Livre du Professeur - Histoire-Géo Géopolitique Sciences politiques 1re - Éd. 2019 - Livre du Professeur [Edition 2019 Livre du Professeur]

Une réflexion innovante à la croisée des disciplines :Une approche diachronique pour développer la démarche réflexiveUne

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Livre du Professeur - Histoire-Géo Géopolitique Sciences politiques 1re - Éd. 2019 - Livre du Professeur [Edition 2019 Livre du Professeur]

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Introduction Qu’est-ce que l’histoire ?

pp. 12-13

Bibliographie – BLOCH Marc, Apologie pour l’histoire ou le métier d’historien, 1949. Un livre testamentaire pour réfléchir à la méthode de l’historien et à ses champs de recherche. – BOUCHERON Patrick, Faire Profession d’historien, Seuil, 2018. Une réflexion sur la profession d’historien mais plus encore sur le statut de la preuve, et sur les traces du passé. – NORA Pierre, Les Lieux de mémoire, t. 1, La République, Gallimard, 1984. Une réflexion indépassable sur les liens entre mémoire et histoire, et sur les lieux de la mémoire nationale. – NOREL Philippe et TESTOT Laurent, Une Histoire du monde global, Éditions Sciences humaines, 2013. Une mise en perspective de l’histoire du monde, et du capitalisme, à l’échelle globale. – PROST Antoine, Douze Leçons sur l’histoire, Seuil, 2014. Issu d’un cours donné à ses étudiants, un ouvrage précieux pour penser le métier d’historien, les archives, l’évolution de la discipline. – RICOEUR Paul, La Mémoire, l’histoire, l’oubli, Seuil, 2003. Un livre d’une grande richesse ; on retiendra ici la réflexion sur l’amnésie et le double danger des excès de la mémoire et de l’oubli. – SUBRAHMANYAM Sanjay, L’Inde sous les yeux de l’Europe, Alma éditeur, 2018. Le dernier essai du grand spécialiste de l’histoire globale, pour mieux appréhender l’Européen dans le regard de l’autre. – VENAYRE Sylvain, Les Origines de la France, Seuil, 2013. Une plongée dans les écrits des historiens qui ont pensé la nation française, par un spécialiste de l’histoire des représentations. – VEYNE Paul, Comment on écrit l’Histoire ? Seuil, 1971. L’histoire est-elle un « roman vrai » ? Cette question de la vérité et de la mise en récit traverse tout l’ouvrage et permet de mieux appréhender les objectifs que peut se fixer l’historien.

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Sitographie – Revue L’Histoire : https://www.lhistoire.fr Une revue de référence pour suivre l’actualité de la discipline, les dernières publications marquantes, etc. – Les rendez-vous de l’histoire de Blois : http://www.rdv-histoire.com Le site du festival d’histoire devenu la référence de la discipline et le lieu de rencontre des meilleurs spécialistes de la question. De nombreuses conférences sont accessibles en ligne. – Le site de l’INA (Institut national de l’audiovisuel) : http://www.ina.fr Une précieuse référence pour construire ou enrichir vos cours. – Aggiornamento histoire-géo : https://aggiornamento.hypotheses.org/ Un site engagé sur le renouvellement de l’enseignement de l’histoire, dégagé du roman national.

1 – INTRODUCTION

S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication – 1

Qu’est-ce que la géographie ?

pp. 14-15

Bibliographie – AMILHAT-SZARY Anne-Laure, Qu’est-ce qu’une Frontière aujourd’hui ?, PUF, 2015. Petit livre, grande et claire analyse d’un sujet vu comme mobile, ressource, liée au regard que l’individu lui porte, exploité en lui-même. – AUBURTIN Éric et MANGIN Claude, La France. Espaces et territoires, Ellipses, 2014. Synthèse efficace des permanences et des ruptures du territoire, avec l’aide de toutes les sciences géographiques. – BEUCHER Stéphanie et REGHEZZA Magali, La Géographie : pourquoi ? comment ?, Hatier, 2017. Un livre indispensable pour sortir des a priori sur une géographie ennuyeuse. Des cas, des questionnements, une intelligence de l’espace et des territoires pour qui regarde autour de lui. – BLANCHON David, Atlas mondial de l’eau. Défendre et partager notre bien commun, Autrement, 2017 (3e éd. augmentée). Un bilan des ressources, usages et conflits. – CARROUÉ Laurent, Atlas de la mondialisation. Une seule Terre, des mondes, Autrement, 2018. Une accumulation de cas concrets utiles. – GRATALOUP Christian, Géohistoire de la mondialisation. Le temps long du monde, Armand Colin, 2010 (1re éd. 2007). La première grande synthèse de la mondialisation comprise comme un processus historico-géographique. Très clair. – HOCQUET Jean-Claude, Le Sel. De l’esclavage à la mondialisation, CNRS Éditions, 2019. À partir d’un produit, les transformations des territoires et des relations politiques et sociales dans l’histoire et l’espace. – LEVINSON Max, The Box. Comment le conteneur a changé le monde, Max Milo, 2011. Le livre classique, inégalé, sur les transformations du commerce mondial grâce à cette boîte née en 1956. – LEVY Jacques (dir.), L’Invention du monde. Une géographie de la mondialisation, Presses de Sciences Po, 2008. Entre dictionnaire, atlas, synthèse et prospective, un livre devenu classique. – LUSSAULT Michel, L’Avènement du monde. Essai sur l’habitation humaine de la Terre, Seuil, 2013 et Hyper-lieux. Les nouvelles géographies de la mondialisation, Seuil, 2017. Deux ouvrages d’un géographe qui réinterroge constamment les notions et leur application dans l’espace mondial. – MONMONIER Mark, Comment faire mentir les Cartes, Autrement, 2019 (préface de Christian Grataloup). Un livre jouissif et étonnant, pour expliquer aux élèves comment les cartes transforment notre regard ou le trompent. – PISON Gilles, Atlas de la population mondiale, Autrement, 2019. Une synthèse claire d’une situation en transformation : état des lieux, héritages, conflits, prospective. – WIHTOL de WENDEN Catherine, Atlas des migrations. Un équilibre mondial à inventer, Autrement, 2018.

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Sitographie – Geoconfluences : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/ Le site de géographie indispensable pour tout professeur, à quelque niveau que ce soit : des milliers de cas analysés et proposés pour sa propre formation, pour un usage en classe ou même pour le simple plaisir. – Geoportail : https://www.geoportail.gouv.fr/ Le site de cartographie en ligne de l’IGN. Pour construire cartes et dossiers cartographiques. – Métropolitiques : https://www.metropolitiques.eu/ Le site d’analyse universitaire des transformations de la ville toutes les échelles. – Observatoire des territoires : https://www.observatoire-des-territoires.gouv.fr/observatoire-­ des-territoires/fr Ce site du Commissariat général à l’égalité des territoires, continuateur de la DATAR, propose un très grand nombre de cas, d’études de territoires, de rapports prospectifs. Une mine d’or.

2 – INTRODUCTION

Sources, outils et approches – 2

Qu’est-ce que la géopolitique ?

pp. 16-17

Bibliographie – ABIS Sébastien, Géopolitique du blé. Un produit vital pour la sécurité mondiale, Armand Colin, 2015. – ALLISON Graham, Vers la Guerre. L’Amérique et la Chine dans le Piège de Thucydide, Odile Jacob, 2019. – ARGOUNÈS Fabrice, Théories de la puissance, CNRS Éditions, coll. Biblis, 2018. – BERGER Suzanne, Made in Monde. Les nouvelles frontières de l’économie mondiale, Seuil, coll. Points, 2013 (1re éd. 2005). – BUHLER Pierre, La Puissance au xxie siècle, CNRS Éditions, coll. Biblis, 2019 (1re éd. 2011). – FOUCHER Michel, Fronts et frontières. Un tour du monde géopolitique, Fayard, 1991. – FOUCHER Michel, Le Retour des frontières, CNRS Éditions, 2016. – HAUPAIS Nicolas (dir.), La France et l’arme nucléaire, CNRS Éditions, coll. Biblis, 2019. – LACOSTE Yves, Aventures d’un géographe, Equateurs, 2018. – LACOSTE Yves, La Géographie, ça sert, d’abord, à faire la guerre, La Découverte, 2012 (1re éd. 1976). – RAZAC Olivier, Histoire politique du barbelé, Flammarion, coll. Champs essais, 2009.

Sitographie – CERI/Sciences Po : http://www.sciencespo.fr/ceri/ Le site du Centre de recherches internationales de Sciences Po Paris. Les enquêtes des chercheurs accessibles à leurs étudiants et à tous : des études de cas, des entretiens, des cartes, des retours sur l’histoire des territoires. – Diploweb : https://www.diploweb.com/ Depuis 20 ans, un site d’une grande richesse thématique pour un état des lieux des rivalités sur un grand nombre de territoires à toutes les échelles. – FRS : http://www.frstrategie.org/ La Fondation pour la recherche stratégique, à Paris, coagule les chercheurs publics et privés concernés par les rivalités économiques et géopolitiques à toutes les échelles. Rapports, articles, comptes rendus et entretiens. – IFRI : https://www.ifri.org/ Depuis 40 ans, l’Institut français des relations internationales est le principal think-tank d’analyse des relations entre les États. Un très grand nombre d’entretiens, de comptes rendus, d’articles, qui nourrissent aussi le rapport annuel RAMSES.

Qu’est-ce que la science politique ?

pp. 18-19

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Bibliographie – ARON Raymond, Démocratie et totalitarisme, Gallimard, coll. Folio Essais, 1987 (1re éd. 1965). Quoique ancien, un ouvrage précieux et comparatiste sur la démocratie et les totalitarismes, notamment le phénomène totalitaire soviétique. – ARENDT Hannah, Les Origines du totalitarisme, Gallimard, coll. Quarto, 2002 (1re éd. 1951). Outre l’analyse du phénomène totalitaire, une réflexion sur l’antisémitisme et l’impérialisme essentielle. – d’ALMEIDA Nicole, L’Opinion publique, Hermès, CNRS Éditions, 2009. Une approche historique de l’opinion, une analyse de la manière dont elle est mesurée, mobilisée, transformée. – MEYNAUD Hélène-Yvonne et DUCLOS Denis, Les Sondages d’opinion, La Découverte, coll. Repères, 2007. Une synthèse très pratique pour comprendre les enjeux, la méthodologie et l’histoire des sondages d’opinion. – ROSANVALLON Pierre, Le Sacre du citoyen. Histoire du suffrage universel en France, Gallimard, 1992 ; Le Peuple introuvable. Histoire de la représentation démocratique en France, Gallimard, 1998 ; La Démocratie inachevée. Histoire de la souveraineté du peuple en France, Gallimard, 2000. Une trilogie pour penser la vie politique française et ses évolutions. – WIHTOL de WENDEN Catherine (dir.), Atlas des droits de l’homme, Autrement, 2018.

3 – INTRODUCTION

Sources, outils et approches – 3

Sitographie

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– Le site de l’IFOP : https://www.ifop.com Des archives passionnantes (IFOP collectors) et ­commentées sur les grands mouvements de l’opinion depuis les accords de Munich. – INSEE : https://www.insee.fr/fr/accueil Des statistiques permettant de comprendre les grandes évolutions de la société française. – Eurostat : https://ec.europa.eu/eurostat/fr Le site de référence pour avoir des statistiques européennes, permettant une approche comparatiste, sur les sociétés de l’UE.

4 – INTRODUCTION

Sources, outils et approches – 4

Thème 1 Comprendre un régime politique :  

la démocratie La logique du thème

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Le programme de la spécialité HGGSP s’appuie clairement sur des notions. Ces notions s’inscrivent dans une temporalité et un espace qui poussent aux comparaisons. La démocratie est née directe et limitée à Athènes, s’est redécouverte représentative et progressivement universalisée depuis le xviiie siècle. Mais naît-elle et s’impose-t-elle naturellement aux citoyens, ou vient-elle de la conjonction entre un savoir politique, une volonté décisionnaire et une prospérité économique (Axe 1) ? Est-elle le fruit des régimes autoritaires ou d’une volonté populaire (Axe 2) ? Se conçoit-elle dans le cadre d’un peuple défini ou dans une coopération de peuples incarnés par des États disparates (Étude conclusive) ? Chacun des chapitres de ce thème pose ces questions et propose le contexte dans lequel la démocratie naît, s’interroge, meurt, renaît, tel un phénix politique. La démocratie est à la fois un système politique, un symbole culturel et une espérance historique. Mais le mot est par principe autant que par usage très polysémique. Le « gouvernement du peuple » interroge ce qu’est ce peuple souverain dont les décisions s’imposent à tous. En démocratie, le souverain est incarné par l’assemblée des citoyens. Est-ce une aristocratie réduite d’alliances familiales (Athènes) ? Une oligarchie de propriétaires et de bourgeois anoblis (Angleterre du xviie siècle) ? Une foule disparate d’individus en quête d’unité ? L’introduction du thème le rappelle. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789) relève autant de l’utopie que du droit, de l’espérance que du contrat collectif. Aux xixe et xxe siècles, les alternances des régimes politiques ont montré que le peuple est devenu l’acteur central de la vie politique. Plusieurs questions sont posées par ceux qui réfléchissent à la légitimité et à la capacité d’action du peuple. Comment l’éduquer ? La presse, l’école, la simple durée créent des réflexes politiques et instruisent à l’intérêt général. Mais les régimes autoritaires aussi cherchent à se créer une légitimité en revendiquant l’approbation du plus grand nombre (référendum/plébiscite) tout en écartant le peuple en prétextant la complexité de la prise de décision (gouvernement d’experts). Faut-il limiter l’influence du peuple au profit des experts ? Les penseurs grecs ont interrogé toutes ces questions. Faut-il décider tous ensemble, ou laisser agir un petit groupe instruit (stratèges) : c’est l’avis de Platon mais aussi en partie de Benjamin Constant. Quels garde-fous face au règne de la majorité ? Comment assurer les droits de la minorité ? C’est l’inquiétude de Tocqueville analysant la démocratie américaine. Faut-il instruire le peuple citoyen ou décider pour lui ? Faut-il une démocratie directe ou agir via des représentants ? Faut-il que ces représentants agissent en fonction de leurs intérêts ou de l’intérêt général ? Un mandat peut-il être révoqué si l’élu ne suit pas le programme pour lequel il a été élu, ou l’élu est-il libre de ses positions politiques ? Tout au long du xxe siècle, chaque question a trouvé des solutions contradictoires, les uns essentialisant le peuple comme groupe en bloc (régimes autoritaires ou totalitaires), les autres considérant l’individu comme source particulière de légitimité (démocraties libérales). Sans imaginer un instant qu’un déterminisme existât dans l’histoire longue des sciences politiques, on peut tout de même dresser deux constats : 1) les questions soulevées par l’Athènes de Périclès gardent leur actualité 2 400 ans plus tard : faut-il une démocratie directe, au risque

1 – THÈME 1

Comprendre un régime politique : la démocratie – 1

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de la tyrannie et des passions, ou une démocratie représentative, au risque de la reconstitution d’une aristocratie politique ou d’une mise à distance des volontés des électeurs par les élus ? 2) les expériences politiques du xixe et du xxe siècle montrent l’actualité de ces questionnements à travers les conditions particulières des transitions politiques : Chili (échec), Espagne et Portugal (réussite venue de l’intérieur du régime). Pour finir, on peut se demander à quel modèle correspond l’Union européenne depuis 1992 : une démocratie libérale ? un régime d’experts ? selon ses opposants, une oligarchie autoritaire passant par-dessus les nations ? ou selon ses partisans, une démocratie représentative de la population, au poids encore trop faible face aux États membres. Les pages Fondements offrent des outils de comparaisons par le temps long : les expériences démocratiques sont le fruit de l’Antiquité grecque, véhiculées pour s’en servir ou les écarter par les Églises, expérimentées par les assemblées d’ordres (états généraux), étendues difficilement aux deux sexes (Finlande 1906). Michelet considérait que les états généraux de 1302, où Philippe le Bel avait fait interdire les bulles du pape Boniface VIII dans son royaume, signaient la naissance du sentiment national en France. On peut en dire autant de la Magna Carta britannique, ou des premières assemblées directes helvétiques. Les régimes autoritaires, eux, naissent des corps constitués (armée, élites politiques) et meurent par de longues transitions. La frise des expériences démocratiques peut amener à se demander quelles sont les dates de la Révolution française ? 1789-1799 comme le pensait Napoléon Bonaparte ? 1789-1815 comme le pensaient les républicains de la fin du xixe siècle ? Un long siècle d’expériences révolutionnaires (1789-1870) comme un effet miroir du temps long de la IIIe République (1875-1940) ? Les fondements de la démocratie sont le fruit d’expériences régulièrement menées et remises en question. Interroger la démocratie comme régime politique est à la fois interroger les conditions de sa remise en cause constante, mais aussi constater la permanence de ses ennemis à travers les siècles. Le grand avantage de ce thème est d’inscrire la démocratie dans le temps long du questionnement, de la naissance et de la fin des régimes, pour montrer ce qui fait l’essence du régime démocratique : le meilleur instrument de représentation politique des citoyens, mais aussi le plus friable et le plus fragile des régimes politiques parce qu’il fait appel à la raison individuelle face aux questions collectives souvent passionnées. Ce n’est pas le moindre des mérites d’un programme scolaire que de le rappeler aux jeunes citoyens.

2 – THÈME 1

Comprendre un régime politique : la démocratie – 2

AXE

1

PENSER LA DÉMOCRATIE : DIRECTE OU REPRÉSENTATIVE ? Comme les sujets traités sont très différents, la bibliographie et la sitographie sont ventilées dans chaque jalon.



JALON 1

Une démocratie directe mais limitée : être citoyen à Athènes au Ve siècle avant J.-C.

pp. 28-31

Logiques scientifiques et pédagogiques

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Les conditions de mise en place de la démocratie athénienne sont représentées dans ce Jalon à partir de l’émergence territoriale de modèles politiques différenciés, d’une figure emblématique (Périclès) et de pratiques collectives nouvelles et institutionnalisées qui marquent les contours d’un régime où différents pouvoirs s’équilibrent. Les limites de la démocratie athénienne sont ensuite abordées en exposant la limitation d’accès à la citoyenneté suivant la classe sociale d’appartenance et les inégalités entre les citoyens eux-mêmes. Ces aspects relativisent l’idéal démocratique placé en position d’exception face aux modèles dominants de l’Antiquité : oligarchique et tyrannique (monarchique). En 2013, Claude Mossé dans Regards sur la démocratie athénienne met brillamment en lumière les différents regards portés sur ce régime politique né dans l’Antiquité et dont l’expérience a marqué les autres périodes d’éclosion de la démocratie. Doc. 1

La carte est thématique et s’établit en fonction des régimes politiques. Elle sert à montrer la situation d’exception d’Athènes qui arrive à imposer son autorité au sein de la ligue de Délos. Il faut bien différencier les notions de thalassocratie et de démocratie, toutes les cités de la ligue de Délos ne sont pas démocratiques.

Doc. 2

Ce texte incontournable donne une coloration panégyrique au siècle de Périclès sur laquelle il convient d’insister. Thucydide est né en 465 et mort entre 400 et 395, il a écrit la Guerre du Péloponnèse qui concerne le conflit entre les deux cités-États d’Athènes et de Sparte, renforcées de leurs ligues respectives. Le texte souligne les valeurs idéales et novatrices de la cité athénienne, qui n’a pas pour ambition de les exporter à la différence de sa volonté d’hégémonie maritime sur le reste des cités du monde grec.

Doc. 3

Aristote, disciple de Platon est né en 384 avant J.-C. et mort en 322 ; il écrit donc au ive siècle. C’est l’occasion de rappeler aux élèves que, si la démocratie athénienne atteint son apogée au ve siècle, elle existe jusqu’à la fin du ive siècle. Cependant, le fléchissement de la puissance athénienne dans le monde grec entraîne aussi une détérioration de la pratique des institutions démocratiques, d’où la systématisation du misthos à tous les citoyens au IVe siècle.

Doc. 4

Ce schéma fléché est complet et impose une lecture attentive de la part des élèves. Il illustre le document 3 et insiste sur la répartition des pouvoirs en démocratie et le rôle des citoyens, au centre du système.

Éléments de réponse aux questions 1. Sparte et ses alliés de la ligue du Péloponnèse mais aussi les étrangers plus lointains, extérieurs au monde grec : les Perses. Il leur reproche de ne pas innover dans leur mode de gouvernement. 2. Les valeurs défendues sont la participation égale des citoyens pour servir la cité, l’organisation globale du système politique au service de la cité, l’égalité entre citoyens, le respect des lois et la transparence.

3 – THÈME 1

p. 29 3. Trois conditions statutaires : sexe : être un homme ; naissance : être né d’un père et d’une mère athéniens (sous-entendu le père est citoyen et libre) ; majorité : 18 ans. Vérification avec passage du contrôle des démotes et bouleutes. 4. Tirage au sort et vote seulement pour les stratèges, le tirage au sort garantit une absolue équité, le vote une reconnaissance de la réputation et des compétences d’un individu.

Comprendre un régime politique : la démocratie – 3

Bac ANALYSER La démocratie athénienne s’appuie sur quatre institutions qui garantissent une rotation de ses représentants citoyens en fonction de critères d’entrée définis pour une durée limitée. Les conditions pour devenir citoyens permettent de garder une fidélité à la cité d’Athènes (nécessité d’être de père et mère athéniens) et à ses institutions, garde-fous les unes des autres. Le tirage au sort

Doc. 5

Cet auteur a vécu à cheval sur les deux siècles de démocratie à Athènes, son ouvrage serait daté de 431 avant J.-C. L’attribution de cet ouvrage a cependant été discutée, et l’on évoque parfois le pseudo Xénophon. Xénophon est très critique du régime démocratique et favorable aux régimes oligarchiques.

Doc. 6

Ce bas-relief retranscrit bien la position hégémonique du citoyen sur le reste de la société dans la sphère publique comme la sphère privée. On peut néanmoins nuancer cette image avec l’évocation de certains mariages authentifiés entre maître et esclave.

Doc. 7

Ce document présente les fantassins lourds (hoplites), flanqués de cavaliers. Ces cavaliers, appelés les hippeis, font partie des catégories supérieures de la société. Suivent les hoplites, puis les rameurs (thètes) qui appartiennent aux catégories les plus modestes de la société et sont incapables de financer un équipement militaire.

Doc. 8

Ce texte écrit par Hérodote, considéré comme le premier historien, qui défend discrètement le système démocratique. Il demeure un outil très utile pour présenter les différents régimes politiques et répond au document 1. Pour mémoire, Aristote optait pour un régime mixte cumulant les trois modèles. Conseil méthode : faire construire un tableau à deux entrées où les aspects négatifs ou les aspects positifs des trois régimes politiques sont présentés.

Éléments de réponse aux questions

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des citoyens pour accéder aux fonctions de commandement garantit l’équité et les lois s’appliquent pour tous. Néanmoins, dans les faits, on s’aperçoit que l’élection des stratèges permet à des figures de s’inscrire durablement à la tête de la cité. C’est le cas de Périclès, stratège pendant trente ans.

1. Les esclaves et les métèques : les uns sont non libres, considérés comme marchandises, les autres sont des étrangers non originaires de la cité d’Athènes mais libres. Ils constituent 50 % de la population athénienne. Les femmes et les enfants n’ont pas non plus accès à la citoyenneté. 2. La supériorité du citoyen se voit à sa place centrale dans le bas-relief, à sa position : à moitié couché en hauteur il ordonne d’un geste à son esclave de le servir. Il est assisté par son esclave tandis que son épouse, en retrait en bas à droite coud et semble sous ses ordres. Selon Xénophon, l’iségoria, droit à la parole, a été octroyée à des métèques et à des esclaves pour le bien de la Cité.

p. 31 3. Les devoirs des citoyens : défendre la cité (mais aussi respecter les lois, payer ses impôts et participer à la vie civique). L’armée n’est pas égalitaire, hoplites, cavaliers et rameurs se répartissent selon leur capacité à payer leur équipement (voir présentation du document 7). 4. La démocratie, ou isonomie, se caractérise par l’égalité devant les lois, le gouvernement par le peuple ; c’est un régime régi par une communauté de citoyens. La tyrannie est le gouvernement d’un seul homme. Dans une oligarchie, c’est une poignée d’hommes qui gouvernent selon des critères qui peuvent varier (aristo­cratie, ploutocratie, gérontocratie etc.).

Bac ANALYSER La démocratie directe est la représentation de toute la société citoyenne dans les institutions. Cette démocratie est imparfaite car seuls 10 % de la population sont représentés dans les institutions et la création du misthos démontre qu’il faut motiver certains Athéniens pour faire leur devoir de citoyen. Tous les citoyens ne sont pas investis par la défense des intérêts de la même manière.

4 – THÈME 1

Ainsi, la démocratie ne garantit pas l’égalité réelle entre citoyens (dans l’armée ou les fonctions de stratèges) et encore moins parmi les membres de la population athénienne mais elle projette cette intention et a lancé pour des siècles un idéal à atteindre.

Comprendre un régime politique : la démocratie – 4



JALON 2

Participer ou être représenté : Benjamin Constant

pp. 32-35

Logiques scientifiques et pédagogiques L’ouvrage de Benjamin Constant De la Liberté des Anciens comparées à celle des Modernes (1819) marque une étape cruciale dans l’histoire des idées politiques. Il permet de comprendre le passage de l’arbitraire à la reconnaissance des droits et libertés des citoyens. Dans la même perspective, De la Démocratie en Amérique (1835) de Tocqueville est une clé pour saisir les conditions politiques et philosophiques d’évolution du concept de démocratie après la Révolution française. Pour comprendre la période d’éclosion démocratique dans les sociétés modernes, il est nécessaire de se référer aux quatre tomes de Marcel Gauchet L’Avènement de la démocratie, sorte de bible intellectuelle pour comprendre la démocratie. Le quatrième tome est sorti en 2017.

Bibliographie – RAYNAUD Philippe, « Benjamin Constant, un romantique libéral », revue Esprit, 1983. (Accessible en ligne : https://esprit.presse.fr/article/raynaud-philippe/un-romantique-liberal-benjamin-­ constant-21165). Un bel article de synthèse pour comprendre la pensée de Benjamin Constant. – THEIS Laurent, « Benjamin Constant, ou “la liberté en tout” », revue Commentaires, n° 165 printemps 2019. Article synthétique, complet et très éclairant. Doc. 1, 2 et 3

Doc. 4

Le dossier est organisé autour d’extraits choisis de l’œuvre de Benjamin Constant qui est le support de l’étude qui lui est consacrée : De la Liberté des Anciens comparée à celle des Modernes. Les trois premiers documents sont des extraits situés au début du discours de Benjamin Constant. Dans le premier extrait (Doc. 1), Constant s’attache à décrire la liberté des Modernes, en la définissant d’abord comme la capacité à jouir de droits individuels. Dans le second (Doc. 2), Constant décrit la liberté des Anciens comme étant essentiellement collective, et fondée sur l’assujettissement de l’individu. Dans le troisième extrait, et conformément à ses engagements politiques, Constant explique que c’est la liberté des Modernes qu’il faut rechercher. Le document est une gravure représentant le « groupe de Coppet », c’est-à-dire le groupe informel d’intellectuels gravitant autour de Madame de Staël, et fréquentant son château des bords du lac Léman, à Coppet, en Suisse, entre 1804 et 1812. En plus de Benjamin Constant ou de Jacques Necker, des écrivains comme August Wilhelm Schlegel et Jean de Sismondi ont participé à ce « salon », sans donner lieu à une véritable doctrine. Le point commun de tous les participants à cette « nébuleuse » est leur opposition à l’empereur et à l’Empire, et le fait qu’ils soient partisans du libéralisme politique. Ils deviendront les piliers des Libéraux sous la Restauration.

p. 33

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Éléments de réponse aux questions 1. Les types de libertés dits « des Modernes » sont selon Constant les droits politiques et sociaux qui s’exercent individuellement. Dans les libertés citées par Constant, on reconnaît la liberté de circulation, la liberté d’opinion et de culte, la liberté économique, d’association et de réunion, ainsi que les libertés civiles liées à l’exercice de droits politiques dans le cadre d’une démocratie représentative : droit de vote, de pétition, de contrôle des gouvernants et des représentants de l’État. 2. Les types de libertés dits « des Anciens » pour Constant sont les libertés civiles et politiques exercées collective-

ment dans le cadre des démocraties directes ayant existé dans l’Antiquité, à Athènes ou Rome. 3. Les seules libertés des Anciens sont impossibles pour Constant car elles supposent un effacement de l’individu au profit de la collectivité : la liberté de chacun y est contrainte par la volonté collective. D’après Constant « Indépendance » et garanties des « jouissances privées » sont nécessaires aux Modernes. 4. Le libéralisme de Constant repose sur le principe de la primauté de l’individu sur le collectif. Il s’oppose en cela à Napoléon et à l’Empire,

Bac S’EXPRIMER À L’ORAL La biographie de Constant tourne autour : 1) de son adhésion nuancée au Consulat et de son refus de l’Empire ; 2) de son opposition à la Restauration. Le discours de 1819 est donc à la fois le fruit du contexte et celui de toute l’existence de son auteur.

5 – THÈME 1

Comprendre un régime politique : la démocratie – 5

Doc. 5

Doc. 6, 7 et 8

Doc. 9

La gravure de Jean-Baptiste Alexis Barban permet de rappeler que Constant fut d’abord un grand orateur (le texte étudié est d’abord une conférence) et qu’il eut une longue carrière parlementaire : membre du Tribunat de 1799 à 1802, il est ensuite député constamment réélu de 1819 à 1830. Ce sont trois nouveaux extraits de la conférence. Le document 8 est presque la fin de la conférence. Le célèbre tableau de Delacroix, célébration du « peuple citoyen » combattant pour les libertés, permet de rappeler la Révolution de juillet 1830 et le rôle qu’y a joué Benjamin Constant, par son intense activité dans l’opposition parlementaire, contribuant ainsi à l’avènement du nouveau régime de Louis-Philippe. Constant meurt peu après et se voit accorder des funérailles nationales en décembre 1830.

p. 35

Éléments de réponse aux questions 1. D’après Constant, une assemblée n’est vraiment représentative que si le peuple exerce un contrôle sur les représentants, et que ceux-ci sont renouvelés régulièrement. Le Tribunat ne remplit pas ces conditions : cette assemblée de 100 puis de 50 membres, était une des quatre assemblées existant sous le Consulat puis l’Empire, de 1800 à 1807 (avec le Conseil d’État, le Corps législatif, et le Sénat), chargée de discuter des projets de loi mais pas de les voter. Il était composé de membres désignés par le Sénat, renouvelables par cinquièmes tous les ans, parmi « des listes de notabilités » établies après un processus complexe, où le Premier Consul puis l’Empereur intervenait de façon officieuse. Et ses membres étaient indéfiniment rééligibles, tant qu’ils demeuraient sur ces « listes de notabilités ». Constant en avait d’ailleurs dénoncé le rôle dans son premier discours au Tribunat, dénonçant « le régime de servitude et de silence » qui se mettait en place. Il en fut écarté dès janvier 1802.

2. Pour Constant le rôle de l’autorité n’est pas de rendre heureux car cela reviendrait à choisir et à imposer une idée du bonheur aux individus. Ce serait un retour à « la liberté des Anciens », ou la collectivité encadrait de façon continue les individus au nom d’un bien général. L’autorité doit donc « rester dans ses limites », c’est-à-dire à établir la loi « juste » dans le respect des libertés individuelles. 3. «  L’égalité intellectuelle  » est permise par l’égalité civique, et le fait que les citoyens exercent leurs fonctions régulièrement. Le rôle du législateur est donc de permettre cette élévation morale, en permettant et en protégeant les libertés, et en confiant un rôle politique important aux citoyens. En 1830, le peuple reproche au pouvoir de Charles X son raidissement autoritaire et la suppression de la liberté de la presse.

Bac TRAVAILLER EN AUTONOMIE Pour les causes de la révolution de 1830, différencier les causes politiques, économiques et sociales, et les causes liées au contexte de la loi sur la liberté de la presse. Un plan



COURS

en deux colonnes (Idées de Constant/Causes de 1830) permet de montrer que les idées libérales de Constant sont proches des revendications des révolutionnaires.

Penser la démocratie : directe ou représentative ?

pp. 36-37

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Orientations bibliographiques L’Athènes démocratique a été pensée et analysée par Jacqueline de Romilly notamment dans La Grèce antique à la découverte de la liberté (1989) et L’Élan démocratique dans l’Athènes ancienne (2005). Pour les Grecs, la démocratie ne représente pas seulement la mise en place des institutions politiques effectuée à un moment donné, mais elle implique un univers de représentations s’organisant autour de la figure de la liberté dans tous les domaines de la vie sociale, une véritable philosophie de vie. Athènes s’est ainsi offert pendant deux siècles un régime démocratique. Pour comprendre l’essor des idées démocratiques, se référer aux quatre tomes de Marcel Gauchet, L’Avènement de la démocratie (4e tome 2017). Pour les mises en question du modèle démocratique, Jean-Christophe Rufin a écrit le roman Globalia en 2004 ; il s’agit d’une dystopie dans un monde futur où la démocratie est le régime politique qui s’est imposé. Tous les conflits religieux et idéologiques ont été annihilés, mais ses principes ont été poussés à l’extrême. L’intérêt de l’ouvrage est de montrer qu’un système fondé uniquement sur le principe de liberté finit par devenir totalitaire. Jacques Rancière, dans La Haine de la démocratie paru en 2005, offre une vision très distancée des apologies des droits de l’homme.

6 – THÈME 1

Comprendre un régime politique : la démocratie – 6

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Enfin, Pierre Rosanvallon demeure incontournable. Il a échafaudé une réflexion inscrite dans le temps sur le constat de défiance prégnant à l’égard de la démocratie, dans sa Contre-démocratie (2006) qu’il complète et réhabilite en 2008 dans La légitimité démocratique. Dans un cahier spécial du Monde, le 29 avril 2009, Pierre Rosanvallon appelait à « Réinventer la démocratie » à l’occasion du Forum Le Monde/La république des idées (Grenoble, 8-10 mai 2009). Texte accessible ici : http://www.repid.com/IMG/pdf/Republique1.pdf

7 – THÈME 1

Comprendre un régime politique : la démocratie – 7

AXE

2

AVANCÉES ET RECULS DES DÉMOCRATIES Attention : erreur dans la première édition. Sur la carte p. 39, il faut lire le 3e caisson de légende ainsi : Régime hybride (4-5, 99).

Bibliographie et sitographie Chaque jalon propose une bibliographie et une sitographie spécifiques. Pour l’ensemble de l’axe, on peut se référer à au livre de Serge BERSTEIN, Démocraties, régimes autoritaires et totalitarismes au xxe siècle, Hachette supérieur, 1999. L’ouvrage permet d’appréhender l’émergence de la démocratie libérale, sa remise en question par l’avènement des régimes autoritaires et totalitaires, puis son apparent triomphe. Le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France propose un grand nombre de documents gratuits et faciles d’accès pour illustrer, via la presse, les transitions espagnole, portugaise et chilienne.



JALON 1

L’inquiétude de Tocqueville : de la démocratie à la tyrannie

pp. 40-43

Bibliographie et sitographie – JAUME Lucien, Tocqueville. Les sources aristocratiques de la liberté, Fayard, 2008. Un livre qui est plus qu’une biographie, une analyse de l’itinéraire intellectuel de Tocqueville, en même temps qu’une introduction abordable et complète à De la Démocratie en Amérique. – De bonnes émissions de l’émission Les Chemins de la Connaissance (France culture), écoutables en ligne, ont été consacrées à Tocqueville en 2012 et 2013.

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Logiques scientifiques et pédagogiques Doc. 1

Le dossier s’appuie sur des extraits choisis dans les deux parties de De la Démocratie en Amérique, permettant de mettre en évidence le projet de Tocqueville, puis les grands éléments de son analyse du système américain, et enfin les critiques qu’il fait de la démocratie américaine, et plus largement de toute société démocratique, et les dangers qu’il y perçoit, pour l’égalité et l’exercice des libertés.

Doc. 2

Le portrait de Tocqueville par Théodore Chassériau, accompagné d’une citation de François Furet, grand analyste de la pensée de Tocqueville sur la Révolution française, permet de mettre en évidence ses origines aristocratiques et son parcours politique singulier.

Doc. 3

L’extrait choisi de l’introduction doit permettre de présenter le projet de l’œuvre de Tocqueville, et d’en justifier l’étude. En étudiant les institutions et la société américaines de son temps, le but de Tocqueville était bien de comparer et de participer au débat de son époque en France, mais en affichant une impartialité revendiquée et de se placer en continuateur de l’œuvre de Montesquieu, dans l’étude et la compréhension des régimes politiques. Ceci fait de son livre encore aujourd’hui une œuvre majeure de la sociologie, comme de la science politique moderne. Raymond Aron, qui a beaucoup contribué à faire redécouvrir l’œuvre de Tocqueville en France, écrivait ainsi dans le chapitre qu’il lui consacre dans Les Étapes de la pensée sociologique (1967, Gallimard) : « Tocqueville constate certains caractères liés à l’essence de toute société moderne ou démocratique, mais il ajoute qu’à partir de ces fondements communs, il y a une pluralité de régimes politiques possibles. Les sociétés démocratiques peuvent être libérales ou despotiques. Elles peuvent et doivent prendre des caractères différents aux États-Unis ou en Europe, en Allemagne ou en France. Tocqueville est par excellence le sociologue comparatiste, qui essaie de dégager ce qui est important, par confrontation des espèces de sociétés appartenant à un même genre ou à un même type. »

Doc. 4

L’extrait choisi permet de mettre en évidence la méthode de Tocqueville et son objet. Le problème général qu’expose Tocqueville dès son introduction peut se résumer ainsi : à quelles conditions une société, où le sort des individus tend à devenir uniforme (ce qu’il appelle « l’égalité des conditions »), peut-elle ne pas sombrer dans le despotisme ? Ce qui revient à s’interroger sur la possibilité de concilier égalité et liberté. La première partie de De la Démocratie en Amérique

8 – THÈME 1

Comprendre un régime politique : la démocratie – 8

énumère et analyse donc les causes expliquant le fait que la démocratie américaine soit libérale. Il distingue, dans l’ordre, la situation accidentelle et particulière de la société américaine, liée à son histoire (une société d’émigrants, sans aristocratie héritée, sur une vaste étendue, sans grands États voisins) ; puis les lois ; et enfin les habitudes et les mœurs. L’extrait choisi peut permettre de montrer comment la réflexion générale sur l’égalité, s’articule à l’analyse précise de ce qu’il a constaté dans son voyage aux États-Unis.

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Doc. 5

9 – THÈME 1

Le tableau de Georges Caleb Bingham (1811-1879), The Verdict of the people (1854-1855) est une œuvre contemporaine du livre de Tocqueville, et peut faire l’objet d’une lecture critique très riche. Ce tableau, dont l’utilisation par Donald Trump lors de son déjeuner d’investiture a provoqué une polémique, est très célèbre aux États Unis. Son auteur a tenté une carrière politique : il a été élu à la Chambre des représentants de son État, le Missouri, en 1848, avant de perdre son siège deux ans plus tard. Il était membre du parti Whig, parti de la droite libérale, créé en opposition au 7e Président Andrew Jackson (1829-1837) et à sa politique de « démocratisation » et d’extension du suffrage. Le parti Whig était fédéraliste, anti-agrarien, majoritairement anti-esclavagiste, et partisan de la modernisation du pays. Il se déchire à partir de 1854, autour de la question de l’esclavage. L’œuvre fait donc partie d’un triptyque intitulé Elections, où G. C. Bingham dépeint une société américaine plongée dans l’exercice de sa démocratie, à la veille de la guerre civile. Mais le peintre ne cherche pas à représenter une démocratie idéale : le tableau évoque surtout les débats politiques de son temps. On y voit donc la foule réunie pour l’annonce des résultats d’une élection dans son État, le Missouri, et donc la totalité de l’électorat américain de l’époque post-Jacksonienne, avec toutes les strates de la société : élites investies dans le combat politicien, propriétaires, agriculteurs, mais aussi ouvriers agricoles, marchands, boutiquiers, vétérans… On y voit aussi les femmes (qui n’ont pas le droit de vote), les enfants, et même les esclaves noirs rassemblés pour l’annonce du vainqueur. Loin de représenter une vision idéalisée de la démocratie américaine, le peintre (et encore plus dans le tableau intitulé The County election), montre les dangers de la « popularisation » de la politique, et représente clairement comment démocratisation et corruption peuvent aller de pair, et comment l’homme du peuple peut se laisser influencer par les membres de l’élite, qui lui indiquent comment voter, ce que le parti Whig dénonçait à l’époque. Le tableau est contemporain des débats autour de la Loi Kansas-Nebraska de 1854, décidant d’accorder aux pionniers dans ces nouveaux États le droit de décider si l’esclavage y sera autorisé ou non. C’est cette loi qui provoque l’éclatement du parti Whig, la naissance du nouveau Parti républicain, et la montée en puissance des oppositions qui conduiront à la Guerre Civile (1861-1865). La présence de l’esclave noir qui pousse une brouette au premier plan, et se détache de la masse et de la foule des électeurs blancs à l’arrière-plan, renvoie aux opinions anti-esclavagistes de Bingham, et au titre du tableau qui incite à une réflexion sur ce qu’est, ou devrait être, le « peuple », et aux conditions de son « verdict ». Ces critiques peuvent ainsi être rapprochées de celles formulées par Tocqueville dans De la Démocratie en Amérique, sur l’action du Président Jackson : « le général Jackson est l’agent des jalousies provinciales ; ce sont les passions décentralisantes (si je puis m’exprimer ainsi) qui l’ont porté au souverain pouvoir. C’est en flattant chaque jour ces passions qu’il s’y maintient et y prospère. Le général Jackson est l’esclave de la majorité : il la suit dans ses volontés, dans ses désirs, dans ses instincts à moitié découverts, ou plutôt il la devine et court se placer à sa tête. […] Après s’être ainsi abaissé devant la majorité pour gagner sa faveur, le général Jackson se relève ; il marche alors vers les objets qu’elle poursuit elle-même, ou ceux qu’elle ne voit pas d’un œil jaloux, en renversant devant lui tous les obstacles. Fort d’un appui que n’avaient point ses prédécesseurs, il foule aux pieds ses ennemis personnels partout où il les trouve, avec une facilité qu’aucun président n’a rencontrée ; il prend sous sa responsabilité des mesures que nul n’aurait jamais avant lui osé prendre ; il lui arrive même de traiter la représentation nationale avec une sorte de dédain presque insultant ; il refuse de sanctionner les lois du Congrès, et souvent omet de répondre à ce grand corps. C’est un favori qui parfois rudoie son maître. Le pouvoir du général Jackson augmente donc sans cesse ; mais celui du Président diminue. Dans ses mains, le gouvernement fédéral est fort ; il passera énervé à son successeur. » (Tome 1, vol. 2, chap. 10. Quelles sont les chances de durer de l’Union américaine ? Quels dangers la menacent ?)

Comprendre un régime politique : la démocratie – 9

p. 41

Éléments de réponse aux questions 1. Alexis de Tocqueville appartient à une famille de la haute noblesse normande, ayant même d’illustres aïeux (Malesherbes, Saint-Louis par sa grand-mère). Ses parents, qui ont échappé de justesse à la mort sous la Terreur, à la différence d’autres membres de sa famille, sont légitimistes, et son père a fait une brillante carrière sous la Restauration. Son adhésion à la démocratie libérale peut donc paraître surprenante, mais Tocqueville peut être décrit comme un libéral conservateur : député de la Manche de 1839 à 1851, et Conseiller général de 1842 à 1853, il siège à gauche sous la Monarchie de Juillet, puis appartient au Parti de l’Ordre après 1848. Anti-esclavagiste, libre-échangiste, Tocqueville est plus libéral que démocrate ; et son adhésion pour la démocratie, provient peut-être de son voyage de jeunesse en Amérique. Il est en fait difficile de classer politiquement Tocqueville (« entre droite et gauche », Mario Tesini), « il n’est pas impartial mais inclassable » (Lucien Jaume), ce « moraliste aristocratique » est surtout rallié à la démocratie libérale parce qu’il pense que son développement est inéluctable. 2. Tocqueville s’intéresse aux États-Unis d’abord parce qu’il y est parti faire un voyage d’étude en 1831 afin d’y étudier le système carcéral, et la possibilité de reformer le système français. Il dit alors y avoir découvert une société démocratique, et sa condition première, l’égalité des conditions. Selon Tocqueville la science politique ne peut fonctionner que par l’analyse comparative : il s’agit donc d’observer, de comprendre et d’analyser, en tirant des leçons générales des exemples particuliers observés. 3. Tocqueville explique, comme Benjamin Constant, que l’égalité, au sens de l’égalité politique, ne peut exister que si tous les citoyens ont les mêmes droits, ce que permet

l’isonomie dans une démocratie ; ou dans une tyrannie, ou un régime de « pouvoir absolu », où tous sont privés de droits. L’égalité des fortunes, que Tocqueville appelle souvent « l’égalité des conditions », et qui n’est pas l’égalité des biens, est permise par l’égalité des droits et le libéralisme économique. 4. Le tableau de Bingham exprime la souveraineté du peuple en représentant sa conséquence pratique la plus importante : l’exercice du droit de vote, c’est-à-dire l’élection. Le peuple est représenté dans toute sa diversité, par la présence de tous les groupes sociaux : urbains et ruraux ; riches et pauvres ; hommes, femmes et enfants ; Blancs et Noirs. Mais la présence de toute cette diversité est aussi un élément de critique de système électoral et politique de la part du peintre, puisque le vote est alors réservé aux hommes blancs contribuant à l’impôt. La diversité des votants, conséquence des réformes récentes décidées sous le Président Jackson, est visible sur le tableau, et n’est pas obligatoirement un élément positif pour le peintre, comme le montre la présence de personnages à l’évidence ivres, ou peu intéressés par l’enjeu. L’œuvre évoque aussi le passage au vote à bulletin secret à la place du vote public à main levée, puisque la scène représente la proclamation des résultats. Cette pratique se généralise dans tous les États à cette époque, malgré les critiques, en particulier des démocrates. Enfin, le personnage noir portant une brouette, exclu du vote, est une nette dénonciation par le peintre de leur exclusion de la communauté politique, et une référence aux violents débats contemporains sur la question de l’esclavage.

Bac ANALYSER Les valeurs et les outils de la démocratie américaine sont liés : la liberté et le vote, l’égalité et le suffrage universel (mais masculin), le mérite et l’élection.

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Doc. 6, 7 et 9

10 – THÈME 1

Les extraits de cette deuxième double page sont tous issus de la deuxième partie de De la Démocratie en Amérique, dans laquelle Tocqueville analyse les influences de la démocratie (« Sur les sentiments des Américains », « Sur les mœurs proprement dites », « Sur la société politique »). Dans des pages célèbres, Tocqueville relève les dangers d’une société démocratique. Le premier extrait met en évidence le danger de l’individualisme, et le risque que les individus valorisent l’égalité et leur bien-être au détriment des libertés, et de la possibilité d’exercer leur pouvoir de décision au sein de la sphère publique. Le deuxième extrait (Document 7) porte sur le danger de « la tyrannie de la majorité ». Tocqueville aborde et analyse à de nombreuses reprises cette limite possible des systèmes démocratiques : les personnes élues démocratiquement, peuvent imposer leurs décisions à la minorité. Elles sont en effet censées représenter la volonté « du plus grand nombre ». La tyrannie de la majorité réside ainsi dans l’oubli de l’intérêt général et la pénalisation de certaines parties de la population. Le troisième extrait est tiré du fameux chapitre 6 de la quatrième partie du tome 2, intitulé « Quelle espèce de despotisme les nations démocratiques ont à craindre ? », souvent cité pour montrer le caractère quasi visionnaire et prophétique de certaines des analyses de Tocqueville : le « despotisme doux » évoqué par Tocqueville est très souvent utilisé pour décrire les dérives des démocraties contemporaines. Si un système démocratique doit chercher à concilier égalité et liberté, pour Tocqueville le risque majeur de la démocratie, semble résider dans le renoncement à la liberté, dont il faut chercher l’origine dans « la passion pour l’égalité » et

Comprendre un régime politique : la démocratie – 10

le repli sur la sphère privée. Dans une société qui se veut égalitaire, la conscience des inégalités est très forte. Plus les inégalités se réduisent et moins elles sont acceptées. Or pour défendre l’égalité, les individus seraient prêts à accepter un « despotisme doux », c’est-à-dire la diminution de leurs libertés publiques au nom de l’égalité entre les citoyens. Cela pourrait prendre la forme d’un délaissement de la gestion des affaires publiques aux représentants politiques. Tocqueville considère donc que ce penchant est inéluctable, et s’explique par la recherche d’un bien-être matériel immédiat et privé. Tocqueville voit donc la démocratie comme un régime qui peut s’autodétruire de l’intérieur, en nourrissant des idéaux qui sont les germes de sa propre destruction. Doc. 8

Ce document permet de mettre en lumière un grand lecteur de Tocqueville, Raymond Aron, qui a beaucoup contribué à une meilleure connaissance de son œuvre en France, et qui incarne la tradition philosophique et politique libérale française qui en est directement l’héritière. Le texte d’Aron résume rapidement les longues analyses que Tocqueville consacre dans le tome 1 à présenter les institutions américaines, et en particulier le système judiciaire, ainsi que la décentralisation administrative américaine, qu’il analyse comme les deux principaux boucliers contre la « tyrannie de la majorité ».

Doc. 10 Stump Speaking, ou Discours de campagne est le deuxième tableau du triptyque de George C. Bingham. Il représente une assemblée de citoyens, essentiellement composée d’hommes blancs, qui écoute un candidat prononçant un discours, peut-être une réponse à l’homme debout qui l’a interpellé. Comme les autres tableaux du peintre, l’œuvre se veut à la fois une célébration de la vie politique américaine en général, mais comporte des références directes à son État, le Missouri, et à sa propre carrière. Derrière l’orateur, l’homme qui prend des notes sur le discours et attend son tour ressemble à l’autoportrait de Bingham. Le « Speaker » serait Sappington, qui était l’adversaire de Bingham lorsqu’il s’est présenté aux élections, et la personne assise à côté de Bingham ressemblerait à l’ex-gouverneur du Missouri, un certain Meredith Marmaduke.

Éléments de réponse aux questions

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1. Les périls sont l’individualisme, c’est-à-dire le retrait volontaire de la participation à la vie politique collective ; la tyrannie de la majorité sur la ou les minorités ; le populisme, qui est lié au péril précédent, et qui consiste à parvenir au pouvoir ou à gouverner, en créant une majorité en prétendant représenter le peuple face aux élites ; et le « despotisme doux », que Tocqueville analyse comme un désintérêt individualiste généralisé, abandonnant tous les pouvoirs à une administration gouvernementale puissante. 2. La parole est bien un outil indispensable au débat, à l’élection des représentants, puis à leur délibération et à la prise de décision collective, dans une démocratie représentative. Elle est aussi un danger, si elle est accaparée ou

p. 43 utilisée dans le débat public pour développer des arguments démagogiques ou populistes. 3. Les outils pouvant limiter le risque de tyrannie sont, d’après Tocqueville, la conscience d’appartenir à un groupe ayant un destin commun dépassant les intérêts individuels ; l’existence d’instances de contrôle, comme un pouvoir judiciaire indépendant, pour éviter que les intérêts des minorités soient oubliés par des majorités ; et enfin l’attachement à la liberté de chacun des citoyens, mais aussi l’entretien, peut-être par l’éducation, du sentiment de responsabilité que chaque citoyen doit avoir de son rôle dans la participation aux pouvoirs et aux décisions collectives.

Bac ANALYSER D’après Tocqueville, les limites de la démocratie américaine sont nombreuses, et elles sont liées à ses principes mêmes. Pour Tocqueville, la démocratie repose sur deux piliers indissociables : la liberté individuelle et l’égalité politique. La liberté peut conduire à un individualisme, qui, associé au principe d’égalitarisme, amène les citoyens à attendre de l’État qu’il assume un maximum de responsabilités, les citoyens ne se préoccupant que de leurs propres intérêts et droits, et non plus du bien commun. Les principes d’égalité et de liberté peuvent aussi entrer en concurrence, entraînant des conflits qui amènent à recourir à une autorité suprême pour trancher, autorité issue d’une majorité

11 – THÈME 1

passive ou, pire, dans un second temps d’une minorité active, tuant progressivement les libertés individuelles. Enfin, la démagogie, ou ce qu’on appelle le populisme, c’est-à-dire le fait de rechercher à bâtir une majorité en opposant le peuple aux élites (qu’elles soient sociales ou politiques) et en promettant de le défendre contre ceux qui n’appartiendraient pas au « vrai peuple », est une limite inhérente à la démocratie. Elle est permise et se nourrit de ses fondements mêmes : la promesse d’égalité entre ses membres, la liberté d’expression, et le principe de la décision à la majorité des membres qui s’expriment.

Comprendre un régime politique : la démocratie – 11



JALON 2

Crises et fin de la démocratie : le Chili de 1970 à 1973

pp. 43-47

Logiques scientifiques et pédagogiques Ce dossier permet de mettre en évidence le cas du Chili qui est représentatif de ce mouvement d’avancées et de reculs de la démocratie depuis le xviiie siècle. En 1970 (et ce, depuis 1925), le Chili est un pays démocratique, avec un Président socialiste élu légalement, Salvador Allende ; en 1973, celui-ci est renversé par une junte militaire, menée par Augusto Pinochet. Un autre exemple, européen, est celui de la Grèce, une démocratie, qui bascule dans une dictature militaire (dictature des colonels) en 1967 (jusqu’en 1974).

Bibliographie et sitographie

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– GAUDICHAUD Franck, Chili 1970-1973 : Mille jours qui ébranlèrent le monde, PUF, 2013. Cette étude reconstitue la dynamique du mouvement révolutionnaire chilien. – SARGET Marie-Noëlle, Histoire du Chili de la conquête à nos jours, L’Harmattan, 1996. Un livre qui retrace l’histoire du Chili de la conquête espagnole à nos jours. – Un article de l’université de Sherbrooke sur l’accession de Salvador Allende à la présidence de la République  : http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve?codeEve=578&langue=fr%2– Un artilce du journal Libération sur le rôle de la CIA dans le coup d’État : https://www.liberation. fr/planete/2000/09/21/la-cia- revele-ses-barbouzeries-au-chili_338019 – Une vidéo d’un reportage réalisé par un journaliste français de l’ORTF au Chili, quinze jours seulement après le coup d’État. Elle est accessible sur le site de l’INA, avec, sur la page Web, une partie « éclairage » qui donne des éléments de compréhension du putsch et une partie « transcription », qui retranscrit intégralement les propos tenus dans le reportage : https://fresques.ina.fr/jalons/ fiche-media/InaEdu01676/le-coup-d-etat-au-chili.html Doc. 1

Le journaliste du journal Le Monde diplomatique, Édouard Bailby évoque l’inquiétude des autorités américaines quant à l’élection présidentielle au Chili. Dans le cadre de la guerre froide, ces dernières craignent une « contagion communiste » de cet État vers les pays voisins. Les États-Unis ont de fait facilité le putsch à défaut d’y avoir directement participé.

Doc. 2

Salvador Allende, candidat socialiste clairement affirmé, avait annoncé un ambitieux programme de réformes sociales. De fait, il met en œuvre, surtout au cours des années 1970 et 1971, d’importantes mesures économiques, sociales et culturelles, surtout à destination des classes populaires.

Doc. 3

Dès l’élection d’Allende (1970), la situation politique est tendue, et elle se crispe encore davantage l’année d’après, lorsque des groupes d’extrême droite tentent de déstabiliser le régime. Les militants de l’Unité populaire, souvent très jeunes, se mobilisent pour défendre les acquis sociaux et le bilan du gouvernement.

Doc. 4

Jean Meyer analyse les dangers qui pèsent sur le régime établi par Salvador Allende ; ceux-ci sont nombreux (armée, financiers, États-Unis…) et menacent l’édifice en cours d’édification du Président chilien. Celui-ci a hérité d’une situation complexe : les réformes, pourtant urgentes, doivent être appliquées avec doigté et parcimonie, sous peine de voir les oppositions se radicaliser et risquer de provoquer une guerre civile.

Éléments de réponse aux questions 1. Les autorités américaines craignent que l’arrivée au pouvoir d’un Président très orienté à gauche au Chili ne se répercute dans les autres pays d’Amérique du Sud, favorisant ainsi une « contagion communiste » de toute la zone. Le patronat et la grande bourgeoisie, détentrice des terres, voient également d’un mauvais œil l’imminence de son élection (qui était annoncée via les sondages) ; ils anticipent les nationalisations et la redistribution des terres qui pourrait survenir si Allende était élu.

12 – THÈME 1

p. 45 2. Les catégories sociales favorisées par les réformes d’Allende sont surtout les classes les plus démunies, pauvres qui obtiennent pour eux et leurs enfants un meilleur accès à l’école et à la santé. En outre, les mesures sont aussi à destination de la classe ouvrière (notamment les hausses de salaire). 3. Allende est véritablement le porteur du projet politique qu’il incarne, bien plus que son gouvernement de coalition. C’est pourquoi il est au centre des critiques

Comprendre un régime politique : la démocratie – 12

et en première ligne face aux attaques de ses ennemis politiques. En outre, les alliances qu’il a nouées pour former son gouvernement (notamment avec la démocrate-­

chrétienne) sont bien fragiles ; certains membres de l’Unité populaire ne se privent pas de le brocarder.

Bac TRAVAILLER EN AUTONOMIE À partir des sources proposées au début du chapitre, il est possible d’isoler des causes internes (fragilité d’Allende, organisation de l’armée, crainte du poids Doc. 5 et 6

des communistes) et externes (influence des États-Unis dans le contexte de guerre froide, présence de dictatures militaires en Amérique du Sud).

Les soldats putschistes de Leigh et de Pinochet visent le palais présidentiel de la Moneda, dans lequel était retranché Salvador Allende. Ce dernier prononce un discours au caractère prémonitoire, dans lequel il affirme qu’il défendra, au prix de sa vie s’il le faut, ses idées et ses principes. Le palais est alors survolé par l’aviation à 9 h du matin, puis bombardé jusqu’à 14 h. Allende se suicide d’un tir de pistolet-mitrailleur plutôt que d’être pris par l’ennemi.

Doc. 7

L’opposition à la dictature de Pinochet est violemment réprimée : certains militants meurent dans des combats de rue, notamment dans la capitale chilienne, alors que ceux qui sont arrêtés sont parqués dans le stade de football, étroitement surveillée par les militaires putschistes.

Doc. 8

Tout jeune caricaturiste, Jean Plantureux, dit Plantu, publie dans le journal Le Monde du 4 octobre 1973 une caricature dénonçant la situation des opposants chiliens exécutés sommairement par le régime de Pinochet. Beaucoup d’opposants, menacés par le régime, s’exileront, notamment en France.

p. 47

Éléments de réponse aux questions 1. L’intervention militaire des putschistes était bien organisée. Ceux-ci disposaient de troupes d’infanterie, de l’aviation et de la marine. Ils ont défini soigneusement la prise de certains objectifs, comme le palais présidentiel de la Moneda, où ils se doutaient qu’Allende se réfugierait. En outre, ils avaient clairement anticipé la détention de tous les opposants politiques. 2. Allende accuse très clairement les militaires qui ont pris part au coup d’État, et qui ont rompu leur serment de fidélité au gouvernement. Il n’hésite pas à citer nommé-

ment le général Mendoza, qui l’avait pourtant assuré de son soutien et qui, le lendemain, obtient un poste essentiel du gouvernement formé par les putschistes. 3. La répression menée par la junte militaire de Pinochet est connue par les dénonciations faites depuis l’étranger, comme la caricature de Plantu. De plus, certaines photographies, montrent des arrestations, des cadavres d’opposants dans la rue et les prisonniers, vivants, qui sont parqués dans le stade de Santiago.

Bac ANALYSER

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Pour expliquer la fin de la démocratie chilienne : le contexte peut être expliqué à partir de la personne de Salvador Allende et sa difficulté à tenir à distance ses opposants



JALON 3

internes (étudiants, militaires, qui ne s’opposent pas pour les mêmes raisons) et externes (États-Unis dans le cadre de la guerre froide, dictateurs d’Amérique latine).

D’un régime autoritaire à la démocratie : le Portugal et l’Espagne de 1974 à 1982

pp. 48-51

Logiques scientifiques et pédagogiques Le Portugal et l’Espagne connaissent tous les deux une transition démocratique exemplaire, dans le sens où ce processus, bien que fragile (tentatives de coup d’État, violences politiques et sociales) finit malgré tout par s’imposer. Ces deux cas emblématiques s’inscrivent dans un cadre plus large : dans les années 1970 et les années 1980, de nombreux pays, qui étaient des États de type autoritaire ou des dictatures, se transforment en démocraties (Portugal et Grèce en 1974, démocraties populaires à la fin des années 1980, etc.) ; cela permet, automatiquement, ­l’accroissement des pays ayant ce type de régime au niveau mondial, alors que, jusque-là, les régimes autoritaires étaient nettement majoritaires.

13 – THÈME 1

Comprendre un régime politique : la démocratie – 13

Bibliographie et sitographie Transition démocratique portugaise – LEONARD Yves, Histoire du Portugal contemporain, Chandeigne, 2016. Une synthèse sur le Portugal contemporain par le meilleur spécialiste français, battant en brèche les idées reçues. – Une vidéo de 12 minutes de la chaîne Histoire sur la révolution des Œillets, avec de nombreuses images d’archives : https://www.dailymotion.com/video/x5mpfp – Une courte vidéo archivée sur le site de l’INA, montrant le journal télévisé de l’ORTF, dans lequel un journaliste interviewe Mario Soares, rentré d’exil. La page Web s’accompagne d’une partie « éclairage », qui contextualise la révolution des Œillets : https://fresques.ina.fr/jalons/fichemedia/InaEdu01659/la-revolution-des-oeillets.html Transition démocratique espagnole

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– CAMPUZANO Francisco, La Transition espagnole entre réforme et rupture (1975-1986), PUF, 2011. Les acteurs de la transition démocratique (Suarez) ont su répondre aux attentes de la population, tout en se jouant des résistances franquistes. – RODRIGUES Denis, La Transition en Espagne : Les enjeux d’une démocratisation complexe (19751986), Presses Universitaires de Rennes, 2012. Cet ouvrage explique les enjeux de la transition démocratique en l’étudiant sous ses aspects politiques, économiques, sociaux, culturels et diplomatiques. – Le documentaire de Daniel Leconte et Elisabeth Lodano, « Juan Carlos, l’enfance d’un chef » (2008), immerge très efficacement dans les conditions de la transition et insiste sur le rôle du roi dans le succès de la transition démocratique. – Une vidéo de l’INA, avec, sur la page, une contextualisation et une analyse de la vidéo par Elsa Coupard : https://fresques.ina.fr/jalons/fiche-media/InaEdu01708/la-transition-democratiqueen-espagne-apres-la-mort-de-franco.html – Sur le coup d’État du 23 février 1981 et le rôle de Juan Carlos, un numéro de l’émission « La marche de l’Histoire » (France Inter, 2014), à écouter ou à podcaster : https://www.franceinter. fr/emissions/la-marche-de-l-histoire/la-marche-de-l-histoire-19-juin-2014 Doc. 1

Les jeunes capitaines putschistes et les soldats qui les suivent ont, dès le début du coup d’État, décidé de porter des œillets. Ces fleurs, très répandues dans les marchés à Lisbonne, sont utilisées afin de montrer le caractère pacifique du mouvement, ce qui s’avère parfaitement exact, le sang n’ayant pas coulé.

Doc. 2

La fresque murale appelle le peuple à défendre les acquis obtenus lors de la révolution des Œillets du 25 avril 1974, notamment la démocratie et les libertés individuelles. Le dessin souligne la connivence de la population et de l’armée, unis par le drapeau rouge et le slogan.

Doc. 3

Yves Léonard évoque les difficultés du jeune régime démocratique portugais : un « été chaud » (juillet-août 1975) au cours duquel il est menacé à la fois sur sa gauche, par les communistes, et sur sa droite par des groupes d’extrême droite, dont certains sont soutenus par la bourgeoisie locale et les propriétaires terriens.

Doc. 4

Ces élections sont remportées par les socialistes. Mario Soares, leur leader, est alors nommé Premier ministre du Portugal.

Éléments de réponse aux questions 1. Le coup d’État du 25 avril 1974 a été mené pacifiquement par de jeunes capitaines de l’armée portugaise ; ainsi, les soldats putschistes qu’ils commandent portent tous un œillet dans le canon de leurs fusils afin de montrer leurs intentions non belliqueuses. La fresque murale fait clairement référence à l’idéologie communiste, notamment à travers les symboles utilisés comme le drapeau rouge ou bien le slogan scandant l’unité du peuple : « le peuple uni ne sera jamais vaincu ».

14 – THÈME 1

p. 49 2. Le Mouvement des forces armées soutient la révolution des Œillets, mais il est divisé entre différents courants qui s’opposent. En leur sein, ce sont surtout les socialistes, fer de lance du gouvernement d’Unité populaire qui en sont les hérauts. En revanche, l’Église catholique, les notables à la puissance héritée du régime de Salazar, les conservateurs et les nationalistes y sont opposés. Les oppositions politiques, l’absence de soutien populaire et de son principal allié, ainsi que les actions ouvrières

Comprendre un régime politique : la démocratie – 14

contraignent le gouvernement Gonçalves à la démission ; alors que dans le même temps, « l’offensive contre-révolutionnaire » fait peser la crainte d’une sécession d’une partie du pays. La situation est donc véritablement confuse, car on envisage l’imminence d’un coup d’État et du renversement de la démocratie.

3. Les élections sont remportées par le Parti socialiste de Mario Soares, qui devient alors Premier ministre du Portugal. Le pluralisme politique témoigne qu’il s’agit d’élections libres : on constate qu’il y a 5 partis mentionnés et le qualificatif « autres », qui laisse supposer qu’il y en a en réalité bien plus.

Bac S’EXPRIMER À L’ORAL Le récit peut s’appuyer sur : 1) la transition au cœur du régime après la mort de Salazar ; 2) la transition venue

Doc. 5

Juan Carlos jouit assez rapidement (l’article date d’octobre 1976, soit presque un an après sa prestation de serment) d’une bonne réputation, car il se démarque rapidement du franquisme et apparaît très vite comme le garant de la Constitution et de la démocratie.

Doc. 6

La Constitution de 1978 est adoptée dans un consensus quasi général ; plus de 87 % d’Espagnols votent en sa faveur (bien que le taux d’abstention avoisine les 30 %). Elle déclare que l’Espagne est un pays démocratique, social, qui promeut la justice et l’égalité.

Doc. 7 et 8

Doc. 9

La tentative de coup d’État du lieutenant-colonel Tejero est à replacer dans un contexte historique large, du milieu du xixe à la fin du xxe siècle, dans lequel nombreux ont été les putschs, réussis ou ratés. Celui-ci échoue grâce à la réactivité et à la fermeté du roi Juan Carlos. La tentative de putsch du 23 février 1981 n’est pas anodine : en prenant en otage les Cortès à Madrid, le lieutenant-colonel Tejero pense ainsi mettre au pas le jeune régime démocratique espagnol. Mais l’intervention décidée du roi, à la télévision, durant la nuit, et le fait qu’une majorité d’officiers supérieurs de l’armée l’aient suivi, font avorter le coup d’État. Il apparaît dès lors, qu’il incarne, aux yeux d’une majorité d’Espagnols, la défense de la démocratie et la continuité de l’État. L’arrivée au pouvoir du PSOE (Parti socialiste ouvrier espagnol) marque la première alternance politique depuis la mort de Franco, car, jusque-là, la vie politique espagnole était dominée par l’UCD (Union du centre démocratique) de Suarez, un parti de centre-droit. Cet événement montre bien que le régime démocratique est désormais bien ancré en Espagne.

Éléments de réponse aux questions

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de l’armée ; 3) la transition politique et populaire par les élections.

1. Le roi Juan Carlos a obtenu une certaine forme de légitimité, avant même le référendum sur la Constitution, car, selon l’auteur de l’article, il s’est montré proche du peuple, simple et humble, avec une réelle sincérité. D’autre part, il a su se montrer habile dans ses relations avec les hommes politiques de son temps. Après le coup d’État, il apparaît comme le sauveur de la démocratie pour une majorité d’Espagnols ; en effet, l’échec de celui-ci est dû en grande partie à sa détermination et à son sens politique. Il incarne ainsi la continuité de l’État démocratique.

p. 51 2. La possibilité de voter librement à un référendum et l’adoption d’une Constitution qui instaure un État de droit font de l’Espagne un pays démocratique en 1978. Felipe Gonzalez évoque deux importants principes politiques lors de son discours d’investiture : l’unité nationale avec la reconnaissance des minorités linguistiques (implicite dans le discours) et le respect de la légalité constitutionnelle.

Bac SE DOCUMENTER Pour comprendre par l’exemple les difficultés de la transition démocratique espagnole, il faut remonter aux origines. Pour l’armée héritée du franquisme, la légitimité du roi Juan Carlos vient 1) du fait qu’il ait été désigné par Franco comme successeur ; 2) du fait qu’il soit un militaire. En 1981, une partie des officiers de l’armée n’a pas accepté

15 – THÈME 1

l’idée d’une transition. Le documentaire de Daniel Leconte et Elisabeth Lodano, « Juan Carlos, l’enfance d’un chef » (2008), immerge très efficacement dans les conditions de la transition et dans le rôle du roi dans le succès de la transition démocratique.

Comprendre un régime politique : la démocratie – 15



COURS

Avancées et reculs des démocraties

p. 52

Orientations bibliographiques

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En dehors des propositions bibliographiques et sitographiques liées aux Jalons, on pourra utilement consulter : – CAILLÉ Alain a dirigé en 2005 un numéro spécial de la Revue du Mauss (n° 25/2005) intitulé Malaise dans la démocratie. Le spectre du totalitarisme où il cerne les enjeux concernant le devenir de l’idée et de la pratique de la démocratie. http://www.revuedumauss.com.fr/Pages/S25.html – POMIAN Krzysztof, « Totalitarisme », in Vingtième Siècle, revue d’histoire, n° 47, juillet-septembre 1995. pp. 4-23. Un des articles fondamentaux sur la comparaison entre les régimes totalitaires fasciste, nazi et stalinien, brosse en creux une définition de la démocratie représentative et parlementaire à laquelle ces régimes s’opposent. – RODRIK Dani, « Pourquoi la démocratie libérale est si rare », La Tribune, 28 mai 2015. Professeur d’histoire à Princeton, il établit une distinction claire entre démocratie électorale et démocratie libérale. https://www.latribune.fr/opinions/editos/pourquoi-la-democratie-liberale-est-si-rare-479007.html

16 – THÈME 1

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ÉTUDE



CONCLUSIVE

L’UNION EUROPÉENNE ET LA DÉMOCRATIE

pp. 58-61

Bibliographie et sitographie – KAHN Sylvain, Histoire de la construction européenne depuis 1945, PUF, 2018 (dernière réédition augmentée). Le livre fondamental pour comprendre les causes du fonctionnement de la CEE puis de l’UE. – Le site touteleurope.eu propose une histoire de la construction européenne et les transformations des différentes institutions européennes. Très pratique.



JALON 1

Le fonctionnement de l’Union européenne : démocratie représentative et démocratie déléguée

pp. 56-59

Logiques scientifiques et pédagogiques

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La première double page a pour but d’aborder la question du fonctionnement des institutions de l’Union européenne. Chaque document tente de présenter un organe particulier et son rôle au sein de l’organigramme institutionnel ainsi que les critiques qui peuvent lui être adressées. La seconde double page, complémentaire de la précédente, tente plutôt de s’interroger sur le type de démocratie que représente l’UE, entre démocratie représentative et démocratie déléguée. L’objectif est aussi de discuter le caractère démocratique de cette organisation. Doc. 1

Le document présente une photo d’une séance de la Cour de justice de l’Union européenne. Créée en 1952, la Cour est composée d’un juge par État. Selon le traité de Maastricht, « elle assure le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités ». Cela inclut le respect des droits de l’homme. En cas de violation par un des États membres d’un traité, elle peut être saisie par la Commission ou un autre État membre. En février 2018, la Pologne a ainsi été condamnée par la CJUE car elle ne respectait pas bien la directive européenne (acte normatif – presque ­équivalent à une loi – adopté par une institution de l’UE) de 2008 sur la qualité de l’air. La France a également été mise en accusation devant cette Cour par la Commission, pour les mêmes raisons, en mai 2018. On lui reproche de ne pas prendre assez de mesures afin de lutter contre une pollution qui tue chaque année 400 000 personnes en Europe.

Doc. 2

Ce texte explique la « procédure législative ordinaire » qui est le mode de prise de décision le plus courant au sein de l’UE. Il s’agit ici de montrer comment la démocratie a progressé dans le processus décisionnel puisque le Parlement, élu démocratiquement par les citoyens, a de plus en plus de pouvoir, même si cela reste encore conjoint avec le Conseil de l’UE.

Doc. 3

Il s’agit ici de présenter l’organigramme des différentes institutions de l’UE en 2019. Le but est de mettre en avant le triangle institutionnel, composé de la Commission européenne, du Conseil de l’UE et du Parlement européen. Cela dit, tout autour, d’autres institutions ont gagné en importance : Banque centrale européenne, Conseil européen, Cour de justice de l’UE.

Doc. 4

Le document présente et critique en même temps la fonction de haut-représentant pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, créée par le traité de Lisbonne. Elle a été créée en même temps que le poste de Président du Conseil européen. Ces deux fonctions, importantes en termes de représentations, n’ont au final pas encore le poids espéré. Le haut-représentant aux Affaires étrangères peine en effet à établir une position commune en matière de politique étrangère vu que les différents États ont déjà du mal à s’accorder entre eux sur certaines questions internationales.

Éléments de réponse aux questions 1. La Commission européenne gère le budget européen et représente l’UE à l’international. Le Conseil de l’UE coordonne les politiques des États membres et définit la politique étrangère de l’UE. Il participe aussi à l’adoption de la législation européenne avec le Parlement. Le Parlement

17 – THÈME 1

p. 59 européen contrôle les activités des autres institutions de l’UE et participe à l’adoption de la législation européenne avec le Conseil de l’UE. La Banque centrale européenne gère l’euro et la politique économique et monétaire, veille à la stabilité des prix et du système financier. Le

Comprendre un régime politique : la démocratie – 17

Conseil européen fixe les grandes orientations et les priorités de l’UE, gère les questions complexes et délicates. La Cour de justice de l’UE veille à l’application du droit européen par les États membres. Le Parlement européen contrôle l’ensemble des institutions. 2. Le haut-représentant aux Affaires étrangères est une sorte de porte-parole de l’UE dans le monde. Il préside les réunions des ministres des Affaires étrangères des différents États membres, dirige le Service européen pour l’action extérieure (qui coordonne la politique extérieure de l’UE) et peut être mandaté par les États membres pour

les représenter dans certaines négociations. Pourtant, son rôle reste limité, notamment pour la première titulaire du poste, Catherine Ashton. Les États membres sont réticents à se laisser dicter une ligne de conduite par l’UE sur le plan de la politique extérieure, un élément important de leur souveraineté. Sa voix a peu pesé sur les grandes questions internationales comme la guerre en Syrie et il reste difficile de définir une position commune entre les 27 États membres.

Bac ANALYSER

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L’UE est à la fois une démocratie représentative, via le Parlement européen, et une démocratie déléguée, via le Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement. Mais s’il faut hiérarchiser, la réalité des décisions finales appartient plus au Conseil européen qu’au Parlement.

Doc. 5

Lors du sommet UE-Japon de 2017, cette photo interroge sur la réalité de la représentation de l’UE à l’international. Est-ce le président du Conseil européen, Donald Tusk, ou le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker ? Ce document fait écho au mot que le diplomate américain Henry Kissinger aurait prononcé en 1970, se demandant quel numéro de téléphone appeler si l’on veut joindre l’Europe. Malgré ses démentis, l’expression recouvre une certaine réalité, encore aujourd’hui.

Doc. 6

Ce document a pour but de montrer la diversité et, parfois, la complexité de la désignation des différentes fonctions au sein de l’UE. D’un côté, ce sont les États membres qui nomment les fonctions les plus importantes et notamment celle de président de la Commission européenne. D’un autre côté, seuls les députés élisent le président du Parlement européen. Ce document montre ainsi comment la procédure concerne peu les citoyens et comment ces nominations font l’objet de négociations âpres entre les États membres.

Doc. 7

La photo de l’hémicycle du Parlement européen (ici à Strasbourg) témoigne de son importance numérique. Le Parlement européen était composé, avant les élections de 2019, de 751 députés. Avec le retrait du Royaume-Uni, 73 eurodéputés vont quitter le Parlement mais 27 sièges vont être redistribués à d’autres pays. Les 46 autres sièges sont gardés en réserve en cas d’admission de nouveaux membres. À partir du retrait des députés britanniques, 705 députés siègent au Parlement européen.

Doc. 8

Le texte d’Andrew Moravscik a pour but de questionner les liens entre UE et démocratie. Si d’un côté l’Europe est accusée de faire preuve d’un déficit démocratique, en impliquant, au final, assez peu les citoyens, elle se fixe un certain nombre de règles et de principes qui respectent incontestablement le pouvoir du peuple.

Éléments de réponse aux questions 1. Le président du Conseil européen et le haut-représentant de l’UE pour les Affaires étrangères sont nommés par les chefs d’États et de gouvernement des pays membres. Le président de la Commission européenne est élu par le Parlement européen sur proposition du Conseil européen. Le Président du Parlement européen est élu par les députés européens. 2. Les députés européens désignent le président du Parlement européen et le président de la Commission

18 – THÈME 1

p. 59 européenne (ainsi que les commissaires). Ils votent aussi, conjointement avec le Conseil de l’UE, les directives européennes. Enfin, ils peuvent censurer la Commission européenne. 3. Le Parlement a pour rôle de contrôler les activités des autres institutions de l’UE et notamment de la Commission. Cependant, il a moins de pouvoir que les autres organes et son élection ne mobilise que peu d’électeurs (fort taux d’abstention).

Comprendre un régime politique : la démocratie – 18

Bac S’EXPRIMER À L’ORAL Le plan est proposé : 1) Séparation des pouvoirs (Parlement/Conseil européen + Commission/Cour de justice) ; 2) Fonctions de contrôle réciproques : le Conseil européen et le Parlement contrôlent la Commission, qui contrôle l’application des traités par les États membres du Conseil européen ; 3) Représentativité de chaque instance par qui la nomme : le Parlement élu par les citoyens de l’UE, le Conseil européen au sein de chaque État en vertu de ses lois propres, et la Commission par le Conseil européen et les députés du Parlement. L’UE est donc autant une démocratie représentative que déléguée, même si le poids du Conseil européen est aujourd’hui plus important que celui du Parlement.



JALON 2

L’Union européenne face aux citoyens et aux États : les remises en question depuis 1992

pp. 60-63

Logiques scientifiques et pédagogiques

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Il s’agit dans la première double page du dossier d’inviter les élèves à réfléchir aux origines historiques des relations entre la construction européenne, la citoyenneté et la démocratie. Chacun connaît l’expression « construction européenne » pour désigner les processus de la ­Communauté économique européenne. Les élargissements successifs de l’UE sont la preuve de son attractivité. Cependant, depuis les lendemains du plus important élargissement en nombre de pays adhérents (2004), l’UE affronte le « non » français au traité constitutionnel et voit se ­multiplier les remises en questions de pays entrés durant la guerre froide – comme le RoyaumeUni – ou après, comme la Hongrie et la Pologne. Après la construction européenne, sommesnous entrés dans le temps de la « déconstruction européenne » ? C’est l’objet de la seconde partie du dossier. Doc. 1

La France est un pays fondateur de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), puis de la Communauté économique européenne (CEE). Cela ne lui donne pas de droit supplémentaire mais explique que ses choix sont scrutés avec un intérêt particulier. En 2005, sa réponse négative a produit une onde choc dans les institutions européennes comme dans les autres pays de l’UE. Cette photographie témoigne aussi du caractère binaire d’un référendum : la réponse est positive ou négative. Cependant, les questions européennes divisent aussi bien la gauche que la droite. Ce qui témoigne des ambiguïtés des partis politiques – voire des citoyens – à l’égard de la construction européenne, un processus par nature complexe, donc non binaire.

Doc. 2

De 1979 à 2014, la participation aux élections pour le Parlement européen diminue. L’adhésion de nouveaux États n’y change rien, bien au contraire. Depuis 1999, le Parlement européen se trouve élu avec moins de 50 % de participation, alors que ses attributions augmentent. Un Parlement européen de plus en plus influent – mais pour partie aux mains des lobbyistes – se trouve donc élu par une proportion des citoyens très inférieure à la moitié des électeurs. La participation aux élections de 2019 pour le Parlement européen a inversé la tendance par un bond spectaculaire de participation à 51 % (+8,5 % par rapport à 2014).

Doc. 3

Destiné à schématiser le processus décisionnel de l’UE, ce schéma reste cependant complexe. La complexité des institutions de l’UE n’est pas le fruit d’un « complot » mais d’un « bricolage inventif » pour construire la paix par le droit, en tenant compte des calculs et contradictions des États membres quant à leurs attentes vis-à-vis des transferts de souveraineté vers l’UE. Ce processus décisionnel est donc un produit de l’histoire. Ajoutons que, par souci de simplification, le schéma ne représente pas les actions de lobbying de plus de 10 000 lobbyistes qui contribuent à leur façon au processus décisionnel de l’UE, de façon peu encadrée. Il serait possible de représenter le lobbying par un cercle autour de toutes les institutions représentées. Quoi qu’il en soit, la complexité des institutions de l’UE est un obstacle pour les journalistes comme pour les citoyens. Pour les journalistes, le coût d’entrée à la compréhension de l’UE est élevé alors que le

19 – THÈME 1

Comprendre un régime politique : la démocratie – 19

sujet a longtemps eu la réputation de ne pas « faire vendre du papier ». Il existe, cependant, des journalistes experts comme Jean Quatremer (Libération) dont le Blog « Les coulisses de Bruxelles » constitue une clé de lecture de l’actualité. Quant aux citoyens, ils peuvent trouver des émissions, livres, revues et sites pour s’informer (ex. touteleurope.eu). Doc. 4

Cette photographie du 21 juillet 2011 montre le Président français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel autour de la présidente du Fonds monétaire international, la Française Christine Lagarde, à l’occasion d’un énième sommet de crise à propos de la crise grecque. Il s’agit de faire comprendre que c’est par la coopération qu’un compromis a été trouvé pour garder la Grèce dans la zone euro. Pour partie fondée sur de véritables divergences à dépasser – au prix de longues négociations parfois nocturnes – ces sommets sont aussi mis en scène par les dirigeants politiques et par les médias. Les uns veulent montrer leur engagement et leur combativité, les autres veulent capter l’attention du public. La nature de l’UE évolue sans que les citoyens en soient véritablement informés. Sous couvert de la crise financière et économique amorcée en 2008, l’UE est ainsi passée d’un fédéralisme monétaire à un fédéralisme budgétaire. En effet, la Commission européenne – non élue – a maintenant le droit de se prononcer sur le projet de budget d’un État membre avant les parlements nationaux.

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Éléments de réponse aux questions 1. La paix est maintenue au sein de l’Europe communautaire par des traités (acceptés ou refusés, parfois modifiés) et des sommets européens où chefs d’État et de gouvernement recherchent des solutions. Ils construisent des compromis à même de promouvoir l’intérêt général de l’UE tout en tenant compte des intérêts nationaux. Cela n’empêche pas de petits arrangements politiques. Il arrive qu’après avoir approuvé une décision à Bruxelles, des dirigeants européens de retour dans leur capitale se désolidarisent d’une décision commune pour des raisons de politique intérieure. Les pays fondateurs ont inventé cette pratique du grand écart que les nouveaux États membres ont repris à leur compte. À cette occasion, « Bruxelles » est présentée comme responsable de tous les maux. À moyen terme, cela dégrade la représentation de l’Union européenne auprès des citoyens. Ce qui participe de la baisse de la participation aux élections pour le Parlement européen, tous les 5 ans, jusqu’au soubresaut de mai 2019. 2. La prise de décision dans l’Union européenne est un processus complexe. A minima y participent au vu des documents les chefs d’État et de gouvernements réunis dans le Conseil européen et à l’occasion de sommets européens, la Commission européenne, le Conseil de l’Union qui rassemble les ministres par spécialité, et le Parlement européen. Beaucoup sont élus mais d’autres sont nommés (Commissaires européens ; ministres) mais validés par le Parlement européen ou leur parlement national. Ici

p. 61 aussi, n’oublions pas le poids des acteurs non représentés, dont les groupements d’intérêts représentés par les lobbyistes qui jouent un rôle déterminant en amont et en aval de la décision. 3. Née au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la construction européenne a pour partie contourné les populations pour inventer une souveraineté partagée avec les ennemis d’hier, en passant par une construction juridique complexe. À compter de 1979, l’élection au suffrage universel direct du Parlement européen était supposée renouer le fil démocratique. Le traité de Maastricht (1992-1993) a pour sa part créé une citoyenneté européenne. Cependant, la participation des citoyens aux élections pour le Parlement européen a diminué dans des proportions inquiétantes, alors que les pouvoirs de cette institution mal aimée augmentent. Les causes sont multiples. Les classes politiques nationales savent-elles parler de l’UE ? Quand le traité constitutionnel européen de 2005, refusé par la France et les Pays-Bas, est reformulé sous une forme assez proche sous le nom de traité de Lisbonne (2007) en évitant la voie du référendum pour sa finalisation, ne prend-on pas le risque de nourrir à la fois du désintérêt et du ressentiment ? Venue des États-Unis, la crise économique de 2008 a contribué à une poussée significative des votes eurosceptiques dans les scrutins suivants.

Bac SE DOCUMENTER Le traité constitutionnel de 2005 proposait à la fois une simplification et une fédéralisation accentuée des institutions de l’Union européenne. Par exemple avec la création d’un ministre européen des Affaires étrangères, et d’un Service diplomatique européen. Deux intitulés qui renvoient à une forme étatique. Ce poste et ce service ont été renommés et retaillés à la baisse dans le traité de Lisbonne (2007, effectif en décembre 2009) avec le poste de haut-représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité ; et le Service euro-

20 – THÈME 1

péen pour l’action extérieure (SEAE). Deux intitulés difficiles à mémoriser, dont le traité limite plutôt trois fois qu’une les compétences afin que les États puissent continuer à garder la main sur ce pan majeur de leur souveraineté. Une majorité d’électeurs français ont rejeté le traité constitutionnel pour une multitude de raisons. Combien l’avaient véritablement lu ? Nul ne le saura jamais. En revanche, la chronologie démontre que les partisans du Non ont été beaucoup plus précoces et dynamiques dans leur campagne, notamment sur un nouveau ­vecteur :

Comprendre un régime politique : la démocratie – 20

l’Internet. Par ailleurs, le président de la République, Jacques Chirac, a été peu convaincant lors d’un débat télévisé à son sujet, donnant notamment l’impression de découvrir le chômage des jeunes. Enfin, rien n’interdit

Doc. 5

Un des intérêts de ce document est sa date : 2011. Autrement dit, il était possible de dresser un constat inquiétant un an après l’arrivée au poste de Premier ministre de V. Orban (avril 2010). En revanche, il faut attendre encore 7 ans après la publication de ce texte pour que l’Union européenne se saisisse véritablement du sujet (2018). Il est vrai que le groupe parlementaire d’Orban, le PPE, l’a longtemps protégé, attendant la dernière ligne droite avant les élections pour le Parlement européen de mai 2019 pour suspendre son parti, le Fidesz, sans même l’exclure.

Doc. 6

La Pologne étant le plus peuplé des pays entrés depuis 2004, sa trajectoire ne peut laisser indifférent. Compte tenu de sa nationalité polonaise et de son parcours politique en faveur de la démocratie, la parole de Lech Walesa pèse un poids certain quand il critique les dérives de la Pologne depuis l’automne 2015. Outre la Hongrie et la Pologne, la Slovaquie connaît aussi des évolutions qui interrogent. Sans oublier certains anciens membres de l’UE comme l’Italie.

Doc. 7

Cette carte témoigne de la diversité régionale des votes au sujet du Brexit. Elle met notamment en évidence le vote positif d’une large part de l’Angleterre et du Pays de Galles. En revanche, l’Irlande du Nord et l’Écosse sont majoritairement contre le Brexit. Ce scrutin relance chez certains Écossais le désir d’indépendance en cas de Brexit effectif. La division de l’Irlande du Nord interroge la capacité à maintenir les accords du Vendredi Saint (1998) sur la paix entre républicains (pro-Irlandais) et unionistes (pour le maintien dans la Couronne).

Doc. 8

Ce schéma ne doit pas donner l’impression d’un processus linéaire et maîtrisé. Certes, le Français Michel Barnier en charge de coordonner les pays membres de l’UE dans la conduite du Brexit a su maintenir leur cohésion. Ce qui n’était pas acquis. En revanche, la classe politique du RoyaumeUni a fait preuve d’une incapacité étonnante à assumer les suites du Brexit. Le processus en a été rendu chaotique, au prix d’une dépense d’énergie politique considérable pour un résultat incertain. Jusqu’au dernier moment, personne n’a su quelle serait l’issue.

Éléments de réponse aux questions

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de penser qu’une part des électeurs a exprimé en 2005 son désaccord au sujet de l’élargissement de 2004… pour lequel son avis n’avait pas été sollicité.

1. L’État de droit est un système institutionnel dans lequel la puissance publique est soumise au droit donc contrôlée et limitée. Il implique que la justice soit libre d’une ingérence directe du pouvoir politique. En Hongrie depuis 2010 et en Pologne depuis 2015, la séparation des pouvoirs n’est plus assurée puisque par diverses manœuvres l’exécutif attaque l’indépendance du pouvoir judiciaire. L’Union européenne tarde à répondre à cette situation. À force de tarder à sanctionner la Hongrie en activant l’article 7 du traité de Lisbonne, l’UE se retrouve à compter de 2015 avec un deuxième pays qui ne respecte plus les valeurs de l’UE. Résultat, ces deux pays peuvent se protéger l’un l’autre par un veto contre toute mesure qui finaliserait l’activation de l’article 7 en allant jusqu’à la suspension des droits de vote d’un pays au Conseil. Par optimisme ou naïveté, jamais les rédacteurs du traité de Lisbonne n’avaient envisagé que plus d’un pays pourrait ne plus respecter les valeurs de l’UE. C’est pourquoi la France défend en 2019 l’idée qu’il devrait être possible de retirer les bénéfices de fonds européens aux pays qui ne respectent pas les valeurs de l’UE.

21 – THÈME 1

p. 63 2. Cette carte témoigne de la diversité régionale des votes au sujet du Brexit, le 23 juin 2016. Elle met notamment en évidence le vote positif d’une large part de l’Angleterre et du Pays de Galles. Observons cependant que la capitale – Londres – a majoritairement voté en faveur du maintien dans l’UE. L’Irlande du Nord et l’Écosse votent majoritairement contre le Brexit. L’UE répond à la volonté d’une majorité de citoyens du Royaume-Uni de sortir de l’UE en invitant son exécutif à activer la procédure de retrait prévue par l’article 50 du traité de Lisbonne. Devenue Premier ministre, Theresa May attend six mois pour l’enclencher, le 29 mars 2017. Ce qui témoigne d’une forme d’impréparation du Royaume-Uni et d’une large part d’improvisation. L’UE, de son côté, nomme un négociateur pour le Brexit, le Français Michel Barnier qui s’acquitte de sa charge en s’assurant de la cohésion des 27 États membres face au Royaume-Uni.

Comprendre un régime politique : la démocratie – 21

Bac ANALYSER L’Europe communautaire est une construction démocratique par les valeurs dont elle se réclame et les critères qu’elle pose à tout pays candidat à une adhésion. Cependant, la CEE puis l’UE peinent à réduire le déficit démocratique de la construction européenne, une marque de fabrique qui renvoie à son processus historique. L’élection du Parlement européen au suffrage universel direct a été inaugurée en 1979 pour dépasser cette difficulté, mais la participation demeure très insuffisante. Après avoir adopté de peu le traité de Maastricht, les Français refusent en mai 2005 le traité constitutionnel pour l’Eu-

Cours

L’UE et la démocratie

rope. Puis se multiplient les mouvement politiques et les gouvernements prenant leur aise avec les valeurs démocratiques à l’origine de la construction européenne. Celle-ci se trouve donc remise en cause. L’essor des eurosceptiques en témoigne. Pendant ce temps, le poids démographique, économique, politique et stratégique de l’Union européenne se réduit dans le monde, sous la poussée des pays émergents et les coups de boutoir des États-Unis de Donald Trump à compter de son entrée à la Maison Blanche en janvier 2017.

pp. 64-65

Orientation bibliographique

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– FONTAINE Pascal, L’Union européenne, histoire, institutions, politiques, Seuil, coll. Points, 2012. Un ouvrage qui contextualise bien la mise en place des institutions de la construction européenne. – MILET Marc, La Démocratie en Europe, trajectoires et enjeux, Ellipses, 2017. Un ouvrage qui aborde les principaux enjeux de la construction européenne sous le prisme de la démocratie (évolution démocratique des institutions mais aussi critique du point de vue d’un certain manque de démocratie en Europe). – ZARKA Jean-Claude, L’Essentiel des institutions de l’Union européenne, Gualino, 2017. L’ouvrage se veut pédagogique et très complet sur les traités européens et l’évolution des institutions. Il a aussi l’avantage d’être récent et actualisé.

22 – THÈME 1

Comprendre un régime politique : la démocratie – 22



pp. 66-73

BAC/VERS LE SUP’

pp. 66-67

Composition Peut-on dire que l’Union européenne est un espace démocratique ? Proposition de plan détaillé

I. Un espace fondé sur la démocratie 1. Une valeur cardinale pour les pères fondateurs de l’Europe Avant même la création de la CEE, Robert Schuman, Alcide de Gasperi, Paul-Henri Spaak notamment, souhaitaient un espace de paix, de prospérité, dans un cadre démocratique. 2. Des valeurs et des principes démocratiques énoncés dès la création de la CEE Préambule du traité de Rome (1957) : établir une union entre les peuples européens, une amélioration de leurs conditions de vie, affermir et sauvegarder la paix et la liberté.

II. Des institutions démocratiques 1. Des textes réaffirmant la démocratie Le traité instituant l’Union européenne (1992), énonce dans son article 2 : « L’Union est fondée sur les valeurs […] de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit ». En 1993, le Conseil européen formule les critères de Copenhague ; l’adhésion d’un futur État membre est soumise à des conditions préalables qui sont notamment la mise en place d’institutions stables qui garantissent l’État de droit, la démocratie, les droits de l’homme, etc. 2. Un fonctionnement de plus en plus démocratique Les institutions de l’UE reposent sur la séparation des pouvoirs. Les directives européennes sont contrôlées et votées par le Parlement européen. Celui-ci est élu au suffrage universel depuis 1979.

III. Des entorses à la démocratie 1. Une remise en cause de certains acquis sociaux En 2017 puis 2018, tentatives du gouvernement polonais de restreindre voire supprimer le droit à l’avortement. 2. Des atteintes évidentes contre les valeurs démocratiques En Hongrie, depuis 2010, le pluralisme des médias est mis à mal : la plupart d’entre eux sont détenus par des proches du Premier ministre Viktor Orban.

pp. 68-69

Composition La démocratie, une idée neuve en Europe ? Proposition de plan détaillé

I. La naissance de l’idée démocratique et sa première mise en œuvre © Hatier Paris, 2019 – Histoire-Géographie, Géopolitique, Sciences politiques 1 re

1. Un système politique original et novateur Réformes de Solon, puis de Clisthène qui établissent la démocratie à Athènes. Forme de démocratie directe, les citoyens votant directement les lois. 2. Une démocratie malgré tout limitée Les citoyens ne représentent à peine que 10 à 15 % de la totalité des habitants d’Athènes. Le reste de la population (femmes, enfants, métèques, esclaves) est exclu de la vie politique.

II. Une idée discutée au xixe siècle 1. Les mérites de la démocratie Tocqueville souligne que la souveraineté du peuple et l’égalité des droits découlent du système démocratique. À la fin du siècle, la plupart des pays les plus développés (peu nombreux) ont adopté la démocratie libérale. 2. Les méfaits de la démocratie Benjamin Constant affirme qu’il est nécessaire, dans le cadre d’une démocratie représentative, de pouvoir exercer un contrôle sur ses représentants, car ceux-ci pourraient être corruptibles,

23 – THÈME 1

Comprendre un régime politique : la démocratie – 23

incompétents, etc. Tocqueville se méfie de la tyrannie de la majorité et de la montée de l’individualisme, qui peut favoriser les démagogues et les populistes.

III. Le concept de démocratie remis en question aux xxe et xxie siècles 1. Le triomphe de la démocratie ? À la fin du xxe siècle, avec l’effondrement du communisme, la démocratie semble entamer une marche triomphante. Le politologue Francis Fukuyama prophétise « la fin de l’Histoire » et le triomphe de la démocratie libérale dans le monde. 2. Le système démocratique est de plus en plus remis en question Montée du populisme au niveau international (Hongrie, États-Unis, Brésil…). Certains pays démocratiques se sont transformés en démocratures (Turquie, Hongrie…).

pp. 70-71

Étude de document La transition démocratique en Espagne Proposition de plan détaillé

I. Les périls encourus par l’Espagne après la mort de Franco 1. De nombreux troubles intérieurs. La caricature montre un militant anarchiste ; ce mouvement a lutté contre les nationalistes de Franco durant la guerre civile, puis contre le régime franquiste. À la mort du dictateur, les anarchistes ne cessent pas les actions terroristes, au contraire, ce qui déstabilise le régime. 2. La permanence de la dictature ? On voit apparaître une limousine portant le drapeau de la Phalange et un militaire héritier du franquisme. Lorsque Juan Carlos entre en fonction comme roi d’Espagne, nul ne sait quel régime politique il va donner au pays. Ayant été désigné comme le successeur officiel de Franco par le dictateur lui-même, la majorité des Espagnols et des observateurs politiques s’attendent à ce qu’il perpétue le régime franquiste.

II. La voie politique choisie par le roi Juan Carlos 1. La transition démocratique Dès son entrée en fonction (22 novembre 1975), Juan Carlos donne des gages indiquant que l’Espagne va s’orienter vers un système démocratique. De fait, huit mois après sa nomination, il choisit Adolfo Suarez comme Premier ministre, chargé de conduire la transition démocratique. 2. L’adhésion à la CEE Behrendt a dessiné une limousine portant une enseigne « euro taxi », ainsi qu’un drapeau du mouvement européen qui regroupe des hommes politiques venant de toute l’Europe soutenant le projet de construction européenne. Au final, l’Espagne voit son adhésion à la CEE acceptée ; elle la rejoint en 1986.

pp. 72-73

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Étude de documents Démocratie et régimes autoritaires en Europe Proposition de plan détaillé

I. La remise en question de la démocratie libérale (années 1920-1930) 1. Un système démocratique contesté Comme on le constate sur la carte, même les pays qui connaissent la démocratie depuis des décennies voient émerger en leur sein des partis de type fasciste, qui cherchent à renverser les gouvernements en place (crise du 6 février 1934 en France avec les ligues d’extrême droite). 2. La démocratie cède la place aux régimes totalitaires et autoritaires Certains pays, qui étaient des démocraties, basculent dans le totalitarisme (fascisme en Italie, nazisme en Allemagne) ou adoptent un régime autoritaire (Espagne avec Franco, Salazar au Portugal, Miklos Horthy en Hongrie) dans les années 1920 et 1930.

24 – THÈME 1

Comprendre un régime politique : la démocratie – 24

II. Le triomphe de la démocratie libérale (après 1989)

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1. L’effondrement du communisme En mai 1989, le rideau de fer disparaît avec l’ouverture de la frontière entre l’Autriche et la Hongrie. En juin, des élections libres sont organisées en Pologne, montrant la fin de la dictature communiste dans ce pays. Cela entraîne une vague de démocratisation dans les démocraties populaires et la désagrégation du bloc soviétique, avec, comme points d’orgue, la chute du mur de Berlin et la démission de Gorbatchev en décembre 1991. 2. Les limites de ce processus La dislocation de la Yougoslavie et la proclamation d’indépendance de nombreux pays issus de cette fédération (Croatie, Bosnie, Serbie, etc.) débouchent sur des guerres meurtrières entre ces États nouvellement créés.

25 – THÈME 1

Comprendre un régime politique : la démocratie – 25

Thème 2 Analyser les dynamiques

des puissances internationales La logique du thème

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Après un premier thème dont les sujets sont familiers des élèves, le second l’est un peu moins. « Analyser les dynamiques des puissances internationales » ne vise pas à l’exhaustivité. Il s’agit d’abord de comprendre comment naissent et meurent les puissances (Axe 1), d’expliquer que la puissance n’est pas toujours immédiatement visible (Axe 2), et de faire le point sur une puissance autant sujette à admiration qu’à contestation dans l’univers mental des élèves : les États-Unis. Les pages d’Introduction du thème ont pour objectif d’offrir des éléments de définition et des références autour de la notion de puissance. À partir de la Chine, on peut définir la puissance comme un territoire terrestre, maritime et spatial à contrôler, qui cherche à étendre son influence au-delà de ce territoire. Ce point de départ permet de séparer le hard power et le soft power. Cette distinction permet aussi de rappeler que la puissance s’incarne dans la capacité de projection militaire, mais aussi de coopération diplomatique (multilatéralisme). L’Empire ottoman, les « routes de la soie » chinoises et la puissance américaine sont à contextualiser par rapport à ce que connaissent déjà les élèves. Les pages Fondements permettent donc la construction du récit des relations stratégiques entre Orient byzantino-musulman et Occident chrétien, des relations politiques complexes au sein de la Chine du xxe siècle entre nationalistes et communistes, et des relations progressives des États-Unis avec le reste du monde, avant 1945 (chronologie) comme pendant la guerre froide (carte).

1 – THÈME 2

Comprendre un régime politique : la démocratie – 1

AXE

1

ESSOR ET DÉCLIN DES PUISSANCES : UN REGARD HISTORIQUE Les pages d’ouverture offrent un regard bibliographique contextualisé par la comparaison du livre de Paul Kennedy (1987) – qui voit l’histoire du monde comme une succession de succès et d’échecs de puissances politico-militaires dus à leurs affrontements directs – et celui du géographe Jared Diamond (2006) qui considère que les sociétés ont une responsabilité dans leur propre fin, ce qui est accentué par le dérèglement climatique.

Bibliographie et sitographie Sur l’Empire ottoman – BOUQUET, Olivier, « Les Ottomans, questions d’Orient », Documentation photographique n° 8124, juillet-août 2018. Une synthèse récente, très bien illustrée et complète sur l’ensemble des problématiques du Jalon. – BOZARSLAN Hamit, Histoire de la Turquie : de l’Empire à nos jours, Tallandier, 2013. Une synthèse commode et très claire de l’histoire de l’Empire ottoman et de la Turquie moderne. – GEORGEON François, VATIN Nicolas et VEINSTEIN Gilles (dir.), Dictionnaire de l’Empire ottoman, Fayard, 2015. Une somme et un ouvrage de référence, bien conçu, clair et complet. – HITZEL Frédéric, L’Empire ottoman : xve-xviiie siècles, Les Belles lettres, 2002 et Le Dernier Siècle de l’Empire ottoman : 1789-1923, Les Belles lettres, 2014. Un panorama historique, politique, économique mais surtout social, artistique et un véritable guide culturel, en deux tomes, fourmillant d’informations dépassant le récit des événements. – ZARCONE Thierry, La Turquie : de l’Empire ottoman à la République d’Atatürk, Découverte Gallimard, 2005. Très synthétique mais permettant une bonne entrée dans le thème avec un dossier documentaire très bien fait, et comme toujours très bien illustré. – « L’âge d’or de l’Empire ottoman », Les Collections de L’Histoire, n° 45, octobre-décembre 2009. Un numéro avec des articles éclairants des meilleurs spécialistes. – L’émission « La Fabrique de l’histoire » (France Culture) a consacré en janvier 2017 une semaine d’émissions au dernier siècle de l’Empire ottoman : https://www.franceculture.fr/emissions/la-fabrique-de-lhistoire/le-dernier-siecle-de-lempire-ottoman-14-habsbourg-et-ottoman-deux et en juin 2015 une semaine à l’histoire générale de l’Empire ottoman https://www.franceculture.fr/ emissions/la-fabrique-de-l-histoire/grandeur-et-gouvernance-de-l-empire-ottoman-44 Sur la Russie – MARCHAND Pascal, Atlas géopolitique de la Russie. Le grand retour sur la scène internationale, Autrement, 2015, Atouts et faiblesse de la puissance russe. – LIMONIER Kevin et PAWLOTSKY Vladimir, « La Russie, une puissance en renouveau ? », ­Documentation photographique n° 8126, nov.-déc. 2018.



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JALON 1

Vie et mort d’une puissance : l’Empire ottoman

pp. 84-87

Logiques scientifiques et pédagogiques Pour répondre au thème de l’Axe et à l’intitulé du Jalon, la première double page veut mettre en évidence l’essor de l’Empire ottoman, jusqu’à ce qui est considéré comme son apogée (le règne de Soliman le Magnifique), en pointant quelques-unes de ses particularités (extension, longévité, caractère multiconfessionnel, organisation politique). La deuxième double page présente le déclin progressif de l’empire, en tenant d’en faire émerger les causes, mais aussi les efforts de réformes pour le moderniser et le sauvegarder tout au long du xixe siècle. Doc. 1

La carte permet de montrer l’extension progressive de l’Empire ottoman pour constituer un ensemble géographique sur les trois continents en mettant en avant les conquêtes effectuées par Mehmet II, Selim Ier et Soliman le Magnifique.

Doc. 2

Cette lettre de Soliman à François Ier de 1536, déclinant la titulaire complète du Sultan, marque le début de l’alliance entre la France et l’Empire ottoman. Au-delà de son intérêt pour caractériser l’étendue et la diversité de l’empire, ce document permet de mettre en évidence ses liens et son

2 – THÈME 2

Comprendre un régime politique : la démocratie – 2

insertion dans les enjeux diplomatiques européens : dans la suite de la lettre, Soliman annonce que l’ambassadeur de François Ier a été reçu par le conseil des vizirs et fait état de « l’amitié et de la concorde qui les unissent », et qu’il accepte, selon le souhait du roi de France, le séjour permanent d’un ambassadeur de France à Constantinople, marquant le début d’une ambassade française auprès de la Sublime Porte. Ce très beau document calligraphié (rouleau de papier entoilé de 2,04 m de haut sur 35,5 cm de large) est conservé à la BNF et est visible sur le site Gallica https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84150019/f2.item. Doc. 3

Cet extrait d’un entretien d’un grand spécialiste de l’histoire de l’Empire ottoman, permet d’expliquer rapidement et simplement l’organisation de l’administration de l’empire, le rôle qu’y jouaient les minorités, et le système du devchirmé, ainsi que le statut des dhimmis.

Doc. 4

On connaît peu de choses sur les circonstances de la réalisation de ce portrait de Soliman par Hans Eworth, artiste flamand, peintre officiel de la cour des Tudor. Moins d’un siècle après le célèbre portrait de Mehmet II par le peintre vénitien Gentile Bellini, le tableau montre cependant les relations d’intérêt et de fascination réciproque entre les cours européennes et l’Empire ottoman, et en particulier pour la figure de Soliman, que l’Occident appelle « le Magnifique », alors que l’Orient l’appelle plutôt « le Législateur ».

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Éléments de réponse aux questions 1. Au xiiie siècle, l’émirat du fondateur Osman est situé au nord-ouest de l’Anatolie. Après trois siècles de conquêtes et à son apogée, sous le règne de Soliman le Magnifique, l’Empire ottoman était un empire multinational et multilingue contrôlant une grande partie de l’Europe du SudEst, de la mer Caspienne à la mer Adriatique, des parties de l’Europe centrale, balkanique et danubienne, de l’Asie occidentale du Caucase au golfe Persique, et de l’entrée de la mer Rouge à l’Afrique du Nord en passant par l’Égypte ; soit un vaste ensemble sur trois continents allant du Yémen à la Bosnie, de la Crimée au Soudan, de la Tunisie au Kurdistan. La longue titulature de Soliman est donc un signe de force, par la longue liste des peuples et des territoires soumis à son autorité et constituant la « prospérité sublime » (Devlet-i-aliye) du sultan (et à laquelle est opposée la seule France dont François Ier est roi…). La diversité des territoires, des peuples, des ethnies et des religions présentes dans l’empire en font aussi la faiblesse, le sultan se devant de parvenir à gouverner et pacifier un territoire aussi étendu et composite. 2. Les juifs et les chrétiens (orthodoxes et catholiques) présents dans l’empire ont le statut prévu par la charia, celui de dhimmis (ou zimmi), peuples de la religion du Livre. Ils ont le droit de pratiquer leur religion, de posséder des terres, de pratiquer le commerce, mais ont des contraintes (port de couleurs distinctives – jaune, rouge,

p. 85 bleu – tandis que des couleurs leur sont interdites – blanc, vert, noir ; n’ont pas le droit d’épouser des musulmanes ou de monter à cheval) et des charges spécifiques (paiement d’une capitation). En contrepartie, ils sont protégés par le souverain. En les associant au gouvernement, à l’administration, à l’armée (le devchirmé instauré au XIVe oblige les familles chrétiennes des territoires conquis à remettre aux autorités un enfant ou un adolescent destiné à servir l’armée comme esclaves au sein du corps des Janissaires, corps d’élite redouté de 30 000 soldats vers 1550, et considérés comme les fils adoptifs du sultan), ce système a assuré une stabilité en associant les minorités religieuses et ethniques à l’exercice du pouvoir, même s’ils accèdent rarement aux plus hautes fonctions de l’administration. 3. À l’apogée de l’empire, le sultan a donc un rôle central et centralisateur, à la fois militaire, politique et religieux. Chef militaire, garant des conquêtes et de l’ordre dans l’empire, les empereurs ottomans depuis Selim Ier reprennent la tradition romaine (imperator), turque (ils ont le titre de khan) et islamique (ils sont sultan et ghazi). Le sultan est aussi un chef religieux, qui doit préserver et faire appliquer la charia, sans la modifier, mais est chargé de promulguer les lois qui en découlent, ce qui fonde son autorité politique. Soliman demeure ainsi dans la mémoire impériale sous le surnom de Kanuni, « le Législateur ».

Bac ANALYSER La question des causes de la longévité de l’Empire ottoman est un thème ancien et redoutable, source de débats géopolitiques, historiques et historiographiques infinis. L’Empire ottoman a su construire progressivement un ensemble politique et administratif permettant de contrôler des territoires et des populations d’une grande diversité, par une administration efficace

3 – THÈME 2

(en particulier pour la levée des impôts), une association, même forcée, des minorités à ses institutions politiques et militaires ; une armée efficace pour faire des conquêtes, les conserver et empêcher les révoltes ; et une capacité à faire évoluer l’administration et la législation sous l’impulsion de sultans garants de l’unité et de la justice dans l’empire.

Comprendre un régime politique : la démocratie – 3

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Doc. 5

Le document, permet de définir le but ainsi que les formes des réformes connues sous le nom de Tanzimat, et d’en esquisser un bilan critique pour en montrer les conséquences complexes. Ces « réorganisations » menées entre 1839 et 1878 pour moderniser l’administration sur le modèle occidental et gagner en efficacité, ont radicalisé les oppositions et ont conduit à fragiliser le pouvoir et la figure du sultan, par rapport aux élites sociales et aux puissances européennes.

Doc. 6

L’extrait de l’entretien de François Georgeon doit permettre d’évoquer le mouvement des jeunesturcs, qui succède au mouvement des jeunes Ottomans, vers 1889. Ces étudiants se mobilisent contre le régime autocratique d’Abdulhamid II (1876-1908). Patriotes, progressistes, positivistes, sécularistes, ils cherchent à refonder un empire moderne, dans une relation d’admiration critique à l’Occident et à la Révolution française. Gagnant vers 1905-1906 les officiers patriotes d’une armée ottomane désireuse de défendre et sauver un empire agité de révoltes dans ses marges, le mouvement conduit à la révolution de 1908, qui cherche à sauver l’empire multinational et multiconfessionnel par la construction d’un État moderne refondé sur une Constitution et le parlementarisme, l’égalitarisme politique et les libertés. Mais les événements font échouer ce projet. François Georgeon écrit que « les jeunes-turcs sont contraints de se rendre à l’évidence : la Constitution ne suffit pas à protéger l’empire. Les grandes puissances ne sont pas plus favorables à un empire constitutionnel et moderne qu’à un vieil empire autocratique. En outre, la liberté, réelle, acquise en 1908, a profité aux communautés qui ont créé leurs journaux et associations. Un malentendu s’installe sur ce que signifie l’égalité. Pour les jeunes-turcs, on est d’abord citoyen de l’empire et ensuite seulement arménien, grec, kurde. Pour les communautés, c’est le contraire. Les jeunes-turcs se heurtent aussi à des résistances chez les musulmans, qui leur reprochent des mesures trop sécularistes. Une contre-révolution en avril 1909 est réprimée par l’armée de Macédoine. Pour la première fois, l’armée apparaît au premier plan. Mutins et soldats s’affrontent dans les rues de Constantinople. C’est la fin de la révolution jeune-turque. Le régime se durcit, des dissensions internes se font jour, des difficultés financières apparaissent. » (Entretien dans « Chronique d’un effondrement », Les Collections de L’Histoire n° 45, 2009) La révolution jeune-turque se transforme dès lors et se replie en un mouvement nationaliste turquiste mené par les officiers de l’armée, après la répression des révoltes arméniennes, les guerres balkaniques, et surtout la Première Guerre mondiale.

Doc. 7

La carte doit permettre de mettre en évidence le rétrécissement progressif de l’Empire ottoman, par l’extension des empires coloniaux européens ; puis les pertes liées à la guerre russo-turque de 1876-1878 entérinées par les traités de San Stefano puis de Berlin (juillet 1778) ; puis les conséquences des guerres balkaniques (1912-1913 et 1913) ; et enfin de la Première Guerre mondiale. La carte faisant apparaître la Turquie dans les frontières du traité de Lausanne (1923) et non celles du traité de Sèvres de 1920.

Doc. 8

La Une du Petit Journal du 18 octobre 1908, permet d’illustrer l’expression bien connue d’« homme malade de l’Europe », selon les termes attribués au tsar Nicolas Ier en 1853, pour qualifier l’Empire ottoman en butte aux difficultés internes et aux ambitions de ses voisins, perdant petit à petit ses territoires. La Une évoque le moment où, profitant de la révolution conduite par les jeunes-turcs, le sultan assiste impuissant à la proclamation d’indépendance de la Bulgarie et à l’annexion de la Bosnie-Herzégovine par l’empereur d’Autriche-Hongrie François-Joseph. Une contre-révolution conduira d’ailleurs à la déposition du sultan en avril 1909. La caricature illustre le dépeçage progressif, entre 1820 et 1914, d’un empire de moins en moins européen.

Éléments de réponse aux questions 1. La réduction de l’influence de l’Empire ottoman sur son territoire s’explique par la montée des nationalismes (mouvements nationaux dans l’empire), par l’impérialisme des grandes puissances européennes que sont la Russie (qui cherche un accès vers la Méditerranée par le Caucase et la Crimée), l’Empire austro-hongrois dans les Balkans, mais aussi la France et la Grande Bretagne. Ceci provoque le recul de l’Empire ottoman sur le continent européen au cours du xixe siècle en plusieurs phases chronologiques.

4 – THÈME 2

p. 87 La première phase – la poussée de mouvements de libération nationale –, intervient dans les années 1820. L’empire cède ainsi du terrain du fait de l’indépendance de la Grèce en 1830, puis de l’autonomie de la Serbie en 1829, qui sera suivie de celle des provinces roumaines en 1859. La ­deuxième phase intervient par le cumul des révoltes dans les Balkans et de la guerre russo-turque de 1877-1878 qui accélèrent le recul : seuls face aux ambitions russes, les Ottomans s’effondrent, e­ ntraînant la perte définitive de

Analyser les dynamiques des puissances internationales – 4

la Serbie, de la Roumanie, de la Thessalie (rattachée à la Grèce) et d’une partie de l’Épire ; des territoires comme la Bosnie-Herzégovine (occupée par l’Autriche-Hongrie) et la Bulgarie (devenue une principauté autonome) ne dépendent plus que nominalement d’Istanbul. La troisième phase survient après la révolution jeune-turque de 1908 : la Bulgarie proclame son indépendance, l’Autriche-Hongrie annexe la Bosnie-Herzégovine, la Crète se rattache à la Grèce. Puis, au moment des guerres balkaniques (1912-1913), l’Empire ottoman perd ses dernières possessions en Europe : l’Albanie, la Macédoine et la Thrace occidentale. Ne restent plus que la Thrace orientale (avec Andrinople) et la capitale Istanbul. 2. Il y a donc une tendance générale à l’effacement de l’empire en Europe. En 1914, l’Empire ottoman n’est presque plus européen, puisqu’il n’y demeure qu’Istanbul et la Thrace Orientale. Il a aussi perdu ses territoires en Afrique du Nord. L’empire s’étend donc de l’Anatolie au golfe Persique, sur un territoire correspondant à l’Irak et à la Syrie actuelle, à la Palestine et à la Jordanie, et sur une partie de la péninsule Arabique le long de la côte jusqu’à l’embouchure de la mer Rouge. En 1923, après une guerre de reconquête menée par les Turcs pour reprendre des territoires attribués aux pays voisins et aux minorités par le traité de Sèvres de 1920, le gouvernement provisoire de Mustapha Kemal – qui va fonder la République de Turquie – obtient par le traité de Lausanne un territoire en forme de quadrilatère centré sur l’Asie Mineure et l’Anatolie, récupère Istanbul, l’Arménie occidentale, le Kurdistan occidental, la côte orientale de la mer Égée (avec Smyrne et Éphèse) et l’essentiel de la Cilicie (sauf le sandjak d’Alexandrette et Antioche, conservée par les Français jusqu’en 1938).

3. L’empire réagit à l’accroissement de l’influence occidentale (économique et culturelle) au cours du xixe siècle de façon paradoxale, notamment en entreprenant des réformes, le plus souvent inspirées de modèles européens, dans le domaine militaire, dans les institutions centrales, l’administration et la législation. C’est le sens des Tanzimat, qui cherchent à faire « entrer dans la civilisation » (medeniyet). Au bout du compte, par ce « libéralisme ottoman », l’empire s’est trouvé profondément transformé : le sultanat « despotique » de l’époque classique est devenu officiellement un régime parlementaire et centralisé avec une Constitution. L’empire a cependant cherché à se moderniser sans « s’occidentaliser ». De la même façon les jeunes-turcs disent au lendemain de la révolution de 1908 : « Nous voulons être le Japon du Moyen-Orient », comparant leur projet à celui de l’ère Meiji, au cours de laquelle le Japon s’ouvre et se modernise tout en conservant sa culture et son identité. 4. L’empire réagit à la réduction de son territoire par une lutte rarement victorieuse contre les ambitions des puissances voisines et par la répression de plus en plus violente des minorités et nationalités cherchant à s’émanciper (considérés comme « ennemis de l’intérieur » pendant la Première Guerre mondiale, cette logique conduira au génocide arménien). Les échecs de ces luttes conduisent à un recentrage progressif du régime impérial, puis du mouvement jeune-turc sur un projet national turc, à un abandon progressif du projet multinational et multireligieux et à la constitution d’un territoire resserré sur ­l’Anatolie.

Bac ANALYSER Les conséquences de l’affaiblissement de l’Empire ottoman sont : 1) politiques à l’intérieur de l’empire, par la division entre libéraux et pro-sultan, ce qui prépare l’arrivée au pouvoir des officiers jeunes-turcs ; 2) géopolitiques, par la remise en cause du contrôle de son territoire par



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les empires coloniaux européens, la construction et le contrôle du canal de Suez étant le symbole le plus fort de cette prise en main européenne ; 3) diplomatique, par le retrait progressif puis subit des forces impériales de l’espace européen des Balkans.

Une puissance en reconstruction : la Russie depuis 1991

pp. 88-91

© Hatier Paris, 2019 – Histoire-Géographie, Géopolitique, Sciences politiques 1 re

Logiques scientifiques et pédagogiques La première partie présente les événements de la décennie noire 1991-2000 ayant suivi la chute de l’Union soviétique pour la Russie et sa sphère d’influence, en particulier sous l’angle économique. Elle permet de bien se rendre compte des impacts politiques, géopolitiques, économiques et sociaux de ce bouleversement, tout en donnant des clés pour observer des prolongements contemporains tels que la situation dans le Donbass, en Crimée, ou encore les origines de l’oligarchie russe qui détient le pouvoir aujourd’hui. La seconde partie présente les dynamiques de reconstruction de la puissance russe sous l’impulsion de Vladimir Poutine, Président officiel ou officieux depuis 20 ans. Stabilisation du pouvoir, développement économique basé sur les ressources naturelles, remilitarisation, diplomatie de réseaux, influence à l’étranger, les sources de la puissance retrouvée de la Russie sont multiples. Cependant, cette dynamique reste fragile politiquement et socialement. Profondément inégalitaire, la société russe se structure autour d’une nouvelle oligarchie et d’un pouvoir politique fort détenu par le parti Russie unie, sans opposition, sur fond de néo-eurasisme.

5 – THÈME 2

Analyser les dynamiques des puissances internationales – 5

Doc. 1

Cette carte présente le morcellement politique de l’Union soviétique, les cercles concentriques de l’influence russe, les refus d’adhésion et départs de la Communauté des États indépendants (CEI), et les conflits avec la Russie qui ont émergé jusqu’à aujourd’hui. Elle permet de dégager le cœur de zone, les 1er et 2e cercles d’influence, et les dynamiques locales d’affranchissement vis-àvis de l’influence russe (États baltes, Ukraine, Géorgie).

Doc. 2

Cet extrait d’article détaille à chaud les conséquences économiques, sociales et identitaires en Ukraine qui ont découlé de la « thérapie de choc » mise en place en Russie. Il permet de comprendre que les conflits actuels en Crimée ou dans le Donbass sont un prolongement de la période d’instabilité provoquée non seulement par la chute de l’URSS en elle-même, mais aussi par les « remèdes » économiques appliqués immédiatement après. Ils permettent aussi, en amont du Thème 3, d’évoquer la question des frontières en tant que barrières économiques et politiques plus ou moins poreuses.

Doc. 3

Cette photographie illustre à la fois un point de bascule historique pour la Russie, l’Ukraine et la Biélorussie avec la ratification du traité créant la CEI, mais aussi la construction de la légitimité politique de Boris Eltsine, président de la Fédération de Russie jusqu’en 1999.

Doc. 4

Cette infographie montre l’importance du déclin économique russe entre 1990 et 1998. Sur cette décennie, la Russie ne connaîtra qu’une seule année de croissance (1997) et verra son PIB fondre de 42 % sur la période.

Éléments de réponse aux questions 1. Moscou a réussi à maintenir son influence en remplaçant une entité politique centralisatrice (l’URSS) par une autre, la CEI, et en inondant ses anciennes républiques soviétiques en énergie et produits de consommation fabriqués à bas coût en Russie grâce à la dérégulation massive et soudaine de l’économie. 2. La décennie noire de l’économie russe s’explique par les conséquences politiques et militaires du mor-

p. 89 cellement de l’URSS mais aussi et surtout par l’inadaptation de la « thérapie de choc », l’instabilité politique chronique, et l’émergence des Nouveaux Russes qui ont capté la majeure partie de la richesse produite. Les effets en Ukraine furent si profonds qu’ils se font encore sentir aujourd’hui dans le Donbass et en Crimée.

Bac ANALYSER

© Hatier Paris, 2019 – Histoire-Géographie, Géopolitique, Sciences politiques 1 re

Sous Boris Eltsine (1991-1999), la Russie s’est à la fois maintenue dans le monde comme héritière diplomatique et militaire de l’URSS, comme seule grande puissance de l’exURSS, et comme État maintenant certains de ses anciens satellites sous son influence (Ukraine). Mais elle s’est aussi fragilisée : la « thérapie de choc » consécutive à l’adapta-

tion de la Russie à l’économie mondiale a vu une division par deux du PIB/hab. et une croissance erratique de la production de la richesse nationale, provoquant une inflation majeure alors qu’une minorité, les Nouveaux Russes, s’enrichissaient à un rythme effrené.

Doc. 5

Cette carte incarne le renouveau de la puissance militaire russe avec un découpage stratégique en 5 grandes zones de projection (Nord, Ouest, Sud, Centre et Est) en vigueur depuis 2014, postérieurement à l’annexion de la Crimée et à l’éclatement du conflit dans le Donbass. Elle matérialise également les trois grands exercices interarmées conduits en 2017, 2018 et 2019, les plus importantes démonstrations de force russes depuis l’ère soviétique.

Doc. 6

Cet extrait décrit la doctrine politique, géopolitique et civilisationnelle du néo-eurasisme. Sous-tendant l’action de Vladimir Poutine, le néo-eurasisme se veut faire de la Russie et de son 1er cercle d’influence une zone à cheval sur l’Europe et l’Asie mais bien distincte de ces deux ensembles : une troisième voie ni européenne ni asiatique, ni capitaliste ni communiste.

Doc. 7

Cette campagne de publicité par le média d’État Russia Today (RT) dans le métro londonien à l’occasion du lancement de la version anglaise de la chaîne joue volontairement et avec ironie sur le discours anti-Russe des dirigeants politiques anglais de l’époque pour en dénaturer le contenu et le désamorcer. En se positionnant régulièrement en victimes, les médias d’État russes à destination de l’étranger (Russia Today et Sputnik news) parviennent à surfer sur la remise en cause du système politico-médiatique dans les démocraties occidentales pour obtenir une légitimité

6 – THÈME 2

Analyser les dynamiques des puissances internationales – 6

auprès d’une partie de l’opinion publique. Cette légitimité établie permet ensuite à ces médias de véhiculer tantôt le soft power tantôt la propagande du pouvoir russe au sein même des démocraties occidentales. Doc. 8

Cet extrait d’article montre deux fragilités intrinsèques de la puissance russe aujourd’hui : les inégalités sociales et la vulnérabilité aux sanctions économiques occidentales. Il permet de voir que, si l’action de Vladimir Poutine a obtenu un certain nombre de résultats socio-économiques grâce notamment aux revenus des ressources naturelles, la Russie reste en situation délicate à l’intérieur de ses frontières, avec un risque de contestation sociale.

p. 91

Éléments de réponse aux questions 1. Ni Occident ni Orient, ni capitalisme ni communisme, conservatisme moderne, le néo-eurasisme s’oppose aux idéaux occidentaux sur des aspects institutionnels, politiques, économiques et sociaux. 2. La dérision, la victimisation, l’appel à l’action et à la remise en cause des fondements du pouvoir local font partie des véhicules de soft power privilégiés par les médias russes à l’étranger. Avec leurs nouveaux slogans respectifs, « agent étranger » et « Nous dévoilons ce dont les autres ne parlent pas », RT et Sputnik poursuivent aujourd’hui dans cette stratégie car celle-ci s’est révélée efficace ces dernières années au Royaume-Uni, en France et ailleurs. 3. La réorganisation militaire de la Russie, son développement économique progressif par grandes zones géographiques, et le concours des pays du premier cercle d’in-

fluence permettent à la Russie de se positionner comme une puissance tampon, à la fois européenne et asiatique dans sa projection stratégique, mais ni européenne ni asiatique dans son corpus idéologique. 4. La Russie s’est reconstruite autour d’un pouvoir fort, d’une élite économique étroitement contrôlée par ce pouvoir, d’une idéologie, et de ressources naturelles présentes en nombre suffisamment important pour soutenir un tel rebond. 5. Les prix du pétrole sont fortement influencés par les instabilités géopolitiques. La Russie, en tant que premier fournisseur de pétrole et de gaz de l’Europe, est à la fois à l’origine de certaines variations de prix mais peut aussi être victime de contre-stratégies ou de sanctions étrangères.

Bac COMPOSITION I. Une Russie fragilisée par la thérapie de choc (1991-1999) – Fragilité économique – Fragilité sociale – Mais maintien de la puissance territoriale II. Une Russie qui cherche à s’affirmer à l’échelle continentale (1999-2008) – Affirmation militaire (Caucase) – Affirmation énergétique (Ukraine) – Mais dépendance vis-à-vis des hydrocarbures

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III. Une Russie qui se donne les moyens d’influencer le reste du monde (depuis 2008) – Diffusion de l’idéologie eurasiste – Diffusion des médias pro-Russes – Mais fragilités politiques et sociales internes

7 – THÈME 2

Analyser les dynamiques des puissances internationales – 7

AXE

2

LES FORMES INDIRECTES DE LA PUISSANCE Orientations bibliographiques et sitographie – BUHLER Pierre, La Puissance au xxie siècle. Les nouvelles définitions du monde, CNRS Éditions, 2011. Un ouvrage de synthèse très complet sur le concept de puissance, qui développe notamment la question du soft power. – « Les nouvelles routes de la soie », Diplomatie n° 90, janvier-février 2018. Un dossier de trente pages sur cet ambitieux projet, qui l’analyse sous des angles variés – « Géopolitique de la Chine », Diplomatie – Les grands dossiers n° 45, juin-juillet 2018. Ce numéro spécial replace « les nouvelles routes de la soie » dans la géopolitique chinoise. – Sur le site Diploweb www.diploweb.com, voir notamment l’interview de Thierry Garcin daté de février 2018 sur les « nouvelles routes de la soie ». – www.francophonie.org, le site officiel de l’OIF, riche en informations sur les actions de l’OIF et en ressources disponibles.



JALON 1

La langue, instrument du soft power

pp. 96-99

Logiques pédagogiques et scientifiques

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Ce dossier définit la langue comme instrument du soft power de deux manières : – La langue comme symbole et reflet de la puissance d’une culture : la langue est ici moins un moyen qu’un critère permettant de définir et caractériser la puissance d’un ou de plusieurs États. Le poids d’une langue se mesure de différentes manières, que les documents mettent en évidence (extension, nombre de locuteurs, statut officiel, etc.). – La langue comme outil ou instrument de pouvoir : les documents visent à montrer que la mondialisation donne un rayonnement sans précédent à une langue disposant de moyens institutionnels et sociaux conséquents. Si un des aspects de ce rayonnement est la diffusion mondiale d’une culture nationale (le « cool Japan »), la langue peut devenir une véritable arme politique au service de la maîtrise d’un territoire (le mandarin en Chine). Doc. 1

Cette carte donne différents critères pour mesurer le poids d’une langue dans le monde : son nombre de locuteurs, son statut de langue officielle de l’ONU, son statut de langue officielle nationale, exclusif ou partagé. Le document invite ainsi à s’interroger sur la diversité des situations et à lier la puissance d’un État avec la langue qui y est parlée.

Doc. 2

L’analyse du tableau doit permettre de comparer le classement brut du nombre de locuteurs d’une langue avec son rayonnement réel (comparer ainsi le poids de l’hindi et de l’anglais, ou celui du français et du bengali : langues internationales et langues nationales). On peut mettre également en évidence la répartition sur l’ensemble du globe des langues les plus parlées au monde.

Doc. 3

Cette photographie pointe un phénomène courant mais peu connu dans les villes brésiliennes : celui des quartiers ethniques issus de l’immigration. Dans le cas de l’immigration japonaise au Brésil, un parallèle peut être fait avec les Japonais installés aux États-Unis (un mouvement qui dure depuis la fin du xixe siècle, notamment à Hawaï et sur la côte Ouest, et qui avait donné lieu en 1907 à un accord américano-japonais pour limiter les flux), ainsi qu’avec les communautés chinoises (les Chinatowns) à travers le monde.

Doc. 4

Cette carte reflète l’importance du français dans le monde par le nombre de ses locuteurs ainsi que par les États membres (différents statuts) de l’Organisation internationale de la francophonie. L’analyse de la carte peut se faire en rappelant les origines de l’OIF (créée officiellement en 1970), dont l’idée est venue de dirigeants francophones du Tiers Monde, notamment le Président sénégalais Senghor en 1962 et le Président tunisien Bourguiba en 1965. La carte met en évidence que la majorité des pays de l’OIF sont, logiquement, d’anciennes colonies françaises. Cependant, il faut attendre 1986 pour un premier sommet de l’OIF.

8 – THÈME 2

Analyser les dynamiques des puissances internationales – 8

Éléments de réponse aux questions 1. Les langues européennes parlées en Afrique sont principalement l’anglais, le français et le portugais ; en Asie, l’anglais est la seule langue européenne à statut officiel dans deux pays (Inde et Pakistan). Ce leg de la période coloniale a été peu remis en cause (bien que certains pays d’Afrique étendent le nombre de langues officielles ou s’interrogent sur le remplacement du français par l’anglais). Français et anglais ont le double avantage d’aider à l’unification d’un territoire en évitant qu’une langue régionale ne devienne hégémonique et suscite des contestations ; qui plus est, elles facilitent communication et échanges avec des États tiers. 2. Les États observateurs de l’OIF (25 en 2018) n’ont pas nécessairement un nombre important de locuteurs francophones (à peine 0,1 % de la population ukrainienne en 2014). En devenant membres observateurs de l’OIF, ils peuvent assister aux sommets ainsi qu’à certaines confé-

p. 97 rences et intègrent ainsi partiellement un réseau d’États francophones dispersés à travers le monde. Ils participent au rayonnement de la langue et de la culture française dans des régions où celle-ci est appréciée mais traditionnellement peu implantée (c’est le cas de la Corée du Sud, devenue membre observateur en 2016). 3. Les langues les plus parlées dans le monde sont soit des langues parlées dans des géants démographiques (Chine, Inde, Russie, Indonésie), soit des langues parlées dans de nombreux États (anglais, espagnol, arabe). La diffusion d’une langue à travers le monde est liée à des facteurs historiques (émigration importante, colonisation). Cela explique par exemple le poids représenté par l’espagnol ou le portugais dont les États abritant la majorité des locuteurs sont d’anciennes colonies d’Amérique latine. À l’inverse, la langue chinoise ne joue qu’un rôle très modeste en dehors de la Chine.

Bac ANALYSER

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La diversité linguistique de l’Europe, si elle peut complexifier le fonctionnement des institutions européennes (24 langues officielles et de travail dans l’Union européenne), n’en est pas moins un atout pour le soft power de la péninsule. Les États les plus puissants dont la langue est très pratiquée dans le monde (France, Allemagne, Royaume-

Uni, Espagne, Portugal) développent des organismes de promotion et d’enseignement de leur langue, mettant ainsi en valeur leur culture. Quant aux États plus petits, lorsqu’ils sont membres de l’Union européenne, leur présence dans les institutions donne à leur langue nationale une caisse de résonance considérable.

Doc. 5

Ces deux cartes sont des représentations des organisations de promotion de la langue nationale de l’Allemagne et du Royaume-Uni. Une analyse comparative met en évidence la relative similarité des objectifs et des lieux d’implantation. Un parallèle peut être dressé avec les organisations similaires de la Chine (Instituts Confucius), de la France (Alliances françaises) et du Japon (Fondation du Japon).

Doc. 6

Ce document développe les différents défis de l’OIF dans un contexte de mondialisation accélérée. Ces défis renvoient à l’histoire de l’OIF. Sa création, dans un contexte post-colonial, puis la lenteur de sa mise en place dans un monde encore marqué par la guerre froide (le premier sommet date de 1986) montrent que c’est, paradoxalement, dans un monde mondialisé où la prééminence de l’anglais comme langue de communication est évidente, que l’OIF peut trouver sa pleine utilité et les moyens de rayonner et de se développer davantage.

Doc. 7

La description de la situation linguistique à Canton en 2014 illustre l’utilisation du mandarin comme « arme politique » par la République populaire de Chine pour renforcer son emprise politique sur des provinces puissantes (le Guangdong est la province la plus riche et la plus productive de Chine) ou récemment rattachées (Hong Kong). Une telle stratégie est également pratiquée au Tibet ou au Xinjiang, de manière plus coercitive, le tibétain et le ouïgour étant davantage combattus afin de mieux maîtriser des provinces situées aux marges du territoire chinois et peuplés d’ethnies non Han.

Doc. 8

L’utilisation du manga dans ce document permet, à partir d’un produit culturel connu et souvent populaire parmi les élèves, de mettre en évidence la diffusion d’une culture par l’intermédiaire de sa langue. Dragon Ball a été l’un des premiers mangas traduits en français (chez Glénat en 1993). Mais, alors que les animes (dessins animés japonais) font l’objet d’un doublage systématique en France des années 1970 aux années 1990, ils sont depuis majoritairement sous-titrés. Si complexe soit-elle, la langue japonaise fait, par l’intermédiaire de sa culture populaire, davantage d’adeptes.

9 – THÈME 2

Analyser les dynamiques des puissances internationales – 9

p. 99

Éléments de réponse aux questions 1. Ces trois organismes poursuivent un même objectif : promouvoir une langue et la culture qui y est liée. Ils disposent pour cela de moyens étatiques permettant de financer des actions d’enseignement et des projets culturels. Il convient toutefois de différencier l’OIF du British Council et du Goethe Institut. À la différence de ces deux instituts, l’OIF est une organisation internationale, misant davantage sur des sommets et des rencontres pour définir des actions et stratégies communes. 2. La langue cantonaise est la langue vernaculaire de la riche province du Guangdong, située dans une Chine méridionale où la diversité linguistique est importante et qui, de fait, se sent moins liée au gouvernement de Pékin. Située au large de Canton, la métropole de Hong Kong, devenue région d’administration spéciale depuis 1997 et

son rattachement à la République populaire de Chine, utilise le cantonais (et l’anglais) comme moyen de résister à la pression du gouvernement de Pékin. 3. Le Japon mise considérablement sur son soft power depuis les années 1990 pour affirmer sa place dans un contexte de mondialisation accélérée. Ainsi, l’essor du « cool Japan », qui s’appuie sur le succès de la culture populaire japonaise dans le monde (manga, animes, J-pop, littérature, etc.), notamment auprès du jeune public, est-il soutenu et encouragé par l’État. Le ministère des affaires étrangères décerne un prix international du manga depuis 2007 et a mis sous sa tutelle les Japan Foundations, maisons de la culture du Japon, qui s’implantent peu à peu dans le monde.

Bac S’EXPRIMER À L’ORAL Les langues régionales en Europe font l’objet d’une attention particulière depuis les années 1950 par les puissances européennes. Elles ont un statut protégé depuis 1992 et la signature de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, dans le cadre du Conseil de l’Europe. À ce jour, 25 États ont signé et ratifié cette Charte, qui incite à protéger et à promouvoir les langues régionales, les considérant comme un aspect menacé du patrimoine,



JALON 2

et d’autre part à en encourager la pratique dans la vie privée et publique. Leur apprentissage est protégé et se maintient, mais leur visibilité dans les médias varie considérablement selon le degré de fédéralisme des États et la langue régionale peut devenir un facteur de déstabilisation, voire de mise en péril de l’unité nationale (le catalan en Espagne, utilisé par les indépendantistes).

Puissance des géants du numérique, impuissance des États ?

pp. 100-103

Logiques scientifiques et pédagogiques

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Les documents proposés s’organisent en deux temps. Dans la première partie du corpus, ils font apparaître que les grandes entreprises du numérique ne se résument pas aux FTN américaines bien connues que sont les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) : les firmes chinoises étendent également leurs marchés (tableau et document 1, p.100). Ensuite, ils montrent que ces entreprises constituent des instruments économiques et géopolitiques puissants pour les États (document 1, p. 100 et document 2, p. 101). Enfin les documents soulignent que, s’ils y participent, les géants du numérique constituent également une limite à la puissance des États en pratiquant l’optimisation fiscale, en ne respectant pas la propriété intellectuelle, mais aussi en ayant accès aux données personnelles de leurs utilisateurs sans en garantir le caractère privé. L’ambivalence des géants du numérique est à souligner car elle remet en cause la puissance des États. Et la deuxième partie du corpus documentaire est justement consacrée au rôle des technologies du numérique pour la puissance des États. Le document 5 (p. 102) analyse les facteurs de la cyberpuissance en relativisant le rôle des infrastructures et en soulignant l’enjeu que constituent la sécurité des données numériques et l’éducation. Les documents 6 (p. 102), 7 et 8 (p. 103) sont eux consacrés aux rapports de force et attaques cybernétiques entre différents acteurs : étatiques, économiques mais aussi issus de la société civile (« hackers patriotiques »). Ces attaques se font selon des modalités variables : virus informatiques, piratage de données personnelles ou institutionnelles, ou même espionnage par des sous-marins militaires dotés de capacités d’écoute ou d’interception. Les cartes permettent de souligner qu’il s’agit d’un phénomène planétaire (carte 8, p. 103), mais un phénomène au sein duquel il est possible d’identifier des types de pays selon leur cyberpuissance (carte 7, p. 103). Il est ainsi possible de travailler avec les élèves un exercice typiquement géographique : la typologie de territoires (cf. présentation du document infra).

10 – THÈME 2

Analyser les dynamiques des puissances internationales – 10

L’article de Julien Delépine montre la montée en puissance des géants du numérique chinois. Le texte souligne la spécificité des BATX qui tient au contexte chinois. Ces « champions nationaux » ont accès à un immense marché intérieur (1,3 milliard de consommateurs) et sont aussi des entreprises étroitement contrôlées par l’État. Un contrôle réaffirmé par Xi Jinping lors du congrès du parti d’octobre 2017 lorsqu’il a rappelé que « Tout doit être placé sous la direction du Parti communiste chinois, de l’armée à la société civile », dans le cadre de « la nouvelle ère du socialisme à la chinoise ». Ensuite l’article montre que certaines de ces entreprises (Xiaomi, Alibaba) sont devenues des FTN présentes bien au-delà de la Chine. On peut d’ailleurs citer leurs capitalisations boursières qui ont atteint des records s’approchant sans les atteindre de celles des GAFAM : 488 milliards $ pour Alibaba contre 601 milliards $ pour Amazon, 530 milliards $ pour Tencent contre 547 milliards $ pour Facebook.

Doc. 2

Les plus grandes entreprises du numérique sont américaines (GAFAM) et chinoises (BATX) et en s’imposant à l’échelle mondiale elles concurrencent les entreprises nationales des autres pays. Le texte aborde le cas de l’Inde. Les principaux « mastodontes » du numérique indien sont Wipro, Infosys ou Tech Mahindra qui proposent des services informatiques aux entreprises. Mais les géants du numérique constituent également une limite au contrôle des données personnelles à la fois par les individus puisqu’elles sont conservées par les entreprises du Net, et par les États qui veulent pouvoir y accéder. Cette suspicion des États face aux entreprises du numérique peut également être illustrée par la polémique qui a eu lieu au début de l’année 2019 concernant la méfiance des États-Unis à l’égard de la 5G proposée par l’entreprise chinoise Huawei. Invoquant des risques d’espionnage et des menaces sur des secteurs stratégiques, ils ont interdit à leurs administrations d’utiliser les produits et les services de Huawei. Enfin le texte montre que la défiance est partagée puisque les entreprises du Net suspectent également les États de vouloir récupérer à des fins de contrôle social les données personnelles des utilisateurs. Pour mémoire, en France c’est la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) qui informe les citoyens de leurs droits numériques et entreprend des actions lorsque des entreprises les outrepassent. Et depuis 2011, le droit français oblige les fournisseurs de services sur Internet à conserver pendant un an mots de passe, traces d’achats ou commentaires laissés sur le Web par les internautes. La police, le fisc, les douanes ou l’URSSAF peuvent y avoir accès dans le cadre d’enquêtes.

Doc. 3

Les pratiques d’optimisation fiscale agressives menées par les GAFAM sont dénoncées depuis le début des années 2000. Le principal montage fiscal consiste à déclarer les bénéfices réalisés dans un État au siège régional installé opportunément dans des États où la fiscalité est moins forte, voire quasi inexistante. On note que sur les 536 millions d’impôts gagnés à l’échelle mondiale grâce aux montages financiers de l’optimisation fiscale de Facebook et Google, 204 millions € soit près de 40 % du total auraient dû revenir à des pays européens. L’UE est donc la première victime de ces pratiques. Pour rappel, depuis 2019, la France a mis en place une « taxe GAFAM » qui correspond à une taxe forfaitaire de 3 % sur le chiffre d’affaires en France des grandes entreprises du numérique.

Doc. 4

La frise chronologique proposée montre que la lutte contre la puissance des géants du numérique passe par la fiscalité, par le droit d’accès aux données personnelles et le droit de propriété intellectuelle, mais qu’elle passe aussi par des actions judiciaires en matière de droit des affaires. Deux types d’actions ont été menés : des condamnations pour abus de position dominante, et des condamnations pour aides fiscales illégales. L’abus de position dominante correspond, pour une entreprise ou un groupe d’entreprises, à « adopter un comportement visant à éliminer, à contraindre ou encore à dissuader tout nouveau concurrent d’entrer sur ce marché, faussant ainsi la concurrence » (définition de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes). Les aides fiscales illégales désignent les accords passés entre les administrations fiscales des États et les entreprises de manière à leur accorder une imposition la plus favorable possible. On parle aussi pour décrire ces fiscalités (trop) avantageuses de dumping fiscal. C’est ce qui a valu à l’Irlande d’être forcée par l’UE de réclamer à Apple les 13 milliards € dont elle avait exempté l’entreprise. Et c’est ce qui vaut au Luxembourg de devoir récupérer environ 250 millions € auprès d’Amazon, mais aussi plusieurs centaines de millions € auprès de Fiat.

11 – THÈME 2

Analyser les dynamiques des puissances internationales – 11

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Doc. 1

p. 101

Éléments de réponse aux questions 1. BATX : Baidu, Alibaba Tencent, Xiaomi. Leur influence se manifeste : – par leur chiffre d’affaires : 24 milliards de ventes en 24h pour Alibaba, Xiaomi 4e fabricant de smartphones au monde ; – par leur nombre de clients ou d’utilisateurs : 1 milliard d’utilisateurs pour Tencent, près de 800 000 clients pour Alibaba ; – par leur stratégie de diversification géographique et industrielle : véhicules autonomes pour Baidu, Alibaba investit en Russie et en Belgique, utilisateurs étrangers pour Tencent. 2. L’Inde a mis en place différentes mesures : une loi et une obligation réglementaire. La loi contraint à ce que le stockage des données personnelles des Indiens se fasse sur le sol indien, et soit accessibles en cas d’enquête. L’obligation réglementaire de rendre disponible au téléchargement sur les iPhones une application anti-spam. 3. Les géants du numérique font l’objet de 3 types d’accusations :

– des accusations concernant leur gestion des données personnelles : les données personnelles des utilisateurs en étant stockées hors de leur pays échappent à la législation nationale ; – des accusations concernant leur permissivité face à certaines pratiques : blocage d’application anti-spam ; – des accusations concernant leurs pratiques d’optimisation fiscale : les entreprises américaines, et notamment Facebook et Google, mettent en place des montages économiques leur permettant d’échapper à l’impôt en étant imposé sur leurs bénéfices dans les pays où la fiscalité est la plus basse, et non dans les pays où ils réalisent leurs profits. 4 L’UE s’est engagée dans des actions judiciaires en matière de droit des affaires : des mises en cause pour abus de positions dominantes contre Microsoft, Intel et Google qui ont conduit à des condamnations à payer des amendes allant de 500 millions à 13 milliards d’euros ; et des mises en cause pour aides fiscales illégales avec les administrations fiscales irlandaises et luxembourgeoises.

Bac ANALYSER Les États sont partout confrontés à la puissance des FTN du numérique. Les plus puissantes sont les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) américaines et les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi) chinoises. Ces entreprises sont présentes dans le monde entier, ont des centaines de millions voire des milliards d’utilisateurs ou de clients, réalisent parmi les plus grands profits au monde, investissent dans la recherche et le développement et les hautes technologies dans des domaines de plus en plus variés. Cette puissance économique et stratégique en font des acteurs capables d’imposer aux États leurs pratiques, notamment en matière de gestion des données personnelles des utilisateurs, et leurs intérêts,

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Doc. 5

Ce texte permet de rappeler l’importance de la démarche analytique en géographie et en géopolitique. L’auteur propose une synthèse de différents facteurs matériels, politiques et culturels. Il est important de rappeler que ces facteurs ne jouent pas indépendamment les uns des autres, mais qu’ils déterminent de manière systémique la puissance numérique des pays, c’est-à-dire qu’ils s’influencent les uns les autres. Il est possible de construire avec les élèves des schémas fléchés faisant apparaître les boucles de rétroaction qui existent entre ces différents facteurs. Par exemple en matière de cybersécurité : la qualité de l’innovation et la recherche permet des capacités technologiques en matière de systèmes d’exploitation (plus ou moins résistants face aux virus et cyberattaques), capacités qui conduisent à une réglementation par la politique numérique des États afin de protéger les données sensibles, mais une politique numérique est aussi à l’origine de l’innovation et de la recherche numérique en la finançant ou la favorisant.

Politique numérique des États : – financement de la recherche et de l’innovation – cadre législatif

12 – THÈME 2

en particulier fiscaux. Les États ont d’autant plus de mal à défendre leurs propres droits et intérêts que les géants du numérique profitent de leur présence internationale pour mettre en concurrence les pays afin d’obtenir des avantages fiscaux ou juridiques. Mais cela n’empêche pas les États, quand ils se regroupent comme à l’échelle européenne, ou bien lorsqu’ils représentent des pays très peuplés comme l’Inde, de réussir à imposer certaines pratiques ou de limiter l’optimisation fiscale. Enfin, il faut nuancer en rappelant que certains États comme la Chine, l’Inde ou les États-Unis, loin d’être en conflit avec tous les géants du Net, protègent leurs propres entreprises du numérique qui sont autant de champions nationaux.

R&D de qualité dans les hautes technologies du numérique Capacités technologiques de résistance des systèmes d’exploitation

Analyser les dynamiques des puissances internationales – 12

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Doc. 6

Le tableau permet de montrer la diversité des acteurs de cyberattaques et de leurs motivations. Quelques exemples récents de cyberattaques qui eurent un certain retentissement médiatique : – les attaques d’acteurs privés à l’égard d’autres acteurs privés (particuliers ou entreprises) : exemple du virus « WannaCry » en 2017 qui a touché d’innombrables entreprises à travers le monde, leur demandant une somme d’argent en bitcoins contre le déverrouillage de leurs données ; – les attaques entre États : exemple du piratage du Service européen d’action extérieure (réseau diplomatique européen) entre 2015 et 2018 par des hackers qui pourraient servir les intérêts chinois selon le New York Times ; – les attaques d’États à l’égard d’acteurs privés : exemple la condamnation en décembre 2018 par la justice américaine de deux spécialistes en cybersécurité offensive appartenant au groupe de piratage informatique APT10 qui dépend de l’armée chinoise. Ils sont accusés d’avoir permis à la Chine d’accéder à des systèmes d’information de dizaines d’entreprises disséminées à travers 12 pays ; – les attaques d’acteurs privés à l’égard d’États : exemple du piratage des données personnelles de 1,1 milliard d’Indiens en mai 2018 conservées par l’organisme public qui fabrique l’Aadhaar, une carte comportant un identifiant unique attribué à tout citoyen indien pour ses démarches administratives et de santé.

Doc. 7

Cette carte propose permet de spatialiser deux types d’informations : d’une part l’inégale participation des États aux activités numériques pacifiques ou agressives, et d’autre part les infrastructures permettant la circulation mondiale des informations numériques. Ce document présente l’intérêt de constituer un bon support pour apprendre aux élèves à construire une typologie. Il convient au préalable de déterminer la thématique de la typologie de territoires : ici une typologie de la puissance numérique des pays du monde. Ensuite, on précise l’échelle et les critères de la typologie : – l’échelle est nationale : il s’agira de classer des pays ; – les critères de la typologie : on propose de classer les pays selon 3 critères que sont l’ampleur de leur puissance cybernétique (dominante, émergente, négligeable), l’ancienneté de leur puissance numérique (ancienne, récente) et la manière d’exercer leur puissance (de manière plus ou moins agressive). Enfin on identifie les types de pays en reprenant tout ou partie de la légende, on décrit les principales caractéristiques de chaque type, et on les illustre par un ou des exemples de territoire : – Type 1 : Les cyberpuissances qui sont caractérisées par une position dominante en matière de numérique (grandes entreprises, innovations en matière de hautes technologies, très bonnes infrastructures) ; par une position ancienne ou consolidée ; et par une puissance à la fois défensive et offensive (à la fois source et objet de nombreuses cyberattaques). Exemples : États-Unis et Chine, et dans une moindre mesure l’Union européenne et le Japon. – Type 2 : Les cyberdragons qui sont caractérisés par une position émergente en matière de numérique (entreprises dont les profits et la clientèle connaissent une forte croissance, des infrastructures qui s’améliorent) ; par une position très récente ; et par une puissance parfois offensive (source de nombreuses cyberattaques). Exemples : Corée du Sud, Taïwan, Israël, Singapour, et pour les puissances particulièrement offensives Iran, Russie et Syrie. – Type 3 : Les puissances secondaires qui sont caractérisées par une position marginale (entreprises qui ont du mal à s’imposer sur le marché mondial, sont concurrencées sur leur propre marché et dont les infrastructures ne sont pas encore performantes) et dont la capacité à mener des cyberattaques est faible. Exemples : Afrique du Sud, Inde. – Type 4 : Les pays non dotés d’une puissance cybernétique qui sont caractérisés par peu d’acteurs et d’infrastructures numériques remarquables à l’échelle nationale, et à l’écart des principales cyberattaques. Exemples : Mongolie, Venezuela, Vietnam.

Doc. 8

Cette carte ne prétend pas être lisible en détail mais de donner à voir le foisonnement des cyberattaques dans le monde. On a compté plus de 750 millions de cyberattaques dans le monde en 2018. Et L’ONG Kaspersky Lab estime que plus de 116,5 millions d’attaques de logiciels malveillants ont été détectées sur les téléphones mobiles en 2018, portant le nombre d’utilisateurs impactés à environ 9,8 millions d’usagers.

13 – THÈME 2

Analyser les dynamiques des puissances internationales – 13

p. 103

Éléments de réponse aux questions 1. Les puissances du cyberespace correspondent pour la plupart aux pays les plus développés au monde comme les États-Unis, l’Europe, le Japon et dans une moindre mesure la Corée du Sud et Israël, mais aussi à certains pays émergents ou réémergents comme la Chine, la Russie et dans une moindre mesure Taïwan, Singapour, l’Inde et l’Afrique du Sud. Les facteurs explicatifs de cette puissance sont : – des facteurs matériels de qualité des infrastructures et de capacités technologiques ; – des facteurs politiques d’efficacité du cadre législatif et des moyens engagés par les États pour la protection des données des particuliers, des entreprises et des administrations publiques ; – des facteurs culturels et scientifiques de qualité de la recherche et développement, et de l’éducation au numérique.

2. Les acteurs du cyberespace varient selon leur statut : public ou privé ; leur champ d’action : État, entreprise ou groupe de personnes ; et leur motivation : défendre les intérêts d’un pays ou d’une cause ou bien voler de l’argent ou des informations industrielles. 3. Les deux cartes font apparaître que les cyberattaques sont généralisées et multiscalaires : elles se produisent partout dans le monde, mais aussi au sein d’un même pays. Tous les territoires sont victimes et souvent aussi à l’origine de cyberattaques, mais certains davantage que d’autres. Les pays développés et émergents sont les plus impliqués dans ces cyberattaques : Amérique du Nord, Europe, Japon, Australie pour les pays du Nord, Russie, Moyen-Orient, Brésil, Chine et Inde pour les pays du Sud. En réalité, il est plus simple de citer les territoires à l’écart des cyberattaques qui correspondent aux pays les moins développés, et notamment ceux d’Afrique subsaharienne.

Bac ANALYSER La question posée n’appelle évidemment pas une réponse tranchée affirmant que les États sont soit des acteurs soit des victimes du cyberespace. L’enjeu est de démontrer que les États sont à coup sûr des acteurs du cyberespace mais que les autres acteurs (autres États, géants du numérique, hackers, services informatiques des grandes entreprises…) peuvent ponctuellement ou structurellement constituer une menace pour la sécurité des populations, des entreprises et des institutions publiques. L’argumentation peut alors s’organiser de différentes manières.

Proposition 2 : organisation thématique : I. En matière de cadre législatif et réglementaire du cyberespace, des États ayant plutôt un rôle déterminant. II. En matière de maîtrise des capacités technologiques et informatiques, des États souvent victimes de piratages, mais pour certains aussi à l’origine de cyberattaques. III. En matière de contrôle économique des géants du numérique, des États mis en concurrence et donc souvent victimes de leurs stratégies d’optimisation. Proposition 3 : organisation typologique :

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Proposition 1 : organisation dialectique (les parties 1 et 2 peuvent être inversées) : I. Les États par leur cadre législatif et les poursuites judiciaires qu’ils peuvent déclencher, par leurs financements de la recherche et développement en matière de hautes technologies du numérique, par leur soutien économique et diplomatique à leurs entreprises du numérique et par leurs services militaires de cyberdéfense constituent des acteurs importants du cyberespace.

I. Des États acteurs incontournables du cyberespace par leur cadre législatif et les poursuites judiciaires qu’ils peuvent déclencher, par leurs financements de l’innovation numérique, leur soutien économique et diplomatique à leurs entreprises du numérique, et par leurs services militaires de cyberdéfense. Mais des acteurs vulnérables car victimes de cyberattaques et disposant de peu de marge de manœuvre face aux FTN du numérique.

II. Mais les États, par leur faible marge de manœuvre face à des FTN du numérique mondialisées, par la multiplication des cyberattaques dont ils sont victimes, et par l’ampleur des investissements que nécessitent les infrastructures de hautes technologies sont parfois – selon leur développement et l’intensité des attaques – en position de faiblesse face aux autres acteurs du cyberespace et à leurs intérêts.

II. Mais surtout des situations variées selon que les États sont des cyberpuissances plus ou moins dominantes ou sont des acteurs plus que des victimes du cyberespace ; des cyberpuissances secondaires souvent plus victimes qu’acteurs puisque leur action dans le cyberespace se limite souvent à leurs attaques ; des États non dotés de cyberpuissance qui ne sont ni les acteurs ni les victimes d’un cyberespace au sein duquel ils sont marginalisés.

14 – THÈME 2

Analyser les dynamiques des puissances internationales – 14



JALON 3

La maîtrise des voies de communication : les « nouvelles routes de la soie »

pp. 104-107

Logiques scientifiques et pédagogiques Afin de montrer comment la Chine entend maîtriser les voies de communication, le projet des « nouvelles routes de la soie » est d’abord étudié dans sa genèse et sa mise en place (première double page), puis comme instrument d’affirmation de la puissance chinoise. Les documents mettent notamment l’accent sur les très grandes ambitions du projet et donc également sur ses limites. Il importe pour les élèves de bien comprendre que ce projet est en cours de développement et que rien n’indique qu’il sera mené à terme tel qu’annoncé. Doc. 1

Cette carte montre que la Chine se donne les moyens financiers de ses ambitions. La BAII n’a pas été officiellement créée pour financer le projet OBOR (son nom d’alors) mais sa structure et ses objectifs répondent à ce besoin. L’étude de ses membres régionaux et non régionaux permet de montrer que la Chine se considère comme « l’empire du Milieu » dans le cadre de ce projet.

Doc. 2

L’article montre à la fois l’intérêt de la France pour le projet des « nouvelles routes de la soie » et l’attitude circonspecte vis-à-vis des coopérations à engager. Ce document met ainsi en évidence le décalage entre les discours, les annonces, avec les réalisations concrètes, pour deux États qui ont des objectifs et des moyens financiers différents. Le cas français peut être transposé à d’autres États, dans une perspective comparative (l’Allemagne).

Doc. 3

La carte complétée et actualisée du projet BRI y superpose les États membres ou observateurs de l’OCS, illustrant ainsi l’inscription du projet dans une dynamique géopolitique d’ensemble visant pour la Chine à acquérir une place dominante en Asie tout d’abord, puis tout autour, conformément à la logique culturelle qui prévaut dans « l’empire du Milieu ».

Doc. 4

Ce type de photographie est destiné à montrer le caractère spectaculaire du lancement de liaisons extrêmement lointaines (Hambourg-Xi’an). Elle met également en avant le rôle majeur des axes ferroviaires dans le projet BRI et montre que celui-ci n’est pas fait que d’ambitions et de projets démesurés.

Éléments de réponse aux questions

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1. La Chine se dote d’outils à la mesure de ses ambitions d’affirmer sa puissance économique, désormais incontestable (deuxième puissance économique mondiale depuis 2011). Elle dispose ainsi d’une organisation de coopération servant de base de départ (l’OCS, créée en 2001), d’une banque de financement pour le projet des « nouvelles routes de la soie » et d’une multitude d’infrastructures à l’étranger dont elle assure le financement et parfois le fonctionnement (notamment des ports)

p. 105 2. La France voit dans les « nouvelles routes de la soie » une possibilité de développer ses propres infrastructures de transport et d’augmenter ainsi le trafic et le commerce sur son territoire. Toutefois, la France se heurte à la concurrence d’autres États européens moins pusillanimes (l’Italie) ou engagés depuis plus longtemps dans des partenariats avec la Chine (l’Allemagne) et mieux situés dans le cadre du projet BRI.

Bac SE DOCUMENTER Les investissements chinois en France ont considérablement augmenté en 2018 (hausse de 86 %) et se sont concentrés sur le rachat d’entreprises dans divers secteurs (agroalimentaire, électronique) ou par la prise de participations dans les secteurs de l’hôtellerie, des transports,

non sans susciter des critiques et controverses (présence au capital de l’aéroport de Toulouse). La France est ainsi de facto déjà intégrée dans le projet d’infrastructures des « nouvelles routes de la soie ».

Doc. 5

Le document met en évidence les différentes dimensions de la présence chinoise à Djibouti, en montrant la proximité entre la nouvelle base militaire et la zone franche ouverte dans le port de Doraleh. La carte, sa légende et son commentaire montrent également les ambitions sousjacentes de la Chine à travers cette implantation.

15 – THÈME 2

Analyser les dynamiques des puissances internationales – 15

Doc. 6

La photographie des participants au sommet du China-CEEC montre à quel point les pays européens, membres de l’UE ou non, sont désormais impliqués de façon soigneusement mise en scène dans le projet BRI. Une brève analyse des drapeaux sur la photographie permet de voir que la quasi-totalité des États d’Europe centrale et orientale sont concernés.

Doc. 7

Cette photographie permet d’insister sur trois éléments relatifs au projet BRI : le gigantisme des infrastructures, la multiplication des hubs et leur localisation dans des espaces désertiques mais voués à devenir des oasis de développement (le parallèle avec Dubaï appelle de plus amples commentaires).

Doc. 8

Ce texte est la suite de l’article déjà cité dans la double page précédente (document 4). Les deux documents se prêtent ainsi à une analyse commune ou successive, qui vient considérablement nuancer le consensus international autour du projet que ses réalisations, qui ne se font pas toujours, loin s’en faut, immédiatement après une visite des autorités chinoises.

p. 107

Éléments de réponse aux questions 1. Djibouti, situé près du détroit de Bab el-Mandeb qui marque la jonction entre l’océan Indien et la mer Rouge, est depuis longtemps un emplacement stratégique, truffé de bases militaires étrangères. La Chine n’entend cependant pas se limiter à une nouvelle installation militaire mais ambitionne de faire de Djibouti un hub majeur du projet BRI dans une zone stratégique dont le contrôle, même s’il est partagé et donc partiel, est indispensable pour la bonne circulation des biens le long de l’axe maritime et terrestre développé. 2. La Chine multiplie les sommets et les accords bilatéraux. En finançant des projets d’infrastructure dans les États partenaires, elle évite à ceux-ci de lourds investis-

sements financiers, mais elle devient « copropriétaire », voire propriétaire de ces infrastructures et acquiert ainsi des parts de territoire des États partenaires, étendant sa souveraineté. 3. Le projet BRI, de par son ambition et son extension à l’échelle mondiale, se heurte à des freins conjoncturels et structurels. Un contexte d’instabilité politique est susceptible de ralentir la réalisation d’un projet, tandis que les défaillances économiques, financières voire administratives d’un État partenaire constituent des freins, voire des obstacles majeurs. Si un maillon de la chaîne manque, c’est toute la fiabilité, voire la viabilité de l’axe qui est remise en question.

Bac COMPOSITION I. Les enjeux : une maîtrise des voies de communication à l’échelle mondiale par la Chine – Un projet prestigieux – Une volonté pour « l’empire du Milieu » d’avoir une position centrale dans les échanges et de sécuriser ses approvisionnements II. Les réalisations : des projets concertés – Une succession d’accords bilatéraux… – … permettant la réalisation et l’amélioration d’infrastructures

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III. Les limites : un projet trop étendu ? – Une vision à très long terme, des ambitions excessives – Des freins structurels et conjoncturels

16 – THÈME 2

Analyser les dynamiques des puissances internationales – 16

ÉTUDE



CONCLUSIVE

LA PUISSANCE DES ÉTATS-UNIS AUJOURD’HUI Orientation bibliographique – DAGNAUD Monique, Le Modèle californien. Comment l’esprit collaboratif change le monde, Odile Jacob, 2016. Le livre fondamental pour comprendre les logiques d’innovation industrielle de la Silicon Valley, ses origines et ses dérives. – HENNETON Lauric, La Fin du rêve américain ?, Odile Jacob, 2017. Pour comprendre les permanences de l’attractivité américaine, mais aussi de ses tensions raciales et territoriales. – KANDEL Maya, Les États-Unis et le monde, de George Washington à Donald Trump, Perrin, 2018. Pour comprendre les transformations progressives des objectifs de la politique étrangère américaine. – MELANDRI Pierre, Le Siècle américain, une histoire, Perrin, 2016. Une première partie lumineuse sur les origines (1776-1941), et deux parties sur les transformations politiques, économiques et idéologiques de l’influence américaine en son sein et dans le monde. – ZIN Howard, Une Histoire populaire des États-Unis. De 1492 à nos jours, Agone, 2002. Un classique de l’histoire critique, écrit en 1980 par un des pères de l’histoire des mouvements populaires et de leur influence ou de leur déclin dans la société américaine.



JALON 1

Les lieux et formes de la puissance américaine

pp. 112-115

Logiques scientifiques et pédagogiques

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Il s’agit d’expliquer comment s’incarnent, dans le territoire américain, les instruments et les révélateurs de la puissance de ce pays. L’urbanisation, la puissance politique, l’innovation, la puissance financière et le soft power culturel montrent les fondements de cette puissance (A.). Les divisions politiques et raciales, les difficultés de l’État fédéral à réguler les circuits financiers, à adapter le territoire et ses infrastructures aux nécessités économiques, ou à permettre la reconstruction après une très forte crise, montrent les limites de cette puissance (B.). Doc. 1

L’intérêt de ce document classique est de montrer la polarisation de la population, le poids du Nord-Est mais le rééquilibrage en Californie, au Texas et, dans une moindre mesure, en Floride, face au vide du reste du territoire.

Doc. 2

Les États-Unis sont une démocratie libérale où les pouvoirs sont séparés institutionnellement et physiquement, sauf lors du discours annuel sur l’État de l’Union prononcé par le Président en janvier chaque année.

Doc. 3

L’innovation et la capacité à résister aux concurrences économiques mondiales se mesurent par l’attractivité scientifique. 8 universités sur les 13 mondiales les plus nobélisées sont américaines, et 62 % des prix Nobel sont américains, sans qu’il soit possible de distinguer ceux qui le sont de naissance ou d’installation sur le sol du pays.

Doc. 4

En mars 2019, 8 des 10 entreprises mondiales à la plus forte capitalisation boursière étaient américaines, mais deux chinoises. Si la force des États-Unis réside dans sa capacité à attirer des capitaux, elle est concurrencée.

Doc. 5

Le cinéma illustre les deux tendances montrées dans ce dossier : la capacité d’attractivité des capitaux et la capacité à négocier l’exportation des produits industriels.

Éléments de réponse aux questions 1. Les habitants résident dans les grandes aires métropolitaines qui sont situées au nord-est pour des raisons historiques et dans les grands pôles du croissant périphérique pour des raisons d’extension de l’industrie et des services dans la Sun Belt.

17 – THÈME 2

p. 113 2. La centralisation politique du pays à Washington est révélée par l’union physique des trois pouvoirs lors du discours présidentiel annuel « sur l’état de l’Union ». Mais chaque État fédéré a exactement le même mode de fonctionnement.

Analyser les dynamiques des puissances internationales – 17

3. Le dynamisme du pays s’explique par son attractivité scientifique, sa capacité à innover, sa capacité à attirer les capitaux. 4. L’industrie américaine du cinéma s’exporte bien grâce aux accords de libre-échange passés avec un certain

nombre de grands États dont certains sont directement concurrents, comme la France. L’industrie dépend donc de la capacité de Washington à négocier ces accords.

Bac COMPOSITION Plus d’un habitant des États-Unis sur deux vit dans une aire métropolitaine (= 2 millions d’habitants minimum). Ces aires sont le fruit de l’extension de la ville-centre à partir de l’essor industriel du début du xxe siècle. La verticalisation des centres-villes (Central Business District) crée des paysages urbains représentatifs de l’essor du pays :

Doc. 6

Cette photographie, diffusée dans l’ensemble des médias mondiaux en 2013, montre deux pans radicalement opposés de la société américaine, reflets des insuffisances des politiques publiques de lutte contre le racisme comme de maintien d’une idéologie nationaliste-raciste très prégnante dans le Vieux Sud mais de plus en plus dans les aires métropolitaines des Grandes Plaines.

Doc. 7

La construction des infrastructures sur le territoire américain a le plus souvent été le fruit d’initiatives privées, comme celles des lignes de chemin de fer, mais aussi de l’action publique, comme les grands projets du New Deal de Roosevelt. L’état des infrastructures montre à la fois le degré d’investissement des pouvoirs publics mais aussi les priorités fédérales, plus tournées vers l’extérieur que vers l’intérieur des États-Unis.

Doc. 8

La Bourse de New York et ses indices influents à l’échelle mondiale ne doivent pas faire oublier que toutes les grandes métropoles possèdent leur Bourse, et que celle de Chicago est une des plus influentes du monde notamment sur les marchés agricoles et en particulier du blé.

Doc. 9

La crise de 2008 a poussé les États fédérés et les grandes villes à donner la priorité au remboursement de leurs dettes et à l’aide sociale minimale. Les entreprises peu rentables, les lieux culturels, les infrastructures hospitalières et scolaires ont très fortement souffert du désinvestissement public et de la faiblesse des investissements privés.

Éléments de réponse aux questions

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elles concentrent les fonctions de commandement liées à la vie politique, aux services, aux entreprises et à l’innovation. Mais elles sont aussi le lieu des fragilités, par une ségrégation urbaine qui reflète une forte ségrégation socio-spatiale.

1. À gauche, les nationalistes racistes du Ku Klux Klan (sans leurs cagoules), héritiers des ségrégationnistes du xixe siècle, convaincus de la supériorité de l’homme blanc, s’opposent à un militant du mouvement Black Lives Matter (« les vies noires ont de l’importance ») qui rappelle que le KKK voudrait rétablir l’esclavage et construire une nation blanche. 2. Les villes moyennes ont dû abandonner les lieux non immédiatement vitaux pour leurs habitants : après la crise de 2008, la priorité n’est plus à la culture ni même aux projets nouveaux. 3. Le pays est divisé dans les choix politiques comme dans les choix économiques à faire en temps de crise. Les extrémistes profitent de ces crises pour faire connaître leurs idées et provoquer des troubles révolutionnaires (sans réussite aux États-Unis). 4 Dans les villes moyennes, grevées de dettes et incapables de s’endetter plus, les infrastructures de transport,

18 – THÈME 2

p. 115 de sécurité, de fluides (eau, gaz, électricité), sont dans un état qui menace leur attractivité ou, parfois, leur existence. La capacité américaine de produire peut en être menacée à terme. 5 Les causes initiales des crises financières viennent 1) de la spéculation boursière liée à la grande concentration de capitaux aux mêmes endroits ; 2) de l’incapacité des investisseurs à réguler leurs flux financiers en direction de l’innovation et de la production, la spéculation étant bien plus rentable ; 3) de la difficulté des États à réguler les circulations financières dans le sens des intérêts de l’économie intérieure. Le morcellement du capital des très grandes entreprises et la diffusion instantanée des informations et des flux financiers, grâce à Internet, en accélère le caractère incontrôlable.

Analyser les dynamiques des puissances internationales – 18

Bac COMPOSITION I. Un lieu majeur d’innovation et de production – Métropolisation et réseau universitaire – Bourses d’influence mondiale II. Fondé sur la liberté des échanges – Dérégulation économique – Capitalisme intégré aux pratiques individuelles et politiques III. Mais freiné par les divisions politiques et sociales – Identité américaine racialisée et fondée sur les inégalités sociales – Mouvements antagonistes anciens



JALON 2

Unilatéralisme et multilatéralisme : un débat international

pp. 116-119

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Logiques scientifiques et pédagogiques Depuis leur naissance, les États-Unis ont souvent hésité entre isolationnisme et interventionnisme, notamment au cours de la Première Guerre mondiale avec l’internationalisme wilsonien. Après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis façonnent un ordre mondial (ONU, GATT, Banque mondiale, FMI etc.) où ils occupent un rôle central. Mais ces instances multilatérales sont rapidement bloquées par la guerre froide. À partir du début des années 1990, les États-Unis n’ont plus de rivaux sur la scène internationale. Dans un ouvrage paru en 2000, le ministre français des Affaires étrangères Hubert Védrine affirme que la notion de « superpuissance », « trop exclusivement militaire », ne suffit plus pour désigner leur situation. Il emploie celle d’« hyperpuissance » pour montrer que « la suprématie américaine d’aujourd’hui s’exprime aussi bien sur l’économie, la monnaie, la technologie, les domaines militaires que sur les modes de vie, la langue et les produits culturels de masse. » En 1990, George H. W. Bush tente de réactiver un « nouvel ordre mondial » sous l’hégémonie éclairée des États-Unis, dans le contexte d’un affaiblissement du hard power puis d’une dislocation de l’URSS. L’idée que nous assistons à la « fin de l’Histoire » est avancée par Francis Fukuyama, selon laquelle la fin du communisme marquerait le triomphe de la démocratie et de l’économie de marché, d’où découlerait la paix universelle sous l’égide des États-Unis : la « Pax Americana ». Une « Fin de la géographie » se produit aussi pour R. O’Brien avec les États-Unis au centre de la mondialisation. Ce multilatéralisme est souvent plus efficace autour de défis qui dépassent les frontières étatiques (commerce, santé, environnement) mais il permet surtout de maintenir la hiérarchie mondiale et la domination états-unienne. Cette décennie illustre de fait la position assumée des États-Unis comme « gendarme du monde ». Cependant, après les attentats du 11 septembre 2001, George W. Bush abandonne la recherche multilatérale de solutions en attaquant l’Irak en 2003 sans l’autorisation de l’ONU. Et ses successeurs, Barack Obama et Donald Trump, même s’ils ont des positions très différentes visà-vis du libre-échange et de la recherche de solutions collectives, ne veulent plus être les « gendarmes du monde » et désirent « partager le fardeau », en limitant leur interventionnisme pour Obama puis leur soutien à un multilatéralisme pour Trump. Ce rejet affaiblit la place dominante des États-Unis dans ce système multilatéral à sa main. Les puissances émergentes, notamment la Chine, tentent de profiter de ce repli. Xi Jinping veut renforcer son influence au sein des institutions multilatérales existantes et cherche à en instaurer de nouvelles, sous son contrôle. Doc. 1

Le mandat du Président George Bush (1989-1993) est principalement marqué par la guerre du Golfe (1990-1991). Le 2 août 1990, les forces irakiennes envahissent le Koweït qui dès lors devient une province irakienne. Saddam Hussein revendique cette annexion par le fait qu’il considère le Koweït comme un territoire irakien dont son pays a été « amputé » à l’issue du processus de décolonisation. En réalité, l’invasion du Koweït répond à la question du contrôle des ressources pétrolières et de l’accès à la mer. Le Conseil de sécurité est immédiatement saisi après l’annexion

19 – THÈME 2

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i­rakienne par les EU. Tous ses membres condamnent l’intervention et exigent le retrait des troupes irakiennes. Cela montre que dans le climat de la fin de la guerre froide, les EU peuvent obtenir de la Chine et de L’URSS le vote d’une résolution permettant le recours à la force. Le Président Bush évoque « un nouvel ordre mondial » et « une période historique de coopération ». L’idée prévaut au sein de l’administration américaine que les intérêts des États-Unis seront d’autant mieux préservés qu’ils agiront dans le cadre d’alliances les plus larges possibles. Les nouvelles relations internationales donnent une place majeure à l’ONU, lieu de discussion et de règlement des conflits. Le 29 novembre 1990, un ultimatum est fixé aux Irakiens pour qu’il quitte le Koweït dans les 45 jours. Cette décision permet tout à la fois d’espérer un règlement pacifique mais aussi de préparer une intervention militaire. L’opération « Tempête du désert », destinée à libérer le Koweït envahi par l’Irak, est la première opération militaire décidée par une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU depuis 1950. Elle est conduite par les Américains en janvier 1991 avec une vaste coalition de 32 pays dont 14 pays musulmans (Arabie saoudite, Égypte, Maroc, Syrie…). L’opération « Tempête du désert » s’est soldée par un succès pour la coalition internationale. Bush ne souhaite cependant pas aller jusqu’à l’invasion de l’Irak pour respecter le mandat de l’ONU. Pour Bush, « les Nations unies » ont joué « le rôle imaginé par les fondateurs », à savoir unir les États du monde pour mettre en application des résolutions condamnant l’agression de l’Irak et imposer son retrait par une action militaire concertée. Doc. 2

Sous le mandat du démocrate Bill Clinton, le leadership américain s’exerce davantage sur le plan économique. Ces décisions s’expliquent par la volonté de l’administration Clinton de pacifier le monde en intégrant le plus grand nombre d’États dans le libre-échange. Il utilise les institutions existantes comme le FMI ou la Banque mondiale. Suite à la conférence de Bretton Woods, la Banque mondiale est créée en 1945. Elle siège à Washington. Son rôle est de favoriser la croissance et de lutter contre la pauvreté dans le monde. Chaque membre a une voix en fonction de sa participation financière à l’organisation (la quote-part). Les décisions sont prises à une majorité qualifiée de 85 %. Les États-Unis disposent ainsi de fait d’un droit de veto et leur approbation est indispensable pour tout accord ou modification des quotes-parts. Bill Clinton a contribué aussi à de nouvelles instances : l’ALENA est créée en 1994, ainsi que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1995 (entrée de la Chine en 2001). Toutefois, face aux volontés de Clinton, le Sénat républicain revient à un certain isolationnisme lorsqu’il refuse de ratifier le Traité sur l’interdiction des essais nucléaires (1996), le protocole de Kyoto (1997) ou le traité de Rome instituant une Cour pénale internationale (1998).

Doc. 3

L’entourage de George W. Bush (2001-2009) est influencé par le néoconservatisme, courant de pensée politique née aux États-Unis à la fin du xxe siècle qui souhaite imposer un ordre mondial reposant sur la liberté. Selon eux, les États-Unis doivent utiliser leur puissance pour promouvoir la démocratie et « remodeler » le monde, y compris par la force. Ce discours messianique reprenant la « Destinée Manifeste » est réfuté dans quelques pays (Afghanistan, Arabie saoudite par exemple) qui contestent la valeur universelle des droits de l’homme, perçue comme une tentative d’ingérence occidentale. Dès 1993, Samuel Huntington évoque les fragilités de l’« hyperpuissance » américaine, et théorise un très controversé « choc des civilisations ». Les attentats du 11 septembre 2001 apparaissent comme la fin du mythe de l’hyperpuissance américaine. En effet, les Américains sont frappés au cœur de leur puissance économique (World Trade Center) et militaire (Pentagone). L’évènement qui a été filmé en direct et diffusé dans le monde entier a eu un impact énorme sur les opinions publiques des alliés et des adversaires des États-Unis. Traumatisée par l’attaque d’Al-Qaïda sur son sol, et influencé par ces idées néoconservatrices appliquées dans le cadre du « choc des civilisations », le Président George W. Bush réoriente sa politique étrangère et lance une « guerre contre le terrorisme ». Il désigne certains États « ennemis » ou « États voyous » (« Rogue States ») : l’Afghanistan, le Soudan, la Corée du Nord, l’Iran, l’Irak et leurs alliés formant « l’axe du mal ». Il obtient le soutien de tous les alliés historiques des ÉtatsUnis, comme la France de Jacques Chirac, pour lancer dès le mois d’octobre 2001, sous l’égide de l’ONU et dans le cadre de l’OTAN, une intervention contre l’Afghanistan des talibans.

Doc. 4

Cette belle unanimité s’évapore deux ans plus tard, lors de la guerre d’Irak en 2003. Au début de l’année 2003, Bush annonce son intention de renverser Saddam Hussein, le dictateur irakien,

20 – THÈME 2

Analyser les dynamiques des puissances internationales – 20

que les États-Unis accusent de soutenir le terrorisme international et de dissimuler des armes de destruction massive. Certains alliés traditionnels des Américains s’opposent à une intervention militaire, la France et l’Allemagne en particulier, mais également plusieurs États d’Amérique latine. Une petite coalition menée par les Américains envahit pourtant l’Irak, sans mandat de l’ONU. Cette opération entraîne un retour à l’unilatéralisme américain et met fin à l’espoir d’un « nouvel ordre mondial ». Cette guerre, sans l’aval de l’ONU et rejetée par une partie de l’opinion publique internationale, cristallise les différents courants de l’antiaméricanisme. Les manifestations pacifistes (Europe) ou violentes (crispation du monde musulman) se multiplient sur une partie de la planète. Les scandales des prisons d’Abu Ghraib et de Guantanamo ternissent le rayonnement américain. L’efficacité de cette politique est d’autant plus remise en cause que le terrorisme n’est pas éradiqué (création d’Al-Qaïda en Irak en 2004, attentats à Madrid en 2004, à Londres en 2005…).

p. 117

Éléments de réponse aux questions 1. En 1990, George H. W. Bush tente de réactiver un « nouvel ordre mondial » dans le contexte d’une dislocation de l’URSS et de la guerre du Golfe. Cela montre que dans le climat de la fin de la guerre froide, les États-Unis peuvent obtenir de la Chine et de l’URSS le vote d’une résolution permettant le recours à la force contre l’invasion du Koweït par l’Irak. L’opération « Tempête du désert » est conduite par les Américains en janvier 1991 avec une vaste coalition de 32 pays dont 14 pays musulmans et se solde par un succès. Les États-Unis utilisent aussi d’autres institutions existantes comme le FMI ou la Banque mondiale, pour promouvoir leur politique économique. Mais chaque membre a une voix en fonction de sa participation financière à l’organisation (la quote-part) et les décisions sont prises à une majorité qualifiée de 85 %. Les États-Unis disposent ainsi de fait d’un droit de veto. Ce multilatéralisme permet ainsi de maintenir la hiérarchie mondiale et la domination états-unienne. 2. En 1990, le Président George H. W. Bush évoque « un nouvel ordre mondial » et « une période historique de

coopération », en recherchant des solutions multilatérales via l’ONU. Mais en 2003, après les attentats du 11 septembre 2001, George W. Bush annonce son intention de renverser Saddam Hussein, le dictateur irakien. Pourtant, certains alliés traditionnels des Américains, comme la France représentée à l’ONU par Dominique de Villepin, s’opposent à une intervention militaire. Une petite coalition menée par les Américains envahit malgré tout l’Irak, sans mandat de l’ONU. Cette opération marque un retour à l’unilatéralisme américain et met fin à l’espoir d’un « nouvel ordre mondial ». En 1990, l’administration étatsunienne pensait que les intérêts des États-Unis seraient d’autant mieux préservés qu’ils agiraient dans le cadre d’alliances les plus larges possible. En 2003, les dirigeants états-uniens estiment que la recherche de solutions multilatérales ne peut plus brider les volontés interventionnistes du pays et leurs intérêts géopolitiques.

Bac ANALYSER L’objectif du paragraphe est de montrer comment les États-Unis peuvent concevoir le multilatéralisme comme un frein ou un atout dans leur politique extérieure, entre volonté d’un « nouvel ordre mondial » en 1990 et « guerre contre le terrorisme » depuis 2001.

Depuis 2007-2008, les crises boursières et financières se succèdent, liées aux mouvements spéculatifs de capitaux et au surendettement des Américains. Enfin, une idée de déclin est renforcée par l’émergence de nouvelles puissances qui connaissent un fort dynamisme économique et n’hésitent pas à concurrencer l’économie américaine. La Chine devient le 2e PIB mondial et détient 1/4 de la dette extérieure américaine, impliquant une relation de dépendance inédite pour les États-Unis. Cette incertitude économique, l’antiaméricanisme croissant, les difficultés rencontrées en Irak et en Afghanistan et l’essor de courants anti-interventionnistes aux États-Unis contraignent l’administration Bush à infléchir sa politique vers plus de multilatéralisme. En 2008, Georges W. Bush prononce à plusieurs reprises le mot « multilatéral » dans un discours à l’ONU où il plaide pour une solidarité internationale face au terrorisme. Cela ne suffit pas à réhabiliter le Parti républicain, et les démocrates l’emportent. Élu en 2008, Barack Obama souhaite changer l’image de l’Amérique dans le monde. Il s’affirme partisan du multilatéralisme en s’impliquant davantage dans les organisations internationales pour œuvrer par exemple en faveur de l’environnement lors de la COP 21 au Bourget ou avec l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien qui prévoit un arrêt de l’enrichissement de l’uranium et une surveillance accrue de la part de l’AIEA, contre une levée partielle des sanctions occidentales. Mais, dans un monde devenu multipolaire

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Doc. 5

et où le l­eadership des États-Unis est de plus en plus contesté, la priorité de l’administration américaine est de rompre avec le statut de « gendarme du monde » et l’utilisation systématique de la coercition qui avaient caractérisé l’administration Bush : c’est la stratégie du « leading from behind ». Barack Obama entame un désengagement militaire en Afghanistan, en Irak et il réagit prudemment lors des Printemps arabes, notamment au sujet d’une intervention militaire en Syrie. Les politiques de Barack Obama et Donald Trump sont très différentes sur de nombreux points, mais une continuité existe dans le domaine des relations internationales. En effet, Donald Trump refuse lui aussi ce statut de « gendarme du monde » en proposant un désengagement total en Syrie. Mais il remet aussi en cause la promotion du multilatéralisme en se retirant de l’accord de Paris sur le climat, de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien ou de l’UNESCO fin 2018. Doc. 6, 7 et 8 Ce rejet affaiblit la place dominante des États-Unis dans ce système multilatéral pourtant à sa

main. Les puissances émergentes, surtout la Chine, tentent de profiter de ce repli. Elles obtiennent une redistribution des quotes-parts au FMI en 2011. Et, lors du discours d’ouverture du forum de Davos en 2017, Xi Jinping prononce un plaidoyer en faveur du libre-échange et du multilatéralisme. La Chine veut renforcer son influence au sein des institutions multilatérales existantes et cherche à en instaurer de nouvelles, sous son contrôle. Les BRICS souhaitent concurrencer le G7. L’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) désire solidifier un axe Pékin-Moscou, qui se fait aussi entendre de façon coordonnée à l’ONU autour de la volonté de non-ingérence dans les affaires intérieures. Face aux banques multilatérales existantes, la Chine a lancé en octobre 2014 sa propre banque, la BAII (Banque asiatique pour les investissements dans les infrastructures), venant directement concurrencer la Banque mondiale. Comme les États-Unis à partir de 1990, la Chine cherche à instrumentaliser le multilatéralisme au service de ses intérêts nationaux.

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Cette concurrence entre les deux puissances mondiales autour de la promotion de leur multilatéralisme peut se voir au sujet des nouveaux accords de libre-échange régionaux. L’accord de partenariat transpacifique (TPP), est un traité de libre-échange porté par Barack Obama et signé en 2016, qui vise à intégrer les économies des régions Asie-Pacifique et Amérique autour des États-Unis, sans la Chine. Obama a aussi lancé des négociations avec l’Union européenne pour un accord de libre-échange, le TAFTA. À son arrivée au pouvoir, Donald Trump annonce l’arrêt des négociations du TAFTA et signe un décret qui désengage les États-Unis du TPP, qui devait prendre effet le 30 décembre 2018. Donald Trump applique ainsi une volonté de son programme de limiter la mondialisation et les délocalisations qui frappent les États-Unis par une dose de protectionnisme. Le partenariat économique régional global (RCEP), est un autre projet d’accord de libre-échange des régions Asie-Pacifique et Amérique, sans les États-Unis. Les négociations de cet accord ont démarré en 2012 et ont été relancées en 2018 autour de la Chine, après le retrait des États-Unis du TPP. La Chine veut ici se placer au cœur des échanges transpacifiques. Les ÉtatsUnis répondent en août 2018, en renégociant l’ALENA, créé en 1994 avec le Canada et le Mexique, à leur avantage en incluant des clauses limitant les possibilités de délocalisations. Cette renégociation vient après le retrait des États-Unis du projet de Partenariat transpacifique et l’enlisement de l’accord de libre-échange avec l’Union européenne (TAFTA).

Éléments de réponse aux questions 1. Donald Trump refuse le statut de « gendarme du monde » et remet aussi en cause la promotion du multilatéralisme en se retirant de l’accord de Paris sur le climat, de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien ou de l’UNESCO fin 2018. Il estime que les États-Unis doivent se concentrer sur leurs intérêts nationaux et des relations bilatérales, par le rapport de force si nécessaire, sans participer aux institutions internationales, notamment celles de l’ONU. Leur participation financière importante au budget de l’UNESCO (20 % des contributions) va cruellement manquer pour « contribuer au maintien de la paix et de la sécurité en resserrant, par l’éducation, la science et la culture, la collaboration entre nations ».

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p. 119 2. La Chine veut renforcer son influence au sein des institutions multilatérales existantes, comme le forum de Davos, qui réunit des responsables politiques et des milliers de chefs d’entreprise venus du monde entier. Xi Jinping cherche aussi à en instaurer de nouvelles, sous son contrôle, comme l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), la BAII (Banque asiatique pour les investissements dans les infrastructures), venant directement concurrencer la Banque mondiale. Comme les États-Unis à partir de 1990, la Chine cherche à instrumentaliser le multilatéralisme au service de ses intérêts nationaux. 3. Les puissances émergentes, surtout la Chine, tentent de profiter d’un repli des États-Unis. Elles obtiennent une redistribution des quotes-parts au FMI en 2011. La Chine

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passe de 3,72 % à 6,39 %, la hausse la plus importante, au détriment de pays comme la France ou le Royaume-Uni. Mais cette redistribution a été permise par les États-Unis, qui ont un droit de veto de fait car les décisions sont prises à une majorité qualifiée de 85 %. Et les États-Unis voient leur part passer de 17,07 % à 17,40 %. Malgré une nouvelle concurrence, la prépondérance des États-Unis dans cette institution reste indiscutable. 4. La concurrence importante entre les deux grandes puissances mondiales autour de la promotion de leur multilatéralisme peut se voir au sujet des nouveaux accords de libre-échange régionaux. L’accord de partenariat transpacifique (TPP) est un traité de libre-échange

porté par Barack Obama et signé en 2016, qui vise à intégrer les économies des régions Asie-Pacifique et Amérique autour des États-Unis, sans la Chine. Obama a aussi lancé des négociations avec l’Union européenne pour un accord de libre-échange, le TAFTA. À son arrivée au pouvoir, Donald Trump annonce l’arrêt des négociations du TAFTA et signe un décret qui désengage les États-Unis du TPP. Donald Trump souhaite aussi limiter la mondialisation et les délocalisations qui touchent les États-Unis en adoptant une dose de protectionnisme. Les États-Unis renégocient en août 2018 l’ALENA, créé en 1994 avec le Canada et le Mexique, à leur avantage en incluant des clauses limitant les possibilités de délocalisations.

Bac COMPOSITION I. La volonté d’un « nouvel ordre mondial » – La relance des institutions multilatérales par George H. W. Bush – Un multilatéralisme dominé par les États-Unis II. La rupture de George W. Bush – Les conséquences du 11 septembre 2001 – L’unilatéralisme de la guerre en Irak III. Un multilatéralisme à géométrie variable aujourd’hui ? – Les continuités dans ce multilatéralisme dominé depuis 2008 – Un rejet des solutions multilatérales par Donald Trump



JALON 3

Points d’appui et zones d’influence des États-Unis dans un monde multipolaire

pp. 120-123

Logiques scientifiques et pédagogiques

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En 1945, les États-Unis cherchent à empêcher le retour militaire des États vaincus. Pour cela, des bases militaires sont créées en Allemagne et au Japon. Washington veut aussi contenir l’influence de l’URSS, et tout au long de la guerre froide se sont multipliés les accords de solidarité militaire (OTAN, OTASE), les bases terrestres et maritimes. La protection des routes maritimes et des circuits d’approvisionnement énergétique, fondements de la croissance industrielle et de la société de consommation, explique aussi la création de points d’appui stratégiques tels que la base de Djibouti ou l’établissement d’alliances comme avec l’Arabie saoudite lors de l’accord du Quincy. Cette puissance s’exerce pleinement dans leur « hémisphère occidental », et est édictée dans la doctrine Monroe (1823). Cette doctrine rejetait toute intervention sur le continent américain, considéré comme la « chasse gardée » des États-Unis. Ceci explique les interventions dans cette zone d’influence : au Guatemala, à Cuba (baie des Cochons), etc. À la fin de la guerre froide, les États-Unis sont la seule « hyperpuissance » dans le monde. Ils possèdent tous les outils de la puissance et l’on peut parler de puissance globale, une puissance engagée économiquement et stratégiquement dans toutes les régions du monde. Mais les attentats du 11 septembre 2001 ont montré des faiblesses dans cette image de puissance inaccessible. De plus, la situation économique et géopolitique a évolué, la mondialisation redistribuant les cartes, amenant des puissances émergentes comme les BRIC sur le devant de la scène. Le leadership américain doit prendre en compte cette multipolarisation du monde, même dans leur « hémisphère occidental ». En réponse à l’avènement d’un monde multipolaire, la puissance globale états-unienne adopte des stratégies régionales très différenciées en dehors du continent américain. L’Europe occidentale, allié historique, devient un partenaire de moins en moins stratégique, un maintien de la présence états-unienne restant toutefois nécessaire face aux ambitions russes. Des points d’appui restent indispensables au Moyen-Orient, pour sécuriser les approvisionnements en

23 – THÈME 2

Analyser les dynamiques des puissances internationales – 23

hydrocarbures. Mais les intérêts des États-Unis « pivotent » surtout vers la zone Asie-Pacifique, nouveau cœur de la mondialisation et région abritant de fortes tensions, notamment autour de la mer de Chine. L’objectif est de contrôler la montée en puissance de la Chine, perçue comme le grand rival économique et stratégique futur. Cette concurrence entre les États-Unis et la Chine s’exprime aussi en Afrique, continent d’opportunités. La forte présence chinoise (on parle de « Chinafrique ») inquiète Washington, qui tente d’y gagner en influence. Doc. 1 et 3

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Doc. 2

Les États-Unis possèdent tous les outils de la puissance et l’on peut parler de puissance globale, engagée économiquement et stratégiquement dans toutes les régions du monde. La protection des routes maritimes et des circuits d’approvisionnement énergétique explique la création de points d’appui stratégiques par de nombreux pays alliés comme l’Arabie Saoudite depuis 1945, et des bases militaires sur tous les continents. Un outil du hard power révélateur est le porte-avion : en 2018, les États-Unis possèdent 11 des 17 porte-avions en service dans le monde, la Chine étant la seule à en posséder 2 après de forts investissements récents. Le principal tournant dans la politique étrangère d’Obama est le « pivot » enclenché vers l’Asie-Pacifique. En effet, le déplacement du centre de gravité des relations internationales a été profond depuis 1991. Jusqu’en 1991, l’Europe restait le centre et la base de la politique étrangère états-unienne. La disparition de l’ennemi soviétique a déplacé le champ d’action des États-Unis d’abord au Moyen-Orient puis à l’Asie Pacifique, nouveau centre de gravité des relations internationales. Le Président américain a présenté en 2012 la nouvelle Strategic Defense Review (SDR), qui entend tourner la page de dix ans de guerre en Irak et en Afghanistan, en mettant l’accent sur les enjeux asiatiques, notamment face au nouveau concurrent chinois, son « collier de perles » et sa « nouvelle route de la soie ». Un « pivot » se traduisant par une multiplication des partenariats bilatéraux : avec le Japon, la Corée du Sud, l’Australie, Singapour, la Thaïlande, et nouvellement les Philippines, le Vietnam, la Birmanie ou l’Inde. Le pivot américain s’est traduit par des avancées notables, dont le rapprochement avec le Vietnam, ennemi historique des États-Unis, avec la Birmanie engagée sur la voie de la démocratisation et qui souhaite réduire sa dépendance à la Chine, son seul appui du temps de la junte. En 2015, une déclaration conjointe est signée lors de la visite de Barack Obama en Inde, dans laquelle les deux pays soulignèrent « l’importance de protéger la sécurité maritime et d’assurer la liberté de naviguer, particulièrement en mer de Chine méridionale ». La Corée du Sud s’est également révélée demandeuse de davantage de protection américaine et a accepté en juillet 2016 que l’armée américaine déploie sur son territoire un système d’interception antimissiles. Quant aux Philippines, elles se sont résolues en mars à rouvrir l’accès à cinq de ses bases aux soldats américains, qui en avaient été expulsés à la fin de la guerre froide. Mais les Philippines montrent aujourd’hui que les avancées américaines n’ont rien d’immuables. Leur nouveau Président, Rodrigo Duterte, a depuis insulté tour à tour l’ambassadeur puis le Président américain pour avoir critiqué la dérive sanglante de sa campagne contre la drogue tandis qu’il n’a eu de cesse de répéter son souhait d’approfondir les liens économiques avec les Chinois. Pékin ouvre grand les bras à des pays qui ne sont pas toujours des modèles de gouvernance, comme la Thaïlande, où la junte au pouvoir depuis mai 2014 s’est rapprochée de la Chine face aux réprimandes américaines sur les droits de l’homme.

Éléments de réponse aux questions 1. La 2e et la 4e flotte stationnent dans l’océan Atlantique, à proximité des États-Unis. La 6e flotte est dans la mer Méditerranée, s’appuyant sur les nombreux alliés européens. Mais les 3 flottes les mieux dotées sont dans le Pacifique et l’océan Indien, s’appuyant sur des alliés comme le Japon, l’Australie ou certains pays du golfe ­Arabo-Persique, ou sur des bases militaires comme celles de Guam ou de Diego Garcia. 2. Cette présence s’explique par la volonté de protéger les routes maritimes et les bateaux permettant l’approvisionnement énergétique du pays en hydrocarbures,

24 – THÈME 2

p. 121 fondements de la croissance industrielle et de la société de consommation américaine. Ces navires militaires empêchent ainsi le développement de la piraterie ou les volontés de pays hostiles dans ces régions. Depuis 2012, les États-Unis mettent l’accent sur une présence asiatique face au nouveau concurrent chinois, son « collier de perles » et sa « nouvelle route de la soie ».

Analyser les dynamiques des puissances internationales – 24

Bac ANALYSER Le paragraphe doit montrer le lien entre la localisation des pays alliés et la localisation des enjeux géostratégiques majeurs pour la politique étrangère états-unienne,

Doc. 4

Les alliances passées par les États-Unis pendant la guerre froide se sont poursuivies après la fin du bloc soviétique. L’OTAN est ainsi intervenue directement, sous mandat de l’ONU, au moment de la guerre civile en Yougoslavie dans les années 1990. L’adhésion à l’OTAN des pays d’Europe de l’Est ou issus de l’éclatement de l’URSS, comme les États baltes, a permis à l’Alliance atlantique d’étendre ses frontières directes avec la Russie. Des PECO (Pays d’Europe centrale et orientale) comme la Pologne voient la Russie comme un danger direct et immédiat, et entretiennent ce rapprochement avec les États-Unis. Ainsi, lors de l’intervention en Irak en 2003, ces mêmes Polonais ont apporté une contribution en soldats au moment de l’invasion et de l’occupation du pays. Mais les tensions dans le Caucase et en Ukraine, surtout autour de la Crimée ont montré la difficulté de contenir l’influence russe et les limites de l’OTAN, qui reste une alliance défensive. Et l’influence forte de Vladimir Poutine sur le régime syrien de Bachar el-Assad (la Russie y possède la base stratégique de Tartous, la seule en Méditerranée) ou son rapprochement stratégique récent avec le Président truc Recep Tayyip Erdogan contre des livraisons sécurisées de gaz russe, montrent que l’OTAN a des difficultés aussi sur sa frontière sud-est.

Doc. 5

Cette concurrence entre les États-Unis et la Chine s’exprime aussi en Afrique, continent d’opportunités. La présence chinoise grandissante inquiète Washington, qui tente d’y gagner en influence. Mais les choix budgétaires de l’administration Trump dans le domaine militaire pour continuer de « pivoter » vers la zone Asie-Pacifique, et ainsi contrôler la montée en puissance de la Chine, nécessitent de réduire la présence en nombre de soldats sur le continent africain, entraînant une contradiction que les dirigeants chinois n’ont pas manqué de relever.

Doc. 6

L’espace est, depuis les années 1960, un lieu où s’expriment aussi les rapports de force entre puissances mondiales. D’abord dans le contexte de la guerre froide avec l’URSS, alors à la pointe de la conquête spatiale (lancement du premier satellite artificiel Spoutnik en 1957, envoi du premier homme dans l’espace, Youri Gagarine, en 1961) puis les Américains rattrapent leur retard suite à un financement massif de la NASA initié par Kennedy, et ils marchent sur la Lune en 1969. Cette course à l’espace continue depuis, à un degré moindre. Après les astronautes états-uniens, les cosmonautes russes et les spationautes français, Yang Liwei est le premier taïkonaute dans l’espace en 2003. Le programme Shenzhou a été lancé, permettant d’abord une sortie dans l’espace, la mise en place d’une station orbitale, l’envoi d’une sonde sur la Lune, avec la volonté de marcher sur la Lune en 2025. L’enjeu est loin d‘être seulement technologique. Outre le prestige international, outil du soft power, c’est la fierté patriotique chinoise qui se voit renforcée par ces exploits.

Éléments de réponse aux questions © Hatier Paris, 2019 – Histoire-Géographie, Géopolitique, Sciences politiques 1 re

et ensuite les possibles évolutions dans ces localisations avec un recentrage de l’Europe vers l’Asie depuis la fin de la guerre froide.

1. L’OTAN a été créée en 1949 dans le contexte de la guerre froide, pour contenir l’expansionnisme de l’URSS en Europe, déjà à l’œuvre à Berlin. L’adhésion à l’OTAN des pays d’Europe de l’Est ou issus de l’éclatement de l’URSS, comme les États baltes, a permis à l’Alliance atlantique d’étendre ses frontières directes avec la Russie. 2. Les tensions sont nombreuses autour de la frontière entre l’OTAN et la Russie. Les tensions les plus emblématiques sont en Ukraine, surtout autour de la Crimée, et au sujet du régime syrien de Bachar el-Assad. Elles montrent la difficulté de l’OTAN, qui reste une alliance défensive, à contenir l’influence de Vladimir Poutine. 3. Les États-Unis sont alliés à l’Égypte, partenaire stratégique, et à de nombreux pays au Sahel et dans la Corne d’Afrique, où ils possèdent des bases militaires plus ou moins développées. Les choix budgétaires militaires de l’administration Trump pour continuer à « pivoter » vers la

25 – THÈME 2

p. 123 zone Asie-Pacifique, et ainsi contrôler la montée en puissance de la Chine, nécessitent de réduire le nombre de soldats sur le continent africain. 4 Les deux pays ont la volonté d’étendre leur influence géostratégique dans de nombreuses régions du monde et cherchent à concurrencer le multilatéralisme dominé par les États-Unis. Cette nouvelle concurrence peut se constater dans tous les domaines, même dans la puissance spatiale. La forte présence russe en Europe de l’Est et au Proche-Orient, ou la forte influence chinoise sur le continent africain inquiète Washington. La stratégie du pivot vers l’Asie-Pacifique tout en contrôlant les dépenses budgétaires états-uniennes nécessite des arbitrages et un déploiement de moyens plus réduits sur les continents européen ou africain, entraînant une contradiction que les dirigeants russes et chinois s’efforcent d’exploiter.

Analyser les dynamiques des puissances internationales – 25

Bac COMPOSITION I. De « superpuissance » à « hyperpuissance » – Une superpuissance pour contenir l’URSS – Une « hyperpuissance » après la guerre froide II. De nouveaux concurrents dans un monde multipolaire – La politique de puissance de Vladimir Poutine – « Collier de perles » et « routes de la soie » chinoises III. La volonté de réorganiser sa stratégie pour contenir ses concurrents

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– Une moindre influence en Europe et en Afrique… – …pour pouvoir mieux se projeter en Asie-Pacifique face à la Chine ?

26 – THÈME 2

Analyser les dynamiques des puissances internationales – 26



pp. 126-133

BAC/VERS LE SUP’

pp. 126-127

Composition La puissance des États-Unis aujourd’hui, une puissance contestée ? Le tableau peut être complété ainsi : Aspects de la puissance

Concurrence et contestations

Puissance militaire : la première armée du monde, une force de frappe nucléaire sans équivalent.

Hard power Puissance économique Langue Médias numériques

Soft power Cinéma Recherche scientifique

– L’armée chinoise a accéléré considérablement sa modernisation afin de rattraper son retard sur les États-Unis. – La puissance militaire états-unienne n’a pas suffi à faire renoncer la Corée du Nord à son programme nucléaire. – Les firmes multinationales des États européens, du Japon et des pays émergents concurrencent les entreprises américaines en attirant les flux financiers américains. – Le mandarin est plus parlé, l’espagnol concurrence l’anglais sur le continent américain et le français sur le continent africain – Les BATX chinois concurrencent les GAFA américains, mais surtout en Chine – Hollywood est la plus rentable des industries du cinéma mondial, mais suivent de près les productions européennes, nigérianes, coréennes, chinoises et surtout indiennes (Bollywood) – Peu de concurrence en matière de recherche scientifique, hors les universités européennes.

pp. 128-129

Composition Le soft power, instrument d’affirmation de la puissance d’un État Le tableau peut être complété ainsi : État concerné

Élément du soft power

Corée du Sud

La hallyu, « vague de culture populaire »

France États-Unis

La langue Le cinéma et les médias d’image

Mode d’affirmation de la puissance La musique (par exemple, la K-Pop), les films et les séries télévisées sud-coréens se répandent en Asie orientale et dans le monde. Ils contribuent à faire connaître la culture coréenne, en concurrence avec la culture chinoise et japonaise. Francophonie, instituts français, usage diplomatique (ONU) La puissance de l’industrie cinématographique d’Hollywood et de ses majors – les compagnies de production – (Walt Disney pictures, Warner Bros, Universal pictures) font rayonner la culture et les valeurs américaines dans le monde.

pp. 130-131

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Étude de document La presqu’île de Manhattan à New York : épicentre des États-Unis, hypercentre du monde ?  Le tableau page 130 peut être complété ainsi  : Élément de la presqu’île de Manhattan (siège d’organisation, monument célèbre, quartier de Manhattan, etc.) Columbia University

Siège de l’ONU Metropolitan Museum of Art

27 – THÈME 2

En quoi cet élément fait-il de Manhattan « l’épicentre des États-Unis » ?

En quoi cet élément fait-il de Manhattan « l’hypercentre du monde » ?

La Columbia University est la première université des États-Unis pour la recherche.

La Columbia University a un rayonnement international et attire des étudiants du monde entier. Elle fait partie des dix premières universités mondiales. Réunion des chefs d’État et des diplomates de 193 États, sommets mondiaux fréquents.

Un des principaux lieux de formation et de travail pour les diplomates américains. Un des plus grands musées consacrés à l’art produit sur le sol américain depuis le xviiie siècle.

Un des spots touristiques majeurs en matière d’art à l’échelle mondiale.

Analyser les dynamiques des puissances internationales – 27

Le plan proposé p. 131 peut être complété ainsi :

I. La presqu’île de Manhattan, au cœur de la métropole new-yorkaise, reflète la puissance des États-Unis 1. Une presqu’île au centre de la principale métropole des États-Unis, donnant sur une baie qui s’ouvre sur la côte Est du territoire. 2. Les espaces de décision les plus importants de l’économie des États-Unis sont situés à Manhattan. 3. Un ensemble de lieux mondialement connus symbolisant la culture américaine.

II. Depuis 1945, Manhattan semble s’imposer peu à peu comme l’hypercentre d’un monde mondialisé 1. De très grandes organisations internationales, comme l’ONU, y sont leur siège. 2. La puissance économique de Manhattan en a fait un haut lieu de la mondialisation (Wall Street). 3. Les universités et les grands musées rassemblent des étudiants et des œuvres d’art du monde entier. La partie III est proposée dans le manuel.

Étude de document

pp. 132-133

Les États-Unis, puissance totale ? Le tableau page 132 peut être complété ainsi  : Territoire des États-Unis Hard power

– Représentation diplomatique du président dans le monde entier – Renégociation « systématique » des accords commerciaux – « Rejet du mondialisme » et « de toute ingérence de nations étrangères »

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Soft power

– Économie américaine – Taux de chômage bas – « Financement record » des forces armées – « Doctrine du patriotisme »

Relations des États-Unis avec les autres États

28 – THÈME 2

Analyser les dynamiques des puissances internationales – 28

Thème 3 Étudier les divisions politiques du monde :

les frontières La logique du thème

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Le thème des frontières constitue un thème incontournable de la géographie puisque les territoires frontaliers présentent des configurations spécifiques selon le type de relations qu’entretiennent les entités spatiales frontalières. Mais les frontières sont aussi un objet d’étude central de l’histoire et de la géopolitique car leurs tracés et leurs ouvertures dépendent des rapports de force actuels et hérités entre les territoires. Le thème est introduit par un ensemble documentaire permettant de montrer la multiplication des frontières depuis le xixe siècle (carte p. 137), mais aussi que les frontières des langues et des monnaies (p. 138) ne coïncident pas toujours avec celles des États, et qu’enfin elles entravent parfois administrativement ou matériellement les mobilités des populations (p. 139). Suivent ensuite deux réflexions, la première porte sur une approche géopolitique des fonctions des espaces frontaliers : une fonction de défense et de romanisation pour le limes rhénan (p. 144 à147), ensuite une fonction d’appropriation territoriale lors du partage de l’Afrique entre les grandes puissances coloniales (p. 158 à 161), enfin une fonction de démarcation entre deux pays en conflit comme les deux Corées (p. 152 à 155). La deuxième réflexion porte sur les débats qui accompagnent le tracé de certaines frontières : le tracé controversé de la frontière germano-polonaise qui a fait l’objet de tensions mais aussi d’accords entre 1939 et 1990 (p. 160 à 163), puis le tracé en cours de négociation depuis les années 1990 des frontières maritimes des États (p. 164-167). Enfin l’étude conclusive porte les frontières de l’Union européenne. Dans un premier temps (p. 172 à 175), le corpus documentaire aborde le passage des frontières extérieures et intérieures de l’Europe de Schengen. Dans un deuxième temps (p. 177 à 179), les documents sont consacrés aux frontières internes des pays européens et au maintien d’un certain nombre de discontinuités. Enfin dans un troisième temps (p. 180 à 183), l’ensemble documentaire est consacré aux territoires frontaliers intra-européens qui sont des interfaces dynamiques et le cadre de pratiques transfrontalières quotidiennes croissantes. Les élèves pourront se reporter à la double page Fondements pour comprendre : – Axe 1 : les transformations liées à la colonisation de l’Afrique ; – Axe 2 : les transformations de l’Allemagne et son rapport aux frontières européennes ; – Axe 3 : le cas de la Yougoslavie et les transformations de ses frontières tout au long des années 1990.

1 – THÈME 3

Étudier les divisions politiques du monde : les frontières – 1

AXE

1

TRACER DES FRONTIÈRES, APPROCHE GÉOPOLITIQUE Bibliographie Sur le limes rhénan – CHRISTOL, Michel et NONY Daniel, Rome et son empire, Hachette éducation, 2014 (5e édition). L’ouvrage propose une définition des différents types de limes et dispose de cartes très complètes. – PETIT, Paul, Histoire générale de l’Empire romain, tome 1 : Le Haut Empire, 27 avant J.-C. – 161 après J.-C., Seuil, coll. Points Histoire, 1978. Un ouvrage complet qui remet en contexte la genèse et l’évolution du limes. – TACITE, La Germanie, trad. Patrick Voisin, Arléa, 2009. L’avant-propos donne de précieux renseignements sur la conception du limes pour Tacite. Le limes en lui-même est très peu abordé dans l’ouvrage (à deux reprises seulement). Sur la conférence de Berlin – DE GEMEAUX Christine et LORIN Amaury, L’Europe coloniale et le grand tournant de la conférence de Berlin (1884-1885), Le Manuscrit, 2013. Un ouvrage récent qui présente bien les enjeux de la conférence de Berlin pour l’Europe comme pour l’Afrique. – STAMM Anne, L’Afrique de la colonisation à l’indépendance, PUF, coll. Que sais-je ? 2003. Un ouvrage synthétique et qui montre bien le rôle des frontières en Afrique au moment et après la ­colonisation. Sur la frontière coréenne : – CADEAU Yvan, La Guerre de Corée, Perrin, coll. Tempus, 2015. Un ouvrage détaillé sur la guerre de Corée et ses enjeux et qui aborde de façon claire l’évolution de la frontière entre 1950 et 1953. – DAYEZ-BURGEON Pascal, Histoire de la Corée, des origines à nos jours, Paris, Tallandier, coll. Texto, 2017. Essentiellement les chapitres 20 et 21 sur la guerre de Corée et la guerre froide. – LEVEAU Arnaud, Géopolitique de la Corée du Sud – Une puissance paradoxale, Argos, 2014. Ouvrage très complet et synthétique, richement illustré et rehaussé de nombreux encarts et inserts.

Sitographie

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Sur le limes rhénan – https://whc.unesco.org/fr/list/430 : le site de l’UNESCO sur le limes romain, proposant, après une mise en contexte, des développements accessibles et complets sur les différents limes (dont le limes rhénan, dit « germanique ») – http://www.crdp-strasbourg.fr/main2/albums/limes/dossier_fr.pdf : ensemble documentaire (essentiellement des cartes) sur le limes rhénan – http://www.saalburgmuseum.de/francais/sb_fr_home.html : le site du musée de Saalburg, où a été reconstitué un camp romain faisant partie du limes (pages en français) Sur la conférence de Berlin – Pour le texte complet de l’acte général de la conférence de Berlin : http://mjp.univ-perp.fr/ traites/1885berlin.htm – Un article du magazine Jeune Afrique qui présente bien les enjeux, pour le continent africain, du découpage colonial de Berlin. https://www.jeuneafrique.com/374321/archives-thematique/jour-15-novembre-1884-conference-de-berlin-lance-colonisation-a-grande-echelle-de-lafrique/ Sur la frontière coréenne Deux sites qui fournissent des documents iconographiques intéressants pour étudier plus amplement cette zone démilitarisée. https://www.lepoint.fr/monde/coree-visite-guidee-de-l-endroit-le-plus-dangereux-dumonde-26-04-2018-2213851_24.php https://www.parismatch.com/Actu/International/Coree-zone-interdite-1351043

2 – THÈME 3

Étudier les divisions politiques du monde : les frontières – 2



JALON 1

pp. 144-147

Pour se protéger : le limes rhénan Logiques scientifiques et pédagogiques

Ce jalon est divisé en deux doubles pages. La première donne des repères spatiaux, temporels et notionnels aux élèves, afin de bien caractériser le limes rhénan dans son contexte : – Une frontière de l’Empire romain, qui atteint son extension maximale en Germanie au iie siècle, mais qui s’avère mouvante. – Une ligne de défense fortifiée contre les attaques germaniques, destinée à protéger des provinces conquises et administrées dès le ier siècle avant J.-C. La seconde double page montre que le limes rhénan n’est pas qu’une frontière barrière, mais une zone plus perméable, qui peu à peu intègre les peuples frontaliers. Les documents mettent ainsi l’accent sur le caractère ambivalent du limes à partir du iiie siècle : frontière renforcée pour se protéger des incursions barbares, et en même temps zone d’intégration de ces mêmes peuples, que les empereurs associent à la défense de l’empire. Tacite est un auteur appartenant à la classe sénatoriale mais dont la vie, notamment les premières années, est très mal connue. Il trace dans ses Annales – suite de récits biographiques consacrés aux empereurs Julio-Claudiens, de Tibère (14-37) à Néron (54-68) – la genèse du limes rhénan. Ce document vise donc à montrer dans quel contexte le limes est né, celui des nombreuses campagnes romaines en Germanie au ier siècle, durant lesquelles les Julio-Claudiens (Drusus, Germanicus, Tibère) finissent d’asseoir leur autorité militaire.

Doc. 2

Le document permet de constater le caractère assez sommaire du limes en tant que barrière (par opposition au limes breton ou bas danubien, qui sont des lignes de fortifications continues), mais plus élaboré en tant que lieu de garnison. La palissade en bois contraste avec la tour de garde en pierre à l’architecture élaborée. Le document montre également que les traces actuelles du limes rhénan sont conservées et mises en valeur. On trouve même à Zugmantel des associations organisant des reconstitutions avec costumes d’époque.

Doc. 3

Cette carte a deux objectifs : – Donner des repères spatiaux généraux sur l’Empire romain à l’apogée de la Pax Romana. – Replacer le limes rhénan dans un espace plus vaste, afin d’examiner les similitudes avec d’autres limes (un parallèle avec le mur d’Hadrien en Bretagne, construit à partir de 121, est souhaitable). On voit que le cœur de l’empire (l’Italie, conquise du Ve au iiie siècle avant J.-C. par les Romains) est particulièrement protégé par les provinces extérieures, elles-mêmes protégées par différents limes et villes de garnison, et que les obstacles naturels constituent des frontières (notamment les fleuves, appelés rives par les Romains ; le Danube est l’équivalent du Rhin en Europe centrale et orientale).

Doc. 4

Une carte plus précise insiste sur les trois espaces frontaliers de la région : – Le limes stricto sensu, succession de lignes de fortification qui sont doublées, prolongées et renforcées sous les empereurs Julio-Claudiens (14-68), Flaviens (69-96), Antonins (96-192) et Sévères (193-235). – Les Champs Décumates, gagnés par les Flaviens sur la rive droite du Rhin, afin de réduire l’angle entrant dans l’empire formé par le Rhin et par le Danube. Cette partie est celle où les forts sont les plus nombreux, occupés pour les plus gros par des légionnaires romains, et pour les plus petits par de petites unités de surveillance composées de soldats auxiliaires recrutés sur place : les numeri. – « L’arrière-pays », composé de villes de garnison et de villes importantes (Coblence, Trèves, Augsbourg), ainsi que du réseau routier romain, deux éléments caractéristiques de l’Empire romain du temps de la Pax Romana, un espace aménagé et quadrillé par un dense réseau de communications. Cette carte permet de faire la transition avec la double page suivante, pour laquelle elle peut être réutilisée.

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Doc. 1

3 – THÈME 3

Étudier les divisions politiques du monde : les frontières – 3

Éléments de réponse aux questions 1. Les légions romaines sont dans un premier temps dans une logique conquérante face aux peuples de Germanie. Mais, passé les échecs des campagnes du ier siècle au-delà du Rhin, l’objectif des généraux romains est modifié. Il s’agit, comme le rapporte Tacite, pour les généraux julio-claudiens de confirmer la possession d’espaces conquis ou reconquis. À partir de l’empereur Hadrien (117138), le limes rhénan est purement défensif et marque la séparation entre le monde romain et le monde barbare. 2. Le limes est composé d’une succession de fortifications souvent érigées le long des fleuves (le Rhin et ses affluents) ou entre ceux-ci. Elles s’additionnent et se chevauchent entre le ier et le iiie siècle, les empereurs ayant à cœur de consolider le limes, notamment Hadrien (117-138) et Antonin (161-180), qui inaugurent l’idée d’un limes plus continu et homogène : fortes palissades en bois précédées d’un fossé, jalonnées de forts construits pour la plu-

p. 145 part en pierre et reliées par une route de rocade. L’ultime limes construit à l’Est (en violet sur le doc 4), au tracé rectiligne, long d’environ 80 km, en est la manifestation la plus aboutie, à l’apogée de la Pax Romana (milieu du iie siècle). 3. Le limes protège des provinces conquises à la fin de la République (Gaule Belgique) ou au début de l’Empire (Germanie supérieure et inférieure, Rhétie). Ces provinces, moins riches et moins vite romanisées que les provinces méditerranéennes, n’en sont pas moins florissantes au début du iie siècle, grâce aux grandes cités marchandes qui se développent non loin du limes. Bien qu’éloignée géographiquement du limes, Rome y est reliée par les voies romaines construites dans les provinces de l’empire. Le limes rhénan consacre ainsi une délimitation septentrionale de cette « couronne de provinces » entourant la Méditerranée, définie à partir du principat d’Auguste (-2714) afin de régler la question de la sécurité de Rome.

Bac ANALYSER

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Le limes rhénan s’établit progressivement dans le courant des deux premiers siècles de notre ère, à mesure que le désir de défendre l’Empire romain se substitue à celui de conquérir de nouveaux territoires. Le limes est ainsi une frontière mouvante, résultat de plusieurs vagues de constructions de fortifications par les différents empereurs, qui vont tout à tour consolider, reprendre et étendre les lignes établies par leurs prédécesseurs. Les objectifs de ce limes sont multiples : c’est une frontière

symbolique, qui marque une séparation entre le monde romain et le monde barbare. C’est une protection contre les incursions des peuples germains, destinée in fine à protéger Rome. C’est enfin une manifestation de la puissance romaine et de sa capacité à intégrer les peuples de ces zones frontalières, qui participent aux échanges avec les marchands romains et sont associés à la défense du limes.

Doc. 5

L’ouvrage de Tacite consacré aux peuples germains évoque ici le limes dans sa dimension intégratrice. Ce document promeut le système de la Pax Romana (intégration et romanisation des peuples barbares au sein de l’empire), mais il peut traduire également la mise en garde de Tacite vis-à-vis de Rome contre la menace représentée par les Germains et qu’il est par conséquent nécessaire de soumettre et de romaniser (Tacite ne les compte d’ailleurs plus parmi les peuples de la Germanie). On peut rappeler que certaines hypothèses font naître Tacite dans la région rhénane et lui font exercer des fonctions militaires en Germanie.

Doc. 6

Cette dernière carte a pour objectif de montrer l’évolution du limes rhénan aux iiie et ive siècles. La poussée des peuples barbares (préciser bien qu’il s’agit d’incursions, et non « d’invasions ») est le trait le plus marquant de la carte, mais il convient d’insister également sur l’élévation de Trèves au rang de résidence impériale par l’empereur Maximien (285-305), au temps de la tétrarchie. Le fait que Maximien passe la plupart du temps en campagne à combattre les tribus germaniques le long du limes (trois ans de campagnes continues, de 285 à 288), montre la nouvelle conception plus défensive de l’empire et sa difficulté croissante à faire face aux barbares. Malgré une nouvelle réorganisation du limes en 410, celui-ci finit par disparaître, moins en raison des grandes migrations des peuples barbares (les Vandales le franchissent définitivement en 406) que parce que l’armée qui le protège s’est peu à peu évanouie.

Doc. 7

Cette reconstitution montre qu’un fort (castellum) n’est pas qu’un camp de soldats. Tout autour se développe un espace d’habitations et d’échanges. Cette situation est propre à plusieurs forts du limes rhénan au iie siècle. Certains forts abandonnés sont remplacés par des villages. La reconstitution permet également de visualiser l’aspect complet et abouti du fort de Saalburg, situé en Hesse. Son site a été inscrit en 2005 au patrimoine mondial de l’UNESCO, comme l’ensemble du limes rhénan.

4 – THÈME 3

Étudier les divisions politiques du monde : les frontières – 4

Doc. 8

La célèbre Porta Nigra (« porte noire », nom attribué en raison de la couleur très sombre prise par la pierre ayant servi à sa construction, attestée dès le Moyen Âge) de Trèves illustre la puissance des villes romaines de l’arrière-pays de la zone frontalière de l’Empire romain. Sa construction débute sous l’empereur Marc Aurèle (161-180) et s’étale probablement sur deux siècles. Son inachèvement (probablement pour des raisons financières) et sa fonction de prestige et non défensive montrent également que le limes est une frontière aussi symbolique, mouvante et finalement incomplète sur l’ensemble de la zone.

p. 147

Éléments de réponse aux questions 1. Le limes recule entre le iiie et le ive siècle. Cela s’explique par la multiplication des incursions barbares (raids des Alamans en 260, raids des Francs et Hérules en Germanie inférieure en 286-287), qui conduisent les empereurs romains à abandonner le « saillant » des Champs Décumates au iiie siècle. À la fin du ive siècle, l’empereur Maximien, qui a choisi Trèves comme résidence impériale, installe les barbares en Gaule à proximité du limes pour monter la garde. 2. L’intégration des peuples des Champs Décumates dans l’empire présente trois avantages. Elle permet d’associer ces peuples à la défense de l’empire. À l’abri du limes, ces peuples s’installent sur des terres qu’ils mettent en valeur. Enfin, les Champs Décumates, sorte de saillant pénétrant dans l’empire, constituent désormais un espace intégré, facilitant la consolidation du limes et renforçant le dispositif de défense. Tacite, promoteur de la logique intégratrice de l’Empire romain qui peut « civiliser » les

barbares, moyennant la reconnaissance par ceux-ci de l’autorité impériale, ne compte ainsi plus les peuples des Champs Décumates parmi les barbares germains qu’il décrit. 3. La monumentalité du limes est à la fois un signe de force et de faiblesse de l’empire. Elle montre la puissance de l’Empire romain aux peuples barbares et sa prospérité. Le choix de Trèves comme résidence impériale par l’empereur Maximien à la fin du ive siècle est un signe de l’importance accordée à la défense de l’empire. Toutefois, les villes fortifiées et les forts disposés le long des palissades ne parviennent pas à masquer le caractère discontinu et inachevé du limes rhénan. Par choix stratégique (association des peuples frontaliers à la défense de l’empire) et par contrainte de temps et d’argent, aucune ligne unifiée de fortifications homogènes ne s’est jamais substituée à cette zone frontalière qu’a toujours été le limes.

Bac ANALYSER Le limes rhénan doit marquer une séparation symbolique entre le monde romain et le monde barbare. Son rôle est de protéger l’empire d’éventuelles incursions barbares, qui se multiplient à partir du iiie siècle. Le dispositif est ainsi régulièrement consolidé et étoffé. Par choix stratégique, mais aussi conformément à l’idéal de la Pax Romana, les empereurs romains intègrent des peuples frontaliers



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JALON 2

dans l’empire. Ceux-ci participent aux échanges économiques de la zone frontalière et sont associés à sa défense, de plus en plus difficile face aux incursions des peuples extérieurs. C’est d’ailleurs lorsque l’armée chargée de sa protection, désormais majoritairement composée de peuples non romains, s’évanouit progressivement au début du ve siècle que le limes disparaît.

Se partager l’Afrique : la conférence de Berlin (1884-1885)

pp. 148-151

Logiques scientifiques et pédagogiques Ce jalon s’organise selon deux doubles pages. La première présente la conférence de Berlin en elle-même, une partie du texte issu de l’acte final et ses conséquences au niveau des frontières imposées de l’Afrique. La seconde présente plus précisément le cas du partage du Congo et les conséquences engendrées à court et long termes en matière de rivalités (entre les puissances coloniales européennes et entre les peuples africains). Il s’agit également de remettre en question une idée, trop souvent répétée mais fausse : la conférence de Berlin n’a pas fixé de véritables frontières, elle a posé des zones d’influences à l’intérieur desquelles chaque colonisateur a pu, sur une durée longue, matérialiser ou non de telles frontières. Doc. 1

5 – THÈME 3

La carte de l’évolution des frontières de l’Afrique entre 1885 et 1914 révèle la réalité du partage de ce continent entre les puissances européennes. À l’exception du Liberia, État créé par une société américaine de colonisation pour permettre aux esclaves noirs de revenir en Afrique en 1822 et

Étudier les divisions politiques du monde : les frontières – 5

officiellement indépendant en 1847, et de l’Éthiopie, l’ensemble du continent passe sous domination étrangère. On perçoit également les intérêts des nations françaises et britanniques qui veulent, via le Soudan, mettre en place une continuité territoriale entre les différents territoires qu’ils occupent afin de rationaliser cette exploitation. Cela occasionne de nombreuses rivalités. Doc. 2

La caricature sur le partage de l’Afrique par Bismarck est assez connue. Elle illustre la puissance de l’Allemagne et l’apogée de l’influence diplomatique de son chancelier qui a su s’imposer comme un efficace médiateur. Le but est également de définir des règles en matière de partage des zones d’influence coloniale.

Doc. 3

Cet extrait assez conséquent de l’acte final de la conférence de Berlin témoigne des règles qui ont accompagné ce partage de l’Afrique. L’objectif premier est bien la possibilité de faire du commerce et de participer à l’exploitation économique du continent comme en témoignent les premiers articles : liberté de navigation et de commerce sont largement mis en avant. Par ailleurs, la mission civilisatrice est aussi brandie via l’interdiction de l’esclavage, même si celle-ci n’empêchera pas le travail forcé. L’objectif est enfin d’éviter les rivalités coloniales par la notification aux autres puissances de l’occupation par un État d’un territoire et par la mise en place d’une autorité suffisante pour faire respecter les règles susmentionnées. Sur ce plan-là, également, la conférence a échoué.

Éléments de réponse aux questions 1. La conférence se réunit à Berlin afin de régler les différends qui naissent entre les grandes puissances, notamment à propos de la possession du bassin du Congo, revendiqué par la France, la Belgique et le Portugal. 2. Après 1885, la quasi-totalité du continent africain a été colonisée par l’Europe. Le Royaume-Uni et la France se partagent les territoires les plus importants. Deux territoires seulement ne sont pas colonisés : le Liberia et l’Éthiopie.

p. 149 3. La liberté de la navigation et du commerce et l’interdiction de l’esclavage ont été proclamées lors de l’acte final de la conférence de Berlin. En matière d’occupation des territoires, les pays doivent signifier aux autres pays qu’ils ont pris possession de certains espaces et ils doivent également mettre en place une autorité afin de garantir le respect des règles qui ont été décidées. L’objectif est bien de pouvoir exploiter au mieux les richesses du continent et d’éviter les conflits entre les puissances coloniales.

Bac ANALYSER

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Lorsqu’en 1885 les grandes nations colonisatrices européennes se réunissent à Berlin, l’Afrique est peu colonisée. Une partie seulement des littoraux, à l’initiative britannique pour leur majorité, sont sous contrôle occidental. Mais les Européens veulent éviter une guerre en Europe

à cause de leurs rivalités en Afrique. Réunir la conférence de Berlin, est-ce pour éviter un conflit en Europe ou pour fixer des zones d’influence ? Nous expliquerons les grandes décisions de cette conférence, et les conditions de l’accélération de la colonisation qu’elle permet.

Doc. 4

La carte du Congo redessinée suite au partage de ce territoire témoigne bien d’un découpage qui s’est fait sans tenir compte des réalités naturelles. Certaines frontières sont ainsi tracées de façon rectiligne. Elle montre ensuite que c’est bien la Belgique qui parvient à tirer son épingle du jeu. Après trois mois de négociations, la France reçoit 666 000 km2 sur la rive nord du fleuve (les actuelles république du Congo et République centrafricaine), le Portugal 909 000 km2 au sud (l’actuel Angola) et Léopold II obtient, les 2 344 000 km2 qui constitueront l’État indépendant du Congo.

Doc. 5

Ce court extrait d’un ouvrage contemporain, datant de 1887, témoigne du fait que les frontières de l’État indépendant du Congo ont été tracées à Bruxelles et qu’elles ont donc fait l’objet de négociations, sans prendre en considération les réalités locales. Il témoigne également de la mission civilisatrice en accentuant le fait que les « nations civilisées » vont guider ce nouvel État.

Doc. 6

La crise diplomatique de Fachoda, en 1898, ouvre une période de tensions entre la France et le Royaume-Uni à propos de la possession du Soudan. Si les Français sont arrivés sur place en premier, le Royaume-Uni refuse de céder la place et menace la France. Cette dernière, isolée sur un plan diplomatique, cède finalement ce territoire. Le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Théophile Delcassé, affirme ainsi : « nous avons des arguments et ils ont des armes ». La France en

6 – THÈME 3

Étudier les divisions politiques du monde : les frontières – 6

retire cependant la possibilité d’une alliance future avec la « perfide Albion » qui va se matérialiser, un peu plus tard, sous l’expression d’Entente cordiale. Doc. 7

Ce document présente les enjeux du tracé des frontières de l’Afrique en insistant notamment sur le fait que ce partage du continent a substitué des frontières-lignes, héritées du modèle européen, à des frontières-zones qui préexistaient. C’est aussi l’une des origines des tensions ethniques qui animent l’Afrique subsaharienne depuis les indépendances, dans la mesure où plusieurs ethnies, parfois rivales, et dont les rivalités ont été exacerbées par la colonisation, se sont retrouvées au sein d’un même État.

p. 151

Éléments de réponse aux questions 1. On le voit au tracé parfois rectiligne de certaines frontières. Le texte du doc. 5 le mentionne aussi lorsqu’il affirme : « Ce n’est pas sur le sol africain, comme on pourrait le supposer, que l’État indépendant du Congo a vu le jour. Il est né à Bruxelles ». De même, le doc. 7 le confirme : « Ces frontières tracées au gré des puissances coloniales, dans un contexte de rivalité entre celles-ci, ont dans bien des cas, fait fi des réalités ethniques, linguistiques, religieuses et politiques des peuples africains ». 2. À la fin du xixe siècle, dans un contexte d’affirmation de l’inégalité des races et de supériorité des Européens, la « mission civilisatrice » vient justifier la colonisation. L’idée est de montrer que les nations européennes doivent gui-

der les peuples jugés inférieurs et apporter leurs bienfaits, et notamment ici la justice et la liberté. 3. La conférence de Berlin n’a pu empêcher la crise de Fachoda dans la mesure où ce sont des intérêts géopolitiques et géostratégiques qui sont en jeu, à savoir la création d’une continuité territoriale entre les colonies de la France d’une part (continuité est-ouest) et du RoyaumeUni d’autre part (continuité nord-sud). 4. Les populations africaines sont entrées en rivalité suite à la mise en place des frontières européennes sur le continent. En effet, certains peuples, parfois rivaux, se sont retrouvés au sein d’un même État et ont dû coexister de force.

Bac SE DOCUMENTER Pour trouver comment répondre aux questions posées, se référer à la bibliographie de début de chapitre.



JALON 3

Séparer : la frontière entre les deux Corées

pp. 152-155

Logiques scientifiques et pédagogiques

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Ce jalon s’organise dans un premier temps autour d’une double page qui présente la mise en place d’une frontière issue de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre froide. Mobile pendant la guerre de Corée, elle se stabilise de fait à la suite de l’armistice en 1953, autour du 38e parallèle de latitude nord. La seconde double page a pour objectif de montrer la pluralité de la frontière intercoréenne. Si elle se définit d’abord comme un espace de confrontations rarement interrompues et comme symbole de la partition persistante entre deux modèles idéologiques différents (entraînant encore des départs, forcément limités, du Nord vers le Sud), elle est devenue au fil du temps un espace de dialogue et d’échanges politiques et économiques. Doc. 1

7 – THÈME 3

La guerre de Corée (1950-1953) est directement issue de la victoire des communistes en Chine. En juin 1950, après un incident de frontière, la Corée du Nord envahit la Corée du Sud qui est au bord du désastre. Devant la crainte de voir un autre État tomber dans le giron communiste, les États-Unis demandent au Conseil de sécurité de l’ONU, profitant de l’absence de l’URSS qui pratique la « politique de la chaise vide » (à cause du refus de l’ONU de reconnaître la Chine de Mao comme celle qui devait siéger au Conseil de sécurité), une intervention en faveur de la Corée du Sud (qui est acceptée). À l’automne 1950, une grande offensive des casques bleus (essentiellement Américains, sous le commandement de MacArthur) oblige les Nord-Coréens à quitter la Corée du Sud et la Corée du Nord est envahie à son tour. Début 1951, la Chine vole à son secours et une guerre de position s’installe autour du 38e parallèle. Il faut attendre encore deux longues années pour que l’armistice de Panmunjeom soit signé en juillet 1953, quelques mois après la mort de Staline. Cet armistice rétablit une frontière précaire autour du 38e parallèle. Le monde a cru à la possibilité d’une troisième guerre mondiale d’autant plus que le général MacArthur avait proposé à Truman d’utiliser l’arme atomique (même si ce dernier refuse et relève MacArthur de son commandement en avril 1951).

Étudier les divisions politiques du monde : les frontières – 7

Doc. 2

La signature de l’armistice en 1953 n’est pas pour autant un accord de paix. Jusqu’à ce jour en effet, il ne s’agit que d’un cessez-le-feu et pas d’une paix établie entre les deux Corée. D’ailleurs, les incidents de frontière restent assez réguliers.

Doc. 3

La carte montre que la frontière reste rigide après 1953 mais que la Corée du Nord a creusé des tunnels d’agression entre 1974 et 1990. Elle témoigne également du fait que la frontière définie est également maritime et que la gestion de la DMZ (zone démilitarisée) reste difficile des deux côtés. Après la découverte du 3e tunnel, en 1978, l’ONU a estimé que la Corée du Nord n’avait pas respecté les termes de l’armistice de 1953. L’ONU estime également que bien d’autres tunnels ont été creusés, probablement une vingtaine.

Doc. 4

La photographie montre une frontière extrêmement militarisée malgré l’existence d’un point de passage au niveau de la Joint Security Area. Cette frontière constitue donc une zone tampon très difficile d’accès et illustre une frontière presque étanche.

p. 153

Éléments de réponse aux questions 1. Pendant la guerre de Corée, l’offensive est lancée par la Corée du Nord qui conquiert rapidement des territoires au sud, ne laissant à la République de Corée qu’une zone au sud-est, autour de Pusan. Ensuite, grâce à l’intervention américaine, sous l’égide de l’ONU, la frontière se déplace largement vers le nord, le territoire dominé par la Corée du Nord se réduisant à quelques espaces à la frontière chinoise. L’aide des « volontaires chinois » permet de rétablir la situation autour du 38e parallèle. En 1953, la situation en termes de territoire est quasiment identique à celle de 1950, les Nord-Coréens ayant gagné un peu de territoire sur la zone ouest et les Sud-Coréens sur la zone est. 2. La frontière est gérée au moyen de la délimitation d’une zone démilitarisée disposant d’un point unique de

passage, la Joint Security Area. Cette frontière est également définie sur l’espace maritime. La mise en place de tunnels par la Corée du Nord tend cependant à remettre en cause l’étanchéité de cette frontière. 3. La frontière est rendue étanche par des patrouilles nombreuses et régulières des deux côtés (soldats nord-coréens au nord, soldats sud-coréens épaulés par la deuxième division d’infanterie des États-Unis) au sud. Les postes militaires, les barbelés et les miradors sont autant d’aménagements qui ponctuent cette frontière et qui renforcent son caractère infranchissable. Enfin, l’accès réglementé à cette zone tampon rend encore plus difficile tout passage.

Bac COMPOSITION Problématique : Le contexte international est-il la seule cause de la division de la Corée ? I. Une frontière née de la guerre froide – Trois ans de conflits – L’armistice de Panmunjeom II. Une frontière presque étanche – La zone démilitarisée, un espace neutre et partagé – Une forte militarisation de cet espace

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III. Une frontière entre deux régimes politiques antagonistes – Frontière politique entre une dictature communiste (Nord) et une dictature militaire puis démocratie libérale (Sud). – Frontière économique entre un régime collectiviste centralisé et quasi-autarcique (Nord) et une économie libérale ouverte (Sud).

Doc. 5

8 – THÈME 3

Ce tableau évoquant les provocations locales de l’armée nord-coréenne recensées par la Corée du Sud montre que les tensions ont atteint leur paroxysme pendant la décennie 1960 (début de la « guerre du crabe », série d’incidents maritimes entre les armées des deux pays), avant de reprendre à partir des années 1990 (développement du programme nucléaire militaire nord-­ coréen). Notons que ce tableau n’indique pas les « infiltrations » stricto sensu, c’est-à-dire les interpellations et arrestations sur le territoire sud-coréen de soldats ou espions nord-coréens, y compris ceux se faisant passer pour des déserteurs. La source du document 5 (2014 Defense White Paper, livre blanc du ministère de la Défense) en a recensé 1 968, dont plus de 1 000 dans les années 1960.

Étudier les divisions politiques du monde : les frontières – 8

Doc. 6

La rencontre entre les deux dirigeants coréens est la troisième du genre. Le leader nord-coréen Kim Jong-il avait rencontré le président sud-coréen Kim Dae-jung (1998-2003) en 2000 puis son successeur Roh Moo-hyun (2003-2008) en 2007. Cependant, ces deux premiers « sommets intercoréens » s’étaient tenus à Pyongyang et non sur le terrain plus « neutre » de la DMZ. Ce document met en évidence le caractère spectaculaire de la rencontre. Il met en parallèle les deux systèmes (uniforme noir caractéristique du leader nord-coréen, costume cravate du président sud-coréen), avec en arrière-plan les baraques militaires de Panmunjeom, lieu de signature de l’armistice du 27 juillet 1953. Cet espace de la DMZ est caractérisé par son absence de mur, les soldats des deux armées s’y observant en chien de faïence. Le tout petit muret séparant les deux dirigeants symbolise la facilité avec laquelle la séparation pourrait être franchie.

Doc. 7

La carte met en évidence le caractère très surveillé et fermé de cette petite enclave libérale dans une économie ultra-étatisée et étroitement contrôlée. Le texte montre à la fois le contexte de son origine, l’importance de ses activités et le fait que la Corée du Sud, par cette ZES, apporte des ressources financières importantes pour la Corée du Nord. L’histoire de cette ZES est fortement influencée par l’état des relations intercoréennes. Fermée une première fois en 2008 à l’initiative des Nord-Coréens, elle oscille ensuite entre stagnation, inactivité, ouverture et fermeture partielle, jusqu’en 2016 et sa fermeture définitive, sur décision de la présidente sud-coréenne Park Geun-hye (2013-2017), en raison de la reprise des essais nucléaires nord-coréens. En 2017, la Corée du Nord a nationalisé les entreprises, sans offrir de contrepartie aux propriétaires sud-coréens.

Doc. 8

Le document met en évidence un phénomène illustré ici de façon spectaculaire : la fuite de Nord-Coréens vers le Sud. Environ 30 000 Nord-Coréens ont rejoint le Sud depuis 1953. La quasi-totalité des personnes concernées franchit d’abord la frontière avec la Chine, avant de rallier un pays tiers pour rejoindre à terme la Corée du Sud. Très peu rejoignent directement le Sud depuis le Nord (une quinzaine seulement en 2016). Nombre de ces personnes ressentent cependant des difficultés d’adaptation, dans une société libérale et démocratique dont ils ignorent tout. Les défections de militaires, rares compte tenu des difficultés, illustrent plus que toutes les autres la faillite d’un régime totalitaire. Un parallèle peut être fait avec les soldats est-allemands franchissant le mur de Berlin (poursuivant ainsi la comparaison déjà esquissée par la photographie de la page 142 montrant le président Park Chung-hee devant le mur de Berlin).

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Éléments de réponse aux questions 1. Les échanges politiques remontent aux années 1970. Impulsés plus ou moins conjointement par le leader nord-coréen Kim Il-sung et le Président sud-coréen Park Chung-hee, ils s’inscrivent dans un contexte de détente internationale. On constate certes une diminution des provocations nord-coréennes à partir des années 1970. Cependant, celles-ci ne disparaissent pas et s’intensifient même dans la décennie 2000, alors que deux sommets intercoréens sont pourtant organisés (2000 et 2007). Il faut rappeler que la Corée du Sud ne s’est pas associée à l’armistice de 1953 et que, en l’absence de tout traité de paix, les deux pays sont donc encore juridiquement en guerre. 2. Le complexe industriel de Kaesong est créé en 2002, dans la logique de la « sunshine policy » (politique du rayon de soleil) du président sud-coréen Kim Dae-jung, deux ans après un premier « sommet intercoréen ». Les effets économiques sont particulièrement bénéfiques pour la Corée du Nord, dont l’économie est exsangue dans les années 1990 et qui profite ainsi d’une manne financière inespérée. Au Sud, cette zone est perçue comme un espoir d’ouverture économique et politique du régime nord-coréen mais cet espoir est régulièrement déçu. Les détracteurs de la « sunshine policy » considèrent qu’elle a surtout permis au régime nord-coréen de se doter de l’arme nucléaire.

9 – THÈME 3

p. 155 3. L’opposition entre les deux modèles politiques se manifeste par une atmosphère de tensions quasi-permanentes entretenue de part et d’autre de la frontière, sur sa partie terrestre mais aussi maritime. Parmi les provocations nord-coréennes évoquées dans le document, la plus grave de ces dernières années est le naufrage de la corvette Cheonan, près de l’île de Baenyeong, dans une zone de la mer Jaune dont la Corée du Nord conteste l’appartenance au Sud. Survenu le 26 mars 2010, ce naufrage a coûté la vie à 46 marins sud-coréens. En dépit des conclusions d’une enquête menée par des experts américains et japonais ayant conclu à un torpillage du navire par un sous-marin nord-coréen, le gouvernement de Pyongyang dément toute implication. Le face-à-face entre les soldats des deux armées dans la « zone commune de sécurité » de la DMZ illustre la faillite du régime nord-coréen, que même ses soldats désertent. Dans cet espace, les Sud-Coréens multiplient les actions (stationnement d’unités d’élite aux uniformes soignés, visites touristiques et, jusqu’en 2018, haut-parleurs diffusant de la K-pop) pour montrer la supériorité de leur modèle à leurs homologues du Nord.

Étudier les divisions politiques du monde : les frontières – 9

Bac PRÉPARER UN ORAL Politique Formes de la coopération intercoréenne

Mise en place d’une ZES à Kaesong, en Corée du Nord, non loin de la DMZ. Des entrepreneurs sud-coréens y font travailler des Nord-Coréens. Les profits générés sont distribués majoritairement au régime nord-coréen. La ZES a connu une histoire houleuse, rythmée par les apaisements et les tensions des relations intercoréennes, avant sa fermeture définitive en 2016 et la nationalisation de ses entreprises par le régime en 2017.

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Limites de la coopération intercoréenne

Économique

Rencontres entre dirigeants (1972, 2000, 2007, 2018), débouchant sur des déclarations communes pour la paix et la réunification de la péninsule. Retrouvailles organisées entre familles séparées. Ces rencontres et retrouvailles ont été interrompues par des reprises de tensions. Elles n’ont toujours pas débouché sur un traité de paix, ni sur une ouverture de la DMZ. Juridiquement, les deux États sont toujours en guerre.

10 – THÈME 3

Étudier les divisions politiques du monde : les frontières – 10

AXE

2

LES FRONTIÈRES EN DÉBAT Les documents d’ouverture du chapitre permettent de mettre l’élève au cœur des problématiques du programme. « Les frontières terrestres sont peu remises en cause ». Ce document est une illustration du durcissement des frontières terrestres qui se traduit de plus en plus fréquemment par la construction de murs séparant des États voisins. Cette photographie bien connue correspond à la frontière entre les États-Unis et le Mexique au niveau de la ville de Tijuana située tout au nordouest du Mexique, à une trentaine de kilomètres seulement de la ville américaine de San Diego. C’est une des portions de la frontière où un mur destiné à limiter l’immigration clandestine a été construit dès septembre 2006 à la suite du vote par le Congrès américain du Secure Fence Act. La photographie est remarquable au moins à deux égards : 1) elle fait apparaître le « mur » qui ne se résume pas à une paroi de béton, mais correspond en réalité du côté américain à une bande frontalière, un no man’s land ponctué de murs, de garnisons, et de barbelés où une surveillance militaire s’exerce. Le mur se prolonge jusque sur la plage de Tijuana de manière à empêcher les migrants de passer à la nage du Mexique aux États-Unis ; 2) elle fait apparaître le contraste très fort entre un territoire frontalier mexicain très vivant : circulation automobile, bâti urbain très dense, affichage publicitaire commercial et politique… et un territoire frontalier américain désert : presque aucune présence mis à part les bâtiments militaires. « … contrairement aux frontières maritimes ». Ce document est une illustration des tensions liées aux frontières maritimes. Des tensions qui se traduisent par des territoires maritimes disputés où croisent des chalutiers ou des bâtiments militaires cherchant à s’intimider les uns les autres. La carte des frontières maritimes fait ainsi apparaître un double mouvement : 1) de fixation progressive des terrestres maritimes dans le cadre de conventions internationales qui datent seulement de la fin du xxe siècle, 2) et de contestation des frontières dans les territoires maritimes disposant d’importantes ressources halieutiques, minérales ou énergétiques, ou bien constituant des corridors stratégiques pour le commerce maritime international.

Bibliographie

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– AGIER Marc, Un Monde de camps, Éditions la Découverte, 2014. Ouvrage de référence sur les camps de migrants, une des conséquences majeures de la fermeture des frontières nationales. – AMILHAT-SZARY Anne-Laure, Qu’est-ce qu’une Frontière aujourd’hui ? PUF, 2015. Géographe, l’auteur interroge dans un ouvrage de synthèse les relations entre frontières, systèmes politiques et sociétés. – BADIE Bertrand et FOUCHER Michel, Vers un Monde néo-national, CNRS Éditions, 2017. Les auteurs, pour le premier politiste et pour l’autre géographe, proposent un regard croisé sur l’affirmation croissante des idéologies nationalistes. – FOUCHER Michel, Le Retour des frontières, CNRS Édition, 2016. Géographe et géopolitologue, auteur de référence sur les frontières, il y développe une réflexion sur l’affirmation croissante de frontières-barrières au service d’idéologies nationalistes.

Sitographie – « Frontières et territoires frontaliers en Europe » (Géoconfluences, 11 juin 2019, par Pascal Orcier). Article largement illustré de cartes et photographies consacré à la diversité des constructions frontalières européennes, leurs origines historiques, et leur configuration géopolitique actuelle. http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/territoires-europeens-regions-etats-union/corpus-documentaire/frontieres-et-territoires-frontaliers-en-europe-une-visite-guidee – Le site de ressources sur la coopération transfrontalière, alimenté par la Mission opérationnelle transfrontalière (MOT) de l’Union européenne. Une mine. http://www.espaces-transfrontaliers.org/

11 – THÈME 3

Étudier les divisions politiques du monde : les frontières – 11



JALON 1

Reconnaître la frontière : le cas germano-polonais de 1939 à 1990

pp. 160-163

Logiques scientifiques et pédagogiques La frontière germano-polonaise est l’archétype du déplacement de frontière pour des raisons militaires et diplomatiques, et de la déconnexion entre le tracé des frontières et le sentiment national. Le poids des minorités (allemande, russe) et l’identité nationale polonaise en sont questionnées.

Éléments de réponse aux questions 1. La frontière est remise en cause par la signature d’un accord entre les deux puissants voisins de la Pologne : le pacte germano-soviétique en août 1939, pacte qui prévoit le partage du pays et l’établissement d’une nouvelle frontière entre leurs deux États. Cela se fait d’un trait de crayon sur une carte et est suivi d’une invasion du territoire polonais. En 1945 le nouveau tracé de la frontière est imposé par Staline lors de la conférence de Potsdam, en s’appuyant sur des éléments de l’hydrographie, le tracé de deux cours d’eau de direction sud-nord, l’Oder et son affluent la Neisse. Les noms de villes allemands cèdent la place à des noms polonais (Gdansk, Szczecin), certaines villes devenues villes-frontières (Francfort, Guben, Görlitz) sont coupées en deux, ainsi que l’île d’Usedom.

p. 161 2. Hitler voyait dans le tracé de cette frontière le résultat du diktat de Versailles de 1919, imposé par les vainqueurs, qui avait amputé l’Allemagne de vastes territoires peuplés de Polonais, en application du principe des nationalités. Mais la volonté des Alliés d’affaiblir l’Allemagne avait aussi entraîné l’inclusion dans l’État polonais de populations allemandes, le détachement de la Prusse orientale du reste de l’Allemagne et la mise de la ville de Dantzig sous administration de la SDN, sans consultation des populations concernées. En 1945, l’Allemagne est vaincue et détruite. Sans tenir compte de la réalité du peuplement, la frontière germano-polonaise se trouve déplacée arbitrairement de 200 km vers l’ouest. Les populations allemandes qui vivaient sur ces territoires sont contraintes au départ et vont se réfugier en Allemagne.

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Bac ANALYSER Il s’agit de montrer comment cette frontière a été un enjeu décisif de la période considérée, en procédant en deux temps pour montrer comment le contexte militaire et politique a déterminé le rapport à la frontière. L’existence de la frontière germano-polonaise est la conséquence de la restauration d’un État polonais en 1919 au traité de Versailles, en application du principe des nationalités et du règlement en 14 points du Président américain Wilson. L’Allemagne est alors dans le camp des vaincus et se voit imposer cette frontière qui sanctionnait la perte de territoires sur lesquels vivaient aussi des populations allemandes. Celles-ci n’ont pas été non plus consultées et sont devenues contre leur gré des minorités au sein du nouvel État polonais. La coupure en deux du territoire allemand constitue une humiliation politique, autant que le détachement de la ville de Dantzig, bien qu’étant majoritairement peuplée d’Allemands. Hitler entend revenir sur le « diktat » de Versailles et intégrer l’ensemble des populations allemandes dans une seule et grande Allemagne, ce qui entraînait une remise en cause des fron-

Éléments de réponse aux questions 1. La Pologne est reconstituée en 1945 dans le contexte de la défaite de l’Allemagne nazie et de la mise sous contrôle de l’Europe orientale par l’URSS. L’Allemagne est alors occupée par les Alliés et privée de gouvernement. Il s’agit de restaurer l’État polonais pour annuler l’effet du pacte germano-soviétique de 1939. Staline veut satelliser l’Europe orientale et diffuser le modèle communiste dans

12 – THÈME 3

tières de la Pologne et son existence en tant qu’État. La signature du pacte germano-soviétique en août 1939 en est la première étape, puis suit l’invasion militaire peu de temps après. En 1945 la situation politique du continent a été bouleversée, Staline est alors maître de l’Europe orientale qu’il a libérée des nazis et l’Allemagne est vaincue. Il exige lors de la conférence de Yalta en février 1945 une rectification des frontières de la Pologne à l’avantage de l’URSS, la Pologne obtenant en compensation des territoires pris à l’Allemagne. La ligne Oder-Neisse est ainsi fixée par Staline, à quelques dizaines de kilomètres seulement de Berlin ! Dans les deux cas, les Polonais n’ont pas été consultés alors qu’ils étaient les premiers concernés par cette frontière ! La Pologne, territorialement amoindrie, obtient néanmoins un accès plus large à la mer Baltique. Avec le départ forcé des populations allemandes elle a gagné en homogénéité de son peuplement.

p. 163 ce qui va devenir « le bloc soviétique ». Il s’agit de nouer de nouveaux liens entre Républiques socialistes (la RDA instituée en 1949 et la Pologne). Alors que le « rideau de fer » se met en place entre les deux blocs, l’idée du ­document 6 est de montrer l’établissement de liens d’amitié et de coopération entre ces deux États.

Étudier les divisions politiques du monde : les frontières – 12

2. Le traité de 1990 était nécessaire car le tracé de la frontière n’avait pas fait l’objet d’un accord définitif, n’étant au départ que « temporaire » puis ratifié par la seule RDA. L’absence d’accord pouvait ouvrir la voie à des remises en cause, notamment de la part des minorités allemandes expulsées en 1945 et privées de leurs biens, ou de leurs descendants. L’absence d’accord était susceptible de

détériorer les relations bilatérales du fait du changement de régime politique. La réunification allemande, avec la disparition de la RDA, rendait juridiquement caduc le traité de Görlitz de 1950. Le traité de 1990 est donc l’aboutissement d’une démarche de normalisation des relations bilatérales dans un contexte de la démocratisation.

Bac ANALYSER La frontière germano-polonaise est à nouveau un enjeu politique durant la période considérée, que l’on peut analyser au prisme de deux contextes différents. En 1945, la reconstruction politique du continent se fait dans le contexte de la défaite militaire de l’Allemagne nazie et de l’occupation de l’Est du continent par l’Armée rouge qui a contribué à le libérer. La mise en place du système bipolaire de la guerre froide se traduit par la satellisation politique de l’Europe orientale par l’URSS, qui y favorise l’arrivée au pouvoir des partis communistes et la mise de place de Républiques socialistes en Pologne puis en Allemagne en 1949 (RDA). Devenus alliés au sein du bloc soviétique, les États est-allemand et polonais normalisent leurs relations par la signature d’un traité en 1950 qui reconnaît leur frontière commune sur la ligne OderNeisse, mais qui n’est alors qu’une frontière provisoire. L’objectif est de promouvoir l’amitié entre les peuples et la coopération entre Républiques « sœurs » partageant



JALON 2

la même idéologie politique, alors que le continent se trouve coupé en deux par le « rideau de fer ». Le bouleversement que constitue la chute du mur de Berlin en novembre 1989, suivi de la réunification politique de l’Allemagne (absorption de la RDA par la RFA) rend nécessaire la normalisation de la frontière germano-polonaise. Le contexte était alors celui d’un affaiblissement de l’URSS tandis que la Pologne entendait opérer une transition politique vers la démocratie. Par ailleurs, les populations allemandes qui avaient été expulsées de Pologne en 1945 et leurs descendants, soit plusieurs millions de personnes, pouvaient faire valoir des droits sur les territoires dont elles avaient été chassées. Elles se constituaient en groupe de pression pour le gouvernement allemand. Les deux pays avaient donc intérêt à régler la question de leur frontière pour normaliser leurs relations.

Dépasser les frontières : le droit de la mer

pp. 164-167

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Logiques scientifiques et pédagogiques Ce dossier présente les grands enjeux du droit international applicable aux espaces maritimes construit durant la 2e moitié du xxe siècle et actuellement en vigueur. La partie A questionne la notion de frontière en apportant à l’étudiant les clés de compréhension du système de frontières maritimes à l’échelle mondiale. Il permet aussi d’appréhender les notions inhérentes aux différentes échelles de territoires maritimes d’un État ainsi que les enjeux de puissance maritime à travers le cas de la Chine et de la mer de Chine méridionale. La partie B. présente les nouvelles réalités géopolitiques des espaces maritimes dans le monde, entre préservation écologique et exploitation économique. De nouveaux concepts tels que les aires marines protégées (AMP) permettent aujourd’hui d’opérer un contrôle environnemental sur certains territoires maritimes, à l’échelle nationale, régionale ou internationale. Toutefois, au-delà de l’idéal de préservation écologique, ces nouveaux outils s’inscrivant dans le droit international de la mer permettent également à certains États de promouvoir des intérêts géopolitiques directs. Détentrice de l’un des premiers espaces maritimes mondiaux, la France dispose ainsi d’une capacité d’influence toute particulière en la matière pour promouvoir ses intérêts. Doc. 1

Cette carte présente la quasi-universalité de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM ou UNCLOS en anglais, et connue encore sous le nom de convention de Montego Bay), base moderne du droit international de la mer, permettant aux États d’avoir une base légale pour arbitrer et apaiser leurs différends maritimes. Seule une vingtaine de pays dans le monde n’ont pas ratifié ou pas signé cette convention. Parmi eux, on retrouve des pays enclavés (Centrafrique, Afghanistan), des pays en marge du système international (Corée du Nord, Venezuela, Libye, Syrie, Iran…) mais aussi les États-Unis, qui refusent de donner ce que Républicains comme Démocrates considèrent comme une part de souveraineté à une organisation supranationale : l’ONU. Bien que la position des Démocrates ait favorablement évolué sous l’ère Obama, les États-Unis restent en marge d’UNCLOS.

13 – THÈME 3

Étudier les divisions politiques du monde : les frontières – 13

Doc. 2

Cette infographie détaille les différences de droits souverains en fonction des zones maritimes à partir des côtes d’un État. Il faut bien distinguer les eaux territoriales (qui relèvent de la souveraineté pleine et entière de l’État côtier), de la zone économique exclusive s’étendant de 12 à 200 miles nautiques (où l’État côtier possède des droits souverains mais pas de souveraineté), et du plateau continental étendu (où l’État ne possède pas de souveraineté mais peut jouir de droits souverains sur les fonds marins et le sous-sol, uniquement). La frontière de la juridiction maritime d’un État se situe donc à la fin de la zone économique exclusive et, sur les fonds marins, à la fin de son plateau continental étendu.

Doc. 3

Cet extrait présente l’ampleur de la stratégie d’expansion de la puissance maritime chinoise. Cette extension maritime s’opère sur deux aspects : le gain de nouveaux espaces maritimes d’une part et la construction de nouveaux bâtiments navals d’autre part.

Doc. 4

Cette carte montre les grands enjeux d’expansion maritime de la Chine en mer de Chine méridionale et en mer de Chine orientale face à la présence américaine dans la zone et aux revendications des autres pays riverains. Comme évoqué dans le document 3, l’enjeu pour la Chine est ainsi de parvenir à se projeter sur ces mers afin de maximiser sa position géostratégique et géopolitique, mais aussi de pouvoir accompagner son développement géoéconomique dans le cadre de la partie « ceinture maritime » de l’« Initiative ceinture et route » (BRI).

p. 165

Éléments de réponse aux questions 1. Une zone économique exclusive permet à un État d’affirmer sa puissance dans un espace territorial non plus uniquement terrestre mais également maritime. L’adhésion de la très grande majorité des pays dans le monde démontre la pertinence et la force de ce texte, malgré le refus de signer ou ratifier de certains grands États comme les États-Unis.

2. Pour la Chine, le contrôle de la mer de Chine méridionale et des routes maritimes qui y passent sont des dimensions critiques de son « Initiative ceinture et route ». Pour ce faire, elle développe sa marine et de nouvelles bases militaires, provoquant ainsi des tensions avec ses voisins et avec les grandes puissances maritimes occidentales (États-Unis, France, Royaume-Uni…).

Bac ANALYSER

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Le paragraphe peut suivre ce plan : – Un cadre apaisant parce qu’il est multilatéral – Un cadre apaisant parce qu’il pose des frontières claires aux espaces maritimes – Mais un cadre à l’intérieur duquel certains États créent des rapports de force (Chine)

Doc. 5

Cet extrait permet de comprendre la stratégie environnementale de la diplomatie française à l’échelle mondiale dans le cadre de l’émergence du concept d’aires marines protégées (AMP) et de l’ouverture des négociations internationales sur la protection de la biodiversité marine en haute mer. Il permet à l’étudiant d’acquérir des ordres de grandeur sur l’action française en matière de pénétration des enjeux écologiques dans l’évolution du droit international de la mer.

Doc. 6

Cette carte détaille l’espace maritime de la France à l’échelle de la planète. Il permet à l’étudiant de voir que la France est le seul pays au monde présent territorialement sur tous les océans, du sub-arctique (Saint-Pierre-et-Miquelon) jusqu’à l’Antarctique (Terre Adélie). Ainsi, l’« Archipel France » est une puissance américaine, pacifique, océanique, australe et africaine. Avec plus de 4 millions de kilomètres carrés à lui seul, l’espace maritime de la Polynésie française représente la même superficie que l’Union européenne dans son ensemble.

Doc. 7

Cette carte détaille la magnitude des deux grands enjeux maritimes du xxie siècle : le transport maritime et la pêche. Dans la perspective des négociations internationales sur le BBNJ, elle permet à l’étudiant de comparer les zones fermées à la pêche profonde en haute mer par rapport aux nombreuses zones de pêche en haute mer. Aussi, alors que 95 % des marchandises échangées sur la planète transitent à un moment par la mer, elle permet également de visualiser les grandes routes maritimes intercontinentales et les principaux ports dans le monde.

14 – THÈME 3

Étudier les divisions politiques du monde : les frontières – 14

Doc. 8

Cet extrait détaille les grands enjeux économiques de la haute mer qui pèsent dans le cadre des négociations sur le BBNJ : pêche, bioprospection, îles artificielles, câbles sous-marins de d ­ onnées et pipelines. Il introduit l’institution internationale en charge de la gestion des fonds marins, l’AIFM, et évoque les intérêts divergents entre les grandes nations industrielles maritimes d’un côté (États-Unis, Russie, Canada, Chine…), et les 134 pays en développement du G77 qui militent pour une impossibilité d’exploiter les ressources de la colonne d’eau en haute mer.

p. 167

Éléments de réponse aux questions 1. L’influence maritime française s’explique d’une part par l’étendue et la distribution de son espace maritime, d’autre part par la très riche biodiversité marine sous sa juridiction, et enfin par son engagement environnemental historique dans l’établissement de régimes juridiques environnementaux contraignants tels que le protocole de Madrid pour l’Antarctique, les aires marines protégées, ou encore l’accord de Paris sur le Climat de 2015.

2. La haute mer est un espace de convoitises car les ressources vivantes ou fossiles qui s’y trouvent sont importantes. Les enjeux écologiques interviennent dans les négociations internationales sur la haute mer, mais tous les pays ne sont pas aujourd’hui prêts à adopter des réglementations contraignantes sur la seule base de la préservation de l’environnement.

Bac SE DOCUMENTER

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Pour trouver des sources documentaires fiables, le mieux est de consulter la bibliographie proposée en début de thème. Le site Géoconfluences propose de nombreux cas de territoires ultramarins français.

15 – THÈME 3

Étudier les divisions politiques du monde : les frontières – 15

ÉTUDE



CONCLUSIVE

LES FRONTIÈRES INTERNES ET EXTERNES DE L’UNION EUROPÉENNE La logique du chapitre Cette étude conclusive entend montrer le caractère naturellement ambigu de la frontière. Après en avoir expliqué les origines (Axe 1) et le contexte politico-juridique (Axe 2) il s’agit ici de montrer que les frontières sont aujourd’hui le fruit de coopérations (Jalon 1), de remises en questions (Jalon 2) et d’applications quotidiennes (Jalon 3) qui peuvent en bouleverser les conditions de tracé et d’usage politico-juridique. Rendues peu visibles intérieurement, les frontières de l’UE sont parfois vues comme des barrières difficiles à franchir extérieurement, ce qui exacerbe les tensions entre les populations de l’intérieur et les migrants, mais aussi interroge le degré d’intégration à la dynamique européenne de nombre d’États et de populations des États membres de l’UE.

Bibliographie et sitographie – KAHN Sylvain et LÉVY Jacques, Le Pays des Européens, Odile Jacob, 2019. Livre engagé, clair et qui remet en perspective, entre autres thèmes, la question des mobilités et de la gestion des frontières. – VERLUISE Pierre, Géopolitique des frontières européennes, Argos, 2014. Livre structuré, efficace, qui explique les contradictions intérieures des frontières du continent européen et de l’Union européenne. Livre écrit avant la crise des migrants. – Le site Géoconfluences propose un dossier sur les frontières européennes et leur perception : « Frontières et territoires frontaliers ». http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/territoires-europeens-regions-etats-union/corpus-documentaire/frontieres-et-territoires-frontaliers-en-europe-une-visite-guidee



JALON1

Schengen et le contrôle aux frontières : venir en Europe, passer la frontière

pp. 172-175

Logiques scientifiques et pédagogiques

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Ce Jalon a pour objectif de montrer le caractère particulier des frontières européennes. Dans l’espace Schengen, les frontières politiques n’ont pas disparu, mais sont rendues invisibles depuis l’application de la Convention de 1990. La disparition de ces frontières donne le sentiment d’une fragilité des frontières extérieures, ce qui pose la question des modalités de coopération et de solidarité entre les États membres.

Éléments de réponse aux questions 1. Les États participant à Schengen, au nombre de 26, sont aussi bien des États européens membres de l’UE que des non-membres (Suisse, Norvège). On constate aussi que tous les États de l’UE n’en font pas partie puisque ni le Royaume-Uni ni l’Irlande n’ont signé la convention, tandis que les trois derniers États ayant adhéré, Roumanie, Bulgarie et Croatie, n’appliquent pas encore les accords mais ont vocation à le faire. On observe aussi que ce ne sont pas tous les territoires des États membres qui participent au dispositif, puisque ni les DROM français ni les îles Féroé (Danemark) ne sont concernés. Enfin, les microÉtats (Monaco, Andorre) ayant des frontières ouvertes, n’effectuent pas de contrôle à l’entrée de leur territoire, ce qui les place de fait dans la zone de libre circulation des personnes.

16 – THÈME 3

p. 173 Les ressortissants des États de l’espace Schengen entrent, et circulent, sans visa, une simple carte d’identité leur suffit. De même, ceux des États européens voisins (RoyaumeUni, Ukraine), ainsi que ceux de la majorité des États du continent américain, du Japon, de la Corée du Sud, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande sont dispensés de visa. Il s’agit des États partenaires de l’Union européenne, alliés dans le cadre de l’OTAN ou de l’ancien bloc de l’Ouest, qui ne présentent pas de risques dans le domaine migratoire. Ce sont des pays riches et développés, émetteurs de flux touristiques en direction de l’Europe et partenaires économiques majeurs. 2. Les frontières de l’UE sont rendues difficiles à franchir pour deux raisons principales. Tout d’abord l’imposition d’un régime de visa à la quasi-totalité des ressortissants

Étudier les divisions politiques du monde : les frontières – 16

africains et asiatiques constitue un filtre pour les déplacements légaux. « Chaque État est libre de fixer les conditions d’accès à son territoire ». Or ces pays étant plus pauvres et présentant un risque migratoire, les États de l’UE souhaitent en amont limiter leur venue et même le transit, en imposant à une dizaine d’entre eux une obligation de visa de transit (pays en guerre comme l’Afghanistan ou présentant des risques en matière de sécurité en raison de la présence de groupes islamistes). D’autre part, la photo montre que certains segments de la frontière extérieure, en l’occurrence ici à Ceuta, enclave espagnole sur le sol africain, ont été renforcés d’un dispositif de surveillance et de protection destiné à dissuader les tentatives d’intrusion. Une double rangée de barrières de plusieurs mères de hauts, surmontée de barbelés, dispose

de caméras de surveillance et d’une route destinée aux patrouilles. On peut faire un rapprochement avec la frontière États-Unis-Mexique. La frontière méridionale de l’UE est aussi une frontière de développement entre le Nord économique et les pays dits « du Sud », en développement, qui connaissent pour certains des situations de crise grave, de guerre, ou concentrent encore une importante pauvreté. En disposant d’un fichier centralisé et en permettant l’échange de données, Schengen permet d’identifier les demandes de visas multiples. Enfin, cette frontière étant essentiellement maritime, elle pousse les candidats à l’immigration à user de moyens illégaux, des réseaux de passeurs, pour traverser la Méditerranée, à leurs risques et périls.

Bac ANALYSER Schengen fait l’objet de critiques, étant accusé soit de renforcer de l’extérieur l’idée d’une « Europe forteresse », soit

de l’intérieur d’illustrer « l’Europe passoire » laissant entrer des migrants.

1. Une Convention d’ouverture Les accords de Schengen instaurant la libre circulation des personnes en Europe s’inscrivent dans la concrétisation des objectifs du traité de Rome. Ils ont permis la multiplication des déplacements entre États membres, facilitant les séjours touristiques, mais aussi la mobilité pour l’emploi, les études, ainsi que les flux transfrontaliers. Le dispositif s’est révélé positif puisque la très grande majorité des États de l’UE ont fait le choix d’appliquer la Convention, et que d’autres hors de l’UE l’appliquent

également. L’abolition des contrôles systématiques aux frontières a permis de faire disparaître les files d’attente, notamment pour les chauffeurs routiers (doc. 2) alors que les flux de marchandises n’ont cessé de croître. Or l’ouverture des frontières internes ne supprime pas les contrôles, mais les rend possibles sur l’ensemble du territoire des États membres. De plus, elle est corrélée à un renforcement des frontières externes

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2. Une Convention de fermeture On constate en effet un double renforcement des frontières externes. D’une part du fait de l’imposition de visas aux ressortissants de nombreux États d’Afrique et d’Asie, mais également par la mise en place de barrières et clôtures sur les segments de la frontière externe soumis à une forte pression migratoire. Les restrictions des conditions d’accès par la voie légale poussent les candidats à l’immigration à entreprendre des traversées risquées en bateau à travers la Méditerranée. Si les États membres de l’UE veulent bien accueillir les flux touristiques, ils sont en revanche moins enclins à voir arriver des populations pauvres ou présentant un risque sécuritaire. Toutes les demandes de visa ne sont pas acceptées. Cela fait apparaître l’Europe comme une forteresse et sa responsabilité dans les drames en mer est pointée du doigt par des ONG.

Éléments de réponse aux questions 1. Venir en Europe est un mouvement qui vient soit de la quête d’un asile nécessaire à la survie, soit d’une volonté économique qui peut correspondre à la demande de main-d’œuvre. Dans tous les cas, les effets en matière économique sont forts : maintien du fonctionnement économique des pays récepteurs, sentiment de déclassement d’une population migrante souvent bien formée,

17 – THÈME 3

Schengen constitue donc un mode de gestion des frontières d’un genre nouveau, qui sélectionne les flux. Cela lui vaut de nombreuses critiques, en dépit des nombreux avantages que présente l’ouverture des frontières internes. Toutefois, les dysfonctionnements constatés obligent à repenser le dispositif afin de répondre aux enjeux humains et sécuritaires mais aussi aux attentes légitimes des citoyens européens.

p. 175 questions identitaires dans les pays d’accueil comme pour les populations migrantes. 2. Les États gèrent les flux migratoires d’abord en émettant des lois de gestion qualitative (qui peut immigrer ? critères ?) et quantitative (combien ?), ensuite en coopérant avec les autres États européens pour la gestion des populations migrantes illégales (asile ? retour ?).

Étudier les divisions politiques du monde : les frontières – 17

3. La crise des réfugiés dans l’espace méditerranéen est due en partie aux guerres en Syrie et en Libye, notamment entre 2014 et 2017. Les États ne parviennent pas à gérer leurs tensions d’abord parce qu’ils ne sont pas d’accord sur le nombre de migrants, ensuite sur le type de

migrants (asile ? économique ?), enfin sur le degré d’intégration à offrir. L’ensemble dépend aussi de la pression politique exercée par la population et par les partis populistes hostiles aux migrants (Italie, Europe de l’Est).

Bac ANALYSER Le paragraphe peut suivre le plan suivant : 1. Une gestion prévue par les traités (Frontex) mais qui laisse l’essentiel de la gestion des frontières aux États qui possèdent des frontières extérieures. 2. La gestion est donc d’abord collective (financement, critères de circulation). 3. Mais en cas de crise, les États limitrophes (Italie, Grèce, Espagne) reçoivent peu de solidarité des pays de l’intérieur de l’UE.



JALON 2

Les frontières d’un État adhérent

pp. 176-179

Logiques scientifiques et pédagogiques

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Ce dossier présente les subtilités et différents degrés de lecture à connaître pour comprendre où commence et où finit l’Union européenne et les tensions sous-jacentes à ces incertitudes, qui plus est dans le contexte du Brexit. Il se veut également questionner la notion de frontières à partir de la différence constituée entre le territoire de l’État-nation et sa sphère d’influence qui dépasse ses frontières. Le dossier montre également qu’il n’existe pas de frontière naturelle : la frontière, même au niveau d’un espace insulaire, reste toujours une construction humaine. Doc. 1

Ce diagramme d’Euler approche la question des frontières de l’Europe par les appartenances institutionnelles des États européens aux échelles supra-continentale, continentale et régionale. Il détaille les grands ensembles institutionnels du continent européen, allant du plus inclusif (le Conseil de l’Europe) aux plus exclusifs (AELE, GUAM…). Dans la perspective du Brexit, et en l’absence d’accords pour rejoindre l’Espace économique européen ou l’Association européenne de libre-échange, on notera que l’inclusion institutionnelle du Royaume-Uni se situe pour l’instant au même niveau que celle de la Turquie.

Doc. 2

Cet extrait évoque un aspect particulièrement important et disputé au sein de l’UE : les souverainetés fiscales et les politiques de dumping au sein même de l’Union. Il illustre la difficulté pour les États membres d’accroître la coopération et l’harmonisation des politiques à l’échelle de l’Union sur l’un des piliers de la fondation de l’État : la définition, la levée et la gestion souveraine de l’impôt. Toutefois, une nouvelle approche de « territoire de projet » semble émerger, et avec elle, une nouvelle conception plus flexible de la frontière.

Doc. 3

Ces deux scénarios montrent la difficulté que pose le Brexit en matière de définition des futures frontières de l’UE et les conséquences géopolitiques induites pour l’Irlande. Il est aujourd’hui impossible de dire si l’Irlande du Nord et l’Irlande seront des victimes ou des bénéficiaires de la sortie du Royaume-Uni de l’UE.

Doc. 4

Cet extrait distingue des approches culturelles et sociologiques de la notion de frontière coexistant au sein de pays de l’UE. Il détaille comment la frontière n’existe qu’au regard d’autres données sociologiques telles que le territoire, l’État et la nation, lesquelles évoluent nécessairement dans le temps. En cela, une frontière ne peut être considérée comme figée dans l’espace ou dans le temps.

Éléments de réponse aux questions 1. Dans ce diagramme d’Euler, l’on peut relever 11 espaces de coopération au sein du continent européen. Toutefois, il existe de nombreux autres espaces de coopération par

18 – THÈME 3

p. 177 ailleurs sur des aspects énergétiques, fiscaux ou encore culturels.

Étudier les divisions politiques du monde : les frontières – 18

2. Les frontières peuvent être énergétiques, fiscales ou autres. Elles sont mouvantes et évoluent régulièrement. Les frontières peuvent donc se matérialiser mais aussi évoluer sans matérialisation comme avec les eurorégions à cheval sur plusieurs pays.

3. Cette frontière est complexe car l’Irlande du Nord est une insularité institutionnelle, culturelle et religieuse au sein de l’insularité qu’est l’Irlande. Le Brexit réveille des conflits anciens et créé des incertitudes majeures en matière douanière, de circulation des hommes et des capitaux, sans apporter de solution.

Bac ANALYSER Le paragraphe peut suivre le plan suivant : 1. Les frontières n’ont pas disparu, elles sont rendues invisibles à l’intérieur du seul espace Schengen 2. Les frontières extérieures sont visibles, et contrôlées par les États qui sont situés à ces frontières.

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3. Les frontières ultramarines sont des frontières extérieures, et sont le prolongement soit de l’espace Schengen soit des frontières politiques d’États hors Schengen.

Doc. 5

Cette carte présente le réseau diplomatique du Service européen d’action extérieure. Au-delà de ses territoires d’outre-mer (RUP) ou des territoires d’outre-mer associés à l’UE (PTOM), la diplomatie et l’influence européenne s’exerce directement à l’échelle mondiale. Ainsi, si à travers ses outre-mer l’UE est un « archipel-monde », son réseau diplomatique lui permet de mettre en valeur cette distribution territoriale en jouant des rôles de connexion, de valorisation et de promotion des intérêts des territoires de l’UE, qu’ils soient localisés sur le continent européen ou sur un autre continent dans le monde.

Doc. 6

Cette capture d’écran montre l’étendue du réseau audiovisuel ultramarin français de par le monde : Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte, Nouvelle-Calédonie, Polynésie, Réunion, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna. Ce réseau d’outre-mer, unique au monde, permet d’une part de préserver un lien fort entre l’Europe et ces territoires lointains, mais également de servir de relais de promotion et de soft power dans les bassins régionaux ultramarins, en complément des différents services audiovisuels extérieurs européens (RFI/France 24, Deutsche Welle…).

Doc. 7

Cette carte détaille l’ensemble des territoires d’outre-mer européens dans le monde, en mettant en exergue les territoires britanniques qui devraient quitter l’UE dans le cadre du Brexit. L’espace maritime de l’UE représente aujourd’hui 22 millions de kilomètres carrés, dont 11,6 pour la seule France. Lorsque le Royaume-Uni aura quitté l’UE, son espace maritime retombera à environ 15 millions de kilomètres carrés.

Doc. 8

Cet extrait et la carte racontent la chronologie du projet de pont sur le fleuve Oyapock, à la frontière franco-brésilienne, en Guyane. Il montre la difficulté de soutenir la coopération régionale et des développements économiques transfrontaliers aux frontières ultramarines de l’UE.

Éléments de réponse aux questions 1. Le SEAE peut à la fois servir de relais pour les territoires ultramarins à l’international, dans leurs bassins régionaux, mais aussi contribuer à attirer de nouveaux investisseurs et acteurs économiques, sociaux ou culturels dans les territoires d’outre-mer. Les effets du Brexit seront principalement de deux ordres : d’une part, une perte nette d’influence suite au départ des territoires britanniques et de leurs espaces maritimes ; et d’autre part, de manière mécanique, une plus forte représentativité des outre-mer français au sein des territoires ultramarins de l’UE.

19 – THÈME 3

p. 179 2. Pour conserver des liens entre les territoires, permettre une visibilité et maintenir une capacité régionale de soft power. 3. L’intérêt du pont sur l’Oyapock consiste à développer les liens entre un territoire ultramarin de l’UE et un territoire frontalier sur le continent sud-américain. Pour l’UE il s’agit avant tout d’un instrument d’influence et d’engagement de dialogue vis-à-vis d’un grand pays d’envergure mondiale, le Brésil, qui se trouve avoir une frontière terrestre commune avec l’UE.

Étudier les divisions politiques du monde : les frontières – 19

Bac COMPOSITION I. Les outremers sont diversement intégrés aux frontières de l’UE – Des outre-mer dans l’UE : les plus peuplés – Des outre-mer hors UE : les plus stratégiques et éloignés – Le cas du Groënland II. Les États ont un intérêt économique à l’intégration dans l’UE – La Guyane, dans l’UE et dans Schengen – Les médias, vecteurs d’intégration



JALON 3

Les espaces transfrontaliers intra-européens : passer et dépasser la frontière au quotidien

pp. 180-183

Logiques scientifiques et pédagogiques

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Dans la partie A, il s’agit de faire comprendre qu’en fonction du contexte, la proximité d’une frontière peut être une menace ou une opportunité. La proximité de l’Allemagne a été une menace durant deux guerres mondiales, comme en témoignent encore les restes des réseaux de tranchées, les cimetières militaires et les reconstructions rendues nécessaires. En période de paix et d’abaissement des barrières douanières dans le contexte d’un marché commun, la proximité d’une frontière permet de bénéficier de différentiels. Dans la partie B, afin de mieux comprendre les espaces transfrontaliers intra-européens, ces documents présentent la plus grande métropole transfrontalière de l’UE : Lille-Kortrijk-Tournai. Celle-ci rassemble 2,1 millions d’habitants, plus de 900 000 emplois et compte 160 000 déplacements transfrontaliers par jour. Nous entrons ici dans le quotidien d’une région en paix qui se réinvente par la coopération, une stratégie et de nouvelles activités. Doc. 1

Ce graphique montre que le nombre de résidents de l’UE se déplaçant à l’étranger au moins une fois par semaine pour travailler est en augmentation régulière. Cela témoigne à la fois de la mondialisation des échanges comme des transports, des effets de la convention Schengen et des élargissements de l’Union européenne. À noter, lors de l’élargissement de 2004 seuls deux pays – le Royaume-Uni et l’Irlande – n’ont pas fait jouer les clauses de sauvegarde permettant de retenir jusqu’à 7 ans les flux de travailleurs des nouveaux États membres. Ce qui a eu pour effet de concentrer sur ces deux pays les flux venus notamment de Pologne et des pays Baltes. Les effets de la crise économique engagée en 2008 ont produit durant la décennie suivante chez une part des habitants du Royaume-Uni un rejet de cette immigration d’Europe centrale qui a joué un rôle dans le vote de juin 2016 en faveur du Brexit.

Doc. 2

Il s’agit d’un document stratégique du Groupement européen de coopération territoriale (GECT) Alzette-Belval, mais rien n’interdit de penser qu’une préoccupation politique l’anime aussi. L’insistance sur le déplacement individuel à vélo en témoigne. Plus développé au Luxembourg qu’en France, il est perçu comme une orientation de développement durable souhaitable par une part des électeurs. Ce qui fabrique du lien et de l’adhésion.

Doc. 3

Il s’agit d’une carte par gradients. Deux paramètres jouent : la distance à la frontière et la localisation. Plus les travailleurs français habitent près de la frontière, plus leur propension à se transformer en navetteur transfrontalier augmente. La localisation joue aussi un rôle décisif : le Luxembourg et la Suisse s’avèrent plus attractifs. Une visite sur le site d’Eurostat, espaces Tableaux populaires, rubrique PIB par habitant en SPA peut donner une part de l’explication, puisque dans les deux cas le niveau du voisin est beaucoup plus élevé que celui de la France. En 2017, la France se place à 104 par rapport à l’UE 28 base 100 ; le Luxembourg à 253 ; et la Suisse 156.

Doc. 4

Ce document permet d’attirer l’attention sur un pays frontalier parfois méconnu, le Luxembourg. Territoire d’optimisation fiscale pour de nombreuses firmes multinationales, le Luxembourg n’a jamais été pointé par l’UE comme un paradis fiscal, mais un expert comme Vincent Piolet considère que cela est pour le moins « surprenant » (V. Piolet, « Qu’apporte la géopolitique à la

20 – THÈME 3

Étudier les divisions politiques du monde : les frontières – 20

compréhension des paradis fiscaux ? », site Diploweb.com, 21 avril 2019). Ces activités financières permettent d’assurer des salaires attractifs. Par ailleurs, le Luxembourg offre aussi des emplois industriels, souvent moins rémunérateurs mais cependant appréciés. Les documents 3 et 4 peuvent permettre de faire réfléchir les élèves sur un fait méconnu mis en avant dans le point de Vocabulaire : en France, 1,5 % des actifs français travaillent à l’étranger, alors qu’il n’y a que 30 000 étrangers qui viennent quotidiennement travailler en France. Autrement dit, la France est plus répulsive qu’attractive pour les navetteurs.

Éléments de réponse aux questions 1. Les flux transfrontaliers intra-Union européenne s’intensifient de manière assez régulière dans le contexte de la mondialisation, de l’abaissement des barrières douanières dans le cadre de la construction européenne, de l’application de la convention Schengen pour les pays qui en sont membres, et des 5e, 6e, et 7e élargissements de l’UE (2004, 2007, 2013). La diversité des langues reste cependant un obstacle relatif aux migrations intra-européennes, constatent régulièrement les institutions européennes. À noter, une part des auteurs des attentats terroristes commis en Europe depuis 2015 ont tiré bénéfice de l’abaissement des contrôles aux frontières, notamment entre la Belgique et la France. 2. Le site Géoconfluences précise que l’« interopérabilité est la capacité que possède un produit ou un système à fonctionner avec d’autres produits ou systèmes existants ou futurs sans restriction d’accès ou de mise en œuvre ». Dans le cas des transports ferroviaires, par exemple, il s’agit d’harmoniser les normes, voltages et signalisation pour que les trains puissent circuler. Dans le doc. 2, le pro-

p. 181 pos concerne le transport en commun routier transfrontalier. Autrement dit, il s’agit de permettre aux entreprises de transport en commun de part et d’autre de la frontière d’agir des deux côtés, sans rupture de charge. Ce qui est à l’avantage des navetteurs puisqu’ils ne se rendent même pas compte qu’ils passent une frontière. 3. L’augmentation des trafics transfrontaliers s’explique ici par la recherche d’un emploi et d’un salaire plus élevé que celui qui serait proposé en France. L’essor des infrastructures et moyens de transport joue aussi un rôle. 4. L’attractivité des frontières orientales de la France – et plus particulièrement du Luxembourg et de la Suisse – s’explique par l’offre d’emplois et de salaires souvent plus élevés qu’en France. Habiter en France et travailler dans un pays frontalier offrant des conditions professionnelles plus favorables permet d’obtenir en France un pouvoir d’achat plus élevé. Ce qui produit d’ailleurs des effets inflationnistes sur les prix, notamment de l’immobilier, au détriment des « non-navetteurs ».

Bac ANALYSER

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En 2013, la région Grand-Est compte 162 300 actifs navetteurs transfrontaliers dans l’un des quatre pays voisins. Les navetteurs du Grand-Est français sont particulièrement nombreux au Luxembourg et en Suisse (hors UE). Ils sont moins nombreux en Allemagne et en Belgique.

Cela résulte de traités et d’accords mais aussi de différentiels des niveaux de salaires. S’y ajoute l’essor des moyens de transports individuels ou en commun, parfois interopérables comme entre la France et le Luxembourg.

Doc. 5

Du général au particulier, ce document donne d’abord une définition d’un Groupement européen de coopération territoriale (GECT) puis présente le cas de l’Eurométropole franco-belge Lille-Kortrijk-Tournai. Il importe de souligner qu’il ne s’agit de transfert de compétences mais de faciliter la coopération territoriale afin de renforcer la cohésion économique et sociale d’un territoire transfrontalier. Une question n’est pas abordée : quels sont les effets de ces coopérations transfrontalières sur la cohésion de chaque nation de part et d’autre de la frontière ?

Doc. 6

Cette carte permet de localiser les agglomérations les plus importantes de l’Eurométropole franco-belge Lille-Kortrijk-Tournai. Sa source, l’ouvrage de Michel Foucher (dir.), « Lille, métropole en Europe et dans le monde » (CNRS éditions, 2018) a rénové le regard sur Lille. À plusieurs échelles, M. Foucher démontre comment Lille s’inscrit dans la mondialisation, notamment à travers ses entreprises de dimension mondiale comme Décathlon (matériels et vêtements de sport) et OVH (hébergement informatique).

Doc. 7

Loin de l’image d’un Nord sinistré, Digital Eurometropolis est à la fois un exemple de coopération transfrontalière et de réinvention autour de nouvelles technologies. Ce document est double puisqu’il présente à la fois un texte et une image. Le texte retient notamment l’attention parce qu’il met en évidence une stratégie à deux échelles : interne et internationale. L’image permet

21 – THÈME 3

Étudier les divisions politiques du monde : les frontières – 21

d’identifier quelques entreprises développées dans le cadre de Digital Eurometropolis, via son incubateur EuraTechnologies à Lille. Celui-ci dispose d’un site Internet qui actualise les entreprises accueillies. Les élèves peuvent faire une recherche pour savoir ce que ces entreprises deviennent. Doc. 8

Voilà un bel exemple de communication institutionnelle. Il s’agit à la fois de mettre en avant les axes forts d’une stratégie de coopération transfrontalière et de faire comprendre aux citoyens qu’ils sont gagnants. Une question est évacuée : qui sont les gagnants et les perdants de cette coopération ? En effet, toute coopération produit des effets inégaux selon les territoires et les acteurs considérés. Même s’ils coopèrent, territoires et acteurs sont aussi en concurrence, à plusieurs échelles. Cet exemple permet donc d’aborder la problématique coopération/concurrence entre acteurs, au cœur de la mondialisation.

Éléments de réponse aux questions 1. Un Groupement européen de coopération territoriale (GECT) cherche à faciliter et promouvoir la coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale. Créé en 2006 par le Parlement européen et le Conseil de l’Europe, il met en forme un groupement coopératif doté de la personnalité juridique. Il agit au nom de ses membres (États, collectivités régionales et locales et organismes de droit public), issus d’au moins deux États de l’Union européenne. Le GECT Lille-Kortrijk-Tournai, créé en 2008, intègre la Métropole européenne de Lille. Côté belge, s’y ajoutent des territoires wallons (Mouscron) ou flamands (Courtrai) en continuité avec l’agglomération lilloise et d’autres à peine plus éloignés (comme Tournai en Wallonie ou Ypres en Flandres). Sur une superficie de 3 550 km²,

p. 183 le GECT Lille-Kortrijk-Tournai compte 2,1 millions d’habitants. 2. Le caractère transfrontalier des projets de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai s’observe de plusieurs manières. La Stratégie Eurométropole 2020 vise publiquement à coproduire « un territoire continu et harmonieux », autrement dit à lisser l’effet rupture que la frontière met parfois en place. Cela passe aussi bien par des infrastructures de transports que par le marché de l’emploi. Dans ce contexte, le premier réseau eurométropolitain des écosystèmes numériques, Digital Eurometropolis coopère aussi bien à l’échelle interne de part et d’autre de la frontière qu’à l’échelle internationale.

Bac ANALYSER et un état d’esprit fondé sur la coopération, une approche transfrontalière peut favoriser l’intégration des territoires à l’échelle européenne. Voire optimiser leurs chances à l’échelle internationale, afin de « chasser en meute », à l’image des entreprises allemande de moyenne taille qui font de l’Allemagne un champion à l’exportation.

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Selon les contextes, la frontière peut être un facteur de risque ou une opportunité. Dans le contexte de la mondialisation et de la construction européenne, la coopération transfrontalière entre pays membres de l’Union peut être un moyen de soutenir les dynamiques de développement des territoires. En levant les obstacles aux échanges, en favorisant les coopérations, en créant des infrastructures

22 – THÈME 3

Étudier les divisions politiques du monde : les frontières – 22



pp. 186-193

BAC/VERS LE SUP’

pp. 186-187

Composition Les frontières, enjeu de conflits ou de coopérations en Europe depuis 1939 ? Pour compléter le plan proposé, on peut penser ainsi les paragraphes des parties :

I. Les frontières de l’Europe ont été construites par des conflits 1. Les guerres mondiales (cas germano-polonais, frontière franco-allemande) 2. Les guerres de démantèlement (ex-Yougoslavie)

II. Mais ces frontières sont réduites par des coopérations 1. Traités internationaux 2. CEE, espace Schengen et Union européenne

III. Ce qui n’empêche pas le maintien de fortes tensions surtout aux marges de l’Europe 1. La crise des frontières extérieures (Méditerranée) 2. Les effets du Brexit

pp. 188-189

Étude de document Du bloc de l’Est à l’Union européenne Pour compléter le plan proposé, on peut penser ainsi les paragraphes des parties :

I. Le contexte de 1989-1991 transforme les alliances 1. Fin du bloc de l’Est, du Comecon, du pacte de Varsovie 2. Troubles en Yougoslavie et dans le Caucase

II. Les États indépendants et les nouveaux États cherchent à s’allier à l’URSS ou à s’en protéger 1. Fuite des anciens membres du bloc de l’Est vers la CEE/UE et l’OTAN 2. Début du conflit en ex-Yougoslavie

III. Les États membres de la CEE organisent les conditions de son extension à l’est du continent 1. De la CEE à l’UE : préparation de Maastricht 2. Assurances économiques et financières doublées par la protection OTAN

pp. 190-191

Étude de document Le retour des frontières, retour d’une protection ? Pour compléter le plan proposé, on peut penser ainsi les paragraphes des parties : © Hatier Paris, 2019 – Histoire-Géographie, Géopolitique, Sciences politiques 1 re

I. Les frontières de l’Europe ont été construites par des conflits 1. De la conférence de Vienne (1815) au traité de Versailles (1918) et aux accords de 1945 : les conflits remodèlent les frontières 2. Le cas germano-polonais

II. Mais ces frontières voient leurs fonctions transformées 1. Fonction politique et militaire de moins en moins forte, dans l’UE, après 1992 2. Fonction économique, commerciale et culturelle deviennent majeures

III. Notamment parce que les États créent des frontières autres que simplement douanières 1. Espace Schengen : coopération qui invisibilise les frontières intérieures d’une partie des États membres de l’UE 2. Coopérations régionales (métropoles) et humaines (Erasmus) : les frontières ne sont plus des éléments bloquants, à l’intérieur de l’UE.

23 – THÈME 3

Étudier les divisions politiques du monde : les frontières – 23

pp. 192-193

Étude de document Le retour de la frontière nord-irlandaise, retour de la guerre ? Pour compléter le plan proposé, on peut penser ainsi les paragraphes des parties :

I. L’Irlande du Nord est un espace britannique fragile 1. Peu peuplé 2. Équilibre né des accords du Vendredi Saint (1998)

II. Le Brexit interroge la gestion de la frontière nord-irlandaise 1. Retour des frontières politiques : vers le retour des conflits ? 2. Fermeture économique : vers un appauvrissement des populations transfrontalières ?

III. Mais l’unification de l’Irlande n’est voulue par presque personne

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1. Les Britanniques n’en veulent pas (risques économiques et géopolitiques), les Nord-Irlandais ont voté contre le Brexit. 2. Les Irlandais ne veulent pas créer les conditions de troubles nouveaux, ou du retour d’un conflit en Irlande du Nord, qui viendrait menacer leur prospérité économique et leur équilibre politique.

24 – THÈME 3

Étudier les divisions politiques du monde : les frontières – 24

Thème 4 S’informer, un regard critique sur

les sources et modes de communication La logique du thème

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Ce thème propose d’aborder une série de jalons autour de la question « s’informer ». Dans l’Axe 1, le programme suggère de décrire les grandes évolutions techniques qui ont transformé en profondeur la manière de s’informer. L’Axe 2 conduit l’enseignant à étudier davantage les enjeux autour de la question de la liberté d’information : son contrôle à toutes les époques et comment cette liberté a réussi à s’imposer de manière inégale et incomplète dans de nombreux États. Lors de l’étude conclusive, le programme interroge l’impact de la révolution numérique sur les manières de s’informer et les dérives qui en découlent. Ces sujets sont brûlants et sans cesse alimentés par l’actualité : infox, lanceurs d’alerte ou encore théories du complot.

1 – THÈME 4

S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication – 1

AXE

1

LES GRANDES RÉVOLUTIONS TECHNIQUES DE L’INFORMATION Bibliographie – DELPORTE Christian, BLANDIN Claire, ROBINET François, Histoire de la presse en France xxe-xxie siècles, Armand Colin, 2016. Un manuel universitaire qui fait une synthèse essentiellement centrée sur le xxe siècle mais avec des exemples précis, des chiffres. – EVENO Patrick, Histoire de la presse française de Théophraste Renaudot à la révolution numérique, Flammarion, 2012. Ce manuel aborde sur le long terme la question de la presse en France. On sera intéressé par les analyses autour de l’émergence du numérique et ses conséquences sur l’industrie de la presse. – MEZZASALMA Philippe (dir.), À la Une, de la gazette à Internet, BNF, 2012. Cet ouvrage est une belle synthèse et offre une iconographie originale. – WOLGENSINGER Jacques, La Grande Aventure de la presse, Découvertes Gallimard, 1996. Une petite synthèse très pratique. La collection Découverte Gallimard offre une belle série d’iconographies et des témoignages et documents très utiles pour concevoir des évaluations.

Sitographie – La presse à la Une : http://expositions.bnf.fr/presse/arret/01.htm Une exposition virtuelle sur l’histoire de la presse conçue par la BNF, un dossier pédagogique très utile. – Retronews : https://www.retronews.fr/# Le site de presse de la BNF, des dossiers thématiques, 400 titres de presse, des Unes de la presse de la Gazette de Théophraste Renaudot à aujourd’hui.



JALON 1

L’information imprimée, de la diffusion de l’imprimerie à la presse à grand tirage

pp. 204-207

Logiques scientifiques et pédagogiques

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Ce dossier propose huit documents qui retracent les grandes étapes de l’imprimé, support de l’information du xvie siècle à l’apogée de la presse papier (1914). Durant cette longue période, la presse a amélioré ses méthodes de production lui permettant de baisser ses coûts de fabrication. Le lectorat s’est alors fortement élargi grâce à l’émergence de la presse à bon marché mais aussi par la généralisation de l’instruction. Doc. 1

Ce document imprimé appartient au genre de l’almanach qui a connu une très large diffusion dès les débuts de l’imprimerie. Lu surtout dans les campagnes, il abordait dans sa partie calendaire, des commentaires, des proverbes, etc. Dans sa partie dite « éphémérides » l’ouvrage prodiguait une série de conseils sur les pratiques agricoles. Quant à la dernière partie, elle était généralement composée de légendes et récits religieux édifiants.

Doc. 2

La presse périodique apparaît au tout début du xviie siècle dans la vallée du Rhin et à Londres (1622). La Gazette de Renaudot, créée en 1631, va rapidement connaître un grand succès (tirage de 1 200 exemplaires, parution hebdomadaire, sur 4 pages) en posant très tôt les fondements du journalisme : vérifier l’information, lutter contre les rumeurs.

Doc. 3

Il est à noter ici, que la liberté de la presse est obtenue de fait avant même la Révolution mais que c’est la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui en jette les fondements légaux. Cette liberté rime également avec l’accroissement du nombre de titres : limités à 60 en 1788, ils sont plus de 500 en 1792.

Doc. 4

Les cabinets de lecture ou salon littéraire connaissent leur apogée entre 1820 et 1860. À Paris, on en compte 209 en 1850. Ils permettent aux abonnés de lire une presse encore un peu trop chère pour certains petits-bourgeois. Ce genre d’institution a cependant joué un rôle central dans l’élargissement du lectorat d’une presse quotidienne avant qu’Émile de Girardin « invente » la presse bon marché.

2 – THÈME 4

S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication – 2

Doc. 5

C’est en étudiant les signatures des actes de mariage mais aussi des conscrits qu’il est possible d’évaluer de manière chiffrée le recul de l’analphabétisme. La généralisation de l’instruction publique débute bien avant les lois Ferry de 1882. C’est grâce à cela que le lectorat de la presse va progresser durant tout le xxe siècle.

p. 205

Éléments de réponse aux questions 1. Les premiers imprimés diffusent par le biais d’almanach une grande variété d’informations autour de l’agriculture, l’astrologie, la médecine mais également des récits merveilleux. Dans un premier temps, sous l’influence du Moyen Âge, les almanachs véhiculent aussi des croyances sans véritable fondement scientifique. La Gazette de France, premier journal « moderne », doit se mettre sous la protection du roi. Ce dernier autorise la diffusion mais il l’oblige à adopter une ligne éditoriale favorable à la couronne.

2. À la Révolution, la presse va gagner pour un temps sa liberté : l’autorisation préalable d’imprimer n’est plus appliquée, puis avec la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, c’est la censure qui disparaît. 3. La presse devenant plus accessible, le lectorat est grandissant : dans un premier temps, la petite bourgeoisie et progressivement les classes populaires. Cette presse participe à la mise en place d’une opinion publique et à la formation politique d’une partie grandissante de la population, sorte d’école de la démocratie.

Bac ANALYSER

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Ce sujet invite à s’interroger sur le rapport de l’État avec la presse. siècle à 1788  : la presse est limitée – Du xviie  dans sa diffusion car l’État restreint à soixante le nombre de gazettes sur l’ensemble du territoire. – 1789-1792 : le début de la Révolution permet une première expérience de l’exercice de la liberté de la presse. Après 1792, la presse est reprise en main par le pouvoir.

– 1792-1914 : La liberté de la presse va devenir un enjeu politique fort durant tout le xixe siècle. Les progrès de l’instruction et des idées libérales permettront à la presse de s’émanciper progressivement et difficilement de l’État notamment avec la loi sur la liberté de la presse en 1881. Cette loi permet à la presse française de connaître son âge d’or.

Doc. 6

Le journaliste et homme politique Émile de Girardin invente un nouveau modèle économique pour la presse, fondé sur une baisse du prix du journal compensé par l’augmentation de son tirage mais aussi une augmentation des recettes publicitaires.

Doc. 7

Le Petit Écho de la mode est un journal plutôt conservateur qui accompagne les transformations du statut de la femme de la fin du XIXe au xxe siècle. Il est l’un des précurseurs de la presse féminine grand public.

Doc. 8

Dans la lutte féroce entre les grands titres de la presse américaine, Pulitzer a joué la carte de la BD. Dans un supplément destiné à la jeunesse, il propose au dessinateur Richard F. Outcault de développer les aventures d’un jeune garçon de la rue, Yellow Kid. Le succès est au rendez-vous. C’est ainsi que la BD s’est développée dans la presse américaine.

Doc. 9

Les grands pays industriels ont développé une presse de masse. Le nombre de journaux par habitant est considérable aux États-Unis et en France, là où la presse bon marché s’est fortement développée.

p. 207

Éléments de réponse aux questions 1. Émile de Girardin, homme de presse et homme politique est le premier en France à faire le pari de la presse à bon marché. En transformant le modèle économique, il modifie pour longtemps le contenu et la présentation de la presse quotidienne : « bon marché, informative, distractive ». 2. La diversification de la presse s’opère d’abord par une spécialisation en fonction du lectorat : les femmes, les enfants dans un premier temps. Puis la presse explore de nouvelles « niches », les sports (L’Auto), l’image (L’Illustration), les mondanités, le cinéma etc.

3 – THÈME 4

3. Les stratégies qui expliquent la grande diffusion de la presse dans les grands États sont le choix d’une presse à faible prix (modèle de la presse à 1 sou), la diversification de la presse (pour enfant, pour femme) et l’existence d’entrepreneurs de presse audacieux comme Millaud (Le Petit Journal) et Girardin en France, comme Hearst (The San Francisco Examiner), Pulitzer (New York World) aux ÉtatsUnis ou encore Harmsworth au Royaume-Uni (The Daily Mirror).

S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication – 3

Bac COMPOSITION Le sujet invite à nous interroger sur deux aspects très différents de l’internationalisation de la presse : l’extension géographique de l’information collectée (rôle des agences de presse) et sa diffusion tant géographique que quantitative (l’augmentation du tirage et du lectorat). Dans cette introduction, il faudrait pouvoir rappeler la situation de la presse au xviie siècle : par exemple, avec la Gazette de France au lectorat très limité et à la diffusion très réduite. Comment les progrès techniques et le déve-



JALON 2

loppement capitaliste ont permis une internationalisation de la presse. Le plan peut s’appuyer sur une chronologie distinguant les xviie et xviiie siècles où l’information demeure artisanale et peu ouverte sur le monde, et le xixe siècle où, grâce aux progrès techniques et à l’industrialisation de la presse, se mettent en place de nouvelles formes d’internationalisation de l’information (télégraphes, agence de presse, distribution plus rapide des journaux avec le train puis l’avion).

L’information par le son et l’image : radio et télévision au xxe siècle

pp. 208-209

Logiques scientifiques et pédagogiques

© Hatier Paris, 2019 – Histoire-Géographie, Géopolitique, Sciences politiques 1 re

La première double page présente l’émergence de la radio des années 1930 jusqu’à nos jours en tant que premier média de masse, voire média universel. Capable de dépasser les frontières et les continents, la radio a été un vecteur politique privilégié dès les années 1930, d’abord prépondérant par rapport à la télévision, puis coexistant avec elle. À la fois outil d’expression, de contrôle et de soft power, la radio reste encore aujourd’hui un média populaire, auquel une majorité de Français fait confiance. Elle est aussi un instrument de puissance des États, en France mais aussi dans le monde comme, par exemple, en Afrique francophone. La seconde double page présente l’émergence de la télévision dans la 2e moitié du xxe siècle en tant qu’instrument du pouvoir par son rôle de prescripteur d’opinion et d’idées politiques. Utilisée comme un véhicule de propagande mais aussi comme un nouvel espace de liberté de communication de la pensée, la télévision oppose également trois conceptions de l’information et du débat public : en France et en Europe, une approche de service public ; aux États-Unis, une approche strictement commerciale ; et enfin, dans le bloc soviétique, un simple porte-voix des régimes en place où le débat n’a pas sa place. Aussi, ce dossier questionne le rapport du spectateur à l’image dans la définition de ses idées politiques. Doc. 1

Ce tableau compare le taux d’équipe des ménages français en biens de consommation durables dans les années 1950 et 1960. En introduction, on note le fort taux de pénétration initial du poste de radio, ce qui permet de faire un rapprochement avec le document 3, afin d’évoquer et de contextualiser l’importance de la « guerre des ondes ». On remarque ensuite la très faible pénétration initiale de la télévision, puis sa très forte progression. Par comparaison avec les autres biens de consommation présentés, on rapprochera cette pénétration rapide de la télévision de dynamiques socio-économiques de fond, telles que l’émergence d’une classe moyenne ou la croissance des Trente Glorieuses.

Doc. 2

Cet extrait d’article présente le contexte de contrôle politique exercé sur le paysage radiophonique français et évoque le tournant démocratique que représente l’émergence des radios pirates, puis des radios libres.

Doc. 3

Cette célèbre photographie vise à approfondir le thème de la « guerre des ondes » durant la Seconde Guerre mondiale. Elle permet d’expliquer que la radio est un instrument politique et militaire privilégié car elle permet d’envoyer des messages dépassant instantanément les frontières et les mers, avec peu de possibilités d’être interceptées. Aujourd’hui encore, des pays tels que la Corée du Nord ou Cuba utilisent encore les ondes radios, notamment des radios codées à ondes courtes, pour envoyer des messages à des espions dans des pays cibles.

Doc. 4

Cette infographie permet de montrer que, jusqu’à aujourd’hui, la radio reste un média vu comme une source d’information plus crédible que les autres. Il est en progression, là où la confiance dans les sources d’information en ligne tend à s’éroder.

4 – THÈME 4

S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication – 4

Doc. 5

Malgré l’indépendance des pays d’Afrique francophone et l’émergence de médias locaux, Radio France Internationale, héritière du Poste Colonial créé dès 1931, reste un média très écouté. RFI fait partie des radios les plus écoutées dans 14 capitales ou grandes villes africaines, allant jusqu’à des taux de pénétration de 70 % à Brazzaville, Libreville ou encore Kinshasa. Au-delà de constituer un vecteur de la présence française en Afrique, RFI agit aussi comme un « média refuge » en période de conflit. Les populations écoutant RFI pour avoir de l’information vérifiée et neutre, par opposition aux tentatives de propagande et de contrôle politique locaux. Attention toutefois à la caricature : RFI n’est plus aujourd’hui la « voix de la France », mais un vecteur d’échange entre acteurs francophones.

p. 209

Éléments de réponse aux questions 1. La radio est un média démocratique, décentralisé, peu coûteux et pouvant être aisément adaptable à divers types de contenus (politique, musical, culturel, découverte, entre autres). 2. La radio joue des rôles politiques multiples : « média refuge », information, mobilisation, propagande… 3. La télévision s’est démocratisée 30 ans après la radio, mais est rapidement devenue son principal concurrent.

4. Ces pays font partie de la sphère d’influence française dans le Sahel et en Afrique subsaharienne. La France y maintient une présence particulière pour y servir ses intérêts propres mais aussi pour offrir un refuge informationnel et un vecteur de communication concourant à la sécurité de la zone.

Bac ANALYSER

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La radio naît et se développe au début du xxe siècle, intégrant massivement les foyers français dans les années 1930. En 1939, la France comprend 115 postes de radio pour mille habitants soit près de 5 millions de postes récepteurs. Très tôt, les autorités françaises saisissent la portée stratégique de ce média, notamment en tant que relais de l’État auprès du vaste empire colonial, avec la création du Poste Colonial (1931). La radio peut constituer un outil de propagande, d’information ou de désinformation. Ainsi, une véritable « guerre des ondes » est menée depuis l’Angleterre par la France Libre et les Alliés

pour conserver un canal d’information des Français en zone occupée par l’Allemagne nazie. Cette influence stratégique se poursuit après la guerre puis après la décolonisation avec Radio France Internationale (RFI), relais de l’influence française dans le monde et particulièrement en Afrique francophone. À mesure que les conflits de guerre froide et de décolonisation s’apaisent la radio reste un enjeu pour le soft power français. Elle est cependant concurrencée par d’autres médias, apparus notamment avec la révolution du numérique, et dont la langue de diffusion est majoritairement l’anglais.

Doc. 6

Cet extrait de discours du Secrétaire d’État chargé de l’information permet de bien comprendre les trois approches de la radiodiffusion : européenne, américaine et soviétique. Ce document témoigne, dans l’approche européenne, de l’importance de trouver un équilibre dans la relation entre l’État et les citoyens alors que cette technologie se développe progressivement. En évoquant la liberté de communication de la pensée comme corollaire de la liberté d’opinion, la IVe République introduit ici l’idée que la liberté d’opinion doit se doubler d’une liberté de véhiculer ces opinions, et que le gouvernement peut faire partie du débat sans mener de propagande. C’est le point de départ théorique de la démocratisation des médias qui amènera en France, une génération plus tard, aux radios libres et à la libéralisation de la télévision, cohabitant avec un service public de la radio (Radio France) et de la télévision (France TV).

Doc. 7

Cette capture d’écran du général de Gaulle en avril 1961 permet d’illustrer l’importance de l’image comme marqueur d’autorité, et donc, in fine, sa capacité à renforcer le poids des discours politiques. Le responsable politique moderne ne peut plus se contenter de maîtriser le verbe et l’éloquence, il se doit également de joindre le geste, la tenue et la mise en scène à la parole.

Doc. 8

Cette photographie du premier débat présidentiel télévisé permet de prolonger le document 7 en montrant la différence de perception populaire des candidats selon que le débat est suivi à la radio ou, pour la première fois, à la télévision. La jeunesse, la modernité et la maîtrise de la caméra de Kennedy lui assureront la victoire face à Nixon. C’est le premier effet notable de la télévision sur un choix démocratique dans l’Histoire.

5 – THÈME 4

S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication – 5

Doc. 9

Cette célèbre capture d’écran de CNN et l’extrait d’article joint permettent de mieux comprendre l’imbrication du format d’information en continu avec le reportage de guerre et la mondovision privée par satellite. Cette révolution technique a généré un nouveau rapport populaire à la guerre et à l’information politique, à l’échelle planétaire. Ainsi, le rôle politique de la télévision a été accentué pour générer de l’opinion à partir d’une histoire mise en scène en direct, d’une information permanente.

p. 211

Éléments de réponse aux questions 1. Le contrôle de l’État sur les moyens de radio et de télédiffusion est sans équivoque, mais ils sont utilisés comme des vecteurs de communication et de divertissement de service public, sans pour autant tomber dans la propagande. 2. Dès les années 1960, la télévision peut faire ou défaire une élection. Elle peut rapprocher le pouvoir du citoyen. Elle peut encore faciliter et démocratiser l’accès aux débats d’idées.

3. Les chaînes d’information en continu et le modèle de hard news venu des États-Unis renforcent encore plus le rôle politique de la télévision en créant un environnement de débat permanent et en découpant la vie politique en cycles d’information-débat (news cycle) parfois à l’échelle de la journée, voire de la demi-journée.

Bac ANALYSER I. Années 1950-années 1970 : la télévision, outil du pouvoir (monopole d’État, outil de communication majeur et théâtralisé sous de Gaulle) II. Années 1970-années 1980 : l’explosion télévisuelle (explosion du média à l’ère de la consommation de masse ; audience mondiale de certains événements ; transformation du rapport des politiques à ce média ; libéralisation et constitution de groupes de médias privés) III. Depuis les années 1990 : mondialisation et nouveaux défis (explosion des acteurs privés ; multiplication des nouveaux canaux : câble, satellite, TNT ; diversification des sources d’information)



JALON 3

L’information mondialisée et individualisée : naissance et extension du réseau Internet

pp. 212-215

Logiques scientifiques et pédagogiques

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Ce dossier se compose de huit documents, la première double page présente la naissance et la mise en place physique d’Internet. Sur ce réseau, une logique collaborative et la pratique de l’open source cohabitent avec une logique plus mercantile défendue par un groupe de grandes compagnies du Net, les GAFAM. Le réseau Internet a modifié en profondeur la manière de s’informer, remettant en cause le modèle économique de la presse écrite et inventant des pratiques d’information nouvelles par le biais d’objets connectés comme les smartphones ou les tablettes. Doc. 1

On pourra souligner que l’histoire d’Internet est récente et peu connue. Les années 1990 sont déterminantes notamment avec la mise en place du logiciel Internet Explorer et les années 2000 marquent les premières étapes d’une généralisation du Web à l’échelle de toute la planète.

Doc. 2

L’article explique la puissance de cette encyclopédie collaborative (fondée sur l’open source) devenant ainsi le portail de la connaissance. L’enseignant s’attardera sur le manque de transparence dans la gouvernance de ce projet et dans la validation des articles.

Doc. 3

La carte montre qu’Internet ne se manifeste pas seulement de manière virtuelle mais que le réseau s’appuie sur un réseau de câbles (plus de 260) posés sur le fond des mers. On constatera également que le réseau s’est tissé autour d’axes transatlantiques, transpacifiques, transindiens rejoignant les trois pôles de la Triade.

Doc. 4

L’entreprise Google est devenue en vingt ans, le moteur de recherche incontournable, ce qui n’est pas sans interroger sur le formatage qu’il est susceptible d’imposer. Google réalise des profits gigantesques en captant une grande partie des recettes publicitaires des médias traditionnels.

6 – THÈME 4

S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication – 6

p. 213

Éléments de réponse aux questions 1. En 1969, des centres de recherche de la défense américaine se connectent par le biais d’un réseau appelé ARPANET. L’idée était au départ d’échanger des données entre les laboratoires de recherche de la défense. Il faut attendre 1990 pour que le réseau Internet soit ouvert largement au public à travers le World Wide Web. C’est Microsoft en 1995 qui propose dans sa version Windows 95, le logiciel de navigation grand public Internet Explorer. 2. Wikipédia et Google s’appuient sur deux logiques qui dominent le réseau internet : la logique collabora-

tive, open source de Wikipédia qui s’appuie sur la bonne volonté et l’expertise des internautes sans logique mercantile et l’entreprise Google (cotée en Bourse) fondant son modèle de développement sur la publicité ciblée qui est la contrepartie de l’utilisation gratuite d’un moteur de recherche. Aujourd’hui l’entreprise génère de gros profits et semble vouloir élargir son offre d’outils gratuits pour augmenter ses gains publicitaires.

Bac ANALYSER

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Le sujet invite à réfléchir sur ce qu’est devenu Internet, un simple outil numérique ou un média qui modifie en profondeur la manière de produire de l’information et de s’informer. – Un nouvel outil : rappels de son origine/créations de logiciels (Internet Explorer, Google, Wikipédia)/constitution d’un réseau physique (câbles sous-marins et satellites).

– Un nouveau média : Le réseau Internet a démultiplié la quantité d’informations disponibles à l’échelle du monde. L’internaute est à la fois consommateur de ces informations mais également producteur (c’est ce qu’on nomme le Net 2.0) par le biais de Wikipédia ou des réseaux sociaux. La nature des informations a changé, des textes sont aujourd’hui complétés par des images ou des vidéos.

Doc. 5

Le graphique présente le taux de pénétration des différents moyens de se connecter et de s’informer. 67 % des habitants du monde sont connectés par le biais de leur téléphone. Cet objet connecté change en profondeur les rapports sociaux et les moyens de s’informer. Cependant 33 % de l’humanité demeure éloignés des réseaux : surtout en Afrique, en Asie centrale et en Océanie.

Doc. 6

La presse papier a subi de plein fouet la révolution numérique. De nombreux titres ont disparu mais certains ont réussi à imposer une version numérique payante. Parmi les titres qui ont réussi la transition, des titres anglo-saxons souvent liés au monde des affaires et de la finance. Le graphique ne nous dit pas quels sont les titres qui réussissent à être rentables. Soulignons également, que tous les titres de la presse papier proposent une version gratuite en ligne avec des publicités guère plus rentables.

Doc. 7

La démocratisation des moyens numériques permet à de nombreux internautes de produire leurs propres vidéos. Certains sont sérieux et connaissent une petite notoriété, d’autres le sont beaucoup moins. Les lycéens utilisent beaucoup ce moyen pour apprendre. À travers ce document, il serait intéressant de les conduire à une réflexion sur la validation du contenu d’une vidéo par l’exercice du regard critique.

Doc. 8

L’article d’Alexis Delcambre utilise une étude sur les nouvelles pratiques d’information par le biais de smartphone et de réseaux sociaux. La tendance forte actuelle est de faire confiance aux algorithmes générés par les réseaux sociaux pour choisir les informations qui apparaîtront sur ces plateformes plutôt que de consulter l’information directement sur le site éditorialisé d’un journal en ligne.

p. 215

Éléments de réponse aux questions 1. Les usages mobiles pour s’informer sont devenus majoritaires dans le monde, 54 % de la population mondiale dispose d’Internet sur son téléphone. La lecture sur smartphone transforme la façon de produire de l’information : des textes plus courts, du multimédia. Les jour-

7 – THÈME 4

naux proposent tous une offre numérique (gratuite et/ou payante) et un format responsive web design qui s’adapte à la lecture sur smartphone. 2. L’essor des réseaux sociaux s’explique par la facilité d’utilisation et surtout la possibilité pour tout à chacun de

S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication – 7

produire des contenus (textes, images, vidéos) et de les partager. Aussi, pour la première fois, tous les internautes peuvent avoir l’impression d’être un « journaliste ». Face à la multiplication de contenus non éditiorialisés, l’utilisateur-spectacteur reçoit une quantité d’informa-

tions non hiérarchisées, non vérifiées qui l’oblige à aiguiser son esprit critique. Alors que dans un média traditionnel, la vérification, la hiérarchisation, l’éditorialisation est faite par des journalistes professionnels.

Bac COMPOSITION des médias traditionnels s’accroît, apparition d’infox, théories du complot). Les médias traditionnels doivent regagner la confiance des opinions publiques en renforçant leur indépendance, leur pédagogie (apportant des explications claires aux problèmes complexes) et en déconstruisant les infox qui pullulent sur Internet.

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Le sujet nous invite à nous interroger sur les conséquences de la mondialisation de l’information sur les médias traditionnels. Ces derniers doivent être au préalable définis : presse, radio, TV. Les conséquences sont d’ordre économique (modèle économique remis en cause notamment pour la presse papier), d’ordre éthique et moral (la défiance vis-à-vis

8 – THÈME 4

S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication – 8

AXE

2

LIBERTÉ OU CONTRÔLE DE L’INFORMATION ? Bibliographie – BARON Xavier, Le Monde en direct, de Charles-Louis Havas à l’AFP, deux siècles d’histoire, La Découverte, 2014. Une des rares monographies sur le sujet. – DUCLERT Vincent, Dreyfus, l’honneur d’un patriote, Fayard, 2016. Une synthèse récente. – FERRO Marc, L’Information en uniforme, propagande, désinformation, censure et manipulation, Ramsay, 1991. Quoiqu’un peu ancien, l’ouvrage de Marc Ferro développe des exemples précis en temps de guerre, en s’attardant particulièrement sur la guerre du Golfe. – MARTIN Laurent (dir.), Les Censures dans le monde xixe-xxie siècle, Presses Universitaires de Rennes, 2016. Cet ouvrage propose une série de contributions assez précises sur l’exercice de la censure mais dans des chronologies et des géographies différentes : Japon, Cuba, les États-Unis ou le monde arabe. – ORY Pascal (dir.) La Censure en France à l’ère démocratique, Éditions Complexes, 1997. Les usages et les pratiques de la censure en France depuis 1848 dans une approche pluridisciplinaire. – PRADOS John, La Guerre du Vietnam, Perrin, coll. Tempus, 2015. Une synthèse rédigée par un historien américain, qui développe abondamment le rôle des médias dans le conflit.

Sitographie – Le site l’Histoire par l’image : https://www.histoire-image.org/fr/etudes/presse-politique Un dossier est consacré à la relation Presse et politique. – Sur l’affaire Dreyfus : https://www.retronews.fr/cycle/laffaire-dreyfus-dans-la-presse Des Unes de journaux sur l’affaire Dreyfus. – Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k72898n.pdf 266 caricatures françaises et étrangères sur l’affaire Dreyfus. – AFP : https://www.afp.com/ Le site de l’AFP, présentation de l’institution et mode de fonctionnement aujourd’hui.



JALON 1

L’information, dépendante de l’opinion ? L’affaire Dreyfus et la presse

pp. 220-223

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Logiques scientifiques et pédagogiques Dans ce dossier, il est question de la célèbre affaire Dreyfus dans laquelle la presse et l’opinion publique ont joué un rôle central. Dans la première double page, les documents présentent le contexte particulier de cette affaire : l’âge d’or de la presse, le traumatisme de la défaite de 18701871, une affaire d’espionnage qui éclate au grand jour à la suite d’un procès bâclé. Le texte de Zola lance une campagne de presse farouche qui va exacerber les passions politiques. La seconde double page décrit la campagne de presse, les haines et les combats qui se déchaînent dans la presse autour du personnage Dreyfus. Doc. 1

Cette chronologie relate les différentes étapes de cette affaire. On insistera sur le climat délétère qui suit la défaite de 1871 et sur l’identité de Dreyfus (Juif et Alsacien, donc proche du monde germanique) qui fait de lui un coupable idéal.

Doc. 2

Dans cette lithographie, Félix Valotton montre un lectorat avide d’information attablé aux terrasses des cafés parisiens. À la Une des journaux, on peut lire le J’accuse que Zola publiait dix jours plus tôt.

Doc. 3

Le célèbre texte de Zola montre le courage de l’auteur car il s’attaque à l’armée et la justice. Il est rapidement condamné mais, grâce à son engagement, la campagne de presse va s’amplifier. Intellectuels et écrivains se jettent dans la bataille.

9 – THÈME 4

S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication – 9

p. 221

Éléments de réponse aux questions 1. Les causes de cette affaire sont lointaines : la défaite de 1870-1871, l’idée de revanche, le boulangisme et la crise du parlementarisme. Enfin, l’exaltation du patriotisme (voire du nationalisme) est alimentée par la résurgence de l’antisémitisme en France à cette période. Le capitaine Dreyfus est un jeune officier de l’état-major promis à une carrière brillante. Il est accusé car il revêt les attributs d’un coupable idéal. 2. Les dreyfusards en appellent à l’opinion publique et à la justice équitable pour revoir le procès du jeune capitaine. Le principe de justice et d’égalité est rappelé dans le texte.

3. La presse permet de médiatiser l’affaire qui n’est au départ qu’une petite affaire d’espionnage. L’opinion publique est informée puis interpellée alors que les journaux conservateurs tentent de défendre l’armée et la justice. La presse dreyfusarde va ainsi réussir à renverser une partie de l’opinion publique. 4. Dans J’accuse, Zola évoque bien sûr la loi de 1881 mais dans sa restriction : c’est-à-dire que la loi sur la liberté de la presse prévoit également des poursuites judiciaires pour des personnes qui pratiqueraient la diffamation. Zola est prêt à prendre le risque au nom de la vérité.

Bac ANALYSER Dans ce paragraphe, il faudra souligner l’importance de la presse en cette fin de xixe siècle (tirages importants, multitude des titres, pluralisme et liberté de la presse). Puis dans un second temps, il serait intéressant de recen-

Doc. 4

L’antisémitisme s’exprime essentiellement dans la presse catholique, conservatrice et nationaliste.

Doc. 5

L’affaire Dreyfus est aussi la convergence de certaines détestations : la République, le parlementarisme, les élites, l’héritage révolutionnaire, la franc-maçonnerie.

Doc. 6

Le Petit journal est un titre à grand tirage qui s’exprime avec une relative modération même si le titre de l’article est « Le traître » ; mais en 1895, la presse dreyfusarde est extrêmement minoritaire.

Doc. 7

Le journal Le Pilori (1886-1900) est un journal satirique mais qui ne cache pas ses opinions bonapartistes et boulangistes. Il est le plus souvent antirépublicain, antimaçonnique et nettement antidreyfusard.

Doc. 8

Ce texte d’Anatole France analyse (alors que l’affaire n’est pas encore achevée) le rôle de la presse et de l’opinion publique. Il dénonce les manquements de l’armée qui a trompé la confiance du peuple. L’auteur tend à déculpabiliser le peuple.

p. 223

Éléments de réponse aux questions

© Hatier Paris, 2019 – Histoire-Géographie, Géopolitique, Sciences politiques 1 re

ser les titres antidreyfusards et leurs discours pour terminer sur les journaux qui ont défendu Dreyfus et fait plier le pouvoir.

1. Dans le camp antidreyfusard, on accuse Dreyfus et les Juifs de vouloir éliminer la place de l’Église dans la société. Par ailleurs, le « Juif apatride » ne peut être un bon patriote, il complote avec l’Allemagne contre la France. Le nationalisme, l’antisémitisme complètent la défiance des antidreyfusards vis-à-vis de la République et du parlementarisme issu de la Révolution française.

2. La presse véhicule ce que l’opinion publique a bien envie d’entendre : la défaite, la crise politique s’expliquent par la présence des Juifs en France. La presse antidreyfusarde va reprendre et utiliser l’ensemble des clichés sur les Juifs et les francs-maçons, soutenue par des institutions comme l’armée et l’église.

Bac COMPOSITION Dans l’introduction de cette composition, il faudra rappeler les circonstances de la mise en place du régime républicain : la défaite de 1870 mais aussi le difficile enracinement du régime. Puis il faudra évoquer la montée des critiques vis-à-vis du parlementarisme (crise boulangiste) mais également la montée des tensions avec l’Allemagne. Comment l’affaire Dreyfus a réussi à cristalliser toutes les difficultés du régime ? Cette affaire va remettre en cause les valeurs de la République par la mobilisa-

10 – THÈME 4

tion des opposants au régime (Église catholique, monarchistes, nationalistes). En conclusion, il faudra surtout rappeler que cette affaire a soulevé les passions en marquant pour longtemps un clivage (dreyfusard/antidreyfusard) chez les hommes politiques et les intellectuels français. Cet antisémitisme ne disparaît cependant pas lorsque Dreyfus est réhabilité, il est entretenu par les antidreyfusards qui soutiendront la politique du régime de Vichy après la défaite de 1940.

S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication – 10



JALON 2

L’information entre le marché et l’État : histoire de l’agence Havas et de l’AFP

pp. 224-227

Logiques scientifiques et pédagogiques Ce dossier veut expliquer comment s’est organisée la fabrication de l’information dès le xixe siècle. Quel rôle ont joué les agences de presse dans cette organisation ? Ces agences ont été d’une certaine manière une manifestation du soft power pour les grandes puissances industrielles. Après la Seconde Guerre mondiale, l’AFP remplace l’agence Havas et poursuit son travail en se modernisant et en assurant à la France un rayonnement mondial par le biais de l’information. Doc. 1 Doc. 2 et 3

Ce document montre que seules les agences de presse ont pu déployer des technologies modernes pour couvrir l’information à l’échelle mondiale. Les documents montrent que les quatre agences de presse les plus importantes appartiennent aux grandes puissances industrielles et coloniales. L’accord de 1889 organise entre ces quatre agences une couverture mondiale.

Doc. 4

L’épisode de la couverture partiale du bombardement de Guernica illustre clairement le fait que parfois les agences de presse pouvaient défendre les intérêts de l’État ou des milieux d’affaires.

Doc. 5

L’agence Havas a su se moderniser pour couvrir l’essentiel du monde. Elle est devenue une très grande agence qui a d’ailleurs rapidement diversifié son activité : agence de presse, elle développe son activité de publicitaire à partir de 1885.

p. 225

Éléments de réponse aux questions 1. Charles Havas ouvre en 1832, une première agence à Paris qui a pour ambition de traduire les journaux étrangers et revend ces nouvelles traduites à la presse nationale. Rapidement, l’agence Havas se développe et propose, grâce à un réseau dense de correspondants (300 en province et 150 à l’étranger avant 1914), une couverture nationale et internationale. Après avoir utilisé les pigeons voyageurs, l’agence utilise le télégraphe électrique et accélère ainsi la transmission de l’information. Dès 1859, un cartel d’agences de presse se met en place et développe une stratégie mondiale.

2. L’agence Havas est devenue rapidement leader car elle a été la première agence. Par la suite, avec l’arrivée d’agences de presse concurrentes, elle a développé une stratégie d’alliance avec ses concurrentes. 3. Les critiques faites à l’agence Havas porte essentiellement sur l’indépendance réelle vis-à-vis du pouvoir politique mais aussi vis-à-vis des annonceurs publicitaires, clients de l’agence.

© Hatier Paris, 2019 – Histoire-Géographie, Géopolitique, Sciences politiques 1 re

Bac ANALYSER Il est possible de répondre à la question en deux temps : montrer que l’agence Havas se déploie de manière internationale (réseaux de correspondants, accords multiples pour se partager le monde avec le « cartel » des agences de presse occidentales, revente des informations à de nombreux journaux étrangers). Cette agence devient alors

un instrument du soft power de la France. En s’appuyant sur le rayonnement culturel, la forte présence du français dans le monde (et dans l’empire colonial), en imposant une information mais aussi un discours de la France sur tous les continents, l’agence Havas est l’un des instruments de domination française jusqu’en 1940.

Doc. 6

Dans ce document, il est question des conditions de mise en place de la nouvelle agence française de presse mais aussi des principes du futur fonctionnement. À noter, la rapidité avec laquelle, on installe cette nouvelle agence (dans les locaux de l’OFI) alors que les combats de la Libération se poursuivent encore dans la capitale.

Doc. 7

Le document montre les étapes qui vont faire de l’AFP, une grande agence moderne et indépendante.

Doc. 8

Cette carte met en exergue la couverture mondiale de l’AFP puisqu’elle se déploie dans 151 pays avec 2 296 collaborateurs. Peu de zones demeurent sans couverture de l’agence. On constate cependant que le maillage de l’Afrique est assez lâche et que l’AFP est présente à parts égales dans les pays de l’Afrique anglophone. Ceci participe du désengagement de la France sur ce continent.

11 – THÈME 4

S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication – 11

Doc. 9

Ce texte montre la nécessité d’adopter à l’échelle européenne le droit voisin. Il introduit également les problématiques de l’étude conclusive.

p. 227

Éléments de réponse aux questions 1. L’AFP a été fondée à la Libération de Paris par des journalistes résistants. L’AFP défend les valeurs d’indépendance de la presse et de la démocratie. L’agence s’internationalise rapidement et retrouve sa couverture d’avant-guerre en 1954 avec près de 150 correspondants à l’étranger.

2. Les difficultés rencontrées par l’AFP sont multiples mais c’est surtout la diffusion de l’information par les réseaux sociaux qui remet en cause le modèle économique finançant la production de l’information. En effet, les réseaux sociaux utilisent gratuitement les articles de la presse. Cette dernière a du mal à se financer et l’AFP perd des clients.

Bac ANALYSER Le sujet nous interroge sur l’indépendance de l’agence vis-à-vis du pouvoir. Dans ses statuts, l’AFP met en avant son indépendance (notamment après 1957) qui est renforcée par le recul de l’État dans le financement de son activité. En 2015, le financement de l’AFP par l’État se réduit



JALON 3

encore en accord avec la réglementation européenne. Pour autant, les liens entre les deux institutions demeurent et il n’est pas interdit d’envisager que l’AFP continue à servir sinon défendre les intérêts de la France.

Information et propagande en temps de guerre : les médias et la guerre du Vietnam

pp. 228-231

Logiques scientifiques et pédagogiques

© Hatier Paris, 2019 – Histoire-Géographie, Géopolitique, Sciences politiques 1 re

Ce dossier vise tout d’abord à montrer que la guerre du Vietnam est le premier grand conflit médiatisé de la guerre froide. La variété des médias mobilisés est mise en avant, leur modernité (télévision) ou leur caractère traditionnel (affiches de propagande), qui illustrent des méthodes et moyens différents selon les blocs. De même, le public visé n’est pas toujours le même. Ainsi, l’impact des médias sur le cours de la guerre, développé dans la seconde double page, n’en apparaît que plus fort : des images mondialement connues alternent avec des documents développant le rôle des journalistes dans le conflit. Doc. 1

Ce document permet d’évoquer le rôle décisif de John F. Kennedy, qui, dès l’automne 1961, a donné l’impulsion à l’engagement massif des États-Unis au Vietnam. Il montre la façon dont Kennedy met en scène les situations de crises internationales en utilisant les médias (crise de Cuba, octobre 1962), soucieux de ne pas renouveler l’humiliant épisode du débarquement raté de la baie des cochons à Cuba (avril 1961). On peut noter l’insistance sur la pénétration communiste indiquée sur la carte (le Laos connaît depuis 1953 une guérilla communiste).

Doc. 2

Ce document a pour but de montrer le caractère très traditionnel avec lequel le Nord-Vietnam médiatise le conflit. Dans un style naïf, l’affiche de propagande met l’accent sur la destruction des bombardiers américains B-52, arme emblématique de la guerre. Cette affiche date vraisemblablement de la dernière offensive nord-vietnamienne à laquelle les Sud-Vietnamiens et les Américains répliqueront, entre mars et août 1972 (date du retrait des dernières unités combattantes américaines).

Doc. 3

Cette carte met l’accent sur les aspects « inédits » de la guerre du Vietnam pour les États-Unis : une succession d’opérations de guérilla qui dépassent largement les frontières du Vietnam (Laos entraîné dans la guerre dès 1958 lors d’une offensive nord-vietnamienne pour soutenir le Pathet Lao ; Cambodge touché en 1970). Face à cela, les Américains répliquent avec la même stratégie que durant la Seconde Guerre et la guerre de Corée : des bombardements massifs aux effets stratégiques peu concluants.

Doc. 4

Ce document met l’accent sur la présence des journalistes au cœur des combats et sur leur liberté d’action. La figure du reporter de guerre, qui relate la guerre en quasi-direct, s’impose pendant

12 – THÈME 4

S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication – 12

le conflit et a un impact sur son déroulement. Ce document fait ainsi la transition avec la double page suivante. Un autre élément symbolique du conflit est visible : l’hélicoptère de combat (pour transporter des troupes ou/et tirer au sol et bombarder), dont c’est le premier engagement massif dans un conflit de guerre froide.

p. 229

Éléments de réponse aux questions 1. Les documents montrent que la guerre du Vietnam est triplement novatrice dans la guerre froide : ce n’est pas une guerre déclarée (un parallèle avec la guerre de Corée, développée dans le Thème 3, peut être fait), dont la date de début est donc difficile à donner (1955 ? 1961 ? 1965 ?) ; c’est une guerre opposant des armées différentes aux stratégies différentes (guérilla d’un côté, bombardements massifs de l’autre jusqu’en 1968 puis en 1972) et c’est enfin une guerre qui se traduit, pour la première fois, par la défaite des États-Unis, qui ne peuvent endiguer la progression du Vietcong. 2. La guerre du Vietnam est vue par les Présidents américains Kennedy, Johnson puis Nixon, comme une opération de résistance à l’expansion du communisme en Asie du Sud-Est, conformément à la doctrine Truman du

containment (1947) et à la « théorie des dominos » évoquée par le Président Einsenhower en 1954. Nixon, constatant la contestation du conflit et l’enlisement des États-Unis, met l’accent sur la « vietnamisation » de la guerre, organisant ainsi le retrait des armées américaines. 3. L’affiche traditionnelle vietnamienne met l’accent sur l’exploit de l’armée nord-vietnamienne, capable de détruire des « forteresses volantes » en grand nombre, et sur l’humiliation qui en résulte pour le Président américain. La photographie vise à montrer la liberté du photographe, qui suit les soldats au plus près, ainsi que l’héroïsme de ceux qui n’hésitent pas à plonger dans « l’enfer vert », débarqués par hélicoptère. Cependant, les deux documents datent de 1971 et 1972, alors que l’issue du conflit ne semble déjà plus faire de doute.

Bac SE DOCUMENTER

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Nick Ut est né en 1951 au sud du Vietnam. Il succède à son frère aîné, tué en 1965 lors d’un raid du Vietcong, comme photographe de l’Associated Press. Il est donc d’emblée profondément marqué par le conflit. Après avoir pris la photo qui le rendra mondialement célèbre, il s’occupe de Kim Phuc, l’enfant brûlée, en l’emmenant à l’hôpital et il est resté en contact avec elle depuis.

La photographie est un instantané qui permet de saisir les éléments les plus marquants du conflit. Les expressions des soldats et leurs actions, le décor de jungle oppressant et surtout les civils vietnamiens amènent l’opinion à utiliser ces instantanés comme autant de preuves d’un conflit particulièrement brutal et meurtrier, les brandissant lors des manifestations.

Doc. 5

Cette photo mondialement célèbre montre trois éléments majeurs : l’impact d’une image particulièrement choquante sur l’opinion internationale ; la présence des reporters de guerre au plus près de l’action (le photographe rechargeant son appareil) ; enfin, la vietnamisation du conflit, puisque ce bombardement, souvent attribué à tort à l’armée américaine, est une erreur de l’aviation sud-vietnamienne.

Doc. 6

Jane Fonda, née en 1937, est une star internationale très engagée politiquement depuis les années 1960 (soutien au mouvement afro-américain des droits civiques, à la condition des Amérindiens, etc.). Son voyage au Vietnam, où elle se rend plus pour désapprouver, selon ses mots, les « mensonges » du gouvernement Nixon, que par soutien au Nord-Vietnam, illustre l’engagement de nombreuses personnalités américaines du monde de la culture.

Doc. 7

Ce document, paru dans L’Express, permet tout d’abord de rappeler l’ancienne présence française au Vietnam (Saïgon, ancienne capitale de l’Indochine française). Il montre que Pierre Salinger (1925-2004), qui fut également porte-parole de la Maison Blanche de 1961 à 1964, relate avec une certaine amertume la fin du conflit vietnamien, où les Américains ne sont plus que des spectateurs désabusés et impuissants. P. Salinger avait quitté les États-Unis pour la France après l’assassinat de Robert Kennedy en 1968 qui l’avait traumatisé.

Doc. 8

Ce document présente une manifestation en RFA, ce qui invite à un parallèle avec la situation de ce pays, également divisé et otage de la guerre froide. La diversité des manifestants permet de montrer l’importance du pacifisme dans ce pays. Parmi les slogans, on peut lire également : « Liberté pour les morts au Vietnam » et « Vietnam-Berlin – où avez-vous la victoire/dépéri (jeu de mots sur siegen/siechen) ? ».

13 – THÈME 4

S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication – 13

Doc. 9

Walter Cronkite (1916-2009) a été un témoin d’événements majeurs du xxe siècle. Ce document, extrait de sa nécrologie parue dans Le Monde, permet ainsi d’évoquer brièvement la médiatisation du procès de Nuremberg que Cronkite a couvert, avant de commenter les autres aspects de sa vie : son rejet de la vision donnée par le gouvernement après s’être rendu sur place, sa vision prophétique de l’évolution du conflit et, enfin, le contexte médiatique particulier (une offre de médias circonscrite) dans lequel son travail prend place.

p. 231

Éléments de réponse aux questions 1. La photographie met en parallèle des enfants brûlés et effrayés et des soldats et photographes qui semblent peu concernés, voire indifférents à ces souffrances, avec un écran de fumée en arrière-plan. Elle est l’illustration la plus emblématique des souffrances atroces (le napalm) infligées par les bombardements aux populations civiles. Elle montre que les journalistes sont plongés au cœur du conflit et ont toute liberté pour prendre des photos. 2. L’affaiblissement du soutien à la guerre du côté des États-Unis est symbolisé par l’engagement de personnalités du monde de la culture (le pasteur Martin Luther King, le boxeur Mohamed Ali, le chanteur Bob Dylan, le compositeur Leonard Bernstein, etc.). Il s’incarne également dans de grandes manifestations aux États-Unis (Washington 1967 et 1969), mais aussi à l’étranger. Ces manifestations prennent place dans le contexte de doutes de la société

américaine sur ses fondements, et de contestation étudiante de la fin des années 1960, relayée par les médias. 3. La télévision s’installe dans les foyers des pays développés dans les années 1960. L’offre télévisuelle est limitée (trois réseaux aux États-Unis : ABC [American Broadcasting Company], CBS [Columbia Broadcasting System] et NBC [National Broadcasting Company]) mais la télévision est très regardée, notamment lors de grands événements comme les jeux olympiques (ceux de Tokyo en 1964 sont les premiers retransmis en mondiovision). L’impact est donc énorme sur l’opinion, qui partage les mêmes images au même moment. Un bref parallèle peut être fait avec la guerre de Corée durant laquelle la télévision avait encore très peu pénétré les foyers des pays développés ; seules les actualités cinématographiques rendaient compte du conflit, jamais en direct.

Bac COMPOSITION se termine en 1973, les médias des deux camps jouent un rôle essentiel et même décisif. En quoi peut-on qualifier la guerre du Vietnam de guerre médiatique ? Nous verrons d’abord comment les médias sont mobilisés pour le conflit avant de voir quel est leur impact sur le déroulement de la guerre.

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La guerre du Vietnam est un conflit de guerre froide d’un genre nouveau. Elle débute sans être véritablement déclarée, notamment par l’envoi massif de « conseillers militaires » américains au Sud-Vietnam, pour lutter contre le mouvement communiste Vietcong, allié au Nord-Vietnam. Tout au long de ce conflit meurtrier qui

14 – THÈME 4

S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication – 14

ÉTUDE



CONCLUSIVE

L’INFORMATION À L’HEURE D’INTERNET Bibliographie – DESORMEAUX Didier et GRONDEUX Jérôme, Le Complotisme : décrypter et agir, Réseau Canopé, 2017. Un petit livre récent sur le sujet. Des exemples précis, des cas concrets et des pistes sur la posture de l’enseignant face au complotisme. – GIBAUD Stéphanie, La Traque des lanceurs d’alerte, Max Milo, 2017. Un ouvrage intéressant écrit par une lanceuse d’alerte, Stéphanie Gibaud, qui a dénoncé le scandale de la banque UBS. – HARTMANN Florence, Lanceurs d’alerte, les mauvaises consciences de nos démocraties, Don ­Quichotte, 2014. Un ouvrage assez général sur les lanceurs d’alerte et de bons exemples.

Sitographie – La Documentation française : https://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/internetmonde­/­historique.shtml Un numéro ancien (2011) de la Documentation française mais des repères toujours d’actualité et quelques pages intéressantes sur la gouvernance d’Internet. – Amnesty international : https://www.amnesty.fr/focus/lanceur-dalerte Un site qui permet de définir les lanceurs d’alerte et de voir le positionnement d’une ONG sur cette thématique. – France Info : https://www.francetvinfo.fr/vrai-ou-fake/ Sur le site de France Info des pages de fact-checking. – AFP : https://factuel.afp.com/ Sur le site de l’AFP, des pages de fact-checking. – Sur la guerre du Vietnam : https://www.ina.fr/themes/histoire-et-conflits/indochine-et-vietnam Un dossier de l’INA sur l’Indochine et le Vietnam, plus de 300 vidéos référencées.



JALON 1

De la source unique contrôlée par l’État à l’information fragmentée et horizontale

pp. 236-239

Logiques scientifiques et pédagogiques

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Ces pages entendent montrer comment se définit le rapport entre l’information et l’État. Le contrôle, la censure tendent à disparaître dans les grandes démocraties pour autant, ils ne disparaissent pas complètement malgré l’émergence d’Internet. Aujourd’hui, on parle plutôt de « communication » des entreprises mais également des hommes politiques. Doc. 1

Durant la Première Guerre mondiale, la loi sur la presse est mise entre parenthèses. L’Homme enchaîné et Le Canard enchaîné sont ainsi des réponses à une censure trop brutale durant ce long conflit mondial.

Doc. 2

L’armée américaine (mais toutes les armées occidentales aujourd’hui) a compris la nécessité de contrôler l’information en temps de guerre. La guerre du Vietnam a accentué cette prise de conscience. Aujourd’hui, la « grande muette » communique et les journalistes sont soumis aux règles imposées par les services de communication des armées.

Doc. 3

Dans les années 1960, la télévision est devenue un média de masse, elle s’invite dans presque tous les salons des Français, c’est pourquoi le pouvoir veut y exercer un contrôle. De Gaulle, interdit d’antenne jusqu’en 1958, va utiliser ce média pour asseoir le nouveau régime de la Ve République. Il faudra attendre les années 1980 pour que ce contrôle soit un peu moins pesant.

Doc. 4

Cette photographie célèbre fait la démonstration que la censure soviétique était très pointilleuse en temps de guerre mais aussi en temps de paix. La dissimulation, la désinformation se sont généralisées durant tout le régime stalinien (statistiques truquées, massacres de Katyn attribué aux nazis, goulags).

15 – THÈME 4

S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication – 15

p. 237

Éléments de réponse aux questions 1. Durant la guerre, la censure s’exerce sur l’ensemble des médias (journaux, cinéma, télévision), le premier objectif est de maintenir le moral de la population afin de supporter tous les sacrifices qu’une guerre nécessite. 2. Durant les années 1960-1970, les médias se libèrent progressivement de la tutelle des pouvoirs politiques dans les démocraties : aux États-Unis par exemple, avec la multiplication des chaînes de télévision et la concurrence ainsi suscitée. En France, la tentation est forte de maintenir la censure sur l’ORTF alors que la presse regagne de la liberté. Mais la guerre d’Algérie est l’occasion de réactiver une censure ponctuelle sur la presse.

3. Dans les démocraties comme la France ou les ÉtatsUnis, les guerres sont l’occasion d’interroger la liberté de la presse. Durant la guerre du Vietnam, les journalistes sont présents partout et rapportent des images des combats. Ces dernières vont retourner l’opinion publique américaine. En France, la censure s’exerce d’abord avec l’ORTF mais quand des journaux tels L’Express ou L’Humanité évoquent la torture exercée par l’armée française en Algérie, la censure de l’État est réactivée.

Bac ANALYSER

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Le sujet invite à s’interroger davantage sur le cas des démocraties confrontées à la guerre, celle-ci étant considérée comme une période d’exception. – L’État remet en cause la liberté de l’information : la presse et les autres médias sont censurés. – L’armée contrôle sa communication et organise des pools de journalistes afin de maîtriser les images diffusées.

– Mais aujourd’hui, Internet et l’indépendance de certains journalistes changent le rapport État/médias même en temps de guerre. Il est bien plus difficile pour un État en guerre de tout censurer. De plus, avec les nouvelles technologies, chaque individu peut désormais témoigner ou informer de la réalité d’un conflit, débordant ainsi à la fois les États et les professionnels de l’information.

Doc. 5

La multiplication des smartphones permet aux témoins de publier sur les réseaux sociaux des photographies, des vidéos des faits d’actualité. Les chaînes d’information n’hésitent pas à faire appel à ces images amateurs. Le travail du journaliste ne s’arrête cependant pas à la collecte d’un document mais à son analyse, sa contextualisation et sa critique éventuelle.

Doc. 6

L’article montre l’ampleur de la censure sur Internet en Chine mais aussi la répression effective sur qui s’exerce sur les citoyens. Le contrôle n’est pourtant pas sans faille, les opposants au régime trouvent les moyens d’utiliser des sites sécurisés ou le Dark Net.

Doc. 7

La carte montre la présence des principales chaînes d’information dans le monde. On constate que les États disposant d’une chaîne sont ceux qui disposent d’un soft power déjà ancien : ÉtatsUnis/Royaume-Uni/France/Allemagne/Russie. On soulignera la présence d’une chaîne qatarie mais également l’absence de la Chine, de l’Inde ou du Brésil. La seconde carte témoigne de la réussite et du dynamisme de Russia Today dans le monde notamment aux États-Unis, en Allemagne et en France. On pourra aussi rappeler les polémiques que cette chaîne suscite en France et aux États-Unis et les accusations de manipulation qui pèsent sur elle (voir doc. 7 p. 91).

p. 239

Éléments de réponse aux questions 1. Aujourd’hui, l’information circule par Internet, les réseaux sociaux ou encore les chaînes d’information en continu. Ces chaînes de télévision diffusent aussi à partir de leur site Internet.

2. Le Qatar, la Russie ont compris la nécessité de disposer d’une chaîne d’information au service de leur politique extérieure. La chaîne RT fondée en 2005 réussit une percée impressionnante, un peu partout, notamment en France, avec l’ouverture de la chaîne RT France en décembre 2017.

Bac ANALYSER Le sujet invite à montrer une certaine variété de situations. L’horizontalité a permis de multiplier les sources d’information et de gagner en liberté mais les États adoptent des stratégies différentes : les plus strictes imposent une censure rigoureuse (comme la Chine) ; d’autres utilisent la censure mais appuient leur propagande sur

16 – THÈME 4

des médias diffusés mondialement (comme la Russie) ; enfin les grandes démocraties, dont les États-Unis laissent une liberté dans l’accès et la diffusion des contenus sur Internet. En conclusion, on pourra évoquer la volonté et la difficulté de la France à légiférer sur les infox.

S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication – 16



JALON 2

Témoignages et lanceurs d’alerte

pp. 240-243

Logiques scientifiques et pédagogiques La première double page a pour but de contextualiser le phénomène des lanceurs d’alerte en montrant d’abord que le phénomène est relativement ancien et qu’il a été amplifié par le phénomène de mondialisation et par le développement du numérique. La seconde présente l’un des enjeux essentiels à savoir la nécessaire protection de ces personnes qui dénoncent des actes jugés contraires à l’intérêt général, qui prennent des risques réels sans toutefois en retirer un bénéfice personnel. Doc. 1

Ce document présente les grandes affaires récentes liées à des lanceurs d’alerte et peut encourager les élèves à se documenter sur une ou plusieurs de ces affaires. Les football Leaks désignent par exemple, à partir de 2016, la fuite de 18,6 millions de documents confidentiels relatifs à des contrats, des transferts, des commissions et de l’évasion fiscale dans le monde du football. Rui Pinto, le lanceur d’alerte, a été arrêté en janvier 2019, sur ordre des autorités portugaises pour violation du secret et accès illégal à des informations.

Doc. 2

L’affaire Erin Brockovich a été largement médiatisée grâce au cinéma. Elle témoigne du fait que certaines dénonciations liées aux lanceurs d’alerte peuvent être relativement anciennes (elle date de 1993). Aujourd’hui militante pour la cause environnementale, elle est présidente de Brockovich Research & Consulting et poursuit l’instruction d’affaires similaires. Elle reprend également la lutte contre la pollution chimique des eaux en Californie.

Doc. 3

Le scandale du Mediator a défrayé la chronique en France à partir de 2007 grâce au docteur Irène Frachon, médecin pneumologue au CHU de Brest. Elle dénonce aujourd’hui, de façon plus large, le circuit de mise au point et d’autorisation des médicaments et appelle à assainir un système où autorités sanitaires et lobby pharmaceutique sont trop imbriqués.

Doc. 4

L’affaire Snowden a été une des plus grandes affaires liées à des lanceurs d’alerte. Cet ancien membre de la NSA a révélé au grand public les détails de plusieurs programmes de surveillance de masse américains et britanniques. Inculpé en 2013 par le gouvernement américain sous les chefs d’accusation d’espionnage, vol et utilisation illégale de biens gouvernementaux, il a dû s’exiler et a obtenu l’asile en Russie. En 2014, l’édition américaine du Guardian et le Washington Post obtiennent le prix Pulitzer pour la publication des révélations sur le système de surveillance de la NSA.

Doc. 5

Ce document montre que les préoccupations des lanceurs d’alerte sont anciennes, comme en 1862 lorsqu’Henri Dunant dénonce les souffrances des militaires blessés durant la bataille de Solférino, en Italie. Le document souligne aussi la variété des affaires dénoncées et des acteurs incriminés.

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Éléments de réponse aux questions 1. Les affaires dénoncées portent sur des domaines liés à des guerres, des affaires de corruption et d’évasion fiscale, des paradis fiscaux et la santé. Les attaques contre le Dr Irène Frachon sont liées au fait qu’elle a mis en cause un laboratoire pharmaceutique (Servier) qui aurait poussé la mise sur le marché d’un médicament potentiellement dangereux. Des intérêts financiers importants sont donc en jeu.

17 – THÈME 4

2. L’affaire Brockovich a permis a permis de faire en sorte que la justice condamne la société Pacific Gas and Electric à verser 333 millions de $ en dommages et intérêts aux riverains et au cabinet d’avocat qui employait Mme Brockovich. Dans l’affaire du Médiator, la justice a également condamné les laboratoires Servier qui ont reconnu leur responsabilité civile. Le procès au pénal reste encore à être jugé (il s’ouvrira en septembre 2019).

S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication – 17

3. L’affaire Snowden se différencie tout d’abord par le fait que les enjeux sont internationaux et non plus locaux.

Elle met en cause des organes de l’État américain, au plus proche du pouvoir et non des sociétés privées.

Bac SE DOCUMENTER

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Les élèves pourront par exemple plutôt se focaliser sur les Football Leaks ou les UBS Leaks. Un dossier sur le Football Leaks est disponible sur le site du Figaro et sur le site de France 24 : http://www.lefigaro. fr/dossier/football-leaks-business-psg-ronaldo-neymar https://www.france24.com/fr/tag/football-leaks/

Un dossier UBS Leaks sur le site du Monde et du Monde diplomatique : https://www.lemonde.fr/ubs-leaks/ https://www.monde-diplomatique.fr/2015/03/WAR­ DE/­52733

Doc. 6

La loi sur la protection du secret des affaires, adoptée en 2018 a fait débat. Il s’agit en effet de transposer dans le droit français une mesure déjà adoptée au niveau du Parlement européen en 2016. Cette loi consiste en un renforcement de la confidentialité des informations des entreprises, afin de garantir leurs secrets de fabrication, de production et de négociations commerciales, et par conséquent de favoriser leur compétitivité sur la scène internationale. Mais cette protection est interprétée par de nombreux acteurs politiques ou issus de la société civile comme un moyen de cacher aux citoyens des données sur ces entreprises qui pourraient affecter l’intérêt général au niveau politique, économique, social et environnemental. L’idée de départ consiste à permettre aux entreprises de se prémunir plus facilement contre le vol des secrets industriels au bénéfice de concurrents. Cette logique strictement économique entre en conflit avec d’autres logiques, plus soupçonneuses à l’égard d’entreprises, déjà peu enclines à communiquer.

Doc. 7

La définition d’un statut de protection des lanceurs d’alerte a été rendue d’autant plus nécessaire que l’affaire LuxLeaks a défrayé la chronique. En l’espèce, il a été révélé que plusieurs accords avaient été passés entre l’administration fiscale luxembourgeoise et des cabinets d’audit représentants de grandes entreprises comme Apple, Amazon, Pepsi ou Ikea par exemple. Cela leur permettait entre autres de négocier une baisse de leurs impôts contre la promesse de ne pas s’exiler.

Doc. 8

Daphné Caruana Galizia, journaliste spécialiste des affaires de corruption, avait révélé plusieurs scandales impliquant des élus locaux et nationaux à Malte. Ayant décidé de s’affranchir des médias traditionnels, elle publiait un blog où elle jouissait d’une liberté plus grande. Mais elle est assassinée en octobre 2017 dans l’explosion de son véhicule. Si l’enquête est encore en cours, des journalistes ont décidé de reprendre ses recherches pour continuer son œuvre. Cela montre comment des journalistes décident aussi de s’associer, de façon internationale, pour répondre aux menaces diverses.

Doc. 9

Ce document permet de comparer les définitions différentes du lanceur d’alerte et leurs implications. Certaines limites ont été adoptées dans la loi française dite Sapin 2, en décembre 2018. Elles posent la question des risques pris par le lanceur d’alerte dans le cadre d’une action désintéressée.

p. 243

Éléments de réponse aux questions 1. L’intérêt d’une loi européenne est qu’elle doit s’appliquer de façon plus large à l’ensemble des 27 pays de l’UE. Le but est aussi d’harmoniser la législation de tous les pays. Les États peuvent être réticents car ils perdent la possibilité d’une législation proprement nationale en matière de lanceurs d’alerte. 2. Daphne Caruana Galizia a été assassinée car elle enquêtait sur une affaire de corruption impliquant des hommes d’affaires et des hommes politiques maltais. D’autres journalistes ont décidé de reprendre l’affaire par l’intermédiaire du Daphne project, le but étant de montrer qu’un assassinat ne mettra pas un terme aux investigations.

18 – THÈME 4

3. Selon la loi du 9 décembre 2016, en France, un lanceur d’alerte est « une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance ». Il existe cependant des limites : seule une personne physique peut être considérée comme un lanceur d’alerte et pas des personnes morales ou des groupes de personnes. De plus, on ne peut reconnaître le statut de

S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication – 18

lanceur d’alerte en matière de secret de la défense nationale, de secret médical ou de secret des relations entre un avocat et son client. La définition d’Amnesty International

est donc bien plus large puisqu’elle ne présente pas vraiment de limites en dehors du fait que l’acte ne soit pas désintéressé.

Bac COMPOSITION L’introduction peut prendre la forme suivante : Une accroche qui mentionnerait rapidement une affaire impliquant un lanceur d’alerte. La définition du lanceur d’alerte. Une problématique : dans quelle mesure le lanceur d’alerte fait-il acte de citoyenneté en dénonçant certains faits ? Une annonce de plan : La dénonciation de certains crimes ou délits. Un acte citoyen car réalisé dans l’intérêt général et non dans l’intérêt du lanceur d’alerte.



JALON 3

Les théories du complot : comment trouvent-elles une nouvelle jeunesse sur Internet ?

pp. 244-247

Logiques scientifiques et pédagogiques

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La définition du complotisme et de ses origines est un passage nécessaire pour démontrer l’antériorité de cette idéologie très proche du conspirationnisme. Le retour sur les théories du complot les plus connues demeure crucial car celles-ci sont de plus en plus exploitées et banalisées dans la société, notamment chez les jeunes. L’ajout d’autres théories comme le platisme ou le reptilisme peut être envisagé pour illustrer ce jalon. Le complotisme offre les conditions de création d’une contre-culture qu’il convient de décrire en montrant la simplification des réflexions utilisées à cet effet et l’instrumentalisation des représentations et des images. En effet, le monde serait divisé entre les puissants et les dominés aveuglés par de fausses réalités que les complostistes entendent déjouer. Dans ce cadre, l’outil Internet demeure une parfaite courroie de transmission des messages complotistes qui utilise le doute systématique comme arme absolue. L’explosion du nombre de supports numériques pour les diffuser explique le renouveau des vieilles théories du complot sur les écrans. Lutter contre le complotisme revient à repenser le contenu de ce que l’on trouve en ligne, voire à redéfinir ce qu’est une connaissance. L’ouvrage de l’historienne Marie Peltier L’Ère du complotisme. La maladie d’une société fracturée paru en 2016 (éditions Les Petits Matins), décrypte les ressorts sociétaux du complotisme et montre comment il s’intrique au système de pensée des régimes totalitaires. Doc. 1

Les deux grandes théories complotistes permettent d’introduire le sujet pour en donner la dimension historique : l’une pendant la Révolution, l’autre au début du xxe siècle. Les Protocoles des sages de Sion offrent une belle illustration des possibles réhabilitations d’une théorie du complot historiquement ancrée.

Doc. 2

Le décryptage de l’historique de la symbolique maçonnique démontre que les origines de l’œil de la conscience sont catholiques et reprises par le nouvel État américain. L’objectif de ce document est de travailler directement sur les interprétations complotistes et de les démonter par l’Histoire.

Doc. 3

Avec la mort d’Hitler ou l’alunage américain de N. Armstrong le 21 juillet 1969, le 11 septembre 2001 est l’un des événements historiques les plus contestés par les complotistes qui tissent un faisceau de doutes autour de ces faits. Emmanuel Taïeb est chercheur, docteur en sciences politiques et professeur des Universités à Sciences Po Lyon.

19 – THÈME 4

S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication – 19

p. 245

Éléments de réponse aux questions 1. Les complotistes sont les ennemis de la Révolution française (royalistes et certains partisans du cléricalisme) et de la République. Ils cherchent à imputer la responsabilité du déclenchement de la Révolution française aux francs-maçons et aux Illuminati depuis la Bavière. Ils réécrivent l’Histoire en niant le soulèvement du peuple parisien et français issu au départ des franges bourgeoises. L’antisémitisme des complotistes s’élabore autour de la diffusion d’un document forgé de toutes pièces en 1901, Les Protocoles des sages de Sion prouvant la soi-disant avidité des Juifs à l’origine de la propagation des idées libérales en Russie. Les complotistes associent alors les Juifs aux francs-maçons dans leur fantasme d’une conjuration organisée pour conquérir monde. 2. Ce billet combine plusieurs symboliques et messages interprétés par les complotistes comme des signes occultes révélant les projets de domination mondiale des francs-maçons. Le grand sceau des États-Unis n’est pas compris comme une manifestation de la nouvelle identité donnée au jeune État américain nourrie de l’esprit des Lumières, mais comme un signe « secret » traduisant l’influence des francs-maçons dans le projet d’assurer la prédominance américaine. Il convient de soulever la contradiction entre la nature secrète et discrète de la franc-maçonnerie et l’affichage de leur prétendu « logo » sur des billets de banque. Quel serait l’intérêt d’une telle entreprise ?

3. Les complotistes entendent révéler au grand jour les buts réels poursuivis par des acteurs cachés. Ils prétendent ainsi expliquer certains événements frappants par des machinations orchestrées par des acteurs dont les vrais objectifs sont dissimulés. La nature spectaculaire des attentats du 11 septembre ont permis de greffer bon nombre de fantasmes à cet événement hors du commun. Les événements consécutifs à ces attentats, – la mise en place du Patriot Act et l’intervention américaine en Afghanistan et en Irak –, ont été lus comme des preuves de la compromission du gouvernement américain qui aurait provoqué ou laissé se perpétrer ces attentats dans le but de réduire les libertés publiques et de resserrer son contrôle sur la population. D’autres événements historiques, ayant eu un fort impact médiatique, ont été détournés par les théories complotistes : les premiers pas sur la lune de Neil Armstrong, l’élection de Barack Obama ou d’Emmanuel Macron, les attentats de Charlie Hebdo (qualifiés de « complot de Manuel Valls et des lobbies juifs ») ou du 13 novembre 2015 au Bataclan. L’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris a suscité les mêmes réflexes en avril 2019. L’analyse des images permet de ­déconstruire la réalité et le sens des événements filmés.

Bac ANALYSER Les États-Unis sont devenus la première puissance économique mondiale dans la seconde moitié du xxe siècle. – Cumul des symboliques du pouvoir : hard power. – Hyperpuissance à la fin de la guerre froide. – Révolution technologique et culturelle : les États-Unis sont la puissance dont le soft power s’impose à l’échelle mondiale (« macdonaldisation » du monde).

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Les tentatives de mise en question de la puissance américaine sont nombreuses et s’amplifient depuis la guerre froide. – Les Soviétiques lancent des théories qui remettent en question les avancées technologiques des États-Unis. – Le soutien américain à Israël nourrit les thèses du « complot judéo-maçonnique ». – Enfin, certains présidents sont mis en cause par leurs adversaires, contribuant à remettre en cause leur légitimité.

Doc. 4

Conspiracy Watch est un site français fondé en 2007, deux ans après l’arrivée de YouTube, un an après l’arrivée de Twitter. Son nom français est l’Observatoire du conspirationnisme. À l’époque de sa création, le complotisme n’est que très localisé sur Internet mais Rudy Reichstadt qui vient d’être diplômé de l’IEP d’Aix-en-Provence pressent le potentiel des thèses conspirationnistes et de leur intégration dans le monde numérique.

Doc. 5

Comme le complotisme, le créationnisme existait avant l’arrivée d’Internet mais il reprend vigueur avec ce nouveau média et acquiert une plus grande visibilité. Le Conseil de l’Europe prend des décisions qui ont une portée seulement déclarative mais ce rapport est le premier qui concerne les dangers du créationnisme dans le monde éducatif, il a donc une valeur symbolique reconnue. Les vidéos du créationniste Harun Yahya sont accessibles librement en ligne, il a également publié un livre Les Miracles du Coran en 2006.

20 – THÈME 4

S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication – 20

Doc. 6

Ce document met en exergue l’importance de ne pas tout montrer sur Internet et l’évolution de la position des personnalités politiques à cet égard. De manière symbolique, la photographie met l’accent sur la place centrale prise par l’image dans les théories du complot.

Doc. 7

Ce document peut être mis en lien avec le document 4. Conspiracy Watch et les ConspiHunters œuvrent dans le même sens. L’interview a été réalisée par les auteurs d’Hatier et l’Éducation nationale a fait intervenir cette équipe de journalistes dans de nombreuses classes de lycéens.

p. 247

Éléments de réponse aux questions 1. Le complotisme transforme la réalité pour justifier pourquoi il existe des perdants dans un système donné. La virtualité offre des outils pour utiliser et détourner la réalité à l’aide d’images qui peuvent tromper. Internet permet de séduire « les esprits en quête d’explications globales et définitives ». Ainsi, Internet permet de diffuser une vision tronquée des événements par l’utilisation d’images donnant à voir une réalité déformée. 2. Le créationnisme se diffuse grâce aux ouvrages et aux vidéos d’hommes éloquents du monde entier. Depuis l’arrivée d’Internet, comme toutes les idéologies clandestines ou marginalisées, la portée du créationnisme a été transformée, les vidéos se sont multipliées. Les principes et vérités scientifiques sont démontés un à un par le créationnisme, la science, aux fondements tan-

gibles et acquis, est donc remise en question. Cela rompt avec tout le système de valeurs occidental. 3. Le Président veut éviter que les images soient utilisées et détournées par les complotistes, ou qu’elles deviennent l’objet d’un culte idolâtrant un « martyr ». L’absence d’image peut cependant alimenter les théories complotistes qui concluraient qu’Oussama Ben Laden n’est pas mort. 4. L’apprentissage de connaissances solides nécessite une méthodologie et une discipline qui permettent de développer un esprit critique et de ne pas tomber dans les pièges du détournement complotiste. Pour Thomas Huchon c’est l’éducation qui permet de donner les outils générant un recul pour repérer les pièges du complotisme.

Bac ANALYSER de doute que les complotistes sont susceptibles d’exploiter. La crédibilité des médias est entachée par la recherche du scoop et du buzz qui conduit parfois à un manque de rigueur. Pour se réhabiliter, les médias doivent fournir des travaux de recherche et de vérification rigoureux, des analyses développées et soucieuses de montrer toutes les facettes d’un problème. – À l’échelle individuelle, les particuliers doivent toujours prendre du recul et faire preuve d’esprit critique à l’égard des « lectures alternatives » proposées sur Internet.

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Définition des États, des médias, des particuliers : analyse des différentes échelles de perception et d’action. – Les États doivent mettre en place des systèmes d’évaluation et de prévention du complotisme sur Internet. L’utilisation du Conspiracy Watch ou des ConspiHunters demeure indispensable pour les ministères chargés de réglementer l’audiovisuel et l’Éducation. Il faut que les États communiquent sur les sites à éviter qui nourrissent le complotisme et prévoient des vigilances dans le cadre scolaire. – Les médias doivent toujours avoir une rigueur implacable pour sourcer leurs informations et ne pas laisser

21 – THÈME 4

S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication – 21



pp. 250-257

BAC/VERS LE SUP’

pp. 250-251

Composition Les médias et l’État : des relations conflictuelles ? Pour compléter le plan proposé, on peut penser ainsi les paragraphes des parties :

I. Les médias ont été très longtemps sous le contrôle des États 1. Premières gazettes et loi de contrôle de la presse 2. En temps de guerre (censure, Canard Enchaîné)

II. Mais ce contrôle s’est assoupli inégalement selon la nature des États 1. L’essor de la lecture et de l’écriture diversifie les médias, qui luttent contre la censure des États 2. Nombre de médias, devenant des enjeux capitalistiques, passent sous le contrôle de groupes économiques, qui luttent également contre cette censure

III. Ce qui n’empêche pas les États de chercher à maîtriser les flux médiatiques 1. En temps de paix (radio et télévision passent du public au privé) 2. En temps d’innovation : du laisser-faire au contrôle (Internet)

pp. 252-253

Composition L’information à l’heure d’Internet : une rupture ? Pour compléter le plan proposé, on peut penser ainsi les paragraphes des parties :

I. La diffusion de l’Internet est inégale mais très forte sur la planète 1. Plus de 4 milliards d’internautes en 2018. 2. 254 satellites et 260 câbles sous-marins permettent la diffusion des données.

II. Cette diffusion interroge la capacité des médias et des États à réguler l’information 1. Multiplication des médias en ligne, en concurrence ou complémentarité des médias classiques. 2. Multiplication des fausses nouvelles et essor des lieux d’expression publique sans ou avec peu de filtres (réseaux sociaux), ce qui exacerbe à la fois l’expression démocratique mais aussi le complotisme.

III. Car l’information devient, encore plus qu’avant, un outil géopolitique

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d’affrontement entre puissances politiques et économiques 1. Volonté de contrôle de l’information en interne (censure) et en externe (médias financés par un État pour influence l’opinion publique d’un autre État). 2. Lanceurs d’alerte et consortiums internationaux de journaux : un outil au service de la liberté de la presse.

pp. 254-255

Étude de document Complotisme et médias Pour compléter le plan proposé, on peut penser ainsi les paragraphes des parties :

I. L’affaiblissement de l’influence des corps intermédiaires… 1. Due à l’accès à une information non filtrée, qui s’ajoute à une remise en cause ancienne des corps intermédiaires. 2. Remise en cause des références savantes au nom de l’égalité des opinions, donc difficulté à hiérarchiser entre informations fiables et non fiables.

22 – THÈME 4

S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication – 22

II.… et l’essor des outils d’accès et de la densité des informations… 1. 4,1 milliards d’internautes, multiplication des réseaux sociaux, hausse du niveau scolaire. 2. Accès à un ensemble très large de supports d’informations : savants, non-savants, issus d’une propagande d’État, issus de groupes divers dont le principe est la méfiance vis-à-vis de toute parole savante, considérée comme contrôlée par les États.

III.… font ressortir des théories du complot à la fois anciennes et récentes 1. Complot judéo-maçonnique : entretient l’idée que les décisions politiques seraient prises par un petit groupe d’hommes qui les imposeraient au peuple, comme au xixe siècle (affaire Dreyfus). 2. Complot économico-militaire : entretient l’idée que les grandes puissances (États-Unis) prévoiraient tous les événements en leur faveur et aux dépens de la population tenue à l’écart du savoir et des décisions.

pp. 256-257

Étude de document Les médias et la hiérarchie de l’information Pour compléter le plan proposé, on peut penser ainsi les paragraphes des parties :

I. Entre 1997 et 2016, les journalistes semblent confrontés aux mêmes tensions dans le traitement de l’information… 1. Faut-il préférer un événement proche même si son intérêt est limité par la seule émotion populaire ? ou un événement plus lointain mais dont l’impact sur la vie quotidienne peut être plus fort ? 2. Faut-il prendre le temps d’évaluer et de contextualiser ? ou céder à la tentation du récit immédiat ?

II.… et la hiérarchisation des informations est toujours difficile à justifier… 1. L’essor de la quantité d’information exige des journalistes un traitement difficile des choix de faits à éditorialiser, donc un bien plus grand savoir généraliste. 2. Comme les médias sont soumis à une nécessaire rentabilité, la hiérarchie dépend de la clientèle et de sa volonté de lire ou de voir des articles de fond ou des récits immédiats.

III. … d’autant plus que le traitement des informations échappe en partie aux médias via Internet et les réseaux sociaux

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1. L’information circule d’abord via Internet et les réseaux sociaux, où les médias sont présents pour récupérer de l’information, du contexte et des réactions, parfois aux dépens des enquêtes de temps long. 2. Mais l’information est également éditorialisée par des médias en ligne, parfois liés à des États étrangers qui ont intérêt à provoquer des troubles, ce qui interroge la capacité du lecteur à discerner la source fiable et la source non fiable.

23 – THÈME 4

S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication – 23

Thème 5 Analyser les relations entre

États et religions La logique du thème

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Le thème cherche à répondre à plusieurs questions : quels sont les fondements des relations entre les religions et les États ? Comment expliquer les ruptures ? ou l’accentuation des relations entre identité politique et identité religieuse ? Les cas de la France, des États-Unis, de l’Inde sont à relier avec ceux des jeunes États-Unis vus par Tocqueville (Thème 1) ou de l’Empire ottoman (Thème 2). Nombre de ces cas cherchent à montrer pour quelles raisons les États peuvent être tentés d’utiliser politiquement les religions. Le Pew Research Center est un centre de recherche (think tank) américain qui fournit des statistiques et des informations sur la démographie et les religions dans le monde. La carte de la p. 261, publiée en 2017, établit une classification des relations entre États et religions. Ces quatre catégories sont : les pays ayant une religion officielle (ou religion d’État), les pays qui favorisent dans les faits une religion, les pays ne reconnaissant aucune religion – qui représentent plus de la moitié des pays étudiés – et les pays « hostiles » aux institutions religieuses, le plus souvent du fait d’une idéologie communiste. Comme le montre cette carte, les relations peuvent être très différentes entre États et religions en fonction de la volonté plus ou moins grande de l’État de légitimer son pouvoir par la religion : – Dans une théocratie, il y a une confusion totale entre le fait politique et le fait religieux. C’est un régime politique fondé sur des principes religieux ou gouvernés par des religieux. En Iran, le Guide Suprême est une autorité religieuse mais aussi militaire et politique, concurrençant le président de la République (p. 262). – D’autres pays ne séparent pas non plus État et religion, mais suivent des formes très diverses selon les pays. On parle de religion d’État lorsque la législation – généralement la Constitution – précise que telle religion est la religion de l’État. La religion d’État peut être la seule religion autorisée ou bien simplement jouir d’un statut privilégié (un appui financier par exemple), les autres cultes étant libres. Une religion officielle est une religion disposant d’un statut et d’une reconnaissance légale dans un État. Certains pays peuvent aussi reconnaître plusieurs religions officielles. Au Liban, 18 confessions sont reconnues par l’État. À la fin de la guerre civile en 1989, pour apaiser les tensions intercommunautaires, un système multiconfessionnel est mis en pratique en fonction des trois confessions majoritaires. – Le principe de laïcité implique qu’il n’y ait pas de religion d’État et que ce dernier se montre neutre envers les croyances de chacun. La liberté de conscience doit être garantie. Mais la laïcité revêt des formes et des déclinaisons très diverses selon les pays, comme aux États-Unis (p. 262), en Allemagne qui permet la perception d’un impôt de l’Église, ou en France qui a adopté en 1905 une loi de séparation des Églises et de l’État (p. 290-291). – Enfin, dans certains pays, l’athéisme d’État désigne la promotion de l’athéisme comme doctrine officielle, avec des religions plus ou moins tolérées par les autorités. Les États peuvent être tentés d’utiliser politiquement les religions pour contrôler leurs sociétés et ses libertés, dans l’espace public ou privé. La liberté de conscience peut être exercée à des degrés variables dans le monde (carte p. 263), et de nombreux pays interdisent encore le

1 – THÈME 5

S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication – 1

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­ lasphème (c’est-à-dire une parole ou un acte vu comme injurieux pour une divinité ou une b religion) ou l’apostasie (la renonciation à une religion ou le refus de se soumettre à une autorité religieuse). Certains États tolèrent une diversité religieuse, comme en Égypte, peuplée de millions de chrétiens coptes. Mais ils rejettent l’athéisme, qui est l’absence ou le refus de toute croyance en quelque divinité (ex : le lien vers cet article https://www.jeuneafrique.com/505996/politique/ egypte-latheisme-bientot-criminalise/). Il est réducteur d’imaginer une lente avancée des sociétés à l’échelle mondiale vers la séparation entre État et religions et la sécularisation de la sphère publique, soustraite aux institutions religieuses. Ainsi, au Proche et Moyen-Orient, les sociétés des années 1960-1970 étaient souvent plus laïques, comme en Afghanistan (p. 263), en Iran ou en Égypte (ex : cette vidéo de l’ancien président égyptien Nasser évoquant le port du voile au début de l’année 1954 : https://www. france24.com/fr/20121002-video-nasser-moquait-freres-musulmans-voile-islamique-egypte-laicite). Elles ont depuis connu un violent retour du religieux. Pour le sociologue Peter Berger, le monde d’aujourd’hui est « aussi furieusement religieux que toujours, et par endroits plus qu’il ne l’a jamais été ». La complexité du thème religieux implique de revenir aux fondamentaux (double page ­ ondements) : F – Dans l’Axe 1 se pose la question impériale. Revenir sur les transformations du pouvoir impérial en Europe et sur la définition de l’empereur permet de contextualiser la question des liens entre pouvoir et religion. – Dans l’Axe 2 se pose la question de la sécularisation. Revenir sur la chronologie de la distanciation progressive entre l’Église catholique et l’État et sur la définition politique de la papauté permet de contextualiser les effets politiques de cette sécularisation. – Dans l’Étude conclusive se pose la question des rapports entre État et religions en Inde. Il semble nécessaire de revenir sur l’histoire récente de l’Inde : la colonisation britannique comme le processus de décolonisation, qui a marqué les rapports religions/État, et a pu être un des vecteurs identitaires de la construction de l’Inde contemporaine.

2 – THÈME 5

Analyser les relations entre États et religions – 2

AXE

1

POUVOIR ET RELIGION : DES LIENS HISTORIQUES TRADITIONNELS



Bibliographie Quelques ouvrages fondamentaux sur l’Empire carolingien : – BÜHRER-THIERRY Geneviève et MÉRIAUX Charles, La France avant la France (481-888), Belin, 2010. – DUMÉZIL Bruno, Des Gaulois aux Carolingiens. Une histoire personnelle de la France, PUF, 2013. – FOLZ Robert, Le Couronnement impérial de Charlemagne, Gallimard, 1964 (en Folio Histoire en 1989). – MAYEUR Jean-Marie (dir.), Histoire du Christianisme, tome 4, Évêques, moines et empereurs (6101054), Desclée de Brouwer, 1993.

Sitographie – Exposition virtuelle de la BNF autour du couronnement http://expositions.bnf.fr/carolingiens/grand/fr_6465_089v.htm – L’organisation de l’empire de Charlemagne, sur le site du magazine L’Histoire https://www.lhistoire.fr/carte/organisation-de-lempire-de-charlemagne – Une visite guidée d’Adrien Goetz au Louvre, en quête de Joyeuse, l’épée du couronnement de Charlemagne (2015). https://www.franceculture.fr/emissions/la-visite-au-louvre/joyeuse-ou-epee-de-charlemagne



JALON 1

Le pape et l’empereur, deux figures de pouvoir : le couronnement de Charlemagne (800)

pp. 268-271

La logique du dossier

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Les relations entre États et religions posent la question du processus de légitimation réciproque. La continuité du titre impérial implique la supériorité de l’empereur sur les rois, mais aussi contrôle du clergé, protection de son chef et application de ses valeurs dans la vie politique et sociale. Il s’agit ici de montrer comment a été préparé le retour du titre impérial en Europe occidentale, quatre siècles après la fin de l’Empire romain d’Occident, et de constater les effets politiques d’un tel geste politico-religieux. Si les historiens débattent des origines du couronnement, le contexte politique est, lui, bien connu, et donne lieu à une intense propagande dès l’époque de l’empereur Charlemagne. Le mythe de sa barbe fleurie, c’est-à-dire blanche comme un lys, étudié par Robert Morrissey (L’Empereur à la barbe fleurie. Charlemagne dans la mythologie et l’histoire de France, Gallimard, 1997) est véhiculé par les chansons de geste, qui contribuent, mais bien plus tard, à faire de l’an 800 un moment majeur de l’histoire européenne.

Éléments de réponse aux questions 1. Les territoires de Charlemagne s’étendent de la mer du Nord aux Pyrénées, à l’est de Venise et à l’Italie du Sud. L’empereur byzantin contrôle le nord de la Méditerranée orientale autour de Constantinople. Si les deux ont une influence en Italie, ils vivent également à leur sud l’extension du monde islamique (Al-Andalus en Espagne, les Baléares et la Sardaigne, la totalité de l’Afrique du Nord). 2. Le trône impérial est placé à la croisée des regards : pour les fidèles, il est placé comme intermédiaire avec le Ciel. La construction de cette chapelle d’Aix fait de l’em-

3 – THÈME 5

p. 269 pereur un personnage sacré, intermédiaire politique mais aussi sacré entre les sujets et Dieu. Sa légitimité est donc aussi religieuse. 3. La lettre d’Alcuin (juin 799) cherche à convaincre Charlemagne de l’affaiblissement du pape de Rome et de l’empereur de Byzance. La sagesse les légitimant, leur affaiblissement moral ou politique fait du roi (Charlemagne) celui qui les « éclipse en sagesse ». Cette lettre met à égalité ces trois acteurs. La Vita Karoli (Vie de Charlemagne) d’Éginhard est plus tardive et construit le mythe d’un couronnement

Analyser les relations entre États et religions – 3

non voulu par Charlemagne, fruit des circonstances de l’affaiblissement d’un pape accablé par les Romains, et d’un empereur de Byzance (dit « des Romains ») furieux de l’événement. En réalité, le pallium ou manteau de général romain était déjà entre les mains de Clovis, trois siècles

plus tôt, envoyé par l’empereur au petit roi des Francs : le couronnement n’est que la matérialisation de son pouvoir politique et militaire réel. Il a été voulu, organisé et sans doute imposé par Charlemagne.

Bac ANALYSER – Le couronnement fait de Charles l’empereur d’Occident – Mais il fait aussi du Pape le légataire de la dignité impériale, donc un chef religieux autant que politique. – Les deux ont intérêt à coopérer : le pape a besoin de protection et l’empereur de légitimité sacrée.

p. 271

Éléments de réponse aux questions 1. Les États pontificaux sont le fruit de dons de l’empereur de Byzance et de conquêtes militaires par le pape (« patrimoine de Saint-Pierre »). Mais à partir de 756 les dons de Pépin le Bref puis de Charlemagne permettent au pape de doubler ses possessions, contrôlant l’essentiel de l’Italie centrale. 2. L’initiative du couronnement est ambiguë : contre sa protection, l’empereur veut un geste du pape (doc. 6), mais les sources pontificales en font un geste strictement

décidé par le pape (doc. 8). En réalité, les deux ont intérêt à organiser et préparer ensemble une cérémonie faite de gestes de soumission et/ou de mise en égalité. 3. L’égalité de traitement des personnages du pape et de l’empereur agenouillé devant Saint-Pierre permet 1) de montrer que les deux ont des fonctions comparables ; 2) de montrer que l’un ne peut pas s’opposer à l’autre, et qu’ils sont solidaires ; 3) que leur légitimité est sacrée donc inviolable à tous les deux.

Bac COMPOSITION I. Le contexte fait de l’empereur l’homme fort de l’an 800. – Après la remise en question de l’autorité du pape, l’empereur vient en arbitre et protecteur – Le couronnement le place au-dessus des autres rois. L’empereur de Byzance est trop éloigné pour le contester militairement. II. Mais le pape se met au niveau de l’empereur et légitime son rôle de chef du clergé. – Le détail du couronnement fait du pape l’intermédiaire sacré, légitimant Charles comme empereur – La mosaïque de Saint-Jean-de-Latran le montre à égalité avec l’empereur, tous deux sacrés et protégés du Dieu des Chrétiens. III. La propagande commune que véhiculent les sources montre la volonté de ces acteurs de ne pas sortir de l’ambiguïté.

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– Le pape peut s’affranchir de l’influence des familles de Rome pour son élection – Par son caractère sacré, l’empereur peut s’affranchir de l’influence des tribus franques pour légitimer son élection et celle de ses successeurs.

Jalon 2

Pouvoir politique et magistère religieux : les cas du calife sunnite et de l’empereur byzantin

pp. 272-275

Logiques pédagogiques et scientifiques Le choix d’étudier l’empereur Basile II repose sur plusieurs critères. Son règne couvre une partie importante de la période proposée, à cheval sur le Xe et le xie siècle. De plus, il est marqué par un apogée territoriale de l’Empire byzantin (débutée en 945) qui s’appuie sur une légitimité impériale remontant à l’empereur Constantin. Cette période est florissante pour l’institution impériale qui contrôle l’Église orthodoxe dont elle est la protectrice. Basile II est un empereur à part, grand militaire ayant marqué toute l’épopée impériale des Byzantins. Alexis Comnène (xie-xiie) aurait pu être choisi également. De même, le calife Al-Mamun a été retenu car il incarne une manière de penser le pouvoir tout à fait singulière : il valorise le syncrétisme culturel et porte les valeurs d’un islam non rigoriste.

4 – THÈME 5

Analyser les relations entre États et religions – 4

Cette image du califat nous a semblé opportune et à rebours des représentations détournées de cette institution par l’État islamique depuis 2014. Al-Mamun fait partie de la dynastie Abbasside qui a fait de Bagdad sa capitale et un centre du monde arabo-musulman. Son règne se déroule un siècle avant celui de Basile II. Pour le contexte, ne pas omettre de présenter les conquêtes arabes notamment au nordouest de la péninsule arabique sur l’Empire byzantin : à partir de 674, Muawiya (calife Omeyyade) assiège Constantinople, mais les Byzantins vont répliquer. Ainsi, entre 979 et 1002, Basile II réamorce des offensives contre le califat Fatimide. Doc. 1

Cette représentation très connue de l’empereur Basile II est une image qui assoit la puissance et la fonction guerrière de l’empereur. Basile II est l’icône de la dynastie macédonienne dont l’image a beaucoup servi pour la propagande impériale qui a suivi.

Doc. 2

Cette vue intérieure de Sainte-Sophie permet d’insister sur la nature syncrétique de ce monument. Quelques rappels sur l’histoire de Constantinople semblent bienvenus : le sac de Constantinople dans le contexte des Croisades en 1204 et évidemment sa prise par les Turcs en 1453 qui explique l’islamisation. Ainsi, Byzance, Constantinople et Istanbul sont les témoins d’une histoire civilisationnelle à différencier selon les périodes.

Doc. 3

Cette carte historique témoigne de la nature exceptionnelle du règne de Basile II. Il a étendu l’empire à l’ouest comme à l’est et au sud-est. Le califat Abbasside (puis Fatimide) a perdu une partie de son territoire au nord-ouest à l’époque de Basile II.

Doc. 4

Le statut de protecteur de l’Église orthodoxe doit être compris comme une fonction importante de l’empereur mais ce dernier n’a jamais été le représentant de Dieu, ni même celui qui énonce la doctrine religieuse. Les empereurs ont pu nommer les patriarches de Constantinople mais l’Église a toujours incarné un pouvoir spirituel vis-à-vis du pouvoir temporel de l’empereur.

Éléments de réponse aux questions 1. L’empereur est un chef de guerre et le protecteur de l’Église orthodoxe. Il a une dimension sacrée car il se fait couronner dans la basilique Sainte-Sophie. Il est aussi législateur, comme le code de Basile Ier l’atteste. 2. Basile II a fidélisé les puissants de son empire qui vont le suivre dans ses conquêtes. Il renouvelle les chefs militaires de l’aristocratie et s’assure de leur loyauté. Face à lui, le califat Abbasside est dans une période de stabilisation des territoires conquis.

p. 273 3. La place réservée à l’empereur est centrale (point 5 du doc. 2), au-dessus de lui se trouvent la coupole symbole de protection divine et du paradis. La place qui lui est réservée montre un statut particulier d’autant que pour recevoir les insignes du pouvoir, il est couronné à Sainte-Sophie. La mosaïque du doc. 4 montre que les empereurs inscrivent leur légitimité devant Dieu et régissent le droit de l’empire grâce à la religion orthodoxe.

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Bac ANALYSER Byzance est la capitale de l’Empire byzantin devenue Constantinople aux ive siècle, elle est le socle institutionnel de l’empire, l’empereur y vit et y exerce ses activités sauf lorsqu’il est en campagne militaire comme Basile II. À la jonction des continents européen et asia-

tique, la ville est le point de ralliement des troupes militaires. En son sein, Sainte-Sophie est le lieu sacré du couronnement des empereurs. Mais la cité est aussi le lieu de création des lois et le centre commercial de l’empire.

Doc. 5

Cette carte historique démontre l’expansion du califat Abbasside au ixe siècle. Après la première vague de conquête du viie siècle au temps des califes Rashidun et Omeyyades, d’autres phases d’expansion ont lieu. Le ixe siècle est une période de stabilisation des territoires, une partie du Caucase est conquise aux Byzantins qui vont à leur tour reconquérir le territoire perdu sous Basile II, un siècle plus tard.

Doc. 6

Ce document fait partie d’une série de manuscrits émanant de l’Empire byzantin (écriture en alphabet cyrillique) faisant foi des ambassades du calife Al-Mamun. Ces miniatures font partie du manuscrit grec d’Ibn Al-Tiqtaqi dans son livre Al Fakhri écrit vers 1302.

5 – THÈME 5

Analyser les relations entre États et religions – 5

Doc. 7

Ce texte illustre le document 6. Rappel : Après la prise de pouvoir de la dynastie des Abbassides qui met fin à celle des Omeyyades (750), Bagdad devient la capitale du califat et remplace Damas. La forme circulaire de la « ville ronde » a été pensée par des scientifiques et devait symboliser la nouvelle politique du califat. Elle représente la toute-puissance rayonnante du calife. Les sciences font partie intégrante de la manière de penser le califat pour la nouvelle dynastie Abbasside.

Doc. 8

Tabari est un historien d’origine persane, il meurt à Bagdad en 923. Dans l’Histoire des prophètes et des rois, il relate l’histoire du monde depuis sa création, la naissance de l’islam et les trois premiers siècles du monde musulman.

Éléments de réponse aux questions 1. Le monde musulman s’étend sur tout le pourtour méditerranéen même si seuls la péninsule ibérique et la Sicile sont les territoires d’installation de l’empire en Occident. L’Empire byzantin résiste à cette conquête depuis le viie siècle, en revanche l’Empire sassanide, qui correspond au monde perse, a été conquis à partir de 651. Le calife, en tant que successeur du Prophète joue un rôle à la fois de dirigeant politique (doc. 5 et 6) et de chef religieux (doc. 8), il représente le Prophète sur terre. 2. Les savoirs sont un moyen de comprendre ce que pensent les étrangers, c’est aussi une monnaie d’échange

p. 275 et un moyen de flatter ses interlocuteurs. Quand Al-Mamun demande à l’empereur Théophilos une copie de l’Almageste, il lui montre qu’il s’intéresse au patrimoine culturel et scientifique de son empire. C’est un moyen de communication diplomatique qui permet la négociation. Dans la religion musulmane, les connaissances qui ne sont pas issues des textes sacrés (le Coran et la Sunna) n’ont en principe pas de valeur. Le calife Al-Mamun a adopté une attitude d’ouverture en représentant la religion traditionnelle mais en la liant à des connaissances astronomiques

Bac ANALYSER les ambassades étrangères et y fait traduire les livres scientifiques. Elle est le lieu où le premier calife abbasside a été proclamé (grande mosquée de Kufa) et le lieu d’exercice du pouvoir religieux sunnite qui doit protéger la doctrine musulmane sunnite.

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Bagdad est devenue la capitale de l’empire arabo-musulman quand les Abbassides sont arrivés au pouvoir en 749. Appelée la « ville ronde », elle est construite en fonction de l’emplacement de la mosquée. Capitale politique, elle est le lieu de résidence principale du calife, qui y reçoit

6 – THÈME 5

Analyser les relations entre États et religions – 6

AXE

2

ÉTATS ET RELIGIONS : UNE INÉGALE SÉCULARISATION Bibliographie – DA LAGE Olivier, L’Essor des nationalismes religieux, Éditions Demopolis, 2018. Un ouvrage qui compile des articles analysant l’expansion du nationalisme religieux sur tous les continents, notamment en Turquie et aux États-Unis. – HENNETON Lauric, Atlas historique des États-Unis, Autrement, 2019. Un atlas comportant plus de 100 cartes sur l’histoire du pays et les défis du « rêve américain » aujourd’hui. – MONTÈS Christian et NEDELEC Pascale, Atlas des États-Unis, Un colosse aux pieds d’argile, Autrement, 2016. Le portrait des États-Unis, première puissance mondiale, ses atouts, ses tensions internes et la concurrence internationale croissante. – « Turquie : le grand écart », Questions Internationales n° 94, La Documentation française, 2018. Un numéro consacré à la politique extérieure mais aussi aux tensions provoquées à l’intérieur par Erdogan et l’AKP.

Sitographie – Une vidéo de 3 minutes de l’émission Géopolis, sur France Info, expliquant la laïcité à la turque. https://www.dailymotion.com/video/x4tberu – Un article de l’historien Denis Lacorne en libre accès sur Cairn. info sur la laïcité dans l’histoire politique et constitutionnelle des États-Unis. https ://www.cairn.info/revue-etudes-2008-10-page-297.htm – Pew Research, une source inépuisable pour ses statistiques démographiques religieuses mondiales, notamment sur les États-Unis https://www.pewresearch.org/ – Une rétrospective du journal télévisé de France 2 en 2015 sur les grandes étapes de la laïcité en France depuis 1882. https://fresques.ina.fr/jalons/fiche-media/InaEdu06607/l-histoire-de-la-laicite-en-france.html



JALON 1

La laïcité en Turquie : l’abolition du califat par Mustafa Kemal (1924)

pp. 280-283

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Logiques pédagogiques et scientifiques Fondé à la fin du xiiie siècle, l’Empire ottoman concentre des peuples et des territoires très variés. À partir du xviie siècle, l’expansion territoriale s’achève et les premières fragilités apparaissent. La menace extérieure s’ajoute aux mouvements nationalistes à venir. Le nationalisme turc est le moteur idéologique de l’abolition du califat tandis que la Première Guerre mondiale constitue un contexte propice à la déliquescence finale du territoire impérial. Le focus sur le génocide arménien est incontournable et il est souhaitable de l’expliquer. Néanmoins, la Turquie nationaliste et laïque conserve un héritage historique et culturel du califat, sans la dimension religieuse. La laïcité a profondément transformé et bouleversé la société et les institutions turques. La modernisation et l’occidentalisation sont remarquables en ville mais les principes conservateurs sont encore existants. La démocratie s’est imposée progressivement. Dans le même temps, une véritable lutte idéologique est livrée entre les défenseurs de la laïcité et les islamistes. L’arrivée au pouvoir de ces derniers en 2003, représentés par Recep Tayyip Erdogan, donne un nouveau visage à cette République laïque divisée entre une volonté de réhabiliter ses racines ottomanes et d’incarner un État développé et moderne au Moyen-Orient. Pour comprendre ce double phénomène, la lecture du livre d’Ahmet Insel, La Nouvelle Turquie d’Erdogan, du rêve démocratique à la dérive autoritaire, est conseillée (La Découverte, 2015). Doc. 1

7 – THÈME 5

Le génocide arménien reste un problème important pour les 60 000 Arméniens (environ) habitant en Turquie actuellement. La majorité vit dans la capitale Istanbul. La non-reconnaissance de

Analyser les relations entre États et religions – 7

ce génocide par le gouvernement turc a créé un fort sentiment identitaire dans l’ensemble de la diaspora arménienne installée en Europe et en Amérique du Nord principalement. Doc. 2

Sur la carte, faire remarquer que le nom de Constantinople est indiqué alors qu’il s’agit d’Istanbul depuis le xve siècle. C’est le nom qui est toujours employé par les puissances européennes jusqu’au début du xxe siècle. Précisez que la création de la République turque a fait changer de lieu la capitale politique, devenue Ankara. Insistez sur les nouvelles frontières.

Doc. 3

En 1922, l’armée turque parvient à repousser les troupes grecques lors des batailles d’Inönü. À l’issue de cette guerre menée sous le commandement d’Ismet Pacha, le soutien militaire de Mustafa Kemal, le colonel se fit appeler Ismet Inönü. Le mouvement nationaliste grec, autour d’une Grèce s’étendant à l’Asie Mineure, la Megale Idea (« Grande Idée ») est la traduction d’une volonté de régénérer le mythe du monde grec antique, avant que l’Empire byzantin n’émerge. Cela légitime aussi les revendications de la Grèce sur ces territoires maritimes.

Éléments de réponse aux questions 1. En 1918, la capitulation allemande entraîne celle de ses alliés dont l’Empire ottoman qui perd une partie de ses territoires, notamment au sud-est et au sud-ouest et dans la péninsule arabique. Les Alliés se partageront des mandats sur une partie de ces territoires (Syrie, Liban, Palestine, Irak). Le traité de Sèvres (non loin de Paris) officialise les nouvelles frontières en 1920. 2. Aux yeux des Turcs, la menace extérieure est incarnée par la Grèce et la menace intérieure par les Arméniens.

p. 281 Ces deux peuples ont une histoire et une culture bien antérieure à l’histoire ottomane, datant de l’Antiquité. L’Empire byzantin antérieur à l’Empire ottoman était le produit civilisationnel de la culture grecque antique. Quant aux Arméniens, ils ont constitué un royaume à partir du vie siècle avant J.-C. Ces deux peuples constituent des menaces pour l’identité turque, comme les Kurdes aujourd’hui.

Bac ANALYSER

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La fin de l’Empire ottoman est officielle par le traité de Lausanne, pour autant elle aurait pu donner lieu à une simple diminution du territoire. Cela n’a pas été le cas, le changement de régime politique et d’idéologie politique a été total. L’Empire ottoman reposait sur un système alliant sultanat et califat : emblème du monde musulman sunnite conquérant. Depuis le début du xxe siècle,

le nationalisme turc a prédominé et mis en question l’ancrage du pouvoir religieux dans la sphère politique : substitution d’une idéologie à une autre. La modernisation de l’appareil politique et la laïcisation de la société ont donné lieu à la création d’une République disqualifiant le système califal en 1924.

Doc. 4

Ce texte marque le passage d’une partie du monde musulman : l’Empire ottoman – qui a été le référent du territoire arabe et sunnite pendant des siècles – à une sécularisation totale. Le caractère brutal de ce changement doit être souligné.

Doc. 5

Le droit de vote des femmes est une marque d’avancée sociale, il s’impose 14 ans avant le droit de vote des Françaises.

Doc. 6

Marie Jégo est une journaliste du journal Le Monde, spécialiste de la Turquie. La photographie, au-delà du néo-ottomanisme, place Erdogan comme l’un des leaders actuels du sunnisme. Il est une référence dans les pays où les islamistes ont été élus pendant les Printemps arabes : en ­Tunisie et au Maroc par exemple. L’AKP est le Parti justice et développement fondé en 2001 par Recep Tayyip Erdogan, et devenu la première force politique de Turquie. Proche de la pensée des Frères musulmans, ce parti islamiste appuie son action sur l’idée originelle que la démocratie, les droits de l’homme et l’islamisme sont compatibles.

Éléments de réponse aux questions 1. Mustafa Kemal montre que le califat en tant que régime théocratique n’est pas souhaitable tant dans une forme nationale, avec un calife à sa tête (pour lui l’Assem-

8 – THÈME 5

p. 283 blée nationale est la seule légitime à diriger) que dans une forme internationalisée qui s’étendrait sur l’ensemble des États du monde musulman sunnite. Le calife ne peut plus

Analyser les relations entre États et religions – 8

exercer un pouvoir personnel. Dans un État où le régime a été théocratique pendant plusieurs siècles, les figures d’autorité religieuse comme l’imam Shukri ne peuvent pas imaginer un régime dépourvu d’une autorité politique religieuse. La laïcité implique une stricte séparation de la sphère publique et de la sphère privée à laquelle la religion doit être cantonnée. 2. La Turquie diffuse cette photographie car elle fait foi de sa profonde transformation et de son avant-garde progressiste pour le droit de vote des femmes, alors que des pays occidentaux comme la France ou l’Italie n’en disposent pas avant 1944 et 1945. Cela marque drastiquement le changement de cap de ce nouvel État.

3. Erdogan souligne un changement d’ère, qui a correspondu au kémalisme. Ce système de pensée a eu pour but de montrer aux Occidentaux les capacités de la Turquie dans ses possibilités de développement et de modernisation. La Turquie étant reconnue comme acteur incontournable en Asie et dans le monde aujourd’hui, la réhabilitation des valeurs traditionnelles peut avoir lieu. Il fait preuve de néoconservatisme après avoir reconnu l’utilité du progressisme. Sa politique est qualifiée de néo-ottomane car elle remet en avant « l’héritage ottoman et les racines islamiques ». Il contrevient à l’esprit laïc qu’avait diffusé Mustafa Kemal à partir des années 1920.

Bac COMPARER Mustafa Kemal et Recep Tayyip Erdogan sont deux hommes forts de l’histoire politique turque, ils ne sont pas des mêmes époques mais ont impulsé tous deux un changement de cap à la République turque. Leur idéologie s’oppose : nationalisme versus islamisme, progressisme versus conservatisme



JALON 2

Mais ils se rapprochent dans leur volonté de rupture avec l’héritage précédent, leur vision de grandeur pour la Turquie dans le monde et la nécessité de maintenir ou défendre la souveraineté turque.

États et religions dans la politique intérieure des États-Unis depuis 1945

pp. 284-287

Logiques pédagogiques et scientifiques

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L’Axe 2 propose d’analyser les différences dans le rapport entre États et religion, et dans la déclinaison du principe de la laïcité en utilisant le cas turc, français ou états-unien. Ici, l’objectif est de comprendre comment les États-Unis ont mis en place une laïcité sans dieu favorisé, contrairement à la situation française qui propose une laïcité sans religion aucune. La notion de religion civile remonte à Jean-Jacques Rousseau (Du Contrat Social, 1762), qui imagine une religion à vocation unificatrice destinée à rassembler un maximum de citoyens, sans pour autant être exclusive car elle peut cohabiter avec d’autres religions. Doc. 1

Cette chronologie synthétise tous les aspects abordés par les documents 2 à 5 de la double page. Il faut aussi rappeler quelques éléments antérieurs. La rédaction de la Constitution de 1787 et sa ratification l’année suivante firent l’objet de nombreux débats. La Constitution est appelée la « Godless Constitution ». En fait James Madison, principal rédacteur de la Constitution, évacue Dieu face à l’urgence de la ratification pour faire fonctionner le pays, et il décide de passer sous silence tout ce qui peut prêter à des débats sans fin. Certains membres de la Constituante le déplorent et demandent notamment un préambule plaçant la nation sous sa protection explicite, pour ne pas exposer la nouvelle nation à la colère de Dieu et compromettre l’expérience américaine naissante, mais en vain. Après la guerre de Sécession il y aura d’autres tentatives similaires, toutes vaines. Au début du xxe siècle, dans un pays soumis à de profondes mutations, les fondamentalistes défendent la prohibition (censée restaurer la pureté morale) et combattent les thèses évolutionnistes dans les manuels scolaires (ex : le « procès du Singe » contre les darwinistes en 1925). Pour restaurer la « véritable » nature de l’Amérique (blanche, protestante, rurale, traditionnelle), apparaît un mouvement réactionnaire défensif, chrétien, incarné notamment par un Ku Klux Klan, ressuscité en 1915 et qui compte au moins 4 millions de membres au milieu des années 1920.

Doc. 2

Après la Seconde Guerre mondiale, dans le cadre de la guerre froide, l’américanité se redéfinit autour de la foi en général. La logique identitaire est d’associer « l’américanité » à la religion à l’opposé de l’ennemi soviétique athée. Le christianisme et la Bible connaissent un fort regain de popularité : la Bible est en tête des ventes, les Églises sont pleines, Hollywood s’empare des sujets

9 – THÈME 5

Analyser les relations entre États et religions – 9

bibliques (Ben Hur, Les Dix Commandements…), et la religion s’installe dans l’espace public avec le soutien de l’État. Ainsi, le serment d’allégeance récité quotidiennement par les écoliers évoque à présent One Nation under God, alors que le billet vert est agrémenté de la devise In God We Trust. Doc. 3

Au xixe siècle, le nationalisme états-unien s’était construit contre un certain nombre d’« autres » qui ne correspondent pas à la norme identitaire en vigueur (anglo-protestante). L’antipapisme, ancien en Angleterre, traverse l’Atlantique avec les colons et s’y cristallise face à l’immigration irlandaise, en ajoutant une dimension ethnique. L’antipapisme a une forte dimension politique puisque les jésuites sont accusés de faire voter les immigrés catholiques pour les candidats démocrates et de renforcer l’influence du pape sur la vie politique américaine. En 1960, John Fitzgerald Kennedy, candidat démocrate catholique tente, par ce discours devant l’Association des pasteurs protestants de Houston, de dépasser cette norme identitaire. Il veut rallier à sa candidature des électeurs protestants, en plus des minorités ethniques et religieuses du pays.

Doc. 4

Le mouvement des droits civiques remet en cause l’hégémonie blanche sur l’américanité. Sa figure majeure est un pasteur noir protestant, Martin Luther King. Il se heurte notamment à un Ku Klux Klan promoteur d’une « américanité à 100 % » dont les ennemis sont les Noirs (car l’américanité ne peut être que blanche), les catholiques, les juifs et les bolcheviques. Ces idées ont un poids important dans le Sud des États-Unis, le gouverneur ségrégationniste de l’Alabama George Wallace, proche du Ku Klux Klan, étant le dernier candidat indépendant à remporter un État lors d’une élection présidentielle, en 1968. Mais le successeur de Kennedy, Lyndon Johnson, signe le Civil Rights Act qui déclare illégale toute discrimination reposant sur la race, la couleur, la religion, le sexe, ou l’origine.

Doc. 5

La déségrégation et la remise en cause des normes traditionnelles (le patriotisme avec l’opposition à la guerre du Vietnam, la révolution sexuelle, le féminisme, les revendications homosexuelles…) font que cette « Amérique éternelle » se trouve contestée dans son hégémonie culturelle et identitaire. L’arrêt de la Cour suprême autorisant l’avortement (Roe vs. Wade, 1973) fait sortir de son silence la « majorité silencieuse » qui avait porté Nixon au pouvoir et la pousse à s’unir pour former la « Majorité Morale ». Après avoir soutenu Jimmy Carter, démocrate du Sud et premier Président évangélique, et avoir été déçu par lui, ce réseau contribue à porter Ronald Reagan au pouvoir car il semblait être en mesure de pouvoir restaurer « l’Amérique éternelle » (un des slogans de campagne de Ronald Reagan en 1980 était Make America Great Again). Les années 1980 consacrent l’influence de figures évangéliques comme Jerry Falwell, mais les attentes sont largement déçues : Reagan ne réinstaure pas la prière à l’école et l’avortement reste légal.

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Éléments de réponse aux questions 1. Les États-Unis mettent en place une laïcité sans dieu favorisé avec l’influence de la guerre froide, contrairement à la situation française qui propose une laïcité sans religion aucune. La religion n’est pas effacée du paysage américain mais toutes les religions peuvent s’y exprimer, en théorie sans qu’aucune soit favorisée par l’État. La phrase In God We Trust, One Nation under God dans le serment d’allégeance que récitent les élèves américains tous les matins, ou cette scène d’un Président qui prête serment sur la Bible (p. 262) montrent une religion civile destinée à rassembler un maximum de citoyens, sans pour autant être exclusive car elle peut cohabiter avec d’autres religions. 2. John Fitzgerald Kennedy est un candidat démocrate catholique d’origine irlandaise. Il est issu d’une minorité et bénéficie du soutien des autres minorités ethniques et religieuses du pays (Noirs, hispaniques catholiques, etc.)

10 – THÈME 5

p. 285 dans sa campagne. En 1960, par ce discours devant l’Association des pasteurs protestants de Houston, il s’adresse aux électeurs protestants majoritaires en désirant dépasser les identités religieuses de la société américaine en insistant sur la séparation entre l’Église et l’État. 3. Ces deux documents montrent que la religion reste centrale dans les discours politiques aux États-Unis. Le pasteur protestant Martin Luther King, leader du mouvement des droits civiques, utilise des métaphores religieuses et prône le rapprochement entre toutes les religions. En réaction aux nombreux changements dans la société, les fondamentalistes protestants, autour de Jerry Falwell, contribuent à porter Ronald Reagan au pouvoir pour restaurer «  l’Amérique éternelle  » protestante et conservatrice.

Analyser les relations entre États et religions – 10

Bac ANALYSER Ce paragraphe doit montrer la volonté des États-Unis de mettre en place une laïcité sans dieu favorisé, et une religion civile qui cherche à rassembler un maximum de citoyens autour de symboles religieux communs à la nation, tout en cohabitant avec d’autres discours reli-

Doc. 6

Doc. 7 et 9

gieux. L’influence de la guerre froide a accentué la présence de cette religion civile. Mais depuis les années 1960-1970, de nombreuses fractures se révèlent entre les différentes confessions du pays, influant de plus en plus sur la vie politique du pays et les élections.

Dans la Bible Belt, les églises sont omniprésentes le long des routes et dans n’importe quelle petite ville. La part des Américains qui déclarent que la religion occupe une place importante dans leur vie est très élevée et assez stable. Cela fait des États-Unis une exception parmi les pays occidentaux, tous frappés à des degrés divers par une forme de désaffection du religieux et de sécularisation. Seul le Nord-Est, autour de Boston, et les villes mondiales de New York ou californiennes échappent à ce constat. La réalité statistique la plus récente ne correspond plus totalement à ce constat. En effet, les effectifs des Églises diminuent et on remarque une croissance récente des « sans-Églises » ou « unaffiliated », plus couramment appelés « nones » dans la presse. Le terme vient de l’anglais « none », « aucun(e) », qui correspond à une des réponses possibles lors du recensement et plus largement dans les enquêtes d’opinion portant sur l’affiliation religieuse des Américains. « None » n’est pas un synonyme d’athée car une majorité dit croire en Dieu, ou un cinquième dit prier tous les jours. Cette catégorie a longtemps été stable et basse, autour de 5-7 % de la population. En 2014, une enquête du Pew Research Center montre qu’elle avait atteint désormais 23 % (et 25 % en 2016), alors que la part des chrétiens tombait de 78 % en 2007 à 70 % en 2014. Cet essor est strictement corrélé à l’âge : plus on est jeune, plus on a de chances de se revendiquer comme « sans-Églises ». Cela s’explique par des raisons très variées, ayant comme point commun la volonté de séparer le religieux de l’espace public et surtout politique. Globalement, les « nones » sont plus diplômés mais aussi plus blancs que la population en général. L’essor continu des « nones » semble une tendance lourde car liée à la jeunesse. Cela pourrait être une bonne nouvelle pour le Parti démocrate, puisque les « nones » sont une des catégories sociologiques qui penche le plus nettement en leur faveur. Le principal problème pour les Démocrates est que les « nones » font partie des « géants endormis ». Ce sont des catégories qui pèsent de plus en plus lourd au niveau démographique. Ainsi, les WASP (White Anglo-Saxon Protestants) deviendront minoritaires dans la population en 2044 et dans la population en âge de voter en 2052. Mais à cause de leur faible mobilisation électorale, elles peinent à convertir ce poids démographique en impact politique. À l’inverse, les évangéliques sont particulièrement efficaces dans leur capacité à mobiliser. L’élection du premier Président « noir » (en fait métis), Barack Obama, l’arrêt de la Cour suprême Obergefell vs. Hodges (2015) qui légalisait le mariage homosexuel, et les projections démographiques reprises par les grands médias nationaux ont créé une angoisse chez ces chrétiens conservateurs, notamment les Blancs évangéliques. L’essor des « nones » est pour eux un facteur d’inquiétude semblable à l’immigration : la conjonction des deux laisse entrevoir la fin d’une Amérique définie comme blanche et chrétienne. Si l’on en croit les sondages sortis des urnes, Trump a réussi à rassembler 80 % des électeurs évangéliques. Le vote Trump a été en partie motivé par la volonté d’enrayer cette tendance lourde de la démographie américaine. La campagne Trump s’est construite autour d’un des anciens slogans de campagne de Ronald Reagan en 1980, Make America Great Again, un projet de restauration d’une grandeur passée, présenté comme celle de la « dernière chance » de sauver l’Amérique « éternelle ». Et une fois au pouvoir, Trump a nommé un juge conservateur à la Cour suprême (Neil Gorsuch), pour espérer pouvoir revenir sur certains arrêts majeurs de la Cour.

11 – THÈME 5

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Doc. 8

p. 285

Éléments de réponse aux questions 1 La Bible Belt, recoupe globalement le quart sud-est des États-Unis. C’est un espace où la religiosité est très présente dans le quotidien. La part des Américains qui déclarent que la religion occupe une place très importante dans leur vie y est très élevée et stable. On y trouve de nombreux évangéliques blancs qui savent se mobiliser politiquement au moment des élections, comme sur cette photographie de partisans de Donald Trump et Mike Pence en Alabama, au cœur de la Bible Belt. 2. En 2014, 22,8 % des Américains se déclarent « sansÉglises » ou « nones », alors que la part des chrétiens est d’un peu plus de 70 %. Cet essor peut être lié à l’âge : plus on est âgé, plus on se revendique chrétien, plus on est jeune, plus on a de chances de se revendiquer comme « sans-Églises ». « None » n’est pas un synonyme d’athée car une majorité dit croire en Dieu, ou un cinquième dit prier tous les jours. Enfin, les catholiques, notamment les migrants hispaniques sont déjà 20,8 % en 2014, contre 25,4 % de protestants évangéliques. 3. L’essor des « nones » et de l’immigration a créé une angoisse de la fin d’une Amérique définie comme blanche

et chrétienne chez ces chrétiens conservateurs (notamment les Blancs évangéliques). La campagne Trump/ Pence s’est construite autour du slogan Make America Great Again, un projet de restauration d’une grandeur passée, la « dernière chance » de sauver l’Amérique « éternelle ». Sur l’affiche, sa partisane remercie Jésus de l’existence de ce candidat et Trump a réussi à rassembler 80 % des électeurs évangéliques. 4. Cette sécularisation est réelle par l’essor continu de ces « sans-Églises » ou « nones », nombreux dans la jeunesse états-unienne. Ils expliquent leur choix par des raisons très variées, ayant comme point commun la volonté de séparer le religieux de l’espace public et surtout politique. Cela pourrait être une bonne nouvelle pour le Parti démocrate, puisque les « nones » sont une des catégories sociologiques qui penche le plus nettement en leur faveur. Mais les « nones » se sont faiblement mobilisés lors de l’élection de 2016, contrairement aux partisans de Donald Trump.

Bac COMPOSITION I. Un poids de la religion renforcé par la guerre froide. – Une laïcité n’excluant pas Dieu. – Associer « l’américanité » à la religion face à l’ennemi soviétique athée. – Le développement de la religion civile. II. L’apparition de fractures religieuses internes – Des minorités qui veulent apparaître dans les débats politiques. – Une « Majorité Morale » face aux changements sociétaux. – Des fractures importantes autour de l’élection de Trump. III. Une tendance lente à la sécularisation

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– Les garanties apportées par la Constitution laïque. – L’essor des « nones ». – Une sécularisation importante de la jeunesse.

12 – THÈME 5

Analyser les relations entre États et religions – 12

ÉTUDE



CONCLUSIVE

ÉTAT ET RELIGIONS EN INDE Bibliographie – DA LAGE Olivier, L’Essor des nationalismes religieux, Demopolis, 2018. Une compilation d’articles permettant de faire des comparaisons sur l’essor du nationalisme religieux sur tous les continents, notamment en Inde et au Pakistan. – DEJOUHANET Lucie, « L’Inde, puissance en construction », Documentation photographique n° 8109, 2016. Un dossier sur l’Inde, puissance régionale dans un monde global, et ses rapports avec ses voisins. – L’œuvre du politiste Christophe JAFFRELOT permet de poser les fondements et d’expliquer les entrelacs actuels entre politique, identité et religion en Inde. Bilan global de l’émergence indienne dans L’Inde contemporaine, Fayard, 2014. Le poids du religieux et du politique au Pakistan, le meilleur ennemi, dans Le syndrome pakistanais, Fayard, 2013. Mais l’ouvrage le plus proche de nos préoccupations est L’Inde de Modi. National-populisme et démocratie ethnique, Fayard, 2019. – SAINT-MEZARD Isabelle, Atlas de l’Inde : Une nouvelle puissance mondiale, Autrement, 2016. Un atlas consacré à l’Inde face au nationalisme hindou, aux inégalités économiques et aux tensions géopolitiques avec le Pakistan et la Chine. – VIRMANI Arundhati, Atlas historique de l’Inde du vie siècle av. J.-C. au xxie siècle, Éditions Autrement, 2012. Un atlas sur l’histoire nationale indienne et sur l’histoire coloniale et postcoloniale mondiale.

Sitographie – Cinq vidéos proposées par Arte info sur l’hindouisme, ses racines, ses croyances, ses rapports avec les autres religions. https://info.arte.tv/fr/lhindouisme – Une émission Le Dessous des cartes datée de 2018 sur la stratégie de puissance de Narendra Modi, avec ses voisins immédiats et les principales puissances mondiales. https://www.arte.tv/detail/le_dessous_des_cartes_inde_reve_puissance – Un reportage de France 24 en 2015 sur Narendra Modi, Premier ministre indien aux multiples facettes. https://www.youtube.com/watch?v=FSD1a7l5TMM – Un reportage de France 24 en 2015 sur les tensions entre les nationalistes hindous et les minorités musulmanes et chrétiennes. https://www.youtube.com/watch?v=SSwYjGLhJvA



JALON 1

« Sécularisme » et dimension politique de la religion en Inde

pp. 294-297

Logiques pédagogiques et scientifiques © Hatier Paris, 2019 – Histoire-Géographie, Géopolitique, Sciences politiques 1 re

Le sécularisme indien s’est imposé à ce très grand état peuplé aujourd’hui de plus d’un milliard d’habitants car il présentait les traits d’un État multiethnique et multiconfessionnel dès les origines. Pour éviter les confrontations entre les hindouistes majoritaires et les autres minorités religieuses – musulmane, chrétienne, bouddhiste et sikh –, progressivement, une adhésion au multiculturalisme et à la tolérance religieuse ont fait place au sécularisme, idéologie de la sécularité. La fin de la colonisation britannique a permis aux leaders nationaux hindouistes d’institutionnaliser le sécularisme pour l’imposer comme doctrine d’État. Cependant, il est nécessaire de relativiser cet idéal politique et social avec les événements historiques survenus en Inde. L’identité hindouiste étant prédominante, un nationalisme hindouiste s’est développé et a favorisé la réaction d’autres minorités comme les sikhs ou les musulmans. À l’heure où la religion est utilisée comme idéologie politique parfois insurrectionnelle, l’Inde doit être vigilante pour préserver son unité nationale multiculturelle. Pour approfondir sur la notion de sécularisme, un article a été édité en ligne par le groupe Cairn : « Penser le sécularisme » de Talal Asad, Multitudes, 2015, n° 59, pp. 69-82. https ://www.cairn.info/revue-multitudes-2015-2-page-69.htm

13 – THÈME 5

Analyser les relations entre États et religions – 13

Doc. 1

Tirthankar Chanda est spécialiste de l’Inde, indien d’origine et journaliste pour Radio France Internationale, il interroge ici le chercheur politologue Christophe Jaffrelot, spécialiste du sous-continent indien. L’extrait donne la parole à ce dernier.

Doc. 2

Tirés d’un Atlas de l’Inde publié en 2016, les chiffres utilisés pour créer les diagrammes circulaires datent de 2011. On peut expliquer aux élèves que les recensements en Inde sont un travail colossal au vu du nombre d’habitants.

Doc. 3

Il faut noter que cette loi, produite en 1950 est postérieure à la mort de Gandhi (1948) qui fut le promoteur de l’institutionnalisation du sécularisme.

p. 295

Éléments de réponse aux questions 1. Ils ont protégé l’identité culturelle et confessionnelle de chaque Indien en produisant des textes de loi garantis par des institutions (par exemple la Constitution de 1950, doc. 3). Ils ont procédé par strates d’identification. L’identité commune étant le fait d’être Indien sans que cela ne nuise à une identité privée libre d’être ressentie et vécue. 2. Le sécularisme est un système de pensée qui a permis de rassembler les Indiens autour de valeurs sociales et politiques. C’est une forme de nationalisme pacifique à l’indienne qui s’est imposée face aux colonisateurs britanniques. 3. Les buts du sécularisme sont d’empêcher toute discrimination pour les ressortissants indiens et de leur garantir les mêmes chances dans leur éducation et formation sco-

laire. De plus, le but est de protéger leur culture d’origine avec laquelle ils ne doivent pas rompre. 4. Les États où l’hindouisme est le moins représenté se trouvent aux périphéries continentales de l’Inde, au nordouest où sikhs et musulmans sont majoritaires ou au nord-est, où les chrétiens sont les plus nombreux. Au sudouest, pourtant périphérie méridionale, les musulmans sont majoritaires dans les îles Laquedives. La religion peut être un enjeu géopolitique comme ce fut le cas au Cachemire où la population n’est pas de la même confession que son dirigeant et que, se sentant discriminée, elle a demandé des soutiens aux voisins de la même confession et entrepris une insurrection qui dépasse les limites de l’État.

Bac COMPOSITION L’Inde trouve des origines sociales et culturelles à sa sécularisation mais l’intégration de ce principe par la société s’est élaborée grâce aux votes des lois qui le garantissent. I. Les discriminations sont interdites et la laïcité prévaut II. La discrimination positive est légale

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III. La tolérance vis-à-vis des traditions culturelles et cultuelles est protégée

Doc. 4

L’assassinat d’Indira Gandhi illustre le cas d’une rupture entre le dirigeant qui est de confession hindouiste et une minorité sikhe qui se radicalise jusqu’à l’attentat. En 1989, l’assassinat de Rajiv Gandhi par les séparatistes sri-lankais offre un bon exemple du lien pouvant exister entre religion et géopolitique.

Doc. 5

Les risques de discrimination des musulmans sont à mettre en lien avec d’autres pays d’Asie du Sud où c’est le cas : le Sri Lanka, la Thaïlande et la Birmanie. Ce risque amène d’autres risques sécuritaires si certains se radicalisent dans des groupes islamistes armés (ex. : attentat du 21 avril 2019 au Sri Lanka). Les musulmans représentent 14 % des Indiens soient 180 millions d’individus.

Doc. 6

Bien localiser le Gujarat à l’aide de la carte p. 295 et montrer la proximité avec le Pakistan musulman.

Doc. 7

Les lois coutumières se voient bousculées par la loi institutionnelle, c’est une confrontation classique dans des États où les minorités religieuses ont leur socle juridique. Les musulmans ont un fiqh (droit) propre qui doit s’adapter à la loi de l’État.

14 – THÈME 5

Analyser les relations entre États et religions – 14

p. 297

Éléments de réponse aux questions 1. Tous deux ont été assassinés à cause de leurs idées politiques qui leur faisaient accorder selon les fanatiques, soit trop de droits aux minorités (cas de Mohandas Gandhi), soit pas assez (Indira Gandhi). Dans un souci d’union nationale, Indira Gandhi s’était entourée de gardes du corps sikhs. Ceux-ci l’assassinent pour venger une opération militaire menée par l’armée indienne contre des séparatistes sikhs retranchés dans leur lieu saint, le Temple d’Or d’Amritsar. 2. C’est une idéologie nationaliste, l’hindutva, qui s’appuie uniquement sur l’identité hindoue alors que le parti du Congrès depuis sa création promeut le multiculturalisme de l’identité indienne.

3. La statue impose l’hindutva, dans le Gujarat où la majorité hindouiste est écrasante par rapport à la moyenne nationale : 89 % d’hindouistes alors que dans l’État indien ils sont 79 %, ce qui fait du Gujarat un creuset du nationalisme à fondement religieux. 4. Cette décision condamne une pratique de répudiation utilisée par les musulmans indiens, elle est jugée inconstitutionnelle et contrevient aux principes indiens. Cela favorise l’égalité homme-femme en Inde et cela minore les pratiques coutumières autorisées par l’islam, ce qui peut leur faire dire qu’ils sont discriminés.

Bac COMPOSITION I. Le rôle du sécularisme – Unifier une nation multiculturelle – Éviter les discriminations et favoriser les pratiques culturelles individuelles II. La violence religieuse à but politique – Traduction d’un sentiment de non-reconnaissance ou de discrimination – Obéissance à une idéologie politique plus qu’à une religion III. L’essor du nationalisme à fondement religieux – Utilisation de la majorité pour asseoir le pouvoir selon l’hindutva – Faire éclore un autre modèle social et politique en Inde.



JALON 2

Les minorités religieuses en Inde

pp. 298-301

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Logiques pédagogiques et scientifiques Les documents proposés doivent permettre de donner une appréhension à la fois géographique et sociale de la diversité religieuse de l’Inde. Dans un premier temps, le corpus documentaire présente et localise dans le pays les différentes religions pratiquées : – la religion dominante qu’est l’hindouisme (doc. 1 et 2 p. 298), – les principales minorités religieuses que sont l’islam (doc. 1 p. 298 et 3 p. 299), le sikhisme (doc. 1 p. 298 et 4 p. 299), le christianisme (doc. 1 p. 298 et 3 p. 299), – et les religions plus confidentielles (doc. 1 p. 298). Les documents photographiques permettent également de mettre en valeur les paysages et les pratiques auxquels donnent lieu certaines religions, et en particulier la dimension religieuse de l’immersion dans les eaux fluviales (documents 2 p. 298 et 4 p. 299) Dans un second temps, le corpus documentaire présente les conséquences politiques et sociales de la diversité culturelle en Inde et fait apparaître les fortes tensions que la présence de minorités religieuses suscite au sein de la société indienne. Les documents font apparaître que les trois principales minorités religieuses ont des revendications autonomistes comme c’est le cas pour les sikhs (doc. 7 p. 301), et subissent des discriminations de fait (doc. 5 p. 300) ou de droit (doc. 6 p. 300) comme c’est le cas pour les musulmans, mais aussi des violences comme cela a été le cas pour les chrétiens (doc. 8 p. 301) et les musulmans. Doc. 1

Ce diagramme circulaire permet de faire apparaître à la fois la domination numérique de l’hindouisme en Inde (quasiment les ¾ de la population) et la part notable et la diversité des minorités religieuses. Le diagramme a été réalisé à partir des données de l’Observatoire de la liberté religieuse qui regroupe un certain nombre de minorités religieuses dans la catégorie « animiste ». Par fidélité pour les sources ce terme a été repris par le document, cependant il est important

15 – THÈME 5

Analyser les relations entre États et religions – 15

de préciser que de nombreux chercheurs en sciences sociales évitent aujourd’hui ce terme. Le terme d’animisme désigne la croyance aux âmes et aux esprits et se réfère à la théorie de Edward B. Tylor, un auteur du xixe siècle. Mais il a depuis les années 1980 une connotation évolutionniste qui a conduit bon nombre d’auteurs à l’abandonner. Doc. 2

La photographie permet de donner à voir certains paysages et pratiques de la religion hindoue dominante en Inde. Les fleuves et rivières ont une place centrale dans la pratique de la religion hindouiste, et le Gange fait partie des 7 fleuves considérées comme sacrés et qui font l’objet de pèlerinages. Ces cours d’eau sont aménagés à leur source et à certains endroits de leur cours afin de faciliter les bains rituels et les incinérations. La photographie représente plus particulièrement Varanasi, l’une des 7 villes saintes de l’hindouisme. Se baigner dans le Gange à Varanasi est censé ressourcer le fidèle, le purifier de tous les péchés passés, présents et à venir. Enfin, son incinération sur les ghats permet de le libérer du cycle des réincarnations.

Doc. 3

La carte fait apparaître une très inégale répartition des minorités religieuses en Inde. Quasiment absents de la plupart des États indiens et particulièrement du centre du pays, les adeptes d’autres religions que l’hindouisme se concentrent surtout dans les États frontaliers : les musulmans le long de la frontière nord, et particulièrement dans la région frontalière du Pakistan (Jammu-et-Cachemire), les sikhs se concentrent dans le Pendjab également frontalier du Pakistan, et les chrétiens sont davantage présents dans les États frontaliers avec la Chine, le Bhoutan et la Birmanie au nord-est du pays. La présence d’une importante minorité chrétienne dans le Kerala et à Goa s’explique par la présence d’anciens comptoirs coloniaux occidentaux : Goa (comptoir portugais) et Cochin et Calicut au Kerala (comptoirs français) où les missions catholiques portugaises ont été très actives à partir du xvie siècle.

Doc. 4

Le sikhisme est une minorité religieuse fortement concentrée dans un territoire : le Pendjab. La photographie montre que, comme dans l’hindouisme, la religion sikh marque les paysages par ses monuments (le Temple d’Or), ses aménagements et ses pratiques sur les berges car les fleuves et rivières constituent des lieux sacrés.

p. 299

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Éléments de réponse aux questions 1. Religion majoritaire : l’hindouisme ; religions minoritaires par ordre d’importance  : islam, christianisme, sikhisme, et très minoritaires  : bouddhistes, jaïnistes, ­parsis… 2. Les populations musulmanes sont surtout présentes dans les États frontaliers du nord du pays, c’est-à-dire dans des États souvent voisins des pays musulmans frontaliers de l’Inde comme le Bangladesh au nord-est et le Pakistan au nord-ouest. Lors de l’indépendance de l’Inde en 1947, les frontières entre l’Inde, le Bangladesh et le Pakistan ont en partie été tracées à partir de critères confessionnels. Cependant certains territoires ont conservé d’importantes minorités musulmanes. C’est tout particulièrement le cas du territoire disputé du Jammu-et-Cachemire où la population est majoritairement musulmane et qui fait l’objet

d’un conflit frontalier globalement apaisé mais toujours pas réglé. 3. La minorité chrétienne représente un peu moins de 5 % des Indiens (4,7 %) à l’échelle du pays, mais elle se concentre dans quelques territoires de la côte de la mer d’Arabie comme Goa et le Kerala, et dans les États du nord-est de l’Inde : l’Arunachal Pradesh, le Nagaland, le Manipur, le Mizoram et le Meghalaya. Les chrétiens y sont parfois majoritaires comme au Nagaland. 4. Les sikhs sont une minorité religieuse qui vénère un Dieu universel essentiellement présente au nord-ouest de l’Inde dans l’État du Pendjab. Ils sont 8 millions et une de leurs caractéristiques religieuses est le port du turban et du kirpan (épée ou dague symbolisant la lutte contre l’injustice).

Bac COMPOSITION La question posée n’appelle évidemment pas une réponse tranchée affirmant que seul l’hindouisme est pratiqué en Inde, ni que l’hindouisme est une religion à égalité avec les autres dans le pays. L’enjeu est bien ici de démontrer que la religion hindouiste est en Inde une religion

nettement majoritaire en termes quantitatif et spatial en Inde, mais que cela n’empêche pas le pays de présenter une situation de diversité religieuse puisque les minorités religieuses y sont nombreuses et majoritaires dans certains territoires frontaliers.

Proposition 1 (Organisation dialectique – les temps I et II peuvent être inversés) : I. L’Inde, un grand pays hindouiste : pratique de l’hindouisme très majoritaire à l’échelle de la population

16 – THÈME 5

indienne, et dans la plupart des États indiens. Religion qui marque par ses pratiques et ses aménagements les

Analyser les relations entre États et religions – 16

paysages, et en particulier les berges des fleuves. Inde berceau de l’hindouisme puisqu’y coulent les 7 rivières sacrées. II. Cependant cette situation n’empêche pas une certaine diversité religieuse : différentes minorités mais s­urtout

musulmane, chrétienne et sikh. Dans certains États, l’hindouisme devient même minoritaire. Et certains territoires sont aussi le berceau de ces religions minoritaires comme le Temple d’Or d’Amritsar pour le sikhisme.

Proposition 2 (Organisation typologique — pour les exemples, les élèves peuvent s’aider de la carte de la p. 295) :

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I. L’Inde, un grand pays hindou où vit également une mosaïque de minorités religieuses  : pratique de l’hindouisme très majoritaire à l’échelle de la population indienne, et dans la plupart des États indiens mais différentes minorités essentiellement musulmane, chrétienne et sikh parfois majoritaires. Religion qui marque par ses pratiques et ses aménagements les paysages, et en particulier les berges des fleuves, mais certains territoires sont aussi le berceau de ces religions minoritaires comme le Temple d’Or d’Amritsar pour le sikhisme.

II. Si bien que l’on peut distinguer 3 types de situation religieuse : 1) une Inde essentiellement hindoue correspondant à la plupart des États et particulièrement aux États du centre du pays. Exemples : Mahārāshtra, Delhi, Orissa ; 2) une Inde majoritairement hindoue mais où des minorités religieuses sont présentes. Exemples : Goa, Kerala, Assam ; 3) une Inde minoritairement hindoue : Pendjab (sikhisme), Nagaland (christianisme), Jammu-etCachemire (islam).

Doc. 5

Ce double graphique fait apparaître la dynamique de marginalisation dans laquelle se trouve la minorité musulmane en Inde depuis près de 40 ans. Cette marginalisation est politique : elle se lit dans la représentation des musulmans à la Chambre basse. La Chambre basse ou Chambre du Peuple est l’une des deux assemblées qui constitue le Parlement de l’Inde. Ses membres sont élus au scrutin uninominal majoritaire pour 5 ans et le chef du parti majoritaire est traditionnellement nommé Premier ministre du pays. Elle correspond donc à peu près à l’Assemblée nationale française. Le graphique fait apparaître qu’alors que la population musulmane augmente depuis les années 1980, la part de parlementaires musulmans a diminué de moitié. Le graphique de droite montre, lui, une marginalisation sociale puisqu’alors que la population musulmane représentait environ 15 % au début des années 2010, les prisonniers musulmans en attente de procès représentaient eux plus de 20 % des prisonniers indiens.

Doc. 6

La photographie illustre une des mesures hostiles prises ces dernières années à l’égard des populations non hindoues en général et musulmanes en particulier dans certains États indiens. Les tensions entre communautés religieuses sont héritées des guerres liées à la partition de l’Inde : les territoires majoritairement musulmans ont été séparés de l’Inde pour former le Pakistan, mais certains territoires musulmans de l’est ont voulu se séparer du Pakistan en 1971. C’est à la suite de ce conflit qu’est né le Bangladesh, et on estime à 8-10 millions de Bangladais le nombre de personnes ayant migré au cours du conflit. Ce sont notamment ces populations qui sont exclues du recensement par l’Assam, alors même qu’elles résident depuis près de 50 ans dans l’État. Au-delà de la dimension vexatoire de la mesure, on note qu’elle risque – en refusant de recenser comme Indiens 4 millions de musulmans – de créer des apatrides, ce que le droit international interdit.

Doc. 7

La volonté de la communauté sikh d’obtenir son indépendance n’est pas seulement fondée sur des critères religieux, mais plus largement sur l’affirmation d’une culture spécifique. C’est cet argument qui est mobilisé par les sikhs qui revendiquent le droit à l’autodétermination que défend l’ONU pour les peuples autochtones. Les peuples autochtones sont définis par le Haut-Commissariat aux Droits de l’homme des nations Unies comme « les descendants de ceux qui habitaient dans un pays ou une région géographique à l’époque où des groupes de population de cultures ou d’origines ethniques différentes y sont arrivés et sont devenus par la suite prédominants, par la conquête, l’occupation, la colonisation ou d’autres moyens ». Mais le séparatisme sikh n’a pas pris que des formes pacifiques comme cela est rappelé dans le « contexte ».

Doc. 8

Ce texte illustre certaines formes de tensions entre la majorité hindouiste et les minorités religieuses. Des tensions qui se traduisent par un durcissement législatif avec une aggravation des peines encourues en cas d’abattage de bovins. Des tensions qui se traduisent aussi par des violences au sein de la société civile perpétrées par des milices à l’encontre des minorités consommatrices de viande de bœuf.

17 – THÈME 5

Analyser les relations entre États et religions – 17

Et le durcissement législatif prend également la forme de lois anti-conversion adoptées par un nombre croissant d’États depuis 2015 : ces lois stipulent que nul ne peut changer de religion par la force, la séduction ou des moyens frauduleux, et fait de la « conversion forcée » un délit passible d’un à cinq ans de détention. Cette loi oblige aussi à obtenir l’autorisation du gouvernement de l’État avant toute conversion. Autant de dispositions utilisées au détriment des minorités.

p. 301

Éléments de réponse aux questions 1. La marginalisation des musulmans se manifeste par leur sous-représentation au sein des instances politiques nationales (Chambre basse) et par leur surreprésentation parmi les prisonniers indiens en attente de procès. 2. Les persécutions contre les minorités religieuses prennent la forme : – de violences anti-communautaires (milices pro-hindoues), – d’un durcissement des lois hostiles ou contraignantes pour les minorités (lois contre l’abattage des bovins), – de mesures administratives hostiles ou contraignantes pour les minorités (recensement en Assam), – et de répression du militantisme (répression du séparatisme sikh).

3. Les vaches sont considérées comme sacrées par les hindous qui ne les consomment pas car elles sont le symbole de la vie universelle, et le véhicule des dieux Shiva et Krishna. Cet interdit est un motif de violences entre les intégristes hindouistes et les membres des autres communautés religieuses, et il est à l’origine de lois anti-abattage. 4. Les sikhs manifestent à l’étranger, en particulier à Londres où la diaspora est importante. Ce militantisme se développe en dehors de l’Inde que les sikhs accusent de les réprimer.

Bac ANALYSER La question posée appelle une réponse tranchée affirmant que le rapport de l’État indien – et de bon nombre d’États qui le composent – aux différentes communautés

religieuses aggrave les persécutions religieuses. On propose d’y répondre en adoptant un plan géographique analytique (description/explication/enjeux) :

I. Description de la situation : L’Inde, un pays multiconfessionnel mais où le nationalisme hindou est à l’origine de persécutions 1. L’Inde, un pays multiconfessionnel de fait et de droit 2. Pourtant un pays où les minorités sont marginalisées par la majorité hindoue 3. Et où elles subissent des persécutions protéiformes croissantes II. Présentation des facteurs explicatifs : Un rapport aux religions favorisant les persécutions 1. Pour des raisons historiques : les héritages de la partition de l’Inde 2. Pour des raisons socio-démographiques : la domination numérique et économique des hindous 3. Pour des raisons politiques : l’arrivée au pouvoir du parti de N. Modi III. Enjeux de la situation : Une aggravation des persécutions porteuses d’enjeux politiques et humains

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1. Des persécutions qui encouragent le séparatisme 2. Des persécutions qui fragilisent les plus vulnérables 3. Des persécutions qui déstabilisent la paix civile



JALON 3

Des enjeux géopolitiques dans le conflit entre Inde et Pakistan

pp. 302-305

Logiques pédagogiques et scientifiques L’étude conclusive propose d’analyser le rapport entre État et religion en Inde. Le jalon 3, centré sur les relations entre Inde et Pakistan, permet de voir comment les tensions fortes et récurrentes entretiennent l’influence des nationalismes religieux dans les deux pays depuis leur indépendance. En 1947, malgré la volonté de Gandhi, les violences interconfessionnelles se sont déchaînées, notamment autour du problème du Cachemire. Et depuis, le conflit maintient la question religieuse au centre de nombreux débats politiques, que ce soit par le terrorisme d’origine pakistanaise en 2001 ou en 2008, ou par des émeutes antimusulmanes comme en 2002 et l’émergence du BJP au Gujarat, près de la frontière avec le Pakistan. Ce conflit avec le Pakistan doit aussi

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s’analyser en jouant avec les échelles, dans le cadre de la stratégie de puissance de Narendra Modi, vis-à-vis de ses voisins immédiats et des principales puissances mondiales. Doc. 1

Clement Attlee, le Premier ministre travailliste qui succède à Winston Churchill en juillet 1945 est rapidement convaincu que l’accession de l’Inde à l’indépendance est inévitable, mais les tractations sont rendues difficiles par les désaccords entre les leaders politiques indiens. Alors que le parti du Congrès, dominé par Gandhi, veut la création d’un seul État, laïc et rassemblant tous les Indiens, la Ligue musulmane d’Ali Jinnah demande que l’indépendance s’accompagne de la partition de l’Inde en deux États, dont l’un sera musulman. Dès la fin de l’année 1945, une vive agitation s’empare des grandes villes du Nord et débouche au cours de l’année 1946 sur des incidents sanglants opposant les deux communautés religieuses, notamment à Calcutta. Les Britanniques confient alors la direction d’un gouvernement intérimaire à Nehru, compagnon de Gandhi. Puis, en février 1947, Londres dépêche Lord Louis Mountbatten comme vice-roi pour négocier les modalités de l’indépendance, effective le 15 août 1947.

Doc. 3

Quatre États sont ainsi créés : l’Union indienne, le Pakistan (occidental et oriental, devenu le Bangladesh en 1971), la Birmanie (devenue Myanmar) et Ceylan (devenu le Sri Lanka). Mais cette partition n’empêche pas les violences interconfessionnelles de se déchaîner. À Calcutta d’abord, dès 1946. Dans les provinces partagées lors de la partition ensuite (Pendjab et Bengale), où les populations hindoues et musulmanes étaient très imbriquées. Des millions de populations minoritaires sont déplacées, hindous vers l’Union indienne et musulmans vers le Pakistan. Ces déplacements de population s’accompagnent de massacres de grande ampleur. Enfin, la situation est particulière dans deux anciens États princiers où les deux communautés étaient fortement implantées. Dans l’État d’Hyderabad, au centre du pays, la population est à majorité hindoue mais le prince musulman désire rester indépendant ou être rattaché au Pakistan. Après de nombreuses violences contre les minorités, l’Union indienne reconquiert cet espace en 1948. Dans l’État du Cachemire, où la population est à majorité musulmane, le prince hindou demande le rattachement à l’Inde. Immédiatement le Pakistan conteste ce choix et envahit une partie du territoire. Le conflit devient militaire. Des millions de réfugiés fuient les combats. L’ONU intervient et trace une ligne de cessez-le-feu début 1949. Le Pakistan prend possession du nord-ouest de la province, et l’Inde du sud-est. La victime la plus symbolique de cette décolonisation est le Mahatma Gandhi. Le 30 janvier 1948, alors qu’il essayait en vain d’apaiser les tensions, il est assassiné par un extrémiste hindou qui l’accusait d’être responsable de la division du Bharat, le territoire revendiqué par les hindous incluant le Pakistan, la Birmanie et Ceylan (page 292). Après l’intervention de l’ONU traçant une ligne de cessez-le-feu début 1949, les tensions persistent. Le Pakistan transfère en 1960 sa capitale de Karachi à Islamabad, à proximité immédiate de la zone disputée. La Chine revendique aussi des régions du Cachemire, entraînant une guerre sino-indienne en 1962, permettant l’occupation l’Aksai Chin par les troupes chinoises et un traité sino-pakistanais, où le Pakistan cède à la Chine la vallée de Chaksgam, au nord-ouest du glacier de Siachen, pourtant revendiqué par l’Inde. Une nouvelle guerre éclate au Cachemire en 1965. À la mi-septembre, le conflit a fait plus de 3 000 morts côté indien et près de 4 000 du côté pakistanais. L’Inde occupe 700 km2 de territoire pakistanais, et le Pakistan 1 250 km2 de territoire indien. La tension internationale monte alors que la Chine menace d’intervenir contre l’Inde et que les États-Unis déclarent qu’ils s’opposeront à une telle intervention. Le Conseil de sécurité des Nations unies vote une résolution exigeant l’arrêt des combats, et les deux pays signent un accord stipulant le retrait des troupes en vue d’un retour aux frontières précédentes. Enfin, en 1971, une guerre civile éclate, opposant les deux Pakistan, occidental et oriental. Les Pakistanais orientaux considèrent que leur participation au pouvoir politique est insuffisante. L’Inde en profite pour intervenir et soutenir les indépendantistes, facilitant la naissance du Bangladesh. Cela lui permet d’éliminer toute menace pakistanaise à ses frontières orientales, en affaiblissant son ennemi, privé d’une grande partie de son territoire.

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Doc. 2 et 4

Éléments de réponse aux questions 1. Le parti du Congrès, dominé par les hindous Gandhi et Nehru, veut la création d’un seul État, laïc et rassemblant tous les Indiens. La Ligue musulmane d’Ali Jinnah demande que l’indépendance s’accompagne de la partition de l’Inde en deux États, dont l’un sera musulman. Les Britanniques sont convaincus que l’accession de l’Inde à l’indépendance est inévitable, mais les tractations sont rendues difficiles par les désaccords entre les leaders politiques indiens. Londres dépêche Lord Louis Mountbatten comme vice-roi pour négocier les modalités de l’indépendance, effective le 15 août 1947. 2. Quatre États sont ainsi créés : l’Union indienne, le Pakistan (occidental et oriental, devenu le Bangladesh en 1971), la Birmanie (devenue Myanmar) et Ceylan (devenu le Sri Lanka). Mais cette partition n’empêche pas les violences interconfessionnelles de se déchaîner, là où les populations hindouistes et musulmanes étaient très imbriquées : à Calcutta, à Hyderabad, dans les provinces partagées lors de la partition ensuite (Pendjab, Bengale et Cachemire). Des millions d’habitants sont déplacés, hindous vers l’Union indienne et musulmans vers le Pakistan. Ces

p. 303 déplacements de population s’accompagnent de massacres de grande ampleur. 3. Dans l’État du Cachemire, le conflit devient militaire entre les deux nouveaux pays aux religions différentes. C’est la première guerre indo-pakistanaise. Des millions de réfugiés fuient les combats. L’ONU intervient et trace une ligne de cessez-le-feu début 1949, devenue la ligne de contrôle (LoC) en 1972. Le Pakistan prend possession du nord-ouest de la province, et l’Inde du sud-est. 4. La Chine revendique aussi des régions du Cachemire, entraînant une guerre sino-indienne en 1962, permettant l’occupation l’Aksai Chin par les troupes chinoises et un traité sino-pakistanais, où le Pakistan cède à la Chine la vallée de Chaksgam, au nord-ouest du glacier de Siachen, pourtant revendiqué par l’Inde. Une nouvelle guerre éclate au Cachemire en 1965 sans gains territoriaux. Enfin, en 1971, une guerre civile éclate, opposant les deux Pakistan, occidental et oriental. L’Inde en profite pour intervenir et soutenir les indépendantistes, affaiblissant son ennemi pakistanais, privé d’une grande partie de son territoire.

Bac ANALYSER Ce paragraphe doit montrer comment les différences religieuses entre ces confessions très imbriquées géographiquement ont révélé des fractures internes très importantes dans cet ancien empire des Indes. Elles ont

débouché sur un morcellement politique et sur des violences massives, annonciatrices de tensions géopolitiques et internes toujours présentes aujourd’hui.

Les tensions continuent après 1971 entre les deux pays, notamment autour du glacier de Siachen. Il est devenu le plus haut champ de bataille du monde, entre 5 000 et 7 000 mètres d’altitude et par des températures pouvant atteindre −50 °C. En 1984, l’Inde prend le contrôle de cette zone très difficile d’accès, dans le prolongement de la ligne de contrôle (LoC). Le glacier est le théâtre de nombreuses escarmouches entre les armées indienne et pakistanaise depuis. En 1998, les deux rivaux se dotent de l’arme nucléaire. Ce qui n’empêche pas, le conflit de Kargil en mai 1999. Des centaines de combattants islamistes démobilisées après la fin de la guerre d’Afghanistan et soutenus par le Pakistan s’infiltrent sur la partie indienne de la ligne de contrôle et s’installent sur les hauteurs de Kargil. L’Inde réagit et son armée lance une vaste offensive qui lui permet de reprendre les zones investies. Depuis, chaque attentat perpétré par des terroristes musulmans en Inde tend la situation militaire le long de la frontière. Ainsi, le 13 décembre 2001, un groupe armé de cinq hommes attaque le parlement indien, parvenant à tuer sept personnes avant d’être eux-mêmes abattus. Les dirigeants du Pakistan ont aussitôt condamné l’attaque mais de nombreux hommes politiques indiens blâment le Pakistan d’avoir servi de base arrière pour les assaillants, entraînant une concentration de troupes près de la LoC quelques semaines plus tard. Dans ce contexte, le BJP (Parti du peuple indien), mettant en avant l’hindouité, s’impose dans l’État du Gujarat, en Inde du Nord. En 2002, des émeutes antimusulmanes y font près de 2 000 morts, très majoritairement musulmans. Le chef du gouvernement de l’État, Narendra Modi, est accusé d’avoir laissé faire, voire d’avoir encouragé les violences. Les États-Unis lui refusent un visa pendant dix ans. De même, le 14 février 2019, un attentat tuant 46 militaires indiens est revendiqué par un groupe radical basé au Pakistan. Les autorités pakistanaises condamnent alors l’attaque et nient toute implication. Mais, dans un contexte de campagne du BJP au pouvoir pour les élections législatives, l’armée indienne mène quelques jours plus tard des frappes aériennes sur la ligne de contrôle, entraînant ensuite des échanges de tirs entre les soldats des deux camps avant un retour au calme.

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Doc. 5

Doc. 8

Doc. 6 et 7

Ainsi, à chaque attentat, la situation militaire devient tendue sur la frontière, freinant l’avancée des négociations de paix, parfois relancées par la « diplomatie du cricket ». En 1978, une série de matchs entre les deux équipes de ce sport, de très loin le plus populaire du sous-continent, ont permis quelques discussions bilatérales, inexistantes depuis 1961. Après le conflit de Kargil, en 1999, l’Inde et le Pakistan ont repris un « dialogue composite » à la suite d’une rencontre de cricket en 2004. En 2011, lors de la Coupe du monde organisée et remportée par l’Inde, le Premier ministre pakistanais avait rencontré son homologue indien lors de la demi-finale, disputée au Pendjab, près de la frontière. Et enfin, en 2015, un « dialogue bilatéral général » est lancé par les deux Premiers ministres, pendant que l’Inde dominait le Pakistan lors de la Coupe du monde de cricket en Australie. Il s’est à nouveau interrompu en février 2019. À une échelle régionale, la Chine tente d’établir une étroite relation avec le Pakistan, une source d’irritation de longue date pour l’Inde. Ce rapprochement s’est d’abord initié autour de la question du Cachemire, par les accords de 1972 (document 2 p. 302). Puis la Chine a apporté un large soutien au programme nucléaire pakistanais, qui aboutit aux essais nucléaires fructueux de 1998 et à la construction de plusieurs centrales nucléaires (civiles) depuis le début des années 1990. Le Pakistan est un important importateur d’armes chinoises, qui prévoit d’acheter huit sous-marins chinois et un autre contrat pour quatre sous-marins nucléaires est en cours. À une échelle continentale, l’Inde s’inquiète de la présence chinoise accrue dans l’océan Indien, depuis que la Chine a commencé à financer et à aménager des ports sur les côtes pakistanaises, sri lankaises et bangladaises. La Chine a ainsi débuté la construction du port de Gwadar en mer d’Arabie à la fin des années 1990, prévoyant 2 milliards de dollars de dépenses. C’est un des éléments d’un « collier de perles » encerclant l’Inde et faisant partie de la grande entreprise chinoise de la Route de la Soie. Une partie majeure de cette route est le Couloir économique sino-pakistanais (CPEC), supposé relier le Xinjiang, province de l’ouest de la Chine, au port de Gwadar, en passant par la zone du Cachemire administrée par le Pakistan. Le CPEC a pour objectif de sécuriser les approvisionnements en hydrocarbures chinois depuis le Moyen-Orient en cas de tensions internationales fortes, vis-à-vis du concurrent indien mais surtout de la marine étatsunienne, très présente dans l’océan Indien (la base de Diego Garcia) et en mer de Chine (les bases de Singapour et de Guam). Narendra Modi s’est opposé au CPEC, le qualifiant d’inacceptable lors de sa visite en Chine en 2015.

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Éléments de réponse aux questions 1. Ce conflit est disproportionné d’abord du fait du territoire revendiqué, marginal en termes de superficie et de démographie pour les deux pays, notamment le glacier de Siachen, zone très difficile d’accès devenue le plus haut champ de bataille du monde. Pourtant, ces espaces peuvent potentiellement déboucher sur une guerre nucléaire, les deux rivaux étant dotés de l’arme nucléaire depuis 1998. Disproportionné aussi du fait des acteurs mobilisés, l’armée du côté indien, et des combattants islamistes démobilisés après la fin de la guerre d’Afghanistan et soutenus par le Pakistan, qui s’infiltrent régulièrement de l’autre côté de la LoC pour y commettre des attentats, comme lors du conflit de Kargil en 1999, mais aussi en 2001 ou en 2019. Tous ces éléments expliquent le main-

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p. 305 tien de négociations bilatérales, notamment dans le cadre de la « diplomatie du cricket » depuis 1978 (doc. 8). 2. Face à leur principal concurrent régional qu’est l’Inde, la Chine tente d’établir une étroite relation avec le Pakistan. Ce rapprochement s’est d’abord initié autour de la question du Cachemire, par les accords de 1972 puis par un large soutien au programme nucléaire du Pakistan. La Chine a aussi débuté la construction du port de Gwadar sur les côtes pakistanaises, un des éléments d’un Couloir économique sino-pakistanais (CPEC), d’un « collier de perles », et plus largement du projet majeur de la Route de la Soie. L’objectif est ainsi de sécuriser les approvisionnements en hydrocarbures chinois depuis le Moyen-Orient en cas de tensions internationales.

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Bac COMPOSITION I. À l’échelle nationale : – L’essor d’un nationalisme religieux autour du BJP. – Des tensions interconfessionnelles remettant en cause la sécularisation. II. À l’échelle régionale : – Le conflit indo-pakistanais, déstabilisateur récurrent. – Le rôle de la Chine et du CPEC dans ce conflit. III. À l’échelle continentale et mondiale :

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– La peur de l’encerclement par le « collier de perles » de la Route de la Soie. – Un rapprochement nécessaire avec les États-Unis ?

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pp. 308-315

BAC/VERS LE SUP’

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Composition Religion et vie politique en Inde depuis 1923 Pour compléter le plan proposé, on peut penser ainsi les paragraphes des parties :

I. Religions et marche vers l’indépendance 1. Un parti du Congrès pour un seul État, laïc… 2. … et une Ligue musulmane pour une partition en deux États… 3. … entraînant une explosion de violence lors de la partition en 1946-1947.

II. Une progressive sécularisation après 1948 1. L’hindutva et une violence politique hindoue… 2. … qui reste minoritaire face à une Constitution indienne laïque… 3. … et une sécularisation réelle dans la société indienne.

III. Le retour d’un nationalisme religieux avec le BJP 1. L’émergence du BJP dans le nord de l’Inde… 2. … et les raisons de son arrivée au pouvoir en 2014… 3. … amenant une crispation identitaire dans le pays aujourd’hui.

pp. 310-311

Composition Sécularisation et vie politique en Occident Pour compléter le plan proposé, on peut penser ainsi les paragraphes des parties :

I. Une lente sécularisation à partir du Moyen Âge 1. Une confusion entre religion et pouvoir politique. 2. Une première rupture entre le pape et le roi de France. 3. L’influence de la Renaissance et de la Réforme protestante.

II. Une accélération de la sécularisation après les révolutions américaine et française : 1. La mise en place de la laïcité aux États-Unis. 2. L’exemple original de la laïcité à la française. 3. La fin du pouvoir temporel du Pape.

III. Une laïcité remise en cause par des crispations identitaires aujourd’hui ?

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1. Malgré la sécularisation, de nombreux États occidentaux à religion officielle. 2. Les polémiques autour de la laïcité en France. 3. Une utilisation de l’identité chrétienne dans les démocraties illibérales ?

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Étude de documents Le nationalisme religieux, un communautarisme réducteur ?

Interroger avec les connaissances du cours Retrouver des exemples turcs et indiens éclairant le texte, présentés par le manuel dans ce thème 5. Glissez-les dans le tableau thématique. Attention à la paraphrase : ne citez pas le ­document sans l’expliquer à l’aide de connaissances personnelles précises. Construire un plan Pour compléter le plan proposé, on peut penser ainsi les paragraphes des parties : (Problématique) Comment sont reliés l’identité religieuse et le nationalisme aujourd’hui ?

I. Créer une communauté religieuse pour se construire une identité 1. « Un nationalisme reposant sur une définition de la nation liée à une religion ». L’Amérique des Évangélistes ou l’hindutva et d’autres, à l’inverse de la démocratie-chrétienne (Alcide de

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Gasperi en Italie et Konrad Adenauer en Allemagne, pionniers de la construction européenne) qui fait référence au christianisme comme un ensemble de valeurs fondamentales, mais ne définit pas la nation par la religion. 2. « Incorporer au récit national cette communauté imaginée ». La réutilisation de la déesse Bharat Mata, « l’Amérique éternelle »…

II. Créer une communauté religieuse par l’exclusion des minorités 1. « Il exclut ceux qui ne remplissent pas les critères fixés pour appartenir à cette communauté ». Le Ku Klux Klan, le djihadisme, les violences des radicaux hindous… 2. « Y compris ceux dont toute la famille a vécu depuis des générations sur cette même terre ». Les musulmans ou chrétiens en Inde (pour les nationalistes hindous)…

III. Créer une communauté religieuse pour s’affirmer face aux voisins 1. « Le nationalisme religieux va conduire à un repli territorial traditionnel ». Le territoire de Bharat et le nationalisme hindou, Make America Great Again… 3. « Ou au contraire justifier des conquêtes territoriales » ou « conforter une zone d’influence ». Le néo-ottomanisme, Poutine et l’orthodoxie russe…

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Étude de documents Pratique religieuse et vie politique aux États-Unis Pour compléter le plan proposé, on peut penser ainsi les paragraphes des parties :

I. Une mobilisation des chrétiens blancs et évangéliques en faveur de Trump 1. Les baptistes sont plutôt des évangélistes WASP au nord (Jerry Falwell). 2. Les luthériens sont majoritairement des WASP évangélistes. 3. Les mormons sont majoritairement des Blancs conservateurs.

II. Une mobilisation des minorités et des jeunes sécularisés en faveur de Clinton 1. Les baptistes sont plutôt des Africains-Américains au sud (Martin Luther King). 2. Les catholiques sont plutôt des hispaniques, ou des Irlandais au nord-est (Kennedy). 3. Dans les grandes métropoles vivent beaucoup de communautés et de jeunes sécularisés.

III. Des exceptions et une victoire de Trump expliquée par l’abstention ?

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1. De nombreux catholiques dans la région des Grands Lacs qui ont voté Trump dans un contexte de crise économique. 2. Des « géants endormis » qui se sont faiblement mobilisés pour aller voter. 3. Un système électoral des « grands électeurs » qui permet une victoire de Trump sans la majorité absolue de voix.

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