Histoire 2de Sébastien Cote - Livre du Professeur [2019 ed.]

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Histoire 2de Sébastien Cote - Livre du Professeur [2019 ed.]

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Livre du professeur

HISTOIRE 2de Nouveau programme 2019

Sous la direction de : Sébastien Cote Professeur en classes préparatoires au lycée Joffre à Montpellier (34) Joëlle Alazard Professeure en classes préparatoires au Lycée Faidherbe, Lille (59) Stéphane Coviaux Professeur en classes préparatoires au lycée Joliot-Curie, Nanterre (92) Laurence De Cock Professeure au lycée Guillaume-Tirel, Paris (75) Hayat El Kaaouachi Professeure au collège-lycée Henri-Wallon, Aubervilliers (93) Éric Godeau Professeur en classes préparatoires au lycée Hélène-Boucher, Paris (75) Jean-Marcel Guigou Professeur au lycée Germaine-Tillion, Le Bourget (93) Delphine Lécureuil Professeure au lycée Jules-Guesde, Montpellier (34) André Loez Professeur en classes préparatoires aux lycées Molière et Victor Hugo, Paris (75) Caroline Normand Professeure au collège Louis-Issaurat, Créteil (94) Colin Revol Professeur au lycée Saint-Exupéry, Lyon (69)

Introduction

La périodisation en histoire › MANUEL PAGES 22 À 27

OBJECTIFS ET PROBLÉMATIQUE L’introduction du programme d’histoire de seconde consiste en une réflexion sur la périodisation en histoire. Il s’agit de rappeler comment l’histoire a été découpée en quatre grandes périodes marquées dans leur découpage par le choix d’une date-clé (pages 22 à 24), puis de montrer que le choix de ces dates ne va pas de soi (p. 24) et que la périodisation canonique peut être critiquée (p. 25-26). Le programme invite également à envisager les autres formes de périodisation auxquelles l’historien a recours, comme le siècle, les règnes et les dynasties, les chrononymes… (p. 27). L’ensemble des pages (éléments de cours, frises chronologiques, documents iconographiques, textes d’historiens) permet ainsi, comme y invite le programme, de montrer que le temps a luimême une histoire, que cette histoire n’est pas la même partout et que la périodisation est au cœur du travail de l’historien. Le chapitre est volontairement bref, dans la mesure où l’enseignant ne dispose que de deux heures pour traiter ce point. Un questionnement en trois temps, proposé p. 25 et p. 27, permet à l’élève de travailler en autonomie.

OUVERTURE › MANUEL PAGES 22-23 Le chapitre s’ouvre sur une frise chronologique qui représente le découpage du temps en quatre grandes périodes, adopté par les historiens français au XIXe siècle : Antiquité, Moyen Âge, Temps modernes, période contemporaine. Périodiser nécessite de choisir des bornes, aux extrémités de la période étudiée. Les quatre grandes périodes canoniques sont ainsi bornées par des dates qui sont censées symboliser des ruptures. Les documents présentés sur cette page illustrent les dates charnières les plus courantes qui sont utilisées pour borner nos quatre grandes périodes. Une tablette d’argile sumérienne (doc. 1) illustre l’apparition de l’écriture, marquant traditionnellement le passage de la préhistoire à l’histoire. Une

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gravure du XIXe siècle (doc. 2) illustre la date de 476, lorsqu’Odoacre, soldat de l’Empire romain, dépose Romulus Augustule et renvoie les insignes impériaux à l’empereur Zénon à Byzance, marquant la chute de l’empire romain d’Occident et le passage de l’Antiquité au Moyen Âge. Une gravure de Théodore de Bry, datant de 1594 (doc. 4), vient illustrer la « découverte » de l’Amérique par Christophe Colomb et le passage du Moyen Âge aux Temps modernes. Enfin, une estampe (doc. 3) illustre la prise de la Bastille en 1789 et l’avènement de l’époque contemporaine. Les pages suivantes permettront de discuter à la fois de la pertinence de ces dates mais aussi, plus largement, de ce découpage du temps en quatre périodes.

DOCUMENTS Les quatre grandes périodes de l’histoire > MANUEL PAGES 24-25

Réponses aux questions 1. Pourquoi les historiens ont-ils divisé l’histoire en grandes périodes ? L’acte de périodisation est au cœur du métier d’historien. À travers la périodisation, l’historien tente en effet de « substituer à la continuité insaisissable du temps une structure signifiante » (A. Prost, Douze leçons sur l’histoire, Paris, Le Seuil, 1996). Ainsi à la question que l’historien Jacques le Goff a choisie comme titre de son dernier ouvrage « Faut-il découper l’histoire en tranches ? », ce dernier répond positivement. Dans l’entretien accordé au magazine Sciences humaines en 2014, il affirme ainsi « une périodisation est nécessaire pour maîtriser l’évolution historique » et préconise de découper le temps en « longues périodes avec des sous-périodes ». Il faut attendre le XIXe siècle pour que s’impose le découpage du temps historique en quatre grandes périodes canoniques : Antiquité, Moyen Âge, Temps modernes, période contemporaine. C’est là

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Introduction – La périodisation en histoire

l’œuvre d’universitaires français, reprenant des appellations déjà en usage chez les érudits italiens au XVe siècle (à l’exception de la période contemporaine). Le recours à la périodisation en quatre temps constitue depuis un facteur structurant, un repère commun. 2. Comment les historiens procèdent-ils pour périodiser ? Périodiser c’est découper le temps en segments qui supposent une certaine durée. Chaque segment doit posséder des caractères propres mais se définit aussi par rapport à la relation qu’il entretient avec les périodes qui l’encadrent, permettant de penser à la fois la continuité et la rupture. Le choix de la périodisation doit être justifié, tous les découpages ne se valent pas : ils doivent avoir du sens et doivent identifier des ensembles relativement cohérents. À l’intérieur d’une période, l’homogénéité est ainsi censée prévaloir. Ainsi, pour justifier son « long Moyen Âge » (du IIIe à la naissance du XIXe siècle), Jacques le Goff détermine des éléments d’unité : le niveau technologique (« l’ère du moulin »), les famines, ainsi que le poids du christianisme. À l’intérieur de ce « long Moyen Âge », il propose des sous-périodes (IIIe-Xe siècle, Xe-XVe siècle environ, XVIe jusqu’au XIXe siècle) avec « d’autres critères d’unité ». Périodiser nécessite de choisir des bornes, placées aux extrémités de la période étudiée. De leur pertinence découle celle de l’opération de périodisation. Ce faisant, l’historien détermine aussi des bornes intermédiaires qui vont ponctuer les différentes étapes du processus étudié. 3. Montrez que nos quatre grandes périodes peuvent être remises en cause. Parce que la périodisation est une construction par nature simplificatrice, elle a été l’objet de nombreuses critiques, favorisées notamment par une meilleure prise en compte de la pluralité des processus, de la diversité des rythmes. Cette mise à distance critique de l’acte de périodisation a contribué à une relecture des périodes canoniques et héritées et a conduit à repenser les passages d’une période à une autre, la création de nouveaux découpages… Il faut en effet prendre garde que l’attachement aux quatre grandes périodes canoniques ne les fasse apparaître comme un donné et non comme un construit. Antoine Prost oppose ainsi une périodisation « refroidie » à une « périodisation

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vive », celle qui se construit et se renouvelle au fil du travail des historiens. Le choix des dates bornant les périodes canoniques est un premier problème, évoqué page 24. Pour chacune des périodes, plusieurs bornes sont possibles, les limites restent floues. Le doc 2 permet de revenir sur les débuts de l’époque contemporaine et de montrer que la délimitation des périodes dépend aussi des lieux et a elle-même une histoire. Ainsi, 1789 est une date liée à un événement de notre histoire nationale. L’impact de cet événement a conduit parfois à en faire une rupture universelle. Ainsi, l’Espagne et quelques autres pays ont retenu cette date. En revanche, dans le monde anglo-saxon, la Contemporary history commence plutôt en 1945, parfois en 1914, voire à la fin du XIXe siècle. L’auteur du doc. 2 explique que pour les Soviétiques, c’est la révolution d’octobre 1917 qui opère la césure entre époque moderne et contemporaine. Dans la Chine maoïste, la période contemporaine débute en 1919, avec le mouvement étudiant du 4 mai. À l’heure de la Global History et des Postcolonial studies, les périodisations forgées par les Européens font l’objet de vives remises en cause. Le débat porte aussi sur la pertinence du découpage. Le médiéviste Jacques Le Goff préfère ainsi dissoudre les temps modernes dans un « long Moyen Âge », en mettant en avant la profonde homogénéité d’une période courant jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Certains historiens proposent aussi d’intercaler d’autres périodes entre les quatre « canoniques » comme l’Antiquité tardive, ou encore la Renaissance.

DOCUMENTS D’autres façons de découper le temps > MANUEL PAGES 26-27

Réponses aux questions 1. Montrez que la périodisation varie selon les lieux et les thèmes étudiés. Comme les élèves ont commencé à le découvrir avec le doc. 2 p. 25, la périodisation varie également selon les lieux. La périodisation japonaise est bien différente de notre périodisation occidentale (doc 1). Pour Jean Grataloup, « périodiser, c’est régionaliser », les périodes ne s’appliquant qu’à des espaces définis (« les périodes sont des régions du Monde », revue ATALA Cultures et sciences humaines n° 17, 2014). 2

Introduction – La périodisation en histoire

Le poids des traditions historiographiques nationales reste prégnant dans la définition des périodes. La périodisation en quatre temps se heurte également à la diversité des phénomènes qu’elle prétend englober. Antoine Prost dans ses Douze leçons sur l’histoire (doc. 2) entend montrer que chaque objet historique, selon qu’il est du ressort du politique, du religieux, de l’économique ou du social, a sa périodisation propre. 2. La périodisation se limite-t-elle au découpage du temps en quatre grandes périodes ? Justifiez votre réponse. La page 25 montre que les historiens utilisent aussi d’autres formes de découpage du temps, correspondant à la délimitation de périodes plus brèves : les siècles, les règnes et les dynasties, des chrononymes comme la Belle Époque, autant de découpages qui peuvent aussi être questionnés. 3. Faites une recherche sur la Belle Époque en définissant les caractéristiques qui peuvent en faire une période spécifique. « La Belle Époque » est un chrononyme utilisé par les historiens pour désigner la vingtaine d’années précédant la Première Guerre mondiale. Cette question est l’occasion de proposer une recherche personnelle aux élèves, qui devront déterminer les caractéristiques économiques, sociales, technologiques, politiques et culturelles qui donnent à cette période une unité, d’en définir le cadre géographique et de s’interroger sur le choix de l’expression et sa validité.

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CHAPITRE

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La Méditerranée antique : les empreintes grecques et romaines › MANUEL PAGES 28 À 59

OBJECTIFS ET PROBLÉMATIQUE DU CHAPITRE de

Ce premier chapitre du programme de 2 est difficile à mettre en œuvre en raison des trois périodes qu’il associe et qu’il faut traiter dans un temps d’enseignement limité. Cela complique l’effort de contextualisation nécessaire pour bien comprendre chacune d’entre elles : le Ve siècle grec, la fin des guerres civiles romaines et l’avènement d’Auguste, la christianisation de l’empire dans l’antiquité tardive. L’association de ces trois moments est conçue, dans le programme, à travers les termes de « creuset » et d’« empreintes » qui suggèrent que, malgré leurs différences, ils auraient contribué à façonner le monde contemporain. Plusieurs passages du manuel permettent de travailler cette idée, et de la questionner, en soulignant continuités et décalages entre la démocratie athénienne et le fonctionnement contemporain de la Ve République, par exemple (pages « Passé-présent »). Plus largement, on peut chercher à faire ressortir les éléments communs aux civilisations de l’antiquité méditerranéenne, et les évolutions qu’elles connaissent, qui les différencient. On peut dès lors combiner une approche thématique (les figures du pouvoir, de Périclès à Constantin ; le contrôle des espaces, de la Ligue de Délos aux voies romaines ; le rapport aux dieux, de la construction du Parthénon à l’interdiction des sacrifices) avec une approche chronologique : domination du monde grec par Rome, conquête romaine de la Méditerranée et donc du monde grec, guerres civiles romaines et fin de la République, transformations et christianisation de l’empire. Ce chapitre est enfin l’occasion de réfléchir historiquement à des termes majeurs du vocabulaire politique : empire, démocratie, République, et aux sens différents qu’ils prennent suivant les périodes, nos usages contemporains étant à la fois inspirés de modèles antiques, et profondément différents dans leurs attendus et leurs implications.

OUVERTURE › MANUEL PAGES 28-29 La confrontation des deux documents, de même nature (sculpture dotée d’une signification politique) permet d’introduire la dynamique centrale du chapitre, qui montre une évolution depuis le modèle de la cité (entendue comme collectivité de citoyens, et, dans le cadre de la démocratie athénienne, pouvant délibérer collectivement, ce qui est concrétisé par le texte figurant sous le basrelief) vers celui de l’empire, doté d’un unique souverain. Le caractère gigantesque de la statue de Constantin permet d’insister sur la consolidation du pouvoir impérial à cette période, encore accru par rapport à celle de la fondation du principat par Auguste. Sur le plan des représentations, on peut également souligner le contraste entre l’allégorie de la démocratie, laquelle fait l’objet d’un culte, parmi d’autres divinités, dans la cité athénienne, et la figure du premier empereur chrétien qui par son autorité initie le basculement de l’empire vers le christianisme comme religion unique et officielle.

REPÈRES › MANUEL PAGES 30-31

Réponses aux questions 1. Quels sont les lieux de culte et les lieux de la vie politique dans l’espace urbain d’Athènes ? Athènes comprend deux espaces politiques principaux : la colline de la Pnyx, où se réunit l’Ecclésia (assemblée du peuple), qui vote les lois et les grandes décisions concernant la cité, à travers environ quarante réunions par an. L’Agora, au cœur de la cité, est également un lieu de débats, de discussions, en particulier avec les bâtiments de l’Héliée (tribunal populaire) et le Bouleutérion où se réunit le conseil (Boulè) de cinq cents citoyens tirés au sort et chargés de préparer les réunions et les votes de l’assemblée. Les lieux de culte sont multiples mais le plus important est la colline sacrée de l’Acropole où se

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Chapitre 1 – La Méditerranée antique : les empreintes grecques et romaines

trouvent les principaux temples et sanctuaires athéniens, de la déesse protectrice de la cité, Athéna (le Parthénon) et d’un de ses héros tutélaires, Érechthée (Érechthéion). C’est vers l’Acropole que convergent, chaque été, les processions des Panathénées. 2. Contre quel adversaire s’est construite la puissance athénienne au Ve siècle av. J.-C. ? La puissance athénienne s’est construite contre l’empire perse, qui a tenté deux invasions du monde grec au cours des guerres médiques, en 490 av. J.-C. puis en 480-479 av. J.-C. Cette deuxième guerre médique a été remportée par les Grecs coalisés, grâce notamment à la flotte athénienne qui s’est illustrée lors des batailles de Salamine (près d’Athènes) et du cap Mycale (près de Milet, en Asie mineure). L’un des enjeux de ce conflit est en effet le contrôle des riches cités grecques d’Asie mineure comme Milet ou Éphèse : longtemps dominées par l’empire perse à qui elles versent un tribut, elles passent sous protection puis sous tutelle athénienne à l’issue des guerres médiques. Il importe de noter que la carte ne représente qu’une minime partie de l’immense empire perse qui s’étend, à l’est, jusqu’à l’Indus ; on ne voit donc pas ici ses capitales (Suse, Ecbatane, Persépolis) ni son ampleur géographique. 3. Quelle est l’étendue de l’empire romain à la mort d’Auguste, puis sous le règne de Constantin ? L’empire romain recouvre presque toute la Méditerranée à la mort d’Auguste, et il s’accroît, après son règne, de la Maurétanie (royaume vassal de Rome, annexé en 44 de notre ère, sous l’empereur Claude), de la Bretagne (nom antique de l’actuelle Angleterre, également conquise sous l’empereur Claude au premier siècle de notre ère), de la Thrace et d’une partie de l’Orient (Pont, Arménie, actuelle Jordanie sous le nom d’Arabie). Il est à noter que la carte ne fait pas figurer des noms et délimitations de provinces (leur nombre et leurs limites ont varié entre l’époque d’Auguste et celle de Constantin) mais les principales régions et localités de l’empire.

COURS 1 La démocratie athénienne dans le monde grec › MANUEL PAGES 32-33

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Réponses au Testez-vous ! Quelles sont les différences entre Athènes et les autres cités grecques de son époque ? Athènes est plus prospère et plus peuplée que les autres cités grecques, et elle crée surtout un nouveau type de régime politique, la démocratie, à la fin du Ve siècle avant notre ère. Comment les citoyens peuvent-ils participer aux affaires de la cité ? Les citoyens peuvent prendre la parole pour débattre et voter, élire leurs dirigeants, combattre pour défendre la cité, et participer à ses rituels religieux. La domination maritime d’Athènes est-elle bien acceptée par les autres Grecs ? Cette domination est rejetée tant par les cités qui sont sous l’emprise d’Athènes, au sein de son empire, comme Naxos ou Samos (qui se révoltent au cours du Ve siècle avant J.-C.), que par ses rivales, comme Sparte qui entre en guerre avec elle en 431 av. J.-C.

COURS 2 La naissance de l’empire romain et le principat d’Auguste › MANUEL PAGES 34-35

Réponses au Testez-vous ! Pourquoi la République romaine entre-t-elle en crise au Ier siècle avant notre ère ? Les conquêtes entreprises par Rome en Italie puis en Méditerranée la déstabilisent, car elles suscitent les ambitions des chefs de guerre avides de richesses et de prestige, qui entrent en compétition et finissent par s’affronter afin de diriger les armées et de contrôler les territoires conquis. Cela provoque des guerres civiles. Quels éléments expliquent la victoire d’Octave, futur Auguste, sur ses rivaux politiques ? Auguste dispose d’atout familiaux (la richesse et le nom prestigieux de son grand-oncle et père adoptif, Jules César) et fait preuve d’habileté en ralliant d’anciens soldats de César et en remportant des succès politiques et militaires sur ses rivaux, dont Marc Antoine. Quelles sont les particularités du nouveau système politique fondé par Auguste ?

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Chapitre 1 – La Méditerranée antique : les empreintes grecques et romaines

Il s’agit d’un système dirigé par un seul homme, l’empereur, même si le fonctionnement de la République romaine, qui répartit le pouvoir entre sénateurs et consuls, n’est pas officiellement aboli.

COURS 3 L’empire romain, une mosaïque culturelle et religieuse › MANUEL PAGES 36-37

Réponses au Testez-vous ! Les Romains ont-ils imposé leur culture aux peuples conquis ? Non, les peuples conquis par Rome ont pu garder leurs langues et leurs cultes, même si certains éléments de la civilisation romaine comme le droit et les modes de vie urbains se sont diffusés dans l’empire. L’empire romain est-il uni tout au long de son histoire ? Malgré des facteurs d’unité comme le droit romain et les voies romaines, l’empire tend à se diviser, suivant la langue majoritaire (grec à l’est, latin à l’ouest), puis de façon plus politique avec le partage des territoires entre deux empereurs, rendu définitif à la fin du IVe siècle de notre ère. Par quelles étapes le christianisme est-il devenu la religion officielle de l’empire ? Le christianisme est d’abord une religion locale, et minoritaire. Il fait l’objet de persécutions des autorités romaines mais tend à se diffuser principalement au IIIe siècle de notre ère. Adopté et légalisé par l’empereur Constantin à partir de 312, il devient la seule religion légale sous l’empereur Théodose à la fin du IVe siècle de notre ère.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Périclès et la démocratie athénienne > MANUEL PAGES 38-39  Doc 1. De prudents débuts politiques Plutarque est un historien, biographe, philosophe et moraliste grec d’époque romaine (46-125 ap. J.C.). Parmi ses écrits les Vies dites « Vies parallèles », qui comparent des Grecs et des Romains fameux, constituent une source importante pour les historiens, même si on y trouve beaucoup Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

d’anecdotes édifiantes et pas forcément exactes, puisées par Plutarque chez des auteurs antérieurs. Il nous renseigne souvent moins sur les personnages dont il écrit la biographie que sur l’image qui se dégageait d’eux à l’époque impériale, six siècles plus tard dans le cas de Périclès, dont la vie est racontée en parallèle de celle de Fabius Maximus « Cunctator », l’un des vainqueurs d’Hannibal à la fin du IIIe siècle avant J.-C.  Doc 2. et 5 Périclès fait l’éloge de la démocratie athénienne / Périclès contesté au début de la guerre du Péloponnèse Les deux textes sont extraits de La Guerre du Péloponnèse, écrit par l’athénien Thucydide (460396 av. J.-C. env.). Il est l’un des stratèges athéniens au début de ce conflit, mais un échec militaire le fait condamner à l’exil en 424 av. J.-C. À partir de cette date, il est un observateur de la guerre, dont il livre un récit détaillé et marqué par un souci de recherche causale très prononcé, qui s’arrête en 411 av. J.-C. Témoin et contemporain de Périclès, il en fait un personnage central au début de son texte, en reproduisant le discours qu’il aurait prononcé pour honorer les morts athéniens, sans toutefois qu’il s’agisse d’une retranscription exacte ou d’une prise de notes : l’historien antique ne travaille pas d’après des archives mais compose un discours idéalisé (doc.2).  Doc. 3 Tesson d’ostracisme portant le nom de Périclès Ce tesson de poterie mesure environ 7 cm sur 5 cm. Il fait partie des environ 11 000 ostraka (tessons d’ostracisme) retrouvés lors de fouilles sur l’agora athénienne et dans le quartier du Céramique. Certains de ces tessons étaient dédiés à cette pratique politique, d’autres consistaient simplement à écrire un nom sur un morceau de poterie existant. La plupart datent des années 470-460 avant J.-C., lorsque les rivalités personnelles étaient intenses au sein d’une démocratie athénienne datant d’un demi-siècle environ et encore peu enracinée.  Doc 4. Périclès et l’embellissement d’Athènes La photographie montre une vue de l’acropole d’Athènes prise depuis le sud-ouest : au fond, à droite, on distingue la colline du Lycabette. Il existe d’autres acropoles dans le monde grec, comme à Corinthe : le mot acropole (formé sur akron, point élevé, et polis, cité) désigne une citadelle ou hauteur surplombant une ville. Ici, il s’agit de la colline sacrée et fortifiée d’Athènes depuis l’époque archaïque. Aux yeux des Athé3

Chapitre 1 – La Méditerranée antique : les empreintes grecques et romaines

niens, on y trouve les signes de la présence divine, comme l’olivier qu’Athéna aurait offert pour devenir la déesse tutélaire de la cité. Les temples qui y figurent avaient été pour partie détruits lors de l’invasion de la ville par les Perses en 480 av. J.C., et ils ont été reconstruits grâce au trésor de la « ligue de Délos », à l’initiative de Périclès, au milieu du Ve siècle avant notre ère. On voit, à gauche, les propylées (entrée à colonnes) et le temple d’Athéna Nikè (« victorieuse »), par lesquels on monte sur la colline, et où passent les grandes processions annuelles des Panathénées. Celles-ci se dirigent vers le Parthénon, au centre de l’image. Ce dernier, qui tire son nom d’une des épiclèses d’Athéna (parthenos, la vierge) est un temple dorique de 69,5 m sur 31 m, en marbre, entouré de colonnes (périptère). Orné de frises, il abrite une statue de la déesse Athéna ainsi que le trésor de la cité. On le voit sous un aspect très dégradé : il a subi une explosion en 1687 au cours d’un combat entre Turcs et Vénitiens, et ses décors sculptés ont été transportés en Grande-Bretagne au début du XIXe siècle par le diplomate Lord Elgin (la Grèce en revendique aujourd’hui la restitution). En bas à gauche de l’image, on voit une partie des structures du théâtre (ou Odéon) d’Hérode Atticus, construit à l’époque romaine, au IIe siècle de notre ère.

Réponses aux questions 1. Quels atouts personnels permettent à Périclès de jouer un rôle politique de premier plan ? Périclès est un bon orateur (« aisance et rapidité de sa parole dans la discussion ») ce qui compte dans une cité fondée sur le débat politique et la discussion. Il dispose également d’une aisance financière qui lui permet de se consacrer aux affaires de la cité, sans être contraint de travailler pour subsister. Il dispose d’un prestige lié à sa famille et à ses fréquentations. Enfin il a fait ses preuves militairement, ce qui constitue un devoir pour tout citoyen athénien, et représente un gage de compétence pour qui veut être élu comme stratège. 2. De quels éléments de la démocratie athénienne Périclès fait-il l’éloge ? Périclès, selon la mise en scène qu’en fait Thucydide, vante la constitution athénienne (au sens du type de régime, les cités grecques n’ont pas de constitution écrite) : un régime démocratique qui contraste avec celui de Sparte, avec qui Athènes est alors en guerre, et qui repose sur un fonctionnement oligarchique dans lequel les discussions publiques sont restreintes. C’est pourquoi il défend un régime qui « sert les intérêts de la masse des Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

citoyens », y compris les plus modestes, égaux devant la loi, les tribunaux, ou le vote. Il indique cependant que les élections permettent aux plus méritants de diriger. Plusieurs affirmations de ce passage seraient à nuancer : l’idée d’une méfiance « absente » dans les rapports quotidiens ou la vie politique, alors que celle-ci est émaillée de conflits et de procès ; l’idée qu’un homme « sans fortune » peut gouverner, alors que beaucoup de dirigeants sont, comme Périclès, issus de familles aisées et prestigieuses. 3. Quelle décision de Périclès transforme l’aspect d’Athènes ? La décision de consacrer les revenus de la Ligue de Délos à l’érection de grands monuments sur la colline de l’acropole, afin de fournir des emplois à une masse de citoyens athéniens, d’embellir la cité et d’en faire un modèle pour le reste de la Grèce, tout en affirmant son identité religieuse et civique par l’hommage architectural rendu à ses divinités. 4. Pour quelles raisons Périclès suscite-t-il, à différents moments, de la méfiance ou de l’hostilité parmi les Athéniens ? Au début de sa vie, Périclès inquiète en raison de ses origines familiales qui semblent l’éloigner du petit peuple ordinaire qui compose le démos athénien. Par la suite, ses talents d’orateur font craindre sa capacité à manipuler les assemblées. On critique également ses choix pour la cité : construction de coûteux monuments ; stratégie impérialiste et navale qui met en péril le territoire athénien. 5. En quoi la situation de guerre provoque-telle une remise en cause des principes démocratiques athéniens ? La guerre du Péloponnèse provoque de l’inquiétude et du désarroi parmi les Athéniens, en particulier en raison des choix stratégiques de Périclès : il mise sur la supériorité maritime d’Athènes, à l’abri des Longs-Murs, ce qui implique d’admettre l’invasion du territoire de la cité. Devant ce mécontentement, Périclès suspend le fonctionnement démocratique normal d’Athènes, en refusant de convoquer l’Ecclésia ou d’autres réunions, afin d’éviter un vote défavorable du démos à son encontre. 6. En vous appuyant sur les documents, montrez que la vie politique athénienne au Ve siècle avant J.-C. est marquée par de nombreux conflits politiques dont Périclès est un acteur central.

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Chapitre 1 – La Méditerranée antique : les empreintes grecques et romaines

Périclès est un acteur de nombreux conflits politiques, autour de plusieurs enjeux reliés entre eux : partisan de la démocratie, il s’oppose aux oligarques ; personnalité brillante et issue d’une famille aisée, il est soupçonné par certains d’aspirer à la tyrannie ; stratège souvent réélu et favorable à la politique impérialiste comme au développement de la flotte, il irrite ceux qui prônent le repli sur le territoire athénien et sa défense ; enfin, sa politique de grands travaux est jugée inutilement coûteuse par ses adversaires politiques. Toutes ces tensions, auxquelles s’ajoutent des éléments plus personnels ne figurant pas dans les documents (comme les critiques envers sa compagne, Aspasie, étrangère à Athènes) font du personnage de Périclès un homme politique controversé, qui fut menacé d’ostracisme, illustrant le caractère conflictuel de la démocratie athénienne au Ve siècle avant J.-C.

PASSÉ / PRÉSENT Notre démocratie trouve-t-elle ses origines au Ve siècle av. J. C. ? > MANUEL PAGES 40-41

Réponses aux questions 1. Où, pour quels motifs et avec quels participants se réunit l’assemblée (Ecclésia) d’Athènes ? L’assemblée athénienne se réunit sur la colline de la Pnyx, espace extérieur suffisamment vaste pour accueillir plusieurs milliers de citoyens et permettre la discussion publique des affaires. Cette discussion est organisée par les prytanes, 50 citoyens siégeant à la Boulè (ayant donc été tirés au sort), assumant, un dixième de l’année durant, la direction de la cité. Parmi les quarante réunions annuelles, un quart concernent les questions vitales pour la cité de son approvisionnement en grain (l’ampleur de la population athénienne conduit la cité à importer du grain de mer noire) et de sa défense. L’ordre du jour des autres séances n’est pas déterminé et les citoyens peuvent y porter les affaires publiques ou privées de leur souhait, suivant le principe fondamental de la démocratie athénienne, la liberté de parole ou iségoria. 2. Comment une loi athénienne est-elle enregistrée et affichée ? Les décisions de l’ecclésia, lois, décrets, traités d’alliance, sont enregistrés par les dirigeants politiques du moment (le document énumère leurs Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

noms, depuis le secrétaire jusqu’au citoyen athénien, ici Aristotélès, qui a proposé le texte) qui prévoient ensuite une somme d’argent prise sur le trésor de la cité afin que le texte soit gravé sur une stèle. L’emplacement de cette stèle vise à la fois à rendre visible et lisible le texte par tout citoyen, et à rendre solennelle la décisions prise, puisqu’elle est ici placée à proximité d’une statue de Zeus. 3. Comment la Ve République organise-t-elle, en plusieurs temps, la discussion des lois ? Il faut plusieurs étapes pour qu’une loi soit votée et discutée en France sous la Ve République. Proposés par un parlementaire ou, le plus souvent, par le gouvernement, les propositions ou les projets de loi sont discutés publiquement par l’Assemblée nationale puis par le sénat. Se succèdent à la tribune des parlementaires qui s’opposent au texte ou le défendent, et peuvent également proposer des amendements (modifications). Après le vote, la loi devient effective avec sa promulgation par le président de la République et sa publication au Journal officiel et sur le site Legifrance. 4. En vous appuyant sur les documents, vous montrerez qu’il existe des héritages mais aussi des différences dans le fonctionnement démocratique dans l’antiquité grecque et de nos jours. Dans les deux cas, le processus de discussion de la loi est réglé et encadré par des institutions qui veillent à la distribution de la parole, puis, une fois la loi votée, à son inscription dans l’espace public, pour qu’elle puisse être connue de tous. La différence fondamentale réside dans le caractère direct de la démocratie athénienne : chaque citoyen peut, individuellement, proposer, discuter et voter la loi, sans intermédiaire. La Ve République est, elle, une démocratie représentative dans lequel le pouvoir de faire la loi est délégué, par les élections législatives, à des représentants.

DOCUMENTS La puissance maritime d’Athènes > MANUEL PAGES 42-43  Doc 1. L’essor de la puissance navale athénienne Diodore de Sicile est un historien grec du Ier siècle avant J.-C. (90-30 av. J.-C. env.), qui est surtout un compilateur d’autres auteurs antérieurs ; sa Bibliothèque historique complète et compense, sur plusieurs points importants, les lacunes des au5

Chapitre 1 – La Méditerranée antique : les empreintes grecques et romaines

teurs majeurs que sont Hérodote, Thucydide ou Xénophon. Le texte ici présenté évoque les lendemains des guerres médiques et les débuts de ce qui sera nommé la « Ligue de Délos ».

Les Helléniques constitue une continuation de l’œuvre de Thucydide, racontant de façon fiable les événements allant de 410 av. J.-C. à 362 av. J.C.

 Doc 3. La flotte, instrument et manifestation de la puissance navale

Réponses aux questions

Ce bas-relief, appelé « relief Lenormant », découvert en 1852 sur l’acropole d’Athènes, représente une trière athénienne vue de profil. C’est l’une des rares représentations antiques de ce type de navire. Une trière comportait environ 170 rameurs répartis en trois rangées : les thranites, zygites et thalamites. Ici, on distingue nettement les trois rangées de rames : dans la partie supérieure, les thranites tenant leurs rames et s’apprêtant à tirer ; endessous, sortant de la coque, les rames des zygites, et encore en-dessous, la troisième rangée, celle des thalamites. Une telle disposition demande une maîtrise du rythme et de la coordination, en particulier pour faire manœuvrer le navire ou pour rentrer précipitamment les rames en cas d’abordage ou de choc latéral. C’est pourquoi la puissance navale ne s’improvise pas dans l’antiquité, mais doit s’appuyer sur un entraînement régulier des rameurs afin d’utiliser au mieux les navires de guerre. Le document ne permet pas de distinguer l’arme offensive principale de ces trières : un rostre ou éperon de bronze placé à la proue, qui permet de briser les navires adverses en les percutant.  Doc. 4. La révolte de Naxos (475-469 av. J. C.) Voir la. présentation de Thucydide plus haut. Ce passage figure dans le premier livre de La Guerre du Péloponnèse, dans lequel Thucydide expose les causes et les antécédents du conflit entre Athéniens et Spartiates. Il insiste notamment sur la crainte qu’éprouvent les autres Grecs face à la puissance accrue d’Athènes, et au caractère démesuré de son empire, attesté par la multiplication des révoltes. Celle des habitants de Naxos, dans les années 470 av. J.-C., est la première, indiquant que l’emprise athénienne sur le monde grec est rapidement contestée, notamment du fait des exigences importantes des Athéniens au nom de la défense commune (« soit en argent soit en navires ») et de la violence utilisée pour réprimer les résistances (« contraints de faire leur soumission à la suite d’un siège »).  Doc. 5. La chute de la puissance athénienne Xénophon (427-355 av. J.-C.) est un philosophe, historien et chef militaire athénien, disciple de Platon et plutôt favorable à Sparte. Son ouvrage Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

1. Quels sont les objectifs de Thémistocle ? Thémistocle, après avoir convaincu les Athéniens de construire une flotte de guerre et permis donc de remporter sur l’empire perse la victoire de Salamine en 480 av. J.-C., souhaite faire durer cette suprématie navale et doter pour cela Athènes d’infrastructures efficaces, en faisant construire un port de guerre au Pirée. Disposer de ce port et de cette flotte a également pour objectif de poursuivre la lutte contre les Perses sur le littoral d’Asie mineure, où se trouvent des cités ioniennes, proches d’Athènes par le dialecte et par la culture, ainsi que d’autres cités grecques soumises à l’empire perse avant les guerres médiques (« libérer les autres Grecs de l’Asie »). Il compte enfin assurer l’hégémonie athénienne en mer Égée, puisque la puissance acquise par Athènes serait à la fois admirée et redoutée par « tous les habitants des îles ». Ces différents éléments sont aux origines de la ligue de Délos. 2. Relevez ce qui fait la force du port du Pirée dans sa relation à la ville d’Athènes. Le Pirée comporte trois ports de guerre qui permettent d’accueillir la vaste flotte athénienne. Il est relié à la ville d’Athènes par des fortifications continues, les Longs-Murs, qui permettent donc à la cité athénienne d’avoir un accès constant à la mer, pour mener des expéditions ou se ravitailler, même en cas d’invasion du territoire ou de siège. 3. Quels sont les outils de la puissance maritime athénienne ? La puissance maritime athénienne a pour outils ses ports et ses fortifications, sa flotte nombreuse (grâce à une population importante) et bien entraînée, capable de mener des expéditions lointaines et des sièges, ainsi que l’alliance contractée avec les autres cités de mer Égée qui font partie de son empire. 4. Pour quelles raisons les cités de la Ligue de Délos rejettent-elles la tutelle d’Athènes ? Les cités de la ligue de Délos rejettent à la fois la position de subordination envers Athènes qu’elles subissent, alors qu’elles sont censées être indépendantes et avoir rejoint l’alliance athénienne de leur plein gré, et les obligations concrètes qu’elles doivent remplir : fournir chaque année aux Athé-

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Chapitre 1 – La Méditerranée antique : les empreintes grecques et romaines

niens soit des vaisseaux, soit une somme d’argent, le tribut (phoros) en compensation. Dans certains cas, ces cités déplorent aussi l’installation de colons athéniens sur leur territoire, sur des lots de terre nommés clérouquies (mais cela ne figure pas dans cet extrait). 5. Montrez comment les Spartiates cherchent à mettre un terme à la puissance navale athénienne. Les Spartiates cherchent à mettre fin à la puissance navale athénienne en supprimant ses outils fondamentaux : les fortifications reliant la ville au port du Pirée, qui sont détruites, et la flotte, qui est limitée au strict minimum (douze navires, au lieu de deux cents environ). Imposer le retour des exilés hostiles à la démocratie, partisans de l’oligarchie, contribue également à affaiblir la cité athénienne en altérant son identité politique.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Auguste et la fondation du principat / L’image d’Auguste > MANUEL PAGES 44-45

Auguste et la fondation du principat  Doc 1. Pièce en or d’Octave Cette pièce en or représentant Auguste a récemment rejoint les collections du British Museum (1995). D’un diamètre de 18 mm, pesant 8 grammes, il s’agit d’un aureus, soit l’unité monétaire la plus élevée sous la République romaine, valant 25 deniers ou 100 sesterces. Au droit de la monnaie (côté « face ») figure un portrait d’Octave de profil, couronné de lauriers, accompagné de la légende « Imperator, fils du divin César, consul pour la 6e fois ». La figure représentée au revers de la monnaie est celle d’Octave en toge, assis sur un siège curule, attribué sous la République romaine aux magistrats dotés de l’imperium (pouvoir de commandement) : dictateurs, consuls et prêteurs. Il tient un rouleau dans sa main droite et un coffret figure à ses pieds. La légende indique : « il a restauré les lois et les droits du peuple romain ». On remarque ici qu’en dehors de la mention du « divin César » Auguste n’est associé à aucune divinité. Il apparaît bien avec les attributs traditionnels d’un magistrat romain, et son geste, rouleau en main, illustre la légende : il restitue les lois

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et droits au peuple romain (à travers le Sénat), renonçant aux pouvoirs exceptionnels qu’il avait obtenus durant les guerres civiles. La monnaie ici représentée honore à la fois Octave pour sa victoire, et pour son respect des institutions républicaines une fois celle-ci obtenue. Ce transfert de pouvoir apparent, d’Octave vers le Sénat, a pour contrepartie le surnom honorifique d’Auguste qu’il reçoit. Cette pièce peut donc se lire comme la première étape de l’instauration du principat, suivie quelques mois plus tard, en 27 av. J.-C., par les honneurs reçus par Octave renommé Auguste, et détaillés dans le doc. 2.  Doc 2. Auguste présente un bilan de son action Les Res Gestae Divi Augusti sont un texte autobiographique attribué à Auguste, rédigé peu avant sa mort en 14 après J.-C. Il a été affiché sur deux plaques de bronze devant son tombeau, et copié sous diverses formes à travers l’empire, ce qui nous permet d’en connaître la plus grande partie, par confrontation de différents fragments, le principal ayant été retrouvé à Ancyre (actuelle Ankara, en Turquie). Le texte relate, année par année, ses actes politiques, les titres reçus et magistratures occupées, ainsi que ses expéditions militaires. Le passage ici reproduit concerne les honneurs reçus par Octave renommé Auguste par le Sénat en janvier 27 av. J.-C. Il mentionne les raisons pour lesquelles il reçoit ces honneurs : la victoire et la restauration de la paix, mais aussi l’abandon volontaire de ses pouvoirs étendus afin de restaurer, en apparence, le fonctionnement politique de la République, fondé sur une prééminence du Sénat. En échange, outre le surnom honorifique d’Auguste, absolument inédit et qui suggère une proximité avec les dieux, il reçoit des marques visibles attestant de son pouvoir maintenu, et désormais affichées à Rome, sur sa propre maison ainsi que dans le Sénat : lauriers et bouclier sur lequel figurent des vertus romaines traditionnelles (clémence, justice, piété). La distinction faite à la fin du texte entre « autorité » et « pouvoirs » résume bien l’esprit du nouveau régime : sans être officiellement placé audessus du système politique, Auguste dispose d’une autorité sans égale.

L’image d’Auguste  Doc 1. La simplicité d’Auguste Suétone (70-122 ap. J.-C. env.) est un biographe romain actif au IIe siècle de notre ère. Employé 7

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dans l’administration impériale sous Trajan et Hadrien, il a notamment rédigé les biographies de douze chefs et empereurs, de César à Domitien, dont celle d’Auguste. Chacun de ces textes, regroupés sous le titre de Vie des Douze Césars, est organisé de façon thématique, racontant non seulement les hauts faits du personnage, son rôle à la tête de l’empire (l’accès de Suétone aux documents officiels pouvant lui servir d’appui) mais aussi ses traits de caractère et les anecdotes s’y rapportant, tels que la tradition orale et d’autres auteurs lui avaient transmis (il rédige la biographie d’Auguste environ un siècle après la mort de ce dernier).  Doc 2. La glorification de l’empereur et de ses victoires Un camée est une pierre semi-précieuse composée de plusieurs couches de couleurs différentes, ici un fond noir et une surface gris-bleu clair, qui est gravée avec une extrême précision, de façon à utiliser ce contraste pour faire ressortir des figures. Celui-ci, très finement travaillé, fut probablement réalisé dans l’entourage immédiat d’Auguste, et vers la fin de son règne en raison de la place éminente qu’y occupe Tibère son successeur désigné à partir de 4 ap. J.-C. La dimension modeste de l’objet (19 x 23 cm) en fait, à la différence des statues monumentales d’Auguste, un véhicule idéologique approprié dans de petits cercles, qui devait être montré et admiré au sein de maisons privées. C’est aussi ce qui expliquerait le contraste entre cette glorification et quasi-divinisation d’Auguste, et le comportement public de ce dernier, qui recherchait plutôt la simplicité (cf. doc. 1). En plus des éléments figurant dans la légende, il faut ajouter que certaines identifications sont discutées par les spécialistes : le personnage casqué, avec une cape flottant au vent, au centre du registre inférieur, peut représenter un soldat mais aussi Mars, le dieu de la guerre. L’association d’Auguste avec les divinités est à souligner : il tient dans sa main droite un lituus, bâton des augures romains ; son torse est partiellement dénudé à l’image de certaines représentations divines, et l’aigle de Jupiter figure à ses pieds. L’ensemble, avec la corne d’abondance tenue par la figure assise à droite (la déesse Cérès ou Italia, suivant les interprétations), illustre la prospérité associée à la paix restaurée par Auguste. Le registre inférieur souligne le lien entre cette paix intérieure et victoires extérieures obtenues sous son règne, non sans difficultés, notamment

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les campagnes en Germanie des années 12 av. J.C. à 9 ap. J.-C. Certaines de ces victoires ont été obtenues par Tibère, ce qui permet de légitimer la succession impériale à venir. Ainsi, le camée a non seulement une fonction de glorification de l’empereur régnant, mais entend aussi affermir la stabilité dynastique de l’empire.

DOCUMENTS Les formes de la romanisation en Afrique du Nord > MANUEL PAGES 46-47  Doc 1. Un spectacle de chasse sur une mosaïque Cette mosaïque datant du IIIe siècle de notre ère fut découverte en 1963 en Tunisie dans une maison appartenant à un notable de la province romaine d’Afrique proconsulaire. De grande taille (420 x 220 cm), elle représente un spectacle alors courant dans les amphithéâtres de Rome et des grandes villes de l’empire : une venatio, simulacre de chasse aux animaux sauvages. Ici, quatre chasseurs appelés bestiaires mettent à mort des léopards à l’aide de lances. Les animaux portent des noms (l’un deux est même nommé Romanus : faut-il y voir une plaisanterie ?) de même que les bestiaires. Ce sont des professionnels, membres d’une guilde nommée les telegenii : le personnage central porte sur un plateau les bourses destinées à les rémunérer, un millier de deniers chacun. En raison de ces paiements et du prix des bêtes qu’il fallait préalablement capturer ou acheter à la lisière sud de l’Afrique romaine, un tel spectacle était extrêmement coûteux, tout comme les combats de gladiateurs qui pouvaient avoir lieu dans le même cadre. Ils visaient donc à manifester la puissance des riches citoyens qui les finançaient, à l’occasion de leur entrée en fonction comme magistrats ou dans le cadre du calendrier des fêtes locales, et on peut penser que le commanditaire de la mosaïque, Magerius, qui en fit orner le sol d’une de ses demeures, était l’un d’entre eux. Cette idée est confirmée par l’inscription centrale entourant le personnage du serviteur portant les bourses : à gauche, ce que dit le crieur public (« per curionem dictem »), et à droite les acclamations de la foule (« adclamatum est »). Le crieur insiste sur les exploits des bestiaires qu’il convient de rémunérer, et la foule l’approuve, indiquant que Magerius paye (« Magerius donat »). 8

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On retrouve donc ici des éléments caractéristiques de la vie urbaine romaine et de l’évergétisme (actes de générosité publique) des puissants qui paient des spectacles, sous le regard de divinités romaines ou romanisées (Diane et Dionysos) mais avec des animaux propres au territoire africain où s’inscrit la scène.  Doc 3. L’obtention de la citoyenneté romaine en Maurétanie Tingitane Il s’agit d’un document de nature épigraphique : une inscription dans la pierre, retrouvée au Maroc actuel en 1957, qui transcrit une décision impériale, adressée au gouverneur de la Maurétanie Tingitane, province créée sous l’empereur Claude au milieu du Ier siècle de notre ère. Avant même la constitution de cette province, Banasa était une colonie romaine fondée sous Auguste, sous le nom Julia Valentia Banasa. À la date du document, au IIe siècle de notre ère sous l’empereur MarcAurèle, on trouve donc dans la région des citoyens romains mais aussi des peuples non encore intégrés juridiquement à l’empire, comme les Zegrenses, qui ont le statut de pérégrins (étrangers libres). Le document illustre donc, avant l’édit de 212 qui attribue la citoyenneté romaine à tous les hommes libres de l’empire, une des modalités d’accès à la citoyenneté : à titre individuel, sur sa « requête », et en tant que récompense, ici, pour la loyauté envers Rome, attestée par le gouverneur qui cherche à s’appuyer sur des notables (« premiers de son peuple »). On note que Julianius est désigné avec un nom latin, de même que ses enfants, mais à la différence de son épouse, et sans le système des tria nomina (triple nom) propre aux Romains, ce qui traduit un processus de romanisation entamé sans être entièrement achevé.  Doc 5. Cultes locaux et divinités romaines Cette stèle en pierre mesurant environ 175 cm de hauteur et datant d’une période indéterminée (IIe s. av. J.-C. – Ier s. ap. J.-C.) s’inscrit dans une série de dizaines de représentations comparables retrouvées dans l’actuelle Tunisie, soit le territoire qui avait appartenu à Carthage avant la conquête romaine du IIe siècle avant J.-C. On y trouve donc une association d’éléments religieux puniques (Tanit est une divinité punique, c’est-à-dire carthaginoise, d’origine phénicienne, associée à la fécondité, à la protection divine, aux forces célestes) et romains (la déesse Junon, ou Junon Caelestis, dotée des mêmes attributs et fonctions). Il s’agit d’une stèle votive, c’est-à-dire qu’elle vise Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

à exaucer un vœu de la personne qui l’a commandée et faite ériger. La stèle comporte trois parties : un registre inférieur où figure un animal sacrificiel (ici, un taureau) ; un registre central où figure le dédicant (homme ou femme ayant dédié la stèle, ici représenté avec une toge, au sein d’un temple à fronton triangulaire et colonnes) ; enfin le registre supérieur, celui de la divinité, où figure la déesse diffusant ses bienfaits sous la forme de fruits, entourée d’autres figures humaines ou divines. Il était courant pour les Romains de reprendre des divinités étrangères ou de les associer aux leurs sous un nouveau nom : c’est la pratique de l’interpretatio romana, qui permet de combiner des éléments des divinités existantes au sein des populations conquises dans les provinces (en Gaule, en Espagne, en Afrique…) avec des formes de culte romaines. Lors de leur arrivée à Carthage, les proconsuls romains consultaient ainsi l’oracle de Junin Caelestis.

Réponses aux questions 1. Relevez les éléments caractéristiques de la vie urbaine romaine présents en Afrique du nord. La vie urbaine romaine se caractérise par un urbanisme spécifique, et par les pratiques des citadins. On retrouve à Leptis Magna tous ces éléments : lieux de la vie économique et civique (forums, marchés et port), temples, constructions impériales (une basilique est, à l’origine, un vaste bâtiment rectangulaire, ici construit sur décision de l’empereur Septime Sévère) lieux de sociabilité (thermes) et de spectacles (théâtre). Ce dernier point est illustré par la mosaïque de Magerius qui montre que les pratiques d’évergétisme (générosité publique dans le cadre civique) et les spectacles sanglants comme les chasses mises en scène existent en Afrique romaine. 2. Pour quelles raisons la citoyenneté romaine est-elle octroyée à Julianius ? La citoyenneté romaine est attribuée à Julianius sur sa demande, car il fait partie des notables d’un peuple local, qui a manifesté sa soumission envers Rome (il a donné des noms latins à ses enfants), comme le montre l’appui donné par le gouverneur de la province à sa requête ; pour les autorités romaines, il s’agit de s’appuyer sur les élites locales afin de s’attacher la fidélité des populations, et donc d’ouvrir les rangs des citoyens romains à un membre d’une tribu africaine en espérant que cela influe sur le comportement de l’ensemble du groupe (« que beaucoup soient incités à suivre l’exemple de Julianius »). 9

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3. De quelles façons le pouvoir impérial peut-il développer ou accentuer la romanisation des provinces d’Afrique du nord ? Le pouvoir impérial peut développer la romanisation de l’Afrique du nord en y diffusant le modèle urbain romain, par la construction ou l’embellissement des villes (cas de Leptis Magna), ainsi qu’en attribuant la citoyenneté à des peuples locaux afin de les intégrer plus solidement à l’empire. 4. Repérez les éléments vestimentaires et architecturaux d’origine romaine. Peut-on parler de romanisation en matière religieuse ? Le personnage central de la stèle porte une toge ; il est encadré par les colonnes d’un temple à fronton triangulaire comme on peut en trouver dans les cités romaines ; On peut donc parler d’une romanisation partielle en matière religieuse : une divinité locale (Tanit) est associée à une déesse romaine (Junon Caelestis) et la forme du culte emprunte aux éléments locaux et aux éléments romains. 5. En vous appuyant sur les documents, vous montrerez que la romanisation de l’Afrique du nord est un processus qui associe des décisions du pouvoir romain et des pratiques locales. La romanisation de l’Afrique du nord est un processus complexe et graduel, discuté par les historiens, dont certains, comme Marcel Bénabou, ont souligné les oppositions qu’elle a rencontrées (La résistance africaine à la romanisation, Paris, Maspéro, 1976). On peut toutefois considérer que la tendance globale est bien celle d’une diffusion des modes de vie romains, entre le Ier siècle avant J.-C.et le IIIe siècle après J.-C., à travers des décisions impériales (fondation de colonies et embellissement urbain ; attributions de la citoyenneté, mais aussi victoires militaires sur d’éventuels rebelles) et des pratiques locales qui voient des populations adopter les noms, les cultes et les pratiques de loisir ou de sociabilité romaines comme les spectacles.

DOCUMENTS Sacrifices et transformations religieuses en Méditerranée antique > MANUEL PAGES 48-49  Doc 1. L’empereur Marc Aurèle procédant à un sacrifice à Rome Érigé sans doute en 176 ap. J.-C. pour fêter la victoire de Marc Aurèle (qui règne de 161 à 180) sur Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

les Sarmates, l’arc de triomphe comportait plusieurs panneaux sculptés. Huit ont été réemployés sur l’arc de Constantin, et certains ont été retrouvés indépendamment, conservés à Rome, aux musées du Capitole. La scène se déroule devant le temple de Jupiter capitolin, principale divinité civique romaine. L’empereur est le garant du bon rapport entre les hommes et les dieux, à plus forte raison car il détient le titre de grand pontife (Pontifex maximus). Pour procéder à un sacrificie, il doit donc se couvrir la tête, afin de se protéger de tout signe ou bruit de mauvais augure, et se tenir devant l’autel (ici, un simple trépied). L’homme torse nu est le sacrificateur, qu’on reconnaît à sa hache.  Doc 2. L’organisation d’un sacrifice athénien Ce document de nature épigraphique concerne le sanctuaire d’Asclépios au Pirée, qui n’est pas entièrement achevé à la date du texte (première moitié du IVe siècle av. J.-C.) comme l’atteste la mention de la « carrière de pierres du dieu ». Fils d’Apollon suivant certains mythes, Asclépios est un dieu guérisseur, dont le culte, initialement situé au sanctuaire d’Épidaure, connaît alors une importante diffusion dans le monde grec. Le maîtrebœuf désigne l’animal qui mène une procession lors de fêtes comportant des sacrifices.  Doc. 3. Représentation d’un repas collectif chrétien Les catacombes sont des nécropoles souterraines, où une partie de la population de la Rome antique enterrait ses morts. On en compte une soixantaine, pas seulement pour les chrétiens, même si ces derniers leur accordaient une grande importance avant le règne de Constantin. En effet, la loi protégeait ces sépultures, même en période de persécution ou de soupçons envers le christianisme, et les conceptions chrétiennes de l’au-delà imposaient de prêter une attention particulière aux défunts. C’est pourquoi on trouve dans les catacombes romaines les toutes premières traces de l’art chrétien (dit aussi « paléochrétien »), avec de nombreuses fresques représentant des bergers, ou des repas. Le document ici représenté, une fresque très simple dans son exécution (qui reflète le statut social modeste des chrétiens au IIIe siècle) ne peut être interprété avec certitude : il peut s’agir d’une Cène, ou dernier repas du Christ, même si le nombre de personnes représentées et l’absence de figure rendue reconnaissable ne correspondent pas aux codes de représentation qui vont par la suite se fixer. Il peut aussi s’agir d’un repas collectif chrétien au cours duquel on consomme du poisson (à

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la fois en souvenir d’un miracle que Jésus aurait accompli au lac de Tibériade, produisant une pêche miraculeuse, et parce que les lettres du mot « poisson » en grec, « ichtus », peuvent former la phrase « Jésus Christ Fils de Dieu Sauveur ») et du pain. La consommation de pain est particulièrement importante puisqu’elle renvoie au sacrement de l’eucharistie institué par Jésus peu avant sa mort : « Ensuite il prit du pain ; et, après avoir rendu grâces, il le rompit, et le leur donna, en disant : Ceci est mon corps, qui est donné pour vous ; faites ceci en mémoire de moi » (Luc, 22:19).  Doc 4. Les chrétiens et le refus des sacrifices sous l’empereur Dèce Le martyre de Pionios, prêtre de Smyrne, est un document étudié et traduit du grec par l’helléniste Louis Robert, qui a montré qu’il avait sans doute été rédigé par ce prêtre chrétien lui-même entre son arrestation et son exécution (sur le bûcher). Il relate les faits ainsi que les exhortations tenues à ses compagnons de captivité, puis les interrogatoires subis. C’est donc une source de grande valeur pour comprendre comment fut concrètement mise en œuvre la persécution décidée par l’empereur Dèce en 250, et les réactions des chrétiens face à elle : l’évêque de Smyrne renie son christianisme au contraire d’autres chrétiens, dont ceux qui ont recopié le texte après la mort de Pionios. La persécution des chrétiens a été initiée en 250 par l’empereur Dèce, pour rétablir la pax deorum (bonne entente avec les dieux) mise à mal par les crises qui ont précédé son règne, dans une période marquée par la multiplication des usurpateurs et des défaites militaires. Le but de l’empereur est d’assurer la conformité de tous aux cultes communs, d’où l’obligation de participer publiquement aux sacrifices. Les chrétiens ne font l’objet de violences que dans la mesure où ils refusent de se plier à ces rituels, comme le fait ici Pionios en raison d’une conception intransigeante du monothéisme chrétien.  Doc. 5 L’interdiction des sacrifices par l’empereur Théodose L’empereur Théodose (qui règne de 379 à 395) est celui qui officialise le christianisme comme unique religion autorisée dans l’empire romain, par une série de décisions étalées dans le temps, depuis son édit de 380 jusqu’à ce texte qui porte plus spécifiquement sur les formes du culte et l’interdiction des sacrifices, des plus modestes (encens, huile) aux plus importants, avec mise à mort d’animaux. Ces gestes pratiqués plus d’un

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millénaire durant autour de la Méditerranée, et garants du bon rapport entre hommes et dieux, sont désormais associés à une souillure.

Réponses aux questions 1. Observez le déroulement des sacrifices prévus à Athènes et à Rome. Quels sont leurs points communs ? Sont-ce les mêmes autorités qui les organisent ? L’élément central commun aux sacrifices dans le monde grec et le monde romain est l’offrande animale faite aux dieux : le sacrifice sanglant permet d’instituer un rapport de bonne entente et de hiérarchie entre les dieux (à qui les animaux sont sacrifiés, dont une partie sera brûlée) et les hommes (qui se partageront rituellement une partie de la viande). Ces sacrifices sont réalisés dans le cadre de la cité, inscrits dans ses structures. La différence réside dans les autorités concernées : là où une cité grecque implique, en plus des prêtres de tel ou tel dieu, toute la communauté civique, à Rome, sous le principat, les sacrifices sont ordonnés et organisés par la figure de l’empereur, qui est en même temps grand pontife, illustrant un basculement d’une conception collective du pouvoir dans le rapport aux dieux, au temps de la cité, au pouvoir personnel sous le principat. 2. Quelles nouvelles pratiques religieuses et alimentaires remplacent les sacrifices sanglants chez les premiers chrétiens ? Les chrétiens organisent des repas collectifs dans lesquels le pain, le poisson, l’eau et le vin, chargés de sens symboliques par les textes chrétiens, tiennent une place importante, au détriment des viandes consommées rituellement dans le cadre des sacrifices aux anciens dieux. 3) Quels aspects traditionnels des cultes sont interdits par l’empereur Théodose ? Théodose interdit plusieurs aspects des cultes traditionnels : la pratique du sacrifice (« un animal innocent ») mais aussi le fait de fréquenter les temples, qui figurent pourtant au centre de la vie civique antique, et de vouer un culte aux statues des anciens dieux, dont il souligne le caractère non divin, condamnant ainsi l’idolâtrie (« façonnées de main d’homme »). 4) Pour quelles raisons les chrétiens des premiers siècles rejettent-ils les sacrifices ? Le rejet des sacrifices par les premiers chrétiens s’explique par leur monothéisme strict : ces sacrifices sont ordonnés en lien avec le culte impérial, 11

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or il n’existe pour eux qu’un seul dieu, l’empereur ne saurait être adoré comme un dieu. Ils jugent dès lors les viandes issues des sacrifices comme « impures ». 5) Montrez que l’organisation des sacrifices est une préoccupation constante des pouvoirs dans l’antiquité. Durant près de dix siècles, la bonne organisation des sacrifices est une préoccupation des autorités, à la fois dans le cadre de la cité (en Grèce, à Rome), et dans celui de l’empire. Les pouvoirs sont en effet garants de la bonne entente avec les dieux (ce que les Romains appellent la pax deorum), et veillent pour cela à ce que les sacrifices prescrits soient bien effectués, à la date appropriée, suivant les rituels consacrés. C’est pourquoi l’empereur Dèce, en 250, dans un contexte de crise interne et externe de l’empire où l’on pense avoir besoin de l’appui divin, donne des ordres à l’échelle de tout l’empire pour que des sacrifices soient accomplis, ce qui conduit à la persécution des chrétiens qui s’y refusent. Tout change à partir du IVe siècle avec la christianisation de l’empire accélérée par la conversion de Constantin et le christianisme de plus en plus strict de ses successeurs. Contrôler les sacrifices, puis les interdire, comme le fait l’empereur Théodose, devient le moyen de s’assurer de la conformité des comportements et de l’adoption du christianisme, religion unique soutenant le pouvoir impérial.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Constantin, premier empereur chrétien > MANUEL PAGES 50-51  Doc 1. Le christianisme toléré (313) Ce texte, dans sa version conservée par l’auteur chrétien Lactance, est la copie d’un rescrit impérial pris à Milan par Constantin et Licinius, alors co-empereurs, et affiché en latin à Nicomédie (province de Bithynie). Le texte est écrit dans un contexte de lutte maintenue pour les pouvoirs : dans la partie orientale de l’empire, un troisième empereur est alors au pouvoir, Maximin Daïa, qui maintient des mesures défavorables aux chrétiens. Constantin, tout juste victorieux de Maxence en 312, s’allie avec Licinius, en épousant la sœur de ce dernier. Le texte vise donc à consolider l’autorité des deux empereurs au détriment de Maximin Daïa. Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

Il ne s’agit pas à proprement parler d’un édit (le terme « édit de Milan », souvent employé, est impropre), mais d’une lettre impériale à un gouverneur ayant force de loi. Ce n’est pas non plus la toute première manifestation d’une politique de tolérance religieuse, puisque l’empereur Galère avait déjà mis fin aux persécutions envers les chrétiens peu avant sa mort en 311. Mais il s’agit d’une véritable acceptation du culte chrétien, à égalité avec les autres, impliquant une restitution des biens confisqués, sans aucune indemnité, annulant donc des politiques impériales installées, avec des pauses, depuis le milieu du IIIe siècle.  Doc 2. Un empereur victorieux L’arc de Constantin, haut de 21 mètres et large de 25, a été érigé à Rome entre le Colisée et le mont Palatin pour les decennalia de l’empereur en 315 (dix ans de règne). Il surplombe la voie empruntée lors des triomphes impériaux. Il comporte une inscription commémorant sa victoire au pont Milvius en 312. Plusieurs statues et motifs iconographiques complexes y figuraient, dont une partie seulement a été conservée, représentant la victoire de 312, tandis que certaines parties réemploient des éléments des IIe-IIIe siècles (bas-reliefs datant du règne de Marc Aurèle, en particulier). Aucune référence chrétienne n’y figure, et l’inscription se contente d’employer un terme neutre en matière religieuse : « Quod instinctu divinatis (…) rempublicam ultus est », « Parce que sous l’inspiration de la divinité (…) il a vengé l’État ».  Doc 4. Un empereur à la fois romain et chrétien Ce médaillon d’argent a été frappé par l’atelier monétaire de Ticinum (Pavie, au nord de l’Italie) sur ordre de l’empereur Constantin en 315, pour célébrer ses decennalia (dix ans de pouvoir). Il n’a pas de valeur monétaire mais était un objet précieux destiné à être distribué dans l’entourage impérial. Il représente l’empereur, dont le casque est surmonté de joyaux et de décorations ; la première de ces décorations est le symbole « ☧ » dit « chirhô », des deux premières lettres entrecroisées du mot « Christ » en grec. Cela correspond aux différentes descriptions du signe que Constantin aurait vu à la veille de la bataille du Pont Milvius (312), données alors par les auteurs qui encouragent la conversion de l’empereur, comme Lactance et Eusèbe de Césarée. C’est la toute première manifestation visible du christianisme de l’empereur, dont on trouvera des prolongements sur des mon-

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Chapitre 1 – La Méditerranée antique : les empreintes grecques et romaines

nayages d’argent à partir de 327, présentant le même symbole. Les autres éléments iconographiques sont à noter : la valeur militaire de l’empereur est soulignée par son casque, son bouclier et le cheval dont il tient les rênes ; le bouclier porte comme emblème la louve, symbole traditionnel de Rome depuis sa fondation. Enfin, au-dessus du bouclier figure un objet dont l’interprétation est discutée : il peut là aussi s’agir d’un sceptre en forme de croix (chrétienne) surmontée d’un orbe (symbole impérial romain, qui connote la domination universelle).  Doc 5. La fondation de Constantinople Zosime est un historien grec du début du VIe siècle de notre ère, l’un des derniers auteurs hostiles au christianisme à cette date, tout en faisant partie de l’administration de l’empire d’orient. Très critique envers Constantin, il est toutefois bien documenté sur son règne.

Réponses aux questions 1. Comment la valeur militaire de Constantin est-elle soulignée et célébrée après la bataille du pont Milvius ? Constantin utilise les instruments traditionnels classiques permettant aux empereurs de valoriser leurs victoires : marquage de l’espace romain par un arc monumental dont les bas-reliefs célèbrent ses campagnes ; diffusion de son effigie sur des monnaies et médaillons, le représentant comme un chef de guerre victorieux et doté d’attributs symboliques romains. 2. Relevez les deux mesures prises par Constantin et Licinius en faveur des chrétiens. Il s’agit de la liberté de culte, accordée aux chrétiens comme à tous les citoyens de l’empire, et de la restitution immédiate et sans contrepartie des biens et lieux de réunion qu’ils possédaient et qui avaient été saisis. 3. Quels sont les buts de la fondation de Constantinople ? Zosime prête à Constantin le souhait de fonder une ville pour apporter la contradiction aux élites romaines critiquant sa proximité avec le christianisme. Il faut plutôt voir dans cette fondation la volonté de disposer d’une nouvelle résidence impériale en Orient, là où il vient de l’emporter (en 324) sur Maximin Daïa. Il s’agit moins d’une fondation que d’une reconstruction du centre de l’ancienne ville grecque de Byzance, dont l’extrême importance stratégique était attestée depuis plusieurs siècles : entre Europe et Asie, Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

entre mer Noire et Méditerranée, elle est également proche de deux frontières difficiles à défendre à l’époque de Constantin : celle qui sépare l’empire des Goths, sur le Danube, au nord-ouest, et celle qui le sépare des Perses, en Arménie, à l’est. Le prestige impérial est renforcé par le fait que la ville porte le nom de l’empereur (ce qui n’est pas sans précédent : Hadrianopolis / Andrinople, fondée par Hadrien au IIe siècle), et par l’embellissement grâce à de somptueux matériaux. On note que des temples traditionnels romains figurent, de même que des Églises, dans le programme monumental développé sous le règne de Constantin. 4. La conversion personnelle de l’empereur Constantin au christianisme est-elle publiquement et directement affichée ? Malgré une politique impériale qui commence à favoriser les chrétiens, que Constantin réunit pour arbitrer leurs querelles doctrinales lors du concile de Nicée (325), l’empereur ne revendique pas ouvertement et publiquement sa conversion. Celleci n’est officialisée par un baptême que peu de temps avant sa mort en 337, et durant tout son règne Constantin réemploie le vocabulaire et la symbolique romaine traditionnelle, car il doit encore s’appuyer sur de larges portions des élites (Sénat, administration, armée) et de la société qui ne sont pas converties au christianisme. 5. En vous appuyant sur les documents, montrez l’importance des transformations engagées dans l’Empire romain sous le règne de Constantin. L’empire romain connaît des transformations majeures sous l’empereur Constantin : il accélère la diffusion du christianisme en devenant le premier empereur à adopter la nouvelle religion. Tout en parvenant à réunir l’ensemble de l’empire sous son autorité en 324, il accroît aussi la divergence entre l’orient et l’occident en fondant la cité de Constantinople, destinée à devenir une nouvelle capitale, et rééquilibrant vers l’est les pouvoirs.

DE LA SOURCE À L’HISTOIRE Comment l’archéologie a-t-elle renouvelé notre connaissance de la démocratie athénienne ? > MANUEL PAGES 52-53

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Chapitre 1 – La Méditerranée antique : les empreintes grecques et romaines

Réponses aux questions 1. Quelles étapes ont été nécessaires pour que le texte de la Constitution d’Athènes arrive jusqu’à nous ? Le texte de la Constitution d’Athènes, ou Constitution des Athéniens (Athenaion politeia) est parvenu jusqu’à nous à travers plusieurs étapes : - la rédaction, à la fin du IVe siècle avant J.-C., par Aristote ou par l’un de ses élèves ; - la copie de ce texte au cours de l’Antiquité, en plusieurs exemplaires dont celui qui fut recopiée au verso de documents comptables par un Grec vivant en Égypte à l’époque romaine ; - la découverte de ces rouleaux de papyrus dans une tombe en Égypte, en 1890, par des fouilleurs égyptiens rémunérés par un savant anglais, E. Wallis Budge ; - le travail des papyrologues et des hellénistes pour reconstituer le texte et en établir la version la plus fiable possible, travail accompli depuis la fin du XIXe siècle et poursuivi jusqu’à nos jours.

d’autres documents pour renouveler la connaissance de la démocratie athénienne. La découverte est exceptionnelle car il s’agit d’un texte que l’on pensait perdu, et dont un seul exemplaire presque intact et intégral a été préservé ; il apporte de nombreux détails sur le fonctionnement de la démocratie athénienne, qui doivent être contextualisés et confrontés à d’autres textes et à des découvertes archéologiques.

2. De quelle institution démocratique athénienne cette source décrit-elle le fonctionnement ? Cette source décrit le fonctionnement de l’Héliée, tribunal populaire athénien formé par 6 000 citoyens tirés au sort pour servir de juges et de jurés. 3. En quoi le texte trouvé en Égypte et les objets trouvés à Athènes se complètent-ils ? Le texte décrit des objets que l’archéologie a exhumés ; cela permet donc d’authentifier les informations textuelles, et de mieux comprendre le déroulement des séances de l’Héliée. 4. Pourquoi chaque juge dissimulait-il entre les doigts le type de jeton utilisé au moment du verdict ? Le texte décrit la façon dont les citoyens siégeant à l’Héliée doivent dissimuler le jeton de vote entre leur pouce et leur index, afin de préserver le secret de leur choix ; les jetons trouvés par les archéologues confirment les indications du texte, puisque certains ont une tige creuse, indiquant un vote en faveur de l’accusé (acquittement), tandis qu’un jeton plein permet de voter pour l’accusation (la condamnation). 5. Montrez en quoi la réapparition de la Constitution d’Athènes à la fin du XIXe siècle constitue une découverte exceptionnelle, qui doit cependant faire l’objet de croisements avec

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CHAPITRE

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La Méditerranée médiévale, espace d’échanges et de conflits › MANUEL PAGES 60 À 85

OBJECTIFS ET PROBLÉMATIQUE DU CHAPITRE Sur les rives de la Méditerranée s’étendent trois aires religieuses et culturelles : celle de la chrétienté occidentale latine et catholique, celle de la chrétienté orientale orthodoxe et byzantine ainsi que celle de l’islam. Bien que les bornes chronologiques ne soient pas strictement délimitées par le programme, il s’agit bien de voir comment le bassin Méditerranéen, tout en connaissant des circulations accrues à partir du XIe s., s’avère aussi le théâtre d’une forte conflictualité à la suite de l’appel à la croisade d’Urbain II en 1095. Les points de passage permettent de mettre en lumière la domination commerciale italienne qui s’accroît sur cet espace. Venise, alliée militaire d’un Empire byzantin fragilisé, après avoir reçu des privilèges commerciaux dans de nombreux ports de l’Empire, s’enrichit considérablement. Sa domination, qui irrite les populations byzantines, engendre des réactions de violence contre les Vénitiens – mais aussi contre les Pisans et les Génois – qui contribuent au pillage de Constantinople par les Croisés en 1204. La deuxième croisade, prêchée par Bernard de Clairvaux, permet non seulement d’approcher celui qui fut le conseiller de nombreux puissants au XIIe s. et permit la propagation de l’ordre cistercien, mais aussi de mesurer les difficultés des croisés en Orient. Ceux-ci, après la prise de Jérusalem en 1099 et la fondation des États latins d’Orient, peinent à tenir leurs positions et subissent une suite de reculs face à de puissantes armées, dont celle de Saladin qui récupère la ville trois fois sainte en 1187. Le chapitre permet aussi de saisir, sans trop entrer dans les détails à cause du faible nombre d’heures imparties par le programme, quelques spécificités des trois aires qui coexistent sur le bassin méditerranéen et leurs dynamiques ou leurs difficultés internes. Bibliographie indicative Quelques sources - La Geste des Francs : Histoire anonyme de la première croisade, trad. A. Matignon, Paris, Arléa, 1992. Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

- Guibert de Nogent, Geste de Dieu par les Francs, Turnhout, Brepols, 1998. - Guillaume de Tyr, Chronique, éd. R. B. C. Huygens, Turnhout, Brepols, 1986. - Ibn Jubayr, Voyages (Rihla), trad. M. Gaudefroy Demombynes, 3 vol., 1949-1951-1956. - Idrîsî, La première géographie de l’Occident, Paris, Flammarion. 1999 - Imad al-Din al-Isfahani, Conquête de la Syrie et de la Palestine par Saladin, trad. H. Massé, Paris, Librairie orientaliste Paul Geuthner, 1972. - Usâma Ibn Munqidh, Un prince syrien face aux croisés, trad.A Miquel, Paris, Fayard, 1986. Recueils de documents : - Eddé Anne-Marie, Micheau Françoise, L’Orient au temps des croisades, Paris, Flammarion, 2002. - Foulon Brigitte, Tixier du Mesnil Emmanuelle, Al-Andalus, Anthologie, Paris, Flammarion, 2009. - Gabrieli Francesco, Chroniques arabes des croisades,Paris, Sindbad, 1977. - Guichard Pierre éd., L’Espagne et la Sicile musulmanes aux XIe et XIIe siècles, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1990. - Régnier-Bohler Danielle (dir.), Croisades et pèlerinages. Récits, chroniques et voyages en Terre sainte, XIIe-XVIe siècles, Paris, Laffont, 1997. Des manuels et des instruments de travail - Aillet Cyrille, Tixier du Mesnil Emmanuelle et Vallet Eric, Gouverner en Islam Xe - XVe siècle, Neuilly, Atlande, 2014 - Balard Michel, La Méditerranée médiévale. Espaces, itinéraires, comptoirs, Picard, 2006. - Balard Michel, Croisades et Orient latin : XIe XVe siècle, 3e édition, Paris, Armand Colin, 2017. - Bresc Henri, Doumerc Bernard, Eddé AnneMarie, Guichard Pierre, Micheau Françoise, Picard Christophe, Sénac Philippe, La Méditerranée entre pays d’Islam et monde latin, (milieu Xemilieu XIIIe s), Paris, SEDES, 2001.

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Chapitre 2 – La Méditerranée médiévale, espace d’échanges et de conflits

- Cahen Claude, Orient et Occident au temps des croisades, Paris, Aubier, 1983. - Ducellier Alain, Byzance et le monde orthodoxe, 3e édition, Paris, Armand Colin, 2006. - Jansen Philippe, Nef Annliese et Picard Christophe, La Méditerranée entre pays d’islam et monde latin (milieu Xe - milieu XIIIe siècle), Paris, SEDES, 2000. - Jehel Georges, La Méditerranée médiévale de 350 à 1450, Paris, Armand Colin, 1992. - Lemire Vincent (dir.), Jérusalem : Histoire d’une ville-monde des origines à nos jours. Paris, Champs, 2016. - Leroy Béatrice, Le monde méditerranéen du VIIe au XIIIe siècle, Paris, Ophrys, 2001. - Mayeur Jean-Marie, Pietri Charles, Pietri Luce et alii (dir.), Histoire du christianisme des origines à nos jours. Tome V : Apogée de la papauté et expansion de la chrétienté (1054-1274), Paris, Desclée, 1993. - Micheau Françoise, Le Moyen Âge en Orient. Byzance et l’Islam, Paris, Hachette Supérieur, 1991, pl. réimpr. (en collaboration avec Ducellier Alain, Kaplan Michel, Martin Bernadette), édition remaniée en 2003. - Picard Christophe, Le monde musulman du XIe au XVe siècle, Paris, Armand Colin, 2014. - Tolan John, L’Europe latine et le monde arabe au Moyen Âge : Cultures en conflit et en convergence, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009. Pour approfondir - Boisselier Stéphane, Clément François, Tolan John, Minorités et régulations sociales en Méditerranée médiévale, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010. - Edde Anne-Marie et Nef Annliese, Pouvoirs en Islam: Xe-XVe siècle, Paris, La documentation française, 2015. -.Kennedy Hugh (dir.), An Historical Atlas of Islam, Leyde, Brill, 2002. - Martin Jean-Marie, Peters-Custot Annick, Prigent Vivien, L’héritage byzantin en Italie. La fabrique documentaire, Rome, Collection de l’École Française de Rome, 449, 2011. - Mayeur Jean-Marie, Pietri Charles, Pietri Luce et alii (dir)., Histoire du christianisme des origines à nos jours. Tome VI : Un temps d’épreuves (12741449), Paris, Desclée, 1990. - Mervin Sabrina, Histoire de l’islam. Fondements et doctrines, Paris, Flammarion, 2010.

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OUVERTURE › MANUEL PAGES 60-61 Les deux enluminures permettent d’introduire les deux idées fondamentales du chapitre et peuvent permettre l’élaboration de la problématique avec les élèves : la Méditerranée, espace de conflits et de contacts belliqueux est aussi un espace d’échanges dynamiques du XIe au XIIIe s.

Document 1. Des contacts souvent conflictuels au temps des croisades Cette image est une miniature extraite du Roman de Godefroy de Bouillon, qui, rédigé en vers et conservé à la BNF, illustre encore, au XIVe s., les combats de la Première croisade et la prise de Jérusalem. Godefroy de Bouillon (1058-1100) est une figure centrale de la première croisade et de l’établissement des États latins d’Orient et sa fortune littéraire fut immense tout au long des siècles du Moyen Âge et de la Renaissance : de noble ascendance carolingienne, il était duc de BasseLotharingie et fut l’un des premiers à répondre à l’appel à la croisade d’Urbain II. Partie le 15 août 1096, son armée parvient à Constantinople en novembre, traverse le Bosphore au printemps 1097 et contribue au retour de Nicée, tombée aux mains des Seldjoukides, dans le giron de l’Empire byzantin. Souffrant lors du siège d’Antioche (octobre 1097- juin 1098), il se retire après la chute de la ville chez son frère Baudouin, à Édesse et prend la route de Jérusalem en janvier 1099 : celle-ci est assiégée à partir du 7 juin et tombe, malgré la défense des Fatimides, le 15 juillet 1099. Godefroy refuse la couronne de roi de Jérusalem et prend le titre d’avoué du Saint-Sépulcre ; gardien de la ville sainte et du tombeau du Christ, il repousse l’armée égyptienne mais décède en juillet 1100 au retour d’une expédition contre le Sultan de Damas ; son frère Baudouin lui succède en devenant roi de Jérusalem après avoir été comte d’Édesse. La composition de l’enluminure est marquée par une très forte symétrie : un groupe de cavaliers musulmans affronte un groupe de chevaliers croisés. Mieux défendus que les musulmans, les Occidentaux sont munis de heaumes, de hauberts, d’écussons portant leurs armes. Ceux-ci semblent l’emporter : cinq têtes de combattants musulmans gisent à terre, piétinées par les chevaux jetés dans le combat. L’enluminure correspond aussi à un type d’illustration attendu par le public de cour, composé de grands laïcs, qui possède ces précieux manuscrits : la croisade demeure longtemps une

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Chapitre 2 – La Méditerranée médiévale, espace d’échanges et de conflits

source d’inspiration dans les récits littéraires qui plaisent aux grands aristocrates.

Document 2. La Méditerranée, un espace d’échanges commerciaux dynamique Ce document est une enluminure extraite d’un autre célèbre manuscrit du Moyen Âge, le livre des Merveilles de Marco Polo. Né à Venise en 1254, le plus célèbre des marchands italiens voyagea avec son père et son oncle à partir de 1271 ; s’il n’est pas le premier Européen à avoir atteint la Chine, il est le premier à la décrire de manière aussi circonstanciée, encourageant de nombreuses générations à entreprendre, à leur tour, le long voyage vers l’Extrême-Orient. Alors que le voyage vers la Chine est essentiellement terrestre, son premier segment, qui devait le mener de Venise à Acre, nécessitait l’utilisation de navires. Le départ de Marco Polo s’opère depuis Venise dont on voit les bâtiments qui sont encore aujourd’hui les plus emblématiques de la ville (le palais des doges dont on reconnaît l’architecture hétéroclite de marbre rose et blanc, la basilique St-Marc, les palais permettant l’arrimage de navires à hauteur de la lagune) et dont on perçoit la prospérité (magnificence de la ville, présence de nombreuses activités commerciales sur la place St-Marc comme sur les quais) alors que la ville compte environ 100 000 habitants, faisant d’elle l’une des trois premières cités de la chrétienté occidentale après Paris et Milan. Si des animaux exotiques présents au premier plan semblent annoncer les merveilles que Marco Polo s’apprête à observer lors de son voyage, Venise, alliée militaire de l’Empire byzantin déclinant, est bien devenue l’une des principales puissances commerciales de la Méditerranée des XIe - XIIIe s.

REPÈRES › MANUEL PAGES 62-63 Les frises chronologiques comparées permettent aux élèves de construire des repères fondamentaux dans chaque espace du programme (l’Empire byzantin, l’Occident chrétien et le monde musulman) tandis que les cartes soulignent les contacts souvent belliqueux établis par ces trois civilisations.

 Document 1. La Méditerranée au XIIe s. Cette carte permet de situer les trois aires politiques et religieuses et de localiser les foyers majeurs de contacts et d’affrontements, au ProcheOrient et en Espagne. Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

 Document 2. Les États latins d’Orient Cette carte permet de présenter ces nouveaux royaumes établis par les Occidentaux à la suite de la première croisade. Si l’objectif d’Urbain II, lorsqu’il lance l’appel de Clermont en novembre 1095, était la délivrance de Jérusalem, les chefs de la Croisade établissent des principautés à leur profit, oubliant leur serment au basileus qui attendait des Francs qu’ils restituent à l’Empire ces territoires jadis sous contrôle byzantin. La population d’origine occidentale ne constitue jamais qu’une minorité qui construit sa domination à partir des villes et de puissantes forteresses mais aussi des ports où s’établissent de puissantes colonies de marchands italiens qui, dotées de privilèges juridictionnels, attirent le trafic entre l’Orient et l’Occident. Dès mars 1098, Baudouin de Boulogne, allié des Arméniens, créé le premier État franc d’Orient, le comté d’Édesse, transmis en 1100 à son cousin Baudouin du Bourcq puis en 1118 à la famille de Courtenay. Éloigné du rivage et des circuits commerciaux, il n’attire qu’une population franque réduite. La principauté d’Antioche naît quant à elle des ambitions de Bohémond de Tarente, chef des troupes normandes de la première croisade. Après la prise d’Antioche par les Croisés et la dispersion de l’armée turque, en juin 1098, Bohémond obtient la possession de la ville malgré l’opposition du basileus et de Raymond de SaintGilles, chef des troupes provençales. En proie aux attaques de l’émir d’Alep, il gagne l’Occident pour y chercher des renforts et lègue en 1108 la principauté à son neveu Tancrède dont les successeurs doivent prêter allégeance aux empereurs byzantins Jean II et Manuel Ier Comnène. Exposée en permanence à la reconquête musulmane, la principauté ne parvient pas à résister à l’invasion des Mamelouks d’Égypte en 1268. Alors qu’il a dû quitter Antioche, Raymond de Saint-Gilles constitue l’ébauche d’un nouveau comté latin autour de Tripoli, rapidement assiégé. Ses descendants échouent à occuper la haute vallée de l’Oronte, en prise avec Nur-ad-Din et Saladin mais tiennent la principauté jusqu’en 1187, ensuite tenue par Bohémond IV d’Antioche et ses héritiers jusqu’en 1289. Si un hommage est rendu à l’empereur byzantin, au prince d’Antioche et au roi de Jérusalem, le comté est indépendant et parvient même, avec Raymond III, à jouer un rôle politique décisif dans le royaume de Jérusalem. Le royaume franc de Jérusalem est une création originale issu de la prise de Jérusalem en 1099. Bien que les clercs de l’armée rêvent d’un État 3

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théocratique confié au pape ou à son représentant légal, la nécessité de défendre les lieux saints entraîne le choix d’un prince laïque, Godefroy de Bouillon, élu par le conseil des barons contre Raymond de Saint-Gilles et « avoué du SaintSépulcre » (signe d’une dépendance envers l’Eglise de Jérusalem). Dès 1100, son frère Baudouin Ier, qui lui succède, est couronné roi de Bethléem. Après quelques années de lente expansion (Tyr est aux mains des Chrétiens en 1124, Ascalon en 1153) le royaume doit résister à la reconquête musulmane de Nur-ad-Din et de Saladin, qui écrase l’armée franque en 1187 à Hattîn : seule la région de Tyr reste aux mains des Francs. Si la troisième croisade permet la reconstruction partielle du royaume, désormais limité à une étroite bande côtière dont Acre est la capitale. Jérusalem est recouvrée par Frédéric II lors du traité de Jaffa (1229) mais définitivement perdue en 1244 alors que les mercenaires au service de l’Égypte, les Khwarizmiens, s’en emparent. Le royaume, en proie à la division (les barons s’opposent à Frédéric II), se maintient grâce à la croisade de Louis IX mais les Sultans mamelouks d’Égypte entreprennent, à partir de 1265, la reconquête de la Syrie franque : celle-ci s’achève avec la reconquête d’Acre et des dernières forteresses franques en 1291 qui tombent aux mains du sultan al-Ashraf. Dans ces États, l’Église latine s’appuie sur les deux patriarcats de Jérusalem et d’Antioche mais n’impose ni les dogmes ni les rites romains. Les ordres militaires – Templiers, Hospitaliers – tiennent les forteresses des principaux États latins où les échanges intellectuels et artistiques demeurent assez réduits.

 Document 3. L’Espagne de la Reconquista Cette carte permet d’évoquer l’autre grande région d’affrontements méditerranéenne. La « Reconquista », (« reconquête » en espagnol) de l’espace péninsulaire ibérique par les Chrétiens commence au milieu du XIe s. et s’achève avec la capitulation de Grenade en 1492 (avec un mouvement général du Nord, où des royaumes chrétiens avaient réussi à demeurer lors de l’extension musulmane, vers le Sud où de brillantes cours musulmanes se sont développées). Parce qu’elle tenait à la fois de l’entreprise militaire et économique de conquête et de peuplement, et croisade ou guerre sainte contre l’Infidèle, il s’agit d’un événement majeur de l’histoire médiévale occidentale, déterminante dans les évolutions ultérieures de l’histoire hispanique.

Réponses aux questions Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

1. Identifiez les trois grandes civilisations situées dans le Bassin méditerranéen et relevez celles qui sont en expansion. Les trois plages de couleur permettent d’identifier trois aires distinctes : celle de l’Empire byzantin, en violet, est en recul sur ses marges orientales, progressivement conquises par des princes musulmans. Le monde musulman, en vert, poursuit en effet son expansion alors que l’Occident chrétien (en orangé), en plein essor, se lance dans les guerres de croisade à la suite de l’appel de Clermont (1095). 2. Localisez les lieux saints de cet espace ne précisant à chaque fois s’il s’agit d’un lieu de pèlerinage chrétien ou musulman. Si Nazareth et Bethléem, liés à la naissance et à la vie de Jésus, sont des lieux saints pour les chrétiens, Jérusalem est une ville sainte pour les Chrétiens comme pour les musulmans. Plus au sud se trouvent la Mecque et Médine, principales villes saintes de l’islam. 3. Situez les principales zones de contact de cet espace méditerranéen. Les principales zones de contact sont situées au Proche-Orient, sur les rives de la Méditerranée orientale et dans l’Espagne de la Reconquista où les royaumes chrétiens combattent et repoussent progressivement vers le sud les royaumes musulmans.

COURS 1 Trois civilisations en Méditerranée au XIIe siècle › MANUEL PAGES 64-65

Réponses au Testez-vous ! Quelles sont les menaces extérieures contre l’empire byzantin au XIIe siècle ? Les menaces extérieures viennent d’Occident comme d’Orient : les Normands, installés en Italie du Sud et en Sicile, sont de redoutables combattants sur mer ; les Turcs Seldjoukides attaquent pour leur part les frontières orientales de l’Empire, avançant leur position en Asie mineure. Qu’est-ce que la féodalité en Occident ? La féodalité apparaît lorsque le pouvoir royal est en difficulté, entre le Xe et le XIIe siècles. Elle consiste en un ensemble de principautés et de fiefs qui constituent des unités politiques de base. Les

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fiefs sont concédés par des seigneurs à des hommes qui deviennent ainsi leurs vassaux, c’est à dire qui s’engagent en établissant un lien personnel et privé. Le vassal devient progressivement l’homme du seigneur, celui qui s’est recommandé à lui. Le vassal est celui qui doit le service militaire mais aussi celui qui est capable de s’armer et d’équiper un cheval. Il est par conséquent recruté dans des couches sociales aisées de la population rurale. Se dessine alors, dans la société médiévale, une hiérarchie qui repose sur des réseaux de fidélité dans lesquels droits et devoirs réciproques engagent fortement les puissants seigneurs. Au sommet de cette société politique se trouvent les rois : seigneurs des seigneurs, ils ne tiennent leur fief de personne. Ils doivent promettre et assurer la protection aux hommes qui se placent sous leur autorité. On trouve ensuite les vassaux directs des souverains : ce sont des princes territoriaux importants (comtes, ducs). Viennent ensuite les arrièrevassaux, c’est-à-dire les vassaux des vassaux du seigneur. Au dernier échelon de cette pyramide, les vavasseurs ne sont les seigneurs de personne. Néanmoins, certains peuvent être prestigieux ou riches et donc influents localement. Tous ces hommes doivent à leur seigneur le conseil (concilium) et l’aide ou assistance militaire (auxilium). Quels types de divisions traversent le monde musulman au XIIe siècle ? Le monde musulman est divisé politiquement mais aussi religieusement : de grandes dynasties sont apparues et affirment leur pouvoir sur une partie du monde musulman (les Almoravides puis les Almohades au Maghreb et en Espagne, les Fatimides en Égypte, les Turcs Seldjoukides en Anatolie et au proche Orient). Si l’essentiel du monde musulman est composé de sunnites (ils se réclament de la Sunna, la tradition), une minorité se réclame du chiisme : ils considèrent Ali, gendre du prophète, comme le successeur légitime du prophète et suivent donc ses successeurs. Cette fracture perdure au XXIe s.

COURS 2 Contacts, échanges et conflits en Méditerranée › MANUEL PAGES 66-67

Réponses au Testez-vous ! À l’origine, quels sont les objectifs des Croisades ?

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L’objectif originel des croisades était de permettre aux Chrétiens de pouvoir se rendre sur les lieux de pèlerinage en Palestine, et notamment à Jérusalem sur le tombeau du Christ. Mais la croisade, déclenchée par l’appel d’Urbain II en 1095, ne se contente pas de « libérer » Jérusalem en 1099 ; les Croisés fondent en effet les États latins d’Orient, des principautés rapidement menacées par les princes musulmans. Quels sont les foyers de tensions dans l’espace méditerranéen ? Les foyers de tension du bassin méditerranéen sont multiples : si des transferts culturels existent entre Chrétiens et musulmans, et parfois même entre Juifs, Chrétiens et musulmans, le ProcheOrient est au temps des croisades une région de fortes tensions et de guerres sans cesse renaissantes ; l’Espagne de la Reconquista est aussi une terre majeure d’affrontements dont pâtissent les mozarabes (chrétiens en terre d’islam) comme les mudéjars (musulmans des territoires chrétiens). Quels sont les principaux acteurs des échanges commerciaux en Méditerranée ? Si les marchands sont nombreux en Méditerranée, les Italiens occupent une place particulièrement stratégique : les Vénitiens, dont la flotte croît de manière décisive après les privilèges obtenus en 1082 sont les principaux. Exemptés des taxes dans tous les ports de l’Empire d’Orient, ils sont ensuite concurrencés par les Génois et les Pisans qui n’obtiennent pas, toutefois, de privilèges aussi importants qu’eux.

DOCUMENTS Le monde musulman : religion et civilisation > MANUEL PAGES 68-69

Réponses aux questions 1. Recensez les obligations auxquelles doit se soumettre chaque musulman. Le Coran fixe la liste des pratiques et des dévotions obligatoires à cinq : ce sont les « cinq piliers de l’islam » : la profession de foi ou « Chahada » que l’on prononce quand on se convertit à l’islam, les cinq prières par jour, alors que le fidèle s’oriente, en état de pureté rituelle, vers la Mecque ; l’aumône (ou « zakât »), évoquée plus de 70 fois par le Coran, le jeûne du Ramadan, pratiqué du lever au coucher du soleil durant le mois où le Coran a été révélé. Reste le pèlerinage 5

Chapitre 2 – La Méditerranée médiévale, espace d’échanges et de conflits

à la Mecque (« hajj »), lieu de naissance du prophète où se trouve la Kaaba et principale ville sainte de l’islam. 2. La mosquée est-elle seulement un lieu de prière ? Justifiez. 2. La mosquée n’est pas qu’un lieu de prière, ce que l’on perçoit bien à travers l’étude du plan de la grande mosquée de Kairouan, fondée vers 670 par Oqba Ibn Nafi alors que l’Afrique du Nord est une terre de conquête et Kairouan la quatrième ville sainte de l’islam : au-delà du minaret qui permet l’appel à la prière par le muezzin et le rassemblement des fidèles dans la salle de prière, la mosquée est un lieu d’enseignement où se trouvent les madrasas (ou medersas, les écoles coraniques). 3. Montrez que les villes musulmanes connaissent une phase d’essor économique et culturel. Les villes musulmanes, souvent décrites dans les récits de voyage comme celui d’Al-Mogadassi, connaissent une phase d’essor économique et culturel soutenu qui frappent tous ceux qui les découvrent : alors que le désert est souvent associé aux représentations de l’islam, la ville, point d’appui de la conquête musulmane et cadre du regroupement des fidèles, permet l’essor d’une brillante civilisation. La diffusion de l’islam suscite en effet un grand mouvement d’essor urbain, observable dès les VIIe - VIIIe s. et permettant l’apparition d’organismes urbains d’une taille peu commune à l’échelle des sociétés médiévales; les villes préexistantes connaissent un renouveau démographique rapide alors que d’autres naissent très tôt de la terre, rassemblant jusque 200 000 habitants : c’est le cas de Bagdad, capitale de l’empire califal abbasside de 762 à 1258, mais aussi du Caire, dont il est question dans le document 2. Celle-ci, dont le voyageur signale qu’elle surpasse la capitale impériale historique, a été fondée dès 969. Sur ses 700 hectares, elle connaît un brillant développement et se voit dotée de toutes les structures qui favorisent le commerce et qui font d’elle un puissant carrefour du monde méditerranéen : un grand port dont le dynamisme transparaît à travers la mention des innombrables navires, des marchés – souks – où se trouvent toutes les richesses de l’Orient, de nombreuses et hautes habitations (à quatre ou cinq étages, dont des palais) et, parmi de très nombreuses mosquées qui permettent aux fidèles de se réunir, la grande mosquée du Caire dont les splendeurs marquent également les visiteurs. Le document n°4, une enluminure extraite d’un

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célèbre manuscrit arabe achevé en 1237 illustrant les Séances (« Maqâmât ») de l'écrivain arabe alHarîrî (1054-1122), présente le maître (assis à droite) face à ses disciples, à gauche. Les visages et les mains sont animés, témoignant de la qualité et de la densité des échanges et des apprentissages. Comme Le Caire où l’on enseigne à Al-Azhar depuis 988, Bagdad est l’une des villes les plus importantes du Moyen-Orient médiéval, une ville de pouvoir et de culture. 4. Pourquoi Averroès est-il surpris lors de sa rencontre avec l’émir ? Averroès (Cordoue, 1126- Marrakech 1198) est l’un des plus importants penseurs arabes du Moyen Âge. Philosophe, théologien, médecin et juriste, Ibn Rochd de Cordoue (Averroès est son nom latinisé) souligne dans toute son œuvre l’apport des sciences profanes et rédige un traité de médecine (Colliget) qui lui apporte la notoriété. Mais ce sont surtout ses commentaires d’Aristote, auquel il consacre l’essentiel de sa vie et qui l’amènent à séparer radicalement raison et foi, qui l’ont rendu célèbre. Condamné par la religion musulmane qui lui reproche de déformer les préceptes de la foi, Averroès doit vivre dans la clandestinité et la pauvreté jusqu’à ce qu’il soit rappelé à Marrakech où il meurt réhabilité en 1198. Ses principes se diffusent en Occident, se diffusent dans les écoles médiévales avant d’être condamnés par l’Église en 1240. Interrogé par l’émir des croyants sur les philosophes grecs antiques, Averroès craint sans doute d’être inquiété par ce prince garant de l’orthodoxie musulmane ; il s’avère surpris par la qualité de ses connaissances et son ouverture philosophique ; loin d’être inquiété par ce puissant, Averroès est gratifié d’argent, de vêtements d’apparat et d’un cheval. 5. Synthétiser La réponse devra montrer que les villes musulmanes, plus peuplées qu’en Occident, sont des foyers de dynamisme économique – grâce aux marchands, au commerce – et culturel, dotées de mosquées qui sont des lieux de prière mais aussi des lieux d’enseignement où sont formés de nombreux savants dans toutes les sciences dont les apports gréco-arabes sont encore aujourd’hui nombreux.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Bernard de Clairvaux et la deuxième croisade (1146-1149) 6

Chapitre 2 – La Méditerranée médiévale, espace d’échanges et de conflits

> MANUEL PAGES 70-71 Bernard de Clairvaux (1090-1153) est l’une des figures majeures de l’Occident médiéval. Conseiller de nombreux puissants, surnommé « lumière de l’Occident » du XIIe s., canonisé par l’Église, celui qui propagea l’ordre de Cîteaux – fondé en 1098 par Robert de Molesme – refusa toute haute dignité de l’Église et tint à demeurer l’abbé de Clairvaux, qu’il avait fondée en Champagne. Son action est protéiforme (« Aucune des affaires de Dieu ne m’est étrangère » écrit-il dans la lettre 20) mais il fut durablement marqué par l’échec de la croisade qu’il avait prêchée à la demande du pape Eugène III qui la lance en 1145, après la chute d’Édesse en 1144. Alors que le document 1 permet d’expliquer avec les élèves le phénomène de la prédication et peut permettre de saisir les raisons qui poussent les hommes à se croiser et à gagner l’Orient, le document 2 permet de mesurer les efforts mis dans cette prédication menée en 1146-1147 par le moine de Cîteaux ; le document 4 permet de voir que le roi de France Louis VII s’engage dans la croisade, entouré d’une foule immense venue assister à la prédication ; le document 3 permet de retracer l’itinéraire des armées de Louis VII et de l’empereur Conrad III qui prit aussi la croix mais aussi de constater l’échec de la croisade qui s’achève par le rembarquement des combattants durant l’été 1148.

Réponses aux questions 1. Localisez les principaux lieux où Bernard prêche la Croisade. Bernard ne compta pas ses efforts pour prêcher la croisade : alors que les positions franques étaient menacées en Palestine (il s’agit prioritairement de reprendre Édesse), Bernard prononce sa première prédication à Vézelay, en 1146 (un grand succès puisque le roi de France Louis VII prend la croix) et voyage beaucoup dans les marges orientales du royaume de France et dans l’Empire où Conrad III, à la suite du roi de France, prend lui aussi la croix (Spire, décembre 1146). Si la prédication commence à Vézelay, elle se poursuit à Châlons, à Arras, à Ypres, Bruges, Liège, Spire, Strasbourg, Constance, Fribourg, Worms, Mayence, Cologne, Étampes, Metz, Francfort, à Clairvaux, à Lyon ou à Dijon. Alors que les esprits s’enflamment à l’idée de combattre l’infidèle en Orient, Bernard se rend sur les terres d’Empire où des communautés juives sont en proie à des violences quotidiennes et met fin aux massacres (pogroms) : pour Bernard, le peuple juif est porteur de l’humanité de Jésus ; Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

la lutte menée par les Francs pour la protection des lieux saints ne saurait se traduire par des violences contre les juifs d’Europe. 2. Identifiez et classez les principales forces en présence. Les armées croisées qui se dirigent vers l’Orient sont celles de Louis VII, roi de France entre 1137 et 1180 et de Conrad III (1138-1152) ; elles sont accueillies dans l’Empire – non sans tensions) de Manuel Ier Comnène. Les armées croisées combattent les Turcs seldjoukides au Nord mais sont bientôt confrontées aux forces de l’émir d’Alep, Nur-ad-Din et rembarquent durant l’été 1148, alors que la croisade s’est traduite par un fiasco pour les Croisés. 3. Qui participe à la croisade ? Comment se termine-t-elle ? Les Croisés ont beau être appuyés par Louis VII et Conrad III, suivis par de nombreux puissants, ils essuient de terribles revers. Après avoir traversé le Bosphore, les armées germaniques et françaises sont rapidement mises en difficulté par les Turcs : Conrad subit un grave revers à Dorylée, en Asie mineure, dès octobre 1147 ; les armées de Louis VII, attaquées par les Turcs, peinent à passer l’hiver et reprochent à l’empereur byzantin l’insuffisance de son aide, notamment pour les vivres : la bataille du Mont Cadmos (janvier 1148) fut particulièrement difficile et éprouvante pour elles. Si les Croisés peuvent atteindre Adalia en janvier 1148 grâce à l’appui des Templiers qui rétablissent la discipline, la flotte byzantine censée les amener jusqu’en Syrie se révèle trop petite et Louis doit abandonner une partie de ses troupes dont beaucoup d’hommes échouent ensuite à atteindre Tarse par voie de terre. Une fois en Syrie, Louis renonce à son projet de reprendre Édesse et décide d’aller accomplir son vœu à Jérusalem et à la fin du printemps 1148, la plus grande partie des troupes se rassemble en Palestine. L’échec du siège de Damas, en juillet 1148, catalyse la catastrophe et précipite le retour des Croisés en Occident : ceux-ci rembarquent durant l’été à partir d’Acre. 4. Quelles sont les raisons invoquées par Bernard de Clairvaux pour inciter les hommes à combattre en Terre sainte ? Les neuf premières lignes de l’extrait rappellent la difficile situation des Croisés en Orient : après la chute d’Édesse qui entraîne un nouvel appel à la croisade du pape Eugène III, les positions des Francs dans les États latins d’Orient semblent bien fragiles. Initialement lancée pour permettre l’accès 7

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des Chrétiens aux lieux saints, Jérusalem, conquise par les Francs en 1099, est de nouveau menacée par les musulmans. Bernard de Clairvaux appelle donc toutes les forces combattantes d’Occident, celle des milites, à ceindre la croix pour aller défendre, sans faillir, les lieux saints de nouveau menacés. Il ne s’agit pas de laisser les seigneurs et chevaliers perdre leurs forces dans des guerres intestines causées par la volonté de s’enrichir ou d’accroître son pouvoir (2e et 3e paragraphes) mais bien de mettre toutes les forces chrétiennes au service d’une cause essentielle de la Chrétienté, garantissant le Salut de ceux qui viendraient à périr. 5. Synthétiser La deuxième croisade est un échec majeur pour les combattants occidentaux. Alors que les Croisés souhaitent reprendre Édesse et consolider les positions des États latins d’Orient apparus à la suite de la première croisade, ceux-ci subissent nombre de revers dès qu’ils arrivent en Asie mineure (bataille de Dorylée, du Mont Cadmos, octobre 1147janvier 1148). Les armées, divisées durant le trajet et insuffisamment soutenues par l’empereur byzantin Manuel Ier Comnène, parviennent en Syrie et en Palestine déjà considérablement affaiblies par les Seldjoukides. Insuffisamment préparées à combattre les forces de Nur-ad-Din, les armées croisées échouent lors du siège de Damas et doivent rembarquer entre juillet et septembre 1148. Le fiasco de ce deuxième « pèlerinage en armes » marque durablement Bernard de Clairvaux qui l’avait activement prêché en 1146-1147.

DOCUMENTS L’empire byzantin et l’Occident > MANUEL PAGES 72-73

Réponses aux questions 1. Identifiez les privilèges obtenus par les Vénitiens devenus les alliés militaires de l’empire byzantin. En devenant les alliés militaires de l’Empire byzantin, mal armé pour une confrontation maritime, contre les troupes normandes de Robert Guiscard, les Vénitiens acquièrent de l’empereur byzantin Alexis Comnène d’importants privilèges conférés par chrysobulle. Acte le plus solennel de la diplomatie byzantine, le chrysobulle est revêtu d’un sceau en or et porte la signature pourpre de l’empereur qui confère le privilège, c’est-à-dire des droits exceptionnels valables ici non pour un Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

individus ou un groupe d’individus mais pour toute la cité (« privilège » vient de lex privata en latin). Les Vénitiens peuvent se déployer dans le quartier de Pérama qui devient le quartier vénitien de Constantinople, le lieu où l’on trouve leurs établissements et une grande concentration de marchands ; les produits sont acheminés sans taxes (les Vénitiens ne paient pas le kommerkion ni aucun droit de douane) par les trois « échelles » – accès portuaires – que leur attribue le chrysobulle. Au-delà de Constantinople, les Vénitiens ont un accès libre à tous les ports de l’Empire (appelé Romanie dans les sources byzantines, car il s’agit de l’Empire romain d’Orient) ; comme dans la capitale, ils sont exemptés de toutes les taxes pesant habituellement sur les marchandises acheminées vers l’Empire. Ces concessions économiques de nature et d’ampleur inédites permettent à Venise d’entrer dans une ère de grande prospérité ; elles sont confirmées en 1148 et en 1187, alors que la cité des Doges est devenue une grande puissance méditerranéenne. 2. Quels éléments nous montrent le caractère sacré de l’empereur et de l’impératrice ? Le caractère sacré du couple impérial byzantin se traduit par leur présence, alors qu’ils sont encore vivants, aux côtés de la Vierge et de l’enfant qu’ils entourent, sur un fond de mosaïque dorée (l’or, dans l’iconographie byzantine, renvoie au monde éternel et au domaine céleste) mais aussi par le port du nimbe, par leur nom qui figure, comme celui des personnages sacrés représentés sur les icônes, les fresques, les enluminures ou les mosaïques, juste à côté d’eux. Jean II Comnène (1118-1142), vêtu de bleu et de pourpre, porte une longue et large écharpe (le loros) et ceint le kamelaukion, la couronne hémisphérique surmontée d’une croix. De ses deux mains, il présente une bourse à la Théotokos (mère de Dieu). Irène, d’origine hongroise, porte un vêtement pourpre et rouge luxueusement décoré ainsi que le loros. Elle est parée de somptueux bijoux, dont une couronne ornée de pierres précieuses. Elle présente à la Vierge et à l’Enfant un chrysobulle, acte officiel scellé d’un sceau d’or. 3. Localisez sur le doc. 5 quelques lieux décrits dans le doc. 2. Le plan permet de localiser bon nombre de bâtiments évoqués par Eudes de Deuil alors que les combattants de la deuxième croisade sont accueillis à Constantinople : Sainte-Sophie et le Palais impérial à l’extrémité de la Corne d’Or mais aussi

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le palais des Blachernes sis à proximité des murailles de Théodose. Plus modernes, plus récents et mieux entretenues que le vieux palais de Constantin, les constructions formant le palais des Blachernes permettaient à l’empereur de quitter rapidement la ville, qu’il s’agisse de la guerre ou de la chasse. Il n’en reste que peu de vestiges archéologiques aujourd’hui (le palais du Porphyrogénète, pour l’essentiel). 4. Pour quels motifs les Occidentaux sont-ils nombreux dans l’Empire byzantin ? Les Occidentaux sont très nombreux dans l’Empire, essentiellement pour des raisons commerciales : les échanges de produits, qu’il s’agisse de produits alimentaires ou de produits de luxe rares en Occident, sont nombreux en Méditerranée. La part des marchands italiens va d’autre part en s’accroissant : l’Empire byzantin, attaqué par les Normands en Epire ou sur ses frontières orientales par les Seldjoukides, a besoin d’alliés militaires qu’il trouve en Venise puis avec Gênes et Pise, autres grandes puissances de la péninsule italienne qui se voient octroyer des privilèges économiques et commerciaux extraordinaires par le biais des chrysobulles (libre accès aux ports de l’Empire, absence ou faiblesse des taxes perçues sur les produits occidentaux… Pise voit ses droits de douane abaissés dès 1111, Gênes en 1155 mais elles ne sont jamais totalement exemptées de taxes comme les Vénitiens depuis le chrysobulle de 1082). Les marchands italiens sont donc particulièrement nombreux dans les ports de l’Empire et à Constantinople où l’on voit fleurir un quartier vénitien, un quartier pisan et un autre génois. La domination économique des Italiens est de plus en plus mal vécue par les populations de l’Empire qui s’en prennent régulièrement, à la fin du XIIe s., aux marchands italiens. Mais ces privilèges entraînent, en retour, un essor économique soutenu des cités commerçantes italiennes qui se parent de somptueux bâtiments. 5. Pourquoi le sac de Constantinople est-il un choc pour les Byzantins ? Le sac de Constantinople constitue un choc pour les populations de l’Empire : il est mené par les Croisés accueillis, malgré de nombreuses tensions et des différends, dans la capitale de l’Empire. Alors que ceux-ci devaient mener le combat contre les Infidèles en terre sainte (les « Sarrazins » du texte), les Croisés s’en prennent à toutes les richesses de la ville : dans le texte célèbre de la chronique du grand historien byzantin Nicetas Choniates, les Croisés, appâtés par le gain, ne pillent pas que des maisons ou des palais mais Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

aussi les églises dotées d’un riche matériel liturgique (calices, ciboires, reliquaires ou manuscrits ornés de pierres précieuses….) et la première d’entre elles, Sainte-Sophie. La violence se répand dans la ville ; la croisade est détournée de son objectif liminaire : si le schisme de 1054 n’était pas insurmontable, le sac de 1204 marque une rupture définitive pour les Orthodoxes. 6. Synthétiser Proposition de plan Problématique : comment les relations entre Byzance et les Occidentaux s’enveniment-elles jusqu’à aboutir au sac de 1204 ? I : Un riche Empire sur le déclin II : Des alliances militaires et des privilèges économiques III. De la multiplication des litiges au sac de Constantinople.

DE LA SOURCE À L’HISTOIRE Comment les historiens expliquent-ils le patrimoine archéologique et monumental de la ville de Jérusalem ? > MANUEL PAGES 74-75 L’objectif de cette double page est de comprendre les grandes lignes du palimpseste de pierre qu’est la vieille ville de Jérusalem : en effet, même si les élèves n’ignorent pas que la ville est trois fois sainte, il est plus difficile de retracer, au moins en partie, les états successifs de la ville et de ses principaux édifices religieux, de se départir des projections religieuses et mémorielles sur la ville et de comprendre comment les hommes ont fait de Jérusalem un « lieu saint ».

Réponses aux questions 1. Montrez que ce lieu unique a une histoire complexe. Cette ville unique est l’issue d’une histoire religieuse et politique complexe. Simple bourgade sous l’Antiquité, la ville abrite le Temple des Hébreux qui fut le premier lieu saint de la ville. Construit sous Salomon au Xe s. avant notre ère, détruit par le roi babylonien Nabuchodonosor II, reconstruit par le roi de Judée Hérode, au Ier siècle avant J.-C., il fut quasiment détruit – à l’exception d’un seul mur, à l’origine mur de soutènement du second temple, aujourd’hui « mur occidental » ou « mur des Lamentations » – par l’empereur romain 9

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Titus, réprimant alors une révolte des juifs en 70 ap. J.-C. Ce mur devient un lieu de mémoire et le lieu de prière le plus sacré des juifs, car proche de l’endroit qui constituait le « saint des saints ». Affaiblie et privée de ses murailles, Jérusalem est reconstruite sous l’empereur Hadrien, qui dote la ville de temples romains et provoque un nouveau soulèvement entre 132 et 135. Le Saint-Sépulcre (ou « basilique de la Résurrection ») est le second lieu saint de Jérusalem : la ville, après la visite d’Hélène, mère de Constantin, venue identifier les lieux saints, connaît une nouvelle phase de construction. La basilique voit le jour en 335 et devient le pôle de sacralité de la ville byzantine. Incendié comme les autres églises de la ville par les Perses de Chosroès en 614, l’édifice est restauré sous Héraclius qui reprend la ville en 630. Les Abbassides, qui conquièrent la ville en 638, protègent les églises chrétiennes des destructions ou de la transformation ; ce ne fut pas le cas des Fatimides : en octobre 1009, le StSépulcre fut entièrement détruit par le calife, entraînant de vives réactions en Occident. Reconstruit entre 1030 et 1048 à la suite d’un accord de paix signé par l’empereur byzantin, son accès est interdit aux Chrétiens par les Turcs Seldjoukides en 1090, ce qui fut l’une des causes essentielles de la croisade. L’édifice, qui abrita le sacre des rois de Jérusalem au XIIe s., connaît de profondes transformations mal documentées par l’écrit, dans le demi-siècle qui suit la prise de Jérusalem : sous l’enveloppe des hauts murs du bâtiment roman qui abrite le tombeau du Christ (l’édicule) se cache l’ensemble des lieux saints associés à la Passion du Christ. Ce « grand chantier du Saint-Sépulcre fut en quelque sorte le couronnement de la domination franque sur Jérusalem » (Julien Loiseau, Jérusalem, Histoire d’une ville-monde, sous dir. Vincent Lemire, p. 214 et sq.) C’est sur « l’esplanade des mosquées » (« Haramal-Sharif » ou « noble sanctuaire » pour les musulmans) que se situent les pôles de sacralité musulmane de la ville, élevés sur les décombres du Temple hébraïque antique. Le dôme du Rocher (ou Mosquée d’Omar), commandé par le Sultan Abdal-Malik et construit par des artisans byzantins, qui l’achèvent en 691, s’élève sur les hauteurs de la ville, conquise par les musulmans en 637. Cette mosquée à la coupole dorée est puissamment symbolique : située au-dessus du lieu où Abraham faillit sacrifier son fils Isaac, là où se trouvait le temple hébraïque avant sa destruction, il abrite le « rocher de la fondation », la pierre d’assise du saint des saints du temple hébraïque antique ; l’esplanade, en ruines, n’avait pas encore été très Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

construite. Mais le rocher de la fondation est aussi, selon les Hadiths, la roche à partir de laquelle le prophète Muhammad aurait été élevé au ciel par l’intervention divine. Sur cette même « esplanade des mosquées » (« Mont du Temple » pour les Juifs), se trouvent d’autres bâtiments historiques dont la mosquée Al-Aqsa édifiée dès le début du VIIIe s. L’imbrication des lieux de sacralité est réelle, rendant illusoire toute partition de la ville. 2. Pourquoi les chrétiens tiennent-ils à faire de Jérusalem la capitale du royaume fondé à la suite de la prise de la ville en 1099 ? Les chrétiens font de Jérusalem une capitale après la violente prise de la ville par les Croisés, le 15 juillet 1099 : c’est en effet à Jérusalem que Jésus a vécu sa Passion, est mort, serait ressuscité : le Saint-Sépulcre, église édifiée sur l’emplacement présumé du tombeau du Christ dès Constantin, en partie détruite par le calife Hakim en 1009, restaurée par l’empereur byzantin en 1048 et remaniée après 1099 est le pôle de sacralité majeur de la ville et de l’État latin de Jérusalem. Si l’on ignore quelle fut la première résidence royale des Francs dans la cité, l’on sait que Baudouin Ier décida en 1104 d’installer ses quartiers dans la mosquée AlAqsa désaffectée (qui devint le Templum Salomonis des Latins). Dans un piètre état, celle-ci fut abandonnée en 1160 pour un véritable palais urbain, la Curia Regis dont d’importants vestiges ont été mis à jour depuis 1971 dans les jardins actuels du patriarcat arménien. Mais l’essentiel de l’identité du royaume franc de Jérusalem ne se jouait pas à la Curia regis mais bien au SaintSépulcre de Jérusalem où s’installe le patriarcat latin de Jérusalem, qui se substitue au patriarcat grec dont le titulaire est mort quelques jours avant la prise de la ville. 3. Comment l’historien doit-il se comporter face au patrimoine religieux ? L’historien essaie de se départir des projections mémorielles de la ville et étudie le patrimoine religieux en restituant l’histoire des différents édifices, en étudiant leur site, leur situation, la manière dont ils ont polarisé et construit l’espace autour d’eux, les circulations, les pratiques liturgiques, les événements politiques. Il s’agit de restituer les états successifs de la ville, de contextualiser la construction d’une sainteté rendue toujours plus complexe par les hommes. Comme l’explique Vincent Lemire, historien de Jérusalem, dans le document 2 : « les lieux saints ne sont pas immuables. Leur géographie a évolué. Certains même ont été proprement « inventés » comme le

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Jardin de la Tombe (de Jésus) localisé seulement en 1894 ». 4. Montrez que la vieille ville de Jérusalem abrite aujourd’hui de multiples patrimoines imbriqués. Les édifices cultuels ou leurs vestiges sont aujourd’hui complètement imbriqués dans l’espace restreint de la vieille ville, cernée de hautes murailles, de tours et de portes. L’esplanade des mosquées surmonte le mur des lamentations alors que le Saint-Sépulcre, auquel on accède par la Via Sacra, le chemin processionnel, se situe à quelques centaines de mètres. La densité du bâti est très importante dans ce berceau partagé des trois récits monothéistes où l’on souhaite conserver le passé le plus ancien pour s’assurer de l’avenir le plus lointain.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Venise, une puissance maritime et commerciale > MANUEL PAGES 76-77 Venise est après Paris et Milan la troisième ville de la chrétienté occidentale aux XIIe-XIIIe s. Ce « miracle de pierre », cette ville issue des longs travaux d’aménagement de la lagune (ceux-ci débutent tardivement, au haut Moyen Âge, alors que l’occupation était très limitée jusqu’au VIe s. et s’accélèrent aux XIe-XIIe s.) devient le grand port de la Méditerranée et celui par lequel on embarque le plus souvent pour la terre sainte. On retrouvera posée, dans cette double page, la question de la relation à l’Empire byzantin et le rôle des Vénitiens dans le sac de 1204.

Réponses aux questions 1. Comment ces deux documents (doc. 1 et 2) témoignent-ils du formidable dynamisme commercial de Venise au XIIe siècle ? La documentation issue des compagnies vénitiennes, tout comme les testaments des marchands vénitiens nous permettent de mesurer l’organisation, le dynamisme, l’extension, la prospérité mais aussi les inquiétudes des marchands vénitiens qui opèrent dans tout le bassin méditerranéen. Si le premier document nous permet d’approcher un exemple d’organisation (Domenico Sisinulo était marchand à Constantinople, envoyant et recevant le capital de la Compagnie par Vitale Voltani établi à Thèbes), la carte 2 permet Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

de distinguer l’essentiel des ports de commerce où prospère le commerce vénitien. Exemptés de toute taxe (et surtout du kommerkion) dans les ports de l’empire byzantin depuis leur alliance militaire avec les Byzantins et l’aide décisive apportée contre les Normands de Robert Guiscard (cf. le chrysobulle de 1082, doc 1 p. 72 : on voit ici parmi les grands ports mentionnés ceux de Dyrrachion, Nauplie, Thessalonique, Constantinople ou Antalya), Venise est aussi présente en Méditerranée occidentale, qu’il s’agisse des rives septentrionales (Gênes, Valence, Carthagène, Grenade) ou méridionales de celle-ci (Tunis, Alger, Tripoli). 2. Relevez les routes commerciales empruntées par les Vénitiens et la nature des produits échangés dans la Méditerranée orientale. La Méditerranée est une mer dangereuse et difficilement navigable l’hiver mais ses grandes routes commerciales sont bien connues des marchands vénitiens des XIIe-XIIIe s. Les produits échangés avec la Méditerranée orientale peuvent être des produits de première nécessité pour les populations (des céréales provenant des Balkans ou d’Asie mineure) mais sont aussi des marchandises particulièrement précieuses : des draps de haute qualité, des épices, de la soie et des pierres précieuses qui peuvent elles-mêmes avoir été acheminées d’Asie par caravansérails. Venise, avec ses galères et ses nefs qui sillonnent la Méditerranée, devient donc un acteur décisif du commerce méditerranéen, un trait d’union entre l’Orient et l’Occident. 3. Comment se manifeste ici l’influence byzantine et l’enrichissement de la cité par le commerce avec l’Orient ? L’influence byzantine est encore très sensible dans l’Italie du haut Moyen Âge où certains territoires sont sous domination byzantine (Exarchat de Ravenne, Catépanat d’Italie) mais celle-ci se renouvelle entre le XIe et le XIIIe s. à travers les contacts noués entre Venise et l’Empire romain d’Orient. Les fines mosaïques coûteuses qui ornent l’ensemble de la basilique St-Marc constituent le témoignage le plus important de ces liens qui enrichissent la cité de la lagune. Héritées de l’Antiquité gréco-romaine, les mosaïques des églises, racontent sur fond d’or, depuis le IVe s., les grands épisodes bibliques. Ce riche programme iconographique de St-Marc fut d’abord exécuté par des artistes grecs du XIe s. mais fut ensuite prolongé par des artistes vénitiens des XIIe et XIIIe s. : ceux-ci s’étaient formés à la technique et s’inspiraient de prestigieux manuscrits grecs dont la Genèse de Cotton qui, datée des Ve-VIe s., avait 11

Chapitre 2 – La Méditerranée médiévale, espace d’échanges et de conflits

été transférée à Venise après le sac de Constantinople en 1204, comme nombre d’objets liturgiques ou d’œuvres encore aujourd’hui dans la basilique (de prestigieux vases ornés de pierres précieuses parfois gravées, des reliquaires ou encore le quadrige issu de l’hippodrome de Constantinople). 4. Montrez que l’enrichissement de Venise suscite des tensions dans l’Empire byzantin. Si le XIIe s. est souvent présenté comme le « siècle d’or » du commerce vénitien à Byzance, la présence de nombreux marchands vénitiens enrichis par le commerce avec l’Empire devient une source de tensions, alors que les croisades dégradent les rapports diplomatiques entre les deux parties de la chrétienté. Ces violences réciproques sont à la fois documentées par les historiens grecs Jean Kinnamos, Nicétas Choniates ou Eusthate de Thessalonique mais aussi par quelques témoignages de marchands vénitiens comme c’est ici le cas dans le document 3. Le basileus Jean II (1118-1143) avait commencé par refuser de confirmer les privilèges accordés par Alexis Comnène : il ne cède aux Vénitiens qu’en 1126, parce que ceux-ci ont mené une campagne d’intimidation en Adriatique et en Égée, allant jusqu’à piller des villes côtières byzantines en 1124-1125. Bien que d’autres marchands italiens, de Pise et de Gênes, soient encouragés à concurrencer les Vénitiens dans l’Empire, la présence de ces derniers ne cesse de s’accroître au cœur des villes portuaires de l’Empire, ce qui exaspère les élites byzantines : ces marchands latins s’enrichissent rapidement mais sont aussi jugés arrogants et peu respectueux de l’administration impériale souvent agacée des importants privilèges conférés aux Italiens. Manuel Ier fait ensuite arrêter, en 1171, tous les marchands vénitiens de l’Empire, témoignant de l’efficacité policière de cet État impérial dont s’affranchissent trop régulièrement les marchands. L’événement le plus grave se situe onze ans plus tard, en 1182. Comme en témoignent Enrico Vidal et Giacomo Badoer dans le document 3, les marchands latins, au premier rang desquels les Vénitiens, sont arrêtés, jetés en prison par le pouvoir (ici à Raidestos, près de la capitale de l’Empire) tandis que leur cargaison est saisie. Ce que le texte ne dit pas, c’est que les fonctionnaires impériaux qui arraisonnent le navire piloté par Domenico di Gregorio ne sont pas les seuls acteurs de ces violences faites aux Latins : à Constantinople, la violence populaire qui se déchaîne contre les marchands latins aboutit à des massacres, témoignant de la haine des Latins largement répandue dans la

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population byzantine (ce qui contribue à expliquer aussi, en partie, le sac de Constantinople en avril 1204, comme on l’a vu avec le doc. 4 p. 73). 5. Synthétiser La synthèse, dont le plan est déjà fourni, pourra être problématisée : comment l’essor de Venise en Méditerranée conduit-il à l’enrichissement de celle-ci mais aussi à la dégradation rapide de ses relations avec l’Empire byzantin ? Les élèves ayant travaillé sur les documents p. 72-73 pourront par ailleurs mettre à profit l’étude du chrysobulle de 1082 ou les documents sur le sac de 1204 pour bien comprendre les relations complexes qui se nouent tout au long du XIIe s. Itinéraire 2. - Les élèves travaillant à reconstituer le possible quotidien de Domenico Sisinulo devront mettre en avant son enrichissement lié au commerce dans l’Empire mais aussi sa capacité à agir et à transférer biens et capitaux dans un large rayon d’action et son rôle au sein de la compagnie vénitienne pour laquelle il œuvre. - Les élèves travaillant au récit du quotidien d’un capitaine de navire devront se documenter sur la navigation en Méditerranée, les navires vénitiens utilisés en fonction des transports et des distances, les dangers qui menacent ces hommes aux vies intranquilles et parfois périlleuses. - Les groupes travaillant sur Enrico Vidal pourront être incités à retracer la genèse des tensions qui aboutissent aux arrestations et aux violences de 1182, un siècle après l’octroi du chrysobulle qui permit l’essor commercial de la cité vénitienne dans l’Empire.

PASSÉ / PRÉSENT Pourquoi peut-on dire que la Méditerranée est un espace majeur de migrations ? > MANUEL PAGES 78-79

Réponses aux questions 1. Pourquoi Ibn Jubayr voyage-t-il ? Ibn Jubayr (1145-1217) est un fonctionnaire de cour et un grand savant d’Al Andalus connu pour ses Relations de voyages dans lesquelles il narre ses étapes de voyages jusqu’à la Mecque, lieu du pèlerinage que tout fidèle musulman doit effectuer au moins une fois dans sa vie. Son récit est édifiant car il nous permet de mieux saisir les rela12

Chapitre 2 – La Méditerranée médiévale, espace d’échanges et de conflits

tions entre musulmans et chrétiens dans le bassin méditerranéen mais aussi le dynamisme commercial des marchands italiens (en 1183, Ibn Jubayr s’embarque dans un navire génois pour gagner Alexandrie depuis Valence) ainsi que la dangerosité de la navigation au XIIe s. 2. D’après vos connaissances et en vous appuyant sur le texte 2, expliquez la présence en Orient de ces chrétiens. Ce célèbre extrait de la chronique de Foucher de Chartres (1046-1127) fait référence aux « Poulains », ces chrétiens durablement installés au Proche-Orient au terme de la croisade, dans le cadre des États latins d’Orient dont on a déjà présenté l’histoire – cf. Repères, doc. 2 p. 63. Emblématiques d’une fusion culturelle entre Orient et Occident, ces « Poulains » devenus polyglottes et vivant de manière de plus en plus orientale, ayant souvent pris femme et fondé famille sur place, ne furent cependant pas très nombreux et ne doivent pas masquer la réalité des violences interconfessionnelles au Proche-Orient. 3. Quelles sont les principales destinations touristiques en Méditerranée ? Les rives sud de la Méditerranée étant très instables à cause d’un contexte politique tendu dans lequel les attentats se sont multipliés, les principales destinations touristiques se situent à présent plus exclusivement sur les rives septentrionales de la Méditerranée : en Espagne, France, Italie, en Croatie, en Grèce ou en Turquie. Les îles méditerranéennes restent par ailleurs des destinations éminemment touristiques, alliant capital culturel (villes et sites historiques) et capital naturel (longues plages de sable, possibilités de randonnées).

quotidiens influencés par l’Orient, leur pouvoir économique lié à la possession des terres et à l’activité marchande. Les grands ports méditerranéens du document 4, s’ils ont dû affronter dans la seconde moitié du XXe s., les aménagements nécessaires liés à la révolution de la conteneurisation, ont donc bien souvent une activité fort ancienne. 5. Quelles sont les motivations des migrants ? Les motivations des migrants sont multiples : elles peuvent être économiques et politiques comme elles l’étaient déjà chez les Francs établis dans les États latins d’Orient, descendants des croisés venus libérer le tombeau du Christ mais par la suite installés sur les rives de la Méditerranée orientale. Au début du XXIe s., l’instabilité politique en Afrique et au Moyen-Orient (établissement d’un nouveau califat et d’un État autour de Daech qui, en refluant, essaime et propage le terrorisme islamiste en plein essor depuis la fin du XXe s. ; terribles guerres interconfessionnelles et interethniques en Afrique, guerre de Libye ou encore la guerre qui ravage la Syrie depuis 2011) poussent des populations qui n’ont plus rien à perdre et souvent menacées de mort si elles restent dans leur pays à tenter de franchir la Méditerranée pour essayer de reconstruire une vie meilleure en Europe. Les passeurs, souvent violents, s’enrichissent alors que le voyage est dangereux (les naufrages sont nombreux) et que l’accueil en Europe est de plus en plus compromis.

4. Montrez que la Méditerranée est une région ancienne d’échanges commerciaux. La Méditerranée est une région ancienne marquée par les échanges commerciaux : déjà importants sous l’antiquité gréco-romaine, les contacts commerciaux moins nombreux au haut Moyen Âge s’intensifient entre les XIe et XIIIe s. Les marchands italiens qui prospèrent en Méditerranée et notamment dans sa partie orientale, à la suite des privilèges obtenus de l’Empire byzantin par les Vénitiens puis les Pisans et les Gênois profitent aussi de l’établissement des États latins d’Orient. Le document 1, montrant des marchands italiens embarquant pour Acre, rappellent ainsi la vitalité des échanges entre les grands ports méditerrannéens tandis que le document 2 relatant le mode de vie des « Poulains » dit, au-delà des modes de vie Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

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CHAPITRE

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L’ouverture atlantique : les conséquences de la découverte du « Nouveau Monde » › MANUEL PAGES 86 À 115

OBJECTIFS ET PROBLÉMATIQUE DU CHAPITRE Ce chapitre s’inscrit dans l’historiographie traditionnelle et européo-centrée qui fait de la « découverte du nouveau monde » le moment de bascule vers une affirmation de l’Europe comme une puissance politique, économique et religieuse, grâce aux conquêtes ibériques menées sur le continent américain. S’il est établi que cette première colonisation a permis une accumulation considérable de richesses, notamment grâce à l’exploitation de l’or et de l’argent et à l’augmentation de la monnaie en circulation en Europe, il ne faut pas oublier que cette conquête d’un monde nouveau s’est faite dans une violence extrême et dans la négation de toute valeur d’humanité. Ces découvertes n’ont été « grandes » que pour les conquérants et se sont avérées de véritables massacres pour les populations conquises. C’est pourquoi nous avons choisi de faire une place importante aux « vaincus » selon l’expression de Nathan Wachtel, dans La vision des vaincus. Cela sous-entend de varier les sources et de ne pas travailler uniquement à partir de celles produites par les conquérants. C’est pourquoi les codex précolombiens sont nombreux dans ce chapitre. La période correspond à la fois à une soif de découvertes et d’expansion dans un contexte de concurrences européennes. Les explorations sont vécues comme des sources de gloire par les États tutélaires autant que pour les explorateurs. Elles s’expliquent par d’importants progrès techniques, notamment dans la navigation, permettant d’améliorer la vitesse et la sécurité du voyage. Elles permettent également d’améliorer les connaissances géographiques et cartographiques. L’époque est à la multiplication des cartes, notamment maritimes. Du côté des peuples autochtones, la conquête est terrible. Elle se traduit par des massacres, réductions en esclavage et par des épidémies apportées par les animaux des Européens. Les 9/10e des populations sont décimées, tant dans les grands empires déclinants comme les Incas ou Aztèques que

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chez les tribus indigènes. Il y eut des résistances indéniables, mais, la supériorité technique des conquistadors, couplée aux divisions internes, a suffi à garantir aux Européens une supériorité sans limite. C’est donc grâce à la main-d’œuvre indigène et à l’organisation d’un travail gratuit que les Européens réussissent la première entreprise de colonisation. Ce chapitre évoque donc les explorations dans ce qu’elles ont de concurrentiel (la course à la découverte) et de remarquable, mais aussi sous l’angle plus problématique de leurs effets dévastateurs sur une partie de l’humanité. Il aborde en effet le corollaire de cette course au nouveau monde et à l’enrichissement, à savoir la mise en place du premier système de traite atlantique des Noirs par les Portugais et les premières plantations sucrières qui en découlent. Enfin, le moment de doute sur la légitimité de la conquête et du traitement infligé aux Indigènes est abordé à travers le cas de la célèbre controverse de Valladolid vers 1550-1551. Elle oppose Bartolome de Las Casas, prêtre dominicain installé dans les nouvelles « Indes » et Juan de Sepulveda, autre religieux proche de l’empereur Charles Quint. L’enjeu n’est pas tant de savoir si les Indiens ont une âme ou pas, car la question avait été tranchée (positivement) par la papauté quelques décennies plus tôt, mais d’interroger le caractère légitime de l’appropriation par la violence de terres et biens qui appartenaient de fait à d’autres. C’est bien cette altérité qui est au cœur des débats et de l’officialisation de la hiérarchie entre humains que découle la banalisation d’une entreprise coloniale qui ne fera que s’amplifier avec l’institutionnalisation à grande échelle de la traite transatlantique au siècle suivant. Bibliographie indicative • Bartolome Benassar, Un siècle d’or espagnol, Perrin, 2017 • Bartolome Benassar, Lucie Benassar, 1492, un monde nouveau ? Perrin, 2013 • Charlotte de Castelnau-L’Estoile, Pascoa et ses deux maris, une esclave entre Angola, Brésil et Portugal au XVIIe siècle, Puf, 2019

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Chapitre 3 – L’ouverture atlantique : les conséquences de la découverte du « Nouveau Monde »

• Pierre Chaunu, Conquête et exploitation des nouveaux mondes, PUF, 2010 • Serge Gruzinski, L’aigle et le dragon : démesure européenne et mondialisation au XVIe siècle, Fayard, 2012 • Thomas Gomez, Droits de conquête et droit des Indiens, la société espagnole face aux populations amérindiennes, Armand Colin, 2014 • Nathan Wachtel, La vision des vaincus : les Indiens du Pérou devant la conquête espagnole, Folio histoire, 1992 • Nathan Wachtel, Paradis du nouveau monde, Fayard, 2019.

OUVERTURE › MANUEL PAGES 86-87

Document 1. Batailles entre les Aztèques et les conquistadors De nombreux Codex représentent des scènes d’affrontements entre conquistadors et Aztèques. Ici, il ne s’agit pas de l’original du codex mésoaméricain mais de sa copie, par un observateur religieux européen chargé de convertir les populations conquises. La page du codex correspond à la partie des annales historiques. Elle met particulièrement en valeur les armes, l’armure et les animaux (chevaux) des Espagnols, principales raisons de leur victoire. Comme dans tous les codex, il y a à la fois un souci de représentation réaliste et une liberté prise avec les faits. Le temps est concentré sur une même image où l’on distingue des scènes de combats mais aussi de négociations (en bas à droite) et de fuite. Les Aztèques sont représentés en position majoritairement défensive, ce qui accentue l’impression de leur infériorité. Ils sont nus et vulnérables et la scène de la barque insiste sur la dimension familiale.

Document 2. Le port de Lisbonne au XVIe siècle Cette gravure colorisée de Théodore de Bry représente le port de Lisbonne au XVIe siècle. L’auteur, graveur et éditeur protestant, est connu pour ses représentations de la conquête et de la colonisation espagnole qui constituent aujourd’hui des sources précieuses même si elles sont également idéologiquement très marquées par l’imaginaire de la guerre entre catholiques et protestants. Sur cette gravure, ce dernier aspect n’est pas le plus flaHistoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

grant. On y décèle surtout l’intense activité du port de Lisbonne, pris au XVIe siècle par le dynamisme de ses activités marchandes et impériales. Rappelons que le Portugal pratique déjà la traite négrière sous la forme d’un commerce triangulaire impliquant le Brésil, colonie en gestation. La représentation du port témoigne de ces activités continues avec en arrière-plan la ville dont le caractère religieux se lit à travers le nombre de clochers, et au premier plan, l’image d’une transaction commerciale entre deux marchands et de l’opulence des produits visible à travers les tonneaux à quais. L’image est également l’occasion de décrire les navires affrétés en direction du large. En arrièreplan, la touche religieuse de l’auteur apparaît à travers l’image du soleil levant et rayonnant symbolisant l’attraction du « nouveau monde ». Les deux images mise en parallèle sont destinées à passer d’une rive à l’autre. D’un côté (droite), les préparatifs enthousiastes des marchands-savantsconquérants, et de l’autre les effets concrets de la violence coloniale.

REPÈRES › MANUEL PAGES 88-89 Le chapitre relève d’une approche géo-historique si l’on veut comprendre les effets de dilatation de la connaissance du monde. C’est pourquoi notre choix s’est porté sur des cartes historiques et sur un jeu d’échelles. La première carte, à l’échelle mondiale, permet de visualiser concrètement deux phénomènes : la multiplication des explorations, et leurs effets sur la connaissance de nouveaux territoires. La seconde carte change d’échelle et rend compte du phénomène de la colonisation sous toutes ses formes : l’existence de populations antérieures, organisées dans des cadres étatiques et les appropriations politiques, économiques et religieuses par les Européens.

Réponses aux questions 1. Comment est organisé le continent américain avant la conquête ? Avant la conquête, le continent américain est peuplé par des populations autochtones organisées en Empires : aztèque, maya, Inca. C’est surtout l’Amérique centrale et andine qui est habitée avec une forte densité de population.

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Chapitre 3 – L’ouverture atlantique : les conséquences de la découverte du « Nouveau Monde »

2. Quels pays participent à l’exploration de la route de l’Atlantique ? Quelles régions atteignent-ils ? Les pays participant à l’exploration de la route atlantique sont le Portugal, l’Espagne, l’Angleterre et la France. Ils atteignent les Antilles, l’Amérique centrale, l’Amérique du Sud et une partie de l’Amérique du Nord. 3. Quels avantages ces pays tirent-ils de leur empire colonial ? La carte 2 montre que la colonisation est une entreprise lucrative car on identifie des mines exploitées de métaux précieux, ainsi que des plantations de cannes à sucre. Tout cela fait l’objet d’un commerce international. L’autre apport est religieux car la multiplication des cités épiscopales montre l’emprise grandissante du catholicisme.

COURS 1 Voyages d’exploration et connaissance du monde › MANUEL PAGES 90-91

Réponses au Testez-vous ! Pourquoi entreprendre des voyages d’exploration ? Les voyages d’exploration sont dictés par plusieurs facteurs : découvrir de nouvelles routes commerciales et de nouveaux produits, mais aussi de nouvelles terres et peuples qu’il sera possible de convertir au catholicisme. Quelles connaissances géographiques sont transformées par ces explorations ? Avant ces explorations, les connaissances géographiques étaient dominées par la géographie ptoléméenne (trois continents) et la vision biblique du paradis terrestre. Les explorations apportent des précisions cartographiques et permettent d’intégrer un quatrième continent aux représentations du monde. Quels sont les pays en compétition pour le partage du monde ? Les pays en compétition pour le partage du monde sont principalement l’Espagne, le Portugal, l’Angleterre et la France.

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COURS 2 L’organisation des empires coloniaux des Amériques › MANUEL PAGES 92-93

Réponses au Testez-vous ! Quels sont les principales étapes et les acteurs de la conquête des Amériques ? La conquête commence avec Cortès, conquistador espagnol en 1519 qui réussit à faire tomber la capitale aztèque. Elle s’étend ensuite vers l’empire inca dans les années 1530 avec Pizarro. Progressivement, Espagnols et Portugais s’installent sur différentes parties et construisent « les Amériques ». Quelles sont les conséquences de la conquête pour les peuples indigènes ? La conquête est d’une extrême violence pour les populations indigènes. Leurs territoires sont pillés et confisqués dans le cadre des encomiendas. Les rares indigènes ayant survécu à la conquête sont réduits en esclavage. Quels sont les bouleversements économiques en Europe ? L’Europe tire des bénéfices immédiats de la conquête grâce à l’afflux de métaux qui permet d’augmenter la quantité de monnaie en circulation. L’Espagne et le Portugal s’enrichissent considérablement ; les rivalités économiques entre États européens augmentent.

COURS 3 Les conséquences de la colonisation › MANUEL PAGES 94-95

Réponses au Testez-vous ! Quels sont les peuples présents en Amérique à la veille de la conquête ? À la veille de la conquête on trouve en Amérique les empires maya, aztèque et inca, ainsi qu’une centaine de peuples différents. Comment ces peuples ont-ils été traités ? L’arrivée des conquistadors s’accompagne de violences extrêmes vis-à-vis des populations indigènes : massacres, réductions en esclavage et surtout transmission de maladies qui déciment les indigènes non immunisés.

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Chapitre 3 – L’ouverture atlantique : les conséquences de la découverte du « Nouveau Monde »

Comment s’est posée et a été tranchée la question de leurs droits ? La question des droits des indigènes se pose dès le début et donne lieu à des correspondances importantes entre la papauté et autres dignitaires religieux. C’est finalement lors de la controverse de Valladolid qu’elle est tranchée par la reconnaissance de l’humanité des Amérindiens.

DOCUMENTS Les voyages de découvertes et l’ouverture atlantique > MANUEL PAGES 96-97 La double page a pour vocation de montrer à la fois ce qui rend possible les voyages de découvertes, notamment les progrès scientifiques, mais aussi le déroulé de ces voyages, leur importance et les traces dont nous disposons pour les connaître. Les documents iconographiques sont des gravures ou illustrations d’époque qui témoignent de la conscience des bouleversements en cours. Les textes, eux, permettent de saisir le quotidien d’un voyage d’exploration ainsi que les enjeux diplomatiques que tout cela soulève.

Réponses aux questions 1. Localisez les principales étapes des voyages de Christophe Colomb. Christophe Colomb a accompli quatre voyages entre 1492 et 1504. Le premier le mène aux Bahamas et les trois suivants lui font arpenter les îles des mers Caraïbes, et notamment Cuba. 2. Quels progrès techniques ont facilité les explorations ? Les progrès techniques ayant facilité les explorations tiennent essentiellement à la connaissance des mers, à l’orientation et à la maniabilité des navires. Les caravelles, navires plus petits, sont facile à conduire et plus rapides. Les progrès effectués dans les calculs des longitudes (table de longitude) et dans la confection des boussoles rendent les voyages moins aléatoires et permettent à leur tour d’effectuer des relevés géographiques améliorant la cartographie. 3. Comment Colomb décrit-il son voyage puis le premier contact avec les populations rencontrées ?

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Christophe Colomb décrit ses premiers contacts avec les populations amérindiennes comme s’il s’agissait d’un peuple pur et primitif. Il insiste sur des détails physiques (nudité, cheveux, la couleur de peau) et sur l’atmosphère générale d’innocence qui se dégage de la scène générale de rencontre. 4. Pourquoi les États européens sont-ils en concurrence pour les explorations ? L’Espagne et le Portugal se livrent à une véritable course aux explorations. Le texte évoque la raison commerciale : il s’agit d’ouvrir des routes inconnues afin d’avoir accès aux richesses d’or et d’épices, notamment asiatiques. Les deux royaumes jouent ainsi leur influence économique en Europe et dans le monde. 5. Montrez que ces voyages traduisent un désir d’exploration autant qu’un objectif de conquête. L’ensemble des documents témoignent bien des deux aspects principaux motivant les explorations du XVIe siècle : la soif d’exploration, et l’objectif de conquête. Les outils techniques de navigation ont été améliorés pour permettre d’aller plus loin, plus vite, et à moindre risque. Les monarchies espagnoles et portugaises savent que le maintien de leur influence passe par le contrôle de toujours plus de routes commerciales, afin d’accentuer le commerce des épices mais aussi d’accéder à plus de quantité d’or. Dans le journal de Christophe Colomb, le désir de conquête n’est pas flagrant mais le souci de retranscrire son aventure consciencieusement, les tentatives successives de voyages et la description fascinée de son premier contact avec les populations montrent que la curiosité l’anime. En réalité, à cette époque, les deux finalités des explorations sont indissociables.

DE LA SOURCE À L’HISTOIRE Comment les cartes anciennes permettent-elles aux historiens de mesurer les transformations des représentations du monde ? > MANUEL PAGES 98-99 Ces deux documents peuvent être analysés comme des sources géo-historiques. La géohistoire consiste à mêler les approches spatiales et temporelles pour analyser un phénomène. Ici, ce sont deux représentations cartographiques, à quelques années d’intervalle, mais qui rendent compte à la 4

Chapitre 3 – L’ouverture atlantique : les conséquences de la découverte du « Nouveau Monde »

fois de la façon dont on imaginait le monde et dont on souhaitait en laisser trace, mais aussi des avancées lentes et progressives de la connaissance géographique. Ces deux cartes permettent ainsi de faire l’histoire des sciences et techniques tout autant que de l’histoire culturelle. Elles témoignent d’univers géographiques autant que d’univers mentaux.

Réponses aux questions 1. Montrez la précision des connaissances géographiques de Teixeira en 1573. Le portulan de Teixeira a été réalisé en 1573. Il est surprenant de précision. On y trouve représentés des éléments de nature politique tant que géographique. Ainsi, le partage de Tordesillas de 1494 séparant les possessions espagnoles des possessions portugaises figure-t-il sur le document. Les continents sont bien dessinés, avec des précisions sur les fleuves mais surtout un souci du détail quant au découpage des côtes. Les lignes de vents sont également mentionnées pour faciliter l’orientation. Enfin, on comprend le caractère concurrentiel des revendications territoriales grâce à la mention des différents blasons européens et à la présence de caravelles portugaises. 2. Comment peut-on les expliquer ? La cartographie est un enjeu de pouvoir à l’époque. Maîtriser les connaissances géographiques permettait en effet de pousser toujours plus loin les explorations et donc les débouchés économiques. C’est pourquoi les cartes étaient gardées précieusement, sous le contrôle du roi. Les cartographes étaient ainsi dotés d’une véritable responsabilité : assurer la renommée du royaume de tutelle. La carte devient un instrument politique et centralise le plus d’informations utiles possible. 3. À quoi peut-on identifier la mainmise des Espagnols et Portugais sur une grande partie des continents américain et africain ? La carte est emplie de blasons à l’effigie de l’Espagne ou du Portugal qui témoignent de la concurrence que se livrent ces deux puissances pour la mainmise sur les territoires. De même, une caravelle portugaise est représentée au sud-est du continent africain. 4. En comparant les deux cartes, montrez les avancées des connaissances géographiques et de leurs représentations au cours du XVIe siècle. La seconde carte est attribuée à Christophe Colomb. C’est un détail d’une carte beaucoup plus grande. On constate que ne sont représentés que Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

trois continents à la manière de la géographie ptoléméenne. Par ailleurs, la dimension religieuse est importante et se lit à travers la représentation des sphères célestes qui accentuent le caractère central de la Terre aux confins de laquelle se trouve le paradis terrestre. Les différences avec le portulan Teixeira sont flagrantes car ce dernier a davantage le souci du détail et de la vérité. Entre-temps, le continent américain a fait son apparition et la représentation de la Terre sous la forme d’un planisphère s’est imposée. Même s’il subsiste quelques détails religieux dans le portulan (représentation de Jérusalem et du Golgotha), on voit bien que le souci de la précision l’emporte. Les éléments naturels (fleuves, reliefs) sont dessinés et les côtes sont ponctuées de repères. On mesure que le portulan vise vraiment à améliorer l’orientation des navigateurs et qu’il se présente comme un outil scientifique et politique quand la carte de Colomb montre une représentation plus spirituelle du monde.

DOCUMENTS La violence de la conquête / Divisions et résistances des Amérindiens > MANUEL PAGES 100-101 Les deux pages font miroir et se répondent afin de montrer l’ampleur de la violence de la conquête mais aussi les formes de résistance et les divisions qui sont à l’origine de la victoire finale des conquérants. La première image montre la conquête de Cuzco en 1532 et le texte évoque l’un des nombreux massacres, ici à Caonao, sur l’île de Cuba, relaté par Bartolome de Las Casas. La question incite à croiser les deux documents pour déterminer les manifestations de cette extrême violence. En suivant les conseils méthodologiques, on peut répondre à la question de la manière suivante.

La violence de la conquête Les Espagnols qui entreprennent la conquête le font à la suite des premiers arrivants, aux Caraïbes, notamment Christophe Colomb, qui n’ont pas tenu compte de l’hospitalité préalable des populations locales et ont préféré procéder par la force pour s’emparer des territoires et surtout de leur richesse en or. Chronologiquement, c’est avec le texte de Bartholomé de Las casas qu’il faut 5

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commencer. Ce dernier évoque des soldats espagnols qui, sans aucune pitié, égorgent et éventrent hommes, femmes et enfants indiens, à la manière d’animaux. Le texte témoigne de l’horreur et de l’affliction éprouvée par l’auteur. Il insiste sur la quantité de sang versé, qui ruisselle. Les espagnols frappaient à l’aveugle, ce qui permettait également de manifester leur supériorité, laquelle se lit aussi dans la qualité de la lame des épées utilisées. La gravure représentant la prise de Cuzco confirme l’horreur du texte même s’il s’agit là d’une scène de guerre proprement dite. Pizarro, conquistador espagnol, marche dans les pas de Cortès au Mexique qui, quelques années plus tôt, avait fait tomber Tenochtitlan. Sur cette image, la supériorité technique est encore plus flagrante puisqu’est représentée l’artillerie lourde utilisée contre les Indiens : canons et armes à feu. À différents endroits de l’image, on observe des scènes de violences sur les corps dénudés des Incas, et l’image de débâcle est renforcée par la fuite forcée de l’Empereur au centre de l’image. On voit bien que ce n’est pas la supériorité numérique qui fait la différence car les Indiens sont nettement plus nombreux ; ce sont les armes et techniques de guerre des espagnols.

Divisions et résistances des Amérindiens Sur la seconde page, la problématique est différente car il s’agit de montrer deux autres aspects moins connus de la conquête : les divisions préalables entre tribus indiennes, et les résistances qu’ils ont opposées aux conquérants. Le premier point se trouve dans le texte. La scène se situe cette fois au Mexique lors de la conquête par Cortès de la ville de Tenochtitlàn. L’empereur Moctezuma envoie chercher de l’aide contre les Espagnols auprès des Tarasques. Les messagers racontent alors l’horreur de la scène et décrivent des Espagnols invincibles sur leurs « cerfs » (chevaux). Ils précisent également que la tribu des Tlaxcala, autre tribu du Mexique, s’était alliée aux espagnols. Mais les Tarasques refusent d’aider Moctezuma, prétextant qu’ils sont en guerre contre Tenochtitlan et qu’il préfère donc voir gagner les Espagnols. Le texte est intéressant car déjoue nos représentations de peuples amérindiens unis contre l’envahisseur. En réalité, la conquête rencontre une géopolitique de conflits préexistants et sur lesquels les Espagnols vont s’appuyer pour faciliter leurs conquêtes.

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L’image est, elle, une autre gravure de Théodore de Bry dont nous avons déjà parlé plus haut. Elle représente une scène de guerre entre Espagnols et Indiens, mais, chose peu commune, l’image insiste cette fois sur l’organisation des Indiens, armés (arcs) et prêts à résister aux Espagnols suréquipés. Les Indiens sont nombreux et fort proches des Espagnols, montrant par là leur absence de peur. Ils se défendent et ne sont pas en position de fuite ou de déroute même si on connaît l’issue du combat. La bataille est ici plus équilibrée.

En équipes ! Équipe 1 Les indices de la violence : - épée très aiguisée - éventrations - sang qui coule - blessures - agonies, morts ; armes à feu - corps fendus

Équipe 2 Les divisions des Amérindiens

Les résistances des Amérindiens

Tlaxcala alliés de Cortès

Des Indiens armés

La guerre préalable entre les Tarasques et les Aztèques

Des Indiens nombreux et organisés Des Indiens groupés contre les Espagnols Des batailles rangées

Mise en commun Faites une petite fiche que vous concevez collectivement. La fiche ne doit pas être entièrement rédigée, seules figurent des idées organisées. Celui qui prend la parole doit répéter et s’entraîner à lier les idées entre elles sans lire les phrases de la fiche.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE L’or et l’argent des Amériques > MANUEL PAGES 102-103 Le but de cette double page est d’insister sur l’une des motivations et conséquences de la conquête : la quête de métaux précieux. L’ensemble des documents témoigne donc à la fois du caractère concret de cette quête et des modalités d’exploitation de l’or et de l’argent des Amériques, mais aussi des conséquences de cet afflux de métaux pour les économies européennes. 6

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Réponses aux questions 1. Quels sont les signes de l’importance des métaux précieux sur le sol américain ? Les métaux précieux sont nombreux sur le continent américain. Christophe Colomb, dès son premier voyage, en avait acquis la certitude grâce aux bijoux que portaient les habitants de San Salvador qui lui avaient confirmé la présence de l’or. D’autres témoignages sont ensuite parvenus confirmant la présence de l’or dans les rivières et les roches (filons d’or). Un peu plus tard, ce sont les mines du Potosì qui sont découvertes et recèlent des tonnes d’argent. 2. Recensez les conséquences du trafic de métaux précieux vers Séville. Le métal est recueilli et fait l’objet d’un vaste trafic. Le document 1 nous montre l’activité du port de Séville. On observe d’abord un pic de l’afflux d’or à partir des années 1520 (conquête du Mexique) qui dure jusqu’aux années 1560 tandis que le relais semble pris par l’argent avec un énorme pic à la fin du XVIe siècle. On ne peut que faire le lien avec l’augmentation sensible du nombre d’habitants de la ville qui suit la courbe de l’arrivée de métaux. Le document 4 nous montre également que cette arrivée de métaux (ici, l’argent), provoque l’apparition de la première monnaie internationale, la « pièce de huit », ce qui aura des conséquences sur la puissance économique européenne. 3. Comment la présence d’or et d’argent en Amérique a-t-elle accéléré l’exploitation du continent par les conquistadors ? La présence de ces métaux précieux a eu une double conséquence sur place : la première est l’afflux d’Européens en quête de richesses. Le mythe de l’Eldorado en est la preuve. La seconde est la mise en place d’un système d’exploitation des mines reposant uniquement sur l’exploitation des populations amérindiennes réduites en esclavage pour l’occasion. Ce travail gratuit et exténuant a eu pour conséquence la disparition progressive des Indiens et leur remplacement par des populations noires venues d’Afrique. 4. Synthétiser L’organisation de l’exploitation des mines de métaux, en reposant sur la mise au travail forcé des populations indigènes, n’a pas d’autre nom possible que celui d’esclavagisme. Ce dernier relevant par ailleurs d’une politique de colonisation, prend ainsi le nom d’« esclavagisme colonial ». Toute la Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

main-d’œuvre locale est mise au service de la puissance des conquérants laquelle est conditionnée par le trafic d’or et d’argent qui justifie, aux yeux des Espagnols, le projet colonial et entraîne à terme l’affirmation de la puissance espagnole. Itinéraire 2 Élaborez une fiche de synthèse Pour élaborer une fiche de synthèse, on commence par prendre un brouillon sur lequel on écrit (possiblement dans le désordre) les principales idées sous la forme d’un tableau à deux entrées : Exploitation de l’or et argent aux Amériques

Conséquences en Europe

Les mines d’or

L’afflux d’or

Les mines du Potosì (argent)

L’afflux d’argent

Les bijoux des populations indigènes

L’augmentation du trafic portuaire et notamment Séville

La multiplication des espagnols en quête de richesses

L’augmentation du nombre d’habitants à Séville

La réduction en esclavage des Indiens

L’apparition d’une monnaie internationale

La disparition des Indiens

L’affirmation de la puissance espagnole reposant sur l’esclavagisme colonial

Leur remplacement par des Africains

Ensuite, il faut élaborer les fiches. On prend une fiche cartonnée par colonne et on classe les thèmes dans l’ordre que l’on souhaite traiter.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Bartolomé de Las Casas et la controverse de Valladolid > MANUEL PAGES 104-105 Certains envisagent la controverse de Valladolid comme le moment où a été tranchée la question du caractère humain des populations amérindiennes. Mais les choses sont un peu plus complexes. En réalité, le pape avait déjà tranché sur le sujet dès 1537 en actant de leur humanité. Ce qui se joue à Valladolid est donc plus large. Depuis plusieurs années, des correspondances nombreuses entre dignitaires religieux interrogeaient la légitimité de la conquête du point de vue religieux et moral. Parmi les protagonistes, on trouve Bartolomé de Las Casas, un prêtre dominicain et Juan Gines de Sepùlveda, autre homme d’église. Le premier, installé dans les colonies pour aller convertir les Indiens, s’insurge du traitement qui leur est réservé tandis que le second le justifie en tentant de 7

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convaincre qu’il n’y a rien de moralement reprochable dans ceci car les Amérindiens sont nés pour être esclaves. Deux visions s’affrontent ainsi au cœur desquelles se joue la légitimité de la conquête, de la colonisation, et surtout de la conversion forcée au christianisme des Indiens. Afin d’adopter une décision officielle et définitive, l’Empereur Charles Quint, un proche de Sepùlveda, organise une controverse à Valladolid où doivent être discutées ces questions. Les arguments mobilisés sont donc l’occasion de saisir différentes visions de l’humanité portées par deux dignitaires religieux, et de comprendre en creux comment s’instaure l’idée d’une inégalité des races devant servir la cause coloniale.

Réponses aux questions 1. Que montre le codex sur le traitement des Amérindiens ? Le codex représente un encomendero espagnol, c’est-à-dire un propriétaire d’esclaves dans le cadre d’un territoire attribué officiellement par le Roi. Les encomiendas sont les premières formes d’esclavagisme colonial. Le maître a tout pouvoir sur ses esclaves. Ici, on le voit torturer des esclaves possiblement égorgés comme en témoignes la représentation du sang qui coule. 2. Quelle est la position de la papauté sur l’humanité des Amérindiens ? En 1537, la papauté publie une bulle (prise de position publique du pape ayant caractère de loi pour l’Église) dans laquelle il reconnaît l’humanité des Indiens. Cela s’explique aussi par son désir de les convertir au christianisme. À quoi bon tenter de convertir ce qui n’est pas humain ? Cette décision est donc surtout un appel intéressé à la prédication. 3. Quelles sont les positions respectives de Las Casas et Sepùlveda sur la légitimité de la conquête et la réduction en esclavage des Amérindiens ? Pour Bartolomé de Las casas (document 4), la conquête n’est pas admissible car il est tout à fait possible de convertir sans violence, ce que, du reste, les Chrétiens font déjà dans d’autres contrées explique-t-il. La violence à l’encontre des Indiens doit donc cesser.

conquérir n’a rien de moralement répréhensible et il faut poursuivre la politique telle quelle. 4. Quel est l’objectif final commun du pape et de Las Casas ? Comme pour le pape, la position de Bartolomé de Las Casas relève surtout de la légitimation de la mission religieuse de conversion qui accompagne toute colonisation. Le document 5 en témoigne car on y voir un moine baptisant un Aztèque de manière apparemment assez brutale. 5. Synthétiser La controverse de Valladolid est un moment important de mise au jour des positions et politiques européennes confrontées à l’altérité radicale. On voit bien que s’entremêlent des considérations humaines, morales, religieuses et stratégiques. Le problème est complexe car il en va de l’avenir de la puissance européenne et notamment espagnole. La conquête s’est faite par des violences considérées comme légitimes et normales. Pourtant, la vie au contact de ces populations a fait naître chez certains Européens des doutes : ces populations n’aiment-elles pas leurs enfants comme les autres ? Ne montrent-elles pas des signes d’intelligence ? d’organisation ? etc. C’est ce pragmatisme du quotidien qui a réinterrogé les certitudes sur la légitimité de la conquête et colonisation. Ces aspects sont donc au cœur de la controverse. Itinéraire 2 Préparer un exposé oral Pour un exposé oral, il faut s’approprier les idées principales à développer publiquement. Cela suppose un travail de préparation sous la forme de fiches qui recensent les principaux arguments. Ici, on donne les trois étapes. Il suffit donc soit de faire un tableau, soit des petites fiches correspondant à chacune des étapes : - les violences faites aux Amérindiens : encomienda, torture, conversions forcées ; - arguments et objectifs de Bartolomé de Las Casas : ce sont des humains dotés de morale et raison. Il faut les convertir par la persuasion et cesser l’usage de la force ; - arguments et objectif de Sepùlveda : ce sont des êtres inférieurs par nature : cela ne sert à rien de chercher la persuasion douce, il faut poursuivre la conquête et convertir sans états d’âmes.

Pour Sepùlveda (document 3), c’est le contraire. Il tente de montrer que les Indiens sont nés pour être esclaves et qu’ils auraient ainsi intériorisé complètement leur situation d’infériorité. Dès lors, les

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Chapitre 3 – L’ouverture atlantique : les conséquences de la découverte du « Nouveau Monde »

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Traite négrière portugaise et économie de plantation > MANUEL PAGES 106-107 Les Portugais sont les précurseurs de la traite négrière transatlantique qui commence à la fin du XVe siècle. Ils passent par des étapes intermédiaires en instaurant des comptoirs de fabrication et exportations de sucre dans les îles de Madère, canaries, Açores, Cap vert et à Sao-Tome. Les premiers navires partaient donc longer la côte atlantique africaine pour aller capturer des esclaves qui étaient amenés sur ces îles ou au Portugal lui-même, notamment à Lisbonne qui devient une ville peuplée de nombreux Noirs dont certains sont même affranchis. À la suite de la conquête du Brésil littoral, les esclaves sont progressivement amenés à travers l’Atlantique. Ils exploitent le bois puis la canne à sucre dans le cadre de plantations qui deviennent les principales sucreries chargées d’approvisionner l’Europe. Le nombre d’esclaves est multiplié par dix tout au long du XVIe siècle. Au siècle suivant, le relais sera pris par les autres puissances européennes, lançant le plus gros trafic commercial d’êtres humains de l’histoire de l’humanité.

Réponses aux questions 1. Localisez les possessions portugaises dans l’Atlantique aux XVe-XVIe siècles. La carte permet de localiser les possessions portugaises dans l’Atlantique qui forment un Empire au XVIe siècle. Les premiers territoires sont littoralisés tout le long de la côte ouest-africaine et s’étendent progressivement vers l’Ouest Atlantique jusqu’au Brésil qui devient une colonie. 2. Relevez les raisons de la capture d’esclaves à cette date. Le document 3 expose les raisons pour lesquelles il est décidé d’amplifier la capture d’esclaves. Il s’agit d’emblée de pratiquer le commerce (rachat et servitude) d’êtres humains qualifiés de « créatures ». 3. Montrez que Lisbonne est une ville ouverte sur le monde. Plusieurs indicateurs permettent de mesurer le niveau d’ouverture sur le monde de la ville de Lisbonne. La carte 1 montre les nombreuses routes maritimes qui en partent en direction des côtes africaines, des îles atlantiques et du Brésil. Par ailleurs, le texte 3 témoigne d’une volonté du souHistoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

verain portugais d’en savoir davantage sur les habitants des contrées lointaines ; enfin, le document 4 rend compte du caractère cosmopolite de la ville de Lisbonne puisqu’on distingue sur la partie du tableau, des populations noires, hommes et femmes, totalement intégrées à la vie urbaine. Ce peuvent être des esclaves mais aussi des affranchis. 4. Pourquoi la traite négrière connaît-elle un essor au XVIe siècle ? La traite négrière connaît un essor au XVIe siècle pour plusieurs raisons. La première est le choix du souverain d’accentuer la capture d’esclaves puisqu’il en a compris l’opportunité en termes de profits. La seconde est liée à l’ouverture vers l’Atlantique depuis les explorations et la volonté portugaise de s’arroger une partie de l’empire colonial en construction. La prise de possession du Brésil lui donne alors l’opportunité d’un colossal changement d’échelle pour le trafic d’esclaves et du sucre. La mise en place de sucreries est de plus en plus demandeuse de main-d’œuvre et incite à augmenter le trafic. 5. Synthétiser Lisbonne, capitale du Portugal, a connu son siècle d’or au XVIe siècle. C’est à la fin du XVe siècle que le royaume décide d’intensifier son commerce en mettant à contribution ses déjà nombreux comptoirs de la côte ouest africaine. Le roi décide de saisir l’opportunité d’une main-d’œuvre gratuite en amplifiant l’achat et la revente d’esclaves africains. Des îles se spécialisent dans la production de sucre mais le rayon d’action du Portugal augmente au fur et à mesure de l’avancée de leurs rivaux espagnols. Le continent américain devient le nouveau débouché du trafic d’esclaves dès que les Portugais s’installent au Brésil. Ce faisant, c’est un immense empire commercial reposant sur des comptoirs et sur une première colonisation qui s’officialise au XVIe siècle. Itinéraire 2 Réaliser un schéma Les causes de la traite : décision royale quête du profit colonisation du Brésil

Personnes impliquées : souverain espagnol navigateurs marchands propriétaires d’esclaves vendeurs africains

Traite négrière portugaise Les conséquences au Portugal, Afrique, Amériques : Lisbonne cosmopolite enrichissement de Lisbonne multiplication des comptoirs commerciaux colonisation du Brésil esclavagisme colonial

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Chapitre 3 – L’ouverture atlantique : les conséquences de la découverte du « Nouveau Monde »

PASSÉ / PRÉSENT Comment les épidémies dans l’histoire permettent-elles d’interroger la mondialisation ?

l’écosystème en général. Certains ont muté, d’autres ont disparu, d’autres apparaissent. Il y a, à l’échelle de l’histoire de l’humanité, une relation permanente entre les maladies et les êtres humains.

> MANUEL PAGES 108-109

4. Montrez que la maladie doit être, au même titre que les autres échanges, prise en compte pour comprendre le phénomène de mondialisation. On appelle mondialisation l’intensification des échanges et des circulations à l’échelle mondiale. La mondialisation repose sur des acteurs et des vecteurs qui agissent dans différents domaines. On a coutume de penser aux marchandises, aux êtres humains et aux modes de transports favorisant toutes ces circulations. Toutefois, les maladies accompagnent toutes ces dynamiques. L’amplitude des épidémies est donc aussi un signal du fonctionnement de l’humanité à un moment donné : quels contacts, quelles formes de relations ? Quels comportements démographiques ? Quels progrès médicaux ? On voit bien d’ailleurs que toute prévention ou thérapie appelle une coopération internationale si l’on veut réduire les risques. C’est le rôle désormais de l’Organisation Mondiale de la Santé. Le phénomène de mondialisation n’est donc pas compréhensible sans l’intégration de ces données médicales.

Les maladies sont l’une des causes de la disparition de la plupart des Amérindiens en moins d’un siècle. C’est l’occasion d’interroger les épidémies comme l’un des vecteurs de la mondialisation hier et aujourd’hui puisqu’il y a bien, comme pour les hommes, animaux, produits, des mouvements de circulations. Les épidémies poussent à décloisonner nos analyses car les maladies ne s’encombrent pas des frontières. À l’échelle du monde, et sur le temps long, les épidémies ont contribué aux grandes transformations mondiales mais aussi aux progrès de la connaissance médicale et thérapeutique.

Réponses aux questions 1. Comment sont décrits l’évolution de l’épidémie de variole et ses effets sur les Amérindiens ? L’épidémie de variole est décrite dans ce dessin par les symptômes les plus spectaculaires : l’apparition de tâches et pustules rouges qui couvrent le corps entier. À ce stade de la maladie, le mal est fait depuis longtemps. Les victimes représentées semblent également éprouver une grande souffrance. 2. Pourquoi les maladies sont-elles liées à la conquête espagnole ? Les maladies sont liées à la conquête espagnole car le virus responsable de la variole a été amené par les Européens. Mais ce n’est pas la seule maladie dont meurent les Amérindiens même si elle est la plus spectaculaire. Ces derniers sont aussi morts de syndromes grippaux face auxquels ils n’avaient développé, contrairement aux Européens, aucun anticorps. 3. Expliquez cette phrase du doc 5 : « Les maladies infectieuses sont les compagnes éternelles de l’histoire humaine ». Le texte revient sur les principales pandémies (épidémie de grande ampleur) qui ont touché l’humanité depuis l’ère préhistorique. Il va de soi que les virus et microbes, en tant qu’organismes vivants et souvent transportés par des animaux et humains, n’ont cessé d’accompagner les principales étapes de développement de l’humanité et de

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CHAPITRE

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Renaissance, humanisme et réformes religieuses : les mutations de l’Europe › MANUEL PAGES 116 À 145

OBJECTIFS ET PROBLÉMATIQUE DU CHAPITRE Ce chapitre, inclus dans le thème 2 : « XVe-XVIe siècle : un nouveau rapport au monde, un temps de mutation intellectuelle » vise à montrer comment l’effervescence intellectuelle et artistique qui marque ces deux siècles se traduit par une volonté de rupture avec la période médiévale et de retour à l’Antiquité et comment les réformes protestante et catholique s’inscrivent dans ce contexte. Aux points de passage et d’ouverture proposés dans le programme : « 1508-Michel-Ange entreprend la réalisation de la fresque de la Chapelle Sixtine », « Érasme, prince des humanistes », « 1517-Luther ouvre le temps des réformes », ont été ajoutées un certain nombre de pages visant à traiter au mieux les différentes facettes du chapitre. Un travail en équipes est proposé sur l’imprimerie et son rôle dans la diffusion des idées. Une double page est consacrée spécifiquement à la question de la réforme catholique. Deux double pages supplémentaires sont consacrées à l’art renaissant : une première, « passé-présent », qui amène à travailler sur l’héritage de la peinture de la Renaissance à travers une de ses œuvres emblématiques, La Joconde de Léonard de Vinci, et une seconde, « De la source à l’histoire », qui propose, à partir de la comparaison entre deux œuvres, de mettre en évidence les transformations artistiques et culturelles qui marquent la Renaissance.

OUVERTURE › MANUEL PAGES 116-117 Ces documents permettent d’illustrer les trois notions centrales du chapitre : Renaissance artistique et humanisme (doc. 1), Réforme (doc. 2).

Document 1 : Les artistes de la Renaissance redécouvrent l’Antiquité

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Le jeune Raffaello Sanzio dit Raphaël (14831520) est appelé à Rome par le pape Jules II en 1508, afin de réaliser la décoration de ses appartements au Vatican. L’École d’Athènes se trouve dans la chambre de la Signature, le bureau de Jules II. Elle fait partie d’un ensemble de quatre fresques, illustrant le Vrai, le Bien et le Beau. L’École d’Athènes regroupe des figures de philosophes et de savants réunis dans un grandiose cadre architectural inspiré de l’Antiquité et symbolise le Vrai rationnel, la vérité acquise par le savoir. Le titre de l’œuvre et la scène représentée constituent un hymne à l’art, à la pensée et au savoir des Anciens, redécouverts par les artistes et les humanistes, ainsi qu’à la concorde que ces derniers réalisent entre les savoirs. L’inspiration humaniste transparaît dans l’action même des personnages. Les uns parlent, d’autres les écoutent, certains écrivent... Les poses et les gestes révèlent chez la plupart un effort de concentration et souvent le respect du maître qui parle mais évoquent aussi l’art du dialogue, cher aux admirateurs de Platon que sont alors les humanistes. La place du livre dans la fresque est aussi représentative de la nouvelle culture humaniste. Les mouvements des mains des deux figures centrales (Platon et Aristote) symbolisent la « dispute » philosophique sur les voies d’accès à la connaissance. Cette fresque témoigne de la place centrale accordée à l’Homme dans les arts et la pensée humaniste. Elle transparaît dans la représentation des corps, qui s’appuie sur les progrès réalisés en matière d’anatomie (ex : personnage de Diogène), dans celle du mouvement qui leur donne vie. Le peintre de la Renaissance est aussi un artiste instruit dans les domaines de la géométrie et de l’optique, qu’il convoque pour composer harmonieusement ses œuvres et donner l’illusion de la profondeur. Cette fresque, sur laquelle Raphaël représente plusieurs artistes contemporains, nous livre son autoportrait et sa signature, illustre la place nouvelle de l’artiste à la Renaissance ainsi que sa volonté d’élever les arts à la hauteur des domaines nobles du savoir. Raphaël exprime ainsi

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Chapitre 4 – Renaissance, humanisme et réformes religieuses : les mutations de l’Europe

la conception propre à la Renaissance de l’activité artistique comprise comme chose de l’esprit et non comme simple traduction des formes visibles.

Document 2 : Martin Luther rompt avec le catholicisme. Tableaux et gravures jouent un grand rôle dans la pédagogie de la Réforme. Lucas Cranach le Jeune, fils de Lucas Cranach l’Ancien, ami de Luther, est un peintre et graveur réformé, travaillant sous la protection des princes de Saxe. Cette œuvre permet d’évoquer la théologie luthérienne et la rupture avec le catholicisme. Elle est organisée sur le mode de l’allégorie et de l’opposition. La Vigne est ici le symbole de l’Église. Luther, dans sa préface à l’édition de L’Épître aux Colossiens par Melanchton (1529), avait indiqué qu’il s’emploierait à enlever les mauvaises herbes de la Vigne à l’aide d’un râteau, répondant ainsi au pape Léon X qui avait usé de la métaphore pour condamner l’hérésie protestante dans une bulle du 15 juin 1520 menaçant Luther, comparé à un sanglier ravageant la Vigne, d’excommunication et invoquant Saint Paul, Saint Pierre et tous les Saints à protéger la Vigne du Seigneur. À gauche, le vignoble catholique dépérit et ne produit rien. À droite, le vignoble protestant, où s’affairent énergiquement Luther et d’autres réformateurs, austères et habillés de noir, fructifie.

REPÈRES › MANUEL PAGES 118-119

Réponses aux questions 1. Localisez les principaux foyers de la Renaissance et de l’humanisme. La carte 1 montre qu’il y a globalement concordance entre foyers artistiques et foyers humanistes. Cela s’explique par le fait que cette émulation artistique et intellectuelle procède de vecteurs communs comme la prospérité économique, le phénomène urbain ou le mécénat et répond à une logique de polarisation des espaces du pouvoir que sont les capitales princières et bourgeoises. Ces grands foyers de la Renaissance et de l’humanisme vont de l’Italie du nord à l’Angleterre en passant par l’Allemagne rhénane, les Flandres et une partie du royaume de France. Des foyers secondaires apparaissent également dans les autres capitales ou grandes villes européennes. La carte révèle que les deux grands moyens de diffusion des idées humanistes sont Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

l’imprimerie et les universités. De Mayence où Gutenberg la perfectionne, l’imprimerie se diffuse rapidement dans les villes abritant les capitaux nécessaires et une clientèle potentielle de lettrés. Ainsi, elle gagne Francfort, Nuremberg, Paris, Lyon, Venise, Rome, Bâle… Les universités ne sont pas toutes forcément favorables aux idées nouvelles ; celle de Paris y est hostile, ce qui suscite la création, sous François Ier, du futur Collège de France, pour favoriser l’enseignement du latin, du grec et de l’hébreu. Mais leur multiplication traduit le foisonnement culturel de l’époque. En outre, le patronage des Princes et des puissants encourage la constitution de bibliothèques et d’académies qui contribuent à la diffusion des savoirs et des idées nouvelles. 2. Nommez les centres urbains majeurs de la Renaissance et de l’humanisme. Au sein de ces foyers, certains centres urbains, abritant grandes universités, ateliers d’imprimerie et artistes sont particulièrement dynamiques, à l’image de Florence ou Rome, Paris, Londres, Anvers… 3. Décrivez la géographie religieuse de l’Europe à la fin du XVIe siècle. La carte 2 montre que le catholicisme reste prépondérant en Europe occidentale (après le Concile de Trente, l’Europe catholique regagne une partie du terrain perdu : la « part » protestante du continent européen tombe de 40 à 20 % au début du XVIIe siècle) mais rend compte également de l’implantation des Réformes à la fin du XVIe siècle. On notera que la diffusion du protestantisme touche avant tout le nord de l’Europe et que la Réforme n’a pas conservé son unité et a éclaté en différents mouvements. Les royaumes scandinaves et certaines principautés allemandes sont ainsi luthériens. Les territoires devenus calvinistes sont l’Écosse, les Pays-Bas ainsi qu’un certain nombre de cantons suisses auxquels il faut ajouter des États partiellement réformés comme le royaume de France. En 1562, on compte 10 % de calvinistes au sein de la population sur un croissant allant du Poitou au Dauphiné, en passant par la Provence et le Béarn. Après de longs et sanglants affrontements, l’Édit de Nantes (1598) instaure une situation nouvelle où les protestants sont tolérés. Quant au royaume d’Angleterre, il se singularise lorsqu’en 1534 Henri VIII rompt avec le pape et devient le chef d’une Église anglicane, d’inspiration protestante mais conservant la liturgie catholique.

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Chapitre 4 – Renaissance, humanisme et réformes religieuses : les mutations de l’Europe

COURS 1 L’humanisme, un renouveau intellectuel › MANUEL PAGES 120-121

Réponses au Testez-vous ! Quel est le rapport des humanistes à l’Antiquité ? Si le Moyen Âge n’a pas ignoré les œuvres et la pensée de l’Antiquité, c’est à la Renaissance que l’on débarrasse les textes anciens des erreurs de copie ou d’interprétation héritées de la période médiévale. On découvre aussi de nouveaux manuscrits. La redécouverte de Platon, de livres inconnus d’Aristote, des textes scientifiques d’Euclide constituent un tournant dans la pensée européenne. Le mécénat des princes encourage la constitution de bibliothèques et d’académies qui contribuent à la diffusion de ces textes et de ces savoirs. Quelles sont les caractéristiques de la pensée humaniste ? La pensée humaniste repose sur la redécouverte des textes et de la pensée antique et sur l’affirmation de la dignité humaine. Les humanistes expriment leur confiance dans la nature humaine : si l’homme est une image imparfaite de Dieu, il peut atteindre la perfection par la connaissance. L’homme se découvre libre d’entreprendre, de raisonner, d’innover, de créer. Une éducation nouvelle, à la fois intellectuelle, morale et physique, doit permettre cet épanouissement des qualités humaines. Les hommes de la Renaissance posent les bases d’une méthode scientifique fondée sur l’observation et l’expérimentation. Ils sont convaincus que la nature obéit à un mécanisme que le savant peut mettre à jour et n’hésitent pas à remettre en cause les connaissances du Moyen Âge. La démarche scientifique de la Renaissance est faite de curiosité, d’observation et d’esprit critique, mais il n’y a pas à proprement parler de révolution scientifique. Par leur culte des Anciens, les humanistes freinent parfois le développement des idées nouvelles qui rencontrent aussi l’opposition de l’Église. Les mathématiques sont autant utilisées pour les recherches métaphysiques que comme instrument de mesure. Le mystère et l’irrationnel continuent de dominer la pensée (ex : astrologie, alchimie). Même la révolution copernicienne ne connaît qu’une faible diffusion. Cepen-

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dant, la Renaissance est une époque inventive et accouche de méthodes originales d’observation, de classification et de calcul qui annoncent la science moderne. Comment les idées humanistes se diffusentelles ? Les idées humanistes se diffusent grâce au développement de l’imprimerie et des échanges et à l’appui des mécènes. Certains princes créent pour les humanistes des universités nouvelles. Des relations régulières s’établissent entre les humanistes européens grâce à leurs voyages, leur enseignement, leurs correspondances. Ils constituent entre eux une sorte de République des lettres.

COURS 2 Arts et artistes de la Renaissance › MANUEL PAGES 122-123

Réponses au Testez-vous ! Pourquoi peut-on dire que l’art de la Renaissance est un prolongement de l’humanisme ? Sous l’influence des humanistes, les artistes redécouvrent l’Antiquité et s’en inspirent. Ils donnent une nouvelle place à l’individu, comme en témoigne l’essor du portrait, en cherchant à montrer les sentiments et l’univers intime de leurs personnages. Ils privilégient également une représentation plus humanisée du divin. Comment évolue le statut de l’artiste ? L’artiste de la Renaissance, polyvalent, qui travaille au service des puissants (mécènes), voit son statut évoluer. Considéré au départ comme un artisan, il acquiert peu à peu une plus grande liberté. Il est de moins en moins considéré comme un travailleur manuel et de plus en plus comme un créateur. Il se met à signer ses œuvres et à se représenter sur ses toiles. Quels sont les foyers majeurs de la Renaissance artistique ? Comment s’est-elle diffusée en Europe ? Le renouveau artistique se manifeste d’abord en Italie et en Flandre, avant de gagner toute l’Europe, notamment grâce à la mobilité des artistes.

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Chapitre 4 – Renaissance, humanisme et réformes religieuses : les mutations de l’Europe

COURS 3 Les réformes protestante et catholique › MANUEL PAGES 124-125

guerres sanglantes, opposant catholiques et protestants. Le pape s’appuie sur les jésuites qui mènent des missions de reconquête des esprits. L’Église catholique entreprend aussi une œuvre de rénovation lors du concile de Trente, entre 1545 et 1563.

Réponses au Testez-vous ! Quels sont les facteurs qui ont mené à la Réforme protestante ? Les humanistes, par leur travail sur les textes bibliques, ont mis en évidence des erreurs de traduction et d’interprétation véhiculées par l’Église catholique. Ils ont ainsi ouvert la voie à la Réforme. En outre, le XVe siècle est marqué par un climat d’inquiétude, de crainte pour le salut. Le culte traditionnel ne semble plus suffire aux fidèles qui multiplient les œuvres et qui, pour certains, recherchent une pratique plus individuelle, par la prière et la lecture des textes religieux. Le clergé catholique est alors la cible de critiques : on reproche à certains de ses membres leur avidité ou encore leur ignorance. À cela s’ajoute le scandale des indulgences. En quoi consiste cette Réforme et où se diffuset-elle ? Le moine allemand Martin Luther dénonce les abus, l’autorité et la hiérarchie de l’Église et affirme que les hommes ne peuvent être sauvés que par leur foi et non par les œuvres. Il propose un nouveau culte, plus simple, en langue nationale, où il ne conserve que deux sacrements, le baptême et la communion. Jean Calvin propose une Réforme encore plus radicale. Selon lui, Dieu choisit les hommes qu’il prédestine au salut. Après avoir fui la France, il organise à Genève une Église très disciplinée et d’une grande rigueur morale. En Allemagne, les princes sont peu à peu gagnés aux idées de Luther et réclament la liberté de religion, accordée en 1555 par Charles Quint. En Angleterre, la crise religieuse sert les ambitions personnelles du roi, hostile au pape. En France, aux PaysBas, en Écosse, les réformés adoptent la doctrine de Calvin, qui leur adresse des conseils pour organiser leurs Églises et leurs cultes. Le retour à l’authenticité de la Bible et à la simplicité du message des Évangiles est favorisé par le développement de l’imprimerie qui permet la diffusion des Bibles et traités religieux en langues nationales. Quelle a été la réaction de l’Église catholique ? L’Église et les princes catholiques organisent la répression. En Espagne et en Italie, les tribunaux de l’Inquisition s’emploient avec succès à lutter contre les hérétiques. En France éclatent des Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Érasme, « prince des humanistes » > MANUEL PAGES 126-127

Réponses aux questions 1. Doc 2. Que reproche Érasme à la période médiévale ? Décrivez la méthode qu’il utilise pour travailler sur le texte de saint Jérôme. Ce texte est issu de la lettre-dédicace à William Warham, archevêque de Canterbury, qui sert de préface à la première édition des lettres de Jérôme en 1516, à Bâle, chez l’imprimeur Froben. Saint Jérôme constitue alors pour les humanistes et tout particulièrement pour Érasme, un modèle d’érudition, d’éloquence et de sainteté. C’est aussi en 1516 qu’Érasme publie une nouvelle traduction latine du Nouveau Testament. Les extraits proposés ici illustrent les deux parties de cette longue lettre-dédicace. La première consiste en une analyse mythifiée du rapport des Anciens aux ouvrages érudits. La seconde partie, quant à elle, rapporte les étapes successives du rétablissement et de l’édition des lettres de Saint Jérôme. Le premier extrait illustre le rapport d’Érasme et plus largement des humanistes à la période médiévale, considérée comme un âge de barbarie, oublieux des grandes œuvres de l’Antiquité, de l’élégance et de la maîtrise des langues grecque, latine et de l’hébreu. C’est dans le rapport aux textes que se manifeste d’abord la critique humaniste : les lettrés du Moyen Âge ne lisaient pas les textes originaux des Anciens, les avaient déformés afin de servir leurs propres usages et avaient multiplié les erreurs de lecture et d’interprétation. Ainsi, la critique de l’approche médiévale des textes amène les humanistes comme Érasme à vouloir retourner à la pureté des sources. Cette restitution des belles lettres suppose ainsi d’épurer les œuvres de l’Antiquité en éliminant les erreurs accumulées au Moyen Âge. La philologie domine les recherches humanistes, les érudits s’attachant à repérer et supprimer les erreurs de transcription et à livrer une édition critique des textes. 4

Chapitre 4 – Renaissance, humanisme et réformes religieuses : les mutations de l’Europe

L’édition des lettres de Jérôme commence pour Érasme par une entreprise de recomposition et de recollection du texte original. Avant de commencer à traduire le texte et à le commenter, Erasme s’est procuré différents exemplaires des lettres, pour la plupart en mauvais état, qu’il a comparés entre eux. C’est par une étude comparatiste, critique et philologique qu’Érasme entend retrouver un texte débarrassé de ses erreurs. La méthode d’Érasme, dans la mesure où elle est extrêmement rigoureuse nécessite pour lui de faire appel à d’autres érudits, tels que les fils Amerbach à qui il rend grâce dans sa lettre-dédicace. 2. Doc 3. Quelle est sa conception de l’éducation ? En quoi est-ce une conception humaniste ? Les humanistes mettent l’Homme au centre de leurs préoccupations et de l’univers. Par la puissance de son esprit, il a la capacité de penser par lui-même et de prendre en main son destin. Par son intelligence, il doit se perfectionner. L’éducation est donc primordiale pour les humanistes qui prônent de nouvelles formes d’enseignement. Les humanistes, dont Érasme (que J.-C. Margolin appelle le « précepteur de l’Europe ») ont consacré de nombreux écrits à la question de l’éducation et de la pédagogie. Dans ses ouvrages, Érasme critique les méthodes d’enseignement traditionnelles et préconise ici une sélection des contenus enseignés au regard de l’âge de l’élève, le recours à des méthodes ludiques pour les plus jeunes, nécessitant la bienveillance et l’habileté pédagogique du maître. L’élève doit ainsi découvrir le plaisir de l’étude. 3. Doc 4. Comment Dürer cherche-t-il à faire le portrait d’un grand humaniste ? Cette gravure au burin, réalisée par Albrecht Dürer (1471-1528), célèbre peintre-graveur allemand, est un portrait d’Érasme, vêtu d’une toge de professeur. On notera son regard concentré, la sévérité et le sérieux de son visage, marqué par les rides (il est alors à la fin de sa vie). L’atmosphère est studieuse et dépouillée. Au premier plan, des livres épais et reliés, objets d’étude (marque-page dans l’ouvrage de droite). Érasme est installé à sa table de travail, utilisant un écritoire pour rédiger une lettre. Seul le vase fleuri égaie un peu la scène : ce bouquet de violettes et de muguet symbolise la fragilité de l’apparence et de la vie terrestre. Au fond est placé un cadre sur lequel sont rédigées des inscriptions en latin et en grec signifiant : « portrait d’Érasme de Rotterdam, dessiné d’après nature par Albrecht Dürer. La meilleure image de

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lui, ses écrits la montreront, 1526 » (on y trouve également le monogramme du peintre, l’œuvre illustrant ainsi le statut nouveau de l’artiste à la Renaissance). On trouve donc ici la référence à la redécouverte de l’Antiquité qui constitue l’un des fondements de la pensée humaniste. D’autres portraits d’Érasme, le plus souvent à sa table de travail, dans son studiolo, ont été réalisés par les peintres Hans Holbein et Quentin Metsys. 4. Doc 1 à 3. De quelles manières Erasme participe-t-il à la diffusion des savoirs et des idées humanistes ? Érasme nous a légué une œuvre monumentale à la fois en tant qu’éditeur, traducteur, commentateur et écrivain. Il a en effet traduit de nombreux textes anciens païens et chrétiens (doc 1) ; il a écrit des livres de pédagogie et de morale (Adages, L’Eloge de la folie), des ouvrages de conseils aux princes (L’Institution du prince chrétien). Éternel voyageur, il passe la plus grande partie de sa vie à circuler entre les grands centres de l’humanisme, en Italie, en Angleterre, en Suisse, en France, dans le Saint Empire. Il y enseigne, étudie, écrit et rencontre de très nombreuses personnalités : des érudits comme Budé (un des fondateurs du Collège royal de Paris), des théologiens humanistes comme Lefèvre d’Etaples (le premier traducteur de la Bible en français), des philosophes comme Thomas More, des éditeurs comme Josse Bade, Johannes Froben et Alde Manuce, des artistes comme Quentin Metsys ou Albrecht Dürer ; il entretient avec eux une très abondante correspondance. Les documents proposés illustrent ces différents aspects de la vie d’Érasme (sa correspondance, ses voyages, son travail intellectuel), l’importance des relations qu’il a nouées dans différents pays d’Europe, et ainsi l’influence dont il jouit. Les humanistes correspondent entre eux, voyagent, se rencontrent dans les universités, les académies ou les ateliers d’imprimerie. Ils donnent ainsi naissance à une République des lettres, c’està-dire une communauté d’intellectuels unis par l’échange des connaissances et des réflexions. La carte des voyages d’Erasme (doc. 1) met en évidence ces grands foyers de l’humanisme autour desquels s’organise la République des lettres. 5. Synthétiser À partir de vos réponses aux questions, rédigez un texte structuré montrant pourquoi Érasme est une figure emblématique de l’humanisme. On peut organiser le texte autour des idées suivantes : 5

Chapitre 4 – Renaissance, humanisme et réformes religieuses : les mutations de l’Europe

- rejet de la période médiévale et travail rigoureux sur les textes anciens ; - place centrale accordée à l’Homme et à l’éducation ; - Érasme, un membre éminent de la République des lettres, reconnu par ses contemporains. Itinéraire 2 Rédiger une lettre S’appuyer sur la lecture des lettres écrites par Érasme dans le manuel (doc. 2 p. 126, doc 3 p. 127, doc 3 p. 129), pour la forme et le fond. Érasme parle de lui à la première personne et tutoie souvent ses amis humanistes ; il commence certaines de ses lettres en soulignant les qualités de son correspondant (voir la lettre qu’il adresse à l’imprimeur et humaniste Alde Manuce : doc 2 p. 129). L’élève pourra se documenter sur l’œuvre de l’humaniste choisi comme destinataire de sa lettre. On pourra rappeler aux élèves que le terme « humaniste » n’est employé qu’à partir du XIXe siècle pour désigner les lettrés et les savants de la Renaissance. Érasme ne l’employait donc pas pour se qualifier. La lettre pourra s’organiser selon le plan suivant : - le regard d’Érasme sur la période médiévale ; - son travail sur les textes de l’Antiquité ; - l’importance qu’il accorde à l’éducation ; - la façon dont les idées d’Érasme et plus largement le travail et la pensée des humanistes se diffusent (voyages, correspondances, développement de l’imprimerie…).

DOCUMENTS La révolution de l’imprimerie / L’imprimerie et la diffusion des idées humanistes > MANUEL PAGES 128-129

En équipes ! Équipe 1 Relevez les différentes étapes de la fabrication d’un livre et les avantages de l’imprimerie. À l’intérieur de l’atelier d’imprimerie, le travail est réparti entre maître et compagnons en fonction de leurs compétences et selon une véritable division du travail. Cette gravure montre les différentes opérations techniques : les typographes composent la plaque d’impression à l’aide des caractères mobiles, les plaques sont ensuite encrées puis pressées. Les feuilles sont mises à sécher puis corrigées par un relecteur. Un grand nombre de graHistoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

vures de ce genre sont diffusées au XVIe siècle, soulignant le caractère capital de cette révolution à la fois technique et intellectuelle. Au Moyen Âge, les ouvrages étaient recopiés à la main par des moines ne possédant pas nécessairement une grande érudition et cela entraînait la rareté des livres et de nombreuses fautes de copie. Au début du XVe siècle, on sait déjà reproduire des images et des textes à partir d’une planche de bois gravée et encrée, à l’aide d’une presse (xylographie). L’invention des caractères mobiles, indépendants les uns des autres, rassemblés pour composer des mots, constitue une invention décisive. C’est Gutenberg, très averti des progrès récemment réalisés dans l’art du métal qui en est à l’origine. Pour former un caractère mobile, on taille un poinçon en métal dur à l’extrémité duquel le signe est inscrit en relief. Puis on frappe une matrice en métal moins résistant avec le poinçon pour y inscrire le signe en creux. On glisse ensuite un moule afin de fondre une série de caractères. Pour imprimer un livre, il suffit alors de placer les caractères sur des cadres, de façon à composer des mots, de les enduire d’encre et de les appliquer sur des feuilles à l’aide d’une presse. Cette technique permet de réutiliser les mêmes caractères d’un ouvrage à l’autre. Désormais, les textes sont reproductibles à volonté, sans erreurs et à moindre coût. Ainsi, le savoir est rendu massivement disponible et gagne en pérennité grâce à la multiplication des exemplaires. L’imprimerie permet de diffuser des copies plus conformes au texte d’origine notamment grâce au travail des imprimeurs humanistes comme Guillaume Fichet ou Alde Manuce qui procèdent par un méticuleux travail de confrontation et de correction des différents manuscrits. Le livre imprimé est aussi plus facile à consulter : moins volumineux, il se rationalise : page de titre, pagination, tables, index, polices de caractères… Équipe 2 Présentez Alde Manuce et montrez en quoi il participe à la diffusion des idées humanistes. Les imprimeurs sont souvent des humanistes passionnés par les langues anciennes et les nouveaux savoirs. C’est le cas par exemple de Froben et Amerbach à Bâle ou d’Alde Manuce à Venise. Les ateliers d’imprimeurs réunissent ainsi souvent auteurs, philosophes, traducteurs, grammairiens et savants, à l’image de l’atelier de Manuce. Ce dernier fonde en 1500 l’Académie aldine à laquelle Érasme participe, académie qui décide des textes à publier et travaille sur leur édition. Alde Manuce, pendant ses études, apprend le latin à Rome, le 6

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grec à Ferrare et devient le précepteur des neveux de l’humaniste Pic de la Mirandole qui l’aideront plus tard financièrement dans son projet de publier les grands classiques grecs en Italie. Érasme emploie pour désigner Manuce les termes « très savant », « ton génie », « ton éminente science », reconnaissant ainsi ses qualités intellectuelles. En bon humaniste et philologue, on apprend qu’il publie beaucoup de textes anciens, grecs et latins, des ouvrages de médecine, les œuvres de grands humanistes. Érasme célèbre ici également le génie technique de cet imprimeur dont il vante les « impressions d’une finesse sans égale » (on lui doit la création des caractères italiques). Mise en commun Rédigez ensemble un texte montrant que l’imprimeur de la Renaissance est à la fois un artisan et un humaniste et comment il contribue à la diffusion des idées nouvelles. - L’imprimeur est un artisan qui supervise le travail en équipe dans son atelier (doc. 1 p. 128). Des imprimeurs fameux comme Gutenberg sont à l’origine d’innovations techniques comme les caractères mobiles d’imprimerie (info p. 120) ; ils mettent au point des encres épaisses à séchage rapide, adaptées à l’impression recto-verso et à l’utilisation de la presse. Ils font évoluer la typographie dans un souci économique de réduction des caractères et une volonté de lisibilité. Dans son atelier, Alde Manuce réalise toutes les étapes de la fabrication d’un livre : il fabrique lui-même son encre et fait relier les ouvrages qu’il commercialise. Manuce s’attache également à faire dessiner et fondre des caractères d’imprimerie. Il est le premier à faire usage des caractères italiques, imitant l’écriture cursive des manuscrits humanistes. Il crée des livres de petit format, moins chers et plus pratiques à utiliser (doc. 3 p. 129). - L’imprimeur est aussi souvent un humaniste, à l’image de Guillaume Fichet, qui introduit en 1470 un atelier d’imprimerie à la Sorbonne ou d’Alde Manuce à Venise. L’atelier de Manuce fonctionne comme une véritable académie, un lieu d’échanges intellectuels intenses. Fichet, Manuce, Robert Estienne (1503-1559), auteur d’un Dictionnaire latin-français sont de véritables érudits et contribuent à la restauration des textes des Anciens, chère aux humanistes. - La circulation des humanistes à la Renaissance est finalement peu de chose au regard de la circulation des textes que rend possible l’imprimerie. On parle de « révolution de l’imprimerie » car on assiste à la massification de la production d’ouvrages imprimés (doc. 2 p. 129) ainsi qu’à la Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

conquête de nouveaux publics (baisse des coûts de fabrication). Dans la seconde moitié du XVe siècle, des ateliers d’imprimerie essaiment dans différents pays européens (doc. 1 p. 129 : réseau rhénan à l’origine, puis Italie septentrionale, Allemagne méridionale, foyers français autour de Paris et Lyon…). Les villes universitaires figurent parmi les premières à se doter d’ateliers permanents en raison de la stabilité de la clientèle qu’elles offrent. La mise en place d’une économie pré-capitaliste et la mobilité des artisans contribuent fortement à rendre possible la fabrication du livre imprimé. Les ouvrages sont plus faciles à consulter et favorisent le passage à la lecture silencieuse, incitant le lecteur au retour sur sa propre pensée. Le livre gagne en qualité : travail critique des éditeurs, redécouverte des textes antiques traduits avec soin, reproduction contrôlée par des lettrés…Tout cela concourt à faire du livre imprimé le véhicule privilégié des connaissances scientifiques, des idées des humanistes, qui prônent, par ailleurs, un accès plus large à la connaissance et de la Réforme protestante. La nature des ouvrages imprimés évolue dans ce sens.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Michel-Ange peint le plafond de la chapelle Sixtine > MANUEL PAGES 130-131

Réponses aux questions 1. Doc 1 et 2. Comment le peintre essaie-t-il de représenter ses personnages de façon réaliste ? Michel-Ange concrétise ici le thème au cœur de toute sa création artistique : le corps humain en mouvement. C’est l’occasion pour lui de mobiliser ses connaissances en anatomie, nourries par les dissections qu’il a pu pratiquer (doc. 3). L’artiste dépasse toutefois la simple exactitude anatomique, au profit d’une anatomie au service de l’expression. Torsion des corps, couleurs et expressions, technique du trompe-l’œil, tout concourt à donner vie à ses personnages. 2. Doc 1, 2 et 4. Montrez que Michel-Ange s’inspire de l’Antiquité L’Antiquité est convoquée dans les éléments d’architecture et les statues qui forment les colonnes, ainsi qu’à travers la représentation de la nudité et la torsion des corps, à l’image de l’Apollon du Belvédère.

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3. Doc 1 et 4. Quelle est la place de l’humain dans cette œuvre ? Pourquoi peut-on dire que Michel Ange s’inspire de la pensée humaniste ? Sur la fresque qui orne la voûte de la Sixtine, Michel-Ange interprète le texte de la Genèse comme un mythe sur l’origine de l’homme. L’artiste envisage la création et le péché comme des drames de l’humanité entière. La doctrine néo-platonicienne le porte à une conception de l’homme qui se rattache à une pensée profondément intérieure. La position centrale de l’épisode de la création d’Adam est délibérée et fait figure de symbole. La scène est centrée sur Adam et Dieu le père. On notera l’utilisation d’un « effet-miroir » qui renvoie au passage de la Genèse (I, 27) : « Dieu créa l’homme à son image ». Daniel Arasse, dans son ouvrage, Le sujet dans le tableau, écrit à ce sujet : « l’effet de miroir, magnifie la créature « à l’image de Dieu » et [symbolise] la participation de l’homme à l’essence divine ». L’artiste a disposé les masses de façon à concentrer l’attention du spectateur sur le contact entre les deux doigts, celui de Dieu, vigoureux et puissant, et celui d’Adam, encore inerte, prenant vie sous l’effet de l’esprit divin. L’œuvre met particulièrement en valeur les corps : Adam est représenté sous les traits d’un adolescent nu, exprimant à la fois un idéal esthétique et une valeur morale répondant à l’idée qu’un beau corps exprime une belle âme. Beauté païenne et foi chrétienne sont ici mêlées, exprimant l’idéal humaniste des hommes de la Renaissance. Les autres nus sont remarquables aussi par leurs expressions qui vont de la contemplation muette au hurlement désespéré et par l’harmonie de leurs proportions. 4. Doc 1, 3 et 4. Quels talents Vasari prête-t-il à Michel-Ange ? Comment la fresque en est-elle l’expression ? G. Vasari, dans son ouvrage Vies des plus excellents peintres, sculpteurs et architectes (1550), écrit de Michel-Ange : « son génie fut reconnu dès son vivant (…). Cela n’arrive qu’aux hommes d’un mérite grandiose comme le sien, où la conjugaison des trois arts [peinture, sculpture et architecture] créait l’état de perfection, que Dieu n’a accordé, durant les siècles de l’Antiquité comme dans les modernes, à nul autre que lui ». Ce sont ces trois talents associés qui font de cette fresque une œuvre d’art unique. L’auteur souligne dans l’extrait proposé ici la maîtrise de la technique du dessin de l’artiste et ses connaissances en anatomie, mises au service de son art. Le sculpteur nous est révélé par la peinture des statues et le modelé des corps, tandis qu’il représente les éléments

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d’une architecture fictive en trompe-l’œil aux proportions harmonieuses qui renforce l’impression de relief de la fresque, accentuée par la maîtrise de la perspective, le drapé des vêtements et les jeux d’ombre et de lumière. MichelAnge, artiste complet, s’est aussi illustré comme poète et même ingénieur en fortifications. Il personnifie l’union de l’art et de la pensée et incarne l’artiste humaniste par excellence. 5. Synthétiser Les fresques qui ornent le plafond de la chapelle Sixtine, peintes par Michelangelo Buonarroti (1475-1564), sculpteur, peintre, architecte et poète sont caractéristiques de la Renaissance à plus d’un titre : - le mécénat (le pape Jules II, passionné par les arts et les lettres demande à Michel-Ange de réaliser la décoration de la voûte) ; - l’artiste : un artiste complet, qui mêle ici ses dons de peintre, de sculpteur et d’architecte ; - l’inspiration de l’Antiquité ; - la peinture d’un sujet religieux mais traité de façon novatrice (inspirée du courant humaniste) avec une humanité magnifiée par la représentation des corps nus et expressifs, l’émotion rendue par le mouvement. Itinéraire 2 Commenter la fresque de la voûte de la chapelle Sixtine L’objectif du commentaire de l’œuvre de Michel Ange est de montrer en quoi elle constitue un chef-d’œuvre emblématique de la Renaissance. On peut commencer par une présentation de l’œuvre (lieu, date d’exécution, dimensions, technique employée, sujet représenté), de l’artiste et de son commanditaire ainsi que du contexte intellectuel et artistique dans lequel la fresque a été réalisée. On peut ensuite décrire l’œuvre (composition, dessin, personnages, éléments d’architecture) puis l’interpréter en répondant à la problématique (montrer que Michel Ange est un artiste complet qui met la diversité de ses talents au service de son art, qu’il s’inspire de l’Antiquité et que la fresque est un reflet des théories humanistes).

PASSÉ / PRÉSENT Pourquoi et comment La Joconde de Léonard de Vinci est-elle devenue la peinture la plus célèbre du monde ? > MANUEL PAGES 132-133 8

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1. Doc 1 et 2. Qu’est-ce qui fait de La Joconde un chef-d’œuvre selon le peintre Vasari ? Commencé en 1503 (on ignore à quelle date il fut achevé), ce tableau est le portrait de la jeune femme de Francesco del Giocondo, Lisa, dite aussi « Monna Lisa », diminutif de Madonna Lisa. G. Vasari (1511-1574), peintre et architecte, considéré comme le fondateur de l’histoire de l’art, rapporte que le peintre a fait venir des chanteurs et des musiciens pour rendre Monna Lisa joyeuse, de façon à pouvoir rendre des émotions (son sourire) et non une pose sans vie. Ce sourire est ainsi travaillé, comme le reste du tableau, pour lui donner l’aspect de la vie même. En témoignent les passages : « ses yeux limpides avaient l’aspect de la vie » ; « les sourcils… ne pouvaient être plus vrais » ; « le nez… était la vie même » ; « au creux de la gorge… le battement des veines ». La Joconde est ainsi une réalisation exemplaire, grâce aux subtils effets de la lumière sur les chairs et au caractère irréel du paysage à l’arrière-plan. Le modelé du visage est étonnamment réaliste. Les glacis superposés, savamment travaillés, mettent en valeur les effets d’ombre et de lumière sur le visage grâce à la technique du sfumato. « Le bon peintre a essentiellement deux choses à représenter : le personnage et l’état de son esprit » écrit Léonard de Vinci. 2. Doc 3 à 5. Montrez que La Joconde est aujourd’hui un des tableaux les plus célèbres. La Joconde est aujourd’hui l’un des tableaux, voire le tableau le plus célèbre du monde, comme en témoignent les œuvres des artistes qui s’en sont inspiré, son exploitation par les publicitaires, les déclinaisons du tableau sur quasiment tous les supports imaginables (« mugs », « tee shirts », « timbres »…). Depuis 2005, elle est installée dans une salle du Louvre réaménagée expressément pour l’accueillir. Il s’agit du tableau le plus protégé du monde. Aux 6 personnes qui le surveillent en permanence, s’ajoutent des caméras. Elle est protégée par une épaisse vitre, à l’abri d’un caisson anti-vibration et anti-humidité. 15 à 20 000 personnes viennent admirer La Joconde chaque jour soit plus de 7 millions par an. 3. Doc 3. Quels éléments du tableau de Léonard de Vinci retrouve-t-on dans le tableau de Basquiat ? Que symbolise La Joconde ici ? On retrouve ici la composition globale du tableau de Léonard de Vinci, la posture de Monna Lisa, un élément de décor à l’arrière-plan à droite, une évocation du sfumato et une dominante de teintes ocres et noires. Basquiat transforme le tableau en

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un billet de un dollar et peint un fond jaune évocateur de l’or. Monna Lisa, symbole de l’art devient ainsi un symbole de l’argent. Jean Michel Basquiat, dans son style empruntant au graffiti, utilise ici La Joconde pour dénoncer les financiers qui ont envahi le milieu de l’art afin d’y spéculer. Les dessins de Léonard de Vinci et La Joconde exercent un fort attrait sur Basquiat, comme en témoignent plusieurs de ses œuvres comme Leonardo da Vinci’s Greatest Hits (1982) ou Lye (1983) où est représentée une Joconde, Monna Lisa (1983). Si Basquiat semble ainsi revendiquer l’héritage de Léonard de Vinci c’est parce qu’il considère, comme les artistes new-yorkais des années 1980, que l’art occidental moderne est mort et qu’il est un des artisans d’une renaissance de l’art contemporain. 4. Montrez pourquoi et comment La Joconde est devenue une icône de la peinture. Le portrait de Monna Lisa fait immédiatement forte impression du vivant de Léonard de Vinci, comme en témoignent les écrits de Vasari, en raison de l’originalité de la technique employée (le sfumato), de sa composition pyramidale très travaillée, qui confère au tableau, malgré sa petite taille, un caractère monumental, et de la nouveauté qui réside dans la pose du modèle. Nombre d’artistes s’emploient alors à incorporer ces caractéristiques dans leurs œuvres. Au fil des siècles, l’impression d’étrangeté et de mystère qui se dégage du tableau de Léonard de Vinci vient renforcer son attrait. On ne sait pas très bien si La Joconde est triste ou joyeuse, si elle sourit ou non et ce que signifie ce sourire. Après la mort de Léonard de Vinci en 1519, La Joconde intègre la collection du roi de France et est exhibée devant visiteurs et artistes. Durant deux siècles après la mort de l’artiste, une soixantaine de copies de La Joconde sont réalisées. Le terme de Joconde en vient alors à désigner tout portrait de femme dont la pose évoque un tant soit peu l’original. Si au XVIIIe siècle la renommée de La Joconde semble s’affaiblir, tout change avec la Révolution française et l’entrée de cette œuvre dans l’ancien palais du Louvre qui devient musée public. Napoléon lui voue une véritable passion et la retire même du Louvre pendant quelques années pour la placer dans sa chambre à coucher, jusqu’à son couronnement. Depuis lors, l’histoire de la Joconde est inséparable de celle du Louvre. Le milieu du XIXe siècle inaugure un regain d’intérêt pour La Joconde et, à la fin du siècle, Léonard de Vinci est devenu l’archétype du génie de la Renaissance. Le tableau fait à nouveau l’objet de

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nombreuses copies, mais ce sont surtout les gravures qui vont lui permettre de toucher un public beaucoup plus large. L’avènement de la photographie accroît encore la diffusion de l’œuvre tandis que la littérature s’en empare. Le 21 août 1911, Vicenzo Peruggia, un employé du Louvre, décroche La Joconde de son cadre, la cache sous son manteau et l’emporte avec lui. La presse met l’événement à la « une », cartes postales et chansons fleurissent à propos de l’événement, tandis que les Parisiens se pressent au Louvre devant l’emplacement vide du tableau. En 1913, le tableau est retrouvé en Italie et son voleur arrêté. En 1914, La Joconde revient au Louvre. Les Parisiens font la queue devant le musée pour voir le tableau qui est désormais connu de tous, partout en Europe. Sa célébrité est confortée par les parodies d’artistes d’avant-garde (ex : L.H.O.O.Q. de Marcel Duchamp) et la multiplication de ses représentations dans la culture populaire. Bon nombre d’écrivains font référence à son sourire et elle est aussi présente en chanson (Cole Porter en 1934, Nat King Cole en 1950, Bob Dylan en 1966…), apparaît dans des bandes dessinées. Dans les années 1960-1970, La Joconde est exposée aux États-Unis, en URSS, au Japon, attirant des millions de visiteurs. À son retour, elle est devenue une icône planétaire. Elle est réinstallée au Louvre dans un coffrage à l’épreuve des balles ; un fléchage, installé dans tout le musée indique aux visiteurs l’emplacement de l’œuvre. Tout touriste de passage à Paris se rend au Louvre pour la contempler. Avec le développement des posters, tout un chacun peut avoir La Joconde chez lui. La Joconde est ainsi devenue un « cliché » utilisé comme tel par des artistes comme Andy Warhol. La publicité s’en empare. Le portrait de Monna Lisa est convoqué par les caricaturistes quand ils veulent représenter un personnage célèbre. En 2005, la salle des États, au Louvre, est réaménagée pour elle ; elle est le seul tableau dans ce musée à disposer d’un mur entier. Par rapport au tableau des origines, La Joconde que les foules viennent contempler au Louvre a perdu de l’éclat dans ses couleurs, le jaunissement des vernis successifs ayant assombri progressivement le portrait. Cependant, une éventuelle restauration fait polémique tant la crainte est grande de dénaturer l’œuvre et parce qu’elle est entrée dans l’imaginaire populaire avec cet aspect-là.

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DE LA SOURCE À L’HISTOIRE Comment la comparaison de deux tableaux renseigne-t-elle l’historien sur les transformations culturelles et artistiques qui marquent la Renaissance ? > MANUEL PAGES 134-135

Réponses aux questions 1. Présentez le tableau de Van Eyck et resituezle dans son contexte Cette toile a été peinte entre 1434 et 1435 par le peintre Jan Van Eyck, un des maîtres de la peinture flamande du XVe siècle. Le tableau a été commandé au peintre par Nicolas Rolin, le riche chancelier du duc de Bourgogne, Philippe le Bon. Le tableau est conservé au Louvre. Jusqu’à la Révolution, il était accroché dans l’église, maintenant détruite, Notre-Dame-du-Châtel à Autun, dans la chapelle familiale des Rolin. Le tableau est peint à l’huile, technique améliorée par les grands maîtres flamands comme Van Eyck, sur un panneau de bois de 66 cm sur 62 cm. Cette technique permet à Van Eyck d’exceller dans la représentation des velours, des brocards, des perles, des reflets sur le métal et sur le verre… Au XVe siècle, l’art est encore essentiellement religieux. Le peintre représente ici l’apparition d’une Vierge à l’enfant devant un homme en prière. Mais les peintres flamands s’intéressent aussi de plus en plus à la représentation du quotidien et du paysage. La peinture flamande est imprégnée par le mouvement spirituel de la devotio moderna (« dévotion moderne »), centré sur les figures de la Vierge et du Christ, à la recherche d’une pratique religieuse plus personnelle passant par la prière, la méditation intérieure et l’étude de la Bible. 2. Comment le tableau est-il composé ? Comment la profondeur est-elle suggérée ? La scène au premier plan prend place dans une loggia ouverte sur l’extérieur par trois arcades (évocation de la sainte trinité), dont l’architecture est d’inspiration romane et antique. On y trouve des vitraux ainsi que des chapiteaux sculptés. Certains représentent des scènes bibliques de l’Ancien testament qui renvoient à l’histoire du salut de l’humanité. Le second plan est constitué d’un jardin en terrasse, limité par un mur crénelé. Il est empli de symboles associés à la Vierge comme les lys 10

Chapitre 4 – Renaissance, humanisme et réformes religieuses : les mutations de l’Europe

blancs, en référence à sa pureté. Les paons, derrière le chancelier, évoquent la vie éternelle. Les deux petits personnages nous tournent le dos et guident notre œil vers le troisième plan. Au troisième plan, au-delà de la muraille crénelée, se déploie un vaste paysage, sorte de fenêtre ouverte sur le monde, fourmillant de détails. La succession des trois plans, les lignes du carrelage convergeant vers un point de fuite, les couleurs et les contours qui s’estompent en s’éloignant du premier plan, la diminution de la taille des personnages et certains éléments du paysage comme le fleuve qui coule dans le lointain contribuent à rendre la perspective et donc la profondeur. 3. Montrez que ce tableau combine des éléments religieux et profanes et manifeste un grand sens du détail Le tableau est organisé de part et d’autre d’un axe qui délimite le monde terrestre et le monde céleste. À gauche, on voit une ville composée d’habitations, entourant un édifice religieux. Derrière s’étendent des vignobles, rappelant peut-être les possessions du chancelier Rolin. A droite sont représentés une multitude d’églises et de clochers autour d’une cathédrale gothique. Le fleuve sépare les deux mondes. Mais le pont, où circulent de nombreux personnages à cheval ou à pied, les relie, de même que des barques et une île. La croix érigée sur le pont symbolise le sacrifice du Christ, permettant de passer du monde terrestre marqué par le péché, au monde céleste synonyme de salut. Les couleurs des ailes de l’ange font référence à l’arc-en-ciel, reliant le monde céleste au monde terrestre, image de l’alliance entre Dieu et les hommes. Le chancelier Rolin est richement vêtu d’un manteau de brocard, bordé de fourrure, attaché par une ceinture noire ornée d’or. Il est agenouillé sur un prie-Dieu sur lequel est posé un livre d’heures. Dans une attitude d’humilité et de dévotion, il adresse ses prières à la Vierge. Son regard est plongé dans le lointain, ce qui suggère que la Vierge à l’enfant est une sorte de vision intérieure. On notera le grand réalisme avec lequel le peintre représente le chancelier. La Vierge, jeune et délicate, est assise. Elle est vêtue d’un grand manteau de velours rouge, bordé d’un galon sur lequel des prières la glorifiant sont brodées au fil d’or. Sur ses genoux, l’enfant Jésus bénit le chancelier de sa main droite. Il tient un globe de cristal surmonté d’une croix, qui figure sa puissance sur l’univers. Un ange vient rappeler l’épisode du couronnement de la Vierge. Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

4. Qu’ont en commun les deux tableaux ? Qu’est-ce qui les différencie ? Ces deux œuvres représentent une Vierge à l’Enfant. Dans le tableau de 1310, elle est représentée en majesté, assise sur un trône, entourée d’anges et présentant l’enfant Jésus sur ses genoux. Cent-vingt-quatre années séparent la réalisation de ces deux œuvres. Sur chacun de ces tableaux, les commanditaires sont représentés en position de prière. Par certains côtés, le tableau de 1310 renvoie à l’art byzantin : forte symétrie régissant la composition et accentuant le hiératisme de la Vierge, fond d’or symbolisant la lumière divine, stylisation de certains détails anatomiques (dessin du nez à l’arrête très accusée, dessin des mains aux longs doigts fins)… Mais dans ce tableau, on commence déjà à discerner un certain nombre de nouveautés. L’artiste cherche déjà à transcrire sur la surface plane les volumes des corps et des objets (dessin du trône, carnation des personnages modelée par la lumière, traitement des étoffes). Le peintre cherche à insuffler à ses personnages une expression de gravité, appropriée au futur destin tragique du Christ sur terre. Mais on est encore bien loin du tableau de Jan Van Eyck. Au fond d’or finement travaillé du tableau de 1310 s’oppose la peinture d’un intérieur s’ouvrant sur le monde chez Van Eyck. Dans le tableau du Petit Palais, la perspective est encore en partie hiérarchique (la Vierge est bien plus grande que les anges et les donateurs Paci, tandis que Rolin est représenté au même niveau et de la même taille que la Vierge). Chez Van Eyck la perspective se fait linéaire et l’effet de profondeur est renforcé par la succession des trois plans et les couleurs estompées dans le lointain. Alors que le tableau de Van Eyck mêle des éléments profanes et religieux, manifeste un grand souci de réalisme et du détail, le tableau du Petit Palais exprime davantage le sacré. On pourra comparer le costume et l’attitude des deux Vierges et enfants, mais aussi la place respective des commanditaires dans chacune des œuvres. 5. Montrez comment la confrontation de ces deux tableaux peut renseigner l’historien sur les évolutions culturelles et artistiques qui marquent la Renaissance (techniques, place et représentation de l’être humain, des paysages, rapport à la religion…). La Renaissance reflète le mouvement humaniste. La représentation de l’Homme est plus proche de la réalité (anatomie des corps, attention portée aux sentiments, aux attitudes et aux gestes qui sont plus harmonieux et naturels). Grâce à la maîtrise 11

Chapitre 4 – Renaissance, humanisme et réformes religieuses : les mutations de l’Europe

de nouvelles techniques comme la perspective, les artistes de la Renaissance arrivent à créer l’illusion de la profondeur. Ils mêlent désormais le sacré au profane et humanisent le divin. Ce tableau, à la thématique religieuse, intègre ainsi une dimension profane, représentant le monde terrestre (à gauche) et témoignant d’un grand souci d’observation et de réalisme de la part du peintre. Un laïque est représenté au même niveau et de même taille que la Vierge, ce qui constitue une rupture avec les représentations du Moyen Âge et témoigne de l’affirmation de la dignité de l’Homme à la Renaissance. Rolin est seul, plongé dans la méditation et la contemplation de l’apparition de la Vierge, illustrant la recherche d’un nouveau rapport avec la religion, plus direct et plus personnel afin d’accéder au salut. Ce tableau illustre aussi la pratique du mécénat à la Renaissance ainsi que l’emploi de nouvelles techniques : perspectives linéaire, chromatique et atmosphérique, perfectionnement de la peinture à l’huile… Le réalisme et la minutie dans la représentation du paysage à l’arrière-plan ouvre la voie à la représentation de la nature et des paysages en tant que genre autonome dans la peinture flamande.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Luther ouvre le temps des réformes (1517) > MANUEL PAGES 136-137

Réponses aux questions 1. Doc 1 et 5. Comment un chrétien peut-il accéder au salut selon Luther ? Selon l’Eglise catholique ? Martin Luther expose ici la théorie dite de la « justification par la foi ». Il tire de la lecture de Saint Augustin l’idée que l’homme ne doit son salut qu’à la seule grâce de Dieu et que la « justification », c’est à dire l’acte par lequel le fidèle passe de la condition de pêcheur à celle de « juste », se fait par la foi seulement et non par les œuvres. Ces dernières renvoient aux dons, pèlerinages, messes…, formes extérieures de la piété qui ne sauraient racheter l’homme qui par nature est pêcheur, même s’il doit lutter contre le péché. Dans la doctrine catholique, il y a sept sacrements : le baptême, la confirmation, la confession, la comHistoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

munion, l’ordination, le mariage et l’extrêmeonction. Luther, qui entend revenir à l’authenticité des premiers chrétiens, soutient que seuls deux sacrements ont été instaurés par Jésus-Christ : le baptême, reçu des mains de saint Jean-Baptiste et la communion, donnée ici (doc 5) sous les deux espèces, le pain et le vin, instituée par Jésus lors de la Cène. 2. Doc 2, 3 et 5. Comment Luther remet-il en cause le clergé catholique ? Luther s’appuie sur les textes des Évangiles et les capacités de chacun à sentir ce qui est conforme à la foi. Les fidèles étant tous égaux devant le péché et la foi, tous soumis au sacrement du baptême, il n’y a pour lui aucune différence de nature entre le clergé et la foule des croyants. Le symbole de ce « sacerdoce universel » qu’il préconise est la possibilité donnée à tous de procéder à la communion sous les deux espèces (le pain et le vin), réservée aux seuls prêtres dans la religion catholique. À travers son mariage avec Katharina von Bora, pratique interdite aux ecclésiastiques par l’Église, Luther entend rompre définitivement avec le clergé catholique (doc. 2). Luther s’attaque durement dans ses écrits à la pratique des indulgences délivrées par le pape. Il s’agit de lettres vendues en échange d’une rémission totale ou partielle des péchés, destinées à réduire la durée du séjour du croyant au purgatoire après sa mort. Achetées par les fidèles, elles sont pour lui incompatibles avec la doctrine biblique. Il dénonce donc ce qu’il considère comme un marchandage car pour lui, Dieu pardonne gratuitement et l’Évangile doit constituer le seul « vrai trésor de l’Église ». Cette pratique est illustrée par la scène en bas à droite du doc 5. La phrase inscrite à côté du pape tourne en dérision cette opération mercantile : « Pendant que le sou résonne, l’âme monte au ciel ». 3. Doc 3 à 5. Montrez que la Bible est au centre de la Réforme luthérienne. La religion plus simple et dépouillée, centrée sur le Christ et son enseignement, que préconise la Réforme passe par un recours systématique à la Bible qui devient l’autorité unique. De façon significative, on assiste à une progression rapide des traductions en langues nationales. Avec l’invention de l’imprimerie, la Bible circule plus largement, à moindre coût. Le doc 5 montre la place centrale de la lecture des Écritures et de leur commentaire dans le culte protestant. 4. Doc 5. Luther propose une religion plus simple, fondée sur une relation plus directe

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avec Dieu. Comment le peintre Cranach a-t-il représenté cette idée ? Musique et arts figuratifs sont mis à contribution afin de toucher les gens simples qui n’ont pas accès à l’écrit. Les images de Luther se multiplient ainsi que les gravures opposant Église catholique et Église protestante. La Réforme devient ainsi une guerre d’images comme l’illustre la légende de l’œuvre de Lucas Cranach, peintre et graveur réformé : « la différence entre la vraie religion du Christ et l’enseignement fallacieux et idolâtre de l’antéchrist ». La gravure est composée sur le mode de l’opposition : le registre de gauche présente la « vraie foi », la réformée, associée au calme et à la simplicité du message biblique et des sacrements conduisant directement à Dieu et au Christ ; celui de droite représente l’Église chrétienne, associée au désordre et à la confusion, provoquant la colère de Dieu. L’artiste y mêle toutes les critiques adressées à l’Église : l’abondance et l’argent (moines ventripotents, sacs d’argent), le trafic des indulgences, les formes de dévotion condamnées par les protestants qui y voient de vulgaires superstitions (processions, pèlerinages, baptême d’une cloche), l’assistance au mourant... On y voit même le diable (A). Luther, dans la chaire (3), inspiré par la colombe du Saint Esprit, prêche un extrait de la Bible et désigne l’Agneau de Dieu qui symbolise le supplice du Christ sur la croix, et le Christ lui-même priant Dieu. L’inscription en allemand, qui relie Luther à Dieu, indique que le Christ est le seul intercesseur pour les hommes. C’est donc une relation plus directe à Dieu que préconise la Réforme. Sur le registre de droite, renvoyant à l’Église catholique, c’est saint François d’Assise, élevant ses mains marquées par des stigmates qui vole sa place au Christ qui devrait être le seul intermédiaire entre Dieu et l’homme. Ainsi Lucas Cranach reprend les idées de Luther selon lesquelles la prédication du pasteur, fondée sur la lecture de la Bible, vise à amener les fidèles à une prise de conscience personnelle de leur foi. 5. Synthétiser La Réforme propose une nouvelle conception du christianisme fondée sur le rapport direct du fidèle à Dieu. Le protestant croit que seule la grâce de Dieu et donc la foi et non les œuvres peuvent le sauver (« justification par la foi »). Cette relation plus directe avec Dieu passe alors par une mise en cause du clergé catholique et de sa hiérarchie (idée du « sacerdoce universel »). La pratique religieuse réformée est donc plus simple et dépouillée (deux sacrements au lieu de Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

sept, décors plus sobres des édifices religieux, rejet du culte de la Vierge et des saints…). Elle est donc réduite à l’essentiel et fondée sur le retour au texte seul qui est lu et commenté par les pasteurs. Itinéraire 2 Réalisez un exposé sur Martin Luther et la Réforme L’élève pourra élaborer une courte introduction en exposant le contexte dans lequel Martin Luther initie la Réforme, à l’aide du cours p. 124 et adopter la problématique suivante : « Pourquoi et comment Martin Luther rompt-il avec le catholicisme et initie-t-il la Réforme protestante ? » Il pourra ensuite montrer comment un chrétien peut accéder au salut selon Luther, en quoi Luther rejette le clergé catholique et ses pratiques et enfin qu’il défend une religion plus simple, fondée sur la Bible et un rapport plus direct avec Dieu. Dans sa conclusion, il pourra ouvrir sur les conséquences de la Réforme luthérienne en s’appuyant sur les parties B et C du cours pages 124-125. Il pourra, au-delà des ressources proposées par le manuel, trouver nombre d’informations sur le site du musée virtuel du protestantisme : www.museeprotestant.org/notice/qui-est-martinluther/.

DOCUMENTS La réforme catholique > MANUEL PAGES 138-139

Réponses aux questions 1. Doc 1, 3 et 4. Identifiez les acteurs de la réforme catholique. Face à la diffusion des réformes protestantes, l’Église catholique ne reste pas inerte et répond par ce que les historiens nomment la ContreRéforme. Paul III réorganise l’Inquisition par la création du Saint Office en 1542. La montée de la Réforme conduit Charles Quint à demander la réunion d’un concile. Paul III lance une première convocation en 1536 mais le concile ne se réunit qu’en 1545 à Trente. Tenu sous le règne de quatre papes, il se déroule en 25 sessions, ponctuées d’interruptions, durant 18 ans. Le concile permet à l’Elise de clarifier ses positions sur les plans du dogme et de la discipline. Ce faisant, elle se réforme de l’intérieur, tâchant de prendre en compte les aspirations des fidèles. La mise en œuvre de cette réforme doit beaucoup à l’action de certains évêques comme celle de Charles Borromée, ar13

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chevêque de Milan. Ce dernier réside dans son diocèse et le parcourt, rétablit la discipline, fonde des hôpitaux et des écoles. Les ordres religieux jouent aussi un rôle important, en particulier l’ordre des jésuites, fondé en 1540 par Ignace de Loyola. Peu à peu, la Compagnie de Jésus devient un outil de la lutte contre le protestantisme en raison de la qualité de la prédication qu’il délivre et de son engagement dans l’éducation via de nombreux collèges. Les artistes sont également mis à contribution. Le peintre Andrea Pozzo (doc 3) est né à Trente en 1642. Il suit une formation de peintre et d’architecte et entre dans la Compagnie de Jésus en 1665. Maître de la peinture des plafonds et de l’art du trompe l’œil, il met ses talents au service de l’Église catholique et travaille pour les jésuites dans de nombreuses villes italiennes. 2. Doc 2. Relevez les types de livres interdits. Le concile de Trente crée une commission permanente chargée de rédiger un catalogue (index en latin) des livres prohibés, jugés immoraux ou contraire à la foi. Le premier index est publié en 1564. Au départ, cet index vise à contrer la Réforme protestante. Sont proscrits dans cet extrait tous les livres prohibés par l’Église avant 1519 ainsi que les ouvrages écrits par les réformateurs après cette date, de même que les ouvrages d’auteurs protestants ayant trait aux questions religieuses. La lecture de la Bible en langue vernaculaire est globalement proscrite, à l’exception de quelques cas particuliers (règle 4). Lors de la 4e session du concile de trente, en 1546, les évêques déclarent définitivement la Vulgate latine comme le texte authentique de l’Écriture. 3. Doc 1. Que nous apprend ce texte sur les pratiques encouragées ou condamnées par l’Église catholique ? En quoi cela s’oppose-t-il aux réformes protestantes ? Les Décrets du concile de Trente entendent imposer au clergé un ordre moral plus austère et insistent sur la formation du chrétien et de l’intermédiaire. L’autorité de l’Église est réaffirmée, ainsi que sa hiérarchie, s’opposant au « sacerdoce universel » prôné par les luthériens. Entendant lutter contre les réformes protestantes, l’Église réaffirme les sept sacrements, là où les protestants n’en retiennent que deux (le baptême et la communion) ainsi que le culte des images, du Christ, de la Vierge et des saints, rejeté par les adeptes du culte réformé. 4. Doc 1 à 4. Quels sont les moyens employés par l’Église catholique pour lutter contre les réformes protestantes ? Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

L’Église catholique, à travers les décrets du Concile de Trente, entend à la fois lutter contre les réformes protestantes et se réformer de l’intérieur. Elle clarifie ses positions sur les plans du dogme et de la discipline. Les membres du clergé sont engagés à davantage visiter, instruire, prêcher. L’Église et les princes catholiques organisent la répression en recourant aux tribunaux de l’Inquisition. Les ouvrages hérétiques sont prohibés et le pape s’appuie sur la Compagnie de Jésus, qui mène des missions de reconquête des esprits et fonde de nombreux collèges à proximité des contrées protestantes. L’art est mis au service de la Contre-Réforme. Face à la montée de la critique protestante, l’Église réaffirme en effet la fonction rhétorique de la peinture, en lui fixant la triple mission d’enseigner, d’émouvoir et de convaincre. Pour cela, elle a recours à l’art baroque, qui sait parfaitement exprimer le triomphe du catholicisme. Au centre de la fresque d’Andrea Pozzo, le Christ ressuscité constitue le point de fuite vers lequel tout converge. Les traits de lumière émanant du Christ rejaillissent ensuite du cœur de Saint Ignace de Loyola, fondateur de la Compagnie de Jésus, vers les quatre parties du monde, figurant l’universalité du salut. La technique du trompe l’œil, utilisée par le peintre, agrandit l’espace à l’infini. L’impression de continuité entre la terre et le ciel est rendue par le travail sur la perspective : il s’agit d’inviter l’observateur à lever les yeux vers le ciel qui semble crever la voûte de l’église. La fresque illustre la gloire de Saint Ignace, emporté au ciel sur une nuée soutenue par des anges. Les quatre continents, placés aux quatre coins de la voûte témoignent du rôle primordial du jésuite dans la diffusion de la foi catholique dans le monde. Les continents, représentés par des figures féminines, triomphent des géants symbolisant l’hérésie. Sur cette fresque, illustrant parfaitement le baroque, tout n’est que profusion, mouvement et couleurs. Il s’agit bien ici d’éblouir le fidèle. 5. Synthétiser À l’aide de vos réponses aux questions, rédigez un développement structuré montrant comment l’Église réagit à la diffusion des réformes protestantes. Après avoir rappelé rapidement le contexte des réformes protestantes, l’élève pourra identifier les acteurs de la Contre-Réforme ainsi que les moyens qu’ils emploient pour lutter contre la diffusion du protestantisme, avant d’expliquer que l’Église catholique cherche aussi à se réformer pour répondre aux aspirations des fidèles.

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CHAPITRE

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L’affirmation de l’État dans le royaume de France › MANUEL PAGES 146 À 177

OBJECTIFS ET PROBLÉMATIQUE DU CHAPITRE Le cinquième chapitre du manuel s’inscrit dans le troisième thème du programme, consacré à l’État à l’époque moderne, et qui étudie en regard le modèle français et le modèle britannique. Portant sur la France, du début du règne de François Ier à la mort de Louis XIV, il a pour objectif de montrer comment la monarchie absolue de droit divin, qui constitua la concrétisation de l’absolutisme, y est née et s’y est épanouie. Pour ce faire, un découpage classique a été retenu, destiné à mettre en évidence les grands rythmes de l’histoire de l’État entre 1515 et 1715 : l’État de la Renaissance, parfois envisagée comme le temps d’un « premier absolutisme » ; une période plus contrastée, allant des guerres de religion aux lendemains de la Fronde, qui vit à la fois la mise en cause de l’absolutisme et la construction de celui-ci ; le règne personnel de Louis XIV (1661-1715), période de triomphe de la monarchie absolue de droit divin, dont il ne s’agit pas pour autant de cacher les limites. Afin de donner une image complète du développement de l’État au cours de la première modernité, le chapitre embrasse plusieurs champs historiques : l’étude de l’administration royale, envisagée notamment à travers l’ordonnance de VillersCotterêts ; celle des moyens mis en œuvre pour affirmer l’autorité de l’État : l’impôt, qui fait l’objet de la double page « Passé / présent » ; le mercantilisme, que l’on peut étudier à partir du point de passage consacré à Colbert et à la politique maritime de la France ; la cour, traitée dans le point de passage sur Versailles ; la politique religieuse, qu’on a voulu cerner à travers l’étude de l’édit de Nantes, de sa promulgation à sa révocation ; la guerre, enfin, parce qu’elle fut un moyen privilégié d’illustrer la gloire des rois. L’étude s’efforce par ailleurs de mettre en évidence l’idéologie qui fonda le renforcement de l’État dans la France des XVIe et XVIIe siècle : elle est perceptible dans le portrait royal (cf. la double page « De la source à l’histoire ») ou en-

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core dans la politique linguistique de Louis XIII (cf. la page intitulée « Les rois et la langue française au XVIIe siècle »). Conformément aux attendus du programme, sans empiéter sur la question des révoltes, au cœur du chapitre 8, le chapitre essaie enfin de mettre en évidence les limites du programme absolutiste, notamment au travers de l’étude de la Fronde. Bibliographie indicative • Les deux volumes de l’Histoire de France publiée chez Hachette, dans la collection « Carré Histoire » : CORNETTE (Joël), Affirmation de l’État absolu (1492-1652), Paris, 2016 (7e édition, revue et augmentée) ; CORNETTE (Joël), Absolutisme et Lumières (1652-1783), Paris, 2016 (5e édition, revue et augmentée). • Les trois volumes de l’Histoire de France des éditions Belin couvrant les XVIe et XVIIe siècles : HAMON (Philippe), Les Renaissances (14531559), Paris, 2009 ; LE ROUX (Nicolas), Les guerres de religion (1559-1625), Paris, 2015 ; DREVILLON (Hervé), Les rois absolus (16291715), Paris, 2015. • BELY (Lucien), Dictionnaire de l’Ancien Régime. Le royaume de France, XVIe-XVIIIe siècles, Paris, PUF, 2010. • FOGEL (Michèle), L’État dans la France moderne, de la fin du XVe au milieu du XVIIIe siècle, Paris, Hachette « Carré Histoire », 2000 (nouvelle édition revue et augmentée).

OUVERTURE › MANUEL PAGES 146-147 Les deux documents ouvrant le chapitre permettent de prendre la mesure de l’évolution de la nature du pouvoir royal entre le XVIe siècle et le XVIIe siècle.

Document 1. Une réunion des États généraux autour du roi 1

Chapitre 5 – L’affirmation de l’État dans le royaume de France

La gravure de François Hogenberg, conservée à Genève, représente les États généraux qui se sont tenus à Orléans entre décembre 1560 et janvier 1561, à l’époque où la France s’apprêtait à basculer dans le temps troublé des guerres de religion. Ce fut une époque de fragilité royale, car le roi Charles IX, qui venait de succéder à son frère François II, mort au début du mois de décembre, était encore mineur. La régence était donc exercée par sa mère, Catherine de Médicis, veuve de Henri II, conseillée par le chancelier Michel de l’Hospital. En ces temps difficiles, il leur parut souhaitable de raffermir l’autorité royale en rassemblant autour du roi les représentants des trois ordres du royaume, que l’on distingue aisément sur la gravure : le clergé (à gauche), la noblesse (à droite) et le tiers état (au premier plan). Ils discutèrent de questions fort diverses : le gouvernement du royaume, les questions religieuses, l’organisation de la justice, des finances et du commerce… Cette gravure illustre donc une forme de monarchie modérée, fondée sur le consensus entre le roi et ses sujets, ce qu’on appelle parfois une « monarchie de grand conseil ».

Document 2. Louis XIV, un roi absolu Le célèbre tableau de Hyacinthe Rigaud représentant Louis XIV en habits de sacre, peint en 1701, fait puissamment contraste avec la gravure placée en regard et peut être lu comme un manifeste absolutiste. En effet le roi y figure seul, en position de majesté, entouré par les regalia qui symbolisent ses différentes fonctions (la couronne, le sceptre, l’épée). Il est surmonté par un dais de couleur pourpre, qui renvoie à l’origine divine de son pouvoir. La position des jambes, qui est celle d’un danseur, exprime un idéal de contrôle des passions, dont le roi est garant. On y verra volontiers la trace de l’idéologie néo-stoïcienne qui a fondé l’expérience absolutiste depuis la fin des guerres de religion. Par ailleurs, on peut remarquer un contraste assez vif entre les jambes du roi, qui sont celles d’un jeune homme, et son visage, qui est celui d’un homme âgé d’une soixantaine d’années. Cela peut s’interpréter de diverses manières, et notamment comme l’expression symbolique du caractère éternel de l’institution monarchique.

https://www.histoireimage.org/fr/etudes/portrait-officiel-louis-xiv https://www.cairn.info/revue-societes-etrepresentations-2008-2-p-57.htm

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REPÈRES › MANUEL PAGES 148-149  Carte 1 La construction du territoire fran-

çais (XVIe-XVIIe siècles) Dans la continuité du Moyen Age, le début de l’époque moderne fut en France une période de renforcement de l’autorité des rois sur le territoire de leur royaume. On peut aisément en distinguer deux modalités différentes. D’une part, comme par le passé, des fiefs firent leur entrée dans le domaine royal, ce qui résulta de plusieurs logiques et de plusieurs causes. Cela put résulter de la politique matrimoniale des rois. C’est ainsi que le duché de Bretagne fut intégré au royaume en 1532, suite au mariage de Louis XII avec Anne de Bretagne. L’intégration de certains fiefs résulta de mesures punitives prises contre des vassaux convaincus de félonie (cf. l’exemple du Bourbonnais, confisqué au connétable de Bourbon, qui avait trahi François Ier pour Charles Quint). Le passage de la dynastie des Valois à celle des Bourbons eut pour conséquence l’intégration du Béarn, sous Henri IV. Par ailleurs, les rois élargirent leur royaume par la guerre, notamment sous le règne de Louis XIV. Il en résulta la normalisation de la frontière au nord et à l’est du royaume.  Document 2 D’une dynastie à l’autre : Va-

lois et Bourbons L’arbre généalogique met en évidence une certaine fragilité de la dynastie royale au début de l’époque moderne. D’une part, la dynastie des Valois n’a pas réussi à se maintenir durablement. Il faut noter en particulier la succession de Henri II, mort accidentellement en 1559, lors d’un tournoi : ses trois fils lui succédèrent, sans qu’aucun n’ait de descendance masculine. C’est ce qui explique qu’en 1589, après l’assassinat de Henri III par un moine ligueur, Jacques Clément, la couronne soit revenue à Henri de Navarre, conformément à la loi salique qui voulait que, en l’absence d’un héritier mâle, le pouvoir fût transmis au plus proche parent mâle du roi défunt. D’autre part, la période a vu trois épisodes de régence, liés à la minorité des rois. Sous l’Ancien Régime, la régence était systématiquement confiée à la mère du roi, car on considérait que sa maternité l’empêchait d’abuser de son autorité aux dépens des intérêts de son fils. Ce fut toujours une période de difficultés pour le pouvoir royal. 2

Chapitre 5 – L’affirmation de l’État dans le royaume de France

 Document 3 La France moderne, une puis-

sance coloniale Dans la foulée des « grandes découvertes », la France a participé au mouvement de colonisation qui marqua le début de l’époque moderne, suivant les exemples plus précoces du Portugal et de l’Espagne. De ce mouvement est né ce qu’on appelle parfois le « premier Empire colonial français ». On peut y distinguer plusieurs moments forts : la conquête de la Nouvelle-France, qui commença avec les explorations de Jacques Cartier (1534), celle des Antilles françaises, sous le règne de Louis XIII (Guadeloupe, 1635), la naissance des premiers comptoirs en Inde (1668).

Réponses aux questions 1. Identifiez les rois qui sont les principaux acteurs de l’expansion territoriale de la France aux XVIe et XVIIe siècles. L’expansion territoriale de la France date surtout des règnes de François Ier, Henri IV et Louis XIV. 2. Identifiez ceux qui recourent le plus à la guerre pour étendre le royaume. C’est essentiellement sous le règne de Louis XIV que l’on recourt à la guerre pour étendre le royaume, à la fois dans le sud du royaume (Roussillon), dans le nord et dans l’est (Franche-Comté). 3. Localisez les différents espaces où la France constitue un Empire colonial. L’Empire colonial français comprend trois parties : une composante américaine (NouvelleFrance, Louisiane, Antilles), une composante africaine (Saint-Louis, île Bourbon), une composante indienne (des comptoirs comme Pondichéry).

COURS 1 L’affirmation de l’État à la Renaissance (1515-1559) › MANUEL PAGES 150-151

Réponses au Testez-vous ! La guerre favorise-t-elle l’affirmation de l’autorité royale ? À la Renaissance, la guerre favorise l’affirmation de l’autorité royale parce qu’elle permet au roi de mettre en scène ses qualités de combattant, de

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contrôler sa noblesse et d’affermir la tutelle qu’il exerce sur ses sujets par le biais de la fiscalité. Quels sont les différents moyens dont disposent les rois de la Renaissance pour gouverner leur royaume ? À la Renaissance, les rois disposent d’une administration de plus en plus étoffée, dans laquelle on trouve les officiers. Ils s’efforcent d’en améliorer le fonctionnement, ce qui passe par de grandes ordonnances. Par ailleurs, ils ont à cœur de mettre en scène leur pouvoir, ce qui passe par de nombreux rituels politiques les mettant en valeur. Quelles sont les limites du pouvoir royal à la Renaissance ? Le pouvoir des rois est limité par les « lois fondamentales », mais aussi par les difficultés de communication et par le manque de personnel administratif. Ils doivent également tenir compte de contre-pouvoirs, comme les Parlements, et de la résistance des populations, notamment face à l’impôt.

COURS 2 La difficile construction de la monarchie absolue (1559-1661) › MANUEL PAGES 152-153

Réponses au Testez-vous ! Par qui le pouvoir royal est-il contesté au temps des guerres de Religion ? Les guerres de religion donnent lieu à une contestation du pouvoir royal à la fois par les protestants, surtout après le massacre de la Saint-Barthélemy, et par les catholiques les plus intransigeants, réunis dans la Ligue. Pourquoi les règnes d’Henri IV et Louis XIII permettent-ils le renforcement du pouvoir royal ? Le règne d’Henri IV est un temps de stabilisation politique, rendue possible par le rétablissement de la paix religieuse en 1598 (édit de Nantes). Sous le règne de Louis XIII, le renforcement du pouvoir passe par le développement de l’administration et la réorganisation de l’État, avec la naissance du ministériat. Qu’est-ce que la Fronde ? De 1648 à 1652, la Fronde est un ensemble de révoltes exprimant des résistances face à 3

Chapitre 5 – L’affirmation de l’État dans le royaume de France

l’affirmation de l’absolutisme. Elle mobilise les villes, la noblesse de robe et la noblesse d’épée.

COURS 3 L’État au temps de l’absolutisme triomphant (1661-1715) › MANUEL PAGES 154-155

Réponses au Testez-vous ! Comment Louis XIV renforce-t-il le pouvoir royal ? Le renforcement du pouvoir royal passe par l’instauration du gouvernement personnel en 1661, la lutte contre les contre-pouvoirs, la diffusion d’une culture de l’obéissance. Il repose également sur la guerre et sur la lutte contre les protestants. Comment Louis XIV met-il en scène son pouvoir ? La mise en scène du pouvoir royal passe par la guerre, par l’installation de la cour à Versailles et par la mobilisation des artistes, appelés à célébrer la gloire de Louis XIV. Quelles sont les limites de l’autorité de Louis XIV ? La politique religieuse de Louis XIV suscite des oppositions. La dureté de la fin du règne, marqué par d’épouvantables famines, suscite une mise en cause de l’absolutisme.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE L’ordonnance de Villers-Cotterêts et l’administration de l’État / Les rois et la langue française au XVIIe siècle > MANUEL PAGES 156-157

L’ordonnance de Villers-Cotterêts et l’administration de l’État  Doc 1. L’ordonnance de Villers-Cotterêts La grande ordonnance de Villers-Cotterêts, préparée par le chancelier Poyet et promulguée par François Ier en août 1539, promeut une réforme de la justice, visant clairement deux objectifs. Le premier est d’affirmer la souveraineté royale, ce qui se lit pour une part dans le caractère solennel de l’acte, qui exprime l’idée que le roi la déHistoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

tient entièrement (cf. la formule « car tel est notre plaisir » et le sceau, qui développe un véritable programme politique). De manière plus concrète, l’affirmation de la souveraineté royale passe par la limitation des compétences de la justice ecclésiastique, qui ne peut s’exercer que sur les clercs (article 1). Le second objectif de l’ordonnance est de rendre la justice plus efficace, ce qui doit servir la cause du roi auprès de ses sujets, sans doute en l’identifiant à l’image de Dieu, qui est le juge suprême. C’est ce qui explique l’article 51, qui oblige les curés à tenir des registres paroissiaux. L’objectif n’est pas de fournir à l’administration royale le moyen de compter les populations mais de fournir des preuves utiles notamment dans les procès liés à des affaires matrimoniales. C’est ce qui explique aussi les articles 110 et 111, toujours en vigueur de nos jours, et qui valent à l’ordonnance sa célébrité. Ils fixent l’obligation de faire rédiger en français tous les actes administratifs, sachant que le latin n’était pas intelligible de tous. S’il ne s’agit que de systématiser une pratique déjà attestée avant cette date, l’ordonnance de Villers-Cotterêts fait bien du français la langue officielle non pas de la France en tant que telle mais du pouvoir et de l’administration.  Conseils À quelles difficultés était confrontée la justice royale ? La justice royale est confrontée à la concurrence de la justice ecclésiastique. L’usage du latin dans les décisions de justice la rend parfois incompréhensible. Comment l’ordonnance permet-elle concrètement de renforcer l’autorité du roi ? En tant que telle, l’ordonnance est une démonstration du pouvoir du roi, parce qu’elle affirme clairement sa volonté et sa souveraineté. Elle donne ainsi une image de sa puissance. Elle doit également renforcer l’autorité du roi en améliorant le fonctionnement de la justice : les compétences des juges d’Église sont fixées précisément et revues à la baisse ; les curés doivent tenir des registres de naissance pouvant servir de preuves dans les procès relatifs aux mariages ; le latin doit laisser place au français, de manière à ce que les sentences et les actes administratifs soient compréhensibles de tous.

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Les rois et la langue française au XVIIe siècle  Doc 1. La fondation de l’Académie française par louis XIII La fondation de l’Académie française, en 1635, résultat d’une initiative du cardinal de Richelieu, présentée et proposée à Louis XIII. Il s’agissait de créer un cénacle de beaux esprits et d’hommes de lettres, chargés de normaliser la langue française, de lui donner des règles précises. Ils furent notamment chargés de réaliser un dictionnaire, dont la première édition date de 1694. La création de l’Académie illustre de manière spécifique la volonté du roi de contrôler la vie intellectuelle et culturelle, ce qui se manifesta par ailleurs par la création d’autres académies, comme l’Académie royale de peinture et de sculpture (1648). Cette politique culturelle était intrinsèquement liée à la construction de la monarchie absolue, la normalisation de la langue épousant métaphoriquement la mise en ordre du royaume.  Doc 2. Louis XIV et l’éloquence René-Antoine Houasse (1645-1710) fut un peintre français de la seconde moitié du XVIIe siècle, élève de Lebrun et membre de l’Académie royale de peinture à partir de 1673. Une partie de son œuvre fut donc vouée à la glorification de Louis XIV, ce que l’on voit très bien sur ce tableau, qui est une allégorie de l’éloquence. Le tableau associe la gloire et la prospérité de la France, représentée au premier plan par les enfants et par les livres, parmi lesquels on reconnaît les œuvres de Blaise Pascal, à l’existence de l’Académie française. Celle-ci est représentée à gauche, sous la figure tutélaire du roi, et à droite, au Louvre, où Colbert l’installa en 1672.  Conseils Quelle mission Louis XIII confie-t-il à l’Académie française et dans quel but ? Louis XIII charge l’Académie française de donner des règles à la langue française, c’est-à-dire d’en normaliser l’orthographe, la grammaire et la syntaxe. Il en escompte un essor de la vie de l’esprit et le développement des vertus, c’est-à-dire de la morale publique. Comment le peintre montre-t-il que l’Académie française renforce la puissance du roi ? Le peintre associe sur le tableau la figure du roi trônant et l’allégorie de l’éloquence, elle-même en Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

majesté. Il essaie également de montrer les effets positifs de l’action culturelle du roi en multipliant les symboles renvoyant à la prospérité (les enfants et les nombreux livres au premier plan du tableau).

En équipes Equipe 1 Le discours adressé au roi François Ier doit être construit de manière logique. Pour ce faire, il importe, d’adopter un plan logique : - une adresse déférente ; - l’exposé de l’objectif du discours (renforcer l’autorité du roi en réformant le royaume, et en particulier la justice) ; - l’exposé des difficultés auxquelles la justice du roi est confrontée ; - l’exposé des remèdes qu’il convient d’y apporter ; - une conclusion expliquant pourquoi le roi doit recourir à une ordonnance solennelle pour mettre en œuvre ces réformes. Equipe 2 Le discours adressé par Richelieu au roi Louis XIII doit être composé de la même façon que le précédent, en suivant un plan logique : - une adresse déférente ; - un préambule exposant au roi la nécessité de mener une politique linguistique ; - une présentation des problèmes que pose la langue française au temps de Louis XIII ; - la solution proposée : la création de l’Académie française, chargée de normaliser la langue et de servir la gloire de la France et du roi. Mise en commun Au terme de la lecture des deux discours, qui portent sur des matières différentes, les élèves doivent prendre conscience de ce qui les unit : le lien entre la langue française et le renforcement du pouvoir des rois. C’est donc de cela qu’il faut partir pour rédiger le texte de synthèse.

DE LA SOURCE À L’HISTOIRE Comment les portraits permettent-ils à l’historien de comprendre le pouvoir royal ? > MANUEL PAGES 158-159  Doc 1. François Ier en majesté

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Chapitre 5 – L’affirmation de l’État dans le royaume de France

Ce très célèbre tableau, réalisé par Jean Clouet vers 1527-1530, est le premier grand portrait de François Ier. Il fut très souvent imité par la suite. Peint après le désastre de Pavie, qui vit la capture du roi par Charles Quint, il a sans doute vocation à restaurer son image. Pour ce faire, Jean Clouet a choisi d’une part de souligner la puissance physique de François Ier et son opulence et d’autre part de représenter, par un jeu de symboles, ses différentes fonctions. Il insiste tout particulièrement sur sa fonction militaire (cf. l’épée dont on voit la garde, le collier de l’ordre de saint Michel) et sur sa mission religieuse (cf. le médaillon représentant saint Michel terrassant le dragon). Voir http://expositions.bnf.fr/francoisIer/  Doc 2. Portrait d’Henri IV Moins connu que le précédent, ce tableau représentant Henri IV en dieu Mars se trouve actuellement au château de Pau. Peint dans les premières années du XVIIe siècle, il souligne la puissance de Henri IV et célèbre la pacification du royaume dont il fut responsable. C’est ainsi qu’il faut interpréter l’armure qu’il foule du pied gauche, dans laquelle il faut sans doute voir l’allégorie des guerres de religion, auxquelles il a mis fin en promulguant l’édit de Nantes en 1598. Les traits du roi, et notamment le sourire qu’il esquisse, mettent en évidence sa bienveillance et son caractère providentiel.

Réponses aux questions

3. Quelles similitudes voyez-vous entre les portraits de François Ier et d’Henri IV ? On note une certaine similitude dans la position du corps des deux rois, l’un et l’autre représentés de trois quarts, et dans le contraste entre leur visage, qui est celui d’hommes âgés, et leur corps, jeune et athlétique. 4. Montrez que Bosschaert n’a pas voulu faire un portrait réaliste mais allégorique du roi Henri IV. Le portrait d’Henri IV n’est pas réaliste, car le corps du roi ne concorde pas avec ses traits, qui sont ceux d’un homme âgé. Son costume n’est pas celui d’un roi de France mais celui d’un dieu antique, en l’occurrence le dieu guerrier Mars. Le portrait présente allégoriquement Henri IV comme un roi de guerre, brisant la discorde.

DOCUMENTS L’État et la guerre au XVIIe siècle > MANUEL PAGES 160-161 La guerre fut sans doute au XVIIe siècle une calamité pour les sujets du roi, contribuant à donner à ce siècle la réputation de « siècle de fer ». Elle n’en fut pas moins essentielle dans la construction de l’absolutisme, ce qui explique pour une bonne part son omniprésence à partir des années 1630. L’étude entend mettre en évidence ces deux aspects de l’histoire de la guerre.

1. Comment le corps de François Ier exprime-til sa puissance ? Jean Clouet a voulu donner une image de la puissance du roi en rendant compte de sa remarquable puissance physique (François Ier mesurait presque 2 mètres). Le vêtement qu’il porte souligne tout particulièrement la largeur de ses épaules et de son cou. La force du roi fait de lui un être d’exception.

 Doc 1. Les guerres de Louis XIV

2. Comment le peintre Jean Clouet met-il en évidence les différentes fonctions du roi ? Le peintre met en évidence les fonctions du roi par un jeu de symboles assez discrets. Sa souveraineté est évoquée par la couronne, qui se trouve sur le fond rouge, derrière la tête du roi. Sa fonction militaire est évoquée par l’épée et par le collier de l’ordre de saint Michel. Sa fonction religieuse – contribuer au salut de ses sujets – est évoquée par le médaillon sur lequel on voit saint Michel terrassant un dragon, ce qui constitue une allégorie classique de la lutte du bien contre le mal.

 Doc 2. La construction d’une frontière au Nord

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Ce tableau montre les conséquences financières des guerres du XVIIe siècle : le budget de l’État est structurellement déficitaire. En creux apparaît la nécessité d’augmenter les impôts. De fait la charge fiscale augmenta considérablement tout au long du siècle, notamment à partir des années 1630.

La carte met en évidence une des fonctions de la guerre au temps de Louis XIV : non seulement étendre l’autorité du roi sur des régions riches mais aussi et surtout normaliser le dessin de la frontière. On y voit comment, patiemment, Louis XIV a réussi à conquérir de nombreux territoires (Artois, Flandre, Hainaut) ainsi que des villes florissantes comme Lille. La carte permet aussi de comprendre ce qu’on appelle la doctrine du « pré carré », théorisée par Vauban. Il s’agissait de forti-

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Chapitre 5 – L’affirmation de l’État dans le royaume de France

fier la frontière par une double ligne de forteresses.

 Doc 5. La guerre et la noblesse : éloge de Turenne (1611-1675)

 Doc 3. La résistance des populations à la guerre

Henri de La Tour d’Auvergne, vicomte de Turenne, maréchal de France, fut l’un des grands généraux des rois Louis XIII puis Louis XIV, au service duquel il mourut, tué par un boulet de canon lors de la bataille de Salzbach (1675). Il fut honoré après sa mort et inhumé à Saint-Denis, aux côtés des rois de France. Son oraison funèbre fut prononcée par le prédicateur Jules Mascaron. L’extrait qui en est proposé, au-delà de la célébration des qualités militaires de Turenne, peut être compris comme un discours adressé à la noblesse, dessinant un idéal de comportement que résume la formule « dévoué au service du prince et de la patrie ».

Ce document a été réalisé à partir d’archives judiciaires étudiées par l’historien Jean Nicolas. Il permet d’avoir une idée de la manière dont les populations vivaient la contrainte de la guerre, de plus en plus pesante au fil du siècle. Elles s’opposaient au racolage, c’est-à-dire au recrutement de volontaires par des sergents royaux, parce que ce recrutement prenait en temps de guerre des formes contraignantes, allant jusqu’à l’enlèvement des recrues. Elles s’opposaient aussi à la milice, qui pesait sur les communautés villageoises depuis 1688. Par tirage au sort, chaque paroisse devait fournir des jeunes gens pour compléter les effectifs de l’armée du roi, ce qui était vécu comme une ingérence insupportable. Les populations s’indignaient aussi du logement des gens de guerre, c’est-à-dire à l’obligation qui leur était faite d’accueillir chez eux les soldats du roi et de les nourrir, ce qui constituait l’héritage du vieux droit de gîte médiéval. À la différence des deux premiers problèmes, celui-ci semble moins aigu à la fin qu’au début du règne de Louis XIV. Cela s’explique sans doute par le développement de l’encasernement des soldats du roi.  Doc 4. Louis XIV, le « roi de guerre » Cette formule, empruntée à l’historien Joël Cornette, illustre fort bien le tableau de Pierre Mignard intitulé Louis XIV couronné par la Victoire, peint en 1673, pendant la guerre de Hollande (1672-1678). Cette guerre fut largement liée à des objectifs économiques : il s’agissait d’affaiblir les Provinces-Unies, qui étaient une grande puissance maritime rivale de la France. Le tableau évoque précisément le siège et la prise de la ville de Maëstricht, en 1673, auquel Louis XIV participa en personne, parce que la guerre de siège, très technique, était de nature à mettre en valeur l’habileté et la puissance du roi. Le tableau n’est pas réaliste pour autant, Louis XIV étant représenté en empereur romain, dont la tête est surmontée d’une couronne de laurier. Peut-être peut-on y voir l’aspiration à une hégémonie sur l’Europe. On peut aussi voir dans ce tableau le reflet d’un discours moral sur le roi : il se tient parfaitement droit sur un cheval cabré, ce qu’on peut lire comme l’illustration de sa capacité à maîtriser les passions.

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Réponses aux questions 1. À quoi sert la guerre dans le nord de la France ? Dans le nord de la France, la guerre est à la fois un moyen d’élargir l’autorité du roi, par la conquête de terres et de villes riches et un moyen de dessiner une frontière cohérente, protégeant efficacement le reste du royaume. 2. Quelles sont les conséquences de la guerre pour les sujets du roi ? Pour les sujets du roi, la guerre signifie augmentation de la pression fiscale, pour alimenter les caisses de l’État, et réquisitions humaines. 3. Relevez les qualités royales que le peintre Mignard fait ressortir. Le peintre Mignard met en évidence le contrôle que le roi exerce sur lui-même et sa puissance victorieuse, qui fait de lui une sorte de nouvel empereur romain. 4. Expliquez à l’aide du texte 5 la relation entre la noblesse, le roi et la guerre. Dans l’éloge qu’il fait de Turenne, Mascaron explique à la noblesse que c’est en servant le roi par les armes qu’elle parviendra à la gloire et qu’elle réalisera sa mission sociale. Il ne faut pas oublier que, quelques années auparavant, une partie des nobles s’était révoltée contre le roi, au cours de la Fronde. 5. Synthétiser Le texte de synthèse doit être organisé en plusieurs temps : - un paragraphe introductif, partant du constat de l’omniprésence de la guerre, et conduisant à une 7

Chapitre 5 – L’affirmation de l’État dans le royaume de France

problématisation : pourquoi cette omniprésence ? en quoi la guerre fut-elle nécessaire aux rois du XVIIe siècle ? - un premier paragraphe montrant les avantages que le roi peut tirer de la guerre : mise en évidence de sa force et de son habileté ; mise en évidence de son caractère providentiel, puisqu’il met ses sujets en sécurité (cf. la ceinture de fer) ; victoires éclatantes donnant lieu à la célébration du roi par artistes ; mise au pas de la noblesse. - un second paragraphe montrant les limites de l’entreprise : la guerre constitue une contrainte pour les populations et alimente divers types d’oppositions. - un paragraphe conclusif montrant que la guerre put être pour les rois du XVIIe une arme à double tranchant. D’ailleurs, sur son lit de mort, Louis XVI a confessé l’avoir trop aimée.

PASSÉ / PRÉSENT Comment s’organise la perception des impôts sous l’Ancien Régime et dans notre société démocratique ? > MANUEL PAGES 162-163  Doc 1. Quelques impôts sous l’Ancien Régime Le document montre le caractère inégalitaire de l’impôt sous l’Ancien Régime, à l’image de la société d’ordres. Il l’était à deux titres : territorialement, ce qui était le fait des coutumes ; socialement, les ordres privilégiés étant largement exemptés d’impôts, parce qu’ils assumaient d’autres services pour le bien commun (le service de Dieu et le service du roi). On note cependant la volonté du roi, pour des raisons purement financières, de modifier la donne : la capitation, introduite en 1695 pour financer la guerre de la Ligue d’Augsbourg, porte indifféremment sur tous les ordres.  Doc 2. L’impôt sur le revenu, un impôt progressif Le diagramme permet d’illustrer le principe de l’égalité devant l’impôt. Plus les revenus d’un individu sont élevés, plus il est sollicité fiscalement.

Les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’homme permettent de mettre en évidence deux caractéristiques de l’impôt tel qu’il est actuellement conçu. Sa répartition est dictée par le principe d’égalité. Il est perçu comme une « contribution », ce qui suppose que la démarche consistant à l’acquitter est une démarche positive et non une contrainte. Cela permet de soulever le problème du consentement à l’impôt.

Réponses aux questions 1. Quels principes fondent la répartition de l’impôt sous l’Ancien Régime ? et dans notre société ? L’impôt est inégalitaire sous l’Ancien Régime ; il vise à être égalitaire dans notre société. 2. Pourquoi certains sujets du roi sont-ils exemptés de la taille ? Pourquoi certains Français ne paient-ils pas l’impôt sur le revenu aujourd’hui ? Certains sujets du roi sont exemptés de la taille sous l’Ancien Régime pour des raisons de statut ou de naissance. C’est le cas des membres des ordres privilégiés, qui acquittent l’impôt sous la forme du service divin et du service du roi. De nos jours une partie importante des Français ne paient pas l’impôt sur le revenu, parce que leurs revenus sont insuffisants. 3. Pourquoi Louis XIV instaure-t-il un impôt pesant sur tous ses sujets en 1695 ? Est-ce par souci d’égalité ? Si Louis XIV instaure la capitation, en 1695, un impôt qui ne tient pas compte de l’appartenance aux ordres, ce n’est pas par souci d’égalité mais pour renflouer les caisses de l’État, vidées par la guerre de la Ligue d’Augsbourg. 4. Quelle est la différence fondamentale entre l’imposition sous l’Ancien Régime et dans notre société actuelle ? L’imposition reflète deux différences fondamentales entre la société d’Ancien Régime et la société actuelle : la première se pense comme inégalitaire, la seconde comme égalitaire ; dans la première, les Français sont sujets du roi (à ce titre ils paient l’impôt) ; dans la seconde, nous partageons la souveraineté et sommes citoyens (à ce titre nous versons des contributions).

 Doc 3. Le principe de l’égalité devant l’impôt

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DOCUMENTS Les résistances à l’absolutisme : la Fronde (1648-1652) > MANUEL PAGES 164-165 De 1648 à 1652, alors que la monarchie était affaiblie par la minorité de Louis XIV, la Fronde constitua un événement complexe, un ensemble de révoltes dont il ne s’agit pas de connaître le détail événementiel mais de comprendre les logiques. Il faut montrer comment ces révoltes expriment de diverses manières les résistances suscitées par l’affirmation de l’absolutisme au XVIIe siècle.  Doc 1. La Fronde, un ensemble de révoltes Cette carte permet de mettre en évidence la diversité de la Fronde. Elle constitue l’agrégation de révoltes urbaines, les plus grandes villes du royaume étant touchées par le phénomène (Paris, Rouen, Bordeaux, Dijon), et de révoltes nobiliaires. Elle impose au jeune roi de sillonner son royaume pour le reconquérir.  Doc 2. La Fronde des princes Le texte de la duchesse de Longueville permet de prendre conscience du rôle joué par les femmes de l’aristocratie dans la Fronde. On les surnomme les « Amazones de la Fronde ». On peut être surpris de voir des femmes jouer ainsi un rôle politique, voire militaire. En l’occurrence, la duchesse de Longueville, après l’arrestation de son frère, Condé, et de son mari, sur ordre de Mazarin, organise la résistance militaire contre le cardinal, qu’elle exècre. Mais en réalité, elle joue un rôle assez traditionnel dans la société d’Ancien Régime : elle ne fait que défendre sa famille, la sphère domestique à laquelle elle appartient.  Doc 3. La Fronde, un mouvement urbain Paris, épicentre de la Fronde, fut pendant quelques années inondée de libelles, de gravures, de pamphlets édités clandestinement, auxquels on donne le nom de « mazarinades » parce que leur cible principale était le cardinal de Mazarin. Celui-ci incarnait l’absolutisme aux yeux des populations, qui l’accusaient également d’abuser de la place qu’il occupait aux côtés de la régente. C’est pourquoi la gravure qui est ici présentée parle de tyrannie.  Doc 4. Le Parlement de Paris contre l’absolutisme Le Parlement de Paris joua un rôle pionnier dans la Fronde parisienne, en 1648. Il le fit au nom d’un programme politique dont la Déclaration de la Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

Chambre Saint-Louis développe les principaux aspects. Il s’agit ni plus ni moins de refonder la monarchie, de remplacer la monarchie absolue par une forme de monarchie tempérée, dans laquelle le roi gouvernerait avec le Parlement.

Réponses aux questions 1. Repérez les principaux lieux et les principaux acteurs de la Fronde. La Fronde s’est développée à Paris et dans les grandes villes de France, avec comme acteurs principaux les parlementaires mais aussi la population de ces villes, excédée par l’augmentation des impôts et l’effacement de certains privilèges. Elle s’est également étendue à une grande partie du territoire, ce qui s’explique par la mobilisation de la noblesse d’épée. 2. Relevez les reproches faits par la duchesse de Longueville à Mazarin. La duchesse de Longueville reproche à Mazarin d’usurper le pouvoir. Ce n’est pas à lui, étranger et d’extraction modeste, que doit incomber la mission d’assister et de conseiller la régente, mais à la haute noblesse. Son discours reflète donc le sentiment de ce milieu d’être abusivement écarté du pouvoir, ce qui est l’une des conséquences de l’absolutisme. 3. Quel est le projet politique des membres du Parlement de Paris ? Les membres du Parlement de Paris militent pour une monarchie garante de la liberté des sujets du roi et contrôlée par les membres de la noblesse de robe. Ils développent donc un projet politique en rupture avec la monarchie absolue de droit divin, dans laquelle ils ne sont que les instruments du pouvoir. 4. À quelles évolutions politiques liées à l’absolutisme les frondeurs s’opposent-ils ? Les frondeurs s’opposent à la centralisation monarchique, symbolisée par les intendants, à la limitation des contre-pouvoirs, à l’effacement des coutumes et privilèges fiscaux. 5. Montrez comment la Fronde exprime les résistances de la société française à l’absolutisme. Pour construire ce paragraphe de synthèse de manière ordonnée, une solution possible est de partir de la chronologie indiquée en page 164 : - en 1648, la Fronde naît d’une agitation fiscale : elle exprime alors le refus de l’augmentation des impôts mais, plus fondamentalement, de la pro9

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pension du roi absolu à revenir sur les coutumes et privilèges anciens ; - elle devient rapidement un mouvement dominé par les parlementaires : la Fronde exprime alors l’aspiration à une monarchie tempérée, dans laquelle les élites politiques, détentrices d’un savoir et d’une compétence administrative, conseillent le roi, sans être uniquement les instruments de sa volonté ; - à partir de 1650, elle devient un mouvement nobiliaire, dans lequel des femmes de haute naissance s’illustrent : elle exprime alors la nostalgie d’une ancienne forme de monarchie, dans laquelle les nobles conseillaient et assistaient le roi dans son gouvernement.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Colbert et la politique maritime de la France > MANUEL PAGES 166-167 Sous le règne de Louis XIV, la quête de la puissance passa par le contrôle des mers, ce qui fut au cœur de la politique de Colbert. Contrôleur général des finances, secrétaire d’État à la Marine, il fut sans doute par excellence l’homme de confiance du roi. On lui doit la définition d’une forme française de mercantilisme, le colbertisme, associant développement des manufactures, essor colonial, promotion du commerce et développement d’une flotte de guerre. Les documents présentés doivent permettre de comprendre la logique de cette politique.  Doc 1. Un navire de guerre au temps de Colbert. Cette tapisserie, réalisée d’après un carton du peintre Charles Le Brun, illustre de deux manières différentes ce que fut la politique de Colbert. Par son sujet, tout d’abord : on y distingue un navire de guerre de grandes dimensions, doté de trois mâts et d’une double galerie de canons. Ces grands navires, construits dans les arsenaux comme Brest ou Rochefort, avaient vocation à assurer à la France la maîtrise des mers. Par sa nature : les tapisseries, produites à la manufacture royale des Gobelins, furent l’un des produits industriels qui assurèrent à la France de Louis XIV sa renommée européenne et nourrirent ses exportations.

 Doc 2. Colbert défend la nécessité de développer le commerce maritime On considère souvent le Mémoire sur le Commerce, présenté par Colbert à Louis XIV le 3 août 1662, comme un manifeste mercantiliste. Le ministre y proposait au roi un vaste ensemble de mesures destinées à favoriser l’essor du commerce. L’objectif était moins économique au sens strict du terme, comme le montre le premier paragraphe, que politique : assurer par le biais des échanges la puissance de la France.  Doc. 3. Louis XIV fonde la Compagnie des Indes orientales (1664) Colbert préconisait notamment la création de grandes compagnies commerciales, comme il en existait par exemple à l’époque dans les Provinces-Unies. Il s’agissait de grandes sociétés, dont le capital était constitué de dépôts faits par des particuliers, qui recevaient le monopole du commerce avec une colonie et qui étaient également chargées d’administrer ce territoire. Elles bénéficiaient d’une délégation de souveraineté. La Compagnie des Indes orientales, par exemple, devait assurer le monopole du commerce avec les comptoirs que la France possédait en Inde. Basée à Lorient, elle fut la seule compagnie française à connaître un certain succès.  Doc 4. Le commerce colonial français La carte permet de comprendre la logique du grand commerce français. Il s’agissait de drainer vers la métropole des matières premières, destinées à être ensuite partiellement réexportées, ce qui permettait d’assurer l’enrichissement de la France par le commerce. On note dans ces échanges la présence d’esclaves : c’est ce qu’on appelle le système de la traite, qui permettait de faire fonctionner les plantations que l’on trouvait dans les îles à sucre.  Doc 5. La flotte de guerre française et ses rivales au temps de Colbert Le document permet de prendre la mesure de l’énorme effort de construction navale que la France consentit à l’époque de Colbert. Il fut assuré par les arsenaux, qui étaient des chantiers navals ne travaillant que pour le roi. Il fallait les alimenter en bois, en fer et en chanvre, ce qui stimula l’économie des arrière-pays. À la fin du XVIIe siècle, la France dominait les mers, sa seule véritable rivale étant l’Angleterre.

Réponses aux questions Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

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1. Que préconise Colbert pour développer le commerce ? Pour développer le commerce, Colbert préconise différents types de mesures : des mesures symboliques, pour signifier l’importance du commerce (recevoir des marchands à la cour) ; des mesures économiques (il soutient la nécessité de barrières douanières élevées) ; des mesures structurelles (soutenir le développement des grandes compagnies, en incitant les plus riches du royaume, et notamment les membres de la noblesse, à y investir une part de leur fortune). 2. Qu’est-ce qu’une compagnie commerciale ? Une grande compagnie est une organisation commerciale dont les capitaux ont plusieurs origines (la fortune des marchands, les capitaux investis par d’autres). Elle dispose d’un monopole commercial avec une région particulière de l’Empire colonial français. En plus de sa fonction économique, elle y reçoit une délégation de souveraineté, c’est-à-dire qu’elle y exerce au nom du roi des pouvoirs politiques. 3. Décrivez la politique de Colbert en matière militaire. Colbert s’est efforcé de doter la France d’une impressionnante flotte de guerre, qui fit d’elle à la fin de sa vie la plus importante puissance navale d’Europe. Elle devait assurer la sécurité des mers et contribuer à l’essor du commerce. 4. Montrez les liens entre la politique commerciale préconisée par Colbert et le développement de l’économie coloniale. Les colonies constituent la clé de voûte du colbertisme. La plupart d’entre elles ont vocation à fournir des matières premières qui doivent être exportées vers la France, avant d’être pour partie revendues en Europe. Dans l’esprit de Colbert, cette activité doit être largement aux mains des grandes compagnies commerciales. Les comptoirs que la France possède en Afrique ont vocation à fournir des esclaves qui, dans le cadre de la traite, sont transportés d’une rive à l’autre de l’Atlantique pour travailler dans les plantations, où l’on produit notamment le sucre (Antilles). 5. Synthétiser La politique maritime de Colbert consiste à développer la flotte de commerce, notamment dans le cadre des grandes compagnies, et à honorer les négociants. Il leur revient de développer les échanges entre la France et ses colonies et de fournir à ces dernières les esclaves dont elles ont besoin. Cela s’accompagne d’un développement Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

de la flotte de guerre, qui doit assurer la sécurité des mers. La puissance de la France résultera selon Colbert des richesses accumulées grâce à l’essor du commerce. C’est ce qu’on appelle le mercantilisme ou, dans le cas particulier de la France, le colbertisme. Itinéraire 2 Composer un discours Pour composer le discours de Colbert à Louis XIV, une première étape consiste à en déterminer le plan, qui doit être logique. Le plus simple est de procéder ainsi : - commencer par expliquer au roi l’objectif poursuivi : la puissance de la France en Europe. - poursuivre en lui expliquant quel doit en être le moyen : le développement du commerce - entrer ensuite dans les détails : le rôle central des colonies, où l’on produit des matières premières dont la France peut espérer tirer des richesses ; la nécessité de développer les grandes compagnies commerciales, qui permettent de drainer ces matières premières tout en administrant les colonies ; la nécessité de faire le choix du protectionnisme ; la nécessité d’honorer les marchands - expliquer pour finir que cette politique commerciale suppose le développement d’une marine de guerre. Une fois le plan construit, on peut rechercher quels supports pourraient permettre d’étayer sa démonstration. On peut par exemple songer aux globes de Coronelli, qui furent réalisés pour Louis XIV dans les années 1680. http://classes.bnf.fr/rendezvous/pdf/Coronelli.pdf Il ne reste plus qu’à soigner la forme. Comment s’adresse-t-on au roi de France ? Une piste consiste à rechercher sur internet ou dans des anthologies de textes du XVIIe siècle des exemples de lettres et à s’en inspirer (par exemple, des lettres de Molière à Louis XIV).

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Versailles et la cour > MANUEL PAGES 168-169 L’étude a pour vocation de faire comprendre le rôle joué par la cour dans la construction de l’absolutisme, phénomène qui a été largement étudié, notamment par Norbert Elias. Elle porte spécifiquement sur le château de Versailles, où Louis XIV a transporté la cour au début des années 1680, rompant alors avec Paris, dont il crai-

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Chapitre 5 – L’affirmation de l’État dans le royaume de France

gnait le caractère tumultueux, lui qui, enfant, avait connu la Fronde.  Doc 1. Le château de Versailles Cette photographie permet de repérer les différents espaces que constitue le complexe de Versailles : le château, dont la symétrie apparaît très clairement ; les jardins, marqués par le même esprit de régularité ; la ville, organisée autour de grands axes rectilignes, semblables aux rayons du soleil.  Doc 2. Madame de Sévigné raconte son séjour à Versailles. Le témoignage de la marquise de Sévigné, extrait de sa célèbre correspondance, permet de voir comment une partie de la haute noblesse, à laquelle elle appartenait, put vivre le développement de la vie de cour à Versailles, au moment où Louis XIV s’y installa définitivement. Elle ne vit pas la cour comme un lieu de contrainte, mais comme un lieu où la prééminence sociale de la noblesse s’exprime clairement, par la possibilité qui lui est donnée de partager la vie du roi.  Doc 3. Le roi et sa cour dans les jardins de Versailles Étienne Allegrain, disciple de Poussin, fut l’un des grands paysagistes français de la fin du XVIIe siècle et du début du XVIIIe siècle. Il a peint à plusieurs reprises les jardins de Versailles, et c’est de l’un de ces tableaux que provient la scène ici représentée. On y voit le roi au milieu de ses courtisans, dans une forme de sociabilité qui illustre assez bien le sentiment que pouvait avoir la marquise de Sévigné.  Doc 4. Saint-Simon juge la cour de Louis XIV Le duc de Saint-Simon (1675-1755) était un personnage de la très haute noblesse, qui a fréquenté la cour à la fin du règne de Louis XIV. Dans ses Mémoires, il en laissé une image assez négative. Versailles apparaît sous sa plume comme un lieu d’emprisonnement pour la noblesse.

Réponses aux questions 1. Quelle image le château de Versailles donnet-il du pouvoir du roi ? Le château de Versailles, tout comme les jardins, est marqué par la symétrie d’une part, par la monumentalité, d’autre part. Cela reflète l’idéal royal sous Louis XIV : un idéal de puissance et d’équilibre.

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2. Identifiez la raison principale pour laquelle la marquise de Sévigné a une bonne opinion de la cour de Versailles. La marquise de Sévigné se plaît à Versailles parce qu’elle y a la possibilité de côtoyer le roi. La cour est donc pour elle un endroit où la prédominance sociale de la noblesse s’exprime. 3. Que reproche le duc de Saint-Simon à la cour ? À l’inverse, Saint-Simon considère que la cour est un lieu dans lequel la noblesse est soumise à une forme de tyrannie royale. Chacun est obligé d’y paraître et d’y faire bonne figure, faute de quoi il risque la disgrâce. Il montre que l’étiquette sert à domestiquer la noblesse. 4. Analyser la manière dont la cour permet au roi d’affirmer son autorité sur la haute noblesse. La cour permet au roi d’affirmer son contrôle sur la noblesse de trois manières différentes : - en l’impressionnant (cf. l’architecture monumentale et les jardins) ; - en la distinguant (cf. les divertissements de cour) ; - en la domestiquant (cf. la rigueur de l’étiquette). 5. Synthétiser Pour répondre efficacement à la question clé et utiliser efficacement les termes indiqués, un préalable consiste à l’analyser. - la question porte sur le « projet absolutiste » de Louis XIV. Il faut donc s’interroger sur le sens de cette formule. L’absolutisme désigne une forme de monarchie dans laquelle le roi est absolument souverain, émancipé de tous les contre-pouvoirs, dont la noblesse, qui a été parfois agitée, notamment sous la Fronde. - cela impose le contrôle de cette noblesse, assuré par le développement de la vie de cour. La noblesse y partage des divertissements avec le roi (doc 2 et 3) mais est soumise aux rigueurs de l’étiquette (doc. 4). - le château de Versailles en est le lieu et le symbole (doc 1) : par sa monumentalité et sa régularité il est l’image de la puissance du roi. Itinéraire 2 Organiser une exposition de photos Il est essentiel que l’exposition de photographies ne soit pas un simple collage d’images mais l’illustration d’une démonstration articulée. Il convient donc de construire cette démonstration avant d’aller rechercher des photographies sur le site du château de Versailles. Celles-ci doivent

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être peu nombreuses et choisies avec soin, en évitant tout ce qui ne date pas du règne de Louis XIV (comme le Hameau de la Reine ou la Galerie des Batailles) : - commencer par expliquer ce qu’est le projet absolutiste de Louis XIV et pourquoi il est essentiel de contrôler la noblesse ; - cela suppose de l’impressionner, ce qui se reflète dans la façade du château, dans les peintures de la galerie des glaces, dans l’organisation des jardins (photos) ; - cette image le conduit à vouloir contrôler la noblesse, ce qui passe par le développement de la vie de cour, dans laquelle les nobles partagent la vie du roi (photo des grands appartements, gravures ou dessins représentant les fêtes royales …).

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE L’édit de Nantes (1598-1685) > MANUEL PAGES 170-171

tâche qui relevait de la mission royale. Ils ne résultaient donc pas d’un relativisme religieux. On le mesure aux extraits proposés ici, qui montrent que, si les protestants se voyaient reconnaître partout la liberté de conscience, leur liberté de culte était limitée. Par exemple, elle ne leur était pas accordée à Paris, la ville du pouvoir.  Doc 3. Richelieu encourage Louis XIII à lutter contre les protestants Principal ministre de Louis XIII, Richelieu a été un ardent partisan de la lutte contre les protestants, ce qui eut pour conséquence notamment le siège et la prise de La Rochelle, en 1626-1627. Le mémoire qu’il adressa au roi en 1625 permet de comprendre la cause de cette hostilité. Bien que Richelieu soit un homme d’Église, elle ne semble pas résider dans des considérations religieuses. Ses causes sont politiques : le cardinal redoute une alliance entre les protestants français et l’Espagne, dirigée par les Habsbourg, qui est la principale puissance rivale de la France. Dans ce contexte, les places de sûreté posent problème.

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Au cours du XVII siècle, la situation des protestants français se détériora lentement, jusqu’à la révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV (édit de Fontainebleau, 1685). Bien que les réformés français aient fait constamment le choix de la fidélité au roi, ce que l’on voit bien par exemple au moment de la Fronde, leur présence fut de plus en plus clairement pensée comme un problème. L’objectif de l’étude est de mettre en évidence la détérioration de leur situation, d’en mesurer les rythmes et d’en comprendre les causes, qui relèvent de considérations politiques.  Doc 1. Les places de sûreté La carte permet de prendre la mesure de l’implantation du protestantisme en France : elle met en évidence ce qu’on appelle le « croissant réformé » (forte présence des protestants dans les régions allant de l’Aunis aux Cévennes). Elle permet également de localiser les places de sûreté et les places fortes accordées aux protestants par Henri IV en vertu de l’édit de Nantes, de manière d’ailleurs temporaire. Elles constituaient peur eux d’éventuels refuges, certaines étant dotées de garnisons royales.  Doc 2. L’édit de Nantes, un édit de tolérance Promulgué par Henri IV le 30 avril 1598, l’édit de Nantes n’est que le dernier des édits de tolérance concédés par le pouvoir royal au cours des guerres de religion. L’objectif de ces textes était, en fonction du rapport de force, de favoriser une forme de coexistence religieuse et de rétablir la paix civile, Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

 Doc 4. Des persécutions contre les protestants : les dragonnades Au lendemain de sa victoire contre les ProvincesUnies, lors de la guerre de Hollande (1672-1678), Louis XIV se lança dans des persécutions contre les protestants, qui préparèrent l’édit de Fontainebleau. Cela prit la forme d’une législation particulièrement répressive, mais aussi de l’intimidation physique, sous la forme des dragonnades. Le phénomène commence dans le Poitou, en 1681, à l’instigation de l’intendant, René de Marillac. La dragonnade consiste à loger des dragons, c’est-àdire des soldats montés, chez les protestants, en vertu de l’obligation faite à tous les sujets du roi de loger les gens de guerre. Accompagnés de Capucins, ils font pression sur les familles protestantes pour qu’elles se convertissent. Cela occasionne de très nombreux pillages, des destructions, et des abjurations massives.  Doc 5. Louis XIV révoque l’édit de Nantes Par l’édit de Fontainebleau (18 octobre 1685), Louis XIV révoque et annule l’édit de Nantes, concédé par son grand-père aux protestants. Le préambule, dont on a ici retenu des extraits significatifs, permet de comprendre la cause profonde des persécutions dont ces derniers furent victimes. Il s’agissait pour Louis XIV de reconstituer l’unité religieuse du royaume, ce que l’on doit mettre en relation avec l’idéologie absolutiste.

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Chapitre 5 – L’affirmation de l’État dans le royaume de France

Réponses aux questions 1. Qu’ont obtenu les protestants par l’édit de Nantes ? L’édit de Nantes a accordé aux protestants la liberté de conscience, sans restriction, la liberté de culte, dans un certain nombre de villes seulement, ainsi que des places de sûreté, dans lesquelles ils pouvaient se réfugier en cas de nécessité. 2. Quelle est la politique de Louis XIII à l’égard des protestants ? À l’instigation de Richelieu, la politique de Louis XIII consiste à neutraliser politiquement et militairement les protestants français, qui constituent une menace potentielle, parce qu’ils pourraient s’allier avec l’Espagne, rivale de la France.

3. Comment Louis XIV justifie-t-il l’abrogation de l’édit de Nantes ? Dans le préambule de l’édit de Fontainebleau, Louis XIV déploie trois types d’arguments pour justifier l’abrogation de l’édit de Nantes. Il recourt tout d’abord à des arguments historiques : dans l’esprit de Henri IV, les dispositions de l’édit ne devaient être que temporaires, son objectif étant de restaurer l’unité religieuse du royaume ; les protestants auraient été des sujets infidèles et dangereux sous Louis XIII. L’abrogation est également justifiée religieusement, Louis XIV constatant que de nombreux protestants se sont convertis. C’est un fait avéré, mais qui doit être mis pour partie sur le compte de la politique d’intimidation menée depuis plusieurs années. Enfin, l’abrogation est rapportée à un objectif politique : restaurer l’harmonie et l’unité du royaume.

temps de la tolérance, justifié par les nécessités de la paix civile ; le temps des persécutions politiques, sous Louis XIII, qui s’explique par le contexte militaire ; le temps des persécutions religieuses, dans les années 1680, dont les causes sont politiques. Itinéraire 2 Réaliser une frise chronologique La réalisation de la chronologie doit partir des documents, qui fournissent un certain nombre de points de repères fondamentaux (1598, 1629, 1681, 1685). Cette première chronologie doit ensuite être complétée par la consultation du site internet du musée protestant, qui permettra par exemple d’ajouter des informations sur les guerres de religion sous Louis XIII. Ces informations pourront être trouvées en explorant les onglets « Le Musée » (ensuite « Grandes dates ») et « Parcours ». La réalisation de la frise doit être claire et lisible. Pour ce faire, la frise doit être placée au centre de la page. Si elle est réalisée sous word, il convient de choisir le format « paysage ». Les différents types d’information doivent être alignés (dates, explications). Pour l’agrémenter, il est souhaitable d’y intégrer des images légendées, illustrant les principaux événements et, de préférence, à peu près contemporains des faits. Le site du musée protestant permet d’en trouver.

4. Synthétiser On distingue trois grandes périodes dans l’histoire des protestants en France au XVIIe siècle : le

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CHAPITRE

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Le modèle britannique et son influence › MANUEL PAGES 178 À 207

OBJECTIFS ET PROBLÉMATIQUE DU CHAPITRE Ce chapitre est un survol de deux siècles d’événements politiques, avec l’ambition de montrer un lien entre les bouleversements politiques en Angleterre au XVIIe siècle (voir le Point de passage sur l’Habeas Corpus et le Bill of Rights) et les révolutions atlantiques de la fin du XVIIIe siècle, avec la naissance des États-Unis et le début de la révolution française. Ainsi le modèle politique anglais est le fil rouge qui relie les différentes réflexions politiques véhiculées d’un siècle à l’autre par les philosophes des Lumières (cf. point de passage sur les Lettres philosophiques de Voltaire). Enfin, il est possible de souligner l’avancée historiographique sur la révolution américaine, dont les recherches portent bien au-delà des Pères fondateurs (voir le Point de passage sur sur George Washington), pour se pencher sur des acteurs moins médiatisés, quoiqu’essentiel, de l’indépendance américaine. Bibliographie indicative • Cottret Monique, Culture et politique dans la France des Lumières (1715-1792), Armand Colin, Paris, 2002 • Fohlen Claude, Histoire de l’esclavage aux États-Unis, Perrin, collection Tempus, 2007 • Marienstras Élise, La résistance indienne aux États-Unis, Folio Histoire, 2014 • Rallet Jean-Marie, Washington, Ellipses, 2015 • Tuttle Élisabeth, Les îles Britanniques à l’âge moderne (1485-1783), Hachette Supérieur, 1996

OUVERTURE › MANUEL PAGES 28-29

Document 1. La chambre des Communes

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Page de gauche, Karl Anton Hickel met en scène le Parlement de la Grande-Bretagne au moment même où il débat de la déclaration de guerre française. Or, en cet instant intense, il règne une atmosphère d’harmonie et de calme. Les députés, sagement assis, écoutent le discours du Premier ministre William Pitt le jeune, favorable à la guerre, dont le gouvernement est judicieusement éclairé par une lumière naturelle, voire céleste. Sur la table au centre, la masse d’arme symbolise la présence de l’autorité royale. Ainsi le peintre diffuse le contraste entre la France, agitée par la révolution, et l’Angleterre, sereine et confiante dans son régime monarchique parlementaire centenaire. On peut commencer l’analyse de ce document en demandant aux élèves de relever les éléments qui montrent que l’Angleterre est alors une monarchie : les seuls qui y fassent allusion sont les armoiries surmontées d’une couronne placées audessus du speaker, qui se détachent sur la fenêtre centrale. Par là, le peintre paraît montrer que le roi n’intervient pas dans le fonctionnement des Communes. Ensuite, on peut attirer l’attention des élèves sur ce qui est mis en valeur : l’opposition et la confrontation des idées, le débat et la prise de parole, la décision collective. Pour cela, la construction du tableau reprend l’organisation de la salle où se réunissent les Communes. Autour du speaker, chargé de modérer les débats et de faire respecter le règlement de la Chambre, sont rangés les députés en fonction de leur soutien ou de leur opposition au gouvernement. Debout, et entouré des membres de son gouvernement, le premier ministre prend la parole pour expliquer sa politique, ou répondre aux questions des députés. Cela montre la responsabilité du gouvernement devant les Communes. Enfin, on peut faire s’interroger les élèves sur l’origine du pouvoir détenu par les personnages représentés – ici, l’élection.

Document 2. Signature de la déclaration d’indépendance des États-Unis Page de droite, John Trumbull saisit un acte révolutionnaire : la signature de la Déclaration d’indépendance du 4 juillet 1776, qui officialise la 1

Chapitre 6 – Le modèle britannique et son influence

sécession des treize colonies britanniques d’avec la Grande-Bretagne, suite au refus des colons de subir la lourde fiscalité imposée par le Parlement. En réalité, le titre est trompeur, car il s’agit ici de la présentation d’un projet de déclaration par un comité de 5 représentants, le 28 juin 1776 par le comité de cinq hommes chargé de la rédiger. Ces cinq hommes sont au centre de l’image : il s’agit, de gauche à droite, de John Adams, de Roger Sherman, de Robert Livingston, de Thomas Jefferson et de Benjamin Franklin. Face à eux, assis, le président du Congrès, John Hancock : il signa le premier la copie officielle de la Déclaration d’indépendance, adoptée le 4 juillet 1776. Dans ce tableau, 47 personnages sont représentés, presque tous signataires de la Déclaration d’indépendance. Cette huile sur toile est devenue, aux États-Unis, une image populaire de ce moment clé de la naissance du pays : exposé dans la rotonde du Capitole, elle est aujourd’hui reproduite au verso du billet de deux dollars. En construisant cette image, Trumbull insiste sur le processus à l’œuvre dans la fondation des États-Unis : une décision collective, fondée sur l’accord passé entre les représentants des treize colonies britanniques d’Amérique du Nord. La confrontation de ces deux tableaux permet de comprendre comment le Congrès, en se séparant de la Grande-Bretagne, s’inspire des principes politiques définis par la Grande-Bretagne. Des représentants élu, assemblés, discutent et débattent avant de décider par un vote. Trumbull, pourtant, ne met pas en scène l’opposition des idées : il insiste davantage sur l’unanimité de la décision, et donc la légitimité de l’indépendance.

REPÈRES La Grande-Bretagne et l’Europe au XVIIIe siècle › MANUEL PAGES 180-181

Réponses aux questions 1. Par quels moyens les idées des Lumières se diffusent-elles ? Entre 1763 et 1783, le territoire sous contrôle britannique se réduit. Les Britanniques perdent leurs 13 colonies américaines, mais conservent leurs possessions canadiennes. 2. Caractérisez la période qui se conclut en 1689 par l’instauration de la monarchie parlementaire en Angleterre. Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

La période qui se conclut en 1689 est caractérisée par plusieurs changements : une guerre civile qui se termine avec l’exécution du roi Charles Ier en 1649, suivie par la mise en place d’un régime de type républicain (1649-1660), puis par la restauration de la monarchie avec Charles II (1660-1685), puis Jacques II (1685-1688). 3. Quelle est la singularité du régime politique anglais au XVIIIe siècle ? Le régime politique anglais au XVIIIe siècle est l’unique monarchie parlementaire en Europe. Ce n’est qu’en 1809, en Suède, qu’un tel régime est aussi adopté.

REPÈRES La naissance des États-Unis d’Amérique › MANUEL PAGES 182-183

Réponses aux questions 1. Quelle évolution le territoire sous contrôle britannique connaît-il entre 1763 et 1783 ? Le document 1 présente l’évolution politique de l’est de l’Amérique du Nord entre 1763 et 1783. En 1763, la Grande-Bretagne domine cet espace. On y trouve les treize colonies. En effet, à partir du XVIIe siècle, la Grande-Bretagne fonde des colonies en Amérique du Nord. Elles se peuplent de Britanniques fuyant les crises du royaume : guerre civile, tensions religieuses, famines… Elles s’organisent sur le modèle politique britannique. Le roi nomme les gouverneurs, mais chaque colonie possède une assemblée élue qui décide des impôts. Le droit de vote y est aussi plus étendu qu’en Grande-Bretagne, bien que réservé aux hommes blancs propriétaires. À l’ouest de ces colonies, des territoires que le traité de Paris de 1763 fait passer de la domination française au contrôle britannique. En effet, à partir du XVIe siècle, les puissances européennes exportent leurs rivalités en Amérique. Le contrôle d’un empire colonial est un signe de puissance et une source de revenus. Si les Britanniques débarquent les derniers en Amérique du Nord, ils dominent peu à peu l’espace. L’Espagne se cantonne au sud. En 1763, à la fin de la guerre de Sept ans, la France doit y abandonner ses possessions : la Louisiane passe aux Espagnols, le Canada aux Britanniques. À la même date, le gouvernement britannique décide de réserver une partie de ces territoires (en hachures sur la carte) aux Amérindiens. Confron2

Chapitre 6 – Le modèle britannique et son influence

tés à une rébellion, les Britanniques cherchent à apaiser les peuples amérindiens en interdisant aux colons de s’établir à l’ouest des Appalaches : c’est la Proclamation de 1763. Mais cette mesure rencontre l’opposition des colonies, qui souhaitent s’étendre vers l’ouest. En 1783, la situation a profondément changé : les États-Unis ont été créés, et le traité de Paris signé à cette date en est la reconnaissance officielle par la Grande-Bretagne, la France et son alliée l’Espagne. La domination britannique a diminué : outre les territoires attribués aux États-Unis, la Floride est passée sous contrôle espagnol. La Grande-Bretagne n’est donc plus présente qu’au Canada. Les États qui composent maintenant les États-Unis se sont également agrandis, vers l’Ouest et le Nord, tandis que les territoires à l’ouest des Appalaches sont encore en réserve, mais soumis à leur convoitise. 2. Que sont devenues les 13 colonies en 1783 ? Expliquez cette transformation en vous aidant de la frise chronologique. En 1783, les treize colonies se sont donc transformées en treize États, et ont fondé les États-Unis d’Amérique. La frise chronologique permet d’en comprendre la création ou, au moins, d’en étudier les principales étapes. Au sortir de la guerre de Sept ans en 1763, la Grande-Bretagne connaît une crise financière. Le Parlement de Londres décide donc de taxer le commerce de ses colonies. Or le droit britannique veut que tout impôt soit fondé sur la souveraineté du peuple : ses représentant doivent d’abord l’accepter. Pourtant, bien que britanniques, les colons ne sont pas représentés au Parlement. Ils rejettent donc cette atteinte à leurs droits et à leur autonomie. Jusqu’en 1775, la résistance des colons s’accentue. Leurs assemblées protestent, ils boycottent les produits britanniques. Des affrontements éclatent, comme à Boston en 1770. Pourtant, la GrandeBretagne poursuit sa politique. En 1773, des colons déguisés en Indiens jettent du thé anglais dans le port de Boston : c’est la Boston Tea Party (16 décembre 1773). Le Parlement britannique vote alors des lois punitives. En réponse, les colonies se réunissent en Congrès, et réaffirment leur opposition. Les colons s’arment. En avril 1775, une première bataille contre l’armée britannique a lieu à Boston. C’est le début de la guerre d’indépendance américaine. Un nouveau Congrès se réunit en juin 1775 : c’est le second Congrès continental. Il crée une armée Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

confiée à un planteur de Virginie, ancien militaire britannique : George Washington. Comme lui, les membres du Congrès déterminent bientôt un nouveau but à la guerre : la rupture définitive avec la Grande-Bretagne. Le 4 juillet 1776, ils signent la Déclaration d’indépendance. Pour Louis XVI, la rébellion des colons affaiblit la Grande-Bretagne : son commerce colonial est désorganisé, et sa puissance militaire amoindrie. Aider les Américains, c’est donc permettre de se renforcer face au rival britannique. Le gouvernement appuie d’abord discrètement les Américains : en mai 1776, il autorise ainsi la vente de poudre et de munitions aux colons. Mais Louis XVI ne souhaite pas encore entrer en guerre. Ainsi, lorsqu’en 1777, le marquis de La Fayette, séduit par la révolution, part combattre aux côtés de Washington, il désobéit aux ordres du roi. Mais en décembre 1777, les Américains battent les Britanniques à Saratoga. Louis XVI décide alors de reconnaître leur indépendance et, en février 1778, signe un traité d’alliance et un traité de commerce avec les États-Unis. La France parvient aussi à s’allier avec l’Espagne et les Provinces-Unies, isolant ainsi la Grande-Bretagne. Elle participe financièrement et militairement, comme à la victoire décisive de Yorktown en octobre 1781. À la signature du traité de paix à Paris en 1783, les États-Unis sont officiellement reconnus comme indépendants. 3. Montrez que la Constitution des États-Unis est fondée sur la séparation des pouvoirs. Le document 2 est un schéma qui présente les institutions fédérales des États-Unis telles que définies par la Constitution de 1787. Il ne présente donc pas la totalité des institutions politiques, puisque la constitution définit un équilibre entre les pouvoirs de l’État fédéral et ceux de chacun des États, qui restent souverains. Chacun d’eux possède une Constitution propre, un pouvoir exécutif, des chambres législatives et des cours de justice. En revanche, les institutions et les lois fédérales s’imposent aux États, dans les domaines définis par la constitution. La Constitution est fondée sur la séparation des pouvoirs, puisque chacun d’eux est détenu par des institutions distinctes. Le pouvoir exécutif est détenu par le président, assisté d’un viceprésident. Le pouvoir législatif est bicaméral, et défini pour respecter l’équilibre entre État fédéral et États : le Sénat représente les États de manière égale, car chacun y envoie deux représentants, quelles que soient leur population ou leur étendue. En revanche, le nombre d’élus de la chambre des représentants est proportionnel à la taille de cha3

Chapitre 6 – Le modèle britannique et son influence

cun des États, permettant la représentation de l’ensemble des Américains. Enfin, le pouvoir judiciaire fédéral est détenu par la Cour suprême et les cours fédérales. Les instruments de contrôle d’un pouvoir sur les autres sont rares. Si les juges fédéraux sont choisis par le pouvoir exécutif (et confirmés par le Sénat), ils le sont à vie : ils ne dépendent donc plus du président. De la même manière, la procédure de destitution par le Congrès (impeachment) est complexe, et le président ne peut dissoudre les chambres du Congrès.

COURS 1 Les révolutions anglaises au XVIIe siècle › MANUEL PAGES 184-185

Réponses au Testez-vous ! Pourquoi Charles Ier est-il éxécuté en 1649 ? Charles Ier est exécuté en 1649 car il est accusé de trahison après avoir causé l’explosion d’une sanglante guerre civile, entre ses partisans, favorables à une monarchie absolue, et ceux du Parlement, appelant à un pouvoir mieux partagé. Qu’est-ce que la « Glorieuse Révolution » ? La « Glorieuse Révolution » désigne la transformation politique de l’Angleterre, qui de monarchie absolue devient monarchie parlementaire, avec l’acceptation par Marie Stuart et Guillaume d’Orange du Bill of Rights. Que change le Bill of Rights pour le régime politique anglais ? Le Bill of Rights est un texte qui définit la répartition des pouvoirs entre la monarchie et le Parlement. Désormais, le roi doit composer avec l’avis du Parlement dans plusieurs domaines et ne peut imposer systématiquement sa volonté.

COURS 2 La révolution américaine et ses oubliés › MANUEL PAGES 186-187

Réponses au Testez-vous !

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Pourquoi la déclaration du 4 juillet 1776 entraîne-t-elle la création d’un nouveau régime politique ? La déclaration du 4 juillet 1776 est une déclaration d’indépendance. En la proclamant, les représentants des treize colonies britanniques d’Amérique du Nord affirment ne plus reconnaître l’autorité du roi et du gouvernement britannique. Ils affirment donc que leur Congrès décide l’indépendance de chacune des colonies, et leur transformation en État. Par là, ces nouvelles entités politiques se retrouvent sans système de gouvernement. Les États doivent donc définir la manière dont ils se gouvernent : chacun rédige donc une Constitution différente, mais tous adoptent les même principes politiques républicains (séparation des pouvoirs, souveraineté du peuple exercée par des représentants élus). À cette date, ces États s’unissent dans le cadre d’une confédération : tout en restant souverains, ils s’associent pour coopérer et mener des politiques communes. Au Congrès, chaque État dispose d’une seule voix. Quelles sont les caractéristiques de la Constitution de 1787 ? Le système de la confédération soulève de nombreuses critiques. Le Congrès dépend trop des intérêts particuliers des États, qui s’opposent parfois. Il ne parvient pas à faire entendre la voix des États-Unis dans les relations internationales. Son autorité n’est pas toujours respectée au sein des États. Nait alors un débat entre fédéralistes, partisans d’un pouvoir central plus fort, et antifédéralistes, hostiles à la diminution des droits de chaque État. Une convention se réunit alors à Philadelphie. Présidée par George Washington, elle adopte le 17 septembre 1787 une constitution qui établit un État fédéral. C’est un texte de compromis entre fédéralistes et antifédéralistes : il crée un équilibre entre pouvoirs de l’État fédéral et pouvoirs des États. Le Congrès est constitué de deux assemblées : le Sénat représente les États, la chambre des représentant l’ensemble des Américains. Le pouvoir exécutif fédéral est confié à un président, mais son élection se fait dans le cadre des États. Les lois fédérales s’imposent aux États dans certains domaines (finances, armée, diplomatie), mais ils conservent le reste de leur législation. Quels sont les exclus et les oubliés de la révolution américaine ?

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Chapitre 6 – Le modèle britannique et son influence

On peut distinguer dans la population des ÉtatsUnis trois groupes qui entrent dans cette catégorie. Les Noirs et les esclaves sont un sujet de discorde entre les États. L’esclavage reste du ressort des États : certains le conservent, au nom de la préservation d’une agriculture d’exportation fondée sur leur exploitation. D’autres, en revanche, l’abolissent rapidement comme la Pennsylvanie en 1780. Avant 1776, les Britanniques protègent les Amérindiens, leurs alliés contre la France. Ils interdisent ainsi l’extension des colonies vers l’ouest. Pendant la guerre d’indépendance, de nombreux peuples soutiennent les Britanniques. Les Américains les considèrent donc à la fois comme des ennemis et un obstacle à leur expansion vers l’ouest. Ils n’accèdent pas à la citoyenneté et, après 1783, sont progressivement repoussés vers l’ouest par des pratiques qui mêlent achat, saisie et vol de leurs terres, accompagnées de guerres et de massacres. Enfin, les femmes sont les oubliées de la révolution. Elles ont, dès les premiers troubles en 1763, participé aux débats et aux actions (boycott, protestations…). Elles participent à la révolution, jusqu’à, pour certaines, combattre. D’autres participent aux débats politiques qui entourent la construction des États-Unis, comme Abigail Adams. Pourtant, leur participation est rapidement oubliée, et elles ne bénéficient pas du droit de vote.

COURS 3 L’influence du modèle britannique et de la révolution américaine › MANUEL PAGES 188-189

Réponses au Testez-vous ! Comment se diffusent en France les idées venues de Grande-Bretagne ? Les idées anglaises se diffusent en France grâce aux écrits de philosophes, comme Voltaire ou Montesquieu, qui séjournent à Londres. Quant à Diderot, il traduit des ouvrages anglais en langue française. L’Encyclopédie qu’il dirige avec D’Alembert est inspirée de l’encyclopédie anglaise d’Ephraïm Chambers. Expliquez les raisons et les formes du soutien français à la révolution américaine. D’une part, la monarchie française soutient la révolution américaine pour nuire aux intérêts britanniques et ainsi renforcer sa position géopolitique. Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

D’autre part, les élites politiques et philosophiques sont séduites par cette révolution américaine qui est une mise en pratique des idéaux des Lumières : égalité, liberté, souveraineté du peuple, séparation des pouvoirs. Quel impact la révolution américaine a-t-elle sur la situation économique et politique de la France ? La révolution américaine impacte directement la situation économique et politique de la France : le financement des troupes envoyées OutreAtlantique coûte cher et cela s’ajoute au prêt aux insurgés de 34 millions de livres, jamais remboursé. De plus, le succès de la révolution américaine valorise les idéaux américains de remise en cause d’un pouvoir monarchique absolu et d’une société d’ordres.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE L’Habeas corpus et le Bill of Rights > MANUEL PAGES 190-191

Réponses aux questions 1. Comment un accusé est-il protégé par l’Habeas Corpus ? L’Habeas Corpus limite la détention en garde à vue d’un prisonnier à 5 jours. En effet, l’accusé peut présenter une ordonnance d’Habeas Corpus au sherif qui le détient captif. Celui-ci a alors 3 jours pour le présenter à un juge. Si le motif de l’emprisonnement n’est pas considéré comme légal, le juge devra le libérer au bout de 2 jours maximum. 2. Citez une expression du Bill of Rights qui poursuit les objectifs de la loi d’Habeas Corpus. L’article 10 du Bill of Rights interdit les « peines cruelles et inusitées », c’est à dire non justifiées. Il donne des exemples de motifs illégaux : présenter une pétition au roi (art. 5) ; toute opinion exprimée au sein du Parlement (art. 9). 3. Pourquoi le régime politique anglais peut-il être qualifié de monarchie parlementaire ? Le régime politique anglais à partir de 1689 instaure une séparation et un partage des pouvoirs entre le roi, chargé de l’exécutif, c’est à dire d’appliquer les lois, et le Parlement chargé du législatif, c’est à dire de voter les lois et le budget de l’État. Cette séparation est garantie par l’élection des députés de la Chambre des communes par plus de 200 000 électeurs. 5

Chapitre 6 – Le modèle britannique et son influence

4. Montrez que le Bill of Rights et les idées de Locke s’opposent à tout retour d’une monarchie absolue en Angleterre. Locke affirme que tous les hommes sont égaux et forment une société, appelée dans le Bill of Rights, la « Nation ». Celle-ci accepte l’autorité du souverain, tant qu’il n’a pas une « mauvaise conduite », auquel cas il perd son autorité. Le monarque n’est donc plus légitime par droit divin, mais par contrat social. 5. Synthétiser Avant 1689, l’Angleterre était dirigée par un monarque au pouvoir autoritaire. Il pouvait emprisonner ses opposants politiques et ne réunissait pas souvent le Parlement. Une évolution voit le jour dès 1679 avec la loi d’Habeas Corpus, votée par le Parlement pour limiter les emprisonnements sans justification légale. Enfin, en 1688, le Parlement s’oppose à la volonté de Jacques II de renforcer le pouvoir royal. Celui-ci doit fuir. À sa place, un couple de souverains prêts à partager leur pouvoir signent avec le Parlement le Bill of Rights : Guillaume d’Orange et Marie Stuart. Cette « Glorieuse révolution » marque le début de la monarchie parlementaire. Itinéraire 2 Rédiger une lettre Une lettre contient un en-tête avec le nom et l’adresse du destinataire. Ici, John Locke écrit probablement à un de ses amis conseiller politique ou à un membre de sa famille, resté en Angleterre. Vient ensuite une formule de politesse du type : « cher Arthur, », puis à la ligne suivante le début de la lettre. Ne pas oublier une formule de politesse à la fin et une signature. Pour rédiger le contenu de la lettre, il est possible de prendre en compte la double frustration de John Locke : 4 ans plus tôt, la loi d’Habeas Corpus limitait les emprisonnements arbitraires. La fuite de John Locke rappelle que cette loi est difficilement appliquée : les opposants politiques du roi Charles II doivent fuir. Deuxième motif de frustration, le roi cherche à renforcer son pouvoir et ne convoque plus le Parlement…

DE LA SOURCE À L’HISTOIRE POINT DE PASSAGE Les écrits de Voltaire et de Montesquieu > MANUEL PAGES 192-193

Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

Réponses aux questions 1. Relevez les expressions qui soulignent l’anglomanie de Voltaire. L’anglomanie de Voltaire apparaît dans ces expressions : « la seule de la Terre qui soit parvenue à régler le pouvoir des rois » (l.1-2) ; « gouvernement sage » (l.3) ; « les seigneurs sont grands sans insolence » (l.5-6) ; « le peuple partage le gouvernement sans confusion » (l.6-7) ; « de bonnes lois » (l.16) 2. Expliquez ce que Voltaire attend d’un roi. Voltaire attend d’un roi qu’il fasse le bien (l.3), mais qu’il ne puisse pas « faire du mal » (l.5), c’est-à-dire qu’il ne soit donc pas » tout-puissant » (l.4), mais limité par la loi. Il rejette le « pouvoir despotique » du roi (l.15) et attend de lui qu’il soit le « premier pilote » du » vaisseau » (l.23-24), qui ne lui appartient pas personnellement. 3. Pourquoi ce texte de Voltaire a-t-il été mal reçu par le pouvoir royal en France ? En vantant les mérites de la « nation anglaise, seule de la Terre qui soit parvenue à régler le pouvoir des rois », Voltaire exclu donc la France. Ces éloges dénoncent donc en creux les défauts à ses yeux du régime politique français. La métaphore de la tempête (l.20 – 25), permet de dénoncer implicitement en France la concentration de tous les pouvoirs entre les mains d’une seule personne, qui « veut se rendre le maître du vaisseau » alors qu’il n’en est que « le premier pilote ». 4. Pourquoi peut-on dire que la question de la liberté est au centre de la réflexion politique des Lumières ? La liberté est au centre de la réflexion politique des Lumières. Prônant la liberté individuelle, les philosophes souhaitent s’exprimer librement, sans crainte d’être censuré ou emprisonné pour leurs idées. À cette fin, ils soutiennent une séparation des pouvoirs, afin d’assurer une justice indépendante du pouvoir royal et du pouvoir législatif.

DOCUMENTS La déclaration d’indépendance / L’influence de la révolution américaine en France > MANUEL PAGES 194-195

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Chapitre 6 – Le modèle britannique et son influence

La déclaration d’indépendance  Conseils > En mars 1765, le Parlement britannique décide d’un nouvel impôt spécifique aux treize colonies. Les colons résistent, des troubles éclatent. Neuf colonies décident de se réunir en congrès à New York pour protester contre cette loi. Leurs délégués rédigent une déclaration, envoyée au Parlement et au roi George III. Les principes sur lesquels ils fondent leurs revendications sont ceux qui fondent la monarchie parlementaire britannique : l’impôt ne peut être approuvé que par les représentants de ceux sur lesquels il pèse. Pourtant, le Parlement anglais décide d’un impôt sur les colonies, alors que les colons n’y sont pas représentés. Ce principe de la représentation est au fondement de la Déclaration d’indépendance de 1776 : « les hommes instituent des gouvernements dont le juste pouvoir émane du consentement des gouvernés ». Les rédacteurs de la Déclaration d’indépendance ajoutent d’autres principes, des droits qu’ils affirment inaliénables : la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Ils déclarent aussi la possibilité pour un peuple de renverser un gouvernement qui ne respecterait pas ces principes. > Le rejet de la Grande-Bretagne est tout entier fondé sur l’attitude du gouvernement britannique envers les colonies d’Amérique du Nord. Pour la Déclaration d’indépendance, Londres ne respecte pas les principes de leur souveraineté et de son exercice par des représentants. Puisque la GrandeBretagne a cherché à priver les colons britanniques des droits garantis à tout Britannique, ils peuvent, et doivent s’en séparer.

L’influence de la révolution américaine en France  Conseils > L’auteur du doc. 1, Guillaume-Thomas Raynal, affirme son soutien à la révolution américaine car elle est, à ses yeux, une lutte pour la liberté. De ce droit défendu par les États-Unis, il fait un principe général, qui doit être étendu au « genre humain tout entier ». L’auteur fait donc de la révolution américaine un cas exemplaire : tout oppresseur doit s’attendre à une réaction identique de ceux qu’il opprime. Ce texte est donc, au-delà d’une louange de la révolution américaine, une critique de la monarchie absolue française, qui n’est pourtant jamais explicitement citée. Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

> En France, l’opinion publique éclairée s’enflamme pour la cause américaine. Des nobles comme La Fayette partent sans l’autorisation du roi combattre les Anglais. L’ambassadeur des États-Unis, Benjamin Franklin, connaît en 1776 à Paris un véritable triomphe dont témoigne le doc. 2. Cette gravure montre un buste de Franklin couronné par une allégorie de la liberté. Elle est une illustration du texte de Raynal : Franklin et à travers lui la révolution américaine sont célébrés car ils combattent pour la liberté. Cette réaction montre la progression des idées des Lumières parmi les élites. La révolution américaine est en effet considérée comme une application des idées des philosophes : la souveraineté et la liberté du peuple sont définis comme des droits. Par contrecoup, la monarchie absolue paraît de plus en plus critiquée.

En équipes ! Équipe 1 Pour construire le discours de Benjamin Franklin, les élèves doivent d’abord réfléchir à un plan. Quelles sont les différentes idées que pourrait aborder l’ambassadeur des États-Unis face aux soutiens français de la révolution qu’il représente ? Commencer par rappeler rapidement qui est le personnage qu’ils incarnent (quelle est sa formation, quel est son parcours, pourquoi se retrouve-til mêlé à la révolution ?). Montrer ensuite qu’à leurs yeux, la révolution américaine est tout à fait légitime (quelles sont les actions de la Grande-Bretagne ? À quels droits s’opposent-elles ?). Expliquer ensuite que, malgré les protestations des colons, le gouvernement britannique n’a pas modifié sa politique (penser à utiliser les doc. 1 et 2 de la p. 194). Poursuivre en expliquant que selon eux la Déclaration d’indépendance est la seule issue possible avant de remercier leurs hôtes français de leur accueil. Équipe 2 Avant de commencer à rédiger le discours, penser à la manière dont le personnage, un Français issu des élites acquises aux Lumières, peut s’adresser à l’ambassadeur des États-Unis. Veiller également à rédiger un discours construit, qui développe un argumentaire organisé. Commencer par saluer leur hôte, et le remercier d’avoir répondu à leur argumentation. 7

Chapitre 6 – Le modèle britannique et son influence

Expliquer ensuite ce que représente, à leurs yeux, la révolution américaine (sur quels principes estelle construite ?). Rappeler ensuite l’enthousiasme qu’elle suscite (quelle diffusion connaît-elle ? Réfléchir pour cela à la nature des doc 1 et 2 p. 195). Expliquer ensuite comment la lutte des États-Unis peut susciter l’intérêt, l’envie des Français (quel est le régime de la France en 1776 ?). Attention : les élèves doivent se rappeler que, dans le contexte politique français, il n’est pas possible de porter une critique directe et explicite (s’inspirer pour cela du doc. 1 p. 195). Mise en commun Le passage à un texte de synthèse demande que les élèves réfléchissent à la différence entre des discours incarnant des points de vue et un argumentaire historique. Ils doivent donc, pour exposer les critiques et les enthousiasmes, indiquer à chaque fois quels sont les acteurs qui les portent.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE George Washington, héros de l’indépendance des États-Unis > MANUEL PAGES 196-197

Réponses aux questions 1. Expliquez ce que pense Washington de l’idée d’indépendance en 1774, puis en 1776. Le document 3 (L’évolution politique de George Washington) permet de comprendre comment change l’attitude de Washington vis-à-vis de la Grande-Bretagne. En 1774, George Washington reproche à la Grande-Bretagne de ne pas respecter les droits des colons, droits semblables à ceux de tous les Britanniques. Mais il rejette l’idée même de l’indépendance des colonies. Pour lui, l’intérêt des colons est de rester sujets de la couronne britannique. Il s’agit donc de convaincre le gouvernement. En 1776, en revanche, Washington ne croit plus à la possibilité d’une évolution de la politique britannique. Il affirme même que des négociations ne pourraient être qu’« arts de l’illusion », détournant l’attention de la préparation d’une répression brutale. 2. Relevez les principes à l’origine des actions de Washington. Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

Les documents évoquent la même idée, la nécessaire protection des droits des colons face à la volonté britannique de les réprimer. Ils affirment que les actions de Washington sont fondées sur la défense de la liberté américaine, menacée par la Grande-Bretagne. 3. Montrez que ces trois documents mettent en avant le rôle du président Washington dans l’unité des États-Unis. Ces trois documents montrent que les deux mandats de président de George Washington servent à renforcer l’unité des États-Unis, après les débats politiques féroces entre fédéralistes et antifédéralistes qui ont précédé l’adoption de la Constitution de compromis de 1787. Le portrait de Washington réalisé par Gilbert Stuart rappelle son rôle de général en chef pendant la guerre d’indépendance (l’épée et le recueil d’ordres militaires) ainsi que la forme du régime politique (Constitution et recueil des débats au Congrès). Surtout, l’unité est évoquée à la fois par le faisceau, soutien de la table, l’ornement du fauteuil et l’arc en ciel qui se dessine à l’arrière-plan. Le faisceau est un symbole hérité de l’Antiquité romaine : les liens qui enserrent les baguettes évoquent la force donnée par l’unité. Au sommet du dossier du fauteuil, les 13 étoiles blanches sur fond bleu et les 13 bandes rouge et blanches évoquent l’unité des 13 États qui composent les ÉtatsUnis. De la même manière, si l’arc en ciel évoque l’espoir, il est aussi l’union de couleurs différentes. La gravure qui montre « Washington, premier président des États-Unis » est aussi fondée sur l’affirmation de l’unité des Américains. Sont représentés les sceaux des 13 États entourés chacun d’un cercle qui imite les anneaux d’une chaîne : ils sont entrelacés les uns aux autres. Le sceau des États-Unis, au sommet de cette chaîne, joue le rôle d’un fermoir, superposé aux deux sceaux qui l’entourent. Le portrait de Washington, au centre de l’image, semble affirmer le rôle de président comme celui d’un trait d’union entre les différents États. Enfin, dans la lettre qu’il adresse aux Américains à la fin de son mandat, Washington insiste luimême sur l’unité nécessaire des États aux sein des États-Unis. Il la fonde sur des caractéristiques et une histoire commune à presque tous les Américains. 4. Expliquez selon quels principes les ÉtatsUnis sont gouvernés.

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Chapitre 6 – Le modèle britannique et son influence

Les principes selon lesquels les États-Unis sont gouvernés sont rappelés à la fois par les symboles du portrait de Washington et par la description que fait Washington des États-Unis. La référence au Congrès et au texte de la Constitution rappelle que les États-Unis sont fondés sur la reconnaissance de la souveraineté du peuple, exercée par le biais de représentants. Le texte y fait écho lorsque Washington écrit que « la base de notre système politique repose sur le droit qu’a le peuple de faire et de modifier la constitution de son gouvernement ». On peut aussi y voir une référence à la guerre d’indépendance, évoquée par le recueil des ordres militaires figuré dans le portrait. Washington, dans son Discours d’adieu, rappelle avec force le caractère fédéral du gouvernement des États-Unis : « il est indispensable à la vitalité et au maintien de votre Union qu’un gouvernement commun soit reconnu par tous les États ». On peut retrouver cette caractéristique dans le portrait de Gilbert Stuart. Sont représentés à la fois deux institutions fédérales (la présidence, par le portrait de Washington, et le Congrès, par le recueil de ses débats) et des allusions à l’unité des 13 États, unis par leur appartenance aux États-Unis (le faisceau, les armoiries sur le dossier du fauteur, l’arc en ciel). 5. Synthétiser Il s’agit, pour répondre à cette question, de reprendre les informations évoquées dans les questions précédentes, et de les organiser en trois ensembles distincts : - Washington acteur de la révolution américaine : rappeler que Washington a été le commandant en chef des armées américaines (l’épée et le recueil des ordres militaires du doc 1, l’allusion dans le doc 2 au « protecteur de son pays »), mais qu’il a aussi pris part aux débats sur l’indépendance (doc. 3). - Washington acteur du gouvernement : montrer que Washington a été le premier président des États-Unis après l’adoption de la Constitution de 1787, détenteur du pouvoir exécutif (doc. 1, 4 et 5). - Washington acteur de l’unité des États-Unis : reprendre alors les éléments développés dans la question 3. Cette question peut être aussi l’occasion de faire rédiger aux élèves une courte introduction, qui permette de reprendre et présenter la consigne.

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DOCUMENTS Les oubliés de la révolution américaine > MANUEL PAGES 198-199

Réponses aux questions 1. Comment ce dessin (doc. 4) montre-t-il le sort des esclaves noirs qui s’enrôlent dans l’armée des États-Unis ? Cette gravure est réalisée en 1780, pendant la guerre d’indépendance, à la veille de la victoire décisive de Yorktown en 1781. Elle montre des soldats de l’armée des États-Unis en uniforme : il s’agit sans doute d’en montrer la diversité. Ici, le soldat noir à l’extrême gauche de la gravure n’est pas représenté d’une manière distincte des trois autres militaires. Cela permet de comprendre que son statut n’est pas différent du leur. On peut donc y voir une illustration de la politique menée par le gouvernement américain : les esclaves noirs enrôlés dans l’armée retrouvent leur liberté. 2. Quel reproche est ici adressé à George Washington ? Dans cette lettre, Edward Rushton accuse George Washington d’incohérence. Il rappelle son rôle dans la guerre d’indépendance et sa fonction de président des États-Unis, et le fait que l’une et l’autre sont fondées sur le principe de la liberté. Pourtant, George Washington, comme propriétaire de la plantation de Mount Vernon, est également détenteur de centaines d’esclaves. Pour renforcer son propos, Rushton appelle ces esclaves noirs des « compatriotes » de Washington. 3. Pourquoi existe-t-il un risque de conflit avec les Amérindiens ? Comment le gouvernement essaie-t-il de l’éviter ? Le document 1 révèle la politique que mènent les Américains envers les Amérindiens au travers d’une lettre d’un de leurs chefs. Elle montre comment le traité de Fort Stanwix, signé en 1784, force les Amérindiens à céder sans contrepartie une part de leurs terres, passées du contrôle britannique à celui des États-Unis par le traité de paix de Paris de 1783. L’auteur de la lettre, Cornplanter, exprime l’incompréhension des Amérindiens et leur rejet de cette politique, au nom des mêmes droits pour lesquels les Américains ont combattu (« comme si notre faiblesse avait éteint nos droits »). Cela pose un risque de conflits avec les Amérindiens, que le gouvernement des États-Unis tente d’éviter en signant des traités de paix. Le doc. 3 est une médaille de paix, offerte aux chefs 9

Chapitre 6 – Le modèle britannique et son influence

amérindiens lors de la signature d’un tel traité. Elle montre Washington partageant un calumet avec un dirigeant amérindien. 4. Quelles sont, d’après l’auteur, les motivations de la révolte de Shays ? Le document 2 révèle la mauvaise situation économique qui suit la guerre d’indépendance. Les tensions sociales augmentent alors. Ceux qui échouent à rembourser leurs dettes dans ce contexte perdent leurs terres. Des révoltes éclatent alors. Ainsi, en septembre 1786, des fermiers du Massachussetts réclament plus d’égalité : c’est la révolte de Shays. Si la révolution de 1776 a été politique, elle n’a pas changé l’organisation sociale. Henry Knox, l’auteur du document 2, explique ainsi que certains Américains souhaitent une meilleure redistribution des richesses. Pour eux, à l’égalité politique devrait s’ajouter une forme d’égalité sociale. 5. Synthétiser Il s’agit, dans cette synthèse, de montrer que les principes qui fondent la révolution américaine ne s’étendent pas à tous les habitants des États-Unis. Les esclaves noirs, les Amérindiens ne bénéficient pas de la citoyenneté américaine, et des principes de liberté et d’égalité. De la même manière, la révolution politique ne s’étend pas à la sphère sociale : les Américains touchés par la crise financière et économique de l’après-guerre ne voient pas le gouvernement mener une politique de transformation de l’organisation sociale.

PASSÉ / PRÉSENT La France et les États-Unis entretiennent-ils des relations privilégiées depuis le XVIIIe siècle ? > MANUEL PAGES 200-201

Réponses aux questions 1. D’après Franklin, quel est l’objectif du traité entre la France et les États-Unis, et sur quel principe est-il fondé ? Après la victoire américaine de Saratoga en février 1777, Louis XVI décide de reconnaître l’indépendance des États-Unis. C’est en février 1778 que sont signés deux traités entre la France et les États-Unis, l’un de commerce et l’autre d’alliance. Benjamin Franklin en reprend les termes lorsqu’il explique qu’il s’agit « d’établir la liberté, la souveraineté et l’indépendance, absolues Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

et illimitées, des États-Unis en matière de gouvernement aussi bien que de commerce ». Le traité qu’il évoque est fondé sur un principe d’égalité et de réciprocité. Aucun avantage particulier n’est donc accordé à l’un ou l’autre des pays, permettant aux États-Unis d’établir les mêmes termes pour d’autres pays. 2. Expliquez quelle est l’image que donne cette porcelaine de la relation entre la France et les États-Unis. Cette porcelaine représente Louis XVI remettant à Benjamin Franklin le traité d’amitié et de commerce, symbolisant ainsi les relations officielles établies entre la France et les États-Unis. Cette porcelaine est française : elle montre un Louis XVI en armure, droit, plus grand que Franklin et debout sur une estrade, alors que l’ambassadeur des États-Unis est légèrement courbé. Le principe d’égalité affirmé par Franklin n’est donc pas ici représenté. 3. En 1793, l’alliance entre la France et les États-Unis est-elle respectée ? Lorsque Washington fait paraître la Proclamation de neutralité le 22 avril 1793, la situation politique française a radicalement changé. La France est une République, Louis XVI a été jugé et guillotiné, et la guerre fait rage. George Washington, président des États-Unis depuis 1789, assure alors que son gouvernement n’est plus tenu par les traités signés en 1778. Il affirme une parfaite impartialité envers tous les États en guerre, et déclare qu’aucun Américain intervenant dans cette guerre ne pourra arguer de la protection des États-Unis. Le souvenir de La Fayette, bravant les ordres de Louis XVI pour aller combattre auprès de Washington, semble bien loin. 4. Confrontez ces documents pour expliquer l’état des relations entre la France et les ÉtatsUnis dans ces trois moments. Tout au long du XXe siècle, les relations entre la France et les États-Unis varient. Le doc. 4 rappelle l’entrée en guerre des ÉtatsUnis auprès des pays de l’Entente, en 1917, et la manière dont le personnage de La Fayette est mis en avant pour affirmer l’existence d’un lien privilégié entre les États-Unis et la France. L’arrivée des troupes américaines est vue comme un miroir de l’aide militaire française lors de la guerre d’indépendance. Il faut pourtant rappeler que si les États-Unis entrent en guerre en avril 1917, les combats ont débuté pour la France en août 1914.

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Chapitre 6 – Le modèle britannique et son influence

Le doc. 6 évoque un moment de tensions fortes entre la France et les États-Unis. Après les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, la France participe à la coalition qui, avec l’accord du conseil de sécurité de l’ONU, attaque l’Afghanistan accusé de soutenir Al Qaïda. En revanche, le gouvernement français, sous la présidence de Jacques Chirac, refuse de participer à la guerre contre l’Irak voulue par le président George W. Bush. La France, comme la Russie et la Chine, menace d’utiliser son droit de veto pour empêcher le conseil de sécurité de l’ONU d’approuver cette guerre. Cette décision entraîne une crise diplomatique entre la France et les États-Unis. Enfin, le discours du président français Emmanuel Macron lors de la visite du président américain Donald Trump rappelle l’entrée en guerre des États-Unis en 1917, et en fait le signe d’une alliance indéfectible entre les deux pays. 5. Expliquez comment la relation francoaméricaine a évolué au XVIIIe siècle puis depuis le XXe siècle. Il s’agit ici de reprendre chacune des évolutions dans les relations entre France et États-Unis, à la fois au XVIIIe siècle et au XXe siècle, pour montrer que l’on ne peut affirmer qu’il existe entre ces deux pays une situation privilégiée, des relations toujours proches. Elles connaissent des hauts et des bas, des rapprochements et des éloignements en fonction des intérêts diplomatiques et stratégiques de chaque gouvernement.

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CHAPITRE

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Les Lumières et le développement des sciences › MANUEL PAGES 208 À 233

OUVERTURE › MANUEL PAGES 208-209 Plusieurs raisons expliquent le choix de placer ces deux documents en regard l’un de l’autre. Il y a tout d’abord la volonté de couvrir une large période, d’étudier un siècle des Lumières qui ne saurait se réduire stricto sensu au XVIIIe siècle et dont les dynamiques se mettent en place dès la fin du XVIIe siècle. Les deux documents permettent aussi d’insister sur la dimension européenne de la question : l’un des documents illustre les Lumières aux Pays-Bas (Michiel van Musscher est un peintre néerlandais), l’autre porte plus classiquement sur la France. Surtout, il s’agit d’illustrer la thèse selon laquelle les Lumières font passer les sciences de l’atelier, du laboratoire et du monde des savants (doc. 1) à l’espace public, où le plus grand nombre peut assister aux progrès en cours (doc. 2). Cet élargissement des sciences, leur (relative) démocratisation en somme, est l’une des spécificités fortes du siècle des Lumières.

REPÈRES › MANUEL PAGES 210-211 L’histoire des sciences est à la fois une histoire des découvertes, des expérimentations et des hypothèses, et une histoire de la diffusion desdites découvertes et avancées. Cette double dimension explique les deux épaisseurs de la frise chronologique. En outre, il nous a semblé pertinent de proposer dans cette double page la reproduction de quelques-uns des outils ou instruments majeurs qui ont permis les progrès des sciences au siècle des Lumières. Ils pourront sans doute servir de lanceurs dans le cas d’un cours dialogué. Les deux grandes notions au programme, « Lumières » et « sciences », sont définies d’emblée dans la rubrique vocabulaire afin de donner aux élèves les outils conceptuels leur permettant de bien aborder l’étude du chapitre. Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

Enfin, la carte donne une indispensable dimension géographique à cette question, en rappelant l’importance des pôles de production et de diffusion des savoirs scientifiques au siècle des Lumières.

Réponses aux questions 1. Identifiez le nom de deux savants qui ont mis au point un instrument nouveau afin de résoudre un problème scientifique. On peut citer le télescope de Newton, qui accompagna le savant dans ses expériences astronomiques et lui permit d’avancer d’ambitieuses hypothèses (comme la théorie de la gravitation universelle). Citons également le microscope de Van Leeuwenhoek (l’un des précurseurs de la biologie cellulaire) qui permit d’étudier les cellules. Ainsi, explorer l’infiniment grand dans un cas, l’infiniment petit dans l’autre, nécessite des instruments adaptés, que les savants inventent ou perfectionnent souvent eux-mêmes. 2. Relevez trois domaines scientifiques concernés par des découvertes ou des expériences majeures. Des découvertes ou des expériences majeures ont concerné des domaines aussi variés que l’astronomie (avec Galilée ou Newton), l’électricité (avec B. Franklin) ou l’énergie (avec la machine à vapeur perfectionnée par Newcomen). 3. Quelle évolution se produit entre le XVIIe et le XVIIIe siècle ? Les Lumières sont-elles uniquement un phénomène français ? On constate que les sociétés savantes et les Académies se multiplient entre le XVIIe et le XVIIIe siècle. Toute l’Europe est saisie par les sciences au siècle des Lumières, et plus simplement quelques villes ou régions pionnières comme Londres, Paris, Leipzig, Vienne ou l’Italie du Nord. Cette carte montre bien à quel point les Lumières sont un phénomène européen, car pratiquement tous les pays du continent sont directement concernés et accueillent des sociétés savantes et des académies.

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Chapitre 7 – Les Lumières et le développement des sciences

COURS 1 La révolution scientifique du XVIIe siècle › MANUEL PAGES 212-213

Réponses au Testez-vous ! 1. Quelle est la contribution de René Descartes à l’étude des sciences ? René Descartes fonde la pensée rationnelle avec la publication en 1637 du Discours de la méthode, sous-titré Pour bien conduire sa raison, et chercher la vérité dans les sciences. Avec Descartes, les mathématiques deviennent le langage universel des sciences. Le savant français a également doté la science de méthodes qui désormais lui seront propres. Il a initié le nouvel esprit scientifique voulant que des preuves soient apportées à toute affirmation. 2. Relevez les noms des trois grands savants qui ont révolutionné les connaissances astronomiques. Les trois grands savants sont, dans l’ordre chronologique, Copernic, Galilée et Newton. Tous ont apporté une contribution fondamentale à la compréhension des grands mécanismes de l’univers. Au XVIe siècle, l’astronome polonais Nicolas Copernic a rejeté le géocentrisme pour adopter l’héliocentrisme, montrant ainsi que la Terre était une planète comme les autres. Des travaux confirmés par Galilée, avec qui s’opère au XVIIe siècle la véritable révolution des savoirs astronomiques. En 1687, l’Anglais Isaac Newton apporte à son tour une contribution fondamentale en publiant les Principia, dans lesquels il avance la théorie de la gravitation universelle. 3. Identifiez deux grands débats qui ont animé la communauté scientifique au XVIIe siècle. Les deux autres grands débats qui animent la communauté scientifique internationale concernent l’existence du vide (une question débattue par Descartes, par Robert Boyle ou encore par Thomas Hobbes) et la nature de la lumière (en matière d’optique s’illustrent l’Allemand Johannes Kepler, le néerlandais Christian Huygens ou encore Isaac Newton).

COURS 2 Les sciences au siècle des Lumières › MANUEL PAGES 214-215 Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

Réponses au Testez-vous ! 1. De quelle manière la « République des sciences » se constitue-t-elle au XVIIIe siècle ? La « République des sciences » (l’expression est calquée sur la « République des Lettres » des humanistes du XVIe siècle) qui se constitue au siècle des Lumières est un réseau de savants qui échangent des connaissances et des hypothèses. Des relations épistolaires, des échanges de manuscrits, des études croisées au sein des académies ou des sociétés savantes, des controverses, des publications nombreuses ou des enseignements professés dans des universités sont autant de moyens de faire vivre cette « République des sciences ». 2. Expliquez ce qu’apportent les grands voyages d’exploration aux connaissances des Européens. Les grands voyages d’exploration permettent d’approfondir plusieurs domaines de connaissances scientifiques : ils sont d’abord l’occasion d’étudier la forme de la planète Terre ; ils permettent aussi d’élargir et d’approfondir les connaissances zoologiques et botaniques (les sciences naturelles connaissant un premier âge d’or au XVIIIe siècle) ; ils accompagnent enfin les progrès de la cartographie. 3. Illustrez la manière dont les sciences permettent l’industrialisation de l’Europe. La machine à vapeur, qui passe de l’invention à l’innovation entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, est l’exemple parfait de la manière dont les sciences et les techniques sont mises au service de l’industrie et accompagnent l’industrialisation du continent européen. L’extraction minière, le travail du textile ou les transports seront à terme bouleversés par les multiples usages de la vapeur.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Galilée et le nouvel esprit scientifique du XVIIe siècle › MANUEL PAGES 216-217

Réponses aux questions 1. Présentez les deux moyens par lesquels les idées de Galilée circulent en Europe. Les échanges épistolaires (doc. 1 et 2) et les publications diverses (un atlas dans le cas du doc. 3) sont les moyens par lesquels les idées de Galilée circulent en Europe. 2

Chapitre 7 – Les Lumières et le développement des sciences

2. Expliquez en quoi consiste la « révolution copernicienne » défendue par Galilée. La « révolution copernicienne » défendue par Galilée marque le passage de la thèse du géocentrisme, selon laquelle la Terre serait au centre de l’Univers, à l’héliocentrisme, selon laquelle c’est le Soleil qui occupe cette position centrale. Les dessins reproduits en doc. 3 illustrent les deux conceptions : à gauche l’héliocentrisme, à droite le géocentrisme. On parle de « révolution copernicienne » pour deux raisons : d’une part, Copernic opère un véritable retour sur les savoirs astronomiques légués par les Anciens et réfute catégoriquement la thèse du géocentrisme admise jusquelà ; on a donc bien une révolution scientifique. D’autre part, c’est une révolution culturelle, psychologique, métaphysique et religieuse car l’héliocentrisme change la place que l’Église accordait à Dieu et à ses créations – parmi lesquelles l’Homme – dans l’univers. 3. Quelle opposition Galilée rencontre-t-il ? De quels soutiens bénéficie-t-il ? Entre 1610 et 1633, Galilée multiplie les controverses avec les théologiens et la papauté. L’Église catholique romaine, traumatisée par le schisme protestant et soucieuse de reconquérir les esprits ébranlés de ses fidèles, ne peut tolérer une telle remise en cause de ses certitudes. Galilée rencontre le soutien de protecteurs, de mécènes qui sont alors nombreux parmi les puissants dans l’Europe du XVIIe siècle (doc. 2). 4. Montrez comment Galilée justifie ses travaux et discrédite ses adversaires. Galilée justifie ses travaux en prétendant chercher la « vérité » : le « progrès de la recherche », l’« affermissement des sciences ». Il dénonce l’obscurantisme de ses détracteurs, qui contribuent à l’« affaiblissement » ou à la « destruction » des sciences en ne se fiant qu’à leurs « opinions » erronées. 5. Synthétiser Galilée est un acteur majeur de la rupture scientifique qui s’opère au XVIIe siècle pour trois raisons : tout d’abord il poursuit et confirme les travaux de Copernic ; ensuite il contribue à diffuser la thèse de l’héliocentrisme ; enfin, ses démêlés avec l’Église permettent à un public élargi de prendre conscience de la capacité des sciences renouvelées de remettre en cause les croyances considérées jusque-là comme acquises.

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Itinéraire 2 Vous êtes un soutien de Galilée et vous organisez une conférence en faveur de ses thèses sur l’héliocentrisme. Étape 1 Vos arguments : contre le géocentrisme, vous défendez la thèse de l’héliocentrisme. Ce n’est pas une croyance, mais une connaissance reposant sur des hypothèses, des observations, une démarche rigoureuse car véritablement scientifique. Vos adversaires : il s’agit des défenseurs des croyances traditionnelles, du dogme de l’Église ; ils ne cherchent pas selon vous la vérité scientifique mais se fient à leurs opinions et à des croyances ancestrales qui sont en réalité erronées. Étape 2 Vos détracteurs – la papauté en tête – vont vous traiter d’impie ou même d’hérétique, vous accuser de mettre en doute la Parole de Dieu ou les écrits des Pères de l’Église. Vous devrez face à cela réaffirmer votre foi, qui n’est selon vous pas incompatible avec la recherche de la vérité scientifique. Étape 3 Aidez-vous de la réponse à la question 5.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Thomas Newcomen, la machine à vapeur et l’industrie › MANUEL PAGES 218-219

Réponses aux questions 1. Recensez les différents acteurs qui inventent ou perfectionnent la machine à vapeur ou qui s’intéressent à ses applications. Denis Papin, Thomas Savery, Thomas Newcomen, James Watt ou encore les frères Perrier de Chaillot ont contribué à la mise au point ou au perfectionnement de la machine à vapeur. L’histoire de la machine à vapeur est donc une aventure collective, internationale et qui s’étale sur plusieurs décennies. Ce survol doit attirer l’attention des élèves sur le fait qu’une invention n’est jamais le travail d’un « génie » isolé qui aurait quelque révélation ou inspiration géniale. 2. Comment l’eau se transforme-t-elle en énergie motrice ?

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Chapitre 7 – Les Lumières et le développement des sciences

Il faut de l’eau et du charbon pour produire la vapeur : une chaudière alimentée au charbon chauffe l’eau qui sera ensuite mise sous pression. 3. Montrez que la machine à vapeur transforme certains paysages anglais. Les paysages anglais et gallois, avant ceux de nombreuses autres régions d’Europe, sont bouleversés par la machine à vapeur. C’est en effet à la fin du XVIIe siècle que se forment les « pays noirs », ces régions marquées par l’exploitation minière, avec des paysages reconnaissables entre tous, composés de chevalements, de carreaux de mine, de puits, de cheminées fumantes… en attendant bientôt les corons et les terrils. 4. Dans quels domaines la vapeur est-elle utilisée ? La machine vapeur a de nombreux débouchés techniques : elle sert de pompe à feu dans les mines (doc. 3) ; elle facilite l’approvisionnement en eau de certaines villes (voir la chronologie) ; elle révolutionne les transports (d’abord par voie d’eau, puis au XIXe siècle le chemin de fer et l’automobile) ; elle est également utilisée comme source d’énergie dans le textile (pour activer les machines à filer et à tisser dans les usines). 5. Synthétiser Montrer dans ce paragraphe argumenté que la machine à vapeur, sans cesse perfectionnée entre les années 1680 et les années 1780 marque la rencontre de la science et des techniques. Elle provoque des progrès décisifs en matière de production et de productivité qui sont à l’origine de la première industrialisation et qui changent en profondeur les manières de produire et de travailler. Itinéraire 2 Pour construire la frise chronologique, les élèves peuvent : - s’aider de la chronologie proposée page 218 pour repérer les inventeurs et les innovations ; - être attentifs à choisir une échelle permettant de faire figurer 11 décennies (choisissez par exemple 2 carreaux pour une décennie) ; - choisir un code couleur pour les noms des savants, un autre pour écrire leur contribution ; - chercher les iconographies attendues sur le site du musée du Conservatoire national des Arts et métiers à l’adresse https://www.arts-et-metiers.net/

DOCUMENTS La physiocratie / L’agronomie au XVIIIe siècle › MANUEL PAGES 220-221

La physiocratie Née en France vers 1750, la physiocratie est une école de pensée qui défend l’idée selon laquelle toute richesse vient de la terre, et donc de l’agriculture. Partant de cette hypothèse, les physiocrates considèrent que les États monarchiques doivent impérativement encourager l’agriculture. Pour les physiocrates, les activités industrielles et commerciales, alors en plein essor (songeons par exemple au commerce triangulaire), sont superflues et ne devraient pas être encouragées par l’État. Le principal théoricien de la physiocratie est François Quesnay. Sa pensée, comme celle des autres physiocrates, circule grâce à diverses publications, sous forme de livres (Physiocratie) ou bien sous forme d’articles (comme l’article « grain » de L’Encyclopédie, écrit par Quesnay en 1757).

L’agronomie au XVIIIe siècle Conseils pour une courte présentation orale : - dans une courte introduction, dire que l’objet est de rendre compte de la manière dont les sciences et les techniques sont mises au service de l’agriculture au siècle des Lumières. Les deux moments de la présentation : 1. Présenter les raisons qui poussent les encyclopédistes à proposer de telles planches (doc. 1) : il s’agit d’expliquer par l’image, de faire preuve de pédagogie, de proposer des sortes de leçons de choses ; l’objectif est de promouvoir la diffusion des idées des Lumières auprès d’un public d’avertis. L’Encyclopédie a joué un rôle clé dans la diffusion des progrès agricoles. 2. Présenter le caractère scientifique de la démarche de Vicq d’Azyr (doc. 2) : « conférences avec les médecins », « observations importantes », « lecture des ouvrages publiés », « expériences publiées », « ses recherches » etc. Montrez aussi que l’intervention du scientifique naturaliste est une initiative de l’État qui considère les sciences comme un moyen de gouverner et d’aider les populations.

En équipes !

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Chapitre 7 – Les Lumières et le développement des sciences

Conseil pour réaliser la carte mentale : classer les idées proposées dans la rubrique « Mise en commun » en deux catégories : - des progrès et des avancées liées à une approche scientifique de l’agriculture ; - la diffusion des idées et des pratiques.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Émilie du Châtelet, une femme de sciences au siècle des Lumières / Marie-Marguerite Bihéron, une anatomiste au siècle des Lumières › MANUEL PAGES 222-223

Émilie du Châtelet, une femme de sciences au siècle des Lumières Émilie du Châtelet (1706-1749) est une physicienne, astronome et mathématicienne qui prend part aux grands débats de son temps et contribue à renouveler la physique et les mathématiques. On lui doit notamment les Institutions de physique en 1740, une somme des savoirs astronomiques et physiques de son temps. Émilie du Châtelet est connue également pour sa traduction des travaux de Newton : elle a vulgarisé l’œuvre du grand astronome et contribué à diffuser sa théorie de la gravitation universelle. Amie de Voltaire ou de Maupertuis, elle entretient une riche correspondance avec les grands savants de son temps. Elle est l’exemple même du rôle important joué par les femmes dans les progrès et la diffusion des sciences au siècle des Lumières.

Marie-Marguerite Bihéron, une anatomiste au siècle des Lumières Conseils pour la présentation orale - Au terme d’une courte introduction, organiser l’oral en deux temps : 1. Expliquer l’œuvre de scientifique de MarieMarguerite Bihéron ; 2. Relever les éléments de la page qui évoquent la diffusion et le retentissement de ses travaux. - Accompagner cette présentation orale d’un support – power-point ou affiche – réalisé seul ou en groupe.

En équipes ! Conseils pour la réalisation des affiches :

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- Une bonne affiche doit comporter plus d’image que de texte ; le texte doit en outre être classé en rubriques. Chercher sur Internet des illustrations différentes de celles proposées dans cette double page. - Équipe 1 : Recenser le travail et l’apport scientifique d’Émilie du Châtelet et de Marie-Marguerite Bihéron. - Équipe 2 : Dresser une liste des canaux et des moyens permettant à Émilie du Châtelet et à Marie-Marguerite Bihéron de vulgariser et de diffuser leurs savoirs.

DE LA SOURCE À L’HISTOIRE Comment faire l’histoire des sciences à travers la représentation des cabinets de curiosités du XVIIIe siècle ? › MANUEL PAGES 224-225 Le choix de proposer une double page sur les cabinets de curiosités sous la rubrique De la source à l’histoire, approche « ARTS » s’explique de deux manières. D’une part, les cabinets de curiosités, très en vogue au siècle des Lumières, pouvaient renfermer des objets ayant un caractère artistique ; d’autre part, ils furent l’objet de nombreuses représentations artistiques (peintures ou gravures).

Réponses aux questions 1. Quelle est la nature de ce document ? Ce document est une gravure, réalisée par le célèbre illustrateur William Skelton, représentant un cabinet de curiosités. Elle fut diffusée dans la presse londonienne en 1787. 2. Que nous montre-t-il ? dans quel pays ? Ce document montre l’intérieur d’un cabinet de curiosités à Londres (Angleterre), l’une des capitales scientifique et artistique du XVIIIe siècle. 3. À qui s’adresse-t-il et dans quel but ? Il s’agit d’une sorte de document publicitaire qui a pour ambition d’attirer les visiteurs dans le cabinet de curiosités. Il s’adresse à un public urbain, bourgeois ou aristocratique. Le caractère théâtral de cette représentation, ainsi que la composition du dessin, invitent le spectateur à pénétrer dans ce cabinet de curiosités. 4. Qui sont les visiteurs des cabinets de curiosités et qu’y trouve-t-on ? 5

Chapitre 7 – Les Lumières et le développement des sciences

Les visiteurs venus en famille appartiennent aux catégories sociales élevées (comme en témoignent leurs vêtements) qui s’enthousiasment pour les arts au siècle des Lumières. Dans ce cabinet de curiosités sont inventoriées et exposées de nombreuses variétés d’espèces animales et végétales. Venus du monde entier, des animaux vivants ou empaillés sont autant de curiosités pour les Européens. 5. Justifiez l’affirmation suivante : cette représentation d’un cabinet de curiosités donne aux historiens un éclairage sur le goût du public pour les sciences au XVIIIe siècle. Les documents de cette sorte ne sont pas rares ; tous témoignent de l’enthousiasme des populations éclairées des grandes villes européennes pour les cabinets de curiosités au siècle des Lumières. C’est donc un matériau pour l’historien qui s’intéresse non seulement au contenu du dessin, mais aussi à la nature même d’un document révélant une dynamique culturelle et sociale. Ce document nous plonge en outre aux origines des premiers musées européens.

PASSÉ / PRÉSENT De l’Encyclopédie à Wikipédia › MANUEL PAGES 226-227

Réponses aux questions 1. Présentez les buts de l’Encyclopédie en deux catégories. On peut distinguer deux buts à l’Encyclopédie : tout d’abord « rassembler les connaissances » éparses ; puis diffuser et transmettre lesdites connaissances « pour les siècles qui succéderont ». Cette donc une vaste entreprise de vulgarisation des savoirs, qui a une grande ambition et entend marquer son époque et les suivantes. 2. Décrivez et commentez cette infographie. Cette infographie nous renseigne sur les différents acteurs historiques qui ont mené à bien cette aventure intellectuelle au XVIIIe siècle : 2 fondateurs/directeurs (Diderot et d’Alembert), plus de 150 contributeurs. Il donne aussi une idée de l'ampleur du travail accompli (17 volumes de texte et 71 818 articles). En outre, cette infographie nous renseigne sur la diffusion de l’Encyclopédie : plus de 23 000 exemplaires vendus dans toute l’Europe pour les 6 éditions principales. Il est intéressant de noter que sur ces six éditions, une est Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

parisienne (Paris), deux sont italiennes (Lucques, Livourne), les 3 autres suisses. Interdite en France, l’Encyclopédie a donc été imprimée et diffusée à partir de pays voisins où la législation était plus souple et la tolérance plus grande. L’Encyclopédie fut bien une entreprise européenne. 3. Que nous apprend cette carte sur les contributeurs de Wikipédia ? Cette carte nous apprend que Wikipédia est une initiative collective et collaborative internationale, qui compte des contributeurs dans la plupart des pays du monde. Contrairement au XVIIIe siècle, l’Europe n’est plus aujourd’hui l’épicentre des savoirs. Cette carte met aussi en valeur des inégalités spatiales : certaines aires géographiques contribuent moins que d’autres, car les populations y sont moins alphabétisées, car les réseaux numériques sont peu développés (ainsi en Afrique et dans une partie de l’Asie) ou car l’État freine et encadre strictement l’essor d’Internet (on pense à la Chine). 4. Répertoriez les points communs qui existent entre l’Encyclopédie et Wikipédia. Dans les deux cas, il s’agit d’une initiative visant à éclairer le monde par des savoirs compilés, rassemblés, diffusés. Dans les deux cas également, il s’agit d’une entreprise collective. 5. Répertoriez les différences entre l’Encyclopédie et Wikipédia. Un changement d’échelle s’est opéré entre l’Encyclopédie du XVIIIe siècle et Wikipédia : le nombre de contributeurs a explosé (de 150 à plusieurs millions), la somme des savoirs accumulés a fortement augmenté (de 71 818 articles à des millions), la diffusion est devenue planétaire, sortant du cadre strictement européen. Le texte 4 insiste sur les spécificités éditoriales de Wikipédia au regard de l’Encyclopédie du XVIIIe siècle : le caractère dématérialisé de Wikipédia en fait une encyclopédie sans limites ; en outre, Wikipédia n’est pas figée et est interactive, réagissant de manière prompte aux événements. Ses auteurs peuvent être connus ou inconnus ; l’anonymat les protège d’une certaine manière.

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CHAPITRE

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Tensions, mutations et crispations de la société d’ordres › MANUEL PAGES 234 À 261

OBJECTIFS ET PROBLÉMATIQUE DU CHAPITRE Tensions, mutations et crispations de la société d’ordres est le second chapitre du thème 4 intitulé Dynamiques et ruptures dans les sociétés des XVIIe et XVIIIe siècles (11-12 heures). C’est une leçon de fin d’année qu’il ne faut pas sacrifier parce qu’elle pose notamment des jalons importants du programme d’histoire en classe de première. Les enjeux en sont nombreux : • montrer la diversité et la complexité de la société d’ordres (poids de la fiscalité et des droits féodaux sur le monde paysan, amélioration progressive de la condition des paysans au XVIIIe siècle) ; • revenir sur les dynamiques : les mobilités professionnelles, sociales et les transferts culturels associés (le monde urbain comme lieu où se côtoient les hiérarchies traditionnelles et les hiérarchies nouvelles, le maintien et le renouvellement de la noblesse ; l’influence des femmes dans la vie intellectuelle, artistique et politique). Il s’agit de se pencher sur les vies des hommes et des femmes, quel que soit leur rang, aux XVIIe et XVIIIe siècles en France, avec toute la force des récits propres à l’histoire sociale. Pour être au plus près des sociétés modernes et poser les jalons indispensables à la compréhension de la période révolutionnaire, ces questions sont centrales. Elles furent étudiées par de nombreux historiens qui ont conjugué les échelles de questionnement, allant des monographies locales et régionales, des travaux de la micro-histoire jusqu’aux études plus nationales voire européennes. Les études portant sur la France rurale, la plus peuplée, ont connu en particulier de nombreuses réorientations. Longtemps dominée par un traitement quantitatif, avec une importance accordée aux sources économiques, aux données statistiques et aux analyses juridiques, mais également aux structures politiques et religieuses dominantes (propriété du sol et répartition sociale, rapports d’exploitation…), l’historiographie de la France rurale d’Ancien Régime fut nourrie des travaux géographiques du début du XXe siècle, avec un

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intérêt nouveau porté aux dimensions matérielles, à l’habitat, aux paysages, aux techniques agricoles (le travail de Georges Lefebvre sur Les Paysans du Nord pendant la Révolution française (publié en 1924) fait figure d'œuvre de référence pour cette période). Après la Seconde Guerre mondiale, les travaux sur la France rurale connaissent un nouvel essor avec la réédition des travaux de Marc Bloch et ceux d’Ernest Labrousse axés sur l’économie rurale dans le cadre de l’Ancien Régime. De grandes monographies régionales sont achevées et publiées (Pierre Goubert, Emmanuel Le Roy Ladurie…). Ces nombreuses études furent réunies dans une synthèse publiée sous la direction de G. Duby et A. Wallon en 1975-1976 : Histoire de la France rurale. Succèdent ensuite des études plus thématiques et sectorielles croisant de nouveaux champs d’études issus de l’histoire des idées (la violence, les systèmes d’héritages, les cadres familiaux...) et portées par les questionnements plus resserrés de la micro-histoire. Ces travaux furent parfois abondés par des interprétations marxistes (les transformations liées au capitalisme naissant), mais également par les apports de l’historiographie anglo-saxonne (la place du marché dans les transformations des campagnes et des sociétés, les résistances associées et les solidarités villageoises). Plus récemment, l’histoire culturelle et l’histoire des représentations ont renouvelé l’approche du monde rural. Les représentations des sociétés dans la littérature et l’iconographie sont questionnées et remettent au centre des études les populations villageoises de la France moderne. Les recherches et avancées historiographiques furent également très riches sur les villes de l’Ancien Régime, leurs évolutions architecturales, sociales et les nombreux bouleversements économiques. La prise en compte des coexistences multiples entre hiérarchies anciennes et hiérarchies nouvelles favorisa la précision des données sur la noblesse et la bourgeoisie mais également la prise en compte des populations invisibles des faubourgs comme acteurs associés des transforma-

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Chapitre 8 – Tensions, mutations et crispations de la société d’ordres

tions urbaines. Enfin, les recherches sur les soulèvements populaires renouvelèrent certains axes : la prise en considération des résistances, de la multiplicité des actions populaires, qu’elles soient rurales ou urbaines, avec une variation lexicale signifiante (l’émotion, l’émeute, la révolte ou la révolution), leur mise en relation pour savoir si des faits de petite taille peuvent avoir des effets durables et importants, leurs incidences sur le pouvoir monarchique et les pouvoirs locaux. En prenant appui sur ces renouvellements et prismes historiographiques, ce chapitre est l’occasion de prendre en compte les dynamiques, les cadres et les évolutions fines de la société d’Ancien Régime. Bibliographie indicative • Emmanuel Le Roy Ladurie, Les Paysans français d’Ancien Régime, Seuil, 2015. • Olivier Christin, « Ancien Régime. Pour une approche comparatiste du vocabulaire historiographique », in Mots. Les langages du politique [En ligne], 87 | 2008, mis en ligne le 30 mars 2011, consulté le 22 mai 2019. http://journals.openedition.org/mots/11762 • Cornette Joël, « L’histoire au travail. Le nouveau « Siècle de Louis XIV » : un bilan historiographique depuis vingt ans (1980-2000) ». In Histoire, économie et société, 2000, 19e année, n°4, pp. 561- 605. • Bruno Morgant Tolaïni, « Comment utiliser les mémoires d’Ancien Régime » https://devhist.hypotheses.org/author/memoires16 • Jean-Luc Laffont, « Les femmes dans les révoltes populaires en France à l'époque moderne », communication présentée à l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles Lettres de Toulouse, le 28 avril 2016 • Caroline Zum Kolk, Nicolas Le Roux, « L’historiographie de la cour en France » in Marcello Fantoni The Court in Europe, Bulzoni Editore, pp.89-106, 2012, Europa delle Corti https://www.bulzoni.it/it/catalogo/the-court-ineurope.html. hal-01829779 Ressource vidéo • Antoine Lilti (EHESS), Les salons parisiens, de l'Ancien Régime à la Révolution (1770-1791) https://www.paris-iea.fr/fr/liste-des-videos/pariscapitale-de-revolutions

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OUVERTURE › MANUEL PAGES 234-235

Document 1. La vie des paysans dans l’Ancien régime La France moderne est d’abord une France qui se repeuple après les crises démographiques du Moyen-Âge. Du règne de Louis XIV à celui de Louis XVI, on oscille entre crise et croissance et sur les 20 millions d’habitants que compte le royaume, 90 % sont ruraux, pour la plupart paysans. C’est avec leur image que s’ouvre ce chapitre parce qu’ils forment l’essentiel numéraire de la société d’ordres. Les Frères Le Nain, Antoine, Louis et Mathieu, originaires de Picardie mais travaillant à Paris, deviennent membres de l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1648. Leurs œuvres, estimées à 2000 mais dont subsistent de manière reconnue plus de 70 toiles comptent des scènes de genre, des scènes religieuses et des portraits. Dans toute leur œuvre, ce sont les paysans qui sont le plus représentés. Que ce soit en intérieur ou en extérieur, les familles paysannes sont montrées dans une multitude de scènes de genre qui rendent compte du travail, de la vie domestique, des intimités. Tout un quotidien campagnard rendu avec réalisme qui sans magnifier les paysans leur rend une certaine dignité. Ainsi Le retour de fenaison (1641), montre ce visage souriant et lumineux de la mère assise qui fixe le spectateur. Les enfants, dos droit et mains rangées ont cette délicatesse de l’âge tendre et le regard mélancolique. En ce début d’été, l’herbe est coupée pour nourrir les bêtes en hiver. Le ciel est laiteux, le foin doré et la campagne se déploie à l’horizon. La scène nous montre les animaux qui peuplent ce quotidien paysan ainsi que quelques outils. Une scène apaisée et un univers plutôt ordonné.

Document 2. Le port de Marseille au XVIIIe siècle Les villes sont les territoires où se concentrent et se déploient plus vite qu’ailleurs les changements sur la période. Plus particulièrement, parce qu’ils bénéficient d’activités commerciales et maritimes en plein essor, les ports captent les richesses et de nombreuses aspirations aux mobilités sociales. Les activités économiques, les changements urbains et les nouveaux commerces et loisirs y incarnent bien certaines reconfigurations de la société d’ordres. Marseille étant le plus grand port fran-

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Chapitre 8 – Tensions, mutations et crispations de la société d’ordres

çais méditerranéen du XVIIIe siècle, l’essor économique y est encore important malgré la croissance spécifique et plus nette des ports atlantiques (Bordeaux, Nantes, La Rochelle) redynamisés par le commerce triangulaire. Les nombreuses marines de Joseph Vernet (1714-1789) rendent compte de la vie des ports français au XVIIIe siècle. Sur demande de Louis XV, Joseph Vernet peint entre 1753 et 1765 quinze des vingt-quatre toiles de ports français qui lui sont commandées. Sur ce détail de L’entrée du port de Marseille datant de 1754, on voit évidemment les navires de commerce aux voiles repliées pour accoster, les nombreuses barques de déchargement, et les fortifications du port. L’activité économique y est manifeste mais la touche sociale est tout aussi importante. Les bateaux d’agréments, la femme à l’ombrelle, le pique-nique raffiné, la longue vue racontent cette appropriation culturelle du rivage notamment dans la bourgeoisie et la noblesse. Quelques baigneurs aux vêtements plus modestes à droite du document rappellent aussi la proximité plus ancienne de la mer pour des milieux plus populaires.

REPÈRES › MANUEL PAGES 236-237 Cette double page propose une carte du royaume et quatre documents graphiques, dont deux statistiques. L’enjeu est de pouvoir situer dans l’espace et dans le temps les principaux épisodes du chapitre. La carte porte précisément sur les révoltes populaires du XVIIe siècle ; elle permet de situer les principaux foyers de révoltes urbaines ou rurales ainsi que les grandes villes de France. Sur la frise chronologique, les dates importantes, qu’elles rendent compte de faits économiques, sociaux ou culturels, sont classées thématiquement. L’intérêt est de rappeler le caractère nécessairement partiel mais argumentatif des chronologies. Le document 2 rend compte de l’accumulation des charges pesant sur la paysannerie et de leurs bénéficiaires, la lecture fiscale étant une entrée fondamentale dans l’étude des inégalités de la société d’ordres. Le document 4 complète la carte et rend compte du nombre important et croissant des soulèvements populaires de 1660 à 1780. Nombreux dès le XVIIe siècle malgré les répressions royales sous Louis XIII et Louis XIV, ces mouvements de contestation sont bien plus importants et continus au XVIIIe siècle, doublant entre 1700 et 1780 (de 324 à 744). Leur persistance rend compte de résistances sociales renouvelées et accentuées. Le doHistoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

cument 3 illustre la croissance démographique du royaume, l’essor des grandes villes comme espaces privilégiés de concentration des populations, des richesses, des évolutions sociales et des contestations. La population du royaume passe de 20 à 28 millions entre 1600 et 1780, et les grandes villes voient leurs populations plus que doubler sur la période ; Paris compte 600 000 habitants en 1789. Nantes et Bordeaux voient leur population multipliée par 4 et par 3 aux mêmes dates. Cet essor particulier s’explique par le dynamisme des activités maritimes et portuaires, notamment le commerce d’esclaves.

Réponses aux questions 1. Identifiez et distinguez les prélèvements subis par les paysans. Dans l’Ancien régime, les paysans paient des redevances seigneuriales, une taxe au clergé (la dîme) et différents impôts directs et indirects au roi. 2. Localisez les principales révoltes paysannes. À quelle époque sont-elles les plus nombreuses ? Les principales révoltes paysannes se situent dans le sud et à l’ouest du royaume. Elles sont les plus nombreuses dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. 3. Comment évolue la population urbaine aux XVIIe-XVIIIe siècles ? La population urbaine augmente beaucoup aux XVIIe et XVIIIe siècles, en particulier à Paris qui double sa population et dans les grands ports de commerce que sont Bordeaux et Nantes.

COURS 1 Les inégalités de la société d’ordres › MANUEL PAGES 238-239

Réponses au Testez-vous ! Comment s’organise la société d’Ancien Régime ? La société d’ordres repose sur la coexistence de trois groupes qui regroupent toute la population du royaume. Selon la définition juridique de Charles Loyseau, ces trois groupes constitués dès le Moyen-Âge d’après leurs fonctions ne sont pas d’égale dignité. Entre le clergé, la noblesse et le

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Chapitre 8 – Tensions, mutations et crispations de la société d’ordres

tiers-état, de nombreuses inégalités de traitement persistent. Quelles sont les particularités du tiers état ? Le tiers-état compte 95 % de la population du royaume, produit l’essentiel des richesses issues des activités productives du pays et supporte l’essentiel de la fiscalité du royaume. Il regroupe le peuple des villes et des campagnes, les paysans et les bourgeois. Quelles sont les principales causes des révoltes populaires au XVIIe siècle ? Au XVIIe siècle, les principales causes des révoltes populaires sont les prélèvements fiscaux. Les charges fiscales qui pèsent sur le tiers-état et de manière plus systématique sur les paysans et petits travailleurs, provoquent de nombreux mécontentements.

COURS 2 Les mutations de la société › MANUEL PAGES 240-241

Réponses au Testez-vous ! Comment évolue la population du royaume durant la période ? Pourquoi ? Entre 1600 et 1780, la population du royaume augmente considérablement et la France devient un des pays les plus peuplés d’Europe. Passant de 20 à 28 millions d’habitants, le peuple de France profite de la lente amélioration des campagnes : modernisation des techniques agricoles, extension des terres arables, nouvelles cultures, augmentation des rendements. Pourquoi les villes s’enrichissent-elles ? Les villes connaissent un essor démographique important dont une des causes est l’enrichissement manifeste au XVIIIe siècle. Elles rassemblent alors près de 20 % des habitants du royaume. Les villes concentrent davantage d’activités commerciales, bancaires, proto-industrielles et maritimes (pour les villes portuaires), autant de secteurs dynamiques qui emploient davantage et attirent de nombreux journaliers des campagnes ou vagabonds. Quels sont les nouveaux lieux de sociabilité ? Les villes se transforment et on y trouve de nombreux lieux de sociabilité. En plus des théâtres et promenades, se développent les salons et les cafés.

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DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Une révolte paysanne : les Nu-Pieds normands › MANUEL PAGES 242-243 Cette double page propose deux documents sources textuels et un document iconographique qui représente la répression royale contre des révoltes au XVIIe siècle. Les deux textes rendent compte de la diversité des acteurs de cet épisode au-delà des sauniers révoltés contre la suppression d’un avantage fiscal local. Les bourgeois et les seigneurs interviennent du côté du peuple, la répression royale prônée par Richelieu est radicale. La carte et la chronologie associée favorise l’inscription dans le temps et dans l’espace de cette révolte à replacer dans une lignée plus dense présentée en page Repères. Avant 1789, les révoltes paysannes sont nombreuses et souvent disparates, selon les régions.

Réponses aux questions 1. Présentez les acteurs et les lieux de la révolte de 1639. La révolte se fait en Normandie à partir de nombreux foyers comme Coutances, Avranches, Granville et dans les campagnes environnantes. Elle compte de nombreux acteurs : les sauniers, les trésoriers de la cour des aides de Caen, d’autres seigneurs ou bourgeois relayant les inquiétudes des travailleurs du sel, le chancelier Séguier et les troupes royales, le cardinal de Richelieu. 2. Décrivez les formes que prend ce soulèvement. Citez deux moments importants. Début 1639, une ordonnance royale limite l’usage du sel blanc dans le Cotentin. La rumeur de la fin de cet avantage fiscal et la mise en place potentielle de la gabelle dans la région provoque de vives inquiétudes et des violences contre des émissaires royaux. Une armée locale regroupe des milliers d’hommes issus des trois ordres : paysans, prêtres, nobles. Sur ordre de Richelieu, la répression royale est menée par le chancelier Séguier, elle est radicale pour décourager toute autre révolte locale. 3. Quelles sont les causes de la révolte ? Les causes de la révolte sont la crainte et le refus de renoncer à un avantage fiscal important : ne pas payer de taxe sur le sel nécessaire à la conservation des aliments. 4. Quelle est la réaction royale ? Pourquoi ?

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Chapitre 8 – Tensions, mutations et crispations de la société d’ordres

La réaction royale est radicale : par la condamnation à mort des participants, elle doit servir d’exemple et dissuader les autres révoltes.

hiérarchies sociales, professionnelles et juridiques se conjuguent et conditionnent une occupation différenciée du territoire urbain.

5. Synthétiser En 1639, un mouvement de contestation apparaît et se renforce dans le Cotentin. Les sauniers, soutenus par les bourgeois, prêtres et nobles locaux refusent de renoncer à leur exemption de la gabelle. Cet impôt royal sur le sel n’était pas payé dans cette région où le sel était produit et consommé librement par les paysans. Une armée locale se met en place et les villes de la région sont aux mains des révoltés. Ministre de Louis XIII, le cardinal de Richelieu ordonne une répression sévère qui doit servir d’exemple et dissuader tout autre mouvement populaire.

Réponses aux questions

Itinéraire 2 Construire une carte mentale Exemple de carte mentale : CONSEQUENCES : une répression royale sévère en 1640 : de nombreuses condamnations à mort, maisons et biens détruits, murailles des villes qui ont protégé les révoltés rasées.

CONTEXTE : en janvier 1639, une ordonnance royale limite l’usage du sel blanc produit par les sauniers sur les côtes normandes.

Révolte des nu-Pieds ACTEURS : les sauniers, paysans et la petite noblesse, certains prêtres et certains bourgeois ou parlementaires qui soutiennent la révolte. Troupes royales menées par le chancelier Séguier sur ordre de Richelieu.

CAUSES : les sauniers et paysans normands refusent de payer un impôt sur le sel.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Riches et pauvres à Paris au XVIIIe siècle › MANUEL PAGES 242-243 Parmi les cinq documents proposés, deux sont des témoignages d’habitant ou de voyageur, et le troisième un ensemble de transcriptions d’interrogatoires et rapports de police du XVIIIe siècle à Paris. Ce document 3 permet de prendre en compte le vécu des populations les plus précaires de la capitale. Les deux iconographies donnent à voir le quotidien, celui de la noblesse dans un cas, celui du peuple de Paris dans le second cas. La gravure intitulée Les embarras de Paris (1720) illustre l’activité dense, la coexistence heurtée et les aléas nombreux des rues de la capitale. Les Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

1. Identifiez les groupes sociaux évoqués dans les documents et les ordres auxquels ils appartiennent. Dans l’ensemble des documents, les nombreux groupes sociaux évoqués sont la noblesse (documents 1 et 4), le clergé (document 5), la bourgeoisie (document 5, 2 et 4), le peuple de Paris, marchands et artisans, mendiants, vagabonds, ouvriers (documents 4, 2 et 5). 2. Décrivez le mode de vie de la noblesse fortunée à Paris. La noblesse fortunée vivant à Paris de manière ponctuelle ou permanente partage son temps entre de nombreuses occupations. Il ne s’agit jamais de travail rémunéré ou d’activité professionnelle mais de loisirs (théâtre, boulevard et variétés), de rencontres et de mondanités (salons, soupers), de courses (étoffes, bijoux, mobilier). 3. Pourquoi rencontre-t-on de nombreux pauvres à Paris ? Paris compte de plus en plus de pauvres au XVIIIe siècle. Les documents 2 et 3 expliquent que ce sont pour beaucoup de nouveaux citadins qui sont venus des campagnes environnantes. L’exode rural est prononcé et Paris, capitale du royaume et ville aux multiples activités économiques attire les indigents. 4. Comment sont-ils traités par les autorités ? Ces populations pauvres sont surveillées, poursuivies et emprisonnées rapidement en cas de délit ou de vagabondage. Le contrôle social est important. 5. Synthétiser À l’époque moderne, Paris est une ville riche et de plus en plus attractive. Elle rayonne par de nombreux loisirs et commerces qui occupent la noblesse et la bourgeoisie. Elle attire également de nombreux ruraux quittant les campagnes pour trouver refuge en ville. Les contrastes sociaux sont ainsi très prononcés et les rues de la capitale sont des espaces où se côtoient tous les métiers et tous les groupes sociaux du royaume. Itinéraire 2 Rédiger un récit Pour rédiger un récit, il convient de rester attentif à des exigences strictes : - rappeler le thème traité ; - décrire ; 5

Chapitre 8 – Tensions, mutations et crispations de la société d’ordres

- contextualiser (dates, espace, acteurs) ; - expliquer. Pour le sujet proposé, faire un récit de voyage qui rende compte de la diversité et des contrastes sociaux à Paris au XVIIIe siècle, il convient : - de s’inventer un personnage (par exemple un marchand de province qui vient pour la première fois à Paris) ; - de raconter son cheminement (de son auberge à son rendez-vous chez un banquier par exemple : les rues qu’il traverse sont peuplées de nombreux métiers, de nombreuses personnes dont les vêtements indiquent l’appartenance sociale, les plus visibles sont les plus pauvres et démunis qui errent dans les rues. Cette forte présence de vagabonds et de mendiants s’explique par les richesses foisonnantes qui semblent paradoxalement accessibles. Les contrastes sont très prononcés.)

PASSÉ / PRÉSENT En quoi les cafés sont-ils des lieux de sociabilité quotidienne depuis le XVIIIe siècle ? › MANUEL PAGES 246-247 Cette double page permet de revenir sur un lieu important de la sociabilité urbaine depuis le XVIIIe siècle. Développé autour de la consommation de boissons exotiques (café et chocolat) arrivées en Europe avec le commerce atlantique, le café ne se réduit pas à un espace de découvertes de nouvelles saveurs. C’est un lieu public qui réunit des personnes de différents groupes sociaux, avec également une progressive mixité des sexes. Les échanges n’y sont pas qu’économiques mais également culturels et politiques. La parole y circule, s’y amplifie, et s’y confronte à d’autres. Aujourd’hui, ils sont encore des lieux emblématiques de la vie urbaine et le bistrot parisien fait bien partie de la panoplie de la capitale dans les imaginaires, tel un lieu de mémoire.

Réponses aux questions 1. Décrivez à quels besoins répondent les cafés au XVIIIe siècle ? Les cafés du XVIIIe siècle répondent à de nombreux besoins : consommer des boissons exotiques, être au chaud, se réunir, rencontrer d’autres personnes, débattre d’auteurs ou d’œuvres artistiques.

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2. Pourquoi l’auteur critique-t-il les cafés ? Dans le tableau de Paris (1781), Louis Sébastien Mercier faite de nombreuses descriptions précises de la vie parisienne. Les cafés sont évoqués à de nombreuses reprises. L’extrait de la double page insiste sur ce que les habitants venaient chercher au café mais il souligne également le risque de l’oisiveté, de la fréquentation du peuple et du renoncement à une sociabilité plus distinguée. 3. Pourquoi se retrouver au café aujourd’hui ? Aujourd’hui, outre l’opportunité de consommer des boissons ou des aliments diversifiés, se retrouver au café, c’est retrouver des amis et proches, faire des rencontres, échanger et débattre, regarder des matchs sportifs ou encore festoyer. 4. Montrez que les cafés peuvent favoriser les débats du XVIIIe siècle à nos jours. Depuis le XVIIIe siècle les cafés sont des espaces de transit, de consommation et de rencontre. Nombreux, familiers et conviviaux, ils attirent toutes sortes de personnes qui peuvent y dialoguer et même y débattre. Le lieu réunissant de nombreuses personnes est un auditoire favorable aux discussions. 5. Relevez des différences entre les époques (personnes qui fréquentent les cafés, activités qui s’y déroulent…) Entre le XVIIIe siècle et aujourd’hui, les cafés présentent néanmoins quelques différences ; les consommateurs contemporains sont plus diversifiés, on compte davantage de femmes et de jeunes. Les activités s’y sont également diversifiées avec des concerts, des rencontres organisées de manière thématique ou disciplinaire et des débats.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Les salons parisiens au XVIIIe siècle › MANUEL PAGES 248-249 Les salons parisiens sont un objet d’études renouvelé depuis les travaux d’Antoine Lilti. Les enjeux sont multiples et les sources diversifiées. Les thèmes abordés peuvent aussi bien concerner l’habitat et l’intérieur domestique, les loisirs des groupes sociaux privilégiés, l’édition et la pensée philosophique ou la circulation des idées. Si ces thèmes sont perceptibles dans les documents proposés, l’axe de réflexion choisi pour la synthèse est la place des femmes au sein de la noblesse et de la bourgeoisie. En quoi les salons illustrent leur 6

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position sociale tout en ouvrant potentiellement leurs perspectives d’action ?

Réponses aux questions 1. Identifiez les catégories sociales qui participent aux salons du XVIIIe siècle. Ce sont les nobles et la haute bourgeoisie qui participent aux salons du XVIIIe siècle. Ces rencontres se font dans des hôtels particuliers dont l’entretien est très coûteux. 2. Relevez les activités qui y sont pratiquées. Les convives qui s’y retrouvent peuvent dialoguer, débattre de littérature, philosophie, économie. Sont également proposés des jeux de société, des concerts, des lectures à voix haute et des repas ou collations selon les revenus des hôtes. 3. Comment les salons participent-ils à la diffusion des idées et des savoirs ? Favorisant les rencontres entre des convives d’horizons variés mais liés par le milieu social et les réseaux, les salons participent à la circulation des idées et des savoirs. Les convives viennent parfois de province et de l’étranger et ont l’opportunité de présenter des œuvres, des travaux ou des inventions. Ils colportent chez eux ensuite les nombreux échanges et informations relevées au cours de leurs rencontres mondaines. En cela les salons ont été un foyer de diffusion des savoirs des physiocrates et des idées des Lumières. 4. Quel était le rôle des femmes dans les salons, entre fonctions mondaines et interventions artistiques et politiques ? Dans les salons, les femmes pouvaient bénéficier d’une parole libre et d’une exposition directe aux idées les plus modernes. En tant qu’hôtesse, elles pouvaient jouir d’une réputation flatteuse et d’une reconnaissance sociale qui faisait autorité et donnait du poids à leur parole. 5. Itinéraire 2 Organiser un débat Pour organiser un débat, il convient tout d’abord de former les groupes qui opposeront leurs arguments en leur indiquant quelle position ils défendent. Il est possible de leur proposer d’organiser leurs idées dans un tableau. Thèse : dans les salons…

…les femmes obéissent à la société de leur temps

Arguments

1)… 2)… 1)… 2)…

Exemples, anecdotes

…les femmes affirment leur jugement artistique et politique et s’émancipent 1)… 2)… 1)… 2)…

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Cette argumentation doit être servie par des qualités oratoires à travailler régulièrement à partir de conseils simples : - se lever pour parler, se tenir bien droit ; - articuler et parler lentement ; - bien annoncer sa thèse ; - fixer l’auditoire et scander le propos par des gestes fermes de la main ; - poser des questions auxquelles on apporte des réponses ; - remercier le public et saluer discrètement à la fin.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Les ports français et la traite négrière › MANUEL PAGES 250-251 À partir du XVIIe, la France participe au commerce atlantique dont les nombreux échanges enrichissent les ports français. La double page vise à mettre en lien des logiques d’exploitation et de domination et une modernisation économique et urbaine. L’enjeu est de souligner la causalité entre économie de plantation et enrichissement des ports français : il est aussi de rappeler la grande diversité des acteurs et territoires concernés au-delà du royaume de France. Les textes proposés, témoignages et texte de loi, soulignent cette hiérarchie des groupes impliqués.

Réponses aux questions 1. Définissez de manière précise les échanges du commerce triangulaire. On entend par commerce triangulaire les échanges commerciaux entre les ports européens, certains comptoirs d’Afrique de l’ouest et les colonies en Amériques. Ces échanges maritimes engagés par des armateurs, des négociants et des négriers participent à la diffusion de produits exotiques en Europe. Ils furent aussi l’occasion d’un commerce et de la déportation de plusieurs millions d’esclaves africains vers les plantations en Amérique. 2. Identifiez le rôle des esclaves dans les plantations. De quelle manière les esclaves sont-ils considérés ? En Amérique, les esclaves font fonctionner les plantations. Ils occupent tous les postes de travail, dans les champs, dans les dépôts. Ils sont les moteurs de l’activité et de la réussite économique de ces structures agricoles coloniales. Les esclaves sont considérés comme des biens, ils appartien-

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Chapitre 8 – Tensions, mutations et crispations de la société d’ordres

nent à ceux qui les achètent. Le code noir règlemente leur traitement : ils peuvent être battus, mutilés et tués par leurs maîtres. 3. En confrontant les deux documents, définissez la situation économique de Bordeaux. La confrontation du texte et de l’image permet d’affirmer que l’enrichissement de Bordeaux au XVIIIe siècle est dû au commerce atlantique. Ce sont bien le commerce d’esclaves et le commerce de produits locaux dont le vin qui ont accéléré la croissance du port français. Cette réussite économique est perceptible tant dans les évolutions architecturales que dans la tenue de la noblesse et de la bourgeoisie bordelaises. 4. Expliquez pourquoi le commerce triangulaire est important pour la prospérité de Bordeaux. Le commerce triangulaire est important pour la prospérité de Bordeaux puisque les échanges transatlantiques sont l’occasion d’exporter des produits bordelais et d’importer des produits exotiques vendus avec des marges très importantes. Par ailleurs le commerce d’esclaves enrichit considérablement les familles et les négociants qui ont investi dans l’économie de plantation. 5. Synthétiser L’économie de plantation suppose l’exploitation de terres agricoles et le commerce de produits tropicaux comme le sucre destinés à l’exportation en Europe où ils sont vendus très cher. Le travail des esclaves étant non rémunéré, les bénéfices peuvent être très importants pour les exploitants ou les investisseurs bordelais. Itinéraire 2 Réaliser un schéma Exemple de schéma :

DOCUMENTS Les mutations de la noblesse › MANUEL PAGES 252-253 Les évolutions de la noblesse illustrent les dynamiques économiques et sociales du XVIIIe siècle. Ce groupe anciennement constitué est subdivisé en Histoire Seconde, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

de nombreuses catégories avec des hiérarchies indicatives de la réussite ou de l’origine du titre, entre petite et haute noblesse, noblesse d’épée et noblesse de robe. Les justifications idéologiques et juridiques évoquées par Charles Loyseau pour justifier la société d’ordres sont croisées avec des critiques faites à la noblesse par deux contemporains dont un noble, Gilles André de La Roque. De nombreux thèmes peuvent être abordés : les fondements de légitimité de la noblesse, ses prérogatives, ses rôles économique et politique, ses hiérarchies et sa diversification, entre ouvertures, reconfiguration et persistances nobiliaires. Il est également possible de s’attarder sur les pratiques domestiques et culturelles.

Réponses aux questions 1. Quelles sont les origines de la noblesse selon Charles ? Selon Charles Loyseau, les nobles ont pour rôle de « conserver l’État par les armes », ils tirent leur légitimité de leur fonction militaire. 2. Relevez les reproches que Voltaire adresse à la noblesse. Voltaire émet de nombreuses critiques concernant cet ordre. Il se moque des titres rapidement acquis, de leur prétention à l’égard des négociants et autres bourgeois. Sa principale critique est que les nobles n’ont aucune utilité économique, ils ne participent pas au développement et à la modernisation du pays, ne produisent aucune richesse, ne travaillent pas. 3. Montrez que la vie d’Emmanuel de Croÿ illustre les mutations de la noblesse au XVIIIe siècle. Le cas d’Emmanuel de Croÿ permet de relativiser cette description de la noblesse. Ce noble issu d’une famille ancienne fut un éminent militaire et s’intéressa à l’industrie naissante de l’extraction du charbon. Il fonde la compagnie des mines d’Anzin en 1757 et sa famille eut un poids important dans les charbonnages au nord de la France. Ce noble incarne les persistances de l’ordre (la formation militaire, les usages sociaux et vestimentaires) ainsi que les renouvellements initiés par certains nobles tentés par de nouvelles responsabilités sociales (l’investissement économique dans l’industrie au-delà des exploitations agricoles traditionnelles. 4. Pourquoi la noblesse fascine-t-elle le reste de la société ?

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Chapitre 8 – Tensions, mutations et crispations de la société d’ordres

La noblesse fascine le reste de la société par ses loisirs, ses représentations et sa proximité avec le roi. De nombreux éléments qui ont nourri les imaginaires. 5. Pourquoi cet auteur (doc. 2) est-il hostile à l’anoblissement ? Gilles André de La Roques est hostile à l’anoblissement car il produit des inégalités entre les nobles et nourrit une hiérarchie qui divise ce groupe social. Selon lui, seules l’hérédité et l’ancienneté légitiment la noblesse. 6. Synthétiser La noblesse est un ordre qui trouve sa première légitimité dans son ascendance chevaleresque et son rôle de défenseur du royaume. Hétérogène, il est divisé en sous-groupes selon les origines et l’ancienneté du titre. Plusieurs noblesses coexistent mais toutes n’ont pas accès au roi ou aux charges les plus prestigieuses du royaume. Haute et petite noblesses, noblesse d’épée ou noblesse de robe (attachée aux parlements et fonctions juridiques), les nombreuses dénominations attestent de cet éclatement. Par ailleurs, malgré les usages interdisant le travail au risque de déchoir, de nombreux nobles s’essaient à d’autres chantiers que la gestion des terres familiales. Pour la modernité qui l’accompagne et les nombreuses opportunités qu’elle offre, l’industrie naissante attire des investissements de la part de la noblesse. Ainsi la noblesse est un groupe ancien mais non immuable dont l’hétérogénéité et les évolutions illustrent des dynamiques au sein de la société d’ancien régime.

DE LA SOURCE À L’HISTOIRE En quoi Le Mariage de Figaro renseigne-t-il l’historien sur la crise et les critiques de la société d’Ancien Régime ? › MANUEL PAGES 254-255 Cette double page propose de rappeler que les œuvres de littérature, au-delà de leurs qualités artistiques, restent des sources importantes pour l’historien. Écrite en 1778, Le Mariage de Figaro est une pièce de Beaumarchais qui, dix ans avant la Révolution française, dénonce des inégalités de la société d’Ancien Régime.

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Quelles sont les spécificités de l’usage de l’œuvre littéraire en histoire ?

Réponses aux questions 1. Présentez la source dans son contexte. Beaumarchais écrit Le Mariage de Figaro en 1778. Il met en scène un noble et son valet pour souligner les inégalités persistantes entre les ordres de la société d’Ancien Régime. Censurée durant trois ans sur ordre royal, la pièce finit par être autorisée sur pression de certains nobles et de l’opinion publique. Beaumarchais est de son côté libéré. La pièce connaît un grand succès et elle est adaptée par Mozart en 1785 avec Le Nozze de Figaro. 2. Comment Beaumarchais décrit-il les écarts entre les nobles et les serviteurs ? Beaumarchais décrit les écarts entre les nobles et leurs serviteurs sur le ton comique. Il donne néanmoins l’occasion à ses personnages de dérouler les arguments et les critiques. La longue tirade de Figaro dans l’acte V scène 3 est l’occasion pour le serviteur de dénoncer les privilèges de la noblesse et la domination subie par leurs personnels. 3. Relevez la façon dont il traite de la censure. Il évoque la censure à la fin de l’extrait : « ...il s’est établi dans Madrid un système de liberté sur la vente des productions... Deux ou trois censeurs ». Le ton est ironique, la censure décrite comme un système de liberté paradoxal qui réduit le champ de l’expression. 4. Pourquoi Louis XVI est-il hostile à la pièce ? Louis XVI est hostile à la pièce pour plusieurs raisons. Il en critique le style « de mauvais goût » mais surtout il craint son caractère séditieux, puisque selon lui l’auteur se « joue de tout ce qu’il faut respecter dans un gouvernement ». 5. Montrez que cette œuvre rend compte des tensions dans la société d’ordres. Le Mariage de Figaro est une pièce de théâtre qui rend compte des tensions de la société d’ordres. Le personnage principal, Figaro, conteste les privilèges de son maître et à travers lui de la noblesse. Les arguments portés contre une hiérarchie inique sont exposés avec force, rappelant les qualités du peuple qui travaille face aux avantages liés à la naissance d’une noblesse oisive et imbue de ses privilèges.

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