’automobile (Berliet), de la chimie textile (RhônePoulenc) ou de la pharmacie qui contribue à donner aujourd’hui à Lyon une dimension mondiale. Doc. 12 Cette carte est à mettre en rapport avec le Doc.  13. La commune de Meyzieu correspond au numéro  7 du Doc. 11. Il s’agit donc d’une commune périurbaine de l’agglomération lyonnaise, à 16  km du centre et à 15  mn de l’aéroport Lyon-Saint-Exupéry. La carte de 1947 montre une commune réduite en superficie où les habitations sont situées le long de la rue principale. La population est évaluée à cette époque à 2 200 habitants. Doc. 13 L’étalement urbain de la commune est visible vers le nord et les rives du Rhône. La commune de Meyzieu est aussi devenue un lieu d’habitation pour des actifs qui travaillent à Lyon. Doc. 14 Ce tableau permet une comparaison significative entre une commune plutôt pauvre de la banlieue lyonnaise (Vaulx-en-Velin) et une commune plutôt favorisée (Meyzieu). Les indicateurs relèvent à la fois de critères démographiques (moins de 30 ans), économiques (revenus nets, taux de pauvreté, % de foyers imposables) et sociaux (% de logements sociaux, % de population scolarisée, taux de chômage des actifs). On peut mettre les chiffres des colonnes sur Meyzieu et Vaulx-en-Velin en 102 Géographie

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rapport avec les chiffres du grand Lyon qui correspondent un peu à la moyenne de l’agglomération. Doc. 15 Cet extrait d’article met l’accent sur les communes de banlieue, en particulier sur celles qui, comme Vaulx-en-Velin, abrite une part importante de population pauvre. À la date de la rédaction de l’article, une personne est considérée comme pauvre lorsqu’elle bénéficie d’un revenu inférieur à 60 % du niveau de vie médian national (soit 1 697 euros). Par rapport à ce chiffre, Vaulx-en-Velin affiche un taux de pauvreté de 31,8 %.

du double, un revenu par foyer de moins de 10 000 euros par rapport à la moyenne lyonnaise. Tous les indicateurs vont dans le même sens : Vaulx-en Velin est bien la ville de plus de 20 000 habitants la plus pauvre du département du Rhône. Activité Bilan L’agglomération lyonnaise se caractérise par un étalement urbain important, comme le montre le Doc. 11. Les villes de Meyzieu ou de Vaulx-en-Velin sont situées à plus de  15  kilomètres du centre. À l’échelle locale, on peut

remarquer que l’espace communal de Meyzieu s’est fortement agrandi entre 1947 et aujourd’hui (Doc. 12 et 13). Par ailleurs, cet étalement urbain s’accompagne de grandes inégalités. La comparaison entre les communes de Meyzieu et de Vaulx-en-Velin est ainsi très parlante : les indicateurs économiques et sociaux montrent la grande pauvreté de Vaulx-en-Velin : un fort taux de pauvreté, un salaire médian plus bas de 10 000 euros par rapport à la moyenne lyonnaise, un taux de chômage et un pourcentage de ­logements sociaux plus élevé qu’à Meyzieu ou dans le Grand Lyon.

Éducation au Numérique Ce travail est un prolongement de l’étude documentaire qui met en comparaison les communes de Meyzieu et celle de Vaulx-en-Velin. Plusieurs critères sont à prendre en compte dans des tableaux présentés sur le site : en autres, taux de pauvreté, salaires nets moyens selon les CSP, écart de salaire homme/femme etc. Ce travail peut être réalisé à la maison ou dans la salle informatique, dans le cadre d’une recherche par groupes. Analyser les documents 12. L’étalement urbain de la métropole lyonnaise se matérialise par une multitude de constructions qui s’étendent sur des dizaines de kilomètres par rapport au centre. C’est ainsi qu’on peut identifier les deux communes de Meyzieu et de Vaulx-en-Velin qui apparaissent dans cette double page. 13. Les deux communes qui traduisent la périurbanisation à Lyon sont donc Meyzieu et Vaulx-en- Velin. 14. Le territoire de Meyzieu s’est fortement agrandi entre 1947 et aujourd’hui. C’était un petit bourg de 2 200 habitants après la guerre et c’est présent une commune périurbaine de 32  863  habitants, dont une grande part travaille à Lyon. 15. La comparaison des indicateurs démographiques, économiques et sociaux entre Meyzieu et Vaulx-en-Velin fait apparaître de profondes inégalités. Cette dernière ville apparaît globalement plus défavorisée : 50,3 % de logement sociaux contre 18 % à Meyzieu, 38,8 % de population non scolarisée de plus de 15  ans sans diplôme contre 31,9 %, un taux de chômage des actifs de 20,2 % mais seulement 12,9 % à Meyzieu. Le revenu moyen de Vaulx-enVelin est d’environ 15 000 euros contre 21 000 à Meyzieu. Enfin, cette dernière ville a un taux de pauvreté moindre (11,5 %), alors qu’il atteint 31,8 % à Vaulx-en-Velin. 16. On a une véritable précarité sociale à Vaulx-en-Velin. Si l’on compare ses indicateurs avec ceux du Grand Lyon, qui représentent une moyenne de l’agglomération lyonnaise, on peut constater pour Vaulx-en-Velin : 2,5  fois plus de logements sociaux, 2  fois plus de population de plus de 15 ans sans diplôme, un taux de chômage d’un peu moins 1. La métropolisation : un processus mondial différencié 103

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objectif bac capacités et méthodes Sujet d’étude

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Procéder à l’analyse critique d’un document selon une approche géographique 1. Identifier le document : ––Ce document est un texte, tiré du site Internet Only Lyon, mais il n’y a pas de date de parution. ––L’idée générale : Lyon est bien classée dans de nombreux secteurs, comme l’attractivité économique, le cadre de vie, le tourisme et la gastronomie. 2. Expliquer le document : ––Lyon se classe 10e  ou 15e  pour son attractivité économique en Europe et 1er en France. Par ailleurs, la capitale lyonnaise est à la 30e  place mondiale des villes les plus agréables à vivre et la 16e  en Europe. Mais c’est dans le domaine du tourisme et de la gastronomie que Lyon se classe le mieux : meilleure destination pour un weekend en Europe et 5e du monde pour sa gastronomie. ––Lyon a donc l’ambition de devenir une métropole européenne de premier plan, rivalisant avec Barcelone ou Milan. Cependant, elle a plus de mal à devenir une métropole de rang mondial. 3. Porter un regard critique sur le document : ––Les classements sont choisis pour montrer le bon classement de Lyon. Les autres indicateurs, moins favorables à l’agglomération lyonnaise ne sont pas évoqués. Les choix opérés sont donc subjectifs. Sujet d’étude

2

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Londres, une métropole de rang mondial Londres est une ville mondiale de première importance bénéficiant d’un rayonnement international. Ville carrefour, elle dispose d’une puissance économique et financière certaine, d’une forte capacité d’influence et d’une très bonne connexion aux réseaux mondiaux. C’est une ville intégrée qui, par ses multiples activités, contribue fortement au processus de mondialisation. Londres fait partie des quatre grandes métropoles mondiales de premier rang avec New York, Tokyo et Paris. La capitale britannique est restée longtemps un point central de l’Empire britannique. Aujourd’hui, les activités financières et tertiaires de haut niveau prédominent dans les quartiers des affaires que sont la City et Canary Wharf. Pourtant, on peut se demander si le référendum du Brexit de juin  2016, qui a vu 51 % des Britanniques voter en  faveur de la sortie du Royaume-Uni de l’Union 104 Géographie

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Européenne, va entamer la position dominante de Londres, en Europe et dans le monde. Vidéo Cette vidéo montre les impacts positifs et négatifs de l’organisation des JO de Londres en 2012. En positif, les retombées économiques espérées seront multipliées par 4 d’ici 2020. Le nombre de touristes s’est accru de 3 millions après les Jeux olympiques. Mais les points noirs existent : les logements promis lors de l’organisation des JO n’ont pas tous été construits et le prix des loyers a augmenté de 23 %, forçant certains habitants à déménager, sous peine d’expulsion. A Les atouts d’une métropole mondiale

Doc. 1 Cette carte présente les connexions de Londres au territoire national, à l’Europe et au monde. Les autoroutes et les voies rapides relient la capitale britannique au reste du territoire. Le tunnel sous la Manche permet la circulation des trains Eurostar et des trains de fret à destination de l’Europe continentale. Le port de Londres n’est pas aussi important que celui de Rotterdam, de Hambourg ou du Havre, mais il est situé à proximité d’une des voies maritimes les plus fréquentées du monde. Quant aux aéroports, Londres en compte 6 qui relient des destinations européennes et mondiales. Heathrow est le premier hub européen et le 7e  du monde (78  millions de passagers). Doc. 2 La City de Londres est le cœur économique et financier de Londres et du Royaume-Uni. Plus de 800  000  personnes travaillent quotidiennement dans le square mile. Pour mieux appréhender les forces et caractéristiques de ce quartier des affaires londonien. Doc. 3 Le 23  juin 2017, lors d’un référendum, les Britanniques décidaient de quitter l’Union européenne. Cette décision a été obtenue avec de 51,9 % des voix. Le texte, tiré du magazine Capital, examine les conséquences de ce vote pour la City de Londres. Le journal conclut que l’impact du Brexit sur les activités bancaires et financières seront minimes (pertes de quelques milliers d’emplois sur les 800 000 que compte la City londonienne.) Doc. 4 Ce planisphère représente les destinations desservies par la compagnie aérienne britannique British Airways. Depuis Heathrow, l’on peut rejoindre plus de 200 villes en Europe et dans le monde. Éducation au numérique Le professeur peut choisir de mettre en place un travail de groupe : L’agrandissement de l’aéroport d’Heathrow avec la construction d’une 3e piste :

Avantages – création de milliers d’emplois locaux pour la construction – Augmentation de la capacité de l’aéroport – Création d’emplois supplémentaires à l’intérieur du site

Inconvénients – pollution sonore accrue – pollution de l’air accrue – travaux à proximité de l’autoroute

Analyse des documents 1. Londres est assurément une grande métropole mondiale. Elle est très bien connectée au reste du pays par les réseaux autoroutiers et voies rapides. La ville est aussi connectée à l’Europe grâce au tunnel sous la Manche et le port, situé sur la mer du Nord, et les six aéroports internationaux la relient au reste du monde. 2. La City est un quartier des affaires, surtout composé de hautes tours qui rappellent la Défense à Paris ou Manhattan à New York. 3. Selon l’auteur du texte, le Brexit aura peu d’influence sur les activités de la City. Peu de sociétés ont décidé de quitter Londres et la perte d’emplois ne devrait pas être de plus de quelques milliers. Ce qui inquiète davantage aujourd’hui les responsables, ce n’est pas l’Europe mais plutôt les places financières asiatiques, comme Hong Kong ou Singapour qui entrent en concurrence avec la capitale britannique grâce au dynamisme de l’économie asiatique. 4. Londres est bien un carrefour aéroportuaire international car, au départ d’Heathrow, par exemple, on peut rejoindre plus de 200 destinations sur tous les continents. Activité Bilan Londres est d’abord bien reliée aux réseaux de la mondialisation. On dénombre ainsi six aéroports reliant Londres au reste du monde, le port de Londres, à proximité de la Northern Range, une connexion à Paris, Bruxelles et aux grandes métropoles européennes via l’Eurostar et enfin des autoroutes assurant la connexion avec le reste du pays. Londres est également un carrefour aéroportuaire international comme en témoigne la multiplicité des destinations au départ de l’aéroport d’Heathrow. Au total, près 115 millions de passagers ont transité à Londres via les aéroports de la ville. Londres joue donc le rôle d’un hub international. Trois éléments attestent que Londres est une capitale économique et financière d’envergure mondiale. D’abord, l’activité financière est impulsée par la bourse de Londres (London Stock Exchange), première bourse au niveau de l’activité bancaire. Londres accueille également plus de 240  banques étrangères. Enfin, de nombreuses firmes internationales ont choisi d’installer leur siège social à Londres. Différents éléments permettent d’expliquer la forte attractivité de Londres au

niveau des affaires. D’abord, le quartier de la City permet une mise en relation directe entre les professionnels de la finance. C’est un lieu où les hommes d’affaires sont en contact avec les banquiers, les entrepreneurs, les traders… Enfin, on doit citer la proximité de grandes universités et de lieux culturels qui sont des atouts importants. B Londres, les mutations urbaines

Doc. 5 Parmi les nouveaux quartiers de Londres, Canary Wharf est l’un des plus dynamiques : il accueille le second centre d’affaire de la capitale britannique : Il résulte d’une rénovation des Dockslands, quartiers de l’ancien port, aujourd’hui réhabilités en zones d’habitation résidentielles et en quartier commercial et immeubles ou gratteciel d’affaires. La photo montre un des aspects fondant l’attractivité de ce quartier qui est la proximité immédiate de la Tamise, avec la marina au premier plan. Doc. 6 Le texte vient en complément du Doc. 5. Il est tiré du site d’une agence de voyages spécialisée dans les séjours à Londres. Canary Wharf est le second quartier des affaires de la capitale : il abrite de nombreux établissements bancaires, comme Barclays Capital, HSBC ou le Crédit Suisse, des médias et un centre commercial avec 300boutiques et restaurants. Ce quartier est bien connecté au reste de la ville par la Jubilee Line ou le DLR. Doc. 7 Les prix de l’immobilier à Londres sont parmi les plus élevés du monde. Cela conduit les habitants à déménager vers des villes de banlieue bien reliées à la capitale. Par exemple, Wixams qui est présenté sur le cliché, est située au Nord de Londres, à 1 h 30 du centre de la capitale. On fera observer que les habitants de ces villes nouvelles, mises en place par les autorités depuis les années 1970, apprécient particulièrement le cadre de vie champêtre offert et par un prix raisonnable des terrains et des maisons. Doc. 8  Cette carte et son commentaire sont consacrés aux infrastructures portuaires du Thames Gateway. Le site bénéficie d’un accès facile (port en eau profonde) qui permet aux plus gros porte-conteneurs de desservir Londres. Il est bien relié à la capitale et au reste du Royaume-Uni par des voies autoroutières performantes. Ces aménagements se situent également à proximité de la première voie maritime du monde : la Manche, la Mer du Nord et le rail d’Ouessant. Doc. 9 Ce texte, tiré du journal Le Monde du 3 novembre 2018, compare les projets des deux capitales de Londres et Paris en matière de transports urbains. Celui qui concerne la capitale britannique a pour nom le projet Crossrail. Il s’agit de proposer une nouvelle ligne de métro, traversant Londres d’Est en Ouest, permettant à 1. La métropolisation : un processus mondial différencié 105

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plus de 200 millions de passagers de mieux circuler dans la capitale britannique. Mais tout comme le projet parisien du Grand Paris Express, le projet Crossrail subit des retards conséquents et son budget initial a explosé. Éducation au numérique Thames Gateway occupe des territoires à l’est de Londres jusque-là mer du Nord. Il s’étend sur environ 70  km et couvre plus de 80 000 ha répartis sur trois régions : le Grand Londres, le South Essex, le North Kent. Thames Gateway constitue le projet de développement de la métropole londonienne sur les bords de la Tamise. Il comprend le développement de zones d’activités économiques (tertiaires, industrielles et logistiques), des programmes immobiliers et de rénovation urbaine, le développement des infrastructures et des offres de transport (fer, route, air, fret et passagers). Il se déploie sur un territoire de friches industrielles et confronté à d’importantes difficultés économiques. Mis en service fin 2013 et localisé à une quarantaine de kilomètres de Londres, London Gateway est devenu le nouveau terminal à conteneurs de la capitale britannique. Il constitue la composante portuaire et logistique du projet Thames Gateway. Dans cette optique, Felixstowe et Southampton ont été jugés trop éloignés de la capitale, tandis que le port de Tilbury situé plus en amont vers Londres ne permet pas l’accueil des porte-conteneurs de dernière génération. La décision de créer un nouveau port est également à mettre en relation avec des arguments d’ordre économiques et environnementaux : il s’agit à la fois de réduire les coûts et le bilan carbone du transport de marchandises et d’accroître sa compétitivité. Il est un des maillons du système portuaire de la Tamise qui est constitué d’un chapelet de terminaux et de quais de toute nature et de toute taille offrant à la métropole londonienne un système portuaire complet en capacité de traiter tous les types de trafic (vracs liquides, vracs solides, conteneurs etc.). London Gateway a pour objectif de devenir le premier port britannique pour le trafic de conteneurs et l’un des plus grands parcs logistiques européens. Ce port en eaux profondes, aménagé sur un site occupé auparavant par une raffinerie, comprend six postes à quai sur 2,7 km de quais capables de recevoir des porte-conteneurs de nouvelle génération. Sa capacité annuelle est de 3,5 M EVP, l’équivalent du volume traité à Felixstowe, premier port anglais. Analyser les documents 5. Les objectifs des aménagements des rives de la Tamise sont de remplacer les infrastructures vétustes des anciens docks de Londres par un quartier à la fois résidentiel et commercial dans un cadre agréable le long des berges de la Tamise. Canary Wharf est également le second quartier des affaires de Londres. 106 Géographie

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6. Les atouts de ce quartier de Canary Wharf sont multiples : la spécialisation dans des activités tertiaires de haut niveau (entreprises financières, services aux entreprises), un centre commercial situé au cœur de la ville avec ses 300 boutiques et ses restaurants, une excellente connectivité avec le reste de la capitale grâce à un réseau de transport particulièrement performant. 7. Le développement de villes nouvelles, comme Wixams au nord de Londres s’explique par le coût prohibitif de l’immobilier à Londres. Cela conduit des personnes travaillant dans la capitale à s’installer à la campagne où les loyers et le prix des terrains et maisons est moins élevé. Cependant, cela induit une contrainte forte : 1  h  30 de transport le matin et le soir. 8. Il est important pour Londres d’avoir un grand port car la capitale londonienne ne dispose pas d’infrastructures performantes à proximité immédiate du centre. Le projet de port en eau profonde devrait permettre l’accès aux plus grands porte-conteneurs qui doivent accoster encore à Felixtowe à 150 km de la capitale. 9. Le projet Crossrail consiste à doter la capitale londonienne d’un nouveau métro, permettant de traverser la capitale de Shenfield à l’est jusqu’à Reading à l’ouest. Cela va constituer un nouveau tronçon de 118 km dont 21 km de nouveaux tunnels. Activité Bilan ––Diapo 1 : Doc. 5, cette photographie illustre la rénovation des fronts d’eau. Parmi les nouveaux quartiers de Londres, Canary Wharf est l’un des plus dynamiques : il accueille un autre centre d’affaires de la capitale britannique. ––Diapo 2 : Doc. 6, Canary Wharf, un second quartier des affaires. Dans ce texte, on peut lire que Canary Wharf est le second quartier des affaires de Londres : il abrite de nombreux établissements bancaires comme Barclays Capital, HSBC ou le Crédit Suisse, des médias et un centre commercial avec 300 boutiques et restaurants. Ce quartier est bien connecté au reste de la ville par la Jubilee Line ou le DLR. Diapo 3 : Doc. 7, les villes nouvelles : Wixams au nord de Londres. Il s’agit d’une ville nouvelle au nord de Londres. Les prix de l’immobilier de la capitale sont parmi les plus élevés du monde. Cela conduit les habitants à déménager vers des villes de banlieue bien reliées à la capitale. Par exemple, Wixams qui est présenté sur le cliché, est située au Nord de Londres, à 1 h 30 minutes du centre de la capitale. Diapo 4 : Doc. 8, le réaménagement du port de Londres : le Thames Gateway. Cette carte montre les infrastructures portuaires du Thames Gateway. Le site bénéficie d’un accès facile (port en eau profonde) qui permet aux plus

gros porte-conteneurs de desservir Londres. Il est bien relié à la capitale et au reste du Royaume-Uni par des voies autoroutières performantes. Ces aménagements se situent également à proximité de la première voie maritime du monde, la Manche. Diapo 5 : Doc. 9, la réorganisation des réseaux de transports londoniens : le projet Crossrail. Ce texte, tiré du journal Le Monde, compare les projets des deux capitales de Londres et Paris en matière de transports urbains. Celui qui concerne la capitale britannique a pour nom le projet Crossrail. Il s’agit de proposer une nouvelle ligne de métro, traversant Londres d’Est en Ouest, permettant à plus de 200 millions de passagers de mieux circuler dans la capitale britannique. C Les contrastes socio-spatiaux à Londres

Doc. 10 et 11 Londres offre de nombreux contrastes sociaux et spatiaux. Le quartier de Mayfair est l’un des quartiers les plus riches et les plus attractifs de la capitale britannique. Il se trouve au centre de Londres, entre Soho et Hyde Park. On y retrouve les plus grands hôtels, magasins, boutiques, galeries d’art, salles d’enchères et agences de mode ainsi que les restaurants les plus fréquentés de la ville. Quant à Hackney, c’est un quartier pauvre, le plus souvent habité par des minorités d’origine étrangère. Doc. 12 Cet extrait du magazine Challenges présente les caractéristiques de la pauvreté à Londres : un Londonien sur 4 est confronté à la pauvreté : les causes sont la stagnation des salaires et l’augmentation rapide des loyers au centre (+  30 % depuis 5  ans). Cette pauvreté touche 2,3 millions de personnes, dont 1,3 million qui possèdent un emploi. Il s’agit donc de travailleurs pauvres qui représentent 58 % du total. Doc. 13 Ce document présente la localisation des principales infrastructures sportives, en particulier les stades de football. On peut noter qu’ils se situent dans différents quartiers, ceux de l’ouest et du sud se situant plutôt dans des quartiers favorisés, ceux de l’est et du nord dans des quartiers populaires. On notera aussi le stade de rugby de Twickenham et Winbledon pour le tennis. Doc. 14 Cet article met en exergue le cosmopolitisme de la population. La croissance de la métropole est due essentiellement aux populations nées à l’étranger. Cette population représente 36 % du total. Ces populations viennent d’Europe (40 %), du Moyen-Orient et d’Asie (30 %), d’Afrique (20 %) et des Amériques (10 %). On estime le nombre des Français à 200 000. Les projections

démographiques prédisent qu’en 2031, un habitant sur 2 résidant à Londres sera né à l’étranger. Éducation au numérique On pourra demander aux élèves de présenter par groupe ou individuellement une fiche sur un club de football londonien de son choix. On pourra présenter la localisation de son stade, le type de quartier, les principaux joueurs ou entraîneurs. 10. Le quartier de Mayfair est un quartier favorisé comme le montre la présence d’hôtels et de magasins de luxe. En revanche, la photographie du quartier d’Hackney présente un habitat dégradé. 11. Mayfair est plutôt réservé à une population riche. Quant à Hackney, c’est un quartier populaire où les résidents sont plutôt pauvres. 12. La population de Londres est en partie marquée par la pauvreté. Statistiquement, 1 Londonien sur 4 est confronté à cette pauvreté, ce qui concerne 2,3 millions de personnes, dont 1,3 million d’habitants possèdent un emploi. C’est essentiellement la hausse des loyers qui entraîne ces difficultés. Aussi, la proportion de Londoniens vivant sous le seuil de pauvreté est de 27 % du total. 13. Londres est une ville sportive, comme en témoigne la présence de nombreux stades de football de première League ou de seconde division anglaise (Championship). On peut également noter les infrastructures pour le rugby (Twickenham) ou le tennis (Wimbledon). 14. Le football est un spectacle qui permet une véritable mixité sociale. Les spectateurs viennent d’horizons sociaux différents mais se retrouvent pour soutenir leur club, dont le stade est plutôt situé soit à proximité du centre (Chelsea), soit dans une banlieue plus populaire et défavorisée (Tottenham). 15. Les principales communautés migratoires présentes à Londres sont : ––40 % d’Européens (dont 200 000 Français) ; ––30 % du Moyen-Orient et d’Asie (près d’un million, Inde en tête) ; ––20 % d’Afrique (dont Nigeria) ; ––10 % d’Amérique. Activité Bilan L’élève utilisera les documents de cette double page ou en trouvera d’autres sur Internet pour développer les idées suivantes pour cette exposition : ––les disparités spatiales  : contrastes des paysages urbains : un quartier riche/un quartier pauvre ; ––les disparités sociales : les problèmes de pauvreté et la dimension cosmopolite de Londres.

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objectif bac capacités et méthodes Sujet d’étude

Mettre en œuvre l’analyse à différentes échelles (multiscalaire) en géographie 1. Le Doc. 1 est une carte qui présente la Thames Gateway, projet d’aménagement qui a pour objectif de développer les infrastructures portuaires à proximité de Londres. Le Doc. 2 est un tableau de chiffres dans lequel

vers le bac Lyon, les mutations d’une métropole Questions 1. Les deux documents sont des cartes topographique IGN, la première datée de 1950, la seconde de 2018. Ces deux extraits de cartes ont été obtenues sur le site de Géoportail en 2019. 2. L’agglomération lyonnaise a connu un important étalement urbain entre ces deux dates. Cet agrandissement de l’agglomération s’est surtout produit à l’est de la métropole lyonnaise. 3. Les communes de Chassieu et de Genas n’étaient que des petits bourgs en 1950, avec un nombre réduit de maisons, regroupées autour du centre-ville. Mais, en 2018, ces deux communes se sont largement étendues sur la campagne environnante. Elles sont devenues des communes périurbaines, avec quartiers pavillonnaires pour les actifs travaillant à Lyon. 4. Les voies de transports ont largement évolué entre les deux dates. En 1950, on ne note que des routes nationales et départementales, alors que les voies autoroutières irriguent la carte de 2018. Celles-ci permettent en effet le contournement de l’agglomération lyonnaise par l’est. 5. Le phénomène d’extension de l’agglomération est la périurbanisation.

Londres une métropole de rang mondial.

p. 171 le port de Londres apparaît à la 84e place mondiale et au 21e rang en Europe. 2. Le changement d’échelle permet donc ici d’une part de relativiser la place de Londres dans le classement des ensembles portuaires mondiaux, d’autre part de justifier l’importance du projet de la Thames Gateway pour mieux intégrer Londres dans la compétition mondiale des lieux d’échanges.

p. 172-173 2. On peut reconnaître sur ce cliché l’aéroport international de la City, avec sa piste de décollage et d’atterrissage. En arrière-plan, on peut reconnaître les deux quartiers d’affaires de Londres, à savoir la City à droite et Canary Wharf à gauche. 3. On reconnaît les quartiers des affaires à l’architecture verticale du bâti. Ces tours ou immeubles abritent des sièges sociaux de banques ou de grandes entreprises. 4. Cet aéroport est important pour la capitale londonienne, car il permet le décollage ou l’atterrissage de vols, à proximité du centre de Londres et des quartiers des affaires. On peut penser qu’il accueille des jets privés, mais aussi sans doute des lignes régulières à destination de capitales européennes. 5. Les quartiers des affaires de Londres (Canary Wharf et la City) sont spécialisés dans les activités financières et de services aux entreprises. On y trouve des banques, des entreprises de trading, de consulting juridique etc. Cette spécialisation fait de Londres, l’une des quatre grandes métropoles mondiales. 6. Les limites de ce document sont qu’il ne donne qu’une vision partielle de la métropole londonienne, en insistant sur ses fonctions dominantes (finances) et sur son accessibilité. Toutefois, London City n’est qu’un aéroport secondaire, sans commune mesure avec Heathrow, le hub le plus important de la capitale anglaise (78 millions de passagers).

Questions 1. Ce document est une photographie aérienne oblique d’un paysage urbain.

108 Géographie

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Géographie THÈME

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Une diversification des espaces et des acteurs de la production

Présentation du thème Le thème vise à décrire et à comprendre les nouvelles logiques d’organisation de l’espace économique mondial. Il permet d’insister sur un type d’acteurs qui jouent un rôle important dans le développement des territoires : les entreprises. Ces acteurs déploient des stratégies qui influent de manière importante sur les dynamiques des territoires.

Rappel des notions associées au thème Chaîne mondiale de valeur ajoutée : ensemble des activités qui interviennent dans un processus de fabrication, de la matière première au produit final ; créatrice de valeur et génératrice de marge pour les entreprises. Espace productif : espace aménagé et mis en valeur dans le cadre d’une activité économique. Flux : déplacement de biens, de personnes, d’informations ou de capitaux de manière localisée, quantifiée et assurée par des moyens de transport ou de communication. Production : création d’un bien ou d’un service de nature à satisfaire un besoin. La production couvre l’ensemble des opérations jusqu’à la mise à disposition de l’utilisateur final. Réseau international de production : ensemble des relations logistiques et commerciales entre entreprises à l’échelle mondiale. Présentation des diverses entrées Une carte Espaces et pratiques du tourisme dans le monde (p. 174) Au fil des décennies, le tourisme a connu un essor continu et s’est de plus en plus diversifié, au point de devenir un phénomène migratoire majeur et l’un des secteurs économiques à la croissance la plus rapide du monde. Le tourisme moderne est étroitement lié au développement et il englobe un nombre grandissant de nouvelles destinations. Cette dynamique en fait un moteur essentiel du progrès socioéconomique. Aujourd’hui, le volume d’affaires du secteur touristique égale, voire dépasse celui des industries pétrolières, agroalimentaire ou automobile. Le tourisme est désormais l’un des grands acteurs du commerce international et, en même temps, il constitue une des principales sources de revenus de nombreux pays en développement. Cette croissance va de pair avec l’accentuation de la diversification et de la concurrence entre les destinations. L’expansion générale du tourisme transforme considérablement les espaces, présente des avantages économiques et crée des emplois dans de nombreux secteurs qui y sont liés, de l’agriculture aux télécommunications en passant par le bâtiment. 110 Géographie

P001_180_HIST_GEO_EMC.indb 110-111

Une image Designers Apple travaillant dans leur studio (Cupertino, Californie, États-Unis) et Ouvriers chinois assemblant des Iphones dans l’usine d’un sous-traitant d’Apple (Shenzhen, Chine) (p. 175) Ces deux photographies illustrent deux stades de la NDIPP (nouvelle division internationale du processus productif) par l’exemple de l’iPhone. La capacité d’innovation est désormais un élément-clé de la croissance économique des pays développés, comme les États-Unis. En effet, en raison de coûts de production relativement élevés, la compétitivité internationale de l’économie américaine repose davantage aujourd’hui sur des tâches de conception, d’organisation de la production et de valorisation de nouveaux produits plutôt que sur la fabrication de biens manufacturés de consommation courante. C’est pourquoi, les tâches d’assemblage de l’iPhone sont confiées à des sous-traitants opérant dans des pays à salaires plus faibles, comme la Chine. Une carte mentale (p. 175) La carte mentale réunit les axes de réflexion retenus pour traiter le thème : les recompositions des espaces productifs dans le monde, leur spécialisation, leur interconnexion et l’organisation des processus productifs à différentes échelles. Toute la complexité de la question vient de la diversité des espaces considérés et des dynamiques à l’œuvre à différentes échelles. Celles-ci sont la conséquence des stratégies d’entreprises et ne relèvent pas uniquement de logiques spatiales. Une vidéo Le Dessous des cartes, « Le transport maritime, cœur de la mondialisation », 30 janvier 2016 (p. 174) La vidéo permet de mettre en évidence un facteur essentiel pour comprendre la diversification des espaces productifs à l’échelle mondiale : les transports maritimes. En effet, depuis le milieu du xxe  siècle, la mondialisation a suscité des échanges considérables de marchandises qui s’effectuent essentiellement par voie maritime en raison du faible coût de ce mode de transport. Les flottes se sont techniquement adaptées à la croissance des volumes et à la diversité des produits transportés (invention du conteneur et du porteconteneur pour favoriser l’intermodalité, par exemple). Les échanges de marchandises, à la fois outils et marqueurs de la mondialisation, montrent un système inégal et polarisé. Les flux concernent majoritairement les pays capitalistes les plus développés aux économies les plus ouvertes : l’Europe occidentale, l’Amérique du Nord, le Japon et les pays de la façade orientale de l’Asie (Corée du Sud, Chine littorale, Taiwan, Singapour). C’est entre ces espaces et à l’intérieur de ces espaces que s’opère l’essentiel des échanges de

marchandises. Dans ces échanges, les produits manufacturés prédominent. Des flux secondaires s’observent des pays du Sud vers les pays d Nord et concernent d’abord des produits bruts, agricoles, miniers ou énergétiques. Les grandes compagnies de transport maritime jouent un rôle essentiel dans ces échanges. Très concentrées, elles ont élaboré des réseaux complexes prenant appui sur les grands ports du monde et associant des chaines logistiques à la fois maritimes et terrestres, elles proposent des rotations rapides, nombreuses et adaptées à des produits diversifiées (conteneurs, vrac, hydrocarbures…). Elles disposent de flottes importantes nécessitant des investissements considérables. C’est pourquoi les plus grandes d’entre elles sont issues des pays les plus riches et les plus commerçants. La montée en puissance des compagnies asiatiques témoigne des mutations de l’économie mondiale.

sports d’hiver, par exemple) et mobilise ses connaissances sur sa propre région. Une vidéo Les progrès des transports maritimes sont un facteur essentiel du développement des échanges, de la nouvelle division internationale du travail et des modes de consommation. Une image L’élève relève deux stades différents du processus productif qui mobilisent une main d’œuvre différentes et ne valorise pas les mêmes espaces. Lui-même est concerné par ce processus de production en tant que consommateur. Une carte mentale L’élève part de sa propre expérience pour mobiliser ses connaissances sur un espace productif qu’il connait.

Le thème et moi Une carte L’élève évoque la diversité des pratiques touristiques en France (tourisme culturel, balnéaire et de

Que le professeur retienne une ou plusieurs des entrées possibles dans le thème, il peut conduire les élèves à saisir les attentes de celui-ci, à le problématiser.

A

Mise en relation des documents

Question obligatoire Métropolisation, littoralisation des espaces productifs et accroissement des flux

Cours

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p. 176-177

La recomposition des espaces productifs dans le monde Présentation du cours L’évolution des logiques de localisation des activités est directement liée à la mondialisation. La connexion aux réseaux internationaux de transports et de ­communication ainsi que la possibilité de recruter une main-d’œuvre qualifiée représentent désormais des éléments-clés pour l’implantation de certaines activités. La géographie des espaces les plus dynamiques économiquement s’en trouvent modifiée. Les métropoles, les nœuds de communication, les territoires innovants sont favorisés alors que d’autres territoires, plus enclavés ou spécialisés dans des productions où la concurrence internationale tourne à leur désavantage, peinent à attirer les activités économiques. Repère Ce schéma permet de mettre en évidence les caractéristiques d’un territoire innovant étudié : la production autour de laquelle l’activité de recherche est centrée, les acteurs y participant, les relations entre ces différents acteurs, accessibilité grâce à un réseau de transport performant lié à la proximité d’une métropole.

Doc. 1 London City Airport est un aéroport situé à l’est de Londres, dans les Docklands. Doté d’une seule piste, il a été spécialement conçu pour les avions à décollage et atterrissage courts. Il dessert principalement la City, le  quartier financier de la capitale britannique. C’est, après les aéroports d’Heathrow, Gatwick, Stansted et Luton, le cinquième aéroport desservant Londres. Son trafic annuel atteint 5 millions de passagers en 2018, soit 10 fois plus qu’en 1995. Doc. 2 L’extension urbaine et l’attractivité mondiale de Dubaï sont le résultat d’une accessibilité renforcée par de nombreux investissements dans les infrastructures de transport. Autoroute à 10 voies, nouvel aéroport international en vue de l’exposition universelle de 2020 et impressionnant métro aérien automatisé permettent à la ville de s’inscrire parmi les métropoles mondiales en développant son attractivité touristique. En 2019, Dubaï a accueilli 16 millions de touristes dont une partie toujours plus importante de Russes et de Chinois. Doc. 3 La Silicon Valley ou « vallée du Silicium » s’étend sur 40  km au sud-est de San  Francisco, entre San  Mateo et Fremont en passant par San Jose. Ces frontières évoluent et sont directement liées aux entreprises qui poussent dans la région ; il s’en crée environ une dizaine par semaine. La région agricole, occupée par les Amérindiens 2. Une diversification des espaces et des acteurs de la production 111

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Ohlones est aujourd’hui l’un des principaux territoires innovants dans le monde. Il y existe environ 11 500 entreprises high-tech qui emploient 420 000 personnes et réalisent environ 100 milliards de dollars de chiffre d’affaires. La Silicon Valley est aujourd’hui concurrencée par de nouveaux technopôles : Bangalore, en Inde, est devenue l’une de ses rivales où nombre d’entreprises de hautes technologies ont partiellement ou complètement déplacé leurs centres d’appels, et, progressivement, une partie de leurs activités. De même, des projets d’aménagement inspirés de la Silicon Valley sont lancés ailleurs dans le monde, comme en France le cluster Paris-Saclay, ou le Skolkovo dans la banlieue de Moscou.

Choisir un itinéraire Itinéraire 1 Dans le cadre de la mondialisation, les territoires productifs sont mis en concurrence à l’échelle mondiale. Les territoires avantagés dans cette compétition sont ceux qui bénéficient en premier lieu d’une bonne accessibilité. C’est le cas des quartiers d’affaires de la City et de Canary wharf à Londres grâce notamment à la présence du London city airport. Dubaï fournit également un autre exemple de l’importance de l’accessibilité et des infrastructures de transport pour favoriser les mobilités à l’échelle locale mais aussi régionale et mondiale. La recherche de l’innovation est un deuxième facteur essentiel de localisation et de compétitivité des activités productives. Il conduit à la formation de territoires innovants, comme la Silicon Valley en Californie qui regroupent de nombreux travailleurs très qualifiés au sein d’entreprises innovantes, d’universités et de centre de recherche. Itinéraire bis 1. Le London City Airport permet une connexion rapide de l’espace productif londonien au reste de l’Europe et du monde. Sa proximité avec les quartiers d’affaires de la City et de Canary wharf est un atout pour ces derniers. 2. Les infrastructures de transports sont essentielles pour le développement touristique à Dubaï. En effet, la ville dispose de deux aéroports internationaux qui lui permettent d’avoir une attractivité mondiale. Par ailleurs, le réseau d’autoroutes et le métro aérien facilite les déplacements entres les différents pôles touristiques de la ville (centres commerciaux, installations de loisirs, plages…) 3. La Silicon Valley est représentative du fonctionnement d’un territoire de l’innovation parce que des produits nouveaux y sont constamment mis sur le marché avec un renouvellement industriel constant. C’est le résultat de coopération et échanges de savoir-faire entre différents acteurs comme les centres de recherche et les entreprises innovantes. Ce territoire est caractérisé par l’importance de la main d’œuvre qualifiée (étudiants, chercheurs, ingénieurs). 112 Géographie

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Cours

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La spécialisation des espaces productifs Présentation du cours La mondialisation participe activement aux dynamiques des espaces productifs, à leur spécialisation et à leur tertiarisation. Les espaces productifs sont ainsi mis en concurrence à l’échelle mondiale. C’est dans ce contexte que la compétitivité de ces espaces est encouragée par tous les acteurs concernés : entreprises, État, collectivités territoriales… Les espaces productifs sont alors à nouveau modelés à travers plusieurs dynamiques : délocalisations industrielles/relocalisations, métropolisation, littoralisation… L’objectif de ce cours est ainsi de mettre en évidence la nouvelle géographie des espaces productifs à l’échelle mondiale. Repère L’organisation de l’espace économique mondial est caractérisée par une NDIT (nouvelle division internationale du travail). La division internationale du travail désigne la spécialisation des pays : ils ne produisent pas tous les mêmes produits et échangent donc entre eux leur production. On parle de « nouvelle division internationale du travail » pour désigner la spécialisation actuelle des pays : les nouveaux pays industrialisés, asiatiques surtout, produisent aujourd’hui des produits manufacturés, y compris des produits hauts de gamme. Les pays développés fabriquent surtout les produits technologiques et les services dont la production nécessite de hautes qualifications. Les pays les plus pauvres restent cantonnés dans les produits primaires à faible valeur ajoutée. Cette NDIT hiérarchise donc les territoires. Pour étudier leur place dans cette hiérarchie, il est utile de reprendre la grille de lecture mise en œuvre en analyse spatiale : centre/périphérie. Doc. 1 La mondialisation valorise quelques grandes façades maritimes qui s’imposent comme des espaces majeurs de production et d’échange. C’est particulièrement le cas de la façade maritime d’Asie orientale composée de nombreux ports, comme celui de Hong  Kong. Ouvert en 1966, il connaît une importante croissance dans les années 1980, ce qui conduit à la construction de terminaux supplémentaires, jusqu’en 2007 et l’ouverture du neuvième terminal. Aujourd’hui, il n’y a quasiment plus d’industrie à Hong Kong et la majorité de son activité repose sur le tertiaire. Une activité dans laquelle le port joue un rôle clef : 35 % des conteneurs reçus par le port sont acheminés depuis la Chine par camion avant d’être chargés sur de gigantesques porte-conteneurs et exportés vers le reste du monde. Néanmoins, le port de Hong  Kong est en perte de vitesse : en 2018, le port a traité 20  millions de conteneurs équivalent vingt pieds

(EVP). C’est moins de la moitié de l’activité du numéro un mondial, Shanghai (42 millions d’EVP) et loin derrière le numéro deux Singapour (36  millions d’EVP). En 2004, quand Hong Kong était le port le plus actif du monde, plus de 150 000 bateaux y avaient été chargés, un chiffre aujourd’hui réduit de plus de la moitié. Doc. 2 Ville mythique, la « grosse pomme » est l’une des métropoles les plus attractives et s’affirme comme l’une des places fortes financière, économique et médiatique de la planète. Symbole de cette puissance, la Freedom Tower qui domine désormais la skyline de Manhattan incarne la capacité de la ville à se renouveler et à se maintenir au sommet de la hiérarchie des villes mondiales. Le tourisme est un bon indicateur du rayonnement international de la ville. Le nombre de touristes internationaux est passé de 7 millions en 2006 à 14 en 2018 (63 millions en tenant compte des touristes américains). New  York reste également un pôle de commandement de la finance mondiale, notamment par sa spécialisation dans le financement des firmes transnationales. Doc. 3 D’après l’édition de juin 2017 du Global Economic Prospects de la Banque mondiale, l’Éthiopie, avec 95 millions d’habitants, serait le pays à la croissance économique la plus rapide au monde en 2017. Estimée à 8,3 %, l’augmentation du PIB du géant est-africain est trois fois supérieure à la moyenne mondiale, qui s’élève à 2,7 %. Par ailleurs, selon le Fonds monétaire international, le PIB par habitant a plus que doublé en moins de dix ans, passant de 361 dollars US en 2010 à 795 dollars l’an dernier. Le taux de pauvreté est ainsi passé dans le même temps de 45 % à 22 %. Cependant, les populations des zones rurales et très peuplées vivent dans une extrême pauvreté. Néanmoins, le boom économique est réel et a été influencé par deux plans quinquennaux de croissance et de transformation qui ont permis à l’industrie, aux infrastructures et aux services de croître. Aujourd’hui, les entreprises internationales se pressent aux portes de l’Éthiopie. Principal importateur, la Chine est aussi un important investisseur en Éthiopie, séduite par une main-d’œuvre bien formée et peu chère, un ouvrier éthiopien coûtant deux fois moins qu’un ouvrier chinois. Elle construit tout, le réseau routier, le tramway, l’immobilier et les infrastructures publiques.

Choisir un itinéraire Itinéraire 1 Les documents montrent trois espaces productifs valorisés dans la mondialisation. En premier lieu, les façades maritimes s’imposent comme des espaces majeurs de production et d’échanges dans le cadre de la littoralisation. C’est le cas de l’Asie orientale avec des ports majeurs, comme celui de Hong Kong, qui ont été aménagés pour

le trafic de conteneurs. Ensuite, les métropoles concentrent des activités essentielles en particulier liées au secteur tertiaire. C’est le cas de New York avec de nombreux emplois de services soit liés à l’industrie (quartiers des affaires avec sièges sociaux, technopôles) soit liés au tourisme. Enfin, des pays émergents dans lesquels la main d’œuvre est peu chère attirent les investissements étrangers comme l’Éthiopie. Itinéraire bis 1. Au premier plan, la croissance économique est évoquée à travers le développement du commerce maritime étroitement lié à la conteneurisation. Le terminal est équipé de nombreux portiques qui permettent le chargement et le déchargement des conteneurs. Au second plan, la photographie permet de constater le développement urbain de Hong Kong sous la forme d’une verticalisation du bâti, adaptation à l’exiguïté du terrain mais aussi manifestation du développement économique. 2. New York concentre dans son hypercentre une partie majeure des emplois aux fonctions de commandement économique et culturel (quartiers des affaires, hauts lieux touristiques…) L’ensemble de ces activités explique la richesse et le dynamisme de la métropole. 3. L’Éthiopie accueille de grandes entreprises internationales, comme le fabricant chinois de chaussures Huajian group. Ces entreprises permettent la création d’emplois et le développement des exportations de l’Éthiopie. Cours

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Des espaces productifs interconnectés Présentation du cours Selon la définition du FMI, le mot « mondialisation » désigne « l’interdépendance économique croissante de l’ensemble des pays du monde, provoquée par l’augmentation du volume et de la variété des transactions transfrontières de biens et de services, ainsi que des flux internationaux de capitaux ». Selon L. Carroué, elle résulte aussi de la diffusion mondiale du capitalisme. C’est bien l’enjeu de ce cours consacré aux flux de la mondialisation qui sont la manifestation d’un monde interdépendant. L’interdépendance désigne la dépendance des économies les unes des autres, la relation d’échanges réciproques entre deux ou plusieurs acteurs et les liant les uns aux autres. C’est une conséquence majeure de la mondialisation, mais aussi des régionalisations. Repère Les flux commerciaux n’ont jamais été aussi importants. Cette forte augmentation des flux commerciaux est liée à la baisse des coûts du commerce et aux progrès des technologies de l’information. Cette augmentation s’exprime aussi par une libéralisation accrue 2. Une diversification des espaces et des acteurs de la production 113

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des échanges (Doc. 2). Le degré d’ouverture commerciale montre que les économies d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Asie de l’Est sont les plus exportatrices. Cette carte montre aussi que les États mettent en place des organisations régionales pour développer les échanges à plus grande échelle avec des partenaires privilégiés. Par exemple, l’interdépendance des économies d’Asie orientale, reposant notamment sur la stratégie de développement dite en « vol d’oies sauvages » (industrialisation par substitution des importations), a ainsi été mise en évidence par la crise économique de 1997. Cette stratégie commune a poussé nombre d’États de la région à renforcer les mécanismes de prévention et de solidarité  l’ASEAN a ainsi élargi ses forums de discussion aux trois grands pays d’Asie du Nord-Est (ASEAN+3 avec la Chine, le Japon et la Corée du Sud puis « sommet de l’Asie de l’Est » depuis 2005). Doc. 1 Depuis les années 1950, le commerce mondial de marchandises a progressé de façon continuelle et rapide, quelles qu’aient été les fluctuations de la croissance. La révolution logistique et numérique en est une explication majeure. La crise financière de 2008 a fortement ralenti la croissance économique des pays riches et émergents, mais aussi les échanges commerciaux. Au-delà de ce facteur conjoncturel, le commerce mondial semble être entré dans une nouvelle phase de ralentissement structurel dans laquelle la régionalisation l’emporte sur une véritable mondialisation, générant un essaimage de mégazones de libre-échange. Doc. 2 Cette une du Courrier international met en valeur les nouvelles routes de la soie chinoises. Le projet, lancé en 2013 par le président Xi Jinping, est appelé en mandarin « La ceinture et la route » : ceinture terrestre reliant la Chine à l’Europe via l’Asie centrale, et route maritime via l’océan indien. Ces nouvelles routes ont eu pour conséquences une multiplication, en Asie et en Afrique, de chantiers essentiellement financés par la Chine (ports, autoroutes, liaisons ferroviaires, centres industriels…) Ce projet est déjà engagé, puisque le rail relie désormais la Chine à une trentaine de villes européennes en moins de trois semaines. La Chine a également racheté le troisième port de Turquie, près d’Istanbul, considéré comme un important point de jonction. Martelée par Pékin, la formule des « routes de la soie » se trouve appliquée également à toutes sortes d’investissements, accords diplomatiques et projets extrêmement divers, jusqu’en Amérique latine et dans l’Arctique. Les puissances occidentales, États-Unis en tête, dénoncent les visées géopolitiques de Pékin, soupçonné de vouloir cimenter son influence, contrôler des matières premières et écouler ses surcapacités industrielles. En janvier 2018, le président français Emmanuel Macron déclarait que ces routes « ne peuvent être celles d’une nouvelle hégémonie » qui placerait en « vassalité » les pays traversés. 114 Géographie

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Doc. 3 La mondialisation contemporaine s’accompagne aussi d’un processus de financiarisation des économies. Depuis plusieurs années, les fonds souverains acquièrent une importance grandissante. Leur existence n’est cependant pas nouvelle. C’est le Koweït, riche état pétrolier du golfe Persique qui a créé le premier fonds souverain en 1953, rejoint aujourd’hui par une quarantaine d’autres pays, dont la Norvège, le Qatar et Singapour. Leur fonctionnement est simple : ce sont des fonds de placements financiers détenus et gérés par des États qui les alimentent grâce aux liquidités générées par certaines activités, telles que le pétrole. Il s’agit donc, pour les pays concernés, de faire fructifier l’argent obtenu grâce à l’exportation des matières premières et d’en profiter pour diversifier leur économie, trop dépendante de la fluctuation des cours des matières premières. Le principal problème de ces fonds est l’opacité de leur fonctionnement et leur concentration dans certaines régions du globe. S’ils géraient près de 7  milliards de dollars d’actifs en 2016, près de 75 % d’entre eux se répartissaient entre le Moyen-Orient (50 %) et l’Asie (25 %). Seuls sept États concentraient près de 86 % du total des actifs. Les implications en termes d’influence géopolitique sont énormes. Par exemple, l’Arabie saoudite affirme que son nouveau fonds souverain sera bientôt en mesure de contrôler plus de 10 % de la capacité d’investissement mondial. En rendant un certain nombre d’États et de grandes entreprises dépendantes de l’argent saoudien, il est fort à parier que le pays utilisera ce levier pour peser sur certains dossiers politiques et diplomatiques. Ce rapport de force peut aussi entraîner certaines crispations identitaires. En 2012 déjà, la volonté affichée par le fonds qatari d’investir dans les banlieues françaises avait été très fraîchement reçue par certains, qui y avaient vu une manœuvre pour étendre l’influence culturelle et religieuse d’une branche de l’Islam.

Choisir un itinéraire Itinéraire 1 Il est possible de distinguer deux types de flux. D’un côté, les flux commerciaux qui ont explosé en valeur depuis les années 1950. En effet, les exportations mondiales de marchandises sont passées de moins d’1 milliard de dollars en 1970 à plus de 16 milliards en 2015. Cette augmentation s’est accélérée dans les années 2000. La croissance est constante malgré des phases de ralentissement, en particulier depuis la crise de 2008. La structure des exportations a changé : si la part des produits manufacturés stagne depuis 1992, celle des combustibles et produits miniers augmente au détriment de celle des produits agricoles. D’un autre côté, les flux financiers ont pris également une dimension nouvelle. Par exemple, les pays du Sud s’imposent comme des acteurs de la mondialisation

financière grâce à leurs fonds souverains. Il s’agit de sociétés financières contrôlées par les États et qui investissent sur les marchés financiers ou dans des activités rémunératrices. Deux pôles de fonds souverains apparaissent clairement sur la carte : le golfe persique avec des fonds souverains alimentés par la vente d’hydrocarbures et l’Asie de l’Est avec les bénéfices commerciaux de l’industrie et des services. La Chine est au cœur de cette explosion des flux à la fois commerciaux et financiers. Itinéraire bis 1. Les exportations mondiales de marchandises ont très fortement augmenté depuis les années 1950. En effet, elles sont passées de moins d’1  milliard de dollars en 1970 à plus de 16  milliards en 2015. Cette augmentation s’est accélérée dans les années 2000. La croissance est constante malgré des phases de ralentissement, en particulier depuis la crise de 2008. La structure des exportations a changé : si la part des produits manufacturés stagne depuis 1992, celle des combustibles et produits miniers augmente au détriment de celle des produits agricoles. 2. Cette une cherche à montrer les ambitions économiques et géopolitiques chinoises. Le bol de soupe ou de riz associé aux baguettes sont des marqueurs culturels utilisés pour montrer une volonté de conquête du monde qui se voudrait inquiétante. La Chine est écrite en caractères rouges comme pour signifier un danger. 3. Les pays du Sud s’imposent comme des acteurs de la mondialisation financière grâce à leurs fonds souverains. Il s’agit de sociétés financières contrôlées par les États et qui investissent sur les marchés financiers ou dans des activités rémunératrices. Deux pôles de fonds souverains apparaissent clairement sur la carte : le golfe Persique avec des fonds souverains alimentés par la vente d’hydrocarbures et l’Asie de l’Est avec les bénéfices commerciaux de l’industrie et des services.

Cours

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L’organisation des processus de production à différentes échelles Présentation du cours La mondialisation est un processus en évolution permanente et d’interactions d’agents économiques : société civile, entreprises, États. L’interaction recoupe la notion d’échanges (flux) mais aussi de réseaux qui entraîne une intégration accrue entre les différents territoires et différents marchés. C’est ainsi qu’un réseau international de production fondé sur une chaîne mondiale de valeur ajoutée se met en place. Les firmes transnationales sont au cœur de ce processus. Autant d’interactions qui suscitent des débats sur la mondialisation comme la prise en

compte des questions sociales et environnementales liées à la diffusion du capitalisme. Repère La division internationale du travail (DIT) exprime la spécialisation des États dans la production d’un produit dont il réalise l’essentiel des étapes de production. Elle correspond selon L.  Carroué à la deuxième étape de la mondialisation, celle de l’époque coloniale et de la révolution industrielle. Ainsi, les pays en développement étaient traditionnellement spécialisés dans les matières premières et agricoles, alors que les pays développés l’étaient dans les produits industriels. L’exemple de l’IPhone montre bien que cette notion n’est plus opératoire contrairement à celle de la DIPP (division internationale du processus productif) qui exprime la répartition des étapes de production dans différents pays. La DIPP est au cœur de la mondialisation contemporaine depuis les années 1970, troisième phase de la mondialisation. Ainsi, elle permet de centrer l’analyse non seulement sur les territoires de la mondialisation, mais aussi sur ses flux et ses acteurs (et leurs logiques). Doc. 1 Les entreprises transnationales sont les entreprises installées dans plusieurs pays. Les programmes scolaires tendent à imposer l’expression « firmes transnationales » ou le sigle FTN, tandis que le langage commun parle simplement des «  multinationales  ». Ces expressions désignent toutes la même chose mais l’expression « transnationales » apporte une nuance : ces entreprises ne se contentent pas d’être présentes dans plusieurs pays, elles passent à travers les frontières pour optimiser les bénéfices de leurs activités, sans pour autant faire disparaître le rôle des États dans l’économie. Les entreprises transnationales sont, avec les États, les principaux acteurs de la mondialisation (l’augmentation des échanges) et de la globalisation (la généralisation mondiale du capitalisme). Elles sont le plus important acteur privé ; en tant qu’acteurs géographiques, elles jouent plusieurs rôles dans des domaines différents et en particulier dans le domaine économique, elles participent à l’emploi. Les relocalisations entraînent la destruction d’emplois dans un territoire et la création d’emplois dans un autre. Elles contribuent également à la métropolisation en accentuant la concentration dans les plus grandes villes des capitaux et de la main d’œuvre qualifiée. Ainsi, les FTN représentent le 1er pouvoir de la mondialisation devant les États. Doc. 2 L’histoire de la ville de Wolfsburg est liée à l’histoire de Volkswagen puisque Wolfsburg lui doit sa création. La construction de l’usine, et par extension la création de la ville en 1938, est l’affaire du régime nazi. Après son arrivée au pouvoir en 1933, Hitler constate que la production d’automobiles populaires est encore relativement faible en Allemagne, contrairement à l’Angleterre ou aux États-Unis. Il décide, pour des raisons de prestige 2. Une diversification des espaces et des acteurs de la production 115

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et de propagande, de lancer le projet d’une petite voiture populaire. Le développement de la ville et de l’entreprise va alors aller de pair jusqu’à aujourd’hui, de façon aussi indissociable que Michelin et Clermont Ferrand en France. La ville accueille toujours le siège social de l’entreprise et celle-ci emploie encore 50 000 habitants. Doc. 3 Avec l’exemple de China Labor Watch, les ONG ont un rôle de vigie, d’alerte pour l’opinion publique. Elles agissent en diffusant l’information par voie de presse. Basée à New York, cette ONG a été fondée en octobre 2000 avec pour mission de défendre les droits des travailleurs en Chine. Pour cela, elle collabore avec les syndicats et les médias pour enquêter sur les conditions de travail dans les usines en Chine, qui produisent des biens pour les plus grandes multinationales. La diffusion de ces rapports dans les médias soumet les multinationales à une pression, ce qui se traduit parfois par une amélioration des conditions de travail dans les usines.

Choisir un itinéraire Itinéraire 1 Les FTN ont imposé une nouvelle division internationale du processus productif qui consiste à répartir les tâches de préproduction (conception), de production (fabrication, assemblage) et de postproduction (commercialisation) à travers le monde entier. Ces entreprises emploient des millions de travailleurs, particulièrement aux États-Unis, en Europe occidentale et en Asie orientale. Elles sont parfois

des éléments centraux de l’identité de certaines villes ou régions comme Wolfsburg avec Volkswagen. Cependant, elles peuvent être contestées, notamment par l’action d’ONG qui médiatisent les mauvaises conditions de travail des ouvriers dans des pays, comme la Chine et qui cherchent à influer sur les stratégies des entreprises en jouant sur leur image et en encourageant des actions de boycott de la part des consommateurs. Itinéraire bis 1. La répartition des 500 premières FTN reflète les inégalités car celles-ci apparaissent concentrées dans les trois principaux pôles économiques mondiaux que sont les États-Unis, l’Europe occidentale et l’Asie orientale. Cette carte fait ainsi écho à la carte repère p. 178 du manuel élève. 2. L’impact local de Volkswagen est extrêmement important. Non seulement l’entreprise est la principale pourvoyeuse d’emplois directs, mais elle fournit également des logements et finance une grande partie des infrastructures culturelles et récréatives. L’entreprise est donc un acteur non seulement économique mais également social et géographique incontournable. 3. China Labor Watch est une ONG dont le logo indique bien sa volonté de surveiller et dénoncer les conditions de production dans les usines chinoises afin de faire pression sur les firmes transnationales qui y emploient des sous-traitants et ainsi améliorer les conditions de travail des ouvriers. Pour cela, l’ONG cherche à sensibiliser les consommateurs.

capacités et méthodes

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QUESTION OBLIGATOIRE

Nommer et localiser les grands repères géographiques ainsi que les principaux processus et phénomènes étudiés 1. 2. 3. Voir carte repère p. 178 du manuel élève. 4. À l’échelle locale, Shanghai est localisée à l’embouchure du fleuve Yangzi Jiang. À l’échelle nationale, Shanghai est

vers le bac

une métropole de Chine orientale, sur le littoral Pacifique. À l’échelle mondiale, Shanghai fait partie des principaux ports de la façade maritime d’Asie-Pacifique. p. 187

QUESTION OBLIGATOIRE

 ne diversification des espaces U et des acteurs de la production 1. Voir carte repère p. 178 du manuel élève. 2. La notion de réseau : b) Ensemble de lignes ou de relations aux connexions plus ou moins complexes. 3. a) Littoralisation : processus de concentration des populations et des activités sur les littoraux. b) Division internationale du processus productif : répartition des étapes de production dans plusieurs pays pour réduire les coûts et/ou faciliter l’accès au marché. c) Chaîne de valeur ajoutée : ensemble des activités qui interviennent dans un processus de fabrication, de la matière première au produit final, créatrices de valeur et génératrices de marge pour l’entreprise. d) Firme transnationale : entreprise possédant au moins une filiale à l’étranger, recherchant à maîtriser ses approvisionnements en matières premières et la proximité des marchés de consommation. 4. La multiplication des flux de capitaux largement dématérialisés est liée à la diffusion du capitalisme et à l’ouverture des économies au commerce mondial. En effet, dans le cadre de la globalisation financière, les marchés financiers des places boursières sont étroitement liés les uns aux autres à l’échelle planétaire et favorisent la montée en puissance des investissements directs à l’étranger, réalisés en grande majorité entre les principales puissances

économiques, anciennes ou émergentes. Par ailleurs, les fonds souverains sont devenus des acteurs à l’influence majeure sur la scène internationale. 5. Dans le cadre de la généralisation du libre-échange après la Seconde Guerre mondiale, de gigantesques plateformes multimodales permettent de relier des territoires lointains. L’espace économique mondial s’organise ainsi de grands hubs, comme Singapour ou Rotterdam. Quant aux progrès des télécommunications, ils permettent l’intensification des flux d’informations et de services, et donc l’interconnexion des espaces. 6. L’accessibilité des territoires est une priorité pour répondre aux nouvelles logiques de production. L’importance des transports s’est donc accrue. Les territoires privilégiés sont ceux qui sont les mieux connectés à différentes échelles. L’accessibilité numérique est aussi primordiale. C’est pourquoi les pouvoirs publics à différentes échelles sont des acteurs spatiaux majeurs. Par la politique d’aménagement, ils favorisent l’accessibilité des espaces productifs. 7. La mondialisation met en concurrence les territoires et valorise les plus compétitifs. Les pays développés cherchent à capter les investissements et à faire face aux pays en développement à bas salaires. Ils s’orientent donc vers une économie fondée sur la connaissance. Leurs politiques industrielles sont axées sur la compétitivité. Elles favorisent le fonctionnement en réseau des entreprises et des centres de recherche dans des territoires de l’innovation. L’État a donc un rôle économique majeur dans la mondialisation.

B Sujet d’étude au choix Sujet d’étude

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Les espaces des industries aéronautique et aérospatiale européennes Les espaces des industries aéronautique et aérospatiale européennes témoignent d’une mise en réseau d’acteurs et de territoires par un processus de production. 116 Géographie

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Une étude multiscalaire permet de comprendre ­comment la production stimule des dynamiques territoriales à l’échelle locale et régionale, tout en relevant d’enjeux internationaux, comme le montrent par exemple Hambourg et Toulouse, dont le dynamisme est en partie lié à Airbus (emplois directs mais aussi sous-traitants). 2. Une diversification des espaces et des acteurs de la production 117

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A À l’échelle internationale,

l’Europe est un leader des industries aéronautique et aérospatiale

Doc. 1 Le centre spatial Guyanais est un centre de recherche spatial et une base de lancement française et européenne. Il a été mis en service en 1968. Les fusées européennes Ariane, utilisées principalement pour le lancement des satellites de télécommunications, sont tirées depuis cette base. Avec sa latitude très proche de l’équateur, le centre spatial est idéal pour placer en orbite les satellites géostationnaires qui constituent la majorité de la clientèle commerciale d’Arianespace. Le centre spatial guyanais dispose d’un musée de l’espace qui est visité par plusieurs dizaines de milliers de personnes chaque année. Doc. 2 L’industrie aéronautique et aérospatiale est éminemment stratégique pour les États dont les entreprises sont originaires et qui maitrisent ces technologies. Elle est de ce fait l’apanage d’un nombre réduit d’États à travers le monde dont les industries se disputent âprement un marché aux perspectives de croissance florissante à long terme. Parmi les principaux États ou régions du monde disposant d’une industrie aéronautique de poids mondial citons : les USA, le Canada, le Brésil, l’Europe (Grande-Bretagne, France, Italie, Espagne, Allemagne, Pays-Bas, Suède), la Russie, Israël, la Chine, le Japon. Le club des nations spatiales est encore plus restreint puisque seules les États-Unis, l’Europe, la Russie, la Chine et le Japon ont des compétences et activités significatives en ce domaine. Doc. 3 La filière industrielle de l’A380 est complexe. Elle est partagée entre une très grande quantité de fabricants principaux et de sous-traitants. Il convient donc d’acheminer l’ensemble des éléments et des pièces produites dans des sites éclatés vers le site d’assemblage de Toulouse. L’ensemble de la chaîne logistique a été organisée principalement autour de la voie maritime, avec des segments fluviaux et terrestres. Les lieux de fabrication des différents éléments de l’A380 sont dispersés. Pour prendre quelques exemples : ––une partie des ailes est fabriquée au Pays de Galles, à Broughton ; ––les ailes sont montées en Allemagne, à Brême, où on fabrique aussi l’avant du fuselage ; ––les parties centrales et arrière du fuselage sont construites à Hambourg ; ––l’empennage est fabriqué à Getafe, près de Madrid ; ––en France, les mâts des réacteurs sont assemblés aux Mureaux, les trains d’atterrissage à Oloron-Sainte-Marie, le caisson central de voilure à Nantes, la partie arrière de l’habitacle à Saint-Nazaire, différents éléments à Méaulte en Picardie ; 118 Géographie

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––Toulouse produit le cockpit, l’information à bord, et, audelà de l’assemblage final, assure les études, les essais en vol, la commercialisation, le SAV ; ––l’assemblage et les essais terminés, l’avion s’envole vers Hambourg pour l’aménagement intérieur. Une fois dans l’estuaire de la Gironde, la cargaison est transférée sur une barge aux tirant d’eau et tirant d’air adaptés, pour un parcours fluvial de 100  km sur la Garonne, jusqu’à Langon. La dernière étape, de 240 km, est routière, entre Langon et Toulouse. Les convois (six ensembles routiers de 50 m de long chacun) roulent à la vitesse de 10 à 30 km/h, exclusivement la nuit, pour ne pas trop perturber l’activité locale. Il faut alors trois nuits pour faire le parcours. Doc. 4 Ariane 6 est un lanceur de moyenne à forte puissance que l’Agence spatiale européenne développe pour remplacer sa fusée lourde Ariane 5 à compter de 2020. Malgré son succès et sa position dominante dans le domaine des lancements de satellites géostationnaires, Ariane  6 coûte cher à fabriquer et ses parts de marché sont menacées à moyen terme à la fois par l’évolution du marché des satellites et par l’arrivée de concurrents américains : SpaceX et Longue Marche. Doc. 5 La guerre commerciale entre Airbus et Boeing se traduit par une pression accrue sur le prix des pièces. C’est ainsi que les délocalisations s’accentuent dans l’aéronautique pour baisser les coûts ou apporter des compensations aux pays acheteurs d’avions. Sous la pression des avionneurs, sous-traitants et équipementiers renforcent leur implantation dans les pays à bas coût. En trois ans, Latécoère a ouvert des usines au Maroc, en Bulgarie et en Inde, Figeac Aero au Maroc, au Mexique et bientôt en Chine, Nexteam Group et Le Piston Français au Maroc, etc. Analyser les documents 1. L’Europe occupe la seconde place dans la construction aéronautique mondiale, loin derrière les États-Unis qui demeurent largement leader dans ce domaine. 2. L’entreprise européenne qui est au cœur de cette industrie est Airbus avec un chiffre d’affaire de plus de 70 milliards de dollars en 2017. 3. La multiplicité des drapeaux nationaux ainsi que le drapeau européen montrent la coopération européenne dans cette industrie. On peut également le drapeau de l’ESA (agence spatiale européenne) qui gère le site conjointement avec le CNES (centre national d’études spatiales) 4. Les différents éléments de l’A380 sont fabriqués dans plusieurs pays européens, particulièrement en Allemagne, au Royaume-Uni et en Espagne. Puis ils sont acheminés par voie maritime, fluviale et terrestre jusqu’à Toulouse pour y être assemblés.

5. Les entreprises du secteur cherchent à gagner en compétitivité en délocalisant une partie de leur production dans des pays à bas salaires afin de faire baisser le coût de production. C’est ainsi qu’Airbus a ouvert une filiale près de Casablanca au Maroc. 6. Les États sont des acteurs essentiels car ils peuvent créer les conditions matérielles et fiscales au développement des activités. C’est le cas au Maroc avec le Midparc. Par ailleurs, ils peuvent aussi financer des projets stratégiques, comme Ariane 6. B Des territoires régionaux dynamisés

par l’aéronautique et l’aérospatiale

Éducation au numérique NEPTUNE a pour objectif de favoriser le développement des industries de croissance bleue en Europe et au-delà. Cela repose sur l’intégration de nouvelles technologies et d’un savoir-faire entre les secteurs de l’eau, de l’aérospatiale, des TIC et de l’agriculture. NETPUNE aborde en particulier trois aspects clés de la croissance bleue susceptibles de tirer parti de cette collaboration et de ce soutien à l’innovation des PME : la gestion de l’eau en milieu urbain et rural ; le transport fluvial et maritime et logistique portuaire ; l’environnement et énergies marines renouvelables. La création d’une chaîne de valeur ajoutée intersectorielle illustre bien le fonctionnement du pôle de compétitivité puisqu’elle nécessite la coopération d’acteurs diverses, publics et privés. Doc. 6  180  000  personnes travaillent pour le secteur aéronautique selon les derniers chiffres du Gifas (le Groupement des Industries françaises aéronautiques et spatiales). Si on inclut tous les sous-traitants, l’ensemble de la filière aéronautique, spatiale, la défense et la sécurité représente 350 000 emplois en France. Sur les 4 dernières années les effectifs ont progressé de 15 %. L’intérim reste aussi très sollicité avec l’équivalent de 11 000 emplois temps plein l’an dernier via des missions de travail temporaire. Contrairement à ce qu’on pourrait penser ces emplois ne situent pas uniquement dans la région SudOuest. Toulouse est bien la capitale française aéronautique et spatiale, mais l’avionneur Airbus Group est aussi présente dans d’autres régions : près de Marseille, l’usine d’Airbus Helicopters (anciennement Eurocopter) est en effet le premier employeur de la région. Des usines importantes sont aussi présentes du côté de NantesSaint-Nazaire et en Normandie. Mais c’est la région Île-deFrance qui est la plus importante en termes d’effectifs. Avec l’Aquitaine et Midi-Pyrénées ces trois  régions concentrent à elles-seules deux tiers des effectifs. Doc. 7 « La filière aéronautique et spatiale reste dynamique en 2017 dans le Grand Sud-Ouest », affirme l’Insee dans une étude réalisée en partenariat avec le pôle de

compétitivité Aerospace Valley et publiée le 10 avril 2019. Selon cette enquête, la filière aérospatiale employait, au 31  décembre 2017, près de 146  000  personnes dans le Grand Sud-Ouest. Parmi ces postes, 107  350 étaient concentrés en région Occitanie et seulement 38  317 en Nouvelle-Aquitaine. Rien que sur l’année 2017, 3 900 nouveaux emplois salariés ont été créés. Même si elle était et reste historiquement très largement concentrée autour de quelques grands pôles (Toulouse, Bordeaux, Figeac, Pau, Bayonne), la filière est tout de même présente sur l’ensemble des départements du Grand Sud-Ouest. L’étude, au-delà de certains territoires attractifs pour ce domaine d’activité, montre surtout que c’est bien cette supply chain (chaîne d’approvisionnement) qui est attractive, étant même le poumon des filières aéronautique et spatial. Ainsi, elle représente 70 % des salariés et regroupe 3 200 des 3 900 créations d’emplois de l’année 2017. Doc. 8 Aerospace Valley est un pôle de compétitivité de portée mondiale fondé en 2005, centré géographiquement sur les régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine et thématiquement sur l’aéronautique, l’espace et les systèmes embarqués. Le pôle est membre de l’European Aviation Clusters Partnership, association aérospatiale créée en 2009 par la Commission européenne. Le pôle de compétitivité Aerospace Valley est organisé autour de trois objectifs  : l’aéronautique civile (développement technologique et coopération avec l’aéronautique de défense, première place mondiale), l’espace (première place européenne) et la diffusion des systèmes embarqués dans les secteurs du transport. Entre 2005 et 2018, le pôle de compétitivité a labellisé 584 projets ce qui représente, en cumulé, un volume d’activités de 1,5  milliard d’euros et une aide publique de 623  millions d’euros investis dans la recherche. Aerospace Valley fait partie des trois premiers pôles de compétitivité français en matière de performance de ses projets coopératifs de recherche et développement. Doc. 9 L’histoire du site de Finkenwerder, le nom de la commune qui accueille le site sur la rive gauche de l’Elbe, remonte aux années 1930 quand les frères Blohm, possédant un chantier naval, décide de s’intéresser à l’aviation, et en particulier aux hydravions. Après la guerre, les activités reprennent et le site est intégré au groupe Airbus dans les années 1960. Aujourd’hui, Hambourg est le deuxième site de l’avionneur après Toulouse. Au fil des années, Hambourg a développé une expertise particulière en matière de fuselage et de cabines et est devenu le « centre de compétence » du groupe en la matière. C’est ainsi que pour toutes les gammes d’avion, Hambourg fournit et équipe les fuselages. Par ailleurs, pour toute la famille A320, qui surfe actuellement sur une très grosse vague de commande, l’assemblage se fait soit à Hambourg, soit à Tianjin, soit à Mobile. 2. Une diversification des espaces et des acteurs de la production 119

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Doc. 10 En tout, Airbus compte 17 usines dans toute l’Europe, chacune spécialisée dans la construction d’une partie de l’avion. Deux sites Airbus sont actuellement situés à Séville. À San Pablo, se déroule la chaîne complète de production et d’assemblage final de divers avions dont l’A400M. Tablada PreFal, à côté du centre-ville de Séville, est une usine multiprogramme où Airbus produit des ensembles de composants principaux comme des faisceaux électriques et des unités de contrôle. Tablada est également une usine de lancement pour les nouveaux programmes militaires et un partenaire clé pour les services, jouant le rôle de centre de réparation. Analyser les documents 7. Les régions françaises où les salariés de l’aéronautique sont les plus nombreux sont l’Île de France, le Sud-ouest (ancienne Aquitaine et Midi-Pyrénées) et Provence Alpes Côte d’azur. 8. Cette industrie est dynamique puisqu’elle représente plus de 146 000 emplois en 2017 dans le Grand Sud-Ouest et que ce nombre est en augmentation (123 000 emplois en 2013). Elle stimule l’ensemble de l’économie régionale puisque plus de 103 000 emplois sont concentrés chez les sous-traitants de la chaîne d’approvisionnement. 9. En raison des difficultés d’Airbus à Séville, des emplois directs sont menacés mais également des emplois indirects puisque l’entreprise génère 40 000 emplois dans la région. La situation est d’autant plus problématique que le taux de chômage est déjà particulièrement élevé (24 %) 10. Aerospace valley met en relation des acteurs industriels (grands groupes mais aussi PME) et des acteurs scientifiques (chercheurs dans des universités et des laboratoires de recherche). 11. Les pouvoirs publics à différentes échelles ont un rôle essentiel notamment grâce à leurs investissements. La ville de Hambourg a, par exemple, réalisé les infrastructures nécessaires pour le développement de l’usine Airbus en rallongeant la piste d’atterrissage. 12. Airbus influe sur l’organisation de l’espace puisque sa présence est un enjeu important pour la municipalité de Hambourg. Cette situation conduit les autorités à privilégier l’emploi à la protection environnementale dans le cadre de conflits d’usages avec les écologistes. C À l’échelle locale, une filière qui impulse

des dynamiques sociospatiales dans les métropoles

Doc. 11 AéroConstellation est une zone industrielle créée en 2004 pour accueillir le hall d’assemblage final de l’A380 et située sur les communes de Blagnac, Beauzelle, Cornebarieu et Aussone Cette zone d’aménagement concerté est en contact direct avec l’aéroport de Toulouse-Blagnac et les autres usines d’Airbus autour de l’aéroport. Elle est aussi accessible par le tramway aménagé pour l’occasion. 120 Géographie

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Doc. 12 Siège social d’Airbus, Toulouse accueille de nombreuses fonctions centrales et stratégiques (relations clients, gestion des approvisionnements, ressources humaines, marketing, ventes, communication, finance, etc.). De nombreuses divisions du groupe sont également présentes dans cette ville. Le site abrite la production de nombreux Airbus dont l’A320 et l’A330 ainsi que des installations dédiées à l’aménagement cabine et à la peinture, de même que la chaîne d’assemblage final et les essais de l’A380. De nombreux services d’Airbus sont présents à Toulouse : ingénierie (conception générale, tests systèmes et essais d’intégration, définition de structure,  etc.), essais structuraux, développement de processus matériaux, organisation des systèmes, essais en vol, architecture et conception générale, tests systèmes et essais d’intégration, propulsion, conception et calcul de structure, peinture et livraison. L’ensemble de ces activités est générateur de nombreux emplois qui lient de façon très étroite la ville et l’entreprise.

portance pour les ailes de tous les programmes d’avions Airbus. Il couvre toute la chaîne de processus pour les éléments de grande levée. Cependant, à la suite de la réduction des cadences de production de l’A380 et de l’A400M, Airbus envisage de déplacer ou de supprimer 3 600 postes au sein du groupe, en particulier sur les sites allemands et espagnols. Cet exemple permet de montrer que même cette industrie dynamique doit faire face à des difficultés sociales et économiques. Analyser les documents 13. Les documents permettent de relever la dispersion des sites d’implantation de l’entreprise dans l’agglomération : à proximité du centre, dans le sud-est et autour de l’aéroport de Toulouse-Blagnac avec la ZAC Aeroconstellation 14. La plupart des usines sont situées dans la ZAC en raison de la proximité de l’aéroport et de l’importance des surfaces disponibles.

15. Airbus a un poids économique majeur à Toulouse puisque l’entreprise génère trois  emplois indirects pour un emploi direct. Elle a fortement investi dans la ville depuis 10 ans. Quant à Hambourg, elle y est le premier employeur privé. 16. L’organisation de l’entreprise est génératrice de difficultés : hausse des prix de l’immobilier, congestion du trafic routier, étalement urbain sur les surfaces agricoles. 17. Malgré ses emplois très qualifiés, Brême doit faire face à des restructurations dans le domaine de l’aéronautique et de l’aérospatiale, autrement dit à des suppressions d’emplois. 18. Toulouse doit faire face à la concurrence internationale, à la fois celle de ses concurrents américains, comme Boeing mais aussi celle des autres sites de production de l’entreprise Airbus.

Doc. 13 L’entreprise dispose de plusieurs sites d’implantation dans la ville via ses usines et les pôles de formation. « Airbus a façonné tout le nord-ouest de la métropole toulousaine », souligne le géographe Jean-Marc Zuliani. Pas un secteur de la ville n’échappe à l’aéronautique : au centre, dans le quartier des Minimes, l’usine de Saint-Eloi fabrique toujours les mâts réacteurs, pièces stratégiques des avions. Au sud-est, sur le campus de Rangueil, le pôle de compétitivité Aerospace Valley côtoie l’École nationale de l’aviation civile (Enac). Plus près de la Garonne, sur les anciens terrains de l’Aéropostale, l’Aerospace Campus de  Montaudran devrait accueillir le futur Institut de recherche technologique Antoine-de-Saint-Exupéry. Plein nord, sur le site de Périole, Latécoère fabrique des aérostructures pour Airbus. L’empreinte d’Airbus est la plus forte sur le pourtour aéroportuaire. Mais l’avionneur, symbole de prospérité, pose des défis en terme d’aménagement. Il est accusé de faire flamber les prix de l’immobilier avec les salaires confortables dont bénéficient ses cadres et d’être le grand responsable des embouteillages qui encombrent la rocade toulousaine matin et soir. Son expansion industrielle contribue à grignoter les surfaces agricoles, tandis que ses salariés, de plus en plus nombreux, participent à l’étalement urbain de la métropole, ils se répartissent dans 390 communes différentes. Doc. 14 L’exemple de Hambourg montre lui aussi le lien étroit entre un avionneur et son berceau d’implantation. À Hambourg, Airbus est comme une ville dans la ville. Cette emprise forte est à la fois économique, spatiale et culturelle. L’ouverture en 2018 d’une 4e  ligne de production pour les A320 ne peut encore que l’accentuer. Doc. 15 Brême est le deuxième site Airbus en Allemagne. Ce site est responsable de la conception, de la fabrication, de l’intégration et des tests des systèmes de grande 2. Une diversification des espaces et des acteurs de la production 121

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capacités et méthodes

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Sujet d’étude Identifier et évaluer les ressources les ressources en histoire-géographie

2. En recherchant « Astech Paris Région » dans le moteur de recherche Google, la première page affiche un site institutionnel (.org) qui peut fournir de l’information fiable. 3. La page Wikipédia n’est pas pertinente parce qu’elle est très pauvre en informations. 4. L’adresse. gouv signifie qu’il s’agit d’un site institutionnel et donc d’une information fiable. Sujet d’étude

2

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Rotterdam : un espace industrialo-portuaire européen de dimension internationale Rotterdam est un nœud de la mondialisation, un point majeur d’interconnexion entre terre et mer où des activités portuaires, industrielles et tertiaires coexistent. Cet espace est représentatif des zones industrielles et portuaires qui présentent une organisation spatiale spécifique dans laquelle s’articulent un port, voire un avant-port, comportant des sous-espaces spécialisés (conteneurs, vracs, hydrocarbures…) et parcouru par des chenaux d’accès à fort tirant d’eau, souvent plusieurs zones industrielles, des espaces de bureaux (sociétés de commerce, douanes, assurances…), des réseaux de transports complexes et intègres. Cette organisation spatiale, sensible aux mutations opérées par la mondialisation, est en constante évolution. Ces zones constituent une interface ouverte sur le monde et sur leur arrière-pays. Ainsi, ce sujet d’étude à propos de Rotterdam permet de mettre évidence l’ancienneté des infrastructures et leurs évolutions constantes depuis le xviie  siècle. Cet espace portuaire s’inscrit aujourd’hui dans l’une des façades maritimes les plus actives du monde, le Northern Range. L’organisation spatiale de cet espace témoigne de cette longue histoire : de la ville de Rotterdam jusqu’à la mer, s’observe un ensemble continu de quais spécialisés, de zones industrielles, d’aires de stockage, d’espaces urbanisés, de chantiers navals, des espaces conquis sur la mer, un réseau de voies de communication particulièrement dense, associant la voie d’eau, le rail, la route, l’avion. Éducation au numérique En utilisant ce site de trafic en temps réel, les élèves peuvent constater l’ampleur du trafic dans la ZIP. En cliquant sur les bateaux, ils peuvent collecter des renseignements sur chaque navire (nom, cargaison, tonnage, lieu de départ…) et constater ainsi la diversité des types d’embarcation et leur adaptation à la cargaison transportée. 122 Géographie

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A Rotterdam, un port au cœur

de la mondialisation des processus de production

Doc. 1 Rotterdam a d’abord été un port de fond d’estuaire, avant de se développer progressivement vers l’aval pour rejoindre le littoral. Aujourd’hui, il mesure 42 km de long jusqu’à la mer du Nord et couvre 124 km2. Ce port est en constant développement depuis le xiie  siècle (nouveaux bassins, zones industrielles, terre-pleins, voies de communications…). La gestion et le développement du port de Rotterdam sont administrés par la société anonyme Havenbedrijf Rotterdam (autorité portuaire de Rotterdam). Cette société emploie environ 1 100 personnes et génère environ 175 000 emplois directs sur la zone portuaire en 2016. L’ampleur et la diversité des aménagements visibles sur la photographie s’explique par le trafic du port très diversifié, composé pour moitié de vrac liquide (pétrole brut, produits pétroliers et autres liquides tels que des biocarburants ou de l’huile de palme), pour 30 % de conteneurs et pour le reste de vrac solide (minerai de fer, charbon, denrées agricoles…). Doc. 2 Rotterdam est le premier port européen pour le trafic de conteneur et un des principaux ports mondiaux. Si sa place en Europe n’est pas franchement contestée, excepté par Anvers qui se développe rapidement depuis une dizaine d’années, il ne fait en revanche que reculer dans la hiérarchie mondiale en raison du basculement de l’économie mondiale vers l’Asie. Doc. 3 En géographie, un port est vu comme une interface maritime permettant les échanges entre deux espaces ou zones d’influence, son Foreland (« avantpays  ») et son Hinterland («  arrière-pays  »). Ces deux notions théoriques sont particulièrement développées pour le cas de Rotterdam, grâce à sa localisation et sa taille, qui en font un des principaux ports mondiaux et le principal port de la Northern Range européenne. Dans le monde, environ 1  000 ports ont des liaisons avec Rotterdam, dont 500 par lignes régulières. Sur les courtes distances, le cabotage et le trafic fluvial relient Rotterdam aux autres ports européens de la mer du Nord, des îles britanniques et de la mer Baltique. Sur les longues distances, Rotterdam est notamment relié aux ports brésiliens, africains et moyen-orientaux qui l’approvisionnent en matières premières (essentiellement du pétrole, du gaz, du minerai de fer et du charbon), ainsi qu’aux ports d’Amérique du Nord et surtout d’Extrême-Orient pour les échanges conteneurisés. À l’échelle européenne, un vaste réseau intermodal de chemins de fer, de routes et de

voies navigables intérieures permet de redistribuer et d’acheminer des cargaisons depuis et vers le reste de l’Europe. Les principaux centres industriels et économiques de l’Europe occidentale sont accessibles en moins de 24 h depuis Rotterdam. Doc. 4 Le port de Rotterdam est situé directement sur la mer du Nord et est librement accessible 24  heures par jour, sans obstacles (écluse ou pont) ni restriction de marée. Seuls quelques pétroliers et minéraliers avec un tirant d’eau allant jusqu’à 23 m doivent tenir compte des marées avant de s’engager dans le chenal. Le chenal Eurogeul, creusé dans la mer du Nord avec une profondeur d’au moins 25 m permet aux navires de haute mer d’accoster. Il s’agit du deuxième chenal le plus profond au monde. L’arrière-pays de Rotterdam couvre toute la vallée du Rhin et de ses affluents (c’est-à-dire le cœur de la dorsale européenne), en concurrence avec les autres ports de la Northern Range (notamment ceux d’Anvers et de Hambourg). Grâce à Rotterdam, 150  millions de consommateurs (dans un rayon de 500 km du port) ont accès au monde entier ; ces clients potentiels peuvent être atteints dans les 24  heures par la route, le rail, les voies navigables (le Rhin et les canaux) et les pipelines (oléoducs et gazoducs). Analyser les documents 1. Les aménagements de la zone industrialo-portuaire de Rotterdam sont nombreux pour répondre à l’ampleur et à la diversité du trafic. Au premier plan, nous voyons une zone de stockage de conteneurs ainsi qu’un terre-plein en cours d’aménagement. Au second plan, nous apercevons un grand canal et des bassins de déchargements qui permettent aux navires d’accéder à différents espaces comme une zone de stockage du pétrole, une raffinerie pour transformer le pétrole et une zone d’industries chimiques. À l’arrière-plan, nous distinguons les habitations de la commune de Rozenburg. 2. Le port est connecté au reste du monde par voie maritime ainsi que par autoroute et voie ferrée. 3. Le site du port est favorable puisque le port est localisé dans l’estuaire du Rhin et de la Meuse, ce qui lui permet d’être une porte d’entrée des marchandises en Europe. 4. La situation du port est favorable puisqu’il bénéficie d’un vaste arrière-pays riche composé de plus de 500 millions de consommateurs ; B L’évolution spatiale de la zone portuaire

Doc. 5 Le port de Rotterdam est structuré en plusieurs zones d’installations portuaires s’échelonnant le long de l’embouchure du Rhin. Les plus anciens bassins sont au fond de l’estuaire au niveau du centre-ville, les plus modernes s’étalent en aval jusqu’à l’embouchure. On peut donc parler de glissement progressif du port vers

l’aval depuis le xixe  siècle, glissement qui s’est accentué après 1945. Les installations portuaires du centre-ville de Rotterdam ne servent plus au déchargement de navires depuis la fin du xxe siècle, car trop éloignées de l’embouchure, manquant de tirant d’eau et d’espace. Les petits bassins sont désormais utilisés pour amarrer les navires de plaisance et les quelques habitations aménagés sur des péniches ou des barges. Au finale, l’autorité portuaire de Rotterdam (Havenbedrijf Rotterdam) gère en 2018 une surface de 13 000 hectares (Maasvlakte 2 compris), dont environ 8 000 terrestres et 5 000 en eau. Y sont aménagés 65 km de quai, avec 1 500 km de conduites. Doc. 6 Toute la zone du Maasvlakte (la « plaine de la Meuse ») est construite sur des terre-pleins gagnés essentiellement sur la mer, au sud de l’embouchure, sur la rive gauche. Les terminaux de Maasvlakte sont en eaux profondes (16 m pour les terminaux conteneurs, 22 m pour le terminal pétrolier) et servent à l’accueil des plus grands navires trans-océaniques, dont la cargaison repart immédiatement soit vers l’intérieur des terres dans des conduites (oléoducs et gazoducs), sur des barges, des wagons ou des camions, soit vers d’autres ports européens après transbordement sur des navires plus petits (les feeders, « nourrissiers », selon la logique hub and spoke, « moyeu et rayons »). Pour faire d’importantes économies d’échelle, les volumes sont importants : plus de 40  millions de tonnes de charbon et de minerai de fer (soit 140 000 tonnes par jour), 40 à 45 millions de tonnes de pétrole brut et la majeure part du trafic conteneurs du port (plus de 13 millions d’EVP) transitent par Maasvlakte. Doc. 7 La démesure frappe le transport maritime, donnant naissance à des porte-conteneurs toujours plus grands. En 2015, le troisième armateur mondial, le Français CMA CGM, a lancé six porte-conteneurs capables de transporter 18 000 EVP (conteneurs équivalents vingt pieds). Maersk et MSC, les numéros un et deux, ne sont pas en reste avec des porte-conteneurs emportant jusqu’à 20  600 boîtes. Cette course au gigantisme a un but : faire des économies. L’augmentation de la taille des navires permet de réduire les coûts par conteneur transporté dans un contexte de baisse des prix. La vitesse moyenne des navires a aussi diminué de plusieurs nœuds ces dernières années. Doc. 8 Le MSC Oscar, premier d’une série de cinq porteconteneurs (Oliver, Zoe, Maya et Sveva), est actuellement un des navires qui offre la plus grande capacité de conteneurs : 19 224 EVP. Le navire de la compagnie MSC affiche des caractéristiques exceptionnelles : 395 m de long, 59 de large, 192 237 t de jauge brute et un port en lourd qui frôle les 200 000 t. L’empilement des conteneurs permet de réaliser d’importantes économies d’échelle. L’ensemble des opérations de chargement et de déchargement sont 2. Une diversification des espaces et des acteurs de la production 123

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entièrement automatisées pour être réalisées le plus rapidement possible. Doc. 9 La construction d’un nouveau terrain gagné sur la mer a été décidée en 2004, elle triple la capacité d’accueil des bassins de la Maasvlakte. Environ 2  000  ha ont été gagnés sur la mer, derrière une digue de 4 km, en relation directe avec les eaux profondes de la mer du Nord, dont environ 1  000  ha pour des industries liées aux activités portuaires. Cela va affecter de nombreuses espèces animales et végétales présentes à cet endroit. Maasvlakte 2 est le plus grand projet de génie civil aux Pays-Bas depuis les travaux du plan Delta dans les années 1980. Il a été inauguré début 2013. La zone nouvellement aménagée est destinée aux conteneurs, à la logistique, et à l’industrie chimique. Une croissance de ces secteurs est attendue dans les années à venir. Analyser les documents 7. Le port a glissé vers l’aval depuis la xixe siècle avec la construction successive de terre-pleins dans l’estuaire. Ceux-ci ont permis le développement des fonctions portuaires : terminal pétrolier et chimique d’Europort, terminal à conteneurs de Maasvlakte et extension actuelle de Maasvlakte 2. 8. La distance entre le port historique et la mer du Nord est d’environ 25 km. 9. La conteneurisation permet de réaliser des économies d’échelles et d’améliorer ainsi la rentabilité du transport tout en réduisant les coûts. 10. Le port s’adapte aux nouvelles contraintes techniques en favorisant l’automatisation des opération et l’intermodalité. 11. Au premier plan de la photographie, nous voyons un terminal à vrac solide (ici, des minerais). Au second plan, nous voyons une zone de stockage de conteneurs. Enfin à l’arrière-plan, nous voyons des terminaux avec des industries chimiques et une raffinerie. 12. La zone logistique de conteneurs occupe la majeure partie de l’extension prévue avec Maasvlakte 2. C Des enjeux majeurs pour un aménagement

durable

Doc. 10 Le classement des ports mondiaux (Doc. 2) révèle qu’en dehors de l’attractivité économique croissante de la Chine et d’une polarisation stratégique sur la zone Asie-Pacifique, seuls Dubaï, et le triptyque hanséatique Anvers-Rotterdam-Hambourg sont présents. Cette situation conduit Rotterdam à investir dans l’innovation technologique et organisationnelle. En effet, ce sont désormais les performances des terminaux et de leurs opérateurs qui sont prises en compte par les armateurs, chargeurs et intégrateurs logistiques. Des indicateurs précis mesurent le triptyque productivité-fiabilité-qualité 124 Géographie

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des opérations sur chaque terminal pour optimiser toujours plus les prestations globales de la chaîne de valeur logistique intégrée. De la performance du terminal à la performance du port en passant par la performance de la chaîne de services, une imbrication « alignée » des optimisations permet de mesurer la robustesse et la compétitivité de tous les maillons constituant une solution de transport. (…)

comme en témoigne l’accident survenu en 2018 dans le port de Rotterdam. Autre pratique souvent pointée du doigt : le dragage, une opération qui consiste à extraire les sédiments déposés au fond de l’eau. En plus de bouleverser l’écosystème sous-marin, les boues prélevées peuvent contenir des métaux lourds ou du pétrole. La peinture antifouling, qui recouvre la plupart des bateaux, est également connue pour sa toxicité.

Doc. 11 Cette photographie complète et permet d’illustrer le précédent document : les infrastructures à terre doivent s’adapter. Les manutentionnaires investissent pour rester dans la course, en liaison étroite avec les autorités portuaires. L’aménagement des dessertes est primordial. L’accessibilité des quais doit être la plus fluide possible avec des modes massifiés pour absorber au mieux les flux générés par les porte-conteneurs. L’un des objectifs est de réduire le temps de passage des camions. C’est ainsi que le terminal Euromax a été mis en service en septembre  2008 à Rotterdam. Le chargement et le déchargement des navires s’effectuent presque entièrement avec des véhicules automatiques contrôlés par un ordinateur central.

Doc. 15 Le Maeslantkering s’inscrit dans le cadre du plan Delta, qui est le plus grand système de défense, contre les inondations maritimes, en particulier pour les provinces de Zélande, de Hollande-Méridionale et du BrabantSeptentrional. Le plan Delta a été l’œuvre de plusieurs décennies, le plan initial a été terminé en 1986, mais une nouvelle tranche de travaux est venue s’ajouter au plan initial, elle s’est terminée en 1997. De plus, la rehausse de toutes les digues pour être conforme à la norme néerlandaise s’est poursuivie jusqu’en août 2010. Analyser les documents 13. Des innovations technologiques sont mises en place pour mieux organiser les opérations de manutentions :

applications de prévisions météorologiques en temps réel, meilleure connaissance du niveau d’eau, senseurs sur les quais pour permettre l’automatisation avec des véhicules automatiques. 14. Ces innovations sont nécessaires pour que le port puisse rester compétitif. 15. Le port développe les énergies éoliennes par l’installation d’éoliennes sur les digues ou offshore mais aussi en accueillant des entreprises spécialisées dans la fabrication des piles. 16. L’objectif à terme est d’arrêter la production et l’utilisation des énergies fossiles pour limiter la pollution et participer à la lutte contre le réchauffement climatique. 17. Le port doit faire face au risque d’atteinte à la biodiversité, de pollution par accident et d’inondation liée à la montée des eaux. Des mesures sont prises (construction d’un gigantesque barrage amovible) mais les accidents sont toujours possibles comme en témoigne celui de juin 2018. 18. Des mesures de compensation écologiques sont prises pour préserver l’environnement : création d’une vaste zone de protection des fonds marins, d’aires de repos et de nouvelles dunes pour préserver la biodiversité.

Doc. 12 Maasvlakte  2 est construit dans le delta RhinMeuse, réserve naturelle protégée. La conception et l’aménagement de la nouvelle zone portuaire ont été étudiés pour protéger la nature autant que possible. Mais le changement de 2 000 hectares de fonds marins dans une zone portuaire se répercute inévitablement sur les plantes et les animaux, des mesures de compensation sont donc nécessaires. En guise de compensation pour la disparition d’une partie du fond marin dans le Delta, à l’est et au sudouest, environ 2 000 hectares de fond marin ont été protégés, assurant un lieu de repos pour de nombreuses espèces. De plus, la pêche n’y est pas autorisée. Doc. 13 Le port de Rotterdam mise de plus en plus sur les énergies renouvelables et en particulier sur l’éolien. Actuellement, la production d’énergie est assurée par cinq centrales thermiques (quatre au gaz et une au charbon) ainsi que par 68  turbines éoliennes (la capacité totale de ces dernières est de 126 MW). Par ailleurs, l’autorité portuaire a annoncé en 2015, le lancement de la construction par le groupe Sif et Verbrugge international d’un terminal dédié aux fondations d’éoliennes en mer sur la zone Maasvlakte 2. Doc. 14 Artificialisation du littoral, pollutions des eaux et de l’air, dégradation des écosystèmes… La liste des griefs à l’encontre de l’industrie portuaire est longue. Il y a d’abord les impacts liés directement à l’activité de stockage, d’entretien ou de déchargement des navires. Les émissions de poussière, la gestion des déchets, et le déversement souvent accidentel de produits toxiques, comme des hydrocarbures sont les principaux risques 2. Une diversification des espaces et des acteurs de la production 125

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capacités et méthodes

p. 203

Sujet d’étude Mettre en œuvre le changement d’échelles, ou l’analyse à différentes échelles (multiscalaire), en géographie 1. Ce document est à l’échelle locale. Au premier plan, nous pouvons apercevoir les quartiers anciens de la ville de Rotterdam composés d’immeubles peu élevés. Au second plan, nous pouvons voir le pont Erasme construit en 1996 et qui est un pont-levis au niveau de sa partie

droite, ainsi que des immeubles de bureaux modernes. À  l’arrière-plan, l’extension urbaine de Rotterdam, avec différents aménagements industriels et des immeubles d’habitations élevés, est visible. 2. Le pont a été construit ici pour permettre de relier plus facilement Rotterdam-Nord et Rotterdam-Sud. L’architecte a réalisé un pont-levis pour permettre aux bateaux d’accéder aux quais de l’ancien port industriel de feyenoord qui se situe juste en amont.

vers le bac Sujet d’étude

1

p. 204

Les espaces des industries aéronautique et aérospatiale européennes Questions 1. Airbus appartient à la filière aéronautique et aérospatiale qui regroupe les entreprises dont l’activité concourt à la construction d’aéronefs et d’astronefs, quel que soit leur usage, civil ou militaire. Le texte évoque en particulier la construction de l’A320 et de l’A380. 2. Airbus peut être qualifiée d’entreprise européenne car elle dispose de nombreux sites de production et d’assemblage dans plusieurs pays, en particulier l’Allemagne, l’Espagne, le Royaume-Uni et la France. 3. Airbus dynamise les territoires à l’échelle nationale. En effet, en France, par exemple, ses exportations ont rapporté 25  milliards d’euros en 2017 et ses achats 15  milliards d’euros. L’entreprise dynamise également des territoires à l’échelle locale, comme le montre l’exemple de Toulouse qui accueille 24  000 salariés de l’entreprise. 4. Airbus doit affronter les défis de l’innovation et de la compétitivité pour face à la concurrence internationale incarnée notamment par son rival américain Boeing. C’est cette concurrence qui a conduit l’entreprise à installer une nouvelle chaîne d’assemblage en Chine.

Sujet d’étude

2

p. 205

Rotterdam : un espace industrialo-portuaire européen de dimension internationale 1. Le port de Rotterdam dispose d’une situation favorable à l’échelle mondiale puisqu’il se situe sur la Northern Range, l’une des principales façades maritimes mondiales. À l’échelle européenne, le port dispose d’un vaste arrièrepays continental grâce à un réseau de voies navigables, d’autoroutes et de voies ferrées. À l’échelle locale, le port est à l’embouchure du Rhin et de la Meuse. 2. Le port de Rotterdam s’adapte à l’évolution du transport maritime mondial par l’aménagement de terre-pleins en eaux profondes, comme celui de Maasvlakte 2. Ce glissement du port vers l’aval permet à des bateaux nécessitant un tirant d’eau important de pouvoir accoster, charger et décharger leurs marchandises dans le port de Rotterdam. 3. Le port de Rotterdam s’impose comme le principal hub maritime européen. En effet, il concentre les flux de marchandises en provenance d’Asie et les redistribue après transbordement sur des navires plus petits vers d’autres destinations européennes. 4. Les zones industrielles du port de Rotterdam déclinent au profit d’espaces logistiques. En effet, le texte nous apprend que le trafic de conteneurs a augmenté de 10 % en volume au premier trimestre 2017 tandis que le volume de charbon diminue et que des centrales électriques ferment.

126 Géographie

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Géographie THÈME

3

Les espaces ruraux : une multifonctionnalité toujours plus marquée

Présentation du thème Le thème fonde son articulation sur les recompositions spatiales que les espaces ruraux ont connu, depuis les années 1980, à toutes les échelles. Dans un contexte de mondialisation, les espaces ruraux se définissent de plus en plus en fonction de leurs relations avec les métropoles et les espaces urbains. Si l’agriculture reste l’activité principale dans de nombreux espaces, de nouvelles fonctions s’y développent et entrent en concurrence.

Rappel des notions associées au thème Espace rural : c’est ce que l’on appelle parfois campagnes. L’activité agricole domine mais qui connaît de profondes mutations depuis cinquante ans. Il est souvent défini en opposition avec l’espace urbain. Ses caractéristiques sont d’avoir des densités plutôt faibles, de posséder des paysages naturels. Fragmentation : séparation sur les plans économique, social, culturel et politique entre certains quartiers des espaces ruraux. Multifonctionnalité : espace dont les fonctions productives sont multiples. Périurbanisation : aussi appelé suburbanisation, processus d’extension de la ville dans la périphérie immédiate de celle-ci. On observe une continuité du bâti. À ne pas confondre avec rurbanisation. Présentation des diverses entrées Une carte Les différents types d’agriculture dans le monde (p. 206) Les agriculteurs pratiquent deux systèmes agricoles. À l’échelle mondiale, chaque système agricole concerne plusieurs millions d’agriculteurs mais si on change d’échelle leur nombre varie beaucoup. L’activité agricole des deux systèmes agricoles dépend à la fois des aléas climatiques et ces derniers ont tendance à se multiplier avec le changement global mais aussi du prix des matières premières fixés par les bourses de produits agricoles L’agriculture commerciale et intensive est présente à la fois dans les pays développés comme en développement : c’est une agriculture mondialisée. Les flux montrent l’importance de l’agriculture de l’Union européenne. Le Brésil, appelé aussi « la ferme du monde » possède une agriculture commerciale mais aussi un part non négligeable d’agriculture vivrière. L’agriculture vivrière est présente essentiellement dans les pays en développement et produit selon les différents 128 Géographie

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continents des rendements agricoles complétement différents. Avec la mondialisation, la hausse de la demande alimentaire et du stress hydrique et le développement d’agrocarburants, les gouvernements et les grandes firmes transnationales achètent des terres sur l’ensemble des continents. Une vidéo L’accaparement des terres (p. 206) L’accaparement des terres est un phénomène mondial. Le but est à la fois de « produire plus, pour nourrir plus » mais surtout de s’enrichir. L’accaparement des terres ou land grabbing se multiplie depuis 2008. Ce sont surtout les pays et les populations les plus pauvres qui sont touchés par ce phénomène. Des millions d’hectares sont concernés par ce changement à l’échelle de la planète. Des fonds souverains appartenant à des États puissants, comme le Qatar, des grandes entreprises, comme Toyota ou des municipalités comme celle de Chongqing achètent des terres (au moins 10 000 ha) avec l’aide des États et de la Banque mondiale. Les ONG, les habitants de la planète sont aussi des acteurs qui doivent agir pour que les populations ne perdent pas leur moyen de subsistance. Une carte mentale (p. 207) La carte mentale réunit les axes de réflexion retenus pour traiter le thème, comme l’importance de l’agriculture, la pression urbaine, la multifonctionnalité et aussi la grande fragilité de ces espaces de plus en plus convoités. L’élève choisit un mot dans la carte mentale et propose un exemple personnel. Le thème et moi (p. 207) Une carte L’agriculture française est une agriculture ­commerciale et intensive. En effet, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’agriculture et l’élevage s’intensifient sous les effets de la politique agricole européenne mais aussi des transformations économiques des Trente Glorieuses. Les régions françaises se spécialisent aussi en fonction des productions les plus productives. Une vidéo Les acteurs évoqués sont à la fois les acheteurs (FTN, les États…) mais aussi ceux qui agissent pour que ce phénomène soit repensé comme les ONG. Une carte mentale Elle permet ainsi de voir les grandes thématiques de cours qui structurent le thème 3. Mise en relation des documents : Le professeur peut retenir une ou plusieurs des entrées possibles dans le thème, il peut conduire l’élève à saisir les attentes de celui-ci, à le problématiser.

A

Question obligatoire Des espaces ruraux aux fonctions de plus en plus variées

Cours

1

p. 208-209

Des espaces ruraux agricoles à l’échelle mondiale Présentation du cours L’agriculture est l’activité historiquement majoritaire dans les espaces ruraux façonnant les paysages et leurs évolutions sur le temps long (rizières, openfield, bocage…). On distingue deux grands types d’agricultures : les agricultures productives et les agricultures vivrières. Leurs fonctions sont d’abord les productions alimentaires et non alimentaires, comme production d’agro-carburant. L’agriculture est le secteur économique qui emploie, à l’échelle mondiale, le plus de ruraux. Pendant longtemps, le rural était assimilé à l’agricole. Si cela est encore vrai dans les pays en développement et émergents, ce n’est plus le cas dans les pays développés. En effet, l’agriculture est désormais très minoritaire dans les espaces ruraux en termes d’emploi. À l’échelle mondiale, les contrastes sont forts entre espaces ruraux développés et multifonctionnels des pays du Nord et espaces ruraux en développement des pays du Sud, mais aussi aux échelles régionales et locales en particulier autour de la pauvreté. Si l’extrême pauvreté des populations agricoles (moins de 1,25 $/jour) recule dans les pays en développement sauf dans quelques pays comme le Congo avec 80 % de la population rural pauvre, la pauvreté modérée (moins de 3,1  $) reste forte. En France, 25 % des agriculteurs vivent sous le seuil de pauvreté (1 015 €/mois) en 2017. Repère La carte montre la part des agriculteurs dans les emplois. L’agriculture occupe encore plus de 50 % des actifs en Afrique subsaharienne surtout. En Asie et Amérique Latine, les agriculteurs sont encore nombreux entre 30 et 50 %. En revanche, dans les pays développés, la part des agriculteurs est faible (moins de 10 %). Ces écarts s’expliquent par la mécanisation, l’augmentation de la superficie des exploitations mais aussi par une urbanisation galopante dans les pays en développement d’Asie qui attire de nombreux migrants (exode rural) mais aussi qui fait disparaître des terres agricoles (étalement urbain). Présentation des documents Doc. 1 La population rurale est estimée en 2017 à 3  401  millions dans le monde. Les deux courbes issues des données de la Banque mondiale montrent que la part de la population rurale dans la population totale diminue

de manière très régulière de 1991 à 2017 passant de 65 % à 45 %. La part de la population rurale dans le total des emplois connait la même évolution (43 % à 28 %). Doc. 2 Cette photographie montre l’immensité de cette exploitation vouée à l’élevage intensif de bovins. Le feedlot désigne à la fois le parc et l’activité d’engraissement des bovins. Les feedlots sont présents en Amérique du Nord (notamment au Texas,) mais aussi dans d’autres pays ayant misé sur l’exportation de viande, comme l’Argentine. Des milliers de bêtes sont regroupées pour être engraissées avec le souci d’atteindre un fort rendement par bêtes. Pour y parvenir, les éleveurs utilisent des antibiotiques, des hormones et les nourrissent avec de la nourriture industrielle en provenance des grandes régions céréalières proches. Ce type d’élevage intensif pose des problèmes sanitaires (utilisation des antibiotiques) et de pollution liée aux déchets. Doc. 3 Dans cet extrait, le journaliste évoque les subventions versées par l’ensemble des pays aux agriculteurs afin qu’ils puissent résister à la concurrence étrangère.

Choisir un itinéraire Itinéraire 1 Les espaces ruraux sont encore agricoles dans les pays en développement car : ––Les espaces ruraux et agricoles sont encore confondus à l’inverse des pays développés. ––La part des agriculteurs dans la population totale est parfois supérieure à 50 %. ––La population rurale est très forte et pratique une agriculture souvent vivrière. Itinéraire bis 1. La population rurale et les emplois agricoles voient leur part diminuer tant en valeur relative qu’en valeur absolue. Cela s’explique par une progression de l’urbanisation et aussi par un changement de pratiques agricoles (la mécanisation, par exemple). 2. Cette photographie renvoie à une agriculture productiviste et commerciale. L’étendue des enclos et le nombre de bêtes à l’intérieur sont des marqueurs de l’intensivité de cette agriculture. 3. Les États subventionnent leurs agricultures pour plusieurs raisons : ––stabiliser les prix à l’intérieur ; ––maintenir la production et garantir la sécurité alimentaire ; ––assurer un revenu « convenable » aux agriculteurs ; 3. Les espaces ruraux : une multifonctionnalité toujours plus marquée 129

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––aider les agriculteurs à faire face à la concurrence des autres pays. Ces subventions prennent des formes diverses : prix garantis de certains produits et aides directes données aux agriculteurs en fonction de leur surface ou de leur bétail. Cours

2

p. 210-211

Des espaces ruraux grignotés par les villes Présentation du cours L’urbanisation croissante à l’échelle mondiale se traduit par exode rural vers les villes et un étalement urbain sur les campagnes. Ce phénomène est présent à la fois dans les Nords comme dans les Suds mais leurs traductions sociospatiales différent selon les lieux. Ces recompositions engendrent une mutation du profil des sociétés rurales (agriculteurs, néoruraux, retraités…) ainsi que de leurs pratiques de plus en plus urbaines. Avec les mutations paysagères, la multiplication des flux et des mobilités (comme les navettes domicile-travail…), les espaces ruraux sont désormais sous l’influence de l’urbain. La dichotomie historique entre espaces ruraux et espaces urbains s’efface de plus en plus avec l’installation dans des lotissements de populations et leurs habitudes urbaines dans les campagnes, développement de nouvelles activités, comme des zones commerciales et logistiques dans les campagnes. C’est que Jacques Lévy appelle « le degré urbanité ». Repère Ce schéma montre l’étalement urbain de la capitale kényane forte, de ses 3 millions d’habitants mais c’est aussi un exemple de conflit d’usage. En effet, la réserve naturelle protégée de 117 km2 créée en 1947, la seule au monde qui abrite des animaux sauvages au sein d’une capitale, est menacée par la croissance de la ville, l’une des plus dynamiques d’Afrique. Son existence, est menacée à

la fois par les pollutions d’origine urbaine et par la pression urbaine (construction de bidonvilles ou slums). Cette zone protégée est considérée comme une réserve foncière et les autorités kényanes ont déjà autorisé la construction d’infrastructures routières et ferroviaires à l’intérieur des limites du parc afin de mieux relier la capitale au port de Mombasa, sur l’océan Indien mais aussi pour fluidifier le trafic saturé de la capitale. L’étalement urbain a un effet négatif sur les migrations des animaux sauvages. Par ailleurs la cohabitation entre animaux sauvages et humains est compliquée en raison des attaques de troupeaux masaïs en lisière du parc. Présentation des documents Doc. 1 Beloeil est une ville du Québec, à l’est de Montréal. Ces images satellites de 2005 et 2017 montrent en une dizaine d’années l’étalement urbain avec la multiplication des axes de communication et des échangeurs. On aperçoit l’autoroute A20 qui mène à Montréal bordée par des usines, des entrepôts et un centre commercial. On voit aussi la disparition des terres autrefois agricoles remplacées par des pavillons individuels. Entre 2005 et 2017, sa population est passée de 19 000 à 22 000 habitants. Doc. 2 Cet article du Figaro de 2017 évoque l’étalement urbain et surtout la disparition des terres agricoles les plus fertiles, en particulier en Île-de-France. Doc. 3 Lavasa est située en Inde, près de Pune dans l’état du Maharashtra. Sa construction dans les Ghâts occidentaux – une chaîne de montagnes classée par l’Unesco – est réalisée par les fonds privés du groupe de BTP indien HCC sur le modèle de la ville italienne de Portofino. Entachée de corruption dans la confiscation des terres, le projet est aujourd’hui au bord de la faillite. Seuls quelques retraités et le personnel des hôtels et des restaurants vivent sur place.

Choisir un itinéraire Itinéraire 1 Disparition ou confiscation de terres agricoles Conflit d’usage Croissance démographique Exode rural Développement économique (industrialisation…)

Étalement urbain

Construction de logements individuels et collectifs

Création de zones commerciale et industrielle 130 Géographie

P001_180_HIST_GEO_EMC.indb 130-131

Multiplication des déplacements

Itinéraire bis 1. L’étalement urbain est la croissance spatiale des villes. 2. Ce document décrit l’urbanisation par la bétonisation des terres agricoles. On peut évoquer un conflit d’usage car ce sont les terres les plus fertiles souvent qui sont cédées. 3. Les problèmes de l’étalement urbain proviennent de la disparition des terres agricoles ; c’est donc une menace sur la sécurité alimentaire. La confiscation des terres pour des aménagements urbains se fait parfois de manière frauduleuse. De plus, les déplacements quotidiens (migrations pendulaires) se multiplient et engendrent de la pollution et l’accélération du changement climatique. On peut aussi évoquer l’uniformisation des paysages avec des lotissements, des zones commerciale et industrielle.

Cours

3

p. 212-213

Des espaces ruraux aux fonctions productives nouvelles. Présentation du cours Avec le développement de l’urbanisation, les espaces ruraux remplissent de multiples fonctions. Ils servent, en premier lieu, à l’activité productive (agriculture et industrie) mais aussi au tourisme. Les campagnes accueillent aussi de nouveaux habitants qui recherchent un foncier moins cher et un cadre de vie plus agréable… Cette multifonctionnalité entraîne des mutations majeures dans les espaces ruraux du monde même si le processus est bien plus avancé dans les Nords. Repère Cham Khe est un village de delta du Fleuve Rouge situé dans la province de Bac Ninh, dans le nord du Vietnam qui travaille en réseau avec Phong Khe et trois autres villages à la fabrication de papier. Yves Duchère parle même de cluster à destination de la capitale Hanoi. Dans ce village, la fabrication est essentiellement manuelle et effectuée par des femmes qui complètent ainsi leurs revenus tirés de l’activité agricole et rizicole. On observe qu’au nord du village les terrains disponibles sont plus grands et permettent l’installation d’une activité mécanisée. Dans les deux cas, l’activité industrielle et artisanale est polluante pour les cours d’eau et entraîne aussi des conflits d’usage.

Doc. 2 Felton est un petit village du Minnesota près de Moorhead, dans le Midwest. Il a été fondé en 1879 lors de la construction de la ligne de chemin de fer reliant Minneapolis à Seattle (Great Northern Railway). L’activité principale est l’agriculture (maïs, soja, betterave…). Selon le Bureau du recensement des États-Unis, la ville a une superficie totale de 2,63 km2. En juillet 2018, la population s’élevait à 189 habitants. Doc. 3 Kampot, capitale de la province homonyme, est un port du golfe de Thaïlande. Elle est située au sud-ouest du Cambodge, à 140 km de la capitale Phnom Penh. Sa situation littorale avec un ensoleillement important, des précipitations régulières pendant la mousson et un terroir de qualité permet la culture du poivre depuis le xiiie  siècle. C’est la colonisation française qui accélère sa culture. Abandonnée après la guerre civile en 1970, la culture reprend depuis les années 2000 avec de petites exploitations familiales. Depuis 2010 et 2016, au niveau européen, le poivre de Kampot bénéficie d’une indication géographique protégée (IGP). En 2017, la production du Poivre de Kampot devrait atteindre 80 t en 2018. En 2013, Nathalie Chaboche fonde La Plantation, qui pratique à la fois l’agro-tourisme et production de poivre. Cette ferme traditionnelle emploie plus de 100 employés à temps plein, et 150 journaliers supplémentaires pendant les 4 mois de la récolte. Le projet est aussi culturel car des maisons traditionnelles en bois, ont été sauvées et installées dans la plantation.

Choisir un itinéraire Itinéraire 1 Même si les espaces ruraux demeurent encore largement agricoles. Ces derniers ont développé, selon des temporalités différentes, de nouvelles activités ou fonctions : les industries rurales liés ou non aux activités agricoles (Doc. 2), le tourisme rural (Doc. 3) mais aussi la fonction résidentielle dans les couronnes périurbaines. L’agriculture devient elle aussi multifonctionnelle (reconnue au sommet de Rio en 1992). En effet, des productions connexes se multiplient : vente à la ferme, tourisme à la ferme (gîtes, de tables d’hôtes…). Cette évolution fait passer l’économie des campagnes d’une économie essentiellement productive à une économie de plus en plus présentielle.

Présentation des documents

Itinéraire bis

Doc. 1 Cet article de 2008 interroge le rôle de l’industrie manufacturière dans les mutations des campagnes allemandes et la réussite des districts industriels du Land de Bade-Wurtemberg, l’importance des logiques territoriales est aussi évoquée pour l’adaptation des systèmes productifs aux défis de la mondialisation

1. L’installation s’explique à la fois par la présence de ressources locales (du bois, du kaolin ou encore de l’eau), de la main d’œuvre nombreuse qui possède en plus un savoirfaire ancien. 2. Les services que l’on peut repérer sont au premier plan, le bureau de poste. La jardinière indique un service 3. Les espaces ruraux : une multifonctionnalité toujours plus marquée 131

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municipal de jardinerie. La table de pique-nique à l’arrière-plan peut indiquer un service récréatif ou la présence d’un restaurant à proximité. 3. Dans cet espace rural du Cambodge, les outils du premier plan (charrette et joug) indiquent une activité agricole, le grand bâtiment en bois semble être un lieu de réception pour des repas ou à l’accueil de visiteurs.

Cours

4

Inc.), une milice écologiste, est créée en 1991. Depuis, elle mène des patrouilles en partenariat avec les communautés locales contre les bûcherons illégaux. Leurs méthodes sont l’objet de critiques mais le PNNI agit pour protéger la forêt et en paye parfois le prix du sang (depuis 2001, 12 membres ont été tués).

Choisir un itinéraire Itinéraire 1

p. 214-215

Des espaces ruraux fragiles Présentation : La multifonctionnalité des espaces ruraux entraîne une fragilisation de ces derniers face à la pression urbaine et à la pression économique de plus en plus forte. Deux stratégies d’acteurs sont à l’œuvre : la patrimonialisation de territoires pour le valoriser ou la poursuite de la disparition de ces espaces (ex : le Brésil, Indonésie). Elles peuvent être complémentaires mais elles sont souvent porteuses de conflits d’usage. Repère La carte a été réalisée à partir des données du site landmatrix, initiative mondiale et indépendante de surveillance des terres financé par l’Union européenne, la Suisse mais aussi par des universités et des centres de recherche, comme le CIRAD. Les données sont constamment mises à jour parce que les contrats sont parfois abandonnés ou modifiés. La carte montre que la quasitotalité des continents est concernée par de vastes projets d’achats de terres par des fonds souverains, des États ou des firmes transnationales. En Europe, ce sont surtout les terres noires fertiles d’Ukraine et de Roumanie qui sont convoitées.

Les espaces ruraux sont fragiles car l’usage excessif d’intrants (engrais, pesticides…) entraîne une pollution des sols, des nappes phréatiques et la disparition d’une biodiversité. Ils sont menacés de disparition, les sols deviennent totalement stériles. Les espaces ruraux sont aussi convoités par des investisseurs qui cherchent à satisfaire l’alimentation de la population mondiale, à développer des agrocarburants… Cette quête pousse certains États à accélérer la déforestation. Itinéraire bis 1. Les pays acheteurs appartiennent aux groupes des pays riches (États-Unis, Royaume-Uni, Pays-Bas) et aux pays émergents (Chine, EAU, Inde…). Les pays vendeurs sont des pays en développement d’Asie et d’Afrique essentiellement. Deux pays européens l’Ukraine et la Russie n’hésitent pas à proposer à la vente leurs terres fertiles. 2. 1

5 3

2

4

Présentation des documents Doc. 1 Ces deux graphiques montrent les acheteurs et les vendeurs de terres dans le monde. Ce sont les pays riches ou émergents qui achètent des terres à des pays en développement surtout. Le cas du Brésil est intéressant car à la fois, l’agrobusiness achète des terres hors du pays mais le pays vend des terres à groupes internationaux. Doc. 2 Cet article illustre la déforestation de l’Amazonie qui repart à la hausse depuis 2017, après une baisse entre 2007et 2012. L’élection de Jair Bolsonaro ravive les inquiétudes de la disparition des terres au profit des grands propriétaires terriens et de l’agrobusiness. Doc. 3 Cet article évoque les conflits d’usage entre les protecteurs de la forêt philippine sur l’île de Palawan à l’ouest de l’archipel. Cette île à la biodiversité importante est aussi riche en minerais entraînant de multiples conflits. Pour protéger la forêt, le PNNI (Palawan NGO Network 132 Géographie

P001_180_HIST_GEO_EMC.indb 132-133

capacités et méthodes

p. 218

QUESTION OBLIGATOIRE

Utiliser une approche géographique pour construire une argumentation Entraînement

1. Le Doc. 1 est une photographie aérienne oblique. Elle montre un espace rural et urbain de la vallée du Doubs en Franche-Comté, une région de l’Est de la France, située le long de la frontière suisse. Le Doc. 2 est une image satellite d’Al Barajil, quartier du nord-ouest de la capitale égyptienne, situé sur la rive gauche du Nil. Cette photographie montre des terres agricoles et des espaces urbanisés qui avancent. 2. On voit sur les deux documents l’avancée de l’urbanisation sur les terres agricoles. Sur le doc. 1, on peut identifier des lotissements, une zone commerciale ou d’activité, et la construction d’axes de communication. 3. La croissance démographique de la ville mais aussi la volonté de développer économiquement la ville par la

construction de zones d’activités expliquent l’étalement urbain. L’exode rural comme la recherche d’un habitat individuel avec un prix de foncier moins élevé peuvent être d’autres explications à l’étalement urbain. 4. Les conséquences de l’étalement urbain sont la disparition des espaces ruraux au profit de l’aménagement de lotissements de quartiers entiers ou de zones d’activités, ce qui pose le problème de la sécurité alimentaire des populations à toutes les échelles. L’étalement urbain nécessite une multiplication des axes, ce qui entraîne des migrations pendulaires de plus en plus importantes mais aussi de la pollution. Des conflits d’usage se multiplient également entre les agriculteurs et néo-ruraux à cause du bruit, des odeurs…

vers le bac

p. 219

QUESTION OBLIGATOIRE

L es espaces ruraux : une multifonctionnalité toujours plus marquée

1. Un espace rural est ce que l’on appelle parfois « campagnes ». L’activité agricole domine mais l’espace rural connaît de profondes mutations depuis cinquante ans. Il est souvent défini en opposition avec l’espace urbain. 2. Les espaces ruraux sont depuis très longtemps multifonctionnels. À côté de l’activité agricole historique, on a très tôt pratiqué une activité industrielle avec des districts industriels. Depuis une trentaine d’années, la fonction récréative (création de parcs naturels départementaux ou tout simplement l’aménagement de campings à la ferme)

et résidentielle (construction de lotissements) se développent dans les espaces ruraux. 3. C) Répartition sociale et spatiale d’une population à l’intérieur d’un territoire. 4. Les espaces ruraux ont des densités plutôt faibles, ils possèdent des paysages naturels et l’agriculture y domine encore. 5. Pendant longtemps, les espace ruraux et agricoles se confondaient mais on observe à l’échelle mondiale un déclin de l’agriculture pourtant activité principale. Les espaces ruraux deviennent des espaces où se pratiquent d’autres activités : l’industrie, le tourisme, le commerce… Parfois, ils ne sont que des lieux de vie pour des urbains qui fuient la ville et ses problèmes de pollution…

B Sujet d’étude au choix 1. Forêt tropicale entre vierge préservée par des tribus 2. Terre défrichée avant sa mise en culture 3. Axe reliant le front au reste du pays et aux grands ports 4. Front pionnier 5. Espace totalement défriché pour la grande culture et l’élevage

3. Les habitants sont confrontés à la disparition de leurs terres, de leur milieu de vie. Pour répondre à cela, ils donnent l’alerte dans les médias et protègent leurs terres parfois avec des méthodes contestables.

Sujet d’étude

1

p. 220-225

Les espaces périurbains en France Le périurbain est un processus lié à l’urbanisation qui correspond à l’étalement des populations et des activités de l’espace rural situé autour des villes, principalement au cours de la seconde moitié du xxe siècle en lien avec la généralisation de l’automobile. En France, le périurbain est à la fois une catégorie statistique et une catégorie spatiale.

A Qu’est-ce qu’un espace périurbain ?

Doc. 1 Le zonage en aires urbaines, mis au point en 1996 puis revu en 2011, a suscité des polémiques car on constate que 85 % ou même 95 % des Français étaient sous l’influence des villes et que l’espace rural finalement avait quasiment disparu. Doc. 2 Ce graphique montre la croissance démographique des aires urbaines. Les pôles urbains poursuivent leur développement démographique grâce à un fort 3. Les espaces ruraux : une multifonctionnalité toujours plus marquée 133

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accroissement naturel, mais ont un solde migratoire déficitaire. Les migrations révèlent l’attractivité des couronnes des pôles, montrant ainsi la poursuite de la périurbanisation. Les espaces isolés situés hors influence des pôles attirent aussi plus de personnes qu’il n’en part. Mais les excédents migratoires sont juste suffisants pour compenser le fort déficit naturel. Doc. 3 Jacques Lévy dans la revue Espaces et sociétés propose de définir et d’expliquer les raisons du choix du mode de vie périurbain. Selon lui, la périurbanisation est à la fois un phénomène spatial et social. Doc. 4 cet extrait cherche à caractériser l’espace périurbain et montre la difficulté à le désigner et à ne pas le considérer comme homogène. Les auteurs, dans le dernier paragraphe, parlent de « France périurbaines ». Analyser les documents 1. Pour l’Insee, la périurbanisation se définit par rapport à un pourcentage de population (40 %) qui vit dans des villes ou des villages et qui travaille dans le pôle urbain auquel ils sont attachés 2. La carte montre que l’urbanisation est forte en France. On estime qu’environ ¼ des Français sont des périurbains soit plus de 15 millions d’hab. 3. Jacques Lévy propose cinq  critères pour définir le périurbain : être propriétaire de son pavillon ; l’usage quotidien de sa voiture ; une ségrégation sociale ; être loin des zones commerciales et industrielle et « la faible présence de l’espace public ». 4. Les sociologues estiment que le périurbain se divisent en trois familles ; le périurbain industriel (les ZAC), le périurbain résidentiel (les lotissements…) et le périurbain mixte (un mélange des deux premiers). 5. Définir et caractériser le périurbain est complexe et fait débat. La périurbanisation qualifie l’urbanisation qui s’opère autour des agglomérations, aux dépens des espaces agricoles et/ou naturels. Mais, ce processus n’est pas homogène selon les lieux et les échelles utilisées ; il convient donc de l’utiliser au pluriel. Activité bilan Étymologiquement, la périurbanisation désigne ce qui entoure l’urbain. Mais du point de vue géographique, cette définition est trop simple et ne permet pas d’appréhender toutes les dimensions de ce processus. Pour les statisticiens de l’Insee, la périurbanisation se définit par les liens qui unissent les pôles urbains et leurs couronnes périurbaines à travers les aires urbaines et les migrations pendulaires. Cet espace, de plus en plus vaste, comprend l’ensemble des communes dans lesquelles au moins 40 % des actifs ayant un emploi vont travailler dans la ville principale, dans les zones d’activités de l’agglomération principale ou vers d’autres zones d’activités. La périurbanisation 134 Géographie

P001_180_HIST_GEO_EMC.indb 134-135

se développe à un rythme soutenu entre les années 1960 et 1990 puis ralentit. Aujourd’hui, près de 95 % de la population vit, selon l’Insee, sous l’influence de la ville. Pour les géographes, comme les sociologues, le processus est protéiforme : il n’y a pas une périurbanisation en France mais des périurbanisations. Sur les paysages, on voit l’étalement urbain sous la forme de lotissement de maisons individuelles ou de d’immeubles de petites tailles, des  zones industrielles et/ou commerciales. Si au début des années 1970, l’espace périurbain était le lieu de vie des classes moyennes, désormais ces espaces voient cohabiter différentes catégories sociales. B Des espaces périurbains

multifonctionnels : un exemple avec Moissy-Cramayel (Île-de-France)

intensive sur de grandes parcelles. C’est un espace agricole pleinement intégré dans la mondialisation. On y trouve aussi une activité industrielle (Doc. 6) : une zone de 55  ha située en bordure de l’A55. L’activité commerciale est présente par le complexe le Carré-Sénart ouvert en 2002 qui comprend 204 boutiques, 41 restaurants et 23 cinémas. Les Doc. 7 et 8 montrent la fonction résidentielle de l’espace périurbain. Ce sont essentiellement des maisons individuelles dans des lotissements. La fonction récréative est également présente par la présence d’un des plus grandes pistes de kart d’Europe mais aussi avec le Carré-Sénart. Des pistes cyclables sont également aménagées. On trouve aussi des monuments remarquables.

9. Cet espace périurbain provoque la disparition de l’activité agricole au profit de l’étalement urbain. Cela engendre de la pollution de l’air par les migrations pendulaires effectuées par les habitants et aussi la saturation des axes de communication le matin et en fin de journée. Le Doc. 11 évoque l’augmentation du coût de la vie périurbaine avec la hausse des carburants. Activité bilan Réalisez un schéma montrant que les espaces périurbains sont des espaces multifonctionnels aux mobilités importantes. Les espaces périurbains des espaces multifonctionnels (le schéma n’a pas d’échelle)

Doc. 5 cette carte représente une ville de Seine-et-Marne, Moissy-Cramayel, rattachée à la communauté d’agglomération « Grand Paris Sud », depuis le 1er janvier 2016. Doc. 6 et 7 Ces deux photographies aériennes montrent les lieux présents sur le Doc. 5 Doc. 8 Photographie aérienne en contre-plongée de la ville avec au premier plan des champs de colza ainsi que des axes de communication. Doc. 9 Photographie aérienne du centre commercial du Carré-Sénart, il permet de voir l’immensité de cette structure. Doc. 10 Photographie aérienne d’une partie de piste de Karting. Doc. 11 Cet extrait d’article, paru le 26  novembre 2018, en pleine crise des « Gilets jaunes » évoque la « France périphérique », concept de Christophe Guilluy qui travaille sur la répartition dans l’espace des classes populaires en banlieue dans les années 2000. Analyser les documents 6. Cet espace urbain se situe en France au sud-est de Paris dans la Brie. Moissy-Cramayel est une commune de 17 606 habitants dans le département de Seine-et-Marne (77). L’étymologie du nom de la ville viendrait de Messis (moisson) ou Messere (faire la moisson), signe d’une très ancienne vocation agricole. Ce n’est qu’en 1643 qu’elle prend le nom de Moissy-Cramayel lorsqu’elle est vendue au seigneur de Cramayel. 7. Si l’on reprend les critères proposés par J.  Lévy, on retrouve les habitations individuelles, les axes nombreux et les échangeurs, les zones commerciales et industrielles. 8. Les doc. 6, 8 et 9 décrivent la fonction productive de l’espace périurbain. On constate que l’activité agricole est toujours présente. Dans la Brie, comme le Bassin Parisien, on pratique toujours une agriculture commerciale et

1 Un espace rural transformé par la périurbanisation a) Des villages à la campagne Ancien village

b) Des nouvelles mobilités Mouvement pendulaire 4- Une nouvelle territorialité .... a) Patrimonialisation Lieux touristiques : châteaux… Développement de l’agritourisme (chambres d’Hôtes) Piste cyclable b) ..... qui conduit à

Espaces agricoles et naturels b) Une périurbanisation Étalement urbain après 1950 Lotissements Nouveaux parcs d’activités industrielles et/ou commerciales Des équipements (IUT, terrains de sport, golf...)

Des conflits d’usage

2- Des axes connectés à la ville et qui facilitent les mobilités a) Des axes structurants Réseau routier Autoroute échangeurs Voie ferrée et gare 3. Les espaces ruraux : une multifonctionnalité toujours plus marquée 135

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C Un espace périurbain ultramarin

au Lamentin (Martinique)

Doc. 12 Ce croquis est extrait d’une enquête sur le thème des déplacements domicile travail publiée dans l’Insee Flash Martinique en juin  2016 à partir de données de 2013. En 2013, 56 % des 127  860 actifs martiniquais habitent et travaillent dans des communes différentes. L’île compte 71  950 navetteurs et leur part a fortement augmenté. On observe une différence entre les communes du nord de l’île qui voit leur population autant travailler dans leur commune de résidence qu’ailleurs. Fort-de-France et Le Lamentin attirent près de 60 % des navetteurs en raison de la concentration des emplois dans ces deux communes en provenance des communes limitrophes. En effet, plus de la moitié des emplois martiniquais y est localisée et cela se développe pour Le Lamentin avec la multiplication des zones d’activités. Entre Fort-de-France et Le Lamentin, l’enquête estime le nombre de navetteurs à plus de 4  500 soit 13 % des navetteurs de l’île. Doc. 13 Ces deux photographies satellites permettent une comparaison du même territoire entre 1950 et 2015. On peut voir l’étalement urbain du Lamentin en direction du sud-ouest et vers le nord également. Doc. 14 Ces deux documents permettent un changement d’échelle. Ici, à l’échelle d’un quartier situé à l’est du Lamentin en bordure du fleuve La Lézarde. On mesure ici l’étalement urbain et donc la périurbanisation. Doc. 15 Ce rapport du Sénat est à mettre en relation avec la photographie du quartier (Doc. 14). Cela permet de comprendre les effets de la périurbanisation sur les espaces agricoles. La disparition de cette SAU provoque ainsi des conflits d’usages. Analyser les documents 10. Le Lamentin est une commune de Martinique située sur le littoral de la mer des Antilles et à l’est de Fort-deFrance, la capitale de la collectivité territoriale de Martinique (regroupant depuis 2015 le département et la

Région). C’est une commune vaste (Doc. 12). On y trouve d’ailleurs l’aéroport international de l’île. 11. Les navetteurs viennent des communes voisines car les emplois industriels, tertiaires et même agricoles y sont nombreux. 12. Le nombre de construction augmente car la population s’accroît de manière naturelle et elle aspire à posséder son logement individuel ou son appartement dans une petite résidence. Par ailleurs, le développement économique souhaité par la collectivité territoriale passe par l’aménagement d’axes de communication et des zones industrielles et/ou commerciales (Doc. 14). 13. Dans ce quartier, on repère la fonction productive avec de l’agriculture (les champs de canne à sucre sont encore très nombreux) et des industries (on repère la zone industrielle.) On repère aussi la fonction résidentielle (le lotissement à proximité de la zone industrielle et en bordure de la Lézarde…) ainsi que la fonction de reproduction sociale (sur la carte IGN, on peut voir deux collèges et deux lycées, le symbole de l’hôpital, la gendarmerie…) et enfin la fonction récréative (il y a un stade, une piscine…). 14. La périurbanisation pose des problèmes de conflits d’usage de la terre entre les agriculteurs et la municipalité qui souhaite dynamiser la ville. La multiplication des déplacements quotidiens entraine un coût et génère de la pollution. Par ailleurs, la construction du lotissement en bordure du fleuve pourrait entrainer des inondations en cas de fortes précipitations. Activité bilan On voit apparaître les fonctions de productions (agricole, industrielle…) mais aussi résidentielle. À plus grande échelle, on peut distinguer les fonctions de reproduction sociale (administration, culture, loisirs, santé…). Cette périurbanisation entraine une grande mobilité quotidienne à la fois sur des distances longues et/ou propres au quartier. En effet, de nombreux habitants ne travaillent dans ces nouveaux quartiers urbains. Ce sont des « navetteurs ». De plus, les lotissements ne disposent pas forcément des équipements nécessaires, de services de proximité ou de grandes surfaces obligeant les habitants à se déplacer pour y accéder.

capacités et méthodes

p. 227

Sujet d’étude Savoir lire, comprendre et critiquer une série statistique

1. Le document est un graphique de répartition à double entrée (taux de variation de la population dû au solde naturel et au solde migratoire) qui montre entre 2010 et 2015, l’évolution de la croissance démographique dans les aires urbaines françaises (excepté Mayotte). 2. La tendance générale est un solde migratoire positif pour la plupart des aires pour la quasi-totalité des zones. En revanche, le solde naturel est plus variable. 3. Les couronnes des grands pôles (12 530 hab en 2015) ont à la fois une variation annuelle positive ; le solde naturel montre une augmentation de 0,4 % de la population entre 2010 et 2015 et le solde migratoire augmente de 0,5 % pour la même période. Les couronnes des petits pôles (165 778 hab en 2015) montrent une quasi stabilité de leurs habitants sur la période. Les grands pôles urbains, même si leur population continue d’augmenter grâce au solde naturel, on constate qu’une partie de ses habitants (–  0,1 %) s’en vont. Ce phénomène s’explique par une périurbanisation qui se poursuit au bénéfice des couronnes des grands pôles, des communes multipolarisées ou des communes isolées qui voit leur solde migratoire progresser. Les Français recherchent des lieux de vie plus tranquilles et donc plus éloignés des centres-villes.

Sujet d’étude

2

p. 222-233

L’agro-tourisme en France (Métropole et Outre-mer) Si l’agrotourisme est une pratique touristique développée depuis longtemps en milieu rural. Son offre s’est considérablement étoffée au cours des dernières années. De nombreux acteurs interviennent pour développer cette activité. A Quel est le poids de l’agritourisme

dans l’activité agricole française ?

Doc. 1 Les données de ce tableau montrent que le nombre d’exploitations proposant des offres agrotouristiques diminue depuis une vingtaine d’années. En réalité, le recensement agricole date de 2010 et depuis, on a du mal à évaluer l’importance de l’activité agrotouristique dans les exploitations. Les chiffres du tourisme publié par la direction générale des entreprises évaluent au 1er  janvier 2018 le nombre de chambres d’hôtes à 25  300. (Memento à consulter à partir du lien suivant https:// www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/ etudes-et-statistiques/stats-tourisme/memento/2018/ MEMENTO_TOURISME_Edtion2018-WEB.pdf). 136 Géographie

P001_180_HIST_GEO_EMC.indb 136-137

Doc. 2 Les géants de la location de vacances saisonnières, comme Airbnb s’intéressent de plus en plus à l’agrotourisme car les chiffres de fréquentation sont en constante augmentation. Cette opération menée en partenariat avec les Chambres d’agriculture avec son réseau « Bienvenue à la ferme » encourage les agriculteurs à développer cette activité pour le biais de subventions afin de satisfaire la demande croissante. Doc. 3 TourMaG est le premier journal des professionnels du tourisme francophone. Cet article, qui a été publié à l’occasion du Salon international d’agriculture, fait un bilan des offres agrotouristiques en France. Doc. 4 Cette infographie est issue d’Atout France : un opérateur de l’État pour le développement touristique. C’est l’œnotourisme qui est présenté ici : agrotourisme à la croisée entre le tourisme culturel et gastronomique. La France, avec ses 17 vignobles, dispose d’atouts considérables pour proposer des séjours multiples autour du vin. Chaque année, ce sont près de 10  millions de touristes qui visitent les vignobles et qui dépensent environ 52 milliards d’euros. Doc. 5 Cette capture d’écran du site Internet FEADER de la région Auvergne-Rhône-Alpes permet de montrer que l’Union européenne est un acteur essentiel du développement des territoires ruraux (pour la mandature 2014‑2020, le FEADER s’élevait pour la France à 11 milliards d’euros.) Analyser les documents 1. Dans la définition de l’agritourisme, les notions suivantes doivent figurer : agriculture et activités récréatives et commerciales, formes d’hébergement multiples, nature, tourisme vert… 2. Le développement des transports, le mode de vie urbain, l’augmentation du niveau de vie explique le développement du tourisme en particulier du tourisme vert. Il y a des inégalités entre les territoires ; certains sont plus attractifs que d’autres. Les vignobles, les terroirs avec des produits gastronomiques, les massifs Alpins, Central et du Jura ont des équipements plus nombreux et une fréquentation plus importante. 3. Des acteurs publics et privés permettent le développement de l’agrotourisme. Les acteurs publics sont l’Union Européenne via le FEADER, les ministères de l’Agriculture, des Affaires étrangères mais aussi de l’économie et des finances, les Chambres d’agriculture, toutes les collectivités territoriales Les acteurs privés sont la plateforme de financement participatif MIimosa, la FTN américaine Airbnb ou l’entreprise Abritel et les agriculteurs. 3. Les espaces ruraux : une multifonctionnalité toujours plus marquée 137

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Activité Bilan Assurer la durabilité des territoires

Renforcer l’attractivité des territoires

Publics UE État collectivités territoriales

enjeux

Maintien de l’activité agricole

Agrotourisme

Acteurs

Revenus complémentaires

Motivations

Privés : agriculteurs, entreprises

Les motivations sont multiples : assurer un revenu complémentaire aux agriculteurs afin de pouvoir continuer a travailler sur leurs exploitations, faire découvrir leurs savoir-faire, leurs produits de terroir mais aussi leurs patrimoines culturel, gastronomique, architectural et même paysager. 4. Les propositions sont très nombreuses. En termes d’activités, ils peuvent se voir proposer des dégustations, des repas, des visites in situ, des stages autour d’un produit de terroir et surtout rencontrer des hommes et des femmes passionnés par leurs produits. Ils peuvent aussi choisir des itinérances aux mobilités variées autour des vignobles, par exemple. En termes d’hébergement : ils peuvent dormir dans des roulottes, des yourtes, des gîtes, des campings… B Un territoire agro-touristique :

le terroir du comté

Le comté est le 1er fromage AOP français avec 65 000 tonnes produites en 2017. Le comté est élaboré artisanalement dans environ 150 petites fromageries de village appelées « fruitières ». Il est ensuite affiné en cave d’affinage pendant au minimum de 4 mois. Ce fromage est consommé dans le monde entier. Doc. 6 Ce document cartographique issu de l’École Nationale de l’Industrie Laitière permet de voir à la fois l’étendue du terroir d’appellation comté mais aussi l’intérêt qu’à cette filière auprès des jeunes. 138 Géographie

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Jura, du Doubs et de l’Ain. Son aire d’exploitation s’est élargie aux départements limitrophes de l’Ain, Saône-etLoire et de Haute-Savoie. 6. Cette ferme est située dans le massif du Jura, dans le département du Doubs. Les propriétaires de cette ferme ont choisi de diversifier leur activité d’élevage et de production de lait de vache de race montbéliarde et Simmental 7. Les acteurs qui développent l’agritourisme autour du comté sont nombreux. On peut citer les producteurs-­ éleveurs, les coopératives, le CIGC, les collectivités territoriales (municipalités, conseils départementaux et régional), les entreprises, les chambres d’agriculture, l’État avec l’AOC et les écoles par exemple et Union européenne. 8. Leurs motivations vont d’une part à la recherche de la qualité du produit, à la promotion de ce produit et de ceux qui y contribuent à l’échelle internationale, le maintien d’un savoir-faire né au xiiie siècle et de l’activité agricole et permettre à tous d’avoir des revenus satisfaisants. Activité Bilan

Doc. 7 Le fromage, AOC (France) depuis 1952 et AOP (Europe) depuis 1996, va être mis en valeur par le Comité Interprofessionnel de Gestion du Comté situé à Poligny dans le Jura depuis 1968 (avec une création en 1963). Chaque année, le CIGC organise des manifestations autour du fromage, assure la promotion aux échelles locale et mondiale du produit par des campagnes de publicité et rédige le guide touristique des Routes du Comté. Doc. 8 Cette photographie est prise à l’intérieure d’une cave d’affinage. Ces caves permettent au fromage de vieillir et de développer tous ses arômes. Dans ce lieu historique du Fort des Rousses, on peut voir la production importante de cette coopérative Juraflore qui regroupe 400 éleveurs producteurs de lait, plus de 150  000 meules s’affinent aujourd’hui dans une dizaine de kilomètres de caves.

Maintenir une agriculture qui préserve les paysages

Développement de l’agrotourisme

Savoir-faire ancien à perpetuer et à faire connaitre

Avoir des revenus complémentaires pour les éleveur producteurs de lait

C Un produit agro-touristique :

la Vanille Bourbon sur l’île de la Réunion

Doc. 9 Ce document permet de se placer à l’échelle d’un éleveur producteur de lait de comté et d’autres fromages régionaux, il a créé aussi autour de son exploitation un gîte rural qui propose aux touristes des chambres, une table d’hôtes et la vente de produits locaux à la ferme.

Doc. 10 Ce croquis permet à la fois de situer et de localiser la production de la vanille sur l’île mais aussi de voir les conditions de sa production et que ce produit insère la Réunion dans la mondialisation.

Analyser les documents

Doc. 11 Le changement d’échelle sur une exploitation permet de montrer que cette exploitation ancestrale pratique la polyculture.

5. Le terroir du comté correspond au nord-est de la France, pays développé de l’hémisphère nord. Son terroir est le massif du Jura qui s’étend sur les départements du

Doc. 13 Cet article paru dans un journal local montre que la Vanilleraie depuis 2009 a misé sur l’excellence du produit et obtient des médailles lui permettant de trouver de nouveaux clients. Elle a aussi choisi de se tourner vers une production bio (seulement 60 % de  notre production est certifiée bio). Par ailleurs, la vanille Bourbon devrait prochainement obtenir une IGP la protégeant de la concurrence et garantissant une production respectant des règles à l’échelle nationale et européenne. Doc. 14 Cette affiche réalisée par la municipalité de Sainte-Suzanne permet de montrer que le territoire réunionnais valorise la vanille Bourbon et cherche à en assurer sa promotion auprès des populations locales et des touristes. Les sites de locations de voiture ou même les magazines dans les avions misent aussi la vanille en proposant des trajets autour du produit. Analyse des documents

Renforcer l'attractivité du produit et de son terroir à toutes les échelles

Faire découvrir leur savoir-faire

la multifonctionnalité. Elle explicite le processus de production de cette épice et vend ses produits directement aux 30 000 visiteurs de passage en 2018.

Doc. 12 Le document photographique permet de voir que cette exploitation de 50 ha avec 14 salariés mise sur

9. Où se pratique l’activité agrotouristique autour de la vanille ? La situation de l’île dans la zone intertropicale de l’hémisphère sud dans l’océan Indien permet de bénéficier d’un climat chaud et d’une humidité élevée et constante pour développer les lianes de vanillier. La production de vanille Bourbon est située à l’est de l’île entre SainteSuzanne et Saint-Joseph sur les flancs des deux volcans à une altitude n’excédant pas 700 mètres pour favoriser la floraison. Elle se pratique sur la côte au vent c’est à dire qu’elle reçoit des précipitations plus abondantes mais est soumise aux effets parfois dévastateurs des cyclones. 10. La Vanilleraie est située dans la commune de SainteSuzanne dans la plantation du Grand Hazier à l’est de l’île. C’est dans cette plantation du xviiie siècle que pour la première fois que la vanille en provenance des Antilles et du Mexique a été cultivée à partir de 1819 afin de diversifier les productions de l’île. Cette ferme a repris la production en 2009 et a réaménagé le site pour valoriser et produire une quantité importante de gousses de vanille. Pour rentabiliser les investissements et la production, la Vanilleraie a choisi d’ouvrir ses portes aux touristes afin d’expliquer le long processus de production, de vendre à la fois directement son produit aux consommateurs mais aussi faire visiter la plantation (musée) avec son potager et de vendre des produits dérivés autour de la vanille (du miel, du rhum…). 11. Les acteurs sont très nombreux. À l’échelle locale, on peut citer les producteurs de vanille mais aussi la 3. Les espaces ruraux : une multifonctionnalité toujours plus marquée 139

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coopérative de la vanille à Bras-Panon, la maison des terroirs et les municipalités, comme Sainte-Suzanne. La collectivité territoriale participe elle aussi à la promotion et à la valorisation de ce produit emblématique. Les entreprises locales de location de voiture indiquent aussi les circuits touristiques autour de ce produit. L’Union Européenne et l’État, avec la labellisation de la vanille Bourbon en IGP, sont aussi des acteurs importants du processus. Enfin, les touristes du monde entier qui viennent visiter l’île et assister aux éruptions du Piton de la Fournaise sont aussi des acteurs essentiels de la pratique agrotouristiques. 12. Les motivations sont d’une part la promotion d’une production de qualité sur la scène internationale, le maintien d’un savoir-faire acquis depuis 1841, la valorisation d’un produit exception et vivre correctement de leur production.

Activité Bilan Plusieurs logiques se mêlent : ––La logique territoriale : tirer profit du patrimoine culturel et des conditions naturelles mais aussi des savoir-faire des hommes avec la création en 1968 de la coopérative, faire découvrir les différents terroirs. ––La logique entrepreneuriale : Bertrand Côme se lance dans la culture de la vanille sans avoir au départ la technique puisqu’il est agronome. ––La logique patrimoniale : le Grand Hazier, ancienne plantation du xvii-xviiie  siècle, a été restaurée et un musée y a été aménagé. ––La logique économique : certains agriculteurs décident de replanter dans leurs exploitations quelques lianes de vanille pour s’assurer un complément de revenu ou de valoriser simplement leur offre en particulier pour les tables d’hôtes.

capacités et méthodes

p. 235

Sujet d’étude Justifier une production, l’exemple de la carte mentale Il s’agit ici de reprendre les éléments de la réponse de l’activité bilan p.  233 du manuel élève et d’indiquer les

logiques suivantes : la logique territoriale, la logique entrepreneuriale, la logique patrimoniale et la logique économique.

La logique territoriale :

La logique économique :

Les logiques du développement agritouristiques

La logique patrimoniale :

La logique entrepreneuriale :

vers le bac Les espaces périurbains en France (métropolitaine et ultramarine)

1. Les passages du texte suivants permettent aux élèves de rédiger leur définition : les lignes 1‑2 « dénaturation du monde rural […] » et la ligne 19 « terre d’hybridations […] ». Espace conquis sur le monde rural et situé en périphérie de l’urbain qui se caractérise par des lotissement (l.2), « des hangars commerciaux […] » (l.14‑15). 2. Les acteurs sont nombreux. Les acteurs publics sont les élus, les métropoles, les chercheurs universitaires… Les acteurs privés sont les entreprises, les urbanistes et les architectes, les usagers… 3. Les territoires périurbains sont pluriels socialement avec des populations aux profils différents en termes de revenus et d’activités ; mais aussi spatialement à des échelles multiples. À l’échelle des espaces périurbains eux-mêmes, il s’y trouve des quartiers plus ou moins riches (on parle alors de fragmentation socio-spatiale) et à l’échelle de l’ensemble de la périurbanisation, on voit apparaître des espaces plus dynamiques et mieux intégrer à la mondialisation que d’autres plus en marge. 4. Les espaces périurbains se sont considérablement développés depuis les années 1950 avec l’étalement urbain. L’Insee estime aujourd’hui que le fait urbain 140 Géographie

P001_180_HIST_GEO_EMC.indb 140-141

p. 236-237 touche 85 % des Français. Ces espaces gagnés sur l’espace rural connaissent de profondes recompositions économiques, sociales et spatiales depuis quelques années. En effet, pendant longtemps, les espaces périurbains n’avaient que des fonctions résidentielle et commerciale. Depuis quelques années avec le développement durable, on voit réapparaitre des activités agricoles souvent bio pour une consommation locale. Les fonctions récréatives se développent souvent grâce à l’arrivée des néo-ruraux ; on développe des fêtes autour d’un produit par exemple. Ces mutations économiques se sont accompagnées de recompositions sociales. Le développement de l’automobile et l’augmentation du niveau de vie a permis l’accession à la propriété d’un grand nombre de Français dans ce que l’on appelait les banlieues. L’étalement urbain qui s’est poursuivi à renforcer dans une certaine mesure la mixité sociale de ces espaces périurbains. On observe désormais la présence dans ces espaces de toutes les franges de la société qui agissent pour en faire des espaces dynamiques et ­complémentaires des villes et non concurrents (marchés bio, coworking). Cependant, cette mixité sociale doit être nuancée à une échelle plus grande. En effet, on constate qu’à l’échelle des quartiers, une fragmentation socio-spatiale est visible des 3. Les espaces ruraux : une multifonctionnalité toujours plus marquée 141

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quartiers plus ou moins riches. On peut opposer des résidences fermées et des grands ensembles d’habitations aux loyers modérés. Le même constat peut être réalisé à l’échelle de l’ensemble de la périurbanisation et ce sont des espaces plus dynamiques et mieux intégrer à la mondialisation qui se distinguent alors que d’autres sont plus en marge.

L’agro-tourisme en France (métropolitaine et ultramarine)

1. Les acteurs qui développent l’activité agritouristique autour du vin sont les professionnels de la filière vin (Doc. 1), c’est-à-dire les exploitants (Doc. 2), les coopératives, les syndicats professionnels des différents vignobles… Les partenaires institutionnels (Doc. 1) sont Atout France, le « cluster œnotourisme », les ministères des Affaires étrangères, de l’Économie et des Finances mais aussi celui de l’Agriculture et les offices de tourisme. On peut y ajouter les professionnels de la filière tourisme avec les agences de voyage. Les touristes français, européens mais aussi internationaux sont aussi un acteur essentiel. 2. À l’échelle des exploitations, cela permet de faire connaître ses produits, de vendre directement sa ou ses productions viticoles, de développer son activité par des investissements divers et d’avoir des revenus complémentaires. À l’échelle des vignobles, cette activité est porteuse d’emplois et d’attractivité. Des investisseurs peuvent être trouvés et des aménagements spécifiques

peuvent être réalisés. À l’échelle nationale, les œnotouristes font entrée sur le sol des devises par leurs achats et contribuent aussi avec leurs dépenses et les taxes perçues à contribuer à la balance ­commerciale. À l’échelle internationale, cela accroit le rayonnement et l’attractivité de la France. 3. Le développement de l’œnotourisme permet aux viticulteurs de faire connaître leur savoir-faire, leurs produits et s’assurer un complément de revenus. Pour les vignobles et la France, cette activité s’inscrit dans leurs développements économiques en termes d’emplois, leurs rayonnements et leurs attractivités respectives. 4. L’agritourisme, activité touristique complémentaire de l’agriculture, se développe dans les espaces ruraux et agricoles français en métropole, comme en Outre-mer. Ce tourisme vert se traduit par une multifonctionnalité des espaces ruraux. En plus de leur activité agricole, de plus en plus de paysans développent une activité touristique complémentaire mais aussi investissent dans de petites unités de fabrication agroalimentaire (yaourts, fromages…). Les habitants des villages se lancent aussi dans cette activité en réaménageant leur propriété pour y installer des chambres d’hôtes, des gîtes… Si le développement de l’agritourisme permet un dynamisme des espaces ruraux proches des littoraux et des massifs montagnards ; tous les espaces ruraux ne profitent pas de la même manière de cet engouement pour le retour à la nature, à une consommation plus saine et plus locale.

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Géographie THÈME

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La Chine : des recompositions spatiales multiples

Présentation du thème Ce thème met en perspective les savoirs acquis par les thèmes 1 à 3 de géographie en mobilisant les connaissances, notions et concepts dans un autre contexte. Ainsi, la Chine correspond à un modèle d’émergence, dont les effets territoriaux se traduisent par une accentuation des contrastes et des niveaux de développement, sur fond de aménagements massifs réalisés par l’État chinois.

Rappel des notions associées au thème Urbanisation : processus d’extension urbaine, planifiée ou non, et lié à la croissance de la population et des activités urbaines (industries, transports, services) dans un espace. Émergence : processus par lequel un État s’intègre à l’économie globalisée et au capitalisme global par le biais d’un fort accroissement économique pendant plusieurs années. L’émergence se traduit spatialement par des bouleversements profonds en matière d’équipements, d’activités, et de développement des populations. Littoralisation : processus de concentration des populations et des activités le long ou à proximité des littoraux. Espaces ruraux : espaces caractérisés par l’importance des activités agricoles et de la nature dans les paysages, ainsi que par l’importance des distances parcourues par les individus au quotidien. Présentation des diverses entrées Une image Stade national de Pékin ou « Nid d’Oiseau », inauguré pour les Jeux olympiques de 2008 (p. 238) La photographie capture le feu d’artifice tiré depuis le stade national de Pékin, à l’occasion de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de 2008. Le stade est surnommé « Nid d’Oiseau », en raison de son architecture : sa structure, faite d’acier, comporte de nombreuses ouvertures sur sa façade. Sa longueur est d’environ 330  m de long et 290 m de large, et permet d’accueillir 80 000 spectateurs, ce qui en fait l’un des plus grands stades du monde. Sa construction a été décidée après un concours international, remporté par le cabinet d’architectes suisses Herzog et De Meuron pour un budget d’environ 325 millions d’euros, construit à partir de 2003. Le budget total des JO de Pékin s’est élevé à environ 31M€, soit le budget le plus important de l’histoire des JO modernes d’été. Cette construction symbolise donc l’organisation d’un événement de portée internationale par un pays qui est à la fois reconnu comme compétent pour organiser de tels jeux, mais aussi comme pays qui s’impose comme une puissance économique et financière capable de mobiliser 144 Géographie

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des fonds d’un montant inédit pour leur déroulement. D’une manière plus générale, l’organisation des JO a été accordée à de nombreux pays qui ont été depuis les années 1980 reconnus comme des pays émergents : Corée du Sud en 1988, Chine en 2008, Rio en 2016. Les prochains jeux olympiques d’hiver (2022) se produiront à nouveau à Pékin, fait unique dans l’histoire des jeux modernes. Le stade national sera alors à nouveau utilisé pour les cérémonies d’ouverture et de clôture de l’événement. Le stade national est situé au Nord de la ville de Pékin, à l’extérieur du 4e périphérique de la ville (plus de 20 millions d’habitants en 2019), et est situé au cœur du quartier aménagé pour les jeux olympiques : forêt olympique, complexe aquatique, logements. L’ensemble des constructions a généré d’importants déplacements de réseaux, la création d’espaces verts et humides artificiels (visibles au premier plan de la photographie, il s’agit d’un canal artificiel qui appartient au longxing water system), ainsi que la requalification d’espaces urbains périphériques longtemps dégradés : ainsi, le second plan à droite de l’image laisse entrevoir le quartier bâti pour l’occasion, composé d’hôtels (ici visible le Grand Skylight Catic), centres ­commerciaux, centres de congrès, mais aussi logements de haut standing. Cet ensemble urbanistique traduit les recompositions urbaines rapides et massives de la capitale chinoise, qui s’étend au-delà du centre ancien de l’agglomération : au Nord, les espaces olympiques, à l’Est le quartier financier, au Nord-Ouest le technopôle. Le tableau des médailles permet de rendre compte de la place de la CHine parmi les grandes nations sportives, que ce soit d’un point de vue quantitatif en nombre de médailles, mais également d’un point de vue qualitatif en nombre de médailles d’or. Une vidéo La puissance chinoise (p. 238) La vidéo proposée permet de présenter en quelques mots la situation de la Chine dans le monde. Pays très peuplé, de la taille d’un continent, c’est aussi une puissance économique, commerciale et militaire. Les déviances du régime chinois sont également précisées, et permettent de comprendre en quelques mots la restriction des libertés, les limites du modèle démocratique chinois, et les soutiens aux autres dictatures. Les partenaires économiques sont également des rivaux potentiels. Une carte (p. 239) La carte nationale représente l’IDH de chaque province chinoise. Elle permet de nuancer l’image d’un pays développé en montrant que la plupart des provinces chinoises sont encore classées dans un IDH « moyen », et que seules

quatre d’entre elles ont un IDH de niveau « très fort » : ce sont les grandes villes de Pékin, Tianjin, Shanghai et Hong  Kong. Par ailleurs, elle permet de distinguer trois catégories de développement des espaces, selon un gradient Est-Ouest. Une carte mentale (p. 239) Elle réunit quatre axes qui permettent de saisir les mutations du territoire chinois, en se penchant sur les axes thématiques de transformation  : urbanisation, systèmes productifs, dynamiques sociales et aménagement. La complexité de la question s’exprime par le fait que ces ensembles se traduisent par des effets différenciés sur un territoire de taille continentale. Le thème et moi Une image 1 Les JO nécessitent la construction d’équipements spéciaux pour accueillir la compétition : le stade et les installations olympiques sont des lieux qui doivent accueillir un public national et étranger nombreux, et mettre en avant par les images diffusées la richesse du pays hôte. 2 La Chine a recueilli le plus grand nombre total de médailles d’or, devant les États-Unis, même si ces derniers

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ont un total de médailles (or, argent et bronze) légèrement supérieur à la Chine. Par ailleurs, on constate que ces deux pays devancent largement les autres pays du classement (40 à 50 médailles d’écart, voire plus). Une vidéo La Chine est en concurrence de plus en plus affirmée avec les États-Unis dans le domaine militaire, commercial et diplomatique. Son rayonnement économique lui donne un poids politique considérable. Une carte Le territoire chinois montre des contrastes de développement importants : les régions littorales sont les  plus développées mais la majorité du territoire est en situation intermédiaire. Les provinces de l’Ouest et du Sud-Ouest sont encore dans des situations proches des pays pauvres. Une carte mentale L’élève choisit au moins deux aspects qui mettent en avant l’idée de contrastes en matière de développement du territoire. Mise en relation des documents Le professeur peut retenir une ou plusieurs entrées possibles dans le thème, il peut conduire les élèves à saisir les attentes de celui-ci, à le problématiser.

Question obligatoire Une diversification des espaces et des acteurs de la production

Cours

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L’urbanisation en Chine Présentation du cours La Chine a connu un intense processus d’urbanisation ces dernières décennies. Depuis les réformes de Deng Xiaoping (1979‑1989), l’État communiste s’est tourné vers les villes comme des outils de développement économique et social. D’abord par les villes-ports et zones économiques spéciales dans les années 1980, puis par l’ensemble des villes moyennes dans les années 1990 et enfin, l’urbanisation est devenue un phénomène massif à la fin des années 1990. L’urbanisation n’est majoritaire en Chine que depuis 2010, mais elle traduit une progression spectaculaire des effectifs des villes, et du nombre de grandes villes dans le pays. Cette mutation s’est produite grâce à un équipement massif du territoire, alors que les villes constituent le cœur du développement économique du pays. Augmentation des niveaux de vie, attractivité démographique, mais aussi pollutions, les villes chinoises mobilisent l’attention du parti communiste. Repère Le territoire chinois s’est largement ouvert et développé grâce à la constitution d’une puissante façade

maritime : la concentration des villes littorales de plus d’un million d’habitants permet de constater l’asymétrie du développement, et de l’urbanisation chinois. Le littoral permet d’ouvrir le pays sur le Japon, la Corée du Sud, Taïwan, qui sont autant de voisins partenaires en matière d’échanges commerciaux. À l’opposé, les territoires de l’ouest apparaissent encore peu urbanisés, et enclavés sur le continent asiatique, entourés de pays plus pauvres. Doc. 1 Le territoire chinois apparaît découpé en deux ensembles régionaux : les provinces côtières et les provinces intérieures. Les provinces côtières ont connu les changements les plus importants grâce aux réformes de Deng Xiaoping, appuyant l’ouverture du littoral au cours du xxe siècle. Ces provinces sont les principales destinataires des migrations intérieures chinoises, qui se chiffrent par millions. Les Mingongs correspondent à des travailleurs (environ 250  millions aujourd’hui). Ce sont des migrants venant des campagnes et des petites villes intérieures, se destinant à travailler dans les grandes villes. Ces flux sont longtemps restés illégaux grâce au système du huko, qui définissait selon les lieux de vie des citoyens des droits spécifiques, notamment celui consistant à limiter les possibilités de déplacements vers les villes. Interdites sur le plan légal, les migrations intérieures ont 4. La Chine : des recompositions spatiales multiples 145

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néanmoins alimenté le développement économique et industriel des villes, trouvant une main d’œuvre flexible et bon marché. Cette politique a été un échec, puisque dans les années 2000 le nombre de Mongongs excédait les 100  millions de personnes. Depuis 2014, le gouvernement chinois a réformé ce système et assoupli les conditions de vie des populations résidentes. Sur la carte, on peut voir que les flux les plus importantes de migrants se sont localisés sur la moitié sud du littoral, et venant des provinces de l’intérieur proches. Ce sont en effet les zones accessibles par les mobilités saisonnières, mais également des zones densément peuplées qui ont alimenté les migrations. Depuis les années 2000, on observe le développement de flux minoritaires depuis les provinces côtières et de l’intérieur de l’est, vers les provinces intérieures de l’ouest. En effet, les stratégies de développement du gouvernement favorisent de plus en plus une migration vers ces provinces, afin de participer à leur développement. Ainsi, se dessine de plus en plus « trois Chine » dans les dynamiques démographiques. Doc. 2 Cet article aborde la question de la pollution des espaces urbains chinois. La pollution des grandes villes et des États fait l’objet d’une surveillance de plus en plus étroite de la part des laboratoires de recherche (universités) mais aussi des agences non-gouvernementales (AIE). La Chine connaît un problème de santé publique du fait de l’exposition aux particules de ses populations urbaines. Les sources de pollutions sont nombreuses : la principale correspond à l’utilisation encore massive des énergies fossiles, en particulier du charbon dans la production d’énergie et les transports ferroviaires (62 % du mix énergétique du pays). À l’opposé, les énergies renouvelables ne représentent que 9 % du mix énergétique mais le gouvernement entend accroître leur part dans les années à venir. En effet, la Chine est déjà le premier producteur mondial d’hydroélectricité, d’énergie éolienne et solaire. L’objectif pour les villes est de parvenir à transformer leur appareil productif vers des activités moins polluantes, car il provoque un phénomène récurrent de smog dans les villes chinoises. Les conséquences sanitaires pour les  populations, mais aussi financières pour l’État et les entreprises sont importantes, comme le souligne l’article. Ainsi, lors des JO de 2008 le gouvernement a décrété une circulation alternée des véhicules, et à l’hiver 2016 plusieurs grands chantiers de Pékin ont été suspendus pour une durée de quatre mois. Doc. 3 Cette illustration présente les principales caractéristiques de l’Exposition universelle de Shanghai. Celle-ci s’est tenue du 1er  mai au 31  octobre 2010, recevant près de 70 millions de visiteurs. Cet événement a été organisé sur la thématique de la vie urbaine, « une ville meilleure, une vie meilleure », attirant des délégations de 189 pays, disposant de pavillons destinés à regrouper des animations, projets, et infrastructures en relation avec les innovations 146 Géographie

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urbaines. Cette manifestation a été l’occasion de créer une opération de communication d’une ampleur massive à plusieurs échelles. À l’échelle internationale, l’Exposition universelle a mis en valeur la capacité du régime à accueillir un événement de portée internationale, deux ans seulement après les Jeux olympiques. Il s’agit d’ailleurs de la première exposition universelle organisée par un pays en développement, et seulement la troisième du genre organisée en Asie du Sud-Est (deux au Japon, en 1970 et 2005). Le quartier de l’Exposition universelle a permis de requalifier les activités industrielles, logistiques et de créer une nouvelle vitrine pour la métropole de Shanghai, qui participe à son rayonnement financier. À l’échelle du pays, Shanghai a accueilli un événement qui a célébré la puissance de la nation communiste, mettant en scène son pouvoir et sa capacité de mise en valeur de la ville plus que les innovations techniques promises. 95 % des visiteurs étaient nationaux, la plupart du temps venant par cars des provinces intérieures. Pour l’occasion, l’aéroport de Pudong a été doté d’un second terminal, les autoroutes régionales connectées au réseau national vers Pékin et l’intérieur. Enfin, pour Shanghai cela a également signifié la mise en valeur d’une ville par le réaménagement de zones péricentrales, valorisant à la fois la modernité des constructions urbaines, et la réhabilitation des espaces centraux à forte valeur patrimoniale (le Bund notamment). La manifestation s’est implantée sur les berges du fleuve Huangpu (au sud les pavillons des pays, au nord ceux des entreprises), en face du quartier historique et central de la ville de Shanghai. Le métro de Shanghai a par ailleurs connu un accroissement de son réseau (140 à 200 km en 2010, dont une ligne spéciale pour l’exposition universelle).

Choisir un itinéraire Itinéraire 1 Les villes chinoises sont les espaces qui concentrent le développement de l’activité économique du pays, ainsi que les flux de migrants saisonniers (Mingongs) qui quittent les campagnes pour trouver un travail. À l’échelle du pays, les villes situées au cœur des régions ont connu un fort accroissement de leur population grâce aux migrations intérieures. Les villes ont bénéficié d’équipements industriels et productifs après l’ouverture du pays, que ce soit grâce aux équipements portuaires (Ningbo, Shanghai, Hong Kong), ou grâce à des grands événements internationaux (JO de Pékin, Exposition universelle de Shanghai). Enfin, les villes se transforment rapidement grâce à l’industrialisation, et doivent se transformer rapidement afin de maintenir leur développement supportable pour les populations  : l’urbanisation s’est accompagnée d’une forte pollution industrielle, dont le gouvernement cherche à accroître l’efficacité et la sobriété grâce à l’utilisation massive des énergies renouvelables.

Itinéraire bis 1. Les migrations ont pour effet d’accroître la population dans les régions littorales, en particulier les espaces urbains des villes moyennes et grandes. Les provinces de l’intérieur servent de réservoir de main d’œuvre. 2. La pollution apparaît à la fois comme un frein et comme une condition au développement des grandes villes  : «  La mauvaise qualité de l’air représente en moyenne pour chaque Chinois une réduction de l’espérance de vie de trois ans et demi, et de six ans et demi dans les villes les plus polluées » ; « Le vrai problème de la Chine est la pollution générée par son appareil productif. […] L’urgence est donc de produire plus avec moins d’énergie. » 3. Shanghai a organisé une manifestation dans laquelle 189 pays ont été représentés afin d’exposer des innovations (Japon, Corée du Nord, États-Unis, Europe, Afrique…) ; La zone destinée aux entreprises correspond à des firmes multinationales (Coca Cola, Cisco…) ; le nombre de visiteurs est considérable, faisant de Shanghai une ville touristique d’envergure internationale (plus de 400 000 visiteurs par jour). Cours

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Littoralisation et rééquilibrages du territoire chinois Présentation du cours Dans les années 1980, les transformations du territoire chinois se sont traduites par une stratégie d’ouverture des ports et des zones économiques sur le littoral. Cette littoralisation assumée des activités s’est appuyée sur Hong Kong et Macao dès les années 1970 pour développer le modèle urbain et industriel de Canton à l’intérieur du delta de la rivière des Perles (la première relevant de la souveraineté du Portugal jusqu’en 1999, la seconde du Royaume-Uni jusqu’en 1997). Depuis les années 1980, la Chine pratique une « économie socialiste de marché », selon la formule de Deng  Xiaoping, résumant l’intérêt trouvé par le gouvernent communiste à encourager le développement des activités privées sur son sol, via des coentreprises (joint-ventures), des systèmes de sous-traitance implantées de plus en plus dans des périmètres de zones franches. Depuis le début des années 2000, l’ouverture s’est également traduite par l’émergence internationale de grands groupes publics, et para-publics chinois qui ont rapidement acquis les compétences de fabrication dans le domaine des industries technologiques : Huawei pour la téléphonie, Dongfeng pour l’automobile, Lenovo pour les micro-ordinateurs, Alibaba pour le commerce en ligne sont des exemples parlants de ce capitalisme spécifique. Cette croissance économique et industrielle est

depuis le milieu des années 2000 rééquilibrée vers l’intérieur du pays, qui avait jusque-là bien moins bénéficié de ses effets. Ainsi, les provinces de l’intérieur font l’objet d’attentions orientées dans deux directions principales affirmées lors du 19e congrès du PCC (2017). Des investissements productifs sont destinés à profiter des différentiels de salaires entre l’Est et l’Ouest, afin de continuer le développement économique des industries. L’équipement des capitales de provinces comme Chongqing participe de l’encadrement de cette logique. D’autre part, l’équipement en infrastructures de transport (désenclavement) et de production d’énergies (énergies renouvelables et parc nucléaire) afin d’accompagner le développement de l’intérieur. Repère Cette carte permet de mettre en avant les différentes parties du territoire qui impulsent les réformes : les pôles de Pékin, en tant que capitale, mais aussi ceux de Shanghai, à l’embouchure du Yangzi, ainsi que celui de Canton grâce à la proximité des territoires de Hong Kong et de Macao. On note également la superposition des dispositifs d’ouverture, qui s’appuient à la fois sur la fonction logistique (ports, deltas et fleuves ouverts) et industrielle (zones économiques spéciales). Les interactions entre ouverture économique et dynamisme démographique peuvent être soulignées, tout comme les liens entre le développement des activités industrielle et l’attractivité financière qui a permis au territoire chinois de faire émerger plusieurs places boursières nationales (Shanghai, Hong Kong, Shenzhen). Doc. 1 Le tableau présente un classement pour quelques grands groupes industriels chinois qui ont émergé dans le domaine de l’industrie, des transports, de la finance. Ainsi, les secteurs classiques mais de plus en plus intégrés aux enjeux de l’innovation tels que l’industrie extractive et les énergies sont représentés, avec la firme China Shenhua Energy (charbon), Sinopec et Sinovel, ou Goldwind. Shenhua et Sinopec restent des entreprises publiques et/ou d’État, tandis que Sinovel et Goldwind sont des acteurs privés, bien qu’en lien avec les enjeux d’aménagement éolien impulsés par le gouvernement. Le secteur des transports (China Railway Corp. et China Ocean Shipping Comp., Dongfeng) correspond à l’émergence d’acteurs nationaux capables d’assurer une chaîne logistique efficace destinée à accompagner le développement industriel : rail, fleuves et et littoraux, mais aussi transport routier car Dongfeng était encore récemment spécialisée dans la fabrication de poids lourds. Enfin l’industrie de pointe et les télécommunications illustrent à la fois le développement des activités destinées à équiper le territoire (réseaux, terminaux mobiles et informatiques), et la capacité des entreprise à devenir des acteurs de référence à l’échelle mondiale (Huawei, Xaomi, Lenovo). Les classements proposés correspondent à l’année 2017 et 4. La Chine : des recompositions spatiales multiples 147

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changent d’une année à l’autre. L’essentiel est de saisir la place que prennent ces entreprises dans les comparaisons internationales, profitant à la fois des commandes des pays étrangers, mais également de l’immensité du marché intérieur. Doc. 2 Cet extrait d’article provient du journal l’Humanité, écrit à l’occasion du 19e  congrès du Parti communiste chinois. Les passages tirés de citations proviennent des paroles de Xi  Jinping, président de la République populaire de Chine et secrétaire général du PCC. Ces expressions soulignent l’importance accordée à la transformation de la société chinoise, que ce soit par le « renouveau », renvoyant directement à une démarche de développement et de modernisation du territoire, ou bien par la « moyenne aisance » à laquelle renvoient la classe moyenne émergente dans la société chinoise (quantifiée à 110 millions en 2015, 220 millions en 2020). Les mesures de rééquilibrages sont clairement précisées, avec un objectif de réduction des inégalités, qui s’illustrent par les rapports villes-campagnes, mais aussi est développé, ouest en retard. La référence aux ralentissement économique correspond au tassement progressif de la croissance que connaît la Chine depuis 2012, à des niveaux inférieurs à ceux des années 1980, 1990 et 2000 en bonne partie tirés des commandes des entreprises étrangères. Les perspectives de croissance étant plus faibles, la stratégie actuelle consiste donc à accentuer les actions en faveur d’un développement de la consommation intérieure qui permettra de maintenir le dynamisme économique (le « minimum vital » dont il est question correspond notamment aux pensions de retraite qui ont fait l’objet de revalorisations et d’alignements entre campagnes et villes depuis 2014). Enfin, le texte aborde les opportunités de développement offertes par un désenclavement des provinces de l’Ouest à travers le projet des Nouvelles Routes de la Soie, et insiste sur les montants investis ainsi que sur le nombre d’accords déjà conclus. Doc. 3 Le document est organisé en deux parties : la photographie en vue plongeante sur le barrage et ses abords immédiats et un croquis détaillant les équipements qui le composent. La photographie permet de prendre conscience de la taille des équipements : on distingue au premier plan, comme à l’arrière-plan, des bâtiments et infrastructures routières. Ainsi, le barrage possède des mensurations hors-normes, constitué d’une retenue longue de 2 km, et d’un réservoir long d’environ 650 km. Le barrage, mis en service entre 2006 et 2009 est en mesure de produire 22  500  MW soit l’équivalent d’une vingtaine de réacteurs nucléaires, mais peut à peine couvrir 3 % de la consommation nationale. Par ailleurs, il a permis de réguler le cours du Yanzi, et d’en faciliter la navigation. Au premier plan de la photographie et sur le croquis, on distingue l’ascenseur à bateaux et les 148 Géographie

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écluses qui permettent le trafic fluvial entre Chongqing située en amont, Wuhan et Shanghai qui sont plus en aval. La construction du barrage a nécessité le déplacement d’environ 1,8  million de personnes, englouti 15  villes et 116  villages. C’est une pièce maîtresse de la politique d’aménagement du territoire chinois, au moins par sa taille, et par les polémiques qu’il a suscitées lors de sa construction (déplacements, risques environnementaux, sociaux, coûts).

Choisir un itinéraire Itinéraire 1 Tout d’abord, le territoire chinois montre une volonté affirmée d’assurer un développement qui serait de moins en moins dépendant des activités et entreprises venant de l’étranger : les entreprises chinoises sont de très grands groupes, d’envergure internationale, capables de rivaliser avec d’autres firmes de pays développés pour distribuer leurs produits dans le monde entier, mais aussi pour s’imposer sur le marché intérieur. Ensuite, le gouvernement communiste, acteur clé de l’économie, a de fixé des objectifs ambitieux d’équipement et de rééquilibrage du territoire, en vue d’élargir les espaces et populations consommatrices. Accéder à l’emploi, développer un meilleur système de pensions permet en effet aux populations de sortir plus facilement de la pauvreté. Enfin, l’équipement du territoire par de grands projets (barrages, infrastructures de transport) permet d’assurer une meilleure indépendance énergétique et un désenclavement des territoires, que ce soit avec les régions côtières, ou avec les pays continentaux limitrophes qui peuvent apporter de nouvelles activités. Itinéraire bis 1. Le tableau permet de constater que les entreprises mentionnées parviennent toutes à se hisser au moins parmi les dix plus grandes firmes mondiales de leur secteur, voire au groupe des trois premières (pétrole, transport ferroviaire, informatique, téléphonie et télécommunications, banque, énergies renouvelables). Par ailleurs, ces entreprises correspondent à des secteurs économiques qui représentent à la fois des activités traditionnelles (extractions minière et pétrolière, transports) et de pointe, à forte dimension d’innovation industrielle (télécommunication, assurance et finance). 2. Le gouvernement chinois mobilise des moyens importants pour parvenir à développer le concept de « moyenne aisance » parmi la société à l’horizon 2020, cette expression renvoyant au développement d’une classe moyenne. Celle-ci correspond en effet à une catégorie de la population dont la particularité est de pouvoir accéder à la consommation de biens d’équipements, et de services. Ainsi, l’objectif est de parvenir à favoriser l’augmentation

des revenus (salaires, pensions : « donner des garanties de minimum vital… ») en améliorant les politiques d’aides, mais aussi en accélérant les aménagements qui permettront de désenclaver les provinces pauvres et de favoriser l’urbanisation («  encourager le transfert de main d’œuvre […] déplacer les habitants des régions pauvres »). Cela passe aussi par la création de nouvelles infrastructures, les « nouvelles routes de la soie » qui permettront la création renouvelles activités dans les régions pauvres de l’Ouest. 3. Le barrage des Trois Gorges présente a priori de nombreux avantages. En effet, il facilite le trafic des bateaux en permettant leur passage via des écluses sur la partie supérieure du fleuve (1er plan à droite, Doc. 3). Il permet également le développement d’activités industrielles en favorisant le transport des marchandises (2e plan à gauche, Doc. 3). Enfin, le barrage représente un grand avantage pour la production d’une énergie en grande quantité et peu onéreuse : l’approvisionnement en eau est renouvelable et naturel, et l’énergie est produite en très grande quantité (le barrage est le plus grand du monde).

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Redéfinition des fonctions des espaces ruraux chinois Présentation du cours Le territoire chinois possède une grande diversité de milieux et de reliefs, produisant une multitude de paysages qui ont façonné des environnements divers pour les sociétés rurales traditionnelles en Chine. Ces espaces vont du désert de Gobi de l’Ouest, aux plaines alluviales et fertiles du Yangzi ou de la rivière des perles, en passant par les hautes terres du Sud-Ouest du Yunnan. Cette diversité rend ainsi délicate la caractérisation d’une situation commune pour les campagnes. Cependant, plusieurs tendances de fond ont participé localement à produire des dynamiques territoriales de développement ou de maintien des situations de pauvreté. Ainsi, les campagnes chinoises ont connu de profondes transformations depuis les grandes réformes de libéralisation engagées par Deng  Xiaoping. Elles ont été peu à peu marginalisées, alors qu’elles avaient été placées sous Mao au centre d’un modèle de société anti-urbain. À partir des années 1980, les espaces ruraux ont donc connu de nombreuses mutations. Les campagnes des provinces de l’intérieur ont continué de fonctionner comme des espaces peu mobiles, retenant des populations pauvres et nombreuses puisque le système du hukou visait spécifiquement à limiter l’exode rural. Les populations rurales ont vécu de diverses manières la politique de l’enfant unique, mais généralement de manière moins stricte que dans les villes. Les campagnes proches des littoraux et des grandes villes ont

pu connaître un important processus d’urbanisation, ou de transformation des activités sous l’influence des villes : productions agricoles diversifiées, mais aussi développement naissant d’un ensemble d’activités touristiques intérieures pour les classes moyennes urbaines (tourisme vert, mise en valeur des lieux de mémoire nationale impériale ou communiste, parcs naturels). La question des fonctions agricoles des espaces ruraux est centrale en Chine et se pose également sous trois angles. : ––L’essentiel de la problématique pour une population aussi nombreuse est d’assurer l’autosuffisance alimentaire, qu’elle parvient de moins en moins à atteindre en raison du poids du nombre, et de la transition alimentaire qu’engagent les populations urbaines. ––L’accès à la terre se pose de manière aigüe, tant les terres arables fertiles sont disponibles en de petites surfaces, et qu’elles sont mises sous la pression des activités urbaines et/ou industrielles. ––Les productions agricoles donnent lieu à la pratique du Land Grabbing, qui n’est pas l’apanage de la seule Chine, et qui vise à sécuriser l’approvisionnement alimentaire du pays (concept de sécurité alimentaire). Repère Cette carte permet d’appréhender facilement la diversité des espaces agricoles chinois. Le nord correspond encore à la présence importante du blé, plante originelle de la civilisation Han. Le sud est mis en valeur par des cultures tropicales, et par la culture du riz à double récolte annuelle grâce à un climat plus chaud, et humide (moussons). On perçoit par ailleurs qu’environ la moitié de l’ouest correspond à des zones de steppes et/ou de désert, soumises à un élevage pastoral ou tout simplement à une absence de mise en valeur agricole. Cela conforte ainsi l’impression d’une disponibilité limitée des terres dans le domaine agricole, contrastant avec l’immensité de sa superficie. Enfin, la richesse des associations de cultures dans la partie est témoigne du dynamisme des campagnes agricoles. Doc. 1 Cet histogramme présente l’évolution des effectifs totaux de la population chinoise et le ratio exprimé en pourcentage des urbains et des ruraux entre 1960 et aujourd’hui. On distingue, dans un premier temps, que les bâtons dessinent une courbe dont l’accroissement tend à se tasser à partir du milieu des années 2000. Ainsi, on perçoit les limites de la politique de l’enfant unique instaurée à partir de 1979, puisque la progression des effectifs de population reste continue et quasi-linéaire. Ainsi, la population chinoise double entre 1960 et 1995 (elle progresse de 30 % entre 1975 et 1995), mais elle ne progresse plus que d’environ 10 % entre 1995 et 2015. Du point de vue de la proportion des ruraux et des urbains, on constate une montée en puissance des urbains, dessinant une courbe de progression plus rapide que celle de la population. Ainsi, les urbains ont non seulement crû grâce à un solde naturel positif, mais également grâce à 4. La Chine : des recompositions spatiales multiples 149

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une migration très active. C’est en 2010 seulement que la majorité de la population chinoise est devenue urbaine. Doc. 2 Cette photographie met en valeur les formes prises par le tourisme pionnier dans les régions de l’Ouest. Alors que les populations urbaines recherchent une destination fondée sur le dépaysement et la curiosité naturelle d’un site désertique (les sables qui « chantent »), on remarque que les visites s’effectuent sous la forme de caravanes de touristes à dos de chameau (animal familier des zones désertiques du centre de l’Asie), la file est quasi ininterrompue. Il s’agit donc ici d’un tourisme de masse, assez contradictoire a priori avec le type d’attraction que viennent rechercher les touristes. L’image est surprenante car le désert est associé à la solitude, ce qui n’est pas le cas ici. L’ampleur des flux touristiques naissants à l’intérieur du territoire national produit des effets nécessairement concentrés dans l’espace. Doc. 3 Ce texte illustre la pratique du Land Grabbing réalisée par les investissements chinois à l’étranger. La mutation des habitudes alimentaires (transition alimentaire) pour les populations de la classe moyenne se traduit par une diversification des aliments : développement de la consommation de viande, consommation de produits laitiers en plus grandes quantités, fruits et légumes frais, etc. Ces nouvelles consommations mettent l’espace agricole chinois sous pression, devant produire de plus en plus pour nourrir du bétail, ou pour alimenter les marchés urbains en produits de moindre nécessité. Des investissements sont ainsi réalisés à l’étranger dans des pays pauvres où le prix de la terre est faible, mais où les qualités agronomiques sont bonnes : Amérique du Sud pour les grandes zones d’élevages et de cultures céréalières et de soja, Afrique équatoriale pour les légumes et fruits, ainsi que les pays asiatiques offrant l’intérêt d’une grande proximité (la majorité des investissements sont d’ailleurs réalisés à l’échelle régionale). Les investissements sont réalisés par nécessité stratégique, mais aussi par intérêt financier. On le constate ici avec l’exemple de la société CRED dont l’action repose vraisemblablement sur une démarche avant tout lucrative. Enfin, tous les pays ne vivent pas nécessairement ces investissement comme une bonne pratique : en prenant le contrôle de terres agricoles étrangères, la Chine s’approprie ainsi les ressources qui pourraient venir aussi à manquer pour les États en question. Cela explique les mesures de protection prises en France, visant à limiter la présence chinoise sur les terres agricoles (et qui produisent une concurrence importante pour les agriculteurs nationaux.)

150 Géographie

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Choisir un itinéraire

capacités et méthodes

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Itinéraire 1 Les espaces ruraux chinois connaissent des transformations importantes car les activités agricoles évoluent avec les changements de la société. En effet, de nombreuses terres cultivées sont de plus en plus dévolues au développement des villes et des industries. Les cultures sont de plus en plus tournées vers des consommations nouvelles permises pas la hausse du niveau de vie : viande, légumes, fruits… Ces nouvelles cultures sont associées aux plantes traditionnelles que sont les céréales (riz, blé et maïs). Les espaces ruraux sont également transformés par des urbains à la recherche de loisirs, notamment le tourisme. De plus en plus nombreux et formant une classe moyenne importante, ils pratiquent un tourisme intérieur naissant, en s’intéressant aussi aux grands espaces naturels du territoire chinois. Itinéraire 2 1. Ces dernières décennies, les villes ont connu une forte croissance de leur population grâce à la concentration des activités industrielles et commerciales. L’attraction des villes pour les populations des campagnes pauvres a été très forte, car le travail y est abondant, les perspectives d’amélioration des conditions de vie importantes malgré la limitation des déplacements. En comparaison, les campagnes sont restées longtemps très enclavées, pauvres et mal équipées. 2. L’espace mis en valeur pour le tourisme que l’on voit dans le Doc. 2 correspond à une partie d’un désert (le désert de Gobi), situé dans le nord-ouest du pays. Il s’agit d’une région périphérique du territoire chinois, mais qui attire des touristes nombreux (plus de 35 000 visiteurs en une journée sur un seul site). 3. La Chine réalise de plus en plus d’investissements dans les terres agricoles car elle besoin de ressources nombreuses et de plus en plus diversifiées pour nourrir sa population. Par ailleurs, les investissements se font dans des régions souvent pauvres, où les investissements peuvent présenter de grands avantages financiers, en étant destinés à produire des denrées achetées par des populations à haut niveau de vie. 4. Les terres agricoles disponibles en Chine sont insuffisantes car elles doivent de plus en plus répondre aux demandes des urbains qui ne se satisfont plus d’une alimentation de base, ils réclament des aliments plus riches, plus « sophistiqués ». Par ailleurs, l’urbanisation tend à limiter les terres agricoles.

QUESTION OBLIGATOIRE

Savoir lire, comprendre et apprécier un graphique Entraînement 1. Les deux graphiques présentent des données relatives au trafic de conteneurs. L’espace principalement concerné est celui des ports chinois, en particulier celui de NingboZhoushan. On peut faire une comparaison avec d’autres ports chinois, mais aussi asiatiques, et enfin les vingt premiers ports mondiaux. Les données correspondent à des unités d’EVP, soit un nombre de conteneurs standards (20 pieds), exprimées en millions entre les années 2003 ou 2006 et 2017 ou 2015. 2. D’une manière générale, Ningbo-Zhoushan se classe à la 4e place des vingt premiers ports mondiaux, et à la troisième chinoise (doc 2). Le port de Ningbo-Zhoushan est un port dont le trafic a beaucoup progressé ces 15 dernières années : 6e  du classement des ports asiatiques présentés dans le doc. 1 en 2007, il est devenu le quatrième (doc 1). 3. Le trafic du port de Ningbo-Zhoushan a considérablement progressé ces dernières décennies. D’après le Doc. 1, le trafic a connu une progression régulière mais forte, plus soutenue que celle des autres ports asiatiques. D’après le Doc. 2, son trafic a été plus que multiplié par quatre en un peu plus de 10 ans (de 5 à 20 millions d’EVP).

vers le bac QUESTION OBLIGATOIRE

Une diversification des espaces et des acteurs de la production

1. La littoralisation correspond à une concentration des populations et des activités à proximité des littoraux. 2. L’urbanisation en Chine s’est principalement localisée dans les provinces côtières : les plus grandes villes y sont localisées et l’accès à la mer permet les échanges, qui ont pu progresser de manière rapide et intense. Les ports, deltas et fleuves ouverts ont été orientés vers le ­commerce extérieur, régional puis mondial. Le développement des villes s’est donc accompagné d’un renforcement de leur rôle en matière de croissance économique, mais aussi du point de vue de l’attractivité démographique. Ainsi, les villes ont accentué leur rayonnement sur le territoire chinois. 3. Pékin est la capitale politique du territoire chinois. C’est le siège du gouvernement et du Parti communiste chinois, c’est donc de cette ville que partent les décisions principales en matière d’aménagement et d’organisation des activités. Elle est située dans le nord-est du territoire,

Le document 2 en l’état ne permet pas de formuler cette réponse, que dois-je faire ? 1. Comparez ces évolutions à la fois au regard du classement « top 5 », mais aussi « top 20 ». Alors que son trafic correspondait à la moitié de celui de Shenzhen, le port de Ningbo-Zhoushan a pour l’essentiel rattrapé son retard, et connaît une progression qui semble indiquer qu’il dépassera rapidement ce dernier. Idem que la 2e partie de la question 4 : la progression du trafic n’est pas exploitable pour le doc 2. 2. Synthétisez ces observations en commentant les dynamiques de progression du trafic de conteneurs dans le port de Ningbo-Zhoushan. Le port de Ningbo-Zhoushan symbolise la montée en puissance du trafic de conteneurs dans les ports chinois ces quinze dernière années : sa progression a été la plus forte des vingt plus grands ports dans le monde, à l’image de la plupart des ports chinois. La croissance a été globalement régulière, au moins positive pour l’ensemble des ports, mais celle de ces ports moyens a été de type exponentielle. Actuellement, 7 des dix premiers ports dans le monde sont chinois.

p. 249 proche de la côte. Plus au sud, Shanghai est la capitale économique du pays. Elle est située à l’embouchure du Yangzi, et anime par son industrie et sa finance une partie essentielle du pays. Plus au sud, enfin, on trouve Canton et les pôles de Hong Kong – Macao, anciennes colonies anglaise et portugaise. La région a tiré profit de la relation étroitement tissée entre l’organisation communiste chinoise et le capitalisme développé dans les enclaves étrangères. 4. La littoralisation chinoise n’est pas seulement un processus de croissance démographique, c’est aussi un mouvement qui trouve son origine dans les investissements étrangers réalisés en faveur de l’industrie dont ont profité les entreprises chinoises. De plus, ce sont les ports chinois qui représentent, grâce aux échanges commerciaux avec le reste du monde, les principaux ports de la planète. 5. Les bonnes réponses qui permettent de définir la situation des campagnes sont : ––Les espaces ruraux fournissent de nombreux migrants de travail qui ont rejoint les villes littorales. ––De nombreuses campagnes se transforment sous l’influence des villes en développant un tourisme vert. 4. La Chine : des recompositions spatiales multiples 151

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B dossier dossier

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Shanghai, une métropole de dimension mondiale A La démographie d’une très grande ville

Zoom géographique Ce tableau permet de mettre en valeur la thématique de la croissance urbaine de Shanghai, à la fois par sa population, mais aussi par son étendue. On perçoit notamment que l’emprise urbaine ainsi que le nombre de migrants en valeur absolue croissent plus rapidement (facteur 10 de 1978 à 2010) que la population totale de la ville, multipliée par deux. Doc. 1 Cette carte permet de repérer les modalités de la croissance de Shanghai. Ainsi, l’espace de la municipalité (qui correspond à l’emprise administrative du pouvoir local) apparaît plus étendu que celui de l’espace actuellement urbanisé, essentiellement situé autour du centre historique. Par ailleurs, la croissance actuelle de la métropole de Shanghai se réalise par l’implantation de villes nouvelles, dont Songjiang est l’une des principales. Enfin, les infrastructures de transport sont essentielles : les autoroutes irriguent le centre de Shanghai et connectent l’arrière-pays, tandis qu’au nord le Yangzi constitue l’extrémité d’un couloir industriel étendu jusqu’à Wuhan. Le port de Yangshan, non visible sur la carte, est complété de l’aéroport, dont le Maglev est un équipement de connexion ultra-rapide, et porteur de modernité pour la ville. Doc. 2 Cette photographie montre des rues de Shanghai qui se superposent. De plus, par manque de place et/ou recherche de densité, les constructions réalisées sont de plus en plus verticales (les tours visibles à l’arrière-plan sont encore en construction mais approchent ou dépassent déjà les vingt étages). Les réseaux de transports automobiles s’ancrent à plusieurs niveaux dans l’espace urbain : la voirie classique, de desserte locale au niveau du sol (premier plan), mais aussi au centre de la photographie un auto-pont qui assure une desserte d’agglomération, même si l’on ne distingue pas de véhicule. Enfin, la densité des réseaux électriques aériens illustre l’intensité des travaux d’aménagements réalisés de manière incessante dans la ville. Doc. 3  Le nombre d’habitants pauvres résidant à Shanghai est difficile à estimer : les statistiques ne sont pas suffisamment communiquées avec transparence. Pour autant, il existe encore de nombreux espaces de pauvreté dans la métropole shanghaienne : la morphologie du bâti et la présence des habitants permettent de 152 Géographie

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cerner concrètement les réalités quotidiennes des populations résidentes. Le bâti est construit « en dur » mais porte les signes d’une diversité des modes de construction et des matériaux employés. Les étages en surplomb sont nombreux, révélant des matériaux de construction fragilisés par un manque d’entretien au premier plan, à gauche, et à droite. Les branchements électriques aériens, très nombreux, sont plus ou moins désordonnés. Les rues, très étroites, peuvent difficilement être parcourues par des véhicules motorisés (une unique voiture est garée à l’arrière-plan). Les façades des bâtiments sont peu ouvertes, et portent les traces de la disparition de l’animation commerciale au profit d’espaces centraux plus dynamiques (premier plan, à droite, le mur de parpaings qui ferme une vitrine). Les habitants renvoient à un ensemble d’activités relativement marginales pour une métropole internationale : la femme, âgée et probablement retraitée modeste, semble s’adresser à l’homme en débardeur, peut-être un récupérateur de matériaux collectés sur son triporteur en arrière-plan. Ce quartier n’est pour autant pas localisé en périphérie éloignée, on distingue au dernier plan, assez proche, des tours de grande hauteur, modernes, dans l’alignement de la voirie. Doc. 4 Ce texte fait référence au mouvement d’internationalisation que connaît Shanghai depuis plusieurs années et dans plusieurs domaines. Le dynamisme international de la ville se traduit par une croissance alimentée par une intense activité de constructions, qui se traduit par la rénovation de quartiers entiers du centre-ville. La plupart des logements et bâtiments anciens, bas et en général dégradés sont irrémédiablement remplacés par une urbanisation qui promeut la verticalité et les ensembles collectifs. L’attractivité démographique se traduit par une présence étrangère importante, en particulier de travailleurs expatriés (environ 170 000 en 2018) et qui travaillent au service des firmes étrangères. Grâce à des salaires élevés, ils représentent une population aisée, recherchée pour l’image d’une ville internationale. Le corollaire de cette attractivité se traduit également dans le développement d’une image urbaine fondée sur la valorisation de l’art et du mode de vie local, ce qui explique le développement de quartiers patrimonialisés tels que les anciennes concessions (cf. la rénovation des Lilongs, ruelles étroites de logements alignés), ainsi que l’essor des galeries d’artistes autour de la communauté artistique M50, par exemple. Enfin, Doc. 5 Cette photographie illustre l’urbanisation choisie par le modèle des villes nouvelles. L’urbanisme vertical, très dense, est associé à un urbanisme plus horizontal de villas individuelles. En bas et à droite de la photographie,

on distingue les axes routiers, essentiels à la mise en connexion de la ville au reste de l’agglomération de Shanghai (Songjiang dispose aussi de gares de trains, ici non visible qui assurent une part importante de la mobilité quotidienne). À l’arrière-plan, les tours d’immeubles de plus de vingt étages (résidentiels et d’activités), forment de longs alignements le long des axes routiers et des espaces verts. Au bord de l’îlot qui se dessine au premier plan de la photographie, des immeubles collectifs plus bas referment un quartier moins dense. En effet, le centre de l’îlot est occupé par des constructions de villas individuelles, entourées de jardins et de petits parcs agrémentés de petits plans d’eau. Ici, la stratification sociospatiale de la ville, se lit clairement entre les catégories les plus aisées, qui accèdent encore au logement individuel, et les plus hauts collectifs relégués à l’arrière-plan mais qui sont probablement encore destinés aux classes moyennes shanghaiennes. Analyser les documents 1. Shanghai s’est étalée sur les espaces environnants, pour l’essentiel sur d’anciennes terres agricoles et villages qui l’entouraient. L’étalement de l’agglomération dépasse les 40 km de distance par rapport au centre ancien. 2. Ce sont tout d’abord des habitats nouveaux qui ont été construits, dans un rythme soutenu, en procédant à la destruction des anciens immeubles, ou d’industries repoussées hors de la ville. Généralement pauvres, les logements anciens ont été plus facilement détruits pour laisser la place à de nouveaux immeubles de grande hauteur. Par ailleurs, l’étalement est organisé en multiples villes nouvelles qui orientent et planifient les extensions de Shanghai. 3. Les contraintes reposent pour l’essentiel dans le fait de pouvoir se déplacer dans une agglomération de plus de 20  millions d’habitants : les grandes distances imposent de plus en plus l’usage de l’automobile, que tous ne peuvent pas s’offrir (les classes aisées et moyennes seulement). Les transports en commun sont nombreux, mais imposent de longs trajets quotidiens. La multiplication des automobiles a provoqué également l’apparition de nombreux embouteillages quotidiens. Enfin, le déplacement en automobile est difficile dans les quartiers les plus vétustes (les rues y sont étroites). 4. L’attractivité de Shangaï dépasse le territoire chinois car la ville attire de nombreux travailleurs étrangers expatriés : pour assurer les relations entre les entreprises internationales et chinoises, de nombreux cadres étrangers se sont installés dans la ville. De nombreuses entreprises étrangères veulent en effet profiter des débouchés commerciaux du pays. 5. La croissance de la ville profite à de nombreux acteurs : les catégories les plus aisées et fortunées, (dont les

travailleurs expatriés) pour qui l’habitat moderne et luxueux est conçu ; les classes moyennes qui accèdent à la propriété de leur logement, à la consommation et aux loisirs. À l’opposé, la croissance de Shanghai semble se faire au détriment des catégories les plus pauvres et précaires, qui subissent les transformations de l’habitat, et les contraintes de déplacements quotidiens, même si la ville génère de nombreux emplois. B Une métropole industrielle puissante

Doc. 6 Cet article met en perspective la montée en puissance du port de Yangshan. Il s’agit du port moderne à conteneurs créé au large de la côte, afin de disposer d’un espace plus étendu. Yangshan est le principal port à conteneurs de Chine, il n’est pas directement touché par le ralentissement de la croissance chinoise, puisqu’il parvient à concentrer des flux à l’échelle de la région toute entière. L’article aborde aussi les enjeux de l’automatisation, à propos desquels on comprend que si Yangshan est déjà un port très efficace (150 cargos quotidiens, plus de 30 millions d’EVP quotidiens en 2015, 40 millions en 2017), on peut encore envisager dans un avenir proche une importante croissance du trafic. Doc. 7 Cette photographie vient en appui direct du Doc. 6 et offre une vue plongeante sur les infrastructures portuaire : les différents espaces sont relativement indifférenciés, les installations et les équipements se répètent sur une longue étendue. Le port de conteneurs est composé de quatre tranches d’exploitation, dont la dernière a été installée en 2018, déjà entièrement automatisée (cf. Doc. 6). Le site du port correspond à une série de petites îles transformées et reliées par un système de terre-pleins afin de permettre l’accostage des très grands porte-conteneurs. À l’arrière-plan, on distingue la succession des îlots et le large (la photographie tourne le dos à Shanghai). Doc. 8 Cette carte permet de localiser les différents sites industriels et productifs de Shanghai. On associe clairement Yangshan à d’autres infrastructures portuaires sur la partie inférieure du delta du Yangzi (trafic de vrac, productions lourdes comme l’acier, ou chantiers navals), révélant le déplacement progressif des installations pour disposer de plus de place. On peut, de la même manière, repérer la transformation des sites aéroportuaires, plus grands et plus loin du centre-ville. La carte permet enfin de localiser et d’identifier la diversité des activités productives qui restent implantées à Shanghai : la ville n’est pas qu’un centre financier et de transports, mais également un espace productif grâce à la sidérurgie, la chimie, l’automobile, l’électronique. Doc. 9 Ce document issu du site spécialisé dans l’information aux expatriés permet de recenser les différentes activités qui font de Shanghai une métropole sous l’angle de son 4. La Chine : des recompositions spatiales multiples 153

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système productif : ainsi, on accède à ce qui constitue les piliers des activités « métropolitaines supérieures », au sens des études de l’OCDE. Services aux entreprises (information, services liés à l’emploi, conseil juridique, publicité, études de marché,  etc.), services financiers (assurances, finance des entreprises) et industries de pointe (chimie, machines d’équipement, matériel de transport, automobiles, équipements électriques) constituent trois piliers de cette économie sur-représentés à Shanghai et dans sa province. De ce point de vue, la métropole dispose d’une capacité de rayonnement à l’échelle du territoire national entier. Par ailleurs, le quatrième secteur de la métropolisation supérieure est le secteur de la connaissance et de la recherche (recherchedéveloppement, édition, services informatiques), mentionné dans le second paragraphe de présentation. Doc. 10 Ce document permet d’aborder les aspects négatifs du développement urbain de la métropole de Shanghai : l’exposition des populations à des pollutions diverses, causées par les activités industrielles et les transports mais aussi l’importante pollution de l’eau. Ces pollutions ne concernent pas uniquement la consommation alimentaire, mais aussi la consommation à destination de l’agriculture, ou de l’industrie. Le problème de la pollution de l’eau repose aussi sur le laxisme des autorités municipales pour faire appliquer la loi sur la protection de cette ressource. Analyser les documents 6. Le trafic de conteneurs est la spécialité du port de Yangshan. Ce sont des objets standardisés qui sont manipulés sur des quais spécialisés, de plus en plus automatisés, faisant circuler camions, bateaux porte-conteneurs, au moyen de grues et de portiques. 7. Le port est une interface entre les zones de production localisées à Shanghai et l’arrière-pays, qui travaille pour le compte d’entreprises localisées dans les pays étrangers (Europe, Amériques, reste de l’Asie, Afrique). À l’inverse, le port est aussi un espace de destination pour les produits industriels fabriqués par les firmes étrangères et destinées à un marché de consommation pour les classes moyennes et supérieures (voitures, biens d’équipement de luxe, etc.). Enfin, le port est un espace de transbordement de conteneurs provenant d’autres continents, et destinées à des pays/régions proches. 8. Shanghai est une métropole active dans les domaines de pointe de l’industrie, permettant de générer d’importants revenus, mais reposant sur des compétences très spécifiques : automobiles, chimie de pointe et électronique. 9. Shanghai tend à devenir de plus en plus attractive grâce au développement de l’économie tertiaire, en particulier les services aux entreprises, la finance, mais aussi la recherche-développement. 10. Shanghai est une ville dynamique, en plein développement mais elle doit face à une pollution importante 154 Géographie

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Doc. 12 Ce texte caractérise l’ampleur de l’Exposition universelle de Shanghai. On peut saisir les modalités de son organisation, ainsi que les ordres de grandeur qui permettent de quantifier les enjeux économiques. Il faut par ailleurs saisir que cette Exposition universelle a permis la construction de nouvelles infrastructures : le terminal de l’aéroport intérieur de Hongqiao (40 millions de passagers annuels, pour l’essentiel intérieurs) ; les lignes de métro 7, 8 et 13 construites pour connecter le quartier au reste de la ville, ainsi que la prolongation des lignes 2, 9, 10 et 11.

intéressantes car elles sont soit trop chères dans des zones proches, soit bon marché mais peu dynamiques car trop éloignées du centre de Shanghai. Dans cette situation, on comprend que le prix des biens immobiliers risque de connaître un phénomène de spéculation-surévaluation, préalable à une crise immobilière et financière importante. Le scénario à l’américaine évoqué dans les premières lignes fait référence à la crise des subprimes pour souligner les mécanismes de spéculation et de surévaluation des prix immobiliers. Doc. 15 Cette rue se situe à proximité de l’axe de Taikang Road, sur la rive gauche du centre-ville, dans le quartier de l’ancienne concession française. C’est un îlot d’immeubles accessible par des ruelles qui sont pour l’essentiel piétonnes. Cet îlot, comme d’autres espaces anciens, a connu une profonde revalorisation. En effet, Taikang Road abrite un marché alimentaire destiné aux particuliers, sous la forme de halles et d’échoppes. Par ailleurs, les enseignes visibles sur la photographie donnent à voir la multiplication des enseignes de commerces de bouche (terrasses de café et restaurant au premier et au second plan). De même, dans les espaces proches, de nombreux commerces indépendants ont ouvert, sur la thématique de la décoration intérieur et de la mode vestimentaire. La gentrification est ici le terme adéquat pour désigner le processus à l’œuvre, puisque les populations visibles sur l’image viennent manifestement fréquenter le lieu en tant que clients, et non comme travailleurs, relevant des classes moyennes urbaines, voire de touristes.

C Le rayonnement des activités de finance

Doc. 13 Ce document permet de mesurer l’importance de la place boursière de Shanghai. La capitalisation boursière est le premier moyen de classer les bourses en utilisant cet indice qui calcule le montant total des actions mises en circulation des sociétés inscrites dans une place boursière. La carte permet de constater que Shanghai apparaît comme la quatrième place boursière mondiale en termes de capitalisation, derrière les deux bourses américaines du NYSE (place traditionnelle de l’indice Dow Jones des grandes entreprises cotées à la bourse de Wall  Street) et du NASDAQ (place spécialisée dans les technologies naissantes), ainsi que Tokyo. Elle devance les places de Londres et de Paris, et l’on peut également souligner que la Chine compte trois places boursières de première importance (avec Hong  Kong, et Shenzhen). L’histogramme situé en bas du document permet d’apprécier d’une autre manière le dynamisme d’une place boursière, il consiste à mesurer le gain cumulé des valeurs entre le 1er  janvier et la fin du mois de décembre d’une année. Ainsi, on peut lire que la bourse de Shanghai n’est pas nécessairement la plus performante au monde, mais tout de même à la cinquième place avec une progression très forte (+ 21 % en un an).

Doc. 1 Au premier plan cette photographie, on peut voir l’aménagement des promenades piétonnes caractéristiques des projets urbains liés à la métropolisation. Cette photographie permet aussi d’identifier, au second plan, l’un des fronts de mer (waterfront) les plus célèbres actuellement : les silhouettes de la Tour de la Perle d’Orient, du Shanghai World Financial Center et de la Shanghai Tower sont parmi les bâtiments les plus emblématiques, l’un construit au début de l’affirmation métropolitaine de la ville, les deux autres à la fin de la période de très forte croissance de la ville. Cet espace prend place dans la boucle du Huangpu, sur la rive opposée à la vieille ville chinoise et remplace une zone basse qui était caractérisée par les activités industrielles et les entrepôts jusqu’aux années 1990. En arrière-plan, à droite derrière les grattes ciels, on entrevoit le district résidentiel de Lujiazui, l’un des espaces d’extension du centre de la métropole. La photographie a été prise depuis le Bund, ancien front de mer hérité de la période coloniale.

Doc. 14 Cet article traite des dangers de l’attractivité financière de Shanghai : les investisseurs internationaux, mais aussi nationaux placent de grandes quantités d’argent dans les bourses et dans la construction immobilière. Les mécanismes de crise dans ces deux domaines ne sont pas difficiles à saisir, si l’on comprend que les activités en Chine connaissent un ralentissement réel, alors que la croissance avait été très soutenue pendant près de deux décennies. Ainsi, lorsque les profits sont potentiellement moins importants dans l’industrie, les investisseurs recherchent alors d’autres placements lucratifs, notamment dans la finance. Le lien avec l’immobilier repose sur le fait que les autorités chinoises ont favorisé la construction en masse de logements, à la fois dans l’agglomération, mais aussi dans les villes moyennes de la province en octroyant des conditions de crédit facilitées, rendant les prix attractifs. Les perspectives de plus-value à la revente ont encouragé les investisseurs à placer des capitaux dans de nouveaux chantiers, alors que l’on comprend que les nouvelles constructions sont de moins en moins

causée par ses industries. La progression des activités de pointe tend à favoriser le départ des activités les plus polluantes, bien que le développement des activités tertiaires et des populations aisées s’accompagne la plupart du temps d’un accroissement des transports, générateur d’autres pollutions. Activité Bilan Shanghai a fondé son dynamisme sur le développement d’activités industrielles qui travaillent au service des entreprises étrangères. Des zones spécialisées dans la métropole permettent d’ancrer les activités et de dynamiser l’emploi, en donnant du travail aux nombreuses populations migrantes nationales, mais aussi expatriées. Grâce à l’aménagement réalisé sur le site du port de Yangshan, Shanghai a pu aussi conforter son rôle de premier plan dans le domaine des échanges de marchandises reliant l’arrière-pays chinois au reste du monde. Shanghai est également une ville qui gagne en importance en tant que métropole de rang international : les activités sont de plus en plus orientées vers des services, et des tâches nécessitant des compétences, des connaissances de haut niveau. La recherche et le soutien aux activités des entreprises comptent de plus en plus comme des piliers de l’économie de la ville. Enfin, les industries modernes tendent à remplacer les anciennes activités et à les repousser plus loin vers l’intérieur des terres : la pollution produite par les activités classiques est de plus en plus prise en compte par la municipalité, même si la transformation des normes se fait à un rythme très lent.

et des activités tertiaires

Analyser les documents 11. Le waterfront est un signe double de puissance pour une métropole : à la fois par le biais de l’architecture verticale généralisée, signe d’une économie puissante. Mais aussi par la rénovation des quartiers qui ancre la modernité dans l’espace urbain. Ces éléments sont aussi en scène par le biais d’une promenade destinée aux promeneurs, aux touristes. 12. Au premier plan, on peut voir le tourisme que produit le waterfront. Les activités qui sont représentées au second plan correspondent à la finance et la banque, ainsi qu’aux activités tertiaires dans un sens plus large. 13. La finance est un secteur clé de l’attractivité de la ville, à la fois en attirant des capitaux et des investissements sur son territoire, mais aussi en conférant à la ville une importance majeure sur le territoire chinois en concentrant les capitaux. Du point de vue de l’emploi, la finance attire des travailleurs nombreux qui correspondent à des catégories très aisées, consommatrices et attractives. Néanmoins, c’est aussi un secteur porteur d’instabilités : la ville est en partie dépendante des activités boursières, une grave crise pourrait remettre en cause son dynamisme. Enfin, la spéculation immobilière est en partie produite par l’activité 4. La Chine : des recompositions spatiales multiples 155

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financière de la ville, ce qui a pour effet d’accroître les inégalités en matière de logement (les prix surévalués pèsent sur les finances de la classe moyenne). 14. La ville a connu une ouverture importante sur le monde grâce à l’organisation de l’Exposition universelle de 2010. L’ampleur de l’événement a mis Shanghai en avant dans les médias internationaux et les travaux occasionnés ont permis d’amplifier ses capacités d’accueil touristique. 15. L’ouverture internationale de la ville permet de mener de nombreuses opérations de renouvellement (constructions), et d’extension des réseaux (métros, transports en commun). Par ailleurs, la mise en valeur des espaces anciens, notamment le centre historique, permet de l’entretenir et de la mettre en valeur en le patrimonialisant. Activité Bilan Les activités tertiaires de Shanghai ont généré un grand nombre de transformations qui font de la ville une métropole moderne et attractive à l’échelle internationale. En effet, la finance a permis de dynamiser le secteur de la

construction immobilière, en implantant à la fois de nombreux immeubles, créant ainsi un waterfront reconnaissable pour les touristes, et assimilé à l’attractivité de la ville, mais aussi en permettant de construire de nouveaux quartiers et des villes nouvelles qui accompagnent la croissance de la population. La finance a par ailleurs permis de faire de Shanghai l’une des grandes métropoles mondiale, grâce aux activités bancaires et boursières qu’elle accueille. C’est le principal centre boursier chinois, le quatrième dans le monde. Néanmoins, cette finance génère des risques importants de spéculations, et expose la ville à des crises internationales de plus en plus fréquentes. Enfin, la tertiarisation des activités a été plus générale dans la ville de Shanghai, en accompagnant les transformations de ses systèmes productifs : elle est de plus en plus tournée vers des activités abstraites, de recherche et des industries de pointe, tout en s’ouvrant de plus en plus au tourisme et à la culture comme lors de l’organisation de l’exposition universelle de 2010.

capacités et méthodes

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Dossier Confronter le savoir acquis en géographie avec ce qui est entendu, lu et vécu

1. Les termes clés de l’article sont la notion de puissance via un événement de portée mondiale, la modernité est un élément associé à la puissance, que ce soit pour le thème de l’Exposition universelle, ou pour la modernité des équipements construits (métro, aéroport). ; un événement qui bat des records, d’affluence (70 millions), de coûts (44 milliards d’euros), de pays représentés (192 États, soit presque tous les États du monde). 2. Le document confirme le fait que Shanghai est bien l’une des toutes premières métropoles du pays. La Chine exprime sa place de grande puissance grâce à des événements majeurs et de taille exceptionnelle. Le document peut être mieux compris lorsque l’on sait également que cet événement fait directement suite à la tenue des jeux Olympiques de Pékin de 2008 et à une décennie croissance économique et sociale. 3. Cet article permet de mettre en avant le fait que les transformations qui accompagnent le développement de Shanghai ne se jouent pas directement à l’échelle locale, ni nationale, mais à l’échelle internationale : la réputation de la ville est caractérisée par son rayonnement en tant que grande ville mondiale, et non comme capitale économique et financière de la Chine. dossier

2

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Les enjeux territoriaux des nouvelles routes de la Soie A Améliorer l’ouverture de la Chine

au reste du monde

Doc. 1 L’Unesco a réalisé un rapport d’évaluation pour plusieurs itinéraires d’échanges des anciennes routes de la Soie : ici, les trajets Chang’an (district de Xi’an en Chine, ancienne capitale impériale) – Tian-chant (république kirghize, sur la route de Samarcande). Il s’agit ici d’évaluer leur intérêt au titre d’un classement au patrimoine mondial de l’Unesco. On saisit alors bien l’intérêt du document qui remet en contexte l’importance des routes de la soie du point de vue de la durée des échanges, de leur ancienneté, ainsi que de la longueur des itinéraires. Le document permet enfin de mettre en valeur l’intérêt des routes de la soie du point de vue des relations culturelles entre la Chine, l’Europe et l’Asie centrale : bétails, fourrures, pierres précieuses, ivoire et soie, mais aussi diffusion du bouddhisme. Doc. 2 Cet article montre les intentions de la Chine au sujet du projet de nouvelles routes de la Soie : il s’agit 156 Géographie

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pour l’essentiel d’un projet centré sur une action logistique de mise en connexion des réseaux de transports, depuis et vers la Chine, et vers l’Europe, ainsi que vers de nombreux itinéraires d’échanges intermédiaires en Asie centrale, dans le golfe Persique, en Afrique. Dans le document, les projets consistent pour la Chine à participer pour tout ou partie au financement d’infrastructures modernes qui favoriseront l’accroissement des échanges commerciaux en diversifiant les itinéraires. Le principal intérêt du projet place la Chine au centre des échanges, mais également des dispositifs de financements. Doc. 3 Cette carte permet de distinguer la diversité des modes de transports proposés par les nouvelles routes de la Soie : chemin de fer, mais également voies routières et maritimes. Les échanges ferroviaires connectent directement le réseau chinois au réseau de la Russie, puis à celui de l’Europe, en choisissant un nombre limité d’États afin de minimiser les ruptures de charges (ex. problématique d’écartement des voies entre les différents États d’Asie Centrale). Du point de vue des routes, les itinéraires permettent également d’interconnecter les grandes villes du sud de l’Asie. Enfin, les voies maritimes paraissent plus classiques, mais on voit ici qu’elles s’appuient sur un réseau de bases navales chinoises qui permettent de viabiliser et sécuriser les échanges. La densité du nombre de bases à l’est (golfe du Bengale et mer de Chine méridionale) et à l’ouest (Corne de l’Afrique) permet à la Chine d’assurer une présence face aux risques de piraterie, localisés principalement autour du détroit de Malacca, et des côtes d’Éthiopie. Cela rappelle l’expression du « collier de perles » chinois, utilisée depuis 2004 par le département d’État américain en vue de définir la stratégie adoptée par la Chine pour sécuriser les approvisionnements énergétiques, mais aussi encercler, par ses bases navales, le territoire indien. La plus ou moins grande véracité de cette stratégie révèle néanmoins l’ambiguïté des actions chinoises envers ses voisins. Doc. 4 Ce document permet de cibler les enjeux de l’établissement de liaisons logistiques terrestres régulières entre la Chine et l’Europe. D’une part, la question de l’interconnexion des réseaux ferroviaires entre les pays européens est centrale, et permet de comprendre que l’essentiel des efforts sont à produire dans l’établissement de liaisons entre la Chine et l’Asie Centrale. D’autre part, on saisit qu’en comparant l’ampleur des flux qui quittent les ports chinois, les convois ferroviaires ne sont pas destinés à supplanter le trafic maritime. La comparaison permise par la carte de ce document fait en effet apparaître que le chemin de fer possède un avantage particulier car 4. La Chine : des recompositions spatiales multiples 157

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il permet l’acheminement rapide de produits dans des quantités importantes, pour un coût maîtrisé. La différenciation des offres aériennes, ferroviaires et maritimes permet ainsi de proposer, selon les marchandises exportées des avantages propres combinant durée, volumes et coûts. Par exemple les produits de luxe ou à prix élevés pourront plus facilement et rapidement transiter par trains, tandis que les productions bon-marché resteront destinées à la navigation maritime. Doc. 5 Cette photographie correspond à l’extrême ouest de la province du Xinjiang (pont de Guozigou), destiné à ouvrir les relations vers le Kazakhstan, en particulier sa plus grande ville, Almaty. Il s’agit d’ouvrages techniques qui permettent le franchissement de reliefs de la chaîne du Tian Shan (Tia-chant, cf. Doc. 1) par des circulations rapides autoroutières. Le pont de Guozigou a été construit en 2011, et est suspendu à 180  m de haut, et correspond à la traversée de l’axe G30, long de 4 200 km de long qui relie l’est à l’ouest du territoire chinois. Cette portion autoroutière a une dimension spectaculaire car, à cet endroit, l’autoroute réalise une boucle pour permettre de vaincre la pente (progression de 1 200 m en 40 km de distance). Le pont fait partie des plus grands ponts suspendus au monde. Cet axe routier est également doublé d’une liaison ferroviaire dont le point de passage à Korgas a été inauguré en 2012, et constitue l’un des points de passage clé vers l’Europe à travers le Kazakhstan. Analyser les documents 1. Les anciennes routes de la soie ont été porteuses d’échanges commerciaux, culturels et religieux. Les échanges ont permis à des régions de l’Asie centrale de s’enrichir pendant plusieurs siècles, et de s’ouvrir sur le reste du monde. Par ailleurs, ces routes ont été des axes de transport, permettant un désenclavement et une urbanisation assez importante. 2. La Chine se positionne comme le centre d’une série de nouvelles routes de la Soie, en se plaçant à la fois comme point de départ, mais aussi d’arrivée des marchandises. C’est aussi un acteur clé pour le financement des infrastructures nécessaires pour ces échanges. 3. L’Europe et la Chine sont aujourd’hui reliées directement par voie maritime et aérienne. Le projet OBOR vise à établir des relations directes et régulières en train, en empruntant des chemins de fer. 4. Les projets de corridor permettent à la Chine de disposer de nouvelles infrastructures d’échanges par le biais d’autoroutes, mais aussi de lignes ferroviaires rapides. Ce sont des équipements clés pour desservir tout l’ouest du territoire chinois depuis la façade littorale. 5. Les routes terrestres posent des problèmes à deux échelles. D’une part, les tracés nécessitent de nombreux aménagements pour traverser les montagnes et les 158 Géographie

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déserts. D’autre part, les cartes montrent que les routes terrestres nécessiteraient de traverser l’Iran, pays qui pose de nombreux problèmes géopolitiques pour le commerce mondial. Activité bilan Les nouvelles routes de la Soie projetées par la Chine correspondent à un ensemble d’itinéraires principalement terrestres pour relier l’Europe à la Chine. Par liaisons ferroviaires et routières, ces trajets permettraient de relier plus rapidement les deux pôles économiques pour des coûts inférieurs à l’avion, mais dans des volumes plus importants. Toutefois, ces échanges ne remettent pas en cause les voies maritimes empruntées par la majorité des produits qui circulent entre la Chine et l’Europe : les coûts restent très faibles par la mer, et les équipements sont déjà en grande partie réalisés. Mais, la Chine prévoit d’augmenter et de renforcer les équipements afin d’assurer la sécurité de ses approvisionnements. B Les routes de la Soie, une colonne

vertébrale du développement intérieur chinois ?

Doc. 6 Cette carte permet de mettre en relation deux équipements clés de la modernisation des villes chinoises : les lignes à grande vitesse et le métro. Ici, seul l’est du pays est cartographié : l’essentiel de ces équipements se situent encore sur cette portion du territoire. Le nombre de villes équipées d’un métro est d’une trentaine à la fin de l’année 2018. L’intérêt principal de la carte réside dans l’importance du maillage ferroviaire de lignes à grande vitesse sur cette partie du territoire : les lignes existantes relient les principales grandes villes (Pékin, Shanghai, Chongqing, Canton, Xi’an…) ainsi que l’ouest vers Urumqi, capitale de la province autonome du Xinjiang. Les lignes dessinent un maillage déjà important pour des trains circulant à plus de 250 km/h. Le dernier intérêt de la carte réside dans l’ampleur des lignes en projet, permettant de relier également les villes de province à province. Doc. 7 Ce document permet d’aborder la double problématique de l’équipement/désenclavement et de l’intégration du Xinjiang. Le Xinjiang est une province récemment intégrée à la Chine (xviiie siècle), peuplée traditionnellement d’Ouïgours musulmans. La province a été identifiée comme stratégique dès 1949 (mais autonome en 1955), et a fait l’objet de politique de colonisation massive, si bien que les Hans représentent aujourd’hui près de 40 % de la population. L’équipement de la province est passé par le développement d’industries lourdes sous Mao, et par l’octroi de terres confisquées, à destination de colons Hans. Depuis les années 1980, le Xinjiang bénéficie d’un fléchage favorable des investissements venant de l’est du pays ou de l’étranger :

transports, mais aussi universités, industries, classant la province 18e  (sur 34) à l’échelle du territoire chinois en termes de PIB par habitant. La province s’appuie donc sur l’industrie et les transports pour asseoir sa croissance, bien qu’elle semble profondément fracturée entre les deux ethnies principales. On pourra d’ailleurs souligner que cette question est de plus en plus aigüe pour le gouvernement chinois, qui fait face à un mouvement séparatiste actif et violent depuis les années 1980‑90 (révolte urbaine en 1997, attentats et assassinats en 2008 et 2009) et qu’il réprime très sévèrement. Doc. 8 Cet article de blog met en avant l’expérience de touristes étrangers le long des routes de la Soie : il s’agit d’un exemple représentatif des pratiques itinérantes reliant les points les plus renommés, en partant des régions est vers l’ouest. La ville de Xi’an constitue le point de départ de cet itinéraire, en tant qu’ancienne capitale impériale de la dynastie Qin. La ville est notamment connue pour le mausolée de l’empereur Qin Shi Huangdi, enterré avec une armée de 8 000 soldats en terre cuite. La ville constitue le point de départ historique des échanges vers l’ouest, et les « odeurs de mouton grillé » rappellent l’importance des communautés musulmanes, minoritaires au Shaanxi mais majoritaires dans la province voisine du Ningxia. L’article ne donne pas d’autres détails mais décrit de manière suffisamment claire la portée symbolique de cette étape dans la valorisation de l’itinéraire des anciennes routes de la Soie en tant qu’expérience touristique. Il permet également de comprendre que les trajets de ce type ne sont manifestement pas organisés de manière très cadrée, les touristes réalisent donc des périples de manière autonome (en auto-stop), et à travers plusieurs États du Sud-Est asiatique. Doc. 9 Le port de Beihai est ici photographiée en vue plongeante. Il s’agit du principal port de la province du Guangxi, à l’extrême sud du littoral chinois. La ville est connue pour avoir été l’une des villes attractives marchandes ouvertes sur la mer dans la Chine traditionnelle. La place du port de Beihai est importante sur le territoire, en tant que l’une des villes ouvertes à partir de 1984. Depuis, la réputation commerciale de la ville a été diffusée par l’image de ville spécialisée dans le commerce de gros, destiné aux marchés occidentaux de Noël par exemple. Le port laisse apparaître une impression d’important désordre dans l’organisation des navires et cargos. La diversité des tailles des embarcations qui se côtoient (jonques à droite, cargos à gauche, navires de croisière-tourisme au centre) renforce ce sentiment. L’exiguïté des installations portuaires (on ne distingue pas d’infrastructure de grande dimension comme pour Yangshan) achève de donner cette image d’équipement en attente de modernisation. Cette modernisation est toutefois en cours, puisque la ville est considérée comme

l’une des clés des routes maritimes de la soie et destinée à accueillir un port à conteneurs moderne. Doc. 10 Cet article fait référence aux différents acteurs clés du financement des infrastructures de transports des nouvelles routes de la Soie et permet d’interroger la géopolitique régionale dont la Chine est de plus en plus l’élément clé. L’AIIB est la banque asiatique d’investissements créée par la Chine en 2013 et ne doit pas être confondue avec la Banque asiatique de développement (BAD-ADB) créée en 1966. L’AIIB est destinée à faire concurrence à la Banque mondiale et à la BAD-ADB où le poids des États-Unis est jugé trop important. En effet, ces deux institutions financières ont pour rôle de financer des projets de développement où les petits pays n’ont que peu de poids en matière de prise de décision. C’est donc pour échapper à l’influence américaine (et japonaise) que la Chine a structuré cet outil financier destiné à lever les fonds nécessaires à la construction des infrastructures des nouvelles routes de la Soie dans les pays voisins. Le mécanisme est le même pour l’institution New Development Bank, créée en 2015 par les BRICS, et visant à rendre les pays en développement moins dépendants des chocs financiers liés aux ÉtatsUnis. On comprend ainsi les dernières lignes du texte, relatifs aux doutes sur les capacités financières suffisantes de l’initiative des nouvelles routes de la Soie. D’autres acteurs financiers sont mentionnés : l’Eximbank est la banque publique dédiée au financement des activités d’import-export et la CIC (China Investment Corporation) correspond à un fonds souverain chinois, contrôlé aussi par l’État et qui a le rôle d’intermédiaire auprès d’autres acteurs financiers étrangers pour sélectionner les projets les plus intéressants. Ces acteurs renforcent la puissance capitalistique de l’État chinois. Analyser les documents 6. Ce sont les régions de l’est du territoire chinois qui sont jusqu’à présent les mieux et les plus densément équipées en réseaux de transports modernes. Ces réseaux sont encore destinés à s’accroître à l’avenir. 7. Le Xinjiang représente un avantage important en matière de ressources minières. La situation de cette région permet aussi à la Chine d’établir des relations qui permettront de sécuriser les approvisionnements en hydrocarbures venant du Moyen-Orient. 8. Les transports mettent en valeur ces régions de l’intérieur en permettant aux activités de se développer plus facilement : les axes d’échanges permettent à de nouvelles industries de s’implanter. La construction des équipements génère également des emplois pour de nombreuses populations. Enfin, le désenclavement permet d’augmenter la fréquentation touristique des régions qui ont connu les échanges via les anciennes routes de la Soie. 4. La Chine : des recompositions spatiales multiples 159

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9. Le financement des nouvelles routes de la Soie est assuré par une série de prêts, accordés par la Banque asiatique d’investissements, la Banque d’investissements des BRICS ainsi que par des banques associées à l’État chinois. 10. Les financements sont impulsés par l’État chinois, entouré des banques spécifiques créés pour ce type d’activités. Par ailleurs, on retrouve également les BRICS, en tant que pays émergents à l’échelle internationale. C’est de l’argent public a priori, mais il est possible de voir apparaître des investisseurs privés pour compléter les financements. 11. Les littoraux poursuivront sans doute leur développement en profitant des échanges permis par l’ouest. De ce point de vue, l’ouest pourrait devenir de plus en plus intégré et commandé par les régions de l’est qui aura davantage de capitaux et de compétences pour organiser le développement et l’accroissement des activités de l’ouest. Activité bilan Les programmes des nouvelles routes de la Soie ont des objectifs multiples pour le territoire chinois. Tout d’abord, ce sont des infrastructures terrestres et maritimes qui permettront à la Chine de sécuriser ses approvisionnements en matières premières, notamment en énergies pour les régions de l’est qui sont actuellement les zones les plus productives du pays. Ensuite, ces infrastructures doivent permettre de diversifier les voies d’approvisionnement et d’expéditions, en trouvant des solutions terrestres rapides et économiques (routes, chemins de fer) tout en diversifiant les partenaires économiques de la Chine, notamment en Asie centrale. Enfin, ces projets doivent apporter pour les régions traversées de l’ouest de grands équipements qui sont censés permettre un rééquilibrage du développement régional du territoire chinois. C Des infrastructures pour rééquilibrer

le développement sur le territoire

Doc. 11 Ce document présente sous la forme d’un tableau les données relatives au PIB par habitant et à la croissance économique pour l’année 2017 des 34 provinces du territoire chinois. Il faut cependant noter que le niveau de richesse exprimé par le PIB par habitant ne correspond pas au seul indicateur du niveau de vie des populations et n’indique ni le niveau des inégalités, ni celui du développement socio-économique. Ainsi, la Mongolie-Intérieure semble favorisée, alors que c’est avant tout une province pauvre mais dont l’économie est caractérisée par l’extraction de métaux et par la valorisation des terres rares. Le tableau suit le classement décroissant des niveaux de croissance du PIB. La comparaison littoral/arrière-pays laisse apparaître des inégalités flagrantes : la plupart des provinces de la côte ont un niveau de richesse supérieur aux provinces de l’intérieur, 160 Géographie

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exceptées les provinces du Guangxi (extrême sud du littoral), du Hainan (ancienne île marginale du territoire), du Liaoning et du Hebei (littoraux Nord, sous l’attraction de Pékin-Tianjin). Les niveaux de PIB par habitant de Pékin, Shanghai et Tianjin (environ 18  000 à 20  000  $/ hab) correspondent à des niveaux comparables aux pays d’Europe centrale et orientale. En comparant ces données avec les provinces de l’intérieur, on perçoit le décalage d’accumulation de richesses : la moyenne du littoral est quasiment deux fois plus forte que celle de l’intérieur, et le ratio entre la plus riche et la plus pauvre est de 1 à 5. Du point de vue de la croissance, on note globalement que les taux de croissance économique les plus importants sont en majorité localisés dans l’Ouest, effet du rattrapage économique partiel que connaissent ces régions face au littoral. Doc. 12 Le document évoque le village de Wuyuan, situé dans la province du Jiangxi. L’intérêt principal de ce document réside dans la confrontation sur plusieurs registres des enjeux qui se dessinent via l’activité touristique de cette région. Tout d’abord, on perçoit que ces activités se développent dans des régions qui sont pour l’essentiel définies comme des espaces ruraux. Ici, les paysages de campagnes, les activités agricoles et la ruralité sont mis en avant pour des touristes dont l’origine est étrangère (site touristique en langue française). Ensuite, cette région est pour l’essentiel définie sous l’angle d’une ruralité authentique, préservée à la fois de l’urbanisation, de la modernité et même du développement. L’image « arriérée » de cette campagne est ainsi paradoxalement mise en avant pour rendre attractif le territoire pour des touristes étrangers en quête d’originalité sur le sol chinois. Enfin, le paradoxe déjà soulevé est plus important encore lorsque l’on lit attentivement le dernier paragraphe, relatif à l’accessibilité de la zone : c’est une région proche des zones côtières (le Jiangxi n’est pas localisé dans les provinces les plus à l’Ouest du pays), et desservi par une ligne à grande vitesse. Doc. 13 Cette carte présente la dimension stratégique des actions réalisées vers l’intérieur du territoire. Les deux pôles de Xi’an et Chongqing sont stratégiques pour relayer la croissance chinoise vers l’intérieur. Ces deux villes sont associées aux villes prioritaires, destinées à capter les investissements à venir. Le reste de la carte permet de mettre en avant les éléments suivants relatifs à une intégration régionale sur le territoire chinois, en faisant des liens entre les différentes parties de la légende : les pôles littoraux correspondent pour l’essentiel en des points d’ouverture et d’impulsion qui doivent être développés soit le long des grands bassins versants (Yangzi, Huang He au Nord, Xijiang au Sud), soit le long de grands corridors de transports et logistiques (gazoducs, axes ferroviaires majeurs, grandes autoroutes).

Doc. 14 Cet article permet d’aborder les risques relatifs au financement des opérations d’équipements labellisés « une ceinture une route ». En effet, les opérations sont réalisées et financées en Chine, mais aussi dans les États clients de la Chine. Les infrastructures portuaires, ferroviaires, aériennes sont ainsi prioritairement concernées. Les financements chinois ont pu paraître une solution efficace pour améliorer la connectivité des régions en développement. Ainsi, le Sierra Leone et le Kenya sont cités comme des situations exemplaires de l’évolution des relations entre la Chine et l’Afrique : le développement des nouvelles routes de la Soie trouve sa justification dans le renforcement des liens commerciaux entre la Chine et ses partenaires, mais il s’accompagne également d’une situation de dépendance car la Chine devient le créancier des mêmes partenaires, risquant d’accroître leur endettement. L’article fait directement écho au Doc. 10 lorsqu’étaient évoquées la recherche d’une plus grande souplesse dans le financement des infrastructures, ce qui semble se retourner contre les États demandeurs. Par ailleurs, l’article fait ressortir que la Chine utilise directement les chantiers de constructions afin de procurer une activité à un certain nombre de travailleurs de son propre pays (« …discrimination dont les employés locaux font l’objet… »). Enfin, le texte permet de souligner le fait que l’endettement produit par ces projets reste en dernier ressort payé par les populations des pays pauvres en question. Doc. 15 Cet article met en avant la question des intérêts représentés par le développement des nouvelles routes de la Soie. Il s’agit ici de l’analyse portée par une chercheuse en sciences politiques qui interroge les intérêts d’une Chine émergente. Ainsi, le projet apparaît comme un outil mobilisé afin d’accroître son influence, mais aussi de garantir sa stabilité politique : les nouvelles routes de la Soie s’accompagnent de grands chantiers d’équipement, que ce soit dans les provinces intérieures (lutte contre les inégalités intérieures, amélioration des conditions de vie) ou à l’extérieur (marchés de construction et de travaux publics pour les grands groupes chinois, assurant profits et travail pour la main d’œuvre nationale). Les

propos de la chercheuse font directement le lien entre la baisse de la croissance économique survenue ces dernières années, avec la nécessité d’assurer le maintien de l’activité sur le territoire. Analyser les documents 12. Le Jiangxi est une province située à proximité du littoral chinois, sur la moitié est. Ce n’est donc pas une province littorale mais, d’après le Doc. 11, c’est la 9e province de l’intérieur en termes de PIB par habitant, et la 20e si l’on tient compte des deux séries. Néanmoins, c’est l’une des 10 régions les plus actives, avec un taux de croissance économique d’au moins 8 % de son PIB pour l’année 2017. 13. Les infrastructures de transports permettent de relier le Jiangxi au reste du territoire chinois, et donc de participer à la venue des touristes pour des activités de tourisme vert. 14. Le gouvernement chinois peut tirer profit de l’équipement des provinces de l’ouest et de l’intérieur grâce à l’amélioration des conditions de vie que cela génère pour les populations locales. Par ailleurs, dans un contexte de plus faible croissance, ces grands travaux permettront d’alimenter le marché de l’emploi et d’assurer un bon niveau d’activité et de contentement de la part de la population. 15. Les projets des nouvelles routes de la Soie permettent à la Chine de tisser des relations de dépendance avec les pays qui sollicitent un financement d’équipements. Elle devient en effet un créancier en accordant le prêt pour financer les équipements, mais les avantages sont plus importants encore lorsque le chantier est réalisé par des entreprises chinoises, avec une main d’œuvre chinoise. Enfin, ces équipements sont, à terme, destinés à accroître les échanges avec ces pays, donc cela profitera au pays. 16. Cette relation s’avère être une dépendance financière pour les pays endettés, qui n’ont plus le choix de rembourser les équipements proposés par la Chine. Enfin, la Chine semble avoir tendance à favoriser l’emploi de ses propres firmes, ainsi que de sa main d’œuvre pour la construction et l’exploitation des équipements construits.

4. La Chine : des recompositions spatiales multiples 161

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Sujet d’étude Utiliser l’échelle appropriée pour étudier un phénomène

1. Le document aborde le sujet de la construction des équipements des nouvelles routes de la Soie par la Chine sur le continent africain, via les exemples du Sierra Leone et du Kenya. On mentionne des entreprises chinoises impliquées dans les chantiers, et l’exploitation des équipements, et plus particulièrement la China Road and Bridge Company dans l’exemple de la ligne de chemin de fer Mombasa-Nairobi. Les questions de l’endettement des pays africains ont été abordées par une étude réalisée par un laboratoire de recherches, John Hopkins SAIS China-Africa Research Initiative. Enfin, les informations relatives aux problèmes de gestion des infrastructures sont collectées et diffusées par des journaux, le quotidien kenyan The Standard, et le journal L’Opinion, d’où est issu le document.

vers le bac Le poids du littoral en Chine

1. Le document est un article de presse publiée sur Internet et datant de février 2019. Il a été publié probablement sur un site officiel même si l’adresse n’est pas affichée. Les informations qui y sont publiées concernent la Chine et sont à destination d’un public francophone. 2. Les acteurs publics organisent et planifient le développement de l’ensemble de la région de la grande baie. Les enjeux concernent le développement économique, industriel et urbain de cette partie de la Chine. Chaque acteur (responsables administratifs de Hong Kong, de la chambre de commerce et de recherches à l’université) a pour rôle de faciliter les dynamiques de croissance sur le territoire. 3. Les espaces concernés par ce projet correspondent aux grandes et moyennes villes de la province du Guangdong (Guangzhou, Shenzhen, Zhuhai, Dongguan, Huizhou, Zhongshan, Foshan, Zhaoqing, et Jiangmen) associées à Hong Kong et Macao. Cela concerne également l’ensemble des espaces ruraux alentours qui sont sous l’influence des villes, et potentiellement touchés par le développement futur des activités grâce au projet de grande baie. 4. Les zones urbaines du littoral chinois concentrent les grandes villes du territoire. Ce sont les pôles urbains littoraux qui ont en effet capté la majeure partie de la croissance économique depuis les années 1980 en développant les activités industrielles. Leur attractivité est aussi démographique : c’est la population des littoraux qui a le plus augmenté ces dernières décennies. Enfin, les villes de la 162 Géographie

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2. a. Les projets des routes de la soie apportent à la Chine plusieurs avantages : ils permettent de construire des infrastructures qui faciliteront le commerce avec les pays d’implantation ; ils permettent également à la Chine de prêter et valoriser des capitaux dont elle dispose ; ils ouvrent de nouveaux marchés de construction et d’exploitation pour les entreprises de construction et de réseaux chinoises, et enfin ils donnent du travail à la main d’œuvre chinoise. b. Les projets comportent néanmoins des inconvénients qui peuvent se transformer en dangers : la dépendance vis-à-vis d’un endettement trop lourd pour des pays pauvres peut aggraver les conditions de vie des populations, ou bien à l’inverse provoquer des situations de pertes pour les capitaux prêtés par la Chine. Plus largement, ce système de financement d’infrastructures peut nuire à l’image de la Chine du point de vue du rôle qu’elle affirme vouloir tenir dans le monde, en tant que partenaire de développement des pays pauvres.

p. 266-267 côte sont aujourd’hui en mesure d’organiser et de poursuivre leur développement économique en organisant de grands ensembles régionaux où apparaissent des activités métropolitaines. Ainsi, la recherche, la finance sont des secteurs clés de leur dynamisme. Les pouvoirs urbains sont très étendus, et permettent de réaliser des aménagements d’échelle régionale. 5. Hong Kong apparaît ici comme un élément moteur de l’organisation de ce projet de grande baie, car c’est la métropole principale de cet ensemble régional. Que ce soit du point de vue des pouvoirs politiques (responsable exécutif), économiques (chambre de commerce) ou de la recherche, ce sont des acteurs Hong  Kongais qui sont avant tout consultés par les médias. L’ensemble des aménagements projetés devraient produire un accroissement du rayonnement territorial de Hong Kong à l’avenir.

faites en bambou et poussées par des guides, et sur lesquelles sont assis des touristes abrités par des parasols. 2. E. Veron développe l’idée que les campagnes chinoises sont profondément transformées par l’activité touristique : l’activité agricole peut devenir secondaire car le tourisme permet à des familles entières de vivre des revenus tirés du tourisme. Cela a pour effet de transformer les paysages, mais aussi le cadre de vie et la culture des espaces ruraux, en remettant au goût du jour un folklore, ou en préservant des éléments de l’identité rurale redéfinie. D’après l’auteur, le tourisme a pour effet de transformer les campagnes d’un point de vue matériel, mais aussi du point de vue des représentations (le « regard ») qui lui sont associées. 3. Le Doc. 2 fait écho au premier : les similitudes sont clairement plus nombreuses que les différences : ––Les villages de Fuli et de Xingping proposent des activités qui sont spécialement destinées aux touristes, ou bien qui ne sont pas directement tournées vers les activités traditionnelles agricoles : fabrication d’éventails en papier peint, promenade sur des radeaux de bambou. ––La conséquence est qu’une partie au moins de la population de ces villages travaille à l’accueil des touristes pour produire, mais aussi enseigner la fabrication des éventails, ou proposer des croisières. ––La rue de l’ouest de Xijie est un lieu mis en valeur pour son architecture « traditionnelle ». Les commerces de cette rue, des « échoppes occidentales », représentent selon le site une « pause européenne » pour les visiteurs qui seraient trop dépaysés par une « campagne chinoise profonde » (sous-entendu péjoratif). ––La principale différence avec le texte d’E. Véron réside dans le fait que le texte publicitaire ne mentionne à

aucun moment les activités agricoles. Les paysages de « pains de sucre » (visibles sur la photographie) représentent des collines, essentiellement couvertes de forêts. L’identité agricole est donc effacée par une image de nature renforcée. 4. Concrètement, les espaces ruraux parcourus par les touristes le sont essentiellement sous la forme d’excursions. Les touristes se déplacent en étant accompagnés de guides, qui les mènent à destination, et leur présentent les lieux et activités à faire. Sur place, les touristes peuvent se promener, déambuler dans les villages. Plus généralement, ces espaces ruraux sont pratiqués sous la forme de visites (architecture), activités pratiques (confections d’éventails), consommation (échoppes dans les rues commerçantes), mais aussi activités contemplatives (admiration du paysage en croisière). 5. Entre les espaces ruraux et urbains se développent des interactions où les campagnes vivent de plus en plus sous l’influence des villes. D’une part, les villes émettent des flux de touristes, consommateurs d’activités que les campagnes développent. Ainsi, l’économie rurale se transforme, en étant moins agricole et plus touristique. Cette influence se mue aussi en une certaine dépendance, puisque cette activité peut devenir l’unique source de revenus pour les populations locales. D’autre part, les espaces ruraux et les espaces urbains voient leurs identités se transformer, en particulier celles des campagnes. Celles-ci sont de plus en plus caractérisées par le folklore, des pratiques et un environnement définis comme traditionnels, peu mobiles, alors que la ville est associée à la modernité et à la mobilité.

Le tourisme, révélateur des transformations du territoire chinois

1. Les deux documents sont des textes, tirés de sources différentes Le premier a été rédigé par Emmanuel Véron, dans la revue nommée Perspectives internationales, datée du 20  juin 2013. Il s’agit d’une revue scientifique. Le second document est un texte non signé, daté de février 2019 et tiré d’un site à vocation publicitaire, Chine escapade, dont le but est de proposer des séjours pour des touristes francophones. Le texte est accompagné d’une photographie où l’on distingue des embarcations 4. La Chine : des recompositions spatiales multiples 163

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Enseignement Moral et Civique AXE

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Une diversification des espaces dessocial acteurs de la production Fondements et fragilités duetlien

Présentation de l’axe L’axe 1 du programme invite à interroger les fondements et les fragilités du lien social. Issu de la sociologie, la notion de lien social désigne l’ensemble des appartenances, des affiliations, des relations qui unissent les gens ou les groupes sociaux entre eux. Il recouvre différentes dimensions civile, politique et sociale sur lesquelles repose notre appartenance à une même communauté. Au singulier, le lien social désigne ce qui fait société. Il permet d’assurer la cohésion sociale et l’intégration des individus Ainsi, certains liens sociaux peuvent être affaiblis ou rompus, sans que le lien social ne soit complètement disparu. Il s’agit donc d’en déterminer les fondements qui se sont profondément renouvelés avec le passage d’une société traditionnelle, où une solidarité mécanique (E. Durkheim) garantit une forme de cohésion sociale à une société moderne dans laquelle s’affirme le primat de l’individu (solidarité organique). Il s’agit aussi d’examiner l’idée de « fragilité » : la notion de lien social a été en effet puissamment réinvestie à partir des années 1980, par la sociologie et sur la scène médiatique, en effaçant les thèmes prégnants des années 1970 tels que la domination ou la conflictualité sociale. On parle souvent de « crise du lien social », en raison, par exemple, du déclin de l’autorité (policiers, parents, enseignants, etc.), de l’existence de « ratés » lors du processus de socialisation (faiblesse des liens familiaux, des liens de voisinage  etc.) ; de la difficulté à établir de nouvelles règles de vie commune du fait de l’individualisme croissant, du renforcement des inégalités qui tendent à fracturer la société. Le discours pose alors comme impératif de lutter contre la « crise » de ce lien, de favoriser la « réinsertion » de populations « exclues » ou mal « intégrées », ou encore de restaurer les règles collectives. Il s’agit aussi de comprendre que cette crise du lien social est aussi la rançon de libertés nouvelles. L’individualisation désigne le processus par lequel les individus ont peu à peu acquis une capacité à se définir par eux-mêmes et non en fonction de leur appartenance à telle ou telle entité collective. Les individus se sont émancipés des dépendances qui les liaient étroitement au collectif, qu’il s’agisse de la famille, du clan, de la communauté villageoise ou de la société dans son ensemble. Or, pour un certain nombre d’analystes (dont Ulrich  Beck et Anthony Giddens), la période qui débute dans les années 1960 constitue une nouvelle étape de la modernité, qualifiée selon les cas de modernité « avancée », « tardive » ou 164 Enseignement Moral et Civique

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« réflexive ». Cette « deuxième modernité » est caractérisée par un déclin des formes traditionnelles d’appartenance, par un réexamen et une révision des modèles normatifs et des pratiques sociales et enfin par une remise en cause des rôles sociaux. L’individualisation signifie une extension de la sphère du choix, celui-ci concerne au premier chef les relations que les individus entretiennent entre eux.

L’axe 1 est structuré autour : ––D’une situation problème qui permet d’introduire la question. La crise des gilets jaunes apparait en effet, audelà de son aspect conjoncturel, lié à la hausse de la fiscalité sur les hydrocarbures, comme un mouvement exprimant des revendications plus larges, notamment politiques et sociales. La thématique interroge, « ce qui fait » ou « ce qui ne fait plus société » et peut être questionnée selon une grille historique et sociologique. ––L’élève est invité à choisir deux domaines à traiter, comme le programme demande à le faire. Les domaines sont traités via des objets d’apprentissage inscrits dans le programme qui permettent de comprendre la nature du lien social et sa fragilité. ––Les dossiers documentaires permettent de travailler les notions au programme. La mise en œuvre de ce travail peut prendre des formes variées : guidées (par exemple, pour un travail d’analyse de documents), en autonomie (pour un travail de recherche), en travail individuel ou en travail collectif (avec la possibilité de faire des recherches différenciées et un travail ensuite de présentation à l’oral). ––La mise en œuvre peut conduire à élaborer un projet de l’année. Le choix a été fait d’introduire une certaine progressivité, avec d’abord un premier projet articulé sur des recherches et une première approche de l’argumentation et du débat, pour aller ensuite vers le débat et le travail coopératif. Les démarches proposées et la variété des documents permettent de développer les compétences au programme : ––Savoir exercer son jugement et l’inscrire dans une recherche de vérité ; être capable de mettre à distance ses propres opinions et représentations, comprendre le sens de la complexité des choses, être capable de considérer les autres dans leur diversité et leurs différences. ––Identifier différents types de documents (récits de vie, textes littéraires, œuvres d’art, documents juridiques, textes administratifs,  etc.), les contextualiser, en saisir les statuts, repérer et apprécier les intentions des auteurs.

––Rechercher, collecter, analyser et savoir publier des textes ou témoignages  ; être rigoureux dans ses recherches et ses traitements de l’information. ––S’exprimer en public de manière claire, argumentée, nuancée et posée ; savoir écouter et apprendre à débattre ; respecter la diversité des points de vue. ––Développer des capacités à contribuer à un travail coopératif/collaboratif en groupe, s’impliquer dans un travail en équipe et les projets de classe. Elles permettent aussi de construire les notions au programme : le rapport intérêt général/intérêt particulier ; intégration/exclusion/déclassement ; égalité/équité ; engagement/ abstention. Pour approfondir : ––La revue Lien social et politique est une revue francophone, internationale et pluridisciplinaire, consacrée aux thèmes du lien social, des problèmes sociaux et des politiques publiques. La Revue a pour objet l’analyse des phénomènes sociaux à partir des individus et de leurs pratiques sociales ainsi que des régulations institutionnelles et des interventions. Elle privilégie un questionnement relatif au lien social et aux politiques fondées sur l’observation empirique et sur le sens que les acteurs confèrent à leur expérience. En mettant en perspective et en débat les problèmes de société, la revue est un outil d’analyse et de comparaison des principaux enjeux contemporains en matière de politiques sociales. La Revue est consultable au lien suivant : http://lsp.inrs.ca/ la-revue/ ––Serge  Paugam, Le lien social, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2008. https://journals. openedition.org/lectures/653 ––Pour clarifier certaines notions : ses. Webclass : http:// ses.webclass.fr/

Présentation de la double page d’ouverture p. 268‑269 Compétences associées : ––Savoir exercer son jugement et l’inscrire dans une recherche de vérité ; être capable de mettre à distance ses propres opinions et représentations, comprendre le sens de la complexité des choses, être capable de considérer les autres dans leur diversité et leurs différences. ––Rechercher, collecter, analyser et savoir publier des textes ou témoignages  ; être rigoureux dans ses recherches et ses traitements de l’information. L’ensemble documentaire est constitué : ––D’un document iconographique, avec une photo prise le 1er décembre 2018, lors de la manifestation des Gilets jaunes qui a conduit à la destruction du moule en plâtre d’un des détails du haut relief de l’arc de triomphe. Cette photo, très largement diffusée interroge la violence du mouvement comme catégorie construite.

––D’une vidéo d’un entretien avec Mathilde Larrère, une historienne des révolutions, questionnée par le journal Le Monde. Elle évoque la comparaison de la révolte des Gilets jaunes avec celles du passé et les usages politiques qui sont fait de ces comparaisons. ––D’un extrait du journal Ouest-France constitué de deux avis des lecteurs. Ce journal est un quotidien régional français, édité à Rennes et vendu dans les régions de l’ouest de la France, ainsi qu’à Paris. Il est, depuis 1975, le premier quotidien français en termes de diffusion, avec en moyenne 693 794 exemplaires diffusés chaque jour en 2016. Son site Web consacre une partie spéciale au courrier des lecteurs. Les documents invitent à questionner la représentation médiatique des Gilets jaunes. https://theconversation. com/deux-ou-trois-choses-dont-je-suis-presque-certaina-propos-des-gilets-jaunes-108183 https://larevuedesmedias.ina.fr/gilets-jaunes-les-mediasont-peine-couvrir-le-mouvement-ses-debuts Activités 1. À l’automne 2018 a surgi en France le mouvement social des Gilets jaunes, inédit par sa forme et son contenu. Le mouvement commence le 17 novembre par l’acte 1, journée au cours de laquelle plus de 3 000 sites sont occupés en France. Les Gilets jaunes sont constitués d’une partie des travailleurs salariés appauvris, mais aussi de travailleurs indépendants dont les conditions de revenu et de vie sont contraintes par leur position dominée par des entreprises dont ils sont sous-traitants, ou bien parce qu’ils sont directement menacés par la concurrence. Ce ne sont pas les plus pauvres qui sont mobilisés mais les catégories consolidées des classes populaires : celles qui sont motorisées et qui ont un emploi. C’est donc le cumul des dépenses contraintes, incompressibles, qui explique le mal-être spécifique des populations périurbaines. Leurs revendications sont parties du rejet de l’augmentation des taxes sur les carburants, les revendications se sont ensuite centrées sur quatre thèmes : la critique des inégalités ; l’exigence d’une fiscalité juste ; le besoin de services publics de proximité  ; et un renouveau démocratique. Ces revendications sont exprimées sur deux points de fixation : le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et le référendum d’initiative citoyenne (RIC). La contestation s’organise autour du blocage des routes et des ronds-points et des manifestations tous les samedis. Elle se diffuse par le biais des réseaux sociaux. Lors des rassemblements, le plus souvent non déclarés, plusieurs milliers de personnes sont blessées, aussi bien du côté des manifestants que des forces de l’ordre. Son organisation est très spécifique. Le défaut de coordination, sinon le refus de son principe même, est le 1. Fondements et fragilités du lien social 165

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corollaire de l’extrême méfiance vis-à-vis des corps constitués : partis politiques, syndicats, institutions représentatives parlementaires, presse, critiqués en bloc pour leur supposée (mais souvent vérifiée) allégeance aux pouvoirs économiques et politiques. Le mouvement est d’abord marqué par une importante mobilisation des forces de l’ordre. Des associations, comme Amnesty International, critiquent une conduite inadaptée du maintien de l’ordre et des institutions, comme l’ONU et le Conseil de l’Europe, s’interrogent sur l’usage d’armes (les LBD et les grenades de désencerclement). Puis, lors d’une allocation prononcée le 10 décembre 2018, Emmanuel Macron annonce l’augmentation du revenu d’un travailleur au SMIC de 100  euros par mois dès 2019 « sans qu’il en coûte un euro de plus pour l’employeur », le retour à la défiscalisation des heures supplémentaires, l’annulation de la hausse de la CSG pour les retraites de moins de 2 000 euros par mois et une défiscalisation de la prime de fin d’année dans les entreprises (loi du 24 décembre portant mesures d’urgence économiques et sociales). Un grand débat national est aussi organisé de la midécembre à mi-mars  2019, afin de faire remonter les souhaits des Français. 2. Le Doc. 2 se prête à une analyse de discours tenus sur les gilets jaunes. On y trouve : ––Des faits : les Gilets jaunes occupent des ronds-points (Doc. 2). C’est le thème (ce dont on parle.). ––Des opinions : « j’ajoute qu’on s’achemine vers une ZAD nationale que je qualifie d’anarchie » (Doc. 2). C’est la thèse (l’opinion émise à propos du thème). ––Des arguments, pour convaincre de la validité d’un propos, en essayant d’obtenir l’adhésion). On en distingue de différentes natures : ––l’argument logique (qui fait appel à la raison de l’interlocuteur) ; ––l’argument d’expérience (« l’expérience montre que… ») ; ––l’argument d’autorité qui s’appuie sur une personne célèbre ou reconnue (exemple : « Aristote dit que… », « le journal Le Monde écrit que… », etc.) ; ––l’argument ad hominem qui met en cause la vie privée de l’interlocuteur. Les arguments sont le plus souvent illustrés par des exemples qui rendent le propos plus concret, plus compréhensible, et donc plus efficace. Ces exemples peuvent être tirés de l’expérience personnelle du locuteur (via des anecdotes), mais il peut s’agir aussi d’événements historiques, de données économiques (des statistiques), d’extraits d’œuvres littéraires. Sources pour approfondir : https://france. attac.org/nos-publications/les-possibles/ numero-19-hiver-2019/dossier-des-migrations-etdiscriminations-aux-gilets-jaunes/article/elements-surle-mouvement-social-des-gilets-jaunes 166 Enseignement Moral et Civique

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Domaines Compétences associées : ––Identifier différents types de documents (récits de vie, textes littéraires, œuvres d’art, documents juridiques, textes administratifs, etc.), les contextualiser, en saisir les statuts, repérer et apprécier les intentions des auteurs. ––Rechercher, collecter, analyser et savoir publier des textes ou témoignages ; être rigoureux dans ses recherches et ses traitements de l’information.

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Des fragilités liées aux transformations sociales Présentation de la séquence Les transformations sociales sont ici abordées sous l’angle des mutations du cadre de vie et des inégalités territoriales qu’elles génèrent, notamment la coupure théorisée par Christophe Guilly entre métropoles et périphéries, voire entre villes et zones rurales. La France des métropoles serait le lieu d’excellence des catégories sociales supérieures, tirant parti de la mondialisation, alors que les catégories populaires seraient reléguées en périphérie, au mieux dans des zones à l’habitat pavillonnaire. Cependant, l’analyse en termes de coupure métropoles/ périphéries a été très critiquée. D’abord, la majorité des ouvriers et des employés vivent dans les villes (source : Insee) et les deux tiers des personnes sous le seuil de pauvreté habitent dans les villes. (É.  Charmes, S.  Genevois, Enzo et X. Molénat, D. Béhar, H. Dang-Vu et A. Delpirou).

 résentation de la situation P et des documents Les documents abordent le sujet sous l’angle du vécu de ces inégalités sociales et territoriales et des stratégies territoriales des différents acteurs. Certains sociologues évoquent le passage de la « lutte des classes à la lutte des places » (Michel Lussault). Ainsi, alors que la ville a longtemps généré sa propre sociabilité et une forme d’urbanité, l’étalement et la ségrégation urbaine affaiblissent ce sentiment d’appartenance. Un phénomène contradictoire se déroule actuellement dans les grandes villes occidentales : alors que le tissu associatif se développe à l’échelle des quartiers, le lien social se dilue à l’échelle de la ville. La différenciation territoriale produit une communautarisation territoriale, accentuée par le phénomène d’endogamie sociale, qui veut que le « vivre entre soi » (vivre au sein du même groupe social, culturel, religieux, voire ethnique) assure une protection dans la grande ville, est vécue comme déshumanisante. D’autres éprouvent un sentiment de relégation et d’exclusion.

Doc. 1 Cette caricature de Deligne évoque l’opposition des riverains à la création d’un centre d’hébergement d’urgence dans le XVIe arrondissement de Paris sur le site classé du bois de Boulogne. Ouvert le 5 novembre 2016, le centre, baptisé « La promesse de l’aube », composé de plusieurs modules en bois, long de 196 m pour 8 m de large, est installé dans l’Allée des Fortifications, en lisière du bois de Boulogne à quelques dizaines de mètres d’immeubles cossus. La tension était montée d’un cran en mars 2016, lors d’une réunion publique entre les représentants de l’État et des riverains, qui avait tourné au pugilat. Dans la foulée, le centre avait fait l’objet de deux tentatives ratées d’incendie Doc. 2 Ce document est une analyse géographique des figures métropolitaines. Cet article appréhende la fabrique d’un territoire métropolitain et la complexité de ses formes à partir des pratiques quotidiennes et des représentations de l’espace des habitants périurbains de l’aire urbaine de Tours (491 000 hab. en 2014). Ce travail a débouché sur une typologie de l’habiter péri-urbain. Questionner les documents 1. Il y a d’un côté les habitants du centre-ville : populations aisées, mais aussi SDF ; de l’autre, les habitants des zones périurbaines, ici des personnes modestes. 2. Le Doc. 1 met en valeur les stratégies spatiales des habitants des centres-villes qui cherchent à exclure les SDF ; Le Doc. 2 souligne la tentation du repli sur soi qui se traduit par un surinvestissement de la sphère domestique et un rejet de la ville. Pistes de recherche Il est possible de s’appuyer sur ce site pour répondre aux questions : https://www.cairn.info/revue-horizons-strategiques-2006‑2-page-21.htm

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Des fragilités liées aux mutations économiques Présentation de la séquence Le travail a longtemps été considéré comme l’un des vecteurs privilégiés de l’intégration et de l’affirmation du sentiment d’appartenance collective. Il assure un revenu, mais surtout construit une identité (par exemple, par des combats communs et à l’affirmation d’une conscience collective). Aujourd’hui, la diversification croissante des statuts professionnels, la persistance du chômage et la montée de la précarité de l’emploi ont sapé en partie le socle de cette cohésion. Elles conduisent à fragiliser les solidarités professionnelles, l’engagement collectif (mouvement associatif

ou militantisme politique) mais aussi sur la sociabilité privée (au sein du groupe familial ou du cercle d’amis). Cette spirale peut aller jusqu’à l’exclusion sociale ou, comme le souligne le sociologue Robert Castel, à la désaffiliation. Par ailleurs, la construction du lien politique s’est accompagnée, à partir de la fin du xixe siècle et durant tout le xxe siècle, de la mise en œuvre d’un système de protection sociale dont la fonction est de consolider la citoyenneté politique par une « citoyenneté sociale », comme la dénomme le sociologue Robert Castel. Elle est l’instrument d’une réelle « sécurité sociale » face aux risques de la maladie, de la vieillesse ou du chômage. Cette fonction protectrice de l’État-providence a, elle aussi, subi les assauts des crises économiques, de l’accroissement des charges auxquels la protection doit faire face et des réticences accrues du corps social à accepter les prélèvements sociaux pour le financer. La mise en cause idéologique correspond à la montée des courants de pensée ultralibéraux, depuis la fin des années 1970, pourfendant la protection sociale au nom de la lutte contre l’assistanat et marquant leur préférence pour une protection privée qui serait le signe d’une responsabilisation de l’individu. Présentation de la situation et des documents Doc. 1 Le film Les Invisibles, réalisé en 2019 par LouisJulien Petit, est une comédie qui évoque les segments les plus vulnérables de la société et qui cherche à casser les préjugés sur la grande pauvreté en évoquant les possibilités de réinsertion. Le film est tiré du récit d’un documentaire de Claire Lajeunie (Femmes Invisibles, survivre dans la rue, diffusé sur France 5, en 2015), dont elle a tiré un livre (Sur la route des invisibles, femmes dans la rue, Éditions Michalon, 2015). Il a été réalisé avec une quinzaine d’actrices non-professionnelles ayant connu la rue. Doc. 2 Cet article est une analyse du sociologue Louis Chauvel, spécialisé dans l’analyse des structures sociales et du changement par génération. Il développe une lecture comparée des formes de stratification sociale et des changements de l’État-providence dans le cadre de ses recherches à l’Observatoire français des conjonctures économiques et à l’Observatoire sociologique du changement. C’est un spécialiste des classes moyennes, qui a récemment publié La spirale du déclassement. La notion de classe moyenne est cependant questionnée, notamment sa définition statistique. Le début des « classes moyennes » se situe à 1 265 € par mois (Observatoire des inégalités), c’est-à-dire à peine un peu au-dessus du seuil de pauvreté, les classes populaires disparaissant pour n’être plus que constituées que de très pauvres. Le concept de classe(s) moyenne(s) peut servir aussi à faire disparaître du paysage social les classes sociales définies par la lutte qui les oppose. 1. Fondements et fragilités du lien social 167

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Questionner les documents Doc. 1

Doc. 2

Travailleurs non qualifiés, femmes isolées, minorités ethniques, classes populaires, SDF

Classe moyenne

Fracture sociale : absence de travail ; très grande pauvreté, revenu lié aux minimas sociaux ; peu de ressources pour tisser et entretenir des liens suffisamment nombreux capables de leur assurer une stabilité Sentiment d’exclusion

Fin de l’ascenseur social Sentiment de déclassement, frustration qui conduit à la montée des sentiments populistes.

Pistes de recherche 1. L’élève peut travailler sur les principales transformations économiques, leurs conséquences sociales et analyser les politiques sociales qui en découlent. Un des enjeux est de savoir si l’évolution de ces politiques met fin aux solidarités ou adaptent la prise en charge. Observatoire des inégalités : https://www.inegalites.fr/ Observatoire des territoires : https://www.observatoiredes-territoires.gouv.fr/observatoire-des-territoires/fr/ node

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La montée du repli sur soi et le resserrement des liens communautaires Présentation de la séquence Le lieu historique qui soude la collectivité des citoyens est la nation. Mais le lien politique a cette particularité d’être un lien abstrait, un lien pensé plus qu’un lien vécu au quotidien comme le sont le lien familial ou le lien communautaire. Il est fondé sur la conquête des droits politiques  : liberté d’expression, liberté de conscience, principe d’égalité citoyenne, droit de vote, etc. La résurgence de formes plus ou moins marquées de replis identitaires ou communautaristes peut, par ailleurs, faire renaître des solidarités mécaniques, qui apparaissent comme une remise en cause du pacte social global. De plus, les processus d’appartenance ou de définition identitaire sont dans nos sociétés individualistes, variés. Internet accélère le phénomène de construction de communautés, fondées sur des centres d’intérêts très divers et des affinités de tout type. En ce sens, la société française devient de plus en plus multiculturelle.

 résentation de la situation P et des documents La situation interroge l’efficacité du modèle d’intégration français dans une société qui est devenue multiculturelle. 168 Enseignement Moral et Civique

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Doc. 1 Cette caricature a été publiée lors de l’annonce par Emmanuel Macron de la restauration d’un Service National Universel en juillet 2018. À l’origine, le candidat Macron avait promis en mars 2017 pendant la campagne présidentielle de rétablir un « service militaire universel » obligatoire et d’un mois. Le SNU n’est pas le rétablissement du service militaire, suspendu en 1997. Les objectifs qui lui sont assignés sont au nombre de trois : cohésion sociale et territoriale ; prise de conscience, par chaque génération, des enjeux de la défense et de la sécurité nationale et développement de la culture de l’engagement. Il prend la forme d’un service civique d’un mois obligatoire entre 16 et 18 ans, dans la continuité du parcours citoyen, suivi d’un engagement plus long sur la base du volontariat, entre 16 et 25 ans. Sa mise en place débute en 2019‑2020 avant une mise en œuvre progressive vers la généralisation à partir de 2021. Doc. 2 Ce document est une analyse des débats concernant le modèle d’intégration français, publiée dans La documentation française en juillet 2016. Questionner les documents 1. Les composantes de la diversité culturelle sont traditionnellement  : les cultures régionales (bretonne, basque…), les cultures issues des mondes socioprofessionnels (monde ouvrier, paysan, de la mer…), les cultures des pays étrangers, les populations immigrées qui habitent le territoire national, les populations issues de l’immigration (2e, 3e  génération…), les minorités au sein du pays (les gens du voyage par exemple) et les cultures urbaines et rurales. 2. La France est un pays d’immigration : l’Insee estime qu’il y a en France près de 6,2  millions d’immigrés, soit 9,3 % de la population (chiffre de 2015, l’organisme statistique ne renouvelant certaines de ses données que rarement). Les descendants directs d’immigrés représentaient ainsi 6,8 millions de personnes en 2013, soit 10,4 % de la population totale. Un changement majeur dans le phénomène migratoire au xxe siècle concerne la provenance des immigrés. La part extra-européenne de l’immigration a progressé, notamment celle venant d’Afrique. Depuis

1975, cette immigration maghrébine représente environ 25 à 30 % de l’immigration totale. Elle a été suivie d’une immigration en provenance d’Afrique subsaharienne. Alors qu’elle ne représentait que 2 % du total en 1975, celle-ci compte aujourd’hui pour 14 %. Dans l’ensemble, l’Afrique, avec 43 % de l’immigration en 2013, est passée devant l’Europe, dont la part est tombée entre 1975 à 2013 de 66 % à 36 %. La question de l’intégration des populations est débattue depuis 30  ans, avec la fin de l’immigration de travail et le développement d’une immigration familiale. Deux politiques sont distinguées : Une approche assimilationniste passe par l’imposition de valeurs, normes et pratiques aux étrangers. Le mot est associé aux politiques menées dans les colonies ou aux débats de l’entre-deux-guerres sur l’accès à la nationalité – une circulaire de 1927 la définissait comme « l’absorption plus complète et parfaite des éléments étrangers dans la nation ». L’assimilation se définit comme la pleine adhésion par les immigrés aux normes de la société d’accueil, l’expression de leur identité et leurs spécificités socioculturelles d’origine étant cantonnée à la seule sphère privée. Dans le processus d’assimilation, l’obtention de la nationalité, conçue comme un engagement « sans retour », revêt une importance capitale. L’intégration exprime davantage une dynamique d’échange, dans laquelle chacun accepte de se constituer partie d’un tout où l’adhésion aux règles de fonctionnement et aux valeurs de la société d’accueil, et le respect de ce qui fait l’unité et l’intégrité de la communauté n’interdisent pas le maintien des différences. 3. Quelques débats, dont on pourra noter l’extrême politisation dans l’espace public : ––L’exclusion des populations issues de l’immigration estelle liée au fait que ces populations seraient inassimilables ou aux difficultés de socialisation liées à la ségrégation, aux discriminations ou aux inégalités dont sont victimes les immigrés ? ––Faut-il conduire une politique d’assimilation ou d’intégration ? ––Le multiculturalisme et la reconnaissance de la diversité culturelle est-il un danger pour l’unité nationale ? ––Faut-il rétablir un service national universel ? Permettrat‑il a lui seul de restaurer l’unité nationale en forgeant un sentiment d’appartenance commune ?

comme les processus de socialisation et d’apprentissage mis en œuvre dans ces échanges. Les mots pour devenir français : https://www.persee.fr/doc/homig_1142‑852x_1992_ num_1154_1_1826 Les communautés virtuelles : https://sergeproulx.uqam.ca/wp-content/uploads/ 2010/12/2008-proulx-communautes-vi-11.pdf La quadrature du net. Association qui lutte contre la censure et la surveillance, que celles-ci viennent des États ou des entreprises privées. Elle questionne la façon dont le numérique et la société s’influencent mutuellement. Elle œuvre pour un Internet libre, décentralisé et émancipateur. https://www.laquadrature.net/nous/

Pistes de recherche

Doc. 1 Ce document est une enquête publiée par l’Insee fin octobre  2017 sur les comportements des électeurs lors de l’élection présidentielle de 2017. Elle analyse le phénomène de l’abstention en prenant en compte l’âge, le niveau d’études et la CSP des sondés.

1. L’élève peut conduire une recherche sur les communautés virtuelles, terme qui désigne les pratiques de collectifs d’usagers connectés ou de communication de groupe en ligne, qui se perçoivent comme une communauté. Il s’agit de se demander ce qui fait lien dans ces collectifs d’usages en ligne et à quelles conditions un ensemble spécifique d’internautes peut constituer une communauté. On peut aussi interroger la dynamique des lieux sociaux à distance,

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La défiance vis-à-vis de la représentation politique et sociale et des institutions Présentation de la séquence Le lien politique est aujourd’hui fragilisé : le rapport à la « chose publique » des citoyens (ou du moins d’une partie d’entre eux) se distend, comme en témoignent la montée des taux d’abstention à certaines échéances électorales ou les déclarations d’absence d’intérêt pour le débat politique, ou encore le développement des comportements inciviques, comme la fraude fiscale. Or, la démocratie est le seul régime qui repose sur le consentement du gouverné. À la différence d’autres régimes politiques, la démocratie a besoin du soutien de celui sur lequel elle s’exerce. Confier à quelqu’un le soin de nous gouverner est aussi le propre de la démocratie représentative. De fait, la défiance à l’égard de la politique et des hommes politiques remet en cause la croyance en un destin collectif.

Présentation de la situation et des documents La situation cherche à mesurer et interroger la défiance à l’égard de la politique via un questionnement sur l’abstention et les expressions de rejet de la politique conventionnelle.

Doc. 2 Cet article analyse le 10e  baromètre annuel de la confiance politique du Cevipof (Sciences-po). Il dévoile les niveaux de confiance accordée aux acteurs politiques, sociaux et économiques par les Français. Il révèle les 1. Fondements et fragilités du lien social 169

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degrés de confiance personnelle et interpersonnelle ainsi que les perceptions de l’avenir articulées entre optimisme personnel et pessimisme collectif. L’enquête a été réalisée au moment de la crise des gilets jaunes. Questionner les documents 1. La défiance à l’égard des hommes politiques prend différentes formes : ––L’abstention : en 2017, un électeur sur trois a voté à tous les scrutins, contre un électeur sur deux en 2002, 2007 et 2012. Tous les électeurs ne sont pas autant concernés. Le niveau d’études est le « critère le plus discriminant ». L’école apporte en effet des clés de compréhension de la politique mais, c’est surtout une question de « légitimité » : « Plus le diplôme est élevé, plus on a le sentiment d’avoir le droit de prendre la parole. » D’autres facteurs jouent : l’âge, l’intégration au marché du travail. Les effets sont souvent cumulatifs, par exemple « si on est moins diplômé, qu’on a un emploi instable et peu de patrimoine… » L’écart entre ceux qui votent le moins et ceux qui votent le plus ne fait que s’accroître au fil des élections. Et cette tendance aurait pris une ampleur inédite lors des scrutins de cette année. ––La côte de confiance des politiques, qui n’inspirent globalement que des sentiments négatifs. ––Le questionnement sur la démocratie représentative, avec la volonté affirmer de voir une démocratie plus directe (manifestations de rue, référendum). ––Un sentiment de lassitude, de morosité et de méfiance. 2. Les origines de cette défiance peuvent être d’abord « naturelles » : La confiance est grande au sein des cercles intimes et familiaux, elle est faible à l’égard des cercles plus éloignés de soi. Certains acteurs ont été crédités de niveaux de confiance supérieurs : un seul – le maire – du côté des acteurs élus ou du gouvernement, plusieurs du côté des acteurs sociaux et économiques, comme les hôpitaux, les PME ou l’armée. Ce sont les acteurs qui assurent des fonctions de proximité, mènent des missions de protection et sont considérés comme bienveillants et compétents qui ont été épargnés par la défiance politique et le rejet. Par ailleurs, c’est plus largement le fonctionnement de la démocratie qui est questionné. Les promesses du modèle social français n’ont pas été tenues. Les responsables politiques, de gauche comme de droite, sont rejetés car perçus comme indifférents et corrompus ou inefficaces. Voter n’est plus perçu comme un moyen d’avoir de l’influence. Pistes de recherche L’élève peut conduire des recherches concernant la défiance à l’égard d’autres corps intermédiaires. Il peut s’appuyer sur certains instituts de sondage pour mesurer cette défiance. Juger la politique (sous la direction de Philippe Garraud et Jean-Louis Briquet), en libre accès : https://books.openedition.org/pur/24754 170 Enseignement Moral et Civique

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La défiance vis-à-vis de l’information et de la science Présentation de la séquence Internet et les réseaux sociaux ont changé la façon dont nous accédons à l’information et dont nous communiquons. Le schéma pyramidal traditionnel de diffusion de l’information et de l’opinion s’effrite pour être remplacé petit à petit par un système inversé de libre accès pour tous, mais aussi une libre production par tous de contenus informatifs, ce qui conduit à désacraliser les médias. En parallèle, selon le 32e  baromètre La Croix réalisé par Kantar, la crédibilité des médias traditionnels chute considérablement. L’institut de sondage enquête sur l’intérêt des Français pour l’actualité et la confiance qu’ils accordent aux journalistes depuis 1987. En 2019, la crédibilité de la télévision baisse à 38 %, soit dix  points de moins que l’an passé. Même constat pour la presse écrite qui perd huit points (44 %). Seul un Français sur deux juge la radio fiable. Ce climat de confusion, notamment en situation de crise comme celle des gilets jaunes est souvent entretenu par les médias sociaux.

 résentation de la situation P et des documents La situation invite à interroger les théories du complot qui reposent toutes sur le fait que les médias de masse sont manipulés par un petit groupe d’individus dont l’intérêt est de laisser le plus grand nombre dans l’ignorance ou le mensonge. La vidéo décortique les mécanismes d’une théorie du complot. Révélation –  La véritable identité des chats est une vidéo complotiste réalisée par les élèves de seconde Gestion-Administration du lycée Madeleine Vionnet de Bondy, en collaboration avec Le Bal, un lieu qui s’intéresse aux enjeux de la représentation du monde par l’image. Doc. 1 Ce document est extrait d’un sondage réalisé par l’IFOP pour la Fondation Jean Jaurès et Conspiracy Watch en février 2019, sur certaines thèses conspirationnistes au moment de la crise des gilets jaunes Doc. 2 Ce document est une analyse réalisée par Basile Michardière afin de comprendre l’adhésion aux théories du complot. Elle a été publiée dans la foulée des attentats de janvier 2015. Questionner les documents

––L’obsession du cui bono (« à qui profite  le crime ») qui conduit à postuler systématiquement une intentionnalité derrière les événements. ––Le détail présenté comme une preuve absolue. ––Les coïncidences qui deviennent des preuves. ––L’absence de source fiable comme un argument supplémentaire, les preuves étant supposées effacées ou cachées. ––L’absence de remises en cause, tout argument valide étant écarté car présenté comme une manœuvre de diversion, d’une manipulation téléguidée par le groupe occulte. 2. Comme l’évoque le Doc. 2, ces affirmations se diffusent car certaines catégories d’acteurs ont intérêt à produire et à relayer ces théories pour soutenir des entreprises personnelles. Elles trouvent écho chez les consommateurs de contenus car elles répondent à des fonctions psychosociales. Le conspirationnisme se nourrit en partie des difficultés d’intégration de la société française, et les exploite. En prolongement L’élève peut conduire des recherches pour étayer : Ce qui fonde la critique des médias traditionnels : voir l’analyse de l’influence des médias selon différents modèles sociologiques et les critiques qui sont faites aux journalistes : https://www.cairn.info/revue-le-temps-des-medias2006‑2-page-289.htm https://larevuedesmedias.ina.fr/les-trois-visages-de-ladetestation-des-journalistes Ce qui fonde la critique des médias nouveaux : bulle d’informations, biais de confirmation… voir par exemple les travaux de Dominique Wolton : http://www.wolton.cnrs.fr/spip.php?article31 Pistes de recherche et de lecture ––L’observatoire du complotisme : https://www.conspiracywatch.info/ ––Les ressources Éduscol : https://eduscol.education.fr/ cid95488/deconstruire-la-desinformation-et-lestheories-conspirationnistes.html ––Des expériences pédagogiques concernant les théories du complot : https://www.reseau-canope.fr/notice/lamethode-pour-demonter-une-theorie-du-complot. html ––La revue des médias : https://larevuedesmedias.ina.fr/ ina-global-devient-la-revue-des-medias ––Acrimed, l’observatoire des médias : https://www.acrimed.org/

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Les nouvelles formes d’expression de la violence et de la délinquance Présentation de la séquence Le débat public est marqué par la thématique de la montée de la violence. Derrière ce terme, se cachent des réalités très contrastées : incivilité, délinquance, criminalité. Ces phénomènes illustrent une crise du lien social. Ils montrent que les règles sont enfreintes, que les codes ne sont plus partagés et que le contrôle social est affaibli. Ils introduisent aussi un doute quant à la nature hostile des intentions d’autrui et la capacité de l’État à traiter la violence (Sébastian  Roché). La violence dépend aussi du sens donné à certains actes dans les représentations sociales et à l’évolution du droit. Ainsi, pendant longtemps le viol fut considéré jusqu’à peu comme moins grave que l’atteinte à la propriété. La délinquance est donc bien une notion relative, définie par la loi, dans une société donnée et à un moment donné.

Présentation de la situation et des documents La situation proposée analyse les évolutions contemporaines, avec la définition de nouveaux délits, comme le harcèlement. Elle propose d’analyser le harcèlement et ses conséquences sur le lien social. Doc. 1 Ces deux affiches ont été utilisées lors d’une campagne régionale contre le cybersexime. Ces dernières ont été réalisées par le Centre Hubertine Auclert, avec la Région Île-de-France, et affichées du 2 au 9  avril 2018 dans les gares de métro et RER franciliennes. Au cours de la même période, le hashtag #BalanceTonPorc (#MoiAussi au Canada francophone) s’est largement diffusé sur les réseaux sociaux en octobre 2017 pour dénoncer l’agression sexuelle et le harcèlement, plus particulièrement dans le milieu professionnel, à la suite d’accusations de cette nature portées contre le producteur américain Harvey Weinstein. Doc. 2 Cet article de Libération évoque un cas de harcèlement dans un lycée parisien en 2016. La prise de conscience de la réalité du harcèlement dans les établissements scolaires a été très tardive. En effet, la première campagne de prévention contre le harcèlement est lancée en Norvège en 1983 à l’initiative de Da Olweus, professeur en psychologie suédo-norvégien qui s’est consacré au phénomène du harcèlement scolaire. Il propose en 1981,

1. Les caractéristiques d’une théorie du complot sont souvent identiques : ––Un groupe obscur qui tire les ficelles, dans le but de dominer le monde 1. Fondements et fragilités du lien social 171

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en Norvège, de faire voter une loi contre le harcèlement scolaire appelé School-Bullying. En France, la première campagne date seulement de 2011. C’est grâce à l’impulsion de Jean-Pierre Bellon, professeur de philosophie et de Bertrand  Gardette, conseiller principal d’éducation, respectivement président et vice-président de l’Association pour la prévention des phénomènes de harcèlement entre élèves (APHEE), que la France va commencer à réagir sur ce domaine. Depuis 2015, le premier jeudi du mois de novembre est la journée de campagne de lutte et de prévention contre le harcèlement. Questionner les documents 1. Les documents permettent de faire le point sur le harcèlement, notamment à l’école. Le harcèlement à l’école n’est pas un phénomène mineur. Il concerne environ 10 à 15 % des enfants et adolescents en âge de scolarité obligatoire en France. Une situation de harcèlement est définie quand un élève « est soumis de façon répétée et à long terme à des comportements agressifs visant à lui porter préjudice, le blesser ou le mettre en difficulté de la part d’un ou plusieurs élèves. Il s’agit d’une situation intentionnellement agressive, induisant une relation d’asservissement psychologique, qui se répète régulièrement. » (Olweus, 1993). Donc, trois critères émergent : le désir de nuire (« on l’humiliait », diffusion d’un montage vidéo sur YouTube), la répétition et la durée dans le temps («  des petites humiliations qui vont durer toute la semaine »), le rapport de domination (« il n’était pas bien dans sa peau, il essayait de se faire des potes »). Le harcèlement scolaire est en général un ensemble de microviolences (Eric  Debarbieux, président de l’Observatoire international de la violence à l’école). Il s’agit de violence verbale, physique ou encore symbolique. Une par une, ces violences peuvent paraître banales mais lorsqu’elles se répètent et se combinent cela devient du harcèlement. Le « cyberharcèlement » est une variante récente du harcèlement, reposant sur l’usage d’Internet et des nouvelles technologies de communication (blogs, e-mails, réseaux sociaux, téléphones portables). Ce type de harcèlement est favorisé par l’anonymat et l’absence de contrôle d’identité qui permettent aux harceleurs d’agir en toute discrétion. Il se concrétise par la réception répétée de messages provenant de différentes sources, dont le contenu est teinté de menaces, d’intimidations, d’insultes, de chantage ou par la diffusion d’images humiliantes. Ces messages sont parfois accompagnés d’un rejet et d’un isolement de la victime à l’école ou dans d’autres lieux de socialisation. 2. Le harcèlement a des conséquences importantes sur le développement psychologique et social : sentiment de honte, perte d’estime de soi, difficulté à aller vers les autres et développement de conduites d’évitement. Il

peut entrainer un décrochage scolaire voire une déscolarisation (des études montrent que la peur des agressions expliquerait 25 % de l’absentéisme des collégiens et lycéens) ; la désocialisation, anxiété, dépression ; la somatisation (maux de tête, de ventre, maladies) ; des conduites autodestructrices, voire suicidaires. En prolongement L’élève peut faire des recherches pour distinguer différents types de violence. Le droit français connaît trois catégories d’infractions que sont les crimes, délits et contraventions. L’article 111‑1 du code pénal répartit les infractions pénalement sanctionnées entre ces trois catégories en fonction de la gravité et donc de la nature de la peine prévue, criminelle, délictuelle ou contraventionnelle. Une infraction est constituée lorsqu’il y a un élément légal, un élément matériel et un élément intentionnel. Il est aussi invité à travailler sur des phénomènes qui occupent le champ médiatique : ––Les « incivilités ». Ce vocable regroupe des actes relativement disparates : depuis les actes de salissures et de dégradation jusqu’aux conflits plus ou moins déclarés à propos du bruit ou des occupations d’espace en passant par les abandons d’objets sur la voie publique ou les comportements agressifs ou impolis. Les incivilités ont en commun de menacer les codes sociaux à l’aide desquels est évaluée l’innocuité du rapport à autrui. Elles contribuent de ce fait à détériorer la confiance interpersonnelle et engendrent le repli. Le développement du sentiment d’insécurité au cours des vingt dernières années alimente, lui, une méfiance plus générale visà-vis de l’espace public. ––La violence de quartier où l’État de droit est difficilement appliqué. ––La violence gratuite, l’ultraviolence. Pistes de recherche et de lecture ––Vie publique : https://www.vie-publique.fr/decouverteinstitutions/citoyen/enjeux/crise -citoyennete/ incivilites-violence-citoyennete.html ––Le Cidem (Civisme et démocratie) regroupe depuis 1984 plusieurs associations qui souhaitent promouvoir le civisme et l’éducation à la citoyenneté : http://www. cidem.org/ ––Un débat entre Laurent Obertone (auteur de La France Orange mécanique) et Christophe  Soullez (chef du département de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales à l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice depuis 2004) : https://www.atlantico.fr/decryptage/642230/delinquance-violence-gratuite-et-incivilites--existe-t‑il-enfrance-des-groupes-sociaux-totalement-deconnectesde-la-norme-commune--obertone-et-soullez

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Une recompositions diversification desdu espaces et des acteurs de la production Les lien social

Présentation de l’axe L’axe 2 analyse les nouvelles formes de liens sociaux, en se demandant s’ils peuvent permettre l’intégration de tous et l’acquisition d’une identité sociale. Le lien social est ici conçu comme « ce qui conditionne » les activités, écono‑ miques et politiques. Roger  Sue a forgé le concept d’« associativité » à partir de l’observation de quatre phé‑ nomènes : le primat de l’individualité, la singularité, l’éga‑ lité et l’altérité. Cette recomposition du lien social interroge, questionne le fonctionnement des institutions traditionnelles : la ver‑ ticalité est ainsi remise en cause en raison des attentes plus grandes des institutions envers les individus. L’individualité exaltée par l’égalité et l’expression de soi ne peut accepter l’écrasement pyramidal. La crise des Gilets jaunes a été retenue dans l’axe 1 afin de montrer que certaines revendications montraient une rupture et redéfinissait « ce qui ne fait plus société. »

Présentation de la double page d’ouverture p. 280‑281 Compétences associées : Les démarches proposées et la variété des documents permettent de développer les compétences au pro‑ gramme : ––Savoir exercer son jugement et l’inscrire dans une recherche de vérité ; être capable de mettre à dis‑ tance ses propres opinions et représentations, ­comprendre le sens de la complexité des choses, être capable de considérer les autres dans leur diversité et leurs différences. ––Identifier différents types de documents (récits de vie, textes littéraires, œuvres d’art, documents juridiques, textes administratifs, etc.), les contextualiser, en saisir les statuts, repérer et apprécier les intentions des auteurs. ––Rechercher, collecter, analyser et savoir publier des textes ou témoignages ; être rigoureux dans ses recherches et ses traitements de l’information. ––S’exprimer en public de manière claire, argumentée, nuancée et posée ; savoir écouter et apprendre à débattre ; respecter la diversité des points de vue. ––Développer des capacités à contribuer à un travail coo‑ pératif/collaboratif en groupe, s’impliquer dans un tra‑ vail en équipe et les projets de classe. Elles permettent aussi de construire les notions au pro‑ gramme : respect ; rapport social/solidarité ; justice/ éga‑ lité/équité ; responsabilité individuelle et collective. 174 Enseignement Moral et Civique

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L’ensemble documentaire est constitué : ––D’une interview de la philosophe Nathalie SarthouLajus pour le journal La Croix et datée du 11 décembre 2018 soit dix jours après les manifestations illustrées par le document de la double page de l’axe 1. La philosophe montre que la recomposition du lien social se fait autour de la vulnérabilité et de la fraternité. ––D’un reportage extrait de BFM daté du 4  janvier 2019 qui revient sur la dimension festive du mouvement. Des personnes isolées ont pu échanger, prendre conscience que leurs difficultés socio-économiques étaient parta‑ gées par d’autres individus. La photographie souligne ce lien qui s’est créé sur les ronds-points au moment des fêtes de fin d’année Activités 1. Le mouvement débute par le rejet de l’augmentation des taxes sur les carburants. Les revendications se sont ensuite portées sur quatre thèmes : la critique des inéga‑ lités ; l’exigence d’une fiscalité juste ; le besoin de services publics de proximité et un renouveau démocratique. 2. Les manifestants se sont reconnus dans leurs difficul‑ tés communes, en dépit des désaccords sur certaines revendications. La vulnérabilité ressentie par les manifes‑ tants (difficulté pour « boucler » les fins de mois, déclasse‑ ment, mépris…) a nourri le besoin de solidarité et de former une communauté. Cette lutte conduite ensemble permet de recouvrir une certaine dignité et de faire inflé‑ chir les responsables politiques. 3. Dans les sociétés à solidarité organique (où s’affirme le primat de l’individu), la reconnaissance devient pour les individus un enjeu autonome. Elle oblige les individus à une construction identitaire qui passe par la quête d’une valorisation personnelle perpétuellement soumise au regard d’autrui. La reconnaissance naît de la participation aux échanges de la vie sociale. La reconnaissance est ainsi, dans les sociétés où les multiples liens sociaux s’entre‑ croisent, un objet de conquêtes et donc de luttes. La recon‑ naissance et les liens sociaux qui la permettent reposent donc sur cette vulnérabilité, ce déclassement partagé. 4. Les réseaux sociaux ont contribué à diffuser la parole, à mener des actions d’envergure pour sensibiliser, se faire entendre, être reconnu. Itinéraire pour comprendre les recompositions du lien social a. L’élève est ensuite invité à choisir deux domaines à trai‑ ter, comme le programme demande à le faire. Les domaines sont traités via des objets d’apprentissage inscrits dans le

programme qui permettent de comprendre la nature du lien social et sa fragilité. b. Les dossiers documentaires permettent de travailler les notions au programme. La mise en œuvre de ce travail peut prendre des formes variées : guidées (par exemple pour un travail d’analyse de documents), en autonomie (pour un travail de recherche), en travail individuel ou en travail collectif (avec la possibilité de faire des recherches différenciées et un travail ensuite de présentation à l’oral). La mise en œuvre peut conduire à élaborer un projet de l’année. Le choix a été fait d’introduire une certaine pro‑ gressivité, avec d’abord d’un premier projet articulé sur des recherches et une première approche de l’argumen‑ tation et du débat, pour aller ensuite vers le débat et le travail coopératif.

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La promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes Présentation de la séquence Les documents abordent le sujet sous l’angle institution‑ nel confronté aux réalités matérielles, domestiques. L’action publique s’attache à promouvoir l’égalité des femmes par rapport aux hommes sur le marché du travail. Or, pour atteindre cet objectif, il ne suffit pas de se préoc‑ cuper de l’égalité d’accès et de traitement sur le marché du travail ; il faut également prendre en compte la répar‑ tition rôles dans le domaine du travail non rémunéré. Cette absence de prise en compte est à l’origine de ce que Hochschild (1990) nomme la « révolution enrayée » de l’égalité des sexes. Présentation des documents Doc. 1 Ce document est une caricature d’Antoine Chéreau pour la société d’intérim Randstad. Elle a lancé une cam‑ pagne humoristique afin de lutter contre les clichés et faire la promotion de la diversité. Cette campagne vient en complément des dispositifs destinés à renforcer l’égalité professionnelle en interne. Ces illustrations (12 au total) ont également été utilisées en externe dans le cadre d’une campagne en faveur de l’égalité professionnelle (décembre 2012). Doc. 2 Ce document est un extrait du plan interministériel en faveur de l’égalité professionnelle pour la période 2016‑2020. L’axe 2 insiste sur la nécessité de lutter contre les stéréotypes en lançant des campagnes de communication. Il s’agit d’un plan vaste qui convoque plusieurs ministères et concerne donc différents domaines : l’axe 1 porte sur la sco‑ larité, l’axe 4 sur le dialogue social. Pour en savoir davantage, on consultera : https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.

fr/wp-content/uploads/2017/04/Plan-interministeriel-enfaveur-de-l%E2%80%99egalite-professionnelle-entre-lesfemmes-et-les-hommes-PIEP-revu13042017.pdf Doc. 3 Ce document est un extrait de l’article de Jane Lewis publié dans la Revue française des affaires sociales. Dans cet article, l’autrice fait une approche comparée du mouvement féministe sur le continent européen et dans les pays anglo-saxons. Elle insiste ici sur les progrès réali‑ sés dans le monde du travail et des actions politiques prises dans ce sens mais souligne l’importance du travail non rémunéré (tâches domestiques) qui est encore assuré pour une très large part par les femmes. Questionner les documents 1. Les femmes disposent d’un niveau de scolarité élevé qui leur permet d’occuper des postes de cadres, d’ingé‑ nieurs… 2. L’action publique cherche à défendre et à promouvoir cette égalité en luttant notamment contre les stéréo‑ types et en sanctionnant les entreprises. 3. Les problèmes demeurent d’une part les stéréotypes véhiculés à l’encontre des femmes et d’autre part la ques‑ tion du travail non rémunéré assumé par des femmes. 4. Cette question de l’égalité pose la question de la reconnaissance sociale : le travail non rémunéré doit être reconnu et rétribué afin de garantir cette égalité et mettre fin à cette « double journée de travail pour les femmes ». Pistes de recherche L’élève est amené à s’interroger sur les autres politiques mises en œuvre en matière de parité dans le monde poli‑ tique, dans le cadre d’une école de l’égalité des chances.

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Les nouvelles formes de solidarités et d’engagements Présentation de la séquence « Engagez-vous ! » : cette injonction qui résonne comme un ordre renvoie, dans l’opinion commune, à une mobili‑ sation dans un cadre militaire, dans un cadre guerrier que les affiches d’enrôlement (aux États-Unis, en GrandeBretagne…) ont largement diffusé pour soutenir un effort de guerre. La notion renvoie pourtant à différentes réalités. Cette injonction a ainsi été reprise comme titre du livre de Stéphane Hessel et Gilles Vanderpooten publié en mars 2011. Cet entretien permet à Stéphane Hessel de revenir sur son parcours, ses engagements et de s’adres‑ ser à la jeunesse. Il se dit en effet « préoccupé par l’écart incommensurable qui existe entre les forces politiques et la jeunesse française ». 2. Les recompositions du lien social 175

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La conception d’engagement renvoie souvent à l’engage‑ ment politique, idéologique et militaire. S’engager c’est se lier par une promesse ou une convention qui dépasse le simple cadre du politique. Les formes d’engagement sont plurielles. Si les jeunes témoignent d’une certaine désaf‑ fection pour la chose politique, ils s’impliquent dans de nouveaux cadres, conduisent de nouvelles actions. Les associations, le service civique ou encore la mobilisation sur Internet sont des moyens d’intervenir dans différents domaines tels que le social, l’environnement ou encore l’aide internationale. Consulter le rapport « Reconnaître, valoriser, encourager l’engagement des jeunes » réalisé par Beligh Nabli, Marie-Cécile Naves, Alice Karachian, sur le site http://www.strategie.gouv.fr/publications/reconnaitrevaloriser-encourager-lengagement-jeunes. Dans un contexte de précarité et d’incertitudes, les asso‑ ciations sont vécues et perçues comme des « valeurs refuges », des terrains d’expérimentation, l’occasion d’ap‑ prendre et de faire. Ces expériences peuvent être une occasion de reprendre confiance en soi, de faire ses preuves voire de trouver un emploi. Cet engagement définit ainsi une citoyenneté qui s’ap‑ puie sur l’expérience, le vécu et le local construisant un « vivre ensemble » dans une société qui semble perdre ses repères traditionnels. Présentation des documents Le sujet est abordé à travers l’analyse de deux catégories touchées par ces évolutions. Doc. 1 Ce document, un extrait d’un article du Figaro, permet de saisir le désaveu des jeunes pour les formes traditionnelles du politique, ce qui ne signifie pas désin‑ térêt pour la chose politique mais nouvelle forme d’ac‑ tion, nouveau centre d’intérêt. Doc. 2 Ce document, un extrait du site officiel du service civique, présente les nouvelles formes d’actions d’une part, et l’action des services publics pour encourager l’engagement d’autre part. Questionner les documents 1. La citoyenneté se définit par la participation à la vie de la cité. Mais celle-ci ne peut se réduire à la participation aux élections puisque près de 57 % des Français ne sont pas déplacés lors du second tour des élections législa‑ tives de 2017. Il existe bien d’autres occasions pour cha‑ cun d’investir et de s’investir dans la vie collective. 2. Les formes d’engagement sont plurielles : militantes, associatives et syndicales. Les associations, le service civique ou encore la mobilisation sur Internet sont des moyens d’intervenir dans différents domaines, de défendre différentes causes : les droits de l’Homme, la lutte contre toutes les formes de discriminations, l’homophobie, le sexisme, la xénophobie, le racisme et l’antisémitisme, 176 Enseignement Moral et Civique

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l’environnement, l’action sociale, la liberté d’expression, la lutte contre le fanatisme (depuis la série d’attentats en 2015). S’engager, c’est ne pas céder au repli sur soi ni à la peur, résister à la terreur. S’engager, c’est par ailleurs prendre une responsabilité qu’on n’était pas obligé de prendre. L’engagement repose donc sur la liberté, le plus souvent individuelle. On peut parler d’engagement collectif lorsque l’on dit qu’un peuple s’engage sur la voie de la démocratie ou sur celle de la résistance. Les associations s’engagent de façon col‑ lective, elles aussi, en défendant tel groupe de personnes. Engagement et solidarité sont ainsi liés, créant des liens sociaux, du lien social. Indépendamment d’engagements auxquels on ne peut échapper, l’engagement pose ainsi la question de la morale et du rapport aux autres : l’enga‑ gement se limite-t‑il à la prise en compte de ses propres intérêts ou également à l’idée que l’on se fait de l’intérêt général ? Peut-on s’engager sans y trouver un intérêt ? 3. Les pouvoirs publics accompagnent, encouragent ces formes d’engagement afin de créer du lien, afin de faire société. Pistes de recherche L’élève peut découvrir, connaître et s’investir dans une association sur un thème choisi et réaliser une produc‑ tion qui lui semble efficace, qui touche le plus grand nombre. Il s’agit donc de solliciter les élèves sur une autre forme de langage en créant une affiche, un tract qui répond là aussi à des codes peu étudiés en classe.

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Les nouvelles formes économiques Présentation de la séquence Le travail a longtemps été considéré comme un des vec‑ teurs privilégiés de l’intégration, en assurant un revenu et une appartenance collective, en appartenant par exemple à un corps de métier. Dans un contexte de chô‑ mage élevé, de prise de conscience écologique, de nou‑ veaux modes de consommation, de nouveaux modes de production se font jour. Ces transformations ont un impact sur le monde du travail et suscitent des interroga‑ tions voire des contestations. Elles témoignent égale‑ ment d’une recomposition du lien social. Présentation de la situation et des documents La situation interroge sur la capacité à repenser le lien par la recomposition du monde du travail. Doc. 1 Ce document est une infographie pour « vendre » l’action de la plateforme Uber Eats. Sur un ton décalé, humoristique, la plateforme cherche à séduire par cette

campagne. Au-delà de la communication, cette cam‑ pagne témoigne d’une transformation des modes de consommation/production. Doc. 2 Ce document est une présentation de l’économie collaborative sur un site officiel. Il s’agit ici de définir un nouveau modèle socio-économique. Doc. 3 Ce document présente la politique de protection sociale mise en place au sein d’une plateforme de réserva‑ tion (Uber). Cette plateforme, nouvelle forme d’activités économiques, a été souvent prise pour cible pour ses pra‑ tiques sociales. Cette politique de protection atteste de la mise en place de nouvelles formes de travail et d’une adap‑ tation de ces structures aux exigences sociales. Questionner les documents 1. Les technologies numériques facilitent les échanges monétaires, de biens et de services. La situation écono‑ mique plus tendue, depuis 2007‑2008, contribue à cette recherche d’économies, d’échanges ou de revenus com‑ plémentaires. 2. Les domaines concernés sont très variés et toujours plus nombreux : transport, logement, outils, restaurant, connaissances… Ces actions visent à baisser les coûts, à échanger avec l’autre, à mettre en relation, à recycler cer‑ tains produits. 3. Les enjeux et débats sont économiques et sociaux : ces nouvelles formes d’économie ne risquent-elles pas de concurrencer de façon « illégale » les activités tradition‑ nelles ? Comment garantir des droits sociaux ? Mais ces pla‑ teformes sont des interfaces qui mettent en relation des individus qui ne se seraient sans doute jamais rencontrés.

Présentation de la situation et des documents La situation invite à repenser la ville à différentes échelles. Repenser la façon de vivre la ville, de vivre en ville et repenser les relations de la ville avec les « territoires » périurbains et ruraux qui l’entourent. Doc. 1 Ce texte provient de France Nature Environnement, la fédération française des associations de protection de la nature et de l’environnement. Porte-parole d’un mou‑ vement de 3  500  associations, regroupées au sein de 64 organisations adhérentes, elle est présente sur tout le territoire français, en métropole et outre-mer. L’intérêt du document est de montrer les impacts environnementaux et sociaux des aménagements urbains. L’article revient sur la nécessité de penser les aménagements de manière soutenable/durable et en lien avec le reste du territoire. L’action qui doit être conduite doit mettre un terme à l’artificialisation des territoires. Pour cela, repenser la ville implique de réhabiliter la ville que cela soit dans les centres, les couronnes périphériques et les friches. Doc. 2 Ce document est une annonce, publiée dans L’Est républicain, pour une conférence-débat intitulée « Agriculture, eau et ville ». L’affiche de cette conférencedébat présente plusieurs sigles ou infographies qui mettent en avant les principes d’un développement durable : éolienne, transport doux (vélo), biodiversité, eau à préserver, village, agriculture, population… Le texte qui accompagne cette affiche interroge sur les liens entre ville et territoire proche, entre ville et agriculture. L’affiche sen‑ sibilise pour cette conférence qui doit être un débat afin d’impliquer, de discuter, de renouer des liens entre des groupes que l’on oppose plus souvent que l’on rassemble.

Pistes de recherche L’élève peut conduire une recherche sur les autres formes d’économie afin d’en dégager les spécificités, les caracté‑ ristiques et les différences. Il s’agit de prendre du recul et de saisir les différences entre des systèmes que l’on pré‑ sente souvent comme similaires.

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Les nouvelles échelles du lien social Présentation de la séquence Les mutations du cadre de vie et les inégalités territo‑ riales sont des transformations sociales majeures abor‑ dées dans le premier axe de l’EMC. Une coupure, une séparation, une fragmentation serait ainsi présente entre métropoles et périphéries au niveau du niveau social, des revenus… Si cette ségrégation a été remise en cause dans les faits, elle est néanmoins ressentie par la population.

Questionner les documents 1. Les impacts de l’urbanisation sont à la fois sociaux et environnementaux. L’impact environnemental est mesu‑ rable par de multiples indicateurs : pollutions, déchets, pressions sur les ressources naturelles… Quant à l’im‑ pact social, il est perceptible par le cadre de vie qui se dégrade : proximité des services, mobilité, sécurité, ser‑ vices culturels… 2. Les politiques mises en œuvre visent à réhabiliter les espaces urbains dans le cadre d’un programme mis en place en 2005 (ANRU). Ces actions visent à intégrer la dimension environnementale avec une logique durable de développement. 3. Les mesures publiques permettent de repenser le lien social en mettant en relation ville et campagne. La ville doit être pensée sur son territoire. Mais penser la ville implique de penser les populations vivant sur ses territoires : il est donc nécessaire de nouer un dialogue, de mettre en œuvre des espaces collaboratifs, des débats par le biais de confé‑ rences, la mise en œuvre de circuits courts. 2. Les recompositions du lien social 177

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Pistes de recherche

Pistes de recherche

L’élève est invité à élargir sa réflexion à d’autres domaines (principe de précaution et bioéthique) afin de saisir les enjeux et débats de ces thématiques.

L’élève est invité à élargir sa réflexion au monde du travail afin de saisir quelles sont les politiques d’insertion profes‑ sionnelle.

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Les politiques publiques pour plus d’égalité et de citoyenneté Présentation de la séquence Les sociétés sont marquées par des inégalités toujours plus marquées. Cette montée des inégalités suscite des revendications, des exigences renouvelées de justice et d’égalité. Cela renvoie au concept «  d’associativité  » (Roger Sue) qui combine le primat de l’individualité, la singularité, l’égalité et l’altérité. Afin de répondre à ces attentes, l’État, les politiques publiques apportent des réponses qui ont pour objet d’in‑ clure, d’intégrer des individus jusqu’alors tenus à l’écart. Afin de saisir les enjeux et les effets de ces politiques, la réflexion est conduite sur l’école, cadre familier pour les élèves. Présentation des documents Doc. 1 Ce document est une infographie issue du minis‑ tère de l’Éducation nationale qui présente les axes pour intégrer des élèves en situation de handicap. Doc. 2 Ce document officiel émane du gouvernement et dresse un bilan de l’action conduite par l’État depuis 2005. Questionner les documents 1. Les personnes concernées par l’école inclusive sont les élèves en situation de handicap. 2. Les moyens mis en œuvre pour obtenir des résultats peuvent se décliner en plusieurs points : ––Soutenir en informant les familles de leurs droits, en met‑ tant en place des projets personnels de scolarisation, en adaptant les épreuves du baccalauréat (tiers temps…) ; ––Renforcer la formation des enseignants, la qualité de la scolarisation, le recours aux outils numériques ; ––Accompagner en augmentant le nombre de structures d’accueil et de personnels. Ces politiques sont portés par des moyens financiers importants afin de satisfaire aux attentes des populations. 3. Ces politiques garantissent les mêmes qualités de ser‑ vice public en matière d’enseignement. Ces offres s’adressent à un public de plus en plus large comme en témoignent les chiffres fournis par le gouvernement.

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La recherche de nouveaux liens sociaux Présentation de la séquence Les réseaux sociaux occupent une place grandissante dans nos sociétés, comme en témoigne le nombre sans cesse croissant d’utilisateurs. Internet et ces réseaux participent à la diffusion d’informations avant même que les organismes traditionnels (presse, radio et télévision) ne transmettent ces mêmes faits. Par ailleurs, ces réseaux permettent de tis‑ ser des liens, de constituer des groupes qui interrogent sur le caractère réel ou illusoire de ces liens virtuels. Présentation des documents Doc. 1 Ce document est un dessin de presse de KAK publié sur le site Internet https://www.lopinion.fr/ à l’occasion de la campagne présidentielle 2017. Quatre candidats sont repré‑ sentés déguisés avec les logos des grands réseaux sociaux. Sous forme humoristique, le document présente l’intérêt que porte les politiques à ces nouveaux modes de communica‑ tion, moyen de toucher un plus large et un plus jeune public. Doc. 2 Ce document est un extrait d’article de J.-S. Beuscart. Ce sociologue a conduit des travaux sur la sociologie d’Inter‑ net, où il s’interroge sur l’articulation entre réseaux sociaux et lien social. Il permet de saisir une certaine complexité et d’aller à l’encontre de certaines idées reçues sur les effets de ces réseaux. Questionner les documents 1. Il apparaît, contrairement à une idée répandue, que les relations en ligne sont étroitement liées aux relations hors ligne. Les activités en ligne et hors ligne sont en inte‑ raction (poursuite d’échanges, maintien ou renforcement des liens, mises à jour, rencontres). Les politiques ont investi ces réseaux afin d’être suivi d’une part, et de pou‑ voir toucher un nouveau public (dont on a pu voir que le lien à la « chose publique » se distendait). 2. En matière de cercle de sociabilité, les individus restent liés à des personnes qui leur ressemblent. Cette homo‑ philie renvoie à un certain « entre-soi » qui n’interdit pas de rencontrer des personnes différentes. Pistes de recherche Selon trois axes, on peut poursuivre et approfondir la réflexion sur les liens créés par l’existence de groupes de différentes natures (clubs, associations…).

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