Approche archéozoologique des modes d'acquisition, de transformation et de consommation des ressources animales dans le contexte urbain gallo-romain de Lutèce (Paris, France) 9781841719146, 9781407329284

This volume presents a zooarchaeological study of eleven Gallo-Roman bone assemblages retrieved over the past fifteen ye

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Approche archéozoologique des modes d'acquisition, de transformation et de consommation des ressources animales dans le contexte urbain gallo-romain de Lutèce (Paris, France)
 9781841719146, 9781407329284

Table of contents :
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CHAPITRE 1. INTRODUCTION
CHAPITRE 2. LE CADRE GÉOLOGIQUE ET L’ÉVOLUTION DU PAYSAGE
CHAPITRE 3. CORPUS ARCHÉOLOGIQUE ET MÉTHODOLOGIE
CHAPITRE 4. CARACTÉRISTIQUES OSTÉOLOGIQUES DU BOEUF, DESSUINÉS ET DES CAPRINÉS
CHAPITRE 5. DONNÉES MÉTRIQUES, MORPHOLOGIQUES ET STATUTS DES AUTRES ESPÈCES
CHAPITRE 6. COMPOSITION ET ÉVOLUTION DES SPECTRES FAUNIQUES
CHAPITRE 7. ACQUISITION ET TRANSFORMATION DES RESSOURCES ANIMALES
CHAPITRE 8. ACQUISITION DES ONGULÉS DOMESTIQUES
CHAPITRE 9. APPROCHE DE L’EXPLOITATION DES RESSOURCES ANIMALES DANSLE CADRE RÉGIONAL GALLO-ROMAIN
CHAPITRE 10. CONCLUSION
Summary
Bibliographie
Table des Figures
Table des annexes
TABLE DES MATIÈRES
ANNEXES

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BAR  S1479   2006   OUESLATI   APPROCHE ARCHÉOZOOLOGIQUE DES MODES D’ACQUISITION

Approche archéozoologique des modes d’acquisition, de transformation et de consommation des ressources animales dans le contexte urbain gallo-romain de Lutèce (Paris, France) Tarek Oueslati

BAR International Series 1479 B A R

2006

Approche archéozoologique des modes d’acquisition, de transformation et de consommation des ressources animales dans le contexte urbain gallo-romain de Lutèce (Paris, France) Tarek Oueslati

BAR International Series 1479 2006

ISBN 9781841719146 paperback ISBN 9781407329284 e-format DOI https://doi.org/10.30861/9781841719146 A catalogue record for this book is available from the British Library

BAR

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CHAPITRE 1

INTRODUCTION Approche socio-économique et culturelle de la ville gallo-romaine de Lutèce L’étude archéozoologique de la cité antique de Lutèce est au centre de ce travail. Elle succède, dans le temps, à celle des autres catégories de mobilier archéologique (céramique, métal, verre, peintures, etc). Ces vestiges de l’occupation gallo-romaine du chef-lieu des Parisii ont été mis au jour au fil de plus d’un siècle de fouilles. Le corpus pris en compte ici est issu des quinze dernières années de fouille, époque à partir de laquelle les restes osseux ont été systématiquement collectés et conservés. C’est essentiellement le sous-sol de la montagne Sainte-Geneviève qui a emprisonné durant près de deux millénaires des dizaines de milliers d’ossements animaux. La séquence chronologique balaye plus de quatre siècles, er e du milieu du I s. av. J.-C. jusqu’à la fin du IV s. La série d’ossements est constituée, pour l’essentiel, de restes d’espèces domestiques ayant fait l’objet d’un élevage, d’une acquisition, d’une mise à mort, d’une découpe de boucherie et d’une préparation culinaire, dernière étape précédant la consommation d’une viande plus ou moins débarrassée de ses os. Ainsi, ces quelques 65 000 témoins osseux nous éclairent sur ces opérations qui animaient sans doute une partie considérable de la vie quotidienne.

population urbaine sont encore très mal ou pas du tout documentés. Les possibilités offertes par l’archéozoologie pour nous éclairer sur ces aspects par l’intermédiaire de l’analyse du sous-système technique d’acquisition, de transformation et de consommation des ressources animales (Tresset, 1996 ; Vigne, 1998) restent à exploiter. Dans cette optique, Lutèce offre l’opportunité, outre l’enrichissement du corpus régional, d’améliorer notre connaissance d’un contexte particulier : la ville gallo-romaine du nord de la France. La chronologie de l’occupation permet d’aborder Lutèce gallo-romaine, de er e sa genèse, à la fin du I s. av. J.-C., jusqu’à la fin du IV s. ap. J.-C. Associée aux autres disciplines archéologiques, l’approche archéozoologique de la production animale et de la consommation de viande constitue une bonne entrée pour aborder cette société urbaine en transition.

Les faunes et la dynamique culturelle au changement d’ère Il reste difficile aujourd’hui d’aborder toutes les facettes des problématiques relatives à la romanisation du substrat gaulois. Une dynamique se met sans doute en place à la lumière des vestiges livrés par certains sites de la Gaule romaine qui attestent d’une évolution notable (Goudineau, 1980 ; Mangin, 1986). Cependant, ces faits n’impliquent que les traits connus de la civilisation romaine et à condition qu’ils contrastent suffisamment avec ceux de la culture gauloise locale (architectures, cultes, productions céréalières, fruits exotiques, importations de différentes catégories de mobiliers, etc.). L’influence de la Conquête sur la production et la distribution des animaux, ainsi que sur le traitement et la préparation de la viande, reste en l’occurrence parfois difficilement perceptible, en dehors de l’apparition de grands bovins à partir de la fin de La Tène. La question qui reste posée aujourd’hui est de savoir si nous sommes en présence d’un empreint de traits culturels méridionaux, ou bien s’il s’agit d’une stimulation de l’évolution de la culture locale, sous l’impulsion des transformations des conditions générales de vie. La difficulté qui se pose pour peser la part de chacune de ces deux modalités de changements résulte de la faiblesse de nos connaissances archéozoologiques concernant les Romains dans leurs terres d’origine italienne. Cette situation est liée aussi en partie à la tradition de l’archéologie antique en Italie qui a focalisé de longue date l’attention sur les constructions et l’art aux dépens du petit mobilier non noble. L’abondance des sources littéraires relatives aux animaux en Italie ancienne a probablement aussi contribué à une désaffection pour les études de faune. Cependant, le caractère universel de la production

La ville de Lutèce au sein du corpus archéozoologique régional Dans le contexte du nord de la France, les assemblages de Lutèce viennent s’ajouter à quelques centaines de milliers de vestiges osseux gallo-romains déjà étudiés et issus de différents types d’agglomérations ou de contextes ruraux (Vadet 1981, 1986 ; Arbogast in Arlaud, 1994 ; Lepetz, 1996 ; Méniel, 1996). Malgré l’existence d’études archéozoologiques de certains contextes de villes gallo-romaines (Argentomagus (Rodet-Belarbi, 1989), Reims (Auxiette in Balmelle 1995, 1997 et en cours ; Auxiette in Rollet en cours a, b et c), Vieux (14), Arras (62), Beauvais, Noyon et Senlis (Oise, 60) et Amiens (80) (Lepetz ,1996)), ces dernières concernent trop souvent des fenêtres spatiales réduites, ne donnant qu’une image ponctuelle et sommaire de l’agglomération. À ce stade, il est nécessaire de préciser la difficulté que constitue la définition de la notion de ville pour la période antique (Buchsenschutz, 2000 ; Tarpin, 2000) ce qui peut être mis en rapport avec l’existence attestée d’une hiérarchie de villes (Goudineau, 1980). L’approche archéozoologique de ces diverses entités socio-économiques et culturelles que constituent les différentes villes gallo-romaines reste entièrement à faire puisque, dans l’ensemble, les aspects relatifs à l’approvisionnement des agglomérations, la hiérarchie des viandes et la stratification socio-économique de la

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nous renseignent sur la diversité des formats au sein même du troupeau romain en Italie (grands bovins pour le travail de la terre avec de petites vaches nourrices en plus de l’adaptation à l’écologie du paysage ; White, 1970). Ne faut-il pas voir dans cette apparition de bovins de grand format en Gaule une orientation économique axée sur la production céréalière et sur l’exploitation intensive de la terre, plutôt qu’une révolution zootechnique avec une finalité de production de viande ? Cela semble conforté par la rareté des mentions des bovins comme source de viande dans les textes (André, 1981 ; Garnsey, 1996 et 2000), ainsi que par le rôle des grands bœufs dans les travaux champêtres (Weber, 1909 ; pour une revue de la place du bœuf d’après les textes antiques voir Baron, 1996). Ainsi, l’analyse des changements qui s’observent dans le troupeau gallo-romain doit tenir compte des conditions de stabilité politique, des mouvements de populations, des finalités de l’élevage, de l’état d’urbanisation. Elles doivent surtout reposer sur une meilleure connaissance des caractéristiques du bétail dans les contextes romains d’Italie. La complexité des transformations accompagnant le passage de l’Âge du Fer à la période gallo-romaine nécessite une approche systémique permettant d’aborder les mécanismes d’évolution et leur diversité (voir, par exemple, AudoinRouzeau, 1998). La multiplication des études de faunes antiques en France souligne la diversité et la complexité de la question de la production animale et de la consommation de viande (Lepetz, 1996 ; Méniel, 2000 et 2001). L’approvisionnement et la redistribution de la viande au sein des agglomérations, ainsi que l’impact de la romanisation sur ces processus économiques, sont autant de points qui nécessitent d’être précisés pour les contextes urbains régionaux.

et de la consommation de viande ne facilite pas la tâche. Il va sans dire qu’on ne peut pas espérer déduire des traits culturels gaulois ou romains dans un assemblage faunique de la même façon que dans un ensemble de céramiques. Il s’agit là de catégories de mobilier distinctes et l’approche de leur étude est rigoureusement différente. Les restes squelettiques étudiés sont avant tout une production biologique. Au sein d’un assemblage, c’est la combinaison des caractères intrinsèques (origine squelettique, espèce, individu) et extrinsèques (modifications que subit l’os après la mort de l’animal), qui permet d’aborder les spécificités culturelles (Poplin, 1973b). Pour reprendre le parallèle avec la céramique, identifier les implications culturelles à partir de l’os, production biologique, revient à vouloir identifier un tesson uniquement d’après l’étude minéralogique de l’argile et du dégraissant sans prendre en compte la chaîne opératoire allant de l’acquisition de la fraction minérale au façonnage, à la cuisson et à la finition de la poterie. L’attribution d’un os à une partie du squelette, à un animal n’est qu’une identification biologique du vestige et constitue une étape préliminaire de la démarche archéozoologique. Situer cet os au sein d’une chaîne opératoire dans un système technique de production et de redistribution est en revanche un des principaux problèmes que se propose de résoudre la discipline (Leroi-Gourhan, 1945 ; Tresset, 1996 ; Vigne, 1996). Actuellement, de nombreuses études de faunes romaines se mettent en place en Italie (King, 1999 ; Wilkens 1997 ; MacKinnon, sous presse), mais la connaissance archéozoologique de ces contextes romains comme nous venons de la définir n’en est qu’à ses balbutiements. Ainsi, il reste délicat d’attribuer les changements survenus sur les sites gallo-romains exclusivement à la romanisation sans rendre compte de la part de l’évolution spontanée de la culture gauloise de l’Âge du Fer, de son adaptation et de sa recherche d’un équilibre, à la lumière des changements socio-économiques et politiques survenus avant et après la conquête. Les caractéristiques archéozoologiques du substrat gaulois sur lequel se développe la société galloromaine sont relativement bien connues dans le nord de la France (Méniel, 1986, 1987, 1987, 1988, 1991, 1996, 1996, 1997, 1999 et 2001 ; Auxiette, 1995, 1998 et 2000 ; Horard-Herbin, 1997 et 2000). Son évolution a sans doute préparé le terrain pour les changements qui surviennent autour de la Conquête romaine. Nous pensons notamment à la multiplication des agglomérations et des changements dans les modes de production qui précèdent la conquête (Buchsenschutz, 2000). Dans cette optique, il semble difficile aujourd’hui d’admettre, sans discussion, par exemple, que l’apparition du grand bœuf soit uniquement liée aux techniques de l’élevage des agronomes romains, sachant que les Gaulois ont été en contact avec les cultures méditerranéennes et qu’ils ont sans doute constaté la présence de grands animaux tels que les chevaux qu’ils ont probablement importés, entre autres, en Gaule Belgique avant la Conquête (Méniel, 1996). Par ailleurs, les textes historiques ainsi que les faits archéologiques

Le potentiel archéozoologique de Lutèce Lutèce, la capitale de civitas des Parisii permet, par l’abondance de son mobilier, de se pencher sur ces questions. Forum, théâtre, thermes et lieux de cultes sont autant de manifestations de l’influence romaine à Lutèce (Duval, 1961 et 1971 ; Carbonnière, 1997 ; Busson, 2001 ; Poux et Robin, 2001). Les données historiques portant sur cette agglomération sont cependant très rares et ne permettent en aucune façon de comprendre sa constitution ou son fonctionnement. Il ne s’agit pas là d’une particularité de ce site, puisque les textes rapportant des faits de la ville en Gaule manquent tragiquement (Goudineau, 1980). L’archéologie se trouve alors livrée à elle-même pour tenter de nous renseigner sur cette histoire des villes. Dans cette optique, les archéologues de la «Commission du Vieux Paris», créée en 1898 pour surveiller les travaux de Paris, ont œuvré sur l’urbanisation, l’architecture, la céramique, le verre, le plâtre et le mobilier métallique depuis plus d’un siècle (pour une revue des différents travaux, voir Busson, 1998 ; Robin et Eristov, 1998 ; Robin 1999 ; Marquis et Robin, 2000 ; Poux et Robin, 2000 et Busson, 2001). Ces derniers temps, une autre catégorie de vestiges a été mise à contribution : il

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s’agit de reliques de tissus animaux (ossements, écailles de poisson, cuir) et de végétaux (bois, graines, fruits, pollens) trouvés dans les sédiments anthropiques, mémoire de la vie quotidienne des Parisii. Ces vestiges sont issus pour l’essentiel du bétail et des plantes qui ont assuré la subsistance des occupants de la ville. Il ne faut pas perdre de vue que les occupants de Lutèce, quelle que soit leur appartenance socio-économique, ont été confrontés à la nécessité presque quotidienne de l’acquisition de denrées alimentaires. L’approvisionnement de la ville en viande, légume, blé, etc. est en l’occurrence une composante primordiale de son fonctionnement (Finley, 1973 ; Garnsey, 1998).

tirent leurs aliments des productions rurales. Il conclut que toutes les villes constituent dans ce sens des centres de consommation. De ce point de vue, il serait intéressant de cerner, pour les villes de la moitié nord de la Gaule, les modes d’approvisionnement des composantes de l’alimentation carnée. Surgit alors la question du statut de la ville : romaine, obéissant à une gestion administrative centralisée avec une spécialisation des activités et une dépendance considérable sur les productions rurales pour l’alimentation (Finley, 1973 ; Garnsey, 1998 et 1999) ; ou bien gauloise, perpétuant les modalités de fonctionnement des agglomérations antérieures à la Conquête sous une nouvelle apparence, telle que l’attestent la construction en dur, l’implantation d’une zone monumentale, les cultes et les différentes techniques de production (Duval, 1961 ; Buchsenschutz, 2000). Cette imbrication de deux cultures de traditions très différentes est de toute évidence le siège d’échanges qui s’étendront sur au moins quatre siècles. Les Romains n’ont pas éradiqué la culture gauloise et l’échange culturel s’est donc obligatoirement établi dans les deux sens puisque la seule façon d’empêcher l’empreint entre deux cultures est l’interdiction du contact entre les deux groupes (Wissler, 1923, p. 42). Il reste toutefois nécessaire d’expliciter comment les traits méditerranéens sont véhiculés par la présence physique des groupes humains (vétérans ? élite en petit nombre ?) ou par d’autres mécanismes.

Approche culturelle et économique des contextes urbains Nous aborderons deux facettes de ces agglomérations : le tissu socio-culturel et la composante économique. Selon Scipion, «la ville ne peut se résumer à une agglomération : elle est indissociablement liée à l’existence d’un groupe humain, lié par une sorte de contrat social» (Tarpin, 2000). La transposition de ce constat à Lutèce fait ressortir la nécessité de la définition de la nature du groupe humain qui la constitue. Deux agglomérations de la période de La Tène sont connues dans le voisinage de Lutèce et on peut se poser la question de l’apport des occupants du site de «La Vache-à-l’Aise» (Bobigny) ou de «Les Guignons» (Nanterre) au groupe humain constituant la population de Lutèce. Des contributions externes (méditerranéennes ?), et notamment militaires, ne sont pas exclues (Poux et Robin, 1999). Les continuités dans les coutumes locales opposées aux innovations importées sont des paramètres que nous tenterons d’analyser. Par ailleurs, l’identité propre de la ville, qui s’exprime dans l’opposition ager-oppidum (Tarpin, 2000), incite à aborder ses fonctions économiques propres. Les modèles économiques associés aux contextes urbains sont nombreux (Weber, 1909 ; Polanyi, 1968 et Finley, 1973), mais, dans l’état actuel de la recherche, peu de données de cet ordre concernent le cadre chrono-culturel qui nous occupe. La Grande-Bretagne commence à livrer de nombreuses informations sur le mode d’approvisionnement des villes romaines en produits carnés, avec une recherche axée entre autres sur les rapports entre les sites urbains et leur voisinage rural à travers les données archéozoologiques (Grant, 1977 ; Maltby, 1994). Fulford (1982) aborde également la question pour les villes romaines d’Angleterre en se fondant notamment sur les travaux de Collingwood (1937). Ce dernier définit la relation entre les villes et l’arrière-pays comme un parasitisme. Les villes se nourrissent, selon ce modèle, des productions rurales sans pour autant assurer une production complémentaire suffisante pour approvisionner les zones rurales. Finley (1973), propose en revanche un modèle dans lequel les rapports entre les villes et les zones rurales sont plus complexes, allant d’un parasitisme total à une pleine symbiose. Cet auteur considère que les citadins qui ne participent pas directement à la production primaire

L’approche archéozoologique de Lutèce Dans le cadre de notre travail, nous tenterons, par une démarche archéozoologique, d’aborder une facette de la vie quotidienne des Parisii telle qu’elle est perçue dans l’exploitation des ressources animales. Le substrat culturel gaulois intègre certains traits de la culture romaine par sa religion, ses monuments et certains aspects de la vie quotidienne comme la fréquentation des thermes et des théâtres. D’autres faits archéologiques attestent de la persistance de traits gaulois et, à Lutèce, le pilier des Nautes en constitue un bon exemple (Duval,). L’archéozoologue se propose, à partir des amas osseux retrouvés dans l’habitat et son voisinage, d’aborder d’autres gestes tels que l’exploitation de l’os, de la moelle, des viandes, de la peau, de la laine, du lait et de la force de traction. Les ossements enregistrent les clichés instantanés de cette interaction entre l’homme et l’animal. Afin que l’image finale restitue le plus fidèlement possible les scènes de la vie quotidienne, nous opterons pour une lecture systématique de la totalité des témoins osseux trouvés sur une dizaine de sites d’habitats de Lutèce. Cette lecture se fera dans le cadre d’un modèle d’analyse comprenant quatre points (Figure 1). 1- L’acquisition des ressources animales à l’échelle de la ville. Il s’agit de définir les sites de production et d’entretien des animaux. Nous proposons de partir de l’hypothèse d’une diversité des sources d’approvisionnement, avec une production urbaine, une production du voisinage immédiat de la ville (fundi suburbani), une production rurale et des

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Figure 1. Schéma synthétique de l'approche archéozoologique du contexte urbain gallo-romain de Lutèce. Les différentes étapes allant de l'acquisition, de l'entretien, de la transformation et de la consommation desressources animales jusqu'à l'enfouissement de leurs vestiges, à leur découverte archéologique et à leur étude archéozoologique I- Acquisition des ressources animales à l'échelle de la ville

II- Gestion des ressources animales à l'échelle de la ville: les métiers de la transformation des ressources animales (boucherie, pelleterie, tabletteries, cornettiers)

III- Acquisition des ressources animales à l'échelle du site d'habitat et gestion des déchets

Périmètre urbain unité domestique fundus suburbanus

Extension de la zone d'approvisionnement (productions: urbaine, périurbaine et rurale) Sites d'approvisionnement

IV- ossements préservés et collectés sur une partie ou la totalité des différentes unités domestiques et selon des procédés de fouilles variables

Productions animales destinées à la consommation dans Lutèce Vestiges archéologiques des ressources animales acquises, transformées et consommées au sein des différents sites

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productions mixtes entre ces différents domaines. 2- La gestion des ressources animales à l’échelle de la ville. Nous aborderons les processus de transformation des ressources animales à l’échelle artisanale (par opposition à l’échelle domestique). La mise en évidence de cette gestion artisanale repose sur l’identification de dépôts spécialisés d’artisans bouchers, de pelletiers, de cornettiers, de tablettiers, de tanneurs, etc.. Elle renseigne sur la spécialisation économique et l’occupation de l’espace urbain. 3- Acquisition, transformation et consommation des ressources animales au sein de l’unité domestique. En outre les renseignements relatifs aux activités quotidiennes des Parisii, c’est l’accès plus ou moins équitable aux ressources animales et à leur traitement dans l’habitat qui attirera notre attention. 4- La dernière étape consiste en l’analyse des processus conduisant à la fossilisation des vestiges osseux dans différents contextes et à leur mise au jour lors de la fouille. Cette étape est importante car ce sont les mécanismes d’accumulation des vestiges osseux qui définissent le potentiel d’information que l’archéozoologue exploite. Les conditions de fouille agissent sur la collecte plus ou moins exhaustive du mobilier archéologique. Il s’agit donc d’un facteur important qui doit précéder l’exploitation des assemblages faunistiques.

les renseignements relatifs à la composition générique des troupeaux (mâles, castrats et femelles), à leur composition plus ou moins homogène ainsi qu’à leurs spécificités par rapport aux données régionales contemporaines et antérieures (Hallstatt et La Tène). Nous caractériserons ensuite le statut des espèces autres que la triade et, lorsque cela sera possible, nous les caractériserons du point de vue métrique. L’étape suivante consiste, pour chaque site, à définir la composition taxinomique des assemblages et son évolution le long de l’occupation. Une fois le spectre des espèces défini, nous procéderons successivement à la caractérisation, au sein de la triade, des parties des carcasses consommées (les métiers de l’alimentation, l’approvisionnement de l’unité domestique, la transformation des carcasses, etc.) ainsi que les âges auxquels les bêtes ont été abattues (stratégies d’élevage, qualités des viandes, etc.). Au terme de chaque chapitre, nous procéderons à la comparaison des onze sites de Lutèce d’après les effectifs des espèces de la triade, les effectifs des grands groupes d’espèces et enfin selon la sélection des individus et des pièces de viande. Nous tenterons de définir une hiérarchie des viandes et donc de reconstituer la topographie sociale de la ville telle qu’elle est connue aujourd’hui. Nous reprendrons les principaux résultats de ce travail dans le cadre d’une approche régionale du Nord de la France pour déterminer les apports de Lutèce et préciser ses spécificités. Enfin, dans la conclusion, nous synthétiserons les données relatives aux modes d’approvisionnement de la ville et de l’unité domestique, les stratégies d’exploitation des ressources animales, la composition de l’alimentation carnée et son évolution, pour finir par les conclusions à l’échelle régionale.

Plan du mémoire Le mémoire est introduit par une description du cadre de vie des Parisii, caractérisé par sa géologie et son environnement. La place est donnée ensuite à la présentation du corpus archéologique, l’argumentation du choix des sites et leurs caractéristiques. Nous poursuivrons avec un bref aperçu des méthodes exploitées dans le déchiffrement des informations que portent les ossements. Les résultats archéozoologiques seront ensuite exposés en plusieurs étapes. Nous commencerons par la description physique des animaux. Les espèces de la triade (bœuf, porc et caprinés) nous occuperont en premier lieu. Nous analyserons la taille des os et tireront

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CHAPITRE 2 LE CADRE GÉOLOGIQUE ET L’ÉVOLUTION DU PAYSAGE Leur* relief ne nous est que très imparfaitement connu... oubliant que remblais et comblements peuvent rendre un paysage méconnaissable” *les villes gallo-romaines Goudineau 1980

2.1 Le cadre géologique

d’un méandre plus étendu, encombré de nombreux petits îlots et bordé, sur sa rive droite, de zones marécageuses (Diffre et Pomerol, 1979 ; Figure 2). Plusieurs mécanismes sont à l’origine de ces changements. Ce sont tout d’abord des phénomènes géologiques récents qui, par le biais de déformations néotectoniques, ont favorisé le raccourcissement du méandre de la Seine. Cette évolution géologique est à l’origine de la forme en croissant de la Seine au niveau de Paris qui s’appuie sur la plate-forme du calcaire de Saint-Ouen au nord et sur le calcaire grossier au sud. Les crues de la Seine (de 1910 par exemple) rappellent l’ancien cours du fleuve, avec ses deux bras distincts qui se séparaient au niveau du Pont d’Austerlitz pour se rejoindre à la hauteur du Pont de l’Alma (zone grisée sur la Figure 2). Le cours le plus méridional correspondait au cour actuel. En revanche, le bras septentrional empruntait les grands boulevards jusqu’à la place de la République puis s’incurvait vers le sud-ouest pour rejoindre le premier bras par l’actuelle avenue George V (Soyer, 1953). Le retrait de ce bras a engendré une zone de marécages qui a probablement rendu cette rive droite moins propice à l’habitat, comme l’atteste la faible densité des sites mise au jour par les fouilles archéologiques (Busson, 1998). Les travaux géomorphologiques de Roblin-Jouve (1993) ont permis d’approfondir nos connaissances de la dynamique de la Seine autour du site de Bercy. Il en ressort des tendances évolutives variables avec des alternances de phases de creusement et d’accumulation durant l’Holocène. Ces données concrètes de la dynamique fluviatile à Bercy, notamment pour les périodes protohistoriques, témoignent de l’instabilité du fleuve. Ainsi, les mouvements de population vers l’Île de la Cité du Bas-Empire (Duval, 1993) ont dû faire face aux caprices de ce fleuve. Un contexte hydrographique propice à cette installation (cf. paragraphe suivant) aurait pu favoriser cette implantation. Toutefois l’homme a sans doute «apprivoisé» ce fleuve par une série d’aménagements visant à limiter les risques d’exposition aux inondations. Cette intervention anthropique a, entre autres, comblé certains bras de la Seine, ce qui a eu comme conséquence la fusion de nombreux îlots et la réduction des zones marécageuses. Ce type d’aménagement est bien attesté à la période médiévale. Des indices de la période gallo-romaine laissent supposer des interventions du même ordre (Prunier Leparmentier, 1988 ; Marquis, comm. pers.).

Dans ce chapitre, nous tenterons de décrire le site par sa topographie, son réseau hydrographique et son climat. Cette approche vise à souligner les caractéristiques du site antique et ce qui le distingue de la capitale actuelle, transformée au fil du temps par des phénomènes naturels (dynamique de la Seine) et anthropiques (arasements et exhaussements).

2.1.1 Données géomorphologiques À l’échelle de la France, Paris se situe au centre d’un vaste bassin géographique, le bassin parisien, caractérisé par ses vastes plaines. Son aspect actuel a été modelé pendant les dernières phases glaciaires et surtout pendant le Würm. C’est un mécanisme érosif qui a entraîné l’enfoncement des vallées (20 à 30 m) dans les plateformes structurales (calcaire grossier, calcaire de Saint-Ouen, calcaire de Brie et calcaire de Beauce ; Diffre et Pomerol, 1979). La topographie du site de Paris est parsemée de nombreuses buttes qui se dressent au nord comme au sud de la Seine (Figure 2). Sur la rive gauche, on distingue la Montagne Sainte-Geneviève, la Butte-aux-Cailles et les élévations de Montparnasse et Tolbiac (cette dernière, comme la Butte-aux-Cailles, étant d’ailleurs en dehors de l’emprise de la carte de la figure 2). Sur la rive droite, on distingue les buttes de Belleville, de Montmartre et de Chaillot. La Figure 3 représente la situation topographique de la ville antique avec ses limites présumées. Sur la rive gauche, elle était implantée sur la Montagne SainteGeneviève à l’abri des inondations. Les sites d’habitat se concentrent sur le versant méridional de cette colline, entre les cotes 50 et 55 mètres. Les monuments publics s’étagent en revanche sur le versant nord. Les thermes de la rue Gay-Lussac ainsi que le forum sont situés à des altitudes semblables à celles des sites d’habitat. En revanche, le théâtre, les thermes de Cluny, les thermes du collège de France et l’amphithéâtre occupent des cotes plus basses (entre 30 et 45 m). La localisation des sites par rapport aux cours d’eau actuels (Seine et Bièvre) n’est pas significative. En effet, le cours actuel de la Seine est très loin de sa réalité historique. À l’image du cours d’eau canalisé et étroit que nous connaissons actuellement il faut substituer celle 6

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Figure 2. Le cadre physique de Lutèce avec les principales buttes et l’emplacement des anciens cours d’eau et des marais en grisé (d’après Duval, 1961)

300m

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Limite présumés de la ville antique

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Figure 3. Plan schématique de Lutèce avec localisation des monuments, des sites étudiés , des limites présumées de la ville antique et des nécropoles par rapport à la topographie du site

1 Chaque cercle plein représente l’emplacement des fouilles d’un site. Les sites sont appelés par leur code de référence (voir figure 4 pour le nom complet)

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2.1.2 Données climatologiques

la Protohistoire. La couverture forestière paraît relativement stable depuis la Protohistoire et le long de la période galloromaine (Ferdière, 1988 ; Defgnée et Munaut, 1996). Mais, il n’en va pas de même pour les zones incultes recouvertes de broussailles, joncs, fougères etc. Ces terrains, en friche, abandonnés à l’Âge du Fer au profit de parcelles plus fertiles, ont fait l’objet d’une mise en culture systématique avec la conquête romaine (Ferdière, 1988). Cela est dû en partie à l’évolution des techniques et des espèces cultivées induite par les Romains. Nous citerons les travaux d’essartage et de brûlis qui ont alors largement contribué à la modification de ce paysage rural. Ferdière (1988) écrit que «… l’apport de populations nouvelles, l’évolution technique, l’agriculture et les changements dans les modes d’occupation ont pu occasionner le recul des terres incultes». L’archéologie environnementale a enregistré des signaux pouvant aller dans ce sens. Ce sont des études palynologiques qui ont révélé, en Gaule Belgique (Defgnée et Munaut, 1996), une évolution différente de la végétation en fonction de la nature de l’occupation. En effet, dans les fermes indigènes, le spectre pollinique est dominé par les arbustes et les herbacés. Les massifs forestiers et les champs de céréales semblent presque totalement absents, suggérant une économie pastorale. Dans les villae, le spectre atteste un certain accroissement de la céréaliculture immédiatement après la conquête, au détriment des espèces pionnières qui régressent avec le recul des espaces libres. Ces résultats préliminaires de la palynologie confortent les hypothèses émises par Ferdière (1988) au sujet d’un accroissement de la céréaliculture et d’une mise en culture plus étendue avec la romanisation. Des territoires ruraux, jusque-là non exploités, se couvrent alors d’habitats et d’exploitations agricoles. La situation générale du paysage en Gaule semble modelée par la volonté du conquérant d’exploiter les terres. Les sols les plus fertiles se spécialisent dans la production du blé panifiable : le blé nu (froment) (Mattern et al., 2001 ; Mattern, 2002). Les terres d’Île-de-France font parties de ces terroirs à vocation céréalière. On peut donc s’attendre à une exploitation relativement intense des champs. Le bœuf est l’auxiliaire de prédilection de l’homme dans les travaux champêtres. En effet, le labour peut occuper les deux tiers du temps de travail sur les champs (Ferdière, 1988). Ce rapport entre le bœuf et la terre est à ce point étroit qu’on définit l’unité de mesure de surface des exploitations en référence à la surface que peut labourer un bœuf en un jour : un jugère. La production agricole, et donc la production de céréales, reposent sur cette force de traction. La mobilisation d’effectifs importants de bœufs adaptés au travail des champs ne peut donc passer inaperçue dans les zones agricoles. La réforme des bovins implique l’abattage d’animaux âgés. Ces derniers sont souvent marqués par le poids du travail qui affecte les ossements, notamment ceux des extrémités des membres, en particulier ceux des membres antérieurs (Bartosiewicz et al, 1997). Les vestiges de bovins d’après l’âge, le sexe, les atteintes ostéologiques ainsi que les statures peuvent contribuer à

Le climat actuel en France se répartit en sept unités climatiques. La région étudiée bénéficie d’un climat océanique de type parisien. Il s’agit d’un climat instable et humide à fortes influences océaniques et polaires. La pluviométrie oscille entre 600 et 800 mm/an. Les fluctuations climatiques enregistrées depuis l’époque gallo-romaine sont de faible ampleur par rapport aux tendances climatiques des périodes glaciaires. Ainsi, le climat qu’ont connu les Parisii devait être sensiblement le même qu’aujourd’hui. Les fluctuations enregistrées à l’échelle globale pour ces périodes sont faibles. Du point de vue climatique, il apparaît qu’entre 50 av. J.-C. et 150 ap. J.-C., le climat en France aurait pu connaître de légères fluctuations (Magny, 1995). Cela correspond à la phase du Petit Maclu 1, lac jurassien où le signal climatique a été bien enregistré et qui correspond vraisemblablement à un léger refroidissement ou à une humidification relative du climat. Autour de 250 ap. J.-C., cette tendance semble s’estomper. À partir de cette date, et sur le plan archéologique, un déplacement de l’habitat se met en place vers l’Île de La Cité fortifiée. Il coïncide avec un climat plus clément et une insécurité liée à la destruction de la rive gauche par l’invasion germanique. Cette hypothèse nécessite toutefois d’être appuyée par des preuves tangibles avant d’être admise.

2.1.3 Conclusions Cette brève présentation du cadre naturel nous rapproche de la réalité des conditions de l’agglomération antique occupée par les Parisii. Elle fait ressortir l’importance du réseau hydrographique. Ce dernier constitue donc le facteur conditionnant d’une part l’implantation des différentes installations domestiques et artisanales, et d’autre part les travaux entrepris par l’homme pour domestiquer ce fleuve qui occupait sans doute une place importante dans la vie des citadins et l’économie de la ville.

2.2 Évolution du paysage régional Durant la première moitié de l’Holocène (jusqu’à 5 000 BP) en France, l’homme n’a pas eu d’impact notable sur la végétation. En revanche, il a été le principal auteur de son évolution à partir du Néolithique moyen et final. Les transformations profitaient à la céréaliculture et à l’élevage. Dans notre contexte régional, les travaux d’anthracologie (Pernaud, 1993) renseignent sur l’anthropisation du milieu aux alentours du site de Bercy. Elle se traduit par l’ouverture de la chênaie et le développement des héliophiles. Elle débute au Chasséen et se poursuit à l’Âge du Bronze. Durant l’Âge du Bronze et l’Âge du Fer, la déforestation s’accroît. À partir de la période gallo-romaine, l’action de l’homme se développe dans son intensité et son extension (Visset et al., 1996) même si, lors de la conquête, les grandes lignes du paysage semblent déjà modelées depuis le Néolithique ou 9

la reconstitution des pratiques agricoles. D’autres indices archéozoologique notamment les grands mammifères, les micromammifères et les corvidés peuvent attester de la présence de marqueurs d’ouverture du paysage et d’intensification de la céréaliculture.

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CHAPITRE 3

CORPUS ARCHÉOLOGIQUE ET MÉTHODOLOGIE Historique des travaux et implantation de la ville antique Les sites étudiés - La méthodologie Caractérisation des assemblages

3.1 Historique des travaux et implantation de la ville antique

Le site antique de Lutèce comprend trois pôles : la rive gauche, l’Île de la Cité et la rive droite (Duval, 1961). Elles sont reliées par le cardo maximus (à l’emplacement de l’actuelle rue Saint-Jacques) (Figure 4). La datation de la fondation romaine de la ville est située à la fin du règne d’Auguste mais il est probable qu’il y a eu une occupation plus précoce (Duval, 1961). Busson (1998), a rassemblé dans la carte archéologique de Paris les résultats des différents travaux archéologiques depuis leurs débuts. Son ouvrage cite également les différentes sources d’information disponibles sur l’historique de la ville. Pour définir les limites de la ville antique, plusieurs méthodes peuvent être employées. D’une part les fouilles permettent de suivre l’extension de l’occupation. D’autre part, les villes antiques n’empiétant jamais sur les nécropoles, l’emplacement de ces dernières permet de définir l’extension maximale de l’occupation (Goudineau, 1980). Cet auteur propose également d’utiliser les ateliers de certaines activités artisanales (par ex. ateliers de potiers, de foulons ou de teinturiers) comme indicateurs des limites de la ville puisque les nuisances qu’ils produisaient faisaient qu’ils étaient rejetés en périphérie de l’agglomération. À partir des divers éléments disponibles pour Lutèce, il est possible d’estimer la surface minimale de l’extension de la ville à 100 ha (au maximum d’occupation du Haut Empire ; De Pachtère, 1912 ; Duval, 1961 ; Busson 1998). Dans ce cadre, onze sites de la ville antique ont fait l’objet d’une étude archéozoologique. La majorité d’entre eux est implantée sur la montagne Sainte-Geneviève. Il s’agit là du secteur où se concentre l’habitat.

L’ancienneté des travaux archéologiques à Paris est remarquable. Les archives la font remonter au milieu du XIXe siècle. Ces données anciennes concernent presque exclusivement les périodes historiques. Ce n’est qu’à partir des travaux du Grand Louvre (Van Ossel, 1998) et de Bercy (Lanchon, 2000) que l’on connaît l’occupation néolithique et protohistorique du site de Paris.

3.1.1 La Préhistoire et la Protohistoire L’occupation permanente la plus ancienne du site de Paris a été mise en évidence lors des grands travaux entrepris à Bercy. La fouille a relevé une série d’occupations allant du Néolithique moyen à l’Âge du Fer implantées au bord d’un grand chenal aujourd’hui comblé. Les fouilles du site du Grand Louvre ont livré les premières traces d’agriculture (Néolithique) attestées à Paris. Pour le deuxième Âge du Fer (450-51 av. J.-C.), les informations sont peu nombreuses. Les traces d’habitat de cette période sont absentes (Busson, 2001). Si on en croît César «Lutèce, oppidum des Parisii (est) situé dans une île» à cette époque. Les sources archéologiques ne permettent pas de le confirmer. Les sites d’habitat les plus proches connus aujourd’hui sont ceux de «Les Guignons» (Nanterre), «Avicenne» et «La Vache à l’aise» (Bobigny), situés à l’extérieur du site parisien.

3.1.2 L’Antiquité La recherche archéologique portant sur les périodes antiques dans Paris a été réellement initiée par les travaux de Théodore Vacquer (1824-1899). Sousconservateur du musée Carnavalet, il a profité des grands travaux d’urbanisme haussmanniens (1824-1895) pour effectuer des observations et des relevés archéologiques. La surveillance des travaux parisiens a été poursuivie depuis 1898 par la «Commission du Vieux Paris» (Duval, 1961 ; Busson, 2001). Les archives de Vacquer ont été reprises par Félix-Georges de Pachtère (1912) qui a proposé pour la première fois une vision synthétique de l’histoire de la ville.

3.2 Les sites étudiés L’occupation gallo-romaine se concentrait autour des différents édifices publics (forum, théâtre et thermes). Cette zone urbaine couvre en partie les cinquième et sixième arrondissements du Paris actuel (Figure 4). La dénomination des sites repose sur leurs lieux de découverte. Il s’agit dans la plupart des cas de noms de rues actuelles (exemple : «Rue Pierre et Marie Curie», «Rue Monsieur-Le-Prince») et parfois des institutions 11

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Hôtel-Dieu (P553)

6

Rue Pierre et Marie Curie (P634)

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Rue de La Harpe (P539)

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Institut des Jeunes Sourds (P609 et P747)

3

Rue Monsieur-Le-Prince MLP

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Rue des Feuillantines (P608)

4

Ecole des Mines (P597)

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Rue Gay Lussac (P538)

Figure 4: Emplacement des limites présumées de la ville gallo-romaine (extension maximale),des sites étudiés et du réseau de rues par rapport à la trame urbaine actuelle

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rue attestée rue présumée

Figure 5: Détail de l’emplacement des sites n°4 à10 et du réseau de rues gallo-romaines de la figure 4

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implantées sur le lieu (exemple : Institut Curie, École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs, Institut des Jeunes Sourds). Par ailleurs, un code numérique a été attribué pour chaque site. Pour ceux qui ont été fouillés par la Commission du Vieux Paris (dix sites sur les onze), la lettre (P) indique que le site se situe dans Paris, elle est suivie par un numéro d’ordre (exemple P539, P545 etc.). Le site de la « Rue Monsieur-le-Prince » fouillé par l’AFAN porte un code propre à cet organisme.

certains autres sites plus périphériques comme les fouilles de la Rue des Feuillantines (P608, Figure 5), l’Institut National de Jeunes Sourds (P609, Figure 5) et de l’Institut Curie (P545, Figure 5). Ce critère topographique ne saurait être considéré indépendamment de celui de la chronologie puisqu’il semble que les limites de la ville aient fluctué au fil du temps. Ainsi, les quartiers les plus excentrés de la rive gauche montrent une occupation extensive à l’époque augustéennes (P0) et aux II-IIIe siècles (P2-P3) mais très minime sinon absente au Ier siècle (P1). Vers le nord de la rive gauche, sur la bande qui longe la Seine, la situation est différente et le site de la rue de la Harpe montre la progression de l’urbanisation au IIe siècle (P2-P3). Au contraire et pour d’autres raisons, les sites du véritable centre permettent d’élaborer une chronologie très détaillée pour le Ier siècle mais n’ont pas conservé les vestiges des occupations antiques les plus récentes. On attend encore la découverte d’un site qui ferait référence, où les occupations successives entre le IIe s ap. J.-C. et le IVe s ap. J.-C. seraient encore en place et montreraient enfin l’aspect de la Lutèce monumentale, bâtie de pierre et de maçonnerie et dont on ne connaît véritablement aujourd’hui que les grands bâtiments civils découverts au XIXe siècle (Thermes de Cluny, théâtre, etc). La rive droite (Sites de la Rue Saint-Martin et Rue des Lombards) présente une séquence d’occupation différente qui commence vers 40-30 av. J.-C. et se prolonge sans solution de continuité jusqu’au Moyen Âge. Mais les vestiges sont de moindre importance puisqu’il s’agissait d’un faubourg de Lutèce. Enfin, l’Île de la Cité, particulièrement aménagée par l’homme pendant l’époque antique, montre en certains endroits des épaisseurs de dépôts antiques allant jusqu’à six mètres et couvre la totalité de l’histoire de Paris pour les premiers siècle, avec une occupation particulière au IVe siècle, sans comparaison avec le reste de la ville.

Dans ce qui suit, nous présenterons les caractéristiques archéologiques de chacun des sites, ainsi que la nature des contextes dont sont issus les ossements animaux des différentes phases d’occupation.

3.2.1 La sélection des sites La sélection des sites dont le matériel faunique a été pris en compte repose sur deux critères. Tout d’abord n’ont été retenues que les fouilles récentes, menées il y a moins de quinze ans. Avant cette date, la plupart des opérations se sont déroulées dans des conditions d’urgence peu propices à des études fines a posteriori, si même les os ont été gardés. La priorité avait été longtemps donnée au mobilier céramique, métallique et à la décoration murale, à l’exception du site du «Théâtre de l’Odéon» (Capitan, inédit 1901 cité par Busson, 1998), de «La Rue HenriBarbusse» (étude archéozoologique de Poulain, 1962) et des puits du Jardin du Luxembourg (Poulain Josien, rapport inédit 1964). C’est seulement à partir des années 1980 que l’on a commencé vraiment l’étude archéozoologiques dans les fouilles urbaines. L’illustration en est dans les études archéozoologiques des sites de la «Cour Napoléon du Louvre» (Arbogast et Méniel, 1986), de la «Rue de Lutèce» (Audoin-Rouzeau, inédit citée par Audoin-Rouzeau, 1993) et du «Collège de France» (Lepetz, 2001). Ensuite, parmi les fouilles récentes dont la faune avait été prélevée dans des conditions satisfaisantes, nous n’avons gardé que celles dont la documentation ou le mobilier avait été exploités ou publiés (rapport, publication, études de spécialistes, documentation graphique mise au propre, etc.), afin de connaître les contextes urbain et chronologique associés aux ossements. Sur l’ensemble des sites choisis, on constate des variations importantes dans la qualité et la quantité du mobilier archéologique. Elles s’expliquent par trois facteurs qui sont la situation topographique, le mode d’occupation du sol et la chronologie.

3.2.1.2 L’occupation de la ville Un autre facteur déterminant est la nature de l’occupation des sites. On peut différencier les parcelles affectées exclusivement à l’habitat («Rue de l’Abbé de l’Épée» P547, «Rue Pierre et Marie Curie» P634, «École des Mines» P597), de celles où l’on a identifié des activités à caractère artisanal ou commercial («Institut des Jeunes Sourds de Paris» P609, «Rue Érasme» P607) ou encore de celles où, parmi les lotissements de maisons, certains espaces sont dévolus à la circulation, voies ou cour, «Rue des Feuillantines» P608, «Rue Gay-Lussac» P538, «Institut Curie» P545, «Rue Pierre et Marie Curie» P634 et «Rue de l’Abbé de l’Epée» P547. Ce caractère recoupe parfois le critère topographique, puisque les sites occupés exclusivement par des habitats sont aujourd’hui plus centraux et les sites artisanaux, en l’occurrence, la «Rue Erasme» et «l’Institut des Jeunes Sourds» P609, sont groupés en une couronne

3.2.1.1 La situation topographique On peut classer les fouilles d’après leur position relative sur le plan de la ville. On distingue d’une part les sites du centre urbain : c’est le cas des fouilles de la Rue de l’Abbé de l’Épée (P547, Figure 5), de la Rue Pierre et Marie Curie (P634, Figure 5), de l’École des Mines (P597, Figure 5) ou l’Hôtel-Dieu (P553, Figure 4) et d’autre part 14

Figure 6: le site de la rue Pierre et Marie Curie phase P0 ; les fosses et structures antérieures aux habitations

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moyenne autour du centre. Cela n’est pourtant pas une généralité puisque récemment une fouille (Site de «La Sorbonne»), qui n’entre pas dans le cadre de cette étude, a montré, à quelques mètres du forum, une boutique sur rue et une aire de stockage de grains et non pas un habitat.

d’importation et production locale, vaisselle de luxe et céramique culinaire. Il réunit culture indigène et influences romaines. L’un des principaux axes de recherche concerne les témoins de l’introduction de coutumes alimentaires romaines accompagnant l’occupation à l’origine de la construction de la ville versus la prédominance, malgré les apparences, d’une tradition indigène.

3.2.2 Définition d’une chronologie pour Lutèce L’étude des différentes fouilles gallo-romaines menées sur la rive gauche comme sur la rive droite révèle un même cadre chronologique qui s’applique à l’ensemble des sites. Cette séquence chronologique est représentée à des degrés variables selon les loci. C’est l’examen approfondi de la documentation recueillie lors des fouilles qui a permis de définir ces périodes avec la meilleure précision. Il persiste toutefois de grandes lacunes notamment pour les IIe et IIIe siècles qui limitent notre connaissance de cette phase d’occupation. Les quatre phases d’occupation définies (P0, P1, P2, P3) possèdent une durée variable dans le temps, suivant la précision que fournissent les éléments de datation, et les types particuliers d’aménagements, si bien que l’on peut ébaucher pour chaque période un schéma de Lutèce.

«Rue Gay-Lussac» P538 Les aménagements de cette phase ont été clairement identifiés dans une seule zone de la fouille de la rue Gay-Lussac (secteur 6). Ils sont matérialisés par un fossé creusé dans le substrat naturel, à proximité immédiate de la voirie. Cette structure a fourni un mobilier précoce et pourrait correspondre à un fossé de parcellaire. «L’École des Mines» P597 La phase d’occupation précoce a été mise en évidence par la fouille de deux fosses antérieures aux constructions (Figure 7) et comportant de la céramique datable du règne d’Auguste, associée à des productions de tradition indigène . Cela est corroboré par la découverte dans un même contexte de deux monnaies de bronze gaulois de la deuxième moitié du Ier s. av. J.-C..

3.2.2.1 P0 : la deuxième moitié du Ier siècle av. J.-C.

«Rue des Feuillantines» P608 (Figure 8) Un fossé antérieur aux premiers habitats et à la première chaussée a été fouillé sur une longueur de 10m. Ce fossé en profil en V précède la construction de la voie mais son orientation est absolument identique. Il semble donc en relation avec le tracé parcellaire primitif. Malheureusement, le mobilier est pauvre.

Cette période, qui couvre essentiellement le règne d’Auguste (27 av. J.-C.-14 ap. J.-C.), a été aussi appelée pré- ou proto-urbaine. La date des premières installations avait été dans un premier temps fixée vers -15 puis jusqu’à -30 (Jobelot et Robin, 1998). Aujourd’hui, et d’après les recherches les plus récentes, il paraît plus juste de remonter les limites de cette première occupation à la deuxième moitié du Ier siècle av. J.-C. et de limiter celle-ci entre la transition de La Tène finale et le changement d’ère ou la première décennie du Ier siècle ap. J.-C.. Cette période, longtemps mal connue, a fait l’objet de plusieurs recherches. Elles ont mis en évidence une occupation qui, si elle ne peut être définie comme urbaine suivant les critères antiques, n’en constitue pas moins une installation humaine relativement développée en termes de surface, sans qu’aucun établissement important n’ait été conservé ou encore retrouvé. Les aménagements de la phase P0 sont matérialisés, notamment sur le site de la rue Pierre et Marie Curie P634 (Figure 6), par des structures creusées dans le substrat naturel (fosses, fossés, puits, silos et trou de poteaux). Au moment des premières installations urbaines et de l’établissement du parcellaire, on peut penser qu’un raclage de surface a fait disparaître les élévations existantes et comblé les parties creuses datant de cette période. C’est pourquoi, les vestiges en positif sont exceptionnels. Il faut mentionner quelques traces de sablières basses sur les sites de la rue Pierre et Marie Curie P634, ainsi que des lambeaux de sols sur plusieurs autres sites (P597, P545, P538). Le mobilier est important et varié, associant objets

«L’Institut des Jeunes Sourds» P609-P747 (Figures 8 et 9) Les niveaux les plus précoces étaient directement sous ceux de P2. Ils révèlent une occupation étendue en surface avec un silo, des sablières, des fosses et des lambeaux de sol. «Rue Pierre et Marie Curie» P634 C’est sur ce site qu’ont été trouvés les structures les plus nombreuses, fosses, sols et installations sur poteaux, greniers ou habitats (Figure 6). Il existe au moins deux aménagements successifs pour cette période, d’après les recoupements des structures et la densité de l’occupation. Le mobilier des fosses (plus de quarante au total) est très abondant et a permis d’établir un faciès-type pour la céramique de Lutèce à cette époque. 3.2.2.2 P1 : le Ier siècle Entre le début du Ier siècle et les règnes des Flaviens (71 à 96 ap. J.-C.), Lutèce se présente comme une petite ville constituée de maisons en matériaux légers et alignées le long des rues et des ruelles. À l’intérieur des îlots, les habitats sont disposés de manière moins rigoureuse, enchevêtrés entre des cours et des ambitus. 16

Figure 7: le site de l’école des Mines. Plan des vestiges des habitats maçonnés et des fosses précoces (F16, F26, F31 et F36) et tardives (F24 et F42)

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rectangulaires, disposées de manière à limiter une cour intérieure. Dans la partie qui longe la rue, les pièces sont réparties en une double rangée et bordées, aussi bien côté rue que côté cour, par une galerie. Une cave est contemporaine de ces constructions.

Les grands bâtiments publics ne sont pas encore construits et les parcelles ne sont pas encore dévolues à leur futur emplacement. On retrouve ainsi des habitats en torchis sous les thermes du Collège de France et sous le forum (Figure 4) Sur la plupart des sites, on observe une stratification importante pour cette période, révélant jusqu’à quatre occupations successives. Cependant, l’étude des modes de dépôts dans les couches archéologiques n’a pas permis de les différencier par le mobilier archéologique puisque les restes fauniques comme la céramique se trouvent essentiellement dans les remblais de comblement et de destruction, dans les fosses à détritus et peu dans les couches d’occupation. Pendant le Ier siècle ap. J.-C., l’importance des parties non construites des parcelles et le caractère des habitats souligne l’aspect encore quasi rural de l’organisation économique et de l’urbanisme de Lutèce.

«L’École des Mines» P597 (Figure 7) Le premier état de l’insula correspond à la construction de plusieurs maisons identiques et imbriquées les unes dans les autres. Au moins deux unités d’habitation ont pu être définies. Chacune est composée d’une grande pièce centrale sur laquelle s’ouvrent quatre plus petites, de dimensions égales. Dans deux d’entre elles se trouvaient des fours domestiques. Deux états successifs, mais très proches chronologiquement, ont pu être définis. Ils se traduisent surtout par des réaménagements mineurs, respectant l’organisation et les alignements d’origine. Une pièce souterraine occupait presque toute la surface de la pièce centrale. On y accédait probablement par une trappe et une échelle de bois car elle ne comporte pas d’escalier. La base des murs est établie avec de gros blocs montés à sec et faisant saillie vers l’intérieur, sans doute pour supporter un plancher. Il n’est pas impossible que cette pièce appartienne à un état antérieur et qu’elle ait été comblée au moment de la construction de la maison.

«Rue Gay-Lussac» P538 (Figure 5) La phase P1 est matérialisée par l’aménagement d’une rue orientée nord-sud, d’une largeur de 7m, reconnue dans le secteur 7 de la fouille. On peut y associer des fosses et des bâtiments dont ont été trouvées des traces sur tous les autres secteurs fouillés. Dans le secteur 6, un ensemble de pièces, grossièrement carrées, construites sur des sablières basses, ont été identifiées. Les différentes pièces s’organisent en, au moins, deux rangées. Dans le secteur 4, des éléments du même type ont été identifiés mais sur de plus petites surfaces. Au moins trois caves et une construction enterrée non-maçonnée appartiennent à cette phase. Des fosses et des puits ainsi que trois zones non-construites mais visiblement occupées ont été associés à cette phase. Elles pourraient correspondre à des cours.

«Rue des Feuillantines» P608 Au Ier siècle ap. J.-C., le site est occupé par des maisons réparties de part et d’autre d’une voie antique perpendiculaire au cardo. Les plus anciennes, en matériaux périssables, étaient peu conservées, mais on a pu reconstituer, pour l’une d’entre elles, l’élévation d’un mur en torchis effondré sur place. Une petite cave aux matériaux récupérés puis comblée appartenait à l’un des habitats donnant sur la rive nord de la rue. Le mobilier et la faune recueillis proviennent de quelques dépotoirs peu importants.

«L’institut Curie» P545 (Figure 5) La phase P1 est matérialisée par l’installation d’un ensemble de pièces orienté grossièrement nord-sud dont les parois est sont implantées sur l’axe du fossé repéré dans la phase P0. Une unité d’habitation a été reconnue et trois autres peuvent être restituées : elles sont bordées sur les côtés est et ouest par une galerie courant tout le long de l’ensemble. Elles se composent d’une pièce centrale équipée d’un foyer et d’une petite cave, ainsi que deux pièces plus petites au nord et au sud. Il semble que l’on puisse associer à chacune de ces unités d’habitation une fosse et un puits. Une grande zone non construite, située à l’est du bâtiment, a été interprétée comme étant une cour. On y a repéré une zone de circulation signalée par des réseaux d’ornières et séparée de la galerie bordant les habitations par un «trottoir» de 6 à 7m de large.

«L’Institut des Sourds» P609-P747 (Figure 9) Aucune structure n’a été fouillée et la très faible quantité de matériels céramiques de cette période, retrouvée en situation résiduelle dans des ensembles plus tardifs, renforce cette impression d’une occupation très limitée pour ce quartier de Lutèce au Ier s. ap. J.-C.. «Rue Pierre et Marie Curie» P634 (Figure 5) L’emprise de cette fouille touchait semble-t-il trois parcelles antiques dont deux ont été loties au Ier siècle ap. J.-C.. Les habitats qui les occupent sont construits de manière assez stéréotypée et montre chacun trois ou quatre phases de réfection. Ces réaménagements vont dans le sens de l’agrandissement et le dernier montre l’adjonction de caves ou celliers adjacents aux pièces principales. Des espaces de cour alternent avec les espaces bâtis où l’on retrouve systématiquement les puits et les fosses à détritus. La fin de cette période illustre l’organisation la plus aboutie de l’îlot, avec une infrastructure de circulation entre les maisons permettant d’aller d’une rue à l’autre

«Rue L’Abbé-de-l’Épée» P547 (Figure 5) La phase P1 est matérialisée par la mise en place, de part et d’autre d’une rue orientée N-O/S-E, d’ensemble de bâtiments construits sur sablière basse et possédant des parois en torchis. L’ensemble le mieux conservé est constitué de deux séries de pièces grossièrement 18

Figure 8: le site de l’Institut des jeunes Sourds avec les deux surfaces fouillées P609 et P747

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Figure 9: Plan de l’occupation de l’Institut des Jeunes Sourds P747

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par des ruelles dallées. Là encore, un incendie a permis la fossilisation de certaines parties d’élévation et montré la structure des cloisons. On connaît aussi le décor de ces maisons grâce aux restes d’enduits peints retrouvés dans les remblais. L’abondance des décors a permis une datation précise de chacun de ces états de construction.

autour d’une cour intérieure. Elle est composée d’un corps de bâtiment central subdivisé en pièces bordées, côté cour, par une galerie. Dans cet ensemble, deux caves ont été repérées. «L’École des Mines» P597 Sur ce site, la deuxième phase de construction est difficile à saisir puisque les murs en maçonnerie ont été récupérés quasi jusqu’aux fondations et les sols correspondants ont complètement disparus, arasés par des travaux de la période moderne. On ne connaît donc que le plan de la nouvelle construction. Les deux maisons anciennes laissent sans doute la place à une seule. La complexité du plan ne s’explique que par le fait d’une modification assez radicale du bâtiment au cours de cette période, sans que l’on puisse ni la situer dans le temps ni en définir avec précision les modalités. Cependant une fosse contenant du mobilier daté entre la fin IIe et le troisième tiers du IIIe fournit un repère, confirmée par la présence de trois monnaies dont une de Trajan (98-117 ap. J.-C.) et une autre de Commode (180-192 ap. J.-C.). Le plan dessiné par les tranchées de récupération montre qu’il y a eu en grande partie reprise de l’alignement du premier habitat.

3.2.2.3 P2 : de l’époque flavienne au troisième tiers du IIIe siècle ap. J.-C. La période P2 est matérialisée par la présence de constructions maçonnées qui s’implantent sur les mêmes emprises que les bâtiments de la période précédente. Les limites parcellaires sont également respectées, mais le bâti gagne sur les parties non construites. On constate des changements de matériaux, l’agrandissement des pièces et parfois l’adjonction de galerie le long des cours. Les sols sont épais et bétonnés et les parties souterraines deviennent de véritables pièces aux dimensions importantes et accessibles par escalier. «La rue Gay-Lussac» P538 (Figure 5) La phase P2 est matérialisée par la présence de constructions maçonnées qui s’implantent sur les mêmes emprises que les bâtiments de la période précédente. Les pièces sont plus grandes et, dans le secteur 6, le bâtiment est bordé par une galerie le long de la cour. Trois caves, ainsi que des sols en béton, sont associés à cet état. La voirie continue d’être utilisée, ainsi que les zones de cours qui ne changent pas de fonction. Enfin, le secteur 8 a livré une grande fosse et des aménagements qui pourraient correspondre à un aqueduc.

«L’Institut des Sourds» P609 La dernière installation, de la période P2, est un atelier de potier. «Rue Pierre et Marie Curie» P634 On y observe une reconstruction radicale qui ne garde de l’état précédent que les limites parcellaires. La dimension des pièces alignées en rangées mitoyennes a augmenté et leur agencement indique ici la présence probable d’un étage. L’une des maisons possède une très vaste pièce souterraine. Entre les trois maisons, on trouve des espaces de circulation, cour ou passages.

«L’Institut Curie» P545 La phase P2 est, comme sur les autres sites, matérialisée par la présence de constructions maçonnées qui s’implantent sur des emprises pratiquement identiques à celles des constructions de la période précédente. Elles sont cependant plus larges et moins étendues en longueur. Elles sont caractérisées par un corps de bâtiment central divisé en deux pièces par des murs de refend et bordé à l’est et à l’ouest par des galeries. La partie la plus remarquable est constituée par une cave intégrée au bâtiment dont la disposition suggère qu’elle puisse correspondre à la partie souterraine d’un aménagement particulier qui pourrait être un petit fanum. À l’est du bâtiment, la zone de cour est traversée par un aménagement maçonné, linéaire et souterrain qui pourrait correspondre à une canalisation d’aqueduc.

3.2.2.4 P3 : du troisième tiers du IIIe siècle au IVe siècle La période P3 est caractérisée par de véritables modifications urbanistiques. On observe l’abandon de certains quartiers de Lutèce et, de manière générale, des repères et axes qui avaient structuré la ville antique comme le réseau viaire et les limites parcellaires. Dans les quartiers périphériques, on assiste à la récupération quasi systématique des pierres et autres matériaux constituant les soubassements des murs des habitats, ainsi qu’au comblement des caves. Les données numismatiques et les informations que nous donne l’étude de la céramique sigillée permettent de faire débuter cet épisode dans la deuxième moitié du IIIe siècle. Aucun contexte d’habitat n’a été mis au jour à partir de la fin du IVe s. jusqu’au XII-XIIIe s., d’où la définition de la borne supérieure du cadrage chronologique fixée à la fin du IVe s.

«Rue L’Abbé-de-L’Épée» P547 Les constructions de la phase P2 reprennent les plans des aménagements précédents. On trouve ainsi de part et d’autre de la rue et des ambitus qui y aboutissent, au moins quatre corps de bâtiments dont le mieux conservé reprend l’organisation des aménagements de la phase précédente. La partie la plus interprétable a permis d’étudier une vaste demeure organisée le long de la rue et 21

«Rue Gay-Lussac» P538 Cette phase est marquée par un abandon du site qui se traduit par une récupération des pierres des murs jusqu’aux fondations, un comblement des caves et la destruction de la voirie à la suite du creusement d’une tranchée perpendiculaire à son axe.

«L’École des Mines» P597 Le site est démoli et les remblais de démolition viennent combler toutes les structures en creux, tranchées de murs aux moellons récupérés, puits et fosses. Une monnaie de Salonia, datée de 255-256, découverte dans l’une de ces tranchées, atteste une récupération des matériaux et un abandon au plus tôt à partir de cette époque.

«Rue de La Harpe» P539 Des niveaux de remblais ont été fouillés sur ce site. Ils ont servi au comblement d’un bras ancien de la Seine qui suivait grosso modo le tracé actuel du Boulevard Saint-Germain et servait de limite nord aux thermes de Cluny. Le matériel provenant de ces horizons est datable du IIIe siècle. Le mobilier céramique et faunique était très fragmenté en raison du caractère tassé des remblais utilisés en niveau de circulation. «L’Institut Curie» P545 Sur ce site, on observe les mêmes phénomènes d’abandon que sur le site «Rue Gay-Lussac». Pour autant, la découverte de tessons de céramiques décorées à la molette (mérovingienne) dans les niveaux supérieurs de la fouille montre que la zone n’est pas totalement désertée.

jardin.

«Rue des Feuillantines» P608 Ce site a été remblayé et recouvert d’une terre à

«L’Institut des Jeunes Sourds» P609-P747 Le site a été réoccupé par une construction légère et peu fondée établie au-dessus des remblais de démolition. Sa datation est cependant difficile, en l’absence de matériel caractéristique car les quelques tessons associés, en céramique granuleuse, pourraient être attribués au IVe ou VIe siècle. Quelques rares éléments du IVe siècle, comme une monnaie de Gratien, 381 sont attestés. «Rue Pierre et Marie Curie» P634 Après l’abandon du site, des puits ont été creusés en plusieurs endroits. Leur fonction n’est pas certaine, il s’agit peut-être de puits d’extraction de matériaux de construction. De la céramique de cette période a été trouvée en petite quantité, mélangée au reste des gravas de démolition.

«Rue L’Abbé-de-l’Épée» P547 Ce site suit la règle générale observée sur les autres. Cependant, il a été observé sur l’emplacement des bâtiments de la phase P2 des réaménagements attestant l’existence de construction de fortune s’appuyant sur les ruines des bâtiments anciens. Aucun sol conservé n’a été repéré en relation avec ces ultimes installations.

22

l’identification taxinomique ou la lecture de certaines traces sur les os. Nous avons sollicité les collections du Muséum national d’Histoire naturelle lors de l’étude des Anserinae et des micromammifères. Les limites de l’identification ostéologique ont été atteintes lors de la détermination de certains taxons. Nous mentionnons ici la distinction entre porc et sanglier, entre mouton et chèvre, entre bovins domestiques et sauvages et enfin entre cheval, mulets (croisement d’un âne et d’une jument) et bardots (croisement d’une ânesse et d’un étalon). La descrimination entre ces espèces fait appel à l’analyse morphoscopique et métrique. Elle sera abordée lors de l’étude de chaque taxon (chapitre 5). Certaines problématiques soulevées au cours de ce travail nous ont conduit à la préparation ostéologique de nouveaux spécimens. Tout d’abord, nous avons préparé un référentiel de trois poussins de coqs d’âges croissants (2 jours, 10 jours et 12 jours). Il a été utlisé pour aborder les âges des individus juvéniles rencontrés dans la série archéologique. Par ailleurs, trois squelettes de pigeons de ville ont été préparés pour tenter de caractériser ces individus par rapport à deux formes sauvages : le pigeon biset et le pigeon ramier.

3.3 Méthodologie Sous ce titre nous définirons les différents outils archéozoologiques utilisés dans ce travail. Notre approche de la vie quotidienne revient à analyser le déroulement des différentes chaînes opératoires constituant le sous-système technique de l’exploitation des ressources animales (Tresset, 1996 ; Vigne, 1998). Quel usage les Parisii ont-ils fait des animaux vivants? Cette interaction avec l’animal vivant s’inscrit dans le cadre des sous-systèmes d’entretien et d’acquisition. Le premier consiste en la gestion des populations vivantes (Vigne, 1998). Dans notre contexte chrono-culturel, ce sont les populations d’animaux domestiques qui prédominent (Lepetz, 1996) et ce sont donc les gestions d’élevage qui sont à considérer. Le second va englober les prélèvements faits sur ces stocks vivants (phanères, lait, force motrice, urine, excréments) ou suite à leur abattage (viande, abats, peau, fibres et matières dures (os, dent et corne). Au sein d’un ensemble faunistique, chaque pièce de viande constitue une portion de carcasse issue d’un individu qui lui-même appartient à une espèce donnée et est issu d’un troupeau vivant. Notre travail consiste à déterminer la contribution de chacune des espèces principales, puis à détailler, dans chaque espèce, les individus choisis et enfin les pièces de viande effectivement consommées. La traduction des analyses ostéologiques en données anthropologiques repose sur des techniques qu’il est indispensable de détailler ici. Elles prennent en considération, d’une part les contraintes liées aux caractéristiques physiologiques du bétail et d’autre part, les stratégies d’élevage en fonction de leur orientation vers une production spécialisée de viande, vers des productions dites secondaires (force motrice, lait, laine, etc.) ou une production mixte. La Figure 10 présente, de manières synthétique, l’approche archéozoologique des différentes stratégies d’élevage en fonction de la place occupée par la viande dans le système de production. Les indices exploités reposent sur la taille des animaux, sur la conformation de leur squelette et sur la gestion démographique des troupeaux (âge et sexe). Nous préciserons la méthodologie relative à la détermination, au décompte (pour l’espèce et la partie du squelette) et à l’attribution des âges. Nous préciserons certaines méthodes au fil de leur utilisation dans les chapitres qui suivent.

3.3.2 La quantification des espèces Sur la table de détermination, l’enregistrement a reposé sur deux techniques : le décompte du nombre de restes (Poplin, 1976) et la pesée. Nous avons également estimé le NMPS (Vigne, 1988) à partir duquel nous avons déduit le NMI de fréquence (Poplin, 1976 a et b) ; toutefois, l’exploitation du NMI n’a pu être généralisée en raison de biais inhérents à ce quantificateur (Poplin, 1976b et 1978-1979 ; Vigne, 1988), à la taille des assemblages et enfin à leur conditionnement qui fait qu’une même US (unité startigraphique) peut se retrouver dans des caisses différentes étudiées à plusieurs semaines d’intervalle. La première étape de l’étude du matériel a consisté à enregistrer un par un les différents restes identifiés. Le total de ces restes par espèce et par unité stratigraphique mesure l’abondance relative du taxon au sein de l’assemblage. La comparaison de ces valeurs, pour les espèces consommées, constitue une première approximation de la composition de l’alimentation carnée. Nous rappelons brièvement que le NR présente, au delà de sa simplicité, qui rend son usage universel, un certain nombre de limites (Poplin, 1976 ; Grayson, 1987). Nous mentionnons tout particulièrement la fragmentation du matériel (par rupture physique ou par dissociation d’épiphyses non soudées), la collecte différentielle et le nombre d’éléments squelettiques variable entre espèces. Dans cette optique, un effectif de restes de porc égal entre deux assemblages peut traduire une réalité ostéologique très différente si le premier ensemble comprend des os complets et le second les même os concassés. La collecte intervient considérablement sur le NR quand elle n’est pas exhaustive. Nous pouvons prendre le cas d’une structure fouillée à la truelle et livrant un nombre déterminé de

3.3.1 La détermination ostéologique La série de Lutèce a été étudiée au Centre de Recherche Archéozoologique de la Vallée de l’Oise (C.R.A.V.O.). La collection de comparaison, qui constitue le principal outil d’identification des fragments osseux, comprend aussi bien du matériel actuel que des collections archéologiques. Cette caractéristique permet d’augmenter le rendement de la détermination en adaptant les squelettes de comparaison aux spécimens à étudier. Par ailleurs, nous avons bénéficié d’un travail d’équipe quand des problèmes ont été soulevés dans 23

24 croissance pondérale âge optimal d'abattage

Facteurs démographiques Fertilité, saisonnalité, etc.

croissance pondérale âge optimal d'abattage

Facteurs démographiques Fertilité, saisonnalité, etc.

Système physiologique Entretien

Optimisation quantitative et qualitative de la production

Sélection de reproducteurs contrôle de l'effectif du troupeau

viande = production secondaire

rendement boucher

Viande tendre

Sélection de reproducteurs contrôle de l'effectif du troupeau

élevage axé sur la production de viande

Système socio-économique

- suppression des jeunes dans les exploitation laitières dès qu'ils ne sont pas indispensables à la traite

- abattage différé du groupe de producteur jusqu'à la réforme

- suppression des individus non productifs à tout âge - absence, à priori, d'impacts sur le squelette - gestion viable du troupeau

- abattage important à la maturité pondérale - castration des mâles

abattage de jeunes mâles

gestion viable du troupeau

conformation squeletique adaptée à la production de viande

Approche archéozoologique

Figure 10. Schéma synthétique de l’approche archéozoologique de l’exploitation de la viande dans différents cas de systèmes d’élevage des epèces domestiques

Viande et abats

Produit/Matière première

Âge et sexe-ratio

Âge et sexe-ratio

restes. Le tamisage des déblais de fouille peut accroître considérablement ce nombre de restes par l’adjonction de nombreux ossements passés inaperçus à la fouille (Payne, 1975). Ces biais sont amoindris lorsqu’on pratique une quantification pondérale. En effet, le poids d’un os reste le même quel que soit son état de fragmentation. Par ailleurs, les poids des restes trouvés dans les refus de tamis et déterminés au rang de l’espèce est faible et ne modifie pas les décompte de la même manière que le NR dans le cas des espèces de la triade (porc, bœuf et caprinés) ce qui diminue les biais de collecte. Les assemblages de Lutèce ont bénéficié d’une pesée systématique des os des trois principales espèces consommées. L’avantage de cette méthode est de refléter une réalité physique qui est la masse. Sa valeur pour une espèce donnée reflète la quantité de matière présente. Elle dépend essentiellement de la densité de l’os. Cette dernière évolue en fonction des conditions taphonomiques. Elle peut augmenter par épigénisation ou par le concrétionnement ou bien diminuer par la perte d’éléments constitutifs de l’os. Au sein de la série de Lutèce, la taphonomie est relativement homogène (Behrensmeyer, 1978). Les os présentent une densité homogène. Comparativement aux fluctuations que peuvent subir les densités des os (par ex. les ossements altérés des niveaux du Ier s. ap. J.-C. du Sanctuaire de La Bauve (Oueslati, 1998), nous sommes en mesure de préciser que nos ossements ont subi une altération minime de leurs densités, sans pour autant pouvoir la quantifier. Ces conditions permettent d’utiliser sans trop de biais la technique de la pesée des os. Cette dernière donne le poids de restes (PdR). Cette notation se substitue à (PR) pour éviter la confusion avec le terme Percentage of Representation très récurrent dans la litérature anglosaxone (Vigne, 1992). Le PdR constitue une variable critique dans l’approche du régime carné. Cette propriété repose sur la corrélation existant entre la taille d’un os et la quantité de viande qu’il porte. Dans ce sens, un fémur de bovin livre nettement plus de viande que celui d’un mouton. Contrairement au nombre de restes, qui dans les deux cas donne NR=1 (dans le cas où l’os n’est pas fragmenté), le poids de reste exprime plus fidèlement le rendement boucher. Cet argument est à l’origine de l’utilisation de cette variable par nombreux auteurs (Kubasiewicz 1973 et 1974 ; Boessneck, 1969 ; Uerpmann, 1971 ; Vigne, 1991). Toutefois il est fallacieux d’envisager une caractérisation du régime carné à partir du PdR. Deux assemblages présentant des PdR égaux peuvent refléter une réalité, en termes d’apport de viande, très différente si la première est constituée d’os à rendement boucher important et la seconde une accumulation de dents et de métapodes. Ainsi, il est indispensable de définir au sein du PdR des catégories traduisant le potentiel carné. Ce dernier répond non seulement à la constitution anatomique des mammifères mais aussi à la technique de traitement des carcasses. L’anatomie permet d’opposer à des parties pauvres en viande comme la mandibule et les pieds, des parties charnues comme le fémur et le rachis. La technique

bouchère permet de situer la position de l’élément squelettique considéré au sein de la chaîne opératoire. Les éléments éliminés dans les premières étapes du traitement boucher constituent des déchets de boucherie et non pas des rejets de consommation. Cette distinction prend toute son importance dans notre approche comparative de l’alimentation dans les différents site de Lutèce. Dans cette optique, il est nécessaire d’utiliser le PdR ayant contribué à un apport de viande. Du point de vue méthodologique, il est souhaitable de peser chaque élément osseux séparemment. Cela permet à la fin de l’étude, à la lumière des résultats relatifs à la découpe de boucherie, de définir les deux catégories pondérales recherchées. Pratiquement, cette démarche n’a pu être appliquée pour deux raisons. La première est liée à la taille des assemblages étudiés. Dans les petits ensembles, la pesée par os est particulièrement contraignante. La deuxième est liée à l’abondance des ossements de la série de Lutèce. Nous avons donc eu recours à un regrouppement des os qui permettait à la fois d’atteindre les objectifs définis plus haut et de ne pas ralentir notoirement l’étape de la détermination. Ce regrouppement a reposé d’une part sur les techniques de boucherie gallo-romaine (Vallet, 1994 et 1995 ; Lignereux et Peters, 1996 ; Lepetz, 1996) et d’autre part sur la composition même de nos assemblages. Ce dernier point a été abordé de manière empirique lors de l’étude des premiers assemblages de «l’Institut Curie» P545 de manière à définir des catégories équilibrées en termes de quantité tout en répondant aux autres conditions. Nous soulignerons que c’est l’espèce dominante, le porc, qui a le plus influencé cette appréciation, vue l’abondance de ses restes. Finalement, nous avons aboutit à huit catégories anatomiques : crâne, mandibule et hyoïde, colonne vertébrale, côtes et sternèbres, scapula, coxal, membres (stylopode et zeugopode) et extrémités des membres = pieds (autopode). L’approche du régime carné par site repose sur la distinction de deux catégories. La première, à l’origine d’un apport de viande significatif, comprend côtes et sternèbres, scapula, coxal et membres. La seconde, constituant essentiellement des déchets ou des parties à rendement en viande faible, comprend le crâne, la mandibule et les extrémités des membres (= pieds).

3.3.3 La quantification des parties du squelette L’étude de la répartition anatomique consiste à évaluer la part des différents éléments squelettiques dans l’assemblage. Elle permet d’aborder trois problématiques essentielles de ce travail. Tout d’abord, le déroulement de la chaîne opératoire qui va de l’abattage de l’animal à sa consommation. Ensuite, la mise en évidence d’une éventuelle sélection des pièces de viandes consommées et enfin d’aborder les modes d’approvisionnement de l’habitat en ressources animales. Pour celà nous avons exploité aussi bien les poids que le nombre de restes par région anatomique. La méthode des poids repose sur les catégories définies plus haut. À partir de squelettes de référence actuels, nous avons

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déterminé pour le porc, le bœuf et le mouton (un spécimen par espèce), la part de chaque catégorie anatomique par rapport à l’ensemble du squelette. Cette proportion, exprimée en pourcentage, définit la quantité attendue pour la partie du squelette. Par exemple la mandibule de porc constitue approximativement 8,2 % de l’ensemble de son squelette (Tableau 1). Dans les ensembles archéologiques, il devient possible d’apprécier les proportions relatives en termes d’excédents et de déficits en confrontant la part d’une catégorie anatomique archéologique d’une espèce (poids de la catégorie divisé par le PdR de l’espèce) à sa part dans le squelette de référence. Cette méthode a été employée par Münzell (1988) ; Duday (1983 et 1984) ; Sidi Maamar at Gillioz (1995) ; Boulestin (2000), etc.. Elle présente certaines limites. La plus sérieuse d’entre elles est sans doute liée à l’effet de la surreprésentation d’une ou plusieurs catégories anatomiques sur la fréquence des autres catégories. Dans ce cas, il est nécessaire d’émettre des réserves sur la comparaison avec le squelette de référence car la surreprésentation d’une partie du squelette réduit notablement les fréquences des autres parties donnant ainsi à l’ensemble Porc

Boeuf

Caprinés

crâne

13.5

8.1

17

mandibule

8.2

4.7

6.7

vertèbres

17.1

18.9

17.4

côtes

11.1

22.2

8.2

scpula

4.8

4.7

3.3

coxal

5.1

5.7

4.8

membres

27.4

25.9

29.3

pied

12.8

9.8

13.5

par os permet également d’aborder certaines questions que les catégories pondérales, trop larges, ne permettent pas de traiter. Dans ce cas, et pour limiter les biais inhérents au NR, nous associons à ce dernier les données de la fragmentation car le nombre de restes, seul, donne une image particulièrement biaisée de la représentation des parties du squelette. Il associe aux biais précisés pour la quantification des espèces, des biais liés au traitement différentiel de chaque élément squelettique lors des opérations de boucherie, du rejet, de la collecte et de la détermination. L’analyse conjointe de la fragmentation permet de confronter au nombre de fragments brut d’un os donné la nature des segments présents. Pour cela, l’enregistrement a été fait selon un code établi à la suite de la division de l’os en quatre segments : 1, 2p, 2m, 2d et 3. 1 et 3 représentent respectivement les épiphyses proximale et distale. Le nombre 2 est réservé à la diaphyse avec trois segments : proximal p, médian m et distal d. Un os entier est noté 123. Tout segment présentant une circonférence inférieure aux trois quarts de la circonférence originale voit son code placé entre parenthèses (par ex. (2m)). Grâce à cette démarche, il devient possible de déterminer approximativement la taille du fragment et la partie de l’os dont il provient. Cette information précise le NR brut et permet de pallier partiellement les biais de fragmentation.

3.3.4 La détermination des âges 3.3.4.1 Buts et méthodes L’estimation de l’âge d’abattage nous renseigne sur l’individu, en d’autres termes sur la qualité de la viande consommée. Outre la hiérarchisation des viandes, les courbes d’abattage ouvrent une porte sur la connaissance des gestions des troupeaux et les choix économiques qui les dictent. Du point de vue pratique, les stades d’éruption et l’usure dentaire qui nous renseignent sur l’âge de la mort du bétail ont été enregistrés en faisant appel aux codes proposés par Grant (1982). Pour ce qui est de la soudure des épiphyses des os longs du squelette post-crânien, nous avons distingué deux catégories, « soudée « ou « non soudée «. Dans les cas où les soudures étaient en cours, mais non achevées, nous avons attribué des estimations d’âge en rapport avec l’âge de soudure de l’épiphyse. Les ossements de juvéniles et de périnataux animaux ont fait l’objet d’une mesure de la longueur totale de la diaphyse. Ces mesures permettent d’apprécier l’âge de ces individus morts autour de la naissance (Habermehl, 1975 ; Boessneck, Von Den Driesch et Stenberger, 1979 ; Prummel, 1987).

Tableau 1. Fréquences (%PdR) des différentes catégories anatomiques dans les squelettes de référence de la triade

une image faussée. Ce cas de figure se présente dans les petits échantillons et les accumulations spécialisées comme celles des tablettiers, cornettiers ou tripiers. Il convient donc de traiter séparemment ce type d’assemblage. Dans la série de Lutèce, aucune accumulation importante de ce type n’a été rencontrée. Par ailleurs, le regrouppement des US en ensembles de taille importante permet d’éviter les biais liés aux petits échantillons. Ce cumul est rendu possible par la nature additive des poids (contrairement aux NMPS et NMI). Parallélement, nous avons entrepris une analyse des parties du squelette en nombre de restes pour permettre les comparaison avec d’autres sites. Le nombre de restes

3.3.4.2 Les âges dentaires Les codes Grant ne donnent pas d’âges absolus. Certains auteurs se limitent à ces codes pour caractériser la structure d’âge des espèces de la triade (par ex. Hambleton, 2000). Ce choix méthodologique permet de s’affranchir des biais introduits par l’interprétation de ces scores par

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les éruptions et les usures dentaires. Ainsi, nous ferons appel aux âges épiphysaires lorsque les restes dentaires sont insuffisants. Un des problèmes inhérents aux estimations d’âge à partir des os est lié au processus d’épiphysation. Ce dernier intervient à un intervalle d’âge plus ou moins précis. Avant la soudure, il est possible d’attribuer à l’animal dont est issu l’os un âge inférieur à celui de l’âge d’épiphysation. Quand l’épiphyse est soudée, cet âge est supérieur ou égal à la date de soudure. Seuls les épiphyses en cours de soudure livrent une indication d’âge de même nature que celle qui est livrée par les dents, c’est-à-dire qui reflète un moment précis de la vie de l’individu. Ce constat implique que les données brutes des âges épiphysaires ne permettent pas d’aborder la structure démographique du troupeau (Watson, 1978). En revanche, il reste possible d’aborder la qualité des viandes consommées en déterminant la fréquence des épiphyses soudées d’un os dont l’épiphysation a lieu à un âge critique, celui de l’atteinte de la maturité pondérale. Chez les caprinés, la fréquence des épiphyses soudées du calcanéus, par exemple (soudure à trois ans), nous renseigne sur les individus abattus après la maturité pondérale attestant ainsi l’exploitation de produits secondaires ou de la réforme de reproducteurs. Toutefois, ce résultat confond les animaux ayant trois ans avec ceux qui en ont quinze, ce qui, en termes de gestion de troupeaux et de qualité de viande, constitue une imprécision inacceptable. Il faut alors avoir recours dans le même assemblage aux os dont la soudure est la plus tardive, c’est-à-dire les vertèbres. Cela permet alors de nous renseigner, dans le meilleur des cas, sur les individus ayant dépassé l’intervalle de quatre à six ans. Cette information reste imprécise. C’est pourquoi certains auteurs ont proposé une technique de calcul consistant à regroupper les os dont les âges de soudure sont relativement proches (Watson, 1978). Chaque classe est caractérisée par un pourcentage d’épiphyses non soudées. Le pourcentage de bêtes abattues par classe d’âge est égal à la fréquence des épiphyses non soudées de cette classe, de laquelle il faut soustraire la fréquence des épiphyses non soudées de la classe précédente puisque les individus aux épiphyses non soudées de la classe «B» sont forcément représentés, par d’autres ossements, dans la classe suivante. Une fois ce calcul achevé, on obtient une approximation de la structure d’âge d’une espèce donnée, sous forme de fréquences d’animaux par classe d’âge. Ce résultat est de toute importance dans la mesure où il permet de confronter les données obtenues sur les dents et sur les épiphyses. Cette confrontation permet d’aborder certaines facettes de la gestion des troupeaux et de l’approvisionnement (Vigne, sous presse). Certains auteurs exploitent exclusivement les données épiphysaires, et sous cette forme, lorsque les effectifs des âges dentaires sont insuffisants (Lepetz, 1996). Or cette reconstitution plus qu’approximative de la structure d’âge des animaux abattus présente de nombreuses défaillances (Watson, 1978 ; Vigne, 1984) qui ne rendent pas la méthode conseillée, sauf dans le cas où il s’agit de la seule source d’information. Ainsi, nous ferons un usage

l’attribution d’un âge absolu. Ce dernier est obtenu par analogie avec des troupeaux actuels qui diffèrent sans doute des troupeaux archéologiques par les caractéristiques de leur dentition (vitesse d’éruption et de croissance dentaire) et de leur alimentation. À partir de ces données actuelles, deux types d’exploitation s’offrent à l’archéozoologue. Le premier consiste en un traitement des données des âges dentaires en maintenant les codes Grant mais en précisant l’âge correspondant à certains stades du développement et de l’usure dentaire. Le second consiste à utiliser une correspondance systématique entre chaque score et un intervalle d’âge absolu. Par souci d’homogénéité avec les données archéologiques régionales, nous avons opté pour une traduction des codes Grant en âge absolu. Pour le bœuf, les correspondances utilisées ont été proposées par Lepetz (1996). Elles attribuent à un code Grant donné l’âge absolu estimé à partir de la méthode Ducos (1968). Pour le porc, nous avons utilisé le tableau synthétique établi par HorardHerbin (1997) et qui repose sur les données de Habermehl (1975), Matschke (1967) et Iff (1978). Enfin, pour les caprinés, les correspondances ont été faites en déterminant les équivalences entre le code Grant et les stades définis par Payne (1973), en traduisant tout d’abord les stades Grant en stade d’usure de Payne (1987). Pour les représentations graphiques, nous avons adopté des figures en histogrammes qui rendent compte de l’amplitude des classes d’âges (Helmer, 1979 ; Vila, 1998, Helmer, 2001). Dans ce cas, c’est la surface de l’histogramme qui rend compte de la fréquence ou de l’effectif de la classe d’âge et non pas la hauteur de la barre. En termes de gestion des troupeaux, ces représentations graphiques reflètent l’ampleur de la sélection anthropique sur les différentes classes d’âges. Pour cela, les pourcentages (caprinés) ou les comptages bruts (porc) ont été corrigés par des facteurs permettant de homogénéiser les amplitudes des classes d’âges. Dans le cas des caprinés, cette correction brute a été établie sur l’effectif brut. Cela permet d’obtenir des fréquences corrigées dont la somme est de 100, ce qui facilite la lecture des courbes d’abattages.

3.3.4.3 Les âges de soudure des épiphyses Nous avons exploité les intervalles d’âges d’épiphysations proposés par Barone (1986). Une seule exception a été faite pour les premières phalanges de porc. Pour cet os, l’âge de 24 mois suggéré par Silver (1969) paraissait plus vraisemblable pour notre matériel que l’âge de 13 mois suggéré par Barone. En effet, si l’on prend le cas du site P634, pour les mêmes ensembles, 6,7 % seulement des deuxièmes phalanges (soudure de l’épiphyse à 12 mois) ne sont pas épiphysées (86 observations). En revanche, pour les premières phalanges, 50,5 % d’entre elles ne sont pas soudées (386 observations). Il paraît donc assez peu probable que seul un mois sépare les âges d’épiphysations de ces deux os. Les profils d’abattage calculées à partir des âges d’épiphysation n’ont pas la précision des âges estimés sur 27

très limité des âges épiphysaires et les données brutes ainsi que les représentations graphiques les concernant seront consignées dans les annexes.

apports exogènes). Dans ce dernier cas, les ossements ne sont pas représentatifs d’activités prenant place sur le site. Dans le contexte régional, certains sites ont livré des accumulations osseuses introduites volontairement dans une structure. C’est ainsi que d’abondants ossements de grand bétail sont utilisés dans la voirie (par ex. certains niveaux gallo-romains à Beauvais ; Lepetz, 1996). Lors de l’étude archéozoologique, aucun assemblage de ce genre n’a pu être détecté pour les sites d’habitat. Toutefois, la meilleure approche pour révéler leur existence est leur signalisation à partir du travail de terrain. Ainsi, nous ne pouvons pas exclure la présence d’ossements exogènes dans nos assemblages. Cette remarque se justifie d’autant plus que certaines fouilles ont livré au fond de certains puits des tapis d’huîtres, aménagements assurant probablement une certaine isolation (Busson, 1998). Il convient de préciser que ces assemblages ne constituent pas une part importante par rapport à l’ensemble des rejets domestiques en place. Nous pouvons donc adopter comme hypothèse de travail l’adéquation des séries de Lutèce avec les problématiques axées sur la chaîne opératoire allant de l’acquisition des animaux à leur consommation alimentaire au sein des contextes domestiques (Leroi-Gourhan, 1945, 1952 et 1953 ; Mauss, 1967 ; Poplin, 1973b ; Tresset, 1996 ; Vigne, 1998). Toutefois, il faut garder à l’esprit la complexité de la constitution des assemblages et la possibilité de contaminations par du mobilier exogène. Cette notion de contamination est relative. En effet, dans le cas de certaines fouilles, l’emprise du chantier comprend plusieurs habitations. Les accumulations situées dans les espaces communs (fosses, cours, puits etc.) sont alors difficilement attribuables aux activités d’une habitation plutôt que d’une autre. Il s’agit ici d’une forme de contamination des structures. Dans l’état actuel de l’exploitation du matériel, nous attribuerons ces vestiges à une unité domestique comprenant des sous-unités, même si les rejets primaires de chacune d’entre elles peuvent être distincts.

3.4 Caractérisation des assemblages L’effectif total des ossements de Lutèce étudiés dans ce travail atteint près de 65 000 restes. Il est inégalement réparti entre les onze sites (Figure 11). Le site de « La Rue Pierre et Marie Curie » avec ses 42 982 restes est de loin le plus riche. Les dix autres ont livré en moyenne 2 190 restes avec un minimum de 206 à « l’Hôtel Dieux » et un maximum de 5 663 à « l’Institut Curie ». Le contexte non domestique de la «Rue de La Harpe», qui ne figure pas sur le graphique, a livré 697 restes. 42 982

50 000

40 000

30 000

(4 258)

(1 369)

(1 605)

(1 421)

(922)

(2 511)

(206)

0

(5 663)

10 000

(3 947)

20 000

P538 P545 P547 P553 P597 P608 P609 P634 P747 MLP

Figure 11. Effectif des assemblages osseux (NR) des différents sites

3.4.1 La signification des ensembles fauniques étudiés L’essentiel de ce travail archéozoologique repose sur les fouilles de dix quartiers d’habitation situés à l’intérieur de la ville. Il est donc légitime de penser que les vestiges osseux qui y ont été mis au jour se rapportent à des activités domestiques. Ces dernières regroupent toutes les formes d’exploitation de l’animal (alimentation, matière première, etc). Les études des autres catégories de mobilier nous renseignent de leur côté sur la nature domestique des accumulations. Il est toutefois possible que des éléments témoignant d’autres activités ou périodes soient introduits sur le site d’habitat. C’est le cas, par exemple, des ossements apportés dans les sédiments employés lors des réfections des différents niveaux de circulation et d’occupation. Dans le cas de la céramique, cela peut se manifester par la présence de tessons roulés ou érodés. Pour l’os, l’état de conservation peut également nous renseigner sur une éventuelle résidualité. Par ailleurs, la littérature nous renseigne sur son utilisation dans la construction (Armitage, 1989). Cette exploitation peut être alors opportuniste (réparations ponctuelles de murs et exploitation d’ossements disponibles sur le site) ou planifiée (recherche volontaire des os pour leurs caractéristiques notamment pour le drainage et constituant donc des

3.4.2 La diversité des contextes fouillés Du point de vue archéologique, le mobilier provient de contextes différents. Cette diversité repose d’une part sur le contenant (fosse, voirie, niveau de sol, etc.) et de l’autre sur le contenu (rejets directs, remblais de destruction/de construction, etc.). Ces provenances variées du mobilier peuvent agir par différents biais sur la composition de l’assemblage de faune. On distingue en premier lieu la fonction même de la structure. Une fossedépotoir recueillant des rejets de préparation alimentaire se distingue notablement d’une fosse d’extraction comblée par des remblais de démolition. Les informations, dans le premier cas, portent sur la composition de l’alimentation, tandis que, dans le second cas, ce sont les aménagements urbanistiques qui sont éclairés. Il en va de même avec les différents puits signalés à Lutèce (Busson, 1998) : latrines, puisards, silos, puits à eau, etc.. En deuxième lieu, il faut rendre compte de la collecte différentielle entre contextes

28

différents. En effet, la fouille de contextes de nature très différente n’offre pas une collecte homogène d’un contexte à un autre. En troisième lieu, il faut considérer la distance séparant les aires d’activités des structures accumulant les rejets. En quatrième lieu, la saisonnalité peut induire une composition particulière des assemblages. La période de l’année à laquelle se fait un rejet d’ossements peut être à l’origine d’un faciès particulier (par ex. dans le cas d’un abattage hivernal). Enfin, chaque type de structure offre aux ossements des conditions de conservation différentes (par ex. piétinement sur les niveaux de circulation, très bonne conservation au fond d’un puits en milieu humide). Il a été démontré que la somme de ces facteurs agit sur la composition des assemblages archéologiques (Levitan, 1989 ; Méniel, 1994a ; Wilson, 1996 ; Yvinec, 1997). À la lumière de ces constats, il est prévisible que les assemblages issus d’un même quartier d’habitation n’offrent pas le même potentiel d’information. Même si nous nous plaçons dans le cas idéal d’une accumulation exclusive de vestiges domestiques, il reste très difficile de cerner les mécanismes d’accumulation des artefacts osseux dans les sédiments. Pour aborder ces mécanismes, il est nécessaire d’analyser la répartition spatiale des vestiges, notamment par rapport à de potentielles zones d’activité. Les positions relatives des vestiges faunistiques et leur densité dans un même sédiment définissent le potentiel d’information de l’assemblage. La présence d’un rejet direct associant des os d’une ou plusieurs espèces renseigne sur les différents maillons de la chaîne opératoire et leur organisation dans l’espace et à l’échelle de la saison. Malheureusement, les fouilles de sauvetage ne permettent pas d’entreprendre ce travail puisqu’aucun relevé des artefacts in situ n’a eu lieu. L’exploitation d’une série à partir d’un sac d’os est limitée car une partie de l’information est perdue entre la découverte des artefacts in situ et l’étude ostéologique.

résultats. Étant donné que nous n’avons pas procédé au tamisage de déblais de fouilles, il est impossible de quantifier exactement les pertes effectives pour nos assemblages. Il est donc nécessaire d’avoir recours à d’autres travaux. Payne (1975) a entrepris cette démarche sur le site Néolithique et de l’Âge du Bronze de Sitagroi (Grèce). Six unités stratigraphiques ont fait l’objet d’une fouille à vue. Les déblais de cette fouille ont été tamisés. La Figure 12 représente, dans le cas du porc (n=473), la fréquence des éléments du squelette collectés à vue par rapport au total de ces vestiges dans le sédiment. Il ressort un biais important en faveur des éléments du squelette de taille relativement grande. Les petits os du carpe et les phalanges passent souvent inaperçus. Ainsi, dans les assemblages de Lutèce, il faut s’attendre au moins à des biais de collecte de cette ampleur pour ce qui concerne les parties du squelette. Payne a également relevé les biais affectant les proportions relatives des espèces. La Figure 13 représente les fréquences relatives des taxons de la triade dans l’assemblage collecté à la main (a), dans le refus de tamis (b) et enfin dans la somme de ces deux ensembles (c). Il ressort que l’image obtenue, lors de la collecte à vue, s’éloigne notablement de la réalité de l’assemblage originel. Au sein des vestiges collectés à la main, la fréquence du bœuf est près de quatre fois supérieure. Les caprinés sont, en revanche, largement sous représentés (53,4 % de l’effectif réel). En revanche les fréquences relatives du porc sont peu biaisées. Payne souligne que la détermination des âges épiphysaires y est également déformée par cette collecte partielle qui réduit considérablement la proportion de jeunes. Phalanges 3 Phalanges 2 Phalanges 1 Métapodes

3.4.3 Collecte partielle et différentielle

3.3

Autre tarse 37.5

Calcaneus

Les observations que nous avons réalisées sur les chantiers de l’E.N.S.A.D. et de « La Sorbonne », montrent que les conditions urgentes de fouille ne permettent pas une collecte exhaustive. Cela se confirme sur la table de détermination, les petits éléments de l’autopode, affichant un déficit remarquable. Les biais de la collecte se manifestent également avec la variabilité de la qualité du ramassage au fil d’une même opération de sauvetage. À l’approche de la fin du temps mis à disposition des fouilleurs, la collecte devient encore plus sommaire (observations personnelles, chantier de « La Sorbonne »). Il faut ajouter les bais dus à la collecte différentielle d’un fouilleur à un autre. Enfin, le ramassage des os sur les anciennes fouilles ne s’est pas fait avec le même intérêt que lors de ces dernières années. Fort heureusement, le site de la « Rue Pierre et Marie Curie » dont est issue une grande partie de notre corpus a été fouillé récemment et a bénéficié d’une collecte relativement bonne. Il est sans doute utile à ce stade d’évaluer dans quelle mesure une collecte partielle peut influencer nos

Talus 22.2

Tibia Fémur Carpe

16.7

Ulna Radius

41.2 50

Humérus

71.4

Scapula 1.4

Dents

69.6

Mandibule

% NR

23.8

Maxillaire 0

20

40

60

80

100

Figure 12. Fréquences des différentes parties du squelette de porc collectés à la main par rapport à la totalité des ossements de cette espèce collectés à la main et par tamisage n=473 (d’après Payne, 1975)

Cette approche bibliographique permet de mesurer les biais qui affecteront notre étude. Cela réduit considérablement les possibilités de comparaison avec d’autres sites que ceux de Lutèce. Toutefois, si nous

29

supposons que les biais sont à peu près constants à Lutèce (mêmes responsables de fouille (sauf sur la «Rue Monsieurle-Prince») et mêmes conditions de fouilles de sauvetage), les fluctuations dans la composition des assemblages peuvent être considérées comme représentatives de réels changements au sein de la ville.

dans les fosses. Nous diviserons ce nombre par le total de molaires et d’incisives isolées de ces mêmes structures. Nous procéderons de même pour les sols. Ensuite, nous rapporterons graphiquement les fréquences obtenues pour chaque espèce de la triade (Figure 14). 90

A- fouille à vu (n=262) B- tamisage (n=2015) C- Total (n=2277)

%

80 70

Fosses

60

Sols

50

A

40

caprinés

boeuf

Collecte à la main

30 20

porc

10 0 bœuf (n=19)

boeuf

porc B

boeuf porc caprinés

caprinés (n=19)

Pour le bœuf, 19 dents isolées ont été collectées dans l’ensemble des structures. La fréquence des incisives est supérieure dans les assemblages issus des fosses. Les caprinés ont livré le même effectif de dents (n=19) et les incisives sont également plus nombreuses dans les fosses. Pour ces deux espèces, nous pouvons avancer que la collecte des incisives est plus efficace dans les fosses. Toutefois, la taille des échantillons n’atteignant pas trente individus, ces résultats ne sont pas statistiquement significatifs. Nous avons maintenu cette analyse car l’effectif réduit des dents isolées est un résultat en soi et révèle l’inefficacité de la collecte qui ne permet pas de récupérer des petits éléments. Pour les suinés, qui représentent le taxon dominant de cette période en nombre de restes, 46 éléments dentaires isolés ont été collectés. Les incisives isolées de suinés ont été ramassées avec plus de succès dans les niveaux de sol. Le test de Student (avec transformation Arcsinus puisque l’effectif est inférieur à 30) indique que cet écart est significatif. À ce stade, il est nécessaire de rappeler que la différence de taille existant entre incisives et molaires des herbivores est nettement supérieure à celle de l’omnivore. Il est possible de trouver dans ce facteur une explication pour les résultats discordants obtenus pour ces deux groupes d’espèces. Pour poursuivre l’analyse, nous avons entrepris de mesurer la part des phalanges d’oies collectées dans les différents contextes par rapport au nombre de fragments de tarsométatarses où l’extrémité distale est présente. Étant donné que cette articulation porte trois phalanges de premier rang, théoriquement, l’effectif de phalanges doit être trois fois supérieur à celui des segments distaux de tarsométatarses. Nous avons effectué une démarche analogue pour la première phalange antérieure et le carpométacarpe. Il ressort, dans le cas du membre aussi bien antérieur (n= 19) que postérieur (n= 15), une collecte des phalanges uniquement dans les niveaux de sol, les fosses

ıRefus de tamis

caprinés

C

porc (n=46)

Figure 14. Site "Pierre et Marie Curie". Niveaux précoces (P0). Fréquences des incisives isolées par rapport au total de dents isolées dans les fosses et dans les sols

Total de l'assemblage archéologique

Figure 13.comapraison de la fréquence relative au sein de la triade sur le site de Sitagroi

3.4.4 Influence du contexte sur la collecte Il s’agit de comparer la collecte de contextes présentant des contraintes de fouille différentes. Ces contraintes se mesurent essentiellement en termes d’extension de l’US (trou de poteau opposé à niveau de cour de plusieurs dizaines de mètres carrés) et d’accessibilité (niveau de sol opposé à un puits profond). Il est possible de mesurer la collecte différentielle en quantifiant la part des petits éléments ramassés. Dans cette optique, la quantification des incisives isolées par rapport au total de dents isolées constitue un bon moyen pour évaluer l’exhaustivité des fouilles (Albarella et Davis, 1994). Les niveaux précoces de la «Rue Pierre et Marie Curie» P634 constituent une série de choix pour tester cette approche. L’ensemble des os de cette période provient de deux types de contextes, des niveaux de sol et des fosses. Nous compterons le nombre d’incisives isolées retrouvées

30

n’ayant livré aucune phalange d’oie. Face à ce résultat, il n’est pas aisé de mettre en évidence avec précision les différences de collecte entre contextes.

Malgré ces limites, fréquentes en fouilles urbaines, nous avons jugé utile de poursuivre ce travail qui constitue une étape de la recherche archéozoologique sur le site de Lutèce. Certaines problématiques ne pourront donc pas être abordées ici et devront être complétées à partir des données des fouilles à venir. De même, les résultats ne doivent pas être séparés du type de collecte.

3.4.5 Conclusions Nous avons tenté par plusieurs approches de faire ressortir les caractéristiques des assemblages de faune gallo-romaine de Lutèce. Diversité de fouilles, variabilité de la collecte, limites de la datation et relevés insuffisant sur le terrain constituent une partie des biais affectant la série.

31

CHAPITRE 4

CARACTÉRISTIQUES OSTÉOLOGIQUES DU BOEUF, DES SUINÉS ET DES CAPRINÉS

Plus des trois quarts des ossements collectés dans les sédiments de Lutèce ont été attribués aux taxons de la triade constituée par le bœuf, le porc et les caprinés. Nous déterminerons les caractéristiques ostéologiques de ces animaux consommés à Lutèce. Il s’agit d’évaluer dans quelle mesure ce troupeau a bénéficié des améliorations zootechniques qui accompagnent la conquête romaine (Lepetz, 1996 ; Méniel, 1996 ; AudoinRouzeau, 1991 et 1998). Nous examinerons l’évolution des caractéristiques des ongulés domestiques au fil de l’occupation du site. Ensuite, nous aborderons la question du sexe ratio pour estimer la part des femelles, des mâles et des castrés au sein de la série archéologique. Cette proportion permet d’analyser les stratégies d’abattage qui sont à leur tour révélatrices des modes d’approvisionnement et des systèmes de production dont les animaux sont issus. Enfin, nous comparerons nos données à celles du contexte régional.

le crâne est acère (Rehazek et Caduff, 2000). Un autre bovin acère datant de l’Âge du Fer est en cours d’étude (Rehazek, com. pers.). Cela atteste l’occurence de bovins acères aux périodes antiques. Le développement et la conformation des cornes constituent des caractères sexuels secondaires qui permettent, au sein d’une même race, de distinguer les sexes. Les mâles sont caractérisés par une circonférence à la base importante (proportionnellement à la longueur) et la section y est plus aplatie que chez les femelles (Armitage et Clutton-Brock, 1976). La validité de ce diagnostique repose sur l’homogénéité de la population étudiée. Un mélange de variétés bovines différentes peut fausser les résultats de la diagnose du sexe (Grant, 1975 ; Armitage et Clutton-Brock, 1976). Dans ce sens, Ijzereef (1981) ajoute que la présence de plus d’une variété bovine est susceptible d’interférer avec la détermination du sexe. Dans un premier temps, nous tenterons de tester ces critères sur des populations de référence.

4.1 Le Bœuf (Bos primigenius f. taurus)

4.1.1.1.1 Diagnose métrique du sexe dans une population de référence

Nous aborderons ici uniquement les ossements dont les mesures sont en nombre suffisant pour caractériser les bovins dont ils sont issus (Annexes 39 à 48). Il s’agit des chevilles osseuses, de la mandibule, du talus, des métapodes et des phalanges.

Si certains auteurs (Armitage et Clutton-Brock, 1976) présentent les caractéristiques morphoscopiques des chevilles osseuses des vaches, des taureaux et des bœufs, aucune approche métrique, notamment par la distribution des mesures cornuales, n’a été proposée. Or c’est précisément ces distributions que nous sommes amenés à analyser à partir du mobilier archéologique. Ainsi, nous avons entrepris de tester la distribution des mesures qui s’y rapportent et qui ont été effectuées sur des individus complets ou sub-complets dont les sexes sont connus. Pour cela nous avons exploité les mesures données par Degerboll (1970) pour des aurochs holocènes danois. Le choix de l’ancêtre du bœuf domestique peut être critiqué en soi, mais il présente au moins une homogénéité que nous ne retrouvons pas chez le bœuf domestique avec ses diverses variétés. Ce corpus présente également l’avantage de comprendre un effectif relativement important. Ainsi 70 pièces fossiles de sexe connu (squelettes complets ou subcomplets) ont été exploitées ici. La Figure 15 représente la dispersion des mesures cornuales de cette «population» (circonférence à la base (axe des abscisses) et l’indice d’aplatissement m46/m45*100 (codes Von Den Driesch, 1976). La circonférence permet de discriminer sans recouvrement les vaches (à gauche) des taureaux. En revanche, l’indice d’aplatissement n’est pas efficace. Cela contraste avec les observations de Armitage et Clutton-Brock (1976), Ijzereef (1981) et Arbogast (1994) qui suggèrent une valeur des indices d’aplatissement inférieure chez le taureau domestique. Le référentiel

4.1.1 Le squelette crânien 4.1.1.1 Les chevilles osseuses Chevilles osseuses, variétés bovines et dimorphisme sexuel Les chevilles osseuses sont des appendices frontaux qui existent chez toutes les races rustiques de bovins. Toutefois, ils peuvent faire défaut spontanément chez certains individus. Le déterminisme du développement des chevilles osseuses est génétique. La présence ou absence de chevilles osseuses est contrôlée par un locus (acère) autosomal à deux allèles dont la forme allélique acère est dominante (Georges et al. 1993). Si un individu présente spontanément (par mutation monoallélique) le phénotype acère, il le transmet à 50% de sa descendance quand il est croisé avec un individu à corne. Il apparaît donc que la sélection anthropique des bovins acères est aisée. On peut donc penser que l’élimination des cornes n’a pas été un caractère recherché et que probablement les individus acères n’ont pas été sélectionnés. Si le déterminisme génétique était bien le même chez les bovins romains, la rareté de ce phénotype peut même suggérer une contre-sélection (Vigne, comm.pers.). De ce point de vue, la série de Lutèce n’a livré aucun crâne de bovin acère. En revanche, le site suisse de Sogn Murezi a livré un squelette de vache complet datant du Ier s. ap. J.-C. dont

32

sauvage ne peut donc pas couvrir la totalité de la variation des variétés domestiques et nous utiliserons néanmoins cet indice d’aplatissement.

Diamètre maximal à la base (mm) 140 130 120 110

indice d'applatissement

100

100

95

90

90

80

85

70

80

60

vaches

50

75

170

70

220

270

320

370

420

Circonférence à la base (mm)

65

taureaux

Figure 17 : Distribution des chevilles osseuses de la population d'aurochs (Degerboll, 1970) selon la circonférence à la base et le diamètre maximal

vaches

60 170

220

270

320

370

420

4.1.1.1.2 Diagnose métrique du sexe dans la population archéologique

circonférence à la base

Figure 15 : Distribution des chevilles osseuses de la population d'aurochs (Degerboll, 1970) selon la circonférence à la base et l'indice d'applatissement m45/m46*100

Quatre mesures ont été effectuées sur les chevilles osseuses. Il s’agit de la longueur de la courbe externe, de la circonférence à la base et des diamètres maximal et minimal à la base (Annexe 39). Toutefois, la conservation de cet os nous prive souvent de la mesure de la première. Cela explique pourquoi seules les mesures portant sur la base de l’appendice ont été retenues dans l’analyse qui suit. L’assemblage de Lutèce, toutes périodes confondues, comprend 28 spécimens. La figure 18 représente la distribution : circonférence en fonction du diamètre antéro-postérieur. Deux ensembles se dégagent assez clairement. Les valeurs les plus importantes définissent un groupe de 15 spécimens, le deuxième nuage en comprend 11. Deux autres pièces se placent en marges des deux nuages et ne seront pas prises en compte ici. La première présente une faible valeur du diamètre pour une circonférence importante et vice versa pour la seconde.

Le deuxième graphique (Figure 16) rapporte les valeurs des deux diamètres à la base. Selon cette distribution, la discrimination visuelle entre vaches et taureaux n’est pas aisée même s’il n’existe aucun recouvrement entre les deux sexes pour le diamètre maximal. 120

taureaux

Diamètre minimal à la base (mm)

110 100 90 80 70 60 50

vaches taureaux

40

240 50

75

100

125

Circonférence à la base (mm)

150

Diamètre maximal à la base (mm)

220

Figure 16 : Distribution des chevilles osseuses de la population d'aurochs (Degerboll, 1970) selon les diamètres à la base

200

Cette série d’analyses bivariées fait ressortir deux mesures discriminantes chez l’aurochs : la circonférence à la base et le diamètre maximal (antéro-postérieur) ; dans les deux cas, ce sont les taureaux qui possèdent les valeurs les plus importantes (Figure 17). Le pouvoir discriminant de ces deux variables sera utilisé pour la population de Lutèce. Toutefois il n’est pas possible de démontrer que les éventuelles ségrégations obtenues se rapportent au dimorphisme sexuel, en raison de possibles compositions hétérogènes des assemblages. Il faut également souligner la présence possible d’individus châtrés, dont le comportement n’a pu être évalué dans le corpus de référence constitué par les aurochs danois.

180 160 140 120 100 30

50

70

90

Diamètre maximal (mm)

Figure 18 : Distribution des chevilles osseuses de la population de bovins de Lutèce en fonction de la circonférence à la base et le diamètre maximal

Si l’on admet que les chevilles osseuses des bovins sont restées suffisamment constantes et homogènes au fil de la séquence, on peut en déduire que les proportions étaient relativement équilibrées, avec un léger avantage

33

pour les mâles. L’interprétation de ce résultat en termes de gestion de troupeau et d’intégration des bovins dans des systèmes économiques serait illusoire puisque la chronologie balaye environ quatre siècles. Il faut toutefois attirer l’attention sur l’abondance des individus mâles.

dominant de bovins aux chevilles osseuses à longueur moyenne (n=9) à laquelle s’ajoutent deux variantes, une première aux chevilles osseuses de grande taille (n=2) et une autre aux appendices de faible longueur (n=4). Nous tiendrons compte de cette typologie dans l’approche de la distribution des mesures de nos spécimens, en fonction de la circonférence à la base et l’indice d’aplatissement. La Figure 19 représente la distribution des spécimens de Lutèce en fonction de ces deux variables. Nous avons précisé la variété des bovins (short, medium, long-horned) quand la longueur totale de l’os était disponible.  Les quatre individus aux chevilles osseuses courtes se distinguent aisément vers le bas et la gauche du graphique. L’indice d’aplatissement de deux individus à plus forte circonférence indique que la section est fortement asymétrique avec un allongement antéro-postérieur et qu’il s’agit fort probablement de deux taureaux. Si la variété n’avait pas été précisée, ces individus auraient été classés par erreur dans le groupe des femelles. Cette confusion a pu être faite lors de la tentative de séparation entre mâles et femelles sur la Figure 18. Les deux autres cornes à plus faibles circonférence et indice d’aplatissement renvoient probablement à des femelles.  Dans la suite de la distribution, c’est le type «medium horned» (motifs vides) qui prédomine. La circonférence à la base permet la ségrégation entre mâles

4.1.1.1.3 La question des variétés bovines Dans les contextes archéologiques, il n’est pas aisé de distinguer la présence de variétés différentes. Armitage et Clutton-Brock (1976) suggèrent que la longueur, la courbure et la forme de l’extrémité des chevilles osseuses peuvent être utilisées à cette fin. L’assemblage de Lutèce a livré des chevilles osseuses dont les longueurs oscillent entre 105 et 240 mm, avec une moyenne de 171,4 mm (n=14). D’après le critère de la longueur de la courbe externe, il est possible de classer notre population parmi les bovins aux chevilles osseuses de longueur moyenne («medium horned» (Armitage et Clutton-Brock, 1976)). Toutefois, quelques individus s’écartent de cette tendance puisqu’ils présentent des mensurations qui les classent en partie dans les «short horned» et en partie dans les «long horned». Les intervalles de valeurs utilisés pour définir ces groupes ont été déterminés d’une manière arbitraire par leurs auteurs. De ce fait, la présence de types de bovins différents à Lutèce reste hypothétique et se résume à la présence d’un groupe

Type indéterminé

100

Long horned Vaches short horned

95

Mâles short horned Vaches medium horned

90

Indice d'aplatissement : m46/m45*100

Mâles medium horned 85

80

75

70

65

60 100

120

140

160

180

200

220

240

Circonférence à la base m44 (mm)

Figure 19. Lutèce. Chevilles osseuses. Distribution bivariée de l'indice d'aplatissement en fonction de la circonférence à la base.

34

(triangles vides) et femelles (cercles vides). Les sections à la base de ces deux groupes sont proches, ce qui suggère la prédominance de bœufs dans le groupe des mâles.  Les deux individus du troisième type («long horned») se caractérisent par deux circonférences à la base proches. Il peut s’agir de deux mâles ou de deux femelles. L’écart des valeurs de l’indice d’aplatissement entre ces deux spécimens révèle des sections de formes différentes avec probablement un bœuf (en haut) et un taureau (en bas). Ce dernier se confond avec les bœufs de la population «medium horned». Cette hypothèse de l’appartenance de ces grands individus aux mâles est toutefois à prendre avec précaution, en raison de la faiblesse de l’échantillon. 14 chevilles osseuses fragmentaires n’ont pu être attribuées à un type particulier. Si l’on se fie aux déterminations réalisées pour les trois groupes typologiques, ce groupe est dominé par les mâles (essentiellement des bœufs).

détermination du sexe au sein de populations hétérogènes. Toutefois, les chevilles osseuses suggèrent la présence de près de deux fois plus de mâles que de femelles. Au sein des mâles, ce sont essentiellement les bœufs qui prédominent.

4.1.2 Le squelette post-crânien À la lumière des résultats précédents, deux faits méritent d’être retenus pour la suite. D’abord, la composition générique du troupeau comprenant des bœufs, des vaches et des taureaux ; ensuite la possibilité d’existence de variétés bovines différentes. Nous étudierons successivement les différents éléments squelettiques dont les effectifs sont suffisants. 4.1.2.1 Le talus L’absence d’épiphyses ou de sutures sur le talus rend l’estimation de l’âge difficile. Seules les pièces dont la texture est dure et compacte ont été prises en compte. Nous présumons que ces pièces proviennent d’individus dont la croissance est achevée, sachant que cette hypothèse est plus qu’approximative puisque Degerboll (1970) rapporte ces caractéristiques même pour de jeunes individus.

4.1.1.1.4 L’évolution chronologique Il faut préciser que, malgré les effectifs réduits de bovins attribués, d’après la longueur de la cheville osseuses, à un type donné, la variabilité observée est indépendante de l’origine chrono-stratigraphique des spécimens, ce qui permet de s’affranchir de biais liés à l’évolution des troupeaux bovins au fil de l’occupation (Tableau 2). Cet avantage pose un autre problème. Par exemple, les quatre individus «short horned» sont issus de contextes de datations différentes, ce qui suppose la persistance de cette forme en P1 et P3. De même, les «medium horned» sont présents en P1, P2 et P3. Enfin les «long-horned» sont présents en P1 et P2. P1

P2

P3

-

2

-

2

medium

-

5

2

1

long

-

1

1

-

Les données de la série de référence de Degerboll (1970) montrent que les mesures de la longueur maximale et de la largeur du talus sont discriminantes entre taureaux et vaches (Figure 20). 65 Largeur distale Bd (mm)

P0 short

4.1.2.1.1 Diagnose métrique du sexe au sein de populations de référence

Tableau 2. Lutèce. Origine chronostratigraphique des chevilles os-

60 55 50 45

seuses de différents types.

Or il semblerait que le concept de race n’existait pas à ces périodes (cf. Baron, 1996) dans le sens de variétés faisant l’objet d’une sélection et d’un effort pour les maintenir. Toutefois l’apparence des cornes ne suffit pas pour définir une race. De surcroît, il est légitime d’envisager que les variétés définies par la longueur de la corne reflètent uniquement des différences de taille au sein d’une même race. Les «short horned» pourraient correspondre aux bovins non améliorés de l’Âge du Fer et les «medium horned» à la forme améliorée. Enfin, on pourrait penser que les «long horned» correspondent à des individus introduits à cette époque.

40 70

80

90

100

Longueur maximale GLl (mm)

Figure 20. Talus. Population d'aurochs de référence (n=49) (d'après Degerboll, 1970). Distribution des mesures GLl et Bd

4.1.2.1.2 Évolution diachronique de la longueur GLl à Lutèce Sur l’ensemble de la séquence, 26 talus ont permis de prendre la mesure GLl (Annexe 41). À La période P0, les valeurs des hauteurs latérales des trois talus en présence sont de 56,7, 57,6 et 88,3mm. Cette dernière valeur n’est pas seulement la plus importante de l’ensemble du corpus de Lutèce mais aussi de l’ensemble du corpus régional. Les mesures de ce talus (GLI=88,3 ; Bd=43) le placent à la charnière entre les aurochs mâles et femelles de référence (Degerboll, 1970). On pourra le comparer à la plus grande femelle (GLI=87 ;

4.1.1.1.5 Conclusions Cette tentative de distinction des mâles et des femelles sur la base de la cheville osseuse souligne la difficulté et les précautions nécessaires dans la

35

la population d’aurochs de référence. Les extrémités de ce nuage sont constituées de deux spécimens de petite taille et de quatre autres de dimensions importantes. En position intermédiaire, se concentrent onze points. La distribution obtenue est trop clairsemée pour qu’une tendance franche se dégage. Rappelant, une fois de plus, que le faible effectif, la présence de variétés différentes et une évolution potentielle de la taille absolue le long de l’occupation rendent la distribution des mesures complexe et délicate à interpréter.

Bd=43). En mettant de côté cette pièce, les spécimens de P0 sont parmi les plus petits de Lutèce. On assiste à une augmentation de la valeur du mode d’une période à une autre. Le test du t indique que cette évolution de GLI n’est significative qu’entre P0 et P2 (Figure 21). L’effectif de la phase proto-urbaine étant réduit à deux restes, il n’est pas possible de tirer de conclusions sur la différence de taille des spécimens de P0 et P2. 85

4.1.2.2 Les métapodes

80

GLI (mm)

75

Ces os constituent une source d’information très sollicitée en archéozoologie. À partir des mesures effectuées, il est possible d’aborder, outre la hauteur au garrot (Matolcsi, 1970), les types morphologiques des bovins (Boessneck, 1956 ; Zalkin, 1965 ; Fock, 1966 ; Uerpmann, 1973 ; Luff, 1982 ; Bartosiewicz, 1984 ; Méniel, 2001) et la détermination du sexe (Matolcsi, 1970 ; Grant, 1975 ; Grigson, 1982 ; Méniel, 1984 ; Lepetz, 1996 ; Guintard, 1996). Dans ce qui suit, nous aborderons les caractéristiques biométriques des métacarpes puis des métatarses. Parmi les différentes mesures effectuées sur les métapodes certaines sont plus efficaces dans la détermination du sexe que d’autres. La longueur totale de l’os est peu propice à la distinction entre taureaux et vaches (Nobis, 1954 ; Boessneck, 1956 ; Zalkin, 1960 ; Fock, 1966 ; Higham, 1969 ; Méniel, 1984 ; Guintard, 1996). Elle permet en revanche de distinguer les individus castrés qui présentent une longueur importante de l’os en rapport avec une croissance prolongée, elle même due à la soudure tardive des épiphyses. Cette dernière s’effectue environ deux ans plus tard comparativement aux individus non castrés (Figdor, 1927 cité par Guintard, 1996). Il convient toutefois de préciser que l’âge auquel on pratique la castration conditionne ses effets sur le bœuf au cours de son développement. La distinction entre vaches et taureaux repose sur la gracilité différentielle entre les deux sexes, les femelles étant plus gracile. Cette caractéristique s’exprime sur la largeur des articulations et de la diaphyse et plus nettement sur les métacarpes que sur les métatarses.

70 65 60 55

Ecart moyen

DDL

P3 (4)

P2 (6)

P1 (13)

P0 (2)

50

t

p

P0 (2), P1 (13)

-8,6

1

-8,2

0,0 77

P0 (2), P2 (6)

-8,1

1

-16, 2

0,0 39

P0 (2), P3 (4)

-6,3

1

-3,1

0,1 96

P1 (13), P 2 (6)

1, 0

5

0,4

0,7 03

P1 (13), P 3 (4)

-5,4

3

-1,1

0,340

P2 (6), P3 (4)

-3,2

3

-1,0

0,3 81

Figure 21. Talus. Distribution des mesures GLl (mm) des bovins en fonction de la chronologie et résultats du test t

4.1.2.1.3 Diagnose métrique du sexe au sein de la population de Lutèce Nous avons tenté une diagnose sexuelle en fonction de la plus grande longueur latérale (GLl) et la largeur distale (Bd). 55

Largeur distale Bd (mm)

50

45

4.1.2.2.1 Les métacarpes

40

La série de Lutèce comprend neuf métacarpes entiers. La longueur moyenne est de 189 mm, avec un minimum de 168 et un maximum de 202 mm.

35

4.1.2.2.1.1 Diagnose métrique du sexe au sein de populations de référence

30 50

60

70 80 Longueur maximale GLl (mm)

90

La largeur de l’extrémité distale du métacarpe peut être considérée comme un critère de diagnose du sexe, les largeurs les plus importantes se trouvant chez les mâles (Higham, 1968 ; Grant, 1975 ; Grigson, 1982 ; Méniel, 1984 ; Thomas, 1988 ; Guintard, 1996). La distribution bivariée Dd=f(Bd) au sein de la population

Figure 22. Talus. Distribution des mesures GL et Bd (mm) (n=18) ; cercle=aurochs?

La série de Lutèce comprend 18 pièces mesurables. La distribution des mesures selon le diagramme Bd=f(GLl) présente un allongement du nuage de points (Figure 22) rappelons celui qui a été obtenu sur

36

4.1.2.2.1.3 Diagnose métrique du sexe au sein de la population de Lutèce Le nuage de points obtenu (Figure 25) se rapproche de celui de la population de référence. L’amplitude permet de supposer la présence de mâles et de femelles. Il reste toutefois difficile d’aller au-delà de cette interprétation.

49 47 45 43 41

37

39

35

37 (Bd/GL)*100

Epaisseur antéro-postérieure (mm)

de référence d’aurochs (Degerboll, 1970) le confirme. Elle permet assez bien de séparer les vaches des taureaux (Figure 23).

35 60

70 80 Largeur distale Bd (mm)

90

Figure 23. Métacarpe. Aurochs holocènes danois (d'après Degerboll, 1970). Distribution des mesures Bd et l'épaisseur antéro-postérieure de la trochlée médiale (mm). (n=34)

33 31 29 taureaux boeuf

27

Vaches

25

4.1.2.2.1.2 Évolution diachronique de la largeur Bd à Lutèce

160

70 65 60 55 50 45

DDL

t

p

significativité

Ecart moyen P0 , P 1

3, 1

13

0,4

0,6 81

ns

P0 , P 2

2, 4

9

0,4

0,7 08

ns

P0 , P 3

-0,3

24

-0,1

0,9 45

ns

P1 , P 2

-0,7

20

-0,2

0,8 6

ns

P1 , P 3

-3,4

35

-1,3

0,2

ns

P2 , P 3

-2,7

31

-1

0,3 04

ns

200

210

Le seul moyen d’approfondir cette approche avec une appréciation quantitative de la part des mâles et des femelles est de disposer de pièces issues d’individus dont le sexe est connu, notamment par le calcul de l’indice de gracilité sur les os entiers. Huit spécimens de Lutèce permettent le calcul de l’indice de gracilité ((Bd/GL)*100). La distribution bivariée de cet indice en fonction de la longueur de la diaphyse (Figure 26) indique sept spécimens relativement graciles et une pièce robuste. Pour une même valeur de la gracilité, la longueur permet de distinguer deux spécimens courts, probablement des vaches, et cinq spécimens plus longs, qui correspondraient alors à des bœufs. Le spécimen le plus robuste pourrait être issu d’un taureau. Ces individus, auxquels un sexe a été attribué, sont spécifiés sur les distributions bivariées des mesures de l’articulation distale du métacarpe (Figure 25) en fonction de la période dont ils sont issus. Ils constituent alors des points de référence dans l’interprétation.  Pour les périodes P0 et P1, les points s’organisent en un faisceau allongé. Les spécimens correspondant au bœuf et à la vache se placent parmi les pièces aux plus faibles dimensions. Le nuage pourrait être subdivisé en deux sous-ensembles, le premier comprenant les bœufs et les vaches (n=8) et le second les taureaux (n=6).  Pour P2, on constate que le seul taureau identifié par l’indice de gracilité se place à l’extrémité du nuage correspondant aux valeurs les plus fortes. À l’opposée, on trouve le spécimen attribué à la vache.  Enfin, la dernière phase d’occupation présente deux nuages, le premier (n=16) rassemble les spécimens sexés et attribués à des bœufs (n=3). Le second (n=5) pourrait correspondre à des taureaux. Malgré les outils exploités dans cette analyse des mesures de l’extrémité distale du métacarpe, l’interprétation de la distribution bivariée de Dd en fonction de Bd reste très hypothétique. La similitude des mesures des bœufs et des vaches sexés grâce à l’indice de

75

P2 P3

190

Figure 25. Métacarpes entiers. Distribution de l'indice de gracilité (Bd/GL)*100 en fonction de la mesure GL (mm) (n=8)

80

P0 P1

180

Longueur Gl (mm)

Pour aborder notre assemblage archéologique (Annexe 42) selon ces critères, il est nécessaire de vérifier l’évolution des mesures de la largeur distale Bd du métacarpe le long de la séquence étudiée. Il ressort une similitude entre les assemblages de P0/P1 (n=15) et P2 (n=9) (t=0,08 ; ddl=22). En P3 (n=24), on observe une légère hausse qui n’est pas pour autant significative (t= 1,33 ; ddl=46) (Figure 24). L’absence de différences significatives entre périodes pour les mesures Bd ne permet pas de s’affranchir d’une composition générique différente entre périodes. Nous examinerons donc la distribution Dd=f(Bd) séparément pour P0/P1, P2 et P3.

Bd (mm)

170

Figure 24. Lutèce. Métacarpes. Evolution de Bd de P0 à P3. Résultats du test t. (ns: différence non significative)

37

gracilité pose un problème, sauf s’il s’agit de variétés qui diffèrent par la taille car, au sein d’une même population, les bœufs sont plus grands que les vaches. Dans ce cas, il est difficile de se prononcer sur la composition générique au sein de nos assemblages.

48 46 44 42

P0/ P1 (n=14)

45

40

40 38 35 36

30

34

25

60 20 40

50

60

70

80

70

75

80

85

métatarses des bœufs entre celui des taureaux et celui des vaches. Sa valeur est plus proche des femelles quand il est calculé à partir de la largeur de la diaphyse.

P2 (n=9)

45

65

Figure 27. Aurochs holocènes danois (d'après Degerboll, 1070) Métatarses. Distribution des mesures Bd et Dd (mm) (n=37)

40

4.1.2.2.2.2 Évolution diachronique de la largeur Bd à Lutèce

35 30

Nous avons vérifié l’évolution de Bd au fil de l’occupation (Figure 28). Aucune différence significative n’est à signaler.

25 20 40

50

60

70

80 80

P3 (n=21)

45

75 70

40

65 Bd (mm)

35 indéterminés taureaux boeufs Fi g 2 vaches u 8 r e

50

60

70

80

45

90

40

Figure 26. Lutèce. Métacarpe. Distribution de l'épaisseur antéro-postérieure de l'articulation distale (mm) en fonction de la mesure Bd

Ecart moyen

4.1.2.2.2 Les métatarses

P0 (3), P1 (9) P0 (3), P2 (3)

4.1.2.2.2.1 Diagnose métrique du sexe au sein de populations de référence

DDL 10

t

p

-0,455

0,659

0,767

4

0,131

0,902

-3,271

23

-0,657

0,518

3,267

10

0,586

0,571

P1 (9), P3 (22)

-0,771

29

-0,235

0,816

P2 (3), P3 (22)

-4,038

23

-0,805

0,429

P0 (3), P3 (22) P1 (9), P2 (3)

Higham (1968) rapporte que le dimorphisme sexuel s’exprime assez nettement sur la largeur distale maximale (Bd) des métatarses avec un recouvrement limité (6 %) entre femelles et castrés. La série de référence de Degerboll (1970) atteste que la mesure (Bd) permet de distinguer entre les taureaux et vaches (Figure 27). La mesure (Dd) présente un certain recouvrement entre les deux populations ; toutefois le coefficient de différence (Mayr et al., 1953) est très fort, indiquant que le recouvrement n’affecte qu’environ 2,5 % des individus. Cela implique que plus de 97 % des mâles et des femelles pourront être distingué sur la base de cette mesure. Guintard (1996) situe l’indice de gracilité des

-2,5

P3 (22)

40

50

P2 (3)

20

55

P1 (9)

25

60

P0 (3)

30

Figure 28. Evolution de la distribution des mesures Bd (mm) du métatarse de bovins (n=37)

4.1.2.2.2.3 Diagnose métrique du sexe au sein de la population de Lutèce Nous avons calculé l’indice de gracilité pour les trois métatarses entiers de la série de Lutèce (Annexe 43). Ils proviennent tous de la période tardive (P3). Leurs longueurs totales sont respectivement de 199,5, 219,6 et 228,7 mm. Le métatarse le plus petit affiche l’indice le plus fort (14,3 %). En référence aux indices calculés

38

pour les bovins du contexte régional (Lepetz, 1996), il est possible de considérer cet individu comme un taureau. Le métatarse suivant présente une longueur supérieure de deux centimètres et un indice de 12,3 %. Le dernier spécimen de longueur 228,7 mm a donné un indice de 13 %. Il est possible d’attribuer ces individus à des bœufs. Le recours aux deux mesures de l’extrémité distale du métatarse permet d’obtenir un nuage de points en apparence scindé en trois sous-ensembles (Figure 29). Un premier nuage se caractérise par les mesures les plus faibles. À la lumière des données correspondant aux séries de référence, il est tentant de l’attribuer aux vaches (n=9). Au-dessus d’une largeur (Bd) de 55 mm, le nuage serait attribué aux mâles qui seraient dominant (n=27). Le comportement relatif des mâles et des castrats n’étant pas déterminé pour cette mesure, il reste difficile de les distinguer. Les mesures de l’extrémité distale des métatarses entiers attribués à des individus castrés ont été figurés par deux cercles. Ils coïncident avec le nuage intermédiaire. Ce dernier pourrait donc comprendre les bœufs (n=21), les taureaux plus robustes seraient représentés par les valeurs les plus fortes (n=6). 45

relatives des phalanges ont pu mettre en évidence un dimorphisme sexuel (Dottrens, 1947, Stampfli, 1976, Higham 1969, Grigson, 1982). Lors de la détermination, nous avons appliqué tous les critères proposés par Revilliod et Dottrens (1946) sur les premières phalanges, car elles sont les plus fréquentes. Les deuxième et troisième phalanges ont été enregistrées sans distinction de la position anatomique. Ce choix s’explique d’une part par la plus grande facilité de la discrimination entre les différentes premières phalanges et d’autre part par la nécessité de vérifier les apports de cette distinction sur ces témoins avant de l’étendre aux autres phalanges. Pour les premières phalanges, la distinction, latérale ou médiale s’est heurtée à l’existence de morphologies intermédiaires. Cette asymétrie au niveau d’un même pied est en relation avec l’aplomb de l’animal. L’augmentation importante du poids de la carcasse entraîne un mauvais aplomb qui engendre une torsion des phalanges médiales (Dottrens, 1947). Dans notre assemblage, la multitude des formes intermédiaires ne permettait pas d’exploiter cette distinction anatomique sans réduire considérablement le corpus. Ainsi dans le traitement, seule la distinction entre phalanges antérieures et postérieures a été utilisée. L’existence potentielle de plusieurs variétés bovines a incité à une approche par période, cela étant rendu possible grâce à un nombre de phalanges relativement important par rapport aux autres ossements. Ainsi, nous examinerons la distribution respective des phalanges antérieures et postérieures par période. Par souci d’homogénéité, seul le site P634, dont la chronologie est la plus fine, a été exploité en vue d’une diagnose sexuelle en plus de la caractérisation métrique de chaque population.

Dd (mm)

43 41 39 37 35 33 31 29

4.1.2.3.1 Les phalanges proximales

27 25 45

Bd (mm) 55

65

75

85

4.1.2.3.1.1 Le diagnose métrique du sexe au sein de populations de référence

Figure 29. Lutèce. Métatarses. Distribution des mesures Bd et Dd (mm) de bovins (n=45) (cercles vides=individus castrés)

Avant de procéder à l’analyse de la série de premières phalanges de Lutèce, nous nous proposons d’évaluer l’effet du dimorphisme sexuel sur les différentes mesures effectuées sur cet os. De nombreux référentiels actuels ne prennent pas en compte les phalanges (Howard, 1962 ; Zalkin, 1972). Même des travaux aussi récents que ceux de Guintard (1996) négligent cette partie du squelette qui n’a même pas été conservée lors de la préparation du référentiel, l’intérêt étant porté uniquement sur les métapodes. D’autres auteurs ont tenté de caractériser l’ostéologie des phalanges. Higham (1969) a montré que la mesure de la surface articulaire proximale est celle qui reflète le mieux le dimorphisme sexuel, avec des valeurs supérieures chez le mâle. Ce pouvoir discriminant s’exprime par une faible valeur, en pourcentage, du recouvrement des mesures des populations respectives de mâles et de femelles (Tableau 3). Il ressort également de ces pourcentages de recouvrement que les phalanges antérieures expriment mieux le dimorphisme sexuel. Il faut

4.1.2.3 Les phalanges Malgré l’abondance des phalanges dans les collections archéologiques, leur utilisation dans la caractérisation des bovins n’est pas très fréquente. Cela s’explique par l’existence pour chaque demi-carcasse de quatre positions anatomiques par rang de phalange : antérieure, postérieure, latérale et médiale. L’analyse métrique sans distinction de l’origine squelettique des phalanges a été qualifiée de «futile» (Dottrens, 1947), en raison de l’inintelligibilité de la distribution des mesures issues d’une population hétérogène d’os (Revilliod et Dottrens, 1946 ; Dottrens, 1947). Les phalanges antérieures étant plus courtes et plus robustes que celles du membre postérieur, elles définissent au moins deux populations différentes, sans compter la position latérale ou médiale des phalanges proximales d’un membre donné. Cette dernière agit également sur les proportions de l’os. Seuls les auteurs ayant distingué les positions

39

cependant rappeler que la population de référence utilisée

anormal de la largeur mesurée.

% recouvrement Mesures

Phal Ant.

BFp

4%

Bp

5%

Bd

6%

SD

10 %

GLpe

21 %

Phal Post. Taure aux

7%

Glpe

Bp

SD

Bd

moy 77,6

42

34,2

38,8

min

69

40

32

37

ma x

84

45

37

41

35,3

29,8

32,3 30

moy 69,9 min

63

34

28

ma x

74

39

33

35

t

3,02

6,01

4,22

6,20

ddl

11

9

9

9

P

+

+++

++

+++

Vache s

9%

Tableau 3. Bovins. Expression du dimorphisme sexuel sur les mesures des phalanges proximales

Tableau 4. Aurochs. Comparaison des différentes mesures des premières phalanges entre taureux (n=5) et vaches (n=8)

par cet auteur comprend uniquement des individus castrés (n=40) et des femelles (n=40). Ainsi, les différences entre mâles entiers et castrés reste à préciser. La caractérisation des castrats est importante. En effet, s’ils présentent des caractères intermédiaires, ils risquent de rendre la diagnose des sexes impossible à partir de l’examen des distributions des mesures. Nous pouvons tester la distinction entre taureaux et vaches sur la série d’aurochs néolithiques de Degerboll (1970). Cette série de référence présente comme inconvénient, outre l’effectif réduit (cinq taureaux et huit vaches), l’absence de distinction des positions relatives des phalanges (antérieure / postérieure, latérale / médiale). Chaque assemblage étant inférieur à 30 individus, la différence des mesures entre les deux séries sera évaluée par le test de Student adapté aux petits échantillons (par le calcul d’une variance commune) (Tableau 4). - La longueur totale latérale (GLpe) des premières phalanges d’aurochs mâles est significativement supérieure à celle des femelles. - La mesure de largeur maximale de l’extrémité proximale (Bp) traduit des mensurations de valeurs supérieures dans le groupe des mâles. Il n’y a aucun recouvrement avec celles des femelles. La différence observée est hautement significative (t=6 ; ddl=9). Ce résultat se retrouve pour la largeur de l’extrémité distale (Bd). - Quant à la largeur minimale de la diaphyse, la différence s’est révélée très significative entre taureaux et vaches. Conformément aux résultats de Higham décrits plus haut, le dimorphisme sexuel s’exprime le mieux sur Bp et Bd. Toutefois, les résultats obtenus pour l’aurochs nécessitent d’être validés sur d’autres populations de référence, car nous ne connaissons pas les positions relatives des spécimens utilisés et pour peu que les phalanges des femelles soient issues du membre antérieur (phalanges trapues) et celles des mâles du membre postérieurs (phalanges allongées), la généralisation de la supériorité de taille des phalanges de mâle et l’absence de recouvrement devient erronée d’autant plus que l’effectif global est réduit. L’utilisation de Bp nécessite une précaution supplémentaire dans la mesure où le lipping affectant la surface articulaire entraîne un élargissement

À la lumière des données de Higham et secondairement des résultats obtenus pour l’aurochs, nous retiendrons que les premières phalanges des bovins expriment potentiellement le dimorphisme sexuel. 4.1.2.3.1.2 Les phalanges proximales antérieures de la «rue Pierre et Marie Curie» • Évolution de la taille au fil du temps 150 phalanges proximales antérieures ont pu être mesurées (Annexe 44). Nous comparerons les moyennes, étendues et intervalles de confiance de la mesure GLpe. La valeur statistique des écarts observés dans les séries de mesures des différentes périodes sera évaluée par le test de Student (Figure 31). La transition d’une phase d’occupation à une autre ne s’accompagne d’aucun changement significatif de la longueur des phalanges. Les seuls écarts significatifs ont été enregistrés entre P0 et P3 et entre P1 et P3. P3 atteste une grande diversification des mesures. Afin d’attribuer ces changements survenus entre P0/P1 et P3 à une éventuelle augmentation de la taille des phalanges, il est nécessaire de s’affranchir de changements liés à la composition générique du troupeau. • Dimorphisme sexuel La diagnose du sexe se fera sur les mesures présentant le moins de recouvrement entre mâles et femelles. Higham (1969) recommande les largeurs de l’articulation proximale. Cette mesure permet de distinguer entre vaches et bœufs. La distinction entre mâles nécessite l’utilisation de l’indice de gracilité que nous calculerons ici en fonction de Bp. Nous présenterons les distributions : Bp/GLpe*100=f(GLpe) et Bp/GLpe*100=f(Bp). La lecture conjointe de ces deux graphiques, par période, permet pour un spécimen, symbolisé par les même motif et couleur, qui présente une robustesse donnée, de visualiser sa longueur et la largeur de son articulation proximale. Taureaux et vaches ont des longueurs sensiblement proches, tandis que les bœufs présentent des longueurs supérieures. Pour Bp, les mâles affichent des valeurs supérieures par rapport aux femelles. Ainsi, théoriquement, l’axe des ordonnées sépare les taureaux (valeurs les plus fortes) des vaches. Les bœufs présentent des valeurs intermédiaires. L’axe des abscisses GLpe sépare d’une part vaches et taureaux et d’autre part 40

BP/GLpe*100

BP/GLpe*100

Taureaux

Taureaux

Boeufs

Vaches

Boeufs

Vaches

GLpe (mm)

Bp (mm)

P 0 : Bp/GLpe = f(GLpe)

P 0 : Bp/GLpe = f(Bp)

n=13

n=13

65

65

60

60

55

55

50

50

45

45 40

40 50

55

60

65

70

20

75

P 1 : Bp/GLpe = f(GLpe)

30

35

40

35

40

35

40

P 1: Bp/GLpe = f(Bp)

n=33

n=33

65

65

60

60

55

55

50

50

45

45 40

40 50

55

60

65

70

20

75

P 2 : Bp/GLpe = f(GLpe) 65

60

60

55

55

50

50

45

45

55

60

65

70

40

75

20

P 3 : Bp/GLpe = f(GLpe)

25

30

P 3 : Bp/GLpe = f(Bp)

n=35

n=35

65

65

60

60 55

55

50

50

45

45

40

30

n=15

65

50

25

P 2 : Bp/GLpe = f(Bp)

n=15

40

25

50

55

60

65

70

40

75

20

25

30

35

40

Figure 30. "Rue Pierre et Marie Curie". Phalanges proximales antérieures. Distribution bivariée de l'indice Bp/GLpe*100 en fonction de GLpe (colonne de gauche) et en fonction de Bp (colonne de droite). Chaque spécimen est représenté dans les figures situées sur la même ligne par le même motif et la lême couleur. Les deux graphiques du haut de la page constituent la distribution attendue des genres d'après les référentiels utilisés

41

les bœufs (valeurs les plus fortes). L’axe des abscisses Bp sépare mâles et femelles. L’analyse des distributions obtenues selon les critères définis plus haut permet d’identifier dans certains cas (P0, P2 et P3) des regroupements des spécimens en deux ou trois nuages. En tenant compte des données des référentiels, résumés dans la Figure 30, nous avons attribué certains nuages à un sexe donné. Le Tableau 5 récapitule les attributions génériques que nous proposons. Les bœufs sont omniprésents le long de la séquence. Ils sont particulièrement importants en P2 et P3. Les proportions des vaches et des taureaux sont relativement équilibrées. Ces résultats nous renvoient à l’évolution des mesures entre P0/P1 et P2/P3, assemblags qui diffèrent par leur composition générique.

4.1.2.3.3 Les dernières phalanges Il est difficile d’apprécier l’âge des animaux dont sont issues les dernières phalanges. Nous avons éliminé, dans la mesure du possible, les pièces issues des individus jeunes dont la texture poreuse est caractéristique. Cependant, cela ne garantit pas que la totalité des pièces mesurées correspondent à des individus adultes. Au total, 96 pièces du site P634 ont été mesurées (Annexe 48). La longueur DLS permet de distinguer deux groupes : d’une part P0 et P1, avec les valeurs les plus faibles, et d’autre part P2 et P3. Au sein de chaque groupe, les différences ne sont pas significatives. Les différences sont hautement significatives entre P1 et P3. Elles sont très significatives entre P0 et P3 et entre P1 et P2. Elles sont significatives entre P0 et P2. On constate une hausse entre P0/P1 et P2/P3, mais cette tendance doit tenir en compte de l’âge, du sexe, de la position anatomique et des variétés bovines.

4.1.2.3.1.2 Les phalanges proximales postérieures de la «Rue Pierre et Marie Curie» • Évolution de la taille au fil du temps La mesure GLpe a été prise sur 78 spécimens du site «Rue Pierre et Marie Curie» (Annexe 45). Nous suivrons l’évolution de l’étendue, l’intervalle de confiance et la moyenne de P0 à P3. Un test t permettra d’estimer la validité statistique des changements observés. La Figure 33 ne permet pas de dégager de tendances nettes. La moyenne la plus faible a été enregistrée en P0 (59 mm), la plus importante en P3 (63 mm). Les valeurs du test (t) nous renseignent que l’écart le plus important existe entre le début de l’occupation et sa fin (différence significative). La différence entre P0 et P1 est également significative. Relativement à P0, les phases suivantes attestent une diversification des mesures. Ces différences justifient un traitement métrique distinct pour chaque période dans l’approche du dimorphisme sexuel.

4.1.2.3.4 Conclusions La hausse de taille la plus importante a été relevée sur les phalanges proximales du membre antérieur entre les périodes P0 et P3. Mais, il semblerait que ce changement soit lié à un effectif plus important de castrats et rien ne permet de conclure à une réelle augmentation de la stature des bovins. Ce constat nous incite à prendre avec précaution les légères tendances à la hausse observées sur certaines mesures pour ne pas confondre augmentation de taille et augmentation de la proportion de castrats. La tendance la plus notable est celle de la diversification des tailles au fil de l’occupation.

4.1.3 Les bovins de Lutèce dans le contexte régional

• Dimorphisme sexuel L’approche suivie pour les phalanges proximales antérieures est appliquée ici. La Figure 32 représente les distributions de l’indice Bp/GLpe*100 en fonction de GLpe et de Bp. La lecture des distributions bivariées est moins aisée que pour les phalanges proximales antérieures, ce qui coïncide avec la valeur supérieure des phalanges antérieures dans le diagnostic du sexe (Higham, 1969). Nous limiterons donc notre approche du dimorphisme sexuel sur les phalanges proximales aux résultats de ces derniers.

4.1.3.1 Hauteurs au garrot ou mesures brutes? Le calcul de la hauteur au garrot permet d’avoir une approximation de la taille de l’animal vivant. Il consiste en la multiplication de la longueur totale d’un os par un coefficient. Un premier biais intervient dans ce calcul qui consiste en l’utilisation exclusive d’os entiers ce qui a comme conséquence d’exclure une large part des individus dont les os ont été fragmentés. La faiblesse des effectifs obtenus peut alors induire une variabilité aléatoire des statures reconstituées. Par ailleurs, la fragmentation des os va dépendre de nombreux facteurs qui peuvent varier d’un assemblage à l’autre. Nous insisterons ici sur deux sous-systèmes techniques de transformation : la boucherie et l’exploitation des matières dures animales. La taille de l’animal peut être un facteur agissant sur la chaîne opératoire dans laquelle il constitue la matière première. Dans ce sens, l’opérateur et ou les techniques utilisées peuvent dépendre du gabarit de l’animal. De même, le produit fini (objet en os, en corne, etc.) peut conditionner la sélection de la matière première. Cette interactivité entre matière première, produit et chaîne opératoire peut

4.1.2.3.2 Les phalanges moyennes Comme précisé auparavant, la distinction entre positions relatives de ces éléments anatomiques n’a pas été effectuée. Nous limiterons donc l’étude à une description de l’évolution métrique globale de ces os. Au total, le site P634 a livré 150 pièces (Annexe 47). Aucune différence significative n’a été relevée entre périodes (Figure 34). Ce résultat doit prendre en compte l’hétérogénéité de la population, conséquence du mélange de phalanges de positions anatomiques différentes. 42

Figure 36. Lutèce (n=48) et corpus régional (n=119). Métacarpe. Comparaison de Bd et résultats du test (t)

Figure 37. Lutèce (n=37) et corpus régional (n=124). Métatarse. Comparaison de Bd et résultats du test (t)

Régional

Régional

Lutèce

Lutèce 45

50

55

60

65

70

75

80

40

45

50

Bd (mm)

Ecart moyen Lutèce, Régional

2,829

DDL

t

p

165

2,394

0,018

Ecart moyen Lutèce, Régional

Régional

Lutèce

Lutèce 60

65

70

75

80

85

3,745

45

90

50

55

60

Ecart moyen -5,915

DDL

t

157

-4,254

p