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French Pages [956] Year 2016
Conforme au
SOINS INFIRMIERS
DSM-5
SANTÉ MENTALE ET PSYCHIATRIE
2e ÉDITION
Katherine M. FORTINASH • Patricia A. HOLODAY WORRET ÉDITION FRANÇAISE DIRECTION SCIENTIFIQUE Claire Page Jean-Pierre Bonin Dominique Houle DIRECTION PÉDAGOGIQUE Yvon Brassard avec la collaboration de Hélène Gousse et Éric Lavertu
SOINS INFIRMIERS
Conforme au
DSM-5
SANTÉ MENTALE ET PSYCHIATRIE
2e ÉDITION
Katherine M. FORTINASH, MSN, APRN, PMHCNS Patricia A. HOLODAY WORRET, MSN, APRN, PMHCNS ÉDITION FRANÇAISE DIRECTION SCIENTIFIQUE Claire Page Jean-Pierre Bonin Dominique Houle DIRECTION PÉDAGOGIQUE Yvon Brassard avec la collaboration de Hélène Gousse et Éric Lavertu
Soins infirmiers Santé mentale et psychiatrie, 2e édition
Sources de la couverture
Traduction et adaptation de : Psychiatric Mental Health Nursing, 5th edition par Katherine M. Fortinash, MSN, APRN, PMHCNS, et Patricia A. Holoday Worret, MSN, APRN, PMHCNS © 2012, par Mosby, une marque d’Elsevier Inc. (ISBN 978-0-323-07572-5) Copyright © 2012, 2008, 2004, 2000, 1996 by Mosby Inc., an affiliate of Elsevier Inc. Copyright © 2012, 2008, 2004, 2000, 1996 par Mosby, une division d’Elsevier Inc. This edition of Psychiatric Mental Health Nursing, 5th edition by Katherine M. Fortinash, MSN, APRN, PMHCNS, and Patricia A. Holoday Worret, MSN, APRN, PMHCNS is published by arrangement with Elsevier Inc. © 2016 TC Média Livres Inc. © 2013 Chenelière Éducation inc. Conception éditoriale : André Vandal Édition : Corine Archambault, Sarah Bigourdan, Mira Cliche, Alice Guilbaud et Nancy Lachance Coordination : Isabelle Chartier, Marie-Noëlle Hamar, Sophie Jama, Marylène Leblanc-Langlois, Johanne Lessard et Mélanie Nadeau Traduction de l’édition précédente : Christiane Foley, Anne-Marie Mesa, Lucie Morin, Laurence Perron et Geneviève Ross Révision linguistique : Chantale Bordeleau (RévisArt) et Anne-Marie Trudel Correction d’épreuves : Audrey Faille, Marie Le Toullec, Michèle Levert (Zérofôte), Francine Raymond et Marie-Claude Rochon (Scribe Atout) Conception graphique : Pige communication Conception de la couverture : Josée Brunelle Impression : TC Imprimeries Transcontinental
Psychiatric mental health nursing. Français Soins infirmiers : santé mentale et psychiatrie 2e édition. Traduction de la 5e édition de : Psychiatric mental health nursing. Comprend des références bibliographiques et un index. ISBN 978-2-7650-4990-6 1. Soins infirmiers en psychiatrie – Manuels d’enseignement supérieur. 2. Services de santé mentale – Manuels d’enseignement supérieur. i. Fortinash, Katherine M. ii. Titre. 616.89’0231
C2015-942594-8
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Des marques de commerce sont mentionnées ou illustrées dans cet ouvrage. L’Éditeur tient à préciser qu’il n’a reçu aucun revenu ni avantage conséquemment à la présence de ces marques. Celles-ci sont reproduites à la demande de l’auteur ou de l’adaptateur en vue d’appuyer le propos pédagogique ou scientifique de l’ouvrage.
La traduction française des encadrés « Critères diagnostiques » présentée dans ce manuel est reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association. DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guelfi et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
La pharmacologie évolue continuellement. La recherche et le développement produisent des traitements et des pharmacothérapies qui perfectionnent constamment la médecine et ses applications. Nous présentons au lecteur le contenu du présent ouvrage à titre informatif uniquement. Il ne saurait constituer un avis médical. Il incombe au médecin traitant et non à cet ouvrage de déterminer la posologie et le traitement appropriés de chaque patient en particulier. Nous recommandons également de lire attentivement la notice du fabricant de chaque médicament pour vérifier la posologie recommandée, la méthode et la durée d’administration, ainsi que les contre-indications.
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
RC440.P78514 2016
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Les cas présentés dans les mises en situation de cet ouvrage sont fictifs. Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant déjà existé n’est que pure coïncidence. TC Média Livres Inc., Elsevier, les auteurs, les adaptateurs et leurs collaborateurs se dégagent de toute responsabilité concernant toute réclamation ou condamnation passée, présente ou future, de quelque nature que ce soit, relative à tout dommage, à tout incident – spécial, punitif ou exemplaire – y compris de façon non limitative, à toute perte économique ou à tout préjudice corporel ou matériel découlant d’une négligence, et à toute violation ou usurpation de tout droit, titre, intérêt de propriété intellectuelle résultant ou pouvant résulter de tout contenu, texte, photographie ou des produits ou services mentionnés dans cet ouvrage.
Dans cet ouvrage, le féminin est utilisé comme représentant des deux sexes, sans discrimination à l’égard des hommes et des femmes, et dans le seul but d’alléger le texte.
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Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.
AVANT-PROPOS Cette nouvelle édition de Soins inrmiers – Santé mentale et psychiatrie est entièrement conforme au DSM-5 et tient compte du tout nouveau Plan d’action en santé mentale 2015-2020 du Québec. Dès l’édition précédente, l’équipe de rédaction a été soucieuse de reéter adéquatement les pratiques québécoises, en particulier en ce qui concerne l’évaluation de la condition mentale. Les chapitres consacrés à la situation de crise, au suicide ou aux personnes âgées ont été enrichis d’un contenu exclusif correspondant aux situations cliniques rencontrées en milieu hospitalier. De plus, une attention particulière a été portée au plan thérapeutique inrmier (PTI) ainsi qu’aux rôles et aux responsabilités de l’inrmière à la suite de l’adoption de la Loi modiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines. Les nombreux cas cliniques et les analyses de situation de santé qui jalonnent cette édition permettent, en plus de développer la pensée critique et le jugement clinique, de multiplier les exemples concrets et réalistes. Comme les autres ouvrages de la collection, Soins inrmiers – Santé mentale et psychiatrie s’accompagne d’un Guide d’études qui amène les étudiantes à mettre leurs connaissances à l’épreuve en résolvant des cas cliniques réalistes et en ayant à ajuster des PTI. Cet ensemble didactique est complété par un Guide de stage et par une série de huit vidéos qui mettent en scène des situations auxquelles une inrmière en santé mentale peut faire face. En offrant un ouvrage de qualité, nous souhaitons participer à la formation en santé mentale d’une relève compétente et capable de répondre aux exigences d’une pratique professionnelle de haut niveau. L’éditeur Direction scientique
Direction pédagogique
Claire Page Jean-Pierre Bonin Dominique Houle
Yvon Brassard Avec la collaboration de Hélène Gousse et Éric Lavertu
REMERCIEMENTS L’Éditeur remercie toutes les personnes qui ont contribué à la réalisation de cet ensemble scientique et pédagogique, en particulier l’équipe de spécialistes qui a relu attentivement tous les chapitres an d’apporter les ajustements rendus nécessaires par la parution du DSM-5. Nous tenons à souligner plus particulièrement la collaboration de la Faculté des sciences inrmières de l’Université Laval pour la réalisation de la série de vidéos qui accompagne cet ouvrage. Enn, la production d’un ensemble de cette importance ne serait pas possible sans la compétence et le souci du détail d’une équipe d’éditrices, de réviseures linguistiques, de correctrices d’épreuves et de chargées de projet déterminée et entièrement dévouée à la réalisation d’un ouvrage rigoureux. À tous et à toutes, merci !
Avant-propos
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ÉQUIPE DE RÉDACTION DE L’ÉDITION FRANÇAISE DIRECTION SCIENTIFIQUE Jean-Pierre Bonin, inf., Ph. D. (Santé publique) Professeur titulaire à la Faculté des sciences inrmières de l’Université de Montréal (santé mentale) et chercheur attitré au Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal du CIUSSS de l’est de Montréal, Jean-Pierre Bonin codirige l’aspect des soins inrmiers du Réseau québécois de recherche sur le suicide et les troubles de l’humeur. Ses domaines d’intérêt sont centrés sur l’évaluation des services destinés aux personnes atteintes de troubles mentaux, aux personnes itinérantes ayant des troubles concomitants de santé mentale et de toxicomanie ainsi qu’à leur famille. Il travaille aussi à des projets impliquant les familles de personnes atteintes de troubles mentaux, de même qu’auprès de ces dernières dans des projets de formation de gestion de l’agressivité. Dominique Houle, inf., psychologue, Ph. D. (Éducation) Professeure associée au Département des sciences inrmières de l’Université du Québec en Outaouais, Dominique Houle a consacré près de 25 années à la formation inrmière en santé mentale, tant au niveau collégial qu’universitaire. Ses champs d’intérêt et de recherche portent sur la transition et l’adaptation en contexte scolaire universitaire, l’identité professionnelle inrmière et le développement d’outils éducatifs (devenirinrmiere.org), le soutien à l’intégration professionnelle d’inrmières novices (volet préceptorat), ainsi que la prévention du suicide chez les hommes en situation de vulnérabilité. Claire Page, inf., Ph. D. (Sciences biomédicales – Psychiatrie sociale) Après avoir travaillé plusieurs années comme inrmière en psychiatrie, Claire Page a occupé un poste de professeure à l’Université du Québec à Rimouski de 1992 à 2015. Elle est activement engagée dans des projets de création et d’implantation de programmes de deuxième cycle en sciences inrmières au Québec. Elle s’investit dans diverses activités d’enseignement et travaux universitaires visant à améliorer la qualité des soins inrmiers prodigués auprès des clients ayant des problèmes de santé mentale.
DIRECTION PÉDAGOGIQUE Yvon Brassard, M. Éd., D.E. Pendant près de 30 ans, il a œuvré dans le milieu de l’enseignement des soins inrmiers au niveau collégial. Il est l’auteur de deux volumes portant sur la rédaction des notes d’évolution au dossier et d’un ouvrage sur les méthodes de soins. Yvon Brassard a aussi participé à l’adaptation québécoise des volumes Soins inrmiers – Fondements généraux (Potter & Perry, 1re, 2e et 3 e éditions) et de Soins inrmiers – Médecine Chirurgie (Lewis), desquels il a également assuré la direction pédagogique, ainsi qu’à Soins inrmiers – Santé mentale et psychiatrie (Fortinash). Il a, de plus, rédigé l’appareillage pédagogique pour le volume Modèle McGill paru aux éditions Chenelière Éducation en 2015. Hélène Gousse, inf., B. Sc. Inrmière depuis 30 ans, elle détient un baccalauréat en sciences inrmières ainsi qu’un certicat en santé communautaire. Tôt dans sa carrière, elle se dirige vers la santé communautaire, d’abord en CLSC, puis au sein d’un organisme sans but lucratif. Depuis 15 ans, elle est enseignante en soins inrmiers au Cégep de Saint-Jérôme, au programme de formation régulier et à la formation continue. Elle s’intéresse en particulier aux domaines des
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Équipe de rédaction
soins aux personnes âgées et des maladies chroniques. Elle a collaboré au Guide des médicaments (Skidmore-Roth) à titre de consultante. Éric Lavertu, B. Sc. inf., M. Éd. Éric Lavertu a travaillé comme inrmier en cardiologie avant de se tourner vers l’enseignement en 2001. Professeur engagé, il s’intéresse au développement du jugement clinique des inrmières et en a fait le thème de sa maîtrise en proposant un outil pour évaluer la pensée critique chez les étudiantes au cours des stages en milieu clinique. En plus de collaborer à l’adaptation de différents manuels en soins inrmiers, il a offert diverses formations sur mesure aux professeures en soins inrmiers de différents cégeps et a présenté des ateliers dans plusieurs colloques. Il participe actuellement à la mise en place d’un centre de simulation qui servira à la formation des étudiantes de tous les programmes de la santé au Cégep de Sainte-Foy.
CONSEILLÈRE SCIENTIFIQUE Louise-Andrée Brien, inf., M. Sc. Chargée de cours à la Faculté des sciences inrmières de l’Université de Montréal, Louise-Andrée Brien est responsable des cours liés aux soins critiques pour le programme de baccalauréat en sciences inrmières. Détentrice d’une certication en neurosciences du Centre universitaire de santé McGill et d’une maîtrise en sciences inrmières (option formation) de l’Université de Montréal, elle s’intéresse aussi à la formation inrmière et interprofessionnelle en soins de n de vie auprès de clientèles non oncologiques.
ADAPTATION DE L’ÉDITION FRANÇAISE Jean-Philippe Arguin, inf., B. Sc. Détenteur d’un baccalauréat en sciences inrmières de l’Université Laval, Jean-Philippe Arguin est professeur en soins inrmiers au Cégep de Sainte-Foy depuis 2003. À ses débuts, inrmier polyvalent aux multiples champs d’intérêt, il est attiré par les dés de la santé mentale et oriente peu à peu sa carrière dans ce domaine. Son enseignement porte entre autres sur les troubles de l’humeur et sur l’évaluation de l’état mental. Frédéric Banville, M.A., Ph. D. (Neuropsychologie) Neuropsychologue et professeur au Département de psychologie de l’Université de Montréal, Frédéric Banville pratique l’évaluation des troubles cognitifs depuis 1998 en centre de réadaptation comme en clinique privée. Il enseigne également aux cycles supérieurs l’évaluation psychodiagnostique et les interventions psychothérapeutiques auprès de clientèles atteintes de troubles mentaux légers et modérés. Guy Beauchamp, Ph. D. (Pharmacologie) Professeur titulaire au Département de psychoéducation et de psychologie de l’Université du Québec en Outaouais (UQO), Guy Beauchamp a donné le cours de pharmacothérapie aux inrmières praticiennes spécialisées et le cours de psychopharmacologie aux études supérieures en sciences inrmières à l’UQO. Il donne présentement le cours de psychopharmacologie aux doctorants en neuropsychologie et en psychologie clinique. Patricia Beaulac, inf., B. Sc. Inrmière clinicienne au programme Urgence-Dépendance du Centre Dollard-Cormier – Institut universitaire sur les dépendances (CDC-IUD), Patricia Beaulac a aussi travaillé à des programmes de désintoxication, jeunesse externe ainsi que liaison en centre hospitalier du CDC-IUD.
Huguette Bégin, inf. Inrmière diplômée depuis 28 ans, Huguette Bégin travaille dans le domaine de la toxicomanie depuis 15 ans. Elle est coordonnatrice clinicoadministrative (volet abus-dépendance à l’urgence et au triage) du Centre Dollard-Cormier – Institut universitaire sur les dépendances (CDC-IUD). De concert avec la directrice du service à la clientèle du CDC-IUD, elle a contribué à l’élaboration du projet des sites d’injection supervisés pour le Centre. Dalila Benhaberou-Brun, inf., M. Sc. Inrmière diplômée d’État (IDE) de France, elle est titulaire d’un baccalauréat en sciences et d’une maîtrise en sciences biomédicales de l’Université de Montréal. D’abord inrmière clinicienne puis inrmière de recherche, elle est devenue rédactrice spécialisée en santé en 2005. Elle s’intéresse à de nombreux domaines, dont les troubles du sommeil, la gastroentérologie et la pédiatrie. Emmanuelle Bernheim, LL.D., Ph. D. (Sciences sociales) Professeure au Département des sciences juridiques de l’Université du Québec à Montréal, Emmanuelle Bernheim détient un double doctorat en droit et en sciences sociales. Sa thèse, soutenue en 2011, portait sur les décisions judiciaires et cliniques d’autorisation de soins ou de garde en établissement. François Blanchette, sexologue clinicien et psychothérapeute, M.A. Superviseur clinique en approche cognitivo-comportementale pour le Département de sexologie de l’Université du Québec à Montréal depuis 1999, François Blanchette est aussi membre de l’Unité des dysfonctions sexuelles de l’Hôpital Saint-Luc du CHUM depuis 1989. Il a été président de l’Association des sexologues du Québec de 2001 à 2003 et de 2004 à 2006. Il œuvre également en pratique privée en sexologie et en psychothérapie depuis 1989. Emmanuelle Bouchard, inf., M. Sc. (c) Diplômée de l’Université Laval en sciences inrmières et poursuivant des études supérieures à la maîtrise en santé mentale et soins psychiatriques à l’Université du Québec à Rimouski, Emmanuelle Bouchard occupe un poste de gestionnaire de cas dans l’équipe S.I.I.P., constituant le suivi intensif de la Clinique Notre-Dame des Victoires à Québec, établissement spécialisé dans l’intervention précoce des premiers épisodes de psychose. Lyne Bouchard, inf., M. Sc. Titulaire d’une maîtrise en soins inrmiers option santé mentale de l’Université de Montréal, Lyne Bouchard occupe les fonctions de conseillère clinicienne en soins inrmiers depuis 13 ans, dont 9 ans à l’Institut PhilippePinel. Elle exerce actuellement le même rôle à l’Hôpital Louis-H. Lafontaine – Institut universitaire en santé mentale. Christianne Bourgie, inf., M. Sc. Gestionnaire du programme de santé mentale au Centre hospitalier de St. Mary, à Montréal, Christianne Bourgie a travaillé comme conseillère clinicienne spécialisée pour ce même établissement ainsi qu’à l’Institut universitaire en santé mentale Douglas. Chargée de cours à l’Université de Montréal de 1993 à 2007, elle a conçu le cours portant sur les troubles de l’alimentation dans le cadre du certicat en santé mentale. Hélène Brochu, inf., B. Sc. Détentrice d’un baccalauréat en sciences de l’Université de Montréal, Hélène Brochu a occupé le poste d’adjointe à la direction des soins inrmiers de l’Institut Philippe-Pinel, centre aflié à l’Université de Montréal. Son expertise réside principalement en santé mentale et en psychiatrie légale. Jacinthe Dion, Ph. D. (Psychologie) Professeure agrégée au module de psychologie du Département des sciences de la santé de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC),
Jacinthe Dion est aussi psychologue clinicienne, chercheuse attitrée au Centre de recherche interdisciplinaire sur les problèmes conjugaux et les agressions sexuelles et chercheuse associée à la Chaire UQAC-Cégep de Jonquière sur les conditions de vie, la santé et les aspirations des jeunes. Sarah Fillion-Bilodeau, M. Ps., Ph. D. (c) Doctorante en psychologie, Sarah Fillion-Bilodeau rédige une thèse sur le prol des récidivistes de la conduite avec capacités affaiblies au sein du Programme de recherche sur les addictions de l’Institut universitaire en santé mentale Douglas. Elle a collaboré à plusieurs projets dans le domaine de la toxicomanie, dont l’élaboration du volet sur les troubles concomitants du programme de formation en dépendances pour les CSSS. Catherine Fortin, inf., M. Sc. Catherine Fortin possède une maîtrise en sciences inrmières de l’Université Laval. Elle poursuit une seconde maîtrise en santé mentale et soins psychiatriques à l’Université du Québec à Rimouski. Elle est également détentrice de l’attestation lui permettant l’évaluation des troubles mentaux, à l’exception du retard mental. Elle travaille comme inrmière clinicienne dans l’équipe de psycho-oncologie à l’Hôtel-Dieu de Québec. Karine Fortin, inf., M. Sc. Inrmière clinicienne spécialisée en santé mentale au Centre augustinien à Dolbeau-Mistassini, notamment au Centre de rétablissement et d’intégration en santé mentale, Karine Fortin détient une maîtrise en sciences inrmières de l’Université du Québec à Chicoutimi. Suzanne Gagnon, inf., B. Sc., M.A. Suzanne Gagnon possède plus de 40 ans d’expérience clinique. Au cours de sa carrière, elle a notamment été assistante-inrmière-chef en psychiatrie et professeure en soins inrmiers au Cégep Limoilou de 1997 à 2011. La communication, la relation d’aide et la santé mentale ont constitué ses principaux champs d’enseignement. Mathieu Goyette, Ph. D. (Psychologie) Détenteur d’un doctorat en psychologie de l’Université de Montréal, Mathieu Goyette est psychologue au Service de formation, consultation et enseignement au Centre Dollard-Cormier – Institut universitaire sur les dépendances, où il conçoit des formations sur les dépendances, soutient l’implantation de projets cliniques et collabore à la rédaction d’ouvrages scientiques. Marie-Claude Jacques, inf., Ph. D. (c) Professeure à l’École des sciences inrmières de l’Université de Sherbrooke, Marie-Claude Jacques enseigne les soins en santé mentale et la réadaptation psychiatrique au programme de baccalauréat en formation inrmière intégrée. Sa thèse de doctorat porte sur l’adaptation des personnes atteintes de schizophrénie dont le soutien social est limité ou inexistant. Lise Laberge, inf., M. Sc. Détentrice d’une maîtrise en sciences inrmières de l’Université Laval, Lise Laberge est conseillère clinicienne en soins inrmiers à l’Institut universitaire en santé mentale de Québec. Elle travaille dans le domaine de la psychiatrie depuis près de 30 ans et s’est impliquée de diverses manières au sein de l’Association québécoise des inrmières et inrmiers en santé mentale. Éric Lavertu, B. Sc. inf., M. Éd. Éric Lavertu a travaillé comme inrmier en cardiologie avant de se tourner vers l’enseignement en 2001. Professeur engagé, il s’intéresse au développement du jugement clinique des inrmières et en a fait le thème de sa maîtrise en proposant un outil pour évaluer la pensée critique chez les étudiantes au cours des stages en milieu clinique. En plus de collaborer à l’adaptation de différents manuels en soins inrmiers, il a offert diverses formations sur mesure aux professeures en soins inrmiers de différents cégeps et a
Équipe de rédaction
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présenté des ateliers dans plusieurs colloques. Il participe actuellement à la mise en place d’un centre de simulation qui servira à la formation des étudiantes de tous les programmes de la santé au Cégep de Sainte-Foy. Gérard Lebel, inf., M. Ps., M.B.A. Détenteur d’un baccalauréat en sciences de l’Université de Montréal, d’une maîtrise en psychologie clinique, Gérard Lebel détient aussi une maîtrise en science de l’administration et gestion des organisations. Il cumule plus de 14 ans comme inrmier en soins physiques, a travaillé comme psychologue clinicien en pratique privée, comme inrmier clinicien en santé mentale et a de plus occupé des postes de gestion. Nancy Légaré, B. Pharm., M. Sc., Pharm. D., BCPP, BCPS Pharmacienne depuis 1995 et détentrice d’un doctorat clinique en pharmacie depuis 2010, professeure adjointe au Département de psychiatrie de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, Nancy Légaré est spécialisée dans le domaine de la psychiatrie et des toxicomanies. Elle a pratiqué à l’Hôpital Louis-H. Lafontaine – Institut universitaire en santé mentale de 1998 à 2005 et poursuit sa carrière à l’Institut Philippe-Pinel. David Luckow, MDCM, B. Sc., MRO, DABAM Chef médical au Centre Dollard-Cormier – Institut universitaire sur les dépendances depuis 2003, David Luckow est certié par l’American Society of Addiction Medicine depuis 2006. Il est également médecin omnipraticien en CLSC. Nathalie Maltais, inf., M. Sc. Conseillère clinicienne spécialisée en pédopsychiatrie à l’Hôpital Rivièredes-Prairies, Nathalie Maltais a démarré le premier blogue qui traite des soins inrmiers associés aux troubles mentaux des enfants et des adolescents. Elle est chargée de cours à la Faculté des sciences inrmières de l’Université de Sherbrooke. Maria-Grazia Martinoli, Ph. D. (Physiologie-endocrinologie) Professeure titulaire au Département de biologie médicale de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), Maria-Grazia Martinoli possède deux formations postdoctorales en neurosciences de l’Université McGill et de la Harvard Medical School (É.-U.). Elle dirige le laboratoire de recherche en neurobiologie cellulaire de l’UQTR. Marjorie Montreuil, inf., M. Sc. (A) Conseillère clinicienne en soins spécialisés à l’Institut universitaire en santé mentale Douglas, Marjorie Montreuil est aussi chargée d’enseignement à l’École Ingram de sciences inrmières de l’Université McGill et détentrice de deux subventions du Réseau québécois de recherche sur le suicide – Axe sciences inrmières. Robert Morin, inf., M. Éd. Retraité de l’enseignement en soins inrmiers, Robert Morin a travaillé pendant près de 40 ans dans divers champs d’exercices des soins inrmiers, dont la cardiologie, les soins en régions éloignées et la santé mentale. Il a enseigné durant 20 ans la réanimation cardiorespiratoire, tant auprès des étudiants en soins inrmiers de niveau collégial que du grand public. Jérôme Pelletier, inf., B. Sc. Détenteur d’un baccalauréat en sciences inrmières de l’Université Laval, Jérôme Pelletier travaille depuis quatre ans en dépistage et suivi des infections transmises sexuellement et par le sang auprès des clientèles marginalisées. Il est aussi formateur et consultant pour les programmes de formation portant sur la santé sexuelle à l’Institut national de santé publique du Québec. Daniela Perrottet, B. Sc. inf., M. Sc. inf. (c) Après l’obtention d’un baccalauréat en sciences inrmières en Suisse, Daniela Perrottet a principalement travaillé au sein d’une unité de traitement des troubles liés à l’abus de substances et à la dépendance. Actuellement
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Équipe de rédaction
à la maîtrise en sciences inrmières à l’Université de Montréal, son sujet de recherche, tout comme son champ d’intérêt, porte sur les relations familiales des personnes en situation d’itinérance atteintes de troubles concomitants de santé mentale et d’abus de substances. Élise Phaneuf, B. Sc. (OT) Détentrice d’un baccalauréat en ergothérapie de l’Université McGill, Élise Phaneuf travaille en santé mentale au CSSS Drummond depuis 1983. Depuis deux ans, elle travaille à la Clinique spécialisée des jeunes adultes où son expertise est mise à prot auprès de la jeune clientèle psychotique. Elle participe à l’enseignement de tutorats et d’habiletés cliniques en santé mentale. Margot Phaneuf, inf., M. Éd., Ph. D. (Didactique) Après une formation universitaire en sciences inrmières, Margot Phaneuf obtient une maîtrise en éducation et un doctorat en didactique de la Faculté de l’éducation de l’Université de Montréal. Une des premières auteures québécoises en soins inrmiers, elle a publié des ouvrages et des logiciels pour la planication des soins, la formation à la pharmacologie, l’enseignement au client, la relation d’aide, la maladie d’Alzheimer, la psychiatrie et l’évaluation de la performance de l’étudiante inrmière. Karine Philibert, inf., M. Sc. Karine Philibert possède un baccalauréat en sciences inrmières de l’Université de Colombie-Britannique et une maîtrise en sciences cliniques de l’Université de Sherbrooke. Elle est spécialisée en santé mentale, en soins interculturels et en éthique du soin. Elle enseigne au Collège de Bois-deBoulogne et à l’Université de Sherbrooke. Francine Pilote, inf., B. Sc., DESS Détentrice d’un baccalauréat en sciences inrmières de l’Université Laval et d’un DESS de l’Université de Montréal, Francine Pilote est, depuis cinq ans, directrice des soins inrmiers et des programmes de l’Institut PhilippePinel. Elle a travaillé dans les spécialités de gérontologie et de psychiatrie légale. Nathalie Pombert, inf. Inrmière depuis 2003, elle possède un certicat en administration des affaires. Enseignante au niveau collégial, ses compétences touchent aux soins en médecine chirurgie. Elle s’intéresse aux personnes hospitalisées présentant des problèmes de dépendance et d’anxiété et au développement d’une éthique du caring dans un tel contexte. Hélène Provencher, inf., Ph. D. (Sciences inrmières) Professeure titulaire à la Faculté des sciences inrmières de l’Université Laval, Hélène Provencher est aussi membre du Groupe de recherche sur l’inclusion sociale, l’organisation des services et l’évaluation en santé mentale du CISSS de la Vieille-Capitale. Catherine Pugnaire Gros, inf., M. Sc. (A) Professeure adjointe à l’École de sciences inrmières Ingram de l’Université McGill, Catherine Pugnaire Gros enseigne à cette université depuis plus de 25 ans. Elle est aussi conseillère clinicienne en soins spécialisés à l’Institut universitaire en santé mentale Douglas et membre du comité administratif du Réseau québécois de recherche sur le suicide. Meriem Sedjal, inf., M. Sc. (c) Candidate à la maîtrise en sciences inrmières, concentration santé mentale et soins psychiatriques (SM/PSY), et boursière du Fonds Patrimoine de l’Ordre des inrmières et inrmiers du Québec en 2015, Meriem Sedjal pratique depuis plus de huit ans dans le domaine. Motivée par le développement de la pratique avancée en santé mentale et psychiatrie, elle s’implique auprès de ses pairs et s’investit dans la rédaction d’articles.
Marc-André Sirois, inf., B. Sc. Diplômé de l’Université de Montréal en sciences inrmières, Marc-André Sirois occupe depuis 2003 un poste d’inrmier clinicien de liaison à la Clinique Cormier-Lafontaine, clinique surspécialisée de troisième ligne en comorbidité. Dans le cadre de ses fonctions de soutien au réseau, il a notamment donné des formations sur les troubles concomitants comme conférencier au Centre Dollard-Cormier – Institut universitaire sur les dépendances. Isabelle Thibault, inf., B. Sc. Responsable des soins inrmiers depuis 2008 au Centre Dollard-Cormier – Institut universitaire sur les dépendances, Isabelle Thibault assume aussi les fonctions de responsable de la prévention et du contrôle des infections. Détentrice d’un baccalauréat en sciences, son expérience de travail s’est bâtie dans le domaine de la dépendance depuis 2000. En 2008, elle a remporté, avec ses collègues, le concours Innovation clinique 3 M de l’Ordre des inrmières et inrmiers du Québec pour la région de Montréal et Laval. Linda Thibeault, inf., M. Sc. Détentrice d’une maîtrise en soins inrmiers de l’Université de Montréal ainsi que d’un diplôme de deuxième cycle en études interdisciplinaires sur la mort (Université du Québec à Montréal), Linda Thibeault a travaillé principalement auprès des personnes âgées, dont huit ans comme conseillère clinique spécialisée en gériatrie à la Cité de la santé de Laval et cinq ans à titre de conseillère spécialisée en gérontopsychiatrie à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal. Actuellement, elle est chargée de cours à l’Université de Montréal. Lucie Tremblay, inf., M. Sc., CHE, Adm. A. Diplômée en soins inrmiers, détentrice d’un baccalauréat en sciences et d’une maîtrise en administration des services de santé de l’Université de Montréal, Lucie Tremblay a été récipiendaire, en 2003, du titre professionnel Certied Health Executive du Collège canadien des leaders en santé et, en 2008, lauréate du prix Florence en excellence des soins, décerné par l’Ordre des inrmières et inrmiers du Québec. En 2011, elle a été nommée inrmière de l’année par le Collège canadien des leaders en santé. Lucie Tremblay est présentement présidente de l’Ordre des inrmières et des inrmiers du Québec.
ÉQUIPE DE CONSULTATION Janique Beauchamp, inf., M. Sc., Ph. D. (scolarité), Hôpital Louis-H. Lafontaine – Institut universitaire en santé mentale Danielle Beaudoin, inf., B. Sc., Institut universitaire en santé mentale de Québec René Bellemare, inf., Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue Steeven Bernier, inf., M. Sc., CHU de Québec – CHUL/Université Laval Diane Bertin, inf., B. Sc., DESS, M. Éd., Collège de Bois-de-Boulogne Dominique Boudreau, inf., M. Sc., CHUM Mélanie Bourgoin, inf., DESS., Hôpital Louis-H. Lafontaine – Institut universitaire en santé mentale Monique Bourque, inf., M.A. (gérontologie), CSSS-Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke Émilie Bourret, LL.B., avocate, Curateur public du Québec Marie-Claude Bourret, inf., B. Sc., Cégep Limoilou Colette Buteau, inf., B. Sc., Collège de Maisonneuve Gaétan Desrosiers, inf., Collège François-Xavier-Garneau Vayolette Dorlette, inf., B. Sc., M. Éd., Collège de Bois-de-Boulogne Céline Dufour, inf., M. Sc., Cégep de Saint-Laurent Stéphanie Duval, inf., M. Sc., CHU Sainte-Justine Isabelle Gaboury, Ph. D., Université de Sherbrooke Nicole Godin, inf., M.A. (éducation), Cégep de Drummondville François Grimard, Ph. D., Institut universitaire en santé mentale de Québec Serge Hébert, inf., B. Sc., Cégep de Saint-Hyacinthe
Simon Larivière, inf., B. Sc., Institut universitaire en santé mentale Douglas Katherine Lefèbvre, inf., Cégep de Trois-Rivières Amélie Mailhot, B. Sc., Cégep de Saint-Laurent Murielle Ménard, inf., B. Sc., D.F.E.A., Cégep de Saint-Jérôme Éliane Montpetit, inf., B. Éd., Cégep de l’Outaouais Dany Morissette, inf., Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue Josée M. Pilon, inf., B. Éd., Cégep de l’Outaouais Lorraine Plante, inf., B. Sc., CSSS Haut-Richelieu-Rouville Marie-Josée Potvin, inf., bioéthicienne, M. Sc., Ph. D. (c), Université de Montréal Josée Robitaille, inf., B. Sc., Cégep André-Laurendeau Manon Savard, inf., B. Sc., Cégep de Rimouski Élisabeth Toussaint, inf., M. Sc., CSSS Richelieu-Yamaska
ÉQUIPE DE RÉDACTION DE L’ÉDITION ORIGINALE DIRECTION Katherine M. Fortinash, MSN, APRN, PMHCNS Advanced Practice Clinical Specialist Psychiatric Mental Health Nursing Formerly : Clinical Specialist Sharp Hospital Behavioral Health Services Professor, Psychiatric Nursing Department of Nursing Education Grossmont College San Diego, California Patricia A. Holoday Worret, MSN, APRN, PMHCNS Advanced Practice Clinical Specialist Psychiatric Mental Health Nursing Professor Emerita Department of Nursing Education Palomar College San Marcos, California
COLLABORATEURS Merry A. Armstrong, DNSc, ARNP, BC Associate Professor Washington State University College of Nursing Ann Wolbert Burgess, DNSc, APRN, BC, FAAN Professor of Psychiatric Nursing William F. Connell School of Nursing Boston College Pauline Chan, RPh, MBA, BCPP, FCSHP, FASHP Senior Pharmaceutical Consultant Medi-Cal Pharmacy Policy Unit California Department of Health Services Anna Clarkin, MSW, LCSW Private Practice Nancy A. Cofn-Romig, DNSc, PMHCNS-BC Assistant Professor California State University San Marcos School of Nursing
Équipe de rédaction
VII
Judy A. Malone Cole, RN, PhD Clinical Director Richmond State Hospital
Shelly F. Lurie-Akman, MS, APRN/PMH-BC, CTHY Associate Faculty Johns Hopkins School of Nursing
Robert L. Erb, Jr., PhD, RN, CS, CLNC Advanced Clinician Sharp HealthCare
Pamela E. Marcus, RN, APRN/PMH-BC Associate Professor of Nursing Prince George’s Community College
Chantal M. Flanagan, RN, MS, CNS Associate Professor Palomar College
Susan Fertig F. McDonald, DNP, PMHCNS-BC Clinical Nurse Specialist Inpatient Psychiatry & Alcohol Drug Treatment VA San Diego Healthcare System
Candice A. Francis, EdD Professor Emerita Palomar College Ruth N. Grendell, DNSc, RN Nursing Professor Emerita Point Loma Nazarene University Bonnie M. Hagerty, PhD, RN Assistant Dean, Undergraduate Programs Associate Professor School of Nursing, University of Michigan Linda Hollinger-Smith, PhD, RN, FAAN Vice President Mather LifeWays Institute on Aging Russell A. Kelley, MN, ARNP, BC Instructor Intercollegiate College of Nursing Washington State University College of Nursing Deborah Eimer King, RN, MS, PhD Columbia, Maryland
VIII
Équipe de rédaction
Nancy Stark Napolitano, EdD, MSN, RN Professor of Psychiatric Nursing and Health Science Mt. San Jacinto College Kathleen L. Patusky, PhD, APRN-BC Assistant Professor School of Nursing University of Medicine and Dentistry of New Jersey Newark, New Jersey Dona Petrozzi, RN, MSN PhD Candidate William F. Connell School of Nursing Alwilda Scholler-Jaquish, RN, PhD Associate Professor Nursing Program Stevenson University Kate Thomas, PhD Faculty Johns Hopkins University School of Medicine
CARACTÉRISTIQUES DU MANUEL
OUVERTURE DE CHAPITRE 1 Mots clés
Les mots clés représentent les sujets importants abordés dans le chapitre. Ils sont suivis du numéro de la page où l’idée est principalement développée. Les mots sont en surbrillance dans le texte an de faciliter le repérage. 2
Objectifs
1
2
Les objectifs mettent en évidence les principales connaissances et compétences à acquérir dans le chapitre. 3
Disponible sur
Cette section contient la liste du matériel complémentaire à la disposition de l’étudiante sur la plateforme interactive . 4
3
Renvoi au Guide d’études
Ce renvoi dirige l’étudiante vers les activités du Guide d’études associées au chapitre. 4
1
FERMETURE DE CHAPITRE 1 Analyse d’une situation de santé
Tous les chapitres se terminent par la présentation d’un cas clinique réaliste abordant une des pathologies étudiées. À l’aide de questions, l’étudiante est amenée à développer son jugement clinique en expérimentant les étapes de la démarche de soins et en préparant ou en modiant, s’il y a lieu, un plan thérapeutique inrmier (PTI).
2
2 3
Récemment vu dans ce chapitre
Il s’agit d’une question permettant à l’étudiante de faire le lien entre les notions vues dans le chapitre et le cas clinique de la mise en contexte. 3
Vers un jugement clinique
La gure Vers un jugement clinique est en lien avec la situation présentée dans l’Analyse d’une situation de santé. Elle illustre les composantes de la pensée critique nécessaires à une évaluation clinique juste et à un jugement clinique rigoureux.
Caractéristiques de l’ouvrage
IX
UNE ORGANISATION DU CONTENU QUI FACILITE L’APPRENTISSAGE
1
1 Concepts clés
La carte conceptuelle résume les principaux concepts présentés dans le chapitre et établit les liens logiques qui les unissent. 2
Chaque chapitre commence par la présentation d’un cas clinique concret. Ce dernier vise à confronter l’étudiante à la réalité qui sera analysée dans la suite du chapitre. Le questionnement suscité par cet exemple prépare l’étudiante à la réalité de la pratique inrmière en santé mentale et en psychiatrie, ainsi qu’à faire des liens avec le contenu théorique présenté.
2
1 Réactivation des connaissances
Il s’agit d’une question permettant de faire un lien entre ce qui est présenté dans le chapitre et ce qui est déjà connu de l’étudiante. 2
3
Ce qu’il faut retenir
Ce résumé en marge des points importants permet une révision rapide. 5
Conseil clinique
Cette capsule présente des astuces qui visent à améliorer le confort du client et à aider l’inrmière dans son travail. 6
Picto
i
Ce pictogramme invite l’étudiante à approfondir ses connaissances. Il peut s’agir de références supplémentaires, d’associations, d’organismes ou de sites Internet.
X
2
3
Renvoi à un autre chapitre
Un pictogramme dans le texte dirige l’étudiante vers un autre chapitre qui décrit les notions abordées plus en profondeur. 4
1
Repérage facile
Les titres et les sous-titres en couleur permettent d’aérer le texte et facilitent la navigation dans le chapitre.
Caractéristiques de l’ouvrage
Amorce
4
5
6
7 Alerte clinique 7
Une alerte clinique met en évidence les aspects particuliers que l’inrmière doit considérer au moment de l’application de certains soins, ce qui lui permet d’assurer sa sécurité et celle du client. 8
Dénition en marge
Le terme en bleu dans le texte est déni dans la marge pour faciliter la compréhension de l’étudiante.
8
9 Picto
Ce pictogramme renvoie à du matériel complémentaire disponible sur la plateforme interactive .
10 9
10 Schéma des quatre dimensions
Ce schéma illustre les conséquences et les manifestations d’un problème de santé mentale dans la vie quotidienne en regard des dimensions physique, psychologique, sociale et spirituelle. 11 Jugement clinique
Une capsule de jugement clinique permet à l’étudiante de faire un lien entre le cas clinique et les connaissances présentées dans le chapitre, et ainsi d’exercer sa pensée critique et son jugement clinique.
11
12 Terme en gras
Un terme en caractères gras indique que l’étudiante pourra en consulter la dénition dans le glossaire.
12
13 Mot clé
Des mots clés sont en surbrillance dans chaque chapitre pour en faciliter le repérage. 14 Renvoi
Le pictoramme nible sur .
indique qu’une vidéo est dispo-
13
14
Caractéristiques de l’ouvrage
XI
FIGURES, TABLEAUX, ENCADRÉS Figures De nombreuses gures illustrent des concepts ou fournissent un complément d’information pour faciliter la compréhension de l’étudiante.
Tableaux et encadrés
Bleu
Tableaux et encadrés généraux
Tout au long des chapitres, plusieurs types de tableaux et d’encadrés résument l’information essentielle. On les distingue par leur couleur. La couleur des tableaux et encadrés thématiques permet de faire un lien avec les composantes et les champs de compétences cliniques de l’infirmière décrits dans la Mosaïque des compétences de l’infirmière – Compétences initiales de l’OIIQ.
Bleu acier
Composante professionnelle/ Interventions cliniques Planication des soins
Plan de soins et de traitements inrmiers (PSTI) Situation clinique
Vert
Composante professionnelle/ Évaluation et interventions cliniques/Processus thérapeutique (démarche de soins)
Collecte des données Examens paracliniques
Rouge
Composante professionnelle/ Interventions cliniques
Pratiques inrmières suggérées
Orangé
Composante fonctionnelle/ Champ scientique
Critères diagnostiques du DSM-5 Facteurs de risque Psychopharmacothérapie Recherche pour une pratique fondée sur des résultats probants Symptômes cliniques
Violet
Composante fonctionnelle/ Champ relationnel
Enseignement au client et à ses proches Relation d’aide
XII
Caractéristiques de l’ouvrage
Bleu
Orangé
Vert
Rouge
Violet
Caractéristiques de l’ouvrage
XIII
Plans de soins et de traitements inrmiers Les chapitres décrivant un trouble proposent deux formes de plans de soins et de traitements inrmiers.
Bleu acier
Soins et traitements inrmiers Cette rubrique décrit plus spéciquement les interventions inrmières suggérées dans le cas d’un trouble particulier.
Démarche de soins Cette section décrit spéciquement les interventions inrmières.
XIV
Caractéristiques de l’ouvrage
Soins et traitements en interdisciplinarité Les soins et traitements en interdisciplinarité sont présentés de façon distincte.
TABLEAUX ET ENCADRÉS SPÉCIFIQUES
Collecte des données
Risque suicidaire chez la personne âgée – Encadré 26.8 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 741 Signes d’une condition stable – Encadré 17.16 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .492
Aide-mémoire pour réaliser l’examen de l’état mental – Tableau 4.3 . . . . . . . . . . . . .79
Signes de réadaptation – Encadré 16.17 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .455
Analyse de la situation – Encadré 28.5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .775
Signes de rétablissement – Encadré 12.7. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .303
Analyse de la situation – Encadré A.3. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A833
Signes de rétablissement – Encadré 13.6. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .326
Décits cognitifs selon les domaines du DSM-5 – Tableau 17.5 . . . . . . . . . . . . . . . .482
Signes de rétablissement – Encadré 14.10. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .364
Échelle d’appréciation des symptômes positifs et négatifs – Tableau 14.3. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .346
Signes de rétablissement – Encadré 15.22. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .398
Échelle de manie de Young – Tableau 11.6. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .256 Éléments à considérer pour déterminer le risque de violence – Encadré 29.17 . . .819 Éléments à évaluer au cours de l’entrevue – Encadré 19.5. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .534 Éléments à évaluer auprès d’un client infecté par le VIH et atteint d’un trouble anxieux, de l’adaptation ou dépressif caractérisé – Tableau 24.5. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .667 Encourager un client atteint d’un trouble dépressif, bipolaire ou apparenté – Encadré 11.7 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .260 Estimation de la dangerosité du passage à l’acte – Tableau 28.5 . . . . . . . . . . . . . . .772 Évaluation de la condition mentale d’un jeune enfant – Encadré 25.12 . . . . . . . . . .706 Évaluation de la condition mentale de la personne âgée – Tableau 26.3 . . . . . . . . .723 Évaluation de la situation particulière de la cliente atteinte d’un trouble des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments – Tableau 18.5. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .512
Signes de rétablissement – Encadré 18.4. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .519 Signes de rétablissement – Encadré 19.9. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .541 Signes de rétablissement – Encadré 29.18. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .823 Signes de rétablissement pour le client atteint de trouble dépressif ou bipolaire – Encadré 11.9 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .269 Spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques – Encadré 14.5. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .352 Suggestions de questions pour évaluer la dimension psychosociale – Encadré 4.5. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .81 Suggestions de questions pour évaluer les habitudes de vie et l’autonomie fonctionnelle – Encadré 4.3. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .76 Suggestions de questions pour faire le dépistage des risques – Encadré 4.6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .83 Suggestions de questions pour reconstituer l’histoire de santé – Encadré 4.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .75
Évaluation des manifestations du trouble de la personnalité – Encadré 15.16 . . . .389
Symptômes de stress en situation de crise – Encadré 27.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .749
Évaluation des relations et des processus mentaux du client atteint d’un trouble de la personnalité – Encadré 15.17 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 391
Test de dépistage de l’alcoolisme CAGE – Encadré 16.15 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .441
Évaluation des relations sociales – Tableau 8.10 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .190 Évaluation des résultats du programme d’activités thérapeutiques – Encadré 17.14 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 491 Évaluation du client à l’aide de la démarche de restructuration cognitive – Encadré 20.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .555 Évaluation globale – Encadré 13.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .320
Troubles cognitifs – Encadré 17.11 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .479 Troubles de l’adaptation – Tableau 10.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .226 Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés – Tableau 11.5 . . . . . . . . . . . . . . . . . .255 Variables liées au traitement – Encadré 21.5. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .583
Critères diagnostiques du DSM-5
Évaluation inrmière ciblée en situation de crise – Encadré 27.4 . . . . . . . . . . . . . . . 751
Anxiété de séparation – Encadré 25.6. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .691
Évaluation spécique selon le trouble – Encadré 13.4. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 321
Attaque de panique – Encadré 12.2. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .287
Exemples de questions à poser – Encadré 29.8 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .807
Décit de l’attention/hyperactivité – Encadré 25.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .684
Exemples de questions associées à l’évaluation du client – Encadré 17.15 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .492
Épisode hypomaniaque – Encadré 11.5. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .251
Exemples de questions pour l’évaluation selon le modèle transactionnel d’adaptation au stress – Encadré 10.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . .217 Forces, intérêts et buts évalués par le client – Encadré 23.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . .642
Épisode maniaque et épisode maniaque (ou hypomaniaque) avec caractéristiques mixtes – Encadré 11.4. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .249 État confusionnel (délirium) – Encadré 17.1. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .465
Index de sévérité de l’insomnie – Tableau 19.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .535
Handicap intellectuel (trouble du développement intellectuel) – Encadré 25.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .678
Inventaire d’anxiété de Beck – Tableau 12.5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .296
Hypersomnolence – Encadré 19.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .530
Observations au cours des visites à domicile – Encadré 23.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . .642
Insomnie – Encadré 19.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .530
Questions systémiques sur le système familial – Tableau 20.5. . . . . . . . . . . . . . . . . .564
Intoxication par la caféine – Encadré 16.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .410
Risque de dépression chez la personne âgée – Tableau 26.5. . . . . . . . . . . . . . . . . . .727
Personnalité antisociale – Encadré 15.6. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .382
Tableaux et encadrés spéciques
XV
Personnalité dépendante – Encadré 15.12. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .385 Personnalité évitante – Encadré 15.11 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .385 Personnalité histrionique – Encadré 15.8 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .383 Personnalité limite (borderline) – Encadré 15.7. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .382 Personnalité narcissique – Encadré 15.9 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .383 Personnalité obsessionnelle-compulsive – Encadré 15.13 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .386
Implication des proches dans les soins à la personne ayant un trouble mental – Encadré 3.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .54 Pratiques d’hygiène du sommeil – Encadré 19.7. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .536 Prévention de la consommation de substances psychoactives chez l’adolescent – Encadré 25.10 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .700 Prévention des rechutes et maîtrise des phases aiguës – Encadré 14.8 . . . . . . . . .358
Personnalité paranoïaque – Encadré 15.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .379
Principaux effets indésirables d’un traitement par antidépresseurs – Encadré 21.8 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .596
Personnalité schizoïde – Encadré 15.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .380
Scénario de protection en cas de violence conjugale – Encadré 29.11 . . . . . . . . . .810
Personnalité schizotypique – Encadré 15.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .381
Traitement au lithium – Encadré 21.10. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .599
Schizophrénie – Encadré 14.3. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .342
Traitement du trouble de décit de l’attention/hyperactivité à l’aide de psychostimulants – Encadré 21.13 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .613
Syndrome de Gilles de la Tourette – Encadré 25.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .688 Trouble à symptomatologie somatique – Encadré 13.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .314 Trouble de stress aigu – Encadré 10.4. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .225 Trouble de stress post-traumatique – Encadré 10.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .223 Trouble dépressif caractérisé – Encadré 11.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .243
Traitement par benzodiazépines – Encadré 21.12. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .605 Traitement par inhibiteurs de cholinestérases – Encadré 21.14. . . . . . . . . . . . . . . . .615 Traitement par médicaments psychotropes – Encadré 21.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .582 Troubles de l’adaptation – Encadré 10.7. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .228
Trouble dépressif persistant (dysthymie) – Encadré 11.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .245
Troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments – Tableau 18.7. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .515
Trouble des conduites – Encadré 25.9. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .697
Utilisation de techniques non pharmacologiques – Encadré 26.7 . . . . . . . . . . . . . . .731
Trouble du spectre de l’autisme – Encadré 25.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .681 Trouble dysphorique prémenstruel – Encadré 11.3. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .247 Trouble général de la personnalité – Encadré 15.1. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .374
Examens paracliniques Schizophrénie – Tableau 14.5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .353
Trouble neurocognitif frontotemporal majeur ou léger – Encadré 17.4. . . . . . . . . . .471 Trouble neurocognitif majeur ou léger dû à la maladie à corps de Lewy – Encadré 17.5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .472
Facteurs de risque
Trouble neurocognitif majeur ou léger dû à la maladie d’Alzheimer – Encadré 17.2 . . . 467
Facteurs de risque de dépression chez la personne âgée – Encadré 26.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .726
Trouble neurocognitif majeur ou léger dû à une infection par le VIH – Encadré 17.8. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .475
Facteurs de risque des troubles du sommeil – Encadré 19.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . .527
Trouble neurocognitif majeur ou léger dû à une lésion cérébrale traumatique – Encadré 17.7 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .474 Trouble neurocognitif majeur ou léger induit par une substance ou un médicament – Encadré 17.9 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .475 Trouble neurocognitif vasculaire majeur ou léger – Encadré 17.6. . . . . . . . . . . . . . .473 Trouble oppositionnel avec provocation – Encadré 25.8 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .696
Facteurs individuels et relationnels associés à la violence conjugale – Tableau 29.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .797 Facteurs individuels et relationnels associés à la violence familiale envers l’enfant – Tableau 29.6. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .800 Facteurs individuels et relationnels associés à la violence familiale envers la personne âgée – Encadré 29.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .803
Trouble réactionnel de l’attachement – Encadré 25.5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .689
Facteurs liés à l’apparition d’un trouble à symptomatologie somatique – Tableau 26.7. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .735
Troubles de l’adaptation – Encadré 10.2. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .221
Surveillance relativement au suicide chez les adolescents – Tableau 25.2. . . . . . .703
Troubles de l’usage d’une substance – Encadré 16.2. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .409
Troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments – Tableau 18.1. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .501
Troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments – Encadré 18.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .507
Plan de soins et de traitements inrmiers Enseignement au client et à ses proches
Anorexie mentale – PSTI 18.1. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .514
Description de l’électroconvulsivothérapie – Encadré 21.15 . . . . . . . . . . . . . . . . . . .618
Insomnie liée à un trouble dépressif caractérisé – PSTI 19.1. . . . . . . . . . . . . . . . . . .538
Données pouvant faire l’objet d’un dialogue – Encadré 28.7 . . . . . . . . . . . . . . . . . . .777
Trouble de décit de l’attention/hyperactivité et trouble oppositionnel avec provocation grave – PSTI 25.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .709
Effets indésirables majeurs d’un traitement par antipsychotiques – Encadré 21.7 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .591 Gestion des hallucinations, des idées délirantes et du stress – Encadré 14.7 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .356
XVI
Tableaux et encadrés spéciques
Trouble de l’adaptation avec humeur dépressive – PSTI 10.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . .230 Trouble dépressif caractérisé et trouble d’anxiété généralisée – PSTI 23.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .646
Trouble dépressif caractérisé récurrent et trouble lié à l’usage de l’alcool et d’analgésiques opioïdes – PSTI 16.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .455
Évaluer si le client et ses proches sont prêts à déterminer leurs forces – Encadré 3.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .58
Trouble neurocognitif dû à la maladie d’Alzheimer – PSTI 17.1 . . . . . . . . . . . . . . . . .493
Favoriser l’autonomie du client atteint de schizophrénie ou d’un trouble psychotique – Tableau 14.6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .357
Trouble panique avec agoraphobie et dépendance à une substance – PSTI 24.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .659
Pratiques inrmières suggérées Aborder la sexualité au moment de l’entrevue – Encadré A.2 . . . . . . . . . . . . . . . . A832 Accompagner et encadrer le client à risque de violence – Tableau 29.14. . . . . . . .820 Accompagner la personne présentant un trouble mental dans son cheminement – Tableau 3.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .58 Accompagner le client ayant un trouble anxieux – Tableau 12.6. . . . . . . . . . . . . . . .298 Accompagner le client ayant un trouble de l’adaptation – Tableau 10.3 . . . . . . . . .228 Accompagner le client ayant un trouble de la personnalité – Encadré 15.18 . . . . .393 Accompagner le client ayant un trouble du sommeil – Tableau 19.2. . . . . . . . . . . . .536 Accompagner le client dans la gestion autonome de sa médication – Encadré 23.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .643 Accompagner le client en psychopharmacothérapie – Encadré 21.3. . . . . . . . . . . .581 Accompagner le client traité par benzodiazépines – Encadré 21.11. . . . . . . . . . . . .605 Accompagner un client atteint d’un trouble de la personnalité et d’un autre trouble mental – Tableau 24.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .657 Ajuster les objectifs du traitement en collaboration avec le client et ses proches – Encadré 25.14 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .712
Gérer l’environnement et favoriser les relations interpersonnelles – Tableau 14.7 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .358 Interagir avec l’équipe interdisciplinaire – Tableau 28.8 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .781 Intervenir auprès d’enfants et d’adolescents ayant des problèmes de santé mentale – Tableau 25.3. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .707 Intervenir auprès d’un client atteint d’un trouble anxieux et d’un trouble lié à une substance – Tableau 24.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .661 Intervenir auprès d’un client atteint de troubles comorbides – Tableau 24.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .666 Intervenir auprès d’un client ayant un trouble dépressif, bipolaire ou apparenté – Tableau 11.8. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .261 Intervenir auprès d’une cliente atteinte d’un trouble des conduites alimentaires – Tableau 18.8. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .516 Intervenir auprès des proches d’une personne suicidaire – Encadré 28.9 . . . . . . .779 Intervenir auprès du client ayant un trouble à symptomatologie somatique, un trouble apparenté ou dissociatif – Tableau 13.5 . . . . . . . . . .324 Intervenir en cours de sevrage – Tableau 16.9 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .450 Orienter adéquatement le client – Encadré A.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A833 Préparer la n de la relation avec le client – Encadré 5.2. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .104 Prévenir des rechutes et maîtriser des phases aiguës – Encadré 14.8 . . . . . . . . . .358
Appliquer des mesures pour réduire les craintes – Encadré 3.5 . . . . . . . . . . . . . . . . .60
Proposer au client de tenir un rapport quotidien des pensées dysfonctionnelles – Tableau 11.11 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .267
Appliquer les principes sous-jacents à toute intervention inrmière en prévention du suicide – Encadré 28.8 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .778
Proposer des approches non pharmacologiques pour réduire la détresse psychologique – Tableau 26.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .725
Communiquer avec les clients ayant des besoins particuliers – Encadré 5.6 . . . . .124
Proposer des stratégies pour satisfaire les besoins du client – Tableau 8.1 . . . . . .178
Communiquer avec un client ayant un trouble de la personnalité limite (borderline) – Encadré 15.19. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .395
Reconnaître et désamorcer les signes avant-coureurs de la violence – Encadré 29.16 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .818
Connaître sa propre perception des troubles mentaux – Encadré 9.2 . . . . . . . . . . .201
S’évaluer et se connaître – Encadré 5.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .110
Conserver son équilibre en situation de crise – Tableau 27.2. . . . . . . . . . . . . . . . . . .758
Signaler un enfant au Directeur de la protection de la jeunesse – Encadré 29.12. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .811
Dépister la violence familiale – Encadré 29.5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .805 Effectuer le suivi de l’électroconvulsivothérapie – Encadré 21.16. . . . . . . . . . . . . . .619 Effectuer le suivi de la psychopharmacothérapie – Encadré 21.2 . . . . . . . . . . . . . . .581
Soutenir l’enfant en situation de crise – Tableau 27.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .750 Soutenir la personne âgée atteinte de schizophrénie – Tableau 26.10. . . . . . . . . . .739
Encourager la gestion personnelle – Tableau 19.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .537
Soutenir la personne âgée ayant un trouble à symptomatologie somatique – Tableau 26.8. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .736
Être empathique – Encadré 5.4. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .111
Soutenir la personne âgée ayant un trouble dépressif – Encadré 26.4. . . . . . . . . . .728
Évaluer et encourager la santé mentale positive – Encadré 8.1 . . . . . . . . . . . . . . . .177
Soutenir la personne âgée en sevrage de benzodiazépines – Tableau 26.6 . . . . . .733
Évaluer et expliquer les soins à prodiguer selon l’âge de l’enfant – Tableau 8.6. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .182
Soutenir le client qui songe à dévoiler son trouble – Encadré 2.1. . . . . . . . . . . . . . . .39
Évaluer et prévenir les problèmes de santé mentale chez l’adulte – Tableau 8.8. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .186 Évaluer et prévenir les problèmes de santé mentale chez la personne âgée – Tableau 8.11. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .193 Évaluer et surveiller le traitement des troubles anxieux – Encadré 12.6 . . . . . . . . .300 Évaluer la difculté de la cliente à ne pas recourir à un comportement compensatoire après l’ingestion d’aliments – Encadré 18.3. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .518
Soutenir un client ayant une réaction catastrophique – Tableau 17.2 . . . . . . . . . . .470 Soutenir une personne atteinte d’un trouble neurocognitif – Tableau 17.7 . . . . . . .487 Utiliser l’entretien motivationnel pour favoriser un changement de comportement – Tableau 20.7 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .566
Psychopharmacothérapie Antidépresseurs recommandés pour le trouble dépressif caractérisé – Tableau 11.9. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .263
Tableaux et encadrés spéciques
XVII
Comparaison pharmacocinétique d’antipsychotiques de première génération à action prolongée – Tableau 21.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .587 Dysfonctions sexuelles – Encadré A.5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A835 Dyssomnies – Tableau 19.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .540 Indications des anticonvulsivants et autres stabilisateurs de l’humeur approuvées au Canada (chez l’adulte) : traitement des troubles bipolaires – Tableau 21.10. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .600 Indications des antidépresseurs approuvées au Canada (chez l’adulte) – Tableau 21.6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .593 Indications des antipsychotiques de deuxième et de troisième générations approuvées au Canada (chez l’adulte) – Encadré 21.6. . . . . . . . . . . . . . . . . .584 Indications des benzodiazépines approuvées au Canada (chez l’adulte) – Tableau 21.14 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .604 Particularité du traitement des troubles anxieux chez la personne âgée – Encadré 26.6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .730
Établir une distance professionnelle – Encadré 23.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .643 Être empathique et encourageante avec la personne suicidaire et ses proches – Encadré 28.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .775 Favoriser une relation efcace avec un client ayant un trouble de la personnalité – Encadré 15.20 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .395 Offrir une aide culturellement sécurisante – Encadré 9.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .205
Situation clinique Schizophrénie – SC 14.1. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .364 Trouble à symptomatologie somatique – SC 13.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .327 Trouble bipolaire I – SC 11.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .272 Trouble d’anxiété généralisée avec attaques de panique – SC 12.1 . . . . . . . . . . . . .304 Trouble de la personnalité antisociale – SC 15.1. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .399
Principales caractéristiques des anticonvulsivants – Tableau 21.11 . . . . . . . . . . . .601
Trouble de la personnalité limite (borderline) – SC 15.2. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .401
Principales caractéristiques des antidépresseurs – Tableau 21.7. . . . . . . . . . . . . . .594
Trouble dépressif caractérisé – SC 11.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .270
Principales caractéristiques des antipsychotiques – Tableau 21.1. . . . . . . . . . . . . .586
Trouble dépressif caractérisé, épisode récurrent et urgence suicidaire – SC 28.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .782
Principales caractéristiques des anxiolytiques et hypnotiques – Tableau 21.15 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .608 Principales caractéristiques des inhibiteurs de cholinestérases – Tableau 21.17 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .614
Trouble schizoaffectif – SC 14.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .367
Symptômes cliniques
Principales caractéristiques des psychostimulants, de l’atomoxétine et de la guanfacine – Tableau 21.16 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .612
Anorexie mentale – Tableau 18.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .510
Principales caractéristiques du lithium – Tableau 21.9 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .597
Boulimie – Tableau 18.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .511
Traitement des effets extrapyramidaux – Tableau 21.5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .589
Caractéristiques de l’anxiété : symptômes et manifestations – Tableau 12.4. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .295
Trouble de décit de l’attention/hyperactivité – Encadré 25.13 . . . . . . . . . . . . . . . . .710 Troubles anxieux, trouble obsessionnel-compulsif et troubles apparentés – Encadré 12.5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .300
Caractéristiques des troubles de l’adaptation : symptômes et manifestations courantes – Encadré 10.5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .227
Troubles bipolaires – Encadré 11.8 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .265
Critères cliniques pour le diagnostic du syndrome métabolique – Tableau C.1. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A844
Troubles de la personnalité – Encadré 15.21 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .397
Dépression chez les adolescents – Encadré 25.7. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .693
Troubles liés à une substance – Encadré 16.16. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .454
Indices de violence – Encadré 29.7 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .807
Recherche pour une pratique fondée sur des résultats probants
Manifestations cliniques des atteintes précoce et tardive de la schizophrénie – Tableau 26.9. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .737
Efcacité des antipsychotiques – Encadré 14.9 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .360
Signes et symptômes associés à la consommation d’alcool et d’autres substances psychoactives – Tableau 16.6 . . . . . . . . . . . . . . . . . .440
Expérience des proches aidants d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer ou de maladies apparentées – Encadré 17.13 . . . . . . . . . . . . . .489
Signes laissant présager la présence d’un trouble concomitant – Encadré 24.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .659
Potentiel de rémission pour le trouble de la personnalité limite (borderline) – Encadré 15.15 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .387
Symptômes cliniques caractéristiques des troubles du spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques par catégorie – Encadré 14.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .351
Relaxation par la musique – Encadré 19.8 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .541 Utilité du milieu thérapeutique – Encadré 20.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .571
Relation d’aide Accompagner la personne victime de violence sexuelle – Encadré 29.15. . . . . . . .816 Adapter la relation thérapeutique au client anxieux – Encadré 12.1. . . . . . . . . . . . .284 Adapter la relation thérapeutique au client atteint de schizophrénie – Encadré 14.6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .355 Adopter une attitude empathique et respectueuse – Encadré 29.6. . . . . . . . . . . . . .806
XVIII
Tableaux et encadrés spéciques
Symptômes comportementaux et cognitifs du trouble neurocognitif associé au sida – Encadré 24.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .663 Symptômes de sevrage de l’alcool – Encadré 16.8. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .418 Symptômes de sevrage des benzodiazépines – Encadré 16.9 . . . . . . . . . . . . . . . . . .419 Symptômes de sevrage des dépresseurs du système nerveux central – Encadré 16.6. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .415 Symptômes de sevrage des substances opioïdes – Encadré 16.10. . . . . . . . . . . . . .420 Syndrome d’alcoolisation fœtale – Tableau 16.3. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .431 Troubles dépressifs – Tableau 11.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .246
TABLE DES MATIÈRES Avant-propos III Remerciements III Équipe de rédaction IV Caractéristiques du manuel IX Tableaux et encadrés spéciques XV
Fondements de la pratique PARTIE 1 inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
CHAPITRE 3 Principes de la pratique inrmière en santé mentale 31
Pensée inrmière en santé mentale 52
32
Habiletés et compétences de l’inrmière 52 321 Principes directeurs 52 322 Considérations cliniques importantes 55
33
Enjeux inrmiers en santé mentale 57 331 Gérer les craintes 58 332 Privilégier le « plus ou moins » plutôt que le « tout ou rien » 59 333 Éviter les réactions évaluatives 60 334 Proposer des solutions plutôt que résoudre des problèmes 60 335 Distinguer les observations des interprétations 61
34
Champs de compétences de l’inrmière en santé mentale 61 341 Relation thérapeutique 61 342 Évaluation de la condition physique et mentale et évaluation des troubles mentaux 61 343 Surveillance clinique et utilisation des mesures de contention et d’isolement 62 344 Suivi inrmier 62 345 Continuité et qualité des soins 62 346 Soutien et développement de la pratique 62
35
Démarche de soins 63 351 Collecte des données – Évaluation initiale 63 352 Analyse et interprétation des données 64 353 Planication des soins 64 354 Exécution des interventions 64 355 Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution 64
CHAPITRE 1 Perspectives en santé mentale : notions fondamentales et dés 11
Survol historique des soins en psychiatrie et en santé mentale au Québec 4 111 Du début de la colonie à 1961 4 112 De 1962 à 1988 5 113 De 1989 à 2004 6 114 De 2005 à aujourd’hui 6
12
Concepts de base 9 121 Santé mentale positive 9 122 Problèmes de santé mentale 10 123 Troubles mentaux 11 124 Déterminants de la santé mentale 16
13
Champs d’intervention 19 131 Promotion de la santé mentale 19 132 Prévention des troubles mentaux 20 133 Implications pour la pratique inrmière 22
14
Services en santé mentale 24 141 Responsabilité populationnelle 24 142 Niveaux de services 25 143 Piliers de la transformation des services 26 144 Dés de la pratique inrmière en santé mentale 28
CHAPITRE 2 Santé mentale et services dans la communauté 21
Concept de communauté 34 211 Santé publique 34 212 Santé communautaire 34
22
Objectifs des soins communautaires 35 221 Promotion et prévention 36 222 Continuité et partage des soins 36 223 Intégration sociale 38 224 Accompagnement de la famille 39
23
24
Milieux d’intervention et services 39 231 Milieux de vie dans la communauté 39 232 Accès aux services de santé mentale 41 233 Services institutionnels de traitement et de réadaptation 43 234 Services non institutionnels 44 Clientèles particulières 45 241 Personnes en situation d’itinérance 45 242 Personnes en milieu carcéral 47
CHAPITRE 4 Évaluation de la condition mentale 41
Exercice inrmier et évaluation de la condition physique et mentale 70 411 Activité réservée à l’inrmière 70 412 Dénition et objectifs de l’évaluation 71 413 Types d’évaluation 71
42
Sources d’information et moyens d’évaluation 72 421 Données subjectives et objectives 72 422 Autres sources d’information 72 423 Moyens d’évaluation 73
43
Contenu de l’évaluation 74 431 Histoire de santé 74 432 État de santé physique 75 433 Examen de l’état mental 76 434 Dimension psychosociale 81 435 Dépistage des risques 82 436 Données provenant de grilles et d’échelles d’évaluation 83
Table des matières
XIX
4.4
4.5
4.6
Contextes de pratique et situations particulières . . . . . . . . . . . . . . . . 84 4.4.1 Contextes de pratique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84 4.4.2 Évaluation dans des situations particulières . . . . . . . . . . . . . 85 Constats de l’évaluation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86 4.5.1 Jugement clinique et expertise. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86 4.5.2 Pensée critique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86 4.5.3 Problèmes prioritaires en soins inrmiers et diagnostics médicaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87 4.5.4 Modèles conceptuels et constats de l’évaluation . . . . . . . . . 87 4.5.5 Plan thérapeutique inrmier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88 Documentation au dossier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88 4.6.1 Formulaires d’évaluation initiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88 4.6.2 Utilisation de grilles et d’échelles d’évaluation . . . . . . . . . . . 88 4.6.3 Évaluation en cours d’évolution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88
4.7
Collaboration interprofessionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88
4.8
Pratique avancée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
CHAPITRE 5 Communication et relation thérapeutique 5.1
Communication . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96 5.1.1 Facteurs qui inuencent la communication . . . . . . . . . . . . . . 99
5.2
Communication et entretien avec le client. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99 5.2.1 Alliance thérapeutique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100
5.3
Relation inrmière-client. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102 5.3.1 Phases de la relation inrmière-client. . . . . . . . . . . . . . . . . . 102
5.4
Modes de communication. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104 5.4.1 Communication verbale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104 5.4.2 Communication non verbale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104
5.5
Types de communication. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105 5.5.1 Communication intrapersonnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105 5.5.2 Communication interpersonnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106
5.6
Principes de la communication thérapeutique . . . . . . . . . . . . . . . . . 110 5.6.1 Rôle de l’inrmière dans la communication thérapeutique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110 5.6.2 Attitudes et habiletés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110 5.6.3 Habiletés de communication particulières . . . . . . . . . . . . . . 114 5.6.4 Techniques qui améliorent la communication . . . . . . . . . . . 115
5.7
Enjeux de la communication thérapeutique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118 5.7.1 Résistance. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118 5.7.2 Transfert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119 5.7.3 Contre-transfert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119 5.7.4 Dépassement des limites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120 5.7.5 Durée du séjour . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120 5.7.6 Attitudes et comportements nuisibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120 5.7.7 Clientèles particulières. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120
6.2
Instances liées à l’éthique dans la pratique inrmière . . . . . . . . . . 131
6.3
Aspects légaux de la pratique inrmière en santé mentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132 6.3.1 Grands mouvements de désinstitutionalisation . . . . . . . . . . 132
6.4
Droits des clients . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133 6.4.1 Droit de choisir le professionnel ou l’établissement . . . . . . 133 6.4.2 Droit d’être accompagné et assisté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134 6.4.3 Droit d’accès au dossier. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134 6.4.4 Droit à la condentialité du dossier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134 6.4.5 Droits au consentement et au refus de soins . . . . . . . . . . . . 135
6.5
Autorisation de soins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137
6.6
Gardes préventive, provisoire et en établissement . . . . . . . . . . . . . 138 6.6.1 Garde préventive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138 6.6.2 Garde provisoire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139 6.6.3 Garde en établissement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140 6.6.4 Droits des clients sous garde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140
6.7
Mesures de contrôle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141 6.7.1 Isolement, contentions et substances chimiques . . . . . . . . 141 6.7.2 Règles d’application . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141 6.7.3 Intervention planiée et intervention non planiée. . . . . . . 142
6.8
Protection des personnes inaptes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142 6.8.1 Mesures de protection . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143 6.8.2 Régimes en matière criminelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144
6.9
Responsabilité professionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145 6.9.1 Connaître la réglementation de son champ de compétence et les normes de soins . . . . . . . . . . . . . . . . . 145 6.9.2 Documenter les dossiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145 6.9.3 Respecter la condentialité et le secret professionnel. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146 6.9.4 Prévenir les fautes professionnelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147 6.9.5 Détenir une assurance responsabilité professionnelle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148
6.10
Responsabilité des clients . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149
PARTIE 2
CHAPITRE 7 Neurobiologie et santé mentale 7.1
Neurosciences et désordres mentaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 154
7.2
Neuroanatomie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .154 7.2.1 Encéphale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .155
7.3
Neurophysiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160 7.3.1 Cellules nerveuses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160 7.3.2 Fonctionnement électrochimique du neurone . . . . . . . . . . . 160 7.3.3 Description des principaux neurotransmetteurs . . . . . . . . . 160 7.3.4 Rôle clinique des neurotransmetteurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . 163
7.4
Système nerveux et autres systèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165 7.4.1 Psychoneuro-immunologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165 7.4.2 Neuroendocrinologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165 7.4.3 Chronobiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165
CHAPITRE 6 Aspects éthiques et légaux de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques 6.1
XX
Principes éthiques fondamentaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130 6.1.1 Autonomie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130 6.1.2 Bienfaisance et non-malfaisance. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130 6.1.3 Justice distributive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
Table des matières
Dimensions biopsychosociales de la santé mentale et des troubles mentaux
7.4.4 7.4.5 7.4.6
Neurogénétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166 Technologie des cellules souches . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166 Neuroplasticité. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167
7.5
Neuro-imagerie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167 7.5.1 Échographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167 7.5.2 Tomodensitométrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168 7.5.3 Tomographie par émission de positrons et tomographie d’émission monophotonique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168 7.5.4 Imagerie par résonance magnétique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168
7.6
Soins inrmiers psychiatriques et neurobiologie . . . . . . . . . . . . . . . 169
CHAPITRE 8 Développement et vieillissement de la personne 8.1
Concepts et dénitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174 8.1.1 Dimensions du développement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174 8.1.2 Facteurs de développement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175 8.1.3 Stades de développement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175 8.1.4 Développement et santé mentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175
8.2
Développement de l’enfant et de l’adolescent . . . . . . . . . . . . . . . . . 177 8.2.1 Théories. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177
8.3
Développement de l’adulte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183 8.3.1 Théories. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184
8.4
Vieillissement et développement de la personne âgée . . . . . . . . . . 188 8.4.1 Processus de vieillissement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188 8.4.2 Théories. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189
10.2
Locus de contrôle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 218
10.3
Promotion de la santé et gestion du stress . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 218 10.3.1 Stress et soutien affectif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 218 10.3.2 Résolution de problèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 218 10.3.3 Approche cognitivo-comportementale . . . . . . . . . . . . . . . . . 219 10.3.4 Relaxation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .219 10.3.5 Méditation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 220 10.3.6 Vie équilibrée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 220
10.4
Troubles de l’adaptation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 220 10.4.1 Étiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221 10.4.2 Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221 10.4.3 Description clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221
10.5
Trouble de stress post-traumatique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222 10.5.1 Étiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222 10.5.2 Prévalence et épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222 10.5.3 Description clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222
10.6
Trouble de stress aigu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224 10.6.1 Étiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224 10.6.2 Prévalence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224 10.6.3 Description clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224
10.7
Démarche de soins. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 226 10.7.1 Collecte des données – Évaluation initiale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 226 10.7.2 Analyse et interprétation des données . . . . . . . . . . . . . . . . . 226 10.7.3 Planication des soins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 226 10.7.4 Exécution des interventions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 228 10.7.5 Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 230
CHAPITRE 9 Culture et santé mentale 9.1
Dénition et objectifs des soins ethnoculturels . . . . . . . . . . . . . . . . 198
9.2
Inuences de la culture sur la santé mentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198 9.2.1 Santé mentale et modèles étiologiques. . . . . . . . . . . . . . . . . 199 9.2.2 Signications des troubles mentaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201 9.2.3 Manifestations des troubles mentaux selon les cultures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 203
9.3
Compétence culturelle et sécurité culturelle en santé mentale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 204
9.4
Communautés ethniques du Québec et psychiatrie. . . . . . . . . . . . . 205 9.4.1 Communautés immigrantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 206 9.4.2 Réfugiés. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 207 9.4.3 Premières Nations et Inuits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 207
9.5
Genre et santé mentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 208
9.6
Culture et psychotropes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209
PARTIE 3 Troubles mentaux CHAPITRE 10 Troubles liés aux traumatismes et aux facteurs de stress 10.1
Dénition du stress. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 214 10.1.1 Syndrome général d’adaptation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 214 10.1.2 Modèle transactionnel d’adaptation au stress. . . . . . . . . . . 216 10.1.3 Stress, réadaptation sociale et problèmes de santé. . . . . . 216
CHAPITRE 11 Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés 11.1
Caractéristiques générales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 236
11.2
Étiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 236 11.2.1 Théories biologiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 236 11.2.2 Théories psychosociales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 238
11.3
Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 241
11.4
Description clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .242 11.4.1 Troubles dépressifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 242 11.4.2 Troubles bipolaires et troubles apparentés. . . . . . . . . . . . . . 247 11.4.3 Autres spécications diagnostiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 250 11.4.4 Troubles dépressifs ou bipolaires induits par une autre affection médicale ou la consommation d’une substance ou d’un médicament . . . . . . . . . . . . . . . . . . 253
11.5
Pronostic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 253 11.5.1 Troubles dépressifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 253 11.5.2 Troubles bipolaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 254
11.6
Démarche de soins. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 254 11.6.1 Collecte des données – Évaluation initiale . . . . . . . . . . . . . . 254 11.6.2 Analyse et interprétation des données . . . . . . . . . . . . . . . . . 258 11.6.3 Planication des soins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 259 11.6.4 Exécution des interventions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 260 11.6.5 Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 269
Table des matières
XXI
CHAPITRE 12 Troubles anxieux, trouble obsessionnel-compulsif et troubles apparentés 12.1
12.2
12.3
12.4
Caractéristiques de l’anxiété. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .280 12.1.1 Mécanismes de défense . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 280 12.1.2 Stades de l’anxiété . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 282 12.1.3 Typologie des réactions anxieuses. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 282 Étiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 284 12.2.1 Théorie biologique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 284 12.2.2 Théorie psychodynamique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 285 12.2.3 Théorie comportementale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 285 12.2.4 Théorie cognitivo-comportementale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 285 Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 286 12.3.1 Prévalence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 286 12.3.2 Variations culturelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 286 12.3.3 Comorbidité. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 286 Description clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .287 12.4.1 Attaques de panique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 287 12.4.2 Trouble panique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 288 12.4.3 Agoraphobie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 288 12.4.4 Phobies spéciques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 289 12.4.5 Trouble d’anxiété sociale (phobie sociale) . . . . . . . . . . . . . . 289 12.4.6 Trouble d’anxiété généralisée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 289 12.4.7 Trouble obsessionnel-compulsif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 290 12.4.8 Troubles apparentés au trouble obsessionnel-compulsif . . . 292
12.5
Pronostic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 293
12.6
Démarche de soins. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 294 12.6.1 Collecte des données – Évaluation initiale . . . . . . . . . . . . . . 294 12.6.2 Analyse et interprétation des données . . . . . . . . . . . . . . . . . 295 12.6.3 Planication des soins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 297 12.6.4 Exécution des interventions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 298 12.6.5 Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 303
13.6.5 Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 326
CHAPITRE 14 Troubles du spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques 14.1
Caractéristiques générales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 334 14.1.1 Évolution du concept. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 334 14.1.2 Phénoménologie de la schizophrénie . . . . . . . . . . . . . . . . . . 335
14.2
Facteurs prédisposants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 336 14.2.1 Facteurs biologiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 336 14.2.2 Facteurs environnementaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 338
14.3
Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 340
14.4
Description clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .340 14.4.1 Apparition et évolution de la schizophrénie . . . . . . . . . . . . . 341 14.4.2 Symptômes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 343 14.4.3 Pronostic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 347
14.5
Autres troubles psychotiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 347 14.5.1 Trouble délirant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 347 14.5.2 Trouble psychotique bref . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 348 14.5.3 Trouble schizophréniforme. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 348 14.5.4 Trouble schizoaffectif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 349 14.5.5 Trouble psychotique induit par une substance ou un médicament . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 349 14.5.6 Trouble psychotique dû à une affection médicale générale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 349 14.5.7 Catatonie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 350 14.5.8 Autre trouble du spectre de la schizophrénie ou autre trouble psychotique spécié . . . . . . . . . . . . . . . . . . 350 14.5.9 Trouble du spectre de la schizophrénie ou autre trouble psychotique non spécié . . . . . . . . . . . . . . 350
14.6
Démarche de soins. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 350 14.6.1 Collecte des données – Évaluation initiale . . . . . . . . . . . . . . 350 14.6.2 Analyse et interprétation des données . . . . . . . . . . . . . . . . . 352 14.6.3 Planication des soins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 353 14.6.4 Exécution des interventions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 354 14.6.5 Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 364
CHAPITRE 13 Troubles à symptomatologie somatique et apparentés et troubles dissociatifs 13.1
Caractéristiques générales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 310
13.2
Étiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 310 13.2.1 Théorie biologique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 310 13.2.2 Théorie psychanalytique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 311 13.2.3 Théorie comportementale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 311 13.2.4 Théorie cognitive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 311
13.3
Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 312
13.4
Description clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .312 13.4.1 Trouble à symptomatologie somatique et troubles apparentés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 313 13.4.2 Troubles dissociatifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 316
13.5
Pronostic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 319
13.6
Démarche de soins. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 320 13.6.1 Collecte des données – Évaluation initiale . . . . . . . . . . . . . . 320 13.6.2 Analyse et interprétation des données . . . . . . . . . . . . . . . . . 322 13.6.3 Planication des soins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 322 13.6.4 Exécution des interventions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 323
XXII
Table des matières
CHAPITRE 15 Troubles de la personnalité 15.1
Caractéristiques générales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 374
15.2
Étiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 376 15.2.1 Théories freudiennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 376 15.2.2 Théories de la relation d’objet. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 376 15.2.3 Théories biologiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 378
15.3
Épidémiologie et description clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 379 15.3.1 Troubles de la personnalité du groupe A. . . . . . . . . . . . . . . . 379 15.3.2 Troubles de la personnalité du groupe B. . . . . . . . . . . . . . . . 380 15.3.3 Troubles de la personnalité du groupe C . . . . . . . . . . . . . . . . 384 15.3.4 Troubles de la personnalité non spéciés. . . . . . . . . . . . . . . 385
15.4
Pronostic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 387
15.5
Démarche de soins. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 388 15.5.1 Collecte des données – Évaluation initiale . . . . . . . . . . . . . . 388
15.5.2 15.5.3 15.5.4 15.5.5
Analyse et interprétation des données . . . . . . . . . . . . . . . . . 391 Planication des soins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 391 Exécution des interventions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 392 Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 398
CHAPITRE 16 Troubles liés à une substance et troubles addictifs 16.1
Caractéristiques générales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 408 16.1.1 Troubles liés à une substance et troubles addictifs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 408 16.1.2 Fondements neurobiologiques de la dépendance. . . . . . . . 410
16.2
Étiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 412 16.2.1 Facteurs individuels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 413 16.2.2 Facteurs situationnels. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 414 16.2.3 Facteurs environnementaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 415
16.3
Description clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .415 16.3.1 Dépresseurs du système nerveux central . . . . . . . . . . . . . . . . 415 16.3.2 Stimulants du système nerveux central. . . . . . . . . . . . . . . . . 421 16.3.3 Perturbateurs du système nerveux central. . . . . . . . . . . . . . 425 16.3.4 Principaux médicaments psychotropes . . . . . . . . . . . . . . . . 427 16.3.5 Stéroïdes (androgènes et anabolisants) . . . . . . . . . . . . . . . . 427
16.4
Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 428 16.4.1 Conséquences de la consommation de substances psychoactives chez certains groupes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 428
16.5
Pronostic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 438
16.6
Démarche de soins. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 439 16.6.1 Collecte des données – Évaluation initiale . . . . . . . . . . . . . . 439 16.6.2 Analyse et interprétation des données . . . . . . . . . . . . . . . . . 441 16.6.3 Planication des soins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 443 16.6.4 Exécution des interventions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 444 16.6.5 Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 455
17.3.9 Trouble neurocognitif majeur ou léger dû à la maladie de Parkinson. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 477 17.3.10 Trouble neurocognitif majeur ou léger dû à la maladie de Huntington. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 477 17.3.11 Trouble neurocognitif dû à une autre affection médicale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 478 17.3.12 Trouble neurocognitif dû à des étiologies multiples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 478 17.4
CHAPITRE 18 Troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments 18.1
Caractéristiques générales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 500
18.2
Étiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 501 18.2.1 Facteurs biologiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 501 18.2.2 Facteurs socioculturels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 502 18.2.3 Facteurs psychologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 502 18.2.4 Facteurs familiaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 502 18.2.5 Cercle vicieux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 503
18.3
Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 503
18.4
Description clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .504
18.5
Pronostic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 509
18.6
Démarche de soins. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 509 18.6.1 Collecte des données – Évaluation initiale . . . . . . . . . . . . . . 509 18.6.2 Analyse et interprétation des données . . . . . . . . . . . . . . . . . 510 18.6.3 Planication des soins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 510 18.6.4 Exécution des interventions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 513 18.6.5 Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 518
CHAPITRE 17 Troubles neurocognitifs 17.1
Caractéristiques générales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 462
17.2
État confusionnel (délirium) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 464
17.3
Troubles neurocognitifs majeurs et légers. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 466 17.3.1 Trouble neurocognitif dû à la maladie d’Alzheimer . . . . . . . 467 17.3.2 Trouble neurocognitif dû à une dégénérescence lobaire frontotemporale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 471 17.3.3 Trouble neurocognitif dû à la maladie à corps de Lewy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 472 17.3.4 Trouble neurocognitif vasculaire majeur ou léger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 472 17.3.5 Trouble neurocognitif majeur ou léger dû à une lésion cérébrale traumatique . . . . . . . . . . . . . . . . . 474 17.3.6 Trouble neurocognitif dû à une infection par le VIH. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 474 17.3.7 Trouble neurocognitif induit par une substance ou un médicament. . . . . . . . . . . . . . . . . . 475 17.3.8 Trouble neurocognitif dû à la maladie à prions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 476
Démarche de soins. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 478 17.4.1 Collecte des données – Évaluation initiale . . . . . . . . . . . . . . 478 17.4.2 Analyse et interprétation des données . . . . . . . . . . . . . . . . . 485 17.4.3 Planication des soins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 485 17.4.4 Exécution des interventions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 486 17.4.5 Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 491
CHAPITRE 19 Troubles de l’alternance veille-sommeil 19.1
Caractéristiques générales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 524 19.1.1 Structure du sommeil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 524 19.1.2 Rythmes circadiens. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 525
19.2
Étiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 526 19.2.1 Facteurs biologiques et physiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 526 19.2.2 Facteurs psychologiques et psychiatriques . . . . . . . . . . . . . 528 19.2.3 Facteurs socioculturels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 528 19.2.4 Facteurs environnementaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 528
19.3
Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 528 19.3.1 Dyssomnies. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 528 19.3.2 Parasomnies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 529
19.4
Description clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .529 19.4.1 Dyssomnies. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 529 19.4.2 Parasomnies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 531 19.4.3 Autres troubles du sommeil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 532
Table des matières
XXIII
19.5
Pronostic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 533
19.6
Démarche de soins. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 533 19.6.1 Collecte des données – Évaluation initiale . . . . . . . . . . . . . . 533 19.6.2 Analyse et interprétation des données . . . . . . . . . . . . . . . . . 534 19.6.3 Planication des soins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 534 19.6.4 Exécution des interventions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 535 19.6.5 Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 541
PARTIE 4
21.3
Antipsychotiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 583 21.3.1 Mécanismes d’action . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 583 21.3.2 Indications. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 583 21.3.3 Efcacité clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 585 21.3.4 Autres indications potentielles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 585 21.3.5 Pharmacocinétique et posologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 585 21.3.6 Effets indésirables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 585 21.3.7 Contre-indications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 590 21.3.8 Interactions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 590
21.4
Antidépresseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 591 21.4.1 Mécanismes d’action . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 591 21.4.2 Indications. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 592 21.4.3 Efcacité clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 592 21.4.4 Autres indications potentielles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 593 21.4.5 Pharmacocinétique et posologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 593 21.4.6 Effets indésirables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 593 21.4.7 Contre-indications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 593 21.4.8 Interactions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 595
21.5
Stabilisateurs de l’humeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 596 21.5.1 Lithium . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 596 21.5.2 Anticonvulsivants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 599
21.6
Anxiolytiques et hypnotiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 603 21.6.1 Benzodiazépines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 603 21.6.2 Buspirone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 606 21.6.3 Hypnotiques non benzodiazépiniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . 606 21.6.4 Autres anxiolytiques et hypnotiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 608
21.7
Psychostimulants, atomoxétine et guanfacine . . . . . . . . . . . . . . . . . 610 21.7.1 Mécanismes d’action . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 610 21.7.2 Indications. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 610 21.7.3 Efcacité clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 611 21.7.4 Autres indications potentielles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 611 21.7.5 Pharmacocinétique et posologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 611 21.7.6 Effets indésirables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 611 21.7.7 Contre-indications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 612 21.7.8 Interactions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 612
21.8
Agents procognitifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 613 21.8.1 Inhibiteurs de cholinestérases . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 613 21.8.2 Mémantine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 615
21.9
Autres thérapies biologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 616 21.9.1 Électroconvulsivothérapie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 617 21.9.2 Autres traitements biologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 619
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
CHAPITRE 20 Modèles et stratégies thérapeutiques 20.1
Considérations générales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 546 20.1.1 Dénition de la psychothérapie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 546 20.1.2 Types de psychothérapies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 547 20.1.3 Approches éclectique et intégrative . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 548 20.1.4 Thérapie brève . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 548
20.2
Perspective psychodynamique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 549 20.2.1 Thérapie d’orientation psychodynamique. . . . . . . . . . . . . . . 550 20.2.2 Apport et limites de la perspective psychodynamique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 550
20.3
Perspectives comportementale et cognitive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 551 20.3.1 Perspective comportementale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 551 20.3.2 Évolution de la perspective comportementale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 553 20.3.3 Apport et limites des perspectives comportementale et cognitive. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 558
20.4
Perspective humaniste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 559 20.4.1 Thérapie d’orientation humaniste. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 560 20.4.2 Apport et limites de la perspective humaniste . . . . . . . . . . . 560
20.5
Psychothérapie interpersonnelle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 560
20.6
Approche familiale systémique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 561
20.7
Entretien motivationnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 563
20.8
Intervention de soutien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 565
20.9
Approche de résolution de problèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 567
20.10 Milieu thérapeutique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 569 20.11 Thérapie de groupe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 571
CHAPITRE 21 Psychopharmacothérapie et autres thérapies biologiques 21.1
Enjeux de la psychopharmacothérapie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 580 21.1.1 Rétablissement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 580 21.1.2 Mécanismes d’action des médicaments psychotropes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 580
21.2
Responsabilités de l’inrmière liées à la psychopharmacothérapie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 581 21.2.1 Partenariat et adhésion au traitement . . . . . . . . . . . . . . . . . . 581 21.2.2 Évaluation et surveillance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 582
XXIV
Table des matières
CHAPITRE 22 Approches complémentaires et parallèles en santé mentale 22.1
Caractéristiques générales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 624 22.1.1 Origine des approches complémentaires et parallèles en santé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 624 22.1.2 Modèles et approches actuels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 625 22.1.3 Enjeux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 627
22.2
Approches complémentaires et parallèles en santé : classication et utilisation en santé mentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . 628 22.2.1 Taxonomie et classication du National Center for Complementary and Alternative Medicine. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 628
22.2.2 Produits naturels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 628 22.2.3 Approches corps-esprit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 630 22.2.4 Pratique faisant appel à la manipulation et aux mouvements du corps : la massothérapie . . . . . . . . . . . . . . . 632 22.2.5 Autre approche complémentaire et parallèle en santé : le toucher thérapeutique. . . . . . . . . . 632
CHAPITRE 23 Soins inrmiers et suivis dans la communauté 23.1
23.2
23.3
Responsabilités de l’inrmière dans la communauté. . . . . . . . . . . . 638 23.1.1 Éducation à la santé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 638 23.1.2 Coordination des soins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 639 23.1.3 Interventions en situation de crise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 640 Suivis à domicile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 641 23.2.1 Évaluation de l’environnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 642 23.2.2 Évaluation des besoins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 642 23.2.3 Accompagnement de la pharmacothérapie . . . . . . . . . . . . . 642 23.2.4 Sécurité et mesures préventives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 643 Suivis auprès de clientèles particulières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 643 23.3.1 Soins aux personnes en situation d’itinérance . . . . . . . . . . 644 23.3.2 Soins aux personnes incarcérées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 645
PARTIE 5
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
CHAPITRE 24 Comorbidité et clients atteints de troubles concomitants
25.2
Troubles neurodévelopementaux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 677 25.2.1 Handicap intellectuel (trouble du développement intellectuel) . . . . . . . . . . . . . . . . 678 25.2.2 Troubles de la communication. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 679 25.2.3 Trouble du spectre de l’autisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 680 25.2.4 Décit de l’attention/hyperactivité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 683 25.2.5 Trouble spécique des apprentissages. . . . . . . . . . . . . . . . . 686 25.2.6 Troubles moteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 687
25.3
Troubles liés à des traumatismes ou à des facteurs de stress. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 688 25.3.1 Trouble réactionnel de l’attachement . . . . . . . . . . . . . . . . . . 688 25.3.2 Désinhibition du contact social. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 689 25.3.3 Trouble de stress post-traumatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 689
25.4
Troubles anxieux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 690 25.4.1 Anxiété de séparation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 690 25.4.2 Mutisme sélectif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 691 25.4.3 Autres troubles anxieux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 692
25.5
Troubles obsessionnels-compulsifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 692
25.6
Troubles dépressifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 693 25.6.1 Trouble disruptif avec dysrégulation émotionnelle . . . . . . . 693 25.6.2 Trouble dépressif caractérisé et trouble dépressif persistant (dysthymie). . . . . . . . . . . . . . 693
25.7
Trouble bipolaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 694
25.8
Spectre de la schizophrénie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 695
25.9
Troubles disruptifs, du contrôle des impulsions et des conduites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 695 25.9.1 Trouble oppositionnel avec provocation . . . . . . . . . . . . . . . . 695 25.9.2 Trouble explosif intermittent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 696 25.9.3 Trouble des conduites. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 697
24.1
Caractéristiques générales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 652 24.1.1 Dénitions des termes et des concepts . . . . . . . . . . . . . . . . 652
24.2
Étiologie et interdépendance des manifestations. . . . . . . . . . . . . . . 654 24.2.1 Étiologie générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 654 24.2.2 Interdépendance des manifestations . . . . . . . . . . . . . . . . . . 655
25.11 Troubles de l’alternance veille-sommeil. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 700
Description clinique et fréquence observée des combinaisons de troubles comorbides et concomitants. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 655 24.3.1 Combinaisons de plusieurs troubles mentaux et exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 655 24.3.2 Troubles concomitants et exemples. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 658 24.3.3 Combinaison d’un trouble mental et d’une affection physique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 661
25.13 Intimidation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 701 25.13.1 Description . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 701 25.13.2 Ampleur du phénomène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 702
24.3
24.4
Démarche de soins. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 664 24.4.1 Collecte des données – Évaluation initiale . . . . . . . . . . . . . . 665 24.4.2 Analyse et interprétation des données . . . . . . . . . . . . . . . . . 668 24.4.3 Planication des soins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 669 24.4.4 Exécution des interventions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 669 24.4.5 Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 671
CHAPITRE 25 Enfants et adolescents 25.1
Caractéristiques générales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 676
25.10 Troubles liés à une substance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 699
25.12 Troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments . . . .701
25.14 Lésions auto-inigées non suicidaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 702 25.15 Suicide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 703 25.16 Démarche de soins. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 703 25.16.1 Collecte des données – Évaluation initiale . . . . . . . . . . . . . . 704 25.16.2 Analyse et interprétation des données . . . . . . . . . . . . . . . . . 706 25.16.3 Planication des soins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 706 25.16.4 Exécution des interventions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 707 25.16.5 Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 711
CHAPITRE 26 Personnes âgées 26.1
Situation de la population âgée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 718 26.1.1 Population âgée immigrante et différences culturelles . . . 719 26.1.2 Facteurs inuant sur la santé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 719
Table des matières
XXV
26.2
26.3
Évaluation de l’état de santé de la personne âgée. . . . . . . . . . . . . . 722 26.2.1 Évaluation de l’état fonctionnel. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 722 26.2.2 Évaluation de la condition mentale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 723 Particularités des troubles mentaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 724 26.3.1 Détresse psychologique et stress . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 724 26.3.2 Troubles dépressifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 725 26.3.3 Troubles anxieux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 729 26.3.4 Troubles liés à une substance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 731 26.3.5 Troubles à symptomatologie somatique . . . . . . . . . . . . . . . . 734 26.3.6 Schizophrénie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 736 26.3.7 Suicide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 740
PARTIE 6
Interventions inrmières en situation de crise
CHAPITRE 27 Situation de crise 27.1
Évolution du concept de crise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 746
27.2
Facteurs inuençant la crise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 747 27.2.1 Facteurs de stabilisation ou compensatoires : modèle d’Aguilera . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 747 27.2.2 Facteurs précipitants, facteurs contribuants et facteurs de protection . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 748
27.3
Caractéristiques de la crise. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 749 27.3.1 Objectifs des interventions inrmières . . . . . . . . . . . . . . . . . 749 27.3.2 Issues possibles de la crise. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 750 27.3.3 Crise psychosociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 751 27.3.4 Crise psychopathologique et urgence psychiatrique . . . . . 755 27.3.5 Crise psychotraumatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 756 27.3.6 Catastrophes d’origine naturelle ou humaine. . . . . . . . . . . . 757 27.3.7 Stratégies de prévention . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 759
28.5
Pronostic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 773
28.6
Démarche de soins. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 773 28.6.1 Collecte des données – Évaluation initiale . . . . . . . . . . . . . . 773 28.6.2 Analyse et interprétation des données . . . . . . . . . . . . . . . . . 776 28.6.3 Planication des soins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 776 28.6.4 Exécution des interventions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 778 28.6.5 Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 782
CHAPITRE 29 Violence 29.1
Caractéristiques générales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 790
29.2
Étiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 791 29.2.1 Facteurs individuels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 792 29.2.2 Facteurs relationnels, communautaires et sociétaux . . . . . 794
29.3
Violence familiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 795 29.3.1 Violence conjugale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 795 29.3.2 Violence familiale envers les enfants. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 798 29.3.3 Violence familiale envers les personnes âgées . . . . . . . . . . 801
29.4
Démarche de soins. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 805 29.4.1 Collecte des données – Évaluation initiale . . . . . . . . . . . . . . 805 29.4.2 Analyse et interprétation des données . . . . . . . . . . . . . . . . . 808 29.4.3 Planication des soins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 809 29.4.4 Exécution des interventions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 810 29.4.5 Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 811
29.5
Violence sexuelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 811 29.5.1 29.5.2 29.5.3 29.5.4
29.6
CHAPITRE 28 Suicide 28.1
Caractéristiques générales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 764
28.2
Étiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 764 28.2.1 Théories biologiques et environnementales. . . . . . . . . . . . . 764 28.2.2 Théories psychologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 765 28.2.3 Théorie sociologique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 765
28.3
Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 766 28.3.1 Hommes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 766 28.3.2 Jeunes de 15 à 24 ans. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 766 28.3.3 Personnes âgées de 65 ans et plus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 767 28.3.4 Populations autochtones . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 767 28.3.5 Personnes homosexuelles, bisexuelles ou transsexuelles. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 768 28.3.6 Personnes ayant un trouble mental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 768 28.3.7 Personnes ayant un problème de dépendance . . . . . . . . . . 768 28.3.8 Personnes ayant un problème de santé physique. . . . . . . . 768
28.4
Description clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .769 28.4.1 Processus de la crise suicidaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 769 28.4.2 Facteurs associés au suicide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 769 28.4.3 Dangerosité du passage à l’acte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 771 28.4.4 Mythes concernant le suicide. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 773
XXVI
Table des matières
Description . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 812 Facteurs de risque spéciques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 812 Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 813 Conséquences chez les victimes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 814
Violence et troubles mentaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 817 29.6.1 Description . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 817 29.6.2 Facteurs de risque spéciques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 818 29.6.3 Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 818 29.6.4 Soins et traitements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 819
ANNEXE A Dysfonctions sexuelles A.1
Caractéristiques générales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A826 A.1.1 Dénitions et concepts clés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A826
A.2
Dysfonctions sexuelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A.2.1 Étiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A.2.2 Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A.2.3 Description clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A.2.4 Troubles mentaux et sexualité. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A.2.5 Pronostic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
A826 A827 A828 A829 A829 A831
ANNEXE B Approche Oméga B.1
Historique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A838
B.2
Fondements d’Oméga : valeurs et principes . . . . . . . . . . . . . . . . . A838
B.3
Situation de travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A839 B.3.1 Appréciation du degré d’alerte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A839
B.4
Grille du potentiel de dangerosité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A839
B.5
Pyramide d’interventions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . B.5.1 Pacication . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . B.5.2 Trève . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . B.5.3 Requête alpha . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . B.5.4 Recadrage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . B.5.5 Alternative . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . B.5.6 Option nale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . B.5.7 Intervention physique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . B.5.8 Révision postévénement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
A840 A840 A840 A840 A841 A841 A841 A842 A842
ANNEXE D Échelle d’évaluation des symptômes extrapyramidaux (ESRS) D.1
Questionnaire : parkinsonisme, akathisie, dystonie et dyskinésie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A846
D.2
Examen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A846
D.3
Impression clinique globale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A851
ANNEXE C Syndrome métabolique C.1
Évaluation initiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A844
C.2
Interventions inrmières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A845
Table des matières
XXVII
Chapitre
1
2
Perspectives en santé mentale : notions fondamentales et dés Écrit par : Hélène Provencher, inf., Ph. D. (Sciences inrmières) Mis à jour par : Claire Page, inf., Ph. D. (Sciences biomédicales – psychiatrie sociale) D’après un texte de : Patricia A. Holoday Worret, MSN, APRN, PMHCNS
MOTS CLÉS
OBJECTIFS
Déterminants majeurs de la santé mentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 Diagnostic psychiatrique . . . . . . . . . . . . . 15 Plan d’action en santé mentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Pratique fondée sur des résultats probants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 Prévention des troubles mentaux . . . . 20 Promotion de la santé mentale . . . . . . . 19 Responsabilité populationnelle . . . . . . . 24 Rétablissement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 Santé mentale positive . . . . . . . . . . . . . . . 9 Services de santé mentale . . . . . . . . . . . 7 Soins basés sur la collaboration . . . . . 26 Stigmatisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Trouble mental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez être en mesure : • d’expliquer l’évolution des soins en psychiatrie et en santé mentale au Québec ; • de définir ce qu’est un problème de santé mentale et un trouble mental ; • d’expliquer les facteurs et les dimensions de la santé mentale positive ; • de décrire la classification des troubles mentaux et son utilité ; • de définir la promotion de la santé mentale ; • de distinguer les trois niveaux de prévention des troubles mentaux ; • d’expliquer la stigmatisation et les interventions contribuant à la réduire ; • de définir le principe de responsabilité populationnelle ainsi que les trois lignes de services en santé mentale ; • d’expliquer ce qu’est l’expérience de rétablissement ; • d’énumérer les services orientés vers le rétablissement ; • d’expliquer les défis de la pratique infirmière en santé mentale.
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À retenir Carte conceptuelle Figure Web Ressources Solutionnaire de l’Analyse d’une situation de santé
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Solutionnaire des questions de Jugement clinique Solutionnaire des questions Réactivation des connaissances Solutionnaire des questions Récemment vu dans ce chapitre Solutionnaires du Guide d’études Tableau Web
Guide d’études – RE14
2
Partie 1
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
Concepts clés
Cette carte conceptuelle illustre schématiquement les principaux concepts décrits dans le présent chapitre. Sa lecture vous permettra d’avoir une vue d’ensemble des notions qui y sont présentées.
1
Rétablissement Pratiques fondées sur des résultats probants Lutte contre la stigmatisation Participation active de la personne Décloisonnement des soins de santé physiques et psychiatriques
explorent les tendances actuelles
sont inuencées par
Perspectives en santé mentale et en soins psychiatriques
sont
vise à
contribue à
exige
est à la fois
assure
utilise
et
implique
pour créer
soulève des dés cruciaux
nécessite
dont
Consolidation de la pratique inrmière en santé mentale Développement de la pratique inrmière avancée en santé mentale Déploiement d’inrmières dans les services de première ligne en santé mentale
Chapitre 1
Perspectives en santé mentale : notions fondamentales et dés
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PORTRAIT
Jade Gouin Jade Gouin, âgée de 17 ans, vient d’être admise à l’unité de soins psychiatriques. On l’a trouvée errant dans un parc en pleine nuit. Elle est enceinte de 36 semaines. Elle manifeste des symptômes de trouble délirant et elle s’est inigé des blessures supercielles à l’abdomen à la suite d’une chute. L’inrmière qui la reçoit constate que les problèmes de Jade doivent être priorisés et traités dans le cadre d’une collaboration entre plusieurs services, dont obstétrique, médecine-chirurgie et psychiatrie.
1.1
1.1.1
CE QU’IL FAUT RETENIR
Le médecin français Philippe Pinel (1745-1826) a joué un rôle majeur dans la réforme des soins qui est à l’origine des asiles psychiatriques érigés dans la deuxième moitié du xixe siècle au Québec.
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Partie 1
Survol historique des soins en psychiatrie et en santé mentale au Québec Du début de la colonie à 1961
En Nouvelle-France, au début de la colonie, un climat de tolérance prévaut à l’égard des personnes ayant des troubles mentaux, la plupart d’entre elles vivant dans la communauté et dans leurs familles (Fleury & Grenier, 2004). À cette époque, ces personnes sont désignées comme étant folles ou lunatiques. Le traitement comprend des saignées pour rétablir l’équilibre entre les humeurs, lesquelles correspondaient alors au sang, à la bile noire, à la bile jaune et à la lymphe. L’hypothèse du dérèglement des humeurs remonte à l’Antiquité et aux travaux d’Hippocrate environ 400 ans av. J.-C. Elle coexiste au Moyen Âge et à la Renaissance avec l’idée que la folie est l’œuvre du Diable et qu’elle requiert l’exorcisme ou divers châtiments corporels (p. ex., la torture). L’histoire rapporte divers moyens pour tenter de guérir les désordres mentaux : purgation, douches froides, chaise tournante, inoculation de la malaria, choc insulinique, psychochirurgie, etc. Les personnes atteintes sont alors considérées comme incapables de gérer leurs avoirs ; c’est le roi qui assume la garde de leurs biens, et les prots générés servent à entretenir les malades eux-mêmes et leur famille. Lorsqu’elles représentent un danger pour la famille ou la communauté, elles sont mises à l’écart de la société dans des prisons ou d’autres lieux où elles côtoient des prostitués, des personnes en situation d’itinérance et des criminels. Aucun traitement n’est
offert dans ces divers milieux, et les crises de folie sont maîtrisées à l’aide de chaînes ou d’autres mesures coercitives. Avec le xixe siècle, la folie est redénie dans un cadre médical. À cette époque, l’idée d’un traitement moralement humain et d’un environnement sain (p. ex., un lieu de soins localisé à la campagne) s’impose de plus en plus. Le médecin français Philippe Pinel (1745-1826) a joué un rôle majeur dans cette réforme des soins qui est à l’origine des asiles psychiatriques érigés dans la deuxième moitié du xixe siècle au Québec FIGURE 1.1. Il s’agit de l’Asile de Beauport en 1845, renommé Hôpital St-Michel Archange en 1914 et Centre hospitalier Robert-Giffard en 1976, actuellement Institut universitaire en santé mentale de Québec, et de l’Asile de Saint-Jean-de-Dieu en 1873, devenu l’Hôpital Louis-H. Lafontaine en 1976 et nommé, depuis 2011, Institut universitaire en santé mentale de Montréal. À partir de la dernière décennie du xixe siècle, les communautés religieuses assurent l’administration de ces deux asiles, et cela, jusqu’au début des années 1960. Quant au Protestant Hospital for the Insane, devenu l’Institut universitaire en santé mentale Douglas, il voit le jour en 1881 et dessert alors la clientèle anglophone (Fleury & Grenier, 2004). Au l des années, d’importantes dérives du système asilaire apparaissent, notamment le surpeuplement, l’utilisation de mesures de contrôle (p. ex., les mesures de contention) plutôt que de traitement, ainsi que la suppression des droits des personnes internées. Cette période est d’ailleurs désignée comme étant celle du grand renfermement, l’internement à l’asile étant de longue durée et même à vie dans plusieurs cas (Boudreau, 1984). Il faut remarquer que l’Institut Albert-Prévost (1955) et le Allan Memorial Institute (1943) se démarquent en offrant des soins à une clientèle atteinte de troubles mentaux plus légers (p. ex., des névroses) que celle internée dans les asiles (p. ex., des psychoses) ainsi que des approches de traitement issues de la psychanalyse. Toutefois,
FIGURE 1.1 Philippe Pinel croyait en un traitement des troubles mentaux empreint de compassion et de patience plutôt que de cruauté et de violence.
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
les travaux du Dr Donald Ewen Cameron au Allan Memorial Institute de Montréal, portant sur le lavage de cerveau au cours de la période 19561963, ont fait scandale ; quelques-unes des personnes concernées ont d’ailleurs reçu une compensation nancière à la suite de poursuites judiciaires (Boudreau, 1984). Finalement, le recours aux premiers antipsychotiques et neuroleptiques marque la n de cette période, la chlorpromazine (Largactil md ) ayant été le premier médicament utilisé pour traiter les personnes aux prises avec des psychoses et dont l’usage au Québec remonte à 1953.
1.1.2
De 1962 à 1988
La Révolution tranquille caractérise la décennie 1960 au Québec. L’émergence de l’État-providence et la séparation entre l’Église catholique et l’État sont à la base d’une série de changements dans la société québécoise, dont les services offerts aux personnes ayant des troubles mentaux. En 1961, la publication du livre Les fous crient au secours (Pagé, 1961) décrie l’institutionnalisation massive des personnes ayant des troubles mentaux et l’inadéquation du système asilaire pour offrir un véritable traitement. Cet ouvrage est à l’origine de la commission Bédard, dont le rapport (Bédard, Lazure & Roberts, 1962) a conduit à la fermeture de plus du quart des lits psychiatriques au Québec et à la première vague de désinstitutionnalisation. Le retour dans la communauté des personnes atteintes de troubles mentaux s’accompagne de diverses mesures, incluant la création des services de psychiatrie dans les hôpitaux généraux et la mise en place de ressources résidentielles dans la communauté. La sectorisation est l’approche utilisée pour organiser les services psychiatriques, recoupant la notion de psychiatrie de secteur ou de psychiatrie communautaire. À cette n, des établissements sont désignés pour assumer la responsabilité clinique, et des équipes interdisciplinaires (p. ex., des inrmières, des psychologues, des psychiatres, des travailleurs sociaux, des ergothérapeutes) sont mises en place pour couvrir les services à offrir sur un territoire donné, de l’hospitalisation de la personne à son retour dans la communauté (Fleury & Grenier, 2004). Cette première vague de désinstitutionnalisation coïncide également avec l’arrivée sur le marché de plusieurs antipsychotiques et antidépresseurs et avec le mouvement de l’antipsychiatrie. Les psychiatres Ronald Laing et David Cooper sont considérés comme les pères de ce mouvement qui rejette la démarcation entre le normal et le pathologique et la relation de pouvoir du soignant sur le soigné. Dans cette optique, l’asile devrait disparaître pour permettre aux malades de retrouver et d’exercer leurs droits et à la société de les accueillir et de reconnaître leur potentiel. Le livre
de Mary Barnes (1973), Un voyage à travers la folie, relate l’expérience d’une régression profonde qui l’aurait conduite à la guérison, alors que les méthodes de traitement utilisées à cette époque (p. ex., des comas insuliniques, l’électroconvulsivothérapie) avaient échoué. La deuxième vague de désinstitutionnalisation au Québec est fortement marquée par les travaux de la commission Castonguay-Nepveu et couvre la période allant de 1971 à 1988. Le centre hospitalier psychiatrique devient un lieu de traitement parmi d’autres, les centres hospitaliers généraux (p. ex., les unités d’hospitalisation, les cliniques de consultation externe de psychiatrie) et les centres locaux de services communautaires (CLSC) étant de plus en plus impliqués dans l’offre de services aux personnes ayant des troubles mentaux.
1 La commission CastonguayNepveu est notamment à l’origine de la Loi sur l’assurance maladie. Un résumé des travaux et des répercussions est présenté au www. bulletinhistoirepolitique.org.
Une autre forte tendance est la démédicalisation des désordres mentaux, dont le recours de plus en plus grand au terme santé mentale qui renvoie à l’importance des conditions sociales (p. ex., la pauvreté) sur l’apparition et l’évolution du trouble mental de même qu’à la présence de forces chez la personne atteinte, en dépit de ce trouble. Par ailleurs, plusieurs organismes communautaires voient le jour dans les années 1980 et offrent divers services, dont de l’aide aux familles et du soutien à la réintégration professionnelle. Des ressources et des options de traitement dans la communauté qui se distancient des soins offerts dans le système hospitalier apparaissent également au cours de cette période, et le mouvement de défense des droits des personnes atteintes de troubles mentaux prend de plus en plus d’ampleur. De plus, la productivité et la rentabilité des services deviennent des préoccupations majeures, et les gestionnaires jouent un rôle accru dans la mise en place de mesures liées à la performance et à la qualité des services. La désinstitutionnalisation entraîne plusieurs retombées positives, dont la démystification des troubles mentaux, des approches plus humaines de traitement et la mise en place de nouvelles ressources dans la communauté. Les aspects négatifs de la désinstitutionnalisation comprennent le syndrome de la porte tournante, soit la répétition du schéma de retour dans la communauté-hospitalisation, de même que l’accroissement du fardeau familial, de l’itinérance et des problèmes avec la justice chez les personnes ayant des troubles mentaux (Dorvil & Guttman, 1997). De plus, le manque de services dans la communauté et la fragmentation des services représentent d’importants freins à la désinstitutionnalisation. Finalement, certains auteurs mentionnent deux autres vagues de ce phénomène, soit de 1989 à 1996 et de 1997 à 2002 6 . Chapitre 1
6 Le chapitre 6, Aspects éthiques et légaux de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques, décrit les quatre phases de désinstitutionnalisation.
Perspectives en santé mentale : notions fondamentales et dés
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1.1.3 L’AGIDD-SMQ regroupe près de 25 organismes répartis dans toutes les régions du Québec (www.agidd.org).
CE QU’IL FAUT RETENIR
Le consensus prévaut à l’égard de l’étiologie multifactorielle des troubles mentaux, ceux-ci découlant de la combinaison de facteurs d’ordre neurobiologique, psychologique, social, culturel et environnemental, la combinaison de ces facteurs étant propre à chaque personne.
De 1989 à 2004
En 1989, le Québec adopte la Politique de santé mentale (PSM) (ministère de la Santé et des Services sociaux [MSSS], 1989) qui repose sur une approche biopsychosociale de la santé mentale TABLEAU 1.1. La création de l’Association des groupes d’intervention en défense des droits en santé mentale du Québec (AGIDD-SMQ) en 1990 est l’une des importantes retombées de la PSM. En s’appuyant sur le nouveau développement des réseaux intégrés de services en santé mentale, la PSM place la personne et ses proches au centre des services, et elle privilégie la décentralisation et la diversication des services de même que la mise en commun des responsabilités à l’égard des services à offrir sur un territoire donné, incluant le réseau communautaire et public – centre hospitalier, CLSC –, ainsi que divers secteurs liés à la santé mentale comme le logement, le travail et l’éducation. Toutefois, le centre hospitalier demeure le principal établissement à partir duquel les services sont proposés au cours des années qui suivent la mise en application de la PSM, et les services offerts dans la communauté s’avèrent insufsants, peu diversiés et fragmentés (Fleury & Grenier, 2004). Pour pallier ces lacunes, de nouvelles orientations ministérielles sont proposées et gurent dans le premier Plan d’action pour la transformation des services de santé mentale (MSSS, 1998a). L’une des mesures ciblées consiste à allouer plus de fonds aux services offerts dans la communauté, et cela, comparativement aux services d’hospitalisation. Il est ainsi prévu de consacrer 60 % du budget en santé mentale à des services proposés en consultation externe, par les organismes communautaires et les CLSC. Ce premier plan d’action
TABLEAU 1.1
Principales orientations de la Politique de santé mentale
ORIENTATION
EXEMPLES DE MESURES
Assurer la primauté de la personne.
• Individualisation et continuité des soins • Protection des droits
Accroître la qualité des services.
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• Formation continue des intervenants
a principalement pour objectif la mise en place d’une gamme essentielle et variée de services destinés aux personnes ayant des troubles mentaux graves. Ces services comprennent le suivi dans la communauté, l’intervention en situation de crise, le soutien pour répondre aux besoins de subsistance, le traitement dans la communauté, l’hospitalisation, l’entraide entre pairs, le soutien aux familles et aux proches ainsi que le développement des secteurs du loisir, de l’éducation et de l’intégration au travail. Durant la décennie 1990, désignée comme la décennie du cerveau (the decade of the brain aux États-Unis), la recherche sur la biologie du cerveau est en effervescence, l’émergence de nouvelles technologies liées à l’étude des neurosciences contribuant largement à l’avancement des connaissances dans ce domaine. Dans la foulée de ces travaux, le consensus prévaut à l’égard de l’étiologie multifactorielle des troubles mentaux, ceuxci découlant de la combinaison de facteurs d’ordre neurobiologique (p. ex., la génétique, l’activité des neurotransmetteurs), psychologique, social, culturel et environnemental, la combinaison de ces facteurs étant propre à chaque personne. À la n des années 1990, le MSSS met sur pied un groupe d’appui, formé d’experts en santé mentale, qui le conseille dans la mise en place des mesures liées à l’implantation du premier plan d’action (MSSS, 2000). En complément à cette initiative, la tenue d’un forum national permet notamment de faire ressortir des cibles prioritaires d’action pour guider l’amélioration des services en santé mentale (MSSS, 2001). Toutefois, le rapport du véricateur général du Québec, paru en 2003, dresse un portrait peu reluisant de l’organisation de ces services (Véricateur général du Québec, 2003). Outre leur sous-nancement, le manque de mesures d’évaluation de leur qualité et de surveillance de l’état de santé de la population, ainsi que la rareté des services offerts aux personnes ayant des troubles mentaux modérés, comme les troubles dépressifs et les troubles anxieux, font partie des principales lacunes relevées. Le second plan d’action en santé mentale (PASM) au Québec, le PASM 2005-2010, cherche à corriger ces lacunes.
• Soutien à la recherche
1.1.4
Atteindre l’équité des services sur le plan régional.
• Augmentation de l’offre de services de pédopsychiatrie en régions éloignées
Chercher des solutions dans le milieu de vie.
• Participation active des membres de la famille dans l’offre de soins à la personne
Consolider le partenariat en misant sur le potentiel des divers acteurs.
• Personnes utilisatrices, proches, intervenants
Reconnaissant la santé mentale comme une priorité nationale, le PASM 2005-2010 (MSSS, 2005) représente un important tournant dans l’organisation des services en santé mentale au Québec : il mise sur les services de première ligne, offerts à toute la population, comme voie d’accès à l’ensemble des services en santé mentale et comme le lieu de traitement et d’intégration des soins à offrir à la personne.
Partie 1
• Collaboration entre les secteurs des services sociaux et de santé
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
De 2005 à aujourd’hui
Cet accent sur les services de première ligne en santé mentale vise à accroître l’accessibilité aux services (MSSS, 2005). Les services de première ligne s’adressent à des clientèles très variées, incluant les personnes qui sont en situation de détresse sans avoir un trouble mental, les personnes atteintes de troubles modérés (p. ex., des troubles anxieux, des troubles dépressifs) et celles qui ont un trouble mental grave (p. ex., la schizophrénie, un trouble bipolaire). La consolidation des services de première ligne est d’ailleurs une orientation privilégiée tant à l’échelle internationale (Organisation mondiale de la Santé [OMS], 2013) que canadienne (Commission de la santé mentale du Canada [CSMC], 2012a). Le PASM 2005-2010 propose six principes qui guident les décisions et la mise en place de nouvelles façons d’organiser et d’offrir les soins et les services. Il s’agit : 1) du pouvoir d’agir des personnes utilisatrices de services et de leurs proches ; 2) du rétablissement ; 3) de l’accessibilité des services de première ligne ; 4) de la continuité et de la uidité entre les services ; 5) du partenariat entre les dispensateurs de services ; 6) de l’efcience du système de services. Ces divers principes recoupent l’importance d’inclure les clients et leurs proches dans toutes les décisions relatives à l’offre de soins et de services, de soutenir le développement optimal des capacités d’autosoins de la personne et d’accroître la qualité des services en renforçant la collaboration entre les intervenants et la mise en réseau des ressources de la communauté. Le PASM 2005-2010 coïncide avec la publication du rapport Trudeau (Ofce des professions du Québec [OPQ], 2005) qui porte sur la modernisation du champ d’exercice de la pratique en santé mentale pour les professions de travailleur social, de thérapeute conjugal et familial, de conseiller d’orientation, de psychologue, de médecin, de psychoéducateur, d’ergothérapeute et d’inrmière. Cela a conduit à la Loi modiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines, en vigueur depuis septembre 2012. Cette loi vient s’ajouter à la Loi sur les inrmières et les inrmiers (RLRQ, chapitre I-8) et à la Loi modiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé, cette dernière ayant été adoptée en 2002. Ces lois précisent le champ de l’exercice inrmier en santé mentale et positionnent l’inrmière au centre de la promotion de la santé mentale et de la prévention des troubles mentaux. À titre d’exemple, l’inrmière et le médecin sont les seuls professionnels autorisés à évaluer la condition de santé physique et mentale d’une personne symptomatique. De plus, la Loi modiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé mentale et des
relations humaines permet à l’inrmière de décider des mesures d’isolement et lui octroie la possibilité d’évaluer les troubles mentaux, à l’exception du handicap intellectuel, si elle détient la formation universitaire de deuxième cycle et l’expérience clinique requise, telles qu’établies dans le règlement (Code des professions, RLRQ, chapitre C-26, a. 94, par. h). Dans la continuité du PASM 2005-2010 – La force des liens, et alimenté par le Rapport d’appréciation de la performance du système de santé et de services sociaux 2012 – Pour plus d’équité et de résultats en santé mentale au Québec (Commissaire à la santé et au bien-être, 2012) et d’autres travaux de consultation, le MSSS a lancé très récemment le Plan d’action en santé mentale 2015-2020 – Faire ensemble et autrement (PASM, 2015-2020) (MSSS, 2015). Le PASM 2015-2020 s’appuie sur trois valeurs, à savoir la primauté de la personne, le partenariat avec les membres de l’entourage et le partage des responsabilités. Ces valeurs rappellent l’importance de tenir compte du point de vue et des capacités des personnes atteintes de trouble mental et de leurs proches, de favoriser leur implication et leur participation et de reconnaître les proches à titre de partenaires. Le Plan d’action mise sur le partenariat et la solidarité de tous, de la population dans son ensemble, des municipalités et d’autres acteurs, an de créer des conditions favorables au maintien ou au recouvrement d’une bonne santé mentale.
CE QU’IL FAUT RETENIR
1
Les services de première ligne s’adressent à des clientèles très variées, incluant les personnes qui sont en situation de détresse sans avoir un trouble mental et les personnes atteintes de troubles modérés ou graves.
Le PASM 2015-2020 met de l’avant cinq principes directeurs pour guider l’organisation et la prestation des services de santé mentale, à savoir : 1) une approche orientée vers le rétablissement ; 2) la diversication de soins et de services offerts en temps opportuns ; 3) les soins de collaboration ; 4) une amélioration de la performance du continuum de services en santé mentale ; 5) une démarche d’amélioration continue. Ce nouveau PASM est bâti autour de quatre grandes orientations : 1) promouvoir la primauté de la personne et le plein exercice de sa citoyenneté ; 2) assurer des soins et des services adaptés aux jeunes, de la naissance à l’âge adulte ; 3) favoriser des pratiques cliniques et de gestion qui améliorent l’expérience de soins ; 4) assurer la performance et l’amélioration continue des soins et des services en santé mentale. La primauté de la personne rappelle le respect des droits et la lutte contre la stigmatisation et la discrimination. Elle se traduit également par la reconnaissance de la personne comme actrice principale des soins et des services qui la concernent et l’intégration de ses proches comme membres à part entière de l’équipe de soins. De plus, la primauté de la personne évoque la mise en place de conditions permettant le plein exercice de la citoyenneté, telles qu’une ressource résidentielle ou un logement adéquat, le soutien Chapitre 1
Perspectives en santé mentale : notions fondamentales et dés
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dans la poursuite du parcours scolaire des jeunes atteints d’un trouble mental ou à risque de l’être, la facilitation de l’implication sociale par l’intégration socioprofessionnelle et le maintien en emploi. Compte tenu du fait que 50 % des troubles mentaux apparaissent avant l’âge de 14 ans, le PASM 2015-2020 mise sur le soutien favorisant le développement optimal des enfants, ce qui implique une responsabilité partagée entre la famille, la communauté et le gouvernement. L’intervention ciblée chez les enfants à risque d’avoir un trouble mental et une réponse aux besoins des jeunes en fonction de leur développement font partie des objectifs priorisés, de même que des services adéquats offerts aux jeunes atteints d’un trouble mental dans le cadre de Loi sur la protection de la jeunesse. L’intervention précoce auprès des jeunes qui présentent un premier épisode psychotique est également ciblée, les premières années étant déterminantes sur l’évolution de la maladie et des problèmes multiples qui en découlent (p. ex., des dommages cognitifs, des problèmes sociaux, l’usage d’alcool, le suicide). Le PASM entend bonier les pratiques cliniques et de gestion qui améliorent l’expérience de soins, dont le partenariat et la collaboration interprofessionnelle, un soutien accru aux
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Partie 1
médecins de famille et aux pédiatres, aux partenaires internes ou externes des établissements et aux établissements eux-mêmes. L’atteinte de ces objectifs repose notamment sur le déploiement des fonctions de professionnel répondant en santé mentale et de médecin spécialiste répondant en psychiatrie, l’élargissement du mandat du Centre national d’excellence en santé mentale à l’ensemble du continuum de soins et de services en santé mentale et la promotion de bonnes pratiques en matière de supervision clinique. Le PASM 2015-2020 poursuit la consolidation des mesures prévues dans le PASM 2005-2010 concernant les organismes communautaires, les services d’intervention de crise, les programmes de prévention du suicide, les équipes de santé mentale de première ligne et le soutien et le suivi dans la communauté des personnes atteintes d’un groupe mental grave. Une autre disposition a trait à l’amélioration des soins et des services aux personnes atteintes de troubles mentaux en milieu carcéral. La façon de concevoir le trouble mental et les soins en psychiatrie et en santé mentale a considérablement évolué au l des siècles, du début de la colonie à aujourd’hui. Le TABLEAU 1.2 propose une vue d’ensemble des principaux événements historiques qui ont marqué cette évolution.
TABLEAU 1.2
Principaux événements en santé mentale et en psychiatrie
ANNÉES
ÉVÉNEMENT
1801
Publication du Traité médico-philosophique sur l’aliénation mentale de Philippe Pinel
1845
Création de l’Asile de Beauport
1873
Création de l’Asile de Saint-Jean-de-Dieu
1881
Création du Protestant Hospital for the Insane
1953
Premier recours à la médication au Québec pour traiter les psychoses
1961
Publication du livre Les fous crient au secours
1962
Dépôt du rapport de la commission Bédard
1962-1970
Première grande vague de désinstitutionnalisation
1971
Dépôt du rapport de la commission Castonguay-Nepveu
1973
Publication du livre Un voyage à travers la folie qui donne un aperçu des méthodes de traitement utilisées en antipsychiatrie
1971-1988
Deuxième grande vague de désinstitutionnalisation
1989
Mise sur pied de la Politique de santé mentale
1989-1996
Troisième vague de désinstitutionnalisation
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
TABLEAU 1.2
Principaux événements en santé mentale et en psychiatrie (suite)
ANNÉES
ÉVÉNEMENT
1998
Dépôt du Plan d’action pour la transformation des services de santé mentale
1999
Création du Groupe d’appui à la transformation des services de santé mentale
2000
Tenue du Forum national sur la santé mentale
2002
Fin de la quatrième vague de désinstitutionnalisation ayant débuté en 1996
2003
Mise en application de la Loi modiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé
2005
Dépôts du PASM 2005-2010 et du rapport Trudeau
2009
Adoption du projet de loi no 21
2012
Entrée en vigueur de la Loi modiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines
1
Dépôt du Rapport d’appréciation de la performance du système de santé et de services sociaux 2012 – Pour plus d’équité et de résultats en santé mentale au Québec 2015
Dépôt du PASM 2015-2020
1.2
Concepts de base
1.2.1
Santé mentale positive
L’une des dénitions de la santé mentale largement citée est celle proposée par l’OMS qui la conçoit comme « un état de bien-être dans lequel une personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et contribuer à la vie de sa communauté » (OMS, 2014). Cet accent sur l’aspect positif de la santé mentale recoupe le concept de bien-être subjectif, lequel est aussi désigné par l’appellation bonne santé mentale ou santé mentale positive (Keyes, 2005, 2008, 2009, 2010). Pour sa part, l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) dénit la santé mentale comme « la capacité de chaque personne de ressentir les choses, de rééchir et d’agir de manière à mieux jouir de la vie, à mieux faire face aux dés […] » (ASPC, 2012). La comparaison de ces deux dénitions révèle une certaine complémentarité. Près des trois quarts des adultes québécois perçoivent leur santé mentale comme étant très bonne ou excellente, les hommes davantage que les femmes (Bordeleau, Dumitru & Plante, 2010). De plus, environ 9 personnes sur 10 rapportent un sentiment de satisfaction à l’égard de leur vie ainsi qu’un état de bien-être psychologique, celui-ci comprenant des indices d’estime
de soi, d’engagement social, de bonheur, de maîtrise de soi et de sociabilité. Ces divers indices renvoient aux multiples façons de dénir la santé mentale positive. À ce propos, un cadre intégrateur fait de plus en plus l’objet d’un consensus auprès d’experts scientiques (Barry, 2009) ; il propose de dénir la santé mentale positive à partir de trois facteurs, soit le bien-être émotionnel, le bien-être psychologique et le bien-être social, chacun reposant sur des dimensions qui lui sont propres. Ces facteurs sont utilisés pour évaluer le prol de la santé mentale positive d’une personne qui correspond à l’une des trois catégories suivantes : 1) une santé mentale positive élevée (c.-à-d. orissante) ; 2) une santé mentale modérée ; 3) une faible santé mentale positive (c.-à-d. languissante) TABLEAU 1.3. Ces trois catégories dénissent l’axe de santé mentale positive, et celui-ci s’ajoute à l’axe de désordre mental, les deux axes représentant la santé mentale complète (Keyes, 2005, 2008, 2009, 2010).
Santé mentale positive : Présence de bien-être émotionnel, psychologique et social.
L’importance de promouvoir la santé mentale positive s’appuie notamment sur le fait que l’augmentation de celle-ci réduit le risque d’apparition des troubles mentaux et de maladies cardiovasculaires ainsi que la perte de productivité (p. ex., des absences au travail) (Keyes, 2005, 2010). L’optimisation de la santé mentale positive nécessite des interventions qui misent sur le côté sain de la personne et sur le développement de la résilience. Chapitre 1
Perspectives en santé mentale : notions fondamentales et dés
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TABLEAU 1.3
Facteurs et dimensions de la santé mentale orissante
FACTEUR
DIMENSIONS
Bien-être émotionnel Affect positif
Est intéressé par la vie, de bonne humeur, heureux, plein de vie.
Qualité de vie déclarée
Est plutôt satisfait ou très satisfait de sa vie ou de certains aspects de sa vie.
Bien-être psychologique Acceptation de soi
A une image positive de sa personne et accepte la plupart des aspects de sa personnalité.
Croissance personnelle
Reconnaît son propre potentiel et la possibilité de s’épanouir ; démontre de l’ouverture à de nouvelles expériences.
Sens à la vie
Donne une direction et un sens à sa vie.
Maîtrise de l’environnement
Exerce sa capacité à gérer et à organiser son environnement pour satisfaire ses besoins personnels.
Autonomie
Fait preuve d’autodétermination en ayant ses propres standards ; peut résister aux pressions sociales.
Relations positives avec les autres
A des relations chaleureuses, satisfaisantes et conantes avec les autres ; démontre de l’empathie ; est capable d’intimité.
Bien-être social Acceptation sociale
Garde une attitude positive envers les autres ; reconnaît et accepte les différences chez les autres.
Actualisation sociale
Croit que les gens, les groupes sociaux et la société ont du potentiel et peuvent évoluer positivement.
Contribution sociale
Voit sa vie comme étant utile à la société et ses activités comme étant appréciées par celle-ci.
Cohérence sociale
S’intéresse à la société et à la vie sociale ; trouve que le monde dans lequel il vit est intelligible, prévisible et signiant.
Intégration sociale
A un sentiment d’appartenance à la communauté et se sent soutenu par ses membres.
Source : Adapté de Provencher & Keyes (2010).
1.2.2
Les problèmes de santé mentale peuvent survenir chez des personnes qui subissent des pertes importantes (p. ex., la mort ou la disparition d’un être aimé, un divorce) ou qui vivent des événements traumatisants (p. ex., un viol, une guerre, un ouragan, un tremblement de terre). Ces situations sont sus ceptibles d’engendrer D’après le TABLEAU 1.3, quelles dimensions d’une des perturbations mentales, santé mentale orissante s’appliquent à votre émotionnelles ou compersonne actuellement ? Quelle importance portementales tout en étant accordez-vous à chacune des dimensions ? en deçà de celles associées aux troubles mentaux. Ainsi,
Jugement
clinique
10
Problèmes de santé mentale
Partie 1
les problèmes de santé mentale correspondent à des perturbations qui interfèrent avec le fonctionnement habituel de la personne ainsi qu’à des symptômes qui s’apparentent à ceux liés aux troubles mentaux, tout en étant moins importants et d’une durée plus courte (Institut national de santé publique du Québec [INSPQ], 2008). Bien que le terme problème de santé mentale soit souvent employé comme synonyme de trouble mental, les écrits scientiques différencient clairement ces deux termes. La détresse psychologique est un indice utilisé pour évaluer la présence d’un problème de santé mentale. Ainsi, les personnes dont le degré de
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
détresse est élevé sont plus susceptibles d’avoir un trouble mental. Il est à noter que les proches aidants d’une personne atteinte de troubles mentaux sont jusqu’à trois fois plus susceptibles de présenter un niveau élevé de détresse psychologique que la population générale québécoise (Provencher, Perreault, St-Onge et al., 2003).
1.2.3
Troubles mentaux
Les troubles mentaux correspondent à des « affections cliniquement signicatives qui se caractérisent par un changement du modèle de pensée, de l’humeur (affect) ou du comportement associé à une détresse psychique et/ou à une altération des fonctions mentales » (OMS, 2001, p. 21). Dans la cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5), le trouble mental est déni comme « un syndrome caractérisé par une perturbation cliniquement signicative de la cognition d’un individu, de sa régulation émotionnelle ou de son comportement, et qui reète l’existence d’un dysfonctionnement dans les processus psychologiques, biologiques ou développementaux sous-tendant le fonctionnement mental. Les troubles mentaux sont le plus souvent associés à une détresse ou une altération importantes des activités sociales, professionnelles ou des autres domaines importants du fonctionnement. Les réponses attendues ou culturellement approuvées à un facteur de stress commun ou à une perte, comme la mort d’un proche, ne constituent pas des troubles mentaux. Les comportements déviants sur le plan social (p. ex., sur les plans politique, religieux ou sexuel) ainsi que les conits qui concernent avant tout le rapport entre l’individu et la société ne constituent pas des troubles mentaux, à moins que ces déviances ou ces conits résultent d’un dysfonctionnement individuel, tel que décrit plus haut » (American Psychiatric Association [APA], 2015, p. 22) 9 . Les troubles mentaux varient en fonction de leur gravité et de leur persistance, deux caractéristiques qui sont prises en compte dans l’établissement du diagnostic psychiatrique. La réforme des services en santé mentale au Québec s’appuie sur une différenciation entre troubles mentaux modérés et troubles mentaux graves. À ce propos, le PASM 2005-2010 (MSSS, 2005) mettait l’accent sur l’importance d’accroître l’accessibilité des services aux personnes ayant des troubles mentaux modérés, une clientèle qui avait retenu peu d’attention spécique dans le premier PASM (MSSS, 1998a). Les troubles modérés comprennent la dépression, les troubles anxieux et les troubles liés à une substance, alors que la schizophrénie et les autres troubles psychotiques, le trouble bipolaire et le trouble autistique font partie des troubles mentaux graves (MSSS, 2005). Par ailleurs, la personne peut présenter de la comorbidité,
c’est-à-dire avoir deux ou plusieurs troubles mentaux diagnostiqués. Le premier épisode du trouble mental peut arriver brusquement ou de façon insidieuse, les symptômes apparaissant graduellement et augmentant en intensité au l du temps. Au cours du premier épisode, la personne présente tous les symptômes nécessaires à l’établissement du diagnostic psychiatrique. Le traitement peut conduire à la disparition totale du trouble mental ou à une rémission incomplète. Dans ce cas, la personne présente encore des symptômes bien qu’ils soient de moindre intensité que ceux manifestés au moment de l’épisode aigu. La survenue de plus de un épisode signale la récurrence du trouble mental. La trajectoire du trouble mental varie d’une personne à l’autre, que ce soit à l’égard du nombre de rechutes ou de symptômes qui perdurent en présence de traitement. Comparativement aux troubles mentaux graves, les troubles mentaux modérés ont un meilleur pronostic d’évolution ; en outre, les rechutes sont moins fréquentes, et les altérations du fonctionnement habituel de la personne s’avèrent moins marquées.
1
CE QU’IL FAUT RETENIR
Le trouble mental est un syndrome caractérisé par une perturbation cliniquement signicative de la cognition d’un individu, de sa régulation émotionnelle ou de son comportement, et qui reète l’existence d’un dysfonctionnement dans les processus psychologiques, biologiques ou développementaux sous-tendant le fonctionnement mental.
Classication des troubles mentaux L’ensemble des troubles mentaux est répertorié et décrit dans deux manuels principaux, soit le Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders [DSM]), publié par l’APA, et la Classification internationale des maladies (CIM), produite par l’OMS. Ces deux manuels ont fait l’objet de révisions successives. La première édition du DSM remonte à 1948, et la dernière révision est parue en anglais en 2013, puis en français en 2015 (DSM-5). Le DSM est très largement utilisé en Amérique du Nord. La CIM en est à sa 10e édition (CIM-10-MC), la 11e (CIM-11) étant en cours d’élaboration au moment de la parution du présent manuel. La CIM est le système de codage ofciel utilisé aux États-Unis. Elle comprend l’ensemble des maladies, tandis que le DSM se limite aux troubles mentaux. La nouvelle structure du DSM-5 est harmonisée avec celle prévue dans la CIM-11. Pour chacun des diagnostics, le DSM-5 indique les codes correspondant dans la CIM-9-MC et la CIM-10-MC.
9 L’inuence de l’appartenance culturelle sur les troubles mentaux est présentée dans le chapitre 9, Culture et santé mentale.
Le DSM est une référence pour tous les professionnels de la santé et les chercheurs dans ce domaine. Chaque diagnostic étant décrit par des critères concis et explicites, il constitue un guide essentiel pour organiser l’information, établir un diagnostic et le pronostic et orienter le traitement. En plus de procurer un langage commun, le DSM est nécessaire pour établir des statistiques sur l’état de santé mentale de la population, lesquelles s’avèrent essentielles an d’améliorer les services de santé ou les ressources dans la communauté. Des diagnostics ables sont aussi nécessaires pour la recherche. De plus, ils constituent une base pour des besoins administratifs comme ceux des compagnies d’assurance. Chapitre 1
Perspectives en santé mentale : notions fondamentales et dés
11
Les changements entre le DSM-IV et le DSM-5 sont nombreux, dont certains s’avèrent de grande importance. Des diagnostics ont changé, d’autres ont été combinés ou éliminés. L’un des changements majeurs est le retrait du système axial qui avait été introduit dans le DSM-IV paru en 1994. Dans le DSM-IV et le DSM-IV-TR (Text Revision), le diagnostic repose sur cinq axes. L’axe I correspond aux troubles mentaux cliniques, l’axe II, aux troubles de la personnalité et au retard mental, l’axe III, aux affections médicales, l’axe IV, aux problèmes psychosociaux et environnementaux, et l’axe V, au fonctionnement de la personne mesuré par l’Échelle d’évaluation globale du fonctionnement. Le DSM-5 combine les trois premiers axes et supprime les deux derniers. Il élimine l’Échelle d’évaluation globale du fonctionnement en raison de ses lacunes sur le plan conceptuel et la remplace par le WHODAS (World Health Organization – Disability Assessment Schedule), un outil d’évaluation du handicap produit par l’OMS. Ainsi, en raison de l’ampleur des changements apportés et du fait que le DSM-IV a été utilisé durant près de deux décennies, le recours au DSM-5 exigera une période de transition progressive. De plus, cette transition risque d’être plus lente au Québec puisque la version française du DSM-5 n’a été disponible qu’en juin 2015. Le DSM-5 classe les troubles mentaux selon 22 chapitres ENCADRÉ 1.1. Leur organisation reète l’évolution au cours de la vie. Ainsi, les troubles neurodéveloppementaux, plus fréquemment reconnus durant l’enfance, sont regroupés au début du manuel. Selon des considérations liées au développement suivent le spectre de la schizophrénie et les autres troubles psychotiques. Le DSM-5 présente ensuite les diagnostics qui touchent plus souvent les adolescents ou les jeunes adultes tels
ENCADRÉ 1.1
Le DSM-5 présente les troubles mentaux par une liste de critères diagnostiques opérationnels, complétés par des caractéristiques diagnostiques apportant plus de précision. Suivent d’autres informations sur la prévalence du trouble, son développement et son évolution, ses facteurs de risque et ses pronostics. Les questions liées à la culture et au genre sont discutées. Le retentissement du trouble sur le fonctionnement de la personne et le risque suicidaire associé au trouble sont également abordés. Des précisions sur le diagnostic différentiel et la comorbidité complètent chacune des descriptions. Le système axial ayant été retiré dans le DSM-5, le clinicien est tenu de consigner à part les données relatives aux affections médicales présentes pouvant jouer un rôle étiologique dans l’apparition de symptômes liés à un trouble mental (p. ex., des symptômes dépressifs dus à une hypothyroïdie) ou n’ayant pas d’étiologie directe, mais devant
• Troubles neurodéveloppementaux
• Troubles de l’alternance veille-sommeil
• Spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques
• Dysfonctions sexuelles
• Troubles bipolaires et apparentés • Troubles dépressifs
• Troubles disruptifs, du contrôle des impulsions et des conduites
• Troubles anxieux
• Troubles liés à une substance et troubles addictifs
• Troubles obsessionnels-compulsifs et apparentés
• Troubles neurocognitifs
• Troubles liés à des traumatismes ou à des facteurs de stress
• Troubles de la personnalité
• Troubles dissociatifs
• Troubles paraphiliques
• Troubles à symptomatologie somatique et apparentés
• Autres troubles mentaux
• Troubles du contrôle sphinctérien
Partie 1
Le DSM-5 regroupe des diagnostics dans une approche plus dimensionnelle (p. ex., le spectre de l’autisme, le spectre de la schizophrénie) comparativement à ses prédécesseurs. Le but était de réduire le recours aux catégories de diagnostics non spécifiés puisque, souvent, ce qui était observé ne correspondait pas exactement aux critères pour plusieurs catégories trop étroites et exclusives. Une approche plus dimensionnelle, combinée avec des critères diagnostiques catégoriels, devrait permettre de mieux rendre compte de l’hétérogénéité des symptômes (p. ex., leur gravité sous l’angle de leur intensité, de leur durée et de leur nombre) et de leurs recoupements à travers de nombreux troubles mentaux.
Classication des diagnostics selon le DSM-5
• Troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments
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que les troubles bipolaires, dépressifs ou anxieux. Les troubles neurocognitifs, plus fréquents chez les adultes âgés, sont réunis à la n du manuel.
• Dysphorie de genre
• Troubles des mouvements et autres effets indésirables induits par un médicament • Autres conditions pouvant faire l’objet d’un examen clinique
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
aussi faire l’objet de mesures thérapeutiques (p. ex., la schizophrénie et la sclérose en plaques). Il en est de même pour les problèmes d’ordre psychosocial ou environnemental qui peuvent inuer sur l’apparition d’un trouble mental ou sur les rechutes, ou encore en être la conséquence (p. ex., un décès, une maladie, des sévices sexuels, l’acculturation, la pauvreté, etc.). Le DSM-5 prévoit des sous-types de troubles pour mieux reéter le portrait clinique de la personne et augmenter la spécicité du diagnostic (p. ex., le trouble de décit de l’attention/hyperactivité : présentation combinée, présentation inattentive prédominante, présentation hyperactive/ impulsive prédominante). Des descripteurs ont trait à la sévérité du trouble (p. ex., léger, moyen, grave, extrême), à des caractéristiques descriptives (p. ex., le trouble dépressif caractérisé : avec détresse anxieuse, avec début lors du péripartum, avec caractère saisonnier, etc.) ou à l’évolution du trouble (p. ex., en rémission complète, en rémission partielle, épisode récurrent). Des codes d’identication précèdent les diagnostics à des ns de statistiques sur la prévalence et les taux de mortalité ou à des usages administratifs comme ceux des besoins des compagnies d’assurances privées. Un diagnostic pourrait être, par exemple : « 296.22 (F32.1), trouble dépressif caractérisé, épisode isolé, moyen, avec détresse anxieuse », ou « 296.44 (F31.2), trouble bipolaire de type 1, épisode maniaque actuel, grave, avec caractéristiques psychotiques, avec caractère saisonnier », ou encore « 300.3 (F42), trouble obsessionnel-compulsif, avec assez bonne prise de conscience (insight) ». Plusieurs diagnostics peuvent être établis pour une même personne. Le diagnostic principal correspond au motif pour lequel la personne consulte un professionnel de la santé ou est hospitalisée. Les autres diagnostics sont notés par ordre d’importance clinique et thérapeutique. Puisqu’il est impossible de décrire parfaitement par une liste de critères répartis en catégories tranchées tous les troubles mentaux pouvant affecter les individus du monde entier dans des contextes qui varient à l’inni, le DSM-5 complète chaque chapitre de classication par des catégories « autre trouble spécié » et « autre trouble non spécié », selon que la cause est connue ou non. La spécication « provisoire » peut être ajoutée au diagnostic lorsque l’information est insufsante pour établir celui-ci avec certitude ou que les critères relatifs à la durée des symptômes ne sont pas pleinement satisfaits. Le DSM-5 propose plusieurs outils d’évaluation pouvant soutenir la pratique des professionnels de la santé au moment de l’évaluation initiale ou en cours de suivi, pour documenter l’évolution des symptômes et la réponse aux traitements. Des enquêtes ont permis de démontrer l’utilité clinique et les bonnes qualités psychométriques de ces outils.
Évaluations symptomatiques transversales Le DSM-5 propose deux outils d’évaluation symptomatique transversale : un de niveau 1 et un autre de niveau 2. L’évaluation symptomatique transversale de niveau 1 pour les adultes couvre en 23 questions 13 domaines de symptômes (p. ex., la dépression, la colère, la manie, l’anxiété, les symptômes somatiques, les idéations suicidaires, la psychose, etc.). Il s’agit d’une autoévaluation cotée sur une échelle de cinq points reétant le degré de sévérité. Une version destinée aux adultes responsables d’enfants âgés de 7 à 17 ans a été réalisée. Elle couvre cette fois 12 domaines en 25 questions. Cette évaluation peut simultanément être remplie par les enfants ou les adolescents âgés de 11 à 17 ans. Les évaluations symptomatiques transversales de niveau 2 permettent une évaluation plus approfondie de certains domaines. Ainsi, si la valeur obtenue dans un domaine de l’évaluation symptomatique transversale de niveau 1 atteint un certain seuil, il peut s’avérer nécessaire de procéder à l’évaluation de niveau 2 du DSM-5. Par exemple, pour une valeur seuil « léger ou plus » de la dépression (niveau 1), il est recommandé d’approfondir l’investigation par une évaluation de niveau 2 qui correspondrait ici à l’outil PROMIS – détresse émotionnelle – version courte. Des recommandations claires à cet effet sont fournies dans le DSM-5.
1 De nombreux outils d’évaluation clinique proposés par le DSM-5 sont offerts au www. psychiatry.org/dsm5.
Évaluation dimensionnelle de la sévérité des symptômes psychotiques par le clinicien L’évaluation dimensionnelle de la sévérité des symptômes psychotiques correspond essentiellement aux critères qui dénissent le spectre de la schizophrénie et les autres troubles psychotiques. Ces troubles sont hétérogènes, et la sévérité de leurs symptômes peut varier beaucoup. Cet outil comprend huit questions qui constituent des échelles pour évaluer les symptômes primaires de la psychose (hallucinations, idées délirantes, désorganisation du discours, comportement psychomoteur anormal, symptômes négatifs), le handicap cognitif, la dépression et la manie. Chaque question est cotée de 0 (aucun) à 4 (présent et grave), suivant la dénition spécique de chacun des niveaux de cotation.
Outil d’évaluation du handicap de l’Organisation mondiale de la Santé, version 2.0 (WHODAS 2.0) L’Outil d’évaluation du handicap de l’OMS (WHODAS 2.0) est une mesure globale de l’incapacité. Il est fondé sur la Classication internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé. En 36 questions, l’outil évalue la capacité d’une personne adulte à effectuer des activités dans 6 domaines : cognition, mobilité, soins personnels, entente avec l’entourage, activités de la vie, travail ou activités scolaires. Il s’agit d’une échelle d’autoévaluation utilisée non Chapitre 1
Perspectives en santé mentale : notions fondamentales et dés
13
Les différentes versions du WHODAS 2.0 sont offertes à l’adresse suivante : www.who.int.
seulement dans le domaine de la santé mentale, mais dans tous les autres domaines de la santé. Le questionnaire peut également être rempli par une autre personne proche si le client s’avère incapable de le faire. La méthode de cotation peut être simple ou complexe. La méthode simple résulte d’une addition de toutes les cotes attribuées pour chacune des questions. Les notes moyennes des domaines et de handicap général sont utiles et faciles à utiliser dans les milieux cliniques. La méthode complexe requiert un programme informatique pour déterminer un score total allant de 0 (absence de handicap) à 100 (handicap total), en pondérant différemment les questions individuelles et les degrés de sévérité. Une version abrégée de l’outil (12 questions) est également disponible. Différentes versions sont adaptées selon leur façon de les utiliser ; la personne elle-même peut remplir l’évaluation, ou un clinicien ou un proche peut la lui faire passer.
Entretien de formulation culturelle
CE QU’IL FAUT RETENIR
La dénition des troubles mentaux dans le DSM-5 tient compte des normes et des valeurs culturelles. La personne présentera un trouble seulement si ses comportements et expériences posent un problème ou s’éloignent de ce qui est considéré normal dans ce groupe culturel.
La dénition des troubles mentaux dans le DSM-5 tient compte des normes et des valeurs culturelles. Ainsi, une attention est portée sur la mesure dans laquelle les expériences et les comportements de la personne s’éloignent des normes socioculturelles de son groupe d’appartenance et posent un problème. Le DSM-5 propose un guide d’entretien semi-structuré comprenant 16 questions, désigné par le terme « entretien de formulation culturelle ». Ce guide est conçu pour obtenir des informations au sujet de l’impact des facteurs culturels sur la présentation du trouble mental et sur les soins. Les questions du guide se répartissent dans quatre grands domaines : 1) dénition culturelle du problème ; 2) perceptions culturelles de la cause, du contexte et du soutien ; 3) facteurs culturels affectant les ressources internes pour faire face et la recherche d’aide dans le passé ; 4) facteurs culturels affectant la recherche d’aide actuelle. Une version a été créée pour être utilisée auprès d’un membre de la famille ou d’un proche pour obtenir des informations supplémentaires. Des modules supplémentaires sont également disponibles pour explorer au besoin des aspects plus spéciques de certains groupes (p. ex., les enfants, les personnes âgées, les immigrants, les réfugiés).
Controverse entourant le DSM-5 Les changements apportés dans la cinquième version du manuel de diagnostics psychiatriques ont suscité une grande controverse tant dans les milieux professionnels que de formation. Un lot de critiques a été largement médiatisé (Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec, 2013). Allen Frances, psychiatre responsable de la version précédente
14
Partie 1
du manuel (DSM-IV), a dénoncé avec vigueur le fait que, selon lui, l’ajout de nouveaux diagnostics (p. ex., le trouble dysphorique prémenstruel) et l’abaissement de certains seuils dans l’optique d’un continuum d’intensité auront comme conséquences une « pathologisation » excessive des émotions et des comportements de la « vie ordinaire » (Frances, 2013 ; Parris & Phillips, 2013). Ainsi, le nombre de personnes recevant un diagnostic psychiatrique risque d’augmenter considérablement, ce qui pourrait entraîner un plus grand nombre de personnes stigmatisées ou appelées à prendre des médicaments dont elles n’ont pas besoin. La validité des diagnostics, c’est-à-dire la correspondance avec des phénomènes réels, est mise en doute. Bien que les connaissances dans le domaine des neurosciences, de l’imagerie mentale et de la génétique aient connu des progrès importants, les diagnostics de troubles mentaux demeurent non parfaitement valides faute d’avoir pu reconnaître, pour les troubles spéciques, des mécanismes étiologiques et physiopathologiques incontestables. Ainsi, les critères pour conclure à la présence d’un trouble mental demeurent, pour une grande part, déterminés par consensus entre les experts, des chercheurs et des intervenants dans le domaine. Néanmoins, il est précisé dans le DSM-5 que la validation des critères diagnostiques des catégories s’appuie sur différents types d’éléments probants : « des validateurs dans les antécédents (des marqueurs génétiques, des antécédents familiaux, un tempérament ou une exposition à l’environnement qui sont similaires), des validateurs concourants (des substrats neuraux, des biomarqueurs, des processus émotionnel ou cognitif qui sont similaires, ainsi qu’une similarité symptomatique) et des validateurs prospectifs (une même évolution clinique ou une même réponse au traitement » (APA, 2015, p. 23). Les recherches visant une compréhension accrue des mécanismes à la base des troubles mentaux continuent. Les critères ont évolué et évolueront encore à mesure que de nouvelles connaissances scientiques seront mises au jour. D’ailleurs, le DSM-5 a regroupé dans une section les « affections proposées pour des études supplémentaires » (APA, 2015, p. 919), c’est-à-dire des propositions ne pouvant être incluses en tant que diagnostics ofciels de troubles mentaux faute de preuves scientiques (p. ex., le trouble de l’usage de la caféine, le trouble du jeu pathologique sur Internet, les lésions auto-inigées non suicidaires). Bien que le DSM-5 ne fasse pas l’objet d’un parfait consensus, l’utilisation d’une classication des troubles mentaux la plus scientique possible et qui fournit un langage commun demeure incontournable. Le DSM-5 propose des diagnostics
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
Diagnostic psychiatrique et pratique inrmière Les connaissances sur la classication et les critères diagnostiques des troubles mentaux sont nécessaires à l’accomplissement de certaines activités réservées de l’inrmière, comme l’évaluation de la condition de santé physique et mentale de la personne symptomatique. Le DSM-5 et ses outils d’évaluation peuvent servir de guide an de reconnaître les principaux symptômes et les communiquer pour contribuer à l’établissement du diagnostic. Faisant partie de la démarche de soins, l’évaluation de la condition mentale de la personne symptomatique concerne toutes les inrmières, quel que soit leur milieu de pratique, tout en étant fortement accentuée chez celles qui travaillent dans les guichets d’accès en santé mentale et les services de première ligne. Les niveaux de services sont décrits en détail dans la dernière section de ce chapitre 4 . Le diagnostic psychiatrique est l’un des éléments qui orientent les soins inrmiers à offrir à la personne, bien que le centre d’intérêt pour l’inrmière demeure l’expérience du client dans sa situation de santé et l’accompagnement dans son processus de rétablissement (Delaney & Taylor Handrup, 2011). Le pronostic initial associé au diagnostic est un autre élément qui peut guider la prestation des soins. Toutefois, la trajectoire des divers troubles mentaux tend à varier d’une personne à l’autre, et la prudence est requise en présence d’un pronostic défavorable. De plus, l’espoir demeure un important moteur du rétablissement, et les interventions de l’inrmière doivent soutenir la personne dans l’optimisation de ses forces et de ses capacités ainsi que dans la poursuite de ses objectifs personnels, qu’importe le pronostic. L’annonce du diagnostic psychiatrique suscite diverses réactions chez le client et les membres de la famille. Certains sont soulagés d’apprendre que les perturbations émotionnelles et comportementales correspondent à un diagnostic médical et qu’il existe des traitements pour aider la personne à se rétablir. D’autres réactions initiales se rapportent au choc et au déni, recoupant les premières étapes du processus de deuil. La honte d’avoir un trouble mental n’est pas étrangère à ces réactions et renvoie à la stigmatisation associée aux désordres mentaux. De plus, le premier épisode d’un trouble mental représente un moment charnière dans les soins à offrir à la personne et aux membres de la famille
clinique
incluant l’offre de psychoéducation et de soutien pour les Sébastien Lamontagne est un adolescent de aider à faire face à leurs préju16 ans. Il est fréquemment victime de taxage et gés et fausses croyances (van d’intimidation à l’école depuis plus de un an. Ses Dusseldorp, Goossens & van résultats scolaires ont diminué, il voit de moins en Achterberg, 2011). Dans les moins ses amis, s’isole dans sa chambre, et dès toutes premières années de la que ses parents le questionnent, il donne toujours maladie, les périodes d’amédes réponses vagues et brèves. Il les a même lioration peuvent être perçues avisés qu’il abandonnerait l’école avant la n de comme des signes de rétablisl’année scolaire. Il a également donné sa guitare sement. Cela peut conduire à à son cousin. Devriezvous suspecter un problème l’arrêt de la médication ou de santé mentale chez Sébastien ? Justiez votre d’autres traitements et même réponse. générer de faux espoirs quant à l’évolution de la maladie. La présence d’un deuil à retardement réitère l’importance d’offrir de la psychoéducation et un accompagnement soutenu au client et à ses proches, notamment de l’aide pour faire face à leurs propres préjugés qui reètent souvent ceux présents dans la population.
1
Jugement
décrits par des critères précis et un continuum de sévérité, mais non les traitements requis leur correspondant. Le bon jugement des praticiens demeure crucial pour empêcher le mésusage du DSM-5 et la surmédicalisation.
Données épidémiologiques Un niveau élevé de l’indice de détresse psychologique est observé chez 21 % de la population québécoise. Il l’est beaucoup plus souvent chez des personnes qui sont atteintes d’un trouble mental (80 %) que chez celles qui n’ont pas ces troubles (17 %) (Institut de la statistique du Québec [ISQ], 2015). C’est également le cas des personnes vivant avec un faible revenu, des personnes qui perçoivent leur santé physique comme passable ou mauvaise, de celles qui ressentent habituellement de la douleur et de celles qui présentent au moins un problème de santé chronique. L’indice de détresse psychologique tend à être plus élevé chez les femmes, les jeunes âgés de 15 à 24 ans, les personnes célibataires et celles vivant seules. Au Québec, la prévalence annuelle des troubles mentaux diagnostiqués est estimée à 12 % en 2009-2010 (Lesage & Émond, 2012). En 2012, une enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes indique que, dans la population québécoise, la prévalence de l’ensemble des troubles mentaux mesurés (épisode dépressif, trouble bipolaire, trouble d’anxiété généralisée) est estimée à 18 % au cours de la vie et à 6 % pendant les 12 mois précédant l’enquête. Près de une personne sur cinq serait atteinte de troubles mentaux au Québec comme au Canada (ISQ, 2015). De plus, 50 % des troubles mentaux apparaîtraient avant l’âge de 14 ans, et 75 % avant l’âge de 22 ans (Kessler, Amminger, Aguilar-Gaxiola et al., 2007).
4 Le chapitre 4, Évaluation de la condition mentale, explique en détail les étapes de l’évaluation et les divers outils nécessaires à l’inrmière pour accomplir cette tâche réservée.
CE QU’IL FAUT RETENIR
L’espoir demeure un important moteur du rétablissement, et les interventions de l’inr mière doivent soutenir la personne dans l’optimisa tion de ses forces et de ses capacités ainsi que dans la poursuite de ses objectifs personnels, qu’importe le pronostic.
Plus précisément, 12 % de la population québécoise âgée de 15 ans et plus a vécu un épisode dépressif au cours de sa vie. C’est le cas pour 4,4 % de la population au cours des 12 derniers mois précédant l’enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes réalisée en 2012 (ISQ, 2015). Chapitre 1
Perspectives en santé mentale : notions fondamentales et dés
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CE QU’IL FAUT RETENIR
Dans la population québécoise, la prévalence de l’ensemble des troubles mentaux mesurés est estimée à 18 % au cours de la vie. De ce nombre, seulement 58 % des personnes ont consulté un professionnel de la santé à ce sujet.
Jugement
clinique En vous reportant à la capsule précédente, devriez-vous envisager un risque suicidaire chez Sébastien ? Justiez votre réponse.
Au cours de sa vie, 9 % de la population québécoise a vécu un trouble d’anxiété généralisée, cette proportion étant de 2 % au cours des 12 mois précédant l’enquête. Deux pour cent de la population a vécu un trouble bipolaire au cours de sa vie, tandis que c’est le cas pour environ 1 % des personnes au cours des 12 mois précédant l’enquête. Une situation de consommation ou de dépendance à l’alcool a touché 13 % de la population québécoise, et 3 % de la population dans l’année précédant l’enquête. Douze pour cent des Québécois âgés de 15 ans ou plus ont eu des pensées suicidaires au cours de leur vie. Environ 3 % ont fait une tentative de suicide.
la santé pour des problèmes liés à la santé mentale ou à la consommation de substances (ISQ, 2015). Les médecins de famille et les psychologues sont les professionnels les plus souvent consultés. Au Québec, le quart des consultations auprès d’un médecin omnipraticien concerne des problèmes de santé mentale (Imboua & Fleury, 2009). Plusieurs personnes atteintes de troubles mentaux hésitent à consulter un professionnel de la santé. Seulement 58 % des personnes ayant des troubles mentaux considérés dans l’enquête (épisode dépressif, trouble bipolaire, trouble d’anxiété généralisée) ont consulté un tel professionnel (ISQ, 2015).
Des données obtenues à l’aide du WHODAS 2.0 indiquent que l’incapacité est plus importante chez les personnes atteintes d’un trouble mental ou d’un trouble lié à la consommation de substances comparativement aux personnes qui n’ont pas ces troubles. En effet, 64 % des personnes qui ne sont pas atteintes d’un trouble mental ou d’un problème lié à la consommation de substances ne rapportent aucune incapacité, alors que c’est le cas pour seulement 25 % des personnes touchées par ces troubles (ISQ, 2015). Aussi, un score de 5 ou plus (mesure d’incapacité : 0 indiquant aucune incapacité et 48 une incapacité totale) est observé chez 10 % des personnes n’ayant aucun trouble. C’est le cas de 37 % des personnes atteintes d’un trouble mental.
Les coûts associés aux troubles mentaux et aux incapacités qu’ils génèrent sont en expansion au Québec et ailleurs dans le monde. Alors qu’il représentait 11 % de l’ensemble des maladies en 1990, ce taux devrait s’élever à 15 % en 2020 (INSPQ, 2008). Les troubles mentaux, qui représentent 30 % des réclamations pour invalidité à court ou à long terme au Canada, se classent parmi les 3 principaux motifs à l’origine des réclamations selon 80 % des employeurs (CSMC, 2012b). Les coûts de la baisse de la productivité due aux troubles mentaux dépassaient les 6,4 G$ en 2011. Ils sont estimés à 16 G$ annuellement en 2041. Alors que les coûts directs (les services de santé, certains services sociaux et le soutien du revenu) des problèmes de santé mentale étaient de 42,3 G$ en 2011, ils atteindraient 290,9 G$ par an en 2041.
Les troubles mentaux ont un impact sur la prévalence, l’évolution et le traitement de nombreuses maladies chroniques comme les maladies cardiovasculaires, le diabète ou le cancer, tout comme sur les troubles liés à une substance. L’inverse est aussi vrai. D’ailleurs, les études indiquent une mortalité prématurée chez les personnes atteintes d’un trouble mental ou de schizophrénie. La mortalité par suicide, par traumatisme, par maladie cardiovasculaire, par maladie infectieuse ou par toute autre cause est nettement plus élevée chez les personnes atteintes d’un trouble mental que dans la population générale. Plus précisément, « chez les hommes atteints de troubles mentaux, l’espérance de vie est moindre de huit ans par rapport à celle de l’ensemble des hommes québécois. Cet écart est de quatre ans chez les hommes touchés par les troubles anxio-dépressifs et de 12 ans chez ceux atteints de troubles schizophréniques. Chez les femmes, l’écart est moindre. L’espérance de vie des femmes qui présentent des troubles de santé mentale est diminuée de cinq ans. Chez celles atteintes de troubles schizophréniques, l’espérance de vie est réduite de neuf ans, alors qu’aucune différence signicative n’est observée chez celles atteintes de troubles anxiodépressifs » (Lesage & Émond, 2012, p. 6). Seulement 10 % des Québécois âgés de 15 ans et plus ont consulté au moins un professionnel de
16
Partie 1
Les années de vie corrigées de l’incapacité sont l’un des indicateurs liés au fardeau des maladies et correspondent à la somme des années de vie perdues à cause de la maladie (décès prématuré) et des années de vie vécues avec une incapacité. D’ici 2030, la dépression caractérisée représentera la première cause à l’origine des années de vie corrigées de l’incapacité dans les pays à revenu élevé (Mathers & Loncar, 2006). Outre la souffrance vécue par les personnes atteintes de troubles mentaux, les conséquences économiques et sociales associées ainsi que les coûts psychosociaux pour les membres de leurs familles sont élevés. Sur le plan socioéconomique, les incapacités et la diminution du revenu peuvent conduire à un glissement social marqué par la défavorisation, comme le fait de vivre dans des quartiers plus pauvres, de devenir en situation d’itinérance, d’avoir des démêlés avec la justice, d’être exclu de la société et marginalisé (OMS, 2013).
1.2.4
Déterminants de la santé mentale
Depuis plus de 60 ans, il se dégage d’un large consensus que la santé ne se réduit pas à
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
l’absence de maladie ou d’inrmité, mais inclut également un état de bien-être physique, mental et social (OMS, 1948). Le modèle de la santé mentale complète, ou modèle des deux continuums, s’inscrit dans cette perspective en concevant le trouble mental et la santé mentale positive comme deux concepts distincts, mais complémentaires, lesquels sont représentés à l’aide de deux axes qui se recoupent : l’axe horizontal allant de la présence à l’absence du trouble mental, et l’axe vertical allant de l’absence à un niveau optimal de santé mentale positive (Keyes, 2005, 2010). L’INSPQ propose une liste des déterminants majeurs de la santé mentale subdivisés en facteurs de protection et en facteurs de risque (INSPQ, 2008). Les facteurs de risque augmentent la probabilité d’avoir un problème de santé mentale ou un trouble mental et nuisent à l’optimisation de la santé mentale positive. Quant aux facteurs de protection, ils atténuent l’impact de l’exposition à des situations liées à l’apparition d’un problème de santé mentale ou d’un trouble mental, ou à un affaiblissement de la santé mentale positive. Ils représentent également des attributs personnels ou des conditions qui contribuent à diminuer les effets négatifs du stress sur l’état de santé, réduisant la probabilité d’être atteint d’un problème de santé mentale ou d’un trouble mental et optimisant la santé mentale positive. Les facteurs de protection et les facteurs de risque sont notamment l’objet d’interventions dans les champs de la promotion de la santé mentale et de la prévention des troubles mentaux, lesquelles sont présentées plus loin dans le chapitre TABLEAU 1.4 . Bien que les
TABLEAU 1.4
catégories de facteurs soient principalement liées à l’apparition de troubles dépressifs, de troubles anxieux, de toxicomanie et de problèmes de comportements chez les enfants, elles ciblent également des facteurs impliqués dans l’apparition des troubles mentaux graves. Les catégories de facteurs de protection et de risque recoupent des caractéristiques liées à la personne et à l’environnement. Les catégories d’ordre personnel associées aux facteurs de protection se rapportent à l’estime de soi et à diverses ressources personnelles, comme les capacités cognitives, les habiletés sociales et la résilience. Sur le plan environnemental, les facteurs de protection correspondent au soutien social, à l’inclusion sociale et à un environnement favorable. Cela comprend des parents, une famille et des amis qui sont bienveillants ainsi que des enseignants ou des employeurs qui misent sur les capacités de la personne et encouragent sa participation dans l’organisation des activités d’apprentissage et de travail. Un revenu sufsant et l’accès à des ressources de récréation et de loisirs représentent des caractéristiques liées à un environnement favorable.
1
Un modèle de représentation de la santé mentale est présenté au www.vivonsensemble.ca/ lasantémentaleuncontinuum.
Quant aux facteurs de risque, la catégorie d’ordre personnel cible les facteurs biologiques négatifs, alors que les catégories d’ordre environnemental comprennent le stress, les inégalités socioéconomiques, l’exclusion sociale et un environnement défavorable. Plus précisément, les inégalités socioéconomiques englobent la pauvreté, alors que l’exclusion sociale prend diverses formes, dont les préjugés, la discrimination et l’intimidation. Le nombre réduit de logements à prix modique ou la précarité des emplois sont
Déterminants majeurs de la santé mentale
FACTEURS DE PROTECTION
FACTEURS DE RISQUE
Ressources personnelles de base
Facteurs biologiques négatifs
Connaissances, compétences et attitudes permettant à une personne de faire face aux demandes et aux dés de la vie. Elles s’acquièrent tout au long de la vie et sont généralement amenées à se moduler selon son développement.
Facteurs entravant le développement et le fonctionnement normal du cerveau. Ils comportent, entre autres, les toxines ainsi que les privations alimentaires, cognitives et sociales.
Estime de soi
Stress
Perception d’un individu de sa valeur, de son identité distincte et de ses compétences dans les différents domaines de sa vie.
Situations ou événements contribuant à créer un désé quilibre entre les demandes de l’environnement et les ressources d’un individu pour y répondre. Les stresseurs peuvent être quotidiens (p. ex., la conciliation travail famille), chroniques (p. ex., les maladies), majeurs (p. ex., un divorce) ou transitoires (p. ex., un changement d’emploi).
Chapitre 1
Perspectives en santé mentale : notions fondamentales et dés
17
TABLEAU 1.4
Déterminants majeurs de la santé mentale (suite)
FACTEURS DE PROTECTION
FACTEURS DE RISQUE
Soutien social
Inégalités socioéconomiques
Réponse de l’environnement à la demande d’aide et de soutien émotif, informatif ou matériel d’un individu. Perception que se fait celui-ci du réconfort, de l’appréciation, de l’aide et des soins reçus de son entourage. Enn, il s’agit de l’étendue des liens établis par un individu avec des personnes signicatives de son environnement mesurée en termes de liens sociaux, de participation à des organisations, de richesse et de complexité du réseau, de l’accessibilité et de l’adéquation de ce soutien.
Écarts socioéconomiques au sein de la population (écarts de revenu, d’éducation, de connaissances). La pauvreté en particulier a des répercussions majeures.
Inclusion sociale
Exclusion sociale
Processus d’engagement des individus ou des groupes soutenant la contribution active de tous et de chacun à la société, que celle-ci soit de nature économique, sociale, culturelle ou politique.
Situations entraînant la stigmatisation et l’exclusion sociale de certains individus sur la base de l’origine ethnique, du genre, de la classe sociale, de la santé mentale ou d’autres raisons discriminatoires. L’exclusion sociale renvoie aux facteurs qui réduisent l’accès de certaines personnes aux ressources sociales, économiques et politiques.
Environnement favorable
Environnement défavorable
Environnement socioéconomique, physique, politique et communautaire contribuant de façon positive à la santé mentale de la personne. Il inclut notamment les infrastructures et les services, de même que l’accès à des milieux sains, stimulants et sécuritaires.
Environnement socioéconomique, physique, politique et communautaire ayant un effet négatif sur la santé mentale de la personne. L’environnement défavorable comprend notamment les éléments liés aux conditions de vie.
Source : Adapté de INSPQ (2008), #1821.
deux exemples d’environnement défavorable à la santé mentale. Que ce soit pour les facteurs de protection et de risque, les facteurs individuels interagissent avec les facteurs environnementaux dans l’optimi sation de la santé mentale positive ainsi que dans l’apparition des problèmes de santé mentale et des troubles mentaux (INSPQ, 2008). Un vaste courant dans la littérature en santé mentale insiste sur l’importance des déterminants sociaux de la santé. Parmi les nombreux modèles, l’un d’entre eux est ancré dans les réalités canadiennes (Mikkonen & Raphael, 2011 ; Raphael, 2009). Il pro pose 14 déterminants sociaux de la santé qui ont également une influence sur la santé mentale ENCADRÉ 1.2. Les divers déterminants de la santé mentale soulignent la nécessité d’agir en amont des troubles mentaux et de contribuer aux efforts de prévention. De plus, optimiser la santé mentale positive auprès de la population et des clientèles vulnérables ou atteintes de troubles mentaux représente un autre rôle important de l’inrmière.
18
Partie 1
ENCADRÉ 1.2
Déterminants sociaux de la santé
• Chômage et sécurité de l’emploi • Conditions et milieu de travail • Filet de sécurité sociale • Insécurité alimentaire • Expériences de vie liées à la petite enfance • Revenu et répartition du revenu • Genre • Éducation • Exclusion sociale • Handicap • Logement • Origine ethnique • Services de santé • Statut d’autochtone Source : Adapté de Mikkonen & Raphael (2011).
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
1.3 1.3.1
Champs d’intervention Promotion de la santé mentale
Selon l’OMS (1986), la promotion de la santé est le processus qui permet aux personnes et aux collectivités d’optimiser leur santé en maîtrisant mieux ses déterminants. Cela souligne l’importance d’actions à multiples facettes pour améliorer la santé. Les stratégies proposées par la Charte d’Ottawa (OMS, 1986) sont largement utilisées comme repères pour mettre en œuvre des interventions dans le champ de la promotion de la santé mentale. Ces stratégies consistent à implanter des politiques publiques saines (p. ex., la responsabilité populationnelle à l’égard de la santé et du bien-être des personnes vivant sur un territoire), à créer des milieux favorables à la santé, à renforcer l’action communautaire (p. ex., la mobilisation collective de citoyens pour la mise en place d’initiatives locales visant à réduire les préjugés à l’égard des personnes ayant des troubles mentaux), à optimiser les aptitudes individuelles (p. ex., des interventions visant à promouvoir les forces et les capacités de la personne dans la gestion de la maladie) et à améliorer les services de santé (p. ex., un nancement équitable entre les services orientés vers la promotion de la santé mentale et la prévention des troubles mentaux). À l’échelle internationale, l’OMS joue un rôle important dans la mise sur pied de politiques sociosanitaires orientées vers la promotion de la santé mentale. Celle-ci concerne tout le monde (World Health Organization, 2004) et consiste à « optimiser la santé mentale positive chez la population générale, les personnes qui sont à risque d’avoir un trouble mental ainsi que celles qui sont atteintes d’un trouble mental » (Barry, 2009, p. 7 ; traduction libre). Sur le plan individuel, les interventions en promotion de la santé mentale soutiennent le développement de la résilience ainsi que le recours à des stratégies d’appropriation du pouvoir sur la santé, qui ont pour objectifs l’adoption de saines habitudes de vie et l’optimisation des diverses dimensions liées à la santé mentale orissante ; celles-ci recoupent le bien-être tant émotionnel que psychologique et social de la personne. Sur le plan environnemental, de nombreuses initiatives consistent à agir sur les déterminants sociaux de la santé. Cela inclut notamment des actions intersectorielles, c’est-à-dire un travail de collaboration entre le secteur de la santé et d’autres secteurs, dont celui du logement, de l’emploi et de la sécurité du revenu (Raphael, 2009). À titre d’exemple, augmenter l’accès à des logements salubres et abordables pour les personnes ayant des troubles mentaux requiert des interventions qui débordent du
secteur de la santé et qui font appel, entre autres, à la contribution du secteur de l’habitation. Une autre avenue en matière de promotion de la santé mentale concerne le développement des communautés. Il fait largement écho à la participation citoyenne et comprend des initiatives entreprises par et pour la communauté locale en vue d’améliorer la qualité de vie dans le quartier (p. ex., la sécurité des résidents) 2 . Offrir des interventions dans les milieux de vie pour qu’ils favorisent la santé mentale représente un autre volet en matière de promotion de la santé mentale. La famille est l’un de ces milieux de vie, et elle contribue au bien-être de ses membres de multiples façons. Elle répond aux besoins fondamentaux (nourriture, vêtements, abri) et procure de la sécurité, du réconfort, de l’affection et de l’amour. La famille constitue aussi un milieu d’apprentissage et d’épanouissement, offrant des modèles de comportement et soutenant l’acquisition de compétences dans de multiples domaines, que ce soit à l’égard de l’autonomie, des relations interpersonnelles ou des règles de conduite en société FIGURE 1.2. Les visites à domicile effectuées par des inrmières dans le cadre de services en périnatalité et de la petite enfance sont un exemple de démarche visant la promotion de la santé. Ces interventions inrmières représentent d’importants leviers pour favoriser l’optimisation de la santé mentale dans le milieu familial, notamment auprès de familles vivant dans la pauvreté et d’enfants de faible poids à la naissance ou nés prématurément. Cette pratique permet un suivi individualisé et procure des activités éducatives qui misent sur l’apport du milieu familial au développement de l’enfant, dont des méthodes
2
1
Le chapitre 2, Santé mentale et services dans la communauté, se penche sur la promotion de la santé mentale et sur la prévention des troubles mentaux.
CE QU’IL FAUT RETENIR
La Charte d’Ottawa reconnaît l’inuence des conditions sociales sur la santé en énumérant des conditions préalables à celle-ci : la paix, un abri, l’instruction, la nourriture, un revenu, un écosystème stable, des ressources durables, la justice sociale, l’équité. Ces conditions préalables ne touchent pas seulement le mode de vie et les comportements individuels en matière de santé, mais englobent aussi le contexte psychologique, social, environnemental et politique.
FIGURE 1.2 La famille est un milieu qui contribue au bien-être de chacun de ses membres. Chapitre 1
Perspectives en santé mentale : notions fondamentales et dés
19
parentales et des modes de communication sains (Barry, 2009 ; INSPQ, 2008). Outre la famille, la promotion de la santé mentale concerne d’autres milieux de vie comme l’école, le travail et diverses ressources localisées dans la communauté. Découlant d’une entente conclue en 2003 entre le MSSS et le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, l’approche École en santé est un bon exemple d’actions intersectorielles pour la promotion de la santé et du bien-être des jeunes et la prévention de troubles mentaux auprès de cette clientèle. Elle repose sur le partage des responsabilités entre la famille, l’école, le centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) et les autres partenaires de la communauté. Cette approche cherche notamment à soutenir la réussite scolaire et à promouvoir un environnement scolaire sain, qui inclut notamment la lutte contre l’intimidation et l’enseignement de stratégies liées à l’optimisation de la santé mentale, lesquels sont intégrés au curriculum scolaire (Barry, 2009 ; INSPQ, 2008). D’autres exemples d’interventions en promotion de la santé mentale mettent à contribution l’expertise de l’inrmière : • diffuser de l’information pour renseigner le public sur la santé mentale et les troubles mentaux ; • optimiser la santé mentale dans le milieu du travail (p. ex., des stratégies de conciliation travail-famille) ; • faciliter l’accès aux soins de santé ; • promouvoir l’activité physique ;
1. Enseigner des techniques de réduction du stress à des adolescents en situation d’échec scolaire et présentant un risque de toxicomanie. 2. Offrir un programme d’éducation sur les pratiques parentales positives auprès de familles monoparentales vivant en contexte de pauvreté, dont de l’information sur les stades de développement de l’enfant, de l’accompagnement pour optimiser les compétences en matière de discipline, de communication et de résolution de problèmes, de même que de l’aide pour l’apprentissage de stratégies favorisant le bien-être et la réussite scolaire de l’enfant. 3. Soutenir les personnes âgées et endeuillées à risque de dépression en renforçant l’adoption de comportements de santé (p. ex., une saine alimentation, de l’exercice physique) et en prévenant l’isolement par des mesures orientées vers le maintien ou la consolidation de leur réseau social.
Le champ de la prévention des troubles mentaux est très vaste. Il comprend trois niveaux : la prévention primaire, secondaire et tertiaire.
Prévention primaire
Prévention secondaire
La prévention primaire a pour but de réduire l’incidence des troubles mentaux, laquelle correspond au nombre de nouveaux cas dans une population au cours d’une période donnée. Elle cible des mesures universelles qui s’adressent à l’ensemble de la population, indépendamment des facteurs de risque. La prévention primaire comprend aussi des mesures sélectives qui s’adressent à des
La prévention secondaire cherche à réduire la prévalence des troubles mentaux, soit le nombre total de cas de maladie dans une population. Ce type de prévention comprend des mesures de détection et de traitement. La détection repose sur des activités de dépistage et de recherche de cas. Le dépistage sert à reconnaître les personnes qui en sont aux premiers stades de la maladie, mais qui
Au Québec, le PASM 2015-2020 rappelle l’importance de la promotion de la santé mentale comme un investissement favorable, une bonne santé mentale étant liée au développement économique, social et humain de la population. Il privilégie des approches en promotion de la santé mentale et en prévention des troubles mentaux et du suicide à tous les stades de la vie, de la petite enfance à l’âge avancé.
1.3.2
Partie 1
La prévention primaire se situe donc en amont de l’apparition des troubles mentaux. Ce champ d’intervention recoupe largement les activités de l’inrmière en matière d’éducation à la santé. Les trois exemples suivants concernent l’offre de mesures sélectives.
Depuis le début des années 2000, le taux de suicide a connu une baisse au Québec, laquelle se maintient encore aujourd’hui (INSPQ, 2015). Néanmoins, la prévention du suicide demeure un axe prioritaire d’interventions en santé mentale (Gagné & Légaré, 2009 ; MSSS, 2015). L’engagement du MSSS envers la prévention du suicide remonte d’ailleurs à plus de une décennie, comme en témoigne la Stratégie québécoise d’action face au suicide qui date de la n des années 1990 (MSSS, 1998b). En 2010, le MSSS publiait les documents Prévention du suicide – Guide de bonnes pratiques à l’intention des intervenants des CSSS (MSSS, 2010a) et Prévention du suicide – Guide de soutien au rehaussement des services à l’intention des gestionnaires des CSSS (MSSS, 2010b).
• réduire la stigmatisation des troubles mentaux.
20
personnes à risque d’avoir des troubles mentaux ainsi que des mesures indiquées qui ciblent celles ayant certaines manifestations du trouble mental tout en ne présentant pas l’ensemble des signes et des symptômes nécessaires pour poser un diagnostic psychiatrique.
Prévention des troubles mentaux
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
demeurent asymptomatiques, alors que les mesures de recherche de cas ciblent les personnes qui peuvent avoir un trouble mental et qui présentent plusieurs facteurs de risque (INSPQ, 2008). La recherche de cas et le dépistage de la dépression et de la toxicomanie auprès de clientèles ciblées représentent deux domaines prioritaires d’intervention en santé mentale au Québec, et les inrmières joueront un rôle de plus en plus important à cet égard (MSSS, 2011). Cela accentue l’importance pour l’inrmière de se familiariser avec des échelles de mesure standardisées an d’y recourir au besoin dans le cadre de l’évaluation initiale et du suivi de la clientèle 4 . Arrêter le processus pathologique en intervenant le plus tôt possible dans l’évolution du trouble mental est à la base des activités de détection et concerne également l’intervention précoce. Par exemple, les modalités d’interventions précoces dans le traitement de la dépression et de la schizophrénie ont connu d’importantes avancées au cours de la dernière décennie, contribuant à réduire le délai entre l’apparition de la maladie et l’offre de services en santé mentale. Sur le plan clinique, ce délai a d’importantes répercussions négatives sur l’évolution du trouble mental. À titre d’exemple, les personnes atteintes de schizophrénie qui tardent à consulter un professionnel de la santé ont un risque plus élevé de rechutes et d’hospitalisation ainsi qu’un taux plus faible de rétablissement et sont davantage susceptibles de nécessiter des doses plus élevées de médicaments (Yung, Killackey, Hetrick et al., 2007). Dans le PASM 2015-2020, un accent accru est porté sur le dépistage et l’intervention précoce auprès des jeunes atteints d’un trouble mental ou de ceux qui sont particulièrement à risque d’en avoir un. Une attention particulière est dirigée vers la mise en place de moyens pour intervenir de façon précoce et adaptée auprès des jeunes qui présentent un premier épisode psychotique. Plusieurs facteurs expliquent la présence d’un délai dans la recherche d’aide professionnelle, dont un manque de renseignements sur les signes et les symptômes des troubles mentaux ainsi que la gêne ou la honte de consulter en raison d’un problème de santé mentale. Ces facteurs rappellent l’importance des campagnes d’information sur ces troubles et de lutte contre la stigmatisation auprès de l’ensemble de la population. Dans le cadre de la prévention secondaire, les mesures de traitement sont orientées vers le soulagement et la maîtrise des symptômes du trouble mental ainsi que sur la prévention des rechutes. Ces mesures visent la rémission totale de la maladie et le retour au fonctionnement antérieur de la personne. Toutefois, plusieurs d’entre elles ne connaissent qu’une rémission partielle, notamment celles ayant des troubles mentaux graves
(p. ex., la schizophrénie), et des mesures de réadaptation leur sont offertes pour les aider à vivre avec des symptômes persistants et des décits fonctionnels. La communauté représente le principal lieu de traitement, incluant les services offerts par les cliniques de consultation externe de psychiatrie, les organismes communautaires, les centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS), les groupes de médecine de famille (GMF) ou en cabinet privé. Toutefois, la phase aiguë du trouble mental peut requérir une hospitalisation, voire une admission dans des unités de soins intensifs psychiatriques. Lorsque requise, une hospitalisation de courte durée est privilégiée et elle vise à stabiliser l’état clinique de la personne et à planier son retour dans la communauté avec la participation des proches.
1 4 Le chapitre 4, Évaluation de la condition mentale, présente plusieurs outils et échelles pouvant être utilisés pour dépister la présence de troubles mentaux.
Prévention tertiaire La prévention tertiaire a pour but de réduire la morbidité et les incapacités associées à la présence d’une maladie (McKenna, Taylor, Marks et al., 1998). Elle concerne les personnes qui présentent des symptômes et des décits fonctionnels persistants en dépit de l’offre d’interventions thérapeutiques. L’évolution du trouble mental chez certaines personnes tend à être de nature chronique, ponctuée par des périodes de rétablissement et d’exacerbation de la maladie, dont la disparition se produit rarement. Les troubles mentaux graves présentent ces caractéristiques, et la prévention tertiaire s’adresse notamment aux personnes qui en sont atteintes.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Le manque de renseignements sur les signes et les symptômes des troubles mentaux ainsi que la gêne ou la honte de consulter en raison d’un trouble mental sont des facteurs qui expliquent le délai dans la recherche d’aide professionnelle de plusieurs clients.
Les mesures de prévention tertiaire en santé mentale recoupent largement les interventions offertes dans le domaine de la réadaptation psychiatrique, aussi désigné par le terme réadaptation psychosociale FIGURE 1.3 . Gérer de façon optimale le trouble mental (p. ex., utiliser la
FIGURE 1.3 Les mesures de prévention tertiaire ont pour but d’outiller la personne pour qu’elle se réalise le plus pleinement possible malgré la présence de limites liées au trouble mental. Chapitre 1
Au Québec, le site du Centre d’études sur la réadaptation, le rétablissement et l’insertion sociale (CÉRRIS) offre notamment de la documentation, des forums de discussions en ligne et un blogue pour promouvoir la recherche et l’innovation en réadaptation psychiatrique (www.hlhl.qc.ca).
Perspectives en santé mentale : notions fondamentales et dés
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Jugement
clinique Julius Markov est âgé de 21 ans. Il habite avec un ami inscrit au même programme d’études universitaires. Depuis quelque temps, ce dernier a remarqué que Julius s’isolait souvent avec des écouteurs, refusant de faire les travaux en équipe comme demandé. Il devient même agressif pour des riens, lui qui est de nature douce et sou riante. Inquiet parce que ces comportements sont de plus en plus fréquents, le copain de Julius essaie de le convaincre de consulter un psychologue du service aux étudiants. Quel niveau de prévention des troubles mentaux cette situation illustretelle ?
médication, surveiller les signes avant-coureurs de la rechute) est l’un des principaux objectifs de même que la reprise de divers rôles dans la société. Ces objectifs concernent l’acquisition de certaines habiletés chez la personne, le soutien des membres de son entourage ainsi que la mobilisation et la participation de diverses ressources dans la communauté pour augmenter les possibilités de réinsertion de la personne dans la société.
La réadaptation psychiatrique cible à la fois la personne et son environnement, des interventions à ces deux niveaux étant nécessaires et complémentaires (Anthony & Farkas, 2011). L’acquisition d’habiletés personnelles mise sur la découverte de nouvelles forces et sur la réactivation de celles qui sont présentes, mais peu utilisées, ainsi que sur la réduction de décits sur le plan cognitif (p. ex., une difculté de concentration), social (p. ex., peu de contacts avec les autres) et fonctionnel (p. ex., un manque d’autonomie dans les activités de la vie quotidienne, des incapacités liées à un retour sur le marché du travail). Quant aux interventions dans la communauté, elles cherchent notamment à réduire les préjugés à l’égard des personnes ayant des troubles mentaux et à soutenir les milieux qui les intègrent. Voici quelques exemples de mesures de prévention tertiaire pouvant être utilisées par l’inrmière. • Dans le cadre de services offerts en consultation externe, animer un groupe composé de personnes ayant reçu un même diagnostic psychiatrique pour leur donner de l’information et du soutien relatifs à une gestion optimale du trouble mental et de ses conséquences psychosociales. • Dans le cadre de soins offerts aux familles dont un proche est atteint d’un trouble mental, organiser des rencontres d’information et de soutien portant notamment sur la surveillance des symptômes, la supervision de la prise de médicaments, la mise en place de limites aux comportements problématiques et l’apprentissage de modes de communication efcaces. • Dans le cadre de la réintégration au travail, aider la personne à préciser ses centres d’intérêt dans ce domaine et l’accompagner dans les mesures qu’elle privilégie pour atteindre ses objectifs personnels, pouvant inclure des activités de préparation à l’emploi (p. ex., l’acquisition de compétences professionnelles) et l’offre de soutien au moment de la reprise d’activités de travail,
22
Partie 1
que ce soit en milieu adapté ou sur le marché régulier de l’emploi.
1.3.3
Implications pour la pratique inrmière
Les déterminants de la santé mentale, les besoins de la population, de même que la stigmatisation et les expériences de discrimination que vivent les personnes aux prises avec un trouble mental soulignent l’importance d’interventions inrmières dans ce domaine, quel que soit son milieu de pratique. La promotion de la santé mentale, la prévention des troubles mentaux et le rétablissement reposent sur une conception de la pratique inrmière en tant qu’art et science, ce dernier volet recoupant les pratiques basées sur des résultats probants.
Stigmatisation Pour un bon nombre de personnes, il est plus difcile de se rétablir de la stigmatisation liée au trouble mental que du trouble lui-même (Perese, 2007 ; Thornicroft, 2006). L’Association des psychiatres du Canada retient la dénition suivante de la stigmatisation : « Le terme stigmatisation désigne un attribut, un trait, ou un trouble qui marque un individu comme étant inacceptablement différent des personnes “normales” avec lesquelles il interagit habituellement et entraîne une sanction quelconque de la collectivité. » (Groupe provincial sur la stigmatisation et la discrimination en santé mentale, 2012, p. 3) La CSMC précise que « les idées selon lesquelles les personnes aux prises avec une maladie mentale ne se rétabliront jamais, qu’elles sont violentes, que leur comportement est imprévisible, qu’elles sont à blâmer pour ce qui leur arrive et qu’il leur serait facile de maîtriser leur maladie gurent au nombre des notions culturelles qui nourrissent la stigmatisation publique » (CSMC, 2013, p. 2). L’inrmière doit être sensibilisée au fait que les personnes atteintes de troubles mentaux sont plus susceptibles de ne pas recevoir les soins dont elles ont besoin pour traiter des problèmes de santé, même si ceux-ci ne sont pas liés à la santé mentale, comparativement aux personnes non concernées par ce type de problèmes (Corrigan, 2004). Ce phénomène, désigné par le terme diagnostic overshadowing (Jones, Howard & Thornicroft, 2008), traduit par « ombrage diagnostic », signie que l’investigation et les traitements que reçoivent les personnes atteintes de troubles mentaux sont moins complets et que l’offre de services est diminuée. Cela entraîne des risques accrus pour la santé et une espérance de vie plus courte. Au Canada, près de trois hommes sur cinq et plus de la moitié des femmes rapportent éprouver de la gêne et avoir fait l’objet de discrimination en raison de leur trouble mental, que ce soit un
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
trouble dépressif, bipolaire ou apparenté, un trouble anxieux ou une toxicomanie (Gouvernement du Canada, 2006). La présence d’un trouble mental est souvent associée à un risque accru de violence ; toutefois, la littérature scientique indique que le trouble mental n’est ni une cause nécessaire ni une cause sufsante de violence (Benbow, 2007). Les principaux facteurs liés à la violence relèvent plutôt de caractéristiques sociodémographiques, de jeunes hommes vivant dans des milieux socioéconomiquement défavorisés, à titre d’exemple. Dans le domaine de la santé mentale, les personnes qui sont les plus à risque de commettre des actes violents sont celles qui présentent à la fois des troubles mentaux et de toxicomanie et qui ont arrêté de prendre leur médication, ces caractéristiques cliniques pouvant toutes faire l’objet d’interventions cliniques et ainsi contribuer à réduire le risque de violence (Combalbert, Favard & Bouchard, 2001 ; Stuart, 2003). Par ailleurs, les personnes atteintes de troubles mentaux sont nettement plus susceptibles d’être la cible d’actes violents que d’en perpétrer (Crocker & Côté, 2010). L’approche globale des soins nécessite la prise en compte de la stigmatisation à laquelle est confrontée la personne ayant un trouble mental. Sur le plan individuel, l’inrmière aide celle-ci à faire face aux préjugés qui nuisent à la reprise d’activités qu’elle désire entreprendre (p. ex., un travail, des études, des loisirs), dont de l’accompagnement pour défendre ses droits. Sur le plan environnemental, l’inrmière contribue à réduire les préjugés en offrant des activités d’éducation sur les troubles mentaux à la population et à diverses ressources dans la communauté. En dernier lieu, mais de première importance, l’inrmière s’efforce de reconnaître les préjugés qu’elle peut avoir à l’égard des personnes ayant des troubles mentaux et veille à les corriger (Page & Banville, 2011) 2 .
Science et art La pratique inrmière en santé mentale relève à la fois de l’art, par l’utilisation thérapeutique de soi, et de la science, par le recours à une gamme étendue de connaissances scientiques issues de la recherche en sciences infirmières et dans d’autres domaines. Bien que la maîtrise de la science soit essentielle à la pratique inrmière en santé mentale, l’importance de l’art dans ce domaine est cruciale. Une facette essentielle du travail avec le client dans tout milieu, et particulièrement en milieu psychiatrique, est la création d’une alliance thérapeutique entre l’inrmière et la personne. Ce lien permet au client d’avoir conance en l’inrmière, de discuter librement de ses besoins et de ses problèmes sans crainte d’être critiqué ou jugé, et il facilite aussi son engagement dans le processus thérapeutique 5 .
Le savoir scientique comprend le vaste éventail de pratiques basées sur des résultats probants dans le domaine de la santé mentale. La démarche de soins, alliant la méthode de résolution de problèmes à l’offre de soins individualisés, fait appel à ces pratiques pour offrir des soins efcaces et de qualité à la personne.
Pratique fondée sur des résultats probants La pratique fondée sur des résultats probants se démarque de celles basées sur l’intuition, ou de celles qui sont choisies simplement parce que cela a toujours été fait ainsi, ou qui sont approuvées depuis longtemps par des experts ou des collègues (French, 2002 ; Melnyk & Fineout-Overholt, 2005). Les pratiques basées sur des résultats probants permettent d’offrir à la clientèle des soins qui sont reconnus pour leur rentabilité et leur efcacité (Rice, 2008). Promouvoir l’utilisation de ces pratiques chez les inrmières et les autres professionnels fait partie des politiques sociosanitaires au Québec, comme ailleurs dans le monde, et représente un levier à la bonication des services qui sont offerts dans les divers établissements de santé, incluant le secteur de la santé mentale. Le recours à des pratiques fondées sur des résultats probants repose sur une approche centrée sur la personne. Cela souligne l’importance de tenir compte des préférences et des valeurs de celle-ci de même que d’assurer sa participation active dans le choix d’interventions efcaces. La pratique fondée sur des résultats probants concerne autant les personnes ayant des troubles mentaux modérés que celles atteintes de troubles mentaux graves. L’efcacité des interventions suivantes est de plus en plus démontrée auprès des personnes ayant des troubles mentaux modérés : l’autogestion des soins, l’entretien motivationnel, les groupes de soutien ou d’entraide, l’utilisation de programmes spécialisés sur Internet, l’activité physique et une nutrition équilibrée (Lethinen, Katshchnig, Kovess-Masféty et al., 2007 ; Walters, Tylee & Goldberg, 2008). Les soins en étapes s’ajoutent également à cette liste. Ceux-ci correspondent à des interventions qui sont offertes en fonction de la gravité de l’état clinique du client (Brouillet, Roberge, Fournier et al., 2009). Le degré de soins est déterminé par une évaluation continue et systématique de la réponse au traitement. Dans le cas de la dépression, par exemple, la première étape pourrait être l’intervention faite par des ressources moins spécialisées en santé mentale (p. ex., le médecin généraliste ou l’inrmière clinicienne). Plus la gravité de la maladie augmente, plus la médication est recommandée en association avec la psychothérapie, notamment l’approche cognitivo-comportementale. Cela correspondrait à la deuxième étape. En haut de la pyramide, la cinquième étape se traduirait par une Chapitre 1
CE QU’IL FAUT RETENIR
1
Les personnes les plus à risque de commettre des actes violents présentent à la fois des troubles men taux, de toxicomanie et ont arrêté de prendre leur médication. Toutefois, les personnes atteintes de troubles mentaux sont nettement plus susceptibles d’être la cible d’actes violents que d’en perpétrer.
La pratique fondée sur des résultats probants en soins inrmiers est présentée en détail dans le chapitre 6 de Potter, P.A., & Perry, A.G. (2016). Soins inrmiers – Fondements généraux (4e éd.). Montréal, Québec : Chenelière Éducation. 2 La stigmatisation sociale est expliquée en détail dans le chapitre 2, Santé mentale et services dans la communauté.
5 Le chapitre 5, Communication et relation thérapeutique, explique en détail l’alliance thérapeutique.
Perspectives en santé mentale : notions fondamentales et dés
23
éactivation des connaissances Expliquez en quoi consiste la pratique fondée sur des résultats probants.
hospitalisation dans une unité de soins psychiatriques. Ce modèle de prestation de soins basé sur la hiérarchisation des interventions permettrait d’améliorer la qualité des soins tout en étant avantageux sur le plan économique. Les pratiques basées sur des résultats probants qui s’adressent aux personnes ayant des troubles mentaux graves recoupent largement le domaine de la réadaptation psychiatrique (Anthony, Cohen, Farkas et al., 2004 ; Corrigan, Mueser, Bond et al., 2008 ; Lecomte & Leclerc, 2004). Les interventions inrmières au sein des équipes de suivi intensif dans la communauté font partie des pratiques basées sur des résultats probants de même les interventions familiales et psychoéducatives (Dixon, Dickerson, Bellack et al., 2010). Les stratégies sont très variées et vont de la gestion des symptômes et de la médication à la consolidation des relations avec les autres en passant par la défense des intérêts et des droits de la personne. D’autres pratiques basées sur des résultats probants concernent le soutien à l’emploi, le traitement intégré des troubles mentaux et de la toxicomanie.
Le site Internet du programme PAR (www.aqrp-sm.org) contient une mine de renseignements à l’intention du pair aidant, dont des renseignements sur son rôle et ses fonctions.
L’embauche de pairs aidants dans des ressources en santé mentale est une pratique en émergence qui s’avère prometteuse (Dixon et al., 2010). D’ailleurs, ceux-ci peuvent aussi être introduits comme partenaires d’enseignement en sciences inrmières (Goulet, Larue & Chouinard, 2015). Les pairs aidants sont des personnes aux prises avec un trouble mental qui se sont rétablies, les connaissances découlant de leur propre expérience de rétablissement étant considérées comme un atout pour aider leurs pairs FIGURE 1.4. Au Québec, le programme Pairs aidants Réseau (PAR) offre de la formation et du soutien aux pairs aidants depuis 2008. À ce jour, près d’une quarantaine d’entre eux travaillent dans diverses ressources, dont des équipes offrant des services de suivi intensif ou du soutien d’intensité variable de même que dans des centres de réadaptation et des ressources d’hébergement. Les inrmières font partie
FIGURE 1.4 Les pairs aidants contribuent au rétablissement des personnes ayant des troubles mentaux.
24
Partie 1
des professionnels qui collaborent avec les pairs aidants pour aider les personnes à se rétablir, notamment celles ayant des troubles mentaux graves. À l’instar du Québec, l’intégration de pairs aidants dans des ressources en santé mentale est une pratique en émergence, notamment aux États-Unis, en Écosse, en Australie, en Angleterre et en France.
1.4
Services en santé mentale
En 2003, l’adoption de la Loi sur les agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux (projet de loi no 25) (RLRQ, chapitre A-8.1) a conduit à la création des CSSS qui ont joué un rôle clé dans la transformation des services en santé. En février 2015, a été adoptée par l’Assemblée nationale du Québec la Loi modiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux, notamment par l’abolition des agences régionales (projet de loi no 10) (RLRQ, chapitre O-7.2). Cette nouvelle loi a obligé les services de santé et les services sociaux à se regrouper régionalement au sein des centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) ou des centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS). Selon les instances ministérielles, l’implantation d’une gestion à deux niveaux hiérarchiques, les agences de santé et de services sociaux ayant été abolies, devrait permettre de « favoriser et de simplier l’accès aux services pour la population, de contribuer à l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins et d’accroître l’efcience et l’efcacité de ce réseau » (Assemblée nationale, 2015, p. 3). Le MSSS soutient, dans son PASM 2015-2020, que la restructuration du réseau constitue un contexte favorable au « faire autrement » sur le plan des collaborations interdisciplinaires impliquant des partenaires de différents services (MSSS, 2015 )
1.4.1
Responsabilité populationnelle
La responsabilité populationnelle renvoie à la notion de réseau local de services, c’est-à-dire aux services qui sont offerts dans un territoire donné. Chaque CISSS ou CIUSSS est responsable de la mise en place de mesures qui permettent d’améliorer et de maintenir la santé et le bien-être de la population vivant dans sa région. Cela comprend l’offre de services en matière de promotion de la santé mentale et de prévention des troubles mentaux, qui couvrent tous les cycles de la vie. Cette offre fait appel à la collaboration entre les intervenants du réseau de la santé et des services sociaux et des autres secteurs d’activité (p. ex., les secteurs de l’éducation, du travail) pour qu’ils coordonnent leurs actions en vue de répondre de la meilleure façon qui soit aux besoins de la population. Offrir des services le plus
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
près possible des milieux de vie des personnes résidant sur le territoire est privilégié et fait ici référence à la notion de soins de proximité.
1.4.2
Niveaux de services
La hiérarchisation des services se rapporte à l’expertise requise pour aider la personne à se rétablir d’un trouble mental ; elle varie en fonction de la complexité de la psychopathologie. Trois niveaux de services sont différenciés, soit les services de première, de deuxième et de troisième ligne. Ceuxci ne sont pas associés à un lieu ni à un type d’établissement ou d’organisme (MSSS, 2005).
Services de première ligne (services de santé généraux et services spéciques en santé mentale) Les services de première ligne constituent le premier niveau d’accès aux soins. Offerts à toute la population, ils visent à répondre aux problèmes de santé ou aux problèmes sociaux usuels près du milieu de vie des personnes. Ces services sont très variés. Ils ont trait à la promotion de la santé, à la prévention de la maladie, à l’établissement du diagnostic, aux traitements et à la réadaptation. Les services de première ligne comprennent des services généraux, comme ceux offerts par des omnipraticiens (p. ex., dans des GMF, des cliniques réseaux), les CLSC (p. ex., le programme familleenfance-jeunesse, les services courants et autres) ou des pharmacies communautaires. À cette liste s’ajoutent des services en santé mentale, incluant ceux donnés par des psychologues pratiquant en cabinet privé, des organismes communautaires et des urgences de centres hospitaliers. De plus, les CLSC jouent un rôle de premier plan dans l’offre d’autres services de première ligne en santé mentale, soit ceux proposés par les guichets d’accès et les équipes de première ligne en santé mentale. Le guichet d’accès représente la porte d’entrée pour recevoir des soins et des services en santé mentale (MSSS, 2008, 2011). Outre son apport dans l’évaluation des demandes de services, le guichet d’accès permet d’assurer l’accès et la continuité des soins et des services. Une équipe de professionnels (p. ex., une inrmière, un psychologue, un travailleur social) gère la liste d’attente, évalue les demandes de services et oriente la personne et ses proches vers les ressources répondant à leurs besoins. De plus, des soins directs sont offerts à la clientèle qui utilise le guichet d’accès, notamment du soutien à l’égard du traitement autogéré (MSSS, 2011). Celui-ci concerne, entre autres, les personnes aux prises avec une dépression ou un trouble anxieux et comprend des guides d’autosoins, de la bibliothérapie et des programmes de thérapie cognitivo-comportementale assistés par ordinateur (Bilsker, 2010). Les équipes de première ligne en
santé mentale sont interdisciplinaires, plusieurs types de professionnels permettant de répondre aux besoins diversiés de la clientèle FIGURE 1.5.
1
Le PASM 2005-2010 a permis de renforcer les services de première ligne en santé mentale et d’instaurer la culture de la hiérarchisation des services pour en améliorer l’accès tout en favorisant l’utilisation judicieuse des ressources. Le MSSS, dans son PASM 2015-2020, entend maintenir cet effort en poursuivant l’objectif d’assurer à 70 % la réponse aux besoins de la population en matière de santé mentale dans les services de première ligne. Il rappelle que la réponse aux besoins et les résultats obtenus ne peuvent être sous la seule responsabilité des services spéciques en santé mentale. Il entend donc établir une gestion mieux intégrée du continuum de soins et de services en santé mentale en misant sur la collaboration entre les partenaires des services de santé généraux et des services spéciques, spécialisés ou surspécialisés en santé mentale, entre les secteurs publics, privés, communautaires et intersectoriels (éducation, justice, emploi). Cette collaboration est essentielle pour assurer, en temps opportun, l’accès à une diversité de soins et de services en fonction des besoins des personnes (PASM 2015-2020).
Services de deuxième ligne (services spécialisés) Les services de deuxième ligne font appel à une expertise spécialisée pour les personnes ayant des troubles mentaux plus graves, des problèmes complexes qui résistent aux modalités habituelles de traitement ou dont la prévalence est faible, ou pour les personnes qui présentent un risque de rupture avec la société (p. ex., la violence, la criminalité). Ces soins spécialisés sont notamment offerts par les centres hospitaliers ayant des services de psychiatrie. Ils comprennent l’évaluation, le diagnostic et le traitement spécialisé et incluent les services d’urgence, d’hospitalisation et de
FIGURE 1.5 L’inrmière, le psychologue et le travailleur social forment le noyau de base de l’équipe de première ligne en santé mentale. Chapitre 1
Perspectives en santé mentale : notions fondamentales et dés
25
23 Le rôle d’intervenant pivot est traité dans le chapitre 23, Soins inrmiers et suivis dans la communauté.
réadaptation de même que les services offerts dans les centres de jour et les cliniques de consultation externe de psychiatrie. Le soutien d’intensité variable (SIV) et le suivi intensif dans le milieu (SIM) sont aussi considérés comme des services de deuxième ligne. Ces services s’adressent aux personnes qui ont d’importantes difcultés à vivre dans la communauté et qui utilisent régulièrement des services de crise ou d’hospitalisation 23 . Par ailleurs, les intervenants offrant des services de deuxième ligne apportent également un soutien aux professionnels dont les pratiques se font en première ligne, un rôle que le MSSS a comme objectif d’intensier (MSSS, 2015).
Services de troisième ligne (services surspécialisés) Le Centre national d’excellence en santé mentale (CNESM), a pour mandat de promouvoir et supporter l’implantation des programmes de suivi intensif dans le milieu (SIM). Il offre aussi un soutien d’intensité aux services de santé mentale de première ligne destinés aux adultes. Le PASM 2015-2020 prévoit élargir de nouveau ce mandat à l’ensemble du continuum de soins et de services en santé mentale, tant à l’intention des enfants et des jeunes qu’à celle des adultes (MSSS, 2015).
Figure 1.1W : Cheminement de la personne entre les divers niveaux de services.
Les services de troisième ligne font appel à une expertise surspécialisée pour les personnes ayant des problèmes très complexes et qui excèdent l’expertise offerte en deuxième ligne. Les hôpitaux psychiatriques, de même que les départements de psychiatrie de centres hospitaliers universitaires et de centres afliés, offrent des services de troisième ligne. Trois des six hôpitaux psychiatriques sont des instituts de santé mentale : deux instituts ont une vocation générale, soit l’Institut universitaire en santé mentale Douglas à Montréal et l’Institut universitaire de santé mentale de Québec à Québec, et le troisième, l’Institut Philippe-Pinel, a un mandat national en psychiatrie judiciaire. Quant aux autres hôpitaux psychiatriques, l’Hôpital Rivière-des-Prairies est spécialisé en pédopsychiatrie (Montréal) alors que les deux derniers, l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal et l’Hôpital Pierre-Janet en Outaouais, ont une vocation générale en psychiatrie. Faisant partie des réseaux universitaires intégrés de santé (RUIS), ces milieux se divisent la couverture de l’ensemble des régions du Québec pour leurs services de troisième ligne. Ceux-ci offrent une expertise très spécialisée pour les troubles de la personnalité, les troubles anxieux et dépressifs, les troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments ainsi que les troubles psychotiques, incluant les premières psychoses et les troubles psychotiques réfractaires. Le PASM 2015-2020 illustre le cheminement d’un client au sein du continuum en santé mentale en désignant les niveaux de services par les termes services généraux, services spéciques, services spécialisés et services surspécialisés .
1.4.3
Piliers de la transformation des services
Rétablissement Mener une vie enrichissante et satisfaisante, malgré la présence de symptômes et de décits liés au
26
Partie 1
trouble mental, caractérise l’expérience du rétablissement (Provencher & Keyes, 2010, 2011). Celui-ci implique des changements positifs dans le rapport à soi, aux autres et à l’environnement (Noiseux & Ricard, 2005 ; Onken, Craig, Ridgway et al., 2007). L’espoir dans une meilleure qualité de vie, la consolidation du pouvoir d’agir sur la gestion du trouble mental, l’optimisation de la santé mentale positive de même que l’accès à des ressources dans la communauté (p. ex., un logement, un travail, des loisirs, des activités sociales) représentent tous d’importants leviers à la promotion du rétablissement. Comme la signication du rétablissement de même que ses objectifs varient d’une personne à l’autre, les besoins en matière de services sont extrêmement diversiés et ne peuvent être comblés que par une gamme variée de services (Anthony, 2002). Ceux-ci se rapportent à l’intervention de crise, au traitement, à la réadaptation et à la réinsertion sociale, au suivi communautaire (p. ex., la liaison avec des ressources), à l’enrichissement de la personne (p. ex., le soutien à l’optimisation de la santé mentale positive), au soutien relatif à des besoins de base, à l’entraide entre pairs, à la défense des droits ainsi qu’à la prévention et à la promotion du mieux-être (p. ex., le dépistage de troubles physiques, le soutien à l’adoption de saines habitudes de vie). La gamme de services met en évidence l’importance d’offrir des interventions professionnelles et non professionnelles, comme le soutien entre pairs. Elle souligne aussi la pertinence de miser sur des interventions qui ont pour but l’amélioration de la santé mentale et de la santé physique, reposant sur une approche globale des soins. De plus, l’ensemble des services met en relief des actions qui se rapportent à la fois à la personne et à l’environnement. Par exemple, les services de réadaptation offrent du soutien à la reprise de rôles (travail, études, loisirs) en aidant la personne à acquérir les habiletés nécessaires et en contribuant à accroître les possibilités de réinsertion dans la société par l’entremise d’actions intersectorielles (p. ex., dans les secteurs de la santé, de l’emploi, de l’éducation, des loisirs). La gamme de services propose donc des stratégies à composantes multiples qui reposent sur une vision globale et intégrée des soins à offrir aux personnes ayant des troubles mentaux graves. Les stratégies à composantes multiples sont d’ailleurs à la base du modèle Expanded Chronic Care Model utilisé pour organiser et offrir les soins et les services aux personnes atteintes de dépression ou de troubles anxieux (Barr, Robinson, Marin-Link et al., 2003 ; Dubé, 2006).
Soins basés sur la collaboration Les soins basés sur la collaboration (ou soins partagés) reconnaissent le client et ses proches comme des membres à part entière de l’équipe en santé mentale, et ils misent sur l’expertise qu’ils ont acquise au l
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
• Tous les services sont partie intégrante d’un système interdépendant de soins.
• Aucun programme ne peut offrir seul tous les services nécessaires à une personne. • Les rôles et les responsabilités doivent être clairs. • Alors qu’un dispensateur peut agir comme leader, les autres services doivent demeurer impliqués et disposés à réactiver les soins rapidement si nécessaire.
clinique
Jugement
de leurs expériences avec la maladie. Le principe d’autodétermination a pour corollaire la participation active du client et de ses proches à l’ensemble des décisions relevant de l’offre des services, ainsi que la prise en compte de leurs préférences en matière de traitement. Bien informés, le client et ses proches seront en mesure de faire un choix éclairé quant aux soins et aux services. Leur participation active s’insère aussi dans la perspective de l’offre de mesures de soutien qui ciblent le renforcement de leurs capacités d’autosoins dans la gestion du trouble mental ainsi que l’optimisation de la santé mentale.La nécessité d’améliorer les approches de soins basés sur la collaboration se trouve au centre des orientations ministérielles depuis plusieurs décennies dans le domaine de la santé mentale. De meilleures pratiques de soins partagées doivent être mises en œuvre à tous les niveaux de services, entre les intervenants de la première ligne, ceux de la deuxième ligne, les psychologues, les omnipraticiens, les services sociaux courants, les organismes communautaires et tout autre service concerné. En travaillant ensemble, tous ces intervenants pourront assurer à une personne les services nécessaires au moment où elle en a besoin. Les soins basés sur la collaboration reposent sur les principes suivants (Kates, 2002).
Anita Bodic est une mère de famille monoparentale âgée de 35 ans. Sa lle de 14 ans s’adonnerait à de la prostitution pour payer la drogue de son ami de cœur qui, lui, est âgé de 18 ans. Ce dernier serait membre d’un gang de rue. Découragée et se sentant démunie, madame Bodic consulte un psychologue, car elle ne sait pas comment sortir sa lle de ce cercle malsain. À quel niveau de services en santé mentale madame Bodic s’adresse-t-elle ?
• Les relations de collaboration sont basées sur le respect mutuel et la conance. • Les modèles de collaboration doivent être adaptés à la disponibilité de ressources, aux habiletés respectives et au confort des partenaires. • Les partenaires peuvent se soutenir les uns les autres et partager les ressources. • Les clés d’une collaboration réussie sont les contacts personnels solides et une communication régulière et claire. Le travail en collaboration implique une connaissance des principaux rôles des membres de l’équipe en santé mentale TABLEAU 1.5.
TABLEAU 1.5
Rôles de divers intervenants en santé mentale et en psychiatrie
PROFESSION
FORMATION
RÔLES
Psychiatre
Médecin spécialisé
Faire l’admission des clients dans les établissements, prescrire des médicaments et tout autre traitement somatique (p. ex., l’électroconvulsivothérapie), offrir de la psychothérapie.
Médecin
Professionnel détenant un doctorat en médecine
Évaluer et diagnostiquer toute décience de la santé, prévenir et traiter les maladies dans le but de maintenir la santé ou de la rétablir chez l’être humain en interaction avec son environnement.
Psychologue
Professionnel détenant un doctorat en psychologie
Évaluer le fonctionnement psychologique et mental ainsi que déterminer, recommander et effectuer des interventions et des traitements dans le but de favoriser la santé psychologique et de rétablir la santé mentale de l’être humain en interaction avec son environnement.
Inrmière
Professionnelle détenant un diplôme d’études collégiales en soins inrmiers ou un baccalauréat en sciences inrmières
Évaluer l’état de santé, déterminer et assurer la réalisation du plan de soins et de traitements inrmiers, prodiguer les soins et les traitements inrmiers et médicaux dans le but de maintenir et de rétablir la santé de l’être humain en interaction avec son environnement, prévenir la maladie ainsi que fournir les soins palliatifs.
Inrmière clinicienne spécialisée en santé mentale et psychiatrie
Inrmière ayant une formation de deuxième cycle universitaire
Évaluer les troubles mentaux (fait partie des activités réservées de l’inrmière dans le cadre de la Loi modiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines), offrir de la psychothérapie à la suite de l’obtention d’un permis délivré par l’Ordre des psychologues du Québec, soutenir l’acquisition de compétences du personnel inrmier par l’offre de formation en cours d’emploi, de consultation et de supervision.
Chapitre 1
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les besoins des personnes atteintes d’un trouble mental sont extrêmement diversiés et ne peuvent être comblés que par une gamme variée de services et par plusieurs professionnels de la santé.
Perspectives en santé mentale : notions fondamentales et dés
27
1
TABLEAU 1.5
Rôles de divers intervenants en santé mentale et en psychiatrie (suite)
PROFESSION
FORMATION
RÔLES
Travailleur social
Professionnel ayant une formation de premier cycle universitaire pour intervenir en santé mentale
Évaluer le fonctionnement social, déterminer un plan d’intervention et en assurer la mise en œuvre ainsi que soutenir et rétablir le fonctionnement social de la personne en réciprocité avec son milieu dans le but de favoriser le développement optimal de l’être humain en interaction avec son environnement.
Ergothérapeute
Professionnel ayant une formation de deuxième cycle universitaire
Évaluer les habiletés fonctionnelles, déterminer et mettre en œuvre un plan de traitement et d’intervention, développer, restaurer ou maintenir les aptitudes, compenser les incapacités, diminuer les situations de handicap et adapter l’environnement dans le but de favoriser l’autonomie optimale de l’être humain en interaction avec son environnement.
Technicien en loisirs ou récréologue
Professionnel ayant une formation collégiale ou universitaire
Organiser des activités sociales, sportives et artistiques qui ont une visée psychoéducative et qui contribuent à l’acquisition de compétences de base chez la personne, dont l’estime de soi et les habiletés de communication.
Préposé aux bénéciaires
Professionnel avec un diplôme d’études professionnelles ou une attestation d’études collégiales
Offrir d’aider la personne pour les soins d’hygiène et d’autres activités quotidiennes.
Source : Adapté de Ofce des professions du Québec (OPQ) (2013).
1.4.4
3 Les rôles réservés à l’inrmière en santé mentale sont présentés en détail dans le chapitre 3, Principes de la pratique inrmière en santé mentale.
Dés de la pratique inrmière en santé mentale
La réforme des services et les changements d’ordre législatif ont été d’importants incitatifs pour revoir les rôles et les compétences attendues de l’inrmière en santé mentale ainsi que les programmes de formation inrmière (Ordre des inrmières et inrmiers du Québec [OIIQ], 2009) 3 . La consolidation de la pratique inrmière en santé mentale et le développement de la pratique inrmière avancée en santé mentale représentent des enjeux cruciaux pour l’avenir de la profession. En 2013-2014, près de 4 200 inrmières, soit environ 6 % des 73 145 inrmières québécoises, exerçaient leur profession dans le domaine de la santé mentale (OIIQ, 2014) FIGURE 1.6 . La majorité (57 %) d’entre elles exercent leur pratique en soins spécialisés ou surspécialisés. Par contre, depuis 2009-2010, les soins en santé mentale de première ligne comptent quelque 100 inrmières de plus, alors que les soins spécialisés et surspécialisés en dénombrent une centaine de moins. Cet élargissement de la pratique inrmière en santé mentale dans l’offre de services généraux représente une tendance qui devrait s’accentuer dans les années à venir, compte tenu de
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Partie 1
FIGURE 1.6 Environ 6 % des inrmières québécoises exercent leur profession dans le domaine de la santé mentale.
l’accroissement des troubles mentaux et de l’objectif visant la consolidation des services de première ligne établie par le MSSS, d’une part, et du vieillissement de la population et des problèmes de morbidité qui y sont liés, d’autre part. Ce portrait de l’exercice inrmier en santé mentale souligne la nécessité de renouveler l’effectif inrmier et de pouvoir compter sur une relève compétente dans ce domaine. À cet égard, le Comité d’experts sur la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques recommande d’établir des prols de pratique inrmière
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
en fonction du continuum de la formation (OIIQ, 2009). Ainsi, il est suggéré de voir la formation collégiale comme préparant les inrmières à exercer leur profession auprès des personnes ayant des problèmes de santé mentale ou des troubles mentaux qui utilisent des services de santé physique. Quant aux programmes de baccalauréat (c.-à-d. DEC-BAC ou baccalauréat initial), ils sont vus comme préparant à la pratique inrmière en santé mentale dans les trois lignes de services, alors que la formation offerte à la maîtrise en sciences inrmières cible la pratique avancée en santé mentale, dont l’acquisition de compétences associées aux activités de soins complexes dans les trois lignes de services. De plus, le rapport du comité d’experts souligne deux importants enjeux liés à la consolidation de la pratique inrmière en santé mentale au Québec et qui sont aussi d’intérêt pour assurer l’avenir de cette pratique dans d’autres pays, dont les États-Unis (Institute of Medicine, 2010). Il s’agit de rehausser la formation (p. ex., augmenter les heures de formation théorique et pratique au cégep et à l’université) et de soutenir l’actualisation des compétences des inrmières, incluant l’offre accrue de formation continue et de supervision. Ces deux enjeux s’insèrent dans un contexte où la transformation des services en santé mentale demeure inachevée et comporte plusieurs lacunes (Commissaire à la santé et au bien-être, 2012 ; Fleury, Latimer & Vallée, 2010 ; Latimer, 2005 ; Lecomte, 2008 ; Lesage, Bernèche & Bordeleau, 2010 ; Protecteur du citoyen, 2015 ; Vallée, Poirier, Aubé et al., 2009). Tout d’abord, l’intégration des trois niveaux de services est inégalement implantée dans les diverses régions du Québec, d’où l’importance de renforcer les liens de collaboration entre les services de la première et de la deuxième ligne. Deuxièmement, l’accès aux services de première ligne en santé mentale demeure problématique, les délais d’attente pouvant atteindre plusieurs mois. À cela s’ajoute le nombre insufsant d’équipes offrant des services de suivi intensif dans le milieu ou de soutien d’intensité variable. La quatrième lacune concerne le manque de continuité entre les services des secteurs jeunesse et adulte pour les usagers qui atteignent l’âge de 18 ans. Le manque de continuité constitue aussi une lacune qui caractérise les services offerts à la clientèle adulte. Finalement, la lutte contre la stigmatisation, les pratiques fondées sur des résultats probants ainsi que le dépistage de la dépression, de la toxicomanie et des troubles d’apprentissage (p. ex., la dyslexie) en première ligne représentent des domaines à consolider. En dépit de ces lacunes, la réforme des services en santé mentale est bien amorcée et repose sur de nouvelles structures d’organisation des services. Consolider les pratiques professionnelles à l’intérieur de ces
structures représente un important objectif qui recoupe le renforcement des soins basés sur la collaboration et d’une culture des services de première ligne (MSSS, 2011). L’avenir de la pratique inrmière en santé mentale implique la relève de plusieurs dés. Ceux-ci représentent d’ailleurs d’importants leviers pour combler les lacunes liées à l’offre des services en santé mentale et pour promouvoir le leadership de l’inrmière à l’égard de l’amélioration de la santé et du bien-être de la population au Québec. Quatre dés ciblent les trois niveaux de services et touchent l’ensemble des inrmières. Le premier dé concerne le plus grand recours à des pratiques fondées sur des résultats probants, celles-ci demeurant sous-utilisées par les inrmières et les autres professionnels. Le deuxième dé se rapporte au décloisonnement des soins physiques et psychiatriques. La prévalence des troubles physiques chez la clientèle psychiatrique de même que des troubles mentaux chez la clientèle atteinte de maladies physiques chroniques renvoient à des interventions inrmières basées sur l’approche globale des soins, que ce soit dans le cadre de services généraux de première ligne, de services spécialisés en santé physique (p. ex., en oncologie, en médecine-chirurgie) ou de services en santé mentale (Adams, 2008 ; MSSS, 2011). Le troisième dé réside dans le renforcement des soins basés sur la collaboration, accentuant la participation active de la personne et des membres de sa famille et les liens de partenariat avec les professionnels impliqués dans l’offre de services. Le quatrième et dernier dé consiste à poursuivre la lutte contre la stigmatisation, dont l’offre d’information sur les troubles mentaux à la population et l’accroissement des possibilités d’inclusion sociale de la clientèle en intervenant auprès de ressources dans la communauté. En ce qui concerne les dés liés à la première ligne, les infirmières qui travaillent en GMF peuvent soutenir les omnipraticiens en étant plus impliquées dans le suivi conjoint des personnes ayant des troubles mentaux modérés. Le dépistage précoce de troubles mentaux, comme la toxicomanie et la dépression, représente également un rôle à consolider chez l’inrmière de même que les fonctions d’intervenante pivot et d’agente de liaison. Quant à la pratique inrmière en deuxième et troisième lignes, elle concerne, entre autres, la thérapie de milieu orientée vers le rétablissement (Oeye, Bjelland, Skorpen et al., 2009), incluant la promotion du soutien entre pairs sur les unités d’hospitalisation (Bouchard, Montreuil & Gros, 2010 ; Repper & Carter, 2011) et l’utilisation thérapeutique des mesures de contrôle (p. ex., l’isolement, les contentions) (Larue, Dumais, Ahern et al., 2009). Chapitre 1
1 Le rapport intitulé La pratique inrmière en santé mentale : une contribution essentielle à consolider du Comité d’experts sur la pratique in rmière en santé mentale et en soins psychiatriques est accessible dans la section Publications du site Internet de l’OIIQ au www.oiiq.org.
éactivation des connaissances En vous basant sur l’ar ticle 36 de la Loi sur les inrmières et les inrmiers, expliquez quelle est la nalité de l’évaluation de la condition physique et mentale d’une personne par l’inrmière.
Le Réseau Qualaxia (www. qualaxia.org) fournit des renseignements sur la pro motion de la santé mentale et sur le traitement en première ligne des personnes ayant des troubles dépressifs ou des troubles anxieux.
Perspectives en santé mentale : notions fondamentales et dés
29
24 Le traitement des personnes ayant un trouble mental et un problème d’abus de substances est présenté dans le chapitre 24, Comorbidité et clients atteints de troubles concomitants.
Tableau 1.1W : Dés de la pratique inrmière en santé mentale au Québec.
Relativement aux dés liés à l’intégration des trois niveaux de services, les interventions inrmières, comme celles des autres professionnels, demandent à être consolidées à l’égard du traitement des personnes ayant à la fois des troubles mentaux et de toxicomanie 24 . Cela inclut de la formation croisée entre les spécialistes en toxicomanie et ceux de la santé mentale. Un autre dé se rapporte au suivi systématique de la clientèle en santé mentale. Les inrmières sont très engagées dans ce domaine, et l’implantation accrue de modèles de suivi systématique est une voie à privilégier pour gérer l’épisode de soins et améliorer la continuité des services (MSSS, 2011). Finalement, la plus grande promotion du rôle de professionnel répondant chez les inrmières de deuxième et de
Analyse d’une situation de santé Diane Rochette est inrmière en santé scolaire au niveau collégial. Hier, en n de journée, Amélie Vaillancourt, une étudiante de dernière session en technique d’éducation à l’enfance (TEE) s’est suicidée. Stéphanie, sa meilleure amie, croit qu’Amélie s’est suicidée
troisième ligne représente un autre dé. Leur expertise clinique peut être utilisée davantage pour actualiser les compétences en santé mentale de leurs collègues de première ligne, dont l’offre de soutien et de conseils, du mentorat et de la formation . L’inrmière peut apporter une contribution signicative dans la réponse aux besoins des personnes présentant une problématique de santé mentale et à ceux de leurs proches. Avant tout, il importe que toutes les inrmières, individuellement et collectivement, saisissent leur rôle par rapport à la santé mentale de la population (Page & Banville, 2011). Quel que soit son milieu de pratique, chacune doit se sentir concernée par les moyens à mettre en œuvre pour prévenir et traiter les troubles mentaux.
Jugement clinique parce qu’elle a échoué son stage de n d’études. Ses camarades de classe sont atterrés. Les cours en TEE ont été suspendus pour la journée. Après avoir communiqué avec le psychologue du collège, l’inrmière propose une rencontre de groupe an de discuter du malheureux événement.
Mise en œuvre de la démarche de soins
Collecte des données – Évaluation initiale – Analyse et interprétation 1. Qui devrait assister à cette rencontre ? 2. Quelles données les deux intervenants devraient-ils rechercher chez la clientèle ciblée au cours de cette rencontre ? SOLUTIONNAIRE
N’ayant détecté aucun signe laissant suspecter un risque suicidaire chez leur amie, trois collègues de classe ont exprimé leur grande peine de l’avoir perdue. Elles pleurent et trouvent incompréhensible qu’elle se soit
suicidée et ne comprennent pas qu’elle ne leur ait jamais parlé de ses difcultés. « On comprend que c’est difcile d’accepter un échec, mais de là à mettre n à ses jours... », disentelles.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
3. D’après ces nouvelles données, quel problème l’inrmière peut-elle dépister chez ces trois étudiantes ?
30
Partie 1
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
écemment vu dans ce chapitre
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
Planication des interventions – Décisions inrmières 4. À quel niveau de prévention ce genre d’intervention correspond-il ? 5. Les intervenants devraient-ils aborder le sujet des comportements indicateurs d’une personne suicidaire ? Justiez votre réponse.
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution 6. Comment les intervenants pourraient-ils vérifier que la rencontre a été bénéfique pour la clientèle visée ?
APPLICATION DE LA PENSÉE CRITIQUE Dans l’application de la démarche de soins auprès de cette clientèle étudiante, l’inrmière a recours à un ensemble d’éléments (connaissances, expériences antérieures, normes institutionnelles ou protocoles, attitudes professionnelles) pour analyser la situation de santé de la clientèle cible et
1
Si l’étudiante qui s’est suicidée avait survécu, quels niveaux de service auraient été requis pour assurer son suivi ? Outre les soins physiques pour soigner les blessures, quel sera le rôle prioritaire de l’inrmière lorsque l’étudiante qui a tenté de mettre n à ses jours sera admise à l’unité de santé mentale ?
en comprendre les enjeux. La FIGURE 1.7 illustre le processus de pensée critique suivi par l’inrmière an de formuler son jugement clinique. Elle résume les principaux éléments sur lesquels l’inrmière s’appuie en fonction des données de cette clientèle, mais elle n’est pas exhaustive.
VERS UN JUGEMENT CLINIQUE CONNAISSANCES
EXPÉRIENCES
NORME
ATTITUDES
• Caractéristiques de la dynamique d’un groupe d’étudiants de niveau collégial • Comportements indicateurs du risque suicidaire • Impacts physiques, psychologiques et sociaux du suicide d’une collègue • Interventions de prévention en santé mentale, quel que soit le niveau de prévention • Évaluation de la condition physique et mentale d’une personne symptomatique
• Expérience de travail auprès d’une clientèle étudiante • Collaboration avec d’autres intervenants en santé mentale • Expérience d’avoir eu une personne de son entourage personnel ayant eu des intentions suicidaires ou étant passée à l’acte • Expérience en relation d’aide et en animation de groupe
• Règles locales de fonctionnement pour ce genre d’intervention
• Faire preuve d’ouverture pour que les participants puissent s’exprimer librement • Se montrer disponible pour apporter une aide plus soutenue aux personnes plus sérieusement affectées
PENSÉE CRITIQUE
ÉVALUATION • • • •
Perception de l’événement par la clientèle étudiante Émotions ressenties à la suite de l’annonce du suicide d’une collègue de classe Moyens dont dispose la clientèle cible pour faire face à la situation Impacts physiques et psychologiques de l’événement qui s’est produit (p. ex., des troubles du sommeil, une difculté de concentration, de l’anxiété) • Besoins d’aide particulière pour certaines personnes plus affectées et se sentant démunies devant une telle situation • Risque suicidaire et risque de passage à l’acte
JUGEMENT CLINIQUE FIGURE 1.7
Application de la pensée critique à la situation clinique de madame Rochette
Chapitre 1
Perspectives en santé mentale : notions fondamentales et dés
31
Santé mentale et services dans la communauté
Chapitre
2
2
Écrit et mis à jour par : Marie-Claude Jacques, inf., Ph. D. (c) D’après un texte de : Alwilda Scholler-Jaquish, RN, PhD
MOTS CLÉS Famille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Infirmière intervenante pivot . . . . . . . . Itinérance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Judiciarisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Milieux de vie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pleine citoyenneté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Rétablissement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Soins communautaires . . . . . . . . . . . . . . Soins par étapes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Soins partagés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Stigmatisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
OBJECTIFS 39
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez être en mesure :
36
• de décrire les fondements des soins communautaires en santé mentale ;
45 46 39 38 38 34 37 37 38
• de reconnaître les signes d’un trouble mental grave ; • de présenter les ressources d’hébergement disponibles dans la communauté pour les clients atteints de troubles mentaux ; • d’expliquer les divers traitements sans hospitalisation offerts dans la communauté ; • d’expliquer les éléments qui entrent en jeu dans la problématique des personnes en situation d’itinérance ; • de déterminer les facteurs qui contribuent à l’incarcération d’une personne atteinte d’un trouble mental.
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À retenir Carte conceptuelle Dossier vidéo Ressources Solutionnaire de l’Analyse d’une situation de santé
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Solutionnaire des questions de Jugement clinique Solutionnaire des questions Réactivation des connaissances Solutionnaire des questions Récemment vu dans ce chapitre Solutionnaires du Guide d’études
Guide d’études – RE08
32
Partie 1
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
Concepts clés
Cette carte conceptuelle illustre schématiquement les principaux concepts décrits dans le présent chapitre. Sa lecture vous permettra d’avoir une vue d’ensemble des notions qui y sont présentées.
2
constituent
ont pour objectifs
Santé mentale et services dans la communauté
offerts dans
et clientèles particulières
rôles de l’inrmière
Chapitre 2
Santé mentale et services dans la communauté
33
PORTRAIT
Marc Robitaille Marc Robitaille, âgé de 45 ans, est atteint depuis longtemps de schizophrénie paranoïde persistante. Il vit dans une habitation à loyer modique (HLM) et participe cinq jours par semaine aux activités d’un centre de jour en santé mentale, notamment aux ateliers de menuiserie et aux séances de musicothérapie. Chaque client du centre est invité à s’impliquer, et les principales tâches de monsieur Robitaille sont de laver la vaisselle et de servir la nourriture. Dans l’environnement du centre, monsieur Robitaille a un comportement social adéquat et est aimable. Il ne manifeste aucun symptôme positif d’hallucinations ou de délires, mais il présente certains symptômes négatifs d’athymie, d’apathie, de mauvaise hygiène personnelle et de perturbation de ses habiletés fondamentales. Monsieur Robitaille a exprimé le désir de prendre l’autobus, et l’inrmière lui offre de se rendre chez lui pour lui montrer le trajet de son appartement au centre de jour. Lorsque l’inrmière arrive chez monsieur Robitaille, elle constate que son appartement pose un risque pour sa santé. Les comptoirs de la cuisine sont couverts de vaisselle sale, de restes d’aliments moisis et de coquerelles. Du linge sale traîne partout dans l’appartement et cela sent mauvais. Monsieur Robitaille a caché un salami sous le sofa, car il craint que les voisins viennent le lui voler dans son réfrigérateur. Il y a des brûlures de cigarette sur le sofa et le lit. Il n’y a aucune serviette dans la salle de bain ; monsieur Robitaille déclare qu’il ne prend pas de bain et ne se lave pas les mains après être allé aux toilettes.
2.1 23 Les responsabilités de l’inrmière au sein de la communauté sont dénies dans le chapitre 23, Soins inrmiers et suivis dans la communauté.
1 Les orientations et objectifs du Plan d’action en santé mentale sont expliqués au chapitre 1, Perspectives en santé mentale : notions fondamentales et dés.
34
Partie 1
Concept de communauté
En sciences inrmières, la communauté est dénie comme un groupe ou une collectivité de personnes fondé sur une localité, interagissant en unité sociale, et partageant des intérêts, des caractéristiques, des valeurs ou des buts communs (McEwen & Nies, 2011). De nos jours, les personnes atteintes de troubles mentaux ne sont plus systématiquement institutionnalisées. Ces personnes jouissent, en théorie, des mêmes droits et libertés que les autres citoyens et peuvent habiter là où elles le désirent. Ici, la notion de communauté renvoie d’abord au fait de ne pas être enfermé contre son gré dans un établissement de santé et donc d’habiter au même endroit que l’ensemble de la population. L’accent est mis sur les soins ambulatoires et communautaires. Ces soins sont offerts dans divers contextes (p. ex., en milieu hospitalier, en centre
de réadaptation en santé mentale, au domicile du client et dans plusieurs autres milieux de vie autonome ou semi-autonome). En particulier, les soins inrmiers englobent une variété de traitements, de méthodes et d’activités dont l’objectif est de satisfaire les besoins des clients, notamment ceux qui sont atteints d’un trouble mental grave et qui tentent de conserver une place stable au sein de la communauté 23 .
2.1.1
Santé publique
La santé publique est une combinaison d’actions concertées (programmes, services, politiques) visant la protection et l’amélioration de la santé d’une population (Association canadienne de santé publique, 2010). Au Québec, la Loi sur la santé publique adoptée en 2001 (RLRQ, chapitre S-2.2) et le Programme national de santé publique 2003-2012 forment le cadre pour l’organisation et la structuration des services en santé mentale. Cette loi a pour objet la protection de la santé de la population et la mise en place de conditions favorables au maintien et à l’amélioration de l’état de santé et de bien-être de la population en général. Le Programme national de santé publique encadre les activités de santé publique aux niveaux national, régional et local. En harmonie avec le Programme national de santé publique, le Plan d’action en santé mentale 20152020 précise les orientations guidant la transformation des services dans le secteur de la santé mentale au Québec 1 . La responsabilité d’établir l’offre de services de santé et de services sociaux envers la population d’un territoire donné, tenant compte des caractéristiques de celle-ci, incombe aux centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) et aux centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS). En 2015, la mise en vigueur de la Loi modiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux a entraîné la disparition des agences de la santé et des services sociaux (ASSS) et la création de regroupements des services en 13 CISSS et 9 CIUSSS. Ainsi, le nombre de niveaux hiérarchiques passe de trois à deux, ce qui devrait améliorer l’accès aux services de santé pour la population, et l’efcience du réseau de la santé.
2.1.2
Santé communautaire
Les soins communautaires concilient à la fois la discipline des soins inrmiers et celle de la santé publique (Inrmières et inrmiers en santé communautaire du Canada, 2011). Ce sont les soins prodigués au client dans son milieu de vie. Au Québec, les soins communautaires en santé mentale ont émergé à la suite des premières vagues de désinstitutionnalisation du début des années 1960.
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
Les premières institutions psychiatriques ont vu le jour au Québec au cours du xixe siècle. En l’absence de traitements efcaces, les familles qui n’arrivaient alors plus à s’occuper de leurs proches atteints de troubles mentaux les envoyaient dans des institutions psychiatriques. Les clients y passaient parfois le reste de leurs jours. En 1961, le Québec comptait 16 établissements psychiatriques, hébergeant plus de 20 000 personnes (Bédard, Lazure & Roberts, 1962). La découverte des neuroleptiques, introduits dans la province en 1952, a contribué à modier la conception du trouble mental ; les personnes atteintes pouvaient être traitées et retournaient dans leur milieu (Perreault & Guibault, 2014). À partir des années 1960, des milliers de clients ont ainsi été « libérés » dans la communauté : selon Fleury et Grenier (2004), 5 789 lits de soins psychiatriques ont été fermés entre 1965 et 1975. La désinstitutionnalisation devait s’accompagner d’un déploiement des services dans la communauté destinés aux personnes atteintes de troubles mentaux qui sortiraient des asiles. Ces personnes se sont retrouvées dans leurs familles, dans des foyers d’hébergement nancés par le ministère de la santé et des Services sociaux (MSSS) ou dans des foyers privés, dans des chambres à faible coût, mais aussi dans la rue et dans les prisons. En effet, la communauté n’était pas toujours prête à les recevoir. À partir des années 1980, de nouvelles problématiques ont émergé : le manque d’accès aux services de santé mentale, l’accroissement du fardeau des familles, la judiciarisation et l’incarcération des personnes atteintes de troubles mentaux, l’itinérance et l’opposition de certaines municipalités à l’implantation de pavillons d’hébergement (Doré, 1987). Au cours des années 1980 et 1990, davantage de lits ont été fermés dans les centres hospitaliers psychiatriques et dans les unités psychiatriques des centres hospitaliers généraux. Une nouvelle clientèle était traitée : les jeunes de 18 à 35 ans qui n’avaient pas connu les asiles, mais qui vivaient des hospitalisations brèves et répétitives, en raison de la fermeture de lits et du raccourcissement des séjours hospitaliers (syndrome de la porte tournante). Ce phénomène s’explique principalement par une absence de services d’intégration sociale (Dorvil, Guttman, Ricard et al., 1997). La fermeture de lits dans les unités de soins physiques était justiée par l’évolution de la science médicale (faisant que les clients guérissent plus vite), mais elle a nui aux personnes atteintes de troubles mentaux. Si « la médication apaise les symptômes de la maladie mentale, elle ne guérit pas grand-chose » (Dorvil et al., 1997). De plus, les effets indésirables des psychotropes nuisent à un fonctionnement normal et, par conséquent, à une vie normale dans la communauté (p. ex., au fait de trouver un emploi, de se rebâtir un réseau social).
En 1998, un nouveau plan, le Plan d’action pour la transformation des services en santé mentale, est donc paru an de maintenir dans la communauté les personnes atteintes de troubles mentaux (MSSS, 1998). Il s’appuyait sur le principe général de l’appropriation du pouvoir et avait pour cibles prioritaires les adultes atteints de troubles mentaux graves ainsi que les enfants et les jeunes ayant des troubles mentaux. Le MSSS reconnaissait que la mise en place d’un système de services de santé mentale dans la communauté ne s’était pas encore véritablement concrétisée. Il mentionnait que même si les troubles mentaux graves ne touchaient que de 2 à 3 % de la population, ils représentaient 80 % des journées d’hospitalisation. Le rapport recommandait, entre autres, la mise en place d’équipes de suivi dans la communauté, de type intensif et non intensif, selon la gravité des troubles et la vulnérabilité des personnes. Par ailleurs, l’hospitalisation devait être réservée aux clients présentant une dangerosité pour eux-mêmes ou pour autrui, ou ayant une problématique complexe à traiter. Un ratio de 0,4 lit par 1 000 personnes était visé pour 2002.
2
Le PASM 2005-2010 poursuivait l’objectif d’intégration à la communauté et recommandait la modication des services résidentiels (MSSS, 2005). En 2005, il y avait encore au Québec environ 9 000 places dans des services résidentiels, dont plus de 6 000 dans des ressources d’hébergement à durée illimitée. (Cela concerne uniquement les ressources nancées par le MSSS et non les nombreuses ressources privées présentées dans la troisième section de ce chapitre.) Le PASM 2005-2010 préconisait la fermeture de la plus grande partie de ces lits pour transférer les ressources ainsi libérées, et accroître l’offre de logements autonomes avec soutien ainsi que l’offre de services dans la communauté. Le PASM 2015-2020 favorise toujours l’offre de logements autonomes avec soutien, de même que les services dans la communauté. Dans cette optique, chaque centre intégré poursuivra en déployant au moins 145 places pour 100 000 habitants en soutien d’intensité variable (SIV) et 55 places pour 100 000 habitants en suivi intensif dans le milieu (SIM) (MSSS, 2015).
2.2
Objectifs des soins communautaires
La plupart des soins et des services en santé mentale sont maintenant offerts dans la communauté. L’inrmière est appelée à soigner les personnes directement dans leur milieu de vie, ce qui implique des enjeux particuliers : elle se retrouve beaucoup plus près de la vie au quotidien de la personne soignée et doit adapter son intervention Chapitre 2
CE QU’IL FAUT RETENIR
La plupart des soins et des services en santé mentale sont maintenant offerts dans la communauté. L’inrmière est appelée à soigner les personnes directement dans leur milieu de vie, ce qui implique des enjeux particuliers.
Santé mentale et services dans la communauté
35
en conséquence FIGURE 2.1. De plus, elle doit posséder une ne connaissance des services offerts dans la communauté et des solutions d’hébergement proposées aux clients.
2.2.1 1 Des interventions de promotion et de prévention primaire, secondaire ou tertiaire sont exposées dans le chapitre 1, Perspectives en santé mentale : notions fondamentales et dés.
Plan d’intervention : Outil qui sert à la coordination des services lorsque plusieurs intervenants d’un même éta blissement offrent des services au client. Il contient les besoins du client, les objectifs poursuivis, les moyens à utiliser et la durée prévisible pendant laquelle des services devront lui être fournis.
Promotion et prévention
La promotion de la santé mentale et la prévention des troubles mentaux font partie du rôle de l’inrmière qui intervient dans la communauté. Plusieurs activités en ce sens contribuent à diminuer la prévalence des troubles mentaux dans la population, ainsi que l’aggravation de la maladie chez les personnes qui en sont atteintes. Ces mesures améliorent la santé de la population en général, diminuent l’absentéisme au travail, ainsi que la mortalité et la morbidité liées aux troubles mentaux (Cooper, 2011 ; Institut canadien d’information sur la santé, 2011). La promotion de la santé mentale concerne autant les individus que les collectivités. Elle cherche à maximiser la santé mentale et le bienêtre tant des personnes en bonne santé que des personnes atteintes de troubles mentaux. Les interventions de promotion portent sur les déterminants de la santé mentale afin d’augmenter le pouvoir d’agir et les capacités d’adaptation des communautés et de leurs membres (Commission de la santé mentale du Canada [CSMC], 2012). La prévention des troubles mentaux, pour sa part, a pour but de réduire l’incidence de la maladie
en agissant sur les facteurs de risque qui menacent la santé mentale des personnes, et ce, avant l’apparition des problèmes. Les mesures de prévention ciblent à la fois les facteurs de risque de trouble mental et les groupes de personnes vulnérables aux problèmes de santé mentale (CSMC, 2012) 1 . Les interventions de promotion et de prévention en santé mentale peuvent s’adresser à tous les groupes d’âge. Par exemple, les inrmières peuvent effectuer des interventions éducatives dans le but de prévenir l’abus de substances en milieu scolaire, effectuer le dépistage systématique de la dépression en groupe de médecine de famille ou encore promouvoir l’activité physique chez les aînés.
2.2.2
Continuité et partage des soins
Les troubles mentaux sont généralement dépistés et traités dans la communauté plutôt qu’au centre hospitalier, et les hospitalisations associées aux épisodes aigus de troubles mentaux sont de plus en plus courtes (MSSS, 2012). L’inrmière qui travaille dans la communauté a donc un rôle primordial à jouer pour la continuité des soins. Elle peut endosser un rôle d’agente de liaison et ainsi voir à la continuité des soins en vériant que le client, notamment celui qui vit une période de crise, ne se retrouve pas sans services à sa sortie du centre hospitalier ou du centre de crise. L’inrmière peut aussi avoir un rôle pivot et assurer la continuité des services à l’intérieur de l’équipe interdisciplinaire en utilisant le plan d’intervention, ou le plan de services individualisé 23 . L’inrmière intervenante pivot est la personne de l’équipe qui a la relation la plus étroite avec le client et ses proches. Elle assure la continuité des soins et des services à travers l’ensemble du système de santé, incluant les partenaires de la communauté, comme les organismes communautaires, le service de police local ou les résidences d’hébergement privées. La personne qui bénécie du suivi et ses proches font partie intégrante de l’équipe de soins et contribuent aux décisions les concernant tout au long du continuum de soins (MSSS, 2011).
23 Les responsabilités de l’inrmière agente de liaison ou intervenante pivot sont précisées dans le chapitre 23, Soins inrmiers et suivis dans la communauté.
36
Partie 1
FIGURE 2.1 Dans la communauté, l’inrmière intervient au quotidien et dans le milieu de vie du client.
L’interdisciplinarité est essentielle aux soins communautaires en santé mentale. L’inrmière est appelée à travailler en équipe avec plusieurs autres professionnels : psychologues, psychiatres, omnipraticiens, travailleurs sociaux, ergothérapeutes, psychoéducateurs, etc. Le pair aidant intègre de plus en plus les équipes de soins en santé mentale. Le PASM 2015-2020 prévoit sa présence dans au moins 30 % des équipes de SIV et dans 80 % des équipes de SIM (MSSS, 2015). L’interdisciplinarité désigne un travail conjoint des membres de l’équipe effectué dans l’intérêt du client. Les problématiques rencontrées sont souvent complexes et nécessitent le partage de l’expertise de chacun de façon à offrir les meilleurs soins. Cela signie donc un seul plan
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
Les soins partagés (ou soins axés sur la collaboration) sont recommandés. En effet, ce modèle d’organisation a pour but d’optimiser la coordination des services entre les omnipraticiens, les psychiatres et les équipes interdisciplinaires de santé mentale (Fleury, 2014). Particulièrement efcaces pour le traitement des troubles mentaux courants tels que les troubles anxieux et la dépression, les soins de collaboration favorisent une amélioration des symptômes, l’utilisation de la médication selon les lignes directrices et améliorent la qualité de vie des clients qui en bénécient (Archer, Bower, Gilbody et al., 2012). Au Québec, l’émergence des soins partagés est associée à une implication accrue des omnipraticiens, qui peuvent diagnostiquer et traiter une variété de troubles mentaux, mais aussi des équipes de santé mentale en première ligne des CISSS (Fleury, 2014). Par exemple, l’équipe de santé mentale de première ligne en CISSS peut se référer au psychiatre répondant de son territoire pour obtenir son avis sur un cas en particulier. Ce professionnel n’est pas le psychiatre traitant du client, mais il partage son expertise avec l’équipe de première ligne, ce qui permet à celle-ci de prendre des
décisions plus éclairées sur les orientations à dénir avec le client. La prestation de soins et de services fondés sur des pratiques collaboratives fait partie des principes directeurs établis dans le PASM 2015-2020.
2
clinique
Enn, les soins par étapes constituent une approche priKurt Merkel est âgé de 70 ans. Il habite avec son vilégiée pour les services en épouse atteinte de la maladie d’Alzheimer. C’est lui santé mentale au Québec. qui en prend soin, car il ne peut envisager l’idée de Il s’agit d’un modèle de soins la placer en centre d’hébergement. Monsieur Merkel de collaboration centrés sur le est aidé de ses enfants qui viennent à tour de rôle client et qui lui permettent de le libérer deux après-midis et deux soirées par recevoir des soins adaptés à semaine. Il peut ainsi participer à un groupe de ses besoins. Les étapes corresproches aidants où il échange avec d’autres pondent à la gravité du trouble personnes vivant une situation similaire. Quel mental. Ainsi, un trouble léger niveau de prévention est illustré par cette ne nécessite pas tous les soins situation ? et services que peut requérir un trouble mental grave. Il existe plusieurs types de soins par étapes. Par exemple, le modèle NICE (National Institute for Health and Clinical Excellence) pour le trouble dépressif associe à chaque stade du trouble des interventions cliniques démontrées comme étant efcaces ou recommandées par un consensus d’experts (Richards, 2012). La FIGURE 2.2 illustre ce modèle et révèle que trois des quatre prols cliniques du trouble dépressif peuvent être
Jugement
d’intervention auquel collaborent les divers professionnels, en partenariat avec le client et ses proches.
éactivation des connaissances Le rôle de proche aidant ne s’accomplit pas sans heurts et peut représenter une menace à la santé physique et mentale de la personne qui l’assume. Nommez au moins un impact bénéque associé au rôle de proche aidant.
FIGURE 2.2 précis du client.
Les soins par étapes permettent de cibler les interventions en fonction des besoins
Chapitre 2
Santé mentale et services dans la communauté
37
traités dans la communauté (Fournier, Roberge & Brouillet, 2012). Les soins sont de plus en plus spécialisés du bas vers le sommet de la pyramide. À la base, il s’agit des soins les moins intrusifs. Si la personne ne répond pas à ces interventions, ou les refuse, les interventions appropriées de l’étape suivante devraient lui être offertes (NICE, 2011).
comme normal d’être pauvre et sans emploi, juger que toutes les personnes ayant un trouble mental le sont et penser qu’il ne sert à rien d’essayer d’améliorer sa situation. L’autostigmatisation nuit même à la santé mentale des personnes, qui peuvent éviter de demander des services de peur d’être associées au groupe stigmatisé.
2.2.3
Le dévoilement de son trouble est notamment un enjeu important pour le client. Il s’expose à une stigmatisation accrue, mais, d’un autre côté, il peut ressentir du soulagement et du soutien s’il parvient à parler ouvertement de ses difcultés. La perception du public envers les troubles mentaux, la culture, le fait d’admettre ou non son trouble, ainsi que la perception des conséquences négatives du dévoilement inuent sur la décision de la personne de dévoiler ou non son trouble. Aussi, le dévoilement peut atteindre différents niveaux, allant du partage de son expérience devant des groupes à l’évitement social, en passant par un dévoilement sélectif lorsque la personne choisit avec parcimonie à qui elle révèle son trouble (Corrigan et al., 2011). Cela dit, c’est à la personne de décider si elle parle de son trouble et à qui elle le fait. L’ENCADRÉ 2.1 présente des interventions que l’inrmière peut mettre en place pour accompagner le client.
Intégration sociale
Les inrmières qui interviennent dans la communauté occupent une place privilégiée pour favoriser l’intégration sociale des personnes atteintes de troubles mentaux. Ces personnes vivent encore beaucoup d’exclusion sociale, ce qui nuit grandement à leur réadaptation. Qui plus est, plusieurs conditions associées aux troubles mentaux sont aussi des facteurs contribuant à l’exclusion sociale, telles la pauvreté et l’innocupation socioprofessionnelle (Fleury & Grenier, 2012).
Lutte contre la stigmatisation CE QU’IL FAUT RETENIR
L’autostigmatisation est une conséquence très préoccupante de la stigmatisation publique. La personne intériorise les attitudes négatives de la société à son égard, ce qui l’amène à se blâmer et à entretenir une faible estime d’elle-même. 1 Le rétablissement, pilier de la transformation des services en santé mentale, est déni en détail dans le chapitre 1, Perspectives en santé mentale : notions fondamentales et dés.
Jugement
clinique
38
Il existe deux types de stigmatisation: la stigmatisation publique et l’autostigmatisation. La stigmatisation publique se rapporte aux réactions de la population générale envers les personnes atteintes de troubles mentaux. Elle est alimentée par les manifestations de ces troubles et par les médias (Corrigan, Roe & Tsang, 2011). L’affect inapproprié, le manque de contact visuel, le fait de parler seul ou l’hygiène déciente sont autant de stigmates qui contribuent à former une opinion négative de la population envers les personnes atteintes de troubles mentaux. Les médias, pour leur part, contribuent à la stigmatisation en véhiculant l’idée que les personnes ayant des troubles mentaux sont dangereuses, qu’il s’agisse des médias de communication (journaux, télévision) ou des œuvres de ctions (téléromans, lms). La stigmatisation publique a un effet sur toute la société. Les proches de la personne atteinte d’un trouble mental vivent éventuellement de la honte et de la culpabilité, et le client éprouve de la difculté à accéder à des services de santé en soins physiques, de même qu’à un emploi de son choix ou à un logement adéquat (Corrigan et al., 2011).
Marie-Judes Bélizaire est âgée de 34 ans. Elle est d’origine haïtienne et se cherche un emploi de journaliste. Elle ne trouve pas de travail, car les employeurs refusent systématiquement de l’engager dès qu’elle dit être atteinte d’un trouble bipolaire. Elle a déjà fait une tentative de suicide alors qu’elle vivait un épisode dépressif. Actuellement, son état est plutôt stable, mais madame Bélizaire croit qu’elle est stigmatisée en raison de son état de santé mentale. Que pensez-vous de sa situation ?
Partie 1
L’autostigmatisation est une conséquence très préoccupante de la stigmatisation publique. La personne intériorise les attitudes négatives de la société à son égard, ce qui l’amène à se blâmer et à entretenir une faible estime d’elle-même. Elle croit alors qu’elle ne vaut rien parce qu’elle a un trouble mental (Corrigan et al., 2011). Par exemple, elle peut considérer
Rétablissement et réadaptation Malgré les difcultés qu’affrontent les personnes atteintes de troubles mentaux en raison de la stigmatisation, d’autres éléments contribuent toutefois à favoriser leur intégration sociale. Le rétablisse ment en santé mentale de même que la pleine citoyenneté pour les personnes atteintes sont des objectifs importants des politiques publiques. De fait, il existe au Québec et au Canada une volonté politique plusieurs fois manifestée de promouvoir le rétablissement à tous les paliers des services en santé mentale et dans toute la société. Le rétablissement implique que les inconvénients causés par un trouble mental n’empêchent pas la personne de réaliser ses objectifs personnels, ses rêves pour accéder à une vie satisfaisante et utile (CSMC, 2015 ; MSSS, 2013) 1 . Quant à la pleine citoyenneté, elle est dénie dans l’ENCADRÉ 2.2. Les regroupements communautaires en santé mentale adoptent souvent un modèle de réadaptation orienté sur le rétablissement et la pleine citoyenneté des personnes. Les services de réadaptation sont individualisés, centrés sur la personne, et ils misent sur une approche de collaboration avec celle-ci (CSMC, 2015). Les intervenants en santé mentale aident le client à normaliser ses relations, tant à l’égard de lui-même que d’autrui, an de lui permettre de s’intégrer en société.
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
2.2.4
Accompagnement de la famille
Les inrmières en santé communautaire occupent une place privilégiée pour soutenir les familles dont un membre est atteint de trouble mental. Autrefois, la famille était considérée comme un agent causal du trouble mental, et l’institutionnalisation devait permettre notamment de retirer les personnes de milieux jugés pathologiques (Leclerc & Thérien, 2012). Entre autres, la théorie des émotions exprimées a contribué à culpabiliser les familles dont un membre était atteint de schizophrénie. Selon cette théorie énoncée dans les années 1970, les rechutes seraient plus fréquentes chez les familles à forte expression émotionnelle (en raison d’attitudes intrusives et de commentaires critiques, en particulier de la mère) (Morin, 2012). Cependant, le lien entre les fortes émotions exprimées et les comportements négatifs de la personne atteinte de schizophrénie n’a pas été démontré de façon concluante (Leclerc & Thérien, 2012). Par la suite, la clientèle issue de la désinstitutionnalisation a augmenté le fardeau familial, les familles interpellées pour prendre soin de leur proche atteint n’étant pas outillées ni soutenues adéquatement pour faire face à ce dé (Thifault & Perreault, 2012). Le fardeau familial est dû, entre autres, aux problèmes pratiques, nanciers et organisationnels, comme la perte de loisirs, aux problèmes relationnels, ou encore au temps investi à prendre soin de la personne malade et à la surveiller (Chan, 2011). Aujourd’hui, la famille est appelée à prendre de plus en plus sa place dans l’intervention et à occuper trois rôles principaux : 1) un rôle d’accompagnateur du proche atteint de trouble mental, notamment quant à l’importance de pouvoir échanger de l’information avec l’équipe traitante ; 2) un rôle de client, car la famille éprouve aussi des besoins qui doivent être pris en compte ; 3) un rôle de partenaire, qui renvoie à l’implication (ou non) de la famille dans l’organisation des soins et des services, que ce soit à l’échelle locale, régionale ou provinciale (Bonin, Chicoine, Fradet et al., 2014). Outre la primauté de la personne, le partenariat avec les membres de l’entourage constitue une valeur sur laquelle le PASM 2015-2020 prend assise (MSSS, 2015) .
2.3
Milieux d’intervention et services
Les personnes atteintes de troubles mentaux sont de moins en moins hospitalisées, comme il a été expliqué dans la première section de ce chapitre. Les hospitalisations sont en général destinées aux personnes qui présentent un danger pour ellesmêmes ou pour autrui, une désorganisation
Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 2.1
Soutenir le client qui songe à dévoiler son trouble
• Évaluer avec la personne le pour et le contre du dévoilement. Considérer les implications à court et à long terme. • Considérer le dévoilement selon les situations (p. ex., le dévoilement à ses proches ou à son employeur).
2
trouble mental (en particulier un proche qui a dévoilé son trouble). • Diriger la personne vers un organisme communautaire en santé mentale pour y être conseillée (p. ex., un organisme de défense des droits).
• Suggérer au client de se faire conseiller par sa famille ou par un proche atteint de Source : Adapté de Corrigan et al. (2011).
ENCADRÉ 2.2
Pratiques organisationnelles axées sur la pleine citoyenneté
• Impliquer la personne et ses proches comme partenaires de l’organisation des services. • Assurer un partenariat entre les médecins, les intervenants, les gestionnaires et les utilisateurs de services dans la détermination des besoins et des services requis.
• Assurer la disponibilité des services de proximité. • Soutenir le respect et la valorisation des différences. • Développer des services pour tous, non ségrégués.
• Reconnaître l’apport spécique du réseau communautaire. Source : Mouvement international citoyenneté et santé mentale (MICSM) (2013).
importante du comportement ou qui ont besoin d’un traitement spécialisé. Le centre hospitalier n’est donc pas un milieu de vie, et il est plutôt considéré comme un service disponible parmi d’autres dans la communauté (Corin, Poirel & Rodriguez, 2011). La majorité des services en santé mentale sont en fait offerts directement dans la communauté et accessibles dans le milieu de vie des personnes qui en ont besoin.
2.3.1
Milieux de vie dans la communauté
Les milieux de vie des personnes atteintes de troubles mentaux sont multiples et déterminés principalement par le degré d’autonomie de cellesci, la gravité de leurs symptômes, la présence d’un soutien social ou du moins d’un intervenant, et leurs ressources nancières.
Hébergements autonomes Plusieurs personnes atteintes de troubles mentaux vivent dans leur famille, en particulier les jeunes qui sont malades depuis peu ou qui, à leur âge, seraient encore chez leurs parents même s’ils n’avaient pas un trouble mental. Le milieu de vie
Chapitre 2
Vidéo : Crise psychotique et famille.
CONSEIL CLINIQUE
Les femmes ayant un trouble mental grave présentent des risques élevés de victimisation, et les enfants dont un parent ou les deux sont atteints d’un trouble mental risquent fortement de souffrir, à leur tour, de problèmes ou de troubles physiques ou mentaux (Scholler-Jaquish, 2000). L’inrmière y porte une attention particulière et les oriente adéquatement.
Santé mentale et services dans la communauté
39
des clients est alors qualié de famille naturelle. Dans ce cas, l’inrmière a un accès facilité à la famille, et il lui est plus facile d’établir une relation de partenariat avec elle. Cependant, de nombreuses personnes atteintes de troubles mentaux vivent seules, en logement privé, et souvent dans la précarité en raison d’un faible revenu. Leur réseau social est signicativement restreint, et les intervenants constituent souvent la plus grande partie de ce réseau. Pourtant, le soutien social est essentiel an de favoriser le rétablissement, la qualité de vie et la capacité à faire face aux difcultés (Rössler, 2012). Par ailleurs, une étude effectuée au Québec en 2005 auprès de 351 participants atteints de trouble mental grave et vivant dans la communauté a révélé que 66 % d’entre eux vivaient de l’aide sociale et avaient donc un revenu annuel de moins de 12 000 $ (Fleury, Grenier, Bamvita et al., 2012). Une personne vivant de l’aide sociale (ce qui est souvent le cas des personnes ayant un trouble mental grave) reçoit mensuellement 616 $ si elle n’a pas de contraintes à l’emploi et 747 $ si elle a une contrainte majeure à l’emploi (Gouvernement du Québec, 2015). Toutefois, au Québec, le coût moyen d’un logement de deux chambres est de 677 $ (Société canadienne d’hypothèques et de logement, 2012). Les personnes atteintes de troubles mentaux qui vivent de façon autonome sont généralement locataires. Elles sont beaucoup plus susceptibles que la moyenne de vivre dans des logements insalubres, dans des quartiers défavorisés, et de consacrer une proportion plus élevée de leurs revenus au logement (Felx, Piat, Lesage et al., 2012). La maison de chambres est le type d’habitation le plus accessible ; de nombreuses personnes ayant un trouble mental grave habitent en chambre, parce qu’elles sont seules, en raison du faible coût (Gagné & Despars, 2012). Une autre option accessible est le logement privé (à but lucratif) ou un HLM, seul ou en colocation. Le loyer du HLM ne peut dépasser 25 % du revenu du locataire.
ENCADRÉ 2.3
Exemple de ressource de type familial
Une ressource de type familial permet au client d’acquérir autonomie et conance. Ainsi, une cliente d’une quarantaine d’années, atteinte d’un trouble d’anxiété généralisée et d’un trouble de personnalité limite, apprécie vivre dans une famille d’accueil avec sept autres pensionnaires et bénécier d’un suivi régulier de l’inrmière du CISSS. En raison de nombreuses hospitalisations depuis la n de
40
Partie 1
l’adolescence et d’un mode de vie désorganisé, elle n’a jamais vécu de façon autonome. Elle aime cet endroit où elle se sent en sécurité. Elle y apprend à interagir de façon adéquate avec les autres, en même temps qu’elle effectue diverses tâches domestiques. Elle espère pouvoir devenir assez habile pour accéder à un appartement supervisé où elle aurait plus d’intimité.
Hébergements semi-autonomes ou structurés Les personnes moins autonomes en raison des symptômes de leur trouble mental peuvent se tourner vers des ressources d’hébergement telles que les ressources intermédiaires ou de type familial, l’appartement supervisé (ou soutien au logement) et les résidences d’hébergement privées.
Ressources de type familial et intermédiaires Au Québec, il existe des ressources de type familial ou intermédiaires, à raison de 40 places par 100 000 habitants par territoire administratif (MSSS, 2005). Parmi la gamme de services requis pour les personnes atteintes d’un trouble mental, les standards ministériels en matière de services d’habitation et d’hébergement sont estimés à 60 places pour 100 000 habitants (MSSS, 2015). Une ressource de type familial offre des services d’assistance et de soutien (p. ex., une aide à l’hygiène, l’entretien de la literie, la préparation des repas, l’administration des médicaments, la surveillance, la gestion des comportements) pour un maximum de neuf adultes ou personnes âgées, et ce, dans un milieu offrant des conditions de vie se rapprochant le plus possible d’un milieu naturel (MSSS, 2014a) ENCADRÉ 2.3. Ce type de ressource prote au client incapable de tolérer le grand nombre de personnes qui résident dans les établissements de soins en commun, mais il s’avère plus difcile pour celui qui n’accepte pas l’intimité familiale. Une ressource de type intermédiaire offre aussi des services d’assistance et de soutien, mais dans un milieu différent. Le nombre de résidents varie selon le type d’organisation résidentielle. Il peut s’agir de maisons de chambres, de résidences de groupes ou autres (Felx et al., 2012). Ces milieux offrent une surveillance continue de leurs résidents : les intervenants fournissent la nourriture, le logement, ainsi qu’un suivi de l’adhésion au traitement et des habiletés de la vie quotidienne. Les appartements supervisés constituent d’autres ressources intermédiaires. La personne habite alors un appartement et bénécie d’un service de soutien dont l’offre peut varier de quelques heures par semaines à plusieurs heures par jour (Felx et al., 2012). Les résidents de ces milieux de vie reçoivent souvent un traitement ambulatoire au CISSS. L’avantage de ces ressources, comparativement aux ressources privées, est qu’une surveillance et un contrôle de la qualité des services sont garantis. De plus, ce type d’hébergement comprend un système pour recevoir les plaintes des usagers, le cas échéant. Cependant, leur accès est limité, étant donné le nombre restreint de places offertes, et ces endroits n’ont pas formellement de mission de réadaptation. Il s’agit d’hébergements simples réservés à des personnes ayant une perte d’autonomie
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
importante, en particulier les personnes âgées atteintes d’un trouble mental grave.
2.3.2
Ressources privées
Au Québec, la transformation des services en santé mentale vise notamment à en faciliter l’accès (MSSS, 2005). Ainsi, en première ligne, le rôle des omnipraticiens a été valorisé, les guichets d’accès en santé mentale ont été créés et des centres de crise ont été déployés partout au Québec.
Depuis la désinstitutionnalisation, diverses ressources privées qui peuvent garder en pension des personnes atteintes de troubles mentaux ont vu le jour. En fait, toute personne peut s’improviser hébergeur pour cette clientèle pourtant vulnérable. Il n’existe aucune loi ni réglementation qui encadre la pratique. En effet, ces milieux sont seulement assujettis à des règlements municipaux variables d’un endroit à l’autre, et plusieurs ne seraient pas connus des autorités municipales (Felx et al., 2012). Certains milieux privés sont tout à fait adéquats, mais, dans d’autres, les résidents peuvent être victimes d’abus ou de sévices (nanciers, physiques ou psychologiques), ou de négligence. Le TABLEAU 2.1 permet de comparer les conditions d’accès des diverses ressources d’hébergement et les enjeux qu’ils impliquent pour l’inrmière.
Accès aux services de santé mentale
Cliniques Les médecins omnipraticiens peuvent effectuer le diagnostic et le traitement de divers troubles mentaux. Entre 20 et 25 % des personnes qui ont déjà consulté un omnipraticien l’ont fait pour un problème de santé mentale (Fleury, 2014).
Il est primordial que l’inrmière qui prend soin d’une personne hébergée en ressource privée lui rende visite régulièrement et assure un suivi constant avec la ressource, et ce, an d’éviter des sévices, des abus ou toute forme de négligence.
Quel que soit le type de clinique, la personne présentant des symptômes de trouble mental peut y être évaluée. Un traitement est ensuite entrepris ou le client est adressé à un psychiatre de deuxième
TABLEAU 2.1
Milieux de vie dans la communauté
MILIEU DE VIE
CRITÈRES QUANT AU CLIENT
MODALITÉS D’ACCÈS
ENJEUX POUR L’INFIRMIÈRE
Famille naturelle
• Présente une condition mentale de préférence stable ; sinon, les symptômes ne doivent pas dépasser ce que la famille est en mesure de gérer.
• Non applicable
• Soutien et enseignement au client et à ses proches
Logement privé ou HLM
• Est stable.
• Revenu sufsant
• Partenariat avec le propriétaire ou avec l’intervenant communautaire en HLM
• Démontre qu’il possède la plupart des aptitudes nécessaires pour vivre de manière indépendante. • Réalise les activités de la vie quotidienne (AVQ) et les activités de la vie domestique (AVD) de façon satisfaisante.
• Disponibilité des logements
• Surveillance accrue de la condition mentale pour dépistage précoce des signes de rechute du trouble (décompensation), surtout en cas d’isolement social
• Organise son temps adéquatement.
• Est en mesure de s’entendre avec les autres. • Organise son temps adéquatement avec de l’aide.
• Dépistage des situations de discrimination envers le client • Dépistage des risques d’insalubrité
• Prend ses médicaments de façon responsable.
Ressource de type familial
2
ALERTE CLINIQUE
• Comité d’accès
• Partenariat avec les responsables de la ressource
• Se conforme aux règles de la maison et au plan de traitement (s’il y a lieu). • Réalise les AVQ de façon satisfaisante, avec de l’aide au besoin. • Prend ses médicaments de façon adéquate avec de l’aide.
Chapitre 2
Santé mentale et services dans la communauté
41
TABLEAU 2.1
Milieux de vie dans la communauté (suite)
MILIEU DE VIE
CRITÈRES QUANT AU CLIENT
MODALITÉS D’ACCÈS
ENJEUX POUR L’INFIRMIÈRE
Ressource intermédiaire (résidence de groupe)
• Tolère la vie en groupe.
• Comité d’accès
• Partenariat avec les responsables de la ressource
• Revenu sufsant
• Partenariat avec les intervenants de la ressource qui assurent la supervision
• Est en mesure de s’entendre avec les autres. • Organise son temps adéquatement. • Se conforme aux règles de la maison et au plan de traitement (s’il y a lieu). • Réalise les AVQ de façon satisfaisante. • Prend ses médicaments de façon adéquate.
Appartement supervisé
• Est stable. • Démontre qu’il possède le potentiel nécessaire pour vivre de manière indépendante.
• Comité d’accès
• Réalise les AVQ et les AVD de façon satisfaisante avec de l’aide. • Prend ses médicaments de façon responsable. • Organise son temps adéquatement. Résidence d’hébergement privée
• Est capable de communiquer ses difcultés et ses besoins.
• Revenu sufsant
• Tolère la vie en groupe. • Est en mesure de s’entendre avec les autres. • Organise son temps adéquatement. • Se conforme aux règles de la maison. • Réalise les AVQ de façon satisfaisante. • Prend ses médicaments de façon adéquate.
27 Les types de crise sont décrits dans le chapitre 27, Situation de crise.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les centres de crise offrent des services en tout temps, jour et nuit, aux personnes vivant une crise psychosociale ou psychiatrique.
42
Partie 1
• Surveillance accrue de la condition mentale pour dépistage précoce de décompensation, surtout en cas d’isolement social • Partenariat avec les responsables de la ressource • Surveillance de la qualité des services offerts (risques de sévices, d’abus et de négligence) • Surveillance accrue de la condition mentale pour dépistage précoce de décompensation
ligne, selon le cas. Les cas de dépression, notamment, sont la plupart du temps traités par des omnipraticiens et leurs équipes (Fournier et al., 2012).
recommandés) ; 5) repérer et dépister les conditions cliniques morbides et multimorbides ; et 6) orienter la personne et ses proches vers les ressources répondant à leurs besoins.
Guichets d’accès en santé mentale des centres de santé et de services sociaux
L’accès au guichet se fait par le service de l’accueil-évaluation-orientation-référence (AEOR) du CISSS, où toute personne qui en ressent le besoin peut se présenter, ou alors directement par l’entremise des partenaires tels que les salles d’urgence des centres hospitaliers ou les services de santé mentale de deuxième et de troisième lignes (MSSS, 2008a).
Les guichets d’accès en santé mentale des CISSS sont la porte d’entrée des demandes de service provenant de la communauté (MSSS, 2008a, 2011). Les services de ces guichets sont offerts par une équipe de professionnels en santé mentale, incluant le plus souvent des inrmières. Les membres de l’équipe ont une excellente connaissance des services, des mécanismes d’accès et des partenaires du réseau en santé mentale de leur territoire. L’équipe du guichet d’accès en santé mentale assume six rôles : 1) évaluer les demandes de services ; 2) amorcer des protocoles d’évaluation, de soins et de traitement ; 3) entreprendre le traitement autogéré (p. ex., proposer un outil d’autotraitement pour trouble anxieux léger) ; 4) gérer la liste d’attente (dont les délais d’accès aux services
Centres de crise Les centres de crise offrent des services en tout temps, jour et nuit, aux personnes vivant une crise psychosociale ou psychiatrique 27 . L’objectif de ces services est de réduire l’impact des facteurs qui précipitent la crise, de restaurer l’équilibre antérieur à celle-ci, de faire appel aux ressources personnelles du client et de mobiliser celles du milieu (Aimée, LeBlanc, Séguin et al., 2013). Le centre de crise offre des services d’évaluation, de référence, de suivi et d’hébergement à court terme.
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
2.3.3
Services institutionnels de traitement et de réadaptation
Les établissements (p. ex., les centres hospitaliers) offrent à la fois des services de traitement et de réadaptation en santé mentale dans la communauté. Les infirmières interviennent pour ces deux volets de soins, idéalement prodigués simultanément. Le traitement a pour but le soulagement des symptômes et de la détresse occasionnés par le trouble mental. Il relève de la prévention secondaire. Il comprend notamment la médication et les psychothérapies. La réadaptation psychosociale se distingue du traitement par une perspective plus large et relève de la prévention tertiaire. Celle-ci est destinée à prévenir la réapparition ou l’aggravation du trouble, et ce, dans le but de limiter son impact sur les fonctions, la longévité et la qualité de vie des personnes (Anthony & Farkas, 2009). La réadaptation psychosociale a donc pour objectif d’aider la personne à développer ses habiletés et à accéder aux ressources nécessaires pour y parvenir an d’avoir une vie réussie et satisfaisante dans le milieu de vie, de travail, d’apprentissage et social de son choix. Ce type de réadaptation favorise le rétablissement, la pleine intégration à la communauté et l’amélioration de la qualité de vie, comme il a été expliqué dans la deuxième section de ce chapitre.
Suivi intensif dans la communauté Il existe plus de 40 équipes de suivi intensif au Québec (Institut universitaire en santé mentale Douglas, 2012). Ce type de suivi en équipe interdisciplinaire est approprié en cas de trouble mental grave qui entrave sérieusement le fonctionnement de la personne sur une longue période. L’intensité de service signie ici des visites au client plusieurs fois par semaine et même plusieurs fois par jour (pas nécessairement par le même intervenant chaque fois). Le modèle le plus connu et le plus étudié est le modèle PACT, pour Program of Assertive Community Treatment, aussi appelé au Québec Suivi intensif dans le milieu. L’équipe de suivi intensif offre des traitements psychiatriques et des services de réadaptation, de soutien et d’accompagnement à un petit groupe de clients (moins de 20 clients par intervenant), et ce, directement dans leur milieu de vie. Ce suivi est d’une durée indéterminée, et il peut continuer pendant plusieurs années. Les inrmières ont plusieurs tâches : évaluer l’état de santé mentale et physique des clients ; participer au diagnostic, à l’élaboration du plan d’intervention individualisé interdisciplinaire ; déterminer et assurer la réalisation du plan de soins et de traitements inrmiers (PSTI) ; et collaborer au suivi de la clientèle atteinte
de troubles mentaux graves (Centre national d’excellence en santé mentale, 2012). Les programmes de suivi intensif ont démontré leur efcacité de façon signicative pour la clientèle atteinte de troubles mentaux graves à plusieurs égards : comparativement aux personnes ayant un suivi non intensif, ces clients ont plus tendance à poursuivre le suivi, ont un fonctionnement général amélioré, occupent plus souvent un emploi, ne deviennent pas des personnes en situation d’itinérance et connaissent des hospitalisations plus courtes. Ce type de suivi diminuerait également le risque de décès et de suicide (Dieterich, Irving, Park et al., 2010).
2
Soutien d’intensité variable Le soutien d’intensité variable évolue de quelques rencontres par semaine à quelques rencontres par mois, selon les besoins du client. L’inrmière fait partie d’une équipe interdisciplinaire, mais elle intervient individuellement auprès du client. Ce type de suivi vise essentiellement à accroître l’autonomie du client en l’aidant à acquérir des aptitudes individuelles et à y recourir. De plus, l’inrmière s’assure que l’état de la personne reste stable et peut intervenir rapidement au besoin (Gélinas, 2012).
Consultations externes et centres hospitaliers de jour
CE QU’IL FAUT RETENIR
La réadaptation psychosociale a pour objectif d’aider la personne à développer ses habiletés et à accéder aux ressources nécessaires pour y parvenir an d’avoir une vie réussie et satisfaisante dans le milieu de vie, de travail, d’apprentissage et social de son choix.
Les centres hospitaliers proposent des services à une clientèle non hospitalisée. En consultation externe, ils offrent des services ambulatoires d’évaluation, de consultation et de traitement. Les équipes sont composées de psychiatres, d’inrmières, de travailleurs sociaux, d’ergothérapeutes ou de psychologues. Il peut s’agir, par exemple, d’une consultation externe de suivi de la clozapine (Clozarilmd), destinée aux clients bénéciant de ce traitement qui nécessite une surveillance particulière. L’accès à ces services exige une recommandation médicale, car il s’agit de services de deuxième ou troisième ligne (MSSS, 2005) qualiés de spécialisés ou surspécialisés dans le nouveau PASM 2015-2020 (MSSS, 2015). Le centre hospitalier de jour, pour sa part, est une solution de rechange intéressante à l’hospitalisation et peut être vu comme un laboratoire sécuritaire où le client peut apprendre et expérimenter des attitudes et des habiletés nécessaires à son intégration sociale (Larivière, Desrosiers, Tousignant et al., 2010). Ce dernier est suivi par une équipe interdisciplinaire et participe à un certain nombre de rencontres de groupes et individuelles sur une période d’environ huit semaines. L’objectif est de réduire les symptômes que présente le client, et d’élever son fonctionnement à un niveau qui lui permet de demeurer à l’extérieur du centre hospitalier et de faire partie de la communauté. L’inrmière fait le suivi des symptômes et de la condition mentale Chapitre 2
Santé mentale et services dans la communauté
43
du client, anime les séances de groupe, intervient en psychoéducation, planie et réalise les activités, et collabore avec le psychiatre pour suivre les effets thérapeutiques ou indésirables des médicaments.
Centres de réadaptation en dépendance et santé mentale Les centres de réadaptation offrent des services d’évaluation et de traitement de première et de deuxième lignes. Ils sont destinés à des personnes ayant un trouble mental, de dépendance (toxicomanie) ou les deux, selon les centres. Ils sont coordonnés par des équipes interdisciplinaires, et la clientèle peut y être hébergée ou suivie en consultation externe. L’intervention se fait individuellement ou en groupe. Globalement, la mission de réadaptation de ces centres est de favoriser l’intégration sociale de personnes (jeunes ou adultes) qui, en raison de leur problématique de santé mentale ou de dépendance, éprouvent des difcultés à ce sujet.
2.3.4
Services non institutionnels
L’inrmière dans la communauté est régulièrement appelée à travailler en partenariat avec des organismes non institutionnels.
Organismes communautaires Le réseau des organismes communautaires en santé mentale (OCSM) est extrêmement développé au Québec, qui en compte plus de 400. Les organismes communautaires offrent une variété de services, principalement aux personnes ayant des troubles mentaux graves : près du quart de ces organismes constituent un milieu de vie grâce aux services offerts directement dans leurs locaux, et environ 15 % d’entre eux proposent des services d’hébergement, de crise et d’écoute, ou d’aide aux familles et aux proches (Grenier & Fleury, 2009) ENCADRÉ 2.4.
ENCADRÉ 2.4
La plupart des OCSM reçoivent un soutien nancier du MSSS. Ils ont un impact positif, car ils sont facilement accessibles, favorisent une utilisation judicieuse du réseau institutionnel par leurs clients, et ceux-ci connaîtraient moins d’hospitalisations et des hospitalisations plus brèves que les clients qui ne les utilisent pas (Grenier & Fleury, 2009). Bien que la pertinence et l’efcacité des services offerts par ces organismes soient de plus en plus reconnues, la collaboration entre les intervenants du réseau communautaire et du réseau public (p. ex., les centres hospitaliers) demande à être resserrée (Grenier & Fleury, 2009). Il est à noter que les services des OCSM ne sont pas nécessairement offerts par des professionnels en santé mentale, ce qui nécessite une vigilance de l’inrmière qui y dirige des clients.
Ressources alternatives en santé mentale Plusieurs OCSM font partie du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec (RRASMQ). Ces organismes se distinguent des autres OCSM par : • « une façon “autre” d’accueillir la souffrance psychique et la détresse émotionnelle ; une reconnaissance de la parole des personnes usagères, de leur expérience et de leur vécu ; • une place prépondérante occupée par les personnes usagères dans la société (être vues et entendues) ; • une vision de la communauté en tant qu’actrice de son développement ; • un point de vue critique [au] regard de l’approche biomédicale de la santé mentale. » (RRASMQ, 2009, p. 3) Selon Corin et ses collaborateurs (2011), sur la centaine de membres du RRASMQ, une douzaine sont des organismes se dénissant comme des milieux de traitement. Ils se présentent sous forme de centres de jour ou d’hébergement, et
Types d’organismes communautaires en santé mentale
Les OCSM sont répartis en neuf catégories selon leurs objectifs particuliers et en fonction de la population desservie : 1. les organismes de promotion de la santé mentale, qui offrent des services à la population générale ; 2. les centres de crise et d’écoute, qui sont destinés aux personnes atteintes de troubles mentaux en général ; 3. les groupes d’aide aux familles et aux proches ; 4. les groupes qui offrent un milieu de vie dont les activités se déroulent dans leurs locaux à certaines heures prédéterminées ;
5. les groupes d’entraide, dont les services sont offerts principalement par des pairs ; 6. les ressources d’hébergement, qui offrent des services en tout temps, jour et nuit, à leurs résidents ; 7. les organismes de suivi dans la communauté ; 8. les organismes d’intégration au travail ; 9. les groupes de défense des droits.
Source : Adapté de Grenier & Fleury (2009).
44
Partie 1
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
offrent une variété de services tels que la thérapie individuelle ou de groupe, les programmes de réinsertion au travail, l’apprentissage de l’autogestion de la médication, ainsi que des activités diverses (p. ex., la relaxation, la cuisine de groupe, des ateliers de connaissance de soi, l’art-thérapie).
Autres services Il importe de mentionner que les clients qui ont un trouble mental ne devraient pas être exclusivement adressés à des services et à des organismes en santé mentale. Autrement, cela pourrait renforcer leur stigmatisation. Ces personnes aspirent, comme les autres, à une vie gratiante et peuvent donc bénécier d’autres services, selon leurs besoins. Par exemple, il peut s’agir de services aux immigrants, d’une soupe populaire, de services à la famille ou aux aînés. Il peut être nécessaire que l’inrmière soutienne le client dans la défense de ses droits an qu’il ait aussi accès à des services qui ne sont pas étiquetés « santé mentale ». Il s’agit de normaliser l’offre des services, de façon à ce qu’elle corresponde aux intérêts et aux objectifs du client, en lui facilitant l’accès aux mêmes services qu’à l’ensemble de la population (CSMC, 2015).
2.4
Clientèles particulières
La pratique infirmière dans la communauté concerne aussi les soins à des clientèles particulières qui ont besoin de soins adaptés. Les personnes en situation d’itinérance sont une clientèle extrêmement vulnérable et qui peut être difcile à rejoindre. Les personnes en prison atteintes de troubles mentaux, bien que se trouvant dans un milieu sécuritaire et fermé, constituent aussi une clientèle fragile qui demande une attention particulière.
TABLEAU 2.2
2.4.1
Personnes en situation d’itinérance
L’itinérance est un problème majeur, dont les causes sont complexes, et qui touche l’ensemble du Québec. Dans la grande majorité des cas, l’itinérance est « l’aboutissement d’un parcours de vie parsemé d’embûches, d’échec douloureux et de revers éprouvants » (MSSS, 2014c, p. 23). Au Québec et au Canada, des facteurs structurels, individuels et institutionnels associés à quatre types de problèmes ont été reconnus comme contribuant à l’itinérance (Echenberg & Jensen, 2012 ; MSSS, 2008b) TABLEAU 2.2. Les facteurs structurels tels que la hausse des prix des logements et, plus généralement, du coût de la vie occasionnent un appauvrissement graduel des personnes qui ont les plus bas revenus, ce qui peut mener à l’itinérance. Des difcultés personnelles, comme la violence familiale, contribuent également à l’itinérance de plusieurs façons. Des femmes quittant un conjoint violent peuvent se retrouver sans ressources. Au Québec et au Canada, les études réalisées au cours des dernières années indiquent que de 73 à 81 % des femmes en situation d’itinérance ont un vécu de violence (MSSS, 2014c). D’autres personnes en situation d’itinérance ont parfois vécu une violence familiale dans l’enfance (Echenberg & Jensen, 2012). De plus, la transition à la sortie d’un établissement, comme le centre jeunesse ou le milieu carcéral, peut conduire la personne vulnérable à l’itinérance (MSSS, 2014b). Enn, des personnes sont aujourd’hui en situation d’itinérance en raison de la désinstitutionnalisation et de la non-institutionnalisation, principalement à cause des fermetures de lits dans les institutions psychiatriques et à la suite de l’adoption de la Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui (RLRQ, chapitre P-38.001) 6 .
2
CE QU’IL FAUT RETENIR
Il importe de mentionner que les clients qui ont un trouble mental ne devraient pas être exclusivement adressés à des services et à des organismes en santé mentale. Autrement, cela pourrait renforcer leur stigmatisation.
6 Les droits des clients ayant un trouble mental sont présentés dans le chapitre 6, Aspects éthiques et légaux de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques.
Facteurs explicatifs de l’itinérance et problèmes associés
FACTEURS STRUCTURELS
FACTEURS INDIVIDUELS
FACTEURS INSTITUTIONNELS
PROBLÈMES ASSOCIÉS
• Appauvrissement
• Problèmes relationnels
• Désinstitutionalisation
• Conits familiaux ou divorce
• Judiciarisation
• Problèmes de santé physique liés au mode de vie itinérant
• Manque de logements à coût accessible • Faible revenu • Manque de nancement des ser vices de soutien communautaires
• Violence
• Promoteurs de logements sociaux victimes du « pasdansmacour »
• Placements répétés en centre d’accueil
• Sévices sexuels
• Noninstitutionnalisation • Criminalisation • Éclatement ou reconguration de la famille
• Problèmes de santé mentale • Dépendance à l’alcool et aux drogues • Problèmes découlant de la judiciarisation
Source : Adapté de Echenberg & Jensen (2012). Chapitre 2
Santé mentale et services dans la communauté
45
Plusieurs personnes atteintes de trouble mental, mais ne présentant pas un danger grave et immédiat, se retrouvent à la rue, incapables de prendre soin d’elles-mêmes et refusant les soins (Gaetz, Donaldson, Richter et al., 2013). Plus précisément, de 30 à 50 % des personnes en situation d’itinérance auraient, ou auraient eu, un trouble mental (MSSS, 2008b). Par contre, bien que le fait d’être atteint d’un problème de santé mentale augmente le risque d’itinérance, il est maintenant établi que le trouble mental en soi n’est pas nécessaire ou suffisant pour causer l’itinérance (Montgomery, Metraux & Culhane, 2013). La schizophrénie, qui contribue à la désorganisation de la pensée et du comportement, est surreprésentée dans cette population. Les problèmes liés à l’alcool ou aux drogues peuvent concerner plus de 50 % des personnes en situation d’itinérance. La comorbidité de problèmes de santé mentale et de toxicomanie, également fréquente chez ces personnes, est susceptible de prolonger les épisodes d’itinérance (Foster, Gabble & Buckley, 2012 ; Montgomery et al., 2013). Les personnes en situation d’itinérance et atteintes d’un trouble mental grave ont tendance à ne pas suivre le traitement qui leur est prescrit, en Les personnes en situation raison du manque de soutien, de stabilité et d’itinérance et atteintes de moyens nanciers, de même que par manque d’un trouble mental grave de conance envers les autres. Il faut préciser que ont tendance à ne pas cette clientèle a un passé d’exclusion sociale imporsuivre le traitement qui leur tant, notamment de la part des services de santé. est prescrit, en raison du En particulier, les personnes en situation d’itinémanque de soutien, de rance sont souvent réticentes à consulter pour destabilité et de moyens mander de l’aide. En plus d’être aux prises avec un nanciers, de même que trouble mental non maîtrisé, les membres de cette par manque de conance population éprouvent de la difculté à maintenir envers les autres. une hygiène adéquate et connaissent une multitude de problèmes de santé physique. Les conditions de vie dans la rue prédisposent ces personnes à des carences nutritives, à l’hypothermie ou aux coups de chaleur, aux parasites et dermatoses, et aux infections diverses. De plus, les personnes en situation d’itinérance ont tendance à demander de l’aide uniquement lorsque leurs problèmes Ben Wilson, d’origine jamaïcaine, est âgé de se sont particulièrement ag58 ans. Veuf depuis cinq ans, il a deux ls avec gravés (Stanhope, Lancaster, lesquels il n’a plus de contact depuis plusieurs Jessup-Falcioni et al., 2012). années. Il a perdu tous ses biens dans de mauPar ailleurs, les personnes vaises transactions. Selon monsieur Wilson, en situation d’itinérance sont ses ls seraient les principaux responsables de davantage victimes de judices mauvaises transactions puisqu’ils ont toujours ciarisation, en particulier en cherché à lui soutirer le plus d’argent possible. milieu urbain. De moins Il est devenu dépressif, mais n’a jamais consulté. en moins tolérées, elles reDepuis, il est une personne en situation d’itinéçoivent des contraventions rance et mendie pour survivre. Il y a un an, il a pour des infractions misubi un accident vasculaire cérébral qui l’a laissé neures telles que l’ébriété hémiplégique du côté gauche. Quels sont les publique, l’entrave à la circudeux facteurs et les deux problèmes associés à lation, se trouver dans un l’itinérance de monsieur Wilson ? parc en dehors des heures CE QU’IL FAUT RETENIR
d’ouverture ou s’allonger sur un banc dans le métro. Cependant, elles ne peuvent généralement pas payer ces contraventions et sont alors incarcérées. Cette judiciarisation est coûteuse pour les municipalités, et elle engendre aussi un coût social. En effet, la personne qui est incarcérée peut perdre un ami ou un conjoint, son logement ou son emploi. Par ailleurs, l’incarcération est une situation stressante, et elle nuit à la réputation de la personne. Cette problématique contribue à la désorganiser et à l’enliser dans l’itinérance (Sylvestre, Bellot & Chesnay, 2012). La condition des femmes en situation d’itinérance est préoccupante. Bien qu’elles représentent plus de 20 % des personnes dans cette situation, elles sont beaucoup moins visibles. En effet, elles prennent plus soin de leur personne que les hommes, malgré leur grande précarité, et utilisent de nombreux stratagèmes pour éviter de dormir dans l’espace public (dont la prostitution), conservant leur logement le plus longtemps possible (sans nourriture et très endettées). Ce sont les femmes les plus vulnérables et les plus désorganisées qui se retrouvent dans la rue (Gaetz et al., 2013) FIGURE 2.3. D’ailleurs, les femmes en situation d’itinérance sont davantage aux prises avec des problèmes de santé mentale. Dans les maisons d’hébergement pour femmes sans abri de Montréal, de 42 à 100 % d’entre elles déclaraient avoir reçu au moins un diagnostic de trouble mental (Conseil du statut de la femme, 2012). Ainsi, les personnes en situation d’itinérance et atteintes de troubles mentaux constituent une clientèle extrêmement vulnérable et dont le suivi s’avère très complexe. Le refus de soins, fréquent, est souvent combiné aux problématiques d’exclusion des
Jugement
clinique
46
Partie 1
FIGURE 2.3 Les femmes en situation d’itinérance sont particulièrement vulnérables.
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
services. Les inrmières peuvent ressentir de l’impuissance devant cette clientèle. Une intervention efcace passe nécessairement par un travail interdisciplinaire effectué en partenariat avec l’ensemble des ressources concernées : établissement de santé, service de police et services juridiques, milieu municipal, centres locaux d’emploi, organismes communautaires, propriétaires d’immeubles locatifs privés, etc. (Hurtubise & Babin, 2011).
2.4.2
Personnes en milieu carcéral
L’incarcération des personnes atteintes d’un trouble mental constitue un enjeu important à l’échelle nationale. Les personnes sont incarcérées soit en centre de détention, de compétence provinciale, soit en pénitencier, de compétence fédérale. La population carcérale des centres de détention est composée de prévenus (personnes incarcérées en attente de leur sentence) et de détenus (personnes condamnées à une peine de deux ans moins un jour). Les sentences de deux ans et plus relèvent pour leur part des pénitenciers. Dans une enquête sur la population carcérale québécoise menée en 2006-2007, 61 % des personnes incarcérées avaient à leur dossier, au cours des 5 années précédentes, au moins un diagnostic de problème de santé mentale ou de consommation problématique d’alcool ou de drogues (Protecteur du citoyen, 2011). De ces personnes, 17,4 % avaient reçu un diagnostic de catégorie « troubles graves et persistants », qui incluent entre autres la schizophrénie. À titre de comparaison, ces troubles touchent de 1 à 3 % de la population (Protecteur du citoyen, 2011). Cependant, les statistiques portant sur les personnes en prison sont proches de celles des personnes en situation d’itinérance. Dans les pénitenciers fédéraux, en 2010, la proportion de personnes ayant reçu un diagnostic de trouble mental était de 13 % à l’admission. Ce taux était de 29 % chez les femmes et de 9 % chez les Autochtones en 2009 (Service correctionnel Canada, 2010). Certaines personnes sont arrêtées pour des délits mineurs, puis incarcérées au centre de détention. Celles qui ont un trouble mental sont parfois arrêtées parce qu’aucun établissement de soins ne peut les recevoir. Il n’est pas rare qu’elles soient arrêtées pour des délits mineurs, notamment pour vagabondage, intrusion, inconduite, ou pour des « délits de pauvreté », comme partir du restaurant sans payer après avoir mangé. Les prisons ne sont pas préparées de façon adéquate pour accueillir les personnes atteintes d’un trouble mental et qui sont libres de refuser de prendre leurs médicaments psychotropes. En outre, le taux de suicide chez les détenus ayant un trouble mental est plus élevé que chez tout autre groupe de détenus (Lalande & Giguère, 2009). Il n’y a rien de plus difcile pour une famille que de faire appel à la police pour faire arrêter un proche. Les familles préfèrent généralement la
garde en établissement et le traitement plutôt que l’incarcération (Fradet, 2009). Malheureusement, nom breuses sont les personnes atteintes d’un trouble mental grave qui doivent purger une longue peine et qui ne bénécient que de peu de traitements psychiatriques. En prison, le traitement des détenus ayant un trouble mental est axé sur le soulagement des symptômes plutôt que sur le traitement de la maladie en soi. D’ailleurs, les détenus atteints d’un trouble mental grave risquent fort de demeurer en prison plus longtemps que les autres détenus qui ont commis un délit semblable. De plus, ils sont soumis à des traitements très différents s’ils sont considérés ou non comme criminellement responsables de leurs délits (Dumais, Côté, Larue et al., 2014). Une fois qu’ils sont nalement libérés, ils retrouvent une vie sans structure, sans suivi adéquatement planié et sans soutien social (Protecteur du citoyen, 2011).
2
CE QU’IL FAUT RETENIR
En prison, le traitement des détenus ayant un trouble mental est axé sur le soulagement des symptômes plutôt que sur le traitement de la maladie en soi.
Lessard a étudié les trajectoires de soins des personnes ayant un trouble anxieux ou une dépression et qui consultent dans les services de première ligne au Nunavik. Dans ce contexte de région isolée, la majorité des soins de première ligne sont offerts par des inrmières soutenues sur place ou à distance par des équipes médicales. Sa recherche a notamment mis en évidence que la majorité des ruptures dans le continuum de soins surviennent au moment de la planication et de la réalisation de la première visite de suivi. Ce résultat indique que les troubles mentaux courants sont encore pris en charge selon des approches cliniques de la maladie aiguë plutôt qu’en fonction d’un modèle de gestion de la maladie chronique tel que suggéré par les guides de pratique (Lessard, 2015 ; Lessard, Fournier, Gauthier et al., 2015). Cette situation peut occasionner un phénomène de porte-tournante et un manque de conance envers les services offerts. Les tribunaux en santé mentale constituent une option prometteuse à la judiciarisation. Ils constituent des programmes multijuridictionnels communautaires qui offrent une surveillance et des services judiciaires aux personnes atteintes d’un trouble mental avec la coopération de diverses organisations provinciales, nationales ou locales. Le Programme d’accompagnement justice-santé mentale à Montréal (PAJ-SM) a été le premier du genre au Québec. L’objectif est de favoriser le traitement de ces personnes, d’améliorer leur qualité de vie, de réduire les risques de récidive ainsi que d’accroître la sécurité au sein de la communauté, de même que sa conscience sociale. Ces programmes offrent des services exhaustifs, mais ne peuvent à eux seuls régler toute la problématique de la judiciarisation des personnes atteintes de trouble mental. Par conséquent, les experts en ce domaine recommandent de se pencher sur le traitement judiciaire des personnes ayant un trouble mental, ainsi que sur la prévention de leur criminalisation et sur l’accessibilité aux services de deuxième et troisième ligne (Provost, 2011). Chapitre 2
Santé mentale et services dans la communauté
47
Analyse d’une situation de santé Rose Parent est veuve depuis un an. Elle est âgée de 62 ans et elle n’a jamais eu d’enfants. Elle habite un petit village de la Gaspésie. C’est dans ce même village qu’elle a vécu 30 belles années avec son mari. Elle a un frère qui habite à Montréal et deux sœurs qui vivent à Québec. Ils se voient une fois par année à l’occasion de Noël. Depuis la mort de son mari, elle a été hospitalisée à deux reprises pour des épisodes dépressifs. Elle prend de la sertraline (Zoloftmd) 50 mg le soir depuis deux
Jugement clinique mois, mais elle l’oublie parfois, s’endormant devant la télévision. Elle a même quitté l’emploi qu’elle occupait comme vendeuse dans une boutique d’artisanat. Madame Parent vit maintenant de l’aide sociale et habite un petit logement. Bien qu’il n’ait que deux pièces, elle n’arrive pas à le maintenir propre. Elle s’alimente mal et cuisine peu. Elle aurait perdu près de 7 kg depuis le décès de son mari. Elle est suivie par une équipe interdisciplinaire en santé mentale dont l’objectif principal est d’éviter la récurrence des hospitalisations.
Mise en œuvre de la démarche de soins SOLUTIONNAIRE
Collecte des données – Évaluation initiale – Analyse et interprétation 1.
D’après les données de la mise en contexte, nommez quatre éléments qui nécessitent une évaluation approfondie de la situation de madame Parent et justiez la pertinence d’évaluer ces éléments.
2.
Faudrait-il également évaluer la condition de santé mentale et l’autonomie de madame Parent à effectuer ses AVQ ? Justiez votre réponse.
3.
En analysant les quelques données connues, quel serait le besoin prioritaire de madame Parent ? Justiez votre réponse.
Planication des interventions – Décisions inrmières
écemment vu dans ce chapitre Madame Parent présentet-elle des signes d’autostigmatisation ? Justiez votre réponse.
écemment vu dans ce chapitre Madame Parent pourraitelle bénécier d’un suivi intensif dans la communauté en raison de sa condition de santé mentale ? Justiez votre réponse.
48
Partie 1
4.
Que pourrait faire la cliente pour ne pas oublier de prendre son médicament ?
5.
Outre l’adhésion au traitement pharmacologique, formulez deux objectifs réalistes qui mériteraient d’apparaître dans le plan de soins interdisciplinaire de madame Parent.
Devant la réponse de madame Parent au regard de la sertraline 50 mg, le médecin a augmenté la dose, et elle en reçoit maintenant 100 mg die, qu’elle prend le matin puisque cette dose peut causer de l’insomnie. Au cours d’une visite ultérieure, l’inrmière constate que l’appartement de madame Parent est plus propre : la vaisselle est lavée et rangée, rien ne traîne sur le plancher,
le lit est fait, la poubelle est vidée. Madame Parent dit qu’elle a oublié de prendre sa médication une seule fois. Elle prend un petit déjeuner, une collation vers 14 h et mange peu au souper. De plus, elle a entrepris des démarches pour reprendre son travail à la boutique d’artisanat. L’inrmière avise l’équipe de ces nouvelles données.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution 6.
En tenant compte de l’alimentation actuelle de madame Parent, qu’est-ce qui devrait être évalué pour s’assurer que la cliente satisfait ses besoins nutritionnels ? Justiez votre réponse.
7.
Quels critères indiquent que la condition de santé mentale de madame Parent est plus stable ?
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
APPLICATION DE LA PENSÉE CRITIQUE Dans l’application de la démarche de soins auprès de madame Parent, l’inrmière a recours à un ensemble d’éléments (connaissances, expériences antérieures, normes institutionnelles ou protocoles, attitudes professionnelles) pour analyser la situation de santé de la cliente et en comprendre
les enjeux. La FIGURE 2.4 illustre le processus de pensée critique suivi par l’inrmière an de formuler son jugement clinique. Elle résume les principaux éléments sur lesquels l’inrmière s’appuie en fonction des données de cette cliente, mais elle n’est pas exhaustive.
2
VERS UN JUGEMENT CLINIQUE NORME
EXPÉRIENCES
CONNAISSANCES • Organisation du réseau de la santé • Services communautaires offerts en santé mentale • Fonctionnement d’une équipe interdisciplinaire • Rôles des divers intervenants • Difcultés qu’éprouvent les personnes ayant un problème de santé mentale lorsqu’elles vivent en société • Effets de la stigmatisation des personnes atteintes de trouble mental
• Expérience de travail en santé mentale et en santé communautaire • Expérience dans une équipe interdisciplinaire
• Champ d’exercice de chacun des professionnels impliqués dans une équipe interdisciplinaire
ATTITUDES • Éviter de juger madame Parent à cause de la malpropreté de son logement • Ne pas sous-estimer les capacités de prise en charge de la cliente • Ne pas culpabiliser la cliente parce qu’elle oublie parfois de prendre sa médication
PENSÉE CRITIQUE
ÉVALUATION • • • • • • •
Adhésion au traitement pharmacologique Alimentation et poids de la cliente Capacité à effectuer les AVD Capacité à effectuer les AVQ Réseau social et de soutien Condition de santé mentale actuelle Capacité à subvenir à ses besoins de base
JUGEMENT CLINIQUE FIGURE 2.4
Application de la pensée critique à la situation clinique de madame Parent
Chapitre 2
Santé mentale et services dans la communauté
49
Principes de la pratique inrmière en santé mentale
Chapitre
3
Écrit par : Karine Fortin, inf., M. Sc. Mis à jour par : Claire Page, inf., Ph. D. (Sciences biomédicales – psychiatrie sociale) D’après un texte de : Patricia A. Holoday Worret, MSN, APRN, PMHCNS
MOTS CLÉS Approche globale des soins . . . . . . . . . Collaboration interdisciplinaire . . . . . . Compétences infirmières . . . . . . . . . . . . Démarche de soins . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pratique infirmière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prévention . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Promotion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Rétablissement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Stigmatisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
OBJECTIFS 53
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez être en mesure :
55
• d’énoncer les habiletés et les compétences de l’infirmière en santé mentale ;
61 63 52 54 54 52 54
• d’expliquer l’importance d’intégrer la famille dans toutes les étapes de la démarche de soins ; • de décrire les principaux enjeux de la pratique infirmière dans le domaine de la santé mentale et des façons de les maîtriser ; • de décrire les activités réservées à l’infirmière en santé mentale ; • de déterminer les particularités de la démarche de soins applicables au domaine de la santé mentale ; • d’expliquer des interventions infirmières autonomes dans les services en santé mentale.
Disponible sur • • • • • •
Annexes Web À retenir Carte conceptuelle Dossier vidéo Ressources Solutionnaire de l’Analyse d’une situation de santé
• Solutionnaire des questions de Jugement clinique • Solutionnaire des questions Réactivation des connaissances • Solutionnaire des questions Récemment vu dans ce chapitre • Solutionnaires du Guide d’études • Tableau Web
Guide d’études – RE08
50
Partie 1
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
Concepts clés
Cette carte conceptuelle illustre schématiquement les principaux concepts décrits dans le présent chapitre. Sa lecture vous permettra d’avoir une vue d’ensemble des notions qui y sont présentées.
3
La personne et ses proches
impliquent
Son rétablissement
Principes directeurs : – soutien à l’expérience du rétablissement – approche globale des soins – reconnaissance du potentiel et du rôle de la personne aidée et de ses proches – lutte contre la stigmatisation des troubles mentaux – collaboration interdisciplinaire
visent
sont
Soins de la personne dans sa globalité
Activité complexe
orientée vers
guidée par
Principes de la pratique inrmière en santé mentale
inuencée par
École de l’interaction École des patterns
dont
Relation thérapeutique Évaluation de la condition physique et mentale Évaluation des troubles mentaux Surveillance clinique Utilisation des mesures de contention et d’isolement Suivi inrmier Continuité et qualité des soins Soutien et développement de la pratique
sont
Champs de compétences de l’inrmière en santé mentale
Chapitre 3
Principes de la pratique inrmière en santé mentale
51
PORTRAIT
Cindy Laporte Cindy Laporte, âgée de 20 ans, une jeune femme enceinte et amaigrie, a été admise à l’unité des naissances depuis l’urgence. Les employés d’un restaurant l’ont trouvée étendue par terre dans les toilettes de l’établissement en train de crier. Ils ont appris qu’elle était en situation d’itinérance et qu’elle vivait dans la rue. Les ambulanciers ont rapporté qu’elle était en travail actif et qu’elle n’arrêtait pas de crier. Elle semblait très effrayée, luttait contre le personnel qui essayait de l’aider et injuriait tout le monde autour d’elle pendant chaque contraction. En plus de jurer, elle donnait des ordres aux démons et aux sorcières qui, disait-elle, entouraient son lit et afrmaient qu’ils allaient prendre son bébé et le donner au Diable. Les résultats d’examens paracliniques ont conrmé l’absence de drogue dans le corps de madame Laporte. Marlène, l’inrmière en poste à l’admission, a soupçonné que la cliente était en état de crise psychotique et a tenté d’établir un lien de conance avec elle. Madame Laporte a bien réagi, ses crises ont diminué, et elle n’a pas tardé à mentionner qu’elle était moins effrayée quand Marlène était dans la pièce et lui parlait. Madame Laporte a avoué qu’elle s’était enfuie de la maison après être devenue enceinte et n’avait plus communiqué avec sa mère depuis. Celle-ci a par la suite mentionné au personnel que madame Laporte avait reçu un diagnostic de léger handicap intellectuel, mais qu’elle avait aussi eu des périodes de délire et d’hallucination depuis son enfance. Elle avait pu vivre à la maison sous les soins de sa famille jusqu’à sa fugue.
3.1
Annexe 3.1W : Modèles conceptuels, théories et chefs de le de la pratique inrmière.
Pensée inrmière en santé mentale
La pratique inrmière en santé mentale est une spécialité dynamique de la profession, faisant appel à la collaboration interdisciplinaire et exigeant de relever de nombreux dés. La personne dans sa globalité (famille, groupe, communauté) est la principale préoccupation de cette discipline, peu importe le milieu d’intervention et les soins prodigués par l’inrmière. La pratique d’aujourd’hui est issue de modèles conceptuels et de théories offrant une perspective unique à l’acquisition de connaissances orientant la profession infirmière (Pepin, Kérouac & Ducharme, 2010). Plus spéciquement, l’école de l’interaction et l’école des patterns ont marqué l’évolution de la pratique inrmière en santé mentale, et leurs inuences demeurent encore très présentes. L’école des patterns voit l’être humain comme un être unitaire pour qui l’inrmière tente
52
Partie 1
de déterminer les patterns uniques et se veut partenaire dans un processus de changement mettant en valeur le point de vue de la personne sur sa santé. Quant à l’école de l’interaction, le soin est un processus d’interaction entre la personne qui a besoin d’aide et la personne capable de lui fournir cette aide (Pepin et al., 2010). Hildergard E. Peplau, notamment, est reconnue comme étant la pionnière des soins inrmiers psychiatriques. Qu’elles soient issues de l’une ou l’autre de ces écoles, plusieurs inrmières chefs de le de la pratique ont contribué à l’instauration de soins humanitaires dans les divers milieux offrant des services en santé mentale. La vision novatrice, la détermination et les actions de ces théoriciennes ont permis le progrès des soins dans ce domaine .
3.2
Habiletés et compétences de l’inrmière
La pratique inrmière en santé mentale offre une multitude de possibilités et présente de nombreux dés permettant à l’inrmière de s’actualiser sur le plan professionnel. Les rôles et les interventions inrmières en santé mentale renvoient à certaines habiletés et compétences devant être acquises par l’inrmière dans le but d’obtenir une expertise clinique et de s’épanouir. Le rôle joué par l’ensemble des inrmières, non seulement dans le secteur de la santé mentale et de la psychiatrie mais aussi dans tous les autres secteurs de la santé, est essentiel pour l’atteinte des objectifs établis et souvent reconduits dans les plans d’action ministériels en santé mentale qui se succèdent au Québec.
3.2.1
Principes directeurs
Soutien à l’expérience du rétablissement L’inrmière qui collabore avec le client ayant un trouble mental devrait posséder les habiletés nécessaires an d’orienter ses interventions à l’égard de la restauration de la santé (être le moins malade possible), d’une part, et de l’optimisation du bien-être subjectif de la personne (être le plus en santé mentale positive possible), d’autre part. En d’autres termes, guidée par les normes de la pratique ainsi que par les politiques et procédures de son milieu de travail, l’inrmière est invitée à soutenir le client dans la gestion de sa maladie et de ses conséquences de même que dans les transformations positives qui l’accompagnent (Provencher & Keyes, 2010, 2011). Étant donné que le rétablissement est une expérience singulière, chaque intervention nécessite d’être adaptée en fonction de la personne, en prenant appui sur les forces de cette dernière tout en considérant et en respectant son vécu
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
La satisfaction du travail chez l’inrmière est l’une des importantes retombées liées à l’accompagnement du client orienté vers l’optimisation de sa santé et de son bien-être. Comme dans tous les autres domaines de la pratique inrmière, l’exercice inrmier en santé mentale comporte de nombreux dés et représente une source d’épanouissement personnel.
Approche globale des soins Qu’elle travaille en santé mentale ou dans d’autres domaines, l’inrmière utilisera et mettra en corrélation des principes, des politiques et des traitements divers qui orientent son travail auprès de la personne et inclura cette dernière dans tout le processus de prise de décisions la concernant. Bien que l’inrmière qui prodigue des soins de santé généraux ne soit pas nécessairement spécialisée en santé mentale, elle offre tout de même des soins de santé physique et mentale basés sur une approche globale de la personne. L’action réciproque de la santé physique et mentale est clairement reconnue, et ces deux composantes ne doivent pas être traitées comme des entités distinctes, mais comme faisant partie d’un tout. La santé physique et la santé mentale sont indissociables en vue du rétablissement et du mieux-être de la personne qui vit avec un problème de santé mentale ou un trouble mental (Shriqui, 2011 ; Weiss, Haber, Horowitz et al., 2009). L’approche globale des soins renvoie à une vision holistique de l’être humain qui conçoit la personne comme étant plus que la somme de ses parties et représentant un être biologique, psychologique, social et spirituel profondément enraciné dans sa culture et son environnement et inuencé par ceuxci (Brimblecombe, Tingle, Tunmore et al., 2007).
Reconnaissance du potentiel et du rôle de la personne et de ses proches La reconnaissance du potentiel et du rôle des perCE QU’IL FAUT RETENIR sonnes utilisatrices de services, des familles et des proches doit faire partie des priorités de l’inrmière La santé physique et qui travaille dans le domaine de la santé mentale la santé mentale sont FIGURE 3.1. Ainsi, par ses interventions auprès du indissociables en vue client, l’inrmière a pour objectif de l’encourager à du rétablissement et du faire ses propres choix, à prendre ses propres décimieux-être de la personne sions, tout en les respectant (d’Auteuil & Bizier, qui vit avec un problème de 2011), et à mettre au point ses propres stratégies santé mentale ou un trouble (Deegan, 2007). Comme le pouvoir d’agir représente une mental. dimension centrale du processus de rétablissement (Deegan, 1996), la personne doit avoir en tout temps la possibilité de participer activement aux décisions la concernant, de donner son point de vue et de prendre part, avec ses proches, à la planication et à l’organisation des Dominique Laplante, âgé de 40 ans, est célibaservices (Provencher, 2008) ; de taire. Il n’arrive pas à maintenir une relation de ce fait, elle a besoin de sentir couple en raison d’une agressivité impulsive. Il que l’inrmière lui donne l’ocprésente un trouble de personnalité limite. Comcasion d’utiliser et de parfaire ment pourriez-vous l’impliquer dans une approche ses compétences en vue de réapermettant de le protéger et de protéger son entouliser ses propres objectifs rage lorsqu’il manifeste de l’agressivité ? (Provencher, 2007). Par conséquent, le client devient l’agent de changement le plus important pour lui-même (Mueser, Corrigan, Hilton et al., 2002). Soutenu par CE QU’IL FAUT RETENIR l’inrmière, il acquiert une motivation intérieure lui permettant d’exercer une maîtrise sur ses conditions Comme le soutien de la de vie, il reconnaît ses capacités personnelles et famille et des proches est arrive à relever des dés (Provencher, 2007). Lorsque précieux, plus les membres l’inrmière permet à la personne de donner son point de la famille comprennent de vue quant à la planication des services qui la le trouble, les symptômes, concernent et qu’elle l’incite à le faire, elle montre les comportements, la alors son souci de la considérer comme un acteur de médication et les traiteplein droit dans son traitement (Corin, 2002). ments de la personne aidée, L’écoute active de l’inrmière contribue à aider et acceptent la situation, la personne an qu’elle prenne les mesures nécesplus le milieu de vie de saires pour diminuer son sentiment d’impuissance cette dernière sera sain. en jouant un rôle d’acteur. Par ailleurs, comme
clinique
Jugement
(Provencher, 2008). En posant sur la personne aidée un regard égalitaire et compatissant et en la considérant avec respect, l’inrmière lui permet d’arriver à se différencier du trouble mental et à expérimenter le rétablissement comme un nouveau sens de soi, au sein et au-delà des limites de sa maladie (Deegan, 1988 ; Provencher, 2007 ; Rapp, 2004).
De nombreuses personnes ayant des troubles mentaux sont hospitalisées ou utilisent des services ambulatoires en raison de troubles physiques liés à divers domaines précis de la pratique inrmière. L’inrmière évite d’« objectiver » la personne ayant un trouble mental et de la percevoir comme « un cas », les comportements ou les idées bizarres de celle-ci risquant de retenir principalement son attention. Il arrive que des professionnels de la santé attribuent à tort les problèmes physiques de la personne à la maladie mentale, ce qui est nommé et documenté dans les écrits sous le terme de masquage diagnostic (overshadowing) (Abbey, Charbonneau, Tranulis et al., 2011; Shefer, Henderson, Howard et al., 2014).
FIGURE 3.1 Le soutien fourni par les proches du client atteint de trouble mental est indispensable à son rétablissement. Chapitre 3
Principes de la pratique inrmière en santé mentale
53
3
L’Institut universitaire en santé mentale de Québec a produit un guide d’information et de soutien destiné aux proches d’une personne atteinte de maladie mentale : www.institutsmq.qc.ca.
l’établissement de relations authentiques et réciproques avec d’autres permet non seulement de recevoir du soutien, mais donne aussi la possibilité d’en offrir à son tour, le client doit être encouragé par l’inrmière à partager son expérience avec d’autres, en s’engageant au sein de groupes de pairs aidants, par exemple (Adame & Leitner, 2008 ; Anthony, 2008 ; Provencher, 2007). Les relations avec la famille ont une grande importance pour les personnes qui vivent avec un trouble mental (Provencher, 2007). Les facteurs familiaux influent donc sur le processus de rétablissement positivement ou négativement, selon les cas (Liberman & Kopelowicz, 2005). Il est certain que la présence d’une famille attentive, disponible et respectueuse de l’évolution et des limites de la personne ayant un trouble mental facilite grandement son rétablissement (Corin, 2002). Comme le soutien de la famille et des proches est précieux, plus les membres de la famille comprennent le trouble, les symptômes, les comportements, la médication et les traitements de la personne aidée, et acceptent la situation, plus le milieu de vie de cette dernière sera sain. Il est donc très important pour l’inrmière de prendre la famille en considération dans les interventions qu’elle effectue avec la personne aidée ENCADRÉ 3.1.
Lutte contre la stigmatisation et les préjugés
1 Les activités de promotion et de prévention en santé men tale sont présentées dans le chapitre 1, Perspectives en santé mentale : notions fondamentales et dés.
La majorité des personnes qui ont reçu un diagnostic de trouble mental connaissent la stigmatisation et la discrimination dans tous les aspects de leur vie (Langlois, 2009). Le diagnostic désigne le mal dont souffre un client, et non le client lui-même. La personne n’est pas la maladie, et tous doivent continuer de la traiter avec respect, indépendamment de son état ou de la situation. La mise à prot des connaissances de l’inrmière par l’enseignement qu’elle donne à la personne pour l’amener à diminuer ses propres préjugés et lui procurer le soutien qu’elle désire
recevoir à l’égard de sa démarche de rétablissement est une source d’aide l’incitant à sortir de ce processus (Rice, 2007). Cela implique que le client doit, au départ, apprendre à se connaître en tant que personne, à connaître sa maladie et les outils qui peuvent l’aider dans son quotidien (Langlois, 2009). Une attitude de conance de la part de l’inrmière envers la personne l’aide aussi à vaincre son autostigmatisation et à se réapproprier le pouvoir d’agir (Quintal, Vigneault, Demers et al., 2013). L’ignorance et la crainte sont souvent à l’origine de la stigmatisation et de la perpétuation des préjugés. Ainsi, il est nécessaire que les inrmières participent à la réalisation d’activités d’information et de sensibilisation ayant pour but la diminution de la stigmatisation et de la discrimination engendrées par la maladie mentale. Plus le public est informé sur les troubles mentaux, les possibilités de traitements et les lieux de services, plus les préjugés et les obstacles au traitement devraient diminuer, permettant ainsi aux clients d’avoir recours aux services dont ils ont besoin. L’inrmière peut lutter contre la stigmatisation et la discrimination notamment en pratiquant l’examen de ses propres préjugés, en prodiguant des soins de santé mentale avec le même sérieux que ceux offerts en santé physique et en soutenant des interventions visant la promotion de la défense des droits de la personne aidée. Bref, l’inrmière sera disponible pour la personne an de lui procurer tout le soutien dont elle a besoin pour faire face aux préjugés et à la discrimination dont elle peut être victime (Provencher, 2008).
Intervention en prévention et en promotion de la santé mentale L’inrmière devrait détenir des habiletés relatives à la promotion de la santé mentale et à la prévention du trouble mental 1 . En ayant une vision optimiste du trouble mental et du rétablissement, elle préconise l’optimisation de la santé mentale positive de chaque personne en misant sur ses forces,
Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 3.1
Implication des proches dans les soins à la personne ayant un trouble mental
• Fournir des renseignements clairs et accessibles sur le trouble mental de la personne an qu’elle et ses proches soient en mesure de comprendre et de reconnaître le trouble, ses symptômes et ses manifestations.
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Partie 1
• Fournir des ressources communautaires et proposer des associations auxquelles la personne et ses proches peuvent s’adresser en cas de besoin.
• Donner de l’information claire et accessible sur les causes du trouble mental et sur les moyens de le traiter.
• Reconnaître et mettre en valeur les forces et les aptitudes de la personne et de ses proches, plutôt que sur les décits occasionnés par la maladie.
• Déterminer et expliquer les raisons de demander de l’aide.
• Encourager l’établissement de petits objectifs concrets et atteignables à court terme.
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
Collaboration interdisciplinaire La collaboration interdisciplinaire est fondamentale, et elle représente la clé du succès des soins offerts en santé mentale. L’inrmière qui pratique dans ce domaine manifestera une aptitude à travailler en étroite collaboration avec les acteurs qui agissent à divers niveaux de services. Elle sera capable de concertation et apte à partager ses connaissances pour concourir au rétablissement du client. L’infirmière supervise et coordonne l’équipe de soins inrmiers et peut participer à l’élaboration du plan d’intervention.
3.2.2
Considérations cliniques importantes
Apporter son aide et protéger la personne L’aide est un élément fondamental des soins inrmiers, et l’inrmière doit comprendre cette notion complexe avant de s’engager dans n’importe quel champ de pratique. Le client et l’inrmière en bénécieront tout autant. Les inrmières mentionnent souvent le désir d’aider les autres comme un motif important du choix et de la continuation de leur profession. Il est donc essentiel que l’inrmière travaillant avec des personnes qui présentent des problèmes de santé mentale ou des troubles mentaux soit bien préparée aux interactions thérapeutiques. Elle devrait notamment être consciente des raisons pour lesquelles elle a choisi une profession d’aide. Par conséquent, la pratique réexive effectuée régulièrement par l’infirmière favorise la connaissance de soi et ENCADRÉ 3.2
améliore la qualité de ses interactions avec la personne qu’elle accompagne ENCADRÉ 3.3. Dans le but d’aider la personne, le désir de la protéger et de protéger les autres peut aussi faire surface chez l’inrmière qui œuvre en santé mentale. Dans ce milieu, certaines personnes à risque peuvent nécessiter une protection à divers degrés en raison de leur difculté à juger une situation et d’autres symptômes liés à leur trouble mental ou à leur situation de crise. Par exemple, un client en dépression qui a des pensées et des gestes suicidaires a réellement besoin d’une surveillance étroite et de protection contre les actes autodestructeurs. Lorsqu’elle a pour objectif d’aider un client aux prises avec un tel problème, l’inrmière prend des décisions qui le protègent en fonction de ses besoins individuels et de sa situation.
3
i La description complète de chacune des recomman dations de l’ACSM est présentée sur son site Internet : www.cmha.ca.
Développer l’altruisme L’altruisme est une qualité particulièrement souhaitable et utile pour l’inrmière qui travaille en santé mentale FIGURE 3.2 . L’inrmière analyse continuellement ses propres actions et motifs quand elle interagit avec une personne. Il importe qu’elle ne laisse jamais sa gentillesse envers une personne obscurcir son jugement.
Altruisme : Disposition à avoir et à manifester de la compas sion, de la générosité, de la bienveillance, de la gentillesse, de l’amabilité et de la disponibi lité envers autrui.
Approfondir et synthétiser les connaissances et les habiletés Un des dés de l’inrmière est d’être continuellement à l’affût des nouvelles idées et habiletés pour améliorer sa pratique. Cela est particulièrement vrai depuis quelques années, compte tenu de la pratique de plus en plus répandue des soins intégrés. L’inrmière qui travaille en santé mentale fait continuellement appel aux connais s ances acquis es dans plusieurs spécialités dans une perspective d’interdisciplinarité.
clinique
Jugement
ses aptitudes et ses possibilités, favorisant ainsi son bien-être subjectif (Keyes, 2007). Dans le but de promouvoir la santé mentale de la personne, l’inrmière effectuera des interventions visant l’augmentation du bien-être de cette dernière, son équilibre affectif, le développement de ses capacités à gérer sa vie, la maximisation de son plein potentiel ainsi que sa participation et sa contribution à la société dans laquelle elle vit (Barry, 2009). L’Association canadienne pour la santé mentale (ACSM) a produit une liste de recommandations pour favoriser une bonne santé mentale ENCADRÉ 3.2.
Maryse Voyer est une mère de famille monoparen tale âgée de 43 ans. Elle a trois enfants, tous de père différent, et elle est sur le point d’accoucher de son quatrième enfant. Elle est atteinte de trouble bipolaire et néglige de prendre sa médication régulièrement. Au moment du rapport de relève, l’inrmière transmet les renseignements suivants sur la cliente : elle présente un trouble bipolaire, et même si elle ne prend pas sa médication régulière ment, son humeur est plutôt stable d’après le rapport du psychiatre qui la suit. Ces renseigne ments dénotentils un jugement négatif par rapport à madame Voyer ? Justiez votre réponse.
Suggestions pour favoriser une santé mentale positive
• Rêvasser.
• Déterminer des objectifs personnels.
• « Collectionner » les moments positifs.
• Écrire un journal.
• Apprendre à conjuguer avec les pensées négatives.
• Faire preuve d’humour.
• Considérer une chose à la fois.
• Faire du bénévolat.
• Faire de l’exercice.
• Prendre soin de soi.
• S’amuser. Source : Adapté de Association canadienne pour la santé mentale (ACSM) (2012).
Chapitre 3
Principes de la pratique inrmière en santé mentale
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ENCADRÉ 3.3
Pistes de réexion pour l’inrmière
An d’évaluer ses habiletés et ses aptitudes et de mettre en œuvre les principes directeurs décrits précédemment, l’inrmière peut se poser certaines questions. SOUTIEN AU RÉTABLISSEMENT
• Est-ce que j’ai le désir d’aider les personnes à se rétablir, de croire en elles au point de susciter chez elles un espoir qui palliera leur souffrance ? • Est-ce qu’il est important pour moi d’aider la personne à découvrir son plein potentiel, ses forces et ses habiletés et de la voir prendre du pouvoir sur sa vie ? • Est-ce que je me sens dynamisée par le dé d’aider la personne à se xer des objectifs et des buts qui l’amènent à donner un sens à sa vie ? RECONNAISSANCE DU POTENTIEL ET DU RÔLE DU CLIENT ET DE SES PROCHES
• Est-ce que je considère avec dignité et situe les personnes qui utilisent les services en santé mentale sur un même pied d’égalité que moi et est-ce que je me sens motivée par l’idée de former un partenariat avec elles ? • Est-ce que le fait de lire un récit autobiographique ou d’entendre le témoignage d’une personne vivant avec un trouble mental me donne un dynamisme et une motivation pour prodiguer des soins de qualité que ces personnes sont dignes de recevoir ? • Est-ce que j’ai à cœur de reconnaître que les personnes qui utilisent les services en santé mentale et leurs proches sont des êtres remplis de potentiel et qu’ils peuvent apporter beaucoup à leurs pairs, à la société et au système de santé ?
heureuse, de goûter le bonheur et d’avoir des rêves et des buts dans la vie ? • Est-ce que j’ai le désir de m’investir an que la dignité et les droits des personnes qui vivent avec un trouble mental soient respectés ? • Est-ce que le fait d’être disponible pour soutenir la personne an qu’elle soit en mesure de faire face aux préjugés et à la discrimination quotidienne dont elle est victime fait partie de mes valeurs ? • Est-ce que je suis capable de reconnaître mes propres préjugés et d’y faire face an de pouvoir aider la personne qui présente un trouble mental ? INTERVENTION EN PRÉVENTION ET EN PROMOTION DE LA SANTÉ MENTALE
• Est-ce que j’ai le souci et la volonté d’aider toute personne à dénir et à réaliser ses propres objectifs dans le but d’optimiser sa santé mentale positive et ainsi de jouer un rôle important dans la prévention du trouble mental ? • Est-ce que le fait de procéder à des activités de diffusion d’information an de mieux renseigner et de sensibiliser la population sur la santé mentale et les troubles mentaux représente pour moi un dé stimulant ? COLLABORATION INTERDISCIPLINAIRE
• Est-ce que le fait de travailler en collaboration avec divers acteurs est pour moi une source de satisfaction et de réalisation professionnelles ?
LUTTE CONTRE LA STIGMATISATION
• Est-ce que je suis motivée par le fait d’avoir à déléguer des responsabilités aux membres de l’équipe, an que l’équipe dans son ensemble contribue au bien-être et au rétablissement de la personne aidée ?
• Est-ce que j’ai à cœur de réaliser les interventions nécessaires afin de prouver à la personne qui a reçu un diagnostic de trouble mental qu’elle est quelqu’un, un être à part entière, une personne qui a le droit d’être
• Est-ce que les interactions avec d’autres professionnels ainsi qu’avec le client et ses proches sont pour moi une source d’apprentissage et d’actualisation continuelle de mes connaissances ?
La exibilité d’une inrmière et sa capacité de synthétiser la théorie et la pratique sont bénéques à toute personne requérant son aide. Étant donné que l’exercice inrmier en santé mentale renvoie à des connaissances spécialisées ainsi qu’à des compétences de plus en plus complexes et étendues, l’apprentissage de l’inrmière se Marie-Judes Lizaire, d’origine haïtienne, est âgée poursuit tout au long de sa de 21 ans. Elle est votre meilleure amie. Elle étudie carrière. Par conséquent, le en droit pour devenir avocate. Cependant, elle rapport portant sur la pramanifeste des signes de dépression, situation que tique inrmière en santé menvous ne soupçonniez pas. Elle tient à ce que vous tale de l’Ordre des inrmières ne parliez de ses difcultés à personne. « Je vais et infirmiers du Québec m’en sortir toute seule, je n’ai pas besoin d’aide », (OIIQ) mentionne que le perdit-elle. Que pourriez-vous faire pour la soutenir sonnel infirmier œuvrant malgré son refus d’être aidée ? dans ce domaine doit être en
Jugement
clinique
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Partie 1
FIGURE 3.2 Les personnes qui sont traitées pour des blessures mentales et émotionnelles apprécient l’altruisme sincère de l’inrmière et son attitude positive inconditionnelle.
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
mesure de suivre des activités de formation continue, notamment sur l’évaluation de la condition de l’état physique et mental, sur la planication du congé, sur l’intervention auprès des familles et sur les approches thérapeutiques novatrices. Le but de ces formations est de permettre à l’inrmière de parfaire et de mettre à jour ses connaissances an d’offrir des soins de qualité (OIIQ, 2009).
3
Établir les priorités L’établissement des priorités de soins inrmiers est l’une des compétences les plus importantes que l’inrmière acquiert. L’inrmière utilise différentes sources d’information (client, environnement, dossier médical, etc.) pour réévaluer constamment les priorités. Il s’agit d’une activité ouverte qui ne prend n que lorsque la personne obtient son congé ou que la prise en charge est transférée à d’autres professionnels de la santé ou organismes. L’inrmière établit les priorités relatives aux problèmes découlant de la situation de santé, aux résultats escomptés et aux interventions inrmières tout en étant préparée à les modier en fonction des réactions de la personne et des évaluations inrmières. Le jugement clinique, la capacité d’organiser et de gérer les interventions ainsi que la exibilité sont des qualités pré cieuses pour l’inrmière.
Déterminer et consolider les forces Il importe que l’inrmière s’attarde aux caractéristiques saines et consolide les forces du client et de ses proches puisque celles-ci sont essentielles à leur bien-être et au rétablissement du client. L’infirmière et tous les autres membres de l’équipe de soins sont là pour assister le client et ses proches en vue de déterminer les forces de la personne aidée. Ils travaillent avec celle-ci pour l’aider à consolider ses forces, à acquérir des habiletés et à trouver ou à retrouver des raisons d’être en bonne santé et de retrouver le désir de vivre. Si la famille et la personne aidée ne s’engagent pas dans cette voie, celle-ci risque d’être incapable de surmonter cette crise ou peut avoir de la difculté à apprendre à vivre avec un trouble mental récurrent ou persistant FIGURE 3.3. Pour diverses raisons, la personne aidée et sa famille peuvent être incapables de déterminer leurs forces au début d’un épisode psychiatrique aigu. Les membres de la famille sont parfois sous le choc ou dans le déni, dépassés par le comportement de la personne ou fâchés des circonstances qui entourent l’épisode. Si la personne est en psychose, en dépression grave, sous l’inuence de substances ou si elle a une faible estime de soi, elle sera généralement incapable de déterminer ses forces. L’inrmière évalue si la personne aidée et sa famille sont prêtes à se tourner vers des
FIGURE 3.3 L’inrmière interagit avec les proches et les aide à déterminer les forces et les autres éléments positifs de leur noyau familial.
aspects positifs de l’événement perturbateur en cours et leur donne le temps de comprendre et d’accepter ce qui s’est produit. Dans une telle situation, l’inrmière peut revoir la hiérarchie des besoins de Maslow 8 . En effet, la personne n’est pas prête à se réaliser ou en est incapable lorsque ses besoins primaires ne sont pas satisfaits en raison d’un épisode perturbateur associé à un trouble mental grave. Toutefois, au moment opportun, l’inrmière peut aider le client et sa famille à déterminer et à consolider leurs forces ENCADRÉ 3.4. Quand celles-ci sont discutées et que les membres de la famille peuvent voir la situation d’un meilleur œil, ses côtés négatifs s’atténuent, et le courage, l’estime de soi et la motivation de la personne s’améliorent.
Autres principes cliniques L’expérience clinique est bonifiée quand l’infir mière intègre des principes élémentaires dans sa pratique. Les interventions suivantes peuvent être utiles pour l’infirmière qui travaille en santé mentale, notamment au cours de ses interactions avec la personne aidée TABLEAU 3.1.
3.3
8 La pyramide de Maslow est décrite dans le chapitre 8, Développement et vieillissement de la personne.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Il importe que l’inrmière s’attarde aux caractéristiques saines et aux forces du client et de ses proches puisque celles-ci sont essentielles à leur bienêtre et au rétablissement du client.
Enjeux inrmiers en santé mentale
La pratique inrmière en santé mentale est une source constante de réalisation, d’accomplissement et de dépassement pour l’inrmière, mais elle s’accompagne inévitablement de dés et d’enjeux qui peuvent s’avérer parfois déstabilisants pour elle si elle ne sait pas bien les gérer. L’inrmière qui y est préparée pourra en tirer tout l’enseignement nécessaire pour perfectionner sa pratique auprès de personnes aux prises avec un trouble mental, en plus d’y trouver une grande erté . Chapitre 3
Tableau 3.1W : Solutions possibles aux enjeux qui se présentent dans les établissements de santé mentale et de psychiatrie.
Principes de la pratique inrmière en santé mentale
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Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 3.4
Évaluer si le client et ses proches sont prêts à déterminer leurs forces
• L’inrmière peut d’abord se poser les questions suivantes au sujet du client et de ses proches : − Sont-ils sous le choc ? − Présentent-ils du déni ? − Sont-ils en colère ? Si oui, la personne et ses proches peuvent avoir de la difculté à déterminer leurs forces. • Formuler des commentaires objectifs et encourager la personne et ses proches. • Aider la personne à nommer des raisons précises et des avantages de se rétablir et de rester en bonne santé. • Si la personne est incapable de nommer ses forces, modier la stratégie ou utiliser d’autres méthodes : − demander à la personne de rééchir à ses forces après la rencontre et d’en dresser une liste qu’elle rapportera à la prochaine rencontre ;
− laisser plus de temps à la personne pour analyser l’information ; − demander à la personne de représenter les « raisons » de se rétablir et de rester en bonne santé au cours d’une thérapie par l’art ou d’exprimer ses forces à l’occasion d’une thérapie par le jeu ou d’autres types de thérapies. • Demander à la personne ce qu’un membre apprécié de sa famille, de son entourage ou un ami dirait de ses forces. • Proposer à la personne d’assister à une rencontre de l’équipe interdisciplinaire et d’écouter le médecin et les autres mem bres du personnel décrire ses forces. • Assigner aux participants d’un groupe de traitement la tâche de discuter de leurs forces mutuelles.
Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 3.1
Accompagner la personne présentant un trouble mental dans son cheminement
INTERVENTION
JUSTIFICATION
Aider la personne en établissant des limites aux comportements qui sont autodestructeurs ou qui représentent une menace pour elle ou d’autres personnes.
La personne doit apprendre que ses gestes ont des conséquences. En la laissant faire des choses qui sont socialement inacceptables, l’inrmière nuit à ses progrès et à sa compréhension pendant le traitement, mais aussi à son acceptation ultérieure par la société.
Éviter de vouloir être la seule personne à venir en aide à celle qui en a besoin.
Les membres de l’équipe de soins aident collectivement la personne à effectuer des changements qui favorisent son bien-être. Aucun membre du personnel ne le fait seul.
Demander de l’aide quand le comportement de la personne commence à être non maîtrisable ou agressif.
L’omission d’agir rapidement entraîne souvent la perte de maîtrise de la personne, ce qui peut entraîner des blessures à cette dernière ou à d’autres personnes.
Considérer le milieu clinique comme le laboratoire de la personne.
La personne est souvent capable de résoudre beaucoup de ses problèmes quand l’inrmière est disposée à discuter de ses idées et à la laisser essayer de nouveaux comportements sous sa supervision.
Encourager la personne à assumer la responsabilité de ses gestes, de ses décisions, de ses choix et de sa vie quand elle en est capable.
En évitant d’encourager les comportements de dépendance et avec le soutien véritable du personnel, l’inrmière permet à la plupart des personnes d’apprendre à structurer leur propre vie selon leurs aptitudes et dans le cadre de leur réseau de soutien.
CE QU’IL FAUT RETENIR
3.3.1
Les idées préconçues et fausses qui sont véhiculées dans la société sur les personnes aux prises avec des troubles mentaux peuvent occasionner une certaine crainte chez l’inrmière qui se prépare à travailler auprès de personnes présentant des troubles mentaux.
La crainte est une réaction courante de l’inrmière qui intervient auprès de personnes souffrant de troubles mentaux graves. Il est normal de ressentir une certaine appréhension. La crainte engendrée par la stigmatisation liée aux troubles mentaux, celle de l’échec ainsi que le doute de soi en sont des exemples. L’inrmière doit déterminer ses craintes, les surmonter grâce à une meilleure connaissance et à une meilleure compréhension des troubles mentaux et prendre des mesures an de devenir une ai dante efcace.
58
Partie 1
Gérer les craintes
Crainte engendrée par la stigmatisation liée aux troubles mentaux Les idées préconçues et fausses qui sont véhiculées dans la société sur les personnes aux prises avec des troubles mentaux peuvent occasionner une certaine crainte chez l’inrmière qui se prépare à travailler auprès de personnes présentant des troubles mentaux. Toutefois, ces stéréotypes ne reètent pas la réalité. Lorsque l’inrmière éprouve des craintes, il est préférable qu’elle adopte une attitude honnête et ouverte envers la personne aidée quant à son degré d’expérience.
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
L’inrmière ayant vécu des expériences négatives avec des parents ou des personnes de son entourage souffrant de troubles mentaux peut entretenir une image faussée des personnes vivant avec de telles maladies. L’inrmière qui pense à ce genre d’expériences passées avant de rencontrer un client risque de nuire à la relation thérapeutique. Il n’y a pas deux personnes semblables, même si elles ont reçu le même diagnostic. L’inrmière évolue sur le plan personnel quand elle voit que toute personne a ses propres besoins, problèmes et forces et qu’elle interagit avec chacune en conséquence. La crainte de comportements violents imprévisibles ainsi que la perception de manque de volonté attribué à la personne devant la récurrence des épisodes du trouble mental font partie des réactions possibles de la part des inrmières (Ross & Goldner, 2009). Cela requiert l’actualisation des compétences inrmières liées à l’utilisation thérapeutique de soi, aspect central de la pratique inrmière, et à la promotion d’interventions basées sur l’approche du rétablissement, incluant le respect du client et de son vécu, la promotion de l’espoir et le soutien au développement optimal des forces et des capacités de la personne (Provencher, 2008).
Crainte de l’échec Les personnes souffrant de troubles mentaux peuvent parfois avoir des comportements différents de ceux attendus ou éprouver de la difculté à exprimer leurs émotions et leurs besoins. Comprendre et accueillir le client dans ce qu’il est et dans ce qu’il vit représente un dé pour l’inrmière. Une crainte de l’inrmière peut être de ne pas savoir quoi dire ou quoi faire. Elle craint d’être gênée ou rejetée par la personne qu’elle essaie d’aider. L’inrmière peut donc se sentir impuissante dans l’aide qu’elle apporte au client et, parfois être portée à l’éviter. Il est important que
FIGURE 3.4 Une expression faciale détendue et une posture ouverte non imposante indiquent un intérêt et une préoccupation envers la personne aidée.
l’inrmière soit capable d’introspection et d’analyse de ses craintes an de trouver des moyens d’y faire face. Elle pourra ainsi devenir à l’aise d’interagir avec la personne qu’elle accompagne, lui offrir une écoute attentive et acquérir de l’expérience en communication .
Annexe 3.2W : Préoccupations de l’inrmière concernant sa propre santé mentale.
La crainte engendre l’évitement, mais la connaissance et la préparation réduisent la crainte et donnent de l’assurance ENCADRÉ 3.5. Intervenir en santé mentale exige une Vous commencez votre stage en santé mentale, et connaissance des troubles l’enseignante vous demande de choisir le client au mentaux, mais aussi la comprès de qui vous interviendrez. Vous êtes dans une préhension des fondements unité de soins où se trouvent des clients qui mani des interventions particulières festent de l’agressivité, d’autres qui présentent à chaque situation. Avec le des troubles de la personnalité et d’autres encore temps, l’inrmière acquiert qui commettent des actes d’automutilation. Auprès des compétences spéciques de quel type de clients croyezvous que vous auriez pour intervenir de façon théle plus de difculté à intervenir ? rapeutique.
clinique
Jugement
Ainsi, un climat de conance et de coopération entre les deux acteurs peut s’établir FIGURE 3.4.
3.3.2
Privilégier le « plus ou moins » plutôt que le « tout ou rien »
Contrairement à la plupart des sciences physiques qui sont prévisibles et exactes, la psychiatrie et la psychologie peuvent sembler imprécises et ambiguës à l’inrmière. La dénition, la description et le classement des diagnostics psychiatriques dans le Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (DSM-5) reposent sur des descriptions ou des critères assez précis ; toutefois, en raison de la complexité de la nature humaine, les symptômes se présentent d’une manière unique pour chaque personne. L’inrmière évite de penser en termes absolus et de voir les symptômes comme étant présents ou absents (c.-à-d. « tout ou rien »). En réalité, les symptômes peuvent changer légèrement ou énormément en quelques heures ou en quelques jours (c.-à-d. « plus ou moins »). Puisque les symptômes psychiatriques ne sont pas toujours mesurés par des résultats d’examens paracliniques, par des tableaux et des graphiques, une observation particulière de l’inrmière est nécessaire pour les détecter. Comme des modications subtiles sont parfois un signe de changements plus importants à venir, l’inrmière note attentivement toute augmentation ou diminution des symptômes. Les symptômes sont dynamiques et se comparent plus souvent à des tons variables de gris qu’à du noir et du blanc. Par exemple, une personne qui a des tendances à la paranoïa montre de la méance en parlant fort et en ayant un ton accusateur à son admission. Elle se calme ensuite, mais reste sur ses gardes, suspicieuse et renfermée au cours des jours suivants. Le symptôme de paranoïa est semblable, mais les manifestations varient selon les stimulus internes de la Chapitre 3
Principes de la pratique inrmière en santé mentale
59
3
Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 3.5
ALERTE CLINIQUE
An d’acquérir de l’expérience et de l’assurance, l’inrmière prendra certains risques et cherchera les diverses occasions d’exercer ses habiletés d’interactions avec la personne dans diverses situations ; cependant, la sécurité doit toujours demeurer une priorité de l’inrmière.
Appliquer des mesures pour réduire les craintes
• Amorcer les interactions et approcher la personne pour lui parler plutôt qu’attendre qu’elle le fasse. La personne a le droit de refuser de parler à l’inrmière, et elle le fait parfois pour diverses raisons. L’inrmière ne doit pas se sentir personnellement visée. Le client peut hésiter à révéler des renseignements à quelqu’un qu’il ne connaît pas. Peu importe la raison, il faut persévérer et parler à d’autres personnes. Ultérieurement, l’inrmière tentera à nouveau d’avoir une interaction avec les clients qui ont refusé de lui parler initialement.
• Avoir des attentes réalistes en ce qui a trait à son rendement. L’inrmière acquiert des habiletés et de l’assurance chaque jour de sa pratique, et elle apprend continuellement. L’inrmière qui travaille auprès de personnes qui souffrent de troubles mentaux et de leurs proches visera les accomplissements quotidiens, si petits soient-ils.
• Approcher chaque personne en utilisant les techniques et les habiletés élémentaires de communication thérapeutique ainsi qu’en ayant recours à des questions et à des afrmations ouvertes, si possible.
• Revoir la théorie et les politiques de l’établissement concernant la sécurité, la condentialité et les limites des soins an d’être préparée aux diverses éventualités.
• S’efforcer d’éviter les stéréotypes et les préjugés. Cela est plus facile si l’inrmière en a fait un objectif planié. • Se donner des dés en prenant l’initiative d’interagir avec les personnes ayant reçu différents diagnostics. • Apprendre les symptômes de chaque diagnostic psychiatrique et les interventions particulières destinées à ces symptômes et aux réactions qu’ils suscitent. Le perfectionnement des habiletés procure un sens de maîtrise de chaque situation et réduit davantage la crainte.
éactivation des connaissances
personne, son type de personnalité, l’environnement de l’unité, la situation ou les événements.
Nommez les cinq caractéristiques d’un bon objectif de soins.
Il est important d’observer la personne et d’interagir avec elle au cours de la journée, d’écouter attentivement les rapports des quarts de travail et de discuter avec les autres membres du personnel. De concert avec la personne et ses proches, il faut aussi établir des objectifs optimistes, mais réalistes. Par exemple, un objectif irréaliste serait d’éliminer les hallucinations de la personne d’ici la n de la semaine.
CE QU’IL FAUT RETENIR
L’inrmière devrait s’abstenir de prendre en main des situations et des événements que la personne aidée est en mesure de gérer. De même, elle évite la recherche de prestige ou de pouvoir dans son travail avec le client.
60
Partie 1
3.3.3
Éviter les réactions évaluatives
La personne réagit plus favorablement à une communication interpersonnelle et au traitement quand elle ne se sent pas observée scrupuleusement, constamment évaluée ou obligée de se comporter d’une manière précise pour être acceptée. C’est pourquoi l’inrmière évitera les réactions évaluatives d’approbation ou de désapprobation qui indiquent que la personne est bonne ou mauvaise ou qu’elle a raison ou tort. Ainsi, il est nécessaire de commenter les comportements de la personne, mais pas la personne elle-même. Les interactions neutres montrent une reconnaissance, une acceptation et du respect pour le client sans lien avec des exigences ou des qualications. La
• Utiliser l’afrmation de soi positive en se répétant, par exemple : Je me débrouille bien. Et : Je possède exactement les compétences requises à mon niveau professionnel.
• Écrire ses objectifs personnels particuliers avant chaque quart de travail. Ils serviront d’outils de répétition pour l’expérience clinique. Cela permettra d’acquérir de la conance en soi. Les objectifs pourraient être d’interagir avec une personne qui a une dépression caractérisée et d’utiliser certaines interventions précises, de garantir la sécurité d’une personne en suivant les procédures de l’unité de soins (p. ex., l’évaluation et la prévention du suicide) ou encore de créer un environnement sûr et sans préjugé propice aux interactions de la personne.
reconnaissance neutre de l’apparence, du comportement et du progrès du client donne de meilleurs résultats. Par exemple, lorsqu’une cliente souffrant d’un trouble dépressif recommence à prendre soin d’elle et de son apparence après plusieurs semaines sans l’avoir fait, une attitude évaluative serait de lui dire : Marie, cette robe jaune vous va vraiment bien ! Mieux que tout ce que vous avez porté depuis votre arrivée dans cette unité. Dans une telle situation, il est plus indiqué d’utiliser une afrmation neutre comme celle-ci : Bonjour Marie. Vous êtes douchée et habillée. Je vais vous accompagner jusqu’à la salle à manger. Il est important de préciser que des énoncés neutres de reconnaissance ne sont en rien synonymes d’indifférence. Celle-ci affecte rapidement ou décourage complètement une personne, et elle réduit sa motivation et sa volonté de s’engager dans son propre processus de rétablissement ; c’est l’antithèse d’une pratique inrmière efcace.
3.3.4
Proposer des solutions plutôt que résoudre des problèmes
L’inrmière devrait s’abstenir de prendre en main des situations et des événements que la personne aidée est en mesure de gérer. De même, elle évite la recherche de prestige ou de pouvoir dans son
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
travail avec le client. Ainsi, elle préserve la dignité de la personne aidée, peu importe sa situation. Cette dernière peut donc découvrir l’ensemble des possibilités malgré les limites que lui impose la maladie (Deegan, 2007), de même que centrer son attention sur la personne qu’elle désire être plutôt que sur celle qu’elle n’est plus (Pettie & Triolo, 1999). L’inrmière écoute activement la personne et oriente son plan de traitements pendant que celle-ci résout ses propres problèmes et trouve des réponses qui conviennent à sa situation FIGURE 3.5. L’inrmière amorce une communication thérapeutique avec la personne et l’aide à exprimer ses pensées et ses sentiments. Lorsque la personne est capable d’écouter ses propres paroles, le processus de résolution de problèmes débute, et elle commence à trouver ses solutions personnelles. Si l’inrmière dit à la personne quoi faire ou comment le faire, elle ne reconnaît pas l’expérience de celle-ci. De plus, il est possible que les solutions de l’inrmière ne conviennent pas à la situation ou au mode de vie de la personne aidée. Si, pour une raison quelconque (p. ex., une dépression, une décience cognitive, une situation de crise), la personne est incapable de trouver des réponses, l’inrmière peut lui suggérer des solutions ou des choix. Il s’agit d’offrir de l’aide et des encouragements sans donner de réponses ou de suggestions. La plupart des personnes connaissent les solutions à leurs problèmes, mais ont parfois seulement besoin d’un peu d’aide pour organiser leurs pensées, prendre conscience des solutions et apporter des changements 5 .
3.3.5
Distinguer les observations des interprétations
Lorsque l’inrmière interprète le comportement de la personne, elle prend une décision sur la cause de ce comportement, lui donne une raison et tire une conclusion. Ce processus comporte un grand potentiel d’erreur et de partialité. L’inrmière se fonde alors sur son propre cadre de référence, ses
perceptions et ses expériences, qui peuvent avoir peu de lien, voire aucun, avec le comportement du client. De plus, elle ne donne pas l’occasion à la personne aidée de résoudre les problèmes et de communiquer ses réexions et ses idées sur des questions importantes. Une fausse conclusion peut aussi mal orienter les objectifs de traitement. An d’éviter d’interpréter le comportement de la personne, l’inrmière peut réagir par l’observation plutôt que par l’inférence, valider les interprétations avec la personne pour arriver à des conclusions mutuelles et analyser les conclusions avec cette dernière. Pour éviter les interprétations, l’inrmière s’efforce de comprendre le point de vue du client sur les situations et les événements qui le concernent plutôt que de se faire une opinion personnelle à leur sujet. L’inrmière ne donne pas de raisons et ne propose aucune conclusion concernant ces situations manifestement révélatrices.
3.4
Champs de compétences de l’inrmière en santé mentale
Dans le but de faire la lumière sur l’axe central de la pratique inrmière en santé mentale au Québec, le Comité d’experts sur la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques a élaboré six volets de compétences inrmières appliqués au champ de la santé mentale, soit : 1) la relation thérapeutique ; 2) l’évaluation de la condition physique et mentale et l’évaluation des troubles mentaux ; 3) la surveillance clinique et l’utilisation des mesures de contention et d’isolement ; 4) le suivi infirmier ; 5) la continuité et la qualité des soins ; 6) le soutien et le développement de la pratique (OIIQ, 2009).
3.4.1
5 Le chapitre 5, Communication et relation thérapeutique, fournit des exemples de formulation qui permet tent à l’inrmière de sug gérer des solutions sans décider pour le client.
Relation thérapeutique
La relation thérapeutique est une activité transversale de la pratique inrmière en contexte de santé mentale. Elle doit être utilisée de manière judicieuse par la mise en application des principes liés à la communication interpersonnelle efcace de même que des attitudes thérapeutiques associées à la relation d’aide tout au long de la démarche de soins. Par ailleurs, l’utilisation d’une approche de pratique réexive, notamment à l’égard de l’utilisation thérapeutique du soi, contribue à bonier l’exercice inrmier en santé mentale (OIIQ, 2009 ; Provencher, 2008).
3.4.2
FIGURE 3.5 Le personnel inrmier écoute la personne et l’aide à trouver ellemême les solutions à ses problèmes.
3
Évaluation de la condition physique et mentale et évaluation des troubles mentaux
Depuis l’entrée en vigueur de la Loi modiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives Chapitre 3
CONSEIL CLINIQUE
Pour éviter l’interprétation, l’inrmière observe les comportements. Elle peut dire, par exemple : J’ai vu votre femme partir, Daniel, et maintenant vous pleurez ; ou Manuel, ce que vous venez de dire a suscité une forte réaction de la part du groupe.
Principes de la pratique inrmière en santé mentale
61
dans le domaine de la santé, évaluer la santé physique et mentale d’une personne symptomatique et évaluer le trouble mental représentent deux des activités réservées à l’inrmière. Selon cette loi, toute inr mière, peu importe son milieu de travail, doit avoir les compétences nécessaires pour évaluer la santé mentale d’une personne qui présente des symptômes. Pour ce faire, elle crée d’abord un climat de conance avec le client et ses proches, favorisant ainsi l’émer gence de liens de collaboration et de partenariat.
i Le rapport du Comité d’experts sur la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques peut être consulté sur le site Internet de l’OIIQ : www.oiiq.org.
En ce qui a trait à l’évaluation du trouble men tal, l’inrmière qui détient une formation univer sitaire de deuxième cycle ainsi qu’une expérience clinique déterminée par l’OIIQ doit établir de façon détaillée le prol de la situation de santé de la personne ; elle le fait en recoupant ses données relatives à l’évaluation de l’état physique et men tal de la personne à l’aide de ses connaissances en matière de psychopathologie et d’évaluation de l’état physique et mental. Cette articulation permet à l’inrmière de formuler une impression clinique en fonction d’une taxonomie des troubles mentaux (p. ex., celle du DSM5).
3.4.3
CE QU’IL FAUT RETENIR
Lorsque l’inrmière exerce une surveillance clinique de la condition d’un client présentant des risques, elle effectue une évalua tion continue des signes d’amélioration ou de détérioration de l’état de santé de la personne.
Lorsque l’inrmière exerce une surveillance clinique de la condition d’un client présentant des risques, elle effectue une évaluation continue des signes d’amélioration ou, dans le cas contraire, de détério ration de l’état de santé de la personne. Ce processus d’évaluation continue lui permet, entre autres, de prévoir tout risque inhérent à la sécurité de la per sonne, de ses proches ou encore des membres de l’équipe soignante. Par ailleurs, il relève du rôle de l’inrmière de mettre en place des modalités de ges tion de situations à risque ou de situations de crise, que ce soit dans les établissements de santé ou dans la collectivité. En portant un jugement clinique déterminant la pertinence ou non de l’utilisation des mesures de contention et d’isolement ainsi qu’en utilisant ces mesures en fonction de leurs indications thérapeutiques et en tenant compte des contre indications, l’inrmière est en mesure de décider de l’utilisation de telles mesures.
3.4.4
Comorbidité : Présence de deux maladies/troubles ou plus dans une période de temps précise, dont l’étiologie et le développement peuvent être associés ou indépendants.
62
Partie 1
Surveillance clinique et utilisation des mesures de contention et d’isolement
Suivi inrmier
Effectuer le suivi inrmier des personnes présen tant des problèmes de santé complexes est une autre activité réservée à l’inrmière. Dans le but d’exercer pleinement ce rôle, l’inrmière en santé mentale procède au suivi de la personne dans le cadre d’une approche thérapeutique appropriée à l’état de santé et aux besoins propres à cette der nière, et cela, en utilisant les valeurs du rétablisse ment comme cadre d’orientation FIGURE 3.6.
FIGURE 3.6 Le suivi inrmier est effectué régulièrement et permet à l’inrmière et au client d’échanger, entre autres, sur les diverses facettes du traitement.
Dans son intervention thérapeutique auprès de la personne, l’inrmière effectue notamment un suivi pharmacologique pour surveiller, prévenir, anticiper et évaluer les effets indésirables relatifs à la prise de la médication. Dans le cadre du suivi, l’inrmière exerce un rôle central d’enseignement et de guide en matière de prévention des troubles mentaux et de promotion de la santé mentale auprès de la personne, de la famille, des groupes et de la communauté. Par ailleurs, l’inrmière est habilitée à effectuer le suivi des clients qui sont aux prises avec des problèmes de santé complexes et qui présentent de la comorbidité. De même, elle effectue le suivi des personnes ayant une double problématique et nécessitant des services spécia lisés comme un trouble mental associé à un handi cap intellectuel, un trouble des conduites ou un trouble du spectre de l’autisme.
3.4.5
Continuité et qualité des soins
Dans le but d’assurer la continuité et la qualité des soins, l’inrmière contribue à la coordination des soins et des services. Ainsi, par l’entremise de ses relations de collaboration avec l’équipe soignante, la personne et ses proches, elle exerce un leadership professionnel. De plus, l’inrmière intervient en donnant des soins qui sont conformes aux standards de la pratique ou aux pratiques exemplaires en santé mentale, c’est àdire aux pratiques qui sont aidantes et qui ont des retombées positives auprès de per sonnes vivant avec un trouble mental (OIIQ, 2009).
3.4.6
Soutien et développement de la pratique
Le fait de contribuer au développement et au soutien de la pratique professionnelle dans une perspective d’amélioration continue de la qua lité des soins en santé mentale et selon la mission
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
de l’établissement de santé représente un des rôles de l’inrmière. Pour y arriver, elle devrait s’engager pleinement dans son développement professionnel. De la sorte, elle peut prendre part à la recherche et au transfert des connaissances (empiriques, théoriques, pratiques), ainsi qu’à la formation et à la supervision de divers groupes (p. ex., les pairs, les étudiants, les professionnels
3.5
3
Démarche de soins
An d’évaluer la santé physique et mentale d’une personne symptomatique et d’assurer une surveillance clinique, l’inrmière utilise la démarche de soins qui vise à prodiguer des soins appropriés et de qualité à chaque personne FIGURE 3.7. Chacune des étapes s’inscrit dans un processus dynamique et continu auprès de personnes atteintes de troubles mentaux et revêt un caractère particulier du fait de la complexité de ces troubles. Ainsi, la mise en œuvre de la démarche n’assure pas un soulagement immédiat des symptômes. L’inrmière peut cependant aider la personne à fonctionner plus adéquatement et à composer avec sa maladie en appliquant plusieurs approches éprouvées et en faisant preuve de patience, de compréhension et d’écoute.
3.5.1
et les non-professionnels). De plus, l’inrmière exerce une fonction de consultante, ce qui lui permet d’outiller diverses personnes ou certains groupes. Parallèlement, en proposant des projets de recherche ou en y participant, elle contribue à l’enrichissement du corpus de connaissances de la pratique infirmière en santé mentale (OIIQ 2009).
Collecte des données – Évaluation initiale
La collecte de données en santé mentale peut s’effectuer dans n’importe quel milieu, que ce soit en centre hospitalier, à l’urgence, dans une clinique ou dans le milieu de vie de la personne. L’inrmière, dans un contexte de santé mentale, recueille des données portant sur la santé du client dans une perspective globale. À cet effet, elle procède à une évaluation initiale au cours du premier contact avec la personne. Cette collecte
de données sert à obtenir des renseignements de base sur l’état physique et mental de celle-ci. Elle permet d’établir le prol du client, de préciser ses besoins prioritaires et de déterminer les directives inrmières requises. Les constats d’évaluation et les directives inrmières sont alors notés dans le plan thérapeu tique inrmier (PTI). L’inrmière procède à la collecte des données, non seulement avec la personne aidée, mais elle consulte aussi les proches de celle-ci an de recueillir le plus d’information possible .
Vidéo : Crise psychotique et famille.
Cette collecte de données ne porte pas uniquement sur les éléments fournis verbalement par la personne aidée et ses proches, car l’inrmière recueille également de l’information importante en portant une attention particulière à l’apparence, au comportement moteur et au langage verbal et non verbal du client, entre autres. Par exemple, lorsque l’inrmière remarque que la personne a une apparence négligée (p. ex., des vêtements sales, des cheveux non coiffés, etc.), il est important qu’elle le note puisque cela peut sous-tendre un problème mental chez la personne et, notamment, laisser supposer un état dépressif. D’autres sources de données comme le dossier médical ou les suivis faits par différents intervenants sont aussi consultées.
FIGURE 3.7 La démarche de soins est un processus dynamique qui implique une constante réévaluation de l’état de la personne. Chapitre 3
Principes de la pratique inrmière en santé mentale
63
3.5.2 éactivation des connaissances Nommez au moins trois sources, autres que le client lui-même, où l’inrmière peut rechercher des données lors de l’évaluation initiale.
Analyse et interprétation des données
L’analyse des données recueillies sert à déterminer les problèmes actuels ou potentiels, ainsi qu’à formuler des problèmes prioritaires qui seront consignés au PTI. L’infirmière qui pratique dans le domaine de la santé mentale acquiert son expertise clinique grâce aux concepts théoriques, mais aussi à partir de sa créativité et de son intuition. Comme chaque personne qui vit avec un trouble mental a sa propre façon de réagir et présente des symptômes et des manifestations qui lui sont propres, il importe que l’inrmière soit en mesure d’utiliser son intuition pour valider certaines données qu’elle remarque chez la personne aidée, an de déterminer l’état de celle-ci et d’effectuer les interventions appropriées.
3.5.3
Planication des soins
La planication des soins permet d’établir les problèmes prioritaires de la personne, de son état de santé, de ses besoins et de ses attentes. La planication des objectifs et des résultats escomptés doit être effectuée de concert avec la personne et ses proches. Ainsi, ces résultats ne doivent pas être ceux que l’inrmière voudrait voir se réaliser, mais plutôt ceux que la personne peut et désire atteindre, car c’est elle qui doit effectuer les efforts pour les réaliser dans son cheminement. Il importe donc de déterminer les interventions et les directives à partir des besoins, des Carol Duranceau est âgé de 52 ans. Il est paraplédésirs et des choix du client gique et se déplace en fauteuil roulant. Il a des et de les documenter dans le comportements impulsifs de violence envers les PTI. Par ailleurs, pour favoriautres. Il souffre de céphalées intenses et reçoit un ser le rétablissement de la analgésique opioïde au besoin. L’équipe soignante personne, les objectifs et les soupçonne qu’il a développé une dépendance à ce résultats escomptés doivent médicament. Il a reçu une dose il y a une heure et il être en lien, d’une part, avec en a demandé une autre. Parce que l’inrmière a rela gestion des symptômes et, fusé de la lui donner, il s’est mis à crier, à bousculer d’autre part, avec la res les meubles, à lancer des objets. Il a même proféré tauration de la santé mendes menaces de mort et a dit qu’il ferait mettre tale positive de la personne une bombe dans le centre hospitalier, parce qu’il (Provencher & Keyes, 2010, a des contacts dans le milieu criminel. Une équipe 2011). Le recours à une de sécurité a été demandée. Quelle intervention équipe interdisciplinaire est autonome de l’inrmière pourrait être appliquée généralement indiqué pour pour assurer un suivi clinique de la condition de planier et effectuer le suivi monsieur Duranceau ? des soins.
Jugement
clinique
3.5.4
Partie 1
La majorité des interventions s’effectue en collaboration avec tous les intervenants qui suivent la personne tout au long de son traitement. Dans ce cadre, l’inrmière collabore aux soins, notamment grâce à des interventions autonomes. Ces interventions particulières sont fondées sur les connaissances de l’inrmière et vont souvent au-delà des interventions prescrites par l’équipe interdisciplinaire et contribuent à la réalisation du plan de soins et de traitement global. L’inrmière effectue une intervention autonome lorsqu’elle fait le suivi des traitements médicamenteux en stimulant la participation et la délisation de la personne (OIIQ, 2012) et lorsqu’elle ajuste le PTI an qu’il reète l’évolution de la situation du client.
3.5.5
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution
L’inrmière évalue la réponse de la personne en lien avec les résultats escomptés. Tout en échangeant avec le client et en accord avec lui, l’inrmière adapte les soins dans le but de répondre le plus dèlement possible aux attentes et aux besoins de celui-ci. Pour effectuer l’évaluation des résultats, l’inrmière compare l’état psychiatrique actuel de la personne avec celui souhaité pour l’atteinte des résultats escomptés et détermine si son état s’est amélioré ou détérioré. Si les résultats n’ont pas été atteints, l’inrmière évalue les raisons qui peuvent expliquer la situation.
Plan thérapeutique inrmier An d’être en mesure d’assurer un suivi clinique de qualité, toutes les décisions ou tous les ajustements inscrits au PTI nécessitent d’être documentés et justiés cliniquement dans les notes d’évolution au sujet de la personne (Chapados & Giguère Kolment, 2012 ; Leprohon & Lessard, 2006) FIGURE 3.8. Par ailleurs, l’inrmière établira les priorités de soins et construira l’ensemble du PTI en étroite collaboration avec le client et ses proches. De
Exécution des interventions
C’est à cette étape de la démarche de soins que l’inrmière exécute, en collaboration avec la personne et ses proches lorsque cela est possible, les interventions et les directives qui ont été planiées. Dans un contexte de santé mentale, le traitement exige souvent des habiletés de communication et d’enseignement, qui constituent l’essentiel des interventions psychosociales.
64
Interventions inrmières autonomes
FIGURE 3.8 L’inrmière consigne les directives inrmières dans le PTI et ajuste celui-ci en fonction de l’évolution de la situation du client.
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
même, l’application du PTI demande de la souplesse et un ajustement constant de la part de l’inrmière. Celui-ci ne doit pas être mis en œuvre sans que l’inrmière se questionne de nouveau sur sa pertinence clinique actuelle. Les directives
FIGURE 3.9
inrmières consignées au PTI donnent des indications importantes, voire primordiales pour le suivi clinique de la personne et contribuent soit à mettre en place une stratégie d’intervention, soit à déterminer une condition de réalisation FIGURE 3.9.
3
Exemple d’un extrait de plan thérapeutique inrmier en santé mentale et psychiatrie
Chapitre 3
Principes de la pratique inrmière en santé mentale
65
Analyse d’une situation de santé Germaine Grandmaison est âgée de 60 ans. Elle a perdu son mari il y a six mois et elle présente maintenant des signes de dépression caractérisée. C’est la raison pour laquelle elle est hospitalisée. Elle parle peu, sauf pour dire qu’elle ne voit pas comment elle va s’en sortir : « C’est trop difcile pour moi, tout ça. Qu’est-ce que je vais devenir ? »
Jugement clinique Elle néglige son apparence et reporte constamment le moment d’effectuer sa toilette, qu’elle ne fait pas quotidiennement. Elle mange très peu et demande à prendre ses repas dans sa chambre plutôt que dans la salle à manger. Elle cherche à s’isoler et à éviter les conversations.
Mise en œuvre de la démarche de soins
Collecte des données – Évaluation initiale – Analyse et interprétation 1. Devriez-vous évaluer le risque suicidaire chez cette cliente ? Justiez votre réponse. 2. En sachant que la cliente mange peu, que devriez-vous évaluer plus spécifiquement sur le plan de son alimentation ? 3. D’après les données initiales, quel semble être le problème prioritaire de madame Grandmaison ? SOLUTIONNAIRE
Planication des interventions – Décisions inrmières 4. Devriez-vous obliger madame Grandmaison à prendre une douche ou un bain quotidiennement ? Justiez votre réponse.
écemment vu dans ce chapitre Dans l’approche à déployer avec madame Grandmaison, il importe de consolider les forces de la cliente, condition essentielle à son bien-être et à son rétablissement. D’après les données ajoutées, quelle est la principale force de madame Grandmaison ? Extrait des notes d’évolution
2016-06-22 12:00 Demande à prendre ses repas dans sa chambre plutôt que dans la salle à manger. S’isole même en dehors des repas et préfère qu’on lui parle le moins possible.
66
Partie 1
Lorsque la lle de madame Grandmaison vient la visiter, vous en protez pour recueillir d’autres données sur la cliente. Vous apprenez ainsi que c’était une personne fière qui soignait son
apparence. Plus tard, vous proposez à la cliente qu’elle change de vêtements et qu’elle se coiffe tous les jours, objectif qu’elle accepte d’essayer d’atteindre.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
5. Est-ce un objectif réaliste ? Justiez votre réponse. 6. Même si la cliente s’isole et parle peu, devriez-vous attendre qu’elle amorce les interactions avec vous ? Justiez votre réponse. Voici un extrait du PTI de madame Grandmaison. Extrait CONSTATS DE L’ÉVALUATION Date
Heure
2016-06-22 12:00
N°
2
Problème ou besoin prioritaire
Initiales
Tendance à l’isolement
RÉSOLU / SATISFAIT Date
Heure
Professionnels / Initiales Services concernés
L.B.
SUIVI CLINIQUE Date
Heure
N°
2016-06-22
12:00
2
Directive inrmière
Demander à d’autres clients de la visiter.
Signature de l’inrmière
Lucienne Bokondo
Initiales
Initiales
Programme / Service
L.B.
Unité 2B – Santé mentale
CESSÉE / RÉALISÉE Date
Heure Initiales
L.B. Signature de l’inrmière
Initiales
Programme / Service
7. La directive inrmière est-elle pertinente pour assurer le suivi clinique du problème prioritaire de la cliente ? Justiez votre réponse.
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution 8. Qu’est-ce qui vous permettrait de conclure que l’objectif concernant les autosoins d’hygiène de madame Grandmaison est vraiment réaliste ?
3
APPLICATION DE LA PENSÉE CRITIQUE Dans l’application de la démarche de soins auprès de madame Grandmaison, l’inrmière a recours à un en semble d’éléments (connaissances, expériences antérieures, normes institutionnelles ou protocoles, attitudes professionnelles) pour analyser la situation de santé de la cliente et en
comprendre les enjeux. La FIGURE 3.10 illustre le processus de pensée critique suivi par l’inrmière afin de formuler son jugement clinique. Elle résume les principaux éléments sur lesquels l’inrmière s’appuie en fonction des données de cette cliente, mais elle n’est pas exhaustive.
VERS UN JUGEMENT CLINIQUE CONNAISSANCES • Fonctionnement d’une unité de soins psychiatriques • Dynamique de la personne souffrant de dépression • Rôle et fonctions de l’inrmière en santé mentale • Particularités d’une approche inrmière efciente en santé mentale
EXPÉRIENCES
NORMES
• Expérience auprès de personnes éprouvant un problème de santé mentale • Habileté en relation d’aide • Expérience personnelle d’un problème de santé mentale (ou d’une personne de son entourage)
• Responsabilités, rôle et fonctions de l’inrmière en psychiatrie • Respect des règles de fonctionnement d’une unité de soins psychiatriques
ATTITUDES • Respecter les limites de la cliente • Miser sur le potentiel de la cliente
PENSÉE CRITIQUE
ÉVALUATION • • • • • • •
Risque suicidaire Hygiène personnelle et apparence de la cliente Raisons pour ne pas prendre ses repas à la salle à manger Impacts de l’isolement de la cliente Réceptivité et participation de madame Grandmaison aux interactions Motivation et intérêt à atteindre l’objectif convenu concernant les soins d’hygiène Atteinte des résultats escomptés pour les soins d’hygiène
JUGEMENT CLINIQUE FIGURE 3.10
Application de la pensée critique à la situation clinique de madame Grandmaison
Chapitre 3
Principes de la pratique inrmière en santé mentale
67
Évaluation de la condition mentale
Chapitre
4
Écrit par : Lise Laberge, inf., M. Sc. Mis à jour par : Claire Page, inf., Ph. D. (Sciences biomédicales – psychiatrie sociale) D’après un texte de : Katherine M. Fortinash, MSN, APRN, PMHCNS
MOTS CLÉS Dimensions psychosociales . . . . . . . . . Entretien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Évaluation des troubles mentaux . . . . Évaluation en cours d’évolution. . . . . . Évaluation initiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Examen de l’état mental . . . . . . . . . . . . . Histoire de santé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Observation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Outils d’évaluation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Risques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Source d’information . . . . . . . . . . . . . . . .
OBJECTIFS 81
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez être en mesure :
73
• d’énumérer les objectifs de l’évaluation faite par l’infirmière ;
89 72 71 76
• de distinguer les objectifs de l’évaluation initiale de ceux de l’évaluation en cours d’évolution ; • de distinguer les données subjectives des données objectives ;
74
• de décrire les divers moyens d’évaluation ;
73
• de détailler les principaux éléments de l’évaluation ;
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• d’interpréter un génogramme et une écocarte ;
82 72
• de décrire les composantes de l’examen de l’état mental ; • d’expliquer les différents thèmes utilisés pour décrire les observations de l’examen de l’état mental ; • de décrire des moyens à utiliser pour évaluer un client en situation particulière ; • de formuler des problèmes infirmiers en santé mentale ; • de rédiger une note d’évolution en santé mentale.
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Guide d’études – SA05, SA06, SA07, SA09, SA10, SA12
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Partie 1
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
Concepts clés
Cette carte conceptuelle illustre schématiquement les principaux concepts décrits dans le présent chapitre. Sa lecture vous permettra d’avoir une vue d’ensemble des notions qui y sont présentées.
Plan de soins et de traitements inrmiers (PSTI) Plan thérapeutique inrmier (PTI)
4
an d’établir
Problème de santé
pour déterminer
Jugement clinique
vise à porter
Activité réservée
est Évaluation initiale Histoire de santé État de santé physique Examen de l’état mental Dimension psychosociale Évaluation des risques Données des grilles et des échelles d’évaluation
comprend
Évaluation de la condition mentale
inclut
par
basée sur
Entretien Observation Grilles et échelles d’évaluation
Données subjectives Données objectives Autres sources d’information
Chapitre 4
Évaluation de la condition mentale
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PORTRAIT
Steve Cormier Steve Cormier, âgé de 28 ans, se présente à l’urgence avec des blessures au visage et aux jointures. Les ambulanciers qui l’ont amené rapportent qu’il s’est battu dans un bar sans trop comprendre ce qui l’a motivé. Au cours de l’entretien, l’infirmière observe qu’il est très agité et que ses signes vitaux sont élevés. Après lui avoir donné les premiers soins, elle pousse l’évaluation plus loin. L’inrmière tente de reconstituer l’histoire de santé de monsieur Cormier. Elle apprend ainsi qu’il a consommé de l’alcool et des amphétamines. Il rapporte avoir, du côté de son père, des antécédents de trouble bipolaire avec caractéristiques psychotiques. À l’examen de son état mental, elle observe chez le client une hypervigilance, des blocages de la pensée et de la tachypsychie ; de plus, il tient des propos délirants. Elle soupçonne également qu’il a des hallucinations. Sur le plan psychosocial, monsieur Cormier lui dit qu’il a toujours eu des problèmes dans ses études. Il connaît peu de personnes sur qui il peut compter. L’inrmière décide d’instaurer une surveillance constante et demande une évaluation du client par le psychiatre.
4.1
Exercice inrmier et évaluation de la condition physique et mentale
(L.Q. 2002, c. 33), des activités professionnelles ont été réservées à chacune des professions en fonction du risque de préjudices, des compétences requises et des connaissances exigées pour les exercer. Ainsi, l’activité consistant à « évaluer la condition physique et mentale d’une personne symptomatique » (Loi sur les inrmières et les inrmiers, RLRQ , chapitre I-8, art. 36, al. 1) est devenue une activité réservée à l’inrmière, au même titre que celle de « diagnostiquer les maladies » (Loi médicale, RLRQ , chapitre M-9, art. 31, al. 1) est réservée aux médecins. Cette loi, qui redénit le partage des activités cliniques de 11 professions de la santé, reconnaît ainsi la contribution de l’inrmière et son jugement clinique. L’évaluation de la condition physique et mentale de la personne symptomatique constitue « l’assise de l’exercice inrmier. Elle est essentielle et nécessaire à la détermination des problèmes de santé et des besoins de la personne » (Ordre des inrmières et inrmiers du Québec [OIIQ], 2013, p. 36). Les inrmières ont aussi un rôle majeur à jouer dans les activités déterminantes comme le suivi inrmier des personnes ayant des problèmes de santé complexes et la surveillance clinique, incluant le monitorage et les ajustements du plan thérapeutique inrmier (PTI), lesquelles doivent nécessairement s’appuyer sur une évaluation continue de l’état de santé et des forces de la personne FIGURE 4.1. Dans son rapport intitulé La pratique inrmière en santé mentale : Une contribution essentielle à consolider, le Comité d’experts sur la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques met en évidence la contribution fondamentale de l’inrmière dans un système de santé en profonde réorganisation à la suite des progrès scientifiques réalisés au cours des dernières
L’investissement de l’inrmière dans une relation de qualité avec le client et ses proches constitue la pierre angulaire des soins inrmiers. Prendre soin de la personne dans un contexte de problèmes de santé mentale exige de l’inrmière une bonne connaissance de soi, de son rôle professionnel et de contenus théoriques.
éactivation des connaissances L’article 36 de la Loi sur les inrmières et les inrmiers (RLRQ, chapitre I-8) précise 17 activités réservées à l’inrmière. Lesquelles pouvez-vous nommer ?
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Partie 1
La pratique inrmière s’inscrit dans une démarche systématique de résolution de problèmes, nommée démarche de soins. L’évaluation de la condition physique et mentale est une activité essentielle à la détermination des problèmes de santé et des besoins de la personne. Elle permet de poser un jugement clinique qui déterminera l’orientation des soins et l’ensemble des interventions inrmières.
4.1.1
Activité réservée à l’inrmière
Au Québec, avec l’entrée en vigueur en 2003 de la Loi modiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé
FIGURE 4.1 L’inrmière joue un rôle déterminant dans le suivi clinique d’un client.
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
4.1.2
Dénition et objectifs de l’évaluation
L’évaluation consiste à « poser un jugement clinique sur la condition de santé d’une personne et en communiquer les conclusions. Le jugement clinique peut mener à exécuter des interventions complexes, voire à initier des mesures diagnostiques et thérapeutiques et à ajuster des médicaments et autres substances selon une ordonnance » (OIIQ, 2013). Il s’agit pour l’inrmière de rassembler des données sur la situation de santé du client, puis d’analyser cette information en vue de formuler des hypothèses ou d’établir des problèmes, lesquels permettent d’instaurer un plan de soins et de traitements inrmiers (PSTI) personnalisé ou de diriger la personne vers la ressource qui sera en mesure de répondre à ses besoins ENCADRÉ 4.1. De plus, par les données qu’elle recueille auprès du client, de sa famille et de ses proches, l’inrmière contribue au diagnostic médical. L’évaluation s’inscrit donc dans la démarche de soins, partie intégrante d’un processus systématique et dynamique au cours duquel l’inrmière : • recueille des données cliniques sur la situation de santé de la personne (collecte des données) ; • analyse et interprète ces données de manière à déterminer les problèmes prioritaires (analyse et interprétation) ;
ENCADRÉ 4.1
Objectifs de l’évaluation faite par l’inrmière
Selon l’OIIQ (2013), l’évaluation de l’inrmière permet :
• d’établir les priorités et les conditions d’intervention ;
• de distinguer l’anormalité de la normalité ;
• d’initier des mesures diagnostiques et des traitements selon une ordonnance ;
• de détecter des complications ; • de déceler des problèmes de santé ; • de déterminer le degré de gravité ou d’urgence de la situation de santé de la personne ;
4.1.3
4
• de déterminer la pertinence et le moment d’aviser le médecin ou de diriger le client vers un autre professionnel de la santé ou une autre ressource.
Types d’évaluation
Il existe une relation étroite et dynamique entre les activités d’évaluation et les activités d’intervention FIGURE 4.2. Au cours de l’évaluation initiale, l’inrmière recueille un ensemble de données qui, une fois analysées et interprétées, la conduisent à l’établissement des priorités et à la planication des interventions. Tout au long de la mise en œuvre des interventions, elle instaure une surveillance clinique de l’évolution des symptômes du client et le monitorage des interventions, puis elle procède à l’évaluation des résultats obtenus.
Évaluation initiale L’évaluation initiale s’effectue à l’admission du client en milieu hospitalier ou à l’occasion d’un premier contact à la suite d’une demande de service. Elle vise à obtenir des données de base sur l’état de santé physique et mentale du client an d’établir son prol actuel de santé globale, incluant les aspects fonctionnels et dysfonctionnels, de préciser ses besoins et ses attentes, de déterminer les complications potentielles et les facteurs de risque et de protection, ainsi que de cerner les besoins d’enseignement. Sans être exhaustive, cette première évaluation a pour but d’obtenir sufsamment d’information pour prodiguer des soins sécuritaires et de qualité au client. L’analyse
clinique
Jugement
années : « En vertu de ces découvertes dans le domaine de la santé mentale, l’évaluation par l’inrmière de la condition physique et mentale d’une personne symptomatique est devenue une activité particulièrement importante pour améliorer l’accès aux soins de santé mentale et la qualité des interventions. D’une part, l’évaluation permet de rafner les données nécessaires au médecin pour poser un diagnostic. D’autre part, elle vise à reconnaître les symptômes communs que peuvent présenter les maladies physiques et mentales, à les distinguer et/ou découvrir leur interaction. Les résultats d’une telle évaluation servent à établir le suivi approprié et à orienter les soins et le traitement » (OIIQ, 2009, p. 4).
Jean-Claude Lagarde, âgé de 56 ans, est hospitalisé à l’unité de psychiatrie pour un trouble dépressif caractérisé consécutif à une perte d’emploi et à la saisie de sa maison. Il dit qu’il va mettre n à ses jours, mais demeure vague sur ses intentions. D’après ces données, quel serait l’objectif de l’évaluation de la condition mentale que vous faites de monsieur Lagarde ?
• planie des interventions de soins susceptibles de répondre aux besoins propres au client selon son champ de pratique (planication) ; • intervient et coordonne les activités de soins dans un contexte de collaboration intraprofessionnelle et interprofessionnelle en assurant la surveillance clinique et le monitorage (intervention) ; • évalue l’atteinte des résultats escomptés en vue d’apporter les ajustements thérapeutiques requis (évaluation). La démarche de soins est un processus constant, puisque l’inrmière évalue régulièrement le client en cours d’évolution an d’adapter ses interventions de façon continue.
FIGURE 4.2 d’intervention
Interrelations entre les activités d’évaluation et les activités
Chapitre 4
Évaluation de la condition mentale
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CE QU’IL FAUT RETENIR
La démarche de soins est un processus constant, puisque l’inrmière évalue régulièrement le client en cours d’évolution an d’adapter ses interventions de façon continue.
des données recueillies permet d’établir les priorités de soins en vue d’élaborer le PTI s’il y a lieu, ainsi que le PSTI. Elle permet à l’inrmière de se préparer à la réunion interdisciplinaire au cours de laquelle elle transmettra ses conclusions et ses hypothèses à l’équipe.
Évaluation en cours d’évolution L’évaluation en cours d’évolution consiste à établir des liens entre les données actuelles et les données antérieures. Elle comprend les activités de surveillance clinique dans le but de suivre l’évolution de l’état de santé physique et mentale de la personne, de déceler tout signe de déséquilibre et d’intervenir efcacement au moment opportun. Elle permet de réviser les priorités de soins et d’ajuster le PTI ainsi que le PSTI. L’évaluation en cours d’évolution inclut aussi la collecte de renseignements visant à approfondir des situations cliniques particulières. Par exemple, si un client montre des signes d’anxiété, a des comportements inadaptés ou a de la difculté à dormir sufsamment, l’inrmière pourra explorer le problème auprès de la personne et de ses proches à un moment opportun. Elle pourra utiliser un questionnaire plus détaillé pour préciser certains aspects du problème ou encore une grille d’observation systématique permettant de dresser un tableau de la situation. Ces outils peuvent être utilisés sur une base continue ou à des moments précis an d’apprécier l’évolution clinique du client.
4.2
Sources d’information et moyens d’évaluation
4.2.1
Données subjectives et objectives
L’évaluation en soins inrmiers se fonde à la fois sur des données subjectives, c’est-à-dire sur ce que le client dit de lui-même, et sur des données objectives, à savoir ce que l’inrmière observe. Les données subjectives se rapportent à tout ce que le client transmet à son sujet, par exemple les symptômes qu’il ressent, les événements de sa vie, ce qui le perturbe, ses valeurs et ainsi de suite. Ces données sont obtenues par l’histoire de santé, présentée en détail plus loin dans ce chapitre, et par le questionnement de la personne sur ses habitudes de vie et son fonctionnement psychosocial FIGURE 4.3. Les données objectives proviennent d’une observation structurée sur divers aspects, par exemple la mesure des signes vitaux, l’auscultation des poumons, la description du cours de la pensée ou l’évaluation de la mémoire. Elles sont généralement
72
Partie 1
FIGURE 4.3 Au cours de l’évaluation initiale, l’inrmière recueille auprès du client des données portant sur ce qu’il ressent et sur ce qu’il comprend de sa situation de santé.
recueillies pendant l’examen physique et par l’examen de l’état mental (traité plus loin). Ces observations viennent compléter et valider les données subjectives de façon à constituer la base de données à partir de laquelle l’inrmière évaluera l’état de santé de la personne et déterminera les problèmes prioritaires.
4.2.2
Autres sources d’information
Le client est la source d’information privilégiée portant sur sa situation de santé. D’autres sources peuvent être consultées telles qu’un membre de la famille ou un ami, pour obtenir cette information dans le cas où le client en serait incapable (p. ex., s’il est inconscient), pour obtenir de l’information complémentaire ou pour valider, au besoin, les renseignements obtenus. Par ailleurs, les échanges avec des personnes signicatives permettent de poser un regard systémique, c’est-à-dire qui tient compte des divers éléments ayant un impact sur la santé comme les croyances et les valeurs familiales. Toutefois, les renseignements provenant d’autres sources doivent être analysés à la lumière de la relation entretenue avec le client. Par exemple, un proche qui n’est pas au fait de la situation de santé de la personne, qui ne lui offre pas un soutien véritable ou qui est en conit avec cette dernière risque de fournir des renseignements inexacts (American Psychiatric Association [APA], 2006). Il convient de valider l’information obtenue auprès d’autres sources, autant que possible. Le dossier médical constitue une autre source d’information. Les antécédents du client peuvent y être consignés. Il importe de prendre connaissance des données les plus récentes sur le client dès qu’elles sont disponibles. Les renseignements antérieurs, malgré leur utilité, ne décrivent pas toujours de façon juste et complète la situation actuelle du client. Dans plusieurs établissements
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
de santé, la tenue de dossiers électroniques permet à l’inrmière d’obtenir rapidement et efcacement les données les plus récentes. Les résultats des analyses de laboratoire fournissent aussi une information utile sur les composantes biochimiques, les anomalies des enzymes hépatiques et les concentrations de drogues ou de médicaments dans le sang. Ces résultats peuvent expliquer certains symptômes ou changements de comportements, par exemple : • le dosage sanguin des hormones thyroïdiennes peut révéler une hypothyroïdie, dont les symptômes s’apparentent à ceux de la dépression ; • L’hypoglycémie peut entraîner un changement dans l’état de conscience pouvant aller jusqu’au coma ; l’agitation peut être un signe d’hyperglycémie ; • une lithémie (dosage du lithium sanguin) au-delà des valeurs thérapeutiques peut révéler une intoxication se manifestant par de l’apathie et de la confusion mentale ; • le dépistage toxicologique peut indiquer la présence de drogue pouvant entraîner des comportements impulsifs ou violents.
4.2.3
Moyens d’évaluation
Pour réaliser son évaluation, l’inrmière utilise différents moyens en fonction de l’objet de l’évaluation, de son contexte et de la clientèle desservie. Les principaux moyens employés sont l’entretien, l’observation et l’utilisation de grilles et d’échelles d’évaluation. L’évaluation porte sur les comportements et les pensées que présente la personne durant l’entretien (Shea, 2005). L’inrmière évite de se laisser inuencer par d’anciennes données ou opinions. Tout au long de l’évaluation, elle utilise une terminologie précise et partagée par les professionnels de la santé.
vagues et valide certaines perceptions ou impressions. Elle démontre de la compassion et de l’empathie. Sans se laisser envahir par le vécu du client, elle conserve sa capacité de poser un regard objectif et d’orienter efficacement l’entretien d’évaluation. Lorsque le client introduit un thème, l’inrmière peut choisir d’approfondir celui-ci avant de passer à un autre, tout en gardant le l de l’entretien. Il est parfois nécessaire de recentrer le client pour arriver à couvrir le contenu adéquatement. Cela doit être fait sans brusquer le client. De plus, l’inrmière demeure attentive tout au long de l’entretien sur les effets que produisent sur elle les comportements ou les propos du client. Ces informations peuvent être utiles dans l’évaluation. Par exemple, la peur qu’elle ressent peut être un indice d’un potentiel de violence chez le client. Ressentir de la confusion peut mettre sur la piste d’une pensée illogique ou caractérisée par un relâchement des associations. Une évaluation complète nécessite parfois plusieurs entretiens, le client pouvant montrer de la méance, par exemple, ou manquer d’énergie. Il est donc important de faire preuve de patience et de compréhension. Plus les connaissances de l’inrmière dans le domaine du comportement humain, de la psychologie et de la psychopathologie sont étendues, plus elle est en mesure de conduire efcacement un entretien d’évaluation selon une conception holistique de la personne. L’inrmière reconnaît les effets des problèmes de santé mentale sur les relations du client avec sa famille et ses proches ; elle traite chaque client comme une personne unique et évite les stéréotypes ou les préjugés qui compromettent la qualité des soins (Walker, 2015).
Observation
L’entretien est le moyen par excellence pour recueillir des données sur la situation de santé du client. Il permet à l’inrmière d’utiliser ses divers sens (vue, ouïe, toucher et odorat), ses connaissances et son expérience pour explorer les sujets clés et les préoccupations exprimées par le client. L’entretien doit entre autres inclure un portrait des forces du client. L’inrmière facilite la participation active de celui-ci en créant dès le départ une relation de conance 5 .
L’observation consiste à porter une attention à la personne, durant laquelle les attitudes, les expressions faciales, les comportements, les paroles et même les silences revêtent une signication particulière. Selon Wheeler (2014), l’engagement réel du client dans le processus d’évaluation s’avère déterminant pour la validité et la précision des données recueillies. Cet engagement repose sur l’empathie, la patience, le temps sufsant laissé à la personne pour qu’elle puisse rapporter son histoire à sa façon, l’habileté à structurer les propos de la personne lorsque c’est nécessaire, et une attention soutenue aux besoins de confort, de sécurité et de condentialité de la personne.
L’inrmière commence par se présenter, puis elle s’entend avec la personne sur un but commun. Pour favoriser l’expression des besoins, l’inrmière démontre de l’intérêt et du respect envers la personne. Elle l’invite à s’exprimer, adopte une attitude d’écoute et utilise des techniques telles que la reformulation, les questions ouvertes et la synthèse. Elle demande de clarier les propos
En milieu hospitalier, l’inrmière a l’occasion d’observer le client dans les sphères de son quotidien : la façon dont il se comporte dans ses relations avec ses proches et avec ses pairs, son mode de fonctionnement, ses habitudes de vie et ses réactions dans diverses situations. L’observation permet, par exemple, de détecter la présence de signes d’intoxication ou les effets de la médication sur son
Entretien
4
Chapitre 4
ALERTE CLINIQUE
Pour effectuer l’entretien, il est important de disposer d’un espace assurant le respect de la vie privée et de l’intimité du client. De plus, aucune interruption extérieure ne doit être tolérée, sauf en cas d’urgence.
5 L’alliance thérapeutique avec le client est expliquée dans le chapitre 5, Communication et rela tion thérapeutique.
Évaluation de la condition mentale
73
CE QU’IL FAUT RETENIR
L’entretien, l’observation, l’utilisation de grilles et d’échelles d’évaluation constituent les principaux moyens pour évaluer la situation du client.
comportement. Si l’inrmière effectue des visites à domicile, elle peut de plus porter une attention à son environnement en observant la propreté des lieux, l’aménagement et les objets qui s’y trouvent (p. ex., des objets inhabituels, une accumulation excessive). Elle accorde de l’attention aux interactions du client avec son entourage, notamment avec les personnes signicatives. L’entretien demeure l’un des moments les plus favorables pour observer le client. Que ce soit au cours de l’évaluation initiale, d’un entretien informel ou d’un entretien visant un objectif précis, ce temps d’échange privilégié avec le client permet de noter divers aspects telles la qualité de son langage, sa capacité d’attention, ses mimiques, ses attitudes d’ouverture ou de méance, ses manifestations d’anxiété ou la présence de signes d’hallucination. L’inrmière rapporte des données négatives pertinentes (p. ex., ne présente aucun signe d’hallucination auditive et nie en avoir ; ne présente aucune odeur éthylique ; nie avoir des idées suicidaires), ce qui démontre que ces aspects ont été considérés dans le cadre d’une évaluation minutieuse.
Utilisation de grilles et d’échelles d’évaluation
i Les outils mnémotechniques PQRSTU et AMPLE ainsi que des exemples de questions concernant les modes fonc tionnels de santé sont pré sentés dans le chapitre 3 du manuel de Lewis, S.L., Dirksen, S.R., Heitkemper, M.M., et al. (2016). Soins inrmiers – Médecine Chirurgie (4e éd.). Montréal : Chenelière Éducation.
La recherche clinique et l’évolution des pratiques ont favorisé la mise au point de nombreux outils permettant d’observer de façon systématique et d’évaluer avec plus de précision divers aspects de la situation de santé des personnes. Qu’il s’agisse d’une échelle normalisée (p. ex., l’Échelle d’anxiété de Hamilton, le Mini-examen de l’état mental de Folstein), de grilles d’observation systématisée (p. ex., une grille d’observation d’un comportement perturbateur) ou d’un questionnaire visant à explorer un sujet particulier (p. ex., l’instrument Dépistage / Évaluation du besoin d’aide-Alcool [DEBA–Alcool], une échelle d’évaluation des effets indésirables), l’inrmière considère l’intérêt d’utiliser ces outils en vue d’approfondir l’évaluation. Par contre, elle s’assure de posséder les connaissances nécessaires an de les utiliser à bon escient et, surtout, d’interpréter les résultats adéquatement.
4.3
Contenu de l’évaluation
À partir du ou des problèmes de santé à l’origine de la demande, l’inrmière recueille des données propres à la situation actuelle (histoire de santé) de même que des renseignements associés aux dimensions physique, mentale et psychosociale favorisant une compréhension globale de l’état de santé. Par ailleurs, l’évaluation vise à repérer les risques potentiels an d’intervenir efcacement et de façon sécuritaire. L’évaluation de l’état de santé consiste à dresser le portrait le plus complet de la situation de santé de la personne. Ainsi, elle s’effectue selon
74
Partie 1
un processus structuré portant sur différents paramètres (OIIQ, 2013). Leclerc (2014) propose de regrouper les données selon les six repères ou domaines d’évaluation suivants : 1) physiologique ; 2) cognitif ; 3) perceptuel ; 4) relatif à la pensée ; 5) émotionnel ; 6) relationnel (OIIQ, 2013). Adaptés à partir des domaines d’évaluation clinique décrits par l’APA (2006) et Wheeler (2014), les principaux éléments de l’évaluation de la condition physique et mentale sont décrits de façon détaillée dans les sections suivantes : • histoire de santé ; • état de santé physique ; • examen de l’état mental ; • dimension psychosociale ; • dépistage des risques ; • données provenant de grilles et d’échelles d’évaluation.
4.3.1
Histoire de santé
L’histoire de santé correspond à la description détaillée que fait le client de sa situation de santé et des problèmes qui l’amènent à consulter un professionnel de la santé. Elle s’appuie sur la perception de la personne et de ses proches ENCADRÉ 4.2. Les composantes que l’inrmière doit évaluer concernant l’histoire de santé sont les suivantes : • la raison de la consultation ou de l’hospitalisation, c’est-à-dire le motif principal à l’origine de la demande (ou du besoin) de soins ou de services ; • l’histoire du problème de santé actuel, à savoir la description du malaise ou des symptômes en donnant des précisions sur le début, la gravité, la durée, la fréquence et les causes de ceux-ci, ainsi que les moyens utilisés pour tenter de les soulager ; • la raison pour laquelle la personne recherche de l’aide à ce moment précis si le problème existe depuis un certain temps ; • les changements récents sur le plan de l’état de santé générale, des émotions, des relations, des fonctions cognitives, des pensées et du fonctionnement quotidien ; • les antécédents médicaux personnels et familiaux au regard de la santé physique (p. ex., des allergies, des chirurgies, des maladies) et mentale (p. ex., une dépression, une tentative de suicide, un abus de substances), incluant un génogramme au besoin ; • le traitement médicamenteux actuel, son efcacité, les effets indésirables, les connaissances du client et son adhésion au traitement ;
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
Collecte des données ENCADRÉ 4.2
Suggestions de questions pour reconstituer l’histoire de santé
RAISON DE LA CONSULTATION
• Avez-vous déjà été hospitalisé en psychiatrie ?
• Qu’est-ce qui vous a amené à consulter ?
• Avez-vous déjà consulté un professionnel de la santé ou suivi une thérapie ?
• Quelle est la raison de votre hospitalisation ? PROBLÈME DE SANTÉ ACTUEL
• Décrivez-moi votre malaise ou vos symptômes. • Depuis quand ? Est-ce toujours présent ? • Comment cela a-t-il commencé ? À votre avis, quelle est la cause ? • Avez-vous tenté des choses pour vous soulager ? Est-ce efcace ? • Y a-t-il d’autres signes ou symptômes qui accompagnent votre malaise ? CHANGEMENTS RÉCENTS
Avez-vous observé des changements au cours des dernières semaines concernant :
• Avez-vous déjà pris des médicaments pour un trouble émotionnel ou un problème de santé mentale ? • Est-ce votre premier épisode ou est-ce que ces symptômes reviennent régulièrement ? À quelle fréquence ? ANTÉCÉDENTS DE SANTÉ PHYSIQUE
• Avez-vous des problèmes de santé graves ? • Êtes-vous en évaluation ou en traitement actuellement ? • Avez-vous subi des chirurgies au cours des dernières années ? • Avez-vous des allergies ?
• votre état de santé (insomnie, alimentation, malaises, etc.) ?
ANTÉCÉDENTS FAMILIAUX
• vos émotions (tristesse, peur, excitation, etc.) ? • vos relations (conjoint, enfants, etc.) ?
• Des membres de votre famille ont-ils des problèmes de santé physique (diabète, HTA, maladie cardiaque, etc.) ?
• vos fonctions cognitives (attention, concentration, mémoire, etc.) ?
• Des membres de votre famille ont-ils des problèmes de santé mentale (dépression, dépendance, suicide, etc.) ?
• vos pensées (ruminations, sentiment d’être puni, rejeté, coupable, etc.) ?
PHARMACOTHÉRAPIE
• votre fonctionnement quotidien (travail, hygiène, activités, entretien de la maison, etc.) ?
• Considérez-vous que vos médicaments sont efcaces ?
ANTÉCÉDENTS DE SANTÉ MENTALE
• Avez-vous déjà été traité pour un trouble émotionnel ou psychiatrique ?
4
• Prenez-vous des médicaments ? • Êtes-vous confortable avec votre médication ? • Prenez-vous vos médicaments régulièrement ? • Connaissez-vous les médicaments que vous prenez ?
Source : Adapté de Harvey, Kasprzak & Laberge (2008).
• la psychothérapie passée ou en cours, à savoir le type, le format, la durée, l’adhésion et la perception de son utilité. Le génogramme est la représentation d’une famille, rassemblant sur un même schéma les membres de deux ou trois générations, les liens qui les unissent ainsi que les renseignements biomédicaux et psychosociaux. Utilisé dans le cadre de l’évaluation de l’état de santé, le génogramme est un instrument efcace permettant de montrer la constitution de la famille et les relations qui existent entre ses membres FIGURE 4.4.
4.3.2
État de santé physique
Plusieurs troubles mentaux (p. ex., le trouble bipolaire, les troubles anxieux) peuvent entraîner des symptômes somatiques tels que des douleurs ou des troubles de la digestion. De même, plusieurs affections physiques (p. ex., l’hypothyroïdie, le
cancer) peuvent engendrer des symptômes psychiatriques comme la dépression ou un épisode de délirium. Chez les personnes âgées, des comportements comme l’agitation et l’irritabilité peuvent être liés à des troubles tels que des difcultés à uriner, la déshydratation, un fécalome et la pneumonie. L’inrmière demeure alerte quant aux manifestations de ces troubles, car ils peuvent mettre la vie du client en danger. Sans être exhaustive, l’évaluation de l’état de santé physique doit comprendre : 1) l’examen des fonctions cardiovasculaire, respiratoire, neurologique, etc., an de dépister ou d’évaluer des problèmes de santé éventuels ; 2) l’analyse des plaintes somatiques (p. ex., des céphalées, des douleurs, des malaises gastriques) au moyen de la méthode PQRSTU et des techniques d’inspection, de palpation, de percussion et d’auscultation au besoin ; 3) les habitudes de vie et l’autonomie Chapitre 4
Évaluation de la condition mentale
75
fonctionnelle de la personne : alimentation, hydratation, hygiène, habillement, élimination, déplacements, activités, sommeil, repos, consommation de tabac et sexualité (cycle menstruel, libido, partenaires, utilisation de moyens de protection et de contraception) ENCADRÉ 4.3.
4.3.3
Examen de l’état mental
Tout d’abord, il convient de rappeler que les symptômes correspondent aux plaintes subjectives exprimées par le client au cours de l’histoire de santé, alors que les signes sont les manifestations objectives observées à l’occasion de l’examen de l’état mental. Le TABLEAU 4.1 présente une vue d’ensemble des composantes de l’examen de l’état mental.
FIGURE 4.4
L’apparence générale, et plus particulièrement l’apparence physique, donne une impression globale de l’état de santé du client ENCADRÉ 4.4. Par exemple, celui-ci peut sembler plus vieux ou plus jeune que son âge ; il peut avoir des malformations ou montrer des signes distinctifs. La présentation générale, comprenant l’hygiène, l’habillement et
Exemple de génogramme
Collecte des données ENCADRÉ 4.3
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les symptômes correspondent aux plaintes subjectives exprimées par le client au cours de l’histoire de santé, alors que les signes sont les manifestations objectives observées à l’occasion de l’examen de l’état mental.
Suggestions de questions pour évaluer les habitudes de vie et l’autonomie fonctionnelle
ALIMENTATION ET HYDRATATION
• Comment qualifiez-vous votre appétit (normal, augmenté, diminué)?
• Avez-vous fait une ou des chutes au cours des trois derniers mois ? Si oui, précisez.
• Avez-vous observé une variation de votre poids ? Si oui, précisez.
ACTIVITÉS
• Comment qualiez-vous votre hydratation (normale, augmentée, diminuée) ?
• Faites-vous des activités physiques ? Si oui, précisez.
• Avez-vous besoin d’aide pour vous alimenter ? vous hydrater ? Si oui, précisez.
• Avez-vous des loisirs ? Si oui, précisez. SOMMEIL ET REPOS
HYGIÈNE ET HABILLEMENT
• À quelle heure avez-vous l’habitude de vous coucher ? de vous lever ?
• Avez-vous besoin d’aide pour vous laver ? Si oui, précisez.
• Avez-vous l’habitude de faire des siestes ? Si oui, précisez.
• Avez-vous besoin d’aide pour vous habiller ? Si oui, précisez.
• Comment qualiez-vous votre sommeil (récupérateur, léger, agité, difculté d’endormissement, réveils fréquents, réveil tôt, cauchemars) ?
• Avez-vous besoin d’aide pour entretenir votre personne ? Si oui, précisez. ÉLIMINATION
• Vos urines présentent-elles des particularités ? Si oui, précisez.
• Utilisez-vous des moyens pour faciliter votre sommeil ? Si oui, précisez.
• À quelle fréquence allez-vous à la selle ?
SEXUALITÉ
• Quelle est la texture de vos selles (normales, dures, molles, liquides) ?
• Comment est votre cycle menstruel (régulier, irrégulier, ménopause) ?
• Utilisez-vous des laxatifs ? Si oui, précisez.
• Avez-vous observé des changements quant à votre libido ?
DÉPLACEMENTS
• Avez-vous des relations avec un seul partenaire ou avec plusieurs partenaires ?
• Comment qualiez-vous votre démarche (sûre, ralentie, instable, rapide) ? • Avez-vous besoin d’aide pour vous mobiliser ? Si oui, précisez. • Utilisez-vous des aides techniques pour vous déplacer ? Si oui, précisez.
• Utilisez-vous un moyen de protection (condom) ? • Utilisez-vous un moyen de contraception ? Si oui, précisez. TABAC
• Fumez-vous ? Si, oui, précisez la consommation quotidienne.
Source : Adapté de Harvey et al. (2008).
76
Partie 1
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
TABLEAU 4.1
Composantes de l’examen de l’état mental
ENCADRÉ 4.4
Exemples de description de l’apparence générale
EXEMPLE DE DESCRIPTION VAGUE ET IMPRÉCISE
COMPOSANTE
OBSERVATIONS
Apparence
• Apparence physique
Le client s’est présenté dans une tenue négligée et non appropriée. Il semblait fatigué. Il a émis des propos étranges et semblait distrait.
• Présentation générale
EXEMPLE DE DESCRIPTION ADÉQUATE
• Expression faciale
Le client se présente à l’entrevue vêtu d’un jean troué aux genoux et d’un chandail noir avec un dessin représentant une tête de mort à l’avant. Ses vêtements sont défraîchis et tachés de peinture. Il porte les cheveux longs attachés dans son dos. À plusieurs occasions, il se frotte le front et soupire. Il a les yeux rougis, ce qui lui donne l’air fatigué.
• Contact visuel • Attitude Comportement moteur
• Activité motrice
Langage
• Qualité
• Mouvements
• Particularités • Humeur • Affect Opérations de la pensée
• Cours/processus • Contenu • Délire
Perceptions
• Hallucinations • Autres troubles perceptuels
Fonctions cognitives
• Niveau de conscience • Orientation • Mémoire • Attention/concentration • Jugement • Autocritique
l’état des cheveux et des ongles, signale l’intérêt que porte la personne à prendre soin d’elle-même. L’expression faciale et la qualité du contact visuel donnent des indications sur l’état d’esprit de la personne. L’attitude traduit la position affective du client quand il est en relation avec autrui. Le comportement moteur peut être augmenté ou diminué. Par exemple, la personne qui est atteinte d’un trouble dépressif caractérisé se mobilise avec lenteur. L’inrmière observe non seulement la vitesse de l’activité motrice, mais aussi le type, la quantité, le rythme et l’amplitude de celle-ci. Certains mouvements (p. ex., des tremblements, de l’agitation, des sauts, des tics, des grimaces) peuvent aussi être caractéristiques de problématiques particulières . Le langage est le moyen d’expression de la pensée et des émotions. L’évaluation porte sur la qualité du langage, ce qui comprend l’énonciation, l’articulation, l’intonation, le vocabulaire et la facilité avec laquelle s’exprime le client. Le débit donne des indications sur la uidité de la pensée. Certaines particularités sont relevées, par exemple
l’aphasie (incapacité de parler) ou le soliloque (monologue intérieur ou le fait de se parler seul). L’état émotionnel comprend l’humeur et l’affect. L’humeur est le sentiment qui se manifeste le plus constamment au cours de l’entretien. Il reète l’état émotionnel global et durable dans lequel se trouve la personne. Une humeur est dite euthymique lorsqu’elle exprime une tranquillité d’esprit. Elle peut aussi être colérique, anxieuse, triste, euphorique (bonheur exagéré) ou labile (passe rapidement d’un excès à l’autre). L’affect est un état d’esprit passager qui varie habituellement selon le contenu émotionnel du discours. L’affect peut être concordant ou inapproprié par rapport au contenu du discours. Il peut être émoussé (peu d’expression), plat (absence d’expression) ou labile. Il est qualié de mobilisable lorsque la personne réagit quand elle est interpellée.
clinique
Jugement
• Débit État émotionnel
4
Rosie Vanier, âgée de 40 ans, rapporte que son père, de qui elle était très proche, est décédé il y a trois semaines. Elle raconte des blagues grivoises à propos de celui-ci et décrit les funérailles comme étant une grande fête où tout le monde riait. « C’était un vrai party », dit-elle en s’esclaffant. Quel type d’affect madame Vanier montre-t-elle dans ses comportements ?
Les opérations de la pensée se rapportent au cours de la pensée et au contenu exprimé. Le cours (ou processus) de la pensée peut être accéléré (tachypsychie) ou ralenti (bradypsychie). La logique renvoie à la cohérence. Ainsi, le discours peut être cohérent ou décousu et insolite. Le discours peut aussi être pauvre, alogique ou circonstancié (long, diffus et contenant des détails inutiles). Le TABLEAU 4.2 dénit une série de termes pouvant être utilisés pour décrire les divers troubles du cours de la pensée. Le contenu de la pensée peut être envahi par des ruminations (penser toujours à la même chose), des obsessions (pensées persistantes et indépendantes de la volonté), des compulsions (besoin d’accomplir des actes que la raison refuse), des phobies (peurs irrationnelles), de la méance ou même par des idées délirantes. La présence de délire doit être documentée quant à sa nature, par exemple : délire de grandeur ; de persécution ; mystique ; de contrôle (les autres exercent un contrôle sur soi) ; ou de référence (tout ce qui se passe autour se rapporte à soi). Chapitre 4
Rumination : Pensées répétitives indésirables qui occupent l’esprit d’une personne de façon obsédante. Délire : Conviction erronée, irréductible par la logique et non conforme aux croyances du groupe.
Vidéo : Trouble obsessionnelcompulsif.
Évaluation de la condition mentale
77
TABLEAU 4.2
Terminologie utilisée pour décrire le cours de la pensée
TERME
DÉFINITION / MANIFESTATIONS
Circonstancialité
Pensée qui passe par de nombreux détails superus et qui met beaucoup de temps à arriver au but.
Tangentialité
Incapacité à produire des associations de pensée orientées vers un but. La personne s’éloigne de plus en plus de la question posée à un tel point qu’elle n’y répond jamais.
Relâchement des associations
Idées qui passent d’un sujet à l’autre sans rapport net avec le précédent et sans lien logique. La personne peut faire des associations sans lien ou des associations sonores.
Blocage
Interruption brusque au milieu d’une phrase ou avant la n d’une idée.
Fuite des idées
Expression rapide et décousue, avec changements brusques de sujet qui ne s’ordonnent pas en une conversation sensée.
Écholalie
Répétition en écho des mots ou de phrases prononcés par autrui.
Logorrhée
Loquacité excessive, surabondance démesurée du discours avec une vitesse accélérée.
Néologismes
Fabrication de nouveaux mots que personne ne comprend.
Persévération
Répétition pathologique d’une phrase, d’un mot.
Salade de mots
Groupement de mots ou de phrases incompréhensibles ou dépourvus de toute logique.
Fabulation
Invention de faits ou d’événements en réponse à des questions, pour combler les trous d’une mémoire altérée.
Pensée illogique
Pensée caractérisée par des conclusions illogiques.
Jugement
clinique
Les perceptions font référence à la façon dont la perMarco Gravel, un jeune homme âgé de 21 ans, sonne décode l’information est en phase maniaque d’un trouble bipolaire. perçue par les cinq sens. CelleLorsque quelqu’un lui demande « Comment ça ci peut s’éloigner de la réalité va ? », il répond avec un débit rapide : « Ça va pas objective selon l’intensité des pire. Le Pirée est en Grèce. La graisse animale, symptômes. La dépersonnalic’est du mauvais cholestérol. Les esters, c’est pas sation est le sentiment d’être des produits chimiques, ça ? » Quel terme décrit le irréel, détaché de soi-même. cours de la pensée de monsieur Gravel ? La déréalisation est une sensation d’étrangeté accompagnée d’une forte impression que l’intégrité des choses a été modiée. L’illusion est la perception déformée ou une fausse interprétation d’un objet réel, par exemple voir des monstres dans les ombres anodines sur un mur. Les hallucinations sont des perceptions sensorielles pour lesquelles il n’y a pas de stimulus externe. Elles peuvent toucher tous les sens : hallucinations visuelles (voir une personne qui n’est pas là) ; auditives (entendre des voix ou de la musique) ; tactiles (ressentir une brûlure au toucher) ; olfactives (sentir des odeurs absentes) ; gustatives (percevoir un goût anormal souvent désagréable des aliments).
Des exemples d’outils d’évaluation de la mémoire sont présentés dans le chapitre 23 du manuel de Potter, P.A., & Perry, A.G. (2016). Soins inrmiers – Fondements généraux (4e éd.). Montréal : Chenelière Éducation.
78
Partie 1
Les fonctions cognitives comprennent le niveau de conscience, l’orientation, l’attention et la concentration, la mémoire, le jugement et l’autocritique. Le niveau de conscience d’un client peut être qualié en utilisant l’échelle à cinq niveaux inspirée de l’instrument Confusion Assessment Method (CAM) : 1) alerte (éveillé et complètement réceptif) ; 2) vigilant (hyperalerte, sursaute aux moindres stimulus) ; 3) léthargique (somnolent, mais réactif à la voix) ;
4) stuporeux (inconscient, mais réactif à un stimulus vigoureux ou à la douleur) ; 5) comateux (totalement inconscient et non réactif, même à la douleur). L’orientation s’évalue par rapport à l’espace (savoir à quel endroit la personne se trouve), au temps (savoir quels sont l’année actuelle, la date et le jour) et aux personnes (reconnaître les gens de l’entourage). L’attention et la concentration se mesurent à l’aide d’une tâche simple, comme nommer les mois de l’année à l’envers. La mémoire s’évalue par la vérication de la capacité de se souvenir de choses ou d’événements dans l’immédiat (après quelques minutes), récents (au cours des dernières heures ou journées) et anciens (après plusieurs années). Le jugement est la capacité d’évaluer une situation correctement et d’y réagir de façon adéquate. Il est évalué d’après l’histoire rapportée par le client et sa façon de mener sa vie au quotidien. Par exemple, a-t-il une compréhension juste de sa situation ? Prend-il de bonnes décisions ? Enn, l’autocritique est la capacité de reconnaître ses difcultés, son besoin d’aide et les conséquences de ses actes. Elle comprend également la motivation de la personne à apporter les changements nécessaires pour le maintien ou le recouvrement de sa santé. Pour cet aspect, l’inrmière peut s’inspirer du modèle transthéorique conçu par Prochaska et DiClemente (1982), qui décrit les étapes d’un changement de comportements dont il faut tenir compte. Ce sont les étapes suivantes : • précontemplation : aucune intention d’apporter le changement ;
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
• contemplation : penser à apporter le changement ; • détermination : décider d’apporter le changement et le planier ; • action : s’engager activement dans le changement ; • maintenance : demeurer vigilant pour maintenir le changement ; • rechute.
Pour chacun de ces éléments, l’inrmière note ses observations en utilisant des qualicatifs permettant d’en faire une description la plus objective possible TABLEAU 4.3. L’examen de l’état mental peut être réalisé au cours d’un entretien formel ou par observation du fonctionnement quotidien. L’inrmière adapte les moyens utilisés selon la collaboration et les capacités
4
Collecte des données TABLEAU 4.3
Aide-mémoire pour réaliser l’examen de l’état mentala
APPARENCE
Apparence physique
• Poids proportionnel
• Malformations physiques
• Tatouages
• Maigreur
• Signes distinctifs
• Cicatrices
• Obésité Présentation générale (habillement, tenue, hygiène, maquillage, état des cheveux et des ongles)
• Propre
• Négligée
• Inappropriée
• Méticulosité excessive
• Maniérée
• Désordonnée
Expression faciale
• Calme
• Perplexe
• Figée
• Souriante
• En alerte
• Tendue
• Absent
• Fixe
• Coopérative
• Séductrice
• Évasive
• Hostile
• Irritable
• Arrogante
• Perplexe
• Tonique
• Théâtrale
• Dramatique
• Mutisme
• Ambivalente
• Méante
• Puérile
• Désinhibée
• Familière
• Fermée
• Normale
• Ralentissement
• Agitation
• Rigidité
• Normaux
• Compulsifs
• Tremblements
• Excessifs
• Tics
• Brusques
• Rapides
• Maniérisme
• Articulé
• Monotone
• Stéréotypé
• Spontané
• Répétitif
• Pauvre
• Régulier
• Rapide
• Hésitant
• Lent
• Volubile
• Ton faible
• Soliloque
• Peu loquace
• Ton élevé
• Aphasie
• Bégaiement
• Euthymique
• Triste
• Colérique
• Euphorique
• Irritable
• Anxieuse
• Extravagante
• Confuse Contact visuel
• Bon • Fuyant
Attitude
COMPORTEMENT MOTEUR
Activité motrice Mouvements
• Catatonie
LANGAGE
Qualité Débit Particularités ÉTAT ÉMOTIONNEL
Humeur
• Labile
Chapitre 4
Évaluation de la condition mentale
79
Aide-mémoire pour réaliser l’examen de l’état mentala (suite)
TABLEAU 4.3
ÉTAT ÉMOTIONNEL (suite)
Affect
• Concordant
• Plat
• Mobilisable
• Inapproprié
• Labile
• Non mobilisable
• Cohérent
• Désorganisé
• Fuite des idées
• Bradypsychie
• Circonstancié
• Écholalie
• Tachypsychie
• Tangentiel
• Néologismes
• Blocage
• Logorrhée
• Salade de mots
• Relâchement des associations
• Persévération
• Préoccupations
• Désespoir
• Compulsions
• Ruminations
• Dévalorisation
• Phobies
• Découragement
• Obsessions
• Méance
• Aucun
• De grandeur
• De contrôle
• De persécution
• De référence
• Mystique
• Aucune
• Visuelles
• Olfactives
• Auditives
• Tactiles
• Gustatives
• Aucun
• Dépersonnalisation
• Déréalisation
• Vigilant
• Léthargique
• Comateux
• Alerte
• Stuporeux
Espace
• Orienté
• Hésitant
• Désorienté
Temps
• Orienté
• Hésitant
• Désorienté
Personnes
• Orienté
• Hésitant
• Désorienté
• Émoussé OPÉRATIONS DE LA PENSÉE
Cours/processus
Contenu
Délire PERCEPTIONS
Hallucinations Autres troubles perceptuels
• Illusions FONCTIONS COGNITIVES
Niveau de conscience Orientation
Mémoire
Immédiate : répéter une série de 3 mots (eur, journée, charité) immédiatement puis 5 minutes plus tard.
• Intacte
• Altérée
Récente : ce qu’il a mangé au repas précédent, activités de la journée et de la veille, etc.
• Intacte
• Altérée
Ancienne : date de naissance, date du mariage, école fréquentée dans sa jeunesse, etc.
• Intacte
• Altérée
Attention et concentration
Nommer les mois de l’année à l’envers. Compter de 20 jusqu’à 1.
• Concentré
• Distractible
Jugement
Capacité d’évaluer une situation correctement et d’y réagir de façon adéquate (p. ex., l’alarme de feu).
• Préservé
• Altéré
Capacité de reconnaître ses difcultés, son besoin d’aide et les conséquences de ses actes.
• Bonne
• Supercielle
• Partielle
• Absente
Autocritique
• Absent
a
Des éléments à observer ou des adjectifs qualicatifs sont proposés en exemple pour chaque section de l’examen, mais ils doivent être complétés par une description la plus objective et précise possible. Source : Adapté de Harvey et al. (2008).
80
Partie 1
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
du client. Elle demeure attentive autant au langage verbal que non verbal, ainsi qu’aux changements de comportement, d’attitude ou d’affect .
4.3.4
Dimension psychosociale
An de dresser un portrait complet de la situation du client, l’inrmière s’intéresse aussi aux dimensions psychosociales qui inuent sur sa condition physique et mentale ENCADRÉ 4.5. Ainsi, elle recueille des données sur les aspects suivants : • L’environnement physique et social, qui comprend la situation conjugale et familiale, le milieu de vie et les principales occupations. L’écocarte peut être utile pour rassembler ces
renseignements puisqu’elle représente graphiquement l’intensité et la qualité des relations qu’une personne, ou une famille, entretient avec son entourage FIGURE 4.5. • La qualité et le degré de satisfaction du client concernant ses relations interpersonnelles et son réseau de soutien. Les relations interpersonnelles sont très révélatrices de l’état émotionnel dans lequel le client se trouve. Des données peuvent ainsi être recueillies sur la socialisation, la communication, l’expression des émotions, la capacité de s’afrmer et les liens affectifs que la personne entretient avec les autres.
4
Tableau 4.1W : Aide-mémoire pour réaliser l’examen de l’état mental.
Collecte des données ENCADRÉ 4.5
Suggestions de questions pour évaluer la dimension psychosociale
ENVIRONNEMENT PHYSIQUE ET SOCIAL
• Quelle est votre situation conjugale/familiale ? • Dans quel type de résidence habitez-vous ? • Habitez-vous seul ou avec d’autres personnes ? • Quelle est votre occupation principale (travail, études, bénévolat, etc.) ? RELATIONS ET RÉSEAU DE SOUTIEN
• Comment qualiez-vous votre relation avec votre conjoint ? vos enfants ? • Quels sont les personnes ou les groupes sociaux que vous fréquentez (amis, proches, collègues de travail, école, loisirs) ?
(abus sexuels dans l’enfance, décès d’un parent alors que vous étiez en bas âge, divorce, etc.) ? • Comment qualiez-vous votre capacité à : − résoudre des problèmes ? − prendre des décisions ? − vous afrmer ? − exprimer vos émotions ? − reconnaître vos limites ? − demander de l’aide ? • Quelle opinion avez-vous de vous-même (estime de soi) ? SITUATION FINANCIÈRE
• Quelle est la fréquence de vos contacts sociaux (fréquents, plus ou moins fréquents, rares) ?
• Avez-vous des difcultés nancières ? Si oui, précisez.
• Comment qualiez-vous vos relations avec autrui (bonnes, plus ou moins bonnes, conictuelles, malsaines, absentes) ?
PROBLÈMES JUDICIAIRES
• Comment qualiez-vous vos relations avec la famille (bonnes, plus ou moins bonnes, conictuelles, malsaines, absentes) ? • Recevez-vous des services d’aide ou de soutien dans la communauté ? Si oui, précisez. FACTEURS DE STRESS
• Avez-vous eu des événements stressants récemment ? Si oui, précisez. • Comment réagissez-vous face aux situations stressantes ? • Quels moyens utilisez-vous pour affronter les situations stressantes (relaxer, se changer les idées, voir des amis, etc.) ? Est-ce efcace ? • Comment qualiez-vous votre degré d’anxiété générale (léger, modéré, sévère, panique) ? FACULTÉS ADAPTATIVES
• Avez-vous besoin d’aide pour votre budget ? • Avez-vous déjà eu des problèmes judiciaires ? Si oui, précisez. CULTURE ET SPIRITUALITÉ
• Quelles sont les valeurs importantes pour vous ? • Qu’est-ce qui donne un sens à votre vie ? • La religion a-t-elle une importance dans votre vie ? PROJET DE VIE ET OBJECTIFS
• Avez-vous un projet de vie ? Si oui, précisez. (Note : un projet de vie représente ce que vous rêvez d’accomplir, ce qui vous rendrait heureux dans le futur.) • Avez-vous des préoccupations ou des besoins particuliers en lien avec ce projet ? • Quels sont vos objectifs à l’égard de votre santé ? • Quelles sont vos attentes à l’égard de vos soins ?
• Quels sont les événements les plus marquants ou les transitions majeures survenus au cours de votre vie Source : Adapté de Harvey et al. (2008).
Chapitre 4
Évaluation de la condition mentale
81
d’obstruction respiratoire, d’infection et de réaction allergique. En psychiatrie, les principaux risques sont les comportements autodesctructeurs, le suicide, l’agression, les troubles liés à une substance et les troubles addictifs. En raison de la dangerosité qu’ils représentent, ces risques doivent être dépistés systématiquement et précocement à l’évaluation initiale, puis évalués en profondeur et de façon continue tout au long de l’épisode de soins.
FIGURE 4.5
Il est possible de dépister le risque suicidaire en étant attentif aux signes de détresse, aux messages verbaux directs et indirects et en questionnant directement le client sur la présence d’idées suicidaires. S’il y a lieu, l’inrmière vérie la fréquence des idées suicidaires, la présence d’un plan en utilisant la méthode COQ (comment, où, quand) ainsi que les tentatives antérieures de suicide. Selon les recommandations de bonnes pratiques du ministère de la Santé et des Services sociaux, l’inrmière qui intervient auprès d’une personne suicidaire procède aussi à l’estimation de la dangerosité du passage à l’acte. Pour ce faire, elle estime l’importance des facteurs reconnus comme étant le plus près d’un passage à l’acte, soit : la planication du suicide ; les tentatives de suicide antérieures ; la capacité à espérer un changement ; l’usage de substances ; la capacité à se maîtriser ; la présence des proches ; et la capacité à prendre soin de soi (gouvernement du Québec, 2010) .
Exemple d’écocarte
CE QU’IL FAUT RETENIR
En psychiatrie, les principaux risques sont le suicide, l’agression et les troubles liés à une substance. En raison de la dangerosité qu’ils représentent, ces risques doivent être dépistés systématiquement et précocement à l’évaluation initiale, puis évalués en profondeur et de façon continue.
• Les facteurs de stress et la capacité du client à gérer son anxiété. Leur évaluation se fait par un questionnement de la personne ou l’observation de ses caractéristiques psychologiques (p. ex., des tremblements), comportementales (p. ex., des frottements de mains), affectives (p. ex., des pleurs) et cognitives (p. ex., une difculté d’attention). L’inrmière note les sources de stress rapportées par la personne. • Les facultés adaptatives. Elles concernent les capacités à résoudre des problèmes, à prendre des décisions, à s’exprimer, à demander de l’aide de même que le degré d’estime de soi. • La situation nancière et les ressources. Celles-ci peuvent avoir un impact important sur la qualité de vie et générer du stress. • La culture et la spiritualité. Ces éléments peuvent inuer sur les perceptions, les choix de santé et le sens donné à la maladie.
Vidéo : Trouble dépressif caractérisé et trouble lié à une substance.
• Le projet de vie du client. Celui-ci se rapporte aux rêves qu’il souhaite réaliser dans le futur et à ses objectifs liés à l’épisode de soins.
29
4.3.5
Les interventions en situation de violence sont présentées dans le chapitre 29, Violence.
Au cours de l’évaluation, l’inrmière porte une attention particulière aux comportements et aux risques qui menacent la sécurité du client ou celle d’autres personnes. Au regard de la santé physique, elle surveille par exemple les risques de chute,
82
Partie 1
Dépistage des risques
Le risque d’agression doit être évalué de façon approfondie dès que le client présente l’un des quatre facteurs suivants au cours de l’évaluation initiale : 1) des antécédents de violence ; 2) le fait d’être intoxiqué au moment de l’admission ; 3) des menaces verbales ou physiques ; 4) une impulsivité marquée. Par la suite, l’inrmière demeure attentive aux manifestations de violence et de désorganisation an de prévenir les risques de passage à l’acte 29 . Les troubles liés à une substance sont évalués non seulement en raison des risques de dépendance, mais aussi à cause des effets possibles sur la pathologie psychiatrique, sur le traitement médicamenteux et sur l’augmentation de l’impulsivité. L’inrmière aborde franchement le sujet de la consommation d’alcool et de drogues et demeure attentive aux signes d’intoxication et de sevrage ENCADRÉ 4.6. Une analyse sanguine (dépistage des drogues de rue) peut être demandée au besoin. Pour faciliter la collecte et l’analyse des données, tous les renseignements qui font partie intégrante de l’évaluation peuvent être consignés dans un formulaire. Celui-ci peut être rempli par plus d’une inrmière selon le déroulement des entretiens et des observations. Cependant, cet outil ne pourrait être utilisé s’il donne l’impression d’un interrogatoire dépourvu d’écoute et de sensibilité, avec pour seul but une collecte de données .
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
4.3.6
Données provenant de grilles et d’échelles d’évaluation
Avant d’utiliser une échelle d’évaluation, l’inrmière s’assure de posséder les connaissances et les compétences requises. Certaines échelles normalisées avec cotation requièrent une formation et une supervision particulières an d’assurer la abilité des résultats. Elles sont davantage utilisées par des cliniciens expérimentés telles les inrmières ayant une formation de deuxième cycle. Par contre, plusieurs outils ne nécessitent pas de formation ; c’est le cas des questionnaires autoadministrés que le client peut remplir lui-même avec le soutien de l’inrmière. Il en est de même pour plusieurs grilles d’observation de comportements ou de symptômes. La majorité des grilles et des échelles présentées dans le TABLEAU 4.4 correspondent à un niveau de pratique général des inrmières en psychiatrie, et plusieurs
TABLEAU 4.4
Collecte des données ENCADRÉ 4.6
Suggestions de questions pour faire le dépistage des risques
RISQUE SUICIDAIRE
RISQUE D’AGRESSION
• Avez-vous déjà été découragé au point de souhaiter mourir ?
• Avez-vous déjà été violent verbalement ? Si oui, précisez.
• Avez-vous déjà fait des tentatives de suicide ? Si oui, précisez le nombre et les circonstances.
• Avez-vous déjà été violent physiquement ? Si oui, précisez.
• Avez-vous des idées suicidaires actuellement ? Si oui, précisez la nature et la fréquence. • Avez-vous pensé à un moyen ? Si oui, précisez le COQ, l’accès aux moyens et les préparatifs.
4
ABUS DE SUBSTANCES
• Consommez-vous de l’alcool ? Si oui, précisez la quantité et la fréquence. • Consommez-vous des drogues ? Si oui, précisez les types, la quantité et la fréquence.
Source : Adapté de Harvey et al. (2008).
Exemple de grilles et d’échelles d’évaluation
BUT DE L’ÉVALUATION
OUTILS
Fonctionnement global
• Instrument d’évaluation du handicap de l’Organisation mondiale de la santé (WHODAS 2.0)
Autonomie fonctionnelle
• Système de mesure de l’autonomie fonctionnelle (SMAF)
Anxiété
• Échelle d’appréciation de l’anxiété de Hamiltona
Estime de soi
• Échelle d’estime de soi de Rosenberg
Sommeil
• Questionnaire sur l’insomnie de Morin
Figure 4.1W : Exemple de formulaire d’évaluation de la condition mentale.
• Grille d’observation des troubles du sommeil Consommation de substances
• Grille d’évaluation du sevrage actif de l’alcool CIWA-Ar • Grille d’évaluation de la consommation d’alcool DEBA-Alcool • Grille d’évaluation de la consommation de drogues DEBA-Drogues
Troubles psychotiques
• Échelle abrégée d’évaluation psychiatrique BPRS (Brief Psychiatric Rating Scale)a • Échelle des symptômes positifs et négatifs PANSS a
Troubles cognitifs
• Mini-examen de l’état mental de Folstein (MEEM) • Test d’évaluation cognitive de Montréal (MoCA) • Échelle de détérioration globale de Reisberg a
Dépression
Une nouvelle version du MEEM fondée sur les éléments les plus pertinents à la détection des troubles cognitifs contenus dans les versions validées existantes et adaptée à la réalité de la pratique du personnel inrmier est disponible au www.cevq.ca/ publications-et-documents/ index.html
• Inventaire abrégé de dépression de Beck • Échelle de dépression gériatrique • Échelle de Cornell (dépression dans le syndrome démentiel)a
Désespoir
• Échelle de désespoir de Beck
État maniaque
• Échelle d’évaluation de la manie de Younga
Comportement inadapté
• Grille d’observation clinique du comportement
Risque d’agression
• Grille de détection précoce du comportement agressif DASA • HCR-20 (Historical-Clinical-Risk management)a
Chapitre 4
Évaluation de la condition mentale
83
TABLEAU 4.4
Exemple de grilles et d’échelles d’évaluation (suite)
BUT DE L’ÉVALUATION
OUTILS
Médication
• Échelle d’évaluation UKU des effets indésirables
Délirium
• Confusion Assessment Method (CAM) • Minimum Data Set (MDS2)
a
CE QU’IL FAUT RETENIR
L’évaluation de la condi tion de santé mentale ne s’effectue pas uniquement en établissement psychia trique, mais également dans de nombreux milieux comme l’urgence, les soins intensifs, le centre d’héber gement, le milieu scolaire ou à domicile.
Réseau de soutien social
• Échelle d’évaluation de l’ajustement social de Holmes et Rahe
Symptômes psychologiques et comportementaux des troubles neurocognitifs
• Inventaire d’agitation de CohensManseld
Trouble de décit de l’attention avec ou sans hyperactivité
• Échelle d’évaluation du TDA/H chez l’enfant (SNAPIV)
• Inventaire neuropsychiatrique de Cummings (NPI) a
• Échelle d’autoappréciation des symptômes du TDA/H de l’adulte
Outil s’adressant à des cliniciens expérimentés ou nécessitant une formation particulière.
d’entre elles sont présentées dans les chapitres de ce manuel. Le Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux, (DSM-5) propose plusieurs outils d’évaluation pouvant être utilisés lors de l’évaluation initiale ou en cours de suivi pour vérier l’évolution des symptômes. Un premier niveau de questions aborde différents domaines tels que la dépression, l’anxiété, les symptômes psychotiques et ainsi de suite. L’outil conçu pour les adultes couvre 13 domaines en 23 questions, tandis que celui conçu pour les enfants (de 6 à 17 ans) couvre 12 domaines en 25 questions. Pour chacune des questions de niveau 1, la personne indique dans quelle mesure elle a été ennuyée par un symptôme spécique au cours des deux dernières semaines. Un deuxième niveau correspond à une évaluation plus poussée d’un domaine particulier, les symptômes psychotiques par exemple. Le clinicien attribue une cote correspondant à la gravité des symptômes au cours des 7 derniers jours.
La version en 12 et en 36 questions du WHODAS est disponible au www.who.int/ classications/icf/form_who das_downloads/en.
Pour évaluer les difcultés de fonctionnement dans la vie de tous les jours, le DSM-5 suggère aussi d’utiliser le WHODAS 2.0. Cet outil a été élaboré dans le cadre d’un projet commun Organisation mondiale de la Santé / Institut national de santé des États-Unis. Plusieurs versions sont disponibles : celles administrées par un enquêteur, celles pouvant être autoadministrées et celles pouvant être administrées par un proche. Chaque questionnaire contient 36 items, et chacun comprend une version courte de 12 items.
4.4
Contextes de pratique et situations particulières
4.4.1
Contextes de pratique
Les compétences de l’inrmière à procéder à une évaluation de la condition mentale des clients sont
84
Partie 1
mises à contribution dans de nombreux milieux de pratique. Outre les établissements à vocation psychiatrique, l’inrmière peut œuvrer au sein d’équipes de santé mentale implantées dans la majorité des centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) et des centres intégrés universitaires de santé et services sociaux (CIUSSS). De même, de nombreux centres hospitaliers ont une urgence psychiatrique, ce qui permet de mieux répondre aux besoins propres à cette clientèle en période de crise. Les guichets d’accès en santé mentale font aussi appel à l’inrmière an d’évaluer et d’orienter la clientèle dans les divers services en santé. Ainsi, l’inrmière est en mesure de procéder à l’évaluation globale de la condition physique et mentale de la clientèle, peu importe son milieu de pratique. Même si elle œuvre dans des secteurs d’activités non dédiés à la psychiatrie, elle fait face quotidiennement à des situations cliniques où l’évaluation de la condition mentale prend toute son importance. Voici des exemples de telles situations : • un adolescent couvert de blessures amené à l’urgence ; • un homme gravement blessé et en deuil se trouvant dans une unité de soins intensifs ; • une mère en situation d’itinérance logée dans un centre d’hébergement communautaire avec son enfant ; • un enfant ayant des troubles mentaux et émotionnels se présentant à la clinique de santé de son école ; • une personne s’inquiétant de la mémoire défaillante d’un parent au cours d’une visite dans un groupe de médecine de famille ; • un jeune homme ayant fait une tentative de suicide dans un établissement correctionnel ; • une personne atteinte de dépression chronique suivie à domicile FIGURE 4.6.
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
clinique
Jugement
être causé par une peur liée à l’incompréhension de ce qui lui arrive, par une méance Séverine Labonté, une mère de famille monoparenassociée à des idées paratale âgée de 32 ans, est atteinte d’un trouble de la personnalité antisociale. À la moindre contrariété, noïdes ou encore par une elle devient agressive. À l’occasion d’un rendezréaction de colère et de frusvous en consultation externe de psychiatrie, elle tration devant une consultas’est fâchée parce qu’elle a dû attendre 10 minutes tion ou une hos pitalisation avant de rencontrer l’inrmière. Elle a bousculé imposée. La patience et l’emles chaises de la salle d’attente et s’est mise à pathie deviennent alors des crier. Au moment où l’inrmière l’approche, elle outils indispensables. Le dit qu’elle ne restera pas et qu’elle ne répondra refus de collaborer du client pas aux questions. L’inrmière sait que madame demande d’agir avec beauLabonté pourrait être impulsive puisqu’il s’agit coup de doigté. L’inrmière d’une caractéristique liée au diagnostic de trouble tente de créer une alliance de la personnalité antisociale. Outre l’agressivité thérapeutique et de diminuer de la cliente, qu’est-ce qui peut rendre l’évaluation les résistances. Si la situation difcile pendant l’entretien ? ne présente pas de danger imminent pour la personne ou pour autrui, elle privilégie un partenariat axé sur l’autodétermination et sur la prise de décision par le client luimême, autant que possible. Elle peut proter de toutes les occasions pour entrer en contact avec le client, souvent de façon informelle, an de gagner graduellement sa conance tout en recueillant des données. Par exemple, pendant les soins, elle peut observer des blessures et s’informer de leur origine. Au cours d’une activité récréative, si la personne est hospitalisée, elle peut évaluer sa capacité d’attention et de concentration. À l’occasion de chaque interaction, même la plus banale, elle se fait rassurante, cherche à démontrer son intérêt et réitère sa disponibilité.
FIGURE 4.6 L’inrmier en santé mentale s’adapte au contexte dans lequel il doit intervenir.
4.4.2
Évaluation dans des situations particulières
Certains clients posent des dés majeurs à l’inrmière en raison de leurs comportements ou de leur incapacité à collaborer pendant l’entretien. L’inrmière adapte alors son approche et fait preuve d’attention, de patience et de tact pour recueillir ses données.
Client qui ne parle pas Souvent, les troubles mentaux graves engendrent des problèmes de communication importants tels que l’aphasie (perte de la capacité de parler) et la catatonie (inertie psychomotrice et négativisme envers le monde extérieur). Ces difcultés rendent quasi impossible la réalisation efcace d’un entretien d’évaluation. Dans ces situations, il importe de continuer à démontrer un accueil chaleureux et respectueux et d’éviter de bousculer le client, qui deviendrait encore plus anxieux. L’inrmière s’adapte alors en utilisant d’autres sources d’information. Elle fait appel aux membres de la famille ou à d’autres personnes signicatives ainsi qu’aux autres membres de l’équipe soignante. Elle peut aussi observer minutieusement les comportements et les interactions du client. Le client ayant un handicap intellectuel peut aussi éprouver des difcultés majeures à s’exprimer verbalement. L’observation du comportement non verbal prend alors une grande importance, car il est fréquent que ces personnes expriment leurs malaises par des comportements inadaptés, comme frapper sur les murs ou s’automutiler.
Client qui refuse de collaborer Il peut arriver que le client refuse de rencontrer l’inrmière et de lui transmettre l’information portant sur sa situation de santé. Ce refus peut
Client désorienté et désorganisé Parfois, le client est trop désorienté ou désorganisé pour participer à un entretien structuré. Cela peut être le cas au cours d’un épisode psychotique, d’un délirium ou d’un trouble neurocognitif majeur, ou lorsque la personne se trouve sous l’inuence d’une drogue hallucinogène. Dans ces situations, l’examen de l’état mental revêt une importance primordiale. L’inrmière peut ainsi observer le cours de la pensée du client, évaluer ses fonctions cognitives, vérier ses perceptions et détecter les signes d’hallucination. La présence de délires ou d’hallucinations doit être évaluée de façon rigoureuse. Ainsi, l’inrmière n’hésite pas à demander directement à la personne si elle voit des choses inhabituelles ou si elle entend des voix que les autres n’entendent pas. Certains clients peuvent nier qu’ils sont atteints d’un trouble mental, mais ils reconnaissent généralement qu’ils expérimentent des sensations étranges. En aidant la personne à décrire ces sensations, l’inrmière accède à son monde intérieur et peut mieux comprendre certains agissements ou certaines réactions irrationnelles. Chapitre 4
éactivation des connaissances Le délirium se différencie de la démence et de la dépression. Qu’est-ce qui le caractérise par rapport à ces deux autres troubles ?
Évaluation de la condition mentale
85
4
Client agressif ALERTE CLINIQUE
L’inrmière doit prioritaire ment assurer sa sécurité et celle de l’entourage et ne pas hésiter à remettre la rencontre à plus tard si elle a le sentiment que la situation peut dégénérer.
Il peut arriver qu’une personne manifeste de la colère et de l’agressivité au cours de l’entretien d’évaluation. Lorsqu’il est possible de poursuivre l’entretien, l’inrmière s’assure que l’environnement est sécuritaire et demande à un autre membre du personnel de l’accompagner. Elle privilégie un milieu ouvert ou une pièce de laquelle le client ou elle peut sortir rapidement. Pour prévenir l’escalade de l’agressivité, elle afche de l’ouverture et évite la confrontation. Une réponse logique et rationnelle à de fortes émotions exprimées par la personne peut contribuer à exacerber sa colère. Par une attitude calme et compréhensive, elle tente d’établir un lien de conance. Elle invite le client à exprimer son mécontentement et ses frustrations tout en lui indiquant qu’aucune manifestation de violence ne peut être tolérée FIGURE 4.7.
4.5
CE QU’IL FAUT RETENIR
Le jugement clinique, la pensée critique, l’intuition, l’expérience et les connais sances de l’inrmière sont des éléments essentiels à l’établissement de problèmes prioritaires.
Constats de l’évaluation
Le constat de l’évaluation est un énoncé qui décrit l’état d’une personne et ses réactions à des troubles de santé existants ou potentiels. Il doit être fondé sur une analyse minutieuse des données recueillies et requiert le recours à une pensée critique après une évaluation approfondie. Il sera inscrit dans le PTI. Il est essentiel que l’inrmière pose un constat basé sur une évaluation exacte des besoins immédiats du client, car les résultats thérapeutiques escomptés et les interventions qui permettront d’améliorer l’état du client sont fondés sur celui-ci.
4.5.1
Jugement clinique et expertise
Le jugement clinique est un processus complexe dont l’objectif est d’émettre une opinion claire à la suite d’un processus d’observation, de réexion et de raisonnement. Phaneuf (2013) exprime ainsi cette complexité : « Au-delà de la simple observation, le jugement clinique permet de réunir le faisceau des
informations qui en résulte, de les examiner, de les relier entre elles, d’établir des liens avec ce qui est déjà connu sur le sujet et de les considérer d’un regard rationnel et critique qui conduit l’inrmière à interpréter de manière synthétique ce qu’elle constate. Ainsi, dans ce jugement, elle reconnaît et rassemble certains signes et symptômes reliés par leur appartenance à un problème déni auquel elle donne une interprétation. » Le processus intellectuel pour poser ce jugement peut être plus long chez l’inrmière qui a peu d’expérience, alors qu’il peut devenir intuitif et très rapide pour l’inrmière qui pratique depuis plusieurs années. Le raisonnement intuitif désigne l’application des connaissances à une situation sans analyse critique préalable (p. ex., un pressentiment). Selon la plupart des infirmières, le raisonnement intuitif est compatible avec le raisonnement scientique parce qu’ils sont tous deux probablement liés à la pratique et à l’expérience. Une inrmière acquiert un raisonnement intuitif par la pratique clinique plutôt que par sa formation académique. Benner afrme que l’inrmière ayant un raisonnement fondé sur l’intuition et sur la science démontre généralement une meilleure compréhension et un meilleur jugement clinique dans la prestation de soins (Benner, 2001). Pour sa part, Fidaleo allègue qu’« une forte intuition ne surgit pas du néant » (traduction libre ; Fidaleo, 2008). Elle vient généralement du client qui transfère sa douleur à l’inrmière, alors que cette dernière l’approche dans un « état neutre », c’est-à-dire avec ouverture et réceptivité. Ce type de raisonnement intuitif est particulièrement important au moment de l’évaluation du client suicidaire ENCADRÉ 4.7. L’analyse critique et les habiletés acquises par les connaissances et la pratique clinique déterminent le degré de compétence de l’inrmière. L’expertise et le raisonnement intuitif sont nécessaires à la formulation d’un jugement clinique fiable, et ils inuent tous deux sur les soins et traitements inrmiers. L’expertise et l’intuition sont des aptitudes que l’inrmière cherchera à cultiver tout au long de sa vie professionnelle.
4.5.2
FIGURE 4.7 En présence d’un client agressif, l’inrmière doit avant tout assurer sa propre sécurité.
86
Partie 1
Pensée critique
La pensée critique fait référence à un ensemble de facultés qui inclut le jugement, l’intuition et l’expertise. Elle s’acquiert avec le temps et contribue à élargir les connaissances de l’inrmière. Tout comme la démarche de soins, il s’agit d’un processus dynamique et interactif plutôt que linéaire. L’inrmière fonde généralement ses décisions sur ses connaissances, son expérience ainsi que des principes scientiques. Pour cela, elle formule diverses hypothèses concernant les raisons possibles d’un trouble an d’éviter les constats hâtifs ou précipités de l’évaluation. L’inrmière combine
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
ENCADRÉ 4.7
Exemple d’utilisation de l’intuition chez l’inrmière en milieu psychiatrique
Une cliente mentionne à une inrmière qu’un membre du personnel lui a dit qu’elle n’était plus suicidaire et qu’elle n’avait plus besoin d’une surveillance étroite. Elle dit avoir hâte de bénécier d’un peu d’intimité et elle entre dans sa chambre. Bien qu’elle semble calme et sûre d’elle, l’inrmière décide de la suivre dans sa chambre. Elle reste debout en silence, et la cliente s’assoit sur le lit et se met à pleurer. L’inrmière s’assoit sur une chaise près de
les connaissances, l’expérience et le jugement qu’elle a acquis dans ses études en soins inrmiers et dans d’autres disciplines et applique cet éventail de compétences à tous les aspects de la démarche de soins. Par exemple, l’inrmière expérimente de nouvelles méthodes de résolution de problèmes pour procéder à l’évaluation lorsque les méthodes usuelles échouent. Elle exerce également sa pensée critique lorsqu’elle distingue les données signicatives des données non pertinentes, valide les données déterminantes par des observations et des échanges et complète l’information lorsque cela est requis.
4.5.3
Problèmes prioritaires en soins inrmiers et diagnostics médicaux
Les données recueillies par l’inrmière au cours de l’évaluation contribuent à l’établissement du diagnostic médical. Par ailleurs, les problèmes prioritaires en soins inrmiers tiennent compte des diagnostics médicaux, mais ils en diffèrent du fait qu’ils renvoient plutôt aux réactions et aux besoins du client que l’inrmière est en mesure de traiter en lien avec ses compétences et son champ d’exercice. En psychiatrie, le diagnostic médical représente un trouble mental, par exemple la schizophrénie. Le psychiatre se concentre principalement sur la maladie décrite par le diagnostic et s’efforce d’en trouver la cause et le traitement, s’il en existe un. Bien que l’inrmière connaisse les troubles mentaux et leurs traitements, elle porte surtout son attention sur les réactions du client liées au trouble mental et aux effets dus aux traitements médicaux de ce trouble, c’est-à-dire sur les problèmes qui découlent de sa situation de santé. Par conséquent, elle se concentre sur les pensées perturbées et sur les perceptions sensorielles secon daires aux délires et aux hallucinations plutôt que de tenter de traiter la schizophrénie. L’inrmière s’intéresse aussi aux vulnérabilités, aux mécanismes d’adaptation et aux facteurs de risque. Des problèmes prioritaires relevés par l’inrmière, comme un risque suicidaire, une adaptation inefcace, une perception
la cliente, et celle-ci lui cone qu’elle pensait prendre une bouteille entière de médicaments qu’elle avait mise de côté. Interrogée par la suite au sujet de ses interventions, l’inrmière mentionne qu’une intuition l’avait incitée à rester auprès de la cliente à ce moment précis, sentant qu’elle ne devait pas la laisser seule. La cliente a admis que l’empathie et la préoccupation de l’inrmière l’avaient incitée à exprimer ses sentiments et ses intentions suicidaires à ce moment.
4
sensorielle perturbée ou une perturbation du processus de la pensée, sont déterminés en fonction des réactions du client. Puisqu’un client peut avoir de nombreuses réactions à un seul trouble médical, il y a plus de problèmes découlant d’une situation de santé que de diagnostics médicaux. Peu importe leurs objectifs particuliers, l’inrmière et le médecin visent l’établissement d’un diagnostic précis et pertinent basé sur des données d’évaluation sensées et des principes scientiques.
4.5.4
Modèles conceptuels et constats de l’évaluation
La conception qu’une inrmière a de sa propre discipline exerce forcément une inuence sur ses activités professionnelles. Si l’inrmière appuie sa vision des soins inrmiers sur un modèle conceptuel, celui-ci donnera une couleur particulière à son analyse des données et à la formulation des problèmes. Ainsi, en lien avec le modèle de Virginia Henderson, les constats de l’évaluation sont formulés sous l’angle des problèmes de dépendance dans la satisfaction de ses besoins fondamentaux. Si l’inrmière se réfère au modèle de Callista Roy, elle s’intéressera davantage aux problèmes d’adaptation. Avec le modèle de caring de Watson, l’inrmière considère l’harmonie entre les trois pôles que sont le corps, le mental et l’esprit. Le modèle McGill propose quant à lui de cibler les forces et les besoins d’apprentissage pour le client et sa famille. L’inrmière peut aussi se référer à une nomencla ture standardisée telle la taxonomie des diagnostics inrmiers publiée par l’Association nordaméricaine du diagnostic inrmier (ANADI). L’ANADI est une organisation internationale d’origine nord-américaine qui coordonne les efforts en matière de recherche et de reconnaissance des diagnostics inrmiers. Cette organisation dénit le concept de diagnostic inrmier comme « l’énoncé d’un jugement clinique sur les réactions aux problèmes de santé présents ou potentiels d’une personne, d’un groupe ou d’une collectivité sur lesquels se fonde une thérapie visant l’atteinte des résultats dont l’inrmière est Chapitre 4
Le concept de pensée critique en lien avec les soins inrmiers et les modèles conceptuels en soins inrmiers sont présentés respectivement dans les chapitres 1 et 4 du manuel de Potter, P.A., & Perry, A.G. (2016). Soins inrmiers – Fondements généraux (4e éd.). Montréal : Chenelière Éducation.
Évaluation de la condition mentale
87
responsable » (traduction libre ; North American Nursing Diagnosis Association International, 2009). En 2002, l’ANADI a publié sa seconde taxonomie qui décrit 205 diagnostics, répartis en 47 catégories et distribués selon 13 modes fonctionnels de santé. Bien que l’utilisation des diagnostics inrmiers ait reçu un intérêt mitigé auprès de l’ensemble des inrmières au Québec, il n’en demeure pas moins que la taxonomie de l’ANADI est assez souvent utilisée comme modèle au besoin.
4.5.5
Plan thérapeutique inrmier
Au Québec, l’OIIQ a introduit le PTI comme norme de documentation dont l’application est obligatoire depuis le 1er avril 2009. La norme à cet effet est la suivante : « L’inrmière consigne au dossier de chaque client, dans un outil de documentation distinct, le plan thérapeutique inrmier qu’elle détermine ainsi que les ajustements qu’elle y apporte selon l’évolution clinique du client et l’efcacité des soins et des traitements qu’il reçoit » (OIIQ, 2013). En fait, il s’agit de déterminer les problèmes et les besoins prioritaires du client à partir des données recueillies et analysées. Il peut s’agir d’un problème actuel, comme un « état maniaque », une « urgence suicidaire », la « non-adhésion au traitement médicamenteux » ou encore d’un problème potentiel tel qu’un « risque suicidaire » ou un « risque de violence » basé sur les antécédents du client et sur les signes de désorganisation qu’il présente. L’infirmière peut aussi établir des constats selon les besoins du client. Par exemple, il pourrait s’agir du besoin de reconnaître les signes de rechute ou du besoin d’apprendre à autogérer la médication. Ces constats orientent les directives inrmières à propos de la surveillance clinique, des soins et des traitements requis. Le tout est consigné au dossier du client. L’inrmière détermine les priorités en tenant compte des besoins dénis en partenariat avec le client et ses proches.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les notes de l’inrmière rendent compte des éléments de l’examen de l’état mental recueillis au cours de l’observation des comportements ou de l’entretien formel.
88
Partie 1
4.6
Documentation au dossier
4.6.1
Formulaires d’évaluation initiale
Les établissements de santé ont souvent leurs propres formulaires d’évaluation initiale qui sont reconnus ofciellement et conservés au dossier du client. Dans certains cas, ces formulaires servent aussi de notes d’évolution. C’est le cas du formulaire Notes de l’inrmière à l’admission produit par la Communauté de pratique des conseillères cliniciennes en soins inrmiers de l’Association québécoise des infirmières et infirmiers en santé mentale. Ce document permet de consigner les
renseignements recueillis à l’arrivée d’un client à l’unité de soins psychiatriques. Lorsque l’infirmière utilise un formulaire conservé au dossier du client, elle a généralement peu de renseignements supplémentaires à noter dans la section « Observations de l’inrmière ». Selon la situation, elle peut indiquer la réalisation de l’entretien en vue de recueillir les données d’évaluation (p. ex., « Entretien d’évaluation initiale de 19 h 00 à 19 h 20 ») ou spécier les raisons pour lesquelles l’évaluation n’a pu être réalisée (p. ex., « Se dit trop fatigué, refuse toute présence »). Il est pertinent aussi de préciser le degré de collaboration du client (p. ex., « Répond longuement aux questions, se dit exaspéré de répéter les mêmes renseignements ») de même que les réactions de celui-ci au cours de l’entretien (p. ex., « Pleure, a de la difculté à se concentrer »).
4.6.2
Utilisation de grilles et d’échelles d’évaluation
L’utilisation de grilles et d’échelles d’évaluation requiert des notes beaucoup plus détaillées, car, sauf exception, ces outils ne sont pas conservés au dossier du client. Il est donc nécessaire de préciser le contexte de leur utilisation, le cas échéant (p. ex., Projet de recherche, Complément d’information sur une situation problématique particulière, Suivi de l’évolution clinique), de résumer les données pertinentes recueillies et de préciser le degré de collaboration et les réactions du client. S’il s’agit d’une échelle standardisée, il faut de plus indiquer le nom exact de l’outil et, s’il y a lieu, le score obtenu ENCADRÉ 4.8.
4.6.3
Évaluation en cours d’évolution
Les renseignements recueillis au l de l’évaluation en cours d’évolution s’intègrent aux notes d’évolution rédigées quotidiennement pendant l’hospitalisation ou encore dans le rapport d’intervention à la suite d’une rencontre de suivi en consultation externe. L’évaluation en cours d’évolution porte essentiellement sur la surveillance clinique, les résultats des interventions mises en œuvre de même que sur des aspects comme l’anxiété, la médication ou les relations interpersonnelles. Les notes de l’inrmière rendent compte des éléments de l’examen de l’état mental recueillis au cours de l’observation des comportements ou de l’entretien formel ENCADRÉ 4.8.
4.7
Collaboration interprofessionnelle
Les données recueillies par l’inrmière contribuent à l’établissement du diagnostic psychiatrique et informent le médecin sur l’évolution
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
clinique du client et sur la réponse au traitement instauré. Inversement, l’évaluation psychiatrique, les résultats des examens paracliniques et les rapports de consultations médicales sont des sources que l’inrmière consulte an de compléter sa propre évaluation. Par ailleurs, l’inrmière est souvent appelée à travailler avec une équipe de soins composée de divers intervenants tels que des inrmières auxiliaires, des préposés aux bénéciaires, des éducateurs ou des auxiliaires familiaux 1 . En raison de leur proximité avec les clients, ceux-ci peuvent grandement collaborer à la collecte de données et à la surveillance clinique. Il peut arriver que ces intervenants soient perçus comme étant moins menaçants par certains clients, ce qui facilite parfois l’établissement de liens signicatifs. An d’optimiser le travail de collaboration, l’inrmière guide les observations des membres de l’équipe de soins en portant leur attention sur les problèmes à surveiller et les traitements en cours. Elle inscrit ces directives dans le PTI, par exemple : • «Vérier si présence d’hallucinations q. quart de travail.
ENCADRÉ 4.8
Exemple de note d’évolution
Voici un exemple d’une note consignée par l’inrmière au retour du client d’un congé de n de semaine : « Entretien pour évaluer le congé d’essai. Dit que ça ne s’est pas très bien passé. A eu une altercation avec sa mère et dit ne pas avoir été capable de respecter son engagement à ne pas consommer. A pris des amphétamines et du cannabis. Examen de l’état mental : coopératif au cours de l’entretien, mais devient rapidement méant et tendu. Contact visuel fuyant, parfois xe et absent. Présente de l’agitation : se frotte les bras et le front avec intensité. Langage articulé parfois hésitant. Humeur anxieuse, affect concordant. Propos parfois incohérents avec relâchement des associations. Se montre méant : croit qu’il y a des micros dans la pièce. Présente hallucinations visuelles : regarde un peu partout, répond à quelqu’un alors qu’il n’y a personne d’autre que lui et moi dans la pièce. Avoue voir des
choses inhabituelles qu’il décrit comme des ombres sur les murs. Délire mystique : dit parler avec Dieu. Fonctions cognitives : hyperalerte, orienté, mémoire intacte. Difculté d’attention et de concentration. Jugement partiellement altéré par ses hallucinations et sa méance. Autocritique : reconnaît ses problèmes de consommation et accepte l’aide. Inventaire abrégé de dépression de Beck rempli en prévision de l’introduction d’un nouvel antidépresseur. Résultat : 26 sur 39. Se dit incapable de reprendre le dessus depuis sa séparation, se sent découragé et ressent beaucoup de culpabilité, n’a aucun intérêt pour ses activités habituelles. Avoue avoir des idées morbides par moments. Accepte de répondre aux questions et de participer à l’entretien, mais éprouve des problèmes de concentration. Se dit très fatigué à la n de l’entretien. »
• Aviser l’inrmière si soupçons de consommation d’alcool [dir. p. trav. PAB]. • Observer ses réactions à l’égard de son voisin de palier [dir. verb. aux. fam.]. » La collaboration interprofessionnelle est aussi importante avec l’ensemble des professionnels qui composent les équipes de santé mentale : travailleur social, ergothérapeute, psychologue, pharmacien, éducateur spécialisé, nutritionniste et autres, le cas échéant. Le partage de ces expertises complémentaires permet de dresser un portrait plus juste de la situation à partir de différents points de vue sur plusieurs dimensions relatives à la santé et au rétablissement du client. Dans cet esprit, la réunion clinique est un moment privilégié où les professionnels partagent leurs observations, assurent une compréhension commune et conviennent d’un plan d’intervention FIGURE 4.8.
4.8
approfondies et des habiletés avancées en psychopathologie afin de porter un jugement cli nique à partir du DSM-5. Cette activité englobe aussi l’analyse comparative des données cliniques afin de procéder à un diagnostic différentiel, l’examen des interrelations avec les troubles concomitants (toxicomanie et autres dépendances) et l’évaluation de la capacité du client à consentir à ses soins. Afin d’approfondir et de raffiner l’évaluation, l’infirmière en pratique avancée est aussi appelée à utiliser des outils de mesure standardisés requérant une formation et une supervision particulières afin d’assurer la validité et la fiabilité des résultats.
1 Les rôles des divers intervenants de l’équipe de soins sont expliqués dans le chapitre 1, Perspectives en santé mentale : notions fondamentales et dés.
Pratique avancée
Au Québec, la Loi modifiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines, en vigueur depuis le 6 mars 2013, fait de l’évaluation des troubles mentaux un acte réservé pour les infirmières qui auront une formation universitaire de deuxième cycle et une expérience clinique en soins infirmiers psychiatriques. L’évaluation des troubles mentaux consiste à utiliser des connaissances
FIGURE 4.8 L’inrmière travaille en étroite collaboration avec le médecin traitant et l’équipe interdisciplinaire. Chapitre 4
Le Réseau de collaboration sur les pratiques interprofession nelles en santé et services sociaux (RCPI) (www.rcpi. ulaval.ca) de l’Université Laval fournit des renseigne ments ainsi que des forma tions sur la collaboration interprofessionnelle.
Évaluation de la condition mentale
89
4
Analyse d’une situation de santé Louis Lemaire est âgé de 35 ans. Il a été conduit à l’urgence hier soir à la suite d’une tentative de suicide par pendaison. C’est son frère qui l’a découvert. Vous avez lu dans les notes d’admission qu’après une faillite personnelle dont il ne s’est jamais relevé, sa conjointe l’a quitté avec ses deux enfants. Monsieur Lemaire a dû abandonner les procédures pour obtenir un droit de visite, faute de pouvoir payer son avocat.
Jugement clinique Vous rencontrez monsieur Lemaire dans sa chambre pour effectuer la collecte des données. Le client est assis dans son lit et regarde ses mains xement. Il est dépeigné, sa barbe n’est pas rasée, et il porte des vêtements froissés. Lorsque vous le saluez, il répond par un léger signe de tête. Lorsque vous lui demandez comment il se sent, il dit que tout est vide autour de lui, qu’il est dépassé et qu’il n’a pas le goût de vivre.
Mise en œuvre de la démarche de soins
Collecte des données – Évaluation initiale – Analyse et interprétation 1. Relevez toutes les données objectives et subjectives recueillies au cours de votre première rencontre avec monsieur Lemaire. 2. Quelles sont les deux sources principales qui vous fournissent de l’information sur monsieur Lemaire ? SOLUTIONNAIRE
3. Quelle donnée de la mise en contexte est manquante concernant l’information sur la tentative de sui cide du client ? 4. Quelles autres données aideraient à évaluer la gravité du geste suicidaire du client ? 5. Quelles questions faut-il poser à monsieur Lemaire pour évaluer plus précisément le malaise principal qu’il exprime, soit le fait qu’il n’a pas le goût de vivre ? Trouvez-en au moins trois.
écemment vu dans ce chapitre Monsieur Lemaire dit qu’il pense constamment à sa faillite. « Je n’arrête pas d’y penser, ça me préoccupe encore tout le temps », ajoute-t-il. Comment s’appelle un tel envahissement du contenu de la pensée ?
écemment vu dans ce chapitre Dans le dossier de monsieur Lemaire, le psychiatre a écrit dans ses notes d’évolution que le client présentait de la bradypsychie. Qu’est-ce que cela signie ?
90
Partie 1
Monsieur Lemaire avait consulté son médecin parce qu’il n’arrivait pas à dormir dans les semaines qui ont suivi sa faillite personnelle.
Ce dernier lui avait prescrit du lorazépam 1 mg h.s. et du citalopram 20 mg le matin.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
6. Citez deux éléments à vérier auprès du client concernant la médication prescrite. 7. Trouvez au moins six questions à poser à monsieur Lemaire pour évaluer ses habitudes de sommeil.
Monsieur Lemaire dit qu’il mange peu depuis sa faillite personnelle et le départ de sa conjointe. MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
8. Trouvez au moins deux questions fermées et au moins deux questions ouvertes pour évaluer l’alimentation de monsieur Lemaire.
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
Les frères de monsieur Lemaire ont téléphoné pour dire qu’ils viendront le visiter en aprèsmidi. Le client dit sur un ton monocorde : « Ah ! Bon. Tant mieux. » Vous remarquez que son faciès
est neutre et que son regard reste distant. Quand vous lui posez des questions, il commence à y répondre, mais s’arrête parfois au milieu de ses phrases.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
4
9. Comment l’affect du client doit-il être qualié ? 10. L’affect est-il mobilisable ? Justiez votre réponse. 11. Quel terme décrit la pensée de monsieur Lemaire lorsqu’il commence à parler de quelque chose, mais qu’il s’arrête au milieu de ses phrases ?
Voici le génogramme de monsieur Lemaire.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
12. Quelles sont les deux renseignements manquants dans ce génogramme ? 13. Quelles échelles pourriez-vous utiliser pour évaluer la condition mentale de monsieur Lemaire ?
Monsieur Lemaire ne se lave pas tous les jours. Il dit que son apparence n’a plus d’importance et qu’il se sent bien ainsi. Lorsque vous lui demandez s’il a
encore l’intention de mettre n à ses jours, celui-ci répond : « Je ne sais pas. Je me sens tellement vide que je n’ai même plus la force de penser à cela. »
Chapitre 4
Évaluation de la condition mentale
91
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
14. Quel problème prioritaire devriez-vous alors inscrire dans le plan thérapeutique inrmier de monsieur Lemaire ? Extrait CONSTATS DE L’ÉVALUATION Date
Heure
2016-08-14 10:30
N°
Problème ou besoin prioritaire
Initiales
RÉSOLU / SATISFAIT Date
Heure
Professionnels / Initiales Services concernés
2
Signature de l’inrmière
Initiales
Programme / Service
Signature de l’inrmière
Initiales
Programme / Service
Unité de psychiatrie
Planication des interventions – Décisions inrmières 15. Vériez la réponse à la question précédente et émettez une directive inrmière pour assurer un suivi clinique de la condition actuelle du client. Extrait SUIVI CLINIQUE Date
Heure
N°
2016-08-14
10:30
2
Signature de l’inrmière
Directive inrmière
Initiales
Programme / Service
Initiales
Signature de l’inrmière
CESSÉE / RÉALISÉE Date
Initiales
Heure
Initiales
Programme / Service
Unité de psychiatrie
16. Devriez-vous assurer une présence constante auprès de monsieur Lemaire ? Justiez votre réponse.
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution 17. D’après l’ensemble des données de la situation, nommez les cinq principaux points sur lesquels votre évaluation continue de la condition mentale de monsieur Lemaire devra porter.
92
Partie 1
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
APPLICATION DE LA PENSÉE CRITIQUE Dans l’application de la démarche de soins auprès de monsieur Lemaire, l’inrmière a recours à un ensemble d’éléments (connaissances, expériences antérieures, normes institutionnelles ou protocoles, attitudes professionnelles) pour analyser la situation de santé du client et en comprendre les enjeux.
La FIGURE 4.9 illustre le processus de pensée critique suivi par l’inrmière an de formuler son jugement clinique. Elle résume les principaux éléments sur lesquels l’inrmière s’appuie en fonction des données de ce client, mais elle n’est pas exhaustive.
4
VERS UN JUGEMENT CLINIQUE EXPÉRIENCES
CONNAISSANCES • Importance d’une collecte des données détaillée • Points importants à évaluer au cours d’un entretien avec un client qui présente un problème de santé mentale • Types de questions à poser • Instruments d’évaluation (grilles d’observation et échelles d’évaluation, génogramme et écocarte) • Différentes sources de renseignements à consulter • Processus de la démarche de soins • Dynamique d’une personne suicidaire
• Expérience auprès de personnes présentant des problèmes de santé mentale, plus particulièrement la dépression et les idées suicidaires • Expérience en relation d’aide • Habileté à mener un entretien
NORME
ATTITUDES
• Utilisation de grilles et d’échelles d’évaluation validées scientiquement
• Démontrer de l’écoute active tout au long de l’entretien d’évaluation • Être attentive aux manifestations non verbales du client pour reconnaître ses réactions et son affect • Respecter le rythme du client
PENSÉE CRITIQUE
ÉVALUATION • • • • • • •
Posture et attitude du client Affect Intentions suicidaires après une première tentative Sommeil et alimentation Qualité des autosoins Opérations de la pensée Adhésion au traitement médicamenteux prescrit
JUGEMENT CLINIQUE FIGURE 4.9
Application de la pensée critique à la situation clinique de monsieur Lemaire
Chapitre 4
Évaluation de la condition mentale
93
Chapitre
5
Communication et relation thérapeutique Écrit par : Susan Fertig F. McDonald, DNP, PMHCNS-BC Adapté par : Margot Phaneuf, M. Éd., Ph. D. (Didactique) Mis à jour par : Jean-Pierre Bonin, inf., Ph. D. (Santé publique)
MOTS CLÉS
OBJECTIFS
Alliance thérapeutique. . . . . . . . . . . . . . . 100 Attitude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99 Communication fonctionnelle . . . . . . . . 106 Communication thérapeutique . . . . . . . 106 Confrontation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113 Écoute active . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111 Empathie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111 Empowerment . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100 Facteurs contextuels . . . . . . . . . . . . . . . . 99 Immédiateté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113 Paralangage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez être en mesure : • • • • • • • • • • •
d’effectuer une analyse d’interactions ; de discuter des facteurs qui influent sur la communication ; de décrire les caractéristiques de l’alliance thérapeutique ; d’expliquer les phases de la relation infirmière-client ; d’expliquer les composantes de la communication non verbale ; de distinguer les communications sociale, fonctionnelle, interdisciplinaire, éducative et thérapeutique ; de discuter des divers rôles que joue l’infirmière dans le cadre de l’interaction thérapeutique avec les clients en milieu psychiatrique ; d’appliquer les habiletés nécessaires à une communication thérapeutique efficace ; d’expliquer les techniques susceptibles d’améliorer la communication ; de distinguer les facteurs qui améliorent la communication thérapeutique de ceux qui l’entravent ; de discuter des difficultés de communication qui peuvent survenir avec certaines clientèles particulières.
Disponible sur • • • • •
À retenir Carte conceptuelle Dossier vidéo Encadrés Web Ressources
• • • • •
Solutionnaire de l’Analyse d’une situation de santé Solutionnaire des questions de Jugement clinique Solutionnaire des questions Réactivation des connaissances Solutionnaire des questions Récemment vu dans ce chapitre Solutionnaires du Guide d’études
Guide d’études – SA03, SA05, SA06, SA12, RE06, RE07, RE19
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Partie 1
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
Concepts clés
Cette carte conceptuelle illustre schématiquement les principaux concepts décrits dans le présent chapitre. Sa lecture vous permettra d’avoir une vue d’ensemble des notions qui y sont présentées.
5
inuencées par
nécessitent
inclut
types de communication
Communication et relation thérapeutique
contexte thérapeutique
Chapitre 5
Communication et relation thérapeutique
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PORTRAIT
Marie-Ève Savoie Marie-Ève Savoie, âgée de 20 ans, effectue sa cinquième semaine de stage en psychiatrie dans le cadre d’un programme d’études en sciences inrmières. Elle se sent à l’aise dans l’unité psychiatrique. Marie-Ève a établi un contrat avec Karina, une cliente de 15 ans de l’unité fermée des adolescents : se rencontrer chaque jour an de permettre à Karina de parler de son impulsivité. Elle la voit tous les jours depuis déjà trois semaines. Les parents de Karina ont fait admettre leur lle dans cet établissement en raison de son comportement impossible à maîtriser, notamment l’abus de plusieurs substances toxiques, des fugues de la maison pendant plusieurs semaines, l’absence de l’école et la fréquentation d’amis beaucoup plus âgés qu’elle et ayant des antécédents de consommation de drogues. Marie-Ève se prépare à quitter l’unité pour aller à un atelier de formation lorsque Karina l’arrête et lui dit à voix basse qu’elle veut lui parler. MarieÈve lui explique qu’elle s’en va à une réunion qui doit commencer dans 20 minutes. Karina insiste pour lui parler, mais Marie-Ève doit lui promettre de ne rien dire à personne. Marie-Ève dit à Karina qu’elle ne peut garder aucun secret qui pourrait nuire à son traitement et que le médecin ainsi que le personnel de l’équipe de soins devront aussi être informés. Elle ajoute que cela doit sûrement être très important, sinon elle n’insisterait pas tant pour lui parler.
5.1
i Les composantes de base nécessaires à toute commu nication sont présentées en détail dans le chapitre 11 du manuel de Potter, P.A., & Perry, A.G. (2016). Soins inrmiers – Fondements généraux (4e éd.). Montréal : Chenelière Éducation.
CE QU’IL FAUT RETENIR
La relation inrmièreclient vise l’épanouissement de la personne, respecte sa liberté et sa capacité à décider pour luimême.
96
Partie 1
Communication
La communication constitue un processus dynamique au cours duquel deux ou plusieurs personnes échangent différents types d’informations. Malgré le fait que l’apprentissage de la parole se fait très tôt chez l’enfant, ce processus s’avère complexe. L’échange d’information repose sur le recours à une combinaison de comportements verbaux et non verbaux utilisés de différentes façons et conditionnés par le contexte social et émotif. Ainsi, il faut beaucoup d’application pour que la communication soit efcace. Cette communication efcace est essentielle au succès des interventions inrmières en psychiatrie et représente un facteur majeur favorisant la satisfaction du client, son adhésion au traitement et sa progression vers un mieux-être. Sans une communication efcace, la relation thérapeutique entre le client et l’inrmière n’est pas envisageable. En conséquence, en psychiatrie, l’infirmière doit comprendre et
maîtriser les principes généraux de la communication ainsi que ceux de la relation thérapeutique. La communication, dans le cadre d’une relation de qualité, est l’outil le plus puissant dont dispose l’inrmière, et c’est ce qu’elle utilise pour amorcer la démarche de soins. C’est sur cet outil que repose essentiellement la relation thérapeutique inrmièreclient au cours des soins et traitements inrmiers. Hildegard E. Peplau, pionnière et éducatrice en matière de soins inrmiers en santé mentale, a été la première à dénir ce concept (Peplau, 1951). Selon elle, l’interaction thérapeutique entre l’inrmière et le client se produit dans le cadre de la relation entre ces deux personnes et passe par des phases distinctes qui se chevauchent, allant de l’orientation (admission) à la résolution (congé). En vue de la formation des inrmières sur les effets de l’interaction thérapeutique, Peplau a mis au point l’analyse d’interactions, une méthode reconnue depuis longtemps qui aide l’inrmière à examiner la relation qu’elle entretient avec le client grâce à un compte rendu écrit qu’elle consigne immédiatement après l’interaction. L’infirmière vérifie ensuite si ces interventions ont freiné ou encouragé les efforts du client à communiquer, ou si des sujets de conversation n’ont pas été soulevés à temps. Elle détermine également les habiletés de communication employées et celles qui auraient pu l’être. Selon Peplau (1951), l’inrmière et le client sont des participants égaux au cours du processus thérapeutique, et l’objectif global alors poursuivi est d’améliorer la santé et le bien-être du client. Ces interactions se situent dans une approche existentielle-humaniste fondée sur la conance dans l’être humain, sur sa capacité de diriger sa vie et de réaliser son propre potentiel. Cette orientation se centre sur le présent et sur les capacités de prise de conscience et de réalisation de soi de la personne. Elle tire ses origines dans la philosophie ancienne et les avancées plus récentes de la psychologie, marquées notamment par l’inuence de Carl Rogers, d’Abraham Maslow et de Frankl. Cette approche place le client au cœur des soins, ce qui inuence fortement la nature de la relation inrmière-client et les soins qui en découlent. L’orientation existentielle-humaniste vise l’épanouissement de la personne et respecte le sens que celle-ci entend donner à sa vie, en ce sens qu’elle se veut respectueuse de la liberté du client et de sa capacité de décider pour lui-même. Aussi, les buts et objectifs de l’intervention inrmière sont formulés en collaboration avec le client, qui prend conscience du poids de ses propres décisions et progresse de cette manière vers une plus grande autonomie. Cette approche respectueuse de la personne teinte toutes les interventions de l’inrmière et est mise en évidence dans l’analyse d’interactions avec les clients TABLEAU 5.1.
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
TABLEAU 5.1
Exemple d’une analyse d’interactions
COMMUNICATION DE L’INFIRMIÈRE
COMMUNICATION DU CLIENT
• Verbale : « Bonjour Jeanne. Je m’appelle Laurence, je suis étudiante inrmière. Je vais être ici deux soirs par semaine pendant environ huit semaines. J’aimerais passer du temps avec vous et parler de votre séjour à l’hôpital. Qu’en pensez-vous ? »
• Verbale : « Je pense que ça me convient tant que nous ne parlons pas quand c’est l’heure de ma pause cigarette ou de mes activités de groupe. Je fais un dessin pour ma lle. Elle me manque beaucoup. »
• Non verbale : posture ouverte, contact visuel, ton de voix modéré et calme, limites spatiales adéquates (environ 1 m).
• Non verbale : posture fermée, expression faciale soucieuse, voix tremblante, nervosité et agitation en position assise.
• Verbale : « Je comprends que vous avez besoin de participer à des activités et je ne perturberai pas votre emploi du temps. Comment cela se passe-t-il pour vous à l’hôpital jusqu’à présent ? »
• Verbale : « Oh, pas très bien. Je ne pense pas que ce soit ma place ici avec les autres personnes. Leurs problèmes semblent vraiment graves. Tout ce que je veux, c’est nir le dessin pour ma lle et retourner à la maison. »
• Non verbale : semblable au no 1.
• Verbale : « Vous ne pensez pas que vous devriez être à l’hôpital ? Qu’est-ce qui vous a amenée ici ? » • Non verbale : position penchée légèrement vers la cliente pour manifester son intérêt, ton modéré, expression faciale intéressée.
• Non verbale : semblable au no 1.
• Verbale : « Je pense que j’avais simplement trop d’énergie et de pensées en même temps. J’aimais bien avoir beaucoup d’énergie, mais toutes ces pensées, c’était trop pour moi et j’étais désorientée. Je me sens mieux maintenant, tout ce que je veux, c’est rentrer à la maison ! » • Non verbale : bras qui remuent dans les airs pour illustrer la quantité d’énergie dont elle parle, expression faciale et ton de voix qui semble indiquer que l’épisode n’était pas grave.
• Verbale : « Parlez-moi de l’énergie et des pensées que vous aviez. » • Non verbale : contact visuel, expression faciale et ton de voix exprimant de l’intérêt.
• Verbale : « Eh bien, mon médecin m’a dit que j’ai eu un épisode maniaque, j’ai probablement omis de prendre quelques doses de médicament. » • Non verbale : pas de contact visuel, gestes de la main comme si elle voulait minimiser la gravité de ces actions.
• Verbale : « Je vois. Donc, vous dites que votre épisode maniaque s’est produit parce que vous avez cessé de prendre vos médicaments ? »
• Verbale : « Oui, je suppose que je n’aurais pas dû cesser de prendre mes pilules, mais les effets secondaires me dérangeaient. »
• Non verbale : position penchée vers l’avant pour manifester son intérêt et sourcils légèrement froncés pour indiquer sa préoccupation et son désir de comprendre la raison de l’admission de la cliente.
• Non verbale : léger contact visuel, gigotements sur sa chaise.
HABILETÉS DE COMMUNICATION INFIRMIÈRE
CLIENT
• Offre de son temps et donne de l’information ; établit des limites et des frontières ; pose des questions ouvertes et utilise des techniques thérapeutiques qui favorisent la conance et la relation.
• D’accord pour interagir avec l’inrmière à la condition que ses demandes soient satisfaites (pause pour fumer, activités de groupe) ; est peut-être anxieuse à l’idée de s’ouvrir à une étrangère.
• Reconnaît et respecte les besoins exprimés par la cliente ; utilise des questions ouvertes et manifeste des attitudes d’écoute pour clarier les perceptions et les sentiments de la cliente concernant son séjour hospitalier et ses progrès.
• Exprime des émotions légèrement négatives (c.-à-d. « pas très bien »), indiquant qu’elle n’a pas encore vraiment accepté son état et son traitement ; semble utiliser des mécanismes de défense comme le déni et le manque d’introspection (c.-à-d. « Je ne pense pas que ce soit ma place ici avec les autres patients »).
• Utilise le reet pour répéter la réponse de la cliente an que cette dernière puisse rééchir à ses propres propos ; utilise des questions ouvertes pour éclaircir les raisons de l’hospitalisation.
• Continue à nier le problème et semble minimiser les événements liés à son hospitalisation ; réitère son désir de rentrer à la maison ; semble minimiser ce qui s’est passé.
• Utilise la question ouverte de clarication pour mieux comprendre ce qui s’est passé durant la période d’excitation que la cliente a vécue.
• Admet avoir eu un épisode de manie, ce qui fait partie du trouble bipolaire ; admet également ne pas avoir pris ses médicaments ; langage corporel qui indique que le comportement à ce moment n’était pas grave.
• Reète les paroles de la cliente pour valider ce qu’elle comprend à propos de ce qui est exprimé et établir une compréhension mutuelle.
• Relie l’arrêt des médicaments à son épisode maniaque ; donne un aperçu de la raison pour laquelle elle a cessé de les prendre et semble comprendre la relation de cause à effet entre l’arrêt de sa médication et les symptômes qui se sont manifestés.
Chapitre 5
Communication et relation thérapeutique
5
97
TABLEAU 5.1
Exemple d’une analyse d’interactions (suite)
COMMUNICATION DE L’INFIRMIÈRE
COMMUNICATION DU CLIENT
• Verbale : « L’arrêt des médicaments à cause des effets secondaires, cela arrive, mais il y a des risques d’en traîner le retour de vos symptômes. Nous pourrions peutêtre parler des effets secondaires que vous ressentiez. »
• Verbale : « OK. Je sais que j’ai été vraiment stupide de cesser de les prendre. » • Non verbale : prend sa tête dans ses mains et la secoue de droite à gauche.
• Non verbale : similaire au no 5.
• Verbale : « On dirait que vous reconnais sez que l’arrêt des médicaments peut avoir causé votre épisode maniaque, que, si je comprends bien, vous avez trouvé très pénible. » • Non verbale : contact visuel, ton et langage corporel exprimant l’empathie. (Moment de silence)
• Verbale : « J’imagine. C’est juste que je répète tout le temps les mêmes erreurs et je me retrouve dans cet hôpital stupide où je ne devrais pas être. » • Non verbale : baisse la tête sur sa poitrine et la secoue de droite à gauche.
• Verbale : « Jeanne, c’est correct de remettre vos actions en question. C’est comme ça qu’on apprend tous. » • Non verbale : contact visuel, position tranquillement assise près de la cliente et manifestation de sa compréhension empathique : ton, regard, expression d’intérêt. • Verbale : « Aujourd’hui, nous avons parlé du lien entre les médicaments que vous prenez, vos symptômes et les problèmes que vous vivez et qui vous empêchent de prendre vos médicaments. On pourrait s’arrêter làdessus pour aujourd’hui. La prochaine fois que nous nous verrons, nous parlerons des façons qui vous permettraient de gérer la même situation à l’avenir. »
• Verbale : « OK, tant mieux parce que j’ai besoin d’une cigarette maintenant. Merci de m’avoir écoutée. Je vous verrai la prochaine fois que vous serez ici. » • Non verbale : se lève pour aller prendre sa pause à l’extérieur et regarde briève ment l’inrmière.
HABILETÉS DE COMMUNICATION INFIRMIÈRE
CLIENT
• Fournit de l’information ; reconnaît les raisons données par la cliente pour expliquer l’arrêt de ses médicaments ; recentre la conversa tion sur un seul point important, soit les pro blèmes éprouvés par la cliente avec les médica ments en posant une question ouverte, ce qui devrait amener la cliente à élaborer un peu plus sur ce point.
• Semble contrariée à cause de son comportement (arrêt des médicaments) ; manifeste sa frustration en secouant la tête et en se traitant de stu pide alors qu’en fait, elle se sent inadéquate.
• Reconnaît la prise de conscience de la cliente et manifeste de l’empathie face à sa détresse ; crée un climat favorable à l’expression des émotions et des sentiments ; se rend disponible pour la cliente en demeurant près d’elle et en manifestant son intérêt et sa compréhension.
• Semble comprendre que l’arrêt des médicaments empire les symptômes du trouble mental, bien qu’elle ait du mal à reconnaître le rôle que jouent ses pensées et son comportement dans son hospitalisation.
• Résume les propos de la cliente et termine la conversation en l’en courageant à suggérer des actions pour amé liorer la situation.
• Est restée tout au long de l’interaction ; éprouve encore le besoin de minimiser ses problèmes ; fume pour s’aider à tenir le coup, accepte de reparler à l’inrmière et la remercie de son écoute, faisant ainsi preuve de maturité et de respect.
–
–
• Non verbale : position assise avec les épaules en arrière dans une posture ouverte et regard dirigé vers la cliente. • Verbale : « OK, Jeanne, je comprends. Je vous reparle dans quelques jours. Merci d’avoir discuté avec moi. »
–
• Non verbale : se lève doucement.
98
Partie 1
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
5.1.1
Facteurs qui inuencent la communication
La communication est soumise à l’inuence de nombreux facteurs, comme : • l’environnement ; • la nature de la relation entre les personnes ; • le contenu du message et le contexte dans lequel il s’insère ; • les attitudes, les émotions, les valeurs et les croyances ; • l’origine ethnique, la culture et la religion ; • le statut socioéconomique ; • l’âge et le sexe ; • le niveau de connaissance et l’éducation reçue ; • la capacité à établir des liens avec autrui. Les facteurs contextuels qui inuencent positivement ou négativement l’efcacité de la communication sont le temps, l’intensité du bruit, l’intimité, le degré de confort et la température. Les clients peuvent être fragiles, de sorte que le choix du lieu même de l’interaction s’avère crucial pour transmettre l’importance ou l’authenticité de la communication. Par exemple, pour un client anxieux qui apprend dans le corridor qu’il devra subir des analyses supplémentaires, ce lieu impersonnel ne le dispose pas à ce dérangement dans sa routine. Le choix du moment de l’interaction est également important, et attendre le moment propice peut faire toute la différence entre un apprentissage réussi et un échec pour le client. Pour ce qui est du contenu du message, l’inrmière est consciente des richesses et des pièges que recèlent ses perceptions ainsi que celles du client. L’être humain a cette faculté innée de percevoir son environnement, c’est-à-dire celle de recevoir rapidement des impressions livrées par ses sens (vue, ouïe, odorat et toucher) et fondées sur ses réactions émotionnelles. Il interprète ensuite ces impressions à partir de ses ltres personnels (sa culture, ses valeurs et ses expériences passées), ce qui risque de conférer un caractère de subjectivité aux observations et aux jugements dans la relation inrmièreclient. Pour éviter les mésinterprétations, il importe donc que l’inrmière soit consciente de ses propres impressions, qu’elle les évalue et qu’elle vérie aussi celles du client (Phaneuf, 2011b). Les premières impressions peuvent parfois induire en erreur, et il est primordial de toujours vérier les impressions reçues an de s’assurer d’une bonne compréhension de la situation (Orlando, 1979). En effet, les réactions des deux interlocuteurs sont source d’émotions qui prennent parfois une grande importance dans les échanges de l’inrmière avec le client. Par exemple, une manifestation de désintérêt momentané de l’inrmière ou une pointe
d’agressivité du client peuvent complètement biaiser l’intervention et nuire à l’atteinte des objectifs. Le client psychiatrique est fragile et sensible, aussi l’inrmière doit-elle observer attentivement les émotions qu’il manifeste, mais aussi ses attitudes et son comportement verbal ou non verbal dans le but d’en comprendre la signication. L’attitude des personnes en présence inue également sur l’interaction. Elle détermine la manière dont une personne réagit envers une autre. Elle est conditionnée par les préjugés, les expériences passées, l’ouverture d’esprit et l’acceptation de l’autre. Les personnes issues de classes socioéconomiques défavorisées, ayant une origine culturelle différente ou des antécédents familiaux particuliers ont parfois de la difculté à communiquer, en raison de possibles barrières de langage et de leur niveau de connaissances (Gratton, 2009). De plus, les différences en matière de tradition, de religion et de conception de la santé et de la maladie constituent des dés importants à relever pour l’inrmière. Le niveau d’éducation d’une personne inuence la communication et peut même être source de difcultés de compréhension, car il marque profondément l’agir de la personne. Le type d’éducation de chaque personne encourage, inspire ou décourage différents aspects de la communication. Par exemple, un adolescent à qui on demande continuellement de se taire parce qu’il parle trop adoptera un style de communication effacé et éprouvera de la difculté à s’afrmer à l’âge adulte à cause de son éducation. Les différences de niveau de connaissances peuvent aussi créer des problèmes dans une communication inrmière-client. Si le niveau d’éducation de l’inrmière est plus élevé que celui du client, il incombe à celle-ci d’adapter son enseignement aux besoins du client. La perception du message est déterminée par l’expérience de vie du client. Pour éviter qu’une mauvaise interprétation ne perturbe la communication, l’inrmière doit demeurer à l’affût de toute possibilité de méprise. La communication dépend ainsi de la compréhension de ce qui a été communiqué, de l’interprétation juste du message et de la rétroaction émise par le client permettant de conrmer l’exactitude de son interprétation. La communication inrmière-client suppose une certaine complicité qui trouve sa réalisation dans la relation soignant-soigné .
5.2
5
CONSEIL CLINIQUE
Compter jusqu’à 10 avant de répondre offre une période d’attente ou d’ac calmie que nécessitent certaines personnes pour s’assurer qu’elles sont capa bles de discuter rationnelle ment d’un sujet difcile ou de comprendre un concept essentiel. CE QU’IL FAUT RETENIR
Une mauvaise interpréta tion perturbe la communi cation. L’inrmière doit demeurer à l’affût de toute possibilité de méprise et valider sa perception auprès du client.
Encadré 5.1W : Facteurs contextuels inuençant la communication.
Communication et entretien avec le client
En psychiatrie, les interventions de l’inrmière se font souvent au cours d’entretiens, qui revêtent donc une importance majeure. Ces entretiens se
Chapitre 5
Communication et relation thérapeutique
99
présentent sous divers aspects et peuvent être soit formels soit informels, ou prendre la forme d’un entretien motivationnel.
ALERTE CLINIQUE
Dans la relation thérapeutique, il est important d’établir des limites saines qui permettent de dénir clairement le rôle de l’inrmière. Elles sont importantes dans toute relation, mais particulièrement dans la relation avec le client psychiatrique. L’inrmière qui tente d’être l’amie d’un client brouille le processus thérapeutique et le potentiel de rétablissement du client.
L’entretien formel est prévu dans le plan de traitement du client. Le moment, la fréquence et la durée de ces rencontres sont déterminés à l’avance, et les objectifs de progression du client vers un mieux-être sont dénis avec lui au début des rencontres. L’entretien informel n’est pas prévu, il n’a pas de cadre précis et peut être réalisé sur demande ou selon les besoins manifestés par le client. Ses objectifs sont de nature plus limitée. L’entretien motivationnel offre une forme particulière d’intervention empreinte de compréhension et dénuée de jugement, qui vise à stimuler le désir de changement chez le client et à réduire son ambivalence. L’entretien motivationnel porte sur les comportements à risque et a pour but d’aider le client à retrouver une bonne estime de soi (Association francophone de diffusion de l’entretien motivationnel, 2012 ; Phaneuf, 2011b).
5.2.1 Alliance thérapeutique : Qualité et force de la relation de collaboration entre le client et le soignant dans la poursuite de buts thérapeutiques.
Encadré 5.2W : Signes de limites malsaines dans les relations interpersonnelles.
Alliance thérapeutique
Un objectif important de l’inrmière qui travaille auprès des clients vivant des problèmes de santé mentale est d’établir avec eux une alliance thérapeutique. Cet engagement mutuel et réciproque vise le partage des efforts de deux personnes. Dans ce cadre, le client a besoin de cette alliance pour faire face aux dés qu’imposent sa situation et les interventions de l’inrmière pour le soutenir. Cette association est nécessaire au travail inrmier et inuence considérablement l’évolution du client vers un mieux-être. L’alliance thérapeutique est au cœur de la relation inrmière-client et constitue la pierre angulaire sur laquelle se fondent les interventions inrmières dans le milieu psychiatrique (Phaneuf, 2011b) ENCADRÉ 5.1. En psychiatrie, l’alliance thérapeutique permet également d’aider le client à faire face aux problèmes, à prendre des décisions, à améliorer ses comportements indésirables, à améliorer sa conance en soi et à analyser ses relations actuelles. Par le lien établi à travers cette alliance, l’infirmière crée un environnement relationnel
ENCADRÉ 5.1
Objectifs de l’alliance thérapeutique
L’alliance thérapeutique permet au client : • de mieux comprendre sa situation, d’exprimer ses besoins et ses difcultés et de prendre conscience de l’existence de réseaux de soutien ; • de parler librement dans le respect et l’ouverture ;
100
Partie 1
• d’acquérir et d’utiliser de nouvelles habiletés et des stratégies d’adaptation plus appropriées pour lui-même, ses proches et la société ; • de partager ce qu’il vit et de guérir ses blessures mentales et émotionnelles ; • de favoriser son évolution.
sécuritaire qui suscite la conance du client et de ses proches. Il s’agit d’une relation davantage suivie, enrichie par des interactions chaleureuses et attentionnées, essentiellement tournées vers le mieux-être du client. Cette alliance se réalise par un travail bilatéral qui mobilise le dynamisme de l’inrmière et celui du client, et même celui de ses proches. Par ses interventions, l’inrmière ouvre tout un champ de compréhension réciproque et élargit les possibilités de prise de conscience et de transformation de soi pour le client, ce qui est susceptible de lui redonner l’espoir d’un changement bénéque. Cependant, pour être efcace, cette relation riche et vivante doit être authentique et adaptée aux besoins du client et à son évolution. Elle doit s’accompagner d’une compréhension profonde, comporter des objectifs précis pour l’évolution du client, dénoter des habiletés relationnelles bien maîtrisées, être animée par la motivation et s’articuler autour d’une orientation soigneusement planiée. Les enjeux relationnels d’une relation d’aide sont complexes et dynamiques. Bien que le client puisse tenter d’entrer en relation de façon amicale avec l’inrmière, elle n’est pas là pour être son amie, mais plutôt pour se concentrer sur les besoins de ce dernier en lui offrant une aide thérapeutique (Tournebise, 2010). Cependant, l’inrmière ne doit pas confondre les limites à établir avec une attitude froide et distante envers le client. La cordialité et l’authenticité sont des qualités importantes de l’inrmière. Celle-ci doit aider le client à mieux reconnaître la présence ou l’absence de ses propres limites et à comprendre pourquoi il en est ainsi. Elle doit aussi l’aider à s’exercer à xer des limites avec les autres .
Autonomie du client En raison de l’évolution des soins inrmiers vers l’autoresponsabilisation ou empowerment, l’engagement de l’inrmière est aussi nécessaire pour amener le client vers une plus grande autonomie et l’aider à répondre à ses besoins et à résoudre ses problèmes (Phaneuf, 2011b). Un objectif important des soins psychiatriques est d’aider le client à se percevoir comme un être responsable et à maintenir son autonomie dans la mesure de ses capacités tout en visant l’atteinte des objectifs d’évolution qui ont été xés avec lui. Dans son besoin enthousiaste d’aider les autres, l’inrmière trouve parfois plus facile de faire les choses à la place du client plutôt que de les faire avec lui ou d’attendre qu’il réussisse par luimême. Trouver un équilibre entre faire à sa place et permettre de faire est alors essentiel. Le client qui éprouve de la difculté à gérer sa propre situation en raison de la gravité de ses
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
symptômes ou d’une situation de crise peut évoluer et réussir à prendre sa propre vie en main. L’inrmière doit éviter de faire de lui un observateur passif de ses propres soins et garder en tête que l’autonomie s’acquiert progressivement. Il faut d’abord évaluer avec le client ce qu’il peut accomplir dans diverses situations, et peu importe les habiletés de celui-ci, l’alliance thérapeutique doit tenir compte de ses aptitudes et devenir un partenariat où les deux parties se concentrent sur l’atteinte des objectifs de soins.
5
Interactions axées sur le client
Objectif dirigé vers l’évolution du client Un objectif fondamental de l’alliance thérapeutique est d’aider le client à progresser vers le rétablissement. Dans cette approche inuencée par les principes humanistes-existentiels, le client et l’inrmière cernent ensemble les besoins du client et établissent des objectifs réalistes pour ensuite travailler à l’atteinte de ces objectifs avec un ajustement des stratégies au besoin. Les activités réalisées varient selon les besoins du client et elles sont planiées sur la base de son plan de traitements individuel FIGURE 5.1.
Neutralité La neutralité est une des conditions de la relation soignant-soigné et est nécessaire au cours d’un entretien. L’action de l’inrmière exerce un effet thérapeutique seulement lorsque celle-ci reste objective, c’est-à-dire qu’elle effectue ses interventions sans juger la conduite ou les valeurs du client. L’inrmière évite ainsi les biais, les préjugés et l’identication personnelle avec le client ou sa situation. La réaction d’un client à une inrmière incapable de demeurer objective risque d’être négative. Il pourrait hésiter à partager des informations avec elle, parce qu’il éprouve un sentiment de médiocrité et peut-être même de rejet. Il pourrait en être de même si le client sent la fragilité de l’inrmière, parce qu’il veut éviter de lui causer d’autres douleurs émotionnelles, ou encore s’il la croit inadéquate et incapable de gérer ses propres problèmes
FIGURE 5.1 L’inrmière établit des objectifs avec l’aide du client an de répondre à ses besoins.
et donc encore moins de s’occuper des siens. Lorsqu’une difculté majeure surgit, une infirmière responsable peut demander l’aide d’un superviseur ou encore entreprendre une thérapie si ses problèmes personnels interfèrent avec la qualité de la relation thérapeutique. Il est aussi important qu’elle puisse se ressourcer en dehors de son milieu de travail et que ses relations personnelles lui procurent de la satisfaction.
clinique
Jugement
Pendant une rencontre, il arrive que le client détourne la conversation de lui-même pour éviter de parler de ses difcultés. Celui-ci change de sujet pour diverses raisons : par crainte d’être jugé, pour éviter de nommer ses sources d’anxiété, par ennui, pour éviter des sujets dont il a déjà discuté avec d’autres thérapeutes ou parce qu’il est incapable de rester concentré en raison de difcultés cognitives. La diversion est une manœuvre qui représente un indice de résistance. Il est important de la détecter et d’intervenir selon les capacités du client.
Marion Lepers, âgée de 30 ans, présente un trouble de personnalité paranoïaque. Elle est peu loquace avec vous, car elle se mée de toutes les personnes qui veulent lui parler. « Tout le monde veut m’arracher des secrets sur ma vie privée. Pourquoi ? Pour s’en servir contre moi, c’est sûr », dit-elle pour expliquer son attitude. Comment pourriez-vous faciliter l’établissement de la relation thérapeutique avec madame Lepers ?
Interactions d’une durée limitée Le principe des rencontres d’une durée limitée est important pour plusieurs raisons en psychiatrie. Dans leurs expériences des relations humaines, certains clients n’ont souvent pas appris que les limites sont cruciales dans toute relation et que leur absence entraîne des problèmes. Après l’établissement des règles élémentaires au début de la relation, l’inrmière et le client déterminent le temps qu’ils souhaitent et peuvent consacrer aux rencontres. Cela évite les situations incertaines ou anxiogènes. Ils décident alors de l’utilisation appropriée du temps dont ils disposent. De plus, puisque toute relation doit inévitablement se terminer, l’inrmière et le client préviendront l’apparition de difcultés s’ils connaissent bien les limites de leur relation et les respectent tous les deux. De plus, cela permet au client de s’initier aux rudiments de l’établissement de relations saines, ce qui l’aidera dans le futur dans ses propres relations, qu’elles soient durables ou passagères.
Fidélité aux rendez-vous La délité aux rendez-vous est essentielle ; c’est au cours de ces rencontres que l’inrmière suit et évalue l’état du client, assure la poursuite du traitement et agit pour prévenir certaines rechutes.
Chapitre 5
éactivation des connaissances Que dit le code de déontologie des inrmières et inrmiers à propos de la neutralité et des conits d’intérêts ?
Communication et relation thérapeutique
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Jugement
clinique Denise Charron est hospitalisée pour une dépression caractérisée à la suite de la mort de son mari survenue il y a deux mois. Elle est âgée de 63 ans et n’a jamais travaillé à l’extérieur. Elle vit de l’aide sociale et devra quitter son logement qu’elle ne pourra payer désormais. La cliente reste couchée la plupart du temps et garde sa chemise de nuit depuis trois jours. L’inrmière lui propose de l’aider à changer de vêtements et sort une blouse et un pantalon de la garde-robe. Elle dit à la cliente sur un ton affable : « Ça va vous remonter le moral de porter des vêtements propres. Je vais vous maquiller en plus, vous allez être contente. » L’attitude de l’inrmière est-elle aidante pour madame Charron ? Expliquez votre réponse. Que devriez-vous faire pour démontrer à madame Charron qu’elle est apte à exercer du contrôle sur sa situation malgré son état dépressif ?
5.3 éactivation des connaissances L’article 38 du Code de déontologie mentionne que l’inrmière ne peut établir de liens d’amitié avec le client. Quels autres types de liens ne peuvent être établis avec un client pendant la durée de la relation professionnelle ?
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Partie 1
Cette délité est aussi nécessaire pour le client qui a besoin de cette présence qui le comprend, le rassure et l’en cadre. Un manquement de la part de l’infirmière risque de briser la conance du client, et de l’autre côté, la non-fidélité du client illustre la présence d’un malaise ou dénote l’absence de motivation au traitement. En conséquence, l’infirmière doit respecter toutes les rencontres prévues avec le client. Quand les circonstances empêchent la tenue d’une rencontre, elle doit l’en informer et prévoir un nouveau rendez-vous.
Relation inrmière-client
La relation inrmière-client possède des caractéristiques particulières. Ce n’est ni une relation d’amitié, ni une relation sociale ordinaire. Il s’agit plutôt d’une relation circonscrite par des normes professionnelles. Elle est essentiellement axée sur les besoins du client et sur les objectifs de soins à atteindre à court et à long terme. Cette relation est particulière au milieu thérapeutique et forme la base des interactions quotidiennes avec le client. La valeur de cette relation constitue l’une des composantes essentielles de la qualité des soins. Les éléments médicaux, organisationnels, techniques et même technologiques sont importants, mais sans ce contact particulier qu’est la relation soignant-soigné, rien n’est possible. Ces aspects sont comme les deux faces d’une même médaille. La relation soignantsoigné projette une image forte de rencontre humaine, d’accompagnement et d’intérêt particulier pour l’être souffrant. Les échanges avec les clients psychiatriques se déroulent dans un contexte caractéristique de réponse à leurs besoins et de gestes techniques. Mais la trame de fond de ces rencontres demeure le lien qui s’établit entre le soignant et le soigné en raison des difcultés que vit celui-ci et de la réponse d’aide et de compréhension que lui apporte l’inrmière. Les soins sont souvent répétitifs et guidés par des protocoles dénis et des plans de soins et de traitements précis, mais le rapport à la personne diffère toujours selon la situation et les personnalités en présence. Cette relation forme la base relationnelle sur laquelle se construit l’alliance thérapeutique entre l’infirmière et le client (Phaneuf, 2011b).
5.3.1
Phases de la relation inrmière-client
La relation inrmière-client se déroule selon un certain ordre qui peut varier selon les circonstances. La connaissance de son déroulement aide l’inrmière dans son intervention auprès du client (Phaneuf, 2011b).
Phase de préorientation À ce moment, avant même de rencontrer le client, l’inrmière doit accomplir des tâches précises. La première consiste à recueillir de l’information sur le client, son état et sa situation actuelle. Elle puise cette information dans toutes les sources disponibles, notamment le dossier du client, les rapports du personnel et les rapports médicaux, et auprès de la famille du client et même parfois auprès d’autres sources fiables telles que les policiers et les ambulanciers. En deuxième lieu, l’information recueillie permettra à l’inrmière de procéder à l’étape d’autoévaluation qui consiste à analyser ses perceptions, ses pensées, ses sentiments et ses attitudes envers ce client et sa situation particulière. Des jugements, des biais et des stéréotypes peuvent l’inuencer et avoir des répercussions négatives sur sa relation thérapeutique avec le client. Par exemple, si, au cours des entretiens l’inrmière apprend des éléments qui lui rappellent une personne qu’elle aime ou qu’elle craint, et si elle ne reconnaît pas et n’analyse pas ces faits, elle risque de réagir de manière subjective, non thérapeutique et inefcace auprès du client.
Phase d’orientation Après la phase de préorientation, l’inrmière et le client se rencontrent et procèdent aux présentations. C’est à cette étape que la relation peut commencer à s’établir. Ils font connaissance, instaurent un rapport de conance et démontrent leur acceptation réciproque du processus qui s’amorce. C’est alors que le client commence avec l’aide de l’inrmière à travailler sur les aspects importants de sa vie. À cette étape, l’inrmière et le client déterminent ensemble les forces, les limites et les problèmes du client. Ensemble, ils établissent des critères de résultats et élaborent un plan de soins et de traitements. Les réactions des clients varient grandement à cette étape. C’est également à ce moment que l’inrmière et le client dénissent les balises concrètes de leur relation que l’inrmière présente sous forme d’un accord ou d’un contrat.
Contrat thérapeutique Avant d’entreprendre une relation thérapeutique avec un client, l’inrmière en établit clairement le cadre en déterminant de manière explicite les paramètres pertinents dont ils conviendront entre
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
clinique
L’inrmière utilise plus fréquemment le contrat informel et oral avec le client qui se trouve dans un centre de soins de courte durée où elle le rencontre régulièrement. L’inrmière devra peut-être rédiger un contrat plus précis et plus formel pour le client qui se trouve dans un milieu communautaire (p. ex., en soins à domicile, dans un programme de traitement de jour à temps partiel ou dans une maison de transition) FIGURE 5.2. Le contrat précise la date, le jour de la semaine et l’heure des rencontres ainsi que les numéros de téléphone où le client peut joindre l’inrmière s’il a des questions entre les rencontres. Peu importe le type de contrat, l’inrmière doit expliquer le but des rencontres, les objectifs visés et les rôles respectifs de l’inrmière et du client. Ensemble, ils déterminent les objectifs à court et à long terme.
Phase de travail La phase de travail débute quand le client assume la responsabilité de son plan de soins et de traitements et qu’il y participe activement.
FIGURE 5.2 Un contrat formel et écrit est plus fréquent lorsque le client vit dans la communauté.
L’acceptation de sa responsabilité ainsi que sa participation s’expriment par un engagement à renforcer les aspects positifs de sa vie et à travailler sur les éléments perturbateurs de celle-ci. Le client doit également s’engager à modier certains de ses comportements. Tant que le client ne se mobilise pas pour apporter de tels changements, l’étape du travail ne peut commencer. Avec l’expérience, l’inrmière est plus en mesure de reconnaître à quel moment le client entre réellement dans la phase de travail et ne résiste plus aux changements. Elle l’aide à mieux se comprendre, à acquérir plus d’autonomie et à maîtriser sa vie en l’encourageant à participer à sa propre évolution. L’analyse des besoins du client permet de déterminer ceux qui requièrent une attention immédiate, et elle favorise l’organisation du traitement. Dans la relation établie, elle aide le client à examiner ses troubles cognitifs, affectifs et comportementaux. Le client, alors en conance, commence à explorer ses pensées et ses sentiments et à modier ses comportements problématiques dans un environnement sécuritaire où il peut utiliser ses nouvelles habiletés. Pour l’encourager, l’inrmière doit souligner ses progrès et les résultats positifs obtenus.
Lük Van Gent, âgée de 33 ans, présente un trouble anxieux et des traits d’une personnalité inhibée. Lors d’une rencontre formelle, il raconte à nouveau les situations où il a été victime d’intimidation à l’école et de la banalisation que son entourage portait à ce phénomène. Dans vos échanges avec le client, vous avez la nette impression de tourner en rond. Comment devriez-vous vous y prendre pour amener le client à aborder d’autres aspects de sa situation ?
ALERTE CLINIQUE
Dans toutes les phases de la relation inrmière-client, la sécurité du client et les troubles de santé sont prioritaires. L’inrmière doit d’abord s’assurer que le client ne représente pas de danger pour lui-même ou pour les autres, et elle doit s’occuper de ses besoins physiques pressants avant d’entreprendre toute autre intervention.
Fin de la relation À cette étape, la relation touche à sa n. En fait, l’étape nale commence pendant l’étape d’orientation, quand l’inrmière xe le calendrier des rencontres. Cela indique au client que la relation est sur le point de commencer, mais qu’elle a également des limites et aura une n. Cela évite de créer de la confusion chez le client, qui peut refuser ou être incapable de reconnaître les limites de la relation.
clinique
Jugement
Une autre forme fréquente de contrat porte sur des comportements particuliers qu’il serait important de voir apparaître ou disparaître. Ce contrat peut toucher, par exemple, la gestion de la colère ou de la violence, la consommation d’alcool ou de drogue, la difculté à suivre un régime alimentaire, la dépendance au jeu, etc. Dans un tel contrat, le client s’engage à respecter des conditions prédéterminées an d’atteindre certains résultats. Le contrat valorise l’autonomie du client et le place devant ses responsabilités individuelles. Cela lui permet de prévenir l’apparition de ses difcultés plutôt que de les subir, et de devenir ainsi acteur de sa propre réalité. Par exemple, dans le cas où un client aurait des tendances à l’automutilation, l’inrmière peut d’abord l’écouter avec ouverture d’esprit et empathie en vue d’évaluer le risque de récidive. Par la suite, elle peut proposer une entente formelle dans laquelle le client s’engage à ne pas faire de gestes autodestructeurs d’ici leur prochaine rencontre. L’infirmière valide ensuite l’acceptation du client. Si celui-ci est d’accord, le contrat est établi. Le client a le droit de refuser cette entente ; dans ce cas, l’inrmière ne doit pas se sentir personnellement visée, car pour diverses raisons, il se peut que le client ne soit pas prêt à la rencontrer et à travailler avec elle.
Jugement
eux. Le contrat peut être formel ou informel, écrit ou oral. Il peut concerner les rendez-vous à respecter (date, heure, endroit et durée), les comportements à adopter ou à éviter, ainsi que des objectifs à atteindre. Il est important de préciser que le contrat prend une forme différente selon que le client est hospitalisé dans une unité de soins aigus où les comportements à maîtriser sont généralement beaucoup plus sérieux que dans une unité de soins prolongés.
La relation inrmière-client se termine naturellement Chapitre 5
Franka Joseph est une adolescente âgée de 15 ans. Elle séjourne dans un centre pour jeunes lles en difculté. Elle a fait deux fugues du centre pour se procurer de la drogue. Elle avait l’habitude d’en consommer quotidiennement. C’est une jeune lle difcile à aborder. « Vous êtes toutes des vieilles peaux frustrées et mal baisées », dit-elle sur un ton condescendant avec un sourire moqueur et un regard en coin. Quel devrait être l’objet d’un contrat que vous établiriez avec Franka ? S’agirait-il d’un contrat formel ou informel ?
Communication et relation thérapeutique
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5
CE QU’IL FAUT RETENIR
L’analyse des besoins du client permet de déterminer ceux qui requièrent une attention immédiate, et elle favorise l’organisation du traitement.
quand le client va mieux et obtient son congé, mais elle peut aussi prendre n en cas de transfert de l’inrmière ou du client. Quand elle prévoit la n de la relation, l’inrmière doit utiliser certaines stratégies pour préparer cet événement an d’éviter une conclusion abrupte ENCADRÉ 5.2. En effet, la n du traitement est parfois traumatisante pour le client qui a apprécié cette relation ainsi que l’attention et l’aide de l’inrmière. L’inrmière demeure donc attentive au client pour qui la n de la relation peut se révéler difcile.
Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 5.2
Préparer la n de la relation avec le client
• Réduire la durée des rencontres avec le client et espacer les rencontres à mesure que son état s’améliore. • Préparer le client à sa sortie (c.-à-d. ses plans futurs) plutôt que de se concentrer sur ses problèmes actuels ou passés. • Favoriser l’autonomie et l’automaîtrise du client. • Déterminer avec le client les personnes qui l’aideront dans une prochaine thérapie.
• Demander au client de nommer les progrès qu’il a accomplis pour favoriser son évolution et lui communiquer ses perceptions de son évolution. • Aider le client à exprimer ses sentiments concernant la n de la relation. • Si l’inrmière n’est plus en mesure de rencontrer le client, informer celui-ci à l’avance et lui dire à quel moment leurs rencontres cesseront.
Le processus thérapeutique se déroule mieux si l’inrmière reconnaît les diverses phases de la relation, utilise des stratégies efcaces et manifeste des réactions appropriées à chaque étape. L’inrmière n’est alors pas prise au dépourvu ou déstabilisée par des réactions négatives ou des manifestations de rejet inattendues. Quand elle ne connaît pas les réactions attendues d’un client, elle peut à tort se sentir responsable de l’échec apparent d’une relation. Ces comportements sont souvent dus aux craintes du client ou à des problèmes non résolus. Si l’inrmière ne comprend pas bien les besoins ou les difcultés du client, elle peut même renoncer à la relation qu’elle trouve peu ou non satisfaisante. Si, au contraire, l’inrmière comprend bien les réactions du client, elle reste concentrée sur ses soins et traitements à toutes les phases de la relation et elle utilise continuellement des stratégies favorisant les résultats positifs FIGURE 5.3.
5.4
Modes de communication
5.4.1
Communication verbale
La grande majorité de la communication en soins inrmiers est écrite et est rassemblée dans le dossier du client, que ce soit dans les notes d’évolution ou le plan thérapeutique infirmier (Chapados & Giguère-Kolment, 2012). La communication verbale concerne le contenu d’un message exprimé par des mots et comprend l’oral ainsi que l’écrit. Sa précision est importante parce que les mots peuvent prendre des signications différentes selon le contexte, la culture des personnes en présence, leur âge et leur éducation. Certains mots prennent un sens propre à une génération ou à un groupe particuliers. Ainsi, la signication des gures de style, des plaisanteries, des clichés et des expressions familières peut varier.
5.4.2
Communication non verbale
Langage corporel
FIGURE 5.3 La relation d’aide et les diverses étapes de la démarche de soins sont constamment en évolution et s’inuencent mutuellement.
104
Partie 1
Le langage corporel comprend les expressions faciales, les réexes, la posture, les gestes, les mouvements oculaires, le maniérisme et les autres mouvements du corps. La posture et les expressions faciales, y compris les mouvements oculaires, représentent deux des messages corporels les plus importants qui permettent d’évaluer la réaction d’une personne aux messages transmis par l’émetteur. La démarche indique également l’opinion que le client a de lui-même. L’observation vigilante de la gestuelle des mains peut renseigner sur l’état dans lequel se trouve le client : la colère, l’agitation, la frustration, le désespoir, la relaxation ou l’apathie.
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
Les comportements paralinguistiques (paralangage) regroupent tous les sons audibles à l’exception des mots prononcés. Ils comprennent le ton de la voix, l’inexion, l’intervalle entre les mots, le débit, l’accentuation, l’intensité, les gémissements, les rires, les pleurs, les lamentations et les autres sons perceptibles. Comme tous les signaux non verbaux, ces signaux audibles sont importants dans l’évaluation du client. Ils peuvent être révélateurs d’un changement dans son humeur et même parfois d’une montée de l’agressivité.
Proxémie L’utilisation de l’espace (proxémie) comporte aussi un autre message non verbal. Chaque personne maintient une zone de confort ou une délimitation invisible de l’espace qui l’entoure lorsqu’elle entre en interaction avec les autres FIGURE 5.4. Cette frontière s’élargit ou se referme selon la nature de la relation. L’aire intime représente la plus petite distance entre deux personnes. L’aire personnelle convient aux relations intimes où le contact physique est possible, alors que l’aire sociale implique une plus grande distance entre les personnes. Enn, l’aire publique correspond à celle existant dans les rassemblements. Les interventions inrmières se situe généralement dans les deux premières aires. L’infirmière et le client devant respecter mutuellement les distances imposées par chacun, il est primordial pour celle-ci de comprendre le concept d’espace en tant que limite de sécurité. Par exemple, si le client a des antécédents récents d’agression, l’inrmière devrait rester à une distance physique raisonnable pour des raisons évidentes de sécurité (Fox et al., 2010). Pour que la communication soit fructueuse, les interlocuteurs doivent se sentir en sécurité. Certains clients ont de la difculté à respecter les frontières et sont susceptibles d’envahir l’aire intime des autres clients. Le client qui ressent cette invasion comme une menace peut réagir de façon agressive à une telle violation de son espace intime. En de telles
FIGURE 5.4 les personnes
Distance thérapeutique entre
circonstances, l’inrmière devrait aider le client à comprendre l’importance de se tenir à une distance appropriée de son entourage en établissant clairement, s’il le faut, les limites à conserver en centimètres ou en mètres. Si le client viole l’aire intime de l’inrmière, celle-ci peut se voir obligée, dès cette première intrusion, d’établir une distance que le client devra respecter. Par exemple, l’inrmière peut tendre le bras pour aider le client à saisir la distance à respecter.
Toucher Le toucher est un message non verbal qui concerne l’action et l’espace intime. C’est une façon de signier qu’un contact avec la personne est souhaité. Les inrmières utilisent le toucher pour communiquer des messages d’empathie au client et lui démontrer de l’intérêt. L’inrmière doit faire preuve de prudence lorsqu’elle décide de toucher un client souffrant d’un trouble mental, puisque tous ne souhaitent pas être touchés. Le toucher en tant qu’outil de communication est détaillé plus loin dans ce chapitre.
CONSEIL CLINIQUE
Il est souvent nécessaire de prêter attention à ce qu’un client fait, pas seulement à ce qu’il dit. Ceci est particulièrement important dans le cas des clients psychiatriques, dont les actes et les paroles ne concordent souvent pas. CE QU’IL FAUT RETENIR
La posture et les expressions faciales, y compris les mouvements oculaires, représentent deux des messages corporels les plus importants qui permettent d’évaluer la réaction d’une personne aux messages transmis.
Apparence L’apparence projette une image de la personne et indique son état psychologique. Elle se rapporte à la façon dont une personne se vêt (vêtements et accessoires), se maquille et se coiffe. L’apparence concerne également les habitudes d’hygiène corporelle. Ces messages non verbaux Philippe est inrmier. En passant devant la chambre révèlent la plupart du temps la d’une cliente, il s’aperçoit que celle-ci pleure et manière dont la personne souqu’elle essaie de cacher une photo lorsqu’elle voit haite que les autres la perl’inrmier s’approcher. Ce dernier s’accroupit devant çoivent. L’allure négligée d’un elle et lui prend les mains en lui demandant ce qui client (vêtements débraillés et ne va pas. La cliente a un mouvement de retrait et souillés) indique une difculté dit que tout va bien. Quelle erreur Philippe a-t-il à assumer ses soins personnels commise dans son intention d’aider la cliente ? et peut démontrer la présence Qu’aurait-il dû faire alors ? d’une instabilité mentale.
clinique
Jugement
Paralangage
5.5
Types de communication
5.5.1
Communication intrapersonnelle
Chaque être humain, sans s’en rendre compte, entretient un langage intérieur appelé communication intrapersonnelle. Chez le client comme chez l’inrmière, cette conversation interne peut s’avérer positive et inuencer favorablement la relation et le traitement. Il arrive toutefois que ces messages soient négatifs et deviennent plutôt des distorsions cognitives, qui sont des interprétations incorrectes de la réalité. Ces processus mentaux engendrent des pensées défaitistes par rapport à soi ou aux autres, des généralisations, des jugements sans Chapitre 5
Communication et relation thérapeutique
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5
i Le site Internet de PasseportSanté.net (www.passeportsante.net) offre des renseignements sur la programmation neurolinguistique.
fondements, etc. Par exemple, il peut s’agir d’un client qui, après un entretien où il n’était pas à l’aise, se dit intérieurement : Je vois bien que je ne vaux rien ou d’une inrmière qui pense dans son for intérieur : Ces clients, ils sont tous les mêmes, ils ne cherchent pas à s’aider (Ferey, 2009 ; Phaneuf, 2011b ; Stoop, 2003). La programmation neurolinguistique s’intéresse particulièrement à l’impact des distorsions cognitives dans les interventions auprès des personnes présentant des problèmes de santé mentale.
5.5.2
Communication interpersonnelle
La communication interpersonnelle survient entre deux ou plusieurs personnes et comporte des messages à la fois verbaux et non verbaux. Elle constitue un processus complexe dans lequel de nombreux facteurs entrent en jeu. Ce type de communication peut prendre plusieurs formes. Ainsi, dans son travail, l’inrmière communique à un niveau interpersonnel avec une diversité de personnes et de groupes. Elle recourt à divers types de communication selon le contexte et l’interlocuteur à qui elle s’adresse.
Communication fonctionnelle La communication fonctionnelle recouvre les échanges quotidiens de l’inrmière avec les clients et les familles à l’occasion de conversations pratiques concernant le client ou le fonctionnement du service. Ces échanges concernent les besoins du client, son agir ou son traitement courant. Ce type de communication est simple, efcace et orienté vers l’action. La communication fonctionnelle est chaleureuse, marquée par le respect et l’amabilité envers les personnes en présence. Elle doit témoigner d’un climat de réceptivité et de partage qui transparaissent dans les attitudes à la fois verbales et non verbales. Elle sert aux échanges journaliers à l’intérieur d’un service et peut servir de base pour une communication thérapeutique.
Communication thérapeutique
CE QU’IL FAUT RETENIR
La communication thérapeutique peut s’avérer intimidante pour le client comme pour l’inrmière, puisqu’il n’est pas facile de parler de sentiments et d’émotions intenses.
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La communication thérapeutique est le fondement des soins inrmiers psychiatriques. Ce type de communication est un processus interactif qui s’opère entre l’inrmière et le client FIGURE 5.5. L’art d’interagir sur le plan thérapeutique est une compétence acquise qui im plique à la fois la communication verbale et la communication non verbale ; son but est de promouvoir la croissance du client vers un mieux-être physique et psychologique. Ce type de communication est centré sur le client et sur sa progression vers un niveau de soins plus élevé, qui s’effectue à travers les interactions thérapeutiques mises en place. Au cours de la relation thérapeutique, le client est amené à révéler des renseignements personnels
FIGURE 5.5 La communication thérapeutique représente l’outil principal dont dispose l’inrmière en santé mentale.
et parfois à se remémorer des souvenirs et des situations pénibles qui peuvent raviver des émotions douloureuses. Le fait de partager de tels sentiments est très bénéque pour le client, qui peut ainsi objectiver ses expériences et les émotions qui y sont associées, pour ensuite en discuter dans un contexte où il se sent en sécurité. Pour faciliter l’interaction, l’inrmière doit garantir la condentialité et la tranquillité du lieu, encourager le client à discuter ouvertement de ses pensées et de ses sentiments, l’écouter attentivement et faire preuve d’acceptation, d’empathie et de respect. La communication thérapeutique peut s’avérer intimidante pour le client comme pour l’inrmière, puisqu’il n’est pas facile de parler de sentiments et d’émotions intenses. Beaucoup de clients n’ont jamais abordé ces sujets auparavant, par crainte d’une réaction non désirée chez les autres, d’un manque de compréhension ou d’une peur de représailles. Ils peuvent aussi se sentir peu dignes d’intérêt ou inadéquats. Par ailleurs, l’intensité des sentiments du client ou de ses réponses verbales peut effrayer l’infirmière qui commence sa pratique ou la prendre au dépourvu, par exemple, lorsqu’un client désespéré manifeste ouvertement son désir de mourir. L’infirmière peut aussi être gênée lorsqu’un client exprime des émotions ou des sentiments analogues aux siens. Elle peut se sentir anxieuse si elle n’a pas appris à faire face à ses propres problèmes. La communication thérapeutique vise trois objectifs essentiels : 1. Permettre au client d’exprimer ses pensées et ses sentiments et d’examiner ses comportements et ses expériences d’une manière constructive. 2. Favoriser la compréhension de la signication des problèmes du client ainsi que le rôle que celui-ci et ses proches jouent dans la perpétuation de ces problèmes.
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
3. Contribuer à la mise en évidence et à l’examen des comportements perturbateurs pour la santé physique ou mentale et à l’implantation de moyens de les éviter.
Communication éducative La pratique inrmière est de plus en plus orientée vers l’information et l’éducation du client, et la communication éducative revêt ainsi une importance cruciale (Eymard, 2008). Elle favorise une meilleure compréhension du traitement entrepris en établissement et permet d’en assurer la poursuite à la sortie du client. La courte durée des séjours hospitaliers implique la nécessité de satisfaire les besoins éducatifs des clients et de leurs proches. Ce type de communication est une conséquence obligée d’une alliance thérapeutique orientée vers l’évolution du client (Phaneuf, 2011b).
La communication éducative comporte différentes phases FIGURE 5.6. L’inrmière fonde son évaluation des besoins d’information d’un client sur l’observation de l’agir de celui-ci, les demandes qu’il a lui-même formulées, de même que les impératifs de son plan de traitement dans le but d’en favoriser la compréhension et le suivi. L’exécution de l’enseignement exige certaines habiletés de communication. L’inrmière utilise un langage clair et succinct et en termes simples, fournit des explications courtes, démontre une disponibilité entière pour répondre aux questions et témoigne une acceptation empathique en présence d’obstacles à la compréhension. Par exemple, le client dépressif ou fortement médicamenté peut en effet éprouver des difcultés à suivre l’enseignement. La phase nale d’évaluation consiste à effectuer un retour sur le processus de communication où l’inrmière s’interroge ou interroge le client ou ses proches sur la qualité de l’enseignement transmis an de l’améliorer. En psychiatrie, la communication éducative se double d’une inuence socialisatrice par l’organisation d’activités diverses visant à réunir les clients. Ces activités permettent de briser leur isolement social, leur fournissent des occasions d’éprouver
FIGURE 5.6 Démarche de soins et d’enseignement au client – L’enseignement à fournir au client et à ses proches s’effectue en parallèle avec la démarche de soins.
leurs nouvelles aptitudes relationnelles et leur servent de tremplin pour s’exercer en groupe une fois rendus à la maison.
Communication interdisciplinaire La communication interdisciplinaire, soit entre divers professionnels inrmiers et entre collègues de différentes disciplines, a pour objectif de favoriser une collaboration professionnelle efcace. L’équipe interdisciplinaire se réunit régulièrement pour élaborer, revoir et modier le plan de traitement du client. Il est fondamental que tous ceux qui contribuent au traitement participent activement à ces rencontres. Tous les membres de cette équipe jouent des rôles essentiels au succès du processus de traitement. L’inrmière peut se charger, par exemple, d’animer les réunions ou de rédiger les comptes rendus. Ces rôles font appel à de bonnes habiletés de communication orale et écrite. Les réunions de professionnels en soins inrmiers ont pour but premier le partage des connaissances et la collaboration à un projet donné. Pendant le processus de collaboration, aucun des membres du groupe ne prévaut sur un autre, ni sur le groupe. La contribution de chaque membre est d’une importance égale pour la réussite du projet et l’atteinte des objectifs. L’inrmière doit être capable de prendre sa place dans ce groupe FIGURE 5.7.
clinique
Jugement
Ce rôle d’éducation consiste à enseigner aux clients ce qu’il faut savoir pour prévenir la maladie et ce qu’il faut faire au sujet du problème de santé dont ils souffrent. L’inrmière informe les clients de leurs droits et de leurs obligations, et elle les soutient dans leur processus de prise de décisions. Elle protège également les droits des clients en faisant le lien entre la déontologie et la loi 21 : Loi modiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines [chapitre 28, 2009] ; Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui [RLRQ, chapitre P-38.001, 2012]).
5
Chapitre 5
Vous vous occupez d’Antonio Barbaro, âgé de 52 ans. Il présente un trouble de personnalité antisociale. C’est la première fois que vous le rencontrez. En entrant dans sa chambre, il vous dit sur un ton agressif : « T’es une étudiante, toé ? Je veux rien savoir de toé, sort d’icitte. » Quelle est votre réaction devant les propos du client ?
Communication et relation thérapeutique
107
Communication sociale La communication sociale intervient dans les situations quotidiennes, généralement à l’extérieur du cadre de travail. Ce type d’interaction comprend notamment les discussions concernant les questions familiales, les activités sociales, les vacances ou l’école. La plupart de ces interactions sont légères, supercielles et souvent dépourvues de but précis. Il existe plusieurs niveaux d’intimité dans la communication sociale. Elle prend un caractère différent, par exemple, avec les parents, les amis et les professeurs. FIGURE 5.7 Les interactions des inrmières avec les membres de l’équipe de soins relèvent de la communication interdisciplinaire.
TABLEAU 5.2
Le TABLEAU 5.2 résume et compare les diverses caractéristiques des cinq types de communication.
Comparaison des différents types de communication COMMUNICATION
FONCTIONNELLE
THÉRAPEUTIQUE
ÉDUCATIVE
INTERDISCIPLINAIRE
SOCIALE
• Croissance et soutien vers le mieux-être (rétablissement du client)
• Apprentissages facilités, inuence socialisatrice
• Dépassement des jeux de pouvoir, d’inuence et de concurrence des compétences en faveur d’un processus de collaboration
• Entretien des relations, plaisir
• Inrmière et client quand celui-ci éprouve une difculté à saisir son problème, à modier ses comportements et ses habitudes de vie
• Clients et famille de manière individuelle ou en groupe
• Amis, famille, connaissances
• Alliance thérapeutique axée sur la relation et les connaissances nécessaires à l’évolution du client
• Collègues dans la communauté et toute autre personne de l’environnement de travail : équipe soignante et équipe interdisciplinaire
• Établissement clinique, environnement privé, tranquille, condentiel, sécuritaire
• Milieu de travail en établissement de soins, de transition ou à domicile
• Milieu de travail, communauté de professionnels
• Domicile, hors du milieu de travail, tous types de milieux
• Recueil des informations nécessaires à la prestation des soins
• Promotion de la croissance et du changement chez le client
• Prise de conscience des besoins d’apprentissage du client ou de la famille
• Collaboration avec les autres professionnels, partage d’information sur les clients, discussion de questions professionnelles et partage d’idées
• Maintien des relations, partage d’information, des idées, des pensées, des croyances et des sentiments
• Attention à apporter aux besoins du client, à sa souffrance, à son anxiété et à ses inquiétudes
• Soutien apporté à son acceptation de travailler à son évolution personnelle
• Transmission des informations nécessaires à la poursuite de la médication et du traitement
• Meilleure coordination du traitement
Enjeux • Efcacité des liens
Qui • Clients et famille
Milieu • Milieu de travail en établissement de soins ou à domicile But
108
Partie 1
• Ajustement du plan de soins et de traitements
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
–
TABLEAU 5.2
Comparaison des différents types de communication (suite) COMMUNICATION
FONCTIONNELLE
THÉRAPEUTIQUE
ÉDUCATIVE
INTERDISCIPLINAIRE
SOCIALE
• Alliance thérapeutique forte : attitude d’écoute, accepta tion du client, nonjugement, considération positive
• Transmission des informations
• Conversation thérapeu tique : expression par le client de ses pensées, de ses sentiments, de son anxiété, de ses inquiétudes, de ses craintes et de ses problèmes ; détermination de ses besoins
• Démonstration pratique des interventions à poursuivre au client et à ses proches : mesures d’hygiène, médication, surveil lance à exercer, moyens d’inter vention en cas de situations plus tendues
• Partage du plan de trai tement du client, pra tique professionnelle en milieu de travail, échanges sur les observations, les meilleures pratiques
• Conversation sociale concer nant les enfants, les vacances, la famille, les loisirs, la spiritualité, etc.
Contenu • Transmission d’infor mation concernant l’évolution de l’état de santé du client
• Enseignement au client ou à ses proches en vue de la pour suite du plan de traitement
• Recours d’urgence • Réponse aux préoccupa tions du client et de ses proches
• Communication écrite : notes d’évolution, plan de soins et de traitements inrmiers et plan thérapeutique inrmier
Particularités • Attentive et chaleu reuse, orientée vers le client et ses besoins • Simple, claire, précise et pragmatique • Axée sur l’action dans le présent • Bonne base pour l’établissement d’une relation de conance et d’une relation thérapeutique
• Compétence acquise, but précis, centrée sur le client détermination des objectifs, échange planié, difcile, intense, divulgation par le client d’informations personnelles
• Ouverte et attentive aux besoins d’apprentissage du client et des proches
• Collaborative, interdiscipli naire, centrée sur le client et son problème
• Établissement d’une relation signicative et personnelle (mais non intime)
• Buts : prévention et traitement de la maladie ; enseignement au client concernant les éléments comportementaux ou émotifs qui conditionnent sa vie ; acquisition par le client de son indépendance et de son autonomie
• Utilisation d’habiletés professionnelles spécialisées
• Recours à des habiletés de communication : questions ouvertes et fermées
• Utilisation de questions ouvertes, fermées, complexes
• Utilisation de réponses reets, de stratégies pour aider le client à comprendre la nécessité de prendre en charge son traitement
• Supercielle, spontanée, agréable • Orientée à la fois vers l’émetteur et le récepteur ; suggestions, conseils • Établissement d’une relation personnelle ou intime
Habiletés • Interactions aimables qui montrent la dispo nibilité de l’inrmière et son intérêt pour le client • Langage simple, questions claires ouvertes et fermées • Communication essentielle à la création d’une alliance théra peutique
• Utilisation de réponses reets • Cohérence des comportements de l’inrmière • Manifestation d’empathie tout en évitant de s’identier au client
• Réponse collaborative, interactions efcaces en groupe, habiletés de communication interpersonnelle et afrmation de soi
• Recours à une variété de res sources durant la socialisation
• Manifestation d’une accep tation empathique en pré sence de difcultés de compréhension
Chapitre 5
Communication et relation thérapeutique
109
5
5.6
Principes de la communication thérapeutique
5.6.1
Rôle de l’inrmière dans la communication thérapeutique
Les inrmières assument différents rôles professionnels dans leurs communications avec les clients. L’inrmière agit en tant qu’enseignante, socialisatrice, TABLEAU 5.3
Rôles de l’inrmière dans la relation thérapeutique
RÔLE
DESCRIPTION
Enseignante
• Recourt à une communication ouverte, chaleureuse et organisée, susceptible d’orienter et d’informer les clients. • Aide le personnel soignant à se ressourcer et à évoluer.
Socialisatrice
• Organise des activités diverses visant à réunir les clients an de briser l’isolement social durant le traitement et de les aider à apprendre de nouveaux comportements relationnels.
Protectrice
• Informe les clients de leurs droits, de leurs obligations et de leurs devoirs et les soutient dans leur processus de prise de décisions. • Protège les droits du client en faisant le lien entre la déontologie et la loi.
Intervenante en santé mentale
• Réalise des entretiens avec les clients. • Anime des séances individuelles ou de groupe avec les clients ou leur famille. • Peut aider les clients à résoudre certains problèmes, en particulier, leurs différends avec leur famille.
Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 5.3
S’évaluer et se connaître
• Accroître sa capacité de recourir à l’utilisation thérapeutique de soi. • Améliorer sa connaissance et son estime de soi, sa conance en soi et sa capacité de s’afrmer. • Déterminer ses propres valeurs et l’in uence de son vécu personnel sur son acceptation des diverses clientèles. • Accroître sa capacité d’observation et de jugement pour bien saisir la situation ainsi que le comportement verbal et non verbal du client. • Rehausser sa capacité d’écoute et de compréhension sans juger. • Prendre conscience de ses propres émo tions comme radar pour comprendre ce que vit le client.
110
Partie 1
• Apprendre à maîtriser ses émotions et à les exprimer au besoin, dans l’intérêt du client. • Connaître et utiliser les outils de la com munication et de la relation : questions, reets, acceptation, respect, empathie, imposition de limites, utilisation de la confrontation douce au besoin. • Apprendre à mener l’entretien de manière non directive, mais conante et orientée vers les objectifs. • Renforcer sa capacité d’orienter le client dans son évolution en lui enseignant les façons les plus adaptées de faire face à ses difcultés.
protectrice, et intervenante en santé mentale TABLEAU 5.3. Dans toute relation avec un client, l’inrmière est appelée à se glisser dans tous ces rôles. Le nombre de rôles dépend du type et de la durée de la relation inrmière-client et du cadre des interactions.
5.6.2
Attitudes et habiletés
Utilisation thérapeutique de soi L’utilisation thérapeutique de soi a été dénie par Travelbee comme étant la « capacité d’utiliser sa personnalité de façon consciente et rééchie pour tenter d’établir une relation et pour structurer les interventions inrmières » (Travelbee, 1971). Ainsi, par l’utilisation thérapeutique de soi, l’inrmière s’utilise elle-même en quelque sorte comme un instrument pour établir le lien avec le client et mettre en place une relation thérapeutique. L’inrmière possède en elle tous les éléments essentiels pour aider les autres ; c’est ce qui rend ce métier si stimulant. L’utilisation thérapeutique de soi exige une bonne connaissance de soi. L’inrmière ne peut aider les autres qu’à partir du moment où elle peut s’aider elle-même. Se connaître est un processus complexe qui dure toute une vie, mais qui est essentiel. Pour ce faire, l’inrmière doit évaluer sa manière de communiquer avec les autres, de les écouter, de reconnaître leurs difcultés et de comprendre ce qu’ils vivent (Phaneuf, 2011a) ENCADRÉ 5.3. Plus l’inrmière est consciente de ses propres valeurs et croyances, et plus elle connaît et comprend ses antécédents familiaux et son environnement culturel, plus elle est en mesure de réaliser comment ceux-ci ont contribué à modeler sa pensée et à forger ses préjugés jusqu’à la non-acceptation de certaines clientèles. La relation thérapeutique se fonde essentiellement sur le respect et l’acceptation du client, alors que les préjugés créent un écran nuisible. Par exemple, si un de ses parents était violent, l’inrmière peut éprouver de la difculté à travailler avec un client violent puisqu’il peut soulever en elle des souvenirs difficiles. Toutefois, grâce à l’introspection, elle réussira à discerner ses propres dés et à distinguer ses difcultés de celles du client. Un modèle de communication qui peut aider l’inrmière à prendre conscience d’elle-même est la fenêtre de Johari qui représente la relation d’une personne avec un groupe (Luft & Ingham, 1955). Cet outil permet de mettre en évidence le degré de connaissance de soi et de l’autre dans les relations interpersonnelles, traduit les différentes interactions entre la personne et le groupe dans lequel celle-ci évolue et représente la personne dans sa totalité FIGURE 5.8. Pour améliorer sa conscience de soi, l’inrmière doit s’efforcer d’augmenter la zone ouverte et diminuer les zones aveugles, cachées ou inconnues.
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
l’outil mnémotechnique suivant peut aider l’inrmière à se rappeler ces éléments importants : F : position face au client ; O : attitude ouverte ; P : tronc légèrement penché vers l’avant ; Y : regard xé dans les yeux du client ; D : maintien d’une distance thérapeutique FIGURE 5.9.
FIGURE 5.8
Fenêtre de Johari
Lorsqu’elle partage avec les autres des renseignements qui la concernent, la zone cachée diminue. Si elle demande aux autres de lui reéter ses paroles, ses attitudes ou ses comportements, la zone aveugle se rétrécit. Lorsque l’inrmière apprend à mieux communiquer et qu’elle augmente sa conscience d’elle-même grâce aux apprentissages interpersonnels, la zone ouverte s’agrandit et les autres zones rapetissent. Comme la relation thérapeutique a pour objectif d’aider les clients, l’inrmière doit comprendre ce qui la motive à aider les autres et reconnaître ses propres besoins émotifs an qu’ils n’entravent pas sa capacité d’établir une relation thérapeutique et de garder la maîtrise de la communication, particulièrement lorsqu’un client se montre intimidant, manipulateur ou menaçant. L’inrmière doit aussi être à même d’autoévaluer périodiquement ses réactions face aux clients grâce à la pratique réexive 3 .
L’écoute active est un processus dynamique et interactif exempt de jugement. L’inrmière écoute les faits et tente d’en déterminer la signication sous-jacente pour le client an d’interpréter précisément son message et de lui communiquer ce qu’elle en comprend (Faure & Girardet, 2003). Le résultat nal de l’écoute active est l’entière compréhension de la signication de la communication (Arnold & Underman Boggs, 2007 ; Phaneuf, 2011b). Une inrmière qui écoute activement manifeste de l’intérêt et de l’engagement.
CONSEIL CLINIQUE
Les besoins émotifs person nels de l’inrmière doivent être satisfaits à l’extérieur de son travail. Ainsi, un mode de vie équilibrée et des relations interperson nelles harmonieuses sont une source de satisfaction pour elle, ce qui lui permet de préserver sa capacité d’aider le client grâce à la communication thérapeu tique (Arnold & Underman Boggs, 2007).
Empathie L’empathie est le fondement de toute relation thérapeutique entre l’inrmière et le client ; c’est une caractéristique essentielle que l’inrmière doit posséder pour répondre aux besoins de ses clients ENCADRÉ 5.4. L’empathie ou la compréhension empathique représente la capacité de l’inrmière à percevoir le point de vue du client et à lui communiquer cette compréhension. Certaines recherches
3
FIGURE 5.9 L’inrmière s’assoit face à la cliente, maintient un contact visuel et adopte une attitude d’ouverture et d’écoute.
La pratique réexive et des exemples de questions que peut se poser l’inrmière pour mieux se connaître sont présentés dans le chapitre 3, Principes de la pratique inrmière en santé mentale.
Écoute L’écoute est une habileté essentielle à la relation d’aide. Pour comprendre, il faut d’abord écouter le client ; sans écoute, les autres attitudes propres à la relation d’aide sont vaines.
Pratiques inrmières suggérées
L’écoute active, qui est considérée comme un élément central dans la recherche de compréhension, est étroitement liée à l’empathie, parce qu’elle intègre les comportements verbaux et non verbaux nécessaires à la communication thérapeutique (Shattell, Starr & Thomas, 2007). Il s’agit de prêter attention à la fois au langage verbal et non verbal du client pour comprendre l’entièreté du message. Certains comportements non verbaux de l’inrmière peuvent faciliter l’écoute active, et
• Être émotionnellement attentive et ouverte au client en faisant abstraction de ses propres problèmes, de ses intérêts personnels ou professionnels et en concentrant toute son attention sur lui.
ENCADRÉ 5.4
Être empathique
• Répondre sur un ton approprié aux com munications verbales et non verbales du client.
• Exprimer de la chaleur, de l’intérêt envers le client et se soucier de lui en manifes tant des comportements non verbaux appropriés. • Relever les points les plus importants du discours du client. • Se montrer cohérente dans sa propre communication verbale et non verbale.
• Se concentrer sur les forces du client.
Chapitre 5
Communication et relation thérapeutique
111
5
montrent que l’empathie est une caractéristique naturelle chez l’être humain, que chacun la pos sède à divers degrés et qu’elle augmente au fur et à mesure que l’être humain évolue (Rizzolati & Sinigaglia, 2008).
Vidéo : Trouble dépressif caractérisé en première ligne.
On ne doit pas confondre empathie et sympa thie. La sympathie consiste à s’engager démesuré ment dans le problème du client et à se centrer sur ses propres émotions plutôt que sur celles du client. Elle n’a rien d’objectif et vise surtout à réduire son propre désarroi. L’empathie porte l’inrmière vers ce que vit et ressent le client, alors que la sympathie la conduit plutôt à partager sa difculté en se repor tant à ses propres émotions et à souffrir avec lui (Tournebise, 2000). L’empathie implique une com préhension de la difculté du client sans vivre ses émotions. C’est une réaction affective intérieure, mais qui doit également être extériorisée par une expression faciale et un ton de voix en accord avec la situation .
Jugement
clinique
Par exemple, si un client révèle à l’inrmière le décès de sa mère dans un accident Gabrielle Chrétien n’est âgée que de 29 ans, mais de voiture, l’infirmière lui elle a déjà fait quatre fausses couches. Elle a réussi répond avec sympathie si elle à rendre sa dernière grossesse à terme, mais son lui dit que sa mère est aussi bébé est atteint de malformations aux jambes, de décédée d’un accident et microcéphalie et de bec-de-lièvre avec ssure palaqu’elle s’est aussi sentie triste tine complète. La cliente vous dit en pleurant : « Moi pendant longtemps. L’at qui voulais tant avoir des enfants, je ne méritais pas cette épreuve. » Quelle réponse de votre part tention est alors portée sur montrerait une attitude empathique ? l’inrmière plutôt que sur le client, qui ne trouve aucun réconfort dans cette réponse. Une réponse empathique serait plutôt : Je com prends que cela a dû être difcile pour vous. Com ment vous êtesvous senti et comment avezvous réagi à la suite de cette perte ? L’attention est alors centrée sur le client (Tournebise, 2004).
Loyauté et responsabilité
ALERTE CLINIQUE
Tous les renseignements que l’inrmière a obtenus du client sont protégés par le droit du client à la condentialité. Ils peuvent être communiqués à l’équipe soignante an d’établir le plan de traitement. Toutefois, l’inrmière a le devoir de respecter et de protéger la vie privée de son client et ne doit pas divulguer ces informations à des personnes n’appartenant pas à cette équipe.
112
Partie 1
La loyauté est une caractéristique essentielle chez une inrmière efcace. Être loyale signie être res ponsable et digne de conance. Les inrmières loyales honorent leurs engagements et tiennent leurs promesses. Elles sont cohérentes dans leur approche et leurs réactions avec les clients. Par exemple, si l’inrmière dit au client qu’elle le verra après le déjeuner et qu’elle tient sa promesse, elle démontre sa abilité et suscite la conance du client à son égard. Les inrmières loyales respectent la vie privée du client, ses droits et son désir de condentialité. Communiquer de façon responsable implique de se porter garante du résultat de ses interactions professionnelles. L’inrmière responsable assume son rôle au sein de l’interaction et s’assure que tous les messages sont reçus et interprétés correctement. Les inrmières qui communiquent de manière res ponsable favorisent l’épanouissement des autres.
Clarté L’inrmière doit communiquer clairement avec les clients qui peuvent avoir des difcultés à traiter l’information ou à avoir une pensée claire à cause du trouble mental dont ils souffrent. En s’exprimant de façon précise, concise et claire, elle évite les ambiguïtés. Une communication facile à com prendre repose sur le choix de mots simples et la formulation de questions an de clarier le sens des propos. Bien que l’utilisation du vocabulaire médical fasse partie de la profession inrmière, il ne faut pas oublier que les clients ne comprennent pas toujours ces termes complexes. Puisque les clients sont souvent trop gênés pour demander des précisions, l’inrmière doit faire un effort conscient pour utiliser un langage que le client peut saisir. Ce principe s’applique également à la commu nication écrite. Lorsque des documents écrits sont utilisés pour l’enseignement aux clients, il est préférable de ne pas donner d’informations non essentielles. De plus, l’inrmière doit s’assurer que toutes les instructions sont rédigées dans un lan gage accessible. Tous les enseignements et les ins tructions fournis aux clients devraient tenir compte de leur niveau de compréhension ; au besoin, l’inrmière peut demander au client de reformuler ce qu’elle vient de lui enseigner (Phaneuf, 2011b).
Afrmation de soi L’afrmation de soi est une attitude intérieure qui implique que l’inrmière croit en ses capacités personnelles et en ses connaissances, ce qui lui permet d’exprimer ses sentiments aisément, avec assurance et d’une manière positive, honnête et franche, dans le respect de soi et des autres (Balzer Riley, 2007). Grâce à cette attitude, l’inrmière décide délibérément de la façon dont elle commu nique avec les autres. L’afrmation de soi est un choix de style de communication applicable à toute situation quel que soit le moment. Pour se familiariser avec certaines habiletés de base dans l’afrmation de soi, l’inrmière utilise un langage responsable en recourant au « je » plutôt qu’au « vous », par exemple : Je me sens blessée lorsque vous dites cela, plutôt que Vous me blessez par ces mots. En blâmant l’autre, elle réduit gran dement toute possibilité de changement et indique qu’elle ne maîtrise pas les stratégies de communi cation. Il en est de même pour le client qui déclare : Mon père me met en colère. Il exprime ainsi qu’il n’assume pas la responsabilité de ses propres réactions. S’affirmer signifie aussi savoir commencer une conversation, savoir dire non, exprimer ses opinions, ses sentiments et ses croyances. En lan gage non verbal, l’afrmation de soi consiste à main tenir le contact visuel dans la relation avec l’autre.
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
C’est aussi transmettre un message dans lequel les éléments verbaux et non verbaux sont cohérents.
Authenticité et cohérence
Regard positif et respect Le regard positif que Carl Rogers appelait la considération positive est une manifestation du respect et de l’acceptation du client tel qu’il est (Phaneuf, 2013a). Le respect est à la fois un sentiment intérieur de considération pour le client par lequel l’inrmière reconnaît la dignité et la valeur de l’aidé et adopte une attitude extérieure attentive et intéressée concernant son vécu difcile. Dans ce cadre, le but recherché n’est pas d’obtenir un changement, si ce n’est à la suite du traitement. Le regard positif et le respect se communiquent de multiples façons et se manifestent par l’écoute attentive du client et de ses préoccupations, les réactions de l’inrmière face à ce qui affecte celuici, la validation de ses sentiments ou la prise de mesures adéquates devant un comportement inapproprié (Tournebise, 2010). Le regard positif consiste notamment à ne pas porter de jugement sur le comportement et les sentiments du client, car ils sont réels et ne peuvent être ni contestés, ni rejetés, ni critiqués, ce qui risquerait de mettre le client mal à l’aise ou de le blesser FIGURE 5.10. Il faut éviter d’étiqueter les comportements des autres en se basant sur son propre système de valeurs, mais plutôt aider le client à explorer son comportement en parlant ouvertement des pensées et des sentiments qui l’animent. Une fois que le client constate l’absence de jugement, il se sent plus libre d’exprimer ses pensées et ses sentiments les plus intimes. L’inrmière ne peut établir une telle relation de franchise que dans la mesure où elle prend conscience de ses propres pensées et de ses propres sentiments au sujet du client et de sa situation.
Immédiateté L’immédiateté consiste en une attention soutenue de l’inrmière dans le but de préserver la qualité de la relation instaurée avec le client. Elle demeure
5
FIGURE 5.10 Le regard positif consiste notamment à ne pas porter de jugement sur le comportement et les sentiments du client, car ils sont réels et ne peuvent être ni contestés, ni rejetés, ni critiqués.
clinique
ainsi à l’affût de ce que le client vit et de ce qui se passe au Le médecin a augmenté à 1 mg per os b.i.d. la dose cours des rencontres qui les de risperidone (Risperdalmd) pour Johanne Castro, unissent. Il s’agit d’une attenâgée de 60 ans. La cliente doit prendre le médication portée à l’ici et maintement au déjeuner et au souper. Que devriez-vous nant, au moment présent. dire à la cliente pour lui expliquer ce changement L’immédiateté peut prendre la de façon claire et précise ? forme d’une compréhension profonde, une sorte d’empathie instantanée, d’une interrogation de l’inrmière ou d’une réexion réciproque avec le client sur la valeur de cette relation et des interventions qui s’y déroulent. Par exemple, le client semble-t-il distrait ? Pourquoi ? Qu’est-ce qui motive ses retards ? Les réponses à ce questionnement permettent ensuite à l’inrmière de réorienter les rencontres par une modication de ses attitudes, par exemple, l’adoption d’une approche plus chaleureuse.
Jugement
L’inrmière est authentique lorsqu’elle demeure elle-même dans sa relation avec le client et lorsqu’il y a cohérence entre son comportement verbal et non verbal, ce qui montre son ouverture, son honnêteté et sa sincérité. L’authenticité est nécessaire à l’établissement de la conance du client envers l’inrmière, ce qui peut encourager celui-ci à se montrer plus authentique en retour. Cette interaction authentique ne signie pas que l’inrmière doive révéler des informations personnelles au client et établir avec lui un rapport social, mais plutôt qu’elle se concentre sur le lien qui les unit et qu’elle réagisse de façon thérapeutique. Une inrmière ne peut s’attendre à ce que le client soit franc et honnête si elle-même ne l’est pas envers lui (Tournebise, 2010).
Confrontation La confrontation est une habileté propre à la relation d’aide qui consiste à questionner ou à répondre au client de manière à l’aider à prendre conscience de l’illogisme de ses paroles ou de l’incongruité de sa façon d’agir. Elle doit être constructive an de permettre au client d’examiner ses vrais sentiments et de modier ses comportements. Elle doit se faire dans le respect de la personne, être bien enracinée dans l’empathie et être motivée par une volonté d’aide. L’inrmière ne devrait avoir recours à cette technique que lorsqu’elle a établi une bonne relation avec le client puisque celui-ci peut réagir fortement ou négativement (Fortinash & Holoday Worret, 2007). Ce type de confrontation est généralement qualié de doux, puisqu’il s’agit d’éviter tout caractère d’affrontement ou de violence dans les propos. Par exemple, à un client qui exprime sa volonté de se rétablir alors qu’il ne fait aucun effort pour suivre le traitement, l’inrmière peut dire sur un ton affable : Vous dites que vous voulez guérir, Chapitre 5
ALERTE CLINIQUE
La valorisation du client et la considération de son côté humain ne signient pas que l’inrmière doive tolérer des comportements inappropriés ou se contenter de renseignements inadéquats.
Communication et relation thérapeutique
113
mais vous dites également que vous ne suivez pas le traitement. Il ne faut pas confondre rétroaction et confrontation. La rétroaction est issue de la simple alternance des échanges entre le client et l’inrmière. C’est la réponse intentionnelle de l’inrmière aux propos du client où elle manifeste qu’elle a prêté attention à ce qui a été dit, alors que la confrontation se fonde sur des objectifs sous-jacents visant l’évolution du client.
5.6.3
Habiletés de communication particulières
Révélation de soi La révélation de soi a pour but de favoriser la relation de conance entre le soignant et le soigné. Cela peut devenir efcace sur le plan thérapeutique si les révélations sont faites avec précaution et basées sur une bonne compréhension de ce qui se passe. Les inrmières expérimentées conent certaines de leurs pensées, de leurs sentiments et racontent certains épisodes de leur vie pour montrer au client qu’elles ont déjà vécu une expérience similaire et comprennent bien ce qu’il éprouve.
TABLEAU 5.4
Objectifs de la révélation de soi par l’inrmière
OBJECTIF
EXEMPLE
Faciliter la relation thérapeutique.
La révélation contribuera-t-elle à consolider la relation et aidera-t-elle le client à s’ouvrir ?
Fournir au client un reet concret de la réalité.
Cela aidera-t-il le client à mieux cerner ses sentiments en réaction à un événement ?
Enseigner certains éléments de la réalité.
Le client apprendra-t-il quelque chose sur lui-même et pourra-t-il faire face plus adéquatement à ses problèmes existentiels ?
TABLEAU 5.5
Parce qu’une relation thérapeutique professionnelle inrmière-client vise à aider le client, l’inrmière doit réfléchir soigneusement à tout ce qu’elle lui révèle. La révélation de soi par l’inrmière doit toujours viser à proter au client et jamais à elle-même, pour se mettre en évidence. Il est par conséquent important de bien choisir l’endroit et le moment de cette révélation de soi et de rééchir à ses motifs an d’en déterminer la nalité (Balzer Riley, 2007). La révélation de soi doit viser certains objectifs précis an d’être protable TABLEAU 5.4. Pour recourir à la révélation de soi, l’inrmière doit avoir établi une relation thérapeutique avec le client. Le but ultime de la révélation de soi est d’obtenir que le client s’extériorise en retour. L’inrmière doit s’assurer de la pertinence de l’information qu’elle livre TABLEAU 5.5. Il est tout à fait possible d’établir une communication authentique et franche débouchant sur une alliance thérapeutique sans forcément faire appel à la révélation de soi. La révélation de soi n’est thérapeutique que si l’infirmière est à l’aise lorsqu’elle y a recours et uniquement lorsque cette révélation prote au client (Collins & Miller, 1994 ; Schwartz & Flowers, 2007).
Toucher Le toucher revêt un sens différent pour chaque personne. Plusieurs variables inuent sur la signication de ce contact physique : la durée du contact, la partie du corps touchée, la façon dont s’effec tue le contact et sa fréquence. L’inrmière doit se montrer prudente lorsqu’elle touche les clients, particulièrement en établissement psychiatrique FIGURE 5.11 . L’âge et le sexe du client, son interprétation du geste, son origine culturelle et l’à-propos du toucher sont autant d’éléments inuençant leurs réactions au contact physique.
Exemple de révélation de soi
COMMUNICATION THÉRAPEUTIQUE
L’inrmière fait appel à la révélation de soi à la phase d’achèvement de la relation. Elle valide les sentiments du client et leur alliance, encourageant du même coup celui-ci à transférer dans sa vie personnelle, après son départ, ce qu’il a appris durant le traitement.
Client : Je suis vraiment contrarié de devoir quitter le centre hospitalier aujourd’hui.
Inrmière : Cela m’a fait plaisir de travailler avec vous. Je sais combien certains départs peuvent être tristes. Lorsque vous serez à la maison, il est important que vous vous serviez des outils que vous avez acquis ici.
Cliente : Mon salaud de mari m’a laissée avec trois enfants à faire vivre et je trouve ça difcile.
Inrmière : Je comprends ce que vous ressentez, mon mari a fait la même chose. Il ne pensait qu’à lui.
COMMUNICATION NON THÉRAPEUTIQUE
L’inrmière a recours à la révélation de soi au moment de l’entretien d’admission et dès le début de la relation, alors qu’aucun rapport n’est encore établi. De plus, elle révèle des informations personnelles, alors qu’elle ne devrait jamais aller aussi loin. Il semble que cette révélation soit plus utile à l’inrmière qu’à la cliente.
114
Partie 1
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
5 La chaleur des contacts dépend de l’aisance de l’inrmière et de la capacité du client à les recevoir.
FIGURE 5.12 L’inrmier peut avoir recours à l’humour pour détendre l’atmosphère et favoriser la discussion.
Dans sa décision d’établir un contact physique avec le client et son choix du type de contact approprié, l’inrmière doit tenir compte des réactions potentielles du client. Ainsi, un client déprimé peut réagir positivement au toucher et l’interpréter comme un geste d’intérêt. Par contre, un client paranoïaque et hostile peut, dans ce cas, mésinterpréter ce contact et le percevoir comme une agression.
L’inrmière doit se montrer vigilante dans son évaluation Jim Taylor est un jeune homme âgé de 23 ans du sens de l’humour du client. atteint de schizophrénie. Il vous dit qu’il n’a pas Les clients déprimés rient peu d’hallucinations auditives, mais vous l’entendez et ne manifestent pas de plaisir. parler à quelqu’un alors qu’il n’y a que lui et vous Les clients atteints de délires dans la chambre. Que diriez-vous pour le confronter paranoïdes sont quant à eux doucement à la contradiction qu’il démontre ? incapables de rire. Ils peuvent même percevoir le rire des autres comme une agression. D’autre part, certains CONSEIL CLINIQUE clients présentant un épisode maniaque peuvent rire de n’importe quoi, qu’il s’agisse ou non de Au cours de l’entretien, situations drôles. Cette expression exagérée et artiun contact physique de la cielle d’un mieux-être indique un manque de main peut être protable jugement de la part du client. Elle peut même se au client. Les contacts vont transformer en sarcasme cinglant et blessant. d’un simple toucher sur la main, le bras ou l’épaule 5.6.4 Techniques qui améliorent à une poignée de main et jusqu’à une certaine la communication étreinte dans des situaIl existe certaines techniques qui encouragent tions critiques. les clients à interagir d’une façon qui favorise leur croissance, l’atteinte des objectifs de traitement ainsi que leur rétablissement. L’inrmière devrait maîtriser ces stratégies an d’établir une relation de conance et de collaboration entre le client et elle (Arnold & Underman Boggs, 2007). Encadré 5.3W : Adopter les stratégies de communication Ces techniques visent à créer une atmosphère favorables à la relation propice à la communication en vue de la résoluinrmière-client. tion de problèmes .
La décision de recourir au contact physique en dehors des gestes techniques relève de la préférence personnelle de l’inrmière. Les inrmières ne se sentent pas nécessairement toutes à l’aise de toucher leurs clients. Cette décision dépend du niveau de confort de l’inrmière face au contact physique, de l’aptitude du client à interpréter correctement le geste ainsi que du caractère approprié de l’utilisation du toucher. Le recours au toucher peut être très bénéque pour l’évolution du client parce qu’il peut contribuer à l’amélioration de la relation inrmière-client et de l’état de santé du client (Phaneuf, 2011b).
Humour et plaisir L’humour peut se révéler très utile en soins psychiatriques, car il crée un climat de légèreté et de plaisir (Phaneuf, 2002). Le sens de l’humour, y compris la capacité de rire avec les autres et à rire de soi, a une inuence positive sur la santé (Simonds & Warren, 2004). Le recours à l’humour peut contribuer à créer un environnement détendu, sécuritaire et intimiste qui facilite les interactions difciles FIGURE 5.12. Un humour sain allège l’ambiance, il incite à rire avec les autres et non des autres. L’humour sain est celui qui convient à la situation ; il inclut et respecte les autres tout en préservant leur dignité. L’humour blessant (ironie ou sarcasme) exclut les autres, les isole et les ridiculise. L’humour est un mécanisme de défense éprouvé, qui permet à l’inrmière d’affronter certaines situations difciles, de prendre un peu de recul vis-à-vis d’un problème et d’alléger l’atmosphère pour quelques instants (Adams, 2000 ; Cousins, 2003 ; Lüthi, 2002).
clinique
Jugement
FIGURE 5.11
L’inrmière offre un soutien verbal et non verbal au client et le rassure avec authenticité et honnêteté. Celui-ci a besoin d’être dans un environnement sécuritaire où il se sent capable de discuter de sujets sensibles et libre d’exprimer ses pensées et ses sentiments, une étape nécessaire à l’amélioration de sa santé mentale. Il a souvent besoin d’être encouragé afin de préciser ses propos. L’inrmière peut utiliser plusieurs techniques pour amener le client à élaborer davantage sur ses perceptions TABLEAU 5.6. Chapitre 5
ALERTE CLINIQUE
Le silence ne doit être utilisé que pour atteindre un but particulier et non pour effrayer ou gêner un client déjà angoissé.
Communication et relation thérapeutique
115
TABLEAU 5.6
Habiletés de communication
HABILETÉS
DESCRIPTION
EXEMPLES
Se présenter au client au moment de l’admission.
En se présentant au client, l’inrmière crée d’emblée un climat de conance.
• « Bonjour, je m’appelle Suzanne. Je suis votre inrmière aujourd’hui. »
Démontrer sa disponibilité.
L’inrmière adopte une attitude honnête et ouverte. Elle montre qu’elle est disponible, qu’elle s’intéresse au client et qu’elle se soucie de lui.
• « Je dois vous demander des informations. Asseyonsnous an de commencer votre admission. »
Écouter activement.
L’inrmière recourt à la fois aux techniques de communication verbales et non verbales, an de démontrer qu’elle accorde toute son attention au client.
• L’inrmière fait face au client et adopte une attitude ouverte, garde le contact visuel avec lui et utilise des messages verbaux et non verbaux pour manifester toute son attention : « Continuez, je vous écoute. »
Poser des questions.
L’inrmière pose des questions ouvertes. Cette habileté permet d’éviter de poser trop de questions personnelles en une seule séance. Ces questions visent à obtenir des réponses pertinentes et plus détaillées. Le recours aux questions fermées permet de recueillir de l’information factuelle.
• Exemples de questions fermées : « Combien d’enfants avez-vous ? » ; « Cela vous est-il déjà arrivé ? »
Utiliser le silence.
Le silence permet au client d’avoir un temps de réexion ou un moment an de démêler ce qui se passe en lui pour pouvoir ensuite exprimer ses pensées et sentiments. Le client, tout comme l’inrmière, doit se sentir à l’aise pendant ce silence.
• L’inrmière reste assise en silence et maintient un contact visuel avec le client, en lui manifestant son intérêt grâce à des signes non verbaux et à des expressions du visage variées.
Fournir de l’information ancrée dans la réalité.
L’inrmière peut décrire au client l’unité dans laquelle il se trouve, lui faire faire une courte visite et lui fournir des informations concernant l’unité de soins et les documents relatifs à l’admission.
• « Jean, voici un exemplaire des règles de l’unité. Passons en revue quelques points importants. »
• Exemples de questions ouvertes : « Racontez-moi ce qui vous a amené à cesser de prendre vos médicaments. » « Que voulez-vous dire ? » « Dites-moi ce que vous ressentez en ce moment. »
• « Vous vous trouvez actuellement dans l’unité à accès surveillé. » • « Nous sommes vendredi. Vous avez été admis hier après-midi. »
Réitérer.
L’inrmière reprend le discours du client an de lui montrer qu’elle l’a compris et passe en revue ce qui a été dit. Au besoin, elle paraphrase les pensées et les sentiments du client.
• « Vous trouvez que votre séjour ici se prolonge trop longtemps ? » • « Vous avez commencé à être déprimé peu après l’accident ? » • « Vous dites que la mort de votre ami vous a fait beaucoup de peine ? »
Clarier.
L’inrmière pose des questions précises pour aider le client à élucider certains éléments de son discours.
• « Lorsque vous avez essayé l’une des techniques que vous mentionnez, cela vous a-t-il aidé ? » • « Laquelle de ces techniques vous a-t-elle fait le plus de bien ? » • « Votre mère s’est remariée peu après votre naissance ? »
Reéter la réalité.
116
Partie 1
L’inrmière offre un point de vue réaliste au client, tout en restant compréhensive.
• « Je sais que vous croyez que des gens vous poursuivent. Je ne crois pas que cela soit le cas. Vous êtes ici en sécurité. Ces médicaments atténueront ces pensées. »
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
TABLEAU 5.6
Habiletés de communication (suite)
HABILETÉS
DESCRIPTION
EXEMPLES
Communiquer ses observations.
L’inrmière fournit un avis sur ce qu’elle a observé ou entendu, an de favoriser la verbalisation.
• « Je sens que vous êtes inquiet. »
L’inrmière demande au client de décrire sa situation.
• « Aidez-moi à comprendre comment cela vous affecte en ce moment. »
Encourager la description des perceptions.
• « J’ai remarqué que vous aviez eu de la difculté à dormir la nuit dernière. »
• À un client qui a des hallucinations : « Que vous dit la voix que vous entendez ? » Ordonner les événements dans le temps.
Formuler des doutes.
Souligner les thèmes récurrents.
L’inrmière pose des questions an d’établir le lien entre les événements et d’aider le client à prendre un peu de recul.
• « La naissance de votre enfant précède-t-elle ou suit-elle l’arrivée de votre mère chez vous ? »
L’inrmière exprime toute incertitude concernant les perceptions du client. L’utilisation de cette technique doit se faire avec prudence parce que l’expression d’un doute peut parfois entraver la relation entre le client et l’inrmière.
• « J’ai de la difculté à croire que vous n’avez ressenti aucune joie à l’idée qu’elle soit toujours en vie. »
L’inrmière relève les éléments qui reviennent très fréquemment au cours de la conversation.
• « Vous avez mentionné cela à plusieurs reprises. Cela semble très important pour vous. »
• « Votre abus d’alcool a-t-il commencé tout de suite après votre divorce ? »
• « Êtes-vous sûr d’être resté alité toute une année après cet événement ? »
• « Lorsque cela se répète, comment vous sentez-vous ? » Favoriser les comparaisons.
L’inrmière questionne le client sur les similarités et les différences existant sur le plan de ses sentiments, de ses pensées, de ses comportements et de son vécu.
• « Ressentez-vous la même chose que la dernière fois que c’est arrivé ou est-ce différent ? »
Résumer ou faire une synthèse.
L’inrmière récapitule ce que le client a dit sur un sujet ou un événement donné.
• « Voyons si j’ai bien saisi votre inquiétude concernant... »
Les éléments importants doivent devenir clairs, à la fois pour le client et pour l’inrmière.
• « Vous parlez de la perte d’un être cher, racontez-moi plus en détail ce que vous avez subi. »
Bien cerner chaque sujet.
• « D’après ce que vous me dites, votre famille semble être... »
• « Vous avez mentionné votre consommation d’alcool. Soyez plus précis. » Évaluer.
L’inrmière encourage le client à préciser l’importance de chaque événement.
• « Qu’évoque pour vous ce type de comportement ? »
Encourager le client à se xer des objectifs.
Les objectifs sont importants autant pendant qu’après l’hospitalisation.
• « Je vous propose que nous établissions ensemble quelques buts réalisables pour la durée de votre hospitalisation. Avez-vous quelques idées ? »
Fournir de l’information.
L’inrmière présente des données qui aideront le client à se xer des buts et à établir un plan d’action.
• « Cette liste descriptive de centres qui peuvent vous aider vous aidera peut-être à choisir celui qui vous conviendra le mieux après votre congé. »
Suggérer d’autres solutions.
L’inrmière favorise la prise de décision en encourageant le client à soupeser différentes options pour prendre des décisions saines et porteuses de changement.
• « Avez-vous pensé à… ? »
• « Lorsque vous vous rappelez les événements, comment cela vous affecte-t-il ? »
• « D’autres clients ont essayé ces solutions : … » • « Les autres solutions pourraient être… » • « Au regard de cette situation, quelle serait la meilleure décision ? »
Chapitre 5
Communication et relation thérapeutique
117
5
TABLEAU 5.6
Habiletés de communication (suite)
HABILETÉS
DESCRIPTION
EXEMPLES
Recourir à la simulation.
L’inrmière joue le rôle de la personne à qui le client a besoin de dire quelque chose, an de l’amener à exprimer ce qu’il ressent.
• « Je vais jouer le rôle de votre père, pendant que vous jouerez le vôtre. Voyons ce que vous avez envie de lui dire. »
Fournir une rétroaction.
L’inrmière encourage le client en formulant des commentaires encourageants en réponse à ses comportements ou à son discours.
• « Dites-moi ce que vous avez à dire. Je suis là pour vous écouter et et je vous donnerai franchement mon opinion. » • « Vous avez fait des progrès encourageants. » • « À ce que je vois, vos rapports avec votre famille se sont améliorés parce que vous vous êtes comporté de cette façon. »
Fixer des limites.
L’inrmière pose des limites au client sur le plan des pensées, sentiments ou comportements.
• « Vous vous êtes encore mis très en colère. Si vous voulez rester dans la salle commune, je vous invite à vous calmer. » • « Vous pouvez marcher dans le couloir si vous avez besoin de vous lever. »
Évaluer les actions.
L’inrmière encourage le client à prendre du recul par rapport à son comportement et aux réactions qu’il provoque.
• « Lorsque vous avez essayé cette action, comment cela s’est-il passé ? » • « Quand vous lui direz de partir, comment pensez-vous qu’elle réagira ? » • « Est-ce que cela vous a aidé ? »
Encourager les comportements sains.
Favoriser la transition entre l’hôpital et le domicile.
L’inrmière favorise les réactions positives chez le client qui tente de modier sa conduite et l’aide à prendre des décisions efcaces.
• « Avoir à vous défendre, c’est quelque chose de nouveau pour vous. »
L’inrmière aide le client à déterminer les pensées qu’il devra mieux maîtriser ou les actions qu’il aurait intérêt à tenter après sa sortie.
• « Que pensez-vous de continuer à travailler votre afrmation de soi ? »
• « Vous y êtes parvenu, il est donc important de vous exercer tous les jours. »
• « Comment un plan de prévention des rechutes pourrait-il vous aider après votre sortie de l’hôpital ? » • « À quoi ferez-vous attention une fois revenu à la maison ? »
Utiliser le reet simple.
Utiliser le reet des sentiments.
L’inrmière contribue à augmenter la compréhension de soi du client et lui conrme qu’elle l’écoute attentivement.
• Client : « Je me sens très fatigué aujourd’hui. »
L’inrmière démontre au client que ses sentiments sont légitimes et dignes d’intérêt, et lui rappelle qu’en matière de sentiments, il n’existe pas de bonne ou de mauvaise réponse.
• Client : « Mes difcultés en affaires étaient si lourdes que j’ai craqué. »
5.7
Enjeux de la communication thérapeutique
Certains enjeux peuvent surgir dans la relation inrmière-client et altérer la nature de la communication. Ils peuvent résulter du trouble même dont souffre le client ou de son manque de connaissances. Ils peuvent aussi découler de l’inefcacité de l’inrmière, à cause de son manque d’expérience
118
Partie 1
• Inrmière : « Vous me dites que vous êtes très fatigué ? » (ton interrogatif)
• Inrmière : « Vos difcultés en affaires vous ont complètement découragé ? »
ou de connaissances, ou encore relever de ses attitudes relationnelles.
5.7.1
Résistance
La résistance intervient chez les clients qui consciemment ou inconsciemment font abstraction de leurs problèmes pour éviter l’angoisse. Cette résistance peut prendre la forme d’une réserve naturelle de courte durée concernant l’acceptation d’un
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
importante. Elle doit l’écouter attentivement, puis clarier ses paroles et lui poser des questions pour approfondir le problème. L’objectif est de lui faire réaliser la situation si elle n’est pas favorable et de l’amener à reconnaître ses impacts.
L’inrmière peut alors rappeler au client les progrès qu’il a accomplis. Par exemple, elle peut lui dire : Vous avez déjà atteint certains de vos buts et vous avez fait des plans concrets concernant la continuation du traitement après votre congé. Toutes ces choses vous paraissaient impossibles à votre admission dans cet établissement. De telles observations renforcent la conance du client et lui redonnent espoir tout en amenuisant sa résistance. Avec un client résistant, l’inrmière doit employer une approche empathique, aidante et facilitante plutôt que sermonner ou confronter. Elle peut aider efcacement le client en se montrant sensible à sa résistance et en lui soulignant son comportement avec délicatesse et empathie. Si elle considère la résistance comme un comportement négatif et qu’elle y réagit en obligeant le client à faire face à cette attitude et en lui indiquant comment se comporter, elle ne fait que renforcer son opposition (Arkowitz, Miller, Westra et al., 2008). En cas de résistance à faire face, par exemple, à ses responsabilités, il est important d’attirer l’attention du client sur cette attitude, d’éclaircir avec lui les raisons susceptibles de l’expliquer et d’examiner ensemble les moyens d’y remédier.
5.7.3
5.7.2
Transfert
Le transfert est la réaction inconsciente par laquelle les clients associent l’inrmière à un être signicatif de leur vie. Le client transfère ainsi sur l’inrmière les sentiments et les attitudes qu’il lui attribuait. Ainsi, une inrmière peut devenir l’image de la mère pour un client, uniquement à cause d’une particularité qui lui évoque sa propre mère. Si ses sentiments envers sa mère sont positifs, ce transfert pourrait se révéler bénéque. Toutefois, si ses sentiments sont teintés d’amertume et de rancœur, le client risque d’éprouver des sentiments négatifs à l’égard de l’inrmière et, même sans provocation, peut devenir furieux ou préoccupé au cours des interactions avec elle. Bien souvent, la réponse intense du client ne correspond en rien à la situation ni au contenu de l’échange, et la relation ne pourra pas progresser tant que l’inrmière n’aura pas mis en évidence les effets de ce transfert sur le plan relationnel. L’inrmière peut chercher à tirer prot du transfert en se montrant disposée à entendre les réponses irrationnelles du client, dont les propos peuvent comporter une charge affective positive ou négative
clinique
Jugement
problème, ou d’une négation à long terme et fortement ancrée du problème. Cette résistance au changement est dans la nature humaine, mais elle doit être soulignée par l’inrmière et reconnue par le client pour qu’un changement positif puisse se produire. Les inrmières aident les clients à surmonter cette résistance en faisant preuve d’écoute et d’empathie, ce qui favorise chez ceux-ci la découverte de leurs forces, ainsi qu’en soulignant leurs progrès.
Contre-transfert
Vous discutez avec Marline Roger, une cliente âgée de 18 ans qui a fait une tentative de suicide. Elle habite chez ses parents. Elle vous parle de son désaccord avec ceuxci concernant les règles à suivre dans la maison, du contrôle des sorties, de la façon de s’habiller et des amis qu’elle fréquente. Elle dit leur avoir parlé de leurs exigences, mais en vain. Elle a demandé à une tante d’intervenir en sa faveur pour qu’elle ait plus de liberté, mais rien n’a changé. Elle les a même menacés de partir en appartement, mais ils ont renforcé leur attitude. Que devriezvous dire à Marline pour synthétiser ce qu’elle vous a raconté ?
Le contre-transfert découle de la réaction émotionnelle positive ou négative de l’infirmière par rapport à un client. Cette réaction irrationnelle inappropriée et très chargée affectivement est provoquée par certaines particularités d’un client jugées plaisantes ou déplaisantes par l’inrmière, ce qui dénote ses préférences pour certains clients. C’est le transfert de l’inrmière, qui a naturellement ses propres réactions vis-à-vis d’un client. Le contre-transfert est un phénomène normal et incontournable qui se produit lorsque les sentiments ressentis, qu’ils soient positifs ou négatifs, sont intenses et ne correspondent pas à la réalité thérapeutique immédiate. Si la présence d’un contre-transfert est ignorée ou que son importance est minimisée, le contre-transfert risque d’entraver l’efcacité thérapeutique. Mais il peut fournir des pistes pour le travail thérapeutique si l’inrmière demeure vigilante an d’en déceler les signes.
CONSEIL CLINIQUE
Le transfert est souvent perçu comme un obstacle à la communication : cepen dant, lorsqu’il est positif, il peut s’avérer un outil inté ressant pour approfondir la relation thérapeutique.
L’inrmière peut se retrouver dans une situation de contre-transfert lorsque le client a un comportement perturbateur, agressif, irritant ou séducteur ou s’il offre de la résistance, mais également dans un contexte relationnel tout à fait ordinaire. Il y a manifestation de contre-transfert si l’inrmière réagit en se fâchant contre le client ou si elle perd la neutralité nécessaire pour favoriser chez lui un changement sain. Les inrmières peuvent également ressentir une attirance exagérée pour un client. Elles doivent alors en prendre conscience et reprendre leur position professionnelle à l’intérieur de la relation avec le client. Pour faire face au contre-transfert, il faut se prêter à une autoréexion honnête tout au long de la relation thérapeutique et bien comprendre les enjeux mutuels de la relation. Si cette autoévaluation révèle des émotions de nature plus intense, l’inrmière devrait se questionner sur ses sentiments. Il faut effectuer ce travail dès que le problème est décelé. Si elle n’est pas à même de surmonter seule ses sentiments, elle aura besoin de l’aide d’un autre clinicien. Chapitre 5
ALERTE CLINIQUE
Les questions précédées du mot pourquoi peuvent mettre le client sur la défensive et paralyser les échanges ultérieurs.
Communication et relation thérapeutique
119
5
5.7.4
Dépassement des limites
demeurent plus longtemps en centre hospitalier. Le dé des inrmières est donc d’établir rapidement une relation avec le client en fonction du temps disponible et du contexte d’hospitalisation.
Le dépassement des limites se produit lorsque l’infirmière va au-delà des normes Vous avez rendezvous dans 5 minutes avec établies pour la relation thémonsieur Goulet pour un entretien formel que vous rapeutique et qu’elle s’engage avez planié avec lui ce matin. Une autre cliente dans une relation sociale, vient vous trouver et insiste pour faire un entretien personnelle avec le client. immédiatement. Que faitesvous? Un client peut également tenter d’outrepasser les limites de la relation thérapeutique et essayer d’établir, de façon inappropriée, un contact physique avec elle. Certaines de ces transgressions surviennent si l’inrmière s’implique de façon inappropriée avec le client, ce qui indique un surinvestissement, 6 si elle accepte des cadeaux ou des compensations en échange du traitement, si son langage et son Les considérations habillement ne conviennent pas, ou si la révélaéthiques entourant la tion de soi ou les contacts physiques établis relation entre l’inrmière et le client sont examinées manquent de professionnalisme et n’ont aucune dans le chapitre 6, Aspects nalité thérapeutique.
Jugement
clinique
éthiques et légaux de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques.
5.7.6
De nombreux comportements font obstacle à l’atteinte des résultats souhaités et se révèlent donc non thérapeutiques. L’inrmière doit les connaître an de les éviter dans ces interventions dans le cadre de la relation d’aide TABLEAU 5.7. Plusieurs raisons expliquent l’échec de certaines interactions avec le client. L’insécurité de l’inrmière inexpérimentée en est une, particulièrement avec les clients psychiatriques. L’inrmière peut être incapable de venir travailler tous les jours reposée et disposée à écouter le client, ou elle peut vivre des situations personnelles qui entravent sa capacité à se concentrer sur le client et ses besoins. Par ailleurs, l’inrmière peut être en colère contre un client parce que ce dernier ne se comporte pas de manière socialement acceptable, parce qu’il refuse de faire ce qu’on lui demande ou bien parce qu’elle se sent personnellement visée par ses paroles.
Le dépassement des limites professionnelles avec les clients est également considéré comme un problème éthique et légal et entraîne des sanctions juridiques et professionnelles pour l’inrmière 6 .
5.7.5
Attitudes et comportements nuisibles
Durée du séjour
5.7.7
Le raccourcissement des séjours hospitaliers peut poser une difculté en matière de communication. Pour certains clients, la durée du séjour n’excède pas deux à trois jours, alors que d’autres
Clientèles particulières
La plupart des inrmières redoutent de communiquer avec des clients agressifs, en détresse, impopulaires, manipulateurs ou résistant au changement
Obstacles à la communication thérapeutique
TABLEAU 5.7 TECHNIQUE NUISIBLE
EXEMPLES D’ÉNONCÉS NON THÉRAPEUTIQUES
THÉRAPEUTIQUES
Prodiguer un semblant de réconfort. L’inrmière communique certains clichés rassurants pour essayer d’aider le client et tenter d’atténuer sa douleur. Cette réponse ne se base pas sur des faits et ignore les sentiments du client. Elle provient sou vent de l’incapacité de l’inrmière à écouter les émotions négatives du client et à lui répondre adéquatement.
• « Ne vous inquiétez pas, tout ira bien. »
• « Je sais que vous traversez beaucoup de choses pénibles en ce moment. Faisons une liste et examinonsles une à une. En cherchant des solu tions, vous pourrez les surmonter. »
Ne pas écouter. L’inrmière est préoccupée par une autre tâche qu’elle doit accomplir, elle est distraite par un bruit ou troublée par ses problèmes personnels.
• « Qu’avezvous dit ? »
Donner son approbation ou sa désapprobation. Ce qui compte avant tout, c’est la manière dont se sent un client par rapport à ce qu’il exprime. Ce dernier doit, au bout du compte, être en accord avec ses propres actions.
• « C’est bien. »
• « Que pensezvous de ce que vous lui avez dit ? »
• « Je suis d’accord. Je crois que vous avez bien fait de lui dire. »
• « Comment vous sentezvous par rapport à tout ça ? »
120
Partie 1
• « Ce n’est pas grave, ça va bien aller. » • « Les choses vont bientôt s’arranger. »
• « De quelle situation aimeriezvous discuter en priorité ? »
• « C’est intéressant. Pourriezvous m’expliquer davantage ? » • « Je comprends ce que vous dites... Cela doit être difcile. »
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
TABLEAU 5.7
Obstacles à la communication thérapeutique (suite)
TECHNIQUE NUISIBLE
EXEMPLES D’ÉNONCÉS NON THÉRAPEUTIQUES
THÉRAPEUTIQUES
Minimiser le problème. L’inrmière peut commettre cette erreur lorsqu’il est difcile d’accepter l’énormité d’un problème donné. Elle peut croire que le client se sentira mieux. Une telle réponse risque de mettre n à la relation.
• « Ce n’est rien comparativement au problème de cet autre client. »
• « Il s’agit d’un problème difcile pour vous. »
Donner des conseils. Cette réponse brime la capacité du client à résoudre ses propres problèmes et favorise sa dépendance. Si la solution que l’inrmière lui propose ne fonctionne pas, le client pourra blâmer l’inrmière. Dans ce cas, le client ne prend pas la responsabilité de ses actions. L’inrmière garde le contrôle de la situation et dévalorise le client.
• « Je crois que vous devriez... »
• « À votre avis, qu’est-ce que vous devriez faire ? »
• « À mon avis, il serait sage de... »
• « Il existe plusieurs options ; examinons-en quelquesunes. La décision nale vous appartient. Vous pourrez ainsi envisager la situation de façon plus éclairée. Nous pourrions examiner les pour et les contre an de vous aider à la résoudre. »
Fournir des réponses en prenant les afrmations du client au pied de la lettre. L’inrmière nourrit les illusions ou les hallucinations du client et lui enlève la possibilité de faire face à la réalité. Cette réponse ne favorise en rien l’évolution du client.
• Le client : « Ce téléviseur est en train de me parler. » L’inrmière : « Que vous dit-il ? »
Changer de sujet. L’inrmière change de sujet au moment crucial, lorsque la discussion prend un tournant difcile, ce qui a pour effet de nier les intérêts exprimés par le client. Dans ce cas, la communication demeure supercielle.
• Le client : « Ma mère me rabaisse toujours. » L’inrmière : « C’est intéressant, mais parlons plutôt de... »
• « Parlez-moi de votre relation avec votre mère. »
Ne pas accepter les sentiments du client. L’inrmière minimise les sentiments exprimés par le client pour éviter d’avoir à faire face à ses propres sentiments douloureux. Elle désire se protéger.
• Le client : « Je ne désire plus vivre maintenant que mon enfant a disparu. » L’inrmière : « Vous ne devriez pas penser à cela. Ça ira mieux demain. »
• Le client : « Je ne désire plus vivre maintenant que mon enfant a disparu. » L’inrmière : « Cette perte a dû être très difcile à vivre. Aimeriez-vous m’en parler un peu ? »
Exprimer un jugement. Les réponses de l’inrmière traduisent ses jugements. Cela démontre un manque d’acceptation des particularités du client, ce qui fait obstacle aux révélations ultérieures.
• « Cela n’est certainement pas la meilleure chose à faire en tant qu’adulte. »
• « Qu’est-ce que le fait d’avoir ce bébé vous apportera ? »
Poser trop de questions. Cela sert à contrôler la nature des réponses du client, surtout si les questions sont fermées. L’inrmière pose plusieurs questions avant même que le client ne soit prêt à y répondre. Il s’agit d’une technique autoprotectrice de l’inrmière pour éviter l’anxiété des silences inconfortables. Le client se sent accablé, envahi, et risque de se replier sur lui-même.
• « Pourquoi faites-vous cela ? »
• « Ça semble très important pour vous d’y faire face. »
• « Tout le monde ressent cela à un moment ou à un autre. Ce n’est pas très grave. »
• « Pourquoi ne faites-vous pas cela ? » • « La meilleure solution consiste à... »
• Le client : « Il y a de l’énergie nucléaire qui passe par cette bouche d’aération. » L’inrmière : « Je vais éteindre le climatiseur pendant un moment. »
• « Vous pensez à divorcer alors que vous avez trois enfants ? »
• « Quelle était la véritable cause selon vous ? » • « Pourquoi ressentez-vous cela ? » • « Pourquoi pensez-vous ainsi ? »
5
• Le client : « Ce téléviseur est en train de me parler. » L’inrmière : « Je n’entends pas ces voix dont vous parlez. Cette émission est destinée à tout le monde. » • Le client : « Il y a de l’énergie nucléaire qui passe par cette bouche d’aération. » L’inrmière : « Il y a un vent frais en provenance des bouches d’aération. C’est le système de climatisation. »
• « Racontez-moi ce qui se passe. »
• « Qu’est-ce qui vous pousse à envisager cette option ? » • « Dans cette situation, qu’est-ce qui vous contrarie ? » • « Quelle en est la cause, selon vous ? » • « Racontez-moi comment vous vous sentez lorsque cela arrive. » • « Expliquez-moi, si vous le pouvez, ce que vous en pensez. »
Chapitre 5
Communication et relation thérapeutique
121
Obstacles à la communication thérapeutique (suite)
TABLEAU 5.7 TECHNIQUE NUISIBLE
EXEMPLES D’ÉNONCÉS NON THÉRAPEUTIQUES
THÉRAPEUTIQUES
Déer le client. Ces réponses reposent sur la conviction qu’un client qui a une croyance irréaliste doive être déé pour le contraindre à faire face à la réalité. Le client, ainsi déé, risque plutôt de se sentir menacé et d’adopter une attitude défensive.
• « Vous n’êtes pas un super héros. »
• « Pouvez-vous m’expliquer un peu plus ? »
• « Ce que vous me dites est faux ! »
• « Je sais que c’est difcile pour vous, mais avec un peu de travail, vous pourrez y arriver. »
Faire des commentaires superciels. L’inrmière donne des réponses simples et vides de sens au client, qui peuvent passer pour un manque de compréhension et de respect. Ces interactions maintiennent la distance entre l’inrmière et le client, de sorte que le lien est plus difcile à créer.
• « Belle journée, n’est-ce pas ? »
• « Comment vous sentez-vous aujourd’hui ? »
• « Vous devriez vous sentir bien ; vous quittez le centre hospitalier aujourd’hui. »
• « Que ressentez-vous par rapport au fait que vous quittiez le centre hospitalier aujourd’hui ? »
Avoir une réaction défensive. L’inrmière ne prend pas assez de temps pour écouter les inquiétudes du client. Elle peut croire qu’elle doit se défendre, défendre le personnel ou le centre hospitalier. Il est préférable qu’elle aide le client à approfondir ses pensées et ses sentiments.
• « Votre médecin est l’un des meilleurs. Jamais il ne dirait une chose pareille. »
• « Qu’est-ce qui vous contrarie tant à propos de votre médecin ? »
• « Notre personnel est très expérimenté. Jamais aucun de nous ne ferait une telle chose. »
• « Parlez-moi de ce qui s’est passé hier soir. »
Demeurer centrée sur soi-même. L’inrmière ne concentre pas son attention sur le client lorsqu’elle entretient ses propres pensées, se focalise sur ses propres sentiments ou sur ses propres problèmes. L’attention n’est pas portée sur le client qui demande de l’aide. L’inrmière est davantage désireuse d’exposer son point de vue que d’écouter activement le client.
• « Il m’est arrivé la même chose deux fois le mois passé, ce qui m’a beaucoup affectée. »
• « Racontez-moi cet incident plus en détail et de quelle manière il pourrait être relié à votre tristesse actuelle. »
• « Pardonnez-moi, pouvez-vous répéter ? Cela me fait penser à une situation dans ma famille. »
• « Si je vous ai bien compris, vous avez dit... »
Critiquer les autres. L’inrmière rabaisse les autres lorsqu’elle communique avec le client.
• Le client : « Les membres de l’équipe de jour m’ont laissé fumer deux cigarettes. » L’inrmière : « L’équipe de jour contourne toujours le règlement. »
• L’inrmière : « La politique du service est de ne fumer qu’une seule cigarette et c’est celle que nous appliquons. »
• « Vous ne tentez jamais de vous améliorer ! »
• « Soyez positif ; votre docteur ne devrait pas tarder à venir vous voir. »
122
Partie 1
• « Vous vous êtes senti négligé ? »
• « Vous savez, les inrmières ont beaucoup de travail. »
• Le client : « Ma lle est odieuse avec moi. » L’inrmière : « Elle ne doit pas être facile à vivre. » Interpréter ou analyser prématurément. L’inrmière n’attend pas que le client ait terminé d’exprimer ses pensées et sentiments concernant un problème en particulier. Ceci le bouscule et ses commentaires ne sont pas pris en compte. L’inrmière risque de passer à côté de ce que le client tente d’expliquer.
• « Vous semblez inquiet. Comment pourrais-je vous aider par rapport à cette inquiétude ? »
• « Je crois que c’est ce que vous vouliez dire. »
• L’inrmière : « Il semble que vous viviez une période difcile avec votre lle en ce moment. »
• « Qu’est-ce que cela signie selon vous ? » • « Vous pensez donc que... »
• « Vous croyez peut-être cela de façon consciente, mais inconsciemment... »
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
cateur traduit un manque de respect envers luimême ou pour autrui. La réaction normale est de se protéger par un rejet du client. Bien que l’estime et la sécurité personnelle de l’inrmière soient attaquées, celle-ci peut y faire face grâce à l’afrmation de soi et l’établissement de limites fermes et réalistes. La plupart des centres psychiatriques offrent une formation pour aider les membres du personnel à gérer ce genre de conduite. Les clients en détresse psychologique expriment souvent leur tristesse verbalement et non verbalement, parfois même en permanence. Dans une relation avec un tel client, l’inrmière peut se sentir accablée et vivre de l’impuissance. Dans de telles situations, il est primordial que l’inrmière conserve sa lucidité et qu’elle communique de manière responsable sa compréhension au client sans le juger et sans minimiser ses propres perceptions et les sentiments que cela éveille. Il est tout aussi important de rester vigilante face aux émotions que ces clients suscitent. Certains clients ont des besoins spéciaux en raison de limitations physiques, visuelles ou audi tives ainsi que de déficits cognitifs. L’inrmière doit évaluer soigneusement chaque client pour déterminer ses besoins en matière de communication. Par exemple, pour ne pas surprendre le client souffrant de troubles de la vue, l’inrmière doit s’approcher lentement en parlant d’une voix douce. Elle manifeste ainsi son intérêt et sa compassion. Communiquer avec des personnes ayant des besoins spéciaux peut être aussi valorisant qu’exigeant, mais l’inrmière peut y parvenir en adaptant ses soins à chaque situation ENCADRÉ 5.6. Les inrmières qui travaillent avec les clients âgés doivent utiliser des techniques de communication qui favorisent la santé et le vieillissement sain. Étant donné les déciences physiques, sensorielles et cognitives parfois présentes chez cette population, les inrmières peuvent communiquer sans le savoir des messages de dépendance et d’incompétence en utilisant un type de discours infantilisant. Peu importe les limites du client, l’inrmière doit communiquer avec lui à l’aide d’un langage adulte qui manifeste du respect et de la bienveillance et qui préserve l’autonomie, l’indépendance ainsi que la dignité du client (Arnold & Underman Boggs, 2007 ; Centre de toxicomanie et de santé mentale [CAMH], Dalla Lana School of Public Health [Université de Toronto] & Bureau de santé publique de Toronto, 2010). Il arrive que l’inrmière ait à s’occuper d’enfants et d’adolescents. Elle doit donc adapter sa communication à leur stade particulier de développement. L’inrmière informe les enfants et les adolescents sur les soins qui leur sont prodigués et les fait participer le plus possible à leurs propres décisions
ENCADRÉ 5.5
Caractéristiques générales des clients non coopérants
Les clients non coopérants :
• sont très agressifs ou violents ;
• prétendent être davantage malades que ce que croit l’inrmière ;
• souffrent de troubles graves et complexes, associés à un pronostic sérieux ;
• expriment souvent leur aversion envers le centre hospitalier ;
• souffrent des problèmes qu’ils provoquent (p. ex., une maladie due à l’alcoolisme) selon les inrmières ;
• monopolisent le temps et l’attention de l’inrmière ; • abusent de l’hospitalisation ;
• ont des normes sociales ou morales très basses ;
• ne collaborent pas et revendiquent constamment ;
• suscitent un sentiment d’incompétence chez l’inrmière.
concernant ces soins. Il est essentiel d’inclure la famille dans les discussions et d’observer l’interaction entre l’enfant et les parents 25 .
clinique
Jugement
ENCADRÉ 5.5. Ce genre de comportement provo-
Bertin Martineau est en phase terminale du sida. Il est âgé de 44 ans et est actif sexuellement depuis qu’il a 17 ans, s’adonnant à des relations bisexuelles principalement. De plus, il a consommé des drogues injectables. Il dit se sentir coupable, car il a sûrement contaminé plusieurs autres personnes. L’inrmière lui répond, sur un ton doux et sympathique, qu’il a contribué à sa condition et qu’il a raison de s’en vouloir. En quoi la réponse de l’inrmière au client constitue-t-elle un obstacle à la communication ?
Les infirmières peuvent être appelées à acquérir un savoir-faire an de s’adapter aux clients de di verses cultures et origines. La compétence interculturelle implique une série de valeurs, de principes, de comportements et d’attitudes qui permettent à l’inrmière de travailler efcacement avec cette clientèle. La compétence interculturelle commence par la conscience de soi, ce qui nécessite chez l’inrmière une réexion quant à ses propres valeurs, croyances et attitudes (Leininger, 2000). Pour acquérir cette compétence, l’inrmière doit accorder de la valeur aux autres cultures et les respecter, s’informer de leurs particularités, intégrer ces connaissances à son travail clinique, s’adapter, s’autoévaluer et gérer les différences (Héron, 2010 ; National Center of Cultural Competence, 2010 ; Phaneuf, 2010b, 2010ch). Les modèles culturels s’établissent tôt dans l’existence et inuent sur la façon dont chacun communique ses idées et ses sentiments ainsi que sur la prise de décision. La relation inrmière-client dépend de la capacité de l’inrmière de comprendre le point de vue de l’autre et son cadre de référence. Les établissements de soins reçoivent de plus en plus de clients d’origines culturelles variées, et la diversité des habitudes de vie et des valeurs de la clientèle peut devenir source d’incompréhension pour l’inrmière. Par conséquent, il est important qu’elle soit sensible aux aspects culturels de la communication. Il peut être difcile de communiquer de façon efcace avec les clients psychiatriques qui non seulement ont des difcultés à s’exprimer clairement, logiquement et de manière raisonnée à Chapitre 5
25 Les façons de communiquer avec les jeunes selon leur niveau de développement sont présentées dans le chapitre 25, Enfants et adolescents.
Les éléments à respecter pour un entretien culturellement cohérent sont présentés dans le chapitre 14 du manuel de Potter, P.A., & Perry, A.G. (2016). Soins inrmiers – Fondements généraux (4e éd.). Montréal : Chenelière Éducation.
Communication et relation thérapeutique
123
5
Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 5.6
Communiquer avec les clients ayant des besoins particuliers
CLIENT QUI EST INCAPABLE DE PARLER CLAIREMENT (APHASIE, DYSARTHRIE OU MUTISME)
• Éviter les changements de sujet.
• Écouter attentivement le client, être patiente et ne pas l’interrompre, an qu’il sente que l’inrmière est disponible pour écouter ce qu’il essaie de dire.
• Laisser au client le temps de répondre, an de lui permettre d’organiser ses idées pour les exprimer clairement.
• Poser des questions simples qui appellent une réponse par oui ou par non. Les questions fermées permettent au client de donner une réponse claire sans trop d’effort.
• Être à l’écoute de façon attentive.
• Laisser au client le temps de comprendre et de répondre pour s’assurer qu’il a bien assimilé l’information et qu’il s’exprime à son aise.
• Inclure la famille et les amis dans les conversations, particulièrement lorsque les sujets de discussion sont connus du client. CLIENT QUI NE RÉAGIT PAS
• Faire appel à des signes visuels (p. ex., des mots, des images et des objets) lorsque cela est possible, pour renforcer le message verbal.
• Appeler le client par son nom au cours des interactions an d’attirer son attention et de personnaliser les soins.
• Ne permettre qu’à une seule personne à la fois de parler pour ne pas créer de confusion.
• Parler au client comme s’il entendait an de lui démontrer son respect.
• Ne pas crier ni parler trop fort pour ne pas intimider le client. • Encourager le client à converser. • Informer le client en cas d’incompréhension an d’éviter les malentendus. • Collaborer avec l’orthophoniste, s’il y a lieu. • Proposer des aides à la communication : − bloc-notes et stylo-feutre ou ardoise d’écolier, si le client s’exprime mieux par écrit ; − tableau de communication comprenant les mots, lettres ou images qui s’appliquent aux besoins fondamentaux (p. ex., le client qui ne peut pas parler peut pointer les mots ou images pour se faire comprendre rapidement) ; − cloches d’appel ou alarmes, pour encourager le client à demander de l’aide au besoin ; − langage gestuel, pour que le client puisse associer les mots aux gestes, ce qui peut l’aider à comprendre ; − usage du clin d’œil ou du mouvement des doigts, pour des réponses simples (oui ou non).
• Communiquer à la fois verbalement et par le toucher.
• Expliquer tous les procédés et toutes les sensations possiblement reliés au traitement an de rassurer le client. • Orienter la personne dans l’espace et dans le temps. • Éviter de parler du client aux autres en sa présence, car cela peut être insultant pour lui d’être l’objet d’une discussion comme s’il était absent. • Éviter de dire des choses que le client ne devrait pas entendre. CLIENT QUI NE PARLE PAS LA LANGUE D’USAGE
• Parler au client sur un ton de voix normal, car parler fort peut être interprété comme de la colère. • Décider, avec le client, d’un moyen an qu’il puisse signaler son désir de communiquer (lampe ou cloche d’appel). • Faire appel à un interprète (traducteur) au besoin. • Éviter le recours aux membres de la famille, particulièrement les enfants, comme interprètes.
CLIENT QUI A UN DÉFICIT COGNITIF
• Créer un tableau, des images ou des cartes de communication.
• Diminuer les distractions ambiantes pendant la conversation an d’aider le client à se concentrer.
• Traduire une liste des mots de la langue d’origine en français pour les demandes courantes du client.
• Obtenir l’attention du client avant de parler.
• Mettre un dictionnaire bilingue à la disposition du client si celui-ci sait lire.
• Utiliser des phrases simples et éviter les longues explications pour ne pas confondre le client. Source : Potter & Perry (2016).
9 Le chapitre 9, Culture et santé mentale, traite plus en profondeur des ques tions de communication avec les personnes issues d’un groupe culturel diffé rent de celui de l’inrmière.
124
• Poser une question à la fois et attendre la réponse.
Partie 1
cause de leur trouble mental, mais, en plus, appartiennent à une autre culture, et pour qui le français est une langue seconde 9 . Les inrmières doivent donc redoubler d’efforts pour fournir à ce type de clients toutes les ressources accessibles an
de favoriser leur compréhension de la situation. Il peut être nécessaire pour eux de trouver un interprète qui soit en mesure non seulement de parler leur langue, mais également de traduire leurs pensées, leurs sentiments et leurs émotions.
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
Analyse d’une situation de santé
Jugement clinique
Adama Boussou est une femme âgée de 40 ans d’origine sénégalaise ; sa langue maternelle est le wolof. Elle a été admise à l’unité de santé mentale en début d’après-midi pour un épisode dépressif d’un trouble bipolaire. Vous la rencontrez pour la première fois à 14 h 15. En entrant dans la chambre, vous la
trouvez assise à la fenêtre. Lorsque vous vous présentez et lui expliquez les raisons de votre visite, elle xe le sol d’un regard inexpressif en soutenant sa tête avec sa main gauche. Ses vêtements sont souillés d’aliments et ses cheveux sont décoiffés.
5
Mise en œuvre de la démarche de soins
Collecte des données – Évaluation initiale – Analyse et interprétation 1. En plus des données de la mise en contexte, quels sont les renseignements que vous devriez avoir obtenus en consultant le dossier de madame Boussou avant de la rencontrer ? 2. D’après vos observations du comportement non verbal de madame Boussou, comment est son affect ? 3. Formulez une question fermée à poser à la cliente pour obtenir de l’information sur chacun des sujets suivants : a) Dernière hospitalisation ;
d) Alimentation ;
b) Prise des médicaments ;
e) Autosoin en matière d’hygiène ;
c) Réseau social ;
f) Risque suicidaire.
SOLUTIONNAIRE
4. Formulez une question ouverte à poser à la cliente pour connaître ses sentiments actuels.
Madame Boussou n’a pas donné beaucoup de détails dans ses réponses aux questions ouvertes. MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
5. Outre son épisode dépressif, quels éléments devriez-vous considérer pour expliquer le fait qu’elle est peu loquace ?
Madame Boussou vous demande de ne pas donner de renseignements sur son état si un membre de sa famille vous pose des questions. Vous lui répondez : Souhaitez-vous que votre famille ne soit pas au
courant de votre condition ? Est-ce parce que vous avez peur de leur réaction ? Êtes-vous gênée de votre situation ? Craignez-vous d’être jugée ? La cliente se tait et regarde à nouveau le sol.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
6. Qu’est-ce qui explique la réaction de la cliente à votre question ?
Vous respectez le silence qui s’est installé et dites à la cliente en posant votre main sur la sienne : J’ai l’impression que je n’aurais pas dû
vous demander cela. Vous devez vous sentir incomprise, n’est-ce pas ?
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
7. En quoi le respect du silence qui s’est installé est-il bénéque pour vous et la cliente ? 8. Faites-vous preuve d’authenticité dans les propos que vous tenez en brisant le silence ? Justiez votre réponse. 9. Démontrez-vous également de l’empathie dans vos propos ? Justiez votre réponse.
Chapitre 5
Communication et relation thérapeutique
125
Planication des interventions – Décisions inrmières 10. Quels seront les buts de l’alliance thérapeutique que vous établirez avec madame Boussou ?
écemment vu dans ce chapitre Si madame Boussou était atteinte d’un trouble schizoaffectif s’accompagnant parfois de méance et qu’elle marchait sans arrêt dans le corridor en faisant des jeux de mots comme : « Je suis Verseau… verso… litaire. Si t’es zen, zen…e veux pas que tu me touches. J’aime la moutarde, ce qui est mou… tarde à rentrer. » Si cela vous faisait rigoler, vous joueriez le même jeu qu’elle en faisant des calembours. Serait-ce une bonne utilisation de l’humour dans ce cas-ci ? Justiez votre réponse.
Vous proposez à madame Boussou de la rencontrer quotidiennement à 14 h pour un échange d’environ 30 minutes. Vous convenez de discuter des sentiments qu’elle éprouve, de l’énergie qu’elle doit
déployer pour effectuer ses activités de la vie quotidienne et de la façon dont elle entrevoit l’avenir. Vous rassurez la cliente en lui disant que tous ces points ne seront pas discutés en même temps.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
11. Émettez une directive inrmière pour le problème prioritaire numéro 1. Extrait CONSTATS DE L’ÉVALUATION Date
Heure
2016-07-18 13:00
N°
1
Problème ou besoin prioritaire
Initiales
Épisode dépressif d’un trouble bipolaire
RÉSOLU / SATISFAIT Professionnels / Date Heure Initiales Services concernés
M.H.
SUIVI CLINIQUE Date
Heure
N°
Directive inrmière
Signature de l’inrmière
Magdalena Hortiz
Initiales
M.H.
Programme / Service
Initiales
Signature de l’inrmière
CESSÉE / RÉALISÉE Date Heure Initiales
Initiales
Programme / Service
Unité de psychiatrie
Le lendemain de son admission, l’équipe interdisciplinaire composée du psychiatre, de l’ergothérapeute et de la travailleuse sociale rencontre madame Boussou à 13 h. Vous assistez à cette rencontre. Trois jours plus tard, vous constatez
qu’il est difcile de respecter le moment prévu pour vos rencontres formelles avec la cliente, soit parce qu’elle fait une sieste ou qu’elle reçoit des visiteurs. Vous suggérez alors de la rencontrer à 10 h 30.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
12. Ajustez le plan thérapeutique inrmier (PTI) de la cliente en fonction des nouvelles données de la mise en contexte. Extrait CONSTATS DE L’ÉVALUATION Date
Heure
2016-07-18 13:00
N°
1
Problème ou besoin prioritaire
Initiales
Épisode dépressif d’un trouble bipolaire
RÉSOLU / SATISFAIT Professionnels / Date Heure Initiales Services concernés
M.H.
SUIVI CLINIQUE Date
Heure
N°
Signature de l’inrmière
Magdalena Hortiz
Directive inrmière
Initiales
M.H.
Programme / Service
Initiales
Signature de l’inrmière
CESSÉE / RÉALISÉE Date Heure Initiales
Initiales
Programme / Service
Unité de psychiatrie
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution 13. Dans le déroulement des rencontres ultérieures, qu’est-ce qui vous ferait croire que votre alliance thérapeutique avec madame Boussou se concrétise efcacement ?
126
Partie 1
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
Le congé de madame Boussou est prévu dans deux jours. Vous avez commencé à la préparer au retour à la maison et lui expliquez que votre relation thérapeutique prendra n bientôt. Vous lui dites : Au cours de nos rencontres, nous avons discuté de
plusieurs sujets comme l’importance de prendre vos médicaments tous les jours et de ne pas les arrêter même quand vous allez bien, les difcultés que vous aviez à prendre soin de vous, l’aide que vous pouviez demander, entre autres.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
14. Quelle technique de communication avez-vous utilisée ?
5
15. Que pourriez-vous dire à la cliente pour mettre n à votre relation thérapeutique en évitant une conclusion abrupte ?
APPLICATION DE LA PENSÉE CRITIQUE Dans l’application de la démarche de soins auprès de madame Boussou, l’inrmière a recours à un ensemble d’éléments (connaissances, expériences antérieures, normes institutionnelles ou protocoles, attitudes professionnelles) pour analyser la situation de santé de la cliente et en comprendre
les enjeux. La FIGURE 5.13 illustre le processus de pensée critique suivi par l’inrmière an de formuler son jugement clinique. Elle résume les principaux éléments sur lesquels l’inrmière s’appuie en fonction des données de cette cliente, mais elle n’est pas exhaustive.
VERS UN JUGEMENT CLINIQUE
• • • • • • • • •
CONNAISSANCES
EXPÉRIENCES
NORMES
ATTITUDES
Facteurs qui inuent sur la communication inrmière-client Modes de communication Phases de la relation d’aide et buts de chacune de ces phases Buts de l’alliance thérapeutique avec le client Attitudes, habiletés et techniques facilitant la communication thérapeutique Enjeux de la communication Types de communication professionnelle Stratégies de communication favorables à la relation inrmière-client Communication avec des clients ayant des besoins particuliers
• Expérience de travail en psychiatrie • Habiletés en relation d’aide
• Champ d’exercice des intervenants impliqués dans une équipe interdisciplinaire • Établissement de contrats professionnels entre l’inrmière et le client • Code de déontologie des inrmières et inrmiers
• Être chaleureuse et démontrer de la compréhension et de l’empathie • Respecter les silences qui s’installent • Être authentique • Respecter les particularités de madame Boussou (elle est d’origine sénégalaise et ne maîtrise peut-être pas le français)
PENSÉE CRITIQUE
ÉVALUATION • • • •
Comportements verbaux et non verbaux Affect et humeur Pertinence des réponses et réactions aux questions posées, qu’elles soient ouvertes ou fermées Degré de participation de la cliente au cours des rencontres formelles et à chacune des phases de la relation thérapeutique • Réactions de la cliente aux comportements de l’inrmière (p. ex., lorsqu’elle est touchée ou au moment de son congé) • Progrès effectués par madame Boussou : amélioration de son bien-être ou augmentation des résultats positifs obtenus depuis la phase de préorientation jusqu’à la n de la relation
JUGEMENT CLINIQUE FIGURE 5.13
Application de la pensée critique à la situation clinique de madame Boussou Chapitre 5
Communication et relation thérapeutique
127
Chapitre
6
Aspects éthiques et légaux de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques Écrit par : Emmanuelle Bernheim, LL. D., Ph. D. (Sciences sociales) Mis à jour par : Claire Page, inf., Ph. D. (Sciences biomédicales – psychiatrie sociale) D’après un texte de : Robert L. Erb Jr., PhD, RN, CS, CLNC
MOTS CLÉS
OBJECTIFS
Accès au dossier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134 Confidentialité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134 Déontologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131 Désinstitutionalisation . . . . . . . . . . . . . . . 132 Droits au consentement et au refus de soins . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135 Éthique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130 Garde en établissement. . . . . . . . . . . . . . 140 Garde préventive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138 Garde provisoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139 Inaptitude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142 Inconduite sexuelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148 Mesures de contrôle . . . . . . . . . . . . . . . . . 141 Responsabilité professionnelle . . . . . . 145
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez être en mesure : • de retracer les faits historiques de l’évolution du cadre légal dans le domaine de la psychiatrie ; • d’expliquer les droits des clients en santé mentale ainsi que leur mise en application ; • de décrire les modalités de l’autorisation de soins ; • de décrire les diverses formes d’admission contrainte dans un établissement de santé et de psychiatrie ; • de définir les circonstances qui conduisent au recours à la garde en établissement ; • d’énoncer les raisons justifiant l’utilisation de mesures de contrôle ainsi que les balises légales et déontologiques entourant leur application ; • de distinguer les différents régimes de protection des personnes inaptes ; • de différencier l’inaptitude à subir un procès et la non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux ; • d’illustrer le concept de faute professionnelle dans le cadre de la pratique courante ; • d’énoncer les exceptions au respect du secret professionnel.
Disponible sur • • • • •
À retenir Carte conceptuelle Dossier vidéo Ressources Solutionnaire de l’Analyse d’une situation de santé
• • • •
Solutionnaire des questions de Jugement clinique Solutionnaire des questions Réactivation des connaissances Solutionnaire des questions Récemment vu dans ce chapitre Solutionnaires du Guide d’études
Guide d’études – SA11
128
Partie 1
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
Concepts clés
Cette carte conceptuelle illustre schématiquement les principaux concepts décrits dans le présent chapitre. Sa lecture vous permettra d’avoir une vue d’ensemble des notions qui y sont présentées.
Autorisation du tribunal
6
nécessitent
Traitements forcés si requis Régimes de protection : – conseiller au majeur – tutelle au majeur – curatelle au majeur
mais si inapte
si mesures de contrôle comme
Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui Code civil du Québec
s’appuient sur
Contentions Isolement Substances chimiques
Droits des citoyens, notamment : – droit aux soins de santé – droit de choisir son professionnel et son établissement – droit d’accès à son dossier – droit au consentement et au refus de soins
basés sur
encadrées par
Aspects éthiques et légaux de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
Loi sur les services de santé et les services sociaux
obligation de respecter Sanctions disciplinaires Poursuites légales
en cas de non-respect
Secret professionnel
Loi sur les inrmières et inrmiers Code de déontologie des inrmières et inrmiers Politiques et procédures de l’établissement Code civil du Québec
sauf si si faute causant un dommage
Autorisation du client Divulgation autorisée ou obligée par la loi
Chapitre 6
Responsabilité professionnelle engagée
Aspects éthiques et légaux de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
129
PORTRAIT
Antoine Lafrance Antoine Lafrance, un homme âgé de 28 ans, est inrmier dans un foyer hébergeant des personnes souffrant de problèmes psychiatriques. Il a, à plusieurs reprises, touché et pincé les seins d’une cliente sous les yeux des autres clients et des préposés. La victime a spontanément réagi, à chaque fois, par des gestes et des paroles. La Cour d’appel du Québec l’a trouvé coupable d’agression sexuelle, car il avait « sciemment effectué un toucher à connotation sexuelle, sachant que la victime n’y consentait pas ou n’était pas en mesure de donner un consentement valide ». Le fait que l’inrmier bénécie de la conance des clients et qu’il ait sur eux une certaine autorité contribue à la gravité de l’acte. Sa demande d’appel a été rejetée par la Cour suprême du Canada. Source : Adapté de R. c. Bernier, [1998] R.J.Q. 2404.
6.1
Principes éthiques fondamentaux
L’éthique constitue l’ensemble des connaissances qui touchent aux problèmes moraux soulevés par une question donnée. Les principes éthiques qui fondent les interventions en santé mentale, comme dans tout autre secteur de la santé, sont l’autonomie, la bienfaisance, la non-malfaisance et la justice. Dans le domaine psychiatrique, différents dilemmes éthiques sont liés à la nature des interventions, à l’incapacité de certains clients à donner leur consentement et aux contradictions entre les obligations légales ou déontologiques des professionnels et leurs croyances personnelles.
6.1.1
Partie 1
Les situations où entre en jeu une forme d’incapacité des clients à assurer leur propre sécurité ou celle des tiers et qui, par le fait même, contraignent les professionnels à imposer leurs propres décisions provoquent parfois une forte angoisse.
6.1.2
Bienfaisance et non-malfaisance
Les personnes œuvrant dans le domaine de la santé ont la responsabilité et le devoir particulier d’agir dans l’intérêt des clients. Le terme bienfaisance renvoie à l’idée d’accomplir un acte en faveur du bien du client (Le Coz, 2007). En santé mentale, l’objectif est d’aider les clients à retrouver un mode de vie sain sur le plan psychologique. Ainsi, le principe moral primum non nocere (« avant tout, ne pas nuire ») est primordial en intervention clinique auprès d’une personne souffrant de troubles mentaux FIGURE 6.1. Le fait d’administrer l’électroconvulsivothérapie dans les cas où les antidépresseurs ne se sont pas avérés efcaces et que le client se montre toujours suicidaire en est un exemple. Les pertes de mémoire constituent un effet secondaire connu de l’électroconvulsivothérapie. À la lumière de ces renseignements, les avantages du traitement l’emportent-ils sur ses effets secondaires possibles ? Ce type de dilemme angoisse le client, sa famille, de même que le professionnel de la santé à l’étape de la prise de décision.
6.1.3
Justice distributive
Selon Purtilo (1993), l’appellation justice distributive fait référence au « traitement comparatif des
Autonomie
Le terme autonomie renvoie au respect des décisions d’une personne ou de son autodétermination en ce qui concerne ses soins de santé. Le respect de l’autonomie et de la volonté est la norme, tant sur le plan légal que déontologique, et est particulièrement important lorsqu’il est question du droit de mourir ainsi que du droit au refus et au choix en matière de soins. En santé mentale, lorsque l’hospitalisation contrainte s’avère nécessaire, il peut être difcile pour les professionnels de faire ce que le droit prescrit plutôt que ce que le client souhaite. Les soignants voudraient, conformément
130
à ce que prévoient leurs obligations déontologiques, laisser les clients prendre leurs propres décisions. Mais si, par exemple, en raison de son état mental, un client menace de se suicider, il est nécessaire d’agir contre sa volonté pour assurer sa sécurité et ainsi respecter la loi.
FIGURE 6.1 L’administration d’antipsychotiques à un client alors qu’ils posent un risque d’effets indésirables irréversibles est un exemple du principe moral primum non nocere.
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
individus en fonction des bénéces et de la charge associée ». « Le principe de justice est basé sur le fait qu’une personne devrait être traitée selon ce qui est juste et selon ce qui lui est dû » (Chally & Loriz, 1998). Autrement dit, il s’agit de s’assurer de l’accès aux soins pour tous les citoyens, peu importe qui ils sont et d’où ils viennent. Pourtant, il n’est pas rare que le coût des hospitalisations et des traitements fasse l’objet de débats, et à cet égard les soins psychiatriques ne sont pas toujours présentés à égalité avec les soins physiques. Les soins psychiatriques requièrent parfois de longues hospitalisations, des suivis intensifs, des traitements à long terme, alors que les bénéces ne sont pas toujours évidents. Cette situation compromet l’accès aux soins en santé mentale, les besoins des clients n’étant pas toujours considérés.
6.2
Instances liées à l’éthique dans la pratique inrmière
La constitution des ordres professionnels et la formalisation des obligations éthiques des professionnels dans des codes de déontologie visent à encadrer les activités professionnelles et à mettre à la disposition du public une instance d’information et de plainte. Le rôle des ordres professionnels est d’abord la protection du public, puis la protection des intérêts et la représentation de ses membres, la reconnaissance de compétences et la prise de décisions disciplinaires liées aux obligations déontologiques. L’admission à la profession d’inrmière, par son inscription au tableau de l’Ordre des inrmières et inrmiers du Québec (OIIQ), permet de bénécier de la reconnaissance de sa formation et de ses compétences spéciques, accordant notamment la possibilité de poser des actes réservés aux membres de l’OIIQ (Loi sur les inrmières et les inrmiers, art. 36). Néanmoins, ces activités professionnelles sont encadrées par des règles de bonne pratique et des règles éthiques que doivent connaître les inrmières et qui permettent aux clients de s’attendre à une certaine qualité de soins. Le Code de déontologie des inrmières et inrmiers présente un cadre de principes à l’intérieur duquel se déroulent les activités professionnelles des inrmières. Dans le cas où un client est insatisfait des soins reçus ou de la relation thérapeutique qu’il a avec une inrmière, le conseil de discipline de l’OIIQ s’assurera que toutes les normes édictées dans le Code de déontologie des inrmières et inrmiers et dans le Code des professions ont bien été respectées (Code des professions, art. 156). Les établissements de santé sont tous dotés d’instances auxquelles peuvent recourir les professionnels pour obtenir un éclairage sur les Chapitre 6
aspects éthiques de leur pratique. Il s’agit essentiellement du directeur des soins inrmiers (DSI), du conseil des inrmières et inrmiers (CII) et des comités d’éthique. Les établissements de santé ont l’obligation de se doter d’un DSI. Depuis la mise en vigueur de la Loi modiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux, notamment par l’abolition des agences régionales en avril 2015, les DSI exercent leurs fonctions au sein de centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS), et de centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS) issus de la fusion de plusieurs établissements publics d’une même région, soit le réseau territorial de services (RTS). Le DSI doit être un inrmier ou une inrmière (Loi sur les services de santé et les services sociaux [LSSSS], art. 206). Son rôle est d’élaborer des règles de soins qui tiennent compte des besoins des clients, des obligations éthiques des inrmières et des ressources disponibles, de planier, de même que de coordonner, de surveiller et de contrôler la qualité des soins inrmiers dispensés dans l’établissement (LSSSS, art. 207 et 208). Le DSI peut, pour des raisons disciplinaires ou d’incompétence, limiter ou suspendre l’activité professionnelle d’une inrmière dans l’établissement (LSSSS, art. 207.1).
6
Les établissements de santé (les CISSS et les CIUSSS, depuis l’adoption de la Loi modiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux, notamment par l’abolition des agences régionales) ont également l’obligation de constituer un CII (LSSSS, art. 219). Son mandat est notamment d’apprécier la qualité des actes inrmiers posés dans l’établissement et de faire des recommandations sur les règles de soins inrmiers et les règles d’utilisation des médicaments (LSSSS, art. 220). Les comités d’éthique peuvent être de deux types : les comités d’éthique clinique (CÉC) et les comités d’éthique de la recherche (CÉR). Les CÉC jouent un rôle de sensibilisation et d’accompagnement des professionnels par la diffusion d’informations, la mise à disposition d’un lieu d’échange sur les enjeux éthiques au sein de l’établissement, la dénition d’orientations ou de lignes directrices, etc. Pour le moment, le mandat et le fonctionnement des CÉC ne font pas l’objet d’un encadrement formel, et chaque établissement dénit selon ses besoins les paramètres de fonctionnement de son CÉC (ministère de la Santé et des Services sociaux [MSSS], 2014). Néanmoins, notamment en santé mentale, les CÉC s’intéressent tout particulièrement aux droits des clients (Zacchia & Tremblay, 2006).
CE QU’IL FAUT RETENIR
L’éthique et le droit servent à encadrer l’exercice des compétences professionnelles dans un objectif de protection du public et des professionnels.
L’éthique de la recherche avec des sujets humains est un domaine très encadré. En plus de s’assurer de la validité scientique des recherches et de l’intégrité des chercheurs, le mandat des CÉR
Aspects éthiques et légaux de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
131
est de s’assurer de la protection des sujets de recherche, notamment par des procédures strictes d’obtention du consentement et des mesures efcaces de protection de la condentialité. Toute l’activité des CÉR est encadrée, depuis sa composition et son fonctionnement à la reddition de comptes (Conseil de recherche en sciences humaines du Canada, Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie du Canada & Instituts de recherche en santé du Canada, 2010). Dans le cas de recherches menées avec le concours de mineurs ou de majeurs inaptes, les activités des CÉR sont encadrées par le Code civil du Québec (art. 21).
6.3
Institutionnalisation : Hospitalisation psychiatrique à long terme.
Aspects légaux de la pratique inrmière en santé mentale
À l’époque de la colonisation, le Canada était une société extrêmement tolérante. Tant les handicapés que les personnes souffrant de troubles mentaux et les marginaux étaient mis à contribution, recevant en retour le soutien dont ils avaient besoin (Dorvil, 1987 ; Swain, 1994). Jusqu’au début du xixe siècle, on enfermait dans les prisons ou les hôpitaux les personnes considérées comme dangereuses (Meloche, 1981 ; Paradis, 1977). Dès le début du xixe siècle, les personnes malades ou inrmes peuvent être prises en charge par les communautés religieuses (Acte pour le soulagement des personnes dérangées dans leur esprit, et pour le soutien des enfants abandonnés, 1801), mais ce n’est qu’à partir de 1851 que l’internement psychiatrique bénécie d’une existence légale (Acte pour autoriser la réclusion des personnes aliénées dans les cas où leur liberté pourrait offrir
TABLEAU 6.1
Nombre de lits psychiatriques par 100 000 habitants au Québec
ANNÉE
1871
1911
1931
1961
NOMBRE DE LITS
68,3
198,3
280,2
383,1
des dangers pour le public, 1851 ; Acte pour régler l’administration des asiles privés des aliénés, 1851). En 1962, l’internement vise principalement à empêcher la commission de délits, bien que la présence d’un danger pour soi-même ou les autres puisse justier l’enfermement. Progressivement, le cadre légal s’élargit, et il devient possible d’interner sur dénonciation (Acte concernant les asiles d’aliénés subventionnés par le gouvernement de la province du Québec, 1880), puis à la demande de la famille avec l’appui d’un curé ou d’un vicaire (Loi concernant les asiles d’aliénés, 1925 ; Loi sur les asiles d’aliénés, 1909). Les clients internés perdaient automatiquement leur capacité légale, donc la gestion de leurs biens et de leur personne, puisqu’ils étaient mis sous curatelle. Mis à part le recours au bref d’habeas corpus, c’est-àdire au droit de ne pas être emprisonné sans jugement, les aliénés ne disposent d’aucun recours. La période asilaire ne débute qu’au milieu du xixe siècle, avec la construction de l’Asile de Beauport, aujourd’hui l’Institut universitaire en santé mentale de Québec (Wallot, 1998). Alors que l’institutionnalisation s’accélère jusqu’en 1960, les conditions de vie des aliénés, le manque criant de psychiatres – en 1948, le Québec ne compte que 15 psychiatres –, la privatisation des asiles et leur contrôle par les communautés religieuses sont, dès 1880, rapidement dénoncés (Fleury & Grenier, 2004 ; Wallot, 1998). Néanmoins, le nombre de clients retenus et la longueur des séjours dans les asiles du Québec ne cessent de progresser TABLEAUX 6.1 et 6.2.
6.3.1
Les années 1960 marquent le début d’un vaste programme de désinstitutionalisation qui s’étendra sur quatre décennies TABLEAU 6.3. La désinstitutionalisation est un mode de réforme qui passe à la fois par : 1) la sortie des personnes institutionnalisées ; 2) la non-institutionnalisation des personnes susceptibles de l’être ; 3) l’implantation TABLEAU 6.3
Source : Adapté de Wallot (1998).
Durée des séjours psychiatriques en 1960 au Québec
TABLEAU 6.2 DURÉE DU SÉJOUR
POURCENTAGE DE CLIENTS
5-20 ans
41,6 %
+ de 20 ans
28,7 %
Séjour moyen : 10 ans Sources : Adapté de Dorvil, Guttman & Cardinal (1997) ; Wallot (1998).
132
Partie 1
Grands mouvements de désinstitutionalisation
Les quatre vagues de désinstitutionalisation au Québec
ANNÉES
NOMBRE DE LITS FERMÉS
1962-1970
3 519
1971-1988
6 485
1989-1996
3 724
1996-2002
2 504
Sources : Adapté de Comité de la santé mentale du Québec (CSMQ) (1997) ; Véricateur général du Québec (2003).
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
de ressources communautaires ; 4) la fermeture des hôpitaux psychiatriques (Dorvil, 2005 ; Poulin, 1995). Le début de la réforme est marqué par l’émergence de phénomènes corollaires à la désinstitutionalisation : syndrome de la porte tournante, judiciarisation des « ex-psychiatrisés », puis, surtout à partir des années 1980, ghettoïsation urbaine, itinérance et responsabilités accrues des familles, principales ressources depuis la désinstitutionalisation (CSMQ, 1987, 1997 ; Laberge & Morin, 1995 ; Lecomte, 1997 ; Lefebvre, 1987 ; Morin, 2001). Dans les années 1960, les premiers débats concernant les droits des usagers des services de santé mentale ont lieu devant les tribunaux (Bergeron, 1981 ; McCubbins & Cohen, 1998). Dans la foulée de la première vague de désinstitutionalisation, une distinction est établie pour la première fois entre curatelle et internement, puis certains droits sont reconnus aux personnes internées tels les droits de correspondre en toute condentialité avec le « ministre de la Santé, [...] un ofcier du département de la santé, [sa] famille ou [les] personnes qui [avaient] participé à son admission » ou de recevoir les visites permises par son psychiatre (Loi de la curatelle publique, 1963 ; Loi des institutions pour malades mentaux, 1964). L’institution du Protecteur du citoyen est créée à la n des années 1960, et un de ses mandats est d’enquêter sur les plaintes des personnes internées. En 1969, le gouvernement met en place le Bureau d’étude et d’application de la législation psychiatrique dont le travail débouche sur l’adoption de la Loi de protection du malade mental (1972), qui impose une nouvelle procédure d’internement plus complexe et des modalités de révision obligatoire. Néanmoins, le débat est loin d’être clos puisqu’aucune disposition ne prévoit de modalités de traitements imposés. Plusieurs dénoncent d’ailleurs l’irrégularité des pratiques et les pressions exercées sur les clients an qu’ils se soumettent aux traitements (Bergeron, 1981 ; Commission des droits de la personne du Québec, 1978). Il faut attendre la n des années 1980 pour que des régimes différenciés d’internement (garde en établissement) et de soins (autorisation de soins) voient le jour. Dorénavant, les procédures sont entièrement judiciarisées.
6.4
Droits des clients
Les clients des services de santé mentale disposent des mêmes droits et des mêmes obligations que tout client du système de santé (Ménard, 1998). La LSSSS consacre le droit de tout client de recevoir des services de santé et des services sociaux adéquats sur les plans scientifique, Chapitre 6
humain et social, avec continuité et de façon personnalisée et sécuritaire (LSSSS, art. 5). Un établissement ne peut donc autoriser un client à partir que si son état de santé permet son retour à la maison ou dans une autre ressource adaptée (LSSSS, art. 14). En soins psychiatriques, tout comme dans les autres secteurs de la médecine, un établissement de santé ou de services sociaux est tenu de veiller à assurer des services adéquats à ses clients, ou de faire en sorte qu’un autre établissement offre de tels services dans les délais requis (LSSSS, art. 101).
6.4.1
Syndrome de la porte tournante : Va-et-vient incessant des clients en psychiatrie entre le centre hospitalier et la communauté.
Droit de choisir le professionnel ou l’établissement
Tout client a le droit de choisir le professionnel et l’établissement desquels il recevra des soins ou des services sociaux (LSSSS, art. 6). Exception : Lorsque la vie ou l’intégrité du client est menacée, les services doivent impérativement être fournis (LSSSS, art. 7). Exception : Le droit d’accès aux services et le droit de choisir son établissement de santé restent tributaires de l’organisation des services et des ressources humaines, matérielles et nancières disponibles (Lajoie, 1994 ; LSSSS, art. 13). C’est ce qui explique qu’un établissement ne peut être tenu d’offrir des services qui ne font pas partie de son offre de soins, mais qu’il doit, au besoin, orienter les clients vers d’autres établissements (LSSSS, art. 101).
CE QU’IL FAUT RETENIR
Selon la loi, tout citoyen québécois a droit aux soins de santé. Des droits particuliers complètent ce droit fondamental, dont le droit au choix du professionnel et de l’établissement desquels il reçoit des soins, le droit d’accès à son dossier et le droit au consentement et au refus de soins.
Précision : l’inrmière ne peut « refuser de fournir des services professionnels à une personne en raison de la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge, la religion, les convictions politiques, la langue, l’ascendance ethnique ou nationale, l’origine ou la condition sociale, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap » [Code de déontologie des inrmières et inrmiers, art. 2 (1)]. Elle « peut cependant, dans l’intérêt du client, le référer à une autre inrmière ou un autre inrmier » [Code de déontologie des inrmières et inrmiers, art. 2 (2)]. Lorsqu’un client hospitalisé est un membre de la famille de l’inrmière ou tout autre proche, il est préférable que les soins soient donnés par un autre professionnel, dans l’intérêt du client. Aussi, il peut arriver qu’une inrmière ne soit pas à l’aise avec certains clients ou certaines situations particulières qui vont à l’encontre de ses valeurs. À titre d’exemples, un homme qui a commis un acte criminel ou une femme qui demeure avec un conjoint violent et ne souhaite pas le quitter. Dans ces situations, l’inrmière peut demander à son supérieur de voir avec ses collègues s’il y a des possibilités, en tenant compte des ressources disponibles, de faire des échanges de tâches et de s’occuper d’autres clients. Si une inrmière est victime de menace ou
Aspects éthiques et légaux de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
133
6
d’agression de la part d’un client, il va de soi que la prise en charge de ce client doit se faire par une autre collègue et que des mesures administratives, cliniques et judiciaires doivent être prises.
6.4.2
Droit d’être accompagné et assisté
Tout client a le droit d’être accompagné et assisté dans ses démarches en vue d’obtenir de l’information ou des soins (LSSSS, art. 11). Il s’agit pour l’accompagnateur de soutenir le client, de l’aider à comprendre les informations et à exprimer ses volontés, éventuellement de lui fournir des suggestions. L’accompagnateur peut être un membre de la famille, un ami, un voisin. C’est le client qui choisit son accompagnateur. Si elle croit que le client en a besoin, l’inrmière peut lui proposer de se faire accompagner. Elle ne peut en aucun cas refuser que l’accompagnateur assiste aux démarches faites par un client pour obtenir de l’information ou des soins, à moins que le comportement de ce dernier contrevienne aux règles de conduite de l’établissement ou que l’accompagnateur n’agisse pas dans l’intérêt de l’usager. Précision : L’accompagnateur n’est pas un représentant légal et il est important de faire la distinction entre les deux. Alors que la personne inapte doit impérativement être représentée par son représentant légal dans l’exercice de ses droits (Code civil, art. 15 et 258), n’importe quel client peut choisir de se faire accompagner. CE QU’IL FAUT RETENIR
L’accompagnateur ne peut pas prendre de décisions pour le client, contrairement au représentant légal qui est le principal interlocuteur des professionnels de la santé.
L’accompagnateur ne peut pas prendre de décisions pour le client, contrairement au représentant légal qui est le principal interlocuteur des professionnels de la santé. Si l’accompagnateur nuit, par exemple s’il se met à parler à la place du client, qu’il lui coupe la parole, qu’il empêche l’équipe traitante de donner les informations requises par l’état du client ou s’il ne comprend pas ce qu’est son rôle d’accompagnateur (p. ex., il peut penser qu’il a la responsabilité de décider à la place du client, et cela peut engendrer beaucoup d’inconfort et d’angoisse), l’inrmière peut prendre un temps d’arrêt et amener l’accompagnateur à l’écart. Après avoir obtenu le consentement du client sur le contenu qu’il autorise à dévoiler, l’inrmière explique à l’accompagnateur quel est son rôle, quelles sont les limites de ses interventions ainsi que les conditions particulières de la situation de l’usager, comment il peut l’aider et par quels moyens. Si le comportement inadéquat se poursuit, des mesures administratives pourraient être appliquées par le gestionnaire en place.
6.4.3
Droit d’accès au dossier
Tout client a droit d’accès à son dossier (LSSSS, art. 17) ainsi qu’à l’assistance d’un professionnel qualié pour l’aider à en comprendre le contenu
134
Partie 1
(LSSSS, art. 25). Il peut également exiger la rectication de tout renseignement inexact ou incomplet apparaissant dans son dossier (Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, art. 89). Sous réserve d’un avis contraire émanant du médecin traitant, les professionnels, dont les inrmières, doivent respecter le droit de leurs clients de prendre connaissance de l’information contenue au dossier les concernant et, le cas échéant, de la faire corriger (Code des professions, art. 60.5 et 60.6 ; Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, art. 87.1 ; LSSSS, art. 17). Les avis médicaux et inrmiers ne sont pas sujets à rectication. Tout client peut également demander que son dossier (extrait, résumé ou copie complète) soit transmis dans les plus brefs délais à un autre établissement ou à un autre professionnel (LSSSS, art. 24). Exception : Le client a moins de 14 ans. Dans ce cas, le droit d’accès à son dossier ne peut être exercé que par le titulaire de l’autorité parentale ou le tuteur, le cas échéant (Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, art. 83 (3) ; LSSSS, art. 17, 20 et 21). Exception : Selon l’avis d’un médecin, la communication du dossier ou d’une partie de celui-ci causerait un préjudice grave à la santé du client (LSSSS, art. 17). Exception : Le dossier contient des informations transmises par un tiers (qui n’est pas un professionnel de la santé ni un employé d’un établissement de santé) et la divulgation de cette information en permettrait l’identication. Il faut alors obtenir son autorisation pour transmettre au client les informations concernées (Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, art. 88 ; LSSSS, art. 18).
6.4.4
Droit à la condentialité du dossier
Toute personne a droit à la condentialité de son dossier médical. Nul ne peut y avoir accès, à moins que le client n’y ait d’abord consenti (Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, art. 53 ; LSSSS, art. 19). Depuis quelques années, ce principe connaît des exceptions de plus en plus nombreuses (Paquet, 2010). Exception : Le client a moins de 14 ans. Le titulaire de l’autorité parentale a le droit d’accès au dossier médical (Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, art. 83 (3) ; LSSSS, art. 17, 20 et 21).
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
• Dans le cas d’un client de moins de 14 ans fai sant l’objet d’une intervention du Directeur de la protection de la jeunesse (DPJ), l’établisse ment doit d’abord consulter le DPJ pour déter miner si la communication du dossier au titulaire de l’autorité parentale pourrait causer préjudice au mineur [LSSSS, art. 21 (1)]. Exception : Le client est inapte. Le tuteur, le curateur, le mandataire ou toute personne autori sée à consentir aux soins pour un client a droit d’accès à son dossier dans la mesure où les infor mations transmises sont nécessaires à l’exercice de son pouvoir (LSSSS, art. 22). Exception : L’accès à une évaluation médicale et psychosociale contenue dans le dossier d’un client est permis à toute personne qui atteste sous serment vouloir ouvrir ou réviser un régime de protection ou valider un mandat en prévision de l’inaptitude pour ce client, à condition que cette évaluation conclut à l’inaptitude du client à prendre soin de luimême et à administrer ses biens (LSSSS, art. 22). Exception : Le client est décédé. Les héritiers, les légataires particuliers et les représentants légaux d’un client décédé peuvent, dans certaines circonstances, avoir accès à des informations du dossier de cette personne, si ces informations leur permettent d’exercer leurs droits (LSSSS, art. 23). Exception : Un acte de violence, y compris un suicide, pourrait être évité par la communication d’un ou de plusieurs renseignements contenus dans le dossier d’un client (Code de déontologie des inr mières et inrmiers, art. 31.1 ; Code des professions, art. 60.4 ; Loi sur l’accès aux documents des orga nismes publics et sur la protection des renseigne ments personnels, art. 59.1 ; LSSSS, art. 19.0.1).
6.4.5
Droits au consentement et au refus de soins
Le droit à l’intégrité est un droit fondamental re connu par la Charte des droits et libertés de la personne (art. 1) et le Code civil du Québec (art. 10). Les droits au consentement et au refus de soins y sont intimement liés : « Nul ne peut être soumis sans son consentement à des soins, quelle qu’en soit la nature, qu’il s’agisse d’examens, de prélèvements, de traitements ou de toute autre intervention » (Code civil, art. 11 ; LSSSS, art. 9). Pour les professionnels de la santé, l’obtention du consentement et le respect du refus, peu importe les conséquences, est une obligation tant légale que déontologique FIGURE 6.2. Cette obligation in combe parfois aux inrmières. Même si le consen tement doit être consigné par écrit dans certaines situations (p. ex., dans les cas d’expérimentation de nouveaux traitements), le fait qu’un consente ment ait été donné par écrit ne constitue pas en soi une preuve de sa validité : le caractère libre et éclairé du consentement doit toujours être validé. Précision : La notion de soins renvoie à « toute espèce d’examens, de prélèvements, de traitements ou d’interven tions, de nature médicale, psy chologique ou sociale, requis ou non par l’état de santé, phy sique ou mentale. Il couvre également, comme acte préa lable, l’hébergement en établis sement de santé lorsque la situation l’exige » (ministère de la Justice, 1993).
6
clinique
Jugement
• Dans le cas du client de plus de 14 ans, l’établis sement doit obtenir préalablement son consen tement et peut décider de refuser l’accès au titulaire de l’autorité parentale s’il détermine que la communication du dossier pourrait lui causer préjudice.
Salomé Milos est une adolescente âgée de 16 ans. Elle est hospitalisée à l’unité d’anorexie-boulimie d’un centre universitaire en santé mentale. Elle est de nature renfermée et communique très peu avec son entourage de façon générale. Sa mère est psychiatre dans une autre institution, et au cours d’une visite faite à sa lle, elle vous demande de consulter son dossier. Devriez-vous accéder à sa demande ? Justiez votre réponse.
Exception : À des ns d’étude, d’enseignement ou de recherche, le directeur des services profes sionnels d’un établissement peut autoriser, pour une durée déterminée, un professionnel de la santé et des services sociaux à avoir accès au dos sier (LSSSS, art. 19.2). Exception : Le client est transféré dans un autre établissement. Dans ce cas, un sommaire des ren seignements nécessaires à la prise en charge doit être communiqué dans les 72 heures (LSSSS, art. 19.0.3). Exception : Sur ordre du tribunal ou d’un coro ner, à la demande du commissaire local aux plaintes ou de différentes instances gouvernemen tales, un renseignement gurant au dossier d’un client peut être communiqué (LSSSS, art. 19). Chapitre 6
FIGURE 6.2 Une personne ne peut être soumise à des soins sans son consentement.
Aspects éthiques et légaux de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
135
Précision : Le client a le droit de participer à « toute décision affectant son état de santé et son bien-être » (LSSSS, art. 10). Précision : Pour le client de moins de 14 ans, le consentement est donné par le titulaire de l’autorité parentale ou le tuteur (Code civil, art. 14). Le consentement d’un seul des parents est sufsant à moins que le professionnel ait un doute sur le fait que les deux parents soient en accord. Le tribunal peut intervenir si : • les parents ou le tuteur refusent les soins requis par l’état de santé du mineur de façon injustiée ; • les parents ou le tuteur sont dans l’impossibilité de donner leur consentement ; • les soins ne sont pas requis par l’état de santé du mineur et ces soins représentent un risque sérieux pour sa santé ou peuvent lui causer des effets graves et permanents. Exception : lorsque la vie du client est en danger ou que son intégrité est menacée et que le consentement ne peut être obtenu à temps (Code civil, art. 13). Exception : lorsqu’il s’agit de soins d’urgence ou de soins d’hygiène pour un client inapte (Code civil, art. 16). Exception : lorsqu’il s’agit d’une mesure de contrôle appliquée en contexte d’intervention non planié (LSSSS, art. 118.1). CE QU’IL FAUT RETENIR
La liberté du consentement et du refus réfère à une décision prise en dehors de toute inuence ou contrainte indue, tant de la part des professionnels de la santé que des proches du client.
La liberté du consentement et du refus réfère à une décision prise en dehors de toute inuence ou contrainte indue, tant de la part des professionnels de la santé que des proches du client. Le consentement et le refus éclairés renvoient directement à l’obligation d’informer le client de manière à lui permettre de faire un choix (Code de déontologie des infirmières et infirmiers, art. 41 ; LSSSS, art. 8). La divulgation d’information se rapporte à la communication objective de faits, et non à l’expression d’opinions ou de recommandations (Kouri & Philips-Nootens, 2005). Néanmoins, l’inrmière peut parfois être amenée à donner son avis ou faire une suggestion : dans ce cas, elle doit s’assurer de connaître tous les faits pertinents et de ne pas se contredire ou d’omettre des éléments importants (Code de déontologie des inrmières et inrmiers, art. 15). Précision : Le Code de déontologie des inrmières et inrmiers (art. 40) prévoit que, même dans les cas où elle n’a pas à obtenir de consentement de la part du client, l’inrmière est tenue de lui fournir toute l’information nécessaire pour qu’il puisse comprendre les soins ou les traitements qu’elle lui prodigue. L’information doit porter sur le diagnostic, la nature et l’objectif du traitement proposé, les risques, les effets et les bénéces du traitement, la procédure, la conséquence d’un non-traitement et les options thérapeutiques possibles (Philips-Nootens,
136
Partie 1
Lesage-Jarjoura & Kouri, 2007). Le client doit être en mesure de comprendre et d’évaluer les informations et de prendre une décision en fonction de ses besoins personnels ; l’impossibilité de le faire constitue l’inaptitude à consentir aux soins. Le consentement aux soins étant un processus continu, la détermination de l’aptitude l’est également. L’aptitude à consentir aux soins doit donc être évaluée chaque fois qu’une personne reçoit un soin, et s’évalue en fonction de la capacité du client de comprendre les informations données, de prendre une décision et de l’exprimer. L’évaluation de l’aptitude se fait sur la base des réponses aux cinq questions suivantes : 1. La personne comprend-elle la nature de la maladie pour laquelle un traitement lui est proposé ? 2. La personne comprend-elle la nature et le but du traitement ? 3. La personne comprend-elle les risques associés à ce traitement ? 4. La personne comprend-elle les risques si elle ne reçoit pas le traitement ? 5. La maladie de la personne affecte-elle sa capacité à consentir ? Précision : Lorsque l’inaptitude à consentir aux soins est constatée par un médecin, le consentement est donné par le mandataire, le tuteur ou le curateur ou, si la personne n’est pas ainsi représentée, par le conjoint ou, à défaut, par un proche parent ou une personne qui démontre un intérêt particulier pour le client (Code civil, art. 15). Dans la mesure du possible cependant, la volonté exprimée par le client doit être au mieux respectée, du moins prise en compte (Code civil, art. 12). Pour l’inrmière, comme pour les autres professionnels de la santé, cela veut dire qu’elle s’assure que le client sous sa charge est capable de recevoir et de comprendre l’information et qu’il est en mesure d’exprimer sa volonté. Par exemple, un psychiatre ordonne l’administration d’une injection de médicament antipsychotique à longue action à un client qui est dans une phase psychotique, très ambivalent et dans un état quasi catatonique. Lorsque l’inrmière s’apprête à lui donner l’injection, le client, sans exprimer verbalement un refus, la regarde avec des yeux apeurés, comme s’il croyait que celle-ci allait lui faire du mal. Dans une telle situation, l’inrmière peut déduire que le client ne comprend pas la nature du traitement et soumet ses observations au médecin. Même si l’inrmière n’a pas la responsabilité d’établir l’inaptitude à consentir aux soins, qui incombe aux médecins, elle procède à l’évaluation de l’état de santé et collige ses observations. L’obligation d’évaluer l’aptitude à consentir aux soins revient aux professionnels de la santé en tout temps, et non seulement lorsque les clients refusent les traitements.
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
L’inaptitude à consentir aux soins ne doit pas être confondue avec l’incapacité à subir son procès, ou encore l’inaptitude à gérer ses biens ou à s’occuper de sa personne. Le fait d’être sous garde en établissement ou sous régime de protection ou encore celui d’avoir été déclaré inapte à subir son procès ou irresponsable pour cause de troubles mentaux n’ont aucun effet sur l’aptitude à consentir aux soins et ne dispensent en aucun cas les professionnels d’obtenir un consentement libre et éclairé. L’aptitude à consentir aux soins doit être présumée chez tous les clients, peu importe leurs diagnostics ou leur situation légale (Code civil, art. 4 ; Institut Philippe-Pinel de Montréal c. Blais). Par exemple, bien qu’il soit reconnu que l’aptitude à consentir aux soins d’un client en psychose puisse être altérée, la détermination de cette capacité ne peut simplement reposer sur sa situation clinique. Un client qui est hospitalisé en phase maniaque de sa maladie bipolaire peut refuser toute visite de la part de son épouse et ses enfants qui l’ont convaincu de se faire hospitaliser, mais être considéré comme apte à consentir à son traitement. Autre exemple : Une cliente, qui vit un épisode dépressif caractérisé avec début lors du péripartum, est admise à l’unité de soins psychiatriques après avoir révélé des idées homicidaires envers son enfant peut être apte à consentir à l’électroconvulsivothérapie à la suite d’échecs répétés de traitement avec des antidépresseurs. Même dans le cas où l’évaluation a déjà démontré que le client était inapte, il faut en refaire la vérication systématiquement au moment des soins. Dans certains cas, la qualité de l’aptitude à consentir varie plusieurs fois par jour. Dans d’autres cas, elle se stabilise. Dans le cas où un client est inapte de façon continue (mais pas forcément de façon permanente), son médecin pourra décider de faire une demande d’autorisation de soins pour lui, si les soins sont requis par l’état de santé du client et que l’usager oppose un refus catégorique même si son représentant légal donne son consentement. Chapitre 6
6.5
Autorisation de soins
L’autorisation de soins est une procédure judiciaire Représentant légal : Personne nommée pour agir au nom d’une qui permet d’imposer des soins requis par l’état de personne inapte, en respectant santé d’un mineur ou d’un majeur inapte à consenses droits, son autonomie et sa tir aux soins dans deux types de situations : 1) en vie privée. cas de refus injustié du représentant légal, ou encore d’une absence prolongée de celui-ci ayant pour conséquence l’impossibilité de donner le consentement (p. ex., le client qui est en état de catatonie depuis plusieurs Corine De Bellefeuille est âgée de 19 ans. Elle vit jours, ne s’alimente et ne s’hydans un centre d’accueil pour personnes ayant une drate pas, dont le représentant décience intellectuelle. Vous la recevez au service légal refuse qu’un antipsychod’endoscopie, car elle doit subir une coloscopie tique injectable lui soit admicourte. Elle est accompagnée d’une préposée aux nistré pour tenter de le ramener bénéciaires de son centre. Corine est incapable de à la réalité) ; 2) pour le majeur parler, mais elle sait écrire. Elle exécute machinaleinapte seulement, en cas de ment tout ce que la préposée lui dit. Cette dernière refus catégorique (Code civil, vous convainc que Corine comprend l’examen art. 16). Cette autorisation qu’elle va subir, car ce n’est pas la première fois judiciaire est nécessaire avant qu’elle y est soumise. Devriez-vous faire signer d’administrer les traitele consentement à l’examen par Corine ou par la ments et elle peut être obtenue préposée ? Justiez votre réponse. urgemment.
clinique
Jugement
Le concept d’aptitude à consentir aux soins fait l’objet de débats depuis de nombreuses années. L’évaluation de l’aptitude à consentir aux soins dépend directement de la compréhension par le client des informations que lui donnent les professionnels de la santé, d’une part, et de sa capacité à exprimer un consentement jugé valable, d’autre part. Or, on sait que « les limites de la compréhension, l’inattention, la distraction, la peur, l’anxiété, le selective hearing, les effets de la maladie et de la médication » constituent des obstacles majeurs à la bonne assimilation de l’information (Philips-Nootens et al., 2007). De même, la forme et la nature d’un consentement valable n’ont jamais été clairement établies : Doit-il être explicite et formel ou simplement implicite ? Doit-il être écrit ou oral ? Certaines recherches tendent à démontrer que l’aptitude est souvent déduite du consentement ou de la passivité (Corbeil, 1997).
L’inrmière ne peut pas forcer l’administration d’un traitement « en attendant » d’obtenir l’autorisation de soins, à moins qu’il ne s’agisse d’un cas d’urgence. Par exemple, elle ne dissimulera pas de médicament dans la nourriture d’un client pas plus qu’elle ne lui présentera un antipsychotique en prétendant qu’il s’agit de vitamines. De la même façon, lorsqu’elle administre en urgence un traitement à un client, elle ne doit pas proter de l’occasion pour lui administrer en même temps un traitement à longue action. Un exemple de situation typique : un client est complètement désorganisé et, parce qu’il risque de se blesser et menace l’intégrité d’autrui, l’inrmière utilise la force jugée nécessaire pour le contraindre à recevoir une injection de courte durée d’Haldolmd et d’Ativanmd qu’il refuse. Par ailleurs, le médecin demande qu’une injection de Clopixolmd dépôt, dont la durée d’action est de quelques semaines, lui soit aussi administrée dans le but de réduire les périodes d’agressivité jusqu’à l’obtention de l’autorisation de soins. L’inrmière ne peut que donner l’Haldolmd et l’Ativanmd, car le traitement doit permettre seulement de pallier la situation d’urgence. L’injection forcée du Clopixolmd dépôt outrepasse les pouvoirs des professionnels de la santé et les expose à des plaintes ou des poursuites. Précision : Le refus du représentant légal d’un mineur de moins de 14 ans ou d’un majeur inapte est injustié lorsque les soins, requis par l’état de santé, sont refusés sans explications valables. Précision : L’inaptitude à consentir aux soins d’un client ne permet pas de lui administrer un traitement
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les personnes inaptes à consentir aux soins peuvent être forcées de recevoir un traitement si les soins sont requis par leur état de santé mais seulement en vertu d’une autorisation du tribunal.
Aspects éthiques et légaux de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
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6
sans consentement : il faut systématiquement obtenir le consentement de son représentant légal ou de la personne autorisée à consentir pour lui, ou encore une autorisation judiciaire de soins le cas échéant. Pour qu’une autorisation de soins soit prononcée par un juge de la Cour supérieure, il faut que des traitements spéciques soient précisés et que le fait de ne pas les administrer ait des conséquences pour le client. Autrement dit, le fait que le client soit mineur ou inapte à consentir aux soins n’est pas sufsant pour passer outre au consentement de son représentant ou au sien. Le tribunal, après avoir constaté l’inaptitude du client le cas échéant, soupèse, dans le contexte particulier de ce client, les effets du traitement à court, moyen et long terme, ainsi que les risques anticipés par rapport aux bénéces potentiels. Les risques ne doivent en aucun cas surpasser les avantages (Bernheim, 2011). CE QU’IL FAUT RETENIR
Un client apte peut refuser n’importe quel soin, peu importe les conséquences, y compris la mort. Sa volonté prime toujours.
Précision : Un client apte peut refuser n’importe quel soin, peu importe les conséquences, y compris la mort. Sa volonté prime toujours. Dans le cas d’un client inapte (Nancy B. c. HôtelDieu de Québec, [1992] R.J.Q. 361), bien que sa volonté doit être dans la mesure du possible respectée, le principe de base est celui de la prise de décisions dans son meilleur intérêt (Code civil, art. 12). Si des soins sont nécessaires, ils doivent donc être fournis. L’autorisation de soins n’est pas une mesure d’internement, mais elle peut parfois permettre d’hospitaliser un client contre son gré si l’hospitalisation facilite l’administration du traitement. L’autorisation est généralement accordée pour quelques années (de deux à cinq ans selon les cas) et pour des traitements précis. C’est la seule procédure qui permet de soigner un client contre son gré. Les clients peuvent demander l’intervention du tribunal pour faire valoir leurs droits et doivent être encouragés à le faire. Ils ont droit à la représentation par un avocat et peuvent produire des témoins. Dans le cas des clients hospitalisés, le personnel hospitalier doit leur permettre de communiquer avec leur avocat et de recevoir sa visite en toute condentialité. Les clients peuvent interjeter appel de l’autorisation de soins devant la Cour d’appel du Québec. Aucune procédure de révision automatique n’est cependant prévue. Les clients qui font l’objet d’une autorisation de soins sont obligés de recevoir les traitements prévus par l’autorisation judiciaire. Par exemple, une autorisation de soins pour un client peut consister en l’obligation de recevoir une injection d’antipsychotique toutes les quatre semaines. Les traitements peuvent être dispensés à domicile ou en clinique externe. Si le client ne se présente pas à ses rendez-vous ou refuse de recevoir ses injections, il pourra être amené au centre hospitalier par les services de police, à la demande de l’équipe soignante. Il recevra son traitement en établissement de santé
138
Partie 1
et, si l’hébergement apparaît comme une mesure facilitant la prise du traitement, il pourra également faire l’objet d’une hospitalisation contre son gré. Lorsque le milieu de vie des clients n’est pas adéquat pour la mise en place des traitements, les clients peuvent être hospitalisés ou placés dans des ressources externes relevant des établissements pour une partie ou la totalité de la durée de l’autorisation de soins. Même dans le cas où le client sous autorisation de soins fait l’objet d’un hébergement contre son gré, il ne s’agit pas d’une mesure visant à intervenir en raison de la présence de dangerosité.
6.6
Gardes préventive, provisoire et en établissement
Les différentes mesures de garde permettent de garder une personne dans un établissement de santé et de services sociaux contre sa volonté. Ces mesures sont exceptionnelles et ne doivent être utilisées qu’en dernier recours. Ainsi, les différents intervenants – policiers, intervenants d’un centre de crise, ambulanciers – doivent tenter d’obtenir le consentement du client avant de le conduire dans un établissement. C’est uniquement dans la mesure où le danger est grave et immédiat qu’ils peuvent emmener le client contre son gré sans une ordonnance du tribunal (Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui [LPPEM], art. 8). Les différentes gardes sont des mesures d’exception qui permettent de retenir une personne dans un établissement de santé ou de services sociaux contre sa volonté. Il existe trois sortes de garde : 1) la garde préventive; 2) la garde provisoire; 3) la garde en établissement (ou garde autorisée). Les deux premières sortes de garde se rapportent à la procédure d’admission ou d’évaluation, alors que la troisième constitue un internement psychiatrique, pour une période dénie, ordonné par un juge de la Cour du Québec. Malgré l’atteinte importante aux droits fondamentaux des clients mis sous garde, rien n’est prévu dans la loi en termes d’accompagnement ou de soutien. Pourtant, au cours des consultations sur le projet de loi menant à la réforme de l’internement dans les années 1990, l’OIIQ et le Barreau du Québec avaient recommandé l’instauration de mesures de cet ordre, soulignant entre autres les difcultés liées à l’analphabétisme de plusieurs clients (Bernheim, 2011).
6.6.1
Garde préventive
La garde préventive est une mesure exceptionnelle permettant à un établissement de garder une personne contre son gré pour une période maximale de 72 heures, à la condition que cette personne
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
présente un danger grave et immédiat pour ellemême ou pour autrui (LPPEM, art. 7). La mise sous garde préventive ne nécessite l’intervention ni du tribunal, ni d’aucune autre instance, ni même celle d’un psychiatre, puisque l’avis d’un médecin généraliste suft. Les policiers peuvent amener un client, contre son gré, dans un établissement de santé à la demande d’un intervenant de centre de crise ou d’une personne comme un titulaire de l’autorité parentale, un tuteur, un conjoint, un proche parent ou toute personne démontrant un intérêt particulier pour le client (LPPEM, art. 8). Bien souvent, les policiers contactent d’avance l’établissement pour prévenir du fait qu’ils emmènent un client potentiellement dangereux, ce qui permet à l’équipe de l’urgence de se préparer. Lorsqu’un tel client est amené à l’urgence, l’établissement de santé doit le prendre en charge dès son arrivée (LPPEM, art. 8). L’inrmière reçoit le client et évalue s’il a besoin de soins d’urgence et si le risque suicidaire ou hétéroagressif justie la mise en place d’une surveillance étroite. Le client doit impérativement être vu par un médecin urgentologue ou généraliste qui devra constater la dangerosité grave et immédiate justiant la mise en garde préventive du client contre son gré. La garde préventive est uniquement un arrêt d’agir. Autrement dit, il s’agit uniquement d’empêcher le client de passer à l’acte. Elle ne permet en aucun cas de traiter un client contre son gré, ni même de lui imposer un examen clinique psychiatrique. Dans la mesure où l’établissement de santé voudrait le garder plus longuement et l’évaluer en vue de déposer une requête pour garde en établissement, il devrait déposer au tribunal une requête pour garde provisoire. Précision : Le danger grave et immédiat signie que le client semble sur le point de poser des gestes auto ou hétéroagressifs. Il n’est pas forcément passé à l’acte, mais des faits, comme ses propos ou son comportement, laissent croire en cette possibilité à très court terme. Par exemple, il peut s’agir de menaces de mort, d’agression ou de sévices contre autrui, de menaces de se suicider ou encore d’un état de très grande vulnérabilité documentée (délires paranoïdes, nudité, etc.).
évaluation psychiatrique an de déterminer si elle est dangereuse ou non en raison de son état mental (Code civil, art. 27). Cette évaluation consiste en deux examens psychiatriques qui doivent être faits par des psychiatres, à moins qu’il soit impossible d’obtenir leurs services. Dans un tel cas, des médecins généralistes pourront procéder à l’évaluation (LPPEM, art. 2). Si un de ces deux examens conclut à l’absence de dangerosité, la personne doit être immédiatement relâchée (Code civil, art. 28). Si la dangerosité est établie, l’établissement pourra ensuite déposer une requête pour garde en établissement (Code civil, art. 30).
6
La garde provisoire peut être demandée par un établissement de santé ou par un intéressé et permet aux policiers et aux ambulanciers d’amener un client contre son gré dans un établissement de santé. La durée de la garde provisoire peut varier selon que l’usager était ou non d’abord sous garde préventive, mais ne peut durer plus de sept jours (Code civil, art. 29). Dans le cas d’un client faisant déjà l’objet d’une garde préventive, le client étant déjà maintenu dans un établissement, le premier examen psychiatrique doit être fait dans les 24 heures suivant l’ordonnance de garde provisoire FIGURE 6.3. Si cet examen conclut à la présence de dangerosité, un second examen doit être fait par un autre psychiatre dans les 24 heures suivant celui-ci (Code civil, art. 28). Dans le cas d’un client admis sous garde provisoire, le client n’étant pas sous garde préventive, les délais commencent à courir lorsqu’il arrive dans l’établissement de santé FIGURE 6.4. Le premier examen doit être fait dans les 24 heures de la prise en charge par l’établissement. Si cet examen conclut à la présence de dangerosité, le second examen doit avoir lieu dans les 96 heures de la prise en charge (Code civil, art. 28).
CE QU’IL FAUT RETENIR
La garde préventive est uniquement un arrêt d’agir. Elle ne permet en aucun cas de traiter un client contre son gré, ni même de lui imposer un examen clinique psychiatrique.
Précision : Le fait d’entendre des voix, l’itinérance, l’isolement, les altercations avec les proches, etc., ne représentent pas une forme de danger grave et imminent. Le danger doit être circonscrit par des faits, et non des impressions ou des déductions. L’inrmière peut aussi tenir compte des antécédents de violence du client, dans la mesure où ces antécédents peuvent être prédictibles de violence future.
6.6.2
Garde provisoire
La garde provisoire est ordonnée par le tribunal dans le but de soumettre une personne à une Chapitre 6
FIGURE 6.3 Séquence d’intervention depuis la garde préventive jusqu’à la garde en établissement
Aspects éthiques et légaux de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
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garde prend n automatiquement, peu importe le terme prévu par la décision judiciaire initiale [Code civil, art. 30.1 (2)]. Dans la pratique, lorsque l’examen conclut à la présence de dangerosité et à la nécessité de poursuivre la garde en établissement, un second examen psychiatrique doit être fait pour porter une nouvelle requête pour garde en établissement devant un juge de la Cour du Québec [Code civil, art. 30.1 (3)].
FIGURE 6.4 Séquence d’intervention depuis la garde provisoire jusqu’à la garde en établissement
6.6.3
Garde en établissement
La garde en établissement ne peut être ordonnée qu’en raison d’une dangerosité en lien avec l’état mental. Cette dangerosité doit être importante ou « clairement envisageable dans le présent ou dans un avenir rapproché » et être établie par les deux rapports psychiatriques préparés durant la garde provisoire. Par exemple, un usager a fait une tentative de suicide et demeure, à l’évaluation, à haut risque de suicide, et il refuse la prolongation de l’hospitalisation. Autre exemple : un usager dans un état psychotique aigu, avec délire paranoïde, est convaincu que son voisin lui veut du mal et que la seule solution est de l’éliminer, et il refuse le maintien en centre hospitalier durant la crise. CE QU’IL FAUT RETENIR
Le danger envisageable dans le présent ou un avenir rapproché fait référence au fait que l’état mental de la personne la met ou met autrui en danger de façon évidente à court ou moyen terme.
Précision : le danger important ou clairement envisageable dans le présent ou un avenir rapproché fait référence au fait que l’état mental de la personne la met ou met autrui en danger de façon évidente à court ou moyen terme. Cette dangerosité doit être documentée par des faits avérés et toucher à la protection de l’intégrité de la personne ou des tiers. Le client n’est donc pas passé à l’acte, mais ses propos et son comportement laissent penser que ce soit possible à court ou moyen terme. Précision : le refus de soins ne constitue en aucun cas un danger à lui seul. Pour ordonner une garde en établissement, un juge doit avoir des motifs sérieux de croire que la personne est dangereuse et que sa garde est nécessaire [Code civil, art. 30 (2)]. La durée de cette garde, xée par le tribunal [Code civil, art. 30.1 (1)] est généralement de 21 jours à 6 mois. Peu importe la durée xée par le tribunal, la nécessité de la garde doit automatiquement être réévaluée, au moyen d’un examen clinique psychiatrique au 21e jour à compter de la décision prise par le tribunal et par la suite, tous les 3 mois (LPPEM, art. 10). Si l’un ou l’autre de ces examens conclut que la garde n’est plus nécessaire, la
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Partie 1
Les clients peuvent aller au tribunal faire valoir leurs droits. Ils ont droit à la représentation par avocat et ils peuvent produire des témoins. Le personnel hospitalier doit permettre aux clients de communiquer et de recevoir seul à seul les personnes de leur choix, et notamment leur avocat, en toute condentialité, sauf indication contraire de la part du médecin (LPPEM, art. 17). Les clients peuvent faire appel de l’ordonnance judiciaire de garde en établissement devant la Cour d’appel du Québec sur des points de droit ou de faits. S’ils pensent pouvoir démontrer que leur garde n’est plus nécessaire, ils peuvent également faire une demande de révision au Tribunal administratif du Québec (TAQ). Alors que l’appel porte sur la décision rendue par le tribunal, la révision sert à reconsidérer la nécessité de la garde en établissement à la lumière de l’évolution de l’état du client.
6.6.4
Droits des clients sous garde
Les clients placés sous garde conservent tous les droits des clients du système de santé, hormis le droit à la liberté : ils conservent en effet leur droit à consentir et à refuser des soins (excepté pour les examens psychiatriques ordonnés par la Cour), à participer aux décisions les concernant, au choix du professionnel et de l’établissement desquels ils reçoivent des soins. Concernant le choix du professionnel et de l’établissement, les clients sous garde en établissement peuvent faire une demande de transfert d’établissement, sous certaines conditions comme la disponibilité des ressources (LPPEM, art. 11). Certains droits sont expressément prévus pour protéger les clients placés sous garde. Il s’agit notamment du droit à la communication condentielle, notamment avec son représentant légal, son avocat, le Curateur public ou le Tribunal administratif [LPPEM, art. 17 (3)], et du droit à l’information sur le lieu, le motif de la garde et sur le droit de communiquer immédiatement avec ses proches et un avocat (LPPEM, art. 14 et 15). Cette information doit être communiquée par les policiers au moment d’amener le client contre son gré à l’établissement ou par le personnel de l’établissement dès la prise en charge (LPPEM, art. 14 et 15). L’information sur l’ensemble des droits n’est transmise, par écrit, qu’après l’obtention de l’ordonnance de garde en établissement (LPPEM, art. 16). Le droit international reconnaît pourtant
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
depuis longtemps l’importance pour les clients d’être informés de leurs droits dès leur admission, dans un langage qu’ils peuvent comprendre (Bernheim, 2009 ; Organisation des Nations Unies, 1991). En 2011, deux rapports ont fait état d’une situation préoccupante dans les établissements de santé québécois appliquant les mesures de garde en établissement (Direction de la santé mentale du ministère de la Santé et des Services sociaux, 2011 ; Protecteur du citoyen, 2011). Les situations suivantes ont été notamment rapportées : l’absence de dénition claire du critère de dangerosité, des atteintes aux principes de l’information, du consentement et de la condentialité ainsi que le fait que des clients ont été gardés de manière abusive ou illégale. La proportion de personnes présentes à leur audience au tribunal est également faible (Goulet, 2007).
6.7
Mesures de contrôle
L’utilisation de la force, de l’isolement, de tous moyens mécaniques ou de toutes substances chimiques comme moyen de contrôler physiquement un client constituent des mesures de contrôle ENCADRÉ 6.1. Ces mesures ne peuvent être appliquées que pour empêcher un client de s’iniger ou d’iniger à autrui des lésions. Leur utilisation doit être minimale et exceptionnelle, et elle doit tenir compte de l’état physique et mental du client. Les mesures de contrôle doivent être utilisées en dernier recours, l’objectif ultime étant leur réduction, voire leur élimination. Par exemple, un client est amené par les policiers à l’urgence d’un centre hospitalier après que ce dernier ait frappé un proche. Il est de toute évidence intoxiqué et demeure agressif à son arrivée, malgré les interventions de l’équipe de soins, et tente même de frapper le personnel. Ce client pourrait faire l’objet de mesures de contrôle pendant le temps minimal nécessaire pour qu’il se calme. Au besoin, et selon l’évaluation médicale, une contention chimique pourrait aussi lui être administrée pour l’aider à reprendre la maîtrise de lui-même. Une surveillance accrue doit être mise en place à ce moment an d’assurer des soins sécuritaires. Par exemple, la mise sous contention des clients atteints de problèmes cardiaques peut être à risque ou la mise en isolement d’une personne suicidaire nécessite d’assurer une surveillance étroite de la personne. Les établissements ont l’obligation d’adopter un protocole d’utilisation des mesures de contrôle et d’en surveiller l’application (LSSSS, art. 118.1). Chapitre 6
ENCADRÉ 6.1
Principes généraux d’utilisation des mesures de contrôle
Toute mesure de contrôle : 1. doit être envisagée comme une mesure d’exception ne s’appliquant qu’à la personne dont les comportements sont susceptibles de mettre sa santé, sa sécurité ou celles d’autrui en danger immédiat, dans le respect de la personne, de sa liberté de mouvement, de son autonomie et de sa dignité, et uniquement lorsque les autres moyens ont échoué (dernier recours) ; 2. requiert une évaluation clinique initiale et continue an de déterminer la nature du problème et son étiologie, les interventions inrmières requises, les mesures de remplacement les plus appropriées, les mesures de contention envisagées (si elles sont justiées) ainsi que les modications à apporter au plan de soins et de traitements inrmiers, s’il y a lieu ; 3. est fondée sur une approche individualisée dans un contexte interdisciplinaire ;
4. doit toujours viser un objectif thérapeutique et ne jamais être une mesure punitive ; 5. requiert le consentement libre et éclairé de la personne ou de son représentant légal, sauf en situation d’intervention non planiée ; 6. constitue une mesure dont la durée d’application est limitée au temps minimal indispensable et dont la pertinence est réévaluée de façon continue ; 7. doit toujours être optimale sans être excessive, de manière à ne pas brimer inutilement la liberté ni compromettre la sécurité de la personne ou d’autrui ; 8. exige une surveillance dont les modalités sont déterminées selon la condition du client et le protocole d’application ; 9. doit être balisée par des procédures et évaluée aux ns de conformité du protocole d’application.
Source : Adapté de OIIQ (2003).
6.7.1
Isolement, contentions et substances chimiques
En fonction des actes réservés aux différentes professions, la décision d’utiliser la contention peut être prise par l’inrmière [Loi sur les inrmières et les inrmiers, art. 36 (14)], alors que celle d’imposer une substance chimique doit être ordonnée par un médecin. Une fois la décision prise par l’inrmière, les mesures de contention peuvent cependant être appliquées « par les membres de l’équipe de soins, en conformité avec le PTI [plan thérapeutique inrmier] établi », conformément aux lignes directrices (OIIQ, 2012) .
6.7.2
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les mesures de contrôle sont des mesures qui limitent la liberté de mouvement d’une personne, par le moyen de l’isolement, de contentions ou de substances chimiques. Il s’agit de mesures d’exception encadrées par des principes rigoureux.
Règles d’application
La mesure de contrôle appliquée doit être la moins contraignante pour le client, et doit faire l’objet d’une supervision attentive (MSSS, 2002). Il est important pour l’inrmière de connaître les principes qui encadrent la pratique exceptionnelle de l’utilisation des mesures de contrôle, soit les normes de pratique clinique, les orientations ministérielles, le protocole d’application des mesures adopté par l’établissement et les règles de soins applicables. Ces principes touchent l’évaluation de l’état de santé de la personne, le jugement clinique à poser, l’analyse des effets indésirables et des avantages, l’obtention du consentement éclairé et sa consignation au dossier, la détermination du
Vidéo : Application de mesures de contrôle.
Aspects éthiques et légaux de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
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plan thérapeutique et des problèmes prioritaires nécessitant un suivi clinique précis, l’évaluation des mesures de remplacement, la réévaluation régulière de la situation et la consultation d’autres professionnels de la santé. L’utilisation des mesures de contrôle doit être documentée, et l’inrmière notera dans le dossier tous les événements ayant mené à leur application, et notamment « la description des moyens utilisés, la période pendant laquelle ils ont été utilisés et une description du comportement qui a motivé la prise ou le maintien de cette mesure » [LSSSS, art. 118.1 (2)].
6.7.3
Intervention planiée et intervention non planiée
Les mesures de contrôle peuvent être appliquées dans deux contextes différents : celui de l’intervention planiée et celui de l’intervention non planiée ENCADRÉ 6.2. Dans le contexte de l’intervention planiée, la situation de risque est prévisible et a fait l’objet de discussions avec le client, et les mesures de contrôle ont été convenues à l’avance dans le PTI. Lorsque les facteurs de risque sont présents et que le client y consent, les mesures pourraient être appliquées pour prévenir des gestes d’autodestruction (Larue, Dumais, Boyer et al., 2013). Par exemple, une personne âgée reconnue inapte qui a des difcultés à se mobiliser, qui se lève toutes les nuits sans demander de l’aide malgré le risque de chute évalué comme étant élevé et qui, de surcroît, s’est fracturé une
ENCADRÉ 6.2
Comparaison des situations d’intervention planiées et non planiées
PRÉVISIBILITÉ DE LA SITUATION
• Intervention planiée : oui • Intervention non planiée : non MESURES DE CONTRÔLE PRÉVUES DANS LE PLAN DE SERVICES
• Intervention planiée : oui • Intervention non planiée : non CONSENTEMENT OBTENU
• Intervention planiée : oui • Intervention non planiée : non EXEMPLES
• Intervention planiée : Un client qui, en période de stress, a des tendances à l’automutilation pourrait faire l’objet de mesures de contrôle planiées dans son plan de soins. Source : Adapté de MSSS (2002).
142
Partie 1
• Intervention non planiée : Un client a été amené à l’urgence durant la n de semaine. Il a cessé son médicament Clozarilmd depuis plus de 48 heures. Le client a collaboré à cet accompagnement. L’intervenant soupçonne que le client a repris sa consommation de cannabis, car il tient des propos paranoïdes, qui sont des signes précurseurs de désorganisation chez ce client. Durant l’attente pour voir le psychiatre, le client s’impatiente. Il prend au col l’intervenant et ne le lâche pas. L’équipe de soins en place fait un appel d’urgence à l’équipe de code blanc. Le client est maîtrisé et amené dans la salle d’isolement. Le psychiatre doit évaluer le client an que ce dernier soit l’objet de mesures de contrôle le moins longtemps possible.
hanche il y a quelques mois pourrait faire l’objet de mesures de contrôle avec l’accord de son représentant légal. Il pourrait s’agir d’une contention xée à la taille et au lit pour la durée de la nuit. Dans ce cas, le client, ou son représentant légal, doit avoir expressément consenti à l’application des mesures. Par exemple, le client est connu du milieu de soins et a déjà présenté un état de désorganisation mettant en danger sa santé, sa sécurité ou celles d’autrui. Le personnel lui explique la nature des comportements qui ne seront pas tolérés ainsi que la chaîne des interventions applicables jusqu’aux mesures de contrôle. Le client les comprend et accepte à l’avance l’utilisation des mesures de contrôle dans le cas où la situation se présenterait. Précision : L’existence d’un danger prévisible conjuguée au refus du client de consentir à l’application des mesures de contrôle ne correspond pas à un contexte d’intervention planiée. Le contexte d’intervention non planiée survient quand un client a un comportement inhabituel et que l’utilisation des mesures de contrôle n’est pas prévue dans son PTI. Par exemple, un client qui est hospitalisé à l’unité interne de psychiatrie pour une dépression caractérisée tente de se pendre dans la salle de bain de sa chambre. Il sera installé dans la salle d’isolement pour sa sécurité jusqu’à l’arrivée d’un membre du personnel supplémentaire, qui aura pour tâche de le surveiller constamment jusqu’à son évaluation avec le psychiatre an que le plan de soins soit ajusté en équipe interdisciplinaire avec le personnel inrmier en place. Dans ce cas, le risque et l’urgence de la situation justient le fait d’intervenir sans le consentement du client. Précision : Les mesures de contrôle ne peuvent en aucun cas être utilisées pour forcer un client à prendre une médication contre son gré. Les mêmes principes doivent guider la décision dans les deux cas (MSSS, 2002).
6.8
Protection des personnes inaptes
Le terme inaptitude est employé dans différents contextes légaux. Il peut désigner : 1) l’incapacité de prendre soin de soi-même ou d’administrer ses biens (inaptitude générale) ; 2) l’incapacité de comprendre les informations sur la maladie et les soins et de prendre une décision (inaptitude à consentir aux soins) ; 3) l’incapacité de comprendre la nature et l’objet des poursuites et leurs conséquences ainsi que d’assumer sa défense ou de donner des instructions à son avocat pour un procès (inaptitude à subir un procès) ; 4) la non-responsabilité criminelle, au moment d’un délit, en raison de troubles mentaux. Ces différentes formes d’inaptitude requièrent un type d’évaluation distinct.
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
La maladie mentale n’est pas la seule cause d’inaptitude. Les causes de l’inaptitude sont notamment la déficience intellectuelle, la maladie mentale, dégénérative ou organique, un traumatisme craniocérébral et une altération des facultés mentales ou de l’aptitude physique à exprimer sa volonté due à l’âge (Code civil, art. 258 ; Curateur public du Québec, 2002, 2010).
6.8.1
Mesures de protection
L’inaptitude légale d’une personne, donc son incapacité à prendre soin d’elle-même ou administrer ses biens, et son besoin de protection doivent être démontrés par des évaluations médicales et psychosociales (Code civil, art. 270). Le tribunal doit également donner au majeur l’occasion d’être entendu, personnellement ou par représentant si son état de santé le requiert (Code civil, art. 276). C’est pourquoi un médecin (généraliste ou spécialiste) fait une évaluation médicale et un professionnel de la santé (souvent un travailleur social) procède à une évaluation psychosociale. L’évaluation médicale (antécédents médicaux, symptômes, diagnostic) apporte des précisions sur l’état de santé de la personne, la cause, le degré et la durée prévisible de son inaptitude, alors que l’évaluation psychosociale permet de déterminer l’autonomie de la personne et son besoin de protection (Code civil, art. 258; Curateur public du Québec, 2002, 2010). Au Québec, il existe des mesures spéciques pour protéger les personnes jugées inaptes. Ce sont les régimes de protection, mis en place par décision judiciaire uniquement, qui visent à assurer le bien-être des personnes inaptes, l’administration de leurs biens, de même que l’exercice de leurs droits TABLEAU 6.4. Un tuteur ou un curateur à la personne a comme mandat de prendre soin d’une personne inapte. Ce représentant légal peut être un parent ou un proche, ou, à défaut, le Curateur public. C’est dans ce cadre qu’un représentant de la personne inapte peut être amené à rencontrer l’équipe soignante et à consentir aux soins pour elle. Toutefois, ce n’est pas parce qu’une personne est sous un régime de tutelle qu’elle est nécessairement inapte à consentir à ses soins. Dans tous les cas, la personne qui prend une décision pour une personne inapte doit le faire dans son intérêt, le respect de ses droits et la sauvegarde de son autonomie (Code civil, art. 257). Le besoin de protection n’est pas uniforme d’une personne inapte à une autre, pas plus que son degré d’inaptitude à prendre soin d’elle-même ou à gérer ses biens. Par exemple, une dame de 85 ans vit avec son ls. Elle a un début de trouble neurocognitif d’origine frontotemporale, mais est encore capable de faire fonctionner la maison. Son ls abuse d’elle nancièrement et lui inige aussi de la violence physique. Au cours d’un épisode de violence particulièrement difcile, la mère se réfugie dans un établissement du CISSS, pour obtenir Chapitre 6
de l’aide. C’est ainsi que le personnel a pris connaissance de la situation. Par ailleurs, la mère refuse de quitter son ls et se sent coupable de la dénonciation. Le ls est repentant, mais recommencera. Dans cette situation, la mère n’est pas inapte dans toutes les sphères de sa vie puisqu’elle possède un certain fonctionnement dont il est toutefois possible de prédire la déchéance à cause d’un trouble neurocognitif qui s’installe, mais elle a un besoin évident de protection. Certaines personnes sont en mesure d’effectuer les transactions nancières de la vie courante, mais pas d’administrer des placements, alors que d’autres peuvent s’occuper d’elles-mêmes (hygiène, alimentation, etc.), mais pas de leur argent. D’autres encore sont incapables de prendre soin d’elles-mêmes et d’administrer leurs biens, ayant parfois même besoin d’une surveillance constante. Le Code civil du Québec prévoit donc trois régimes de protection dont la fonction est adaptée au degré d’inaptitude aux besoins de protection : 1) le conseiller au majeur ; 2) la tutelle au majeur ; et 3) la curatelle au majeur. Un seul régime est prévu pour les mineurs : la tutelle au mineur. À ces régimes de protection s’ajoute le mandat en prévision de l’inaptitude qui est rédigé par la personne elle-même, alors qu’elle était apte, et qui désigne une personne de conance pour voir
TABLEAU 6.4
CE QU’IL FAUT RETENIR
6
L’inaptitude légale d’une personne, donc son incapa cité à prendre soin d’elle même ou administrer ses biens, et son besoin de pro tection doivent être démon trés par des évaluations médicales et psychosociales.
Les différents régimes de protection CONSEILLER AU MAJEUR
TUTELLE AU MAJEUR
CURATELLE AU MAJEUR
Degré d’inaptitude
Généralement apte
Partiellement inapte
Totalement inapte
Temporalité
Possiblement temporaire
Possiblement temporaire
Permanente
Personne ou biens
Biens
Personne ou biens
Personne et biens
Statut de la per sonne nommée
Conseiller seulement
Représentant légal
Représentant légal
Implication possible du Curateur public
Non
Oui
Oui
Exemples
Capable d’effectuer ses transactions bancaires courantes, une personne a besoin d’assistance pour réaliser des tran sactions nancières plus complexes pour gérer son héritage.
Une personne hospitalisée à long terme ne peut s’occuper de ses affaires pour un certain temps.
Une personne vic time d’un accident grave devient inca pable de prendre soin d’ellemême et d’administrer ses biens.
Source : Adapté du Code civil du Québec.
Aspects éthiques et légaux de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
143
à la protection de sa personne ou à l’administration de ses biens dans l’éventualité où elle deviendrait inapte (Code civil, art. 2131). Le mandat peut prévoir des directives concernant les soins de santé. Des trois régimes de protection, le conseiller au majeur est le régime le moins contraignant : il vise la personne qui est généralement ou habituellement apte à prendre soin d’elle-même et à administrer ses biens, mais qui a besoin, pour certains actes ou temporairement, d’être assistée ou accompagnée dans l’administration de ses biens (Code civil, art. 291). Le conseiller au majeur n’est pas un représentant et cette tâche ne peut être assumée par le Curateur public.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les personnes accusées d’un acte criminel peuvent être désignées inaptes à subir leur procès. Dans ce cas, les procédures seront suspendues jusqu’à ce qu’elles redeviennent aptes. Elles peuvent également être déclarées criminellement non responsables pour cause de troubles mentaux. Dans ce cas, elles ne reçoivent pas de verdict de culpabilité et peuvent être relâchées sans conditions ou avec conditions, ou encore être retenues dans un établissement de santé.
TABLEAU 6.5
La tutelle au majeur est destinée à la personne inapte partiellement ou temporairement à prendre soin d’elle-même ou à gérer ses biens et qui a besoin d’être représentée dans l’exercice de ses droits civils. C’est le régime de protection qui offre le plus de souplesse, puisqu’il peut s’appliquer selon trois modes : 1) la tutelle aux biens seulement ; 2) la tutelle à la personne seulement ; ou 3) la tutelle aux biens et à la personne (Code civil, art. 285). Sous un régime de tutelle, la personne inapte peut faire seule certains actes et sera représentée par son tuteur pour certaines décisions importantes. Par exemple, la personne prend soin d’elle-même, mais a besoin d’être représentée pour la gestion de ses biens, auprès de son institution bancaire. Ou encore elle s’occupe de ses biens, mais a besoin d’aide pour son propre entretien ou sa garde. Elle peut également, si elle est jugée inapte à consentir aux soins, avoir un représentant légal qui autorise ou refuse les soins médicaux pour elle. La curatelle au majeur est prévue pour la personne inapte de façon totale et permanente et qui a besoin d’être représentée dans l’exercice de ses droits civils (Code civil, art. 281). C’est le régime destiné aux « situations les plus graves » (MSSS, 1999). Le curateur au majeur est le représentant d’une personne qui a besoin d’être représentée dans toutes les dimensions de sa vie.
Inaptitude à subir son procès et irresponsabilité pour cause de troubles mentaux INAPTITUDE À SUBIR SON PROCÈS
NON-RESPONSABILITÉ CRIMINELLE POUR CAUSE DE TROUBLES MENTAUX
Moment de l’inaptitude
Au moment du procès
Au moment des faits
Soulevé par
La défense, la poursuite ou le tribunal
La défense ou la poursuite
Conséquences
Suspension des procédures et reprise éventuelle lorsque l’accusé redevient apte
Pas de verdict de culpabilité et prise en charge par le Tribunal administratif du Québec, section des troubles mentaux
Source : Adapté du Code criminel.
144
Partie 1
Les régimes de protection doivent toujours tenir compte du degré d’inaptitude (Code civil, art. 259) et favoriser la sauvegarde de l’autonomie du majeur inapte (Code civil, art. 257). Le tribunal n’est pas lié par la demande d’ouverture de régime de protection et peut rejeter les requêtes ou xer un régime différent de celui dont l’ouverture est demandée (Code civil, art. 268).
6.8.2
Régimes en matière criminelle
En matière criminelle, deux régimes distincts inhérents à l’inaptitude concernent les personnes accusées. Cette inaptitude n’est cependant liée d’aucune façon à l’aptitude légale ou à l’aptitude à consentir aux soins. Comme en matière de soins, l’aptitude est toujours présumée (Code criminel, art. 16 et 672.22). L’inaptitude à subir son procès renvoie à l’état mental de l’accusé au moment du procès, à son incapacité de comprendre la nature et l’objet des poursuites ainsi que leurs conséquences et à l’incapacité de donner des instructions à son avocat ou d’assumer sa défense. La non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux concerne plutôt l’état mental de l’accusé au moment des faits, soit l’incapacité pour l’accusé de « juger de la nature et de la qualité » de son acte (Code criminel, art. 16) TABLEAU 6.5. À toutes les étapes des procédures, la défense, la poursuite ou le tribunal lui-même peuvent soulever la question de l’inaptitude de l’accusé à subir son procès (Code criminel, art. 672.23). Le tribunal, s’il a des motifs raisonnables de croire qu’un accusé est inapte à subir son procès, doit, si l’accusé n’est pas représenté par un avocat, lui en désigner un (Code criminel, art. 672.24). À cette étape du processus, le tribunal peut ordonner une évaluation de l’état mental de l’accusé, mais pas le contraindre aux traitements (Code criminel, art. 672.19). Si l’évaluation de l’état mental de l’accusé détermine qu’il est inapte à subir son procès, les procédures sont suspendues et reprennent lorsque l’accusé est redevenu apte (Code criminel, art. 672.31 et 672.32). L’accusé peut être gardé au centre hospitalier en attendant la reprise des procédures et traité contre son gré pendant au plus 60 jours (Code criminel, art. 672.49 et 672.58). Si l’inaptitude est permanente, l’accusé pourra, en fonction du risque qu’il représente pour la société, être libéré inconditionnellement, libéré sous condition ou détenu dans un centre hospitalier sous réserve de modalités (Code criminel, art. 672.54). Le tribunal doit tenir une audience au plus tard deux ans après le verdict d’inaptitude à subir son procès, et tous les deux ans par la suite, jusqu’à ce que l’accusé soit acquitté ou subisse son procès (Code criminel, art. 672.33). La non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux peut être soulevée par la défense, ou la poursuite, et c’est la même partie qui devra ensuite la prouver (Code criminel, art. 16). Le
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
tribunal ordonne une évaluation de l’état mental de l’accusé, mais ne peut pas le contraindre aux traitements contre son gré (Code criminel, art. 672.19). Dans la mesure où le juge ou le jury détermine que l’accusé a commis l’acte qui lui est reproché, mais qu’au moment de l’infraction, il était atteint de troubles mentaux de nature à le dégager de sa responsabilité criminelle, il doit rendre un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux (Code criminel, art. 672.34). L’accusé n’est donc pas déclaré coupable (Code criminel, art. 672.35). Sous réserve du risque qu’il présente pour la société, il peut être libéré inconditionnellement, libéré sous condition ou détenu dans un centre hospitalier sous réserve de modalités (Code criminel, art. 672.54 ; Winko c. ColombieBritannique). La décision rendue ne peut toutefois pas imposer de traitement ; elle peut comporter une condition relative à un traitement, mais l’accusé doit y consentir (Code criminel, art. 672.55).
6.9
Connaître la réglementation de son champ de compétence et les normes de soins
Une inrmière généraliste doit respecter les normes exigées pour toute inrmière de sa compétence dans l’exécution de son travail, alors qu’une inrmière experte dans un champ spécique est tenue de Chapitre 6
6
La réglementation de la pratique inrmière par des règles légales et déontologiques visent à protéger les clients ; leur ignorance ne peut pas constituer une défense en cas de poursuite en responsabilité professionnelle. La Loi sur les inrmières et les inrmiers dénit l’exercice inrmier ENCADRÉ 6.3.
6.9.2
Responsabilité professionnelle
Les inrmières sont tenues de connaître et de respecter les normes reconnues dans leur profession (Cloutier c. Centre hospitalier de Laval). Il s’agit de leur responsabilité. La faute professionnelle se dénit précisément comme un manquement à cette obligation (Philips-Nootens et al., 2007). C’est l’évaluation des circonstances entourant le préjudice qui permet de déterminer la faute professionnelle, où le comportement de l’inrmière poursuivie est comparé avec celui promu par la norme reconnue dans le milieu (Cloutier c. Centre hospitalier de Laval). Autrement dit, le tribunal se demande « ce qu’aurait fait en pareil cas une autre inrmière, de science, de compétence et d’habilité ordinaires et raisonnables, placé dans des circonstances semblables à celles où se trouvait celui ou celle dont on veut juger la conduite » (Hôpital général de la région de l’Amiante Inc. c. Perron). Les inrmières n’ont cependant pas d’obligation de résultats envers leurs clients, mais plutôt une obligation de moyens : elles n’ont pas à garantir un résultat dans la prestation de soins, mais doivent plutôt mettre en œuvre tous les moyens nécessaires à l’atteinte d’un résultat. Dans ce cadre, elles ont une obligation de prudence et de diligence (Hôpital général de la région de l’Amiante inc. c. Perron).
6.9.1
répondre aux normes spéciques de son champ d’expertise. Les soins inrmiers ont des normes de pratique dénies pour la certication des inrmières qui travaillent dans des secteurs précis, comme la salle d’opération, les soins intensifs, les soins psychiatriques, etc. Ces normes, ainsi que la politique et les procédures des établissements, décrivent en détail la façon dont les inrmières doivent effectuer leurs tâches. Par exemple, une procédure ou une politique qui décrit dans ses grandes lignes les étapes à suivre dans l’administration d’une médication donne des informations précises sur la manière dont les tâches doivent être exécutées. Ces directives fournissent une dénition des normes de soins.
Documenter les dossiers
Toute inrmière se doit d’inscrire au dossier du client des notes d’évolution précises, complètes, pertinentes et objectives. Elle démontre ainsi l’étendue et la qualité des soins qu’elle a administrés. Ces notes montrent aussi l’évaluation clinique faite par l’inrmière et les résultats des soins prodigués. An de favoriser une communication efcace avec les membres de l’équipe interdisciplinaire, il est important que les notes d’évolution soient rédigées clairement et dans un ordre chronologique. En effet, lorsque les informations sont mises à jour régulièrement, les autres professionnels de la santé peuvent prendre connaissance non seulement des traitements reçus par le client, mais aussi du comportement de ce dernier durant la journée. De ce fait, tous les intervenants peuvent ajuster leurs interventions an de maximiser les traitements administrés au client. Bien documenter les dossiers permet d’améliorer l’efcacité du traitement, favorise une meilleure continuité des soins et aide à prévenir les accidents et les incidents liés aux soins. Le dossier doit faire état des démarches entreprises pour obtenir le consentement du client (informations données, interrogations du client, etc.) et doit décrire les séquences d’interventions très précisément. Si des informations sont manquantes ou s’il est impossible de reconstituer l’historique des interventions (on ne sait pas qui a donné l’information, on ne sait pas à quel moment les médicaments ont été donnés, etc.), l’inrmière pourra difcilement démontrer que les soins étaient de qualité.
Des explications pour inscrire correctement les notes d’évolution sont fournies dans le chapitre 10 du manuel de Potter, P.A., & Perry, A.G. (2016). Soins inrmiers – Fondements généraux (4e éd.). Montréal, Québec : Chenelière Éducation.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les inrmières n’ont pas à garantir un résultat dans la prestation de soins, mais doivent plutôt mettre en œuvre tous les moyens nécessaires à l’atteinte d’un résultat.
Les notes d’évolution du client doivent être libellées convenablement. S’il y a une erreur d’inscription, il est important de la corriger en respectant la politique et les procédures de l’établissement. Le fait de masquer ou d’effacer une erreur peut semer le doute et laisser croire qu’il s’agit d’une fraude.
Aspects éthiques et légaux de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
145
ENCADRÉ 6.3
Extraits de la Loi sur les inrmières et les inrmiers et du Code des professions
LOI SUR LES INFIRMIÈRES ET LES INFIRMIERS
36. L’exercice inrmier consiste à évaluer l’état de santé d’une personne, à déterminer et à assurer la réalisation du plan de soins et de traitements inrmiers, à prodiguer les soins et les traitements inrmiers et médicaux dans le but de maintenir la santé, de la rétablir et de prévenir la maladie ainsi qu’à fournir les soins palliatifs. Dans le cadre de l’exercice inrmier, les activités suivantes sont réservées à l’inrmière et à l’inrmier : 1. Évaluer la condition physique et mentale d’une personne symptomatique. 2. Exercer une surveillance clinique de la condition des personnes dont l’état de santé présente des risques, incluant le monitorage et les ajustements du plan thérapeutique inrmier. 3. Initier des mesures diagnostiques et thérapeutiques, selon une ordonnance. 4. Initier des mesures diagnostiques à des ns de dépistage dans le cadre d’une activité découlant de l’application de la Loi sur la santé publique (c. S-2.2). 5. Effectuer des examens et des tests diagnostiques invasifs, selon une ordonnance. 6. Effectuer et ajuster les traitements médicaux, selon une ordonnance. 7. Déterminer le plan de traitement relié aux plaies et aux altérations de la peau et des téguments et prodiguer les soins et les traitements qui s’y rattachent. 8. Appliquer des techniques invasives. 9. Contribuer au suivi de la grossesse, à la pratique des accouchements et au suivi postnatal. 10. Effectuer le suivi inrmier des personnes présentant des problèmes de santé complexes. 11. Administrer et ajuster des médicaments ou d’autres substances, lorsqu’ils font l’objet d’une ordonnance. 12. Procéder à la vaccination dans le cadre d’une activité découlant de l’application de la Loi sur la santé publique.
13. Mélanger des substances en vue de compléter la préparation d’un médicament, selon une ordonnance. 14. Décider de l’utilisation des mesures de contention. 15. Décider de l’utilisation des mesures d’isolement dans le cadre de l’application de la Loi sur les services de santé et les services sociaux et de la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris. 16. Évaluer les troubles mentaux, à l’exception du retard mental, lorsque l’inrmière ou l’inrmier détient une formation de niveau universitaire et une expérience clinique en soins inrmiers psychiatriques [...]. 17. Évaluer un enfant qui n’est pas encore admissible à l’éducation préscolaire et qui présente des indices de retard de développement dans le but de déterminer des services de réadaptation et d’adaptation répondant à ses besoins. 36.1 L’inrmière et l’inrmier peuvent, lorsqu’ils y sont habilités par règlements pris en application du paragraphe b du premier alinéa de l’article 19 de la Loi médicale (c. M-9) et du paragraphe f de l’article 14 de la présente loi, exercer une ou plusieurs des activités suivantes, visées au deuxième alinéa de l’article 31 de la Loi médicale : 1. Prescrire des examens paracliniques. 2. Utiliser des techniques diagnostiques invasives ou présentant des risques de préjudice. 3. Prescrire des médicaments ou d’autres substances. 4. Prescrire des traitements médicaux. 5. Utiliser des techniques ou appliquer des traitements médicaux, invasifs ou présentant des risques de préjudice. CODE DES PROFESSIONS
39.4 L’information, la promotion de la santé et la prévention de la maladie, des accidents et des problèmes sociaux auprès des individus, des familles et des collectivités sont comprises dans le champ d’exercice du membre d’un ordre dans la mesure où elles sont reliées à ses activités professionnelles.
Les établissements de santé régis par la LSSSS et les cliniques privées ont des obligations quant à la conservation et à l’archivage des dossiers de leurs clients (Loi sur les archives, art. 7 ; Règle ment sur la tenue des dossiers, des cabinets ou bureaux des médecins ainsi que des autres effets, art. 12). CE QU’IL FAUT RETENIR
Les notes d’évolution écrites par l’inrmière doivent contenir sufsamment d’information pour permettre de juger de la qualité des soins reçus par le client.
146
Partie 1
Les notes conservées aux dossiers sont des élé ments primordiaux aux ns de poursuites en res ponsabilité professionnelle ou devant un conseil de discipline. Les notes doivent contenir sufsam ment d’information pour permettre de juger de la qualité des soins reçus par le client. Un dossier perdu ou incomplet pourrait constituer une preuve de négligence. Le dossier doit établir une descrip tion continue des interventions de soins inrmiers et, quand il est rédigé correctement, il constitue la meilleure preuve contre des allégations de négli gence ou de violation des normes de soins inr miers. Par exemple, un client qui a fugué en aprèsmidi s’est suicidé en se jetant dans la rivière.
Son corps est retrouvé par le service de police quelques semaines plus tard. Il y a enquête et le dossier médical est examiné. Il est rapporté dans les notes d’évolution de l’inrmière de ce jour que le client va bien, qu’il s’est bien alimenté au dîner et que l’aprèsmidi s’est passée sans particularités. Évidemment, dans cette situation, il sera question de l’évaluation du client et de la surveillance à laquelle celuici a été soumis, et les notes d’évo lution ne fourniront pas de réponses très précises à ce sujet.
6.9.3
Respecter la condentialité et le secret professionnel
Le fait d’être en contact avec des informations condentielles est une des caractéristiques des membres des ordres professionnels (Code des pro fessions, art. 25). Les professionnels, et notamment les inrmières, sont tenus de respecter le secret de tout renseignement de nature condentielle qui est porté à leur connaissance dans l’exercice de
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
leur profession ENCADRÉ 6.4. Le secret professionnel vise à préserver une relation de conance avec les clients. Cette obligation est à la fois légale et déontologique, puisqu’elle gure expressément dans la Charte des droits et libertés (art. 9), le Code des professions (art. 60.4) et le Code de déontologie des inrmières et inrmiers (art. 31). Le droit au secret professionnel est d’ailleurs un droit fondamental consacré par la Charte des droits et libertés de la personne et les professionnels tenus au secret professionnel ne peuvent, même en justice, divulguer des informations condentielles (Charte des droits et libertés de la personne, art. 9). En vertu de ce droit fondamental, les personnes qui travaillent dans le secteur de la santé et qui ne sont pas membres d’un ordre professionnel (p. ex., les préposés aux bénéciaires) sont quand même tenues à la condentialité. Outre ce qui est consigné dans le dossier du client, le secret professionnel s’étend à tout ce qui est porté à la connaissance de l’inrmière en fonction dans son lien avec les clients, soit par des révélations, soit par des constatations qu’elle ferait elle-même. Ainsi, le secret professionnel ne se limite pas à ce que le client a lui-même révélé, mais également à ce que l’inrmière, en raison de ses connaissances, a pu ellemême observer (Philips-Nootens et al., 2007). Le dossier lui-même, matériellement, doit également être protégé en vertu du secret professionnel. L’inrmière, au même titre que les autres professionnels de la santé, doit veiller à ce que l’accès au dossier ne soit permis qu’aux personnes autorisées. Exception : Le client consent à la divulgation (Charte des droits et libertés de la personne, art. 9). Il peut autoriser la transmission de son dossier ou d’un résumé de son dossier à un autre professionnel ou à un autre établissement, ou encore la divulgation d’information condentielle à un tiers comme une compagnie d’assurance ou un proche. Exception : Le client entreprend une action en responsabilité professionnelle. Pour se défendre, l’inrmière peut éventuellement, avec l’autorisation du tribunal, briser le secret, en produisant s’il y a lieu, le dossier médical du client contenant ses notes (Philips-Nootens et al., 2007). Exception : L’inrmière peut divulguer qu’un client recourt à ses services si cette divulgation est nécessaire dans l’intérêt de celui-ci (Code de déontologie des inrmières et inrmiers, art. 32). Exception : Dans le cas où un danger imminent de mort ou de blessures graves, y compris le suicide, menace une personne ou un groupe de personnes identiables, le professionnel peut divulguer aux personnes exposées à ce danger les informations susceptibles d’assurer leur protection (Code de déontologie des infirmières, art. 31.1 ; Code des professions, art. 60.4 ; LSSSS, art. 19.0.1 ; Smith c. Jones). Chapitre 6
ENCADRÉ 6.4
Le secret professionnel dans la pratique inrmière
• L’inrmière respectera les règles prévues dans la Charte des droits et libertés, le Code des professions et le Code de déontologie des inrmières et inrmiers relativement au secret professionnel, à la condentialité des informations qui sont portées à sa connaissance dans l’exercice de sa profession et sera au fait des cas exceptionnels où elle peut être relevée de ce secret. • L’inrmière ne révélera pas qu’une personne a fait appel à ses services, sauf si, dans l’intérêt du client, cette révélation est nécessaire. • L’inrmière prendra les moyens raisonnables an de s’assurer que les personnes sous son autorité, sa supervision ou à son emploi ne divulguent pas des renseignements de nature condentielle concernant les clients. • L’inrmière ne fera pas usage de renseignements condentiels au préjudice d’un client ou en vue d’obtenir directement ou indirectement un avantage pour elle-même ou pour autrui. • L’infirmière qui demandera à un client de lui révéler des renseignements de nature
confidentielle ou qui permettra que de tels renseignements lui soient confiés s’assurera que le client connaît les raisons de cette demande et l’utilisation qui peut être faite des renseignements confiés. • L’inrmière ou l’inrmier évitera d’engager ou d’alimenter des conversations indiscrètes au sujet d’un client et des services qui lui sont rendus. − Précision : L’inrmière sera prudente lorsqu’elle se trouvera dans un autre cadre que celui du travail (soirée entre amis, réseaux sociaux, courriels, etc.) et ne donnera pas d’information qui permettrait de reconnaître les clients. • L’inrmière ou l’inrmier doit obtenir préalablement du client ou de son représentant légal une autorisation écrite avant de faire un enregistrement audio ou vidéo d’une entrevue ou d’une activité, ou de prendre la photographie d’un client. Cette autorisation doit spécier l’usage projeté de cet enregistrement ou de cette photographie ainsi que les modalités de révocation de cette autorisation.
Source : Adapté du Code de déontologie des inrmières et inrmiers, art. 31 à 36.
Exception : Dans le cas où l’inrmière a un motif raisonnable de croire que la sécurité ou le développement d’un enfant est ou peut être considéré comme compromis, elle doit signaler sans délai la situation au DPJ (Loi sur la protection de la jeunesse, art. 39). Précision : Le fait de ne pas respecter le secret professionnel constitue une faute professionnelle passible de poursuites civiles ou de plaintes déontologiques. Par exemple, une personne publiquement connue est hospitalisée dans une unité de soins psychiatriques en raison d’une crise de manie. Des journalistes téléphonent à l’unité pour lui parler et l’infirmière confirme la présence de cette personne. La condentialité est brisée, et cette situation ne fait pas partie des exceptions qui permettent de l’enfreindre.
6.9.4
CE QU’IL FAUT RETENIR
Le secret professionnel ne se limite pas à ce que le client a lui-même révélé, mais également à ce que l’inrmière, en raison de ses connaissances, a pu elle-même observer. Ne pas le respecter constitue une faute professionnelle passible de poursuites civiles ou de plaintes déontologiques.
Prévenir les fautes professionnelles
L’inrmière doit toujours exercer son jugement professionnel dans l’exécution de son travail même lorsqu’elle exécute les ordonnances prescrites par les médecins ou par d’autres professionnels. La négligence dont fait preuve une inrmière
Aspects éthiques et légaux de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
147
6
éactivation des connaissances L’inrmière peut commettre un acte de négligence de façon non intentionnelle. Outre ceux mentionnés dans cette section, nommez d’autres exemples de fautes professionnelles par négli gence pouvant causer un préjudice au client.
lors qu’elle donne des soins ou un traitement à un client constitue une faute professionnelle.
l’épisode de soin et de la probabilité d’avoir à redonner des soins à ce client. »
Un comportement qui ne respecte pas les normes de soins établies peut être considéré comme une faute professionnelle, même dans le cas où l’inrmière est convaincue de faire au mieux. La faute peut impliquer une erreur dans l’administration des soins (p. ex., le fait de se tromper dans le dosage d’une médication), mais elle peut également découler d’une erreur de jugement dans l’intervention auprès d’un client (p. ex., retarder l’administration d’une médication prescrite au besoin) ou d’une erreur dans une intervention qui ne relève pas du traitement (p. ex., omettre de transmettre au client des informations importantes). Une inrmière qui exécute un traitement pour lequel elle n’a pas reçu de formation, ou qui tente d’informer un client approximativement, s’expose à des poursuites judiciaires si un préjudice est causé au client.
La pratique des inrmières et inrmiers est également soumise à l’article 59.1 du Code des professions : « Constitue un acte dérogatoire à la dignité de sa profession le fait pour un professionnel, pendant la durée de la relation professionnelle qui s’établit avec la personne à qui il fournit des services, d’abuser de cette relation pour avoir avec elle des relations sexuelles, de poser des gestes abusifs à carac tère sexuel ou de tenir des propos abusifs à caractère sexuel. »
Pour qu’une inrmière soit condamnée à payer des dommages-intérêts à un client qui la poursuit en responsabilité professionnelle, le client devra prouver trois choses : 1) que l’inrmière a commis une faute ; 2) qu’il a lui-même subi un préjudice corporel, moral ou matériel ; 3) qu’il existe un lien de causalité entre la faute et le préjudice, soit que la faute de l’inrmière a directement causé le préjudice qu’il a subi (Code civil, art. 1457-1458). CE QU’IL FAUT RETENIR
Le préjudice est le tort causé au client. Une faute, même légère, peut entraî ner la responsabilité profes sionnelle de l’inrmière.
Le préjudice est le tort causé au client. Le préjudice pourra être réparé s’il est causé directement par la faute de l’inrmière. La valeur de l’indemnité dépend généralement de la gravité du préjudice subi et non de la gravité de la faute. Une faute, même légère, peut entraîner la responsabilité professionnelle de l’inrmière (PhilipsNootens et al., 2007). Précision : Une faute professionnelle peut également avoir pour conséquence une enquête menée par le bureau du syndic de l’OIIQ, voire une audience devant le Conseil de discipline de l’OIIQ. Contrairement aux recours civils, les recours disciplinaires visent la protection du public, la dissuasion et l’exemplarité (Pigeon c. Daigneault).
Inconduite sexuelle L’article 38 du Code de déontologie des inrmières et inrmiers est très clair au sujet de l’inconduite sexuelle : « Pendant la durée de la relation professionnelle, l’inrmière ou l’inrmier ne peut établir de liens d’amitié, intimes, amoureux ou sexuels avec le client. Pour déterminer la durée de la relation professionnelle, l’inrmière ou l’inrmier doit tenir compte, notamment, de la vulnérabilité du client, de son problème de santé, de la durée de
148
Partie 1
La jurisprudence du Tribunal des professions et du Conseil de discipline de l’OIIQ est abondante en matière d’inconduite sexuelle, qui est considérée comme une « faute très grave », car le « professionnel est en position de force par rapport à sa cliente qui est vulnérable » (Cadrin c. Psychologues [Ordre professionnel des] ; Sirois c. Psychologues [Ordre professionnel des]). Pour le Conseil de discipline de l’OIIQ, la bonne foi de l’inrmière ou de l’inrmier n’est pas un facteur dont il faut tenir compte dans de tels cas, mais plutôt le fait que l’exercice de la profession est un privilège qui comporte des obligations, dont celle de respecter les exigences de l’Ordre (Ordre des inrmières et inrmiers du Québec c. Grenier). La nalité de la relation thérapeutique étant d’aider le client et non de combler les besoins de l’inrmière ou de l’inrmier, même une relation sincère ou stable ne peut être considérée comme acceptable au regard des obligations déontologiques des infirmières et infirmiers (Inrmières et inrmiers c. Cayer). Les études menées auprès d’inrmières et d’inrmiers pratiquant en psychiatrie au Canada démontrent que la grande majorité désapprouvent fortement l’établissement de liens intimes ou sexuels avec les clients. Néanmoins, une minorité d’entre eux ne connaissent pas leurs obligations déontologiques ou considèrent acceptable le fait de créer de tels liens. Étant donné les sanctions très sévères auxquelles s’exposent les inrmières et les inrmiers, les auteurs préconisent de leur offrir une meilleure éducation (Campbell, Yonge & Austin, 2005).
6.9.5
Détenir une assurance responsabilité professionnelle
Toute inrmière doit souscrire une assurance responsabilité professionnelle, par l’intermédiaire de l’OIIQ ou d’une compagnie d’assurances. Cette assurance est obligatoire en vertu du Règlement sur l’assurance responsabilité professionnelle des inrmières et des inrmiers (art. 2.01). En effet, malgré les efforts qu’elle fournit an de prodiguer les meilleurs soins possibles, l’inrmière demeure sujette à des poursuites.
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
6.10
Responsabilité des clients
Les inrmières canadiennes de tous les domaines de la santé rapportent des taux élevés de violence psychologique et de menace d’agression, en plus des cas de violence physique réelle (Aiken, Clarke, Sloane et al., 2001). Dans le milieu de la santé mentale, cet enjeu constitue un réel problème clinique et administratif : en plus d’affecter la qualité des soins, la violence de la clientèle représente un risque pour la santé et la sécurité des professionnels (Atawneh, Zahid, Al-Sahlawi et al., 2003). Une recherche menée auprès de professionnels d’une unité de soins intensifs dans un hôpital psychia trique démontre qu’une bonne connaissance des causes de l’agression et des outils de gestion des comportements agressifs est essentielle pour permettre de mettre en place des mesures de prévention (Ahern, Larue & Ricard, 2010).
Lorsqu’une inrmière est témoin ou victime d’une agression dans son milieu de travail, elle peut recourir à différentes procédures administratives ou judiciaires. Les procédures administratives, internes à l’établissement, consistent en premier lieu en la rédaction d’un rapport d’accidentincident. Dans le cas où la victime d’agression est un client, l’inrmière peut le diriger vers toute instance en mesure de lui offrir le soutien approprié, comme le commissaire aux plaintes de l’établissement ou le comité des usagers. L’inrmière peut, si elle ressent le besoin d’un soutien psychologique, recourir au programme d’aide aux employés.
Les clients du système de santé québécois sont tenus de se comporter de manière convenable et respectueuse envers les professionnels et les autres clients (LSSSS, art. 3). Les établissements de santé ont tous des protocoles d’intervention en cas de comportement agressif qui prévoient précisément la chaîne des interventions à effectuer, et les infirmières doivent s’assurer de bien connaître le protocole en place dans leur milieu de travail (Fleury, 2010).
Si le comportement d’un client s’apparente à un acte criminel, il est possible de recourir aux procédures judiciaires en portant plainte aux services policiers. La plainte ne peut être portée que par la victime elle-même : dans le cas où il s’agit d’un client, l’inrmière peut lui donner les informations pertinentes. Évidemment, le fait de porter plainte n’implique pas forcément une judiciarisation : l’enquête déterminera si les preuves sont sufsantes pour que le Directeur des poursuites criminelles et pénales entame des procédures contre le client. L’issue dépendra ensuite de l’état mental du client : nous avons vu en effet que s’il était inapte au moment des faits, ou s’il est inapte à subir son procès, les procédures judiciaires peuvent être suspendues ou ne pas déboucher sur un verdict de culpabilité.
Analyse d’une situation de santé
Jugement clinique
Ken Appleby présente un trouble de personnalité antisociale. Il est âgé de 37 ans et est présentement hospitalisé en psychiatrie parce qu’il a attenté à la vie d’une personne à la suite d’une altercation dans un bar. Il consomme régulièrement des drogues dures (cocaïne et crystalmeth) et il a un casier judiciaire. Vous êtes de service en soirée. Au rapport de relève, l’inrmière vous a avisée que monsieur Appleby était instable pendant la journée, qu’il avait manifesté de l’agressivité verbale envers d’autres clients dans la salle communautaire, et qu’il avait même fait des menaces au personnel
6
disant qu’on l’empêchait d’aller fumer dehors. Finalement, il s’était apaisé parce qu’il avait respecté la consigne de rester dans sa chambre. Vers 20 h 45, monsieur Appleby s’est fâché contre une préposée qui a repoussé ses avances (il lui aurait demandé de coucher avec lui et de le masturber). Il l’a bousculée en criant : « T’es rien qu’une agace, tu vas en manger toute une. » Alertée, vous lui avez demandé de se retirer dans sa chambre, mais il a refusé et vous a également menacée en montrant les poings. Vous songez sérieusement à recourir à la contention.
SOLUTIONNAIRE
Chapitre 6
Aspects éthiques et légaux de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
149
écemment vu dans ce chapitre Est-ce que le comportement agressif et les manifestations de violence de monsieur Appleby le rendent inapte à consentir aux soins ? Justiez votre réponse.
écemment vu dans ce chapitre Monsieur Appleby pourraitil consulter son dossier ? Justiez votre réponse. Extrait des notes d’évolution
2016-08-19 20:45 Aurait demandé à une préposée de coucher avec lui et de le masturber. Se serait fâché contre elle parce qu’elle a refusé ses avances (propos recueillis auprès de la PAB). Il l’a bousculée en criant : « T’es rien qu’une agace, tu vas en manger toute une. » Refuse de se retirer dans sa chambre lorsque je lui demande, montre les poings. Frappe le mur, renverse les meubles de la salle de séjour, lance des objets, bouscule un autre client et lui pointe un verre qu’il a cassé. Appel aux agents de sécurité. Deux agents arrivent à 20 h 50 et tentent de le retenir. Devient encore plus agressif et profère des menaces : « Si vous me lâchez pas, je poursuis l’hôpital et je tue quelqu’un. »
150
Partie 1
Mise en œuvre de la démarche de soins
Collecte des données – Évaluation initiale – Analyse et interprétation 1. Que devez-vous évaluer chez le client pour justier le recours à la contention ? 2. D’après la mise en contexte, le recours à la contention est-il envisagé dans un contexte planifié ou non planié ? Justiez votre réponse.
Vous avez demandé l’aide de deux agents de sécurité pour tenter de calmer le client. Malgré leur intervention, monsieur Appleby est encore plus agressif et profère des menaces encore plus
manifestes : « Si vous me lâchez pas, je poursuis l’hôpital et je tue quelqu’un. » Vous décidez alors de mettre le client sous contention.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
Planication des interventions – Décisions inrmières 3. La contention constitue-t-elle un moyen de dernier recours dans ce cas-ci ? Justiez votre réponse. 4. Quel serait alors le but de la mise en place d’une contention pour monsieur Appleby ? Extrait CONSTATS DE L’ÉVALUATION Date
Heure
2016-08-19 20:45
N°
2
Problème ou besoin prioritaire
Initiales
Violence envers les autres
RÉSOLU / SATISFAIT Date
Heure
Professionnels / Initiales Services concernés
K.D.
SUIVI CLINIQUE Date
Heure
N°
2016-08-19
20:45
2
Directive inrmière
Initiales
CESSÉE / RÉALISÉE Date
Heure Initiales
Appliquer une contention ad ↓ agressivité Visiter q. 15 min (+ dir. P. trav. PAB) Évaluer comportement agressif par inf.
Signature de l’inrmière
Karine Demoors
Initiales
K.D.
Programme / Service
Signature de l’inrmière
Initiales
Programme / Service
Unité de psychiatrie
5. Afin d’assurer un suivi clinique du comportement violent de monsieur Appleby, les directives infirmières devraient-elles être aussi détaillées ? Justiez votre réponse. 6. Que devriez-vous écrire de façon précise dans les notes d’évolution au dossier de monsieur Appleby à la suite de la mise en place de la contention ?
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution 7. Sur quoi devriez-vous vous baser pour décider de retirer la contention à monsieur Appleby ?
Fondements de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
APPLICATION DE LA PENSÉE CRITIQUE Dans l’application de la démarche de soins auprès de monsieur Appleby, l’inrmière a recours à un ensemble d’éléments (connaissances, expériences antérieures, normes institutionnelles ou protocoles, attitudes professionnelles) pour analyser la situation de santé du client et en comprendre les
enjeux. La FIGURE 6.5 illustre le processus de pensée critique suivi par l’inrmière an de formuler son jugement clinique. Elle résume les principaux éléments sur lesquels l’inrmière s’appuie en fonction des données de ce client, mais elle n’est pas exhaustive.
VERS UN JUGEMENT CLINIQUE
6 EXPÉRIENCES
CONNAISSANCES • Lois et règlements régissant la profession inrmière (Code des professions, Loi sur les inrmières et les inrmiers, Code de déontologie des inrmières et inrmiers, entre autres) • Charte des droits et libertés de la personne • Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui • Droits des client souffrant de troubles mentaux • Mesures de contention et d’isolement • Caractéristiques d’un trouble de personnalité antisociale • Approche Omega • Symptômes de sevrage des drogues dures
• Expérience de travail en psychiatrie • Expérience auprès d’une clientèle manifestant de la violence envers l’entourage • Expérience dans l’application des mesures de contrôle
NORMES • Activité réservée à l’inrmière d’après l’article 36 de la Loi sur les inrmières et les inrmiers (décider de l’utilisation des mesures de contentions) • Protocole local d’application des mesures de contention • Procédure locale pour assurer la sécurité du client et de son entourage
ATTITUDES • Éviter la confrontation • Demeurer calme même si le client est menaçant pour la sécurité d’autrui • Être respectueuse • Ne pas répondre à l’agressivité par l’agressivité
PENSÉE CRITIQUE
ÉVALUATION • Manifestations verbales et non verbales d’agressivité • Moyens pris avant de recourir à la contention (demande de se retirer dans sa chambre, intervention des agents de sécurité) • Comportements justiant l’application de la contention comme dernier recours pour assurer la sécurité du client et d’autrui • Comportements du client alors qu’il est sous contention (durant les visites faites régulièrement selon la fréquence déterminée dans le protocole local) et après le retrait de celle-ci • Signes de sevrage des drogues consommées par le client
JUGEMENT CLINIQUE FIGURE 6.5
Application de la pensée critique à la situation clinique de monsieur Appleby
Chapitre 6
Aspects éthiques et légaux de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques
151
Chapitre
7
chapitre
Neurobiologie et santé mentale Écrit par : Candice A. Francis, EdD Adapté par : Maria-Grazia Martinoli, Ph. D. (Physiologie-endocrinologie) Mis à jour par : Claire Page, inf., Ph. D. (Sciences biomédicales – psychiatrie sociale)
MOTS CLÉS
OBJECTIFS
Cellules nerveuses. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160 Cellules souches . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166 Neuroendocrinologie . . . . . . . . . . . . . . . . 165 Neuro-imagerie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167 Neuroplasticité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167 Neurotransmetteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . 160 Psychoneuro-immunologie . . . . . . . . . . 165 Système nerveux central (SNC). . . . . . 154 Système nerveux périphérique (SNP). . 154
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez être en mesure : • de reconnaître les principales structures anatomiques du système nerveux central ; • de décrire les fonctions physiologiques du système nerveux central ; • de décrire le fonctionnement normal des neurones ; • d’expliquer le rôle des principaux neurotransmetteurs dans le fonctionnement du système nerveux central ; • de décrire le mécanisme électrochimique du fonctionnement du système nerveux central ; • de nommer les technologies émergentes qui risquent d’avoir un impact important sur l’avenir des soins infirmiers psychiatriques.
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À retenir Carte conceptuelle Ressources Solutionnaire de l’Analyse d’une situation de santé
• Solutionnaire des questions de Jugement clinique • Solutionnaire des questions Récemment vu dans ce chapitre • Solutionnaires du Guide d’études
Guide d’études – SA12, RE15
152
Partie 2
Dimensions biopsychosociales de la santé mentale et des troubles mentaux
Concepts clés
Cette carte conceptuelle illustre schématiquement les principaux concepts décrits dans le présent chapitre. Sa lecture vous permettra d’avoir une vue d’ensemble des notions qui y sont présentées.
7
composé de
responsables de
formé par
comprend
produisent
comprennent
constitué de
composé de
s’intéresse au Neuro-imagerie :
– Échographie – Tomodensitométrie (TDM) – Imagerie par résonance magnétique (IRM) – Imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) – Tomographie par émission de positrons (TEP) – Tomographie d’émission monophotonique
utilise
Neurobiologie et santé mentale
facilite
Chapitre 7
Neurobiologie et santé mentale
153
PORTRAIT
Carlos Moreno Carlos Moreno, âgé de 34 ans, est un client de l’unité neurologique du centre hospitalier qui accueille les anciens combattants canadiens. Il est traité par le service psychiatrique depuis plusieurs années et a reçu un diagnostic de schizophrénie fondé essentiellement sur des hallucinations auditives importantes et constantes portant sur son ancien sergent instructeur. Dans le passé, il a pris de l’halopéridol, un médicament antipsychotique. Né au Chili, monsieur Moreno est arrivé au Canada à l’âge de cinq ans. Il s’est enrôlé dans l’armée à 18 ans. Il n’a pu terminer son entraînement de base en raison d’un épisode psychotique au cours duquel il a agressé son sergent instructeur. Monsieur Moreno a été admis à l’unité de neurologie après avoir dit à sa famille, un matin, qu’il ne pouvait plus marcher. Il n’avait pas fait de chutes et n’avait pas subi de blessures récentes. L’examen physique et la tomodensitométrie n’ont montré aucune anomalie physiologique. Pendant l’examen de l’état mental, le client a mentionné ne plus entendre de voix. De plus, la collecte des données de l’inrmière a montré qu’il n’était nullement préoccupé par son incapacité à marcher.
7.1 Neuroanatomie : Étude de la localisation des structures du système nerveux et de leurs relations spatiales. Neurophysiologie : Étude du fonctionnement des cellules et des circuits du système nerveux.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les manifestations cliniques associées aux troubles mentaux se manifestent généralement par des comportements dysfonctionnels.
154
Partie 2
Neurosciences et désordres mentaux
Les connaissances portant sur le système nerveux central (SNC) ont considérablement progressé depuis les années 1990, et plus particulièrement durant la « décennie du cerveau », de 1990 à 1999. Les recherches effectuées ont permis de comprendre que l’encéphale humain est l’ordinateur le plus sophistiqué jamais créé et ainsi de mettre au point de nouvelles stratégies de traitement et d’approches, et elles ont contribué à modier la perception des troubles mentaux pour la majorité de la population. Le modèle biologique de la maladie psychiatrique s’est perfectionné en raison de la création et de la disponibilité de nouveaux outils de travail. Ce modèle a facilité le diagnostic des troubles cérébraux et a permis la mise au point de traitements et d’interventions nouveaux et efcaces (Bear, Connors & Paradiso, 2007). Les manifestations cliniques associées aux troubles mentaux se manifestent généralement par des comportements dysfonctionnels. Les clients atteints de troubles mentaux se comportent fréquemment d’une manière perçue par la société comme différente,
Dimensions biopsychosociales de la santé mentale et des troubles mentaux
étrange ou anormale. Leurs troubles s’expriment par des manifestations allant de modérées (p. ex., la personne exprime une profonde tristesse de façon permanente) à graves (p. ex., le client entend des voix que personne d’autre ne perçoit, il croit que tout le monde cherche à lui nuire). Ces perceptions, pensées et comportements anormaux ont généralement un fondement neurobiologique. La connaissance de la structure et du fonctionnement normal du système nerveux aide les professionnels de soins en santé mentale à offrir des traitements d’une qualité optimale aux personnes atteintes de maladies liées au fonctionnement cérébral. De plus, la compréhension des anomalies structurales ou neurochimiques qui touchent les clients atteints de troubles mentaux permet à l’inrmière d’évaluer efcacement leurs réactions, de planier ses interventions et de prodiguer les soins et les traitements optimaux.
7.2
Neuroanatomie
Les perceptions, pensées, sentiments, impulsions et actions humaines, des plus rudimentaires aux plus complexes, naissent dans le SNC, formé par l’encéphale et la moelle épinière. L’encéphale constitue le principal système intégrateur qui régule et détermine les interactions d’une personne avec son environnement. Toutes les réactions humaines résultent d’interactions complexes entre les facteurs génétiques, environnementaux et développementaux, qui façonnent les structures du cerveau (neuroanatomie) et déterminent leur fonctionnement (neurophysiologie). Le système nerveux humain se compose de deux divisions anatomiques distinctes, mais interconnectées entre elles : le SNC et le système nerveux périphérique (SNP) qui comprend les nerfs périphériques, soit 12 paires de nerfs crâniens et 31 paires de nerfs spinaux émergeant de la moelle épinière FIGURES 7.1 et 7.2. Les nerfs périphériques transmettent l’information sensorielle (afférente) vers le SNC et l’information motrice (efférente) à partir du SNC vers les muscles et les glandes. Bien que le SNP et certaines interactions avec le système nerveux autonome soient d’une importance cruciale pour le fonctionnement physiologique de l’organisme humain, la compréhension des troubles mentaux repose principalement sur une connaissance approfondie de la structure et du fonctionnement du SNC et en particulier de l’encéphale. C’est pour cette raison que le présent chapitre porte sur l’anatomie et la physiologie de l’encéphale et sur la manière dont l’inrmière utilisera ces connaissances pour offrir des soins aux personnes atteintes de troubles mentaux ou de troubles neurologiques.
7
FIGURE 7.1
7.2.1
Système nerveux central
Encéphale
L’encéphale est l’une des structures les plus importantes et les plus complexes de l’organisme humain ; il renferme environ 100 milliards de cellules. Il est composé de structures anatomiquement distinctes, mais physiologiquement interdépendantes : les hémisphères cérébraux, le diencéphale, le cervelet et le tronc cérébral.
Hémisphères cérébraux Les deux hémisphères cérébraux forment la portion la plus volumineuse de l’encéphale ; d’importantes régions fonctionnelles s’y trouvent telles que le cortex cérébral, les noyaux de la base et le système limbique. Les hémisphères cérébraux renferment plus de 70 % des neurones du SNC et sont responsables de fonctions comme l’ouïe, la vue, le langage, les fonctions cognitives, la maîtrise des muscles et l’interprétation sensorielle. L’hémisphère gauche est dominant chez une large majorité de la population et gère principalement les fonctions motrices et sensorielles de la partie droite de l’organisme (Hamberger & Cole, 2011 ; Hamilton, Chrysikou & Coslett, 2011). L’hémisphère droit gouverne les fonctions du côté gauche du corps.
FIGURE 7.2
Système nerveux périphérique
La coordination efcace des activités humaines exige une interdépendance complexe et une communication au sein des deux hémisphères et entre eux. Une importante lame de substance blanche appelée corps calleux relie les deux hémisphères. L’information sensorimotrice circule continuellement entre les hémisphères par les voies nerveuses du corps calleux.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Le système nerveux est le système le plus complexe du corps humain et l’un des plus importants du fait de ses multiples fonctions.
Cortex cérébral Le cortex cérébral forme des replis séparés par des rainures et des échancrures. Les rainures peu profondes portent le nom de sillons, et celles qui s’étendent profondément dans le cerveau sont des scissures. Les portions surélevées des replis sont les gyrus ou circonvolutions. Les sillons et les circonvolutions augmentent de façon spectaculaire la surface totale de l’encéphale. Anatomiquement, le cortex cérébral est divisé par les scissures majeures en quatre régions fonctionnelles distinctes appelées lobes. Il s’agit des lobes frontal, temporal, occipital et pariétal. Bien que ces lobes agissent souvent ensemble, chacun possède ses fonctions propres FIGURE 7.3. Les fonctions normales de chacun des lobes, ainsi que les symptômes généralement associés aux perturbations de chacune des régions corticales des lobes cérébraux sont décrits dans le TABLEAU 7.1. Chapitre 7
Neurobiologie et santé mentale
155
FIGURE 7.3 TABLEAU 7.1
Aires fonctionnelles du cortex cérébral
Fonctions normales des lobes cérébraux et symptômes liés à leur dysfonctionnement
LOBE
FONCTIONS NORMALES
SYMPTÔMES DE DYSFONCTIONNEMENT
Frontal
• Programmation et exécution des fonctions motrices
• Variabilité de l’humeur et de l’affect (p. ex., être rapidement démoralisé, être colérique)
• Fonctions supérieures de la pensée, comme la planication, la capacité d’abstraction, l’apprentissage par essais et erreurs et la prise de décisions • Intuition intellectuelle et jugement • Expression des émotions et de la conscience de soi • Production de la parole (aire motrice du langage ou aire de Broca) Pariétal
• Perception sensorielle : réception de l’information provenant de l’environnement, son organisation et sa communication au reste de l’encéphale • Aires associatives permettant des activités telles qu’effectuer des tâches précises (p. ex., suivre les indications d’une carte routière), mais aussi de lire l’heure et de s’habiller
• Perturbation de l’expression du langage • Altération du fonctionnement moteur • Comportement impulsif • Altération du processus décisionnel • Altération de la pensée rationnelle • Perte d’inhibition sociale et accroissement de la libido • Diminution de la motivation • Altération des perceptions sensorielles (p. ex., une conscience moindre des sensations douloureuses) • Perte de la notion du temps (p. ex., conduisant à l’incapacité de respecter des rendez-vous) • Altération de l’hygiène personnelle • Altération de la capacité arithmétique • Incapacité à accomplir correctement les séquences d’activités motrices courantes • Confusion entre la droite et la gauche • Temps de concentration limité
156
Partie 2
Dimensions biopsychosociales de la santé mentale et des troubles mentaux
TABLEAU 7.1
LOBE
Temporal
Fonctions normales des lobes cérébraux et symptômes liés à leur dysfonctionnement (suite)
FONCTIONS NORMALES
SYMPTÔMES DE DYSFONCTIONNEMENT
• Surtout responsable de l’interprétation des sons et de la production d’un langage cohérent (aire de compréhension du langage ou aire de Wernicke)
• Hallucinations auditives • Perturbations de la mémoire • Altération des réactions émotionnelles • Aphasie sensorielle
Occipital
• Surtout responsable de l’interprétation des stimulus visuels
• Hallucinations visuelles
7
Le lobe frontal est le plus volumineux de l’encéphale humain. Une grande partie de ce qui rend unique le comportement humain est due au fonctionnement du lobe frontal. Celui-ci contient plusieurs structures importantes : l’aire motrice primaire, l’aire prémotrice, l’aire motrice supplémentaire, l’aire associative antérieure, le cortex préfrontal, l’aire de Broca. L’aire motrice primaire (ou aire corticale primaire) est située devant le sillon central, aussi appelé gyrus précentral. Cette aire est responsable de la gestion de l’activité motrice volontaire de chaque muscle. Les neurones qui prennent naissance dans l’aire motrice primaire sont en continuité directe avec les nerfs périphériques qui innervent les muscles de l’organisme. C’est près du bulbe rachidien que les faisceaux nerveux traversent du côté opposé de la moelle épinière (décussation). À cause de ce changement de côté des bres nerveuses, le cortex moteur droit commande l’activité motrice volontaire du côté gauche du corps, et le cortex moteur gauche gouverne le côté droit du corps. Quand les faisceaux nerveux quittent l’encéphale, ils forment un renement apparenté à la forme d’une pyramide qui porte le nom de système pyramidal 21 . Le lobe frontal abrite également l’aire prémotrice ; située devant l’aire motrice primaire, elle est responsable de la coordination des mouvements de nombreux muscles. Elle voisine l’aire motrice supplémentaire, responsable de la coordination des habiletés motrices apprises. Cette dernière aire est une aire associative. Les aires primaires déclenchent le mouvement, et les aires associatives l’analysent. L’aire associative antérieure est une autre aire associative importante située dans le lobe frontal. La cognition, la mémoire et les fonctions analytiques constituent des fonctions qui lui sont en grande partie dévolues. Des lésions de cette région du lobe frontal peuvent entraîner des changements
de la personnalité. Par ailleurs, le raisonnement, la planication, la xation des priorités, l’organisation du comportement, la connaissance intuitive, la faculté d’adaptation et le jugement sont des fonctions dites exécutives qui relèvent du cortex préfrontal. Les fonctions normales du lobe frontal aident aussi à modérer les impulsions et les actions plus primitives. Le lobe frontal permet également à une personne de traiter adéquatement les stimulus sensoriels, de raisonner, de se concentrer sur des tâches et de réagir aux signaux sociaux. La difculté dans l’accomplissement de ces activités représente souvent un symptôme de troubles mentaux. L’aire de Broca, ou aire motrice du langage est une autre aire importante habituellement localisée seulement dans le lobe frontal gauche. Toutefois, le degré de latéralisation varie de façon importante selon les personnes. Les traumas ou les accidents vasculaires cérébraux (AVC) qui endommagent cette aire peuvent entraîner une aphasie motrice, soit l’incapacité de parler.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Une grande partie de ce qui rend unique le comportement humain est due au fonctionnement du lobe frontal.
21 Les effets extrapyramidaux, liés à la prise de certains médicaments psychotropes, sont décrits dans le chapitre 21, Psycho pharmacothérapie et autres thérapies biologiques.
clinique
Le lobe pariétal agit comme principal centre de traitement Michaël Fortin est âgé de 24 ans. Il prend de sensoriel. Le gyrus postcentral l’aripiprazole 15 mg die (Abilifymd) depuis un an de ce lobe abrite l’aire somespour trouble schizophrénique. Il fait de l’insomnie, thésique primaire qui intersouffre de constipation et de céphalées, et prète l’information sensorielle. manifeste des épisodes d’agitation motrice. L’aire pariétale postérieure, Parmi ces effets indésirables, lequel représente située derrière, est une aire une réaction extrapyramidale de sa médication ? associative responsable de l’organisation, de l’intégration et de l’analyse de l’information sensorielle que l’aire somesthésique primaire du gyrus postcentral interprétera plus spécialement.
Jugement
Beaucoup de symptômes présentés par les clients atteints de troubles neurologiques et mentaux résultent de désordres du fonctionnement de un ou de plusieurs de ces lobes cérébraux.
Le lobe temporal est responsable des fonctions essentielles du langage parlé et écrit, de la mémoire, de la reconnaissance visuelle et des émotions. L’aire de Wernicke (aire de compréhension du langage) est une zone spécialisée du lobe temporal responsable de l’organisation des mots de façon qu’ils soient reconnus et qu’ils correspondent au contenu émotionnel à exprimer. À long terme, la consommation excessive d’alcool peut endommager cette région 16 . Cette aire Chapitre 7
16 Les effets de la consommation excessive d’alcool sont décrits dans le chapitre 16, Troubles liés à une substance et troubles addictifs.
Neurobiologie et santé mentale
157
CE QU’IL FAUT RETENIR
Le lobe temporal est responsable des fonctions essentielles du langage parlé et écrit, de la mémoire, de la reconnaissance visuelle et des émotions.
agit de concert avec l’aire de Broca (dans le lobe frontal) pour favoriser une communication cohérente. Les troubles de la communication peuvent ainsi mettre en cause plusieurs régions du lobe frontal et du lobe temporal : par exemple, les aphasies peuvent avoir plusieurs origines, dans l’aire motrice du langage (aire de Broca) ou de compréhension du langage (aire de Wernicke). L’aire auditive associative du lobe temporal est impliquée dans les souvenirs, en particulier ceux qui sont associés à des signaux visuels et auditifs. L’aire visuelle primaire du cortex se situe dans le lobe occipital. La reconnaissance des couleurs, la capacité de distinguer visuellement les objets et de les nommer ainsi que de reconnaître des objets en mouvement sont des fonctions du lobe occipital. Un trauma qui survient dans cette région de l’encéphale provoque parfois la cécité, même si les nerfs optiques et les yeux restent intacts. Des lésions du lobe occipital peuvent entraîner des hallucinations visuelles et d’autres anomalies du fonctionnement visuel, telle l’alexie, c’est-à-dire l’incapacité de lire.
Noyaux de la base Les noyaux de la base, également appelés noyaux gris centraux ou ganglions de la base, sont des amas de corps cellulaires qui participent de près aux fonctions motrices et associatives. Il s’agit de substance grise enfouie dans la substance blanche de l’encéphale. Ils possèdent un nombre incalculable de connexions à la fois avec le cortex, situé plus superciellement, et avec les structures profondes du mésencéphale, en dessous. Le striatum (noyau caudé et putamen), le globus pallidus (ou pallidum) et la substance noire font partie des noyaux de la base les plus connus. Ces noyaux interviennent au moment où sont amorcés les mouvements, et ils contribuent à l’apprentissage et à la programmation du comportement moteur an qu’il devienne automatique. En effet, les activités motrices complexes, comme marcher, manger, conduire une automobile, deviennent si naturelles qu’une personne n’a pas besoin d’y penser consciemment lorsqu’elle les accomplit. Cela explique pourquoi certaines personnes atteintes de troubles neurocognitifs majeurs retiennent quelques-unes de ces habiletés motrices longtemps après avoir subi une importante perte de la mémoire ou de la faculté de parler. Des affections comme la maladie de Huntington et la maladie de Parkinson sont associées à un dysfonctionnement des noyaux gris centraux et à l’incapacité de ces structures de communiquer efcacement avec le cortex moteur (Seibyl, Russell, Jennings et al., 2012 ; Wolf, Grön, Sambataro et al., 2011). Certains médicaments utilisés pour traiter des troubles mentaux altèrent le fonctionnement des noyaux gris centraux. Par exemple, la chlorpromazine et l’halopéridol ainsi que l’ensemble
158
Partie 2
Dimensions biopsychosociales de la santé mentale et des troubles mentaux
des antipsychotiques typiques (de première génération) provoquent parfois une hypertonie, ou dystonie, une condition caractérisée par un tonus musculaire excessif.
Système limbique Les instincts, l’excitation sexuelle, la peur, l’agressivité et d’autres émotions primitives font partie des mécanismes qui contribuent à la survie de l’espèce. Ces fonctions sont coordonnées dans des structures profondes de l’encéphale qui forment le système limbique. Le terme système est utilisé, car ses fonctions résultent des actions interreliées et étroitement coordonnées de diverses structures cérébrales TABLEAU 7.2 et FIGURE 7.4. L’hippocampe est situé en profondeur dans le lobe temporal ; des connexions directes le relient au diencéphale. Il joue un rôle majeur dans l’encodage, la consolidation et le rappel des souvenirs. L’hippocampe des clients atteints de la maladie d’Alzheimer est endommagé, ce qui occasionne des problèmes de mémoire de travail et de capacité d’apprentissage. L’amygdale (ou corps amygdaloïde) module les états émotionnels courants, tels les sentiments de colère, d’agressivité, d’amour et de bien-être dans le milieu social. La fonction de régulation émotionnelle du système limbique est liée aux voies olfactives qui communiquent avec l’amygdale. C’est la raison pour laquelle certaines odeurs suscitent parfois de vives réactions émotionnelles et des souvenirs (Hoover, 2010 ; Matsunaga, Isowa, Yamakawa et al., 2011). De plus, le système limbique soulève un intérêt grandissant chez les chercheurs qui tentent de déterminer l’étiologie biologique du trouble bipolaire. Pour certains, le fonctionnement défectueux des neurones de l’amygdale y tiendrait un rôle important (Karchemskiy, Garrett, Howe et al., 2011). L’amygdale est également étudiée an de mieux comprendre les réactions anormales de peur, comme la panique, et les comportements violents de rage (Carlson, 2009).
Diencéphale Le thalamus, l’hypothalamus et l’épithalamus sont des parties de l’encéphale désignées collectivement sous le terme de diencéphale. D’un point de vue fonctionnel, les structures du diencéphale font également partie du système limbique. Le thalamus est une structure qui agit d’abord comme un relais pour diriger l’information sensorielle vers le cortex cérébral. Ainsi, toute l’information sensorielle, sauf l’information olfactive, provenant du SNP passe par le thalamus avant d’atteindre le cortex cérébral. Le thalamus sélectionne et ltre l’information sensorielle afférente et la dirige vers des régions précises du cortex, où elle pourra être interprétée et évaluée plus en détail. Cela comprend aussi l’information sensorielle qui agit sur les émotions, l’humeur et la mémoire.
TABLEAU 7.2
Structures du système limbique
STRUCTURE
FONCTION
Amygdale
• Modulation des états émotionnels • Régulation des réactions affectives aux événements
Thalamus
• Relai de toute l’information sensorielle, sauf l’odorat • Sélection de l’information afférente concernant les émotions, l’humeur et la mémoire
Hypothalamus
• Régulation des fonctions humaines de base, comme les cycles veille-sommeil, la température corporelle et les pulsions de survie, telles la faim et la reproduction • Modulation des pulsions sexuelles
Hippocampe
FIGURE 7.4
7
• Organisation de l’apprentissage et de la mémoire
Système limbique
L’hypothalamus est une autre partie fonction nelle du système limbique située en profondeur dans l’encéphale ; il contribue à la régulation de certaines des fonctions humaines les plus fonda mentales, dont les cycles veillesommeil, la tempé rature corporelle, la soif et des pulsions de survie, telles la faim et les pulsions sexuelles. Les recherches actuelles indiquent que certains com portements symptomatiques – tels les problèmes d’appétit et de sommeil chez le client déprimé, les modications saisonnières de l’humeur observées dans le trouble affectif saisonnier et les problèmes de thermorégulation chez les clients atteints de schizophrénie (p. ex., porter un manteau d’hiver en été) – pourraient être le résultat d’un dérègle ment hypothalamique (Gallup & Gallup, 2008 ; Vandewalle, Hébert, Beaulieu et al., 2011).
Cervelet Le cervelet, tout comme le cerveau, est bilobé, et son centre de substance blanche est recouvert de substance grise. Fonctionnellement, le cervelet est associé à des activités comme la coordination motrice et l’équilibre. Toutefois, en raison de ses communications avec les hémisphères cérébraux, un rôle dans la cognition lui est également re connu, et son dysfonctionnement à l’échelle cel lulaire pourrait intervenir dans certains troubles complexes, tels la schizophrénie et le trouble du spectre de l’autisme (Aoki, Kasai & Yamasue, 2012 ; Bullock, Cardon, Bustillo et al., 2008).
Tronc cérébral Le tronc cérébral se compose du pont (ou protu bérance) et du bulbe rachidien. Ces deux régions
Chapitre 7
Neurobiologie et santé mentale
159
sont souvent considérées comme des centres de relais régulant des fonctions aussi essentielles que la respiration et le rythme cardiaque.
7.3
Neurophysiologie
La neurophysiologie est l’étude du fonctionnement des cellules et des circuits nerveux. Il est important de connaître les cellules qui composent le système nerveux ainsi que leur fonctionnement pour comprendre les interactions complexes qui caractérisent les comportements humains normaux et pathologiques.
7.3.1
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les neurotransmetteurs sont en cause dans beaucoup de troubles neurocognitifs (p. ex., la maladie de Parkinson) et neuropsychiatriques (p. ex., la schizophrénie).
Cellules nerveuses
Les cellules nerveuses appartiennent à deux grandes catégories : les neurones et les cellules gliales. Environ 10 % des cellules qui constituent le SNC sont des neurones, des cellules hautement spécialisées pour générer et conduire les signaux électriques. Les cellules gliales représentent un autre type de cellules nerveuses qui procurent un soutien mécanique et physiologique aux neurones et qui produisent un important matériel isolant appelé gaine de myéline. La substance blanche de l’encéphale et de la moelle épinière se compose d’axones de neurones qui sont entourés et isolés par la gaine de myéline et les cellules gliales, les oligodendrocytes, qui la produisent. La substance grise, qui forme par exemple le cortex de l’encéphale, ne contient presque pas de myéline.
et extracellulaires, tels les ions sodium, potassium et chlorure. La distribution inégale des ions de part et d’autre de la membrane plasmique du neurone crée un potentiel électrique et confère la capacité de conduire un courant électrique. Un potentiel d’action est généré par le mouvement rapide des ions à travers la membrane de la cellule nerveuse qui inverse temporairement la charge électrique de part et d’autre de cette membrane. La conduction du potentiel d’action est un phénomène d’un intérêt particulier pour l’inrmière, puisqu’il met en jeu des substances chimiques appelées neurotransmetteurs. Quand un potentiel d’action atteint une terminaison axonale synap tique, il provoque un changement de la perméabilité de la membrane axonale, permettant ainsi aux substances neurotransmettrices emmagasinées dans le bouton synaptique d’être libérées dans l’espace (la fente synaptique) qui sépare deux neurones adjacents FIGURE 7.6 . Les neurotransmetteurs sont essentiels à l’efcacité de la communication neuronale, et ils sont en cause dans beaucoup de troubles neurocognitifs (p. ex., la maladie de Parkinson) et neuro psychiatriques (p. ex., la schizophrénie) (Stahl, 2008) TABLEAU 7.3 .
7.3.3
Description des principaux neurotransmetteurs
La communication entre deux neurones repose sur le cheminement du potentiel d’action vers le
Les neurones sont directement responsables de la production et de la conduction de l’inux nerveux. Chaque neurone établit des milliers, voire des centaines de milliers de connexions avec d’autres neurones. Ces connexions, qui portent le nom de synapses, permettent à diverses régions du SNC de communiquer entre elles pour interpréter l’information sensorielle et produire la réponse motrice. Le noyau et les autres principaux organites du neurone se trouvent en général dans une région de la cellule appelée corps cellulaire. Deux types de prolongements émergent de la région du corps cellulaire. Les dendrites acheminent les inux électriques vers le corps cellulaire, alors que les axones transmettent les inux à partir de celui-ci. Certains axones ont plus de 1 m de long. L’axone se termine par l’arborisation synaptique, où se trouvent de petits boutons synaptiques FIGURE 7.5.
7.3.2
Fonctionnement électro chimique du neurone
Tous les neurones peuvent détecter, traiter, générer et conduire des signaux électrochimiques appelés potentiels d’action. Les neurones ont des propriétés spéciales qui permettent des changements rapides de la concentration d’ions intracellulaires
160
Partie 2
Dimensions biopsychosociales de la santé mentale et des troubles mentaux
FIGURE 7.5 Caractéristiques structurales neurone : dendrites, corps cellulaire et axone
A
B
FIGURE 7.6 Synapses électriques et chimiques – A Les synapses électriques font intervenir des jonctions communicantes qui, en laissant le courant électrique circuler entre les cellules, permettent aux potentiels d’action de passer directement d’une cellule à l’autre. Elles ne sont pas nombreuses dans le SNC humain. B Les synapses chimiques fonctionnent par l’intermédiaire de messagers chimiques, les neurotransmetteurs, qui agissent sur les cellules postsynaptiques, où ils peuvent déclencher un potentiel d’action. Ces synapses sont caractéristiques du SNC humain.
bouton synaptique. Une fois qu’un potentiel d’action a atteint le bouton présynaptique, le neurotransmetteur est libéré et se répand dans la synapse par simple diffusion. Le neurotransmetteur se xe à la membrane postsynaptique sur des sites récepteurs qui lui sont propres. En règle générale, il sera désactivé par dégradation enzymatique et sera réabsorbé dans la cellule présynaptique ou dans une cellule gliale avoisinante. Ce mécanisme se répète encore et encore. Les neurotransmetteurs sont dénis par cette succession d’étapes et sont déterminés comme étant excitateurs ou inhibiteurs selon leur effet sur la membrane postsynaptique ENCADRÉ 7.1. Les neurotransmetteurs inhibiteurs agissent en ralentissant ou en arrêtant complètement la propagation du potentiel d’action.
TABLEAU 7.3
Neurotransmetteurs du système nerveux central
NOM DU NEUROTRANSMETTEUR PAR CATÉGORIE MOLÉCULAIRE
ACTIVITÉ
LIEUX PRINCIPAUX DE PRODUCTION
Acétylcholine
Excitateur
Neurones moteurs, pont, noyau basal de Meynert, noyau septomédian
Aspartate
Excitateur
SNC
Glutamate
Excitateur
80 % des neurones du SNC
Acide gamma-aminobutyrique (GABA)
Inhibiteur
Mésencéphale, cervelet, tronc cérébral
Glycine
Inhibiteur
Moelle épinière
Épinéphrine
Excitateur
Pont et bulbe rachidien
Dopamine
Excitateur
Noyaux gris centraux, système limbique, aire tegmentale ventrale
Norépinéphrine
Excitateur
Pont et bulbe rachidien
Histamine
Excitateur
Hypothalamus et bulbe rachidien
Sérotonine
Excitateur
Tronc cérébral, pont et bulbe rachidien
Nombreux peptides ; par exemple, peptide vasoactif intestinal, bombésine, cholécystokinine, endorphines
Excitateurs
SNC et SNP
Oxyde nitrique, monoxyde de carbone
Incertaine
SNC et SNP
ENCADRÉ 7.1
7
Critères dénissant un neurotransmetteur
Le neurotransmetteur : • est synthétisé dans le neurone ; • est présent dans la terminaison présynaptique et libéré en quantités sufsantes pour exercer un effet précis sur un neurone postsynaptique ; • se lie à un récepteur spécique ; • est inactivé par un processus de recaptage ou de dégradation.
Beaucoup de toxines synthétiques ou naturelles, des drogues illicites, des anesthésiques et des médicaments utilisés pour traiter des troubles mentaux agissent sur la synapse directement ou sur les récepteurs propres aux neurotransmetteurs. Par exemple, certaines drogues, comme les opioïdes, agissent directement sur les récepteurs postsynaptiques, et d’autres sur les enzymes de recaptage du neurotransmetteur dans la fente synaptique, par exemple la cocaïne. De même, un nombre croissant de dysfonctionnements neurologiques sont attribués à des anomalies associées à une augmentation ou à une diminution de la libération de neurotransmetteurs dans la fente synaptique. Chapitre 7
Neurobiologie et santé mentale
161
Les interactions complexes des cellules nerveuses et la distribution des divers neurotransmetteurs dans les différentes parties de l’encéphale sont à la base de toutes les activités du SNC.
Système nigrostrié : Groupe de neurones se situant dans la substance noire et se projetant vers le striatum. Ils sont impliqués dans l’initiation des mouvements volontaires et leur dysfonctionnement explique les symptômes de la maladie de Parkinson.
L’acétylcholine (ACh) a été la première substance identifiée comme étant un neurotransmetteur. Elle se trouve presque partout dans l’encéphale, mais les noyaux gris centraux et le cortex moteur du lobe frontal en contiennent des concentrations particulièrement élevées. Les neurones qui utilisent l’ACh comme neurotransmetteur sont qualiés de cholinergiques. Il existe deux types de récepteurs pour l’ACh : les récepteurs muscariniques et les récepteurs nicotiniques. De nombreux médicaments, tels les antipsychotiques de première génération (aussi appelés antipsychotiques typiques), interagissent avec l’ACh et ses sites récepteurs muscariniques, produisant ainsi des effets indésirables anticholinergiques. La sécheresse de la bouche, la vision brouillée, la constipation et la rétention urinaire font partie de ces effets indésirables. Souvent très incommodants pour les clients, ils s’avèrent la cause fréquente de la non-adhésion au traitement thérapeutique prescrit. De plus, le blocage des récepteurs muscariniques peut entraîner des effets plus graves comme la confusion et le délirium, en particulier chez les clients âgés.
Les récepteurs nicotiniques réagissent positivement à la nicotine. Ils se trouvent surtout dans les jonctions neuromusculaires, de même que dans certaines régions du SNC et du SNP. La nicotine, présente dans le tabac, se lie aux sites récepteurs nicotiniques. Elle peut reproduire les effets Colette Senez est âgée de 47 ans. Elle est de l’ACh libérée dans certains hospitalisée à l’unité de santé mentale pour un centres cérébraux associés au trouble dépressif caractérisé. Elle a des épisodes plaisir, ce qui fait que la nicodépressifs récurrents et son conjoint vous dit qu’il tine crée une forte dépenen a marre de la voir ainsi : « Je veux bien comdance. L’exposition à des taux prendre qu’elle n’est pas bien, mais elle devrait faire excessifs de nicotine causera plus d’efforts pour s’en sortir. » Que devriez-vous parfois la paralysie muscurépondre au conjoint de la cliente pour lui expliquer laire, ce qui explique pourque ce n’est pas le manque de volonté qui explique quoi il s’agit aussi d’un la condition de son épouse ? insecticide efcace.
Jugement
clinique
Neuropeptide : Peptide utilisé par l’organisme comme neurotransmetteur tel que l’endorphine et les enképhalines.
162
Partie 2
Le glutamate (acide glutamique), un acide aminé, est un neurotransmetteur excitateur de l’encéphale, tandis que le principal neurotransmetteur inhibiteur de l’encéphale est l’acide gammaaminobutyrique (GABA), qui dérive chimiquement du glutamate. Le glutamate et le GABA sont à la base des processus de mémorisation dans l’hippocampe ; voilà pourquoi ils font l’objet de recherches approfondies portant sur des troubles comme la maladie d’Alzheimer et la schizophrénie (Schinder & Morgenstern, 2009). La norépinéphrine, l’épinéphrine, la dopamine, la sérotonine et l’histamine appartiennent à la classe de neurotransmetteurs désignés comme
Dimensions biopsychosociales de la santé mentale et des troubles mentaux
monoamines. La dopamine, la norépinéphrine et l’épinéphrine sont synthétisées à partir de la tyrosine, un acide aminé et sont aussi appelées catécholamines. La dopamine est un neurotransmetteur présent dans plusieurs régions de l’encéphale, dont la substance noire du mésencéphale et l’hypothalamus. Les cellules du mésencéphale qui contiennent de la dopamine envoient leurs axones vers le cortex limbique (voie mésolimbique). Les chercheurs Heinz et Schlagenhauf (2010) croient que les clients atteints de schizophrénie sont atteints d’un dysfonctionnement de ces régions de l’encéphale. Des antagonistes (substances qui inactivent le récepteur) de la dopamine sont en effet prescrits pour le traitement de certaines psychoses. Dans la maladie de Parkinson, ce sont les cellules de la substance noire (système nigrostrié) contenant de la dopamine qui sont détruites. Dans ce cas, des agonistes (substances qui activent le récepteur) de la dopamine sont alors prescrits pour le traitement des symptômes. Nombre d’études indiquent que les clients atteints de troubles dépressifs, en particulier le trouble dépressif caractérisé, ont une carence en norépinéphrine (Crupi, Marino & Cuzzocrea, 2011). La norépinéphrine se concentre surtout dans une petite zone de l’encéphale connue sous le nom de locus coeruleus. Lorsqu’elle est libérée directement dans la circulation sanguine, la norépinéphrine agit comme une hormone qui amplie l’effet de l’ACh libérée localement aux jonctions neuromusculaires. Par exemple, les nerfs sympathiques qui innervent les muscles lisses autour des vaisseaux sanguins ont des concentrations importantes de norépinéphrine, ce qui explique le rôle de celle-ci dans l’élévation de la pression artérielle au cours d’une réaction de lutte ou de fuite. La sérotonine est synthétisée à partir du tryptophane, un autre acide aminé. La production de sérotonine se fait principalement dans le tronc cérébral, mais elle est également répandue dans le cortex cérébral et la moelle épinière. La sérotonine contribue à réguler l’homéostasie, agissant sur la régulation de la température corporelle, sur la prise de nourriture, sur les cycles veillesommeil, ainsi que sur l’humeur. Tous ces aspects sont assujettis à des concentrations sufsantes de sérotonine. Des problèmes signicatifs sur le plan clinique, par exemple les nombreux symptômes comportementaux liés à la dépression, apparaissent quand le taux de sérotonine d’un client est faible. Les neuropeptides, tels la cholécystokinine, les endorphines (opioïdes endogènes) et la substance P, sont présents dans plusieurs sites de l’encéphale. Les chercheurs croient que ces molécules jouent un rôle dans la prise de nourriture, les dépendances et la modulation endogène de la douleur (Hannon-Engel, 2012 ; Maldonado, 2010).
De plus, des recherches récentes mettent en évidence que deux gaz – le monoxyde de carbone et l’oxyde nitrique – agissent à la manière de neurotransmetteurs (Benarroch, 2011 ; Fujita, Yamafuji, Nakabeppu et al., 2012). Ces deux gaz toxiques et instables sont des sous-produits des émissions de gaz d’échappement et d’autres formes de combustion. Dans l’organisme humain, ils sont produits par le métabolisme cellulaire. L’oxyde nitrique n’est pas emmagasiné dans des vésicules synaptiques ; en réalité, il agit plutôt dans la direction opposée, se déplaçant du neurone postsynaptique vers le neurone présynaptique, et on ne lui connaît pas de sites récepteurs spéciques. Il agit toutefois comme messager chimique dans l’encéphale et dans les vaisseaux sanguins périphériques. De plus, il intervient dans la relaxation des vaisseaux sanguins du clitoris et du pénis au moment de l’excitation sexuelle (Andersson, 2011). Les chercheurs indiquent aussi que l’oxyde nitrique ainsi que le monoxyde de carbone jouent un rôle dans la fonction mnésique de l’hippocampe et qu’ils participent peut-être à la maladie complexe qu’est le trouble dépressif caractérisé (Borras, Constant, De Timary et al., 2009 ; Cutajar & Edwards, 2007 ; Moroz & Kohn, 2011).
7.3.4
Rôle clinique des neurotransmetteurs
Des recherches approfondies sont consacrées à la mise au point de nouveaux médicaments qui agissent sur les synapses dans l’encéphale pour rendre le traitement des troubles mentaux plus efcace et précis (Manolopoulos, Ragia & Alevizopoulos, 2012). Toute molécule chimique qui imite celle du neurotransmetteur (agoniste), ou qui entre en compétition avec lui, ou qui le détruit (antagoniste), ou qui empêche sa liaison avec des sites récepteurs dans la membrane postsynaptique peut modier l’efcacité de la communication entre les neurones. Le TABLEAU 7.4 présente les principaux neurotransmetteurs et leur relation avec certains troubles mentaux.
Dépression La sérotonine et les substances qui lui sont chimiquement apparentées, comme la dopamine et la norépinéphrine, sont les neurotransmetteurs le plus souvent en cause dans les diverses formes de dépression. En effet, plusieurs antidépresseurs – les antidépresseurs tricycliques (amitriptyline [Elavilmd]) et les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (fluoxétine [Prozacmd]) – se distinguent surtout par leurs effets sur les taux de norépinéphrine ou de sérotonine. Toutefois, certains médicaments qui ciblent spéciquement la sérotonine (p. ex., la uoxétine, la
TABLEAU 7.4
Relation entre le dysfonctionnement de la sécrétion des neurotransmetteurs et certains troubles mentaux
NEUROTRANSMETTEUR
DYSFONCTIONNEMENTS DE LA SÉCRÉTION
TROUBLES MENTAUX
Dopamine
• Excès (mésolimbique) et décit (mésocortical)
• Schizophrénie
• Décit (système nigrostrié)
• Maladie de Parkinson
• Décit
• Dépression
• Excès
• Anxiété
• Décit
• Dépression
• Excès
• Anxiété, schizophrénie
GABA
• Décit
• Troubles anxieux, maladie de Huntingdon
ACh
• Décit
• Maladie d’Alzheimer
• Excès
• Dépression
Sérotonine Norépinéphrine
paroxétine) peuvent être inefcaces chez certains clients, mais bien convenir à d’autres. Les antidépresseurs de la classe des inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine inhibent le recaptage de la sérotonine par les cellules présynaptiques. Cela augmente la disponibilité de la sérotonine dans la fente synaptique pour se xer sur ses sites récepteurs spéciques. D’autres antidépresseurs agissent en tant qu’inhibiteurs de la monoamine oxydase (p. ex., la phénelzine [Nardilmd]). La monoamine oxydase est l’enzyme qui désactive la sérotonine, la norépinéphrine et la dopamine, dans la fente synaptique, et elle les empêche d’agir sur les neurones postsynaptiques. Donc, une enzyme ou un médicament qui agit à l’opposé de la monoamine oxydase ou qui est un inhibiteur de cette substance augmente la transmission des signaux entre les neurones. L’usage des inhibiteurs de la monoamine oxydase requiert une surveillance très contraignante à cause de leurs nombreuses interactions médicamenteuses et alimentaires, et ces substances ne sont maintenant que très rarement utilisées. Étant donné que la norépinéphrine est également importante pour la régulation de paramètres comme le rythme cardiaque et la pression artérielle, les antidépresseurs qui agissent sur le système de la norépinéphrine (p. ex., la venlafaxine [Effexormd]) peuvent avoir des effets indésirables qui perturbent ces fonctions.
7
CE QU’IL FAUT RETENIR
La sérotonine et les substances qui lui sont chimiquement apparentées, comme la dopamine et la norépinéphrine, sont les neurotransmetteurs le plus souvent en cause dans les diverses formes de dépression.
Anxiété Un certain nombre d’affections liées à l’anxiété, tels les troubles paniques et les phobies graves, sont dues à une production excessive de certains neurotransmetteurs excitateurs qui causent une Chapitre 7
Neurobiologie et santé mentale
163
12 Le chapitre 12, Troubles anxieux, trouble obsessionnel-compulsif et troubles apparentés, présente la pharmacothéra pie et les autres thérapies prodiguées pour ce type de troubles.
hyperexcitabilité de la membrane postsynaptique. Le GABA, l’un des plus importants neurotransmetteurs inhibiteurs du SNC, s’oppose normalement aux effets de ces neurotransmetteurs excitateurs. Beaucoup de médicaments anxiolytiques (p. ex., le diazépam [Valiummd], l’alprazolam [Xanaxmd]) agissent en se liant aux récepteurs du GABA, ce qui augmente ses propriétés inhibitrices sur le neurone postsynaptique et ainsi module l’effet des neurotransmetteurs excitateurs. Cela produit un effet calmant chez les clients qui souffrent d’anxiété. Le neurone devra ensuite subir une excitation plus forte pour être activé 12 .
Schizophrénie CE QU’IL FAUT RETENIR
La cause principale des symptômes neurologiques manifestés par les clients atteints de schizophrénie est une perturbation de l’activité normale des neurotransmetteurs, en particulier la dopamine.
14 Les facteurs biochimiques de la schizophrénie ainsi que les traitements asso ciés sont présentés dans le chapitre 14, Troubles du spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques.
De nombreux facteurs entrent en jeu dans un trouble complexe comme la schizophrénie, dont une prédisposition génétique, le développement prénatal et l’environnement. La cause principale des symptômes neurologiques manifestés par les clients atteints de schizophrénie est une perturbation de l’activité normale des neurotransmetteurs, en particulier la dopamine. Selon des études récentes, les taux de dopamine seraient élevés chez les personnes atteintes de schizophrénie dans la voie mésolimbique, mais diminués dans la voie mésocorticale (Wadenberg, 2010). Certains chercheurs soutiennent qu’au moins six autres neurotransmetteurs – le glutamate, la sérotonine, la norépinéphrine, l’ACh, le GABA et la cholécystokinine – sont aussi en cause dans la schizophrénie (Bennett, 2009 ; Meltzer & Huang, 2008). Toutefois, le traitement actuel reste essentiellement fondé sur l’hypothèse dopaminergique, et les médicaments antipsychotiques les plus fréquemment prescrits modulent les effets de la dopamine 14 .
Maladie de Parkinson et maladie d’Alzheimer 26 La maladie d’Alzheimer est expliquée en détail dans le chapitre 26, Personnes âgées.
La maladie de Parkinson et la maladie d’Alzheimer sont toutes deux des exemples de troubles cérébraux dont la cause organique est connue aujourd’hui : une perte de neurones contenant la dopamine dans la substance noire du mésencéphale pour la maladie de Parkinson et une perte de neurones contenant l’ACh dans le cortex cérébral, pour la maladie d’Alzheimer (Dumas & Newhouse, 2011 ; Schwartz & Sabetay, 2012). Les effets dévastateurs de ces affections dégénératives sont liés aux troubles dépressifs et aux troubles neurocognitifs qui apparaissent chez les clients et auxquels devront faire face les inrmières.
Les clients atteints de la maladie de Parkinson présentent de façon caractéristique des tremblements au repos, une démarche traînante, une perte progressive de la gestion motrice qui mène à une rigidité caractéristique et à une réduction de la maîtrise des mouvements du visage ; ces clients ont alors un visage sans expression et éprouvent des troubles de l’élocution. Les causes de la carence en dopamine chez les clients atteints de la maladie de Parkinson seraient à la fois génétiques (moins de 5 %), environnementales et idiopathiques. Le parkinsonisme est actuellement traité à l’aide de la lévodopa (L-DOPA [Sinemetmd]), un précurseur de la dopamine capable de traverser la barrière hématoencéphalique. Les cellules cérébrales contenant les enzymes nécessaires convertiront la lévodopa en dopamine. Les agonistes de la dopamine (p. ex., le pramipexole [Mirapexmd ], le ropinirole [ReQuip md]), des molécules très semblables à la dopamine et qui en imitent les effets, sont aussi employés en usage thérapeutique.
Maladie d’Alzheimer La maladie d’Alzheimer fait partie des principales causes d’invalidité et de décès chez les aînés au Canada et aux États-Unis, et le nombre de personnes atteintes augmente d’année en année en raison du vieillissement de la population FIGURE 7.7. L’ACh est le neurotransmetteur principalement mis en cause dans cette affection. Les taux réduits d’ACh entraînent nombre des manifestations comportementales de la maladie, comme la perte de mémoire et la désorientation. Le donépézil (Aricept md) et d’autres médicaments similaires inhibent l’enzyme cholinestérase qui dégrade l’ACh dans la fente synaptique. Cela augmente la quantité d’ACh disponible entre les synapses, retardant de ce fait l’apparition des symptômes (Dumas & Newhouse, 2011) 26 .
Maladie de Parkinson La plupart des chercheurs conviennent que la cause immédiate du parkinsonisme est une carence en dopamine dans la substance noire du mésencéphale qui gouverne les noyaux gris centraux intervenant dans la coordination motrice.
164
Partie 2
Dimensions biopsychosociales de la santé mentale et des troubles mentaux
FIGURE 7.7 La prévalence de la maladie d’Alzheimer est directement liée au vieillissement de la population. La maladie semble toucher davantage les femmes que les hommes.
7.4
Système nerveux et autres systèmes
Même si le siège des troubles mentaux se trouve avant tout dans l’encéphale, il est important de considérer d’autres étiologies biologiques. L’encéphale fonctionne avec les autres systèmes de l’organisme dans un équilibre délicat appelé homéostasie ; de plus, la relation entre l’esprit et le corps demeure indéniable. La recherche démontre que le SNC inue sur le système immunitaire, le système endocrinien, les rythmes biologiques naturels ainsi que sur d’autres systèmes, tout comme il est sous l’inuence de ceux-ci (Stasiolek, 2011). Les sections suivantes présentent des exemples d’interactions entre des systèmes de l’organisme et la façon dont leur perturbation entraîne parfois des dysfonctionnements ou des troubles mentaux, affectifs et comportementaux.
7.4.1
Psychoneuro-immunologie
La psychoneuro-immunologie est l’étude des relations entre les systèmes nerveux, endocrinien et immunitaire et certains comportements associés à ces systèmes. Les cytokines sont des médiateurs chimiques libérés par les cellules du système immunitaire et sont impliquées dans la régulation de la réponse inammatoire. La relation entre les cytokines et la physiopathologie d’affections comme le cancer, les allergies et les maladies neuro-immunes, les maladies neurodégénératives, ainsi que les troubles mentaux, comme le trouble dépressif caractérisé, la schizophrénie et la maladie d’Alzheimer, a été mise en évidence (Czirr & Wyss-Coray, 2012 ; Stasiolek, 2011). Le stress entraîne la libération de corticolibérine qui inhibe le système immunitaire, en faisant produire, entre autres, beaucoup de glucocorticoïdes FIGURE 7.8.
FIGURE 7.8 Le stress entraîne la libération de corticolibérine qui inhibe le système immunitaire, en faisant produire, entre autres, beaucoup de glucocorticoïdes.
Des études montrent que les émotions négatives, l’anxiété et les troubles mentaux, comme la schizophrénie et les troubles dépressifs, sont parfois liés au fonctionnement réduit du système immunitaire (Richard & Brahm, 2012). Par exemple, le trouble de stress post-traumatique est associé à une immunosuppression de longue durée (Miura, Ozaki, Sawada et al., 2008).
7.4.2
Neuroendocrinologie
La neuroendocrinologie est l’étude de la relation entre le système nerveux et le système endocrinien. En raison de son association anatomique étroite avec l’hypophyse, l’hypothalamus inue aussi sur la régulation hormonale propre à celle-ci (p. ex., l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien). Un certain nombre de neurotransmetteurs, dont l’épinéphrine, peuvent agir comme des hormones. En effet, plusieurs troubles d’origine hormonale, par exemple l’hypothyroïdie et la maladie d’Addison, entraînent des symptômes psychiatriques comme la dépression et la fatigue (Fornaro, Iovieno, Clementi et al., 2010 ; Kosteniuk, Morgan & D’Arcy, 2012).
7
En outre, la schizophrénie et d’autres troubles mentaux apparaissent plus souvent pendant la période de fécondité, alors que l’activité des hormones sexuelles est maximale, ce qui donne à penser que le système endocrinien pourrait exercer une inuence importante dans l’apparition des troubles mentaux chez certaines personnes (Riecher-Rössler & Kulkarni, 2011).
7.4.3
Chronobiologie
La chronobiologie est l’étude des rythmes biologiques de l’organisme, couramment appelés rythmes circadiens. Ces rythmes se manifestent par des variations de la vitesse du métabolisme, des cycles veille-sommeil, de la pression artérielle, des taux hormonaux et de la température corporelle. L’encéphale gère ces rythmes grâce à ses interactions avec divers organes endocriniens et au moyen de l’information qu’il reçoit des organes sensoriels, comme les yeux. Certains troubles mentaux et médicaux comme la schizophrénie, la dépression et le trouble bipolaire apparaissent plus fréquemment ou sont ampliés lorsque les phases du sommeil et les rythmes biologiques sont perturbés (Lamont, Legault-Coutu, Cermakian et al., 2007 ; Maldonado, Pérez-San-Gregorio & Reiter, 2009). L’agitation vespérale, ou syndrome des états crépusculaires, est une exacerbation des symptômes psychotiques ou dépressifs durant l’après-midi ou la soirée qui se manifeste par la désorientation et la confusion. Certaines études associent l’agitation vespérale avec une perturbation des rythmes circadiens (Westrich & Sprouse, Chapitre 7
CE QU’IL FAUT RETENIR
L’agitation vespérale, ou syndrome des états crépusculaires, est une exacerbation des symptômes psychotiques ou dépressifs durant l’après-midi ou la soirée qui se manifeste par la désorientation et la confusion.
Neurobiologie et santé mentale
165
2010). Des affections psychiatriques et médicales, comme la maladie d’Alzheimer, perturbent également les rythmes circadiens du client (Cardinali, Furio & Brusco, 2011). Il a également été démontré que la réduction de l’exposition à la lumière durant les mois d’hiver entraînait des symptômes dépressifs chez les clients atteints de trouble dépressif avec caractère saisonnier (dépression saisonnière) (Srinivasan, De Berardis, Shillcutt et al., 2012).
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les recherches actuelles mettent en évidence que de nombreux gènes exercent une inuence sur l’apparition de troubles mentaux et de comportements dysfonctionnels symptomatiques sous-jacents.
19 La régulation physiologique et homéostatique du sommeil est détaillée dans le chapitre 19, Troubles de l’alternance veille-sommeil.
Le rôle de la mélatonine – une hormone sécrétée pendant la nuit par l’épiphyse, une petite glande située dans le diencéphale – dans les troubles chronobiologiques est très étudié (Coogan & Thome, 2011 ; Srinivasan, Pandi-Perumal, Cardinali et al., 2006). En effet, les travailleurs de nuit sont plus à risque d’être atteints de troubles mentaux tels que la dépression ou les troubles anxieux (Simon, 2012). Il faut aussi savoir que les recherches en chronopharmacologie, une branche de la pharmacologie qui étudie le moment précis d’administration d’un médicament par rapport aux rythmes biologiques pour en assurer la meilleure efcacité possible, sont en pleine évolution. En plus de gérer les rythmes circadiens, le cerveau possède aussi des rythmes endogènes d’ondes cérébrales qui reètent la fréquence d’activation de certains circuits cérébraux FIGURE 7.9. Des anomalies dans les rythmes des ondes cérébrales, dues à l’activation insufsante de certains circuits cérébraux, pourraient entrer en jeu dans des troubles neurologiques (p. ex., l’épilepsie) et mentaux (p. ex., la dépression). Les médicaments psychoactifs modient le rythme des ondes cérébrales chez les clients présentant un épisode psychotique, ce qui rétablit temporairement la normalité des circuits cérébraux. Les antidépresseurs amplient les ondes cérébrales et suppriment ou réduisent le sommeil paradoxal, la phase du sommeil où, très probablement, se situent les rêves. L’électroconvulsivothérapie supprime les ondes cérébrales anormales, restaurant de ce fait des tracés plus typiques 19 .
7.4.4
Neurogénétique
Les gènes sont les unités héréditaires des chromosomes qui déterminent les caractéristiques propres à un organisme. Une information considérable a été rassemblée au cours des années 1990, durant la « décennie du cerveau », dont la plus importante fut probablement le Projet génome humain. Ce projet a abouti à l’identication de tous les gènes contenus dans les 23 paires de chromosomes humains. Les recherches actuelles mettent en évidence que de nombreux gènes exercent une inuence sur l’apparition de troubles mentaux et de comportements dysfonctionnels symptomatiques sous-jacents (Miyake, Hirasawa, Koide et al., 2012 ; Petronis, Qottesman, Kan et al., 2003). Des tendances familiales se manifestent pour certains troubles mentaux comme la schizophrénie. Selon la littérature la plus récente, jusqu’à 150 gènes portés par près d’une douzaine de chromosomes différents pourraient contribuer aux causes de la schizophrénie (Moore, Kelleher & Corvin, 2011). Les origines génétiques de plusieurs autres troubles mentaux sont aussi à l’étude, par exemple, un décit de l’attention/hyperactivité, le trouble de la personnalité antisociale et les comportements violents (Craddock, O’Donovan & Owen, 2005 ; Siebner, Callicot, Sommer et al., 2009). Des gènes liés au trouble bipolaire et à la dépendance aux drogues ont aussi été identiés (Agrawal, Verweij & Gillespie, 2012 ; Seifuddin, Mahon, Judy et al., 2012). Toutefois, les gènes ne déterminent que la possibilité de développer une condition normale ou anormale. En effet, il existe de plus en plus d’indices montrant que l’environnement et les conditions de développement in utero contribuent à l’expression de ces gènes, qui se manifesteront plus tard par des comportements anormaux (Dauncey, 2012).
7.4.5
Technologie des cellules souches
La technologie des cellules souches est peut-être la technique la plus controversée et la plus prometteuse qui pourrait mener au traitement et à la guérison des maladies et des lésions neurologiques. Les cellules souches sont des cellules dont le génome est intact et qui ne se sont pas encore différenciées ou développées en un type cellulaire précis. La recherche se poursuit à la fois sur les cellules souches embryonnaires et sur les cellules souches adultes.
FIGURE 7.9 Il existe quatre types principaux d’ondes cérébrales chez une personne dont les rythmes circadiens et les ondes cérébrales sont normaux.
166
Partie 2
Dimensions biopsychosociales de la santé mentale et des troubles mentaux
Un ovule fécondé est totipotent, ce qui signie qu’il a le plein potentiel de se développer en un être humain complet. À mesure que des gènes sont activés et que d’autres sont désactivés, les cellules embryonnaires se spécialisent. Toutefois, dans certains tissus (dont la moelle osseuse, certains tissus
conjonctifs et même le tissu cérébral), des cellules non spécialisées persistent : ce sont les cellules souches adultes. Cependant, la possibilité de les cultiver avec succès et de les utiliser à des ns thérapeutiques demeure limitée (Zou, Jiang, Zhang et al., 2010). En revanche, les chercheurs sont capables d’induire l’expression de gènes spéciques dans des cellules souches embryonnaires. Ainsi spécialisées, elles pourraient être amenées à se développer en organes destinés à des transplantations dont les complications attribuables au rejet tissulaire seront moindres. Cette technologie pourrait aussi se révéler utile pour traiter des lésions de l’encéphale et de la moelle épinière, ainsi que des affections dégénératives comme la sclérose latérale amyotro phique, la maladie de Parkinson et la maladie d’Alzheimer. Toutefois, l’utilisation du tissu embryonnaire humain soulève de nombreuses questions éthiques.
7.4.6
Neuroplasticité
L’encéphale constitue un environnement dynamique en continuel changement. La neuroplasticité, soit la capacité de l’encéphale d’adapter sa structure et son fonctionnement tout au long de la vie, a conduit à de nouvelles approches pour le traitement des lésions neurologiques. Nombreux étaient ceux qui croyaient jusqu’à maintenant que la capacité de l’encéphale adulte de se réparer luimême après une lésion ou de remplacer des cellules dégénérées était minimale. La recherche a toutefois révélé que la plasticité des cellules nerveuses du SNC est possible dans plusieurs situations. Par exemple, les études portant sur l’impact des lésions périphériques (p. ex., l’amputation d’un doigt) sur la réorganisation fonctionnelle du cortex sensitif ont permis de conclure que les neurones corticaux qui ont perdu leurs afférences principales (p. ex., l’amputation du troisième doigt) étendent leur territoire sensitif aux aires voisines (aux deuxième et quatrième doigts). Depuis, d’autres régions du cerveau ont été étudiées pour leur potentiel plastique, par exemple, le cortex visuel et le cortex auditif (le succès actuel
A
B
des implants cochléaires se fonde sur les capacités plastiques du cortex auditif). Les études sur la plasticité de la moelle épinière ont mené à un succès grandissant dans la gestion de lésions spinales touchant la motricité des mains, par exemple. De plus, des clients ayant subi des dommages à l’encéphale consécutifs à un accident ou à un AVC et auxquels on n’aurait prédit autrefois que de faibles chances de rétablissement sont aujourd’hui traités avec plus d’espoir (Kerr, Cheng & Jones, 2011 ; Sterr & Conforto, 2012). La recherche et les découvertes concernant la neuroplasticité ont aussi entraîné des changements importants dans les plans de traitement (Villamar, Santos Portilla, Fregni et al., 2012). Le délai d’intervention, l’importance de la lésion ainsi que l’attitude du client sont des enjeux importants pour la réussite de la régénération après lésion.
7.5
7
Neuro-imagerie
La mise au point de techniques d’imagerie médicale depuis le début des années 1980 a modié de façon spectaculaire la compréhension de la structure de l’encéphale et de son fonctionnement. Une grande variété de techniques a permis de cartographier minutieusement l’anatomie et la physiologie de l’encéphale et de récolter ainsi nombre d’éléments d’information précieux. Les techniques de neuroimagerie utilisées actuellement sont l’échographie, la tomodensitométrie (TDM), la tomographie par émission de positrons (TEP), la tomographie d’émission monophotonique (TEMP), l’imagerie par résonance magnétique (IRM) et l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) FIGURE 7.10. À la différence de la technologie radiologique plus ancienne, qui exigeait l’emploi de pellicules radiographiques, ces techniques utilisent maintenant des ordinateurs pour générer les images.
7.5.1
Échographie
L’échographie de l’encéphale, ou échoencéphalographie, utilise des ondes sonores de haute fréquence
C
FIGURE 7.10 Techniques de neuro-imagerie – A Tomodensitométrie. B Imagerie par résonance magnétique. C Tomographie par émission de positrons. Chapitre 7
Neurobiologie et santé mentale
167
pour former des images des cavités et des masses de l’encéphale. Étant donné que cette technique n’utilise pas de radiations nocives, nombreux sont ceux qui la préfèrent pour détecter des anomalies de l’encéphale en développement comme l’hydrocéphalie.
7.5.2
Tomodensitométrie
Cet examen radiologique utilisant le tomodensitomètre (ou scanneur à rayon X) permet d’obtenir des vues tridimensionnelles de l’encéphale en générant des images de minces coupes sériées de la substance cérébrale. Ces multiples sections permettent de mettre en évidence des malformations de l’encéphale, certaines affections cérébrales (malformations des vaisseaux cérébraux, hémorragies et ischémies cérébrales) et les tumeurs de l’encéphale. De plus, cette technique est très utilisée pour évaluer les conséquences d’un trauma crânien. La TDM a montré des anomalies cérébrales non spéciques chez des clients ayant reçu un diagnostic de schizophrénie, de trouble bipolaire, de certains troubles dépressifs, de troubles liés à l’utilisation de l’alcool, de troubles neurocognitifs d’origine vasculaire et de maladie d’Alzheimer. La TDM est souvent utilisée en raison de son accessibilité et de son coût raisonnable. Ses inconvénients sont le manque de sensibilité technique et l’impossibilité de fournir des images dans les plans sagittal et frontal. Comme l’examen nécessite l’injection d’un produit de contraste iodé, il faut s’assurer que le client n’y est pas allergique. Les clients souffrant d’insufsance rénale doivent boire beaucoup avant et après l’examen. Il existe des contre-indications évidentes chez la femme enceinte en raison des dangers des rayons X pour le fœtus.
7.5.3 Positron : Particule élé mentaire de même masse que l’électron, mais de charge positive. 14 Le chapitre 14, Troubles du spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques, présente entre autres une IRM de jumeaux atteints de schizophrénie et la perte de volume cérébral liée à cette pathologie.
168
Partie 2
Tomographie par émission de positrons et tomographie d’émission monophotonique
Fondées sur une technologie similaire à celle de la TDM, la TEP et la TEMP (ou tomoscintigraphie) sont à la ne pointe de la neuro-imagerie. Ces deux techniques sont aussi désignées par le terme d’imagerie isotopique : elles demandent toutes deux l’introduction de substances radioactives dans la circulation sanguine. Le radionucléide émet des positrons ; ceux-ci interagissent avec les molécules de l’encéphale, ce qui produit des photons, qui sont détectés par l’appareil et qui produisent des variations de couleur formant une image tridimensionnelle des structures de l’encéphale sur un moniteur FIGURE 7.10C. Ces deux types de tomographie permettent de mettre en évidence l’activité métabolique de
Dimensions biopsychosociales de la santé mentale et des troubles mentaux
l’encéphale, surtout le débit et le volume sanguin ainsi que le métabolisme du glucose. L’avantage de la TEP sur les autres techniques d’imagerie nucléaire est lié à la nature du traceur radioactif utilisé. En effet, les traceurs sont des isotopes des atomes constituant la plupart des molécules de l’organisme, et ils disparaissent rapidement de l’organisme. Enn, la TEP permet d’obtenir des images de plus haute résolution que les autres techniques. Les inconvénients de la TEP résident surtout dans son coût et dans la production des radio-isotopes par un cyclotron médical. Étant donné l’importance de l’irrigation sanguine de l’encéphale, la TEMP est particulièrement utile pour visualiser ses structures vasculaires et pour diagnostiquer des affections comme les AVC ou les anomalies des vaisseaux cérébraux. La TEMP est un outil d’investigation de plus en plus utilisé en neurologie, par exemple pour déceler des anomalies du cortex cérébral chez des clients atteints d’épilepsie, et en neuropsychiatrie pour détecter les anomalies structurales dans la maladie d’Alzheimer et dans d’autres types de troubles neurocognitifs. Cette technique a été récemment utilisée avec succès pour déceler des anomalies dans le débit sanguin de clients atteints d’hyperactivité ou de troubles bipolaires (Di Tommaso, 2012). Les principales contreindications de la TEMP sont la grossesse et l’allaitement.
7.5.4
Imagerie par résonance magnétique
L’IRM utilise les propriétés de résonance magnétique des composantes du corps humain, sans la nécessité d’introduire des substances radioactives. Cette technique représente aujourd’hui, dans les pays occidentaux, 70 % de l’imagerie neurologique, soit en complément de la TDM, soit en première indication. Elle est devenue un excellent outil diagnostique des maladies du SNC. Par rapport à la TDM, elle fournit des images tridimensionnelles plus précises, surtout dans certaines zones comme la moelle épinière. De plus, elle permet d’obtenir des vues des structures cérébrales proches du crâne. La présence de matière osseuse n’altère pas les images de l’IRM, qui permettent également de distinguer la substance blanche de la substance grise. Elle offre un avantage considérable pour l’établissement des diagnostics psychiatriques en montrant les modifications neuroanatomiques chez les clients atteints de schizo phrénie, dont l’augmentation de la taille des ventricules, la réduction du lobe temporal et de l’hippocampe ainsi que l’atrophie corticale 14 .
Toutefois, l’IRM ne convient pas à tous les clients, comme ceux qui portent un stimulateur cardiaque, des implants, des plaques ou des vis métalliques et des pompes à perfusion. En outre, les clients atteints de claustrophobie sont souvent incapables de subir ce type d’examen, car l’espace est restreint dans l’appareil d’IRM, et le client doit y demeurer immobile. En raison du milieu conné et du bruit excessif de l’équipement, l’inrmière met l’accent sur l’enseignement au client avant l’examen et surveille étroitement son degré d’anxiété durant le déroulement. Aujourd’hui, de nouveaux appareils d’IRM ouverts peuvent rendre cet examen plus facile pour les clients.
Imagerie par résonance magnétique fonctionnelle L’IRMf est une variante de l’IRM qui décèle l’activité cérébrale en mesurant la consommation d’oxygène et les différences métaboliques dans des parties distinctes de l’encéphale. L’IRMf révèle, par exemple, que le métabolisme du glucose dans les régions corticales de l’encéphale est réduit chez les clients atteints de la maladie d’Alzheimer (Scheef, Spottke, Daerr et al., 2012). Il s’agit en outre d’un outil efficace pour déterminer les régions fonctionnelles précises de l’encéphale qui sont atteintes en cas de tumeurs, d’AVC et de certaines affections chroniques comme la sclérose en plaques. De plus, l’IRMf constitue un excellent moyen de documenter certaines anomalies du cerveau relatives aux troubles neurocognitifs et aux convulsions épileptiques.
7.6
Soins inrmiers psychiatriques et neurobiologie
La neurobiologie a connu des avancées prodigieuses au cours des dernières décennies. Mieux comprendre les interactions entre le corps et l’esprit permet à l’inrmière de concevoir et de prodiguer des soins complets, selon une approche holistique. Une connaissance sufsante des fondements neurobiologiques des troubles mentaux
lui permet d’être à l’affût de manifestations liées aux processus physiologiques au moment de l’évaluation initiale de la santé mentale et physique et de contribuer plus efcacement à l’établissement du diagnostic médical. De plus, cette connaissance est essentielle à la compréhension des mécanismes d’action des psychotropes, ce qui permet d’assurer une surveillance clinique adéquate. Ces notions, enseignées au client et à ses proches, peuvent favoriser l’adhésion au traitement pharmacologique prescrit. L’inrmière intervient en gardant à l’esprit que si les facteurs biologiques jouent un rôle dans l’apparition des troubles mentaux, l’inverse est aussi vrai, à savoir que l’expérience vécue et l’environnement de la personne inuent également sur le comportement. Ainsi, des soins inrmiers peuvent avoir un impact positif sur le rétablissement de la personne. La possibilité d’améliorer la condition de santé du client génère de l’espoir chez lui et ses proches, de même que chez les soignants eux-mêmes. Reconnaître les fondements neurobiologiques et génétiques des troubles mentaux peut contribuer à diminuer la stigmatisation dont les personnes qui en souffrent sont encore aujourd’hui trop souvent victimes. Par conséquent, dispenser un enseignement sur les troubles mentaux, les facteurs liés à leur apparition et les traitements possibles représente un aspect important du rôle de l’inrmière. Cet enseignement vise non seulement la personne atteinte, mais aussi les membres de sa famille, des groupes particuliers et la population en général.
7
CE QU’IL FAUT RETENIR
Reconnaître les fondements neurobiologiques et génétiques des troubles mentaux peut contribuer à diminuer la stigmatisation dont les personnes qui en souffrent sont encore aujourd’hui trop souvent victimes.
Une solide formation en neurobiologie fait de plus en plus partie des normes de la pratique inrmière en santé mentale et en psychiatrie (American Nurses Association, 2006 ; Ordre des inrmières et inrmiers du Québec, 2009). Les neurosciences ne cessent de progresser et de nouvelles connaissances sont de plus en plus accessibles. Rester au fait des nouvelles découvertes permet à l’inrmière d’améliorer continuellement sa pratique auprès des personnes atteintes de troubles mentaux et de leurs proches.
Chapitre 7
Neurobiologie et santé mentale
169
Analyse d’une situation de santé Jean-Olivier Caron est âgé de 23 ans. Il est suivi à la clinique de consultation externe de psychiatrie pour des manifestations de schizophrénie. Ses parents disent qu’il dort beaucoup durant la journée et qu’il s’affaire à toutes sortes d’activités la nuit. D’après eux, leur ls vit beaucoup d’anxiété, mais ils ne peuvent en déterminer les causes. Ils ont également observé qu’il semble parfois
Jugement clinique adopter une attitude d’écoute comme s’il devait répondre à quelqu’un, bien qu’il n’y ait personne auprès de lui. Dans son dossier, le rapport d’IRM indique qu’il y a une modication neuroanatomique, plus spéciquement une réduction du lobe temporal, et une augmentation du taux de dopamine sérique. Une TDM a également été demandée. Cependant, le client a peur de subir cet examen.
Mise en œuvre de la démarche de soins
Collecte des données – Évaluation initiale – Analyse et interprétation 1. Quel phénomène physiologique pourrait expliquer l’inversion des cycles veille-sommeil chez monsieur Caron ? 2. Pourquoi est-il important de vérier le taux de dopamine chez ce client ?
Planication des interventions – Décisions inrmières SOLUTIONNAIRE
3. D’après le rapport d’IRM, quelle manifestation devriez-vous surveiller chez monsieur Caron ? Justiez votre réponse. 4. Que faudra-t-il évaluer avant que le client passe sa TDM ? Justiez votre réponse.
Le psychiatre a prescrit de l’olanzapine (Zyprexamd) 5 mg die à monsieur Caron.
écemment vu dans ce chapitre Que fallait-il vérier avant que monsieur Caron ne passe l’examen d’IRM ? Justiez votre réponse.
170
Partie 2
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution 5. En raison de la prise de ce médicament, que faudra-t-il vérifier chez monsieur Caron à l’occasion des consultations ultérieures ?
Dimensions biopsychosociales de la santé mentale et des troubles mentaux
APPLICATION DE LA PENSÉE CRITIQUE Dans l’application de la démarche de soins auprès de monsieur Caron, l’inrmière a recours à un ensemble d’éléments (connaissances, expériences antérieures, normes institutionnelles ou protocoles, attitudes professionnelles) pour analyser la situation de santé du client et en comprendre les
enjeux. La FIGURE 7.11 illustre le processus de pensée critique suivi par l’inrmière an de formuler son jugement clinique. Elle résume les principaux éléments sur lesquels l’inrmière s’appuie en fonction des données de ce client, mais elle n’est pas exhaustive.
VERS UN JUGEMENT CLINIQUE CONNAISSANCES
EXPÉRIENCE
• Fonctions des lobes du cerveau et conséquences selon la zone touchée • Fonctionnement des neurotransmetteurs et effets indésirables associés au blocage des récepteurs de ces neurotransmetteurs par les médicaments antipsychotiques • Examens paracliniques en neurobiologie • Médicaments antipsychotiques et effets indésirables • Notions de base en chronobiologie
• Expérience de travail auprès d’une clientèle atteinte de schizophrénie
NORME • Protocole de préparation du client à une tomodensitométrie
ATTITUDE • Respect des craintes du client à subir une tomodensitométrie
PENSÉE CRITIQUE
ÉVALUATION • Sommeil du client (il dort beaucoup durant la journée et il s’affaire à toutes sortes d’activités la nuit) • Degré d’anxiété général • Vérication de l’allergie à l’iode (en raison de la TDM) • Résultats des examens paracliniques (IRM et taux de dopamine sérique) • Présence ou absence d’effets extrapyramidaux en raison de la prise de l’antipsychotique olanzapine
JUGEMENT CLINIQUE FIGURE 7.11
Application de la pensée critique à la situation clinique de monsieur Caron
Chapitre 7
Neurobiologie et santé mentale
171
7
Chapitre
8
Développement et vieillissement de la personne Écrit par : Linda Hollinger-Smith, PhD, RN, FAAN Adapté par : Dalila Benhaberou-Brun, inf., M. Sc. Mis à jour par : Claire Page, inf., Ph. D. (Sciences biomédicales – psychiatrie sociale)
MOTS CLÉS
OBJECTIFS
Adaptation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176 Adolescents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177 Adulte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175 Comportements interpersonnels . . . . . 180 Conditionnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 180 Développement de la personne . . . . . . 174 Enfant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175 Personne âgée. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188 Résilience. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176 Structures cognitives . . . . . . . . . . . . . . . . 178 Vieillissement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188 Vieillissement réussi . . . . . . . . . . . . . . . . . 192
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez être en mesure : • de décrire l’importance du développement de la personne selon une perspective biopsychosociale ; • d’expliquer les principaux éléments des théories du développement ; • de discuter de la façon dont les facteurs biologiques, psychologiques et sociaux influencent les transitions de la vie ; • d’expliquer les processus physiques et psychosociaux normaux ; • de définir les concepts d’adaptation et de résilience ; • d’analyser certains éléments du développement de la personne dans l’évaluation de sa condition mentale.
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À retenir Carte conceptuelle Figure Web Ressources Solutionnaire de l’Analyse d’une situation de santé
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Solutionnaire des questions de Jugement clinique Solutionnaire des questions Réactivation des connaissances Solutionnaire des questions Récemment vu dans ce chapitre Solutionnaires du Guide d’études Tableau Web
Guide d’études – RE09
172
Partie 2
Dimensions biopsychosociales de la santé mentale et des troubles mentaux
Concepts clés
Cette carte conceptuelle illustre schématiquement les principaux concepts décrits dans le présent chapitre. Sa lecture vous permettra d’avoir une vue d’ensemble des notions qui y sont présentées.
exigeant
8 marqués par
contribuent à
caractérisés par
caractérisées par
marqués par
entraînant
marquées par
selon trois stades
Développement de la personne
inuencé par
comme
comme
Chapitre 8
Développement et vieillissement de la personne
173
PORTRAIT
Andrée Lavoie Andrée Lavoie est âgée de 48 ans. Divorcée, elle vit maintenant seule depuis que son ls est parti vivre dans l’Ouest canadien. Madame Lavoie travaille comme aide-pâtissière dans un grand hôtel du centre-ville. Depuis quelques semaines, elle rend visite à sa mère – Germaine Bélanger – âgée de 80 ans et en convalescence dans un centre de réadaptation à la suite d’un remplacement total de la hanche. Chaque soir, après le travail, madame Lavoie se rend auprès de sa mère pour lui tenir compagnie durant le souper. Après l’évaluation des conditions de vie au domicile de Germaine Bélanger, l’équipe soignante a informé madame Lavoie des démarches pour aménager le domicile de sa mère en prévision d’un retour à la maison. Madame Lavoie fait part de son désarroi devant la situation à l’inrmière intervenante pivot. Elle craint que les services à domicile ne soient pas sufsants pour permettre à sa mère âgée de retourner vivre chez elle. Madame Lavoie se sent coupable de ne pas pouvoir héberger sa mère parce qu’elle vit dans un appartement au troisième étage d’un immeuble sans ascenseur. Elle pleure, se dit démunie sans la présence de son ls, et craint de ne pas être à la hauteur de la situation.
8.1 Les changements physiolo giques qui surviennent chez la personne âgée sont présentés dans le chapitre 13 du manuel de Potter, P.A., & Perry, A.G. (2016). Soins inrmiers – Fondements généraux (4e éd.). Montréal, Québec : Chenelière Éducation.
Personnalité : Ensemble des caractéristiques affectives, émotionnelles, dynamiques générales de la manière d’être d’une personne, selon sa façon de réagir aux situations dans lesquelles elle se trouve.
Concepts et dénitions
Le développement de la personne est un processus dynamique et continu qui n’est pas le fruit du hasard et qui se poursuit tout au long de la vie. Le développement désigne tous les changements (biologiques, cognitifs, psychosociaux et affectifs) survenant chez une personne, de la naissance à la mort (Santrock, MacKenzie-Rivers, Malcomson et al., 2011). Certains facteurs de développement sont héréditaires, d’autres sont attribuables à l’environnement. Les théoriciens du développement dénissent des âges, des stades ou des périodes de la vie pour expliquer ces changements. Les premiers théoriciens ayant étudié le développement de la personne – Freud et Piaget – se sont d’abord intéressés aux enfants et aux adolescents, et ont fondé leur travail sur l’idée que la cognition, l’intellect, la personnalité et les habiletés sociales se développent à un jeune âge (Santrock et al., 2011). Les chercheurs considèrent aujourd’hui que le développement de la personne s’étend au-delà de l’enfance, pendant l’âge adulte et jusqu’à l’âge avancé (Ebersole & Hess, 2011). Une compréhension claire du développement de la personne est essentielle à l’inrmière pour
174
Partie 2
Dimensions biopsychosociales de la santé mentale et des troubles mentaux
être en mesure d’évaluer la santé mentale, dénie par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) comme « un état de bien-être dans lequel une personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et contribuer à la vie de sa communauté » (OMS, 2014).
8.1.1
Dimensions du développement
Développement physique Le développement physique concerne les modications du corps humain, tant des organes que des tissus. Les deux périodes où le développement physique est le plus considérable sont le début de l’enfance, entre 0 et 1 an, et la n de l’enfance, entre 13 et 16 ans environ, avec des variations importantes et des différences marquées entre les lles et les garçons FIGURE 8.1. À la n de l’adolescence, ces derniers ont presque atteint leur taille adulte. La vieillesse est une autre période notable du développement physique. Le processus de vieillissement altère de façon irréversible la peau, les os, la masse musculaire et les principaux systèmes physiologiques (cardiovasculaire et respiratoire notamment), modiant autant l’apparence que les capacités physiques de la personne.
Développement cognitif Parallèlement au développement physique, des changements s’opèrent progressivement sur le plan cognitif. Après l’acquisition du langage et d’un vocabulaire de plus en plus riche au début de l’enfance (entre 1 et 6 ans), le jeune enfant acquiert des connaissances diverses – lecture, écriture, calcul, concepts de temps et d’espace – au milieu de l’enfance (entre 6 et 11 ans). Sa pensée se précise et son raisonnement s’afne à mesure
FIGURE 8.1 Le développement physique s’illustre notamment par des variations importantes de la croissance au cours de l’enfance et de l’adolescence.
qu’il vieillit. Il fait progressivement la distinction entre la réalité et l’imaginaire. À l’âge adulte (au-delà de 19 ans), l’être humain possède toutes les compétences nécessaires à la compréhension du monde qui l’entoure.
Développement psychosocial Dès le début de sa vie, l’enfant entretient une relation étroite et tisse un lien d’attachement avec ses parents (Ainsworth & Bowlby, 1991 ; Centres d’excellence pour le bien-être des enfants, 2009). Au fur et à mesure qu’il grandit, il apprend à interagir avec son environnement, à respecter les règles de la vie en communauté – famille, école –, et est inuencé par ses échanges avec les autres. Les valeurs transmises par l’éducation et la culture continuent de façonner l’adulte ou la personne âgée dans leurs interactions avec l’environnement.
8.1.2
Facteurs de développement
Le développement de la personne est inuencé par des facteurs internes et des facteurs externes. Les premiers, innés, font partie intégrante de la personne et ne peuvent être modiés. Les seconds sont surtout liés à l’environnement et il est possible de les inuencer.
Facteurs internes Les facteurs héréditaires comme le genre, les caractéristiques physiques ou encore le tempérament orientent dès la naissance l’évolution de la personne au cours de sa vie. Ainsi, le tempérament, tel que déni par Chess et Thomas (1999), conditionne la façon de penser et de se comporter avec les autres. La sensibilité et les émotions propres varient, de même que les habiletés pour appréhender les événements de la vie.
Facteurs externes Les expériences de vie et la façon de réagir à certains événements sont non seulement liées aux facteurs internes, mais également aux apprentissages sociaux plus ou moins réussis, qui favorisent le sentiment d’appartenance et l’estime de soi (Boily, St-Onge & Toutant, 2006 ; Duclos, 2010 ; Institut canadien d’information sur la santé, 2009). La famille immédiate et élargie, les pairs et les relations sociales ont une inuence notable sur le développement, particulièrement à l’adolescence, où l’acceptation par les autres constitue une valeur importante. Par la suite, le réseau et le soutien sociaux gardent une grande importance au l des étapes principales de la vie. Ce sont deux concepts différents ; le réseau social est le tissu ou la structure du groupe, alors que le soutien social est l’assistance émotionnelle ou tangible procurée par
le réseau social. Le soutien social est étroitement lié à la santé mentale (Caron & Guay, 2005).
8.1.3
Stades de développement
Dans nos sociétés occidentales, trois périodes du cycle de vie sont reconnues. Durant l’enfance, période s’étalant de la naissance à 19 ans environ, le bébé dépendant de ses parents se transforme en une jeune personne en quête d’autonomie. L’enfance est elle-même subdivisée en phases durant lesquelles l’enfant se développe sur les plans physique, mental, cognitif et social, et acquiert les habiletés qui le préparent à devenir adulte. Cette période est cruciale en termes d’apprentissages. Après celle du milieu de l’enfance (de 6 à 12 ans), celle de l’adolescence (de 12 à 19 ans), assez tumultueuse du fait de grandes transformations, peut représenter une transition assez difcile pour certains enfants qui doivent faire face à des questionnements majeurs sur leur identité et leur orientation sexuelle notamment. La période de l’âge adulte, allant de 19 à 64 ans environ, est ponctuée de divers événements importants de la vie tels que la n du statut d’étudiant, l’intégration à la vie citoyenne, la recherche d’identité sociale, le début de la vie en couple, l’activité professionnelle ou encore la fondation d’une famille. Plusieurs crises peuvent survenir, notamment la perte ou le changement d’emploi, le deuil ou encore le départ des enfants du foyer familial. L’adulte réagira selon le contexte dans lequel il se trouve et selon ses capacités propres à vivre les transitions et les changements. L’âge avancé, à partir de 65 ans, constitue la dernière période de la vie. Avec une espérance de vie qui a considérablement augmenté au cours des dernières décennies, cette période se trouve rallongée d’un peu plus de 10 ans depuis les années 1980 environ FIGURES 8.2 et 8.3 (ministère de la Santé et des Services sociaux [MSSS], 2010b). Ainsi, au l du troisième âge (de 65 à 74 ans), du quatrième âge (de 75 à 84 ans) et plus récemment du cinquième âge (85 ans et plus), les aînés font face à l’arrêt de leur activité professionnelle, au deuil de leurs proches, à la maladie, à la perte progressive ou soudaine de leur autonomie, autant d’événements majeurs qui peuvent fragiliser la santé mentale de la personne dans la dernière partie de sa vie.
8.1.4
Développement et santé mentale
La dimension mentale, au même titre que la dimension physique, détermine l’état de santé globale de la personne. Plusieurs facteurs inuencent la santé des populations : les caractéristiques Chapitre 8
ALERTE CLINIQUE
L’isolement et un réseau social inadéquat doivent être considérés comme des facteurs de risque d’être atteint d’un trouble mental, particulièrement pour les personnes âgées (Conseil national des aînés, 2014 ; MacCourt, Wilson & TourignyRivard, 2011). L’inrmière évalue ces deux aspects avec attention à toutes les étapes du développement de la personne.
Tempérament : Manière de penser, de se comporter et de réagir caractéristique de chaque personne (innée). Ce concept renvoie aux tendances de comportement et non aux actes de comportement précis.
éactivation des connaissances Le vieillissement ne conduit pas nécessairement à la maladie et à l’incapacité. La plupart des personnes âgées demeurent indépendantes dans l’accomplissement des activités de la vie quotidienne et domestique, et ce, malgré une perte progressive de leur autonomie fonctionnelle. Des facteurs sont associés à la perte d’autonomie. Nommez au moins trois de ces facteurs.
Développement et vieillissement de la personne
175
8
CE QU’IL FAUT RETENIR
Le soutien social est étroitement lié à la santé mentale.
FIGURE 8.2 1981-2008 : l’augmentation de l’espérance de vie est un enjeu majeur pour les services de santé.
Jugement
clinique Alexandra Leblanc est une adolescente âgée de 14 ans. C’est une première de classe dans toutes les matières. Comme elle est très perfectionniste, elle préfère travailler seule. Bien qu’elle n’aime pas le travail en équipe, elle a accepté de travailler avec une collègue pour monter un kiosque pour l’expo sciences de son école, mais elle refait constamment ce que sa compagne a fait. « Je veux absolument gagner le concours », dit-elle. Sa collègue a remarqué qu’Alexandra mangeait de moins en moins depuis le début de ce travail et qu’elle a maigri. Inquiète, elle en a avisé l’inrmière scolaire qui désire rencontrer l’adolescente. Quel but l’inrmière peut-elle viser à l’occasion d’une rencontre avec Alexandra ?
FIGURE 8.4
176
Partie 2
individuelles, les milieux de vie, les systèmes et les programmes, ainsi que le contexte global FIGURE 8.4 (MSSS, 2010a). Chaque personne appréhende différemment son existence, selon ses capacités propres et son réseau psychosocial. Tous les événements heureux ou malheureux de l’existence constituent des dés à relever. Certaines personnes sauront appréhender le stress, la maladie ou les
FIGURE 8.3 1981-2056 : la proportion de personnes âgées augmente continuellement depuis le début des années 2000.
crises sans trop de difcultés parce qu’elles utilisent des stratégies d’adaptation, apprises au cours de leur vie. À l’inverse, d’autres ne pourront pas gérer adéquatement les crises qui pourront survenir, parce qu’elles ne connaissent pas les stratégies d’adaptation à utiliser ou parce qu’elles sont incapables de les déployer, selon les circonstances. Directement liée à la capacité d’adaptation, la résilience représente la capacité d’une personne face à des épreuves importantes de tenir le coup, d’arriver à rebondir et à donner un sens à ces épreuves (Ploton & Cyrulnik, 2014). Relativement à la hiérarchie des besoins de Maslow, le développement repose sur la capacité
Facteurs interagissant avec la santé mentale
Dimensions biopsychosociales de la santé mentale et des troubles mentaux
de la personne à satisfaire un besoin inférieur, comme les besoins d’intégrité biophysiologique ou les besoins de sécurité, pour accéder à des besoins supérieurs tels que les besoins d’amour et d’appartenance, les besoins d’estime de soi et les besoins de réalisation de soi.
Soins et traitements inrmiers An d’accompagner le client dans son développement, il est essentiel pour l’inrmière : • de reconnaître que chaque personne a des habiletés qui lui sont propres pour appréhender les événements de la vie et de respecter l’unicité de la personne (Ordre des inrmières et inrmiers du Québec, 2009) ; • d’évaluer et de promouvoir la santé mentale positive ENCADRÉ 8.1 1 ; • d’évaluer et de promouvoir le développement du client selon ses besoins TABLEAU 8.1 ; • de mesurer et de prévenir les risques que le client souffre d’un problème de santé mentale ; • de tenir compte d’un éventuel trouble mental dans l’évaluation du développement ; • de considérer et d’évaluer l’inuence du milieu environnant en relation avec la santé mentale du client.
font l’expérience du conit entre leurs désirs internes égoïstes et les contrôles parentaux qui exigent d’eux qu’ils apprennent à réduire de manière socialement acceptable les tensions créées par ces situations conictuelles. Par exemple, ils doivent accepter qu’on leur dise non. Les adolescents, eux, cherchent à déer l’autorité de leurs parents et à s’éloigner de ceux-ci pour se rapprocher de leurs amis et s’intégrer dans des groupes. La confrontation de deux forces – le ça (représentant les pulsions primitives axées sur le plaisir) et le surmoi (correspondant à la morale et aux principes) – caractérise chaque stade. Durant les premières années de la vie, le sens de la réalité de la personne, auquel Freud donne le nom de moi (ou ego), commence à se forger et agit comme médiateur entre le ça et le surmoi. La personne apprend à partir des conits antérieurs et commence à recourir à des mécanismes de défense (p. ex., le refoulement, la projection) pour maintenir l’équilibre dans sa vie 12 . Dans la conception de Freud, ce que l’on est et devient est déterminé durant les quelques premières années de la vie. À chaque stade de développement, la personne accroît sa capacité de tolérer les affrontements entre le ça et le surmoi grâce aux expériences passées de son enfance. Selon Freud, la libido, soit l’énergie sexuelle, inuence la capacité d’une personne à gérer avec succès les conits et les dés de la vie. Freud a déterminé cinq stades de développement : le stade oral, le stade anal, le stade phallique, la période de latence et le stade génital 15 .
8.2
Développement de l’enfant et de l’adolescent
L’enfance constitue une période déterminante dans le développement de la personne. Par-delà les facteurs héréditaires, tous les changements majeurs qui surviennent entre la naissance et l’âge de 19 ans environ conditionnent l’adulte en devenir, et ce, pour le reste de sa vie.
8.2.1
Théories
Plusieurs théories tentent d’expliquer le développement de l’enfant et de l’adolescent. Psychiatres et psychologues ont énoncé des hypothèses expliquant les grands apprentissages de cette période de la vie.
Perspective psychodynamique Développement psychosexuel Sigmund Freud (1856-1939) considère le développement de l’enfant comme une série de conits biologiquement déterminés. Selon cette théorie, les nourrissons et les jeunes enfants sont d’abord centrés sur la satisfaction de leurs propres besoins internes. À travers les interactions parentales, ils
Figure 8.1W : Hiérarchie des besoins de Maslow.
1 La santé mentale positive est dénie dans le cha pitre 1, Perspectives en santé mentale : notions fondamentales et dés.
8
12 Les mécanismes de défense du moi sont dénis dans le chapitre 12, Troubles anxieux, trouble obsessionnel-compulsif et troubles apparentés.
15 Les stades du développe ment selon Freud sont détaillés dans le cha pitre 15, Troubles de la personnalité.
Développement psychosocial Erik Erikson (1902-1994), élargissant la théorie freudienne, voit les interactions sociales comme étant le moteur qui inuence le développement de la personne. Contrairement à Freud, il pense d’ailleurs que ce développement se poursuit durant toute la vie. En associant les effets du milieu social à la maturation biologique, Erikson (1963) formule la théorie psychosociale du développement de la personne, qui se fonde sur huit stades principaux. S’appuyant sur les stades précédents et inuencé par les expériences passées, chacun des huit stades
Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 8.1
Évaluer et encourager la santé mentale positive
Le concept de santé mentale positive recoupe celui de bien-être. L’inrmière reconnaît le caractère positif de la santé mentale du client sur la base des attitudes suivantes présentes chez lui :
• le fait d’avoir une opinion positive de soi pour pouvoir se reconnaître des qualités et des forces ;
• le fait de se sentir cohérent dans les situations de la vie et d’y trouver un sens ;
• le fait de se sentir heureux.
Chapitre 8
• le fait d’avoir l’impression de maîtriser sa vie ;
Développement et vieillissement de la personne
177
Pratiques inrmières suggérées
Proposer des stratégies pour satisfaire les besoins du client
TABLEAU 8.1
HIÉRARCHIE DES BESOINSa
BESOINS
STRATÉGIES ET INTERVENTIONS INFIRMIÈRES
Intégrité biophysiologique
• Survie
• Évaluer et assurer le bien-être physique du client.
• Confort
• Évaluer les conditions sanitaires. • Évaluer si les apports nutritionnels de base sont comblés.
Sécurité
• Perception du danger
• Favoriser l’indépendance domestique (logement adapté, équipement d’appoint, etc.).
• Environnement immédiat sûr
• Faire de la prévention pour éviter les chutes (personnes âgées), les intoxications (jeunes enfants), etc.
• Accès aux recours juridiques et économiques
• Dépister la violence (familiale, scolaire, etc.). • Aider à obtenir de l’aide juridique ou nancière.
Amour et sentiment d’appartenance
• Relations sociales signicatives
• Déterminer l’impact d’une perte sur la personne.
• Intimité et liens affectifs
• Faciliter la socialisation.
• Afliations et amitiés
• Offrir un soutien relativement aux besoins d’intimité et de sexualité. • Faciliter les transitions.
Estime de soi
• Rôles sociaux
• Favoriser le maintien des rôles importants selon la personne.
• Réseau de soutien
• Encourager le souci de l’apparence physique.
• Reconnaissance par les pairs
• Encourager la participation à des processus de prise de décisions et l’autonomie.
• Perception de la maîtrise de sa vie
• Souligner les forces de la personne.
• Conscience de soi Réalisation de soi
• Recherche d’un sens à la vie et à la mort
• Favoriser l’introspection sur les valeurs et les réalisations de la personne.
• Créativité
• Encourager la verbalisation sur les expériences passées et les perspectives d’avenir.
• Ouverture
• Faciliter la prise de décisions.
a
Maslow (1908-1970) a déni la hiérarchie des besoins de la personne pouvant guider l’inrmière dans la promotion d’un milieu développemental sain. Source : Adapté de Ebersole & Hess (1999).
Les stades de développement de l’enfant et de l’adolescent sont traités dans le chapitre 4 du manuel Hockenberry, M.J., & Wilson, D. (2012). Soins inrmiers – Pédiatrie. Montréal : Chenelière Éducation.
178
Partie 2
représente une crise psychosociale particulière que le moi doit résoudre, avec ou sans succès, avant de passer à l’autre stade. La source de la crise peut être interne ou externe. Chaque stade de développement repose sur le maintien d’un équilibre entre deux pôles : la syntonie (état de stabilité) et la dystonie (état de désordre) (Erikson, Erikson & Kivnick, 1986). En général, la résolution de ces crises n’est pas une situation du tout ou rien. Dans certains cas, les expériences futures amènent la personne à se méer de l’environnement social, mais globalement, son développement psychosocial peut se faire avec succès si elle fait conance à son environnement social dans la plupart des situations et que, par conséquent, un pôle domine l’autre. Progressivement, la conance favorise un développement harmonieux, signe d’une santé mentale positive. Les cinq premiers stades d’Erikson concernent le développement de l’enfant et de l’adolescent. Les trois derniers stades touchent le développement de l’adulte et de la personne âgée.
Dimensions biopsychosociales de la santé mentale et des troubles mentaux
Application en santé mentale Selon Freud, les traumatismes passés peuvent entraîner des problèmes mentaux et physiques plus tard dans la vie, car tout se joue durant l’enfance. C’est pourquoi son modèle théorique s’arrête avant l’âge adulte TABLEAU 8.2. La théorie d’Erikson, qui conçoit le développement de la personnalité de façon plus large, englobe l’impact des facteurs sociaux, culturels et environnementaux plutôt que les seuls effets de l’énergie sexuelle.
Perspective cognitive Développement cognitif Jean Piaget (1896-1980) a étudié la structure et le développement des processus mentaux ainsi que leur inuence sur le comportement. Selon lui, la structuration de ces processus passe par le développement de schèmes (c’est-à-dire d’images mentales ou de structures cognitives). L’enfant développe son imagination et commence à saisir le monde qui l’entoure. Quand l’enfant entre en contact avec une nouvelle information qu’il
reconnaît et comprend à l’intérieur d’un schème existant, il assimile cette nouvelle in for ma tion. S’il est incapable de lier la nouvelle information à un schème existant, il doit se former de nouvelles images mentales ou de nouveaux motifs de pensée, ce qu’il fera grâce au mécanisme d’accommodation. Tant que l’enfant peut assimiler de nouvelles connaissances de manière adéquate, il demeure capable de maintenir un équilibre mental. Il se produit un déséquilibre lorsque les schèmes sont insufsants pour faciliter l’apprentissage. Piaget (1970) décrit quatre stades de développement cognitif : périodes sensorimotrice, préopératoire, des opérations concrètes et des opérations formelles. Durant chaque stade, le développement de nouvelles structures cognitives inuence les actions et les comportements de l’enfant, qui doit atteindre les objectifs de chaque stade avant d’accéder au suivant.
TABLEAU 8.2
Correspondance des théories psychodynamiques
ÂGE
STADES SELON LA THÉORIE PSYCHOSEXUELLE (FREUD)
STADES SELON LA THÉORIE PSYCHOSOCIALE (ERIKSON)
< 1 an
Stade oral
Conance vs méance
1-3 ans
Stade anal
Autonomie vs honte et doute
3-6 ans
Stade phallique
Initiative vs culpabilité
6-12 ans
Période de latence
Travail vs infériorité
12-18 ans
Stade génital
Identité vs confusion
19-40 ans
–
Intimité vs isolement
40-65 ans
–
Générativité vs stagnation
> 65 ans
–
Intégrité personnelle vs désespoir
TABLEAU 8.3
Correspondance des théories cognitives
ÂGE
STADES DE DÉVELOPPEMENT COGNITIF
NIVEAUX DE DÉVELOPPEMENT MORAL
• < 1 an
• Période sensorimotrice (entre 0 et 2 ans)
–
• 1-3 ans
• Période préopératoire « de 2 à 7 ans »
• Période préconventionnelle « de 4 à 10 ans »
• 6-12 ans
• Période des opérations concrètes « de 7 à 11 ans »
• 12-18 ans
• Période des opérations formelles « de 11 à 16 ans »
• Période conventionnelle « à partir de 10 ans et pendant l’adolescence »
8
Développement moral Le développement moral est soutenu par les processus mentaux puisqu’il met en jeu la prise de décisions concernant les bonnes ou les mauvaises actions à accomplir dans une situation donnée. Les travaux de Piaget ont aussi porté sur le concept de développement moral, qu’il a déni selon deux stades. Avant l’âge de 10 ou 11 ans, les enfants ne considèrent pas les dilemmes moraux de la même manière que les enfants plus âgés, en raison de leur perception du système de règles : pour les enfants plus jeunes, les règles sont absolues et proviennent d’une gure d’autorité. Les enfants plus âgés apprennent que les règles peuvent changer dans certaines circonstances. Selon Piaget, les enfants plus jeunes fondent leur jugement moral sur un seul aspect − l’importance de la faute ou son résultat −, alors que les enfants plus âgés tiennent compte de l’ensemble de la situation et des motivations. Pour reprendre l’exemple de Piaget, un enfant peut faire une grande tache d’encre avec un encrier en voulant rendre service, ou encore faire une petite tache en jouant avec le contenant. L’enfant plus jeune se fonde sur l’importance du dommage pour afrmer que la première action est plus grave. Par opposition, l’enfant plus âgé désigne la seconde comme étant plus dommageable, car pour lui, l’immoralité du geste repose sur les motivations en cause dans la situation (Papalia, Olds & Feldman, 2010). À partir des travaux de Piaget, Lawrence Kohlberg a concentré ses recherches sur les dilemmes moraux que les enfants et les adolescents doivent résoudre (Kohlberg, 1973). S’appuyant sur le modèle de Piaget, Kohlberg distingue plutôt trois niveaux dans le développement moral, chacun caractérisé par deux stades TABLEAU 8.3. Les trois niveaux décrivent comment l’enfant apprend à discerner le bien du mal dans le processus d’élaboration de son appréciation morale.
• 3-6 ans
• 19-40 ans • 40-65 ans
• Période postconventionnelle –
• Contrat social et principes éthiques universels
• > 65 ans
Application en santé mentale Le développement cognitif représente les tentatives constantes de l’être humain de s’adapter à son environnement et d’y trouver un sens. L’inrmière peut observer l’enfant ou l’adolescent pour évaluer comment il se comporte face à de nouveaux événements, s’il ressent de la peur ou s’il évite systématiquement certaines situations. Ces éléments lui permettent de comprendre certains schémas de pensée et de dépister, par exemple, d’éventuels troubles anxieux ou un trouble obsessionnel-compulsif. Un développement cognitif et moral décient peut conduire à un trouble du développement intellectuel, à des troubles d’apprentissage et même à certains troubles de comportement comme les troubles envahissants du développement (Maki, Jeste & Spence, 2011). Chapitre 8
Développement et vieillissement de la personne
179
Perspective comportementale Théories behavioristes CE QU’IL FAUT RETENIR
Fondamentalement, les personnes sont poussées à chercher des stimulus positifs ou renforçateurs, et à éviter les stimulus négatifs ou aversifs.
Les précurseurs des théories behavioristes sont les scientiques John B. Watson (1878-1958) et B.F. Skinner (1904-1990). À l’aide de techniques de recherche élaborées par Ivan Pavlov, Watson a démontré que les êtres humains apprennent de nouveaux comportements grâce à un conditionnement classique (ou répondant ou pavlovien) ENCADRÉ 8.2. Quand le chercheur retire le stimulus inconditionnel, le stimulus conditionnel continue à produire la même réaction. Skinner a poursuivi les travaux de Watson, présumant que l’apprentissage se produit par l’association d’un comportement avec une conséquence particulière, mécanisme auquel il a donné le nom de conditionnement opérant. Ainsi, le conditionnement opérant se distingue du conditionnement classique par le fait qu’il agit sur des comportements volontaires et non sur des réexes. Skinner détermine trois conséquences ou réponses fondamentales à des situations d’apprentissage : le renforcement, l’extinction et la punition. Le renforcement est une réponse positive qui consolide un comportement particulier ; l’extinction est une réaction à l’absence du résultat attendu ou habituel associé au comportement ; le comportement, n’étant plus utile, disparaît peu à peu. La punition est une réponse déplaisante qui vise à réduire la fréquence du comportement.
Théorie de l’apprentissage social
20 Les thérapies sont différenciées dans le chapitre 20, Modèles et stratégies thérapeutiques.
ENCADRÉ 8.2
Julian Rotter (1916-2014) s’est écarté de l’idée que des motifs biologiques déterminent le comportement humain. Il a fondé sa théorie sur la loi empirique de l’effet en tant que facteur de motivation animant le comportement humain. Fondamentalement, les personnes sont poussées à chercher des stimulus positifs ou renforçateurs, et à éviter les stimulus négatifs ou aversifs. Ainsi, un enfant qui reçoit une bonne note pour un devoir doit comprendre que c’est le résultat de son travail et non du hasard. Il réalisera qu’il peut exercer une maîtrise sur la situation : un effort récompensé par une bonne note. Rotter va plus loin en disant que la personnalité est essentiellement liée à l’environnement d’une personne. Son approche de la psychologie clinique englobe l’étude non seulement de l’histoire de la personne, de sa personnalité et de ses expériences, mais aussi de la
Réexe de Pavlov
Pavlov (1849-1936) a été le premier à distinguer le stimulus inconditionnel, inné, et le stimulus conditionnel, acquis par l’apprentissage ou l’habitude. Au cours d’une expérience, il sert de la nourriture à un chien et lui fait entendre une cloche au même moment. Après plusieurs essais, le chien salive
180
Partie 2
dès qu’il entend la cloche, par réexe, sans qu’aucune nourriture n’ait été présentée. Pavlov conrme ainsi qu’un stimulus conditionnel, associé à un stimulus inconditionnel, déclenche une réponse conditionnée ou une modication du comportement.
Dimensions biopsychosociales de la santé mentale et des troubles mentaux
conscience que celle-ci a de son environnement et de sa réaction face à celui-ci. Contrairement à d’autres théoriciens du développement de l’enfant, Rotter croit aussi que la personnalité continue de se développer à travers les nouvelles expériences de la vie ou les nouvelles occasions d’apprentissage, bien qu’avec l’âge, les stimulus doivent être plus intenses pour produire un même degré de changement dans la personnalité. Rotter, Lah et Rafferty (1992) ont déni le locus de contrôle comme étant un aspect de la personnalité. Il est déterminé par la perception que chaque personne a de ce qui inuence ou non la maîtrise d’une situation – le soi ou une quelconque force externe. Deux catégories sont dénies : le locus de contrôle interne (p. ex., les efforts, le talent) et le locus de contrôle externe (p. ex., le hasard, la chance, la fatalité) (Burns, 1984). La contribution d’Albert Bandura (1986) à la théorie de l’apprentissage social de Rotter met en relief le rôle de l’observation des actions, des émotions et des attitudes des autres dans le modelage du comportement. Bandura introduit le concept d’autorégulation en tant que moyen pour une personne de considérer ses expériences, de rééchir à ses propres processus mentaux et d’ajuster sa pensée en conséquence. La perception de l’efcacité personnelle, une forme d’autorégulation qui inuence les comportements d’une personne, est un point central des recherches de Bandura. Les personnes acquièrent des perceptions de leur propre efcacité, ce qui guide leur comportement. La perception de l’efcacité personnelle détermine ce que la personne tentera et la somme d’efforts qu’elle consentira pour atteindre ses objectifs.
Application en santé mentale La théorie de l’apprentissage social a apporté une contribution importante à plusieurs domaines, notamment l’éducation, les soins de santé et la thérapie comportementale. En particulier, la thérapie d’autocontrôle basée sur les concepts d’autorégulation vise à changer des comportements habituels qui sont des sources de déséquilibres tels que l’hyperphagie ou la consommation de drogues 20 . Par ailleurs, les théories comportementales ont permis d’établir des liens entre l’autisme et des troubles comportementaux durant la première année de vie chez des enfants qui babillent peu, n’établissent pas de contact visuel ou n’imitent pas les autres (Drash & Tudor, 2004).
Perspective écologique Théorie interpersonnelle Harry Stack Sullivan (1892-1949) considère les comportements interpersonnels et les relations comme les facteurs centraux qui inuencent le développement de l’enfant et de l’adolescent à travers six périodes, du début de l’enfance à l’adolescence.
Les comportements interpersonnels engendrent des réactions sociales qui les renforcent, ou les dis créditent (Sullivan, 1953). Par exemple, l’enfant apprend que les comportements qui suscitent la erté de ses parents sont préférables aux comportements entraînant une punition qui accroît son anxiété. Plusieurs périodes sont dénies dans le TABLEAU 8.4.
Théorie de l’attachement John Bowlby (19081990) reconnaît l’importance de la formation de liens affectifs avec la mère dans le développement de l’enfant, phénomène constant dans toutes les cultures. Il voit l’attachement au
cœur de tout développement de la personne et à la base de l’édication des relations. À partir d’études initiales sur des animaux, puis par la suite chez l’humain, Bowlby constate que l’établissement de liens affectifs forts résulte des actions posées par une personne qui prend soin de l’enfant dans le but de le protéger (Bowlby, 1988). Les réactions de l’adulte face à la sécurité et les soins donnés au nourrisson inuencent ainsi le développement des interactions sociales de l’enfant. Selon la théorie de l’attachement, les enfants qui ont connu des attachements sécurisants ont plus de chances de devenir des personnes rési lientes, heureuses et capables, alors que celles qui ont connu des attachements peu sécurisants pour raient être passives, se sentir impuissantes, avoir besoin de plus d’attention ou, plus rarement, souf frir d’un trouble de la personnalité (Levy, 2005) 15 . Ainsi, un enfant très affecté par la perte d’un parent risque d’emprunter une voie de déve loppement plus négative. Bowlby voit ces expé riences comme un processus d’adaptation. D’autres gures de référence, comme un enseignant ou un professionnel de la santé, peuvent inuencer posi tivement le développement de l’enfant et devenir des tuteurs de résilience.
Théorie de séparation-individuation
FIGURE 8.5 Une participation intergénérationnelle saine prote à la famille entière.
Margaret Mahler (18971985) a fondé sa théorie sur l’observation de mères et de jeunes enfants, pendant les trois premières années de vie de ceuxci. La cher cheuse (Mahler, 1963, 1972) a décrit quatre stades du processus de séparation et d’individuation, au
clinique
Jugement
Il existe deux dimensions aux comportements inter personnels : le besoin de satisfaire des attachements sociaux, et le désir de combler ses besoins biolo giques et psychologiques FIGURE 8.5.
Margarita Sanchez est étudiante inrmière. Soigner des enfants la met mal à l’aise. « Je sais que je ne suis pas très chaleureuse avec les petits, et ils doivent le sentir. Si je me force pour jouer avec eux, ça ne dure jamais longtemps. C’est comme si je n’existais pas », cone-t-elle à une compagne de stage. Quel type d’attachement l’attitude de madame Sanchez peut-elle contribuer à développer chez un jeune enfant ?
15 La relation entre l’attachement et la personnalité est davantage expliquée dans le chapitre 15, Troubles de la personnalité.
TABLEAU 8.4
Périodes du développement selon Sullivan
PÉRIODE
CARACTÉRISTIQUES
Période infantile
Les deux premières années de la vie représentent une phase de dépendance par rapport aux parents pour la satisfaction de tous les besoins biophysiologiques et de survie. Les parents communiquent leur humeur de façon empathique, de sorte que l’enfant se sent réconforté quand ses parents lui communiquent de la tendresse et qu’il ressent de l’anxiété lorsqu’ils lui transmettent de la frustration.
Enfance
La période de l’enfance (de 2 à 6 ans) s’étend du début du développement du langage jusqu’au début des relations sociales avec les pairs. L’enfant continue de développer des stratégies d’adaptation à partir des interactions apprises avec ses parents, ses enseignants et les autres personnes qui en prennent soin.
Période juvénile
De 6 à 10 ans, l’enfant commence à former des amitiés avec des pairs, ce qui correspond à un élargissement de son cercle social. À ce stade, il développe des éléments de sa conscience et de sa personnalité qui l’aideront à fonctionner en société.
Préadolescence
De 10 à 13 ans, les amitiés avec des enfants du même sexe s’approfondissent en raison de la nécessité de créer des alliances visant à satisfaire les besoins mutuels. Les groupes sociaux se forment, acquièrent leur propre identité et tendent vers un but. Les préadolescents apprennent l’importance de la réciprocité (l’échange de faveurs ou de privilèges) et de l’égalité dans les relations interpersonnelles.
Adolescence
La période de l’adolescence (de 13 à 17 ans) commence à la puberté, alors que la personne éprouve des attirances et des désirs sexuels pour la première fois. Les adolescents constamment critiqués ou punis par leurs parents en raison de leurs pensées ou de leurs comportements sexuels pourront avoir une faible estime de soi, et éprouver des sentiments d’insécurité, d’anxiété et d’isolement.
Fin de l’adolescence
Pendant cette période (de 17 à 19 ans), l’adolescent apprend à être à l’aise dans des relations intimes, tout en satisfaisant a ux attentes d’acceptabilité sociale de son entourage. Les adolescents qui n’ont pas appris à créer des relations intimes retournent parfois à la période juvénile et gardent une personnalité égocentrique tout au long de leur vie, incapables d’établir des relations interpersonnelle s satisfaisantes.
Chapitre 8
Développement et vieillissement de la personne
181
8
cours duquel l’enfant développe graduellement un moi distinct (séparation) et acquiert des caractéristiques propres (individuation) TABLEAU 8.5. TABLEAU 8.5
Stades de séparation et d’individuation de Mahler
STADE
CARACTÉRISTIQUES
Différenciation
De 3 à 8 mois, l’enfant différencie peu à peu sa propre image de celle de sa mère ou de la personne qui prend soin de lui.
Essais
De 8 à 15 mois, l’enfant explore activement son environnement, parce qu’il est capable de se mouvoir à quatre pattes, puis de marcher.
Rapprochement
De 15 à 22 mois, après avoir terminé l’exploration de son environnement, il revient vers sa mère pour satisfaire ses besoins émotionnels. D’humeur changeante, l’enfant veut tout contrôler. Il doit gérer ses désirs d’indépendance et d’individuation ainsi que son besoin d’amour et de réconfort auprès de sa mère ou de la personne qui prend soin de lui.
Début de la permanence de l’objet émotionnel
À partir de 25 mois, l’enfant acquiert la capacité de maintenir une relation, peu importe les changements et les frustrations qui surviennent dans celle-ci. L’enfant est capable de penser à sa mère, même si elle est absente, et il peut se réconforter avec une représentation de sa mère, par exemple un objet (« doudou ») qui lui rappelle celle-ci.
Source : Adapté de Mahler (1972).
Application en santé mentale Selon la perspective écologique, l’enfant, dès les premières minutes de vie, établit des liens affectifs profonds avec sa mère et son père. Même s’il ne parle pas, le nourrisson exprime des besoins de sécurité et d’amour par des pleurs et des mouvements du corps. Par la suite, l’enfant s’exprime et se manifeste plus explicitement par des paroles et des actes. En répondant à ses besoins selon l’âge, le parent consolide les liens qui l’unissent à l’enfant, et façonne ses émotions et ses comportements présents et à venir.
Soins et traitements inrmiers L’inrmière explique aux nouveaux parents l’importance de répondre aux besoins du nourrisson. Dès la naissance, elle favorise le contact peau à peau de l’enfant contre le parent, une intimité dont les conséquences ont des effets durables (International Breastfeeding Centre, 2009). Au l du développement de l’enfant, l’inrmière évalue diverses habiletés comportementales, cognitives, sociales et relationnelles avant de prodiguer aux parents un enseignement adapté à l’âge et aux capacités de l’enfant ou de l’adolescent TABLEAU 8.6 .
Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 8.6
Évaluer et expliquer les soins à prodiguer selon l’âge de l’enfant
QUESTIONS D’ÉVALUATION
EXEMPLES DE SUJETS ET DE THÈMES À DISCUTER AVEC LES PARENTS
Nourrisson (0-12 mois) • Quel est le tempérament de l’enfant (p. ex., nerveux, stressé, rieur) ?
• Importance de répondre aux besoins de l’enfant
• Quel est le comportement de l’enfant en présence des parents ?
• Création d’un environnement sécurisant avec des objets que l’enfant reconnaît
• Comment le nourrisson réagit-il en présence d’un étranger ? • Le nourrisson a-t-il de la facilité à sourire (après 3 mois) ? • De quelle façon le parent répond-il aux besoins du nourrisson ? • Comment peut-on rassurer ou consoler le nourrisson ? • Quelles sont ses habitudes de vie : sommeil, éveil, repas, sieste, bain, jeux, etc. ? • Quelle est votre préoccupation la plus importante en ce moment concernant votre enfant ?
• Maintien de routines stables dans les activités de la vie quotidienne (bain, sommeil, alimentation, etc.) • Importance de jouer avec le nourrisson • Nécessité de lui parler souvent, d’établir un contact visuel et d’interagir avec lui en utilisant différentes expressions faciales
Début de l’enfance (1-6 ans) • Quelles sont les limites de comportement imposées ?
• Importance de donner des consignes et limites claires à l’enfant
• Quelles sont les stratégies employées pour renforcer un bon comportement ? • Comment l’enfant exprime-t-il ce qu’il aime et ce qu’il n’aime pas ?
• Discipline (p. ex., suggérer d’éviter les punitions trop longues et expliquer brièvement les divers moyens que les parents peuvent utiliser)
• Dans un nouveau contexte, comment l’enfant explore-t-il son environnement (déplacements dans l’espace, regards) ?
• Importance de passer du temps avec l’enfant pour jouer, lui enseigner des choses et partager des activités chaque jour
• Quel genre de questions pose-t-il quand il ne connaît pas le nouveau contexte ?
• Importance d’exprimer du renforcement positif en présence de bons comportements
• Comment l’enfant réagit-il à la séparation du parent (garderie, gardienne) ? • Comment socialise-t-il en présence d’autres enfants ?
• Importance de donner l’exemple
• Comment communique-t-il avec les autres enfants et les autres adultes ? • Quelle est votre préoccupation la plus importante en ce moment concernant votre enfant ?
182
Partie 2
Dimensions biopsychosociales de la santé mentale et des troubles mentaux
TABLEAU 8.6
Évaluer et expliquer les soins à prodiguer selon l’âge de l’enfant (suite)
QUESTIONS D’ÉVALUATION
EXEMPLES DE SUJETS ET DE THÈMES À DISCUTER AVEC LES PARENTS
Milieu de l’enfance (6-11 ans) • Comment l’enfant s’adapte-t-il à l’absence du parent ?
• Lien parent-enfant
• Quels signes démontrent le plaisir qu’éprouve l’enfant à jouer ou à travailler avec les autres enfants ou adultes ?
• Jeux pour enseigner de bons comportements ou enseignement sur les conséquences d’un mauvais comportement
• Peut-il créer des jeux et imaginer des histoires ? • Comment s’afrme-t-il dans différentes situations ?
• Jeux créatifs et imaginatifs (p. ex., dessiner un soleil et écrire ses qualités sur chacun des rayons)
• Qu’est-ce qui facilite ou entrave le respect des règles établies ?
• Accompagnement de l’enfant dans la verbalisation de ce qu’il ressent
• Quelle est sa compréhension de ce qui est bien et de ce qui est mal ?
• Résolution de conits
• Comment l’enfant s’identie-t-il aux pairs du même sexe ?
• Dés à relever
• Peut-il énumérer quelques-uns de ses défauts ou de ses qualités ?
• Adoption d’une routine quotidienne (p. ex., les périodes de jeux, le brossage de dents, l’heure du coucher, etc.)
• Comment participe-t-il aux tâches ménagères ?
8
• Quelle est votre préoccupation la plus importante en ce moment concernant votre enfant ? Fin de l’enfance (11-19 ans) • Quels éléments démontrent l’indépendance du jeune dans ses activités quotidiennes ?
• Activités bénévoles et communautaires qui favorisent le don de soi et les contacts sociaux
• Quels sont les facteurs facilitant ou entravant la participation à des travaux de groupe ou individuels et le respect des règlements ?
• Accompagnement de l’enfant dans la description de ses besoins et de ses responsabilités
• À quoi voit-on que l’enfant s’intéresse aux autres personnes de son âge et qu’il cherche à s’en rapprocher ?
• Programmes et activités qui peuvent présenter un dé pour le jeune
• Combien a-t-il d’amis ? Quel rôle joue-t-il au sein d’un groupe (avec inuence positive) et comment s’identie-t-il à celui-ci ?
• Communication au sein de la famille
• Comment ses relations familiales peuvent-elles être qualiées ? Quels moments heureux rapporte-t-il ?
• Estime de soi et concept de soi positif
• Quel rôle joue la famille immédiate dans les périodes plus difciles ?
• Relations familiales harmonieuses • Pratique régulière d’activités sportives • Activités sur l’image de soi
• De quelle façon le jeune exprime-t-il ses émotions ? • Comment l’enfant démontre-t-il qu’il aime aider les autres ? • Quel concept de soi et quelle estime de soi le jeune manifeste-t-il ? • Quel est son niveau de conance à relever des dés ? • Comment trouve-t-il des solutions à ses problèmes ? • Quelles sont ses facilités ou difcultés face au règlement de conits ? • Quelle est votre préoccupation la plus importante en ce moment concernant votre enfant ?
8.3
Développement de l’adulte
L’âge adulte est une période où les événements extérieurs (p. ex., le mariage, le travail, la famille) inuencent autant le développement de la personne que les processus internes (p. ex., le stress, l’in troversion, l’énergie émotionnelle, etc.). La recherche sur le développement de l’adulte s’est accrue au milieu des années 1970 pour englober une vision plus complexe de l’âge adulte en tant que processus continu et actif de croissance et de développement. Il est vite devenu apparent que les
valeurs, les habiletés cognitives, la santé mentale et physique et de nombreux autres facteurs conti nuent de se modier chez l’adulte (Ratey & Loehr, 2011). Parvenue à l’âge adulte, la personne quitte le foyer familial, s’intègre dans la vie profession nelle et fonde une famille à son tour. L’adulte utilise ses connaissances et en acquiert de nouvelles pour faire des choix de vie dans les sphères personnelle et professionnelle ; il se questionne sur son rôle et ses capacités au sein de sa famille et de sa commu nauté en général. Échecs et succès jalonnent cette longue période de vie de plus de 40 ans. Les Chapitre 8
Tableau 8.1W : Reconnaître et adopter les comportements qui favorisent le développement positif du nourrisson.
Développement et vieillissement de la personne
183
expériences inuencent signicativement la croissance et le développement au cours de ces années.
8.3.1 CE QU’IL FAUT RETENIR
La vie adulte est ponctuée d’événements majeurs (professionnels et familiaux) et de phases de transition qui peuvent entraîner des périodes de stress important.
Théories
Plusieurs théories tentent d’expliquer le développement de la personne à l’âge adulte. Elles ont en commun de voir le développement en fonction des nombreuses transitions vécues. Elles mettent en exergue les grands dés dans cette période de la vie ainsi que les stratégies d’adaptation.
Théorie psychosociale Erikson distingue huit stades dans le développement psychologique. Les deux stades de l’âge adulte sont l’intimité ou l’isolement, et la générativité ou la stagnation TABLEAU 8.2. Comme pour les autres stades, le passage au stade suivant repose sur la résolution du stade précédent ENCADRÉ 8.3.
Théorie des âges de la vie La théorie des âges de la vie divise la durée de la vie en une série de transitions séquentielles accompagnées de tâches développementales adaptées à l’âge, qu’il faut accomplir à chaque étape. Ces tâches peuvent concerner les habiletés cognitives, l’apprentissage ou le développement du concept de soi durant la vie adulte. La théorie des âges de la vie de Carl Jung (1971) se fonde sur la théorie psychanalytique qui soutient qu’à mesure qu’une personne vieillit, elle acquiert des habiletés d’exploration intérieures qui ajoutent du sens à sa vie. Le degré auquel une personne est capable de s’ouvrir à des expériences nouvelles ou inconnues inuence les transitions vers les futurs stades de sa vie. Jung considère le développement de l’adulte comme un continuum traversant le cycle de la vie. Avec une vision « dynamique », ce médecin suisse, disciple et ami de Freud, conçoit l’humain comme un être en
ENCADRÉ 8.3
Stades du développement de l’adulte selon Erikson
INTIMITÉ OU ISOLEMENT
Au début de l’âge adulte, les personnes acquièrent la capacité d’avoir des relations amoureuses et amicales, et elles commencent à contracter des engagements à long terme dans leurs relations. Certaines demeurent repliées sur elles-mêmes et trouvent difcile d’établir et de maintenir des relations ; elles tendent par conséquent à s’isoler. GÉNÉRATIVITÉ OU STAGNATION
Au milieu de l’âge adulte, les personnes cherchent des occasions de guider le développement de la génération suivante. À mesure que leurs enfants deviennent plus
184
Partie 2
indépendants, les parents vieillissants deviennent plus dépendants. Les parents arrivant au milieu de l’âge adulte font alors face à des rôles, à des responsabilités et à des dés nouveaux. La générativité comprend aussi la capacité d’évaluer et d’apprécier les expériences passées de la vie, d’envisager l’avenir, d’assumer des relations et des responsabilités nouvelles, et d’accroître sa créativité. Les adultes qui ne peuvent parvenir à de tels résultats et qui considèrent alors leur vie comme étant ennuyeuse et peu satisfaisante ont le sentiment que leur existence est stagnante ou vide.
Dimensions biopsychosociales de la santé mentale et des troubles mentaux
devenir qui ne cesse de se transformer. Il établit que les adultes âgés de 20 à 35 ans continuent à développer leur individualité et d’autres schèmes de personnalité en même temps qu’ils établissent leur famille. Jung a été l’un des premiers à décrire la transition du milieu de la vie, entre 35 et 40 ans, comme une période de conscience croissante des aspects masculins et féminins de la personnalité présents dans chaque personne. La dernière étape de l’âge adulte (entre 40 et 50 ans) fait place à des préoccupations spirituelles (sur le sens de la vie).
Théorie des transitions de la vie Pendant l’âge adulte, le développement se centre sur la capacité d’interagir avec les aspects transitoires des expériences de la vie et de l’environnement. La reconnaissance et l’acceptation du caractère ni du temps et de l’inévitabilité de la mort sont essentielles pour le développement de l’adulte. Daniel Levinson, un théoricien psychosocial, a étudié les stades de la vie du début à la n de l’âge adulte en adoptant une perspective large fondée sur les travaux d’Erikson (Levinson, Darrow, Klein et al., 1986). Par opposition à ce dernier, Levinson porte moins son attention sur les changements survenant à l’intérieur de la personne que sur les connexions entre le soi et le monde interpersonnel. Sa théorie psychosociale du développement de l’adulte touche l’évaluation du soi de la personne dans le monde et son fonctionnement, ainsi que la relation de celui-ci avec l’environnement (Newton & Levinson, 1979). Elle met l’accent sur la connexion de la personne au soi et à l’environnement, sur les expériences de la vie et sur la créativité de la personne. Levinson a introduit le concept de cycle de vie universel subdivisé en ères. Chaque ère se rapporte à une unité fondamentale du cycle de la vie et dure environ 20 ans. Une personne traverse des périodes stables de six ou sept ans, suivies par des périodes de transition de quatre à cinq ans. Chaque période comprend des tâches précises que la personne doit accomplir. D’un point de vue clinique, les thérapeutes ont trouvé ce cadre utile pour déterminer les périodes de transition, qui sont souvent des moments de conit intérieur et qui constituent de ce fait un motif pour rechercher un traitement (Myers, 1998). Les événements clés survenant durant les stades et les transitions de Levinson sont résumés dans le TABLEAU 8.7.
Transitions du milieu de la vie Entre chaque période de vie, il se produit une transition, quelquefois synonyme de lutte ou de crise (Bee & Boyd, 2012 ; Bridges, 2006). Selon Levinson, jusqu’à 80 % des personnes vivent une telle période de crise. George Vaillant s’est intéressé à l’adaptation de l’adulte relative aux mécanismes de défense du moi. Il a déterminé les comportements qui
TABLEAU 8.7
Cycle de vie selon Levinson
PÉRIODE
ÂGE
CARACTÉRISTIQUES
Ère préadulte
< 17 ans
C’est vers 17 ans que commence la transition vers l’âge adulte. Celle-ci dure de 17 à 22 ans, moment où la personne commence à modier ses relations avec sa famille et ses amis.
Début de l’âge adulte
17-40 ans
Cette période se caractérise par des stades de vitalité, de contradictions et de stress. La personne est mise en face de tâches majeures dans la vie : atteindre ses objectifs, élever sa famille et établir sa position dans la société.
Transition du milieu de la vie
40-45 ans
Devant le constat de l’impossibilité d’accomplir tous les objectifs de la vie, la personne vit d’abord de la déception, puis procède à une reformulation des objectifs précédents.
Milieu de l’âge adulte
45-60 ans
Pendant ces années, le potentiel qu’a la personne d’avoir un impact positif sur la société est à son maximum.
Transition de la n de l’âge adulte
60-65 ans
La personne ressent une certaine anxiété face à son déclin physique.
Fin de l’âge adulte
> 65 ans
La personne apprend à accepter les réalités du passé, du présent et de l’avenir.
Les nouvelles responsabilités (s’occuper d’adolescents ou de parents âgés) caractérisent en général l’âge adulte moyen (entre 40 et 65 ans). En présence d’une détérioration physique ou mentale de son parent, l’adulte d’âge moyen se retrouve dans une situation de renversement des rôles. Alors qu’il vient juste de nir d’élever ses propres enfants et qu’il planie sa propre retraite pour les prochaines années, l’adulte joue le rôle de proche aidant. Le plus souvent, c’est la lle, plutôt que le ls, qui prend soin du parent âgé frappé d’incapacité (Pope, Kolomer & Glass, 2012). Quelque quatre millions de personnes assument ces responsabilités au Canada, avec le stress et les émotions que cela comporte (Ducharme, 2006, 2011). Dans ces circonstances, il est aussi important de soutenir le proche aidant que la personne qui reçoit les soins (Ducharme, Dubé, Lévesque et al., 2012). En outre, la personne assume parfois de nouvelles responsabilités professionnelles, et sent par la suite le besoin de réévaluer sa vie et de procéder à des changements pendant qu’il en est encore temps. L’expression crise du milieu de la vie décrit le moment où les personnes vivent une crise précipitée par la prise de conscience de leur propre
mortalité (Bee & Boyd, 2012). Ces constatations entraînent souvent des conséquences négatives comme la perception d’une détérioration de la santé, des sentiments négatifs concernant les relations conjugales ou le travail, l’incapacité de proter des moments de loisir et le stress découlant de la nécessité de s’occuper de parents vieillissants. L’accent n’est plus mis sur le nombre d’années vécues, mais sur le nombre d’années qu’il reste à vivre.
CE QU’IL FAUT RETENIR
En présence d’une détérioration physique ou mentale de son parent, l’adulte d’âge moyen se retrouve dans une situation de renversement des rôles.
Application en santé mentale Il est possible que le stress ait en fait un effet positif sur le développement de l’adulte. Dans de nombreux cas, des personnes qui vivent un événement stressant découvrent avec le temps qu’elles retirent quelque chose de l’expérience, qui leur a permis d’acquérir de nouvelles habiletés d’adaptation, Valérie Rossellini est âgée de 34 ans. Elle est d’améliorer leur connaissance célibataire et vit avec sa mère. Celle-ci est veuve de soi ou de renforcer leur rédepuis 30 ans et souffre d’insufsance cardiaque. seau social. Certaines croient que Madame Rossellini gagne sufsamment bien sa ces expériences stressantes leur vie pour être indépendante, mais elle prend soin ont permis d’être de meilleures de sa mère malade. Elle passe ses soirées et personnes. ses ns de semaine à la maison et n’a pas de relations amicales ou amoureuse connues. Il est très important de comMadame Rossellini a toujours rêvé de voyager et prendre comment l’adulte fait de travailler à l’étranger, mais étant lle unique, face aux événements stres elle ne s’est jamais résignée à trouver une place sants de sa vie (perte d’emploi, dans un centre d’hébergement pour sa mère. Elle divorce, rôle de proche aidant, fait toujours passer le bien-être de sa mère avant etc.). Les stratégies d’adaptale sien. Sa mère, s’inquiétant de la voir triste et tion et le soutien familial sans entrain, l’invite à consulter la clinique et social aident la personne médicale de son quartier. Devriez-vous soupçonà gérer la situation difficile ner un trouble dépressif chez madame Rossellini ? FIGURE 8.6. Sans ces capacités Justifiez votre réponse. et ce soutien, l’adulte peut
clinique
Jugement
contribuent à l’adaptation ainsi que ceux qui favorisent une adaptation inefcace (Vaillant, 2002). En raison du dynamisme des mécanismes de défense du moi et de leur maturation tout au long de la vie, les personnes qui s’adaptent avec succès sont capables de choisir parmi un éventail de mécanismes de défense pour faire face à leurs problèmes. Chez les adultes sains, ces mécanismes fructueux comprennent, entre autres, l’altruisme, la suppression, l’anticipation et l’humour.
8
Chapitre 8
Développement et vieillissement de la personne
185
FIGURE 8.6 L’adulte passe au travers d’importantes transitions grâce aux stratégies d’adaptation.
éprouver de l’anxiété, et présenter des signes dépressifs ou d’isolement social.
10 Des exemples de stratégies d’adaptation sont donnés dans le chapitre 10, Troubles liés aux traumatismes et aux facteurs de stress.
Tout le monde n’a pas la même perception des dés qui jalonnent la vie, et l’inrmière veille à détecter les faiblesses et les forces de l’adulte aux prises avec des difcultés dans sa vie personnelle, sociale ou professionnelle. Certaines personnes ont tendance à sous-estimer ou à surestimer la gravité des situations auxquelles elles font face. La psychologie positive, soit l’étude scientique des traits et des qualités qui permettent aux personnes de bien se développer, s’est érigée
sur la base des travaux d’Erikson et d’autres théoriciens, notamment Maslow, Vaillant et Seligman. Les traits principaux sont la créativité, la persévérance, la bonté, l’impartialité, l’indulgence et la gratitude. Les psychologues favorisant cette approche croient que les facteurs qui inuencent les émotions ou les traits de caractère positifs ne sont pas simplement l’opposé (ou l’absence) de ceux qui inuent sur les émotions ou les traits négatifs. En d’autres termes, les facteurs qui rendent les personnes plus heureuses ne sont pas nécessairement le contraire de ceux qui provoquent du stress chez elles (Wood & Tarrier, 2010).
Soins et traitements inrmiers L’inrmière évalue les difcultés que rencontre la personne dans son parcours de vie TABLEAU 8.8. Elle évalue les ressources personnelles, de même que les ressources externes dont dispose la personne. Cette évaluation, faite en collaboration avec le client, comprend également les stratégies d’adaptation qu’utilise la personne face à différents événements pour déterminer leur degré d’efcacité 10 . L’évaluation permet aussi d’orienter la person ne vers une ressource complémentaire appropriée au besoin (psychologue, travailleur social, psychoéducateur, etc.).
Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 8.8
Évaluer et prévenir les problèmes de santé mentale chez l’adulte
PÉRIODES POSSIBLES DE TRANSITIONa
EXEMPLES DE QUESTIONS OU DE THÈMES À DISCUTER
Entrée sur le marché du travail
• Quelle appréciation la personne donne-t-elle de son travail : fardeau ou plaisir ? • Son travail répond-il à ses attentes ? • Quel est le lien établi avec ses collègues de travail ? • Comment la personne se sent-elle dans son travail (p. ex., valorisée et utile) ? • Quelle est sa capacité à satisfaire aux différentes demandes qui lui sont faites (capacité à improviser) ? • Quelles sont ses stratégies d’adaptation au stress ? • Quelles sont ses habitudes de vie (alimentation, sommeil, exercice, poids santé, etc.) ? • Comment la personne répartit-elle ses revenus pour faire face à ses obligations nancières (budget) ? • Comment la personne se sent-elle si elle n’arrive pas à respecter un budget ?
Relations amicales ou amoureuses
• La personne est-elle engagée dans une relation amicale ou amoureuse stable ? • Comment la communication entre les amis ou les conjoints se passe-t-elle ? • Comment la relation répond-elle aux besoins des deux amis ou des conjoints ? • Quelles sont les activités que les amis ou les conjoints font ensemble ? • Quels moments d’intimité les personnes s’accordent-elles pour discuter et échanger ? • Quelles difcultés les amis ou les conjoints ont-ils surmontées et comment ont-elles été résolues (stratégies d’adaptation) ? • Quels ajustements ou concessions chacun a-t-il dû faire dans sa vie ?
186
Partie 2
Dimensions biopsychosociales de la santé mentale et des troubles mentaux
TABLEAU 8.8
Évaluer et prévenir les problèmes de santé mentale chez l’adulte (suite)
PÉRIODES POSSIBLES DE TRANSITIONa
EXEMPLES DE QUESTIONS OU DE THÈMES À DISCUTER
Fondement d’une famille
• Comment la personne gère-t-elle ses différents rôles (père, mère, conjoint, employé, etc.) ? • Quels sentiments génèrent ces rôles (anxiété, etc.) ? • Comment la personne perçoit-elle ses nouvelles responsabilités ? • Comment la personne gère-t-elle ses soucis nanciers ? • Quelles solutions aux différents dés et aux nouvelles obligations qu’impose le rôle de parent la personne a-t-elle trouvées ? • Quel type d’interaction caractérise la situation conjugale (entraide, conit, etc.) ? • De qui la personne reçoit-elle du soutien dans son entourage (amis, famille) ? • En période de fatigue, comment la personne gère-t-elle ses responsabilités familiales ?
Vie en couple
8
• La situation génère-t-elle un bon stress (des dés positifs et constructifs) ? • Comment la personne perçoit-elle l’autre : est-il soutenant, compréhensif et aidant ? • Comment la personne vit-elle son attachement à l’autre ? • Que représente son conjoint pour la personne ? • Comment les situations de conit se règlent-elles ? • Quel impact le conjoint représente-t-il en termes de bonheur et de sécurité ? • Comment sont les relations avec la belle-famille (aidantes ou conictuelles) ? • Quels sont les projets d’avenir ? • Quels sont les projets communs ? • Quelles sont les valeurs (santé positive) véhiculées ? • En quoi une personne répond-elle aux besoins de l’autre ?
Départ des enfants de la maison
• Quelles sont les activités sociales de la personne ? • Que représente le départ des enfants pour la personne ? • Quel était le lien avec les enfants ? • Fait-elle face à une situation de solitude ? • Comment maintient-elle un lien avec les enfants ? • Quels changements y a-t-il eu au niveau nancier ? • Qui sont les amis ou parents sur lesquels la personne peut compter ? • Quel est l’état de santé physique et psychologique de la personne au moment du départ des enfants ? • Quelle est l’hygiène de vie de la personne ? • Comment les difcultés rencontrées se règlent-elles ? • Quelles sont les stratégies d’adaptation utilisées pour faire face aux périodes de solitude, le cas échéant ?
Planication de la retraite
• Comment la personne s’est-elle préparée à prendre sa retraite ? • Quelles activités de remplacement a-t-elle planiées ? • Qui compose le réseau d’amis en dehors du travail ? • Quels sont les projets d’avenir de la personne ? • Quelle sera sa situation nancière ? • Quel est son état de santé physique ? • Quelle hygiène de vie est envisagée ? • Quelle sera la situation du conjoint ? • Quelles seront les relations familiales ? • Quelles sont les inquiétudes de la personne (réalistes et non fondées) ?
a
Ce tableau s’inspire du cycle de la vie familiale et est adapté de Carter & McGoldrick (1999).
Chapitre 8
Développement et vieillissement de la personne
187
8.4
Vieillissement et développement de la personne âgée
Les progrès des sciences de la santé garantissent à une proportion plus importante de la population une plus grande longévité associée à une meilleure qualité de vie. Plus que jamais, en ce début de xxie siècle, le vieillissement est devenu un processus évolutif complexe qui met en cause des facteurs biologiques, psychologiques, sociaux et environnementaux. La façon unique dont chaque personne s’adapte au vieillissement fait qu’une seule théorie ne peut expliquer adéquatement les effets du vieillissement sur son développement personnel. Avant d’aborder la question de la santé mentale, il est important de comprendre en quoi consiste le vieillissement biologique. Les dés de la personne âgée sont surtout liés à l’adaptation à ces changements irréversibles. CE QU’IL FAUT RETENIR
Le vieillissement est tout d’abord un processus phy siologique et biologique au même titre que la croissance.
8.4.1
Processus de vieillissement
Vieillissement physique Plusieurs théories sur le vieillissement ont été élaborées au cours des 60 dernières années. Le vieillissement est tout d’abord un processus physiologique et biologique au même titre que la croissance. Plusieurs théories biologiques
TABLEAU 8.9
188
Partie 2
dénissent le processus de vieillissement soit comme une usure normale et graduelle de tous les systèmes, soit comme une suite anormale de dommages cellulaires ou de mutations qui nissent par compromettre la capacité de l’organisme de se réparer (Masoro & Austad, 2011) TABLEAU 8.9. Cependant, aucune n’est unanimement acceptée.
Vieillissement cognitif Les comportements cognitifs se divisent en plusieurs processus étroitement liés qui comprennent l’intelligence, la mémoire, l’attention, le temps de réaction et la résolution de problèmes. Plusieurs facteurs inuent sur le fonctionnement cognitif des personnes âgées. Ces facteurs comprennent l’état de santé, le prol génétique, le statut socioéconomique, l’éducation et les comportements liés au mode de vie (Wolinsky, Bentler, Hockenberry et al., 2011). Les pertes cognitives peuvent provoquer une décience fonctionnelle et des incapacités physiques, ce qui cause une accentuation du déclin de la santé mentale des personnes âgées. Il apparaît que le fonctionnement cognitif présente autant de variabilité durant le vieillissement que les indicateurs physiologiques (MacDonald, DeCarlo & Dixon, 2011).
Intelligence Il faut distinguer deux types d’intelligence, que des chercheurs de l’Université de Yale ont
Théories biologiques du vieillissement
THÉORIE
EXPLICATIONS
Théorie génétique
Le code génétique interne régit le processus de vieillissement et la durée de vie. Ainsi, la théorie génétique d’Hayick, formulée à la n des années 1960, considère que la division des cellules est limitée génétiquement (Pinel, 2007). Ce constat permet d’établir la longévité humaine à près de 120 ans. La théorie génétique sert aussi à expliquer l’apparition de gènes nuisibles, qui perturbent les processus biologiques (p. ex., l’altération de l’apparence du corps et, par conséquent, de la perception de soi).
Théorie immunologique
La fonction immunitaire se modie de façon signicative avec le vieillissement, soit à cause d’un déclin soit à cause d’une suractivité (Pae, Meydani & Wu, 2012). Le vieillissement est associé à une augmentation de la corticostérone et d’autres substances inammatoires, toutes impliquées dans la neurodégénérescence (Jacque & Thurin, 2002).
Théorie des liaisons transversales
Le collagène, un composant important du tissu conjonctif qui maintient la structure des cellules, des tissus et des organes, se modie au cours du vieillissement. Le collagène procure l’élasticité nécessaire à plusieurs types de tissus. Avec l’âge, la combinaison des modications chimiques et des stimulus externes entraîne la formation de liaisons moléculaires dans le collagène – appelées liaisons transversales – qui tendent à stabiliser les bres de collagène, rendant ainsi ce tissu rigide et fragile (Zimmermann, Schaible, Bale et al., 2011).
Théorie des radicaux libres
Les biologistes émettent l’hypothèse que certains stimulus de l’environnement (p. ex., les radiations, l’ozone, certains produits chimiques) entravent l’activité cellulaire et entraînent ainsi la production de radicaux libres. Ceuxci interagissent parfois avec diverses structures cellulaires et perturbent le fonctionnement normal de la cellule (Poljšak & Dahmane, 2012). Les dommages créés aux neurones par les radicaux libres expliquent certaines maladies neurodégé nératives, comme la maladie de Parkinson ou d’Alzheimer (PasseportSanté.net, 2011).
Dimensions biopsychosociales de la santé mentale et des troubles mentaux
Mémoire et traitement de l’information Les chercheurs croient que le traitement automatique de l’information ne se modie pas avec l’âge (Friedman, Nessler & Johnson, 2007). Ainsi, des indices fournis à une personne âgée l’aident à se rappeler de l’information stockée dans des régions plus profondes de sa mémoire. Par exemple, l’information que le cerveau traite d’une manière plus complexe (p. ex., les équations algébriques) est stockée dans une zone plus profonde de la mémoire et y demeurera plus longtemps. L’information que le cerveau reconnaît facilement demande moins d’attention. Ainsi, des tâches comme le démarrage d’une voiture sont presque automatiques. La mémoire déclarative, soit la capacité de se rappeler un nom ou un endroit précis, tend à diminuer avec l’âge tout comme la mémoire de travail, qui est nécessaire pour accomplir les activités quotidiennes (Dubuc, 2012). Avec l’âge, la perception de sa propre mémoire se modie, de même que la perception de l’efcacité personnelle, qui inuence la performance mnémonique (McDougall, 2009). Le terme métamémoire se rapporte aux croyances et connaissances d’une personne concernant sa mémoire, son contenu, son fonctionnement et ses capacités (Banque de données en santé publique, 2012). Ainsi, les personnes âgées qui prennent plus de temps pour traiter l’information (ce qui est aussi normal en vieillissant) et qui ont certains problèmes de mémoire craignent souvent d’y voir un signe de la maladie d’Alzheimer. Il est important de leur décrire le vieillissement biologique normal et de les encourager à chercher des moyens pour améliorer leur fonctionnement cognitif par l’entraînement et la pratique.
Vieillissement psychosocial Personnalité Des traits de personnalité s’intensient avec l’âge, comme la circonspection, qui est souvent un mécanisme de défense efcace pour les personnes âgées. D’autres, comme le locus de contrôle, constituent des aspects de la personnalité qui demeurent stables dans le temps (Denoux & Macaluso, 2006). Les personnes dont le locus de contrôle est interne ont le sentiment qu’elles maîtrisent activement leur propre destinée. Elles ont en général une meilleure capacité d’adaptation. À l’inverse, les personnes dont le locus de contrôle est externe croient qu’elles n’ont aucune prise sur leur destinée et que leurs comportements n’ont aucun effet sur ce qui leur arrive. Elles peuvent devenir dépendantes et préfèrent que les autres prennent des décisions pour elles. Ce phénomène est appelé détresse acquise.
CONSEIL CLINIQUE
L’inrmière mène une éva luation plus approfondie de l’état mental pour dépister d’éventuels troubles cogni tifs chez les personnes à risque, et cette évaluation peut aussi se révéler rassu rante pour les personnes âgées préoccupées par les changements souvent nor maux qu’elles observent au plan de leurs capacités cognitives.
Selon Denoux et Macaluso (2006), avec l’âge, la croyance que les événements de la vie sont organisés par des déterminants externes s’accroît, et de ce fait les stratégies d’adaptation se centrent davantage sur l’émotion face à un stress récent, en particulier la stratégie d’évitement.
Réseau social Le réseau social est considéré comme un des facteurs clés du vieillissement réussi chez les Canadiens (Statistique Canada, 2010). Le TABLEAU 8.10 offre des exemples de certaines questions pertinentes pour l’évaluation des relations sociales (Oxman & Berkman, 1990).
CE QU’IL FAUT RETENIR
La personne âgée voit certaines fonctions cognitives amoindries à mesure qu’elle vieillit.
Sexualité Le vieillissement apporte des transformations physiques au système reproducteur chez les hommes et chez les femmes. Plusieurs facteurs inuencent les aspects psychologiques de la sexualité et les rapports intimes des personnes âgées, notamment les expériences antérieures, les attitudes face aux rapports intimes, les opinions de la société sur la sexualité chez les personnes âgées et l’état fonctionnel. Plusieurs tabous sur la sexualité des personnes âgées perdurent. Maintenir une activité sexuelle permet d’atténuer les effets physiologiques et psychologiques du vieillissement (Santé Canada, 2006).
8.4.2
Théories
Les théories présentées dans cette section concernent les sphères psychologique, sociale et sociologique du vieillissement. Même si la recherche concernant les personnes âgées évolue, aucune des théories n’est encore unanimement acceptée. Ces théories permettent de comprendre les Chapitre 8
éactivation des connaissances Un mythe persistant au sujet des personnes âgées consiste à croire que la sexualité ne pré sente aucun intérêt pour elles. D’autres mythes et stéréotypes persistent au sujet des personnes âgées. Nommezen au moins deux.
clinique
Jugement
comparés chez des per sonnes de 22 et de 90 ans (Kaufman, Liu & Johnson, 2009). L’intelligence cristallisée provient des connais sances acquises par l’expérience et l’éducation. L’intelligence uide se développe, quant à elle, par la pensée et les réactions dans des situations nouvelles ; elle correspond à l’habileté de raisonnement. Le déclin du système nerveux qui accompagne le vieillissement et affecte le champ de l’attention ou le temps de réaction entraîne une perte d’intelligence uide. Cette perte ne se traduit pas toujours par une diminution des capacités cognitives, malgré les conclusions de certaines études associant directement le déclin de l’intelligence avec le vieillissement (Birren & Schaie, 1985). En rétrospective, il semble que le délai de réponse plus long des personnes âgées s’explique davantage par la circonspection dont elles font preuve dans l’évaluation des options, plutôt que par une perte de facultés cognitives. Il est important d’éviter de confondre vieillissement et perte d’intelligence.
Thomas Simoneau est âgé de 78 ans. Il dit perdre fréquemment ses clés et passer un long moment à essayer de les retrouver. Il oublie certains articles lorsqu’il va à l’épicerie. Il lit beaucoup moins qu’avant, car il éprouve de la difculté à se concentrer. Il consulte parce qu’il se demande s’il n’est pas en train de devenir sénile. Devriezvous soupçonner un décit cognitif chez monsieur Simoneau ? Justiez votre réponse.
Développement et vieillissement de la personne
189
8
Collecte des données TABLEAU 8.10
Évaluation des relations sociales
COMPOSANTE
CARACTÉRISTIQUES
EXEMPLES DE QUESTIONS
Réseau social
• Partenaire conjugal ou condent
• Êtes-vous marié ?
• Nombre de proches et lien de proximité
• Combien avez-vous d’enfants ou de personnes signicatives proches ?
• Fréquence et type de contacts
• Combien d’entre eux vivent à moins de une heure de chez vous ?
Structure et composition
• De quelle personne vous sentez-vous très proche et avec qui êtes-vous intime ?
• Combien de personnes voyez-vous par semaine ? Qui sont-elles ? • Avec combien de personnes avez-vous des contacts téléphoniques ou épistolaires au moins une fois par semaine ?
Type et importance du soutien social, et fonctionnement
• Soutien affectif • Aide tangible • Conseils
• Avez-vous dans votre entourage une personne susceptible de vous aider à maintenir un bon état de santé ou à l’améliorer en cas de problème médical (p. ex., en vous fournissant de l’aide pour la médication ou les traitements, ou en vous suggérant le recours à des professionnels de la santé) ? • Combien de fois dans le mois pourriez-vous faire appel à cette personne ?
Perception du caractère approprié du soutien social
• Soutien général • Soutien particulier
• Au cours des trois derniers mois, combien de fois auriez-vous pu recourir à de l’aide pour les tâches trop exigeantes physiquement pour vos capacités ? • Qui sont les personnes qui vous soutiennent ?
Source : Oxman & Berkman (1990).
autres dés qui attendent la personne âgée dans la dernière partie de sa vie.
Théorie psychosociale Erikson décrit les éléments nécessaires pour préserver les capacités d’une personne de croître et d’acquérir de la maturité, et ce, tout au long de sa vie TABLEAU 8.2. Selon lui, les huit stades de la vie entraînent le développement des forces vitales individuelles. Ces forces comprennent la conance, la volonté, la détermination, la compétence, la délité, l’amour, l’attention et la sagesse. Le stade qui correspond à la n de la vie est l’intégrité du moi ou le désespoir ENCADRÉ 8.4. ENCADRÉ 8.4
Stade du développement de la personne âgée selon Erikson
INTÉGRITÉ DU MOI OU DÉSESPOIR
Vers la n de la vie, les personnes commencent à accepter la façon dont elles ont vécu leur vie et l’importance des relations qu’elles ont nouées tout au long de celle-ci. Erikson décrit le stade nal de la vie comme le processus d’équilibration des sentiments d’intégrité et de désespoir, qui nécessite de dresser un bilan de la vie menée jusque-là et
de l’accepter. La personne dont le moi est intègre est prête à défendre la dignité de son mode de vie et de ses choix de vie. Celle qui n’a pas assumé avec succès les tâches développementales des stades précédents manque d’intégrité personnelle et se sent afigée en raison de son épanouissement inachevé dans sa vie et de la perspective de la mort.
Source : Erikson et al. (1986).
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Partie 2
Dimensions biopsychosociales de la santé mentale et des troubles mentaux
Théories sociologiques Les théories sociologiques du vieillissement envisagent les aspects sociaux du processus de vieillissement. Elles analysent les rôles, les relations et les expériences d’une personne, qui se modient à mesure qu’elle vieillit. Les théories du désengagement, de la continuité et de l’activité adoptent chacune une approche différente des aspects sociaux du vieillissement.
Théorie du désengagement En 1961, Cumming et Henry publient les résultats d’une étude exploratoire menée auprès de 275 personnes âgées de 50 à 95 ans : ils émettent l’hypothèse d’un processus de retrait mutuel entre la société et la personne âgée. Cette dernière prend du recul par rapport à la société, qui, elle, reprend certaines responsabilités. Le passage à la retraite offre un exemple de ce désengagement. Selon Cumming et Henry, le désengagement serait inévitable et universel. Cependant, le degré auquel les personnes âgées sont prêtes à effectuer un changement de rôles et à l’accepter détermine leur capacité de s’adapter et, par conséquent, leur satisfaction de vivre ENCADRÉ 8.5 . C’est une combinaison des préférences personnelles et des besoins de la société, plutôt que ces éléments séparés, qui détermine le degré de désengagement et la façon dont il se réalise (Cornwell, Laumann & Schumm, 2008).
ENCADRÉ 8.5
Transitions de rôles
Dans une perspective développementale, les rôles comprennent les responsabilités variées qu’une personne doit accomplir dans sa vie et chacun d’eux met en jeu des tâches différentes. Certaines sont nouvelles pour la personne si le rôle en est un complètement nouveau, alors que d’autres tâches sont semblables à celles qu’elle réalisait plus tôt dans sa vie (p. ex., le renversement de rôles). L’importance qu’a le rôle pour la personne inuence la réussite de son adaptation à la transition. La retraite représente une transition de rôle majeure pour de nombreuses personnes. Étant donné que les personnes vivent plus longtemps, la période de la retraite peut durer jusqu’à 15 ou 20 ans. Les événements de la vie qui entourent la retraite inuent sur l’adaptation plus que sur le processus de la retraite lui-même (Reitzes & Mutran, 2004). Des événements particuliers de la vie forcent parfois le départ à la retraite. Par exemple, les femmes réduisent leur temps de travail ou quittent plus tôt leur emploi pour occuper le rôle d’aidant auprès d’un proche plus âgé ; cela peut occasionner de l’isolement et du stress (Miron & Ouimette, 2009).
Une autre transition de rôle majeure se produit après la perte d’un conjoint, quand l’adaptation exige du survivant d’accomplir les tâches réalisées auparavant par son partenaire. Les couples qui ont partagé les responsabilités durant leur vie ont moins de difculté avec ces changements de rôles. En 2006, au Québec, le pourcentage de veuves est plus important que le pourcentage de veufs (Statistique Canada, 2006).
CE QU’IL FAUT RETENIR
La personne âgée doit s’adapter à des changements de rôles familiaux et sociaux importants.
Le rôle de grand-parent représente une autre transition. Le grand-parent du xxie siècle joue un rôle privilégié dans la société canadienne puisque 4 personnes sur 5 âgées de plus de 75 ans ont des petits-enfants (Statistique Canada, 2003). Le grand-parent qui entretient une relation affective avec ses enfants et ses petits-enfants évite l’isolement, notamment celui lié au veuvage. Le grand-parent peut par exemple s’occuper régulièrement de ses petits-enfants – durant l’année scolaire par exemple – pendant que les parents travaillent ; cela aurait même une inuence sur le développement des jeunes enfants (Millan & Hamm, 2003 ; Wellard, 2010).
Théorie de l’activité
Théorie de la continuité
Le maintien d’un mode de vie actif et de ses rôles sociaux compense les effets négatifs du vieillissement FIGURE 8.7. Les théoriciens de l’activité estiment qu’en gardant un niveau élevé de participation à son environnement social, la personne âgée aura globalement un niveau plus élevé de satisfaction de vivre et une conception d’elle-même plus positive (Santrock, 2011). L’accessibilité et le goût pour une activité particulière sont des facteurs essentiels qui inuencent l’estime de soi et la satisfaction de vivre. Il est possible néanmoins que la théorie de l’activité ne s’applique qu’aux personnes âgées qui sont capables de s’engager dans des activités et des interactions sociales signicatives.
Découlant de la théorie du désengagement et de la théorie de l’activité, la théorie de la continuité se fonde sur la notion qu’une personne s’adapte au mieux quand il lui est permis d’être elle-même. Avec l’âge, les personnes deviennent davantage elles-mêmes en ceci qu’elles tentent de maintenir la continuité de leurs habitudes, de leurs croyances, de leurs normes, de leurs valeurs et d’autres aspects de leur personnalité. Si une personne a de la difculté à s’adapter à des changements comme la retraite ou un déménagement, la théorie de la continuité soutient que ce n’est pas le processus de vieillissement qui nuit à son adaptation, mais plutôt des facteurs de sa personnalité ou son environnement social qui inuencent son adaptation. La théorie de la continuité reconnaît les différences individuelles dans le processus de vieillissement et pose l’hypothèse que la personnalité de chacun renferme une composante d’autoentretien. Cela signie que les modes de comportement adoptés de longue date inuent sur la capacité de la personne d’affronter de nouvelles situations et de s’y adapter tout au long de sa vie (Atchley, 1989 ; Onega & Tripp-Reimer, 1997).
8
Théories émergentes
FIGURE 8.7 L’intérêt soutenu pour un loisir apprécié ainsi que sa pratique contribuent à préserver le fonctionnement cognitif et physique.
Les théories du vieillissement plus récentes sont celles de la gérodynamique, de la génétique comportementale et de la gérontotranscendance. La théorie gérodynamique se fonde sur plusieurs théories physiques, notamment la théorie du système général et la théorie du chaos. La gérodynamique a comme Chapitre 8
Développement et vieillissement de la personne
191
26 Le chapitre 26, Personnes âgées, examine en détail l’évaluation de la condition mentale de cette population.
postulat que les personnes traversent une série de changements ou d’événements au l de la vie et qu’elles en sont par conséquent transformées (Schroots, 1996). La génétique comportementale étudie l’impact signicatif de facteurs génétiques et environnementaux (p. ex., le stress) sur les réactions biologiques et comportementales des personnes au cours de leur vie (Garrido, 2011). La théorie de la gérontotranscendance considère le vieillissement selon trois niveaux : le niveau cosmique, le soi et les relations sociales. Elle suggère que le vieillissement entraîne des changements tels qu’une modication de la perception du temps, l’acceptation des mystères de la vie et de la mort, le comportement altruiste, ainsi qu’un besoin accru de solitude et de réexion (Wadensten, 2010).
subies plus tard dans la vie. Posons l’exemple d’un homme âgé qui a exercé le métier de paysagiste pendant la plus grande partie de sa vie. Maintenant qu’il est moins mobile, il devient sélectif en s’occupant d’un petit jardin (optimisation) qu’il cultive dans des pots surélevés pour qu’il soit plus facile de les atteindre (compensation). Certaines personnes ont du mal à accepter l’arrêt de leur activité professionnelle, et elles peuvent se sentir diminuées, rejetées, voire déprimées. Pour prévenir ces sentiments négatifs, il faut planier des activités de remplacement qui respectent les goûts et les capacités de la personne.
Application en santé mentale
L’inrmière sait distinguer les transformations normales et anor males du vieillissement ainsi que leur impact sur les processus mentaux, les activités de la vie quotidienne, le soutien social et les changements de rôles TABLEAU 8.11. L’évaluation de l’état mental des personnes âgées comprend les aspects suivants : apparence, hum eur, communication, processus mentaux, habile tés perceptuelles et motrices, attention, mémoire, conscience et orientation. Les comportements et les réactions du client âgé sont d’autres aspects importants de la collecte de données. L’inrmière dispose de plusieurs outils de dépistage pour une évaluation rapide de l’état mental de la personne âgée 26 .
Les personnes réagissent différemment aux événements de la vie, qui soit les affaiblissent, soit les fortifient. Celles qui parviennent à s’adapter aux événements stressants ou traumatiques et à maintenir un mode de vie sain vieillissent plus facilement. Des modèles de vieillissement sain ou de vieillissement réussi émergent et intègrent non seulement la santé en tant que telle (physique, fonctionnelle, psychologique et sociale), mais aussi la perception qu’ont les personnes âgées de leur santé et de leur bien-être. Certains théoriciens mettant l’accent sur le vieillissement réussi ont élaboré un modèle psychologique qui englobe le développement psychosocial ; il s’agit du modèle d’optimisation sélective avec compensation (Baltes & Baltes, 1990) FIGURE 8.8. Les personnes qui vieillissent bien sont celles qui choisissent des activités qui enrichissent leur vie malgré le déclin de leur énergie. Les ressources physiques et psychologiques peuvent en conséquence être mobilisées pour faire face aux pertes
FIGURE 8.8 d’adaptation continu.
192
Partie 2
Soins et traitements inrmiers
L’inrmière considère que la santé physique et mentale reète l’ensemble des croyances et des pratiques de soins de santé du client. Dans sa collecte des données et sa planication des soins, l’inrmière évalue les perceptions que la personne âgée a de la santé et du bien-être.
Modèle d’optimisation sélective avec compensation : le développement est un processus
Dimensions biopsychosociales de la santé mentale et des troubles mentaux
Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 8.11
a
Évaluer et prévenir les problèmes de santé mentale chez la personne âgée
PÉRIODES POSSIBLES DE TRANSITIONa
EXEMPLES DE SUJETS ET DE THÈMES À EXPLORER OU À ÉVALUER
Retraite
L’inrmière peut évaluer les éléments suivants : • Perception de la retraite • Situation nancière • Santé physique • Hygiène de vie • Situation du conjoint • Relations familiales • Pertes d’autonomie vécues ces dernières années (à court terme, sur deux ans) • Inquiétudes (réalistes et non fondées)
Deuil du conjoint
L’inrmière peut : • encourager le client à verbaliser les émotions ressenties ; • être attentive aux étapes du deuil ; • explorer les relations avec les autres membres de la famille (fratrie, enfants, petits-enfants, etc.) ; • explorer les croyances religieuses ; • explorer le réseau de relations sociales ; • évaluer le niveau d’autonomie.
Déménagement dans une résidence pour personnes âgées
L’inrmière veille à : • faire ressortir les avantages de ce déménagement ; • évaluer les réactions à ce déménagement ; • évaluer qui sont les personnes signicatives dans ce nouveau milieu ; • évaluer l’état de santé physique et mentale ; • évaluer l’estime de soi (p. ex., se sent vulnérable, etc.).
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Trois étapes importantes du vieillissement ont été prises en exemple, mais ce ne sont pas les seules ; elles peuvent varier selon les personnes.
Chapitre 8
Développement et vieillissement de la personne
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Analyse d’une situation de santé Laureen MacDowell est âgée de 74 ans. Elle souffre d’insufsance cardiaque sévère entraînant de l’essoufement marqué et de la fatigue qui limitent son autonomie dans les activités de la vie quotidienne. Sa condition physique nécessite des hospitalisations tous les six mois environ. Elle est suivie par une inrmière du CLSC qui la visite à domicile deux fois par semaine. Madame MacDowell habite avec son mari âgé de 78 ans, qui est atteint d’un trouble neurocognitif dû à la maladie d’Alzheimer. Ce dernier oublie de plus en plus de choses, comme fermer le robinet du bain ou éteindre la
Jugement clinique cuisinière. Si le couple doit sortir pour faire des courses, il montre des signes d’anxiété dès qu’il se retrouve dans des endroits moins familiers. Chaque fois que la cliente doit être hospitalisée, son conjoint reste seul dans leur petit appartement au dernier étage d’un duplex. Le couple a cinq enfants. À sa dernière hospitalisation, madame MacDowell a demandé au médecin de retourner chez elle le plus vite possible même si sa condition n’était pas tout à fait stabilisée. « Je vais faire attention à moi surtout si mon cœur va mieux. Je veux juste retourner avec mon mari le plus rapidement possible », dit-elle.
Mise en œuvre de la démarche de soins SOLUTIONNAIRE
Collecte des données – Évaluation initiale – Analyse et interprétation 1. Trouvez au moins trois questions à poser à madame MacDowell pour évaluer son réseau social, ainsi que la structure et la composition de celui-ci. 2. Quels sont les deux facteurs qui inuent sur le fonctionnement cognitif de madame MacDowell ?
Madame MacDowell trouve parfois difcile de s’occuper de son mari. « Il est tellement dépendant de moi. Mais je ne peux pas lui en vouloir, il m’arrive aussi d’oublier des choses. Je ne me souviens jamais
écemment vu dans ce chapitre Plusieurs facteurs inuent sur le fonctionnement cognitif des personnes âgées. Nommez les deux facteurs qui s’appliquent à la situation de madame MacDowell.
de votre nom, j’ai trop de choses en tête. Je téléphone parfois à ma sœur, mais j’ai toujours peur de la déranger avec mes problèmes. Je ne veux surtout pas l’inquiéter », dit-elle à l’inrmière qui la visite.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
3. D’après ces nouvelles données, quelle stratégie d’adaptation madame MacDowell utilise-t-elle pour faire face à sa situation globale ? 4. Est-ce normal que la cliente oublie le nom de l’inrmière ? Justiez votre réponse. 5. Quel semble être la plus grande préoccupation de la cliente en ce moment ?
Planication des interventions – Décisions inrmières 6. Quel type d’aide ou de soutien social l’inrmière peut-elle offrir à la cliente et à son mari ?
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution 7. Compte tenu de la situation globale de madame MacDowell, qu’est-ce qui indiquerait à l’inrmière que l’état psychologique de la cliente est satisfaisant ?
194
Partie 2
Dimensions biopsychosociales de la santé mentale et des troubles mentaux
APPLICATION DE LA PENSÉE CRITIQUE Dans l’application de la démarche de soins auprès de madame MacDowell, l’inrmière a recours à un ensemble d’éléments (connaissances, expériences antérieures, normes institutionnelles ou protocoles, attitudes professionnelles) pour analyser la situation de santé de la cliente et en
comprendre les enjeux. La FIGURE 8.9 illustre le processus de pensée critique suivi par l’inrmière afin de formuler son jugement clinique. Elle résume les principaux éléments sur lesquels l’inrmière s’appuie en fonction des données de cette cliente, mais elle n’est pas exhaustive.
VERS UN JUGEMENT CLINIQUE EXPÉRIENCES
CONNAISSANCES • Processus de vieillissement physique • Théories sociologiques du vieillissement • Changements cognitifs normaux dans le processus de vieillissement • Impacts globaux d’un problème de santé sur la personne atteinte et son entourage • Tâches développementales en lien avec le processus de vieillissement • Génogramme et écocarte
NORME
• Expérience de travail auprès d’une clientèle âgée • Expérience en santé communautaire • Expérience auprès de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer
• Services offerts par un CLSC selon le domaine concerné (santé communautaire dans ce cas)
ATTITUDES • Être empathique face aux inquiétudes de la cliente • Être compréhensive face à sa réticence à demander de l’aide • Être authentique, respectueuse et capable d’effectuer une confrontation douce an que la cliente comble son besoin d’aide • Être à l’écoute pour tenter de comprendre les enjeux développementaux de la cliente et du couple
PENSÉE CRITIQUE
ÉVALUATION • • • • • •
État physique État cognitif Préoccupation de la cliente face à la condition de son conjoint lorsqu’elle doit être hospitalisée Réseau social (écocarte) et réseau familial (génogramme) Stratégie d’adaptation de la cliente pour faire face à sa situation globale Besoin d’aide de la cliente et de son conjoint
JUGEMENT CLINIQUE FIGURE 8.9
Application de la pensée critique à la situation clinique de madame MacDowell
Chapitre 8
Développement et vieillissement de la personne
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8
Chapitre
9
Culture et santé mentale Écrit par : Karine Philibert, inf., M. Sc. Mis à jour par : Jean-Pierre Bonin, inf., Ph. D. (Santé publique) D’après un texte de : Ruth N. Grendell, DNSc, RN
MOTS CLÉS
OBJECTIFS
Attitude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201 Compétence culturelle . . . . . . . . . . . . . . . 204 Culture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198 Émique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199 Éthiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199 Normes culturelles. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 203 Préjugés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 202 Rôle de la culture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199 Santé mentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198 Sécurité culturelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 204
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez être en mesure : • d’expliquer les liens entre la culture et la santé mentale ; • de décrire l’influence négative des préjugés sur la qualité de vie des personnes atteintes d’un trouble mental, de leurs familles et de leurs communautés ; • d’expliquer l’influence de sa propre culture et de ses croyances sur sa conception du trouble mental et sur les soins prodigués ; • de discuter du concept de sécurité culturelle ; • de déterminer des moyens concrets d’offrir des soins culturellement adaptés aux clients et à leur famille ; • d’expliquer les défis que pose l’immigration à la santé mentale des personnes et de leurs familles ; • de décrire les principales causes des problèmes de santé mentale chez les communautés autochtones ; • d’énumérer des moyens d’accompagner de manière respectueuse les personnes autochtones dans leur processus de guérison ; • de cerner les principaux défis que posent le trouble mental et l’offre de soins culturellement sécuritaires chez les personnes de cultures minoritaires ; • d’expliquer l’importance du lien thérapeutique et de la culture dans l’efficacité du traitement psychologique et pharmacologique.
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Guide d’études – RE09
196
Partie 2
Dimensions biopsychosociales de la santé mentale et des troubles mentaux
Concepts clés
Cette carte conceptuelle illustre schématiquement les principaux concepts décrits dans le présent chapitre. Sa lecture vous permettra d’avoir une vue d’ensemble des notions qui y sont présentées.
chaque personne
9 et
dont
varient selon
inuence
la culture est
présentent
culture différenciée
Culture et santé mentale
assure
exige
si
au Québec peut inuencer
Chapitre 9
Culture et santé mentale
197
PORTRAIT
TABLEAU 9.1
Maria Martinez Maria Martinez, âgée de 50 ans et d’origine espagnole, a perdu son mari il y a 14 mois en raison d’un infarctus du myocarde. Elle se rend à la clinique médicale de son quartier après avoir commencé à ressentir de la douleur dans la poitrine. Étant donné ce qui est arrivé à son mari, elle craint qu’il s’agisse d’un signe avant-coureur de problèmes cardiaques. Elle est reçue par un médecin. Au cours de l’entrevue d’évaluation, celui-ci remarque que madame Martinez est vêtue de noir. Intrigué, il lui demande si elle a perdu quelqu’un de sa famille récemment. Après que madame Martinez lui a parlé de la mort de son mari qui a eu lieu 14 mois plus tôt, il ajoute un diagnostic de deuil non résolu au dossier, sans tenir compte des origines culturelles de la cliente. Celleci est de culture hispanique, et dans cette culture, la coutume veut que l’on porte le noir pendant un an ou plus. Il serait socialement inacceptable pour madame Martinez de ne pas respecter cette coutume.
9.1 CE QU’IL FAUT RETENIR
La culture est un ensemble de normes implicites et explicites dont héritent les membres d’une société particulière.
éactivation des connaissances Un groupe culturel se distingue par ses traits spirituels, matériels, affectifs et intellectuels. Ces traits distinctifs se transmettent, entre autres, par les comportements et les pratiques du groupe. Par quelles autres voies les caractéristiques d’une culture se transmettent-elles ?
198
Partie 2
Dénition et objectifs des soins ethnoculturels
Le terme culture, autrefois limité aux groupes ethniques et minoritaires, se dénit de nos jours de manière beaucoup plus large. Selon Helman (2007), la culture est un ensemble de normes implicites et explicites dont héritent les membres d’une société particulière. Ces règles dictent comment voir le monde, l’expérimenter émotionnellement et se comporter. Selon cette dénition, il est impossible de ne pas avoir de culture. Au contraire, tout le monde possède même plusieurs cultures. Les premières appartenances culturelles d’une personne sont transmises par le milieu familial et les institutions qu’elle fréquente durant son enfance. Ces premières cultures sont, par exemple, celles d’un groupe ethnique, d’un quartier ou d’un village, et d’un statut économique particulier. Chaque personne possède aussi une culture propre à son âge, selon qu’elle soit de la génération tranquille, des baby-boomers, des X ou des Y, ainsi qu’une culture liée à son genre, masculin, féminin ou autre TABLEAU 9.1. Les cultures auxquelles la personne décide de s’associer peuvent ensuite varier au cours de sa vie. Elles dépendront, par exemple, de son orientation sexuelle, de ses allégeances politiques, de ses milieux de travail et statuts d’emplois, de son niveau de scolarité, des
Sous-cultures liées aux générations actuelles au Canada
GÉNÉRATION
ANNÉES DE NAISSANCE
Première Guerre mondiale (la plus grande génération)
1900-1924
Génération silencieuse
1925-1945
Baby-boomers
1945-1960
Génération X
1961-1981
Génération Y
1982-2004
Génération Z
2005-2025
loisirs qu’elle pratique, etc. Ces différentes cultures chez une même personne sont interreliées et interdépendantes (Catalano, 2009 ; Giger & Davidhizar, 2007).
Soins et traitements inrmiers Il apparaît donc clairement que l’inrmière ne peut pas adopter une vision stéréotypée des personnes qu’elle soigne, en se basant uniquement, par exemple, sur leur origine ethnique pour adapter ses soins ENCADRÉ 9.1. Chaque personne possède sa propre histoire, traversée par plusieurs cultures. L’inrmière ne peut pas présumer qu’elle connaît la personne devant elle à partir de ses propres connaissances d’une seule de ces cultures. Au contraire, il lui faut, dans la perspective de Marie-Françoise Collière (2001), faire du client sa première source de connaissances en cherchant, tout au long de sa collecte des données, à s’informer sur la personne elle-même an de connaître les priorités de celle-ci, ses besoins et ses préoccupations profondes, sans jamais se fonder sur des présomptions. Le présent chapitre traite des interactions possibles entre les différentes appartenances culturelles et la santé mentale, ainsi que des meilleurs soins psychiatriques à prodiguer en tenant compte de ces nombreuses interactions.
9.2
Inuences de la culture sur la santé mentale
Que signie posséder une bonne santé mentale? Ne pas souffrir d’un trouble psychique ? Être bien dans sa peau ? Posséder la résilience nécessaire pour surmonter les obstacles et atteindre ses buts ? Vivre en harmonie avec sa communauté ? La réponse peut varier selon les valeurs, la conception du
Dimensions biopsychosociales de la santé mentale et des troubles mentaux
monde, les croyances et les connaissances de chaque personne, bref en fonction des cultures auxquelles celle-ci appartient. Selon l’Agence de la santé publique du Canada (2012), la santé mentale se dénit comme la capacité de rééchir, de ressentir les choses, d’agir de manière à mieux jouir de la vie et de relever les dés qui se posent. Or, le fait que le rôle de la culture soit justement d’enseigner comment concevoir le monde, l’expérimenter émotionnellement et se comporter démontre l’existence de liens très étroits entre la culture et la santé mentale. En réalité, la culture inuence la santé mentale aux plans : • des modèles étiologiques, c’est-à-dire les explications des troubles mentaux qui varient selon les cultures ; • des signications des troubles mentaux et des attitudes qui en résultent ; • des manifestations (signes et symptômes) des troubles mentaux, que les personnes d’une culture particulière peuvent considérer comme pathologiques ; • de la distribution des troubles mentaux, qui varie selon les communautés (Canino & Alegria, 2008 ; Institut national de santé publique du Québec, 2012 ; Tandon, Keshavan & Nasrallah, 2008) ; • de l’accessibilité des soins et traitements (Helman, 2007).
Soins et traitements inrmiers L’inrmière qui cherche à offrir des soins psychiatriques adaptés à la culture s’assure de bien comprendre ces liens étroits entre le trouble mental et les cultures des personnes et des populations qu’elle soigne. Mais avant tout, elle prend soin d’explorer comment son propre bagage culturel inuence sa compréhension de la santé et du trouble mental. Cet examen lui permet de constater que plusieurs facteurs inuent sur cette compréhension, notamment son genre et son âge, ses expériences antérieures, ses valeurs et ses croyances religieuses. Mais elle est aussi inuencée en grande partie par les cultures médicales et inrmières de tradition occidentale, héritées de sa formation et de sa pratique inrmières.
9.2.1
Santé mentale et modèles étiologiques
Un modèle étiologique est un modèle permettant d’expliquer les causes à l’origine d’une ou des maladies. Il existe plusieurs modèles étiologiques différents tentant d’expliquer comment et pourquoi certaines personnes souffriront un jour d’un problème de santé mentale. Les troubles mentaux sont en effet des phénomènes complexes
ENCADRÉ 9.1
Exemples de problèmes prioritaires erronés
• Adaptation défensive et non-adhésion. Les clients de cultures minoritaires qui ont été l’objet de discrimination, de préjugés et de stéréotypes sont souvent réticents face aux interventions inrmières appropriées, par exemple dans le domaine de l’enseignement et de la planication du congé du centre hospitalier. La suspicion et la méance font en sorte que l’inrmière peut mal comprendre les comportements du client, ce qui donne lieu à des interprétations erronées. • Rôle inefcace et parentage décient. Le recours à de telles conclusions nécessite une bonne compréhension des rôles particuliers à la culture du client et aux activités relatives au parentage. Une divergence opposera la vision de l’inrmière à celle de la culture dominante. • Interaction sociale et communication verbale décientes. L’incompréhension a lieu lorsque
l’inrmière ne réussit pas à tenir compte des modèles d’interaction particuliers à la culture. Le silence, un contact visuel peu soutenu, la honte, la peur et les barrières linguistiques perturbent l’habileté du client à interagir. Le sexe de l’inrmière et celui du client inuencent également la communication parce que de nombreuses cultures ont des codes comportementaux particuliers au genre et au rôle. • Processus de pensée perturbés. Les modèles et les processus de pensée qui semblent être perturbés sont parfois liés à des expressions d’anxiété et de peur propres à la culture. Une évaluation rigoureuse permettra à l’inrmière de déceler correctement l’anxiété ou la peur chez de nombreux clients plutôt que de supposer que les processus de pensée sous-jacents sont perturbés.
aux causes multiples que la communauté scientique elle-même ne parvient pas encore à bien expliquer. Par exemple, parmi ces causes hypothétiques, il existerait un ensemble de gènes qui pourraient augmenter les risques d’être atteint de certaines pathologies d’ordre psychiatrique au cours de sa vie. Mais ces gènes ne sont pas encore bien identiés, et les chercheurs s’entendent pour dire qu’ils ne sufsent pas à expliquer à eux seuls l’apparition de troubles mentaux chez une personne (Tandon et al., 2008). D’autres hypothèses sont aussi avancées, comme celle postulant l’existence d’une dérégulation de différents mécanismes de neurotransmission dans le cerveau des personnes atteintes de troubles psychiques.
9
éactivation des connaissances Que doit faire l’inrmière avant d’intervenir auprès d’une personne d’une autre culture ?
La communauté scientique internationale propose plusieurs autres causes aux troubles mentaux en dehors des causes physiques. Ces modèles étiologiques demeurent en constante évolution et peuvent encore se transformer au gré des nouvelles découvertes scientiques. Ils sont reconnus et acceptés dans plusieurs cultures, particulièrement chez les personnes ayant fréquenté la culture scientique occidentale dans le cadre de leurs études ou de leur travail.
Émique : Qualie une approche qui respecte les principes et les valeurs propres à une culture donnée ; elle reète par exemple les conceptions populaires de la maladie et de la santé dans un contexte culturel donné.
D’autres modèles ne sont pas reconnus par la communauté scientique. Ces modèles ont servi à expliquer les troubles de la pensée et du comportement bien avant les percées de la science en psychiatrie. Ces modèles s’inscrivent dans la perspective émique, c’est-à-dire à l’intérieur d’une vision du monde particulière, partagée par un groupe culturel particulier, en opposition aux modèles éthiques qui aspirent à
Éthique : Qualie une approche qui respecte les conditions de la recherche scientique caractérisée par une connaissance rationnelle, objective et indépendante de l’observateur ; elle renvoie à la dimension universelle du savoir médical.
Chapitre 9
Culture et santé mentale
199
une portée universelle parce qu’ils s’appuient sur des données probantes. L’inrmière aurait tort de considérer ces modèles explicatifs comme un simple manque de connaissances de la part du client et de sa famille. En effet, il faut comprendre que ces modèles font partie d’un ensemble de liens de signication plus large regroupant toute la vision du monde d’une communauté, ses valeurs, ses croyances, sa manière de vivre ensemble, de ressentir et d’agir (Massé, 1995). Ces modèles émiques peuvent d’ailleurs souvent coexister chez une personne avec sa compréhension des modèles étiologiques scientiques. Ainsi, une personne peut comprendre que la schizophrénie résulte, entre autres, d’un excès de dopamine dans le cerveau, mais considérer en même temps qu’il s’agit d’un manque de volonté de la part de la personne malade.
éactivation des connaissances Indiquez deux troubles de santé mentale dans lesquels le stress joue un rôle central.
10 Les troubles liés au stress sont expliqués dans le chapitre 10, Troubles liés aux traumatismes et aux facteurs de stress.
Avant que la méthode scientique ne permette de mieux expliquer le monde qui les entoure et les règles qui le régissent, les êtres humains ont longtemps cherché une explication aux phénomènes naturels dans la magie et la religion FIGURE 9.1. Ainsi, plusieurs communautés culturelles croient encore que la maladie peut être le résultat d’un mauvais sort (Ally & Laher, 2008). Il s’agit souvent du « mauvais œil », c’est-à-dire une malédiction jetée par une personne envieuse. Ce modèle explicatif est présent dans plusieurs cultures, autant en Asie qu’autour de la Méditerranée, en Haïti et en Amérique latine (Ally & Laher, 2008 ; Caplan, Escobar, Paris et al., 2012 ; Khalifa, Hardie, Latif et al., 2011 ; World Health Organization [WHO], 2010). Plusieurs communautés religieuses expliquent aussi le trouble mental comme une punition de nature divine. La maladie résulterait alors d’un péché commis soit par la personne elle-même, un de ses proches ou un de ses ancêtres, dans cette vie ou dans une vie précédente (Abdullah & Brown, 2011 ; Caplan et al., 2012 ; Dassa, Mbassa Menick, Tabo et al., 2009). D’autres communautés reli gieuses, face à une personne manifestant des comportements perturbateurs, envisageront la
FIGURE 9.1 Les pratiques chamaniques ont parfois été prises pour de la folie par les Européens.
200
Partie 2
possibilité d’une possession. Cette conception du trouble mental se retrouve, entre autres mais pas exclusivement, dans certaines communautés asiatiques, musulmanes et chrétiennes (Abdullah & Brown, 2011 ; Bartocci & Eligi, 2008). Dans la tradition philosophique et médicale occidentale, l’être humain possède deux dimensions : le corps et l’esprit. Il existe donc une distinction très claire entre les maladies physiques et mentales. Mais pour plusieurs autres traditions à travers le monde, les choses ne sont pas aussi tranchées. Au contraire, une approche plus répandue préconise une vision « holistique » de la personne, où l’être humain est compris comme un tout en lien étroit avec le reste de l’univers. Lorsque l’ordre naturel de cet ensemble est perturbé, la personne peut être atteinte d’un trouble physique ou mental (Leey, 2010). Cette conception de la santé se retrouve sous diverses formes à travers le monde, parmi des cultures très différentes et éloignées les unes des autres. Par exemple, elle est à la base de la médecine traditionnelle chinoise (Hwang, Myers, Abe-Kim et al., 2008), et est présente en Haïti (WHO, 2010) ainsi que chez les Premières Nations des Amériques (Grandbois, 2005). Si plusieurs communautés très éloignées les unes des autres peuvent parfois partager un même modèle étiologique, à l’opposé, les membres d’une même communauté peuvent s’expliquer la maladie de manières très variées. Par exemple, Dassa et ses collaborateurs (2009) ont répertorié dans une vingtaine de villages du Togo plusieurs modèles étiologiques différents servant à expliquer les handicaps mentaux infantiles, parmi lesquels la malnutrition, l’hérédité et la sorcellerie. Dans plusieurs cultures populaires en Amérique du Nord, le stress est considéré comme une cause importante de plusieurs maladies, physiques ou mentales (Collin & Hugues, 2010 ; Groleau, Whitley, Lespérance et al., 2010) 10 . Le stress est parfois perçu comme la cause de la maladie, parfois comme un facteur précipitant ou aggravant celle-ci. Bien qu’il existe effectivement un lien entre le stress et la souffrance psychique, il peut être important pour l’inrmière de rappeler à ses clients qu’une réduction du stress ne sufra probablement pas à procurer la guérison et que d’autres traitements, par exemple, certains médicaments, pourraient s’avérer nécessaires à leur rétablissement. Dans plusieurs cultures, la dépression, l’angoisse et l’anxiété ne sont pas considérées comme des problèmes de santé mentale FIGURE 9.2. Il s’agirait plutôt des réactions normales d’une personne face aux difcultés rencontrées au courant de la vie (Grover, Kumar, Chakrabarti et al., 2012 ; Kirmayer & Ban, 2013 ; Kleinman, 2004 ; Martinez Tyson, Castañeda, Porter et al., 2011 ; Pereira, Andrew, Pednekar et al., 2007). Les personnes adhérant à
Dimensions biopsychosociales de la santé mentale et des troubles mentaux
clinique
Jugement
L’attitude signie la manière dont une personne se comMattBishop Dorcéus est âgé de 32 ans et présente porte dans une situation partiun trouble de la personnalité antisociale. Il est culière. Par exemple, devant d’apparence imposante, très musclé, et arbore de une personne atteinte d’un nombreux tatouages à caractère violent (couteaux, problème de santé mentale, têtes de morts, corps éventrés). C’est un chef de certains agiront avec respect, gang de rue hospitalisé à la suite d’une tentative alors que d’autres adopteront de meurtre sur sa personne alors qu’il était en une attitude trahissant de la prison. Un gardien demeure en permanence dans peur, de l’incompréhension ou sa chambre. Au moment où vous entrez pour lui du mépris. L’attitude de l’inrapporter son repas, monsieur Dorcéus vous xe mière en relation avec ses avec un regard hargneux, les yeux grands ouverts, clients dépendra en grande serre les dents et les poings, et suit vos gestes partie de sa propre conception comme s’il analysait votre réaction. Il vous dit sur du trouble mental, façonnée un ton menaçant : « Je te fais peur, hein ? » Com notamment par ses expériences ment croyezvous que vous réagiriez dans une telle personnelles, ses cultures et situation ? Que répondriezvous à monsieur Dorcéus ses connaissances scientiques à la suite de ses propos ? ENCADRÉ 9.2. L’attitude se traduit, entre autres, par le comportement non verbal et le ton de la voix. Il peut s’agir d’une attitude ouverte ou méante, chaleureuse ou contrôlante, respectueuse ou méprisante, empathique ou empreinte de pitié.
FIGURE 9.2 Dans certaines sociétés, la dépression n’est pas considérée comme une maladie.
cette conception de la souffrance psychique seront moins enclines à demander de l’aide lorsqu’elles traversent une période d’angoisse ou de désespoir (Buus, Johannessen & Stage, 2012 ; Kirmayer, 2001). Les troubles de la personnalité sont vus dans certaines cultures comme de simples fautes de caractère ne nécessitant aucun traitement en dehors de la communauté (Lee, 2001).
Soins et traitements inrmiers Au cours de son évaluation, l’inrmière questionne le client sur sa conception du trouble mental, et ce, sans préjugés ni présuppositions. Elle ne présume pas, par exemple, qu’un immigrant récent n’est pas familier avec la médecine occidentale, ou encore qu’une personne née au Québec privilégiera d’emblée une explication scientique à son problème de santé mentale. En fait, l’inrmière comprend qu’une même personne peut se reporter à des modèles étiologiques différents, parfois même opposés, selon les différentes communautés culturelles auxquelles elle appartient.
9.2.2
Signications des troubles mentaux
Les signications qui sont attribuées à l’apparition de symptômes psychiatriques chez une personne dépendent de plusieurs facteurs, entre autres : • des causes de la maladie selon la culture, et de l’effet potentiellement stigmatisant de la maladie pour la personne et ses proches ; • des valeurs et des normes de la communauté, et de leur possible transgression par la personne malade par ses attitudes, paroles et comportements ; • du rôle de la personne malade au sein de sa communauté, et de sa capacité à remplir ce rôle ainsi que les obligations qui y sont rattachées malgré la maladie.
Il existe peu de cultures où le trouble mental n’est pas incompris et tabou à divers degrés, et nos cultures nord-américaines ne font pas exception ENCADRÉ 9.3. La culture populaire nord-américaine prote parfois de ce manque de connaissances pour pimenter ses lms et ses romans. Par exemple, les lms populaires Repulsion, Fatal Attraction et The Buttery Effect dépeignent les personnes atteintes d’un trouble mental comme dangereuses et imprévisibles, alors que ces personnes sont dans les faits plus à risque d’être victimes de violence que violentes elles-mêmes (Association canadienne pour
CE QU’IL FAUT RETENIR
Il existe peu de cultures où le trouble mental n’est pas incompris et tabou à divers degrés.
Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 9.2
Connaître sa propre perception des troubles mentaux
Les énoncés suivants, avec lesquels l’inrmière peut être d’accord ou non, lui permettent d’ex plorer sa propre attitude envers les personnes atteintes de troubles mentaux : • Les problèmes de santé mentale sont très communs. • Le public devrait être mieux protégé des personnes atteintes d’un trouble mental. • Je trouverais difcile de parler avec une personne atteinte d’un trouble mental. • Les personnes qui ont des problèmes de santé mentale devraient avoir les mêmes droits que tout le monde. • Les personnes souffrant de troubles mentaux sont responsable de leur état.
• Je ne voudrais pas travailler avec une personne ayant des problèmes de santé mentale. • Je n’ai pas d’objections à ce qu’un de mes proches épouse une personne atteinte d’un trouble mental. • Les personnes atteintes d’un trouble mental ne peuvent pas contribuer à la société. • La majorité des personnes souffrant d’un problème de santé mentale vont guérir. • N’importe qui peut être atteint d’un problème de santé mentale. • Si j’étais atteinte d’un problème de santé mentale, je ne le dirais à personne.
Source : Adapté de Knifton, Gervais, Newbigging et al. (2010). Chapitre 9
Culture et santé mentale
201
9
ENCADRÉ 9.3
Préjugés ou partis pris courants
• Racisme : croyance selon laquelle les membres d’une race sont supérieurs à ceux des autres races. • Sexisme : croyance selon laquelle les membres appartenant à un sexe sont supérieurs à ceux de l’autre sexe. • Hétérosexisme : croyance selon laquelle tout le monde est ou devrait être hétérosexuel, et selon laquelle l’hétérosexualité est préférable, normale et supérieure. • Âgisme : croyance selon laquelle les membres d’un groupe d’âge sont supérieurs à ceux des autres groupes d’âge.
• Ethnocentrisme : croyance selon laquelle son propre groupe culturel, ethnique ou professionnel est supérieur aux autres. La personne juge ainsi les autres en fonction de son propre critère d’appréciation et s’avère incapable ou refuse de saisir en quoi consiste véritablement l’autre groupe. • Xénophobie : peur maladive des étrangers et de tous ceux qui ne font pas partie de son propre groupe ethnique.
Source : Adapté de American Nurses Association (2006).
la santé mentale [ACSM], 2012 ; Lovell, Cook & Velpry, 2008). Ces représentations déformées du trouble mental dans les médias de masse perpétuent l’ignorance et attisent la peur du public envers les personnes malades, et elles causent beaucoup de tort en encourageant une attitude de peur et de honte (ACSM, 2013 ; Anderson, 2003 ; Camp, Webster, Coverdale et al., 2010 ; Castillo, Lannoy, Seznec et al., 2007).
16 L’approche thérapeutique préconisée avec les per sonnes aux prises avec un problème de dépen dance est traitée dans le chapitre 16, Troubles liés à une substance et troubles addictifs.
Les préjugés entourant le trouble mental et les attitudes qui en découlent varient selon les cultures. Les membres de communautés qui conçoivent le trouble mental comme une punition divine, une malédiction ou une possession peuvent chercher à dissimuler le diagnostic de trouble mental à leur entourage, entre autres pour ne pas nuire aux chances de la personne malade de se marier dans sa communauté (WonPat-Borja, Yang, Link et al., 2012). Bien que la taille et le degré d’organisation des communautés ethniques au Québec Magda Vasarevic est d’origine croate et elle est varient beaucoup, plusieurs âgée de 34 ans. Elle se cherche du travail comme familles peuvent hésiter à biochimiste, mais au cours des entrevues, elle se consulter de peur que la noubute au refus de sa candidature lorsqu’elle menvelle ne se propage dans la tionne qu’elle est atteinte d’un trouble bipolaire. Son communauté ou que les règles état n’est toujours pas stabilisé même si elle prend de condentialité ne soient sa médication. Que pensez-vous de cette situation ? pas respectées par le milieu
Jugement
clinique
202
Et pourtant, les préjugés entourant le diagnostic de trouble mental seraient le principal obstacle au bien-être des personnes atteintes (Abdullah & Brown, 2011). Par exemple, bien que un tiers de la population admet avoir souffert d’un problème de santé mentale ou connaître un proche atteint d’un trouble mental, 68 % des Américains n’aimeraient pas qu’une personne ayant reçu un diagnostic de trouble mental se marie avec l’un de leurs proches (Abdullah & Brown, 2011). Les employeurs hésitent aussi à engager une personne ayant reçu un diagnostic de trouble mental. Les personnes atteintes d’un trouble mental intériorisent ces préjugés, ce qui affecte leur estime de soi (Abdullah & Brown, 2011 ; Corrigan & Rao, 2012) et nuit à leur rétablissement (Tew, Ramon, Slade et al., 2011).
Partie 2
clinique. Par exemple, il peut être difcile pour l’inrmière de trouver un interprète parlant le dialecte du client et de sa famille tout en préservant la condentialité, surtout si la communauté ethnique est très petite et ses membres étroitement liés. Les cultures qui considèrent la dépression et l’anxiété comme des réactions normales devant les difcultés de la vie peuvent juger durement les personnes déprimées ou anxieuses, surtout si celles-ci ne parviennent plus à remplir leurs obligations à cause de la maladie, ou qu’elles décident de consulter (Abdullah & Brown, 2011). Dans les cultures où les troubles de la personnalité et les dépendances à l’alcool et aux drogues ne sont pas vus comme des troubles mentaux, mais plutôt comme des fautes morales, les personnes ayant un diagnostic de trouble de la personnalité ou aux prises avec un problème de dépendance pourraient se heurter à des attitudes de mépris et d’intolérance de la part des membres de leur communauté 16 . En Amérique du Nord, par exemple, deux conceptions différentes des troubles de dépendance aux drogues illicites s’opposent et s’affrontent dans les domaines politique, juridique et médical. Dans certaines communautés, les dépendances aux drogues sont des fautes morales devant être sévèrement criminalisées, alors que chez d’autres, il s’agit de problèmes relevant du domaine médical. Adopter une explication scientique des troubles mentaux n’élimine malheureusement pas les attitudes discriminatoires envers les personnes ayant reçu un diagnostic de trouble mental. Au contraire, plusieurs études récentes révèlent que le fait de croire que les troubles mentaux sont causés par certains gènes génère de nouveaux préjugés (Angermeyer, Holzinger, Carta et al., 2011 ; Rüsch, Todd, Bodenhausen et al., 2010). La personne soignante peut être moins encline à juger la personne ou sa famille responsables de la maladie, mais davantage portée à croire que la personne malade ne pourra jamais guérir. Ces nouveaux préjugés peuvent aussi éclabousser la famille du client, ses membres risquant d’être soupçonnés de posséder de « mauvais gènes ».
Dimensions biopsychosociales de la santé mentale et des troubles mentaux
Soins et traitements inrmiers L’inrmière s’efforce d’être consciente des peurs et des préjugés importants qui circulent dans toutes les cultures à propos du trouble mental. Elle s’assure que tout diagnostic psychiatrique est annoncé au client et à sa famille avec délicatesse. Elle fait preuve d’empathie et se sert de ses habiletés en communication avancée pour les soutenir dans ces moments qui peuvent s’avérer difciles. Elle facilite le recadrage face à certaines croyances stigmatisantes et offre tout l’enseignement dont le client et sa famille ont besoin pour dissiper leurs craintes et leurs idées fausses concernant les troubles mentaux.
9.2.3
Manifestations des troubles mentaux selon les cultures
Pour diagnostiquer un trouble mental, le psychiatre doit observer l’attitude, les croyances, le discours et le comportement de la personne. Si ceux-ci dérogent sufsamment de ce qui est considéré comme « normal » dans la culture dominante, le psychiatre peut soupçonner un problème mental sous-jacent. L’inrmière agit de la même façon pour évaluer ses clients. En effet, là où l’inrmière en soins physiques dépistera chez son client les valeurs anormales pouvant indiquer un problème de santé physique (p. ex., une pression artérielle ou une température en-dehors de valeurs normales), l’inrmière se base sur des normes culturelles pour déterminer si son client y déroge sufsamment pour qu’un trouble mental puisse être soupçonné. Sans considération pour la culture, la psychiatrie peut en effet difcilement déterminer la normalité ou l’anormalité d’une croyance ou d’un comportement (Perucca, 2010). Par exemple, jouer à des jeux de hasard avec de l’argent est un passe-temps répandu dans plusieurs régions de la Chine FIGURE 9.3. La dépendance au jeu n’y est donc pas considérée comme un diagnostic de trouble mental, en raison du trop grand nombre de
FIGURE 9.3 En Chine, la dépendance au jeu n’est pas considérée comme une maladie.
personnes s’y adonnant sur une base régulière. En Chine, les personnes qui jouent au point de se ruiner ne reçoivent pas un diagnostic de dépendance nécessitant un traitement médical, mais sont perçues comme des personnes ayant fait preuve d’un comportement irresponsable et abusif (Lee, 2001). Le Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux, 5e édition (DSM-5) (American Psychiatric Association [APA], 2015) est le manuel de classication des troubles mentaux employé en Amérique du Nord. Chaque trouble mental y est décrit selon une liste de comportements jugés « pathologiques » que le psychiatre se doit d’observer chez la personne malade avant de poser son diagnostic. En Europe, un autre manuel, la Classication statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes (CIM-10), est employé pour diagnostiquer les troubles mentaux. En Chine, on utilise le Chinese Classication of Mental Disorders (CCMD-III). Dans ces trois manuels de classication, les troubles de la pensée, les troubles dépressifs, bipolaires et apparentés ainsi que les troubles du comportement sont classiés selon des ensembles de symptômes différents. Les maladies seront donc diagnostiquées différemment d’une culture à l’autre, mais les symptômes aussi se manifesteront différemment selon les pensées, les émotions et les comportements jugés acceptables dans la culture du client. Par exemple, dans les communautés ayant une conception plus holistique de la santé et dans celles où les troubles dépressifs et anxieux ne sont pas considérés comme des problèmes psychiatriques, les personnes dépressives ou anxieuses viendront plus aisément consulter pour des problèmes d’insomnie, de manque d’énergie et de douleurs diffuses. En soignant ses clients en psychiatrie, l’inrmière veille donc à ne pas laisser ses propres conceptions culturelles de ce qui est socialement acceptable inuencer son jugement clinique. Par exemple, une inrmière catholique ne risque pas de juger psychotique une cliente qui croit que le corps du Christ se trouve dans l’hostie à la messe, parce qu’elle sait qu’il s’agit d’une croyance répandue et socialement acceptée dans la culture religieuse catholique. Par contre, elle pourrait considérer comme « psychotique » une cliente d’origine haïtienne qui pratique le vaudou et croit aux zombies si elle ne possède elle-même aucune connaissance sur les croyances religieuses et les pratiques médicales traditionnelles haïtiennes. Un bon moyen d’éviter les jugements hâtifs consiste à se demander si le comportement ou la croyance du client peut devenir un danger ou une souffrance réelle pour lui-même ou pour d’autres. Si ce n’est pas le cas, l’inrmière s’abstient d’imposer ses propres normes culturelles au client. En cas de doute, elle n’hésite pas à s’informer sur les cultures de son client et à consulter ses collègues .
Chapitre 9
éactivation des connaissances Quelle technique de communication l’inrmière peut-elle utiliser face à un client qui a des préjugés envers la santé mentale ?
9
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les maladies sont diagnostiquées différemment d’une culture à l’autre, et les symptômes aussi se manifesteront différemment selon les pensées, les émotions et les comportements jugés acceptables dans la culture du client.
Tableau 9.1W : Problèmes de santé mentale liés à la culture.
Culture et santé mentale
203
9.3
Compétence culturelle et sécurité culturelle en santé mentale
La compétence culturelle est un ensemble d’attitudes, de connaissances et de pratiques qui s’acquièrent graduellement, à partir de rencontres, de réexions, de lectures et d’études de la part de l’inrmière, et qui lui permettent d’adapter ses soins de manière à ce qu’ils se révèlent culturellement cohérents pour le client (Bhui, Warfa, Edonya et al., 2007 ; Coutu-Wakulczyk, 2003 ; Regroupement des intervenantes et intervenants francophones en santé et en services sociaux de l’Ontario, 2010) FIGURE 9.4. La notion de sécurité culturelle permet de pousser plus loin la réexion nécessaire à une bonne compétence culturelle chez l’inrmière. Dans une perspective de sécurité culturelle, ce n’est pas l’écart entre les cultures qui est susceptible d’augmenter le risque de problèmes sociaux et de troubles mentaux, mais les difcultés concrètes d’existence (emploi, logement, etc.), ainsi que les inégalités et les injustices qui résultent souvent du statut de culture minoritaire.
204
Partie 2
Irihapeti Ramsden (1946-2003), une inrmière néo-zélandaise, a élaboré avec d’autres inrmières maories le concept de sécurité culturelle. Ramsden dénit la sécurité culturelle comme étant une relation respectueuse entre un client ou sa famille et une inrmière d’une culture différente, mais qui a entrepris une réexion sur ses propres appartenances culturelles et leur inuence sur sa pratique, et qui s’assure d’offrir des soins respectueux et égalitaires en tout temps. La sécurité culturelle encourage donc une réexion approfondie sur la culture, resituant celle-ci dans ses contextes historique, géographique, politique et socioéconomique, an de mieux comprendre la situation réelle dans laquelle se déroulent les relations de soins FIGURE 9.5. Bien que ce concept ait d’abord été introduit dans les communautés maories de Nouvelle-Zélande, la sécurité culturelle a depuis été adaptée de manière à s’appliquer à toute communauté minoritaire en relation avec des membres et des institutions de la culture dominante. Par exemple, au Québec, est-ce qu’un Cri, une femme lesbienne, un enfant marocain, une personne malentendante peuvent se sentir en sécurité dans un centre hospitalier, c’est-à-dire être assurés de recevoir des soins optimaux et
FIGURE 9.4
Continuum de développement de la compétence culturelle
FIGURE 9.5
Déterminants culturels sous-jacents
Dimensions biopsychosociales de la santé mentale et des troubles mentaux
respectueux de leurs propres valeurs et coutumes, et ce, malgré les différences existant entre eux et la culture dominante ? Le concept de sécurité culturelle est particulièrement pertinent en psychiatrie. En effet, le rôle des professionnels en santé mentale est de déterminer qui déroge sufsamment des normes sociales pour être jugé atteint d’un trouble mental. Comme les personnes de cultures minoritaires sont déjà hors normes par rapport à la culture dominante, les risques sont plus élevés qu’elles soient considérées comme étant atteintes d’un trouble mental sans raison. Pour mieux comprendre l’ampleur de ce risque, il faut se rappeler que, jusqu’en 1973, l’homosexualité était un diagnostic de trouble mental répertorié dans le DSM-II. Historiquement et à travers le monde, les institutions psychiatriques ont longtemps servi à exclure de la société quiconque déviait trop des normes de la communauté dominante (Weisstub & Arboleda-Flórez, 2006). Même au Québec, de nombreuses personnes ont ainsi été placées en institution contre leur gré dans le passé, par exemple, à Saint-Jean-de-Dieu, maintenant l’Hôpital Louis-H. Lafontaine – Institut universitaire en santé mentale (Cellard & Thifault, 2007). La sécurité culturelle consiste à offrir des soins de manière à ce que la personne se sente parfaitement en sécurité et conante que ses besoins seront satisfaits de manière respectueuse et sans discrimination ni abus de pouvoir ENCADRÉ 9.4. À la crainte d’être jugée pour ses différences s’ajoute, pour la personne qui a reçu un diagnostic de trouble mental, celle d’être victime de discrimination à cause de son trouble mental. Enn, le milieu hospitalier peut s’avérer intimidant pour une personne qui ne travaille pas dans le domaine de la santé. Il y existe une sous-culture professionnelle qui donne au client l’impression d’entrer dans un pays dont il ne connaît ni les règles, ni le langage, ni le fonctionnement.
9.4
Relation d’aide ENCADRÉ 9.4
Offrir une aide culturellement sécurisante
Pour se sentir en sécurité culturellement, la personne doit :
en compte, et ce, même s’ils diffèrent des priorités du personnel soignant ;
• se sentir respectée par les soignants ;
• connaître ses droits, et ses recours si ces droits ne sont pas respectés ;
• pouvoir s’exprimer librement sans crainte d’être jugée ou que ses propos soient mal interprétés ; • être assurée que les besoins qu’elle considère comme prioritaires seront pris
• comprendre les soins qui lui sont prodigués ; • être assurée de la condentialité de son dossier.
communautés haïtienne, irlandaise, italienne, chinoise et portugaise FIGURE 9.6.
9
Le Québec reçoit près de 50 000 immigrants par année (ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles [MICC], 2012), et avec la mondialisation, ce chiffre ne risque pas de diminuer FIGURE 9.7. Environ 70 % de ces nouveaux arrivants s’installent dans la région montréalaise. Si les vagues d’immigration étaient autrefois surtout originaires d’Europe, un tiers des nouveaux arrivants sont maintenant d’origine africaine, surtout du Petit Maghreb (Algérie, Maroc et Tunisie), et un quart sont originaires d’Asie (MICC, 2012) FIGURE 9.8. La majorité des immigrants récents parlent français à leur arrivée et possèdent un niveau d’éducation très élevé (Clarkson, 2005). À leur arrivée, les immigrants possèdent généralement une bonne santé physique et mentale, ceci en grande partie parce qu’ils sont méticuleusement sélectionnés (Clarkson, 2005 ; Statistique Canada, 2011). Cependant, ces données représentent une moyenne de l’ensemble des immigrants et peuvent donc masquer des inégalités sévères. Dans les faits, il est permis de supposer
Communautés ethniques du Québec et psychiatrie
Les communautés ethnoculturelles canadiennefrançaise et canadienne-anglaise sont considérées comme dominantes au Québec et au Canada. Les personnes de ces deux communautés ont davantage l’assurance de recevoir des soins qui respecteront leurs valeurs et leurs coutumes, de se faire comprendre aisément dans leur langue, et de ne pas être victimes de discrimination. Il existe plusieurs autres communautés culturelles au Québec, certaines installées depuis si longtemps qu’elles font partie intégrante de l’histoire de la province, qu’elles ont aidé à dénir et à construire. Parmi celles-ci se trouvent les
FIGURE 9.6 Population immigrée du Québec, selon les 10 principaux pays de naissance, en 2011
Chapitre 9
Culture et santé mentale
205
FIGURE 9.7
Immigration au Québec selon les principaux pays de naissance, en 2011
s’adapte à son nouveau pays et qu’elle apprend à composer avec les cultures dominantes et à communiquer dans une nouvelle langue, et lorsqu’elle se trouve un nouvel emploi satisfaisant. La personne et sa famille immigrante doivent aussi traverser plusieurs deuils, soit ceux du pays d’origine, des personnes laissées derrière, d’un travail, d’une culture, etc.
FIGURE 9.8 Continent de naissance des nouveaux arrivants en 2011
que certains immigrants arrivent avec une excellente santé mentale, surtout les immigrants de classes économiquement aisées, tandis que d’autres immigrants, par exemple les réfugiés, peuvent accuser des problèmes de santé mentale sévères, leur immigration n’ayant pas été choisie mais imposée par des conditions de vie insoutenables dans leur pays d’origine. Peu importe l’état de la santé mentale à l’arrivée et les conditions d’immigration, immigrer nécessite toujours une période d’adaptation importante pour une personne et sa famille, période pendant laquelle la santé mentale peut s’avérer plus précaire (Hwang et al., 2008 ; Santé Canada, 2015 ; Wa Tshisekedi Kalanga, 2008). CE QU’IL FAUT RETENIR
L’immigration nécessite de grandes capacités d’adapta tion pour la personne et sa famille, peu importe le type d’immigration.
206
Partie 2
9.4.1
Communautés immigrantes
L’immigration nécessite de grandes capacités d’adaptation pour la personne et sa famille, peu importe le type d’immigration (indépendante, regroupement familial ou demande d’asile). Le choc culturel s’atténue à mesure que la personne
À ces dés pour la santé mentale s’ajoutent les risques de discrimination. Les personnes identiées comme arabes ou musulmanes, par exemple, sont particulièrement à risque de racisme depuis le 11 septembre 2001, mais les personnes de minorités visibles ou audibles sont toutes à risque de vivre des épisodes de racisme (Abu-Rass & Abu-Bader, 2008 ; Brondolo, Beatty, Cubbin et al., 2009 ; Helly, s.d. ; Pétreault, 2015). Toutes ces difcultés doivent se résoudre dans un certain isolement, loin du réseau de soutien habituel et des ressources connues. Les familles récemment immigrées au Québec traversent une période de transformation plus ou moins importante, selon le degré de différence culturelle entre elles et les cultures hôtes dominantes, les conditions de l’immigration et les ressources dont dispose la famille à son arrivée. Le statut, les rôles et les responsabilités que chacun des membres de la famille risque de se voir conférer dans sa nouvelle terre d’accueil, ainsi que les possibilités et les limitations que chacun risque de rencontrer, varieront aussi selon le genre et l’âge de chacun (Ward, Fox, Wilson et al., 2010). Par exemple, les personnes âgées observent souvent une perte de leur statut social dans la culture nord-américaine, qui valorise surtout la jeunesse (Kirmayer, Narasiah, Munoz et al., 2011). Elles peuvent se sentir davantage déracinées, la majeure partie de leur vie s’étant déroulée dans un pays qu’elles ont maintenant quitté. L’intégration peut aussi s’avérer plus ardue si elles ne comptent pas étudier ou travailler après l’immigration, les milieux scolaires et professionnels étant les principales portes d’entrée des immigrants dans la culture hôte.
Dimensions biopsychosociales de la santé mentale et des troubles mentaux
Les hommes verront parfois leur statut diminué au sein de la famille et de la communauté s’ils ne parviennent pas à trouver un emploi satisfaisant rapidement, ce qui provoque de l’anxiété et de la honte chez l’homme ainsi que des tensions dans la famille. À l’inverse, il arrive que l’épouse se trouve un emploi pour la première fois. Certaines femmes de cultures aux rôles sexuels plus traditionnels feront ainsi leurs premiers pas dans la sphère publique, traditionnellement réservée aux hommes de la communauté. À l’inverse, il arrive que les hommes doivent s’investir davantage dans la sphère privée. Ces réajustements peuvent causer des tensions au sein de la famille, même si des études démontrent que les hommes et les femmes sont en majorité ouverts à ces changements et s’y adaptent bien (Helly, s.d. ; Kuster, Goulet & Pépin, 2002 ; Pétreault, 2015). Les adolescents sont de leur côté amenés à se construire une identité entre la culture d’origine et la nouvelle culture. Des tensions et des conits dans la famille peuvent en résulter si les appartenances culturelles que choisit l’adolescent vont à l’encontre de celles que les parents cherchent à transmettre (Batista Wiese, Van Dijk & Seddik, 2009 ; Lamb & Bougher, 2009). Plusieurs études démontrent que les personnes de communautés ethniques minoritaires utilisent moins les services de santé et les services psychiatriques que le reste de la population québécoise, et ce, même en cas de problèmes de santé importants (Clarkson, 2005 ; Nanhou & Audet, 2008). Il existe en effet plusieurs barrières à leur accessibilité au système de santé, parmi lesquelles : la différence de langue ; la crainte d’être victimes de discrimination de la part du personnel ou de la communauté ethnique ; le fait que certains troubles mentaux ne sont pas considérés comme relevant du domaine médical ; et le manque de connaissances sur les services disponibles.
9.4.2
Réfugiés
Les réfugiés ont dû fuir leur pays d’origine à cause de conditions de vie précaires, voire de menaces importantes pour leur santé physique et mentale. Il s’agit d’une immigration qui n’a pas été choisie. Parmi les réfugiés, plusieurs ont été victimes ou témoins d’actes de violence majeurs. Chez ces personnes, les symptômes d’anxiété sont plus sévères que chez les autres immigrants, leur satisfaction face à la vie actuelle est moins grande (Clarkson, 2005) et le risque de troubles de stress posttraumatiques est plus élevé.
9.4.3
Premières Nations et Inuits
Il existe au Québec les Premières Nations autochtones (au nombre de 10) et la nation des Inuits. Ensemble, ces 11 peuples autochtones représentent près de 80 000 habitants, soit environ 1 % de la
population québécoise (Brousseau, Jobidon, Paillé et al., 2005). Le Québec compte aussi la population des Métis, c’est-à-dire un groupe constitué de personnes d’origine à la fois autochtone et européenne, mais cette population est peu connue et n’est pas répertoriée dans les statistiques officielles. La nation des Inuits et les Premières Nations amérindiennes possèdent leur propre histoire, leur propre culture et leur propre langue. Malgré tout, il existe certains éléments communs aux Premières Nations du Canada et aux Inuits. Par exemple, il s’agit de communautés traditionnellement collectivistes, par opposition aux communautés d’origine européenne qui sont plus individualistes. Les communautés autochtones et inuites partagent aussi une même vision holistique du monde. Pour plusieurs d’entre elles, être en santé signie avant tout vivre en harmonie avec sa famille, sa communauté et la nature (Roy, 2002).
9
Les communautés inuites et amérindiennes ont toutes été victimes de la colonisation européenne, une colonisation violente durant laquelle leurs membres ont perdu tous leurs droits et ont été relégués au statut de mineurs à vie. Elles ont en effet été chassées de leurs territoires et villages pour être relocalisées dans de petites propriétés canadiennes, nommées réserves, de plus en plus étroites à mesure que le gouvernement cherchait à exploiter les ressources naturelles qui s’y trouvent. Les enfants ont été envoyés de force dans des pensionnats loin des familles, où il leur était interdit de pratiquer leurs coutumes et de parler leurs langues, et où les actes de violence psychologique, physique et sexuelle étaient courants. L’infirmière qui cherche à offrir des soins culturellement sécuritaires aux personnes autochtones comprend que les problèmes sociaux et de santé que connaissent encore ces communautés sont les conséquences directes de la perte de leur culture, de leur non-reconnaissance sur le plan politique, de l’impuissance apprise (ou résignation acquise) et des frustrations qui en découlent, des mauvais traitements subis et des traumatismes intergénérationnels associés aux pensionnats et aux placements en établissements éloignés après qu’un diagnostic de tuberculose avait été posé (Cameron, 2011). Selon Mitchell et Maracle (2005), ces violences auraient provoqué chez les communautés autochtones un trouble de stress post-traumatique, qui, ajouté à la pauvreté, aux logements insalubres et trop petits ainsi qu’aux injustices institutionnelles encore présentes, se manifeste par des problèmes de santé mentale sévères, auxquels se greffent d’autres problèmes comme la violence conjugale et les mauvais traitements, la toxicomanie et des taux de suicide élevés FIGURE 9.9. Étant donné les causes historiques à l’origine de ces problèmes sociaux et de santé mentale ainsi que Chapitre 9
Culture et santé mentale
207
conduire à des sentences sévères, voire à des condamnations à mort.
FIGURE 9.9 L’inrmière cherche à offrir des soins culturellement sécuritaires aux personnes autochtones.
des injustices encore commises à l’égard des communautés autochtones, il n’est pas étonnant que les membres des communautés les plus touchées demeurent parfois réticents à collaborer avec le personnel de soins (Roy, 2002 ; Sabbagh, 2008). L’inrmière interagissant avec les clients autochtones est consciente du contexte sociopolitique dans lequel se déroulent les soins qu’elle prodigue et s’assure d’offrir à sa clientèle un environnement culturellement sécuritaire en tout temps. Pour ce faire, elle accepte que le lien de conance puisse être plus long à établir, elle ne pose pas de jugements hâtifs, elle s’enquiert de la culture du client et reconnaît le pouvoir de résilience de celui-ci au sein de sa communauté. En effet, malgré les violences et les injustices qu’elles ont subies, les communautés autochtones du Québec reprennent leur destin en main, à travers un long processus de guérison. Selon plusieurs études, les programmes en santé mentale les plus efcaces auprès des communautés autochtones s’inspirent à la fois des approches autochtones et européennes de la santé, et laissent une grande place à la communauté, par exemple par la consultation des anciens et leur participation au processus de décisions (Fondation autochtone de guérison, 2008 ; Macaulay, 2009).
9.5
Genre et santé mentale
Dans toutes les cultures, il existe des prescriptions culturelles indiquant la manière dont une personne doit se comporter selon son sexe. Dans certaines cultures, enfreindre ces normes peut
208
Partie 2
Par exemple, un homme qui s’habille ou se comporte de manière « féminine » peut être victime de discrimination dans plusieurs cultures, et l’homosexualité est passible de mort encore aujourd’hui dans plusieurs pays. On appelle sexisme la discrimination basée sur le sexe d’une personne et homophobie la discrimination basée sur l’orientation sexuelle. En Occident, les dérivations aux normes culturelles basées sur le sexe, le genre et l’orientation sexuelle ont longtemps été considérées comme des problèmes de santé mentale nécessitant des traitements médicaux. Ces hypothèses sont maintenant abandonnées, jugées non scientiques et basées uniquement sur l’ignorance et la peur de la différence. Par contre, la discrimination dont les personnes transgenres ou homosexuelles sont encore souvent victimes peut conduire à de véritables problèmes de santé mentale. Les hommes et les femmes sont socialisés de manière différente dès leur plus jeune âge (Roseneld, Lennon & White, 2005). Ces différences conduisent à des cultures de genre différenciées, et donc à des problèmes de santé mentale particuliers, avec des manifestations distinctes ainsi que des stratégies d’adaptation et des ressources qui varient aussi. À l’âge adulte, les femmes sont près de deux fois plus nombreuses à avoir un diagnostic de dépression, alors que le taux de suicide est de trois à quatre fois plus élevé chez les hommes (Tremblay & Roy 2012). Le sousdiagnostic de la dépression chez les hommes pourrait bien être une explication plausible à ce phénomène (Tremblay & Roy, 2012). Les femmes étant plus socialement encouragées à s’accomplir à travers les relations sociales, le couple et la famille, elles ont tendance à se constituer un meilleur réseau de soutien, ce qui peut s’avérer un facteur de protection important contre les troubles mentaux. D’un autre côté, elles sont plus souvent sollicitées lorsqu’un membre du réseau devient malade, ce qui peut causer un stress supplémentaire. Les préjugés entourant le trouble mental affectent aussi les hommes et les femmes différemment (Roseneld & Smith, 2010). Les femmes reçoivent plus facilement un diagnostic de trouble mental, et que ce soit pour leur propre compte ou pour celui des personnes qu’elles soignent, elles hésiteront moins à rechercher l’aide de professionnels de la santé en cas de besoin. Le trouble mental est moins souvent reconnu chez les hommes, mais ceux-ci hésiteront beaucoup plus à demander de l’aide, cette demande d’aide pouvant être considérée comme un signe de dépendance et de faiblesse allant à l’encontre des modèles culturels de virilité masculine (Conrad, 2010).
Dimensions biopsychosociales de la santé mentale et des troubles mentaux
9.6
Culture et psychotropes
Plusieurs études récentes (Lin, 2012) démontrent que les médicaments, et d’autant plus les médicaments psychotropes, agissent différemment sur le cerveau selon les cultures de la personne. Ces différences dépendraient entre autres des croyances de la personne concernant l’efcacité du médicament. En effet, la simple croyance en l’efcacité de la médication peut grandement augmenter son efcacité. Il s’agit de l’effet placebo. À l’inverse, une méance envers la médication peut créer un effet nocebo, dans lequel la personne expérimente des effets indésirables et peu ou pas d’effet thérapeutique. L’un des principaux facteurs inuençant l’attitude du client face à son traitement réside dans le lien de conance entre lui et la personne lui administrant la médication. L’inrmière s’assure donc de conserver en tout temps un lien de conance thérapeutique avec son client.
Il existe aussi des différences en matière de vitesse de métabolisation des substances psychotropes selon l’origine ethnique. Par exemple, les personnes originaires d’Afrique noire peuvent métaboliser plus rapidement certains médicaments si elles possèdent certains gènes particuliers. Les personnes d’origine asiatique, quant à elles, possèdent parfois des gènes qui ralentissent le métabolisme de certains médicaments psychotropes. L’inrmière s’assure donc, surtout au moment des premières administrations et au cours des mois qui suivent, que la dose est appropriée selon le poids et l’origine ethnique du client, et elle surveille avec celui-ci les signes possibles d’intoxication.
9
Toujours grâce à l’effet placebo, les traitements dont l’efcacité n’est pas reconnue par la communauté scientifique, mais auxquels les membres d’une culture attachent une grande importance symbolique, peuvent parfois s’avérer thérapeutiques dans certaines circonstances FIGURE 9.10. L’inrmière, par contre, s’assure toujours que ces traitements n’ont pas d’effets indésirables qui peuvent nuire à la santé du client, et que leur suivi par le client n’interfère en rien avec l’adhésion au traitement médical prescrit.
FIGURE 9.10 Dans de nombreux pays, la population a recours à la médecine traditionnelle et aux plantes pour se soigner.
Analyse d’une situation de santé
Jugement clinique
Zineb Abadou est une jeune femme âgée de 17 ans et d’origine marocaine. Elle est la cadette d’une famille de confession musulmane, et ses parents sont très religieux. L’adolescente est au service des urgences à la suite d’une tentative de suicide ; elle aurait avalé 30 comprimés d’acétaminophène 325 mg. Les raisons de son geste sont inconnues, mais son état n’est pas inquiétant. Vous rencontrez les parents de Zineb. Ceux-ci vous accueillent poliment. Vous sentez qu’ils sont
mal à l’aise par rapport au geste que leur lle a posé. Comme cette dernière est plutôt somnolente et ne peut répondre à vos questions, c’est à eux que vous vous adressez pour obtenir plus de renseignements. C’est avec hésitation qu’ils disent que leur lle était différente depuis quelque temps, mais ils nient qu’elle ait pu être dépressive. Ils ont d’ailleurs refusé qu’elle consulte le psychologue du collège où elle étudie.
Chapitre 9
Culture et santé mentale
209
Mise en œuvre de la démarche de soins
Collecte des données – Évaluation initiale – Analyse et interprétation SOLUTIONNAIRE
1. Expliquez la pertinence de demander aux parents de Zineb ce qui les amène à croire que leur lle n’était pas dépressive. 2. Pourquoi serait-il pertinent de demander aux parents de Zineb de préciser ce qu’ils veulent dire par « leur lle était différente depuis quelque temps » ? 3. Qu’est-ce qui pourrait expliquer le refus des parents que leur lle consulte le psychologue ?
écemment vu dans ce chapitre Comment qualierait-on une attitude condescendante de la part de l’inrmière où celle-ci considérerait sa propre culture comme étant supérieure à celle de la famille de Zineb ?
Zineb a toujours été perçue comme une lle docile et soumise aux pratiques familiales et religieuses. Ses parents vous disent que le geste qu’elle
a posé est inacceptable dans leur religion et leur culture, et que la malédiction frappe désormais toute la famille.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
4. Nommez deux raisons pouvant expliquer l’attitude des parents de Zineb.
Planication des interventions – Décisions inrmières 5. Quelles attitudes de votre part vous permettraient d’intervenir de façon culturellement cohérente avec les parents de Zineb ?
écemment vu dans ce chapitre Comment pourrait-on reconnaître que Zineb et ses parents reçoivent une aide culturellement sécurisante ?
Zineb est moins somnolente. Elle pleure en voyant ses parents, mais elle ne semble pas vouloir leur parler même si ceux-ci lui demandent pour-
quoi elle a tenté de mettre n à ses jours. Ils lui promettent de l’aider à se rétablir et lui disent qu’ils ont craint pour sa vie.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution 6. Dans ce contexte, comment l’attitude des parents de Zineb peut-elle être interprétée ?
210
Partie 2
Dimensions biopsychosociales de la santé mentale et des troubles mentaux
APPLICATION DE LA PENSÉE CRITIQUE Dans l’application de la démarche de soins auprès de Zineb, l’inrmière a recours à un ensemble d’éléments (connaissances, expériences antérieures, normes institutionnelles ou protocoles, attitudes professionnelles) pour analyser la situation de santé de la cliente et en comprendre les enjeux. La
FIGURE 9.11 illustre le processus de pensée critique
suivi par l’inrmière an de formuler son jugement clinique. Elle résume les principaux éléments sur lesquels l’inrmière s’appuie en fonction des données de cette cliente, mais elle n’est pas exhaustive.
VERS UN JUGEMENT CLINIQUE EXPÉRIENCES
CONNAISSANCES
NORME
• Expérience de travail auprès des clientèles ethniques • Expérience en relation d’aide
• Conceptions du trouble mental selon les groupes culturels et religieux • Répercussions du trouble mental sur l’entourage culturel • Normes propres à différentes cultures • Ses propres valeurs et appartenance culturelles
• Politique locale de respect des demandes spéciales reliées à la culture et à la pratique religieuse
ATTITUDES • Respecter les valeurs et les croyances des parents face à un problème de santé mentale • Éviter de leur imposer ses propres valeurs • Démontrer de la compréhension face à leur perception d’un trouble mental et à leur attitude actuelle • Reconnaître que la culture inue grandement sur la nature et la signication des symptômes manifestés
PENSÉE CRITIQUE
ÉVALUATION • • • • • • • •
Raisons qui ont conduit Zineb à sa tentative de suicide (lorsque celle-ci est plus éveillée) Réticence de Zineb à ne pas vouloir parler à ses parents Évaluation de son état de conscience Évaluation de sa condition physique et mentale Perception des parents face à un problème de santé mentale Interprétation du geste suicidaire de leur lle Inuence de leur appartenance ethnique et religieuse sur la santé mentale de leur lle Moyens qu’ils comptent prendre pour aider leur lle
JUGEMENT CLINIQUE FIGURE 9.11
Application de la pensée critique à la situation clinique de Zineb
Chapitre 9
Culture et santé mentale
211
9
Chapitre
10
Troubles liés aux traumatismes et aux facteurs de stress Écrit par : Pamela E. Marcus, RN, APRN/PMH-BC Bonnie M. Hagerty, PhD, RN Kathleen L. Patusky, PhD, APRN-BC Adapté par : Christianne Bourgie, inf., M. Sc. Adapté et mis à jour par : Meriem Sedjal, inf., M. Sc. (c)
MOTS CLÉS
OBJECTIFS
Adaptation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 214 Phase d’ajustement . . . . . . . . . . . . . . . . . . 216 Phase d’alarme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 214 Phase d’épuisement . . . . . . . . . . . . . . . . . 215 Phase de résistance . . . . . . . . . . . . . . . . . 215 Stratégie d’adaptation . . . . . . . . . . . . . . . 216 Stresseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 214 Syndrome d’inhibition . . . . . . . . . . . . . . . . 216 Syndrome général d’adaptation (SGA) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 214
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez être en mesure : • de décrire le rôle de l’approche cognitivo-comportementale dans la gestion du stress et de ses réactions ; • d’utiliser une méthode de résolution de problèmes afin de favoriser le sentiment de maîtrise du client sur les situations stressantes ; • d’expliquer l’utilité de la réduction du stress basée sur la relaxation et la méditation ; • de décrire les fonctions du système nerveux et du système endocrinien lorsqu’une personne est exposée à un stresseur ; • de définir le syndrome général d’adaptation ; • d’expliquer le rôle du locus de contrôle dans l’adaptation au stress ; • de déterminer des interventions qui favorisent une adaptation positive au stress ; • de décrire les caractéristiques des troubles de stress post-traumatique, de stress aigu et de l’adaptation ; • d’appliquer la démarche de soins aux clients souffrant d’un trouble lié aux traumatismes et au stress.
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À retenir Carte conceptuelle Encadré Web Pour en savoir plus Ressources Solutionnaire de l’Analyse d’une situation de santé
Guide d’études – RE03, RE11
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Partie 3
Troubles mentaux
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Solutionnaire des questions de Jugement clinique Solutionnaire des questions Réactivation des connaissances Solutionnaire des questions Récemment vu dans ce chapitre Solutionnaires du Guide d’études Tableau Web
Concepts clés
Cette carte conceptuelle illustre schématiquement les principaux concepts décrits dans le présent chapitre. Sa lecture vous permettra d’avoir une vue d’ensemble des notions qui y sont présentées.
se manifestent par
alors
si
Durée un mois ou plus
fait intervenir
soit
varie selon
10
Durée 3 à 30 jours
comprend
entraîne
entraîne provoquent
causés par Troubles liés aux traumatismes et aux facteurs de stress nécessitent
dont
dont
Chapitre 10
Troubles liés aux traumatismes et aux facteurs de stress
213
PORTRAIT
Sacha Olivier Sacha Olivier, âgée de 35 ans, a appris de son médecin, il y a quelques jours, qu’elle est atteinte d’un cancer du sein. La nouvelle du diagnostic l’a sérieusement ébranlée, elle qui est d’ordinaire si conante et si sereine. Depuis qu’elle a appris cette nouvelle, elle a commencé à faire de l’insomnie. Elle ne parvient plus à se concentrer à son travail, elle se montre impatiente avec ses enfants et elle n’a plus d’appétit. Elle décide de consulter le CLSC de son quartier an d’obtenir de l’aide. Elle souhaite recourir à une médication pour retrouver le sommeil. L’entrevue permet à l’inrmière de dégager plusieurs facteurs à l’origine de cette crise. Elle apprend ainsi que la mère de Sacha est elle-même décédée d’un cancer du sein il y a quelques années. Sacha est aussi en instance de divorce et est à la recherche d’un logement plus abordable en raison de ses revenus modestes. Le fait d’avoir reçu le même diagnostic que sa mère, son divorce et son déménagement éventuels ne sont pas les éléments causals prépondérants ayant précipité sa crise, mais ces facteurs aggravants risquent de compliquer la situation. Heureusement, Sacha possède un bon réseau d’amies à qui elle peut se coner et qui peuvent l’aider, au besoin. Elle dispose aussi de certains renseignements sur le cancer du sein, accumulés à l’époque de la maladie de sa mère.
10.1 CE QU’IL FAUT RETENIR
Le syndrome général d’adaptation (SGA) s’explique selon trois phases de réactions physiologiques au stress : la phase d’alarme, la phase de résistance et la phase d’épuisement.
éactivation des connaissances À quel moment de la journée le taux de cortisol est-il le plus élevé chez une personne normale ?
214
Partie 3
Dénition du stress
Tous les êtres vivants sont exposés au stress. L’expérience humaine du stress est cependant soumise à de nombreux déterminants individuels et environnementaux qui en moduleront les effets chez les personnes exposées. Trois principales perspectives permettent de mieux dénir le stress : il s’agit des perspectives physiologique, sociologique et psychologique. La prise en compte de l’ensemble de ces modèles permet maintenant d’apporter d’importantes nuances à la compréhension des mécanismes du stress. Ainsi, selon les données scientiques maintenant disponibles, le stress n’est pas uniquement associé à des événements malheureux, pas plus qu’il n’est automatiquement source de détresse. L’inrmière s’efforcera donc de tenir compte du caractère unique que revêt l’expérience du stress chez chaque personne à qui elle prodigue des soins. Selon Chandler (2010), le stress résulte de l’interaction entre la personne et les exigences de
Troubles mentaux
l’environnement qui mettent à l’épreuve ses capacités d’adaptation. Les stimulus qui causent le stress sont appelés stresseurs, ou facteurs de stress. Les stresseurs peuvent émaner de la personne (stresseur interne) ou de l’environnement extérieur (stresseur externe). Une situation pour laquelle une personne doit accomplir une tâche qui exige un haut niveau de performance physique alors qu’elle ne s’est pas alimentée adéquatement et qu’elle souffre d’insomnie depuis plusieurs nuits représente un exemple de stresseur interne. Dans ce cas, le corps peut difcilement supporter le stress causé par une alimentation inadéquate et par le manque de sommeil. La personne peut éprouver de la dyspnée, de la tachycardie, des céphalées ainsi que des douleurs musculaires, et elle peut également ressentir une sensation envahissante de fatigue et d’irritation. En plus de ces réactions physiologiques, elle peut se sentir vulnérable et incompétente. L’effet d’un stresseur externe peut s’observer, par exemple, dans le cas d’une personne qui doit se présenter à une entrevue de sélection pour un emploi. Certaines variables telles que la vulnérabilité personnelle, le degré de préparation, la peur de l’échec et les expériences antérieures peuvent provoquer un ensemble de symptômes incommodants susceptibles de se répercuter dans les sphères biopsychosociales.
10.1.1
Syndrome général d’adaptation
Le chercheur et endocrinologue Hans Selye a permis de mieux comprendre les mécanismes d’action et les effets du stress. Une de ses principales contributions réside dans sa description du syndrome général d’adaptation (Masson & Selye, 1938 ; Selye, 1974). Le syndrome général d’adaptation (SGA) s’explique selon trois phases de réactions physiologiques au stress. La première est appelée phase d’alarme. Cette phase comporte un enchaînement de réactions immédiates (une dizaine de secondes) devant ce qui peut être perçu, à tort ou à raison, comme un danger ou une menace (Galinowski & Lôo, 2003 ; Servant, 2012). Pendant cette phase, le cerveau et les systèmes cardiovasculaire et hormonal s’activent an que la personne soit en mesure de réagir au stresseur. Le signal d’alarme est reçu par le système nerveux autonome qui envoie un message au bulbe rachidien an d’augmenter le débit sanguin de certains organes (p. ex., les muscles) et de permettre à la personne de se protéger (réaction de fuite) ou de combattre (réaction de lutte) (Baier, 2009 ; Galinowski & Lôo, 2003 ; Servant, 2012). Le cerveau reçoit alors un surcroît de sang oxygéné an d’accroître la vigilance. Il y a également augmentation des taux sanguins de glucose, d’épinéphrine et de norépinéphrine, toujours en vue de préparer la réponse au signal initial FIGURE 10.1 . Les
manifestations physiques de cette phase peuvent durer entre une minute et plusieurs heures (Servant, 2012). Cette chaîne de réactions a constitué un moyen de survie pour l’espèce humaine depuis ses origines, mais elle n’est pas toujours adaptée à la nature de la menace réelle dans notre monde contemporain FIGURE 10.2. La seconde réaction est appelée phase de résistance (une dizaine de minutes) (Galinowski & Lôo, 2003). L’axe hypothalamo-hypophysairesurrénalien est activé, et la zone limbique du cerveau informe l’hypothalamus de la présence du stresseur, alors que l’hypothalamus sécrète la corticolibérine (CRF, substance libératrice de la corticotropine), qui prévient l’hypophyse de la nécessité d’agir contre le stresseur. L’hypophyse sécrète alors la corticotrophine (ACTH), qui stimule la libération du cortisol par le cortex surrénal. Le cortisol aide tout le corps à réagir au stress en activant le catabolisme et en induisant la mobilisation des réserves d’énergie pour favoriser une réponse rapide (Sadock, Sadock & Ruiz, 2014).
10
L’organisme tente ici de s’adapter au stresseur et mobilise ses forces pour y résister (Lewis, Dirksen, Heitkemper et al., 2016). Les effets physiques se stabilisent, et le corps retourne progressivement à l’homéostasie, c’est-à-dire à son équilibre naturel. Les neurotransmetteurs ainsi que les systèmes cardiovasculaire et endocrinien recouvrent graduellement leur niveau normal de fonctionnement pendant cette phase. Un ensemble de ressources internes et externes entrent en jeu pour favoriser le retour à cet équilibre. En plus d’être inuencée par la nature et l’intensité des stresseurs, une adaptation adéquate sera tributaire de facteurs liés à la personnalité et à la vulnérabilité physiologique ou psychologique de la personne ainsi qu’au soutien social dont elle peut bénécier. Toutefois, si le corps ne parvient pas à s’adapter et que le stresseur continue de produire ses effets, une troisième phase, appelée phase d’épuisement, risque d’apparaître. La réponse au stresseur demeure sensiblement la même que dans la phase de résistance, sauf qu’elle perdure dans le temps. Le corps nit par s’épuiser, puisqu’il est incapable de soutenir à long terme l’intensité des changements suscités par la phase de résistance. La phase d’épuisement peut rendre la personne plus vulnérable aux maladies, puisque le corps ne récupère pas et ne retrouve pas l’énergie nécessaire à l’homéostasie des systèmes. Les personnes atteintes d’anxiété chronique ou de dépression caractérisée décrivent souvent cette sensation d’épuisement et cette incapacité à retrouver l’équilibre. De plus, la phase d’épuisement peut être associée à des problèmes de santé tels qu’une vulnérabilité accrue aux infections,
FIGURE 10.1 Schéma des principaux changements du système nerveux dans le syndrome général d’adaptation Chapitre 10
Troubles liés aux traumatismes et aux facteurs de stress
215
sont nocives pour les tissus corporels (Hellman, 2004). De plus, l’exposition chronique au stress aurait des effets inhibiteurs sur le système immunitaire (Lewis et al., 2016). Pour Neurnberger (1981), il peut aussi arriver que la personne reste plutôt « paralysée » et qu’elle soit incapable de réagir de quelque manière que ce soit au stresseur. Cet auteur a qualié cette réaction de syndrome d’inhibition. Cette réaction est le résultat d’une surstimulation du système nerveux parasympathique et se déclenche automatiquement comme moyen de survie, entraînant un effet « de paralysie ou d’engourdissement » (Phillips, 2010). Finalement, bien que Selye ait mis l’accent sur le fait que toute réponse au stress revêt un caractère identique d’une personne à l’autre, ce caractère non spécique est de nos jours beaucoup plus nuancé. Il apparaît que les réponses individuelles varient en fonction de la nature des stresseurs et de certaines caractéristiques personnelles telles que la hardiesse, une nature optimiste et une bonne estime de soi (Lewis et al., 2016). Par exemple, les personnes hardies sont caractérisées par leur sens de l’engagement et leur maîtrise de soi, et elles auront tendance à voir les stresseurs comme des dés et des occasions de croissance plutôt que comme des obstacles. FIGURE 10.2
Phase d’alarme : réaction de lutte ou de fuite
Jugement
clinique Roxane Gagnon est âgée de 19 ans et étudie en soins inrmiers. Elle commence un stage en psychiatrie et invite son client à s’asseoir pour commencer une entrevue. Ce dernier refuse en criant agressivement : « Fous-moi la paix ! » Roxane, ne s’attendant pas à une telle réaction, sent une forte bouffée vasomotrice l’envahir et éprouve des palpitations. Elle reste gée devant le client, totalement incapable de réagir. À quelle phase du SGA correspondent les manifestations que ressent Roxane ?
CE QU’IL FAUT RETENIR
Le syndrome d’inhibition est le résultat d’une surstimulation du système nerveux parasympathique et se déclenche automatiquement comme moyen de survie, entraînant un effet « de paralysie ou d’engourdissement ».
216
Partie 3
des céphalées, de l’hypertension, des crises d’asthme, un syndrome de fatigue chronique, etc. Si la phase d’épuisement se poursuit pendant une longue période de temps, elle peut même entraîner la mort (Baier, 2009 ; Zuck & Frey, 2006). Si le stress disparaît ou que le corps est en mesure de s’y adapter, la phase d’épuisement régresse habituellement et n’a que des effets limités.
Par ailleurs, Harold Wolff, professeur à l’Université Cornell, a étudié les réactions humaines aux facteurs de stress chronique de 1930 à 1962. Ses travaux montrent que, même lorsque les stratégies d’adaptation sont appropriées, l’utilisation répétée d’une même stratégie provoque parfois des changements pathologiques et des lésions tissulaires dans un système, un appareil, un organe ou une muqueuse de l’organisme. Les recherches de Stewart Wolf, réalisées en 1979, ont également mis en évidence que des concentrations constamment élevées d’épinéphrine, de glucose sérique, de cortisol et d’autres hormones
Troubles mentaux
10.1.2
Modèle transactionnel d’adaptation au stress
Lazarus et Folkman (1984), pour leur part, ont décrit le stress comme un processus ou une transaction entre la personne et son environnement plutôt que comme un événement. Ce processus entre en action lorsque la personne effectue une évaluation cognitive primaire de façon à jauger la nature et les enjeux liés au stress rencontré ENCADRÉ 10.1. En fait, la personne en évalue la connotation positive (plaisir, absence de danger) ou négative (perte, menace). L’évaluation cognitive secondaire servira à déterminer les ressources personnelles et sociales qu’elle possède an d’affronter la situation. Vient ensuite la phase d’ajustement, qui sert à déterminer la stratégie d’adaptation qui permettra de réduire l’effet du stress ou encore de composer avec sa présence (coping) (Folkman, 1997). La capacité adaptative de la personne dépend de ses expériences antérieures, de son contexte de vie ainsi que de l’efficacité du soutien social disponible et des stratégies d’adaptation déployées.
10.1.3
Stress, réadaptation sociale et problèmes de santé
En 1967, les chercheurs Holmes et Rahe ont mis au point l’échelle d’évaluation de la réadaptation sociale. Cette échelle décrit 43 stresseurs auxquels
Collecte des données ENCADRÉ 10.1
Exemples de questions pour l’évaluation selon le modèle transactionnel d’adaptation au stress
An d’évaluer le client, l’inrmière pourra utiliser les questions suggérées ci-dessous.
• Qu’avez-vous essayé cette fois-ci ?
STRESSEURS
RÉACTION DE STRESS
• Pouvez-vous me décrire ce qui vous arrive maintenant ?
• Comment vous sentez-vous maintenant ?
• Quelles sont les sources de stress dans votre vie en ce moment ?
• Comment cet événement touche-t-il votre vie actuellement ?
• Qu’est-ce qui vous préoccupe le plus ?
• Qu’est-ce qui vous dérange le plus dans cet événement ?
• Depuis quand vivez-vous cette situation ? ÉVALUATION COGNITIVE
• Comment voyez-vous cette situation précise ? • Qu’est-ce qui est le plus difcile pour vous ?
• Que pourriez-vous faire maintenant ?
CONSÉQUENCES SUR LA SANTÉ
• Quelles sont les conséquences de ce problème sur votre santé physique ?
• Que signie cet événement pour vous ?
• Quelles en sont les conséquences sur votre santé psychologique ?
• Quel sens donnez-vous à cette épreuve ?
SOUTIEN SOCIAL
• Cette situation représente-t-elle un danger, une menace ?
• Avec qui vivez-vous ?
• Qu’est-ce que cet événement vient perturber dans votre vie ?
• Avez-vous quelqu’un à qui parler ?
• Vous sentez-vous capable d’affronter la situation ?
• Comment vos proches réagissent-ils ?
• Qu’est-ce qui vous donne de l’espoir ?
• Comment peuvent-ils vous aider ?
STRATÉGIES D’ADAPTATION
• Que faites-vous habituellement pour vous sentir mieux ?
• Connaissez-vous quelqu’un qui a vécu une situation semblable ?
• Dans le passé, avez-vous fait face à une situation difcile ?
• Avez-vous accès à des ressources communautaires ?
• Qu’est-ce qui était aidant pour vous dans cette façon de faire ?
• Avez-vous quelqu’un qui vous soutient dans cette épreuve ?
10
• Avec qui parlez-vous quand vous ne vous sentez pas bien ?
Source : Adapté de Winterhalter (2001).
Les recherches menées par Holmes et Rahe (1967) ont porté principalement sur les réactions au stress lié aux étapes du développement et de la maturation. Ils ont constaté que de nombreux changements importants, notamment le décès du conjoint ou d’un enfant, un mariage, un divorce, une perte d’emploi, des blessures, une maladie et la retraite, peuvent rapidement fragiliser les capacités adaptatives d’une personne. S’inspirant du modèle de base, Miller et Rahe (1997) ont apporté des modications à cette échelle en y ajustant le pointage et en ajoutant 44 nouveaux événements
constituant des stresseurs. Toutefois, l’usage de ce genre d’outil appelle à la prudence, car il ne tient pas compte d’indicateurs tels que les changements permanents de la vie, la monotonie et le stress anticipé. De plus, bien qu’une telle échelle puisse fournir d’importants repères pour la collecte de données, il est essentiel que l’inrmière Tableau 10.1W : Échelle tienne compte de la signication que le client d’évaluation de la réadaptation donne à chaque événement. Par exemple, sociale. même si les scores attribués aux changements relatifs au monde de l’emploi ne sont Bruno St-Cyr est âgé de 52 ans et il est veuf. Il est pas toujours très élevés, ce actuellement hospitalisé à l’unité de soins intensifs domaine représente un dé coronariens à la suite d’un infarctus du myocarde. perpétuel pour les personnes Son état est stable, mais il avoue avoir eu très peur atteintes de troubles mentaux de mourir. Cependant, il aimerait beaucoup avoir (Corbière & Durand, 2011). son congé du centre hospitalier le plus rapidement En effet, ces personnes possible pour s’occuper de sa lle lourdement handiconnaissent des taux élevés capée. Pour l’instant, c’est une voisine qui en prend d’absentéisme (plus de 30 %), soin. Quel événement semble le plus stressant dans des périodes d’instabilité liées l’immédiat pour monsieur St-Cyr ? à la uctuation des symptômes
clinique
Jugement
des points sont accordés en fonction de leur intensité. La personne additionne le nombre de points en se basant sur les événements qu’elle a vécus au cours de l’année précédente. Selon ces auteurs, plus le total des points est élevé, plus cette personne est susceptible de souffrir d’un problème de santé. Bien que cette échelle ait été mise au point en 1967, elle est encore largement utilisée en recherche et en milieu clinique (Roca, Gili, Garcia-Campayo et al., 2013) .
Chapitre 10
Troubles liés aux traumatismes et aux facteurs de stress
217
et des problèmes liés à l’intégration ou à la réintégration au travail (Corbière & Durand, 2011). Le stress lié au travail est d’ailleurs souvent désigné par les clients comme une cause majeure de frustration et de prédisposition à la maladie.
stratégies d’adaptation appropriées. Dans la planication de ses interventions, l’inrmière mettra l’accent sur l’élaboration ou la consolidation de ces stratégies en offrant au client des outils individualisés et le soutien nécessaire à leur application.
10.2
De saines habitudes de vie contribuent au maintien d’une santé optimale. Paradoxalement, ce sont souvent l’alimentation, l’exercice et le sommeil qui sont perturbés lorsque les personnes sont exposées au stress. L’organisme étant déjà sollicité en raison même des stratégies d’adaptation au stress, ces perturbations auront à leur tour une incidence négative sur les capacités de régénération physiologiques. La littérature traitant de la gestion du stress insiste sur la nécessité de prendre le temps de faire de l’exercice, de manger sainement et de se reposer an d’en réduire les effets négatifs sur la santé. Il faut donc encourager les clients à viser cet équilibre comme facteur favorisant le rétablissement.
Locus de contrôle
Bien que le stress fasse partie de la vie quotidienne, certaines personnes s’y adaptent plus facilement que d’autres, et cela, indépendamment de la nature et de l’intensité du stresseur. Chacun possède ses propres stratégies adaptatives sur les plans cognitif, émotionnel et comportemental (Lewis et al., 2016). En présence de stress, certaines personnes ont appris à le considérer comme un dé, tandis que d’autres se sentent dépassées, voire submergées. Selon Rotter (1975), ces différences seraient attribuables aux croyances personnelles que chacun entretient quant aux causes des difcultés de la vie. Ces croyances sont modulées en fonction des traits de personnalité, des comportements appris, des aptitudes, des particularités culturelles et des valeurs. Deux systèmes de croyances personnelles sont décrits par Rotter (1966, 1990), soit les locus de contrôle (ou lieux de contrôle) interne et externe (Servant, 2012). Les personnes ayant un locus de contrôle interne considèrent qu’elles ont de l’emprise sur leur vie et qu’elles sont en mesure d’en inuencer le cours ; elles croient que leurs efforts entrent en compte dans le dénouement de situations difciles (Rotter, 1990). Une personne ayant un locus de contrôle externe s’estime plutôt à la merci des événements qu’elle attribue à des facteurs externes tels que la chance ou le destin (Henninger, Whitson, Cohen et al., 2012 ; Rotter, 1990). Étant donné la diversité des façons dont les Ariane et Stéphanie ont toutes les deux échoué à leur personnes s’adaptent à des examen de n de session dans le cours de biologie. stresseurs de même nature, Ariane attribue son échec à son manque de discipline l’évaluation de l’inuence du et au fait qu’elle a choisi d’aller à une fête la veille locus de contrôle présente un de l’examen, alors que Stéphanie afrme plutôt que intérêt. Cette information est l’examen était trop difcile et que le professeur n’a une autre piste permettant pas bien préparé ses étudiants. Laquelle a un locus d’orienter plus adéquatement de contrôle interne ? Expliquez votre réponse. l’approche de l’inrmière.
Jugement
clinique
10.3
Promotion de la santé et gestion du stress
La compréhension des facteurs de causalité du stress ainsi que des réponses physiologiques, émotionnelles et psychologiques individuelles permet à l’inrmière d’aider son client à déterminer s’il possède les ressources pour appliquer des
218
Partie 3
Troubles mentaux
10.3.1
Stress et soutien affectif
Floyd et ses collaborateurs (2007) ont étudié l’effet du stress chez des sujets recevant des démonstrations verbales d’affection et d’appréciation de la part d’un proche avec qui ils entretenaient une relation affective. Ces chercheurs ont démontré que les personnes bénéciant de démonstrations d’affection étaient mieux protégées contre le stress et avaient de meilleures capacités de rétablissement. Ces conclusions ont été tirées à partir d’observations effectuées auprès d’un groupe de 30 sujets exposés à différents stresseurs, chez qui le rythme cardiaque et le cortisol salivaire avaient été mesurés. Les résultats de ce type de recherches corroborent ceux de la littérature traitant du lien entre la qualité des relations affectives et le bienêtre général, en plus de servir d’assises à la promotion et au renforcement de méthodes de communication personnelles et sociales qui ont des effets bénéques sur la santé physique et mentale (Floyd, Mikkelson, Tafoya et al., 2007).
10.3.2
Résolution de problèmes
Une des méthodes préconisées pour gérer les effets négatifs du stress consiste en l’utilisation d’un arbre décisionnel an d’aider les clients à acquérir une certaine objectivité au regard des problèmes décelés. L’arbre décisionnel permet à la personne d’améliorer sa capacité à rééchir et à prendre du recul an d’éviter de se sentir envahie par les effets physiologiques, émotionnels et psychologiques du stress FIGURE 10.3. L’arbre décisionnel est utilisé pour fractionner le problème, permettant ainsi de prendre une saine distance an de dégager différentes pistes de solution. L’évaluation des conséquences éventuelles
de chaque solution augmente la capacité à faire des choix éclairés.
10.3.3
Approche cognitivocomportementale
Cette approche thérapeutique, qui a fait l’objet de nombreuses recherches et applications pratiques, est appliquée dans divers milieux offrant des services en santé mentale 20 . L’inrmière qui a la formation adéquate en utilise les principes de base et les outils cliniques en tenant compte des besoins du client et du contexte dans lequel il évolue (Ordre des inrmières et inrmiers du Québec [OIIQ], 2009). Cette approche consiste à aider la personne à reconnaître ses pensées automatiques, puis à s’interroger sur les preuves et l’argumentaire qui les soutiennent an d’en trouver d’autres plus adaptées (Bridou & Aguerre, 2013 ; Servant, 2012 ; Vinot-Coubetergues & Marc, 2014). Ces croyances erronées (ou erreurs de pensées) peuvent aller jusqu’à affecter la personne dans l’estimation de sa propre valeur (Beck, 1976 ; Young, Klosko & Weishaar, 2005). « Tout ce que je touche est voué à l’échec » et « Les autres ne sont pas dignes de conance » sont des exemples de pensées automatiques. L’inrmière peut centrer son intervention sur les principes de l’approche cognitivo-comportementale visant à réduire le stress en recourant au processus de restructuration cognitive. La restructuration cognitive comporte cinq étapes : 1) la détermination de la source de stress ; 2) la prise de conscience des émotions engendrées ; 3) la reconnaissance des pen sées automatiques qui surgissent ; 4) le remplacement de ces pensées par d’autres qui sont plus adaptées ; 5) l’évaluation de l’effet de ces nouvelles pensées sur les émotions (Chalout, 2008 ; Vinot-Coubetergues & Marc, 2014) TABLEAU 10.1.
TABLEAU 10.1
10 FIGURE 10.3 de problèmes.
L’arbre décisionnel schématise un processus de résolution
La personne peut ainsi apprendre à changer de perspective pour aborder une situation difcile et mieux la gérer (Wells, 1997). La capacité de réguler les émotions, le comportement et l’environnement est également une composante essentielle de cette approche qui vise une gestion efcace du stress.
10.3.4
Relaxation
20 Le chapitre 20, Modèles et stratégies thérapeutiques, présente les techniques à mettre en pratique dans le cadre de l’approche cognitivo-comportementale.
Il est démontré que la pratique régulière de la relaxation diminue la production des hormones du stress, ce qui a des effets bénéques sur la santé (Chang, Dusek & Benson, 2011). De plus, cette pratique aurait des propriétés préventives à long
Exemple illustrant le processus de restructuration cognitive
ÉTAPE
SITUATION DU CLIENT
1. Détermination du stresseur
Un client apprend qu’il souffre de dépression caractérisée.
2. Prise de conscience des émotions
Il se sent paralysé par l’annonce du diagnostic.
3. Reconnaissance des pensées automatiques
Comme sa mère a déjà reçu ce diagnostic il y a 40 ans, les images qui lui viennent à l’esprit sont terriantes. Il se voit hospitalisé à long terme et stigmatisé par ses pairs, y compris sa famille et son employeur. Il craint également de prendre des médicaments dont les nombreux effets indésirables sont invalidants. L’annonce du diagnostic ajoute à la détresse liée à son état plutôt que de lui donner espoir qu’un rétablissement est possible grâce au traitement.
4. Remplacement des pensées automatiques par des pensées plus adaptées
Ces images le hantent jusqu’à ce qu’il intègre les propos rassurants de son inrmière et confronte ainsi ses croyances erronées. Il se dit alors que les traitements ont beaucoup évolué depuis 40 ans, que la médication est mieux adaptée et comporte moins d’effets indésirables, que la maladie mentale est un sujet beaucoup moins tabou et qu’il a de loin un meilleur soutien social que sa mère, cela étant un facteur prédictif d’un état de mieux-être.
5. Évaluation des émotions suscitées par les nouvelles pensées
Malgré les symptômes de la dépression, le client est maintenant convaincu qu’il pourra se rétablir en suivant les recommandations de son équipe traitante.
Chapitre 10
Troubles liés aux traumatismes et aux facteurs de stress
219
Encadré 10.1W : Cohérence cardiaque.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les techniques de relaxation reposent sur la gestion de la réaction au stress plutôt que sur sa source. Elles visent à réduire les symptômes d’inconfort an de favoriser un état de détente physiologique et psychologique profond.
terme sur les capacités d’adaptation au stress (Chang et al., 2011) .
la musique, la lecture, etc., et de la spiritualité ne doit pas être négligée.
Les techniques de relaxation reposent sur la gestion de la réaction au stress plutôt que sur sa source. Elles visent à réduire les symptômes d’inconfort an de favoriser un état de détente physiologique et psychologique profond (Lewis et al., 2016). Habituellement accompagnées de respirations abdominales contrôlées, elles permettent de réguler les symptômes physiques associés au stress tels que la tachycardie, l’hypertension artérielle, l’hyperventilation, les tensions musculaires, etc.
Une évaluation des différents aspects de la vie du client est nécessaire pour déterminer si l’inrmière doit encourager ou remettre en question les stratégies d’adaptation qu’il aura utilisées à ce jour. Son jugement clinique la guidera également dans le choix de mesures à favoriser pour aider le client à retrouver un état de mieux-être. Elle pourra donc privilégier l’intervention sur la source de stress elle-même ou proposer des moyens pour renforcer la résistance du client par l’utilisation d’outils qui visent la réduction des conséquences biopsychosociales des stresseurs.
Plusieurs techniques existent, visant toutes la réconciliation corps-esprit, qu’il s’agisse de gestion de la douleur et de certains symptômes de la dépression, de la réduction de l’anxiété ou encore de l’accroissement de la spiritualité (Chang et al., 2011). Une variété d’outils sont disponibles an de guider la pratique de techniques qui seront adaptées aux besoins du client (relaxation musculaire de Jacobson, autorelaxation, yoga, imagerie dirigée, visualisation, musique, etc.).
10.3.5
Méditation
Une des techniques de gestion du stress largement répandue est la méditation de pleine conscience. Cette forme de méditation, inspirée des pratiques bouddhistes, a pour but d’apprivoiser le stress en portant une attention bienveillante et ouverte à ce qui se passe dans le moment présent (Kabat-Zinn, 2003 ; Maex, 2011). En prenant un temps d’arrêt spécialement consacré à la prise de conscience de ses sensations corporelles, de ses pensées et de ses émotions sans jugement, la personne accueille ce qui se passe en elle et autour d’elle an de passer du mode « faire » au mode « être » (Trousselard, Steiler, Claverie et al., 2014 ; Vinot-Coubetergues & Marc, 2014). 22 Le chapitre 22, Approches complémentaires et parallèles en santé mentale, fournit des renseignements quant aux stratégies d’application et d’évaluation des différentes approches.
CE QU’IL FAUT RETENIR
La principale distinction entre le trouble de l’adaptation et la dépression réside dans le fait qu’un ou des stresseurs psychosociaux décelables peuvent être mis en évidence dans les troubles de l’adaptation.
220
Partie 3
Les bienfaits d’autres techniques de méditation ont également été étudiés en recherche. Lane et ses collaborateurs (2007), par exemple, ont enseigné à des adultes en santé comment recourir à la méditation sur un mantra an de réduire le stress. Les auteurs ont découvert que les sujets amélioraient ainsi leur humeur et leur perception des sources de stress. Plus la personne méditait souvent, plus les résultats positifs étaient durables. Dans une autre étude effectuée auprès d’étudiants de premier cycle, Oman et ses collaborateurs (2008) ont constaté que le recours à deux techniques de méditation, incluant celle de la pleine conscience, permettait de réduire le stress et les ruminations mentales 22 .
10.3.6
Vie équilibrée
De façon générale, l’équilibre entre le travail, les obligations du quotidien et les activités générant du plaisir est nécessaire pour une qualité de vie optimale. L’intégration des loisirs tels que les arts,
Troubles mentaux
Avec l’arrivée du DSM-5, plusieurs changements importants ont été apportés, dont la création d’une nouvelle catégorie diagnostique nommée « Troubles liés aux traumatismes et au stress ». Ce chapitre inclut le trouble de stress posttraumatique, le trouble de stress aigu et les troubles de l’adaptation. Le trouble réactionnel de l’attachement, le trouble de l’engagement social désinhibé et les autres troubles liés à des traumatismes et à des stresseurs spéciés et non spéciés sont également présentés dans le DSM-5, mais ils ne sont pas traités dans le présent chapitre.
10.4
Troubles de l’adaptation
Avec l’arrivée du DSM-5, les troubles de l’adaptation figurent désormais dans la catégorie des troubles liés à des traumatismes et au stress (Casey, 2014). Les troubles de l’adaptation peuvent se manifester lorsqu’un ou des stresseurs constituent une surcharge et entraînent une réaction mésadaptée et pathologique (American Psychiatric Association [APA], 2015). Les troubles de l’adaptation sont parfois confondus avec la dépression caractérisée en raison de symptômes apparentés tels que la tristesse, l’anxiété, l’irritabilité, les malaises physiques, etc. La principale distinction entre les deux réside dans le fait qu’un ou des stresseurs psychosociaux décelables peuvent être mis en évidence dans les troubles de l’adaptation (Carta, Balestrieri, Murru et al., 2009). Ces stresseurs peuvent être de différentes natures, y compris une perte, une tragédie personnelle, une modication du mode de vie, une crise existentielle ou même un succès ou un gain (APA, 2015). En raison de l’intensité des symptômes, les principales répercussions des troubles de l’adaptation engendrent des difcultés dans l’exercice des rôles sociaux et familiaux. Elles peuvent parfois même conduire à un niveau de détresse rendant la personne vulnérable à un passage à l’acte suicidaire (APA, 2015 ; Carta et al., 2009). Par ailleurs, les symptômes ne durent
troubles de l’adaptation est évaluée entre 2 et 8 % (APA, 2004).
10.4.1
10.4.3
Étiologie
Il n’y a pas toujours de trouble mental préexistant chez une personne souffrant d’un trouble de l’adaptation. Comme il a été vu précédemment, la réactivité aux stresseurs est modulée par un ensemble de facteurs individuels se rapportant, entre autres, à la personnalité, au locus de contrôle, à l’environnement, aux expériences antérieures, aux valeurs et à la culture. L’interaction de ces facteurs est susceptible d’affecter la vulnérabilité individuelle et ainsi d’inuer sur les prédispositions à souffrir d’un trouble de l’adaptation.
10.4.2
Épidémiologie
Toute personne peut être atteinte d’un trouble de l’adaptation, peu importe l’âge, le sexe ou le statut socioéconomique (Casey, 2009). Bien que les troubles de l’adaptation soient considérés comme fréquents, les données épidémiologiques portant sur ce trouble mental varient considérablement selon les méthodes de collecte de données utilisées (APA, 2015 ; Carta et al., 2009). Certains auteurs avancent cependant une prévalence estimée entre 5 et 21 % dans les services de consultation en psychiatrie adulte (Carta et al., 2009). Chez les enfants et les adolescents, la prévalence des
Description clinique
clinique
Jugement
habituellement pas plus de six mois après la disparition du stresseur ou de ses conséquences (APA, 2015).
Mikael Fradette est un jeune homme de 23 ans qui est revenu de la Colombie-Britannique il y a deux semaines après y avoir passé l’été à planter des arbres. Depuis une semaine, il souffre d’insomnie et se dit très anxieux. Il dit que tout va tellement vite qu’il n’arrive pas à reprendre le dessus et n’a pas réussi à se trouver un appartement ni un emploi. À court d’argent, il a dû dormir sur un banc de parc la veille de sa consultation. Il se sent triste et découragé de ne pas arriver à se ressaisir, lui qui n’a jamais eu de problèmes par le passé. À quel sous-type de trouble de l’adaptation correspond le trouble de monsieur Fradette ?
Les critères diagnostiques des troubles de l’adaptation sont énumérés dans l’encadré sur les critères du DSM-5 ENCADRÉ 10.2. Ces troubles se manifestent quand le niveau de détresse est supérieur à la normale et que le fonctionnement social, professionnel ou scolaire est perturbé. Par exemple, un conit avec un employeur peut entraîner une perturbation du sommeil et une humeur dépressive, en plus de générer de l’absentéisme au travail. Les troubles de l’adaptation sont diagnostiqués lorsqu’il est possible de dégager un stresseur et que les symptômes du client ne sont pas sufsamment sévères pour correspondre aux critères diagnostiques d’un autre trouble mental (APA, 2015 ; Casey, 2009 ; Lalonde, Aubut & Grunberg, 1999).
10
La catégorie diagnostique des troubles de l’adaptation est controversée pour de nombreuses raisons, notamment parce qu’il est estimé que ses critères chevauchent ceux des troubles dépressifs ou anxieux (Carta et al., 2009 ; Casey, 2014 ; Zimmerman, Martinez, Dalrymple et al., 2013).
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 10.2
Troubles de l’adaptation
A. Survenue de symptômes émotionnels ou comportementaux en réponse à un ou plusieurs facteurs de stress identiables dans les 3 mois suivant l’exposition au(x) facteur(s) de stress. B. Ces symptômes ou comportements sont cliniquement signicatifs, comme en témoignent un ou les deux éléments suivants : 1. Détresse marquée hors de proportion par rapport à la gravité ou à l’intensité du facteur de stress, compte tenu du contexte externe et des facteurs culturels qui pourraient inuencer la gravité des symptômes et la présentation. 2. Altération signicative du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants. C. La perturbation causée par le facteur de stress ne répond pas aux critères d’un autre trouble mental et n’est pas simplement une exacerbation d’un trouble mental préexistant. D. Les symptômes ne sont pas ceux d’un deuil normal.
E. Une fois que le facteur de stress ou ses conséquences sont terminés, les symptômes ne persistent pas au-delà d’une période additionnelle de 6 mois. Spécier le type : 309.0 (F43.21) Avec humeur dépressive : Baisse de l’humeur, larmoiement ou sentiment de désespoir sont au premier plan. 309.24 (F43.22) Avec anxiété : Nervosité, inquiétude, énervement ou anxiété de séparation sont au premier plan. 309.28 (F43.23) Mixte avec anxiété et humeur dépressive : Une combinaison de dépression et d’anxiété est au premier plan. 309.3 (F43.24) Avec perturbation des conduites : La perturbation des conduites est au premier plan. 309.4 (F43.25) Avec perturbation mixte des émotions et des conduites : Les symptômes émotionnels (p. ex., dépression, anxiété) et la perturbation des conduites sont au premier plan. 309.9 (F43.20) Non spécié : Pour les réactions inadaptées qui ne sont pas classables comme un des sous-types spéciques du trouble de l’adaptation.
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association. DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved. Chapitre 10
Troubles liés aux traumatismes et aux facteurs de stress
221
Les réactions au stress sont très individualisées, tant en ce qui a trait à la perception qu’à l’expression ; les symptômes particuliers sont donc difficiles à déterminer. L’absence de marqueurs biologiques, les liens étroits avec les facteurs environnementaux et l’absence de critères mesurables clairs sont problématiques (Casey, 2014 ; Strain & Friedman, 2011). Par ailleurs, dans certains cas, l’existence d’une différence entre les troubles de l’adaptation et les réactions d’adaptation normales a été mise en doute, ce qui alimente les craintes que les diagnostics actuels et les pratiques relatives au traitement surmédicalisent un processus qui n’est pas réellement pathologique.
10.5 10.5.1
Trouble de stress post-traumatique Étiologie
Le trouble de stress post-traumatique (TSPT) est un trouble réactionnel résultant d’un événement psychologiquement traumatisant (APA, 2015 ; Bisson, Roberts, Andrew et al., 2013). La sévérité, la durée de l’exposition et la proximité physique de la personne à l’événement traumatique sont les facteurs les plus importants dans l’apparition du trouble de stress post-traumatique (APA, 2015). Ajoutons que la perception d’une menace mortelle et les blessures physiques augmentent le risque que la personne soit atteinte d’un TSPT (APA, 2015).
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les personnes souffrant d’un TSPT présentent souvent les symptômes d’au moins un autre trouble psychique. La dépression, les troubles anxieux, l’abus de substance, le trouble des conduites sont parmi les plus fréquents (APA, 2015).
222
Partie 3
Par ailleurs, certains facteurs prédisposants peuvent inuencer l’apparition du TSPT. Ceux-ci incluent les expériences durant l’enfance tels que l’exposition à des traumatismes, un dysfonctionnement familial, la séparation ou la mort parentale (APA, 2015 ; Auxéméry, 2012 ; Perrin, Vandeleur, Castelao et al., 2014). Notons aussi que la présence de troubles mentaux antérieurs (Perrin et al., 2014), le statut socioéconomique, le faible niveau de scolarité ainsi que l’exposition à des traumatismes antérieurs peuvent également augmenter le risque de survenue du trouble (APA, 2015). En terminant, les stratégies d’adaptation inadéquates, l’apparition d’un trouble de stress aigu, l’exposition ultérieure à des rappels répétés bouleversants ainsi que des pertes nancières sont aussi des éléments qui jouent un rôle dans l’évolution du TSPT (APA, 2015).
10.5.2
Prévalence et épidémiologie
Aux États-Unis, le risque d’être atteint d’un TSPT déni selon les critères du DSM-5 est de 8,7 %. Cela dit, la prévalence peut varier selon le pays et la culture. Ainsi, les taux en Europe et ceux de la plupart des pays d’Afrique et d’Amérique latine sont évalués entre 0,5 et 1,0 % (APA, 2015). De
Troubles mentaux
plus, les taux peuvent varier selon le type d’événement traumatique. Les hommes rapportent davantage d’expériences de décès, d’agressions physiques, de menaces à la vie et de combats militaires, alors que les TSPT chez les femmes sont liés aux agressions sexuelles, dont le viol, les sévices et la négligence durant l’enfance (Delbrouck, 2013 ; Perrin et al., 2014). Les taux de TSPT sont plus élevés parmi les vétérans et d’autres personnes dont la profession augmente le risque d’exposition traumatisante (p. ex., les policiers, les pompiers, le personnel médical de secours) (APA, 2015). Les taux les plus élevés (allant d’un tiers à plus de la moitié de ceux qui sont exposés) sont présents parmi les personnes ayant survécu à un viol, à un combat militaire, à une captivité, à un internement ou à un génocide (APA, 2015).
10.5.3
Description clinique
Selon le DSM-5, l’événement traumatisant doit comporter une menace de mort ou une menace grave à l’intégrité physique comme la guerre, la violence sexuelle ou physique, une catastrophe naturelle (p. ex., les tremblements de terre comme celui qui s’est produit à Haïti, le tsunami au Japon ou la tragédie ferroviaire de LacMégantic), un accident ou une fusillade (p. ex., les événements du Collège Dawson) (APA, 2015 ; Bailey, Cordell, Sobin et al., 2013). En raison du nombre élevé de personnes atteintes d’un TSPT et de troubles concomitants après ces événements, ces désastres ont habituellement des répercussions sur le système de soins de santé dans les régions touchées, et ce, pour les années qui suivent (Cukor, Wyka, Mello et al., 2011 ; Neria, DiGrande & Adams, 2011 ; Walker, Katon, Russo et al., 2003). Plusieurs travailleurs des services d’urgence qui sont intervenus après les attaques terroristes du 11 septembre 2001 ont manifesté un trouble de stress aigu dès les jours qui ont suivi les attaques, et d’autres ont eu un TSPT, qui est apparu jusqu’à deux ans après les événements pour certains (Cukor et al., 2011). Cependant, une controverse demeure toujours quant à l’intensité qu’un événement ou une expérience doit atteindre pour correspondre à la dénition de traumatisme (Perrin et al., 2014) et quant à la distinction entre les symptômes de TSPT et ceux d’autres troubles concomitants, dont l’abus d’alcool ou d’autres drogues, la dépression et l’anxiété (Bailey et al., 2013 ; Kasckow, Morse, Begley et al., 2014). L’un des changements apportés par le DSM-5 est qu’il inclut dorénavant les personnes ayant été exposées de manière répétitive ou extrême aux détails aversifs d’événements traumatiques dans le cadre de leurs activités professionnelles ainsi que les
proches de la victime (famille ou amis proches) ayant appris l’événement traumatique (APA, 2015). Une fois l’événement terminé, la personne conserve une certaine excitation psychologique et maintient un état d’hypervigilance. Elle revit l’événement traumatisant sous forme de scènes rétrospectives (ashbacks) ou de rêves, et agit ou se sent comme si l’événement se produisait dans le présent ENCADRÉ 10.3 . Les personnes ayant
un TSPT évitent les stimulus associés au traumatisme et connaissent un engourdissement de leur réactivité générale si l’événement leur est rappelé par certains signaux (APA, 2015). Selon le DSM-5, la durée et l’intensité des symptômes sont variables d’une personne à l’autre. La moitié des sujets présenteront une guérison complète dans les trois mois suivant l’exposition, alors que pour d’autres, les symptômes
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 10.3
Trouble de stress post-traumatique
N. B. : Les critères suivants s’appliquent aux adultes, aux adolescents et aux enfants âgés de plus de 6 ans. A. Exposition à la mort effective ou à une menace de mort, à une blessure grave ou à des violences sexuelles d’une (ou de plusieurs) des façons suivantes : 1. En étant directement exposé à un ou à plusieurs événements traumatiques. 2. En étant témoin direct d’un ou de plusieurs événements traumatiques survenus à d’autres personnes. 3. En apprenant qu’un ou plusieurs événements traumatiques sont arrivés à un membre de la famille proche ou à un ami proche. Dans les cas de mort effective ou de menace de mort d’un membre de la famille ou d’un ami, le ou les événements doivent avoir été violents ou accidentels. 4. En étant exposé de manière répétée ou extrême aux caractéristiques aversives du ou des événements traumatiques (p. ex., intervenants de première ligne rassemblant des restes humains, policiers exposés à plusieurs reprises à des faits explicites d’abus sexuels d’enfants). N. B. : Le critère A4 ne s’applique pas à des expositions par l’intermédiaire de médias électroniques, télévision, lms ou images, sauf quand elles surviennent dans le contexte d’une activité professionnelle. B. Présence d’un (ou de plusieurs) des symptômes envahissants suivants associés à un ou plusieurs événements traumatiques et ayant débuté après la survenue du ou des événements traumatiques en cause : 1. Souvenirs répétitifs, involontaires et envahissants du ou des événements traumatiques provoquant un sentiment de détresse. N. B. : Chez les enfants de plus de 6 ans, on peut observer un jeu répétitif exprimant des thèmes ou des aspects du traumatisme. 2. Rêves répétitifs provoquant un sentiment de détresse dans lesquels le contenu et/ou l’affect du rêve sont liés à l’événement/aux événements traumatiques. N. B. : Chez les enfants, il peut y avoir des rêves effrayants sans contenu reconnaissable. 3. Réactions dissociatives (p. ex., ashbacks [scènes rétrospectives]) au cours desquelles le sujet se sent ou agit comme si le ou les événements traumatiques allaient se reproduire. (De telles réactions peuvent survenir sur un continuum, l’expression la plus extrême étant une abolition complète de la conscience de l’environnement.) N. B. : Chez les enfants, on peut observer des reconstitutions spéciques du traumatisme au cours du jeu.
4. Sentiment intense ou prolongé de détresse psychique lors de l’exposition à des indices internes ou externes évoquant ou ressemblant à un aspect du ou des événements traumatiques en cause. 5. Réactions physiologiques marquées lors de l’exposition à des indices internes ou externes pouvant évoquer ou ressembler à un aspect du ou des événements traumatiques. C. Évitement persistant des stimuli associés à un ou plusieurs événements traumatiques, débutant après la survenue du ou des événements traumatiques, comme en témoigne la présence de l’une ou des deux manifestations suivantes : 1. Évitement ou efforts pour éviter les souvenirs, pensées ou sentiments concernant ou étroitement associés à un ou plusieurs événements traumatiques et provoquant un sentiment de détresse. 2. Évitement ou efforts pour éviter les rappels externes (personnes, endroits, conversations, activités, objets, situations) qui réveillent des souvenirs, des pensées ou des sentiments associés à un ou plusieurs événements traumatiques et provoquant un sentiment de détresse. D. Altérations négatives des cognitions et de l’humeur associées à un ou plusieurs événements traumatiques, débutant ou s’aggravant après la survenue du ou des événements traumatiques, comme en témoignent deux (ou plus) des éléments suivants : 1. Incapacité de se rappeler un aspect important du ou des événements traumatiques (typiquement en raison de l’amnésie dissociative, et non pas à cause d’autres facteurs comme un traumatisme crânien, l’alcool ou des drogues). 2. Croyances ou attentes négatives persistantes et exagérées concernant soi-même, d’autres personnes ou le monde (p. ex., « je suis mauvais », « on ne peut faire conance à personne », « le monde entier est dangereux », « mon système nerveux est complètement détruit pour toujours »). 3. Distorsions cognitives persistantes à propos de la cause ou des conséquences d’un ou de plusieurs événements traumatiques qui poussent le sujet à se blâmer ou à blâmer d’autres personnes. 4. État émotionnel négatif persistant (p. ex., crainte, horreur, colère, culpabilité ou honte). 5. Réduction nette de l’intérêt pour des activités importantes ou bien réduction de la participation à ces mêmes activités. 6. Sentiment de détachement d’autrui ou bien de devenir étranger par rapport aux autres. 7. Incapacité persistante d’éprouver des émotions positives (p. ex., incapacité d’éprouver bonheur, satisfaction ou sentiments affectueux).
Chapitre 10
Troubles liés aux traumatismes et aux facteurs de stress
223
10
ENCADRÉ 10.3
Trouble de stress post-traumatique (suite)
E. Altérations marquées de l’éveil et de la réactivité associés à un ou plusieurs événements traumatiques, débutant ou s’aggravant après la survenue du ou des événements traumatiques, comme en témoignent deux (ou plus) des éléments suivants : 1. Comportement irritable ou accès de colère (avec peu ou pas de provocation) qui s’exprime typiquement par une agressivité verbale ou physique envers des personnes ou des objets. 2. Comportement irrééchi ou autodestructeur. 3. Hypervigilance. 4. Réaction de sursaut exagérée. 5. Problèmes de concentration. 6. Perturbation du sommeil (p. ex., difculté d’endormissement ou sommeil interrompu ou agité). F. La perturbation (symptômes des critères B, C, D et E) dure plus d’un mois. G. La perturbation entraîne une souffrance cliniquement signicative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants. H. La perturbation n’est pas imputable aux effets physiologiques d’une substance (p. ex., médicament, alcool) ou à une autre affection médicale. Spécier le type : Avec symptômes dissociatifs : Les symptômes présentés par le sujet répondent aux critères d’un trouble de stress post-traumatique ; de plus, et
en réponse au facteur de stress, le sujet éprouve l’un ou l’autre des symptômes persistants ou récurrents suivants : 1. Dépersonnalisation : Expériences persistantes ou récurrentes de se sentir détaché de soi, comme si l’on était un observateur extérieur de ses processus mentaux ou de son corps (p. ex., sentiment d’être dans un rêve, sentiment de déréalisation de soi ou de son corps, ou sentiment d’un ralentissement temporel). 2. Déréalisation : Expériences persistantes ou récurrentes d’un sentiment d’irréalité de l’environnement (p. ex., le monde autour du sujet est vécu comme irréel, onirique, éloigné ou déformé). N. B. : Pour retenir ce sous-type, les symptômes dissociatifs ne doivent pas être imputables aux effets physiologiques d’une substance (p. ex., périodes d’amnésie [blackouts], manifestations comportementales d’une intoxication alcoolique aiguë) ou à une autre affection médicale (p. ex., épilepsie partielle complexe). Spécier si : À expression retardée : Si l’ensemble des critères diagnostiques n’est présent que 6 mois après l’événement (alors que le début et l’expression de quelques symptômes peuvent être immédiats).
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association. DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
persisteront plus de un an après (APA, 2015). Le caractère traînant de la symptomatologie doit faire suspecter une fragilité de la personne antérieure à l’événement (Delbrouck, 2013).
10.6
Trouble de stress aigu
Jugement
clinique Roland Melançon, âgé de 56 ans, est très er de la maison qu’il a construite il y a une trentaine d’années sur le bord de l’eau. Il se croyait à l’abri des problèmes liés à la montée des eaux même s’il habite une zone inondable. Malheureusement, il a dû investir une très grosse somme d’argent pour nettoyer sa résidence et la reconstruire en partie à la suite de graves inondations qui sont survenues alors qu’il était en voyage. Depuis, il craint que cela se reproduise dès qu’il y a de fortes pluies ou que la fonte des neiges est trop précoce et marquée. « Je ne veux plus revivre ce cauchemar et je vais prendre les moyens qu’il faut pour éviter les problèmes que j’ai eus », dit-il. Monsieur Melançon est-il atteint d’un TSPT ? Justiez votre réponse.
224
Partie 3
Troubles mentaux
10.6.1
Étiologie
Tout comme le TSPT, le trouble de stress aigu se développe en réaction à un événement traumatique (APA, 2015).
10.6.2
Prévalence
La prévalence du trouble de stress aigu (TSA) dans la population varie selon la nature de l’événement et le contexte dans lequel il est évalué (APA, 2015). Selon le DSM-5, les événements traumatiques interpersonnels,
tels les agressions, les viols et les fusillades de masse, présentent les taux de prévalence les plus élevés, allant de 20 à 50 % (APA, 2015).
10.6.3
Description clinique
Le trouble de stress aigu partage plusieurs ressemblances avec le TSPT, mais il s’en distingue en ce sens que la personne ressent une anxiété accompagnée de divers symptômes, dont ceux de la dissociation, et que sa durée est inférieure ou égale à un mois. Si les symptômes persistent plus de un mois, il faut alors envisager le diagnostic de TSPT (APA, 2015) ENCADRÉ 10.4 . Les symptômes dissociatifs de la personne en trouble de stress aigu apparaissent durant l’expérience traumatisante ou immédiatement après celle-ci. Notons aussi que la survenue d’un tel symptôme pendant l’événement et qui se manifeste après l’événement augmente le risque que le trouble évolue vers un TSPT (APA, 2015). Par ailleurs, pour que le diagnostic soit posé, la personne doit être incapable d’assumer son rôle social ou professionnel habituel.
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 10.4
Trouble de stress aigu Humeur négative 5. Incapacité persistante d’éprouver des émotions positives (p. ex., incapacité d’éprouver bonheur, satisfaction ou sentiments affectueux).
A. Exposition à la mort effective ou à une menace de mort, à une blessure grave ou à des violences sexuelles d’une (ou plus) des façons suivantes : 1. En étant directement exposé à un ou plusieurs événements traumatiques. 2. En étant témoin direct d’un ou de plusieurs événements traumatiques survenus à d’autres personnes. 3. En apprenant qu’un ou plusieurs événements traumatiques est/sont arrivés à un membre de la famille proche ou à un ami proche. N. B. : Dans les cas de mort effective ou de menace de mort d’un membre de la famille ou d’un ami, le ou les événements doivent avoir été violents ou accidentels. 4. En étant exposé de manière répétée ou extrême à des caractéristiques aversives du ou des événements traumatiques (p. ex., intervenants de première ligne rassemblant des restes humains, policiers exposés à plusieurs reprises à des faits explicites d’abus sexuels d’enfants). N. B. : Cela ne s’applique pas à des expositions par l’intermédiaire de médias électroniques, télévision, lms ou images, sauf quand elles surviennent dans le contexte d’une activité professionnelle. B. Présence de neuf (ou plus) des symptômes suivants de n’importe laquelle des cinq catégories suivantes : symptômes envahissants, humeur négative, symptômes dissociatifs, symptômes d’évitement et symptômes d’éveil, débutant ou s’aggravant après la survenue du ou des événements traumatiques en cause : Symptômes envahissants 1. Souvenirs répétitifs, involontaires et envahissants du ou des événements traumatiques provoquant un sentiment de détresse.
Symptômes dissociatifs 6. Altération de la perception de la réalité, de son environnement ou de soi-même (p. ex., se voir soi-même d’une manière différente, être dans un état d’hébétude ou percevoir un ralentissement de l’écoulement du temps). 7. Incapacité de se rappeler un aspect important du ou des événements traumatiques (typiquement en raison de l’amnésie dissociative, et non pas en raison d’autres facteurs comme un traumatisme crânien, l’alcool ou des drogues). Symptômes d’évitement 8. Efforts pour éviter les souvenirs, pensées ou sentiments concernant ou étroitement associés à un ou plusieurs événements traumatiques et provoquant un sentiment de détresse. 9. Efforts pour éviter les rappels externes (personnes, endroits, conversations, activités, objets, situations) qui réveillent des souvenirs, des pensées ou des sentiments associés à un ou plusieurs événements traumatiques et provoquant un sentiment de détresse. Symptômes d’éveil 10. Perturbation du sommeil (p. ex., difculté d’endormissement ou sommeil interrompu ou agité). 11. Comportement irritable ou accès de colère (avec peu ou pas de provocation) qui s’expriment typiquement par une agressivité verbale ou physique envers des personnes ou des objets.
N. B. : Chez les enfants de plus de 6 ans, on peut observer un jeu répétitif exprimant des thèmes ou des aspects du traumatisme.
12 Hypervigilance.
2. Rêves répétitifs provoquant un sentiment de détresse dans lesquels le contenu et/ou l’affect du rêve sont liés à l’événement/aux événements traumatiques. N. B. : Chez les enfants, il peut y avoir des rêves effrayants sans contenu reconnaissable. 3. Réactions dissociatives (p. ex., ashbacks [scènes rétrospectives]) au cours desquelles l’individu se sent ou agit comme si le ou les événements traumatiques allaient se reproduire. (De telles réactions peuvent survenir sur un continuum, l’expression la plus extrême étant une abolition complète de la conscience de l’environnement.) N. B. : Chez les enfants, on peut observer des reconstitutions spéciques du traumatisme au cours du jeu. 4. Sentiment intense ou prolongé de détresse psychique lors de l’exposition à des indices internes ou externes pouvant évoquer ou ressembler à un aspect du ou des événements traumatiques en cause.
13. Difcultés de concentration. 14. Réaction de sursaut exagérée. C. La durée de la perturbation (des symptômes du critère B) est de 3 jours à 1 mois après l’exposition au traumatisme. N. B. : Les symptômes débutent typiquement immédiatement après le traumatisme, mais ils doivent persister pendant au moins 3 jours et jusqu’à 1 mois pour répondre aux critères diagnostiques du trouble. D. La perturbation entraîne une détresse cliniquement signicative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants. E. La perturbation n’est pas due aux effets physiologiques d’une substance (p. ex., médicament ou alcool) ou à une autre affection médicale (p. ex., lésion cérébrale traumatique légère), et n’est pas mieux expliquée par un trouble psychotique bref.
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association. DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guelfi et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
Chapitre 10
Troubles liés aux traumatismes et aux facteurs de stress
225
10
10.7 Démarche de soins 10.7.1 CE QU’IL FAUT RETENIR
Dans l’évaluation de la condition physique et mentale du client, l’inrmière cherche à déceler les stresseurs qui ont précédé l’apparition des symptômes et comment ils affectent les dimensions physique, sociale, psychologique et spirituelle de la personne.
Collecte des données – Évaluation initiale
Les clients n’étant généralement pas hospitalisés pour un trouble de l’adaptation, les inrmières effectuent plus fréquemment la collecte des données dans un contexte ambulatoire ou à domicile. Dans son évaluation de la condition physique et mentale du client, l’inrmière cherche à déceler les stresseurs qui ont précédé l’apparition des symptômes. Elle évalue également comment les sources de stress affectent les dimensions physique, sociale, psychologique et spirituelle de la personne TABLEAU 10.2 et FIGURE 10.4. Les symptômes varient selon le sous-type de trouble de l’adaptation ENCADRÉ 10.5.
10.7.2
Analyse et interprétation des données
L’inrmière détermine les problèmes prioritaires à partir de l’évaluation approfondie de l’état de santé du client effectuée à l’aide de la collecte des données. L’ordre de priorité des problèmes est établi en fonction des questions de sécurité et des besoins du client ENCADRÉ 10.6.
10.7.3 27 Le chapitre 27, Situation de crise, présente la mise en œuvre de la démarche de soins appliquée en fonction des différents stresseurs.
Planication des soins
Les clés du traitement des troubles de l’adaptation résident dans le soutien et la relativisation des symptômes malgré le mal-être que ces derniers suscitent. Les modèles d’intervention s’inspirent souvent de l’intervention en situation de crise 27 . Les clients doivent savoir qu’il peut être normal d’éprouver de la difculté à gérer des situations stressantes et qu’ils ont la capacité
d’apprendre de nouvelles façons de s’adapter plus efcacement. L’inrmière offrira soutien et accompagnement an que le client puisse choisir les options et les ressources appropriées. Les renseignements obtenus au moment de la collecte des données permettent d’amorcer le plan de soins et de traitements inrmiers.
Établir les résultats escomptés Les résultats escomptés peuvent varier en fonction des symptômes. En voici quelques exemples. Le client sera en mesure : • d’établir des objectifs réalistes ; • de déterminer les ressources internes et externes favorisant son adaptation et les moyens de les utiliser ; • de décrire les stresseurs auxquels il a été exposé et les moyens qu’il aurait pu prendre pour les gérer efcacement ; • d’examiner les changements à effectuer an de mieux dépister les sources de stress potentielles.
Trouble de stress post-traumatique Le client en TSPT sera en mesure : • de manifester une préoccupation quant à sa sécurité personnelle en commençant à verbaliser ses inquiétudes ; • de participer activement à un groupe de soutien, à une thérapie individuelle ou aux deux ; • de reconnaître et d’utiliser un système de soutien efcace et sufsant ; • d’accepter de prendre des décisions quant à ses propres besoins en santé ;
Collecte des données TABLEAU 10.2
226
Partie 3
Troubles de l’adaptation
EXEMPLE DE QUESTION
JUSTIFICATION
Quels événements ont récemment marqué votre vie ?
Établir si le client peut dégager un ou plusieurs stresseurs précédant le trouble de l’adaptation.
Comment ces événements vous affectent-ils ?
Évaluer les répercussions des événements sur les dimensions physique, sociale, psychologique et spirituelle.
Comment avez-vous réagi lorsque ces événements se sont produits ?
Déterminer si le client dispose de stratégies d’adaptation adéquates.
Parlez-moi de votre famille, de vos amis et de leur rôle au cours de ces événements.
Évaluer la qualité du réseau de soutien actuel et obtenir de l’information sur la famille et les proches.
Troubles mentaux
SCHÉMA DES QUATRE DIMENSIONS Trouble de l’adaptation DIMENSION PSYCHOLOGIQUE
DIMENSION PHYSIQUE
• Tristesse, culpabilité, anxiété ou révolte
• Perturbations possibles du sommeil, de l’alimentation ou d’autres fonctions liées à des changements dans les habitudes de vie
Madame Lavoie n’a rien vu venir et ne comprend pas ce qui lui arrive. Atteinte dans son estime de soi, elle est certaine qu’elle ne pourra plus refaire sa vie. De plus, elle se sent incapable de prendre en charge tous les aspects de sa vie au quotidien, puisqu’elle arrive à peine à prendre soin de sa personne.
Michelle Lavoie est âgée de 55 ans. Son conjoint vient de la quitter en lui annonçant qu’il a une autre femme dans sa vie. Elle se retrouve seule dans une grande maison du jour au lendemain. Elle dort peu et arrive à peine à s’alimenter en raison d’un fort sentiment d’angoisse.
DIMENSION SOCIALE
10
DIMENSION SPIRITUELLE
• Perturbation ou réorganisation du réseau social
• Sentiment d’être dépassée par les événements • Perte du sens de la vie • Désorientation, perte des balises
Madame Lavoie cherche à savoir comment elle est responsable du départ de son conjoint et passe de longues heures à penser, isolée dans sa chambre. Elle refuse toute invitation à sortir.
Madame Lavoie ne peut s’imaginer sans son conjoint avec qui elle était depuis 20 ans. Elle n’accepte pas son sort et éprouve un fort sentiment d’injustice.
FIGURE 10.4
Symptômes cliniques ENCADRÉ 10.5
Caractéristiques des troubles de l’adaptation : symptômes et manifestations courantes
COGNITIFS
Troubles de concentration, baisse d’attention portée à l’environnement extérieur, perte d’intérêt pour les détails, sentiment d’ambivalence et difculté à prendre des décisions, velléités suicidaires COMPORTEMENTAUX
Manque d’intérêt pour les événements extérieurs, altération des relations interpersonnelles, retrait social, désintéresse-
ENCADRÉ 10.6
ment vis-à-vis des projets professionnels ou des études, augmentation ou baisse de l’activité psychomotrice, difculté à accomplir les tâches, insomnie ÉMOTIONNELS
Sentiment de tristesse, impression de vide et dévalorisation, baisse de l’estime de soi, détresse spirituelle, incapacité à articuler ses émotions, inquiétude excessive concernant les événements de la vie
Problèmes découlant d’un trouble de l’adaptation
éactivation des connaissances
• Inadaptation à un changement dans les liens affectifs et le statut social
• Diminution de l’estime de soi
• Anxiété
• Détresse spirituelle
• Stratégies d’adaptation individuelles inefcaces
• Culpabilité
• Tristesse altérant le fonctionnement quotidien
• Risque de violence envers soi
• Interactions sociales perturbées
Chapitre 10
Quels outils cliniques pourraient vous permettre de détecter plus facilement des symptômes émotionnels d’un trouble de l’adaptation chez votre client ?
Troubles liés aux traumatismes et aux facteurs de stress
227
• d’acquérir et de mettre en pratique des stratégies d’adaptation pour faire face aux symptômes d’anxiété, par exemple des techniques de respiration, des exercices d’autorelaxation progressive, la substitution de pensées, d’images et de souvenirs, et l’adoption de comportements plus assurés ; • de discuter du régime pharmacologique et de prendre les médicaments comme prescrit ; • de décider quand utiliser les médicaments à prendre au besoin an de réduire la réaction anxieuse à un signal de l’environnement ; • de contacter le thérapeute pour une assistance immédiate lorsqu’une crise survient ;
• de reconnaître la nécessité d’appeler le thérapeute pour des visites supplémentaires quand les symptômes s’amplient.
Trouble de stress aigu Les interventions pour le trouble de stress aigu sont les mêmes que pour le trouble de stress posttraumatique, mais elles ont pour but de prévenir l’apparition du trouble de stress posttraumatique.
10.7.4
Exécution des interventions
Des interventions adaptées au client jumelées à des interventions en collaboration avec les autres professionnels de la santé permettent de réduire
Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 10.3
Accompagner le client ayant un trouble de l’adaptation
INTERVENTION
JUSTIFICATION
Évaluer tout risque d’idéation, de geste ou de projet suicidaires.
Assurer la sécurité du client.
Aider le client à élaborer des stratégies d’adaptation.
Faciliter le recours à ses ressources internes.
Encourager les activités favorisant la socialisation.
Réduire l’isolement.
Soutenir le client dans la verbalisation de ses pensées et de ses émotions.
Favoriser la reconnaissance de ses schémas de pensée et la mise en œuvre du processus de résolution de problèmes.
Informer le client, sa famille et ses proches sur les symptômes et le traitement du trouble de l’adaptation, et cibler avec le client les personnes signicatives qui pourraient le soutenir.
Favoriser la participation du réseau et diminuer la détresse attribuable au manque de connaissances.
Soutenir les efforts du client dans la poursuite de ses objectifs et encourager les gestes constructifs.
Contribuer au rehaussement de son estime de soi.
Encourager le client à se rappeler ses réussites antérieures.
Renforcer l’estime de soi, valider les solutions créatives aux problèmes et rehausser la conance en l’avenir.
Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 10.7
Troubles de l’adaptation
• Enseigner au client, à sa famille et aux proches : – que les symptômes disparaissent habituellement après quelques mois ; – que plusieurs techniques peuvent favoriser un état de mieux-être (p. ex., la pratique régulière d’exercices de relaxation pour réduire l’anxiété) ; – que l’aggravation des symptômes doit immédiatement être signalée au soignant ;
228
Partie 3
Troubles mentaux
– que la réaction à un événement peut être normale parce que les personnes ont des façons de réagir qui leur sont propres. • Renseigner le client, sa famille et ses proches sur la posologie, l’horaire et les effets des médicaments. Inclure des renseignements sur les effets indésirables courants et les informer quand appeler un professionnel de la santé en cas de questions ou de problèmes concernant la prise des médicaments.
l’acuité des épisodes du trouble de l’adaptation et de promouvoir un fonctionnement optimal.
Soins et traitements inrmiers L’inrmière individualise le plan de soins selon les symptômes prédominants du trouble de l’adaptation an que le client rassemble les ressources nécessaires pour atteindre un niveau de fonctionnement adéquat dans la vie quotidienne TABLEAU 10.3 et ENCADRÉ 10.7.
Soins et traitements en interdisciplinarité L’inrmière fait partie intégrante de l’équipe interdisciplinaire et collabore à l’élaboration du plan d’intervention visant le rétablissement du client. Avec ses collègues, elle assure le suivi et évalue la réponse aux traitements instaurés. Comme chaque discipline dispose d’une perspective unique sur le traitement du client, le plan d’intervention élaboré en équipe interdisciplinaire est plus efcace que ne le serait la contribution individuelle de chacun de ses membres. À titre d’exemple, un client peu volubile est plus susceptible de réagir aux interventions proposées par l’ergothérapeute, alors qu’il serait relativement passif pendant des interventions de traitement axées directement sur la verbalisation.
Autres interventions | Psychopharmacothérapie | Le recours aux médicaments pour le traitement des troubles de l’adaptation est controversé, puisque les symptômes se résorbent souvent d’eux-mêmes avec le temps (Carta et al., 2009). L’approche préconisée est souvent la psychothérapie (Carta et al., 2009). La pharmacothérapie cible surtout le traitement des symptômes qui peuvent causer des difcultés de fonctionnement importantes. Les médicaments prescrits peuvent inclure les anxiolytiques comme les benzodiazépines durant de courtes périodes pour soulager l’anxiété et l’insomnie, ainsi que les antidépresseurs si les symptômes entravent la capacité du client à mobiliser ses ressources, bien que l’efcacité de ces derniers médicaments dans le traitement du trouble de l’adaptation ne soit pas bien démontrée (Casey, 2009, 2014). Bien qu’une récente méta-analyse rapporte que la psychothérapie présente une plus grande efcacité pour traiter le TSPT que la médication en monothérapie, le nombre limité de recherches amène les auteurs à conclure qu’il est actuellement impossible de tirer des conclusions dénitives quant à l’efcacité relative de ces deux classes de traitements (Jonas, Crusack, Forneris et al., 2013).
Les résultats des recherches éactivation des connaissances appuient fortement l’usage de la thérapie cognitivo-comportemenAu cours de ses interventions auprès des clients tale centrée sur le traumatisme souffrant d’un trouble de l’adaptation, l’inrmière (Trauma-Focused Cognitive qui a reçu une formation adéquate est appelée à Behavioral Therapy [TF-CBT] en utiliser certains outils découlant de l’approche anglais) comme intervention de psychothérapeutique. Nommez deux outils première ligne pour traiter le pertinents que l’inrmière peut utiliser pour aider TSPT, et ce, tant chez les adultes les clients dans leur processus de restructuration (Bisson et al., 2013 ; Cukor, cognitive. Spitalnick, Difede et al., 2009) que chez les jeunes et les aînés (Hunsley, Elliott & Therrien, 2014 ; Jonas et al., 2013). La TF-CBT est dénie comme toute intervention axée sur le traumatisme en utilisant l’exposition aux souvenirs traumatiques et les rappels de traumatismes (Bisson et al., 2013 ; Roberts, Kitchiner, Kenardy et al., 2009). À ce jour, aucun traitement pharmacologique spécique n’a été développé pour le TSPT (Bailey et al., 2013). Toutefois, les antidépresseurs de type inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS) tels que la uoxétine, la paroxétine et la sertraline sont considérés comme les molécules de première intention (Ipser & Stein, 2012 ; World Health Organization [WHO], 2015). Il semble aussi que la venlafaxine (inhibiteur sélectif du recaptage de la norépinéphrine), la rispéridone (antipsychotique atypique) et la prazosine (agoniste α1) ont démontré une certaine efcacité dans le traitement du TSPT résistant au traitement (Cukor et al., 2009 ; Ipser & Stein, 2012). En ce qui a trait aux anxiolytiques de type benzodiazépines, leur utilisation soulève de nombreuses inquiétudes et n’est pas recommandée par la World Health Organization (WHO, 2015). Effectivement, plusieurs utilisateurs manifestent une tolérance et un syndrome de sevrage lorsque les benzodiazépines sont cessées, prolongeant ainsi le temps de traitement (WHO, 2015). En terminant, selon les lignes directrices, la médication devrait être considérée dans le traitement du TSPT seulement si la TF-CBT n’est pas disponible ou qu’elle a échoué, ou que la personne souffre d’une dépression caractérisée d’intensité modérée à sévère.
CE QU’IL FAUT RETENIR
10
L’inrmière collabore à l’élaboration du plan d’intervention visant le rétablissement du client, assure le suivi et évalue la réponse aux traitements instaurés par l’équipe interdisciplinaire.
éactivation des connaissances Expliquez pourquoi il n’est pas recommandé d’utiliser les benzodiazépines pour de longues périodes.
| Premiers soins psychologiques en cas de trau matisme ou de stress aigu | Des premiers soi ns psychologiques sont actuellement recommandés en tant qu’intervention initiale si une personne ou un groupe de personnes font face à un événement traumatique ou à une perte (Organisation mondiale de la Santé [OMS] & Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, 2015 ; World Health Organization, World Vision International & War Trauma Foundation, 2011). Il s’agit de réduire l’état d’excitation psychologique des personnes qui ont vécu un traumatisme ou qui en ont été témoins an d’éviter qu’elles subissent des lésions ou des torts supplémentaires. Les Chapitre 10
Troubles liés aux traumatismes et aux facteurs de stress
229
premiers soins psychologiques consistent à fournir un soutien psychologique adapté, non intrusif et fondé sur l’écoute, c’est-à-dire à évaluer les besoins de base et à s’assurer qu’ils sont satisfaits. Ce soutien inclut le fait d’encourager les personnes à demeurer en compagnie de proches et de les protéger d’une aggravation de leur situation. L’aide psychologique d’urgence n’est donc pas une aide clinique, mais une aide humaine apportée à une personne qui souffre et qui requiert un soutien à la suite d’un événement extrêmement stressant (OMS & Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, 2015). Le soutien aux personnes qui montrent des signes de détresse passe par le regroupement des membres de la famille, de façon qu’ils se soutiennent mutuellement. Il faut donner aux personnes qui ont été victimes du traumatisme des renseignements sur la réduction du stress et sur les effets secondaires courants d’un événement traumatisant an de les aider à revenir à l’état psychologique dans lequel elles étaient avant l’événement. Il est important de les renseigner sur les endroits où elles pourraient trouver une assistance supplémentaire pour leurs besoins psychologiques. Les recherches suggèrent qu’une brève thérapie cognitivo-comportementale pourrait être l’intervention de choix pour prévenir d’autres réactions non adaptées liées au traumatisme (Bisson & Lewis, 2009 ; WHO, 2013). Les études portant sur l’efcacité d’un counseling en matière de stress causé par un événement grave pour prévenir l’apparition d’un trouble de stress aigu ou d’un TSPT après l’événement n’ont pas été concluantes (Benedek, Friedman, Zatzick et al., 2009). Selon les besoins particuliers de traitement du client, les soins et les traitements en
interdisciplinarité ainsi que les interventions en collaboration comprennent la consultation d’ergothérapeutes, de conseillers en réadaptation professionnelle et de psychologues. | Thérapies de soutien | Les infirmières cliniciennes spécialisées en santé mentale, les médecins, les travailleurs sociaux, les ergothérapeutes, les psychologues et les psychothérapeutes sont formés pour apporter un soutien thérapeutique aux clients chez qui un trouble de l’adaptation a été diagnostiqué. Les thérapeutes peuvent choisir parmi les différentes approches théra peutiques individuelles ou de groupe existantes, selon leurs habiletés professionnelles, la nature des problèmes du client et le type de résultats escomptés. Par exemple, une thérapie familiale peut être indiquée lorsque le facteur précipitant se rapporte à l’organisation familiale et que le client et la famille ont besoin d’aide pour gérer une situation conflictuelle.
10.7.5
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution
Tout plan de soins et de traitements inrmiers (PSTI) et tout plan thérapeutique inrmier (PTI) doivent comprendre une surveillance constante de l’évolution des symptômes. L’inrmière compare le fonctionnement actuel du client aux résultats escomptés et pose des questions afin de déterminer les raisons susceptibles d’expliquer pourquoi les résultats escomptés n’ont pas été atteints (Fortinash & Holoday-Worret, 2007). L’inrmière pourra ensuite décider de modier les résultats escomptés ou proposer de nouvelles interventions PSTI 10.1.
Plan de soins et de traitements inrmiers PSTI
10.1
Trouble de l’adaptation avec humeur dépressive
Hubert Capes, un client âgé de 57 ans de l’unité de médecine, est bien connu du personnel inrmier. Il a été hospitalisé plusieurs fois durant les dernières années pour stabiliser son diabète, qui reste difcile à maîtriser. Lors de sa dernière admission, son engagement dans le plan de soins a été atypique, car il n’y accordait qu’un intérêt minime. Il a également consommé des aliments riches en sucre qui appartenaient à son voisin de chambre. Il nie ce comportement, s’intéresse peu à l’enseignement qui lui est fourni tant bien que mal et se replie sur lui-même. Il afrme réaliser son test de glycémie capillaire à domicile et s’administrer l’insuline convenablement. Monsieur Capes a été récemment forcé de prendre sa retraite de l’usine où il travaillait en raison de son diabète, et sa pension est sufsante pour maintenir son niveau de vie. Quand il lui est demandé s’il se sent triste ou déprimé à cause de la retraite,
il le nie d’un ton agressif. Sa femme, avec qui il était marié depuis 10 ans, est morte il y a environ 8 mois. Il dit avoir fait son deuil, parce qu’il reconnaît qu’il se sent moins triste qu’au début et déclare vivre cette situation plus sereinement à mesure que le temps passe. Il est capable de parler des bons moments qu’ils ont partagés ensemble. En même temps, il se dit déçu de vivre sa retraite seul et admet se sentir frustré que cette retraite ne corresponde pas à ce qu’il avait espéré. Il nie toute idéation suicidaire. Les amis qui viennent le voir conent aux inrmières qu’il rechigne à participer aux activités sociales et qu’il leur a dit qu’il préférait rester seul et n’avait pas envie d’être avec des gens. L’inrmière qui s’occupe de monsieur Capes au centre hospitalier sait qu’il aura prochainement son congé et amorce le suivi à la maison.
À la suite de son évaluation, l’inrmière formule les constats suivants et élabore un plan de soins avec monsieur Capes.
230
Partie 3
Troubles mentaux
PSTI 10.1
Trouble de l’adaptation avec humeur dépressive (suite)
PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Négligence relative aux autosoins liée à des stratégies d’adaptation inefcaces (retraite, deuil de la conjointe), manifestée par un manque d’engagement dans le suivi de son état, la négation de comportements à risque, les hospitalisations fréquentes et la mise à la retraite précipitée par l’état de santé précaire
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES ET JUSTIFICATIONS
• Reconnaissance des répercussions du changement de rôle social et du deuil d’un conjoint sur la santé
• Explorer les répercussions du changement de rôle social et du deuil récent de sa conjointe sur la santé de monsieur Capes pour favoriser chez lui la prise de conscience et cibler les priorités d’intervention.
• Utilisation de stratégies d’adaptation permettant une meilleure prise en charge de la santé
• Explorer les stratégies d’adaptation utilisées par le passé et, au besoin, trouver d’autres options de façon à favoriser le recours à des stratégies mieux adaptées à sa situation actuelle. • Explorer le réseau de soutien de monsieur Capes et vérier sa connaissance des ressources communautaires pour favoriser le recours à l’aide disponible. • Faire des démarches pour assurer un suivi en externe de façon à consolider les apprentissages faits durant l’hospitalisation. • Évaluer la motivation de monsieur Capes à chercher de l’aide de façon à ajuster sa prise en charge.
10
• Utilisation de mots pour exprimer la colère
• Aider monsieur Capes à explorer ses sentiments négatifs pour lui permettre d’exprimer sa colère de façon plus constructive.
• Compréhension du processus de deuil
• Faire de l’enseignement sur le processus de deuil et normaliser les émotions ainsi que les comportements liés aux pertes pour diminuer le sentiment d’incompétence ou d’impuissance que vit monsieur Capes.
PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Interactions sociales perturbées liées à une retraite précipitée et au deuil récent de sa conjointe, manifestées par l’interruption de ses activités sociales habituelles et l’isolement
RÉSULTAT ESCOMPTÉ
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES ET JUSTIFICATIONS
• Participation accrue à des activités sociales
• Déterminer les activités qui plaisent à monsieur Capes et qu’il peut reprendre an de l’encourager à se centrer sur les aspects positifs de sa situation de retraité. • Explorer avec lui les changements de rôle maintenant qu’il vit seul de façon à l’aider à cerner les conséquences négatives de ces changements et à trouver des options satisfaisantes.
Analyse d’une situation de santé
Jugement clinique
Rina Berti est âgée de 47 ans. Elle vient tout juste d’apprendre qu’elle a un cancer du côlon. Une infirmière de la clinique la rencontre avant son départ, constatant qu’elle est dévastée.
« C’est terrible ce que je viens d’apprendre. Qu’est-ce qui va m’arriver ? Ma mère est décédée d’un cancer du côlon », dit-elle en pleurant.
Mise en œuvre de la démarche de soins
Collecte des données – Évaluation initiale – Analyse et interprétation 1. L’inrmière demande à la cliente ce qui la préoccupe le plus actuellement. A-t-elle raison de poser cette question ? Justiez votre réponse.
SOLUTIONNAIRE
Chapitre 10
Troubles liés aux traumatismes et aux facteurs de stress
231
Au fur et à mesure que la discussion progresse, la cliente dit être totalement déroutée par le diagnostic, évite de prononcer le mot cancer, tremble des mains et parle d’une voix chevrotante. Elle ne
écemment vu dans ce chapitre
répond pas directement aux questions de l’inrmière et répète : « Je ne sais pas quoi faire, je ne sais pas quoi faire. »
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
2. À l’analyse de ces données, outre le cancer, quel est le problème prioritaire de madame Berti ? Ajoutez-le au plan thérapeutique inrmier (PTI) vis-à-vis du numéro 2.
MAIS SI …
Si madame Berti s’était présentée à la clinique avec un diagnostic de trouble de stress post-traumatique, quels signes et symptômes auriez-vous recherchés à l’évaluation ?
Extrait CONSTATS DE L’ÉVALUATION Date
Heure
N°
2016-07-17
10:00
1
2016-07-17
10:00
2
Problème ou besoin prioritaire
Initiales
RÉSOLU / SATISFAIT Date
Heure
Initiales
Professionnels / Services concernés
Cancer du côlon
écemment vu dans ce chapitre Signature de l’inrmière
Sachant que madame Berti est atteinte d’un trouble de stress post-traumatique, les symptômes de quels autres troubles devriez-vous rechercher an de vous assurer qu’elle ne souffre pas d’un trouble concomitant au TSPT ?
Initiales
Programme / Service
Signature de l’inrmière
Initiales
Programme / Service
Planication des interventions – Décisions inrmières 3. Quel devrait être le but premier de l’approche de l’inrmière à ce stade-ci de la situation de madame Berti ?
L’inrmière essaie de faire préciser à la cliente le sens qu’elle donne à son diagnostic de cancer et le lien qu’elle fait avec le cancer de sa mère.
écemment vu dans ce chapitre
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
Madame Berti vous demande pourquoi son médecin lui a prescrit de la paroxétine (PaxilMD) pour son TSPT, puisqu’elle n’est pas en dépression. Que lui répondez-vous ?
232
Partie 3
Troubles mentaux
4. Expliquez en quoi l’approche de l’inrmière peut aider madame Berti à ce stade-ci.
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution 5. Sur quoi devrait porter principalement l’évaluation de la condition de la cliente avant que celle-ci quitte la clinique ?
APPLICATION DE LA PENSÉE CRITIQUE Dans l’application de la démarche de soins auprès de madame Berti, l’infirmière a recours à un ensemble d’éléments (connaissances, expériences antérieures, normes institutionnelles ou protocoles, attitudes professionnelles) pour analyser la situation de santé de la cliente et en comprendre
les enjeux. La FIGURE 10.5 illustre le processus de pensée critique suivi par l’inrmière an de formuler son jugement clinique. Elle résume les principaux éléments sur lesquels l’inrmière s’appuie en fonction des données de cette cliente, mais elle n’est pas exhaustive.
VERS UN JUGEMENT CLINIQUE EXPÉRIENCES
CONNAISSANCES • Manifestations physiques, psychologiques et sociales du stress • Réactions possibles d’une personne à l’annonce d’un diagnostic de cancer • Techniques et attitudes facilitantes en relation d’aide
NORME
• Expérience en soins inrmiers oncologiques • Aptitudes à la relation d’aide • Expérience personnelle de cancer ou du cancer d’une personne de son entourage
• Utilisation d’un modèle d’évaluation de réaction au stress
ATTITUDES • Respecter les valeurs et les croyances de la cliente • Manifester de l’empathie devant les réactions immé diates de madame Berti à la suite de l’annonce de son diagnostic de cancer • Reconnaître ses limites dans sa capacité d’intervenir auprès de madame Berti
PENSÉE CRITIQUE
ÉVALUATION • • • • •
Stresseurs que madame Berti associe au cancer Manifestation de détresse Répercussions du diagnostic Niveau de détresse émotionnelle Stratégies d’adaptation de la cliente devant sa situation de santé
JUGEMENT CLINIQUE FIGURE 10.5
Application de la pensée critique à la situation clinique de madame Berti
Chapitre 10
Troubles liés aux traumatismes et aux facteurs de stress
233
10
Chapitre
11
Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés Écrit par : Bonnie M. Hagerty, PhD, RN Kathleen L. Patusky, PhD, APRN-BC Adapté par : Jean-Philippe Arguin, inf., B. Sc. Mis à jour par : Catherine Fortin, inf., M. Sc.
MOTS CLÉS
OBJECTIFS
Affect . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 236 Anhédonie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 243 Deuil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 246 Distorsions cognitives . . . . . . . . . . . . . . . 239 Épisode dépressif caractérisé . . . . . . . 242 Épisode hypomaniaque . . . . . . . . . . . . . . 250 Épisode maniaque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 248 Fuite des idées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 248 Humeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 236 Hypomanie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 247 Manie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 247 Relâchement des associations . . . . . . 248 Thérapies cognitivocomportementales (TCC) . . . . . . . . . . . . . 268 Trouble cyclothymique . . . . . . . . . . . . . . . 250 Trouble dépressif persistant . . . . . . . . . 244
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez être en mesure : • d’expliquer les théories biologiques et psychosociales relatives à l’étiologie des troubles dépressifs, bipolaires et apparentés ; • de comparer les catégories de troubles dépressifs, bipolaires et apparentés du DSM-5 ; • de discuter de l’épidémiologie et de l’évolution des troubles dépressifs, bipolaires et apparentés ; • d’appliquer la démarche de soins auprès des clients atteints de troubles dépressifs, bipolaires et apparentés ; • de décrire les interventions autonomes et les interventions en interdisciplinarité pratiquées par les infirmières auprès des clients atteints de troubles dépressifs, bipolaires et apparentés.
Disponible sur • • • • •
Activités interactives À retenir Carte conceptuelle Dossiers vidéo Ressources
Guide d’études – SA08, SA09, SA11
234
Partie 3
Troubles mentaux
• Solutionnaire de l’Analyse d’une situation de santé • Solutionnaire des questions de Jugement clinique • Solutionnaire des questions Réactivation des connaissances • Solutionnaires du Guide d’études
Concepts clés
Cette carte conceptuelle illustre schématiquement les principaux concepts décrits dans le présent chapitre. Sa lecture vous permettra d’avoir une vue d’ensemble des notions qui y sont présentées.
Symptômes comportementaux : – augmentation de l’activité psychomotrice – désir constant de parler – diminution du sommeil – absence de fatigue – apparence négligée – comportements à risque de retombées négatives
se manifestent par
11
incluent
comprennent
avec
durent
Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés
expliqués par
comprennent
incluent
se manifestent par
Chapitre 11
Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés
235
PORTRAIT
TABLEAU 11.1
Stéphanie Fortin Stéphanie Fortin, âgée de 30 ans, se rend au groupe de médecine de famille pour une consultation annuelle. Elle se plaint de fréquentes céphalées, de douleurs musculaires, d’une fatigue extrême et de difcultés à s’endormir. L’infirmière qui l’accueille la questionne davantage. La cliente ajoute avoir l’impression de ne jamais être reposée. Elle a perdu 10 kg au cours du mois précédent sans suivre de régime. Elle a cessé de participer aux groupes de lecture et au cours de danse qu’elle avait l’habitude d’apprécier parce qu’elle n’a pas sufsamment d’énergie. Lorsque l’inrmière lui demande de décrire comment elle se sent et de parler de ses émotions, madame Fortin répond que sa mère a déjà souffert d’une dépression et que cette dernière pense qu’il s’agit peut-être aussi du problème de sa lle. Pourtant, la cliente ne se sent pas particulièrement déprimée. Son affect est émoussé, et elle admet se sentir parfois triste sans raison.
11.1
Caractéristiques générales
Dans la cinquième édition du Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (DSM-5), la catégorie des troubles de l’humeur disparaît. En effet, les troubles bipolaires se distinguent désormais des troubles dépressifs. Les critères diagnostiques permettant de conclure à un trouble bipolaire concernent non seulement l’humeur, mais également le niveau d’énergie et d’activité de la personne. La tristesse, la joie et l’anxiété sont des réactions normales aux événements de la vie. Une personne ayant subi une perte peut, par exemple, avoir du chagrin, ressentir des symptômes physiques comme une diminution de l’appétit et éprouver des difcultés à se concentrer. Par ailleurs, le succès ou les moments heureux peuvent entraîner une élévation de l’humeur, une exaltation et de l’euphorie. Ces sentiments ne sont généralement pas excessifs et demeurent limités dans le temps. Leur intensité dépend de la réactivité émotionnelle de la personne, c’est-à-dire sa tendance à réagir avec émotion aux événements, et de la régulation des émotions, soit sa capacité à maîtriser ses émotions. L’humeur est la description par le client luimême de son état émotionnel. L’émotion est une réaction subjective automatique en réponse à un
236
Partie 3
Troubles mentaux
a
Types possibles d’humeura
TYPE D’HUMEUR
DÉFINITION
Euthymie
Humeur normale, sans variation excessive
Humeur dépressive
Humeur triste, mélancolique
Humeur élevée, exaltée ou euphorique
Humeur intense ; sentiment exagéré de bien-être et d’euphorie pouvant aller jusqu’à la surexcitation
Humeur expansive
Humeur débordante, exubérante, sans retenue
Humeur irritable
Humeur qui se manifeste lorsque le client est facilement colérique
Ces manifestations possibles de l’humeur permettent à l’inrmière de détailler ses notes d’évolution.
stimulus, à une situation, à une expérience. Elle peut se manifester par des changements physiologiques et comportementaux (p. ex., des palpitations, des tremblements, des cris). À ne pas confondre avec l’humeur, l’affect est l’état émotionnel du client observé par les autres. Lorsqu’il y a apparition d’un trouble dépressif caractérisé ou encore d’un trouble bipolaire, les changements d’humeur deviennent plus prononcés et peuvent être récurrents au fil du temps TABLEAU 11.1. Ils se caractérisent par la fréquence de l’occurrence, la durée et l’intensité des symptômes. Plusieurs symptômes prédominent, notamment sur les plans physique, cognitif et comportemental ; ils sont décrits dans la quatrième section de ce chapitre.
11.2
Étiologie
Les principales théories sur l’étiologie des troubles dépressifs, bipolaires et apparentés analysent les facteurs biologiques et psychosociaux qui contribuent à l’apparition de la dépression et de la manie. Chaque perspective théorique explique certains aspects des troubles dépressifs, bipolaires et apparentés, mais aucune ne rend entièrement compte de leur manifestation.
11.2.1
Théories biologiques
La recherche biologique constitue la principale approche pour comprendre les causes du trouble dépressif et du trouble bipolaire. Elle révèle des associations possibles entre la physiologie, la génétique et les troubles dépressifs, bipolaires et apparentés, mais n’établit pas de lien direct de cause à effet. Les
théories biologiques importantes sont celles de la neurotransmission, des dérèglements neuroendocriniens et de la transmission génétique.
7
A
Les fonctions de la norépinéphrine et de la sérotonine sont approfondies dans le chapitre 7, Neurobiologie et santé mentale.
Neurotransmission Les premières recherches sur les neurotransmetteurs portaient sur la norépinéphrine et la sérotonine. Selon les théories de la disponibilité des neurotransmetteurs et de la modification des récepteurs, l’activité de neurotransmission serait inférieure à la normale pendant la dépression et supérieure à la normale pendant la manie (Institut de recherche en santé du Canada & Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies, 2012) 7 .
B
La neurotransmission est une activité complexe qui comprend de multiples processus comme la synthèse et la libération de neurotransmetteurs par les neurones, la fonction et la modication du site récepteur, les interactions entre les divers neurotransmetteurs et les différentes hormones ainsi que l’action de ces neurotransmetteurs et hormones sur le matériel génétique. L’embrasement est un phénomène important au cours duquel la neurotransmission est d’abord modiée par le stress, ce qui provoquerait un premier épisode de dépression ou de manie (MirabelSarron & Leygnac-Solignac, 2015 ; Post, 1992). Cet épisode initial crée une sensibilité électrophysiologique de telle sorte que l’épisode dépressif ou maniaque suivant exige un stress moindre pour se déclencher. Ce processus est fondé sur la neuroplasticité, soit la capacité des neurones à se régénérer ou à se restructurer (Pittenger & Duman, 2008). Le modèle de l’embrasement rend compte de la nature cyclique et progressive des troubles dépressifs, bipolaires et apparentés et suggère aux professionnels de la santé de traiter les clients dès l’apparition des premiers épisodes, puis de maintenir le traitement pharmacologique pendant de longues périodes an d’éviter une détérioration physiologique du cerveau au l du temps. Des études plus récentes se sont concentrées sur la modication des récepteurs, sur les processus relatifs aux canaux ioniques et sur les facteurs de croissance neurotropes (p. ex., le facteur neurotrope dérivé du cerveau) qui nourrissent les neurones. Ainsi, des déciences ou des modications des neurotrophines peuvent entraîner l’atrophie des cellules du cerveau ou les empêcher de se régénérer en cas de stress (Duman, 2009). Les techniques d’imagerie médicale démontrent des perturbations du fonctionnement cérébral pendant la dépression et la manie. La tomographie par émission de positrons conrme que le cortex frontal et le système limbique du cerveau de personnes ayant un trouble dépressif présentent des perturbations physiologiques et anatomiques (Duman, 2009) FIGURE 11.1.
11 FIGURE 11.1 A Tomographies par émission de positrons du même cerveau pendant un épisode dépressif (à gauche), puis après une pharmacothérapie (à droite). Plusieurs régions du cerveau, en particulier le cortex préfrontal (partie supérieure), montrent une activité réduite (couleurs plus sombres) pendant l’épisode dépressif. B Tomographies d’un sujet dépressif (à gauche) et d’un sujet non atteint (à droite). Ces tomographies révèlent une activité réduite du cerveau (couleurs plus sombres) pendant l’épisode dépressif, en particulier dans le cortex préfrontal. Du glucose radioactif a servi de traceur pour visualiser les niveaux d’activité du cerveau.
éactivation des connaissances Comment s’appelle l’espace de communication entre deux neurones ? Expliquez son rôle.
Dérèglements neuroendocriniens Des études indiquent que le dérèglement de l’axe limbique hypothalamo-hypophyso-surrénalien est associé à la dépression (Holsboer & Barden, 1996 ; Wikgren, 2012). Cet axe comprend l’hypothalamus, les glandes hypophysaires et surrénales ainsi que l’hippocampe, et il régule les réponses physiologiques au stress. En réponse au stress, l’hypothalamus libère l’hormone qui stimule la sécrétion de corticotrophine par les glandes hypophysaires antérieures. À son tour, la corticotrophine agit sur la corticosurrénale, qui sécrète du cortisol déversé dans le sang. Le cortisol sérique est élevé en cas de stress et stimule le système nerveux végétatif en augmentant les taux d’épinéphrine et de norépinéphrine. L’hypersécrétion chronique du facteur de libération de la corticotrophine et de cortisol ainsi que l’activation du système nerveux autonome augmentent la réactivité physiologique au stress et provoquent même des modications sur le plan cérébral (Gillespie & Nemeroff, Chapitre 11
Hypothalamus : Région du diencéphale, centre principal du système neurovégétatif jouant un rôle important dans la régulation de certaines des fonctions humaines les plus fondamentales, dont les cycles veille-sommeil, la température corporelle, la soif et des pulsions de survie telles la faim et les pulsions sexuelles. Neurotrophine : Catégorie de molécules qui a pour fonction de maintenir le neurone en vie et de faciliter la croissance de ses prolongements.
Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés
237
2005). L’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien est souvent hyperactif chez les clients atteints de trouble dépressif. Les personnes ayant une dépression de modérée à grave peuvent présenter des taux sériques de cortisol élevés. Au l du temps, des taux élevés de cortisone peuvent endommager l’hippocampe. Des données probantes associent la diminution du volume de l’hippocampe au stress et à la dépression récurrente et persistante (Frodl, Möller, Meisenzahl et al., 2008). Les conséquences graves comprennent un décit cognitif et particulièrement des difcultés mnésiques.
19 Un plan de soins et de traitements inrmiers pour insomnie en cas de trouble dépressif caractérisé est proposé dans le chapitre 19, Troubles de l’alternance veille-sommeil.
Le fonctionnement de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien est lié au cycle de 24 heures des rythmes circadiens qui régulent les processus physiologiques. Normalement, la concentration de cortisol dans le sang est faible en début de matinée et atteint son maximum durant la journée, bien que des taux constamment élevés soient fréquemment observés en cas de dépression. Plusieurs clients dépressifs souffrent alors d’hypersomnolence (sommeil excessif), tandis que les clients atteints de manie ont moins besoin de sommeil. La perturbation du sommeil est souvent associée aux troubles dépressifs, bipolaires et apparentés 19 .
Transmission génétique Distorsion cognitive (ou déformation cognitive) : Altération de la pensée sur soi, sur les autres, sur les événements provenant d’un jugement déplacé, préconçu, erroné de la situation.
Jugement
clinique
238
Les troubles dépressifs, bipolaires et apparentés apparaissent parfois au sein d’une même famille, et plusieurs chercheurs pensent que la génétique est responsable de leur manifestation (Kendler, Gatz, Gardner et al., 2006). Les résultats des études portant sur les familles montrent invariablement que les enfants de parents aux prises avec un trouble dépressif ou bipolaire courent de plus grands risques d’être atteints de troubles dépressifs, bipolaires ou apparentés. Ce risque est particulièrement élevé chez les personnes dont les parents ont un trouble bipolaire, ce qui indique probablement une plus grande composante génétique pour ce trouble que pour le trouble dépressif (Nomura, Wickramaratne, Warner et al., 2002).
Amélie Lapointe, âgée de 21 ans, a terminé sa formation d’inrmière. Elle s’est inscrite à la prochaine session d’examen d’admission à l’exercice de la profession. Elle se sent très anxieuse parce qu’elle est convaincue qu’elle ne réussira pas cet examen puisque sa meilleure amie l’a échoué l’an passé. « Comme ses notes étaient bien meilleures que les miennes, c’est certain que je vais échouer, pense-t-elle. En plus, je ne suis jamais bonne quand je suis évaluée ; la preuve, c’est que j’ai échoué à mon examen pratique la session dernière alors que je réussissais toujours en pratique libre ! » Qu’est-ce qui empêche madame Lapointe d’avoir une vision objective de sa situation ?
Partie 3
Troubles mentaux
Si un jumeau monozygote est atteint d’un trouble dépressif, bipolaire ou apparenté, il y a de fortes chances que l’autre jumeau en souffre également. Cette possibilité s’élève à 100 % dans certaines études (généralement pour le trouble bipolaire). Bien que les taux de concordance chez les jumeaux dizygotes soient élevés, ils demeurent inférieurs à ceux des jumeaux monozygotes (Kendler, 2001).
Les études portant sur l’adoption appuient également le rôle des facteurs génétiques dans les troubles dépressifs, bipolaires et apparentés. La plupart des études ont particulièrement examiné le trouble bipolaire et montré que sa prévalence est beaucoup plus élevée chez les parents biologiques d’adultes atteints de troubles bipolaires que chez les parents adoptifs d’adultes ayant ce type de trouble (Leboyer, 2005). Bien que ces données montrent que la transmission génétique joue un rôle dans la manifestation des troubles dépressifs, bipolaires et apparentés, bon nombre de questions demeurent sans réponse, et la recherche de l’origine génétique propre à ces troubles continue. De nombreux chercheurs s’entendent pour dire que l’expression et la transmission génétique des troubles dépressifs, bipolaires et apparentés ainsi que leur interaction avec l’environnement sont des éléments clés pour comprendre, diagnostiquer et traiter ces troubles (Keltikangas-Jarvinen & Salo, 2009).
11.2.2
Théories psychosociales
Théorie cognitive Selon cette théorie, des perturbations d’ordre cognitif seraient à l’origine de la dépression. Beck (1967) a distingué plusieurs niveaux de cognition qui inuent sur la dépression : les pensées automatiques, les schémas (ou suppositions) et les distorsions cognitives (ou déformations cognitives).
Pensées automatiques Les pensées automatiques sont celles auxquelles la personne réagit, mais qu’elle ne reconnaît pas comme étant le fondement de ses comportements et de ses émotions. Les pensées automatiques apparaissent habituellement à la suite d’expériences répétitives. Elles exercent une inuence sur la perception d’une situation par la personne, et c’est cette perception, plutôt que les faits objectifs relatifs à la situation, qui entraîne certaines réponses émotionnelles et comportementales. Ainsi, deux personnes pourraient vivre la même situation et ressentir des sentiments différents. Par exemple, deux étudiantes en soins inrmiers reçoivent le résultat de leur évaluation sommative de stage : elles ont toutes deux obtenu 80 %. Selon leur professeur, elles doivent améliorer la gestion de leur temps. Parce qu’elle n’a pas obtenu 90 %, l’une d’elles se sent incompétente et met en doute son choix de carrière. Cela la rend triste, et elle devient très anxieuse à la pensée de son prochain stage. Quant à la seconde, elle est très heureuse de son résultat et consciente des éléments qu’elle doit travailler. Elle est persuadée de pouvoir améliorer cet aspect de son travail au cours du stage suivant. Si les perceptions à propos d’une situation sont erronées, les réponses et les déductions ne seront pas adaptées.
Schémas Les schémas (ou suppositions) sont des représentations internes de soi et du monde. Ils sont utilisés pour comprendre l’information, la coder et s’en souvenir. Beck (1967) a proposé une triade de pensées (schémas) qui déclenchent l’apparition de la dépression : • une perception négative et autodévalorisante de soi ; • une vision négative des expériences de la vie ; • une vision pessimiste de l’avenir.
TABLEAU 11.2
Un traitement erroné de l’information conduit la personne à formuler des hypothèses et à commettre des erreurs de logique, qui entraînent à leur tour des symptômes dépressifs et une vision perpétuellement négative de la vie.
Distorsions cognitives Les distorsions cognitives lient les schémas et les pensées automatiques. Il s’agit d’une altération de la pensée sur soi, sur les autres et sur les événements TABLEAU 11.2.
Exemples de distorsions cognitives
DÉFINITION/DESCRIPTION
EXEMPLE
Pensée « tout ou rien » Tendance à classer les choses en deux seules catégories : les bonnes et les mauvaises. Toute erreur ou imperfection incitera la personne à se déprécier.
Un professeur se dit : « Je dois tout connaître et avoir réponse à toutes les questions de mes étudiants. Si je n’y arrive pas, c’est que je suis un mauvais professeur. »
Surgénéralisation Tendance à conclure arbitrairement que lorsqu’une chose arrive une fois, elle se reproduira toute la vie.
Un candidat à l’embauche reçoit une réponse négative après une entrevue pour un premier emploi. Il se dit : « Je suis mauvais, jamais je ne trouverai de travail. »
Filtre Tendance à s’attarder à un détail négatif d’une situation, ce qui amène la personne à percevoir l’ensemble de cette situation de façon négative. Ce processus de ltrage de la pensée fausse la vision de la réalité.
Un employé se rend compte qu’un collègue écrit un texto alors qu’il termine une présentation. Il pense : « Si ce collègue ne m’écoute pas, cela signie que personne ne m’écoute, car je suis incompétent. »
Rejet du positif Tendance persistante à transformer des expériences neutres ou même positives en expériences négatives.
Un comédien est ovationné à la n de son spectacle. Il pense : « Si je suis applaudi, ce n’est pas pour ma performance, le texte était génial, et le metteur en scène, hors pair. Je ne suis pas assez bon pour qu’on m’applaudisse. »
Conclusions hâtives Erreur de prévision Tendance à tirer trop rapidement une conclusion négative que les faits ne justient pas.
Une personne aimerait participer à des ateliers de dessin, mais se ravise : « Je n’ai jamais été créative, je ne serai pas capable. À quoi bon essayer, ça ne fonctionnera jamais. »
Interprétation indue ou lecture de la pensée d’autrui Tendance à décider arbitrairement que quelqu’un a une attitude négative envers soi sans prendre la peine de vérier les faits.
Au cours d’un exposé, un étudiant voit deux camarades prises d’un fou rire parce qu’elles ont remarqué que leur professeur dormait. Il conclut à tort : « Elles rient de moi, car j’ai dit quelque chose de ridicule. »
Exagération et minimisation Tendance à amplier l’importance accordée à ses propres erreurs, à ses craintes et à ses imperfections et à minimiser ses points forts. Un événement désagréable, mais banal, devient quelque chose d’extraordinaire, de cauchemardesque.
Une personne participe à une activité sportive, mais elle est la seule débutante. Ses mouvements sont hésitants, et elle manque de soufe : « C’est ma faute, je ne saurai jamais le faire, même avec de l’entraînement. Les autres sont tellement meilleurs. »
Chapitre 11
Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés
239
11
TABLEAU 11.2
Exemples de distorsions cognitives (suite)
DÉFINITION/DESCRIPTION
EXEMPLE
Raisonnements émotifs Tendance à présumer que ses sentiments les plus sombres reètent nécessairement la réalité des choses.
Une personne se répète : « Je me sens coupable, j’ai donc dû faire quelque chose de mal. »
Obligation « Je dois » et « Je devrais » Tendance à se motiver par des « je dois faire ceci » ou des « je devrais faire cela », ce qui entraîne un sentiment de culpabilité si les choses ne sont pas accomplies. Le fait d’attribuer ces obligations aux autres peut provoquer des sentiments de frustration et de colère, causant bien des déceptions inutiles dans le quotidien.
Un frère refuse gentiment de rendre service à sa sœur, car il a d’autres obligations urgentes. Cette dernière est en colère : « Je lui ai rendu service le mois dernier, il devrait accepter de m’aider. »
Étiquetage et erreurs d’étiquetage Tendance à s’apposer une étiquette négative, au lieu de qualier son erreur. La personne fait de même avec les gens dont le comportement lui déplaît. Il s’agit d’une surgénéralisation.
Un informaticien ne comprend pas l’origine d’une panne. Son supérieur lui vient en aide. Il se dit « Je suis mauvais » plutôt que de penser « Avec l’expérience, je progresserai ».
Personnalisation Tendance à assumer la responsabilité d’un événement fâcheux sans en être la cause. C’est l’origine du sentiment de culpabilité.
Un sportif de haut niveau n’est pas sélectionné pour les Jeux olympiques. Son entraîneur conclut aussitôt : « Tout est de ma faute, je ne l’ai pas bien préparé. »
Source : Adapté de Burns (2011).
Théorie de l’incapacité apprise La théorie cognitive présume que la dépression résulte d’erreurs cognitives. Cette cognition altérée implique l’incapacité apprise, qui peut se manifester par de la détresse, de l’apathie, un sentiment d’impuissance et la dépression.
10
D’après la théorie originale de Seligman (1975), le fait de vivre des événements stressants sans pouvoir les maîtriser entraîne une absence de motivation à réagir à l’environnement. La théorie de l’incapacité apprise a été enrichie pour souligner que, devant des événements actuels et à l’égard des expériences passées, les personnes ont l’idée (cognition) que les événements extérieurs sont non maîtrisables (Abramson, Jean Lévesque est âgé de 42 ans. Sa conjointe l’a Seligman & Teasdale, 1978). quitté pour un autre homme sans lui donner de raisons précises. Ce n’est pas la première fois La théorie du désespoir qu’il vit ce genre de situation, mais cette fois-ci, il est un prolongement de la croyait vraiment pouvoir envisager une relation théorie de l’incapacité durable. Il cone à un ami qu’il trouve difcile de apprise. Elle stipule que l’inrevivre le même deuil, qu’il ne se doutait capacité est l’une des comaucunement de cette issue et ajoute : « Je sais posantes du désespoir, qui que je vais m’en sortir encore une fois, que je serait, lui, un facteur de dois me donner du temps pour m’en remettre, dépression. Les conclusions mais je ne comprends pas ce qui m’arrive. » Puis, négatives auxquelles arrive il se met à pleurer. Diriez-vous que monsieur le client, jumelées à la Lévesque est à risque de dépression actuellenégation du soi, sont des ment ? Justiez votre réponse. éléments clés du trouble
Les types de stresseurs sont distingués dans le chapitre 10, Troubles liés aux traumatismes et aux facteurs de stress.
Jugement
clinique
240
Partie 3
Troubles mentaux
dépressif. Lorsque survient un événement malheureux, les personnes qui sont à risque de dépression attribuent une instabilité, une généralisation et une importance excessive à ces événements. Par exemple, une cliente pourrait penser qu’elle est incapable de se relever de son divorce (instabilité), que sa vie entière se trouve gâchée (généralisation) et que son précédent mariage est l’unique centre de sa vie (importance). L’absence de soutien social au moment où ces événements négatifs se produisent peut mener à une augmentation de la détresse, du désespoir et de la dépression (Caron & Guay, 2005).
Théorie du stress Holmes et Rahe (1967) indiquent que tous les événements, même les plus agréables, sont susceptibles de provoquer du stress à divers degrés. Ainsi, même des vacances ou une promotion peuvent générer un stress élevé 10 . La perception ou l’évaluation que fait la personne d’un événement est aussi importante que le changement consécutif dans le quotidien. Les facteurs comme le soutien social et la perception que la personne a de ce soutien inuent également sur l’effet d’un événement stressant (Caron & Guay, 2005). Plusieurs facteurs sociaux stressants contribueraient de façon importante à rendre une personne vulnérable à la dépression (Brown & Harris, 1978). Ravindran et ses collaborateurs (2002) ont associé
l’état dépressif à une perception accrue du stress, à une perception diminuée des événements positifs, au recours à des stratégies d’adaptation fondées sur les émotions plutôt que sur la pensée rationnelle et sur la qualité de vie. Le stress vécu pendant la petite enfance, y compris la maltraitance envers les enfants ainsi que la perte, inue sur l’apparition de la dépression, probablement en raison de la perturbation du fonctionnement de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, comme expliqué en début de section. Les événements de la vie sont susceptibles d’avoir un impact sur l’apparition et la récurrence de la dépression, déterminé par l’expérience psychologique et, en dénitive, biologique du stress (Heim, Newport, Mletzko et al., 2008). Par ailleurs, la plus grande prévalence de la dépression chez les femmes par rapport aux hommes n’est pas attribuable au nombre d’événements stressants rapportés ni à une sensibilité différente à ces événements (Kendler, Thornton & Prescott, 2001). La situation conjugale, des exigences supérieures quant au rôle, un stress familial plus grand ainsi que le niveau de scolarité élevé et la présence des enfants dans le ménage peuvent expliquer cette différence entre les genres (Kendler & Gardner, 2014). Il y a moins de données concernant le lien entre les événements stressants de la vie et le trouble bipolaire, bien que certaines études suggèrent que la perturbation des habitudes sociales ou des rythmes circadiens pourrait jouer un rôle. Malkoff-Schwartz, Frank et Anderson (2000) ont étudié l’inuence de la perturbation des habitudes sociales en tant qu’événement stressant de la vie. Ils ont découvert que les événements stressants, particulièrement la perturbation des habitudes sociales, inuaient sur l’apparition des épisodes maniaques. Ces chercheurs suggèrent que les interventions visant à réduire le stress et la perturbation des habitudes sociales chez les clients ayant des antécédents de manie contribueraient à prévenir la survenue des épisodes maniaques.
Théorie psychodynamique Le principe fondamental de la théorie psychanalytique est que les processus inconscients entraînent l’expression de symptômes, parmi lesquels gurent la dépression et la manie. Freud a distingué la dépression du deuil normal, les deux étant une réponse à une perte réelle ou symbolique (Freud, 1957). D’après lui, la perte engendre, envers l’objet perdu, des sentiments intenses et hostiles. La personne dirige ensuite ces sentiments contre elle-même, ce qui entraîne de la culpabilité et une perte d’estime de soi. La dépression est donc associée à la perte et à l’agressivité. Cependant, un grand nombre de personnes ayant
vécu une perte et de la colère dans la petite enfance ne feront pas de dépression, tandis que d’autres qui n’ont jamais vécu de perte visible ou reconnue en seront atteintes. D’un point de vue psychodynamique, la manie est une défense contre la dépression. Le client nie ses sentiments de colère, de pauvre estime de soi et de faible valeur, et il inverse l’affect de telle sorte qu’il éprouve une conance triomphante en lui-même. Peu de données appuient les théories psychodynamiques de la dépression et de la manie, bien que certaines preuves indiquent que les clients atteints de dépression ont vécu plus de pertes et de privations tôt dans l’enfance que les personnes non déprimées (Brown & Harris, 1978). Les cliniciens remarquent également que la colère est souvent associée à la dépression, bien que la relation entre celles-ci demeure obscure. La théorie psychanalytique constitue une explication parmi d’autres pour tenter de rendre compte des dynamiques intrapsychiques de la dépression et de la manie. La pertinence de cette perspective théorique repose sur ses références à l’environnement pendant la petite enfance où une perte, une perturbation ou un chaos peuvent causer un stress qui, à son tour, provoque les mécanismes physiologiques décrits dans la soussection précédente.
11.3
11
Épidémiologie
Au Québec, en 2012, 12 % des personnes âgées de 15 ans et plus ont reçu un diagnostic de trouble dépressif caractérisé (Institut de la statistique du Québec, 2015). Le pourcentage de femmes québécoises atteintes de ce trouble est plus élevé (15 %) que celui des hommes (9 %) (Institut de la statistique du Québec, 2015). Selon plusieurs estimations, environ 1 Canadien sur 10 (de 10 à 12 % de la population) a vécu un épisode dépressif caractérisé à un moment donné de sa vie (Patten & Juby, 2008). Les femmes seraient de deux à quatre fois plus à risque de dépression pendant la ménopause et dans les deux années suivant celle-ci (Bromberger, Kravitz, Chang et al., 2011). Toutefois, selon le DSM-5, il n’y aurait pas de différences entre les genres relativement aux symptômes, au cours de la maladie, à la réponse au traitement ou aux conséquences fonctionnelles. Au Québec, la prévalence d’un trouble bipolaire dans la population âgée de 15 ans et plus est de 2,2 % (Institut de la statistique du Québec, 2015). Au Canada, les troubles bipolaires I et II touchent 2,1 % de la population, soit près de 700 000 personnes (Bond & Yatham, 2009). Chapitre 11
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les femmes sont plus à risque d’être atteintes d’un trouble dépressif caractérisé que les hommes, mais il n’y a pas de différence entre les deux sexes en ce qui a trait aux symptômes, à leurs conséquences fonctionnelles ou aux traitements.
Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés
241
25 Les symptômes du trouble bipolaire d’apparition précoce et du trouble dépressif chez l’enfant sont décrits dans le chapitre 25, Enfants et adolescents.
L’âge moyen d’apparition d’un trouble bipolaire est de 17 à 21 ans (Bond & Yatham, 2009). Toutefois, de récentes études démontrent que ces troubles pourraient se manifester plus tôt (Merikangas, Cui, Kattan et al., 2012). Les troubles bipolaires (comme le trouble dépressif) peuvent avoir un début précoce. Jusqu’à 66 % des personnes qui en sont atteintes présentent leur premier épisode pendant l’enfance ou l’adolescence, et celui-ci s’accompagne de répercussions importantes sur les plans individuel, familial, psychosocial et scolaire (Bond & Yatham, 2009) 25 .
Le risque d’être atteint d’une dépression et d’une manie augmente en cas d’antécédents familiaux positifs de troubles dépressifs, bipolaires et apparentés (Perlis, Brown, Baker et al., 2006). Bien qu’il existe quelques différences dans les symptômes (p. ex., l’hypersomnolence et l’hyperphagie chez les plus jeunes), il n’y a pas d’effet de l’âge quant à l’évolution de la maladie et le cours du traitement (American Psychiatric Association [APA], 2015). Les taux de diagnostic de la dépression Laurent Côté est un homme d’affaires âgé de chez les personnes âgées 48 ans. Au cours d’une promenade en auto, un varient en fonction de leur chauffard a brûlé un feu rouge et a percuté sa milieu de vie : de 1 à 5 % voiture. Sa femme et ses deux fillettes sont chez les personnes vivant décédées sur le coup. Il est hospitalisé pour un dans la communauté et de épisode dépressif caractérisé. Lorsque vous lui 14 à 42 % chez les aînés annoncez qu’il pourra avoir un congé de fin de hébergés dans des établissesemaine, il dit sur un ton monocorde avec un ments de soins de longue sourire timide : « J’imagine que ça va me faire durée (Institut canadien du bien. » Quel type d’affect monsieur Côté d’information sur la santé présente-t-il ? [ICIS], 2010) 26 .
Jugement
clinique
26 Les manifestations et les facteurs de risque associés à la dépression chez les aînés sont présentés dans le chapitre 26, Personnes âgées.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Le trouble dépressif caractérisé est la première cause d’incapacité dans le monde, et les troubles bipolaires en sont la sixième cause, d’où l’importance pour l’inrmière d’en reconnaître les symptômes.
242
Partie 3
Des facteurs socioculturels sont parfois liés à la dépression et à la manie (Ali, 2002). Il semble que la dépression soit plus fréquente dans les groupes socioéconomiques défavorisés. Les personnes issues des quartiers les plus défavorisés du Canada seraient 85 % plus susceptibles d’être hospitalisées en raison d’une dépression que celles vivant dans les quartiers favorisés (ICIS, 2009). Les immigrants arrivés au Canada depuis quelques années seulement afchent des taux de dépression inférieurs à ceux de la population canadienne (Ali, 2002). La dépression et la manie sont présentes dans le monde entier, mais l’appartenance ethnique et la culture ont une inuence sur l’expression des symptômes.
11.4
Description clinique
Les troubles dépressifs, bipolaires et apparentés sont caractérisés par la récurrence d’épisodes symptomatiques similaires dans le temps. Il s’agit de l’épisode dépressif caractérisé, de l’épisode maniaque et de l’épisode hypomaniaque. Chacun
Troubles mentaux
de ces épisodes est déni selon son apparition, sa gravité, sa fréquence et sa durée. Bien que la perturbation de l’humeur soit le symptôme prédominant de ces troubles, des changements relatifs à la cognition, au fonctionnement physiologique et au comportement font aussi partie du tableau clinique. Ces derniers sont décrits dans les soussections suivantes. Le DSM-5 distingue les troubles dépressifs des troubles bipolaires et apparentés (APA, 2015). Suivant le DSM-5, le diagnostic de troubles dépressifs, bipolaires et apparentés se fonde sur les symptômes cliniques (APA, 2015). Les troubles dépressifs, bipolaires et apparentés peuvent apparaître tout au long de la vie ; ils entraînent une souffrance personnelle et causent des difcultés relationnelles. Les idées suicidaires et le suicide peuvent faire partie du tableau clinique de ces troubles. Le trouble dépressif caractérisé, souvent appelé dépression, est la première cause d’incapacité dans le monde, et les troubles bipolaires, anciennement appelés maniacodépression, en sont la sixième cause (World Health Organization, 2008). Les professionnels de la santé sont conscients de l’importance d’évaluer les clients aux prises avec ces maladies, et ce, an d’intervenir adéquatement.
11.4.1
Troubles dépressifs
Le DSM-5 divise les troubles dépressifs en quatre catégories principales, soit : 1. le trouble dépressif caractérisé, déni par l’apparition de symptômes dépressifs sur une période d’au moins deux semaines ; 2. le trouble dépressif persistant (dysthymie), déni par une humeur dépressive pendant au moins deux ans ; 3. le trouble disruptif avec dysrégulation émotionnelle ; 4. le trouble dysphorique prémenstruel, déni par l’apparition de symptômes dépressifs consécutifs à la phase ovulatoire avec rémission suivant les premiers jours de menstruation.
Trouble dépressif caractérisé Le trouble dépressif caractérisé se manifeste par la présence d’un épisode dépressif caractérisé. Si un seul épisode apparaît, le diagnostic sera celui d’un trouble dépressif caractérisé, épisode isolé. Si deux épisodes au moins se succèdent à intervalle de deux mois ou plus, il s’agira d’un trouble dépressif caractérisé, épisode récurrent (APA, 2015). Selon le nombre et la gravité des symptômes, le trouble dépressif caractérisé est qualié de léger, moyen ou grave (APA, 2015) ENCADRÉ 11.1.
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 11.1
Trouble dépressif caractérisé
A. Au moins cinq des symptômes suivants sont présents pendant une même période d’une durée de 2 semaines et représentent un changement par rapport au fonctionnement antérieur ; au moins un des symptômes est soit (1) une humeur dépressive, soit (2) une perte d’intérêt ou de plaisir. N.B. : Ne pas inclure les symptômes qui sont clairement imputables à une autre affection médicale. 1. Humeur dépressive présente quasiment toute la journée, presque tous les jours, signalée par la personne (p. ex. se sent triste, vide, sans espoir) ou observée par les autres (p. ex. pleure). (N.B. : Éventuellement irritabilité chez l’enfant et l’adolescent.) 2. Diminution marquée de l’intérêt ou du plaisir pour toutes ou presque toutes les activités quasiment toute la journée, presque tous les jours (signalée par la personne ou observée par les autres). 3. Perte ou gain de poids signicatif en l’absence de régime (p. ex. modication du poids corporel excédant 5 % en un mois) ou diminution ou augmentation de l’appétit presque tous les jours. (N.B. : Chez l’enfant, prendre en compte l’absence de prise de poids attendue.) 4. Insomnie ou hypersomnie presque tous les jours. 5. Agitation ou ralentissement psychomoteur presque tous les jours (constaté par les autres, non limité à un sentiment subjectif de fébrilité ou de ralentissement). 6. Fatigue ou perte d’énergie presque tous les jours. 7. Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée (qui peut être délirante) presque tous les jours (pas seulement se reprocher ou se sentir coupable d’être malade). 8. Diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer ou indécision, presque tous les jours (signalée par la personne ou observée par les autres).
9. Pensées de mort récurrentes (pas seulement une peur de mourir), idées suicidaires récurrentes sans plan précis, tentative de suicide ou plan précis pour se suicider. B. Les symptômes induisent une détresse cliniquement signicative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants. C. L’épisode n’est pas imputable aux effets physiologiques d’une substance ou à une autre affection médicale. N.B. : Les critères A-C dénissent un épisode dépressif caractérisé. N.B. : Les réponses à une perte signicative (p. ex. deuil, ruine, pertes au cours d’une catastrophe naturelle, maladie grave ou handicap) peuvent comprendre des sentiments de tristesse intense, des ruminations à propos de la perte, une insomnie, une perte d’appétit et une perte de poids, symptômes inclus dans le critère A et évoquant un épisode dépressif. Bien que ces symptômes puissent être compréhensibles ou jugés appropriés en regard de la perte, la présence d’un épisode dépressif caractérisé, en plus de la réponse normale à une perte importante, doit être considérée attentivement. Cette décision fait appel au jugement clinique qui tiendra compte des antécédents de la personne et des normes culturelles de l’expression de la souffrance dans un contexte de perte. D. La survenue de l’épisode dépressif caractérisé n’est pas mieux expliquée par un trouble schizoaffectif, une schizophrénie, un trouble schizophréniforme, un trouble délirant ou d’autres troubles spéciés ou non spéciés du spectre de la schizophrénie, ou d’autres troubles psychotiques. E. Il n’y a jamais eu auparavant d’épisode maniaque ou hypomaniaque. N.B. : Cette exclusion ne s’applique pas si tous les épisodes de type maniaque ou hypomaniaque sont imputables à des substances ou aux effets physiologiques d’une autre pathologie médicale.
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association, DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
Symptômes émotionnels L’humeur dépressive ainsi que la perte d’intérêt et de la capacité d’éprouver du plaisir (anhédonie) sont les deux principaux symptômes d’un épisode dépressif caractérisé. Pour qu’un diagnostic de trouble dépressif caractérisé soit posé, le client doit donc éprouver au moins l’un de ces deux symptômes (APA, 2015). Le client peut dire qu’il se sent déprimé, triste, vide ou insensible. Il peut signaler des difcultés à retirer du plaisir ou de la satisfaction de ses activités habituelles, comme la sexualité, les loisirs ou les sorties avec des amis. Bien que les clients décrivent généralement des sentiments de tristesse ou des pleurs fréquents, certaines personnes atteintes de dépression sont incapables de décrire leurs sentiments et signalent plutôt une perte d’intérêt, une déconnexion ou une incapacité à ressentir des émotions. Le client peut parfois aussi éprouver de l’anxiété, de l’irritabilité ou de la colère. Il peut faire
état d’un sentiment de solitude, d’impuissance ou de désespoir. L’affect d’une personne dépressive est habituellement plat ou émoussé, mais celle-ci peut sembler plutôt normale à première vue.
Symptômes cognitifs Une diminution de l’aptitude à penser, à se concentrer ou à prendre des décisions, des pensées de mort et une diminution excessive de l’estime de soi peuvent être les symptômes cognitifs d’un trouble dépressif caractérisé (APA, 2015).
CE QU’IL FAUT RETENIR
L’humeur dépressive ainsi que la perte d’intérêt et de la capacité d’éprouver du plaisir (anhédonie) sont les deux principaux symptômes d’un épisode dépressif caractérisé.
Des actions comme se concentrer sur une tâche, lire le journal ou suivre une conversation peuvent s’avérer impossibles pour les clients dépressifs. Ceux-ci sont parfois incapables de prendre des décisions concernant des questions simples, comme l’habillement le matin ou les achats à l’épicerie. Ils éprouvent des problèmes au travail, notamment en ce qui a trait à la mémoire et aux fonctions exécutives, ce qui se traduit par une incapacité à s’organiser, à commencer ou à terminer une tâche. Chapitre 11
Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés
243
11
CE QU’IL FAUT RETENIR
Le trouble dépressif persistant se distingue du trouble dépressif caractérisé par son caractère dépressif plus léger et chronique plutôt qu’épisodique.
19 Les manifestations de l’insomnie et de l’hypersomnolence sont étudiées dans le chapitre 19, Troubles de l’alternance veille-sommeil.
Dyspepsie : Digestion douloureuse et difcile, survenant sans lésion organique, après les repas.
Les idées de suicide, de mort par cause naturelle ou les pensées existentielles sur la mort sont fréquentes. Il en va de même pour la culpabilité excessive, la dévalorisation et les pensées négatives. Le client rumine ses actions passées ainsi que sa vision négative de lui-même et du monde.
conjugale peut survenir pendant l’épisode dépressif et même se poursuivre après le rétablissement. Lorsque la personne est incapable de travailler, les problèmes nanciers perturbent parfois l’équilibre familial. Le client peut se retirer de sa famille et éviter les interactions sociales (ASPC, 2006 ; Patten & Juby, 2008).
Le client présente possiblement des idées délirantes et des hallucinations. Le trouble dépressif caractérisé grave peut en effet avoir des caractéristiques psychotiques (APA, 2015).
Trouble dépressif persistant (dysthymie)
Symptômes comportementaux Les symptômes comportementaux d’un trouble dépressif caractérisé sont une perte ou un gain de poids signicatif en l’absence de régime, un changement d’appétit important, de l’insomnie ou de l’hypersomnolence, une agitation ou un ralentissement psychomoteurs et de la fatigue (APA, 2015). Parfois, le changement de poids n’est pas apparent, mais le client signale une modication importante de son appétit. Les troubles du sommeil sont courants ; le client se plaint de ne pas pouvoir dormir (insomnie) ou de trop dormir (hypersomnolence) presque tous les jours 19 . La personne peut exprimer des sensations de fatigue, de perte d’énergie et mentionner une incapacité à accomplir les activités de la vie quotidienne (AVQ). Elle peut négliger sa tenue vestimentaire, son apparence ou son hygiène. Il arrive que le client ait une posture voûtée et qu’il évite le contact visuel. Un trouble dépressif a parfois des caractéristiques catatoniques (APA, 2015). En cas de ralentissement psychomoteur, ce sont particulièrement les mouvements et le débit de parole qui sont touchés. Tout le corps est ralenti, ce qui se traduit par des symptômes comme la constipation et la dyspepsie. Certains clients manifestent de l’hyperactivité plutôt qu’un ralentissement psychomoteur. L’agitation psychomotrice est apparente lorsque le client semble agité, ne tient pas en place ou se montre irritable.
Changements sociaux Un trouble dépressif caractérisé cause une détresse personnelle ainsi qu’un dysfonctionnement social et professionnel important (Agence de la santé publique du Canada [ASPC], 2006). Les changements émotionnels, cognitifs et comportementaux vécus par le client au cours d’un épisode dépressif caractérisé peuvent être difciles à comJosée Fortin, âgée de 29 ans, vous consulte, car prendre pour les membres tout l’énerve depuis quelques jours. Elle se fâche à de la famille et les amis. propos de choses anodines, elle se dit irritable et Ceux-ci peuvent alors restrès fatiguée. Elle vous mentionne qu’elle se sent sentir diverses émotions ainsi à l’occasion environ une fois par mois. comme la tristesse, la colère, Indiquez trois questions que vous pourriez lui poser la culpabilité et le sentiment an d’approfondir l’évaluation. d’abandon. La détresse
Jugement
clinique
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Partie 3
Troubles mentaux
Le trouble dépressif persistant se distingue du trouble dépressif caractérisé par son caractère dépressif plus léger et chronique plutôt qu’épisodique ENCADRÉ 11.2.
Symptômes émotionnels L’humeur dépressive est le symptôme prédominant du trouble dépressif persistant (dysthymie) (APA, 2015). Le client peut signaler qu’il se sent chroniquement abattu, morose ou triste, la plupart du temps durant plus de deux ans. L’anhédonie caractérise également le trouble dépressif persistant, bien qu’elle n’en soit pas l’un des symptômes principaux (au contraire du trouble dépressif caractérisé). L’irritabilité ou la colère sont d’autres symptômes. Le client peut se sentir coupable de son irritabilité, mais il est incapable de la maîtriser.
Symptômes cognitifs Les symptômes cognitifs du trouble dépressif persistant (dysthymie) sont essentiellement une faible estime de soi, une perte d’espoir et des difcultés de concentration (APA, 2015). Le client manque de conance en lui et en la vie, il rééchit aux événements du passé et se sent coupable de leurs circonstances. S’il se plaint d’une baisse de mémoire ou de concentration et d’une difculté à prendre des décisions, le dysfonctionnement cognitif n’est généralement pas aussi important qu’en cas de trouble dépressif caractérisé.
Symptômes comportementaux Le client atteint du trouble dépressif persistant (dysthymie) se plaint couramment de fatigue ou d’une baisse d’énergie (APA, 2015). Les activités habituelles peuvent l’épuiser, et une perturbation du sommeil est possible. Le client connaît parfois des variations de l’appétit (APA, 2015).
Changements sociaux Le client, étant déprimé, fatigué et irritable, ne tire plus la même satisfaction de ses activités, ce qui augmente son isolement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants (Statistique Canada, 2012). Le TABLEAU 11.3 permet de comparer les symptômes cliniques du trouble dépressif caractérisé et du trouble dépressif persistant (dysthymie).
Trouble disruptif avec dysrégulation émotionnelle Le trouble disruptif avec dysrégulation émotionnelle est un nouveau trouble apparu dans le DSM-5 ; il est
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 11.2
Trouble dépressif persistant (dysthymie)
Ce trouble réunit les troubles dénis dans le DSM-IV comme trouble dépressif majeur chronique et comme trouble dysthymique. A. Humeur dépressive présente quasiment toute la journée, plus d’un jour sur deux, signalée par la personne ou observée par les autres, pendant au moins 2 ans. N.B. : Chez les enfants et les adolescents, l’humeur peut être irritable et la durée doit être d’au moins 1 an. B. Quand le sujet est déprimé, il présente au moins deux des symptômes suivants : 1. Perte d’appétit ou hyperphagie. 2. Insomnie ou hypersomnie. 3. Baisse d’énergie ou fatigue. 4. Faible estime de soi. 5. Difcultés de concentration ou difcultés à prendre des décisions. 6. Sentiments de perte d’espoir. C. Au cours de la période de 2 ans (1 an pour les enfants et adolescents) de perturbation thymique, la personne n’a jamais eu de période de plus de 2 mois consécutifs sans présenter les symptômes des critères A et B. D. Les critères de trouble dépressif caractérisé peuvent être présents d’une manière continue pendant 2 ans. E. Il n’y a jamais eu d’épisode maniaque ou hypomaniaque, et les critères du trouble cyclothymique n’ont jamais été réunis. F. Le trouble n’est pas mieux expliqué par un trouble schizoaffectif persistant, une schizophrénie, un trouble délirant, un autre trouble spécié ou non spécié du spectre de la schizophrénie, ou un autre trouble psychotique. G. Les symptômes ne sont pas imputables aux effets physiologiques directs d’une substance (p. ex. une drogue donnant lieu à abus, un médicament) ou d’une autre affection médicale (p. ex. hypothyroïdie). H. Les symptômes entraînent une détresse cliniquement signicative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants. N.B. : Puisque les critères d’épisode dépressif caractérisé comportent quatre symptômes qui sont absents de la liste des symptômes du trouble dépressif persistant (dysthymie), seul un nombre très limité de sujets aura des symptômes dépressifs persistant plus de 2 ans mais ne répondant pas aux critères de trouble dépressif persistant. Si tous les critères d’épisode dépressif caractérisé sont remplis à certains moments de l’évolution de l’épisode actuel de la maladie, ils doivent conduire à un diagnostic de trouble dépressif caractérisé.
Dans les autres cas, on doit faire un diagnostic d’un autre trouble dépressif spécié ou non spécié. Spécier si : Avec détresse anxieuse Avec caractéristiques mixtes Avec caractéristiques mélancoliques Avec caractéristiques atypiques Avec caractéristiques psychotiques congruentes à l’humeur Avec caractéristiques psychotiques non congruentes à l’humeur Avec début lors du péripartum Spécier si : En rémission partielle En rémission complète Spécier si : Début précoce : Si début du trouble avant l’âge de 21 ans. Début tardif : Si début du trouble à l’âge de 21 ans ou après. Spécier si (pour les 2 années les plus récentes du trouble dépressif persistant) : Avec syndrome dysthymique pur : Les critères d’épisode dépressif caractérisé n’ont pas été entièrement remplis pendant au moins les 2 années précédentes. Avec épisode dépressif caractérisé persistant: Les critères d’épisode dépressif caractérisé ont été entièrement remplis tout au long des 2 années précédentes. Avec épisodes dépressifs caractérisés intermittents, y compris l’épisode actuel: Les critères d’épisode dépressif caractérisé sont actuellement remplis mais il y a eu des périodes d’au moins 8 semaines au cours des 2 dernières années avec des symptômes sous le seuil pour un épisode dépressif caractérisé. Avec épisodes dépressifs caractérisés intermittents, mais pas au cours de l’épisode actuel: Les critères d’épisode dépressif caractérisé ne sont pas actuellement remplis mais il y a eu un ou plusieurs épisodes dépressifs caractérisés au cours des 2 dernières années. Spécier la sévérité actuelle : Léger Moyen Grave
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association, DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
diagnostiqué chez les enfants et les adolescents âgés de 6 ans à 18 ans qui présentent un tempérament caractérisé par des accès de colère, une irritabilité chronique de même qu’une humeur colérique. Les garçons sont plus susceptibles que les lles de présenter ces symptômes. La prévalence dans la communauté est difcile à établir. Néanmoins, selon les données se basant sur l’irritabilité chronique, qui en représente le critère principal, la prévalence chez les enfants et les adolescents serait de 2 à 5 % (APA, 2015).
Trouble dysphorique prémenstruel Ce trouble peut se dénir comme étant la forme grave du syndrome prémenstruel. Pour qu’un diagnostic de trouble dysphorique prémenstruel soit établi, un nombre précis de critères diagnostiques de même que certaines caractéristiques doivent être respectés. Ces critères sont décrits dans le DSM-5 et dans l’ENCADRE 11.3. Plus spéciquement, ce trouble est caractérisé par des symptômes de labilité émotionnelle, d’irritabilité et de colère qui Chapitre 11
Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés
245
11
Symptômes cliniques TABLEAU 11.3
Troubles dépressifs
TROUBLE DÉPRESSIF CARACTÉRISÉ
TROUBLE DÉPRESSIF PERSISTANT
Critères diagnostiques • Au moins cinq des symptômes listés ci-après, dont l’humeur dépressive ou l’anhédonie, doivent être présents pratiquement toute la journée, presque tous les jours, pendant deux semaines ou plus.
En plus de l’humeur dépressive présente pratiquement toute la journée plus de un jour sur deux pendant deux ans ou plus, au moins deux symptômes suivants doivent être présents.
Principaux symptômes émotionnels • Humeur dépressive
Humeur dépressive
• Anhédonie Principaux symptômes cognitifs • Sentiment de dévalorisation ou culpabilité excessive ou inappropriée (voire délirante)
Faible estime de soi
• Diminution de la capacité à penser, à se concentrer ou à prendre des décisions
Difculté à se concentrer, à mémoriser ou à prendre des décisions
• Pensées récurrentes de mort (pas nécessairement toute la journée ni tous les jours)
Sentiments de perte d’espoir
Principaux symptômes comportementaux • Perte ou gain de poids important ou changement important dans l’appétit
Perte d’appétit ou hyperphagie
• Insomnie ou hypersomnie
Insomnie ou hypersomnie
• Fatigue ou perte d’énergie
Baisse d’énergie ou fatigue
• Agitation ou ralentissement psychomoteurs Changements sociaux • Retrait des interactions familiales et sociales
Retrait social
• Problèmes au travail résultant de l’incapacité à s’organiser, à commencer ou à terminer les tâches • Problèmes nanciers Sources : Adapté de APA (2015) ; Statistique Canada (2012).
surviennent au cours de la phase lutéale du cycle menstruel. L’humeur dépressive n’est désormais plus considérée comme le symptôme prioritaire. La capacité de fonctionnement de la personne au quotidien doit être perturbée pour que le professionnel de la santé puisse poser ce diagnostic (APA, 2015). L’estimation de la prévalence du trouble dysphorique prémenstruel, sur 12 mois, est de 1,8 à 5,8 % (APA, 2015).
Deuil et dépression Dans le Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux, 4e édition, texte révisé (DSMIV-TR), un épisode dépressif ne pouvait pas être
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Partie 3
Troubles mentaux
reconnu en cas de symptômes dépressifs qui duraient moins de deux mois suivant la perte d’un être cher. Ce critère d’exclusion avait pour objectif de distinguer les clients présentant une symptomatologie dépressive modérée liée au deuil, de façon à ne pas les traiter prématurément comme des personnes déprimées. Le DSM-5 a supprimé cette exclusion. An de distinguer le deuil du trouble dépressif caractérisé, il importe de considérer que l’affect associé au deuil est plus décrit comme un sentiment de perte ou de vide laissé par la personne décédée, alors que la dépression est plutôt caractérisée par une humeur dépressive et une incapacité à ressentir du plaisir. La dysphorie associée au deuil tend à
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 11.3
Trouble dysphorique prémenstruel
A. Au cours de la majorité des cycles menstruels, au moins cinq des symptômes suivants doivent être présents dans la semaine qui précède les règles, commencer à s’améliorer dans les premiers jours qui suivent le début des règles et devenir minimaux ou absents dans la semaine après les règles. B. Au moins un des symptômes suivants doit être présent : 1. Labilité émotionnelle marquée (p. ex. mouvements d’humeur, brusque sentiment de tristesse, envie de pleurer, hypersensibilité au rejet). 2. Irritabilité marquée ou colère ou augmentation des conits interpersonnels. 3. Humeur dépressive marquée, sentiments de désespoir ou autodépréciation (idées de dévalorisation). 4. Anxiété marquée, tension et/ou sentiments d’être nouée, nerveuse. C. Au moins un des symptômes suivants doit être présent, pour atteindre un total d’au moins cinq symptômes quand les symptômes des critères B et C sont additionnés. 1. Diminution de l’intérêt pour les activités habituelles (p. ex. travail, école, amis, loisirs). 2. Difculté subjective à se concentrer. 3. Léthargie, fatigabilité excessive ou perte d’énergie marquée. 4. Modications marquées de l’appétit, hyperphagie, envie impérieuse de certains aliments. 5. Hypersomnie ou insomnie.
6. Sentiment d’être débordée ou de perdre le contrôle. 7. Symptômes physiques comme tension ou gonement des seins, douleurs articulaires ou musculaires, impression d’« ener », prise de poids. N.B. : Les symptômes des critères A-C doivent avoir été réunis pendant la plupart des cycles menstruels au cours de l’année écoulée. D. Les symptômes sont associés à une détresse cliniquement signicative ou interfèrent avec le travail, l’école, les activités sociales habituelles ou les relations avec les autres (p. ex. évitement des activités sociales, diminution de la productivité ou de l’efcacité au travail, à l’école ou à la maison). E. La perturbation ne correspond pas seulement à l’exacerbation des symptômes d’un autre trouble comme un trouble dépressif caractérisé, un trouble panique, un trouble dépressif persistant (dysthymie) ou un trouble de la personnalité (bien qu’elle puisse se surajouter à chacun de ces troubles). F. Le critère A doit être conrmé par une évaluation prospective quotidienne pendant au moins deux cycles symptomatiques. (N.B. : Le diagnostic peut être porté provisoirement avant d’être conrmé.) G. Les symptômes ne sont pas dus aux effets physiologiques d’une substance (p. ex. une substance donnant lieu à un abus, un médicament ou un autre traitement) ou à une autre affection médicale (p. ex. hyperthyroïdie).
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Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association, DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
diminuer en intensité au l des jours et des semaines avec des périodes plus ou moins intenses de pensées associées à la personne disparue. L’humeur dépressive caractérisée par un épisode dépressif caractérisé est plus soutenue et persiste dans le temps. Dans le deuil, l’estime de soi se trouve généralement préservée, alors que dans un épisode dépressif caractérisé, la dévalorisation et la culpabilisation sont fréquentes. Les idées de mort présente chez les endeuillés ont souvent pour but de rejoindre la personne décédée, alors que dans la dépression, les idées de mort ont pour objectif que la personne mette n à ses jours ou à ses souffrances (APA, 2015).
11.4.2
Troubles bipolaires et troubles apparentés
Cette catégorie de troubles comprend principalement : 1. le trouble bipolaire de type I déni par la survenue d’au moins un épisode de manie ;
2. le trouble bipolaire de type II déni par au moins un épisode dépressif caractérisé et un épisode d’hypomanie ; 3. le trouble cyclothymique déni par des épisodes sur une période de deux ans de symptômes dépressifs ou hypomaniaques toutefois ne jamais satisfaire aux critères d’un épisode d’hypomanie, de manie ou de trouble dépressif caractérisé. Les troubles bipolaires se caractérisent souvent par des périodes thymiques cycliques de manie ou d’hypomanie, et de dépression (APA, 2015) FIGURE 11.2. Le trouble bipolaire peut être à cycles rapides, compter au moins quatre épisodes par année et combiner manie, hypomanie ou dépression (APA, 2015 ; Société pour les troubles de l’humeur du Canada [STHC], 2009). Bien que la présence de manie ou d’hypomanie soit à la base du diagnostic des troubles bipolaires, les clients qui en sont atteints passent Chapitre 11
Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés
247
dépressifs s’ajoutent au tableau clinique (APA, 2015) ENCADRÉ 11.4. Dans le DSM-5, la spécication « avec caractéristiques mixtes » remplace l’épisode mixte préalablement déni dans le DSMIV (APA, 2015).
Spécicités de l’épisode maniaque
FIGURE 11.2 Le trouble bipolaire est souvent caractérisé par des changements cycliques d’humeur.
généralement plus de temps en phase dépressive qu’en phase maniaque ou hypomaniaque (Kjernisted, 2012) FIGURE 11.3. Un client peut être atteint du trouble bipolaire I ou du trouble bipolaire II. La principale caractéristique du trouble bipolaire I est la présence d’au moins un épisode complet maniaque. La principale caractéristique du trouble bipolaire II est un cycle récurrent d’épisodes dépressifs caractérisés qui s’accompagne d’au moins un épisode hypomaniaque. Le client recevant un diagnostic de trouble bipolaire II n’a jamais vécu un épisode maniaque complet (APA, 2015).
Trouble bipolaire I CE QU’IL FAUT RETENIR
La principale caractéristique du trouble bipolaire I est la présence d’au moins un épisode maniaque. Dans le cas du trouble bipolaire II, des épisodes dépressifs caractérisés et hypomaniaques sont observés, mais jamais d’épisode maniaque.
Le trouble bipolaire I est caractérisé par la présence d’au moins un épisode complet maniaque (APA, 2015). Des épisodes dépressifs ou hypomaniaques peuvent s’être produits dans le passé, et des symptômes psychotiques (délires, hallucinations) font parfois partie du tableau clinique.
Épisode maniaque L’épisode maniaque est déni par une humeur anormalement élevée, expansive ou irritable de façon persistante avec augmentation de l’énergie ou de l’activité presque tous les jours, pendant au moins une semaine. L’épisode maniaque (ou hypomaniaque) peut également présenter des caractéristiques mixtes. Dans ce cas, des symptômes
FIGURE 11.3 Quel que soit le trouble bipolaire, le temps passé en épisode dépressif ou en période asymptomatique (euthymique) est toujours le plus long.
248
Partie 3
Troubles mentaux
Symptômes émotionnels Le client semble euphorique, avec des périodes ponctuées par l’irritabilité et la colère. Certains clients signalent une euphorie minime, mais décrivent une irritabilité constante. La labilité émotionnelle, notamment les uctuations entre l’euphorie et la colère, est courante.
Symptômes cognitifs Une augmentation exagérée de l’estime de soi et le délire de grandeur sont des symptômes courants de la manie (APA, 2015). Le client indique qu’il est capable de faire des choses mieux que les autres. Au fur et à mesure que la manie s’intensie, le client se décrit dans des termes glorieux et peut s’imaginer qu’il est capable d’exploits et d’accomplissements extraordinaires. Les idées de grandeur peuvent être évidentes durant les épisodes de manie graves, lorsque le client pense qu’il possède des dons extraordinaires, qu’il est célèbre ou qu’il connaît personnellement une personne de renom. Le client atteint de manie a une faible autocritique, et son jugement est altéré. La manie se caractérise également par des pensées qui délent et par la fuite des idées. Cette dernière se traduit par un enchaînement rapide d’idées peu élaborées ayant un certain rapport entre elles et par un changement rapide de sujets. Le relâchement des associations s’exprime par le fait que les idées partent parfois dans tous les sens, sans qu’il y ait de rapport entre elles. Lorsque le relâchement des associations est marqué, le discours peut devenir incohérent.
Symptômes perceptuels Un des symptômes perceptuels de la manie est la distractibilité, c’està-dire un état où l’attention est facilement et fréquemment attirée par des stimulus non pertinents (APA, 2015). Le client semble incapable de ltrer les stimulus périphériques (p. ex., les bruits, les autres voix et les attractions visuelles) qui ne sont pas nécessaires ou pertinents pour accomplir la tâche en cours. La distractibilité gêne l’attention, la concentration et la mémoire. Les perturbations perceptuelles peuvent également se manifester sous forme d’hallucinations. Les hallucinations maniaques peuvent survenir sous n’importe quel mode sensoriel, mais elles sont généralement auditives, avec des thèmes qui appartiennent au délire de grandeur, au pouvoir et, occasionnellement, à la paranoïa. Environ la moitié des épisodes maniaques sont caractérisés
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 11.4
Épisode maniaque et épisode maniaque (ou hypomaniaque) avec caractéristiques mixtes
ÉPISODE MANIAQUE
A. Une période nettement délimitée durant laquelle l’humeur est élevée, expansive ou irritable de façon anormale et persistante, avec une augmentation anormale et persistante de l’activité orientée vers un but ou de l’énergie, persistant la plupart du temps, presque tous les jours, pendant au moins une semaine (ou toute autre durée si une hospitalisation est nécessaire). B. Au cours de cette période de perturbation de l’humeur et d’augmentation de l’énergie ou de l’activité, au moins 3 des symptômes suivants (4 si l’humeur est seulement irritable) sont présents avec une intensité signicative et représentent un changement notable par rapport au comportement habituel : 1. Augmentation de l’estime de soi ou idées de grandeur. 2. Réduction du besoin de sommeil (p. ex. le sujet se sent reposé après seulement 3 heures de sommeil). 3. Plus grande communicabilité que d’habitude ou désir constant de parler. 4. Fuite des idées ou sensations subjectives que les pensées délent. 5. Distractibilité (c.-à-d. que l’attention est trop facilement attirée par des stimuli extérieurs sans importance ou non pertinents) rapportée ou observée. 6. Augmentation de l’activité orientée vers un but (social, professionnel, scolaire ou sexuel) ou agitation psychomotrice (c.-à-d. activité sans objectif, non orientée vers un but). 7. Engagement excessif dans des activités à potentiel élevé de conséquences dommageables (p. ex. la personne se lance sans retenue dans des achats inconsidérés, des conduites sexuelles inconséquentes ou des investissements commerciaux déraisonnables). C. La perturbation de l’humeur est sufsamment grave pour entraîner une altération marquée du fonctionnement professionnel ou des activités sociales, ou pour nécessiter une hospitalisation an de prévenir des conséquences dommageables pour le sujet ou pour autrui, ou bien il existe des caractéristiques psychotiques. D. L’épisode n’est pas imputable aux effets physiologiques d’une substance (p. ex. substance donnant lieu à abus, médicament ou autre traitement) ou à une autre affection médicale. N.B. : Un épisode maniaque complet qui apparaît au cours d’un traitement antidépresseur (p. ex. médicament, sismothérapie) mais qui persiste et remplit
les critères complets d’un épisode au-delà du simple effet physiologique de ce traitement doit être considéré comme un épisode maniaque et conduire, par conséquent, à un diagnostic de trouble bipolaire 1. N.B. : Les critères A à D dénissent un épisode maniaque. Au moins un épisode maniaque au cours de la vie est nécessaire pour un diagnostic de trouble bipolaire 1. ÉPISODE MANIAQUE OU HYPOMANIAQUE, AVEC CARACTÉRISTIQUES MIXTES
A. Les critères complets sont réunis pour un épisode maniaque ou hypomaniaque et au moins trois des symptômes suivants sont présents pendant la plupart des jours au cours de l’épisode maniaque ou hypomaniaque actuel ou le plus récent: 1. Dysphorie ou humeur dépressive au premier plan, signalée par la personne (p. ex. se sent triste ou vide) ou observée par les autres (p. ex. pleure). 2. Diminution de l’intérêt ou du plaisir pour toutes ou presque toutes les activités (signalée par la personne ou observée par les autres). 3. Ralentissement psychomoteur presque tous les jours (constaté par les autres, non limité à un sentiment subjectif de ralentissement intérieur). 4. Fatigue ou perte d’énergie. 5. Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée (pas seulement se reprocher ou se sentir coupable d’être malade). 6. Pensées de mort récurrentes (pas seulement une peur de mourir), idées suicidaires récurrentes sans plan précis, tentative de suicide ou plan précis pour se suicider. B. Les symptômes mixtes sont manifestes pour les autres et représentent un changement par rapport au comportement habituel de la personne. C. Pour les personnes dont les symptômes répondent simultanément aux critères d’un épisode maniaque et dépressif, le diagnostic est celui d’épisode maniaque avec caractéristiques mixtes, compte tenu de l’impact sur le fonctionnement et de la sévérité clinique d’un épisode maniaque. D. Les symptômes mixtes ne sont pas imputables aux effets physiologiques d’une substance (p. ex. substance donnant lieu à abus, médicament ou autre traitement).
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association, DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
par la présence d’éléments psychotiques (Yathman, Kennedy, O’Donovan et al., 2005).
Symptômes comportementaux L’augmentation de l’activité psychomotrice est un symptôme notable de la manie (APA, 2015). Au fur et à mesure que la manie progresse, le client devient plus loquace, le débit de son discours s’accélère et peut être difcile à suivre ou à interrompre (logorrhée ou pression de la parole). Le besoin de sommeil diminue également, et le client ne se sent pas fatigué (APA, 2015).
L’apparence de certains clients peut devenir négligée, leurs vêtements sont dépareillés, leur maquillage est excessif. Le client peut changer soudainement d’apparence et porter des vêtements inhabituels, colorés, alors qu’il préfère généralement les couleurs sombres. La personne commence à participer à plus d’activités, en se chargeant de tâches additionnelles et en entreprenant de nouveaux projets. La productivité peut sembler augmenter étant donné que le client effectue des tâches Chapitre 11
Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés
249
11
clinique
Pendant un épisode hypomaniaque, le client peut sembler extrêmement heureux et sympathique, à l’aise dans les conversations sociales et plein d’humour. Bien que les moments d’exaltation de l’humeur semblent être désirables, ils représentent des états affectifs dysfonctionnels pendant lesquels le client ne maîtrise pas complètement les états émotionnels et les comportements qui les accompagnent.
Changements sociaux Au début, la manie semble promouvoir la sociabilité, et le client devient plus sociable et actif. Très vite, cependant, avec l’intuition et le jugement qui font défaut, ce même client devient dérangeant. Il interrompt les conversations et les activités des autres, passe de l’euphorie à la colère et perturbe les interactions sociales. Le client atteint de manie a de la difculté à respecter les limites à la fois physiques et émotionnelles ; il empiète sur l’espace physique des autres et se mêle des problèmes personnels de ceux-ci. D’abord drôle et plein d’esprit, il peut devenir colérique et isolé au fur et à mesure que l’humeur s’intensie.
Le trouble cyclothymique est un trouble bipolaire chronique qui dure au moins deux ans (un an pour les enfants et les adolescents), au cours desquels des symptômes hypomaniaques et dépressifs sont présents sans que soient réunis les critères complets d’un épisode hypomaniaque, maniaque ou dépressif caractérisé. Sur une période d’au moins deux années, il ne s’écoule pas deux mois sans que les symptômes se manifestent (APA, 2015). Cependant, ces symptômes sont moins graves ou intenses que ceux qui apparaissent dans les épisodes de dépression caractérisée ou de manie.
Jugement
supplémentaires, mais au fur et à mesure que la manie Osvaldo Perez est âgé de 28 ans. Il dit être le s’intensie, la productivité meilleur cycliste de la ville et, pour le prouver, il a réelle diminue, car le client parcouru 100 km de vélo en pleine nuit. C’est avec devient plus distrait, désorun large sourire adressé à sa petite amie qu’il ganisé et agité. Il fait les cent ajoute : « Je l’avais dit que j’étais le meilleur. Je ne pas, il remue et reste raresuis même pas fatigué et je n’ai pas sommeil. » Il ment immobile. Il devient repart aussitôt pour acheter deux paires suppléde plus en plus difficile mentaires de souliers de course alors qu’il en avait pour lui de manger ou de déjà acheté une la veille. Nommez au moins deux boire en raison de ses activisymptômes d’un épisode maniaque que présente tés et mouvements excessifs. monsieur Perez. Étant donné que son intuition et son jugement diminuent, le client entreprend des activités qu’il perçoit comme plaisantes, mais qui comportent éactivation un risque important de danger ou de consédes connaissances quences négatives. Il signale possiblement des Que devez-vous observer au liaisons extraconjugales, des dépenses extravaplan de l’activité motrice gantes, des problèmes de jeu, des épisodes de pendant l’évaluation de l’état rage au volant et des transactions d’affaires mental d’une personne ? imprudentes (Statistique Canada, 2012).
Trouble bipolaire II Le diagnostic de trouble bipolaire II est posé en présence de un ou de plusieurs épisodes dépressifs caractérisés et d’au moins un épisode hypomaniaque. Le client recevant un diagnostic de trouble bipolaire II n’a jamais vécu un épisode maniaque (APA, 2015). Il peut s’avérer difcile de poser ce diagnostic chez les personnes habituellement très énergiques et performantes ou si les effets sur la vie sociale ou professionnelle sont limités (STHC, 2009). Les épisodes maniaques et hypomaniaques révèlent les mêmes symptômes et se distinguent principalement par leur gravité et leur durée. Toutefois, les épisodes hypomaniaques ne sont pas sufsamment graves pour causer un dysfonctionnement social et professionnel notable ni pour exiger une hospitalisation (APA, 2015) ENCADRÉ 11.5.
250
Partie 3
Troubles mentaux
Le client peut signaler qu’il aime l’expérience de l’hypomanie. Il se sent alors plus productif et créatif et constate un niveau de fonctionnement élevé. Bien que ce soit vrai dans certains cas, il s’agit d’une période dangereuse, parce que l’hypomanie peut se transformer en manie. Lorsque le jugement diminue, le client ne parvient pas toujours à reconnaître les conséquences de ses actes. Parfois, il peut cesser de prendre ses médicaments pour vivre des épisodes hypomaniaques (Corruble & Hardy, 2003).
Trouble cyclothymique
11.4.3
Autres spécications diagnostiques
Les symptômes d’un épisode dépressif caractérisé, maniaque ou hypomaniaque, qu’il fasse partie d’un trouble dépressif ou d’un trouble bipolaire, peuvent présenter des caractéristiques mélancoliques, atypiques ou saisonnières (APA, 2015). Le début de l’épisode dépressif, maniaque ou hypomaniaque en période péripartum est une autre caractéristique possible des troubles dépressifs, bipolaires et apparentés (APA, 2015).
Caractéristiques mélancoliques Les caractéristiques mélancoliques sont les suivantes (APA, 2015) : • anhédonie et manque de réactivité aux stimulus habituellement agréables ;
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 11.5
Épisode hypomaniaque
A. Une période nettement délimitée durant laquelle l’humeur est élevée, expansive ou irritable de façon anormale et persistante, avec une augmentation anormale et persistante de l’activité ou du niveau d’énergie, persistant la plupart du temps, presque tous les jours, pendant au moins 4 jours consécutifs. B. Au cours de cette période de perturbation de l’humeur et d’augmentation de l’énergie ou de l’activité, au moins 3 des symptômes suivants (4 si l’humeur est seulement irritable) sont présents avec une intensité signicative et représentent un changement notable par rapport au comportement habituel : 1. Augmentation de l’estime de soi ou idées de grandeur. 2. Réduction du besoin de sommeil (p. ex. le sujet se sent reposé après seulement 3 heures de sommeil). 3. Plus grande communicabilité que d’habitude ou désir constant de parler. 4. Fuite des idées ou sensations subjectives que les pensées délent. 5. Distractibilité (p. ex. l’attention est trop facilement attirée par des stimuli extérieurs sans importance ou non pertinents) rapportée ou observée. 6. Augmentation de l’activité orientée vers un but (social, professionnel, scolaire ou sexuel) ou agitation psychomotrice. 7. Engagement excessif dans des activités à potentiel élevé de conséquences dommageables (p. ex. la personne se lance sans retenue dans des achats inconsidérés, des conduites sexuelles inconséquentes ou des investissements commerciaux déraisonnables).
C. L’épisode s’accompagne de modications indiscutables du fonctionnement, qui diffère de celui du sujet hors période symptomatique. D. La perturbation de l’humeur et la modication du fonctionnement sont manifestes pour les autres. E. La sévérité de l’épisode n’est pas sufsante pour entraîner une altération marquée du fonctionnement professionnel ou social, ou pour nécessiter une hospitalisation. S’il existe des caractéristiques psychotiques, l’épisode est, par dénition, maniaque. F. L’épisode n’est pas imputable aux effets physiologiques d’une substance (p. ex. substance donnant lieu à abus, médicament ou autre traitement). N.B. : Un épisode hypomaniaque complet qui apparaît au cours d’un traitement antidépresseur (p. ex. médicament, sismothérapie) mais qui persiste et remplit les critères complets d’un épisode au delà du simple effet physiologique de ce traitement doit être diagnostiqué comme un épisode hypomaniaque. Toutefois, la prudence s’impose car un ou deux symptômes (en particulier une augmentation de l’irritabilité, de la nervosité ou de l’agitation après la prise d’un antidépresseur) ne sont pas sufsants pour un diagnostic d’épisode hypomaniaque, et ne sont pas obligatoirement indicatifs d’une diathèse bipolaire. N.B. : Les critères A à F dénissent un épisode hypomaniaque. Les épisodes hypomaniaques sont fréquents dans le trouble bipolaire 1 mais ne sont pas nécessaires pour poser ce diagnostic.
11
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association, DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
• humeur dépressive perçue comme différente du sentiment ressenti après la mort d’un être cher ; • humeur dépressive plus intense le matin ; • réveil matinal précoce au moins deux heures avant l’heure habituelle ; • ralentissement psychomoteur ou agitation importante ; • perte de poids ou manque d’appétit notable ; • sentiment de culpabilité excessif.
Caractéristiques atypiques Les caractéristiques atypiques incluent une réactivité de l’humeur, c’est-à-dire que les événements positifs réels ou potentiels l’améliorent (APA, 2015). Un gain de poids ou une augmentation de l’appétit importante, une hypersomnolence, une forte impression de lourdeur dans les bras et les jambes, ainsi qu’une sensibilité présente de longue date au rejet interpersonnel sont d’autres symptômes possibles (APA, 2015). La dépression atypique peut être associée plus souvent à des
Chapitre 11
Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés
251
tentatives de suicide que les autres types de dépression (Sanchez-Gistau, Colom, Mané et al., 2009).
inhabituel dans lequel leur dépression se produit en été FIGURE 11.4.
Caractère saisonnier
Les caractéristiques atypiques peuvent également être associées au trouble dépressif, bipolaire ou apparenté saisonnier.
Il y a caractère saisonnier lorsque le début et la rémission d’un épisode dépressif caractérisé, maniaque ou hypomaniaque reviennent régulièrement à la même époque chaque année (APA, 2015). Ce cycle doit être présent pendant deux années consécutives et la présence d’une relation temporelle saisonnière est conrmée. Au cours de la vie entière de la personne, les épisodes saisonniers des troubles dépressifs, bipolaires et apparentés sont nettement plus nombreux que les épisodes non saisonniers. Sandrine Allard, âgée de 32 ans, a accouché de son Les clients ayant un premier enfant il y a 3 jours. Vous la rencontrez à trouble dépressif, bipolaire ou domicile pour le suivi postpartum. Au cours de apparenté saisonnier sont l’entrevue, elle vous cone qu’elle a de la difculté à habituellement atteints d’une dormir et qu’elle est impatiente depuis son retour à dépression à partir d’octobre la maison. Quels autres symptômes devriezvous ou de novembre, et leurs évaluer an de vous assurer qu’elle n’est pas atteinte symptômes diminuent en d’un trouble dépressif, bipolaire ou apparenté avec mars ou en avril, bien que cerdébut lors du péripartum ? Nommezen au moins trois. tains manifestent un modèle
Jugement
clinique
Début lors du péripartum Certaines femmes peuvent vivre un trouble dépressif, bipolaire ou apparenté pendant la grossesse ou à la suite de la naissance d’un enfant FIGURE 11.5. Il s’agit de la complication la plus courante liée à cet événement (Beck, 2008). Il apparaît généralement au plus tard quatre semaines suivant la naissance et se caractérise par les symptômes de dépression ou de manie décrits plus tôt dans ce chapitre (APA, 2015). Les nouvelles mères atteintes de la forme grave de ce trouble deviennent psychotiques, entendent des voix et peuvent sombrer dans le délire. Certaines nouvelles mères éprouvent alors énormément de difculté à s’occuper de leur enfant. De nombreuses femmes décrivent des modications de l’humeur après l’accouchement qui sont moins graves et qui disparaissent en quelques semaines.
SCHÉMA DES QUATRE DIMENSIONS Trouble bipolaire II avec caractère saisonnier DIMENSION PHYSIQUE • Durant les épisodes dépressifs : diminution de l’appétit, fatigue et hypersomnolence
• Durant les épisodes hypomaniaques : hyposomnie et activité intense
DIMENSION PSYCHOLOGIQUE • Alternance d’épisodes de dépression et d’hypomanie • Estime de soi changeante (selon les épisodes)
• Pensées de mort occasionnelles
Matthieu Bergeron, âgé de 34 ans, est travailleur autonome. Il est affecté par les saisons. L’hiver, il passe la plupart du temps chez lui et il manque d’énergie. Souvent, il arrête de travailler. L’été, au contraire, il déborde de vitalité, sort tous les soirs et vit dans l’euphorie.
Dépressif, monsieur Bergeron a déjà pensé à se suicider. Il n’est jamais passé à l’acte.
DIMENSION SOCIALE
DIMENSION SPIRITUELLE
• Durant les épisodes dépressifs : retrait social
• Durant les épisodes hypomaniaques : capacité de travail accrue, intense activité sexuelle
Monsieur Bergeron n’arrive pas à s’investir dans une rela tion quand il est triste. L’été, par contre, il s’engage dans d’innombrables projets et accumule les relations.
FIGURE 11.4
252
Partie 3
Troubles mentaux
• Désespoir durant les épisodes dépressifs
• Idées de grandeur durant les épisodes hypomaniaques
Depuis quelques mois, monsieur Bergeron est régulièrement suivi par un psychiatre. Il prend conscience de son trouble et concentre son énergie à le gérer. Il prend scrupuleusement ses médicaments et il surveille son hygiène de vie.
TABLEAU 11.4
Affections médicales, substances et médicaments fréquemment associés aux troubles dépressifs ou bipolaires
AFFECTIONS MÉDICALES
SUBSTANCES
• Maladie d’Alzheimer
• Alcool ou autres substances entraînant une dépendance
• Arthrite
• Antiarythmiques (p. ex., la digoxine)
• Accident vasculaire cérébral FIGURE 11.5 Une femme peut ressentir un changement important de son humeur jusqu’à quatre semaines après l’accouchement.
• Anémie pernicieuse
• Antibiotiques sulfamides
• Cardiopathies
• Bêtabloquants (p. ex., le propranolol)
• Diabète • Hépatite
11.4.4 Troubles dépressifs ou bipolaires
induits par une autre affection médicale ou la consommation d’une substance ou d’un médicament
Le DSM-5 présente également les critères diagnostiques des troubles dépressifs ou bipolaires induits par une affection médicale générale ou la consommation d’une substance ou d’un médicament (APA, 2015). L’humeur déprimée ou exaltée et les symptômes qui l’accompagnent découlent alors d’une affection médicale générale ou de la consommation d’une substance (p. ex., l’alcool, la drogue) ou d’un médicament. Le TABLEAU 11.4 présente les affections médicales générales et les substances communément associés à l’apparition des troubles dépressifs ou bipolaires.
11.5
Pronostic
Lorsque le traitement est adéquat, le pronostic de rétablissement des personnes atteintes de troubles dépressifs, bipolaires et apparentés est bon (Langlois, Samskhvalov, Rehm et al., 2012). La non-demande d’aide, le manque d’information sur le trouble, l’absence de diagnostic et de traitement adéquats, la non-adhésion au traitement ou la résistance des symptômes aux traitements classiques peuvent perturber le fonctionnement quotidien de ces personnes pendant de longues périodes.
11.5.1
Troubles dépressifs
Environ 50 % des personnes expérimentent des symptômes de dépression caractérisée avant même que le trouble ne soit diagnostiqué (Sadock, Sadock & Ruiz, 2014). Ainsi, la reconnaissance précoce et le traitement de ces symptômes sont importants afin de prévenir
• Contraceptifs oraux
• Hypothyroïdie/hyperthyroïdie • Maladie de Cushing
• Diurétiques thiazidiques (p. ex., l’hydrochlorothiazide)
• Maladie de Parkinson
• Marijuana
• Maladie pulmonaire obstructive chronique
• Stéroïdes anabolisants
• Mononucléose
11
• Pancréatite • Sclérose en plaques • Virus de l’immunodécience humaine
l’apparition d’un épisode dépressif caractérisé complet. Dans 40 % des cas, le premier épisode dépressif caractérisé survient avant l’âge de 40 ans (Sadock et al., 2014). Un épisode dépressif caractérisé non traité peut s’étendre sur une période de 6 à 13 mois comparativement à 3 mois chez une personne recevant un traitement adéquat (Sadock et al., 2014). Parmi les clients ayant connu un épisode de dépression caractérisé, 50 % vivront un épisode subséquent (ASPC, 2006). De plus, les épisodes récurrents ont tendance à être de plus en plus intenses avec des intervalles plus courts. Ces épisodes comportent des conséquences négatives à long terme et entravent la productivité, le fonctionnement social et professionnel ainsi que la santé physique (Greden, 2001). Chaque épisode prépare le cerveau à d’autres changements né gatifs (Yiend, Paykel, Merritt et al., 2009). L’éducation, la surveillance tout au long de la vie, l’adhésion au traitement et la continuité de celui-ci peuvent favoriser la santé et réduire le risque de récidive. Les clients doivent être informés de la nature récurrente de leur trouble et de l’importance de reconnaître les symptômes et de chercher de l’aide dès qu’ils se manifestent, comme expliqué dans la sixième section de ce chapitre.
Chapitre 11
CONSEIL CLINIQUE
Lorsque l’inrmière détecte des changements de l’humeur chez le client, elle effectue une révision de la pharmacothérapie de ce dernier et vérie s’il prend des médicaments qui pour raient avoir un impact sur l’humeur.
Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés
253
Le trouble dépressif persistant (dysthymie) continue souvent pendant des années avant que les personnes ne demandent de l’aide pour soulager leurs symptômes. De nombreuses personnes ne sont pas conscientes du fait que la dépression chronique légère qui réduit leur énergie est, en fait, une forme de trouble dépressif et qu’elle peut être traitée. Malheureusement, plus de 75 % des personnes atteintes du trouble dépressif persistant (dysthymie) nissent par souffrir d’un trouble dépressif caractérisé (Klein, Shankman & Rose, 2006 ; Sansone & Correll, 2005).
11.5.2
Troubles bipolaires
Jugement
clinique Goldie Dvorkin, âgée de 44 ans, est hospitalisée pour tentative de suicide. Elle est atteinte de sclérose en plaques traitée par des injections S.C. d’interféron bêta-1a (RebifMD). Elle prend également de la lévothyroxine (SynthroidMD) pour traiter son hypothyroïdie. Nommez deux éléments qui auraient pu avoir un effet sur son humeur et précipiter la tentative suicidaire.
Les troubles bipolaires présentent un fort taux de récidive et de rechute. Plus de 90 % des clients ayant eu un épisode maniaque vivront un épisode subséquent (Langlois et al., 2012). Environ 7 % des personnes aux prises avec un trouble bipolaire de type I n’ont pas de récidive des symptômes,
45 % revivront 1 épisode et plus, et 40 % seront atteintes d’un trouble chronique (Sadock et al., 2014). Les facteurs qui contribuent à la rechute sont, entre autres, l’abus de substances, la nonadhésion au traitement et les changements de routine du sommeil (Société canadienne de psychologie, 2009). Une surveillance et un traitement adéquats permettent de maîtriser les nombreuses récidives. Des données probantes indiquent qu’il existe des différences entre l’épisode dépressif du trouble bipolaire et celui du trouble dépressif caractérisé. Il s’agit des antécédents familiaux de trouble bipolaire, de l’apparition de ce trouble à un jeune âge, du nombre accru d’épisodes dépressifs en cas de trouble bipolaire et de symptômes individuels qui peuvent varier. L’épisode dépressif du trouble bipolaire peut s’avérer difcile à traiter. Il se manifeste par de l’hypersomnolence, de l’hyperphagie et un gain de poids (Kjernisted, 2012). Il est par ailleurs plus compliqué de traiter les personnes atteintes de troubles bipolaires à cycles rapides avec caractéristiques mixtes. Des données suggèrent qu’il est alors plus ardu et plus long d’atteindre le rétablissement (Yathman et al., 2005).
11.6 Démarche de soins 11.6.1
Collecte des données – Évaluation initiale
La plupart des clients atteints de troubles dépressifs, bipolaires et apparentés ne sont pas hospitalisés et reçoivent des traitements en consultation externe. Ils sont éventuellement soignés pour un problème médical comme un épisode cardiaque aigu, un cancer ou un accident vasculaire cérébral, tout en ayant un trouble dépressif, bipolaire ou apparenté sous-jacent qui augmente le risque de morbidité et de mortalité (Ramasubbu, Taylor, Samaan et al., 2012).
Vidéo : Trouble dépressif caractérisé en première ligne.
254
Partie 3
Les clients dépressifs consultent principalement leur omnipraticien (Patten & Juby, 2008). Ils se présentent tout d’abord avec des symptômes de fatigue, d’insomnie ou de changement notable de poids. Nombre d’entre eux ne réalisent pas qu’ils sont atteints d’un trouble dépressif, bipolaire ou apparenté. Cela rend difciles le diagnostic et, par le fait même, le traitement (Solberg, Trangle & Wineman, 2005). Les clients atteints de manie peuvent se sentir si bien qu’ils ne consultent pas spontanément un médecin. C’est souvent un
Troubles mentaux
membre de la famille ou un proche qui les encourage à consulter un professionnel (Centre de toxicomanie et de santé mentale, 2012).
Reconnaître un dérèglement de l’humeur Un client atteint d’un trouble dépressif, bipolaire ou apparenté exprime généralement des plaintes vagues concernant son état physique. Il peut arriver qu’un diagnostic inadéquat soit posé, et des interventions inappropriées pourraient avoir lieu. L’inrmière reste vigilante et attentive aux symptômes de dépression et de manie. Son rôle est d’évaluer la condition de santé physique et mentale du client, de documenter tous les symptômes présentés et d’intervenir adéquatement.
Évaluation de la condition mentale Il est important que l’inrmière sache reconnaître les manifestations d’un dérèglement de l’humeur. Le TABLEAU 11.5 liste plusieurs questions visant à évaluer la condition mentale et les manifestations émotionnelles, cognitives, perceptuelles, comportementales et sociales d’une éventuelle perturbation de l’humeur .
Collecte des données TABLEAU 11.5
Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés
QUESTIONS
OBJECTIF
Comment décririez-vous votre humeur ?
Évaluer le degré de connaissance du client par rapport à son état.
Avez-vous remarqué un changement dans votre comportement au cours des derniers mois ?
Déterminer à quel point le client est conscient de ses changements comportementaux.
Des personnes vous ont-elles dit avoir remarqué des changements de comportement chez vous comme l’irritabilité ou l’hyperactivité ? Êtes-vous en accord avec ces observations ?
Déterminer à quel point le client est sensible aux observations des autres par rapport à ses changements comportementaux. En cas de trouble dépressif ou apparenté, il est fréquent que les clients aient une perturbation sur le plan de l’autocritique, et la seconde question permet d’évaluer cet élément.
Quelles activités avez-vous trouvées agréables au cours du dernier mois ? Les avez-vous appréciées autant qu’avant ? Pouvez-vous imaginer un événement ou une situation qui vous procurerait du plaisir ? Avez-vous pris plaisir à manger ou à pratiquer vos loisirs au cours du dernier mois ?
Déterminer la qualité de vie actuelle du client.
Quand avez-vous commencé à vous sentir déprimé (ou exalté) ? D’autres personnes vous ont-elles dit que votre humeur semblait plus déprimée (ou plus élevée) que d’habitude ? Vous êtes-vous déjà senti comme cela avant ? Quand ? Comment était-ce ?
Repérer les modèles comportementaux du client.
Dormez-vous bien ? Êtes-vous capable de vous endormir le soir ? Êtes-vous capable de rester endormi toute la nuit ? Vous arrive-t-il de vous réveiller tôt et d’être incapable de vous rendormir ? Dormez-vous plus que d’habitude au cours d’une période de 24 heures ? Combien d’heures ? Dormez-vous moins que d’habitude ? Combien d’heures ?
Déterminer les habitudes de sommeil du client.
Avez-vous eu de l’appétit au cours du dernier mois ? Combien de poids avez-vous pris ou perdu au cours du dernier mois ?
Déterminer l’état nutritionnel et métabolique du client.
Quel est votre niveau d’énergie ? Vous sentez-vous fatigué tous les jours ? Vous arrive-t-il de sentir que vos membres sont lourds ? Avez-vous plus d’énergie que d’habitude ?
Évaluer l’état de fatigue du client.
Parvenez-vous à vous concentrer sur une conversation ou sur une tâche (p. ex., sufsamment longtemps pour lire le journal) ? Êtes-vous capable de vous concentrer sur des projets ou des activités assez longtemps pour les terminer ? Qu’en est-il de votre prise de décision ? Avez-vous eu des pensées qui délaient ?
Évaluer les habiletés cognitives du client.
Comment vous êtes-vous senti dernièrement ? Vous sentez-vous plus coupable (ou plus er) que d’habitude à propos de choses que vous avez faites ?
Déterminer le degré de conance et d’estime de soi du client.
Vous êtes-vous senti particulièrement au ralenti (ou vif) dernièrement ? Les autres vous ont-ils dit que vous sembliez bouger ou parler plus lentement (ou rapidement) que d’habitude ?
Déterminer la présence d’un changement psychomoteur chez le client.
Vous êtes-vous senti particulièrement « surexcité » au point de l’avoir remarqué ou au point que quelqu’un vous l’a fait remarquer ?
Déterminer la présence de manie ou d’hypomanie chez le client.
Avez-vous déjà pensé à la mort ou au suicide ? Avez-vous envisagé de vous faire du mal ? Combien de fois ? À quoi avez-vous précisément pensé pour vous faire du mal ? Qu’est-ce qui vous a empêché de passer à l’action jusqu’à maintenant ?
Déterminer la présence d’intentions suicidaires chez le client.
Avez-vous pensé à faire du mal à une personne ou à tuer quelqu’un ? Combien de fois ? À quoi avez-vous précisément pensé pour faire du mal à autrui ?
Déterminer la présence d’intentions hétéroagressives chez le client.
Qu’avez-vous fait dernièrement pour gérer vos émotions et vos sentiments ? Cela vous a-t-il aidé ?
Évaluer l’efcacité des mécanismes et des stratégies d’adaptation du client.
À quel point votre humeur a-t-elle perturbé votre travail ? Votre famille ? Votre vie sociale ? Vos relations interpersonnelles ?
Évaluer l’omniprésence de l’humeur actuelle du client.
Avez-vous été traité par un professionnel de la santé mentale par le passé ? Quel type de traitement avez-vous reçu ? Cela vous a-t-il aidé ?
Déterminer l’existence et l’efcacité d’un traitement antérieur.
11
Chapitre 11
Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés
255
Jugement
clinique Jimmy Baldwin est un étudiant en linguistique âgé de 22 ans. Il a commencé à écrire un roman de science-ction, sujet pour lequel il a toujours montré beaucoup d’intérêt. Il est suivi pour un trouble bipolaire présentement maîtrisé par la médication. Monsieur Baldwin rencontre l’inrmière de la clinique externe de santé mentale une fois par semaine depuis sa sortie du centre hospitalier il y a deux mois. Au cours d’un échange, l’inrmière lui demande si l’écriture de son roman progresse et s’il est capable d’écrire pendant de longues heures. Pourquoi cette question est-elle pertinente ?
ALERTE CLINIQUE
Sans évaluation ni intervention appropriées, le client atteint de manie peut courir un risque de déshydratation, de malnutrition ou d’hypertension.
Évaluation de la condition physique Les symptômes physiques des divers troubles dépressifs, bipolaires et apparentés sont décrits dans la quatrième section de ce chapitre. L’inrmière peut s’y reporter an d’adapter les questions à poser au client. Celui-ci peut également décrire de vagues symptômes comme des céphalées, des dorsalgies, des douleurs gastrointestinales ou des nausées.
En cas de manie, le comportement hyperactif et l’incapacité à se concentrer sur des tâches empêchent souvent le client de se nourrir adéquatement, ce qui peut mener à la déshydratation et à une alimentation déciente. À mesure que les symptômes du client en phase maniaque se détériorent, son activité métabolique augmente, et les valeurs de ses signes vitaux peuvent s’élever.
Déterminer le degré d’urgence L’inrmière peut demander au client d’évaluer son propre niveau de dépression ou de manie en l’invitant à utiliser une échelle de 10 points. Elle peut lui poser la question suivante : Si 0 correspond à un état de bien-être et 10 à la pire dépression jamais ressentie, quelle note attribuez-vous à votre humeur actuelle ? Cela lui permet d’effectuer des comparaisons quotidiennes de l’humeur en utilisant les données empiriques propres au client. L’inrmière qui a reçu la formation adéquate peut recourir à l’inventaire de dépression de Beck (Beck, Ward, Mendelson et al., 1961), à l’échelle de dépression de Rush (Rush, Trivedi, Ibrahim et al., 2003) ou à l’échelle de manie de Young (Young, Biggs, Ziegler et al., 1978) TABLEAU 11.6. Ces échelles permettent d’évaluer l’exacerbation ou l’amélioration des symptômes de dépression ou de manie et de déterminer le degré d’urgence. Les clients atteints de troubles dépressifs, bipolaires ou apparentés vivent une souffrance émotionnelle et psychologique qui peut être associée à des risques plus élevés de suicide en cas d’épisode dépressif caractérisé (Olié, Guillaume,
Collecte des données TABLEAU 11.6 SCORE
L’échelle de dépression de Beck est présentée au www. echelles-psychiatrie.com/pdf/ echelle-beck.pdf.
Échelle de manie de Younga
OBSERVATION
1. Élévation de l’humeur 0
Absente
1
Légèrement ou possiblement élevée lorsqu’on l’interroge
2
Élévation subjective nette ; optimiste, plein d’assurance ; gai ; contenu approprié
3
Élevée, au contenu inapproprié ; plaisantin
4
Euphorique ; rires inappropriés ; chante
2. Activité motrice et énergie augmentées 0
Absentes
1
Subjectivement élevées
2
Animé ; expression gestuelle plus élevée
3
Énergie excessive ; parfois hyperactif ; agité (peut être calmé)
4
Excitation motrice ; hyperactivité continuelle (ne peut être calmé)
3. Intérêt sexuel
256
Partie 3
0
Normal ; non augmenté
1
Augmentation légère ou possible
2
Clairement augmenté lorsqu’on l’interroge
Troubles mentaux
TABLEAU 11.6
Échelle de manie de Younga (suite)
SCORE
OBSERVATION
3
Parle spontanément de la sexualité ; élabore sur des thèmes sexuels ; se décrit comme étant hypersexuel
4
Agissements sexuels manifestes (envers les patients, les membres de l’équipe ou l’évaluateur)
4. Sommeil 0
Ne rapporte pas de diminution de sommeil
1
Dort jusqu’à une heure de moins que d’habitude
2
Sommeil réduit de plus de une heure par rapport à l’habitude
3
Rapporte un moins grand besoin de sommeil
4
Nie le besoin de sommeil
5. Irritabilité 0
Absente
1
Subjectivement augmentée
2
Irritable par moment durant l’entretien ; épisodes récents d’énervement ou de colère dans le service
3
Fréquemment irritable durant l’entretien ; brusque ; abrupt
4
Hostile, non coopératif ; évaluation impossible
11
6. Discours (débit et quantité) 0
Pas augmenté
1
Se sent bavard
2
Augmentation du débit ou de la quantité par moments ; prolixe par moments
3
Soutenu ; augmentation consistante du débit ou de la quantité ; difcile à interrompre
4
Sous pression ; impossible à interrompre ; discours continu
7. Langage – troubles de la pensée 0
Absent
1
Circonstanciel ; légère distractivité ; pensées rapides
2
Distractivité ; perd le l de ses idées ; change fréquemment de sujet ; pensées accélérées
3
Fuite des idées ; réponses hors sujet ; difcile à suivre ; fait des rimes, écholalie
4
Incohérent ; communication impossible
8. Contenu 0
Normal
1
Projets discutables ; intérêts nouveaux
2
Projet(s) particulier(s) ; hyperreligieux
3
Idées de grandeur ou de persécution ; idées de référence
4
Délires ; hallucinations
Chapitre 11
Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés
257
TABLEAU 11.6 SCORE
Échelle de manie de Younga (suite)
OBSERVATION
9. Comportement agressif et perturbateur 0
Absent, coopératif
1
Sarcastique ; parle fort par moments, sur la défensive
2
Exigeant ; fait des menaces dans le service
3
Menace l’évaluateur ; crie ; évaluation difcile
4
Agressif physiquement ; destructeur ; évaluation impossible
10. Apparence 0
Soigné et habillement adéquat
1
Légèrement négligé
2
Peu soigné ; modérément débraillé ; trop habillé
3
Débraillé ; à moitié nu ; maquillage criard
4
Complètement négligé ; orné ; accoutrement bizarre
11. Introspection 0
Présente ; admet être malade ; reconnaît le besoin de traitement
1
Éventuellement malade
2
Admet des changements de comportement, mais nie la maladie
3
Admet de possibles changements de comportement, mais nie la maladie
4
Nie tout changement de comportement
a L’échelle
de manie de Young résume les symptômes possibles de la manie. Elle est utilisée par un clinicien professionnel. Un score de gravité est accordé à chaque élément. Source : Favre, Aubry, McQuillan et al. (2003).
28 Les recommandations de l’Ordre des inrmières et inrmiers du Québec (OIIQ) pour évaluer et prévenir le suicide sont présentées dans le chapitre 28, Suicide.
Vidéo : Trouble bipolaire en épisode maniaque et diabète.
Jaussent et al., 2010). L’inrmière évalue également le risque et l’urgence suicidaires 28 .
Documenter les habitudes de vie L’inrmière interroge le client sur les modications de ses habitudes de vie et lui demande par exemple de décrire une journée type, à la recherche de symptômes de troubles dépressifs, bipolaires et apparentés. Ainsi, elle le questionne sur son alimentation, la stabilité de son poids, ses habitudes de sommeil et sa capacité de concentration. Si un client se présente en consultation pour des symptômes dépressifs, l’inrmière oriente son questionnement à la recherche de périodes antérieures d’élévation de l’humeur, de besoin moindre de sommeil, de comportements impulsifs ou d’autres symptômes qui pourraient mener à l’établissement d’un diagnostic de trouble bipolaire . L’inrmière recherche également de l’information sur la dynamique familiale, la fréquence et la qualité des contacts sociaux ainsi que la
258
Partie 3
Troubles mentaux
productivité au travail. En plus d’évaluer les antécédents familiaux et médicaux qui pourraient avoir un impact sur l’humeur du client, l’inrmière vérie les habitudes de consommation d’alcool, de drogue et de médicaments avec ou sans ordonnance.
11.6.2
Analyse et interprétation des données
L’inrmière utilise les données objectives et subjectives obtenues pendant l’évaluation et se fonde sur le diagnostic médical pour déterminer les problèmes prioritaires du client atteint d’un trouble dépressif, bipolaire ou apparenté. Les données provenant de toutes les sources (client, proches et autres professionnels) sont organisées et mises en relation an d’établir un plan d’interventions individualisé. Le TABLEAU 11.7 énumère des problèmes qui découlent souvent de troubles dépressifs, bipolaires et apparentés. L’inrmière établit les besoins prioritaires du client en collaboration avec celui-ci.
11.6.3
Planication des soins
Établir les résultats escomptés Les résultats escomptés pour les clients atteints de troubles dépressifs, bipolaires et apparentés sont les comportements et les réponses (à court terme et à long terme) qui indiquent une amélioration du fonctionnement. La sécurité et la santé du client sont extrêmement importantes. Les résultats escomptés sont dénis en fonction des problèmes prioritaires et exigent l’exécution de soins inrmiers planiés. Ils sont établis pour les diverses phases de traitement, y compris la phase aiguë du trouble et la poursuite du traitement, et ce, an de prévenir les rechutes et de favoriser le rétablissement à long terme. Ils donnent une orientation à l’inrmière pour évaluer la réaction du client aux soins et son rétablissement ENCADRÉ 11.6.
Décider des soins L’inrmière offre des soins aux clients atteints de troubles dépressifs, bipolaires et apparentés dans tous les milieux (p. ex., les centres intégrés de santé et de services sociaux, les unités de médecine et de chirurgie, les unités d’hospitalisation en psychiatrie, les cliniques pédiatriques). Les soins se concentrent non seulement sur les épisodes aigus du trouble, mais aussi sur les risques d’épisodes récurrents. L’inrmière rappelle au client le caractère chronique de son trouble et
ENCADRÉ 11.6
TABLEAU 11.7
Problèmes pouvant être associés aux troubles dépressifs, bipolaires et apparentés
DÉPRESSION
MANIE
• Anxiété
• Accélération psychomotrice
• AVQ décientes : bain/hygiène ; habillement/toilette ; alimentation
• AVQ décientes : bain/hygiène ; habillement/ toilette ; alimentation
• Désespoir
• Comportements à risque
• Fatigue
• Désorganisation
• Isolement
• Isolement
• Non-adhésion au traitement
• Non-adhésion au traitement
• Perte ou gain de poids
• Perte ou gain de poids
• Risque de suicide
• Risque de violence envers soi ou autrui
• Troubles du sommeil
• Troubles du sommeil
Source : Adapté de North American Nursing Diagnosis Association International (NANDA-I) (2007).
l’importance d’une gestion à long terme efcace de celui-ci. Elle planie les soins du client en collaboration avec ce dernier, an qu’il puisse s’impliquer activement dans son rétablissement.
11
Quel que soit le milieu, le premier objectif du plan de soins et de traitements inrmiers (PSTI) est d’établir une relation d’aide avec le client ENCADRÉ 11.7. Les clients atteints de troubles dépressifs, bipolaires et apparentés peuvent éprouver de la difculté à nouer une alliance thérapeutique et éviter les relations interpersonnelles.
Exemples de résultats escomptés en cas de troubles dépressifs, bipolaires et apparentés
Le client sera en mesure : • de rester en sécurité et hors de danger ; • de verbaliser ses idées de suicide et de s’engager à ne pas nuire aux autres ni à lui-même ; • de verbaliser l’absence d’intentions suicidaires ou hétéroagressives ; • de faire des plans d’avenir réalistes, en verbalisant des sentiments d’espoir ; • de signaler l’absence d’hallucinations ou de délires ; • de signaler une amélioration de son estime personnelle et de sa conance en soi ou des idées de grandeur ; • de décrire des stratégies d’adaptation pour répondre aux stresseurs en tenant compte de ses forces et de ses limites ; • de mettre au point des stratégies pour pallier un sommeil inadéquat ; • de se nourrir adéquatement et de continuer à le faire ; • de décrire l’évolution de son trouble, ses manifestations, ainsi que les ressources accessibles en cas de besoin ;
• d’établir un programme de repos et d’activités qui lui permet de remplir son rôle et d’effectuer les autosoins nécessaires ; • de connaître les médicaments, y compris leur action, leur posologie, leurs effets indésirables et thérapeutiques ; • de reconnaître les symptômes avant-coureurs (précoces) des récidives et d’utiliser des stratégies pour gérer les symptômes récurrents ; • de suivre les stratégies de traitement professionnel et d’autosoins prescrites ; • de prendre des décisions à l’aide de ses capacités de résolution de problèmes ; • de prendre l’initiative d’avoir des interactions sociales satisfaisantes avec des proches ou des pairs, et ce, avec leur aide ; • de participer à des activités du milieu, du groupe et de la communauté ; • de signaler l’augmentation de la communication et de la résolution de problèmes avec les proches en ce qui a trait à son trouble.
Chapitre 11
Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés
259
Relation d’aide ENCADRÉ 11.7
Encourager un client atteint d’un trouble dépressif, bipolaire ou apparenté
RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES
RECOMMANDATIONS EN CAS DE DÉPRESSION
La négativité de la dépression ou l’euphorie expansive, l’hyperactivité et les idées de grandeur en cas de manie pourraient entraîner de la fatigue, de l’irritabilité et des sentiments négatifs chez l’inrmière. Celle-ci reste consciente, de son attitude et de ses conséquences sur la relation qu’elle entretient avec le client et sur les soins subséquents. Elle garde en tête qu’un client atteint d’un trouble dépressif, bipolaire ou apparenté est émotionnellement souffrant et qu’il a besoin d’aide. Elle évite les commentaires comme : « Ressaisissez-vous » ou « Prenez-vous en main ». Le client a besoin d’entendre qu’il n’est pas toujours responsable de son état émotionnel et qu’il est atteint d’un trouble mental. Il a besoin de ressentir l’acceptation et le respect. Il est important que l’inrmière soit franche, conante et qu’elle inspire l’espoir. Certains commentaires rassurants n’aident pas le client, parce qu’ils communiquent un faux sentiment de sécurité, par exemple : Je sais que vous allez bientôt vous sentir mieux. Il est par contre approprié d’exprimer de l’espoir en faisant des commentaires comme : On va travailler ensemble pour que vous vous en sortiez. L’information fournie par le client atteint d’un trouble dépressif, bipolaire ou apparenté est parfois minime ou inexacte à cause de ses décits cognitifs, des variations de son humeur ou des perturbations de son comportement. Un membre de la famille ou un proche constitue une importante source d’information lorsque le client n’est pas able. Les entrevues doivent être courtes et plus directes si le client a des difcultés comportementales ou cognitives.
La gravité de la dépression détermine la façon de communiquer avec la personne. Un client atteint de dépression caractérisée est fréquemment ralenti physiquement et cognitivement et éprouve des problèmes d’attention, de concentration et de prise de décision. Une communication simple et claire s’avère très utile dans cette situation. L’inrmière est plus directive si la personne a des difcultés à prendre des décisions et à fonctionner. Elle peut lui dire : C’est l’heure de dîner, je vais vous accompagner ; plutôt que : Aimeriez-vous aller manger ? Quand son état s’améliore, il traite une information plus complexe sur le plan cognitif, se concentre mieux et prend plus facilement des décisions. RECOMMANDATIONS EN CAS DE MANIE
La communication avec un client atteint de manie mérite également une attention particulière. L’hyperactivité, l’humeur expansive ou irritable et l’incapacité à ltrer les stimulus sont des obstacles à une communication efcace. L’inrmière utilise des propos simples, clairs, directs, et elle adopte un ton ferme. Le client doit savoir que l’inrmière se soucie de lui et qu’elle se préoccupe de son comportement. Il n’est pas approprié de demander au client d’examiner en profondeur ses sentiments lorsqu’il traverse un épisode aigu de manie. Les interactions doivent être brèves et directes pour limiter les stimulus inutiles. Il est également important de ne pas menacer ou de mettre au dé un client pendant un épisode maniaque ; dans certaines situations, l’état du client s’aggravera, et ce dernier réagira avec colère ou rage.
2 La stigmatisation des clients atteints de troubles mentaux et les interventions inrmières associées sont présentées dans le chapitre 2, Santé mentale et services dans la communauté.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les premières interventions auprès d’un client atteint d’un trouble dépressif, bipolaire ou apparenté ont pour buts d’éviter les actes autodestructeurs, de promouvoir la santé physique, de surveiller les effets des médicaments et de rétablir les processus de pensée et de la communication altérés.
260
Partie 3
Même si les troubles dépressifs, bipolaires et apparentés sont considérés comme des troubles à part entière, les clients sont parfois gênés de le reconnaître par peur d’être stigmatisés 2 . Une approche respectueuse empreinte d’empathie et d’authenticité est réconfortante pour les clients et favorise leur conance en l’inrmière.
11.6.4
Exécution des interventions
Les soins et les traitements inrmiers destinés aux clients atteints de troubles dépressifs, bipolaires et apparentés varient selon que la personne est déprimée ou maniaque. Des interventions inrmières adaptées au client et jumelées à des interventions en collaboration avec les autres professionnels de la santé permettent de réduire l’acuité des épisodes du trouble et de promouvoir un fonctionnement optimal.
Offrir des soins directs Les premières interventions faites au centre hospitalier ou dans la communauté ont pour buts d’éviter les actes autodestructeurs, de promouvoir la santé physique (p. ex., s’alimenter adéquatement, se laver, soigner son apparence, dormir), de surveiller les effets des médicaments et de rétablir les processus de pensée et la communication altérés TABLEAU 11.8. Les situations cliniques SC 11.1 et 11.2 détaillent respectivement les interventions inrmières pour un client ayant un trouble dépressif caractérisé ou un trouble bipolaire I.
L’inrmière promeut également l’estime de soi, les interactions sociales, ainsi que la compréhension du trouble et de son traitement en plus de souligner la nécessité d’adhérer à ce dernier. Elle renseigne aussi le client sur la planication de la sortie du centre hospitalier et sur la continuité des Soins et traitements inrmiers soins. Étant donné que les épisodes de dépression et de manie touchent la famille tout entière, il est Les troubles dépressifs, bipolaires et apparentés affectent la personne dans sa globalité, et l’inr- important que les proches du client comprennent le trouble et participent aux interventions an mière prodigue des soins directs au client. d’être en mesure d’aider le client à récupérer.
Troubles mentaux
Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 11.8
Intervenir auprès d’un client ayant un trouble dépressif, bipolaire ou apparenté
INTERVENTION
JUSTIFICATIONS
Établir une alliance thérapeutique avec le client et lui manifester du respect.
• Favoriser le désir du client de communiquer ses pensées et ses sentiments.
Évaluer le risque suicidaire au besoin, que le client soit en phase dépressive ou maniaque. Pour ce faire, tenir compte du fait que le risque suicidaire augmente lorsque le client passe de la manie à la dépression (Simpson & Jamison, 1999).
• Assurer la sécurité du client et éviter qu’il devienne un danger pour lui-même ou pour les autres.
Maintenir un environnement sûr et sans danger au moyen d’une surveillance étroite et fréquente. Entre autres, vérier qu’aucun objet ne faciliterait l’automutilation.
• Réduire le risque d’automutilation et de violence.
Aider le client à verbaliser ses sentiments.
• Promouvoir une forme de communication saine et expressive : au cours d’un épisode aigu (particulièrement de manie), l’inrmière se concentre sur les symptômes aigus tels que les décits cognitifs et l’hyperactivité, mais il est approprié d’encourager le client à discuter en profondeur de ses sentiments lorsqu’il est capable de se concentrer et de rééchir.
Refuser gentiment d’établir des ententes secrètes avec le client, l’encourager plutôt à partager l’information importante et pertinente avec le personnel.
• Promouvoir la participation du client aux soins et sa responsabilité par rapport aux actes qu’il pose.
Évaluer le processus cognitif et perceptuel du client.
• Établir avec précision l’existence de délires ou d’hallucinations pouvant être troublants pour le client ou nuisibles à celui-ci.
Aider le client à reconnaître les pensées négatives et autodestructrices ou les idées de grandeur et à les remplacer par des pensées réalistes.
• Promouvoir des pensées plus exactes, plus positives sur soi et les autres.
Aider le client à se xer des attentes et des objectifs quotidiens simples, réalistes et adaptés à son état, qui se complexieront avec l’amélioration de sa condition (p. ex., marcher 15 minutes 1 fois par jour, puis augmenter progressivement la durée et la fréquence).
• Faciliter le fonctionnement du client désorienté grâce à un encadrement structuré.
Fournir des directives et des informations claires et simples dans un environnement offrant peu de stimulus.
• Aider les clients ayant des difcultés cognitives par une communication claire et un environnement calme. Un environnement comprenant de nombreux stimulus (p. ex., du bruit, de la musique, beaucoup de monde) peut notamment entraîner une aggravation des symptômes maniaques.
Établir des limites fermes, cohérentes et bienveillantes, notamment avec les clients atteints de manie.
• Éviter les conséquences nuisibles associées au non-respect de certaines limites. En cas de manie, le client a de la difculté à établir des limites ou à créer une structure.
Orienter l’énergie du client vers des activités constructives.
• Favoriser le fonctionnement de façon positive en aidant le client à canaliser son énergie.
Suivre et mettre en œuvre des stratégies comme un bilan hydrique ou alimentaire ainsi qu’un suivi du poids plus fréquent.
• Assurer une nutrition et une hydratation adéquates.
Promouvoir les AVQ (bain, habillement, alimentation et toilette personnelle).
• Évaluer le fonctionnement du client et augmenter son estime de soi. À noter qu’en phase de dépression aiguë, le client peut ne pas avoir l’énergie ou la motivation de prendre soin de lui. Inversement, le client maniaque peut être tellement hyperactif qu’il devient incapable de gérer ses AVQ.
11
• Renforcer l’estime de soi du client qui atteint ses objectifs. • Diminuer les symptômes dépressifs et augmenter le niveau d’énergie par l’exercice.
Chapitre 11
Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés
261
TABLEAU 11.8
Intervenir auprès d’un client ayant un trouble dépressif, bipolaire ou apparenté (suite)
INTERVENTION
JUSTIFICATIONS
Informer le client et ses proches sur le trouble et le traitement lorsque le client est capable d’apprendre.
• Améliorer les connaissances peut favoriser l’adhésion au traitement et réduire au minimum les sentiments de culpabilité par rapport au trouble.
Connaître le système de soutien social du client et encourager ce dernier à l’utiliser.
• Réduire l’isolement et la solitude tout en aidant le client à surveiller le trouble et son traitement, et ce, avec du soutien.
Encourager le client à participer à des groupes thérapeutiques qui donnent de la rétroaction.
• Recadrer la pensée du client grâce au soutien des autres ; il peut se sentir mieux compris et moins seul lorsqu’il est en contact avec des personnes vivant un problème semblable au sien.
Féliciter le client pour ses tentatives d’alterner activités et interactions avec les autres.
• Renforcer un comportement, encourager la socialisation et promouvoir l’estime de soi par la rétroaction positive.
Intervenir auprès de la famille
Encourager la socialisation
Les troubles dépressifs, bipolaires et apparentés ont une inuence non seulement sur le client atteint, mais aussi sur la famille. La dépression d’un parent peut par exemple avoir des effets négatifs sur les enfants et les adolescents (Marshall & HarperJaques, 2008). Le plus souvent, l’inrmière rencontre la famille ou les proches durant l’épisode aigu de dépression ou de manie du client. Les conits et les problèmes de communication qui existaient dans le milieu familial avant le début de l’épisode s’intensient, et, généralement, le mode de fonctionnement habituel est perturbé. Le client prote souvent de cette occasion pour exprimer sa confusion, sa colère, son inquiétude ou sa frustration. L’inrmière informe les membres de la famille de la nature biologique du trouble, ce qui leur permet de comprendre la situation et de moins blâmer leur proche. Beaucoup sont soulagés d’entendre que l’attitude de celui-ci peut s’expliquer et qu’elle est gérable. Ils sont également rassurés de savoir que l’attitude éventuellement insultante du client envers les autres membres de la famille n’est pas intentionnellement offensante, mais qu’elle fait partie des manifestations de la dépression ou de la manie.
L’intervention de groupe peut apporter de nombreux bienfaits et bénéces au client atteint d’un trouble dépressif, bipolaire ou apparenté, dont la socialisation, l’accès à de l’information sur le trouble, des discussions portant sur de nouvelles stratégies d’adaptation, l’occasion d’exprimer ses sentiments, l’établissement d’objectifs personnels et la prise de conscience que les autres ont des problèmes similaires, ce qui contribue à réduire l’isolement et le désespoir. L’inrmière, en collaboration avec les autres professionnels de santé mentale, évalue la capacité du client à participer à des groupes en se basant sur son attitude, sa condition mentale, sa préparation psychologique et son état physiologique.
Les inrmières observent les interactions clientfamille, sont à l’écoute de leurs inquiétudes et recensent les domaines où des problèmes peuvent se produire. Elles collaborent avec les autres professionnels de santé mentale, y compris avec les travailleurs sociaux, pour mesurer le besoin d’une thérapie familiale. Les interventions, comme celle de préparer la famille au congé du centre hospitalier, facilitent le retour du client et sa réinsertion dans la communauté. Même après la disparition des symptômes, le client qui a vécu des épisodes de trouble dépressif, bipolaire ou apparenté peut continuer d’éprouver des difcultés dans ses relations interpersonnelles et professionnelles.
262
Partie 3
Troubles mentaux
À titre d’exemple, les clients atteints de manie qui sont hyperactifs et extrêmement agités sont incapables d’assister à une discussion de groupe ; ils deviennent surstimulés et perturbent celui-ci. Un client atteint d’une dépression caractérisée accompagnée d’un ralentissement psychomoteur et de perturbations cognitives pourrait avoir des difcultés à suivre la discussion et se sentir dépassé au sein d’un groupe formel. Certains types de groupes (p. ex., une rencontre communautaire dans l’unité ou des groupes d’activités) peuvent être moins structurés et moins impressionnants qu’une thérapie de groupe formelle. L’inrmière oriente adéquatement le client et l’encourage à participer à des activités.
Soins et traitements en interdisciplinarité Psychopharmacothérapie Bien qu’aucun médicament ne guérisse dénitivement les troubles dépressifs, bipolaires et apparentés, des avancées majeures ont eu lieu, depuis les années 1950, dans l’élaboration des
médicaments qui traitent les symptômes associés. Les recherches portant sur la neurobiologie de la dépression et de la manie ont fourni des orientations permettant de mettre au point de nouveaux médicaments. Les recherches suggèrent notamment que les antidépresseurs modient l’expression des gènes et la neuroplasticité (Yamada, Yamada & Higuchi, 2005). Étant donné qu’il existe plusieurs types de médicaments pour traiter différentes formes de dépression et de manie chez divers clients, le choix du médicament et de la posologie efcace pour une personne est souvent un processus complexe. Par exemple, jusqu’à deux tiers des clients ne se rétablissent pas de leur état dépressif avec le premier antidépresseur prescrit (Hadjipavlou & Lam, 2009). | Troubles dépressifs | Plusieurs types de médicaments antidépresseurs sont utilisés pour traiter les clients ayant un trouble dépressif caractérisé et certaines personnes atteintes de trouble dépressif persistant (dysthymie) TABLEAU 11.9. Le choix d’un antidépresseur repose sur plusieurs facteurs cliniques, dont le prol des symptômes, la réponse antérieure aux traitements, les interactions médicamenteuses, la comorbidité et la sensibilité aux effets indésirables (Fournier, Roberge & Brouillet, 2012). Les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS),
Psychopharmacothérapie TABLEAU 11.9
Antidépresseurs recommandés pour le trouble dépressif caractérisé
INTENTION
MÉDICAMENTS
Première intention
• Bupropion • Citalopram • Desvenlafaxine • Duloxétine • Escitalopram • Fluoxétine • Fluvoxamine • Mirtazapine • Moclobémide • Paroxétine • Sertraline • Venlafaxine
Deuxième intention
• Antidépresseurs tricycliques • Trazodone
Troisième intention
• Inhibiteurs de la monoamine oxydase
Source : Adapté de Ravindran, Lam, Filteau et al. (2009).
les inhibiteurs du recaptage de la sérotonine et de la norépinéphrine (IRSN), le bupropion et la mirtazapine sont habituellement utilisés en première intention en raison de leur caractère tolérable et de leur innocuité. Les antidépresseurs tricycliques sont recommandés comme médicaments de deuxième intention, alors que les inhibiteurs de la monoamine oxydase sont des options de troisième intention (Hadjipavlou & Lam, 2009). Étant donnée la nature récurrente des troubles dépressifs, de nombreux clients prennent ces médicaments pendant des années, voire toute leur vie (Fournier et al., 2012). Les débats portant sur la sécurité, notamment sur les avantages et les problèmes liés aux antidépresseurs pendant la grossesse, continuent (Réseau canadien pour la santé des femmes, 2010). Les antidépresseurs ont des effets puissants non seulement sur l’humeur, mais également sur tous les symptômes de la dépression, y compris les symptômes neurovégétatifs. Comme tout médicament, ils peuvent entraîner des effets indésirables qui provoquent un malaise et ils sont parfois dangereux. La période où le risque suicidaire est le plus élevé se situe dans les quelques semaines après que le client a commencé à prendre un antidépresseur (Delavenne, Garcia & Thibaut, 2012). Durant cette période, un phénomène d’activation et une levée des inhibitions peuvent se manifester et favoriser un passage à l’acte. Il est cependant important de garder à l’idée que les antidépresseurs ont en général un effet protecteur du risque suicidaire chez les clients adultes atteints de dépression caractérisée (Delavenne et al., 2012). Les dysfonctions sexuelles, dont la diminution de la libido, l’impuissance et l’anorgasmie, seraient présentes chez environ 50 % des clients traités aux ISRS et constitueraient un motif courant d’abandon du traitement (Hadjipavlou & Lam, 2009). En évaluant l’apparition de ces symptômes, l’inrmière peut aviser le médecin qui ajustera ensuite le dosage ou prescrira un antidépresseur ayant moins tendance à provoquer une dysfonction sexuelle (p. ex., le bupropion, un inhibiteur du recaptage de la norépinéphrine et de la dopamine). D’autres effets indésirables causés par les antidépresseurs font également l’objet d’une surveillance étroite de la part de l’infirmière TABLEAU 11.10.
CONSEIL CLINIQUE
L’inrmière explique aux clients que certaines personnes ne répondent pas au premier, voire au deuxième médicament prescrit, mais que la plupart trouvent un médicament qui fonctionne bien pour elles. L’utilisation d’échelles d’évaluation validées aide à surveiller efcacement l’évolution des symptômes du client et l’efcacité des médicaments.
11 CE QU’IL FAUT RETENIR
La période où le risque suicidaire est le plus élevé se situe dans les quelques semaines après que le client a commencé à prendre un antidépresseur.
ALERTE CLINIQUE
Certaines plantes et certains produits naturels peuvent causer des dommages sérieux à l’organisme lorsqu’ils sont pris avec des médicaments.
Les premiers signes d’un effet thérapeutique peuvent être détectables de une à deux semaines après le début du traitement. Toutefois, il peut s’écouler de 4 à 8 semaines avant qu’une réponse clinique (soit la réduction de 50 % des symptômes sur une échelle d’évaluation) ne soit évidente (Hadjipavlou & Lam, 2009). Lorsque le médicament commence à exercer son action thérapeutique, un bon nombre des effets indésirables diminue généralement. Chapitre 11
Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés
263
TABLEAU 11.10
DYSFONCTIONS SEXUELLES
ANXIÉTÉ
FATIGUE
CONSTIPATION
DIARRHÉE
NAUSÉES
SUDATION
SÉCHERESSE BUCCALE
Citalopam
TREMBLEMENTS
ISRS
CÉPHALÉE
MÉDICAMENT INSOMNIE
CLASSE
SOMNOLENCE
Effets indésirables des antidépresseurs
Escitalopram Fluoxétine Fluvoxamine Paroxétine Sertraline IRSN
Duloxétine Venlafaxine Desvenlafaxine
Autres
ND
Buproprion Mirtazapine Moclobémide
≥ 50 % ND
ND
ND 0-9 %
ND
ND 10-29 %
ND
ND
ND
ND
ND
ND
≥ 30 % selon les taux non corrigés tirés des monographies
Source : Fournier et al. (2012).
L’emploi prudent de benzodiazépines peut atténuer la nervosité ou l’agitation pouvant survenir au début du traitement par antidépresseurs. Les benzodiazépines et les hypnotiques non benzodiazépiniques peuvent aussi être prescrits an d’améliorer le sommeil du client. Certaines données probantes indiquent que les substances à base de plantes comme le millepertuis peuvent avoir un effet sur les symptômes dépressifs de légers à modérés (Clement, Covertson, Johnson et al., 2006). Les acides gras oméga-3 de type AEP (qui se trouvent dans les produits de la mer comme le sauALERTE CLINIQUE mon) se sont avérés efcaces pour les clients atteints de 1 L’utilisation des antidépresseurs chez les clients dépression sans trouble dépressifs atteints de troubles bipolaires doit faire l’objet anxieux (Lespérance, Frasured’une surveillance étroite en raison du risque de passage Smith, St-André et al., 2011). en phase maniaque (Bhagwagar, 2007). L’échelle de Il est important que les inrmanie de Young peut aider l’inrmière à détecter de mières connaissent tous les façon précoce l’exacerbation des symptômes de manie. médicaments que leurs clients prennent, y compris 2 Les clients en phase maniaque devraient être les produits naturels, et les encouragés à réduire au minimum leur consommation de autres traitements compléstimulants comme la caféine. mentaires et parallèles parce
264
Partie 3
Troubles mentaux
qu’ils peuvent inuer sur les effets et l’innocuité des médicaments antidépresseurs.
| Troubles bipolaires | Épisode dépressif Le traitement de l’épisode dépressif en cas de trouble bipolaire diffère de celui du trouble dépressif caractérisé ou persistant. L’objectif premier est l’optimisation du stabilisateur de l’humeur. La monothérapie par le lithium, la lamotrigine ou la quétiapine et le traitement combiné lithium-divalproex, lithium (ou divalproex)-ISRS, lithium (ou divalproex)bupropion et olanzapine-ISRS sont les traitements de première intention pour le traitement de la dépression bipolaire (Bond & Yatham, 2009) 1 . Manie La première étape du traitement de la manie est le recours à un stabilisateur de l’humeur, tel que le lithium ou le divalproex, ou à un antipsychotique de deuxième génération. Les médicaments de la famille des benzodiazépines peuvent être utiles pour calmer l’agitation des clients en manie, car ils agissent plus rapidement que les anticonvulsivants et le lithium 2 . Cependant, ils ne devraient pas être utilisés en monothérapie chez les clients bipolaires (Yathman et al., 2005).
Dans les cas de manie aiguë où le client est agité, représente un danger pour lui-même ou pour les autres et refuse la médication orale, une médication en injection intramusculaire pourra être administrée. Toutefois, il est recommandé d’offrir la médication par voie orale en premier, les études ayant démontré que leur efcacité était la même que celle des formules en injection (Yathman et al., 2005). Il est à noter que le lithium et les anticonvulsivants ne peuvent être administrés que par voie orale. Le lithium agit comme un sel dans l’organisme, et ses concentrations sanguines sont étroitement liées à l’hydratation et aux prises de sodium du client. Il provoque les effets indésirables suivants : effets sur le système nerveux central (tremblements, troubles de mémoire, cognition ralentie), effets gastro-intestinaux (nausées, diarrhée), effets rénaux (polyurie), gain de poids et hypothyroïdie. Les taux sanguins de lithium doivent donc faire l’objet d’un suivi étroit pour assurer une concentration thérapeutique non toxique. Le lithium étant éliminé par les reins, l’inrmière reste prudente avec les clients atteints d’un trouble rénal, et elle leur recommande d’utiliser les diurétiques sous surveillance étroite, car ces médicaments peuvent provoquer une augmentation rapide des concentrations sanguines de lithium. Les changements en matière d’hydratation dus à la transpiration, aux vomissements et à une diminution de la consommation de liquides peuvent également entraîner un taux de lithium élevé et une toxicité. L’inrmière en informe le client. Par ailleurs, la thérapie au lithium augmente les risques d’hypothyroïdie. L’inrmière surveille donc régulièrement les analyses de la fonction thyroïdienne du client et demeure à l’affût de l’apparition des signes cliniques de l’hypothyroïdie comme la fatigue, le gain de poids, un faible appétit, la sensibilité accrue au froid et un rythme cardiaque ralenti. Le traitement consiste en une hormonothérapie de suppléance thyroïdienne. Les antipsychotiques de deuxième et de troisième génération, incluant la rispéridone, l’olanzapine, la quétiapine, la ziprasidone et l’aripiprazole, sont efcaces pour le traitement de première intention de la manie aiguë (Bond & Yatham, 2009). Certaines études suggèrent que l’utilisation combinée d’un stabilisateur de l’humeur et d’un antipsychotique de deuxième ou de troisième génération pour le traitement de la manie aiguë est plus rapidement efcace et augmente le taux de réponse de 20 % comparativement à une monothérapie par un stabilisateur de l’humeur (Bond & Yatham, 2009). Des antipsychotiques de deuxième génération peuvent aussi être utilisés dans le traitement d’entretien de troubles bipolaires.
Des anticonvulsivants peuvent être prescrits pour stabiliser l’humeur. Ces médicaments comprennent le divalproex, la carbamazépine et la lamotrigine en monothérapie ou en association, ainsi que l’oxcarbazépine et le topiramate en traitement adjuvant (Bond & Yatham, 2009). Des études ont démontré l’efcacité du divalproex en monothérapie dans le traitement de première intention de la manie aiguë et dans le traitement d’entretien des troubles bipolaires (Bond & Yatham, 2009). La carbamazépine en monothérapie est généralement utilisée en deuxième intention (Bond & Yatham, 2009). La lamotrigine, elle, est employée en première intention pour le traitement de la dépression aiguë causée par les troubles bipolaires et dans le traitement d’entretien des troubles bipolaires, bien qu’elle soit peu efcace pour prévenir les épisodes maniaques (Bond & Yatham, 2009).
éactivation des connaissances Quelle est la concentration sérique thérapeutique du lithium (12 h postdose) ?
D’autres médicaments sont prescrits aux clients pendant les épisodes de dépression ou de manie, notamment les benzodiazépines durant une période limitée pour soulager les symptômes associés d’anxiété, les hypnotiques-sédatifs ou la trazodone pour réguler le sommeil, et les antipsychotiques pour soulager les hallucinations, les délires et les comportements extrêmement agités (Bond & Yatham, 2009). L’ENCADRÉ 11.8 résume la psychopharmacothérapie des troubles bipolaires.
11
Psychopharmacothérapie ENCADRÉ 11.8
Troubles bipolaires
• Le traitement pharmacologique de la manie aiguë dans le trouble bipolaire comprend le lithium, le divalproex, la carbamazépine et l’oxcarbazépine. • Les antipsychotiques de deuxième génération (atypiques) sont approuvés pour le traitement de la manie bipolaire aiguë. L’olanzapine en combinaison avec un ISRS et la quétiapine en monothérapie sont indiquées pour traiter la dépression bipolaire aiguë.
• Les antidépresseurs (p. ex., le citalopram, la uoxétine, la paroxétine, le bupropion) sont généralement utilisés avec précaution et uniquement en combinaison avec un stabilisateur de l’humeur en raison du risque d’entraîner de la manie chez le client ou d’accélérer le rythme du cycle de l’humeur. • Les benzodiazépines, dont le clonazépam, sont souvent utilisées comme traitement adjuvant pour la manie aiguë.
Source : Adapté de Bond & Yatham (2009).
Chapitre 11
Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés
265
21 La procédure de l’électroconvulsivothérapie est présentée dans le chapitre 21, Psychopharmacothérapie et autres thérapies biologiques.
D L’annexe D, Échelle d’évaluation des symptômes extrapyramidaux (ESRS), définit le syndrome métabolique, ses manifestations et les interventions infirmières afférentes.
Les soins inrmiers relatifs à l’administration d’agents psychopharmacologiques sont complexes. L’inrmière comprend le mécanisme d’action, les posologies (thérapeutiques), les effets indésirables et les éléments à surveiller pour chaque médicament. Elle peut ainsi informer les clients et observer les effets escomptés et indésirables du traitement. En informant davantage les clients sur leurs médicaments, l’inrmière favorise et encourage l’adhésion au traitement. Les clients sont alors capables de discuter de leurs inquiétudes et de faire des choix éclairés au sujet de leur traitement. Il est utile d’obtenir la permission du client pour expliquer aux proches les médicaments que prend celui-ci an de leur permettre d’en surveiller les effets thérapeutiques et les effets indésirables. Cela peut favoriser l’adhésion au traitement. Les dysfonctions sexuelles et le gain de poids sont des motifs courants d’abandon du traitement (Fournier et al., 2012). Les clients atteints de troubles bipolaires présentent notamment un risque accru d’obésité (Bond & Yatham, 2009). Puisque le lithium, les anticonvulsivants, les antipsychotiques atypiques et les antidépresseurs ont été associés à un gain de poids, l’infirmière mesure, à l’admission du client, son poids et son tour de taille. Ces données serviront de valeurs de référence pour le suivi du client (Yathman et al., 2005). L’inrmière surveille étroitement l’apparition des symptômes cliniques du syndrome métabolique, notamment la circonférence de la taille du client D .
Autres thérapies de nature biologique | Électroconvulsivothérapie | L’électroconvulsivothérapie consiste à appliquer un bref stimulus électrique au cerveau pour provoquer des convulsions an de traiter le trouble dépressif caractérisé grave avec résistance ou intolérance à la pharmacothérapie ou, moins fréquemment, la manie intense non maîtrisée par le lithium ou par un antipsychotique (Agence d’évaluation des technologies et des modes d’intervention en santé [AETMIS], 2003). Le mode d’action précis de l’électroconvulsivothérapie demeure à ce jour inconnu. L’effet thérapeutique découlerait de la dépolarisation de structures cérébrales profondes (AETMIS, 2003). Des études ont démontré un taux d’efcacité de 80 à 90 % lorsque l’électroconvulsivothérapie est utilisée en première intention. Lorsqu’elle est employée chez les clients réfractaires au traitement pharmacologique, le taux estimé est de 50 à 60 %. Plusieurs métaanalyses ont prouvé que l’électroconvulsivothérapie a un meilleur effet antidépresseur aigu que la pharmacothérapie (AETMIS, 2003). Il existe des protocoles d’administration an de garantir que ce traitement est sûr et efcace pour
266
Partie 3
Troubles mentaux
les clients 21 . Les principaux effets indésirables qui préoccupent davantage les clients sont d’ordre cognitif et incluent l’amnésie rétrograde et antérograde à court terme (Kennedy, Lam, Parikh et al., 2009). L’utilisation des benzodiazépines et des anticonvulsivants peut diminuer la durée et l’efcacité des convulsions ; ils sont habituellement omis la veille et le jour du traitement. Le lithium peut augmenter la confusion et le délirium consécutif à l’électroconvulsivothérapie. | Stimulation magnétique transcrânienne | La stimulation magnétique transcrânienne est une intervention non effractive qui consiste à placer un électroaimant sur le cuir chevelu. Le courant électrique est généré au moyen d’oscillations rapides dans le champ magnétique, ce qui provoque la dépolarisation des neurones corticaux. Bien que le mode d’action précis de ses effets antidépresseurs demeure inconnu, cette intervention peut augmenter les concentrations de monoamine dans le cerveau lorsqu’elle est effectuée à plusieurs reprises. Les premières recherches ont donné des résultats encourageants en ce qui concerne la dépression unipolaire (Fitzgerald, Benitez, de Castella et al., 2006). La stimulation magnétique transcrânienne est recommandée comme traitement de deuxième intention pour le trouble dépressif caractérisé résistant au traitement (Fournier et al., 2012). | Stimulation du nerf vague | La stimulation du nerf vague est provoquée par un stimulateur de ce nerf implanté dans la paroi gauche de la cage thoracique sous la clavicule. Ce traitement s’est révélé utile, particulièrement pour les clients dont le trouble dépressif caractérisé résiste au traitement pharmacologique ou psychologique (George & Aston-Jones, 2010). | Stimulation des tissus profonds du cerveau | Ce traitement consiste à insérer une électrode profondément dans le cerveau et à envoyer un courant électrique qui stimule celui-ci. L’application de ce traitement aux clients atteints de troubles dépressifs est récente ; la recherche a examiné son utilisation chez les clients dont le trouble dépressif caractérisé est réfractaire au traitement (George, Sackeim, Rush et al., 2006). | Luminothérapie | La luminothérapie réduit efcacement les symptômes des troubles dépressifs, bipolaires ou apparentés saisonniers. Son mécanisme d’action demeure toutefois inconnu. Les chercheurs pensent que l’exposition à la lumière du matin régule les relations normales entre le sommeil et les rythmes circadiens (Golden, Gaynes, Ekstrom et al., 2005). La luminothérapie est prescrite après un examen complet des antécédents psychiatriques qui conrme l’occurrence des troubles dépressifs,
bipolaires ou apparentés saisonniers. Elle est habituellement administrée à un client à son réveil, idéalement entre 5 h et 8 h. Le client est assis ou allongé en face d’un caisson lumineux pendant une durée pouvant aller de 30 minutes (à une intensité de 10 000 lux) à plusieurs heures, selon la puissance de la source lumineuse. L’effet antidépresseur est habituellement constaté à l’intérieur de une à trois semaines (Kennedy et al., 2009). Le traitement d’entretien consiste pour le client à s’asseoir en face de la source lumineuse pendant environ 30 minutes chaque jour. Les effets indésirables sont rares, bien que certains clients signalent de l’irritabilité, des céphalées, une fatigue oculaire ou de l’insomnie. La luminothérapie n’est pas efcace pour toutes les personnes atteintes d’un trouble dépressif, bipolaire ou apparenté saisonnier ; certaines ne répondent pas au traitement, et d’autres n’y réagissent que partiellement.
Psychothérapies En dépit de l’efcacité indiscutable des antidépresseurs et des stabilisateurs de l’humeur, les psychothérapies sont également importantes pour le traitement des troubles dépressifs, bipolaires et apparentés. La pharmacothérapie peut provoquer des effets indésirables importants qui interfèrent avec le fonctionnement habituel du client, ce qui peut mener à la non-adhésion au traitement. De plus, une psychothérapie peut être justiée, car de nombreux problèmes psychologiques, sociaux et interpersonnels accompagnent les épisodes de dépression et de manie.
Les psychothérapies utilisées pour traiter les troubles dépressifs, bipolaires et apparentés et les problèmes psychosociaux connexes sont la thérapie cognitive, la thérapie comportementale, la thérapie cognitivo-comportementale (TCC), la thérapie interpersonnelle et la thérapie psychodynamique. Le succès de la thérapie est lié à plusieurs facteurs : la nature de la relation entre le thérapeute et le client ; la compréhension, le soutien, l’aide et l’espoir apportés ; l’établissement d’un cadre de travail pour comprendre et interpréter les problèmes du client ; la possibilité d’explorer et d’essayer de nouvelles stratégies d’adaptation ; l’engagement et la motivation du client (PasseportSanté.net, 2010).
CE QU’IL FAUT RETENIR
La psychothérapie est utile pour le traitement des troubles dépressifs, bipolaires et apparentés, car de nombreux problèmes psychologiques, sociaux et interpersonnels accom pagnent les épisodes de dépression et de manie.
| Thérapie cognitive | La thérapie cognitive décrite par Beck (1967) s’intéresse aux erreurs systématiques de la pensée du client qui maintient un processus cognitif négatif. Son objectif est de déceler les schémas cognitifs et les distorsions cognitives sous-jacents, décrits dans la deuxième section de ce chapitre. La thérapie cognitive s’est révélée efcace pour traiter en consultation externe les clients atteints d’un trouble dépressif de léger à modéré. Elle peut augmenter le taux d’amélioration des symptômes de la dépression (Fondation des maladies mentales, 2012). Parallèlement, l’inrmière peut aider le client à reconnaître ses pensées automatiques, an qu’il soit capable d’examiner logiquement ses idées et ses hypothèses négatives. Cela aide le client à comparer ses pensées à la réalité et, nalement, à les valider ou à les réfuter TABLEAU 11.11.
11
L’Institut universitaire en santé mentale Douglas donne de l’information sur la stimulation magnétique transcrânienne, qui peut être consultée au www.douglas. qc.ca/news/1031.
Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 11.11
Proposer au client de tenir un rapport quotidien des pensées dysfonctionnelles
SITUATION
SENTIMENTS
PENSÉES AUTOMATIQUES
PENSÉES RATIONNELLES
RÉSULTAT
Recommandations pour le client Décrire objectivement et brièvement l’événement qui est à l’origine de l’émotion négative.
Préciser le ou les sentiments (p. ex., l’anxiété, la colère, la tristesse, etc.).
Pondérer le sentiment de 1 à 100 %.
Noter les pensées auto matiques qui accompagnent les émotions.
Prendre du recul devant la situation et les pensées automatiques et noter les pensées plus rationnelles.
Réévaluer le ou les sentiments.
Pondérer le sentiment de 1 à 100 %.
Anxiété
100 %
Elle a toujours été meilleure que moi, c’est certain que je vais échouer à cet examen.
Rien ne peut conrmer que je vais subir un échec parce qu’elle a échoué. Le taux de réussite à cet examen est bon, il y a donc de fortes chances que je le réussisse si je m’y prépare bien.
Anxiété
50 %
Exemple Mon amie a échoué à son examen de conduite, que je dois aussi subir.
Source : Adapté de Burns (2011).
Chapitre 11
Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés
267
| Thérapie comportementale | La thérapie comportementale, souvent utilisée en conjonction avec la thérapie cognitive, peut aider les clients légèrement ou modérément déprimés (Fondation des maladies mentales, 2012). Elle s’appuie sur la théorie de l’apprentissage. Les comportements anormaux, comme les symptômes de dépression et de manie, apparaissent en réponse à des événements environnementaux aversifs (négatifs). Le thérapeute cherche à déterminer avec le client les comportements à modier et les facteurs qui suscitent et renforcent ces comportements. L’imitation de rôles, les jeux de rôle et l’analyse de situations aident le client à apprendre et à adopter divers comportements adaptés. La thérapie ne vise pas à comprendre les problèmes sous-jacents ni la psychopathologie : elle cible seulement les comportements précis pouvant être modiés. La thérapie comportementale offre plusieurs avantages (p. ex., une durée de traitement plus courte que les autres types de thérapie, une concentration sur des comportements particuliers qui peuvent être corrigés), et elle peut s’appliquer à plusieurs clients.
CE QU’IL FAUT RETENIR
La TCC aide le client à faire le lien entre les schémas de pensées, les émotions et les comportements.
| Thérapie cognitivo-comportementale | Il existe plusieurs types de thérapies cognitivo-comportementales (TCC) qui, comme leur nom l’indique, réunissent la thérapie cognitive et la thérapie comportementale (béhaviorale). L’inuence de la thérapie cognitive se perçoit dans l’utilisation de stratégies permettant de faciliter le lien entre un événement et la réponse à celui-ci, alors que l’inuence de la thérapie comportementale se manifeste par la modication des comportements. La TCC aide le client à faire le lien entre les schémas de pensées, les émotions et les comportements. En reconnaissant ses distorsions cognitives et en apprenant à modier ses perceptions relatives aux événements vécus, le client peut arriver à modier ses sentiments de façon plus positive et ainsi à changer ses comportements (Centre for Applied Research in Mental Health and Addictions [CARMHA], 2007). En cas de dépression, la TCC vise à aider la personne à planier des activités quotidiennes et à retrouver une structure de vie. Dans le cas d’un trouble bipolaire, la TCC est généralement employée en plus de la pharmacothérapie, an de stabiliser l’humeur (CARMHA, 2007). Elle vise à expliquer au client la nature de son trouble et à lui enseigner comment déterminer et gérer les stresseurs qui peuvent déclencher un épisode de dépression. | Thérapie interpersonnelle | Le professionnel qui utilise la thérapie interpersonnelle considère la
268
Partie 3
Troubles mentaux
dépression comme le résultat de modes de relations interpersonnelles pathologiques précoces et qui continuent de se répéter à l’âge adulte (Kennedy et al., 2009). L’accent est mis sur le fonctionnement social et les relations interpersonnelles ; une attention particulière est également accordée au milieu ou à l’environnement. Les événements de la vie, y compris les changements, les pertes et les conits relationnels, peuvent déclencher des modes relationnels antérieurs, et le client ressent alors un échec, une dévalorisation et une perte. Le but de la thérapie est d’éclairer le contexte social des problèmes actuels sur la base des relations précédentes et de permettre ainsi une résolution ou une gestion des problèmes interpersonnels actuels susceptible d’apporter un soulagement des symptômes. Le client et le thérapeute sélectionnent un ou deux problèmes interpersonnels actuels et examinent de nouvelles stratégies communicationnelles et interpersonnelles, an de gérer les relations de façon plus efcace. La thérapie interpersonnelle donne de bons résultats chez les clients atteints d’un trouble dépressif de léger à modéré, mais rien n’indique qu’elle est plus efcace que les autres types de thérapie (Kennedy et al., 2009). | Thérapie psychodynamique | La thérapie psychodynamique s’inspire du modèle psychanalytique de Freud. Le trouble dépressif est considéré comme le résultat de la perte d’un objet aimé dans l’enfance et d’une ambivalence vis-à-vis de cet objet ; il est également dû à l’introjection de la colère contre le moi. L’estime de soi est mise à mal, et ce cycle de perte peut se répéter tout au long de la vie. Grâce à sa relation avec le thérapeute, le client parvient à découvrir des expériences refoulées, à libérer ses sentiments, à confronter ses mécanismes de défense, à interpréter son comportement actuel et à comprendre sa perte initiale et son besoin d’amour. La psychothérapie psychodynamique aide certains clients à acquérir une connaissance approfondie de soi qui favorise un changement de comportement. Beaucoup de clients, cependant, dont ceux atteints d’un trouble dépressif caractérisé grave, peuvent être incapables de participer à ce genre de thérapie ou ne pas être motivés. Pour ces clients, traiter les problèmes comme les soins personnels décients, le ralentissement psychomoteur et la fatigue devient une priorité (Kennedy et al., 2009).
11.6.5
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution
L’inrmière évalue les progrès du client en mesurant l’atteinte des résultats escomptés. Elle consigne les données qui conrment ou réfutent l’atteinte de ces objectifs, comme ses propres observations ou celles d’autres professionnels de la santé, ainsi que les déclarations du client, de sa famille et de ses amis. L’évaluation se fait au l des soins prodigués au centre hospitalier ou dans la communauté. Au centre hospitalier, l’inrmière prépare le congé et oriente le client vers des intervenants communautaires, en même temps qu’elle évalue les objectifs prioritaires à court terme. Dans la communauté,
l’inrmière peut évaluer les résultats à plus long terme, que ce soit pour des clients qui n’ont jamais été admis en centre hospitalier ou pour ceux qui en sortent. L’ENCADRÉ 11.9 établit la distinction entre les signes de rétablissement à court ou à long terme pour un client atteint de trouble dépressif ou bipolaire. Il faut noter que les clients atteints de manie présentent une situation unique, car les épisodes de manie sont souvent suivis d’une dépression. En conséquence, bien que le client ait retrouvé un état hypomaniaque ou euthymique au moment de sa sortie du centre hospitalier, l’inrmière reste attentive à tout signe de dépression. Il sera impératif d’effectuer un suivi étroit après la sortie de l’établissement et le retour dans la communauté.
Collecte des données ENCADRÉ 11.9
11
Signes de rétablissement pour le client atteint de trouble dépressif ou bipolaire
SIGNES DE RÉTABLISSEMENT À COURT TERME
SIGNES DE RÉTABLISSEMENT À LONG TERME
Le client est en mesure :
Le client est en mesure :
• d’exprimer l’absence d’intention suicidaire imminente ;
• de poursuivre les objectifs atteints à court terme ;
• de proposer et d’adopter des stratégies d’adaptation pour éviter le retour possible des idées suicidaires ;
• d’adhérer aux soins, notamment au traitement pharmacologique ;
• de demander de l’aide si les idées suicidaires deviennent intenses ;
• de montrer une amélioration continue des processus cognitifs et de l’énergie ;
• de présenter un soulagement partiel des symptômes neurovégétatifs de la dépression (p. ex., des perturbations du sommeil, une modication de l’appétit, de la fatigue, un ralentissement psychomoteur) ;
• de décrire son humeur et d’en reconnaître les changements éventuels ;
• de manifester une atténuation du comportement hyperactif symptomatique de la manie ;
• d’énoncer des stratégies positives et aidantes pour faire face aux menaces, aux préoccupations et aux stresseurs ;
• de montrer une amélioration du fonctionnement cognitif et de la capacité à communiquer ;
• d’utiliser les techniques et les stratégies apprises pour prévenir ou diminuer les symptômes ;
• de démontrer sa capacité à effectuer les activités de la vie quotidienne et domestique ;
• de verbaliser des attentes réalistes pour soi et pour les autres ;
• de reconnaître les signes et les symptômes du trouble dépressif ou bipolaire, y compris les signes avant-coureurs (précoces) qui indiquent la nécessité de demander de l’aide ; • de verbaliser sa connaissance du traitement médical et des stratégies d’autosoins nécessaires ; • de décrire comment entrer en contact avec les personnes appropriées pour validation ou intervention, si nécessaire.
• de déterminer les stresseurs psychosociaux ou physiques qui inuent sur l’humeur et la pensée ;
• de faire appel à la famille ou à des proches comme sources de soutien ; • d’améliorer son implication et son intégration sociales ; • de reprendre ses rôles familial et professionnel ; • de structurer sa vie pour y inclure les activités appropriées qui favorisent le soutien social, qui réduisent le stress et qui facilitent l’adoption d’un mode de vie sain.
Chapitre 11
Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés
269
Situation clinique SC
11.1
Trouble dépressif caractérisé
Isabelle Gagnon est une femme âgée de 28 ans, mariée et mère de 2 jeunes enfants de 3 et 5 ans. Elle vient d’être admise à l’urgence psychiatrique. Elle a connu trois épisodes dépressifs caractérisés par le passé, dont le plus récent il y a trois ans. Un mois avant l’épisode dépressif actuel qui a débuté il y a trois semaines, madame Gagnon et son mari ont commencé à avoir des conits par rapport aux différentes façons d’élever leurs enfants. Elle dit se sentir désespérée, bonne à rien et déclare que sa famille serait « bien mieux » si elle ne « faisait plus partie du décor ». La cliente présente les signes et les symptômes suivants : pleurs fréquents, tristesse, irritabilité, incapacité de se concentrer, ce qui perturbe son travail d’enseignante de troisième année. Elle
se plaint aussi de fatigue extrême qui l’empêche de répondre à certains besoins de ses propres enfants. Elle se sent coupable de cela et a l’impression d’être une mauvaise mère. Elle mentionne également une perte d’appétit et une incapacité à préparer les repas. Elle a perdu 5 kg au cours des 6 dernières semaines. Cela fait 10 jours qu’elle n’a pas pris de douche, ses cheveux sont gras et ne semblent pas avoir été brossés. Elle a beaucoup de difculté à s’endormir et ne dort que trois heures par nuit. Elle pense constamment à se jeter d’un pont en voiture, et cela lui fait peur. Elle a déjà fait deux tentatives de suicide, dont l’une au cours de son dernier épisode dépressif. Madame Gagnon a également des antécédents de migraine.
À la suite de son évaluation, l’inrmière formule les constats suivants et élabore un plan de soins avec madame Gagnon. PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Risque de suicide élevé lié à des antécédents de tentatives de suicide, aux idées suicidaires actuelles, à l’humeur déprimée, au désespoir, au conit conjugal, à l’impression d’être « une mauvaise mère »
RÉSULTAT ESCOMPTÉ
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES
• Diminution des idées suicidaires et absence de tentative de suicide
• Évaluer le risque suicidaire chaque jour. • Assurer une surveillance discrète, étroite ou constante selon le niveau d’urgence évalué. • Déterminer les facteurs de risque et de protection. • Retirer les objets dangereux de l’environnement immédiat. • Encourager la cliente à verbaliser avec l’inrmière les sentiments négatifs et les idées suicidaires dès leur apparition. • Accompagner la cliente dans la reconnaissance d’autres solutions que le suicide. • Suggérer des activités qui favoriseront l’amélioration de l’estime de soi et l’afrmation de soi. • Encourager la discussion au sujet des difcultés conjugales.
PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Fatigue liée à l’humeur dépressive, à la privation de sommeil et qui se manifeste par l’incapacité à se concentrer, à travailler ou à prendre soin de soi, de la maison et de la famille
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES
• Meilleur sommeil et capacité accrue de concentration
• Établir une routine de sommeil.
• Réalisation de certaines AVQ de façon autonome
• Enseigner des techniques de relaxation. • Stimuler l’exécution d’AVQ simples (p. ex., faire son lit) pour débuter, puis la participation à certaines tâches de l’unité comme arroser les plantes, nettoyer les tables de la salle à manger. • Accompagner la cliente dans la résolution de problèmes.
PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Soins personnels décients (bain/hygiène, habillement, alimentation) liés à l’humeur dépressive et à la fatigue et qui se manifestent par une apparence négligée, un manque de préoccupation envers son apparence et une perte d’appétit et de poids
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES
• Intérêt accru pour les soins d’hygiène et l’apparence
• Établir avec la cliente une routine d’hygiène quotidienne progressive adaptée à son état.
• Maintien ou augmentation du poids
• Encourager le maintien de cette routine par des aide-mémoire et du renforcement positif. • Proposer de prendre cinq petits repas par jour, avec des aliments nutritifs choisis par la cliente.
270
Partie 3
Troubles mentaux
SCHÉMA INTÉGRATEUR À partir des données consignées au dossier de la cliente, la FIGURE 11.6 illustre un exemple de plan de soins mis en œuvre par l’inrmière.
Problème de santé : Trouble dépressif caractérisé, épisode récurrent
Épisodes dépressifs précédents ; risque de suicide
Trouble dépressif caractérisé, épisode récurrent
Incapacité à se concentrer ou à travailler
Symptômes neurovégétatifs
Idées suicidaires
Soins personnels décients (habillement/hygiène/ alimentation)
Danger grave et immédiat pour la sécurité de la cliente
La cliente prend une douche et procède à ses soins d’hygiène quotidiennement ; est capable de trouver un équilibre entre le sommeil, le repos et l’activité ; mange de petites portions régulièrement.
La cliente manifeste une diminution des idées suicidaires ; applique les étapes du processus de résolution de problèmes ; discute des stresseurs avec l’inrmière ; manifeste de l’espoir en l’avenir.
Encourager la douche et l’hygiène quotidiennes ; surveiller l’alimentation et l’hydratation de la cliente ; promouvoir le sommeil et le repos ; équilibrer le repos et l’activité.
Difcultés conjugales et relationnelles
Admission à l’urgence et hospitalisation
La cliente est capable de dormir des nuits complètes.
Établir une routine de sommeil ; enseigner des techniques de relaxation ; discuter des stresseurs.
Assurer un environnement sécuritaire ; observer la cliente pour déceler les signes avant-coureurs de suicide ; évaluer régulièrement les idées et les plans de suicide an de déterminer le degré d’urgence suicidaire ; favoriser l’adaptation en accompagnant la cliente dans un processus de résolution de problèmes ; discuter des stresseurs avec elle ; susciter l’espoir.
Constat médical
Facteurs de risque
Problèmes découlant de la situation de santé
Résultats escomptés
Physiopathologie
Manifestations cliniques
Interventions interdisciplinaires
Interventions inrmières
FIGURE 11.6
11
Fatigue
Plan de soins et de traitements inrmiers de madame Gagnon
Chapitre 11
Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés
271
Situation clinique SC
11.2
Trouble bipolaire I
Vincent Girard est un courtier d’assurances âgé de 40 ans. Il s’est récemment séparé de sa femme ; il a 2 enfants de 10 et 12 ans. Le médecin avait d’abord posé un diagnostic de dépression lorsque monsieur Girard avait 21 ans. Il avait bien répondu aux antidépresseurs initialement, mais il été réadmis quelques semaines après son congé en raison d’un épisode maniaque. C’est à ce moment que le diagnostic de trouble bipolaire de type I a été posé. Il fonctionne bien entre les épisodes de son trouble, particulièrement lorsque son état est stabilisé grâce aux médicaments (lithium), mais il a cessé de prendre son lithium il y a deux mois en raison des effets indésirables, notamment un goût métallique dans la bouche et des nausées récurrentes. Au cours du dernier mois, monsieur Girard est devenu de plus en plus hyperactif. Il s’est lancé dans de nouveaux projets chaque jour sans en terminer aucun et a acheté plusieurs objets dont il n’avait pas besoin. Il a appelé ses amis en insistant pour qu’ils achètent de nouvelles polices d’assurance et s’est mis en
colère lorsqu’ils lui disaient non. Il prévoit investir toutes ses économies dans une entreprise commerciale risquée et veut embaucher de 10 à 15 employés, bien qu’il ait déjà dépensé une grande partie de ses économies. Monsieur Girard ne dort que trois heures par nuit et est tellement accaparé par ses projets qu’il ne pense pas à manger ni à boire. Il s’est plaint d’avoir la bouche sèche et d’éprouver des vertiges et des nausées. Le rythme de son discours est rapide, et il se montre contrarié lorsque les gens disent qu’ils ne parviennent pas à le comprendre. Il a l’impression d’avoir des choses importantes à dire, mais ses pensées sont si rapides que ses verbalisations deviennent difciles à suivre. Lorsque sa femme l’a quitté, elle a parlé de son irritabilité, de son habitude de faire les cent pas à n’importe quelle heure de la nuit, de ses idées de grandeur et de son incapacité à gérer son argent. Finalement, ses parents et un ami proche l’ont conduit à l’urgence d’un centre hospitalier.
À la suite de son évaluation, l’inrmière formule les constats suivants et élabore un plan de soins avec monsieur Girard. PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Hyperactivité liée à l’humeur élevée et se manifestant par une fuite des idées, des idées de grandeur, une désorganisation qui altère le fonctionnement normal et par un jugement décient
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES
• Diminution des symptômes maniaques selon l’échelle d’évaluation de manie de Young
• Évaluer l’humeur avec l’échelle d’évaluation de manie de Young une fois par semaine et selon l’évolution de l’état de manie.
• Capacité à structurer et à organiser les journées adéquatement
• Encourager l’utilisation d’un journal de suivi de l’humeur.
• Capacité à terminer les tâches entreprises
• Diminuer les stimulus environnementaux (p. ex., la lumière, le bruit, la télévision).
• Humeur moins labile, diminution de l’irritabilité
• Encadrer les comportements du client en établissant avec lui un horaire quotidien structuré incluant des périodes de repos et d’activité physique (p. ex., du vélo stationnaire) qui permettront de canaliser son surplus d’énergie.
• Retirer l’accès aux objets susceptibles d’augmenter l’agitation psychomotrice.
• Renforcer positivement les comportements ne dépassant pas les limites de l’horaire quotidien structuré. PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Non-adhésion au traitement liée aux effets indésirables et se manifestant par une rechute du trouble en phase maniaque
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES
• Capacité à expliquer les conséquences de la nonadhésion au traitement
• Enseigner les effets escomptés et indésirables des médicaments.
• Adhésion au traitement
• Déterminer avec le client les signes précurseurs de rechute.
• Consultation auprès du médecin ou de l’inrmière avant de prendre la décision de cesser ou de diminuer les doses de médicament
• Renseigner le client sur le trouble bipolaire.
272
Partie 3
Troubles mentaux
• Explorer avec le client les causes de la non-adhésion au traitement.
• Enseigner au client des moyens pour réduire l’impact des effets secondaires gastro-intestinaux tels que boire en mangeant et consommer de de 3 à 4 L de liquides par jour.
SC
11.2
Trouble bipolaire I (suite)
PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Décit du volume liquidien lié à l’état hypermétabolique, à la prise de lithium et à une désorganisation de la pensée et manifesté par un apport hydrique insufsant, la sécheresse de la bouche, des vertiges et des nausées
RÉSULTAT ESCOMPTÉ
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES
• Absence de signes et de symptômes de déshydratation
• Établir un horaire pour l’hydratation quotidienne. • Surveiller les signes vitaux et les signes de déshydratation (p. ex., la diurèse, les nausées, les vertiges, la sécheresse de la peau et des muqueuses). • Proposer des liquides variés, mais nutritifs (p. ex., des suppléments à boire). • Proposer des gels ou des liquides froids pour pallier la sécheresse de la bouche tout en favorisant l’hydratation. • Mesurer l’apport hydrique à l’aide d’un bilan des ingesta et viser la prise de de 3 à 4 L de liquides par jour.
PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Perturbation du rôle social liée aux réactions au trouble mental et à l’arrêt de la médication et manifesté par l’altération des perceptions, l’isolement et une modication des comportements sociaux et de l’expression verbale
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES
• Conscience de l’impact des comportements
• Déterminer les stresseurs avec le client.
• Retour à des relations sociales satisfaisantes
• Favoriser l’adhésion au traitement. • Faire de la restructuration cognitive. • Enseigner des mesures de gestion du comportement (encadrement). • Favoriser la participation des proches. • Proposer l’intégration à un groupe de soutien.
PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Perturbation du sommeil liée à la manie et à l’hyperactivité et qui se manifeste par une réduction des heures de sommeil, de l’agitation et de l’irritabilité
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES
• Allongement des périodes de sommeil
• Établir avec le client une routine et un horaire de sommeil progressif.
• Meilleur équilibre de l’humeur
• Reconnaître avec le client les agents perturbateurs du sommeil et proposer des stratégies pour mieux les gérer. • Prévoir des moments de retour au calme entre les périodes d’activité. • Favoriser un environnement calme en diminuant les stimulus environnementaux. • Intégrer des activités relaxantes dans la routine quotidienne (p. ex., la relaxation, la musique).
Chapitre 11
Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés
273
11
SCHÉMA INTÉGRATEUR
FIGURE 11.7
274
Partie 3
Plan de soins et de traitements inrmiers de monsieur Girard
Troubles mentaux
Interventions inrmières Manifestations cliniques Physiopathologie
Interventions interdisciplinaires
Facteurs de risque Constat médical
Problèmes découlant de la situation de santé
Problème de santé : Trouble bipolaire I
Résultats escomptés
À partir des données consignées au dossier du client, la FIGURE 11.7 illustre un exemple de plan de soins mis en œuvre par l’inrmière.
Analyse d’une situation de santé
Jugement clinique
Jorge Da Sylva est vendeur de voitures. Il est âgé de 31 ans et prend du carbonate de lithium 300 mg b.i.d. pour traiter un trouble bipolaire. Il se sent reposé et fonctionnel après trois ou quatre heures de sommeil. Il a brusquement cessé de prendre son médicament il y a une semaine, car il se sent en maîtrise de lui-même. Il fait des heures supplémentaires tous les soirs puisqu’il vient d’acheter une voiture de luxe et une puissante moto sans en aviser sa conjointe au préalable. Celle-ci, ne sachant pas qu’il ne prenait
plus sa médication, lui a fait remarquer que ces dépenses étaient folles, qu’il n’avait pas les moyens de s’offrir ces véhicules et que c’était beaucoup plus important de payer tous les comptes à la n du mois. Monsieur Da Sylva s’est fâché, renversant quelques meubles dans la maison. Apeurée, sa conjointe a appelé le 911, et il a été conduit à l’urgence psychiatrique. Il est présentement hospitalisé jusqu’à ce que sa condition soit stabilisée.
Mise en œuvre de la démarche de soins
Collecte des données – Évaluation initiale – Analyse et interprétation 1. Quel symptôme émotionnel du trouble bipolaire monsieur Da Sylva a-t-il présenté à la suite des remarques de sa conjointe ? 2. Devriez-vous vérier la présence d’hallucinations chez ce client ? Justiez votre réponse.
11 SOLUTIONNAIRE
MAIS SI ...
Si monsieur Da Sylva s’était présenté pour un épisode dépressif, quels symptômes principaux auriez-vous pu observer ? Nommez-en trois.
Monsieur Da Sylva participe aux activités de l’unité. Il parle aisément aux autres clients, n’hésitant pas à se joindre aux conversations sans demander la permission. Il se permet alors de leur donner des conseils au sujet des voitures et leur suggère des moyens pour diminuer leur consommation d’essence. Son débit verbal est rapide, et
il parle sans arrêt. Si les autres ne manifestent pas vraiment d’intérêt pour ses propos, il se fâche et ne se gêne pas pour leur dire qu’ils sont imbéciles de ne pas l’écouter, car il est le meilleur vendeur dans toute la province. Il a même menacé de frapper un autre client et lui a lancé un verre d’eau en pleine gure.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
3. Comment devriez-vous qualier le comportement social de monsieur Da Sylva ? 4. Quelle donnée de cet épisode prouve que le client est irritable ? 5. Quel autre symptôme comportemental d’un épisode maniaque reconnaissez-vous dans cet épisode ? 6. Monsieur Da Sylva manifeste-t-il des idées de grandeur ? Justiez votre réponse. 7. D’après les données de cet épisode, quel problème prioritaire nécessitant un suivi clinique particulier mérite d’être inscrit dans l’extrait du plan thérapeutique inrmier (PTI) du client ? Inscrivez votre réponse vis-à-vis du constat numéro 3.
Chapitre 11
Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés
275
Extrait des notes d’évolution
2016-06-04 10:00 Parle aux autres clients au cours des activités de groupe. Comportement intrusif : se joint aux conversations sans demander la permission, donne des conseils aux autres au sujet des voitures et pour diminuer leur consommation d’essence. Logorrhéique, débit verbal rapide. Humeur labile, se fâche et dit aux autres qu’ils sont imbéciles s’ils ne manifestent pas d’intérêt pour ses propos, afrme être le meilleur vendeur dans toute la province.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
Extrait CONSTATS DE L’ÉVALUATION Date
Heure
2016-06-04 10:00
N°
2
Problème ou besoin prioritaire
Initiales
Épisode maniaque
RÉSOLU / SATISFAIT Professionnels/ Date Heure Initiales Services concernés
Y.B.
3
SUIVI CLINIQUE Date
Heure
N°
2016-06-04
10:00
2
Directive inrmière
Signature de l’inrmière
Yannick Beaudin
Initiales
Y.B.
Programme / Service
Initiales
Signature de l’inrmière
CESSÉE / RÉALISÉE Date Heure Initiales
Initiales
Programme / Service
Psychiatrie Psychiatrie
Au cours d’une rencontre formelle avec le client, vous lui soulignez qu’il a tendance à s’immiscer dans les conversations des autres sans leur en demander la permission. Il reconnaît cela, mais s’explique en disant ceci : « Les voitures, je connais
ça. Depuis le début des temps, l’homme a toujours voulu aller plus vite. Il est même allé sur la Lune. Les soirs de pleine lune, c’est romantique. On devrait tous être romantiques. Il n’y a pas que Rome qui est antique. »
MISE MISE EN EN ŒUVRE ŒUVRE DE DE LA LA DÉMARCHE DÉMARCHE DE DE SOINS SOINS
8. Sur le plan cognitif, comment doivent être qualiés les propos du client ?
Planication des interventions – Décisions inrmières 9. Écrivez deux directives infirmières dans l’extrait du PTI du client pour assurer le suivi clinique du problème prioritaire numéro 2. Une de ces directives doit s’adresser également au PAB et au client. Extrait CONSTATS DE L’ÉVALUATION Date
Heure
2016-06-04 10:00
N°
2
Problème ou besoin prioritaire
Initiales
Épisode maniaque
RÉSOLU / SATISFAIT Professionnels/ Date Heure Initiales Services concernés
Y.B.
3
SUIVI CLINIQUE Date
Heure
N°
2016-06-04
10:00
2
Signature de l’inrmière
Yannick Beaudin
Directive inrmière
Initiales
Y.B.
Programme / Service
Initiales
Signature de l’inrmière
CESSÉE / RÉALISÉE Date Heure Initiales
Initiales
Programme / Service
Psychiatrie Psychiatrie
10. Dans la relation thérapeutique avec monsieur Da Sylva, pourquoi est-il important de l’amener à reconnaître les pensées négatives qu’il peut entretenir au sujet des autres clients ? 11. Devriez-vous évaluer le risque suicidaire chez ce client ? Justiez votre réponse. 12. Que pourriez-vous faire pour vous assurer que monsieur Da Sylva ne montre pas de signes de violence envers les autres clients ?
276
Partie 3
Troubles mentaux
Monsieur Da Sylva prend sa médication régulièrement. Il choisit de participer à certaines activités de groupe, mais il manifeste parfois des accès d’irritabilité. Lorsqu’il reconnaît cela, il se retire. Quand il revient vers le groupe, il tente de changer
les règles de l’activité et cherche à convaincre les autres que sa façon est la meilleure. S’il se heurte à un désaccord, il ne se fâche plus, mais se retire à nouveau en maugréant.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution 13. D’après ces données, monsieur Da Sylva serait-il en mesure d’obtenir son congé du centre hospitalier ? Justiez votre réponse.
APPLICATION DE LA PENSÉE CRITIQUE Dans l’application de la démarche de soins auprès de monsieur Da Sylva, l’inrmière a recours à un ensemble d’éléments (connaissances, expériences antérieures, normes institutionnelles ou protocoles, attitudes professionnelles) pour analyser la situation de santé du client et en comprendre les
enjeux. La FIGURE 11.8 illustre le processus de pensée critique suivi par l’inrmière an de formuler son jugement clinique. Elle résume les principaux éléments sur lesquels l’inrmière s’appuie en fonction des données de ce client, mais elle n’est pas exhaustive.
11
VERS UN JUGEMENT CLINIQUE CONNAISSANCES • Différences et caractéristiques des troubles dépressifs et bipolaires • Traitement pharmacologique d’un trouble bipolaire • Risques pour le client selon qu’il présente un épisode maniaque ou un épisode dépressif • Signes avant-coureurs d’un épisode de manie et d’un épisode dépressif
EXPÉRIENCES
NORMES
ATTITUDES
• Expérience de travail en santé mentale • Expérience en relation d’aide • Expérience auprès de clients atteints de trouble bipolaire en phase maniaque
• Critères de congé du centre hospitalier pour un client ayant un trouble bipolaire • Procédure pour appliquer des mesures de contrôle
• Être ferme et authentique pour imposer des limites au client • Rester vigilante pour assurer la sécurité du client et des autres • Démontrer de l’écoute active pour ramener le client dans le sujet au cours des rencontres formelles • Demeurer calme pour ne pas le stimuler davantage
PENSÉE CRITIQUE
ÉVALUATION • • • • • • •
Condition mentale de monsieur Da Sylva Risque de violence envers les autres Comportements du client lorsqu’il participe à des activités de groupe Réactions lorsqu’il se heurte à un désaccord Adhésion au traitement médicamenteux Effets thérapeutiques et indésirables de la médication Évolution des symptômes initiaux pour autoriser le congé du centre hospitalier
JUGEMENT CLINIQUE FIGURE 11.8
Application de la pensée critique à la situation clinique de monsieur Da Sylva
Chapitre 11
Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés
277
Chapitre
12
Troubles anxieux, trouble obsessionnel-compulsif et troubles apparentés Écrit par : Pamela E. Marcus, RN, APRN/PMH-BC Adapté et mis à jour par : Éric Lavertu, B. Sc. inf., M. Éd.
MOTS CLÉS
OBJECTIFS
Anxiété . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 280 Attaque de panique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 287 Compulsions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 291 Dermatillomanie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 293 Mécanismes de défense . . . . . . . . . . . . . 280 Obsession. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 290 Thérapie cognitivocomportementale (TCC) . . . . . . . . . . . . . . 301 Thérapie d’exposition . . . . . . . . . . . . . . . . 301 Thésaurisation pathologique. . . . . . . . . 292 Trichotillomanie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 293 Trouble panique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 288
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez être en mesure : • d’expliquer les quatre stades de l’anxiété et leurs manifestations ; • de décrire les divers mécanismes de défense qu’une personne utilise lorsqu’elle se sent anxieuse ; • de reconnaître les signes et les symptômes de l’anxiété ainsi que ceux des troubles anxieux, du trouble obsessionnel-compulsif et des troubles associés ; • d’appliquer la démarche de soins infirmiers afin d’offrir des soins complets aux clients atteints de troubles anxieux, du trouble obsessionnel-compulsif et des troubles associés ; • de déterminer les problèmes prioritaires et les interventions infirmières associées aux troubles anxieux, au trouble obsessionnel-compulsif et aux troubles associés ; • d’analyser le rôle de l’infirmière auprès des clients anxieux ; • d’établir les liens entre le modèle biologique, certains symptômes ciblés et les agents thérapeutiques utilisés dans les interventions psychopharmacologiques auprès des clients atteints de troubles anxieux, du trouble obsessionnelcompulsif et des troubles associés.
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Activités interactives À retenir Carte conceptuelle Dossier vidéo Ressources Solutionnaire de l’Analyse d’une situation de santé
Guide d’études – RE01, RE02, RE05
278
Partie 3
Troubles mentaux
• • • • •
Solutionnaire des questions de Jugement clinique Solutionnaire des questions Réactivation des connaissances Solutionnaire des questions Récemment vu dans ce chapitre Solutionnaires du guide d’études Tableau WEB
Concepts clés
Cette carte conceptuelle illustre schématiquement les principaux concepts décrits dans le présent chapitre. Sa lecture vous permettra d’avoir une vue d’ensemble des notions qui y sont présentées.
peuvent engendrer
comprennent
12 peut causer gérée par
Anxiété
présente
peut causer
engendrent
varient selon le trouble
augmentent
entraînent
Chapitre 12
comme
Troubles anxieux, trouble obsessionnel-compulsif et troubles apparentés
279
PORTRAIT
Jacob Abensur Jacob Abensur, âgé de 19 ans, en est à sa première année au cégep. Un samedi, alors qu’il participe à une soirée organisée par l’association étudiante, ses amis le conduisent au service des urgences pour une intoxication alcoolique aiguë. À la suite de cet événement, Jacob a accepté un suivi en consultation externe au centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de son quartier. Au cours de la première évaluation, l’inrmière lui pose des questions sur ses habitudes de consommation d’alcool. Il répond qu’il a commencé à consommer de l’alcool à 14 ans lorsqu’un de ses amis lui a proposé de boire une bière avant de se rendre à la fête de l’école. À sa grande surprise, il a constaté qu’en arrivant à cette fête, il était particulièrement détendu et capable de discuter avec les autres. Il est même parvenu à demander à deux lles de danser avec lui. L’inrmière poursuit l’entrevue au cours de laquelle le jeune homme mentionne que, depuis qu’il va à l’école, il est incapable de participer aux conversations banales et aux bavardages habituels avec les autres élèves. Il a peur de n’avoir rien à apporter à la conversation, s’inquiète de son apparence et de sa maladresse. Au secondaire, il a constaté que ce malaise l’isolait des autres élèves de son âge, même s’il ne vit pas ces difcultés avec les membres de sa famille. Depuis cette première fête à l’école, Jacob continue de boire avant les fêtes, les soirées, les parties de football et toute autre activité sociale ou tout cours qui demande une participation active de sa part.
12.1 CE QU’IL FAUT RETENIR
L’anxiété est un état de tension et d’appréhension dont le but est d’avertir la personne d’un conit ou d’un danger, que la menace soit réelle ou non. Elle n’est pas pathologique en soi, mais elle peut le devenir lorsque la réponse anxieuse prend des proportions exagérées.
280
Partie 3
Caractéristiques de l’anxiété
L’anxiété fait partie intégrante de l’expérience humaine. Il s’agit d’un sentiment diffus et subjectif de malaise, sans objet identiable. Sa fonction est d’avertir la personne d’un conit ou d’un danger, que la menace soit réelle ou non. L’anxiété est en effet un état de tension, d’appréhension ou un sentiment de fatalité imminente qui résulte d’inuences extérieures menaçant de submerger la personne et son intégrité. Lorsqu’une personne reçoit le signal d’un danger imminent, elle devient motivée à agir, soit en fuyant, soit en affrontant la situation menaçante. Il arrive aussi que certaines personnes restent plutôt gées et soient incapables de réagir devant un danger. L’anxiété en soi n’est pas pathologique, mais elle peut le devenir lorsque la réponse anxieuse prend des proportions exagérées, au point d’altérer le fonctionnement normal
Troubles mentaux
de la personne, ou inappropriées si l’anxiété perdure alors que la menace a disparu. À ne pas confondre avec l’anxiété, le stress désigne l’ensemble des perturbations biologiques et psychologiques provoquées par une agression quelconque sur l’organisme. Il s’agit de la réponse physiologique de la personne à un stimulus qui nécessite une adaptation. L’anxiété est plutôt la réaction émotionnelle devant l’anticipation d’une menace future, et elle se traduit par un sentiment vague ou indénissable d’insécurité, alors que la peur est une réponse émotionnelle à une menace imminente, qu’elle soit réelle ou perçue.
12.1.1
Mécanismes de défense
Les mécanismes de défense, présentés par Anna Freud (1937) et repris ensuite par plusieurs auteurs, sont les principales stratégies auxquelles l’ego (le moi) fait appel pour maîtriser ou gérer l’anxiété. Ils protègent la personne contre toute menace à son intégrité physique, mentale et sociale. La théorie psychanalytique précise qu’au niveau inconscient, le fait d’ignorer les signaux d’anxiété provoque la menace d’« être détruit » ou de ne plus exister (Freud, 1923/2010). Ainsi, l’identication est un mécanisme de défense couramment utilisé, par exemple par une adolescente qui voudrait ressembler aux lles les plus populaires de son école. La jeune lle recourt inconsciemment à ce mécanisme de défense pour s’identier aux compagnes qu’elle admire, elle dilue sa propre identité dans celle des autres an d’être admise au sein du groupe. Pour ce faire, elle peut également adopter certaines valeurs des autres ou imiter quelques-uns de leurs comportements. Le fait d’être différent comprend la menace de rejet, ce qui crée une profonde anxiété chez la plupart des adolescents. Nombre de jeunes gens nissent toutefois par devenir des adultes sûrs d’eux qui découvrent leur propre identité. Chaque personne utilise des mécanismes de défense à diverses étapes de sa vie TABLEAU 12.1. Tous les mécanismes de défense réduisent l’anxiété, et chaque personne les emploie pour traverser un moment difcile ou pour affronter les dés d’une étape déterminante de son développement. D’un point de vue émotionnel, les personnes qui utilisent régulièrement des mécanismes de défense immatures ont une probabilité plus faible de s’épanouir et de devenir des êtres sains et responsables (Vaillant, 2000), alors que celles qui ont recours à des mécanismes d’adaptation matures connaissent plus de succès, obtiennent de meilleurs revenus en vieillissant (Vaillant, 2011) et jouissent d’une santé plus vigoureuse (Malone, Cohen, Liu et al., 2013). Les personnes ayant reçu un diagnostic de trouble de la personnalité limite utilisent souvent des mécanismes d’adaptation immatures tels que le refoulement ou la projection (Knafo, Guilé,
TABLEAU 12.1
Principaux mécanismes de défensea
MÉCANISME DE DÉFENSE
DÉFINITION
EXEMPLE
Niveau d’adaptation élevé Perception consciente des sentiments, des idées et de leurs conséquences Humour
Recourir à l’humour pour gérer les stresseurs de tous les jours.
La personne raconte des histoires amusantes, dans lesquelles l’interlocuteur peut s’identier, pour parler de sa dépendance à l’alcool ou aux drogues et de sa guérison en cours.
Sublimation
Canaliser les pensées et les sentiments non adaptés, telle l’agressivité, vers des comportements socialement acceptables.
Un jeune homme, victime d’intimidation quand il était enfant, devient policier ; il a canalisé ses sentiments de colère et d’impuissance devant l’intimidation vers l’observation et l’application de la loi.
Répression
Éviter délibérément de penser à des problèmes, à des désirs, à des sentiments ou à des expériences pénibles (contrairement au refoulement, qui est habituellement inconscient).
Une étudiante consacre toute son énergie à ses travaux scolaires pour échapper à plusieurs problèmes qu’elle éprouve à la maison.
Niveau des inhibitions mentales et de la formation de compromis Maintien hors de la conscience des idées, sentiments, souvenirs, désirs ou craintes potentiellement menaçants Déplacement
Transférer un sentiment ou une réaction envers quelqu’un vers une autre personne moins menaçante ou vers un objet.
Une mère, fâchée que sa lle adolescente réussisse moyennement à l’école et lui désobéisse, va au gymnase et se dépense dans une vigoureuse partie de tennis.
Dissociation
Modier involontairement les fonctions d’intégration de la conscience, de la mémoire, de la perception de soi, de l’environnement ou du comportement sensorimoteur.
Le client dit se sentir détaché de son corps et afrme le regarder d’en haut, à partir du coin de la pièce.
Refoulement
Repousser involontairement hors de sa conscience les pensées, les expériences ou les désirs perturbants (plus intense que la répression, qui est intentionnelle).
En décrivant son enfance marquée par une agression sexuelle, le client est incapable de se rappeler plusieurs de ses premières expériences et semble détaché de celles-ci.
Niveau de distorsion mineure de l’image Altération de l’image de soi, du corps ou des autres dans le but de réguler l’estime de soi Dépréciation
S’attribuer ou attribuer aux autres des défauts exagérés.
Le client est incapable de se trouver des forces ou des qualités et reconnaît seulement des défauts qui le dévalorisent.
Niveau du désaveu Maintien hors de la conscience des facteurs de stress, des impulsions, des idées, des affects ou des sentiments de responsabilité, et ce, qu’ils fassent ou non référence à des causes externes Déni
Refuser inconsciemment d’admettre une réalité douloureuse ou une expérience subjective que les autres constatent.
Le client consomme plusieurs bières sur une base quotidienne, mais ne reconnaît pas avoir un problème d’alcool.
Projection
Attribuer à une autre personne ses propres fautes, sentiments, impulsions ou pensées inacceptables.
Le client s’emporte contre l’inrmière qui établit des limites, et il l’accuse d’être fâchée contre lui.
Niveau de distorsion majeure de l’image Altération complète de l’image de soi ou des autres dans le but de protéger l’estime de soi Clivage de l’image de soi ou des autresb
Compartimenter des états affectifs opposés tout en échouant à intégrer ses propres qualités et défauts et ceux des autres dans des images cohérentes.
Le client est incapable de nuance, il ne voit les choses qu’en noir ou blanc.
a
Ce tableau présente quelques-uns des principaux mécanismes d’adaptation associés aux troubles anxieux contenus dans le DSM-IV-TR. Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux, 4e édition révisée (American Psychiatric Association [APA], 2000). b Le clivage est un mécanisme de défense fréquemment observé en cas de trouble de la personnalité, notamment le trouble de la personnalité limite (borderline) (Perry, Presniak & Trevor, 2013). Sources : Adapté de APA (2000) ; Chabrol (2005).
Chapitre 12
Troubles anxieux, trouble obsessionnel-compulsif et troubles apparentés
281
12
Jugement
clinique Maxime Lajeunesse est âgé de 34 ans. En raison de sa timidité et de sa petite taille, il a fréquemment été victime de taxage et de violence physique et verbale alors qu’il était en sixième année du primaire. Lorsque son entourage discute de l’intimidation à l’école, il dit, en adoptant un air détaché, qu’il en a sans doute subi, comme plusieurs enfants, mais qu’il ne s’en souvient pas. Quel mécanisme de défense monsieur Lajeunesse utilise-t-il ? MAIS SI...
Si monsieur Lajeunesse disait plutôt qu’il a vécu de l’intimidation parce qu’il montrait des comportements de victime et qu’il méritait ce qu’il avait subi, quel mécanisme de défense utiliserait-il alors ?
CE QU’IL FAUT RETENIR
L’inrmière tient compte de l’anxiété présentée par le client et module la relation thérapeutique en conséquence.
Les personnes ayant moins de succès avec les divers mécanismes de défense ou qui dépendent surtout de mécanismes de défense moins adaptatifs présentent parfois des symptômes de troubles anxieux parce qu’elles n’ont pas réussi à gérer efcacement leur anxiété. Par exemple, une personne atteinte du trouble d’anxiété généralisée (TAG) qui éprouve une anxiété élevée a tendance à utiliser des mécanismes de défense moins adaptatifs comme la dépréciation et mentionne ne pas être en mesure de maîtriser son anxiété. Le traitement des troubles anxieux comprend alors l’enseignement et l’utilisation de diverses techniques visant à réduire et à gérer l’anxiété.
12.1.2
CE QU’IL FAUT RETENIR
Un signal de l’environnement entraîne de l’anxiété, dont la nature peut devenir grave et qui aboutit à une attaque de panique.
FIGURE 12.1
282
Partie 3
Breton et al., 2015 ; Vaillant, 2011) ; elles projettent leurs propres insufsances sur une autre personne ou sur la situation. Dans un sens, la projection réduit effectivement l’anxiété. Toutefois, en ayant constamment recours à ce mécanisme de défense, la personne ne réussit pas à faire face à ses vulnérabilités et à les combattre ; elle cesse alors de croître.
Stades de l’anxiété
Dans Interpersonal Relations in Nursing (1952/ 1991), Hildegard E. Peplau, une pionnière des soins inrmiers en santé mentale et en psychiatrie, situe les stades de l’anxiété sur un axe formant un continuum. Son travail illustre le concept d’anxiété et de tension élaboré par Harry Stack Sullivan (1892-1949), psychiatre américain et théoricien du développement. La FIGURE 12.1 décrit le continuum anxieux selon quatre stades : anxiété légère, modérée, grave ou panique.
Continuum anxieux d’après Hildegard E. Peplau
Troubles mentaux
Les personnes qui fonctionnent de façon optimale se situent généralement à un stade léger d’anxiété, qui facilite l’apprentissage, la créativité et le développement personnel. Ainsi, les étudiants connaissent fréquemment une légère anxiété alors qu’ils s’efforcent d’exceller dans leur travail. Le déplacement occasionnel vers le stade modéré est un mécanisme d’adaptation permettant de faire face à des situations plaisantes ou déplaisantes. Par exemple, une étudiante qui fait une importante présentation orale ou qui s’attend à une interrogation difcile connaît une anxiété modérée. Lorsque l’étudiante maîtrise le stresseur, elle revient ensuite le long du continuum vers une anxiété légère. L’anxiété modérée et l’anxiété grave peuvent être aiguës ou chroniques. En cas d’anxiété grave, la personne consacre surtout son énergie à la réduction de la souffrance et du malaise occasionnés par l’anxiété plutôt qu’à l’adaptation à son environnement. Le fonctionnement de cette personne s’en trouve atteint, et, souvent, elle a besoin d’aide pour inverser la situation. Quand l’anxiété atteint le stade de la panique, la personne est désorganisée et présente un accroissement de son activité motrice, une distorsion de son champ visuel et perceptif, une perte de sa pensée rationnelle et une réduction de sa capacité d’entrer en relation avec les autres. Le TABLEAU 12.2 expose en détail les réactions qui caractérisent les quatre stades de l’anxiété et qui forment un continuum. L’inrmière tient compte de l’anxiété présentée par le client et module la relation thérapeutique en conséquence ENCADRÉ 12.1.
12.1.3
Typologie des réactions anxieuses
En plus des stades évolutifs de l’anxiété, il est possible d’en distinguer divers types, selon leur cause. L’anxiété situationnelle (ou induite), ou état d’alerte, est provoquée par un facteur déclenchant (Spielberger, 1988). Il est important de souligner que bien que l’anxiété de ce type soit apprise, par exemple par imitation ou par conditionnement, elle résulte de situations qui ont été réprimées avec succès ou gérées à l’aide d’un autre mécanisme de défense. Par conséquent, l’agent déclencheur est efcacement exclu de la conscience de la personne. L’anxiété situationnelle est le facteur étiologique prédominant des troubles phobiques. Un signal de l’environnement entraîne de l’anxiété, dont la nature peut devenir grave et qui aboutit à une attaque de panique. Initialement, la personne est inconsciente du signal, car l’expérience d’origine le mettant en cause a été réprimée. Par exemple, une personne peut éprouver une anxiété grave ou même avoir une attaque de panique dès qu’elle se trouve en présence d’un chien, mais
TABLEAU 12.2 STADE D’ANXIÉTÉ
Réactions à l’anxiété RÉACTIONS PHYSIOLOGIQUES
COGNITIVES/PERCEPTIVES
ÉMOTIONNELLES/COMPORTEMENTALES
Léger
Signes vitaux normaux, tension musculaire minimale, pupilles normales
Champ visuel étendu ; conscience de multiples stimulus environnementaux et internes ; pensées souvent dispersées, mais maîtrisées
Sentiment de confort et de sécurité ; apparence détendue, voix calme ; état normal de productivité ; comportements habituels
Modéré
Signes vitaux normaux ou légèrement élevés ; tension ; sensation de malaise ou de plaisir (tendu ou excité)
Alerte ; champ visuel rétréci et concentré ; état optimal pour la résolution de problèmes et l’apprentissage ; attention élevée
Sentiment d’être prêt et apte à affronter des dés ; plein d’énergie ; engagement dans une activité compétitive et apprentissage de nouvelles habiletés ; voix et expression faciale intéressées ou attentives
Grave
Réaction de lutte ou de fuite ; système nerveux autonome (SNA) stimulé (signes vitaux élevés, diaphorèse, mictions plus fréquentes, diarrhée, bouche sèche, ↓ appétit, dilatation des pupilles) ; muscles tendus ; ↓ audition ; ↓ douleur
Champ visuel très rétréci ; attention sélective ; distorsion du temps (les choses semblent se passer plus vite ou plus lentement) ; tendances de dissociation ; détachement ; hypervigilance
Sentiment de menace et hypersensibilité ; sentiment de « surcharge » ; agitation psychomotrice (arpente la pièce, se sauve, se tord les mains, gémit, tremble, bégaye, a un comportement désorganisé ou se retire, se ge ou est incapable de bouger) ; signes de dépression (semble déprimé et se sent déprimé) ; manifestation de déni ; plaintes de maux et de douleurs ; agitation ou irritabilité ; besoin d’espace ; mouvements constants des yeux ou regard xe
Panique
Amplication des symptômes décrits ci-dessus jusqu’au relâchement du système nerveux sympathique ; pâleur ; ↓ pression artérielle et hypotension ; mauvaise coordination musculaire ; sensations auditives et douloureuses à leur minimum
Perception totalement dispersée ou bloquée ; résolution de problèmes et pensée logique très improbables ; perception d’irréalité par rapport à soi-même, à l’environnement ou à l’événement ; dissociation fréquente
Sentiment d’impuissance, avec perte totale de maîtrise de soi ou de la situation ; sentiment d’être fâché ou terrié ; attitude combative ou retrait complet, pleurs ou fuite ; désorganisation totale ; comportement extrêmement actif ou inactif
Source : Adapté de Green et al. (1995).
L’anxiété dépend parfois de la structure de la personnalité. Au cours de leur processus développemental ou au l des événements, certaines personnes vivent des expériences plus traumatisantes ou réussissent moins bien à s’adapter aux événements, ce qui entraîne des conits non résolus ou de la confusion. Ces personnes sont atteintes d’une diathèse anxieuse, soit une prédisposition à l’anxiété lorsqu’elles sont stressées. Elles risquent davantage de s’inquiéter qu’une autre personne qui ne possède pas ce trait de personnalité. Les situations qui recréent ou qui représentent le conit ou l’expérience d’origine provoquent une réaction anxieuse plus intense chez les personnes dont le degré d’anxiété réactionnelle est plus élevé. Par exemple, une femme craint de façon excessive que ses enfants se blessent ou contractent le rhume parce que, pendant la plus grande partie de son enfance, sa propre mère était atteinte d’une
maladie chronique. Elle limite alors leurs activités et devient anxieuse et surprotectrice. Lorsque la personne présente ainsi des symptômes émotionnels ou manifeste des comportements en raison d’un facteur de stress important, son anxiété est dite réactionnelle.
clinique
Jugement
ne décèle pas de cause précise (p. ex., une morsure ou une attaque) pour expliquer sa phobie des chiens.
Laurence Béliveau est âgée de 49 ans. Elle se trouve présentement à l’aéroport, car elle part en voyage avec une nouvelle collègue de travail qu’elle connaît très peu. Au moment de s’enregistrer au comptoir des départs, elle se met à pleurer, montre des signes d’hyperventilation, elle gesticule sans arrêt et ne comprend pas les explications de la préposée à l’enregistrement. Elle ressent l’urgence de téléphoner à une amie pour que celle-ci lui dise quoi faire, car elle ne sait plus si elle veut partir ou non. Quel est le stade d’anxiété de madame Béliveau ?
L’anxiété chronique apparaît dans des situations reconnues comme étant conictuelles ou stressantes et sur lesquelles la personne exerce une maîtrise limitée. Elle est souvent perçue comme une anxiété déjà ressentie. La sensation d’avoir des « papillons dans le ventre » que certains étudiants éprouvent avant un examen important est un symptôme d’anxiété que les personnes atteintes d’anxiété chronique peuvent ressentir de façon quasi continue. Un homme qui a déjà été mordu par un chien et dont le rythme cardiaque
Chapitre 12
Troubles anxieux, trouble obsessionnel-compulsif et troubles apparentés
283
12
Relation d’aide ENCADRÉ 12.1
Adapter la relation thérapeutique au client anxieux
• L’objectif premier de la relation inrmièreclient est de se rendre disponible pour le client ; la relation thérapeutique est centrée sur celui-ci. • Avant tout, l’inrmière connaît et maîtrise son anxiété ou ses propres doutes, pour éviter de les transmettre au client. Elle se montre rassurante et conante et évite de juger les comportements, les réactions, les mécanismes de défense du client, surtout si l’anxiété de celui-ci est importante.
éactivation des connaissances Nommez trois manifestations fréquemment observables d’une réaction marquée à une situation de stress.
Médullosurrénale : Partie centrale de la glande surrénale qui sécrète les hormones du groupe des catécholamines (épinéphrine et norépinéphrine). 10 Le syndrome général d’adaptation, découvert par Hans Selye et présenté dans le chapitre 10, Troubles liés aux traumatismes et aux facteurs de stress, permet de comprendre les manifestations physiologiques et comportementales qui accompagnent le stress.
284
Partie 3
• Lorsque le client est plus calme, l’inrmière discute avec lui et l’aide à mieux comprendre son problème et à déterminer les personnes-ressources qui peuvent l’aider dans la résolution de celui-ci. Elle lui permet d’exprimer ses émotions alors qu’elle le questionne dans le but d’établir ses besoins avec précision. • Plus tard, l’inrmière observe le client et soutient les démarches qu’il entreprend pour résoudre son problème.
s’accélère lorsqu’il en croise un dans la rue manifeste un état d’anxiété chronique plutôt modéré. Une femme ayant d’importants antécédents familiaux de cancer qui tarde à prendre rendez-vous avec son médecin après que celui-ci a décelé une masse dans son sein démontre une anxiété chronique élevée et non adaptée. Ce qui caractérise l’anxiété chronique, c’est qu’elle perdure dans le temps, c’est-à-dire que la personne ressent l’anxiété de façon presque permanente. L’anxiété diffuse est un sentiment envahissant de menace ou de fatalité non lié à une quelconque idée ou à un événement. Ce type d’anxiété conduit souvent à un état de panique si les stresseurs dépassent la capacité d’adaptation de la personne.
12.2
Étiologie
12.2.1
Théorie biologique
L’origine du modèle biologique des troubles anxieux remonte au xixe siècle. Charles Darwin (1809-1882) estime alors que les expressions émotionnelles changent au cours de l’évolution an que l’espèce s’adapte davantage à son environnement, comme cela se produit pour les structures anatomiques. Dès la première moitié du xxe siècle, le lien entre le système endocrinien et les émotions telles que l’anxiété est conrmé, alors que la relation entre la médullosurrénale et la production d’épinéphrine, notamment responsable de la réaction de lutte ou de fuite, est démontrée (Falkner & Lin, 2014). Après la Seconde Guerre mondiale, Selye (1956) s’appuie sur ce postulat pour étudier le stress et l’anxiété manifestés par les soldats qui ont combattu 10 . Parallèlement, des chercheurs étudient les effets de la neuropharmacologie sur le système
Troubles mentaux
nerveux autonome (SNA) pour la régulation des réactions motrices, cardiovasculaires et gastrointestinales (Jain, 2014). Il est établi que le SNA, et particulièrement le système sympathique, réagit aux stimulus environnementaux, y compris aux états émotionnels. À mesure que s’élargit la compréhension de la physiologie du cerveau grâce à l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle, le lien entre le stress et le fonctionnement cérébral est conrmé. La compréhension du rôle de l’amygdale et de l’hippocampe s’est avérée particulièrement importante pour l’évaluation de l’anxiété, car ces structures sont associées à la peur. De nos jours, la recherche porte sur ces deux parties du cerveau an de déceler des changements éventuels dans leur taille et leur fonctionnement lorsqu’une personne ressent des symptômes caractéristiques des troubles anxieux tels que l’anxiété sociale et le TAG. L’amygdale intervient dans la réaction de lutte ou de fuite, et, selon une première hypothèse, les divers troubles anxieux en perturberaient différentes régions. Une deuxième hypothèse à l’étude avance qu’il puisse y avoir une réduction de la taille de l’amygdale et de l’hippocampe chez les adultes ayant une anxiété sociale généralisée et que le stress chronique puisse causer des modications à l’amygdale, à l’hippocampe et même au cortex préfrontal (Irle, Rushleder, Lange et al., 2010). D’autres recherches ont démontré que certains circuits cérébraux également situés dans l’amygdale contribuent à l’extinction de la peur. Les personnes atteintes de troubles anxieux ont des déciences qui rendent ces circuits inefcaces (Amano, Unal & Paré, 2010 ; Jin & Maren, 2015 ; Likhtik, Stujenske, Topiwala et al., 2014). L’extinction de la peur est la capacité de prendre en compte un signal de l’environnement qui pourrait accroître l’anxiété, puis d’utiliser une réaction cognitive pour réduire la peur. Les personnes dont les circuits cérébraux responsables de l’extinction de la peur fonctionnent normalement tendent à réagir au stimulus en utilisant une approche de résolution de problèmes plutôt qu’en adoptant une réaction de lutte ou de fuite ou en restant gées. Il s’agit là d’une notion importante à considérer dans la planification des soins pour une personne atteinte de troubles anxieux (p. ex., des phobies). La génétique inuencerait aussi les émotions et l’anxiété. L’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle a permis de découvrir que certaines personnes possèdent une ou deux copies d’une variante courte du gène du transporteur de la sérotonine plutôt que la variante longue de ce gène (Grigsby, Cornish, Hocking et al., 2014 ; Lozano, Rosero & Hagerman, 2014) et que celui-ci inue sur une protéine qui recycle la sérotonine dans la
synapse. D’autres études ont aussi démontré que des variantes de ce gène sont présentes chez des personnes atteintes du TAG, du trouble de l’anxiété sociale et de dépression caractérisée (Oathes, Hilt & Nitschke, 2015). En étudiant et en comprenant le fonctionnement cérébral et la génétique, les chercheurs réalisent des progrès dans l’utilisation des agents pharmaceutiques et des approches psychothérapeutiques pour aider les clients ayant des troubles anxieux. L’inrmière rassure donc ces clients quant à l’origine de leur trouble et leur présente les modalités thérapeutiques qui s’offrent à eux.
12.2.2
Théorie psychodynamique
Sur le plan psychodynamique, l’anxiété est un avertissement destiné à l’ego, lui signalant qu’il est en danger en raison d’une menace intérieure ou extérieure. L’anxiété intervient dans le développement et le fonctionnement de la personnalité, ainsi que dans l’apparition et le traitement des névroses et des psychoses. Les travaux de Freud sont à la base du classement de la névrose d’angoisse, que l’on appelle aujourd’hui les troubles anxieux, dans une catégorie distincte. Freud reconnaît trois types d’anxiété : l’angoisse réelle, l’angoisse morale et l’angoisse névrotique. L’angoisse réelle est une expérience affective douloureuse résultant de la perception d’un danger venant du monde extérieur, comme la peur d’une agression, voire d’une éventuelle attaque terroriste. La peur constitue une réaction à un danger extérieur et entraîne, en conséquence, de l’anxiété. L’angoisse morale est l’expérience de culpabilité ou de honte ressentie par l’ego. Par exemple, une personne peut l’éprouver lorsqu’elle se sent coupable d’exprimer de la colère envers un membre de sa famille. L’angoisse névrotique est la perception instinctive d’une menace. Selon la théorie freudienne d’état d’alerte, l’anxiété représente un avertissement de l’émergence imminente d’un contenu mental inconscient menaçant. Les symptômes névrotiques, soit les symptômes somatiques, les obsessions, les compulsions et les phobies, apparaissent comme une tentative de se défendre contre l’anxiété. Peu de données appuient les théories psychodynamiques de l’anxiété, mais elles expliquent néanmoins qu’une perte ou un traumatisme subi pendant l’enfance peut générer du stress et déclencher un trouble anxieux.
12.2.3
Théorie comportementale
Des cliniciens qui jugeaient incomplets le modèle et les méthodes psychanalytiques, notamment Joseph Wolpe (1915-1997), ont conçu des modèles comportementaux en psychiatrie et en psychologie.
Ils ont fait de la psychologie expérimentale un point de départ pour offrir de nouveaux traitements. Selon les modèles comportementaux, fondés sur la théorie de l’apprentissage, l’étiologie des symptômes anxieux est la généralisation d’une expérience passée traumatisante par conditionnement. Par exemple, un enfant maladroit est tourné en ridicule par ses parents alors qu’il joue aux quilles. Il associe en conséquence la gêne et la honte aux activités sportives intérieures et aura des attaques de panique en jouant au basketball. Le même type d’opérations cognitives associant l’embarras aux activités sportives relie l’anticipation de l’embarras à l’évocation d’un événement sportif, et la personne commence à avoir des attaques de panique en lisant la page sportive du journal. Par conséquent, selon ce modèle, l’anxiété apparaît quand une personne se heurte à un signal qui lui rappelle un événement douloureux ou redouté 20 .
12.2.4
20 Les théories comportementales du conditionnement et les rôles de l’inrmière sont détaillés dans le chapitre 20, Modèles et stratégies thérapeutiques.
Théorie cognitivocomportementale
12
Le modèle cognitivo-comportemental (Beck, 1976 ; Cottraux, 2001) reprend à la fois les fondements du modèle comportemental et ceux du modèle cognitif. Sa principale caractéristique est qu’il s’intéresse autant aux comportements qu’aux pensées problématiques qui y sont associées. Le modèle cognitif repose sur trois fondements principaux intégrés dans l’approche cognitivocomportementale : • les pensées inuent sur les émotions et les comportements ; • les pensées peuvent être évaluées et remises en question ; • les changements comportementaux désirés peuvent découler d’une modification cognitive. Par exemple, un homme entend du bruit près de la fenêtre du salon au beau milieu de la nuit. S’il croit qu’il s’agit d’un voleur qui veut entrer chez lui par effraction, sa réaction sera probablement d’appeler la police et de chercher un endroit pour se cacher. Toutefois, sa réaction sera fort différente s’il pense qu’il s’agit de son adolescente qui rentre tard d’une soirée. Le modèle cognitivo-comportemental reconnaît donc deux facteurs principaux qui contribuent à l’apparition et au maintien des difcultés : les pensées que le client entretient (qui sont parfois irréalistes) et les comportements qu’il adopte tels que l’évitement systématique de certaines situations. Contrairement à l’approche comportementale, qui ne vise qu’à cibler des comportements problématiques et à les modier, l’approche cognitivo-comportementale a pour but de cerner les pensées et de les remplacer.
Chapitre 12
CE QU’IL FAUT RETENIR
Même s’ils sont rarement la cause de la consultation, les troubles anxieux sont parmi les plus courants chez les clients qui consul tent un professionnel en santé mentale.
Troubles anxieux, trouble obsessionnel-compulsif et troubles apparentés
285
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les clients atteints d’un trouble anxieux présentent souvent des troubles dépressifs, d’abus de substances ou un autre trouble anxieux.
12.3
Épidémiologie
12.3.1
Prévalence
Au Québec, le taux de prévalence à vie des troubles mentaux est de près de 20 %, soit 1 personne sur 5 (Lesage, 2012). Les troubles anxieux à eux seuls touchent de 7 à 11 % des Québécois au cours de leur vie selon des études (Fleury & Grenier, 2012 ; Lesage, 2012). Les troubles anxieux sont également parmi les plus courants chez les jeunes. Les enquêtes populationnelles évaluent que la prévalence est de 6 à 10 % chez les enfants, alors que les bases administratives mesurent une prévalence des troubles anxiodépressifs de 2,4 % chez les 5-19 ans (Lesage, 2012). Cette sous-estimation, aussi avancée chez la population adulte, s’explique par le fait que moins de 50 % des personnes atteintes d’un trouble mental consultent un professionnel de la santé (Institut de la statistique du Québec, 2010). Le plus fréquent des troubles anxieux est l’anxiété sociale, dont les études estiment la prévalence à vie de 8 à 13 % chez la population canadienne (Langlois, Samokhvalov, Rehm et al., 2011). Au Canada, les données varient selon les études, mais de 1 personne sur 5 à 1 personne sur 12 environ qui consultent les professionnels en première ligne présente des symptômes de troubles anxieux (Association des psychiatres du Canada, 2006). Pour le Québec, les dernières données disponibles indiquent une prévalence diagnostiquée annuelle de 9 % pour les troubles anxieux et dépressifs (Lesage, 2012). À titre de comparaison, aux ÉtatsUnis, 40 millions d’adultes âgés de 18 ans ou plus, soit environ 13 % de la population, sont atteints de troubles anxieux (National Institute of Mental Health [NIMH], 2013). Près de la moitié des troubles mentaux qui perdurent chez l’adulte se manifestent avant l’âge de 14 ans, et 70 % se sont déclarés avant 25 ans (UNICEF, 2011). Les symptômes de l’anxiété sociale apparaissent habituellement durant l’enfance et l’adolescence, à un âge moyen de 13 ans (NIMH, 2013), et ce trouble touche jusqu’à 13 % de la population canadienne (Langlois et al., 2011). Presque tous les clients des échantillons cliniques atteints d’agoraphobie ont un diagnostic ou des antécédents de trouble panique. L’agoraphobie se manifeste quand une personne ressent une peur envahissante des endroits d’où elle ne pourrait pas s’échapper au besoin. Par exemple, une personne peut être incapable de voyager en avion parce qu’elle a peur de ne pas pouvoir s’en échapper en cas d’écrasement et de trouver la mort. L’agoraphobie est plus fréquente chez les femmes que chez les hommes. Les phobies spéciques commencent à s’installer durant l’enfance, vers l’âge de sept ans (NIMH, 2013). La prévalence des phobies spéciques dans la population générale est de 7 à 11 %
286
Partie 3
Troubles mentaux
au cours de la vie (Institut universitaire en santé mentale de Montréal, 2015). La prévalence de la phobie simple est plus élevée chez les femmes que chez les hommes (NIMH, 2011). Le trouble obsessionnel-compulsif (TOC) se manifeste durant l’enfance et l’adolescence, avec un âge médian d’apparition de 19 ans (NIMH, 2013). Sa prévalence à vie est d’environ 2 % (Langlois et al., 2011). Le taux de prévalence à vie du TAG est d’environ 5 % (Langlois et al., 2011). Bien que le TAG puisse se manifester durant l’enfance, l’âge médian de son apparition est de 31 ans. Les symptômes peuvent survenir n’importe quand au cours de la vie de la personne (Langlois et al., 2011 ; NIMH, 2013).
12.3.2
Variations culturelles
La plupart des études qui ont permis d’établir la classication de la 5e édition du Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (DSM-5) ont été conduites aux États-Unis ; par conséquent, les symptômes dénissant les troubles sont représentatifs de la culture nord-américaine. Toutefois, l’inrmière tient compte des normes culturelles lorsqu’elle évalue un client atteint d’anxiété et de troubles connexes. Par exemple, certaines cultures restreignent la participation des femmes aux activités publiques ; l’agoraphobie y est donc moins souvent diagnostiquée. La peur de la magie et des esprits est présente dans de nombreuses cultures, et elle ne devient pathologique que lorsqu’elle est jugée excessive dans leur contexte. Beaucoup de cultures marquent les événements importants de la vie des personnes par des rites. L’observation de ceuxci n’est pas indicative d’un TOC à moins de dépasser les normes de ces cultures, de se manifester à des moments et à des endroits inappropriés pour celles-ci ou de perturber le fonctionnement social. Il semble qu’à l’exception du TOC et de l’anxiété sociale, l’anxiété et les troubles connexes montrent une prévalence plus élevée chez les femmes que chez les hommes. Il est possible qu’il s’agisse là aussi d’une variation culturelle. En effet, les femmes sont généralement plus susceptibles que les hommes de chercher un traitement ou d’entrer en contact avec un professionnel de la santé (Turcotte, 2011).
12.3.3
Comorbidité
Il est important que l’inrmière comprenne la cooccurrence des troubles anxieux avec d’autres problèmes de santé mentale. Le taux élevé de comorbidité entre l’anxiété et la dépression est notamment connu. Les clients atteints de troubles anxieux présentent souvent un risque plus élevé d’idées ou de comportements suicidaires de l’ordre de 30 % par rapport à ceux qui n’ont ni l’un ni l’autre de ces troubles (Huang, Yen & Lung, 2010 ; Page, Morrell, Hobbs et al., 2014). Malgré une récente amélioration, le taux de suicide au
Le TOC s’observe avec la présence d’autres troubles anxieux aussi bien qu’avec l’abus d’alcool ou d’autres drogues, la dépression caractérisée et des troubles de l’alimentation. Il est possible qu’une personne aux prises avec un TOC manifeste une préoccupation hypocondriaque pour les sensations et le fonctionnement de son corps.
12.4
Description clinique
12.4.1
Attaques de panique
L’attaque de panique se manifeste par l’apparition soudaine de symptômes physiques pénibles accompagnés d’un sentiment de terreur, de l’appréhension d’une catastrophe ou d’une mort imminente, ainsi que de la peur d’être piégé. Tout comme la èvre n’est pas une maladie, mais un signe clinique, l’attaque de panique n’est pas un trouble anxieux, mais plutôt un signe non spécique qui peut se manifester dans plusieurs troubles. Freud a d’abord décrit les symptômes des attaques de panique, qui se produisent lorsque la connexion entre l’anxiété et le
danger menaçant est entièrement perdue de vue : ces attaques se manifestent par des symptômes intenses tels que des tremblements, des vertiges ou des palpitations (Freud, 1917/1963). Les recherches menées au cours des deux guerres mondiales, dont le travail du cardiologue Paul Dudley White (18861973), ont permis d’en afner la description clinique (Favaloro, 1999). Ce dernier et ses collègues du Massachusetts General Hospital ont recueilli des données provenant de nombreux clients qui présentaient des symptômes tels que des palpitations, des tremblements ou des vertiges, mais qui n’étaient pas atteints d’une maladie cardiaque organique. Ils ont donné à ce syndrome clinique le nom d’asthénie neurocirculatoire. Dans le même établissement, des neuropsyMaurice Bruneau, âgé de 71 ans, est hospitalisé chiatres ont décrit un complexe pour une pneumonie récurrente. Il est légèrement de symptômes similaire qu’ils dyspnéique et n’arrive pas à expectorer ses ont baptisé névrose d’angoisse sécrétions. Il vous dit qu’il s’inquiète de son (Favaloro, 1999). Ces cardioloétat, car il ne voit pas d’amélioration malgré le gues et ces neuropsychiatres traitement antibiotique. C’est d’une voix chevroont alors dépeint les symptante qu’il exprime sa peur de mourir. Diriez-vous tômes qui caractérisent que monsieur Bruneau montre des signes d’une aujourd’hui les attaques de attaque de panique ? Justiez votre réponse. panique.
clinique
Jugement
Québec est l’un des plus élevés en Amérique du Nord, et il demeure la cause principale de décès chez les moins de 35 ans (Fleury & Grenier, 2012). Il y a une concomitance substantielle entre l’abus d’alcool ou d’autres drogues et les troubles anxieux, car la personne peut tenter de « soigner » ses symptômes d’anxiété à l’aide de médicaments ou d’alcool (Bodapati, Hunter, Jason et al., 2014 ; Prast, Schardl, Sartori et al., 2014).
Les attaques de panique sont des épisodes soudains et spontanés qui s’accompagnent de manifestations physiologiques comme la tachycardie, des palpitations, des étourdissements, la dyspnée et un sentiment de mort imminente ENCADRÉ 12.2. Ces attaques peuvent être déclenchées par un signal (p. ex., la vue d’un serpent dans le cas d’une
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 12.2
Attaque de panique
N.B. : Les symptômes sont présentés dans le but d’identier une attaque de panique ; toutefois, une attaque de panique n’est pas un trouble mental et ne peut pas être codée. Les attaques de panique peuvent survenir dans le contexte de n’importe quel trouble anxieux ainsi que dans d’autres troubles mentaux (p. ex. troubles dépressifs, trouble de stress post-traumatique, troubles de l’usage d’une substance) et dans certaines affections médicales (p. ex. cardiaques, respiratoires, vestibulaires, gastro-intestinales). Quand la présence d’une attaque de panique est identiée, elle doit être notée comme une spécication (p. ex. « trouble de stress post-traumatique avec attaques de panique »). Pour le trouble panique, la présence d’une attaque de panique fait partie des critères du trouble et n’est pas utilisée comme spécication. Une montée brusque de crainte intense ou de malaise intense qui atteint son acmé en quelques minutes, avec la survenue de quatre (ou plus) des symptômes suivants : N.B. : La montée brusque peut survenir durant un état de calme ou d’anxiété. 1. Palpitations, battements de cœur ou accélération du rythme cardiaque. 2. Transpiration.
3. Tremblements ou secousses musculaires. 4. Sensations de « soufe coupé » ou impression d’étouffement. 5. Sensation d’étranglement. 6. Douleur ou gêne thoracique. 7. Nausée ou gêne abdominale. 8. Sensation de vertige, d’instabilité, de tête vide ou impression d’évanouissement. 9. Frissons ou bouffées de chaleur. 10. Paresthésies (sensations d’engourdissement ou de picotements). 11. Déréalisation (sentiments d’irréalité) ou dépersonnalisation (être détaché de soi). 12. Peur de perdre le contrôle de soi ou de « devenir fou ». 13. Peur de mourir. N.B. : Des symptômes en lien avec la culture (p. ex. acouphènes, douleur au cou, céphalée, cris ou pleurs incontrôlables) peuvent être observés. De tels symptômes ne peuvent pas compter pour l’un des quatre symptômes requis.
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association, DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
Chapitre 12
Troubles anxieux, trouble obsessionnel-compulsif et troubles apparentés
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12
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les attaques de panique peuvent survenir dans tous les troubles anxieux et dans d’autres troubles comme les troubles dépressifs, le trouble de stress post-traumatique et l’abus de substances.
phobie simple) ou elles peuvent être inattendues (c.-à-d. non signalées, alors que rien dans l’environnement ne les déclenche) (American Psychiatric Association [APA], 2015). Il est important de souligner que, selon la classication du DSM-5, les attaques de panique ne constituent pas un trouble mental en soi. Elles peuvent survenir dans tous les troubles anxieux et dans d’autres cas comme les troubles dépressifs, le trouble de stress post-traumatique et l’abus de substances (APA, 2015).
12.4.2
Trouble panique
Dans le cas du trouble panique, les attaques de panique surviennent de façon inattendue et récurrente. Suivant la dernière attaque, pendant plus de un mois, la personne demeure avec une crainte persistante de subir une nouvelle attaque, et cette crainte est sufsamment grande pour que la personne modie ses habitudes et ses comportements dans le but de prévenir une nouvelle attaque (APA, 2015). La personne est aussi inquiète au sujet des implications éventuelles de l’attaque ou de ses conséquences (p. ex., la perte de la maîtrise de soi, une crise cardiaque, le fait de « devenir fou »). Par exemple, une adolescente a eu trois attaques de panique au cours des deux derniers mois. Les deux premières se sont produites au moment où elle était dans l’autobus, et la troisième est survenue alors qu’elle courait avec sa sœur. Depuis la deuxième attaque, la jeune lle se dit nerveuse et constamment inquiète d’en subir d’autres. Depuis plus de un mois, elle évite de prendre l’autobus et préfère marcher pendant une heure pour se rendre à l’école ; cette jeune lle est atteinte d’un trouble panique.
12.4.3
Agoraphobie
L’agoraphobie se caractérise par une peur et une anxiété intenses de se retrouver dans certains endroits ou environnements en raison de la crainte de subir une attaque de panique ou celle que quelque chose de terrible survienne (p. ex., ne pas pouvoir s’échapper d’un lieu ou obtenir de l’aide en cas de malaise) FIGURE 12.2. Les situations ou lieux suivants vont habituellement générer de la peur ou de l’anxiété chez les personnes agoraphobes : les transports publics, les espaces ouverts, les endroits clos, les foules, les les d’attente et le fait de se retrouver seules à l’extérieur de la maison. La personne est considérée comme agoraphobe si elle présente une peur ou une anxiété importante dans deux ou plus de ces situations et que cette peur persiste pendant plus de six mois. Les personnes agoraphobes vont souvent prendre des mesures draconiennes an d’éviter ce genre de situations. Par exemple, une jeune femme agoraphobe a eu plusieurs attaques de panique au cours des derniers mois en se rendant au travail.
288
Partie 3
Troubles mentaux
FIGURE 12.2 L’agoraphobie peut se mani fester par la peur de quitter un lieu sûr et confortable tel que le domicile.
Elle s’inquiète des conséquences d’une éventuelle attaque alors qu’elle se trouve au travail ou en voiture et s’absente parfois du bureau pour cette raison. Elle évite les situations dans lesquelles elle a déjà vécu une attaque de panique. Elle effectue un détour de cinq kilomètres an d’éviter de traverser un pont sur lequel elle a déjà eu une attaque et s’isole de plus en plus. Il n’est pas rare que les personnes agoraphobes nécessitent la présence d’un proche de conance pour affronter les situations qu’elles ne peuvent éviter, qui seront alors vécues avec une peur et une anxiété intenses. L’anxiété générée par cette crainte est disproportionnée par rapport au risque réel de la situation (APA, 2015). Si la personne présente aussi les critères diagnostiques du trouble panique, elle recevra alors les deux diagnostics : trouble panique et agoraphobie. La plupart des personnes atteintes d’agoraphobie ont manifesté les premiers symptômes à l’adolescence, et de 30 à 50 % d’entre elles ont eu des attaques de panique avant l’apparition des premiers symptômes d’agoraphobie (APA, 2015).
12.4.4
Phobies spéciques
Les critères du DSM-5 dénissent une phobie spécique comme étant une peur marquée et persistante ou de l’anxiété par rapport à un objet ou à une situation précise. Cette peur persiste plus de six mois et est disproportionnée par rapport au danger réel de l’objet ou de la situation. Les phobies sont catégorisées selon le stimulus phobogène. Il existe des phobies spéciques de type animal (p. ex., la peur d’un chien, d’un insecte), environnemental (p. ex., la peur des hauteurs, de l’eau, des tempêtes), situationnel (p. ex., la peur d’un voyage en avion, de prendre l’ascenseur) et de type sang-injection-blessures (p. ex., la crainte de voir du sang) FIGURE 12.3. L’exposition au stimulus phobogène ou son anticipation déclenche une réponse anxieuse immédiate sous la forme d’une attaque de panique chez la personne ayant une phobie de type animal, situationnel ou environnemental. Pour leur part, les personnes ayant une phobie de type sang-injection-blessure vont plutôt présenter les symptômes d’un choc vagal. Il n’est pas rare qu’une personne soit aux prises avec plusieurs phobies spéciques ; c’est en effet
le cas de 75 % des personnes atteintes, la moyenne étant de trois phobies spéciques (APA, 2015). Les enfants expriment leurs phobies en pleurant, en piquant une colère, en se geant ou en se cramponnant à quelque chose ou à quelqu’un. Les adultes qui ont une phobie spécique reconnaissent que leurs peurs sont excessives ou irrationnelles (APA, 2015). Ils évitent les situations phobiques ou ils les endurent en éprouvant une grande souffrance (APA, 2015). L’intensité de la réaction varie habituellement avec le degré de proximité du stimulus phobogène et la possibilité d’y échapper (p. ex., la proximité d’un chien et la capacité ou non de fuir le lieu si ce chien s’approche).
12.4.5
Les enfants touchés par cette affection font preuve d’une anxiété extrême quand ils interagissent avec leurs pairs. Par exemple, un enfant peut déclarer à sa mère qu’il ne participera pas à une activité en groupe, car les autres enfants croiront qu’il est stupide. Les enfants expriment leur peur en pleurant ou en adoptant un comportement colérique. Les personnes atteintes d’anxiété sociale évitent les situations où elles devraient se trouver en société ou intervenir devant un public, être sujettes à l’observation d’autrui car elles le subissent avec une anxiété et une détresse intenses (APA, 2015). Ces personnes ont parfois de la difculté à travailler en groupe. Si un tel client se trouve au centre hospitalier pour traiter un trouble concomitant comme l’abus d’alcool ou d’autres drogues, le recours à une thérapie de groupe pourrait susciter en lui beaucoup d’anxiété et, de ce fait, ne pas lui convenir. Toutefois, lorsqu’une personne est traitée pour anxiété sociale, la thérapie de groupe permettra une exposition aux peurs et diminuera, de ce fait, l’évitement. Également, les soins de cette personne devraient comprendre un travail individuel portant sur ses problèmes et le recours à un médicament antidépresseur de la classe des inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS) ou des inhibiteurs du recaptage de la sérotonine et de la norépinéphrine (IRSN) (Bandelow, Lichte, Rudolf et al., 2014).
12.4.6
FIGURE 12.3 Les phobies spéciques se manifestent de diverses manières selon les clients.
Trouble d’anxiété sociale (phobie sociale)
12
Trouble d’anxiété généralisée
Le trouble d’anxiété généralisée (TAG) survient quand une personne ressent une anxiété importante et une inquiétude excessive qui se manifestent presque chaque jour pendant une période de six mois ou plus (APA, 2015). Une personne atteinte du TAG a de nombreuses préoccupations au sujet de plusieurs aspects de sa vie. L’anxiété et l’inquiétude sont sufsamment importantes pour perturber son fonctionnement dans différentes sphères (vie sociale, professionnelle ou autre). Pour qu’elle reçoive le diagnostic de TAG, Chapitre 12
Troubles anxieux, trouble obsessionnel-compulsif et troubles apparentés
289
la personne doit ressentir au moins trois des six symptômes suivants, selon le DSM-5 : 1. une agitation ou une sensation d’être survoltée ou à bout ; 2. une fatigabilité ; 3. de la difculté à se concentrer ou des trous de mémoire ; Tableau 12.1W : Auto évaluation du trouble d’anxiété généralisée. CE QU’IL FAUT RETENIR
Une personne atteinte du TAG a tendance à toujours envisager les pires scénarios et tolère mal l’incertitude.
4. une irritabilité ; 5. de la tension musculaire ; 6. une perturbation du sommeil
.
Une personne atteinte du TAG a tendance à toujours envisager les pires scénarios et tolère mal l’incertitude. Par exemple, lorsque ses enfants sont en retard pour le souper, une mère devient très inquiète et croit qu’ils ont été kidnappés ou frappés par une voiture, même si cette éventualité est peu probable puisqu’ils jouaient chez des amis qui demeurent tout près FIGURE 12.4.
12.4.7
Trouble obsessionnel-compulsif
Le trouble obsessionnel-compulsif (TOC) et les troubles apparentés constituent désormais une famille de troubles mentaux. Le TOC est présenté
ici en raison de l’anxiété qui est un élément central de ce trouble. Le trouble obsessionnel-compulsif (TOC) se manifeste par des symptômes qui se transforment en obsessions ou en compulsions chez la personne. Le DSM-5 dénit une obsession comme une idée, une pensée ou une impulsion récurrente et persistante importune qui entraîne un accroissement marqué de l’anxiété (APA, 2015). La personne tente de supprimer ou d’ignorer ces pensées et ces impulsions ou de les neutraliser par d’autres pensées ou d’autres actions. Les personnes atteintes de TOC font preuve d’une prise de conscience (insight) variable par rapport à leur trouble, allant de bonne à absente. Par exemple, une personne aux prises avec un TOC et qui a une bonne autocritique reconnaît que ses pensées et ses comportements sont excessifs : il est inutile de vérier 20 fois si elle a bien barré la porte de la maison même si elle ne peut s’empêcher de le faire. La personne ayant une faible autocritique croira qu’il est assez probable qu’elle se fasse voler pendant son absence si elle ne vérie pas 20 fois que la porte est verrouillée. Pour sa part, la personne qui n’a pas d’autocritique sera convaincue qu’elle se fera voler pendant son absence si elle ne vérie pas la porte 20 fois avant de quitter son domicile.
SCHÉMA DES QUATRE DIMENSIONS Trouble d’anxiété généralisée DIMENSION PHYSIQUE • Tension musculaire
• Perturbation du sommeil
Caroline Beauchamp est une mère de famille âgée de 54 ans. Elle est si inquiète qu’elle a de la difculté à s’endormir et à rester endormie. Elle éprouve aussi régulièrement des douleurs au cou et aux trapèzes. Lorsqu’elle est anxieuse, il lui arrive d’avoir la diarrhée.
DIMENSION SOCIALE • Inquiétude excessive à propos des proches Madame Beauchamp a l’impression que ses ls adolescents sont particulièrement menacés. Elle les met en garde contre les dangers de la vie. Si l’un d’entre eux est en retard, elle vit une soirée éprouvante croyant qu’elle recevra un appel de la police ou du centre hospitalier.
FIGURE 12.4
290
Partie 3
Troubles mentaux
DIMENSION PSYCHOLOGIQUE • Anxiété et soucis excessifs • Irritabilité
• Difculté à se concentrer • Trous de mémoire
Madame Beauchamp a tendance à appréhender les pires catastrophes. Lorsqu’elle regarde la télévision, elle est facilement distraite et déconcentrée par ses pensées. Elle est de nature irritable et sursaute facilement au moindre bruit. Si ses habitudes sont perturbées, son insomnie s’exacerbe, et elle peut passer des heures à échafauder des scénarios dramatiques durant la nuit.
DIMENSION SPIRITUELLE • Capacité limitée à prendre des risques et à s’engager dans des projets Madame Beauchamp aimerait aller voir son frère qui vit en Californie et rencontrer ses neveux pour la première fois depuis leur naissance, mais sa peur de l’avion est telle qu’elle renonce à cet important voyage. Si elle sort de sa maison, elle tente de tout planier dans les moindres détails et devient anxieuse devant les imprévus. Elle modie rarement ses habitudes, elle achète les mêmes produits à l’épicerie depuis plusieurs années et est réticente à en essayer de nouveaux.
Les compulsions sont des comportements physiques ou des actes mentaux répétitifs qu’une personne se sent obligée d’accomplir en réaction à une obsession TABLEAU 12.3. La personne effectue les compulsions (ou comportements compulsifs) dans le but de réduire l’anxiété générée par les obsessions. Les compulsions sont considérées comme intrusives lorsqu’elles entraînent une perte de temps considérable, de la détresse ou entraînent une altération du fonctionnement (APA, 2015). Se laver les mains à répétition, vérier plusieurs fois que les électroménagers sont débranchés avant de quitter la maison, recompter sans cesse des objets en sont des exemples. Ces comportements ou ces pensées représentent une tentative pour prévenir ou réduire la détresse suscitée par l’obsession ou pour empêcher une menace redoutée de se concrétiser (p. ex., le feu, en vérifiant les appareils électroménagers). Toutefois, ils ne constituent pas une façon réaliste de prévenir une situation redoutée et ils sont excessifs, en plus d’être anxiogènes. Les personnes ayant des obsessions ou des compulsions vivent une détresse marquée parce que ces pensées dévorent du temps ; en outre, elles perturbent leur routine normale ou leur fonctionnement professionnel de façon importante. Le TOC touche un peu plus de 1 % de la population et atteint autant les hommes et les femmes. Il est
ENCADRÉ 12.3
TABLEAU 12.3
Exemples d’obsessions et de compulsions
OBSESSIONS
COMPULSIONS
Peur de la contamination
Soins d’hygiène ou hygiène des mains excessifs
Peur d’avoir oublié quelque chose ou de faire quelque chose
Vérications incessantes (p. ex., une porte barrée, le four éteint)
Besoin de symétrie et d’ordre
Rangement ou classement des objets en ligne ou dans un certain ordre, rangement continuel
Pensées interdites ou taboues
Pensées agressives ou à caractère sexuel ; prières continuelles dans le but de se déculpabiliser ou de se purier
Peur de se faire mal ou de faire du mal aux autres
Différents comportements variés, parfois sans lien avec la crainte, effectués dans le but de prévenir une catastrophe comme éviter les lignes du trottoir pour ne pas subir un malheur ou vérier plusieurs fois que le rond de la cuisinière est éteint avant de quitter la maison ; accumul ation d’objets dans le but d’obtenir un sentiment de plénitude ou pour prévenir des blessures ou des maladies
généralement diagnostiqué vers l’âge de 19 ans, mais il apparaît généralement plus jeune chez les garçons et s’accompagne souvent de tics chez ceuxci (APA, 2015) ENCADRÉ 12.3. Les femmes auront plus souvent des compulsions associées à la peur de la contamination, alors que pour les hommes, les
12
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les personnes atteintes d’un TOC effectuent les compulsions dans le but de réduire l’anxiété générée par les obsessions.
Trouble obsessionnel-compulsif
CARACTÉRISTIQUES DU TROUBLE OBSESSIONNELCOMPULSIF
• Le client atteint du TOC connaît des pensées récurrentes qui perturbent son fonctionnement quotidien. An de réduire l’anxiété envahissante ressentie à cause de ces pensées, le client adopte des compulsions ou certains schèmes de comportement (rituels). Certaines compul sions consistent à compter, à classer, à vérier (p. ex., que la cuisinière est éteinte ou que la porte est verrouillée) ou à se préoccuper des microbes. • Les pensées, les impulsions et les images sont involon taires, et elles sont aggravées par le stress. SOINS PROPOSÉS
• Le TOC est un trouble chronique exacerbé par l’anxiété qui répond à diverses stratégies thérapeutiques. • Au moment de l’admission d’un client atteint du TOC, l’inrmière crée tout d’abord une alliance thérapeutique avec celuici an de diminuer l’anxiété du client. • Au début de l’hospitalisation, l’inrmière ne cherche pas à limiter le temps que le client accorde à ses rituels puisque cela pourrait nuire à la relation thérapeutique à ce stadeci. Elle observe plutôt le client et note la durée ainsi que la nature des rituels an d’en discuter plus tard avec lui.
• Il est important d’appliquer des stratégies comportemen tales et cognitives pour gérer l’anxiété et réduire les symptômes du trouble lorsque les pensées sont envahis santes et que les compulsions deviennent perturbantes. Au fur et à mesure que la relation inrmièreclient s’installe, l’inrmière convient avec le client des objectifs de traitement et détermine la façon de les atteindre. • Le recours à une approche cognitivocomportementale aide à réduire les symptômes du TOC (Safak, Karadere, Ozdel et al., 2014 ; Torp, Dahl, Skarphedinsson et al., 2015). Avec le client, l’inrmière cible des rituels que celuici souhaite éliminer et établit un plan de traitement pour y arriver graduellement. • La pharmacothérapie est une modalité efcace qui fait habituellement appel à un médicament de la catégorie des antidépresseurs, principalement de la classe des ISRS, comme médication de premier recours (Seibell & Hollander, 2014). • Le prol d’effets indésirables varie selon la classe de médicaments ; il est important de reconnaître et de rapporter les effets indésirables pour la gestion de la pharmacothérapie du client. • Six semaines peuvent être nécessaires pour parvenir à maîtriser les symptômes grâce à la pharmacothérapie.
Chapitre 12
Troubles anxieux, trouble obsessionnel-compulsif et troubles apparentés
291
Jugement
clinique Anna-Maria Godilo est une femme âgée de 37 ans. Son travail l’oblige à prendre souvent l’avion pour assister à des réunions à l’étranger. Elle craint qu’un accident se produise en vol ; c’est pourquoi elle récite une courte prière chaque jour. Dès qu’elle sait qu’elle prendra l’avion, elle devient anxieuse. À l’embarquement, elle repère la sortie la plus proche de son siège, compte régulièrement le nombre de rangées la séparant de la sortie et vérie la présence d’un gilet de sauvetage. Elle est convaincue que si elle ne fait pas tout cela, l’avion va s’écraser. Madame Godilo afche-t-elle des comportements compulsifs ? Justiez votre réponse.
Sans traitement, le TOC peut devenir chronique et perdurer toute la vie. Ce trouble crée beaucoup d’anxiété et de détresse chez les personnes atteintes. Environ 50 % de ces personnes ont des pensées suicidaires, et 25 % feront une tentative de suicide. Enn, ce trouble est souvent comorbide. Près de trois personnes sur quatre atteintes de TOC ont aussi au moins un autre trouble anxieux, et 40 % souffrent également de dépression (APA, 2015).
12.4.8
i La Fondation québécoise pour le trouble obsessionnelcompulsif (FQTOC) offre de l’information et du soutien aux personnes atteintes de TOC, et ce, en vue de renforcer leur intégration sociale : http://fqtoc.mtl.rtss. qc.ca.
Troubles apparentés au trouble obsessionnel-compulsif
L’obsession d’une dysmorphie corporelle était autrefois appelé dysmorphophobie. Il commence généralement à l’adolescence, mais débute parfois au cours de l’enfance. Son apparition peut être graduelle ou soudaine, mais son diagnostic est parfois retardé pendant plusieurs années parce que le client cache souvent ses symptômes (APA, 2015). Ce trouble se produit quand un client est préoccupé par un défaut qu’il perçoit dans son apparence. Ce défaut s’avère parfois imaginaire ; si la personne a une légère anomalie physique, sa préoccupation est manifestement axée sur ce défaut, et elle s’avère démesurée par rapport à l’ampleur de celui-ci. Cette préoccupation cause une souffrance ou un dysfonctionnement social ou professionnel important (APA, 2015). Le client adopte des comportements qui entraînent des problèmes à l’école ou au travail, comme de la difculté à se concentrer en raison de ses préoccupations, une baisse de son rendement ou un absentéisme accru. Les imperfections réelles ou perçues par la personne touchent souvent la peau et les cheveux, mais n’importe quelle partie du corps peut être visée.
Jugement
clinique
292
pensées interdites et la symétrie sont plus fréquentes.
Yolande Maltéus, âgée de 39 ans, a perdu tous ses cheveux à la suite d’une chimiothérapie pour un cancer du sein gauche. Elle a également été traitée en radiothérapie, ce qui lui a occasionné des brûlures au thorax. Depuis ce temps, elle porte toujours un foulard ou un turban sur la tête, refuse de mettre des vêtements décolletés et s’isole de plus en plus souvent, de crainte qu’on ne remarque son apparence. Elle évite même de se déshabiller devant son conjoint. Madame Maltéus montre-t-elle des signes de peur d’une dysmorphie corporelle ? Justiez votre réponse.
Partie 3
Troubles mentaux
Le client adopte des comportements d’allure compulsive, comme consacrer un temps excessif à sa toilette, s’examiner longuement dans le miroir, vérier ou attaquer le défaut en grattant ou pinçant la peau jusqu’au sang. La personne ne peut s’empêcher d’adopter ces comportements. Certaines personnes atteintes de l’obsession d’une dysmorphie corporelle vont jusqu’à subir des chirurgies esthétiques importantes et
douloureuses ENCADRÉ 12.3. Toutefois, la plupart d’entre elles demeurent insatisfaites des résultats, et, dans certains cas, il y a exacerbation des symptômes après la chirurgie (APA, 2015). Une personne préoccupée par ses cheveux ne souffre pas nécessairement de la peur d’une dysmorphie corporelle. An de poser le diagnostic, il faut que la préoccupation soit intense et qu’elle entraîne une souffrance et une perturbation dans une ou plusieurs sphères du fonctionnement. Le client atteint de ce trouble peut passer de trois à huit heures par jour à s’observer dans un miroir, refuser de sortir de la maison ou ne sortir que le soir. La frustration causée par un défaut perçu ou réel rend certaines personnes violentes et colériques (APA, 2015). Ainsi, pendant une crise de colère, une personne préoccupée par un défaut qu’elle perçoit dans ses cheveux peut casser le miroir de la salle de bain en lançant sa brosse sur celui-ci. De plus, le client atteint de ce trouble est à risque élevé de suicide (APA, 2015) ; plus le trouble est apparu tôt dans la vie, plus le risque de suicide devient élevé (Bjornsson, Didie, Grant et al., 2013).
Trouble de thésaurisation pathologique Le trouble de thésaurisation pathologique (syllogomanie) se caractérise par la difculté à se départir d’objets, même ceux qui n’ont aucune valeur. Les personnes atteintes de ce trouble ressentent le besoin incontrôlable de conserver des objets et vivent une grande détresse, pouvant même aller jusqu’à une attaque de panique lorsqu’elles doivent s’en départir. Certaines vont même ressentir de l’anxiété si elles sont empêchées d’acquérir de nouveaux objets (APA, 2015). Avec le temps, elles en accumulent tellement que leur résidence devient parfois insalubre ou inutilisable en raison du désordre extrême qui y règne. Il n’est pas rare que le problème soit important au point que les autorités locales doivent intervenir en raison des risques d’incendie ou de l’insalubrité des lieux. Le niveau d’autocritique des personnes atteintes de ce trouble demeure très variable, certaines reconnaissant que leur problème est réel, alors que d’autres le nient avec insistance. Les personnes atteintes vont acheter plusieurs des objets qu’elles conservent, mais elles vont aussi récupérer les objets abandonnés par les autres. Les objets les plus souvent accumulés sont les journaux, les magazines, mais tout objet a de la valeur aux yeux de ces personnes et peut être conservé, même les animaux. Ce trouble est trois fois plus souvent observé chez les personnes âgées de 55 ans et plus que chez les jeunes adultes, mais il se développerait habituellement durant l’adolescence (APA, 2015). Les trois quarts des personnes atteintes du trouble de thésaurisation pathologique ont un autre trouble, la dépression, l’anxiété sociale, le TAG et le TOC étant les
plus courants, et ce sont la plupart du temps ces troubles qui vont amener la personne à consulter un professionnel (APA, 2015).
Trichotillomanie et dermatillomanie Les personnes atteintes de trichotillomanie ont comme habitude d’arracher leurs cheveux ou leurs poils. La plupart du temps, ces personnes vivent de courts épisodes durant lesquels elles arrachent leurs cheveux, sourcils ou cils. Il arrive parfois, mais moins fréquemment, que ces personnes extirpent aussi les poils sous les aisselles, les poils pubiens ou ceux du pourtour de l’anus. Pour poser le diagnostic, il faut que la quantité de cheveux ou de poils arrachés soit sufsante pour causer une perte observable (APA, 2015). Ces personnes tentent activement de ne pas reproduire ces comportements, mais en sont incapables. Elles ont souvent la sensation de perdre le contrôle et vivent de la honte par rapport à leur comportement ; l’alopécie ou la diminution de la densité capillaire qui en résulte accroît ce sentiment. Ce trouble touche environ 1 ou 2 % de la population, et plus les femmes que les hommes, dans un ratio de 10:1 (APA, 2015). Le TOC accompagne souvent la trichotillomanie, et il semble que la génétique joue un rôle important dans l’apparition du trouble. Selon le DSM-5, la dermatillomanie (triturage pathologique de la peau) se caractérise par des comportements durant lesquels la personne s’écorche la peau à l’aide de divers moyens. La plupart du temps, il s’agit de la peau du visage, des bras et des mains, mais aussi d’autres endroits. La personne utilise habituellement ses ongles, mais certains clients vont jusqu’à employer des pinces, des aiguilles ou elles se frottent sur une surface abrasive ou se mordent. La personne peut passer plusieurs heures par jour à s’écorcher la peau. Elle est consciente que ces comportements sont anormaux et elle sait que cela affecte différents aspects de sa vie, mais elle ne peut s’empêcher de le faire. Elle a souvent honte de ses comportements et tente de camouer ses blessures. Comme c’est aussi le cas pour la trichotillomanie, la personne peut mettre dans sa bouche la peau écorchée pour la mordre ou la manger (APA, 2015). Ce trouble apparaît habituellement à la puberté. Il demeure toutefois peu fréquent. La dermatillomanie touche un peu plus de 1 % de la population et est souvent accompagnée d’un TOC. La grande majorité des personnes atteintes sont des femmes. Ce trouble est invalidant puisque les personnes touchées passent au moins une heure par jour à s’écorcher ou à tenter de résister à la tentation de le faire (APA, 2015).
Trouble obsessionnel-compulsif ou apparenté induit par une substance/un médicament Quelques médicaments et certaines maladies peuvent induire les mêmes symptômes que ceux
observés dans le cas d’un trouble obsessionnelcompulsif ou apparenté. Ces symptômes incluent les obsessions, les compulsions ou les comportements répétitifs ainsi que l’arrachage des cheveux ou encore le triturage de la peau. Pour poser ce diagnostic, les symptômes doivent apparaître à la suite de la prise d’un médicament, de l’intoxication à une substance ou d’un sevrage.
Autres troubles apparentés Lorsque l’on peut mettre en évidence que les symptômes sont la conséquence d’une autre maladie, on posera plutôt le diagnostic du trouble obsessionnel-compulsif ou apparenté dû à une autre affection médicale. Enn, les diagnostics de trouble obsessionnelcompulsif ou apparenté spécié et de trouble obsessionnel-compulsif ou apparenté non spécié sont utilisés lorsque le client présente plusieurs symptômes, mais ne remplit pas les critères complets d’aucun des autres troubles de la famille. Lorsque l’on souhaite préciser la raison pour laquelle le client ne répond pas aux critères, on précise la raison particulière à la suite du diagnostic. Lorsque l’on n’indique pas de raison, on inscrit trouble obsessionnel-compulsif ou apparenté non spécié.
12.5
12
Pronostic
Le pronostic des troubles anxieux est lié à des facteurs propres au trouble lui-même, au client, à son acceptation de la maladie, aux efforts qu’il est prêt à fournir pour s’en sortir et à la relation qu’il entretient avec son thérapeute. De façon générale, les troubles anxieux sont habituellement chroniques et causent une dégradation importante similaire à celle associée à de nombreuses maladies chroniques (Antony, 2011 ; Antony, Roth, Swinson et al., 1998). Des études ont démontré que les clients atteints de troubles anxieux nécessitent environ 10 mois de traitement de plus que ceux ayant des troubles dépressifs avant d’atteindre la rémission (Penninx, Nolen, Lamers et al., 2011). Les clients traités pour le trouble panique manifestent généralement certains symptômes au cours de leur vie après les épisodes initiaux. Les études de suivi effectuées auprès de clients qui en sont atteints et qui consultent en première ligne tendent à démontrer que le trouble sera chronique et que le client a souvent un trouble dépressif ou un autre trouble anxieux concomitant (Tilli, Suominen & Karlsson, 2012). La durée moyenne depuis le diagnostic jusqu’à la rémission est d’un peu plus de 8 ans en l’absence de comorbidité et peut aller jusqu’à 21 ans en présence de celles-ci (Tilli et al., 2012). Les phobies spéciques qui persistent à l’âge
Chapitre 12
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les clients traités pour le trouble panique manifestent généralement certains symptômes au cours de leur vie après les épisodes initiaux et il est souvent accompagné d’un trouble dépressif ou un autre trouble anxieux.
Troubles anxieux, trouble obsessionnel-compulsif et troubles apparentés
293
i Il existe d’autres outils, sous forme de questionnaires autoadministrés, pour évaluer le TOC et le TAG. Ils peuvent être consultés au www. anxietycanada.ca/french/ youth/selftests.htm.
adulte sont généralement chroniques. L’évolution du trouble d’anxiété sociale est souvent continue, apparaissant ou réapparaissant après des expériences stressantes ou humiliantes.
d’espoir pour ces clients puisqu’elle a démontré que le taux de rétablissement pour le TOC a tendance à augmenter avec le temps, passant de 16 % après 1 an à 42 % après 15 ans.
Le pronostic du TOC est semblable à celui des troubles anxieux ; les symptômes s’amplient ou s’atténuent selon les stresseurs. Des études de suivi sur 5 ans auprès de clients atteints de TOC ont démontré des taux de rémission allant à près de 40 %. Certains facteurs comme une durée plus courte du TOC avant la prise en charge, une plus faible gravité des symptômes et l’absence de comorbidité sont associés à un plus haut taux de rémission pour les clients atteints de TOC (Eisen, Sibrava, Boisseau et al., 2013). Les conclusions de la recherche de Brook, Marcks, Weisberg et ses collaborateurs (2011) laissent entrevoir une lueur
Le pronostic du TAG s’avère plutôt sombre. L’évolution est habituellement chronique et marquée par des uctuations des symptômes au cours de la vie. Le TAG survient rarement seul ; les diagnostics souvent associés sont la dépression, l’abus de substances et d’autres troubles anxieux (Forlani, Morri, Belvederi Murri et al., 2014). Seulement deux personnes sur cinq atteintes du TAG consulteraient un professionnel de la santé pour obtenir de l’aide. De ce nombre, de 38 à 41 % environ obtiennent un rétablissement partiel ou complet après 5 ans de traitement (Tyrer & Baldwin, 2006).
12.6 Démarche de soins 12.6.1
Collecte des données – Évaluation initiale
Les premiers contacts avec les clients ayant des troubles anxieux s’effectuent souvent dans un CISSS, dans un groupe de médecine de famille ou au service des urgences d’un centre hospitalier. Dans ce contexte, les inrmières sont souvent les premières, parmi les professionnels de la santé, à entrer en contact avec ces clients. Le rôle de l’inrmière évolue au l du traitement, mais au moment des premiers contacts, il consiste essentiellement à évaluer l’état de santé physique et mentale du client, à documenter tous les signes et les symptômes qu’il présente à son arrivée et à le rassurer. CE QU’IL FAUT RETENIR
Le plus souvent, les clients présentant des symptômes d’anxiété ne mentionnent pas ce trouble comme étant la principale raison qui les amène à consulter. 4 L’exercice de la profession inrmière, tel que déni par l’Ordre des inrmières et inrmiers du Québec, est l’objet du chapitre 4, Évaluation de la condition mentale.
294
Partie 3
Reconnaître les manifestations de l’anxiété Il est important que l’inrmière puisse reconnaître les manifestations dysfonctionnelles de l’anxiété an que le traitement soit entrepris rapidement. Le plus souvent, les clients présentant des symptômes d’anxiété ne mentionnent pas ce trouble comme étant la principale raison qui les amène à consulter. Par dénition, l’anxiété est un sentiment de malaise diffus et dont la cause n’est pas nécessairement trouvée. L’inrmière qui se préoccupe de la santé mentale autant que de la santé physique de ses clients peut découvrir auprès d’une personne atteinte d’anxiété des signes qui indiquent la nécessité de procéder à une évaluation plus poussée 4 . Le TABLEAU 12.4 présente les manifestations cliniques physiques et psychologiques de l’anxiété. Ce tableau constitue un bon outil de départ pour aider l’infirmière à comprendre l’impact de
Troubles mentaux
l’anxiété sur les systèmes de l’organisme, sur les modes de pensée et sur le comportement du client. L’inrmière procède notamment à une évaluation complète de l’état mental. Ce faisant, elle doit porter une attention particulière à l’humeur, à l’affect, à l’estime de soi, au jugement, à l’autocritique ainsi qu’aux idées suicidaires ou hétéroagressives.
Reconnaître les symptômes fréquemment associés Les troubles anxieux, le TOC et les troubles apparentés se présentent rarement seuls. Parmi les troubles comorbides fréquents gurent d’autres troubles anxieux, la dépression et l’abus de substances. Comme ces troubles peuvent avoir un impact majeur dans différentes sphères de la vie de la personne, l’inrmière doit évaluer non seulement la présence de signes ou de symptômes de ces troubles, mais aussi l’impact de ceux-ci dans la vie de la personne. Un des moyens les plus efcaces pour évaluer ces éléments consiste à questionner directement la personne au cours de l’entrevue. Il est souvent utile d’interroger aussi les proches de la personne (avec son accord) an de valider certaines données recueillies pendant l’entrevue ou de les approfondir. Les questions de l’infirmière devraient d’abord être assez générales an d’explorer toutes les sphères de la vie de la personne. Si l’inrmière détecte des problèmes dans l’une d’elles au cours de l’entrevue, elle y reviendra après avoir posé les questions plus générales an de mieux cerner les difcultés de la personne.
Les questions de l’inrmière devraient donc aborder les thèmes suivants au cours de l’entrevue : la présence ou l’absence de symptômes dépressifs ou maniaques, la colère et les frustrations de la personne, l’anxiété et les symptômes physiques de celle-ci, les idées suicidaires, la qualité du sommeil, la présence ou non de symptômes psychotiques, la mémoire, les pensées ou les comportements répétitifs, la personnalité, la présence de symptômes dissociatifs et l’utilisation de substances. À titre d’exemple, une façon simple et efcace de questionner la personne an d’évaluer la présence de symptômes dépressifs est de lui demander comment elle s’est sentie la plupart du temps au cours des deux dernières semaines. L’inrmière approfondira ensuite l’évaluation à l’aide de questions plus précises selon la réponse de la personne.
Déterminer le degré d’urgence En cas d’attaque de panique ou de trouble panique, l’apparition soudaine de symptômes physiques et le sentiment envahissant d’une menace imminente sont effrayants. Ce sont ces symptômes physiques qui amènent le client au service d’urgence parce qu’il craint de subir une crise cardiaque ou d’être sur le point de mourir. Le client atteint d’agoraphobie attire parfois l’attention de l’inrmière lorsqu’elle le prépare pour des examens paracliniques comprenant une tomodensitométrie ou une imagerie par résonance magnétique. Lorsque l’inrmière décrit la procédure et l’équipement, le client agoraphobe peut devenir manifestement anxieux à la perspective de se retrouver dans un espace conné ou une salle bondée. An d’évaluer l’anxiété des clients de manière plus approfondie et de déterminer le degré d’urgence, l’inrmière qui a reçu la formation adéquate peut avoir recours à divers outils tels que l’échelle d’appréciation de l’anxiété de Hamilton (1959), l’Inventaire d’anxiété de Beck (Beck, Epstein, Brown et al., 1988) ou la Yale-Brown Obsessive-Compulsive Scale (Goodman, Price, Rasmussen et al., 1989) pour évaluer la gravité des symptômes chez un client atteint du TOC TABLEAU 12.5 .
Documenter les habitudes de vie L’inrmière discute avec le client de ses habitudes au quotidien et lui demande par exemple de décrire une journée type. Elle peut alors voir apparaître les obsessions/compulsions, l’isolement social ou mesurer la perception que le client a de son anxiété. Il est parfois difcile de poser un diagnostic si plus de une affection est présente à la fois. La dépression et l’abus d’alcool ou d’autres drogues font partie des conditions qui compliquent parfois les troubles anxieux. L’inrmière s’assure de questionner le client sur ses habitudes de consommation
Symptômes cliniques TABLEAU 12.4
Caractéristiques de l’anxiété : symptômes et manifestations
TYPES DE SYMPTÔMES
MANIFESTATIONS
Symptômes physiques Cardiovasculaires
Palpitations, ↑ pression artérielle, ↑ rythme cardiaque
Respiratoires
Respiration rapide et supercielle, sensation d’oppression dans la poitrine, dyspnée, suffocation, boule dans la gorge
Digestifs
Modication de l’appétit, malaise abdominal ou sensation d’être plein, nausées, brûlures d’estomac, diarrhée
Neuromusculaires
Hyperréexie, insomnie, tremblements, fait d’arpenter la pièce (c.-à-d. faire les cent pas, marcher de long en large), gaucherie, agitation, bouffées vasomotrices, transpiration, tension musculaire
Génito-urinaires
Réduction de la libido, mictions fréquentes ou impérieuses
Symptômes psychologiques Cognitifs
↓ attention, incapacité de se concentrer, perte de mémoire, jugement faussé, blocage de la pensée, peur des blessures ou de la mort
Comportementaux
Élocution rapide, tension musculaire, léger tremblement des mains, agitation, fait d’arpenter la pièce (c.-à-d. faire les cent pas, marcher de long en large), hyperventilation
Perceptuels
Irritabilité, impatience, nervosité, peur, inquiétude
12
d’alcool, de drogues ou d’autres produits tels que les boissons énergisantes, le thé et le café, car ils peuvent exercer une grande inuence sur l’intensité de l’anxiété. La consignation précise de ces renseignements au dossier du client aide le médecin à évaluer un éventuel TAG. L’inrmière évalue également la médication du client, puisque certains traitements ou leur abandon peuvent induire de l’anxiété. Une fois l’évaluation précisément documentée, l’inrmière soutient le diagnostic du médecin et oriente adéquatement le client : elle adapte le plan de soins et de traitements inrmiers (PSTI) et coordonne les soins des divers professionnels de la santé.
12.6.2
Analyse et interprétation des données
À partir du diagnostic médical et des renseignements recueillis pendant la collecte des données, l’inrmière détermine les problèmes prioritaires qui orienteront le plus efcacement le plan de soins du client. Elle cible avec lui les facteurs étiologiques et les facteurs de risque. Les facteurs étiologiques inuent sur le choix de l’intervention. Chaque client peut ressentir de l’anxiété ou être atteint d’un trouble anxieux pour
Chapitre 12
Vidéo : Trouble obsessionnelcompulsif. CE QU’IL FAUT RETENIR
Questionner le client sur ses habitudes de vie et lui demander de décrire une journée type peut permettre à l’inrmière de détecter différents signes ou symptômes de troubles présentés dans ce chapitre.
Troubles anxieux, trouble obsessionnel-compulsif et troubles apparentés
295
Collecte des données
Inventaire d’anxiété de Becka
TABLEAU 12.5
SYMPTÔME RESSENTI
PAS DU TOUT
UN PEU
MODÉRÉMENT
BEAUCOUP
(Cela ne m’a pas beaucoup dérangé.)
(C’était très déplaisant, mais supportable.)
(Je pouvais à peine le supporter.)
1. Sensations d’engourdissement ou de picotement 2. Bouffées de chaleur 3. « Jambes molles », tremblements dans les jambes 4. Incapacité de se détendre 5. Crainte que le pire ne survienne 6. Étourdissements ou vertiges, désorientation 7. Battements cardiaques marqués 8. Mal assuré, manque d’assurance dans mes mouvements 9. Sentiment d’être terrié 10. Nervosité 11. Sensation d’étouffement 12. Tremblements de mains 13. Tremblements, chancelant 14. Crainte de perdre le contrôle 15. Respiration difcile 16. Peur de mourir 17. Sensation de peur, « avoir la frousse » 18. Indigestion ou malaise abdominal 19. Sensation de défaillance ou d’étouffement 20. Rougissement du visage 21. Transpiration (non associée à la chaleur) a
Voici une liste de symptômes courants dus à l’anxiété. Le client lit chaque symptôme attentivement et indique à quel degré il a été affecté par chacun de ces symptômes au cours de la dernière semaine, incluant aujourd’hui. Chaque élément est noté de 0 à 3 ; un résultat total de 0 à 7 correspond à une absence d’anxiété, de 8 à 15, à une anxiété légère, de 16 à 25, à une anxiété modérée, et de 26 à 63, à une anxiété grave. Les résultats doivent être interprétés avec prudence. Certains clients ont tendance à exagérer leurs symptômes, et une entrevue d’évaluation approfondie avec le client est souhaitable an de déterminer avec précision son stade d’anxiété avant de poser un diagnostic. Source : Freeston, Ladouceur, Thibodeau et al. (1992).
296
Partie 3
Troubles mentaux
12.6.3
Planication des soins
Établir les résultats escomptés La détermination des résultats escomptés avant la mise en œuvre du plan de soins guide à la fois les interventions inrmières et l’évaluation. Les résultats escomptés varient selon le diagnostic médical et les problèmes prioritaires établis pour chaque client. En pratique, l’inrmière détermine les résultats escomptés à partir des problèmes prioritaires, des manifestations cliniques du client et de ses besoins. Ce chapitre présente des exemples de résultats escomptés possibles pour les troubles anxieux ainsi que le TOC et les troubles apparentés. Puisque l’anxiété reste l’élément central commun à chacun des troubles présentés ici, les résultats escomptés avancés peuvent s’appliquer à plus de un trouble. Ce qui détermine la pertinence d’un résultat escompté pour un client est le lien qui existe avec le ou les problèmes prioritaires déterminés pour ce client. Les résultats escomptés sont donc établis en collaboration avec ce dernier.
Troubles anxieux Le client aux prises avec un trouble anxieux sera en mesure : • de montrer une réduction importante des symptômes physiologiques, cognitifs, comportementaux et émotionnels de l’anxiété ; • de montrer une capacité d’adaptation efcace ; • de manifester une capacité accrue de prendre des décisions et de résoudre des problèmes ; • de montrer sa capacité de fonctionner de manière adaptée en état d’anxiété légère ; • de discuter du régime pharmacologique et de prendre les médicaments comme prescrits ; • de savoir quand appeler le professionnel de la santé pour des visites supplémentaires lorsque survient une crise.
Trouble obsessionnel-compulsif et troubles apparentés Le client atteint d’un TOC sera en mesure : • de manifester une maîtrise accrue des pensées intrusives et des comportements ritualisés ; • de montrer une capacité d’adaptation efcace lors que les pensées ou les rituels sont interrompus ; • de diminuer le temps consacré à des activités compulsives liées à l’anxiété et d’utiliser plutôt
ENCADRÉ 12.4
Problèmes pouvant être associés aux troubles anxieux
• Anxiété
• Insomnie
• Automutilation
• Isolement social
• Capacité d’adaptation réduite
• Mécanismes d’adaptation défensifs
• Comportement à risque pour la santé • Conit décisionnel
• Méconnaissance de sa maladie (spécier la maladie)
• Déni inefcace
• Non-adhésion au traitement
• Désespoir
• Pensées envahissantes
• Détérioration de la mémoire
• Perturbation de la perception sensorielle
• Détérioration des interactions sociales
• Perturbation de l’image corporelle
• Détresse spirituelle
• Perturbation des processus familiaux
• Difculté à assumer ses rôles
• Perturbation du processus cognitif
• Faible estime de soi chronique
• Peur
• Fatigue
• Peur de mourir
• Hypervigilance
• Risque de suicide
• Impuissance
• Surcharge de stress
le temps gagné à accomplir des activités de la vie quotidienne et à participer à des activités sociales ou récréatives ; • de gérer avec succès les moments de plus grand stress en intégrant la notion que les pensées, les impulsions et les images sont involontaires, de façon à réduire son sentiment de culpabilité et l’anxiété qui l’accompagne ;
12
clinique
Jugement
des raisons qui lui sont propres. De ce fait, il ne s’agit pas d’anticiper tous les problèmes possibles liés à chacun des troubles décrits dans le présent chapitre ENCADRÉ 12.4. L’ordre de priorité accordé aux problèmes dépend des besoins précis du client. L’inrmière y porte une attention particulière et inscrit les constats et les problèmes inrmiers pertinents au plan thérapeutique inrmier (PTI).
Magalie Lampron est une adolescente âgée de 15 ans qui termine sa quatrième secondaire. Son entourage la dénit comme étant très exigeante envers les autres et très perfectionniste. D’ailleurs, aucune autre élève ne veut être en équipe avec elle pour participer à l’exposition scientique de son école. Elle se fâche facilement et trouve que ses compagnes ne sont pas aussi bonnes qu’elle en sciences. « Si je ne gagne pas le prix du meilleur kiosque, j’aurai tellement honte de moi. Je préfère tout faire moi-même, car j’ai peur que ce ne soit pas prêt à temps. Je ne sais pas ce que je ferais si je n’avais pas la meilleure note », dit-elle. Plus personne ne veut la côtoyer ou même lui parler. D’après ces données, quel problème lié à l’anxiété de ne pas être la meilleure Magalie éprouve-t-elle ?
• d’utiliser activement des stratégies apprises pour gérer l’anxiété et pour réduire les comportements obsessionnels-compulsifs, par exemple, la méditation de pleine conscience ; • de recourir à des techniques d’extinction des pensées conscientes enseignées par la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) pouvant l’aider à réduire l’attention qu’il porte à des schèmes de pensée répétitifs qui amplient l’anxiété 20 ; • de discuter du régime pharmacologique et de prendre les médicaments comme prescrits ; • de savoir quand appeler le thérapeute pour des visites supplémentaires lorsque survient une crise.
20 La thérapie cognitivocomportementale est présentée dans le chapitre 20, Modèles et stratégies thérapeutiques.
Décider des soins Dans l’environnement actuel des soins de santé, la planication du traitement pour le client ayant des troubles anxieux, un TOC ou un trouble apparenté
Chapitre 12
Troubles anxieux, trouble obsessionnel-compulsif et troubles apparentés
297
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les troubles anxieux, le TOC et les troubles associés se présentent rarement seuls. Parmi les troubles comorbides fréquents gurent d’autres troubles anxieux, la dépression et l’abus de substance.
est variée. Depuis le virage ambulatoire et la désinstitutionnalisation effectués au Québec au milieu des années 1990, la plupart des clients atteints de ces troubles sont traités en consultation externe. L’hospitalisation dans des unités de courte durée est surtout envisagée pour des clients qui représentent un danger pour eux-mêmes ou pour les autres. Les données soutiennent que les troubles anxieux sont associés à d’autres problèmes de santé, et ce sont habituellement ces problèmes (p. ex., le trouble dépressif, le risque suicidaire, l’abus de substances) plutôt que les troubles anxieux qui conduisent à l’hospitalisation (Katzman, Bleau, Blier et al., 2014). Au lieu de seulement assumer leurs rôles traditionnels en offrant des soins directs aux clients dans des centres hospitaliers, les inrmières deviennent des intervenantes pivots. En tant que telles, elles fournissent des renseignements sur les options de traitement et sur les résultats escomptés à l’intention des clients et de leur famille.
12.6.4
Exécution des interventions
FIGURE 12.5 L’inrmière peut inviter le client à adopter une posture de relaxation et à respirer profondément an de soulager l’anxiété.
Soins et traitements inrmiers Une fois l’évaluation réalisée et un diagnostic conrmé de la famille des troubles anxieux ou du TOC et de troubles apparentés, l’inrmière peut intervenir auprès du client de diverses façons. Son rôle dépend toutefois du milieu de soins. L’inrmière enseigne au client en quoi consiste sa maladie et lui explique les options thérapeutiques retenues par l’équipe interdisciplinaire. Elle peut également lui présenter des moyens permettant de maîtriser l’anxiété, notamment les techniques de relaxation et de respiration FIGURE 12.5. Il lui est aussi possible d’orienter le client vers des groupes de soutien ou des organismes communautaires qui viennent en aide aux personnes aux prises avec son trouble. Elle peut également soutenir le client de façon plus
directe, au cours d’entretiens de relation d’aide durant lesquels elle lui fait prendre conscience des liens qui existent entre ses symptômes physiques ou l’exacerbation des compulsions et l’anxiété. L’inrmière peut utiliser différents outils dérivés de l’approche psychothérapeutique tels que le journal des pensées révisées et le thermomètre de la certitude. Une description et un exemple de ces outils sont présentés plus loin dans ce chapitre. Certaines interventions sont utiles pour tous les clients présentant des symptômes d’anxiété, et ce, quels que soient le diagnostic et le milieu de traitement TABLEAU 12.6. La situation clinique détaille les interventions inrmières pour une cliente ayant un TAG avec attaques de panique SC 12.1.
Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 12.6
Accompagner le client ayant un trouble anxieux
INTERVENTION
JUSTIFICATION
Assurer la sécurité du client et de son environnement, ce qui constitue une priorité de l’inrmière.
L’anxiété d’un client peut augmenter jusqu’à devenir une attaque de panique, qui pourrait être effrayante et dangereuse pour lui et pour les autres. De plus, la dépression et les idées suicidaires sont souvent présentes chez les clients atteints de troubles anxieux.
Faire verbaliser la personne sur les situations qui génèrent de l’anxiété chez elle.
Le fait d’exprimer ce qu’elle ressent et d’être en mesure de détecter les situations qui génèrent de l’anxiété permet à la personne de reconnaître et de mieux comprendre ces situations ainsi que les émotions que celles-ci provoquent chez elle. Cela l’aide à réduire l’anxiété et lui permettra de mieux se préparer à affronter des situations semblables dans le futur.
298
Partie 3
Troubles mentaux
TABLEAU 12.6
Accompagner le client ayant un trouble anxieux (suite)
INTERVENTION
JUSTIFICATION
Se montrer disponible pour la personne et prendre le temps de l’écouter.
Une attitude d’ouverture et d’accueil aide à créer un climat de conance entre la personne et l’inrmière, un élément essentiel à la relation thérapeutique, qui favorisera la participation du client aux interventions et sa prise en charge personnelle.
Évaluer son propre stade d’anxiété et faire un effort conscient pour rester calme.
L’anxiété se communique facilement d’une personne à une autre, et l’inrmière doit maîtriser la sienne.
Reconnaître les comportements de soulagement auxquels le client a recours (p. ex., arpenter la pièce, se tordre les mains) comme des indi cateurs d’anxiété.
Une intervention précoce aide à gérer l’anxiété avant que les symptômes deviennent plus sérieux.
Aviser le client de l’importance de limiter sa consommation de caféine, de nicotine ou d’autres stimulants du système nerveux central.
La limitation de ces substances prévient ou réduit au minimum les symp tômes physiques de l’anxiété (p. ex., la tachycardie).
Enseigner au client comment distinguer l’anxiété liée à des objets ou à des sources identiables (p. ex., une maladie, un pronostic, une hospi talisation, un deuil) et l’anxiété qui n’a ni objet ni source immédiatement identiable.
La connaissance de l’anxiété et des composantes qui y sont associées améliore la maîtrise que le client a sur le trouble.
Enseigner au client les stratégies suivantes de réduction de l’anxiété :
Ces techniques aident à réduire l’anxiété en distrayant le client ou en orientant ses pensées vers des éléments moins anxiogènes pour lui.
• les techniques d’autorelaxation progressive ;
12
• la méditation de pleine conscience ; • les exercices de respiration lente et profonde ; • la concentration sur un unique objet dans la pièce ; • l’écoute d’une musique apaisante ou d’enregistrements de relaxation ; • le visionnement de lms ou de photographies représentant la nature ; • l’exercice physique. Aider le client à s’appuyer sur les stratégies d’adaptation qu’il a déjà utilisées par le passé.
Les stratégies qui étaient efcaces auparavant le seront généralement encore dans les situations subséquentes.
Aider le client à choisir des personnes de conance qui pourront le soutenir dans la réalisation des tâches et des activités personnelles rendues difciles par les circonstances (p. ex., un programme d’hospitalisation partielle, une courte hospitalisation).
Un solide système de soutien aide le client à éviter les situations et les activités anxiogènes.
Aider le client à acquérir une maîtrise sur les impulsions et les sentiments envahissants par des interactions verbales brèves et directes.
Les interactions individuelles réalisées à des intervalles appropriés réduisent les impulsions et les sentiments anxieux du client ou l’aident à les gérer.
Réduire les stimulus et favoriser un environnement calme :
La réduction des stimulus crée une atmosphère apaisante qui favorise la détente et aide à réduire l’anxiété. Elle rendra également les autres stratégies de réduction de l’anxiété plus efcaces.
• aider le client à structurer l’environnement pour le rendre moins bruyant ; • lui suggérer de se retirer dans sa chambre ; • l’inviter à utiliser des bouchons d’oreille pour diminuer les sons ambiants. Évaluer la présence et l’importance de la dépression ou de l’idéation suicidaire chez le client atteint d’anxiété, de TOC et de troubles apparentés.
Une évaluation en profondeur permet d’intervenir plus précocement an de prévenir un acte autodestructeur.
Administrer un médicament anxiolytique (contre l’anxiété) en tant que mesure moins restrictive.
La médication est une méthode efcace pour réduire une anxiété invalidante.
Aider le client à comprendre l’importance de son régime pharmacologique et de son adhésion à celuici.
Lorsqu’elle est nécessaire, la médication constitue un ajout efcace à d’autres interventions thérapeutiques psychosociales.
Chapitre 12
Troubles anxieux, trouble obsessionnel-compulsif et troubles apparentés
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Soins et traitements en interdisciplinarité Psychopharmacothérapie
21 La posologie, les effets indésirables des médicaments psychotropes et les interventions inrmières subséquentes sont présentés dans le chapitre 21, Psychopharmacothérapie et autres thérapies biologiques.
Les interventions pharmacologiques, seules ou en combinaison avec des interventions cognitivocomportementales, font partie des méthodes efcaces pour le traitement de l’anxiété et des
troubles connexes (Rathgeb-Fuetsch, Kempter, Feil et al., 2011). Deux classes de médicaments sont principalement utilisées pour le traitement des troubles anxieux : les antidépresseurs et les benzodiazépines ENCADRÉ 12.5. Le rôle de l’inrmière varie selon la classe de médicaments utilisée ENCADRÉ 12.6 21 .
Psychopharmacothérapie ENCADRÉ 12.5
Troubles anxieux, trouble obsessionnel-compulsif et troubles apparentés
TRAITEMENT INITIAL
Benzodiazépines Les benzodiazépines sont utiles dans le traitement initial des troubles anxieux : elles sont relativement sûres et efcaces à court terme pour maîtriser les symptômes invalidants de l’anxiété. Toutefois, les traitements à long terme par ces médicaments peuvent entraîner des problèmes de tolérance, de consommation abusive et de dépendance. En raison de ces effets, les médicaments de ce groupe sont plus indiqués pour des traitements à court terme, et leur emploi à long terme demeure un choix controversé. Dans le cas du TAG, leur usage à long terme est réservé aux clients qui ne répondent pas efcacement aux traitements de première intention (Canadian Agency for Drugs and Technologies in Health, 2014). Antidépresseurs Les ISRS et certains IRSN, dont la venlafaxine, sont les médicaments à utiliser en premier lieu pour le traitement des troubles anxieux (Antony, 2011; Savard, Bugeaud, Van DaO et al. 2009). La durée habituelle du traitement est de 6 à 12 mois après le rétablissement et parfois davantage si le client n’a pas participé à une thérapie ou s’il avait aussi une dépression (Katzman et al., 2014). Il est important d’informer le client que l’effet des antidépresseurs utilisés pour le traitement des troubles anxieux ne commence que de 2 à 4 semaines après le début du traitement et qu’il faut parfois
jusqu’à 10 semaines pour atteindre le plateau thérapeutique. Les ISRS sont également le traitement de première intention pour le TOC. La clomipramine a été démontrée aussi efcace que les ISRS pour le traitement du TOC, mais elle est moins utilisée en raison de ses effets secondaires plus importants. Les IRSN et certains antipsychotiques de seconde génération peuvent aussi être utilisés en concomitance lorsque les ISRS seuls demeurent inefcaces (Katzman et al., 2014 ; Shoja Shafti & Kaviani, 2015). TRAITEMENT D’ENTRETIEN
Antidépresseurs Plusieurs ISRS sont proposés pour le traitement des troubles anxieux. Ils s’avèrent particulièrement efcaces pour traiter le TOC et le trouble panique. Anxiolytique non benzodiazépinique La buspirone permet de traiter l’anxiété. Son délai d’action se situe entre une et quatre semaines. Ce médicament a un potentiel moins élevé de consommation abusive, d’accoutumance ou de tolérance. Antipsychotiques de deuxième génération Certains antipsychotiques de deuxième génération peuvent être utilisés an de réduire les symptômes d’anxiété chez les clients n’ayant pas répondu aux traitements de première intention ou ne les ayant pas tolérés.
Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 12.6
Évaluer et surveiller le traitement des troubles anxieux
Pour chaque médicament, l’inrmière demeure à l’affût des effets indésirables possibles, et certains médicaments nécessitent une surveillance plus étroite encore. Les antidépresseurs comme les ISRS sont généralement administrés dans le but de diminuer l’anxiété et de stabiliser l’humeur ; l’inrmière observe ces paramètres pour évaluer l’effet de la médication. Elle peut le faire au cours de l’entrevue avec le client en le questionnant directement ou encore à l’aide d’outils spéciques comme une échelle d’évaluation de l’anxiété ou des symptômes dépressifs. Parfois, le médecin opte pour un antipsychotique de deuxième génération ; l’inrmière surveille alors les
300
Partie 3
Troubles mentaux
symptômes du syndrome métabolique et l’apparition de symptômes extrapyramidaux. Enn, les benzodiazépines qui agissent sur le système nerveux central et qui permettent de réduire l’anxiété sont associées à un risque d’accoutumance élevé ainsi qu’à des effets indésirables importants. L’inrmière reste vigilante pour les détecter et informe le client des risques liés à cette classe de médicaments. Également, elle rappelle au client que pour obtenir une maîtrise à long terme efcace de l’anxiété, il est préférable qu’il ait recours à des techniques de gestion de celle-ci et qu’il utilise la psychoéducation plutôt que de s’en remettre aux benzodiazépines.
En ce qui concerne le TOC et les troubles apparentés, le traitement de première intention est constitué d’ISRS tels que l’escitalopram, le uoxetine, le uvoxamine, la paroxétine ou la sertraline (Katzman et al., 2014). Toutefois, environ de 40 à 60 % des clients atteints de TOC ne répondent pas au traitement aux ISRS (Shoja Shafti & Kaviani, 2015) ; il est alors nécessaire d’utiliser un traitement de seconde intention comme la clomipramine ou le citalopram. Enn, lorsque les clients atteints de TOC ne répondent toujours pas au traitement, il est possible d’ajouter un antipsychotique atypique tel que la rispéridone ou l’aripiprazole (Katzman et al., 2014). L’ajout d’un antipsychotique de seconde génération s’est aussi montré efcace pour le traitement de tics chez les clients atteints du TOC (Shoja Shafti & Kaviani, 2015).
Psychothérapie La psychothérapie utilisée seule a été démontrée comme étant efficace pour le traitement des troubles anxieux, du TOC et des troubles apparentés (Katzman et al., 2014). L’intervention psychothérapeutique peut se faire en groupe ou de façon individuelle. L’un des avantages de la thérapie de groupe est qu’elle donne l’occasion au client d’apprendre des succès et des échecs d’autres personnes qui présentent des symptômes semblables aux siens. Les thérapies comportementale et cognitivo-comportementale se révèlent d’une grande efcacité dans le traitement des divers troubles anxieux, principalement la thérapie d’exposition (Katzman et al., 2014).
Thérapie comportementale Parmi les premiers thérapeutes comportementalistes ayant dirigé leurs efforts sur les troubles anxieux, Joseph Wolpe (1915-1997) a travaillé dès 1958 avec des soldats présentant des symptômes de choc post-traumatique. II a rapporté avoir obtenu un certain succès en recourant à la désensibilisation systématique appliquée aux phobies simples (Wolpe, 1973). Il s’agit d’une méthode issue de la théorie de l’apprentissage et dans laquelle le thérapeute expose un client en état de relaxation profonde à une hiérarchie graduée de stimulus phobiques. Cette méthode est ensuite poussée plus loin ; la désensibilisation en situation réelle ou in vivo consiste pour le thérapeute à exposer progressivement la personne à des situations plus anxiogènes. Ces traitements par exposition directe prennent une variété de formes, dont l’exposition graduelle, l’apprentissage par modelage et des expositions brèves ou prolongées. Le thérapeute et le client commencent par établir la liste hiérarchique de toutes les situations et stimulus qui déclenchent des attaques de panique chez le client FIGURE 12.6. Celui-ci est alors exposé aux situations et stimulus de la liste, l’exposition débutant par celui qui génère la plus faible anxiété.
FIGURE 12.6 Établir la liste des manifestations et des circonstances de l’anxiété permet au client d’en acquérir progressivement la maîtrise.
À mesure que le thérapeute et lui-même avancent dans le traitement, le client est exposé aux situations et aux stimulus qui généraient de plus en plus d’anxiété, et ce, jusqu’à ce qu’il soit en mesure d’affronter toutes les situations de la liste. Le client apprend à maîtriser progressivement des stades plus élevés d’anxiété. Il est également possible de recourir à la réalité virtuelle. Le thérapeute procède de la même façon que dans la thérapie in vivo à la seule différence qu’il emploie les techniques de réalité virtuelle pour recréer les situations anxiogènes et y exposer le client. La réalité virtuelle s’est avérée efcace pour le traitement de différents troubles anxieux, et elle est aussi efcace que la thérapie cognitivo-comportementale in vivo, considérée comme la thérapie de choix pour les troubles anxieux (Ling, Nefs, Morina et al., 2014) 20 .
12
20 Des techniques de thérapie comportementale sont présentées dans le chapitre 20, Modèles et stratégies thérapeutiques.
Les traitements comportementaux sont efcaces pour les troubles anxieux (Albert & Brunato, 2009 ; Hunt & Andrews, 1998 ; Rathgeb-Fuetsch et al., 2011). Il est aujourd’hui reconnu que les thérapies d’exposition sont généralement plus efcaces que les techniques cognitives utilisées par le client seul, et ce, pour le traitement de l’agoraphobie ou des attaques de panique (Gloster, Wittchen, Einsle et al., 2011).
Thérapie cognitivo-comportementale La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) est largement utilisée dans le traitement des troubles anxieux. Elle constitue le traitement de premier choix pour le trouble panique et pour l’agoraphobie (Katzman et al., 2014). Le succès de cette approche réside dans la compréhension par le client que ses symptômes constituent une réaction apprise à des pensées ou à des sentiments concernant des comportements de la vie quotidienne. La TCC vise la modication de ces pensées et de ces comportements problématiques.
Chapitre 12
Troubles anxieux, trouble obsessionnel-compulsif et troubles apparentés
301
De façon générale, elle confronte le client à son anxiété en l’exposant aux situations, objets ou images mentales qui génèrent de l’anxiété chez lui jusqu’à ce que celle-ci diminue. La personne s’habitue graduellement aux réactions anxieuses, et, ce faisant, elle les tolère mieux. Parallèlement, le client apprend à utiliser divers moyens pour réduire l’anxiété. Exposition intéroceptive : Type de thérapie comportementale qui consiste à amener le sujet à accomplir des exercices spécialement conçus pour provoquer des effets redoutés jusqu’à ce qu’il apprivoise ces sensations.
Le client et le thérapeute déterminent d’abord des symptômes ciblés, puis examinent les circonstances associées à ceux-ci. Ensemble, ils planient des stratégies pour changer les perceptions de la situation par le client ou les comportements. L’exposition est habituellement graduelle et répétée plusieurs fois. Il en existe divers types tels que l’exposition cognitive, l’exposition in vivo, l’exposition intéroceptive et l’exposition aux sensations. La durée de la TCC est habituellement de 12 à 14 semaines à raison de 1 séance par semaine ou plus (Katzman et al., 2014).
Méditation de pleine conscience : Pratique qui consiste à porter intentionnellement attention aux expériences internes (sensations, émotions, pensées, états d’esprit) ou externes du moment présent, sans porter de jugement de valeur.
Selon le diagnostic, il est possible d’avoir recours à d’autres stratégies d’intervention cognitivocomportementales de concert avec la TCC. Dans le cas d’un client ayant un TAG, la résolution de problème et la psychoéducation sont utilisées. Pour sa part, la méditation de pleine conscience permet au client de concentrer son attention sur les sensations du moment présent, comme elles apparaissent puis disparaissent. La TCC est habituellement basée sur un protocole propre à chaque trouble anxieux. Toutefois, comme les troubles anxieux se présentent rarement seuls, les auteurs d’études récentes, dont celle de Rector Man et Lerman (2014), s’affairent désormais à tester l’efcacité des protocoles de TCC transdiagnostiques, c’est à dire qui seraient à la fois efcaces pour traiter un trouble anxieux et le trouble dépressif comorbide.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Le journal des pensées révisées et le thermomètre de la certitude sont deux outils que l’inrmière peut utiliser auprès des clients anxieux an de les inciter à modier leur perception des différentes situations et réduire leur anxiété.
Psychothérapie combinée à la pharmacothérapie Offrir la pharmacothérapie et la psychothérapie comportementale ou cognitivo-comportementale de façon concomitante n’est pas plus efcace que d’employer une seule approche à la fois (Katzman et al., 2014), sauf pour le traitement du trouble panique (Bandelow et al., 2014). Peu importe le traitement utilisé, les taux de réponse au traitement initial pour les troubles anxieux varient de 4 à 65 % (Bandelow et al., 2014). Le choix du mode de traitement dépend des facteurs suivants : la préférence du client et sa motivation à l’égard du traitement, sa capacité à s’investir activement dans celui-ci, la gravité du trouble, les capacités du thérapeute et son expérience relative au traitement envisagé, la réponse du client aux traitements antérieurs et la présence de troubles comorbides (Katzman et al., 2014). Cependant, puisque les clients atteints de troubles anxieux ont souvent un trouble dépressif
302
Partie 3
Troubles mentaux
comorbide, il est généralement préférable de combiner les deux types de thérapies (Katzman et al., 2014). Chez la clientèle pédiatrique, l’utilisation séquentielle de la pharmacothérapie suivie de la psychothérapie contribuerait au rétablissement des clients qui ont bien répondu à la médication, et favoriserait une réponse à la pharmacothérapie chez ceux qui n’y ont pas répondu initialement (Franklin, Sapyta, Freeman et al., 2011). Le même phénomène est observé chez l’adulte, et il semble que le traitement combiné soit non seulement plus efcace, mais qu’il réduirait le risque de rechute (Katzman et al., 2014). Inversement, pour le trouble panique, il semble que la combinaison d’antidépresseurs de la famille des ISRS et de la TCC ne procure pas de bénéces à plus long terme que l’utilisation individuelle de chacune de ces options (Centre belge d’information pharmacothérapeutique, 2011). Toutefois, dans le cas du trouble panique, les effets d’une psychothérapie persistent plus longtemps que ceux de la pharmacothérapie (CHU Hôpitaux de Rouen, 2016). Il existe peu de recherches consacrées à la façon optimale d’organiser la pharmacothérapie et la psychothérapie dans le temps lorsque ces deux approches sont combinées (Antony, 2011). Le choix nal de jumeler ou non le traitement psychologique au traitement pharmacologique doit tenir compte de plusieurs facteurs situationnels, dont la disponibilité de la psychothérapie, l’état du client et ses besoins.
Outils de soutien à la relation d’aide Le journal des pensées révisées est un outil qui vise à faire prendre conscience au client à quel point ses pensées peuvent générer de l’anxiété chez lui, puis à l’amener à voir comment il peut les modier an qu’elles soient plus réalistes et qu’elles génèrent moins d’anxiété. Par exemple, dans le cas de madame Beauchemin, celle-ci imagine sans cesse que quelque chose de grave arrive à son ls SC 12.1. Le journal des pensées révisées a pour but de lui faire réaliser comment cette pensée génère de l’anxiété chez elle. Elle devra ensuite quantier le degré d’anxiété provoqué par ces pensées. L’étape suivante consiste à poser quelques questions qui visent à lui faire prendre conscience à quel point ces pensées sont irrationnelles. On lui demande ensuite comment ces dernières lui sont utiles au quotidien et comment elles contribuent à son état. Dans le cas de madame Beauchemin, son ls a toujours été responsable et n’a pas eu d’ennuis depuis son départ de la maison il y a plusieurs mois. Quels sont les risques réels que celui-ci soit mêlé à des histoires louches comme elle le croit ? Si son ls affrontait un problème à Vancouver, que
ferait-il selon elle ? S’il a toujours été honnête avec elle dans le passé, pourquoi lui cacherait-il des choses maintenant ? Le but de ces questions est de lui faire prendre conscience que les scénarios qu’elle imagine sont peu plausibles et qu’elle pourrait les remplacer par des pensées plus réalistes. Elle doit les indiquer et préciser les moyens qu’elle peut prendre pour conserver le contrôle de ses pensées. Par exemple : « Mon ls a toujours été en mesure de gérer son budget avant de partir pour ses études, il en sera encore capable maintenant. » Elle inscrirait également un moyen pour gérer son anxiété si les pensées devenaient trop envahissantes ; il peut s’agir, par exemple, d’utiliser des techniques de respiration abdominale trois fois par jour. Le thermomètre de la certitude est un outil simple et rapide qui permet de mesurer l’efcacité d’une intervention. Il s’utilise de façon semblable aux échelles de la douleur auxquelles les soignants ont recours en chirurgie. Le client doit situer, sur un thermomètre gradué de 0 à 10, son niveau de certitude par rapport à une pensée anxiogène. Par exemple, madame Beauchemin indique à 8 sur 10 son niveau de certitude relativement à la pensée que son ls aura un accident de voiture en conduisant à Vancouver. Après avoir rencontré l’inrmière au cours d’une séance de relation d’aide ou
avoir rempli le journal des pensées révisées, elle situe à 4 sur 10 son niveau de certitude par rapport à la même pensée.
12.6.5
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution
L’inrmière évalue les progrès du client vers l’atteinte des résultats escomptés à chacune de ses interactions avec lui (évaluation en cours d’évolution) ENCADRÉ 12.7. Si les progrès ne sont pas satisfaisants, l’infirmière révise les résultats escomptés ou modie ses interventions. Elle examine tous les facteurs liés aux résultats escomptés, incluant le déroulement des étapes précédentes de la démarche de soins, son rôle au regard des attentes du client et du médecin, la clarté de la communication des objectifs au client, ainsi que tout événement survenu depuis l’établissement des résultats escomptés. Bien que ces outils ne soient pas précisément destinés aux inrmières, les échelles d’évaluation clinique offrent une méthode pour suivre l’évolution des symptômes dans le temps TABLEAU 12.5. Cette évolution est en corrélation avec les interventions individuelles prévues pour chaque client (p. ex., mettre en place un programme de thérapie comportementale ou changer de médication).
12
Collecte des données ENCADRÉ 12.7
Signes de rétablissement
La liste présentée ci-dessous permet à l’inrmière de vérier si l’évolution vers les résultats escomptés est positive. Cependant, elle n’est ni exhaustive ni spécique et doit être adaptée au client et au trouble dont il est atteint. L’inrmière s’assure que le client est en mesure : • de reconnaître les situations et les événements anxiogènes et de choisir des moyens pour les prévenir ou les gérer ;
• d’exprimer calmement ses sentiments ; • d’avoir recours au soutien offert par les professionnels de la santé, la famille et les amis ; • de discuter de sa capacité de tolérer des degrés raisonnables d’anxiété ;
• de discuter des liens entre les situations ou les événements anxiogènes et les symptômes d’anxiété ; • d’expliquer ouvertement les comportements qui soulagent l’anxiété ;
• de manifester des comportements qui démontrent une réduction des symptômes anxieux ;
• de démontrer la capacité de résoudre des problèmes, de se concentrer et de prendre des décisions ;
• de reconnaître le caractère inévitable de l’anxiété ;
• de décrire les symptômes et les stades d’anxiété ;
• de déterminer les techniques et les stratégies positives d’adaptation qui soulagent l’anxiété ;
• d’appliquer les stratégies apprises pour réduire l’anxiété ;
• de chercher de l’aide auprès des ressources appropriées lorsqu’il lui est impossible de gérer son anxiété ; • d’énumérer les médicaments utilisés pour maîtriser les symptômes, ainsi que la posologie et l’horaire d’administration ; • de poursuivre la gestion de l’anxiété après son congé, par la médication et l’application des stratégies apprises en thérapie.
Chapitre 12
Troubles anxieux, trouble obsessionnel-compulsif et troubles apparentés
303
Situation clinique SC
12.1
Trouble d’anxiété généralisée avec attaques de panique
Après avoir quitté son bureau, Martine Beauchemin, âgée de 47 ans, se présente à la clinique sans rendez-vous de son CISSS. Elle se plaint de douleurs thoraciques diffuses et de difcultés respiratoires épisodiques, mais de plus en plus fréquentes. Les seuls antécédents médicaux de madame Beauchemin sont le psoriasis et des céphalées récurrentes. Puisque les examens cardiaques et pulmonaires de la cliente sont normaux, elle est dirigée vers une équipe de recherche menant une étude sur le trouble panique et rencontre l’inrmière de recherche. Madame Beauchemin avoue avoir l’impression de ne plus être assez performante ; elle a peur d’être congédiée si elle continue à présenter ces symptômes au travail. Elle a du mal à se concentrer et dort très peu. Elle dit aussi sortir de moins en moins par crainte d’avoir une attaque en public.
L’examen initial montre qu’elle a des attaques de panique aux symptômes modérés dont la fréquence augmente. L’inrmière et la cliente examinent les symptômes d’anxiété de celle-ci. Son psoriasis et ses céphalées chroniques se sont aggravés depuis le départ de son ls, parti étudier à Vancouver il y a huit mois. Au cours de l’entretien, la cliente révèle qu’elle imagine sans cesse que quelque chose de grave arrive à son ls, même si elle sait qu’il est très responsable. Pour se rassurer, elle lui a demandé de téléphoner toutes les semaines, mais s’il n’en tenait qu’à elle, elle l’appellerait tous les jours. Elle s’inquiète aussi pour son mariage, parce que son mari a déjà eu une relation extraconjugale par le passé et que cela pourrait se reproduire. Elle n’a remarqué aucun signe d’indélité, mais son appréhension constante exaspère son mari.
À la suite de son évaluation, l’inrmière formule les constats suivants et élabore un plan de soins avec madame Beauchemin. PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Anxiété liée à une anticipation démesurée de conséquences négatives (anticipation de problèmes avec son ls, de difcultés conjugales, de perte d’emploi) et manifestée par des symptômes physiques
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES
• Diminution des symptômes physiques (douleur thoracique, oppression, psoriasis, céphalées)
• Proposer la rédaction d’un journal de suivi des symptômes.
• Tolérance à un degré d’anxiété modéré
• Établir avec la cliente et lui enseigner des stratégies de gestion de l’anxiété et des stratégies d’adaptation.
• Utilisation de stratégies d’adaptation efcaces
• Déterminer avec la cliente les facteurs déclencheurs de son anxiété.
• Évaluer le degré d’anxiété de la cliente avant et après l’application des stratégies de gestion de l’anxiété. PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Peurs disproportionnées liées à la diminution de performance au travail, au départ récent de son ls ainsi qu’à des difcultés conjugales antérieures et manifestées par des attaques de panique
RÉSULTAT ESCOMPTÉ
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES
• Diminution des attaques de panique
• Encourager la cliente à verbaliser ses émotions. • Accompagner la cliente dans l’expression de ses émotions. • Faire de la restructuration cognitive. • Normaliser les réactions. • Intégrer des éléments de l’approche psychothérapeutique tels qu’un journal des pensées révisées et le thermomètre de la certitude dans le but d’amener la cliente à revoir son évaluation de la situation et à adopter un regard plus près de la réalité.
PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Risque d’isolement social lié aux peurs excessives et manifesté par l’évitement des activités sociales et les difcultés conjugales
RÉSULTAT ESCOMPTÉ
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES
• Participation à des activités sociales satisfaisantes, selon les capacités
• Discuter avec la cliente de ses attentes quant à son couple. • Proposer des stratégies de prise de décision (p. ex., la clarication des valeurs, la formulation d’objectifs). • Proposer une thérapie conjugale au besoin. • Évaluer le réseau de soutien et proposer des ressources au besoin.
304
Partie 3
Troubles mentaux
SCHÉMA INTÉGRATEUR À partir des données consignées au dossier de la cliente, la FIGURE 12.7 illustre un exemple de plan de soins mis en œuvre par l’inrmière.
Problème de santé : Trouble d’anxiété généralisée avec attaques de panique
Trouble d’anxiété généralisée avec attaques de panique
Conit conjugal et évitement des activités sociales
Déménagement du ls dans une autre province ; difcultés professionnelles ; relation extraconjugale du conjoint
Douleur thoracique et difculté respiratoire ; F.C. : 116 bpm ; diaphorèse ; ECG et analyses de laboratoire normaux
Incapacité de prendre des décisions ; risque d’isolement social
Attaques de panique
Peurs disproportionnées
12
Anxiété
La cliente discute des avantages et des inconvénients d’une séparation ; prend une décision éclairée quant à son mariage.
La cliente n’a plus de douleur thoracique ni de difculté respiratoire ; les signes vitaux sont dans les limites de la normale ; est capable de faire le lien entre les événements stressants et les symptômes ; reconnaît ses modes de pensée.
Explorer le conit conjugal avec la cliente ; déterminer ses attentes ; diriger la cliente vers d’autres intervenants au besoin.
La cliente est en mesure de parler du départ de son ls ; trouve un réseau de soutien.
Aider la cliente à parler de son ls et de son départ ; évaluer le réseau de soutien.
Apprendre à la cliente à reconnaître les événements et les situations qui déclenchent des symptômes ; lui proposer de tenir un journal de ses symptômes et des stresseurs pour l’aider à reconnaître ses modes de pensée ; inciter la cliente à faire le lien entre les événements stressants et les symptômes ; donner de l’enseignement sur les médicaments prescrits.
Constat médical
Facteurs de risque
Problèmes découlant de la situation de santé
Résultats escomptés
Physiopathologie
Manifestations cliniques
Interventions interdisciplinaires
Interventions inrmières
FIGURE 12.7
Plan de soins et de traitements inrmiers de Martine Beauchemin
Chapitre 12
Troubles anxieux, trouble obsessionnel-compulsif et troubles apparentés
305
Analyse d’une situation de santé Virginie Letendre est âgée de 41 ans. Elle est hospitalisée à l’unité de soins psychiatriques depuis trois semaines pour un TAG. Le psychiatre a autorisé un congé de n de semaine. Elle appréhende cette permission puisque ce sera sa première sortie depuis son admission. Il est 10 h, et son conjoint viendra la chercher en n d’après-midi. Madame Letendre n’a presque rien mangé au déjeuner. Elle a refait sa valise à quatre reprises depuis ce matin, dépliant et repliant chaque fois ses vêtements de la même façon. Elle a uriné au moins cinq fois et marche de long en large dans sa chambre en se rongeant les ongles.
Jugement clinique Quand l’inrmière la rencontre pour préparer sa sortie, elle remarque que ses mains tremblent, qu’elle se gratte nerveusement et qu’elle a même une légère diaphorèse. Lorsque l’inrmière lui demande si elle a des appréhensions quant à son congé de fin de semaine, la cliente lui répond sèchement que tout va bien et qu’elle n’a aucune inquiétude à ce sujet. Elle demande cependant que l’on appelle son conjoint pour qu’il retarde son arrivée : « Je ne serai pas prête, j’ai encore trop de choses à faire avant de partir. S’il arrive trop tôt, ce sera de votre faute », dit-elle à l’inrmière en donnant des coups de pied aux meubles.
Mise en œuvre de la démarche de soins SOLUTIONNAIRE
Collecte des données – Évaluation initiale – Analyse et interprétation 1. Outre celles mentionnées dans la mise en contexte, nommez trois manifestations comportementales d’anxiété que vous pourriez observer chez madame Letendre. 2. Nommez au moins trois manifestations respiratoires que vous pourriez également observer chez la cliente relativement à son trouble anxieux. 3. Quel mécanisme de défense madame Letendre utilise-t-elle pour diminuer son anxiété ?
écemment vu dans ce chapitre Madame Letendre devait rentrer de son congé seulement dimanche soir, mais vous la voyez revenir à l’unité à 14 h samedi. Vous allez à sa rencontre. Elle remet ses bagages au préposé aux bénéciaires an qu’il en fasse l’inspection et vous constatez qu’elle semble inquiète. Indiquez deux questions prioritaires à poser à madame Letendre. En vous approchant de madame Letendre, vous remarquez une odeur d’alcool et observez que ses mouvements ne semblent pas bien coordonnés. Quelles seront vos interventions ? Nommez-en trois et justiez-les.
306
Partie 3
Troubles mentaux
4. Quel problème prioritaire nécessitant un suivi clinique particulier devrait être inscrit au plan thérapeutique inrmier de madame Letendre ? Extrait CONSTATS DE L’ÉVALUATION Date
Heure
N°
2016-07-17
10:00
2
Signature de l’inrmière
Problème ou besoin prioritaire
Initiales
Programme / Service
Initiales
RÉSOLU / SATISFAIT Date
Signature de l’inrmière
Heure
Initiales
Initiales
Professionnels / Services concernés
Programme / Service
Planication des interventions – Décisions inrmières 5. Pour madame Letendre, quel devrait être l’objectif de soins poursuivi par les interventions et les décisions inrmières ? 6. La directive infirmière suivante serait-elle acceptable pour assurer le suivi clinique de la condition actuelle de madame Letendre : Établir une relation d’aide avec la cliente ? Justiez votre réponse. 7. Outre les directives inrmières suggérées en réponse à la question précédente, quelle intervention pourrait vraisemblablement contribuer à redonner à madame Letendre une certaine maîtrise de sa situation actuelle ?
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution 8. Quelles observations indiqueraient que le degré d’anxiété de madame Letendre diminue ?
APPLICATION DE LA PENSÉE CRITIQUE Dans l’application de la démarche de soins auprès de madame Letendre, l’inrmière a recours à un ensemble d’éléments (connaissances, expériences antérieures, normes institutionnelles ou protocoles, attitudes professionnelles) pour analyser la situation de santé de la cliente et en comprendre
les enjeux. La FIGURE 12.8 illustre le processus de pensée critique suivi par l’inrmière an de formuler son jugement clinique. Elle résume les principaux éléments sur lesquels l’inrmière s’appuie en fonction des données de cette cliente, mais elle n’est pas exhaustive.
VERS UN JUGEMENT CLINIQUE CONNAISSANCES • Troubles anxieux • Facteurs anxiogènes • Stades d’anxiété et manifestations physiques et psychologiques • Mécanismes de défense • Caractéristiques des comportements anxieux • Techniques contribuant à diminuer l’anxiété • Pharmacothérapie et psychothérapie des troubles anxieux
EXPÉRIENCES
NORME
ATTITUDES
• Expérience de travail auprès de personnes ayant des troubles anxieux • Expérience en soins psychiatriques • Expérience personnelle de situations anxiogènes
• Critères justiant un congé temporaire et règles locales à respecter (évaluation de l’état de la cliente avant la sortie)
• Ne pas tenter de « raisonner » madame Letendre ou de minimiser son anxiété • Ne pas considérer ses reproches comme étant dirigés vers soi • Demeurer calme devant l’attitude de la cliente
12
PENSÉE CRITIQUE
ÉVALUATION • • • • • •
Manifestations et comportements actuels d’anxiété Facteurs anxiogènes précis devant la perspective du congé temporaire Stade d’anxiété Mécanisme de défense utilisé par madame Letendre Efcacité des techniques visant à réduire l’anxiété Stratégies établies par la cliente
JUGEMENT CLINIQUE FIGURE 12.8
Application de la pensée critique à la situation clinique de madame Letendre
Chapitre 12
Troubles anxieux, trouble obsessionnel-compulsif et troubles apparentés
307
Chapitre
13
Troubles à symptomatologie somatique et apparentés et troubles dissociatifs Écrit par : Pamela E. Marcus, RN, APRN/PMH-BC Adapté et mis à jour par : Éric Lavertu, B. Sc. inf., M. Éd.
MOTS CLÉS
OBJECTIFS
Anxiété . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 310 Dépersonnalisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . 318 Déréalisation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 318 Détachement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 318 Dissociation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 318 Somatisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 310 Trouble de conversion . . . . . . . . . . . . . . . 311 Trouble factice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 315
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez être en mesure : • d’expliquer le trouble à symptomatologie somatique, les troubles apparentés et les troubles dissociatifs ; • de reconnaître les signes et les symptômes propres à ces troubles ; • de procéder à l’évaluation de la condition physique et mentale des personnes atteintes de un ou de plusieurs de ces troubles ; • de déterminer les problèmes prioritaires de personnes atteintes de trouble à symptomatologie somatique, de troubles apparentés et de troubles dissociatifs ; • d’expliquer les interventions infirmières en cas de trouble à symptomatologie somatique, de troubles apparentés et de troubles dissociatifs ; • d’expliquer les principales stratégies thérapeutiques pour le traitement de ces troubles.
Disponible sur • • • • •
Annexe Web À retenir Carte conceptuelle Ressources Solutionnaire de l’Analyse d’une situation de santé
Guide d’études – RE04, RE06, RE07
308
Partie 3
Troubles mentaux
• • • •
Solutionnaire des questions de Jugement clinique Solutionnaire des questions Réactivation des connaissances Solutionnaire des questions Récemment vu dans ce chapitre Solutionnaires du Guide d’études
Concepts clés
Troubles à symptomatologie somatique et apparentés
Cette carte conceptuelle illustre schématiquement les principaux concepts décrits dans le présent chapitre. Sa lecture vous permettra d’avoir une vue d’ensemble des notions qui y sont présentées.
si
si se manifestent par
se manifestent par
Symptômes physiques entraînant une détresse psychologique, des pensées excessives ou une altération du fonctionnement
engendrent
Troubles à symptomatologie somatique et apparentés et troubles dissociatifs
Troubles à symptomatologie somatique et troubles apparentés : – trouble à symptomatologie somatique – crainte excessive d’avoir une maladie – trouble de conversion (trouble à symptomato logie neurologique fonctionnelle) – trouble factice – facteurs psychologiques et comportementaux inuençant d’autres affections médicales
13
expliqués par
comprennent
Chapitre 13
Troubles à symptomatologie somatique et apparentés et troubles dissociatifs
309
PORTRAIT
Justine Tremblay Justine Tremblay, une jeune femme âgée de 26 ans, a été dirigée vers un groupe de professionnels en santé mentale par le quatrième chirurgien plastique qu’elle a consulté pour le retrait d’un nævus sur son avant-bras droit. Elle souhaitait le faire enlever, convaincue qu’il est cancéreux. Été comme hiver, madame Tremblay porte des chapeaux, des manches longues, utilise de la crème solaire chaque fois qu’elle s’expose au soleil. Elle a l’impression que chaque grain de beauté qu’elle découvre sur son corps se transformera en cancer de la peau. L’inrmière constate qu’elle se donne beaucoup de mal au quotidien : elle inspecte sa peau chaque jour, mesure toute nouvelle tache de rousseur ou tout grain de beauté. Elle dit à l’inrmière qu’elle agit ainsi depuis un peu plus de une année alors que sa sœur s’est fait traiter pour un mélanome. Elle s’est déjà fait retirer trois nævus dans la dernière année. « Au début, les médecins me disaient que c’était sans danger, mais à force d’insister ils ont accepté de me les enlever », cone-t-elle à l’inrmière. Il lui arrive de pleurer lorsqu’elle en découvre un nouveau, et elle a même manqué cinq cours à l’université pour aller à ses rendez-vous médicaux durant la dernière session.
13.1 CE QU’IL FAUT RETENIR
La détresse et les altérations dans le fonctionnement de la personne causées par les symptômes somatiques sont les éléments centraux dans les troubles à symptomatologie somatique et apparentés.
Annexe 13.1W : Première dénition du trouble à symptomatologie somatique.
310
Partie 3
Caractéristiques générales
Les troubles à symptomatologie somatique et apparentés et les troubles dissociatifs constituent deux groupes de troubles décrits dans la cinquième édition du Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (DSM-5) (American Psychiatric Association [APA], 2015). Une des caractéristiques communes aux troubles à symptomatologie somatique et apparentés est que les personnes qui en sont atteintes présentent des symptômes somatiques qui génèrent chez elles une détresse importante et une altération du fonctionnement dans un ou plusieurs domaines (p. ex., le travail, les relations amoureuses, la vie sociale, les loisirs). Ces personnes portent généralement une attention démesurée à leurs symptômes et se présentent habituellement dans les centres hospitaliers généraux plutôt que dans les établissements spécialisés en santé mentale (APA, 2015). Le trouble à symptomatologie somatique et les troubles apparentés étaient autrefois connus sous le nom de troubles somatiques. Anciennement, un des critères diagnostiques essentiels de certains troubles de cette famille était que les symptômes
Troubles mentaux
de la personne demeuraient inexpliqués au point de vue médical. Dans le DSM-5, il ne s’agit plus d’un critère absolu, les symptômes peuvent demeurer inexpliqués, mais ils peuvent aussi s’expliquer par une maladie physique diagnostiquée. En effet, c’est davantage la détresse et les altérations dans le fonctionnement de la personne causées par les symptômes qui sont considérées pour poser le diagnostic que les symptômes en tant que tels (APA, 2015 ; van der Feltz-Cornelis & van Houdenhove, 2014). La détresse générée par les symptômes physiques se traduit généralement par de l’anxiété modérée ou sévère. Les symptômes physiques sont associés à des facteurs psychobiologiques non intentionnels ou indépendants de la volonté du client. Le mot grec soma désigne le corps, et le terme somatisation renvoie à l’expression de l’ anxiété par la manifestation de symptômes physiques. Pour leur part, les troubles dissociatifs se caractérisent par des perturbations qui touchent des fonctions normalement intégrées. Ces perturbations concernent habituellement la mémoire, l’identité, la conscience, les émotions, la perception de l’environnement, la représentation corporelle, le contrôle moteur ou les comportements (APA, 2015).
13.2
Étiologie
Les troubles à symptomatologie somatique et apparentés et les troubles dissociatifs reètent des interactions complexes entre le corps et l’esprit et entraînent une décience grave du fonctionnement social et professionnel (APA, 2015). Les causes et les origines de ces troubles ont fait l’objet de nombreux débats dans la communauté scientique (Campo, 2012). L’étiologie de ces troubles et celle d’autres troubles d’expression de l’anxiété par des symptômes physiques remontent aux travaux de Paul Briquet (1796-1881). En 1859, ce médecin français a déni la somatisation dans son Traité clinique et thérapeutique de l’hystérie. Pendant plus de 10 ans, il a suivi 430 clients qui avaient reçu un diagnostic d’hystérie fondée sur des inquiétudes et des sensations corporelles. L’hystérie semblait due à une perturbation du système nerveux causée par des facteurs de stress tels qu’un conit conjugal, la violence envers les enfants ou la perte d’un membre de la famille. Le syndrome de Briquet correspond aujourd’hui au trouble à symptomatologie somatique .
13.2.1
Théorie biologique
En 2011, les travaux de Browning, Fletcher & Sharpe ont démontré que des changements
structuraux et fonctionnels du cerveau, notamment dans la région limbique, pouvaient provoquer un trouble somatoforme tel que décrit dans le DSM-IV-TR à l’époque. Depuis la publication du DSM-5, les travaux se poursuivent an de démontrer s’il existe une corrélation entre divers changements structurels ou fonctionnels dans le cerveau et les troubles à symptomatologie somatique et apparentés et les troubles dissociatifs. Récemment, une équipe de chercheurs canadiens est parvenue à établir que la cause du trouble neurologique fonctionnel (conversion) pourrait être une activation anormale du réseau neuronal qui est responsable de l’intégration sensorielle et des émotions (Burke, Ghaffar, Staines et al., 2014). Toutefois, malgré les progrès de la science, la raison pour laquelle certaines personnes sont atteintes d’un trouble anxieux, d’un trouble à symptomatologie somatique ou apparenté n’est pas encore expliquée avec certitude. Les scientiques ont tenté d’identier un ou plusieurs gènes qui pourraient prédisposer une personne à avoir l’un de ces troubles. Toutefois, il semble plus prudent de considérer à la fois le bagage génétique de la personne et son environnement plutôt que la génétique uniquement (Frazzetto, 2009). L’hypothèse d’une perturbation possible des signaux de sensation physique porte à croire que le trouble à symptomatologie somatique pourrait être en partie causé par une perception erronée de l’angoisse dans le cortex cérébral. Sur le plan cérébral, des neurotransmetteurs tels que la sérotonine et la norépinéphrine jouent un rôle important dans la dépression et l’anxiété, mais ils modulent également la douleur. Les personnes qui ressentent une douleur intense ont généralement des concentrations plus faibles de sérotonine (Marcangelo & Wise, 2007 ; Moulin, Boulanger, Clark et al., 2014).
13.2.2
Théorie psychanalytique
Selon la théorie psychanalytique, les plaintes psychogéniques de douleur, de maladie ou de perte de fonctionnement seraient généralement liées à une agressivité ou à une sexualité réprimée. Ainsi, dans le cas du trouble de symptôme neurologique fonctionnel (anciennement appelé trouble de conversion), le symptôme se traduit par une perte sensorielle ou motrice secondaire ou non à un stresseur psychologique (APA, 2015) et qui peut avoir une valeur symbolique. Selon cette théorie, une personne incapable de verbaliser une pensée ou une envie interdite l’exprimera alors en la convertissant en symptômes physiques (somatiques). Ces conits psychiques inconscients provoqueraient une anxiété trop grande s’ils étaient portés à la conscience, et la personne les convertit en symptômes physiques qui touchent une partie de son corps (Durand & Barlow, 2002).
Certains théoriciens, dont Freud (1916), ont considéré l’hypocondrie comme une façon d’exprimer un désordre de la vie sexuelle. D’autres la voient comme une défense contre la culpabilité ou la mauvaise estime de soi, et les symptômes physiques sont alors perçus par le client comme une punition méritée (Lamotte & Goëb, 2006). Dans le DSM-5, l’hypocondrie a été retirée et remplacée par le trouble d’anxiété liée à la maladie. Les personnes atteintes de ce trouble vivent avec la peur d’avoir ou d’acquérir une maladie grave, et cela génère une grande détresse chez eux. Ce trouble est expliqué plus loin dans ce chapitre. Aujourd’hui, la théorie psychanalytique est moins dominante qu’au xixe siècle ; le consensus veut que, bien que le subconscient ne puisse pas modier la façon dont les inux nerveux sont transmis dans le système nerveux, il puisse y exercer un certain contrôle sur ces mécanismes (Dallocchio, Marangi & Tinazzi, 2015).
13.2.3
Théorie comportementale
La théorie comportementale soutient que certaines personnes utiliseraient des symptômes somatiques tels que la douleur pour communiquer leurs sentiments d’impuissance ou manipuler leur entourage. Il s’agit alors d’une forme de communication mésadaptée (Stuart, Noyes, Starcevic et al., 2008). Généralement, l’attention des autres exacerbe alors leurs symptômes somatiques. Certaines personnes vont jusqu’à demander à leur médecin de reconnaître leurs symptômes comme une maladie an d’obtenir un certicat d’invalidité ou la reconnaissance que leur souffrance est réelle (Schröder & Dimsdale, 2014). Plus précisément, l’alexithymie se définit comme une difculté (voire une incapacité) à décrire ses émotions. La personne a alors une propension à exprimer ses sentiments par des préoccupations somatiques. Par exemple, une femme est en colère contre son patron et se montre incapable de discuter de ses sentiments avec une amie, mais elle se plaint de maux d’estomac et prend souvent des congés de maladie. Dans une étude sur la corrélation entre l’alexithymie et la somatisation, qui utilisait l’Échelle d’alexithymie de Toronto, les personnes qui éprouvaient une plus grande difculté à décrire leurs sentiments présentaient également des symptômes somatiques (Mattila, Kronholm, Jula et al., 2008). Ces résultats ont été conrmés par d’autres études récentes, notamment dans le cas du trouble de symptôme neurologique fonctionnel (Demartini, Petrochilos, Ricciardi et al., 2014).
13.2.4
13
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les personnes qui éprouvent une plus grande difculté à décrire leurs sentiments présentent plus souvent des symptômes somatiques.
Trouble de conversion : Mécanisme psychologique inconscient par lequel un conit psychique s’exprime par un symptôme somatique.
Théorie cognitive
La théorie cognitive soutient que les clients ayant des symptômes somatiques font une interprétation
Chapitre 13
Troubles à symptomatologie somatique et apparentés et troubles dissociatifs
311
erronée de la signication des fonctions et des sensations corporelles et sont exagérément alarmés par celles-ci. Selon ce modèle, la thérapie cognitive aide les clients à réinterpréter la signication des sensations corporelles et à réduire l’expression de l’anxiété par des symptômes physiques.
13.3
Épidémiologie
Les données épidémiologiques portant sur les troubles à symptomatologie somatique et apparentés et les troubles dissociatifs diffèrent grandement selon les sources consultées, et la plupart des recherches effectuées sur ces troubles sont menées aux États-Unis et en Europe ENCADRÉ 13.1. Une discussion porte sur la clarication des dénitions de ces troubles à des ns cliniques et médicolégales, pour tenir compte des réactions culturelles au stress (APA, 2012a, 2012b ; Marcangelo & Wise, 2007). Les troubles factices, notamment, semblent
ENCADRÉ 13.1
Description clinique
Le TABLEAU 13.1 présente le trouble à symptomatologie somatique, les troubles apparentés et les troubles dissociatifs, ainsi que le regroupement de chacune des formes dans la famille où elle se situe.
TROUBLE À SYMPTOMATOLOGIE SOMATIQUE
Trouble factice
• La prévalence à vie est très variable selon les études ; selon les critères diagnostiques révisés du DSM-5, elle pourrait s’accroître et atteindre de 5 à 7 % dans la population générale. Elle serait plus fréquente chez les femmes.
• L’information sur la prévalence est limitée parce que les personnes qui en sont atteintes cachent la nature intentionnelle de leur problème.
TROUBLES APPARENTÉS
TROUBLES DISSOCIATIFS
Trouble de conversion (trouble à symptomatologie neurologique fonctionnelle)
Amnésie dissociative (avec ou sans fugue dissociative)
• La prévalence de la version transitoire du trouble est assez commune bien qu’aucune donnée précise ne soit connue. Environ 5 % des clients adressés en neurologie en seraient atteints.
• La prévalence annuelle chez la population adulte est de 1,8 %, et ce trouble toucherait 2 fois plus les femmes que les hommes.
Crainte excessive d’avoir une maladie • Ce trouble touche de 1 à 10 % de la population générale et de 3 à 8 % des clients hospitalisés. • Tant les hommes que les femmes peuvent en être atteints. Facteurs psychologiques et comportementaux inuençant d’autres affections médicales • La prévalence exacte est inconnue. Une étude récente a démontré que près de 62 % des personnes atteintes d’un trouble de la famille du trouble à symptomatologie somatique ou de troubles apparentés seraient touchéesa. a Guidi,
Rafanelli, Roncuzzi et al. (2013). Mental Health Association (CMHA) (2015).
b Canadian
Partie 3
13.4
Épidémiologie des troubles à symptomatologie somatique et apparentés et des troubles dissociatifs
• La version persistante du trouble toucherait de 2 à 5 personnes pour 100 000 individus annuellement.
312
peu fréquents ; des études estiment qu’environ 1 % des clients hospitalisés en souffriraient (APA, 2015). Toutefois, les personnes qui en sont atteintes représenteraient environ 2 % de celles qui sont dirigées en dermatologie (Harth, Taube & Gieler, 2010), ce qui justierait parfois un suivi conjoint du client par un dermatologue et un psychiatre (Chiriac, Brzezinski, Pinteala et al., 2015). La plupart des personnes atteintes de troubles factices sont des femmes âgées de 20 à 40 ans qui exercent une profession liée au domaine de la santé, notamment les inrmières (Pasic, Combs & Romm, 2009).
Troubles mentaux
• Il est estimé que 1 % des clients hospitalisés répondent aux critères diagnostiques du trouble factice.
Trouble dissociatif de l’identité • Sur une base annuelle, la prévalence est estimée à 1,5 % chez la population adulte. • Il semble que le trouble dissociatif de l’identité (TDI) touche autant les hommes que les femmes, mais que neuf fois plus de femmes suivent une thérapie pour traiter ce trouble que les hommesb. Trouble de dépersonnalisation/déréalisation • La prévalence exacte à vie entière est inconnue, mais les épisodes transitoires de courte durée seraient fréquents dans la population générale. • Environ la moitié de tous les adultes subiront un épisode bref au cours de leur vie. • Ce trouble touche autant les hommes que les femmes.
TABLEAU 13.1
Classement du trouble à symptomatologie somatique, des troubles apparentés et dissociatifs
TROUBLE À SYMPTOMATOLOGIE SOMATIQUE ET TROUBLES APPARENTÉS
TROUBLES DISSOCIATIFS
• Trouble à symptomatologie somatique
• Amnésie dissociative (avec ou sans fugue dissociative)
• Crainte excessive d’avoir une maladie
• Trouble dissociatif de l’identité
• Trouble de conversion (trouble à symptomatologie neurologique fonctionnelle)
• Trouble de dépersonnalisation/déréalisation
• Facteurs psychologiques et comportementaux inuençant d’autres affections médicales
• Autres troubles dissociatifs non spéciésa
• Autres troubles dissociatifs spéciésa
• Trouble factice • Autres symptômes somatiques et troubles apparentés spéciésa • Autres symptômes somatiques et troubles apparentés non spéciésa a
Les troubles « autres » sont utilisés pour catégoriser les clients qui ne satisfont à aucun critère ou qui répondent à seulement quelques critères diagnostiques de la famille à laquelle ils appartiennent, mais qui présentent une détresse et une altération importante du fonctionnement secondaire aux symptômes. Peu fréquents, ils ne sont pas traités dans le présent chapitre, mais les soins et les traitements inrmiers peuvent s’appliquer. Source : Adapté de APA (2015).
Trouble à symptomatologie somatique et troubles apparentés
Trouble à symptomatologie somatique Briquet (1859) a dressé une liste de manifestations d’allure somatique dont se plaignaient couramment les clients qu’il a rencontrés. Si un client mentionnait 13 des 35 éléments de la liste, il était considéré comme atteint du syndrome de Briquet. Aujourd’hui, les critères diagnostiques, le nom et la dénition du trouble ont été revus dans le DSM-5 (APA, 2015). Le trouble à symptomatologie somatique est le principal trouble de cette famille. Il se caractérise par des symptômes somatiques (physiques) qui engendrent une détresse psychologique ou une altération du fonctionnement de la personne dans une ou plusieurs sphères de sa vie (critère A). De plus, les symptômes somatiques génèrent des pensées, des sentiments ou des comportements excessifs adoptés en réponse à ces symptômes, ce qui aura aussi un impact négatif sur le fonctionnement de la personne (critère B). C’est d’ailleurs l’impact des symptômes somatiques sur les pensées, les sentiments et les actions de celle-ci qui s’avère important pour poser le diagnostic et non le symptôme en soi. Ces personnes présentent souvent un degré d’anxiété élevée et consacrent beaucoup de temps à leurs symptômes ou à leurs problèmes (critère B), et cela devient souvent une caractéristique dominante de leur personnalité (APA, 2015). Les symptômes peuvent parfois s’expliquer par une maladie organique, alors qu’en d’autres occasions il est impossible de leur attribuer une cause médicale. Lorsqu’une cause médicale est établie,
les pensées, les sentiments et les comportements qui en résultent sont nettement exagérés par rapport à la gravité du problème. Par exemple, une personne qui serait atteinte d’un trouble à symptomatologie somatique, après avoir subi un accident vasculaire cérébral, pourrait être aux prises avec une altération du fonctionnement sufsamment importante pour qu’elle soit incapable de travailler alors que les séquelles de l’accident n’étaient pas sufsamment graves pour la rendre invalide.
13
CE QU’IL FAUT RETENIR
Le trouble à symptomatologie somatique est le plus fréquent trouble de cette famille. Il se caractérise par la présence de un ou de plusieurs symptômes physiques qui génèrent des pensées excessives se caractérisant par un degré élevé d’anxiété associée aux symptômes et à leur gravité.
Ce qui caractérise les personnes atteintes de ce trouble n’est pas les symptômes qu’elles manifestent, mais plutôt la façon dont elles les décrivent et les interprètent. Elles croient souvent que leurs symptômes sont graves et craignent souvent le pire à propos de leur santé. Ces personnes consultent fréquemment les professionnels de la santé pour différents symptômes, généralement de la douleur (APA, 2015) ou de la fatigue. Les symptômes somatiques peuvent varier avec le temps, mais ils persistent habituellement plus de six mois, de Paul Robert est âgé de 29 ans. Il consulte son façon continue ou non. médecin parce qu’il éprouve de plus en plus de Souvent, ces personnes migraines, de pyrosis et de douleur aux omoplates. consultent plusieurs professionSon travail de contrôleur aérien lui cause tellement nels pour les mêmes sympde tension qu’il fait même de l’insomnie et afche un tômes, mais cela ne parvient à certain désintérêt sexuel. Il mange peu : « Ça passe les rassurer que temporairement. difcilement ; on dirait que j’ai une boule dans la Elles rapportent souvent être gorge qui bloque tout. » Son épouse croit qu’il particulièrement sensibles aux somatise parce qu’il n’éprouvait aucun de ces effets indésirables de la médicasymptômes avant de changer d’emploi il y a deux ans. tion et se montrent fréquemment D’après ces données, devriez-vous soupçonner que septiques quant aux traitements monsieur Robert est atteint d’un trouble à symptomaproposés par les différents protologie somatique ? Justiez votre réponse. fessionnels consultés.
Chapitre 13
clinique
Jugement
13.4.1
Troubles à symptomatologie somatique et apparentés et troubles dissociatifs
313
CE QU’IL FAUT RETENIR
Le client qui a un trouble de conversion présente un ou plusieurs symptômes touchant la fonction motrice volontaire ou sensorielle qui laissent croire à un trouble neurologique.
ALERTE CLINIQUE
Plusieurs personnes qui présentent des symptômes du trouble de conversion sont aussi atteintes ou ont des antécédents de maladie neurologique, ce qui requiert la vigilance et une évaluation approfondie de ce système par les professionnels de la santé (APA, 2015).
Les critères diagnostiques du trouble à symptomatologie somatique sont présentés dans l’ENCADRÉ 13.2. Ce trouble est habituellement catégorisé selon qu’il est léger, modéré ou sévère à partir du nombre de sous-critères qui sont présents dans le critère B.
Trouble de conversion (trouble à sympto matologie neurologique fonctionnelle) Le client qui a un trouble de conversion présente un ou plusieurs symptômes touchant la fonction motrice volontaire ou sensorielle. Les symptômes moteurs courants sont : une paralysie ou la faiblesse d’un membre, des mouvements anormaux tels que des tremblements ou des mouvements dystoniques, une démarche anormale ou un positionnement des membres anormal. Sur le plan sensoriel, la cécité et la surdité totale ou partielle ainsi que la perte ou la diminution sensorielle de la peau sont le plus souvent observées (APA, 2015). La dysphonie, l’aphonie, la dysarthrie, la sensation d’avoir une boule dans la gorge et la diplopie gurent aussi parmi les symptômes (APA, 2015). Tous ces symptômes laissent croire à un trouble neurologique, mais les signes physiques ou les résultats d’examens paracliniques sont habituellement incompatibles avec un trouble neurologique reconnu. L’apparition du trouble peut coïncider avec un stresseur important ou un traumatisme physique ou psychologique, mais leur identication n’est pas nécessaire pour le diagnostic (APA, 2015). Les symptômes causent une souffrance ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou autre sufsamment importante pour que la personne consulte un professionnel de la santé.
Lorsqu’il existe un lien entre le début ou l’aggravation du symptôme et des facteurs psychologiques, une relation symbolique entre le symptôme et l’événement stressant qui l’a déclenché est parfois remarquée. Le fait de perdre la vue pour ne pas voir une situation stressante ou celui de perdre l’audition pour ne pas entendre des paroles blessantes en sont des exemples. Par ailleurs, les personnes atteintes du trouble de conversion présentent souvent des symptômes dissociatifs tels que la dépersonnalisation et la déréalisation ou l’amnésie dissociative, et ce, le plus souvent au moment de l’apparition du trouble (APA, 2015). Enn, les personnes atteintes de ce trouble sont souvent aux prises avec des troubles anxieux et dépressifs associés (APA, 2015).
Crainte excessive d’avoir une maladie Le trouble lié à une crainte excessive d’avoir une maladie portait autrefois le nom d’hypocondrie. L’appellation a été revue dans le DSM-5, car 75 % des personnes qui avaient anciennement reçu le diagnostic d’hypocondrie souffraient en fait d’un trouble à symptomatologie somatique. Toutefois, la portion restante de 25 % de ces personnes présente un degré d’anxiété élevé lié à l’état de santé, et ce, malgré l’absence de symptômes somatiques. Ces personnes répondent alors aux critères du trouble d’anxiété liée à la maladie (APA, 2015) FIGURE 13.1. Il arrive que des symptômes physiques soient présents à l’examen, mais ils demeurent habituellement peu importants, et l’anxiété générée par le symptôme s’avère démesurée par rapport à la gravité de celui-ci. Ces personnes vivent avec la peur d’avoir une maladie grave non diagnostiquée. Ce qui les
Critères diagnostiques du DSM5 ENCADRÉ 13.2
Trouble à symptomatologie somatique
A. Un ou plusieurs symptômes somatiques causes de détresse ou entraînant une altération signicative de la vie quotidienne. B. Pensées, sentiments ou comportements excessifs liés aux symptômes somatiques ou à des préoccupations sur la santé suscitées par ces symptômes, se manifestant par au moins un des éléments suivants : 1. Pensées persistantes et excessives concernant la gravité de ses symptômes. 2. Persistance d’un niveau élevé d’anxiété concernant la santé ou les symptômes. 3. Temps et énergie excessifs dévolus à ces symptômes ou aux préoccupations concernant la santé. C. Bien qu’un symptôme somatique donné puisse ne pas être continuellement présent, l’état symptomatique est durable (typiquement plus de 6 mois).
Spécier si : Avec douleur prédominante (antérieurement trouble douloureux) : Cette spécication concerne les individus dont les symptômes somatiques consistent principalement en une douleur. Spécier si : Chronique : Une évolution chronique est caractérisée par des symptômes sévères, un handicap marqué et une durée prolongée (plus de 6 mois). Spécier la sévérité actuelle : Léger : Seulement l’un des symptômes spéciés au critère B est présent. Moyen : Deux symptômes ou plus spéciés au critère B sont présents. Grave : Deux ou plus des symptômes spéciés au critère B sont présents et sont associés à des plaintes somatiques multiples (ou à un symptôme somatique très sévère).
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association, DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
314
Partie 3
Troubles mentaux
SCHÉMA DES QUATRE DIMENSIONS Crainte excessive d’avoir une maladie DIMENSION PHYSIQUE • Symptômes physiques compatibles avec une maladie
DIMENSION PSYCHOLOGIQUE
• Attention au moindre signe ou symptôme physique
• Anxiété • Irritabilité
Geneviève Dupuis est âgée de 42 ans. Elle est à l’écoute de son corps et devient anxieuse dès qu’elle y détecte le moindre changement. Lorsqu’elle repère un signe ou un symptôme, elle croit toujours être atteinte d’une maladie grave (p. ex., une douleur abdominale indique la maladie de Crohn, une tache sur la peau révèle un cancer).
Madame Dupuis a très peur d’être gravement malade. Elle envisage toujours le pire lorsqu’il s’agit de santé. Son sommeil est fréquemment perturbé ; elle a de la difculté à demeurer concentrée lorsqu’elle présente un signe ou un symptôme physique et croit être gravement malade.
DIMENSION SOCIALE • Tensions dans sa vie familiale et de couple
• Capacité de concentration perturbée par la peur d’être malade
DIMENSION SPIRITUELLE
• Inquiétude excessive à propos de la maladie
• Difculté à faire conance aux professionnels de la santé
Lorsqu’elle croit être malade, madame Dupuis a de la difculté à participer aux activités familiales. Elle s’isole parfois dans la salle de bain pour s’examiner ou consulter des livres à propos de la maladie dont elle croit être atteinte. Elle refuse de visiter des membres de sa famille lorsqu’ils sont malades.
• Peur de la maladie qui domine la pensée
Madame Dupuis n’est que temporairement rassurée à la suite d’une consultation médicale. Elle a de la difculté à faire conance aux professionnels de la santé, remet en doute le diagnostic. Elle a consulté plusieurs médecins pour le même problème. Elle vit avec la peur d’être gravement malade chaque fois qu’un nouveau symptôme se manifeste.
FIGURE 13.1
inquiète n’est pas tant le symptôme en soi, comme dans le cas du trouble à symptomatologie somatique, mais plutôt la signication du symptôme ou sa cause potentielle. Par exemple, une femme pourrait s’inquiéter de la présence d’un nævus sur son bras, car elle craint qu’il soit cancéreux. Les personnes atteintes du trouble d’anxiété liée à la maladie ne sont habituellement pas rassurées par un examen médical ou par des résultats d’examens paracliniques négatifs. La peur de la maladie occupe une place centrale dans leur vie, ce qui interfère souvent avec leur fonctionnement quotidien à un point tel que certaines d’entre elles peuvent en venir à éviter systématiquement des situations particulières et que d’autres sont déclarées invalides (APA, 2015). Ces personnes ont tendance à s’examiner régulièrement, cherchent fréquemment à se faire rassurer par leurs proches et consultent souvent plusieurs professionnels de la santé pour le même symptôme.
Facteurs psychologiques et comportementaux inuençant d’autres affections médicales Le critère essentiel pour considérer ce trouble est la présence de un ou de plusieurs facteurs psychologiques ou comportementaux qui produisent un
effet négatif sur une maladie préexistante. L’effet négatif peut se traduire par l’exacerbation de la maladie, l’apparition d’une complication ou un retardement de la guérison (APA, 2015). Les facteurs peuvent interférer avec le traitement de la maladie, constituer un facteur de risque additionnel ou inuencer négativement le cours de la maladie. Les facteurs psychologiques ou comportementaux ne sont pas expliqués par un autre trouble mental. La sévérité est classiée selon les quatre niveaux présentés dans le TABLEAU 13.2. Enn, le professionnel de la santé pose ce diagnostic seulement lorsque le lien entre les facteurs psychologiques et comportementaux a un effet évident sur le cours ou sur l’évolution de la maladie actuelle.
Trouble factice Le trouble factice n’est pas nouveau ; il a été décrit et diagnostiqué pour la première fois en 1951 alors qu’on lui donna le nom de syndrome de Münchhausen (Asher, 1951) en référence au baron de Münchhausen qui était connu pour embellir ses histoires de voyage (Prakash, Das, Srivastava et al., 2014). Quelque 20 ans plus tard, en 1977, le syndrome de Münchhausen par procuration est reconnu (Meadow, 1977). Ces deux syndromes
Chapitre 13
Troubles à symptomatologie somatique et apparentés et troubles dissociatifs
315
13
TABLEAU 13.2
Niveaux de sévérité des facteurs psychologiques et comportementaux inuençant d’autres affections médicales
NIVEAU DE SÉVÉRITÉ
DESCRIPTION
EXEMPLE DE FACTEURS PSYCHOLOGIQUES OU COMPORTEMENTAUX AFFECTANT UNE AUTRE MALADIE
Léger
Les facteurs augmentent les risques de complications de la maladie actuelle.
Prendre sa médication contre l’hypertension artérielle de façon non assidue.
Moyen
Les facteurs aggravent la maladie actuelle.
Être aux prises avec une anxiété qui cause des crises d’asthme.
Grave
Les facteurs entraînent une hospitalisation ou une visite à l’urgence.
Modier ses doses d’insuline dans le but de perdre du poids.
Extrême
Les facteurs mettent la vie de la personne en danger.
Ignorer les symptômes d’angine ou de crise cardiaque.
sont devenus aujourd’hui respectivement le trouble factice auto-induit et le trouble factice imposé aux autres dans le DSM-5. CE QU’IL FAUT RETENIR
Une personne atteinte d’un trouble factice reproduit intentionnellement, à l’aide de différents stratagèmes, les signes et les symptômes physiques ou psychologiques d’une maladie.
Une personne atteinte d’un trouble factice reproduit intentionnellement, à l’aide de différents stratagèmes, les signes et les symptômes physiques ou psychologiques d’une maladie pour endosser le rôle de malade (APA, 2015). An que le diagnostic de trouble factice soit posé, il faut démontrer que la personne utilise des moyens pour reproduire les symptômes d’une maladie ou d’une blessure, qu’elle essaie de se faire passer pour une personne malade, qu’elle ne le fait pas dans le but d’en retirer des bénéces externes comme toucher une indemnité d’assurance maladie ou obtenir un arrêt de travail et que ces comportements ne sont pas mieux expliqués par un autre trouble mental (APA, 2015).
La personne atteinte peut mentir de façon pathologique au moment de l’entrevue d’évaluation ou encore aller jusqu’à consommer des médicaments ou des substances (Pandey & Sawhney, 2014) pour présenter les symptômes physiques d’une maladie tels que des bêtabloquants pour souffrir de bradycardie et obtenir des soins (Steinwender, Hofmann, Kypta et al., 2005). Il arrive que les personnes atteintes subissent des interventions coûteuses qui peuvent mettre leur vie en Monsieur Bérubé est fantassin militaire. Deux jours danger, et elles ont eu recours avant son déploiement à l’étranger, il s’est présenté à l’urgence prétextant souffrir de diabète. à de multiples consultations Le SMU à l’admission a démontré la présence de médicales dans plusieurs étaglucose dans ses urines, mais ses glycémies des blissements, souvent dans 48 dernières heures sont normales. Le médecin a des villes différentes. demandé un second SMU ce matin. Monsieur La personne adopte ce Bérubé effectue le prélèvement et vous l’apporte. comportement sans motif Le résultat démontre aussi la présence de glucose extérieur apparent (qu’il dans l’urine. Quelques instants plus tard, vous s’agisse d’obtenir de l’argent, remarquez des sachets de sucre vides dans la de fuir des responsabilités ou poubelle de la salle de bain. Quels indices vous d’améliorer sa situation) (APA, permettent de croire que monsieur Bérubé 2015). Contrairement à ce qui présente un trouble factice ? se passe dans la simulation, la
Jugement
clinique
316
Partie 3
Troubles mentaux
personne ne produit pas les symptômes de la maladie pour échapper à des obligations désagréables, mais plutôt pour répondre à un besoin psychologique de jouer le rôle de malade (APA, 2015). Bien qu’elle crée elle-même les signes et les symptômes du trouble physique, il y a souvent une composante inconsciente dans le comportement et la pensée de cette personne : elle ne peut déterminer de causes précises à son comportement. L’apparition du trouble survient la plupart du temps au début de l’âge adulte et fait souvent suite à une hospitalisation. Le trouble se manifeste fréquemment de façon intermittente au cours de la vie de la personne et, dans quelques cas, il perdure de façon chronique. Le trouble factice imposé aux autres est identique au trouble factice à l’exception que la personne prend des mesures pour reproduire les signes et les symptômes d’une maladie chez une tierce personne, habituellement un proche ; il peut s’agir, par exemple, d’une mère qui administre une substance à son enfant pour le rendre malade et obtenir des soins.
13.4.2
Troubles dissociatifs
Les troubles dissociatifs sont apparus pour la première fois dans le DSM-III-TR en 1987. Le médecin français Pierre Janet a été un pionnier de la recherche portant sur ces troubles (Debecker, Lesnicki & Vermorel-Rondeux, 2007). Leur dénomination et leur classication ont été revues une première fois dans le DSM-IV-TR après que le trouble dissociatif de l’identité (auparavant personnalité multiple) a suscité la controverse aux États-Unis, et ils ont été revus dans le DSM-5. Il existe deux types de symptômes dans les troubles dissociatifs : positifs et négatifs. Les symptômes positifs se caractérisent par une intrusion non désirée dans la conscience et les comportements, qui s’accompagne d’une perte de continuité dans le temps pour la personne. Ces symptômes se manifestent par une fragmentation de l’identité,
la dépersonnalisation et la déréalisation. Les symptômes négatifs se caractérisent par une incapacité à se souvenir d’événements ou à utiliser des connaissances acquises antérieurement. Ils se manifestent sous forme de perte de mémoire et d’amnésie.
parfois faussement le diagnostic de schizophrénie, l’inrmière se doit d’être vigilante et d’observer attentivement les signes et les symptômes. Le TABLEAU 13.3 présente les différences entre les voix que rapportent les personnes atteintes de schizophrénie et celles aux prises avec le TDI.
Trouble dissociatif de l’identité
Le trouble dissociatif de l’identité portait autrefois le nom de personnalité multiple. Contrairement à ce qui a été faussement décrit dans la ction et dans le cinéma américain, les clients atteints de ce trouble ne sont pas des meurtriers en série. Les personnes ayant un trouble dissociatif de l’identité ont fréquemment plusieurs personnalités distinctes accompagnées de caractéristiques souvent bien différentes (APA, 2015). La personnalité principale est habituellement celle que connaît l’entourage du client et est associée au nom que celui-ci utilise tous les jours depuis sa naissance. Les personnalités secondaires peuvent avoir un âge et un sexe différents de la personnalité principale. Certaines personnalités secondaires peuvent porter des lunettes, alors que la personnalité principale n’en porte pas, ou être gauchères, alors que la personnalité principale est droitière. Dans certains cas, il arrive que la personnalité principale parle inconsciemment d’elle-même au pluriel (nous, ils, elles) ou encore qu’elle utilise le « on » lorsqu’elle raconte des événements qu’elle a vécus.
Aucun autre trouble de la classication actuelle des troubles mentaux n’a soulevé autant de controverses que le trouble dissociatif de l’identité (TDI) depuis son introduction dans le DSM (APA, 2004). Les critères diagnostiques de ce trouble ont aussi été revus dans le DSM-5. Le premier critère mentionne que la personne doit présenter deux ou plusieurs identités ou personnalités distinctes, qui pourraient être vécues comme une expérience de possession dans certaines cultures. La fragmentation de l’identité se traduit par une discontinuité de la personnalité chez la personne atteinte et des modications sur le plan de l’affect, des comportements, de la conscience, de la mémoire, de la perception, de la cognition ou des fonctions sensorielles et motrices (critère A). Le deuxième critère précise que la personne présente des trous de mémoire en ce qui concerne les événements vécus au cours d’une journée, à propos de son identité ou d’événements traumatiques trop importants pour s’expliquer par un simple oubli (critère B). Les symptômes causent une détresse et une altération importante du fonctionnement au quotidien (critère C) et ne sont pas attribuables à une autre maladie ou aux effets d’une substance (critère E). La perturbation ne fait pas partie d’une coutume culturelle ou d’une pratique religieuse considérée comme normale dans cette culture (critère D). Puisque les personnes atteintes de TDI reçoivent
TABLEAU 13.3
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les troubles dissociatifs comprennent des symptômes positifs (fragmentation de l’identité, dépersonnalisation et déréalisation) et des symptômes négatifs (amnésie et pertes de mémoire)
13
Le changement d’une personnalité à une autre survient en quelques secondes et est généralement précédé par un stress psychosocial FIGURE 13.2. Les personnalités secondaires peuvent avoir conscience de l’existence de toutes les autres personnalités secondaires ou seulement de quelquesunes de celles-ci. Pour sa part, la personnalité principale n’a pas conscience de l’existence des
Différences entre les voix entendues par les personnes atteintes de schizophrénie et du trouble dissociatif de l’identité
CARACTÉRISTIQUES DE LA VOIX
SCHIZOPHRÉNIE
TROUBLE DISSOCIATIF DE L’IDENTITÉ
Nombre
Indéterminé
Précis
Sexe
Vague
Précis
Âge
Indéterminé, habituellement voix d’adultes
Habituellement déterminées, voix d’adultes et d’enfants
Discours
Surtout impératif, dénigrant
Pourrait être informatif, soutenant, thèmes variés
Provenance
Plus souvent de l’extérieur
Plus souvent de l’intérieur
Échanges sous forme de conversation
Non
Oui, conversations assez concrètes et « normales »
Source : Gagné, Martin & O’Neil (2011).
Chapitre 13
Troubles à symptomatologie somatique et apparentés et troubles dissociatifs
317
cas. L’apparition est habituellement instantanée, et une personne peut vivre plusieurs épisodes d’amnésie au cours de sa vie. Les personnes atteintes d’amnésie dissociative ont souvent vécu un ou plusieurs événements traumatiques dans le passé. Parmi ces événements gurent fréquemment les sévices physiques ou sexuels subis durant l’enfance et la violence interpersonnelle (APA, 2015). FIGURE 13.2 Deux ou plusieurs personnalités coexistent, et le changement survient rapidement en cas de stress, sans que la personnalité principale en ait conscience.
personnalités secondaires avant le début du traitement. Lorsqu’elle change pour une personnalité secondaire, la personnalité principale est en quelque sorte placée en pause. Ce n’est que lorsque la personnalité secondaire cède la place à la personnalité principale que celle-ci reprend la maîtrise du corps. C’est ce qui explique les trous noirs dans la vie de la personne puisqu’elle n’a pas de souvenir de ce que les personnalités secondaires ont fait lorsqu’elles gouvernaient son corps. Lorsque le changement de personnalité a perduré sufsamment longtemps, il arrive que la personne ne comprenne pas comment elle s’est retrouvée dans un lieu ou pour quelle raison elle est vêtue ainsi. CE QU’IL FAUT RETENIR
Une personne atteinte du trouble dissociatif de l’identité présente au moins deux identités ou personnalités qui prennent successivement le contrôle de la personne.
Les personnes qui ont un trouble dissociatif de l’identité mentionnent souvent avoir subi des traumas physiques ou des sévices sexuels durant l’enfance. Les données récentes indiquent que 9 personnes sur 10 atteintes de TDI ont subi de mauvais traitements dans l’enfance (APA, 2015). Ces personnes ont aussi une plus grande facilité à être hypnotisées que la population normale. Il s’écoule en moyenne six ou sept années avant que la personne aille consulter après l’apparition des premiers symptômes, et près de 70 % des clients atteints de TDI on fait une tentative de suicide dans le passé (APA, 2015).
Amnésie dissociative L’amnésie dissociative était autrefois appelée amnésie psychogène. Elle se caractérise par un ou plusieurs épisodes d’incapacité à se rappeler une information autobiographique importante, elle suit généralement une situation traumatique ou stressante, et cette perte de mémoire est trop importante pour s’expliquer par un simple oubli (il y a dissociation) (APA, 2015). La perturbation n’est pas due aux effets d’une substance (p. ex., une perte de conscience ou de mémoire due à l’alcool) ou à une affection médicale générale ou neurologique (p. ex., une amnésie après un trauma crânien) et n’est pas secondaire à un autre trouble mental (trouble de stress post-traumatique ou trouble neurocognitif) (APA, 2015). L’amnésie dissociative peut durer de quelques minutes à quelques décennies, selon la gravité du
318
Partie 3
Troubles mentaux
Il arrive que la personne atteinte d’amnésie dissociative quitte soudainement et de façon inattendue la maison ou le lieu de travail. Ce départ soudain est accompagné chez la personne d’une incapacité à se rappeler son passé ou l’endroit où elle est allée, d’une confusion par rapport à son identité ou à une information biographique importante. On dit alors que l’amnésie dissociative est accompagnée d’une fugue dissociative. Le TABLEAU 13.4 présente les cinq formes d’amnésie dissociative décrites dans le DSM-5. L’amnésie dissociative est souvent accompagnée d’autres problèmes de santé mentale, et ce, principalement lorsque la personne émerge de l’amnésie. Plusieurs personnes vivent alors un trouble de stress post-traumatique lorsqu’elles retrouvent la mémoire et que reuent les événements traumatisants qu’elles ont vécus (APA, 2015). Plusieurs de ces personnes présentent aussi un trouble de personnalité dépendante, évitante ou limite.
Trouble de dépersonnalisation/ déréalisation Le trouble de dépersonnalisation/déréalisation se caractérise par des épisodes continuels ou récurrents de sentiments de dépersonnalisation, de déréalisation ou des deux. La dépersonnalisation se caractérise par une sensation irréelle de détachement de son corps ou la sensation d’être un observateur externe de celui-ci FIGURE 13.3. Elle s’accompagne souvent d’une altération de la perception du temps et d’un engourdissement émotionnel et physique. Divers types d’anesthésie sensorielle, d’absence de réaction affective et une impression de manque de maîtrise de ses gestes ou de ses paroles sont souvent présents (APA, 2015). Pour sa part, la déréalisation est plutôt une sensation irréelle de détachement par rapport à l’environnement (les gens ou les objets). Les personnes qui en sont atteintes rapportent éprouver la sensation d’être dans le brouillard ou de voir le monde comme si elles étaient derrière une fenêtre. L’environnement apparaît distordu ou altéré, et certaines personnes disent avoir un champ de vision diminué ou entendre les sons environnants et les voix des personnes dans leur entourage de façon étouffée (APA, 2015). La dépersonnalisation est une expérience courante. En effet, un adulte sur deux vivrait un court épisode de dépersonnalisation pendant sa vie
TABLEAU 13.4
Cinq formes d’amnésie dissociative
Amnésie lacunaire (ou localisée)
La personne est incapable de se souvenir d’événements survenus au cours d’une période de temps déterminée, généralement les premières heures après un événement traumatisant. C’est la forme la plus fréquente d’amnésie.
Amnésie sélective
La personne se souvient seulement de certains événements survenus pendant une période de temps déterminée, mais pas de tous. Cette forme d’amnésie accompagne parfois l’amnésie lacunaire.
Amnésie généraliséea
La personne n’a plus aucun souvenir concernant la totalité de son existence. Cette forme d’amnésie est peu fréquente.
Amnésie continuea
La personne est incapable de se souvenir d’aucun nouvel événement survenu entre un moment donné et le présent.
Amnésie systématiséea
La personne a une perte de mémoire qui touche seulement une ou des catégories d’information bien précise, par exemple sa famille ou une personne en particulier. Le reste de la mémoire est intact.
a Ces
trois formes d’amnésie sont beaucoup plus rares que les deux premières.
clinique
Jugement
Les symptômes somatiques et les maladies organiques Raphaël Mercier, âgé de 37 ans, a subi un grave concomitantes sont fréquents accident de voiture dans lequel sa conjointe a chez les personnes âgées perdu la vie. Il s’en est tiré avec des contusions (APA, 2015). C’est pourquoi cutanées, mais il est encore sous le choc de les professionnels de la santé l’événement. Il se souvient du climat festif de la se basent davantage sur l’imsoirée entre amis à laquelle il participait. Toutefois, portance et sur la signication il est incapable de se remémorer les circonstances que la personne accorde à ses de l’accident. D’après les données présentées dans symptômes pour établir le cette situation, de quel type d’amnésie monsieur diagnostic qu’aux symptômes Mercier est-il atteint ? eux-mêmes. L’anxiété, la dépression, un faible niveau de scolarité, un âge avancé et le sexe féminin influent négativement sur le pronostic (APA, 2015). Puisque les critères diagnostiques de ce trouble ont été revus dans le DSM-5, des données exactes sur le pronostic à long terme de celui-ci ne sont pas encore connues.
FIGURE 13.3 En cas de dépersonnalisation, la personne se sent détachée d’elle-même, comme si elle se trouvait à l’extérieur de son corps.
(APA, 2015). Le diagnostic du trouble de dépersonnalisation n’est posé qu’en présence de symptômes sufsamment graves pour causer une souffrance marquée ou un dysfonctionnement important (APA, 2015). Le diagnostic ne peut être porté si une telle expérience se produit exclusivement dans le contexte d’un autre trouble mental (p. ex., la schizophrénie, le trouble panique, le trouble de stress aigu, un autre trouble dissociatif) ou si elle est due aux effets physiologiques d’une substance ou à une affection médicale générale (APA, 2015).
13.5
Pronostic
À l’exception du trouble neurologique fonctionnel (trouble de conversion), le trouble à symptomatologie somatique et les troubles apparentés sont des troubles chroniques et variables dans le temps dont la guérison complète demeure rare. Le pronostic du trouble à symptomatologie somatique et des troubles apparentés dépend de plusieurs facteurs, dont le trouble lui-même, du client et de sa relation avec le thérapeute.
Le trouble de conversion est transitoire la plupart du temps et disparaît généralement après 2 semaines, mais le taux de récurrence est de 20 à 25 % dans la première année (APA, 2015). Une seule récurrence des symptômes est un prédicteur d’épisodes futurs. Les facteurs qui ont été associés à un bon pronostic du trouble de conversion sont des stresseurs reconnaissables au moment où les symptômes apparaissent, un traitement précoce et une intelligence supérieure à la moyenne. On croit toutefois que le pronostic serait plus favorable chez les enfants que chez les adultes (Ani, Reading, Lynn et al., 2013 ; APA, 2015). Les troubles factices sont habituellement constitués d’épisodes intermittents entrecoupés de périodes de vie normale. Ils deviennent parfois chroniques. Dans ce cas, les périodes d’hospitalisation se succèdent et peuvent se transformer en mode de vie permanent (APA, 2015). Le pronostic des troubles dissociatifs varie d’un rétablissement rapide et complet (pour l’amnésie avec ou sans fugue dissociative) à une évolution épisodique ou chronique et continue (pour le
Chapitre 13
Troubles à symptomatologie somatique et apparentés et troubles dissociatifs
319
13
trouble dissociatif de l’identité). Des cas d’amnésie dissociative présentent un épisode unique se résorbant spontanément, alors que d’autres se caractérisent par de multiples épisodes ou par une forme chronique d’amnésie. Le trouble dissociatif de l’identité est généralement chronique, et son traitement perdure sur plusieurs années. Les taux de guérison varient selon les études, mais il semble qu’il soit meilleur lorsque le trouble s’est manifesté en bas âge (Jans, Schneck-Seif, Weigand et al., 2008). Le trouble de dépersonnalisation/déréalisation est
rarement la cause qui a mené à la consultation : les clients se présentent habituellement pour des symptômes anxieux ou dépressifs (APA, 2003). L’évolution du trouble de dépersonnalisation peut être épisodique si la personne fait face à des événements qui mettent sa vie en danger sur une base régulière ou se révéler chronique. Environ un tiers des personnes vivra un ou des épisodes discrets de courte durée, un tiers des personnes devra composer avec des symptômes continus, et le dernier tiers se situe entre ces deux pôles (APA, 2015).
13.6 Démarche de soins
4 Les composantes d’une évaluation initiale exhaustive sont présentées dans le chapitre 4, Évaluation de la condition mentale.
L’inrmière qui travaille dans un centre hospitalier général ou dans la communauté est plus susceptible de rencontrer des clients atteints de troubles à symptomatologie somatique et apparentés et de troubles dissociatifs que celle qui œuvre dans un établissement ou une unité psychiatrique. Les comorbidités associées à ces troubles sont très fréquentes : les troubles dépressifs, bipolaires et apparentés, les troubles anxieux, les dépendances et les troubles de la personnalité, notamment limite (borderline), sont souvent plus dérangeants pour le client. Dans de nombreux cas, ils constituent le motif de la consultation (Damsa, Pirrottaa, Adamd et al., 2005).
13.6.1
CE QU’IL FAUT RETENIR
Pour tous les troubles présentés dans ce chapitre, l’inrmière évalue l’impact des symptômes sur le fonctionnement social, professionnel et affectif du client, et recherche aussi la présence des symptômes de troubles fréquemment associés.
Collecte des données – Évaluation initiale
Le rôle de l’inrmière est d’abord d’évaluer l’état de santé physique et mentale du client, ainsi que les signes et les symptômes qu’il présente à son arrivée, ainsi que de le rassurer 4 .
Reconnaître les manifestations de troubles à symptomatologie somatique et apparentés et de troubles dissociatifs L’inrmière évalue chaque client avec la même attention sans considérer la possibilité qu’il feigne
ses symptômes ENCADRÉ 13.3. Elle observe attentivement le client alors qu’il répond aux questions. Des antécédents détaillés, obtenus auprès du client, de sa famille et d’autres professionnels de la santé, permettent au personnel soignant d’offrir des soins adaptés au client. L’inrmière questionne donc le client sur divers aspects de sa vie au quotidien. Elle évalue l’impact des symptômes de ce dernier sur son fonctionnement social, professionnel et affectif. Elle vérie si le client manifeste des symptômes anxieux ou dépressifs puisque les troubles anxieux ou dépressifs, bipolaires et apparentés sont souvent présents de façon concomitante avec les troubles à symptomatologie somatique, apparentés et dissociatifs (Barsky, Orav & Bates, 2005 ; Röhricht & Elanjithara, 2014). L’enseignement des effets anxiogènes des préoccupations somatiques ou dissociatives aide le client à détourner son attention de ses sensations physiques.
Compléter l’évaluation selon le trouble Pour certains troubles, il convient d’insister davantage sur des éléments particuliers de la collecte des données, alors que pour d’autres, ces mêmes éléments seront moins appropriés. L’ENCADRÉ 13.4 présente quelques éléments propres à chacun des troubles, lorsque cela est pertinent.
Collecte des données ENCADRÉ 13.3
Évaluation globale
• Effectuer un examen physique des systèmes pertinents en fonction des plaintes et des symptômes du client.
• Dresser la liste de la durée, de la nature et de la localisation de tous les symptômes et de toutes les plaintes du client.
• Vérier les résultats des examens paracliniques que le client a subis et obtenir ceux effectués antérieurement ou dans un autre établissement lorsque c’est possible.
• Documenter les habitudes de vie du client.
• Constituer la liste et écrire l’histoire de tous les antécédents médicaux, chirurgicaux et psychiatriques du client. • Déterminer le moment où sont apparus les symptômes pour la première fois.
320
Partie 3
Troubles mentaux
• Évaluer l’impact des symptômes sur le fonctionnement du client. • Évaluer le réseau social et le fonctionnement du client dans les diverses sphères (p. ex., sociale, professionnelle). • Évaluer le réseau de soutien du client.
Collecte des données ENCADRÉ 13.4
Évaluation spécique selon le trouble
TROUBLE À SYMPTOMATOLOGIE SOMATIQUE
• Déterminer la présence de situations stressantes dans le quotidien du client.
• Dresser la liste de toutes les consultations antérieures du client et obtenir un résumé des soins et des traitements reçus.
• Évaluer le lien entre les situations stressantes et l’apparition ou l’exacerbation des symptômes.
• Évaluer la présence des troubles mentaux souvent associés tels que le trouble de personnalité limite (borderline).
• Évaluer les stratégies utilisées par le client pour gérer le stress.
TROUBLES DISSOCIATIFS
• Dresser la liste de tous les médicaments et de tous les autres traitements (médicaux ou parallèles) auxquels le client a recours an de déceler les dangers potentiels (p. ex., des interactions, des effets indésirables).
Amnésie dissociative (avec ou sans fugue dissociative)
• Évaluer le risque de dépendance physique ou psychologique à la médication.
• Évaluer la présence de troubles cognitifs en questionnant le client ou en ayant recours à divers outils spécialisés (p. ex., le mini-examen de l’état mental, le test de l’horloge, le test de l’empan, le test d’évaluation cognitive de Montréal [MoCA]).
• Évaluer la présence des symptômes et troubles mentaux souvent associés tels que les troubles anxieux, l’humeur dépressive, les comportements compulsifs, une personnalité histrionique, limite (borderline) ou antisociale.
• Évaluer la mémoire de travail ainsi que la mémoire à moyen et à long terme du client en le questionnant sur son passé.
Trouble de conversion (trouble à symptomatologie neurologique fonctionnelle) • Procéder à l’examen physique du client en portant une attention particulière au système neurologique, à la motricité et aux cinq sens.
• Pour l’amnésie dissociative : évaluer la présence des symptômes ou des troubles mentaux souvent associés tels que le trouble de conversion, les troubles dépressifs, bipolaires et apparentés, les troubles liés à une substance ou les troubles de la personnalité.
• Noter tous les symptômes physiques qui ne correspondent pas aux manifestations normalement associées à une maladie physique.
• Au besoin, lorsque l’amnésie est importante, contacter les autorités locales an de déterminer l’identité du client.
• Évaluer la présence d’antécédents de somatisation ou de maladie neurologique, puisqu’il est commun que les personnes atteintes d’un trouble de conversion aient ces antécédents (APA, 2015).
Trouble dissociatif de l’identité
• Évaluer la fonction symbolique des symptômes. • Évaluer le lien entre les situations stressantes que vit le client et l’apparition ou l’exacerbation des symptômes. • Évaluer la présence d’un bénéce primaire ou secondaire de la maladie. • Évaluer s’il y a présence d’une belle indifférence (manque évident et inapproprié de préoccupation d’une personne envers la gravité des symptômes). • Évaluer la présence des troubles mentaux souvent associés tels que les troubles dissociatifs, le trouble dépressif caractérisé, un trouble de la personnalité histrionique, antisociale, limite (borderline) ou dépendante. Crainte excessive d’avoir une maladie • Dresser la liste des signes et des symptômes que le client présente en lien avec la ou les maladies dont il croit être atteint. • Dresser la liste de toutes les consultations médicales et des examens paracliniques que le client a subis depuis le début des symptômes (parfois sur quelques années). • Évaluer la présence des troubles mentaux souvent associés tels que le trouble à symptomatologie somatique ou les troubles apparentés, les troubles anxieux ou les troubles dépressifs. Troubles factices • Évaluer la présence d’éléments contradictoires dans l’histoire du client. • Évaluer la présence de nouveaux symptômes à la suite de l’annonce des résultats négatifs relativement aux symptômes décrits précédemment.
• Évaluer la présence d’événements traumatisants antérieurs à l’amnésie ou survenus dans l’enfance.
• Évaluer la mémoire de travail ainsi que la mémoire à moyen et à long terme du client en le questionnant sur son passé. • Rechercher la présence de « trous noirs » dans son récit. • Observer les changements soudains de comportement ou d’attitude du client. • Évaluer si les changements de comportement ou d’attitude correspondent à des situations stressantes ou menaçantes pour le client. • Évaluer la présence de sévices sexuels ou physiques durant l’enfance. • Évaluer la présence des symptômes ou des troubles mentaux souvent associés tels que l’automutilation, les comportements suicidaires, les troubles dépressifs, bipolaires et apparentés, les troubles liés à une substance, les troubles sexuels, les troubles de l’alimentation ou les troubles du sommeil. Trouble de dépersonnalisation/déréalisation • Effectuer un examen physique du client en portant une attention particulière au système neurologique et aux cinq sens. • Évaluer l’appréciation de la réalité chez le client an d’exclure un trouble psychotique. • Évaluer la durée et la fréquence des épisodes de dépersonnalisation et de déréalisation. • Évaluer la présence de symptômes spéciques ou d’autres troubles mentaux, car la dépersonnalisation peut faire partie du tableau clinique de plusieurs autres problèmes de santé mentale. Le diagnostic de dépersonnalisation est d’ailleurs posé uniquement une fois que les autres troubles mentaux ont été écartés comme hypothèse clinique.
Source : Adapté de Feusner, Winograd & Saxena (2005).
Chapitre 13
Troubles à symptomatologie somatique et apparentés et troubles dissociatifs
321
13
CONSEIL CLINIQUE
La connaissance de l’expérience subjective du client aide l’inrmière à élaborer un PSTI qui tient compte de ses besoins (Feusner, Wilograd & Sazena, 2005 ; Phillips & Menard, 2006). 10 Les origines de la méditation de pleine conscience sont expliquées dans le chapitre 10, Troubles liés aux traumatismes et aux facteurs de stress.
CONSEIL CLINIQUE
Au Québec, certains centres hospitaliers recommandent d’intégrer l’évaluation de la douleur à la routine des signes vitaux an d’exercer un meilleur suivi et une évaluation plus rigoureuse de celle-ci (Cyr, 2000). L’inrmière y porte une attention particulière en cas de trouble à symptomatologie somatique ou de troubles apparentés.
13.6.2
Analyse et interprétation des données
À partir des renseignements obtenus pendant la collecte des données et selon le diagnostic médical, l’inrmière détermine les problèmes prioritaires qui guideront le plus efcacement le plan de soins et de traitements inrmiers (PSTI) du client. Elle établit les caractéristiques déterminantes des problèmes prioritaires du client et cerne avec celui-ci leurs facteurs étiologiques an d’élaborer le plan thérapeutique inrmier (PTI). Ces derniers inuent sur le choix des interventions appropriées. L’ordre de priorité est en effet établi en fonction des besoins particuliers du client ENCADRÉ 13.5.
13.6.3
Planication des soins
Établir les résultats escomptés Les résultats escomptés sont fondés sur les problèmes prioritaires du client et sur les diagnostics correspondants du DSM-5. Les résultats escomptés élaborés avant la mise en œuvre du PSTI guident les interventions et l’évaluation des résultats. En pratique, l’inrmière détermine généralement les résultats escomptés en se fondant sur les symptômes cliniques présentés par le client et sur l’évolution probable du trouble selon son type. Ainsi, la plupart des troubles décrits dans ce chapitre sont de nature chronique et évoluent dans le temps. La guérison complète demeure plutôt rare. Toutefois, avec un suivi approprié, il est possible de maîtriser la gravité des symptômes. Les troubles factices, eux, sont souvent constitués d’épisodes intermittents. L’évolution des troubles dissociatifs est propre à chacun d’eux.
ENCADRÉ 13.5
Le client sera en mesure : • de déterminer des situations et des événements qui déclenchent des préoccupations somatiques ou des épisodes dissociatifs et de choisir des façons de les prévenir ou de les maîtriser ; • de discuter du lien entre des situations ou des événements anxiogènes et des symptômes d’allure somatique, factice ou dissociative ; • de décrire des symptômes somatiques qui se produisent dans des situations anxiogènes ; • d’expliquer ouvertement ses comportements et ses pensées en général ainsi que ses comportements dans des situations anxiogènes ; • d’avoir des comportements qui montrent des symptômes somatiques réduits ou qui procurent un moyen de réassociation en cas d’état dissociatif ; • de nommer des techniques et des stratégies adaptatives et positives qui soulagent l’anxiété ; • d’utiliser les stratégies de réduction de l’anxiété telles que la méditation de pleine conscience 10 ;
Les problèmes prioritaires des clients atteints du trouble à symptomatologie somatique, de troubles apparentés et dissociatifs peuvent être les suivants :
• faible estime de soi ;
• altération de la mémoire ;
• non-respect ou non-adhésion (spécier s’il s’agit du traitement, de la médication, etc.) ;
• comportements autodestructeurs (spécier le type : automutilation, risque d’automutilation, autres comportements à risque, etc.) ; • comportements d’allure compulsive ; • déni (spécier s’il s’agit des symptômes, du diagnostic, de l’absence de maladie, d’un comportement, etc.) ; • difculté d’adaptation (spécier la cause) ; • douleur (spécier le site et la nature : aiguë ou chronique) ; • dynamique familiale perturbée ; • dysfonctionnement sexuel ;
Partie 3
Résultats escomptés généraux (possibles pour tous les troubles)
Problèmes pouvant être associés au trouble à symptomatologie somatique, aux troubles apparentés et dissociatifs
• anxiété (spécier le degré : léger, moyen, sévère) ;
322
Puisque chaque client est unique, les résultats escomptés possibles sont grandement inuencés par ses caractéristiques individuelles et son environnement immédiat. L’anxiété étant une composante sous-jacente majeure pour chacun des troubles décrits dans ce chapitre, les résultats escomptés généraux pourraient s’appliquer à plusieurs d’entre eux. Ce chapitre présente, à titre d’exemple, des objectifs plus précis pour le trouble à symptomatologie somatique et le trouble dissociatif de l’identité.
Troubles mentaux
• méconnaissance (spécier s’il s’agit de la maladie, du traitement, etc.) ;
• perturbation de la perception sensorielle ; • perturbation de l’image corporelle ; • recherche de soins médicaux ; • risque de violence (préciser si envers lui-même ou les autres) ; • risque d’isolement social ou isolement social ; • risque suicidaire (spécier le degré : léger, modéré, élevé) ; • trouble du sommeil (spécier selon le symptôme : insomnie, difculté à demeurer endormi, réveils fréquents, etc.).
• d’apprendre à maîtriser son anxiété à des degrés tolérables ;
• d’adopter des comportements d’afrmation de soi pour répondre à ses besoins ;
• de montrer sa capacité de résoudre des problèmes, de se concentrer et de prendre des décisions ;
• de prendre les médicaments prescrits ;
• de verbaliser un sentiment de détente et de préoccupation réduite envers ses sensations ; • de dormir de six à huit heures par nuit ; • d’utiliser adéquatement des ressources de soutien appropriées parmi les professionnels de la santé, sa famille et ses amis ; • de demander l’aide de ressources appropriées en cas d’apparition de nouveaux symptômes ; • de communiquer avec un professionnel de la santé s’il a des pensées ou des désirs suicidaires ou dangereux (envers lui-même ou d’autres personnes) ; • d’énumérer les médicaments qu’il prend pour maîtriser ses symptômes ainsi que les indications et la posologie appropriée de chacun ; • de continuer à maîtriser ses symptômes après son congé, notamment en prenant ses médicaments et en suivant d’autres thérapies.
Trouble à symptomatologie somatique Le client sera en mesure : • d’élaborer un programme d’exercices qui comprend des techniques de réduction de l’anxiété ; • de reconnaître les liens qui existent entre son degré d’anxiété et les symptômes physiques qu’il ressent ; • de tenir un journal où il note ses préoccupations somatiques et les facteurs de stress, y compris ses pensées et ses préoccupations importunes ; • d’aider le thérapeute à transmettre les renseignements nécessaires à tout autre intervenant ; • de prendre les médicaments prescrits et de connaître leurs indications ; • de rencontrer plus fréquemment le thérapeute si les symptômes de somatisation augmentent ; • de mettre en application les stratégies de gestion de l’anxiété et de réduction des symptômes apprises en thérapie.
Trouble dissociatif de l’identité Le client sera en mesure : • de répondre à son nom quand un membre de l’équipe de soins s’adresse à lui ;
• de déterminer à quel moment il doit prendre un médicament au besoin pour réduire une anxiété accrue par un facteur environnemental ; • de communiquer avec le thérapeute si les symptômes augmentent ; • d’informer le thérapeute ou d’utiliser un service d’écoute téléphonique s’il se sent suicidaire.
Décider des soins La planication des soins des clients atteints de troubles à symptomatologie somatique et apparentés ou dissociatifs est variée. Les cliniciens et les administrateurs des établissements hospitaliers s’efforcent de trouver un équilibre entre un traitement efcace et les coûts élevés des unités spécialisées. Il coûterait 50 % plus cher de traiter les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale en milieu hospitalier que dans la communauté (Comité de la santé mentale du Québec [CSMQ], 1997). De ce fait, la plupart des soins en santé mentale au Canada sont fournis à l’extérieur des centres hospitaliers (Agence de la santé publique du Canada [ASPC], 2006) 2 . De plus en plus, les clients qui représentent un risque pour eux-mêmes ou pour d’autres personnes sont hospitalisés pendant de courtes périodes seulement. Par exemple, le client atteint d’amnésie dissociative peut être hospitalisé an de prévenir un risque de suicide. Cependant, une personne atteinte de ce trouble est généralement traitée en consultation externe à l’aide de diverses méthodes telles que la psychothérapie individuelle, la thérapie de groupe, la thérapie familiale et la thérapie par l’art. Les enfants et les adolescents qui ont des troubles dissociatifs dus à un trauma voient leurs symptômes diminuer grâce à la thérapie par le jeu et aux techniques de la forme (gestalt).
• de tenir un journal où il note les stresseurs et les périodes de dissociation ; • de parler de ses mécontentements d’une manière non menaçante ;
Les milieux de soins communautaires sont décrits dans le chapitre 2, Santé mentale et services dans la communauté.
L’Institut québécois de Gestalt-thérapie offre de l’information sur cette thérapie au www.iqgt.ca.
Plutôt que de prodiguer uniquement des soins directs aux clients hospitalisés, l’infirmière assume de plus en plus le rôle d’agente de liaison, où elle donne aux clients et à leur famille de l’information sur les divers traitements possibles, sur les résultats escomptés et où elle effectue la planication détaillée des congés.
13.6.4
Exécution des interventions Soins et traitements inrmiers
• de parler de lui-même à la première personne ; • de reconnaître les épisodes d’anxiété accrue ;
2
Le rôle de l’inrmière dans la mise en œuvre du PSTI varie d’un milieu de soins à l’autre. L’inrmière est donc bien au fait des actes professionnels qui lui sont permis par la loi et par les directives de son établissement. Les interventions
Chapitre 13
Troubles à symptomatologie somatique et apparentés et troubles dissociatifs
323
13
expliquées ici sont utiles aux clients ayant des symptômes d’allure somatique ou dissociative, quel que soit le diagnostic ou le lieu de traitement TABLEAU 13.5. La situation clinique SC 13.1 présente les interventions inrmières pour une cliente atteinte du trouble à symptomatologie somatique.
Soins et traitements en interdisciplinarité Psychopharmacothérapie Les interventions pharmacologiques, seules ou combinées à des interventions cognitivocomportementales, sont parmi les traitements les
Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 13.5
ALERTE CLINIQUE
L’inrmière surveille ses propres réactions à l’égard du client. Si un membre du personnel soignant ne comprend pas l’intensité des sensations d’allure somatique ou dissociative du client, il ne peut évaluer le degré d’anxiété subi par celui-ci.
Des techniques d’imagerie mentale dirigée et d’autres moyens pour maîtriser le stress sont décrites sur le site de la Société canadienne du cancer, au www.cancer.ca.
Intervenir auprès du client ayant un trouble à symptomatologie somatique, un trouble apparenté ou dissociatif
INTERVENTION
JUSTIFICATIONS
Déterminer le degré d’urgence suicidaire et la présence de symptômes dépressifs chez le client.
Une évaluation approfondie du client aide à prévenir le suicide et les autres comportements destructeurs durant le processus d’intervention.
Reconnaître que les multiples symptômes du client, tels que des sensations somatiques, sont des indicateurs d’anxiété, tout en gardant à l’esprit que pour le client les symptômes sont réels.
Des interventions précoces aident à maîtriser l’anxiété avant que les symptômes s’aggravent. De plus, lorsque le client comprend le lien entre ses symptômes et l’anxiété, il devient plus facile pour lui de la gérer et ainsi de réduire ses symptômes.
Enseigner au client à distinguer les sensations corporelles qui ont une cause ou une source décelable (p. ex., les symptômes d’un rhume, la douleur d’une chute) et les préoccupations somatiques qui n’ont pas de cause ou de source décelable, mais qui sont une réaction à une anxiété accrue.
La connaissance de l’anxiété et de ses composantes permet au client de mieux maîtriser son trouble.
Être consciente de son propre degré d’anxiété et s’efforcer de rester calme.
L’anxiété se transfère facilement d’une personne à une autre. La personne atteinte de trouble à symptomatologie somatique, de troubles apparentés ou dissociatifs est à risque d’augmentation des symptômes pendant les périodes d’anxiété accrue.
Enseigner au client l’importance d’une consommation réduite de caféine, de nicotine et d’autres stimulants du système nerveux central.
Le fait de réduire la consommation de stimulants prévient ou atténue les symptômes physiques d’anxiété (p. ex., une fréquence cardiaque élevée, l’agitation) qui peuvent déclencher d’autres préoccupations et manifestations somatiques.
Enseigner au client à utiliser des stratégies pour réduire son anxiété telles que :
Ces techniques permettent au client de centrer son attention sur autre chose que l’anxiété ou sur les situations qui génèrent de l’anxiété chez lui. De plus, il détourne son attention des symptômes qui constituent une source d’anxiété en eux-mêmes. Il apprend ainsi à maîtriser son anxiété par lui-même et à tolérer un certain degré d’anxiété résiduelle.
• des techniques de relaxation progressive ; • la méditation de pleine conscience ; • des exercices de respiration profonde et lente ; • la concentration sur un seul objet dans la pièce ; • l’écoute d’une musique apaisante ; • l’imagerie mentale dirigée.
324
Partie 3
Aider le client à utiliser des méthodes d’adaptation qui l’ont aidé à maîtriser son anxiété dans le passé.
Les méthodes d’adaptation qui ont déjà eu du succès seront généralement efcaces dans des situations subséquentes.
Aider le client à comprendre l’importance du régime médicamenteux et du respect de la posologie.
Les médicaments constituent un traitement d’appoint efcace à d’autres interventions thérapeutiques psychosociales.
Encourager le client à communiquer avec un réseau de soutien.
Un bon réseau de soutien aide le client à surmonter les situations ou les activités anxiogènes ; il favorise la socialisation et apporte une aide émotionnelle.
Troubles mentaux
plus efcaces du trouble à symptomatologie somatique, des troubles apparentés ou dissociatifs.
plusieurs autres troubles, dont les troubles factices et dissociatifs (Ejeby, Savitskij, Öst et al., 2014).
Certains antidépresseurs sont reconnus comme étant efcaces pour le traitement du trouble à symptomatologie somatique ou d’un trouble apparenté, dont un inhibiteur sélectif du recaptage de la sérotonine (ISRS), la uoxétine, un inhibiteur du recaptage de la sérotonine et de la norépinéphrine (ISRSN), la venlafaxine, et un antidépresseur tétracyclique, la mirtazapine (Guglielmo, Martinotti & Janiri, 2012 ; Schweitzer, Zafar, Pavlicova et al., 2011). Ils sont utiles pour diminuer les symptômes somatiques ainsi que les symptômes dépressifs souvent associés à ces troubles.
La psychothérapie peut être pratiquée individuellement avec le thérapeute ou en groupe. Le principal avantage de la thérapie de groupe est qu’elle permet au client d’apprendre des succès et des échecs d’autres personnes ayant des symptômes similaires aux siens, en plus de briser l’isolement qui accompagne souvent ces troubles.
Des clients atteints de troubles somatiques ou apparentés chroniques ont connu une diminution de leurs symptômes grâce à un traitement combinant une thérapie cognitivo-comportementale axée sur la somatisation et la prise d’antidépresseurs, plus particulièrement la venlafaxine, un ISRSN (Marcangelo & Wise, 2007). D’autres médicaments peuvent aussi être utilisés, tels que la gabapentine et la prégabaline, qui sont des dérivés de l’acide gamma-aminobutyrique (GABA) et qui peuvent aider à diminuer la douleur ressentie par les clients atteints de troubles somatoformes (Guglielmo et al., 2012). Cependant, leur usage n’est pas ofciellement approuvé à cet effet au Canada. Dans le cas des troubles dissociatifs, l’approche thérapeutique varie selon le trouble précis et principalement en fonction des comorbidités psychiatriques (p. ex., des troubles anxieux ou dépressifs) (Damsa et al., 2005). Des antidépresseurs ou des anxiolytiques peuvent être administrés selon la comorbidité présente chez le client. Le traitement pharmacologique du trouble dissociatif de l’identité est largement symptomatique. Diverses combinaisons d’antidépresseurs permettent de traiter les symptômes dépressifs et anxieux sous-jacents. Les inhibiteurs de la monoamine oxydase et les antidépresseurs tricycliques ont été largement remplacés par les ISRS, car les effets indésirables sont moins prononcés, et ils sont plus sécuritaires (ISSTD, 2011). Des antipsychotiques de deuxième génération à faible dose ont pour but de diminuer des symptômes comme la désorganisation de la pensée, la suractivation et l’irritabilité ; des hypnotiques sont administrés pour favoriser le sommeil et, à un degré moindre, des benzodiazépines sont prescrites pour réduire l’anxiété (ISSTD, 2011).
Psychothérapie L’intervention psychothérapeutique constitue le traitement de premier recours pour les troubles somatoformes (Looper & Kirmayer, 2002) ; elle est aussi souvent utilisée pour le traitement de
I Thérapie cognitivo-comportementale I éactivation De nombreux thérapeutes utilisent la des connaissances thérapie cognitivo-comportementale pour traiter les clients atteints de La confrontation douce est une stratégie trouble à symptomatologie soma- aidant la personne à prendre conscience des tique, de troubles apparentés et dis- contradictions ou incohérences entre ses sociatifs. Le succès de cette approche sentiments, ses attitudes, ses croyances et ses comportements. dépend de la capacité du client à Voici un extrait d’une conversation entre un comprendre que les symptômes phyclient et une inrmière : siques sont une réaction à des penClient : « Je ne sais pas ce que je dois faire : sées ou à des sentiments portant sur dire à ma sœur ce que je pense d’elle ou me des comportements de la vie quoti- taire.» dienne. Le client et le thérapeute Inrmière : « Vous semblez ambivalent. » déterminent les symptômes clés, puis Client : « J’ai pensé à plusieurs façons de ils examinent les circonstances asso- lui parler. » ciées à ceux-ci. Ensemble, ils plani- Trouvez une réplique de l’inrmière qui ent des stratégies de modication illustrerait ce qu’est la confrontation douce. des pensées (la cognition) ou des comportements. La thérapie cognitivocomportementale est un traitement à court terme qui exige une participation active du client et du thérapeute.
Approche thérapeutique propre au trouble factice En cas de trouble factice, la première étape consiste à faire accepter le diagnostic au client, puis à l’orienter vers un traitement psychothérapeutique. La confrontation du client ou une approche plus indirecte sont toutes deux recommandées, selon les chercheurs (McCullumsmith & Ford, 2011). L’inrmière veille notamment à établir une relation de conance avec le client an de l’amener à accepter le diagnostic et à participer activement au traitement. Des études laissent croire qu’il existerait peu de différence en ce qui concerne l’efficacité des diverses approches thérapeutiques pour les troubles factices : confrontation versus approche indirecte, psychothérapie versus nonutilisation de la psychothérapie, médication psychotrope versus sa non-utilisation (Eastwood & Bisson, 2008). Toutefois, en raison de la faible adhésion au traitement des clients atteints de troubles factices, il existe peu de données portant sur l’efficacité des divers traitements pour ces troubles (McCullumsmith & Ford, 2011). Une approche interdisciplinaire permet d’offrir des soins intégrés et d’obtenir
Chapitre 13
CE QU’IL FAUT RETENIR
Certains antidépresseurs sont reconnus comme étant efcaces pour le traitement des troubles présentés dans ce chapitre et sont utiles pour diminuer les symptômes dépressifs souvent concomitants.
ALERTE CLINIQUE
Les benzodiazépines doivent être utilisées avec prudence en raison du risque de dépendance et d’abus qui les accompagne.
Troubles à symptomatologie somatique et apparentés et troubles dissociatifs
325
13
Jugement
clinique Noémie Bérubé est une adolescente âgée de 14 ans. Elle devait faire une présentation orale en sciences avec sa meilleure amie. Cependant, Noémie n’a pas participé à la présentation, prétextant qu’elle avait des menstruations douloureuses l’obligeant à rester couchée. Elle n’osait pas avouer qu’elle n’avait pas terminé sa part de travail. Sa camarade, très fâchée, lui reproche d’avoir trouvé une excuse pour se soustraire à la présentation. Comment la camarade de Noémie aurait-elle pu éviter la confrontation avec cette dernière ?
les meilleurs résultats dans la réduction des symptômes du trouble factice. L’équipe est habituellement formée du psychiatre, de l’infirmière et de divers intervenants tels qu’un psychologue, un ergothérapeute, un éducateur spécialisé et un intervenant en service social selon les établissements de santé.
13.6.5
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution
À chaque interaction, l’inrmière et le client évaluent ensemble les progrès de celui-ci vers l’atteinte des résultats escomptés ENCADRÉ 13.6. Si les progrès ne sont pas satisfaisants, l’inrmière modie les résultats escomptés ou les interventions. Elle garde à l’esprit que la plupart des troubles présentés dans ce chapitre sont chroniques et que le client a besoin de patience et de soutien pour déterminer son type de comportement et pour intégrer les méthodes permettant d’amorcer des changements.
Collecte des données ENCADRÉ 13.6
Signes de rétablissement
L’inrmière s’assure que le client est en mesure : • de faire la différence entre les préoccupations somatiques et les maladies ; • de déterminer les situations et les événements qui déclenchent des préoccupations somatiques ou des états dissociatifs et de choisir des façons adaptatives de prévenir ou de gérer ces situations ; • de décrire des symptômes somatiques et des pensées excessives ou des stresseurs qui ont pu accroître son degré d’anxiété ;
326
Partie 3
• d’avoir des comportements qui montrent une diminution des préoccupations somatiques ou des états dissociatifs ; • d’utiliser les stratégies de réduction du stress apprises telles que la méditation de pleine conscience ; • de montrer sa capacité à résoudre des problèmes, à se concentrer et à prendre des décisions ; • de démontrer la capacité de tolérer des degrés raisonnables de stress et d’émotion ; • d’avoir un sommeil réparateur et non perturbé la nuit ;
• de discuter du lien entre les situations ou les événements anxiogènes et les symptômes somatiques ou dissociatifs ;
• d’énumérer les médicaments utilisés pour maîtriser ses symptômes ainsi que la posologie et les indications de chacun ;
• de nommer des techniques et des stratégies positives d’adaptation qui soulagent l’anxiété et les préoccupations somatiques ;
• de recourir aux ressources communautaires appropriées ainsi qu’à la famille et aux amis.
Troubles mentaux
Situation clinique SC
13.1
Trouble à symptomatologie somatique
L’inrmière fait l’évaluation du suivi d’Emma Tourigny, une femme âgée de 40 ans, pour une constipation chronique, une douleur gastrique et une intolérance à divers aliments. Elle apprend que madame Tourigny a consulté quatre médecins de première ligne depuis deux semaines. Au cours de son examen gynécologique la semaine dernière, elle s’est plainte de crampes abdominales et de saignements menstruels excessifs ainsi que d’une diminution de la lubrication qui engendre de la douleur au cours des relations sexuelles. Elle est préoccupée par ses symptômes et elle se réveille parfois la nuit pour y penser. Au début de la semaine, madame Tourigny a consulté un chiropraticien pour une douleur vague au dos. Elle a mentionné avoir des difcultés à marcher ; elle ressent parfois une faiblesse aux genoux et se sent généralement
fatiguée. Elle s’est disputée avec son conjoint et elle craint qu’il la quitte en raison de ses douleurs corporelles constantes. Elle a aussi de moins en moins de contacts avec ses amies. Madame Tourigny subit du stress au travail. Elle prend souvent des congés de maladie, et son superviseur lui demande une note de son médecin pour justier chaque absence. Elle craint que ses symptômes lui fassent perdre son emploi, car son patron l’a réprimandée pour son absentéisme. L’inrmière a effectué un examen physique détaillé, qui n’a révélé aucun trouble physique. Les récents résultats des examens paracliniques étaient normaux. L’inrmière a obtenu le dossier médical de madame Tourigny avec l’autorisation de celle-ci. Après l’évaluation et la révision du dossier, le psychiatre a posé le diagnostic de trouble à symptomatologie somatique.
À la suite de son évaluation, l’inrmière formule les constats suivants et élabore un plan de soins avec madame Tourigny. PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Malaise généralisé d’allure somatique lié à la douleur dorsale, articulaire ainsi qu’à des symptômes gastro-intestinaux et sexuels, manifesté par une consultation compulsive des services de santé
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES
• Diminution des symptômes
• Proposer la rédaction d’un journal de suivi des symptômes.
• Diminution de la peur et des fausses croyances
• Enseigner des techniques de réduction de l’anxiété.
• Diminution des pensées excessives associées à ces symptômes
• Enseigner et faire pratiquer des exercices de restructuration cognitive.
• Diminution du stress
• Établir avec la cliente des stratégies pour réorienter les pensées vers des éléments constructifs.
13
• Proposer de limiter le temps accordé aux plaintes physiques. • Expliquer à la cliente que les symptômes et leur intensité sont liés à l’anxiété. • Surveiller et noter tout nouveau symptôme de la cliente. • Établir des objectifs de traitement en collaboration avec la cliente. PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Réseau social perturbé lié aux préoccupations somatiques et se manifestant par la frustration du conjoint, la perte de contact avec les amies et des difcultés dans les relations professionnelles avec son patron
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES
• Retour à un fonctionnement normal dans les rôles • Augmentation des aptitudes dans ses interactions sociales
• Proposer à la cliente de consigner ses attentes envers son couple dans un journal et de prévoir des moments pour en discuter avec son conjoint.
• Amélioration de l’estime de soi
• Prévoir des rencontres thérapeutiques axées sur l’amélioration de l’estime de soi.
• Connaissance des ressources disponibles pour aider à gérer les symptômes après la sortie du centre hospitalier
• Suggérer à la cliente de réintégrer graduellement des activités sociales. • Enseigner à la cliente quelles sont les ressources communautaires disponibles dans sa région. • Effectuer un premier contact avec ces ressources.
Chapitre 13
Troubles à symptomatologie somatique et apparentés et troubles dissociatifs
327
SCHÉMA INTÉGRATEUR À partir des données consignées au dossier de la cliente, la FIGURE 13.4 illustre un exemple de PSTI mis en œuvre par l’inrmière.
Problème de santé : Trouble à symptomatologie somatique
Pensées exagérées à propos de préoccupations somatiques et physiques malgré un examen physique et des résultats d’examens paracliniques normaux
Trouble à symptomatologie somatique
Douleurs corporelles ; constipation chronique, problèmes gynécologiques
Faiblesse musculaire ; fatigue perturbation du sommeil (réveil la nuit)
Conit avec le conjoint ; distance prise par les amies
Stratégies d’adaptation inefcaces ; nombreuses absences du travail
Consultation excessive de professionnels de la santé
Perturbation de la perception sensorielle
La cliente est en mesure de retourner au travail.
La cliente montre une diminution de ses symptômes.
La cliente reconnaît que l’augmentation de l’anxiété entraîne des préoccupations somatiques accrues ; pratique la méditation ou d’autres stratégies de gestion du stress (p. ex., la méditation de pleine conscience).
La cliente montre une amélioration de ses aptitudes dans ses interactions sociales et de son estime de soi.
Aider à résoudre les problèmes liés aux facteurs de stress ; proposer de consigner ses préoccupations dans un journal ; établir un lien entre la préoccupation somatique, l’intensité des symptômes et le stress.
Coordonner les rendez-vous ; proposer la tenue d’un journal de suivi des symptômes ; enseigner la restructuration cognitive et des stratégies pour réorienter les pensées vers des réexions constructives et non vers les symptômes.
Proposer de consigner les préoccupations relatives à l’anxiété dans un journal ; établir un lien entre l’anxiété et la préoccupation somatique ; proposer des stratégies de diminution de l’anxiété.
Encourager la discussion au sein du couple ; proposer de limiter le temps de discussion sur les préoccupations somatiques ; proposer des activités sociales qui permettent de réorienter l’attention de la cliente.
Réseau social perturbé
Constat médical
Facteurs de risque
Problèmes découlant de la situation de santé
Résultats escomptés
Physiopathologie
Manifestations cliniques
Interventions interdisciplinaires
Interventions inrmières
FIGURE 13.4
328
Anxiété élevée associée aux symptômes ; stress au travail ; difculté relationnelle avec son patron
Partie 3
Plan de soins et de traitements inrmiers de madame Tourigny
Troubles mentaux
Analyse d’une situation de santé Baptiste Leroux est âgé de 42 ans. Il travaille comme réparateur d’appareils électroménagers. Il est à son compte et doit se déplacer dans la région, ses clients étant répartis sur un grand territoire. Il se plaint de dyspepsie et de constipation chronique depuis qu’il a 25 ans. Un repas baryté et une coloscopie longue n’ayant révélé aucun problème de santé, monsieur Leroux a décidé de consulter un autre médecin pour obtenir un nouvel avis. Il dit aussi éprouver de la douleur aux mains et aux genoux, une baisse de la vue (conrmée par son optométriste), ainsi qu’une sensibilité gingivale. Il mange moins à cause de cela, ce qui diminue sa glycémie et déséquilibre son diabète. Des radiographies des articulations et une
Jugement clinique imagerie par résonance magnétique des genoux n’ont montré aucun signe de pathologie. Monsieur Leroux s’est présenté au groupe de médecine de famille de son quartier en invoquant des douleurs de plus en plus fréquentes et intenses. Il ajoute que personne ne veut croire qu’il a une maladie et qu’il vit de plus en plus de stress à cause des symptômes ressentis : « Tout le monde me prend pour un fou, même ma femme croit que c’est dans la tête que ça ne va pas. » Une inrmière le rencontre avant de le présenter au médecin. Il se dit inquiet pour son entreprise, car il a dû refuser des contrats en raison de ses malaises et il a vu une diminution de ses revenus.
Mise en œuvre de la démarche de soins
Collecte des données – Évaluation initiale – Analyse et interprétation
SOLUTIONNAIRE
1. Dans l’évaluation de l’état de santé de monsieur Leroux, quelle donnée précise l’inrmière devrait-elle vérier concernant le fonctionnement du client au travail ?
13
2. L’inrmière s’informe de la localisation exacte des plaintes de douleur du client. Entre autres, elle lui demande de spécier les endroits où il a mal. Que devrait-elle faire préciser pour tous les symptômes exprimés par monsieur Leroux ? 3. Pourquoi est-il important de connaître tous les médicaments pris par le client, y compris ceux offerts en vente libre ?
Monsieur Leroux a fourni une copie des résultats des examens paracliniques qu’il a subis. Il dit à l’inrmière : « J’ai un problème, c’est certain, même si les tests sont négatifs. Sinon, je n’aurais pas tous ces symptômes. Personne ne veut me croire. » Sans porter de jugement et même si elle ne peut poser un diagnostic médical, l’inrmière soupçonne malgré tout que le client a un trouble à
symptomatologie somatique. Celui-ci dit penser à ses symptômes régulièrement et afrme être plus distrait qu’à l’habitude. La semaine dernière, il a dû faire une heure de route pour aller chercher deux outils qu’il avait oubliés chez une cliente, ce qui ne lui était jamais arrivé auparavant. Il a passé plusieurs heures à lire sur ses symptômes et il s’inquiète que personne n’en trouve la cause.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
4. Quelle question l’inrmière pourrait-elle poser à monsieur Leroux an de connaître la perception qu’il a de sa condition ? 5. D’après les données de cet épisode, quel problème prioritaire est-il possible de soupçonner chez mon sieur Leroux ?
L’inrmière procède à l’épreuve de Romberg, à la marche talon-orteils et à l’évaluation de la
coordination et de la force musculaire des mains du client.
Chapitre 13
Troubles à symptomatologie somatique et apparentés et troubles dissociatifs
329
écemment vu dans ce chapitre Il y a quelques jours, monsieur Leroux vous raconte avoir évité de justesse une collision frontale avec un camion de livraison en se rendant chez un client. Il vous dit : « Je ne sais pas du tout comment j’ai fait pour l’éviter. J’ai eu l’impression que ce n’était pas moi qui conduisait, comme si j’étais sorti de mon corps et que j’observais la scène. Ça m’a paru durer très longtemps, mais je sais bien que c’est seulement quelques fractions de secondes. » Comment appelle-t-on le genre d’expérience que monsieur Leroux a vécu ? Justiez votre réponse. Pourrait-t-on lui diagnostiquer un trouble en lien avec l’expérience qu’il vient de vous coner ? Justiez votre réponse.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
6. Ces vérications sont-elles pertinentes dans le cas de monsieur Leroux ? Justiez votre réponse. 7. Les plaintes de douleur exprimées par monsieur Leroux sont-elles sufsantes pour conrmer le soup çon de l’inrmière ? Justiez votre réponse.
L’inrmière pose des questions au client sur ses activités sociales et sur sa sexualité. Monsieur
Leroux est surpris de ces questions et ajoute qu’il ne voit aucun lien avec les symptômes ressentis.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
8. Trouvez deux questions à poser pour déceler un symptôme sexuel associé au trouble à symptomatologie somatique. 9. Pourquoi est-il important d’évaluer si monsieur Leroux est atteint d’un dysfonctionnement social ?
L’inrmière vérie la glycémie capillaire de monsieur Leroux. MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
10. Est-il pertinent de procéder à cette vérication ? Justiez votre réponse.
L’inrmière suggère à monsieur Leroux de tenir un journal où il notera les situations qui lui causent
de la tension ou du stress, de même que les symptômes qu’il ressent dans les situations observées.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
Planication des interventions – Décisions inrmières 11. Pourquoi est-ce une bonne suggestion ?
Le médecin a rencontré monsieur Leroux et lui a prescrit du lorazépam (AtivanMD) 0,5 mg b.i.d. p.r.n. Il lui a également suggéré de rencontrer un psychologue
qui pratique la thérapie cognitivo-comportementale. En quittant la clinique, le client dit à l’inrmière qu’il doit revoir le médecin dans deux mois.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution 12. En plus des symptômes déjà relevés, nommez au moins trois points que l’inrmière devrait évaluer au moment de la prochaine visite du client à la clinique.
330
Partie 3
Troubles mentaux
APPLICATION DE LA PENSÉE CRITIQUE Dans l’application de la démarche de soins auprès de monsieur Leroux, l’inrmière a recours à un ensemble d’éléments (connaissances, expériences antérieures, normes institutionnelles ou protocoles, attitudes professionnelles) pour analyser la situation de santé du client et en comprendre les
enjeux. La FIGURE 13.5 illustre le processus de pensée critique suivi par l’inrmière an de formuler son jugement clinique. Elle résume les principaux éléments sur lesquels l’inrmière s’appuie en fonction des données de ce client, mais elle n’est pas exhaustive.
VERS UN JUGEMENT CLINIQUE CONNAISSANCES
EXPÉRIENCES
NORME
• Trouble à symptomatologie somatique, troubles apparentés et leurs caractéristiques • Éléments précis à évaluer pour chacun des troubles • Moyens thérapeutiques appropriés à chacun (pharmacothérapie et psychothérapie) • Troubles concomitants
• Expérience de travail auprès d’une clientèle en santé mentale et psychiatrie • Expérience en relation d’aide • Habileté à procéder à l’examen physique et à l’évaluation de la condition mentale
• Activité réservée de l’inr mière d’après l’alinéa 1 de l’article 36 de la Loi sur les inrmières et les inrmiers (RLRQ, chapitre I8) (« éva luer la condition physique et mentale d’une personne symptomatique »)
ATTITUDES • Démontrer de la compréhension quant aux symptômes décrits par le client • Éviter de l’étiqueter comme plaintif ou de croire que les symptômes sont faux • Éviter de porter un jugement hâtif et négatif par rapport à sa condition • Adopter une attitude authentique et le confronter doucement
PENSÉE CRITIQUE
13
ÉVALUATION • Symptômes indicateurs d’un trouble à symptomatologie somatique (symptômes physiques multiples, pensées excessives et anxiété générée par les symptômes ; comportements sociaux et professionnels altérés) • Symptômes associés au diabète • Médication prise avant de consulter et ses effets indésirables • Détails du tableau clinique (p. ex., le début des symptômes, leur durée, leur nature, leur localisation exacte, les facteurs précipitants, les moyens de les soulager) • Résultats des examens paracliniques antérieurs à la consultation actuelle • Perception que monsieur Leroux a de sa condition actuelle • Réseau social du client • Situations stressantes pour le client inuant sur l’importance des symptômes manifestés (par la tenue d’un journal) • Connaissance et prise de la médication prescrite • Motivation du client à suivre une psychothérapie
JUGEMENT CLINIQUE FIGURE 13.5
Application de la pensée critique à la situation clinique de monsieur Leroux
Chapitre 13
Troubles à symptomatologie somatique et apparentés et troubles dissociatifs
331
Chapitre
14
Troubles du spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques Écrit par : Judy A. Malone Cole, RN, PhD Adapté par : Suzanne Gagnon, inf., B. Sc., M.A. Mis à jour par : Catherine Fortin, inf., M. Sc.
MOTS CLÉS
OBJECTIFS
Aboulie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 341 Catatonie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 345 Désorganisation de la pensée et du comportement . . . . . . . . 343 Hallucinations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 343 Idées délirantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 343 Modèle vulnérabilité-stress . . . . . . . . . 335 Stigmatisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 347 Symptômes négatifs . . . . . . . . . . . . . . . . . 345 Symptômes positifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . 343 Syndrome métabolique . . . . . . . . . . . . . . 351 Troubles psychotiques . . . . . . . . . . . . . . . 334
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez être en mesure : • de reconnaître les signes et les symptômes des troubles du spectre de la schizophrénie et d’autres troubles psychotiques ; • de décrire les divers modèles et les théories qui ont été proposés pour expliquer la schizophrénie et d’autres troubles psychotiques ; • d’expliquer l’importance de la théorie biologique et le rôle des facteurs biologiques dans l’apparition de la schizophrénie et d’autres troubles psychotiques ; • de discuter des progrès de la recherche qui permettent d’établir un lien entre des facteurs génétiques et la schizophrénie et d’autres troubles psychotiques ; • d’appliquer la démarche de soins au client qui présente les symptômes positifs et négatifs de l’un des troubles du spectre de la schizophrénie ; • d’établir une relation d’aide adéquate avec les clients atteints de schizophrénie ou d’autres troubles psychotiques ; • d’évaluer la situation de la personne atteinte d’un trouble du spectre de la schizophrénie et de ses proches ; • d’élaborer un plan de soins pour le suivi du client ainsi que pour l’enseignement au client et à ses proches ; • d’expliquer les diverses méthodes de traitement en interdiscplinarité.
Disponible sur • • • • • • •
Activités interactives Annexe Web À retenir Carte conceptuelle Dossiers vidéo Encadré Web Ressources
Guide d’études – SA04, SA05, SA06, SA07, RE19
332
Partie 3
Troubles mentaux
• • • • • •
Solutionnaire de l’Analyse d’une situation de santé Solutionnaire des questions de Jugement clinique Solutionnaire des questions Réactivation des connaissances Solutionnaire des questions Récemment vu dans ce chapitre Solutionnaires du Guide d’études Tableau Web
Concepts clés
Cette carte conceptuelle illustre schématiquement les principaux concepts décrits dans le présent chapitre. Sa lecture vous permettra d’avoir une vue d’ensemble des notions qui y sont présentées.
durée
caractérisés par
Manifestions hétérogènes Idées délirantes Hallucinations Pensée désorganisée Désorganisation du comportement (incluant catatonie) Symptômes négatifs Symptômes positifs critères diagnostiques Trouble délirant bref Trouble psychotique bref Trouble schizophréniforme Trouble schizoaffectif Trouble psychotique induit par une substance ou un médicament Trouble psychotique dû à une affection médicale générale Catatonie Autre trouble du spectre de la schizophrénie et autre trouble psychotique spécié Trouble du spectre de la schizophrénie et autre trouble psychotique non spécié
sont
14
dont
Troubles du spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques
expliqués par
Chapitre 14
Troubles du spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques
333
PORTRAIT
Lance Moffat Lance Moffat, un homme âgé de 35 ans atteint de schizophrénie depuis l’âge de 20 ans, vit dans une maison de chambres du centreville où logent d’autres personnes ayant un trouble mental. Il est présentement en phase de rémission partielle. Il est capable d’établir un budget permettant de répartir son revenu minimal sur un mois. Il présente des idées délirantes résiduelles selon lesquelles il est propriétaire de la maison de chambres où il vit, mais où le gérant et le gouvernement lui volent ses revenus de location. Lorsque monsieur Moffat manque d’argent à la n du mois, il devient agité. Il accuse le gérant de le voler et lui assène des insultes. Il fait les cent pas dans la pièce en se parlant à lui-même. Il cache ensuite tous ses objets de valeur dans son garderobe et pousse son bureau devant la porte. Le gérant tente de le rassurer et le convainc d’appeler son frère pour trouver une solution. L’inrmière du suivi à domicile arrive pour sa visite hebdomadaire. Monsieur Moffat est dans sa chambre avec son frère qui a réussi à le calmer. Cependant, il demeure nerveux et prétend encore que le gérant et le gouvernement lui dérobent son argent. Le gérant informe l’inrmière que monsieur Moffat est de plus en plus méant depuis la semaine dernière. Son frère parvient à le convaincre de lui remettre sa médication et l’inrmière constate qu’il ne l’a pas prise depuis les cinq derniers jours. Elle note aussi, en lisant le dossier, que monsieur Moffat est d’ordinaire calme, et qu’il aide même le gérant dans certaines tâches depuis quelques mois.
14.1
Le modèle vulnérabilitéstress de la schizophrénie permet de mieux comprendre l’étiologie multifactorielle de la schizophrénie. On peut le consulter au www.clubassociation.ch/rehab/ article_17.htm.
334
Partie 3
Caractéristiques générales
La section sur le spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques, telle que décrite dans le DSM-5, Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux, 5e édition, comprend la schizophrénie, les autres troubles psychotiques et la personnalité schizotypique. Tous ces troubles sont caractérisés par la présence d’au moins un des symptômes suivants : 1) idées délirantes ; 2) hallucinations ; 3) pensée désorganisée ; 4) comportement moteur désorganisé ou anormal (incluant la catatonie) ; 5) symptômes négatifs. Même si la personnalité schizotypique se situe sur le continuum du spectre de la schizophrénie, les concepteurs du DSM-5 ont choisi de laisser sa description dans le chapitre portant sur les troubles de la personnalité. Outre la schizophrénie et la personnalité schizotypique, le
Troubles mentaux
spectre de la schizophrénie comprend le trouble délirant, le trouble psychotique bref, le trouble schizophréniforme, le trouble schizoaffectif, le trouble psychotique induit par une substance ou un médicament et le trouble psychotique dû à une affection médicale générale. Les formes cliniques qui ne réunissent pas les critères d’un trouble psychotique spécique ou pour lequel il manque d’information pour pouvoir établir le diagnostic sont classées dans les catégories Autre trouble du spectre de la schizophrénie ou autre trouble psychotique spécié, si la raison qui justie le diagnostic est mentionnée par le clinicien, ou non spécié, si aucune raison n’est mentionnée par le clinicien (American Psychiatric Association [APA], 2015). La schizophrénie est un trouble mental chronique, débilitant et souvent dévastateur. Il ne s’agit pas d’un trouble isolé, mais plutôt d’un groupe de troubles apparentés dont la gravité et les symptômes varient énormément d’une personne à l’autre. C’est aussi une maladie cérébrale complexe et donc un trouble neuropsychiatrique, car ses symptômes découlent de divers facteurs qui touchent les neurotransmetteurs du cerveau et causent des perturbations de la pensée, des perceptions, des fonctions cognitives, de l’humeur et de la motivation (Sadock, Sadock & Ruiz, 2014). La schizophrénie est un trouble universel qui touche tous les groupes culturels et socioéconomiques (National Institute of Mental Health [NIMH], 2006). Elle est souvent considérée comme un trouble psychotique, car les personnes qui en sont atteintes ont des périodes de perte de contact avec la réalité et présentent divers types de symptômes du trouble du spectre de la schizophrénie.
14.1.1
Évolution du concept
Historiquement, la schizophrénie a été décrite par les sciences et dans la littérature comme étant un trouble complexe à multiples facettes dépassant les hallucinations, les idées délirantes et le manque de motivation et de dynamisme qui lui sont communément associés (Sadock et al., 2014). Malgré leur prévalence, leur chronicité et leurs symptômes envahissants, la schizophrénie et les autres troubles psychotiques n’ont pas fait l’objet d’une attention scientifique ou biologique avant le milieu du xixe siècle. Le terme schizophrénie a fait son apparition dans les années 1800 et a été déni et décrit par deux pionniers de la psychiatrie. Emil Kraepelin (1856-1926), un psychiatre allemand, a utilisé le terme dementia praecox pour désigner une grave détérioration intellectuelle, cognitive et mémorielle (démence) et une apparition prématurée (précoce) caractérisée par des hallucinations et des idées délirantes. Eugen Bleuler (1857-1939), un psychiatre suisse, a proposé le terme schizophrénie, qui signie séparation de l’esprit et qui est formé par la combinaison
des deux mots grecs schizein (séparer) et phren (esprit). Il assimilait ce terme aux caractéristiques de l’« esprit fragmenté » de ce trouble. La séparation désigne l’incohérence des émotions, des pensées et des comportements du client, bien que l’essence de la personnalité reste intacte. Par ailleurs, Bleuler a jeté les bases conceptuelles des troubles de la pensée, qui décrivent plus précisément la schizophrénie. Il a également décrit les quatre A de la schizophrénie, soit l’autisme, l’ambivalence, les perturbations de l’affect et les perturbations des associations (Sadock et al., 2014) ENCADRÉ 14.1.
14.1.2
Phénoménologie de la schizophrénie
Les recherches portant sur la schizophrénie ont mis au jour de nombreux facteurs contribuant à l’apparition et à l’évolution de la maladie. Même si ces facteurs jouent un rôle indéniable, une prédisposition semble nécessaire : il s’agit là du modèle vulnérabilité-stress, qui est, à ce jour, utilisé pour comprendre cette pathologie (Anthony & Liberman, 1986 ; Nicholson & Neufeld, 1992 ; Zubin & Spring, 1977). Aujourd’hui, les recherches s’efforcent de comprendre, à partir de ce modèle, comment se combinent à la fois les facteurs et la vulnérabilité et quelle est leur importance relative. Les théories contemporaines présentées ici sont les plus courantes : les théories neurodéveloppementales, psychosociales, culturelles et environnementales. Ce modèle a fortement inuencé le traitement et la réadaptation de la schizophrénie en établissant un lien entre l’action de la vulnérabilité neuropsychologique, les stresseurs socioenvironnementaux et les capacités de coping et d’appréciation cognitive.
Théories neurodéveloppementales La théorie neurodéveloppementale indique que des facteurs étiologiques et pathogéniques sont présents longtemps avant le début de la maladie (probablement au cours de la gestation). Ces stresseurs perturbent le développement neural normal du fœtus et entraînent des modications de circuits neuraux particuliers qui causent une vulnérabilité et, ultimement, des dysfonctionnements biologiques et psychosociaux. Selon cette théorie, quand la diathèse neurodéveloppementale de la schizophrénie est établie (ce qui signie que le cerveau est prédisposé à la schizophrénie), la maladie suit son cours (Lieberman, Drake, Sederer et al., 2008). La plupart des personnes atteintes d’un trouble du spectre de la schizophrénie ne montrent aucun symptôme avant la fin de l’adolescence. Des études effectuées sur des adolescents atteints donnent des indices sur le processus neurodéveloppemental. Normalement, les ado lescents perdent certaines connexions neurales non utilisées à mesure que leur cerveau se développe. Toutefois, l’imagerie par résonance magnétique
ENCADRÉ 14.1
Quatre « A » de Bleuler : symptômes fondamentaux des troubles de la pensée
AFFECT
Expression corporelle observable d’émotions telles que la joie, le chagrin et la colère • Affect émoussé : expression restreinte des émotions • Affect plat : aucune expression des émotions • Affect inapproprié : affect qui ne correspond pas aux émotions ressenties (p. ex., la personne rit même si elle est triste) • Affect labile : changements rapides de l’expression des émotions AMBIVALENCE
Fait d’avoir simultanément deux attitudes, émotions, pensées ou sentiments différents
au sujet d’une personne, d’un objet ou d’une situation PENSÉE AUTISTE
Perturbations de la pensée causées par l’intrusion d’un monde fantasmatique intérieur qui entraîne des réactions anormales envers des gens et des événements réels. • Un état appelé déréisme est lié à l’autisme. • Il s’agit d’une perte de lien avec la réalité et la logique, où les pensées deviennent intimes et idiosyncrasiques (bizarres ou étranges). RELÂCHEMENT DES ASSOCIATIONS
Perturbation de la pensée où la personne qui parle passe rapidement d’un sujet à l’autre d’une manière incohérente ou fragmentée
Source : Adapté de Sadock et al. (2014).
(IRM) révèle que les adolescents atteints de schizophrénie perdent ces connexions à un rythme accéléré (NIMH, 2006).
14
Un « câblage » défectueux amène possiblement les gènes à fabriquer une quantité excessive ou insufsante des protéines qui sont nécessaires aux neurones pour croître et migrer vers le cerveau en développement. Ces processus sont possiblement aussi perturbés par des virus ou des parasites contractés par la mère enceinte ainsi que par l’exposition à des toxines contenues dans l’air (polluants), les aliments, les boissons et le tabac. Des complications à la naissance et la consommation de drogues ou de médicaments psychoactifs peuvent aussi nuire au développement neural au cours de l’embryogenèse (Lieberman et al., 2008).
Théories psychosociales De nombreux facteurs biologiques prédisposent une personne à la schizophrénie, mais les facteurs psychosociaux jouent aussi un rôle important. La plupart des modèles indiquent que les symptômes de la schizophrénie dépendent de l’interaction entre la vulnérabilité d’une personne et des facteurs environnementaux stressants (Sadock et al., 2014). Les facteurs psychosociaux stressants sont notamment les événements stressants de la vie tels que des pertes interpersonnelles, des difcultés socioculturelles, comme la pauvreté ou l’itinérance, ou une situation émotionnelle difficile (National Institute for Health and Care Excellence, 2014). Avant l’essor des théories biologiques, beaucoup de personnes croyaient que la schizophrénie était en partie due à des anomalies individuelles ou familiales, notamment aux Chapitre 14
CE QU’IL FAUT RETENIR
La plupart des personnes atteintes d’un trouble du spectre de la schizophrénie ne montrent aucun symptôme avant la n de l’adolescence.
Troubles du spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques
335
CE QU’IL FAUT RETENIR
Certaines personnes ont une prédisposition ou une vulnérabilité neurophysio logique à souffrir de ce trouble quand les autres facteurs en cause sur viennent au cours de leur vie.
336
Partie 3
caractéristiques de la personnalité de la mère ou du père, aux conits conjugaux, à la nature de la relation et du lien maternel ou avec d’autres personnes responsables, à de faibles liens affectifs entre le nourrisson et la mère et à des problèmes de communication interpersonnelle.
prédisposant ou participant au déclenchement ou à la rechute). Le modèle vulnérabilité-stress montre que certaines personnes ont une prédisposition, une vulnérabilité neurophysiologique à souffrir de ce trouble quand les facteurs stressants en cause surviennent dans leur vie.
Avec les progrès de la biologie, ces théories ont perdu de la crédibilité.
14.2.1
Théories culturelles et environnementales
Facteurs héréditaires
Bien que la schizophrénie touche tous les groupes socioéconomiques, il semble que certaines tranches de population y soient plus vulnérables que d’autres. Ainsi, avoir un faible quotient intellectuel (QI), migrer, être éduqué en milieu urbain ou consommer des drogues illicites sont autant de facteurs importants pour voir apparaître la schizophrénie. Ce qui réunit ces facteurs est appelé expérience de la défaite sociale, c’est-à-dire que les personnes sont exposées à long terme et de façon répétée à des expériences d’adversité psychosociale, de compétition accrue, de désavantage social ou à des positions d’outsiders, d’isolement social. Ce stress de défaite sociale, allié à une vulnérabilité génétique, conduirait à une hyperactivité dopaminergique et à des altérations cérébrales qui inueraient fortement sur le développement de la schizophrénie. Il est important de noter que toutes les personnes de faible statut économique ou vivant dans des conditions précaires ne sont pas à risque. En effet, l’expérience de défaite sociale dépend essentiellement de l’interprétation du sujet, à savoir qu’elle doit être vécue comme telle par la personne (Selten, 2005). Finalement, les travaux de recherche des dernières décennies montrant la relation entre ces troubles complexes et la structure ainsi que le fonctionnement du cerveau ont permis la mise au point de traitements plus efcaces et l’obtention de meilleurs résultats. De plus, les progrès de la recherche en génétique et en biologie aident les scientiques à comprendre le lien entre, d’une part, des gènes précis et des stresseurs neurodéveloppementaux et environnementaux et, d’autre part, la cause, la physiopathologie et le traitement de la schizophrénie, ce qui est encore plus prometteur pour les décennies à venir (Lieberman et al., 2008).
De nombreuses études portant sur des familles, des jumeaux et des enfants adoptés montrent que la schizophrénie est héréditaire à au moins 60 %. Une personne a une probabilité de 6 à 17 % d’être atteinte si un parent, un frère ou une sœur a ce trouble mental, alors que pour la population générale, cette probabilité est de seulement 1 %. Si un vrai jumeau (monozygote) est atteint de schizophrénie, la probabilité s’élève à 50 % pour l’autre jumeau (Sadock et al., 2014). La FIGURE 14.1 montre des images du cerveau de jumeaux monozygotes. La perte de volume cérébral liée à la schizophrénie est clairement visible sur ces images obtenues par résonance magnétique ; celles-ci comparent la taille des ventricules (les espaces en forme de papillon remplis de liquide dans le mésencéphale) de vrais jumeaux, dont l’un est atteint de schizophrénie. Les ventricules de la personne atteinte sont plus grands, ce qui indique un lien entre des changements structuraux du cerveau et ce trouble mental. De telles images ne peuvent être utilisées pour diagnostiquer la schizophrénie dans la population générale en raison des variations génétiques normales de la taille des ventricules.
Toutefois, malgré l’éclosion actuelle des connaissances sur la neurophysiologie du cerveau et le fonctionnement cognitif, ce syndrome cache encore bien des mystères que les scientiques commencent à peine à mesurer.
14.2
Puisque les jumeaux monozygotes ont 100 % de leurs gènes en commun, cette probabilité de seulement 50 % indique que d’autres facteurs peuvent déterminer l’apparition de cette maladie. Dans le cas de faux jumeaux (dizygotes), l’incidence est de 17 %. Des études ont montré que des enfants adoptés élevés loin de leurs parents naturels atteints de schizophrénie ont une probabilité très élevée d’être eux-mêmes atteints de ce trouble (Schultz, North & Shields, 2007). A
B
Facteurs prédisposants
Quelles que soient les théories retenues, la schizophrénie ne peut s’expliquer par une cause unique, mais par une multitude de facteurs inuant aussi bien sur la vulnérabilité que sur le stress (facteur
Troubles mentaux
Facteurs biologiques
FIGURE 14.1 Schizophrénie chez des jumeaux monozygotes : hommes de 44 ans – A Cerveau sain. B Cerveau atteint.
Facteurs génétiques Les avancées en génétique ont permis de nuancer le fatalisme héréditaire du début du siècle en mettant l’accent sur l’interaction gènes-milieu. Le génome évolue au l de la vie, et les expériences négatives ou stressantes vécues pendant l’enfance modieraient l’expression des gènes par l’intermédiaire de groupements chimiques. Ainsi, la chimie cérébrale et l’expression du génome se modieraient (Turecki, Ernst, Jollant et al., 2012). Un bon nombre d’études d’association du génome entier ont clairement associé quelques régions génomiques avec chaque trouble et ont provoqué de nombreux débats à ce sujet. L’observation de nombreuses variations du nombre de copies dans le génome entier provenant d’échantillons indépendants a mis en évidence des points communs entre la schizophrénie et les troubles de développement et d’apprentissage. Actuellement, le séquençage à grande échelle et les recherches sur le développement génétique, sur les interactions entre les gènes et entre ceux-ci et l’environnement ainsi que sur d’autres sources de complexité en demeurent à des stades très précoces, mais ils sont susceptibles d’apporter une contribution substantielle dans le futur (Fanous, 2010). Des mutations génétiques pourraient prédisposer certaines personnes à la schizophrénie. Les résultats d’une étude montrent que de nouvelles mutations du gène SHANK3 sont présentes chez de nombreux cas de clients atteints de schizophrénie (Gauthier, Champagne, Rouleau et al., 2010). Ce gène, qui pourrait être le marqueur de la schizophrénie, code une protéine qui intervient dans le maintien de la structure physique des cellules nerveuses. Les mutations dans ce gène provoquent des anomalies précises dans la forme des cellules. Ces malformations ont été observées chez certains clients atteints de schizophrénie, ce qui conrme l’importance du gène SHANK3 dans ce trouble. La recherche indique un lien possible entre la schizophrénie et un agent infectieux dans le génome humain (Lencz, Morgan, Athanasiou et al., 2007). Certains gènes liés à la schizophrénie codent des enzymes et des protéines qui favorisent la communication entre les cellules du cerveau. Ces enzymes et protéines jouent un rôle dans les systèmes de neurotransmetteurs tels que la dopamine, le glutamate et l’acide gamma-aminobutyrique (GABA). D’autres gènes codent des protéines qui jouent un rôle dans le développement du cerveau (NIMH, 2006).
l’objet d’études. L’hypothèse de la dopamine est importante dans le domaine de l’étiologie de la schizophrénie . 7 La dopamine agirait à l’intérieur de certaines cellules et de voies nerveuses an de réguler le mouvement et les émotions. La dopamine module le fonctionnement des neurones et inue sur l’humeur, l’affect, les pensées et le comportement moteur. Les personnes atteintes de schizophrénie auraient une concentration accrue de dopamine dans certaines régions du cerveau FIGURE 14.2. Des données d’autopsie ont montré que ces clients possèdent plus de récepteurs de dopamine que les personnes normales.
7 Le rôle des neurostransmetteurs dans la schizophrénie est présenté dans le chapitre 7, Neurobiologie et santé mentale.
Encadré 14.1W : L’examen de la rétine : un examen paraclinique pour détecter la schizophrénie.
Selon cette hypothèse, il y aurait à la fois un excès de dopamine dans la voie mésolimbique qui perturberait la cognition et la pensée (responsable des hallucinations, des idées délirantes) et un décit de dopamine dans la voie mésocorticale (responsable entre autres des troubles cognitifs). La voie nigrostriée, une des voies principales de la dopamine, est responsable de l’exécution normale des fonctions motrices et cognitives. Une certaine quantité de dopamine est donc nécessaire pour permettre l’exécution de mouvements moteurs réguliers et de processus mentaux clairs. Une quantité excessive de dopamine cause des symptômes de psychose (p. ex., des hallucinations, des idées délirantes) ; elle perturbe la cognition et la pensée. Certaines études indiquent que des anomalies de la mise en réserve, du transport vésiculaire et de la libération ou du recaptage de la dopamine par les neurones présynaptiques peuvent être la cause immédiate des symptômes psychotiques, et que cela peut contribuer au risque de schizophrénie (Gaur, Gautam, Gaur et al., 2008) FIGURE 14.3.
14 éactivation des connaissances En plus de jouer un rôle dans le contrôle des com portements moteurs, de l’affect et des pensées, la dopamine joue un cen tral dans un autre circuit cérébral. Lequel ?
Facteurs neuroendocriniens Des recherches approfondies portant sur les mécanismes neuroendocriniens qui sous-tendent la réaction de stress ont incité des psychiatres à étudier
Facteurs biochimiques : l’hypothèse de la dopamine Plusieurs neurotransmetteurs semblent jouer un rôle dans l’apparition de la schizophrénie. Toutefois, c’est la dopamine qui a davantage fait
FIGURE 14.2 Dysfonctionnements liés à la schizophrénie des voies principales de la dopamine Chapitre 14
Troubles du spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques
337
FIGURE 14.3 Action neuroleptique (antipsychotique) – L’action d’un neurotransmetteur sur une synapse est modiée par les neuroleptiques, qui bloquent les sites du récepteur postsynaptique pour réduire la stimulation nerveuse, réduisant ainsi les symptômes de schizophrénie. 7 Les différentes techniques d’imagerie cérébrale fré quemment utilisées sont présentées dans le cha pitre 7, Neurobiologie et santé mentale.
le rôle possible de ces mécanismes dans plusieurs formes d’états psychotiques et de troubles mentaux. La recherche portant sur l’ocytocine, une hormone hypophysaire qui stimule la contraction de l’utérus, en est un exemple. L’ocytocine réduit également la réaction de stress de l’axe hypothalamo-hypophysosurrénalien. Des chercheurs ont étudié le rôle de cette hormone dans les liens maternels et ont formulé l’hypothèse que l’activité réduite de l’ocytocine plasmatique puisse être due à des symptômes schizophréniques particuliers tels que des déciences émotionnelles, des dysfonctionnements cognitifs et comportementaux, de faibles interactions sociales, de l’agitation et des problèmes de conance (Goldman, Marlow-O’Connor, Torres et al., 2008). Les chercheurs conviennent de la nécessité d’acquérir plus de connaissances sur le rôle du système neuroendocrinien dans les symptômes complexes de la schizophrénie. Puisque les connaissances sur la neurobiologie, la physiopathologie et l’hétérogénéité de la schizophrénie sont incomplètes, il faut également poursuivre les recherches dans ces domaines an d’offrir des interventions efcaces fondées sur des résultats probants à la majorité des clients atteints de schizophrénie et de troubles connexes (Lieberman et al., 2008).
Facteurs structuraux La structure du système nerveux de clients atteints de schizophrénie montre des défauts macroana tomiques et microanatomiques. La recherche en neuro-imagerie, et notamment l’utilisation de l’IRM, a montré un volume réduit de matière grise dans le cortex cérébral, de l’hippocampe et du thalamus. Une revue de 193 études d’IRM faites entre 1988 et 2000 a montré certaines anomalies structurales constantes des clients atteints de schizophrénie, entre autres un élargissement du troisième ventricule, du ventricule latéral du cerveau et de l’espace sous-arachnoïdien, ainsi que des anomalies des lobes temporaux médians et
338
Partie 3
Troubles mentaux
supérieurs, des lobes frontaux et pariétaux ainsi que du cervelet (Lieberman et al., 2008) 7 .
14.2.2
Facteurs environnementaux
Comme il a été expliqué précédemment, les personnes atteintes de schizophrénie héritent de gènes qui causent des anomalies structurales du cerveau, lesquelles peuvent être aggravées par des agressions environnementales précoces ; la schizophrénie est donc probablement due à des interactions entre des facteurs environnementaux et l’état du cerveau qui nuisent à l’esprit en développement (Lieberman et al., 2008). Parmi les facteurs environnementaux liés à la schizophrénie gurent notamment les toxines, la pollution, les infections, l’exposition à des virus, la malnutrition, la naissance en hiver (à cause de carences nutritionnelles ou d’infections grippales chez la mère enceinte) ou dans une ville et des lésions cérébrales subies dans l’enfance. L’environnement inclut les diverses composantes de l’alimentation, l’exposition du fœtus aux virus, la consommation de drogues (facteurs proximaux) à l’adolescence ou le stress.
Exposition aux virus L’exposition à des virus pendant la grossesse est un facteur de risque d’apparition de la schizophrénie ultérieurement dans la vie, ce qui est le cas pour l’exposition au virus de la grippe. Des scientiques croient que le virus de la grippe crée des anticorps maternels qui deviennent des autoanticorps dans le fœtus et constituent une source externe de changements développementaux (Brown, Begg, Gravenstein et al., 2004 ; Wenner, 2008). De plus, un lien a été établi entre l’apparition de la schizophrénie et l’exposition précoce à d’autres virus, notamment à ceux de la poliomyélite, de la rougeole, de la varicelle-zona, de la rubéole et de l’Herpes simplex de type 2,
ainsi qu’à des virus non précisés du système nerveux central (SNC) pendant l’enfance.
aussi souvent observés parmi les clients atteints de schizophrénie.
Deux études ont évalué l’exposition intrautérine ou néonatale à l’agent infectieux Toxo plasma gondii. Ces études indiquent des effets directs possibles des anticorps maternels sur le SNC du fœtus ; toutefois, la cause exacte de ces mécanismes est hypothétique, ce qui stimule d’autres recherches dans ce domaine (Mortensen, Nørgaard-Pedersen, Waltoft et al., 2007).
Selon une autre hypothèse, le diéthylamide de l’acide lysergique (LSD) cause ou augmente les hallucinations en agissant sur la sérotonine. La personne atteinte de schizophrénie qui prend des drogues illicites présente un risque en raison des effets imprévisibles de ces substances. Les drogues qui modient l’état de conscience (p. ex., la marijuana) contrebalancent généralement les effets des antipsychotiques en provoquant à nouveau les manifestations de la maladie (Gaur et al., 2008). Les drogues hallucinogènes augmentent le taux de dopamine dans le cerveau, ce qui peut provoquer des symptômes psychotiques et donc aggraver la maladie chez les personnes vulnérables. Avant l’âge de 15 ans, un usage modéré de cannabis fait au moins tripler le risque de psychose (Simard, 2007).
Les infections génitales maternelles périconceptionnelles représentent aussi un facteur de risque possible. L’exposition de la mère à un virus pendant la grossesse pourrait expliquer, en partie, pourquoi certains enfants sont atteints de schizophrénie, mais pas leurs frères et sœurs. Il y a eu peu d’études immunologiques de la schizophrénie, et les hypothèses de celles-ci dépendent des données épidémiologiques.
Maladie et traumatisme Certaines études appuient l’idée selon laquelle la schizophrénie est liée à une maladie ou à un traumatisme qui a lieu avant la naissance ou au cours de la petite enfance. Une incompatibilité rhésus, la prééclampsie, l’anémie et le diabète maternels sont des complications qui augmentent possiblement le risque de schizophrénie. La malnutrition, des infections, des complications à la naissance sont d’autres stresseurs (Lieberman, Stroup & Perkins, 2006). En outre, de plus en plus de données montrent un lien entre certaines drogues prises pendant la grossesse et l’apparition de troubles schizotypiques au cours de l’enfance et de l’adolescence.
Thirthalli et Benegal (2006) ont cité des études qui ont montré un lien entre la consommation de cannabis à l’adolescence et l’apparition ultérieure de la schizophrénie ou d’un trouble schizophréniforme. Selon ses gènes, une personne peut être plus vulnérable à la psychose après avoir consommé du cannabis. Plus de 75 % des personnes atteintes de schizophrénie ont une dépendance envers la nicotine, de 30 à 50 % envers l’alcool, de 15 à 25 % envers le cannabis, et de 5 à 10 % sont dépendants de la cocaïne et des amphétamines FIGURE 14.4. La recherche indique que, parmi les personnes atteintes de schizophrénie, les problèmes associés à la consommation de substances touchent
CE QU’IL FAUT RETENIR
La cocaïne et les amphé tamines provoquent la psychose chez des per sonnes saines et, à très faibles doses, peuvent entraîner des symptômes psychotiques chez des personnes atteintes de schizophrénie.
14
Consommation de substances De nombreuses publications mentionnent que les personnes atteintes de schizophrénie consomment souvent des substances telles que la nicotine, la caféine et la cocaïne comme automédication, et peut-être pour améliorer leur champ de l’attention dans une tentative de lutter contre des stimulus conictuels qui perturbent constamment leur vie (Schultz et al., 2007). La cocaïne et les amphétamines sont des composés dopaminergiques, c’està-dire que leur structure chimique est semblable à celle de la dopamine ; ce sont donc des agonistes de la dopamine. Ils provoquent la psychose chez des personnes saines et, à très faibles doses, peuvent entraîner des symptômes psychotiques chez des personnes atteintes de schizophrénie. Cela appuie l’hypothèse de la dopamine selon laquelle une quantité excessive de celle-ci provoque la psychose. La cocaïne déclenche des changements neurochimiques dans le cerveau en se substituant aux endorphines naturelles, créant ainsi un besoin intense de cette drogue. L’utilisateur à long terme en vient à souffrir d’apathie, de dépression et d’anhédonie, des troubles
FIGURE 14.4 La consommation de substances est courante parmi les clients atteints de schizophrénie. Chapitre 14
Troubles du spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques
339
25 Le trouble des conduites est expliqué dans le chapitre 25, Enfants et adolescents.
9 Les signications culturelles des troubles mentaux sont expliquées dans le chapitre 9, Culture et santé mentale.
particulièrement les hommes ayant eu un trouble des conduites pendant l’enfance (Swartz, Wagner, Swanson et al., 2006) 25 .
Stress Les facteurs de stress comprennent entre autres les émotions fortes : hostilité, critiques, relations humaines intenses et intimes. Les tensions sociales, les pressions au travail ou aux études, les changements de routine (p. ex., un déménagement, un changement d’école) sont également des situations de stress qui peuvent provoquer des rechutes de la maladie. Le stress à lui seul ne peut causer la schizophrénie ; cependant, il est probable qu’il contribue à la gravité et à l’évolution du trouble mental. Ainsi, un stress intense peut déclencher un épisode psychotique. Le stress pourrait donc déclencher des symptômes schizophréniques chez une personne ayant une prédisposition génétique. Par contre, un certain nombre de facteurs de protection, dont les capacités d’adaptation, le soutien du milieu et la médication, peuvent modérer l’impact des facteurs de stress et atténuer la vulnérabilité d’une personne. L’apparition et la gravité du trouble dépendront des niveaux de vulnérabilité et de stress, ainsi que de l’étendue des facteurs de protection.
Culture CE QU’IL FAUT RETENIR
Le terme psychose s’ap plique à un état d’esprit dans lequel la pensée, le raisonnement et l’humeur sont considérablement perturbés.
ENCADRÉ 14.2
Les manifestations et le pronostic de la schizophrénie varient en fonction des cultures. Dans les pays en développement, le pronostic de schizophrénie est plus favorable que dans les pays développés. L’apparition de ce trouble mental est généralement plus aiguë dans les pays en développement, les épisodes y sont moins fréquents, et il y a moins de troubles de l’affect. De plus, les cultures de ces pays acceptent mieux cette maladie, et les personnes atteintes sont plus volontiers accueillies dans leur
Prévalence de la schizophrénie
• La schizophrénie touche 1 % de la population canadienne. • Toutes les couches de la société cana dienne sont également touchées. • Dans environ 80 % des cas de schizo phrénie, la maladie apparaît précocement, habituellement au début de la vie adulte, et dans environ 20 % des cas, elle se manifeste tardivement (après l’âge de 40 ans) ou très tardivement (après l’âge de 60 ans). • L’âge d’apparition de ce trouble est plus tardif chez la femme que chez l’homme. Si la maladie se manifeste après l’âge de 45 ans, elle a tendance à apparaître
davantage chez les femmes que chez les hommes. • Lorsqu’elles sont sous médication, de 10 à 15 % des personnes atteintes réussissent à fonctionner assez bien en société, tandis qu’un pourcentage égal est trop touché par la maladie pour pouvoir continuer à travailler ou à étudier. • Les taux d’hospitalisation pour schizophré nie dans les centres hospitaliers généraux augmentent chez les hommes jeunes et d’âge moyen. Les adultes âgés de 25 à 44 ans représentent 52 % des hospitalisa tions pour schizophrénie dans les centres hospitaliers généraux.
Source : Adapté de Agence de la santé publique du Canada (2012).
340
Partie 3
Troubles mentaux
famille et dans la communauté après un épisode aigu (Sadock et al., 2014) 9 . La culture, le fonctionnement, les croyances et les valeurs de chaque communauté, voire de chaque famille, ont un impact sur la façon dont le trouble mental, notamment la schizophrénie, est perçu, compris et pris en charge.
14.3
Épidémiologie
La schizophrénie est un trouble universel qui touche tous les groupes culturels et socioéconomiques (NIMH, 2006). Dans le monde, 1 personne sur 100 est atteinte de schizophrénie. Ce trouble a une prévalence égale parmi les hommes et les femmes, et il touche davantage les populations urbaines ENCADRÉ 14.2. Les hommes consultent souvent pour cette maladie à la n de l’adolescence ou au début de la vingtaine, tandis que les femmes le font davantage à la fin de la vingtaine ou au début de la trentaine (Schultz et al., 2007). Bien que des nombres égaux d’hommes et de femmes soient touchés, les hommes peuvent avoir des manifestations plus graves de la maladie : notamment une apparition à un âge plus précoce (de deux à quatre ans plus tôt), des anomalies neuropathologiques plus marquées, une moins bonne réaction au traitement et des résultats moins favorables. La recherche en santé mentale montre : que les clients atteints de schizophrénie rapportent avoir une moins bonne qualité de vie que la population générale et que les personnes ayant des maladies physiques ; que les clients jeunes, mariés, peu éduqués et de sexe féminin mentionnent avoir une meilleure qualité de vie ; qu’il y a une corrélation entre la durée de la maladie et une qualité de vie réduite ainsi qu’entre le nombre de symptômes, particulièrement négatifs et cognitifs, et une qualité de vie réduite. La personne qui vit un premier épisode de schizophrénie à un âge assez avancé obtient de meilleurs résultats dans tous les domaines (scolaires et professionnels). Cela est possiblement dû au fait qu’elle a réussi à être productive et à acquérir des habiletés d’adaptation avant l’apparition du trouble ; les résultats obtenus dépendent en partie du fonctionnement prémorbide (c.-à-d. avant la maladie).
14.4
Description clinique
Le terme psychose s’applique à un état d’esprit dans lequel la pensée, le raisonnement et l’humeur sont considérablement perturbés. La schizophrénie est un terme plus spécique qui sert à décrire une forme particulière de psychose. Ce trouble mental est caractérisé par des périodes de perte de contact avec la réalité accompagnées de symptômes psychotiques. Dans les cas de
schizophrénie, les signes et les symptômes persistent durant plus de six mois, alors que dans les cas de psychose, le comportement disparaît en six mois. La schizophrénie est un trouble mental chronique et invalidant. La schizophrénie est hétérogène, c’est-à-dire qu’elle est constituée d’éléments différents ayant des effets variables sur les clients. C’est une maladie complexe du cerveau et un trouble neuropsychiatrique. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), les troubles neuropsychiatriques (schizophrénie, dépression et troubles de l’anxiété) sont la première cause de souffrance humaine (OMS, 2004).
14.4.1
Apparition et évolution de la schizophrénie
Une partie des clients atteints de schizophrénie manifeste une personnalité schizoïde avant que le trouble ne se déclare . La personne préfère le travail solitaire. Ses réactions émotives sont passives ou indifférentes. Ces personnes sont en général incapables de ressentir du plaisir (anhédonie), d’entamer une conversation et d’établir des relations avec les autres. Elles sont timides, froides et distantes. Dans la plupart des cas, la schizophrénie fait son apparition de façon insidieuse et graduelle, et les personnes qui en sont atteintes, ainsi que leur famille, prennent parfois beaucoup de temps à s’en rendre compte. Cependant, dans certains cas, la maladie peut se déclarer soudainement. Plusieurs régions cérébrales sont touchées par la schizophrénie : • l’hippocampe, qui permet de moduler les émotions et la mémoire de travail ; • les lobes frontaux, qui constituent le centre des habiletés sociales et de planication ; • les lobes temporaux, qui sont activés par l’audition, mais aussi par les hallucinations auditives. La schizophrénie présente trois phases : prémorbide, prodromique et psychotique (APA, 2004). Le cours de la maladie comprend généralement des exacerbations récurrentes et aiguës des symptômes psychotiques (hallucinations et idées délirantes). La prévention des rechutes est essentielle parce que chacune accroît les risques de détérioration fonctionnelle de la personne.
Phase 1 : prémorbide Les caractéristiques qui vont contribuer à la survenue ultérieure de la maladie se mettent en place pendant la phase prémorbide. Ainsi, de légères déficiences sociales, motrices et cognitives peuvent se manifester au cours de l’enfance et de l’adolescence, par exemple de subtiles anomalies motrices pendant la petite enfance et des déciences du fonctionnement social, des capacités
organisationnelles et du fonctionnement intellectuel vers l’âge de 16 ou 17 ans. Certaines personnes ont un fonctionnement prémorbide normal, tandis que d’autres subissent une longue période de troubles ou de détérioration grave du fonctionnement avant l’apparition manifeste de la maladie. Ces différences ont servi de fondement à la théorie d’un bon et d’un mauvais pronostic et, plus récemment, aux concepts de schizophrénie accompagnée ou non de décits (Lieberman et al., 2008).
Phase 2 : prodromique La phase prodromique est la période où apparaissent les premiers signes avant-coureurs (symptômes et comportements) de la maladie. Elle peut durer de 2 à 5 ans et survient durant l’adolescence ou au cours de la période jeune adulte, entre l’âge de 15 et 25 ans. Les personnes commencent à se désintéresser de leurs activités habituelles et à se détacher de leurs amis et de leur famille. Elles ont de la difculté à se concentrer et se sentent indifférentes et apathiques, préférant passer la majeure partie de leur journée isolées. Une négligence de l’hygiène, un manque d’initiative, d’intérêt ou d’énergie peuvent être remarqués.
Annexe 14.1W : Apparition de la schizophrénie dans l’enfance.
Les symptômes psychotiques qui apparaissent vers la n de cette phase marquent le début de la phase psychotique. Le client présente notamment les symptômes suivants :
14
• des symptômes thymiques (p. ex., de l’anxiété, une irritabilité, une dysphorie, de l’angoisse) ; • des symptômes cognitifs (p. ex., une distractibilité, des difcultés de concentration, une pensée désorganisée) ; • des comportements obsessifs ; • un repli social et une détérioration du fonctionnement dans ses rôles ; • des perturbations du sommeil ; • des symptômes positifs atténués (plus faibles) tels que des illusions (interprétation erronée de stimulus réels), des idées de référence (ou perceptions délirantes), la pensée magique (la croyance que la pensée produit des résultats) (p. ex., « mes mauvaises pensées sont responsables de ma maladie »).
Idée de référence (ou perception délirante) : Croyance qu’une parole, une image, un signe ont une signi cation majeure qui vise per sonnellement le client.
Phase 3 : psychotique La phase psychotique comprend une phase aiguë, une phase de rétablissement ou d’entretien et une phase stable (APA, 2004). • Phase aiguë. La personne présente des symptômes positifs tels que des idées délirantes et des hallucinations ainsi que des symptômes négatifs tels que l’apathie et l’aboulie (aussi appelée avolition) ENCADRÉ 14.3. • Phase de rétablissement ou d’entretien. Elle se produit de 6 à 18 mois après le traitement Chapitre 14
Troubles du spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques
341
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 14.3
Schizophrénie
A. Deux (ou plus) parmi les symptômes suivants, chacun devant être présent dans une proportion signicative de temps au cours d’une période d’un mois (ou moins en cas de traitement efcace). Au moins l’un des symptômes (1), (2) ou (3) doit être présent : 1. Idées délirantes. 2. Hallucinations. 3. Discours désorganisé (p. ex. incohérences ou déraillements fréquents). 4. Comportement grossièrement désorganisé ou catatonique. 5. Symptômes négatifs (aboulie ou diminution de l’expression émotionnelle). B. Durant une proportion signicative de temps depuis le début du trouble, le niveau de fonctionnement dans un domaine majeur tel que le travail, les relations interpersonnelles ou l’hygiène personnelle est passé d’une façon marquée en dessous du niveau atteint avant le début du trouble (ou, quand le trouble apparaît pendant l’enfance ou l’adolescence, le niveau prévisible de fonctionnement interpersonnel, scolaire ou professionnel n’a pas été atteint). C. Des signes continus du trouble persistent depuis au moins 6 mois. Pendant cette période de 6 mois les symptômes répondant au critère A (c.-à-d. les symptômes de la phase active) doivent avoir été présents pendant au moins un mois (ou moins en cas de traitement efcace) ; dans le même laps de temps des symptômes prodromiques ou résiduels peuvent également se rencontrer. Pendant ces périodes prodromiques ou résiduelles, les signes du trouble peuvent ne se manifester que par des symptômes négatifs, ou par deux ou plus des symptômes listés dans le critère A présents sous une forme atténuée (p. ex. croyances étranges ou expériences de perceptions inhabituelles). D. Un trouble schizoaffectif, ou dépressif, ou un trouble bipolaire avec manifestations psychotiques ont été exclus parce que 1) soit il n’y a pas eu d’épisode maniaque ou dépressif caractérisé concurremment avec la phase active des symptômes, 2) soit, si des épisodes de trouble de l’humeur ont été présents pendant la phase active des symptômes, ils étaient présents seulement pendant une courte période de temps sur la durée totale des phases actives et résiduelles de la maladie. E. Le trouble n’est pas imputable aux effets physiologiques d’une substance (p. ex. une drogue donnant lieu à abus, ou un médicament) ou à une autre pathologie médicale. F. S’il existe des antécédents de trouble du spectre de l’autisme ou de trouble de la communication débutant dans l’enfance, le diagnostic surajouté de schizophrénie
est posé seulement si des symptômes hallucinatoires et délirants importants, en plus des autres symptômes de schizophrénie nécessaires au diagnostic, sont aussi présents pendant au moins un mois (ou moins en cas de traitement efcace). Spécier si : Les spécications de l’évolution qui suivent ne doivent être utilisées qu’après une durée d’un an du trouble et si elles ne sont pas en contradiction avec les critères évolutifs propres au diagnostic : Premier épisode, actuellement en épisode aigu : Première manifestation du trouble remplissant les critères diagnostiques de dénition et les critères de durée. Un épisode aigu est une période de temps durant laquelle les critères symptomatiques sont remplis. Premier épisode, actuellement en rémission partielle : Une rémission partielle après un épisode antérieur est une période de temps durant laquelle se maintient une amélioration et où les critères diagnostiques du trouble ne sont que partiellement remplis. Premier épisode, actuellement en rémission complète : Une rémission complète après un épisode antérieur est une période de temps durant laquelle aucun symptôme spécique de la maladie n’est présent. Épisodes multiples, actuellement épisode aigu : Des épisodes multiples ne peuvent être établis qu’après un minimum de deux épisodes (un épisode, une rémission, et un minimum d’une rechute). Épisodes multiples, actuellement en rémission partielle Épisodes multiples, actuellement en rémission complète Continu : Les symptômes remplissant les critères symptomatiques diagnostiques du trouble sont présents la majorité du temps de la maladie, les périodes de symptômes subliminaux étant très brefs au regard de l’ensemble de l’évolution. Non spécié Spécier si : Avec catatonie Spécier la sévérité actuelle : La sévérité est cotée par une évaluation quantitative des symptômes psychotiques primaires, dont les idées délirantes, les hallucinations, la désorganisation du discours, les comportements psychomoteurs anormaux et les symptômes négatifs. Chacun de ces symptômes peut être coté pour sa sévérité actuelle (en prenant en compte l’intensité la plus sévère au cours des 7 derniers jours) sur une échelle de 5 points, allant de O (absent) à 4 (présent et grave). N.B. : Un diagnostic de schizophrénie peut être posé sans utiliser la spécication de sévérité.
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association, DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
342
Partie 3
Troubles mentaux
Dans la plupart des pays occidentaux, il y a un intervalle de une à deux années entre l’apparition des symptômes psychotiques et le premier traitement. Les résultats à long terme varient grandement, de l’incapacité totale au rétablissement. De 10 à 15 % des clients ne subissent pas d’autres épisodes, tandis que de 10 à 15 % restent gravement et chroniquement psychotiques. Les autres clients ont des rechutes et sont hospitalisés de façon intermittente. Les meilleurs résultats sont liés aux caractéristiques suivantes (APA, 2004) : • le sexe féminin ; • l’absence d’antécédents familiaux de schizophrénie ; • un bon fonctionnement social et scolaire avant la maladie ; • un QI supérieur à la moyenne ; • le statut de personne mariée ; • l’apparition tardive de la maladie ; • peu de facteurs de comorbidité ; • la prédominance des symptômes positifs.
14.4.2
Symptômes
Les symptômes de la schizophrénie se divisent en deux groupes : les symptômes positifs et les symptômes négatifs.
Symptômes positifs Certains symptômes sont dits positifs parce qu’il s’agit de manifestations qui s’ajoutent aux fonctions mentales normales. En raison de leur apparition soudaine et du détachement de la réalité qu’ils occasionnent chez la personne atteinte, les symptômes positifs sont ceux qui retiennent le plus l’attention. Des études et des traitements à long terme indiquent que ces symptômes orides réagissent favorablement à l’hospitalisation, à la médication, aux stimulus réduits et à une thérapie interactive et qu’ils ne sont peut-être pas aussi invalidants que les symptômes négatifs décrits plus loin. Toutefois, d’un épisode de psychose à l’autre, les symptômes positifs peuvent persister, et les symptômes négatifs peuvent devenir plus importants et souvent plus durables. Les symptômes positifs se manifestent habituellement au début de l’âge adulte, entre 17 et 23 ans chez les hommes et entre 21 et 27 ans chez les femmes, mais leur intensité diminue
clinique
Jugement
• Phase stable. C’est la période de rétablissement, bien que certains symptômes puissent persister ou rester présents sous des formes plus bénignes (symptômes résiduels).
généralement dans la cinquantaine ou la soixantaine. Ces symptômes sont souvent transitoires et n’existent jamais tous ensemble chez le même client. Les hallucinations, les idées délirantes et la désorganisation de la pensée et du comportement sont les symptômes positifs.
Hallucinations
Benjamin Garneau, âgé de 16 ans, est en cinquième secondaire. Il a quitté sa petite amie tout récemment, sans lui donner de raison. Ses parents ont remarqué qu’il sortait de moins en moins et qu’il ne voyait presque plus ses amis, sauf un copain à qui il achète de la marijuana régulièrement. D’ailleurs, il fume cette drogue de plus en plus souvent, prétextant que cela le calme. Il dort peu la nuit. Il a cessé de fréquenter la bibliothèque, alors qu’il a toujours aimé lire. Ses parents sont très inquiets de voir qu’il a tendance à s’isoler et aimeraient qu’il consulte un professionnel en santé mentale. D’après ces données, à quelle phase de la schizophrénie Benjamin se situerait-il ?
Les hallucinations sont des perceptions anormales sans sources externes connues qui peuvent faire intervenir un ou plusieurs sens FIGURE 14.5 et TABLEAU 14.1. Plus de 50 % des clients atteints de schizophrénie mentionnent avoir des hallucinations auditives (c.-à-d. qu’ils entendent des voix troublantes) (Lieberman et al., 2006). Des chercheurs croient que ces hallucinations sont dues à une anomalie de l’hémisphère gauche du cerveau, qui contient l’aire de Broca, soit le centre de traitement du langage. Grâce à des méthodes d’évaluation (p. ex., l’IRM), des chercheurs ont déterminé que l’hémisphère gauche réagit aux hallucinations comme s’il s’agissait de vraies voix, ce qui peut indiquer que les hallucinations sont un reet de la pensée délirante de la personne atteinte de schizophrénie (Hugdahl, Løberg, Specht et al., 2008).
Idées délirantes Les idées délirantes font référence à une perte du sens de la réalité qui se traduit par un ensemble de convictions fausses et irrationnelles auxquelles le client adhère de manière inébranlable. Par exemple, la personne qui a de telles idées peut croire que son corps et ses pensées sont
Les hallucinations sont des perceptions anormales, sans sources externes connues, qui peuvent faire intervenir un ou plusieurs sens. La plupart du temps, elles sont auditives.
14
Dany Roméo est un jeune homme âgé de 21 ans atteint de schizophrénie. Il a l’impression que le plancher est mou, que les murs bougent et que le plafond s’abaisse sur lui. De quel type d’hallucinations s’agit-il ? Monsieur Roméo a également des idées délirantes. Lorsqu’il lit une bande dessinée, il est convaincu que les personnages lui envoient des messages subliminaux, que lui seul peut détecter. Quel type d’idées délirantes présente-t-il ?
FIGURE 14.5 Les hallucinations font intervenir plusieurs sens et sont réelles pour le client qui les perçoit. Chapitre 14
CE QU’IL FAUT RETENIR
clinique
Jugement
aigu. Les symptômes sont présents, mais ils deviennent moins intenses que pendant la phase aiguë. De 5 à 10 ans après l’apparition de la maladie, l’état et le fonctionnement de la plupart des clients se stabilisent.
Symptôme oride : En psychiatrie, terme utilisé an de qualier un épisode psychotique aigu qui est riche en symptômes positifs de la psychose.
Troubles du spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques
343
TABLEAU 14.1
Description des types d’hallucinations
TYPE D’HALLUCINATIONS
DESCRIPTION
Auditives
Elles impliquent la perception d’un son, le plus souvent d’une voix qui émet des commentaires ou profère des insultes, des menaces ou qui donne des ordres (hallucinations mandatoires). Le contenu peut coïncider avec les idées délirantes.
Visuelles
Elles consistent en la perception d’un stimulus en son absence. Ce type d’hallucinations est très diversié : visions, apparitions de personnages ou de scènes plus ou moins animées, parfois plaisantes ou désagréables. Les images peuvent être de tailles normales, géantes ou réduites.
Olfactives et gustatives
Elles sont plus rares et moins précises que les autres types d’hallucinations. Le plus souvent, les hallucinations gustatives correspondent à des saveurs désagréables, tandis que les hallucinations olfactives correspondent à des odeurs de putréfaction et ou de décomposition. Le client peut refuser de manger parce que les aliments semblent avoir une mauvaise odeur ou un mauvais goût.
Cénesthésiques
Elles concernent les sensations corporelles internes : sensations de brûlures, de fourmillement, impression d’insectes grouillant sous la peau. La consommation de cocaïne peut provoquer ce type d’hallucinations.
Kinesthésiques
Elles se manifestent par une simple sensation de tremblement ou par l’impression de s’enfoncer dans le sol ou de s’élever dans les airs.
Tactiles
Elles concernent les sensations corporelles externes : impressions de brûlures, de piqûres, sensations de froid ou de chaud sur la peau.
TABLEAU 14.2
gouvernés par des forces extérieures, que des événements ordinaires ont une signication spéciale pour elle, qu’elle a des pouvoirs inhabituels ou que son corps a changé de façon mystérieuse. Un type d’idée délirante fréquent chez les clients atteints de schizophrénie consiste à croire que les gens leur veulent du mal. Ces clients sont souvent « pris en otage » par leurs idées délirantes. Chez les personnes non atteintes, il peut être gratiant de s’échapper occasionnellement de la réalité et de s’imaginer plus puissant ou prospère que dans la réalité, particulièrement pendant des périodes de stress ou de fatigue. Ces épisodes de fantasmes sont généralement de courte durée et bien maîtrisés. Ce n’est pas le cas du client atteint de schizophrénie en phase aiguë, qui est convaincu de ses idées délirantes et qui rejette alors toute tentative de personnes bien intentionnées de lui expliquer la réalité. Divers types d’idées délirantes peuvent se manifester TABLEAU 14.2.
Désorganisation de la pensée et du comportement La désorganisation de la pensée et du comportement est typique dans la schizophrénie. La désorganisation de la pensée survient lorsque la personne ne peut plus établir de liens entre ses idées, qui lui permettent en temps normal de communiquer clairement et logiquement avec les autres. Tantôt ses idées sont incohérentes, tantôt elles disparaissent temporairement. Lorsqu’elle parle, la personne saute d’un sujet à l’autre ou son discours ne comporte pas de liens logiques entre les mots (salade de
Description des types les plus courants d’idées délirantes
TYPE D’IDÉES DÉLIRANTES
DESCRIPTION ET EXEMPLES
Idées de grandeur ou mégalomanie
La personne a des idées de richesse et de surestimation de ses capacités personnelles. Exemple : « Je suis conseillère du premier ministre, et il ne peut se passer de moi. »
Idées de persécution
La personne a la conviction que l’on essaie de lui nuire physiquement (idées d’empoisonnement, d’agression) et moralement (« on » l’insulte, « on » veut l’expulser de son appartement). Ce sont les plus fréquentes. Exemple : « La Gendarmerie royale du Canada me poursuit constamment. »
Idées de référence
La personne est convaincue que les autres parlent d’elle ou lui font signe dans la rue, à la télévision ou ailleurs. Exemple : « À la télévision, les gens parlent de moi. »
Idées corporelles ou somatiques
La personne entretient des idées associées au fonctionnement de son corps, qui comprennent plusieurs thèmes variant selon les périodes. La personne pense être atteinte d’une imperfection physique ou d’une maladie médicale générale. Exemple : « Je suis diabétique, car, lorsque j’ai faim, je tremble et j’ai de la difculté à marcher. Mon médecin m’a dit que mes examens sanguins sont normaux, mais je demeure convaincu que j’ai cette maladie. »
Idées de contrôle ou d’inuence
La personne croit qu’une personne ou une puissance extérieure gouverne ses pensées ou activités. Exemple : « J’ai un l dans la tête par lequel ma famille guide tous mes gestes. »
Idées mystiques (ou religieuses)
La personne a de fausses croyances liées à des thèmes religieux ou spirituels. Ces idées sont fréquentes. Exemple : « Tant que je porte ces 10 médailles bénites, il ne peut m’arriver aucun mal. »
Idées de nihilisme
La personne est convaincue qu’une catastrophe majeure va survenir. Exemple : « La n du monde s’en vient, je vous le dis. Nous allons tous être inondés et ça va être ni. »
344
Partie 3
Troubles mentaux
mots) ; de même, les mots peuvent être purement imaginés par le client (néologismes). La désorganisation du comportement survient lorsque la personne éprouve de la difculté à terminer une tâche apparemment routinière, comme prendre un bain, s’habiller convenablement et préparer des repas simples. Au cours de la phase aiguë de la maladie, les personnes sont habituellement incapables de planier leurs journées et d’accomplir des tâches qu’elles exécutaient auparavant sans difculté. La désorganisation peut se manifester également par des gestes répétitifs non maîtrisés (persévération), sans but précis, ou par une agression en l’absence de provocation. La violence est la perturbation comportementale la plus préoccupante causée par la schizophrénie. Le risque de violence augmente si le client a un trouble coexistant d’abus d’alcool ou de substance, une personnalité antisociale ou des déciences nerveuses (APA, 2004). Toutefois, ces facteurs ne permettent pas de déterminer quelles personnes deviendront violentes . Dans le DSM-5, la catatonie n’est pas présentée comme une classe indépendante. En effet, la catatonie peut survenir dans le cadre de plusieurs troubles mentaux (trouble du spectre schizophrénique, bipolaire ou dépressif), et on le dénit alors comme un spécicateur. La catatonie peut également être un diagnostic associé en cas de trouble organique (p. ex., des troubles neurologiques, des troubles métaboliques). Le tableau clinique de la catatonie doit comprendre trois des symptômes suivants : 1) stupeur ; 2) catalepsie ; 3) exibilité cireuse ; 4) mutisme ; 5) négativisme ; 6) prise de posture ; 7) maniérisme ; 8) stéréotypie ; 9) agitation, non inuencée par des stimulus externes ; 10) expression faciale grimaçante ; 11) écholalie ; 12) échopraxie.
Symptômes négatifs Les symptômes négatifs (ou décitaires) succèdent habituellement aux symptômes positifs. Il est à noter que la plupart des clients atteints de schizophrénie présentent les deux types de symptômes. Les symptômes négatifs s’observent par un manque ou une absence de comportements attendus et sont présents pendant toutes les phases de la maladie. Ils peuvent être dénis comme un déclin des aptitudes habituelles d’une personne. Les clients qui manifestent principalement des symptômes négatifs répondent plus difcilement à la médication, ce qui n’est pas le cas avec les symptômes positifs. Toutefois, les symptômes négatifs peuvent être plus invalidants à long terme en raison de leur effet paralysant sur les pensées, les émotions et la motivation de la personne (BengChoon, Black & Andreasen, 2004). Les symptômes négatifs persistants peuvent isoler la personne en
rendant ses relations avec les autres difciles dans des situations sociales normales. L’inrmière évalue les symptômes positifs et négatifs TABLEAU 14.3.
Troubles cognitifs Il est important de noter que les troubles cognitifs ne font pas partie des critères diagnostiques de la schizophrénie (APA, 2015). Pourtant, l’existence de difcultés cognitives chez les clients atteints de schizophrénie est reconnue depuis longtemps. Les troubles cognitifs, aussi appelés déciences neuropsychologiques ou neurocognitives, sont au centre des comportements désorganisés et bizarres qui causent des invalidités fonctionnelles. Les troubles cognitifs constituent souvent les premiers symptômes qui apparaissent et sont précurseurs de la schizophrénie. Ces symptômes annonciateurs subsistent longtemps après la résorption des symptômes positifs (Fondation des maladies mentales, 2007 ; Lalonde, 2012). Ce sont des troubles qui entraînent des difcultés de fonctionnement dans la vie quotidienne et de socialisation chez les personnes atteintes. Celles-ci ont une mémoire de travail déciente. La mémoire de travail est la capacité d’emmagasiner de l’information : le cerveau de la personne atteinte de schizophrénie perd sa capacité d’accéder à des stimulations sensorielles, de traiter ces stimulations et de les intégrer dans ses mémoires de travail et à long terme. Les principaux symptômes invalidants chez ces clients sont la réduction de l’attention et de la vitesse du traitement de l’information ainsi que le décit des fonctions exécutives (c.-à-d. la planication, l’organisation, le raisonnement, la pensée abstraite et la résolution de problèmes).
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les troubles cognitifs sont au centre des comportements désorganisés et bizarres qui causent des invalidités fonctionnelles. Ils se traduisent par la réduction de l’attention et de la vitesse du traitement de l’information, ainsi que par le décit des fonctions exécutives.
Vidéo : Crise psychotique et famille.
14
En raison de ces déciences, la personne a de la difculté à prendre soin d’elle-même, à être autonome, à garder un emploi ou à entretenir des relations sociales. Une personne ayant une bonne mémoire verbale apprend et retient plus facilement les habiletés cognitives et sociales nécessaires à une vie productive dans les limites de cette maladie. Au premier épisode psychotique, la plupart des clients semblent encore subir une diminution du fonctionnement cognitif, et il est peu probable que les symptômes cognitifs diminuent naturellement au cours du temps (Lieberman et al., 2008). La vigilance chez le client atteint de schizophrénie est altérée. La personne qui est incapable de rester attentive éprouve de la difculté à suivre des directives essentielles à ses soins. Cette incapacité, combinée aux difcultés d’expression verbale, a aussi un impact négatif sur ses interactions sociales et professionnelles. Des problèmes dans ces domaines réduisent la capacité de Chapitre 14
Troubles du spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques
345
Collecte des données TABLEAU 14.3 CE QU’IL FAUT RETENIR
Les symptômes sont dits positifs parce qu’il s’agit de manifestations qui s’ajoutent aux fonctions mentales normales, alors que les symptômes négatifs s’observent par un manque ou une absence de com portements attendus.
Échelle d’appréciation des symptômes positifs et négatifs
SYMPTÔMES POSITIFS
SYMPTÔMES NÉGATIFS
Hallucinations
Retrait ou pauvreté affective
• Type d’hallucinations
• Expression gée du visage
• Commentaires des actes de la pensée
• Diminution des mouvements spontanés
• Évaluation globale de l’importance des hallucinations
• Pauvreté de l’expression gestuelle • Pauvreté du contact visuel • Absence de réponses affectives • Affect inapproprié • Monotonie de la voix • Évaluation globale du retrait ou de la pauvreté affective
Idées délirantes
Alogie
• Type d’idées délirantes
• Pauvreté du discours
• Divulgation de la pensée
• Pauvreté du contenu du discours
• Évaluation globale de l’importance des idées délirantes
• Blocages • Augmentation de la latence des réponses • Difculté à communiquer ses émotions • Évaluation globale de l’alogie
Comportement bizarre
Aboulie, apathie
• Habillement et présentation
• Apparence et hygiène négligées
• Conduite sociale et sexuelle
• Manque d’assiduité au travail ou à l’école
• Comportement agressif ou agité
• Anergie physique
• Comportement répétitif ou stéréotypé
• Manque de persistance ou d’intérêt pour commencer ou achever des tâches routinières
• Évaluation globale de la gravité du comportement bizarre
• Évaluation globale de l’aboulie et de l’apathie
Jugement
clinique
346
Lorsqu’on demande à monsieur Roméo comment il se sent, il répond toujours : « Comme ça. » Si on lui fait remarquer qu’il devrait téléphoner à des amis, il dit : « Ouais. » Il a reçu le dernier CD de son groupe rock préféré en cadeau, son visage est demeuré impassible et il s’est contenté de remerciements timides. Quels sont les deux symptômes négatifs de la schizophrénie illustrés dans cette capsule ?
Partie 3
Trouble de la pensée formelle non décitaire
Anhédonie, retrait social
• Relâchement des associations
• Manque d’intérêts et d’activités de loisir
• Tangentialité
• Manque d’intérêts et d’activités sexuels
• Incohérence
• Incapacité à vivre des relations étroites ou intimes
• Pensée illogique
• Manque de relations avec les amis et les collègues
• Discours (pensée) circonlocutoire (digressive)
• Évaluation globale de l’anhédonie et du retrait social
• Logorrhée • Distractabilité du discours • Associations par assonances • Évaluation globale du trouble de la pensée formelle Source : Adapté de Centre de toxicomanie et de santé mentale (2012).
la personne de s’adapter au monde qui l’entoure (Lieberman et al., 2008).
Symptômes de dépression À ces troubles cognitifs s’ajoutent les symptômes de dépression. Ces derniers sont souvent concomitants à la schizophrénie. Ils comprennent
Troubles mentaux
l’anxiété et la dysphorie (angoisse). Ces symptômes sont étroitement liés aux risques de suicide et donc au pronostic de la maladie. En outre, la récence de l’apparition de la schizophrénie, la fréquence des hospitalisations ainsi que le désarroi, la tristesse ou le désespoir (même en l’absence d’un syndrome dépressif) peuvent accroître le
La schizophrénie se caractérise par des périodes de rechute où les symptômes sont plus évidents et des périodes où les symptômes sont réduits. Ainsi, la personne qui est traitée peut ne pas montrer les signes positifs évidents de ce trouble tels que des hallucinations et des idées délirantes. Si des symptômes négatifs sont présents, son entourage peut voir l’apathie comme de la timidité, le manque de motivation comme de la paresse, le repli sur soi comme de l’impolitesse, la pauvreté de la pensée comme de l’ignorance et la mauvaise apparence comme de la négligence, des états qui contribuent tous à la stigmatisation de la schizophrénie et des personnes atteintes. La méconnaissance qui règne au sein de la société quant à la nature même de la schizophrénie est à l’origine d’une stigmatisation qui empêche les clients atteints de consulter par crainte d’être jugés. Au l du temps, cette stigmatisation peut mener à leur isolement social et compliquer leur prise en charge. Ces comportements sont souvent dus à l’ignorance, à l’incompréhension et à des connaissances erronées. L’étiquetage qui résulte de ces préjugés peut devenir prédominant au point qu’il conduit à ne plus considérer les gens qui vivent avec des troubles mentaux comme des personnes à part entière, et à les réduire à leur maladie. La stigmatisation représente en fait l’un des plus grands handicaps et dés propres à ce trouble. Les conséquences néfastes de cette stigmatisation ne peuvent être totalement mesurées, mais elles ont un impact majeur sur les possibilités de vie normale, de bonne estime de soi et de bon moral (Lieberman et al., 2008).
14.4.3
Pronostic
Plusieurs études ont démontré que sur une période de 5 à 10 ans après la première hospitalisation, seulement de 10 à 20 % des clients ont un bon niveau de fonctionnement. Parmi ceuxci, un faible nombre peut récupérer complètement (APA, 2015). Plus de 50 % des clients ont un fonctionnement pauvre, qui se manifeste par des hospitalisations multiples, des troubles dépressifs caractérisés et des tentatives de suicide (Sadock et al., 2014). La schizophrénie accroît le risque de suicide. Ainsi, environ 20 % des personnes atteintes de schizophrénie tentent de se suicider, et de 5 à 6 % meurent d’un suicide (APA, 2015). Un diagnostic de schizophrénie réduit l’espérance de vie moyenne des clients de 10 ans (Ames, Camm, Cook et al., 2002). Nombre de ces suicides ont lieu pendant les phases de rétablissement (quand les symptômes sont réduits) et de 5 à 10 ans après le début de cette maladie (APA, 2004).
Les facteurs de risque de suicide d’une personne atteinte de schizophrénie sont entre autres le jeune âge et des antécédents de statut socioéconomique élevé. De plus, cette personne peut envisager le suicide si elle a un degré élevé d’intelligence et de rendement et si elle s’est xé des objectifs élevés avant l’apparition des symptômes et est consciente des pertes futures possibles. Une apparition précoce du trouble et de multiples rechutes augmentent le risque de suicide. La personne qui est en dépression grave et qui se sent désespérée est particulièrement à risque. Malgré la détermination de ces facteurs de risque, il est souvent difcile de prédire si une personne atteinte tentera ou non de se suicider. Les professionnels de la santé doivent évaluer le risque de suicide d’un tel client pendant toutes les étapes de sa maladie (APA, 2004). La prise d’une dose excessive de médicaments prescrits n’est pas une méthode courante de suicide, car les antipsychotiques ont un index thérapeutique élevé, et les doses létales de ces médicaments sont de beaucoup supérieures aux doses thérapeutiques (Schultz et al., 2007). Les principales causes de mortalité naturelle des personnes atteintes de schizophrénie sont les maladies cardiovasculaires et pulmonaires, qui sont probablement liées à une consommation importante de tabac et de drogues, à la prise de médicaments, au manque d’activité physique, à une alimentation décitaire et à un faible suivi de l’état de santé (p. ex., un dépistage précoce).
14.5
Autres troubles psychotiques
14.5.1
Trouble délirant
éactivation des connaissances La capacité d’attention peut être perturbée par le malaise physique, l’inquiétude et les distractions du milieu. Quels sont les autres états physiques qui peuvent nuire à la capacité de concentration ? Nommez-en trois souvent en cause chez la personne âgée.
ALERTE ALERTE CLINIQUE CLINIQUE
• Le suicide est l’une des principales causes de mort prématurée des personnes ayant reçu un diagnostic de schizophrénie. • Une personne souffrant de schizophrénie avec des idées délirantes paranoïdes ou de persécution peut représenter un danger pour elle-même ou pour les autres. L’inrmière doit évaluer la présence de ces idées dans son évaluation clinique.
La caractéristique la plus déterminante de ce trouble est la présence d’idées délirantes non bizarres (c.-à-d. relatives à des situations susceptibles d’arriver dans la vie réelle), qui peuvent sembler plausibles et qui persistent au Yasmina Helal, âgée de 23 ans, montre des moins un mois sans causer de symptômes de schizophrénie et présente des idées décience évidente du foncparanoïdes. Elle répète sans cesse que ses parents tionnement. La personne peut ne l’aiment pas, qu’ils préfèrent sa cadette, qu’ils prendre des décisions qui ne sont plus sévères avec elle qu’envers sa sœur, semblent pas clairement irraqu’elle doit donner l’exemple à celle-ci. Elle ajoute tionnelles. Des idées délirantes que même ses amies l’exploitent en lui demanqui persistent entraînent soudant de l’argent. « Tout le monde m’en veut autour vent de la tristesse, du chagrin, de moi parce que je suis la plus intelligente de l’irritabilité et des proet la plus douée de la famille. C’est vrai que je suis blèmes juridiques. Il est imporla meilleure. Pourquoi s’acharne-t-on sur moi tout tant de connaître les croyances le temps ? », dit-elle. Madame Helal risque-t-elle de culturelles et religieuses de la manifester de la violence envers son entourage ? personne afin d’avoir des Justiez votre réponse. points de référence pour
clinique
Jugement
risque de suicide chez les membres de ce groupe (Mamo, 2007).
Chapitre 14
Troubles du spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques
347
14
déterminer la nature de sa conviction. Le contenu des idées délirantes peut être lié à une variété de thèmes TABLEAU 14.4. L’évolution de ce trouble est variable ; il peut s’agir d’un épisode isolé sans rechute ou d’un trouble chronique. Bien qu’ils puissent survenir chez des sujets jeunes, ces troubles ont une prévalence plus forte chez les personnes âgées (APA, 2015).
14.5.2
CE QU’IL FAUT RETENIR
Lors d’un trouble psychotique bref, la perturbation persiste au moins un jour, mais moins de un mois, avec retour complet au degré de fonctionnement prémorbide une fois l’épisode terminé.
Trouble psychotique bref
La principale caractéristique du trouble psychotique bref est que la perturbation persiste au moins un jour, mais moins de un mois, avec retour complet au degré de fonctionnement prémorbide. Pendant cette période, la personne peut avoir des idées délirantes, des hallucinations, un discours désorganisé ou des comportements grossièrement catatoniques ou désorganisés. Les symptômes ne sont pas associés à un abus de substance, mais ils peuvent être liés à des stresseurs connus, par exemple, si les symptômes surviennent dans les quatre semaines de la période postpartum.
Les personnes atteintes de ce trouble sont généralement de jeunes adultes qui ont un risque élevé de suicide en raison d’un jugement grandement décient, de perturbations perceptuelles et d’une désorganisation cognitive.
14.5.3
Trouble schizophréniforme
Les caractéristiques déterminantes du trouble schizophréniforme sont celles des critères A, D et E de la schizophrénie. Le trouble schizophréniforme ne se distingue de la schizophrénie que par sa durée, celle-ci étant le seul critère discriminatif : l’épisode pathologique dure au moins un mois, mais moins de six mois (APA, 2015). Ce trouble n’entraîne pas de dysfonctionnement social ou professionnel, contrairement à la schizophrénie, qui cause une perturbation fonctionnelle (p. ex., dans les relations, à l’école, au travail, dans les soins personnels).
Pronostic Puisque le diagnostic du trouble schizophréniforme comprend une plus courte période de
TABLEAU 14.4
Types de trouble déliranta
TYPE
CRITÈRES DU DSM-5
DESCRIPTION
Type érotomaniaque
Idées délirantes dont le thème est qu’une personne, habituellement d’un niveau plus élevé, est amoureuse du sujet
Des efforts pour communiquer avec la personne qui est l’objet du délire sont courants et peuvent s’intensier jusqu’à devenir du harcèlement.
Type mégalomaniaque
Idées délirantes dont le thème est une idée exagérée de sa propre valeur, de son pouvoir, de ses connaissances, de son identité ou d’une relation exceptionnelle avec une divinité ou une personne célèbre
Il peut s’agir d’un thème plus grandiose où la personne atteinte croit qu’elle a un grand destin.
Type de jalousie
Idées délirantes dont le thème est que le partenaire sexuel du sujet lui est indèle
Ce type du trouble délirant est axé sur la jalousie sans preuve qui dée toute logique et entraîne souvent un grave conit dans les relations. La personne atteinte peut s’en prendre à son partenaire ou réduire son autonomie an de mettre un terme à l’indélité présumée.
Type de persécution
Idées délirantes dont le thème est que les autres se conduisent d’une façon malveillante envers le sujet (ou envers une personne qui lui est proche)
Ce type de délire est le plus courant. La personne atteinte peut croire qu’elle a été droguée, qu’on l’espionne ou la harcèle et peut demander réparation en faisant appel aux forces policières, ou recourir à des actions judicaires, ou encore agir violemment.
Type somatique
Idées délirantes dont le thème est que la personne est atteinte d’une imperfection physique ou d’une affection médicale générale
La personne atteinte ne peut admettre la possibilité que la maladie redoutée ne soit pas présente ou qu’elle a une vision faussée de son aspect physique. Elle peut croire, par exemple, que ses membres sont déformés ou que son corps est infesté de parasites.
Type mixte
Idées délirantes caractéristiques de plus d’un des types précédents, mais sans prédominance d’aucun thème
C’est le cas lorsqu’aucun thème délirant ne prédomine et lorsque le thème ne peut être clairement établi ou qu’il ne correspond à aucun des types spéciés.
Type non spécié
Aucun critère précisé par le DSM-5
–
a La
désignation des types est fondée sur le thème délirant prédominant. Source : Adapté de APA (2004 ; 2015).
348
Partie 3
Troubles mentaux
14.5.4
Trouble schizoaffectif
Le trouble schizoaffectif inclut à la fois un désordre affectif et un désordre de la pensée ; ainsi, ce trouble combine trouble dépressif, bipolaire ou apparenté et trouble psychotique. Il se caractérise par de graves changements d’humeur de type maniaque ou dépressif caractérisé et comprend également des symptômes psychotiques. Chez certaines personnes, il peut être difcile de distinguer, surtout au début de la maladie, un trouble affectif d’un trouble schizophrénique. Ce qui différencie ce trouble d’un trouble dépressif est le fait que des symptômes de nature psychotique persistent pendant au moins deux semaines en l’absence d’un désordre affectif, de la même façon que le désordre affectif peut être présent un certain temps en l’absence de symptômes psychotiques. Le trouble schizoaffectif apparaît généralement plus tard au cours de la vie. Les symptômes de ce trouble sont caractérisés par la présence ininterrompue de la maladie avec, à un moment donné, la présence simultanée d’un épisode dépressif caractérisé, d’un épisode maniaque ou de symptômes répondant au critère A de la schizophrénie.
Pronostic Les deux extrémités du spectre émotionnel augmentent le risque de suicide ou d’autres comportements impulsifs. La difculté du rétablissement et de la gestion de la maladie réside dans l’apprentissage des vulnérabilités de rechute et la reconnaissance des exacerbations dès leur début. Le pronostic du diagnostic de trouble schizoaffectif est plus favorable que celui des autres troubles schizophréniques.
14.5.5
Trouble psychotique induit par une substance ou un médicament
Le trouble psychotique induit par une substance ou par un médicament est courant chez les personnes atteintes de schizophrénie. La prévalence à vie de consommation de substances dépasse fréquemment les 50 % (Sadock et al., 2014). Pour de nombreuses personnes, il est question de toxicomanie multiple comprenant l’alcool, la
marijuana, les amphétamines, les sédatifs, les anxiolytiques, la cocaïne et d’autres drogues. Les médicaments offerts en vente libre tels que les analgésiques et les antihistaminiques peuvent également être consommés (Schizophrenia Society of Canada, 2007).
clinique
Plus de 75 % des personnes atteintes de schizoAlonzo Como, âgé de 32 ans, est atteint d’un phrénie sont dépendantes à la trouble schizoaffectif. Depuis quelques jours, il sort nicotine. Selon plusieurs tous les soirs avec ses amis, les invite au restaurant études, 90 % de ces clients et paie l’addition pour tous. « Je suis irrésistible hospitalisés font usage de la auprès des femmes. Elles succombent à mon grand cigarette, et ils fument de 2 à charme », répète-t-il à qui veut bien l’entendre. Il 4 % plus que la population se couche au petit matin et va travailler sans être générale et que d’autres types fatigué. Son patron lui a d’ailleurs fait remarquer de clients (Schultz et al., qu’il était impulsif et que sa pensée était parfois 2007). Chez les clients désorganisée. Quel épisode du trouble schizoaffecatteints de ce trouble, la nicotif le comportement de monsieur Como montre-t-il tine corrige certaines anomaactuellement ? lies neurophysiologiques comme les décits de ltrage sensoriel. La nicotine peut également atténuer certains effets indésirables liés aux antipsychotiques.
Jugement
symptômes que la schizophrénie, bien que beaucoup le considèrent comme un diagnostic provisoire de schizophrénie, la personne a généralement une meilleure capacité fonctionnelle que le client atteint de schizophrénie. Autrement dit, la personne est susceptible de s’occuper d’elle-même, d’avoir des relations sociales et de travailler ou d’étudier.
Pour les troubles induits par une substance, les manifestations s’estompent généralement quand le sujet n’est plus exposé à la substance, mais la résolution des symptômes peut prendre des semaines ou des mois et nécessiter un traitement. Les psychoses toxiques se produisent plus régulièrement avec les drogues. Certains médicaments peuvent déclencher un épisode psychotique, par exemple les corticostéroïdes, les antiparkinsoniens, les anesthésiques et les analgésiques (APA, 2003). Les caractéristiques dominantes pour poser un diagnostic de psychose induite par une substance sont les idées délirantes et les hallucinations. D’un point de vue clinique, la nature des hallucinations et des idées délirantes est importante. Les hallucinations cénesthésiques (p. ex., des insectes qui rampent sous la peau) sont particulièrement caractéristiques de la consommation d’alcool, de drogues (notamment l’amphétamine et la métamphétamine) ou de médicaments. Pour les troubles psychotiques induits par une substance, les manifestations s’estompent généralement après un mois, quand le sujet n’est plus exposé à celle-ci.
14.5.6
14
ALERTE CLINIQUE
Bien que les drogues, les médicaments et l’alcool soient les agents couramment responsables du trouble psychotique induit par une substance, l’exposition à des toxines, comme le monoxyde de carbone, le dioxyde de carbone, des gaz neurotoxiques, des vapeurs de combustibles ou de peinture et d’autres substances de l’environnement doit aussi être considérée.
Trouble psychotique dû à une affection médicale générale
Diverses affections peuvent provoquer des symptômes psychotiques. Dans certains cas, la psychose qui se manifeste par des hallucinations et des idées délirantes peut en être le premier symptôme clinique. Par exemple, une forte èvre causée par une infection rénale peut provoquer des
Chapitre 14
Troubles du spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques
349
hallucinations, de la confusion, de la désorganisation ou un comportement agressif ou bizarre. L’accident vasculaire cérébral, les déséquilibres liquidiens et électrolytiques, le lupus érythémateux disséminé, l’hypoxie, l’encéphalite et l’hypoglycémie sont d’autres affections médicales qui peuvent prendre la forme d’une psychose.
14.5.7 CONSEIL CLINIQUE
De manière générale, la meilleure approche est de supposer que la psychose est la manifestation d’une affection médicale sousjacente non diagnostiquée jusqu’à preuve du contraire.
Catatonie
La catatonie peut survenir dans le contexte de plusieurs troubles mentaux, neurodéveloppementaux et dans le cas de certaines autres affections médicales. Elle se caractérise par la présence d’au moins trois des symptômes suivants : 1. stupeur (c.-à-d. l’absence d’activité psychomotrice ; pas de relation active avec l’environnement) ; 2. catalepsie (c.-à-d. l’induction d’une posture maintenue passivement et contre la gravité); 3. exibilité cireuse (c.-à-d. une résistance légère ou nette au cours du positionnement induit par l’examinateur) ;
Pour en savoir davantage sur ces troubles, consulter le manuel de l’American Psychiatric Association (APA) (2015). DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Elsevier Masson SAS, Paris, 2015.
4. mutisme (c.-à-d. l’absence ou la quasi-absence de réponse verbale) ; 5. négativisme (c.-à-d. l’opposition ou l’absence de collaboration à des instructions ou à des stimulus extérieurs) ; 6. prise de posture (c.-à-d. le maintien actif, contre la gravité, d’une posture adoptée spontanément ; 7. maniérisme (c.-à-d. des caricatures bizarres d’actions ordinaires) ; 8. stéréotypie (c.-à-d. un mouvement non dirigé vers un but, répétitif et anormalement fréquent) ; 9. agitation non inuencée par des éléments extérieurs ; 10. expression faciale grimaçante ;
11. écholalie (c.-à-d. la répétition des paroles d’un autre) ; 12. échopraxie (c.-à-d. la reproduction des mouvements d’un autre). Dans les cas plus graves, le client doit demeurer sous surveillance étroite an d’éviter l’automutilation ou les blessures inigées à autrui. La catatonie est également liée à des risques potentiels de malnutrition, d’épuisement et d’hyperthermie (APA, 2015).
14.5.8
Autre trouble du spectre de la schizophrénie ou autre trouble psychotique spécié
La catégorie des autres troubles du spectre de la schizophrénie ou des autres troubles psychotiques spécifiés est utilisée à des fins de précision lorsque le client ne répond pas aux critères des troubles spéciques. Cette catégorie concerne les troubles suivants : 1) hallucinations auditives persistantes en l’absence de toute autre caractéristique ; 2) idées délirantes se chevauchant de façon importante avec des épisodes thymiques ; 3) syndrome de psychose atténuée ; 4) symptômes délirants chez le conjoint d’une personne atteinte de trouble délirant.
14.5.9
Trouble du spectre de la schizophrénie ou autre trouble psychotique non spécié
Cette catégorie concerne les situations cliniques qui ne répondent pas à l’ensemble des critères requis pour l’une des catégories diagnostiques décrites dans ce chapitre. Elle s’applique aux situations dans lesquelles l’information est insufsante pour que le professionnel de la santé puisse poser un diagnostic plus précis (p. ex., en situation d’urgence).
14.6 Démarche de soins 14.6.1
Collecte des données – Évaluation initiale
L’évaluation de la personne atteinte de schizophrénie peut être complexe en raison des nombreux prols de symptômes des divers troubles du spectre de la schizophrénie. L’inrmière effectue une évaluation objective en utilisant des échelles d’évaluation et en vériant les indicateurs biologiques TABLEAU 14.3. Elle peut évaluer divers types de symptômes selon la pathologie du client ENCADRÉ 14.4.
350
Partie 3
Troubles mentaux
L’inrmière collige aussi les données subjectives. Recueillies durant l’entrevue, ces données se rapportent à la perception du client et à ce qu’il dit au sujet de ses malaises, de sa douleur, de ses inquiétudes et de ses besoins ENCADRÉ 14.5. Les personnes atteintes de troubles psychotiques montrent des déciences dans le traitement de l’information perceptuelle. Il peut ainsi être difficile pour l’infirmière de distinguer un trouble réel d’une idée délirante (Reeves & Torres, 2003). Pour ce faire, elle procède à une évaluation initiale adéquate du client en l’écoutant
Symptômes cliniques ENCADRÉ 14.4
Symptômes cliniques caractéristiques des troubles du spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques par catégorie
PERCEPTUELS
COMPORTEMENTAUX
• Hallucinations TABLEAU 14.1 • Idées délirantes TABLEAU 14.2
• Faible maîtrise des impulsions : repli sur soimême ; réponse à des hallucinations mandatoires ; régression
• Déformation de l’image corporelle : concernant la taille, l’expression faciale, l’activité, la quantité et la nature des détails, ou encore l’exagération ou la diminution des parties du corps
• Difcultés à utiliser ses stratégies d’adaptation face à ses symptômes de dépression : présence d’un risque élevé de suicide ; exacerbations et rétablissements fréquents ; anergie
• Perception négative de soi : quant aux habiletés et aux compétences
• Diminution de la capacité à maîtriser ses impulsions et sa colère par rapport à lui ou aux autres : agressions verbales ou physiques, homicide, destruction des biens
COGNITIFS
• Erreurs de rappel et de rétention de la mémoire, particu lièrement de la mémoire de travail • Difculté à comprendre, à traiter et à classer l’information • Difculté à rester attentif : incapacité d’effectuer des tâches et sujet aux omissions • Jugement altéré : incapacité d’évaluer les situations ou de faire des choix rationnels • Jugement altéré : incapacité de percevoir ou de com prendre la cause et la nature de sa propre situation et de la situation des autres (p. ex., sa propre maladie) • Décit des fonctions exécutives (p. ex., la planication, la prise de décisions, la résolution de problèmes) ÉMOTIONNELS
• Affect labile et gamme des émotions : affect neutre ou plat, émoussé, abrasé ou labile, inapproprié ou inadéquat ; ambivalence émotionnelle ; apathie ; réactivité réduite ; euphorie ; rage • Perturbation du fonctionnement limbique : incapacité de ltrer les stimulus perturbateurs ; perte de la maîtrise volontaire de ses réactions
• Abus de substances comme moyen d’adaptation : symptômes psychologiques douloureux • Nonadhésion au traitement médicamenteux : conviction que celuici n’est pas nécessaire ou qu’il cause trop d’effets indésirables SOCIAUX
• Mauvaises relations avec les autres : peu d’amis au cours de l’enfance ou de l’adolescence ; solitaire • Peu d’intérêt pour des passetemps et des activités : rêveries ; fonctionnement inadapté dans des milieux sociaux ou professionnels ; attitude préoccupée et détachée ; décience marquée du fonctionnement social et comportemental • Perte d’intérêt dans l’apparence : hygiène et apparence négligées ; introversion • Non compétitif dans les sports ou non motivé à l’école : difcultés d’adaptation à l’école ; retrait des activités • Symptômes somatiques (c.àd. des problèmes physiques multiples) ; traits de personnalité schizoïdes ou schizo typiques : solitaire, détaché, replié sur soi et anxieux en société
attentivement et elle effectue son examen physique. En outre, il lui faut prêter attention aux signes vitaux ainsi qu’à l’alimentation, à l’exercice et au sommeil du client.
L’inrmière portera une attention particulière à l’âge du client au cours de son évaluation. Si ce dernier est un enfant ou un adolescent, elle tient compte de son stade de développement.
C’est à partir de ces deux types de données que l’inrmière déterminera les problèmes prioritaires de la situation de santé de la personne, formulera ses constats d’évaluation et planiera les soins.
Au cours de l’examen physique d’un client traité par antipsychotique, l’inrmière vérie la glycémie, les triglycérides et les lipoprotéines de haute densité (HDL), la pression artérielle (P.A.), et elle mesure le tour de taille de la personne. Ce type de client a un risque accru de syndrome métabolique, et l’inrmière en tient compte dans son évaluation .
Les données recueillies portent sur : • l’histoire de santé ; • la condition physique ; • la condition mentale ; • la dimension psychosociale ; • le dépistage des risques
4 .
14
La FIGURE 14.6 résume les diverses manifestations que peut noter l’inrmière au cours de la collecte des données subjectives et objectives Chapitre 14
4 Le chapitre 4, Évaluation de la condition mentale, présente les composantes de l’examen de l’état mental, les divers aspects à prendre en compte et les outils utilisés à cette étape.
Vidéo : Schizophrénie et syndrome métabolique.
Troubles du spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques
351
Collecte des données ENCADRÉ 14.5
Spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques
QUESTIONS D’ORDRE GÉNÉRAL
• Quelles difcultés avez-vous éprouvées récemment ? Vous sentez-vous différent que par le passé ? Comment ? (An de déterminer la perception du problème par le client.) • Prenez-vous actuellement ou avez-vous déjà pris de l’alcool, des drogues ou des médicaments ? Dans l’afrmative, quand, à quelle fréquence et en quelle quantité ? (An de déterminer la consommation de substances par le client.) • Alors que les autres personnes présentes ne sentaient ni ne voyaient rien, avez-vous entendu des sons, des voix ou des messages ? Avez-vous vu des lumières ou des visages ? Avez-vous senti des odeurs étranges, agréables ou nauséabondes ? Avez-vous goûté des saveurs étranges, mauvaises ou bonnes ? Ou avez-vous ressenti des sensations de froid ou de chaud ? (An de déterminer si le client a des hallucinations.) • À quoi ressemblent les voix que vous entendez ? Que disent-elles ? Vous troublent-elles ? (An de déterminer si ces voix disent aux clients de se blesser ou de blesser d’autres personnes.) • Les voix que vous entendez sont-elles connues ou inconnues ? Ont-elles une haute ou une basse intensité ? À quel moment se manifestent-elles ? Quels seraient l’événement déclencheur ou les pensées qui auraient provoqué les voix ? (An de détecter des facteurs de risque ou des messages possibles.) • Quelle stratégie utilisez-vous pour les atténuer ou les chasser ? Cette stratégie fonctionne-t-elle ? (An d’aider le client à maîtriser ou à atténuer les hallucinations quand elles se produisent.)
• Quelles sont les activités que vous préférez ? Celles que vous aimez le moins ? • Quelles sont vos activités quotidiennes habituelles ? • Comment se répartissent vos activités professionnelles ou domestiques et vos loisirs ? • Quelles sont vos habitudes alimentaires (nombre de repas, de collations) ? • Mangez-vous seul ou avec d’autres personnes ? • Avez-vous remarqué récemment une augmentation ou une diminution de votre appétit ? Si oui, décrivez le changement survenu. • Votre poids a-t-il changé dernièrement ? • Prenez-vous souvent un bain ou une douche ? Si non, en connaissez-vous la raison ? • Jusqu’à quel point votre humeur ou votre situation inue-t-elle sur votre vie ? • Jusqu’à quel point est-il important pour vous de vous sentir mieux ? • Jusqu’à quel point est-ce une priorité pour vous que les choses aillent mieux dans votre vie ? QUESTIONS POUR ÉVALUER LA VIE SEXUELLE
• Comment faites-vous pour satisfaire vos besoins sexuels ? • Quelle est la fréquence de vos rapports sexuels ? QUESTIONS POUR ÉVALUER LES COMPORTEMENTS À RISQUE
QUESTIONS POUR DÉTERMINER SI LE CLIENT PRÉSENTE DES IDÉES DÉLIRANTES
• Avez-vous subi ou êtes-vous en train de vivre des situations difciles (p. ex., un décès, une perte d’emploi, une déception amoureuse) ?
• Croyez-vous que quelqu’un ou quelque chose à l’extérieur de vous-même vous maîtrise d’une façon ou d’une autre ? Êtes-vous capable de maîtriser d’autres personnes ?
• À qui parlez-vous régulièrement ?
• Croyez-vous que quelqu’un vous surveille ou vous suit ? • Les gens parlent-ils de vous ? Si oui, expliquez comment vous le savez. • Ressentez-vous de la culpabilité ? Croyez-vous que vous avez des raisons de vous sentir coupable ? Pensez-vous que vous êtes une mauvaise personne ? Si oui, qu’est-ce qui vous le fait croire ? QUESTIONS POUR ÉVALUER LES ACTIVITÉS ET LES AUTOSOINS
• Quelles sont vos habitudes de sommeil ? • Vous sentez-vous reposé après une nuit de sommeil ? Si non, connaissezvous des moyens an d’améliorer la qualité de votre sommeil ?
• Que faites-vous dans une situation stressante ? • Avez-vous parfois l’impression que quelqu’un essaie de vous faire du mal ? Si oui, pourquoi ? • Avez-vous déjà posé des gestes dangereux dans votre vie ? Comment cela s’est-il passé (circonstances, moyen utilisé, pensées, conséquences) ? • Y a-t-il des personnes que vous croyez responsables de ce qui vous arrive ? • Y a-t-il des personnes à qui vous pensez faire du mal ? • Avez-vous des idées suicidaires actuellement ? (Si oui, faire l’évaluation de l’urgence suicidaire.) • Y a-t-il quelque chose que vous pouvez faire pour diminuer ces idées ou y a-t-il une personne avec qui vous vous sentez plus en sécurité ?
auprès d’un client atteint d’un trouble du spectre de la schizophrénie.
Examens paracliniques Plusieurs examens utilisant la technique de neuroimagerie sont pertinents pour les clients atteints de schizophrénie TABLEAU 14.5. En général, ces examens conrment les résultats. Des preuves de décience généralisée sont trouvées chez les personnes subissant un premier épisode ainsi que chez celles atteintes de schizophrénie chronique,
352
Partie 3
Troubles mentaux
bien que le degré de décience varie généralement d’un trouble à l’autre.
14.6.2
Analyse et interprétation des données
Les problèmes prioritaires sont formulés à partir des renseignements obtenus pendant la collecte des données et l’évaluation initiale de la démarche de soins. L’exactitude de chaque problème dépend d’une évaluation initiale attentive
SCHÉMA DES QUATRE DIMENSIONS Schizophrénie DIMENSION PSYCHOLOGIQUE
DIMENSION PHYSIQUE • Perturbations possibles du sommeil, de l’alimentation ou d’autres fonctions, liées à des changements dans les habitudes de vie
• Tristesse, culpabilité, anxiété ou révolte
Mathieu Vandal est âgé de 19 ans. Depuis six mois, il a des problèmes de sommeil, une diminution de concentration, une perte d’appétit qui a entraîné une chute de poids de 10 kg. Sa tenue vestimentaire et ses soins d’hygiène sont négligés, car il n’a ni la volonté ni l’énergie pour procéder à ses autosoins.
Ses hallucinations consistent en la présence d’une lle qui respire dans ses oreilles et qui lui parle à l’occasion pour l’insulter. De plus, il se sent menacé et a l’impression que ses parents complotent contre lui.
Mathieu est continuellement anxieux, car ses hallucinations auditives se manifestent tous les jours et de façon régulière.
DIMENSION SOCIALE
DIMENSION SPIRITUELLE
• Perturbation ou réorganisation du réseau social
• Sentiment d’être dépassé par les événements • Perte du sens de la vie
Mathieu s’isole de plus en plus, car il évite tout ce qui peut le stresser. Il a abandonné ses études et son travail à temps partiel. Il habite chez ses parents, ce qui lui permet de subvenir à ses besoins. Il ne manifeste aucun intérêt pour se divertir.
• Désorientation, perte des balises
Mathieu ne croit plus à la possibilité de s’en sortir ; c’est pour cette raison qu’il a décidé de mettre n à ses jours par pendaison il y a un mois, mais la corde s’est cassée. Depuis cet incident, il se questionne sur le sens de sa vie.
14 FIGURE 14.6
• le risque de suicide ; • le risque de violence envers soi-même ; • le risque de violence envers les autres ; • des perceptions sensorielles perturbées ;
Examens paracliniques TABLEAU 14.5
Schizophrénie
EXAMEN
OBJECTIF
Imagerie par résonance magnétique
Déterminer les changements structuraux et fonctionnels du cerveau, ce qui conrme des anomalies précises du cerveau d’une personne qui a reçu un diagnostic de schizophrénie. Elle est utilisée pour éliminer les causes structurales de psychose.
Tomographie par émission de positrons
Déterminer les effets des antipsychotiques sur certains sites récepteurs des neurotransmetteurs et leurs divers taux d’occupation en étudiant des images en coupe du cerveau.
• des processus mentaux perturbés ; • une communication verbale altérée ; • une adaptation inefcace ; • une dynamique familiale perturbée ; • une capacité d’autosoins déciente (bain et hygiène, habillement et apparence, alimentation, toilette) ; • un isolement social ; • des comportements mettant la santé en danger ; • une diminution de l’estime de soi.
14.6.3
Planication des soins
Établir les résultats escomptés Les résultats escomptés sont une estimation des changements comportementaux prévus à la suite
des interventions de soins. Les résultats escomptés pour les clients atteints de schizophrénie découlent d’interactions complexes. Ces résultats sont classés en ordre de priorité en fonction des besoins du client à la suite d’une entente conclue avec celui-ci si sa condition le permet. Le client sera capable : Chapitre 14
clinique
Jugement
et détaillée. Chaque problème est classé en ordre de priorité selon les besoins du client. Ces problèmes s’appliquent à la schizophrénie et aux autres troubles psychotiques :
Vous rencontrez Robin Maltais, âgé de 24 ans, hospitalisé pour schizophrénie. Au cours de l’entrevue, vous constatez qu’il touche constamment ses bras, ses cuisses et son thorax. Il frotte alors ses membres en fronçant les sourcils, ne vous regarde pas, tourne lentement la tête à droite et à gauche, l’air inquiet. Qu’est-ce que ces comportements peuvent laisser suspecter ?
Troubles du spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques
353
CE QU’IL FAUT RETENIR
Quand le client se trouve dans la phase la plus aiguë de sa maladie, les choix sont plus limités et les interventions structurées se révèlent les plus utiles.
• de démontrer une absence de comportements suicidaires ou violents envers soi et envers les autres ; • d’utiliser une communication verbale appropriée ; • d’utiliser des stratégies d’adaptation an d’atténuer son anxiété ; • d’engager des relations satisfaisantes avec les autres ; • de démontrer une réduction importante des hallucinations et des idées délirantes ; • de reconnaître une pensée et un comportement fondés sur la réalité ; • de s’occuper de ses autosoins et d’effectuer les activités de la vie quotidienne (AVQ) de façon autonome ; • d’adhérer au traitement médicamenteux et d’en comprendre l’importance dans la réduction des symptômes psychotiques ; • d’utiliser des méthodes plus fonctionnelles d’adaptation et de résolution de problèmes ; • de participer à la planication de son congé avec ses proches.
Décider des soins La planication des interventions et des traitements inrmiers axés sur la personne entière et son environnement social, y compris ses proches, est difcile. Puisque les problèmes comportementaux ont de nombreuses sources et qu’ils varient de bénins à extrêmement graves, l’infirmière considère les interventions à divers degrés et établit les priorités en fonction des besoins du client, du plus urgent au moins urgent.
ALERTE CLINIQUE
Un échange d’arguments avec une personne qui a des idées délirantes peut accentuer sa méance ou sa colère. Il faut éviter les réactions émotion nelles, les sarcasmes et les menaces.
Si le client est en situation d’urgence (p. ex., s’il est suicidaire, halluciné, délirant, désorganisé), le service d’urgence du centre hospitalier le plus proche, d’un établissement de soins psychiatriques ou d’un centre de crise est le plus indiqué. Dans une situation moins urgente, les services d’aide en ligne, Info-Santé, le centre local de services communautaires (CLSC) ou le service de traitement intensif bref à domicile, qui constitue une solution de rechange à l’hospitalisation, sont plus appropriés. Il est important de mentionner que le client atteint de schizophrénie ou ses proches doivent être informés des ressources disponibles dans leur milieu au moment du congé temporaire ou dénitif du centre hospitalier.
14.6.4
Exécution des interventions
Il est important de faire participer le client et ses proches aux décisions et au traitement, et de leur expliquer toutes les interventions et les raisons des soins. Des interventions bien planiées seront tout de même difciles à réaliser pour l’inrmière
354
Partie 3
Troubles mentaux
s’il y a un malentendu concernant les attentes ou s’il y a une résistance de la part du client, de ses proches ou d’autres personnes. Dans la mesure du possible, le client doit établir ses propres objectifs et son propre rythme de traitement et de progrès. Quand le client se trouve dans la phase la plus aiguë de sa maladie, les choix sont plus limités, et les interventions structurées se révèlent les plus utiles. Toutefois, quand l’état du client s’améliore, plus de choix s’offrent à lui. L’inrmière, en collaboration avec le client, établit un plan d’action pour atteindre les objectifs de santé dans une vision de rétablissement. L’une des valeurs sur lesquelles repose le Plan d’action en santé mentale 2015-2020 est la primauté de la personne, ce qui implique la prise en considération de son point de vue ainsi que sa participation et celle de ses proches aux décisions et au traitement (ministère de la Santé et des Services sociaux, 2015).
Soins et traitements inrmiers Au début, en raison de leur apathie et de leur aboulie, certains clients ne peuvent reconnaître les efforts faits pour les aider. Dans ce cas, l’inrmière établit d’abord une relation thérapeutique fondée sur la conance avec le client pour qu’il puisse comprendre, choisir et exécuter les actions favorables à son rétablissement ENCADRÉ 14.6 . La relation thérapeutique établie entre le client et l’infirmière sera ultérieurement élargie pour inclure les proches an de favoriser l’efcacité durable des interventions. Dans certains cas, l’inrmière devra intervenir dans le milieu. Toutes les personnes touchées doivent connaître les détails du plan thérapeutique inrmier (PTI) an de pouvoir travailler en équipe. La participation de l’équipe de soins et de la famille est essentielle pour la réintégration du client dans la communauté.
Gérer les hallucinations, les idées délirantes et le stress La plupart des clients, particulièrement ceux qui sont atteints depuis longtemps, ont mis au point des stratégies pour maîtriser leurs hallucinations et leurs idées délirantes. En demandant au client ce qui l’aide à bloquer ou à réduire ses hallucinations, l’inrmière peut apprendre des stratégies qu’il a déjà utilisées et ensuite l’encourager à y recourir au besoin. Le client, sa famille et ses proches doivent reconnaître que les hallucinations représentent des symptômes de la maladie et qu’elles sont réelles pour le client. C’est pourquoi les tentatives des proches d’imposer la vérité au client ne sont pas thérapeutiques et deviennent parfois même humiliantes. Les hallucinations réagissent à une
Relation d’aide
Adapter la relation thérapeutique au client atteint de schizophrénie
L’inrmière adopte une attitude empathique parce que cette approche est exempte de tout jugement de valeur, encourage le client à s’ouvrir, non seulement à son inrmière, mais surtout à lui-même, ce qui lui permet d’explorer et de découvrir ses difcultés. En ce sens, l’empathie facilite le processus de croissance. L’inrmière utilise cette attitude empathique, peu importe la nature des idées délirantes du client. Pour manifester de la compréhension empathique, il ne suft pas que l’inrmière reconnaisse ce que vit le client, mais elle lui fait aussi part de sa compréhension. Pour ce faire, elle peut utiliser quelques techniques de communication non verbale et verbale. L’inrmière adopte une attitude de respect chaleureux, car elle reconnaît que la personne est unique, elle la considère comme étant autonome, capable de mobiliser ses ressources pour surmonter ses difcultés et atteindre un mode de vie plus satisfaisant. Pour manifester du respect chaleureux,
réduction du stress et à une augmentation de la dose de médicaments antipsychotiques. Elles deviennent souvent moins troublantes quand le client est distrait par d’autres activités ou stratégies (Fortinash & Holoday-Worret, 2007). À cette n, il est possible de garder le client occupé, d’utiliser des stimulus concurrents pour noyer les voix (p. ex., des sifements, des claquements, le fait de crier le mot arrêtez) et d’enseigner au client à ne pas attendre que les voix se manifestent, mais à plutôt entreprendre d’autres tâches ou activités pour occuper ses temps libres. Ces méthodes aident le client à se concentrer sur d’autres activités ou stratégies et réduisent généralement l’agitation (Fortinash & Holoday-Worret, 2007). La famille et les amis doivent se rendre compte que les idées délirantes sont dues à une maladie et non à l’entêtement ou à la stupidité de leur proche atteint. Une attitude empathique est toujours possible, peu importe la nature de l’idée délirante ou de la conviction. De façon générale, l’inrmière détermine les facteurs qui aggravent les expériences hallucinatoires du client (p. ex., les stresseurs qui déclenchent les perturbations sensorielles et perceptuelles). Bien que les hallucinations aient une cause biochimique, des stresseurs externes peuvent intensier celles du client vulnérable. La connaissance de ces stresseurs aidera à prévenir la gravité de l’expérience hallucinatoire. Pour les idées délirantes, l’infirmière se concentre sur la signication et les thèmes des idées délirantes du client plutôt que sur leur contenu même. Cela aide à répondre aux besoins
l’inrmière s’intéressera aux besoins, aux pensées, aux valeurs, aux émotions et aux goûts du client. Par exemple, avec un client qui présente des hallucinations auditives, l’inrmière cherchera à comprendre : • ce qu’il vit relativement à ces hallucinations ; • le type d’émotions qu’il ressent quand elles se manifestent ; • quels effets les hallucinations ont sur lui quand elles se manifestent ; • comment elles l’empêchent d’établir des interactions satisfaisantes avec son environnement. L’inrmière fait preuve d’empathie envers le client et l’encourage à adopter une attitude positive pour contribuer à améliorer sa condition. Pour l’encourager, elle peut l’amener à voir les diverses ressources à sa disposition : ses propres ressources insoupçonnées, le soutien qu’il reçoit de ses proches et sa façon de voir la vie.
du client, renforce son sens de la réalité et décourage ses idées fausses sans le confronter ou le menacer. La participation des proches dans la gestion des hallucinations, des idées délirantes et du stress est importante an d’aider le client à éliminer ces pensées perturbantes ENCADRÉ 14.7 .
CE QU’IL FAUT RETENIR
14
Les hallucinations deviennent souvent moins troublantes quand le client est distrait par d’autres activités ou stratégies.
Offrir une protection au client, à ses proches et aux autres Le client atteint d’une schizophrénie grave a un potentiel de comportements violents, mais il n’existe aucune façon de prédire précisément qui deviendra violent. Les hallucinations et les stimulations sensorielles peuvent épuiser une personne qui lutte pour garder la maîtrise de soi.
ALERTE CLINIQUE
En tout temps, il faut observer et surveiller le potentiel suicidaire ou le risque de violence envers la personne ou envers les autres an de favoriser la sécurité de tous.
L’inrmière connaît les situations qui provoquent la colère, l’agressivité et la violence et prend les mesures nécessaires pour prévenir les agressions. La surveillance du contenu du discours aide généralement à assurer la sécurité des gens, et Vanessa Cantin est âgée de 38 ans. Elle travaille elle peut indiquer au personnel pour le ministère du Revenu provincial. Elle soignant les agents déclenest actuellement hospitalisée pour un trouble cheurs ou le potentiel croissant psychotique bref et tient des propos délirants de de la violence du client persécution. Elle croit qu’elle est victime d’un comenvers lui-même ou d’autres plot gouvernemental et que des agents enquêtent personnes. Le retrait des sur elle. Elle dit être incapable de dormir la nuit, stimulus ou l’éloignement de la car elle a peur d’être attaquée pendant son sompersonne ou de l’objet qui en meil. Que pourriez-vous lui dire pour démontrer de est la source soulage souvent l’empathie à l’égard de madame Cantin concernant l’anxiété et favorise la maîtrise sa peur ? de soi.
clinique
Jugement
ENCADRÉ 14.6
Chapitre 14
Troubles du spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques
355
Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 14.7
Gestion des hallucinations, des idées délirantes et du stress
HALLUCINATIONS ET IDÉES DÉLIRANTES
• S’occuper : le fait de s’investir dans une activité plaisante peut diminuer l’intensité des voix. • Adopter une attitude positive aide à se bâtir une estime personnelle et ainsi à favoriser la diminution des voix dérangeantes. • Dire aux voix d’arrêter et penser ensuite à quelque chose de plaisant.
29 Les moyens d’évaluer le danger potentiel, les mesures de prévention et les méthodes de gestion du client violent sont détaillés dans le chapitre 29, Violence.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Si le client est désorienté, paranoïde ou s’il agit bizarrement, l’inrmière doit chercher les armes potentielles dans son environnement et les retirer an d’assurer la sécurité de tous.
356
Partie 3
• Encourager le client à écouter de la musique avec des écouteurs, à fredonner, à sifer ou à parler à d’autres personnes pour gérer les hallucinations auditives. Le mouvement des cordes vocales structure la stimulation dans le cerveau et atténue ou interrompt les hallucinations auditives. Les écouteurs dirigent l’attention sur une source de stimulation plus puissante et plus attrayante que des idées délirantes accusatrices ou paranoïdes (Institut universitaire en santé mentale de Québec, 2008).
• Éviter de consommer de l’alcool ou des drogues : certaines substances peuvent déclencher l’apparition des voix ou augmenter leur intensité.
• Utiliser des bouchons pour les oreilles.
• Faire de l’exercice physique : les sports peuvent réduire l’intensité des voix.
• Déterminer les stresseurs externes susceptibles de déclencher une crise.
• Noter les moments où les voix se manifestent an de guider le choix des stratégies efcaces.
• Concevoir un plan d’action pour maîtriser les stresseurs externes et internes.
• Distraire le client lorsqu’il manifeste des idées délirantes ; les activités plus fonctionnelles et moins anxiogènes augmentent le sens de la réalité du client et diminuent les risques d’épi sodes violents provoqués par ses idées délirantes.
• Pratiquer des méthodes de relaxation : technique de respiration, yoga, etc.
STRESS
En raison de la nature de sa maladie, un client peut mal interpréter l’intention d’une personne, ce qui peut parfois provoquer une réaction violente. Un client en phase aiguë de schizophrénie (ou en psychose) peut exagérer l’irritation d’une autre personne et l’interpréter erronément comme de la colère, ou il peut faussement interpréter un rire comme une ridiculisation et devenir agressif pour se défendre. L’abus de substances peut aussi déclencher de la violence.
armes potentielles dans son environnement et les retirera an d’assurer la sécurité de tous 29 .
Pour prévenir la violence, il est important d’éviter le blâme, la ridiculisation, la confrontation, les taquineries et les insultes. Il faut laisser une certaine intimité à la personne et respecter ses limites émotionnelles. Il importe aussi de connaître ses propres sentiments et émotions et s’efforcer de rester neutre, car les clients sont généralement sensibles aux émotions des autres. Dans plusieurs situations, l’inrmière détermine le comportement à adopter an d’assurer la sécurité du client et des personnes qui l’entourent.
Aider le client à acquérir de l’autonomie
Si la personne est impulsive ou hyperactive et a un jugement altéré, il faut assurer la sécurité de tous, la distraire et la rediriger. Si le client a des troubles de raisonnement et de perception, l’inrmière sera très vigilante et utilisera ses habiletés interpersonnelles pour canaliser l’énergie du client et le distraire de ses hallucinations. Si le client est désorienté, paranoïde ou s’il agit bizarrement, l’inrmière cherchera toutes les
Troubles mentaux
Si le client a peur ou est effrayé, l’inrmière s’assurera de lui laisser de l’espace et de l’approcher calmement, sans le surprendre. La difculté du client à interpréter la stimulation ralentit son analyse cognitive de l’environnement ; s’il ne se sent pas encerclé ou piégé, il aura une impression de sécurité et sera moins impulsif. Le client atteint de schizophrénie est encouragé à devenir le plus actif possible tout au long de l’épisode de soins an de réduire sa dépendance envers les professionnels de la santé, d’atténuer la stigmatisation sociale associée à son trouble mental et d’accroître son réseau de soutien. Les modèles de rétablissement encouragent la participation du client à ses soins et sont axés sur ses forces plutôt que seulement sur ses symptômes. Le client tente d’intégrer ses divers rôles plutôt que de s’identier seulement par rapport à la maladie. Cela nourrit l’espoir d’un changement possible. Le client est capable de faire des choix et se sent ainsi respecté et autonome. L’autonomisation et le soutien des pairs sont des éléments essentiels au succès du rétablissement (APA, 2004). Les soins du client atteint de schizophrénie constituent un travail à long terme étant donné l’impact souvent important de la maladie sur son
fonctionnement. L’infirmière détermine les diverses stratégies éducatives les plus perti nentes dans le but de favoriser son autonomie TABLEAU 14.6 . La psychoéducation du client atteint de schizophrénie comprend entre autres les éléments suivants : • effectuer l’enseignement pendant des périodes de stabilité relative des symptômes ; • simplier les instructions et réduire les distrac tions (ou fournir des distractions pour atténuer les symptômes, si nécessaire) ; • donner de l’information visuelle et verbale ;
• utiliser des termes directs et clairs plutôt que des idées abstraites ou conceptuelles ; • enseigner par courts segments et utiliser des renforcements fréquents.
Gérer l’environnement et favoriser les comportements sociaux appropriés Le personnel soignant effectue un suivi attentif de l’environnement du client, notamment du bruit et de la lumière de l’endroit, et favorise le calme ainsi que l’ordre. La stimulation externe est impor tante, voire essentielle, pour le traitement appro prié de l’information et des stimulus.
Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 14.6
Favoriser l’autonomie du client atteint de schizophrénie ou d’un trouble psychotique
INTERVENTIONS
JUSTIFICATIONS
Encourager le client à procéder à son hygiène personnelle, à s’habiller convenablement et à réaliser ses AVQ et ses activités de la vie domestique (AVD) jusqu’à ce qu’il soit capable de le faire de façon autonome.
Aide le client à acquérir les aptitudes appropriées, à devenir plus acceptable sur le plan social et à préserver son estime de soi.
Établir, en collaboration avec le client, un horaire et des objectifs clairs et réalistes pour les soins autonomes et ajouter des tâches plus complexes à mesure que l’état du client s’améliore.
Aide le client à s’organiser et à s’ancrer dans la réalité, au moyen d’une routine et d’une structure.
Mener une entrevue avec le client chaque jour an d’avoir avec lui des interactions non exigeantes sur le plan émotionnel.
Aide le client à être plus à l’aise dans la communauté en lui permettant d’établir des rapports de conance et de respect avec autrui.
Utiliser un langage précis et concret plutôt que général et abstrait.
Aide le client atteint de schizophrénie à généralement mieux réagir aux messages concrets pendant la phase aiguë. Le client n’est pas toujours capable de comprendre les messages complexes, et il peut avoir des perceptions erronées ou des hallucinations.
Féliciter le client pour la réduction ou l’arrêt de ses comportements agressifs ou de ses passages à l’acte, ses interactions sociales appropriées et sa participation aux activités de groupe.
Encourage la répétition des comportements fonctionnels chez le client quand les renforcements positifs sont effectués à des moments appropriés du plan de soins.
Suggérer la participation dans des activités de groupe régulières, constantes et prévisibles.
Favorise les habiletés de socialisation chez le client.
Encourager le degré de participation du client à ses soins quand son état s’améliore et dans la mesure de ses capacités.
Aide le client à se responsabiliser et à améliorer son estime de soi.
Aider le client à reconnaître ses forces et ses ressources, à les mobiliser ou à les développer.
Stimule l’espoir, les forces et l’autonomie du client qui lutte pour sa santé mentale et émotionnelle, par le fait de se concentrer sur des activités et des tâches qu’il peut effectuer plutôt que sur ses limites.
Évaluer le concept de soi du client.
Contribue à éviter l’isolement social, qui entraîne une perturbation de l’estime de soi, et permet de déterminer les raisons pour lesquelles le client a une faible estime de soi.
Soutenir et maintenir les interventions médicales et psychosociales prescrites.
Encourage le client et ses proches à participer au plan de soins et prévient les comportements violents du client.
Inviter le client à faire appel à son réseau de soutien au besoin.
Sécurise le client et diminue ainsi son anxiété.
Reconnaître les facteurs internes susceptibles de déclencher une rechute ou l’exacerbation des symptômes.
Favorise l’utilisation des stratégies apprises dès l’apparition des premiers symptômes.
Chapitre 14
Troubles du spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques
14
357
Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 14.7
CONSEIL CLINIQUE
Il est primordial d’écouter activement les proches du client et de les laisser exprimer leurs craintes et leur anxiété en ce qui concerne la personne atteinte par le trouble. Leur offrir du soutien et manifester de l’empathie favorisent l’espoir et la formation de liens entre le client et ses proches.
JUSTIFICATIONS
Réduire les stimulus environnementaux.
Favorise un environnement calme et apaisant qui réduira l’impulsivité et l’agitation du client et préviendra les accidents ou les blessures.
Fournir de fréquentes périodes de repos ou des interactions brèves et peu exigeantes.
Permet au client de se reposer, de se détendre et d’évacuer les sentiments, ce qui réduit le risque de passage à l’acte.
Agir comme un modèle de comportement social (mentor) dans les interactions en maintenant un bon contact visuel, une distance sociale appropriée et une attitude calme.
Favorise les habiletés de socialisation du client et étend son sens de la réalité d’une manière non menaçante.
Si le client est hospitalisé, lui suggérer des activités de groupe, en commençant par les activités qui ne sont pas stressantes ou menaçantes (p. ex., le dessin, le bricolage).
Permet au client de voir des comportements sociaux appropriés.
Prévenir et gérer les rechutes Dans la majorité des cas de premier épisode de psychose, les antipsychotiques et les traitements psychosociaux fondés sur des résultats probants permettent une résorption complète ou considérable des symptômes positifs. L’élimination des symptômes négatifs est beaucoup moins certaine. Les futurs épisodes de psychose peuvent être évités, les chances étant meilleures si le client parvient à suivre son traitement, à bien gérer son environnement et à reconnaître rapidement les signes avant-coureurs d’une rechute éventuelle.
Il est primordial que l’inrmière enseigne au client et à ses proches à reconnaître les signes précoces de rechute avant l’arrivée d’une crise, puisque 90 % des clients feront au moins 1 rechute dans les 5 années suivant le diagnostic.
Partie 3
INTERVENTIONS
L’inrmière incite le client à acquérir des habiletés sociales an d’avoir des interactions fructueuses avec les autres. Pour cela, plusieurs stratégies sont possibles. L’inrmière agit comme modèle dans ses interactions avec le client et les autres personnes de l’environnement (personnel soignant, autres clients et proches). Elle peut aussi inviter et accompagner le client à suivre des activités de groupe. Elle lui propose des activités plus ou moins structurées selon ses capacités au moment choisi TABLEAU 14.7.
CE QU’IL FAUT RETENIR
358
Gérer l’environnement et favoriser les relations interpersonnelles
Troubles mentaux
Environ 90 % des clients auront au moins 1 rechute de psychose dans les 5 années suivant le premier épisode, en partie en raison du fort taux d’abandon du traitement, de l’incapacité à mettre en œuvre des interventions fondées sur des résultats probants et des limites des méthodes thérapeutiques disponibles (Lieberman et al., 2008). Lorsque des symptômes indiquent la survenue d’une rechute, des interventions précoces aident à prévenir les hospitalisations répétées. L’inrmière enseigne au client et à ses proches à reconnaître les signes précoces de rechute avant l’arrivée d’une crise (APA, 2004). Les interventions pendant la phase précoce de la psychose visent à éliminer complètement les symptômes (rétablissement complet) et à prévenir de futurs épisodes ENCADRÉ 14.8 . L’inrmière, en informant et en éduquant le client et ses proches, facilite leur apprentissage, améliore leur compréhension de la maladie et leur capacité à la gérer, garantit un soutien thérapeutique continu au client, prévient possiblement les rechutes après le congé du centre hospitalier et aide à la gestion de situations aiguës.
Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 14.8
Prévenir des rechutes et maîtriser des phases aiguës
PRÉVENTION DES RECHUTES
L’inrmière propose au client et à ses proches de suivre les recommandations suivantes : • Maintenir de saines habitudes de vie (p. ex., l’alimentation, les activités, le sommeil, la gestion du stress, la mise en place et l’utilisation d’un réseau de soutien).
• Participer à des groupes de soutien pour personnes atteintes de trouble mental. La plupart des groupes d’entraide sont organisés et animés par des pairs, qui offrent un modèle d’espoir et de rétablissement et qui transmettent de l’information pratique sur les moyens efcaces de maîtriser les symptômes.
ENCADRÉ 14.8
Prévenir des rechutes et maîtriser des phases aiguës (suite)
• Demander de l’aide à un intervenant de l’équipe traitante (en consultation externe), au médecin, à un centre d’aide (centre de crise, Tel-Aide) ou à un proche aidant.
MAÎTRISE DES PHASES AIGUËS
• Connaître les symptômes de la maladie, l’importance de l’adhésion au traitement médicamenteux, les approches parallèles et complémentaires, et les ressources de soutien disponibles.
• Utiliser des stratégies de communication différentes (p. ex., non verbale). Pendant les phases aiguës, il est difcile de communiquer avec le client, ce qui peut être frustrant pour les proches. Ainsi, l’entourage de la personne peut utiliser l’écriture, par exemple. Ce moyen de communication s’avère parfois efcace pour ces clients, puisque les pensées sont généralement plus organisées à l’écrit.
• Déterminer les facteurs les plus susceptibles de déclencher une rechute (prise inadéquate de la médication, facteurs et situations de stress, consommation d’alcool et de drogues). • Reconnaître les signaux d’alarme : perte d’appétit, insomnie, repli sur soi, perte d’intérêt, agitation, méance, préoccupations particulières, difculté à maintenir une conversation, cessation des activités généralement appréciées, etc. • Avoir un plan des conduites à tenir dès l’apparition d’une rechute.
Soins et traitements en interdisciplinarité L’inrmière offre aux clients des services de santé complets et coordonnés et assure la continuité des soins même lorsque le client a obtenu son congé du centre hospitalier. Tous les efforts possibles doivent être déployés en vue d’assurer l’intégration des soins de santé, spécialement dans le cas de problèmes de santé chroniques ou persistants (Association des infirmières et infirmiers du Canada, Association médicale canadienne & Groupe d’intervention action santé, 2013). Le client a plusieurs besoins (nanciers, professionnels, sociaux) liés à son trouble mental, et la coordination des divers types de soutien et de soins est primordiale pour assurer son progrès vers le rétablissement.
L’inrmière adresse les recommandations suivantes aux proches :
• Déterminer les champs d’intérêt et les forces du client et utiliser la musique, l’art, l’exercice et le mouvement pour communiquer pendant cette période. • Éviter de parler du client comme s’il n’était pas là. • Faire preuve de patience et de compréhension empathique, car ce sont des facteurs critiques des soins du client.
antipsychotiques administrés comme traitement d’entretien peuvent prévenir de nouveaux épisodes psychotiques. Les antipsychotiques peuvent atténuer la libido et causer des dysfonctions sexuelles. Certains hommes ont de la difculté à avoir ou à maintenir une érection ou à éjaculer. Les femmes peuvent être incapables d’avoir un orgasme. Par ailleurs, les antipsychotiques peuvent perturber le cycle menstruel et produire des résultats faussement positifs à un test de grossesse.
Les antipsychotiques peuvent soulager les symptômes positifs de la psychose comme les idées délirantes et les hallucinations. Ces médicaments, autrefois appelés tranquillisants majeurs ou neuroleptiques, sont la principale catégorie de médicaments utilisés pour traiter les clients atteints de schizophrénie ou d’autres troubles psychotiques.
| Classement et effets indésirables des antipsycho tiques | Les antipsychotiques sont classés en deux catégories. Les antipsychotiques typiques, ou de première génération, sont des antagonistes de haute afnité des récepteurs D2 de la dopamine, et ils réduisent efcacement les symptômes psychotiques positifs (p. ex., les hallucinations, les idées délirantes). Toutefois, ces médicaments causent beaucoup d’effets indésirables sur le SNC parce qu’ils bloquent la dopamine, qui est un neurotransmetteur impliqué dans le mouvement des muscles lisses des voies nerveuses extrapyramidales. Les principaux effets indésirables sont les symptômes extrapyramidaux D .
Dans les heures ou les jours qui suivent leur administration, les antipsychotiques peuvent aider à soulager les symptômes, mais parfois, il peut s’écouler de quatre à six semaines avant que leurs effets ne se fassent sentir. Ces médicaments peuvent aider à maîtriser les symptômes, mais ils ne guérissent pas le trouble sous-jacent. Les
Les antipsychotiques atypiques sont des médicaments plus récents (de deuxième génération). En plus de bloquer les récepteurs dopaminergiques, ils bloquent certains récepteurs de la sérotonine. Reconnus pour leur efcacité dans le traitement des symptômes positifs, les antipsychotiques atypiques ont généralement moins d’afnité
Psychopharmacothérapie
Chapitre 14
14 CE QU’IL FAUT RETENIR
Les antipsychotiques peuvent soulager les symptômes positifs de la psychose comme les idées délirantes et les hallucinations, mais ils ne guérissent pas le trouble sous-jacent.
D L’Échelle d’évaluation des symptômes extrapyramidaux (ESRS) est présentée dans l’annexe D.
Troubles du spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques
359
pour les récepteurs D2 de la dopamine, donc ils sont moins susceptibles d’induire des symptômes extrapyramidaux (Leiberman et al., 2008 ; Schultz et al., 2007).
ALERTE CLINIQUE
• La fumée générée par la combustion du tabac induit le métabolisme de plusieurs antipsychotiques, dont la clozapine et l’olanzapine. Le personnel inrmier doit s’enquérir régulièrement de toute modication du statut tabagique d’un client. • Le pamplemousse peut réduire l’élimination de la quétiapine et de la clozapine. • La caféine hausse la concentration de l’olanzapine et de la clozapine en réduisant leur élimination, ce qui augmente l’effet et la toxicité de la clozapine.
Il était initialement estimé que les antipsycho tiques atypiques plus récents favoriseraient l’adhé sion au traitement grâce à leurs effets indésirables réduits sur le SNC et à la promesse de meilleurs résultats sur les symptômes négatifs. Toutefois, les métaanalyses ont montré que les taux d’abandon des antipsychotiques atypiques ne sont pas inférieurs à ceux des antipsychotiques typiques. Des données indiquent qu’un retard dans le début d’une thérapie antipsychotique peut avoir un effet nocif à vie sur les épisodes psychotiques (Schultz et al., 2007). La prise des antipsychotiques atypiques com porte des conséquences à court terme et à long terme. Les conséquences à court terme sont une augmentation de poids de 2 à 10 kg en moins de 1 an, une hausse de la glycémie, des triglycérides, du cholestérol et de la P.A. Les conséquences à long terme sont quant à elles plus importantes. Le client peut être atteint d’un syndrome métabo lique, d’un diabète de type 2 ou souffrir d’une maladie cardiovasculaire et voir ainsi diminuer son espérance de vie. An d’améliorer la qualité du suivi inrmier relativement à la condition métabolique du client en traitement aux antipsychotiques et an de
dépister précocement le syndrome métabolique, l’inrmière veille : • au respect des prescriptions établies au cours du protocole de surveillance du traitement aux antipsychotiques de seconde génération (incluant les bilans préantipsychotiques et perantipsychotiques) ; • à la transmission de l’enseignement au client ; • à l’ajustement du plan de soins et de traitements inrmiers (PSTI). Bien que les antipsychotiques atypiques plus récents donnent l’espoir de soulager les symp tômes positifs et les symptômes négatifs, il est en core très difcile de traiter un client atteint de schizophrénie et d’aider ses proches à comprendre son trouble mental et à s’y adapter ENCADRÉ 14.9. Ces difcultés sont notamment l’adhésion au trai tement médicamenteux, l’éducation relative à celuici et l’acquisition d’habiletés permanentes qui favorisent la réintégration de la personne dans la communauté. Les antiparkinsoniens (anticholinergiques) sont prescrits pour lutter contre les symptômes ou les réactions extrapyramidaux. Les médicaments uti lisés sont la benztropine (Cogentinmd) ou la procy clidine (Kemadrinmd). Le propranolol (Inderalmd), un bêtabloquant antihypertenseur, est également utilisé pour diminuer les tremblements et l’aka thisie. Son efficacité est liée au fait que la
Recherche pour une pratique fondée sur des résultats probants ENCADRÉ 14.9
Efcacité des antipsychotiques
Dans le cadre d’un programme d’essais cliniques portant sur l’efcacité des antipsychotiques (Clinical Antipsychotic Trials of Intervention Effectiveness [CATIE]), la quétiapine (Seroquelmd), l’olanzapine (Zyprexamd), la rispéridone (Risperdalmd) et la ziprasidone (Zeldoxmd), des médicaments atypiques récents, ont été comparées à la perphénazine (Trilafon md), un antipsychotique de première génération. Des résultats précédents avaient montré que la perphénazine était aussi efcace dans le traitement des symptômes de la schizophrénie que les médicaments atypiques plus récents. Cette nouvelle étude visait à déterminer si l’un ou l’autre de ces médicaments réduit la fréquence de la violence, un symptôme rare de ce trouble. Les chercheurs de l’Université Duke ont analysé les données de 1 445 participants au programme CATIE pour qui de l’information de base sur les comportements violents était rassemblée. Ils ont découvert que parmi les 653 participants traités pendant 6 mois avec les médicaments qui leur avaient été initialement prescrits, la fréquence des actes de violence a diminué de 16 à 9 % au total. Aucun des médicaments atypiques n’a donné de meilleurs résultats que la perphénazine. La quétiapine a semblé Source : Swanson, Swartz, Van Dorn et al. (2008).
360
Partie 3
Troubles mentaux
particulièrement moins efcace que la perphénazine. Les personnes qui ont pris les médicaments selon les indications étaient moins susceptibles d’être violentes, sauf celles qui avaient des antécédents de trouble des conduites dans l’enfance. Les participants qui vivaient avec d’autres personnes, éprouvaient des problèmes de consommation de substances, avaient été victimes de violence dans le passé ou appartenaient à une classe socioéconomique inférieure étaient plus susceptibles d’avoir des problèmes de comportement violent, peu importe les médicaments utilisés. Les chercheurs ont conclu que, contrairement à ce qu’indiquaient des études précédentes, les antipsychotiques atypiques n’offrent pas d’avantages par rapport aux médicaments moins récents dans la réduction de la violence. De plus, la violence dans des situations qui n’ont pas de lien avec ce trouble, par exemple des antécédents de trouble des conduites, n’est pas susceptible d’être traitée efcacement avec des antipsychotiques seuls. Pour réduire le comportement violent des participants ayant ces facteurs de risque, des traitements psychosociaux ou familiaux plus intensifs s’avèrent nécessaires.
liposolubilité de ce médicament lui confère la propriété de se rendre au cerveau. Le syndrome malin des neuroleptiques est un trouble neurologique potentiellement mortel causé par une complication rare aux antipsychotiques. Tous ces médicaments peuvent la provoquer. Ce syndrome se caractérise par une forte èvre (de 40 à 41 °C), de la diaphorèse, une P.A. instable, de la tachycardie, une rigidité musculaire généralisée et l’absence de réponse aux agents antiparkinsoniens (APA, 2015). D’autres symptômes neurologiques peuvent y être associés (p. ex., des tremblements, la sialorrhée, l’akinésie, la dysarthrie). Un état confusionnel ou une altération de conscience allant de la stupeur au coma sont souvent des signes précoces du syndrome. Il est important de souligner que le rôle de l’inrmière ne s’arrête pas à la distribution d’un médicament ; il englobe le suivi du client en ce qui concerne : • l’évaluation initiale avant l’administration ; • l’évaluation de l’efcacité du médicament ; • l’évaluation des symptômes ou des effets indésirables possibles (Ordre des inrmières et inrmiers du Québec, 2010). En collaboration avec le médecin et le pharmacien, l’inrmière informe le client sur les indications, le mécanisme d’action et les effets indésirables des antipsychotiques. Il est primordial de souligner l’importance de l’adhésion au traitement médicamenteux. La nonadhésion au traitement entraîne souvent la réapparition des symptômes et possiblement l’hospitalisation (Morton & Zubec, 2013).
Qualité de vie La qualité de vie est aussi une question importante associée au traitement médicamenteux à long terme des clients atteints de schizophrénie. L’infirmière, l’équipe de soins et les proches doivent tenir compte et s’occuper des effets indésirables potentiels tels que le gain de poids, le diabète de type 2, les dysfonctions sexuelles, les effets cardiaques, les décits cognitifs et, surtout, le risque de suicide. Avec les progrès de la recherche sur les médicaments, la plupart des infirmières, des cliniciens et des chercheurs conviennent que le meilleur traitement consiste à combiner les médicaments à une autre méthode de traitement et à des activités communautaires. Les personnes âgées ont généralement besoin d’une attention particulière en ce qui a trait à leurs médicaments, surtout celles qui ont des problèmes de santé physique FIGURE 14.7. Il faut leur prescrire la plus faible dose qui procure l’effet thérapeutique souhaité et qui cause le moins d’effets indésirables possible. La clarté du diagnostic est essentielle relativement à ces médicaments :
FIGURE 14.7 La dose, comme la prise de médicament, doit être surveillée chez la personne âgée atteinte de schizophrénie.
l’atténuation des symptômes de manie a lieu après quelques jours, et celle des symptômes de schizophrénie, en une semaine. Il y a aussi un risque additionnel de syndrome métabolique (gain de poids, dyslipidémie, diabète de type 2, acidocétose diabétique) et d’accident vasculaire cérébral C . Les interactions entre les médicaments doivent aussi être attentivement surveillées chez cette clientèle. Les études indiquent également qu’il faut posséder davantage d’expérience clinique pour garantir la sécurité et l’efcacité de l’administration des médicaments, particulièrement pour la population âgée et les clients atteints d’insufsance rénale ou hépatique (Schultz et al., 2007).
Sialorrhée : Écoulement de salive hors de la bouche. Akinésie : Trouble de la motricité caractérisé par une lenteur et rendant difcile les mouvements.
C
14
L’annexe C présente en détail le Syndrome métabolique.
Adhésion au traitement Quand un client obtient son congé et retourne avec ses proches dans la communauté, il est important qu’il accepte la responsabilité de ses soins, particulièrement de sa prise de médicaments. L’enseignement de l’inrmière doit en tenir compte . L’administration d’antipsychotiques combinée à un autre traitement et à des services de soutien peut aider le client à composer avec ses symptômes et à améliorer sa qualité de vie. Ainsi, la plupart des thérapies offertes sont une solution de rechange à l’hospitalisation. Elles visent le rétablissement en favorisant la réalisation du projet de vie des clients et leur permettent une plus grande autonomie. Elles représentent également un soutien à la famille et aux proches.
Tableau 14.1W : Médicaments pour le traitement de la schizophrénie.
En plus des traitements fondés sur des résultats probants, certaines stratégies basées sur des résultats limités s’avèrent aussi efcaces. Ces stratégies comprennent le conditionnement opérant, la thérapie cognitivo-comportementale, les thérapies individuelle, de groupe, par le milieu, familiale, ainsi que les interventions particulières de réadaptation psychosociale.
Psychothérapies | Thérapie cognitivo-comportementale | La théorie cognitivo-comportementale (TCC) est fondée sur le Chapitre 14
Troubles du spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques
361
principe que la pensée déformée ou dysfonction nelle cause des perturbations psychologiques de l’humeur et du comportement. La TCC est une mé thode de travail qui consiste à aider le client à utili ser ses habiletés d’adaptation et à le soutenir quand il fait un effort rationnel pour traiter ses symptômes (APA, 2004). Cette approche peut être utilisée de différentes façons, en thérapie individuelle, fami liale, par le groupe ou encore par le milieu.
CE QU’IL FAUT RETENIR
La TCC individuelle chez les personnes atteintes de schizophrénie peut réduire les symptômes positifs et négatifs, mais rien n’indique actuellement qu’elle diminue les taux de rechute.
ALERTE CLINIQUE
Parmi les personnes âgées qui prennent des antipsychotiques typiques ou atypiques, une augmentation des compli cations cardiaques et infectieuses mortelles est observée.
20 Les différents types de thérapie présentés dans cette section sont décrits dans le chapitre 20, Modèles et stratégies thérapeutiques.
362
Partie 3
Une personne non atteinte d’un trouble psy chotique fait appel à des processus attentionnels, c’estàdire qu’elle est capable de traiter l’informa tion qu’elle reçoit en tenant compte de ce qui lui semble pertinent et en ignorant le reste. Le client atteint de schizophrénie accuse un décit relati vement à ce processus ; pour lui, tout est impor tant. De plus, il traite chaque information de chaque stimulus extérieur (p. ex., un regard) et il devient envahi par celuici. En outre, chaque crise altère encore plus ses fonctions cognitives. Pour les clients stabilisés suivis en consultation externe ou à l’interne et traités par des antipsychotiques, la TCC est basée sur la rééducation des apprentis sages (p. ex., se laver, préparer ses repas) et sur la gestion des émotions et du stress. Des études ont montré que la TCC individuelle chez les personnes atteintes de schizophrénie peut réduire les symptômes positifs et négatifs, mais rien n’indique actuellement qu’elle diminue les taux de rechute (Lynch, Laws & McKenna, 2010). | Conditionnement opérant | Le conditionnement opérant est largement utilisé auprès des enfants et des adolescents, et il s’avère utile avec toute personne dont il faut maîtriser le comportement. Il se fonde sur le principe du renforcement des comportements désirables pour favoriser la répé tition de ceuxci et ne tient pas compte des com portements négatifs. Les techniques comprennent des méthodes de relaxation et de maîtrise de soi. Les résultats de cette forme de thérapie indiquent qu’elle réduit les comportements intolérables tels que le repli sur soi, les cris et l’incohérence (Lieberman et al., 2006). La principale limite de ce type de thérapie réside dans l’incapacité des clients atteints de schizophrénie à transférer les apprentissages acquis en centre hospitalier aux situations de la vie quotidienne. | Thérapie individuelle | La thérapie personnelle est généralement hebdomadaire et s’inscrit dans un programme de traitement qui comprend la prise de médicaments, la participation des proches et un soutien psychologique. Son principal objectif est d’aider le client à atteindre et à maintenir une stabilité clinique. Les rencontres entre le client atteint de schizophrénie et le thérapeute sont axées sur le degré actuel de fonctionnement du client. Le thérapeute adapte la thérapie de façon à répondre aux besoins de celuici (APA, 2004).
Troubles mentaux
| Thérapie de groupe | Les objectifs généraux de la thérapie de groupe sont notamment d’aider le client à acquérir des habiletés en résolution de problèmes, à établir des objectifs et à gérer ses interactions sociales ainsi qu’à l’éduquer en ma tière de médication et de traitement. La thérapie de groupe destinée aux clients atteints de schizophrénie est utile pour la gestion à long terme de la maladie. Ces groupes sont généralement formés de six à huit clients qui ont un sens de la réalité leur permettant de participer de façon active à la thérapie (APA, 2004). Des activités de groupe peuvent être proposées à l’intention des clients hospitalisés et de ceux suivis en consultation externe dans un environ nement de soutien par les pairs en vue de faciliter leur rétablissement. Les thérapies de groupe sont souvent des occasions propices pour l’entraînement aux habiletés sociales. L’expérimentation en groupe permet d’enseigner au client les comportements particuliers nécessaires à des interactions sociales fructueuses. Le thérapeute enseigne ces habiletés par des démonstrations ou des jeux de rôle. Les interactions que peut avoir le client dans un groupe sont en quelque sorte protégées puisque le groupe constitue un environnement encadré et structuré. La re cherche a montré que le client atteint de schizophrénie est capable d’apprendre des habiletés sociales et de vie auto nome et de les utiliser même si ses symptômes psychiatriques restent inchangés (APA, 2004). Dans ce cadre, le client peut aussi acquérir des habiletés à s’afrmer. L’afrmation de soi améliore l’opinion que la personne a d’ellemême et d’au trui ainsi que sa capacité à entretenir des relations satisfaisantes. Elle permet aussi de réduire l’an xiété provoquée par les relations interperson nelles, un problème courant du client atteint de schizophrénie. Cet entraînement favorise les com portements expressifs, spontanés, orientés vers un but et valorisants (p. ex., dire non quand il le faut, rejeter les comportements non souhaitables et amorcer des conversations). Ces habiletés sociales sont autant d’interactions qui peuvent s’avérer utiles aux clients atteints de schizophrénie. Les groupes d’entraide ou de soutien font aussi partie de la thérapie de groupe. L’inrmière peut intervenir dans ce type de groupes. Il arrive que des membres du groupe les dirigent en assurant l’animation à tour de rôle. De plus en plus nom breux, ces groupes ont gagné en crédibilité au cours des dernières années. Les groupes d’entraide et de soutien servent souvent aux familles et aux proches des clients 20 FIGURE 14.8. | Thérapie par le milieu | La thérapie par le milieu est une thérapie environnementale continue qui offre un abri, une protection et un soutien au
processus de planication du traitement. De multiples études ont montré que les interventions auprès de la famille réduisent les taux de rechute du client, améliorent son adhésion au traitement et son fonctionnement, favorisent le soulagement des symptômes et la diminution des hospitalisations. La recherche indique également que de nombreuses études portant sur les interventions auprès de la famille comportent des faiblesses, ce qui justie des travaux de recherche additionnels dans ce domaine (Schultz et al., 2007) 20 . FIGURE 14.8 Les proches peuvent trouver dans les groupes de soutien des lieux où partager leurs expériences.
client atteint d’un trouble mental et qui permet d’améliorer son état à l’intérieur de l’unité de soins psychiatriques. La thérapie a pour mission de faciliter l’insertion de ces personnes dans la communauté (pour briser l’isolement associé à leur trouble), de favoriser la collaboration ou l’adhésion à leur traitement (la non-adhésion étant la première cause de rechute), de renforcer leurs ressources internes (pour augmenter leur estime de soi), de leur offrir des soins psychiatriques en collaboration avec les proches et les intervenants et, bien entendu, de réduire le nombre et la durée des hospitalisations. Chaque programme de suivi intensif dans le milieu est adapté aux forces et aux déciences du client. Ce suivi peut s’effectuer aussi en consultation externe, si l’établissement propose ce service. Les équipes de traitement offrent des soins en consultation externe jour et nuit en tout temps. Le personnel aide le client à effectuer ses AVD et ses AVQ, par exemple, faire ses courses et sa toilette, établir son budget et prendre ses médicaments. Les équipes aident aussi le client à acquérir des habiletés en recherche d’emploi et en placement et lui offrent leur soutien. Ce traitement s’avère particulièrement utile à la personne atteinte de schizophrénie qui a un faible degré de fonctionnement ou qui éprouve de la difculté à adhérer à son traitement (APA, 2004). | Thérapie familiale | Le principal objectif des interventions auprès de la famille est de réduire le risque de rechute du client par l’éducation, le soutien ou la formation de toutes les personnes que le client considère comme sa famille. Des interactions efcaces avec les membres de la famille comprennent notamment l’éducation sur le trouble mental et le cours attendu de la maladie, l’enseignement d’habiletés d’adaptation efcaces, de réduction du stress et de résolution de problèmes ainsi que l’aide pour améliorer leur communication an qu’ils puissent participer efcacement au
20 Le système familial est détaillé et les divers modes d’interactions sont expli qués dans le chapitre 20, Modèles et stratégies thérapeutiques.
Autres traitements | Interventions particulières de réadaptation psycho sociale | Les efforts de réadaptation sont devenus de plus en plus importants dans le traitement à long terme de la schizophrénie. La personne dont le trouble est bien maîtrisé par les médicaments, mais qui a de la difculté à effectuer ses AVQ est une excellente candidate pour les interventions de réadaptation. Quand celles-ci sont effectuées à des moments opportuns de la maladie, elles font souvent la différence entre de bons et de mauvais résultats. Plusieurs interventions de réadaptation psychosociale améliorent la qualité de vie des personnes atteintes de schizophrénie. De nombreux établissements offrent des programmes dont le but est d’améliorer les habiletés de la vie quotidienne telles que l’hygiène, l’établissement d’un budget, l’achat de nourriture, la recherche d’emploi, la préparation des repas et d’autres activités semblables. Les programmes d’aide à l’emploi ont permis d’augmenter les heures de travail et le salaire de ces personnes ; les interventions d’urgence à domicile comme le traitement intensif bref à domicile sont prometteuses, car elles réduisent le taux d’abandon du traitement. Ces interventions peuvent revêtir diverses formes, comme des activités de groupe ou un suivi individuel. Elles peuvent aussi avoir comme objectifs l’entraînement aux habiletés sociales, qui permet d’améliorer l’autonomie et l’estime de soi du client, ainsi que l’afrmation de soi. | Ergothérapie | L’ergothérapie est un outil diagnostique qui permet d’évaluer le degré de fonctionnement et le progrès du client atteint de schizophrénie. L’ergothérapeute utilise l’artisanat, par exemple, pour vérier la coordination oculomanuelle, la perception et le tonus musculaire n FIGURE 14.9. Certains ergothérapeutes effectuent des visites à domicile pour offrir du matériel particulier ou la thérapie nécessaire. En fait, les programmes actuels de réadaptation psychosociale dépendent des principes d’apprentissage actifs et dirigés visant à aider le client à retrouver ou à améliorer ses habiletés, ou encore à acquérir des habiletés compensatoires utiles à la vie dans la communauté. Chapitre 14
14
CE QU’IL FAUT RETENIR
Le principal objectif des interventions auprès de la famille est de réduire le risque de rechute du client par l’éducation, le soutien ou la formation de toutes les personnes que le client considère comme sa famille.
i L’Institut universitaire en santé mentale de Québec offre le service Traitement intensif bref à domicile. Le site Web www.institutsmq. qc.ca en donne tous les détails.
Troubles du spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques
363
14.6.5
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution
L’inrmière évalue régulièrement si le client progresse vers les résultats escomptés ou s’il lui faut réviser le PSTI ENCADRÉ 14.10. L’évaluation se fonde sur des énoncés d’interventions et des résultats escomptés comportementaux précis. Elle comprend des notions de qualité, de quantité et de temps. Ces critères sont mesurables. Si tous ces critères sont respectés, le degré acceptable minimal de fonctionnement progresse. FIGURE 14.9 L’ergothérapeute utilise l’artisanat, par exemple, pour vérier la coordination oculomanuelle, la perception et le tonus musculaire n.
La situation clinique SC 14.1 détaille les interventions inrmières pour un client atteint de schizophrénie. La situation clinique SC 14.2 détaille les interventions inrmières pour un client atteint d’un trouble schizoaffectif.
Collecte des données ENCADRÉ 14.10
Signes de rétablissement
L’inrmière s’assure que le client est en mesure : • de prendre les médicaments prescrits ; • de démontrer une absence d’idées suicidaires ; • d’exprimer verbalement la maîtrise de ses hallucinations ; • de déterminer les événements ou les épisodes d’anxiété accrue qui exacerbent les symptômes ; • d’avoir recours à une personne de la famille ou autre qui accepte d’être une ressource de soutien ; • d’accepter la responsabilité de ses propres décisions, actions ou comportements et de ses soins ;
• d’exprimer verbalement des stratégies d’adaptation à l’anxiété, au stress et aux problèmes éprouvés dans la communauté ; • d’avoir accès à un milieu de vie sûr dans la communauté (p. ex., sa maison, un foyer d’hébergement et de soins, une maison de transition) ; • d’utiliser des ressources communautaires connues telles que des groupes de soutien, des centres de jour et des programmes de formation professionnelle ou de réadaptation.
Situation clinique SC
14.1
Schizophrénie
Marc Poirier, un homme âgé de 30 ans, a été séparé de ses parents à l’âge de 18 ans, époque où il reçoit un diagnostic de schizophrénie. Cette maladie est responsable de son comportement imprévisible et perturbateur à la maison, qui nit par devenir intolérable. Monsieur Poirier est envoyé dans un centre d’hébergement et de soins, où il reste tant qu’il prend ses médicaments et qu’il suit le programme du centre de traitement de jour qu’il fréquente. Ce programme lui offre une structure prévisible ainsi que le soutien et l’aide dont il a besoin de la part du personnel, et il lui permet d’établir certains liens et de socialiser. En raison de son trouble, Monsieur Poirier est facilement inuencé par les autres. Un jour, des personnes qu’il considère comme ses amis le persuadent d’utiliser le
chèque d’aide sociale qu’il vient de recevoir pour aller faire la fête. Monsieur Poirier arrête de prendre ses médicaments, consomme diverses drogues illicites et ne se présente pas au centre d’hébergement et de soins ni au centre de traitement de jour pendant une semaine. Un matin, il arrive au centre débraillé, sale, incohérent et effrayé, et il dit : « J’ai vraiment peur. Toutes les personnes que je connais m’ont quitté, car elles pensent que je veux leur faire du mal. J’entends des voix qui me disent que je suis stupide et inutile et que personne ne m’aidera parce que je n’en vaux pas la peine. » Monsieur Poirier est admis à l’unité de soins de courte durée d’un centre hospitalier psychiatrique où une évaluation de sa condition mentale est effectuée dans le but de le traiter adéquatement.
À la suite de son évaluation, l’inrmière formule les constats suivants et élabore un plan de soins avec monsieur Poirier.
364
Partie 3
Troubles mentaux
SC
14.1
Schizophrénie (suite)
PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Perception sensorielle perturbée liée à l’arrêt de la prise des médicaments et à la consommation de drogues illicites, manifestée par des hallucinations auditives
RÉSULTAT ESCOMPTÉ
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES
• Diminution des hallucinations auditives
• Reconnaître l’anxiété et la détresse suscitées par les voix. • Assurer un soutien affectif. • Assurer un environnement sécuritaire. • Diminuer les stimulus.
PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Désorganisation liée à l’incapacité de traiter l’information cognitive, manifestée par la présentation de comportements à risque
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES
• Reprise de la médication • Comportements appropriés aux situations
• Faire de l’enseignement sur la médication. • Encourager le client à remettre en question les interprétations et les représentations biaisées et à considérer des possibilités plus proches de la réalité. • Proposer un modèle de résolution de problèmes. • Valoriser les actions qui contribuent au rétablissement. • Proposer l’intégration à un groupe thérapeutique. • Encadrer les AVQ et les AVD.
PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Mécanismes d’adaptation inefcaces liés à l’incapacité d’évaluer adéquatement des stresseurs et les situations dangereuses, manifestés par un comportement inuençable, des comportements à risque, de l’impulsivité et des interactions sociales difciles
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES
• Gestion de l’impulsivité • Diminution du stress • Interactions sociales sécuritaires • Recours à des ressources de soutien appropriées
• Assurer une surveillance. • Informer le client sur les divers moyens permettant de diminuer le stress et proposer des activités associées. • Explorer avec le client des stratégies d’adaptation différentes. • Favoriser la communication ouverte, basée sur la conance. • Encourager le client à participer à un groupe thérapeutique.
PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Diminution de l’estime de soi liée au rejet des pairs et aux hallucinations auditives, manifestée par la perception d’être stupide et inutile
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES
• Augmentation de l’estime de soi • Augmentation des habiletés sociales
• Favoriser l’écoute active. • Encourager la participation du client à un groupe de soutien ou de thérapie. • Encourager la participation du client aux activités du service ou de l’unité. • Valoriser les actions qui contribuent au rétablissement.
Chapitre 14
Troubles du spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques
365
14
SCHÉMA INTÉGRATEUR À partir des données consignées au dossier du client, la FIGURE 14.10 illustre un exemple de plan de soins mis en œuvre par l’inrmière.
Problème de santé : Schizophrénie
Hallucinations
Hallucinations
Comportement imprévisible
Processus mentaux perturbés
Le client montre une diminution des hallucinations.
Perception sensorielle perturbée ; processus de la pensée perturbé
Le client a un comportement prévisible ; adhère à son traitement médicamenteux ; effectue les AVQ ; tolère les stimulus.
Explorer des stratégies pour réduire l’intensité des hallucinations ; encourager le client à assister à des rencontres de groupe structurées ; prévoir des rencontres individuelles entre le client et l’inrmière ; donner un enseignement au client sur les médicaments.
Réduire les stimulus ; favoriser l’adhésion au traitement médicamenteux ; encourager à effectuer les AVQ ; agir comme un modèle de comportements appropriés.
Hospitalisation ; prescription d’antipsychotiques
Prescription d’antipsychotiques
Facilement inuençable
Adaptation inefcace
Le client peut dire non à ses pairs ; assiste à des rencontres de groupe structurées ; est capable d’interagir avec l’inrmière ; effectue les AVQ ; assiste à des rencontres de groupe de socialisation.
Enseigner des comportements d’afrmation de soi au client ; avoir des interactions individuelles avec lui ; superviser les AVQ ; l’encourager à assister aux rencontres de groupe de socialisation.
Pensées incohérentes
Perception sensorielle perturbée ; processus de la pensée perturbé
Le client a un comportement prévisible ; adhère à son traitement médicamenteux ; effectue les AVQ ; tolère les stimulus.
Réduire les stimulus ; enseigner au client à adhérer à son traitement médicamenteux ; favoriser les rencontres de groupe structurées ; avoir des interactions individuelles avec le client.
Prescription d’antipsychotiques
Constat médical
Facteurs de risque
Problèmes découlant de la situation de santé
Résultats escomptés
Physiopathologie
Manifestations cliniques
Interventions interdisciplinaires
Interventions inrmières
FIGURE 14.10
366
Hallucinations auditives ; comportement imprévisible ; pensées incohérentes ; inuençable
Schizophrénie
Partie 3
Plan de soins et de traitements inrmiers de monsieur Poirier
Troubles mentaux
Situation clinique SC
14.2
Trouble schizoaffectif
Luc Lachapelle, un homme âgé de 45 ans, est courtier en valeurs mobilières dans un bureau du secteur nancier. Il a toujours été très performant, énergique et ambitieux, et il aime relever les dés professionnels. Il s’entend bien avec ses amis et ses collègues, et il est souvent le sujet de la conversation. Il est marié à une avocate de carrière ; ils ont deux lles âgées de 10 et 13 ans, qui sont aussi très performantes. Depuis environ deux semaines, la famille et les amis de monsieur Lachapelle trouvent qu’il n’est plus lui-même. Il se montre moins optimiste et semble plus abattu, et ses conversations sont morbides et traitent de la mort. Il est convaincu que son patron a l’intention de le congédier sans aucune raison. Il ne socialise plus que rarement avec ses amis et collègues, et sa femme a de la difculté à le faire sortir de la maison. Il s’isole dans sa chambre pendant de longues périodes. Il admet avoir de la difculté à s’adapter à son rythme de travail accéléré, et il n’arrive pas à se
débarrasser de ses sentiments pessimistes et de désespoir. Son patron a insisté pour qu’il rencontre le service d’aide aux employés de l’entreprise ; celui-ci lui a recommandé de consulter un psychiatre qui pourrait lui prescrire une médication pour traiter ses symptômes avant que son état ne s’aggrave. Le psychiatre a posé le diagnostic de trouble schizoaffectif et a prescrit une combinaison d’un antipsychotique, la quétiapine (Seroquelmd), pour diminuer les possibilités de passage à l’acte, et d’un antidépresseur, la sertraline (Effexor XR md), pour son humeur dépressive. Toutefois, monsieur Lachapelle a soudainement arrêté de prendre ses médicaments, ce qui a aggravé ses symptômes et a provoqué, pendant deux semaines, des symptômes psychotiques tels que des idées délirantes de persécution et des hallucinations auditives lui disant que la mort était son seul espoir. Sur l’insistance de sa femme, il a accepté de se faire traiter dans une unité de soins psychiatriques d’un centre hospitalier.
À la suite de son évaluation, l’inrmière formule les constats suivants et élabore un plan de soins avec monsieur Lachapelle. PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Risque de suicide lié à l’humeur dépressive, manifesté par des pensées délirantes de mort, des hallucinations auditives, le refus de prendre les médicaments prescrits
RÉSULTAT ESCOMPTÉ
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES
• Diminution des idées suicidaires et prévention du suicide
• Assurer une surveillance étroite. • Déterminer les facteurs de risque et de protection. • Retirer les objets dangereux de l’environnement immédiat.
14
• Encourager le client à verbaliser avec l’inrmière les sentiments négatifs et les idées suicidaires dès leur apparition. • Discuter avec le client de ses forces et de stratégies d’adaptation. • Favoriser l’adhésion au traitement médicamenteux. PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Processus mentaux perturbés liés à un déséquilibre biochimique possible découlant du trouble mental comme l’indiquent les idées délirantes de persécution du client au sujet du projet de congédiement de son patron
RÉSULTAT ESCOMPTÉ
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES
• Meilleur traitement de l’information
• Encourager le client à remettre en question les interprétations et les représentations biaisées et à considérer des possibilités plus proches de la réalité. • Faciliter le processus de prise de décisions. • Favoriser l’adhésion au traitement médicamenteux.
PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Isolement social lié à des modications de l’état mental et à l’incapacité de s’engager dans des relations personnelles satisfaisantes
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES
• Interactions sociales satisfaisantes
• Favoriser l’adhésion au traitement médicamenteux.
• Sentiment de sécurité et d’espoir
• Encourager le client à remettre en question les interprétations et les représentations biaisées et à considérer des possibilités plus proches de la réalité. • Proposer la participation à un groupe de soutien ou de thérapie. • Favoriser la participation de la famille.
Chapitre 14
Troubles du spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques
367
SCHÉMA INTÉGRATEUR À partir des données consignées au dossier du client, la FIGURE 14.11 illustre un exemple de plan de soins mis en œuvre par l’inrmière.
Problème de santé : Trouble schizoaffectif
Déséquilibre des neurotransmetteurs
Humeur dépressive ; idées suicidaires
Le client montre une diminution des idées suicidaires ; adhère à son traitement médicamenteux ; a des connaissances de base sur ses médicaments ; assiste aux rencontres de groupe ; montre de l’espoir en l’avenir.
Assurer un environnement sécuritaire ; évaluer les idées suicidaires ; introduire progressivement des rencontres thérapeutiques individuelles ou de groupe ; éduquer le client sur ses médicaments ; enseigner des habiletés de résolution de problèmes.
Pharmacothérapie ; hospitalisation pour assurer sa sécurité
Le client a des pensées rationnelles ; prend ses médicaments ; assiste à des rencontres de groupe ; a conance aux autres ; résout des problèmes élémentaires.
Évaluer l’efcacité des médicaments ; évaluer les effets indésirables ; donner un enseignement au client sur les médicaments ; proposer un modèle de comportement approprié de la pensée sans réfuter les pensées du client ; remettre en question ses idées délirantes de persécution en soulignant certains faits élémentaires ; encourager le client à adhérer à son traitement médicamenteux ; l’encourager à participer à des rencontres de groupe ou individuelles.
Absence du travail
Absence de socialisation
Isolement social
Isolement social
Le client montre une amélioration considérable de son humeur ; est capable de retourner au travail ; montre une capacité de s’adapter à ses collègues ; accepte l’aide d’un groupe de soutien au travail ; est capable d’utiliser des habiletés élémentaires de résolution de problèmes.
Le client téléphone à un collègue et à un proche ; socialise avec des collègues choisis ; recommence à socialiser avec ses amis ou sa famille.
Encourager la socialisation ; aider le client à mettre en œuvre ses habiletés de résolution de problèmes ; surveiller les signes d’épuisement.
Encourager le client à appeler un collègue ou un proche ; l’aider à mettre en œuvre ses habiletés de résolution de problèmes ; surveiller les signes d’épuisement.
Constat médical
Facteurs de risque
Problèmes découlant de la situation de santé
Résultats escomptés
Physiopathologie
Manifestations cliniques
Interventions interdisciplinaires
Interventions inrmières
FIGURE 14.11
368
Idées délirantes de persécution
Processus de la pensée perturbés ; non-adhésion au traitement médicamenteux
Risque de suicide
Risque de suicide ; psychose ; isolement social
Trouble schizoaffectif
Partie 3
Plan de soins et de traitements inrmiers de monsieur Lachapelle
Troubles mentaux
Analyse d’une situation de santé Garry Johnstone est âgé de 21 ans. Des ambu lanciers l’ont conduit à l’urgence psychiatrique à la suite d’une demande des policiers qui l’ont trouvé par terre dans la rue alors qu’il était en état d’ébriété. Il criait : « Je veux me suicider, j’ai reçu des ordres. » Lorsque vous le rencontrez, il dit en pleurant qu’il ne va pas bien. Ses parents ont été avisés par les policiers. À leur arrivée au centre hospitalier, ils vous conent que leur ls est probablement atteint de schi zophrénie, mais le diagnostic n’est pas encore confirmé. Ils vous informent également qu’il voit un psychiatre chaque jeudi, qu’il prend de la
Jugement clinique quétiapine (Seroquelmd) et qu’il consomme du cannabis depuis quelques semaines. Monsieur Johnstone a toujours été friand de lecture, particulièrement des romans policiers et des aventures fantastiques : « Les person nages me parlent et me donnent des ordres », atil déjà dit à ses parents. Ces derniers ont d’ailleurs constaté qu’il ne prenait plus son médicament depuis deux semaines. Il ne veut plus aller à ses rendezvous hebdomadaires chez le psychiatre, prétextant que c’est inutile et qu’il n’a pas besoin de médication.
Mise en œuvre de la démarche de soins
Collecte des données – Évaluation initiale – Analyse et interprétation
SOLUTIONNAIRE
1. Concernant les hallucinations auditives de monsieur Johnstone, pourquoi devez-vous lui faire préciser les ordres qu’il reçoit ?
Pendant l’entretien que vous avez avec lui, mon sieur Johnstone regarde sans cesse autour de lui, répond plutôt brièvement aux questions, répète qu’il n’a pas besoin d’aide et qu’il est plus brillant que tout le monde : « Je ne veux pas t’en dire trop, tu vas
14
t’en servir contre moi », ajoutetil. Chaque fois que vous lui demandez des précisions, il vous dit que vous n’êtes pas aussi intelligente que lui, que personne ne peut imaginer à quel point il est intel ligent, et répète qu’il ne sert à rien de le soigner.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
2. Dans cet épisode, quel symptôme positif de la schizophrénie monsieur Johnstone présente-t-il ?
Le psychiatre a décidé d’hospitaliser monsieur Johnstone. Lorsque vous l’en avisez, il se fâche et crie
qu’il n’a pas besoin d’aide. Tout de suite après, il pleure, mais répète en riant qu’il ne se sent pas bien.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
3. Comment devez-vous qualier l’affect de monsieur Johnstone ? 4. Le client est-il dangereux pour son entourage actuellement ? Justiez votre réponse.
Vous apprenez de ses parents que monsieur Johnstone néglige son apparence depuis plusieurs jours. D’ailleurs, ses vêtements sont sales et souil lés d’aliments séchés, il est décoiffé et non rasé, il
a de la saleté sous les ongles. Il semble qu’il passe une grande partie de la nuit assis dans un fauteuil à regarder par la fenêtre avec des écouteurs sur les oreilles.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
5. Même si le diagnostic de schizophrénie n’est pas encore confirmé d’après les parents, monsieur Johnstone est-il dans une phase psychotique ? Justiez votre réponse en dressant la liste des symptômes positifs et négatifs de monsieur Johnstone.
Chapitre 14
écemment vu dans ce chapitre Depuis son arrivée, monsieur Johnstone est demeuré dans sa chambre et il est calme. Lors de l’entrevue, il détourne constamment le regard et répond par oui et par non à vos questions. Lorsque vous lui demandez s’il prend sa médication, il répond « Bof... ». Comment qualieriez-vous le discours de monsieur Johnstone ?
Troubles du spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques
369
Extrait des notes d’évolution
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
6. Pourquoi monsieur Johnstone porte-t-il des écouteurs sur les oreilles ? 7. Ajoutez trois problèmes prioritaires nécessitant un suivi clinique particulier dans l’extrait du plan thérapeutique inrmier (PTI) de monsieur Johnstone.
2016-07-15 11:00 Pendant l’entretien, regarde sans cesse autour de lui et répond brièvement aux questions. Dit : « Je ne veux pas t’en dire trop, tu vas t’en servir contre moi. »
Extrait CONSTATS DE L’ÉVALUATION Date
Heure
N°
Problème ou besoin prioritaire
Initiales
2016-07-14 21:30
2
Risque suicidaire
M.R.
2016-07-15 11:00
3
Comportements paranoïdes
A.T.
RÉSOLU / SATISFAIT Date
Heure
Professionnels / Initiales Services concernés
4 5 6 Signature de l’inrmière
Initiales
Programme / Service
Magalie Richard
M.R.
Urgence psychiatrique
Alain Thériault
A.T.
Unité de soin psychiatrique
Vous décidez d’explorer avec monsieur John stone et ses parents les facteurs qui aggravent les hallucinations auditives. Vous apprenez que les
écemment vu dans ce chapitre
Signature de l’inrmière
Initiales
Programme / Service
hallucinations sont plus fortes et que l’anxiété est plus marquée la nuit et que cela peut expliquer le fait qu’il passe une grande partie de la nuit sans dormir.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
Planication des interventions – Décisions inrmières
Vous entrez dans la chambre de monsieur Johnstone pour l’entrevue. Il est assis au bord du lit et balance son tronc d’avant en arrière. Durant l’entrevue, il se lève de son lit, fait le tour de la chambre et se rassoit, puis il répète les mêmes comportements toutes les deux minutes. Lorsque vous lui demandez de demeurer assis, il répond qu’il ne peut s’empêcher de se lever. Comment s’appelle ce comportement ? Quelle pourrait être la cause d’un pareil comportement ?
8. Pourquoi est-il important de déterminer les facteurs qui aggravent les expériences hallucinatoires de monsieur Johnstone ? 9. Une disparition complète des hallucinations auditives de monsieur Johnstone avant son congé du centre hospitalier est-elle un objectif réaliste à atteindre ? Justiez votre réponse. 10. Vériez la réponse à la question 8 et indiquez quelles directives inrmières seraient pertinentes pour assurer le suivi clinique du problème prioritaire numéro 6. Formulez-en deux pouvant être applicables par le préposé aux bénéciaires et les membres de la famille de monsieur Johnstone. Extrait SUIVI CLINIQUE Date
Heure
N°
2016-07-15
11:00
6
Signature de l’inrmière
Directive inrmière
Initiales
Programme / Service
Initiales
Signature de l’inrmière
CESSÉE / RÉALISÉE Date
Initiales
Heure Initiales
Programme / Service
Unité de psychiatrie
Monsieur Johnstone est hospitalisé depuis une semaine. L’inrmière du service de nuit vous rap porte qu’il lit jusqu’au lever du jour et qu’il prend
une douche vers 6 h. Au cours des entretiens que vous avez avec le client, celuici vous dit qu’il porte moins souvent ses écouteurs.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution 11. Devriez-vous conclure que monsieur Johnstone a moins d’hallucinations auditives ? Justiez votre réponse. 12. Pourrait-il y avoir une autre cause pour expliquer l’état psychotique de monsieur Johnstone ?
370
Partie 3
Troubles mentaux
APPLICATION DE LA PENSÉE CRITIQUE Dans l’application de la démarche de soins auprès de monsieur Johnstone, l’inrmière a recours à un ensemble d’éléments (connaissances, expériences antérieures, normes institutionnelles ou protocoles, attitudes professionnelles) pour analyser la situation de santé du client et en comprendre les enjeux.
La FIGURE 14.12 illustre le processus de pensée critique suivi par l’inrmière an de formuler son jugement clinique. Elle résume les principaux éléments sur lesquels l’inrmière s’appuie en fonction des données de ce client, mais elle n’est pas exhaustive.
VERS UN JUGEMENT CLINIQUE CONNAISSANCES
EXPÉRIENCES
NORME
ATTITUDES
• Moments d’apparition des symptômes de la schizophrénie dans le développement de la personne • Phases selon l’évolution du trouble mental • Symptômes positifs et négatifs de la schizophrénie • Caractéristiques des hallucinations et des idées délirantes • Risques pour la personne atteinte • Approches thérapeutiques • Importance de la participation de l’entourage dans le bien-être de la personne atteinte • Garde en établissement • Droits du client selon la législation québécoise • Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui • Critères d’évolution positive
• Expérience de travail en urgence psychiatrique • Expérience de travail dans une unité de soins psychiatriques • Expérience de travail avec la clientèle ayant des troubles liés à l’abus d’alcool ou de drogues • Expérience en relation d’aide • Personne de l’entourage personnel atteinte de schizophrénie
• Activité réservée de l’inrmière d’après l’article 36 de la Loi sur les inrmières et les inrmiers, alinéa 1 (« évaluer la condition physique et mentale d’une personne symptomatique »)
• Manifester de l’empathie et de la compassion envers le client et ses parents • Éviter de raisonner le client, mais porter son attention sur des éléments concrets de la réalité • Être constante par rapport aux règles comme encourager à prendre un bain ou une douche chaque jour • Être respectueuse, éviter de le sermonner
14
PENSÉE CRITIQUE
ÉVALUATION • Hallucinations et facteurs aggravants, contenu des ordres que le client reçoit des voix qu’il entend • Contenu des idées délirantes • Comportements paranoïdes • Hygiène personnelle • Adhésion au traitement • Risque de suicide • Affect • Moyens pris par le client pour avoir une certaine maîtrise sur ses hallucinations auditives • Qualité et quantité du sommeil • Consommation de substances • Risque de violence envers les autres
JUGEMENT CLINIQUE FIGURE 14.12
Application de la pensée critique à la situation clinique de monsieur Johnstone
Chapitre 14
Troubles du spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques
371
Troubles de la personnalité
Chapitre
15
Écrit par : Pamela E. Marcus, RN, APRN/PMH-BC Adapté par : Robert Morin, inf., M. Éd. Mis à jour par : Jean-Pierre Bonin, inf., Ph. D. (Santé publique)
MOTS CLÉS Clivage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Décompensation . . . . . . . . . . . . . . . . . Individuation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Personnalité antisociale. . . . . . . . . . . Personnalité dépendante . . . . . . . . . . Personnalité évitante . . . . . . . . . . . . . Personnalité histrionique . . . . . . . . . . Personnalité limite (borderline). . . . . Personnalité narcissique . . . . . . . . . . Personnalité obsessionnellecompulsive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Personnalité paranoïaque . . . . . . . . . Personnalité schizoïde . . . . . . . . . . . . Personnalité schizotypique . . . . . . . . Sens du moi. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Séparation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Traits de personnalité . . . . . . . . . . . . .
OBJECTIFS 377
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez être en mesure :
380
• de décrire trois éléments du développement de la personnalité exposés par Freud dans les stades du développement psychosexuel ;
377 381 384 384 382 382
• d’expliquer deux contributions de Margaret Mahler et d’Otto Kernberg à la théorie de la relation d’objet ; • d’expliquer deux indices biologiques qui sont souvent anormaux chez le client ayant un trouble de la personnalité ;
383
• de reconnaître deux problèmes pouvant être associés à chaque groupe des troubles de la personnalité ;
385
• de décrire les comportements de clivage chez le client atteint d’un trouble de la personnalité limite (borderline) ;
379 380 380 376
• d’appliquer la démarche de soins au traitement du client ayant un trouble de la personnalité ; • d’élaborer un plan de soins infirmiers pour un client ayant un trouble de la personnalité.
377 374
Disponible sur • • • • •
Activités interactives À retenir Carte conceptuelle Dossier vidéo Ressources
Guide d’études − SA01, RE06, RE16
372
Partie 3
Troubles mentaux
• • • • •
Solutionnaire de l’Analyse d’une situation de santé Solutionnaire des questions de Jugement clinique Solutionnaire des questions Réactivation des connaissances Solutionnaire des questions Récemment vu dans ce chapitre Solutionnaires du Guide d’études
Concepts clés
Cette carte conceptuelle illustre schématiquement les principaux concepts décrits dans le présent chapitre. Sa lecture vous permettra d’avoir une vue d’ensemble des notions qui y sont présentées.
qui sont
causés par
entraînent
sont
principaux problèmes associés
Troubles de la personnalité
DSM-5
Trois groupes : A : personnalités paranoïaque, schizoïde, schizotypique B : personnalités antisociale, limite, histrionique, narcissique C : personnalités évitante, dépendante, obsessionnelle-compulsive
15
exigent
interventions pharmacologiques
principales interventions inrmières
Surveiller l’escalade de la colère Déterminer l’augmentation de l’agressivité Interrompre le comportement colérique Nommer et gérer les émotions intenses Enseigner des stratégies d’adaptation et des méthodes de gestion du stress Donner de l’espoir Favoriser l’autonomie
Chapitre 15
Troubles de la personnalité
373
PORTRAIT
Olivia Mendès Olivia Mendès, âgée de 23 ans, a récemment été arrêtée pour le vol de bonbons et de rouge à lèvres dans un magasin, après une dispute avec son amoureux. Ce n’était pas la première fois que cela lui arrivait. Elle a la réputation d’avoir des comportements illégaux qui découlent généralement de ses relations. Après son arrestation et sur les conseils d’une amie, elle a rencontré une inrmière du groupe de médecine familiale de son quartier pour voir ce qu’elle pouvait faire an de mettre n à ces comportements. Lors de la rencontre, l’inrmière lui a suggéré de rencontrer un psychothérapeute pour explorer la dynamique de l’incident et son lien avec la dispute entre elle et son amoureux. Fâchée, madame Mendès a dit craindre de perdre le respect de ses amis si elle devait rencontrer un psychothérapeute. Elle a quitté la pièce en courant et en criant que l’inrmière ne comprenait pas sa situation, puis elle a claqué la porte. Après un moment, madame Mendès est revenue, a présenté ses excuses à l’inrmière et a demandé à celle-ci de lui pardonner son comportement.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Une personne qui utilise des modes inexibles et inadaptés de résolution de problèmes et de relations interpersonnelles qui entraînent des difcultés de fonctionnement peut être considérée comme ayant un trouble de la personnalité.
15.1
Caractéristiques générales
Selon le DSM-5, Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux, 5e édition, un trouble de la personnalité est une « modalité durable de
l’expérience vécue et des conduites qui dévie notablement de ce qui est attendu dans la culture de l’individu » (American Psychiatric Association [APA], 2015, p. 760). Tous les êtres humains ont une personnalité formée de leur propre dénition du moi, d’habiletés qui leur servent à entrer en relation avec les autres et d’une structure de défense. L’inrmière qui travaille avec des clients atteints de troubles de la personnalité veille à déterminer à quel point une personne compromet ces qualités. Elle le fait en observant comment la personne entre en relation avec les autres, perçoit l’environnement et résout les problèmes. Dans l’étude des critères diagnostiques des divers troubles de la personnalité, il est important de distinguer les traits de personnalité des troubles de la personnalité. Les traits de personnalité sont les comportements et les modes de perception, de relations interpersonnelles et de représentation de l’environnement et de soi-même qui se manifestent dans divers contextes sociaux et personnels (APA, 2015). Ces traits peuvent être adaptés ou inadaptés, selon qu’ils sont inflexibles ou qu’ils causent une importante décience fonctionnelle ou une souffrance subjective. Quand une personne utilise des modes inexibles et inadaptés de résolution de problèmes et de relations interpersonnelles qui entraînent des difcultés de fonctionnement, elle peut être considérée comme ayant un trouble de la personnalité. Les symptômes d’un trouble de la personnalité sont durables et persistants, et ils ne sont pas soulagés par une psychothérapie à court terme ou par le recours à des médicaments. Ces symptômes peuvent s’intensier pendant une crise, mais le comportement inadapté continue après la résolution de la crise. Le DSM-5 dénit six critères généraux des troubles de la personnalité ENCADRÉ 15.1.
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 15.1
Trouble général de la personnalité
A. Modalité durable de l’expérience vécue et des conduites qui dévie notablement de ce qui est attendu dans la culture de l’individu. Cette déviation est manifeste dans au moins deux des domaines suivants. 1. La cognition (c.-à-d. la perception et la vision de soi-même, d’autrui et des événements). 2. L’affectivité (c.-à-d. la diversité, l’intensité, la labilité et l’adéquation de la réponse émotionnelle). 3. Le fonctionnement interpersonnel. 4. Le contrôle des impulsions. B. Ces modalités durables sont rigides et envahissent des situations personnelles et sociales très diverses.
C. Ce mode durable entraîne une souffrance cliniquement signicative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants. D. Ce mode est stable et prolongé et ses premières manifestations sont décelables au plus tard à l’adolescence ou au début de l’âge adulte. E. Ce tableau n’est pas mieux expliqué par la manifestation ou les conséquences d’un autre trouble mental. F. Ce mode durable n’est pas dû aux effets physiologiques directs d’une substance (p. ex., une drogue donnant lieu à abus ou médicament) ou d’une affection médicale générale (p. ex., un traumatisme crânien).
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association, DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved. .
374
Partie 3
Troubles mentaux
Les diagnostics des troubles de la person nalité sont classés selon trois groupes spéciques TABLEAU 15.1. Dans certains cas, une personne peut souffrir de plusieurs troubles de la person nalité appartenant à divers groupes. Il est aussi possible qu’une personne soit atteinte d’un trouble de la personnalité non spécifié lorsque le trouble ne correspond pas aux critères propres à un type en particulier.
Plusieurs chercheurs ont étudié les déciences fonctionnelles des personnes ayant divers types de troubles de la personnalité. Ils ont découvert que celles atteintes d’un trouble de la personnalité schizotypique et d’un trouble de la personnalité limite (borderline) montraient constamment un fonctionnement moyen ou faible dans plusieurs domaines psychosociaux tels que les relations conjugales, les études et la capacité de garder un
TABLEAU 15.1
Groupes de troubles de la personnalité selon certaines caractéristiques
PERSONNALITÉ
CROYANCE CENTRALE
COMPORTEMENT
DYSFONCTIONNEMENTS RELATIONNELS
ILLUSTRATION
Groupe A : la personne ayant un trouble de ce groupe manifeste des comportements bizarres ou excentriques. Concomitance : ces troubles sont susceptibles d’être concomitants avec des troubles psychotiques. Paranoïaque
Les autres sont des ennemis potentiels.
État de guerre
Demeure hypervigilante ; reste à distance, mais à portée d’observation.
Schizoïde
J’ai besoin d’espace, sinon je deviens désorienté.
Isolement
Se tient le plus loin possible des autres.
Schizotypique
Le monde et les autres sont étranges.
Méance
Manifeste des bizarreries et des champs d’intérêt particuliers conduisant à l’isolement.
Groupe B : la personne ayant un trouble de ce groupe manifeste fréquemment un comportement à caractère théâtral, émotif et capricieux. Concomitance : ces troubles sont souvent concomitants avec des troubles dépressifs ou bipolaires, certains troubles anxieux etle trouble de stress post-traumatiquea. Antisociale
Les autres sont des proies.
Attaque
Se montre agressive, afche des comportements de prédateur.
Limite (borderline)
Personne n’est assez fort pour m’aider.
Fuite ou attaque
Manifeste une colère refoulée, de l’imprévisibilité, une immaturité, utilise la manipulation, fait preuve de clivage, de « vampirisme » affectif.
Histrionique
Je dois impressionner les autres.
Dramatisation
Brille pour attirer l’attention.
Narcissique
Je suis quelqu’un de spécial.
Surestimation de soi
Est nourrie par l’admiration ; va vers l’autre, mais se place au-dessus de lui.
15
Groupe C : la personne ayant un trouble de ce groupe manifeste un comportement anxieux et craintif. Concomitance : ces troubles sont souvent liés aux troubles anxieux.
a
Évitante
Je peux être « blessée ».
Évitement
Approche jusqu’à se sentir mal à l’aise ; à proximité, garde une distance ou recule.
Dépendante
Je suis faible et sans protection.
Attachement
Fusionne avec l’autre.
Obsessionnellecompulsive
Je ne dois jamais faire aucune erreur.
Perfectionnisme
Va vers l’autre pour se placer au-dessus de lui, mais pas trop, juste assez pour le dominer.
Goldstein, Compton & Grant (2010). Chapitre 15
Troubles de la personnalité
375
éactivation des connaissances Quelle est la différence entre le mécanisme de défense de refoulement et le mécanisme de défense de répression ?
emploi. Les personnes ayant un trouble de la personnalité évitante montraient une décience intermédiaire du fonctionnement (Choi, Zanarini, Frankenburg et al., 2010 ; Sadock, Sadock & Ruiz, 2014 ; Skodol, Gunderson, McGlashan et al., 2002 ; VanLuyn, Akhtar & Livesley, 2007 ; Zanarini, Weingeroff & Frankenburg, 2009).
15.2
8 Les théories du développement de la personnalité d’Erickson et de Sullivan sont décrites dans le chapitre 8, Développement et vieillissement de la personne.
La personne qui présente les symptômes d’un trouble de la personnalité est incapable de dénir un sens du moi et donc de déterminer ce qu’elle aime, ce qu’elle n’aime pas, ses besoins et ses valeurs. Elle a généralement de la difculté à entrer en relation avec les autres, ce qui lui cause des problèmes de fonctionnement à l’école ou au travail. Certains concepts théoriques aident à comprendre les réactions et les comportements émotionnels de la personne ayant un trouble de la personnalité. Il est nécessaire de connaître les étapes de développement de la personne an de saisir les dysfonctionnements qui peuvent survenir chez une personne atteinte d’un trouble de la personnalité 8 .
15.2.1 CE QU’IL FAUT RETENIR
Chaque personne ayant un trouble de la personnalité utilise un ou plusieurs mécanismes de défense.
12 Les mécanismes de défense selon le DSM-5 sont dénis dans le chapitre 12, Troubles anxieux, trouble obsessionnel-compulsif et troubles apparentés.
Étiologie
Théories freudiennes
Sigmund Freud (1856-1939), le célèbre psychanalyste, a été l’un des premiers étudiants à publier des ouvrages sur le développement humain et le conit psychologique interne. Dans son ouvrage intitulé Trois essais sur la théorie sexuelle, Freud (1905) décrit les cinq stades du développement psychosexuel. Le premier stade est le stade oral qui se base entre autres sur la capacité de l’enfant à entrer en relation avec les autres adéquatement. La conance s’acquiert et entraîne un sens de l’autonomie et de la conance en soi. La personne qui a de la difculté à franchir ce stade manque souvent de conance et est égocentrique, dépendante et jalouse. Le stade anal est le deuxième stade. L’enfant devient alors de plus en plus autonome et indépendant. S’il a la difculté à franchir ce stade, il devient incapable de prendre des décisions, refuse l’amitié ou ne peut partager avec les autres. Le troisième stade déterminé par Freud est le stade phallique, où l’enfant tente de maîtriser ses processus et ses pulsions, et d’acquérir un sens des relations avec les autres dans l’environnement. La personne qui est inca pable de résoudre le conit inhérent au stade phallique peut avoir de multiples troubles mentaux, notamment ceux touchant la fonction du surmoi qu’est la culpabilité. Le stade suivant du développement psychosexuel est le stade latent. Pendant ce stade, l’enfant réprime ses pulsions libidineuses (sexuelles) et porte son attention sur l’apprentissage et le travail. Avec ce stade vient l’exploration de l’environnement et le jeu, où l’enfant apprend à faire les
376
Partie 3
Troubles mentaux
choses et à avoir du plaisir tout en continuant d’acquérir la maîtrise de ses pulsions et de ses émotions. La personne qui éprouve de la difculté à franchir ce stade a trop ou trop peu de maîtrise de soi. Celle qui manque de maîtrise de soi a du mal à entrer en relation avec les autres parce que ses émotions gouvernent ses interactions et ses habiletés en résolution de problèmes. À l’inverse, la personne dont la maîtrise de soi est trop grande a isolé ses émotions, elle est rigide et utilise la répétition des pensées ou du comportement dans ses relations ou la résolution de problèmes. Le dernier stade est le stade génital. Il permet à la personne de retravailler des problèmes qu’elle n’a pas résolus an d’acquérir un sens de l’identité sexuelle et adulte saine et mature. Avec la capacité de travailler et d’apprendre, la personne établit des objectifs et des valeurs dans le contexte de sa propre identité. Les difcultés éprouvées pendant le stade génital compromettent le sens du moi et la capacité d’entrer en relation avec les autres ; ainsi, la personne sera incapable de se livrer à une autocritique, d’atteindre les objectifs xés ou de se former des valeurs. De manière générale, si la personne devient incapable de réussir un passage harmonieux entre les divers stades du développement psychosexuel, un ou des troubles de la personnalité se développeront chez elle puisque certaines faiblesses transparaîtront et nuiront à son fonctionnement TABLEAU 15.2. Anna Freud (1936/1937), fille de Sigmund Freud, a mis au point le concept de mécanismes de défense, des stratégies auxquelles l’ego (le moi) fait appel pour maîtriser ou gérer les conits intérieurs qui surviennent parfois au moment de la transition d’un stade du développement à un autre. Chaque personne ayant un trouble de la personnalité utilise un ou plusieurs mécanismes de défense. Par exemple, la projection se dénit par l’attribution à d’au tres personnes de sentiments que le client ne considère pas comme les siens 12 .
15.2.2
Théories de la relation d’objet
La relation d’objet forme un cadre théorique qui étudie la capacité des personnes d’entrer en relation avec les autres. Il a été élaboré au cours de l’étude du comportement humain, particulièrement du développement de la structure de la personnalité et des relations interpersonnelles. Plusieurs auteurs ont contribué à ce cadre théorique, qui est actuellement réévalué et élargi en tant qu’étude des relations humaines et du développement de la personnalité.
Processus de séparation et d’individuation En considérant la relation d’objet d’un point de vue développemental, Margaret Mahler (18971985) a distingué et étudié la phase de séparation et d’individuation du développement qui se situe
TABLEAU 15.2
Stades du développement psychosexuel de Freud et troubles de la personnalité associés
STADE
PÉRIODE
TROUBLES DE LA PERSONNALITÉ ASSOCIÉS
Oral
De la naissance jusqu’à 1-1,5 an
Paranoïaque, limite (borderline), histrionique
Anal
De 1-1,5 à 3 ans
Antisociale, limite (borderline), histrionique, dépendante
Phallique
De 3 à 6-7 ans
Antisociale, limite (borderline), histrionique, narcissique
Latent
De 6-7 ans jusqu’à la puberté
Limite (borderline), obsessionnelle-compulsive
Génital
Adolescence
Ne s’applique pas
entre les âges de 3 et 25 mois. Sa théorie de la séparation et de l’individuation a découlé d’une étude longitudinale où elle a observé des mères et leur bébé pendant les trois premières années de vie de l’enfant. Le terme séparation, dans ce contexte, désigne l’acquisition graduelle par l’enfant d’un moi distinct et séparé de celui de sa mère. Le terme individuation désigne la reconnaissance des tentatives de l’enfant de former une identité distincte et d’acquérir des caractéristiques qui lui sont propres. Mahler a décrit quatre stades dans le processus de séparation et d’individuation : 1) la différenciation ; 2) les essais ; 3) le rapprochement ; 4) la permanence de l’objet 8 .
sa vie meurt, ce client ne peut la pleurer, mais il pourra présenter un ou plusieurs des états suivants : 1) la dépression ; 2) la colère et la rage ; 3) la peur ; 4) la culpabilité ; 5) la passivité et le sentiment d’impuissance ; 6) le sentiment de vide.
Théorie de Kernberg
• la peur de la personne se trouvant sous l’inuence de cette impulsion projetée ;
Le psychanalyste Otto Kernberg (1928- ) a déterminé deux tâches essentielles que l’ego précoce doit accomplir an d’intérioriser la relation d’objet. La première tâche consiste pour l’enfant à se distinguer des autres, à formuler des sentiments sains au sujet du moi et à s’identier à l’autre. Durant la deuxième tâche, l’enfant doit intégrer les images de soi « bonnes » et « mauvaises » ainsi que des images d’objet (c.-à-d. de l’autre) « positives » et « négatives ». Cette tâche aide la personne à déterminer les forces et les faiblesses du moi et des autres. Les personnes qui ont des relations saines avec leur entourage sont capables de tolérer les caractéristiques « positives » et « négatives » de soi et des autres. Kernberg a déterminé le clivage comme étant un mécanisme de défense primaire de la personne ayant un trouble de la personnalité limite (borderline). Celle-ci a une perception de sa personnalité et de celle des autres comme étant entièrement bonne ou entièrement mauvaise, ce qui la rend incapable d’atteindre un état de permanence de l’objet; donc elle ne parvient pas à évoquer les images de personnes proches quand elles ne sont pas présentes. Elle ne voit pas les autres comme des entités, mais plutôt comme des parties. Elle n’est pas en mesure de maintenir une relation à travers les frustrations de la vie quotidienne et éprouve généralement de la colère et de la rage lorsqu’elle se sent rejetée ou ignorée. Si une personne importante dans
L’identication projective est un autre mécanisme de défense contre l’anxiété permettant de comprendre la personne atteinte d’un trouble de la personnalité du groupe B. Cette défense est un type primitif de projection. Kernberg (1984) en décrit ainsi les caractéristiques : • la tendance à continuer d’expérimenter l’impulsion qui est simultanément projetée sur l’autre personne ;
• le besoin de maîtriser l’autre personne se trouvant sous l’inuence de ce mécanisme.
8 Une description plus détaillée de la théorie de Mahler ainsi que les quatre stades du processus de séparation et d’individuation sont présentés dans le chapitre 8, Développement et vieillissement de la personne.
Par exemple, Kim est fâchée contre sa mère parce que celle-ci désapprouve sa façon de s’habiller. Elle trouve que sa mère est vieux jeu. Kim commence à crier après sa mère et lui dit qu’elle s’habille comme une vieille femme (projection). Sa mère se sent blessée et fâchée, elle hausse la voix et dit à sa lle que ses vêtements sont provocateurs et lui attireront une attention non souhaitée (la mère réagit à la projection). Kim lui dit qu’elle ne veut plus parler de ses sentiments à moins que sa mère lui montre qu’elle se préoccupe d’elle (maîtrise de la réaction de la mère). Dans la foulée des travaux de Kernberg, James Masterson (1926-2010) a déterminé que les troubles de la personnalité apparaissaient davantage chez les enfants qui subissaient quotidiennement des difcultés d’attachement avec leurs parents, car ces derniers répondraient de façon insuffisante à la croissance du moi de l’enfant. De plus, le facteur héréditaire jouerait un rôle dans la formation du tempérament de l’enfant, puisque certains éléments du tempérament peuvent protéger la personne ou lui nuire. Si l’enfant présente une pathologie physique ou mentale perturbant son autonomie d’une façon importante, il risquera une interruption du Chapitre 15
Troubles de la personnalité
377
15
développement du moi. Pour Masterson (1926-2010), les facteurs liés à l’environnement culturel et social pourraient produire davantage de stress de séparation ainsi qu’une incapacité des familles à répondre aux besoins émotionnels de l’enfant. Masterson a déterminé quatre mécanismes de défense qui bloquent le développement du client depuis les étapes de l’individuation et de la séparation jusqu’à l’autonomie : 1) la projection ; 2) la dépendance ; 3) le déni ; 4) l’évitement. Selon Masterson, le client ayant un trouble de la personnalité limite (borderline) reste bloqué dans les sous-phases de l’étape de l’individuation et de la séparation. Cela l’empêche d’atteindre la permanence de l’objet.
15.2.3
Théories biologiques
Des études ayant porté sur des familles, entre autres sur des jumeaux, ont montré une forte inuence génétique, indiquant ainsi certains liens entre les facteurs biologiques et l’organisation de la personnalité (Coryell & Zimmerman, 1989 ; Kavoussi & Siever, 1991 ; Marin, De Meo, Frances et al., 1989 ; Siever, 1992 ; Siever & Davis, 1991). Des travaux de recherche effectués sur des personnes ayant un trouble de la personnalité schizotypique se sont concentrés sur les ressemblances biologiques entre ce trouble et la schizophrénie. Des études ont porté sur des tâches mesurant la capacité de la personne à interpréter correctement l’information de l’environnement, tels le suivi visuel et le masquage rétroactif. Les personnes souffrant de schizophrénie ont de la difculté à effectuer des mouvements oculaires réguliers. Les études sur le suivi visuel décient sont associées aux symptômes négatifs de la schizophrénie, notamment l’isolement social, le détachement et l’incapacité d’entrer en relation avec les autres. Les personnes ayant un trouble de la personnalité schizotypique ont montré des déciences semblables à celles des personnes schizophrènes, mais moins graves (Kavoussi & Siever, 1991 ; Siever, 1985). Modinos et ses collaborateurs (2010) ont comparé les images cérébrales par résonance magnétique de sujets normaux et de personnes ayant obtenu des scores élevés à un test psychométrique pour des expériences schizotypiques. Les images des personnes qui montraient des signes psychotiques infraliminaires, selon les tests psychométriques, étaient similaires à celles des personnes schizophrènes. Certaines mesures neurochimiques sont des indicateurs importants des manifestations biologiques du trouble de la personnalité schizotypique. Siever (1992) a rapporté que des études préliminaires auprès de clients schizotypiques ont montré des concentrations élevées d’acide homovanillique du liquide cérébrospinal (LCS) (liquide céphalorachidien [LCR]) qui étaient corrélées à des critères de type psychotique positifs de la personnalité schizotypique, mais sans les symptômes
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Partie 3
Troubles mentaux
négatifs. Il a aussi mentionné que les clients ayant un trouble de la personnalité schizotypique avaient des concentrations plasmatiques élevées d’acide homovanillique en comparaison des personnes témoins (Kavoussi & Siever, 1991). Chez les clients ayant de la difculté à gérer leur humeur, il s’avère important de considérer certains indices ou tests biologiques. Plusieurs études pionnières ont montré des perturbations de la neurotransmission sérotoninergique centrale, ce qui indique une corrélation entre les comportements agressifs et suicidaires des personnes ayant un trouble de la personnalité et les concentrations réduites d’acide 5-hydroxy-indol-acétique (5-HIA) du liquide cérébrospinal. Puisque cet acide est un métabolite important de la sérotonine, sa faible concentration indique une réduction de l’activité de la sérotonine (Brown & Linnoila, 1990 ; Kavoussi & Siever, 1991 ; Leyton, Okazawa, Diksic et al., 2001 ; Marin et al., 1989). Une faible capacité de synthèse de 5-HIA a été observée, révélant une possible inuence sur le développement des comportements impulsifs chez les personnes ayant un trouble de la personnalité limite (borderline). Il se peut aussi que le cerveau ait de la difculté à moduler et à inhiber les réactions agressives à des stimulus environnementaux. Certaines données indiquent qu’un tracé électroencéphalographique lent et un faible seuil de sédation distinguent les personnes atteintes d’un trouble de la personnalité antisociale de celles ayant un trouble dépressif à long terme (Dewolf, Duron & Loas, 2009). Les recherches récentes sont axées sur le rôle des récepteurs opioïdes dans la régulation émotionnelle. Prossin et ses collaborateurs (2010) ainsi que New et Stanley (2010) ont étudié des personnes ayant un trouble de la personnalité limite (borderline) qui s’inigent des lacérations. Ils ont formulé l’hypothèse que cette automutilation vise à faciliter l’automédication an de réduire les effets d’un état affectif intense. Ces personnes possèdent une faible quantité de récepteurs opioïdes µ (mu) dans le cerveau, qui sont d’importants récepteurs des neurotransmetteurs. En raison de cette faible quantité de récepteurs, ces personnes deviennent incapables de réguler leurs émotions intenses, et elles utilisent donc l’automutilation an d’en favoriser la stabilisation (New & Stanley, 2010 ; Prossin, Love, Koeppe et al., 2010). Cette manifestation de certains marqueurs biologiques chez les personnes ayant un trouble de la personnalité intéresse les chercheurs et les cliniciens, car elle fournit de l’information utile au traitement de cette population. En raison des connaissances accrues sur les fonctions cérébrales et les neurotransmetteurs, il s’avère nécessaire d’étudier davantage ce domaine dans le but d’apporter un éclairage qui aidera à mieux comprendre les troubles de la personnalité.
Épidémiologie et description clinique
Une proportion de 15 % de la population générale serait atteinte d’un trouble de la personnalité (APA, 2015 ; Soeteman, Verheul & Busschbach, 2008). Au Canada, les données portant sur la prévalence des troubles de la personnalité sont rares puisque la plupart de ces troubles sont traités ailleurs que dans un centre hospitalier. De plus, de nombreuses personnes ne recevront jamais un diagnostic ni aucun traitement. Les personnes atteintes d’un trouble de la personnalité limite (borderline) ont des taux d’admission en centre hospitalier plus élevés que celles qui souffrent d’autres troubles en raison de leur taux élevé de comportement suicidaire. Au Canada, 78 % de toutes les admissions en milieu hospitalier pour troubles de la personnalité concernent des personnes âgées de 15 à 44 ans, et les taux étaient plus élevés chez les femmes que chez les hommes (Agence de la santé publique du Canada [ASPC], 2002). Le rapport annuel 2010-2011 de l’Hôpital Louis-H. Lafontaine précise que, sur plus de 1 800 admissions de courte durée, 10,1 % concernaient des personnes qui avaient notamment un diagnostic de trouble de la personnalité, alors que, sur les 78 clients hospitalisés en séjour prolongé, 5,1 % étaient atteints de ce trouble (Institut universitaire en santé mentale de Montréal, 2012). La prévalence des troubles de la personnalité comporte une différenciation de genre ; par exemple, le trouble de la personnalité antisociale est plus fréquent chez les hommes, alors que plus de femmes ont un trouble de la personnalité limite (borderline)
(environ 75 % des cas) ou dépendante (APA, 2015 ; ASPC, 2006). Les données sur les hospitalisations fournissent une image très restreinte des troubles de la personnalité au Canada et doivent être complétées par des données provenant d’autres centres de soins.
15.3.1
Troubles de la personnalité du groupe A
Le groupe A est souvent décrit comme étant le groupe des troubles bizarres ou excentriques. Il inclut les troubles de la personnalité paranoïaque, schizoïde et schizotypique. Les clients appartenant à ce groupe ont tous de la difculté à entrer en relation avec les autres et à socialiser, et ils ont une forte tendance à s’isoler. L’épidémiologie des divers troubles du groupe A est présentée en n de section dans l’ENCADRÉ 15.5 (p. 381).
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les personnes ayant un trouble de la personnalité du groupe A ont de la difculté à entrer en relation avec les autres et à socialiser, et ils ont une forte tendance à s’isoler.
Trouble de la personnalité paranoïaque La personne qui a un trouble de la personnalité paranoïaque a une attitude générale de méance, déforme la réalité et demeure constamment sur ses gardes. Elle s’adapte difcilement au changement, a une forte sensibilité et argumente continuellement. Elle a le sentiment d’être victime de préjudices irréversibles, souvent sans preuve, et manque d’affection envers les autres. Elle est colérique et anxieuse, et elle a de la difficulté à se détendre et à résoudre des problèmes ENCADRÉ 15.2.
clinique
Jugement
15.3
Francine Cadieux, âgée de 52 ans, est célibataire et habite seule dans un édice à logements. Elle se mée des étrangers qu’elle rencontre dans les corridors de l’immeuble, car elle craint que son appartement soit vandalisé. Elle a peu d’amies et ne les reçoit jamais. Quand son frère à qui elle se cone parfois lui pose des questions plutôt personnelles, elle répond toujours vaguement : « Je n’aime pas parler de mes problèmes. Je les ai toujours réglés moi-même. » Madame Cadieux présente-t-elle des traits de personnalité paranoïaque ? Justiez votre réponse.
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 15.2
Personnalité paranoïaque
A. Méance soupçonneuse envahissante envers les autres dont les intentions sont interprétées comme malveillantes, qui apparaît au début de l’âge adulte et est présente dans divers contextes, comme en témoignent au moins quatre des manifestations suivantes : 1. Le sujet s’attend sans raison sufsante à ce que les autres l’exploitent, lui nuisent ou le trompent. 2. Est préoccupé par des doutes injustiés concernant la loyauté ou la délité de ses amis ou associés. 3. Est réticent à se coner à autrui en raison d’une crainte injustiée que l’information soit utilisée de manière perde contre lui. 4. Discerne des signications cachées, humiliantes ou menaçantes dans des commentaires ou des événements anodins.
5. Garde rancune (c.-à-d. ne pardonne pas d’être blessé, insulté ou dédaigné). 6. Perçoit des attaques contre sa personne ou sa réputation, alors que ce n’est pas apparent pour les autres, et est prompt à la contre-attaque ou réagit avec colère. 7. Met en doute de manière répétée et sans justication la délité de son conjoint ou de son partenaire sexuel. B. Ne survient pas exclusivement pendant l’évolution d’une schizophrénie, d’un trouble bipolaire ou d’un trouble dépressif avec caractéristiques psychotiques ou d’un autre trouble psychotique non imputable aux effets physiologiques d’une autre affection médicale. N. B.: Si les critères sont remplis avant l’apparition d’une schizophrénie, indiquer « prémorbide », c.-à-d. « personnalité paranoïaque (prémorbide) ».
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association, DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved. Chapitre 15
Troubles de la personnalité
379
15
Jugement
clinique Jonas Poliquin est âgé de 18 ans. Il a toujours excellé en français depuis la première année du secondaire. Il s’est donc mis à l’écriture de romans jeunesse au point où il s’enferme dans sa chambre, n’en sortant que pour les repas en famille, qu’il s’empresse de terminer. C’est d’ailleurs une occasion pour lui de subir les reproches de ses parents et de sa sœur cadette, car il ne participe à aucune activité familiale. Même s’il a gagné des prix d’écriture et qu’il a publié un premier roman, il ne se réjouit pas de ces honneurs et reste de glace devant les nombreuses félicitations. Quelles caractéristiques d’une personnalité schizoïde reconnaissezvous chez Jonas ?
Trouble de la personnalité schizoïde La personne atteinte d’un trouble de la personnalité schizoïde manque de con fiance envers les autres et montre une incapacité à éta blir des liens interpersonnels. Elle ressent rarement des émotions et a donc de la dif culté à exprimer sa colère et manifeste des réactions pas sives en cas de crises. Elle peut vivre des épisodes psy chotiques brefs en réaction aux événements stressants ENCADRÉ 15.3.
Trouble de la personnalité schizotypique
Décompensation : Rupture d’un équilibre précaire carac térisée par l’effondrement des mécanismes de défense habituels.
La personne atteinte d’un trouble de la personnalité schizotypique peut être qualiée de schizophrène latent. Elle a un comportement apathique et distant. Elle interprète de façon erronée des événements externes et croit que ceuxci se rapportent à elle. Cette personne a des superstitions et des préoccu pations pour des phénomènes paranormaux et croit détenir un pouvoir magique sur les autres FIGURE 15.1. Son affect est plat ou inapproprié (rire lorsque la situation est triste), et elle devient anxieuse dans des situations sociales. La décompensation et les comportements psychotiques peuvent être déclenchés par des événements
FIGURE 15.1 Les croyances bizarres ou les pensées magiques inuent sur le comportement du client atteint du trouble de la personnalité schizotypique.
stressants. Une minorité de personnes atteintes ont une évolution qui mène à la schizophrénie ou à un autre trouble psychotique (APA, 2015) ENCADRÉ 15.4.
15.3.2
Troubles de la personnalité du groupe B
Les troubles de la personnalité du groupe B incluent des comportements dramatiques, un terme largement utilisé pour décrire les per sonnes ayant ces troubles. Les quatre catégories de diagnostics de ce groupe sont : 1) le trouble de la personnalité antisociale ; 2) le trouble de la personnalité limite (borderline) ; 3) le trouble de la personnalité histrionique ; 4) le trouble de la personnalité narcissique. Chaque trouble com porte des caractéristiques uniques, mais les per sonnes touchées ont toutes un mode de vie à
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 15.3
Personnalité schizoïde
A. Mode général de détachement par rapport aux relations sociales et de restriction de la variété des expressions émotionnelles dans les rapports avec autrui, qui apparaît au début de l’âge adulte et est présent dans des contextes divers, comme en témoignent au moins quatre des manifestations suivantes : 1. Le sujet ne recherche ni n’apprécie les relations proches y compris les relations intrafamiliales. 2. Choisit presque toujours des activités solitaires. 3. N’a que peu ou pas d’intérêt pour les relations sexuelles avec d’autres personnes. 4. N’éprouve du plaisir que dans de rares activités, sinon dans aucune.
5. N’a pas d’amis proches ou de condents, en dehors de ses parents du premier degré. 6. Semble indifférent aux éloges ou à la critique d’autrui. 7. Fait preuve de froideur, de détachement ou d’émousse ment de l’affectivité. B. Ne survient pas exclusivement pendant l’évolution d’une schizophrénie, d’un trouble bipolaire ou d’un trouble dépressif avec caractéristiques psychotiques, d’un autre trouble psychotique ou d’un trouble du spectre de l’autisme et n’est pas imputable aux effets physiologiques d’une autre affection médicale. N.B. : Si les critères sont remplis avant l’apparition d’une schizophrénie, indiquer « prémorbide », c.àd. « person nalité schizoïde (prémorbide) ».
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association, DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.A. Crocq, J.D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
380
Partie 3
Troubles mentaux
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 15.4
Personnalité schizotypique
A. Mode général de décit social et interpersonnel marqué par une gêne aiguë et des compétences réduites dans les relations proches, par des distorsions cognitives et perceptuelles, et par des conduites excentriques. Le trouble apparaît au début de l’âge adulte et est présent dans des contextes divers, comme en témoignent au moins cinq des manifestations suivantes : 1. Idées de référence (à l’exception des idées délirantes de référence). 2. Croyances bizarres ou pensée magique qui inuencent le comportement et qui ne sont pas en rapport avec les normes d’un sous-groupe culturel (p. ex., superstition, croyance dans un don de voyance, dans la télépathie ou dans un « sixième » sens ; chez les enfants et les adolescents, rêveries ou préoccupations bizarres). 3. Perceptions inhabituelles, notamment illusions corporelles. 4. Pensée et langage bizarres (p. ex., vagues, circonstanciés, métaphoriques, alambiqués ou stéréotypés).
5. Idéation méante ou persécutoire. 6. Inadéquation ou pauvreté des affects. 7. comportement ou aspect bizarre, excentrique ou singulier. 8. Absence d’amis proches ou de condents en dehors des parents du premier degré. 9. Anxiété excessive en situation sociale qui ne diminue pas quand le sujet se familiarise avec la situation et qui est due à des craintes persécutoires plutôt qu’à un jugement négatif de soi-même. B. Ne survient pas exclusivement pendant l’évolution d’une schizophrénie, d’un trouble bipolaire ou d’un trouble dépressif avec caractéristiques psychotiques, d’un autre trouble psychotique ou d’un trouble du spectre de l’autisme. N.B. : Si les critères sont remplis avant l’apparition d’une schizophrénie, indiquer « prémorbide », c.-à-d. « personnalité schizotypique (prémorbide) ».
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association, DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
ENCADRÉ 15.5
15
Épidémiologie des troubles de la personnalité du groupe A
TROUBLE DE LA PERSONNALITÉ PARANOÏAQUE
• La prévalence de ce type de trouble de la personnalité se situe entre 2,3 % et 4,4 % dans la population générale, de 10 à 30 % chez la population psychiatrique hospitalisée et de 2 à 10 % dans la population psychiatrique vue en consultation. • Les familles dont un ou plusieurs membres ont déjà reçu un diagnostic de trouble de la personnalité paranoïaque présentent un risque accru de ce trouble. • Ce diagnostic s’observe plus fréquemment chez les hommes que chez les femmes. • L’abus de substances s’avère fréquent chez les personnes atteintes.
• Les familles dont un ou plusieurs membres souffrent de schizophrénie ou ont un trouble de la personnalité schizotypique ont une prévalence accrue de ce trouble. TROUBLE DE LA PERSONNALITÉ SCHIZOTYPIQUE
• La prévalence de ce trouble de la personnalité serait d’environ 4,6 % dans la population générale. • Les personnes qui ont un trouble de la personnalité schizotypique consultent un professionnel de la santé pour de l’anxiété ou une dépression et non, généralement, pour les caractéristiques des troubles de la personnalité.
TROUBLE DE LA PERSONNALITÉ SCHIZOÏDE
• Les parents du premier degré, soit le père, la mère et les enfants, des personnes atteintes de schizophrénie ont un risque accru de ce trouble.
• Le diagnostic de ce trouble est rare et s’observe un peu plus fréquemment chez les hommes que chez les femmes.
• Le diagnostic de ce trouble est légèrement plus fréquent chez les hommes que chez les femmes.
Sources : Adapté de APA (2000, 2015) ; National Institute of Mental Health (NIMH) (2013).
caractère théâtral. L’épidémiologie des divers troubles du groupe B est présentée en n de section dans l’ENCADRÉ 15.10 (p. 384).
Trouble de la personnalité antisociale La personne atteinte d’un trouble de la personnalité antisociale a de la difculté à respecter la loi
et les règles établies. Par sa propension à l’illégalité ainsi qu’à l’exploitation et à la manipulation des autres, elle est incapable d’avoir un fonctionnement social acceptable et peut notamment éprouver des problèmes à satisfaire les besoins essentiels de ses enfants. Cette personne s’avère impulsive, manque d’empathie et apprend difcilement de
Chapitre 15
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les personnes touchées par un trouble de la personnalité du groupe B ont toutes un mode de vie à caractère théâtral.
Troubles de la personnalité
381
ses erreurs. Malgré qu’elle puisse paraître charmante au premier contact, elle peut être froide, méprisante et manipulatrice ENCADRÉ 15.6.
Trouble de la personnalité limite (borderline)
Vidéo : Trouble de la personnalité limite (borderline).
Le trouble de la personnalité limite (borderline) se dénit par une impulsivité marquée ainsi que par des relations intenses et houleuses avec autrui . La personne a de la difculté à être seule ou ressent souvent un sentiment d’abandon qui peut provoquer une colère inappropriée. Elle perçoit les autres
comme étant toutes bonnes ou toutes mauvaises et elle a de la difculté à cerner son identité personnelle. An d’éviter l’abandon, la personne peut commettre des actes impulsifs d’autodestruction comme l’automutilation ou des gestes suicidaires ENCADRÉ 15.7.
Trouble de la personnalité histrionique La personne ayant un trouble de la personna lité histrionique est égocentrique et recherche l’attention par des comportements animés et
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 15.6
Personnalité antisociale
A. Mode général de mépris et de transgression des droits d’autrui qui survient depuis l’âge de 15 ans, comme en témoignent au moins trois des manifestations suivantes : 1. Incapacité de se conformer aux normes sociales qui déterminent les comportements légaux, comme l’indique la répétition de comportements passibles d’arrestation. 2. Tendance à tromper pour un prot personnel ou par plaisir, indiquée par des mensonges répétés, l’utilisation de pseudonymes ou des escroqueries. 3. Impulsivité ou incapacité à planier à l’avance. 4. Irritabilité et agressivité, comme en témoigne la répétition de bagarres ou d’agressions. 5. Mépris inconsidéré pour sa sécurité ou celle d’autrui.
6. Irresponsabilité persistante, indiquée par l’incapacité répétée d’assumer un emploi stable ou d’honorer des obligations nancières. 7. Absence de remords, indiquée par le fait d’être indifférent ou de se justier après avoir blessé, maltraité ou volé autrui. B. Âge au moins égal à 18 ans. C. Manifestations d’un trouble des conduites débutant avant l’âge de 15 ans. D. Les comportements antisociaux ne surviennent pas exclusivement pendant l’évolution d’une schizophrénie ou d’un trouble bipolaire.
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association, DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
Critères diagnostiques du DSM 5 ENCADRÉ 15.7
Personnalité limite (borderline)
Mode général d’instabilité des relations interpersonnelles, de l’image de soi et des affects avec une impulsivité marquée, qui apparaît au début de l’âge adulte et est présent dans des contextes divers, comme en témoignent au moins cinq des manifestations suivantes : 1. Efforts effrénés pour éviter les abandons réels ou imaginés. (N.B. : Ne pas inclure les comportements suicidaires ou les automutilations énumérés dans le critère 5.) 2. Mode de relations interpersonnelles instables et intenses caractérisées par l’alternance entre des positions extrêmes d’idéalisation excessive et de dévalorisation. 3. Perturbation de l’identité : instabilité marquée et persistante de l’image ou de la notion de soi. 4. Impulsivité dans au moins deux domaines potentiellement dommageables pour le sujet (p. ex., dépenses, sexualité,
5. 6.
7. 8.
9.
toxicomanie, conduite automobile dangereuse, crises de boulimie). (N.B. : Ne pas inclure les comportements suicidaires ou les automutilations énumérés dans le critère 5.) Répétition de comportements, de gestes ou de menaces suicidaires, ou d’automutilations. Instabilité affective due à une réactivité marquée de l’humeur (p. ex., dysphorie épisodique intense, irritabilité ou anxiété durant habituellement quelques heures et rarement plus de quelques jours). Sentiments chroniques de vide. Colères intenses et inappropriées ou difculté à contrôler sa colère (p. ex., fréquentes manifestations de mauvaise humeur, colère constante ou bagarres répétées). Survenue transitoire dans des situations de stress, d’une idéation persécutoire ou de symptômes dissociatifs sévères.
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association, DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
382
Partie 3
Troubles mentaux
théâtraux (p. ex., faire une scène ou inventer des histoires). Flamboyante et supercielle, elle peut porter une grande attention à son apparence physique et chercher une satisfaction immédiate de ses demandes FIGURE 15.2. Étant donné sa grande dépendance à l’estime que lui portent les autres, elle peut utiliser des gestes suicidaires et des menaces lorsqu’elle se sent abandonnée. Elle peut se plaindre de maladies physiques et somatiques. Le fonctionnement de la pensée de la personne histrionique fait preuve d’une logique vague, d’un manque de convictions dans ses arguments, et elle change fréquemment d’opinion ENCADRÉ 15.8.
Trouble de la personnalité narcissique Les personnes atteintes d’un trouble de la personnalité narcissique manquent d’humilité et croient avoir une valeur démesurée. Elles exploitent les autres et se sentent au-dessus d’eux. Ces personnes sont optimistes et insouciantes ; toutefois, quand elles n’obtiennent pas ce qu’elles veulent, elles se mettent en colère, ont honte ou se découragent. Elles
FIGURE 15.2 La recherche d’attention et de séduction exagérée est une caractéristique de la personnalité histrionique.
deviennent très préoccupées par des fantasmes de succès, d’intelligence, de beauté et d’amour idéal ENCADRÉ 15.9.
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 15.8
Personnalité histrionique
Mode général de réponses émotionnelles excessives et de quête d’attention, qui apparaît au début de l’âge adulte et est présent dans des contextes divers, comme en témoignent au moins cinq des manifestations suivantes : 1. Le sujet est mal à l’aise dans les situations où il n’est pas au centre de l’attention d’autrui. 2. L’interaction avec autrui est souvent caractérisée par un comportement de séduction sexuelle inadaptée ou une attitude provocante.
3. 4. 5. 6. 7. 8.
Expression émotionnelle supercielle et rapidement changeante. Utilise régulièrement son aspect physique pour attirer l’attention sur soi. Manière de parler trop subjective, mais pauvre en détails. Dramatisation, théâtralisme et exagération de l’expression émotionnelle. Suggestibilité, est facilement inuencé par autrui ou par les circonstances. Considère que ses relations sont plus intimes qu’elles ne le sont en réalité.
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association, DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 15.9
Personnalité narcissique
Mode général de fantaisies ou de comportements grandioses, de besoin d’être admiré et de manque d’empathie qui apparaissent au début de l’âge adulte et sont présents dans des contextes divers, comme en témoignent au moins cinq des manifestations suivantes : 1. Le sujet a un sens grandiose de sa propre importance (p. ex., surestime ses réalisations et ses capacités, s’attend à être reconnu comme supérieur sans avoir accompli quelque chose en rapport). 2. Est absorbé par des fantaisies de succès illimité, de pouvoir, de splendeur, de beauté ou d’amour idéal. 3. Pense être « spécial » et unique et ne pouvoir être admis ou compris que par des institutions ou des gens spéciaux et de haut niveau.
4. Besoin excessif d’être admiré. 5. Pense que tout lui est dû : s’attend sans raison à bénécier d’un traitement particulièrement favorable et à ce que ses désirs soient automatiquement satisfaits. 6. Exploite l’autre dans les relations interpersonnelles : utilise autrui pour parvenir à ses propres ns. 7. Manque d’empathie : n’est pas disposé à reconnaître ou à partager les sentiments et les besoins d’autrui. 8. Envie souvent les autres, et croit que les autres l’envient. 9. Fait preuve d’attitudes et de comportements arrogants et hautains.
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association, DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
Chapitre 15
Troubles de la personnalité
383
15
ENCADRÉ 15.10
Épidémiologie des troubles de la personnalité du groupe B
TROUBLE DE LA PERSONNALITÉ ANTISOCIALE
• Ce trouble est généralement diagnostiqué vers l’âge de 18 ans. • Les personnes affectées (entre 0,2 et 3,3), ont des antécédents de troubles des conduites avant l’âge de 15 ans (APA, 2015). • La prévalence de ce trouble est de 3 % chez les hommes et de 1 % chez les femmes. • Les caractéristiques de ce trouble sont évidentes au début de l’enfance chez les garçons et à la puberté chez les lles. • Un fort pourcentage des personnes ayant reçu ce diagnostic se trouve dans des centres de désintoxication et dans des prisons. • L’abus de drogues ou d’alcool est fréquent chez les personnes atteintes. TROUBLE DE LA PERSONNALITÉ LIMITE (BORDERLINE)
• La moitié de ces personnes feront des tentatives de suicide, et jusqu’à 10 % de ce nombre se suicideront. • Les trois quarts des clients ayant reçu ce diagnostic sont des femmes. • Les personnes recevant ce diagnostic ont souvent des antécédents de violence physique ou sexuelle, de négligence, de conit hostile ou de perte ou de séparation parentale précoce. TROUBLE DE LA PERSONNALITÉ HISTRIONIQUE
• Certaines études montrent un diagnostic plus fréquent chez les femmes que chez les hommes, alors que d’autres indiquent des prévalences similaires chez les deux genres. • Une prévalence se situant entre 2 et 3 % serait observable dans la population générale ; toutefois, des études utilisant des instruments particuliers fournissent plutôt des chiffres se situant entre 10 et 15 %.
• Ce trouble touche de 1,6 à 5,9 % de la population générale, 10 % des personnes vues en consultation psychiatrique et environ 20 % des clients hospitalisés en psychiatrie (APA, 2015).
TROUBLE LA PERSONNALITÉ NARCISSIQUE
• La prévalence se situe entre 30 et 60 % dans la population qui consulte en milieu clinique pour un trouble de la personnalité.
• La prévalence de ce trouble est de 0 à 6,2 % dans la population générale et se situe entre 2 et 16 % au sein de la population psychiatrique (APA, 2015).
• Le diagnostic de ce trouble est posé dans 50 à 75 % des cas chez les hommes.
Sources : Adapté de APA (2000, 2015) ; Association québécoise pour les parents et amis de la personne atteinte de maladie mentale (2012) ; NIMH (2013).
15.3.3
Troubles de la personnalité du groupe C
Jugement
clinique
384
Steve Roy est âgé de 25 ans. Il a été arrêté à plusieurs reprises pour conduite en état d’ébriété. À chaque fois, il racontait des histoires invraisemblables pour expliquer son comportement. Il a tenu des propos très agressifs envers un agent de police plus d’une fois. Il a même montré un permis de conduire qui n’était pas le sien puisqu’il l’avait volé à un de ses amis. Il a déjà tué des animaux par sa conduite dangereuse et renversé un piéton en brûlant un feu rouge : « Je me fous totalement de ce qui lui est arrivé par la suite. Ce n’est pas de ma faute si les animaux sont dans les rues », dit-il. D’après ces données, quel type de personnalité du groupe B Steve présente-t-il ? Justiez votre réponse.
Partie 3
Troubles mentaux
Les troubles de la personnalité du groupe C sont de type anxieux ou craintif. Ce sont notamment les troubles de la personnalité évitante, dépendante et obsessionnelle-compulsive. L’ ENCADRÉ 15.14 (p. 387) présente en n de section l’épidémiologie des divers troubles du groupe C.
Trouble de la personnalité évitante Le trouble de la personnalité évitante se caractérise par une timidité excessive, la peur de la critique, de la désapprobation et du rejet.
Les personnes atteintes de ce trouble sont donc souvent très solitaires, malgré qu’elles désirent la présence des autres. Elles ont tendance à cacher leurs pensées et leurs sentiments, afchent une idée négative d’elles-mêmes et une faible estime de soi. La difculté à établir des liens avec les autres peut les mener à la dépression ou à une colère dirigée vers elles-mêmes ENCADRÉ 15.11.
Trouble de la personnalité dépendante La personne ayant un trouble de la personnalité dépendante a un désir excessif qu’on s’occupe d’elle, ce qui fait qu’elle se place souvent en position de soumission devant les autres. Elle devient incapable d’exprimer des émotions négatives. Elle manque de conance en elle et montre une très grande générosité, faisant passer les besoins d’autrui avant les siens. Elle a beaucoup de difculté à terminer les tâches qu’elle entreprend et évite d’avoir à prendre des décisions ENCADRÉ 15.12.
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 15.11
Personnalité évitante
Mode général d’inhibition sociale, de sentiments de ne pas être à la hauteur et d’hypersensibilité au jugement négatif d’autrui qui apparaît au début de l’âge adulte et est présent dans des contextes divers, comme en témoignent au moins quatre des manifestations suivantes : 1. Le sujet évite les activités sociales professionnelles qui impliquent des contacts importants avec autrui par crainte d’être critiqué, désapprouvé ou rejeté. 2. Réticence à s’impliquer avec autrui à moins d’être certain d’être aimé.
3. Est réservé dans les relations intimes par crainte d’être exposé à la honte ou au ridicule. 4. Craint d’être critiqué ou rejeté dans les situations sociales. 5. Est inhibé dans les situations interpersonnelles nouvelles à cause d’un sentiment de ne pas être à la hauteur. 6. Se perçoit comme socialement incompétent, sans attrait ou inférieur aux autres. 7. Est particulièrement réticent à prendre des risques personnels ou à s’engager dans de nouvelles activités par crainte d’éprouver de l’embarras.
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association, DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 15.12
Personnalité dépendante
Besoin général et excessif d’être pris en charge qui conduit à un comportement soumis et « collant » et à une peur de la séparation, qui apparaît au début de l’âge adulte et est présent dans des contextes divers, comme en témoignent au moins cinq des manifestations suivantes : 1. Le sujet a du mal à prendre des décisions dans la vie courante sans être rassuré ou conseillé de manière excessive par autrui. 2. A besoin que d’autres assument les responsabilités dans la plupart des domaines importants de sa vie. 3. A du mal à exprimer un désaccord avec autrui de peur de perdre son soutien ou son approbation. (N.B. : Ne pas tenir compte d’une crainte réaliste de sanctions.)
4. a du mal à initier des projets ou à faire des choses seul (par manque de conance en son propre jugement ou en ses propres capacités plutôt que par manque de motivation ou d’énergie). 5. Cherche à outrance à obtenir le soutien et l’appui d’autrui, au point de se porter volontaire pour faire des choses désagréables. 6. Se sent mal à l’aise ou impuissant quand il est seul par crainte exagérée d’être incapable de se débrouiller. 7. Lorsqu’une relation proche se termine, cherche de manière urgente une autre relation qui puisse assurer les soins et le soutien dont il a besoin. 8. Est préoccupé de manière irréaliste par la crainte d’être laissé à se débrouiller seul.
15
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association, DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
La personne qui a un trouble de la personnalité obsessionnelle-compulsive se montre très rigide et a de la difculté à se détendre FIGURE 15.3. Elle démontre une autocritique très importante et manifeste une incapacité à se pardonner ses propres erreurs. Elle ne peut abandonner des projets en raison de l’insatisfaction qu’elle ressent. Elle rejette systématiquement les compliments et insiste pour que les autres se conforment à ses propres méthodes. Elle manifeste une grande préoccupation pour la logique et l’intellect et un comportement conscient des règles. Ses relations avec les autres deviennent rigides et formelles ENCADRÉ 15.13.
15.3.4
Troubles de la personnalité non spéciés
La catégorie des troubles de la personnalité non spéciés comprend les personnes dont la personnalité répond aux critères généraux d’un trouble de la personnalité, mais pas à ceux d’un trouble de la personnalité particulier. Elle décrit aussi la personne dont la personnalité répond aux critères généraux d’un trouble de la
clinique
Jugement
Trouble de la personnalité obsessionnelle-compulsive
Laurie-Ann Cloutier est âgée de 20 ans. Son ami de cœur l’a quittée il y a cinq jours, et elle cherche désespérément un autre copain depuis. Pourtant, sa meilleure amie tente de lui faire comprendre qu’elle doit prendre le temps de faire son deuil de cette relation avant d’en entreprendre une autre. Madame Cloutier travaille comme vendeuse dans la quincaillerie familiale. Elle aimerait retourner aux études, mais à condition que sa mère soit d’accord. « C’est une trop grosse décision que je ne peux prendre toute seule. J’ai trop peur de me tromper. J’aimerais que mes parents m’aident à choisir un métier qui leur plaira également, en fait, j’aimerais qu’ils choisissent pour moi », dit-elle. Quel type de personnalité du groupe C caractérise les comportements de madame Cloutier ? Justiez votre réponse.
Chapitre 15
Troubles de la personnalité
385
SCHÉMA DES QUATRE DIMENSIONS Personnalité obsessionnelle-compulsive DIMENSION PHYSIQUE • Attitude calme et retenue
DIMENSION PSYCHOLOGIQUE
• Apparence soignée
• Incapacité de jeter des objets usés ou sans utilité même s’ils n’ont pas de valeur sentimentale • Rigidité et entêtement
Marie Gagnon est une mère de famille âgée de 45 ans. C’est une femme posée et discrète. Elle est pleine de retenue, sauf lorsqu’on la pousse à sortir de sa routine. Madame Gagnon est particulièrement attentive à son apparence, ses vêtements sont parfaitement repassés, elle est très bien mise.
Il est impensable pour madame Gagnon de se défaire des divers objets qu’elle a accumulés au cours de sa vie. Lorsque son conjoint lui propose de se départir de meubles endommagés pour les remplacer, elle oppose un entêtement farouche.
DIMENSION SOCIALE
DIMENSION SPIRITUELLE
• Ferveur excessive pour le • Avarice pour soi-même et travail au détriment des loisirs pour les autres ; l’argent et des amitiés (sans impératif est économisé en vue de économique évident) catastrophes futures • Préoccupation pour les détails, minutie
• Scrupules et rigidité excessifs sur des questions de morale, d’éthique ou de valeur Madame Gagnon afrme ne pratiquer aucune religion. Elle a été élevée dans une famille ayant un sens moral très élevé. Elle s’oppose fortement à l’avortement et à l’euthanasie et refuse d’entendre les avis contraires.
Au travail, le respect des règlements fait de madame Gagnon une employée loyale, bien qu’elle soit souvent inefcace en raison de sa minutie maladive pour les détails. Elle refuse régulièrement les sorties entre amis ou en famille, et les invitations se font plus rares. Elle est grandement préoccupée par l’argent et elle refuse d’aider ses deux enfants qui poursuivent leurs études collégiales an de conserver toutes ses économies pour parer aux imprévus.
FIGURE 15.3
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 15.13
Personnalité obsessionnelle-compulsive
Mode général de préoccupation pour l’ordre, le perfectionnisme et le contrôle mental et interpersonnel, aux dépens d’une souplesse, d’une ouverture et de l’efcacité, qui apparaît au début de l’âge adulte et est présent dans des contextes divers, comme en témoignent au moins quatre des manifestations suivantes : 1. Préoccupation pour les détails, les règles, les inventaires, l’organisation ou les plans au point que le but principal de l’activité est perdu de vue. 2. Perfectionnisme qui entrave l’achèvement des tâches (p. ex., incapacité d’achever un projet parce que des exigences personnelles trop strictes ne sont pas remplies). 3. Dévotion excessive pour le travail et la productivité à l’exclusion des loisirs et des amitiés (sans que cela
4.
5. 6.
7.
8.
soit expliqué par des impératifs économiques évidents). Est trop consciencieux, scrupuleux et rigide sur des questions de morale, d’éthique ou de valeurs (sans que cela soit expliqué par une appartenance religieuse ou culturelle). Incapacité de jeter des objets usés ou sans utilité même si ceux-ci n’ont pas de valeur sentimentale. Réticence à déléguer des tâches ou à travailler avec autrui à moins que les autres se soumettent exactement à sa manière de faire les choses. Se montre avare avec l’argent pour soi-même et les autres ; l’argent est perçu comme quelque chose qui doit être thésaurisé en vue de catastrophes futures. Se montre rigide et têtu.
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association, DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
386
Partie 3
Troubles mentaux
ENCADRÉ 15.14
Épidémiologie des troubles de la personnalité du groupe C
TROUBLE DE LA PERSONNALITÉ ÉVITANTE
• La fréquence du diagnostic de ce trouble est semblable chez les hommes et les femmes.
• Les enfants ou les adolescents qui souffrent d’une maladie physique chronique ou d’anxiété de séparation peuvent être prédisposés à ce trouble.
• La prévalence dans la population générale est de 2,4 % (APA, 2015).
TROUBLE DE LA PERSONNALITÉ OBSESSIONNELLECOMPULSIVE
TROUBLE DE LA PERSONNALITÉ DÉPENDANTE
• Le diagnostic de ce trouble est deux fois plus élevé chez les hommes que chez les femmes.
• Le diagnostic de ce trouble est plus fréquent chez les femmes que chez les hommes. La prévalence dans la population générale se situe entre 0,49 et 0,6 % (APA, 2015). • Les symptômes apparaissent à un jeune âge.
• La prévalence dans la population générale se situe entre 2,1 et 7,9 %, alors que ce pourcentage se situe entre 3 et 10 % parmi les clients vus en consultation psychiatrique (APA, 2015).
Sources : Adapté de APA (2002, 2015) ; NIMH (2013).
personnalité, mais qui a un trouble de la personnalité ne faisant pas partie de la classication actuelle, par exemple un trouble de la personnalité passive-agressive.
15.4
Pronostic
Au moment de soigner un client qui souffre d’un trouble de la personnalité, il est important de tenir compte du pronostic de rétablissement, particulièrement pendant la planication des soins et l’évaluation. Par dénition, la personne qui a un trouble de la personnalité montre des
comportements rigides et envahissants ainsi que des conduites qui dévient notablement de ce qui est attendu dans sa culture (APA, 2015). Ces comportements commencent pendant l’adolescence ou au début de l’âge adulte, et ils demeurent stables à long terme. Les symptômes d’un trouble de la personnalité sont une source de souffrance et de détresse ainsi que de perturbations fonctionnelles et relationnelles. Le pronostic est incertain en raison de la nature inhérente et envahissante d’un tel trouble (Choi et al., 2010 ; Zanarini, Frankenburg, Reich et al., 2010) ENCADRÉ 15.15.
15
Des attentes réalistes de rétablissement comprennent un engagement du client à explorer et à
Recherche pour une pratique fondée sur des résultats probants ENCADRÉ 15.15
Potentiel de rémission pour le trouble de la personnalité limite (borderline)
Zanarini et ses collaborateurs (2006, 2010) ont étudié 290 personnes au cours d’une recherche longitudinale d’une durée de 10 ans an de déterminer si les symptômes du trouble de la personnalité limite (TPL) (borderline) peuvent indiquer une rémission. Tous les participants de la recherche originale ont été hospitalisés dans une unité d’un hôpital psychiatrique de la Nouvelle-Angleterre pour des symptômes liés au TPL. Les chercheurs ont donné aux participants plusieurs outils permettant de vérier le diagnostic de ce trouble. Les sujets ayant des antécédents de schizophrénie, de trouble schizoaffectif, de trouble bipolaire I ou d’une affection organique ont été exclus de l’étude. Deux évaluateurs ont réalisé les entrevues et posé les diagnostics. Les sujets ont été suivis pendant 10 ans au cours desquels ils ont passé une entrevue tous les 2 ans. Les chercheurs ont déni la rémission comme un état ne répondant plus aux critères de TPL et du Revised Diagnostic Interview for Borderlines. Des 275 sujets de recherche retenus, 242 ont connu une rémission des symptômes de TPL. Les personnes qui ont eu
une rémission étaient plus jeunes au moment du premier diagnostic de TPL et n’avaient jamais été hospitalisées pour un trouble mental avant de l’être pour la recherche initiale. Ces personnes n’avaient pas été victimes de violence sexuelle au cours de l’enfance, et elles avaient subi moins de violence ou de négligence grave pendant cette période. Leurs antécédents familiaux ne comportaient pas de trouble dépressif ou bipolaire ni de trouble lié à une substance. Il n’y avait pas de trouble de stress post-traumatique ni de symptômes anxieux des troubles de la personnalité du groupe C. Les personnes qui ont eu une rémission montraient un faible névrosisme (c.-à-d. une prédisposition pour des états affectifs négatifs tels que la détresse, l’anxiété et la colère), étaient très extroverties, agréables et consciencieuses et possédaient un bon dossier professionnel. La rémission des symptômes a été décrite comme un bon fonctionnement social et professionnel pendant deux ans. Les statistiques ont montré que, pendant les 10 années de l’étude, 50 % des personnes ont connu une rémission des
Chapitre 15
Troubles de la personnalité
387
ENCADRÉ 15.15
Potentiel de rémission pour le trouble de la personnalité limite (borderline) (suite)
symptômes de TPL pendant 2 ans. Toutefois, 34 % d’entre elles ont été incapables de rester en rémission. Une proportion de 93 % des participants ont eu une certaine rémission des symp tômes de TPL pendant 2 ans, et 86 %, une rémission continue pendant 4 ans. Parmi les personnes qui ont eu une rémission de certains de leurs symptômes pendant 2 ans, 30 % ont subi une récurrence des symptômes ; 15 % de personnes qui ont eu une rémission pendant 4 ans ont subi une récurrence des symp tômes. Cette recherche met en évidence les symptômes durables de ce trouble de la personnalité. Il est généralement difcile pour les personnes ayant un TPL de rester en rémission. Si la personne était capable de se rétablir, elle était décrite comme étant apte à maintenir ce rétablissement pendant les 10 années de l’étude.
évaluer ses pensées et ses comportements, particulièrement dans des situations de stress. L’inrmière joue un rôle important en fournissant un soutien, des outils d’exploration et un enseignement au client. Lorsque celui-ci est capable d’utiliser la connaissance de ses comportements dysfonctionnels pour prédire comment il réagira à un stresseur,
Cette recherche s’avère utile aux thérapeutes qui soignent des personnes atteintes d’un TPL, car il leur est possible d’anticiper qu’un client peut avoir une rémission si les caractéristiques mentionnées ici sont combinées à une psychothérapie. RÉFÉRENCES
Zanarini, M.C., Frankenburg, F.R., Hennen, J., et al. (2006). Prediction of the 10 year course of borderline personality disorder. Am J Psychiatry, 163 (5), 827834. Zanarini, M.C., Frankenburg, F.R., & Reich, D.B. (2010). Time to attainment of recovery from borderline personality disorder and stability of recovery : A 10year prospective followup study. Am J Psychiatry, 167 (6), 663667.
il peut apprendre de nouvelles réactions et améliorer son fonctionnement. Ce processus doit généralement être répété au l du temps avant qu’un changement des comportements et des pensées se produise. Par conséquent, le traitement à long terme visant la résolution de problèmes et la restructuration cognitive est indiqué pour ce type de client.
15.5 Démarche de soins 15.5.1 CE QU’IL FAUT RETENIR
Les personnes qui ont un trouble de la personnalité sont souvent renfermées, sur la défensive, réservées et impulsives, mais elles peuvent aussi être aimables et amicales.
Collecte des données – Évaluation initiale
L’évaluation des clients ayant un trouble de la personnalité s’effectue dans divers milieux puisque ces clients sont généralement traités dans les services de consultation externe tels que les centres de jour, les unités d’hospitalisation à temps partiel, les cliniques, les groupes de médecine familiale (GMF) ou les bureaux privés. Les personnes ayant un trouble de la personnalité limite (borderline)
FIGURE 15.4 L’entrevue d’évaluation initiale doit s’effectuer dans un environnement confortable et privé.
388
Partie 3
Troubles mentaux
font souvent exception et sont hospitalisées en raison de leurs comportements d’automutilation et de leurs idées suicidaires. Les personnes atteintes du trouble de la personnalité antisociale sont aussi souvent hospitalisées par ordre des tribunaux ; dans ces cas, l’intervention psychiatrique peut remplacer l’emprisonnement. Lorsque l’inrmière effectue l’évaluation initiale d’un client ayant un trouble de la personnalité, elle doit réaliser l’entrevue dans un environnement confortable, tranquille, privé et sécuritaire FIGURE 15.4. Elle doit prendre les mesures nécessaires pour ne pas être interrompue pendant l’évaluation. Les personnes qui ont un trouble de la personnalité sont souvent renfermées, sur la défensive, réservées et impulsives, mais elles peuvent aussi être aimables et amicales. Pendant l’entrevue, il est important d’éviter de juger ou d’affronter le client. S’il se met en colère ou fait des commentaires hostiles ou menaçants en réaction aux questions d’évaluation, une pause peut aider à le calmer. Il faut éviter de le menacer d’une intervention coercitive (isolement, restrictions) puisque cela peut provoquer de l’anxiété d’abandon et lui faire perdre la maîtrise de soi. La collecte des données nécessaires à l’évaluation détaillée d’un client ayant un trouble de la personnalité est présentée dans l’ENCADRÉ 15.16.
Collecte des données ENCADRÉ 15.16
Évaluation des manifestations du trouble de la personnalité
Les cinq domaines du comportement humain examinés sont les domaines physique, émotionnel, cognitif, social et spirituel. DOMAINE PHYSIQUE
1. Le client semble-t-il effectuer adéquatement ses activités de la vie quotidienne ? 2. Afche-t-il une apparence soignée ? 3. A-t-il une tenue vestimentaire appropriée ? 4. Semble-t-il se nourrir adéquatement ? 5. Semble-t-il faire régulièrement de l’exercice ? 6. Montre-t-il des signes d’une maladie physique quelconque ? 7. Se concentre-t-il sur des préoccupations somatiques ? 8. Est-il capable de maintenir un contact visuel ? 9. Est-il tendu ? 10. Montre-t-il des signes de stimulation du système nerveux sympathique, d’excitation cardiovasculaire, de vasoconstriction supercielle ou de dilatation des pupilles ? 11. Mentionne-t-il avoir des troubles de l’alternance veille-sommeil ? 12. Regarde-t-il autour de lui avec méance ? 13. A-t-il des mouvements inappropriés, par exemple une démarche traînante ou des mouvements anormaux des mains et des bras ? 14. A-t-il le visage tendu ? 15. A-t-il une voix tremblante ? 16. A-t-il une transpiration accrue ? 17. A-t-il des antécédents de l’une des affections physiques suivantes ? a) Épilepsie temporale b) Trouble progressif du système nerveux central c) Trauma craniocérébral d) Déséquilibre hormonal e) Handicap intellectuel f) Abus d’alcool, de médicaments ou de drogues g) Manies 18. Présente-t-il un nombre élevé de traumatismes physiques (p. ex., des conséquences d’accidents de voiture, des blessures causées par une arme à feu ou une arme blanche, etc.) ? 19. Est-il préoccupé de façon excessive par la séduction physique ? DOMAINE ÉMOTIONNEL
1. Le client mentionne-t-il avoir des idées de s’iniger des blessures ou d’en iniger à d’autres personnes ? 2. Afche-t-il un comportement exigeant ou hostile ? 3. A-t-il des antécédents d’agressivité ou d’agression ? 4. Est-il instable ? 5. A-t-il une faible maîtrise de ses pulsions ou les maîtrise-t-il mal ?
6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. 21. 22. 23. 24. 25. 26. 27. 28. 29. 30. 31. 32.
Est-il craintif ou très anxieux ? Exprime-t-il un sentiment d’impuissance ? Semble-t-il craintif ? Son mode de pensée comprend-il des sentiments d’incertitude ? Parle-t-il de préoccupations envers des conséquences non précisées ? A-t-il des préoccupations persistantes ? Fait-il preuve d’un comportement critique envers lui-même et les autres ? A-t-il une faible estime de soi ? Se préoccupe-t-il de l’opinion que les gens ont de lui ? Exagère-t-il son importance ? Exprime-t-il des sentiments de culpabilité ou de regret ? Éprouve-t-il du remords et justie-t-il le fait de blesser autrui ? Manque-t-il d’empathie ? Est-il vindicatif ? Montre-t-il une faible tolérance à la frustration ? Montre-t-il un manque de motivation ? Dépend-il des autres pour répondre à ses besoins ? A-t-il un comportement passif ? Mentionne-t-il se sentir inadéquat ? Nie-t-il les émotions fortes telles que la colère et la joie ? Décrit-il un sentiment de désespoir ? Afche-t-il un comportement de séduction sexuelle inapproprié ? Montre-t-il une restriction de l’affect ? Montre-t-il un affect inapproprié ? A-t-il une humeur labile ? Se dit-il méant ou tient-il des propos méants envers les autres ? A-t-il une préoccupation excessive envers l’attirance physique ?
15
DOMAINE COGNITIF
1. Le client fait-il une interprétation erronée des stimulus internes et externes ? 2. Éprouve-t-il de la difculté à comprendre les idées abstraites ? 3. Est-il capable de déterminer les domaines où il a des problèmes ? 4. Est-il capable de trouver des façons de résoudre ses problèmes ? 5. Détermine-t-il les domaines où il a des problèmes en se blâmant ou en blâmant les autres ? 6. Est-il vindicatif en ce qui concerne la résolution de ses problèmes ? 7. Ment-il ?
Chapitre 15
Troubles de la personnalité
389
ENCADRÉ 15.16
Évaluation des manifestations du trouble de la personnalité (suite)
8. Est-il capable de nommer les traits de caractère bons et mauvais chez les autres ? 9. Est-il capable de distinguer les avantages et les inconvénients de chacune des solutions énumérées durant le processus de résolution de problèmes ? 10. Rééchit-il trop aux sujets qui le préoccupent ? 11. A-t-il un mode de pensée redondant ? 12. Est-il capable de tolérer une satisfaction différée ? 13. Est-il capable de déterminer son propre système de valeurs ? 14. A-t-il de la difculté à apprendre de ses erreurs ? 15. Est-il impulsif ? 16. Manifeste-t-il des déciences quelconques de sa mémoire à long terme ou à court terme ? 17. Est-il préoccupé ? 18. Présente-t-il un manque de validation consensuelle ? 19. Décrit-il des idées délirantes quelconques ? 20. A-t-il des hallucinations ? Dans l’afrmative, sont-elles de nature auditive, visuelle, tactile, gustative ou olfactive ? Quel est le contenu de ses hallucinations ? 21. Vit-il des expériences extrasensorielles ? 22. Conrme-t-il qu’il a des idées de référence ? 23. Parle-t-il de croyances bizarres ou de pensées magiques qui inuent sur son comportement ? 24. Son discours est-il appauvri, digressif, vague ou inadéquatement abstrait ? DOMAINE SOCIAL
1. Le client préfère-t-il rester seul ? 2. Exprime-t-il un désir de socialiser, tout en ayant des craintes que les autres ne l’acceptent pas ? 3. Dépend-il des autres an de satisfaire ses besoins ? 4. Participe-t-il aux activités familiales ? 5. A-t-il des amis ? 6. Entretient-il des relations instables comprenant des conits et la peur de l’abandon ? 7. Est-il capable de déterminer la dynamique de ses problèmes relationnels ? 8. Utilise-t-il un comportement manipulateur an de satisfaire ses besoins ? 9. Montre-t-il des signes de clivage ? Accorde-t-il une grande importance à une relation avec une personne tout en devenant critique et fâché envers une autre ? Dévalorise-t-il
éactivation des connaissances Quelle est la différence entre les questions ouvertes et les questions fermées ?
390
Partie 3
Lorsqu’elle effectue sa collecte de données auprès du client, l’inrmière lui pose plusieurs questions an de pouvoir effectuer ensuite son analyse et établir les résultats escomptés qui guideront ses interventions. Autant que possible, il est important de privilégier des questions ouvertes pour permettre au client de s’exprimer et à l’inrmière d’être à l’écoute de la moindre parole ou de tout comportement du client. Ces questions reètent les paroles
Troubles mentaux
10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. 21. 22. 23.
24. 25. 26. 27. 28. 29.
30. 31. 32. 33.
une personne et se plaint-il d’elle auprès d’une autre personne avec qui il a une bonne relation ? Dénit-il son image de soi par rapport à une relation avec une autre personne ? Souhaite-t-il généralement être le centre de l’attention ? Est-il préoccupé par l’opinion que les autres ont de lui ? Est-il extrêmement sensible aux compliments et à la critique ? Est-il peu enclin à accorder du temps aux autres, à donner des cadeaux et à soutenir ses amis, sauf s’il en tire prot ? Choisit-il des activités solitaires ? Participe-t-il à des activités sociales ? Se sent-il de plus en plus anxieux au cours d’une activité sociale ? Montre-t-il une absence de désir d’avoir une expérience sexuelle avec une autre personne ? A-t-il de multiples partenaires sexuels ? Est-il indifférent aux compliments et à la critique ? S’attend-il à ce que les autres l’exploitent ? Exploite-t-il les autres pour satisfaire ses besoins ? Remet-il en question la loyauté ou l’honnêteté de ses amis, de ses associés, de son conjoint ou de son partenaire sexuel ? Voit-il des signications cachées dans les remarques inoffensives des autres ? Éprouve-t-il de la rancune envers les autres ? Est-il peu enclin à se coner aux autres ? Est-il préoccupé par lui-même, mais pas par les autres ? Respecte-t-il ses obligations nancières ? Est-il incapable de planier, par exemple en faisant des voyages sans plan précis ou en quittant un emploi sans en avoir un autre en vue ? Répond-il aux besoins élémentaires de ses enfants en matière de santé ? Participe-t-il à des activités illégales ? A-t-il un problème d’abus de drogues, de médicaments ou d’alcool ? Manifeste-t-il le sentiment que tout lui est dû ?
DOMAINE SPIRITUEL
1. Le client croit-il en une puissance supérieure ? 2. Est-il capable d’énoncer le sens et le but de sa vie ?
du client pour lui permettre de s’ouvrir ou de continuer dans une direction ou une autre. Les questions adressées au client doivent être précises sans contenir une réponse attendue. Par contre, l’inrmière s’adaptera au client en lui laissant le temps nécessaire pour rééchir à la question (plus de une minute) ; si celui-ci ne répond pas ou éprouve de la difculté à s’exprimer, une question fermée lui permettra de répondre plus facilement.
L’inrmière peut poser d’autres questions au client an de l’aider à déterminer si les relations, les processus mentaux et les comportements de celui-ci sont perturbés ENCADRÉ 15.17.
15.5.2
Analyse et interprétation des données
L’inrmière détermine les problèmes prioritaires à partir de l’évaluation approfondie de l’état de santé du client effectuée grâce à la collecte des données. L’ordre de priorité des problèmes est établi en fonction des questions de sécurité et des besoins du client FIGURE 15.5. Le TABLEAU 15.3 présente les problèmes les plus courants pour les clients ayant un trouble de la personnalité.
15.5.3
Planication des soins
Au moment de la planication des interventions avec le client ayant un trouble de la personnalité, l’inrmière se souviendra que les changements du comportement ou de la pensée sont souvent lents. Ces changements résultent de la perception qu’a le client de la nécessité de se transformer. La personne atteinte d’un trouble de la personnalité a des relations interpersonnelles et des valeurs perturbées ne reétant pas les points de vue de la population générale. En raison de ces perturbations, l’inrmière travaille avec le client à l’établissement et à l’atteinte des objectifs du traitement.
Collecte des données ENCADRÉ 15.17
Les questions suivantes aident l’inrmière à évaluer si les relations et les processus mentaux du client sont perturbés. 1. Comment vous décrivez-vous ? Qu’aimez-vous de vous ? Qu’aimeriez-vous changer de vous ? 2. Décrivez vos relations avec votre conjoint, vos enfants, vos parents et les autres membres de votre famille. Décrivez vos relations avec vos amis. De quels sujets parlez-vous ensemble ? Quels genres d’activités faites-vous ensemble ? 3. Quels sont vos sentiments à propos de votre travail ? Décrivez-moi vos relations de travail avec votre patron et vos collègues. 4. Si vous avez un problème personnel, à qui faites-vous conance pour vous aider ? 5. Quelles sont vos principales préoccupations ? À quelle fréquence y pensez-vous ?
TABLEAU 15.3
Résultats escomptés Une personne ayant un trouble de la personnalité subit tout au long de sa vie des perturbations en lien avec son image de soi et ses relations interpersonnelles. Les résultats escomptés portent sur la capacité du client de montrer une compréhension de ses émotions et de ses comportements mésadaptés qui sont une source de souffrance. L’inrmière et le client travaillent ensemble an de trouver des façons possibles de transformer ces mécanismes inadaptés en des stratégies d’adaptation saines et efcaces.
Évaluation des relations et des processus mentaux du client atteint d’un trouble de la personnalité
6.
7. 8. 9.
10.
À quelles personnes parlez-vous de vos préoccupations ? Comment cela vous aide-t-il ? Avez-vous parfois envie de vous faire du mal ou d’en faire à une autre personne ? Avez-vous déjà eu des idées ou posé des gestes suicidaires ? Dans l’afrmative, à quelle fréquence ? Comment vous sentez-vous en ce moment ? Quel soutien recevez-vous de vos proches ou de vos amis ? Consommez-vous de l’alcool ou des drogues ? Avez-vous déjà consulté un médecin pour qu’il vous prescrive des tranquillisants an de vous calmer ? Que vous a-t-il prescrit ? Que prenez-vous actuellement ? Quelles sont vos croyances et vos pratiques religieuses ?
15
Problèmes généralement associés aux troubles de la personnalité
GROUPE A
GROUPE B
GROUPE C
• Adaptation inefcace
• Adaptation inefcace
• Adaptation inefcace
• Anxiété
• Identité personnelle perturbée
• Anxiété
• Isolement social • Opérations de la pensée perturbées
• Faible estime de soi chronique
• Faible estime de soi chronique • Interactions sociales décientes
• Risque d’automutilation • Risque de suicide • Risque de violence envers les autres • Risque de violence envers soi-même
Les résultats escomptés sont fondés sur les problèmes prioritaires et correspondent aux réactions ou aux comportements attendus du client consécutifs au plan de soins et de traitements inrmiers. L’inrmière formule ces résultats en termes clairs et mesurables. Le client pourra : • montrer l’absence d’idées suicidaires ; • montrer l’absence d’intention de blesser autrui ; FIGURE 15.5 L’anxiété est un problème qui découle fréquemment des troubles de la personnalité.
• utiliser la méditation ou la présence attentive pour réduire ses comportements impulsifs et ses Chapitre 15
Troubles de la personnalité
391
états émotionnels intenses (Gaines & Barry, 2008) ; • s’abstenir de s’automutiler ; • atteindre et maintenir un fonctionnement aussi optimal que possible comme le démontrent ses interactions appropriées avec les autres à la maison, au travail et dans la communauté FIGURE 15.6 ; • nommer deux comportements impulsifs qu’il manifeste pendant les périodes de stress ; • reconnaître ses épisodes de distorsions cognitives (ou déformations cognitives) pendant des périodes de stress ; • déterminer la distorsion cognitive qu’il utilise le plus souvent pendant les périodes de stress ; • nommer une nouvelle méthode de résolution de problèmes ; • se récompenser comme moyen d’autoapaisement, à la fois avec un objet ou une sortie (p. ex., s’acheter des eurs, aller au cinéma) et une pensée positive, quand il est capable de reconnaître et de modier une distorsion cognitive ; • nommer certains types de comportement d’isolement ; • tolérer de courtes périodes d’interaction avec l’inrmière, les membres de sa famille et ses pairs ; • nommer des modèles positifs de comportement ; • formuler un énoncé dans un groupe qui vise à faciliter la socialisation.
15.5.4
Exécution des interventions
La mise en œuvre du plan de soins du client atteint d’un trouble de la personnalité comprend des interventions axées sur la modication des pensées et des comportements perturbateurs et dysfonctionnels permanents tout en favorisant sa sécurité.
Soins et traitements inrmiers Les interventions inrmières qui s’appliquent à un client ayant un trouble de la personnalité sont nombreuses. Elles doivent être empreintes d’authenticité à l’égard des demandes du client, et l’inrmière établit ses limites tout en se montrant disponible et patiente. Une explication claire des interventions est toujours requise puisqu’elle évite une interprétation de la part du client. Certaines interventions sont à mettre en place avec un client ayant un trouble de la personnalité, quel que soit le groupe ; cependant, chaque groupe nécessite certaines interventions particulières qui s’avèrent plus efcaces ENCADRÉ 15.18. Des interventions inrmières destinées au trouble de la personnalité antisociale et limite (borderline) sont présentées dans les deux situations cliniques à la n du chapitre SC 15.1 et 15.2.
Offrir des soins directs Les interventions inrmières peuvent comprendre les actions suivantes : • Évaluer les idées suicidaires du client et déterminer le risque de passage à l’acte an de prévenir le suicide, les préjudices ou les blessures. • S’il y a lieu, placer le client sous surveillance étroite (aux 15 minutes) ou continue en fonction du risque de passage à l’acte (p. ex., un client qui a mentionné avoir planié se pendre dans l’unité requiert une surveillance continue, alors que celui dont le plan consiste à se jeter devant un autobus présente un risque plus faible s’il ne peut quitter l’unité). • Évaluer le client an de déceler des signes d’automutilation. Les clients autodestructeurs deviennent susceptibles de répéter de tels gestes et peuvent nécessiter une intervention. • Placer le client sous une surveillance étroite jusqu’à ce que son impérieux besoin de s’automutiler disparaisse ou jusqu’à ce qu’il soit capable de trouver une autre méthode de soulagement émotionnel (p. ex., s’enrouler dans un drap dans le but de se protéger de l’automutilation [Dresser, 1999] ou participer à un groupe de thérapie par le mouvement) an de le protéger de ses impulsions dangereuses et d’orienter celles-ci vers d’autres méthodes plus constructives. • Si le client s’automutile, éviter de donner du renforcement en manifestant de la sympathie ou davantage d’attention. Soigner plutôt les plaies comme n’importe quelle blessure an d’offrir des soins sécuritaires et neutres sans porter de jugement.
FIGURE 15.6 Des interactions appropriées avec autrui sont un signe d’amélioration de l’état de la personne ayant un trouble de la personnalité.
392
Partie 3
Troubles mentaux
• Évaluer le client an de déterminer la possibilité d’escalade de la colère en rage et de gestes impulsifs contre d’autres personnes (obtenir ses antécédents de violence, si possible) an de
prévenir des préjudices ou des blessures aux autres. • Encourager le client à assister à toutes les séances de groupe an qu’il reçoive le soutien de ses pairs et ait des occasions de résolution de problèmes. Il peut être utile et formateur pour le client de rédiger dans un journal les commentaires reçus durant les séances de groupe. • Enseigner au client d’autres méthodes de gestion de sa colère et de ses sentiments et comportements impulsifs, comme quitter la pièce où a
lieu le conit ou se retirer dans un endroit tranquille (p. ex., une chambre d’isolement non verrouillée) jusqu’à ce que l’impulsion de blesser disparaisse. Le retrait du client d’un environnement stimulant et provocateur réduira ses impulsions colériques. • Discuter des sentiments de colère durant une séance de groupe et explorer d’autres méthodes de résolution de problèmes qui distrairont le client de ses sentiments de colère et l’aideront à canaliser son énergie sur des activités constructives.
Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 15.18
Accompagner le client ayant un trouble de la personnalité
INTERVENTIONS POUR LES CLIENTS ATTEINTS D’UN TROUBLE DE LA PERSONNALITÉ DU GROUPE A
• Évaluer le degré de paranoïa du client et enrayer tout risque suicidaire. • Assurer un environnement physique et émotionnel sécuritaire an de réduire les probabilités que le client emploie des stratégies dysfonctionnelles d’adaptation pour gérer son anxiété. • Encourager le client à adopter des comportements adéquats an de résoudre sa crise. • Montrer de l’honnêteté et une attitude de non-intervention an d’aider le client à faire conance à l’inrmière. • Fournir des explications et formuler des demandes claires et simples au client an de réduire son sentiment d’être menacé et contrôlé. INTERVENTIONS POUR LES CLIENTS ATTEINTS D’UN TROUBLE DE LA PERSONNALITÉ DU GROUPE B
• Évaluer l’environnement an d’éviter les risques de danger pour le client et pour les autres. • Aviser clairement le client que les comportements perturbateurs tels que les blessures envers lui-même ou autrui ainsi que la destruction de biens matériels ne seront pas acceptés.
a
• Reconnaître toutes les actions du client visant à tester l’inrmière et ne tenir compte que des comportements d’automutilation ; dans ce cas, l’intervention inrmière portera d’abord sur l’aspect physique de ce comportement et, ensuite, sur la verbalisation des émotions. • Renforcer positivement les comportements adéquats. • Informer le client des techniques d’afrmation positive de soi, comme exprimer ses émotions, formuler positivement ses demandes et ses opinions, donner des explications claires, poser des questions directes et chercher des solutions et des compromisa.
15
• Éviter de longues discussions avec le client, car cela peut être un signe de manipulation de sa part. Donner de l’information simple et courte. • Insister sur le moment présent et demander au client d’éviter de généraliser à partir de ses relations antérieures. INTERVENTIONS POUR LES CLIENTS ATTEINTS D’UN TROUBLE DE LA PERSONNALITÉ DU GROUPE C
• Surveiller les signes de dépression chez le client et intervenir de façon appropriée. • Utiliser des mots simples et précis durant les entretiens avec le client.
• Utiliser au besoin les mesures de contention ou l’isolement en avertissant le client au préalable.
• Examiner, avec le client, son comportement accaparant et établir en collaboration avec lui la liste des attentes et des exigences irréalistes.
• Surveiller le client à son retour de sortie temporaire an de déceler la consommation d’alcool ou de drogue.
• Faire du renforcement positif sur des comportements autonomes.
• Évaluer les comportements autodestructeurs du client (consommation de drogue ou d’alcool) et le diriger vers les organismes spécialisés an d’assurer un traitement de longue durée.
• Faire preuve de abilité envers le client en tenant les engagements prévus et en lui montrant une écoute active.
• Axer la relation d’aide sur les raisons et les émotions ressenties qui incitent le client à poser des gestes de passage à l’acte.
• Enseigner des techniques de relaxation telles que la respiration consciente, la respiration du cœur, la méditation et la relaxation.
• Aviser clairement le client de la présence de limites en lui en expliquant les raisons et en lui précisant qu’il ne s’agit pas de gestes punitifs.
• Trouver, en collaboration avec le client et tout en respectant ses goûts, des activités physiques ou intellectuelles an de diminuer le stress.
• Informer clairement la famille sur l’importance de l’acquisition de comportements indépendants chez le client.
Délivré (2007). Chapitre 15
Troubles de la personnalité
393
• Encourager le client à rédiger un journal des pensées et des sentiments qu’il a eus avant de sentir le besoin urgent de se mutiler an de l’aider à reconnaître ses sentiments et ses pensées et à réduire son impulsivité.
6 L’utilisation des mesures de contrôle, dont les mesures de contention, doit être minimale et exceptionnelle. Les principes en sont décrits dans le chapitre 6, Aspects éthiques et légaux de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques.
• Donner au client les anxiolytiques ou les antipsychotiques prescrits an de l’aider à maîtriser son anxiété ou sa rage intense plutôt que de s’automutiler. • Si toutes les tentatives de mesures moins restrictives ont échoué, inviter à prendre une période de pause, utiliser une chambre d’isolement et des mesures de contention physique et rédiger la note d’évolution au sujet de cette intervention selon les exigences du protocole de soins 6 . • Aider le client à reconnaître les modes de pensée qui contribuent à son comportement impulsif, notamment en l’amenant à comprendre le rôle des sentiments intenses (p. ex., l’abandon, la colère, la rage, l’anxiété) dans le comportement impulsif ou la pensée déformée (Gabbard & Horowitz, 2009). L’inrmière enseigne au client à gérer ses comportements impulsifs et ses pensées déformées par diverses méthodes selon le milieu où il se trouve. • Suggérer d’autres méthodes an de gérer les sentiments intenses, telles les suivantes : − reconnaître l’état émotionnel intense et penser à une action qui aide à réduire l’intensité de ce sentiment sans avoir recours à des gestes impulsifs ou autodestructeurs, mais plutôt à des comportements acceptables (p. ex., se défouler sur un sac de sable, serrer une balle de caoutchouc, faire de la course à pied, pratiquer l’art thérapie, etc.) ; − utiliser la méditation ou la présence attentive an de réduire les sentiments intenses et prévenir les réactions impulsives à ces sentiments (Gaines & Barry, 2008 ; Sadock et al., 2014) ; − parler de ces sentiments intenses en se regardant dans un miroir et en disant ce que l’on souhaite exprimer à l’objet de sa colère ; − déterminer de saines méthodes de gestion de la colère, comme discuter de la question avec la personne concernée ; − recourir à des jeux de rôle avec le personnel inrmier sur les diverses façons d’aborder le problème qui a précipité l’apparition des sentiments intenses ;
De nombreux organismes viennent en aide aux per sonnes ayant un trouble de la personnalité ainsi qu’à leurs proches, notamment le Centre d’entraide Émotions (www.entraideemotions.org).
394
Partie 3
− aborder la question dans un groupe de résolution de problèmes afin de recevoir des commentaires de la part des pairs ; − se récompenser en utilisant des moyens agréables et sains (p. ex., s’acheter une gâterie, jouer à un jeu vidéo ou lire). • Accompagner le client dans la résolution de ses problèmes, en utilisant un document papier où
Troubles mentaux
celui-ci rédigera tous les éléments du processus de résolution : détermination du problème, énumération de toutes les solutions qu’il envisage, avantages et inconvénients de celles-ci. Le client choisira une solution sous la supervision de l’inrmière et la mettra en application en précisant un horaire, s’il y a lieu, et un échéancier réaliste de réalisation. Puis ils feront ensemble l’évaluation de cette action en expliquant les raisons de la réussite ou de l’échec de la solution appliquée. Tout ce processus se déroule en plusieurs rencontres, et la collaboration du client s’avère primordiale. • Aider le client à explorer des comportements qui ont un lien avec la communauté tels qu’une conduite automobile sécuritaire et le sens des responsabilités envers l’environnement an de l’amener à se concentrer sur des changements qu’il peut faire pour vivre de façon plus saine et plus responsable. • Évaluer la famille et les proches du client en observant leur dynamique et en déterminant le rôle de celui-ci à leur égard. Les interactions et le rôle (p. ex., la victime, le conciliateur) du client au sein de sa famille ou de ses proches informent l’inrmière sur la perception qu’a le client de lui-même. • Engager le client dans des interactions fréquentes et de courte durée plusieurs fois durant son quart de travail an d’illustrer la valeur et l’importance des interactions avec les autres. • Faire appel à des groupes de résolution de problèmes et à d’autres groupes qui se concentrent sur l’autonomie et les responsabilités communautaires an d’aider le client à comprendre la valeur des interactions avec les autres. • Enseigner au client les techniques d’afrmation de soi an d’améliorer sa capacité d’entrer en relation avec les autres. • Formuler des commentaires au client sur son interaction avec les autres immédiatement et sans jugement an de faciliter son apprentissage de nouvelles habiletés sociales ENCADRÉ 15.19. • Respecter le client en croyant en son potentiel de changement et en lui laissant prendre certaines décisions an de lui permettre d’acquérir une autonomie et un sens de la maîtrise de soi.
Faire participer la famille et les proches Les clients ne sont souvent pas conscients de la souffrance qu’ils causent à leur famille et à leurs proches puisqu’ils ne considèrent pas les gens en général comme des personnes distinctes ayant des besoins personnels. De plus, leurs demandes continues d’attention et de soins créent une pression chez un ou plusieurs des membres de la famille. Les clients atteint d’un trouble de la personnalité proviennent fréquemment de familles dysfonctionnelles à cause d’une maltraitance parentale et d’un trouble de l’attachement chez les enfants. Ils évoluent donc souvent
Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 15.19
Communiquer avec un client ayant un trouble de la personnalité limite (borderline)
• Se soucier du confort du client et de sa compréhension durant la séance. • Ne pas utiliser de termes complexes ni les expliquer pour éviter que Ie client se croie incapable de participer à la séance. • Éviter les concepts complexes ou les expliquer clairement (éviter de faire allusion à un concept complexe qui ne peut être expliqué simplement). • Utiliser un ton similaire à celui d’une interaction sociale. • Éviter de parler de soi, mais demeurer authentique.
dans un climat de communication conflictuel (Villeneuve, 2006 ; Zhang, Ho, Shankar et al., 2014). Dans ce cadre, la famille a une importance capitale dans la communication thérapeutique avec le client, car celui-ci éprouve régulièrement de la difculté à situer les premières manifestations du problème et à envisager toutes les solutions possibles. Des membres proches de la famille peuvent aider le client à cheminer vers la prise de décisions acceptables pour lui. Le traitement est souvent plus efcace et plus rapide quand les deux parties en cause s’impliquent dans la même intervention (Villeneuve, 2006 ; Zhang et al., 2014). Ainsi, pour contrer le manque de motivation de certains clients à s’engager dans une démarche thérapeutique, il est souvent nécessaire d’avoir recours aux proches qui souffrent et qui désirent que la situation change.
• Demeurer actif dans l’échange et limiter les longs silences ; la personne ayant un trouble de la personnalité limite est soucieuse de ce que pense Ie thérapeute. • Éviter les interprétations. • Rassurer Ie client. • Éviter les jeux de pouvoir et les menaces : soigner et non maîtriser. • Utiliser I’humour. • Ne pas dramatiser ni minimiser la situation.
Les rencontres entre le client et la famille doivent se baser sur des consignes explicites de la part de l’inrmière, qui refusera les exigences déraisonnables du client. L’inrmière demandera à tous de travailler dans un respect mutuel. Advenant un non-respect de ces consignes, elle interviendra, si nécessaire d’une façon directe, en résumant objectivement les points de vue en présence an d’éviter les méprises ou les agressions verbales tout en surveillant les comportements du client. L’inrmière est appelée à faire preuve de souplesse an de préserver l’alliance thérapeutique établie avec le client, si précaire soit-elle, car celui-ci pourrait adopter une attitude négative et refuser de participer aux prochaines rencontres en réaction aux contraintes imposées ENCADRÉ 15.20.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Pour contrer le manque de motivation de certains clients à s’engager dans une démarche thérapeu tique, il est souvent nécessaire d’avoir recours aux proches qui souffrent et qui désirent que la situation change.
Relation d’aide ENCADRÉ 15.20
Favoriser une relation efcace avec un client ayant un trouble de la personnalité
Le client qui a un trouble de la personnalité a de la difculté à entrer en relation avec les autres. Par conséquent, l’éta blissement de limites entre lui et autrui s’avère ardu. L’inrmière dénit les limites de la relation thérapeutique avec le client an de garantir une relation sécuritaire et centrée sur celuici. Cela est particulièrement important si l’inrmière se sent vulnérable, peutêtre en raison d’autres stresseurs personnels ou professionnels. Elle évalue ses sentiments à l’égard du client qu’elle a sous sa res ponsabilité ainsi que ses facteurs de stress personnels. Elle se posera les questions suivantes : Les stresseurs perturbentils mon travail ? Comment puisje gérer ces problèmes sans devenir vulnérable devant le client que je soigne ? Si l’inrmière reconnaît qu’elle a des sentiments a Coram
particuliers envers un client, elle doit en discuter avec une collègue ou obtenir une supervision clinique ou de l’aide dans le cadre du programme d’aide aux employésa. La relation d’aide pour un client atteint d’un trouble de la personnalité doit se baser sur l’établissement de structures claires, tout en favorisant une certaine souplesse qui se traduit dans les interventions inrmières et la relation thérapeutique. L’inrmière fait preuve de respect, d’empathie et d’immédiateté, et elle utilise les techniques telles que le résumé, la synthèse et la confrontation douce an de générer un processus de réexion. L’utilisation de questions ouvertes et de la validation lui permettra d’éviter d’interpré ter les réponses du client.
CE QU’IL FAUT RETENIR
L’inrmière dénit les limites de la relation thérapeutique avec le client an de garantir une relation sécuritaire et centrée sur celuici.
& Schruntek (2010). Chapitre 15
Troubles de la personnalité
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15
Soins et traitements en interdisciplinarité Le travail d’équipe s’avère important an d’assurer une constance dans la planication et les interventions. Sans un travail d’équipe, le client atteint d’un trouble de la personnalité pourrait tenter de manipuler certains membres du personnel et utiliser le clivage comme mécanisme de défense. Une équipe regroupant les professionnels de nombreuses disciplines fournit les interventions les plus complètes au client ayant un trouble de la personnalité, qu’il soit hospitalisé à temps plein ou à temps partiel, ou soigné dans un centre de jour. Plus le client et ses proches ont de l’information, plus ils comprennent les choix concernant l’utilisation des services de traitement et le respect de la médication. L’inrmière est en position de soutenir la recherche et d’y participer. Elle joue un rôle central dans les soins en interdisciplinarité, car elle prend, entre autres, en note les décisions du médecin et des autres thérapeutes, planie l’exécution des interventions et la prise des rendez-vous, procède aux requêtes de laboratoire et envoie les demandes de consultation dans les services concernés.
Ergothérapie
éactivation des connaissances Que répondriez-vous à un client qui vous demande de ne pas dire aux autres membres de l’équipe interdisciplinaire ce qu’il vient de vous coner ?
L’ergothérapeute évalue les capacités et les incapacités du client, et l’aide nécessaire pour améliorer son fonctionnement et son autonomie dans des domaines tels que les activités de la vie quotidienne et les activités de la vie domestique. L’ergothérapeute enseigne des habiletés adaptatives permettant d’améliorer le fonctionnement du client à la maison, à l’école et au travail. Il planie et dirige souvent des rencontres de groupe qui portent sur la gestion du stress, l’amélioration des habiletés parentales, la résolution de conits, la gestion du temps, l’établissement d’un budget, les sentiments et la conscience de soi.
Art thérapie et musicothérapie
ALERTE CLINIQUE
Il existe une très grande variabilité dans la réponse thérapeutique des clients atteints d’un trouble de la personnalité. Leur collaboration au traitement représente un enjeu important à considérer dans le choix d’un soutien pharmacologique (Duchaine, 2010).
396
Partie 3
Le thérapeute utilise l’art an d’aider le client à exprimer les pensées et les sentiments qu’il lui est impossible de verbaliser. Ce type de thérapie aide le client à comprendre les problèmes d’un point de vue symbolique et lui fournit un nouveau mode d’expression et d’autoapaisement. Par exemple, un client qui ressent une rage intense et qui veut s’automutiler utilisera plutôt l’art an d’exprimer ses sentiments. De la même manière, la musicothérapie utilise la musique pour aider le client à s’exprimer FIGURE 15.7.
Kinésithérapie La kinésithérapie aide le client à bouger son corps quand il est stressé et lui enseigne des méthodes de relaxation. Cette thérapie est utile au client qui devient léthargique en raison de sentiments intenses tels que l’abandon et la colère. Elle lui enseigne à se masser afin de retrouver des
Troubles mentaux
FIGURE 15.7 La musicothérapie peut aider le client à exprimer ses pensées et ses émotions.
sensations plus agréables au lieu de s’automutiler, par exemple.
Récréologie La récréologie aide le client qui a un trouble de la personnalité à explorer des façons d’avoir du plaisir sans faire appel à des comportements autodestructeurs tels que l’abus d’alcool, de drogues ou de médicaments. Cette méthode s’avère utile chez un client éprouvant de la difculté à socialiser, car les loisirs améliorent les habiletés sociales. La récréologie peut être directive ou non directive. Dans le premier cas, le client doit observer les règles qui lui sont imposées par le jeu. Cela permet au thérapeute de vérier les réactions du client au gain ou à la perte. Dans le cas d’une récréologie non directive, le client exprime ses sentiments ou ses émotions sans qu’aucune directive ne lui soit imposée en utilisant, par exemple, un jeu de rôle.
Psychopharmacothérapie Les médicaments apportent souvent une aide majeure au client ayant un trouble de la personnalité ENCADRÉ 15.21. Le client violent envers les autres a parfois besoin de médicaments an de maîtriser ses comportements et ses impulsions émotionnelles. Les directives de pratique pour le traitement d’une personne atteinte d’un trouble de la personnalité limite (borderline) mentionnent que les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS) réduisent les symptômes du client qui a un dérèglement affectif (APA, 2005). Si ce dérèglement est accompagné d’anxiété, les benzodiazépines telles que le clonazépam (Rivotrilmd) sont généralement nécessaires à court terme, en plus des ISRS. Les stabilisateurs de l’humeur tels que le carbonate de lithium, la carbamazépine (Tegretolmd) et le divalproex (Epival md) sont des traitements complémentaires efcaces pour le dérèglement affectif. Pour la personne qui montre de la colère et de l’impulsivité, un ISRS est le traitement de choix. Les directives de pratique clinique
recommandent l’utilisation de fluoxétine (Prozacmd) comme traitement de première intention de ce symptôme, mais les autres ISRS peuvent aussi être utilisés. Le client très agité ou psychotique réagit parfois à un antipsychotique à faible dose. La quétiapine est l’antipsychotique le plus souvent utilisé dans ces situations cliniques. Au client extrêmement violent qui est incapable de maîtriser cette impulsion, des médicaments sont parfois administrés par voie intramusculaire tels des benzodiazépines comme le lorazépam (Ativanmd) ou des antipsychotiques comme l’halopéridol. La surveillance des effets indésirables est une importante fonction de l’inrmière 21 .
Psychothérapies | Thérapie cognitivo-comportementale | La thérapie cognivo-comportementale s’avère utile dans le traitement des troubles de la personnalité. Cette thérapie s’échelonne sur une période plus longue que pour la personne anxieuse ou dépressive, puisqu’il est plus difcile de faire reconnaître au client sa personnalité problématique et l’importance de la modifier. Selon certains auteurs, une thérapie cognitivo-comportementale durant une période de six mois à deux ans s’avère nécessaire an d’obtenir des résultats positifs chez ce type de clientèle (Brenner, Hodel, Roder et al., 1992 ; Briand, Lalonde, Lesage et al., 1999). Puisque les résultats positifs s’observent sur une longue période, l’inrmière pourra être appelée à redonner les mêmes explications à plusieurs reprises au client an de favoriser la progression des étapes vers un rétablissement complet 20 . | Thérapie comportementale dialectique | En 1993, Marsha Linehan (1943- ) a déterminé les comportements répétitifs des personnes ayant un trouble de la personnalité limite (borderline). Elle a étudié les interventions qui réduisent les comportements les plus destructeurs tels que le comportement suicidaire, le clivage et la réactivité émotionnelle intense. Ce travail lui a permis d’élaborer une stratégie de traitement appelée thérapie comportementale dialectique. Sa principale hypothèse consiste en l’utilisation du dialogue pour aider le client à retravailler ses réactions destructrices en situation de crise. La thérapie comportementale dialectique enseigne au client qu’il existe des façons de ré duire ses idées suicidaires ou ses réactions émotion nelles en situation de crise. Ce type de thérapie se base sur l’apprentissage de nouveaux modes de pensée et de comportement par le client. La thérapie comportementale dialectique offre un excellent taux de réduction des symptômes de la personne ayant un trouble de la personnalité limite (borderline) (Sadock et al., 2014). La recherche
Psychopharmacothérapie ENCADRÉ 15.21
Troubles de la personnalité
• Les interventions pharmacologiques sont axées sur les symptômes, peu importe le type de trouble de la personnalité. • Le traitement pharmacologique inclut l’utilisation à court terme de benzodiazé pines et d’antipsychotiques pour soulager l’agressivité et l’impulsivité.
• Les stabilisateurs de l’humeur sont utilisés an de soulager la rage, la violence, l’impulsivité et les sentiments de perte de maîtrise. • Les antidépresseurs et les anxiolytiques gurent parmi les autres médicaments utilisés.
actuelle indique que la thérapie comportementale dialectique réduit la durée de l’hospitalisation des personnes traitées, car elle diminue les tendances suicidaires et améliore le fonctionnement interpersonnel (Sadock et al., 2014).
| Thérapie individuelle | La thérapie individuelle aide le client à explorer ses problèmes, à dénir de nouvelles solutions et à discuter de la façon dont un nouveau comportement aidera à résoudre le problème initial. Puisque le système de santé met davantage l’accent sur la thérapie à court terme, la thérapie individuelle est maintenant orientée vers la résolution de problèmes plutôt que vers l’exploration basée sur le traumatisme d’origine. La thérapie individuelle permet notamment l’élimination des envies suicidaires et la gestion des émotions chez le client an d’éviter les incidents au cours des séances de groupe. | Thérapie de groupe | La thérapie de groupe est elle aussi axée sur la résolution de problèmes. Le travail repose sur la dynamique répétée de la personne dans le groupe FIGURE 15.8. Cela se révèle particulièrement utile au client atteint d’un trouble de la personnalité du groupe B qui a un comportement dramatique et qui nécessite beaucoup d’attention. Les membres du groupe aident le client à
21 Le chapitre 21, Psychophar macothérapie et autres thérapies biologiques, décrit les mécanismes d’action et les effets des principaux médicaments psychotropes.
20 Le chapitre 20, Modèles et stratégies thérapeutiques, présente en détail les principales thérapies.
ALERTE CLINIQUE
Le client atteint d’un trouble de la personnalité paranoïaque ne tolère pas les thérapies de groupe qui demandent ou impliquent la confrontation ou un engagement émotionnel.
FIGURE 15.8 Il est important d’encourager le client à assister à toutes les séances de groupe an qu’il reçoive notamment le soutien de ses pairs. Chapitre 15
Troubles de la personnalité
397
15
28 Les mesures de préven tion et les interventions à effectuer auprès d’un client suicidaire sont présentées dans le chapitre 28, Suicide.
Jugement
clinique Josette Leblond, âgée de 22 ans, est atteinte d’un trouble de la personnalité limite (borderline). Elle est hospitalisée parce qu’elle pose des gestes impulsifs d’automutilation. Elle peut cependant bénécier d’un congé de n de semaine dans sa famille. À votre demande, elle avait accepté de discuter des modalités de sortie avec son père, mais elle n’a pas pris le temps de le faire. Que pourriez-vous dire à madame Leblond pour la confronter doucement au fait qu’elle n’a pas parlé des modalités de sortie avec son père ?
comprendre les effets de son comportement sur chacun d’eux an qu’il puisse utiliser cette information dans ses relations quotidiennes avec ses proches. Les séances de groupe permettent entre autres au client de gérer ses émotions et ses comportements dans un contexte social. La thérapie de groupe est généralement effectuée en complémentarité avec des séances individuelles.
| Thérapie familiale | La thérapie familiale s’avère utile au client ayant un trouble de la personnalité, car la dynamique familiale est souvent transposée dans d’autres relations, par exemple avec le patron ou le conjoint. Les séances familiales consistent en une évaluation du système familial et une exploration de l’impact des problèmes du client sur la dynamique familiale.
15.5.5
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution
L’étape d’évaluation des résultats est un processus continu qui a pour but d’assurer une pratique inrmière able, respectueuse, efcace et exempte de jugement. L’évaluation se fait en deux étapes : 1. L’inrmière compare le fonctionnement ac tuel du client avec les résultats escomptés ENCADRÉ 15.22. 2. L’inrmière pose des questions an de déterminer les raisons possibles pour lesquelles les résultats escomptés n’ont pas été atteints (Coram & Schruntek, 2010). Dans les cas graves où le client est hospitalisé, il importe de considérer les facteurs de risque concernant la sécurité du client et celle des autres, et ce, tout au long de la démarche de soins. Chez
certains clients ayant un trouble de la personnalité, les idées suicidaires font partie du processus mental quotidien. Au moment de leur évaluation, il faut déterminer la présence d’idées suicidaires ou d’un plan de suicide et leur intention de le mettre en œuvre 28 . Un suivi psychiatrique, qu’il se donne dans le cadre d’un programme d’hospitalisation partielle, d’un centre de traitement de jour ou d’une psychothérapie externe, est important an de permettre au client de travailler sur certains problèmes qui ont contribué à la crise ayant nécessité une hospitalisation. Avant d’obtenir son congé du centre hospitalier, il est primordial que le client ait un plan de soins de suivi externe. De plus, la date de son premier rendez-vous posthospitalier doit avoir été xée. L’enseignement au client est un outil puissant an de l’aider à comprendre les troubles mentaux dont il est atteint et pour prévenir une rechute de ses symptômes. Avant son congé du centre hospitalier, chaque client doit recevoir un enseignement sur les sujets suivants : • le besoin de soins de suivi dans un service de consultation externe ; • les symptômes psychiatriques qui indiquent un besoin urgent de traitement ; • l’importance de la médication ainsi que le mécanisme d’action et les effets de tous les médicaments qu’il prend. Cet enseignement au client se fait en groupe ou individuellement. Si l’enseignement en groupe porte sur la prévention des rechutes ou la médication, l’inrmière trouvera utile de revoir les données du dossier médical propre à chaque client avant son congé.
Collecte des données ENCADRÉ 15.22
Signes de rétablissement
Si le client est dans un service de consultation externe, l’inrmière vérie les points suivants avant qu’il obtienne son congé : • Le client maîtrise ses impulsions autodestructrices telles que l’abus de substances quand il se sent bouleversé ou le désir de commettre un vol à l’étalage quand il éprouve un sentiment de vide, par exemple.
398
Partie 3
Troubles mentaux
• Il comprend les symptômes qui l’ont amené à avoir besoin d’une psychothérapie. • Il comprend les types de symptômes qui indiquent un besoin de traitement. • Il est capable de recourir à un programme communautaire qui convient à ses problèmes, par exemple Alcooliques Anonymes ou Narcotiques Anonymes.
Situation clinique SC
15.1
Trouble de la personnalité antisociale
Jean Dupuis, âgé de 38 ans, a été transféré directement de l’unité d’urgence à l’unité psychiatrique après s’être battu dans un bar. Il était alors sous l’inuence de la phencyclidine (PCP) et de l’alcool. Le personnel de l’unité d’urgence a évalué qu’il était médicalement stable, mais a recommandé son admission en raison de son potentiel de violence actuel et d’antécédents d’épisodes de violence similaires dans le passé. À son arrivée à l’unité psychiatrique, monsieur Dupuis était en colère. Il criait qu’il avait été traité injustement et qu’il n’avait pas besoin d’être hospitalisé à
l’unité psychiatrique « avec tous ces fous ! ». Il a demandé qu’on lui apporte une télévision dans sa chambre et une cigarette. Devant le refus du personnel, il a haussé la voix et a proféré des menaces. Il a afrmé à l’inrmière responsable qu’il obtiendrait ce qu’il voulait, qu’il avait des amis au conseil d’administration du centre hospitalier et qu’il y aurait une enquête sur la gestion de son cas si on ne le laissait pas fumer ou regarder la télévision en privé. Il a rappelé à l’inrmière qu’il avait été admis à la suite d’une bagarre et qu’il savait comment parvenir à ses ns.
À la suite de son évaluation, l’inrmière formule les constats suivants et élabore un plan de soins avec monsieur Dupuis. PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Risque de violence envers les autres lié à la perception d’un environnement hostile, à des antécédents de violence envers les autres, à l’ingestion récente de PCP et d’alcool, se manifestant par un ton élevé de la voix et un comportement verbal menaçant
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES
• Autorégulation de l’agressivité, des comportements abusifs et des impulsions
• Garder en tout temps une attitude calme et un ton de voix bas.
• Meilleure gestion du stress • Diminution des comportements menaçants
• Rationaliser la colère du client et reformuler les motifs de l’hospitalisation en termes moins négatifs. • Établir des limites claires, aviser le client des conséquences du non-respect de ces limites et prendre des mesures de sécurité dès que les limites ne sont pas respectées. • Souligner au client les comportements menaçants observés.
15
• Administrer la médication prescrite. PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Abus de substances lié à des stratégies d’adaptation inefcaces entraînant des comportements perturbateurs, de l’impulsivité et une perte de maîtrise de soi
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES
• Autorégulation de l’anxiété, de l’agressivité et de l’impulsivité
• Évaluer la motivation du client à modier ses comportements.
• Utilisation de ressources appropriées (soutien social, ressources en santé)
• Déterminer le mode de consommation, aider le client à reconnaître les impacts négatifs et positifs des stratégies d’adaptation qu’il utilise et cibler avec lui les facteurs déclencheurs de l’impulsivité et de la colère.
• Capacité de prise de décision accrue • Diminution de la consommation de substances
• Chercher avec le client des stratégies différentes pour faire face aux situations anxiogènes, évaluer le réseau social, orienter le client vers des organismes de soutien et l’encourager dans ses démarches.
Chapitre 15
Troubles de la personnalité
399
400
FIGURE 15.9
Partie 3
Plan de soins et de traitements inrmiers de monsieur Dupuis
Troubles mentaux
Facteurs de risque Manifestations cliniques
Physiopathologie
Valider les émotions intenses du client ; protéger le client et les autres de la violence potentielle ; trouver avec le client des stratégies pour réduire sa colère.
Le client montre une maîtrise de la colère.
Le client montre une maîtrise de la colère ; reconnaît ses comportements colériques ; verbalise ses émotions ; détermine les conséquences de sa colère.
Interventions inrmières
Résultats escomptés
Déterminer les modes de consommation ; déterminer les facteurs déclencheurs de l’agressivité ; favoriser la résolution de problèmes ; faciliter la gestion des émotions intenses.
Hospitalisation pour des questions de sécurité
Adaptation inefcace
Comportement exigeant
Le client montre une réduction de la consommation de PCP et d’alcool.
Adaptation inefcace
Consommation de PCP et d’alcool
Interventions interdisciplinaires
Problèmes découlant de la situation de santé
Surveiller l’escalade de la colère ; enseigner des stratégies d’adaptation ; discuter des conséquences de son comportement ; appliquer les principes d’intervention de l’approche Omega en cas d’agressivité.
Risque de violence envers les autres
Comportement agressif envers les autres
Risque de violence envers les autres
Hospitalisation pour des questions de sécurité
Constat médical
Adaptation inefcace
Comportement intimidateur
Trouble de la personnalité antisociale
Problème de santé : Trouble de la personnalité antisociale
À partir des données consignées au dossier du client, la FIGURE 15.9 illustre un exemple de plan de soins mis en œuvre par l’inrmière.
SCHÉMA INTÉGRATEUR
Situation clinique SC
15.2
Trouble de la personnalité limite (borderline)
Joanna Carrew, une femme âgée de 29 ans, souffre d’un trouble de la personnalité limite (borderline). Elle est devenue suicidaire après que son conjoint Alain a mis n à leur relation, qui a toujours été orageuse. Son conjoint a menacé de la quitter à quelques reprises. L’an dernier, à la suite d’une séparation, madame Carrew a été hospitalisée après avoir avalé des médicaments. Cette fois-ci, elle a commencé à boire et à prendre du lorazépam (Ativanmd) pour se calmer après leur rupture. Puis elle est devenue agressive. Elle s’est rendue à la maison des
parents d’Alain, où celui-ci habitait, et a lancé une roche à la fenêtre du salon en criant qu’elle aimait Alain et ne pouvait vivre sans lui. Elle a crié : « Je ne veux faire de mal à personne. Je veux seulement mourir ! » Puis elle a couru dans la rue et s’est jetée devant une automobile. Le conducteur a freiné brusquement, mais la collision a été assez brutale pour la renverser et lui fracturer le bassin. Elle a été admise dans un centre hospitalier local, où elle jure de se faire du mal si Alain ne revient pas.
À la suite de son évaluation, l’inrmière formule les constats suivants et élabore un plan de soins avec madame Carrew. PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Risque de suicide lié à un sentiment intense d’abandon, à un degré d’anxiété élevé, à l’impulsivité et à des antécédents de tentative de suicide
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES
• Diminution des idées suicidaires
• • • •
• Diminution des comportements autodestructeurs • Autorégulation de l’impulsivité
Instaurer une surveillance étroite. Établir un contrat de sécurité avec la cliente. Déterminer avec la cliente des stratégies de gestion du stress. Aider la cliente à trouver des stratégies différentes.
PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Stratégies d’adaptation inefcaces liées à une rupture conjugale, qui se manifestent par des comportements vengeurs envers le conjoint, des comportements impulsifs destinés à se faire du mal et l’usage de drogue et d’alcool
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES
• Diminution des idées suicidaires
• • • •
• Autorégulation de l’impulsivité ; meilleure gestion de l’anxiété • Recours au soutien social • Augmentation du sentiment de bien-être personnel
Aider la cliente à reconnaître les sentiments intenses qu’elle ressent. Déterminer avec la cliente des stratégies de gestion du stress plus constructives. Accompagner la cliente dans ses choix personnels. Évaluer le réseau social actuel de la cliente et lui suggérer l’intégration à un groupe thérapeutique ou de soutien lorsque sa condition physique le lui permettra.
PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Deuil compliqué lié à une rupture conjugale, qui se manifeste par l’usage de drogue et d’alcool et des idéations suicidaires
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES
• Amorce du processus de deuil
• Déterminer avec la cliente de saines stratégies de gestion du stress. • Aider la cliente à verbaliser ses sentiments concernant la perte. • Encourager la cliente à se xer des objectifs personnels réalistes, à court et à moyen terme. • Évaluer le réseau social actuel de la cliente et lui suggérer l’intégration à un groupe thérapeutique ou de soutien lorsque sa condition physique le lui permettra.
• Autorégulation des symptômes dépressifs • Rehaussement de l’estime de soi
Chapitre 15
Troubles de la personnalité
401
15
FIGURE 15.10
402
Partie 3
Troubles mentaux
Plan de soins et de traitements inrmiers de madame Carrew Facteurs de risque Manifestations cliniques
Constat médical
Physiopathologie
Discuter des sentiments d’abandon ; suggérer des stratégies différentes d’expression des sentiments (p. ex., écrire ses pensées et ses sentiments dans un journal) ; entretenir l’espoir et favoriser l’autonomie.
La cliente montre une réduction des pensées et des comportements suicidaires.
Risque de suicide
Prévention des gestes suicidaires
Discuter avec la cliente de ses stratégies d’adaptation en vue de les améliorer ; planier son intégration à une thérapie de groupe ou à un groupe de soutien.
Comportement suicidaire
Hospitalisation pour des questions de sécurité
Relation conictuelle ; comportement de vengeance ; anxiété d’abandon ; comportement suicidaire
Améliorer la perception de la cliente quant à ses émotions intenses et les comportements qui en découlent ; l’encourager à rédiger un journal ; l’aider à reconnaître des émotions positives ; discuter des stratégies de gestion du stress (p. ex., la médiation) ; favoriser la présence attentive.
La cliente prend conscience du lien entre ses émotions intenses et ses comportements ; utilise un journal pour la résolution de problèmes ; reconnaît deux émotions positives ; utilise des stratégies différentes pour diminuer son anxiété.
Adaptation inefcace
Comportement de vengeance
Anxiété de l’abandon
Interventions inrmières
Résultats escomptés
Discuter de stratégies différentes pour éviter la consommation d’alcool et de substances ; aider à reconnaître les comportements impulsifs ; discuter des préoccupations concernant l’abandon.
La cliente montre une réduction de la consommation impulsive d’alcool et de lorazépam (Ativanmd).
Adaptation inefcace
Consommation d’alcool et d’anxiolytiques
Interventions interdisciplinaires
Problèmes découlant de la situation de santé
Proposer la tenue d’un journal pour décrire les sentiments et les comportements associés ; encourager la prise de décisions ; diminuer l’isolement ; discuter de stratégies de gestion du stress.
La cliente montre une diminution des comportements impulsifs ; détermine deux stratégies d’adaptation positives ; verbalise un sentiment de bien-être.
Adaptation inefcace
Comportement impulsif
Trouble de la personnalité limite (borderline)
Problème de santé : Trouble de la personnalité limite (borderline)
À partir des données consignées au dossier de la cliente, la FIGURE 15.10 illustre un exemple de plan de soins mis en œuvre par l’inrmière.
SCHÉMA INTÉGRATEUR
Analyse d’une situation de santé Gina Bernier est âgée de 32 ans, et elle fume depuis 8 ans. Elle travaillait comme secrétaire dans un bureau de notaires depuis cinq mois. Elle a été congédiée parce qu’elle réprimandait de façon colérique les clients qui arrivaient en retard à leur rendez-vous, tenait des propos méprisants et dévalorisants envers ses collègues de travail, se permettant même de réprimander vertement ses patrons parce qu’ils refusaient d’augmenter son salaire chaque mois comme elle le demandait. De plus, elle commettait de graves erreurs dans la rédaction des contrats et commandait subitement du matériel de bureau sans en avertir ses patrons. Comme elle se sentait toujours persécutée, elle a menacé de porter plainte à la Commission des normes du travail pour harcèlement sexuel et assaut physique de la part de son patron immédiat,
Jugement clinique ce qui était faux. À la suite de son congédiement, elle a décidé impulsivement de mettre le feu dans l’édice. Les pompiers l’ont attrapée alors qu’elle tentait de fuir, et elle a été conduite à l’urgence psychiatrique où un trouble de la personnalité limite (borderline) a été diagnostiqué. Elle était connue de ce milieu puisqu’elle avait déjà été hospitalisée à la suite de comportements autodestructeurs à deux reprises au cours des deux dernières années. Elle vient tout juste d’être admise à l’unité de psychiatrie. Elle crie et exige qu’on la retourne chez elle : « Vous ne m’empêcherez pas de me sauver d’ici. Je suis capable de mettre le feu ici aussi. J’ai bien fait de faire ce que j’ai fait. Je vais me venger, je le jure. Vous ne savez pas ce dont je suis capable ! »
Mise en œuvre de la démarche de soins
Collecte des données – Évaluation initiale – Analyse et interprétation
SOLUTIONNAIRE
1.
Trouvez quatre caractéristiques d’une personnalité limite (borderline) dans les données de la situation de madame Bernier.
2.
Au cours de votre évaluation, pourquoi devriez-vous vérier la présence de signes de stimulation du système nerveux sympathique tels que tachycardie, hausse de la pression artérielle, pâleur ?
3.
Quelles autres manifestations physiques devriez-vous vérier chez la cliente ? Nommez-en quatre.
4.
Sur le plan émotionnel, que faut-il évaluer concernant les impulsions de madame Bernier ?
5.
Est-il important de vérier si madame Bernier a des hallucinations ? Justiez votre réponse.
6.
Lorsque vous procédez à l’évaluation de madame Bernier, devriez-vous rechercher des données sur ses interactions sociales ? Justiez votre réponse.
7.
Voici un extrait du plan thérapeutique infirmier (PTI) de la cliente. Ajoutez un problème prioritaire (numéro 3) nécessitant un suivi clinique propre à l’attitude de madame Bernier.
8.
Qu’allez-vous inscrire dans la note d’évolution à propos des ajouts que vous avez fait au PTI à la question précédente ?
Extrait CONSTATS DE L’ÉVALUATION Date
Heure
2016-09-12 14:30
N°
2
Problème ou besoin prioritaire
Menace de mettre le feu
Initiales
RÉSOLU / SATISFAIT Professionnels / Date Heure Initiales Services concernés
A.H.
Planication des interventions – Décisions inrmières 9.
15 écemment vu dans ce chapitre D’après les paroles dites par madame Bernier, qu’est-ce qui caractérise son comportement associé à un trouble de personnalité limite (borderline) ?
Extrait des notes d’évolution
2016-09-12 14:30 Dit : « Je suis capable de mettre le feu ici aussi. J’ai bien fait de faire ce que j’ai fait. »
Écrivez deux directives inrmières visant à assurer le suivi clinique du problème prioritaire numéro 2. Les directives doivent également s’adresser aux préposés aux bénéciaires et aux visiteurs.
Chapitre 15
Troubles de la personnalité
403
écemment vu dans ce chapitre
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
Extrait
Qu’estce qui caractérise la perception que madame Bernier pourrait avoir des autres ?
SUIVI CLINIQUE Date
Heure
N°
2016-09-12
14:30
2
Directive inrmière
Signature de l’inrmière
Adeline Hassad
Initiales
A.H.
Programme / Service
Initiales
Signature de l’inrmière
CESSÉE / RÉALISÉE Date Heure Initiales
Initiales
Programme / Service
Unité de psychiatrie
10. Pourquoi devez-vous évaluer les caractéristiques de l’environnement physique de madame Bernier ? 11. Comment assurerez-vous un environnement sécuritaire pour madame Bernier ? 12. Que pourriez-vous faire pour aider madame Bernier à mieux gérer sa colère, ses sentiments et ses comportements impulsifs ?
Il est 15 h. Madame Bernier est hospitalisée depuis huit jours. Malgré les interventions faites, elle est de plus en plus irritable. Elle ac cepte le fait d’être accompagnée à l’extérieur lorsqu’elle désire fumer, et elle ne menace plus de mettre le feu. Mais elle se met facilement en
écemment vu dans ce chapitre
colère contre les autres clients et le personnel, allant même jusqu’à les bousculer parfois. Elle n’a jamais frappé personne, mais elle avise qu’elle va le faire si on ne se retire pas de sa vue. Les autres clients l’évitent même lorsqu’elle est calme.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
An d’éviter d’être aban donnée par les autres, nommez deux actes impulsifs que pourrait commettre madame Bernier.
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution 13. Ajustez le PTI de la cliente en fonction de ces nouvelles données et ajoutez un nouveau problème prioritaire. Extrait CONSTATS DE L’ÉVALUATION Date
Heure
2016-09-12 14:30
N°
2
Problème ou besoin prioritaire
Initiales
Menace de mettre le feu
A.H.
RÉSOLU / SATISFAIT Professionnels / Date Heure Initiales Services concernés
201609-20
15:00
SUIVI CLINIQUE Date
Heure
N°
2016-09-12
14:30
2
Signature de l’inrmière
Adeline Hassad
404
Partie 3
Troubles mentaux
Directive inrmière
Initiales
A.H.
Programme / Service
Unité de psychiatrie
Initiales
Signature de l’inrmière
CESSÉE / RÉALISÉE Date Heure Initiales
Initiales
Programme / Service
APPLICATION DE LA PENSÉE CRITIQUE Dans l’application de la démarche de soins auprès de madame Bernier, l’inrmière a recours à un ensemble d’éléments (connaissances, expériences antérieures, normes institutionnelles ou protocoles, attitudes professionnelles) pour analyser la situation de santé de la cliente et en comprendre
les enjeux. La FIGURE 15.11 illustre le processus de pensée critique suivi par l’inrmière an de formuler son jugement clinique. Elle résume les principaux éléments sur lesquels l’inrmière s’appuie en fonction de cette cliente, mais elle n’est pas exhaustive.
VERS UN JUGEMENT CLINIQUE CONNAISSANCES
EXPÉRIENCES
NORMES
• Différents troubles de la personnalité • Caractéristiques physiques, comportementales, affectives, sociales et spirituelles de chaque trouble • Dangerosité pour le client et son entourage • Façon d’intervenir devant une personne violente envers elle-même et envers les autres • Indices d’idéation suicidaire • Échelle d’observation des comportements agressifs • Mesures de protection contre l’automutilation et le suicide • Conditions d’application des mesures de contention et d’isolement
• Expérience de travail auprès d’une clientèle ayant un problème de santé mentale • Approche de la personne agressive et violente • Expérience avec une personne de son entourage atteinte d’un trouble de la personnalité
• Règles locales d’application des mesures de contention et d’isolement • Règles locales d’application de la gestion d’une crise
ATTITUDES • Éviter les interprétations erronées des comportements de la cliente • Rassurer la cliente sur les mesures de protection pour elle-même et son entourage immédiat • Éviter les jeux de pouvoir et les menaces • Ne pas dramatiser ni minimiser les comportements, les menaces, la manipulation ou le clivage de la cliente
PENSÉE CRITIQUE
15
ÉVALUATION • • • • • • • • •
Signes de stimulation du système nerveux sympathique Manifestations d’anxiété et degré d’anxiété Degré de dangerosité pour la cliente et pour les autres (elle crie qu’elle va se venger) Importance des menaces de la cliente (elle menace de mettre le feu) Qualité des interactions sociales (la cliente devient facilement colérique envers les autres clients) Risques de violence envers elle-même (automutilation, suicide) Comportements indicateurs d’une montée d’agressivité, de violence ou de gestes impulsifs Intentions de la cliente de se conformer aux limites imposées en cas de comportements violents Acceptation des mesures de contrôle (contention, isolement) à appliquer s’il y a lieu
JUGEMENT CLINIQUE FIGURE 15.11
Application de la pensée critique à la situation clinique de madame Bernier
Chapitre 15
Troubles de la personnalité
405
Chapitre
16
Troubles liés à une substance et troubles addictifs Écrit par : Merry A. Armstrong, DNSc, ARNP, BC Adapté par : David Luckow, MDCM, B. Sc., MRO, DABAM ; Patricia Beaulac, inf., B. Sc. ; Isabelle Thibault, inf., B. Sc. ; Nathalie Pombert, inf. ; Huguette Bégin, inf. Mis à jour par : Emmanuelle Bouchard, inf., M. Sc. (c)
MOTS CLÉS
OBJECTIFS
Alcool . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 416 Anxiolytiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 415 Caféine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 422 Cannabis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 425 Hallucinogènes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 426 Hypnotiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 415 Intoxication . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 409 Jeu d’argent pathologique . . . . . . . . . . . 408 Manque (craving) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 423 Nicotine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 423 Opioïdes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 420 Sédatifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 415 Sevrage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 418
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez être en mesure : • d’expliquer les principaux concepts relatifs aux troubles liés à une substance et aux troubles addictifs ; • d’expliquer l’étiologie des troubles liés à une substance et des troubles addictifs selon le modèle neurobiologique et selon une perspective systémique ; • de définir, pour différentes substances, le trouble de consommation, l’intoxication et le sevrage ; • de préciser la prévalence dans la population des troubles liés à une substance et des troubles addictifs ; • de mettre en œuvre la démarche de soins et de décrire les traitements qui s’offrent aux clients atteints de troubles liés à une substance et de troubles addictifs.
Disponible sur • • • • • •
Activités interactives À retenir Carte conceptuelle Dossier vidéo Figure Web Ressources
Guide d’études – RE13, RE18
406
Partie 3
Troubles mentaux
• • • • • •
Solutionnaire de l’Analyse d’une situation de santé Solutionnaire des questions de Jugement clinique Solutionnaire des questions Réactivation des connaissances Solutionnaire des questions Récemment vu dans ce chapitre Solutionnaires du Guide d’études Tableau Web
Concepts clés
Cette carte conceptuelle illustre schématiquement les principaux concepts décrits dans le présent chapitre. Sa lecture vous permettra d’avoir une vue d’ensemble des notions qui y sont présentées.
dont
dont
dont
principales substances
dont
Troubles liés à une substance et troubles addictifs
troubles concomitants les plus fréquents
substances les plus consommées
dont
16
dépendance inuencée par
entraînent
peut causer
Chapitre 16
Troubles liés à une substance et troubles addictifs
407
PORTRAIT
Christine Lamothe Christine Lamothe, âgée de 32 ans, est admise à l’urgence du centre hospitalier de son quartier à 2 h dans la nuit à la suite d’une bagarre qui a eu lieu près d’un bar au terme d’une soirée bien arrosée. Jeune adulte, madame Lamothe ne touchait jamais à l’alcool. Elle a toujours juré qu’elle ne deviendrait jamais alcoolique, contrairement à bien des membres de sa famille. Toutefois, à l’âge de 29 ans, elle a commencé à consommer de l’alcool de manière excessive, soit à la suite de son divorce alors qu’elle s’est retrouvée mère de famille monoparentale de deux enfants âgés de 7 et 10 ans. Il y a environ six mois, elle a tenté de diminuer sa consommation d’alcool après avoir été prise à conduire avec les facultés affaiblies, mais ses efforts se sont avérés infructueux. Elle se présente à l’urgence avec des lacérations au visage et possiblement d’autres traumas contondants à la tête. Elle afrme qu’un homme qu’elle ne connaît pas l’a attaquée lorsqu’elle a refusé de rentrer avec lui. Son discours est incohérent, et elle est désorientée. L’inrmière chargée d’évaluer la condition de santé de madame Lamothe note une température corporelle de 37,3 °C, une pression artérielle de 160/60 mm Hg et une fréquence respiratoire de 28 respirations par minute. Elle trouve également un sachet de poudre blanche dans les poches de madame Lamothe.
16.1
Caractéristiques générales
La consommation de substances psychoactives (SPA) a une grande incidence sur les dépenses en santé publique, en plus de réduire la productivité de la personne et de nuire à l’harmonie dans son entourage ENCADRÉ 16.1. Elle touche toutes les ethnies, toutes les classes socioéconomiques et tous les groupes d’âge, et personne n’est à l’abri d’être un jour atteinte d’un trouble lié à une substance ou d’un trouble addictif.
16.1.1
Troubles liés à une substance et troubles addictifs
La cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5) apporte plusieurs changements à la version précédente (DSM-IV-TR), relativement aux troubles liés à une substance. Outre la précision des critères et l’ajout de spécications, les diagnostics séparés « d’abus de substances » et de « dépendance à une substance » utilisés dans le DSM-IV sont remplacés dans la nouvelle version par un continuum
408
Partie 3
Troubles mentaux
ENCADRÉ 16.1
Coût sociétal de la consommation de substances psycho actives au Canada
La consommation de substances illicites représente un fardeau nancier de taille à l’échelle canadienne et internationale. En ce qui concerne la santé au pays, les coûts liés aux hospitalisations des personnes ayant reçu un diagnostic principal de trouble lié à la consommation de substances ont augmenté de 22 % de 2006 à 2011, soit de 219 à 267 millions de dollars. Or, 54 % de ce dernier montant est attribuable aux hospitalisations pour les troubles liés à l’alcool. Viennent ensuite les troubles associés à la consommation de la cocaïne, des cannabinoïdes et des opioïdes. Alors que les coûts attribuables aux hospitalisations secondaires à la consommation de la cocaïne ont connu une baisse de 43 % pendant ces cinq années (de 23 millions de dollars en 2006 à 13 millions en 2011), les coûts relatifs aux troubles liés aux stimulants de type amphétamine (aussi connus sous l’appellation « drogues de synthèse ») ont augmenté de 5 millions de dollars en 2006 et de 9 millions de dollars en 2011 ; cela représente une importante et inquiétante hausse de 75 %. Source : Adapté de Young & Jesseman (2014).
de sévérité traduit par le nombre de critères présents. Le DSM-5 décrit les troubles liés à une substance en fonction de 10 classes de SPA : l’alcool, la caféine, le cannabis, les hallucinogènes (de type phencyclidine et non-phencyclidine), les substances inhalées, les substances opioïdes, les sédatifs/hypnotiques/anxiolytiques, les stimulants, le tabac et les autres substances (p. ex., les stéroïdes anabolisants, les antihistaminiques, les antiparkinsoniens). Bien que chacune de ces classes ait des mécanismes d’action distincts sur le fonctionnement cérébral, elles créent toutes une activation directe au centre de récompense du cerveau. Cette activation permet un encodage dans la faculté mnésique et donc un renforcement et une recherche subséquente de la substance. De plus, cette nouvelle version du DSM introduit le jeu d’argent pathologique ainsi que d’autres modes de comportements excessifs, comme l’usage pathologique des jeux sur Internet, alors que la dépendance au sexe, à l’exercice physique ou aux achats n’ont pas été retenus dans cet ouvrage, puisque l’insufsance de données probantes à ces sujets ne permet pas actuellement de leur attribuer des critères diagnostiques ou encore des caractéristiques évolutives (American Psychiatric Association [APA], 2015). De prime abord, l’élément essentiel au constat d’un trouble de consommation de substances est un ensemble de symptômes cognitifs,
comportementaux et physiologiques indiquant que la personne continue à consommer une substance en dépit des problèmes directement imputables à celle-ci. Les critères d’un trouble lié à l’usage d’une substance (p. ex., le trouble de l’usage de l’alcool, le trouble de l’usage du cannabis, le trouble de l’usage de la phencyclidine) sont organisés autour de quatre groupes : une réduction du contrôle, l’altération du fonctionnement social, la consommation risquée et les critères pharmacologiques. Lorsqu’il pose le diagnostic d’un trouble lié à la consommation d’une substance, peu importe la nature de celle-ci, le clinicien doit normalement
décrire la sévérité du trouble, cela étant basé sur le nombre de critères auxquels satisfait la personne (APA, 2015) ENCADRÉ 16.2 : • deux ou trois critères indiquent une sévérité légère ; • quatre ou cinq critères indiquent une sévérité moyenne ; • six critères et plus indiquent une sévérité grave. L’ensemble des troubles de l’usage d’une substance repose sur ces critères. Chaque classe de substances comprend, en plus du diagnostic de trouble lié à sa consommation, un possible diagnostic d’intoxication par la substance, ainsi qu’un possible
CE QU’IL FAUT RETENIR
L’élément essentiel au constat d’un trouble de l’usage d’une substance est un ensemble de symptômes cognitifs, comportementaux et physiologiques indiquant que la personne continue à consommer une substance en dépit des problèmes directement imputables à celle-ci.
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 16.2
Troubles de l’usage d’une substance
A. Mode d’usage problématique d’une substance conduisant à une altération du fonctionnement ou une souffrance cliniquement signicative, caractérisé par la présence d’au moins deux des manifestations suivantes, au cours d’une période de 12 mois : 1. La substance est souvent consommée en quantité plus importante ou pendant une période plus prolongée que prévu. 2. Il y a un désir persistant, ou des efforts infructueux, pour diminuer ou contrôler la consommation de la substance. 3. Beaucoup de temps est passé à des activités nécessaires pour obtenir la substance, à l’utiliser ou à récupérer de ses effets. 4. Envie impérieuse (craving), fort désir ou besoin pressant de consommer la substance. 5. Consommation répétée de la substance conduisant à l’incapacité de remplir des obligations majeures, au travail, à l’école ou à la maison. 6. Consommation continue de la substance malgré des problèmes interpersonnels ou sociaux, persistants ou récurrents, causés ou exacerbés par les effets de la substance. 7. Des activités sociales, professionnelles ou de loisirs importantes sont abandonnées ou réduites à cause de l’usage de la substance. 8. Consommation répétée de la substance dans des situations où cela peut être physiquement dangereux. 9. L’usage de la substance est poursuivi bien que la personne sache avoir un problème psychologique ou physique persistant ou récurrent susceptible d’avoir été causé ou exacerbé par la substance.
10. Tolérance, dénie par l’un des symptômes suivants : a. Besoin de quantités notablement plus fortes de la substance pour obtenir une intoxication ou l’effet désiré. b. Effet notablement diminué en cas de l’usage continu de la même quantité de la substance. 11. Sevrage caractérisé par l’une ou l’autre des manifestations suivantesa : a. Syndrome de sevrage caractéristique de la substance. b. La substance est prise pour soulager ou éviter les symptômes de sevrage. Spécier si : En rémission précoce : Après que tous les critères du trouble de l’usage d’une substance aient été préalablement remplis, plus aucun ne l’a été pendant au moins 3 mois, mais pendant moins de 12 mois (à l’exception du critère A4, « Envie impérieuse [craving], fort désir ou besoin pressant de consommer la substance », qui peut être rempli). En rémission prolongée : Après que tous les critères du trouble de l’usage d’une substance aient été préalablement remplis, plus aucun ne l’a été à aucun moment pendant au moins 12 mois (à l’exception du critère A4, « Envie impérieuse [craving], fort désir ou besoin pressant de consommer la substance », qui peut être rempli). Spécier si : En environnement protégé : Cette spécication supplémentaire est utilisée si le sujet est dans un environnement où l’accès à la substance est limité.
16
a Ce
critère ne s’applique pas dans le cas du trouble de consommation de la phencyclidine, des hallucinogènes et des substances inhalées, pour lesquels des précisions sont apportées dans le DSM-5. Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association, DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
Chapitre 16
Troubles liés à une substance et troubles addictifs
409
Jugement
clinique Jérôme Bouffard, âgé de 39 ans, est hospitalisé depuis 2 semaines pour traiter un trouble bipolaire en épisode maniaque. Au retour de son congé temporaire, vous vous rendez à sa chambre pour évaluer comment s’est déroulé ce congé. Contrairement à son habitude, il a une démarche chancelante, et son débit verbal est plus lent. Il a du mal à suivre la conversation et est facilement distrait, alors qu’une amélioration avait été notée sur ce plan dans la dernière semaine. Il refuse ensuite de vous parler de son congé prétextant qu’il est fatigué et vous demande de le laisser seul an qu’il puisse dormir. Le lendemain matin, il a retrouvé son état normal. Comment qualieriez-vous l’état de monsieur Bouffard ? Sur quels symptômes basez-vous votre hypothèse et comment auriez-vous pu la valider ?
CE QU’IL FAUT RETENIR
Presque toutes les drogues induisent une libération rapide de substances neurochimiques suivie d’une chute du taux de neurotransmetteurs sous la valeur de base lorsque les effets de la drogue s’estompent.
diagnostic de sevrage de la substance. Cela est le cas pour toutes les classes, à l’exception du trouble de l’usage de la caféine ENCADRÉ 16.3. Alors que l’intoxication et le sevrage à la caféine font tous deux l’objet de diagnostics officiels dans le DSM-5, le trouble de consommation à cette substance n’est décrit que dans la troisième section de celui-ci, à savoir la section portant sur les diagnostics proposés, mais non retenus à ce jour. Des recherches empiriques supplémentaires doivent donc avoir lieu avant son ofcialisation.
De nombreux autres termes liés à la consommation de SPA sont utilisés dans ce chapitre. Pour en faciliter la lecture, le TABLEAU 16.1 rassemble les dénitions des termes clés.
16.1.2
Fondements neurobiologiques de la dépendance
Bien que distinctes dans plusieurs sphères, les SPA partagent un tronc commun au niveau cérébral ; elles procurent une activation directe dans le système cérébral de récompense, lequel est luimême impliqué dans le renforcement des comportements et la production des souvenirs (APA, 2015) ENCADRÉ 16.4.
Presque toutes les drogues induisent une libération rapide de substances neurochimiques suivie d’une chute du taux de neurotransmetteurs sous la valeur de base lorsque les effets de la drogue s’estompent. Ce faisant, le seuil de satisfaction s’accroît, et le besoin ou le désir intense de consommer apparaît (Koob & Volkow, 2010). La drogue agit comme un agent renforçateur qui augmente le risque d’un comportement répétitif et la consommation de ladite substance. Les trois phases de la consommation sont caractérisées ainsi : 1) la phase de consommation et d’intoxication où les symptômes propres à chaque substance sont présents ; 2) la phase du sevrage aigu où les symptômes physiques et psychologiques liés au retrait s’installent dans l’organisme ; 3) la phase d’abstinence complète ou partielle dans laquelle les comportements de la personne sont orientés vers la recherche de drogue. C’est au cours de cette phase que s’inscrivent fort possiblement le phénomène de rechute et la chronicité de la toxicomanie (Koob & Volkow, 2010). Depuis peu, le « côté inoffensif » et le « côté obscur » de la dépendance ont été reconnus pour en qualier les deux aspects, soit, respectivement, le début et la n de la consommation (Koob, 2006, 2010). Ces deux côtés sont motivés par des stratégies de récompense et d’évitement différentes. De plus, les substances neurochimiques en cause ne sont pas les mêmes. Au début de la consommation, lorsqu’elle est encore agréable et inoffensive, les neurotransmetteurs de bien-être, à savoir la dopamine et la sérotonine, de même que les opioïdes et d’autres substances neurochimiques prédominent. À mesure que la personne s’accoutume à
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 16.3
Intoxication par la caféine
A. Consommation récente de caféine (typiquement une dose élevée bien supérieure à 250 mg). B. Au moins cinq des signes ou symptômes suivants, se développant pendant ou peu après la consommation de caféine : 1. Fébrilité. 2. Nervosité. 3. Excitation. 4. Insomnie. 5. Faciès vultueux. 6. Augmentation de la diurèse. 7. Troubles gastro-intestinaux.
8. Soubresauts musculaires. 9. Pensées et discours décousus. 10. Tachycardie ou arythmie cardiaque. 11. Périodes d’infatigabilité. 12. Agitation psychomotrice. C. Les signes ou symptômes du critère B causent une souffrance cliniquement signicative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants. D. Les symptômes ne sont pas imputables à une autre affection médicale, et ne sont pas mieux expliqués par un autre trouble mental, dont une intoxication par une autre substance.
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association, DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
410
Partie 3
Troubles mentaux
TABLEAU 16.1
Terminologie associée à la consommation de substances psychoactives
TERME
DÉFINITION
Abstinence
Absence de consommation de SPA.
Dépendance physique
État résultant de l’usage répété et excessif d’une substance au cours duquel l’organisme s’est adapté et est devenu dépendant à la présence de la substance à une certaine concentration.
Dépendance psychologique
État dans lequel l’arrêt ou la diminution de la dose d’une substance produit des symptômes psychologiques caractérisés par une préoccupation émotionnelle et mentale liée aux effets de la substance, ainsi que par un besoin intense et persistant à en reprendre.
Désintoxication
Processus de traitement utilisé pour éliminer une SPA chez une personne dépendante, soit par le retrait graduel du produit, soit par le traitement pharmacologique de substitution spécique pour minimiser et contrôler les risques de complications associées pouvant apparaître à l’arrêt brusque de la consommation du produit.
Drogue
Substance chimique psychoactive qui inue de façon importante sur le fonctionnement du cerveau et, par conséquent, sur celui de l’état mental. A un impact sur l’humeur, les émotions et les processus cognitifs. Synonyme de SPA.
Intoxication
Ensemble des symptômes liés à une consommation récente de substances.
Manque ou craving
Terme habituellement employé pour dénir la sensation qu’entraîne la privation d’une SPA. Le manque est un mot de la langue commune désignant le syndrome de sevrage. Cet état, déclenché par un signal, survient lorsque se présentent des situations antérieurement associées à la consommation de drogues. Le manque est associé au conditionnement classique associé à l’activation du système de récompense dans le cerveau.
Rechute
Retour à la consommation de drogues suivant une période d’abstinence.
Sevrage
Combinaison de réactions physiologiques et psychologiques survenant au cours de l’arrêt ou de la diminution de la consommation d’une drogue dont une personne est dépendante.
Surdose
Présence dans l’organisme d’une quantité excessive de médicaments ou de drogues menaçant l’intégrité physique de la personne.
Tolérance
État d’hyposensibilité de l’organisme se traduisant par une diminution de la réponse à une substance et par la capacité de supporter, sans manifester de symptômes d’intoxication, des doses élevées qui, habituellement, seraient toxiques pour le néophyte. Se manifeste par une diminution de l’efcacité et de la toxicité d’une substance. Cette tolérance peut être innée ou acquise.
Tolérance croisée
Généralisation de la tolérance à une substance à d’autres substances dont l’action est semblable (p. ex., l’alcool et les benzodiazépines). Très important à reconnaître, par exemple, pour le soulagement de la douleur chez une personne qui a été opérée.
Toxicomanie
Consommation compulsive et prépondérante d’une substance, y compris le fait de consacrer de plus en plus de temps à l’obtention ou à la prise de celle-ci ou au rétablissement de ses effets ; peut survenir en l’absence de dépendance physique.
Source : Adapté de Lewis, Dirksen, Heitkemper et al. (2016).
ENCADRÉ 16.4
Reconnaissance et traitement de la pseudodépendance
Le DSM-5 précise qu’un diagnostic de trouble lié à une substance ne doit pas être porté dans le cas où les symptômes de tolérance et de sevrage surviennent au cours d’un traitement médical sous ordonnance (p. ex., avec des analgésiques opioïdes, des sédatifs, des stimulants) et que les médicaments sont pris selon la prescription. Si un client reçoit de trop faibles doses d’analgésiques opioïdes pour soulager sa douleur, il peut chercher à obtenir des doses plus fortes ou consommer d’autres opioïdes, et il devient alors « pseudodépendant ». Les professionnels de la santé peuvent, par erreur, conclure que ce comportement est dû à un problème de dépendance et formuler de mauvaises
recommandations thérapeutiques. Dans ce scénario, le traitement idéal est de bien évaluer la douleur du client et de discuter avec le médecin pour faire augmenter la dose d’analgésiques à une posologie qui réussit à soulager la personne. La pseudodépendance est difcile à diagnostiquer à la première rencontre, mais elle se manifeste de façon plus évidente au cours des visites subséquentes. En fait, il n’y a pas de signes et de symptômes caractéristiques de la pseudodépendance. Toutefois, la mise en place d’une bonne relation thérapeutique et l’établissement de liens dans la chronologie des événements permettent de différencier la dépendance de la pseudodépendance.
Chapitre 16
Troubles liés à une substance et troubles addictifs
411
16
une drogue donnée, les symptômes de tolérance et de sevrage apparaissent. Ces symptômes constituent le côté obscur de la dépendance. À cette étape de la consommation, la sécrétion de norépinéphrine et de l’hormone de libération de la corticotrophine (CRH), entre autres, est élevée, ce qui provoque des symptômes de sevrage chez la personne. Cette dernière consomme ensuite la substance non pas pour la sensation agréable qu’elle procure, mais bien pour éviter le stress physique et psychologique ainsi que les désagréments du sevrage. Si la personne consomme cette substance sur une longue période, l’état d’euphorie des débuts devient de plus en plus difcile, voire impossible à atteindre. Le réseau neuronal de la dépendance dépend entre autres de projections dopaminergiques se déployant et sollicitant au moins quatre circuits cérébraux interdépendants : 1) la récompense, dans laquelle le noyau accumbens et le pallidum ventral jouent un rôle ; 2) la mémoire et l’apprentissage, qui sollicitent le corps amygdalien et l’hippocampe ; 3) le système de contrôle cognitif situé dans le cortex préfrontal et le corps calleux dorsal antérieur ; et 4) la motivation, le dynamisme et la pertinence, qui naissent au cœur du cortex orbitofrontal (Baler & Volkow, 2006 ; Robbins, Everitt & Nutt, 2008). Toutes ces fonctions favorisent la consommation et la poursuite de celle-ci. Au cours des dernières années, plusieurs recherches portant sur la dépendance aux psychostimulants ont été réalisées grâce aux avancées technologiques sur l’imagerie magnétique fonctionnelle et la tomographie par émission de positrons (TEP) (Sinha, 2013). Pouvant examiner le cerveau d’une façon jusqu’ici inégalée, ces études utilisant la technologie TEP ont permis de montrer comment agissent ces drogues sur le système nerveux en modulant les voies dopaminergiques du système mésocorticolimbique impliquées dans les processus de la mémoire, de la cognition, du renforcement positif, de la dépendance et de la compulsion (Oliere, Joliette-Riopel, Potvin et al., 2013). Depuis des millénaires, le cerveau sert à garder l’être humain en vie et a évolué de manière à se « souvenir » spécialement des expériences agréables. Les comportements qui entraînent une libération de dopamine dans l’organisme et qui renforcent de ce fait les mécanismes d’appétence deviennent progressivement des comportements compulsifs. La dépendance s’installe, l’objectif de la consommation change, passant du côté inoffensif au côté obscur. La formation de la mémoire allie sensations et pensée. Le système limbique, une partie du cerveau riche en dopamine, est le centre névralgique des émotions et de la mémoire. Le système limbique à l’origine du plaisir est situé au cœur du cerveau, un endroit protégé des dangers du monde extérieur qui
412
Partie 3
Troubles mentaux
joue un rôle prépondérant dans la survie de la personne. Ce sont la dopamine et les activités agréables qui provoquent une libération d’autres neurotransmetteurs qui stimulent cette partie du cerveau. Le système de production de la dopamine mésolimbique comprend le corps amygdalien et s’étend jusque dans la région frontale du cerveau, soit celle responsable de la priorisation, de l’organisation et de la prise de décisions. Étant donné que cette partie du cerveau est stimulée pendant les comportements de dépendance de la personne, le raisonnement ainsi que la capacité de celle-ci à faire des choix éclairés sont considérablement atteints. L’insula (ou cortex insulaire) est une partie du cerveau qui a été récemment mise en cause dans la dépendance, car elle est stimulée lorsque la personne vit des expériences émotionnelles et des sentiments conscients. Si cette partie du cerveau devient invalide en raison d’un traumatisme ou de tout autre mécanisme, l’organisme (selon des études menées sur des animaux de laboratoire) ne ressent plus de motivation à poursuivre sa consommation d’une drogue donnée (Navqui & Bechara, 2008). Bien qu’il existe un lien entre la consommation de drogues et la volonté de la personne, plus celle-ci en consomme longtemps ou répète un comportement donné, plus ce comportement ou le souvenir d’avoir consommé sera ancré en elle, et moins sa volonté sera grande de corriger la situation (Childress, Ehrman, Wang et al., 2008 ; Goldstein, Craig, Bechara et al., 2009). Il s’agit d’un apprentissage automatique, c’està-dire inconscient et par habitude, comme faire du vélo (Terrier & Lüscher, 2014). Ces voies neurales seraient en cause pour tous les troubles d’impulsivité, dont le jeu pathologique, la dépendance sexuelle et les troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments. De plus, les facteurs situationnels, individuels et environnementaux interagissent en vue de favoriser la poursuite ou l’arrêt d’un comportement. Les chercheurs tentent toujours de formuler une théorie universelle quant à la dépendance, et, même si certains éléments clés relativement au cerveau sont en cause, il y aura toujours des différences dans le fonctionnement neurologique des personnes.
16.2
Étiologie
Un processus complexe, inuencé par divers facteurs qui peuvent être physiques, psychologiques, génétiques et environnementaux, est à la base des troubles liés à une substance et des troubles addictifs. Les scientiques ne possèdent pas encore les données longitudinales (c.-à-d. des données recueillies pendant un grand nombre d’années de
la vie d’une personne) qui permettraient de prédire quelles personnes seront atteintes d’un trouble lié à la consommation de SPA. Bon nombre d’études qui décrivent les traits de personnalité de celles ayant un tel trouble ont été menées alors que ces personnes avaient déjà reçu un diagnostic de trouble lié à la consommation de SPA. Leur niveau de fonctionnement et leurs traits caractéristiques avant que le problème ne survienne sont inconnus. Toutefois, certains facteurs de risque ont été établis. Les chercheurs ont étudié les multiples causes des troubles liés à la consommation de SPA et à d’autres substances. Les données recueillies permettent de mieux comprendre les facteurs de vulnérabilité qui font en sorte que des personnes sont plus sujettes que d’autres à être atteintes d’un trouble lié à la consommation de SPA. Les efforts de prévention sont axés sur l’une des trois sphères d’inuence de l’apparition des troubles liés à une substance, soit les facteurs individuels, situationnels ou environnementaux. Aucun de ces trois facteurs ne permet à lui seul d’expliquer le phénomène. Certains chercheurs ont émis l’hypothèse que les tendances qui se dessinent pendant l’enfance en vue de s’adapter aux situations de stress déterminent les choix effectués dans la vie, notamment quant aux substances consommées et aux comportements. Selon Milkman et Sunderwirth (2010), les trois principales tendances sont les suivantes : recherche de satiété (p. ex., par l’alimentation, la consommation d’alcool), recherche d’émotions fortes (p. ex., par des jeux d’argent, le sexe) et recherche de fantaisie (p. ex., par la préférence pour les hallucinogènes). Ces auteurs croient que les drogues et les activités choisies se substituent aux stratégies d’apaisement et d’adaptation. Elles constituent en quelque sorte des « antidotes à la douleur morale » (Milkman & Sunderwirth, 2010). En outre, les personnes deviennent dépendantes à l’expérience qu’elles ont vécue par l’entremise de la substance. La substance préférée d’une personne porte le nom de substance de prédilection, de choix ou de préférence.
16.2.1
pris en compte, de même que les risques qu’elle perçoit et la présence, dans son réseau, d’amis qui peuvent acheter de l’alcool ou d’autres drogues FIGURE 16.1. Les recherches soutiennent qu’il existe une prédisposition génétique au trouble lié à la consommation d’alcool puisque le risque d’en être atteint est trois ou quatre fois plus élevé chez les membres de la famille immédiate d’une personne qui présente ce trouble. Une revue de la littérature résume les données récentes issues des études sur des humains en ce qui a trait à l’inuence de la génétique sur la consommation d’alcool et la dépendance à celui-ci. À cet égard, la génétique expliquerait près de 50 % des vulnérabilités qui mènent à une forte consommation d’alcool et aux problèmes connexes. En outre, il semble que la plupart des inuences génétiques aient une incidence sur au moins quatre caractéristiques intermédiaires prédominantes (phénotypes) qui interagissent avec des phénomènes environnementaux et donnent lieu à un risque d’alcoolisme : 1) des bouffées congestives à la suite d’une consommation d’alcool ; 2) une faible réaction à l’alcool ; 3) certains traits de personnalité, dont l’impulsivité, la recherche de sensations fortes et la désinhibition neuronale et comportementale ; 4) des symptômes psychiatriques profonds (APA, 2015 ; Schuckit, 2009a). L’APA (2015) soutient qu’« un taux significativement plus élevé de troubles liés à la consommation d’alcool existe chez le jumeau monozygote que chez le jumeau dizygote d’un sujet ayant le trouble ». Aussi, le taux de problèmes liés à la consommation d’alcool augmente en fonction du nombre de membres de la famille atteint d’alcoolisme, de la gravité du trouble ainsi que de la proximité du lien génétique qui unit la personne au proche à risque. Les allèles ALDH2 et ALDH3 auraient une inuence sur la prédisposition d’une personne à l’alcoolisme en jouant sur le métabolisme de l’alcool, laquelle est génétique et varie d’une personne à l’autre (Schuckit, 2009a) ENCADRÉ 16.5. Étant donné que
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les recherches soutiennent qu’il existe une prédisposition génétique à l’alcoolisme puisque le risque d’alcoolisme est trois ou quatre fois plus élevé chez les membres de la famille immédiate d’une personne qui a une dépendance à l’alcool.
16
Facteurs individuels
L’âge, le sexe, l’origine ethnique de même que d’autres descripteurs démographiques sont des facteurs individuels. Les antécédents de la personne quant à sa consommation, à sa capacité à prendre des décisions, à ses perceptions positives relatives aux effets des drogues, à sa facilité à s’en procurer et à son aptitude à trouver l’argent nécessaire pour s’en acheter ainsi que la réponse physiologique de la personne sont autant de facteurs qui contribuent à l’apparition d’un trouble lié à la consommation de SPA. De plus, les systèmes d’évaluation et de croyances de la personne sont
FIGURE 16.1 L’accessibilité de la drogue et la perception des risques liés à la consommation sont des facteurs individuels à prendre en compte. Chapitre 16
Troubles liés à une substance et troubles addictifs
413
ENCADRÉ 16.5
Rôle du glutamate dans les troubles liés à une substance
Des chercheurs sont arrivés à modier la génétique des souris en vue de désactiver certains gènes chez elles. Ils ont conçu des souris dépourvues des récepteurs du glutamate, lesquels ont un rôle à jouer dans l’apprentissage spatial et la mémoire. Ces souris génétiquement modiées ne deviennent pas dépendantes à la cocaïne. De telles études viennent appuyer l’hypothèse selon laquelle des inuences génétiques ont un impact sur la dépendance. Par exemple, une personne dont l’activation et la production en glutamate et en dopamine sont accrues pourrait être plus sujette que les autres à la dépendance. Source : Adapté de Begley (2007).
la génétique d’une personne inue sur la libération et la régulation de ces neurotransmetteurs et sur celles d’autres neurotransmetteurs, elle joue un rôle prépondérant dans l’apparition des troubles liés à une substance. Des études menées auprès d’enfants de parents ayant un trouble lié à l’alcool ont permis d’émettre des prédictions quant aux personnes qui sont sujettes à être atteintes de ce trouble sur la base de leur faible réponse à l’alcool (APA, 2015 ; Schuckit, 2009b). La faible réponse subjective à l’alcool constitue un facteur de risque de l’alcoolisme. Ainsi, les personnes dont la réponse subjective à l’alcool est faible doivent en boire une plus grande quantité que les autres pour en ressentir les mêmes effets. Les chercheurs ont également dévoilé les résultats des premières analyses génomiques relatives à la toxicomanie (National Institute on Drug Abuse [NIDA], 2002). Cette étude a démontré que certaines portions du génome humain diffèrent entre les personnes toxicomanes et celles qui n’ont aucune dépendance. Elle constitue une étape importante qui permettra de cerner les personnes qui présentent un risque élevé de dépendance aux SPA. Ces nouvelles données orienteront les efforts de prévention de même que les traitements de manière à les adapter à ces personnes.
Jugement
clinique
414
Steven Harbec est un adolescent de 15 ans. Inuencé par son meilleur ami et plusieurs camarades de son entourage, il a commencé à fumer il y a un mois. Cependant, ses compagnons de hockey n’aiment pas être avec lui lorsqu’il fume. De plus, la jeune lle qu’il aimerait fréquenter lui a dit qu’elle ne sortirait jamais avec un fumeur. Steven est tiraillé et ne sait plus s’il doit cesser de fumer ou continuer. Qu’est-ce qui peut expliquer l’ambivalence de l’adolescent ?
Partie 3
Troubles mentaux
Les désordres mentaux augmentent les risques de troubles liés à une substance, notamment la schizophrénie et le trouble bipolaire (APA, 2015). Le trouble de stress post-traumatique constitue lui aussi un facteur de risque de consommation ou de rechute. Certaines personnes commencent d’ailleurs à consommer à la suite d’un traumatisme.
En plus des prédispositions à la dépendance, les chercheurs sont également parvenus à démontrer une forte corrélation neurobiologique entre le stress et la consommation de drogues, surtout en ce qui concerne les rechutes. Par exemple, un exfumeur qui vit un stress pourrait rechuter, et ce, même s’il a abandonné le tabagisme depuis longtemps. En outre, le stress prolongé ou chronique nuit au changement des comportements de dépendance. Le stress accroît la production de CRH, qui, à son tour, induit une réaction biologique de l’organisme au stresseur. Après cette exposition à celui-ci, une quantité accrue de CRH se retrouve dans certaines régions du cerveau. Presque toutes les drogues provoquent une augmentation du taux de CRH, ce qui pourrait indiquer qu’il existe un lien neurobiologique entre le stress et la toxicomanie (Koob, 2006, 2010). Le sevrage provoque aussi une hausse du taux de CRH. Finalement, de nombreuses théories psychologiques tentent d’expliquer les troubles liés à la consommation de SPA. Bien que les chercheurs aient étudié en profondeur les caractéristiques des personnalités dépendantes, aucun prol n’est plus sujet à la dépendance que les autres. Toutefois, les comportements agressifs précoces de même que les faibles aptitudes en société constituent des facteurs individuels qui pourraient faire en sorte qu’une personne soit sujette à la toxicomanie (NIDA, 2008). L’impulsivité chez l’adolescent serait aussi un facteur prédisposant à la consommation d’alcool et de drogues (Whelan, Conrod, Poline et al., 2012). En somme, les théories psychologiques ne permettent pas à elles seules d’expliquer la consommation de SPA.
16.2.2
Facteurs situationnels
Les facteurs situationnels comprennent l’inuence exercée par les pairs et les membres de la famille, la norme sociale et le soutien social (Schuckit, 2009b). Cette fois encore, il est important de mentionner qu’en réalité, ces facteurs se recoupent ou chevauchent d’autres facteurs, qu’ils soient environnementaux ou individuels. La théorie des systèmes familiaux est un modèle utile en vue de favoriser la compréhension du fonctionnement émotionnel des familles. À cet effet, des concepts interreliés et interdépendants peuvent décrire ce qui arrive lorsqu’un membre d’une famille est atteint de toxicomanie (Bowen, 1978 ; Kaufman & Brook, 2006 ; Steinglass & Kutch, 2006). Les recherches menées sur l’inuence de la famille sur la consommation de SPA ont conduit à l’élaboration d’interventions axées sur le renforcement de l’unité familiale. Les données tirées du modèle d’écologie sociale indiquent que les parents exercent une inuence sur la relation qu’entretiennent leurs
enfants avec la consommation de drogue, et ce, très tôt dans leur vie (McCrady, 2006).
16.3
Le soutien parental sain est un facteur important de la diminution de la consommation de drogue chez les jeunes (NIDA, 2008). Les chercheurs ont étudié la dynamique familiale en présence de problèmes de comportement (p. ex., l’échec scolaire, un comportement antisocial, un comportement sexuel à risque élevé, l’abus de SPA). Ils ont ensuite conçu des mesures d’intervention en vue de resserrer les liens familiaux, d’améliorer les compétences parentales et d’augmenter la surveillance par les parents. L’objectif était de réduire la consommation de drogue et les comportements sous-jacents.
Chaque substance induit des signes et des symptômes liés à un trouble de consommation de cette substance, à l’intoxication par celle-ci et au sevrage de la substance qui sont différents chez les consommateurs. Dans cette section, chaque substance et ses effets sont présentés selon la classication du DSM-5.
La pression exercée par les pairs et le besoin d’appartenance constituent autant de renforcements positifs chez les jeunes (NIDA, 2008). Parmi les efforts de prévention axés sur les inuences situationnelles gurent le changement de perception au sein du groupe, la promotion de l’inuence positive des pairs, l’amitié avec des pairs qui ne consomment pas et l’amélioration des compétences parentales. La théorie de l’apprentissage par observation évoque que les adolescents élevés dans un foyer où les SPA sont faciles d’accès copient souvent le comportement des adultes ou celui de tout autre modèle qui consomme par plaisir. Il s’agit là d’un exemple de chevauchement, car la théorie de l’apprentissage par observation et l’aspect environnemental de l’inuence exercée sur les jeunes se recoupent.
16.2.3
Facteurs environnementaux
Les chercheurs en santé publique et communautaire évaluent la force de l’inuence exercée par les facteurs environnementaux sur la dépendance. La pauvreté et l’accès à la substance désirée de même que son coût, les règlements en vigueur et leur application ainsi que la sévérité des sanctions encourues par les contrevenants qui fournissent ou qui vendent des substances aux mineurs sont autant de facteurs environnementaux (Holder, 1999 ; NIDA, 2008). De plus, Santé Canada mène des études épidémiologiques descriptives et analytiques auprès de certaines communautés et dans tout le pays dans le but de suivre les tendances relatives à la consommation de SPA (Santé Canada, 2011). Plus particulièrement, l’accès aux drogues et la pauvreté sont des facteurs communautaires bien connus qui ont une incidence sur la consommation (Santé Canada, 2011). Dans un objectif de prévention, Santé Canada met en œuvre diverses stratégies en vue d’aider tant la personne que la communauté en entier, que ce soit au moyen de publications ou de programmes (Santé Canada, 2010a, 2015).
16.3.1
Description clinique
Dépresseurs du système nerveux central
Les dépresseurs du système nerveux central (SNC) ralentissent les fonctions psychiques d’une personne en diminuant l’activité générale du cortex cérébral. Le consommateur peut alors être conscient de son environnement. Sur le plan thérapeutique, les dépresseurs du SNC sont principalement utilisés comme anxiolytiques, sédatifs, hypnotiques, analgésiques et adjuvants de l’anesthésie générale. Dans un contexte récréatif, les effets recherchés par les consommateurs sont généralement l’euphorie, la désinhibition et le soulagement de l’anxiété (Ben Amar & Léonard, 2009). Les dépresseurs entraînent des symptômes de sevrage généralement à l’opposé des effets aigus de la drogue consommée (effet rebond) ENCADRÉ 16.6. Bon nombre de variables peuvent également entraîner des répercussions au cours de cette période. La période de sevrage est liée à la demi-vie de la substance. La durée du sevrage des dépresseurs à action brève peut varier de quelques heures à plusieurs mois si celui-ci s’insère dans un processus de rétablissement.
CE QU’IL FAUT RETENIR
La période de sevrage est liée à la demi-vie de la substance. La durée du sevrage des dépresseurs à action brève peut varier de quelques heures à plusieurs mois si celui-ci s’insère dans un processus de rétablissement.
ALERTE CLINIQUE
Il est important de se rappeler que, bien qu’elle soit vendue de façon légale aux personnes âgées de 18 ans et plus, l’alcool constitue aussi une drogue.
Symptômes cliniques ENCADRE 16.6
Symptômes de sevrage des dépresseurs du système nerveux central
• Les symptômes les plus courants sont : – l’insomnie ; – une forte anxiété ; – l’élévation de la température corporelle ; – une accélération du pouls et une augmentation de la fréquence respiratoire ; – des tremblements ; – des troubles gastro-intestinaux ; – des douleurs musculaires ;
• Les symptômes associés plus particulièrement aux complications du sevrage de l’alcool, des benzodiazépines ou des barbituriques sont : – la confusion ; – des troubles cognitifs comme le délire, les hallucinations, les illusions sensorielles ; – des convulsions ; – un état de stupeur et le coma.
– une diaphorèse ; – une instabilité de la pression artérielle (P.A.).
Chapitre 16
Troubles liés à une substance et troubles addictifs
415
16
Alcool
i L’alcoolémie et les effets concomitants sont détaillés sous forme de tableau dans le chapitre 11 du manuel de Lewis, S.M., Dirksen, S.R., Heitkemper, M.M., et al. (2016). Soins inrmiers – Médecine Chirurgie (2e éd.). Montréal, Québec : Chenelière Éducation.
CE QU’IL FAUT RETENIR
L’alcool est la substance la plus consommée et la plus liée à un trouble de consommation.
ENCADRÉ 16.7. De plus, l’alcool, quelle qu’en soit
L’alcool est la substance la plus consommée et la plus liée à un trouble de consommation. Lorsqu’une personne en bonne santé en consomme avec parcimonie, toute modication du fonctionnement de l’organisme demeure généralement réversible. Une faible consommation aurait même des effets bénéques sur la santé, lesquels seraient optimaux avec une consommation quotidienne moyenne de un demi-verre à un verre standard, et ils s’annuleraient dans le cas d’une consommation moyenne de deux verres par jour pour les femmes et de trois pour les hommes (Butt, Beirness, Gliksman et al., 2011). Une faible consommation diminuerait le risque de maladie et de décès prématuré causé notamment par une cardiopathie ischémique, un accident ischémique cérébral et le diabète. Si, toutefois, l’ingestion d’alcool dépasse la consommation préconisée (10 consommations par semaine chez la femme et 15 chez l’homme [Éduc’alcool, 2013]) ou si une personne en mauvaise santé physique en consomme, les risques d’atteinte aux systèmes de l’organisme augmentent ENCADRÉ 16.7
• Quant au cidre, aux liqueurs à base de malt et aux boissons prémélangées, qui se boivent généralement, mais pas toujours, dans un verre de 142 mL, il faut tenir compte du pourcentage d’alcool indiqué sur la bouteille, lequel varie de 2,5 à 20 %. • Les femmes qui veulent consommer de l’alcool de façon modérée devraient se limiter à 2 verres par jour et à un maximum de 10 verres par semaine. Source : Adapté de Éduc’alcool (2013).
Partie 3
Troubles mentaux
La génétique détermine en partie le rythme du métabolisme de la substance, les réactions physiologiques qui surviennent, le seuil de tolérance de la personne ainsi que la vitesse d’élimination de la substance (Schuckit, 2009a). C’est le foie qui métabolise en grande partie l’alcool. Plusieurs populations asiatiques, africaines et autochtones sont plus à risque que les Blancs d’avoir une forme inactive d’alcool déshydrogénase, soit l’enzyme qui métabolise l’alcool dans le foie. Quarante pour cent de ces populations possèdent une forme active de l’enzyme, mais dont l’efficacité est réduite. Résultat : la réaction de l’organisme à l’alcool est exagérée (Li, Zhao & Gelernter, 2011), ce qui provoque des bouffées vasomotrices, des nausées, des étourdissements et une accélération du rythme cardiaque. L’absence de l’alcool
Teneur en alcool, verre standard et consommation préconisée
• Il y a autant d’alcool dans un verre de bière (341 mL à 5 % d’alcool) que dans un verre de vin (142 mL à 12 % d’alcool), que dans un verre de vin fortié (85 mL à 20 % d’alcool) ou que dans un verre de spiritueux (43 mL à 40 % d’alcool). C’est ce qui est appelé une consommation ou un verre standard.
416
la quantité consommée, s’avère néfaste pour le fœtus, les enfants et les adolescents. Il se révèle également nocif pour les personnes qui prennent des médicaments ayant une interaction néfaste avec l’alcool ou celles atteintes de certains problèmes médicaux ou de troubles mentaux.
• Les hommes qui veulent boire de façon modérée devraient se limiter à 3 verres par jour et à un maximum de 15 verres par semaine. • An d’éviter l’intoxication et les complications qui accompagnent la consommation d’alcool, les femmes ne devraient pas prendre plus de trois verres en une seule occasion ; les hommes ne devraient pas prendre plus de quatre consommations en une même occasion. • An d’éviter qu’une accoutumance ou qu’une dépendance s’installe, il est recommandé que tous ne prennent aucune consommation d’alcool au moins une ou deux journées par semaine.
déshydrogénase prémunit la personne contre le trouble lié à l’alcool.
pas toujours réversibles, même si la personne cesse de boire.
Intoxication par l’alcool
Effets sur le système gastro-intestinal Le métabolisme de l’alcool se produit principalement dans le foie. Conséquemment, une quantité excessive d’alcool métabolisée par celui-ci peut causer des lésions hépatiques. En effet, une consommation accrue d’alcool crée une accumulation de graisses et de protéines dans les cellules hépatiques, ce qui provoque une stéatose hépatique, laquelle est généralement réversible. L’inammation de ces cellules, des valeurs élevées aux épreuves de fonction hépatique (ALT-AST) de même que d’autres signes de l’hépatite alcoolique tels que la èvre, les frissons, la nausée, la douleur abdominale et l’ictère produisent un dépôt excessif d’hyaline et de collagène près des vaisseaux sanguins, et cela constitue les signes précoces d’une cirrhose. Plus les lésions s’aggravent, plus la circulation sanguine dans le foie diminue ; les veines se dilatent, et il se forme des varices. Le liquide provenant du foie s’écoule dans l’abdomen et provoque l’ascite. À mesure que l’insufsance hépatique progresse, le client est atteint de troubles cognitifs résultant d’une encéphalopathie hépatique (Galanter & Kleber, 2006).
L’intoxication par l’alcool, dénie dans le DSM-5, se manifeste par des changements cliniquement signicatifs sur le plan psychologique ou comportemental, qui surviennent pendant ou peu après la consommation d’alcool. La personne peut, au début, ressentir un état de bien-être, une humeur gaie, une plus grande conance en soi. La désinhibition peut entraîner des relations sexuelles non planiées et non protégées, des gestes de violence, une altération du jugement, etc. L’intoxication semble par ailleurs exacerber les comportements suicidaires. Parmi les signes relatifs à ces changements gurent un trouble d’élocution, un manque de coordination, une démarche chancelante, un nystagmus, une haleine éthylique, ainsi qu’un décit d’attention et de mémoire. Les épisodes de voile noir (ou trous noirs), également appelés amnésie antérograde, se caractérisent par une incapacité de se souvenir du fait vécu au cours de l’intoxication. Ils surviennent chez une personne qui a consommé une quantité excessive d’alcool sur une courte période. La dose d’alcool est si grande que l’hippocampe se trouve anesthésié et que les pertes temporaires de mémoire apparaissent. En l’absence d’autres symptômes relatifs à un problème lié à la consommation d’alcool, l’épisode de voile noir n’est pas indicateur d’une dépendance à cette substance. En outre, les personnes dépendantes à l’alcool depuis plusieurs années peuvent avoir connu des épisodes de voile noir après n’avoir consommé qu’une petite quantité d’alcool ; ce phénomène s’apparente à la tolérance inversée. Une alcoolémie très élevée peut entraîner un coma ou un état de stupeur, une dépression cardiorespiratoire, voire la mort 1 .
Effets sur le système nerveux central À long terme, le trouble lié à l’usage de l’alcool cause des lésions organiques au cerveau et entraîne des dysfonctions cérébrales. Les lésions sont attribuables à l’action directe de l’alcool sur les neurones et à une carence en thiamine. Cette décience vitaminique résulte de l’alimentation inadéquate, de la mauvaise absorption intestinale et de la perturbation des fonctions hépatiques 2 . Neuropathie périphérique La neuropathie périphérique frappe environ 10 % des personnes à la suite de nombreuses années de consommation excessive et chronique d’alcool. Elle touche les mains et les pieds et provoque des symptômes comme l’engourdissement, souvent bilatéral, accompagné dans bien des cas de fourmillements et de paresthésie. Les lésions provoquées ne sont
Tractus gastro-intestinal La consommation d’alcool peut entraîner des ulcères ainsi qu’une gastrite, soit une inammation de l’estomac. En effet, l’alcool stimule la production de sécrétions gastriques et favorise la colonisation du milieu gastrointestinal par les bactéries responsables de la formation d’ulcères. L’inammation du pancréas survient à la suite du blocage des conduits pancréatiques et de la stimulation simultanée de la production d’enzymes digestives. Il en résulte une pancréatite aiguë ou chronique (Schuckit, 2000). Finalement, les varices œsophagiennes surviennent dans les cas graves d’alcoolisme. Elles sont attribuables à une mauvaise circulation hépatique. Absorption des nutriments L’alcool a des conséquences déterminantes sur le métabolisme des glucides, car il empêche le foie et le pancréas de réagir normalement à l’insuline. Chez le sujet à jeun, l’alcool produit un effet hypoglycémiant en inhibant la glycogénèse, c’est-à-dire la formation de glucose à partir du glycogène. Néanmoins, l’absorption d’alcool chez le sujet sain qui n’est pas à jeun n’a généralement pas d’effet hypoglycémiant notable. Chez les diabétiques, la consommation d’alcool provoque des effets négatifs sur la maîtrise de la glycémie. Une hypoglycémie alcoolique grave non traitée peut causer des dommages irréversibles au cerveau (Ben Amar & Léonard, 2009). De plus, l’alcool nuit à l’absorption, au stockage et à la distribution des vitamines B 1, B6, D et E, notamment. Enn, bon nombre de personnes Chapitre 16
16 ALERTE CLINIQUE
1 L’alcool entre en inter action avec la plupart des médicaments. La prise de sédatifs, de tranquillisants, d’hypnotiques, de narcotiques et d’antihistaminiques peut entraîner de la somnolence, un manque de concentration, une perte de coordination des mouvements, des étourdissements, un risque de blessures et de problèmes respiratoires graves pouvant aller jusqu’à l’arrêt respiratoire et la mort. 2 L’inrmière évalue rapi dement la consommation d’alcool chez les clients désorientés an d’exclure un trouble neurocognitif ou l’aggravation d’un trouble mental, comme la schizo phrénie, ou la carence en vitamines.
Troubles liés à une substance et troubles addictifs
417
ayant un trouble de l’usage de l’alcool ont des carences en vitamines B12, A et K (Schuckit, 2000).
Effets sur le système cardiovasculaire La forte consommation d’alcool hausse la P.A. et élève tant les triglycérides que le cholestérol à lipoprotéines de faible densité. Ces modications augmentent le risque d’infarctus du myocarde et de thrombose. Pris à forte dose, l’alcool entraîne également une détérioration irréversible du muscle cardiaque, ce qui provoque une arythmie, une insufsance cardiaque ou une cardiomyopathie alcoolique (Galanter & Kleber, 2006). CE QU’IL FAUT RETENIR
Le sevrage aigu de l’alcool commence au cours des 12 heures suivant l’interruption ou la diminution de la consommation ; il atteint son paroxysme durant les 48 à 72 heures qui suivent et s’estompe pendant les 4 ou 5 jours suivants.
Effets sur la moelle osseuse Les chercheurs estiment que chez certaines personnes, une consommation chronique ralentit la production de leucocytes et nuit à leur déplacement vers le lieu de l’infection. Elle inue également sur la production d’érythrocytes, en plus d’augmenter de façon non négligeable la taille de ces cellules (c.-à-d. leur volume globulaire moyen) et de nuire à la production des facteurs de coagulation et des plaquettes, de même qu’à leur efcacité (Galanter & Kleber, 2006). Troubles de l’alternance veille-sommeil L’intoxication alcoolique perturbe souvent la structure du sommeil du buveur. Ce dernier s’endort plus rapidement, mais il connaît un sommeil paradoxal moins profond ainsi qu’un stade 4 du sommeil plus court. Des interruptions entre les stades du sommeil, qui portent le nom de fragmentation du sommeil, peuvent également survenir (Galanter & Kleber, 2006). Les stades de sommeil léger et de sommeil profond ne se suivent pas comme elles le devraient. En outre, le taux de glutamate, un neurotransmetteur excitateur, augmente à mesure que les effets dépresseurs de l’alcool se dissipent, provoquant ainsi une certaine irritabilité et une incapacité à dormir. Changements hormonaux Des changements hormonaux surviennent à la suite d’une forte consommation d’alcool. En effet, une intoxication alcoolique aiguë peut avoir des conséquences sur
Symptômes cliniques ENCADRÉ 16.8
Symptômes de sevrage de l’alcool
Le sevrage de l’alcool peut comporter les symptômes suivants :
• de l’insomnie ;
• une hyperactivité du système nerveux autonome (c.-à-d. une fréquence cardiaque [F.C.] supérieure à 100 bmp ou de la diaphorèse) ;
• de l’anxiété ;
• des tremblements accrus des mains ; • des céphalées ; • un trouble d’orientation dans les trois sphères ;
418
Partie 3
Troubles mentaux
• une agitation psychomotrice ; • des nausées ou des vomissements ; • des convulsions précédées ou suivies d’illusions ou d’hallucinations visuelles, auditives ou tactiles transitoires ; • un état confusionnel (délirium) du sevrage de l’alcool.
le taux de prolactine, sur celui de l’hormone de croissance, de la corticotrophine et sur le taux de cortisol. L’alcool réduit également la production de parathormone, ce qui diminuerait les taux de calcium et de magnésium sanguins. Certaines de ces perturbations provoquent une diminution de testostérone, une augmentation des œstrogènes, une perte de libido, une diminution de la production de sperme ainsi que de la mobilité des spermatozoïdes, un volume éjaculatoire réduit, une impuissance et des irrégularités du cycle menstruel.
Sevrage Le sevrage aigu de l’alcool commence au cours des 12 heures suivant l’interruption ou la diminution de la consommation ; il atteint son paroxysme durant les 48 à 72 heures qui suivent et s’estompe pendant les 4 ou 5 jours suivants. Certains symptômes peuvent se prolonger pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois ENCADRÉ 16.8. Ces symptômes provoquent une détresse ou des troubles considérables sur le plan clinique et nuisent à des aspects de la vie du client qui sont primordiaux quant à son bon fonctionnement au quotidien. L’état confusionnel (délirium) du sevrage de l’alcool, incluant des hallucinations visuelles ou tactiles (delirium tremens), survient chez moins de 10 % des cas de syndrome de sevrage de l’alcool non traité. L’état hallucinatoire alcoolique est plus fréquent et entraîne souvent des hallucinations visuelles effrayantes comportant, par exemple, des vers ou d’autres insectes. Bien que la personne en sevrage soit souvent atteinte de troubles de la perception, elle est généralement orientée dans le temps et dans l’espace. Elle reconnaît également les gens qui l’entourent. La désorientation indique un état confusionnel (délirium) du sevrage de l’alcool imminent. Une évaluation médicale rapide et adéquate auprès du client en sevrage de l’alcool devrait permettre de prévenir ces symptômes plus graves. L’inrmière évalue la consommation d’alcool de tous les clients qui présentent une confusion. Cette évaluation est impérative chez les clients qui ont des antécédents connus de troubles mentaux, de manière à ce que les professionnels de la santé ne confondent pas un état confusionnel (délirium) du sevrage de l’alcool et une démence ou une aggravation d’un trouble mental comme la schizophrénie. Les signes de confusion, qu’ils soient temporaires ou permanents, sont également associés aux conséquences directes de la consommation d’alcool ainsi qu’à certaines carences en vitamines bien précises. Les clients qui présentent de graves symptômes de sevrage doivent généralement se voir administrer des suppléments de vitamines, dont la thiamine (vitamine B1), l’acide folique et la vitamine B12, en vue de pallier un apport alimentaire inadéquat et une malabsorption des nutriments. Dans les cas où un diagnostic d’état confusionnel (délirium) du sevrage de l’alcool est posé, il est
Benzodiazépines Les benzodiazépines sont des substances de choix pour traiter l’anxiété. Celle-ci peut prendre diverses formes : le trouble d’anxiété généralisée, les troubles de stress post-traumatique et aigu, le trouble panique, les phobies et les troubles obsessionnels-compulsifs. Le traitement à long terme est plutôt controversé. Le chlordiazépoxide (Libriummd), le diazépam (Valiummd), le lorazépam (Ativanmd), le clonazépam (Rivotrilmd) et l’alprazolam (Xanaxmd) gurent parmi les benzodiazépines 21 . Certaines sont utilisées comme sédatifs, hypnotiques, anticonvulsivants et pour le sevrage de l’alcool. Une tolérance aux effets thérapeutiques et toxiques peut survenir si de fortes doses sont administrées ou prises fréquemment. Elle résulte d’une diminution de la sensibilité des récepteurs à la suite d’une exposition continue. Il existe une tolérance croisée avec les autres dépresseurs du SNC, y compris l’alcool. Les signes et les symptômes d’intoxication sont : la somnolence, la fatigue, la léthargie, la faiblesse, une altération du jugement, une humeur instable, la dépression, une diminution de la vigilance, un trouble d’attention/de concentration/de mémoire, l’amnésie antérograde, une désorientation, des troubles psychomoteurs (augmentation du temps de réaction), un problème d’élocution, un problème d’équilibre ou de coordination des mouvements, des céphalées, des étourdissements, des vertiges, une vision brouillée, la xérostomie, des nausées, des vomissements, de la tachycardie, des palpitations et des éruptions cutanées. Les benzodiazépines sont relativement sécuritaires quant aux risques de surdose, comparativement aux barbituriques. Dans le cas de surdose, il peut y avoir un sommeil profond, un état de stupeur et une dépression respiratoire (Ben Amar & Léonard, 2009). La mort peut survenir si le client a déjà reçu un diagnostic de maladie pulmonaire obstructive chronique ou s’il a recours à d’autres dépresseurs du SNC. Les benzodiazépines comportent un potentiel élevé de pharmacodépendance. Il est préférable d’échelonner le sevrage sur une longue période de façon décroissante, en suivi externe, avec le médecin traitant. Les personnes qui cessent de consommer
des benzodiazépines du jour au lendemain peuvent être victimes de convulsions ENCADRÉ 16.9.
Barbituriques
clinique
Jugement
important de savoir que d’autres ennuis de santé peuvent être présents, notamment une insufsance hépatique, une pneumonie ou un trauma crânien récent. Si le client a consommé une grande quantité d’alcool, les symptômes de sevrage peuvent apparaître dans les quatre heures suivant l’interruption de sa consommation. Également, il est important de savoir si le client en sevrage de l’alcool présente des antécédents de convulsions au moment de son évaluation initiale, an de les prévenir.
Alain Couturier, âgé de 45 ans, a été admis aux soins intensifs hier en raison de fractures multiples aux jambes après avoir fait une chute du balcon de son logement situé au deuxième étage. Le lendemain de son hospitalisation, il présente des tremblements aux mains, il est agité, il crie et se fâche après le personnel. Au moment du contrôle des signes vitaux, sa P.A. est de 148/86 mm Hg, et son pouls est irrégulier à 98 bpm. Que soupçonnezvous chez monsieur Couturier ? Comment pourriez-vous valider votre hypothèse ?
Les barbituriques exercent une action beaucoup moins spécique que les benzodiazépines, car ils diminuent l’activité des neurones dans l’ensemble du SNC. Certains ont des propriétés anticonvulsivantes ; le phénobarbital en est un de premier choix. Le tableau d’intoxication aigu est semblable à celui de l’état d’ébriété produit par l’alcool. Les cas de surdosage aux barbituriques ont été très fréquents jusque dans les années 1970, et des tentatives de suicide ou des morts accidentelles ont été rapportées à l’époque où ces médicaments étaient très utilisés. La tolérance apparaît rapidement, et les barbituriques deviennent moins actifs après une ou deux semaines de consommation. La personne acquiert une dépendance physique après quelques mois de consommation de doses thérapeutiques ou après quelques jours d’usage abusif des barbituriques. Ces derniers sont beaucoup plus toxicomanogènes que les benzodiazépines, car ils sont plus euphorisants. Le Fiorinalmd, une association d’acide acétylsalicylique, de caféine et de butalbital, est utilisé contre les migraines réfractaires à tous les autres traitements. Ce médicament est encore associé à des cas de toxicomanie, contrairement aux autres barbituriques, car ces derniers sont beaucoup moins utilisés aujourd’hui.
21 Les benzodiazépines sont détaillées dans le chapitre 21, Psychopharma cothérapie et autres thérapies biologiques.
16
Le sevrage des barbituriques doit se faire sous surveillance médicale en centre hospitalier, car il peut être mortel s’il n’est pas médicalement traité. Le syndrome de sevrage est plus sévère avec les substances à courte durée d’action, tels le pentobarbital ou le sécobarbital.
Symptômes cliniques ENCADRÉ 16.9
Symptômes de sevrage des benzodiazépines
Les principaux symptômes de sevrage sont :
• des hallucinations transitoires ;
• l’anxiété ;
• une transpiration excessive ;
• l’irritabilité ;
• des crampes musculaires ;
• l’agitation ;
• de l’anorexie mentale ;
• l’insomnie ;
• des nausées, des vomissements ;
• des cauchemars ;
• de la tachycardie ;
• des tremblements ;
• une légère hypertension artérielle ;
• des étourdissements ;
• des convulsions (cas rares).
• une hypersensibilité à la lumière, aux sons, aux odeurs et aux goûts ;
Chapitre 16
Troubles liés à une substance et troubles addictifs
419
Jugement
clinique
Opioïdes L’humain a recours aux substances opioïdes depuis plus de 3 500 ans. Les opioïdes peuvent être d’origine naturelle, dérivés du pavot à opium, ou d’origine synthétique. Les opioïdes d’origine naturelle sont aussi appelés opiacés (Institut national de Santé publique du Québec, 2012). Ces derniers, sous forme brute, rafnée ou semisynthétique, comprennent l’opium, la morphine, la codéine et l’héroïne, ainsi que des substances comme l’hydromorphone (Dilaudidmd), l’oxycodone (OxyNEOmd) et la buprénorphine (Subutexmd). Les opioïdes d’origine synthétique, dont le mode d’action est semblable à celui de la morphine, regroupent plusieurs produits comme la méthadone (Métadolmd), la mépéridine (Demerolmd) et le fentanyl (Duragesicmd). Le fentanyl est un médicament synthétique administré par injection (Sublimazemd), par voie transdermique (Duragesicmd) ou sublinguale (Abstralmd, Onsolismd). D’autres opioïdes
Marine Demers, âgée de 50 ans, dirige une entreprise de mode. Elle doit se déplacer au moins huit fois par année en Europe. Comme elle éprouve de la difculté à se remettre du décalage horaire, elle prend un comprimé de lorazépam 1 mg avant de monter dans l’avion et le premier soir de son séjour à l’étranger. Elle fait la même chose à son retour au pays. Risque-t-elle d’acquérir une dépendance physique au lorazépam ? Justiez votre réponse.
ALERTE CLINIQUE
Quel que soit le contexte de soins, l’inrmière demande aux clients qui se présentent avec une èvre d’origine inconnue s’ils consomment des drogues injectables.
TABLEAU 16.2
Étapes du sevrage selon les types d’opioïdes
PÉRIODE DU SEVRAGE
HÉROÏNE
MÉTHADONE
Début de l’apparition des symptômes
De 8 à 12 heures
De 24 à 48 heures
Pic d’intensité
De 2 à 3 jours
De 5 à 7 jours
Durée totale
De 7 à 14 jours
21 jours
Symptômes cliniques ENCADRÉ 16.10
Symptômes de sevrage des substances opioïdes
Les symptômes du sevrage de la morphine et de l’héroïne sont, dans un premier temps :
• l’hypertension artérielle ;
• l’état de manque et l’irritabilité ;
• l’irrégularité de la température corporelle ;
• le larmoiement ;
• la mydriase (dilatation des pupilles) ;
• la rhinorrhée ;
• la perte d’appétit ;
• la diaphorèse ;
• la chair de poule ;
• les malaises gastro-intestinaux ;
• les douleurs musculaires ou osseuses du dos ou d’autres parties du corps ;
• les bâillements, qui témoignent de l’atteinte du SNC. À mesure que le sevrage se poursuit, d’autres symptômes apparaissent, dont :
• la tachycardie ;
• les tremblements. Finalement, les symptômes suivants apparaissent :
• le sommeil agité ;
• l’insomnie ;
• les mouvements involontaires des jambes ;
• les bâillements et les symptômes apparentés à ceux de la grippe.
• l’agitation ;
420
Partie 3
Troubles mentaux
peuvent être soit injectés, soit pris par voie orale (P.O.). Les opioïdes ont des propriétés anesthésiques, antidiarrhéiques, antitussives et analgésiques. L’héroïne est généralement injectée ou fumée. Elle peut également être inhalée, à condition qu’elle soit d’une grande pureté. Comme mentionné précédemment, la consommation abusive d’opioïdes délivrés sur ordonnance est de plus en plus fréquente. Les comprimés peuvent être dissous, puis administrés par injection intraveineuse (I.V.). Ils peuvent également être avalés ou réduits en poudre, puis inhalés. La vie des personnes atteintes de troubles liés à l’usage d’opioïdes est axée sur la recherche et la consommation de drogues. Celles qui sont dépendantes à la morphine ou à l’héroïne peuvent consommer des doses massives pouvant atteindre jusqu’à 5 000 mg chaque jour. La surdose fatale n’est pas rare et survient le plus souvent à la suite d’un calcul erroné de dose en fonction de la puissance de la drogue ou de la quantité nécessaire pour ressentir les effets désirés, ou au moment d’un retour à la consommation à la suite d’une période d’abstinence. Voici quelques signes d’intoxication aux opioïdes : un comportement désadapté ou des changements sur les plans physique et psychologique, lesquels apparaissent au moment de la consommation ou peu après celle-ci ; du myosis ; une euphorie suivie d’une apathie, d’une dysphorie, d’un retard psychomoteur ou d’une agitation, de même que d’un jugement affaibli ou d’une difculté à fonctionner ; des changements sur le plan cognitif, dont les troubles d’élocution, la somnolence et le coma. Étant donné les propriétés analgésiques des opioïdes, il n’est pas rare que les personnes qui en consomment fréquemment ne soient pas conscientes des problèmes de santé, même parfois graves, dont elles souffrent. Le sevrage de l’héroïne commence au cours des 4 à 12 heures suivant la consommation de la dernière dose (demi-vie courte). Pour ce qui est de la méthadone (demi-vie longue), le sevrage commence de un à trois jours après la dernière consommation. Le paroxysme est atteint au cours des 48 à 72 heures qui suivent. Les symptômes aigus du sevrage de l’héroïne durent en général cinq jours, et ceux de la méthadone, plusieurs semaines TABLEAU 16.2. Il arrive que les symptômes se prolongent, parfois même pendant des mois ENCADRÉ 16.10.
Gamma-hydroxybutyrate Le gamma-hydroxybutyrate (GHB) (aussi appelé 4-hydroxybutanoate) est un dépresseur du SNC qui calme celui qui en consomme ou qui lui procure des effets sédatifs. Souvent consommé avec de l’alcool, il est considéré comme une drogue de synthèse ENCADRÉ 16.11. Cette drogue est souvent connue sous le nom de drogue du viol en raison
ENCADRÉ 16.11
Drogues de synthèse
Les drogues de synthèse, communément appelées speed, peanut, pills, ont connu un essor de popularité démesuré dans les dernières années. L’amphétamine (speed), la méthamphétamine (ecstasy [3,4 méthylène-dioxyméthamphétamine, MDMA] et crystal meth), le GHB, la kétamine et le diéthylamide de l’acide lysergique (LSD) en sont quelques exemples. Étant donné qu’il est souvent difcile de savoir d’où provient la drogue, de connaître les substances qui ont servi à sa fabrication et les contaminants qu’elle risque de contenir, il est ardu, voire impossible d’établir les symptômes, la toxicité et les conséquences de ladite drogue dans une communauté donnée.
de ses propriétés amnésiques. Les personnes qui consomment cette substance de façon excessive le font le plus souvent pour ses propriétés enivrantes, sédatives ou euphorisantes, ou encore pour sa capacité à stimuler la libération de l’hormone de croissance, ce qui contribue à augmenter la masse musculaire. Les effets du GHB durent jusqu’à quatre heures, selon la dose ingérée. La concentration de GHB dans les doses vendues est très variable (de 0,5 à 5 mg par dose). L’évaluation de la consommation se fait sur la base de la fréquence des prises de cette drogue. À forte dose, le GHB entraîne une dépression respiratoire et une diminution de la F.C. si marquées qu’il peut causer la mort. La surdose survient rapidement et se manifeste par des nausées, des vomissements, des maux de tête, une altération de la conscience et des réexes. L’organisme métabolise rapidement le GHB, c’est pourquoi il est difcile de le détecter lorsqu’un consommateur se présente à l’urgence. Le sevrage du GHB est similaire à celui de l’alcool, mais il garde ses particularités. Lorsqu’il y a interruption brusque de la consommation répétée de fortes doses, le sevrage du GHB entraîne les principaux symptômes suivants : l’anxiété, l’insomnie, les tremblements et les crampes musculaires. Dans les cas graves, mais plus rares d’arrêt abrupt du GHB, il est possible d’observer une agitation intense, des délires paranoïaques, des hallucinations auditives et visuelles, de la tachycardie et de l’hypertension artérielle ainsi que des convulsions, et ce, quelques heures après que le consommateur a cessé l’usage prolongé de cette drogue (Ben Amar & Léonard, 2009).
Substances volatiles (inhalants) Cette classe comprend les produits qui dégagent des vapeurs chimiques de substances telles que la colle, l’essence, la peinture et les autres gaz volatiles contenant des hydrocarbures dont l’inhalation entraîne des effets psychoactifs
ENCADRÉ 16.12 . Ces substances ne coûtent pas
cher et sont faciles d’accès, particulièrement pour les jeunes. Les substances volatiles produisent des effets semblables à ceux d’une anesthésie. Elles ralentissent les fonctions cérébrales. Selon la dose qu’il a prise, le consommateur ressent une légère stimulation, une levée des inhibitions ou une perte de conscience. L’inhalation d’une forte concentration de substances volatiles peut entraîner une insufsance hépatique, une suffocation, une dépression respiratoire et la mort. La perte auditive, la neuropathie périphérique ou des spasmes, une atteinte du SNC ou encore de la moelle épinière constituent d’autres effets irréversibles. Les inhalants n’entraînent pas tous, en tant que tels, de syndrome de sevrage. Celui-ci commence généralement un ou deux jours après l’arrêt de la consommation ; il dure de deux à cinq jours. Certains symptômes se manifestent à l’occasion : de l’anxiété, de l’irritabilité, des troubles du sommeil, une dépression, des étourdissements, une sensation de ottement, des tremblements, une transpiration excessive, une perte d’appétit, un malaise abdominal, des nausées. Plus rarement, la personne qui a pris de fortes doses de toluène manifeste des symptômes qui s’apparentent à ceux associés au sevrage sévère de l’alcool, à savoir un état confusionnel (délirium) et des hallucinations (Ben Amar & Léonard, 2009). Les centres de traitement des consommateurs d’inhalants se font rares. Les recherches sur le sujet indiquent que les consommateurs chroniques sont les plus difciles à traiter. Ces derniers éprouvent de nombreux problèmes sociaux et psychologiques. De plus, la rechute est fréquente chez ces consommateurs (Rosenberg, 2002).
16.3.2
CE QU’IL FAUT RETENIR
Le GHB est une drogue qui a des propriétés enivrantes, sédatives ou euphorisantes et qui cause une amnésie. À forte dose, il entraîne une dépression respiratoire et une diminution de la F.C. qui peut causer la mort.
Stimulants du système nerveux central
Ces substances stimulent les fonctions psychiques de la personne qui en consomme. Le degré d’éveil
ENCADRÉ 16.12
Catégories et exemples d’inhalants
Les inhalants sont classés en trois catégories : • les solvants, dont le toluène, l’essence et leurs dérivés (p. ex., un diluant, un dégraissant, de la colle) ; • les gaz, dont l’éther, le chloroforme, l’oxyde nitreux (vendu sous forme de nitrite de pentyle et communément appelé poppers), le butane, le propane, l’essence, les cétones, les chlorouorocarbures, le chlorure d’éthyle (p. ex., le gaz frigorigène et les aérosols des contenants de crème
Chapitre 16
fouettée, la peinture à pulvériser, la laque et le déodorant en aérosol, les protecteurs à tissus) ; l’un des modes d’ingestion courants est le whippet, qui consiste à remplir un ballon d’inhalant et à en respirer le contenu pour ressentir ses effets ; • les nitrites (p. ex., les nitrites aliphatiques, dont le nitrite de cyclohexyle, le nitrite de pentyle et le nitrite de butyle, lequel est maintenant illégal).
Troubles liés à une substance et troubles addictifs
421
16
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les stimulants du système nerveux central stimulent les fonctions psychiques ; le degré d’éveil et l’activité générale sont alors augmentés.
et l’activité générale du cortex cérébral sont alors augmentés. Parce qu’ils accélèrent le processus mental, accroissent la vigilance et stimulent l’humeur et la motricité, le consommateur devient plus alerte et se sent plus énergique (Ben Amar & Léonard, 2009). Dans cette catégorie se trouvent la caféine, l’éphédrine, la cocaïne, les amphétamines ainsi que ses substances analogues. Cette classe de produits compte également des substances dont les effets sont semblables, mais dont la structure chimique est différente (p. ex., les comprimés coupe-faim). Les stimulants constituent des drogues populaires en raison des effets qu’ils produisent sur le cerveau. Comme évoqué précédemment dans ce chapitre, les stimulants de type amphétaminique ont connu la plus forte prévalence au cours des dernières années et constituent désormais une cible de traitement à part entière. En effet, les consommateurs de stimulants deviennent dépendants à l’énergie, à la vivacité intellectuelle ainsi qu’au bien-être que ces produits leur procurent. Ces drogues agissent de façon centrale, c’est-à-dire sur les mécanismes du SNC qui sont responsables des fréquences cardiaque et respiratoire. Les consommateurs de stimulants s’administrent leur dose par voie P.O., intranasale, intrapulmonaire (fumée) ou I.V.
Stimulants mineurs Caféine et boissons énergisantes éactivation des connaissances La plupart des études portant sur la grossesse n’ont établi aucun lien entre la consommation de caféine et les anomalies congénitales ou le faible poids à la naissance. Cependant, que risque la femme enceinte qui consomme plus de 200 mg de caféine par jour ?
ALERTE CLINIQUE
Il est capital de demander aux clients suivis en psychiatrie la quantité de caféine qu’ils consomment, car à forte dose, cette dernière peut entraîner de l’anxiété ou de l’insomnie.
422
Partie 3
Les troubles liés à la consommation de la caféine apparaissent dans le DSM-5. Il s’agit par ailleurs de la seule substance pour laquelle on ne peut dénir un trouble de consommation, mais uniquement poser un diagnostic d’intoxication et de sevrage. Le trouble de consommation de la caféine fait toutefois l’objet d’études en cours et pourrait être inséré dans une future édition du manuel. La caféine demeure le stimulant psychotrope le plus consommé dans le monde. Il s’agit d’une méthylxanthine, tout comme la théobromine contenue dans le chocolat et la théophylline (Uniphylmd). Les Canadiens boivent plus de 15 milliards de tasses de café par année. Le consommateur de café moyen en boit trois tasses par jour (PasseportSanté.net, 2008). Au Canada, il est estimé que 60 % de la caféine consommée provient du café. Le reste provient du thé, du chocolat, des boissons énergisantes, etc. (Santé Canada, 2010b). Cette substance se retrouve également dans certains médicaments. Les symptômes associés à la consommation de cette substance sont nombreux et se manifestent selon la personne et la quantité consommée. Dans certains cas, une tolérance à la caféine peut apparaître. Les personnes qui consomment de la caféine en grande quantité peuvent être atteintes de délirium.
Troubles mentaux
Depuis un certain temps, les boissons de type énergisantes ont la cote auprès des adolescents et des jeunes adultes. Le taux de caféine contenu dans ces boissons diffère d’une marque à l’autre. Celles qui contiennent de la caféine et dont la teneur en sucre est élevée entraînent une augmentation de la vigilance de 15 à 20 minutes suivant leur consommation, laquelle résulte du métabolisme du glucose (Anderson & Horne, 2006). Selon des études menées aux États-Unis, entre un tiers et la moitié des adolescents consommeraient des boissons énergisantes de manière régulière ; elles constituent la principale source d’apport en caféine chez cette clientèle (Bigard, 2010 ; Hamilton, Boak, Ilie et al., 2013 ; Mitchell, Knight, Hockenberry et al., 2014 ; Trapp, Allen, O’Sullivan et al., 2014). Les principaux effets recherchés par la consommation de ce type de boisson sont la performance (physique et intellectuelle), les sensations fortes, la diminution de la fatigue et le prolongement de l’amusement. La véritable question se pose toutefois : la consommation régulière de ce produit présente-t-elle un risque ? La réponse est oui, les problèmes physiques et de santé mentale étant directement liés à l’intoxication possible à la caféine. En effet, les jeunes consommateurs sont plus vulnérables au risque d’intoxication en raison de leur plus faible tolérance à la caféine que les sujets plus âgés. Parmi les problèmes répertoriés gurent les troubles cardiovasculaires, les troubles neurologiques (abaissement du seuil épileptogène), les complications rénales (liées à l’effet diurétique et natriurétique de l’excès de caféine), la dépendance aux boissons énergisantes et le risque accru de voir se développer un trouble de l’usage de substance autre telle que l’alcool, le tabac ou d’autres produits stimulants (Petit, Karila & Lejoyeux, 2015). Les boissons énergisantes qui contiennent de l’alcool (p. ex., RockstarMD) s’avèrent dangereuses, car la caféine pourrait masquer les symptômes d’intoxication tout en ayant simultanément un effet stimulant. Par conséquent, le mélange d’alcool et de boisson énergisante augmente de façon notable les conduites à risque (rapports sexuels non protégés, conduite automobile en état d’ ébriété) et les troubles du comportement (bagarre, comportements antisociaux). Le mode de vie d’une personne consommant du café est rarement centré sur la recherche et la consommation de caféine ; cette substance n’est donc pas vraiment considérée comme une drogue utilisée par les personnes toxicomanes (Association pour la santé publique du Québec, s.d. ; Éduc’alcool, 2015). Le sevrage survient au cours des 12 à 24 heures suivant la n de la consommation et dure de 2 à 7 jours. Son apogée se manifeste après une ou deux journées d’abstinence. Les symptômes ressentis sont les maux
de tête, la fatigue, les bâillements et les nausées. La tension musculaire, l’irritabilité, l’anxiété et les changements sur le plan cognitif comptent parmi les effets de ce type de sevrage. Étant donné que les symptômes du sevrage de la caféine chevauchent souvent d’autres ennuis médicaux, troubles mentaux ou autres symptômes de sevrage, il est important de procéder à une évaluation minutieuse de la consommation récente de caféine chez le client. Ainsi, si la personne consomme de la caféine et que ses symptômes s’atténuent, le diagnostic à poser n’en sera que plus clair. Pour ce qui est des boissons énergisantes, tant l’alcool que la caféine sont des déshydratants, et la déshydratation nuit au métabolisme de l’alcool. En conséquence, des symptômes de sevrage apparentés à ceux de la « gueule de bois », parfois même exacerbés, peuvent s’ensuivre (Éduc’alcool, 2015). Finalement, les troubles liés au sevrage de la caféine surviennent même si la dose de caféine consommée est faible, et ce, tant chez l’adulte que chez l’enfant.
Nicotine La nicotine est l’agent principal responsable de la dépendance physique aux produits du tabac et certainement la plus mortelle et la plus coûteuse. « En tout, plus de 37 000 Canadiens par année meurent en raison du tabagisme » (Santé Canada, 2009). La dépendance à la nicotine apparaît sur une période relativement courte, soit généralement après le cinquième contact avec la drogue (DiFranza, 2008). L’activité cérébrale devient intense et généralisée en réaction à la nicotine. La consommation accrue de nicotine et le désir de continuer à en consommer sont attribuables à une hausse de la dopamine, de la norépinéphrine, de l’épinéphrine et de la sérotonine dans le système cérébral. L’organisme fait rapidement passer la nicotine dans la circulation. Cette substance possède des propriétés stimulantes et dépressives. En effet, la nicotine entraîne une augmentation de la vigilance, facilite l’attention, la concentration, la mémoire ; elle diminue l’anxiété, le stress, l’irritabilité ; elle est un relaxant musculaire ; elle augmente les sécrétions bronchiques, la tachycardie, l’hypertension artérielle ; elle diminue l’appétit et peut entraîner une perte de poids ; enn, la nicotine augmente le métabolisme et l’hyperthermie (Ben Amar & Léonard, 2009). La dépendance psychologique à la nicotine s’explique à la fois par ses propriétés intrinsèques et par des facteurs psychosociaux. Chaque fois que le fumeur porte une cigarette à sa bouche, il renforce ce comportement. Aussi, le fumeur acquiert l’habitude d’allumer une cigarette pour faire face à des situations telles que le stress, la nervosité et
les émotions. De plus, il existe un renforcement social dans des événements particuliers comme les pauses-café, les repas et les sorties. Le milieu social, particulièrement chez les jeunes, peut renforcer le tabagisme. Le sevrage de la nicotine se caractérise par une humeur dysphorique ou dépressive, de l’irritabilité, de la frustration, de la colère, de l’anxiété, des troubles de concentration, de l’agitation, de l’impatience, une diminution de la F.C. ainsi qu’une augmentation de l’appétit ou une prise pondérale. Le symptôme le plus courant est l’état de manque (craving). La plupart des symptômes de sevrage de la nicotine atteignent leur paroxysme au cours des trois premiers jours suivant l’abandon du tabac, mais ils peuvent durer de quatre à six semaines et même plus. L’état de manque et la prise de poids persistent toutefois encore plus longtemps. Il existe plusieurs traitements de substitution qui comprennent de la nicotine ou non (ils seront détaillés plus loin) ; ils favorisent l’abstinence. Sans aide médicale, 90 % des fumeurs qui décident d’arrêter de fumer rechutent au cours des 6 premiers mois. Des études sur le sujet indiquent que le fait de participer à un programme d’abandon du tabac pendant au moins un an augmente de façon considérable les chances de réussir à arrêter de fumer (Santé Canada, 2008). Dans ce type de programme, le client reçoit du soutien par téléphone ou est appelé à s’enregistrer sur Internet. Le client peut en tout temps assister à des rencontres de groupe lorsqu’il le juge nécessaire.
i Des activités interactives, des outils et des forums sont proposés pour se libérer de la dépendance à la nicotine sur les sites www.jarrete.qc.ca et www.detabac.qc.ca/fr.
Stimulants majeurs Amphétamines Les amphétamines et les molécules apparentées se retrouvent sur le marché sous forme de comprimés, de poudre ou de cristaux. Leur popularité a connu une croissance incomparable dans les dernières années à l’échelle mondiale, mais plus particulièrement en Amérique du Nord (Ofce des Nations Unies contre la drogue et le crime, 2012). Elle est en majeure partie due à leur prix très abordable, à leur grande accessibilité sur le marché et à la diversité quant au moyen de les consommer. L’effet euphorisant, de bien-être et de satisfaction est plus puissant et dure plusieurs heures, ce qui rend leur consommation très attrayante, particulièrement chez les jeunes. Les drogues de type amphétamines peuvent être prises par voie P.O., inhalées de façon intranasale, fumées ou injectées par voie I.V.
CE QU’IL FAUT RETENIR
La dépendance à la nicotine apparaît sur une période relativement courte, soit généralement après le cinquième contact avec la drogue.
Elles comprennent principalement : l’amphétamine ; la dexamphétamine (utilisée à des ns médicales pour traiter la narcolepsie) ; la méthamphétamine ; le méthylphénidate (psychostimulant utilisé dans le traitement du décit de l’attention/ Chapitre 16
Troubles liés à une substance et troubles addictifs
423
16
hyperactivité [TDA/H]) ; le cathinone (stimulant provenant de la feuille de khat, un arbuste présent essentiellement dans la péninsule arabique et dans certains pays d’Afrique) ; la méthcathione (synthétisée en laboratoire, ses effets durent beaucoup plus longtemps que la molécule d’origine) ; les anorexigènes ou inhibiteurs de l’appétit. Bien que le prototype de la MDMA (ou ecstasy) soit un stimulant, il se retrouve également dans la classe des hallucinogènes et sera décrit plus loin dans ce chapitre (Centre québécois de lutte aux dépendances [CQLD], 2014). CE QU’IL FAUT RETENIR
La méthamphétamine ne fait pas qu’entraîner une production soudaine de dopamine, elle empêche également son recaptage, ce qui contribue à l’épuisement et à la destruction des neurones.
La méthamphétamine en cristaux est une forme très pure de méthamphétamine que les consommateurs fument an de ressentir une stimulation puissante et rapide. La méthamphétamine ne fait pas qu’entraîner une production soudaine de dopamine, elle empêche également le recaptage de cette dernière. Un plus grand nombre de neurotransmetteurs se trouvent alors libérés dans la zone synaptique, ce qui perturbe le fonctionnement du cerveau. Bien que cette drogue engendre une telle stimulation avec une efcacité marquée, elle contribue aussi à l’épuisement et à la destruction des neurones. Stimulants majeurs, ces substances agissent en augmentant l’activité psychique et la vigilance. Les amphétamines amplient l’activité des neurones à catécholamines et agissent sur deux neurotransmetteurs, la dopamine et la norépinéphrine. Les consommateurs qui en prennent s’attendent généralement à sentir un surcroît d’énergie et à éprouver une sensation de bien-être, une euphorie et une augmentation de la libido. Les effets indésirables qui en découlent sont généralement l’anxiété, l’agitation, une perte pondérale, l’inammation de la peau, la destruction de la dentition et une léthargie. Un usage prolongé et répété épuise la réserve de certains neurotransmetteurs, détruit les neurones, entraînant des dommages cérébrovasculaires ; il peut induire des troubles du comportement et des épisodes psychotiques avec hallucinations auditives et visuelles, délire de grandeur ou de persécution. La paranoïa vécue par la personne est associée à la croyance erronée d’un danger imminent et peut également conduire à de l’hostilité ou à des épisodes de violence. Les psychostimulants comme le méthylphénidate (Ritalin md ) et la dextroamphétamine (Dexedrinemd) sont utilisés dans le traitement de troubles médicaux, dont la narcolepsie, le TDA/H et l’obésité. Les effets des stimulants sont semblables à ceux de la cocaïne, à l’exception qu’ils ne produisent aucun effet anesthésique local. En outre, il arrive aux consommateurs d’en prendre une grande quantité pendant une certaine période, laquelle est suivie d’une période d’abstinence. La stimulation excessive du système nerveux autonome fait grimper dangereusement la P.A. et la
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Partie 3
Troubles mentaux
température corporelle. Cette stimulation démesurée provoque également une augmentation des fréquences cardiaque et respiratoire. Le consommateur peut se montrer violent ou agressif. Dans les cas de toxicomanie ou de dépendance à ces stimulants, les clients peuvent être atteints d’anxiété, de paranoïa et vivre des épisodes psychotiques.
Cocaïne La cocaïne est un stimulant alcaloïde semblable aux autres stimulants du SNC (p. ex., les amphétamines) en raison de son portrait clinique, de l’intoxication qu’elle provoque et des approches thérapeutiques qu’elle nécessite. Dans la rue, la cocaïne est vendue sous forme d’une poudre impure mélangée à du glucose, du mannitol ou du lactose. Le crack (cocaïne-base), une combinaison de cocaïne avec du bicarbonate de soude ayant comme résultat une forme cristallisée (roche), est fumé sur du tabac ou à l’aide d’une pipe conçue à cet effet. Le crack est produit en grande quantité, il renferme plus d’impuretés (p. ex., du bicarbonate de soude) et est prêt à fumer dès son achat, tandis que la free base est mélangée avec du sel et préparée par le consommateur. La pureté du crack varie habituellement de 50 à 95 %, et celle de la free base est de 90 à 100 % (Ben Amar & Léonard, 2009). Généralement, les consommateurs de cocaïne se l’injectent par voie I.V. ou l’inhalent. Par voie intranasale, les effets de la cocaïne se font sentir approximativement en trois à cinq minutes. Dans les 10 à 20 minutes suivant la consommation, les effets de la drogue atteignent leur maximum. La concentration de cocaïne dans le sang est à son taux le plus élevé au cours des 30 minutes suivant la prise de la drogue. Les effets de celle-ci se dissipent assez rapidement, soit généralement au bout de deux heures. Toutefois, certains effets perdurent jusqu’à quatre heures. La cocaïne est décelable dans l’urine pendant au moins trois jours. Enn, comme pour toutes les drogues fortement toxicomanogènes, la tolérance à la cocaïne s’acquiert rapidement. L’intoxication à la cocaïne se manifeste par une euphorie, un émoussement affectif, une hypervigilance, une agitation, de la colère, un jugement affaibli, une altération du fonctionnement en société ainsi qu’une anxiété. À long terme, les personnes qui ont consommé de fortes doses de cocaïne risquent d’en subir les effets dépresseurs, notamment la tristesse, la diminution de la P.A. ainsi qu’un retard psychomoteur. En outre, l’évolution de l’intoxication est spontanément résolutive (se guérit sans traitement) au bout d’environ 24 heures, après quoi les symptômes de sevrage commencent à apparaître. D’ailleurs, ces symptômes de sevrage sont souvent qualiés d’effondrement lorsque le consommateur devient dépressif. Cet état pousse souvent ce dernier à
Sevrage des stimulants majeurs Le sevrage des amphétamines et de la cocaïne ne menace pas la vie du consommateur. Les signes physiques du sevrage de la cocaïne, des amphétamines et des autres stimulants du SNC sont restreints. En raison du phénomène de tolérance, une personne peut voir apparaître des symptômes de sevrage, dont des douleurs ou des malaises diffus, et ce, même si elle consomme toujours ces stimulants. Le syndrome clinique de ce type de sevrage se manifeste ainsi : un grave état de manque et des comportements de recherche de drogue ; une agitation ; une dépression intense, mais temporaire pouvant faire place à des idées suicidaires susceptibles de conduire à une tentative de suicide soudaine ; et une perte d’appétit qui nit par entraîner une fatigue accompagnée d’insomnie, d’une dépression continue et d’une réduction de la sensation de manque. La période la plus difcile du sevrage se situe de un à trois jours après l’arrêt de la consommation. Les symptômes caractéristiques de la dernière étape du sevrage sont notamment l’épuisement, le retour de l’appétit et la sensation d’avoir besoin de sommeil. Ces symptômes se manifestent dès les 9 premières heures de sevrage et jusqu’aux 14 premiers jours. La régularisation des habitudes de sommeil, la diminution de la sensation de manque et le retour à une humeur normale surviennent ensuite. Puis, le sevrage se poursuit et entraîne une recrudescence de la fatigue, de l’anhédonie et de l’anxiété. Le traitement du sevrage des stimulants majeurs est axé sur le soulagement des symptômes ; les professionnels de la santé essaient d’éviter l’administration de médicaments. Il n’y a pas de traitement pharmacologique reconnu. Les plus récentes données sur le sujet indiquent qu’il est préférable de traiter les personnes ayant une dépendance à ces stimulants de manière intensive et complète, sur une période allant de trois mois à un an dans un environnement très structuré. Le plus grand danger est que le client cherche à consommer d’autres substances psychotropes, dont l’alcool et les benzodiazépines, an de combler le vide qu’il ressent, lequel est attribuable au sevrage des stimulants. Il peut arriver qu’un stimulus, comme celui de voir une substance blanche en poudre, éveille un manque chez la personne toxicomane. Ce type de conditionnement contribue probablement à la rechute et s’avère difcile à corriger.
16.3.3
Perturbateurs du système nerveux central
Couramment, le terme hallucinogènes est utilisé pour parler des dérivés du cannabis et de différents hallucinogènes classiques tels que le LSD, l’ecstasy, la phencyclidine (PCP) et les
anticholinergiques. Le terme perturbateurs est toutefois de plus en plus utilisé pour désigner le groupe de substances dont l’effet principal est la modication des perceptions sensorielles. Bien que cette appellation ne soit pas consignée dans la plupart des ouvrages francophones, elle correspond de plus près à la réalité, car les effets du LSD, du cannabis et de l’ecstasy diffèrent grandement (Ben Amar & Léonard, 2009). Les perturbateurs entraînent un sevrage dont les signes et les symptômes sont souvent de légers à modérés.
Cannabis La marijuana et le hachisch sont les substances bioactives du chanvre indien. Le cannabis demeure la drogue illicite la plus courante, se classant au quatrième rang des drogues les plus consommées après la caféine, la nicotine et l’alcool. Le principe actif de la marijuana et du hachisch est le tétrahydrocannabinol (THC), lequel est responsable de la plupart des effets qui mènent à une consommation soutenue.
i La consommation médicale du cannabis est détaillée sur le site du Consortium canadien pour l’investigation des cannaboïdes : www.ccic.net.
La plupart du temps, le cannabis est fumé à l’aide d’une pipe ou d’une cigarette (« joint »). Cependant, certains l’ajoutent à des aliments. D’autres choisissent plutôt de l’associer à d’autres drogues comme l’opium, la cocaïne ou la phencyclidine (PCP), par exemple. Les symptômes de l’intoxication au cannabis varient. En voici quelques exemples : euphorie et rire exagéré ; mégalomanie ; sédation, léthargie et fonctions cognitives affaiblies ; perceptions sensorielles déformées ; fonction et efcacité motrices affaiblies ; impression que le temps passe lentement. Les effets psychoactifs du cannabis sont suivis d’autres signes qui apparaissent au cours des deux heures suivant l’ingestion de la drogue, notamment une injection conjonctivale (c.-à-d. des yeux injectés de sang), un appétit Julien Lacasse, âgé de 25 ans, est atteint de accru, une tachycardie et une trouble bipolaire. Lorsqu’il a un épisode de manie, sécheresse de la bouche. Une il consomme de la cocaïne par voie intranasale. personne qui fume du cannaCes derniers jours, il en a consommé au moins bis en ressentira les effets en deux fois par jour. Monsieur Lacasse est amené à quelques minutes, et ce, penl’urgence psychiatrique, car les policiers l’ont dant trois ou quatre heures. trouvé dans un parc public pendant la nuit alors L’intensité des symptômes qu’il hurlait comme un loup ; il riait sans arrêt et dépend de divers facteurs, montrait de la méance, pinçant les lèvres et dont la dose, le mode d’ingesgardant les yeux grand ouverts. Il s’est même fâché tion ainsi que le profil du contre le policier qui le faisait monter dans la consommateur. Le cannabis voiture. Visiblement, il était en état d’intoxication. est liposoluble ; la consommaIl est maintenant redevenu calme, mais lorsqu’il tion d’une forte dose peut faire apprend que sa petite amie veut le quitter, il en sorte que ses effets durent répond sur un ton monocorde avec un petit sourire de 12 à 24 heures, et l’éliminaen coin : « Ouais ! Quel dommage. » Comment tion de la substance des tissus devez-vous qualier l’affect de monsieur Lacasse de l’organisme peut prendre dans cette situation ? jusqu’à 40 jours.
clinique
Jugement
consommer de nouveau, à tenter un sevrage, puis à retomber dans le même cercle vicieux.
Chapitre 16
Troubles liés à une substance et troubles addictifs
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16
Jugement
clinique
La consommation fréquente de doses élevées de Lisbeth Bjurman, âgée de 24 ans, est atteinte d’un cannabis entraîne une dépentrouble de la personnalité et se vante d’être la dance psychologique se trafemme la plus séduisante de son bureau. Elle fume duisant par un besoin de du cannabis en cachette pendant ses heures de consommer. Si la consommatravail et consomme de plus en plus lorsqu’elle sort tion de cannabis est prolonavec ses amies. Après une soirée où elle a fumé gée, la dépendance et la des « joints » presque sans arrêt, une amie l’a tolérance qui en résultent conduite à l’urgence. Madame Bjurman disait, avec conduisent parfois à un synun rire exacerbé, qu’elle était la plus grande drome amotivationnel, ca vedette de la province et qu’elle avait l’impression ractérisé par l’apathie, la d’être légère dans sa montée au paradis même si passivité, l’indifférence, la elle titubait en marchant. Madame Bjurman est-elle perte d’intérêt et d’ambition, intoxiquée au cannabis ? Justiez votre réponse. le manque d’initiative et le piètre rendement dans les études ainsi qu’au travail. Généralement, ces symptômes disparaissent graduellement dès l’arrêt de la prise de cannabis et réapparaissent avec la reprise des habitudes de consommation. L’interruption brusque de doses massives peut se traduire par un syndrome de sevrage. Les principaux symptômes de sevrage du cannabis sont l’irritabilité, l’anxiété, l’agitation, des céphalées, la diaphorèse, les nausées, la perte d’appétit et les troubles du sommeil. Le traitement offert en est davantage un de soutien. Le recours au cannabis est toutefois approuvé dans le traitement de diverses maladies, dont la douleur chronique, les maladies neurodégénératives, le glaucome ou encore pour contrer les nausées associées à la chimiothérapie chez les sujets atteints de cancer.
Hallucinogènes stimulants (ecstasy et ses dérivés)
Syndrome sérotoninergique : Accumulation excessive de sérotonine qui fait suite à l’interaction de plusieurs médicaments et qui peut se traduire par des réactions graves telles qu’un choc cardiovasculaire, des convulsions, de l’hyperthermie, voire le décès. ALERTE CLINIQUE
Chez les personnes qui prennent des antidépresseurs et qui consomment de la MDMA, le risque de syndrome sérotoninergique est accru.
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Partie 3
La MDMA est une substance neurotoxique, une drogue de synthèse, et elle est considérée comme une drogue de boîtes de nuit. Les consommateurs prennent généralement la MDMA par voie P.O. ou intranasale. Les effets durent de trois à six heures, bien que la dépression, les troubles du sommeil et la paranoïa qu’elle occasionne puissent perdurer pendant plusieurs semaines. La MDMA entraîne une libération de sérotonine par les neurones, ce qui génère chez son consommateur une euphorie ainsi qu’une anxiété ou une panique, une hyponatrémie et une hyperthermie. La consommation de MDMA cause parfois la mort attribuable à la neurotoxicité de cette drogue ou au syndrome sérotoninergique qu’elle provoque. À l’autopsie, une détérioration musculaire rapide accompagnée d’une nécrose hépatique aiguë, une insufsance rénale et un coup de chaleur sont constatés. Il est à noter que les hallucinogènes peuvent être fabriqués dans des laboratoires de fortune. Ce faisant, leurs acheteurs ne sont jamais certains des substances qu’ils ingèrent. À la suite d’analyses, il
Troubles mentaux
est parfois constaté que certains comprimés de MDMA contiennent des amphétamines, de la kétamine et d’autres substances. Les symptômes cliniques induits par la consommation d’hallucinogènes comprennent une altération des signes vitaux, des attaques de panique, une récurrence non souhaitée des effets de la drogue, une psychose, un délire, une altération de l’humeur et divers stades d’anxiété. La tolérance et la dépendance aux hallucinogènes surviennent dans certains cas. Cependant, ces substances sont différentes des autres drogues utilisées par les personnes toxicomanes, car le fait de mettre un terme à sa consommation ne provoque pas un syndrome de sevrage précis. Finalement, la consommation d’hallucinogènes entraîne un risque accru de suicide et peut être à l’origine de désordres mentaux, et ce, dès la consommation de la première dose.
Anesthésiques dissociatifs Phencyclidine Découverte par des pharmacologues en 1926, la phencyclidine (PCP) était employée comme agent anesthésique, mais les réactions graves qu’elle entraînait ont rendu son utilisation interdite (Ben Amar & Léonard, 2009 ; Gendarmerie royale du Canada, 2015). Les utilisateurs de PCP l’inhalent ou la fument, le plus souvent. Cependant, il existe d’autres façons de la consommer. Il n’est pas rare que les personnes toxicomanes la consomment en concomitance avec d’autres substances, dont le tétrahydrocannabinol, la cocaïne, les méthamphétamines ou le LSD. La PCP produit une anesthésie générale, réduisant ainsi la perception de la douleur et de l’environnement. Elle manifeste à la fois des propriétés de dépresseurs et de stimulants du SNC. Elle peut entraîner une euphorie, une relaxation, des troubles de mémoire, des sentiments de dissociation de l’environnement et des hallucinations. Les modications de la perception et des processus de la pensée que la PCP provoque sont semblables à ceux induits par le LSD. Cet anesthésique peut également provoquer des effets psychiques traumatisants : le consommateur a une pensée désordonnée et un sentiment intense d’aliénation, accompagnés de troubles paranoïdes. Ces troubles et le délire peuvent entraîner des comportements étranges ou violents et une psychose toxique. Outre les problèmes de comportement, le surdosage peut causer des troubles du métabolisme musculaire (rhabdomyolyse) susceptibles de provoquer un blocage rénal dû à l’accumulation de déchets métaboliques. La PCP est très toxique. Des doses supérieures à 10 mg chez un consommateur non tolérant peuvent causer le délire, la rigidité musculaire, le mutisme, une sédation importante et un état de
stupeur. Des doses excédant 20 mg peuvent entraîner des convulsions et le coma. La mort survient habituellement à des doses variant de 150 à 200 mg. Elle peut résulter d’un arrêt cardiaque ou respiratoire, de complications rénales ou d’hémorragies cérébrales (CQLD, 2014).
Kétamine La kétamine est utilisée en toute légalité en anesthésie et en médecine vétérinaire. Elle est également connue sous les noms spécial K ou vitamine K. Souvent, les consommateurs ajoutent de la kétamine à la marijuana ou au tabac qu’ils fument pour se retrouver dans un état second et avoir des hallucinations. La kétamine peut également être injectée par voie intramusculaire. À faible dose, elle réduit l’attention, l’apprentissage et la mémoire. À forte dose, elle provoque un délire, une amnésie, une altération de la fonction motrice, une élévation de la P.A., une dépression ainsi que des problèmes respiratoires qui peuvent s’avérer fatals.
Diéthylamide de l’acide lysergique Le diéthylamide de l’acide lysergique (LSD) modie la perception, la cognition et l’humeur de la personne qui en consomme. Il existe illégalement sous plusieurs formes. L’intoxication se présente sous la forme de mydriase, de vision brouillée, d’augmentation de la salive, de rougeur au visage, de chair de poule, de transpiration, de frissons, d’engourdissement, de faiblesse musculaire, d’ataxie, de tremblements, de spasmes musculaires, de convulsions, de perte d’appétit, de nausées, de vomissements, de tachycardie, de palpitations, de tachypnée, de contraction utérine, de distorsion des perceptions, d’amplication des sens, d’impression que les objets sont vivants, d’augmentation du ux de la pensée, d’indifférence, d’isolement, d’humeur labile, d’augmentation des réexes ou de sentiment de peur de la perte de contact avec la réalité. À forte dose, il peut y avoir hyperthermie, rhabdomyolyse, insufsance rénale aiguë, hypertension artérielle, arythmie, vasospasme central (qui prive le cerveau d’oxygène), bronchoconstriction, convulsions et coma.
Sevrage des hallucinogènes stimulants, des anesthésiques dissociatifs et du diéthylamide de l’acide lysergique Qu’il s’agisse des hallucinogènes stimulants (MDMA et ses dérivés), des anticholinergiques, des anesthésiques dissociatifs (kétamine et PCP) ou encore du diéthylamide de l’acide lysergique (LSD), ces substances entraînent peu de symptômes de sevrage. Souvent de légers à modérés, ceux-ci comprennent l’anxiété, l’agitation, des tremblements, la nervosité, l’irritabilité, l’insomnie, la dysphorie, des céphalées, la sudation, une
perte d’appétit, des nausées et des crampes intestinales.
16.3.4
Principaux médicaments psychotropes
Les médicaments psychotropes sont principalement utilisés pour le traitement de la psychose, de la dépression et du trouble bipolaire. Il s’agit des antidépresseurs, des antipsychotiques et des stabilisateurs de l’humeur. Ils agissent sur les fonctions cognitives, sur l’humeur et sur les réactions émotionnelles de la personne à son environnement (Ben Amar & Léonard, 2009). Ils sont alors prescrits selon le diagnostic du client ; la prise comme le suivi du traitement sont assurés par l’infirmière et le médecin. Ces médicaments entraînent une dépendance, mais ils sont plus utilisés à des ns médicales et sont rarement consommés de façon abusive. Lorsque la décision est prise d’arrêter le traitement, il est important de réduire graduellement la dose de médicament, an d’éviter le syndrome de sevrage, et d’être suivi par les professionnels de la santé 21 .
16.3.5
21 Les symptômes de sevrage de ce type de médicaments sont détaillés dans le chapitre 21, Psychopharmacothérapie et autres thérapies biologiques.
Stéroïdes (androgènes et anabolisants)
Les stéroïdes androgènes et les stéroïdes anabolisants ont une structure de base commune appelée noyau stérol. Ils forment une catégorie particulière de psychotropes. La testostérone et la dihydrotestostérone sont les principales hormones androgènes (ou hormones mâles). Les stéroïdes anabolisants sont des substances synthétiques analogues à la testostérone (Ben Amar & Léonard, 2009). Les stéroïdes anabolisants androgènes gurent parmi les drogues les plus souvent consommées de façon excessive. L’adjectif anabolisant renvoie à la notion de renforcement musculaire, et le terme androgène fait référence à l’augmentation de la dénition des attributs masculins (NIDA, 2012). Depuis les années 1950, certains athlètes consomment ces stéroïdes pour améliorer leurs performances sportives. Les stéroïdes anabolisants peuvent être pris par voie P.O. ou I.V. Leur consommation suit généralement un cycle hebdomadaire ou mensuel et non continuel. Les cycles renvoient au fait de prendre de multiples doses de stéroïdes anabolisants sur une certaine période de temps, d’arrêter, puis d’en reprendre. Les consommateurs de stéroïdes multiplient également les types de substances qu’ils prennent an d’en maximiser les effets et de réduire les conséquences néfastes. Cette pratique porte le nom de stacking. Pour ce qui est du principe de doses pyramidales, le consommateur commence par de faibles doses de plusieurs substances différentes, puis augmente Chapitre 16
16
Rhabdomyolyse : Destruction du tissu des muscles striés, entraînant la libération dans le sang d’un pigment musculaire toxique, la myoglobine. Vasospasme central : Diminution soudaine de la lumière des artères cérébrales qui compromet dangereusement l’irrigation des structures cérébrales.
Troubles liés à une substance et troubles addictifs
427
i Les données mondiales de consommation d’alcool peu vent être consultées sur le site de l’Ofce des Nations Unies contre la drogue et le crime (www.unodc). Les données canadiennes de consommation d’alcool et de drogues peuvent être consultées sur le site de Santé Canada (www. canadiensensante.gc.ca).
CE QU’IL FAUT RETENIR
Tous les consommateurs de SPA sont exposés à subir des conséquences négatives, mais certains groupes semblent plus vulnérables que d’autres.
graduellement les doses qu’il consomme sur une période de 6 à 12 semaines. Dans la seconde moitié du cycle, le consommateur diminue ses doses jusqu’à l’arrêt complet. La consommation abusive de stéroïdes anabolisants augmente les risques d’infarctus et d’accident vasculaire cérébral, de même que les risques de troubles hépatiques chez ceux qui prennent les stéroïdes par voie P.O. Les stéroïdes entraînent également de nombreux changements sur le plan physique, notamment l’apparition de seins et le rétrécissement des organes génitaux chez l’homme, de même qu’un risque accru du cancer de la prostate, de stérilité et d’un nombre réduit de spermatozoïdes. Chez la femme, la consommation de stéroïdes génère une masculinisation du corps attribuable à l’apparition d’une pilosité au visage, à une alopécie séborrhéique masculine, à des changements du cycle menstruel, à l’augmentation de la taille du clitoris ainsi qu’à une modulation de la voix, laquelle devient plus grave. Chez l’adolescent, les stéroïdes entraînent des changements relatifs aux hormones de croissance, ce qui peut interrompre le développement physique. Les consommateurs de stéroïdes peuvent avoir des sautes d’humeur marquées, parfois accompagnées d’un comportement violent. La dépression, la jalousie paranoïde, le délire et le jugement affaibli sont autant de symptômes que peuvent présenter les consommateurs excessifs de stéroïdes anabolisants (NIDA, 2012). Le syndrome de sevrage est marqué par les signes suivants : irritabilité, agitation, insomnie, anxiété, absence de désir sexuel, anhédonie, dysphorie, idées suicidaires, dépression prolongée. Ils peuvent également être accompagnés de sueurs, de myalgies, de nausées, de vomissements, de chair de poule, de tachycardie, d’hypertension artérielle, de èvre, d’anorexie mentale (Département HospitaloUniversitaire de Pharmacologie de Bordeaux, 2016).
16.4
Épidémiologie
En 2013, 76 % (21,9 millions) des Canadiens ont indiqué avoir consommé de l’alcool au cours de la dernière année, soit un taux semblable à celui déclaré en 2012 (78 %) (Gouvernement du Canada, 2013). Un pourcentage plus élevé d’hommes que de femmes a mentionné avoir consommé de l’alcool au cours de la dernière année (81 % ou 11,5 millions comparativement à 71 % ou 10,4 millions, respectivement). En ce qui concerne les tranches d’âge, 60 % (1,3 million) des jeunes âgés de 15 à 19 ans, 83 % (2,0 millions) des jeunes adultes âgés de 20 à 24 ans et 77 % (18,6 millions) des adultes âgés de 25 ans et plus ont déclaré avoir consommé de l’alcool au cours de la dernière année. Cette substance est le principal facteur de morbidité des Amériques. Enn, une corrélation
428
Partie 3
Troubles mentaux
a été établie entre l’alcool et de nombreux problèmes sociaux et développementaux tels que la violence, la maltraitance, la négligence des enfants et l’absentéisme sur le lieu de travail (Organisation mondiale de la Santé [OMS], 2011). En 2013, 11 % (3,1 millions) des Canadiens indiquaient avoir consommé au moins 1 des 6 drogues illicites au cours des 12 derniers mois (cannabis, cocaïne ou crack, amphétamines, ecstasy, hallucinogènes et héroïne). Ce chiffre est semblable à celui déclaré en 2012 (11 % ou 2,9 millions). Le taux de consommation chez les hommes (14 % ou 2,0 millions) était plus élevé que chez les femmes (8 % ou 1,0 million), tandis que le taux de consommation chez les jeunes âgés de 15 à 19 ans (23 % ou 473 000) et les jeunes adultes âgés de 20 à 24 ans (27 % ou 651 000) était environ 3 fois plus élevé que celui déclaré chez les adultes (8 % ou 2,0 millions) (Gouvernement du Canada, 2013).
16.4.1
Conséquences de la consommation de substances psychoactives chez certains groupes
Tous les consommateurs de SPA sont exposés à subir des conséquences négatives, mais certains groupes semblent plus vulnérables que d’autres. C’est le cas des femmes enceintes, des adolescents et des personnes âgées. Les conséquences diffèrent selon le contexte, par exemple chez les personnes ayant un trouble concomitant, les utilisateurs de drogues injectables et les professionnels de la santé .
Femmes enceintes Il est difcile d’établir avec délité le portrait canadien de la consommation d’alcool et de drogue chez la femme enceinte. Cela s’explique en partie par le phénomène de sous-déclaration, lui-même directement associé à la stigmatisation. Plusieurs femmes vivant un trouble lié à la consommation de substances sont très réticentes à faire mention de leurs difcultés aux professionnels de la santé par crainte de se sentir jugées et de perdre leur bébé à naître. Le Rapport sur la santé périnatale au Canada de 2008 a révélé que 11 % des femmes enceintes avaient consommé de l’alcool et que 13 % d’entre elles avaient fumé la cigarette au cours du mois précédent (Agence de la santé publique du Canada, 2008). Par ailleurs, 5 % des femmes enceintes ont indiqué avoir consommé des drogues illicites au cours de leur grossesse (Wong, Ordean & Kahan, 2011). Il est possible qu’en réalité la proportion d’enfants exposés à ces substances soit plus élevée (ministère de la Santé et des Services sociaux [MSSS], 2009).
En outre, il ne faut pas négliger le fait que certaines femmes ne connaissent pas les conséquences de la consommation de SPA pendant la grossesse ou qu’elles ne savent pas où se renseigner à ce sujet. Favoriser l’expression de ces craintes, écouter la cliente, aborder et évaluer une situation, informer la personne et lui donner des explications, accompagner sa réexion, s’engager puis établir des liens avec les autres ressources sont les interventions inrmières à prôner (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, 2010). Au l des ans, les recherches à ce sujet ont démontré que les effets des SPA sur la mère et l’enfant sont différents lorsqu’elles sont consommées pendant la grossesse. La plupart des substances licites ou illicites prises par les femmes enceintes sont tératogènes pour les enfants, c’està-dire qu’elles causent des anomalies congénitales. Lorsque plus d’une drogue est consommée, il est difcile de prédire les conséquences sur l’enfant à naître. Les effets des substances sur le fœtus dépendent d’un certain nombre de facteurs, dont le type de drogue, la quantité consommée, les habitudes de consommation de la mère et l’exposition du fœtus à la substance. Puisqu’il est estimé que les deux tiers des femmes ayant un trouble de consommation de substances souffrent également d’un trouble de santé mentale concomitant, il importe de considérer les facteurs de vulnérabilité de la mère au-delà de la dépendance, à savoir : • les antécédents d’abus physiques, sexuels, émotionnels (consommer pour éviter de faire face aux souvenirs de sévices et aux symptômes de traumatismes vécus) ; • les antécédents de troubles anxieux, de trouble panique, de troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments ou de troubles dépressifs, bipolaires ou apparentés (Finnegan, 2013). Il est aussi essentiel d’évaluer les autres déterminants de santé suivants : • la relation abusive ; • la grossesse inattendue et non désirée ; • le célibat ; • le jeune âge ; • le faible réseau social ; • la présence d’un autre enfant accusant un retard du développement (Di Tommaso, 2000). Par ailleurs, il faut porter attention aux autres facteurs de risque obstétricaux liés au mode de vie marginal de certaines consommatrices de SPA, dont les infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS), la pauvreté, la malnutrition et la violence conjugale. Les inrmières en tiennent compte dans leur évaluation, et les soins sont adaptés à la réalité de ces femmes.
Risques associés à la consommation de substances psychoactives sur la grossesse, le fœtus et le développement de l’enfant Nombreux sont les risques liés à la consommation de SPA sur la grossesse, le fœtus et le développement de l’enfant. L’alcool étant la substance la plus fréquemment consommée, les risques qui y sont associés sont présentés en premier dans cette section.
ALERTE CLINIQUE
Il est essentiel que le médecin traitant soit informé de toute consommation de SPA pendant la grossesse de la cliente.
Impact de l’alcool La consommation d’alcool en période prénatale demeure une préoccupation majeure, bien que le taux de consommation d’alcool chez les femmes enceintes soit inférieur à celui observé chez les femmes non enceintes, à âge égal. Aucun seuil de consommation d’alcool totalement sécuritaire n’a été déni durant la grossesse ni pour la mère ni pour le fœtus. Il est donc recommandé aux femmes enceintes et à celles qui cherchent à le devenir de ne pas consommer d’alcool. Les femmes en âge de procréer ne doivent pas prendre d’alcool à partir du moment où elles décident de devenir enceintes ou si elles croient qu’elles peuvent être enceintes en cas de grossesse non planiée (Éduc’alcool, 2013). Les risques d’avortement spontané, d’accouchement prématuré et de mort néonatale augmentent proportionnellement à la consommation. La prise d’alcool durant la grossesse est l’une des principales causes évitables d’anomalies congénitales et de troubles du développement (Centers for Disease Control and Prevention, 2012). L’alcool qui circule dans le sang de la mère voyage aussi dans celui du fœtus à travers le placenta, et il peut occasionner un effet tératogène. La période de l’organogénèse (les trois premiers mois de la grossesse) correspondant au stade de développement des organes représente le moment où l’embryon est le plus vulnérable aux répercussions négatives de l’alcool. À ce stade, l’alcool interfère avec la migration cellulaire requise pour la formation de certains organes. Par la suite, cette substance cause un ralentissement du développement fœtal. Les effets néfastes de l’alcool sur le fœtus se tra duisent par un ensemble de symptômes caractéristiques chez le nouveau-né, appelé syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF).
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les effets des substances sur le fœtus dépendent d’un certain nombre de facteurs, dont le type de drogue, la quantité consommée, les habitudes de consommation de la mère et l’exposition du fœtus à la substance.
L’ensemble de troubles causés par l’alcoolisation fœtale (ETCAF) touche 1 % de la population ou 10 naissances pour 1 000. Dans certaines communautés canadiennes, le taux de prévalence atteint 190 pour 1 000 naissances vivantes (Société des obstétriciens et gynécologues du Canada [SOGC], 2010). L’ETCAF comprend notamment des problèmes physiques, mentaux, comportementaux, de même que des troubles d’apprentissage que les enfants pourraient devoir subir tout au long de leur vie ENCADRÉ 16.13. Chapitre 16
Troubles liés à une substance et troubles addictifs
429
16
CE QU’IL FAUT RETENIR
Toute drogue ou tout agent présent dans l’environnement qui entre dans la circulation sanguine de la femme enceinte peut franchir la barrière placentaire et mettre la vie du fœtus en danger.
ENCADRÉ 16.13
Ensemble de troubles causés par l’alcoolisation fœtale : signication et troubles associés
SIGNIFICATION DE L’ACRONYME ETCAF
DIAGNOSTIC ET TROUBLES COMPRIS DANS L’ETCAF
E = Ensemble, présence d’un dommage de léger à grave T = Troubles, difculté/incapacité de fonctionner ou de s’adapter (vie/personne) A = Alcoolisation, tératogénie qui cause des changements et des dommages aux cellules/processus F = Fœtale, changements du développement normal in utero
L’appellation ETCAF englobe une série de troubles, mais ne constitue pas un diagnostic clinique. Elle fait référence aux états diagnostiques suivants : • SAF : syndrome d’alcoolisation fœtale ; • SAFp : syndrome d’alcoolisation fœtale partiel ; • TNDLA : trouble neurologique du développement lié à l’alcool.
Sources : Adapté de Morissette & Venne (2009) ; SOGC (2010).
éactivation des connaissances Outre la marijuana, donnez deux autres exemples de drogues pouvant être dommageables pour le fœtus.
i An de dépister et d’orienter efcacement un jeune chez qui un problème de consommation est suspecté, l’outil DEP-ADO est rapide et accessible pour les intervenants de première ligne. Cet outil est disponible au www.risqtoxico.ca.
La plus grave conséquence de la consommation d’alcool subie par le fœtus est le SAF. Son dia gnostic comporte trois critères : 1) un retard de croissance ; 2) des dommages au SNC (dysfonctionnement, lésions) ; 3) des caractéristiques faciales dysmorphiques. Par ailleurs, si la conrmation de l’exposition prénatale à l’alcool peut renforcer le diagnostic, elle n’est pas nécessaire en présence des trois critères susmentionnés (Finnegan, 2013) FIGURE 16.2. Les nourrissons qui survivent présentent généralement une combinaison de divers signes visibles et de syndromes TABLEAU 16.3. En plus du SAF, le nouveau-né peut subir un syndrome de sevrage néonatal, aussi présent chez les nouveau-nés dont la mère consommait de la cocaïne, certains psychotropes tels que des antidépresseurs, des barbituriques, des benzodiazépines ou des substances opioïdes pendant la grossesse. Les symptômes de sevrage apparaîtront rapidement, soit quelques heures après la naissance. Ils peuvent inclure : des tremblements, des bâillements, le nez bouché, des éternuements, de l’irritabilité (pleurs excessifs), une mauvaise alimentation et succion, des problèmes de sommeil, des vomissements, des pleurs aigus, de la diarrhée, la spasticité, la déshydratation, les réexes hyperactifs, la transpiration et la èvre ou la
FIGURE 16.2 Signes de la dysmorphie faciale caractéristique d’un enfant atteint d’un syndrome d’alcoolisation fœtale
430
Partie 3
Troubles mentaux
température instable (Children’s Hospital of Pittsburgh of UPMC, 2014).
Impact des autres substances psychoactives Les effets des SPA sont variés et atteignent aussi bien la mère, engendrant des risques obstétricaux, que le fœtus et, par conséquent, le développement de l’enfant. Pour la femme enceinte, la consommation de drogues est associée entre autres à un risque de fausse couche, d’accouchement prématuré ou d’accouchement d’un bébé mort-né. Pour le bébé à naître, la consommation de substances est associée entre autres à un retard de croissance, à un syndrome de sevrage périnatal, à un développement anormal du cerveau et du SNC, à des difcultés adaptatives à court, moyen ou long terme dans la vie future de l’enfant, et à l’exposition à des ITSS (en présence de comportements à risque chez la mère) (MSSS, 2009) TABLEAU 16.4.
Adolescents L’’adolescence est marquée par un développement prononcé du cerveau. À cette période, l’expérimentation des SPA est courante, et les séquelles qui en découlent peuvent être importantes. Leur effet toxique n’est pas limité à un bref instant, mais se répercute sur le développement du cerveau en laissant des conséquences à long terme. Toutefois, il faut reconnaître que la majorité des adolescents qui expérimentent diverses drogues arrêtent leur consommation ou, dans le cas de l’alcool, la consommation se transforme en boire social. Sur le plan du développement, les enfants et les adolescents ne sont pas en mesure de comprendre parfaitement ce que signie la dépendance. À cet effet, lorsque l’inrmière intervient auprès d’un jeune client, elle se renseigne sur ce qu’il sait pour pouvoir lui prodiguer des soins ainsi qu’un enseignement éclairé. L’inrmière exerçant auprès de la clientèle jeunesse, telle l’inrmière scolaire ou en clinique fréquentée par des jeunes, doit demeurer à l’affût des drogues les plus populaires chez ces clients ainsi que l’effet recherché et redouté de celles-ci.
Symptômes cliniques TABLEAU 16.3
Syndrome d’alcoolisation fœtale
RÉGION/SYSTÈME
SIGNES
Faciale
• Faciès plat, écrasement de la racine du nez avec retroussement de l’extrémité, philtrum indistinct et convexe (aucun relief de la peau entre le nez et la lèvre supérieure), lèvre supérieure amincie, mâchoire inférieure réduite et rétrécissement des fentes palpébrales (yeux bridés)
Optique
• Strabisme, anomalie de la rétine et globes oculaires réduits • Correction visuelle nécessaire
Squelettique
• Retard de croissance, poids et taille réduits, périmètre crânien réduit, petits doigts courts, ongles hypoplasiques (formation incomplète), syndrome de Klippel-Feil (fusion des vertèbres cervicales) et scoliose (incurvation latérale anormale de la colonne vertébrale)
Cérébrale
• Microcéphalie (circonférence crânienne sous la normale), hydrocéphalie, diverses anomalies dans la structure du cerveau ainsi qu’une taille réduite des zones cérébrales, bulbe olfactif non développé, handicap intellectuel de léger à grave, surdité d’origine neurologique ou physiologique, décit de l’attention et décience des capacités d’apprentissage, désordres de légers à graves de la coordination motrice et de l’équilibre
Cardiaque
• Malformations diverses des compartiments du cœur et des vaisseaux sanguins
Autres
• Certaines malformations congénitales (p. ex., des voies biliaires, des organes génitaux externes) d’origine inconnue, lorsque l’abus d’alcool en période de gestation est documenté • Naissance prématurée • Mortalité de l’enfant à la naissance • Quotient intellectuel moyen associé au SAF : < 70 chez les personnes qui présentent des anomalies faciales et < 80 chez celles qui ne présentent pas d’anomalies faciales
Sources : Adapté de Ben Amar & Léonard (2009) ; Centre de toxicomanie et de santé mentale (2009) ; Richard, Senon & Valleur (2009) ; Riley, Mattson & Thomas (2009).
16 TABLEAU 16.4
SUBSTANCES PSYCHOACTIVES
Risques des substances psychoactives autres que l’alcool pour la grossesse, le fœtus et le développement de l’enfant RISQUES OBSTÉTRICAUX
RISQUES POUR LE FŒTUS
RISQUES POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L’ENFANT
• Effets tératogènes
• Bec-de-lièvre, ssures palatines
• Malformations cardiaques
• Convulsion
Dépresseurs du SNC Barbituriques
• Dépression du SNC _
• Hyperactivité • Hyperréexie • Instabilité vasomotrice • Syndrome de sevrage
Benzodiazépines
• Avant ou pendant l’accouchement, hypothermie, hypotonie et dépression respiratoire _
• Bec-de-lièvre et ssures palatines • Dépression respiratoire • Hypothermie • Hypotonie • Indice d’Apgar faible • Réexe de succion faible • Syndrome de sevrage
Chapitre 16
Troubles liés à une substance et troubles addictifs
431
TABLEAU 16.4
Risques des substances psychoactives autres que l’alcool pour la grossesse, le fœtus et le développement de l’enfant (suite)
SUBSTANCES PSYCHOACTIVES
RISQUES OBSTÉTRICAUX
RISQUES POUR LE FŒTUS
RISQUES POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L’ENFANT
GHB
• Semblables à ceux des autres dépresseurs du SNC
• Semblables à ceux des autres dépresseurs du SNC
• Semblables à ceux des autres dépresseurs du SNC
Opioïdes
• Chez la mère :
• Aspiration du méconium
• Prématurité
– anémie
• Hypoxie
• Convulsion
– problèmes cardiovasculaires
• Mortalité néonatale
• Hyperbilirubinémie
– diabète
• Syndrome de sevrage
– pneumonie
• Retard de croissance intra-utérin (RCIU)
– hépatite
• Toxémie
Substances volatiles (inhalants)
• Syndrome de mort subite du nourrisson (SMSN)
– décollement placentaire
• Poids inférieur à la normale à la naissance
– avortement spontané ou accouchement prématuré (peut résulter de l’état de manque causant des contractions de l’utérus)
• Infection chez le nouveau-né
• Risque accru d’avortement spontané
• Problèmes nerveux, dont irritabilité et tremblements
• Malformations dont : – bec-de-lièvre
• Syndrome semblable à celui de l’alcool, surtout en cas d’abus de toluène
– doigts en spatule
• Retard de croissance
– anomalies du tractus gastro-intestinal
• Retard de développement mental
– atteintes du SNC, telle la microencéphalie
• Troubles de comportement (en ce qui concerne l’halothane [Fluotanemd])
• Décit de l’attention
Stimulants du SNC Amphétamines _
• Cardiopathies congénitales
• Arthrite généralisée
• Malformations congénitales
• Fissure palatine
• Transposition des gros vaisseaux
• Hyperbilirubinémie • Mauvaise coordination motrice • Troubles d’apprentissage
Caféine/boissons énergisantes (plus de 600 mg/jour)
• Avortement spontané
• RCIU
• Faible poids à la naissance • Fissure palatine • Insomnie • Hyperactivité
432
Partie 3
Troubles mentaux
TABLEAU 16.4
Risques des substances psychoactives autres que l’alcool pour la grossesse, le fœtus et le développement de l’enfant (suite)
SUBSTANCES PSYCHOACTIVES
RISQUES OBSTÉTRICAUX
RISQUES POUR LE FŒTUS
RISQUES POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L’ENFANT
Cocaïne
• ↑ amplitude des contractions utérines, donc accouchement d’une durée plus courte
• Lésions cérébrales • Malformations congénitales
• Altération du métabolisme des neurotransmetteurs au sein du lobe frontal
• Mort fœtale
• Anomalies et arythmies cardiaques
• Privation d’un apport sanguin indispensable
• Anomalies génito-urinaires
• RCIU
• Atrésie intestinale (occlusion)
• ↓ débit sanguin utérin et placentaire et ↑ concentration de norépinéphrine entraînant la vasoconstriction des vaisseaux sanguins de l’utérus
• Anomalie du SNC • Convulsions • Faible poids à la naissance
• Accouchement prématuré
• Humeur labile
• Avortement spontané
• Indice d’Apgar faible
• Décollement prématuré du placenta
• Infarctus cérébral • Infarctus ischémique de l’intestin
• Placenta praevia
• Inhibition des comportements interactifs • Irritabilité • Microcéphalie (faible périmètre crânien) • Réexes de sursaut exagérés • Retard de développement intellectuel et moteur • SMSN • Troubles d’apprentissage • Troubles neurocomportementaux
Tabac (de ½ à 1 paquet/jour)
• Accouchement prématuré
• Mort fœtale ou néonatale
• Délai de croissance
• Avortement spontané
• Morbidité fœtale
• Diabète
• ↓ fertilité, donc risque d’une grossesse extra-utérine
• RCIU
• Faible poids à la naissance
• Hypoxie du fœtus
• Hypertonie
• Circulation sanguine materno-fœtale altérée
16
• Hypotrophie • Irritabilité
• Effet anorexigène (carence alimentaire)
• Maladies respiratoires (↓ croissance pulmonaire, asthme)
• Décollement prématuré du placenta
• Microcéphalie (faible périmètre crânien) • Obésité
• Placenta praevia
• Retard de développement physique et mental • ↑ risque de consommer de la drogue • SMSN (risque doublé) • Troubles de comportement (nervosité, trouble de l’alternance veille-sommeil, agressivité, TDA/H) • Incidence de leucémie, lymphomes et tumeurs de Wilms doublée
Chapitre 16
Troubles liés à une substance et troubles addictifs
433
TABLEAU 16.4
Risques des substances psychoactives autres que l’alcool pour la grossesse, le fœtus et le développement de l’enfant (suite)
SUBSTANCES PSYCHOACTIVES
RISQUES OBSTÉTRICAUX
RISQUES POUR LE FŒTUS
RISQUES POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L’ENFANT
• Atteinte à la croissance du fœtus (faible circonférence du crâne)
• Décit de l’attention
Perturbateurs du SNC Anesthésiques dissociatifs
• Flaccidité • Faible maîtrise de la tête
_
• Modication du développement neurologique • Syndrome de sevrage chez le nouveau-né • ↓ tonus musculaire
Cannabis
• ↓ durée de gestation avec accouchement prématuré • Travail prolongé et difcile
• RCIU • Malformation d’organes (cardiaques et gastro-intestinaux)
• Affaiblissement des mécanismes immunitaires • Faible poids à la naissance
• Hypotrophie
• Handicap intellectuel
• Souffrance fœtale
• Retard de croissance
• Mort fœtale précoce
• SMSN • Hyperactivité • Problèmes d’attention • Troubles de comportement (impulsivité, délinquance)
Hallucinogènes stimulants, MDMA
• Similaire à ceux des amphétamines
• Similaire à ceux des amphétamines
• Similaire à ceux des amphétamines
LSD
• Avortement spontané
• Malformations congénitales
_
Sources : Ben Amar & Léonard (2009) ; Ladewig, London, Moberly et al. (2003) ; MSSS (2005) ; Richard et al. (2009).
Prévalence et types de substances psychoactives consommées Selon l’Enquête québécoise sur le tabac, l’alcool, la drogue et le jeu chez les élèves du secondaire réalisée en 2013 par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) et publiée en 2014, environ 6 élèves du secondaire sur 10 (61 %) ont consommé de l’alcool au cours de leur vie, cette proportion excluant ceux qui ont seulement goûté à cette substance. Les garçons sont plus nombreux que les lles à l’avoir fait (63 % par rapport à 60 %). La proportion des élèves ayant consommé de l’alcool au cours de leur vie augmente avec le niveau scolaire : elle passe de 28 % en 1re secondaire, à 50 % en 2e secondaire, à 68 % en 3e secondaire, à 80 % en 4e secondaire et à 87 % en 5e secondaire (ISQ, 2014). Concernant les boissons énergisantes mélangées avec de l’alcool, il s’avère que 1 jeune sur 5 (21 %) dit avoir consommé ce mélange au moins une fois dans les 12 derniers mois (Santé Canada, 2012). La proportion d’élèves du secondaire ayant consommé de la drogue au cours des 12 derniers mois a diminué, passant de 28 % en 2008 à 24 % en 2013. Pour l’ensemble de la
434
Partie 3
Troubles mentaux
période, l’usage de la drogue montre une baisse constante depuis l’année 2000 (43 %). Cette diminution de la consommation de drogues est constatée aussi bien chez les garçons que chez les lles, bien que les écarts ne soient pas toujours signicatifs. Entre 2008 et 2013, une tendance à la baisse chez les garçons (29 % et 26 % respectivement) et une nette diminution chez les lles (27 % et 23 % respectivement) sont observées (ISQ, 2014) TABLEAU 16.5.
Habitudes et modes de consommation Les facteurs qui incitent les adolescents à dire non à la drogue sont entre autres : l’appartenance aux pairs ; la camaraderie établie au cours des activités scolaires ; les relations avec des adultes attentionnés (parentage adéquat, soutenant et offrant un cadre prévisible, constant et cohérent) ; les occasions de réussir à l’école et d’adopter un comportement responsable ; et l’accès à des activités où les drogues n’ont pas leur place. Les adolescents touchent souvent à la drogue pour la première fois, ou en consomment tout simplement, à l’occasion d’événements bien précis comme des fêtes d’amis ou de situations de crise émotionnelle ou
TABLEAU 16.5
Types de drogues consommées au cours des 12 derniers mois selon le sexe, élèves du secondaire, Québec, 2013
DROGUES
TOTAL (%)
GARÇONS (%)
FILLES (%)
Cannabis
22,9
24,5
21,3
Hallucinogènes
3,3
3,9
2,8
Ecstasy
3,7
3,1
4,3
Amphétamines/méthamphétamines
3,9
3,2
4,7
Cocaïne
2,4
2,5
2,2
Solvants/colle
0,7
0,6
0,9
Héroïne
0,5
0,6
0,4
Médicaments consommés sans prescription
2,6
2,9
2,2
Autres drogues ou médicaments
4,2
4,8
3,6
Source : ISQ (2014).
Il faut garder en tête que la prévention et la psychoéducation sur l’effet et les dangers associés aux drogues auprès de l’adolescent encourage la non-consommation, et elle lui permet de faire des choix éclairés an de le rendre responsable de son bien-être. Le rôle des parents est très important an de diminuer l’ampleur des facteurs de vulnérabilité chez les jeunes. Les principaux facteurs à prendre en compte sont le manque de dialogue sur les drogues, la pression à la performance dans la société et l’isolement. En conséquence, les parents doivent exercer une prévention en matière de drogues ainsi qu’une éducation à la santé et au bien-être au quotidien très tôt dans la vie de leur enfant. Il est important d’inculquer au jeune des comportements favorables à son équilibre tout entier. Pour cela, il faut savoir s’adapter au contexte, être diplomate et tolérant. De cette façon, l’adolescent sera en mesure d’être autonome dans son rapport avec les drogues. La prévention doit mettre l’accent sur les relations plutôt que sur le produit. De ce fait, les connaissances actuelles convergent vers deux voies de risques bien distinctes menant à la toxicomanie, et ce, dès l’enfance. La première voie, celle de l’extériorisation, se traduit par des comportements de hardiesse, d’agressivité sociale, de prise de risques impulsifs et de recherche de sensations fortes. La deuxième voie, celle de l’intériorisation, est caractérisée par un tempérament anxieux, dépressif et une propension à vivre des émotions négatives (névrosisme) et par le repli sur soi. La prévention vise à recourir à des interventions
systématiques et opportunes pour éviter les voies développementales susceptibles de mener à des résultats négatifs. La recherche peut orienter les efforts de prévention de la toxicomanie de deux principales façons : en xant les critères de détection des personnes à risque et en dénissant des cibles d’intervention (Centre canadien de lutte contre les toxicomanies, 2014). La promotion de la santé et la prévention de la toxicomanie effectuées en amont selon la connaissance de ces voies développementales se situent donc dans l’optimisation des compétences parentales et la facilitation du développement de l’attachement parent-enfant ainsi que dans le dépistage précoce et l’intervention systémique des parents atteints de trouble de santé mentale, de trouble de la personnalité ou de troubles de consommation de substances. L’inrmière, qu’elle pratique dans la sphère famille-enfance-jeunesse ou dans la sphère santé mentale, est très interpellée, et ce, à toutes les strates de soins (services de santé de première ligne, centres hospitaliers ou centres spécialisés). Les chercheurs croient que l’oubli générationnel favorise la consommation de drogues. Ce phénomène se produit quand une drogue donnée réapparaît dans un milieu où les jeunes ne connaissent pas les dangers associés à la consommation de la substance en question. Les chercheurs considèrent également que lorsque les effets néfastes d’une drogue se font connaître Chapitre 16
CE QU’IL FAUT RETENIR
La prévention et la psychoéducation sur l’effet et les dangers associés aux drogues auprès de l’adolescent encouragent la non-consommation.
éactivation des connaissances Des méthodes d’éducation inefcaces de la part des parents constituent un des facteurs qui favorisent la consommation d’alcool ou de drogues chez les adolescents. Nommez-en un autre.
clinique
Jugement
existentielle, ou encore en raison d’une inuence ou d’une pression exercée par les pairs.
Émile Vandal est âgé de 14 ans. Une enseignante l’a déjà surpris en train de fumer un « joint » de marijuana avec deux autres adolescents dans la cour d’école. Ce matin, Émile s’est présenté en classe avec des verres fumés ; il a les yeux rouges et à demi fermés. Il les frotte parce qu’il éprouve une sensation de brûlure. Devriez-vous conclure qu’il a consommé des substances illicites ? Justiez votre réponse.
Troubles liés à une substance et troubles addictifs
435
16
i Le livre Drogues : Savoir plus, risquer moins du CQLD offre une source d’informations très actuelles sur la consommation de drogues chez les adolescents : www.cqld.ca/accueil/ drogues-savoir-plus-risquermoins.html.
(p. ex., ceux du LSD ou de la méthamphétamine), la popularité de cette dernière chute. Avec le temps, cette réputation tombe dans l’oubli, puis les jeunes recommencent à en consommer avant d’en redécouvrir les conséquences regrettables et parfois même fatales. Le « délai de grâce » est le moment clé pour prévenir la consommation de drogues chez les adolescents. Il se situe entre le moment où une drogue donnée devient populaire et celui où elle est abandonnée en raison de ses conséquences néfastes. Les campagnes d’information menées en vue d’éduquer la population et de faire connaître les effets néfastes d’une drogue s’avèrent grandement utiles et efcaces au cours de cette période. Les médicaments délivrés sur ordonnance sont particulièrement préoccupants, car la prise excessive de ceux-ci est largement répandue. La consommation de ces drogues augmente de plus en plus, et ces dernières gagnent en popularité auprès des jeunes adolescents, un phénomène appelé pharming (Partenariat pour un Canada sans drogue, 2016 ; Santé Canada, 2011). Les adolescents commencent à s’en procurer par l’entremise d’amis, de proches, de parents ou d’autres personnes qui ont généralement eu accès légalement à ces substances. L’inrmière invite donc ses clients à se débarrasser de façon sécuritaire des médicaments dont ils n’ont plus besoin, en les remettant à la pharmacie. Les études menées depuis les années 1970 ont permis d’amasser une grande quantité de preuves convaincantes quant au danger particulier que posent la cigarette, l’alcool et la marijuana chez les enfants et les adolescents. En effet, ces drogues nuisent au développement social et intellectuel de la personne ; elles peuvent être à l’origine de diverses maladies ou de lésions cérébrales et même ruiner ou détruire des vies. Ces substances sont souvent à l’origine de pratiques dangereuses (p. ex., la conduite avec les facultés affaiblies, des relations sexuelles prématurées ou non protégées, la violence). La personne prenant du cannabis a une perception diminuée des risques associés à sa consommation. Elle minimise la possibilité de dépression liée à la consommation, au jugement affaibli ou le fait de mettre sa vie ou celle d’autrui en danger. Il est désormais établi que l’exposition au cannabis chez les adolescents a des répercussions réelles, notables et négatives sur le développement du cerveau, notamment sur le cortex préfrontal qui est responsable des fonctions cognitives supérieures comme la prise de décisions et la résolution de problèmes. Également, le composé psychoactif du cannabis (le THC) détourne le système endocannabinoïde du cerveau, ce qui cause un dérèglement neural et produit des changements neurotoxiques. Des études menées en imagerie cérébrale structurelle révèlent des
436
Partie 3
Troubles mentaux
altérations de la matière grise et blanche chez les consommateurs de cannabis, surtout ceux dont l’usage est précoce (Centre canadien de lutte contre les toxicomanies, 2015). Les chercheurs ont analysé la consommation d’alcool, de cigarettes et de marijuana à titre de drogues d’introduction qui entraînent la prise d’autres drogues illicites, et ce, sans distinction quant à l’âge et à l’origine ethnique des sujets. Ils ont ainsi mis l’accent sur les dangers des drogues d’introduction chez les jeunes. Ils ont aussi découvert que l’âge auquel une personne consomme pour la première fois, la fréquence à laquelle elle consomme ainsi que le nombre de drogues consommées augmentent les risques que le jeune devienne un consommateur régulier ou dépendant. Par exemple, l’âge constitue l’un de ces facteurs, car les jeunes qui commencent à boire avant 17 ans risquent plus d’être atteints d’un trouble lié à la consommation d’alcool (24,5 %) que ceux qui commencent à boire à 21 ou 22 ans (10 %) ou à 25 ans (moins de 4 %) (Spoth, Trudeau, Redmond et al., 2009).
Personnes âgées La société étant vieillissante, il faut considérer que les personnes âgées constituent une population à risque quant à la consommation excessive de substances. Les estimations relatives à l’alcoolisme, à la toxicomanie et au jeu pathologique chez cette clientèle (c.-à-d. les personnes âgées de plus de 60 ans) sont probablement en-deçà de la prévalence réelle. Les personnes âgées de 60 ans et plus admises en centre hospitalier sont fréquemment traitées pour des problèmes de santé ou des accidents attribuables à la consommation d’alcool (Colleran & Jay, 2002). Les hommes de ce groupe d’âge présentent une consommation d’alcool accrue, alors que les femmes du même groupe ont un risque moindre que leurs habitudes de consommation d’alcool soient problématiques (Blow & Barry, 2002). Les effets physiologiques de l’âge renforcent ceux de l’alcool et des autres drogues (Goldberg, 2008) étant donné la diminution de la quantité d’eau contenue dans l’organisme, la réduction de la masse corporelle, la sensibilité du système nerveux et le ralentissement du métabolisme de l’alcool dans le foie et dans le tractus gastro-intestinal. Il n’est d’ailleurs pas rare qu’une fraction de la dose d’alcool prise normalement par un adulte soit sufsante pour entraîner des problèmes chez la personne âgée. De plus, la consommation d’une quantité relativement faible d’alcool peut aggraver les problèmes chroniques de santé préexistants. La consommation excessive d’alcool peut être provoquée par les multiples deuils qui frappent la personne âgée : la perte d’un emploi, d’un
revenu, du conjoint, de la vitalité physique, une douleur chronique ou toute autre difculté éprouvée. Brennan et ses collaborateurs (2006) se sont penchés sur la consommation d’alcool chez les personnes âgées et ont découvert que bon nombre d’adultes âgés de 55 à 65 ans consomment de l’alcool pour soulager une douleur chronique. L’inrmière évalue ses clients âgés en vue de reconnaître ce type de problème. Elle reste attentive aux effets liés à la consommation de SPA sur les problèmes de santé physique et mentale du client. Par exemple, les changements cognitifs attribuables à la consommation d’alcool ressemblent beaucoup aux symptômes de la maladie d’Alzheimer, de même que les chutes, les voies de fait et le suicide ont souvent un lien avec l’alcool 26 . Les interactions des drogues avec les médicaments constituent aussi un enjeu préoccupant, car nombre de personnes appartenant à ce groupe d’âge prennent des médicaments. Par exemple, l’acide acétylsalicylique et les anti-inammatoires non stéroïdiens peuvent augmenter le taux d’alcoolémie et prolonger le temps de saignement ; les benzodiazépines, les narcotiques et les antihistaminiques accentuent la sédation et affaiblissent la fonction psychomotrice ; et les antidépresseurs tricycliques sont contre-indiqués en raison de leurs conséquences possibles sur la fonction cardiaque. Peu importe son milieu de travail, il est important que l’inrmière connaisse ces interactions. L’abus de médicaments délivrés sur ordonnance est une forme courante de toxicomanie chez les personnes âgées. Cette population se révèle particulièrement vulnérable en raison de la multitude de médicaments prescrits pour traiter divers problèmes de santé. Un décit cognitif et une instabilité sur le plan physique peuvent faire en sorte que les personnes âgées modient leurs habitudes de consommation de leurs médicaments. Cependant, le contraire peut être tout aussi vrai. Dans un cas comme dans l’autre, le risque de chute ou d’accident est accru (Santé Canada, 2007).
Personnes ayant un trouble concomitant Dans les cas où une personne est atteinte d’un trouble mental et d’une dépendance ou d’un abus de SPA, les symptômes d’un des troubles masquent ou amplient souvent ceux du second. De plus, en tout temps, l’un ou l’autre des troubles peut devenir prioritaire. Il est important de saisir que bon nombre de clients sont atteints d’au moins deux troubles concomitants (p. ex., une psychose grave, une dépression et une dépendance à la cocaïne). Il existe un lien entre les troubles mentaux graves de l’année précédente et les cas d’abus ou de dépendance au cours de cette même année (Substance Abuse and Mental Health Services Administration [SAMHSA], 2009) .
Les troubles mentaux concomitants aux troubles de consommation de substances les plus fréquents sont les troubles de la personnalité du cluster B, les troubles anxieux, les troubles dépressifs, bipolaires et apparentés ainsi que ceux du spectre de la schizophrénie. Les substances les plus fréquemment consommées de manière abusive sont l’alcool, la marijuana et la cocaïne. De nombreux clients atteints d’un trouble mental chronique ou persistant sont également dépendants à la nicotine. Finalement, les problèmes de santé mentale entraîneraient un risque accru d’alcoolisme ou de toxicomanie. Comme pour la population en général, les troubles liés à la consommation de substances (drogue et alcool) compliquent presque tous les aspects de la vie des consommateurs. Il n’est pas rare que ces personnes n’aient plus de réseau de soutien, qu’elles aient subi de nombreuses rechutes et hospitalisations ou qu’elles aient eu à faire face au système de justice pénale.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les troubles mentaux concomitants à l’abus de SPA les plus fréquents sont les troubles de la personnalité du cluster B, les troubles anxieux, les troubles dépressifs, bipolaires et apparentés ainsi que ceux du spectre de la schizophrénie. 26 Les soins inrmiers destinés aux personnes âgées ayant des troubles liés à une substance sont détaillés dans le chapitre 26, Personnes âgées.
Utilisateurs de drogues injectables Le fait de partager ou de réutiliser paille, pipe, aiguilles, seringues ou tout autre matériel d’injection expose les personnes toxicomanes à de multiples processus infectieux. Les utilisateurs de drogues injectables sont particulièrement à risque de contracter les virus de l’immunodécience humaine (VIH), de l’hépatite B (VHB) ou de l’hépatite C (VHC). Ces consommateurs constituent le groupe à risque élevé chez qui le taux d’hépatite B est parmi les plus importants. D’ailleurs, ce groupe compte au moins la moitié des nouveaux cas d’hépatite C. La prévalence du VHB s’élève jusqu’à 50 %, et celle du VHC jusqu’à 65 % chez les utilisateurs de drogues injectables depuis moins de 1 an. L’infection concomitante du VHB et du VHC survient souvent chez ces consommateurs (SAMHSA, 2015).
16 CE QU’IL FAUT RETENIR
Les utilisateurs de drogues injectables sont particulièrement à risque de contracter le VIH, le VHB ou le VHC.
De plus, les utilisateurs de drogues injectables risquent de souffrir d’une endocardite bactérienne subaiguë ou d’autres troubles de la circulation attribuables à la présence d’une substance étrangère introduite dans l’organisme au moment de l’injection. L’infection au Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline chez ces personnes relève également de l’épidémie. Les professionnels de la santé sont donc invités à procéder au dépistage, à la vaccination, à l’enseignement et à la prévention des ITSS chez leurs clients atteints de troubles liés à l’abus de SPA.
Professionnels de la santé La prévalence de l’alcoolisme et de la toxicomanie chez les professionnels de la santé est semblable à celle chez la population en général. Il s’avère toutefois difficile d’en connaître les valeurs exactes, car les études sur le sujet demeurent Chapitre 16
Vidéo : Trouble dépressif caractérisé et trouble lié à une substance.
Troubles liés à une substance et troubles addictifs
437
ENCADRÉ 16.14
Extrait du Code de déontologie des inrmières et inrmiers
Loi sur les inrmières et les inrmiers (RLRQ, chapitre I-8, a. 3) ; Code des professions (RLRQ, chapitre C-26, a. 87) ; Chapitre I : Devoir envers le public, le client et la profession ; Section I : Devoirs inhérents à l’exercice de la profession INTÉGRITÉ
13. L’inrmière ou l’inrmier ne peut s’approprier des médicaments ou autres substances, notamment des stupéants, une préparation narcotique ou anesthésique ou tout autre bien appartenant à une personne avec laquelle il est en rapport dans l’exercice de sa profession.
ÉTAT COMPROMETTANT LA QUALITÉ DES SOINS ET DES SERVICES
16. Outre ce qui est prévu à l’article 54 du Code des professions (chapitre C-26), l’inrmière ou l’inrmier doit s’abstenir d’exercer sa profession lorsqu’il est dans un état susceptible de compromettre la qualité des soins et des services. L’inrmière ou l’inrmier est dans un état susceptible de compromettre la qualité des soins et des services notamment s’il est sous l’inuence de boissons alcooliques, de stupéants, d’hallucinogènes, de préparations narcotiques ou anesthésiques, ou de toute autre substance pouvant produire l’ivresse, l’affaiblissement ou la perturbation des facultés ou l’inconscience.
Source : Ordre des inrmières et inrmiers du Québec (2015).
rares. Les médecins, les inrmières ainsi que tous les autres professionnels de la santé ne sont pas exempts de la consommation des SPA, à un moment ou à un autre de leur carrière (Baldiserri, 2007). Les personnes qui occupent un emploi où le degré de stress demeure élevé, où le contact avec la maladie et la mort est étroit et où l’accès à des médicaments sur ordonnance se trouve facilité sont plus à risque de consommation, d’abus ou de dépendance. Les professionnels de la santé ont l’obligation de signaler toute personne dont les facultés sont affaiblies dans l’exercice de ses fonctions ENCADRÉ 16.14.
16.5
Pronostic
Comme indiqué précédemment, l’apparition d’un trouble lié à la consommation d’une substance est généralement graduelle et insidieuse. Une gamme de facteurs individuels, environnementaux et situationnels inue sur ce processus. Il en va de même du processus de réadaptation. L’un des facteurs capitaux de la réadaptation d’un client est le fait d’admettre que la consommation est la cause de ses problèmes, ou du moins qu’elle y a contribué, et qu’elle nuit à son bon fonctionnement. Le client peut prendre un certain temps à reconnaître ses problèmes, notamment parce que la consommation abusive de SPA a provoqué des lésions cérébrales. Cet épisode est souvent comparé au fait de toucher le fond. Cela signie que la personne ne peut plus répondre à ses besoins primaires, par exemple se loger et se nourrir, ou alors qu’elle n’arrive plus à tolérer son mode de vie en
438
Partie 3
Troubles mentaux
raison des conséquences négatives qui y sont associées. C’est souvent à cette période que le pronostic se joue. Comme le processus de réadaptation est extrêmement difcile et parsemé d’embûches, les personnes aux prises avec un problème de toxicomanie ont une forte propension à abandonner le programme en cours de route. C’est pourquoi plusieurs groupes d’auteurs ont étudié le phénomène d’engagement et de persistance au traitement et en font des cibles prioritaires non seulement en phase initiale du processus, mais tout au long de celui-ci. Trois éléments seraient essentiels dès le début du traitement : 1) favoriser l’alliance thérapeutique ; 2) soutenir la motivation ; et 3) permettre au client de vivre des succès en début de démarche an d’améliorer son sentiment d’efcacité personnelle et son espoir en sa capacité de changer ses comportements (Beutler, 2000 ; Dimeff & Linehan, 2008 ; Haaga, McCrady & Lebow, 2006 ; Miller & Rollnick, 2006). Les étapes de réadaptation par lesquelles passent les personnes ayant un trouble de dépendance diffèrent parfois, mais l’objectif général demeure le même : changer ses habitudes en vue de rester sobre ou de réduire les effets nocifs associés à la consommation de SPA. L’objectif de sobriété vise l’absence complète de consommation de SPA, de même que l’élimination des comportements de dépendance. Le client doit alors apprendre à prévenir la rechute ou à en limiter les conséquences an de remettre le cap sur la réalisation de soi FIGURE 16.3. Si la toxicomanie est une dépendance progressive qui entraîne des détériorations dans les diverses sphères de l’organisation de vie, la réadaptation doit donc être comprise comme le processus inverse. Elle doit alors être conçue comme
FIGURE 16.3 Faire face à des invitations à consommer fait partie des situations que devra affronter le client en réadaptation.
un processus d’évolution personnel qui permet au toxicomane qui le désire de reprendre progressivement du pouvoir sur sa vie et de se reconstruire ainsi un équilibre physique, psychologique et social. Elle est donc prioritairement une question d’apprentissage et de réapprentissage (Centre de réadaptation en dépendance de Québec, s.d.a). Le traitement de la toxicomanie a connu de nombreux essors au Québec dans les dernières années. Plusieurs types de soutien sont proposés aux personnes aux prises avec cette pathologie. La présence de « double diagnostic » est également un enjeu de plus en plus reconnu, étudié et adressé par les cliniciens contemporains. À ce chapitre, le traitement dit intégré de la toxicomanie et des troubles mentaux déterminent maintenant l’étalon d’or dans les équipes de soins psychiatriques, au sein desquelles ces deux problématiques fortement associées représentent un réel dé ainsi qu’une prévalence très marquée (Dubreucq, Chanut & Jutras-Aswad, 2012). Souvent, la sobriété requiert plusieurs tentatives. La rechute ne doit pas être perçue comme un échec, mais plutôt comme une étape prévi sible du processus d’apprentissage. En somme, la dépendance est complexe. S’en débarrasser et
la vaincre constituent des dés difciles à relever. C’est au cours de la première année de sobriété que le client reste le plus vulnérable aux rechutes. De plus, pour les personnes ayant des antécédents de consommation précoce, de forte consommation et de nombreux problèmes liés à la consommation, de même que des antécédents de tolérance ou de sevrage, le traitement risque de s’avérer plus ardu. Dans le même ordre d’idées, les personnes atteintes de graves troubles mentaux, comme un trouble des conduites, le trouble de la personnalité antisociale, un trouble dépressif caractérisé non traité ou un trouble bipolaire, risquent davantage d’éprouver des problèmes irréversibles et d’obtenir de moins bons résultats à l’issue du traitement. Il est difcile de remplacer un réseau de soutien composé de membres de la famille et d’amis ou d’en recréer un, car ces ressources sont souvent perdues de vue au plus fort de la dépendance. C’est d’ailleurs pour cela que les membres des groupes de réadaptation deviennent souvent le réseau social de soutien principal de la personne dépendante, au cours des premières étapes du traitement du moins, mais bien souvent pour de nombreuses années.
16.6 Démarche de soins En raison de la nature des soins qu’elle prodigue, l’inrmière est souvent la première des professionnels de la santé à détecter que le client éprouve un problème lié à sa consommation, à en informer les autres membres de l’équipe de soins ainsi qu’à coordonner les soins inrmiers ou les soins intégrés subséquents. De plus, l’inrmière joue souvent un rôle fondamental dans l’accueil, l’évaluation, le dépistage, la prévention/promotion, l’orientation ainsi que la liaison des clients vers un centre hospitalier, un centre de réadaptation en dépendance, une désintoxication, une thérapie ou une ressource communautaire. Sa participation dans l’évaluation et le traitement des symptômes physiques et psychologiques provoqués par le trouble lié à une substance est également non négligeable. L’inrmière connaît les signes et les symptômes associés aux troubles liés à la consommation de SPA, ainsi que ceux liés aux troubles induits par une substance de même que la gravité de ces derniers, dans le but d’évaluer ses clients et d’intervenir auprès d’eux de manière adéquate. Les troubles liés à la consommation de SPA constituent des facteurs déterminants de l’état de santé et de bien-être des clients, et ce, du nouveau-né à la personne âgée.
16.6.1
16
Collecte des données – Évaluation initiale
Quel que soit le contexte, l’inrmière établit une relation avec son client axée sur la compréhension et la compassion à l’égard de la situation dans laquelle se trouve ce dernier. Il arrive à ces clients de cacher, de nier ou de minimiser leur problème de consommation même lorsque le besoin d’être traité s’avère criant. Étant donné la stigmatisation sociale associée aux troubles liés à l’alcoolisme ou à la toxicomanie, l’inrmière est qualiée dans la collecte de renseignements et l’établissement d’un lien de conance en posant au client des questions de manière ferme, mais compréhensive sur ses possibles problèmes de consommation. La réticence des professionnels de la santé à poser des questions à leurs clients relativement aux troubles liés à l’abus de SPA constitue un obstacle de taille au dépistage de ces troubles (Armstrong & Holmes, 2005).
CE QU’IL FAUT RETENIR
L’inrmière collecte les renseignements et établit un lien de conance en posant au client des questions de manière ferme, mais compréhensive sur ses possibles problèmes de consommation.
Les symptômes que présente le client sont souvent cernés grâce à l’autoévaluation de ce dernier. Cependant, il est important que l’inrmière soit à l’écoute de ce que le client dit, mais aussi de ce qu’il ne dit pas. C’est ainsi qu’elle peut faire des choix quant aux questions à lui poser au moment Chapitre 16
Troubles liés à une substance et troubles addictifs
439
4 Le chapitre 4, Évaluation de la condition mentale, présente en détail les éléments de cette évaluation.
23 Le rôle général d’agent de liaison de l’inrmière est expliqué dans le chapitre 23, Soins inrmiers et suivis dans la communauté.
opportun et approfondir le contenu auprès des proches du client. Dans bien des situations, et avec le consentement du client, l’inrmière est appelée à conrmer la version des faits de ce dernier avec les membres de sa famille, ses proches et auprès des centres de traitement qu’il a déjà fréquentés. L’inrmière évalue également le désir du client à changer son mode de vie, car la motivation de celui-ci joue un rôle prépondérant dans la réussite ou l’échec du traitement. Finalement, en n’oubliant jamais que l’évaluation demeure un processus continu, l’infirmière sera en mesure de recueillir de précieuses données d’évaluation, et ce, même si son client ne lui révèle pas tout FIGURE 16.4. Au moment de la collecte des données relatives à la consommation de SPA d’un client, l’inrmière opte pour une approche systémique et pose des questions tant sur les substances légales qu’illicites. Elle est également tenue de déterminer la substance consommée, les particularités de la personne et le contexte dans sa globalité.
Symptômes cliniques TABLEAU 16.6
Signes et symptômes associés à la consommation d’alcool et d’autres substances psychoactives
TYPES DE SPA
SIGNES ET SYMPTÔMES
Alcool
• Ictère • Arc cornéen (anneau opaque d’une couleur allant du gris au blanc en périphérie de la cornée)
• Tachycardie • Arythmie
Effectuer l’examen physique
• Marques d’aiguille
Alors qu’elle recueille les données objectives, l’inrmière peut relever des signes physiques relatifs à une dépendance aux SPA qui indiquent la possibilité que le client éprouve des problèmes liés à la consommation TABLEAU 16.6. De plus, il arrive que le client présente également des signes d’intoxication ou de sevrage propres à la catégorie à laquelle appartient la drogue qu’il a consommée. Au cours de l’examen, l’inrmière est appelée à observer et à questionner le client quant à la
• Érythème palmaire • Hépatomégalie • Brûlures ou taches aux doigts attribuables à la cigarette • Douleur abdominale supérieure résultant d’une pancréatite • Engourdissements aux mains et aux pieds attribuables à une neuropathie périphérique • Hémorragie gastro-intestinale comme le révèle une recherche de sang occulte dans les selles (gaïac) • Hypertension artérielle • Tremblements
• Cellulite • Conjonctivite • Dentition en piètre état • Perte de poids rapide • Mydriase ou myosis • Altération de la muqueuse nasale (si la drogue est consommée par la voie intranasale)
440
Partie 3
Également, l’inrmière est appelée à évaluer la consommation du client au cours des dernières heures ou des derniers jours en vue de déterminer le risque qu’il présente des symptômes de sevrage ou de toxicité. An d’effectuer une évaluation initiale complète, l’inrmière recueille également les antécédents du client : antécédents psychosociaux, familiaux, tentative de suicide ou de violence (envers lui-même ou autrui), évaluation de la condition mentale 4 . La collaboration des autres inrmières, du personnel soignant, du client et des membres de sa famille est essentielle en vue d’évaluer, de planier et de mettre en œuvre un plan de soins et de traitements inrmiers (PSTI). L’inrmière garde en tête que pour tous les clients qui consomment des SPA de façon excessive, le traitement qui mène à la réadaptation nécessite de la ténacité, des objectifs réalistes ainsi qu’un PSTI exhaustif. Il est à noter que, depuis quelques années, des inrmières de liaison en dépendance sont présentes dans les centres hospitaliers québécois pour soutenir l’équipe de soins et orienter le client vers des ressources en dépendance 23 .
• Rosacée (rougeur du visage)
Autres SPA
FIGURE 16.4 Cycle du changement de Prochaska et DiClemente
Troubles mentaux
survenue de blessures ou d’accidents relatifs à sa consommation de SPA.
Collecte des données
Utiliser les outils de dépistage
ENCADRÉ 16.15
Il existe toute une gamme d’instruments conçus pour le dépistage des troubles causés par l’alcool ou la drogue ou qui y sont liés. À cet effet, le questionnaire CAGE est un outil de dépistage validé et rapide, facile à mémoriser et à utiliser ENCADRÉ 16.15. Dans ce questionnaire, une réponse positive à deux des quatre questions indique un risque possible d’alcoolisme. Dans le même ordre d’idées, le test de dépistage DÉBA-A/D (Dépistage/Évaluation du Besoin d’Aide – Alcool/ Drogues) permet de diriger les personnes vers le niveau de services approprié à la gravité de leur problème de consommation. Il facilite une orientation vers les services de première ligne pour les personnes ayant une consommation à risque et problématique et vers les services spécialisés pour les consommateurs abusifs ou dépendants (p. ex., les centres publics de réadaptation en dépendance). Il se présente en deux versions simples, l’une pour la consommation d’alcool (DÉBA-A) et l’autre pour la consommation de drogues (DÉBA-D) . Élaboré pour l’OMS par un groupe international de chercheurs sur les troubles liés à la consommation de substances, l’outil de dépistage ASSIST (Alcohol, Smoking and Substance Involvement Screening Test) est utilisé par la majorité des équipes de soins. Il s’agit d’un outil rapide, valide et accessible à tous les professionnels de la santé. Il est de plus reconnu comme l’outil le plus dèle pour les personnes ayant reçu un diagnostic de trouble mental comorbide au trouble de consommation de substance. Finalement, le test AUDIT (Alcohol Use Disorders Identication Test) est utile an de dépister tant les troubles liés à l’abus de drogues que ceux associés à la consommation abusive d’alcool. Si les résultats obtenus aux tests de dépistage révèlent la présence possible d’un problème de consommation, l’inrmière poursuit son évaluation en posant au client des questions sur les substances consommées, les symptômes de sevrage et la tolérance à la substance consommée, sur les problèmes d’ordre juridique et social éprouvés, ainsi que sur ses antécédents professionnels.
Effectuer les analyses de laboratoire Les analyses de laboratoire relatives aux abus de SPA font partie de l’évaluation de base. Ces analyses s’avèrent également utiles pour faire un suivi des rechutes ou évaluer la réussite des personnes qui suivent un traitement. Cependant, le dépistage des drogues continue de soulever des questions éthiques, notamment en ce qui a trait à la violation
Test de dépistage de l’alcoolisme CAGE
C (Cut) Avez-vous déjà ressenti le besoin de réduire votre consommation d’alcool ? A (Annoyed) Vous êtes-vous déjà senti contrarié par les remarques de votre entourage sur votre consommation d’alcool ?
G (Guilty) Vous êtes-vous déjà senti coupable de boire ? E (Eye-opener) Vous arrive-t-il de prendre un verre le matin pour démarrer la journée ?
Source : Allard (2009).
possible des droits de la personne ainsi qu’à l’obtention du consentement éclairé. Les analyses de laboratoire utilisées pour détecter les SPA dans l’organisme sont de plus en plus complexes et sophistiquées. Un grand nombre de variables inuent sur les résultats de ces analyses, dont le type de substance, la quantité consommée, la fréquence de la consommation, le type de liquide organique qui a fait l’objet du test (urine, sang, selles), les différences quant au métabolisme des drogues, la demi-vie de la drogue consommée, le moment du prélèvement par rapport à celui où le client a consommé, ainsi que la sensibilité de l’analyse utilisée TABLEAU 16.7. Ainsi, un test de dépistage négatif ne signie pas que les métabolites de la drogue ne sont pas présents. En effet, il est possible qu’ils soient présents dans l’organisme du client, mais en quantité insufsante pour que le test se révèle positif. Les analyses sanguines sont utiles sur le plan clinique, car elles permettent de préciser si la consommation de SPA est aiguë. La concentration élevée d’enzymes hépatiques et l’anémie macrocytaire sont d’autres résultats d’analyses de laboratoire qui servent de marqueurs. L’un des tests les plus répandus est l’alcootest, qui mesure le taux d’alcool dans le sang par voie respiratoire.
16.6.2
Analyse et interprétation des données
Les renseignements obtenus au cours de l’étape d’évaluation initiale permettent : • d’établir un PSTI ; • de déterminer le niveau de soins requis par le client et de l’orienter vers le service adapté. La participation du client, de sa famille et de ses proches de même que celle des membres de l’équipe de soins sont souvent essentielles pour pouvoir déterminer un PSTI. C’est d’ailleurs la responsabilité de l’inrmière d’établir une priorité de soins en fonction des besoins du client. Les difcultés les plus courantes chez les personnes atteintes de troubles liés à l’abus de SPA ont trait Chapitre 16
CE QU’IL FAUT RETENIR
À l’examen physique, l’inrmière peut relever des signes physiques relatifs à une dépendance aux SPA qui indiquent la possibilité que le client éprouve des problèmes liés à la consommation ainsi que les signes d’intoxication ou de sevrage propres aux substances dont le client abuse.
16
Figure 16.1W : Dépistage/ Évaluation du Besoin d’Aide – Alcool (DÉBA-Alcool) et Dépistage/Évaluation du Besoin d’Aide – Drogues (DÉBA-Drogues).
i L’outil de dépistage ASSIST est accessible à l’adresse suivante : www.aqiism.org/ wp-content/uploads/2015/05/ Assist.pdf.
Troubles liés à une substance et troubles addictifs
441
Durées de positivité des substances psychoactivesa
TABLEAU 16.7
SUBSTANCES RECHERCHÉES
POSITIVITÉ EN NOMBRE DE JOURS URINES
SANG
2-4
2-4
Amphétamines (dont ecstasy) d-amphétamine et d-méthamphétamine Cannabis Tétrahydrocannabinol et acide tétrahydrocannabinoïque
Usage occasionnel
Usage régulierb
3-5
30-70
Quelques heures
2. la santé physique ;
Benzoylecgonine
2-4
10-14
Quelques heures
5. le potentiel de rechute ;
Benzoylecgonine
2-4
10-14
Quelques heures
Codéine Morphine
1-2
Quelques heures
Héroïne et opiacés Morphine
1-2
Quelques heures
3-7
n.c.
1-2
Quelques heures
1-2
0-1
1-2
Quelques heures
Quelques heures
Quelques heures
Méthadone Méthadone Buprénorphine Norbuprénorphine Morphine
LSD
GHBc GHB a Les
durées répertoriées dans ce tableau sont des indications moyennes (non exactes) qui dépendent de nombreux facteurs : concentration du produit, quantité consommée, poids de la personne, etc. Le tableau indique les durées minimales et maximales de dépistage pour chaque drogue en jours. Ces durées indicatives s’entendent après un délai d’apparition qui peut varier, selon les substances recherchées et les modalités de consommation, entre quelques minutes et quelques heures. b L’usage régulier de cannabis est déni comme la consommation de plusieurs « joints » par semaine. c Les difcultés de détection du GHB tiennent à la fois à la rapidité de sa disparition dans l’organisme et à sa présence naturelle dans le corps humain. Au-delà de la période de temps indiquée, le taux retombera forcément à un résultat inférieur à 10 mg/L, qui correspond à la présence normale de GHB dans l’organisme. Source : Adapté de Drogues info service (s.d.).
442
Partie 3
3. la santé psychologique ; 4. l’attitude à l’égard du traitement ;
Crack
N-desméthyl-LSD
Au Québec, divers services de désintoxication sont offerts. Le type de service varie selon l’intensité des besoins du client et dépend de l’évaluation des risques de complications de sevrage et des conditions médicales et psychologiques associées. Cette classification, créée par l’American Society of Addiction Medicine (ASAM, 2001), est utilisée au Québec TABLEAU 16.8. Pour déterminer le niveau de soins requis en fonction des besoins et des caractéristiques des clients, l’inrmière a mesuré six dimensions au cours de la collecte des données : 1. l’état d’intoxication/le risque de sevrage ;
Cocaïne
Morphine
à leur orientation, à l’anxiété, aux fonctions mentales ou physiques restreintes attribuables à la consommation de SPA, à l’intoxication, au sevrage, aux difcultés sociales ainsi qu’aux problèmes familiaux.
Troubles mentaux
6. les caractéristiques de l’environnement de la personne (ASAM, 2001 ; Centre de réadaptation en dépendance de Québec [s.d.b] ; Desrosiers, 2008).
Soins en centre hospitalier Un centre hospitalier fournit l’ensemble des soins appropriés ou associés à un sevrage sévère. Les services de désintoxication sont offerts par du personnel inrmier et médical. Les soins sont ainsi assurés jour et nuit et vont de l’évaluation à la gestion du sevrage sous supervision médicale (Desrosiers, 2008).
Soins en centre de désintoxication Il existe deux niveaux de service de désintoxication avec hébergement. Un premier niveau (ou type de centre) est géré par du personnel détenant une formation psychosociale. Le sevrage assuré y est qualié de léger à modéré. Dans ce type de centre, le rôle des pairs et le soutien social sont prépondérants. Des consultations et des supervisions cliniques spécialisées sont offertes pour traiter les problèmes biomédicaux et émotionnels ou comportementaux (Desrosiers, 2008). Le second niveau est géré par du personnel inrmier constamment présent ; celui-ci est donc susceptible de prendre en charge le sevrage qualié de modéré ou de sévère, mais sans facteurs aggravants nécessitant l’ensemble des soins hospitaliers. Effectivement, en plus du personnel inrmier présent, un médecin est disponible, selon des ententes préétablies, pour évaluer rapidement les clients, au besoin. Toutefois, ce type de centre n’offre pas toutes les ressources propres à un centre hospitalier (p. ex., les services de
cardiologie, de pneumologie, de radiologie, de chirurgie) (Desrosiers, 2008).
Soins en suivi externe Des sevrages en suivi externe sont possibles grâce à des soins interdisciplinaires assurés par le médecin, l’infirmière et l’intervenant psychosocial. « La désintoxication de niveau II [...] est un service ambulatoire structuré qui peut être offert dans un cabinet médical, un centre de santé ou un centre de traitement de dépendance, par des cliniciens qualiés qui fournissent des services d’évaluation, de désintoxication et de références médicalement supervisées » (ASAM, 2001 ; Vaugeois & Germain, 2008). Ce service vise à offrir un soutien et un suivi psychosocial à la personne au terme d’un traitement spécialisé. Cette assistance individuelle ou de groupe est offerte aux clients qui ont un besoin d’accompagnement et de soutien ponctuel pour atteindre leurs objectifs de réinsertion. Le but est de consolider les acquis du traitement, de réduire les risques de rechute et de faciliter le retour dans la communauté. Il permet aussi d’éviter le recours à des services spécialisés (Paquette & Doré, 2007).
Soins en thérapie avec ou sans réinsertion sociale Les services spécialisés de réinsertion sociale et ceux de réadaptation destinés aux personnes aux prises avec l’alcoolisme sont intimement liés. Ces services ne nécessitent généralement pas l’intervention des inrmières, mais davantage celle des travailleurs sociaux. Les programmes de réinsertion ont pour but d’aider les personnes dépendantes à réapprendre à vivre en société. Ce processus s’avère nécessaire pour plusieurs clients. Il a notamment pour objectif l’acquisition par les clients de connaissances et d’une autonomie par l’intermédiaire des études, du travail et du renforcement des réseaux d’appartenance. Ces clients peuvent proter de services de réinsertion individuellement ou en groupe. Ils se limitent parfois à une intervention effectuée auprès du réseau de la personne ou directement auprès de celle-ci. L’hébergement accompagne quelquefois les services de réinsertion, selon les besoins de la personne (Paquette & Doré, 2007).
16.6.3
Planication des soins
Établir les résultats escomptés L’inrmière oriente les résultats escomptés vers des changements à court ou à long terme relativement au comportement et au mode de vie du client. Les résultats escomptés dépendent de divers facteurs, notamment de la substance consommée, du degré de dépendance, de l’âge du client et d’autres éléments démographiques
TABLEAU 16.8
Niveau et service adéquats selon les besoins du client
NIVEAU
TYPE DE SOINS
SERVICES OU TYPE DE CENTRES
Niveau 0,5 à I
• Intervention précoce et traitement ambulatoire
Organismes communautaires, services de première ligne et services de santé généraux
Niveau II à III
• Traitement ambulatoire intensif/hospitalisation partielle
Centre de réadaptation
• Traitement résidentiel Niveau IV
• Traitement avec hospitalisation sous supervision médicale intensive
propres à celui-ci. Voici quelques exemples de résultats escomptés. Le client : • restera en sécurité et en bonne santé ; • demeurera sobre ; • maintiendra ses signes vitaux dans les valeurs normales ; • maintiendra une hydratation liquidienne normale ; • ne présentera aucune convulsion ; • déclarera être en mesure de dormir sans prendre de sédatif ; • déclarera ressentir une diminution des symptômes de sevrage (même si cela fait des semaines ou des mois qu’il n’a pas consommé) ; • déclarera ressentir une diminution des pensées délirantes ainsi qu’une absence d’hallucinations, d’illusions et d’idées suicidaires ou homicidaires ; • exprimera le désir de cesser de boire ou de consommer ou, dans certains cas, de réduire ou de limiter sa consommation ;
Centre hospitalier
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les difcultés courantes chez les personnes atteintes de troubles liés à l’abus de SPA ont trait à leur orientation, à l’anxiété, aux fonctions mentales ou physiques restreintes, à l’intoxication, au sevrage, aux difcultés sociales ainsi qu’aux problèmes familiaux.
éactivation des connaissances Quelles sont les deux conditions devant être réunies pour que le consentement du client soit valide ? Expliquez votre réponse.
• affirmera se sentir en sécurité dans son environnement ; • aura un régime alimentaire équilibré comportant un nombre sufsant de calories en vue de satisfaire aux besoins nutritionnels prescrits ; • participera aux activités thérapeutiques prévues dans le PSTI (c.-à-d. des activités individuelles, de groupe ou familiales) ; • exprimera le désir de communiquer avec des membres de sa famille ou des proches pour obtenir du soutien ; • analysera les facteurs qui nuisent au PSTI (p. ex., le manque de soutien social ou familial, des ressources financières insuffisantes, la recherche des anciens compagnons avec lesquels il consommait) ; Chapitre 16
Troubles liés à une substance et troubles addictifs
443
16
• reconnaîtra que le traitement est un processus de toute une vie qui s’effectue un jour à la fois ; • exprimera le désir d’établir des relations avec des amis qui ne consomment pas et évitera les situations qui se prêtent bien à la consommation de SPA ; • se fixera des objectifs de réadaptation réalistes ; • aura recours aux ressources communautaires en vue de favoriser et de maintenir sa réadaptation ; • structurera son mode de vie de manière à éviter les situations qui se prêtent à la consommation de SPA (p. ex., des activités professionnelles, scolaires et familiales) ; • remplacera ses comportements de consommation par des activités et des stratégies d’adaptation saines.
Décider des soins Bien que les besoins fondamentaux comme le logement, l’emploi et l’alimentation soient au cœur du PSTI, l’infirmière aborde de nombreux autres aspects lorsqu’elle planie les soins du client atteint de troubles liés à la consommation de SPA. Si le client est hospitalisé, le plan relatif à l’obtention de son congé du centre hospitalier comprend une aide à la sobriété ainsi que des ressources qui lui permettront d’avoir accès à un revenu et à un logement. Les clients qui en sont aux premières étapes du traitement nécessitent une aide importante. Comme c’est le cas de bien des maladies chroniques, il est possible de croire en une certaine stabilité. La rechute fait partie du processus de réadaptation, et de nombreux clients la vivent. Il est difcile de prédire le moment où le client sera sufsamment motivé pour changer son mode de vie.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Le PSTI d’un client qui a un trouble de consommation de SPA comprend trois phases : le sevrage (désintoxication), l’enseignement et les changements au mode de vie. Pour chacune de ces phases, l’inrmière élabore des interventions spéciques et personnalisées.
444
Partie 3
L’évaluation constitue un processus continu. C’est pourquoi l’inrmière et le client élaborent de concert un PSTI qui saura répondre aux besoins de la personne de manière ininterrompue. Comme dans bien des situations de soins inrmiers, le jugement de l’inrmière quant aux soins nécessaires est fondé sur les données recueillies au cours de l’évaluation. L’inrmière est appelée à tenir compte des besoins à court terme du client, lesquels sont souvent urgents, ainsi que des objectifs à long terme du traitement et des soins de suivi. La collaboration entre le client, ses proches et l’équipe de soins est essentielle en vue d’élaborer, de réviser et d’évaluer le PSTI. À mesure que le client se rapproche de la sobriété, il intègre un engagement à changer de mode de vie, ce qui a souvent des conséquences sur la relation qu’il entretient avec sa famille, ses proches et ses collègues. Pour le client dont la consommation de SPA est excessive, ou qui est atteint de troubles
Troubles mentaux
d’impulsivité (p. ex., le jeu pathologique), la voie vers l’abstinence et la réadaptation requiert des résultats escomptés réalistes ainsi qu’un PSTI cohérent.
16.6.4
Exécution des interventions
Au moment de mettre en œuvre un PSTI, quel qu’il soit, l’inrmière considère toujours le client et sa santé comme ses principales priorités. Elle en assure le suivi clinique en indiquant dans le plan thérapeutique inrmier (PTI) les besoins prioritaires et les directives inrmières requises. Ainsi, elle se concentre sur le traitement appliqué au client et sur l’aide à lui apporter tout au long du processus de sevrage, également appelé désintoxication. Le soutien nutritionnel, qui comprend une alimentation riche en protéines et des suppléments de vitamine B, a lieu au cours de la première phase d’intervention. Si le client se montre violent ou menaçant envers lui-même ou à l’égard d’autrui, l’inrmière et le personnel sont appelés à intervenir an d’assurer la sécurité du client et de son entourage. Au cours des étapes subséquentes du traitement, l’inrmière et les membres de l’équipe de soins se centrent sur l’enseignement à fournir quant aux éléments suivants : le processus qui mène aux troubles liés à une substance et aux troubles addictifs ; les conséquences physiques, psychologiques et psychosociales de la consommation prolongée ; l’acquisition de nouvelles compétences relationnelles ; la maîtrise de la colère ; et l’augmentation de l’estime de soi. L’inrmière aide le client à cerner les ressources saines dont il dispose, de même qu’à établir un nouveau réseau de soutien qui exclut les activités et les amis qui risquent de l’inciter à consommer. L’étape nale de ce processus est axée sur la vie du client après la drogue et se trouve prise en charge par le travailleur social. Pour devenir sobre et le rester, le client doit, dans bien des cas, tirer un trait sur la fréquentation d’amis et de connaissances qui consomment sur une base régulière. Également, il n’est pas rare qu’il doive changer son mode de vie, apprendre à gérer ses nances, régler des problèmes de longue date (p. ex., des dettes en souffrance ou un mandat d’arrêt) et, particulièrement, faire face aux réalités émotionnelles de la sobriété. L’inrmière aide également le client à se xer des objectifs à court terme ainsi qu’à entamer une réadaptation professionnelle. De plus, le suivi est essentiel en vue d’observer les progrès du client et lui apporter un soutien continu. Le programme des 12 étapes des Alcooliques Anonymes (AA), des Narcotiques Anonymes (NA) ou des Cocaïnomanes Anonymes (CA) peut apporter au client une structure et un réseau de soutien qui l’aidera dans sa réadaptation.
Soins et traitements inrmiers Traiter l’urgence En cas de situation d’urgence, la priorité est d’entreprendre les mesures nécessaires au maintien des fonctions vitales, soit celui des fonctions respiratoire et cardiaque ainsi que l’arrêt des hémorragies digestives ou des convulsions TABLEAU 16.9. La réaction à une drogue varie grandement selon la personne, le contexte et la substance consommée. La quantité prise entraînant des symptômes de sevrage peut différer d’un client à l’autre. Cette variation est attribuable à la neurochimie de la personne, à sa tolérance et à la durée de consommation. Dans le même ordre d’idées, la quantité exacte qui provoquera une surdose dépend également, dans une certaine mesure, du consommateur. De plus, étant donné que les drogues vendues dans la rue ne sont ni tout aussi fortes ni tout aussi pures, il est difficile de connaître avec précision la quantité de drogue que la personne a consommée. L’arrêt de la consommation ou la forte diminution de la quantité de substance prise chez une personne atteinte d’une dépendance physique à cette substance peut nécessiter une intervention médicale. Le sevrage des dépresseurs du SNC (alcool, benzodiazépines, GHB et barbituriques) est celui qui risque le plus d’engendrer une situation d’urgence. Le sevrage des opioïdes est douloureux, mais il met rarement la vie en danger. Les clients affaiblis ou dénutris avant l’apparition des symptômes de sevrage sont plus à risque que les autres de souffrir de complications lorsque ceux-ci se manifesteront. Si un client doit recevoir des médicaments pendant son sevrage, la dose sera prescrite de manière à éviter les symptômes de sevrage dangereux ou problématiques. Au cours de cette phase, c’est l’inrmière qui administre au client cette dose tout juste sufsante de médicament pour laquelle le client présente une tolérance croisée, de manière à soulager les symptômes de sevrage. Une fois le client stabilisé, il est possible de procéder à l’anamnèse, à l’examen physique ainsi qu’aux analyses de laboratoire en vue d’établir les priorités quant aux soins à lui prodiguer. Si une personne est en sevrage de plusieurs substances, elle présente un risque accru de conséquences graves découlant de sa consommation. L’échelle des indicateurs cliniques du sevrage d’alcool (CIWA-Ar), que présente la FIGURE 16.5, est utilisée par bon nombre d’établissements an d’évaluer les divers symptômes de sevrage. Les critères ainsi que le pointage obtenu guident la prise de décision quant à l’administration de la médication. Cette échelle est généralement utilisée dans le cadre d’un sevrage de l’alcool, mais il existe une
version adaptée aux cas de sevrage des substances opioïdes. Pendant son sevrage, le client pourrait nécessiter une réhydratation ou la correction d’un déséquilibre électrolytique par voie I.V.
Prévenir la rechute L’inrmière utilise les principes de la prévention de la rechute tout au long du processus de réadaptation an d’aider les clients à éviter les situations où la rechute est possible ou, au besoin, de prendre les commandes dans de telles situations. Aidé par l’équipe de soins et notamment l’inrmière, le client s’exerce à poser les bons gestes en cas de rechute et met au point une marche à suivre précise. Il cerne les situations dans lesquelles le risque de rechute est le plus grand, puis apporte les changements qui s’imposent dans son mode de vie. Cela peut vouloir dire déménager, changer sa fréquentation de quartiers et même s’entourer d’amis et de membres de la famille qui le soutiennent dans son choix de vivre dans la sobriété.
Participer à la réduction des méfaits Cette démarche a pour but de réduire les conséquences négatives (méfaits) de l’usage de PSA plutôt que la consommation en tant que telle. Les stratégies de réduction des méfaits aident les personnes ayant un trouble lié à une substance à changer leurs habitudes de consommation en vue de réduire les risques de complications et ainsi de s’adapter à un mode de vie plus sain. Par exemple, parce que certaines personnes dépendantes consomment des drogues injectables, des programmes d’échange de seringues ont été créés en vue de réduire le nombre de cas d’infection par le VIH, le VHB et le VHC. De plus, fournir des agents de substitution (p. ex., la méthadone, la buprénorphine) élimine la nécessité de pratiquer des activités illégales pour avoir les moyens de consommer. Les stratégies de réduction des méfaits permettent également aux personnes aux prises avec un problème de toxicomanie de travailler, de mener une vie relativement stable et de se créer un réseau de soutien, ce qui augmente leurs chances de vivre un jour sans consommer. Les initiatives de conducteurs désignés ou substituts de même que les programmes de dépistage des ITSS à l’intention des utilisateurs de drogues injectables sont d’autres exemples de stratégies de réduction des méfaits (Miller & Carroll, 2006) 23 . L’infirmière, connaissant ces stratégies, peut déterminer avec le client les méfaits associés à sa consommation et lui proposer les solutions de rechange ou les stratégies qui lui sont les plus appropriées. Le TABLEAU 16.9 résume les interventions que l’inrmière effectue auprès des clients atteints de troubles liés aux substances. Chapitre 16
CE QU’IL FAUT RETENIR
Un des rôles de l’inrmière consiste à aider le client à cerner les situations dans lesquelles le risque de rechute est le plus grand, puis à apporter les chan gements qui s’imposent dans son mode de vie.
ALERTE CLINIQUE
L’arrêt ou la diminution rapide d’un dépresseur du SNC (alcool, benzodiazépines, GHB et barbituriques) peut entraîner des complications pouvant nécessiter une intervention médicale et peut causer la mort.
16
23 La réduction des méfaits à l’égard des personnes en situation d’itinérance est présentée dans le chapitre 23, Soins inrmiers et suivis dans la communauté.
Troubles liés à une substance et troubles addictifs
445
FIGURE 16.5 Échelle des indicateurs cliniques du sevrage d’alcool (CIWA-Ar) – En remplissant ce questionnaire, l’inrmière peut déterminer si le sevrage est léger, modéré ou sévère.
446
Partie 3
Troubles mentaux
CRITÈRES DE RÉFÉRENCE POUR L’ÉVALUATION DU SEVRAGE D’ALCOOL (suite)
16
FIGURE 16.5
(suite) Chapitre 16
Troubles liés à une substance et troubles addictifs
447
FIGURE 16.5
448
Partie 3
(suite)
Troubles mentaux
16
FIGURE 16.5
(suite)
Chapitre 16
Troubles liés à une substance et troubles addictifs
449
Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 16.9
Intervenir en cours de sevrage
INTERVENTIONS
JUSTIFICATIONS
En situation aiguë : • Dégager les voies respiratoires du client, surveiller ses signes vitaux et intervenir en cas d’hémorragie, de convulsion ou d’arrêt cardiaque (intoxication à l’alcool, aux benzodiazépines, aux barbituriques, au GHB, au toluène et en cas de surdose aux opioïdes).
• Permet de résoudre les problèmes qui pourraient mettre la vie du client en danger.
En toute situation : • Assurer la sécurité du client et des autres personnes de son entourage (les mesures de contention chimique ou mécanique peuvent s’avérer nécessaires).
• Facilite la gestion de certaines situations où le client manifeste un comportement inattendu, non maîtrisé, violent ou agressif.
• Observer les signes et symptômes additionnels qui pourraient indiquer une surdose, un sevrage ou une interaction de drogues.
• Prévient toute complication.
• Évaluer les symptômes physiologiques et psychologiques du sevrage ainsi que les effets des médicaments prescrits au cours de ce processus.
• Assure au client un traitement sécuritaire et efcace pendant le sevrage.
• Entreprendre les interventions thérapeutiques nécessaires pour soulager les symptômes de sevrage, dont l’anxiété et d’autres complications.
• Apporte une aide au client pour le sevrage en toute sécurité d’une substance toxicomanogène.
• Fournir un soutien psychologique au client, à sa famille et à ses proches.
• Permet d’établir un climat de conance et de faire en sorte que les personnes qui comptent le plus aux yeux du client prennent part au processus de traitement.
• Aider le client à satisfaire ses besoins nutritionnels et métaboliques, que ce soit P.O. ou par voie I.V., selon sa capacité à prendre et à retenir les liquides ; augmenter l’apport en glucides du client.
• Assure une hydratation et une alimentation adéquates.
• Diriger le client vers une nutritionniste au besoin et demander l’aide de la famille pour cerner et respecter les préférences personnelles, culturelles ou spirituelles du client.
• Permet de prodiguer des soins holistiques interdisciplinaires au client.
• Entreprendre un traitement de substitution à base de vitamines et de minéraux, comme prescrit.
• Pallie les carences en vitamine B et autres vitamines et minéraux (p. ex., les vitamines A, C, D, E et K, le fer, le magnésium et le zinc), qui sont courantes dans les cas de consommation d’alcool chronique.
• Dans le cadre d’une relation thérapeutique, apporter du soutien et manifester de l’empathie au client et à sa famille en se montrant sensible à la déception et au déni du client, sans toutefois encourager son comportement.
• Aide le client et sa famille à travailler sur son déni et à se rendre compte que bon nombre de ses problèmes sont causés par l’abus de SPA. Toute une gamme de techniques psychothérapeutiques peut être utilisée auprès du client et de sa famille.
• Traiter les complications secondaires ou les effets résiduels de la consommation du client.
• Évite l’apparition de diverses complications causées par la consommation prolongée ou l’abus de SPA et l’altération de façon temporaire ou permanente des principaux systèmes de l’organisme.
• Encourager le client dans ses efforts pour établir, rétablir ou renforcer une relation avec sa famille et ses proches axée sur le soutien par diverses stratégies. Pour ce faire, lui fournir un environnement calme et intime où le client pourra appeler sa famille ou la rencontrer.
• Permet de rétablir la relation que le client entretenait auparavant avec sa famille et ses proches, une relation souvent perdue chez les clients qui ont consommé des SPA de façon abusive.
• Aider le client, sa famille et ses proches à comprendre l’abus de SPA quant à ses symptômes, la façon de le maîtriser, son traitement et sa prévention, tant de manière individuelle qu’en tant que membre d’une équipe.
• Permet de servir de personnes-ressources relativement au traitement de l’alcoolisme ou de la toxicomanie, aux efforts de prévention, ainsi qu’à la nécessité pour le client, sa famille et ses proches de pratiquer un mode de vie sain.
• Évaluer le style d’enseignement le plus adéquat pour le client an de satisfaire ses besoins d’apprentissage (p. ex., des outils verbaux, visuels ou écrits). • S’assurer autant que possible que le vocabulaire utilisé est compris du client. • Fournir des renseignements concrets sur les modes de prévention qui fonctionnent vraiment.
450
Partie 3
Troubles mentaux
TABLEAU 16.9
Intervenir en cours de sevrage (suite)
INTERVENTIONS
JUSTIFICATIONS
• Aider le client et sa famille à participer activement à des groupes de soutien (p. ex., les AA, Al-Anon, Alateen, les NA) et à demander de l’aide auprès des ressources disponibles (services de première ligne, services spéciques, services spécialisés, centres de réadaptation, etc.).
• Favorise la participation à l’expérience concluante d’un programme de réadaptation, dont les programmes en 12 étapes, qui constitue le meilleur moyen pour bien des clients de rester sobres. La famille du client bénécie elle aussi de ce genre de programme, car celui-ci l’aide à changer les habitudes relationnelles qu’elle entretient avec le client et avec les autres.
• Inciter la famille du client à faire preuve de exibilité et de patience quant à la participation de celui-ci aux groupes de soutien.
• Permet d’accorder du temps au client, qui doit fournir des efforts considérables et entretenir une grande motivation, ce que nécessite l’adoption d’un nouveau mode de vie, dont la participation à un réseau de soutien.
• Aider le client à établir un nouveau réseau de soutien social en le mettant en contact avec des organismes communautaires grâce auxquels il pourra se trouver un logement, se faire de nouveaux amis et acquérir la force nécessaire pour trouver des stratégies d’adaptation à sa nouvelle vie sobre.
• Permet au client d’affronter la tâche souvent ardue de se constituer un nouveau réseau social dans lequel la consommation n’a pas sa place. Les connaissances et les conseils quant aux ressources et aux programmes à la disposition du client lui apporteront l’aide dont il a besoin pour faire en sorte que ses efforts portent leurs fruits.
Soins et traitements en interdisciplinarité La réadaptation constitue une étape essentielle du traitement des troubles liés à la consommation de SPA. Les programmes de traitement offrent une gamme de services et proposent plusieurs objectifs au client. Chaque personne a une motivation propre et ses raisons de vouloir suivre un traitement. Il est donc important que l’inrmière reconnaisse qu’il n’existe pas de combinaison client-programme parfaite. C’est donc dans un esprit d’appariement, c’est-à-dire de moduler les interventions et le type d’approche an de répondre le mieux possible aux besoins et aux caractéristiques du client, que l’inrmière développera une pratique selon les plus hautes normes de qualité. L’authenticité, l’intérêt et la préparation du personnel de même que les approches que ce dernier utilise pourront aider le client dans le traitement de sa dépendance. Les interventions de l’équipe interdisciplinaire axées sur la collaboration accroissent les chances que le traitement et la réadaptation s’avèrent un succès. En n de compte, il revient toutefois au client de parvenir à devenir sobre et à le rester. Les principes suivants ont été publiés en 1999 par le NIDA et demeurent jusqu’ici ables : • le traitement est axé sur la diminution de la prévalence d’un trouble donné ; • il n’existe pas de traitement universel ; aucun n’est efcace chez tous les clients ; • un traitement efcace permet de répondre à de multiples besoins ; • par souci d’efcacité, il est primordial de suivre le traitement pendant une certaine période ; • le plan de traitement d’un client doit être continuellement réévalué et modié en conséquence ;
• dans la plupart des cas, divers types de traitements sont nécessaires et comprennent une médication (p. ex., une thérapie individuelle, familiale, de groupe ou d’autres modalités de traitement) ; • la plupart des personnes qui doivent être traitées pour une dépendance aux SPA risquent fort d’être atteintes d’un trouble mental concomitant (c.-à-d. d’avoir un double diagnostic) ; • se défaire d’une dépendance constitue un processus à long terme qui nécessite souvent plusieurs périodes de traitement.
16
Psychothérapies Une thérapie nécessite d’abord l’analyse des besoins du client de manière approfondie. La psychothérapie à l’intention des personnes atteintes d’une dépendance est généralement couronnée de succès ; elle aborde la question de la dépendance du client, mais aussi tout trouble concomitant et tout comportement qui perturbe sa vie. Par exemple, les modèles et les interventions thérapeutiques à l’intention des clients atteints de troubles de la personnalité ne seront pas les mêmes que ceux qui s’adressent aux clients atteints de troubles dépressifs ou anxieux. En général, les clients aux prises avec une dépendance participent activement au programme de réadaptation ainsi qu’aux séances de thérapie individuelle ou de groupe. Il existe quatre grandes catégories de thérapie comportementale : la thérapie cognitivo-comportementale, la thérapie motivationnelle brève (ou entretien motivationnel), l’organisation des contingences et la thérapie familiale ou en réseau (Carroll & Rounsaville, 2006). Ces formules peuvent être utilisées dans de multiples contextes, lesquels font l’objet des paragraphes qui suivent. Chapitre 16
Troubles liés à une substance et troubles addictifs
451
22 La rétroaction biologique est détaillée dans le chapitre 22, Approches complémentaires et parallèles en santé mentale.
i La technique d’entretien moti vationnel et les interventions inrmières qui y sont liées sont détaillées dans le chapitre 11 du manuel de Lewis, S.L., Dirksen, SR., Heitkemper, M.M., et al. (2016). Soins inrmiers – Médecine Chirurgie (2e éd.). Montréal, Québec : Chenelière Éducation. Une publication des plus contemporaines est également disponible dans la revue Perspective inrmière selon la référence suivante : www.oiiq.org.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Au cours de la thérapie de groupe, le rôle de l’inr mière est de susciter la participation des membres du groupe et d’aider à clarier les interactions entre les participants.
452
Partie 3
| Thérapie individuelle | La modalité thérapeutique, qu’elle soit individuelle ou en groupe, doit être décidée au moment de la phase d’évaluation/ orientation et ne doit en aucun cas être source de découragement pour le client qui démontre une motivation à changer ses comportements. En outre, la personne qui demande de l’aide dans le cadre d’une problématique d’alcoolisme ou de toxicomanie doit se voir offrir une formule thérapeutique adaptée et personnalisée, tenant compte de sa réalité et de ses capacités. En outre, les résultats de cinq études rigoureuses de distribution au hasard de participants entre deux modalités (de groupe versus individuelle) d’un même traitement vont toutes dans la même direction : il ne semble pas y avoir de différence d’efcacité entre une modalité de groupe ou une modalité individuelle du même traitement auprès des personnes aux prises à différents degrés avec des troubles liés aux SPA (Weiss, Jaffee, de Menil et al., 2004). Les thérapeutes doivent, au cours de la thérapie, aborder le sujet des mécanismes de défense, du déni et de la déception. Comme c’est le cas pour de nombreux autres clients, les personnes atteintes d’une dépendance cherchent souvent à évaluer le lien thérapeutique entre eux et leur thérapeute. Finalement, ces thérapeutes soulèvent souvent les questions de la rechute, de l’apparition de la dépression et de la résistance à la continuation de la thérapie. Généralement, les approches qui visent la modication d’un comportement sont utilisées en combinaison avec d’autres formes d’éducation ou de consultation psychologique. C’est pourquoi les thérapies cognitivo-comportementales sont fréquemment combinées aux approches psychosociales pour augmenter l’efcience tant à la phase de changement qu’à celle de la prévention des rechutes. Thérapie cognitivo-comportementale Cette thérapie utilise une approche fondée sur des résultats probants à l’intention des personnes ayant un trouble lié à la consommation d’une substance (Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec, 2011 ; Freeman, 2005). Des études ont permis de déterminer que des techniques d’entretien motivationnel s’avèrent probantes chez les personnes aux prises avec un trouble de consommation de substances (Golay, Lagger & Giordan, 2010 ; Miller & Rollnick, 2006). La thérapie chez les enfants, devenus adultes, de parents ayant un trouble de l’usage de l’alcool sur la base des théories du développement a également été décrite (Brown, 1998). L’entretien motivationnel vise à amener les clients à évoquer les avantages à exercer un changement dans leurs habitudes de consommation. Par cette évocation, le thérapeute amène ensuite le client à se positionner sur deux préceptes essentiels : sa conance
Troubles mentaux
en sa capacité de changer et l’importance que revêt ce changement pour lui. La relation thérapeute-client est primordiale et repose sur un engagement commun, sur une alliance thérapeutique sans cesse renforcée et sur l’empathie. Cette méthode thérapeutique comprend toute intervention pouvant renforcer la motivation du client à changer, tant qu’elle respecte son autonomie et qu’elle met en place une relation non moraliste, fondée sur la collaboration. Certains programmes ont recours à des approches plus comportementales, comme la thérapie de relaxation ou la rétroaction biologique, pour enseigner aux clients à gérer les stresseurs quotidiens ainsi que l’insomnie 22 . Organisation des contingences L’organisation des contingences est une forme de thérapie comportementale axée sur le conditionnement opérant au cours de laquelle le client est récompensé pour son abstinence (Shoptaw, Rawson, Worley et al., 2009). Il peut s’agir d’un bon lui donnant droit à un prix, de coupons pour réclamer un bien ou un service ou encore de l’argent. L’objectif est de faire en sorte que l’interruption de la consommation pousse le client à abandonner son comportement de dépendance et à en acquérir de nouveaux. Il a été démontré que l’organisation des contingences fonctionne relativement rapidement. Cependant, la rechute est probable en l’absence d’un incitatif à demeurer sobre. Bien que non reconnue scientiquement, la thérapie des contingences serait à ce jour indiquée comme la pratique la plus probante chez la clientèle atteinte de trouble de la personnalité antisociale.
| Thérapie de groupe | Ce type de thérapie présente certains avantages pour les clients atteints de troubles liés à la consommation de SPA, ce que n’offre pas la thérapie individuelle. Dans un groupe, les clients qui ont vécu des expériences ou des problèmes semblables se confrontent ou se soutiennent dans un environnement relativement sécuritaire. Dans un tel contexte, le rôle du thérapeute ou de l’inrmière est de susciter la participation des membres du groupe et d’aider à clarier les interactions entre les participants. En plus de discuter, ceux-ci échangent des renseignements didactiques ou éducatifs à propos de la consommation et des traitements. Finalement, les clients en phase de réadaptation qui sont toujours sobres parlent de leur expérience et deviennent des modèles pour les participants qui se sont récemment ajoutés au groupe. Groupes de soutien en 12 étapes Le groupe AA a été le premier groupe d’entraide à l’intention des personnes ayant un trouble de consommation d’alcool rétablies. Il a été fondé en 1935 sur le principe de soutien et d’encouragement des pairs atteints d’alcoolisme an d’aider les personnes sur la voie de la réadaptation. Pendant des décennies, les AA et les autres groupes d’entraide semblables constituaient les seuls programmes de traitement à la disposition
de la population. Ces groupes offrent encore aujourd’hui soutien et force à un grand nombre de personnes en phase de réadaptation. Les AA invitent les nouveaux membres à travailler de concert avec un parrain, soit une personne ayant un trouble de l’usage de l’alcool rétablie, qui fournit une aide pour franchir les 12 étapes et atteindre d’autres objectifs qu’ils se sont fixés ensemble. Ce processus peut prendre plus de une année. Le duo doit être du même sexe, et les relations amoureuses en début de réadaptation sont déconseillées. Les membres qui participent agissent donc aussi à titre de parrain pour ceux qui en sont à une étape de réadaptation moins avancée. Ils ont accès à de l’aide en tout temps, jour et nuit. Au cours de chaque rencontre, un membre du groupe partage son histoire, son vécu, ses expériences avec les participants. Le fait de s’ouvrir ainsi aux membres du groupe et de partager son vécu renforce l’engagement du participant et améliore les résultats obtenus. Généralement, ceux qui prennent part à ces programmes perçoivent la réadaptation comme un processus qui dure toute une vie. Dans ces groupes, la réduction des méfaits n’est pas favorisée, l’objectif étant plutôt la sobriété, à savoir de mener une vie exempte de dépendance et de redonner à la communauté au moyen de services. Contrairement à la croyance populaire, les AA n’ont jamais été en faveur des confrontations agressives. Leur but est de constituer une communauté sécuritaire et accueillante composée de nombreuses ressources vers lesquelles les personnes ayant un trouble de l’usage de l’alcool peuvent se tourner. Les Narcotiques Anonymes (NA) et les Cocaïnomanes Anonymes (CA) ont une philosophie semblable à celle des AA. Il s’agit d’un groupe de soutien pour les consommateurs de narcotiques. Plus récemment, d’autres programmes d’entraide fondés sur des principes et des recherches différents ont vu le jour. Pour ceux chez qui la thérapie de groupe est avantageuse, il existe diverses possibilités qui répondent à une multitude de besoins. Les groupes d’entraide Al-Anon et Alateen travaillent indépendamment des AA. Al-Anon est un groupe d’entraide pour les conjoints et les amis de personnes ayant un trouble de l’usage de l’alcool. Les réunions permettent aux membres de comprendre l’alcoolisme, de parler de problèmes communs et de proposer des solutions. Dans ces groupes sont également abordés les comportements et les problèmes communs aux processus du trouble, parmi lesquels la détermination des limites, l’évitement, la complicité, la culpabilité et la honte. Pour sa part, Alateen est un groupe d’entraide d’envergure nationale à l’intention des enfants âgés de plus de 10 ans qui ont des parents ayant un trouble de l’usage de l’alcool. À l’instar d’Al-Anon, le groupe aide l’enfant
à se rendre compte qu’il n’est pas responsable de l’alcoolisme de ses parents. Le fait de parler de ses problèmes et d’exprimer ses émotions fait comprendre à l’enfant qu’il n’est pas le seul à vivre une telle situation.
| Thérapie familiale | La thérapie familiale a gagné en crédibilité à titre de programme thérapeutique à l’intention des adultes comme des adolescents. En fait, les méthodes faisant participer un proche ont fréquemment démontré une efcacité supérieure à celles qui ne les impliquaient pas (ACRDQ, 2011). Cette forme de thérapie est fondée sur la théorie des systèmes familiaux 20 . Le génogramme (Bowen, 1978) constitue un outil des plus utiles pour retracer la consommation intergénérationnelle de SPA. Les chercheurs en la matière analysent les génomes afin de savoir quels membres d’une famille donnée risquent plus que les autres de consommer des substances illicites. La reconnaissance et l’acceptation du fait que l’alcoolisme est une maladie qui touche tous les membres de la famille conrment la nécessité d’avoir recours à la thérapie familiale FIGURE 16.6. Lorsque le membre de la famille qui consomme de l’alcool de façon excessive devient sobre du jour au lendemain, c’est toute la dynamique familiale qui change. Certains clients rechutent parce que leur famille ne sait pas comment communiquer avec eux lorsqu’ils sont sobres. En outre, les membres de la famille d’une personne ayant des problèmes de consommation ont tendance à ne pas se faire conance les uns les autres, à ne pas se sentir aimés ni désirés et à porter le lourd fardeau de la culpabilité. Le soutien social extérieur peut modérer les conséquences des antécédents familiaux de troubles liés à la consommation de SPA. Bon nombre de communautés ont d’ailleurs élaboré des programmes scolaires, sportifs et éducatifs, des activités de mentorat, ainsi que d’autres programmes nancés ou non en vue d’offrir aux
i Les 12 étapes des AA sont présentées à l’adresse suivante : www.aa-quebec.org.
20 La théorie des systèmes familiaux est expliquée dans le chapitre 20, Modèles et stratégies thérapeutiques.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Lorsque le membre de la famille qui consomme de l’alcool de façon excessive devient sobre du jour au lendemain, c’est toute la dynamique familiale qui change.
FIGURE 16.6 La thérapie familiale constitue un facteur important de la réadaptation d’une personne ayant un trouble lié à une substance ou un trouble addictif. Chapitre 16
Troubles liés à une substance et troubles addictifs
453
16
i Une liste de plusieurs organismes communautaires spécialisés dans la réduction des méfaits est présentée au www.reductiondesmefaits. aitq.com/index.php/ hyperliens-mainmenu-38.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les traitements de substitution à la nicotine (gomme, timbre, pulvérisateur ou inhalateur) aident à réduire les symptômes de sevrage et doublent les chances du client d’abandonner la consommation de tabac.
jeunes l’occasion de participer à des activités et d’établir de saines relations.
Pharmacothérapie Aucun médicament ne peut garantir la réadaptation du client. Cependant, certains médicaments sont parfois utilisés en concomitance avec d’autres formes de traitements psychothérapeutiques ENCADRÉ 16.16.
| Alcool | Une intervention pharmacologique systématique n’est pas nécessaire. Mais dans certains cas de sevrage de l’alcool, des mesures seront prises en vue de rendre le client plus à l’aise. Les professionnels de la santé ont recours aux benzodiazépines, car elles comportent un risque moins élevé de neurotoxicité et de chute des signes vitaux que les autres dépresseurs. À cet effet, les benzodiazépines à action brève, dont l’oxazépam (Serax md) et le lorazépam, sont administrées aux clients atteints d’une grave insufsance hépatique ou d’importants troubles cognitifs. Les substances à action prolongée, comme le diazépam, peuvent être administrées à la plupart des autres clients aux prises avec de graves symptômes de sevrage (Schuckit, 2000). Finalement, la naltrexone et l’acamprosate sont des médicaments utilisés pour traiter l’état de manque des premières étapes de la sobriété. D’autres médicaments du même type sont en cours de développement. Le disulrame (Antabusemd) est utilisé dans la thérapie par l’aversion, car il agit sur le métabolisme de l’alcool. Au moins 90 % de la dose d’alcool éthylique absorbée est métabolisée. Cette dégradation de l’alcool se fait par étapes ; ce sont surtout des enzymes hépatiques spécialisés qui se chargent des biotransformations. Le métabolisme de l’alcool génère d’abord
Psychopharmacothérapie ENCADRÉ 16.16
Troubles liés à une substance
ALCOOL
L’acamprosate (Campralmd) est indiqué pour favoriser l’abstinence. Le disulram (Esperalmd) est employé pour dissuader le client de consommer ou d’abuser de l’alcool. La naltrexone (ReViamd), en combinaison avec d’autres substances, est utilisée pour traiter la dépendance à l’alcool. OPIOÏDES
La buprénorphine/naloxone et la méthadone sont des agents de substitution utilisés dans le cadre du traitement de la dépendance aux
454
Partie 3
Troubles mentaux
analgésiques opioïdes ou pour soulager de fortes douleurs. La naloxone contenue dans le Suboxonemd est présente pour dissuader les personnes de s’injecter ce produit. Le Subutexmd est destiné au traitement des cas exceptionnels, soit les femmes enceintes. NICOTINE
Le buproprion (Zybanmd), la varénicline (Champixmd), les timbres transdermiques de nicotine (Nicodermmd), la gomme, les pastilles et l’inhalateur de nicotine (Nicorettemd) sont indiqués pour favoriser l’abandon du tabac.
l’acétaldéhyde, un produit très toxique et normalement métabolisé très rapidement dès sa formation. Le disulfirame inhibe l’enzyme responsable de sa dégradation ; en conséquence, l’acétaldéhyde s’accumule et entraîne un effet indésirable chez 50 % des clients. Les principaux malaises sont les bouffées vasomotrices, une sensation de chaleur au visage, à la poitrine ainsi qu’aux membres supérieurs. Les clients présenteront également d’autres symptômes, dont la pâleur, l’hypotension, les nausées, un malaise général, des étourdissements, une vision trouble, des palpitations, une dyspnée de Kussmaul, ainsi qu’un engourdissement des membres supérieurs. Les clients qui suivent une thérapie par aversion avec le disulrame doivent être en bonne santé, très motivés et coopératifs. Le personnel soignant les avertit des conséquences de boire même une très faible quantité d’alcool après avoir pris du disulrame.
| Nicotine | Les traitements de substitution à la nicotine existent sous diverses formes : gomme, timbre, pulvérisateur ou inhalateur. Ils aident à réduire les symptômes de sevrage et doublent les chances du client d’abandonner la consommation de tabac. D’autres médicaments, qui ne contiennent pas de nicotine, réduisent l’état de manque. C’est le cas du bupropion (p. ex., le Wellbutrinmd), de la clonidine et de la varénicline. | Programme de traitement de substitution des opioïdes | La clonidine est le médicament non opioïde le plus utilisé pour traiter les symptômes du sevrage des substances opioïdes. Ses effets indésirables sont la sédation et l’hypotension. L’inrmière surveille donc attentivement la P.A. du client qui reçoit de la clonidine. La méthadone et la buprénorphine sont des opioïdes à action prolongée qui ont des caractéristiques similaires à celles de l’héroïne. Le personnel soignant administre ces deux médicaments pour des raisons semblables : servir d’agent de substitution à d’autres opiacés, dont l’héroïne, en vue : de réduire l’activité criminelle du client ; d’améliorer sa qualité de vie ; de réduire les effets néfastes de la consommation I.V. (p. ex., le VHC) et son état de manque. La méthadone est depuis longtemps la substance de choix pour pallier la dépendance à la morphine ou à l’héroïne. La buprénorphine, ou boop dans le jargon de la rue, est un médicament à action prolongée administré dans le cadre d’un traitement d’entretien. Au Canada, elle n’est disponible qu’en combinaison avec de la naloxone, an d’éviter qu’elle soit injectée dans un contexte d’abus. Ces médicaments doivent être pris jusqu’à ce que la personne soit sevrée. Ils peuvent entraîner une dépendance, mais le client peut faire un sevrage graduel, sous suivi médical, en diminuant
sa dose quotidienne jusqu’à ce qu’il ne présente plus de symptômes de sevrage. Toutefois, la surdose de méthadone ou de buprénorphine peut entraîner une dépression respiratoire pouvant conduire à la mort.
16.6.5
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution
Le but de l’étape d’évaluation de la démarche de soins est de déterminer les changements qui ont résulté du PSTI élaboré avec le client et des autres interventions effectuées en interdisciplinarité. L’inrmière est donc appelée à observer les changements de comportement du client ainsi que sa réponse au traitement et aux interventions, et ce, en se basant sur les résultats escomptés PSTI 16.1. Elle évalue régulièrement si le client progresse vers ces résultats. Dans le cas contraire, elle
révise le PSTI FIGURE 16.7 . L’ ENCADRÉ 16.17 présente des exemples de résultats escomptés. Il est important de reconnaître que la résolution de la phase aiguë n’est que la toute première étape du traitement.
La liste des centres de réadaptation du Québec est présentée au www.aidq.org.
Collecte des données ENCADRÉ 16.17
Signes de réadaptation
L’inrmière évalue si le client est en mesure : • de rester sobre ou de réduire les effets nocifs relatifs à sa consommation ; • de reconnaître sa dépendance à des SPA ; • de démontrer sa connaissance du processus continu de réadaptation (un jour à la fois) ; • de se xer des objectifs réalistes ; • de continuer d’assister aux réunions d’un groupe de soutien (p. ex., les AA, les NA) ; • de faire preuve d’une plus grande estime de soi ; • de démontrer la mise en place de nouvelles stratégies d’adaptation efcaces et de nouvelles stratégies de gestion de l’anxiété, du stress, de la frustration et de la colère ; • d’avoir recours à des solutions de rechange pour remplacer ses comportements de recherche et de consommation de drogue (p. ex., un passe-temps, les études, un emploi, du soutien spirituel, du bénévolat, la socialisation) ;
FIGURE 16.7 L’inrmière révise le PSTI en tenant compte de l’évolution de l’état de santé du client.
i
• d’avoir le sentiment de maîtriser sa vie ;
• d’exprimer un sentiment d’espoir pour l’avenir ; • d’éviter les gens et les situations qui pourraient entraîner des comportements de toxicomanie ou y contribuer ; • d’énoncer les conséquences de la consommation de SPA sur le bien-être biopsychosocial, culturel et spirituel ; • de donner le nom et le numéro de téléphone des ressources avec lesquelles communiquer lorsqu’il devient trop difcile de gérer une situation ou lorsque le désir de reprendre un comportement de consommation devient trop fort ; • de s’informer sur les programmes d’aide aux employés relatifs aux problèmes de consommation de drogue ou d’alcool ; • de demander aux membres de sa famille ou à des proches de prendre part à des groupes de soutien (p. ex., Al-Anon, Alateen) ou, à l’intérieur du centre de réadaptation de sa région, au service d’aide à l’entourage.
Plan de soins et de traitements inrmiers PSTI
16.1
Trouble dépressif caractérisé récurrent et trouble lié à l’usage de l’alcool et d’analgésiques opioïdes
André Kulovic est un immigrant bosniaque récemment séparé et père de deux enfants. Il est admis aux soins intensifs psychiatriques pour des symptômes de trouble dépressif caractérisé récurrent (tristesse et désespoir) et la possibilité d’un trouble de consommation d’alcool et d’hydromorphone (Dilaudid md). À l’urgence, il a demandé des analgésiques. Depuis son admission, monsieur Kulovic afrme souffrir d’insomnie, de nervosité et d’une perte d’appétit. Il se dit désespéré d’avoir des douleurs constantes au dos. Monsieur Kulovic s’est blessé au dos il y a 10 ans, lorsque sa famille a été forcée de quitter rapidement la Bosnie. Depuis, il prend de l’hydromorphone, mais il arrive que cela ne sufse pas à le soulager. Il a alors commencé à boire de l’alcool pour réduire ses douleurs et pour mieux dormir. Il s’agit de sa seconde admission à l’urgence depuis la dernière annéea. La première fois, trois mois plus tôt, il est entré à l’urgence pour un
épisode dépressif avec idées suicidaires. À l’époque, il a obtenu son congé du centre hospitalier après avoir reçu une prescription d’antidépresseurs, mais il a cessé de les prendre, car il n’arrivait plus à les payer. Monsieur Kulovic afrme qu’il n’a ni plan ni intention suicidaire en ce moment. Il ajoute qu’il boit environ une demi-bouteille de vodka par jour, parfois plus lorsqu’il en a les moyens. Il craint les conséquences d’une tentative d’arrêter de boire et il admet avoir besoin d’aide pour se sevrer de l’alcool. Monsieur Kulovic croit avoir souffert de convulsions la dernière fois qu’il a essayé d’arrêter de boire de son propre chef. De plus, il aimerait cesser de prendre l’hydromorphone, mais son emploi d’étalagiste est dur pour son dos. En Bosnie, il était électricien, mais au Canada, il ne possède plus le titre équivalent pour occuper le même emploi. Son ex-conjointe travaille à temps plein, elle aussi, mais ils ont un revenu familial très faible et peinent à subvenir à leurs besoins et à ceux des enfants.
À la suite de son évaluation, l’inrmière formule les constats suivants et élabore un plan de soins avec monsieur Kulovic.
Chapitre 16
Troubles liés à une substance et troubles addictifs
455
16
PSTI
16.1
Trouble dépressif caractérisé récurrent et trouble lié à l’usage de l’alcool et d’analgésiques opioïdes (suite)
PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Risques de blessures liés à un sevrage de l’alcool et des analgésiques opioïdes comme le démontrent des antécédents de convulsions
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES ET JUSTIFICATIONS
• Diminution des symptômes de sevrage de l’alcool (F.C. rapide, transpiration, tremblements, insomnie, agitation) et de l’hydromorphone (état de manque, irritabilité, agitation)
• Évaluer les signes et les symptômes de sevrage et administrer les médicaments prescrits en fonction de la condition mentale et physique du client an de soulager les premiers symptômes de sevrage et de prévenir, ou de réduire, la gravité de ceux-ci.
• Absence d’épisodes de symptômes pouvant mettre la vie du client en danger, dont les convulsions, l’aspiration et les chutes • Conance du client dans le personnel médical et dans le protocole utilisé pour assurer sa sécurité • Verbalisation des connaissances relatives aux thèmes suivants :
• Rassurer le client en lui disant qu’il est en sécurité, qu’il ne court aucun danger et qu’il ne risque pas de se blesser an d’établir un lien de conance et de réduire son anxiété en lui expliquant qu’il est sous surveillance constante et que ses symptômes peuvent être soulagés à l’aide des interventions adéquates. • Informer le client à propos de la dépendance aux SPA, des risques de blessures ou de décès, des symptômes de sevrage, de l’importance des médicaments dans le sevrage sécuritaire et du suivi nécessaire en vue de prévenir les rechutes, les blessures ou le décès, ainsi que pour favoriser l’autonomie du client par l’enseignement.
– Dépendance à l’alcool et aux narcotiques ainsi que symptômes de sevrage – Risques de blessures ou de décès – Prévention des blessures PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Stratégies d’adaptation inefcaces liées à une douleur chronique comme le montre la dépendance à l’alcool et aux analgésiques opioïdes
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES ET JUSTIFICATIONS
• Reconnaissance du besoin d’aide pour le soulagement des douleurs dorsales autrement qu’avec les SPA
• Évaluer la motivation du client à faire un sevrage de l’alcool et des analgésiques opioïdes pour individualiser le processus du sevrage et favoriser la pérennité des interventions.
• Verbalisation de la volonté de faire les efforts nécessaires pour soulager la douleur sans prendre d’analgésiques opioïdes • Détermination par le client de ses problèmes attribuables à la consommation d’alcool et de médicaments • Utilisation de stratégies d’adaptation efcaces pour gérer les problèmes liés à l’abus de substances
• Soutenir la prise de conscience et les efforts du client en l’assurant de la possibilité d’un sevrage sécuritaire, avec prise en charge des symptômes, pour favoriser le partenariat, la conance et l’espoir. • Aider le client à reconnaître les facteurs déterminants dans sa consommation d’alcool et d’analgésiques opioïdes pour cibler les objectifs d’intervention. • Évaluer les stratégies d’adaptation habituelles du client en vue de xer des objectifs réalistes et de trouver des méthodes d’adaptation qu’il voudra utiliser. • Aider le client à analyser ses forces et les aspects sur lesquels il doit travailler an de l’aider à mettre au point de nouvelles stratégies d’adaptation, d’améliorer les stratégies efcaces précédemment utilisées et d’éliminer celles qui se sont avérées inefcaces. • Évaluer le réseau de soutien du client et lui proposer des ressources au besoin pour diminuer son isolement et favoriser le partage de conseils au sujet des difcultés éprouvées. • Coordonner des rencontres entre les intervenants et le client pour discuter des objectifs à atteindre avant que celui-ci puisse recevoir son congé du centre hospitalier, ainsi que pour planier les ressources nécessaires au retour du client auprès de sa famille et dans sa communauté. • Planier un suivi posthospitalisation avec les intervenants concernés pour évaluer le traitement antidouleur sans analgésiques opioïdes an de s’assurer que le client poursuit sa recherche de stratégies d’adaptation efcaces et pour prévenir les rechutes.
a Une
évaluation approfondie est nécessaire an de savoir si monsieur Kulovic est atteint d’une pseudodépendance, bien que l’inr mière le soupçonne déjà au moment de l’admission du client. C’est pourquoi le diagnostic de trouble lié à la consommation des analgésiques opioïdes est pour l’instant réservé o u probable. En raison de ses ressources nancières restreintes, il se peut que la blessure au dos de monsieur Kulovic n’ait pas été traitée aussi énergiquement que possible, même si des méthodes de soulagement de la douleur sans analgésiques opioïdes ont été ajoutées à son régime thérapeutique. Une fois sa douleur soulagée, il est probable que le be soin d’alcool du client diminue, car il n’avait aucun antécédent de problèmes de consommation avant de se blesser. Il est important que l’inrmière s’assure qu’une démarche est en c ours pour que monsieur Kulovic reçoive les soins de suivi dont il a besoin. Dans le cas présent, le personnel inrmier doit travailler de concert avec le travailleur social. Il serait ainsi possible de prévenir sa réadmission à l’urgence ainsi que l’apparition de nouveaux problèmes liés à la dépression ou à la douleur chronique. La récurrence des épisodes dépress ifs, le risque suicidaire et le besoin d’un traitement antidépresseur devraient toujours être évalués chez le client en raison de ses antécédents, et ce, même s’il a nié toute intent ion suicidaire au moment de son admission.
456
Partie 3
Troubles mentaux
Analyse d’une situation de santé John Black, âgé de 44 ans, se trouve actuellement à l’urgence. Il y a été amené par un collègue de travail parce qu’il présentait des signes de panique aiguë. Il est maintenant plus calme, mais il fait les cent pas impatiemment en se frappant les cuisses. « Mais qu’est-ce que j’ai donc ? J’me sens tout drôle dans ma tête », dit-il d’une voix chevrotante. Il n’est pas nauséeux et ne se plaint pas de céphalées. Il présente toutefois de la diaphorèse au front et dit ressentir de faibles picotements au
Jugement clinique visage ainsi qu’aux bras. Vous observez de légers tremblements lorsque ses bras sont étendus. Toutefois, il entend bien, car il exécute les consignes demandées. Monsieur Black est arrivé quelques fois en état d’ébriété au travail ; il y consommait parfois de l’alcool en cachette. Son patron, au courant de ce fait, l’avait rencontré pour lui signier un renvoi possible s’il continuait à boire au travail.
Mise en œuvre de la démarche de soins
Collecte des données – Évaluation initiale – Analyse et interprétation 1. D’après la grille des critères de référence pour l’évaluation du sevrage de l’alcool et les données obte nues au cours de l’évaluation initiale, quel problème prioritaire déterminez-vous chez monsieur Black pour le moment ? Justiez votre réponse.
SOLUTIONNAIRE
2. Pour compléter votre évaluation, nommez trois autres éléments que vous devez vérier chez monsieur Black.
La F.C. de monsieur Black est de 102 bpm. Vous effectuez un prélèvement sanguin pour alcoolémie.
16 écemment vu dans ce chapitre
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
3. Qu’est-ce qui explique une telle F.C. chez ce client ? 4. Pourquoi est-il pertinent de demander au client à quel moment précis remonte sa dernière consommation d’alcool ? 5. Pourquoi faut-il demander à monsieur Black s’il a déjà fait des convulsions dans le passé ?
Monsieur Black sait qu’il est au service des urgences et peut nommer la date précise du jour. Cependant, il a oublié votre nom.
Si monsieur Black vous avait coné prendre régulièrement des boissons énergisantes en même temps que la vodka dans le but de camouer les symptômes de sa consom mation à son patron, quels autres symptômes de se vrage pourraitil présenter en plus de ceux déjà manifestés ?
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
6. Devriez-vous craindre un état confusionnel (délirium) du sevrage de l’alcool chez monsieur Black ? Justiez votre réponse.
Le médecin a prescrit du naltrexone 50 mg die à monsieur Black. Ce dernier est gardé en
observation, et une hospitalisation n’est pas envisagée pour l’instant.
Chapitre 16
Troubles liés à une substance et troubles addictifs
457
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
Planication des interventions – Décisions inrmières 7. Pour quelle raison ce médicament est-il prescrit ?
Monsieur Black a toujours refusé de participer aux rencontres d’un groupe de AA. Il vous cone que les conits entre lui, son épouse et ses deux
adolescents se sont multipliés au point où leurs relations sont de plus en plus tendues à cause de sa consommation excessive d’alcool.
MAIS SI …
Si monsieur Black avait 74 ans, les impacts de sa consommation d’alcool seraient-ils les mêmes ?
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
8. De quelle approche thérapeutique pourriez-vous discuter avec monsieur Black comme autre option à sa participation à un groupe de AA ?
Monsieur Black dit être conscient des conséquences de son alcoolisme sur sa vie familiale et sur sa santé en général.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution 9. Qu’est-ce qui laisserait croire que le client est disposé à s’engager sérieusement dans une démarche de résolution de son problème de consommation ? 10. À la lumière des informations dont vous disposez jusqu’à présent, quel problème inscririez-vous au numéro 2 du PTI de monsieur Black ? Extrait CONSTATS DE L’ÉVALUATION Date
Heure
N°
2016-04-30
10:30
1
2016-04-30
10:30
2
Problème ou besoin prioritaire
Trouble d’abus de substance : alcool
Signature de l’inrmière
Marie Villeneuve
Initiales
Programme / Service
Initiales
RÉSOLU / SATISFAIT Date
Heure
Initiales
M.V.
Signature de l’inrmière
Initiales
Programme / Service
M.V.
11. Rédigez une note d’évolution relative au problème que vous avez indiqué à la question 10.
458
Partie 3
Troubles mentaux
Professionnels / Services concernés
APPLICATION DE LA PENSÉE CRITIQUE Dans l’application de la démarche de soins auprès de monsieur Black, l’inrmière a recours à un ensemble d’éléments (connaissances, expériences antérieures, normes institutionnelles ou protocoles, attitudes professionnelles) pour analyser la situation de santé du client et en comprendre les
enjeux. La FIGURE 16.8 illustre le processus de pensée critique suivi par l’inrmière an de formuler son jugement clinique. Elle résume les principaux éléments sur lesquels l’inrmière s’appuie en fonction des données de ce client, mais elle n’est pas exhaustive.
VERS UN JUGEMENT CLINIQUE CONNAISSANCES
EXPÉRIENCES
• Différents troubles liés à une substance • Divers troubles de la personnalité et troubles concomitants • Comportements d’une personne ayant un trouble lié à une substance, d’une personne intoxiquée par une substance ou en sevrage d’une substance • Manifestations autres que comportementales à un trouble lié à une substance, à l’intoxication par une substance ou au sevrage d’une substance • Signes et symptômes d’intoxication et de sevrage • Approches thérapeutiques pour traiter un trouble lié à une substance (pharmacothérapie, psychothérapie) • Ressources de suivi à l’externe ou à l’interne
• Soins à des personnes aux prises avec un trouble lié à une substance • Expérience de travail en urgence et dans des unités de désintoxication • Personne de son entourage ayant un trouble lié à une substance
NORMES
ATTITUDES
• Procédure à suivre au moment des prélèvements pour alcoolémie et diverses analyses de laboratoire • Utilisation d’un instrument validé pour évaluer les signes et symptômes de sevrage de l’alcool
• Ne pas brusquer le client, car il pourrait montrer des comportements agressifs et impulsifs en raison du sevrage • Ne pas le culpabiliser ni le juger à cause de son problème de consommation • Le traiter avec respect • Utiliser la confrontation douce pour lui démontrer les conséquences négatives de la consommation excessive d’alcool et les avantages d’une thérapie familiale
PENSÉE CRITIQUE
16 ÉVALUATION • • • • • • • • • • • • •
Signes et symptômes du sevrage de l’alcool d’après une grille d’évaluation validée Taux d’alcoolémie et diverses analyses de laboratoire pour évaluer, entre autres, l’état du foie Dernier moment de consommation et quantité consommée Signes vitaux (particulièrement le pouls et la pression artérielle) Antécédents de convulsions Répercussion de son problème de consommation abusive d’alcool sur la dynamique familiale, son emploi, son environnement Stratégies envisagées pour résoudre son trouble de consommation d’alcool Motivation à éliminer son trouble de consommation d’alcool Présence de soutien (conjointe, amis) Habitudes et horaire de consommation Qualité de son alimentation Autres substances consommées Connaissance des interactions entre l’alcool et un autre dépresseur du système nerveux central
JUGEMENT CLINIQUE FIGURE 16.8
Application de la pensée critique à la situation clinique de monsieur Black
Chapitre 16
Troubles liés à une substance et troubles addictifs
459
Chapitre
17
Troubles neurocognitifs Adapté par : Frédéric Banville, M. A., Ph. D. (Neuropsychologie) avec la collaboration de Lucie Tremblay, inf., M. Sc., M. Sc., CHE, Adm. A. Mis à jour par : Frédéric Banville, M. A., Ph. D. (Neuropsychologie) avec la collaboration de Marianne Provencher, Ph. D. (c) (Neuropsychologie) Édith Massicotte, Ph. D. (c) (Neuropsychologie) D’après un texte de : Russell A. Kelley, MN, ARNP, BC
MOTS CLÉS
OBJECTIFS
Cognition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 462 Démence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 462 État confusionnel (délirium) . . . . . . . . . . 464 Fonctions exécutives . . . . . . . . . . . . . . . . 462 Langage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 462 Mémoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 462 Troubles neurocognitifs (TNC) . . . . . . . 462
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez être en mesure : • de déceler les différents troubles neurocognitifs et de les distinguer de l’état confusionnel ; • d’analyser les diverses théories portant sur la nature et sur l’apparition des troubles neurocognitifs ; • de décrire les changements physiopathologiques du cerveau attribuables à la maladie d’Alzheimer et aux autres troubles neurocognitifs ; • de classifier les symptômes évolutifs du trouble neurocognitif dû à la maladie d’Alzheimer selon trois phases : légère, modérée et sévère ; • d’appliquer la démarche de soins aux clients atteints de troubles neurocognitifs ; • de décrire les traitements psychopharmacologiques actuels relatifs aux troubles neurocognitifs ; • d’expliquer les activités thérapeutiques destinées aux clients atteints de troubles neurocognitifs.
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Activités interactives À retenir Carte conceptuelle Ressources Solutionnaire de l’Analyse d’une situation de santé
Guide d’études – SA10
460
Partie 3
Troubles mentaux
• • • •
Solutionnaire des questions de Jugement clinique Solutionnaire des questions Réactivation des connaissances Solutionnaire des questions Récemment vu dans ce chapitre Solutionnaires du Guide d’études
Concepts clés
Cette carte conceptuelle illustre schématiquement les principaux concepts décrits dans le présent chapitre. Sa lecture vous permettra d’avoir une vue d’ensemble des notions qui y sont présentées.
Décit acquis du fonctionnement cognitif plutôt que développemental Troubles attentionnels Troubles des fonctions exécutives Troubles de la mémoire et des apprentissages Troubles du langage Troubles perceptifs et moteurs Troubles dans la cognition sociale
entraînent
Troubles neurocognitifs
comprennent
troubles qui
caractérisé
17
Interfèrent avec l’autonomie et l’indépendence dans le quotidien Affectent l’ensemble du cerveau Se développent relativement lentement, mais peuvent être soudains Provoquent une multitude de changements altérant la mémoire, le jugement, le langage, les fonctions cognitives supérieures pouvant être causés par
pouvant être causé par
Maladie d’Alzheimer Dégénérescence lobaire frontotemporale Maladie à corps de Lewy Maladie vasculaire cérébrale Traumatisme craniocérébral Usage de substances/médicaments Infection au VIH Maladie à Prions Maladie de Parkinson Maladie de Huntingdon Autre condition médicale Étiologies multiples
Chapitre 17
Troubles neurocognitifs
461
PORTRAIT
Simon Cohen Simon Cohen, âgé de 70 ans, est conduit à l’urgence par sa femme Anne, âgée de 66 ans, pour le traitement d’une grave déchirure cutanée au bras droit. Au moment de soigner la plaie de monsieur Cohen, l’inrmière pose des questions à sa femme an de mieux connaître la situation du couple. Monsieur Cohen est retraité depuis cinq ans, mais sa conjointe travaille toujours à temps partiel comme réceptionniste pour une importante compagnie d’assurance. Madame Cohen aimerait bien prendre sa retraite à son tour, mais elle considère que son revenu est nécessaire. Elle afrme que son mari se comporte étrangement, qu’il chute dans la salle de bain, qu’il est incapable de rester en place et qu’il l’a gardée éveillée au cours des quatre dernières nuits. Madame Cohen cone à l’inrmière qu’elle se sent épuisée et exaspérée. Elle ajoute : « Si je n’arrive pas à dormir, j’ai peur d’en venir à frapper mon mari ou à poser des gestes que je regretterai par la suite. » L’inrmière découvre que monsieur Cohen a perdu son emploi de comptable en raison d’erreurs de calcul et d’un faible rendement. Son affect est émoussé, et il s’exprime lentement d’une voix monotone. Sa démarche est instable, et ses mouvements sont lents. Il afrme : « Je ne sais pas ce qui s’est passé... je me souviens uniquement d’avoir vu du sang. » Son apparence est peu soignée. Ses vêtements sales et sa forte odeur révèlent un manque d’hygiène. Madame Cohen admet qu’elle et son mari n’ont pas consulté de médecin depuis plusieurs années parce que son mari considère que « tous les médecins sont inutiles ». Elle afrme qu’elle est trop occupée pour l’amener chez le médecin.
17.1 CE QU’IL FAUT RETENIR
La démence représente certains sous-types de troubles neurocognitifs qui se développent lentement, alors que l’état confusionnel apparaît rapidement et altère l’attention ainsi que l’état de conscience. L’état confusionnel peut apparaître en concomitance avec une démence, complexiant ainsi les procédures diagnostiques.
462
Partie 3
Caractéristiques générales
Le terme cognition provient du mot grec gnosis qui signie « connaissance ». Il fait référence à la capacité qu’a l’être humain de penser, de percevoir et de raisonner. Un décit cognitif représente un changement du niveau de fonctionnement habituel d’une personne. Ce changement peut être d’étiologies multiples et révèle toujours la présence de lésions cérébrales. Cependant, il est important de noter que, dans le cas des troubles neurodéveloppementaux, les lésions cérébrales ont cours pendant la maturation intra-utérine ou en périodes périnatale et postnatale. La notion de trouble neurocognitif associé au fonctionnement du cerveau renvoie à l’une des problématiques qui perturbent, de façon temporaire ou permanente, la capacité de la personne à penser, à percevoir ou à raisonner TABLEAU 17.1.
Troubles mentaux
Les troubles neurocognitifs (TNC) mettent également l’accent sur la détérioration, observée à divers degrés d’intensité, des facultés cognitives telles que la mémoire, l’attention, les fonctions exécutives et les habiletés visuoconstructives (capacité à reproduire des gures simples ou complexes d’après un modèle). Bien que des décits cognitifs soient présents dans plusieurs troubles mentaux (p. ex., la schizophrénie, les troubles bipolaires, etc.), seuls les troubles dont les fonctions cognitives sont touchées au premier plan sont inclus dans la catégorie des TNC (American Psychiatric Association [APA], 2015). De plus, le trouble doit être acquis plutôt que développemental. En d’autres mots, l’altération de la cognition n’est pas présente depuis la naissance ou le très jeune âge, comme c’est le cas dans les troubles neurodéveloppementaux, et elle constitue un déclin par rapport à un niveau de fonctionnement atteint précédemment. Dans la cinquième édition du Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (DSM-5), l’état confusionnel (délirium) et plusieurs sous-types de TNC majeurs ou légers sont répertoriés dans la catégorie diagnostique des « troubles neurocognitifs ». Dans le cas des TNC, les atteintes cognitives, qu’elles soient majeures ou légères, doivent être objectivées par une évaluation neuropsychologique standardisée ou par une évaluation clinique quantitative si celle-ci n’est pas possible. Les changements doivent également être observés par la personne concernée, un proche ou un clinicien (critère A). La démence, pour sa part, est un TNC qui touche l’ensemble du cerveau. Elle se développe relativement lentement et provoque une multitude de changements qui altèrent la mémoire, le jugement, le langage et les fonctions cognitives supérieures. Il s’agit donc d’un trouble évolutif et dégénératif qui affecte le système nerveux central. La démence est incluse à l’intérieur de l’entité diagnostique nommée « troubles neurocognitifs majeurs ». Le terme TNC englobe donc les troubles cognitifs non évolutifs (tels que les lésions traumatiques cérébrales) et ceux qui sont évolutifs (tels que la maladie d’Alzheimer). Bien que le terme démence ne soit pas écarté des sous-types pour lesquels il s’agit d’un terme standard (permettant ainsi au clinicien et au client de nommer un trouble qui est dégénératif), la tendance serait d’homogénéiser la terminologie diagnostique en parlant de TNC majeur (APA, 2015). Le DSM-5 décrit plusieurs sous-types étiologiques de troubles neurocognitifs. Ainsi, le TNC, qu’il soit majeur ou léger, peut être dû à : 1) la maladie d’Alzheimer ; 2) une dégénérescence lobaire frontotemporale ; 3) la maladie à corps de Lewy ; 4) une maladie vasculaire ; 5) une lésion cérébrale traumatique ; 6) l’usage d’une substance ou d’un médicament ; 7) une infection par le VIH ; 8) une maladie à prions ; 9) la maladie de Parkinson ; 10) la
maladie de Huntington ; 11) une autre affection médicale ; 12) des étiologies multiples (p. ex., la maladie d’Alzheimer et une maladie vasculaire). Le trouble neurocognitif dû à la maladie d’Alzheimer est le sous-type de trouble neurocognitif majeur ou léger le plus courant. Plus précisément,
TABLEAU 17.1
les perturbations de la mémoire propres à la maladie d’Alzheimer sont surtout influencées par les atteintes frontales et temporales ; celles-ci engendrent notamment des difcultés relatives à l’encodage (ou mémorisation) ainsi qu’à l’organisation du rappel de l’information.
Distinctions entre les divers troubles cognitifs liés au vieillissement de la personne
DOMAINES NEUROCOGNITIFS
VIEILLISSEMENT NORMAL
TROUBLE NEUROCOGNITIF LÉGER
TROUBLE NEUROCOGNITIF MAJEUR
Attention 1. Attention sélective : Capacité d’orienter les ressources mentales vers un stimulus ou d’inhiber les informations non pertinentes. 2. Attention divisée : Capacité à alterner l’attention entre deux tâches et à partager les ressources attentionnelles.
1. L’âge affecte généralement les performances aux tâches d’inhibition (baisse d’efcacité à dissocier le stimulus cible des distractions). 2. Les aînés éprouvent plus de difculté à alterner rapidement entre différentes tâches. Le partage attentionnel est affecté au cours du vieillissement normal.
• Commence à commettre des erreurs dans les tâches habituelles.
• Éprouve de la difculté en présence de nombreux stimulus (télévision, radio, conversation).
• Éprouve un besoin accru de revérier le travail.
• Est facilement distraite.
Fonction exécutive : raisonnement et résolution de problèmes
Les aînés éprouvent plus de difculté à résoudre des problèmes complexes que les jeunes adultes, puisqu’ils gardent difcilement les informations dans leur mémoire de travail. Donc, les différences jeunes-personnes âgées proviennent particulièrement des décits dans le centre exécutif plutôt que dans le raisonnement.
• Nécessite un effort supplémentaire pour réaliser une tâche lorsqu’une distraction survient.
• Manifeste une dépendance accrue envers l’entourage pour organiser les activités et pour prendre des décisions.
• Des « [e]fforts supplémentaires [sont] nécessaires an d’organiser, de planier ou de prendre une décision ».
• Ne réalise généralement pas de projets et ne résout généralement pas de problèmes complexes.
1. Les aînés ont plutôt de la difculté à récupérer les informations contextuelles an de les aider à trouver une réponse cible. 2. Les plaintes les plus fréquentes des personnes âgées concernent la mémoire prospective. Ils utilisent toutefois des aide-mémoire externes pour faciliter le rappel d’une tâche à effectuer. 3. Le vieillissement normal s’accompagnerait d’un décit du centre exécutif. Ce problème serait lié à l’incapacité d’inhiber les informations non pertinentes, ce qui entraîne une quantité importante d’informations dans la mémoire de travail. 4. Une expertise acquise dans une habileté spécique est préservée malgré le vieillissement.
• A de la difculté à se rappeler des événements récents.
• Répète souvent la même conversation et se répète dans une même conversation.
• Utilise de plus en plus des aide-mémoire.
• N’arrive pas à se souvenir d’une liste d’articles à acheter au supermarché.
• A besoin de rappels occasionnels ou d’une relecture an de se souvenir d’un personnage de lm ou d’une nouvelle.
• A besoin de rappels fréquents en cours de tâche.
Mémoire 1. Mémoire épisodique (rétrospective) : Se rappeler des souvenirs autobiographiques (donc dans un contexte spatiotemporel précis). 2. Mémoire prospective : Se souvenir de réaliser une intention dans le futur. 3. Mémoire de travail : Stockage d’information (grâce à la boucle phonologique et au calepin visuospatial) et manipulation de cette information pendant la réalisation d’une tâche (grâce au centre exécutif). 4. Mémoire procédurale : Habiletés principalement motrices (p. ex., faire du vélo) qui ont été apprises et qui se font automatiquement.
• Trouve plus facile de penser en l’absence d’autres stimulus (télévision, radio, etc.).
• Éprouve de la difculté à retenir une information (p. ex., un numéro de téléphone, une adresse). • Éprouve de la difculté à effectuer un calcul mental. • A besoin de plus de temps que d’habitude pour penser.
17
• Peut occasionnellement se répéter auprès de la même personne. • Oublie que certains comptes ont été payés.
• « À l’exception des formes sévères de trouble neurocognitif majeur, les mémoires sémantique, autobiographique et implicite sont relativement préservées, par rapport à la mémoire immédiate. »
Chapitre 17
Troubles neurocognitifs
463
TABLEAU 17.1
Distinctions entre les divers troubles cognitifs liés au vieillissement de la personne (suite)
DOMAINES NEUROCOGNITIFS
VIEILLISSEMENT NORMAL
TROUBLE NEUROCOGNITIF LÉGER
TROUBLE NEUROCOGNITIF MAJEUR
Langage : Production du langage
Le mot sur le bout de la langue (être temporairement dans l’incapacité de produire un mot, alors que la connaissance du mot est bien acquise) est un phénomène plus présent chez les personnes âgées que chez les jeunes adultes. Les tâches de uence sémantique (générer des mots appartenant à une catégorie sémantique) sont altérées chez les personnes âgées, contrairement aux participants jeunes.
• Éprouve de la difculté à trouver ses mots.
• Commence à perdre ses aptitudes langagières et évite les interactions sociales.
• Commet certaines erreurs grammaticales et syntaxiques.
• Praxie : peut éprouver de la difculté à planier les mouvements requis pour préserver son autonomie dans le quotidien par des activités telles que se brosser les dents, s’habiller, se raser, etc. • Oublie la fonction des objets ou les range au mauvais endroit. • En cas de diagnostic de TNC majeur, peut oublier le nom des personnes de son entourage. • Écholalie possible : peut répéter systématiquement le discours d’autrui.
Perception et orientation
• L’acuité visuelle et auditive décline avec l’âge, de même que certaines compétences visuospatiales. Ces modications perceptibles ont toutefois une effet négligeable sur la vie de tous les jours. • Si elle est occasionnelle, la désorientation n’est pas un problème. Elle le devient si elle se produit à répétition. Pour s’aider, une personne âgée peut utiliser un calendrier ou déterminer son trajet à l’avance, par exemple.
Cognition sociale
Des caractéristiques positives du vieillissement ont été soulignées comme la sagesse, la maturité émotionnelle. Participe socialement et se réalise dans des situations d’interactions avec les membres de la famille et des amis.
• A besoin de beaucoup de concentration pour réaliser certaines tâches spatiales (p. ex., conduire, tricoter, etc.).
• Oublie parfois qu’elle connaît une personne.
• Éprouve des difcultés d’orientation transitoires telles que se perdre dans un environnement ou avoir de la difculté à lire une carte et à s’orienter avec celle-ci.
• Devient rapidement désorientée ou perdue dans des endroits familiers, parfois plusieurs heures durant.
Présente une légère diminution des habiletés à reconnaître les indices sociaux ou les expressions non verbales chez les autres. L’extraversion ou l’introversion peut être augmentée. Ces changements sont souvent décrits comme des modication de la personnalité.
Devient insensible aux normes sociales acceptables (p. ex., la pudeur). Conversation sur des sujets politiques, religieux ou sexuels maintenue malgré le désintérêt manifesté par ses interlocuteurs. Comportements intentionnels et décisions sans tenir compte de la famille et des amis, ni des risques. A peu conscience de ces changements.
• Perd la notion du temps ; n’arrive pas à savoir le jour de la semaine.
• Gnosie : est peu consciente ou inconsciente de ses problèmes cognitifs.
Sources : Adapté de APA (2015) ; Dujardin & Lemaire (2008).
17.2
État confusionnel (délirium)
L’état confusionnel (délirium) se caractérise par un état de conscience et un fonctionnement cognitif détériorés (critère A), lesquels ne sont pas mieux expliqués par un TNC (critère D) ENCADRÉ 17.1. La perturbation se manifeste en peu de temps, généralement de quelques heures à quelques jours (critère B). Elle se caractérise par un changement du niveau d’attention normal et
464
Partie 3
Troubles mentaux
de l’état de conscience, et tend à uctuer en sévérité pendant une journée, étant généralement plus intense au crépuscule, lorsque le niveau d’éclairage et d’activité diminue (APA, 2015). Cette problématique se caractérise donc par un état de confusion aiguë ainsi que par une forte perturbation de l’attention et des perceptions. Les changements cognitifs propres à l’état confusionnel apparaissent rapidement et résultent généralement d’une affection médicale, d’une consommation de
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 17.1
État confusionnel (delirium)
A. Une perturbation de l’attention (c.àd. diminution de la capacité de diriger, focaliser, soutenir et déplacer son attention) et de la conscience (diminution de l’orientation dans l’environnement). B. La perturbation s’installe en un temps court (habituellement quelques heures à quelques jours), représente un changement par rapport à l’attention et à la conscience préalables, et tend à uctuer en sévérité tout au long de la journée. C. Une autre perturbation cognitive (p. ex., un décit de la mémoire, de l’orientation, du langage, des habiletés visuospatiales ou des perceptions). D. Les perturbations des critères A et C ne sont pas mieux expliquées par un trouble neurocognitif préexistant, stabilisé ou en évolution et ne doivent pas survenir dans le contexte d’un niveau de vigilance très réduit, comme dans un coma.
E. Mise en évidence d’après les antécédents, l’examen physique ou les examens complémentaires que la perturbation est la conséquence physiologique directe d’une autre affection médicale, d’une intoxication ou d’un sevrage d’une substance (c.àd. une drogue ou un médicament) ou d’une exposition à un produit toxique, ou est due à de multiples causes. Spécier le type : État confusionnel (delirium) dû à une intoxication par une substance : Ce diagnostic doit être retenu plutôt que celui d’intoxication par une substance quand les symptômes des critères A et C prédominent dans la présentation clinique et quand ils sont sufsamment graves pour justier à eux seuls une prise en charge clinique.
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association. DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.A. Crocq, J.D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
L’état confusionnel est un syndrome aux causes multiples qui touche la conscience, mais qui entraîne aussi d’autres perturbations cognitives sur les plans de la perception, de la pensée, de la mémoire, de l’orientation et du langage (critère C). Le comportement peut également être affecté. Il s’agit d’un désordre complexe qui nécessite une intervention immédiate, puisque chaque jour additionnel durant lequel la personne se trouve dans un état confusionnel augmente de 10 % les risques de mortalité (Pisani, Kong, Kasl et al., 2009). Dans les cas de pathologies médicales graves sous-jacentes ou lorsque les atteintes sont malignes, l’état confusionnel est associé à la mortalité dans 40 % des cas (APA, 2015). La prévalence estimée concernant l’état confusionnel est de 10 à 30 % chez les personnes de 85 ans et plus (APA, 2015). Cependant, cette proportion tend à augmenter, avoisinant les 60 % dans le contexte de soins inrmiers à domicile (Haase, 2010). L’état confusionnel se caractérise par une désorientation dans le temps et l’espace, par une incapacité à maintenir son attention, selon la situation, par de la persévération, par un discours incohérent ainsi que par une activité physique continue, mais sans but (p. ex., de l’errance) (Alagiakrishnan & Blanchette, 2010). L’état confusionnel constitue une urgence médicale qui présente toujours une cause organique, une affection sous-jacente, que
l’inrmière reconnaît et évalue avec soin. En effet, il peut évoluer vers la stupeur, le coma, des crises comitiales ou la mort (APA, 2015).
clinique
Jugement
substances, d’un sevrage (drogue ou médicament), de l’exposition à des toxines ou d’un ensemble d’événements combinés qui sont sufsamment intenses pour perturber l’état mental (APA, 2015 [critière E] ; ministère de la Santé et des Services sociaux [MSSS], 2012). La cause de l’état confusionnel demeure souvent difcile à cerner.
Alicia Cortez, âgée de 77 ans, est hospitalisée pour une grave infection urinaire. Elle a été placée en isolement, car elle est porteuse du Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline. Elle reçoit de la vancomycine par voie intraveineuse. Elle est déso rientée dans les trois sphères (temporelle, spatiale et personnelle) et a des hallucinations visuelles. Elle répète qu’elle est en prison et qu’elle n’a commis aucun crime. Elle présente visiblement des signes d’un état confusionnel. Qu’estce qui aurait pu causer cet état chez madame Cortez ? Qu’estce qui peut l’aggraver ?
Les clients atteints de troubles neurocognitifs peuvent avoir un état confusionnel lorsqu’une infection grave ou une autre affection médicale survient. Quand l’état confusionnel masque les symptômes de la maladie, il s’avère encore plus difcile – et d’autant plus important pour le bien du client – de distinguer les deux affections. L’état confusionnel constitue également le premier et parfois le seul indicateur de certaines affections, de la pneumonie à l’infarctus en passant par l’intoxication. Un échec dans la reconnaissance de l’état confusionnel peut mener à une morbidité importante ainsi qu’à la mort. Bien que l’état confusionnel soit réversible, il est responsable, chez les clients hospitalisés, d’un taux accru de complications, de problèmes de santé et de mortalité (Van den Boogaard, Schoonhoven, Van der Hoeven et al., 2012). Effectivement, les clients ayant subi au cours de leur vie un état confusionnel courent six fois plus de risques de mourir que les clients n’ayant jamais vécu cette affection, et ce, indépendamment du degré de sévérité de leur maladie (Van den Boogaard et al., 2012). Malgré des conséquences considérables de l’apparition d’un état confusionnel, il existe un manque quant à la prévention. Enn, l’évolution clinique et le traitement de l’état Chapitre 17
ALERTE CLINIQUE
L’état confusionnel, bien que réversible, est une urgence médicale qui doit être dépistée et traitée rapidement. Il peut mener à une morbidité importante, à des compli cations ainsi qu’à la mort. Troubles neurocognitifs
465
17
confusionnel dépendent notamment de sa cause sous-jacente.
sont pas remplis, signiant ainsi qu’il n’a pas sufsamment d’information pour indiquer la cause.
Lorsqu’un clinicien formule des impressions cliniques qui vont dans le sens d’un état confusionnel (pour les étiologies alcooliques), il doit spécier si la condition est, selon la durée, aiguë (quelques heures à quelques jours) ou persistante (quelques semaines à quelques mois). Il doit également spécier si l’état confusionnel est hyperactif, hypoactif ou mixte (APA, 2015). Un nouveau concept, le délirium subclinique, est récemment apparu parmi les sous-types. Cette forme d’état confusionnel serait caractérisée par la présence de un ou de plusieurs symptômes associés à l’état confusionnel, mais sans avoir la présentation clinique complète du trouble (Joyal, Collin, Mbourou Azizah et al., 2010). Des études actuelles ont pu démontrer qu’un nombre substantiel de clients semblaient souffrir d’un délirium subclinique (Meagher, Adamis, Trzepacz et al., 2012 ; Meagher, O’Regan, Ryan et al., 2014). Cependant, ce phénomène est très variable en raison des différentes dénitions attribuées à ce type particulier d’état confusionnel (Meagher et al., 2014).
Les affections qui perturbent l’intégrité des structures cérébrales ou du fonctionnement du métabolisme entraîneront généralement un état confusionnel (Alagiakrishnan & Blanchette, 2010). Les facteurs de risque d’en être atteint sont l’âge, les troubles sensoriels, les affections neurologiques, les maladies concomitantes, les infections graves, la prise de médicaments, la consommation de drogue ou d’alcool, le fait de subir une intervention chirurgicale, la qualité du sommeil ainsi que certains facteurs environnementaux (Tardiff, 2009 ; Wand, Thoo, Sciuriaga et al., 2014). Pour les personnes dont l’évaluation clinique suggère un état confusionnel, Tropea et ses collaborateurs (2008) proposent les interventions suivantes : reconnaître les causes et les facteurs de risque ; gérer les symptômes ; réaliser des interventions non pharmacologiques, notamment s’assurer d’un environnement adéquat ; recourir à des interventions pharmacologiques ; prévenir des complications ; fournir de l’enseignement à la famille ou aux proches aidants ; planier le départ ; assurer un suivi. An de tenter de diminuer la prévalence de l’état confusionnel chez les clients hospitalisés, Van den Boogaard et ses collaborateurs (2012) ont suggéré que les professionnels de la santé et les inrmières utilisent davantage de mesures préventives, comme la stimulation cognitive ou la musicothérapie.
La forme hyperactive de l’état confusionnel, la plus familière, est aussi la plus facilement observable, car les clients atteints sont plus actifs. Elle est aussi accompagnée de labilité émotionnelle, d’agitation et de refus de coopération avec le personnel médical (APA, 2015). La forme hypoactive est plus rare et se manifeste par une dépression, un ralentissement psychomoteur ou de la léthargie proche de la stupeur (APA, 2015). Les clients ayant cette forme d’état confusionnel sont inactifs et indifférents. Étant donné leur inactivité, ils risquent plus que les autres de souffrir de complications comme les lésions de pression, l’aspiration et l’embolie pulmonaire. La forme mixte, quant à elle, se manifeste par une activité psychomotrice normale, tout en présentant des perturbations Marie-Thérèse Chouinard, âgée de 70 ans, est reattentionnelles et sur le plan traitée de l’enseignement depuis 5 ans. Lorsqu’elle de la vigilance. Cette forme conduit sa voiture pour se rendre à l’épicerie, il inclut des clients dont l’actilui arrive de se perdre lorsqu’elle ne suit pas son vité psychomotrice est rapidetrajet habituel (p. ex., lorsqu’une rue est bloquée). ment changeante (APA, 2015). En plus, elle doit se répéter à haute voix le nom Enn, le DSM-5 permet de des rues empruntées et la raison de ses déplacestatuer sur un « autre état ments. Il lui arrive souvent de se présenter à des confusionnel spécié », diarendez-vous chez le médecin, la coiffeuse ou le gnostic qui sera émis par le dentiste avec une journée de retard, et ce, même si clinicien lorsque tous les crion lui a conrmé au préalable le jour et l’heure du tères ne sont pas satisfaits et rendez-vous par téléphone. Enn, lorsqu’elle doit que la personne ne présente prendre de nouveau un rendez-vous, il lui arrive de manifestement pas de probléplus en plus de chercher ses mots ; sa calligraphie matique liée aux TNC. Il peut s’est également transformée de telle sorte qu’elle également indiquer que l’état a maintenant de la difculté à se relire et à se comest non spécié s’il choisit de prendre. Quels sont les troubles cognitifs illustrés ne pas indiquer la raison pour dans cette situation ? laquelle tous les critères ne
Jugement
clinique
466
Partie 3
Troubles mentaux
17.3
Troubles neurocognitifs majeurs et légers
Les TNC majeurs et légers coexistent sur un continuum de décits cognitifs et fonctionnels. Dans le trouble neurocognitif majeur (TNCM), des troubles cognitifs sont présents de manière importante dans un ou plusieurs domaines, comme cela est rapporté par la personne ou par un proche, ou encore par un clinicien et par une évaluation neuropsychologique standardisée (critère A). Ces décits interfèrent de manière importante avec l’autonomie quotidienne et fonctionnelle de la personne (critère B). Le trouble neurocognitif cognitif léger (TNCL) fait référence à une atteinte dite modeste de un ou de plusieurs domaines cognitifs qui ne nuit pas à l’autonomie et à l’indépendance dans la réalisation des activités de la vie quotidienne (AVQ) complexes (p. ex., payer ses factures) (critère B). Toutefois, l’activité demande plus d’efforts, et des stratégies compensatoires peuvent être requises. Ce trouble peut être décelé par la personne ellemême ou par autrui (un proche ou un clinicien), et il doit être diagnostiqué à la suite de tests de dépistage cognitif et d’une évaluation neuropsychologique standardisée (critère A).
17.3.1
Trouble neurocognitif dû à la maladie d’Alzheimer
Le trouble neurocognitif majeur ou léger dû à la maladie d’Alzheimer est la forme de démence la plus courante (APA, 2015 ; Société Alzheimer du Canada, 2015a). En effet, de 60 à 80 % des cas de TNC majeur ou léger sont de type Alzheimer (Alzheimer’s Association, 2015a) et près d’un demi-million de Canadiens en sont atteints (Société Alzheimer du Canada, 2015a). La maladie est généralement diagnostiquée après que le clinicien a éliminé les autres causes possibles ENCADRÉ 17.2. Elle ne représente pas le processus normal du vieillissement, puisqu’elle survient insidieusement et qu’elle évolue jusqu’à la mort de la personne. La maladie d’Alzheimer est toujours difcile à diagnostiquer, et ce n’est généralement qu’à l’autopsie qu’il peut être conrmé hors de tout doute que la personne en souffrait. Cependant, plusieurs facteurs contribuent à l’augmentation des risques d’être atteint d’un TNC dû à la maladie d’Alzheimer, notamment l’âge, le sexe, les risques d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) et l’histoire familiale. Il existe donc plusieurs facteurs de risque endogènes dont certains sont des facteurs génétiques et physiologiques (APA, 2015). Par exemple, chez les
personnes atteintes du syndrome de Down, il n’est pas rare que des plaques amyloïdes apparaissent chez celles qui survivent jusqu’à un âge moyen (APA, 2015) ; elles sont donc susceptibles de souffrir de la maladie d’Alzheimer. Le taux de prévalence chez les personnes atteintes du syndrome de Down varie selon l’âge. On estime que l’incidence globale de maladie d’Alzheimer chez la population atteinte du syndrome de Down est de trois à cinq fois plus élevée que chez la population générale (Centre de toxicomanie et de santé mentale, 2012 ; Société Alzheimer du Canada, 2015b). La recherche tend également à démontrer que des facteurs environnementaux ainsi que le style de vie peuvent inuencer, à leur façon, l’évolution de la maladie. Des facteurs de risque modiables, qui diminueraient la possibilité d’être atteint d’une maladie d’Alzheimer, ont été ciblés : une saine alimentation, la consommation modérée d’alcool, les activités sociales et le soutien social. La stimulation cognitive, tout comme l’activité physique, serait également considérée comme un facteur de protection contre la maladie d’Alzheimer (Société canadienne du cancer, 2016). La plus forte prévalence du TNC majeur ou léger dû à la maladie d’Alzheimer survient tardivement, soit dans le groupe des personnes âgées de plus de 85 ans. En fait, près de la moitié de celles-ci en seraient atteintes (Société Alzheimer du Canada, 2015a).
éactivation des connaissances Quels sont les facteurs de risque de l’AVC ?
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 17.2
Trouble neurocognitif majeur ou léger dû à la maladie d’Alzheimer
A. Les critères d’un trouble neurocognitif majeur ou léger sont remplis. B. Il y a un début insidieux et une progression graduelle d’une altération dans un ou plusieurs domaines cognitifs (pour le trouble neurocognitif majeur, au moins deux domaines doivent être altérés). C. Les critères de maladie d’Alzheimer soit probable, soit possible, sont remplis comme suit : Pour le trouble neurocognitif majeur : Une maladie d’Alzheimer probable est diagnostiquée si l’un des éléments suivants est présent ; sinon une maladie d’Alzheimer possible sera le diagnostic retenu. 1. Mutation génétique responsable de la maladie d’Alzheimer mise en évidence par les antécédents familiaux ou par un test génétique. 2. Les trois critères suivants sont présents : a. Présence évidente d’un déclin se manifestant dans la mémoire et l’apprentissage, et dans au moins un autre domaine cognitif (d’après une anamnèse détaillée ou une série de tests neuropsychologiques). b. Déclin constant, progressif et graduel des fonctions cognitives sans plateaux prolongés. c. Absence d’étiologies mixtes (c.-à-d. absence d’une autre maladie neurodégénérative ou vasculaire cérébrale, ou d’une autre maladie
17
mentale, neurologique ou systémique, ou de toute autre affection pouvant contribuer au déclin cognitif). Pour le trouble neurocognitif léger : Une maladie d’Alzheimer probable est diagnostiquée si une mutation génétique responsable de la maladie d’Alzheimer est mise en évidence par les antécédents familiaux ou par un test génétique. Une maladie d’Alzheimer possible est diagnostiquée si aucune mutation génétique responsable de la maladie d’Alzheimer n’est mise en évidence par les antécédents familiaux ou par un test génétique et si les trois critères suivants sont présents : 1. Présence évidente d’un déclin de la mémoire et de l’apprentissage. 2. Déclin constant, progressif et graduel des fonctions cognitives sans plateaux prolongés. 3. Absence d’étiologies mixtes (c.-à-d. absence d’une autre maladie neurodégénérative ou vasculaire cérébrale, ou d’une autre maladie neurologique ou systémique, ou de toute autre affection pouvant contribuer au déclin cognitif). D. La perturbation ne peut pas être mieux expliquée par une maladie vasculaire cérébrale, une autre maladie neurodégénérative, les effets d’une substance ou un autre trouble mental, neurologique ou systémique.
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association. DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
Chapitre 17
Troubles neurocognitifs
467
La forme d’apparition précoce de la maladie d’Alzheimer, plus rare, survient avant l’âge de 60 ans. Elle pourrait être attribuable à un gène dont la mutation est héréditaire. Quant à la forme d’apparition tardive de la maladie, elle survient chez 40 % des porteurs d’une version modiée de l’apolipoprotéine E (apoE) (National Institute on Aging, 2015). Cependant, les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ne sont pas toutes porteuses de ce gène modié. En fait, plusieurs facteurs organiques sont liés à l’apparition du TNC dû à la maladie d’Alzheimer, dont l’accumulation de protéines anormales dans le cerveau, les déciences des neurotransmetteurs et la rupture de la barrière hématoencéphalique.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Le diagnostic de la maladie d’Alzheimer est complexe et demande la participation de plusieurs observateurs : personne atteinte, proches, clinicien et neuropsychologue. Faire la différence entre l’origine des réactions émotionnelles et affectives, les décits cognitifs et les changements neurocomportementaux complique évidemment le processus diagnostique.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Connaître la phase d’évolution de la maladie d’Alzheimer permet de mieux cerner les besoins de la personne, d’élaborer un plan de traitement pertinent, de tracer un pronostic d’évolution de la maladie et de mesurer la réponse aux traitements.
468
Partie 3
Les symptômes et l’évolution du TNC dû à la maladie d’Alzheimer varient selon les interactions existant entre les personnes et les causes de la maladie. Il est très difcile de cerner précisément le moment où celle-ci apparaît, mais tous s’entendent pour dire que le début est insidieux. Par ailleurs, le diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer ainsi que le diagnostic différentiel posent des dés cliniques importants. Entre autres, le TNC majeur à corps de Lewy et la dégénérescence lobaire frontotemporale partagent un début insidieux, mais peuvent se distinguer selon un prol cognitif qui leur est propre, d’où l’importance du bilan neuropsychologique standardisé pour bien dénir les prols cognitifs distincts. Pour sa part, en l’absence d’indices clairs de déclin par palier, le TNCM dû à une maladie vasculaire reste difcile à distinguer de la maladie d’Alzheimer. Il convient également pour le clinicien de tenir compte d’autres maladies concomitantes pouvant affecter le système nerveux et également des problèmes de comorbidité psychiatrique (tels que la dépression), dans le cas des TNCL. Enn, la maladie d’Alzheimer et la maladie vasculaire peuvent cohabiter, teintant ainsi le prol cognitif de la personne. Dans ce dernier cas, le diagnostic à privilégier serait celui de TNC majeur dû à des étiologies multiples (APA, 2015). Généralement, sur le plan clinique, les proches consultent lorsqu’ils ont observé des comportements inhabituels, qu’il s’agisse de difcultés à faire ses courses, à conduire, à gérer ses nances ou à accomplir des tâches ménagères pourtant habituelles. Les personnes atteintes d’un TNC dû à la maladie d’Alzheimer sont généralement conscientes de l’apparition des premiers signes de décits cognitifs, principalement mnésiques. Ces prises de conscience peuvent conduire à des changements émotionnels d’origine psychologique (Robinson, Clare & Evans, 2005 ; Serra, Perrib, Cercignania et al., 2010). Toutefois, il peut également arriver que les changements affectifs soient d’origine neurologique (Barlow & Durand, 2015). Certaines personnes parviendront à compenser les décits cognitifs, laissant leur famille, leurs amis et leur employeur,
Troubles mentaux
du moins pendant un certain temps, dans l’ignorance en regard du processus dégénératif qui est enclenché FIGURE 17.1. Enn, faire la différence entre l’origine des réactions émotionnelles et affectives, les décits cognitifs et les changements neurocomportementaux (p. ex., l’agitation, l’agressivité, l’apathie) que manifeste la personne complique évidemment le processus diagnostique. Les répercussions du TNC dû à la maladie d’Alzheimer sur le fonctionnement psychiatrique sont fréquentes et peuvent prendre la forme de symptômes psychotiques tels que des illusions, des hallucinations, des idées paranoïdes ou la dépression. Engedal et ses collaborateurs (2011) ont conrmé que la prévalence des symptômes dépressifs peut augmenter jusqu’à environ 50 % chez des clients atteints de la maladie d’Alzheimer. Un groupe de chercheurs a observé que la prévalence et la sévérité des symptômes dépressifs diminuaient avec le passage du temps, passant de 12,2 à 2,4 % en 2 ans (Wetzels, Zuidema, de Jonghe et al., 2010). Cependant, certains symptômes, comme l’apathie et l’agressivité, ont tendance à augmenter. À moins que les recherches mènent à des percées médicales dans le traitement ou la prévention de la maladie d’Alzheimer, les experts en la matière estiment qu’environ 1,4 million de Canadiens souffriront de cette maladie d’ici 2030, alors que
FIGURE 17.1 Un jeune garçon apporte du réconfort à son grand-père qui voit ses facultés s’émousser peu à peu en raison de la maladie d’Alzheimer.
747 000 Canadiens souffriraient actuellement déjà de la maladie d’Alzheimer et d’autres troubles neurocognitifs (Société Alzheimer du Canada, 2015a).
ENCADRÉ 17.3
Phases du trouble neurocognitif dû à la maladie d’Alzheimer
PHASE 1 : LÉGÈRE
– Persévération
• Pertes de mémoire ou oublis de nouvelles informations et de nouveaux apprentissages
– Errance
• Pertes cognitives relatives à la communication, au calcul et à la reconnaissance
– Incontinence légère
Le TNC dû à la maladie d’Alzheimer se caractérise principalement par une dégénérescence synaptique et neuronale qui entraîne progressivement des troubles mnésiques, et ce, à un stade précoce du développement de la maladie. Bien que les études démontrent qu’une dégénérescence neuronale substantielle survient pendant les premières phases de la maladie, l’étiologie de ce phénomène reste, encore aujourd’hui, inconnue (Hong, Huang & Jiang, 2014) en raison de certaines difcultés liées au diagnostic et des limites actuelles des méthodes d’exploration. Ainsi, au cours des phases précoces de la maladie, les enchevêtrements neurobrillaires s’attaquent à l’hippocampe, ce qui entraîne une perte de la mémoire épisodique récente. Il s’ensuit généralement une détérioration des aires cérébrales temporopariétales, provoquant ainsi des décits de mémoire et d’apprentissage, de jugement et d’orientation, ainsi que des problèmes sur le plan du discours et du langage. D’autres parties du cerveau sont parfois touchées, ce qui peut causer toute une gamme de symptômes, complexiant ainsi le diagnostic, comme mentionné précédemment. L’apparition de la maladie crée généralement un état de détresse psychologique pouvant ainsi amplier les troubles cognitifs observés. Avec l’évolution de la maladie, la personne devient de plus en plus désorientée et de moins en moins consciente de ce qui l’entoure. Elle est rapidement incapable d’effectuer les AVQ liées à son alimentation, à sa toilette et à son hygiène corporelle.
Phase 1 : légère La perte de mémoire constitue la caractéristique la plus distinctive de la phase 1. Il arrive que la perte de mémoire soit subtile de telle sorte que le client, sa famille et ses proches aidants l’attribuent au vieillissement normal 26 . Cependant, à mesure que la
• Anxiété et confusion non associées à l’état confusionnel
– Confusion – Hypertonie PHASE 3 : SÉVÈRE
• Légers problèmes de comportement, dont l’incapacité à entreprendre et à terminer une tâche
• Amplication des symptômes de la phase 2
PHASE 2 : MODÉRÉE
• Dysphagie
• Amplication des symptômes de la phase 1
• Émaciation
• Incontinence complète
• Prise en charge complète requise de la part des proches
• Augmentation des problèmes de comportement, dont :
• Troubles progressifs de la démarche menant à l’immobilisation
– Réactions catastrophiques – Syndrome crépusculaire
Source : Adapté de Institut universitaire en santé mentale Douglas (2014).
éactivation des connaissances
maladie progresse, le client et ses proches prennent conscience de l’importance du problème. La mémoire épisodique récente (renvoyant à quelques jours) est altérée ; le client peut encore, à ce stade-ci, se souvenir d’événements anciens liés à son histoire. La personne qui se situe en phase 1 évoluant vers la phase 2 présente un prol cognitif en déclin. Ainsi, les problèmes mnésiques (p. ex., répéter fréquemment les mêmes choses, égarer divers objets) de même que le manque du mot ou les problèmes gnosiques (p. ex., être incapable de nommer ou de reconnaître des objets courants, des sons de son environnement, etc.) et d’orientation (p. ex., se perdre facilement) apparaissent graduellement et s’intensient. Dans la phase 1, la détérioration des fonctions sensorielles des clients n’a toujours pas débuté. Les pertes mnésiques représentent les premiers signes détectables du TNC dû à la maladie d’Alzheimer.
Lorsque l’inrmière évalue l’orientation chez un client, quelles sont les trois sphères qu’elle doit vérier ?
17
26 Le chapitre 26, Personnes âgées, explique le concept et les enjeux du vieillissement normal.
Phase 2 : modérée Pendant la deuxième phase de la maladie d’Alzheimer, la perte des fonctions intellectuelles s’intensie, et le client manifeste des signes d’amnésie, de désorientation, d’apraxie, d’agnosie, d’aphasie et de dépression. Les troubles cognitifs et mnésiques progressent graduellement jusqu’à ce que le client ait besoin d’assistance dans la réalisation de ses tâches quotidiennes telles que son habillement, son bain et sa toilette. Le client éprouve peu à peu de la
clinique
Jugement
Il existe divers systèmes de classication pour expliquer l’évolution de la maladie d’Alzheimer. Un des plus courants comprend trois phases : légère, modérée et sévère (Institut universitaire en santé mentale Douglas, 2014). Ce système vise à déterminer le degré de détérioration selon les variables suivantes : détériorations cognitives, fonctionnelles et comportementales. Connaître la phase d’évolution de la maladie permet de mieux cerner les besoins de la personne, de tracer un pronostic d’évolution de la maladie et de mesurer la réponse aux traitements. Plus précisément, chacune des phases comporte une description en regard des pertes cognitives, physiques et psychomotrices, des atteintes sur le plan de l’humeur et des comportements, de même qu’une évaluation du degré d’autonomie de la personne ENCADRÉ 17.3.
Phases du trouble neurocognitif dû à la maladie d’Alzheimer
Yves Bastien, âgé de 74 ans, vit dans un centre d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) depuis 3 ans. Il est atteint d’un TNC dû à la maladie d’Alzheimer, en phase modérée. C’est la première fois que vous vous occupez de ce client, et vous ne le connaissez pas. Lorsque vous lui offrez ses médicaments, il vous repousse de la main, se lève de son fauteuil en criant et marche rapidement dans sa chambre en levant les bras en l’air. Qu’est-ce qui a pu déclencher un tel comportement chez monsieur Bastien ? Quelle devrait être votre intervention prioritaire ?
Chapitre 17
Troubles neurocognitifs
469
difculté à prendre des décisions, difcultés attribuables à un manque de concentration et d’aptitudes cognitives à porter un jugement éclairé. Certains clients ont des idées délirantes de nature paranoïde, accusant les autres, par exemple, de cacher ou de voler des objets personnels. À mesure que la maladie progresse vers la phase sévère, la mémoire de travail ainsi que la mémoire épisodique à long terme sont altérées. La phase 2 dure généralement de 2 à 10 ans. Les personnes atteintes ont besoin d’être surveillées étroitement. Pendant la phase 2, le client présente également les symptômes suivants : • Persévération : verbalisation ou mouvements répétitifs, ou répétitions persistantes d’une même idée en réponse à diverses questions ;
CE QU’IL FAUT RETENIR
Plus le TNC dû à la maladie d’Alzheimer évolue, plus le client a de la difculté à s’occuper de lui-même. Sa capacité de communiquer diminue. Il n’est plus en mesure de reconnaître et de comprendre ce qui l’entoure.
• Syndrome crépusculaire : troubles de comportement accrus, dont l’irritation et la confusion, survenant l’après-midi ou le soir ; ce syndrome peut être attribuable à un manque de stimulation et de routine, ainsi qu’à la fatigue de s’être forcé toute la journée pour interpréter son environnement ; • Troubles du sommeil : se caractérisent par une agitation et une errance pendant la nuit ; peuvent être attribuables au syndrome crépusculaire ; • Réactions catastrophiques TABLEAU 17.2. Les réactions catastrophiques sont caractérisées par de l’agitation en présence de situations stressantes. Elles sont secondaires à la diminution de la
conscience de soi et à la détérioration des processus intellectuels et cognitifs (Sadock, Sadock & Ruiz, 2014). Cloutier (2010) a réalisé une étude visant à explorer les perceptions des proches et des intervenants vis-à-vis des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. L’étude a révélé que les changements liés aux comportements agressifs engendrent de la peur, créant ainsi une distance avec la personne atteinte de la maladie. Ce désengagement créerait une « prise de distance émotive » affectant les soins du client. Or, les clients ne cherchent pas à déranger, à attirer l’attention ou à blesser le soignant ou les proches. En fait, ils font ce qu’ils peuvent pour comprendre un monde qu’ils ne parviennent plus à saisir. Le client qui a une réaction catastrophique manifeste de la violence verbale ou physique, des éclats de voix, de l’inquiétude, de la colère ou de la tension, comme le démontrent son langage corporel, une humeur instable, des idées paranoïdes, des pleurs ou des éclats de rire inappropriés.
Phase 3 : sévère La phase sévère du TNC dû à la maladie d’Alzheimer dure de un à trois ans. Pendant cette phase, les clients sont aphasiques, c’est-à-dire que leur capacité d’expression et de compréhension est altérée de manière très importante. Plus précisément, l’incapacité à trouver ses mots (manque du mot) ou l’utilisation de mots inadéquats (paraphasies phonémiques et sémantiques, parfois néologismes
Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 17.2
Soutenir un client ayant une réaction catastrophique
ÉVALUATION
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES
Vérier si le client :
• Rassurer le client en lui rappelant qu’il est en sécurité.
• tentait sans succès de comprendre plus de un ou de deux messages sensoriels simultanément ;
• Respecter l’espace personnel du client (ne pas le toucher sans d’abord lui demander la permission de le faire).
• se sentait inquiet (p. ex., dans un nouvel environnement ou entouré d’un personnel qu’il ne connaît pas) ;
• Éliminer la source de la réaction catastrophique ou en éloigner le client.
• a vécu un incident mineur (p. ex., renverser son verre de lait ou échapper un objet) ou un échec à une tâche auparavant réalisée avec facilité ;
470
Partie 3
• Éliminer ou réduire toutes les stimulations extérieures. • Rediriger le client vers une activité moins exigeante. • Accorder sufsamment de temps au client pour qu’il se calme (quelques minutes ou quelques heures, selon la personne et la situation). Si l’inrmière n’arrive pas à mettre un terme à la réaction catastrophique ou à la réduire :
• a été appelé à raisonner, à exercer son jugement ou à effectuer une tâche complexe ou comprenant plusieurs étapes ;
• Laisser le client seul pendant un moment, dans un endroit silencieux et sécuritaire, à la vue du personnel ou de la famille.
• a vécu une expérience négative lui ayant fait vivre de la colère, de la frustration ou de l’irritation ;
• Désigner une personne pour s’adresser au client.
• a des hallucinations, des idées délirantes ou des illusions.
• Parler d’une voix douce et non menaçante au moment de rediriger la conversation ou la tâche en cours.
Troubles mentaux
• Au retour, agir comme si rien ne s’était passé et diriger la conversation vers des sujets familiers. • Éviter de faire trop de gestes avec les mains et être attentive aux expressions faciales du client.
et écholalies) sont également fréquentes. Pendant cette phase, les troubles de langage évoluent de telle sorte que, vers la fin, le client ne peut qu’émettre des sons et des vocalises. La capacité de communiquer oralement est complètement perdue. Par ailleurs, le client n’est plus en mesure de se reconnaître ni de reconnaître autrui. Il perd peu à peu ses centres d’intérêt et sa spontanéité. Il commence à présenter des changements de personnalité. Plus la maladie évolue, plus le client a de la difculté à prendre soin de lui-même. Une perte de poids, de l’incontinence et l’apparition de diverses affections et comorbidités sont également des caractéristiques de cette phase. Ainsi, l’état de dépendance de la personne oblige le proche aidant à prendre lui-même toutes les décisions relativement aux besoins légaux, médicaux et sociaux du client. Sur le plan physique, l’immobilisation du client peut être à l’origine de pneumonies, d’infections urinaires et de lésions de pression qui nécessitent souvent une hospitalisation. La personne atteinte d’un TNC dû à la maladie d’Alzheimer peut décéder à toutes les phases d’évolution de la maladie. Cependant, la phase 3 est celle qui conduit inévitablement à la mort. Les causes les plus fréquentes de décès sont la pneumonie par aspiration, suivie par les
maladies vasculaires cérébrales et par les infarctus du myocarde (Magaki, Yong, Khanlou et al., 2014) 6 .
17.3.2
Trouble neurocognitif dû à une dégénérescence lobaire frontotemporale
L’apparition de la dégénérescence lobaire frontotemporale survient généralement entre l’âge de 45 et 65 ans (Rossor, Fox, Mummery et al., 2010). Sa prévalence dans la population est estimée de 2 à 10 personnes sur 100 000 (APA, 2015). Cette pathologie comporte une forte association génétique. Le TNC dû à une dégénérescence lobaire frontotemporale englobe un nombre de symptômes variables, caractérisés par le développement progressif de changements comportementaux, de personnalité ou de langage démontrant des patrons distincts d’atrophie cérébrale ENCADRÉ 17.4. Le client qui reçoit ce diagnostic doit présenter des symptômes comportementaux ou langagiers (critère C). Par conséquent, dans le TNC dû à une dégénérescence lobaire frontotemporale, les comportements ou le langage peuvent être affectés au premier plan. La forme comportementale comporte les symptômes suivants : apathie, désinhibition, perte d’intérêt pour la socialisation, les soins personnels ou les responsabilités personnelles, des comportements sociaux non appropriés, une perception de soi et des capacités
6 Le chapitre 6, Aspects éthiques et légaux de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques, présente les divers régimes de protection pour les personnes inaptes.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Le client atteint de TNC dû à une dégénérescence lobaire frontotemporale présente des changements caractéristiques de comportement, de personnalité et de langage. Le déclin cognitif est moins évident que dans le TNC dû à la maladie d’Alzheimer.
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 17.4
Trouble neurocognitif frontotemporal majeur ou léger
A. Les critères d’un trouble neurocognitif majeur ou léger sont remplis. B. Le trouble a un début insidieux et une progression graduelle. C. Soit (1) ou (2) : 1. Variante comportementale: a. Trois ou plus des symptômes comportementaux suivants : i. Désinhibition comportementale. ii. Apathie ou inertie. iii. Pertes des capacités de sympathie ou d’empathie à l’égard d’autrui. iv. Comportements persévérants, stéréotypés ou compulsifs/ritualisés. v. Hyperoralité et modications des comportements alimentaires. b. Important déclin de la cognition sociale et/ou des fonctions exécutives. 2. Variante verbale : a. Important déclin des habiletés langagières, sous la forme d’un appauvrissement du discours, d’un
17
manque du mot, de la dénomination des objets, de la grammaire ou de la compréhension des mots. D. Apprentissage, mémoire et fonctions perceptivomotrices relativement préservées. E. La perturbation n’est pas mieux expliquée par une maladie vasculaire cérébrale, une autre maladie neurodégénérative, les effets d’une substance ou un autre trouble mental, neurologique ou systémique. Un trouble neurocognitif frontotemporal probable est diagnostiqué si l’un des éléments suivants est présent ; sinon un trouble neurocognitif frontotemporal possible sera le diagnostic retenu : 1. Mutation génétique responsable d’un trouble neurocognitif frontotemporal mise en évidence par les antécédents familiaux ou par un test génétique. 2. Mise en évidence par la neuro-imagerie d’une atteinte disproportionnée des lobes frontaux et/ou temporaux. Un trouble neurocognitif frontotemporal possible est diagnostiqué en l’absence de preuve d’une mutation génétique et lorsque la neuro-imagerie n’a pas été pratiquée.
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association. DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
Chapitre 17
Troubles neurocognitifs
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Jugement
clinique Ridge Clarkson, âgé de 60 ans, est atteint d’un trouble neurocognitif dû à une dégénérescence lobaire frontotemporale. C’était un homme d’affaires important respecté pour sa droiture et son entregent. Il participait à plusieurs soupers-bénéces, étant très engagé dans des causes sociales. Il habite avec son épouse, mais il fréquente un centre de jour deux fois par semaine. À l’heure du dîner, vous constatez que monsieur Clarkson mange avec ses doigts et prend de la nourriture dans l’assiette de son voisin ; il n’utilise pas sa serviette de table et ne replace pas sa chaise lorsqu’il quitte la salle à manger. Parmi les comportements de monsieur Clarkson, lequel est un exemple de désinhibition comportementale ?
d’introspection altérées (altération de l’insight). Ces changements entraînent des difcultés relationnelles avec la famille et avec les collègues, par exemple. Les clients peuvent aussi présenter des changements sur le plan de leurs croyances religieuses ou politiques, et de leurs habitudes alimentaires. Certains peuvent aussi avoir des mouvements répétitifs (persévérations motrices) ou accumuler des objets. Ici, le déclin mnésique est moins à l’avant-plan en comparaison au TNC dû à la maladie d’Alzheimer.
Dans la forme phasique, le langage peut être perturbé selon trois variantes : la variante sémantique, la variante agrammatique/non uente et la variante logopénique. Concrètement, la personne se présente avec une aphasie primaire progressive à laquelle se greffe un sous-type prédominant (APA, 2015). Enn, il est important de noter qu’il n’est pas rare que les clients présentent des caractéristiques des deux
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 17.5
Trouble neurocognitif majeur ou léger dû à la maladie à corps de Lewy
A. Les critères d’un trouble neurocognitif majeur ou léger sont remplis. B. Le trouble a un début insidieux et une progression graduelle. C. Le trouble comporte une combinaison de caractéristiques diagnostiques cardinales et évocatrices pour un trouble neurocognitif avec corps de Lewy probable ou possible. Pour un trouble neurocognitif majeur ou léger probable avec corps de Lewy, la personne présente deux caractéristiques diagnostiques cardinales, ou une caractéristique diagnostique évocatrice avec une ou plusieurs caractéristiques cardinales. Pour un trouble neurocognitif majeur ou léger possible avec corps de Lewy, la personne présente seulement une caractéristique diagnostique cardinale, ou une ou plusieurs caractéristiques diagnostiques évocatrices.
1. Caractéristiques diagnostiques cardinales : a. Fluctuations du fonctionnement cognitif avec des variations prononcées de l’attention et de la vigilance. b. Hallucinations visuelles répétées, bien construites et détaillées. c. Signes spontanés de parkinsonisme avec un début subséquent au développement de l’atteinte cognitive. 2. Caractéristiques diagnostiques évocatrices : a. Les critères du trouble du comportement en sommeil paradoxal sont remplis. b. Hypersensibilité sévère aux neuroleptiques. D. La perturbation n’est pas mieux expliquée par une maladie vasculaire cérébrale, une autre maladie neurodégénérative, les effets d’une substance ou un autre trouble mental, neurologique ou systémique.
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association. DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
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Partie 3
Troubles mentaux
troubles même si, pour le diagnostic, un seul doit être déterminé. Certains clients atteints d’une dégénérescence frontotemporale peuvent également être atteints d’une sclérose latérale amyotrophique (SLA), affection également connue sous le nom de maladie de Lou Gehrig (Turner, Hardiman, Benatar et al., 2013). La SLA se caractérise par une dégénérescence d’un ensemble précis de cellules nerveuses et de voies de signalisation dans le cerveau et la moelle épinière, entraînant une paralysie progressive des muscles (Société canadienne de la SLA, 2015). Le pronostic de la dégénérescence frontotemporale est plutôt sombre, car la maladie progresse régulièrement sur une période de 2 à 10 ans (National Institute of Neurological Disorders and Stroke [NINDS], 2015b). Comme pour les autres types de démence, le décès des clients atteints d’une dégénérescence frontotemporale survient généralement à la suite d’une pneumonie ou d’une autre infection.
17.3.3
Trouble neurocognitif dû à la maladie à corps de Lewy
Le TNC majeur ou léger dû à la maladie à corps de Lewy partage certaines caractéristiques de la maladie de Parkinson et de la maladie d’Alzheimer (King Lun Liu, Chuen-Chung Chang, Pearce et al., 2015). Les corps de Lewy sont des agglomérats anormaux de protéines se formant à l’intérieur des neurones. Ce type de TNC demeure rare. Il constitue une forme primaire de démence qui touche surtout les hommes. Le TNC dû à la maladie à corps de Lewy est aussi appelé démence sénile de type Lewy. Cette démence est responsable de 10 à 25 % des cas de démence, comme le révèlent les autopsies des personnes qui en décèdent (Alzheimer’s Association, 2016). L’évolution du TNC dû à la maladie à corps de Lewy est semblable à celle du TNC dû à la maladie d’Alzheimer avec laquelle il y a beaucoup de comorbidité (APA, 2015), à l’exception du fait que le client éprouve en plus des difcultés du mouvement apparentées à celles de la maladie de Parkinson. Plus spéciquement, le TNC dû à la maladie à corps de Lewy se caractérise par une forte altération des fonctions exécutives et de l’attention, suivie d’hallucinations visuelles et d’une démarche ataxique (Lewy Body Dementia Association, 2015) ENCADRÉ 17.5.
17.3.4
Trouble neurocognitif vasculaire majeur ou léger
Le TNC vasculaire, autrefois appelé démence à infarctus multiples, conduit à une altération des fonctions cognitives attribuable aux conséquences de un ou de plusieurs AVC ENCADRÉ 17.6. Les nutriments ne sont plus en mesure de nourrir le cerveau, étant donné l’occlusion ou l’obstruction des petites artères, ou artérioles, du cortex cérébral. Le TNC vasculaire
est en cause dans 15 à 20 % des cas de TNC. Il se présente souvent en comorbidité, particulièrement avec la maladie d’Alzheimer (APA, 2015 ; Société Alzheimer du Canada, 2015c). D’ailleurs, 45 % des autopsies ont révélé la présence de ces deux pathologies en cooccurrence. Un AVC est caractérisé par une perte soudaine de la fonction cérébrale causée par une interruption de la circulation sanguine dans le cerveau à la suite de la formation de caillots sanguins ou d’une hémorragie (provoquée par la rupture d’un vaisseau sanguin). Ces dommages cérébraux entraînent toujours une destruction des tissus nerveux. Les conséquences de l’AVC dépendent de la région anatomique touchée et de son étendue. L’AVC est l’une des plus importantes causes de handicaps chez la personne âgée. Plusieurs des survivants d’un AVC seront atteints de troubles physiques et cognitifs, et ils éprouveront des limitations fonctionnelles et dans la réalisation de leurs AVQ (Hartman-Maeir, Soroker, Ring et al., 2007 ; Mutai, Furukawa, Araki et al., 2013). Chez les jeunes adultes, il est également commun que la fatigue provoquée par un AVC réduise l’indépendance fonctionnelle, et ce, même après un suivi pouvant aller jusqu’à 10 ans (Maaijwee, Arntz, Rutten-Jacobs et al., 2014). En phase précoce, les troubles consécutifs à un AVC nécessitent une réadaptation de la personne dans un centre de réadaptation en décience physique (CRDP), lequel est inclus, au Québec, dans les centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS). Ces clients devront s’adapter, au cours de leur suivi thérapeutique, à plusieurs types de problématiques pouvant être une hémiplégie, des pertes sensorielles, des troubles du langage ou de la vision ainsi que d’autres problèmes cognitifs tels qu’une désorientation spatiale, des troubles de la mémoire ou des fonctions exécutives. Le TNC vasculaire engendre une altération des fonctions cognitives attribuable à un ou à plusieurs AVC ayant endommagé les tissus cérébraux. Les AVC sont causés par des dépôts amyloïdes vasculaires cérébraux qui obstruent les vaisseaux ou qui entraînent leur rupture, provoquant ainsi une hémorragie cérébrale. Plus spéciquement, la matière grise est vulnérable aux lésions hémorragiques. Celle-ci est distribuée dans le cortex (surface des hémisphères cérébraux et du cervelet) et, plus profondément, dans les noyaux gris centraux (p. ex., le thalamus, l’hypothalamus), le tronc cérébral et la colonne vertébrale. Une hémorragie des méninges (p. ex., de la pie-mère ou de l’arachnoïde) peut ainsi entraîner des lésions importantes de la matière grise et, selon la localisation de la lésion, il peut ou non y avoir paralysie. Tous les AVC ne conduisent pas à des troubles cognitifs ; certains se limitent à des troubles de la fonction motrice. Il se peut aussi que la personne récupère partiellement les fonctions touchées à la suite de l’accident, après avoir bénécié de réadaptation. Toutefois, il arrive que la personne présente
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 17.6
Trouble neurocognitif vasculaire majeur ou léger
A. Les critères d’un trouble neurocognitif majeur ou léger sont remplis. B. Les caractéristiques cliniques sont compatibles avec une étiologie vasculaire, comme cela est suggéré par l’un des deux éléments suivants : 1. La survenue des décits cognitifs est en relation temporelle avec un ou plusieurs accidents vasculaires cérébraux. 2. Mise en évidence d’un déclin notable de l’attention complexe (incluant la rapidité de traitement) et des fonctions exécutives frontales. C. Mise en évidence d’après les antécédents, l’examen clinique et/ou la neuro-imagerie, de la présence d’une maladie vasculaire cérébrale considérée comme sufsante pour expliquer les décits neurocognitifs. D. Les symptômes ne sont pas mieux expliqués par une autre maladie cérébrale ou un trouble systémique. Un trouble neurocognitif vasculaire probable est diagnostiqué si l’un des
éléments suivants est présent ; sinon un trouble neurocognitif vasculaire possible sera le diagnostic retenu : 1. Les critères cliniques sont étayés par la mise en évidence par neuro-imagerie d’atteintes parenchymateuses signicatives imputables à une maladie vasculaire cérébrale (preuve par la neuro-imagerie). 2. Le syndrome neurocognitif est en relation temporelle avec un ou plusieurs accidents vasculaires cérébraux avérés. 3. Mise en évidence à la fois clinique et génétique de la présence d’une maladie vasculaire cérébrale (p. ex., artériopathie cérébrale autosomique dominante avec infarctus sous-corticaux et leucoencéphalopathie). Un trouble neurocognitif vasculaire possible est diagnostiqué lorsque les critères cliniques sont présents, mais que la neuro-imagerie n’est pas disponible et que la relation temporelle directe avec un ou plusieurs accidents vasculaires cérébraux n’est pas établie.
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association. DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
17 les symptômes d’un TNC vasculaire majeur ou léger si, à la suite d’un AVC, elle manifeste une détérioration progressive de ses fonctions exécutives, mnésiques et langagières. D’un strict point de vue clinique, dans le cas du TNC vasculaire léger, une atteinte importante de la matière blanche ou un seul AVC est généralement sufsant pour poser le diagnostic. Pour le TNC vasculaire majeur, deux AVC ou plus, ou une combinaison de symptômes cognitifs et physiques, sont requis pour le diagnostic.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Le TNC vasculaire engendre une altération des fonctions cognitives attribuable à un ou à plusieurs AVC ayant endommagé les tissus cérébraux.
Les AVC peuvent survenir chez environ 20 % des clients atteints de la maladie d’Alzheimer. En dépit du fait qu’ils soient des entités diagnostiques distinctes, ils partagent plusieurs mécanismes physiopathologiques tels que des processus inammatoires et immunitaires (Lucke-Wold, Turner, Logsdon et al., 2015) menant à la maladie. Il est donc aujourd’hui reconnu que les deux problématiques sont en cooccurrence et qu’elles s’inuencent mutuellement par une pathogenèse commune (Alzheimer’s Association, 2015a). Les troubles neurocognitifs vasculaires majeurs ou légers sont similaires à ceux décrits dans la maladie d’Alzheimer. Par ailleurs, plusieurs clients ayant un TNC vasculaire majeur ou léger ont subi Chapitre 17
Troubles neurocognitifs
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des infarctus multiples aigus, un déclin cognitif uctuant ainsi qu’une période de détérioration suivie de stabilité ou d’amélioration. D’autres peuvent aussi avoir un début graduel des symptômes avec une progression lente ou un développement rapide des décits avec une relative stabilité par la suite.
et al., 2005), affectant davantage les hommes que les femmes, dans un proportion de deux pour un (Kinsella, 2010). Les causes du TCC sont généralement liées aux chutes, aux accidents de sports ou de loisirs, ou aux accidents de la route (Helps, Henley & Harrison, 2008, cités dans Kinsella, 2010).
Dans le cas d’un TNC vasculaire, il y a présence d’indications de maladie vasculaire cérébrale et de signes neurologiques en foyer (p. ex., des problèmes de démarche, l’exagération des réexes ostéotendineux, la faiblesse d’une extrémité).
Le TCC est généralement déni comme provoquant une atteinte cérébrale caractérisée par une destruction ou une atteinte du tissu cérébral causée par un contact brusque (une déformation, une accélération, une décélération ou une rotation) entre le tissu cérébral et la boîte crânienne, ou par la pénétration d’un objet dans le cerveau (Greve & Zink, 2009). Ce type de TNC se diagnostique généralement à l’urgence sur la base de critères spéciques tels que la mesure de l’état de conscience à l’échelle de coma de Glasgow, la présence et la durée d’une perte de connaissance, la présence et la durée d’une amnésie post-traumatique, et la présence et la localisation de lésions neurologiques généralement visibles aux examens d’imagerie médicale. La combinaison de ces différents indicateurs médicaux (présence et intensité) mène généralement vers l’expression de trois sous-types de diagnostics : le TCC grave, modéré ou léger. Cette dernière affection médicale se distinguerait des précédentes par le degré d’atteinte plus léger ainsi que par la récupération qui, généralement, se veut complète au terme de six mois post-traumatisme, alors que les TCC modéré et grave laissent des séquelles permanentes.
Bien que l’état des clients atteints de TNC vasculaire puisse s’améliorer pendant une certaine période, il n’est pas rare que, par la suite, il atteigne un plateau avant de se détériorer de nouveau. La stabilisation de la pression artérielle du client permet toutefois d’empêcher que la maladie ne progresse davantage (NINDS, 2015d).
17.3.5
Trouble neurocognitif majeur ou léger dû à une lésion cérébrale traumatique
Le TNC majeur ou léger dû à une lésion cérébrale traumatique est communément appelé traumatisme craniocérébral dans les écrits cliniques et scientiques antérieurs au DMS-5. Le traumatisme craniocérébral (TCC) a longtemps constitué l’une des principales causes de désordre neurologique non dégénératif (Helps, Henley & Harrison, 2008), étant même qualié d’épidémie silencieuse par plusieurs organismes de santé publique dans le monde (Vaishnavi, Rao & Fann, 2009). Il est généralement reconnu que ce éau touche toutes les strates de la société, mais principalement les jeunes adultes âgés de 18 à 25 ans (Ponsford, Draper & Schonberger, 2008 ; Tate, Broe, Cameron
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 17.7
Trouble neurocognitif majeur ou léger dû à une lésion cérébrale traumatique
A. Les critères d’un trouble neurocognitif majeur ou léger sont remplis. B. Mise en évidence d’une lésion cérébrale traumatique, c’est-à-dire d’un impact sur la tête ou d’un autre mécanisme d’ébranlement rapide ou de déplacement du cerveau à l’intérieur de la boîte crânienne, avec au moins un des éléments suivants : 1. Perte de connaissance. 2. Amnésie post-traumatique. 3. Désorientation et confusion.
4. Signes neurologiques (p. ex., lésion décelable en neuro-imagerie, apparition récente de crises comitiales, aggravation marquée d’une comitialité préexistante, amputation du champ visuel, anosmie, hémiparésie). C. Le trouble neurocognitif est observé immédiatement après la survenue de la lésion cérébrale traumatique ou immédiatement après la reprise de la conscience et persiste au-delà la période aiguë post-traumatique.
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association. DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq , J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
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Troubles mentaux
Enfin, l’expression des troubles cognitifs post-traumatiques varie grandement en fonction de la localisation des lésions cérébrales. Les décits cognitifs les plus fréquents, en raison de la physiopathologie des accidents, concernent les plaintes mnésiques et les troubles des fonctions exécutives. Sur le plan physique, il n’est pas rare de voir une importante fatigabilité qui perdure avec le temps. En raison des atteintes frontales fréquentes présentes dans le TCC, une panoplie de troubles comportementaux et affectifs teinte également le portrait clinique de la personne. En synthèse, les troubles post-traumatiques liés à la mémoire et aux fonctions exécutives représentent probablement ceux qui handicapent le plus la personne dans la réalisation de ses habitudes de vie, en particulier celles qui concernent le travail, la scolarisation et la socialisation ENCADRÉ 17.7.
17.3.6
Trouble neurocognitif dû à une infection par le VIH
Le nombre de personnes ayant contracté le virus de l’immunodécience humaine (VIH) augmente chaque année. Une hausse de 11,4 % des personnes vivant avec le VIH a été rapportée entre 2008 et 2011 (Agence de la santé publique du Canada, 2012). Les facteurs de risque d’être atteint d’une infection par le VIH sont principalement « l’utilisation de drogues par injection, les rapports
sexuels non protégés, les apports sanguins contaminés et d’autres facteurs iatrogènes » (APA, 2015). La personne ayant un TNC dû à une infection par le VIH doit avoir préalablement été diagnostiquée avec le virus de l’immunodécience humaine (critère B). Les déficits cognitifs présents ne peuvent pas être mieux expliqués par une autre affection médicale (critère C) ou un autre trouble mental (critère D). On estime qu’environ 25 % des clients ayant une infection par le VIH souffrent d’un TNC léger, tandis que seulement 5 % de ceuxci vont avoir les symptômes d’un TNC majeur (APA, 2015) ENCADRÉ 17.8. Le prol neurocognitif des personnes atteintes d’un TNC dû à une infection par le VIH est variable. Les décits cognitifs les plus fréquents sont relatifs à la mémoire épisodique, à la mémoire prospective, à la mémoire de travail, à l’attention, à la uence verbale (Tedaldi, Minniti & Fischer, 2015 ; Woods, Moore, Weber et al., 2009) ainsi qu’à un ralentissement de la vitesse de traitement de l’information (APA, 2015). Certains déficits moteurs extrapyramidaux sont également fréquents dans le TNC dû à une infection par le VIH (Nabha, Duong & Timpone, 2013 ; Woods et al., 2009). Dans ce type de TNC, des études ont démontré une certaine évolution des symptômes cognitifs et moteurs. Tout d’abord, les clients n’ont pas de symptômes graves d’une dégénérescence cognitive. Effectivement, certains décits peuvent être observés en ce qui a trait à la mémoire ou aux fonctions exécutives (Nabha et al., 2013). Ces lacunes cognitives sont toutefois minimes, ce qui n’interfère pas avec les activités de la vie quotidienne (Nabha et al., 2013). Ensuite, la forme majeure du TNC dû à une infection par le VIH entraîne des déficits cognitifs qui altèrent la capacité du client à réaliser seul les AVQ. Les clients ne sont plus en mesure de veiller sur eux-mêmes. Le VIH est encore incurable à ce jour. Cependant, la découverte d’une polythérapie antirétrovirale a permis de diminuer considérablement le taux de mortalité chez les personnes vivant avec le VIH (Nabha et al., 2013). La combinaison de plusieurs médicaments antirétroviraux permet une diminution de l’apparition des aspects cliniques les plus graves (APA, 2015). Toutefois, le traitement n’a pas permis la réduction de la prévalence du TNC dû à l’infection par le VIH (APA, 2015). Certaines comorbidités psychiatriques semblent être fréquemment associées au TNC dû à l’infection par le VIH. L’abus de substances est un comportement bien connu chez les clients avec ce TNC (Tedaldi et al., 2015). La consommation de drogues entraîne souvent des séquelles importantes qui peuvent mener à des décits cognitifs majeurs. La dépression est également
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 17.8
Trouble neurocognitif majeur ou léger dû à une infection par le VIH
A. Les critères d’un trouble neurocognitif majeur ou léger sont remplis. B. Il y a une infection conrmée par le virus de l’immunodécience humaine (VIH). C. Le trouble neurocognitif n’est pas mieux expliqué par une autre affection médicale non VIH, y compris des maladies cérébrales
secondaires telles qu’une leucoencéphalopathie multifocale progressive ou une méningite à cryptocoques. D. Le trouble neurocognitif n’est pas imputable à une autre affection médicale et n’est pas mieux expliqué par un trouble mental.
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association. DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
une comorbidité commune chez les clients vivant avec un TNC dû à une infection par le VIH (Tedaldi et al., 2015).
17.3.7
Trouble neurocognitif induit par une substance ou un médicament
Ce type de TNC majeur ou léger constitue un groupe diagnostique qui représente environ 10 % des cas de TNC. Il est secondaire à la consommation de substances. En effet, il est possible d’associer les troubles cognitifs du client à la consommation d’une substance ou d’un médicament ENCADRÉ 17.9. Plus spéciquement, la substance ou le médicament consommé, ainsi que la durée et l’intensité d’utilisation, sont capables de produire des troubles neurocognitifs. Enn, le cours des décits cognitifs est
17
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 17.9
Trouble neurocognitif majeur ou léger induit par une substance ou un médicament
A. Les critères d’un trouble neurocognitif majeur ou léger sont remplis. B. Les altérations cognitives ne surviennent pas exclusivement pendant une phase d’état confusionnel (delirium) et persistent au-delà de la durée habituelle de l’intoxication ou du sevrage aigu. C. La substance ou le médicament impliqué, ainsi que la durée et l’importance de leur usage, sont capables de produire l’altération neurocognitive.
D. L’évolution temporelle des décits neurocognitifs concorde avec la période d’usage et d’abstinence de la substance ou du médicament (p. ex., les décits restent stables ou s’améliorent après une période d’abstinence). E. Le trouble neurocognitif n’est pas imputable à une autre affection médicale ou n’est pas mieux expliqué par un autre trouble mental.
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association. DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
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Troubles neurocognitifs
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Encéphalopathie spongiforme bovine : Infection neurodégénérative mortelle qui touche le cerveau des bovins et qui fait partie des encéphalopathies spongiformes transmissibles à l’humain. Elle est communément appelée « maladie de la vache folle ».
Ataxie myoclonique : Syndrome caractérisé par l’ataxie (incoordination des mouvements volontaires) et les myoclonies (contractions brèves et brusques involontaires des muscles).
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inuencé par la prise de la substance et son arrêt (p. ex., les décits peuvent rester stables ou il peut y avoir une période d’amélioration en période d’abstinence). Le TNC induit par une substance ou un médicament ne peut pas survenir exclusivement en présence d’un état confusionnel et persiste au-delà de la durée habituelle d’intoxication et du moment d’arrêt de la consommation. La consommation de substances débute généralement durant l’adolescence. Selon l’APA (2015), elle atteint son apogée entre 20 et 30 ans. Ce TNC peut devenir persistant chez les clients qui continuent l’abus après 50 ans. Les personnes qui commencent à consommer de l’alcool dès un jeune âge sont à risque de souffrir d’un décit sur le plan du développement neurologique tardif.
fonctionnelle, la mémoire épisodique est altérée, ce qui empêche les clients de retenir l’information à long terme.
Dans le cas du TNC majeur ou léger induit par une substance ou un médicament, les troubles cognitifs observés sont la conséquence des effets persistants soit d’un abus d’alcool ou de drogue, soit de l’exposition à une toxine, soit de la prise de certains médicaments (p. ex., les benzodiazépines). Parmi les syndromes cliniques pouvant entrer dans cette sous-catégorie de TNC gure l’encéphalopathie de Wernicke. Cette affection cérébrale peut être dégénérative si elle n’est pas traitée. Elle est souvent causée par une consommation abusive répétée d’alcool, des carences alimentaires, des épisodes prolongés de vomissements, des troubles de l’alimentation ou la chimiothérapie (NINDS, 2007). Les personnes qui en souffrent présentent une confusion, une amnésie des événements récents, une confabulation, une désorientation, un décit d’attention, de l’ataxie ainsi que des troubles oculaires. Enn, lorsque l’encéphalopathie de Wernicke n’est pas traitée, elle évolue vers le syndrome de Korsakoff, puis vers la mort (NINDS, 2007).
17.3.8
Sur le plan clinique, l’une des principales causes des TNC induits par une substance menant vers l’expression de troubles mnésiques est la carence en thiamine (vitamine B1), généralement attribuable, mais pas exclusivement, au régime alimentaire des personnes alcooliques. Plus spéciquement, l’encéphalopathie de Wernicke et le syndrome de Korsakoff provoquent des troubles mnésiques permanents (NINDS, 2007) dont le degré de sévérité peut être variable. En ce qui concerne les personnes atteintes du syndrome de Korsakoff, elles sont souvent en mesure de rééchir et de raisonner ; leur mémoire de travail est fonctionnelle, ce qui leur permet de se souvenir de certains éléments au moment présent. Rappelons que la mémoire de travail est la capacité de retenir l’information à court terme, quelques secondes ou quelques minutes, pour réaliser des opérations mentales telles que composer un numéro de téléphone et effectuer du calcul mental. Enfin, malgré une mémoire de travail
Troubles mentaux
La progression des symptômes mnésiques inhérents au syndrome de Korsakoff est ralentie chez les clients qui évitent de consommer de l’alcool et dont le régime alimentaire est équilibré. Près de 25c % des clients atteints de ce syndrome qui suivent ces conseils verront leur état de santé s’améliorer de façon importante ; 50 % constateront une certaine amélioration ; et 25 % ne verront aucune amélioration. Finalement, la maladie continue de progresser chez ceux qui continuent de consommer de l’alcool (Alzheimer’s Society, 2012).
Trouble neurocognitif dû à la maladie à prions
La maladie à prions est une pathologie rare qui mène à la démence et dans laquelle les prions provoquent une encéphalopathie spongiforme. Ces prions sont des protéines qui agissent à titre d’agents infectieux qui causent, entre autres, des troubles cognitifs, des mouvements involontaires ainsi que des anomalies à l’électroencéphalogramme. La maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) est l’exemple le plus connu de maladie à prions. Elle peut se contracter à tout âge, mais les données épidémiologiques rapportées par l’APA (2015) font mention d’une plus grande prévalence après 65 ans. Il est également important de noter que toutes les maladies à prions ont une susceptibilité génétique. La MCJ n’est donc pas associée à l’encéphalopathie spongiforme bovine. Cependant, tout porte à croire qu’une forme différente de la MCJ, appelée variante de la MCJ ou kuru, serait causée par le même agent infectieux que celui qui entraîne l’encéphalopathie spongiforme transmise par la consommation de viande bovine contaminée. La variante de la MCJ est rare et comporte un faible risque d’infection, même si une personne consomme de la viande contaminée (CDC Centers for Disease Control and Prevention, 2014). La MCJ entraîne une démence qui apparaît en quelques semaines ou quelques mois, habituellement sur une période de six mois (APA, 2015). Cette démence se manifeste d’abord par des troubles de coordination musculaire et de vision, suivis de changements de la personnalité. À mesure que la maladie évolue surviennent une ataxie myoclonique, de graves troubles mentaux et, dans certains cas, la cécité (NINDS, 2015a). Le pronostic de la MCJ est extrêmement sombre. En effet, près de 90 % des clients qui en souffrent décèdent dans l’année suivant le diagnostic (NINDS, 2015a).
17.3.9
Trouble neurocognitif majeur ou léger dû à la maladie de Parkinson
Le TNC majeur ou léger dû à la maladie de Parkinson est un trouble dégénératif du cerveau. Les personnes souffrant de la maladie de Parkinson ne sont pas toutes atteintes d’une démence (Rana, Yousuf, Naz et al., 2012). Dans le cadre d’une étude portant sur le sujet, il s’est avéré que la maladie de Parkinson était présente chez environ 99 personnes sur 100 000, et que 44 % des sujets ayant cette maladie étaient également atteints d’une démence (Hauser, 2015). Dans le même ordre d’idées, près de la moitié des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer manifestent aussi des symptômes typiques de la maladie de Parkinson. Certaines lésions caractéristiques de la maladie d’Alzheimer sont présentes chez les porteurs de la maladie de Parkinson. Cependant, les caractéristiques principales de cette dernière sont surtout motrices et physiques : posture courbée, mouvements corporels lents (bradykinésie), voix monocorde menant vers le mutisme, tremblements, faiblesse musculaire, etc. Les personnes chez qui la maladie apparaît à un âge inférieur à 50 ans sont moins sujettes que les autres à éprouver des troubles cognitifs (Swanberg & Kalapatapu, 2010) en plus des symptômes physiques. Enn, le taux de mortalité des clients souffrant à la fois de la maladie de Parkinson et d’un autre trouble neurocognitif est plus élevé que chez ceux qui sont uniquement atteints de la maladie de Parkinson.
Paralysie supranucléaire progressive La paralysie supranucléaire progressive (PSP) est une pathologie dégénérative qui touche le lobe frontotemporal du cerveau et qui perturbe plus particulièrement le noyau des neurones. Elle est fréquemment associée à la maladie de Parkinson et elle est classiée dans le registre des maladies orphelines rares. Cette maladie se caractérise par une mort neuronale, par la présence d’enchevêtrements neurobrillaires dans les neurones ainsi que par la présence d’un amas de protéines tau (τ) anormalement phosphorylées (Chauvelier, Oasi, Pariel et al., 2011). Les personnes qui en sont atteintes souffrent, sur le plan clinique, d’une démence, d’une paralysie oculaire progressive (regard supranucléaire) – particulièrement en ce qui a trait au regard vertical ou porté vers le bas –, d’une dysarthrie (difculté à articuler), d’une démarche ataxique ainsi que d’une bradykinésie avec rigidité musculaire, laquelle touche surtout le cou. La personne atteinte éprouve des troubles cognitifs d’intensité variée et manifeste un changement de comportement, mais ces symptômes
sont généralement moins prononcés que dans les autres formes de démence (Eggenberger, Clark, Galvez-Jimenez et al., 2010). La PSP, comme la maladie de Parkinson, correspond au modèle de la démence sous-corticale. La PSP est causée par la dégénérescence progressive des cellules de plusieurs structures souscorticales, dont le striatum, la formation réticulée, les noyaux noirs, les noyaux des nerfs crâniens et le tronc cérébral. D’ailleurs, le premier symptôme de la PSP est la perte d’équilibre, qui évolue en une raideur des membres ainsi qu’en chutes inexpliquées. Parmi les autres symptômes gurent notamment les changements de la personnalité, l’apathie et l’irritabilité. Par la suite, des troubles de vision, dont la vision embrouillée et la maîtrise difcile du mouvement des yeux, surviennent. Par exemple, les clients atteints de PSP parviennent difcilement à orienter leur regard vers le bas et sont incapables de regarder autrui dans les yeux. La PSP ne constitue pas la cause directe du décès de la personne qui en est atteinte, mais elle la rend vulnérable à la pneumonie, à l’étouffement (en raison des troubles de la déglutition) ainsi qu’aux blessures à la tête, parfois fatales (NINDS, 2015e). Pour le soulagement des symptômes, l’administration d’agents antiparkinsoniens, d’inhibiteurs des cholinestérases et d’antidépresseurs a montré une certaine efcacité (NINDS, 2015e).
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les manifestations caractéristiques de la maladie de Parkinson sont physiques et motrices. Cependant, certaines personnes atteintes éprouveront également des problèmes neurocognitifs.
17.3.10 Trouble neurocognitif majeur ou léger dû à la maladie de Huntington
17
La maladie de Huntington est un trouble dégénératif qui perturbe initialement les mouvements moteurs, principalement sous forme de chorée ; elle est causée par un gène autosomique dominant défectueux du chromosome 4 (MedlinePlus, 2015). Au cours de son évolution, la maladie se caractérise par une dégénérescence progressive des fonctions cognitives et motrices. Graduellement, elle altère aussi la sphère émotionnelle de la personne atteinte. Elle survient généralement vers la n de la trentaine ou au début de la quarantaine (APA, 2015). La maladie de Huntington est héréditaire et présente aux quatre coins du globe. Elle touche 2 personnes sur 100 000 (APA, 2015). En Amérique du Nord et en Australie, la prévalence augmente à 5,7 personnes sur 100 000 (APA, 2015). Les premiers symptômes apparaissent sous la forme d’irritabilité, d’anxiété ou d’une humeur dépressive. Les changements d’ordre cognitif, pour leur part, touchent principalement la mémoire, les habiletés de planication, de même que le jugement et la prise de décisions. Quant aux changements d’ordre moteur, ils comprennent à la fois des mouvements choréiques (mouvements Chapitre 17
Démarche ataxique : Démarche maladroite, manquant de coordination.
Troubles neurocognitifs
477
éactivation des connaissances La maladie de Huntington est causée par un gène autosomique dominant. Qu’est-ce que cela implique pour la personne qui est porteuse de ce gène ? Qu’est-ce que cela signie relativement à la transmission de la maladie d’un parent à ses enfants ?
ou contorsions involontaires des membres et des muscles faciaux) et non choréiques, de même qu’un ralentissement des gestes moteurs volontaires. La maladie peut ensuite évoluer vers l’ataxie, la dysphagie et l’incontinence. Parmi les troubles psychiatriques associés à la maladie de Huntington gurent la dépression, les idéations paranoïdes, les hallucinations et l’agitation (MedlinePlus, 2015). La maladie est généralement diagnostiquée vers l’âge de 40 ans, en moyenne, ce qui entraîne des conséquences importantes sur la vie familiale et sur le travail. Contrairement à la maladie de Creutzfeld-Jakob, la maladie de Huntington progresse relativement lentement, soit sur une période de 10 à 30 ans. Les clients atteints décèdent généralement à la suite d’une infection, soit la pneumonie dans la plupart des cas (NINDS, 2015c). Le suicide constitue également une cause fréquente du décès des personnes souffrant de cette maladie (MedlinePlus, 2015). Enn, comme c’est le cas pour la maladie de Parkinson, des troubles cognitifs ne se développeront pas nécessairement chez toutes les personnes atteintes, mais plutôt chez 20 à 80 % d’entre elles (Barlow & Durand, 2007).
17.3.11 Trouble neurocognitif dû à une autre affection médicale Divers types de TNC majeur ou léger peuvent être induits par des affections médicales générales. Ces conditions incluent les lésions structurelles (p. ex., une tumeur), l’hypoxie, les conditions endocriniennes, les carences alimentaires, les infections, les maladies auto-immunes, la
défaillance hépatique ou rénale, la condition métabolique ou toute autre condition neurologique (p. ex., l’épilepsie) ou cause inhabituelle pouvant engendrer des lésions cérébrales, telle la sismothérapie (APA, 2015).
17.3.12 Trouble neurocognitif dû à des étiologies multiples Dans le cas du TNC majeur ou léger dû à de multiples étiologies, la problématique est jugée être la conséquence de plus d’une cause, excluant l’abus de substances ou les effets des médicaments. En ce qui concerne le TNC léger dû a des étiologies multiples, il est généralement difcile à ce stade de déterminer les étiologies spéciques de même que l’origine des troubles comportementaux. Les troubles amnésiques étaient auparavant une catégorie diagnostique dans le DSM-IV-TR et se retrouvent maintenant dans les critères diagnostiques du TNC majeur dû à une autre affection médicale (APA, 2015). La symptomatologie observée se caractérise par une altération de la mémoire et des capacités à faire de nouveaux apprentissages. Ce syndrome clinique n’est pas considéré comme étant une démence. Les décits de la mémoire résultent nécessairement des conséquences physiologiques directes d’une affection médicale générale (p. ex., l’encéphalite herpétique, l’hypoxie, etc.). L’altération de la mémoire peut durer de quelques heures à quelques jours dans sa forme transitoire. Comme dans la majorité des troubles, l’amnésie est considérée comme étant chronique si elle persiste après un mois.
17.4 Démarche de soins 17.4.1
4 Le chapitre 4, Évaluation de la condition mentale, présente divers outils pour aider l’inrmière au moment de la collecte des données.
478
Partie 3
Collecte des données – Évaluation initiale
L’évaluation des clients atteints de troubles neurocognitifs doit être exhaustive et s’appuyer sur des renseignements provenant de diverses sources (p. ex., le client, les proches, les dossiers médicaux). Ainsi, de manière complémentaire à l’évaluation neuropsychologique, nécessaire au diagnostic des TNC majeurs ou légers, une évaluation inrmière complète devrait comprendre une anamnèse détaillée, un examen physique, un bilan fonctionnel ainsi qu’un examen de l’état mental du client 4 . Le repérage de clients pouvant souffrir de troubles cognitifs est une activité clinique importante, car elle permet la mise en place d’interventions visant l’amélioration de la qualité de vie de
Troubles mentaux
la personne et de ses proches. De plus, il importe d’exercer une vigilance accrue pour certains types de clientèle. Les clients qui ont été victimes d’un AVC, qui sont atteints d’un délire ou qui présentent des signes de dépression devraient notamment être évalués prioritairement. De plus, « toutes les plaintes mnésiques rapportées par le client ou un tiers (proche, infirmière, médecin, etc.) devraient être prises au sérieux » (Bocti, Bergman, Azuelos et al., 2014). Le repérage de cas devrait également être considéré chez les clients qui ont connu des modications en regard de la réalisation des AVQ ou qui ont manifesté des changements sur le plan des comportements ou des fonctions cognitives (Mulhausen, 2010) ENCADRÉ 17.10. Dans sa collecte des données, l’inrmière sera en mesure de différencier les caractéristiques des TNC majeurs de celles de l’état confusionnel
ENCADRÉ 17.10
Symptômes de la maladie d’Alzheimer pouvant être observés à la collecte des données
• Opérations de la pensée perturbées (présence d’idéations paranoïdes ; des idéations dépressives peuvent aussi marquer le discours) • Confusion ou désorientation • Décits cognitifs (particulièrement quant à la mémoire pendant les phases précoces de la maladie) • Perturbations sensorielles et perceptuelles (hallucinations, agnosies) • Obnubilation • Perte d’autonomie en regard des soins personnels • Réaction affective en cours d’observation : peur, irritabilité, anxiété, dépression, etc. • Réactions catastrophiques • Aptitudes physiques réduites (p. ex., une fatigabilité, une perte d’équilibre, un manque de coordination, etc.) • Isolement social, apathie • Altération de la communication verbale, pouvant inclure de la confabulation • Labilité émotionnelle • Troubles de l’alternance veille-sommeil
TABLEAU 17.3. Ainsi, si le client est agité et afche
de rapides changements dans son état mental, il faut procéder à l’évaluation de l’état confusionnel. Les symptômes d’apparition sont typiquement signalés par de rapides changements
TABLEAU 17.3
Principales différences entre les TNC majeurs et l’état confusionnel
CARACTÉRISTIQUE
TNC MAJEURS
ÉTAT CONFUSIONNEL
Apparition
Lente
Rapide
Durée
Mois, années
Heures, semaines
Attention
Préservée
Fluctuante
Mémoire
Mémoire épisodique récente altérée
Mémoire épisodique récente et mémoire de travail altérées
Langage
Manque du mot
Discours incohérent et confus ; débit : rapide ou lent
Cycle de veille/ sommeil
Sommeil fragmenté
Perturbations fréquentes accompagnées du syndrome crépusculaire
Pensée
Appauvrie
Désorganisée
Conscience
Préservée
Réduite
Vigilance
Normale
Hypervigilance ou hypovigilance
Source : Adapté de Lipowski (1990).
comportementaux. Lorsque l’inrmière fait l’évaluation du client présentant des signes de confusion (lié à l’état confusionnel), il est important qu’elle consulte les proches pour obtenir de l’information fiable. Comme mentionné précédemment, l’histoire de santé doit inclure une description de la maladie actuelle et, plus précisément, décrire l’étendue et l’intensité des symptômes ENCADRÉ 17.11 . Les problématiques physiques, le TNC, les troubles psychiatriques tels
CE QU’IL FAUT RETENIR
Lorsque l’inrmière fait l’évaluation du client présentant des signes de TNC, il est important qu’elle consulte les proches an d’obtenir de l’information able.
Collecte des données ENCADRÉ 17.11
Troubles cognitifs
Les questions suivantes sont utiles au moment de la construction d’une anamnèse détaillée : 1. La maladie est-elle apparue soudainement ou de manière insidieuse ? 2. La progression du déclin cognitif varie-t-elle rapidement (état confusionnel) ou est-elle lente et continue (TNC) ? 3. Quelle est la durée des symptômes suivants ? a) Difculté à apprendre et à retenir une information nouvelle b) Difculté à mener à bien des tâches qui comportent plusieurs étapes (p. ex., conduire, cuisiner, gérer ses nances, etc.) c) Difculté à résoudre des problèmes d) Désorientation e) Difculté à trouver ses mots f) Difculté à prendre part à une conversation g) Changement de comportement ou de certains traits de la personnalité (p. ex., de l’irritabilité, de la passivité, de la méance, etc.)
4. Le client a-t-il les antécédents suivants ? a) Troubles mentaux connus (p. ex., une dépression) b) Troubles neurologiques (p. ex., un traumatisme craniocérébral, un AVC, la maladie de Parkinson, etc.) c) Consommation d’alcool ou de drogues d) Troubles endocriniens (p. ex., un diabète, une hypothyroïdie, etc.) e) Troubles rénaux f) Infections (p. ex., une pneumonie, une infection urinaire, etc.) 5. Demander au client, aux membres de sa famille ou au soignant d’énumérer tous les médicaments pris par le client (c.-à-d. avec ou sans ordonnance, les remèdes à base de plantes médicinales, etc.). 6. Le client a-t-il des antécédents familiaux de démence, de syndrome de Down ou de toute autre maladie familiale pouvant conduire à un diagnostic de TNC ?
Chapitre 17
Troubles neurocognitifs
479
17
que la dépression doivent être considérés dans la procédure de diagnostic concomitant ou différentiel de l’état confusionnel.
Outils d’évaluation des fonctions cognitives
Outil psychométrique : Instrument de mesure standardisé d’un phénomène ou d’un trait psychologique (p. ex., l’intelligence, la personnalité, l’aptitude, la dépression, etc.).
TABLEAU 17.4
Étant donné la rareté des indicateurs biologiques de la démence, les coûts associés à l’utilisation des tests de neuro-imagerie et l’origine diffuse des atteintes cérébrales, les professionnels de la santé se basent sur une série de critères cliniques dénis par le DSM-5 ainsi que sur des outils psychométriques en vue de poser un diagnostic de la maladie. Avant de présenter les outils mis à la disposition de l’inrmière pour assister le processus diagnostique, il importe de préciser que, dans tous les cas de TNC, l’APA (2015) recommande de procéder à une évaluation neuropsychologique standardisée ou, lorsqu’elle n’est pas possible, à une évaluation clinique quantitative. En regard de ce dernier point, plusieurs outils
psychométriques permettent d’évaluer l’état cognitif d’une personne. Si le client est trop fatigué, qu’il n’arrive plus à rester attentif ou qu’il présente des signes d’anxiété, il est possible de lui faire passer la batterie de tests en plusieurs étapes an d’assurer la validité des données recueillies. Également, il est préférable, dans des cas spéciques, de faire passer le test uniquement avec le client, sans aucun proche aidant, an de respecter les critères d’utilisation standardisés de l’outil ciblé. Le fait de procéder ainsi permettra d’éviter une remise en question de la validité et de la abilité des réponses obtenues, car elles n’auront pas été inuencées par des indices ou des réponses provenant d’une autre personne. Bon nombre de ces outils permettent d’évaluer l’orientation, la mémoire, les fonctions exécutives, l’attention, le langage, les praxies et les gnosies de la personne TABLEAU 17.4.
Échelles de repérage de troubles cognitifs ciblés ou de problématiques psychiatriques
ÉCHELLE
UTILITÉ
DESCRIPTION
AVANTAGES/INCONVÉNIENTS
Mini-examen de l’état mental (MEEM)a
Permet de mesurer le rendement cognitif général, de suivre l’évolution d’une maladie et de surveiller la réponse du client au traitement.
• Est l’un des tests les plus utilisés.
• Les critères d’attestation peuvent s’avérer dissuasifs aux yeux de certains évaluateurs.
• Comprend une série de 30 questions qui évaluent l’orientation (spatiotemporelle et personnelle), l’attention et le calcul, la mémoire et l’apprentissage, le langage et les praxies.
• Cet examen ne permet pas d’établir un diagnostic.
• Durée du test : de 5 à 10 minutes. Échelle d’évaluation de la dépression gériatrique
Mini-Cog
Permet d’évaluer la condition affective de la personne.
Permet de dépister la présence d’un TNC.
• S’adresse à tout client, à condition qu’il soit en mesure de comprendre les questions poséesb. • Se présente en deux versions : 15 ou 30 questions. • Le fait d’obtenir un score élevé indique la probabilité d’une dépression. • Durée du test : de 5 à 10 minutes.
• Cette échelle fournit des indications ables concernant la possibilité de souffrir d’une dépression.
• Comprend des éléments permettant d’évaluer :
• Il s’agit d’un outil de dépistage, et non d’un test diagnostiqued.
• L’échelle de réponse est relativement simple, car le client répond aux questions par oui ou nonc. • L’échelle ne permet pas d’établir un diagnostic de dépression.
– les fonctions visuoconstructives et visuospatiales ; – les fonctions exécutives ; – les fonctions mnésiques. • Durée du test : de 5 à 10 minutes. Test d’évaluation cognitive de Montréal (Montreal Cognitive Assessment [MoCA])
Permet d’évaluer les dysfonctions cognitives légères.
• Mesure les fonctions suivantes : l’attention, la concentration, les fonctions exécutives, la mémoire, le langage, les praxies, les capacités d’abstraction, le calcul et l’orientation. • Durée du test : environ 10 minutes.
480
Partie 3
Troubles mentaux
• Ce test est accessible sur Internet en plusieurs langues. • Le test est facile à utiliser et rapide à administrer. • Le MoCA offre une évaluation globale de plusieurs fonctions cognitives.
TABLEAU 17.4
Échelles de repérage de troubles cognitifs ciblés ou de problématiques psychiatriques (suite)
ÉCHELLE
UTILITÉ
DESCRIPTION
AVANTAGES/INCONVÉNIENTS
Confusion Assessment Method (CAM) – version révisée mars 2014
Permet de dépister rapidement un état confusionnel en évitant de se baser uniquement sur la désorientation comme le seul indice de ce trouble.
• Se compose de deux parties : la première comprend un dépistage des dysfonctions cognitives ; la deuxième explore les quatre principales caractéristiques qui permettent de distinguer l’état confusionnel réversible des autres types de désordres cognitifs.
• Ce test comporte une validation adéquate dans plusieurs langues, dont le français.
• Comporte un entretien structuré : évalue neuf catégories de symptômes, soit l’apparition d’un état confusionnel, l’inattention, la désorganisation de la pensée, l’altération de l’état de conscience, la désorientation, les troubles de mémoire, les problèmes perceptuels, l’activité psychomotrice et la perturbation du cycle circadien.
• L’algorithme permettant de dégager les impressions cliniques est convivial pour l’inrmière. • Une formation est nécessaire pour faire passer le test et pour noter les résultats dans le but d’obtenir une évaluation valable.
• Durée du test : 5 minutes. Dementia Screening Questionnaire for Individuals with Intellectual Disabilities (DSQIID)
Permet d’évaluer la démence chez les clients atteints du syndrome de Down.
• Comporte 41 questions réparties dans 4 catégories :
• L’utilisation du questionnaire est conviviale.
– mémoire/confusion ;
• L’échelle de cotation réduit les effets plafond en ne cotant que les comportements qui font l’objet de changements.
– sentiment d’insécurité ; – problèmes de sommeil ;
• Ce questionnaire est validé, et sa abilité a été testée empiriquement.
– problèmes comportementaux. • Durée du test : 15 minutes.
• Cet outil ne possède pas de cut-off (seuil sous lequel la maladie peut exister permettant de reconnaître la démence dans les cas de décience profonde).
17
• La sensibilité de l’outil à mettre en évidence la maladie n’a pas été démontrée. Sources : Adapté de : a Folstein, Folstein & McHugh (1975) ; b Cotter, Clark & Karlawish (2003) ; c Lacoste & Trivalle (2005) ; d Doeringer (2007).
L’inrmière occupe un rôle central à l’étape de la collecte des données. En plus de s’assurer de la validité des renseignements recueillis et de la justesse de son analyse, elle : • s’assure d’utiliser les outils psychométriques pour lesquels elle a été formée et pour lesquels elle possède la qualication nécessaire ; • s’assure de contacter les bons intervenants au moment de la passation des questionnaires (p. ex., un proche, d’autres professionnels connaissant le client), et ce, an de valider l’information recueillie auprès du client ; • utilise les outils d’évaluation non seulement pendant l’évaluation initiale, mais aussi au cours de la phase de soins, dans le but d’assurer un meilleur suivi ;
• refait passer le test an de déterminer les effets du traitement, lorsque cela s’avère pertinent ; • refait passer le test au moment de l’apparition d’un changement sur le plan du comportement ou de l’autonomie fonctionnelle du client. CE QU’IL FAUT RETENIR
Repérer les décits cognitifs L’évaluation de la condition cognitive et affective d’un client atteint d’un TNC est aussi, en partenariat avec d’autres professionnels, l’un des rôles de l’inrmière. La détermination des décits cognitifs est réalisée au moyen d’une observation clinique de l’état du client. Les éléments à évaluer peuvent être facilement mémorisés à l’aide de l’acronyme PALMER (perception et organisation, attention, langage, Chapitre 17
Il existe plusieurs outils d’évaluation des fonctions cognitives et de la condition affective. Pour assurer la abilité des résultats, l’inrmière doit avoir reçu la formation nécessaire et posséder les qualications requises avant de les utiliser.
Troubles neurocognitifs
481
mémoire, émotion, raisonnement et jugement) TABLEAU 17.5 .
Évaluer l’état émotionnel La dépression fait partie des facteurs de risque de souffrir de troubles cognitifs, tout comme elle affecte souvent les personnes qui en sont atteintes. Elle augmente le risque de morbidité et de mortalité chez les clients atteints de TNC (Gellis, McClive-Reed & Brown, 2009). Ainsi, l’inrmière évalue régulièrement l’humeur et l’affect du client. Par ailleurs, il est important de noter que l’échelle d’évaluation de la dépression
gériatrique, en combinaison avec les critères diagnostiques du DSM-5 et les observations cliniques, s’avère un outil de dépistage utile aux stades légers du TNC, lorsque la fonction linguistique du client est intacte et que celui-ci est en mesure d’exprimer des symptômes liés à la dépression, dont la tristesse, la culpabilité ou les idées suicidaires.
Évaluer la capacité fonctionnelle L’évaluation des capacités fonctionnelles de la personne est essentielle dans la formulation des impressions cliniques de l’infirmière. Une
Collecte des données TABLEAU 17.5
Décits cognitifs selon les domaines du DSM-5
FONCTIONS COGNITIVES
QUESTIONS
1. Attention complexe
• Le client entreprend-il des activités intellectuelles qui demandent de la concentration (p. ex., de la lecture, des mots croisés, l’écoute de la télévision) ? • Sur quelle durée poursuit-il une activité ? La durée de son attention est-elle réduite ? Manifeste-t-il une perte d’intérêt ? • A-t-il de la difculté dans les environnements aux stimulus multiples ?
2. Fonctions exécutives
• Le client prend-il des décisions adéquates basées sur des conseils judicieux ou sur des faits ? • Réagit-il de façon adéquate en situation d’urgence ? • Abandonne-t-il des projets complexes ? A-t-il besoin de focaliser son attention sur une tâche à la fois ? • Éprouve-t-il des difcultés à s’organiser dans les tâches quotidiennes ? • Oublie-t-il des éléments lorsqu’il fait des commissions ou oublie-t-il de transmettre des messages reçus à une tierce personne (p. ex., la mémoire prospective, qui est une fonction frontale) ? • Est-il capable de résoudre des problèmes ou des casse-têtes simples ?
3. Mémoire et apprentissage
• Le client se souvient-il des événements récents tout de suite après qu’ils sont survenus (mémoire immédiate) ? • Se souvient-il des événements récents après quelques minutes (mémoire récente) ? • Se souvient-il des événements survenus des mois ou des années auparavant (mémoire à long terme) ? • Se répète-t-il souvent ?
4. Langage
• Le client exprime-t-il ses pensées verbalement (inaptitude : aphasie expressive ou de Broca) ? • Comprend-il ce qu’on lui dit (inaptitude : aphasie réceptive ou de Wernicke) ? • Lit-il et comprend-il les mots écrits (inaptitude : alexie) ? • Exprime-t-il ses pensées par écrit (inaptitude : agraphie) ? • A-t-il un mutisme sélectif ou non ?
5. Fonctions perceptuelle et motrice
• Le client peut-il reconnaître les objets de son environnement (inaptitude : agnosie) ? • Comment interprète-t-il la relation entre les objets, lui-même et son environnement ? • Est-il capable de s’asseoir, de se tenir debout et de se déplacer (psychomotricité) ? • Est-il capable de se brosser les dents, de se peigner, de boutonner une chemise, etc. (inaptitude : apraxie) ?
6. Cognition sociale
• La gestion des émotions du client est-elle cohérente et adéquate en fonction de la situation ? • Est-elle différente de celle qu’il démontrait auparavant ? • Respecte-t-il les conventions sociales ? • Prend-il des décisions pouvant nuire à sa sécurité ? • A-t-il peu d’introspection liée à ces changements (inaptitude : anosognosie [la personne n’est pas consciente de sa condition]) ?
482
Partie 3
Troubles mentaux
incapacité fonctionnelle importante pourrait survenir lorsque l’assistance verbale ou physique du soignant est exagérée, car cela réduit les aptitudes du client à parler ou à effectuer certaines activités. Ainsi, il est primordial que le client atteint de TNC demeure autonome le plus longtemps possible dans l’exécution de ses AVQ et de ses activités de la vie domestique (AVD). L’autonomie de la personne est directement corrélée avec le maintien de son estime de soi et de son désir de prendre part à des activités intéressantes. Cette évaluation se fait grâce au système de mesure de l’autonomie fonctionnelle (SMAF). Le SMAF, conçu par Hébert et ses collaborateurs (2003), est un instrument d’évaluation de l’autonomie mis au point à partir de la Classication internationale des déciences, incapacités et handicaps de l’Organisation mondiale de la Santé. Il évalue 29 fonctions couvrant les AVQ, la mobilité, la communication, les fonctions mentales et les AVD.
puis procède à l’évaluation des problèmes qui peuvent être traités et qui n’ont aucun lien avec le TNC. En l’absence de tout autre symptôme ou signe clinique, l’inrmière est appelée à examiner l’environnement immédiat du client. Pendant les repas, elle demeure attentive aux éléments suivants et les corrige, s’il y a lieu : l’éclairage, la disposition des chaises, le bruit, le confort du mobilier.
Évaluer le comportement
L’aspiration constitue un grave facteur de risque au cours de la phase 3 de la maladie d’Alzheimer. La pneumonie par aspiration qui en résulte représente souvent la cause immédiate du décès. Par ailleurs, au moment de l’alimentation du client ayant un TNC, le soignant s’assure qu’il avale chaque bouchée en vériant que le larynx se soulève, puis retourne en position initiale. Si possible, le client s’assoit dans un angle de 90° et garde le menton pointé vers la poitrine plutôt qu’en hyperextension. En outre, les liquides épaissis sont généralement plus faciles à avaler. À mesure que la dépendance du client augmente, il convient de maintenir ce dernier dans une position assise pendant les 30 minutes qui suivent les repas. L’inrmière peut examiner la cavité buccale du client pour s’assurer qu’il ne s’est pas fait de « réserves ». S’il y a lieu, elle retire les aliments qui s’y trouvent. Ces interventions inrmières permettent de prévenir l’aspiration silencieuse qui survient lorsque le client est en position couchée.
Les personnes atteintes de TNC éprouvent fréquemment de la difculté à comprendre les autres personnes et à se faire comprendre d’elles. Certains comportements ont comme fonction l’expression de malaises et de besoins qui ne peuvent pas être exprimés verbalement, alors que d’autres sont des manifestations neurologiques de la maladie. Les comportements les plus observés sont des accès de colère, l’errance, l’apathie, la désinhibition, la méance, des comportements sociaux inadéquats, des difcultés à prendre soin de soi comme s’habiller et se nourrir, une inversion du cycle sommeil/veille, des chutes fréquentes et des problèmes liés à l’élimination. Lorsqu’un changement de comportement survient, il convient de réévaluer l’état du client. Dans bien des cas, celui-ci arrive difcilement à exprimer verbalement sa détresse ou à nommer ou à détecter les symptômes physiques d’une maladie concomitante sous-jacente. Pour savoir comment se sent un client ou ce qu’il vit, il faut posséder un sens de l’observation aiguisé, particulièrement en ce qui a trait au langage corporel.
Évaluer les manifestations physiques Diverses manifestations physiques, dont l’inrmière tient compte dans son évaluation, sont présentes chez la personne qui a un TNC. Parmi celles-ci, la détérioration de l’état nutritionnel constitue un problème auquel contribuent de nombreux facteurs. Parmi ceux qui y sont associés gurent l’incapacité à se procurer de la nourriture et à la préparer, le manque de ressources nancières, la présence d’une affection qui diminue l’appétit du client âgé et l’incapacité de se souvenir de manger. L’inrmière note tout changement de poids se situant entre 0,36 et 2,27 kg ou plus,
Il est important que les membres de la famille et les soignants tiennent un journal alimentaire et surveillent l’apport alimentaire du client, de même que les signes de déshydratation. Il n’est pas rare que les personnes âgées réduisent considérablement leur apport en liquide pour prévenir l’incontinence. La déshydratation et la malnutrition peuvent conduire à divers diagnostics, dont ceux d’hypoalbuminurie, d’hypoprotéinémie, d’anémie, d’hypoglycémie et d’autres carences en vitamines et minéraux.
CE QU’IL FAUT RETENIR
En plus d’évaluer les fonctions cognitives de la personne, l’inrmière doit évaluer l’état émotionnel, la capacité fonctionnelle, le comportement et les manifestations physiques liés au TNC ou à d’autres affections possibles s’inscrivant souvent en comorbidité.
ALERTE ALERTE CLINIQUE CLINIQUE
Signes indicateurs d’une aspiration silencieuse (étouffement) : • Larmoiement • Rougeur du visage • Râle continu à l’auscultation • Fréquence respiratoire variable • Grimaces • Toux • Haut-le-cœur • Raclement de la gorge • Restes de nourriture dans la cavité buccale
Les personnes atteintes de troubles cognitifs éprouvent souvent de la difculté à exprimer leur douleur. L’évaluation du seuil de douleur et la détermination des indicateurs possibles de celleci, à l’aide d’outils d’évaluation standardisés, permettent au soignant de reconnaître les comportements types du client qui ressent de la douleur et d’en observer les changements. Selon l’American Geriatics Society et l’American Medical Directors Association, un dépistage systématique de la douleur chez la personne atteinte d’un trouble neurocognitif majeur est nécessaire. Selon Savoie (2008), la présence de troubles cognitifs limite l’évaluation de la douleur. L’auteur rapporte qu’elle est toutefois possible chez des personnes qui obtiennent un score de 15 ou plus au MEEM. Le meilleur outil d’évaluation de la douleur, établi par les recherches, serait l’échelle de douleur Chapitre 17
Troubles neurocognitifs
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17
ALERTE CLINIQUE
Types d’incontinence urinaire : • À l’effort : perte involontaire de petites quantités d’urine à l’occasion d’une toux, d’un éternuement, d’un rire, etc. • Par urgence : perte de grandes quantités d’urine par incapacité à retarder l’élimination lorsque la vessie est pleine • Par débordement : perte de petites quantités d’urine à la suite d’un stress agissant sur une vessie trop pleine • Fonctionnelle : perte de grandes quantités d’urine attribuable à une apraxie croissante ou à des troubles cognitifs qui rendent la personne incapable de reconnaître le signal émis par la vessie ou de trouver les toilettes
McGill de Melzack (1983) (Ferrell, Ferrell & Rivera, 1995 ; Pautex, Michon & Guedira, 2006 ; Wynne, Ling & Remsburg, 2000). Un second outil pouvant être utilisé dans l’évaluation de la douleur est l’échelle analogique visuelle telle que l’échelle des visages mis au point par Gélinas (2007). Toutefois, elle serait moins facile d’utilisation que l’échelle verbale (échelle de douleur McGill), puisqu’elle requiert plus de capacités d’abstraction (Savoie, 2008). Par ailleurs, il serait recommandé, pour les personnes ayant des troubles cognitifs chez qui l’inrmière désire évaluer la douleur, « de répéter les instructions trois fois, à une minute d’intervalle » (Savoie, 2008). Dans les cas où la personne ne peut pas s’exprimer de manière verbale, l’observation des comportements demeure souvent la meilleure – et parfois même – la seule option. Cependant, l’utilisation d’outils standardisés est de mise an de bien soutenir ce type d’observations. Selon Aubin et ses collaborateurs (2007) ainsi que Zwakhalen et ses collaborateurs (2006), l’outil privilégié est le Pain Assessment Checklist for Seniors with Limited Ability to Communicate (Fuchs-Lacelle & Hadjistavropoulos, 2004), une échelle multidimensionnelle. Le temps requis pour faire passer le test est estimé à cinq minutes. Enn, selon Savoie (2008), l’American Medical Directors Association recommande de procéder à un historique approfondi de la condition physique et de la douleur chez la personne atteinte d’un TNC. Pour ce faire, il est recommandé d’utiliser, en guise d’aide-mémoire, la méthode PQRSTU.
Lorsque la démarche du client se modifie durant ses déplacements, l’inrmière se montre attentive aux autres processus morbides, dont : Les troubles cognitifs, 1) les troubles de vision, ceux associés à l’oreille notamment ceux qui ont interne pouvant perturber l’équilibre, la douleur trait au langage, rendent attribuable à l’arthrose ou à toute blessure que le l’évaluation de la douleur client ne peut cerner ; 2) la neuropathie consécuplus difcile. Cependant, tive à un problème vasculaire cérébral ou diail existe plusieurs outils bétique ; 3) la baisse générale du réflexe de reconnus qui permettent redressement, soit le réexe qui permet au client à l’inrmière de le faire. d’aligner son corps et sa tête dans le même axe, de se tenir droit. Le traitement des troubles sousjacents permet généralement au client d’avoir une meilleure démarche. Cependant, la diminution de la perception sensorielle, les décits neurologiques et l’hypertonie nécessitent une attention accrue et des interventions adéquates Petri Kaupinen, d’origine nlandaise, est âgé de en vue de prévenir les chutes. 75 ans. Il est hébergé dans un CHSLD pour un Certains clients peuvent trouble neurocognitif dû à la maladie d’Alzheimer. se plaindre d’avoir froid, Lorsqu’il est conduit à la toilette, il ne peut descenmême au plus fort de l’été. Le dre sa fermeture à glissière et baisser son pantadegré d’activité et l’indice de lon ; c’est la raison qui explique son incontinence masse corporelle sont deux urinaire. De quel type d’incontinence s’agit-il ? De des nombreux facteurs qui quel type de trouble neurocognitif s’agit-il ? jouent sur la sensibilité du CE QU’IL FAUT RETENIR
Jugement
clinique
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Partie 3
Troubles mentaux
client à la chaleur ou au froid. La meilleure façon d’évaluer la réponse du client à la température de son environnement est de toucher sa peau. En présence de sueur, il convient de réduire le nombre d’épaisseurs de vêtements. Si, au contraire, la peau du client est froide au toucher, ce dernier doit être mieux couvert, même si cela peut sembler exagéré compte tenu du climat. L’incontinence survient généralement au cours des dernières phases d’un trouble neurocognitif majeur. À la suite de changements physiques et cognitifs, le client n’est plus en mesure de maîtriser sa vessie ni ses intestins. À cet effet, la perte de la maîtrise de la vessie est directement liée aux fonctions physiques et cognitives, ou aux contraintes de l’environnement du client. L’incontinence peut également se révéler un signe physique d’une infection urinaire ou, chez les hommes âgés, d’une hypertrophie bénigne de la prostate. Un examen minutieux de la vessie, de la prostate (chez l’homme) et des intestins en vue de repérer tout dysfonctionnement s’avère essentiel, tout comme l’est une évaluation continue des médicaments administrés, de l’apport alimentaire et liquidien, et des contraintes environnementales possibles (p. ex., les ridelles, un faible éclairage, une ceinture de fauteuil roulant).
Examens physiques et examens paracliniques Des examens paracliniques sont accessibles an de déterminer la cause du trouble neurocognitif, les problématiques connexes liées au vieillissement ou au TNC, ainsi que les besoins du client. Les analyses de laboratoire, la neuro-imagerie et les évaluations neuropsychologiques sont quelques-uns des outils utilisés. Les examens physiques, ceux de l’état mental ainsi que l’évaluation fonctionnelle sont primordiaux pour dresser une liste des impressions cliniques permettant d’exclure ou d’inclure diverses problématiques en interaction. Il n’existe pas de tests diagnostiques permettant de conrmer la présence de la maladie d’Alzheimer. Certains signes indiquant une maladie métabolique semblent pointer vers un TNC, alors qu’en fait, ils s’avèrent réversibles s’ils sont traités adéquatement. Les examens paracliniques qui contribuent à déterminer les causes métaboliques possibles ou qui permettent de contribuer au diagnostic différentiel d’un trouble neurocognitif ou d’un état confusionnel sont ceux qui évaluent : 1) la fonction thyroïdienne (thyréostimuline et thyroxine) ; 2) la fonction hépatique ; 3) les taux de vitamine B12 et d’acide folique dans l’organisme ; 4) la numération globulaire complète, qui comprend la sédimentation différentielle et la vitesse de sédimentation érythrocytaire ; 5) les taux d’électrolytes et de glucose sanguin ; 6) les taux d’azote uréique et de créatinine dans le sang (Lab Tests
Online, 2014). Les données recueillies suggèrent qu’en l’absence de facteurs de risque, il n’est pas nécessaire de procéder au dépistage de la syphilis (American Academy of Neurology, 2010). La tomographie axiale cérébrale de même que l’imagerie par résonance magnétique peuvent s’avérer utiles dans le diagnostic d’un AVC, ou pour conrmer la présence d’un traumatisme craniocérébral ou d’une tumeur. Bien que moins fréquent, le test des protéines Aβ42 et τ dans le liquide cérébrospinal peut être utile en vue de dépister la maladie d’Alzheimer. En effet, comme mentionné dans les premières parties de ce chapitre, chez les clients symptomatiques, une diminution de la protéine Aβ42 et une augmentation de la protéine τ indiquent une plus forte probabilité d’être atteint de la maladie d’Alzheimer, comparativement aux autres troubles neurocognitifs. Le test du génotype de l’apoE, associé à la maladie d’Alzheimer tardive, et le test de la préséniline-1, associé à la moitié des cas de la maladie d’Alzheimer précoce (Lab Tests Online, 2014), seraient les autres tests accessibles, bien que moins couramment utilisés. Les évaluations neuropsychologiques aident à dissocier le vieillissement normal d’un TNC ainsi qu’à établir le diagnostic différentiel entre les différents TNC en caractérisant le prol cognitif des personnes (Weintraub, Wicklund & Salmon, 2012). L’évaluation neuropsychologique permet ainsi une meilleure compréhension des troubles cognitifs et comportementaux mis en relief par les atteintes cérébrales diffuses, de même que des répercussions psychologiques de ces troubles chez les clients atteints et leurs proches.
17.4.2
Analyse et interprétation des données
L’inrmière établit les principaux problèmes qui touchent le client en fonction des renseignements qu’elle obtient au cours de l’évaluation initiale. Les problèmes sont classés en ordre de priorité en fonction des besoins du client, du plus urgent au moins urgent TABLEAU 17.6.
17.4.3
Planication des soins
L’inrmière planie des soins personnalisés en vue de satisfaire les nombreux besoins de la personne atteinte de troubles neurocognitifs ainsi que ceux de ses proches.
Établir les résultats escomptés Les objectifs thérapeutiques sont élaborés à partir des problèmes prioritaires déterminés au moment de l’évaluation de la condition mentale et physique du client. Les objectifs ciblés avec les clients atteints de troubles neurocognitifs et leur famille sont énumérés ci-dessous.
TABLEAU 17.6
Problèmes pouvant être associés aux troubles neurocognitifs
Facteurs de risque pour la santé
• Risque d’aspiration • Risque de dérèglement de la température corporelle • Risque d’infection • Risque de blessure • Mobilité physique réduite • Décit des soins personnels : habillement, alimentation, élimination et hygiène • Insomnie • Errance
État mental
• Peur et anxiété • Communication verbale altérée • Confusion aiguë ou chronique • Tristesse • Désespoir • Perturbation de l’identité personnelle • Troubles de la mémoire • Perturbation des opérations de la pensée
Perturbation des stratégies d’adaptation (individuelles ou familiales)
• Tension ou risque de tension dans l’exercice du rôle de proche aidant (fatigue par compassion, irritabilité, impatience, découragement) • Désorganisation de la dynamique familiale • Gestion inefcace des interventions thérapeutiques, soit de la part des proches, soit de la part du client
17 Le client :
CE QU’IL FAUT RETENIR
• demeurera en sécurité avec l’aide du soignant ; • atteindra et maintiendra le plus haut niveau de fonctionnement possible, selon ses capacités ; • conservera des conditions physique et mentale optimales ; • prendra part au programme d’activités thérapeutiques établi en vue de stimuler ses fonctions cognitives et sa socialisation, et an de satisfaire d’autres besoins psychosociaux ; • participera, dans la mesure de ses capacités, à la planication des soins, particulièrement en ce qui a trait aux décisions juridiques et nancières, et ce, tant que sa capacité à prendre des décisions demeure intacte.
Bien qu’il n’existe pas de tests diagnostiques permettant de conrmer la présence de la maladie d’Alzheimer, plusieurs examens paracliniques sont utilisés pour éliminer d’autres problèmes de santé présentant des signes semblables.
Le proche aidant : • maintiendra son état de santé physique et mentale à un niveau optimal ; • entrera en contact avec les services d’aide à la planication juridique et nancière, les groupes de soutien ou les services de consultation psychologique, la gestion de cas et les services de répit ; Chapitre 17
Troubles neurocognitifs
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• approfondira ses connaissances relatives au processus pathogénique de la maladie, aux interactions positives et aux activités thérapeutiques.
de sa famille des diverses solutions de traitement possibles, que ce soit à domicile ou dans le milieu communautaire.
Décider des soins
Le PSTI évolue en fonction de l’atteinte ou non des objectifs, ou de l’apparition de nouveaux problèmes. Or, l’inrmière en soins de courte durée adapte le plan de soins en fonction des besoins du client, et ce, à chaque quart de travail si cela s’avère nécessaire. Quant aux inrmières en soins de longue durée, elles xent des périodes (p. ex., tous les trois mois) où les besoins du client seront minutieusement réexaminés et où les soins seront modiés en conséquence ENCADRÉ 17.12.
Objectifs à court et à long terme
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les inrmières de soins de courte durée doivent être attentives aux manifestations de déclin ou de décit cognitif. Elles doivent être capables de différencier la démence, l’état confusionnel et la dépression, qui sont faciles à confondre.
ENCADRÉ 17.12
Les inrmières, dans les rôles divers qu’elles ont à jouer, entrent en contact avec le client et sa famille pour des périodes dont la durée est variable. L’inrmière en soins de courte durée n’a que quelques heures ou quelques jours pour établir et mettre en œuvre un plan de soins et de traitements inrmiers (PSTI) PSTI 17.1. C’est d’ailleurs pourquoi la démarche de soins est axée sur la résolution des problèmes les plus urgents (p. ex., les crises, les traumatismes ; les soins préopératoires ou postopératoires ; la stabilisation des besoins médicaux, de santé et de sécurité). Les infirmières spécialisées en soins chroniques, en santé mentale ou en gériatrie se concentrent surtout sur le maintien du plus haut niveau de fonctionnement possible, sur l’enseignement aux autres soignants quant aux objectifs et aux interventions efcaces et réalistes, ainsi que sur la détermination avec le client et les membres
17.4.4
Exécution des interventions
Les interventions auprès des clients atteints de TNC font vivre à l’inrmière une foule de situations constituant autant de dés. Chaque plan de soins doit reéter les qualités uniques de la personne et porter une attention particulière à la famille ainsi qu’au client. À cet effet, c’est l’inrmière qui s’assure que l’équipe de soins demeure centrée sur les objectifs à court et à long terme du client et de ses proches, et qui cherche des solutions aux problèmes du client inhérents au trouble neurocognitif.
Types et milieux de soins pour les personnes vivant avec des troubles neurocognitifs majeurs
SOINS DE COURTE DURÉE
Les inrmières qui travaillent dans une clinique, un groupe de médecine de famille, un service d’urgence ou un centre de soins de courte durée sont attentives aux signes et aux symptômes indiquant la présence d’un décit cognitif. Il est impératif qu’elles soient en mesure de distinguer un trouble neurocognitif majeur et un état confusionnel (délirium) d’un autre trouble psychiatrique, et qu’elles interviennent en conséquence. Les étapes d’évaluation et d’intervention holistiques doivent être établies en vue de répondre aux besoins du client, mais aussi à ceux des proches aidants.
ménager et les repas, ce qui apparaît sufsant au cours des premières phases d’un TNC. Cependant, à mesure que les capacités cognitives et physiques du client se détériorent, une plus grande surveillance devient nécessaire. Le placement dans un établissement de soins de longue durée s’avère pertinent au cours de la phase modérée du TNC. Le personnel de ces établissements est formé pour soigner les clients atteints de décits cognitifs et pour interagir positivement avec eux en vue d’obtenir de bons résultats. SOINS DE LONGUE DURÉE EN CENTRE D’HÉBERGEMENT
Les soins prodigués dans un centre de jour sont axés sur l’enseignement, la réadaptation et le maintien de la santé physique et mentale. Les centres de jour pour les personnes atteintes de troubles neurocognitifs majeurs offrent du répit, de l’enseignement et du soutien aux proches aidants ainsi qu’aux clients. Ces centres proposent également des groupes d’activités thérapeutiques ainsi que des approches de gestion adéquate des comportements à l’intention des clients atteints de TNC.
Les centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) offrent des soins inrmiers professionnels jour et nuit. Les clients qui ont atteint la dernière phase d’un TNC y sont admis en raison de leurs besoins importants en matière de soins. Le nancement des soins de longue durée pose un problème de plus en plus grand en raison de l’accroissement de la population de personnes âgées. Or, les ressources nancières du client et de sa famille, mais aussi celles des gouvernements provincial et fédéral, doivent être mises à contribution.
SOINS À DOMICILE
SOINS PALLIATIFS
À mesure que la maladie progresse, un soutien physique et mental de plus en plus grand est requis. Le rôle de l’inrmière responsable de la gestion de cas est alors de coordonner les soins adéquats et de les mettre à la disposition du client et du proche aidant à domicile. Le client peut demeurer chez lui plus longtemps, ce qui accroît sa qualité de vie, réduit ses dépenses, préserve ses ressources émotionnelles et retarde son hospitalisation.
À la n de la dernière phase d’un TNC, les clients sont en phase terminale et deviennent admissibles aux soins palliatifs. Ces derniers sont axés sur la qualité de vie du client, mais aussi sur celle du proche aidant. Dans ce contexte, les interventions visent à accompagner la personne dans la mort en limitant ses souffrances. Ainsi, il s’agit plutôt d’assurer le confort de cette dernière et d’apporter du soutien à sa famille au cours de la phase terminale de la maladie.
SOINS EN CENTRE DE JOUR
SOINS EN ÉTABLISSEMENT
Il existe plusieurs types de soins en établissement. Les réglementations varient selon la province. Les services offerts comprennent généralement l’entretien
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Partie 3
Troubles mentaux
Il est important de tenir compte du proche aidant et du réseau de soutien en faisant participer la famille du client à l’évaluation, à la planication des soins de même qu’aux interventions. L’inrmière se montre à l’écoute des besoins du client et de ses proches an de favoriser une meilleure gestion de leurs émotions (Sanders, Ott, Kelber et al., 2008). Également, il est nécessaire d’aborder rapidement les questions qui ont trait aux directives préalables, au mandat en cas d’inaptitude ainsi qu’aux options de traitement. Le client et ses proches ont besoin d’acquérir des
connaissances de base réalistes relativement au diagnostic, au traitement et au pronostic d’évolution de la maladie. Ensuite, à mesure qu’une alliance thérapeutique s’établit entre l’infirmière, le client, sa famille et les proches aidants, l’inrmière sera en mesure d’aborder ces sujets délicats et souvent douloureux en s’assurant que tous ne perdent pas espoir et qu’ils demeurent unis TABLEAU 17.7.
clinique
Jugement
Soins et traitements inrmiers
Margot Sadoun, âgée de 78 ans, est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Elle habite avec sa lle aînée qui est célibataire. La cliente a des pertes de mémoire et est incontinente. Elle peut manger seule, mais elle est incapable de pourvoir à ses autres besoins de base (habillement, hygiène, etc.). Madame Sadoun fréquente un centre de jour tous les jeudis. La dernière fois que sa lle l’y a amenée, elle a dit en pleurant qu’elle dormait très peu, car sa mère se lève la nuit ; elle l’a même surprise nue au moment où elle ouvrait la porte pour quitter la maison. « Je suis toute seule pour m’occuper de ma mère, je n’en peux plus. J’ai besoin d’aide, je suis à bout. J’ai toujours peur qu’elle fasse quelque chose de dangereux pour elle », dit-elle en s’essuyant les yeux. Quelles sont les deux répercussions de l’état de madame Sadoun sur la santé de sa lle ? Expliquez votre réponse.
Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 17.7
Soutenir une personne atteinte d’un trouble neurocognitif
INTERVENTIONS
JUSTIFICATIONS
Principales interventions à inclure dans le plan de soins • Informer tous les soignants, c’est-à-dire la famille et le personnel, du PSTI.
Aide à maximiser la participation de tous les acteurs concernés en regard des interventions physiques et cognitives requises pour assurer la sécurité et la protection du client.
• Déterminer le niveau de fonctionnement du client et l’inciter à faire appel à ses aptitudes.
Encourage l’autonomie aussi longtemps que possible, mais aide également à stimuler le cerveau, retardant ainsi le déclin cognitif.
• Établir une routine relativement structurée.
Aide le client à compenser ses pertes de mémoire, à solliciter ses fonctions exécutives, à favoriser son autonomie et à réduire son anxiété.
• Prévoir un moment où le client peut être seul. • Éviter de fatiguer et de stimuler excessivement le client.
Permet de préserver son intimité, de faire preuve de respect et d’économiser son énergie.
• Demeurer exible quant à l’horaire de la journée.
Aide le client à se sentir en sécurité et réduit sa frustration.
17
Approche relationnelle avec le client • Veiller à ce que toutes les interactions avec le client soient plaisantes, calmes et rassurantes.
Contribue à réduire son anxiété, car les clients atteints de troubles neurocognitifs ont tendance à s’imprégner du climat émotionnel dans lequel ils se trouvent.
• Éviter de demander au client de participer aux AVQ lorsqu’il est agité.
Évite d’accroître la frustration du client et assure une collaboration optimale aux soins.
• Tenter de comprendre ce que ressent le client.
Réduit la frustration du client, contribue à satisfaire ses besoins et l’aide à se sentir compris.
• Réagir aux sentiments du client et les valider à l’aide de mots, du langage corporel et d’actions adéquates.
Aide le client à se sentir compris ; stimule également la sphère de la communication en donnant des exemples et en compensant les difcultés d’accès à la mémoire sémantique.
• Aider le client à garder une bonne estime de soi en le traitant comme un adulte.
Évite d’infantiliser le client ou de le traiter avec condescendance ; ne jamais perdre de vue que malgré ses pertes cognitives, le client n’oublie pas qu’il est un adulte.
Communication • Simplier le message verbal en n’utilisant pas plus de cinq ou six mots par phrase.
Contribue à réduire la confusion du client et à accroître la clarté du message.
• Accompagner les mots de signes visuels ou tactiles.
Chapitre 17
Troubles neurocognitifs
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TABLEAU 17.7
Soutenir une personne atteinte d’un trouble neurocognitif (suite)
INTERVENTIONS
JUSTIFICATIONS
• Diviser chaque tâche en diverses étapes.
Évite de susciter de la confusion ou de la frustration, et de créer inutilement une surcharge cognitive.
• Répéter le même message, si cela s’avère nécessaire, et laisser sufsamment de temps au client pour qu’il puisse répondre.
Aide à éviter ou à réduire les troubles de comportement comme la réaction catastrophique, en plus d’empêcher une augmentation des situations de handicap occasionnées par les troubles langagiers.
• Utiliser toujours les mêmes mots. • Éviter de transmettre un autre message avant d’être certaine que le client a compris le premier. • Éviter de partir, puis de revenir en expliquant le message d’une nouvelle manière. Soutien à la prise de décisions et aux choix éclairés du client • Donner l’occasion au client de faire des choix simples.
Faire des choix offre au client une certaine emprise sur sa vie et l’aide à garder un sentiment relatif d’indépendance.
• Éviter de poser des questions auxquelles la réponse peut être « non », principalement au moment d’offrir les soins et les traitements.
Évite que le client ait l’occasion de refuser une intervention bénéque pour sa condition, car cela ferait obstacle à l’administration de soins et à l’organisation d’activités.
• Présenter des choix ou des situations qui favorisent la réussite.
Accroît l’estime de soi du client.
• Féliciter le client pour ses réussites et l’inciter à utiliser les forces dont il dispose encore.
Augmente l’estime de soi du client et réduit son sentiment d’échec.
• Assurer au client que rien de grave n’a eu lieu et éviter de le critiquer en cas d’erreur ou d’échec.
Évite d’amplier le fait que les clients atteints de démence sont souvent conscients que quelque chose ne va pas relativement à leur rendement et qu’ils ne comprennent pas tout à fait leur environnement. Ils sont sensibles à la critique et ne sont pas toujours en mesure de répondre aux « pourquoi ? », ce qui peut susciter chez eux un sentiment d’échec.
• Éviter les réactions et les directives négatives, de même que les « pourquoi ? ». • Faire en sorte que les activités se déroulent deux par deux ou en petits groupes, et qu’elles soient de courte durée.
Jugement
clinique
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Benoit Rivest, 72 ans, a commencé à prendre de la benztropine (Cogentinmd) depuis 4 jours, car son médecin a diagnostiqué chez lui la maladie de Parkinson. Depuis hier, sa femme est inquiète, car monsieur Rivest ne la reconnaît plus et il dit qu’il n’est pas dans sa maison. Une telle chose ne lui était jamais arrivée. Quel lien pouvez-vous faire entre le nouveau médicament du client et ses problèmes cognitifs récents ?
Partie 3
Réduit la résistance du client et favorise sa réussite.
Soins et traitements inrmiers La collaboration entre les membres de l’équipe interdisciplinaire est primordiale, et ce, tant en soins de courte durée qu’en soins de longue durée. Évidemment, le membre le plus important de cette équipe est représenté par le groupe client-famille auquel s’associent les professionnels suivants : l’inrmière, l’inrmière spécialisée en santé mentale, le gérontologue, le gérontopsychiatre, le travailleur social, la nutritionniste, le pharmacien et les spécialistes de la réadaptation (orthophoniste, physiothérapeute, ergothérapeute, neuropsychologue), chacun détenant des connaissances précises en gérontologie. Ainsi, les connaissances et l’expérience de chacun assurent une atteinte plus efcace et réaliste des résultats chez le client ainsi qu’une plus grande satisfaction auprès des membres de sa famille ENCADRÉ 17.13.
Troubles mentaux
Le but de l’équipe interdisciplinaire est d’offrir au client des soins holistiques complets qui produisent des résultats quantiables et mesurables. Les clients âgés, particulièrement ceux atteints de troubles neurocognitifs, ont des problèmes médicaux, sociaux et économiques qui nécessitent une approche globale. Plus précisément, c’est par l’élaboration d’un plan interdisciplinaire d’interventions, dont les objectifs et les besoins sont déterminés entre les membres de l’équipe et le groupe client-famille, que l’autodétermination du client est valorisée. Cette structure d’intervention permet l’échange, la communication ainsi que le partage d’expertises et de compétences. De cette façon, les interventions réalisées auprès du client sont plus complètes et répondent de manière plus pertinente aux besoins établis au moment de la collecte des données et des évaluations.
Autres interventions | Psychopharmacothérapie | Le ralentissement du fonctionnement cholinergique entraîne une
Recherche pour une pratique fondée sur des résultats probants ENCADRÉ 17.13
Expérience des proches aidants d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer ou de maladies apparentées
Dans le cadre de cette étude, Sanders et ses collaborateurs (2008) ont cherché à décrire l’expérience vécue par les conjoints et les enfants d’âge adulte qui agissent à titre de proches aidants auprès de personnes atteintes de TNC. Les résultats obtenus par les auteurs ont démontré que la persistance des symptômes dépressifs (telle la tristesse) augmente la possibilité de vivre des conséquences néfastes sur les plans physique et mental. Lorsque tous les participants de l’étude ont été interrogés, sept thèmes principaux ont été cernés : 1) le désir de retrouver une vie normale ; 2) le regret et la culpabilité ; 3) l’isolement ; 4) la liberté restreinte ; 5) les stresseurs ; 6) les problèmes systémiques ; et 7) les stratégies d’adaptation. Les chercheurs ont découvert qu’il y avait une nette différence entre les participants ressentant une tristesse intense et ceux dont la tristesse était faible ou modérée. Les premiers souhaitaient ardemment retrouver une vie normale ; ils se sentaient coupables et seuls, et ils considéraient que la personne atteinte du TNC était leur principal appui. Ces participants sentaient qu’il leur était impossible d’échapper à la situation. Ils présentaient également
un plus grand nombre de stresseurs, notamment le décès d’un membre de la famille ou des difcultés nancières. À leurs yeux, ils se heurtaient à un bien plus grand nombre d’obstacles que les personnes des groupes dont la tristesse ressentie était faible ou modérée. Ces personnes risquaient davantage que les autres de croire que les professionnels ne comprenaient pas les besoins d’une personne atteinte de TNC. Ils étaient plus nombreux à croire que les inrmières faisaient preuve de négligence, et à considérer d’autres intervenants comme trop absents, peu réceptifs, et même incompétents et impolis. Les auteurs ont conclu que les professionnels doivent se montrer à l’écoute des besoins du client et de ses proches aidants, et qu’ils doivent savoir comment venir en aide à ces derniers dans la gestion de leurs émotions. Les chercheurs ont déterminé que les groupes de soutien, les programmes éducatifs et les rencontres avec des membres de la famille étaient de bons moyens, pour le proche aidant, d’apprendre à établir des relations avec les autres. Les auteurs concluent que les professionnels doivent être mieux informés quant aux besoins des proches aidants en vue d’offrir les services pouvant répondre à leurs besoins.
Source : Sanders et al. (2008).
perturbation de la mémoire (Stahl, 2013). En effet, l’acétylcholine (ACh) est responsable de la pensée et de la mémoire. Or, chez les clients atteints d’un TNC majeur, il s’avère que la libération de l’ACh est réduite. Comme l’acétylcholinestérase (AChE) est responsable de la dégradation de l’ACh dans l’espace synaptique des neurones, les inhibiteurs des cholinestérases, soit les médicaments qui inhibent l’action de l’AChE, ont des conséquences positives sur les symptômes de la maladie d’Alzheimer en augmentant la disponibilité de l’ACh dans les synapses. L’objectif du traitement est de réduire les symptômes et de freiner la progression de la maladie. En ce sens, les interventions entreprises rapidement pourraient entraîner une amélioration notable, sur le plan clinique, quant au fonctionnement, au comportement ainsi qu’à la cognition du client (American Academy of Neurology, 2010). Lorsqu’ils sont utilisés dans les stades précoces du trouble neurocognitif dû à la maladie d’Alzheimer, les inhibiteurs de l’ACh sont susceptibles d’améliorer les fonctions mnésiques chez certains clients ou même de ralentir le déclin cognitif, et ce, pendant plusieurs mois (Stahl, 2013). Trois inhibiteurs des cholinestérases sont actuellement accessibles pour traiter les premiers stades du TNC dû à la maladie d’Alzheimer : le donépézil (Ariceptmd), la rivastigmine (Exelonmd) et la galantamine (Reminyl ER md). Un quatrième médicament, la mémantine (Ebixamd), dont le mécanisme d’action est différent, conviendrait au traitement des formes avancées de la maladie. En
règle générale, il est prescrit avec un inhibiteur des cholinestérases (Stahl, 2013) 21 . Le plan de soins est adapté à chaque client en fonction de ses problèmes de comportement. Avant d’entreprendre une gestion pharmacologique de ces troubles du comportement, et non des troubles liés au ralentissement du fonctionnement cholinergique comme mentionné précédemment, il convient d’abord d’essayer toutes les techniques de gestion du comportement ainsi que les stratégies environnementales et sociales qui sont offertes. Si toutes ces tentatives échouent, l’administration de médicaments s’avère l’intervention la plus adéquate pour traiter le client agité atteint d’un TNC, et ce, tant pour assurer sa sécurité que pour lui offrir une certaine qualité de vie. Au cours d’une intervention destinée à traiter un problème de comportement, il est important de se rappeler que les clients expriment souvent la douleur qu’ils ressentent par leur comportement plutôt qu’avec des mots. Ainsi, si un client en douleur reçoit des antipsychotiques, il se peut que le comportement problématique diminue, sans pourtant que sa douleur soit soulagée (Kovach, Noonan, Schlidt et al., 2006).
21 Tous les médicaments regroupés sous le nom d’agents procognitifs sont présentés plus en détail dans le chapitre 21, Psychopharmacothérapie et autres thérapies biologiques.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les besoins du client atteint de troubles cognitifs et ceux de sa famille sont nombreux et touchent tous les domaines de la vie. L’approche interdisciplinaire est indispensable.
Les traitements psychopharmacologiques doivent être adaptés aux clients, mais il existe tout de même plusieurs approches pour traiter l’agitation. Les antipsychotiques de première génération comme l’halopéridol étaient autrefois utilisés, mais étant donné les effets indésirables qu’ils entraînent, il est plus prudent d’avoir recours à Chapitre 17
Troubles neurocognitifs
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17
CE QU’IL FAUT RETENIR
Lorsqu’un client atteint de troubles cognitifs manifeste de l’agitation, on doit privilégier une approche comportementale ou environnementale. Selon Santé Canada (2009), les antipsychotiques de première et de deuxième génération sont à éviter.
d’autres approches. Santé Canada (2009) a publié un avis portant sur les dangers d’avoir recours aux antipsychotiques de deuxième génération pour traiter l’agitation chez les personnes âgées atteintes de démence. Cet avis s’étend à tous les antipsychotiques de deuxième génération offerts sur le marché canadien, y compris ceux commercialisés après sa publication. Des études portant sur le sujet ont révélé une augmentation du taux de mortalité chez les clients âgés traités à l’aide d’antipsychotiques des première et deuxième générations, les décès étant le plus souvent causés par des problèmes cardiaques et des pneumonies (Huybrechts, Gerhard, Crystal et al., 2012 ; Kales, Kim, Zivin et al., 2012). En tant qu’autre possibilité, des inhibiteurs des cholinestérases peuvent être envisagés en vue de prévenir l’agitation chez des personnes atteintes d’un TNC dû à la maladie d’Alzheimer, mais ils ne sont évidemment pas les médicaments à privilégier pour le traitement des troubles cognitifs. Pour traiter l’agitation et l’agressivité des personnes atteintes de TNC, il est préférable d’avoir recours à des inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine, dont le citalopram (Celexamd) et la sertraline (Zoloftmd), ou à des inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine et de la norépinéphrine, comme la venlafaxine (Effexor XRmd), au lieu d’employer les antipsychotiques (Stahl, 2013). Il existe d’autres approches pharmacologiques, notamment l’administration d’anticonvulsivants (p. ex., le lévétiracétam), qui pourraient être efcaces et qui ne font pas l’objet de mises en garde (Dolder & Nealy, 2012). De plus, les médicaments comme la trazodone (Desyrelmd) – un inhibiteur sélectif du recaptage de la sérotonine apparenté aux substances tricycliques –, la buspirone (BuSparmd) – un anxiolytique qui n’appartient pas à la famille des benzodiazépines –, les bêtabloquants – dont le propranolol – ainsi que de faibles doses de benzodiazépines peuvent être administrés au client (Alzheimer’s Association, 2010b). Cette dernière approche se révèle particulièrement efcace lorsque le client éprouve des problèmes concomitants, notamment des symptômes extrapyramidaux et des troubles du sommeil, mais elle entraîne souvent un risque accru de chutes et d’agitation paradoxale. Certaines formes de TNC résultent d’une dégradation des neurones cholinergiques (p. ex., dans le noyau basal de Meynert). C’est d’ailleurs le cas des TNC qui mettent en cause la protéine τ. Quant au TNC vasculaire, au TNC induit par une substance ou un médicament, au TNC dû à la maladie à corps de Lewy et au TNC dû à la maladie de Parkinson, ils sont causés par la dégradation des neurones cholinergiques. Dans ces cas-là, les inhibiteurs de l’AChE pourraient s’avérer efcaces. À l’opposé, les changements observés dans les lobes
490
Partie 3
Troubles mentaux
temporaux et frontaux, qui sont des caractéristiques de la dégénérescence lobaire frontotemporale, laquelle ne présente aucun lien avec les neurones cholinergiques, ne peuvent être traités ou ralentis grâce à l’administration d’inhibiteurs de l’AChE (Stahl, 2008). Les résultats des études portant sur le rôle suggéré de la vitamine E dans la prévention et le traitement du TNC dû à la maladie d’Alzheimer sont mitigés, et il n’existe toujours aucune preuve que la vitamine E serait efcace (Farina, Isaac, Clark et al., 2012 ; Stahl, 2013). L’administration prolongée de fortes doses de vitamine E pourrait avoir des conséquences inquiétantes sur la santé des clients (Stahl, 2008). Les chercheurs étudient d’autres antioxydants et médicaments en vue de trouver une substance qui saura ralentir ou inverser la dégénérescence cognitive qui touche les personnes atteintes d’un TNC dû à la maladie d’Alzheimer. Puisque l’inammation joue un rôle dans l’apparition de cette maladie, plusieurs études ont avancé que les anti-inammatoires non stéroïdiens pourraient réduire les risques d’en être atteint (Stahl, 2008). Parmi les autres substances pharmacologiques qui font l’objet de recherches pour le rôle qu’elles pourraient jouer dans le traitement des symptômes cognitifs figurent les suivantes : la sélégiline (Eldeprylmd), un inhibiteur de la monoamine oxydase de type B aux propriétés antioxydantes qui pourrait ralentir la progression de la maladie d’Alzheimer ; certains vaccins, en vue de réduire la production de la protéine bêta-amyloïde ; et les statines, an de réduire le cholestérol et les risques associés aux protéines (Stahl, 2008). Chez les clients ayant des hallucinations et des idéations paranoïdes, l’administration de faibles doses d’antipsychotiques (dans la plupart des cas, la rispéridone [Risperdalmd]) peut s’avérer nécessaire. D’ailleurs, des antipsychotiques sont fréquemment prescrits aux clients atteints de la maladie d’Alzheimer ou d’une autre forme de TNC qui subissent un délire ou qui ont un comportement agressif mettant autrui ou eux-mêmes en danger.
| Environnement multisensoriel | Les environnements multisensoriels ont été créés en Hollande au cours des années 1970 sous le nom snoelezen. Ce terme provient d’un mot hollandais qui signie « chercher » et « explorer », mais aussi « se détendre » (Fowler, 2008). Le concept d’environnement multisensoriel a ensuite gagné en popularité ; depuis, il est utilisé dans de nombreux milieux à l’intention des personnes atteintes de divers troubles, dont les TNC majeurs (Sánchez, Millán-Calenti, Lorenzo-López et al., 2013). Un environnement multisensoriel est un milieu contrôlé, sécuritaire et confortable conçu en vue
d’offrir une multitude d’expériences sensorielles procurant des bienfaits pour la santé du client. Il s’agit d’une approche non directive dans laquelle les participants choisissent les activités auxquelles ils souhaitent prendre part (Fowler, 2008). L’environnement multisensoriel fait appel à une foule d’objets pour créer une expérience qui sollicite tous les sens : la vue, l’ouïe, le goût, l’odorat, le toucher et l’équilibre. Staal et ses collaborateurs (2007) ont d’ailleurs observé, par une étude avec groupe témoin, que l’environnement multisensoriel utilisé en combinaison avec la thérapie comportementale chez les clients atteints de TNC majeurs en phase avancée permet une réduction signicativement plus importante de l’agitation et de l’apathie, ainsi qu’une augmentation accrue de l’autonomie en général.
| Programme d’activités thérapeutiques | Une activité thérapeutique est un projet pratiqué avec plaisir par une personne et qui fait naître chez elle des sentiments positifs. Un programme d’activités thérapeutiques fait partie d’un plan de soins complet axé sur l’évaluation des besoins du client et sur les activités qu’il pratiquait auparavant. Un programme d’activités à l’intention des personnes atteintes de troubles neurocognitifs doit être conçu de manière à satisfaire des besoins précis préalablement cernés ; il vise également la réduction des comportements problématiques, que ce soit en raison de besoins non satisfaits ou de problèmes cognitifs (p. ex., un trouble du langage, un trouble de la mémoire). Une évaluation approfondie permet de comprendre la manière dont les changements de comportement inuent sur la structure des activités. Cela facilite l’adaptation ainsi que la réponse aux besoins du client par son proche aidant (Smith, Kolanowski, Buettner et al., 2009). L’objectif est de maintenir le plus haut niveau de fonctionnement possible. Les programmes qui connaissent le plus grand succès relativement aux soins offerts aux personnes atteintes de TNC majeurs sont ceux qui adoptent une approche structurée, complète et holistique tenant compte des activités quotidiennes du client et de ses comportements. La clé du succès consiste à tirer parti des forces de la personne (p. ex., sa mémoire à long terme toujours intacte, l’utilisation d’une aptitude préservée, les habiletés de motricité ne et globale préservées, la réponse émotionnelle intacte). Il est excessivement difficile, voire impossible pour une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer d’acquérir de nouvelles compétences. Le principe « utiliser sous peine de perdre » s’applique tout à fait aux clients atteints de TNC qui ont besoin de stimuler leurs fonctions cognitives. Une fois perdue, une aptitude disparaît généralement pour toujours ; le client ne sera plus en mesure de l’apprendre de
nouveau. Les habiletés les plus récemment acquises seront perdues en premier. Le programme d’activités thérapeutiques constitue le principal traitement des personnes atteintes, car, dans bien des cas, les premières pertes neurologiques provoquent une incapacité à planier, à entreprendre et à mener à bien une activité dans un ordre préétabli, ou même à se souvenir des activités planiées précédemment ENCADRÉ 17.14. Ainsi, le rôle de l’inrmière est de guider ou d’aider le client tout au long de l’activité, et d’avoir recours au renforcement positif à chaque étape du processus.
17.4.5
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution
Il est particulièrement difcile d’évaluer les progrès du client atteint de la maladie d’Alzheimer ou d’un autre type de TNC et de déterminer dans quelle mesure il a obtenu des résultats satisfaisants. Les facteurs de réussite varient grandement pour chacun des clients. Ainsi, afin d’aider l’équipe interdisciplinaire à déterminer l’atteinte des objectifs propres au groupe client-famille, l’inrmière procède à une évaluation de ses progrès ENCADRÉ 17.15. La maladie d’Alzheimer et les autres troubles neurocognitifs peuvent être des pathologies progressives et chroniques qui nécessitent une planication des congés à partir des besoins du client et du stade de sa maladie. À mesure que le client et ses proches aidants passent d’une phase à l’autre d’un TNC, l’équipe interdisciplinaire de soins travaille avec eux en vue d’adapter les soins ENCADRÉ 17.16.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Un programme d’activités thérapeutiques adapté aux besoins et aux capacités du client lui permettra de conserver son niveau de fonctionnement et réduira les comportements problématiques.
Collecte des données ENCADRÉ 17.14
Évaluation des résultats du programme d’activités thérapeutiques
L’inrmière mesure le succès d’un programme d’activités thérapeutiques à l’aide de certains critères pour lesquels elle se pose les questions suivantes :
• Le niveau de fonctionnement du client au cours des AVQ et des AVD demeure-t-il stable ou diminue-t-il à un rythme plus lent qu’avant le début du programme ?
• La fréquence (par jour ou par semaine) à laquelle le client prend part activement à son programme a-t-elle diminué ?
• Les proches aidants vivent-ils moins de stress (c.-à-d. moins d’épisodes de colère ou de pleurs, un sommeil de plus grande qualité, un sentiment de bien-être physique et mental accru) ?
• La fréquence des réactions catastrophiques ou du syndrome crépusculaire a-t-elle diminué ? • La fréquence de l’errance, du va-et-vient sans but et des égarements a-t-elle diminué ?
Chapitre 17
Troubles neurocognitifs
491
17
Collecte des données ENCADRÉ 17.15
Exemples de questions associées à l’évaluation du client
• Le décit cognitif est-il réversible ou irréversible ? • S’il s’agit d’une forme de décit cognitif réversible, le problème de santé ou de consommation sous-jacent a-t-il été déterminé et résolu ? • Le client est-il atteint d’un état confusionnel, de dépression, d’un TNC majeur ou léger, ou d’une combinaison de ces troubles ? • Quel est le contexte de soins (p. ex., des soins de courte ou de longue durée, des soins à domicile) ? Le contexte de soins (courte durée, longue durée ou à domicile) convient-il aux besoins du client et de ses proches ? • Le client est-il en mesure de satisfaire, de manière optimale, ses besoins en matière d’AVQ, de nutrition et de sécurité ? Peut-il exprimer de manière compréhensible et cohérente ses réactions et ses états affectifs ? • Les ressources, les connaissances et la compréhension du proche aidant sont-elles sufsantes ? Des ressources
supplémentaires ou des séances d’enseignement thérapeutique sont-elles requises ? • Est-ce que tous les problèmes médicaux ou psychiatriques ont été cernés au moment de la collecte des données ? • Quel est le prol pharmaceutique actuel du client ? Quels sont ses besoins ? Des médicaments ont-ils été prescrits pour le traitement du TNC ? Le cas échéant, le client ressent-il des effets indésirables qui posent problème ? • L’adhésion au traitement pose-t-elle un problème ? La supervision médicale s’avère-t-elle ardue ? • Y a-t-il des troubles de comportement actuellement ? Si oui, lesquels ? Quelles interventions comportementales se sont avérées efcaces ? • Quel est l’état fonctionnel du client ? • S’il y a actuellement un plan de soins interdisciplinaire, quelle est sa pertinence et quelle est son efcacité ?
Collecte des données ENCADRÉ 17.16
Signes d’une condition stable
Le client :
Le proche aidant :
• ne risque pas de s’iniger des blessures ou de faire l’objet de mauvais traitements ;
• possède une connaissance satisfaisante du trouble neurocognitif dont le client est atteint ;
• mène à bien ses AVQ et ses AVD avec le minimum d’aide ; • n’a aucune réaction catastrophique ;
• a recours à des interactions positives et thérapeutiques lorsqu’il prodigue des soins au client ;
• participe à un programme d’activités thérapeutiques établi en vue d’évaluer et de satisfaire ses besoins.
• a planié ses soins personnels et s’est doté de ressources (p. ex., du répit) en vue d’obtenir de l’aide ; • prend des mesures juridiques et nancières adéquates à l’égard du client et de lui-même ; • a prévu des solutions en cas d’urgence (p. ex., une maladie ou la mort soudaine du client ou du soignant).
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les proches aidants doivent faire l’objet d’une attention particulière, car sans soutien, le fait de prendre soin d’une personne atteinte d’un TNC peut s’avérer un lourd fardeau à porter.
492
Partie 3
Les proches aidants doivent faire l’objet d’une attention particulière, car sans soutien, le fait de prendre soin d’une personne atteinte d’un TNC peut s’avérer un lourd fardeau à porter. D’ailleurs, la dépression et l’épuisement par compassion sont fréquemment observés chez les proches aidants. Le placement dans un établissement de soins de longue durée constitue généralement la dernière étape de l’engagement du proche aidant envers la personne atteinte. De nombreuses années d’inquiétude précèdent habituellement la décision de
Troubles mentaux
placer la personne en établissement. À cet effet, le stress et les frais encourus deviennent importants. Les soins de santé et les services à domicile, le matériel spécialisé, la nourriture et la perte du salaire du client et du proche aidant ne sont que quelques-uns des éléments nanciers qui entrent en jeu. L’enseignement à la famille et l’aide psychologique peuvent alléger le fardeau que représente la prise en charge d’une personne atteinte d’un TNC.
Plan de soins et de traitements inrmiers PSTI
17.1
Trouble neurocognitif dû à la maladie d’Alzheimer
Anita Richer, une femme mariée de 71 ans, est dirigée vers une inrmière en soins à domicile par son médecin pour une évaluation. Le diagnostic de madame Richer concerne un TNC majeur dû à la maladie d’Alzheimer probable et un diabète de type 2 bien contrôlé. La cliente est mariée depuis 49 ans à Carl Simard, un représentant pharmaceutique à temps partiel âgé de 69 ans. Il arrive à ce dernier de devoir voyager pour des raisons professionnelles. Quand il est absent, Alma Richer, la sœur veuve de madame Richer, reste auprès d’elle jour et nuit. Les deux sœurs sont très proches, mais il est de plus en plus difcile pour Alma de s’occuper de sa sœur. Au cours d’entretiens avec madame Richer, son mari et sa sœur, les renseignements suivants ont été recueillis relativement à l’état de santé de la cliente :
• Son expression orale révèle une grammaire incorrecte, elle cherche ses mots et elle répète ceux utilisés par l’inrmière.
• Madame Richer souffre depuis deux ans de pertes de mémoire qui empirent progressivement.
• Madame Richer ne s’alimente pas bien, elle perd du poids et néglige ses activités personnelles et sociales. Ses amis sont inquiets.
• Elle semble comprendre ce qu’on lui dit à condition que les idées soient énoncées lentement, en termes simples.
• La cliente est frustrée, et il lui arrive parfois de prendre conscience que « rien n’est plus comme avant ».
• De récents épisodes de pleurs, de négativisme et d’accès de colère inquiètent et apeurent la famille et les amis de la cliente. • Madame Richer a toujours été bien mise. Or, elle refuse maintenant de se laver et de changer de vêtements. Elle s’habille de façon inadéquate et met ses vêtements dans le mauvais ordre. • Monsieur Simard voyage de plus en plus souvent pour son travail et cone sa femme aux soins de sa sœur Alma, qui se charge également de vérier la glycémie de la cliente.
À la suite de son évaluation, l’inrmière formule les constats suivants et élabore un plan de soins avec madame Richer. PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Opérations de la pensée perturbées liées à une incapacité à traiter et à synthétiser l’information, comme le démontrent les pertes de mémoire de la cliente, la détérioration de sa capacité à raisonner et à juger, ainsi que l’interruption du cours de sa pensée
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES ET JUSTIFICATIONS
• Recours par la cliente à ses aptitudes intellectuelles et à son jugement au mieux de ses capacités, et ce, avec l’aide de sa famille et de ses proches aidants
• Établir un programme d’activités thérapeutiques stimulant sur les plans cognitif et physique pour favoriser l’estime de soi et inciter la cliente à maintenir le plus haut niveau de fonctionnement possible. • Évaluer l’environnement et les activités quotidiennes de la cliente pour diminuer les risques de blessures ou d’incidents (p. ex., les fugues).
17
• Solliciter la collaboration de tous les proches aidants dans le but de favoriser une planication collaborative qui assure une approche efcace et cohérente axée sur les tâches et qui permet de réduire le stress vécu par la cliente et ses proches aidants. • Conservation d’une certaine maîtrise sur sa vie par l’exercice de son droit de choisir • Orientation dans l’espace et dans le temps, concentration sur les activités prévues à l’horaire et sur les membres de sa famille • Diminution des réactions catastrophiques ou d’anxiété
• Suggérer de simplier les choix d’aliments, de vêtements et d’activités, et diminuer les stimulus inutiles (couleurs, accumulation d’objets ou de mobilier, environnement sonore) pour réduire le stress associé à la prise de décisions par la cliente. • Proposer de recourir à divers signes sensoriels (auditifs, visuels et tactiles) pour que la cliente indique ses choix. Le but est de lui redonner une certaine maîtrise sur sa vie et d’augmenter son estime de soi, ce qui stimule son intérêt à prendre part aux activités quotidiennes. • Établir un calendrier simple qui comporte des activités quotidiennes et s’assurer de la présence d’horloges faciles à lire pour établir une routine stable et faciliter la réorientation temporelle. • Inciter les membres de la famille à répéter souvent leur nom et le lien qui les unit à la cliente au cours de leurs conversations pour pallier la récente perte de mémoire. • Prévoir une période quotidienne de réminiscence pratiquée à l’aide de photos, de livres d’images spécialement conçus à cet effet et de boîtes d’objets porteurs de souvenirs pour stimuler la mémoire à long terme. • Déterminer, avec les proches aidants, les causes des réactions catastrophiques ou d’anxiété pour maximiser la sécurité de la cliente et réduire les stresseurs.
• Soins d’hygiène trois fois par semaine, avec l’aide des proches aidants • Soins dentaires et d’hygiène buccale quotidiens avec l’aide des proches aidants
• Évaluer les besoins et proposer des stratégies d’aide aux soins personnels (toilette, hygiène, habillement, apparence, AVQ) ; offrir de l’enseignement et du soutien aux proches aidants ; promouvoir un environnement positif et le bien-être physique de la cliente. • Déterminer le moment et la façon dont la cliente se lave habituellement pour établir une routine à partir de ses habitudes et qui lui permettra de faire appel à sa mémoire à long terme
Chapitre 17
Troubles neurocognitifs
493
PSTI
17.1
Trouble neurocognitif dû à la maladie d’Alzheimer (suite)
PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Décit de soins personnels (se laver, effectuer ses soins d’hygiène, se vêtir, soigner son apparence) lié à une altération des praxies et des gnosies attribuable à des lésions neurologiques, comme le démontre l’incapacité à mettre ses vêtements dans le bon ordre
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES ET JUSTIFICATIONS
• Habillement de façon adéquate avec de l’aide, s’il y a lieu
• Accorder à la cliente l’intimité requise pour préserver sa dignité et son estime de soi.
• Participation active au choix des vêtements (prise de décisions) • Maintien de son estime de soi et d’une certaine indépendance • Réduction de son stress et de celui des proches aidants quant à l’habillement • Conance accrue des proches aidants dans leur capacité à prendre soin de la cliente
• Déterminer la température idéale de la pièce et de l’eau selon les goûts de la cliente pour favoriser le confort et la sécurité qui entraîneront chez elle une réponse positive. • Réduire les stimulations sensorielles (p. ex., le bruit de la télévision, de la radio ou des autres personnes) pour permettre à la cliente de se concentrer sur la tâche en cours et pour limiter le nombre de réactions requises de sa part, ce qui facilitera sa coopération et son indépendance. • Fournir l’aide d’une auxiliaire familiale trois fois par semaine pendant deux semaines pour aider la sœur de la cliente et son mari à acquérir de nouvelles connaissances et aptitudes, en plus de gagner en conance quant aux soins à prodiguer à la cliente. • Déterminer les points problématiques quant aux soins liés à l’apparence de la cliente. • Encourager les proches aidants à n’aider directement la cliente à effectuer ses tâches que si cela s’avère nécessaire an de renforcer le maintien de son niveau de fonctionnement. • Suggérer des méthodes de renforcement positif pour inciter la cliente à prendre soin de son image corporelle. • Conseiller une prophylaxie dentaire et aider la famille de la cliente à planier les rendez-vous chez le dentiste an que ces derniers se déroulent bien. • Évaluer la garde-robe de la cliente et suggérer des mesures pour simplier ses choix et ainsi faciliter sa prise de décision et l’aide fournie par les proches aidants : retirer les vêtements qu’elle ne porte pas, former des tenues coordonnées et les placer sur un cintre, limiter les choix entre six et huit tenues, empiler les vêtements selon l’ordre où ils doivent être mis, trier les vêtements et ne garder que ceux faciles à mettre (p. ex., éviter les boutons, les boucles et les collants, privilégier les ceintures élastiques, les boutons-pression, les bandes Velcro et les bas aux genoux ou aux cuisses), s’assurer que les chaussures sont adaptées pour prévenir les chutes.
Analyse d’une situation de santé Helena Bourdon, âgée de 80 ans, en est à la phase modérée de la maladie d’Alzheimer. Elle vient d’être admise dans un centre d’hébergement. Elle habitait avec un de ses fils et sa belle-fille, mais ceux-ci ont décidé de la placer dans un CHSLD, étant de
Jugement clinique plus en plus fatigués et inquiets quant à sa sécurité. La cliente reconnaît de moins en moins ses enfants, est désorientée et dit voir des animaux sous son lit et des personnes cachées dans le placard. Elle ne présente pas de signes de dépression.
Mise en œuvre de la démarche de soins
Collecte des données – Évaluation initiale – Analyse et interprétation 1. Comment pourriez-vous vérier si la cliente est apraxique ? 2. Lorsque la cliente dit voir des personnes cachées dans le placard, cela peut-il être un indice de délire paranoïde ? Justiez votre réponse. SOLUTIONNAIRE
494
Partie 3
Troubles mentaux
Lorsque vous demandez à la cliente de se vêtir, elle tourne les vêtements dans tous les sens, choisit une blouse et une jupe, les replace, puis choisit un chandail et un pantalon. Elle refait ce scénario
quelques fois jusqu’à ce que vous lui proposiez des vêtements précis. Une fois qu’elle est habillée, elle roule et déroule ses manches. Elle répète ce geste même si vous en faites la remarque.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
3. Comment devez-vous interpréter ce comportement de madame Bourdon ? 4. Madame Bourdon manifeste-t-elle de la persévération ? Justiez votre réponse.
Depuis que madame Bourdon a été admise au CHSLD, son ls vient la visiter tous les soirs. « Je me sens coupable de l’avoir placée. Je ne voudrais pas qu’elle me reproche de l’avoir abandonnée », dit-il. Il passe au moins une heure avec elle jusqu’au moment où elle se couche. Dès qu’il est parti, la cliente se lève du lit et vous dit que son ls, qu’elle ne reconnaît pas, est ingrat parce qu’il
écemment vu dans ce chapitre Une préposée, exaspérée par les comportements de madame Bourdon, vient vous demander si le médecin ne pourrait pas prescrire « quelque chose de fort » à la cliente pour la calmer. Quelle sera votre réponse ?
ne vient jamais la voir. Même si vous lui rappelez qu’il vient juste de la quitter, elle s’obstine avec vous, est irritable et marche dans le corridor à sa recherche. Ses propos sont alors de plus en plus confus, elle entre dans les autres chambres et demande si son ls est là. Elle se promène ainsi pendant au moins une heure et a de la difculté à retrouver sa chambre.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
5. D’après ces nouvelles données, à quoi les comportements de la cliente doivent-ils être associés ?
Lorsqu’elle cherche son ls, madame Bourdon veut prendre l’escalier ou l’ascenseur. Étant incapable de le faire, elle frappe les portes avec ses
poings et donne des coups de pied. Elle a même failli tomber en faisant cela. Extrait des notes d’évolution
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
Voici un extrait du plan thérapeutique inrmier (PTI) de madame Bourdon. Extrait CONSTATS DE L’ÉVALUATION Date
Heure
2016-06-23 20:00
N°
Problème ou besoin prioritaire
2
Confusion exacerbée en soirée
3
Errance
Initiales
RÉSOLU / SATISFAIT Date
Heure
Initiales
Professionnels / Services concernés
M.V.
4
SUIVI CLINIQUE Date
Heure
N°
2016-06-23
20:00
2-3
2016-07-16
21:00
2-3
Directive inrmière
Appliquer suivi habituel pour personne en perte d’autonomie.
Signature de l’inrmière
Monica Vélasquez
Initiales
Initiales
M.V.
Programme / Service
Signature de l’inrmière
CESSÉE / RÉALISÉE Date Heure Initiales
M.V.
Initiales
Programme / Service
2e AB
6. D’après les données de cet épisode, quel problème prioritaire nécessiterait un suivi plus précis de la part de l’inrmière ? Inscrivez votre réponse vis-à-vis du constat de l’évaluation numéro 4 dans le PTI. Que devriez-vous inscrire dans les notes d’évolution pour appuyer ce constat ?
Chapitre 17
2016-06-23 20:00 Ne reconnaît pas son ls. Au départ de celui-ci, elle se lève du lit et marche dans le corridor à sa recherche. Même si je lui rappelle qu’il vient juste de la quitter, elle s’obstine et dit qu’il est ingrat parce qu’il ne vient pas la voir. Propos de plus en plus confus. Entre dans les autres chambres et demande si son ls est là. Errance pendant au moins une heure. Difculté à trouver sa chambre. Troubles neurocognitifs
495
17
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
Planication des interventions – Décisions inrmières 7. Écrivez une directive infirmière visant à ne pas exacerber davantage la confusion et l’errance de la cliente. 8. Quel moyen aiderait la cliente à retrouver sa chambre plus facilement ?
Lorsque la cliente frappe les portes de l’escalier ou de l’ascenseur, vous entendez certains membres du personnel l’appeler par son prénom et la
tutoyer en lui disant : « Ne fais pas ça, ma cocotte. Viens avec moi, on va faire quelque chose. »
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
9. Pourquoi est-il important de ne pas adopter une attitude infantilisante envers la cliente ?
Madame Bourdon est incapable de se concentrer sur ce qu’elle fait. Par exemple, au cours de ses soins d’hygiène, elle commence à laver son visage,
s’arrête pour brosser ses dents, recommence, se peigne et veut mettre ses vêtements.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
écemment vu dans ce chapitre Le ls de madame Bourdon vous a raconté que sa mère a été bénévole auprès d’enfants d’un milieu défavorisé ; elle faisait avec eux des activités de dessin et de peinture. Elle aimait aussi leur apprendre des chansons. Quels types d’activités thérapeutiques pourraient être offerts à madame Bourdon ? Quels effets positifs pourraient en découler ? Expliquez votre réponse.
496
Partie 3
Troubles mentaux
10. Que devrait faire le personnel pour que la cliente arrive à effectuer ses soins d’hygiène de façon satisfaisante ?
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution 11. Au fur et à mesure que la situation de madame Bourdon évolue, que devriez-vous observer concernant les points suivants ? • Errance : • Confusion et désorientation : • Syndrome crépusculaire : • Sécurité : • Capacité d’effectuer ses soins d’hygiène :
12. Ce soir, après la visite de son fils, madame Bourdon est restée dans sa chambre, ce qu’elle ne fait jamais. Lorsque vous allez la voir, elle réagit peu à votre présence et à vos questions, et la même chose se produit lorsque la préposée apporte sa collation préférée, ce qui est inhabituel. Elle marmonne quelques mots, puis regarde dans le vide. À quel nouveau problème pourraient être liées ces manifestations ? Expliquez votre réponse.
APPLICATION DE LA PENSÉE CRITIQUE Dans l’application de la démarche de soins auprès de madame Bourdon, l’inrmière a recours à un ensemble d’éléments (connaissances, expériences antérieures, normes institutionnelles ou protocoles, attitudes professionnelles) pour analyser la situation de santé de la cliente et en comprendre
les enjeux. La FIGURE 17.2 illustre le processus de pensée critique suivi par l’inrmière an de formuler son jugement clinique. Elle résume les principaux éléments sur lesquels l’inrmière s’appuie en fonction des données de cette cliente, mais elle n’est pas exhaustive.
VERS UN JUGEMENT CLINIQUE CONNAISSANCES • Caractéristiques du développement normal de la personne âgée • Divers types de TNC • Phases de la maladie d’Alzheimer • Manifestations cliniques de chacune des phases de la maladie d’Alzheimer • Signes de dépression chez une personne atteinte de TNC • Problèmes prioritaires fréquents chez une personne atteinte de TNC • Interventions à faire et à ne pas faire auprès d’une personne atteinte de TNC
EXPÉRIENCES
NORME
ATTITUDES
• Expérience de travail auprès d’une clientèle ayant des décits cognitifs et des atteintes de TNC de tous types • Expérience auprès des personnes âgées • Travail en centre d’hébergement et de soins de longue durée • Personne de son entourage ayant un décit cognitif ou étant atteinte de la maladie d’Alzheimer
• Utilisation d’instruments validés pour évaluer la condition mentale d’une personne atteinte d’un TNC
• Être patiente, car il faut s’attendre à répéter souvent les mêmes consignes à la cliente • Ne pas tenter de la « raisonner » • Être vigilante pour assurer la sécurité de la cliente • Démontrer du respect en ne l’infantilisant pas • Faire preuve de leadership auprès de l’équipe de soins pour établir une approche uniforme et cohérente auprès de la cliente
PENSÉE CRITIQUE
ÉVALUATION • • • • • • •
Orientation dans les trois sphères Cohérence des propos Manifestations de la maladie d’Alzheimer selon la phase Manifestations du syndrome crépusculaire et facteurs déclenchants Capacité de la cliente à retrouver sa chambre Risques de chutes et de blessures Efcacité des stratégies de diversion pour éviter une exacerbation de l’errance et de la confusion de la cliente • Attitude de la cliente envers les membres de sa famille • Compréhension de la maladie d’Alzheimer et de son évolution par les membres de sa famille
17
JUGEMENT CLINIQUE FIGURE 17.2
Application de la pensée critique à la situation clinique de madame Bourdon
Chapitre 17
Troubles neurocognitifs
497
Troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments
Chapitre
18
Écrit par : Anna Clarkin, MSW, LCSW Adapté par : Christianne Bourgie, inf, M Sc Mis à jour par : Daniela Perrottet, B Sc inf, M Sc inf (c)
MOTS CLÉS Accès hyperphagique Anorexie mentale Boulimie Comportement compensatoire Culte de la minceur Mérycisme Pica Restriction ou évitement de l’ingestion d’aliments
OBJECTIFS 505
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez être en mesure :
500
• de décrire les signes et les symptômes cliniques des différents troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments ;
500 506 502 504
• de comparer les complications médicales des différents troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments ;
504
• d’analyser les facteurs biologiques, socioculturels, familiaux et psychologiques qui contribuent aux troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments ;
505
• d’expliquer le cercle vicieux d’un comportement alimentaire perturbé ; • de décrire le type de relation thérapeutique le plus efficace avec une cliente ayant un trouble des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments, y compris l’approche et l’attitude que l’infirmière adopte dans cette relation ; • d’appliquer la démarche de soins à la cliente atteinte d’un trouble des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments
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Partie 3
Troubles mentaux
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Concepts clés
Cette carte conceptuelle illustre schématiquement les principaux concepts décrits dans le présent chapitre. Sa lecture vous permettra d’avoir une vue d’ensemble des notions qui y sont présentées.
dont
comportent souvent liés à
prévalence
dont
sont
souvent
dont
Troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments
causés par
comprennent
Pica Mérycisme Restriction ou évitement de l’ingestion d’aliments Anorexie mentale Boulimie Accès hyperphagiques Autre trouble des conduites alimentaires ou de l’ingestion d’aliments spécié ou non spécié
requièrent
18
pour se manifestant
donc pour doit assurer
comprenant
Chapitre 18
Troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments
499
PORTRAIT
Sienna Jones Sienna Jones, une étudiante de niveau collégial âgée de 19 ans, vit avec son copain, Maxime, depuis presque 1 an. Celui-ci l’a amenée à l’unité d’urgence après l’avoir trouvée évanouie dans la douche. Il croit bien l’avoir entendue vomir avant d’entrer dans la douche. Maxime prend l’inrmière à part et lui cone qu’il craint que Sienna soit atteinte de boulimie. En réponse à une question, il dit avoir constaté qu’elle pouvait avoir des rages alimentaires non maîtrisées et qu’elle utilisait alors des laxatifs. Il pense même qu’elle se fait vomir. Il craint que son évanouissement soit lié à ce trouble des conduites alimentaires. Il mentionne également que Sienna est secrète et sur la défensive au sujet de ses habitudes alimentaires. L’examen physique initial montre que la jeune femme n’a pas de blessures dues à la chute et que ses signes vitaux sont normaux. Ses glandes parotides sont hypertrophiées, et son poids est normal. Elle est tendue et montre des signes d’anxiété. Sienna évite le contact visuel avec l’inrmière et murmure que ces derniers temps elle a étudié tard et n’a pas dormi sufsamment.
18.1
Les troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments peuvent engendrer des complications médicales graves et potentiellement mortelles. Le DSM-5 décrit six troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments : le pica, le mérycisme, le trouble de l’alimentation avec restriction ou évitement, l’anorexie mentale, la boulimie et les accès hyperphagiques. L’obésité n’est pas considérée comme un trouble mental dans le DSM-5. Dans le cas de l’anorexie mentale, une peur intense de prendre du poids et une perturbation de l’image corporelle entraînent une restriction volontaire de nourriture FIGURE 18.1. Dans le cas de la boulimie, une obsession semblable pour la minceur est présente. Les restrictions alimentaires liées à la boulimie entraînent des cycles d’hyperphagie et de purges, ces Benjamin Hamel est âgé de 5 ans et est atteint dernières consistant généraled’autisme. Sa mère l’a amené à l’urgence car il ment en des vomissements proavait mangé plusieurs petites pierres, de la terre voqués. La différence avec ainsi que du papier. Le médecin a décidé de le l’anorexie mentale réside dans la garder sous observation à l’urgence pour les procapacité de la personne de mainchaines 24 heures. Quels signes de complications tenir son poids dans les limites devriez-vous surveiller chez Benjamin ? de la normale ou au-dessus.
clinique
Jugement
Caractéristiques générales
500
Partie 3
Troubles mentaux
FIGURE 18.1 La cliente atteinte d’un trouble de l’alimentation a souvent une perception déformée de son apparence physique.
Autrefois plutôt méconnue, cette problématique est maintenant traitée dans les médias de toutes formes, ce qui a contribué à la sensibilisation du public aux troubles en lien avec l’alimentation dans le monde entier. Depuis les années 1980, les publications portant sur le sujet abondent, autant dans les domaines de la recherche médicale et psychiatrique, dans les ouvrages socioculturels et les autobiographies, que dans l’information journalistique. L’augmentation de la visibilité des troubles de l’alimentation vers la n du xxe siècle peut laisser croire qu’ils sont attribuables à la vulnérabilité des jeunes femmes aux diktats de la mode et, plus récemment, à celle des jeunes hommes sensibles au culte du corps. Toutefois, le jeûne, les accès hyperphagiques et la purge existent depuis des siècles (Steiger, 2007). Puisque la nourriture a toujours représenté un important symbole culturel au cours de l’histoire, le déni de l’appétit et le rejet de la nourriture sont des comportements qui ont invariablement attiré l’attention. Des « artistes de la faim » se produisaient dans les foires à la n du xixe siècle (Fraise, 2000). Par ailleurs, il semble que les cas d’anorexie mentale aient été plutôt rares, ou mal reconnus, ou encore mal compris dans le passé (Wilkins, 2012). Les premières traces d’explications cliniques de ce trouble dans la
littérature médicale remontent à 1873 en France et à 1874 en Angleterre (Wilkins, 2012) . Le terme compulsive overeating, ou suralimentation compulsive, a été utilisé pour la première fois dans les années 1950 pour décrire les crises de boulimie de personnes ayant un excès de poids (Hamburger, 1951 ; Stunkard, 1959). L’alimentation compulsive a été comparée à l’alcoolisme, avec ses mêmes états de besoin et ses accès hyperphagiques secrets suivies de honte et de culpabilité. Ce trouble est maintenant décrit par des critères diagnostiques correspondant à la boulimie ou à des accès hyperphagiques, deux diagnostics se distinguant par la présence ou l’absence de comportements compensatoires inappropriés. Au milieu des années 1970, la psychologue Marlene Boskind-Lodahl a décrit un groupe de femmes de poids normal qu’elle a rencontrées à la clinique de santé mentale de l’Université Cornell et qui manifestaient toutes une peur identique de prendre du poids et la même obsession de la minceur que les anorexiques. Ces femmes avaient aussi des épisodes réguliers de crises alimentaires et de purges. En 1983, elle a décrit son expérience clinique et ses nouvelles recherches sur ce groupe (Boskind-Lodahl & White, 1983). C’est cependant en 1979 que Russell a formulé le terme bulimia nervosa (boulimie), qui établissait un lien entre la boulimie et l’anorexie mentale (Russell, 1979).
18.2
Étiologie
L’étiologie des troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments a été abordée sur les plans biologique, psychologique, psychanalytique, comportemental et sur celui des dépendances. Les causes des troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments ne font toutefois pas l’unanimité. Cependant, de nombreuses théories
diversiées ont convergé vers un cadre de travail qui les explique et qui les considère comme des syndromes dont l’étiologie est multifactorielle (Steiger & Yaffe, 2012). Des chercheurs croient maintenant que les troubles de l’alimentation peuvent être attribuables à une interaction entre une susceptibilité neurobiologique, combinée à des inuences environnementales telles que les milieux familial, social et culturel (Kaye, 2007 ; Steiger & Yaffe, 2012). Selon cette approche intégrée, une personne prédisposée serait soumise à un ensemble de stresseurs – souvent, mais non exclusivement liés aux exigences développementales de l’adolescence –, et le fait qu’elle s’astreigne alors à un régime amaigrissant peut devenir le facteur déclenchant TABLEAU 18.1. L’état de bien-être et le sentiment de maîtrise associés aux restrictions alimentaires contribuent à leur tour à l’entretien du cercle vicieux des comportements alimentaires perturbés (Noordenbos, 2013).
18.2.1
Encadré 18.1W : Troubles de l’alimentation dans l’histoire.
Facteurs biologiques
L’homogénéité des symptômes est frappante chez les personnes atteintes de troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments : les clientes atteintes d’anorexie mentale expriment des pensées et des croyances remarquablement similaires et afchent des comportements semblables, ce qui laisse supposer une prédisposition génétique. De plus, les comportements extrêmes de jeûne, d’accès hyperphagiques et de purge entraînent diverses anomalies neurobiologiques, métaboliques et comportementales qui auront un effet sur la persistance des symptômes. Par exemple, le jeûne réduit l’appétit et retarde la vidange gastrique, ce qui diminue le besoin de s’alimenter (Noordenbos, 2013 ; Polivy & Herman, 2002). La plupart des modications physiologiques liées à la malnutrition sont réversibles lors de la réalimentation. Par contre, certaines d’entre elles peuvent ne pas l’être complètement, dont la perte de densité osseuse, par exemple (APA, 2015).
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les comportements extrêmes de jeûne, d’accès hyperphagiques et purgatifs entraînent diverses ano malies neurobiologiques, métaboliques et comporte mentales qui auront un effet sur la persistance des symptômes.
18
Facteurs de risque TABLEAU 18.1
Troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments
FACTEURS BIOLOGIQUES
FACTEURS SOCIOCULTURELS
FACTEURS PSYCHOLOGIQUES
FACTEURS FAMILIAUX
• Antécédents familiaux de troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments
• Changement des rôles sociaux féminins et des exigences familiales
• Faible estime de soi
• Enchevêtrement des rôles et faibles habiletés en résolution de conits
• Prédisposition génétique • Dérèglement neurobiologique prémorbide (vulnérabilité à l’anxiété et à la dépression)
• Industrie de la mode et idéaux corporels • Stress lié aux exigences dévelop pementales de l’adolescence
• Perfectionnisme • Immaturité émotionnelle • Déciences intéroceptives • Sentiment d’inefcacité • Besoin de conformité aux règles • Évitement des conits
Chapitre 18
• Accent mis sur la performance et la réussite • Comportements alimentaires familiaux • Questions de séparation et d’individuation conictuelles • Possibilité d’alcoolisme, ou de violence physique ou sexuelle
Troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments
501
clinique
Jugement
Selon des études portant sur l’influence des Élisabeth Honorat est une adolescente âgée de 15 ans. facteurs génétiques, les Elle est très méticuleuse et ne se permet aucune erreur troubles de l’alimentation dans tout ce qu’elle fait ; tout doit être parfait à ses yeux. seraient de 3 à 10 fois plus Elle n’est jamais satisfaite de ses résultats scolaires : élevés chez les personnes « Je suis nulle. Les autres doivent penser que je suis ayant un lien de parenté, stupide de ne pas être la meilleure. » Elle trouve qu’elle alors que leur occurrence n’est pas assez mince et voudrait tant ressembler aux survient chez 50 à 70 % mannequins des magazines qu’elle collectionne. Quels des vraies jumelles (ou sont les trois facteurs pouvant contribuer au développejumelles identiques) ment d’un trouble des conduites alimentaires et de (Steiger & Yaffe, 2012). Cerl’ingestion des aliments chez Élisabeth ? tains chercheurs croient qu’un gène du chromosome 1 augmente le risque d’anorexie mentale et qu’un gène du chromosome 10 accroît le risque de boulimie (Bulik, Devlin, Bacanu et al., 2003 ; An d’intervenir sur les Grice, Halmi, Fichter et al., 2002 ; Klump, Kaye & risques liés au culte de la Strober, 2001 ; Steiger & Yaffe, 2012). D’autres minceur, le gouvernement du données indiquent que les personnes souffrant Québec a publié la Charte d’anorexie mentale ont des concentrations baquébécoise pour une image sales de sérotonine signicativement élevées et corporelle saine et diversiée. une sensibilité excessive du système sérotoninerElle peut être consultée au gique (Steiger & Yaffe, 2012). Cela pourrait créer http://jesigneenligne.com. une anxiété constante qui sera soulagée par la privation de nourriture alors que cette privation contribuera à la diminution du taux de sérotonine. De plus, les variations du système sérotoninergique peuvent être en cause dans la boulimie, en raison de l’inuence de ce système sur les traits de personnalité et sur les dérèglements de l’appétit (Steiger, Bruce & Groleau, 2010). Les dysfonctions du système sérotoninergique sont souvent présentes avant l’apparition du trouble, et elles persistent chez de nombreuses clientes après leur rétablissement, ce qui indique une prédisposition biologique fondamentale que la personne tente de moduler par son comportement alimentaire peréactivation turbé (Bailer, Frank, Henry et al., 2005). Les redes connaissances cherches effectuées sur des clientes ayant souffert À l’adolescence, la poussée d’anorexie mentale et qui se sont rétablies, montrent de croissance entraîne des également une hyperactivité des récepteurs de besoins nutritionnels accrus. dopamine qui serait liée à un tempérament inquiet Vers quel âge se manifeste et à un manque de réaction positive aux activités habituellement la poussée habituellement réconfortantes telles que la prise de croissance chez les lles des repas (Kaye, Bulik, Thornton et al., 2005 ; Kaye, et les garçons ? Frank & McConaha, 1999).
18.2.2
Facteurs socioculturels
Les adolescents et les jeunes adultes sont très tôt exposés à d’innombrables publicités louant les mérites des produits amaigrissants et aux courants de la mode qui les encouragent dans la quête d’un corps idéal. Pour les lles, ce corps « idéal » est extrêmement mince et pour les garçons, incroyablement mince et musclé. La plupart des adolescentes de taille normale sont insatisfaites de leur corps, et cette préoccupation se retrouve même chez des llettes âgées d’à peine huit ans (Gagnier, 2006).
502
Partie 3
Troubles mentaux
Bien que les troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments ne puissent être expliqués par leur unique inuence sociale, certains liens sont à explorer entre le culte de la minceur et des critères élevés de performance tels que la réussite scolaire, les succès sportifs et les rôles sociaux plus exigeants, plus complexes (Wilkins, 2012). Ces exigences qui encouragent la compétition et un pressant besoin d’être à la hauteur peuvent constituer des facteurs de stress importants et être porteuses de risque chez des personnes vulnérables. La quête de la minceur peut ainsi devenir en soi un « projet de réalisation personnelle » (Wilkins, 2012, p. 40). Cela s’illustre particulièrement dans la pratique d’activités sportives qui favorisent la perte de poids tels que la danse, le patinage artistique, la nage synchronisée, l’athlétisme et la course. Les sports très compétitifs qui encouragent le perfectionnisme, un haut niveau de performance et l’exercice compulsif sont ainsi porteurs de risque (Taddeo, 2010).
18.2.3
Facteurs psychologiques
Bien que les adolescents soient tous soumis aux mêmes pressions socioculturelles, certains d’entre eux ont un tempérament et possèdent des habiletés d’adaptation qui semblent les protéger de ces troubles, tandis que d’autres y sont vulnérables. Certains traits de personnalité s’observent dans tous les troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments, alors que d’autres sont propres à l’anorexie mentale ou à la boulimie TABLEAU 18.2. La documentation dans le domaine de la thérapie cognitive décrit certaines distorsions des schémas de pensée comme étant caractéristiques des personnes ayant des troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments (Lock & Le Grange, 2005a, 2005b). Ces schémas sont notamment la pensée dichotomique, c’est-à-dire que la personne voit les situations comme étant entièrement bonnes ou entièrement mauvaises ; la perception erronée de son pouvoir, à savoir que la personne se sent la seule responsable du bonheur et du malheur des autres ; et la personnalisation, où l’individu se compare sans cesse aux autres et perçoit leur comportement comme une réaction envers sa propre personne.
18.2.4
Facteurs familiaux
En 1978, Minuchin, Rosman et Baker décrivaient la famille dont un ou des membres pouvaient avoir des troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments comme étant blanche, de classe moyenne supérieure, complète, enchevêtrée, rigide et hostile. Cette description n’est cependant pas immuable puisque des personnes aux prises avec des troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments se retrouvent dans toutes les classes socioéconomiques, les origines ethniques
TABLEAU 18.2
Traits de personnalité associés aux troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments
TRAITS COMMUNS
TRAITS RELATIFS À L’ANOREXIE MENTALE
TRAITS RELATIFS À LA BOULIMIE
• Faible estime de soi
• Perfectionnisme
• Impulsivité
• Conformité aux exigences familiales et sociales
• Rigidité
• Instabilité affective
• Évitement du conit
• Évitement du risque et prudence craintive
• Sentiment d’inefcacité
• Traits obsessionnels-compulsifs
• Dérèglement émotionnel (c.-à-d. hypersensibilité émotionnelle, et difculté à moduler les émotions et le comportement)
• Alexithymie (c.-à-d. difculté à décrire et à exprimer ses émotions) • Déciences intéroceptives (c.-à-d. incapacité à reconnaître les signaux corporels et à y réagir adéquatement)
et les cultures ainsi que dans divers types de modèles familiaux. Il reste que certains portraits types de familles sont encore reconnus comme facteurs prédisposant aux troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments. Les familles enchevêtrées, par exemple, peuvent être refermées sur elles-mêmes, exiger la conformité, et décourager l’individualité et l’expression directe des émotions. On parlera aussi d’une identité morcelée (Wilkins, 2012) ; l’enfant peut ainsi apprendre à éviter les conits pour plaire aux autres et à craindre les responsabilités d’adulte. L’autonomie et le sentiment de compétence personnelle s’acquièrent difcilement, et la pression de séparation et d’individuation peut devenir terriante autant pour l’enfant que pour ses parents. Certaines familles accordent beaucoup d’importance à l’image corporelle, à la reconnaissance sociale et à la performance. La recherche montre la grande inuence de l’incitation parentale sur les régimes alimentaires et la préoccupation envers l’image corporelle (Davis, Shuster, Blackmore et al., 2004). Les lles dont l’identication à la mère est perturbée auraient également un risque plus élevé d’être atteintes de troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments (HahnSmith & Smith, 2001). Finalement, une corrélation a été établie entre des antécédents d’abus physiques, sexuels ou émotionnels et le risque de comportements boulimiques. L’instabilité émotionnelle qui découle de ces traumatismes pourrait engendrer ce type de comportements ; ceux-ci serviraient alors à composer avec les émotions négatives en procurant à la personne un sentiment de contrôle (Groleau, Steiger, Bruce et al., 2011).
18.2.5
Cercle vicieux
En raison d’un ensemble de facteurs prédisposants, le culte de la minceur peut devenir attrayant, car il devient la clé de la conance et du succès. La personne se met au régime, perd du poids, se sent
mieux, continue son régime et perd encore du poids ; cela lui procure un sentiment de maîtrise de soi et d’accomplissement (Noordenbos, 2013). Malheureusement, ces bénéces perçus continuent de renforcer son comportement. Ultérieurement, même quand les gens lui disent qu’elle est trop maigre, la personne a un sentiment de puissance et de contrôle qu’elle n’a jamais ressenti auparavant. L’énergie consacrée à la perte de poids l’a distraite de ses conits réels et lui a donné une impression d’emprise sur sa propre vie. Bien que ce sentiment soit nalement un leurre et présente son lot de risques, la personne peut craindre de l’abandonner et luttera parfois de façon féroce pour le maintenir. Plus de 50 % des personnes atteintes d’anorexie mentale sont incapables de maintenir à long terme leurs restrictions alimentaires en raison de la souffrance engendrée par la faim (Steiger & Yaffe, 2012). Les accès hyperphagiques commencent donc souvent en réaction à la privation de nourriture. Ces crises soulagent la faim, engourdissent la douleur et détournent à nouveau la personne de ses conits réels.
18
Le comportement boulimique représente parfois une rébellion contre la pression d’être mince. Le soulagement que procure un accès hyperphagique demeure toutefois temporaire, et il est rapidement suivi d’un sentiment de honte et de culpabilité d’avoir mangé, ainsi que d’une panique relative à la perte de maîtrise de soi et au gain de poids possible. La purge qui suit habituellement un accès hyperphagique a pour effet de réduire ce sentiment de culpabilité FIGURE 18.2.
18.3
Épidémiologie
Les troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments touchent surtout les femmes, mais de plus en plus d’hommes en sont atteints. Chez les jeunes femmes, la prévalence sur 12 mois de l’anorexie mentale est estimée à environ 0,4 %, Chapitre 18
Troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments
503
FIGURE 18.2
CE QU’IL FAUT RETENIR
La plupart des troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments commencent à l’adolescence, une période caractérisée par d’importants changements corporels.
Cycle des troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments
et varie entre 1 à 1,5 % pour la boulimie (APA, 2015). Pour ces troubles, le ratio est de 1 homme pour 10 femmes. Cet écart est moins important pour ce qui est des accès hyperphagiques, la prévalence aux États-Unis étant de 1,6 % chez les femmes et de 0,8 % chez les hommes. La plupart des troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments commencent à l’adolescence ou au début de l’âge adulte ENCADRÉ 18.1. Quelques différences entre les sexes ont entre autres démontré que les hommes ayant des troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments sont plus susceptibles d’être atteints d’une obésité prémorbide et de faire de l’exercice de façon excessive (Fernandez-Aranda, Aitken, Badia et al., 2004 ; Lewinsohn, Seeley, Moerk et al., 2002). L’incidence et la prévalence des troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments sont probablement plus élevées dans les sociétés post-industrialisées comme les pays européens, les États-Unis, le Canada, la Nouvelle-Zélande, le Japon, l’Australie et d’autres pays occidentalisés où les ressources alimentaires sont abondantes. La prévalence serait plus faible chez les Hispaniques, les Afro-Américains et les Asiatiques aux États-Unis (APA, 2015).
504
Partie 3
Troubles mentaux
18.4
Description clinique
Caractérisé par l’ingestion répétée de substances non nutritives et non comestibles (p. ex., du papier, du savon, du tissu, de la terre) pendant une période d’au moins un mois, le pica est souvent observé avec d’autres troubles mentaux tels qu’un trouble du développement intellectuel, le trouble du spectre de l’autisme et, à un degré moindre, la schizophrénie. L’âge minimal proposé pour porter le diagnostic de pica est de deux ans. Souvent associé lui aussi à un trouble du développement intellectuel ou à un autre trouble neurodéveloppemental, le mérycisme est caractérisé par des régurgitations répétées de nourriture pendant une période d’au moins un mois. La régurgitation est fréquente, c’est-à-dire qu’elle survient plusieurs fois par semaine ou quotidiennement. Chez le nourrisson, le mérycisme peut entraîner une perte de poids ou l’absence de prise de poids ou un état de malnutrition. La malnutrition peut aussi apparaître chez les enfants plus âgés ou chez les adultes. Les personnes atteintes de ce trouble éviteront de manger en public ou avant des activités sociales en raison du caractère importun de la régurgitation.
ENCADRÉ 18.1
Épidémiologie des troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments
STATISTIQUES GÉNÉRALES
• L’âge moyen d’apparition de la boulimie est de 17 ans.
• Les troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments touchent 2 % de la population générale.
• Au Canada, depuis 1987, les hospitalisations pour les troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments dans les centres hospitaliers généraux ont augmenté de 34 % chez les adolescentes âgées de moins de 15 ans et de 29 % chez les jeunes femmes de 15 à 24 ans.
• Environ 3 % des femmes seront affectées par un trouble des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments au cours de leur vie. • Depuis 1995, de 100 à 140 nouveaux cas par année sont rapportés au centre hospitalier Saint-Justine, à Montréal. • Au Canada, 80 % des femmes ont suivi un régime avant d’avoir 18 ans, et 40 % ont suivi un régime avant d’avoir 9 ans. • Des taux similaires d’incidence et de prévalence des troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments sont observés dans les pays occidentaux, où la nourriture est abondante et où les régimes amaigrissants sont communs. RAPPORT DES SEXES
• Au Canada, 90 % des personnes souffrant d’anorexie mentale ou de boulimie sont des femmes, et 10 % sont des hommes. ÂGE D’APPARITION
• L’âge moyen d’apparition de l’anorexie mentale est de 11 à 18 ans, mais ce trouble a été observé chez des enfants de 8 ans.
• Au Canada, de 1 à 2 % des personnes âgées de 13 à 40 ans souffrent d’anorexie mentale, et de 2 à 4 % des 13 à 40 ans sont atteintes de boulimie. • Au Québec, 8 % des lles âgées de 15 à 25 ans ont des troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments. Chaque année, plus de 65 000 Québécoises de 14 à 25 ans sont atteintes de ces troubles. COMORBIDITÉ
• Les troubles concomitants sont les suivants : − Troubles dépressifs, troubles anxieux, troubles dissociatifs, troubles liés à une substance, troubles de la personnalité (limite, histrionique et obsessionnelle-compulsive) ; − Troubles du spectre de l’autisme, handicap intellectuel (trouble du développement intellectuel) pour le pica et la restriction ou l’évitement de l’ingestion d’aliments.
Sources : Adapté de Agence de la santé publique du Canada (2002) ; American Psychiatric Association (APA) (2000, 2015) ; Statistique Canada (2012) ; Wilkins (2012).
La restriction ou l’évitement de l’ingestion d’aliments correspond à « une incapacité persistante à atteindre les besoins nutritionnels ou énergétiques appropriés » (APA, 2015, p. 292). Le diagnostic ne peut être porté que si la personne présente un ou plusieurs des symptômes suivants : une perte de poids, un décit nutritionnel signicatif, la nécessité d’une nutrition entérale par sonde ou de suppléments alimentaires oraux ou une altération nette du fonctionnement psychosocial. Ce trouble ne comprend pas le jeûne religieux ni les caprices alimentaires d’un jeune enfant, par exemple. Il peut découler d’une sensibilité extrême à la couleur de la nourriture, à son odeur ou à son goût, d’un manque d’intérêt pour la nourriture ou de conséquences désagréables du fait de manger. À la différence de l’anorexie mentale, les personnes qui souffrent de restriction ou d’évitement de l’ingestion d’aliments ne présentent pas de crainte intense de prendre du poids ni une perception altérée de leur poids ou de leur forme corporelle. Le trouble se développe le plus souvent au cours de la première enfance ou au début de la deuxième enfance et peut persister à l’âge adulte. Il peut entraîner la malnutrition, des difcultés d’apprentissage, un retard de croissance, des tensions au sein de la famille et même, ultimement, la mort. L’anorexie mentale et la boulimie sont des troubles distincts, mais elles partagent plusieurs caractéristiques. Dans le cas de l’anorexie mentale, une peur intense de prendre du poids ou de devenir
gros et une perturbation de l’image corporelle entraînent une restriction alimentaire ou des comportements persistants qui empêchent la prise de poids ou qui contribuent à la perte de poids (activité physique excessive, vomissements provoqués, comportements purgatifs : laxatifs, diurétiques, lavements). Le poids corporel est signicativement bas, lequel correspond à un indice de masse corporelle (IMC) inférieur à 17,0 kg/m2. La perte de poids ne réduit généralement pas la peur intense et les préoccupations entourant la prise de poids. Bien que les personnes atteintes d’anorexie mentale puissent être conscientes d’être minces, elles ont l’impression que certaines parties de leur corps sont trop grosses (fesses, cuisses, ventre) et, souvent, ne reconnaissent pas les complications médicales dues à leur état de malnutrition. Le seuil de sévérité, de léger à extrême, est établi selon l’IMC FIGURE 18.3.
18
éactivation des connaissances Quelle est la formule pour calculer l’indice de masse corporelle (IMC) ?
La boulimie, quant à elle, se caractérise par la survenue récurrente d’accès hyperphagiques (crises de gloutonneries), des comportements compensatoires inappropriés et récurrents pour éviter la prise de poids, une estime de soi inuencée de manière excessive par le poids et la forme corporelle. La différence avec l’anorexie mentale de type accès hyperphagiques/purgatifs réside dans la capacité de la personne de maintenir son poids dans les limites de la normale (IMC ≥18,5 et < 30 kg/m2) ou au-dessus. Un accès hyperphagique correspond à une quantité anormale d’aliments absorbés à l’intérieur d’une courte période de temps (p. ex., moins de deux heures), avec Chapitre 18
Troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments
505
SCHÉMA DES QUATRE DIMENSIONS Anorexie mentale DIMENSION PHYSIQUE • Perte de poids marquée (IMC inférieur à 17 kg/m2) • Aménorrhée • Froideur des extrémités • Insomnie
• Port de vêtements amples ou choix de vêtements « soulignant » la maigreur • Possibilité de lanugo (duvet sur la peau)
Stéphanie Provencher, âgée de 16 ans, s’est mise au régime il y a 6 mois, quand un camarade de classe l’a taquinée sur ses rondeurs. Elle calcule minutieusement les calories qu’elle consomme et elle s’astreint à un régime de plus en plus sévère. Elle fait de la course à pied tous les jours et de l’exercice aérobique au lever comme au coucher. Parfois, elle perd le contrôle et se gave de douzaines de biscuits qu’elle mange en cachette. Comme elle a honte de son geste, elle se fait vomir et peut ensuite jeûner pendant deux jours. Son indice de masse corporelle (IMC) se situe à 15.
DIMENSION SOCIALE • Isolement • Irritabilité • Sentiment d’être incomprise • Humeur dépressive • Conits étouffés avec • Diminution de l’intérêt pour les parents la sexualité
DIMENSION PSYCHOLOGIQUE • Image de soi déformée • Obsession de la minceur
• Faible estime de soi • Perfectionnisme marqué
Le seul moment où Stéphanie se dit satisfaite est celui où elle se pèse et où elle réalise qu’elle a perdu du poids. Cela l’encourage à persévérer alors qu’elle se trouve toujours grosse ; elle cible sur son corps ce qu’elle considère comme des « excès de gras ».
DIMENSION SPIRITUELLE • Sentiment de n’avoir pas de valeur intrinsèque Malgré ses succès scolaires et la reconnaissance de ses pairs, Stéphanie ne se sent pas à la hauteur dans plusieurs domaines de sa vie.
Stéphanie se mée de ceux qui veulent lui venir en aide. Elle tente d’éviter ses parents, dont elle ne comprend pas les préoc cupations. Elle ne veut pas qu’on dirige sa vie alors qu’elle sent qu’elle réussit enn quelque chose.
FIGURE 18.3
un sentiment de perte de contrôle sur ce que la personne mange et sur la quantité qu’elle ingère. Le grignotage de petites quantités de nourriture ne constitue pas un accès hyperphagique. À la suite d’une crise, il s’ensuit fréquemment des douleurs dues à la distension abdominale. Le vomissement, le comportement compensatoire le plus fréquemment utilisé, soulage l’inconfort physique et la crainte de prendre du poids. À force de Arielle Juneau est âgée de 14 ans. Sa mère l’a con se faire vomir avec les doigts, vaincue de l’amener consulter, car depuis quelque la personne peut présenter des temps, elle vit des épisodes durant lesquels elle callosités ou des cicatrices sur mange une grande quantité de nourriture en très la face dorsale des mains et peu de temps. Elle se gave et se sent mal ensuite. une érosion de l’émail des Arielle se dit incapable de s’en empêcher. Elle dents. Outre le jeûne et l’exermange jusqu’à ce qu’elle soit incapable d’ingérer cice physique exagéré, d’autres davantage de nourriture et parvient à ne pas moyens peuvent être utilivomir. Vous calculez son IMC à 21 kg/m2. Après sa sés tels que le sirop d’ipéca, rencontre avec le psychiatre, la mère d’Arielle se les laxatifs, les diurétiques, les dit étonnée d’apprendre que sa lle souffre d’accès lavements, les extraits thyroïhyperphagiques, elle qui était convaincue que sa diens, l’omission ou la réduclle souffrait de boulimie. Que lui répondezvous ? tion des doses d’insuline chez
Jugement
clinique
506
Partie 3
Troubles mentaux
la personne atteinte également de diabète insulinodépendant. L’obésité est peu fréquente chez les personnes souffrant de boulimie, puisque celles-ci réduisent leur apport de calories entre les accès hyperphagiques. Le seuil de sévérité de la boulimie est établi selon le nombre moyen d’épisodes de comportements compensatoires inappropriés par semaine. Tout comme la boulimie, le trouble d’accès hyperphagique (binge-eating desorder) est caractérisé par des crises de gloutonneries fréquentes, soit l’absorption dans un court laps de temps d’une très grande quantité de nourriture, accompagnées d’un sentiment de perte de contrôle. Contrairement à la boulimie, la personne ne présente pas de comportements compensatoires inappropriés et ne suit pas de régime alimentaire intensif ou prolongé pour contrôler son poids ou améliorer la forme de son corps. Cependant, elle ressent une grande détresse durant les accès hyperphagiques, de même qu’un dégoût d’ellemême ou de la culpabilité par la suite. Ce trouble peut toucher les personnes de poids normal,
souvent celles présentant un surpoids ou un problème d’obésité. Le seuil de sévérité du trouble d’accès hyperphagiques est établi selon le nombre moyen d’épisodes par semaine. Il arrive cependant que les troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments détectés ne remplissent pas tous les critères des troubles alimentaires spéciques ou qu’un manque
d’information empêche le clinicien d’établir un diagnostic. Celui-ci pourrait alors être « Autre trouble de l’alimentation ou de l’ingestion d’aliments, spécié », en mentionnant la raison (p. ex., de faible fréquence et de durée limitée), ou non spécié si le clinicien n’est pas en mesure d’indiquer de raison particulière au trouble (p. ex., à l’urgence) ENCADRÉ 18.2.
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 18.2
Troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments
PICA
A. Ingestion répétée de substances non nutritives et non comestibles pendant une période d’au moins un mois. B. L’ingestion de substances non nutritives et non comestibles ne correspond pas au niveau de développement de l’individu. C. Le comportement alimentaire ne correspond pas à une pratique culturellement admise ou socialement acceptée. D. Si le comportement survient dans le contexte d’un autre trouble mental (p. ex. handicap intellectuel [trouble du développement intellectuel], trouble du spectre de l’autisme, schizophrénie) ou d’une affection médicale (y compris la grossesse), il est sufsamment grave pour justier, à lui seul, une prise en charge clinique. Note de codage : Le code CIM-9-MC pour le pica, utilisé pour les enfants ou les adultes, est 307.52. Les codes CIM-1 O-MC pour le pica sont (F98.3) pour les enfants et (F50.8) pour les adultes. Spécier si : En rémission : A répondu aux critères du pica dans le passé mais n’y répond plus depuis une période prolongée. MÉRYCISME
A. Régurgitation répétée de la nourriture, pendant une période d’au moins un mois. La nourriture régurgitée peut être remâchée, ravalée ou recrachée. B. La régurgitation répétée n’est pas due à une maladie gastro-intestinale (p. ex. reux gastro-œsophagien, sténose du pylore) ni à une autre affection médicale associée. C. Le comportement alimentaire ne survient pas exclusivement au cours d’une anorexie mentale (anorexia nervosa), d’une boulimie (bulimia nervosa), d’accès hyperphagiques (binge-eating) ou d’une restriction ou évitement de l’ingestion d’aliments. D. Si les symptômes surviennent dans le contexte d’un autre trouble mental (p. ex. handicap intellectuel [trouble du développement intellectuel] ou un autre trouble neuro-développemental), ils sont sufsamment graves pour justier, à eux seuls, une prise en charge clinique. Spécier si : En rémission : A répondu aux critères du mérycisme dans le passé mais n’y répond plus depuis une période prolongée. RESTRICTION OU ÉVITEMENT DE L’INGESTION D’ALIMENTS
A. Un trouble de l’alimentation ou de l’ingestion d’aliments (p. ex. manque d’intérêt manifeste pour l’alimentation ou la nourriture ; évitement fondé sur les caractéristiques sensorielles de la nourriture ; préoccupation concernant un dégoût pour le fait de manger) qui se manifeste par une incapacité persistante à atteindre les besoins nutritionnels et/ou énergétiques appropriés, associé à un (ou plusieurs) des éléments suivants :
Chapitre 18
1. Perte de poids signicative (ou incapacité d’atteindre le poids attendu, ou échissement de la courbe de croissance chez l’enfant). 2. Décit nutritionnel signicatif. 3. Nécessité d’une nutrition entérale par sonde ou de compléments alimentaires oraux. 4. Altération nette du fonctionnement psychosocial. B. La perturbation n’est pas mieux expliquée par un manque de nourriture disponible ou par une pratique culturellement admise. C. Le comportement alimentaire ne survient pas exclusivement au cours d’une anorexie mentale (anorexia nervosa), d’une boulimie (bulimia nervosa), et il n’y a pas d’argument en faveur d’une perturbation de l’image du corps (perception du poids ou de la forme). D. Le trouble de l’alimentation n’est pas dû à une affection médicale concomitante ou n’est pas mieux expliqué par un autre trouble mental. Lorsque le trouble de l’alimentation survient dans le contexte d’un autre trouble ou d’une autre affection, la sévérité du trouble de l’alimentation dépasse ce qui est habituellement observé dans ce contexte et justie, à elle seule, une prise en charge clinique. Spécier si : En rémission : A répondu aux critères de la restriction ou de l’évitement de l’ingestion d’aliments par le passé mais n’y répond plus depuis une période prolongée. ANOREXIE MENTALE
A. Restriction des apports énergétiques par rapport aux besoins conduisant à un poids signicativement bas compte tenu de l’âge, du sexe, du stade de développement et de la santé physique. Est considéré comme signicativement bas un poids inférieur à la norme minimale ou, pour les enfants et les adolescents, inférieur au poids minimal attendu. B. Peur intense de prendre du poids ou de devenir gros, ou comportement persistant interférant avec la prise de poids, alors que le poids est signicativement bas. C. Altération de la perception du poids ou de la forme de son propre corps, inuence excessive du poids ou de la forme corporelle sur l’estime de soi, ou manque de reconnaissance persistant de la gravité de la maigreur actuelle. Note de codage : Le code CIM-9-MC pour l’anorexie mentale est 307.1, quel que soit le sous-type. Le code CIM-1 Q-MC dépend du sous-type (voir ci-dessous). Spécier le type : (F50.01) Type restrictif : Pendant les 3 derniers mois, la personne n’a pas présenté d’accès récurrents d’hyperphagie (gloutonnerie) ni recouru à des vomissements provoqués ou à des comportements purgatifs (c.-à-d. laxatifs, diurétiques, lavements). Ce sous-type décrit des situations où la perte de poids est essentiellement obtenue par le régime, le jeûne et/ou l’exercice physique excessif.
Troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments
507
18
ENCADRÉ 18.2
Troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments (suite)
(F50.02) Type accès hyperphagiques/purgatif : Pendant les 3 derniers mois, la personne a présenté des accès récurrents de gloutonnerie et/ou a recouru à des vomissements provoqués ou à des comportements purgatifs (c.-à-d. laxatifs, diurétiques, lavements). Spécier si : En rémission partielle : Après avoir précédemment rempli tous les critères de l’anorexie mentale, le critère A (poids corporel bas) n’est plus rempli depuis une période prolongée mais le critère B (peur intense de prendre du poids ou de devenir gros, ou comportement interférant avec la prise de poids) ou le critère C (altération de la perception du poids ou de la forme de son propre corps) est toujours présent. En rémission complète : Alors que tous les critères de l’anorexie mentale ont été précédemment remplis, aucun n’est plus rempli depuis une période prolongée. Spécier la sévérité actuelle : Le seuil de sévérité, chez les adultes, est établi à partir de l’indice de masse corporelle (IMC) actuel (voir ci-dessous) ou, pour les enfants et les adolescents, à partir du percentile de l’IMC. Les degrés ci-dessous sont dérivés des catégories de maigreur de l’OMS pour les adultes ; pour les enfants et les adolescents, il faut utiliser les percentiles de l’IMC. Le degré de sévérité peut être majoré an de reéter les symptômes cliniques, le degré d’incapacité fonctionnelle et la nécessité de prise en charge. Léger : IMC ≥ 17 kg/m2 Moyen : IMC 16-16,99 kg/m2 Grave : IMC 15-15,99 kg/m2 Extrême : IMC < 15 kg/m2 BOULIMIE (BULIMIA NERVOSA)
A. Survenue récurrente d’accès hyperphagiques (crises de gloutonnerie) (bingeeating). Un accès hyperphagique répond aux deux caractéristiques suivantes : 1. Absorption, en une période de temps limitée (p. ex. moins de 2 heures), d’une quantité de nourriture largement supérieure à ce que la plupart des gens absorberaient en une période de temps similaire et dans les mêmes circonstances. 2. Sentiment d’une perte de contrôle sur le comportement alimentaire pendant la crise (p. ex., sentiment de ne pas pouvoir s’arrêter de manger, ou de ne pas pouvoir contrôler ce que l’on mange, ou la quantité que l’on mange). B. Comportements compensatoires inappropriés et récurrents visant à prévenir la prise de poids, tels que : vomissements provoqués ; emploi abusif de laxatifs, diurétiques ou autres médicaments ; jeûne ; exercice physique excessif. C. Les accès hyperphagiques (de gloutonnerie) et les comportements compensatoires inappropriés surviennent tous les deux, en moyenne, au moins une fois par semaine pendant 3 mois. D. L’estime de soi est inuencée de manière excessive par le poids et la forme corporelle. E. Le trouble ne survient pas exclusivement pendant des épisodes d’anorexie mentale (anorexia nervosa). Spécier si : En rémission partielle : Alors que tous les critères de la boulimie ont été précédemment remplis, plusieurs, mais pas la totalité, ont persisté pendant une période prolongée. En rémission complète : Alors que tous les critères de la boulimie ont été précédemment remplis, aucun ne l’est plus depuis une période prolongée.
508
Partie 3
Troubles mentaux
Spécier la sévérité actuelle : Le seuil de sévérité est établi selon la fréquence des comportements compensatoires inappropriés (voir ci-dessous). Le niveau de sévérité peut être majoré an de reéter les autres symptômes et le degré d’incapacité fonctionnelle. Légère : Une moyenne de 1-3 épisodes de comportements compensatoires inappropriés par semaine. Moyenne : Une moyenne de 4-7 épisodes de comportements compensatoires inappropriés par semaine. Grave : Une moyenne de 8-13 épisodes de comportements compensatoires inappropriés par semaine. Extrême : Une moyenne d’au moins 14 épisodes de comportements compensatoires inappropriés par semaine. ACCÈS HYPERPHAGIQUES (BINGE-EATING DISORDER)
A. Survenue récurrente d’accès hyperphagiques (crises de gloutonnerie) (binge-eating). Un accès hyperphagique répond aux deux caractéristiques suivantes : 1. Absorption, en une période de temps limitée (p. ex. moins de 2 heures), d’une quantité de nourriture largement supérieure à ce que la plupart des gens absorberaient en une période de temps similaire et dans les mêmes circonstances. 2. Sentiment d’une perte de contrôle sur le comportement alimentaire pendant la crise (p. ex. sentiment de ne pas pouvoir s’arrêter de manger ou de ne pas pouvoir contrôler ce que l’on mange ou la quantité que l’on mange). B. Les accès hyperphagiques (de gloutonnerie) sont associés à au moins trois des caractéristiques suivantes : 1. Manger beaucoup plus rapidement que la normale. 2. Manger jusqu’à éprouver une sensation pénible de distension abdominale. 3. Manger de grandes quantités de nourriture en l’absence d’une sensation physique de faim. 4. Manger seul parce que l’on est gêné de la quantité de nourriture que l’on absorbe. 5. Se sentir dégoûté de soi-même, déprimé ou très coupable après avoir mangé. C. Les accès hyperphagiques (de gloutonnerie) entraînent une détresse marquée. D. Les accès hyperphagiques (de gloutonnerie) surviennent, en moyenne, au moins une fois par semaine pendant 3 mois. E. Les accès hyperphagiques (de gloutonnerie) ne sont pas associés au recours régulier à des comportements compensatoires inappropriés comme dans la boulimie, et ne surviennent pas exclusivement au cours de la boulimie ou de l’anorexie mentale. Spécier si : En rémission partielle : Après avoir précédemment rempli tous les critères de ce trouble, les accès hyperphagiques surviennent à une fréquence moyenne de moins d’un épisode par semaine pendant une période prolongée. En rémission complète : Alors que tous les critères de ce trouble ont été précédemment remplis, aucun ne l’est plus depuis une période prolongée. Spécier la sévérité actuelle : Le seuil de sévérité est établi selon la fréquence des accès hyperphagiques (voir ci-dessous).
ENCADRÉ 18.2
Troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments (suite) AUTRE TROUBLE DE L’ALIMENTATION OU DE L’INGESTION D’ALIMENTS, SPÉCIFIÉ
Le niveau de gravité peut être majoré an de reéter les autres symptômes et le degré d’incapacité fonctionnelle. Léger : 1-3 accès hyperphagiques par semaine. Moyen : 4-7 accès hyperphagiques par semaine. Grave : 8-13 accès hyperphagiques par semaine. Extrême : ≥ 14 accès hyperphagiques par semaine.
Cette catégorie est utilisée dans des situations où le clinicien décide de préciser la raison particulière pour laquelle les critères d’aucun trouble spécique de l’alimentation et de l’ingestion d’aliments ne sont remplis. TROUBLE DE L’ALIMENTATION OU DE L’INGESTION D’ALIMENTS, NON SPÉCIFIÉ
Les troubles des conduites alimentaires non spéciés sont une catégorie destinée aux troubles qui ne remplissent pas les critères d’un trouble des conduites alimentaires spécique.
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association, DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
18.5
Pronostic
L’évolution d’un trouble des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments est variable et dépend de la gravité des symptômes (APA, 2015). De plus, la notion de rétablissement peut renvoyer à plusieurs variables qui en complexient la dénition. Le pronostic est encourageant lorsqu’il y a stabilisation du poids et retour des menstruations. Mais il y a lieu de faire des nuances au regard du fonctionnement global et de l’adaptation sociale. Le retour à un poids normal est nécessaire, mais pas sufsant au rétablissement complet. Les personnes atteintes doivent résoudre les principaux problèmes à l’origine de leur comportement alimentaire ainsi que les questions psychologiques sous-jacentes (Sysko, Walsh, Schebendach et al., 2005 ; Wilkins, 2012). Certaines clientes conserveront une fragilité ou une « attitude anorexique » alors que de 15 à 25 % vivront un problème chronique (Wilkins, 2012). Le pronostic est généralement plus
prometteur chez les clientes dont l’anorexie mentale a été traitée à l’adolescence ; plus de 75 % de celles-ci disent bien aller (Wilkins, 2012). Par ailleurs, près de 66 % des personnes atteintes de boulimie se rétablissent. La littérature indique que la thérapie cognitivo-comportementale, familiale ou interpersonnelle à long terme, souvent combinée à des antidépresseurs, permet l’amélioration la plus durable (Dare, Eisler, Russell et al., 2001 ; Keel, Mitchell, Davis et al., 2002 ; Löwe, Zipfel, Buchholz et al., 2001). Le taux de mortalité dû aux troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments est toutefois plus élevé que celui attribuable à tout autre trouble mental ; il se situe entre 4 et 20 % (Agras, 2001 ; Crow, Peterson, Swanson et al., 2009 ; Papadopoulos, Ekbom, Brandt et al., 2009). Les complications médicales, la consommation de substances et le suicide sont les principales causes de mortalité dans cette population. Le taux de suicide sur un an chez les personnes souffrant d’anorexie mentale est estimé à 12 sur 100 000 (APA, 2015).
CE QU’IL FAUT RETENIR
Dans le cas de l’anorexie mentale, la rémission se caractérise par le retour à un poids normal, la résolution des principaux problèmes a l’origine du comportement alimentaire et des questions psychologiques sous-jacentes.
éactivation des connaissances Quel est le pourcentage de gras corporel minimal pour déclencher et maintenir les menstruations chez l’adolescente ?
18.6 Démarche de soins Collecte des données – Évaluation initiale
Reconnaître les manifestations des troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments Puisque de nombreuses clientes atteintes de troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments ont un ou plusieurs troubles concomitants, l’inrmière en tient compte dans son évaluation. Les TABLEAUX 18.3 et 18.4 présentent les manifestations cliniques physiques, comportementales et psychologiques de l’anorexie mentale et de la boulimie. La cliente atteinte de boulimie doit aussi subir une évaluation des déséquilibres liquidiens et
électrolytiques aigus (particulièrement le potassium sérique), et de tout effet secondaire comportant des risques liés à ses comportements purgatifs. Si ces derniers n’ont pas cessé, une surveillance en continu des électrolytes devra être faite.
Former une alliance thérapeutique L’évaluation initiale de la cliente ayant un trouble des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments requiert de la sensibilité, de la rigueur et Chapitre 18
clinique
Jugement
18.6.1
Gwenda Marceau est une adolescente âgée de 15 ans très active qui fait partie d’une équipe de volley-ball et de ringuette. Elle marche pendant une heure pour se rendre à l’école après avoir mangé trois raisins. Sa mère lui prépare un lunch, mais Gwenda le jette en chemin et ne mange jamais au dîner. Au retour de l’école, elle sort son vélo et roule pendant au moins une heure. Inquiets du poids de leur lle, les parents de Gwenda insistent pour qu’elle mange tout le contenu de son assiette au souper et ils l’obligent à se peser devant eux chaque soir avant le coucher. En soirée, ils ont remarqué qu’elle passe au moins 30 minutes sous la douche avant la pesée. Qu’est-ce que cela peut signier ?
Troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments
509
18
Symptômes cliniques TABLEAU 18.3
Anorexie mentale
TYPES DE SYMPTÔMES
SYMPTÔMES
Physiques
• IMC inférieur à 17 kg/m2 • Aménorrhée ; possibilité que les clientes aient encore leurs menstruations au début des manifestations du trouble • Frilosité • Léthargie ou excès d’énergie • Bradychardie • Hypothermie • Déséquilibres liquidiens et électrolytiques en raison d’un apport insufsant en nutriments et en liquides • Cachexie (c.-à-d. perte musculaire, yeux creux, os saillants et peau sèche) • Lanugo (croissance de duvet) sur le visage et le corps • Constipation • Hypotension • Pendant l’adolescence, retard possible de la puberté et de la croissance Plus rarement : • Pétéchies, surtout au extrémités • Coloration jaune de la peau • Érosion de l’émail des dents • Callosités sur la face dorsale de la main dues à la pression des dents lorsque la personne se fait vomir
Comportementaux
• Privation volontaire de nourriture (c.-à-d. restrictions alimentaires et refus de manger rapporté par la cliente ou ses proches ) • Rituels ou comportements compulsifs concernant l’alimentation ou la perte de poids • Recours aux vomissements provoqués, aux laxatifs ou aux diurétiques, ou pratique d’exercices excessifs an de perdre du poids • Port de vêtements amples ou de couches inappropriées de vêtements, ou afchage exagéré de la maigreur
Psychologiques
• Déni de la gravité de la perte de poids actuelle et de la faim • Perturbation de l’image corporelle (c.-à-d. la personne se considère comme grosse alors qu’elle a un poids idéal ou inférieur, ou elle trouve que certaines parties de son corps sont disproportionnées) • Peur intense et irrationnelle d’engraisser qui ne diminue pas avec la perte de poids • Efforts constants pour avoir un corps « parfait » • Anxiété relative à la prise de repas • Conception de soi excessivement inuencée par la forme du corps et le poids • Préoccupation relative aux aliments, à la cuisine, à l’information nutritionnelle et à l’alimentation des autres • Développement psychosexuel retardé ou manque d’un intérêt approprié pour son âge envers la sexualité et les relations interpersonnelles
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les premières minutes de l’entrevue sont importantes, parce qu’elles donnent le ton à l’expérience entière de traitement. Former immédiatement une alliance thérapeutique avec la cliente préviendra les luttes de pouvoir, fréquentes dans les troubles alimentaires.
510
Partie 3
de bonnes habiletés d’observation. Il est important d’accompagner la cliente et de ne pas la confronter (Wilkins, 2012). Les premières minutes de l’entrevue sont importantes, parce qu’elles donnent le ton à l’expérience entière de traitement. Si l’inrmière forme immédiatement une alliance thérapeutique, cela préviendra les luttes de pouvoir, fréquentes dans une telle situation TABLEAU 18.5.
la cliente ainsi que les interventions prévues an d’assurer le suivi clinique de cette dernière TABLEAU 18.6. Ces interventions portent notamment sur la surveillance clinique, les soins et les traitements (Ordre des inrmières et des inrmiers du Québec [OIIQ], 2006).
18.6.2
Le plan de soins et de traitements inrmiers (PSTI) doit prévoir de constants efforts de collaboration entre la cliente atteinte d’un trouble des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments, ses proches et l’équipe interdisciplinaire.
Analyse et interprétation des données
À la suite de son évaluation, l’inrmière dresse la liste des problèmes et des besoins prioritaires de
Troubles mentaux
18.6.3
Planication des soins
Symptômes cliniques TABLEAU 18.4
Boulimie
TYPES DE SYMPTÔMES
SYMPTÔMES
Physiques
• Déséquilibres liquidiens et électrolytiques possibles dus aux purgatifs − Hypokaliémie − Alcalose − Déshydratation − Œdème idiopathique • Problèmes cardiovasculaires − Hypotension − Arythmies cardiaques − Cardiomyopathie • Troubles endocriniens − Hypoglycémie − Dysfonctionnement menstruel possible • Problèmes gastro-intestinaux − Constipation ou diarrhée − Gastroparésie (c.-à-d. vidange gastrique retardée) − Reux œsophagien − Œsophagite − Syndrome de Mallory-Weiss (c.-à-d. déchirures de l’œsophage) − Érosion de l’émail dentaire − Hypertrophie des glandes parotides
Comportementaux
• Épisodes récurrents d’accès hyperphagiques (c.-à-d. consommation de grandes quantités de nourriture au cours d’une période limitée) • Utilisation de moyens purgatifs pour compenser les accès hyperphagiques tels que des vomissements provoqués, des laxatifs, des diurétiques, des comprimés amaigrissants, de l’ipéca ou des lavements ; exercices excessifs ; périodes de jeûne
Psychologiques
• • • • •
Perturbation de l’image corporelle Préoccupations excessives persistantes envers le poids, la forme et les proportions du corps Labilité de l’humeur et irritabilité Conception de soi dépendante du poids et de la forme du corps Discrétion et honte liées aux accès hyperphagiques et à la purge
La cliente pourra : • établir une relation de conance avec le personnel soignant et accepter d’être aidée ; • reconnaître le trouble des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments et les risques qui y sont liés ; • confronter sa phobie de prendre du poids ; • reconnaître les signaux de faim et de satiété ; • redécouvrir la notion de plaisir associée à la prise des repas ; • augmenter graduellement son apport nutritionnel an de viser une quantité adéquate de calories pour son âge, sa taille et ses besoins énergétiques ; • atteindre un poids sufsant pour diminuer les risques de problèmes de santé ;
• cesser la restriction alimentaire an de prévenir les accès hyperphagiques ; • maintenir des concentrations liquidiennes et électrolytiques sufsantes ; • retrouver un cycle menstruel normal ; Marjorie Leclerc est âgée de 18 ans. Elle mesure • montrer une vision plus 1,82 m et pèse 55 kg. Elle passe de longues minutes réaliste de son image corà se regarder dans le miroir lorsqu’elle se prépare porelle ; pour l’école, et chaque fois qu’elle passe devant un miroir ou une vitrine, elle se demande si elle est • faire usage de stratégies assez mince : « J’ai tellement peur qu’on me trouve d’adaptation plus efcaces en grosse », pense-t-elle. Marjorie se pèse chaque cas de difcultés ; semaine, son poids varie entre 54 et 56 kg. Elle est • démontrer une compréhenère d’elle lorsqu’elle atteint la limite inférieure et sion des enjeux sous-jacents se critique sévèrement lorsque celui-ci s’approche aux troubles des conduites de la limite supérieure. Quel symptôme psychoalimentaires et de l’ingestion logique de la boulimie Marjorie présente-t-elle ? d’aliments.
clinique
Jugement
Établir les résultats escomptés
18
Chapitre 18
Troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments
511
Collecte des données TABLEAU 18.5
Évaluation de la situation particulière de la cliente atteinte d’un trouble des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments
EXEMPLES DE QUESTIONS
JUSTIFICATIONS
• Quelle est votre préoccupation la plus importante en lien avec votre présence ici aujourd’hui ?
• Pour déterminer si la cliente est venue volontairement ou si elle y a été contrainte, et pour évaluer sa motivation à participer au traitement.
• Avez-vous déjà parlé à quelqu’un de votre trouble de l’alimentation ?
• Pour évaluer la capacité de la cliente de se révéler, et pour prendre connaissance de son anxiété et de son sentiment de honte, le cas échéant.
• Avez-vous déjà suivi une thérapie ?
• Pour obtenir de l’information sur les traitements antérieurs, y compris le nom du médecin traitant, les dates des traitements, leurs résultats et l’expérience de la cliente relative à ceux-ci.
• Décrivez l’évolution de votre poids et les émotions y étant associées au cours de votre vie. Précisez les données suivantes dans votre description : − poids actuel, y compris les uctuations des six derniers mois ; − poids désiré ; − poids minimal et maximal (excluant les grossesses) ; − perception de votre taille et de votre forme corporelle au cours de l’enfance et de l’adolescence ; − perception de votre taille et de votre forme corporelle actuelles ; − antécédents familiaux de troubles de l’alimentation ou d’obésité ; − antécédents familiaux de régimes amaigrissants ou de préoccupations envers la minceur ; − expériences liées au poids et à l’alimentation dans l’enfance.
• Pour déterminer le poids prémorbide de la cliente et ses perceptions antérieures et actuelles relatives à son corps.
• Quels sont vos sentiments par rapport à l’apparence de votre corps actuellement ?
• Pour évaluer le niveau d’insatisfaction de la cliente relativement à son corps et l’intensité de la déformation de son image corporelle.
• Évaluez vos antécédents de régimes amaigrissants. − Quand avez-vous suivi un régime amaigrissant pour la première fois ? − Qu’est-ce qui vous a incité à commencer ce régime ? − Que s’est-il passé pendant votre régime ? − Avez-vous perdu ou pris du poids ? − Quelqu’un vous a-t-il encouragé à perdre du poids ? − Quels moyens avez-vous utilisés pour perdre du poids ?
• Pour déterminer tout recours au jeûne, à un régime amaigrissant structuré, à une restriction alimentaire importante ou à des produits ou des programmes amaigrissants.
• Évaluez vos accès hyperphagiques. − Vous arrive-t-il d’absorber de grandes quantités de nourriture en peu de temps ? Si oui, pouvez-vous décrire comment se passe un épisode ? − Quand avez-vous eu votre premier épisode de boulimie ? − Avez-vous déterminé ce qui déclenche une crise ? − Ce comportement est-il gardé secret ?
• Pour recueillir de l’information sur les accès hyperphagiques habituels, y compris les moments et les endroits où ils se produisent, leur durée et leur fréquence, le type et la quantité de nourriture ingérée, et tout rituel ou comportement connexe.
ÉVALUATION INFIRMIÈRE
JUSTIFICATIONS
• Aider la cliente à déterminer les sentiments liés aux accès hyperphagiques : avant ceux-ci, pendant leur planication, et pendant et après la crise. Demander à la cliente de se concentrer sur les épisodes passés d’accès hyperphagiques et de répondre à la question suivante : Vous sentiez-vous envahie par des émotions difciles à gérer ?
• Pour déterminer la charge émotionnelle entourant l’accès hyperphagique.
• Pour évaluer également les facteurs psychologiques prémorbides et cibler des pistes de facteurs déclenchants.
• Pour déterminer la nature des accès hyperphagiques de la cliente an de planier un traitement efcace ; les habitudes de longue date sont généralement plus problématiques.
• Évaluer le désir et la capacité de la cliente à se laisser accompagner dans ses difcultés. • Évaluer le besoin irrésistible de manger de la cliente (p. ex., l’heure et le jour, l’étape du cycle menstruel, tout événement précipitant, toute émotion préalable, tout lien avec un lieu [p. ex., en automobile, au travail, à la maison ou au magasin]).
512
Partie 3
Troubles mentaux
• Pour déterminer si la cliente est capable d’établir un lien entre cette compulsion, le type d’émotions vécues et des moments ou des endroits particuliers.
TABLEAU 18.5
Évaluation de la situation particulière de la cliente atteinte d’un trouble des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments (suite)
ÉVALUATION INFIRMIÈRE
JUSTIFICATIONS
• Évaluer le comportement compensatoire de la cliente, notamment : − type (p. ex., des vomissements ; l’utilisation de diurétiques, de laxatifs, de comprimés amaigrissants, d’ipéca, d’amphétamines, de cocaïne ; les exercices ; le jeûne prolongé) ; − fréquence (nombre par semaine) ; − âge du premier comportement compensatoire ; − date du dernier comportement compensatoire.
• Pour déterminer les comportements compensatoires inadaptés et en évaluer la fréquence et les impacts sur la santé de la cliente.
• Évaluer les cycles menstruels de la cliente (c.-à-d. début des menstruations, régularité, syndrome prémenstruel, dysfonctionnement menstruel et hormonothérapie).
• Pour déterminer l’effet des comportements alimentaires dysfonctionnels sur le cycle menstruel.
• Évaluer les conséquences physiologiques associées au trouble de l’alimentation de la cliente en procédant à l’évaluation de la condition physique.
• Pour déterminer toute condition médicale concomitante.
• Évaluer la condition mentale de la cliente pour déterminer tout facteur concomitant (p. ex., des troubles dépressifs, des troubles anxieux, des troubles liés à une substance).
• Pour déterminer si d’autres facteurs compliquent le trouble de l’alimentation de la cliente.
• Déterminer les stratégies d’adaptation autres que le comportement alimentaire lorsque la cliente est confrontée à un stresseur en lui demandant : Que faites-vous habituellement quand vous vivez des moments difciles ?
• Pour évaluer la nature des ressources internes et externes que possède la cliente lorsqu’une difculté se présente à elle.
TABLEAU 18.6
Problèmes pouvant découler d’un trouble des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments
RISQUES CONCERNANT LA SÉCURITÉ OU LA SANTÉ DE LA CLIENTE
PERTURBATIONS PERCEPTUELLES, COGNITIVES ET ÉMOTIONNELLES
PROBLÈMES DE COMMUNICATION ET DE RELATION AVEC LES AUTRES
PERTURBATIONS DES STRATÉGIES D’ADAPTATION
• Idées suicidaires
• Anxiété
• Interactions sociales conictuelles
• Risque d’automutilation
• Troubles de concentration
• Isolement social
• Risque de déséquilibre électrolytique
• Image corporelle perturbée
• Stratégies d’adaptation inefcaces à l’égard des stresseurs
• Constipation
• Désespoir
• Céphalées
• Sentiment d’impuissance
• Étourdissements
• Faible estime de soi
• Non-adhésion au traitement • Déni du problème • Ambivalence suscitée par la réalimentation et la cessation des comportements compensatoires inappropriés
• Bradycardie • Hypotension • Apport nutritionnel inférieur aux besoins physiologiques de base
18.6.4
Exécution des interventions
Les PSTI destinés aux clientes atteintes de troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments présentent plusieurs objectifs communs, que la cliente souffre d’anorexie mentale ou de boulimie. Des interventions inrmières adaptées à la cliente, jumelées à des interventions en collaboration avec les autres professionnels de la santé, permettent de gérer les symptômes, de réduire les risques et de promouvoir le retour à un fonctionnement optimal.
18
Soins et traitements inrmiers L’inrmière qui travaille auprès d’une cliente ayant un trouble des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments doit mettre en œuvre un plan d’action comportant plusieurs volets PSTI 18.1. Celui-ci doit inclure des interventions comportementales visant la réduction ou l’arrêt du comportement alimentaire perturbé ainsi que des interventions psychologiques ayant pour but l’amélioration du bien-être émotionnel et des habiletés Chapitre 18
Troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments
513
Plan de soins et de traitements inrmiers PSTI 18.1
Anorexie mentale
Mélanie Cournoyer, âgée de 18 ans, est étudiante de deuxième année dans un collège en région ; elle est revenue chez ses parents, qu’elle n’avait pas vus depuis plusieurs mois, se disant incapable de se concentrer sur ses études en raison d’une trop grande fatigue. Ses parents ont été frappés par sa perte de poids et l’ont immédiatement conduite chez leur médecin, qui l’a fait hospitaliser pour une cachexie (elle pèse 43 kg et mesure 1,75 m) accompagnée d’hypokaliémie, d’anémie carentielle et d’arythmie cardiaque. Mélanie a mentionné qu’elle est au régime et suit un programme d’exercices
intensifs depuis 2 ans, mais qu’elle a toujours maintenu son poids dans une limite de 10 % de son poids idéal. Au cours de sa première année de collège, Mélanie a suivi une psychothérapie individuelle, mais elle avoue l’avoir abandonnée. À mesure qu’elle perdait du poids, Mélanie s’astreignait à un programme d’exercices de plus en plus rigide et consacrait de nombreuses heures à ses études pour réussir. Elle socialise rarement et n’a pas d’amis au collège. Elle minimise son amaigrissement, se plaint d’être grosse, est renfrognée et colérique, et elle veut quitter le centre hospitalier.
À la suite de son évaluation, l’inrmière formule les constats suivants et élabore un plan de soins avec madame Cournoyer. PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Apport nutritionnel insufsant lié à un refus de s’alimenter, ayant pour conséquence une perte de poids importante, de l’hypokaliémie et de l’arythmie cardiaque
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES ET JUSTIFICATIONS
• Consommation du nombre adéquat de calories pour l’âge, la taille et les besoins métaboliques (ou 75 % des repas)
• Planier la réalimentation en collaboration avec l’équipe soignante, pour assurer un apport nutritionnel quotidien adéquat.
• Atteinte d’un poids santé minimal à la n du séjour hospitalier • Prise d’environ 1 kg par semaine
• Établir un contrat avec des attentes et des conséquences claires, pour pallier le fait que la privation de nourriture n’est plus maîtrisable et que Mélanie ne peut pas recommencer à se nourrir par ses propres moyens. • Offrir quelques options de menus correspondant au programme de réalimentation, pour favoriser sa participation à son plan de traitement. • Peser Mélanie le dos tourné à la balance pour évaluer la progression de la prise de poids, pour éviter de contribuer à l’obsession de Mélanie concernant son poids.
PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Non-adhésion possible au plan de soins liée à l’ambivalence et à la crainte des changements de comportements attendus, qui se manifestent par la colère, le refus de se coner au personnel et les demandes pour obtenir son congé du centre hospitalier
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES ET JUSTIFICATIONS
• Reconnaissance de la gravité de la situation et de la nécessité de recevoir de l’aide
• Encourager la participation de Mélanie dans l’élaboration du traitement collaboratif, pour favoriser une alliance thérapeutique, renforcer sa maîtrise de la situation et réduire ses résistances.
• Partage des réticences et des peurs à entrer en relation
• Établir un contrat interdisciplinaire, avec des attentes et des conséquences claires, pour renforcer l’adhésion de Mélanie au traitement et réduire ses résistances. • Ébranler ses perceptions par des données factuelles (p. ex., lui fournir de l’information concernant les analyses de laboratoire, l’état médical), pour contrer les tendances de Mélanie à minimiser la gravité de son état. PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Image corporelle perturbée liée à l’insatisfaction concernant son corps, à la peur de prendre du poids et au fait de minimiser la perte de poids, alors que celui-ci correspond à un IMC < 17 kg/m2
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES ET JUSTIFICATIONS
• Perception réaliste du corps
• Favoriser l’expression des pensées et des sentiments concernant son corps, pour aider Mélanie à aborder les questions psychologiques liées à son image corporelle.
• Prise de conscience de la perception perturbée concernant l’image corporelle
• Donner de l’information factuelle sur le poids et la taille, an de favoriser une approche réaliste de la différence entre le poids santé et le poids réel. • Fournir une rétroaction constructive à Mélanie concernant les efforts qu’elle fournit dans le processus de changement en mettant l’accent sur ses forces, pour lui permettre de baser sa perception d’elle-même sur d’autres aspects que ceux d’une image strictement fondée sur l’apparence de son corps.
514
Partie 3
Troubles mentaux
relationnelles. Un environnement sécuritaire et structuré est essentiel pour prévenir l’automutilation, favoriser le gain de poids ou le rétablissement de l’équilibre nutritionnel, et aider la cliente à exprimer verbalement ses émotions. L’environnement clinique doit également permettre l’enseignement de stratégies d’adaptation plus efcaces, la surveillance de la prise de médicaments, le cas échéant, et la coordination des efforts interdisciplinaires de l’équipe de soins TABLEAU 18.7. La cliente atteinte d’anorexie mentale dont l’IMC est de moins de 14 et afchant une perte de plus de 30 % du poids normal attendu doit faire l’objet d’une étroite surveillance médicale (Steiger & Yaffe, 2012). Après l’évaluation initiale et le traitement des effets de la privation de nourriture (p. ex., l’hypophosphatémie, les déciences vitaminiques et minérales), l’inrmière surveille la cliente attentivement pendant la réalimentation en prenant soin de respecter un protocole individualisé, car ce dernier pourra varier selon la gravité de la dénutrition. Le syndrome de réalimentation, un risque lié au ralentissement du métabolisme, peut perturber le fonctionnement de certains organes vitaux et mettre la vie de la cliente en danger (Crenn & Melchior, 2007 ; Wilkins, 2012). L’inrmière peut contribuer à prévenir l’œdème, l’insufsance cardiaque congestive, l’hypophosphatémie (c.-à-d. une faible concentration de phosphate) et d’autres déséquilibres électrolytiques graves en respectant une réalimentation lente et en assurant une surveillance étroite (American Psychiatric Association Work Group on Eating Disorders, 2000).
L’ordre de priorité des interventions inrmières est établi en fonction des besoins de la cliente, du plus urgent au moins urgent TABLEAU 18.8.
Soins et traitements en interdisciplinarité Les troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion des aliments étant particulièrement complexes, leur traitement optimal nécessite l’apport d’une équipe interdisciplinaire. Celle-ci est habituellement composée d’intervenants de divers domaines, notamment des soins inrmiers, de la psychiatrie, de la médecine physique, de la psychologie, de la pharmacothérapie, de la nutrition clinique, du travail social, de l’ergothérapie et de l’orientation spirituelle, au besoin. Les rencontres d’équipe permettent de partager les données de l’évaluation initiale et des évaluations subséquentes an d’élaborer et d’adapter le plan d’intervention interdisciplinaire. Une inrmière ou un autre membre de l’équipe peut coordonner ce plan, auquel il est toujours souhaitable que la cliente participe. Les clientes atteintes de troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion des aliments graves sont souvent admises dans des unités psychiatriques ou de médecine générale, ce qui place l’inrmière dans un rôle de premier plan en matière de coordination de l’équipe de soins et de traitements. Le succès du traitement dépend largement de la collaboration de tous les membres de l’équipe.
CE QU’IL FAUT RETENIR
L’inrmière peut contribuer à prévenir l’œdème, l’insufsance cardiaque congestive, l’hypophosphatémie et déséquilibres électrolytiques graves en respectant une réalimentation lente et en assurant une surveillance étroite.
Enseignement à la cliente et à ses proches TABLEAU 18.7
18
Troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments
ENSEIGNEMENT À LA CLIENTE
ENSEIGNEMENT AUX PROCHES
• Encourager la cliente à communiquer ce qu’elle a appris au cours des thérapies de groupe et individuelles au sujet des aspects psychologiques du trouble de l’alimentation.
• Renseigner les proches sur les conséquences médicales du trouble de l’alimentation. • Souligner que les comportements alimentaires perturbés sont difciles à modier et que l’idée de prendre du poids ou d’arrêter les purges est terriante pour la cliente.
• Encourager la cliente à verbaliser directement ses pensées et ses sentiments à propos des interactions familiales. • Favoriser l’augmentation de sa tolérance envers ses sentiments de détresse.
• Expliquer que la cliente vit habituellement des problèmes psychologiques sous-jacents que l’équipe interdisciplinaire tentera de déterminer avec leur collaboration.
• Encourager la cliente à exprimer ses pensées et ses sentiments au cours des interactions thérapeutiques. • Encourager la cliente à préciser ses pensées et ses sentiments : De quoi avez-vous peur exactement ? ou Que voulez-vous dire au juste par « Je panique » ? • Favoriser le gain de poids selon le PSTI et décrire les comportements alimentaires perturbés ainsi que les signes précurseurs de rechute. • Prévenir la cliente de s’attendre à ne pas ressentir la faim en raison des effets de la privation de nourriture ou de la purge. Suivre le plan de repas, même si elle se sent rassasiée. • Prévenir la cliente de s’attendre à se sentir inconfortable dans son corps en raison de la pensée déformée et des déciences intéroceptives caractéristiques des troubles de l’alimentation.
Chapitre 18
• Expliquer comment l’anxiété de la cliente favorise des comportements de maîtrise qui peuvent entraîner une lutte de pouvoir et des comportements oppositionnels. • Expliquer aux proches le plan de repas et le fait qu’un nombre réduit de choix diminue l’anxiété de la cliente. • Mentionner aux proches que leurs tentatives bien intentionnées d’apporter leur aide se retourneront parfois contre eux, et les adresser à un organisme de soutien pour leur permettre d’exprimer leur détresse.
Troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments
515
Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 18.8
516
Partie 3
Intervenir auprès d’une cliente atteinte d’un trouble des conduites alimentaires
INTERVENTION
JUSTIFICATIONS
Offrir un environnement sécuritaire et adopter une approche chaleureuse.
• Assure la sécurité de la cliente, et prévient l’escalade de l’anxiété et les comportements oppositionnels.
Évaluer tout risque de suicide de la cliente (p. ex., des idées, des gestes ou des plans suicidaires).
• Prévient l’automutilation et les comportements autodestructeurs.
Favoriser l’alliance thérapeutique en ayant une approche adaptée aux besoins de la cliente.
• Encourage la cliente à partager ses pensées et ses émotions, y compris toute pulsion autodestructrice.
Rétablir le poids santé minimal et l’équilibre nutritionnel de la cliente grâce à un programme personnalisé. Pour l’anorexie mentale, cela comprend la réalimentation selon un protocole tenant compte de ses besoins précis et visant une prise de poids de 1 kg par semaine. Pour la boulimie, cela comprend également la prise de repas standardisés et la prévention du comportement compensatoire en favorisant la pratique d’une activité relaxante après les repas. Il peut également être souhaitable, dans certains cas, que l’inrmière offre une présence rassurante après la consommation d’un repas.
• Favorise la reprise d’un fonctionnement physiologique optimal grâce à un apport nutritionnel adapté.
Créer un environnement structuré et soutenant avec des limites claires, cohérentes et fermes.
• Aide à établir une routine prévisible et favorise la maîtrise interne qui manque à la cliente.
Établir un programme de privilèges en fonction des succès à gagner du poids.
• Offre un cadre thérapeutique dont les objectifs sont précis et encourage la participation de la cliente à son traitement.
Encourager la cliente à exprimer ses pensées, ses sentiments et ses préoccupations concernant son image corporelle.
• Aide la cliente à exprimer ses difcultés et à reconnaître ses cognitions erronées. Le soutien thérapeutique favorise la prise de conscience des enjeux sous-jacents aux comportements alimentaires perturbés et permet la recherche de stratégies d’adaptation appropriées pour favoriser le mieux-être.
Aider la cliente à se rappeler les expériences alimentaires passées associées à des émotions positives.
• Démontre que la cliente est capable d’avoir un comportement alimentaire approprié et lui donne de l’espoir.
Expliquer à la cliente que le manque d’appétit et la sensation rapide de satiété sont normaux au début du processus de réalimentation.
• Aide la cliente à participer à l’élaboration et au suivi du plan de soins et de traitements inrmiers et à accueillir les sensations corporelles liées à la prise des repas.
Intervenir auprès de la cliente anxieuse en l’aidant à améliorer sa tolérance à la détresse et en l’aidant à mettre en place des stratégies adaptatives.
• Aide la cliente à vivre l’expérience de l’anxiété en tant qu’émotion tolérable et gérable an de la soulager et de permettre l’amorce d’un processus de résolution de problèmes.
Renforcer positivement l’adhésion au plan de soins et l’atteinte des objectifs du programme individualisé. Par exemple : « Vous avez mangé trois nouveaux aliments cette semaine » ou « Vous exprimez vos émotions en groupe ».
• Contribue à l’amélioration de l’estime de soi, favorise l’adhésion au traitement et encourage l’adoption de comportements appropriés.
Engager la cliente dans des interactions et des groupes thérapeutiques (p. ex., une thérapie individuelle, une thérapie de groupe, une thérapie familiale).
• Encourage la cliente à tisser des liens de conance, à s’exprimer dans un environnement non menaçant, à reconnaître des sentiments et des conits internes ou externes, et à réduire l’isolement et le repli sur soi.
Travailler en collaboration avec l’équipe interdisciplinaire.
• Favorise une évaluation globale du problème et une mise en œuvre cohérente du PSTI.
Troubles mentaux
• Diminue l’anxiété ou toute autre émotion désagréable associée à la consommation d’un repas.
Diverses données indiquent que les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS), particulièrement la uoxétine (Prozacmd), sont efcaces dans le traitement de la boulimie, bien que la dose quotidienne nécessaire pour obtenir un effet « antiboulimique » soit généralement de 60 mg ou plus. Aucun médicament ne traite directement l’anorexie mentale, mais la uoxétine est efcace dans la prévention des rechutes de la cliente dont le poids est rétabli (Aigner, Treasure, Kaye et al., 2011 ; Kaye, Nagata, Weltzin et al., 2001 ; Mitchell, Peterson, Myers et al., 2001 ; Zhu & Walsh, 2002). Les antipsychotiques de deuxième génération ont aidé des clientes atteintes d’anorexie mentale de faible poids à tolérer l’agitation extrême due au gain de poids, ainsi que les clientes ayant des comportements obsessionnels-compulsifs (Mitchell et al., 2001). Le gain de poids considérable constitue un effet indésirable courant de ces médicaments, notamment l’olanzapine (Zyprexa md), la rispéridone (Risperdalmd) et la quétiapine (Seroquelmd). Cela peut apparaître comme un avantage dans le traitement de l’anorexie mentale, mais les clientes refusent souvent ces médicaments ou arrêtent de les prendre quand elles voient leur appétit augmenter soudainement. Une étude ayant porté sur l’aripiprazole (Abilifymd) révèle des résultats très prometteurs, car ce médicament réduit l’anxiété extrême associée à la prise de poids sans provoquer les mêmes effets indésirables, ce qui permet aux clientes de mieux tolérer le plan de réalimentation recommandé (Trunko, Schwartz, Duvvuri et al., 2011). Les ISRS sont prescrits pour traiter les troubles dépressifs concomitants au trouble des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments. Cela peut soulager sufsamment la dépression et l’anxiété pour que la cliente soit disposée à suivre une psychothérapie. Les antidépresseurs tricycliques peuvent également être utilisés, mais ils provoquent plus d’effets indésirables. Le bupropion (Wellbutrinmd) est contre-indiqué, car il réduit généralement le seuil de convulsions de la cliente ayant un trouble des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments. Le recours aux benzodiazépines se fait de façon prudente, et ces molécules ne sont généralement pas recommandées pour un traitement à long terme, car elles peuvent entraîner une dépendance. Les problèmes médicaux secondaires des troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments peuvent également être traités avec des médicaments. L’hypokaliémie est traitée avec des suppléments de potassium oraux ou intraveineux. Des suppléments de fer sont prescrits dans le cas d’anémie carentielle. La gastroparésie (c.-à-d. la vidange gastrique retardée) est traitée avec de la métoclopramide (Reglanmd) ou de la dompéridone. Des antibiotiques servent généralement au traitement de l’infection des glandes parotides. La dépendance
aux laxatifs est souvent traitée avec une combinaison d’émollients fécaux, de son, de bres, de liquides et de laxatifs en doses graduellement réduites. Si la cliente prend de très fortes doses (p. ex., de 50 à 100 comprimés de laxatifs en même temps), le sevrage soudain devient dangereux ; le sevrage graduel est donc effectué sous étroite surveillance.
Approches et thérapies Des interventions variées et adaptées provenant d’une équipe interdisciplinaire ont démontré leur efficacité dans le traitement des troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments (Steiger & Yaffe, 2012). Le traitement peut être individuel ou en groupe, selon les disponibilités des services et les besoins de la cliente. La thérapie individuelle permet d’établir un lien signicatif avec un intervenant et donne à la cliente l’occasion d’expérimenter la conance en l’autre. Les thérapies de groupe sur les troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments offrent à la cliente un environnement sûr pour se révéler et être comprise tout en évitant les bénéces secondaires liés au sentiment d’être « différente ».
Les types de thérapies de soutien nutritionnel sont expliqués dans le chapitre 54 du manuel de Lewis, S.L., Dirksen, S.R., Heitkemper, M.M., et al. (2016). Soins inrmiers – Médecine Chirurgie (2e éd.) Montréal, Québec : Chenelière Éducation.
Selon la gravité des symptômes et les réponses aux traitements antérieurs, il peut être nécessaire d’admettre la cliente dans un centre hospitalier, où seront combinés les traitements médicaux, psychologiques et nutritionnels (Institut universitaire en santé mentale Douglas, 2012). Voici quelques approches ayant prouvé leur efcacité. | Approche comportementale | Les stratégies comportementales pour favoriser le gain de poids, la renutrition, la modulation de l’exercice ainsi que l’arrêt des accès hyperphagiques et des purges sont utilisées dans les milieux cliniques. L’exposition au problème (p. ex., un aliment évité) combinée à la prévention du comportement compensatoire (p. ex., la purge) est une intervention comportementale applicable à la boulimie. Par exemple, si une cliente mange des aliments qu’elle avait l’habitude de s’interdire, l’inrmière prévient la purge en accompagnant la cliente pendant l’heure qui suit et en lui apportant le soutien émotionnel requis ENCADRÉ 18.3. | Approche cognitive | La plupart des clientes ayant des troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments entretiennent des croyances erronées au sujet de la nourriture, du poids, de l’image corporelle, du concept de soi et des relations interpersonnelles. L’approche cognitive, comme le suivi concernant ces pensées, la reconnaissance des distorsions, la remise en question de leur validité et Chapitre 18
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les ISRS sont prescrits pour traiter la dépression et l’anxiété concomitants au trouble des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments et faire en sorte que la cliente ait l’énergie nécessaire pour s’engager dans une psychothérapie.
clinique
Jugement
Pharmacothérapie
Annabelle Casavant, âgée de 14 ans, souffre d’anorexie mentale. Voulant l’aider à s’alimenter correctement, ses parents lui demandent toujours ce qu’elle voudrait manger pour les repas. Annabelle répond qu’elle ne le sait pas, car elle n’a jamais faim. Concernant le contenu des repas, quelle suggestion devriez-vous faire aux parents pour qu’Annabelle puisse faire un choix susceptible de l’inciter à manger plus ?
Troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments
517
18
Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 18.3
Évaluer la difculté de la cliente à ne pas recourir à un comportement compensatoire après l’ingestion d’aliments
• Si la cliente semble manger, mais qu’elle n’atteint pas le poids attendu, il se peut que le recours aux comportements compensatoires soit en cause. • An de l’aider à gérer l’anxiété suscitée par la prise d’un repas, l’inrmière peut accompagner la cliente :
CE QU’IL FAUT RETENIR
La tenue d’un journal alimentaire et émotionnel aide également la cliente à prendre conscience de son discours intérieur contraignant.
Encadré 18.2W : Thérapie familiale pour les clientes atteintes de troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments.
leur correction par des données plus rationnelles, fait partie du processus de traitement. La tenue d’un journal alimentaire et émotionnel aide également la cliente à prendre conscience de son discours intérieur contraignant. La thérapie cognitive a été adaptée aux jeunes adolescents, et cette approche donne des résultats positifs (Wilson & Sysko, 2006). La thérapie cognitivo-comportementale est une combinaison de remise en question des pensées et des croyances erronées et de modication des comportements alimentaires perturbés. | Thérapie familiale | Le principal objectif à court terme de la thérapie familiale est de réduire l’anxiété des proches et de favoriser leur participation au traitement. L’amélioration des interactions familiales constitue un objectif à plus long terme. L’éducation portant sur les troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments est essentielle, car la personne atteinte devient souvent le centre d’attention de la famille, ce qui mène à des luttes de pouvoir entre ses membres ; cela peut même engendrer un renforcement du comportement problématique . | Thérapie par l’art | La thérapie par l’art (art-thérapie) consiste à recourir à des activités non verbales telles que la fabrication d’objets d’art ou d’artisanat, la musique, la danse, l’écriture d’un journal et la poésie. Cet outil thérapeutique favorise l’expression d’émotions ou de conits intérieurs pour les clientes qui ont de la difculté à trouver les mots pour exprimer leur détresse. Cette forme de thérapie permet l’exploration de l’expérience interne, qui est particulièrement complexe chez les personnes atteintes de troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments. De plus, elle déjoue les résistances et l’attitude oppositionnelle très caractéristiques de cette clientèle en favorisant un mode d’expression moins directif. | Ergothérapie | L’ergothérapie aide la cliente atteinte de troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments à apprendre à planier ses repas, à acheter ses aliments et à cuisiner pour elle-même,
518
Partie 3
Troubles mentaux
– en déterminant les comportements compensatoires en cause et en ajustant le contrat avec la cliente. – en explorant avec la cliente des mesures alternatives pour éviter le recours aux comportements compensatoires (relaxation, verbalisation de l’anxiété, distraction, etc.)
particulièrement si son alimentation est inadéquate depuis de nombreuses années. Même si le plan de repas est établi par la nutritionniste, l’ergothérapeute peut aider la cliente à trouver les moyens pour le suivre. Il peut aussi lui enseigner des exercices adéquats permettant de modier le schéma d’exercices compulsifs et proposer des activités favorisant l’acceptation de l’image corporelle. | Éducation et orientation nutritionnelles | L’éducation et l’orientation nutritionnelles comprennent les tâches suivantes : le calcul du poids idéal de la cliente à l’aide du métabolisme basal et d’autres méthodes, la planication d’un programme de réalimentation et la planication des repas. Bien que les clientes ayant un trouble des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments soient obsédées par la nourriture, la plupart ont des connaissances erronées sur l’alimentation. Puisque la réalimentation et le maintien du rétablissement nécessitent un apport calorique de 30 à 50 % plus élevé que normalement, des conseils nutritionnels continus s’avèrent nécessaires (Weltzin, Fernstrom, Hansen et al., 1991).
18.6.5
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution
L’inrmière évalue le progrès de la cliente atteinte d’un trouble des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments de façon régulière et structurée en adaptant au besoin les interventions du PSTI et du plan d’intervention interdisciplinaire. L’évaluation de la cliente comprend les dimensions physiologique, comportementale, psychologique, sociale et culturelle en continu. Les résultats d’analyses de laboratoire, les signes vitaux, le poids, et l’ingestion de nourriture et de liquide fournissent les données permettant d’évaluer les réponses physiologiques au traitement. Il est également indiqué de consigner des observations sur l’humeur et l’affect de la cliente, son degré de participation au programme, ses comportements alimentaires spéciques, ainsi que ses interactions avec les pairs et
le personnel soignant. Une écoute active pendant les interactions individuelles ou de groupe procure des données supplémentaires permettant d’évaluer l’évolution des symptômes d’ordre psychologique
et social. L’évaluation des résultats escomptés révèle également l’efcacité des interventions de l’équipe de soins inrmiers et des autres membres de l’équipe interdisciplinaire ENCADRÉ 18.4.
Collecte des données ENCADRÉ 18.4
Signes de rétablissement
L’inrmière s’assure que la cliente pourra : • ne pas s’automutiler ;
• démontrer l’utilisation de stratégies d’adaptation appropriées en réaction au stress, à l’anxiété et à la dysphorie ;
• consommer la quantité adéquate de calories pour maintenir un poids santé minimal ;
• retrouver une maturité psychosexuelle congruente avec l’âge et le stade de développement ;
• montrer une capacité de suivre le traitement recommandé après le congé, à savoir l’adhésion au traitement pharmacologique, le cas échéant, le plan de nutrition, et la maîtrise des accès hyperphagiques et des purges ;
• établir et entretenir des interactions satisfaisantes dans les milieux familial et social ;
• verbaliser une prise de conscience des questions psychologiques liées à son comportement alimentaire perturbé et à son utilisation mésadaptée des aliments et de la maîtrise du poids comme tentative de résolution de ces questions ;
Analyse d’une situation de santé Fannie Lavoie, âgée de 16 ans, est en 5 e secondaire. Elle fait du patinage artistique depuis l’âge de huit ans et a commencé l’athlétisme au début de l’école primaire. Ses parents ont toujours été très exigeants quant à ses performances athlétiques. Ils ne vantaient que ses succès auprès de l’entourage familial sans jamais souligner ses efforts. Pour ne pas les décevoir, Fannie évitait les discussions et tentait d’appliquer leurs conseils, même si c’était contraignant pour elle : « Si la
• respecter les rendez-vous de suivi avec les intervenants impliqués tels que l’inrmière, le psychiatre et la nutritionniste an de consolider les acquis et prévenir les rechutes.
Jugement clinique honte est sur ma famille, ce sera uniquement à cause de moi », pensait-elle. Pour réussir, selon elle, il n’y avait qu’une bonne chose à faire an d’atteindre la perfection : elle devait se comporter comme une athlète olympique qui vise haut et s’astreindre à des habitudes spartiates. Tout autre comportement était vain.
18
Elle est actuellement hospitalisée à l’unité des troubles alimentaires pour anorexie mentale. Elle mesure 1,55 m et pèse 38 kg.
Mise en œuvre de la démarche de soins
Collecte des données – Évaluation initiale – Analyse et interprétation
SOLUTIONNAIRE
1. D’après les données de la mise en contexte, relevez les six facteurs qui ont pu contribuer au développement d’un trouble des conduites alimentaires chez Fannie. 2. En analysant ces données, quels autres troubles mentaux pourraient être concomitants au problème d’anorexie mentale de Fannie ? 3. Quel serait le pourcentage de poids que Fannie aurait perdu en fonction des normes relatives à l’IMC ?
Avant de recevoir le diagnostic d’anorexie mentale, Fannie pouvait manger un gros gâteau au complet, ou quatre ou cinq sandwiches au beurre
d’arachide d’aflée. Elle se faisait vomir par la suite et pouvait prendre jusqu’à six comprimés de laxatif par jour. Chapitre 18
écemment vu dans ce chapitre Considérant le potassium sérique à 3,3 mEq/L de Fannie, quel trouble concomittant cela peut-il engendrer ?
Troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments
519
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
4. À quel type d’anorexie mentale les comportements de Fannie correspondent-ils ?
Voici quelques résultats des analyses de laboratoire pour Fannie : Na : 133 mEq/L ; K : 3,3 mEq/L ; Cl : 94 mEq/L ; Fe : 9 μmol/L.
écemment vu dans ce chapitre
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
À propos des comportements compensatoires de Fannie, que devriez-vous inscrire dans les notes d’évolution ?
5. Comment devriez-vous interpréter ces résultats ? 6. Quelle autre analyse de laboratoire devriez-vous vérier dans le dossier de Fannie ? Justiez votre réponse. 7. Pourquoi devriez-vous vérier si Fannie a subi une ostéodensitométrie ?
Fannie est suivie par la nutritionniste pour la planification des repas. Elle rencontre un psychologue une fois par semaine et elle est suivie
par l’équipe interdisciplinaire. Fannie n’a pris que 500 g en une semaine.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
Planication des interventions – Décisions inrmières Voici un extrait du plan thérapeutique inrmier de Fannie. Extrait CONSTATS DE L’ÉVALUATION Date
Heure
N°
Problème ou besoin prioritaire
Initiales
2016-07-16 13:45
1
Anorexie mentale avec accès hyperphagique / purgatif
M.H.
2016-07-22 08:15
2
Prise de poids insufsante
M.H.
RÉSOLU / SATISFAIT Date
Heure
Professionnels / Initiales Services concernés
SUIVI CLINIQUE Date
Heure
N°
2016-07-22
08:15
1
Directive inrmière
Initiales
CESSÉE / RÉALISÉE Date
Heure Initiales
Appliquer le suivi standard pour anorexie mentale.
2
écemment vu dans ce chapitre Lors de l’entrevue, Fannie vous a coné qu’elle manque d’énergie et se dévalorise. Depuis quelques semaines, elle prend de moins en moins plaisir à faire ses entraînements et se demande si la vie vaut la peine d’être vécue tellement elle se sent triste. Quel problème suspectez-vous à partir de ces nouvelles données ? Justiez votre réponse.
520
Partie 3
Troubles mentaux
Signature de l’inrmière
Initiales
Programme / Service
Myléne Houde
M.H.
Unité des troubles de I’alimentation
Signature de l’inrmière
Initiales
Programme / Service
8. Ajoutez les éléments manquants aux contats de l’évaluation dans le plan thérapeutique inrmier de Fannie présenté ci-haut. 9. Écrivez une directive inrmière pour le problème numéro 2. 10. Nommez au moins trois renseignements sur Fannie que vous devriez fournir aux autres membres de l’équipe interdisciplinaire au cours des réunions.
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution 11. En plus du respect de la prise des repas selon le plan nutritionnel, quelle autre donnée fournirait des renseignements sur l’adhésion de Fannie à son plan de traitement ?
APPLICATION DE LA PENSÉE CRITIQUE Dans l’application de la démarche de soins auprès de Fannie, l’inrmière a recours à un ensemble d’éléments (connaissances, expériences antérieures, normes institutionnelles ou protocoles, attitudes professionnelles) pour analyser la situation de santé de la cliente et en comprendre les enjeux. La
FIGURE 18.4 illustre le processus de pensée critique
suivi par l’inrmière an de formuler son jugement clinique. Elle résume les principaux éléments sur lesquels l’inrmière s’appuie en fonction des données de cette cliente, mais elle n’est pas exhaustive.
VERS UN JUGEMENT CLINIQUE NORMES
EXPÉRIENCES
CONNAISSANCES • Divers types de troubles alimentaires • Facteurs étiologiques des troubles alimentaires • Caractéristiques des personnes ayant un trouble alimentaire (caractéristiques personnelles et familiales, comportements) • Troubles concomitants • Risques pour la santé • Traitements diététique, médical et psychothérapeutique des troubles alimentaires
• Champ d’exercice des divers professionnels impliqués dans une équipe interdisciplinaire • Respect des protocoles locaux de traitement des troubles alimentaires
• Expérience avec une clientèle ayant un trouble alimentaire • Expérience de travail auprès d’adolescents • Expérience personnelle ou d’une personne de son entourage ayant eu un trouble alimentaire • Expérience de collaboration en équipe interdisciplinaire
ATTITUDES • • • •
Être à l’écoute Éviter de juger Fannie Éviter de la « raisonner » Être cohérente au moment de l’élaboration des particularités du plan de traitement • Être ferme dans le respect des particularités du plan de traitement • Être compréhensive quant aux sentiments négatifs éprouvés par l’adolescente
PENSÉE CRITIQUE
ÉVALUATION • • • • • • • • • • • • • • •
Facteurs étiologiques, psychologiques, sociaux et familiaux du trouble alimentaire de Fannie Poids Calcul de l’IMC Détails de l’alimentation Comportements compensatoires (vomissements, exercices excessifs, usage de laxatifs) Sentiments éprouvés par Fannie concernant son image corporelle Estime de soi de Fannie Croyances et valeurs relativement à la nourriture, au poids et au corps Perception qu’a l’adolescente de son besoin de faire plaisir à ses parents Compréhension de son problème de santé Indices de trouble concomitant au trouble alimentaire Résultats des analyses de laboratoire Adhésion au plan de traitement Stratégies d’adaptation efcaces pour réagir au stress Implication des parents de Fannie dans le plan de traitement
18
JUGEMENT CLINIQUE FIGURE 18.4
Application de la pensée critique à la situation clinique de Fannie
Chapitre 18
Troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments
521
Chapitre
19
Troubles de l’alternance veille-sommeil
Écrit par : Nancy Stark Napolitano, EdD, MSN, RN Adapté et mis à jour par : Dalila Benhaberou-Brun, inf., M. Sc.
MOTS CLÉS
OBJECTIFS
Cauchemars . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 531 Hygiène du sommeil . . . . . . . . . . . . . . . . . 535 Hypersomnolence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 529 Insomnie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 529 Narcolepsie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 529 Somnambulisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 531 Terreurs nocturnes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 531 Troubles du sommeil liés à la respiration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 529 Troubles du sommeil liés au rythme circadien. . . . . . . . . . . . . . . . . . 531
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez être en mesure : • de décrire les caractéristiques du sommeil normal ; • de décrire les principaux troubles de l’alternance veille-sommeil ; • d’expliquer les facteurs associés aux troubles de l’alternance veille-sommeil, leurs signes et symptômes, ainsi que leurs liens avec les troubles mentaux ; • de reconnaître le caractère subjectif de l’appréciation du client sur la durée et la qualité de son sommeil ; • de nommer des outils qui permettent de détecter et d’évaluer les troubles de l’alternance veille-sommeil ; • de proposer des recommandations pour une bonne hygiène du sommeil ; • d’élaborer des plans de soins et de traitements infirmiers détaillés qui reflètent les meilleures pratiques ; • de décrire les principaux traitements pharmacologiques et non pharmacologiques des troubles de l’alternance veille-sommeil ; • d’évaluer l’efficacité des interventions interdisciplinaires pour promouvoir un sommeil réparateur.
Disponible sur • • • •
À retenir Carte conceptuelle Ressources Solutionnaire de l’Analyse d’une situation de santé
Guide d’études – RE12
522
Partie 3
Troubles mentaux
• • • •
Solutionnaire des questions de Jugement clinique Solutionnaire des questions Réactivation des connaissances Solutionnaire des questions Récemment vu dans ce chapitre Solutionnaires du Guide d’études
Concepts clés
Cette carte conceptuelle illustre schématiquement les principaux concepts décrits dans le présent chapitre. Sa lecture vous permettra d’avoir une vue d’ensemble des notions qui y sont présentées.
sont
Troubles de l’alternance veille-sommeil
causés par
causés par
dont
incluent
incluent
19
Chapitre 19
Troubles de l’alternance veille-sommeil
523
PORTRAIT
Jeanne Massé Jeanne Massé est une femme âgée de 55 ans qui souffre d’insomnie. Elle se rend à la clinique de son quartier pour une consultation, inquiète de se sentir très fatiguée. Elle déclare se réveiller fréquemment durant la nuit, une heure et demie à deux heures après s’être endormie. La cliente dit que ses problèmes de sommeil sont apparus à un moment où elle subissait un stress énorme en raison d’un nouveau diagnostic de diabète de type 2. Sa maladie est maintenant bien contrôlée, mais madame Massé continue à avoir de la difculté à dormir de façon ininterrompue. Elle a remarqué que son trouble du sommeil persistait à son retour au travail après un congé de maladie de deux mois. Quand l’inrmière l’interroge, la cliente dit être épuisée au réveil et ne pas avoir envie d’aller travailler le matin. Madame Massé est réceptionniste dans un bureau d’avocats. Les appels afuent, et elle se dit stressée quand elle répond aux clients, surtout dans les situations de crise. Madame Massé décrit avoir « des papillons » dans le ventre et des palpitations quand le téléphone sonne. Elle a peur de se tromper et se sent maladroite. Quand elle rentre le soir, elle pense à sa journée et est très affectée par les situations difciles qu’elle a vécues. Elle mange peu au souper et va se coucher en espérant pouvoir dormir sufsamment.
19.1 CONSEIL CLINIQUE
L’inrmière rencontre souvent des clients présentant des manifestations associées aux troubles du sommeil. En reconnaissant ces signes, elle est en mesure de parti ciper aux soins et traitements prodigués au client pour en atténuer le plus possible les effets néfastes. CE QU’IL FAUT RETENIR
Le stress, l’anxiété, des préoccupations peuvent nuire au sommeil durant un certain temps. Lorsque le problème persiste, la qualité de vie de la per sonne est affectée.
524
Partie 3
Caractéristiques générales
Le sommeil, essentiel à l’équilibre et à la survie, rétablit et répare l’organisme (Saladin, 2010). Il est déni comme un état d’inconscience partielle à laquelle on peut mettre fin par une stimulation (McKinley, O’Loughlin & Bidle, 2013 ; Saladin, 2010). Nous dormons environ le tiers de notre vie, bien que la durée idéale de sommeil varie considérablement d’une personne à l’autre. Certaines personnes ont besoin de neuf heures de sommeil pour se sentir reposées, alors que quatre à cinq heures sont pleinement satisfaisantes pour d’autres. De plus, la quantité de sommeil dont une personne a besoin diminue au cours des années. Tout le monde a fait l’expérience d’un manque de sommeil plus ou moins important et d’en avoir ressenti des effets tels que l’irritabilité, la fatigue ou la somnolence durant la journée. Le stress, l’anxiété, des préoccupations peuvent nuire au sommeil durant un certain temps. Lorsque le problème persiste, la qualité de vie de la personne est affectée. La capacité d’attention et l’efcacité au travail diminuent. Les relations familiales et sociales sont affectées. Le
Troubles mentaux
manque de sommeil réduit la fonction immunitaire et accroît le risque d’être atteint d’affections telles que les maladies coronariennes ou l’hypertension artérielle (National Institutes of Health, 2006). Les troubles mentaux et les perturbations du sommeil sont intimement liés (Costa e Silva, 2006). Ils coexistent généralement avec le trouble dépressif caractérisé, le trouble bipolaire et le trouble d’anxiété généralisée (American Psychiatric Association [APA], 2015). Ils constituent souvent un signe d’un nouvel épisode psychotique chez la personne atteinte d’un trouble mental grave. Le DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (APA, 2015) distingue principalement l’insomnie, l’hypersomnolence, la narcolepsie, les troubles du sommeil liés à la respiration, les troubles de l’alternance veille-sommeil liés au rythme circadien (ou troubles du sommeil liés au rythme circadien), les troubles de l’éveil en sommeil non paradoxal (somnambulisme et terreurs nocturnes), les cauchemars et les troubles du comportement en sommeil paradoxal.
19.1.1
Structure du sommeil
L’activité électrique des neurones dans le cortex cérébral produit des ondes pouvant être enregistrées sous forme de tracé au moyen d’un électroencéphalogramme (EEG). L’amplitude et la fréquence de ces ondes cérébrales se modient selon les différents stades du sommeil (Saladin, 2010). Elles peuvent être groupées en quatre classes : les ondes alpha, bêta, thêta et delta. Un sommeil réparateur comprend normalement deux phases distinctes : le sommeil à ondes lentes ou sommeil lent (et ses quatre stades : 1, 2, 3 et 4) et le sommeil à activité rapide (ou sommeil rapide ou sommeil paradoxal) (Sadock, Sadock & Ruiz, 2014). Les ondes alpha (de 8 à 12 cycles par seconde) et bêta (de 18 à 25 cycles par seconde) s’observent chez les adultes éveillés : les ondes bêta sont associées à un état alerte, tandis que les ondes alpha caractérisent l’état de relaxation précédant le début du sommeil alors que la personne a les yeux fermés. Les ondes thêta (de 4 à 7 cycles par seconde) et delta (de 0,5 à 2 cycles par seconde) sont des ondes de basse fréquence. Les ondes thêta correspondent au sommeil léger, au cours du stade 1 du sommeil lent ; les ondes delta sont associées au sommeil profond, pendant les stades 3 et 4 du sommeil lent (Yoost & Crawford, 2016). Durant le cycle de sommeil à ondes lentes, une personne entre d’abord dans le premier des quatre stades du sommeil, qu’elle répète ensuite de manière cyclique durant tout l’épisode de sommeil, de la façon suivante : • Après avoir fermé les yeux, elle glisse au stade 1 du sommeil lent, soit dans un sommeil léger
(Saladin, 2010). Ce stade du cycle du sommeil est caractérisé par la présence de plusieurs ondes alpha, et la personne est facilement réveillée. • La personne passe ensuite au stade 2, au cours duquel il sera moins facile de la réveiller. L’EEG de ce stade montre de hauts complexes K (ondes cérébrales rapides générées par le thalamus) suivis de fuseaux du sommeil à une fréquence de 12 à 14 Hz (Sadock et al., 2014). • Peu de temps après, la personne entre dans le stade 3 du sommeil lent, et une activité électrique thêta et delta apparaît sur les tracés d’EEG (Rhoades & Bell, 2013). Durant ce stade, la valeur des signes vitaux (température corporelle, pouls, fréquence respiratoire et pression artérielle) est habituellement inférieure aux valeurs de référence, et la personne se trouve dans un état de sommeil plus profond que dans les deux stades précédents. • Ensuite, le dormeur entre graduellement dans le stade 4 du sommeil lent. Le réveil devient alors difcile. Les signes vitaux sont généralement à leur plus bas niveau, les muscles sont très relâchés, et l’activité électrique cérébrale enregistrée par l’EEG montre une prédominance de l’activité des ondes delta (des ondes lentes) FIGURE 19.1. Par la suite, la personne entre dans la phase active du sommeil, ou sommeil à activité rapide, ou sommeil paradoxal. La première période de sommeil paradoxal se produit environ 90 minutes après que la personne s’est endormie pour la première fois ; les périodes subséquentes se présentent 4 ou 5 fois pendant l’épisode de sommeil, à des intervalles de 90 minutes. Chaque période de
sommeil paradoxal dure habituellement de 5 à 30 minutes, selon la personne. Par exemple, si celle-ci est extrêmement fatiguée, le sommeil paradoxal est plus court ou ne se présente pas du tout durant l’épisode de sommeil. Toutefois, lorsque la personne devient moins fatiguée, la fréquence et la durée des périodes de sommeil paradoxal augmentent généralement au l de la nuit.
Complexe K : Sur un tracé d’électroencéphalogramme, onde cérébrale rapide et de grande amplitude générée par le thalamus qui caractérise le sommeil de stade 2 et qui illustre le passage de l’éveil au sommeil lent profond.
Le sommeil paradoxal est un état d’activité cérébrale. Pendant cette phase du sommeil, il y a une augmentation du métabolisme cérébral, et les ondes cérébrales ressemblent à celles qui sont observées pendant l’état de veille. Le nom de ce stade lui vient du paradoxe apparent créé par l’importante activité électrique cérébrale chez une personne difcile à réveiller. Le sommeil paradoxal se caractérise par une paralysie musculaire. Le tonus musculaire est supprimé, tandis que la température corporelle, les fréquences cardiaque et respiratoire ainsi que la pression artérielle augmentent. Ainsi, l’atonie musculaire permet d’empêcher que les mouvements accomplis dans les rêves soient vraiment effectués dans la réalité. Les rêves surviennent généralement durant le sommeil paradoxal. Ceux-ci seraient liés aux mouvements oculaires rapides observés durant ce stade du sommeil, d’où provient sa désignation en anglais, le REM sleep (pour Rapid Eye Movement Sleep). Le sommeil paradoxal est très important pour la consolidation de la mémoire.
Fuseau du sommeil : Bouffée d’activité de 8 à 14 Hz et de 50 à 150 microvolts d’amplitude durant le stade 2. Elle dure une ou deux secondes et est produite par des interactions entre neurones thalamiques et neurones corticaux.
La structure normale du sommeil et les besoins de sommeil varient au cours de la vie FIGURE 19.2. Le nouveau-né dort en moyenne 16 heures par jour environ, dont la moitié se passe en sommeil paradoxal. L’enfant consolide généralement la structure de son sommeil durant les toutes premières années de sa vie, et, à l’âge de quatre ans, il dort généralement par blocs ininterrompus sans avoir besoin d’une sieste pendant la journée. À mesure que l’enfant vieillit, ses besoins de sommeil nocturne se réduisent habituellement, de sorte qu’à l’adolescence, ils s’apparentent à ceux de l’adulte. La structure du sommeil des jeunes adultes montre qu’ils passent 25 % de leur temps total de sommeil en sommeil paradoxal, alors que les adultes d’âge moyen et les personnes âgées y passent encore moins de temps. La structure du sommeil devient plus fragmentée avec le vieillissement, ce qui peut expliquer le besoin de faire une sieste durant la journée, notamment chez les personnes âgées.
19.1.2
FIGURE 19.1 Tracés de l’activité cérébrale associés à un état d’éveil alerte, à un état de relaxation et à divers stades du sommeil
CE QU’IL FAUT RETENIR
Le sommeil paradoxal est un état d’activité cérébrale et est très important pour la consolidation de la mémoire.
i L’histoire de la médecine du sommeil est relatée sur le site Sommeil et médecine générale au www.sommeil-mg.net.
19
Rythmes circadiens
La répétition régulière du cycle veille-sommeil est un exemple de rythme circadien (de circa diem qui signie « presque un jour ») physiologique fortement inuencé par l’horloge biologique interne de l’organisme. Situé sous l’hypothalamus, le noyau suprachiasmatique agit comme une horloge. Ce régulateur biologique permet de régler les intervalles veille-sommeil selon un schéma Chapitre 19
Noyau suprachiasmatique : Structure cérébrale située à la base de l’hypothalamus qui est responsable de la régulation du rythme circadien.
Troubles de l’alternance veille-sommeil
525
la libération de mélatonine pour synchroniser l’état de veille et le sommeil à l’aide des signaux externes de lumière et d’obscurité. Une personne dont les habitudes de sommeil jour-nuit sont relativement normales traverse généralement un cycle récurrent de sommeil et d’état de veille à l’intérieur d’une période dénie de 24 heures sous l’inuence de l’horloge biologique de son organisme. Toutefois, si les signaux de clarté et d’obscurité sont perturbés d’une façon ou d’une autre (p. ex., en raison d’un horaire de nuit ou d’un voyage à travers plusieurs fuseaux horaires), la personne connaîtra très probablement une perturbation du sommeil en raison de l’interruption des signaux régulateurs du sommeil, soit la clarté et l’obscurité de l’environnement externe.
19.2
Étiologie
Les troubles de l’alternance veille-sommeil, ou troubles du sommeil, comprennent les dyssomnies et les parasomnies. Ils résultent d’anomalies endogènes des mécanismes physiologiques générateurs ou régulateurs des états de veille et de sommeil ENCADRÉ 19.1. Cependant, ils sont souvent favorisés par des facteurs conditionnants (p. ex., des facteurs génétiques).
FIGURE 19.2
Cycles du sommeil normal
éactivation des connaissances Nommez au moins deux phénomènes biologiques régulés par les rythmes circadiens.
526
Partie 3
cyclique de 24 heures en raison de sa sensibilité aux signaux externes de lumière et d’obscurité. La lumière du soleil ou d’autres types de lumière articielle créeraient la stimulation neurosensorielle nécessaire aux photorécepteurs de la rétine. Cette stimulation aurait pour effet d’inhiber la libération de mélatonine (un médiateur chimique qui favorise le sommeil) par la glande pinéale. Lorsque cela se produit, un état de veille s’installe durant les heures de clarté. Par opposition, l’obscurité favorise le sommeil en résultat de la libération de mélatonine. Par conséquent, au cours d’une période de 24 heures, l’horloge biologique inhibe puis stimule
Troubles mentaux
Plusieurs facteurs peuvent expliquer les troubles du sommeil ENCADRÉ 19.2. Les facteurs biologiques et physiques se dénissent par la perturbation physiologique des mécanismes du sommeil, qui peut être endogène (p. ex., une perturbation génétique) ou exogène (p. ex., une perturbation due à une substance). Les facteurs psychiatriques incluent les émotions ou les comportements (p. ex., l’anxiété ou l’irritabilité) ou même les troubles mentaux (p. ex., les troubles anxieux ou dépressifs ou bipolaires) qui peuvent perturber le sommeil. Les inuences extérieures à la personne (p. ex., le bruit) constituent les facteurs socioculturels ou environnementaux. Il existerait ainsi plusieurs facteurs de risque de l’insomnie : le style de personnalité (perfectionnisme), une tendance à refouler ses émotions, le sexe féminin, des problèmes médicaux et psychologiques et une hyperactivation mentale (Morin, 2009).
19.2.1
Facteurs biologiques et physiques
Biochimie et neurologie Plusieurs processus biochimiques et neurologiques complexes inueraient directement ou indirectement sur le cycle veille-sommeil, synchronisé par la lumière. Des variations journalières du fonctionnement neuroendocrinien agiraient sur certaines
régions du cerveau pour régir le sommeil et l’état de veille (Drake, 2010). Certains neurotransmetteurs, telles l’adénosine, l’acétylcholine et la mélatonine, ont pour fonction de favoriser le sommeil, alors que la sérotonine, l’hypocrétine et la noradrénaline maintiennent plus probablement l’état de veille. Dès lors, certaines modications biochimiques des neurotransmetteurs tels que la sérotonine, la mélatonine, la noradrénaline et la dopamine pourraient jouer un rôle majeur dans le dérèglement du sommeil et de l’état de veille. Un déséquilibre physiologique de ces médiateurs chimiques augmente la probabilité qu’une personne voie la structure de son sommeil perturbée. Par exemple, la narcolepsie serait attribuable à une carence en hypocrétine, un neurotransmetteur produit par l’hypothalamus. Cette carence serait due à une réaction auto-immune causée par des facteurs génétiques ou environnementaux. Le syndrome des jambes sans repos, aussi appelé impatience musculaire, se manifeste à l’éveil et est aggravé au moment du coucher. Il constitue un désordre neurologique. Contrairement à l’impatience musculaire, les mouvements périodiques des jambes (secousses répétées, brèves et de faible amplitude) se produisent pendant le sommeil (Haba-Rubio, Heinzer, Tafti et al., 2012).
Génétique Certains types de troubles du sommeil seraient liés à une prédisposition génétique ou familiale. Par exemple, il existe une association assez constante entre une prédisposition familiale et l’insomnie (Beaulieu-Bonneau, LeBlanc, Mérette et al., 2007).
Problèmes de santé physique Les perturbations du sommeil comme l’insomnie, la somnolence diurne et la fragmentation du sommeil peuvent aussi être dus aux effets physiologiques directs qu’un état pathologique physique produit sur le système veille-sommeil. Ainsi, les maladies cardiovasculaires, l’hypertension ou les problèmes gastro-intestinaux peuvent perturber le sommeil. Par exemple, il y a souvent une fragmentation du sommeil chez les clients qui souffrent de douleur chronique causée par la bromyalgie, certains cancers ou encore par les maux de dos. Des perturbations de la structure du sommeil peuvent aussi survenir quand une modication biochimique entraîne chez le client une pathologie comme le diabète ou l’hypothyroïdie.
Substances Plusieurs médicaments nuisent au sommeil, la plupart des psychotropes notamment, surtout lorsqu’ils sont pris sur de longues périodes (Sloan, 2013). Par exemple, les benzodiazépines et les somnifères
ENCADRÉ 19.1
Troubles du sommeil
DYSSOMNIES
PARASOMNIES
Elles sont caractérisées par des anomalies de la quantité, de la qualité et de la synchronisation du sommeil :
Elles sont caractérisées par un comportement anormal ou par des manifestations physiologiques qui se produisent en association avec le sommeil, pendant des stades précis du sommeil ou au cours des transitions veille-sommeil :
• Insomnie • Hypersomnolence • Narcolepsie
• Troubles de l’éveil en sommeil non paradoxal : somnambulisme, terreurs nocturnes
• Troubles du sommeil liés à la respiration • Troubles du sommeil liés au rythme circadien, dont il existe plusieurs types (p. ex., le type avec retard ou avance de phase, le type changement de fuseaux horaires, le type lié au travail posté)
• Cauchemars • Trouble du comportement en sommeil paradoxal • Syndrome des jambes sans repos
Source : Adapté de APA (2004 ; 2015).
Facteurs de risque ENCADRÉ 19.2
Facteurs de risque des troubles du sommeil
FACTEURS BIOLOGIQUES ET PHYSIQUES
• Personnalité
• Neurotransmission
• Irritants
• Prédisposition génétique
• Tendance à refouler les émotions
• Effets des médicaments (p. ex., les antihis taminiques, les hypnotiques, les anxiolytiques, les antidépresseurs, les benzodiazépines)
• Troubles mentaux FACTEURS SOCIOCULTURELS
• Usage de substances offertes en vente libre, qui peuvent interférer avec les autres médicaments prescrits • Consommation excessive de caféine, de nicotine ou d’alcool • Problèmes de santé physique (p. ex., des douleurs) FACTEURS PSYCHOLOGIQUES ET PSYCHIATRIQUES
• Dépendance aux nouvelles technologies (p. ex., le téléphone portable, l’ordinateur) • Négligence des signes du sommeil FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX
19
• Bruit • Lumière • Matelas inconfortable • Température excessive • Mouvements du conjoint dans le lit, etc.
• Anxiété • Croyances et attitudes envers le sommeil Source : Adapté de Morin (2009).
prolongent le sommeil, mais en diminuent la durée des stades les plus profonds, soit le sommeil lent ou le sommeil paradoxal. L’arrêt des médicaments entraîne le retour de l’insomnie, d’où le fort potentiel de dépendance, outre celui de tolérance qui les caractérise. Certains antidépresseurs peuvent diminuer la qualité du sommeil. C’est aussi le cas de médicaments tels que les bronchodilatateurs ou les bêtabloquants, entre autres. Des médicaments offerts en vente Chapitre 19
Troubles de l’alternance veille-sommeil
527
Jugement
clinique Justin Malenfant est âgé de 56 ans. Il fait de l’insom nie depuis peu, un phénomène nouveau, et il dit ne pas avoir changé ses habitudes de sommeil. Il prend les médicaments suivants depuis une semaine pour un problème cardiaque : chlorhydrate de labetalol (Labétalolmd), amiodarone (Cordaronemd), gembro zil (Lopidmd). Il prend également de la lévothyroxine (Synthroidmd) pour de l’hypothyroïdie. Parmi ces mé dicaments, lesquels pourraient expliquer l’insomnie du client ?
libre (p. ex., les produits pour couper l’appétit), de même que certains produits naturels affectent également le sommeil.
L’alcool fragmente le sommeil (Éduc’alcool, 2011). Bien qu’il puisse favoriser l’endormissement, il affecte les séquences du sommeil profond et du sommeil léger. De plus, il entraîne des périodes d’éveil, surtout pendant la deuxième partie de la nuit. Différentes drogues, les androgènes et stéroïdes anabolisants (des substances dopantes habituellement consommées par les sportifs pour améliorer leurs performances), les stimulants (amphétamines, cocaïne, caféine, éphédrine), de même que la nicotine, entraînent également, de différentes façons, des effets nuisibles sur le sommeil.
19.2.2
Facteurs psychologiques et psychiatriques
Les troubles du sommeil peuvent être associés à des problèmes de santé mentale, principalement aux névroses, aux troubles phobiques, aux troubles de la personnalité, aux troubles psychotiques ou encore aux troubles dépressifs. Les médicaments psychotropes entraînent d’ailleurs des modications de la structure du sommeil (p. ex., l’insomnie, les cauchemars). Bruxisme : Grincement des dents durant la nuit. Peut occa sionner une usure anormale des dents et des dommages au tissu périodontal.
11 Les symptômes des troubles dépressifs et bipolaires, dont l’insomnie, sont l’objet du chapitre 11, Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés. CE QU’IL FAUT RETENIR
L’insomnie fait partie des critères diagnostiques de plusieurs troubles mentaux, notamment les troubles dépressifs caractérisés, le trouble dépressif persis tant, les troubles bipolaires et le trouble d’anxiété généralisée.
528
Partie 3
Les clients souffrant d’insomnie et de bruxisme notamment rapportent d’habitude que l’apparition de leurs problèmes de sommeil a suivi l’arrivée soudaine de stresseurs psychologiques. Certaines perturbations de la structure du sommeil coexistent en particulier avec des troubles dépressifs ou bipolaires et des troubles anxieux (Putnins, Grifn, Fitzmaurice et al., 2012). Il arrive qu’il soit difcile de déterminer si le trouble du sommeil est le précurseur du trouble mental ou si c’est ce dernier qui a déclenché de quelque manière la perturbation de la structure du sommeil. D’ailleurs, l’insomnie fait partie des critères diagnostiques de plusieurs troubles mentaux, notamment les troubles dépressifs caractérisés, le trouble dépressif persistant, les troubles bipolaires et le trouble d’anxiété généralisée 11 .
19.2.3
Facteurs socioculturels
La privation volontaire de sommeil cause des problèmes de sommeil à la fois chez les adolescents et chez les adultes. Les couchers tardifs des adolescents, les travaux et les horaires scolaires exigeants ainsi que les obligations sociales sont quelques-uns des nombreux facteurs qui représentent des dés pour l’atteinte et le maintien de la quantité nécessaire de sommeil réparateur.
Troubles mentaux
19.2.4
Facteurs environnementaux
La lumière trop intense, le bruit, la température de la chambre trop élevée ou encore un lit inconfortable constituent des éléments environnementaux qui peuvent nuire à la qualité du sommeil.
19.3
Épidémiologie
En raison de la nature généralement temporaire des troubles du sommeil et de l’absence de diagnostics formels, certains de ces troubles demeurent sous-estimés et ne sont jamais signalés. Au pays, 40 % des Canadiens ont rapporté avoir des problèmes ponctuels d’insomnie, incluant des troubles chroniques. Presque tout le monde se trouve confronté à une perturbation du sommeil au cours de sa vie, fréquence qui augmente avec l’âge, et les femmes sont deux fois plus souvent touchées que les hommes (Léger, Ohayon, Beck et al., 2010).
19.3.1
Dyssomnies
L’insomnie est l’un des troubles du sommeil les plus fréquents au Canada, tout comme dans les autres pays industrialisés. Alors que certaines personnes connaissent de brèves périodes d’insomnie tout au long de leur vie, il est estimé que 3,3 millions de Canadiens âgés de plus de 15 ans ont un problème d’insomnie qui peut perturber leur fonctionnement quotidien. La prévalence de ce trouble augmente avec l’âge, et elle est plus élevée chez les femmes dans tous les groupes d’âge. L’hypersomnolence et la narcolepsie sont deux types de troubles du sommeil caractérisés par une somnolence diurne excessive. La narcolepsie est la plus étudiée. L’apparition des symptômes de narcolepsie se situe en général durant la puberté ou l’adolescence. La narcolepsie touche environ 1 personne sur 2 000 au Canada et demeure difcile à diagnostiquer. Cette difculté s’explique probablement par le fait que le trouble est confondu avec d’autres causes communes de somnolence diurne excessive. Les personnes ayant un trouble de l’alternance veille-sommeil lié au rythme circadien du sommeil cherchent rarement un traitement médical. Il est par conséquent difcile d’estimer la prévalence réelle de ce trouble qui se présente sous plusieurs formes. Le syndrome de retard de phase (ou endormissement retardé) touche jusqu’à 4 % des adultes et près de 7 % des adolescents. Le syndrome d’avance de phase touche plutôt les personnes âgées. Enn, le trouble du sommeil lié au travail posté et les perturbations liées au décalage horaire entraînent souvent des symptômes invalidants. Ainsi, au Canada, environ un tiers des personnes actives travaillent de soir, de nuit ou
19.3.2
Parasomnies
Des cauchemars peuvent survenir à n’importe quel âge chez les personnes des deux sexes. Il s’agit de rêves effrayants récurrents qui interrompent le sommeil et provoquent une vive angoisse chez le client ou des perturbations majeures de son fonctionnement social ou professionnel. Un enfant qui fait des cauchemars est habituellement capable de s’en souvenir (ce qui n’est pas le cas ordinairement chez l’enfant qui a des terreurs nocturnes), et ce trouble disparaît le plus souvent avec l’âge. Les terreurs nocturnes touchent de 1 à 6 % des enfants, et elles sont plus fréquentes chez les garçons que chez les lles. Ces perturbations du sommeil se produisent généralement chez des enfants âgés de 4 à 12 ans, les épisodes survenant d’habitude durant les cycles de sommeil à ondes lentes. Le somnambulisme apparaît en général vers l’âge de 4 à 8 ans, et sa prévalence la plus élevée s’observe chez les enfants de 12 ans. Ce trouble, comme les terreurs nocturnes, est plus fréquent chez les garçons que chez les lles. Les terreurs nocturnes et le somnambulisme ont tendance à se retrouver chez les membres d’une même famille (Sadock et al., 2014). Enfin, le trouble du comportement en som meil paradoxal aurait une prévalence d’environ 0,5 % chez les adultes, principalement les plus âgés, et serait associé à certaines maladies dégé nératives comme la maladie de Parkinson (Trotti, 2010).
19.4
Description clinique
Parce que les troubles du sommeil sont variés et qu’il peut être difcile d’en faire le diagnostic, il est important de connaître leurs principales manifestations. Certains troubles du sommeil peuvent être confondus ou sous-estimés et mener à un diagnostic erroné. L’inrmière est en mesure de décrire et de distinguer les principaux troubles du sommeil, notamment ceux liés à un trouble mental ou à une substance.
19.4.1
Dyssomnies
et provoque une détérioration importante du fonctionnement quotidien, social ou professionnel de la personne ENCADRÉ 19.3.
Hypersomnolence L’hypersomnolence est caractérisée par une prolongation du temps de sommeil durant la nuit ou par une somnolence durant la journée (APA, 2015) ENCADRÉ 19.4. Elle peut se manifester par un endormissement très rapide et une durée de sommeil nocturne supérieure à neuf heures.
Narcolepsie La narcolepsie constitue une attaque de sommeil qui dure de 15 à 20 minutes ; l’épisode est soudain, imprévisible et se répète plusieurs fois par jour. Une personne atteinte de narcolepsie peut ainsi tomber endormie alors qu’elle s’adonne à une activité, comme conduire une voiture, manger ou interagir avec d’autres personnes FIGURE 19.3.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les cauchemars sont des rêves effrayants récurrents qui interrompent le sommeil et provoquent une vive angoisse chez le client ou des perturbations majeures de son fonctionnement social ou professionnel.
En plus d’être aux prises avec une somnolence diurne excessive, environ 70 % des personnes narcoleptiques sont aussi atteintes de cataplexie, un signe courant du trouble. La cataplexie est une perte subite du tonus musculaire et des mouvements musculaires volontaires (APA, 2015). Des expériences émotionnelles vives, comme rire ou pleurer, peuvent provoquer cette réaction. Les personnes atteintes de cataplexie rapportent aussi une paralysie du sommeil : elles sont incapables de parler ou de bouger juste avant ou immédiatement après une brève attaque de sommeil. La narcolepsie est également associée à des hallucinations souvent terriantes, qui traumatisent les personnes qui en sont victimes (Société canadienne du sommeil, 2007). Certaines déclarent avoir eu des hallucinations ou connu des expériences perceptuelles pénétrantes, soit en se réveillant d’un bref épisode de sommeil (hallucinations hypnopompiques), soit en y entrant (hallucinations hypnagogiques). Le terme tétrade narcoleptique est parfois utilisé pour désigner ces quatre symptômes de la narcolepsie : 1) somnolence diurne excessive ; 2) cataplexie ; 3) paralysie du sommeil ; 4) hallucinations (Doghramji, Lieberman & Gordon, 2007).
Insomnie
Troubles du sommeil liés à la respiration
L’insomnie se caractérise par la difculté de s’endormir ou de rester endormi ou par le fait de se réveiller trop tôt, avec la sensation de ne pas avoir un sommeil réparateur pendant au moins trois mois (APA, 2015). Ce trouble du sommeil entraîne généralement une somnolence diurne excessive
Les troubles du sommeil liés à la respiration se caractérisent par un fractionnement du sommeil qui résulte d’une affection respiratoire, comme le syndrome d’apnée obstructive Chapitre 19
19
clinique
Jugement
en rotation (Vallières, Azaiez, Moreau et al., 2014), et, chaque année, des millions de voyageurs traversent plusieurs fuseaux horaires.
Isabelle Cormier est âgée de 63 ans. Elle est atteinte d’un trouble dépressif consécutif au décès de son époux survenu subitement il y a six mois. Elle a été mariée pendant plus de 40 ans. Elle est traitée avec de la sertraline (Zoloftmd), 150 mg par jour, depuis 2 mois. De plus, pour se rassurer, madame Cormier a dans sa chambre une lampe qu’elle garde allumée toute la nuit. Peu avant le décès, le couple avait fait repeindre la chambre à coucher et changé le mobilier et était très satisfait de ces modications. Madame Cormier n’avait jamais éprouvé de difcultés à s’endormir auparavant. Outre l’antidépresseur, qu’est-ce qui pourrait en partie expliquer le problème de sommeil de la cliente ?
Troubles de l’alternance veille-sommeil
529
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 19.3
Insomnie
A. La plainte essentielle concerne une insatisfaction liée à la quantité ou à la qualité du sommeil, associée à un (ou plusieurs) des symptômes suivants : 1. Difculté d’endormissement. (Chez l’enfant, il peut s’agir de difculté d’endormissement sans l’intervention d’un tiers responsable.) 2. Difculté de maintien du sommeil caractérisée par des réveils fréquents ou des problèmes à retrouver le sommeil après un éveil. (Chez l’enfant, il peut s’agir de difcultés à retrouver le sommeil sans l’intervention d’un tiers responsable.) 3. Réveil matinal précoce assorti d’une incapacité de se rendormir. B. La perturbation du sommeil est à l’origine d’une détresse marquée ou d’une altération du fonctionnement dans les domaines social, professionnel, éducatif, scolaire ou dans d’autres domaines importants. C. Les difcultés de sommeil surviennent au moins 3 nuits par semaine. D. Les difcultés de sommeil sont présentes depuis au moins 3 mois. E. Les difcultés de sommeil surviennent malgré l’adéquation des conditions de sommeil. F. L’insomnie n’est pas mieux expliquée par un autre trouble de l’alternance veille-sommeil ni ne survient exclusivement au cours de ce trouble (p. ex. narcolepsie, trouble du sommeil lié à la respiration, trouble du sommeil lié au rythme circadien, parasomnie). G. L’insomnie n’est pas imputable aux effets physiologiques d’une substance (p. ex. substance donnant lieu à abus, médicament).
H. La coexistence d’un trouble mental ou d’une autre affection médicale n’explique pas la prédominance des plaintes d’insomnie. Spécier si : Avec une comorbidité d’un trouble mental non lié au sommeil, y compris les troubles de l’usage de substances Avec une autre comorbidité médicale Avec un autre trouble du sommeil Note de codage : Le code 307.42 (F51.01) s’applique quelle que soit la spécication. Mentionner le code du trouble pertinent (trouble mental, affection médicale ou autre trouble du sommeil) immédiatement après le code de l’insomnie pour indiquer l’association. Spécier si : Épisodique : Symptômes présents depuis au moins 1 mois mais moins de 3 mois. Persistant : Symptômes présents depuis 3 mois ou plus. Récurrent : Au moins deux épisodes sur une période d’un an. N.B. : L’insomnie aiguë et l’insomnie de courte durée (c.-à-d. la présence de symptômes qui, hormis une durée inférieure à 3 mois, remplissent tous les critères de fréquence, de sévérité, de détresse et/ou d’altération du fonctionnement) doivent être codées comme une autre insomnie spéciée.
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association, DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 19.4
Hypersomnolence
A. Somnolence excessive (hypersomnolence) rapportée malgré une période principale de sommeil d’au moins 7 heures et présence d’au moins un des symptômes suivants : 1. Périodes de sommeil ou d’assoupissement se répétant au cours d’une même journée. 2. Une période principale de sommeil prolongée d’au moins 9 heures par jour d’un sommeil non réparateur (ne permettant pas de récupérer). 3. Difculté à être totalement éveillé après un réveil brutal. B. L’hypersomnolence survient au moins 3 fois par semaine, pendant au moins 3 mois. C. L’hypersomnolence s’accompagne d’une détresse marquée ou d’une altération du fonctionnement cognitif, social, professionnel ou dans d’autres domaines importants. D. L’hypersomnolence n’est pas mieux expliquée par un autre trouble de l’alternance veille-sommeil ni ne survient exclusivement au cours de ce trouble (p. ex. narcolepsie, trouble du sommeil lié à la respiration, trouble du sommeil lié au rythme circadien, parasomnie). E. L’insomnie n’est pas imputable aux effets physiologiques d’une substance (p. ex. substance donnant lieu à abus, médicament). F. La coexistence d’un trouble mental ou d’une autre affection médicale n’explique pas la prédominance des plaintes d’hypersomnolence.
Spécier si : Avec un trouble mental, y compris les troubles liés à l’usage de substances Avec une autre affection médicale Avec un autre trouble du sommeil Note de codage : Le code 307.44 (F51.11) s’applique quelle que soit la spécication. L’association est mentionnée en indiquant le code du trouble pertinent (trouble mental, affection médicale ou autre trouble du sommeil) immédiatement après le code du trouble hypersomnolence. Spécier si : Aigu : Durée de moins d’un mois. Subaigu : Durée de 1 à 3 mois. Persistant : Durée de plus de 3 mois. Spécier la sévérité actuelle : Spécier la sévérité en se fondant sur la difculté de maintien de la vigilance diurne se manifestant par la survenue, en un jour donné, de multiples attaques irrépressibles de sommeil, par exemple dans des situations d’inactivité physique, en conduisant un véhicule, lors d’une visite chez des amis ou au travail. Léger : Difculté de maintien de la vigilance diurne 1 à 2 fois par semaine. Moyen : Difculté de maintien de la vigilance diurne 3 à 4 fois par semaine. Grave : Difculté de maintien de la vigilance diurne 5 à 7 fois par semaine.
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association, DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
530
Partie 3
Troubles mentaux
d’horaire, mais dans certains cas, ils ne s’améliorent pas avec le passage du temps. Ce manque de sommeil peut augmenter le niveau de stress et causer de l’épuisement physique et mental. En cas de décalage horaire, la personne qui voyage voit son sommeil perturbé parce qu’elle essaie de s’adapter à son horaire de destination, alors que son horloge interne n’est pas encore synchronisée. Les symptômes sont réversibles. Pour les travailleurs de nuit, les rythmes circadiens sont perturbés plus durablement puisque le sommeil se produit à un moment où le travailleur devrait normalement être éveillé. FIGURE 19.3 En cas de narcolepsie, l’attaque de sommeil est imprévisible et peut se produire à tout moment de la journée.
du sommeil (APA, 2015). Un blocage complet ou partiel des voies respiratoires supérieures se produit au cours de ce type d’apnée pendant le sommeil et provoque des pauses respiratoires. La personne qui en est atteinte a de la difculté à fonctionner et peut sembler dépressive.
Troubles du sommeil liés au rythme circadien Les troubles du sommeil liés au rythme circadien sont des perturbations persistantes ou récurrentes de la structure du sommeil, attribuables à un décalage entre un cycle veille-sommeil imposé par l’environnement et les besoins de la personne (dictés par son propre rythme circadien) (APA, 2015). Les troubles du sommeil liés au rythme circadien peuvent notamment être dus à un retard ou à une avance de phase du sommeil (p. ex., une somnolence très tôt en soirée, entre 18 et 21 h, ainsi qu’un réveil très précoce entre 1 h et 3 h du matin) ou au travail posté. La somnolence diurne est alors fréquente en raison de l’endormissement retardé et du réveil matinal imposé par les obligations professionnelles ou sociales. De l’insomnie se présente également. Le type retard de phase se produit lorsque la structure du sommeil de la personne comporte un endormissement et un réveil tardifs et qu’elle est incapable de s’endormir ou de se réveiller à une heure plus précoce. La personne, appelée oiseau de nuit, se couche fréquemment entre 3 h et 6 h du matin et a beaucoup de difculté à se rendre au travail ou à l’école. La durée et la qualité du sommeil sont normales, malgré cet horaire très atypique. Le type travail posté résulte habituellement d’un travail de nuit ou de la modication fréquente des horaires de travail. La personne souffre généralement d’insomnie durant sa principale période de sommeil, soit le jour, ou d’une somnolence durant sa principale période d’éveil, soit la nuit. Ces symptômes sont habituellement plus prononcés immédiatement après le changement
19.4.2
i Les troubles du sommeil liés à la respiration sont présentés en détail dans le chapitre 8 du manuel de Lewis, S.L., Dirksen, S.R., Heitkemper, M.M., et al. (2016). Soins inrmiers – Médecine Chirurgie. Montréal : Chenelière Éducation.
Parasomnies
En général, les parasomnies mettent en jeu des comportements anormaux ou des manifestations physiologiques qui se produisent en lien avec le sommeil, à des stades précis de celui-ci ou au cours des transitions sommeil-éveil.
Cauchemars Les cauchemars, ou rêves d’angoisse, constituent un type de parasomnie qui survient habituellement durant une phase de sommeil paradoxal, tard au cours du cycle de sommeil. Le sommeil est fréquemment fragmenté en raison des réveils nocturnes provoqués par des rêves effrayants qui menacent la vie, la sécurité ou l’estime de soi. Les clients sont habituellement capables de se rappeler les détails de leurs cauchemars de façon très nette (APA, 2015).
Terreurs nocturnes La personne qui connaît des terreurs nocturnes se réveille durant la phase de sommeil à ondes lentes, généralement durant la première partie de la nuit, et son réveil est habituellement causé par des manifestations d’anxiété extrême ou de panique. Habituellement, la personne pousse un cri terriant et transpire ; son rythme cardiaque et sa respiration augmentent, et elle semble désorientée. Elle est incapable de se rappeler l’événement en cause (APA, 2015).
19
Somnambulisme Les personnes atteintes de somnambulisme ont en général des comportements complexes comme marcher, s’habiller ou aller aux toilettes, tout en étant dans un stade profond du sommeil à ondes lentes FIGURE 19.4. Le somnambule semble être en transe, et il est difcile de le réveiller. Il arrive parfois que la personne se réveille alors qu’elle est en train d’accomplir des tâches complexes, mais le plus souvent, elle retourne au lit et se réveille plus tard sans aucun souvenir des événements qui se sont déroulés durant l’épisode de somnambulisme. Les personnes somnambules se plaignent souvent de somnolence durant la journée (Montplaisir, Petit, Pilon et al., 2011). Chapitre 19
Troubles de l’alternance veille-sommeil
531
en sommeil paradoxal caractérisé par des gestes violents (coups de poing et coups de pied), comme si la personne reproduisait ses rêves, même si leur contenu exact n’est pas connu (D’Agostino, Manni, Limosani et al., 2012).
éactivation des connaissances Nommez deux conditions prédisposant une personne à présenter des manifestations de l’apnée du sommeil.
CE QU’IL FAUT RETENIR
L’insomnie est souvent associée à des troubles cognitifs et mentaux (p. ex., l’autisme, les troubles anxieux, les troubles dépressifs ou bipolaires).
19.4.3
FIGURE 19.4 La personne atteinte de somnambulisme est profondément endormie, mais elle agit comme si elle était éveillée.
Trouble du comportement en sommeil paradoxal Un trouble impressionnant, généralement rapporté par le partenaire, reste le trouble de comportement
Autres troubles du sommeil
Dans le cas d’un trouble du sommeil lié à un trouble mental, le symptôme qui amène le client à consulter est une perturbation du sommeil (p. ex., l’insomnie, l’hypersomnolence) FIGURE 19.5. Des épisodes passagers d’insomnie peuvent notamment survenir pendant toute la vie d’une personne et être attribuables à des situations anxiogènes qui se règlent d’ellesmêmes. Cette anxiété peut surgir en réaction à une situation ou à cause de l’appréhension d’une telle situation. Alors, une fois que l’anxiété a diminué, l’insomnie s’estompe généralement ou disparaît, et aucun traitement n’est nécessaire. Autrement, l’insomnie chronique qui s’installe se caractérise par l’incapacité d’entrer dans un sommeil réparateur ou de s’y maintenir pendant au moins trois mois. L’insomnie est souvent associée à des troubles cognitifs et mentaux (p. ex.,
SCHÉMA DES QUATRE DIMENSIONS Insomnie liée à un trouble de stress post-traumatique DIMENSION PHYSIQUE • Sueurs froides • Cauchemars et réveils brusques
• Difculté de maintien du sommeil
Valérie Picard est membre de l’armée canadienne. À 32 ans, elle a déjà participé à plusieurs missions réputées dangereuses. Depuis qu’elle est revenue d’Afghanistan, elle fait des cauchemars à répétition – elle se voit en train de mourir – et se réveille en sursaut.
DIMENSION SOCIALE
DIMENSION PSYCHOLOGIQUE • Difculté à se concentrer • Anxiété exacerbée
• Crainte
Madame Picard se souvient de scènes terribles de guerre et a peur qu’il lui arrive quelque chose de grave. La fatigue occasionnée nuit à son fonctionnement cognitif.
DIMENSION SPIRITUELLE
• Inquiétude dans les endroits publics
• Capacité limitée à prendre des décisions
Madame Picard craint de se retrouver dans des foules. Elle évite de prendre le métro ou de prendre part à des manifestations extérieures avec plusieurs autres personnes.
Madame Picard n’élabore plus de projets à long terme. Elle devait s’acheter un appartement et y a renoncé, pensant qu’elle n’arriverait plus à le payer s’il lui arrivait quelque chose au cours de sa prochaine mission.
FIGURE 19.5
532
Partie 3
Troubles mentaux
Dans le cas d’un trouble du sommeil attribuable à une affection médicale générale, le symptôme qui amène le client à consulter est une perturbation du sommeil (p. ex., le bruxisme) due aux effets physiologiques directs de l’affection. La perturbation est sufsamment prononcée pour justier à elle seule un examen clinique. Dans le cas d’un trouble du sommeil provoqué par une substance, le symptôme qui amène le client à consulter est une perturbation du sommeil due à l’usage ou à l’abandon récent d’une substance toxique (y compris les médicaments d’ordonnance). L’alcool, les amphétamines et stimulants apparentés, la caféine, la cocaïne, les opioïdes, les sédatifs-hypnotiques et les anxiolytiques sont des substances qui peuvent causer cette condition.
19.5
Pronostic
Le tableau clinique des perturbations du sommeil est variable, certaines étant spontanément
réversibles, alors que d’autres entraînent des problèmes récurrents et nuisibles pour la santé. L’insomnie et les troubles de l’alternance vei l l e- s ommei l l i és au rythme circadien, même s’ils sont curables, présentent un taux élevé de récidives et de rechutes, alors qu’il est pos sible d’atténuer la nar colepsie.
clinique
Jugement
l’autisme, les troubles anxieux, les troubles dépressifs et bipolaires) (Jeste, 2011).
Robin Fortier, âgé de huit ans, est atteint de som nambulisme et se lève presque toutes les nuits. Réveillés par son comportement, ses parents ont constaté qu’il sortait de la maison et marchait sur le bord de la piscine. Ils craignent que leur ls tombe dans la piscine et se noie. Pourquoi Robin estil à risque d’accident dû au somnambulisme ? Ses pa rents devraientils le réveiller lorsqu’ils le trouvent sur le bord de la piscine ? Justiez vos réponses. Si Robin s’assoyait pour regarder la télévision lorsqu’il est somnambule, ses parents devraientils le réveiller alors ? Justiez votre réponse.
Le pronostic de la majori té des troubles du sommeil est généralement bon, à condition que le problème soit diagnostiqué et déterminé précisément en temps opportun. En établissant et en traitant les causes ou les fac teurs associés aux troubles du sommeil, par exemple un autre trouble mental, il est possible d’en réduire les effets nuisibles. Les troubles du sommeil ne sont pas une fatalité ; la qualité de vie des personnes atteintes peut s’améliorer notablement lorsque ces troubles sont pris en charge.
19.6 Démarche de soins L’infirmière est susceptible de rencontrer des clients ayant des troubles du sommeil autant en centre hospitalier qu’en centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS). Un pourcentage élevé de troubles du sommeil demeure non diagnostiqué, généralement parce que les personnes atteintes attribuent leurs symptômes à des facteurs autres qu’une perturbation du sommeil et parce qu’elles sous-estiment leurs difcultés et ne cherchent pas de traitement avant que le processus pathogénique ait fortement progressé. Lorsqu’un trouble est diagnostiqué, la personne atteinte est généralement traitée en consultation externe, et les signes de rétablissement sont régulièrement évalués.
19.6.1
Collecte des données – Évaluation initiale
Un trouble du sommeil est une plainte subjective, révélée ou non par le client. L’inrmière évite de chercher à invalider la plainte ou à minimiser la souffrance exprimée, même si le client a tendance à exagérer le nombre d’heures éveillées comme cela peut être le cas. Une écoute active et empathique s’avère nécessaire 5 . Le rôle de l’inrmière consiste tout d’abord à évaluer l’état de santé physique et mentale du client et à documenter les manifestations d’un éventuel trouble du
sommeil. L’évaluation de la personne atteinte d’une perturbation du sommeil est complexe en raison de la diversité des prols symptomatiques. Par exemple, une personne souffrant d’insomnie peut minimiser ou exagérer ses symptômes de fatigue diurne, de somnolence excessive ou de lenteur sur le plan cognitif. Il importe que l’inrmière obtienne à la fois des données subjectives provenant de la personne atteinte ainsi que des données détaillées recueillies de sources objectives et quantiables.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Un pourcentage élevé de troubles du sommeil demeure non diagnostiqué, généralement parce que les personnes atteintes attri buent leurs symptômes à des facteurs autres qu’une perturbation du sommeil.
Recueillir les données subjectives L’inrmière discute avec le client de ses habitudes au quotidien. Ainsi, elle peut déceler des horaires irréguliers, des nuits entrecoupées, un environnement bruyant ou mesurer la perception que le client a de son sommeil ENCADRÉ 19.5. Elle complète la collecte des données subjectives en questionnant le client sur ses habitudes de sommeil (lever, coucher et siestes) et en lui demandant de tenir un journal de sommeil durant environ deux semaines FIGURE 19.6. Les données obtenues sur les antécédents et les habitudes de sommeil déterminent si le client a un problème de sommeil important et s’il est éventuellement nécessaire de l’orienter vers un spécialiste du sommeil. Chapitre 19
5 Des techniques pour favo riser une écoute active et empathique sont présen tées dans le chapitre 5, Communication et relation thérapeutique.
Troubles de l’alternance veille-sommeil
533
19
Collecte des données ENCADRÉ 19.5
Éléments à évaluer au cours de l’entrevue
L’inrmière questionne le client sur les points suivants : • Moment du réveil (semaine et n de semaine) • Moment du coucher (semaine et n de semaine) • Nombre d’heures de sommeil par période de 24 heures • Délai pour s’endormir (en minutes) • Qualité du sommeil (satisfaction, sensation de fatigue) • Réveils nocturnes (incluant leur historique) • Présence de siestes diurnes (incluant leur historique) • Usage de substances qui perturbent le sommeil (p. ex., des somnifères, des sti mulants, des antidépresseurs, de l’alcool)
• Antécédents personnels et familiaux de troubles mentaux (actuels ou passés) : troubles dépressifs ou bipolaires, trouble d’anxiété généralisée, etc. • Perturbations diurnes (p. ex., des pro blèmes de concentration, d’irritabilité, de mémoire, de manque d’énergie) • Témoignage du partenaire de lit (p. ex., des ronements, des réveils, du som nambulisme, des mouvements brusques ou violents) ou des parents (p. ex., du somnambulisme, des cauchemars, des terreurs nocturnes) • Stratégies d’adaptation (p. ex., des bouchons d’oreilles, un masque sur les yeux, un bruit blanc)
Recueillir les données objectives L’inrmière utilise des outils pour obtenir des données objectives quant aux habitudes de sommeil du client. L’échelle de somnolence d’Epworth, le questionnaire d’évaluation du sommeil de Leeds ou l’index de sévérité de l’insomnie font partie de ces outils TABLEAU 19.1.
L’infirmière peut également consulter les conclusions des spécialistes en sommeil concernant la qualité des cycles de sommeil si elle a été mesurée dans un laboratoire. L’examen poly somnographique permet d’observer l’activité électroencéphalographique, l’activité électrooculographique (mouvements des muscles extrinsèques de l’œil), l’activité électromyographique (mouvements musculaires), la fréquence et le rythme cardiaques, la fréquence respiratoire et la pression artérielle.
19.6.2
Analyse et interprétation des données
L’inrmière détermine les problèmes prioritaires en se fondant sur les renseignements obtenus à partir de l’entrevue, du journal de sommeil, des questionnaires et des données du laboratoire du sommeil, si elles sont disponibles. Un plan de soins et de traitements inrmiers (PSTI) détaillé est élaboré pour atteindre les objectifs préétablis. L’ordre de priorité des problèmes prioritaires dépend des besoins propres au client ENCADRÉ 19.6.
19.6.3
Planication des soins
Les résultats escomptés guident à la fois les interventions inrmières et l’évaluation. Ils concernent certains des comportements attendus d’un client qui manifeste des réactions saines et bien adaptées à une perturbation du sommeil. Par ses
FIGURE 19.6 Exemple d’un journal de sommeil – La personne remplit le journal de sommeil pendant 15 jours consécutifs en indiquant le moment du lever avec une èche ascendante et le moment du coucher avec une èche descendante. Les cases coloriées indiquent les périodes de sommeil.
534
Partie 3
Troubles mentaux
Collecte des données TABLEAU 19.1
Index de sévérité de l’insomnie
ÉVALUATION
BARÈME
1. Veuillez estimer la sévérité de vos difcultés de sommeil.
Aucune
Légère
Moyenne
Élevée
Extrême
a) Difculté à s’endormir
0
1
2
3
4
b) Difculté à rester endormi
0
1
2
3
4
c) Problèmes de réveil trop tôt le matin
0
1
2
3
4
2. À quel point êtes-vous satisfait/insatisfait de votre sommeil actuel ?
Très satisfait
Satisfait
Neutre
Insatisfait
Très insatisfait
0
1
2
3
4
3. À quel point considérez-vous que vos difcultés de sommeil perturbent votre fonctionnement (p. ex., l’état de fatigue, la concentration, la mémoire, l’humeur) ?
Aucunement
Légèrement
Moyennement
Très
Extrêmement
0
1
2
3
4
4. À quel point considérez-vous que vos difcultés de sommeil sont apparentes pour les autres en termes de détérioration de la qualité de vie ?
Aucunement
Légèrement
Moyennement
Très
Extrêmement
0
1
2
3
4
5. À quel point êtes-vous inquiet/préoccupé à propos de vos difcultés de sommeil actuelles ?
Aucunement
Légèrement
Moyennement
Très
Extrêmement
0
1
2
3
4
L’inrmière peut demander au client de remplir ce questionnaire ou le faire avec lui. Un score se situant entre 0 et 7 suggère qu’il n’y a pas d’insomnie cliniquement importante. Un score de 8 à 14 indique une insomnie légère à modérée qui ne nécessite pas de traitement immédiat, bien que le client puisse continuer de surveiller ses symptômes. Un score variant entre 15 et 21 correspond à une insomnie modérée et requiert un traitement. Un score se situant entre 22 et 28 révèle une insomnie grave avec une importante détérioration du fonctionnement diurne, qui nécessite une évaluation plus détaillée et d es traitements. Source : Morin (1993).
ENCADRÉ 19.6
Problèmes pouvant être associés aux troubles du sommeila
• Anxiété • Dépression, tristesse
auto évaluation et de mesures d’évaluation objectives ; • de participer activement à la planication des moyens à prendre en vue d’améliorer ou de maintenir la qualité de son sommeil de façon autonome.
• Fatigue
19.6.4
• Isolement social
L’inrmière travaille conjointement avec le client, sa famille ou ses proches, ainsi qu’avec les membres de l’équipe interdisciplinaire de soins de santé.
• Recours à des substances : médicaments, alcool, drogues • Mauvaise hygiène du sommeil a Les
problèmes prioritaires listés ici sont ceux qui s’appliquent le plus aux clients présentant des perturbations du sommeil. Source : Carpenito-Moyet (2009).
interventions, l’inrmière veille à ce que le client soit en mesure : • de déterminer les causes des modications de son sommeil ; • de comprendre les interventions appropriées pour un trouble particulier du sommeil et de les appliquer ; • de rendre compte d’une réduction importante des perturbations du sommeil à l’aide d’une
19
Exécution des interventions
Soins et traitements inrmiers L’inrmière structure son approche en fonction des problèmes particuliers du client. Les interventions suggérées touchent principalement l’hygiène du sommeil et la mise en place de stratégies d’adaptation. L’inrmière aide tout d’abord le client à reconnaître les stresseurs et les irritants TABLEAU 19.2. L’enseignement au client met l’accent sur les pratiques d’hygiène pour un sommeil sain. L’inrmière explique comment adapter l’environnement de sommeil pour tenter de réduire ou d’atténuer les Chapitre 19
Troubles de l’alternance veille-sommeil
535
Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 19.2
Accompagner le client ayant un trouble du sommeil
INTERVENTION
JUSTIFICATION
Évaluer les routines et les habitudes (ou patron) de sommeil du client et en déterminer les risques (p. ex., le somnambulisme, la narcolepsie, la fatigue diurne).
La compréhension des habitudes de sommeil et des risques potentiels permet d’éviter les blessures et de prévenir l’aggravation des symptômes.
Enseigner au client comment tenir un journal de sommeil.
La détermination des principaux schèmes qui perturbent le sommeil est possible grâce au journal de sommeil.
Aider le client à reconnaître les stresseurs qui peuvent nuire au sommeil.
Les stresseurs perturbent le client et réduisent le sommeil réparateur.
Enseigner au client l’importance de limiter la consommation de substances qui perturbent le sommeil (p. ex., l’alcool, les amphétamines et les autres stimulants, la nicotine, la caféine).
Certaines classes de médicaments perturbent la qualité du sommeil et certaines substances ont un effet négatif sur le sommeil.
Expliquer au client les approches possibles pour maîtriser ou atténuer les symptômes.
Un sentiment de maîtrise du problème chez le client l’aide à atténuer les symptômes.
Aider le client à créer un environnement calme et confortable.
Les conditions environnementales optimales (silence, obscurité, température fraîche) favorisent le sommeil et le repos.
Favoriser l’adhésion à la pharmacothérapie prescrite pour le traitement du trouble mental concomitant ou pour le traitement à court terme d’un trouble du sommeil.
Les médicaments constituent l’une des interventions efcaces pour le traitement des perturbations du sommeil.
Orienter le client vers un spécialiste des troubles du sommeil (psychiatre, psychologue spécialisé, inrmière clinicienne spécialisée en santé mentale et en soins psychiatriques) si les perturbations du sommeil perdurent.
Des examens supplémentaires, telle la polysomnographie, sont parfois nécessaires pour parvenir à un diagnostic différentiel pour le client. Une thérapie cognitivo-comportementale ainsi qu’une pratique de la relaxation et de l’activité physique peuvent faire partie des approches de traitement.
inconvénients qui y sont associés et pour favoriser un sommeil réparateur ENCADRÉ 19.7.
éactivation des connaissances Quel type d’exercices respiratoires favorise la relaxation ?
En cas de narcolepsie, l’inrmière enseigne au client comment gérer les multiples attaques de sommeil en discutant des facteurs qui les déclenchent (p. ex., un stimulus émotionnel fort, une privation de sommeil) et des stratégies de traitement qui pourraient l’aider à la prévenir (p. ex.,
Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 19.7
Pratiques d’hygiène du sommeil
• Aller au lit seulement quand on a sommeil et se lever à la même heure chaque jour pour promouvoir un rythme veille-sommeil constant. (Éviter ou limiter les siestes durant la journée pour « rattraper » le manque de sommeil.) • Réduire ou éliminer l’usage de stimulants (p. ex., la caféine, la nicotine) et d’autres substances (p. ex., l’alcool) qui perturbent le sommeil. • Éviter l’exercice physique intense ou la stimulation mentale juste avant l’heure du coucher (télévision, ordinateur et téléphone dans la chambre).
536
Partie 3
Troubles mentaux
• Pratiquer des stratégies d’adaptation efcaces pour gérer le stress (p. ex., la relaxation, des respirations profondes, l’écoute de musique relaxante, la méditation). • Créer un environnement prédisposant au sommeil réparateur : température de la chambre plutôt fraîche, environnement calme, bouchons d’oreilles, vêtements confortables et faible éclairage – rideaux épais coupant la lumière. La chambre doit être réservée uniquement au sommeil. • Établir une routine du coucher propice au sommeil (p. ex., ne pas trop manger avant le coucher, prendre un bain chaud, lire un livre).
une sieste diurne forcée, l’adhésion à un traitement médical). Un horaire veille-sommeil comprenant des siestes régulièrement prévues aide certains clients atteints de narcolepsie (Sadock et al., 2014). En cas de trouble du sommeil lié au rythme circadien, l’objectif est d’abord d’établir une certaine régularité dans le cycle veille-sommeil en synchronisant sa structure avec les horaires quotidiens habituels. Le client tire avantage à cibler des signaux environnementaux externes (p. ex., la tombée de la nuit, le lever du soleil) qu’il peut associer à une certaine phase du cycle veille-sommeil. La tentative d’agir sur l’horaire de sommeil en encourageant le client à dormir plus tôt qu’à l’habitude est parfois utile pour certains troubles du sommeil liés au rythme circadien (p. ex., en cas de retard de phase ou de décalage horaire). Les perturbations de la structure du sommeil dues à un travail par roulement ou à un travail de nuit sont plus délicates à résoudre. Toute mesure pour établir une certaine régularité dans le cycle veille-sommeil sera bénéque sur la qualité globale du sommeil. En outre, le respect par le client de pratiques d’hygiène pour un sommeil sain est très important. La planication d’un traitement qui requiert la participation d’un spécialiste du sommeil est parfois nécessaire, en particulier dans les cas où le client se présente avec plusieurs problèmes connexes (gestion de problèmes de la vie professionnelle et personnelle).
En cas de somnambulisme, la préoccupation principale est d’assurer la sécurité du client qui peut entreprendre des activités aux conséquences potentiellement dangereuses. L’inrmière renseigne le client et ses proches sur les facteurs qui augmentent la probabilité d’apparition d’un épisode de somnambulisme (p. ex., une vessie distendue, les bruits de l’environnement, le stress, la consommation d’alcool et de médicaments sédatifs-hypnotiques) et dresse un plan an de réduire leur occurrence. Par ailleurs, les clients atteints d’insomnie chronique sont parfois découragés lorsque de précédents traitements n’ont pas réussi à soulager leurs symptômes. L’inrmière apporte par conséquent un soutien psychosocial au client pendant qu’il progresse dans la modication de ses comportements. Ce type de soutien aide aussi les clients qui ont des problèmes temporaires d’insomnie occasionnés par des événements stressants à comprendre que le sommeil s’améliore habituellement lorsque les causes sous-jacentes sont réduites ou éliminées. L’inrmière explique au client que l’insomnie n’est pas une fatalité et qu’il existe des approches qui permettent d’atténuer le problème, sans forcément le régler dénitivement. Elle soutient le client en le responsabilisant devant ses difcultés et promeut une approche de gestion personnelle TABLEAU 19.3. Le PSTI 19.1 précise les interventions inrmières en cas d’insomnie liée à un trouble dépressif caractérisé.
Soins et traitements en interdisciplinarité L’inrmière collabore avec d’autres professionnels de la santé pour aider le client à gérer ses difcultés de sommeil. Ainsi, le psychiatre, le neuropsychologue ou encore le psychologue sont les principaux intervenants habilités à traiter les troubles du sommeil. La pharmacothérapie, la thérapie cogni tivocomportementale, la luminothérapie, la chronothérapie ou la relaxation font partie des interventions possibles. L’inrmière assiste au besoin les autres professionnels dans la mise en place et le suivi de ces traitements.
Psychopharmacothérapie Les médicaments pour traiter les troubles du sommeil sont soit des sédatifs-hypnotiques, soit des stimulants. Leur utilisation dépend de l’objectif de la thérapie : induire le sommeil ou stimuler l’éveil. Le plan de soins et de traitements comprend parfois d’autres agents psychopharmacologiques (antidépresseurs, anxiolytiques), lorsque la perturbation du sommeil est présente en même temps qu’un trouble mental. Il peut arriver que le client tente de prendre en charge ses symptômes à l’aide de produits offerts en vente libre, comme la valériane ou le houblon, avant de chercher un traitement auprès du
Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 19.3
Encourager la gestion personnelle
COMPORTEMENT DE GESTION PERSONNELLE
SUGGESTION À FAIRE AU CLIENT
Engagement et effort
Faire preuve de patience, car la résolution prendra quelques semaines.
Recherche de soutien
Demander la collaboration du conjoint et de la famille proche.
Attitude scientique
Éliminer les croyances erronées, évaluer les résultats après une période d’essai sufsamment longue (plusieurs semaines).
Attentes réalistes
Déterminer des objectifs faciles à atteindre en rapport avec les capacités du client (il ne faut pas vouloir dormir neuf heures à tout prix).
Autoévaluation du sommeil
Compléter le journal de sommeil chaque jour, peu après le réveil, an que le client comprenne son patron de sommeil et dédrama tise le problème.
Source : Adapté de Morin (2009).
médecin. L’inrmière note les noms de ces produits et leur fréquence d’utilisation. | Dyssomnies | Insomnie Ce trouble peut être traité avec des médicaments sédatifs-hypnotiques, benzodiazépiniques et non benzodiazépiniques, associés ou non à d’autres traitements non pharmacologiques. La durée de traitement ne devrait pas excéder deux semaines en raison de la tolérance et du syndrome de sevrage que peut provoquer leur usage à long terme, particulièrement les médicaments benzodiazépiniques.
CE QU’IL FAUT RETENIR
En cas de somnambulisme, la préoccupation principale est d’assurer la sécurité du client qui peut entreprendre des activités aux consé quences potentiellement dangereuses.
Les hypnotiques benzodiazépiniques, tels que le témazépam (Restorilmd) ou le lorazépam (Lorazepammd), représentent le risque le plus élevé de dépendance psychologique et physiologique, et ils constituent rarement le traitement de première intention pour ce trouble. Ils gênent également le sommeil paradoxal. Les hypnotiques non benzodiazépiniques comme le zopiclone (Imovanemd) et le zolpidem (Sublinoxmd) présentent un potentiel d’abus moins grand. En comparaison avec les médicaments benzodiazépiniques, ils créent moins de problèmes d’insomnie de rebond ou d’interférence avec le sommeil paradoxal (Leblanc & Messier, 2014). Des antidépresseurs sont parfois prescrits, en particulier pour des problèmes concomitants de dépression et d’insomnie. La plupart des médicaments de cette catégorie réduisent le sommeil paradoxal et sont efcaces pour le traitement de clients dépressifs souffrant d’une insomnie marquée. Les médicaments offerts en vente libre contenant des antihistaminiques doivent être utilisés avec précaution parce qu’ils possèdent à la fois des effets sédatifs et des effets anticholinergiques (sécheresse de la bouche, vision oue, constipation, congestion nasale, rétention urinaire). Chapitre 19
19
ALERTE CLINIQUE
• L’inrmière vérie si le client a recours à des produits offerts en vente libre et en établit une liste exhaustive. • Camomille et valériane : peuvent amplier la dépression du système nerveux central (SNC). • Caféine, prise avec des benzo diazépines : peut neutraliser la sédation et amplier l’insomnie. • Pamplemousse : peut diminuer le métabolisme de certaines benzodiazépines.
Troubles de l’alternance veille-sommeil
537
Plan de soins et de traitements inrmiers PSTI
19.1
Insomnie liée à un trouble dépressif caractérisé
Marianne Lafond a 35 ans. Elle est préposée à la clientèle dans un CISSS. Depuis un mois environ, elle se réveille presque toutes les nuits (6 nuits sur 7) vers 2 h du matin et ressent des palpitations. Incapable de se rendormir, elle se tourne et se retourne dans son lit, rumine des idées noires et se demande comment elle va assumer ses responsabilités quotidiennes. Dans la journée, elle a de la difficulté à se concentrer et s’isole de ses collègues de travail. À quelques reprises, madame Lafond a eu des baisses d’énergie et somnolait en après-midi. Le soir, après le travail, elle rentre épuisée, pleure à la moindre contrariété et s’impatiente plus facilement qu’à l’habitude. Les jours de congé, elle se couche sur le canapé du salon pour « récupérer de ses mauvaises nuits ». Madame Lafond mange peu et a perdu 4 kg depuis un mois (elle ne pèse plus que 49 kg). Elle est en arrêt pour maladie, car elle s’absentait trop souvent de son travail.
Depuis quelques semaines, madame Lafond se sent triste sans savoir pourquoi. Elle qui aime tant aller aux quilles et au cinéma se rend compte qu’elle a perdu tout intérêt pour ses activités favorites. Elle est mariée depuis 10 ans avec Benjamin. Ils ont deux jeunes enfants âgés de deux et quatre ans. Elle se dit dépassée par les tâches quotidiennes. Elle qualie ses relations avec son conjoint de « distantes » et se sent coupable de ne pas s’occuper sufsamment de ses enfants. Au travail, elle se sent incompétente. Madame Lafond ne répond pas aux invitations de sa famille et de ses amis et prétexte souvent la fatigue et le manque de sommeil pour se justifier. Elle a déjà eu des idées noires où elle s’imaginait que sa vie ne valait pas la peine d’être vécue. Elle a honte et n’ose pas en parler avec son conjoint. Le médecin a diagnostiqué un trouble dépressif caractérisé. Il prescrit une psychopharmacothérapie et lui demande de rencontrer l’inrmière de la clinique.
À la suite de son évaluation, l’inrmière formule les constats suivants et élabore un plan de soins avec madame Lafond. PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Importante perturbation du sommeil liée à l’anxiété, à une incapacité de se rendormir la nuit et manifestée par de la somnolence diurne, de la fatigue, de l’épuisement, de la difculté à accomplir les tâches quotidiennes et de l’irritabilité
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES ET JUSTIFICATIONS
• Sommeil plus réparateur
• Déterminer avec la cliente les stresseurs qui perturbent son sommeil an de cibler les éléments anxiogènes.
• Réalisation de certaines activités de la vie quotidienne et de la vie domestique
• Proposer des stratégies d’adaptation comme la méditation ou des techniques de relaxation pour diminuer l’anxiété de la cliente. • Proposer de tenir un journal de sommeil an de déterminer les habitudes (ou patron) favorisant ou non le sommeil. • Proposer des astuces (p. ex., éviter de regarder l’heure la nuit, se lever si le sommeil ne revient pas après 15 minutes) et normaliser la situation (p. ex., ne pas essayer de dormir à tout prix) pour diminuer l’anxiété liée à l’obligation de reprise du sommeil. • Encourager la cliente à respecter la prise des médicaments antidépresseurs, s’ils sont prescrits, dans le but de réduire l’anxiété. • Encourager la cliente à faire quotidiennement de l’exercice an d’améliorer son humeur et son niveau d’énergie. • Planier d’entrecouper les tâches et les activités par des périodes de repos ou par une courte sieste pour équilibrer les dépenses d’énergie. • Évaluer le réseau de soutien et proposer des ressources au besoin (p. ex., une aide ménagère) an de pallier le manque d’énergie de la cliente et d’améliorer son moral.
PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Perte d’élan vital liée aux troubles du sommeil et à l’anxiété et manifestée par la rumination d’idées noires
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES ET JUSTIFICATIONS
• Réduction de l’anxiété
• Déterminer avec la cliente les éléments anxiogènes dans sa vie personnelle et professionnelle pour l’aider à se xer des objectifs réalistes à court terme.
• Diminution des idées noires
• Conseiller au conjoint de ne pas laisser madame Lafond seule s’il constate qu’elle est plus triste qu’à l’habitude pour prévenir tout passage à l’acte suicidaire. • Proposer une thérapie cognitivo-comportementale à la cliente an de faire le lien entre les situations et les pensées/croyances/attitudes qu’elles suscitent chez elle. • Encourager la cliente à respecter la prise des médicaments antidépresseurs prescrits dans le but de réduire l’anxiété.
538
Partie 3
Troubles mentaux
PSTI
19.1
Insomnie liée à un trouble dépressif caractérisé (suite)
PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Alimentation déciente liée à la perte d’appétit et manifestée par la perte de poids
RÉSULTAT ESCOMPTÉ
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES ET JUSTIFICATIONS
• Atteinte et maintien d’un poids santé
• Encourager la cliente à fractionner ses prises de nourriture pour équilibrer l’apport calorique sur toute la journée. • Privilégier plusieurs petits repas dans la journée pour éviter de sauter des repas. • Impliquer le conjoint et la famille pour préparer des plats simples et nutritifs an de pallier la démotivation de la cliente par rapport à la préparation des repas.
PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Retrait social lié à la fatigue et à la perte d’intérêt dans les interactions sociales
RÉSULTAT ESCOMPTÉ
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES ET JUSTIFICATIONS
• Reprise des activités sociales
• Impliquer le conjoint et les enfants dans la recherche d’activités adaptées à la situation de madame Lafond (p. ex., accompagner les enfants au parc) pour encourager l’inclusion de la famille dans le processus de rétablissement. • Planier avec la cliente des activités simples auxquelles elle doit se conformer (date et heure) pour favoriser la constance. • Aider la cliente à planier ces activités en fonction de son état pour éviter le découragement et réhabiliter progressivement la socialisation.
Hypersomnolence Le traitement comprend parfois le recours à des médicaments stimulants du système nerveux central (SNC) comme les amphétamines et le modanil. Des antidépresseurs non sédatifs, tel le bupropion (Wellbutrinmd), sont aussi efcaces pour le soulagement des symptômes (Sadock et al., 2014).
suppriment le sommeil paradoxal et traitent les symptômes associés aux cauchemars.
Narcolepsie L’objectif premier du traitement de la narcolepsie est la prise en charge symptomatique du trouble. Des stimulants du SNC comme le modanil (Alertecmd), la dextroamphétamine (Dexedrinemd) et le méthylphénidate (Concertamd, Biphentinmd, Ritalinmd) peuvent être prescrits pour traiter la somnolence diurne excessive.
Terreurs nocturnes Dans les rares cas où un traitement médicamenteux est nécessaire, des doses faibles de diazépam (Valiummd) administrées à l’heure du coucher sont efcaces pour traiter la personne aux prises avec des terreurs nocturnes.
En outre, des antidépresseurs tels les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (Prozacmd) et les médicaments tricycliques non sélectifs (Tofranilmd) peuvent être efcaces pour le traitement de la cataplexie associée. Cependant, l’oxybate de sodium (Xyremmd) est le seul médicament approuvé par Santé Canada pour traiter la cataplexie observée chez les clients narcoleptiques (Sadock et al., 2014). Troubles du sommeil liés au rythme circadien Le recours à des hypnotiques à action brève qui induisent le sommeil est utile pour le traitement à court terme des troubles du sommeil liés au rythme circadien. Le TABLEAU 19.4 résume les principaux médicaments qui peuvent être envisagés en cas de dyssomnies. | Parasomnies | Cauchemars Les antidépresseurs tricycliques et les médicaments hypnotiques benzodiazépiniques
Des traitements pharmacologiques et non pharmacologiques incluant des thérapies par imagerie mentale sont étudiés dans le cadre de cauchemars présents dans le trouble de stress post-traumatique (TSPT) (Nadorff, Lambdin & Germain, 2014).
Somnambulisme La pharmacothérapie s’avère utile chez l’adulte (clonazépam), mais n’est pas optimale. Chez l’enfant, on recommande les éveils programmés.
19
Psychothérapies Le traitement pharmacologique n’est pas forcément celui de première intention. L’inrmière participe à la planication d’interventions centrées sur l’aspect psychothérapeutique. Ces interventions, notamment la thérapie cognitivo-comportementale, visent la modification des pensées, des croyances, des comportements, des attitudes et des sentiments et émotions qui y sont liés 20 . Il existerait en effet une association étroite entre la perception du sommeil et l’état émotionnel qui en découle. En cas d’insomnie chronique, le client peut s’attendre à avoir des problèmes de sommeil de toute façon, et le recours à des techniques de déconditionnement ou de désapprentissage des comportements antérieurs, à l’aide d’une thérapie cognitivo-comportementale, est alors efficace (Sadock et al., 2014 ; Vallières & Guay, 2014). Chapitre 19
20 La thérapie cognitivocomportementale est décrite dans le chapitre 20, Modèles et stratégies thérapeutiques.
Troubles de l’alternance veille-sommeil
539
Psychopharmacothérapie TABLEAU 19.4
Dyssomnies
CLASSES DE MÉDICAMENTS
ÉLÉMENTS À SURVEILLER
Insomnie • Hypnotiques benzodiazépiniques : témazépam (Restorilmd), urazépam (Dalmanemd)
• L’arrêt brusque ou trop rapide des benzodiazépines peut entraîner une nervosité prononcée, de l’irritabilité, de l’insomnie et des convulsions.
• Hypnotiques non benzodiazépiniques : zopiclone (Imovanemd) et zolpidem (Sublinoxmd) • Antidépresseurs : trazodone (Desyrelmd), mirta zapine (Remeronmd), amitriptyline (Elavilmd)
• L’amitriptyline n’est pas recommandée pour les personnes âgées en raison de ses effets anticholinergiques.
• Antihistaminiques : diphenhydramine (Benadrylmd)
• L’excitation paradoxale du SNC peut se produire particulièrement chez les jeunes enfants. Les antihistaminiques peuvent également accroître le risque de confusion chez les personnes âgées.
• Stimulants cérébraux (psychostimulants) : méthyl phénidate (Ritalinmd, Biphentinmd, Concertamd) et dextroamphétamine (Dexedrinemd)
• Des problèmes cardiovasculaires rares mais graves, voire mortels, peuvent survenir, et les clients doivent être questionnés sur leurs antécédents personnels et familiaux de maladies cardiovasculaires (Gosselin, 2011).
Narcolepsie (dont cataplexie) • Stimulant du SNC : modanil (Alertecmd)
• Le modanil peut provoquer une réaction cutanée grave ou des symptômes psychiatriques (Gouvernement du Canada, 2013).
Troubles du sommeil liés au rythme circadien • Produits naturels (mélatonine, valériane) (Certains sont offerts en vente libre.)
• La prise de la mélatonine (dont la structure est apparentée à celle de la sérotonine) avec des antidé presseurs, avec des anticoagulants et avec des antihypertenseurs n’est pas recommandée. • La valériane est possiblement associée à l’hépatotoxicité.
CE QU’IL FAUT RETENIR
La luminothérapie est recommandée dans certains cas d’insomnie et, plus couramment, pour résoudre les troubles du sommeil liés au rythme circadien. Elle a pour but de resynchroniser l’horloge biologique.
éactivation des connaissances Pour quel problème de santé physique une personne peut elle prendre des antihista miniques habituellement ?
540
Partie 3
Autres traitements | Luminothérapie | L’inrmière peut aider le client à ajuster progressivement son cycle veille-sommeil en lui proposant un traitement de luminothérapie ou en l’encourageant à passer un certain temps à la lumière du soleil. La luminothérapie est recommandée dans certains cas d’insomnie et, plus couramment, pour résoudre les troubles du sommeil liés au rythme circadien. Elle a pour but de resynchroniser l’horloge biologique. L’exposition à la lumière est efcace pour avancer la phase de sommeil retardée et pour rétablir graduellement le cycle veille-sommeil (First & Tasman, 2004). Les cycles veille-sommeil doivent être synchronisés avec l’alternance clarté-obscurité. L’infirmière informe le client quant au type d’appareil à utiliser (lumière blanche principalement), mais aussi sur l’intensité lumineuse et sur le moment de la thérapie. Le client doit se placer en face de la source lumineuse (lampe), de préférence en effectuant une activité, comme la lecture, pour que la lumière pénètre directement dans la rétine et produise l’effet désiré. Si la lumière vive n’est pas tolérée, il faut éloigner la lampe ou diminuer la durée d’exposition.
Troubles mentaux
| Chronothérapie | Moins connue, cette stratégie consiste à retarder graduellement l’heure du coucher et l’heure du lever pendant quelques semaines, de sorte que le client nit par retrouver un horaire veille-sommeil régulier plus compatible avec son mode de vie. Le client doit se coucher trois heures plus tard chaque jour, jusqu’à faire le tour complet de l’horloge. Cela ne nécessite pas d’hospitalisation, mais contraint la personne à s’absenter de son travail pendant plusieurs jours d’aflée. Concrètement, si la personne a l’habitude de se coucher à 23 h, elle ira au lit à 2 h du matin la nuit suivante, puis à 5 h et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’elle ait fait le tour de l’horloge. Cette thérapie est appliquée chez les personnes insomniaques dont l’horloge interne « est trop lente ». Ainsi, le client atteint l’heure de coucher souhaitée au bout de quelques semaines. | Approches complémentaires et parallèles | La gestion des stimulus ou la relaxation par la musique sont des thérapies parallèles efcaces et peuvent être combinées aux traitements plus classiques (de Niet, Tiemens, van Achterberg et al., 2011). La gestion des stimulus établit le lien entre le sommeil et l’environnement de la chambre. Il
cherche à éliminer les comportements incompatibles avec le sommeil. Cela correspond à un « réapprentissage » du sommeil en renforçant le lien entre le lit et le fait de dormir. Les effets de la relaxation par la musique sont évalués dans l’ENCADRÉ 19.8.
19.6.5 Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution L’inrmière évalue régulièrement si le client progresse vers les résultats escomptés ou si elle doit réviser le PSTI ENCADRÉ 19.9.
Recherche pour une pratique fondée sur des résultats probants ENCADRÉ 19.8
Relaxation par la musique
L’objectif d’une étude menée aux Pays-Bas était de comparer des interventions auprès de trois groupes de clients hospitalisés (âgés de 18 à 60 ans) pendant environ 3 semaines en psychiatrie, et ce, pour des troubles psychotiques, des troubles dépressifs ou bipolaires et des troubles anxieux. Ce sont les inrmières de ces trois unités psychiatriques qui ont répondu à des questionnaires sur la qualité du sommeil des clients. Les clients de deux des unités bénéciaient d’interventions pour améliorer la qualité du sommeil (gestion des stimulus et
relaxation par la musique), alors que pour les clients de la troisième unité, aucune consigne particulière n’était appliquée. Les inrmières des deux premières unités ont observé que les interventions proposées étaient appli cables, même s’il était difcile de motiver certains clients. L’une des principales conclusions de l’étude est que la relaxation par la musique est non seulement applicable en contexte psychiatrique, mais qu’elle a même amélioré signicative ment la qualité du sommeil des clients.
Source : Adapté de Niet et al. (2011).
Collecte des données ENCADRÉ 19.9
Signes de rétablissement
Le client est en mesure : • de démontrer une compréhension satisfaisante de ses problèmes de sommeil et des stratégies courantes pour les résoudre ; • de reconnaître les signes et les symptômes d’une perturbation du sommeil et de se concentrer sur les manifestations cliniques initiales qui indiquent la nécessité d’une intervention précoce ; • de reconnaître les stresseurs physiques et psychosociaux qui aggravent le trouble du sommeil ;
• de traduire en paroles une connaissance sufsante des facteurs prédisposants, déclenchants et couramment associés aux perturbations de la structure du sommeil ; • de démontrer une compréhension sufsante du plan de soins et de traitements, y compris les médicaments prescrits (usage prévu, action, posologie, effets indésirables, contre-indications, interactions avec d’autres substances) ; • de trouver un réseau de soutien social pour l’aider à recouvrer son niveau de fonctionnement précédent ou optimal.
19
Analyse d’une situation de santé
Jugement clinique
Jasmine Dumas, âgée de 19 ans, est étudiante au programme de baccalauréat international dans un collège de la région métropolitaine. Elle a fait une demande d’admission en médecine dans toutes les universités québécoises offrant cette formation. Elle rencontre l’inrmière du service aux étudiants parce qu’elle éprouve des problèmes de sommeil. Ayant de longs travaux scolaires à terminer, elle
passe plusieurs heures devant l’ordinateur pour effectuer des recherches. Elle se couche rarement avant 2 h et elle doit se lever à 6 h 30 pour assister à ses cours du matin. Jasmine dit qu’elle devient de plus en plus irritable, ce qui n’est pas un de ses traits de caractère habituels. Elle prend un comprimé de Sominexmd avant de se coucher.
Chapitre 19
Troubles de l’alternance veille-sommeil
541
Mise en œuvre de la démarche de soins
Collecte des données – Évaluation initiale – Analyse et interprétation
SOLUTIONNAIRE
1. Indiquez au moins sept autres données importantes à recueillir auprès de Jasmine pour évaluer adéquatement son problème de sommeil. 2. Outre son irritabilité inhabituelle, nommez trois problèmes diurnes que Jasmine pourrait éprouver en raison de son problème de sommeil. 3. Serait-il pertinent de demander à Jasmine avec qui elle habite ? Justiez votre réponse. 4. Trouvez quatre questions à poser à Jasmine pour évaluer les impacts de son environnement sur son sommeil.
Jasmine dit éprouver de la somnolence pendant la journée.
écemment vu dans ce chapitre
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
5. Outre le temps passé devant l’ordinateur, quelle donnée de la situation peut expliquer la somnolence diurne de Jasmine ?
Si Jasmine se plaignait d’insomnie, quelle en serait la principale manifestation ?
L’inrmière demande à Jasmine de tenir un journal de sommeil jusqu’à la prochaine rencontre dans lequel elle inscrira, entre autres, les facteurs
écemment vu dans ce chapitre
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
Serait-il approprié de proposer à Jasmine des exercices de relaxation ou de méditation avant le coucher ? Justiez votre réponse.
Planication des interventions – Décisions inrmières 6. Quelles sont les utilités d’un tel journal ? Nommez-en deux. 7. Serait-il bon de proposer à Jasmine de faire de l’exercice avant le coucher ? Justiez votre réponse.
Au cours de la deuxième rencontre, l’inrmière vérie si Jasmine a rempli son journal de sommeil. La cliente mentionne qu’elle a l’impression que
écemment vu dans ce chapitre
Partie 3
son problème de sommeil s’accentue avec la n de sa session d’études.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
Quel semble être le problème pouvant être associé au trouble de sommeil que Jasmine présente ? Justiez votre réponse.
542
qui ont un impact positif ou négatif sur son sommeil, les moyens qu’elle adopte pour mieux dormir et l’efcacité de ceux-ci.
Troubles mentaux
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution 8. Outre la connaissance détaillée du patron de sommeil de la jeune femme, en quoi une telle vérication peut-elle être utile ? 9. Nommez au moins quatre signes physiques à observer chez la cliente en lien avec l’impression qu’elle mentionne.
APPLICATION DE LA PENSÉE CRITIQUE Dans l’application de la démarche de soins auprès de Jasmine, l’inrmière a recours à un ensemble d’éléments (connaissances, expériences antérieures, normes institutionnelles ou protocoles, attitudes professionnelles) pour analyser la situation de santé de la cliente et en comprendre les
enjeux. La FIGURE 19.7 illustre le processus de pensée critique suivi par l’inrmière an de formuler son jugement clinique. Elle résume les principaux éléments sur lesquels l’inrmière s’appuie en fonction des données de cette cliente, mais elle n’est pas exhaustive.
VERS UN JUGEMENT CLINIQUE EXPÉRIENCES
CONNAISSANCES • • • •
Rythmes circadiens du sommeil Physiologie du sommeil Facteurs inuant sur le sommeil Problèmes de santé physique et mentale ayant des répercussions sur le sommeil • Troubles du sommeil les plus fréquents • Impacts d’une perturbation des habitudes de sommeil sur la santé physique et mentale d’une personne • Moyens pharmacologiques et non pharmaco logiques favorisant le sommeil ou permettant de traiter un trouble du sommeil
• Expérience en santé communautaire • Expérience de travail en santé mentale • Expérience personnelle de problème de sommeil
NORME • Utilisation d’une grille validée scientiquement pour évaluer un trouble du sommeil (p. ex., l’échelle de somnolence d’Epworth, l’index de sévérité de l’in somnie TABLEAU 19.1)
ATTITUDES • Ne pas minimiser les impacts du problème de sommeil sur la qualité de vie de Jasmine • Ne pas imposer des moyens d’induire le sommeil • Ne pas culpabiliser la cliente parce qu’elle a recours à un médicament offert en vente libre
PENSÉE CRITIQUE
ÉVALUATION • • • • • • • • • • • • • • • • •
Habitudes de sommeil de la cliente avant qu’elle éprouve ses difcultés actuelles Besoin de faire des siestes pendant la journée Présence de somnolence diurne Raisons pour lesquelles la cliente se réveille pendant la nuit, si c’est le cas Sensation au réveil Temps requis pour s’endormir (en minutes) Nombre d’heures de sommeil par période de 24 heures Différence dans les habitudes de sommeil entre la semaine et la n de semaine Stresseurs inuant sur le sommeil Moyens pris pour aider à dormir Routine du coucher propice au sommeil Environnement prédisposant au sommeil Consommation de substances entravant le sommeil Impacts du manque de sommeil sur son rendement scolaire et sur ses relations sociales Contenu du journal de sommeil Signes d’un manque de sommeil Motivation à expérimenter d’autres moyens que le Sominex md pour faciliter le sommeil
19
JUGEMENT CLINIQUE FIGURE 19.7
Application de la pensée critique à la situation clinique de Jasmine
Chapitre 19
Troubles de l’alternance veille-sommeil
543
Chapitre
20
Modèles et stratégies thérapeutiques Écrit par : Claire Page, inf., Ph. D. (Sciences biomédicales – psychiatrie sociale) avec la collaboration de Gérard Lebel, inf., M. Ps., M. B. A. et de Dalila BenhaberouBrun, inf., M. Sc. Mis à jour par : Claire Page, inf., Ph. D. (Sciences biomédicales – psychiatrie sociale) D’après un texte de : Nancy A. CofnRomig, DNSc, PMHCNSBC
MOTS CLÉS
OBJECTIFS
Approche de résolution de problèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 567 Approche éclectique . . . . . . . . . . . . . . . . 548 Approche intégrative . . . . . . . . . . . . . . . . 548 Approche systémique . . . . . . . . . . . . . . . . 561 Entretien motivationnel . . . . . . . . . . . . . . 563 Groupe thérapeutique . . . . . . . . . . . . . . . 571 Perspective comportementale . . . . . . . 551 Perspective humaniste . . . . . . . . . . . . . . 559 Perspective psychodynamique . . . . . . 549 Psychothérapie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 546 Psychothérapie interpersonnelle . . . . 560 Thérapie cognitivo comportementale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 554 Thérapie d’orientation humaniste . . . . 560
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez être en mesure : • de distinguer la psychothérapie des autres interventions d’aide ou psychothérapeutiques ; • de discuter des grandes tendances contemporaines en matière de psychothérapie (thérapie brève, approches intégratives et éclectiques) ; • d’énoncer les principes à la base des grands courants de pensée en psychologie (psychodynamique, comportemental, cognitif, approche familiale systémique et humaniste) ; • d’expliquer les caractéristiques des approches psychothérapeu tiques couramment utilisées en santé mentale (psychothérapie interpersonnelle, entretien motivationnel, intervention de soutien, approche de résolution de problèmes, milieu thérapeutique et thérapie de groupe) ; • de déterminer les interventions psychothérapeutiques pouvant être intégrées aux soins infirmiers prodigués aux personnes qui présentent des problèmes de santé mentale.
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À retenir Carte conceptuelle Ressources Solutionnaire de l’Analyse d’une situation de santé
Guide d’études – RE15
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Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
• • • •
Solutionnaire des questions de Jugement clinique Solutionnaire des questions Réactivation des connaissances Solutionnaire des questions Récemment vu dans ce chapitre Solutionnaires du Guide d’études
Concepts clés
Cette carte conceptuelle illustre schématiquement les principaux concepts décrits dans le présent chapitre. Sa lecture vous permettra d’avoir une vue d’ensemble des notions qui y sont présentées.
pour causés par
basée sur
dont
capacité de
basée sur
vise
accent sur
selon diverses perspectives
Modèles et stratégies thérapeutiques autres stratégies
selon spécicité et complexité
les humains
et
importance de
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Chapitre 20
Modèles et stratégies thérapeutiques
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PORTRAIT
Fredeline Dauphin Fredeline Dauphin, âgée de 37 ans, est mère de deux ls âgés de 4 et 8 ans, dont le cadet est autiste. Son mari a reçu un diagnostic de cancer et il suit actuellement un traitement de chimiothérapie. Il ne tolère pas très bien le traitement et est souvent malade physiquement. Madame Dauphin est à la clinique en vue d’obtenir des médicaments pour « ses nerfs et son insomnie ». Elle est une nouvelle cliente qui ne présente aucun antécédent de dépression ni d’anxiété. Elle explique qu’elle a de la difculté à maîtriser ses émotions et qu’elle pleure facilement, ressent de la frustration et se fâche contre son mari et ses enfants pour des « choses insigniantes ». De plus, madame Dauphin mentionne qu’elle a de la difculté à se concentrer, a perdu 7 kg en 6 semaines et a une distractivité accrue. Elle ne consomme ni alcool ni drogues. Son mari n’est plus en mesure de travailler et les factures s’accumulent. Dernièrement, son ls autiste a fait une crise de colère à l’épicerie et un client lui a demandé de contrôler son enfant. Madame Dauphin mentionne être sortie du magasin en courant, s’être assise dans la voiture et avoir attendu d’arrêter de pleurer avant de prendre le volant. Elle se sent coupable de ne pas être en mesure d’offrir un environnement harmonieux à ses enfants et d’accompagner sereinement son mari dans la dernière étape de sa vie. Même si elle afrme ne pas vouloir que son mari meure, madame Dauphin admet qu’elle sera « soulagée lorsque tout sera terminé ». Elle dit avoir eu des idées suicidaires passives, comme celle de faire une sortie de route sur l’autoroute, mais elle ajoute qu’elle ne poserait pas un tel acte à cause de ses enfants et de son mari.
Psychothérapie systé matisée : Psychothérapie dont le processus et le cadre sont homogènes et dont le contrat est formel.
546
Partie 4
20.1
Considérations générales
20.1.1
Dénition de la psychothérapie
De nombreuses dénitions de la psychothérapie ont été proposées. De façon très large, Delourme et Marc (2004) la dénissent ainsi : […] un processus d’accompagnement psychorelationnel de personnes en souffrance à des ns d’élucidation, d’élaboration et d’émancipation. Le terme « psychothérapie » est donc générique puisqu’il concerne diverses méthodes appartenant à un même genre commun. À l’intérieur de cette unité disciplinaire se développent des modalités théorico-pratiques différenciées, allant de la mise à jour des phénomènes inconscients à la recherche de modications comportementales en passant par la mobilisation des forces énergétiques, l’analyse des jeux transactionnels, l’exploration d’enjeux contextuels et systémiques, et bien d’autres
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
focalisations possibles, toutes aussi pertinentes et utiles les unes que les autres.
Le fait que la relation d’aide et la psychothérapie ne soient pas toujours nettement distinguées dans les écrits entraîne souvent une certaine confusion (Chalifour, 1999). Le choix des termes utilisés, à savoir thérapie ou psychothérapie, intervention thérapeutique ou psychothérapeutique, soulève souvent de l’incertitude par rapport à leur usage. Par prudence, la tendance est d’utiliser des termes généraux tels que approches thérapeutiques ou interventions thérapeutiques. Jacques Chalifour (1999), un acteur important dans la formation des inrmières québécoises en relation d’aide, propose un modèle basé sur les assises théoriques de la perspective existentielle-humaniste, dans lequel il décrit l’intervention thérapeutique selon trois types d’activités à caractère psychosocial de niveaux croissants : 1) la communication courante ; 2) la relation d’aide professionnelle caractérisée par des attitudes nécessaires pour créer l’alliance thérapeutique (respect, compréhension empathique, authenticité, compassion et espoir) ; 3) l’intervention psychothérapeutique qui regroupe différentes stratégies thérapeutiques (thérapie de soutien, thérapie expressive, thérapie de deuil, thérapie de résolution de problèmes et thérapie de crise). Selon Chambon et Marie-Cardine (1999), le terme thérapie tend à englober indistinctement toute thérapeutique (p. ex., l’acharnement thérapeutique, l’adhésion thérapeutique, etc.). Dans le monde de la psychologie, ces auteurs soulignent la tendance dans le passé à désigner sous le terme thérapie des thérapies de types comportementales ou cognitives, alors que le terme psychothérapie faisait référence à la psychothérapie d’orientation psychanalytique. Cette terminologie mettait ainsi en opposition un changement « superciel » à un changement « profond », ce qui reète la lutte idéologique de l’époque. En fait, selon la terminologie utilisée dans la littérature, il ressort que des interventions peuvent être de nature thérapeutique ou psychothérapeutique, sans pour autant s’inscrire dans le cadre formel d’une psychothérapie systématisée. Deneux et ses collaborateurs (2009), à l’instar de Chambon et Marie-Cardine (1999), proposent une nouvelle classication de psychothérapies selon un niveau ou un degré croissant de spécicité et de complexité TABLEAU 20.1. Cette classication aide à situer l’intervention psychothérapeutique, à savoir si elle atteint le niveau d’une psychothérapie systématisée ou éclectique intégrative, réservée aux psychologues et aux psychothérapeutes. De plus, elle a l’avantage de prendre en compte le soutien social qui joue un rôle important et elle décrit le niveau d’intervention attendu des soignants, lequel s’appuie sur des approches reconnues en psychologie sans pour autant être une psychothérapie systématisée.
Une autre façon de différencier les niveaux d’intervention est utilisée dans un programme novateur (Improving Access to Psychological Therapies[IAPT]) implanté en Angleterre en 2005, qui vise à améliorer l’accès à des interventions psychothérapeutiques indiquées pour les per sonnes souffrant de dépression et de troubles anxieux (Brouillet, Roberge, Fournier et al., 2009). En fait, ce programme mise sur la formation d’une importante maind’œuvre qualiée dans le but d’augmenter l’accès à des interventions thérapeu tiques en première ligne, basées sur les guides de pratique clinique du National Institute for Health and Clinical Excellence (NICE). Deux grands types d’interventions sont dénis, soit les interventions de faible intensité et les interventions d’intensité élevée. Dans le cas de la dépression caractérisée, les interventions de faible intensité correspondent, par exemple, au soutien à l’autogestion des soins, à la thérapie cognitive comportementale assistée par ordinateur ou autres. Les interventions d’in tensité élevée pourraient être la thérapie cognitivocomportementale, la thérapie interper sonnelle, la thérapie comportementale de couple et ainsi de suite. L’évaluation d’une première phase du programme démontre des effets très posi tifs concernant le nombre de personnes évaluées, traitées et suivies, le rétablissement de ces per sonnes et leur retour en emploi. La distinction entre les interventions par leur niveau d’intensité s’inscrit dans le modèle d’intervention par étapes, c’estàdire basé sur le degré de soins qui augmente en lien avec la complexité des soins requis (gravité des symptômes, caractéristiques personnelles et sociales du client, préférences du client et réponse au traitement) (Brouillet et al., 2009). Cette ten dance s’accentue rapidement au Québec. Les travaux préalables à la création de la Loi modiant le Code des professions et d’autres dis positions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines (adoptée en 2009 et en vigueur depuis 2012) devaient aboutir à la formulation d’un énoncé sufsamment clair pour distinguer ce qu’est la psychothérapie de ce qu’elle n’est pas, an de pouvoir l’encadrer en tant qu’activité réservée. Le Guide explicatif de la Loi modiant le Code des professions et d’autres dis positions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines dénit la psy chothérapie de la façon suivante (Office des professions du Québec, 2012) : Un traitement psychologique pour un trouble mental, pour des perturbations comportementales ou pour tout autre problème entraînant une souf france ou une détresse psychologique qui a pour but de favoriser chez le client des changements signicatifs dans son fonctionnement cognitif, émotionnel ou comportemental, dans son système interpersonnel, dans sa personnalité ou dans son état de santé. Ce traitement va audelà d’une aide
TABLEAU 20.1
Classication des psychothérapies selon le processus, le cadre et le contrat
NIVEAU
DESCRIPTION
Type I
Intervention non vraiment dénie ou légèrement formalisée dont les cadres et processus multiples s’enchevêtrent (p. ex., le soutien psychologique spontané offert dans la vie courante, dispensé par les parents, les amis et d’autres personnes ou apporté par des organismes bénévoles ou des groupes d’entraide)
Type II
Attitude psychothérapeutique qui se situe dans un cadre précis bien déni dont le but est différent du changement psychologique (p. ex., le processus relationnel entre un médecin ou une inrmière et le client) ; « psychothérapie sans intervention spécique mais de références diverses, psychanalytique, sociothérapique, cognitive, comportementale, systémique, associées ou non » (Chambon & Marie-Cardine, 1999)
Type III
Ensemble des psychothérapies spéciques ou systématisées ; processus et cadre homogènes, contrat formel
Type IV
Psychothérapies éclectiques et intégratives
Type V
Psychothérapies institutionnelles distinctes en raison de leur complexité, de la combinaison de cadres et de processus multiples (p. ex., le milieu thérapeutique)
Source : Adapté de Deneux Poudat, Servillat et al. (2009).
visant à faire face aux difcultés courantes ou d’un rapport de conseils ou de soutien.
À l’exception du médecin et du psychologue, nul ne peut exercer la psychothérapie, ni utiliser le titre de psychothérapeute s’il n’est pas membre d’un ordre professionnel reconnu, et qu’il n’est pas titulaire du permis de psychothérapeute émis par l’Ordre des psychologues du Québec selon les conditions édictées par un règlement de l’Ofce des professions du Québec (Ofce des professions du Québec, 2012). La formation exigée pour avoir accès au titre de psychothérapeute comprend un diplôme universitaire de maîtrise dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines, une formation théorique de niveau universitaire (765 heures) et un stage supervisé (600 heures). Le Guide explicatif présente un certain nombre d’interventions couramment pratiquées par des pro fessionnels de la santé qui, au sens de la loi, ne sont pas de la psychothérapie. Il s’agit des interventions suivantes : les rencontres d’accompagnement ; les interventions de soutien ; l’intervention conjugale et familiale dans le but de promouvoir et de soutenir le fonctionnement optimal du couple ou de la famille ; l’éducation psychologique ; la réadaptation ; le suivi clinique ; le coaching ; l’intervention de crise.
20.1.2
Le National Institute for Health and Clinical Excellence (NICE) est une organisation britannique indépendante dont la mission est d’établir les normes cliniques par rapport à la promotion de la santé, à la prévention et au traitement des problèmes de santé. NICE publie des guides de pratique clinique d’une grande qualité. Vous pouvez consulter le site Web de cette organisation au www.nice.org.uk.
Types de psychothérapies
Les psychothérapies et les approches psychothérapeu tiques ou psychosociales connaissent un foisonne ment considérable depuis les années 1970. Plus de Chapitre 20
Modèles et stratégies thérapeutiques
547
20
400 étaient dénombrées à la n des années 1980 (Deneux et al., 2009). Bien que cette prolifération de psychothérapies constitue une richesse indéniable, il devient de plus en plus difcile de s’y retrouver. Les façons de les classier varient en fonction de différents critères. Considérées selon les modèles théoriques, les thérapies peuvent être d’orientations psychodynamique, comportementale, cognitive, humaniste ou systémique. Selon le nombre de personnes, la durée et le mode de communication, elles peuvent être individuelles ou de groupe, brèves ou prolongées, verbales ou non verbales (Deneux et al., 2009).
CE QU’IL FAUT RETENIR
Aucune approche ne s’est clairement montrée supérieure aux autres, c’est surtout la qualité de la relation, la force de l’alliance thérapeutique, la motivation du client et les qualités personnelles du psychothérapeute qui importent.
548
Partie 4
Les grandes écoles classiques couramment présentées sont : la perspective psychodynamique ; les perspectives comportementale et cognitive ; la perspective humaniste. D’autres perspectives coexistent telles que les thérapies hypnotiques, les thérapies corporelles (bioénergie), l’analyse transactionnelle, les approches systémiques, la thérapie interpersonnelle et d’autres. Dans le cadre de la Loi modiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines, quatre grands modèles théoriques d’intervention sont retenus pour la reconnaissance de la pratique de la psychothérapie au Québec. Ce sont les modèles psychodynamiques, les modèles cognitivo-comportementaux, les modèles humanistes ainsi que les modèles systémiques et les théories de la communication.
La multiplicité des psychothérapies systématisées et la reconnaissance de facteurs communs à toutes les psychothérapies ont conduit à l’émergence des mouvements éclectique et intégratif. Nombreux sont les psychothérapeutes ou psychologues qui, plutôt que de s’engager dans des luttes idéologiques au profit d’une seule approche, uti lisent une approche éclectique, c’est-à-dire qui emprunte à différentes perspectives des interventions en vue de mieux répondre aux besoins particuliers de chaque client (Tavris & Wade, 1999). L’éclectisme n’est pas un mélange de techniques tirées ici et là, choisies de façon arbitraire. Il signie que le thérapeute ou le psychologue change d’attitudes et de rôles avec cohérence, souplesse et rigueur, en fonction des besoins du client. Le choix des interventions est basé sur leur efcacité ainsi que sur une connaissance approfondie et des compétences sufsantes pour les accomplir correctement. Quant à l’approche intégrative, elle se situe plutôt au plan théorique. Elle est orientée vers l’élaboration de théories générales de la psychothérapie, qui intégrent diverses idéologies spéciques de théories existantes. Chambon et Marie-Cardine (1999) empruntent la comparaison suivante, émise par Norcross, pour illustrer l’éclectisme et l’intégration : « […] dans une comparaison gastronomique, l’éclectisme technique compose un menu avec différents plats, alors que l’intégration théorique compose un nouveau plat en combinant différents ingrédients ».
20.1.3
20.1.4
Approches éclectique et intégrative
Dans les faits, aucune approche ne s’est clairement montrée supérieure aux autres (Preston, 2003). Une méthode, ou une combinaison de méthodes, peut très bien s’avérer efcace pour une personne et non pour une autre. La bonne thérapie pour tous les clients, tous les problèmes et tous les thérapeutes n’existe pas, bien que certains psychothérapeutes puissent être convaincus d’appliquer l’unique meilleure méthode (Delourme & Marc, 2004). En fait, aucune perspective ne détient « le monopole de la compréhension du comportement humain » (Tavris & Wade, 1999). Au cours des dernières années, les chercheurs se sont particulièrement intéressés aux facteurs communs des différentes approches. Ces facteurs communs, quel que soit le modèle utilisé, expliqueraient 30 % des effets thérapeutiques, alors que les facteurs spéciques distinctifs des différentes approches ne compteraient que pour 15 % (Deneux et al., 2009). La qualité de la relation et la force de l’alliance thérapeutique ressortent clairement parmi les facteurs communs les plus importants. La motivation du client et les qualités personnelles du psychothérapeute sont d’autres facteurs déterminants, communs à toutes les psychothérapies.
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
Thérapie brève
Dans un contexte où les coûts sont assumés par des compagnies d’assurance ou par le réseau de la santé qui cherche intensément à réduire ses dépenses, les thérapies brèves, centrées sur les problèmes, les symptômes et les solutions sont hautement privilégiées (Lebourgeois, 1999). L’efcacité est attendue. Par le recours à une large variété de techniques comportementales ou cognitives, il s’agit d’aider la personne à retrouver le plus rapidement possible son fonctionnement dans la vie quotidienne (Cabié & Isebaert, 1997). La thérapie brève est habituellement de l’ordre de 6 à 20 séances. Tandis que plusieurs psychothérapeutes et psychologues y adhèrent favorablement, d’autres croient que trop d’attention est accordée à la durée et qu’il est illusoire de croire qu’il est possible de traiter en 10 séances des troubles obsessionnels, par exemple. Selon Moro et Lachal (2006), il n’est plus à démontrer, dans la pratique, que les thérapies brèves peuvent modier le devenir de la personne, non seulement dans des situations de crise ponctuelles, mais aussi pour des troubles tels qu’un état anxieux chronique ou des troubles de la personnalité. Par contre, les thérapies brèves sont contre-indiquées pour les troubles psychosomatiques et les troubles psychotiques chroniques.
Soins et traitements inrmiers L’inrmière, dont l’approche se veut globale et holistique, utilise depuis toujours diverses interventions psychothérapeutiques visant à aider les clients à maintenir ou à accroître leur bien-être psychologique lorsque leur santé physique ou mentale est menacée ou altérée. Les dénitions de la psychothérapie et la différenciation de niveaux de psychothérapie ou d’intervention fournissent des balises utiles pour déterminer les interventions que l’inrmière peut effectuer. Le niveau II, décrit par Deneux et ses collaborateurs (2009), interpelle l’ensemble des soignants, et très certainement les inrmières. À ce sujet, ces auteurs déclarent : […] 50 % à 60 % des malades expriment à travers des plaintes rapportées à leur corps des troubles psychologiques et parfois des maladies mentales caractérisées. Ces effets impliquent les attitudes psychologiques des praticiens et leur interaction avec le patient. Paradoxalement, cellesci devraient requérir une connaissance et une pratique approfondie de différentes techniques dans une sorte d’éclectisme personnel, alors que la majeure partie des praticiens demeurent sans formation ; ils mettent en œuvre leurs aptitudes psychothérapiques naturelles et les attitudes spontanées qui en découlent, parfois remarquables, souvent décientes, ou laissées en friche, telles que dénies au niveau I.
Les attributs tels que l’empathie, l’authenticité, une attitude chaleureuse permettent à l’infirmière d’établir une relation thérapeutique avec le client 5 . Les inrmières cliniciennes occupent une position privilégiée pour déployer des interventions de faible intensité, recommandées par les guides de pratique clinique, à un grand nombre de personnes souffrant de troubles anxieux ou dépressifs susceptibles de bénécier de ces approches. Par exemple, dans son intervention fondée sur une approche cognitivo-comportementale, l’inrmière peut relever dans le discours du client des erreurs cognitives comme des jugements exagérément négatifs envers lui-même. Par ses questions, elle peut l’amener à remettre en cause la validité de ces pensées sur la base d’autres informations ou éléments vériables. Plusieurs interventions psychothérapeutiques telles que l’entretien motivationnel et la thérapie de résolution de problèmes sont des méthodes qui peuvent être utilisées pour aider la personne à maintenir ou à recouvrer sa santé physique et mentale. D’ici quelques années, les inrmières intéressées par le domaine de la psychothérapie seront plus nombreuses à se doter d’une formation universitaire conduisant au titre réservé de psychothérapeute, ce qui est maintenant possible depuis la mise en vigueur récente de la Loi modiant le Code des professions et d’autres
dispositions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines. Par ailleurs, le travail en interdisciplinarité exige de l’inrmière une connaissance sufsante des divers types de psychothérapies an d’être en mesure de renseigner le client sur les options qui s’offrent à lui et d’assurer une cohérence entre ses propres interventions et la thérapie dans laquelle le client est engagé le cas échéant. Il est vraisemblable que la prolifération rapide des formes de psychothérapie se soit faite pour certaines sur fond d’un fléchissement de la rigueur scientifique nécessaire (Lebourgeois, 1999). Les connaissances de l’inrmière lui permettent de porter un regard critique sur certaines approches parfois présentées à tort comme la découverte du siècle ou commercialisées par des gourous intéressés.
20.2
Perspective psychodynamique
Sigmund Freud (1856-1939), médecin autrichien, est le fondateur de la perspective psychodynamique et de la psychanalyse, un grand mouvement fondé sur la dynamique inconsciente de la personne. Le principe fondamental est que le comportement provient de désirs inconscients (désirs inavouables, envies, ambitions pouvant susciter de la culpabilité, pulsions). La personne doit apprendre à con trôler ces désirs pour vivre en harmonie dans la société. Pour Freud (1960), le comportement humain résulte essentiellement de l’interaction entre le ça, le moi et le surmoi. • Le ça correspond aux pulsions de vie (ou pulsions sexuelles) et aux pulsions de mort (ou pulsions agressives). Il fonctionne selon le principe du plaisir. Il cherche à diminuer la tension, à éviter la douleur et à procurer du plaisir. L’environnement, la culture et la réalité objective n’ont pas d’inuence sur le ça. • Le moi, capable de pensée rationnelle et de sagesse, fonctionne selon le principe de la réalité. Il joue le rôle de médiateur entre le ça et le surmoi.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les attributs tels que l’empathie, l’authenticité, une attitude chaleureuse permettent à l’inrmière d’établir une relation thérapeutique avec le client.
5 Le chapitre 5, Communication et relation thérapeutique, présente les différents attributs que l’inrmière doit acquérir pour favoriser l’établissement de la relation thérapeutique.
• Le surmoi représente la morale, les règles transmises par les parents ou les normes sociales. Il correspond à l’idéal du moi (ce qui est bien) et à la conscience morale (ce qui est mal). Un conit entre le ça et le surmoi peut susciter de l’angoisse et de la tension. Le moi entre alors en jeu pour atténuer cette tension en utilisant des mécanismes de défense qui, de façon inconsciente, viennent nier ou déformer la réalité. Par exemple, par refoulement, un souvenir trop menaçant pour Chapitre 20
Modèles et stratégies thérapeutiques
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20
la personne peut être repoussé hors du champ de la conscience. Un tel mécanisme de défense peut participer au maintien de l’équilibre entre le ça, le moi et le surmoi, ou entraîner des diffi cultés émotionnelles ou des comportements autodestructeurs.
20.2.1
Thérapie d’orientation psychodynamique
Selon Freud, la disparition des symptômes sur vient lorsque la personne découvre ses pulsions et ses sentiments refoulés ou ses conflits inconscients. À cette n, il fonde la psychanalyse. Celleci évoque l’image classique dans laquelle une personne, allongée sur un divan avec l’ana lyste placé derrière elle, est invitée à dire tout ce qui lui traverse l’esprit en puisant dans ses souve nirs, ses rêves, ses fantasmes ou ses pensées. Ceci correspond à la principale méthode utilisée en psychanalyse, soit l’association libre. Les rêves sont considérés comme une source objective de matériel reflétant symboliquement le conflit intrapsychique responsable des symptômes du client (Freud, 1961 ; Jung, 1969). Ce dernier les note et les interprète avec l’aide du psychanalyste. Des associations personnelles avec des symboles, des images ou des personnes font émerger des sen timents et des souvenirs inconscients. Le psycha nalyste aide le client à explorer ses souvenirs, ses pensées et ses sentiments associés, à en prendre conscience pour arriver à une meilleure compré hension des effets de ces souvenirs d’enfance sur les symptômes présents. La thérapie psychanalytique utilise également comme élément d’analyse le transfert, c’estàdire le phénomène par lequel la personne déplace de façon inconsciente ses émotions et conits sur l’analyste. L’exploration des souhaits et des besoins projetés devient ainsi possible. Ensemble, le client et le thérapeute décèlent les mécanismes de défense qui entrent en jeu et les remettent soigneu sement en question, ce qui permet une libération progressive des souvenirs réprimés. Le terme psy chodynamique plutôt que psychanalytique est utilisé pour reéter davantage le travail réalisé avec le transfert. L’analyste aide le client à intégrer le matériel ré primé, ce qui nit par mener à la réduction ou à la disparition des symptômes. Plusieurs disciples de Freud se sont inspirés de sa théorie pour élaborer leur propre modèle. C’est le cas, entre autres, d’Alfred Adler (18701937) (rôle déterminant des facteurs sociaux dans le développe ment de la psyché), de Carl Gustav Jung (18751961) (inuence d’un inconscient collectif sur l’inconscient individuel), de Karen Horney (18851952) (modèle d’inspiration féministe où la névrose est un signe de conits internes ayant à la base le mouvement vers autrui, contre autrui et de fuite devant autrui) et de Erik Erikson (19021994) (succession de huit stades
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Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
de développement tout au long de la vie, lesquels remettent chaque fois en question l’identité et se soldent par la croissance ou la stagnation). Anna Freud (18951982) a poursuivi les travaux de son père en s’intéressant essentiellement à la psychologie des enfants. L’école de la relation d’objet créée par Melanie Klein, W. Ronald Fairbairn et D.W. Winnicott est un courant toujours actuel. Cette théorie reconnaît le besoin d’être en relation avec les autres comme étant un élément central du développement psycho logique et met l’accent sur l’importance des deux premières années de la vie. L’équilibre de la personne dépend en grande partie de sa capacité d’adaptation aux séparations et aux pertes, laquelle dépend essen tiellement des expériences vécues au cours des deux premières années de sa vie. Plusieurs psychologues ou psychothérapeutes s’inspirent des fondements de la perspective psycho dynamique, en considérant par exemple les souvenirs de l’enfance, les rêves, le transfert et les résistances. Les tests projectifs qui consistent à découvrir les moti vations et conits inconscients de la personne à partir de la façon dont elle interprète une illustration ou un stimulus ambigu (p. ex., le test de Rorschach dans lequel la personne interprète des taches d’encre abs traites) sont des exemples d’activités actuelles décou lant de la perspective psychodynamique.
20.2.2
Apport et limites de la perspective psychodynamique
La perspective psychodynamique a depuis tou jours fortement inuencé la psychologie. Elle a le mérite d’avoir donné un essor incommensurable à la psychologie en créant « la thérapie par la parole ». Elle a contribué à la reconnaissance de l’importance des conflits survenant au cours de l’enfance. La plupart des gens ont encore aujourd’hui souvent recours aux processus décrits par la perspective psychodynamique pour expli quer les comportements. C’est le cas par exemple lorsqu’une personne cherche la signication de ses rêves ou d’un lapsus. Il arrive à tous d’être surpris par le déni d’une personne qui refuse d’entrevoir le caractère incurable de sa maladie ou celui d’une autre visiblement en colère ou triste qui se défend d’éprouver ce sentiment. Il est fréquent de voir quelqu’un déplacer sa colère sur une autre per sonne que celle qui l’a suscitée, ou la régression d’un enfant à la suite d’un événement comme la maladie ou le divorce de ses parents. Depuis sa naissance, la perspective psychodyna mique a toujours été et est encore sujette à la contro verse et aux débats (Shedler, 2011). Elle est surtout critiquée pour son manque de scienticité, c’est àdire la difculté de vérier de façon scientique les hypothèses émises. Une autre critique repose sur le fait que toute cette construction à propos de l’in conscient provient, somme toute, de l’analyse des discours d’un nombre limité de personnes. De plus,
la psychothérapie psychodynamique serait d’une efcacité variable. Elle serait davantage protable aux personnes qui ont une bonne capacité d’intro spection, qui sont intéressées à explorer leur passé et qui ont de bonnes habiletés sur le plan verbal. Elle serait moins efcace pour les personnes aux prises avec des troubles mentaux graves, par exemple la schizophrénie.
Soins et traitements inrmiers La perspective psychoanalytique a inuencé les travaux de Hildegard E. Peplau, pionnière des soins inrmiers psychiatriques. L’un des concepts centraux de sa conception de la discipline inr mière est le processus interpersonnel entre la per sonne et l’infirmière, qui tient compte de la dimension intrapsychique. Peplau s’est inspirée, entre autres, du modèle d’Harry Stack Sullivan (théorie interpersonnelle) et de la théorie de Freud (Pépin, Kérouac & Ducharme, 2010). Par exemple, elle dénit la phase de l’identication comme une relation d’interdépendance entre le client et l’in rmière, réactivant chez le client des sentiments de l’enfance (dépendance, égocentrisme, etc.). L’inrmière se rapporte régulièrement à divers éléments de la perspective psychodynamique pour comprendre les réactions du client et des membres de la famille dans diverses situations de santé. Par exemple, les mécanismes de défense tels que le déni, le refoulement, la rationalisation sont souvent reconnus et considérés dans la planication des soins. L’inrmière tient compte des phénomènes de transfert et de contretransfert de façon à maintenir une relation thérapeutique saine. Par exemple, par un processus inconscient, un client peut se montrer sévère et sarcastique avec une inrmière qui res semble à sa jeune sœur avec laquelle il a eu d’im portants conits. Les réactions ou les sentiments du client peuvent susciter de la colère chez l’inrmière et une réaction disproportionnée d’évitement qui perturbe la capacité de cette dernière à prodiguer des soins. Celleci doit prendre conscience de sa réaction et prendre les moyens nécessaires pour assurer au client des soins de qualité.
20.3
20.3.1
Perspectives comportementale et cognitive Perspective comportementale
La perspective comportementale repose sur le principe que le comportement résulte d’une réponse apprise à des stimulus extérieurs (envi ronnement) ou internes (organisme). Se distançant
d’une théorie basée sur des concepts non mesu rables, tels que l’inconscient ou l’introspection, les tenants se sont appuyés sur l’idée de construire un modèle théo rique scientique, c’estàdire démontré par des données observables et mesu rables. John Broadus Watson (18781958), psycho logue américain, est considéré comme le chef de le de la perspective comportementale. À partir des travaux de Ivan Petrovich Pavlov (18491936), physiologiste soviétique, et de Burrhus Frederic Skinner (19041990), il a été démontré que le com portement humain pouvait être expliqué en grande partie par deux types de conditionnements : le conditionnement classique (ou conditionnement répondant) et le conditionnement opérant.
Conditionnement classique (ou conditionnement répondant) Pavlov, par ses expériences avec des chiens, a construit la théorie du conditionnement classique. Un stimulus inconditionnel (nourriture) déclenche une réponse inconditionnelle (salivation), de l’ordre d’un réexe. Ce même stimulus incondi tionnel (nourriture), associé de façon répétitive à un stimulus neutre (son d’une cloche), déclenche la réponse inconditionnelle (salivation). Après le retrait du stimulus inconditionnel (nourriture), le stimulus neutre continue de déclencher la réponse (salivation en l’absence de nourriture). Le stimulus et la réponse sont alors appelés stimulus conditionnel et réponse conditionnelle. Le fait de cesser de délivrer le stimulus inconditionnel (nourriture) associé au stimulus conditionnel (son d’une cloche) produit graduellement l’extinction de la réponse conditionnelle (salivation). Pavlov a aussi observé que des stimulus semblables au stimulus conditionnel (divers sons de cloche) entraînaient aussi la réponse conditionnelle, phé nomène appelé généralisation du stimulus. Il peut aussi y avoir une réponse différente à des stimulus semblables, lorsque ce stimulus n’est pas associé au stimulus inconditionnel initial, ce qui corres pond à la discrimination du stimulus. Watson et Rosalie Rayner ont poussé plus loin l’idée en associant les émotions des êtres humains à des stimulus. Ils ont démontré que la peur pouvait résulter d’un conditionnement opérant. Au cours d’une expérience bien connue, ils ont suscité la phobie d’un rat blanc chez un petit garçon de 11 mois, nommé Albert. Initialement, l’enfant ne manifestait aucune peur du rat (MirabelSarron & Vera, 2011). Chaque fois qu’il s’apprêtait à le prendre, les chercheurs produisaient un bruit violent, si bien qu’à la seule vue de l’animal, Albert en est venu à pleurer et à trembler. Sa peur s’est généralisée à d’autres objets semblables comme les lapins blancs, la ouate ou les cheveux blancs. Bien que contestable sur le plan éthique, cette expérience célèbre démontre la possibilité de changer un Chapitre 20
20
CE QU’IL FAUT RETENIR
La perspective comportementale repose sur le principe que le comportement résulte d’une réponse apprise à des stimulus extérieurs ou internes.
Modèles et stratégies thérapeutiques
551
Jugement
clinique Annick Janvier, âgée de 21 ans, effectue un stage de n d’études en soins inrmiers au Cameroun. Elle a très peur des lézards au point où elle refuse d’entrer dans une pièce où il y en a un, pleure et présente des signes d’hyperventilation. Même si elle sait que c’est un animal inoffensif, elle n’arrive pas à surmonter sa peur. Malheureusement pour elle, les lézards sont bien présents au dispensaire où se déroule le stage, et elle y est exposée régulièrement. Un mois plus tard, madame Janvier est toujours incapable de les approcher, mais elle ne montre presque plus de signes d’hyperventilation et rit même de ses comportements. Quel phénomène du conditionnement classique est illustré dans cette situation ?
comportement par le contrôle du stimulus. Les chercheurs ont ensuite démontré la possibilité d’éliminer la peur des lapins chez un autre enfant âgé de trois ans, en associant cette fois la vue du lapin à des événements agréables. Dans cette orien tation, Joseph Wolpe (1915-1997) a introduit la méthode de contre-conditionnement (ou inhibition réciproque). Il s’agit d’exposer la personne au stimulus déclencheur de la réponse non désirable avec d’autres stimulus, une mu sique agréable par exemple.
Conditionnement opérant Le deuxième type de conditionnement est le conditionnement opérant qui repose sur le principe que ce sont les conséquences associées au comportement qui font que la probabilité de manifestation de celui-ci est augmentée ou diminuée FIGURE 20.1 . Skinner, reconnu pour son apport dans la théorie du conditionnement opérant, entrevoit le comportement comme étant plus complexe comparativement au conditionnement classique qui le dénit par sa nature réexe. Le renforcement est un stimulus ou un événement qui augmente la probabilité de manifestation d’un comportement. Inversement, la punition correspond à un stimulus ou à un événement qui la diminue.
Renforcement et punition Le renforcement peut être positif ou négatif, tout comme la punition. Par exemple, une personne atteinte d’anxiété sociale (phobie sociale) accepte une invitation à une petite fête. Le lendemain, elle reçoit des remerciements chaleureux et sincères de la part de l’amie qui a organisé l’événement. Cette conséquence est un renforcement positif (conséquence ajoutée) qui pourrait augmenter la fréquence de la réponse, c’est-à-dire accepter à nouveau une invitation semTristan Comeau, âgé de 32 ans, est dans un blable. Par ailleurs, participer épisode dépressif d’un trouble bipolaire. Il néglige à la fête un samedi soir lui son hygiène personnelle au point où il dégage une a permis d’éviter de ressasodeur plutôt désagréable pour son entourage. ser des idées noires et des L’inrmière et lui ont convenu comme objectif de regrets. Il s’agit d’un renforsoins qu’il prenne une douche au moins tous les cement négatif en ce sens que deux jours. Monsieur Comeau n’arrive cependant le comportement a permis pas à atteindre ce but, disant que cela lui demande d’éviter une situation indésitrop d’énergie et qu’il en est incapable pour rable. Au contraire, si cette le moment. Toutefois, il a accepté de changer de personne avait fait l’objet vêtements ce matin. Que pourriez-vous dire à d’une grossière plaisanterie monsieur Comeau pour lui démontrer du renforcedurant la soirée, sa présence ment positif ? à la fête aurait entraîné une
Jugement
clinique
552
Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
FIGURE 20.1
Conditionnement opérant
conséquence négative, soit une punition positive (conséquence ajoutée). Si sa présence avait provoqué une diminution de l’attention que son amie lui porte généralement, il s’agirait d’une punition négative (retrait d’un stimulus). Ces deux dernières situations auraient comme effet de diminuer la probabilité que se manifeste le comportement. En principe, les renforcements et les punitions sont plus efcaces s’ils suivent de près un comportement. Par exemple, il est plus difcile d’être dèle à une médication prescrite lorsque les effets bénéques tardent à se produire, comme c’est le cas des antidépresseurs par exemple. Il y a extinction du comportement appris lorsqu’il cesse d’être suivi d’un renforcement. Par exemple, l’arrêt tabagique d’une personne atteinte de schizophrénie pourrait échouer après que le programme d’aide à cet effet a pris n. Il peut y avoir une généralisation du stimulus, c’est-à-dire que le comportement peut être renforcé (ou découragé) par des stimulus semblables. Par exemple, l’arrêt tabagique pourrait être maintenu si la personne obtient de l’encouragement de ses pairs et de l’équipe soignante. Il peut y avoir discrimination du stimulus, c’est-à-dire que même si le comportement tend à se produire en la présence d’un stimulus, d’autres stimulus font en sorte qu’il ne se produit pas.
Théories de l’apprentissage social et cognitif Pour plusieurs chercheurs, le conditionnement ne pouvait expliquer à lui seul le comportement humain, ce qui a conduit à l’élaboration de plusieurs théories, dont les théories de l’apprentissage social et cognitif. Celles-ci sont particulièrement en vogue à la n des années 1960. Albert Bandura (né en1925), psychologue canadien, et ses collaborateurs mettent en évidence l’importance de l’apprentissage par l’observation et par imitation (ou modelage) en tant que déterminants du comportement (Mirabel-Sarron & Vera, 2011). L’interaction permanente et réciproque entre les déterminants cognitifs, comportementaux et environnementaux est au cœur de ces théories. Bien que le comportement humain soit déterminé en partie par l’environnement (renforcements et punitions), il l’est également par des caractérisques qui diffèrent d’une personne à l’autre : les croyances, les perceptions, les valeurs, les objectifs poursuivis, les émotions. L’estimation que fait la personne de la maîtrise qu’elle peut exercer sur une situation et de son efficacité personnelle pour atteindre ses objectifs a un impact crucial sur sa motivation à adopter un comportement ou non.
Thérapies comportementales L’élaboration des programmes de renforcement et d’apprentissage est fondée sur la perspective comportementale. Il existe de nombreuses techniques de « modication du comportement », qui se sont avérées efcaces avec des personnes atteintes d’autisme, par exemple, ou ayant une décience intellectuelle. Des programmes faisant appel à l’économie de jetons à échanger contre des privilèges ont été mis sur pied (Tavris & Wade, 1999). Les comportements souhaités peuvent être suscités par la modication de l’environnement, de même que par l’apport de renforcements positifs. Une autre technique appelée façonnement consiste à renforcer par étapes un comportement qui, bien que n’étant pas le comportement nal désiré, s’en rapproche de plus en plus. Il s’agit d’approximations successives fournies tout au long du processus d’apprentissage. Le comportement peut aussi provenir d’un apprentissage par les règles ou par imitation (suivre un exemple). Une pratique courante du principe de contreconditionnement réside dans la désensibilisation systématique, qui est une méthode mise au point par Wolpe (Cottraux, 2011). Cette thérapie aide les personnes à surmonter la peur d’un stimulus particulier (p. ex., un animal ou la prise de parole en public) (Godefroid, 2008). Le thérapeute et le client établissent une hiérarchie des stimulus anxiogènes. Le client attribue à chacun des stimulus une valeur indiquant le degré d’anxiété que le stimulus provoque lorsqu’il y est exposé, soit entre 1 (anxiété légère) et 10 (anxiété extrême). La désensibilisation se fait généralement en deux temps, en imagination d’abord puis dans la réalité. Une technique de relaxation progressive est d’abord enseignée au client. Une fois détendu, le client est invité à imaginer un stimulus anxiogène, en commençant par le plus tolérable. L’anxiété doit être neutralisée par la relaxation avant de passer au stimulus suivant. Les mêmes étapes sont ensuite répétées graduellement dans la réalité cette fois. Depuis quelques années, cette approche peut être assistée par la réalité virtuelle rendue possible avec l’ordinateur (Botella, Osma, Garcia-Palacios et al., 2004 ; Coelho, Waters, Hine et al., 2009 ; Krijn, Emmelkamp, Olafsson et al., 2004 ; Parsons & Rizzo, 2008 ; Rothbaum, 2009 ; Wolitzky-Taylor, Horowitz, Powers et al., 2008).
20.3.2
chercheurs, les perceptions et l’interprétation des événements, faites dans un processus appelé appréciation cognitive, inuencent les émotions et les comportements FIGURE 20.2. Ce que la personne pense d’une situation ou d’un événement a un effet déterminant sur ses émotions, lesquelles ont à leur tour un impact sur son comportement. La thérapie relationnelle-émotive, mise au point par Ellis (1962), est basée sur le principe que des fausses croyances et des règles de vie inadéquates inuencent le jugement que la personne porte sur un événement ou une situation en générant des pensées irrationnelles. Ces pensées entraînent de la souffrance émotionnelle. Par exemple, des règles se présentent fréquemment sous forme de « je dois… », « il faut que… ». Une fausse croyance pourrait être : « ma valeur comme être humain dépend de ma capacité de réussir parfaitement tout ce que j’entreprends », ou « c’est à cause de mon passé que j’ai tant de problèmes ; il n’y a donc rien que je puisse faire pour changer les choses ». Les pensées et les croyances irrationnelles ou non adaptées peuvent être évaluées et remplacées par des pensées plus réalistes. Ainsi, le comportement devient aussi mieux adapté à la situation (Chaloult, 2008).
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les perceptions et l’interprétation des événements, faites dans un processus appelé appréciation cognitive, inuencent les émotions et les comportements.
Beck a observé que les personnes souffrant de dépression entretiennent une perception négative d’elles-mêmes, du monde et de l’avenir, phénomène désigné sous le nom de « triade de Beck » (Beck, Rush, Shaw et al., 1979). Selon lui, les pensées automatiques, c’est-à-dire celles qui apparaissent spontanément dans le discours intérieur de la personne, sont dysfonctionnelles en raison d’erreurs logiques (ou distorsions cognitives). Ces erreurs logiques proviennent de croyances intermédiaires, elles-mêmes issues de schémas (ou croyances fondamentales). Les schémas correspondent à des structures cognitives profondes et
20
Évolution de la perspective comportementale
Plus tard, la perspective comportementale a pris son essor dans les années 1960. Albert Ellis (19132007), psychologue américain, et Aaron T. Beck (né en 1921), psychiatre américain, ont construit leurs théories en y intégrant des composantes cognitives déterminantes relevées par plusieurs autres chercheurs ou théoriciens. Selon ces
FIGURE 20.2
Modèle cognitivo-comportemental Chapitre 20
Modèles et stratégies thérapeutiques
553
clinique
Jugement
inconscientes qui se cons truisent sous l’inuence de la Amélie Duguay, âgée de 30 ans, a acheté un personnalité de la personne, condominium il y a cinq ans. Pendant les travaux de ses expériences et des fac de réfection du stationnement, les propriétaires teurs environnementaux. Ils des condominiums constatent que le bâtiment est agissent comme des filtres construit sur un sol contaminé. La décontamination dans le traitement de l’infor représente des coûts exorbitants pour tous les mation. Ainsi, les schémas propriétaires. Madame Duguay ne parvient plus à erronés faussent la réalité et se défaire de l’idée que, quoiqu’elle fasse, elle entraînent des comporte prend toujours la mauvaise décision. Elle se blâme ments non adaptés à la situa d’avoir acheté ce condominium, même si rien ne tion réelle. À l’instar des pouvait indiquer ce revers. Elle se considère stupide croyances irrationnelles dé et conclue que dans la vie, même si les choses nies par Ellis, un exemple de semblent plutôt bien aller, elles vont mal nir. schéma pourrait reposer sur Quelles distorsions cognitives madame Duguay la croyance fondamentale « je montre-t-elle dans cette situation ? dois absolument être aimé par les personnes qui comptent pour moi ; je ne peux tolérer que ces personnes ne m’apprécient pas pour ce que je suis ». Ces schémas créent des croyances intermédiaires qui corres pondent à des présomptions plus ou moins conscientes (conséquences en lien avec la croyance fondamentale), à des règles (« je dois… ») ou à des attitudes (façons d’agir). Par exemple : « Si mon conjoint ne m’aimait plus, il ne me resterait plus rien dans la vie » (présomption), « ce serait la catas trophe » (attitude) ; « Je dois donc tout faire pour conserver son amour » (règle). Une situation, l’aban don par le conjoint par exemple, déclenchera plu sieurs pensées automatiques erronées en raison d’erreurs logiques. Ces pensées provoqueront de CE QU’IL FAUT RETENIR fortes émotions de détresse, entraînant des com portements inadaptés, consommer de l’alcool de Le but de la thérapie façon abusive ou tolérer de la violence par exemple. cognitivo-comportementale Beck et ses collaborateurs (1979) ont relevé plu est d’aider le client à cerner sieurs erreurs cognitives courantes chez les per ses schémas cognitifs sonnes souffrant de dépression (Chaloult, 2008 ; irrationnels et à remplacer Cottraux, 2011) TABLEAU 20.2. Le fait de cerner les ses pensées dysfonctionschémas cognitifs irrationnels et de les corriger se nelles par des pensées plus traduit par un soulagement des symptômes de la réalistes. dépression ou de l’anxiété (NICE, 2006).
Thérapie cognitivo-comportementale classique
Questionnement socratique (ou maïeutique) : Méthode reposant apparemment sur l’interrogation et se proposant d’amener un intelocuteur à prendre conscience de ce qu’il sait implicitement, à l’exprimer et à le juger.
554
Partie 4
Le but de la thérapie cognitivocomportementale est d’aider le client à cerner ses schémas cognitifs irrationnels et à remplacer ses pensées dysfonction nelles par des pensées plus réalistes (Cottraux, 2011). La thérapie cognitivocomportementale est généralement brève. Elle est directive et les séances se déroulent selon un agenda bien déni. La qualité de la relation entre le psychothérapeute et le client est essentielle. Le thérapeute démontre de l’empa thie, de la chaleur, de l’authenticité, du respect et de l’acceptation. Son rôle est principalement celui d’un guide ou d’un éducateur. Le questionnement socratique (ou maïeutique) est utilisé pour aider la personne à explorer et à corriger
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
ses pensées dysfonctionnelles. À partir d’un événe ment ayant causé de la détresse ou des difcultés, le thérapeute pose des questions pour amener le client à déterminer les pensées automatiques qui lui sont venues, les émotions découlant de ces pensées, les preuves qui appuient ces pensées, la possibilité de voir les choses autrement et les conséquences antici pées. Dans ce processus de restructuration cognitive, le client arrive à faire le lien entre ses pensées et ses émotions, à remettre en question la validité de ses pensées. En psychothérapie, il parvient avec l’aide du thérapeute à découvrir ses croyances intermédiaires et ses schémas. Avec la pratique, il devient de plus en plus habile à accomplir ce processus luimême, et l’aide du thérapeute devient de moins en moins néces saire. L’ENCADRÉ 20.1 présente des exemples de ques tions en lien avec les composantes de la démarche de restructuration cognitive. La FIGURE 20.3 présente un formulaire pouvant soutenir cette démarche. Outre l’approche psychoéducative et le question nement, le thérapeute utilise plusieurs autres stra tégies, telles que les résumés fréquents, soit au début de la séance (résumé de la séance précédente), en cours de séance et à la n. Il peut notamment avoir recourt aux jeux de rôles, à l’imagerie mentale. Les tâches à domicile constituent une composante essentielle de la thérapie cognitivocomportementale. Il peut s’agir par exemple de lectures, de la tenue d’un journal, d’exercices d’exploration et de validation des pensées automatiques, d’auto observation, d’un registre des activités quotidiennes, d’activités visées par des objectifs, de l’application de techniques apprises durant les séances (p. ex., l’arrêt de la pensée obsédante en prononçant avec force le mot « ASSEZ ») (Chaloult, 2008).
Thérapie centrée sur les schémas À la n des années 1990, Jeffrey Young propose une extension du modèle classique de Beck, soit la théra pie centrée sur les schémas, en vue de traiter plus efcacement les troubles de la personnalité (Chaloult, 2008). Il s’agit d’une thérapie intégrative puisqu’il emprunte des concepts et méthodes provenant d’autres théories (attachement, gestalt, entre autres). Selon lui, ces troubles sont liés à des schémas cogni tifs précoces inadaptés, élaborés dans l’enfance sous l’inuence d’un milieu non favorable (familles, amis, professeurs). La personne a tendance à perpétuer à l’âge adulte la souffrance vécue dans l’enfance. Les schémas précoces inadaptés s’inscrivent dans une mémoire constituée de sensations cor porelles, d’émotions, de cognitions et de souvenirs, à partir d’expériences traumatiques ou nocives (abandon d’un parent) (Chaloult, 2008). Ils se construisent autour d’un thème ou d’un patron (pattern) important et envahissant (p. ex., la peur de l’abandon). Ces schémas affectent le rapport à soi (« je ne mérite pas d’être aimé ») ainsi que les relations avec les autres (« il va m’abandonner »).
TABLEAU 20.2
Erreurs cognitives courantes
ERREURS COGNITIVES
DÉFINITION
PENSÉES AUTOMATIQUES
PENSÉES ADAPTÉES
Inférence arbitraire
Tirer des conclusions sans preuve.
« L’inrmière est partie au moment où je lui ai dit combien cette dépression me fait souffrir. Elle doit en avoir assez d’entendre du monde comme moi se plaindre éternellement. »
« L’inrmière est partie au moment où je lui ai dit combien cette dépression me fait souffrir. Elle va probablement revenir lorsqu’elle aura sufsamment de temps pour me parler. »
Pensée dichotomique (tout ou rien)
Catégoriser sans nuance dans les extrêmes : blanc-noir, bon-mauvais.
« Avec cette maladie, je suis complètement ni. »
« Cette maladie m’apporte des inconvénients importants. Le traitement me permettra d’avoir une certaine qualité de vie, même si je devrai renoncer à retrouver la santé que j’avais avant. »
Généralisation excessive
Extrapoler à toutes les situations des conséquences négatives survenues d’une seule mauvaise expérience.
« Chaque fois que je prends une décision de mon propre chef, je fais toujours le mauvais choix. »
« J’ai pris la meilleure décision possible avec l’information qui m’était disponible. »
Abstraction sélective
S’attarder négativement sur un détail qui fait percevoir négativement l’ensemble de cette situation.
« Tel que prévu, j’ai assisté au spectacle. C’est complètement raté. J’ai dû sortir à l’entracte tellement c’était pénible. »
« Je suis parvenue à assister au spectacle dans une salle remplie de monde, en gardant mon calme. J’ai ressenti de la panique à l’entracte, mais j’ai tout de même rempli l’objectif : rester 30 minutes. »
Amplication des échecs ou événements négatifs et minimisation des réussites ou événements heureux
Attribuer une grande importance aux échecs ou événements négatifs et peu aux succès ou événements heureux.
« J’ai cessé de boire complètement. Ce n’est pas si extraordinaire. La plupart des gens ne boivent pas ! »
« J’ai réussi à cesser de boire complètement. Cela veut dire que je suis capable de me motiver quand j’ai un but en tête. C’est encourageant ! »
Personnalisation
Assumer la responsabilité d’un événement fâcheux sans en être la cause.
« Je ne peux aller à ma thérapie à cause de la mauvaise condition des routes. J’aurais dû choisir mardi au lieu de mercredi. Que je suis stupide ! »
« C’est vraiment ennuyeux que je ne puisse pas me rendre à ma thérapie. C’est la tempête du siècle, on dirait ! »
Collecte des données ENCADRÉ 20.1
20
Évaluation du client à l’aide de la démarche de restructuration cognitive
• Que s’est-il passé au juste ? Où ? Qui ? Comment ? Etc. • Qu’avez-vous ressenti lorsque cet événement est survenu ? Entre 0 et 100, le chiffre 100 représentant l’émotion la plus intense, comment évaluez-vous l’intensité de chacune de ces émotions ?
• Pourrait-il y avoir une autre façon d’interpréter ou de comprendre cette situation ? D’autres explications ? D’autres bonnes hypothèses ? • Si votre meilleur ami ou une personne que vous aimez bien avait eu cette pensée, qu’est-ce que vous lui auriez dit ?
• À quoi avez-vous pensé dans cette situation ? Que se passait-il dans votre esprit juste avant cette émotion ? Quels souvenirs, idées ou images vous ont traversé l’esprit ?
• Dans cinq ans, verrez-vous la situation différemment ?
• Qu’est-ce que cela signie par rapport aux autres personnes ou aux gens en général ?
• En mettant les choses au pire, qu’arriverait-il ? Est-ce grave ? Quelles sont les probabilités qu’un tel événement se produise ?
• Quels sont les preuves ou les faits qui appuient cette pensée ? • Quels sont les éléments qui vont à l’encontre de cette conclusion ?
• À la lumière de ces nouveaux indices ou éléments, comment pourriez-vous formuler une pensée plus réaliste ?
• Vos sources d’information sont-elle véridiques et ables ?
• Quelle est l’intensité de vos émotions maintenant ?
• Si vous croyez que vos pensées sont justes, quelles seraient les conséquences ?
• Avez-vous déjà eu des expériences qui montrent que cette conclusion pourrait ne pas être vraie ou aussi alarmante ?
Chapitre 20
Modèles et stratégies thérapeutiques
555
Situation
Qui ? Quoi ? Quand ? Où ?
Émotions
Pensées (ou images automatiques)
Indices ou preuves appuyant des pensées automatiques
Indices (ou preuves) qui vont à l’encontre des pensées automatiques
Pensées adaptées
A) Quelles émotions avez-vous ressenties ? B) Évaluez chacune des émotions sur une échelle allant de 0 à 100 selon leur importance.
Réévaluez l’intensité de l’émotion (0-100).
Formulaire d’analyse des pensées dysfonctionnelles
FIGURE 20.3
Ils tirent leur origine d’enjeux déterminés au cours de l’enfance et de l’adolescence, mais sont réactivés dans le présent, entraînant un dysfonctionnement signicatif (p. ex., l’angoisse, la dépression). Plus un schéma est marqué, plus les réactions sont ri gides et dysfonctionnelles. Young répertorie 18 schémas précoces inadaptés regroupés dans 5 grands domaines (Chaloult, 2008) TABLEAU 20.3. CE QU’IL FAUT RETENIR
La capitulation, l’évitement et la contre-attaque sont les trois formes d’adaptation dysfonctionnelles utilisées inconsciemment par la personne.
Young décrit trois styles d’adaptation dysfonctionnels, utilisés de façon inconsciente par la personne pour composer avec les schémas inadaptés. Il s’agit : 1) de la capitulation (« je ne peux exercer un bon jugement lorsqu’il s’agit de prendre une décision, cela ne peut changer ») ; 2) de l’évitement (« mieux vaut laisser les autres décider ») ; 3) de la contre-attaque (« je décide et peu importe les conseils qui me seront donnés »). Young a créé le concept de mode, qui correspond à l’« état émotionnel qui prédomine dans l’organisation psychologique d’un individu à un moment donné ». L’état affectif permet de déterminer le mode. Par exemple, la colère peut mettre en lumière la réactivation du schéma « méance/abus ». Young répertorie 10 modes classés selon 4 grandes familles TABLEAU 20.4. La thérapie vise d’abord à comprendre la situation du client selon la perspective des schémas, à partir de l’histoire de sa vie et de ses réponses
TABLEAU 20.3
Résultats
à différentes questions. Des questionnaires peuvent être utilisés, comme le Questionnaire des schémas de Young (YSQ – L3). Avec l’aide du thérapeute, la personne arrive à prendre conscience de ses schémas, à établir une distance avec ceux-ci et à reconnaître les situations dans lesquelles ils sont réactivés. Il devient alors possible pour la personne de poser un regard plus objectif sur ces situations et de passer à l’action en modiant ses stratégies d’adaptation dysfonctionnelles. La thérapie intègre plusieurs techniques comportementales, des interventions expérientielles visant à réactiver un schéma par exemple, incluant la relation thérapeutique utilisée comme outil pour un rematernage partiel par lequel le thérapeute répond en partie au besoin du client (p. ex., l’attachement able, les compétences, l’intégration de limites, etc.).
Thérapie comportementale dialectique L’évolution des thérapies cognitivo-comportementales a conduit à l’intégration dans la démarche thérapeutique de différentes formes de méditation, ce qui leur vaut l’appellation de « troisième vague », les première et deuxième vagues étant respectivement la thérapie comportementale et la thérapie cognitivocomportementale classique (Chaloult, 2008 ; Cottraux, 2011). La thérapie comportementale dialectique, mise
Domaines répertoriés par Young pour l’évaluation des schémas
DOMAINE I – SÉPARATION ET REJET
DOMAINE II – ALTÉRATION DE L’AUTONOMIE ET DE LA PERFORMANCE
DOMAINE III – LIMITES DÉFICIENTES
DOMAINE IV – CENTRATION SUR AUTRUI
DOMAINE V – SURVIGILANCE ET INHIBITION
• Abandon/instabilité
• Dépendance/incompétence
• Assujettissement
• Négativité/pessimisme
• Méance/abus
• Peur du danger ou de la maladie
• Droits personnels exagérés/grandeur
• Abnégation
• Inhibition émotionnelle
• Maîtrise de soi/ autodiscipline insufsantes
• Recherche d’approbation et de reconnaissance
• Exigences élevées/critiques excessives
• Carence affective : affection, empathie et protection • Imperfection/honte
• Fusion/personnalité atrophiée • Échec
• Isolement social Source : Adapté de Chaloult (2008).
556
Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
• Punition
au point par la psychologue américaine Marsha M. Linehan pour traiter les personnes atteintes d’un trouble de la personnalité limite, fait partie de cette troisième vague de thérapies cognitivo-comportementales. La clientèle atteinte de ce trouble pose des dés énormes aux soignants compte tenu des comportements autodommageables (automutilation, tentatives de suicide répétées), des manifestations d’impulsivité et des réactions émotionnelles vives et intenses (anxiété, honte, désespoir, colère) qu’elle présente. Linehan (1993) afrme que les difcultés ou les dérèglements émotionnels sont le résultat d’un tempérament inné, qui engendre une incapacité de réguler les émotions ou une vulnérabilité émotionnelle se manifestant par une sensibilité élevée aux stimulus émotionnels, une intensité émotionnelle et la difculté à retrouver un niveau émotionnel opérant plus neutre. Un autre facteur central est la présence d’un environnement invalidant caractérisé par le rejet de l’interprétation des sentiments, des pensées ou des comportements de la personne. Cela peut se traduire par le fait de qualier de « mauvaises » la description et l’analyse que livre le client de sa propre expérience ou de lui dire que ses expériences sont socialement inacceptables ou qu’elles sont des signes de traits de personnalité indésirables. Dans un environnement invalidant, les tentatives de la personne à communiquer ses expériences intérieures (pensées et sentiments) et interpersonnelles, de même que sa propre appréciation de son environnement social, sont interdites ou ignorées. Il est fréquent que les personnes qui ont été victimes de violence physique, émotionnelle ou sexuelle, ayant un trouble de la personnalité limite ou un trouble des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments (anorexie mentale, boulimie) ou souffrant d’un trouble dépressif ou d’un trouble lié à une substance, rapportent avoir vécu dans un environnement invalidant. Les conditions de cet environnement jumelées à la vulnérabilité émotionnelle entraînent une incapacité de nommer ou de décrire de façon juste des expériences intérieures et un état émotionnel, des difcultés à tolérer la détresse, à se xer des objectifs réalistes ou à avoir des attentes réalistes, ainsi qu’une incapacité à faire conance à ses propres pensées, émotions et interprétations des événements extérieurs et des personnes (Linehan, 1993). L’objectif du traitement est d’aider les clients à augmenter leur tolérance, à réguler leurs émotions et à apprendre à adopter des réactions comportementales plus efcaces dans un environnement thérapeutique validant. La thérapie comportementale dialectique comporte trois modalités de traitement : la thérapie individuelle ; la thérapie de groupe ; et le soutien téléphonique.
Thérapie individuelle Le thérapeute détermine des cibles de traitement et les classe de la façon suivante : comportements
TABLEAU 20.4
Classement des modes créés par Young
PRINCIPALES FAMILLES DE MODES (ÉTATS ÉMOTIONNELS)
Modes de l’enfant
Modes des styles d’adaptation fonctionnels
Modes du parent dysfonctionnel
Mode de l’adulte sain
• Vulnérable
• Conciliant
• Punitif
• Sain
• En colère
• Protecteur détaché
• Exigeant
• Impulsif • Heureux
• Surcompensateur
Source : Adapté de Chaloult (2008).
nuisibles, comportements interférant avec la thérapie et comportements interférant avec la qualité de vie. Le client fait son propre suivi des comportements en tenant un journal hebdomadaire et le thérapeute souligne les comportements prioritaires. La séance est centrée sur l’analyse des événements à la source des problèmes et sur l’exploration des réactions émotionnelles qui ont conduit au comportement problématique ou ciblé. Pendant ce processus, le thérapeute valide les réactions du client et suggère des réactions comportementales de rechange aux émotions ressenties. Le client a accès à des consultations par téléphone entre les séances an de l’aider à renforcer les nouvelles réactions comportementales.
Thérapie de groupe La seconde phase du traitement consiste en quatre modules de formation en groupe axée sur les compétences : 1. Compétences relatives à la pleine conscience : le thérapeute enseigne des habiletés de méditation an d’aider les clients à élargir leur conscience de l’instant présent, par l’observation, la description de leurs actions et de leurs expériences et la pleine participation, sans jugement.
20
2. Compétences relatives aux habiletés interpersonnelles : le thérapeute enseigne des façons efcaces permettant aux clients d’atteindre des objectifs relatifs à l’amélioration des relations avec les autres, par l’apprentissage ainsi que la pratique d’habiletés d’afrmation de soi, de gestion de conits et de préservation des relations et de l’estime de soi. 3. Compétences relatives à la modulation des émotions : le thérapeute aide les clients à évaluer et à gérer leurs réponses émotionnelles, par l’exposition aux émotions, le blocage de réponses comportementales inefcaces et leur remplacement par des réponses efcaces. 4. Compétences relatives à la tolérance à la dé tresse : le thérapeute enseigne des techniques aux clients an de les aider à augmenter leur tolérance à la détresse émotionnelle et à la Chapitre 20
Modèles et stratégies thérapeutiques
557
non-satisfaction de leurs besoins, par la recherche de sens et l’acceptation.
Thérapie d’acceptation et d’engagement et thérapie de pleine conscience La thérapie d’acceptation et d’engagement et la thérapie de pleine conscience s’ajoutent à la troisième vague de thérapies cognitivo-comportementales (Hayes, Stroshal & Wilson, 1999 ; Segal, Williams & Teasdale, 2002). La thérapie d’acceptation et d’engagement met en lumière cinq difcultés comme sources de nombreux troubles psychologiques : « des efforts pathologiques pour contrôler les émotions, les pensées et les expériences subjectives ; une domination des fonctions cognitives et de la pensée sur le vécu émotionnel ; l’absence de contrôle sur les valeurs fondamentales ; et l’incapacité de se comporter en accord avec ces valeurs » (Cottraux, 2011). Le but de la thérapie est d’aider le client à renforcer sa capacité d’être en contact direct avec ses émotions et à prendre conscience du fonctionnement de ses pensées. Il peut ainsi acquérir de nouvelles attitudes face à des pensées et émotions négatives et adopter des comportements cohérents avec ses valeurs personnelles. Cela correspond à la phase d’engagement. Quant à la thérapie de pleine conscience, elle s’intègre à la thérapie d’acceptation et d’engagement, de même qu’à d’autres formes de thérapies cognitivo-comportementales, la thérapie comportementale dialectique notamment. Cette approche met l’accent sur la méditation. En se centrant sur le présent, la personne évite de se laisser entraîner dans la spirale des pensées négatives, lesquelles sont vues comme des événements passagers.
20.3.3
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les thérapies cognitivocomportementales sont utiles dans le traitement des phobies, des troubles anxieux, du trouble bipolaire, du trouble de stress post-traumatique et lorsque l’adoption d’un comportement mieux adapté est souhaitable ou nécessaire.
558
Partie 4
Apport et limites des perspectives comportementale et cognitive
Les théories découlant de la perspective comportementale trouvent leur mérite dans le domaine de la modication du comportement. Elles sont à l’origine de nombreuses thérapies largement utilisées aujourd’hui dans des formes diverses. Elles s’avèrent particulièrement utiles dans le traitement des phobies et lorsque l’adoption d’un comportement mieux adapté est souhaitable ou nécessaire (p. ex., les habitudes de vie nuisibles, les troubles du comportement). Par contre, elles ont été critiquées du fait qu’elles ont pu laisser croire que l’être humain, en dénitive, était simplement manipulé par son environnement ou qu’il était facile de modier un comportement appris grâce à des méthodes relativement simplistes. L’efcacité de la thérapie cognitivo-comportementale a été démontrée dans le traitement de nombreux troubles mentaux, notamment la dépression (Beck,
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
1995), les troubles anxieux (Beck, 1995 ; Hofmann & Smits, 2008 ; Jonsson et Hougaard, 2009), le trouble bipolaire (Beynon, Soares-Weiser, Woolacott et al., 2009) et le trouble de stress post-traumatique (Roberts, Kitchiner, Kenardy et al., 2009). La principale contribution de la troisième vague consiste en l’intégration de la thérapie de pleine conscience aux interventions cognitives. Plusieurs études ont révélé que la thérapie comportementale dialectique était efcace non seulement dans le traitement du trouble de la personnalité limite (Bohus, Haff, Simms et al., 2004 ; Linehan, Armstrong, Suarez et al., 1991 ; Linehan, Comtois, Murray et al., 2006 ; Turner, 2000), mais aussi dans celui des troubles des conduites alimentaires (Telch, Agras & Linehan, 2001), ainsi que pour les adultes âgés atteints de trouble dépressif persistant (Lynch, Morse, Mendelson et al., 2003). La thérapie d’acceptation et d’engagement et la thérapie de pleine conscience gagnent rapidement une grande popularité au Québec.
Soins et traitements inrmiers Virginia Henderson s’est inspirée des approches cognitives et comportementale, surtout des travaux d’Edward Thorndike, psychologue américain précurseur des théories comportementales, et de Maslow, pour élaborer son modèle s’appliquant à la discipline inrmière, qui est centré sur l’indépendance dans la satisfaction des besoins fondamentaux (Pépin et al., 2010). Outre le manque de force, elle souligne le manque de connaissances et de volonté comme cibles d’intervention de l’inrmière. Le modèle McGill, dont l’inrmière canadienne Moyra Allen (1921-1996) est la précurseure, prend comme assise, de façon implicite ou explicite, la théorie de l’apprentissage social de Bandura (Pépin et al., 2010). Allen s’est également inspirée de la philosophie des soins de santé primaires et de l’approche systémique. Ainsi, la santé s’apprend. La collaboration entre la personne, sa famille et l’inrmière, nommée par Gottlieb et Feely (2007) le « partenariat de collaboration », est au cœur de cet apprentissage. Ce modèle bien connu est adopté par de nombreuses inrmières cliniciennes, chercheures et enseignantes au Québec. En lien avec les perspectives comportementales et cognitives, l’inrmière utilise continuellement différentes interventions telles que le renforcement positif en félicitant et en encourageant le client dans ses efforts visant à préserver ou à améliorer son état de santé physique ou mentale, ou à se rétablir. Elle souligne les succès ainsi que les étapes franchies. L’enseignement thérapeutique favorisant le changement de comportement fait partie des soins inrmiers. L’inrmière sert de modèle ou d’exemple en faisant elle-même preuve de comportements sains comme exprimer calmement ses émotions et ses attentes ou adopter de saines habitudes de santé.
L’inrmière utilise des techniques découlant de l’approche cognitivo-comportementale lorsqu’elle aide le client à repérer ses pensées automatiques, à les relier à ses sentiments et à en reconsidérer la validité. Elle peut soutenir la démarche par différents moyens comme l’assignation de tâches à accomplir à domicile. Il peut s’agir, par exemple, de demander de remplir des ches d’auto-observation des pensées, de recommander des lectures ou de proposer des exercices à pratiquer. Pendant les rencontres de suivi, l’inrmière et le client révisent les ches et les exercices pour relever les situations qui posent problème. L’inrmière explore avec le client la situation ou l’événement qui a causé de la détresse ou des difcultés et pose des questions comme : À quoi pensiez-vous à ce moment-là ?, Qu’avez-vous pensé lorsqu’il vous a annoncé la nouvelle ?, Comment vous êtes-vous senti lorsque vous avez entendu votre note ?, Qu’avez-vous fait alors ? Les pensées automatiques peuvent alors être remises en question. L’inrmière a recours à différentes techniques issues des approches comportementales et cognitives en vue d’aider la personne à accroître son bien-être et à améliorer son état de santé physique et mentale, et non dans le cadre d’une thérapie systématisée (activité réservée au psychologue et au psychothérapeute). Malgré la facilité apparente d’utilisation de certaines techniques, elle demeure vigilante quant à la nécessité de posséder la formation requise pour les appliquer adéquatement. Chaloult (2008) propose un énoncé de niveaux d’interprétation en thérapie cognitivo-comportementale pouvant servir à situer les interventions selon la formation et les compétences détenues FIGURE 20.4.
20.4
Perspective humaniste
La perspective humaniste met l’accent sur le potentiel humain et la valeur inhérente de l’être humain en tant qu’être unique, soucieux de se réaliser et capable d’autodétermination et de conscience de soi. La personne est donc en mesure de faire des choix qui améliorent sa qualité de vie dans toute la gamme des expériences humaines. Abraham Maslow (1908-1970) et Carl Rogers (1902-1987) sont considérés comme les deux principaux pionniers de la perspective humaniste. Maslow soutient que les êtres humains sont motivés par des besoins qu’ils classent selon une hiérarchie représentée sous forme de pyramide. Viennent en premier lieu les besoins physiologiques (p. ex., s’alimenter, dormir, etc.). Suivent les besoins de sécurité (p. ex., vivre dans un environnement stable et prévisible). Au centre de la pyramide, se trouvent les besoins d’amour et d’appartenance. Apparaît ensuite le besoin d’estime, puis le besoin d’autoactualisation au sommet. Maslow avance que le passage d’un niveau de besoin à un autre est graduel. La non-satisfaction d’un ou de plusieurs besoins peut engendrer de la souffrance, voire du désespoir et des troubles physiques ou psychologiques.
L’inrmière peut proposer des ouvrages ou programmes autothérapeutiques comme celui de Bilsker, D., & Paterson, R. (2009). Guide d’autosoins pour la dépression : Développer des stratégies pour surmonter la dépression (3e éd.). Vancouver : Simon Fraser University. Voir aussi le livre de Burns, D.D. (2005). Être bien dans sa peau. Montréal : Les éditions Héritage. Des exercices de thérapies cognitives et comportementales font même l’objet d’un ouvrage dans la collection populaire Pour les Nuls: Branch, R., Willson, R., & Millêtre, B. (2010). Des exercices de thérapies cognitives et comportementales pour les Nuls. Italie : First Editions.
Rogers, fondateur de la thérapie centrée sur la personne, est une gure marquante de la psychologie humaniste. Selon lui, la personnalité se divise en trois structures : l’organisme, le soi et le soi idéal. L’organisme est le lieu de l’expérience, de tout ce qui est ressenti. Le soi renferme toutes les perceptions que la personne entretient à propos d’ellemême, tandis que le soi idéal correspond à ce que
20
Note : Aux 2e et 3e niveaux, on dispose de l’ensemble des techniques et modes d’intervention utilisés aux niveaux précédents, auxquels on ajoute d’autres techniques plus spéciques à ces niveaux introspectifs.
FIGURE 20.4
Les niveaux d’interprétation en thérapie cognitivo-comportementale Chapitre 20
Modèles et stratégies thérapeutiques
559
la personne voudrait être. Le malaise survient lorsqu’une incongruence entre ces structures apparaît. Par exemple, la personne qui ressent de la colère peut ne pas la reconnaître si, pour elle, la tolérance et la douceur font partie des caractéristiques du soi idéal tel qu’elle le perçoit. La considération positive et inconditionnelle obtenue d’une autre personne contribue à résoudre l’incohérence. Pour Rogers, la personne est motivée, tout au long de sa vie, par une tendance naturelle à l’autoactualisation.
20.4.1 CE QU’IL FAUT RETENIR
La reconnaissance du caractère unique et distinct de chaque personne et de la façon dont chacune perçoit la réalité est fondamentale.
éactivation des connaissances Le caring transpersonnel est ancré dans les valeurs humanistes. Dans quel but l’inrmière accompagnet-elle la personne dans l’exploration de ses croyances et de ses valeurs importantes ?
560
Partie 4
Thérapie d’orientation humaniste
Le but de la thérapie d’orientation humaniste est de favoriser l’autoactualisation de la personne, vue comme une tendance naturelle de l’être humain. La reconnaissance du caractère unique et distinct de chaque personne et de la façon dont chacune perçoit la réalité est fondamentale. Le client est reconnu comme étant l’expert de sa propre expérience. Le processus thérapeutique, soit la thérapie centrée sur la personne, repose avant tout sur l’exploration et la découverte plutôt que sur l’interprétation ou l’éducation (Lebourgeois, 1999). Par l’élargissement de la conscience qu’il a de sa propre expérience, le client arrive à faire des choix plus cohérents avec ce qu’il désire être, dans le sens de sa voie unique d’autoactualisation. En adoptant une approche non directive, le thérapeute établit une relation réelle avec le client dans laquelle il tente de saisir l’expérience subjective de celui-ci.
20.4.2
thérapies, qualiés de « thérapies pour les bienportants », ont connu une très grande popularité dans les années 1980. De nombreuses thérapies ont vu le jour depuis le début du mouvement humaniste, comme la gestalt-thérapie entre autres. Bien que la thérapie centrée sur la personne soit une contribution majeure à la psychothérapie, la perspective humaniste a été critiquée comme s’inscrivant dans une vision peu objective et plutôt naïve et simpliste de l’être humain (Tavris & Wade, 1999).
Apport et limites de la perspective humaniste
Alors que la psychologie se divisait en deux grandes écoles, soit la psychanalyse freudienne et l’approche comportementale, Maslow et Rogers ont introduit un nouveau courant, la psychologie humaniste (Butler-Bowdon, 2010). Plutôt que de voir l’être humain comme une simple machine qui réagit à son environnement (perspective comportementale), ou dont le développement est essentiellement déterminé par des forces inconscientes (perspective psychodynamique), il est considéré comme un être créatif ayant un désir d’autoaccomplissement. La nature humaine est fondamentalement bonne. Dans les années 1960, cette nouvelle perspective venait bouleverser les théories en place. Elle a révolutionné le modèle classique de la relation thérapeute-client. La perspective humaniste délaisse le principe d’une attitude essentiellement objective et détachée au prot d’une écoute et d’une relation authentiques. La psychologie et la psychothérapie existentielleshumanistes ont eu un impact important au Québec (Lebourgeois, 1999). Elles ont contribué à un essor puissant de groupes de croissance personnelle, qui attiraient des gens de tous les horizons. Ces
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
Soins et traitements inrmiers Prodiguer des soins inrmiers a pour toile de fond la relation d’aide. Adam (1991) reconnaît trois composantes des soins inrmiers : le client ; l’inrmière ayant une conception explicite de sa discipline et utilisant une démarche systématique ; et la relation entre les deux. Cette relation est la relation d’aide ayant pour fondement la psychologie humaniste d’Abraham Maslow et de Carl Rogers. L’authenticité ou la congruence, le regard positif inconditionnel et la compréhension empathique, soit les trois caractéristiques essentielles selon Carl Rogers pour favoriser la croissance de la personne, représentent depuis toujours des valeurs profondes de la discipline inrmière. Cela vaut pour la psychiatrie comme pour tout autre secteur de la santé. Jean Watson s’est inspirée en partie des travaux de Rogers pour élaborer sa philosophie du caring, lequel « représente un idéal de soin à la fois humaniste scientique, et qui exprime des valeurs de compassion et de respect de l’être humain dans son essence » (Pépin et al., 2010).
20.5
Psychothérapie interpersonnelle
La psychothérapie interpersonnelle a été mise au point durant les années 1969-1984, dans le but de traiter la dépression (Streit & Leblanc, 2008a). Inspirée des modèles interpersonnels, biopsychosociaux, des théories de la communication et de la théorie de l’attachement, cette approche est considérée comme étant intégrative. Son efcacité est reconnue pour traiter la dépression et améliorer le fonctionnement social de la personne. Son utilisation s’est maintenant élargie à d’autres troubles mentaux ou problèmes de santé mentale. Il s’agit d’une psychothérapie limitée dans le temps, offerte sur 12 à 16 séances. Théoriquement, elle s’appuie sur le principe que la dépression s’explique en partie par différents facteurs de vulnérabilité amalgamés à des facteurs interpersonnels. Cette thérapie est indiquée pour les personnes dont la dépression est d’intensité légère ou modérée, se présentant dans un contexte interpersonnel difcile.
La cible du traitement est le domaine problé matique principal de la personne qui se présente le plus étroitement lié aux symptômes dépressifs. Quatre domaines se distinguent en raison de leur association courante avec la dépression. Il s’agit des deuils pathologiques, des conits interper sonnels, des transitions de rôle difficiles et des déficits interpersonnels (ou sensibilité interpersonnelle). La psychothérapie interpersonnelle comprend une combinaison de techniques utilisées dans d’autres approches, notamment les thérapies psy chodynamiques, débutant par des interventions exploratoires et évoluant vers des interventions plus intrusives : utilisation de l’affect, clarication, ana lyse de la communication, utilisation de la relation thérapeutique, modication des comportements et analyse décisionnelle.
Soins et traitements inrmiers L’inrmière accompagne régulièrement des per sonnes aux prises avec des situations se rapportant à l’un ou plusieurs des quatre domaines probléma tiques ciblés par la psychothérapie interperson nelle : un deuil non résolu, un conit engendrant des tensions, une transition de rôle laborieuse ou des décits interpersonnels. Elle utilise des habi letés et des attitudes propres à une relation d’aide professionnelle. Quant à la pratique de la psycho thérapie interpersonnelle, elle nécessite une for mation de psychothérapeute ou de psychologue. Par contre, l’inrmière est en mesure d’informer le client sur cette option dont l’efcacité est reconnue et qui a pris une expansion considérable au cours des dernières années (Streit & Leblanc, 2008b).
20.6
Approche familiale systémique
Les fondements généraux de l’approche systé mique proviennent de la théorie générale des sys tèmes conçue par le biologiste Ludwig von Bertalanfy (19011972) et de la théorie de la com munication construite à partir des travaux de Bateson (19041980) et de chercheurs de l’école Palo Alto (Moro & Lachal, 2006). Un système est fréquemment déni comme étant un « ensemble d’éléments en interaction dynamique, organisés en fonction d’un but » (Centre d’Études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques, 2007). Il est en relation permanente avec son environnement. Les élé ments constituent un ensemble unié par un cer tain nombre de règles et de fonctions qui participent à l’organisation dynamique du
système. Le système se modie continuellement en rétroaction aux événements dans le but de maintenir une stabilité satisfaisante (homéosta sie). Les systèmes vivants sont des systèmes ouverts. Cela signie qu’ils interagissent conti nuellement avec l’environnement. Ils y puisent de l’information, de l’énergie et de la matière, tout comme ils retournent dans l’environnement de l’information, de l’énergie et de la matière. La notion de nalité d’un système renvoie aux buts et aux aspirations du système ainsi qu’à chacun de ses éléments. Elle répond au principe de tota lité, c’estàdire que le tout est plus que la somme de ses parties. Un changement qui affecte un élé ment du système a un impact sur tout le système. Inversement, un changement touchant le système affecte chacun des éléments qui en font partie. La complexité du système répond également au prin cipe d’équinalité, c’estàdire qu’un même but peut être atteint par des moyens différents, tandis que des moyens différents peuvent conduire à des résultats différents. Il n’existe pas de causalité linéaire.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Quatre domaines probléma tiques sont couramment associés avec la dépression. Il s’agit des deuils patholo giques, des conits inter personnels, des transitions de rôle difciles et de la sensibilité interpersonnelle.
L’approche systémique est inuencée par les théories de la communication. La notion d’infor mation (rétroaction) qui régule les échanges est importante. L’axiome « On ne peut pas ne pas com muniquer » représente l’un des fondements de l’approche systémique (Watzlawick, Helmick Beaven & Jackson, 2014). Le mode de communi cation peut être « digital », qui se rapporte au langage verbal, ou analogique, lequel correspond au langage non verbal. L’approche systémique a servi de base à l’ap proche familiale systémique. La famille est un système constitué par un groupe de personnes liées par un attachement profond et un sentiment d’appartenance en tant que membres de ce groupe (Duhamel, 2015). Les relations et le fonctionne ment entre les membres de la famille sont inter dépendants. Un changement intervenant dans une partie du système familial est suivi de change ments compensatoires dans les autres parties de ce système, lequel s’efforce constamment de pré server sa stabilité et de s’adapter (Carter & McGoldrick, 2005).
éactivation des connaissances Outre la famille nucléaire, pouvezvous nommer les autres types de famille ?
20
Les interactions et les relations familiales aident les membres de la famille à accomplir leurs tâches développementales tout en permettant à la famille dans son ensemble de passer à travers des stades du cycle de la vie familiale. Les membres de la famille élargie interagissent également et forment des soussystèmes qui inuencent le fonc tionnement familial général. Au fur et à mesure que la famille traverse les cycles de sa vie, les rôles de chacun se modient. Les besoins émotionnels et les liens d’attachement se transforment. Le fonc tionnement familial est sain dans la mesure où les modèles de communication sont ouverts entre Chapitre 20
Modèles et stratégies thérapeutiques
561
les membres pour la satisfaction des besoins individuels et la réussite des tâches. L’attachement et les liens entre les membres sont sécurisants. Les membres expriment leurs émotions et pensées, se répartissent les pouvoirs et privilégient la collaboration. La famille reconnaît l’individualité de chacun de ses membres ; elle fait preuve de souplesse et parvient à s’adapter aux changements et à gérer efcacement les stresseurs sociaux et économiques. Les liens entre les membres de la famille varient selon la culture et l’âge. Des règles rigides limitant ou interdisant les contacts interpersonnels entre les membres de la famille et les sous-systèmes familiaux ou extérieurs privent les membres du soutien émotionnel dont ils ont besoin, conduisent à leur isolement et suscitent leur désengagement. Un membre d’une telle famille ou la famille elle-même vivent souvent un degré de stress extrême avant de chercher de l’aide. En revanche, l’enchevêtrement signie que les contacts et le soutien sont illimités entre les membres de la famille, ce qui peut interférer avec l’acquisition de la compétence d’indépendance émotionnelle. Il est nécessaire d’établir des limites dans les interactions entre les sous-systèmes an de préserver l’indépendance émotionnelle (Nichols & Schwartz, 2001). CE QU’IL FAUT RETENIR
La famille inuence le développement et les croyances de la personne, y compris les croyances relatives à la santé et les comportements qui en découlent. Dyade : Ensemble formé de deux sujets qui sont unis par un lien spécique.
La famille inuence le développement et les croyances de la personne, y compris les croyances relatives à la santé et les comportements qui en découlent. Un problème de santé qui touche un membre de la famille affecte tous les membres de même que la dynamique familiale (principe de totalité). L’apparition des symptômes dépend du degré d’anxiété et de stress vécu dans la famille et de la perturbation subie par le système familial. Une famille ayant des liens émotionnels forts et des capacités d’adaptation saines est généralement plus en mesure de gérer des niveaux élevés de stress, alors qu’une autre dans la même situation
manifeste des symptômes indiquant un niveau élevé d’anxiété. La capacité d’adaptation de celleci peut être moins efcace en raison de la décience des modèles de communication ou de la présence de conits interpersonnels (Carter & McGoldrick, 2005).
Soins et traitements inrmiers Intervenir auprès du système familial dans un grand nombre de situations de santé, comme le décès d’un enfant ou d’un conjoint, une maladie physique chronique d’un membre, un trouble mental, a toujours fait partie du rôle de l’inrmière. Dispenser des soins à une personne implique l’évaluation de la situation et des dynamiques entre les différents membres de la famille. L’inrmière ob serve les modes d’interaction et de communication de la famille. Elle planie des soins dans le but de soulager la souffrance physique ou émotionnelle des membres de la famille tout en facilitant le processus d’adaptation à la problématique de santé. Elle encourage les membres de la famille à exprimer leurs préoccupations en communiquant entre eux et en ayant des rapports interpersonnels directs. Elle considère la famille comme étant la mieux placée pour trouver ses propres solutions. L’infirmière utilise un génogramme pour établir le portrait des modèles relationnels, des styles de communication et des habiletés interpersonnelles entre les dyades formées ainsi que tous les autres liens avec la famille élargie. Le génogramme in dique quels membres de la famille sont les plus proches du client. Un génogramme est un diagramme bigénérationnel ou trigénérationnel conçu pour suivre les processus d’une famille au fil du temps FIGURE 20.5 . L’infirmière peut y ajouter l’écocarte, qui permet d’obtenir une vue d’ensemble de la famille dans son contexte, soit le réseau à l’extérieur de la famille incluant la famille étendue ainsi que les suprasystèmes (école, communauté, médecin, centre intégré de santé et de services sociaux, etc.). L’infirmière tient compte des symptômes en lien avec le système familiale dans son ensemble. Au Canada, Wright et Leahey (2013) ont conçu le modèle de Calgary relatif à l’évaluation de la famille (MCEF). Ce modèle propose trois catégories principales d’analyse : la structure de la famille ; le développement de la famille ; et le fonctionnement de la famille FIGURE 20.6 .
FIGURE 20.5
562
Partie 4
Génogramme trigénérationnel
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
Il est important de considérer les points de vue de tous les membres de la famille puisque tous sont affectés d’une façon ou d’une autre par
le problème de santé de l’un de ses membres et que l’apport de chacun est crucial pour améliorer la situation. Elle établit un dialogue an d’aider la famille à révéler ses méthodes de gestion des exigences liées aux soins à prodiguer. Elle donne une rétroaction sur les stratégies d’adaptation efcaces et suggère des ressources communautaires et des groupes de soutien supplémentaire disponibles. L’inrmière clinicienne procède à l’évaluation familiale systémique lorsque c’est indiqué et si elle détient les compétences requises. Elle utilise des questions systémiques pour comprendre les difcultés rencontrées TABLEAU 20.5. Pour l’inrmière, l’intervention systémique s’étend généralement à des systèmes plus larges que la famille. La planification des soins interpelle les ressources du milieu, comme les organismes communautaires susceptibles de répondre à certains besoins du client selon leurs mandats respectifs, de même que les professionnels de la santé des équipes interdisciplinaires des services de première ou de deuxième ligne. Cette approche coïncide avec les fonctions d’intervenante pivot ou de liaison souvent attribuées à l’inrmière clinicienne. Quant à la thérapie familiale proprement dite, elle nécessite une formation de psychothérapeute ou de psychologue. Outre l’approche systémique, la thérapie familiale peut être dénie selon différents courants de la psychologie. Par exemple, elle peut être d’orientation psychodynamique comportementale ou cognitive, ou encore humaniste (Canceil, Cottraux, Falissard et al., 2004). Il existe également des thérapies de type systémique synchronique, intergénérationnel, stratégique et structural, chacune de ces approches mettant l’accent sur des processus psychologiques particuliers.
20.7
Entretien motivationnel
Au départ, dans les années 1980, William Miller et Stephen Rollnick, psychologues américains, ont mis au point l’entretien motivationnel dans l’intention d’aider les personnes aux prises avec des problèmes d’alcool ou de drogues à s’engager dans le changement (Miller & Rollnick, 2013). Ils étaient loin de se douter de la popularité qu’allait gagner leur méthode. Dès le début des années 1990, l’entretien motivationnel commençait à être utilisé et testé dans d’autres domaines, surtout celui des maladies chroniques nécessitant un changement de comportement. Tous les cliniciens savent que, même bien informés, plusieurs clients vont continuer de fumer, de consommer de l’alcool avec excès, de ne pas faire d’exercice ou de ne pas être dèles aux
FIGURE 20.6
Évaluation du système familial par le modèle de Calgary
régimes thérapeutiques prescrits. L’entretien motivationnel est une méthode de communication visant à favoriser l’engagement dans le changement de comportement. Cette méthode est directive et centrée sur le client. Elle consiste avant tout à aider le client à explorer son ambivalence et à la résoudre. L’ambivalence est au cœur du problème. Elle est considérée comme normale et utile, puisqu’elle nous empêche de prendre des décisions de façon trop impulsive. Prochaska et DiClemente (1982) dénissent une série de stades du changement (précontemplation, contemplation, décision, action, maintien et rechute). Pour effectuer le changement, la personne doit se sentir prête, disposée et capable de le faire. L’ambivalence comprend quatre dimensions, soit, d’un côté, les avantages et inconvénients du statu quo et, de l’autre, les avantages et inconvénients Chapitre 20
20 CE QU’IL FAUT RETENIR
L’entretien motivationnel est une méthode de communication visant à favoriser l’engagement dans le changement de comportement.
Modèles et stratégies thérapeutiques
563
Collecte des données
Questions systémiques sur le système familial
TABLEAU 20.5 QUESTIONS
BUTS
EXEMPLES
Questions axées sur les différences
• Établir des liens entre le problème et la ou les personnes concernées.
• Qui dans la famille est le plus touché par le nouvel épisode de dépression de Margot ?
• Connaître les distinctions entre les membres quant à leurs croyances et leurs sentiments (degré de détresse et d’anxiété, préoccupations, peurs). • Faire ressortir les distinctions entre les différentes périodes. Questions axées sur l’effet d’un comportement
• Établir des liens avec les comportements et la dynamique familiale.
• Depuis que Margot est malade, comment s’organisent les enfants ?
Questions dyadiques et triadiques
• Demander à un membre de la famille de commenter l’expérience d’un autre membre (dyade) ou les interactions de deux autres membres (triade).
• Que répondrait votre conjoint si je lui demandais ce qu’il considère difcile dans le fait que vous ayez un nouvel épisode de dépression ?
• Établir des liens avec les comportements et la dynamique familiale.
• Si je demandais à Luc et à Michèle ce qu’ils pensent de la rechute de leur mère, que croyez-vous qu’ils répondraient ?
Questions hypothétiques
• Émettre des hypothèses dans le but de modier les perceptions de la famille reliées à la situation problématique.
• Est-il possible que Luc et Michèle se sentent coupables de la rechute de leur mère, ce qui expliquerait en partie leur éloignement ?
Questions portées sur l’avenir
• Amener à se projeter dans l’avenir et à le planier, ce qui permet parfois de se rassurer quant à son futur.
• Comment entrevoyez-vous les prochaines semaines, le temps que les médicaments aident Margot à retrouver un peu d’énergie ?
Source : Adapté de Duhamel (2015).
du changement. Le TABLEAU 20.6 présente l’outil classique utilisé pour l’exploration de l’ambivalence, qui est illustrée par un exemple. Les co lonnes 2 et 3 correspondent aux facteurs de motivation. Ce sont les arguments en faveur du changement. Il s’agit du discours-changement. L’un des buts de l’entretien motivationnel est d’augmenter le discours-changement. À l’inverse, les colonnes 1 et 4 regroupent des obstacles au changement. Ils représentent la résistance. L’entretien motivationnel vise la diminution de la résistance. Ainsi, la motivation au changement émane du client, qui fournit lui-même ses propres arguments plutôt que de se ranger à ceux provenant de l’extérieur. Rollnick, Miller et Butler (2009) insistent sur l’importance de l’esprit de l’entretien motivationnel. Cette méthode n’est pas un moyen d’amener les gens à faire ce qu’ils ne souhaitent pas faire. Il s’agit plutôt d’une façon de guider la personne qui favorise l’émergence de ses motivations personnelles pour apporter un changement. L’esprit motivationnel est caractérisé par la collaboration, l’évocation et la valorisation de l’autonomie. La
564
Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
collaboration repose sur un partenariat impliquant un échange actif et un processus de prise de décision conjoint. L’évocation consiste à faire émerger ce que le client détient déjà à l’intérieur de lui, soit sa motivation et ses ressources en vue de s’engager dans un changement qui répond à ses objectifs personnels, à ses valeurs et à ses aspirations. Le client est amené à développer ses propres arguments en faveur du changement. La valorisation de l’autonomie du client suppose que le soignant accepte que le client fasse ses choix, même si ceux-ci ne s’orientent pas vers le changement souhaitable, même s’il s’agit d’un choix éclairé. La persuasion et la confrontation ne permettent pas de résoudre efcacement l’ambivalence. Imposer le changement entraîne généralement de la résistance, tandis que la liberté de changer ou non augmente les chances que s’opère éventuellement le changement. L’entretien motivationnel est basé sur quatre grands principes généraux : exprimer de l’empathie, développer les divergences, rouler avec la résistance et renforcer le sentiment d’efcacité personnelle (Miller & Rollnick, 2013). Une
TABLEAU 20.6
Exemple d’exploration de l’ambivalence face à un changement souhaitable
STATU QUO : CONTINUER À CONSOMMER DE L’ALCOOL DE FAÇON EXCESSIVE (10 CONSOMMATIONS PAR JOUR)
CHANGEMENT : DIMINUER SA CONSOMMATION D’ALCOOL (3 CONSOMMATIONS LE SAMEDI ET LE DIMANCHE)
Avantages
Inconvénients
Avantages
Inconvénients
• Effet apaisant
• Risque de dépendance physique (besoin)
• Meilleure vigilance
• Perte de plaisir
• Économies
• Augmentation de la tolérance (quantités de plus en plus fortes pour avoir le même effet)
• Dépendance physique évitée
• Effort pour ne pas boire en présence d’envies
• Plaisir
• Coûts
• Énergie rehaussée pour faire de l’activité physique
• Jugement social
• Meilleur sommeil
• Honte
• Estime de soi
• Perte d’un moyen de gestion du stress
• Meilleur contrôle du poids Source : Adapté de Miller & Rollnick (2013).
Quatre stratégies sont utilisées pour réaliser l’entretien motivationnel : questions OUvertes, Valorisation, Écoute réective et Résumé. Ces stratégies sont désignées par l’acronyme mnémotechnique OUVER. Le TABLEAU 20.7 offre un exemple pour amener la personne à se voir capable de changer et à décider de le faire.
Soins et traitements inrmiers L’entretien motivationnel est de plus en plus utilisé par les professionnels de la santé, dont l’inrmière, et ce, dans tous les secteurs de la santé. Il s’agit d’une méthode efcace qui demande peu de temps. Bien qu’il semble facile à mettre en pratique, une formation s’avère très avantageuse.
20.8
Intervention de soutien
clinique
La thérapie de soutien, l’approche probablement la plus Georgina Zlateva, âgée de 56 ans, a perdu son mari utilisée par les professionnels il y a 6 mois à la suite d’un cancer du poumon. de la santé, émane des difféElle fume un paquet par jour depuis l’âge de 16 ans. rentes formes de soutien social Elle se retrouve veuve avec deux enfants mineurs et dans la vie de tous les jours dit se sentir très découragée à l’idée qu’elle pourrait (Misch, 2000 ; Viederman, elle aussi mourir d’un cancer. Elle n’avait jamais 2008 ; Winston, Rosenthal & pensé arrêter de fumer avant aujourd’hui. Toutefois, Pinsker, 2004). Le soutien peut elle croit qu’il sera très difcile d’y arriver et elle a être informatif, instrumental ou peur de devenir insupportable pendant le sevrage. émotif. Tel que formulé dans le Elle vous dit : « Est-ce que ça vaut le coup de faire cadre de la Loi modiant le ces efforts compte tenu que les dommages sont Code des professions et d’autres probablement déjà faits de toute façon ? » À quelle dispositions législatives dans le étape du changement madame Zlateva est-elle domaine de la santé mentale et actuellement ? Justiez votre réponse. des relations humaines, l’objectif de l’intervention de soutien est de « soutenir la personne dans le but de maintenir et de consolider les acquis et les stratégies d’adaptation en ciblant les forces et les ressources dans le cadre de rencontres ou d’activités régulières ou ponctuelles. Elle implique notamment de rassurer, prodiguer des conseils et fournir de l’information en lien avec l’état de la personne ou encore la situation vécue » (Ofce des professions du Québec, 2012).
Jugement
approche centrée sur le client traduite par une écoute réective et l’expression d’empathie, telle que décrite par Carl Rogers, est une caractéristique fondamentale de l’entretien motivationnel. Développer les divergences marque le point où l’intervenant s’éloigne de la relation d’aide centrée sur la personne pour devenir directif. Il s’agit alors de développer la perception qu’a le client de l’écart entre son comportement et ses propres objectifs ou valeurs. Rouler avec la résistance signie que le soignant va éviter de forcer les choses, qu’il s’agisse d’imposer ses arguments ou de livrer un plaidoyer pour le changement. L’argumentation directe amène le client à se défendre et le pousse dans la direction opposée. Le client est un allié et non un adversaire. Renforcer le sentiment d’efcacité personnelle est aussi un élément important. An d’effectuer des changements, le client doit être conant et convaincu de sa capacité de changer.
L’intervention de soutien a d’abord été conçue pour une clientèle psychiatrique présentant des troubles graves et persistants. Elle est maintenant utilisée pour des problèmes d’ordre psychologique ou des maladies chroniques. Elle est considérée par certains comme une approche éclectique (Weyeneth, Ambresin, Carballeira et al., 2004). Un des objectifs de ce modèle consiste à établir un dialogue authentique et signicatif Chapitre 20
Modèles et stratégies thérapeutiques
565
20
Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 20.7
Utiliser l’entretien motivationnel pour favoriser un changement de comportement
Mise en situation : Un client âgé de 54 ans, atteint de schizophrénie, hésite à prendre ses médicaments psychotropes par peur d’être atteint d’un syndrome métabolique (obésité, diabète, hypertension artérielle et dyslipidémie). STRATÉGIE
ACTIONS
JUSTIFICATION
Questions ouvertes
Prendre appui sur l’outil d’exploration de l’ambivalence :
• Les questions ouvertes servent à explorer l’ambivalence et à faire émerger le discours-changement.
• Si vous acceptiez aujourd’hui de prendre vos médicaments, quelle est la meilleure chose qui pourrait arriver ? (troisième colonne du tableau 20.6) • Si vous ne prenez pas les médicaments prescrits, comment cela affectera-t-il votre vie de tous les jours ? (deuxième colonne du tableau 20.6) • Qu’est-ce qui vous inquiète le plus ? • Qu’est-ce qui vous plaît dans le fait de ne pas prendre ces médicaments ? • Qu’est-ce qu’il faudrait qu’il se passe pour que vous soyez bien ? Valorisation
• Vous prenez votre santé en main, c’est une bonne chose de considérer les effets positifs des médicaments sur votre qualité de vie, mais vous désirez aussi en connaître les effets indésirables.
• Reconnaître les forces et les efforts du client.
• Vous vous occupez activement de votre traitement ! • Vous pouvez y arriver. Vous avez été dèle à votre traitement pendant deux années déjà. Écoute réective
• Vous êtes inquiet pour votre poids. • Vous craignez de trop dormir avec le médicament. Par contre, vous reconnaissez tout de même certains avantages.
• Susciter et renforcer le discours-changement de façon sélective. Le fait d’entendre à nouveau ses propres arguments en faveur du changement renforce le discours-changement. • Comprendre les résistances et éviter l’argumentation. • Maintenir une relation thérapeutique.
Résumé
• En somme, vous croyez qu’il serait préférable de prendre dèlement vos médicaments, car cela vous évite de retourner souvent à l’hôpital. Vous accepteriez de me rencontrer régulièrement pour prévenir le trouble métabolique.
et à « être avec le client » an de l’aider à résoudre un conit ou une crise intérieure (Viederman, 2008). De plus, cette approche peut aider la personne à prendre conscience de ses limites et de celles du traitement, à s’adapter à son environnement malgré les limitations inhérentes à son problème de santé, à stabiliser sa condition clinique ou à éviter une nouvelle hospitalisation. Elle peut viser le rehaussement de l’estime de soi ou du sentiment d’appartenance. Il peut s’agir d’amener le client à reconnaître ses ressources, à les utiliser et à les accroître. La personne reçoit de l’aide pour mieux connaître les ressources professionnelles et communautaires susceptibles de répondre à ses besoins. Enn, le but peut être d’aider la personne à créer son propre réseau de soutien. Le soignant évite de se substituer au réseau de soutien informel. La recherche
566
Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
• Donner l’occasion au client de réentendre une fois de plus l’essentiel de ses propres arguments.
démontre l’efcacité des interventions de soutien pour une grande variété de troubles mentaux (Crits-Christoph, Connolly-Gibbons, Ring-Kurtz et al., 2008).
Soins et traitements inrmiers L’inrmière crée une forte alliance thérapeutique par l’écoute active, des activités concrètes et constantes en utilisant ses compétences d’experte et de facilitatrice. Lorsque les capacités de la personne sont réduites, l’inrmière peut servir d’alter ego pour l’aider à répondre à ses besoins. Elle peut l’aider à résoudre certains problèmes comme intervenir auprès d’un employeur ou d’un membre de la famille. L’inrmière s’adapte à la personnalité du client, respecte ses croyances, valeurs et
habitudes de vie et évite la confrontation. Elle évite de créer un stress inutile par des attentes trop élevées et, à l’inverse, d’induire une dépendance en sous-estimant la capacité du client. Elle répond à ses questions et lui donne son avis, des conseils, de l’information ainsi que de l’encouragement (Chalifour, 2000). Elle lui permet d’exprimer ses émotions et ses désirs de façon appropriée et satisfaisante pour tous et impose des limites si nécessaire. Elle peut servir de modèle auquel le client peut s’identier positivement. Enn, elle peut contribuer à rendre l’environnement propice au rétablissement (p. ex., le logement, le milieu familial).
20.9
Approche de résolution de problèmes
Le modèle d’aide proposé par Egan (2005) est basé sur le principe d’une approche de résolution de problèmes. L’objectif premier de cette démarche est « d’aider les clients à gérer plus efcacement les problèmes de leur existence et à développer leurs ressources inexploitées et leurs perspectives d’avenir inexplorées » (Egan, 2005). Cette démarche aide la personne à mieux s’aider elle-même. Le modèle comprend trois grandes phases : 1) clarier et préciser le problème nécessitant un changement ; 2) dénir les objectifs en fonction du changement souhaité ; 3) explorer et mettre en œuvre des stratégies en vue d’atteindre les objectifs. Chacune des phases se subdivise en trois étapes. La progression d’une phase à l’autre n’est pas linéaire ni aussi simple qu’elle peut le paraître. L’intervenant fait preuve de souplesse et ajuste ses interventions de façon à favoriser la résolution du problème. La première phase consiste à clarier et à préciser le problème. Dans la première étape, l’intervenant utilise différentes stratégies (reets des émotions, questions ouvertes sur les pensées et sur les émotions, révélation de soi) pour aider la personne à décrire son vécu, la situation qui représente une difculté pour elle, son expérience, ses sentiments, ses réactions. Il explore avec elle ses ressources personnelles, interpersonnelles et environnementales, et cherche à favoriser le rappel de problèmes résolus dans le passé. L’intervenant est attentif aux thèmes qui ressortent du discours. Deuxièmement, l’intervenant amène le client à élargir sa perception du problème, à entrevoir des contradictions possibles, des excuses, des tendances à fuir. Il cherche avec lui à déceler les obstacles qui l’empêchent de résoudre le problème ou d’exploiter ses ressources.
Troisièmement, il s’agit d’aider le client à se concentrer sur les principaux problèmes et à dégager des perspectives d’avenir. L’intervenant présente au client la situation dans son ensemble (pas une simple énumération des faits), sous un angle nouveau, en remettant en cause les conceptions de référence inappropriées (p. ex., une bonne mère répond à tous les besoins des membres de la famille). Il aide le client à envisager d’autres conceptions de référence, transmet de l’information ou corrige l’information fausse et soulève les contradictions. Il aide la personne à dégager les éléments prioritaires sur lesquels elle est prête à fournir des efforts et qui permettraient de régler plusieurs difcultés. La deuxième phase consiste à formuler des objectifs. Tout d’abord, la personne est invitée à visualiser un avenir meilleur, ce qui peut être difcile puisque, plus souvent qu’autrement, elle est convaincue que la situation est sans issue et n’arrive plus à s’imaginer à quoi ressemblerait la vie si le problème n’existait pas. L’intervenant demande au client ce qui changera lorsque la difculté sera résolue. De nombreuses questions facilitent cette visualisation. Par exemple, ce qui sera différent avec telle ou telle personne, ce qui s’améliorera un peu, beaucoup, les comportements qui seront ajoutés ou supprimés. Si la personne éprouve de la difculté à entrevoir un meilleur avenir, l’intervenant peut avoir recours à la question miracle : si un miracle survenait pendant que la personne dort et que le problème était résolu, comment le saurait-elle ? Que remarquerait-elle ? Que verrait-elle ? Qu’entendrait-elle ? Que sentiraitelle ? Quoi d’autre serait différent ? Qui remarquera que ce miracle est arrivé ? Et ainsi de suite.
CE QU’IL FAUT RETENIR
L’approche de résolution de problèmes comporte trois étapes : 1) clarier et préci ser le problème nécessitant un changement ; 2) dénir les objectifs en fonction du changement souhaité ; 3) explorer et mettre en œuvre des stratégies en vue d’atteindre les objectifs.
Deuxièmement, l’intervenant aide le client à formuler des objectifs réalistes, clairs, précis et mesurables ou vériables. Leur concrétisation doit relever de la personne (contrôle) et ils doivent être compatibles avec les ressources disponibles (environnement). Ils doivent permettre de régler le problème (pertinence), présenter un intérêt pour la personne elle-même (attrait) et respecter ses valeurs (cohérence). Les objectifs sont atteignables dans un délai raisonnable.
20
Troisièmement, l’intervenant amène la personne à faire le choix nal d’un objectif et à s’engager à sa concrétisation. Il l’invite à estimer les efforts à fournir pour l’atteindre, son degré de liberté par rapport à ce choix de même que l’attrait que l’objectif retenu présente pour elle. Il aide le client à bien cerner les raisons concrètes qui motivent son choix. La troisième et dernière phase, axée sur l’action, vise à transposer l’objectif choisi en réalisation concrète. Elle consiste à élaborer un plan d’action et à le mettre en œuvre. En premier lieu, l’intervenant aide le client à dresser un inventaire de stratégies ou de moyens pour atteindre l’objectif retenu. Il stimule la créativité du client en l’encourageant Chapitre 20
Modèles et stratégies thérapeutiques
567
à entrevoir le plus de moyens possibles, à penser à des moyens inattendus, différents de ceux auxquels il a habituellement recours. À cette étape, il convient d’éviter de critiquer les idées ou les suggestions (elles seront évaluées plus tard). Deuxièmement, l’intervenant aide le client à sélectionner les stratégies qui lui permettront d’atteindre son objectif. Cette sélection peut se faire par une évaluation de chacun des moyens envisagés, auxquels une cote entre 1 (faible) et 5 (fort) est attribuée relativement aux critères suivants : le degré de contrôle du client, la pertinence par rapport à l’objectif, l’attrait pour le client, l’accord avec ses valeurs et la compatibilité avec
TABLEAU 20.8
l’environnement. Ensuite, il s’agit d’établir un plan détaillé qui prévoit l’ordre dans lequel les actions seront abordées et le temps qu’il faudra pour les réaliser. Troisièmement, le plan d’action est mis en œuvre. L’intervenant aide le client à cerner les obstacles qui peuvent surgir et à imaginer comment les surmonter. Le client détermine les facteurs facilitants et les facteurs restrictifs, cherchant à renforcer les premiers et à réduire l’impact des seconds. Un système de récompenses peut être prévu. L’intervenant apporte son soutien. Le TABLEAU 20.8 propose la mise en application de ces trois phases.
Exemple de situation illustrant les trois phases de l’approche de résolution de problèmes
Marie Dumont, âgée de 33 ans, a deux enfants, Chloé, qui a 6 ans, et Simon, qui en a 5. Elle occupe un emploi comme comptable pour un concessionnaire automobile depuis cinq ans. Elle poursuit des études en comptabilité et marketing. Elle se décrit comme une personne déterminée et ambitieuse. Il y a six mois, elle a critiqué son patron concernant sa façon de recruter les vendeurs. Celui-ci a répondu froidement qu’il ne la payait pas pour lui dire comment faire son travail. Madame Dumont se dit blessée et incapable d’oublier cet incident. Depuis, elle s’emporte pour des riens. Elle a l’impression que tout lui échappe et, malgré ses efforts, elle s’en veut de ne pas être plus présente auprès de ses enfants. Elle a aussi l’impression que son conjoint devient de plus en plus distant. PHASE 1
Premièrement…
Deuxièmement…
Troisièmement…
• Se sent fatiguée, stressée.
• Reconnaît peu à peu qu’elle « se met la barre haute ».
• Ressent des tensions au sein de son couple.
• Réalise l’ampleur des obligations qu’elle s’impose.
• Reconnaît qu’elle ne laisse pas beaucoup de place au plaisir dans sa vie, qu’elle rit rarement, qu’elle souffre du poids des obligations qu’elle s’impose.
• A l’impression que son conjoint s’éloigne de plus en plus.
• Réalise qu’elle a de la difculté à accepter des autres ce qu’elle ne se permet pas elle-même.
• Reconnaît sa tendance à attendre que la solution vienne des autres, à se sentir victime.
• Considère que son conjoint et les enfants ne collaborent pas sufsamment aux tâches de la maison.
• Reconnaît ne pas avoir discuté ouvertement avec son conjoint de ses attentes, de ses besoins, et ce, pour éviter des conits susceptibles de causer la rupture du couple.
• A l’impression de ne plus avoir de contrôle sur sa vie.
• Remet tout en question. Important pour elle d’être une bonne épouse.
• Les enfants sont importants. A souvent l’impression de ne pas leur accorder sufsamment de temps.
• Croit que la situation continuera de se détériorer si elle ne fait rien.
• Reconnaît qu’elle a une faible estime de soi.
• Se sent souvent débordée de travail, surmenée. PHASE II
Premièrement…
Deuxièmement…
Troisièmement…
• Se remémore les premières années de son mariage : congés, sorties au théâtre. Il était permis de relaxer, d’avoir des loisirs : « Il faut que je prenne tout ça moins au sérieux, que je retrouve mon sens de l’humour. Si j’étais plus souvent de bonne humeur, mon entourage serait sans doute mieux disposé à m’écouter quand je communique mes besoins. Probablement qu’il faudrait que je n’attende pas d’être trop frustrée, sinon je deviens ironique. Les autres seraient moins sur la défensive. »
• Passer plus de temps avec sa famille (au moins une heure tous les jours).
• Objectif : Protéger un temps dans la semaine qui lui appartient, c’est à dire durant lequel elle est libre de faire ce qu’il lui plaît, plus précisément un soir par semaine et les dimanches. « Cet objectif me plaît. J’aurai le temps de me reposer et de penser à moi. Je pourrais en proter pour reprendre mes activités sportives. »
568
Partie 4
• Être plus présente à la maison en n’étant plus à l’extérieur plus d’un soir par semaine. • Ne plus jamais se fâcher contre les enfants (non pertinent, ne permettra pas de régler le problème). • Ne plus travailler du tout (obstacles environnementaux, non cohérent avec ses valeurs).
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
TABLEAU 20.8
Exemple de situation illustrant les trois phases de l’approche de résolution de problèmes (suite) PHASE III
Objectif : Protéger un temps dans la semaine qui lui appartient, c’est à dire durant lequel elle est libre de faire ce qu’il lui plaît, plus précisément un soir par semaine et les dimanches. Premièrement…
Deuxièmement…
Troisièmement…
• Démissionner de son emploi.
Solution : Laisser son emploi
• Écarter cette solution.
• Consulter un coach de vie.
• Contrôle : cote 5. « Je peux laisser mon emploi. »
• Chaque fois que sa pensée contient un « il faut que je… », remettre en question l’obligation qu’elle s’impose.
• Pertinence : cote 5. « J’aurais ainsi beaucoup de temps libre. »
• Rencontrer son patron pour discuter de sa charge de travail. • Laisser le comité de parents. • Abandonner les cours à l’université. • Discuter de son objectif avec son conjoint et les enfants. • Engager une personne pour de l’aide à domicile. Et ainsi de suite, de façon à entrevoir le plus de moyens possibles.
• Attrait : cote 1. « J’aime mon travail ; il est important pour moi. » • Cohérence : cote 1. « J’ai besoin d’autonomie, d’indépendance. Je me réalise dans mon travail. » • Environnement : cote 1. « Nous avons besoin de mon salaire. » Solution : Engager une personne pour de l’aide à domicile • Contrôle : cote 4. « Je connais une dame qui pourrait venir. » • Pertinence : cote 5. « De l’aide pourrait me libérer une journée durant la n de semaine, sans que je souffre de voir les tâches s’accumuler. » • Attrait : cote 5. « Je me sentirais soulagée de me libérer de plusieurs tâches domestiques. » • Cohérence : cote 5. « J’ai le droit d’avoir du temps à moi, même que je me sentirais davantage respectée comme membre de cette famille. » • Environnement : cote 3. « Les enfants et mon conjoint devront contribuer en rangeant leurs effets personnels, les coûts les obligeront à couper dans leurs dépenses. » Et ainsi de suite pour toutes les autres solutions entrevues.
• Facteurs facilitants : grande motivation ; son conjoint et les enfants seront probablement compréhensifs si elle exprime clairement ses besoins. • Facteurs restrictifs : besoin que tout soit fait à sa façon, accepter qu’une étrangère partage leur intimité, les coûts qui obligeront à couper les dépenses… • Renforcer les facteurs facilitants : prévoir dès maintenant des activités qui lui plaisent, comme aller au cinéma, recevoir des amis, revoir le budget de la famille. • Neutraliser les facteurs restrictifs : s’accrocher au droit de faire des choix pour diminuer ses sentiments de culpabilité, faire en sorte que les membres de sa famille soient également gagnants du fait d’avoir de l’aide à domicile : sorties en famille, environnement propre et accueillant. … ce qui aboutit à l’établissement d’un plan d’action.
20 Soins et traitements inrmiers L’approche de résolution de problèmes peut être très utile à l’inrmière pour aider les personnes aux prises avec divers problèmes associés à leur condition de santé physique ou mentale. Il s’agit d’un processus qui permet à la personne d’acquérir de l’autonomie et qui est compatible avec la perspective du rétablissement. L’inrmière s’assure de la participation du client en évaluant son niveau de motivation. Si le client manque de confiance en lui, elle peut lui enseigner la démarche ou lui donner les outils nécessaires pour la mettre en pratique. L’inrmière demeure attentive à la possibilité qu’une personne puisse chercher en vain une solution parfaite ne comportant aucun inconvénient. Le cas échéant, il convient
d’explorer les obstacles qui interférent avec la résolution de problèmes.
20.10
Milieu thérapeutique
Maxwell Jones (1907-1990), psychiatre social, a introduit le concept de communauté thérapeutique au cours des années 1950. Selon lui, les milieux chargés des traitements psychiatriques, dans la communauté ou dans les centres hospitaliers, devaient se doter d’une structure qui offrirait aux clients atteints de troubles mentaux un environnement thérapeutique, un facteur qu’il considérait essentiel à la réussite d’un traitement (Jones, 1968). À partir de ses expériences et observations dans des hôpitaux psychiatriques de longue durée, Chapitre 20
Modèles et stratégies thérapeutiques
569
Jones retient trois facteurs déterminant l’efcacité thérapeutique de l’environnement social : 1. la présence d’une communication bidirectionnelle entre les clients et les membres de l’équipe interdisciplinaire ; 2. un processus efcace de prise de décision à tous les niveaux de traitement ainsi qu’entre le personnel et les clients ; 3. des occasions d’apprentissage social visant à régler les problèmes interpersonnels. Jones (1968) utilisait le milieu psychiatrique comme un laboratoire vivant permettant d’expérimenter ou d’apprendre de nouvelles façons de résoudre les problèmes résultant de conits ou de crises. Le milieu psychiatrique devient le microcosme de la société élargie, une entité sociale en soi, composée de clients à différentes étapes de leur séjour, chacun avec ses préoccupations, interagissant pour satisfaire des besoins uniques sur les plans personnel et social. Le milieu peut être considéré comme un grand groupe de travail ayant pour tâche le rétablissement et comme une collectivité chargée des différents aspects de la vie en communauté. L’objectif général du milieu thérapeutique est de promouvoir et de maintenir un environnement favorisant un rétablissement optimal. Walker (1994) reprend les cinq fonctions du milieu thérapeutique décrites par Gunderson en 1978 : 1. Structuration : organisation du temps, espace physique, activités, politiques et règlements, administration de médicaments, etc., en vue de rendre l’environnement prévisible ; 2. Mobilisation : participation active du client à l’élaboration et à la réalisation du plan thérapeutique ainsi qu’à des activités, prise en compte des rétroactions, interaction avec les autres clients et avec les membres de l’équipe soignante ; 3. Contention : environnement physiquement et psychologiquement sécuritaire, mesures d’isolement et contention visant à maintenir l’intégrité physique ; 4. Soutien : individualisation des soins, respect, attention et accompagnement offert par le personnel et les pairs en vue de favoriser l’estime de soi et un bien-être accru ; conseils, éloges, encouragements à essayer de nouvelles activités ; 5. Validation : reconnaissance des besoins individuels du client, considération de ses antécédents personnels uniques et acceptation de son expérience et de son potentiel.
Soins et traitements inrmiers Offrir un milieu thérapeutique pour le rétablissement des clients n’est pas nouveau au sein de la discipline inrmière. Pour Florence Nightingale (1820-1910), inrmière britannique considérée
570
Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
comme la fondatrice des soins inrmiers modernes, la principale tâche de l’inrmière consistait à « mettre le patient dans les meilleures conditions possibles an que la nature puisse faire son œuvre en lui » (Poletti, 1978) ENCADRÉ 20.2. Un rôle prépondérant incombe à l’inrmière depuis toujours en regard de la création du milieu thérapeutique pour les clients en psychiatrie, dans un rapport de collaboration constante avec les clients et les membres de l’équipe interdisciplinaire pour le créer et le soutenir. Présente à l’unité 24 heures sur 24, elle détermine le plan de soins et de traitements inrmiers, dirige le personnel inrmier et supervise les activités de l’unité. Plus précisément, elle contribue à l’atteinte des objectifs suivants : • fournir un environnement physiquement et psychologiquement sécuritaire (règles de sécurité : retrait des objets dangereux, gestion préventive des comportements agressifs et perturbateurs, application des mesures de contention et d’isolement, formation du personnel) ; • maximiser le plus haut niveau de fonctionnement psychologique ; • détecter les maladies physiques aiguës ou chroniques qui affectent les symptômes psychiatriques ; • encourager les stratégies d’adaptation et de gestion des symptômes saines ; • encourager l’autonomie des activités de la vie quotidienne ; • éduquer les clients et leur famille concernant les médicaments et les autres modalités thérapeutiques ; • établir une planication collaborative du congé avec le client ou la famille et l’équipe interdisciplinaire. Les inrmières sont généralement chargées de gérer la structure de l’unité de soins psychiatriques relative aux activités des clients, qui incluent les soins d’hygiène, les repas, la prise de médicaments, la participation à son plan de soins et de traitements, les entretiens avec l’équipe soignante. L’inrmière qui démontre des habiletés interpersonnelles efcaces (p. ex., le respect, l’authenticité, l’empathie, etc.) favorise un environnement de conance et de sécurité émotionnelle pour les clients. Elle xe les limites nécessaires au maintien d’une relation thérapeutique avec le client (ou entre les clients). Elle représente un modèle de rôle de façon à fournir au client des occasions signicatives d’apprendre comment interagir efcacement et avec maturité avec les autres. Pardessus tout, elle transmet par ses attitudes de l’espoir à la personne et à ses proches en croyant au rétablissement. Le travail dans une unité de
Recherche pour une pratique fondée sur des résultats probants ENCADRÉ 20.2
Utilité du milieu thérapeutique
Des chercheuses inrmières ont mené une étude phénoménologique auprès de clients hospitalisés dans une unité de soins psychiatriques actifs portant sur la signication de leur expérience. Quatre thèmes ont émergé : 1) Un refuge contre l’autodestruction ; 2) M’aimer/ne pas m’aimer ; 3) Possibilité/aucune possibilité ; 4) Connexion/déconnexion. Les clients ont décrit le centre hospitalier comme étant une maison sécuritaire ou un sanctuaire offrant du répit et de la protection dans leur lutte quotidienne contre leurs impulsions autodestructrices. Ils se sont sentis acceptés par le milieu et ont eu des afnités avec les autres clients, ce qui a eu pour effet de diminuer leur sentiment d’isolement. Le personnel a répondu à leurs besoins en matière de structure, de nourriture et d’hébergement. Le fait d’être avec les autres a permis aux clients de parler, d’écouter et de comparer leurs histoires, de trouver des similitudes et des différences, avec comme résultat une atténuation du sentiment d’isolement provoqué par leurs symptômes et leurs expériences. Les participants ont déclaré que l’hospitalisation ouvrait des possibilités de traitement futur et ont également mentionné leurs craintes en
ce qui a trait à leur sortie du centre hospitalier et au fait de devoir affronter leurs anxiétés et leurs peurs. Ils ont trouvé très utile de socialiser et d’être avec les autres clients. Ils ont également exprimé les attentes suivantes : disposer de plus de temps seul et avoir accès à plus de thérapies et d’activités de groupe an de faciliter le changement. Les membres du personnel qui ont été perçus comme aidants étaient ceux qui étaient disposés à donner de l’attention, du temps, des informations et des services, et qui ont démontré de la souplesse par rapport aux règlements de l’unité. Les clients ne considéraient pas la surveillance étroite par le personnel comme inopportune ou désagréable ; ils estimaient plutôt que le personnel avait les choses « bien en main » et « veillait étroitement sur eux ». Les chercheuses ont conclu que les inrmières doivent fournir davantage de counseling individuel et d’occasions d’effectuer des activités en groupe, réviser les activités du programme de l’unité et être plus attentives aux obstacles à l’interaction (p. ex., une fenêtre ou une porte fermée au poste inrmier).
Source : Thomas, Shattell & Martin (2002).
soins psychiatriques demande à l’infirmière de l’ingéniosité, de la souplesse, une bonne capacité d’acceptation du client, ainsi que de grandes qualités sur le plan relationnel, puisqu’elle-même est le principal outil de soins. Sa présence constitue un soin en soi.
20.11
Thérapie de groupe
L’humain est un être social par nature. D’ailleurs, pour Maslow (1943), le sentiment d’appartenance fait partie des cinq besoins de base. La satisfaction des besoins se fait principalement en groupe, et s’amorce au sein de la famille, qui répond aux besoins physiques et psychologiques, ce qui est essentiel pour une croissance saine et pour le développement des membres de la famille. Le besoin d’appartenance et de développement social progresse tout au long de la vie et s’applique à des groupes sociaux élargis comme l’école, l’église, les loisirs, le travail, la collectivité locale, la société et la collectivité culturelle ou internationale. La compréhension de base du fonctionnement des groupes et de leurs rôles aide l’inrmière à participer efcacement en tant que membre et leader dans les milieux professionnels et cliniques. Northouse et Northouse (1998) ont défini le groupe comme étant « un ensemble de trois personnes ou plus rendues d’une certaine façon interdépendantes par les relations qu’elles entretiennent ». Dans les établissements de soins de santé, les
groupes sont parfois distingués selon l’accent porté sur le contenu (tâches ou activités nécessaires pour atteindre les buts du groupe) ou sur le processus (relations interpersonnelles entre les membres du groupe et le leader). Un groupe thérapeutique a pour objectifs le changement et la croissance sur le plan psychologique. Ce type de groupe se situe généralement plus près de l’extrémité du continuum axé sur le processus et dépend en grande partie du degré de changement recherché par les membres. L’orientation thérapeutique des groupes varie entre l’axe comportemental et l’axe psychodynamique, qui implique un changement de la personnalité TABLEAU 20.9. Selon le psychiatre américain Irvin Yalom (2005), les groupes thérapeutiques permettent aux clients d’obtenir de la rétroaction sur leur façon d’interagir avec les autres, de tester la validité des
TABLEAU 20.9
20
Types de groupes
TYPE
OBJECTIFS
Groupes de travail
Accomplir des tâches pour atteindre un objectif (axés sur le contenu).
Groupes de psychoéducation ou d’apprentissage
Améliorer les connaissances et pratiquer des activités ; les rencontres ont lieu dans les centres hospitaliers ou en milieu communautaire (structure assez formelle, objectifs clairs).
Groupes psychothérapeutiques
Induire un changement et stimuler la croissance ; établir des relations plus fonctionnelles et satisfaisantes ; transférer les acquis à l’extérieur du groupe (axés sur le processus).
Groupes de soutien ou d’entraide
Partager des connaissances et des expériences (axés à la fois sur le contenu et le processus).
Chapitre 20
Modèles et stratégies thérapeutiques
571
schémas avec lesquels ils appréhendent la vie, de découvrir des parties d’eux-mêmes (p. ex., des forces, des compétences, des habiletés, des désirs), d’expérimenter progressivement de nouveaux comportements en protant de la sécurité du groupe et d’assumer la responsabilité de leurs comportements et de leur propre vie. Yalom distingue 11 facteurs curatifs associés aux groupes thérapeutiques TABLEAU 20.10. Le leadership est « le processus par lequel une personne tente d’inuencer les autres an d’atteindre un but mutuellement accepté » (Northouse
& Northouse, 1998). Les objectifs du groupe déterminent le rôle du leader et le style de leadership. Le leader joue un rôle important en orientant le groupe vers l’atteinte de ses objectifs, en élaborant les normes du groupe et en facilitant la communication entre les membres. La capacité du leader à inuencer le groupe dépend de ses habiletés de communication. Un bon leader a une attitude positive, ouverte, réceptive, afrmative, souple et honnête. Il détecte les problèmes rencontrés par les membres au fur et à mesure que le groupe s’approche de ses objectifs.
Facteurs curatifs de la thérapie de groupe selon Yalom
TABLEAU 20.10 FACTEUR CURATIF
EXPLICATION
Transmission de l’espoir
Les membres du groupe se situant à divers niveaux, ceux qui tirent prot de l’expérience du groupe peuvent donner espoir à ceux qui éprouvent des difcultés.
Universalité
Les membres réalisent qu’ils ne sont pas seuls, que d’autres ont des réactions et des pensées semblables aux leurs, d’où le concept d’universalité.
Enseignement
Le groupe est un lieu d’apprentissage formel et informel ; les membres échangent de l’information et des conseils ; ils ont l’occasion de découvrir les effets de leurs interactions sur la dynamique du groupe et peuvent généraliser ces apprentissages à leur vie dans la société.
Altruisme
De façon générale, les membres du groupe reconnaissent le soutien et l’apport des autres membres. Ils perçoivent leur progrès comme le résultat du travail de tous les membres du groupe. Le fait de découvrir qu’ils sont utiles renforce leur appréciation de leur propre valeur.
Reprise adaptée du milieu familial
Les membres agissent selon ce que leur a inculqué leur famille. Ces modèles sont souvent dysfonctionnels et les clients tendent à les perpétuer dans toutes leurs interactions. La thérapie de groupe offre l’occasion de mettre en lumière ces modèles, de les évaluer et d’expérimenter d’autres modèles mieux adaptés.
Développement des habiletés sociales
Les interactions avec les autres permettent aux membres d’améliorer leurs aptitudes sociales à l’aide des rétro actions partagées. Cela enrichit la reconnaissance des comportements sociaux inadaptés et leur permet de choisir un comportement qui est plus adapté et davantage en accord avec leurs objectifs.
Conduite mimétique
Les membres voient les autres échanger, ce qui leur permet d’être exposés à diverses façons d’interagir. Ils peuvent choisir de prendre exemple sur les autres ou sur le thérapeute. Ils trouvent l’aide nécessaire pour changer des comportements habituels et rigides par un style d’interaction plus souple.
Catharsis
La catharsis est le soulagement des émotions intenses. Les membres hésitent souvent à exprimer ces émotions par crainte des conséquences de leur révélation. Ils apprennent à les exprimer, ressentent le soulagement qui s’ensuit et réalisent qu’ils survivent, eux et le groupe, sans que rien ne s’effondre.
Facteurs existentiels
L’une des grandes réalités existentielles est que toute personne est fondamentalement seule malgré la présence d’autrui. Les membres peuvent avoir des attentes irréalistes envers les autres, par exemple que le conjoint, la famille ou l’ami aient le pouvoir de faire disparaître tout sentiment de solitude. Les interactions en groupe aident à modier ces attentes de sorte qu’elles soient réalistes dans le contexte des relations humaines, et ce, grâce à la réalisation que la compagnie d’autrui atténue l’impression de solitude, sans toutefois l’éliminer complètement.
Cohésion
Plusieurs membres font face à l’isolement et se sentent déconnectés d’autrui, même s’ils ne sont pas seuls. Faire partie d’un groupe cohésif permet d’acquérir un sentiment d’appartenance, le sentiment de faire partie d’un tout plus grand que chacune des personnes qui le composent.
Apprentissage des relations interpersonnelles
Dans les groupes axés sur les relations interpersonnelles, les membres apprennent à discerner, à clarier et à modier leurs comportements inadaptés.
Source : Adapté de Yalom (2005).
572
Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
Les normes sont soit manifestes, soit non déclarées (Northouse & Northouse, 1998). Les normes manifestes sont les règles explicitement connues dont tous les membres ont convenu. Il peut s’agir par exemple de l’horaire des séances en groupe. Les membres se mettent généralement d’accord sur cette norme pendant la phase de formation du groupe. Si les heures normales changent, le leader et les membres du groupe discutent des effets de ces changements à la fois sur le groupe et sur les objectifs de ce dernier. Les normes non déclarées sont les règles non exprimées ou implicites entre les membres. Par exemple, l’écoute active sans interruption du membre qui s’exprime peut être une norme non déclarée. Les regards désapprobateurs ou l’interruption du dialogue signalent généralement la violation de cette norme. Les normes ont tendance à s’établir tôt et sont difciles à modier par la suite au cours de l’évolution du groupe. Le leader du groupe ou le thérapeute ainsi que les membres sont tous responsables d’assurer le respect des normes et de favoriser leur efcacité dans l’accomplissement des objectifs individuels et du groupe. La cohésion est la capacité des membres d’un groupe à travailler de concert pour accomplir des objectifs préétablis. C’est aussi la solidarité que ressentent les membres du groupe. La cohésion est le lien entre les membres. Elle est associée à des résultats positifs comme la multiplication des échanges, le respect des normes, les comportements axés sur les objectifs et la satisfaction des membres (Northouse & Northouse, 1998). Le TABLEAU 20.11 résume les facteurs qui inuencent la cohésion du groupe. Les membres adoptent des rôles qui assurent le fonctionnement du groupe et qui inuencent la capacité du groupe à atteindre ses objectifs. Ces rôles représentent souvent ceux endossés pendant les premières années au sein de la famille. Généralement, ils sont liés soit aux tâches, soit à la formation du groupe et à sa consolidation, soit à des fonctions individuelles. Les rôles liés aux tâches visent à soutenir la capacité de fonctionnement du groupe dans son processus vers l’atteinte de ses objectifs, les problèmes rencontrés étant résolus par l’obtention et le partage
TABLEAU 20.11
Facteurs inuençant la cohésion du groupe
CARACTÉRISTIQUE
CONSIDÉRATIONS
Buts du groupe
Des buts clairs, basés sur les valeurs et les intérêts similaires, motivent les membres à rechercher et à maintenir leur appar tenance au groupe.
Similarité entre les membres
Les membres sont fréquemment attirés par d’autres membres qui partagent des valeurs et des croyances similaires. Cependant, dans certains cas, les personnes sont attirées par d’autres qui n’ont pas les mêmes valeurs ou attitudes.
Type d’interdépendance entre membres
La cohésion entre les membres a tendance à être meilleure dans les groupes ayant un fonctionnement coopératif plutôt que compétitif.
Comportement du leader
De manière générale, le style de leadership démocratique est associé à une cohésion de groupe plus élevée que les autres styles (p. ex., autocratique).
Structures de communication
Les structures de communication décentralisées, qui se carac térisent par une interaction accrue entre les membres, sont associées à un meilleur moral et à un degré de satisfaction élevé des membres.
Activités de groupe
Les membres qui se sentent capables d’effectuer les activités du groupe ressentent plus d’attirance envers le groupe.
Atmosphère du groupe
Les membres sont fréquemment attirés par les groupes qui les aident à se sentir utiles et acceptés.
Taille du groupe
La taille du groupe devrait correspondre au nombre de membres nécessaires pour effectuer la tâche. Les grands groupes peuvent compromettre la cohésion si les membres sont trop nombreux pour exécuter la tâche.
Source : Adapté de Carré (2007).
d’information. Les rôles de formation et de consolidation du groupe sont orientés sur la préservation de la capacité de chacun à travailler ensemble, de manière à favoriser l’évolution des relations entre les membres. Les rôles individuels sont ceux qu’un membre adopte an de répondre à ses besoins individuels ; parfois, ils ont des conséquences négatives sur la cohésion, le fonctionnement et les tâches du groupe. Les membres jouent souvent plus d’un rôle. L’ENCADRÉ 20.3 présente un exemple des trois catégories de rôles tenus par les membres. Paule Damien, âgée de 35 ans, présente un trouble Tous les groupes traversent obsessionnelcompulsif. Elle participe à un groupe des phases d’évolution qui de thérapie et au cours des rencontres, elle coupe dépendent de la dynamique du la parole aux autres membres en ramenant le sujet groupe. Northouse et Northouse de discussion sur ses propres problèmes. « Mon (1998) décrivent cinq phases : problème est très sérieux et mérite que vous 1) orientation ; 2) conflit ; m’écoutiez en premier », répètetelle. Son attitude 3) cohésion ; 4) travail ; 5) concluexaspère les autres personnes. Quel rôle madame sion. Ces phases de l’évolution Damien afchetelle au sein de son groupe de d’un groupe sont présentées thérapie ? dans le TABLEAU 20.12.
clinique
Jugement
Les normes sont les règles de comportement établies par le leader et les membres du groupe. Elles représentent les attentes partagées en ce qui a trait aux comportements adéquats, et servent à soutenir le fonctionnement et le travail du groupe (Sampson & Marthas, 1990). Elles émergent à partir des interactions entre les membres et le leader et nissent par avoir un effet sur l’évolution de la cohésion et les autres facteurs curatifs. Elles peuvent être habilitantes (aider le groupe dans l’accomplissement de son travail) ou restrictives (entraver l’atteinte des objectifs du groupe).
Chapitre 20
Modèles et stratégies thérapeutiques
573
20
ENCADRÉ 20.3
Rôles adoptés au sein d’un groupe
RÔLES LIÉS AUX TÂCHES
• L’instigateur : propose de nouvelles idées, orientations, tâches et méthodes. • L’organisateur : élabore les propositions à partir des suggestions ainsi que les projets du groupe. • L’évaluateur : apprécie les idées, propositions et projets, en étudiant la faisabilité des propositions et l’efcacité des processus. • Le coordonnateur : synthétise les idées et les thèmes an de clarier les suggestions et d’aider les différents sous-groupes à progresser efcacement vers leurs objectifs communs. RÔLES LIÉS À LA CONSOLIDATION DU GROUPE
• L’incitateur : félicite et approuve les autres membres lorsque c’est justié, exprime l’acceptation des autres et de leurs idées, adopte une attitude ouverte face aux différences existantes.
• Le médiateur : arbitre les conits et les mésententes qui surgissent, en tentant de soulager ou d’abaisser la tension dans le groupe. • Le conciliateur : cherche un terrain d’entente en cas de désaccord, cherche un compromis acceptable pour toutes les parties. RÔLES INDIVIDUELS
• L’agresseur : agit négativement et de façon hostile envers les autres membres, critique la participation des autres, attaque le groupe et ses membres. • La vedette : attire l’attention sur ses propres activités, se vante, canalise tout vers elle-même. • La victime : cherche de l’aide ou se confesse, utilisant le groupe pour s’attirer de la sympathie ou pour favoriser une introspection et trouver un contentement personnel sans égard aux autres ou au groupe dans son ensemble. • Le dominateur : afrme son autorité et cherche à manipuler les autres an d’avoir la maîtrise sur tout ce qui se passe.
TABLEAU 20.12
Phases de l’évolution d’un groupe
PHASE
DESCRIPTION
RÔLE DU LEADER
Orientation
• Consiste en l’évaluation du leader et des autres membres (loyauté, compatibilité entre les objectifs individuels et de groupe, types d’exigences, niveau requis de révélation de soi et établissement de normes).
• Susciter chez les membres un sentiment d’appartenance au groupe ainsi qu’un sentiment d’intimité, de conance et d’indépendance.
Conit
• Se produit lorsque les membres du groupe sont en compétition les uns avec les autres et avec le leader an de contrôler, d’inuencer et d’exercer une autorité quant aux décisions du groupe.
• Guider les membres à travers le conit en les aidant à résoudre les problèmes d’inuence et de contrôle et en considérant le conit comme une phase normale des dynamiques de groupe.
Cohésion
• Se caractérise par l’augmentation de la conscience des différences individuelles.
• Rôle minimal : fournir des conseils et une direction au groupe.
• Favoriser l’établissement d’une structure, de lignes directrices et de normes.
• Les membres commencent à éprouver des sentiments positifs les uns envers les autres. La conance s’établit, la révélation de soi augmente et l’expression des sentiments, des pensées et des comportements s’intensie. Travail
• Se caractérise par l’augmentation de la profondeur de la révélation de soi et de l’expression des émotions et des pensées positives et négatives du groupe.
• Rôle minimal : peut varier selon les problématiques soulevées.
Conclusion
• Consiste en la dissolution du groupe lorsque ses objectifs sont atteints ou lorsque le temps accordé est échu.
• Résumer les projets réalisés et aider les membres à discerner leurs sentiments envers les membres individuels, le leader et la n du groupe dans son ensemble.
Source : Adapté de Northouse & Northouse (1998).
574
Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
Une étude clinique aléatoire a comparé trois groupes : 1) un groupe de thérapie cognitivocomportementale pour la psychose (TCCp) ; 2) un groupe de gestion des symptômes ; 3) un groupe témoin (liste d’attente). Le groupe de gestion des symptômes est un programme d’entraînement aux habiletés sociales visant la gestion des symptômes. Les groupes de TCCp et de gestion des symptômes ont été formés pour une durée de 24 rencontres, à raison de 2 rencontres hebdomadaires durant 3 mois. Chacune des interventions était coanimée par deux thérapeutes qui n’avaient aucune formation préalable à la TCCp. Ceux-ci ont reçu une formation intensive d’une durée de 14 heures et bénéciaient d’une supervision bimensuelle. Les résultats démontrent une amélioration signicative des symptômes psychotiques (positifs et négatifs), mais seul le groupe de TCCp a permis d’obtenir une amélioration de l’estime de soi post-traitement et une utilisation accrue de stratégies adaptatives actives. La TCCp de groupe est efcace en début de psychose. Une formation brève de deux à trois jours peut être sufsante pour des intervenants d’expérience. La TCCp de groupe est une intervention prometteuse pour les personnes en début de psychose et pour les professionnels de la santé (Lecomte, Leclerc, Corbière et al., 2008).
Soins et traitements inrmiers L’inrmière intervient auprès des personnes, des familles et de groupes. Elle peut réunir des personnes dans le cadre de programmes visant des objectifs communs. Il pourrait s’agir par exemple d’une intervention de groupe visant l’arrêt tabagique, destinée à des personnes atteintes de troubles mentaux graves, d’une activité d’enseignement visant à prévenir l’épuisement professionnel, d’interventions de groupe en collaboration avec un organisme communautaire, de l’animation d’un groupe d’entraide ayant comme objectif la diminution de la consommation de psychotropes ou autres. Dans le contexte de réduction des coûts de santé, l’intervention de groupe représente un moyen incontournable d’offrir des services à un plus grand nombre de personnes. Il existe plusieurs groupes thérapeutiques animés par des psychologues ou des psychothérapeutes destinés à traiter la dépression et les troubles anxieux. L’inrmière a souvent l’occasion de coanimer ces groupes. Avoir des habiletés en relation d’aide individuelle ne garantit pas automatiquement la présence des habiletés nécessaires pour intervenir auprès d’un groupe (Moyse-Steinberg, 2008). Animer un groupe nécessite des habiletés particulières et une expérience qui s’acquiert progressivement.
Analyse d’une situation de santé
Jugement clinique
Morgane Brazeau est âgée de 27 ans. Elle a été victime de viol à l’âge de 23 ans sous menace à l’arme blanche. Depuis ce temps, elle vit des épisodes dépressifs et a même tenté de mettre n à ses jours à deux reprises. Elle a développé une phobie des objets contondants au point où dès qu’elle en voit un (p. ex., un couteau), elle a des pensées d’automutilation. C’est d’ailleurs ce
qui l’a poussée à ses tentatives de suicide ; elle a essayé de se couper les veines des poignets. À l’unité de soins psychiatriques où elle est hospitalisée, madame Brazeau a tendance à s’isoler et refuse de manger pour ne pas avoir à utiliser des ustensiles. Par contre, elle accepte de prendre des suppléments alimentaires sous forme liquide.
20
Mise en œuvre de la démarche de soins
Collecte des données – Évaluation initiale – Analyse et interprétation 1. Dans la situation de madame Brazeau : a) Quel est le stimulus déclencheur de son comportement impulsif ? b) Quelle est la réponse au stimulus ? c) Que fait-elle pour contrôler son comportement ? SOLUTIONNAIRE
Chapitre 20
Modèles et stratégies thérapeutiques
575
écemment vu dans ce chapitre Quel type d’adaptation dysfonctionnelle madame Brazeau utilise-t-elle par rapport à sa phobie des objets contondants ?
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
2. Voici un extrait du plan thérapeutique infirmier de la cliente. D’après les données connues, quel problème prioritaire nécessiterait un suivi particulier de votre part ? Inscrivez votre réponse vis-à-vis du numéro 3. Extrait CONSTATS DE L’ÉVALUATION Date
Heure
N°
2016-08-22 10:00
2
2016-08-22 12:00
3
Problème ou besoin prioritaire
Initiales
Phobie des objets contondants
Signature de l’inrmière
Catherine Brossard
Initiales
C.B.
RÉSOLU / SATISFAIT Date
Heure
Professionnels / Initiales Services concernés
C.B.
Programme / Service
Signature de l’inrmière
Initiales
Programme / Service
Psychiatrie
Planication des interventions – Décisions inrmières 3. Écrivez une directive inrmière pour assurer le suivi du problème prioritaire numéro 2 et du problème numéro 3 correspondant à la bonne réponse. Extrait CONSTATS DE L’ÉVALUATION Date
Heure
N°
2016-08-22 10:00
2
2016-08-22 12:00
3
Problème ou besoin prioritaire
Initiales
Phobie des objets contondants
RÉSOLU / SATISFAIT Date
Heure
Professionnels / Initiales Services concernés
C.B.
SUIVI CLINIQUE Date
Heure
N°
2016-08-22
12:00
2-3
Signature de l’inrmière
Catherine Brossard
Directive inrmière
Initiales
C.B.
Initiales
Programme / Service
Signature de l’inrmière
Initiales
CESSÉE / RÉALISÉE Date
Heure Initiales
Programme / Service
Psychiatrie
Vous planifiez une rencontre formelle avec madame Brazeau dans le but de tenter une ap proche susceptible de diminuer son
comportement phobique. Vous envisagez d’utiliser la technique d’immersion par imagination.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
4. Quel moyen vous permettrait d’appliquer cette technique ?
Vous proposez à madame Brazeau de demeurer avec elle pendant qu’elle dîne avec les autres clients, ce qu’elle accepte de faire. Elle observe les autres clients devant elle alors qu’ils utilisent des ustensiles
576
Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
pour couper leurs aliments. Vous observez son comportement pendant ce temps. La cliente vous regarde sans dire un mot et boit les liquides qui lui sont présentés. Le repas se déroule calmement.
écemment vu dans ce chapitre
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
5. D’après le comportement de madame Brazeau dans cet épisode, comment pourriez-vous lui démontrer du renforcement positif ?
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution 6. En vous basant uniquement sur le comportement de madame Brazeau au moment des repas, qu’est-ce qui vous ferait croire que la cliente arrive à contrôler, partiellement du moins, son impulsivité d’automutilation en présence d’objets contondants ?
APPLICATION DE LA PENSÉE CRITIQUE Dans l’application de la démarche de soins auprès de madame Brazeau, l’inrmière a recours à un ensemble d’éléments (connaissances, expériences antérieures, normes institutionnelles ou protocoles, attitudes professionnelles) pour analyser la situation de santé de la cliente et en comprendre
les enjeux. La FIGURE 20.7 illustre le processus de pensée critique suivi par l’inrmière an de formuler son jugement clinique. Elle résume les principaux éléments sur lesquels l’inrmière s’appuie en fonction des données de cette cliente, mais elle n’est pas exhaustive.
Madame Brazeau avait accepté de prendre un repas en compagnie d’autres clients. MAIS SI…
Si madame Brazeau avait demandé de se retirer au moment où elle a vu les couteaux sur la table, vous l’auriez immédiatement rencontrée et vous lui auriez dit : « C’est un bel effort que vous avez fait même si vous n’êtes pas restée dans la salle à manger. » Quelle stratégie motivationnelle auriez-vous alors utilisée par vos propos ?
VERS UN JUGEMENT CLINIQUE EXPÉRIENCES
CONNAISSANCES • Théories à la base des stratégies thérapeutiques • Différents modèles et stratégies thérapeutiques, autant individuelles qu’en groupe • Caractéristiques d’un milieu thérapeutique • Techniques de relaxation • Exercices de relaxation
• Expérience de travail en psychiatrie • Expérience de travail avec une équipe interdisciplinaire • Expérience personnelle de psychothérapie • Expérience en animation de groupe de soutien
NORMES
ATTITUDES
• Normes de pratique en santé mentale et soins psychiatriques • Activités réservées de l’inrmière après l’adoption de la Loi modiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines
• Respecter le rythme de la cliente • Ne pas banaliser la phobie de madame Brazeau • Manifester de l’empathie • Faire preuve de respect envers madame Brazeau en lui montrant que vous avez conance en ses possibilités
PENSÉE CRITIQUE
20
ÉVALUATION • • • • •
Stimulus anxiogènes incitant la cliente à avoir des pensées d’automutilation Manifestations d’anxiété lorsqu’elle est en présence de l’objet de sa phobie Caractéristiques du comportement impulsif Stratégie d’adaptation de madame Brazeau pour contrôler son comportement impulsif Participation à une approche comportementale visant à éliminer ou à contrôler le comportement impulsif • Réactions de la cliente lorsqu’elle accepte d’être dans une situation anxiogène susceptible de déclencher un comportement impulsif • Réaction de la cliente lorsqu’elle reçoit du renforcement positif
JUGEMENT CLINIQUE FIGURE 20.7
Application de la pensée critique à la situation clinique de madame Brazeau
Chapitre 20
Modèles et stratégies thérapeutiques
577
Chapitre
21
Psychopharmacothérapie et autres thérapies biologiques Écrit par : Pauline Chan, RPh, MBA, BCPP, FCSHP, FASHP Nancy A. Cofn-Romig, DNSc, PMHCNS-BC Adapté par : Nancy Légaré, B. Pharm., M. Sc., Pharm. D., BCPP, BCPS Guy Beauchamp, Ph. D. (Pharmacologie) Robert Morin, inf., M. Éd. Louise-Andrée Brien, inf., M. Sc. Mis à jour par : Caroline Sirois, B. Pharm., Ph. D.
MOTS CLÉS
OBJECTIFS
Délai d’action . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 593 Demi-vie sérique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 585 Effets indésirables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 580 Index thérapeutique . . . . . . . . . . . . . . . . . 597 Mécanisme d’action . . . . . . . . . . . . . . . . . 580 Posologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 581 Relation thérapeutique. . . . . . . . . . . . . . . 581 Rétablissement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 580 Surveillance clinique . . . . . . . . . . . . . . . . 582
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez être en mesure : • d’expliquer les mécanismes d’action des médicaments psychotropes sur les neurotransmetteurs ; • d’énumérer les indications, les voies d’administration, les interactions et les effets indésirables des principaux médicaments psychotropes ; • d’appliquer les interventions infirmières liées à l’administration de médicaments psychotropes, notamment la surveillance, le suivi, l’enseignement au client et à ses proches ; • d’expliquer les mécanismes d’action et les indications de l’électroconvulsivothérapie ; • d’appliquer les interventions infirmières liées à l’électroconvulsivothérapie ; • de nommer les autres thérapies biologiques.
Disponible sur • • • • • •
Activités interactives Annexes Web À retenir Carte conceptuelle Dossier vidéo Ressources
• • • • •
Guide d’études – SA06, SA07, SA09, SA11, RE12, RE20
578
Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
Solutionnaire de l’Analyse d’une situation de santé Solutionnaire des questions de Jugement clinique Solutionnaire des questions Réactivation des connaissances Solutionnaire des questions Récemment vu dans ce chapitre Solutionnaires du Guide d’études
Concepts clés
Cette carte conceptuelle illustre schématiquement les principaux concepts décrits dans le présent chapitre. Sa lecture vous permettra d’avoir une vue d’ensemble des notions qui y sont présentées.
Inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine/modulateurs de la sérotonine Inhibiteurs du recaptage de la sérotonine et de la noradrénaline Antidépresseurs atypiques Antidépresseurs tricycliques Inhibiteurs de la monoamine oxydase
soit
et de
et
soit dont et
et
Psychopharmacothérapie et autres thérapies biologiques
dont
21
nécessitent
Chapitre 21
Psychopharmacothérapie et autres thérapies biologiques
579
PORTRAIT
Jonathan Ogawa Jonathan Ogawa, âgé de 32 ans, a été conduit à l’urgence par sa mère. Elle l’a trouvé étendu sur le divan dans l’obscurité. Il avait refusé de répondre à ses nombreux appels téléphoniques au cours des trois derniers jours. En plein processus de divorce litigieux, monsieur Ogawa a cessé de travailler et vit en reclus. Il se nourrit mal, et son hygiène laisse à désirer. Il se plaint également de ne pas être capable de s’endormir et de ne pas arriver à sortir du lit le matin. Habituellement d’humeur agréable, il alterne entre l’irritation et la culpabilité, pleure facilement parce qu’il ne se considère pas comme un assez bon père pour ses deux enfants, dont la mère a actuellement la garde. Il déclare à l’inrmière être hypersensible aux réactions des autres et dit que ses enfants iraient mieux s’il était mort parce qu’ils toucheraient au moins l’argent de son assurance vie. Il a pris 6 kg en 2 mois et il attribue ce gain de poids au fait d’avoir arrêté d’aller s’entraîner tous les jours. En poursuivant l’entrevue, l’inrmière apprend que monsieur Ogawa a cessé depuis trois jours de prendre la venlafaxine que le médecin lui a prescrite : « Ça me donnait juste des maux de tête », déclare-t-il.
21.1 7 Le chapitre 7, Neurobiolo gie et santé mentale, offre une description détaillée des neurotransmetteurs cérébraux.
Enjeux de la psychopharmacothérapie
La découverte des propriétés antipsychotiques de la chlorpromazine (Largactilmd) au début des années 1950 a marqué le début de la psychopharmacothérapie. L’administration de ce médicament aux clients atteints de troubles mentaux a réduit de façon importante l’agitation, les hallucinations et les autres symptômes psychotiques (Lehmann & Ban, 1997). Par la suite, d’autres médicaments antipsychotiques de diverses puissances, mais d’efcacité similaire ont été mis au point. De nombreux médicaments psychotropes, notamment des antidépresseurs, des stabilisateurs de l’humeur et des anxiolytiques, ont également été produits depuis les années 1960 (Wright, 2006).
CE QU’IL FAUT RETENIR
21.1.1
Le traitement, notamment la psychopharmacothérapie, vise la stabilisation du trouble mental avec l’objectif de parvenir à une rémission.
Le traitement, notamment la psychopharmacothérapie, vise la stabilisation du trouble mental avec l’objectif de parvenir à une rémission, c’est-à-dire à la récupération complète d’un fonctionnement de base et à l’absence de symptômes. Le client entre ensuite dans une phase dite d’entretien, dont l’objectif est de prévenir la rechute. Cependant, la guérison
580
Partie 4
Rétablissement
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
complète du client atteint d’un trouble mental n’est pas toujours réaliste. Dans certains cas, l’objectif des soins sera plutôt le rétablissement. Celui-ci témoigne de la capacité de la personne à réaliser ses objectifs personnels et d’accéder à une vie satisfaisante, en dépit du trouble mental dont elle est atteinte (Commission de la santé mentale du Canada, 2012 ; ministère de la Santé et des Services sociaux, 2005). Il met l’accent sur la croissance, la réalisation personnelle et l’amélioration de la qualité de vie du client. Puisque le trouble se manifeste et évolue de manière différente selon les personnes et leurs conditions particulières, le traitement doit être personnalisé an d’en maximiser l’efcacité et d’en réduire les effets indésirables ENCADRÉ 21.1.
21.1.2
Mécanismes d’action des médicaments psychotropes
Le mécanisme d’action d’un médicament est la façon dont il agit sur les symptômes ou ce qu’il entraîne comme effets indésirables. La connaissance des systèmes de neurotransmetteurs du cerveau sur lesquels agissent les médicaments psychotropes permet de comprendre leurs mécanismes d’action (Green & Aronson, 2012 ; Kramer, 2002) 7 . Les principaux neurotransmetteurs touchés par les médicaments psychotropes sont l’acétylcholine, l’histamine, la sérotonine, la dopamine, la noradrénaline, l’acide gamma-aminobutyrique (GABA) et l’acide glutamique (glutamate). Ainsi, les antipsychotiques de première génération (aussi appelés antipsychotiques typiques) agissent principalement en bloquant les récepteurs dopaminergiques (ou récepteurs de la dopamine), alors que les antipsychotiques de deuxième génération (aussi appelés antipsychotiques atypiques) bloquent certains récepteurs de la sérotonine, en plus de bloquer les récepteurs dopaminergiques. Les antidépresseurs procurent leurs effets thérapeutiques en inhibant le recaptage ou en em pêchant la dégradation de la sérotonine, de la
ENCADRÉ 21.1
Effets secondaires et effets indésirables
Les effets indésirables d’un traitement se distinguent des effets dits secondaires, car ils sont considérés comme désagréables, incommodants ou nocifs, voire mortels dans certains cas. Les effets secondaires sont des effets provoqués par un médicament, qui diffèrent de l’effet thérapeutique recherché. Bien qu’ils puissent être indésirables, certains effets secondaires peuvent également s’avérer bénéques dans certaines situations. Par exemple, la somnolence provo quée par un antihistaminique (effet secondaire) peut être indésirable chez une personne qui doit conduire un véhicule, mais bénéque chez une autre qui souffre d’insomnie.
noradrénaline ou de la dopamine. Les stabilisateurs de l’humeur, les anxiolytiques, les sédatifs hypnotiques et les agents procognitifs agissent sur divers neurotransmetteurs, dont le glutamate, le GABA et l’acétylcholine. Les stimulants du système nerveux central (SNC) inuent principalement sur la neurotransmission noradrénergique.
21.2
Responsabilités de l’inrmière liées à la psychopharmacothérapie
La psychopharmacothérapie exige, au même titre que tout autre traitement pharmacologique, un suivi clinique très étroit de la part de l’inrmière ENCADRÉ 21.2. Celle-ci incite le client à suivre le traitement convenu jusqu’à son terme et ce, avec le soutien de l’équipe de soins. Une prise de décision partagée aidera davantage le client à se rétablir. Aussi, l’inrmière enseigne au client et à ses proches à reconnaître les signes et les symptômes de son trouble tout comme les effets indésirables du traitement. Elle surveille ces derniers, ainsi que les risques de toxicité, les conséquences possibles sur la prise de poids, l’apparition du syndrome métabolique et d’autres effets inattendus (Ordre des inrmières et inrmiers du Québec [OIIQ], 2009).
21.2.1
Partenariat et adhésion au traitement
L’inrmière joue un rôle d’intervenante pivot dans la psychopharmacothérapie 23 . Le partenariat et la collaboration avec le client sont parmi les clés du succès de l’adhésion au traitement. Ils visent à éviter que le client ne ressente une perte de maîtrise de la situation, quant aux décisions relatives à ce qui doit être fait pour sa santé (Dassa, Boyer, Benoit et al., 2010). Le client doit comprendre les indications de ce qui lui est prescrit. Il doit connaître les effets indésirables et la façon dont il pourrait les réduire. Sa participation au plan de traitement n’est possible que s’il est bien informé et qu’il se sent impliqué dans les prises de décision. La communication, la relation thérapeutique et le climat de conance instauré par l’inrmière sont au cœur de ce partenariat. Plusieurs raisons peuvent amener la personne à ne pas prendre la médication prescrite : celle-ci ne cadre pas avec son style de vie, la posologie est complexe, ses connaissances de la maladie sont insufsantes, elle entraîne des effets indésirables, etc. (Mitchell & Selmes, 2007). L’impact social d’une psychopharmacothérapie n’est pas à négliger (Treatment Advocacy Center, 2011). Parfois, le manque de soutien des proches et de l’entourage ou l’impact nancier de ces traitements peuvent
Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 21.2
Effectuer le suivi de la psychopharmacothérapie
L’inrmière effectue le suivi pharmacologique auprès du client, de sa famille et de ses proches. Les éléments de compétences requis sont les suivants. • Utiliser les ressources appropriées pour avoir accès à une information à jour sur les médicaments. • Appliquer les principes psychopharma cologiques et les connaissances en neu rosciences pour assurer un suivi et une surveillance efcaces. • Favoriser la collaboration de la personne et de ses proches.
• Utiliser son jugement clinique. • Transmettre au client et à ses proches les données nécessaires sur les médica ments psychotropes pour favoriser l’adhé sion au traitement. • Ajuster le plan thérapeutique inrmier au besoin. • Ajuster les médicaments selon les ordonnances individuelles ou collectives. • Mettre en œuvre les examens paracliniques.
Source : Adapté de OIIQ (2009).
inuer négativement sur l’adhésion du client à ceux-ci. De plus, certaines personnes décident spontanément de cesser la médication lorsqu’elles se sentent mieux. Au contraire, d’autres la cessent parce qu’elles étaient plus heureuses avec les symptômes de la maladie (p. ex., des idées de grandeur, une manie) ou parce qu’elles se sentent dépassées par les responsabilités inhérentes au rétablissement. En particulier, la période où les effets indésirables sont présents et où l’amélioration n’est pas encore ressentie peut être difcile et décourageante pour le client. L’inrmière soutient celui-ci et ses proches, les informe et tente de trouver avec eux des moyens de surmonter ces obstacles ENCADRÉ 21.3.
23 Les responsabilités de l’in rmière intervenante pivot sont détaillées dans le cha pitre 23, Soins inrmiers et suivis dans la communauté.
Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 21.3
21
Accompagner le client en psychopharmacothérapie
• Établir une relation de conance et de collaboration. • Considérer la médication dans le contexte de la responsabilité individuelle du client, quant à l’autogestion de son trouble. • Intervenir au besoin sur l’abus de subs tances, car celuici favorise la rechute et les hospitalisations et altère l’efcacité des médicaments. • Travailler avec le client à la prise de décision partagée concernant la médication. • Aider le client à résoudre des problèmes pratiques associés à l’usage des
médicaments (p. ex., une prise adéquate, l’entraînement aux habiletés sociales). • Agir sur les autres facteurs qui inuent sur la capacité du client de gérer le trouble mental, incluant : − l’hygiène de sommeil ; − une alimentation équilibrée ; − l’activité physique régulière ; − la gestion du stress ; − les soins de santé de routine ; − le soutien social ; − l’espoir.
Source : Adapté de Corrigan, Mueser, Bond et al. (2009).
Chapitre 21
Psychopharmacothérapie et autres thérapies biologiques
581
CE QU’IL FAUT RETENIR
Le client bien informé sur son trouble et sur son traitement est en mesure de prendre des décisions éclairées quant à sa santé.
éactivation des connaissances Quelle loi autorise l’inrmière à évaluer la condition physique et mentale d’une personne symptomatique ?
L’enseignement est une composante de l’alliance thérapeutique entre l’inrmière et le client qui favorise l’adhésion au traitement ENCADRÉ 21.4. Le client bien informé sur son trouble et sur son traitement est en mesure de prendre des décisions éclairées quant à sa santé. L’enseignement pré vaut au début du trouble et tout au long de celuici. Il constitue d’ailleurs un des facteurs clés de la transition réussie entre l’hospitalisation et le retour dans la communauté (Price, 2007). Pour favoriser la prise en charge, l’information donnée doit porter sur les aspects cliniques comme sur l’évolution du trouble, les effets attendus de la médication, la gestion des effets secondaires, la reconnaissance des effets indésirables, les risques inhérents à la médication et l’importance du suivi. Cependant, pour vraiment favoriser l’adhésion au traitement, l’inrmière tient également compte des préoccupations du client et de sa famille rela tives à la maladie et à la prise de médication (Vuckovich, 2009). Elle s’intéresse à leurs senti ments, croyances et attitudes devant le traitement. Elle se montre optimiste et rassurante, tout en restant honnête. Elle fournit de l’information adaptée à la condition du client au moment de la rencontre FIGURE 21.1. L’information écrite doit être claire et soutenue par une information ver bale. La combinaison de documentation écrite et de discussions est plus efcace que l’information écrite seulement (Joanna Briggs Institute, 2007).
FIGURE 21.1 Disponible, l’inrmière répond aux questions de chaque client portant sur son trouble et sur les traitements proposés.
21.2.2
Évaluation et surveillance
Il convient de procéder à une collecte méthodique des données avant et pendant une psychophar macothérapie, en tenant compte des variables liées au traitement. Le médecin pose le diagnostic et détermine le traitement, en évaluant chacune de ces variables. Par la suite, l’inrmière est également habilitée à évaluer la condition physique et mentale d’une personne symptomatique, ce qui inclut la sur veillance clinique, l’ajustement des médicaments selon une ordonnance et le suivi inrmier des per sonnes ayant des problèmes de santé complexes (OIIQ, 2009). Au l du traitement, l’inrmière évalue donc les variables présentées dans l’ENCADRÉ 21.5.
Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 21.4
Traitement par médicaments psychotropes
L’inrmière s’assure de prendre les dispositions suivantes : • Inclure les membres de la famille ou d’autres personnes signicatives dans l’enseignement.
• Remettre un horaire écrit avec une photographie de la médication et de la documentation écrite qui résume les aspects essentiels de la prise en charge pour chacun des médicaments.
• Faire verbaliser les personnes sur leurs craintes et leurs préoccupations relatives à la prise de médicaments psychotropes et adapter l’enseigne ment en conséquence.
• Évaluer si le client possède les habiletés requises an de se procurer sa médication et d’intervenir auprès de l’équipe interdisciplinaire, le cas échéant.
• Réévaluer à chaque visite la perception de la prise de médication et ses effets positifs et négatifs sur divers aspects de la vie du client et de sa famille.
• Selon la médication : − évaluer les habiletés du client à s’autoadministrer la médication ; − enseigner au client les techniques qu’il devra effectuer avant de prendre sa médication (p. ex., la vérication de la fréquence cardiaque [F.C.] ou d’une glycémie capillaire) ; − informer le client des précautions particulières à observer durant la prise de la médication (p. ex., éviter de conduire ou d’utiliser des objets nécessitant de la vigilance) ; − informer le client des interactions alimentsmédicaments et des aliments à éviter ; − enseigner au client comment conserver adéquatement ses médicaments.
• Évaluer les connaissances portant sur les médicaments. • Informer sur le but, les effets attendus et les effets secondaires de chaque médicament, ainsi que sur les moyens de soulager ou de prévenir certains effets indésirables. • Informer de la conduite à tenir en cas d’omission d’un médicament. • Informer des signes et symptômes de surdosage ou de sousdosage des médicaments. Source : Adapté de Stuart (2009).
582
Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
• Renforcer l’information donnée par les autres membres de l’équipe de soins.
21.3
Antipsychotiques
Collecte des données
Les médicaments antipsychotiques, autrefois appelés neuroleptiques ou tranquillisants majeurs, ont été le pivot du traitement de la schizophrénie et d’autres troubles psychotiques depuis la découverte des propriétés thérapeutiques de la chlorpromazine en 1952. Les médicaments antipsychotiques se classent généralement en trois grandes catégories : 1) les antipsychotiques de première génération ou antipsychotiques typiques ; 2) les antipsychotiques de deuxième génération, dits atypiques ; 3) les antipsychotiques de troisième génération.
21.3.1
Mécanismes d’action
Tous les antipsychotiques bloquent les récepteurs dopaminergiques D2 du cerveau, mécanisme par lequel ils atténuent les symptômes positifs de la schizophrénie (de Greef, Maloney, Olsson-Gisleskog et al., 2011). Les antipsychotiques de deuxième et de troisième générations bloquent également les récepteurs de la sérotonine 5-HT2, ce qui réduit l’incidence des effets extrapyramidaux par rapport à l’administration d’antipsychotiques de première génération. Ainsi, la tomographie par émission de positrons montre des différences entre l’utilisation de l’halopéridol (Haldolmd), un antipsychotique de première génération, et de la clozapine (Clozarilmd), un antipsychotique de deuxième génération : bien que la personne atteinte de psychose réagisse aux deux médicaments, les effets extrapyramidaux, considérables avec l’halopéridol, restent faibles avec la clozapine FIGURE 21.2.
21.3.2
Indications
Les antipsychotiques sont généralement utilisés pour le traitement de la schizophrénie et d’autres troubles psychotiques (American Psychiatric
A
B
ENCADRÉ 21.5
Variables liées au traitement
VARIABLES LIÉES AU MÉDICAMENT
• Mécanisme d’action • Administration : orale (solide, liquide ou sublinguale) ou parentérale • Délai d’action, pic d’action et durée d’action • Mode d’élimination de l’organisme (hépatique ou rénal) • Effets indésirables et toxicité (prévisibles ou idiosyncrasiques) • Coût (prix du médicament, administration et surveillance requise) VARIABLES LIÉES AU CLIENT
• Diagnostic • Autres états pathologiques (p. ex., une maladie cardiovasculaire, hépatique ou rénale) • Autres traitements concomitants • Âge et poids • Antécédents personnels et familiaux d’effets indésirables et de réponse antérieure au traitement
• Évaluation ciblée de l’état mental et physique • Impact de la maladie et de la prise de médication sur la vie du client (p. ex., l’impact familial, social, occupationnel) • Facteurs favorisant ou non l’adhésion au traitement : − Volonté et capacité d’adhérer au traitement − Capacité d’introspection et conscience de son trouble − Connaissances du trouble et de son traitement (besoins d’enseignement) − Perception relative à la prise en charge individuelle de sa médication • Ressources nancières et assurance médicaments • Perception des ressources disponibles, accessibles et aidantes selon le client (p. ex., les proches aidants, des groupes communautaires, l’environnement de travail)
Association, 2015). Les antipsychotiques de deuxième génération sont plus souvent prescrits que les antipsychotiques de première génération. L’aripiprazole (Abilifymd), l’asénapine (Saphrismd), l’olanzapine (Zyprexamd), la lurasidone (Latudamd), la palipéridone (Invegamd), la quétiapine (Seroquelmd), la rispéridone (Risperdalmd) et la ziprasidone (Zeldoxmd), notamment, sont des antipsychotiques de deuxième et de troisième générations de première
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les antipsychotiques sont généralement utilisés pour le traitement de la schizophrénie et d’autres troubles psychotiques.
21
C
FIGURE 21.2 Tomographie par émission de positrons : cerveau d’un homme de 36 ans atteint de schizophrénie – Un marqueur radioactif se lie aux récepteurs dopaminergiques D 2 et les met en évidence. A Tomographie avant traitement. Les nombreux récepteurs D2 des noyaux centraux sont mis en évidence par le marqueur. B Tomographie après traitement à l’halopéridol (20 mg/jour), 6 semaines plus tard. Le marqueur n’apparaît plus ; 85 % des récepteurs D 2 des noyaux centraux sont alors occupés par l’halopéridol. C Tomographie après traitement à la clozapine (450 mg/jour). Seulement 37 % des récepteurs D2 des noyaux centraux sont occupés par le médicament. Chapitre 21
Psychopharmacothérapie et autres thérapies biologiques
583
éactivation des connaissances Quel risque encourt un client montrant de l’agranulocytose ?
intention pour le traitement de la schizophrénie en raison de leur innocuité ENCADRÉ 21.6. Ainsi, ils sont administrés en priorité à un client qui n’a jamais reçu de traitement pour la schizophrénie. La clozapine est le seul antipsychotique qui a démontré une plus grande efcacité que les antipsychotiques de première génération et les autres antipsychotiques de deuxième génération pour le traitement d’une schizophrénie réfractaire (résistante au traitement) et pour la diminution des idées suicidaires. Toutefois, il ne s’agit pas d’un
traitement de première intention en raison du risque d’agranulocytose, un effet indésirable sérieux associé. Les clients atteints d’une psychose attribuable à des causes secondaires (p. ex., un déséquilibre électrolytique ou hormonal, un abus de drogues, une tumeur cérébrale) protent également d’un traitement à court terme par des antipsychotiques, alors que la maladie sous-jacente est traitée (Sulaiman, Gill, Said et al., 2012). Les antipsychotiques peuvent également être administrés comme
Psychopharmacothérapie ENCADRÉ 21.6
Indications des antipsychotiques de deuxième et de troisième générations approuvées au Canada (chez l’adultea)
ARIPIPRAZOLE (ABILIFYmd)
• Traitement aigu des épisodes maniaques associés au trouble bipolaire
• Traitement aigu et de première intention de la schizophrénie (adultes et adolescents de 15 à 17 ans)
• Traitement aigu des épisodes maniaques associés au trouble bipolaire (avec traitement adjuvant au lithium ou au divalproex)
• Traitement d’entretien de la schizophrénie
• Traitement d’entretien des épisodes maniaques associés au trouble bipolaire
• Traitement aigu des épisodes maniaques associés au trouble bipolaire (adultes et adolescents de 13 à 17 ans) • Traitement aigu des épisodes maniaques associés au trouble bipolaire (adultes et adolescents de 13 à 17 ans, avec traitement adjuvant au lithium ou au divalproex) • Traitement d’entretien des épisodes maniaques associés au trouble bipolaire (avec traitement adjuvant au lithium ou au divalproex) • Traitement d’association avec les antidépresseurs dans le traitement du trouble dépressif caractérisé (adultes ayant présenté une réponse inadéquate aux antidépresseurs) ASÉNAPINE (SAPHRISmd)
• Traitement aigu et de première intention de la schizophrénie • Traitement d’entretien de la schizophrénie • Traitement aigu des épisodes maniaques associés au trouble bipolaire • Traitement aigu des épisodes maniaques associés au trouble bipolaire (avec traitement adjuvant au lithium ou au divalproex) CLOZAPINE (CLOZARILmd ET GÉNÉRIQUES)
• Traitement en monothérapie pour la schizophrénie réfractaire au traitement LURASIDONE (LATUDAmd)
• Traitement aigu et de première intention de la schizophrénie • Traitement aigu des épisodes dépressifs associés au trouble bipolaire de type I • Traitement aigu des épisodes dépressifs associés au trouble bipolaire de type I (avec traitement adjuvant au lithium ou au divalproex)
• Traitement aigu de l’agitation associée à la schizophrénie PALIPÉRIDONE (INVEGAmd)
• Traitement aigu et de première intention de la schizophrénie • Traitement d’entretien de la schizophrénie QUÉTIAPINE (SEROQUELmd ET GÉNÉRIQUES)
• Traitement aigu et de première intention de la schizophrénie • Traitement d’entretien de la schizophrénie • Traitement aigu des épisodes maniaques associés au trouble bipolaire • Traitement d’entretien des épisodes maniaques associés au trouble bipolaire (avec traitement adjuvant au lithium ou au divalproex) • Traitement aigu des épisodes dépressifs associés au trouble bipolaire • Traitement aigu du trouble dépressif réfractaire au traitement antidépresseur RISPÉRIDONE (RISPERDALmd ET GÉNÉRIQUES)
• Traitement aigu et de première intention de la schizophrénie • Traitement d’entretien de la schizophrénie • Traitement aigu des épisodes maniaques associés au trouble bipolaire • Traitement d’entretien des épisodes maniaques associés au trouble bipolaire • Traitement symptomatique des comportements inappropriés liés au trouble neurocognitif majeur ZIPRASIDONE (ZELDOXmd)
OLANZAPINE (ZYPREXAmd ET GÉNÉRIQUES)
• Traitement aigu et de première intention de la schizophrénie
• Traitement aigu et de première intention de la schizophrénie
• Traitement d’entretien de la schizophrénie
• Traitement d’entretien de la schizophrénie
• Traitement aigu des épisodes maniaques associés au trouble bipolaire
a
En l’absence de précision supplémentaire, les indications présentées dans cet encadré concernent les adultes seulement. Source : Adapté de Association des pharmaciens du Canada (APhC) (2012).
584
Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
21.3.3
Efcacité clinique
L’efcacité des antipsychotiques de première, de deuxième et de troisième générations est similaire (Hartling, Abou-Setta, Dursun et al., 2012). Cependant, leur puissance et leurs effets indésirables diffèrent. L’effet observé sur les symptômes varie avec le temps. Les antipsychotiques agissent mieux sur les symptômes positifs (p. ex., les hallucinations, le délire), et des symptômes comme l’agitation psychomotrice, l’irritabilité, l’agressivité et l’hostilité sont légèrement soulagés en quelques heures ou quelques jours (et disparaissent après quelques semaines de traitement). Les symptômes affectifs tels que l’anxiété, la tension, la dépression, l’affect inapproprié (ou discordance idéoaffective) prennent souvent de deux à quatre semaines avant de s’améliorer. Les symptômes cognitifs se corrigent généralement en deux à huit semaines (Braw, Sitman, Cohen et al., 2012). Les symptômes négatifs – retrait social, fonctionnement social médiocre, planication irréaliste, jugement et intuition faussés – prennent plus de temps avant de s’améliorer, mais les résultats probants n’indiquent pas de distinction entre les antipsychotiques quant à leurs effets sur les symptômes négatifs de la schizophrénie (Thomas, Nandhra & Singh, 2012).
21.3.4
Autres indications potentielles
Les antipsychotiques sont également souvent utilisés pour le traitement de divers troubles, bien qu’il s’agisse d’indications non officiellement reconnues par Santé Canada ou d’autres organismes réglementaires. Par exemple, la quétiapine peut être administrée pour traiter les troubles de l’alternance veille-sommeil (Frey, Haber, Mendes et al., 2012), le pimozide, pour le syndrome de Gilles de la Tourette (Kurlan, 2010), et l’halopéridol, pour le hoquet rebelle (Woelk, 2011) et le syndrome de Gilles de la Tourette (Scahill, Ereberg, Berlin et al., 2006). Plusieurs antipsychotiques peuvent aussi être prescrits pour diminuer l’impulsivité chez les clients avec un trouble de la personnalité grave, pour contrôler des comportements inappropriés liés à la démence ou à l’autisme, ou pour diminuer les symptômes intrusifs chez ceux souffrant d’un trouble de stress post-traumatique (Virani, Bezchlibnyk-Butler, Jeffries et al., 2012).
21.3.5
Pharmacocinétique et posologie
La demi-vie sérique d’un médicament varie grandement d’une personne à l’autre. Pour les antipsychotiques, elle se situe habituellement entre 6 et 40 heures chez l’adulte, le médicament atteignant un état d’équilibre après 4 à 7 jours (Brunton, Lazo & Parker, 2006).
Le traitement antipsychotique débute par des doses fractionnées administrées trois ou quatre fois par jour, et ce, pour déterminer la tolérance du client au médicament et pour réduire au minimum l’impact initial des effets indésirables. Lorsque la dose quotidienne efcace est établie et que le client a eu le temps d’acquérir une tolérance aux effets indésirables, la médication est souvent réduite à une ou deux administrations par jour. Une augmentation du dosage n’accélère pas la réduction des symptômes, et les doses ne devraient pas être inutilement trop élevées. La réduction de la fréquence d’administration augmente la probabilité que le client adhère au régime pharmacologique (Sameer, Saini, Schoenfeld et al., 2009). Les présentations liquides et les comprimés oraux à dissolution rapide facilitent l’adhésion au traitement TABLEAU 21.1. Les présentations injectables à courte durée d’action (p. ex., l’olanzapine [Zyprexa Intramusculairemd] ou l’halopéridol [Haldolmd]) sont utiles pour le traitement des symptômes aigus et de l’agitation. L’halopéridol peut par exemple être administré sous forme injectable à courte durée d’action aux clients en délirium. Les comprimés et les injections à longue durée d’action (p. ex., la palipéridone [Invega Sustennamd]) permettent le traitement à long terme. Les injections intramusculaires (I.M.) d’antipsychotiques à longue durée d’action conviennent également aux clients dont les symptômes ou la situation compromettent la capacité de prendre des doses journalières de médicaments TABLEAU 21.2. La surveillance du taux sérique (qui nécessite de prélever des échantillons sanguins an de déterminer la concentration du médicament) n’est pas systématiquement pratiquée et n’est pas disponible pour tous les antipsychotiques ; elle peut toutefois s’avérer utile dans certaines situations précises, notamment lorsqu’il y a absence de réaction à un dosage normal après six semaines, lorsque des effets indésirables graves ou inhabituels se manifestent, quand les clients sont des personnes atteintes de troubles physiques ou âgées ou encore de jeunes enfants (Lin, Chen & Liu, 2011). Le prol d’effets indésirables des médicaments et les besoins précis de chaque client déterminent en grande partie le choix du médicament et son dosage. Bien que les antipsychotiques soient des médicaments importants et efcaces, ils entraînent de nombreux effets indésirables. Le principe important qui doit guider les inrmières et les autres professionnels de la santé est d’utiliser la plus petite dose efcace possible, le moins longtemps possible.
21.3.6
Effets indésirables
Les effets indésirables des médicaments antipsychotiques peuvent être embarrassants, douloureux ou dangereux. L’inrmière est toujours attentive à leur apparition et intervient immédiatement au besoin. Chapitre 21
CE QU’IL FAUT RETENIR
Une augmentation du dosage n’accélère pas la réduction des symptômes. et les doses ne devraient pas être inutilement élevées.
clinique
Jugement
traitement adjuvant ou en monothérapie pour les troubles bipolaires (Singh, Chen & Canuso, 2012).
Jacques Lambert, âgé de 36 ans, est traité pour schizophrénie avec de la rispéridone 2 mg b.i.d. Il prend cette dose depuis deux jours, mais ses hallucinations auditives et ses idées délirantes n’ont pas diminué. Sa dose de médicament devraitelle être augmentée ? Justiez votre réponse.
21 CE QU’IL FAUT RETENIR
Le principe important qui doit guider les inrmières et les autres professionnels de la santé est d’utiliser la plus petite dose efcace possible, le moins longtemps possible.
éactivation des connaissances À quoi correspond la demi-vie sérique d’un médicament ?
Psychopharmacothérapie et autres thérapies biologiques
585
Psychopharmacothérapie TABLEAU 21.1
Principales caractéristiques des antipsychotiques
NOM GÉNÉRIQUE
NOM COMMERCIAL
a
b
DOSE ÉQUIVALENTE
GAMME POSOLOGIQUE
PRÉSENTATIONS OFFERTES
Antipsychotiques de première génération Chlorpromazine
Largactilmd, génériques
100
30-1 000 mg/j
Comprimé, injectable à courte durée d’action
Décanoate de upenthixol
Fluanxol Dépôtmd, génériques
1,8
50 mg/4 sem
Injectable à longue durée d’action
Flupenthixol
Fluanxolmd
5
3-12 mg/j
Comprimé
Décanoate de uphénazine
Modecatemd, génériques
0,3
6,25 mg/3 sem
Injectable à longue durée d’action
Fluphénazine
Moditenmd, génériques
2
5-20 mg/j
Comprimé
Décanoate d’halopéridol
Haldol LAmd, génériques
0,7
20 mg/4 sem
Injectable à longue durée d’action
Halopéridol
Haldolmd, génériques
2
5-20 mg/j
Comprimé, liquide oral, injectable à courte durée d’action
Loxapine
Loxapacmd, génériques
10
30-100 mg/j
Comprimé, liquide oral, injectable à courte durée d’action
Méthotriméprazine
Nozinanmd, génériques
70
10-200 mg/j
Comprimé, injectable à courte durée d’action
Péricyazine
Neuleptilmd
15
5-30 mg/j
Capsule, liquide oral
Perphénazine
Trilafonmd, génériques
10
8-64 mg/j
Comprimé, liquide oral
Pimozide
Orapmd, génériques
2
2-20 mg
Comprimé
Palmitate de pipotiazine
Piportil L4md
0,85
25 mg/4 sem
Injectable à longue durée d’action
Thiotixène
Navanemd
5
15-50 mg/j
Capsule
Triuopérazine
Stelazinemd, génériques
5
15-60 mg/j
Comprimé, liquide oral
Triopropérazine
Majeptilmd
5
30-90 mg/j
Comprimé
Acétate de zuclopenthixol
Clopixol Acuphasemd
–
50-150 mg/2-3 j (max 400 mg/2 sem)
Injectable à durée d’action intermédiaire
Décanoate de zuclopenthixol
Clopixol Dépôtmd
150-300 mg/2-4 sem
Injectable à longue durée d’action
Zuclopenthixol
Clopixolmd
12
20-60 mg/j
Comprimé
–
Antipsychotiques de deuxième génération Asénapine
Saphrismd
–
10-20 mg/j
Comprimé sublingual
Clozapine
Clozarilmd, génériques
–
150-600 mg/j
Comprimé
Lurasidone
Latudamd
–
40-160 mg/j
Comprimé
Olanzapine
Zyprexamd, génériques
10-20 mg/j
Comprimé régulier, comprimé à dissolution rapide (Zyprexa Zydismd), injectable à courte durée d’action
6-12 mg/j
Capsule
–
Palipéridone
586
Partie 4
Invegamd
–
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
TABLEAU 21.1
Principales caractéristiques des antipsychotiques (suite) a
b
NOM GÉNÉRIQUE
NOM COMMERCIAL
DOSE ÉQUIVALENTE
GAMME POSOLOGIQUE
PRÉSENTATIONS OFFERTES
Palmitate de palipéridone
Invega Sustennamd
–
75-150 mg/4 sem
Injectable à longue durée d’action
Quétiapine
Seroquelmd, génériques
300-800 mg/j
Comprimé régulier, comprimé à libération prolongée
Microsphères de rispéridone
Risperdal Constamd
25-50 mg/2 sem
Injectable à longue durée d’action
Rispéridone
Risperdalmd, génériques
2-8 mg/j
Comprimé régulier, comprimé à dissolution rapide (M-TABmd), liquide oral
–
100-160 mg/j
Capsule
–
10-30 mg/j
Comprimé
– – –
Ziprasidone
Zeldoxmd
Antipsychotique de troisième génération Aripiprazole a b
Abilifymd
Équivalent de chlorpromazine : dosage nécessaire pour équivaloir à 100 mg de chlorpromazine (puissance relative) ; cela ne s’applique qu’aux antipsychotiques de première génération. Recommandations des gammes posologiques adaptées de APhC (2012) ; Virani et al. (2012).
Psychopharmacothérapie TABLEAU 21.2
Comparaison pharmacocinétique d’antipsychotiques de première génération à action prolongée a
NOM GÉNÉRIQUE
NOM COMMERCIAL
VÉHICULE
PIC SÉRIQUE (jours)
DEMI-VIE (jours)
Décanoate de upenthixol
Fluanxol Dépôtmd, génériques
Huile de noix de coco
3-7
17
Décanoate de uphénazine
Modecatemd, génériques
Huile de sésame
1-4
7-10
Décanoate d’halopéridol
Haldol LAmd, génériques
Huile de sésame
3-9
18-21
Palmitate de pipotiazine
Piportil L4md
Huile de sésame
4
15
Décanoate de zuclopenthixol
Clopixol Dépôtmd
Huile de noix de coco
3-7
19
a
Le pic sérique correspond au temps requis pour que le médicament atteigne sa concentration maximale dans le sang ; c’est souvent à ce moment que le risque de présenter des effets indésirables est le plus marqué. Source : Adapté de Virani et al. (2012).
21 Les antipsychotiques agissent en bloquant les récepteurs dopaminergiques D2, ce qui peut entraîner, entre autres, des effets extrapyramidaux (ou troubles de la motricité). L’incidence des effets extrapyramidaux diminue avec les antipsychotiques de deuxième et de troisième générations, puisque leurs mécanismes d’action diffèrent de ceux des antipsychotiques de première génération. Les effets indésirables des antipsychotiques de deuxième et de troisième générations sont listés dans le TABLEAU 21.3.
Effets extrapyramidaux L’usage d’antipsychotiques de première génération de puissance élevée augmente le risque d’apparition d’effets extrapyramidaux TABLEAU 21.4. Ce
groupe de médicaments comprend la uphénazine, l’halopéridol et la triuopérazine. Le TABLEAU 21.5 présente les médicaments utilisés pour traiter les symptômes extrapyramidaux.
Syndrome malin des neuroleptiques Le syndrome malin des neuroleptiques constitue une urgence médicale (Nielsen, Wallenstein Jensen & Nielsen, 2012). Il peut être fatal. Le taux de mortalité se situe autour de 10 %, et ce syndrome survient chez environ 1 % des clients qui prennent des antipsychotiques, quelle que soit leur génération (Brunton et al., 2006).
ALERTE CLINIQUE
L’inrmière est attentive aux manifestations possibles du syndrome malin des neuroleptiques. L’abandon immédiat des médicaments antipsychotiques est nécessaire et doit être suivi par le traitement des autres symptômes indésirables.
Les symptômes du syndrome malin des neuroleptiques incluent la réduction de l’état de Chapitre 21
Psychopharmacothérapie et autres thérapies biologiques
587
TABLEAU 21.3
Principaux effets indésirables des antipsychotiques de deuxième et de troisième générationsa
NOM GÉNÉRIQUE
EFFETS INDÉSIRABLES GÉNÉRAUX
EFFETS INDÉSIRABLES SYSTÉMIQUES
Aripiprazole
Agitation, céphalées, étourdissements, fatigue, insomnie, nausées, tremblements, vomissements
Tachycardie, hypotension orthostatique
Asénapine
Étourdissements, insomnie, somnolence
Hypoestésie et paresthésie buccales
Clozapine
Anorexie, céphalées, effets anticholinergiques (constipation, diaphorèse, sécheresse de la bouche, somnolence), étourdissements, fatigue, sialorrhée, tremblements, vomissements
Agranulocytose, convulsions, diabète, gain de poids, hypotension orthostatique, iléus, myocardite et myopathie, rétention urinaire, syndrome métabolique, tachycardie
Lurasidone
Akathisie et parkinsonisme, insomnie, nausées, somnolence
Hypotension orthostatique, syncope
Olanzapine
↑ appétit, étourdissements, fatigue, œdème, somnolence
↑ intervalle QTc, ↑ triglycéridémie, bradycardie, diabète, gain de poids, hypotension hyperprolactinémie, , syndrome métabolique
Palipéridone
Céphalées, somnolence
Hypotension orthostatique, tachycardie
Quétiapine
Céphalées, effets anticholinergiques (constipation, sécheresse de la bouche, somnolence, vision oue), étourdissements
↑ intervalle QTc, convulsions, fonction hépatique anormale, hyperprolactinémie, hypertension artérielle, hypertriglycéridémie, hypotension orthostatique, leucopénie, neutropénie, tachycardie
Rispéridone
Agitation, anxiété, céphalées, effets anticholinergiques (difculté à se concentrer, sécheresse de la bouche), insomnie, tremblements
↑ intervalle QTc, dysfonction sexuelle, hyperprolactinémie, troubles hématologiques
Ziprasidone
Céphalées, étourdissements, somnolence
↑ intervalle QTc
ALERTE CLINIQUE
1 L’akathisie peut être confondue avec de l’anxiété et de l’agitation. L’observation attentive du client permettra d’éviter la confusion. 2 Le parkinsonisme peut se manifester par une forme comportementale d’akinésie, qui se caractérise par le manque de motivation, l’affect émoussé, la réduction du langage et l’apathie, de sorte qu’il peut être difcile de distinguer ce symptôme des symptômes négatifs du trouble traité. L’inrmière reste attentive an de distinguer les symptômes liés au traitement des symptômes du trouble traité. 3 La prévention de la
dyskinésie tardive est essentielle, car il n’existe aucun traitement efcace. Le client qui suit un traitement antipsychotique est donc évalué tous les six mois. Quant à la dyskinésie de sevrage (ou de retrait), elle apparaît au moment de la réduction de la posologie des antipsychotiques. Ces mouvements disparaissent habituellement dans un délai de deux semaines à deux mois. La dyskinésie de sevrage touche principalement les enfants de manière plus aiguë (Howland, 2010b).
588
Partie 4
a
La liste des effets indésirables présentés ici n’est pas exhaustive ; elle est ordonnée alphabétiquement selon le nom générique du médicament. Le syndrome malin des neuroleptiques est soupçonné ou peut être observé au moment de l’administration de tout antipsychotique. Source : Adapté de Thomas et al. (2012).
TABLEAU 21.4
Effets extrapyramidaux
SYMPTÔME
DÉFINITION
DÉLAI D’APPARITION
Dystonie
Spasme et torsions musculaires aux yeux (crise oculogyre), à la langue (glossospasme), au cou (torticolis) et au dos (rétrocolis), associés à une anxiété aiguë ou à une réaction de panique
Généralement dans les cinq premiers jours de traitement avec un antipsychotique ; rarement après trois mois de traitement
Akathisie
Impossibilité de rester en place, besoin irrésistible de bouger, irritabilité, agitation 1
De quelques heures à quelques jours après l’introduction d’un antipsychotique
Parkinsonisme
Réduction des mouvements moteurs (akinésie, bradykinésie), rigidité musculaire, masque facial, tremblements, instabilité posturale, démarche traînante, sialorrhée 2
Dans le premier mois de traitement avec un antipsychotique
Dyskinésie tardive
Mouvements involontaires du visage, des lèvres, de la mâchoire, de la langue, des yeux, du cou, des membres et du tronc ; mouvements souvent marqués et invalidants 3
Après plusieurs mois à plusieurs années de traitement avec un antipsychotique
Sources : Adapté de Pringsheim, Doja, Belanger et al. (2011) ; Strawn, Keck & Caroff (2007) ; Yassa, Nair & Iskandar (1989).
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
Psychopharmacothérapie TABLEAU 21.5
Traitement des effets extrapyramidaux
NOM GÉNÉRIQUE
NOM COMMERCIAL
SYMPTÔMES TRAITÉS
DOSE (mg)
GAMME POSOLOGIQUE (mg/j)
PRÉSENTATIONS OFFERTES
Symmetrelmd, génériques
Parkinsonisme
n/d
100-400
Capsule, liquide oral
Benztropine
Cogentinmd, génériques
Dystonie, parkinsonisme
1
1-6
Comprimé, liquide oral, injectable
Procyclidine
Kemadrinmd, génériques
Parkinsonisme
2,5
5-20
Comprimé, liquide oral
Trihexyphénidyl
Artanemd, génériques
Parkinsonisme
2
2-15
Comprimé, liquide oral
Benadrylmd, génériques
Dystonie
50
50-300
Comprimé, capsule, liquide oral, injectable
Clonazépam
Rivotrilmd, génériques
Akathisie
0,5
1-8
Comprimé
Lorazépam
Ativanmd, génériques
Akathisie
1
0,5-10
Comprimé, comprimé sublingual, injectable
Inderalmd, génériques
Akathisie
n/d
30-120
Comprimé
Agoniste de la dopamine Amantadine Anticholinergiques
Antihistaminique Diphenhydramine Benzodiazépines
Bêtabloquant Propranolol
Sources : Adapté de APhC (2012) ; Virani et al. (2012).
conscience, une augmentation importante du tonus musculaire (rigidité) et une dystonie neurovégétative (diaphorèse, hyperpyrexie, hypertension labile, sialorrhée, tachycardie et tachypnée). La nécrose musculaire, ou rhabdomyolyse, est parfois si importante qu’elle provoque une insufsance rénale avec myoglobinurie parce que de grandes quantités de myoglobine libérées par le tissu musculaire sont éliminées dans l’urine. La plupart des clients se remettent du syndrome malin des neuroleptiques. Une fois le client rétabli, il est prudent d’attendre une ou deux semaines avant de reprendre la médication antipsychotique. Si le médecin croit que le client doit continuer à prendre une telle médication, il prescrira un antipsychotique de structure chimique différente dont il augmentera lentement le dosage. Le client ne devrait pas recevoir d’antipsychotiques injectables à action prolongée en raison de la longue demi-vie de ces médicaments.
Agranulocytose L’agranulocytose est un effet indésirable grave consistant en la diminution ou l’absence de
leucocytes agranulocytes, ce qui augmente le risque d’infection pour le client. Cet effet indésirable a été considérablement documenté avec l’usage de la clozapine, qui ne constitue pas, pour cette raison, un antipsychotique de première intention ; elle est administrée en cas de schizophrénie réfractaire au traitement. Au Canada, lorsqu’il y a administration de clozapine, les clients doivent se soumettre à des examens hématologiques réguliers, an de surveiller la numération des globules blancs (Santé Canada, 2004).
Les recommandations de Santé Canada concernant l’administration de la clozapine peuvent être consultées au www.hc-sc.gc.ca.
21
Effets cardiovasculaires Modications de l’intervalle QTc La ziprasidone, entre autres, a été associée à un allongement de l’intervalle QTc. La ziprasidone est contre-indiquée chez les clients ayant des antécédents connus d’allongement de l’intervalle QTc associé à la ziprasidone, d’infarctus aigu du myocarde récent ou d’une insufsance cardiaque non compensée (Santé Canada, 2012). De plus, il est recommandé de surveiller régulièrement tous les clients qui prennent cet antipsychotique, en effectuant des électrocardiogrammes, mais également Chapitre 21
Psychopharmacothérapie et autres thérapies biologiques
589
Jugement
clinique Marcellin Rogue, âgé de 38 ans, est traité avec de la clozapine 200 mg die pour une schizophrénie réfractaire. Pourquoi doitil noter ce qu’il mange et vérier son poids régulièrement ? Vous recevez les résultats de l’analyse des leuco cytes agranulocytes de monsieur Rogue. La valeur des lymphocytes est de 2,81 (valeur de référence : 1,00 − 4,10 x 109/L) alors que celle des monocytes est de 0,50 (valeur de référence : 0,00 − 1,60 x 109/L). Devriezvous aviser immédiatement le méde cin de ces résultats ? Justiez votre réponse.
en restant attentif à leurs symptômes.
Arythmies et palpitations Des arythmies et des palpitations surviennent parfois avec des dosages plus élevés d’antipsychotiques ou chez des clients ayant déjà une maladie cardiaque, ainsi qu’en combinaison avec certains médicaments, comme le pimozide et la ziprasidone (Barnes & Hollands, 2010 ; Muench & Hamer, 2010).
Hypotension orthostatique
i L’administration d’un médica ment par voie I.M. selon la technique en Z est présentée dans la section 6 du manuel de Lemire, C., & Perreault, V. (2016). Soins inrmiers – Méthodes de soins 1. Montréal : Chenelière Éducation.
C L’annexe C, Syndrome métabolique, présente les facteurs de risque de syndrome métabolique et les interventions inrmières associées.
L’hypotension orthostatique se manifeste comme un étourdissement associé à un changement soudain de position (p. ex., en passant de la position couchée à la position debout). Il est donc recommandé au client qui suit un traitement antipsychotique de se lever lentement d’un lit ou d’une chaise pour éviter les chutes. Cette recommandation est particulièrement importante pour les personnes âgées de plus de 65 ans.
Prise de poids et syndrome métabolique D’une façon générale, le syndrome métabolique est associé aux antipsychotiques de deuxième génération et tout particulièrement à la clozapine et à l’olanzapine, qui risquent davantage d’entraîner une prise de poids (Wysokin´ski, Kowman & Kłoszewska, 2012). La prise de poids est particulièrement importante lorsque le client prend d’autres médicaments, comme le lithium, le divalproex (Epivalmd) ou la mirtazapine (Remeronmd), qui entraînent aussi une prise de poids . C
Effets anticholinergiques Vidéo : Schizophrénie et syndrome métabolique.
Les effets anticholinergiques sont surtout ennuyeux, mais généralement peu sérieux. Il s’agit de la constipation, de l’inhibition de l’éjaculation, de la rétention urinaire, de la sécheresse de la bouche et de la vision oue.
D
Photosensibilité et changements cutanés
L’annexe D, Échelle d’évaluation des symptômes extrapyramidaux (ESRS), présente une échelle d’évaluation des symptômes extrapyramidaux.
Des antipsychotiques de première génération tels que la chlorpromazine ou l’halopéridol peuvent entraîner des réactions de photosensibilité (Drucker & Rosen, 2011). Il peut s’agir d’une réaction phototoxique commune (qui ressemble à un coup de soleil) ou d’une réaction photoallergique, plus rare.
Galactorrhée et gynécomastie La galactorrhée et la gynécomastie résultent du blocage de la dopamine, qui entraîne une hyperprolactinémie. Il faut renseigner le client sur ces effets indésirables possibles, et il est parfois nécessaire de changer de médicament.
590
Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
21.3.7
Contre-indications
Les antipsychotiques sont contre-indiqués en cas d’allergies connues, et ils doivent être administrés avec prudence en cas de troubles cardiaques comorbides (APhC, 2012).
21.3.8
Interactions
L’usage simultané de dépresseurs du SNC (p. ex., l’alcool, un sédatif, un somnifère) et d’analgésiques narcotiques n’est pas recommandé lorsqu’il y a administration d’antipsychotiques, car leur effet dépresseur sur le SNC peut être amplié.
Soins et traitements inrmiers Au début de la prise d’antipsychotiques, l’inrmière recueille des données de base concernant l’état de conscience, l’état mental et le fonctionnement moteur de la personne, puisque ces paramètres peuvent être modiés par le traitement. Elle assure un suivi régulier du poids et de la glycémie du client an de prévenir les complications liées au développement du syndrome métabolique associé à la prise d’antipsychotiques de deuxième génération. Une consultation avec la nutritionniste peut aussi être suggérée. La pression artérielle (P.A.) (en position couchée et assise) est mesurée avant le début de la prise d’antipsychotiques et à toutes les rencontres de suivi subséquentes. Les antipsychotiques injectables à longue durée d’action doivent être administrés selon la technique en Z. L’inrmière est familière avec cette technique d’injection I.M. qui assure le maintien du médicament dans le site d’injection et évite les fuites dans l’espace sous-cutané. La communication et l’établissement d’une relation de conance sont essentiels à l’adhésion au traitement (Lilley, 2011). L’inrmière surveille étroitement les effets indésirables majeurs qui pourraient survenir, et elle enseigne au client comment les prévenir ENCADRÉ 21.7. Cela s’avère particulièrement important chez les clients dont la psychose peut empêcher de rapporter à l’inrmière certains effets indésirables qu’ils éprouvent. Les symptômes extrapyramidaux et pseudoparkinsoniens sont particulièrement désagréables, et l’inrmière les évalue régulièrement D . D’autres effets indésirables des antipsychotiques sont surtout incommodants pour la personne. L’inrmière informe le client que si certaines manifestations comme la gynécomastie ou la galactorrhée surviennent, des modications à la médication peuvent être apportées par le médecin. Pour contrer les effets anticholinergiques, les interventions suivantes constituent des suggestions utiles pour le client.
Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 21.7
Effets indésirables majeurs d’un traitement par antipsychotiques
L’inrmière invite le client à prendre plusieurs dispositions pour pallier certains effets indésirables des antipsychotiques. PRÉVENTION DE L’HYPOTENSION ORTHOSTATIQUE
protection FPS 30 avec ltre inorganique, comme le dioxyde de titane (présent dans les produits Ombrellemd) et l’oxyde de zinc (Bertrand, Rouisse & Girard, 2010). • Se tenir au frais durant les chaleurs intenses en raison du risque d’insolation.
• En position assise ou couchée, se lever graduellement. • Rester couché pendant au moins 30 minutes, après l’injection I.M.
ALTÉRATION DES FONCTIONS COGNITIVES ET MOTRICES
• Éviter les douches ou les bains trop chauds.
• Éviter de conduire un véhicule moteur ou de s’adonner à des activités nécessitant de la vigilance jusqu’à ce que la réponse au médicament soit connue, car les facultés mentales ou motrices diminuent normalement durant les deux premières semaines de traitement, mais cet effet s’estompe par la suite.
PRÉVENTION DES MALAISES CARDIAQUES
• Aviser immédiatement un professionnel de la santé en cas de sensations de palpitation.
• Éviter la consommation simultanée de dépresseurs du SNC (p. ex., l’alcool).
PRÉVENTION DE LA PHOTOSENSIBILITÉ
• À l’occasion d’activités à l’extérieur, porter des vêtements protecteurs, incluant des lunettes et un chapeau, et utiliser un écran solaire de
• Prendre la médication comme prescrit et ne pas la cesser abruptement sans avis médical.
Source : Adapté de Stuart (2009).
• Pour limiter la sécheresse de la bouche, il est recommandé de sucer des glaçons, des bâtonnets au citron et des bonbons ou des gommes à mâcher sans sucre, ainsi que de se rincer fréquemment la bouche. • Pour soulager la congestion nasale, le client peut faire usage d’un décongestionnant nasal à court terme. • Une consultation ophtalmique est suggérée au client si sa vision devient oue, pour éliminer des causes autres que la médication. Il est suggéré de lire pendant de courtes périodes dans des endroits bien éclairés et de varier la distance entre le document et les yeux pour corriger la vision oue. L’emploi de larmes articielles peut être proposé pour diminuer la sensation de sécheresse oculaire. • Pour prévenir la constipation, il est recommandé de faire de l’exercice régulièrement (p. ex., la marche), de boire beaucoup de liquides (sauf en présence de problèmes cardiaques ou rénaux), de manger beaucoup de fruits et de légumes et de recourir à un laxatif émollient, comme le docusate sodique (Colacemd). • Pour la rétention urinaire, des soins médicaux sont souvent nécessaires, et le béthanéchol (Duvoidmd) est efcace dans certains cas.
21.4
Antidépresseurs
Le premier médicament antidépresseur moderne, l’imipramine, fut commercialisé en 1958. Ce composé tricyclique a été constitué par une modication
de la structure de la chlorpromazine, un antipsychotique. L’imipramine et les médicaments similaires sont qualiés de tricycliques en raison de leur structure chimique qui comprend trois cycles carbonés. Au même moment, les progrès de la compréhension du rôle de la sérotonine dans la dépression annonçaient une nouvelle classe d’antidépresseurs, les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS).
21.4.1
Mécanismes d’action
L’hypothèse du décit monoaminergique suppose que la dépression est liée, entre autres, à une diminution de la synthèse et de la libération de la noradrénaline, de la dopamine ou de la sérotonine, trois neurotransmetteurs 11 . Les médicaments antidépresseurs agissent sur diverses étapes de la neurotransmission catécholaminergique et sérotoninergique. Tout d’abord, les neurones présynaptiques synthétisent les neurotransmetteurs et les incorporent dans des vésicules. Ensuite, les neurotransmetteurs sont libérés dans la fente synaptique et agissent sur les récepteurs du neurone postsynaptique. Cependant, la plupart des neurotransmetteurs sont ensuite récupérés par le neurone présynaptique. La majorité des antidépresseurs bloquent partiellement le recaptage de la noradrénaline et de la sérotonine par le neurone présynaptique. Il en résulte une augmentation des quantités de neurotransmetteurs dans la synapse, ce qui aura possiblement pour effet de réduire le nombre de récepteurs sur la membrane postsynaptique. Cette modication de la densité des récepteurs postsynaptiques, appelée régulation à la baisse, ne se produit qu’après plusieurs semaines et est associée, dans le temps, à l’effet antidépresseur FIGURE 21.3. Chapitre 21
11 Les liens entre l’activité de neurotransmission et la dépression sont préci sés dans le chapitre 11, Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés.
Psychopharmacothérapie et autres thérapies biologiques
591
21
la sérotonine, la noradrénaline ou sur d’autres neurotransmetteurs. Enn, les inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO) agissent sur cette enzyme responsable de l’élimination des neurotransmetteurs monoaminergiques, ce qui provoque une augmentation de la noradrénaline, de la sérotonine et de la dopamine dans la fente synaptique.
A
21.4.2
Indications
Les ISRS, notamment le citalopram (Celexamd), l’escitalopram (Cipralexmd), la uoxétine (Prozacmd), la uvoxamine (Luvoxmd), la paroxétine (Paxilmd) et la sertraline (Zoloftmd), sont des traitements de première intention pour le trouble dépressif caractérisé en raison de leur innocuité et de leur prol d’effets indésirables (Hadjipavlou & Lam, 2009).
B
La duloxétine (Cymbalta md), la venlafaxine (Effexor XRmd) et la desvenlafaxine (Pristiqmd), des IRSN approuvés pour le traitement du trouble dépressif caractérisé, sont des agents de première intention au même titre que les ISRS (Hadjipavlou & Lam, 2009).
FIGURE 21.3 Réactions des neurotransmetteurs à un traitement antidépresseur – A Chez une personne atteinte d’un trouble dépressif, le neurotransmetteur est présent en faibles quantités dans la fente synaptique. B Avec le traitement, le recaptage du neurotransmetteur est bloqué par le médicament antidépresseur (en rouge), de sorte que sa concentration augmente dans la synapse. Après plusieurs semaines, le nombre de récepteurs postsynaptiques a diminué (régulation à la baisse). Cette diminution est associée à la réduction de l’état dépressif.
L’ensemble des antidépresseurs agit sur divers neurotransmetteurs et par différents mécanismes, ce qui offre une latitude thérapeutique en cas d’échec à un premier traitement. Ainsi, les ISRS et les inhibiteurs du recaptage de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN) agissent respectivement sur la sérotonine ou sur la sérotonine et la noradrénaline. Parmi les antidépresseurs atypiques, le bupropion a des effets inhibiteurs du recaptage de la noradrénaline et de la dopamine. Il agit moins sur le recaptage de la sérotonine, et il est donc couramment décrit comme un inhibiteur de la noradrénaline et de la dopamine. La mirtazapine, elle, augmente à la fois la quantité de noradrénaline et de sérotonine dans la synapse. Martha Blackburn est âgée de 48 ans, et elle habite Elle bloque également cerseule. Elle a été récemment victime d’une intrusion tains récepteurs de la sérode domicile avec agression physique pendant la nuit tonine. La trazodone agit et elle présente des symptômes de trouble de stress comme inhibiteur du recappost-traumatique. Elle prend de la paroxétine 20 mg tage de la sérotonine. Les die le soir. Prend-elle son médicament au bon moantidépresseurs tricycliques ment ? Justiez votre réponse. (ATC), eux, peuvent agir sur
Jugement
clinique
592
Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
Le bupropion (Wellbutrin SR/XLmd) et la mirtazapine (Remeronmd) sont également des traitements de première intention du trouble dépressif (Hadjipavlou & Lam, 2009). En raison de ses effets sédatifs, la trazodone, elle, sert surtout pour contrer l’insomnie et est désormais très peu employée pour le traitement du trouble dépressif caractérisé. La vortioxétine (Trintellixmd) est une nouvelle option dans le traitement de la dépression. Il s’agit d’un modulateur de la sérotonine. Sa place dans la thérapie reste à dénir. Les ATC furent les premiers antidépresseurs largement utilisés pour le traitement du trouble dépressif caractérisé ; ils offrent toutefois un prol d’effets indésirables importants. Avec l’apparition des ISRS, ils sont devenus un traitement de seconde intention. Il est notamment recommandé d’éviter d’administrer des ATC aux clients âgés (généralement de 65 ans et plus), en raison de leurs effets indésirables (Hadjipavlou & Lam, 2009). L’usage des IMAO est limité en raison de leurs effets indésirables potentiellement dangereux et des modications diététiques strictes qu’ils exigent. Ce sont donc des agents de troisième intention (Hadjipavlou & Lam, 2009). En plus du traitement du trouble dépressif caractérisé, certains antidépresseurs se sont avérés utiles pour diverses pathologies TABLEAU 21.6.
21.4.3
Efcacité clinique
D’une façon générale, tous les antidépresseurs possèdent une efcacité clinique semblable dans le traitement du trouble dépressif caractérisé. Le choix d’un antidépresseur particulier dépend du prol de symptômes, de la comorbidité, de la réponse
antérieure au traitement, de la tolérance du client aux effets indésirables, des interactions médicamen teuses et, dans une moindre mesure, du coût du médicament (Fournier, Roberge & Brouillet, 2012).
21.4.4
Psychopharmacothérapie TABLEAU 21.6
Autres indications potentielles
Pharmacocinétique et posologie
Le délai d’action des antidépresseurs, d’environ quatre à huit semaines, est long . En conséquence, cela demande en début de traitement une grande vigilance de la part de l’équipe soignante an d’en courager le client à ne pas l’interrompre (Brunton et al., 2006 ; Hadjipavlou & Lam, 2009). De plus, les effets indésirables se font souvent sentir dès le début du traitement 1 . Dans cette perspective, l’inrmière sensibilise le client à l’importance d’adhérer au traitement et tente de trouver avec lui des stratégies efcaces de gestion de symptômes. Comme pour le traitement aux antipsychotiques, le titrage de l’antidépresseur se fait graduellement jusqu’au dosage optimal. Le TABLEAU 21.7 pré sente les gammes posologiques et les horaires d’administration recommandés au Canada.
21.4.6
Effets indésirables
Les effets indésirables les plus courants des anti dépresseurs sont souvent plus importants à l’amorce du traitement, mais ils diminuent ou deviennent plus tolérables avec le temps et l’usage TABLEAU 21.8 2 . Certains clients tolèrent un antidépresseur mieux qu’un autre, de sorte qu’il est important de faire une évaluation approfondie avec le client avant d’opter pour un médicament particulier. Pour favo riser l’acceptation de ces médicaments par le client et améliorer l’adhésion au traitement, il est impor tant de surveiller les effets indésirables, et ce, pour toute la durée du traitement. Il est à noter que l’arrêt brusque de certains antidépresseurs peut se traduire
a
INDICATIONS
Les ISRS et les IRSN sont utilisés pour diminuer l’im pulsivité et les problèmes comportementaux liés au trouble de la personnalité limite et aux troubles neu rocognitifs majeurs. Les ATC et les IRSN peuvent aussi être prescrits an de contrôler les douleurs chroniques d’origine neurologique. Les IRSN peuvent également réduire les bouffées de chaleur associées à la méno pause (Virani et al., 2012). Les antidépresseurs sédatifs pourraient être utilisés pour traiter certains troubles de l’alternance veillesommeil (McCall & McCall, 2012). De plus, certains antidépresseurs (p. ex., le buproprion) seraient considérés pour le trouble de décit de l’attention/hyperactivité (TDA/H) (De Sousa & Kaira, 2012). La prescription initiale de ces médica ments devrait cependant être réservée à un médecin spécialiste du TDA/H (Canadian ADHD Resource Alliance [CADDRA], 2011).
21.4.5
Indications des antidépresseurs approuvées au Canada (chez l’adulte) EXEMPLES D’ANTIDÉPRESSEURS APPROUVÉS
Trouble dépressif Trouble dépressif caractérisé
Tous les antidépresseurs peuvent être prescrits.
Troubles anxieux Trouble panique
Paroxétine (Paxilmd)
Anxiété sociale
Paroxétine (Paxilmd)
Trouble obsessionnel-compulsif
Citalopram (Celexamd), clomipramine (Anafranilmd), escitalopram (Cipralexmd)
Trouble de stress posttraumatique
Paroxétine (Paxilmd)
Trouble d’anxiété généralisée
Duloxétine (Cymbaltamd), escitalopram (Cipralexmd), venlafaxine (Effexor XRmd)
Autres troubles Boulimie
Fluoxétine (Prozacmd)
Dépendance au tabac
Bupropion (Zybanmd)
Douleur neuropathique
Duloxétine (Cymbaltamd)
a
Liste non exhaustive. Source : Adapté de APhC (2012).
par des symptômes de sevrage, ou syndrome de retrait 3 . Le syndrome de retrait survient généra lement entre 24 et 72 heures après l’arrêt de la médi cation, il peut persister 1 ou 2 semaines et est particulièrement susceptible de se produire avec les ISRS à plus courte demivie comme la uvoxamine et la paroxétine (Howland, 2010a). Ainsi, l’arrêt brusque d’un ISRS entraîne parfois des symptômes gastrointestinaux (nausées), une détresse générale (symptômes grippaux, léthargie, sueurs), une per turbation du sommeil, des symptômes émotionnels (anxiété, irritabilité, crise de larmes, agitation, confusion), des problèmes d’équilibre (sensations ébrieuses, étourdissements, vertiges, ataxie) ou des anomalies sensorielles (paresthésie, engourdisse ments, tremblements). Des symptômes similaires ont été observés à la suite de l’arrêt brusque des IRSN, comme la venlafaxine, et des ATC. L’inrmière recommande au client d’éviter de sauter des doses d’antidépresseurs et l’informe que l’arrêt du traite ment doit être fait de manière progressive.
21.4.7
Contre-indications
Les antidépresseurs ne doivent pas être prescrits en monothérapie pour le trouble bipolaire en raison du risque de voir se développer la manie ou l’hypomanie (APhC, 2012). Les contreindications varient d’un antidépresseur à un autre. Par exemple, le bupropion ne doit pas être prescrit chez les clients souffrant de troubles des conduites alimentaires puisqu’une Chapitre 21
ALERTE CLINIQUE
1 L’administration d’antidépresseurs est associée, en début de traitement, à un risque accru de pensées ou de comportements suicidaires chez les enfants et les adolescents atteints de troubles mentaux, notamment le trouble dépressif caractérisé (Henry, Kisicki & Varley, 2012). L’inrmière en informe le client et ses proches et leur recommande d’aviser immédiatement un professionnel de la santé en cas de changement de comportement. 2 La somnolence, qui est un effet indésirable fréquent de la prise d’antidépresseurs, augmente le risque de chutes et de blessures, particulièrement chez la personne âgée. 3 Lorsque la décision est prise par l’équipe soignante et le client d’arrêter le traitement par antidépresseur, il est important d’en réduire graduellement la dose sur une période de deux à quatre semaines an d’éviter le syndrome de retrait.
Psychopharmacothérapie et autres thérapies biologiques
593
21
Psychopharmacothérapie TABLEAU 21.7 NOM GÉNÉRIQUE
Principales caractéristiques des antidépresseurs a
NOM COMMERCIAL
GAMME POSOLOGIQUE (mg/j)
HORAIRE D’ADMINISTRATION
Citalopram
Celexamd, génériques
20-40
die
Escitalopram
Cipralexmd
10-20
die
Fluoxétine
Prozacmd, génériques
10-80
die (le matin)
Fluvoxamine
Luvoxmd, génériques
50-300
die (h.s.) ou b.id.b
Paroxétine
Paxilmd, génériques
10-60
die
25-62,5
die
50-200
die
Trintellixmd
5-20
die
Desvenlafaxine
Pristiqmd
50
die
Duloxétine
Cymbaltamd
40-60
die ou b.i.d.
Venlafaxine
Effexor XRmd,
75-225
die (le matin)
ISRS
CRmd
Paroxétine CR
Paxil
Sertraline
Zoloftmd, génériques
Modulateur de la sérotonine Vortioxétine IRSN
génériques
Antidépresseurs atypiques Bupropion SR/XL
Wellbutrin SR/XLmd, génériques
150-300
b.i.d.c/die (le matin)
Mirtazapine/RD
Remeron/RDmd, génériques
15-45
die (h.s.)
Trazodone
Desyrelmd, génériques
150-600
h.s.
Amitryptiline
Elavilmd, génériques
100-300
die (h.s.)
Clomipramine
Anafranilmd,
100-250
die (h.s.)
Désipramine
Norpraminmd, génériques
100-300
die (h.s.)
Doxépine
Sinequanmd, génériques
100-300
die (h.s.)
Imipramine
Tofranilmd,
100-300
die (h.s.)
Nortriptyline
Aventylmd, génériques
50-150
die (h.s.)
Trimipramine
Surmontilmd,
100-300
die (h.s.)
ATC
génériques
génériques
génériques
IMAO Moclobémide
Manerixmd, génériques
200-600
b.i.d. ou t.i.d.d
Phénelzine
Nardilmd
15-90
b.i.d. ou t.i.d.d
Tranylcypromine
Parnatemd
30-60
b.i.d. ou t.i.d.d
a
Un antidépresseur ayant un effet stimulant peut être administré une fois par jour (die), le matin, ou encore deux fois par jour (b.i.d.), ou trois fois par jour (t.i.d.). Un antidépresseur ayant un effet calmant sera administré à l’heure du coucher (h.s.). Le choix de l’antidépresseur déprendra du ou des symptômes présentés par le client. b Une dose supérieure à 150 mg par jour doit être fractionnée. c Prendre le matin et en n d’après-midi, an d’éviter de l’insomnie ; un délai de huit heures devrait séparer les deux prises. d Prendre le matin, le midi et au souper an d’éviter de l’insomnie. Source : Adapté de Légaré (2008).
594
Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
incidence plus élevée de convulsions a été observée chez les clients atteints de ces troubles. Par ailleurs, les ATC ne doivent pas être prescrits durant la période de convalescence suivant un infarctus (APhC, 2012).
21.4.8
TABLEAU 21.8
Interactions
Les antidépresseurs peuvent interagir avec diverses molécules. Ainsi, le syndrome sérotoninergique, apparaît assez rapidement avec l’accumulation excessive de sérotonine (5-HT). Chez les clients atteints de trouble dépressif caractérisé, le syndrome sérotoninergique est provoqué par des doses élevées ou par l’utilisation simultanée de médicaments comme les ISRS, les ATC, les précurseurs de la sérotonine (p. ex., le L-tryptophane), les agonistes de la sérotonine (p. ex., la buspirone), les IMAO ou d’autres médicaments ou substances ayant une inuence sur les taux de sérotonine (p. ex., le lithium, la linézolide (Zyvoxammd), qui est un antibiotique, la mépéridine, les sympathomimétiques, les triptans pour la migraine, les médicaments contre le rhume ou les allergies, la cocaïne, l’ecstasy, le millepertuis). Le syndrome sérotoninergique se caractérise par plusieurs des symptômes suivants : activité motrice accrue, agitation, ataxie, augmentation de la P.A., changements d’humeur, confusion, diaphorèse, diarrhée, hyperréexie, hyperthermie, hypomanie, myoclonies, tachycardie et tachypnée, tremblements, etc. Les réactions graves sont les suivantes : choc cardiovasculaire, convulsions, hyperthermie et décès (Frank, 2008). Le syndrome sérotoninergique est traité dans un centre de soins aigus de la manière suivante : • l’abandon des médicaments qui provoquent une augmentation de la sérotonine ; • des mesures de soutien comme une couverture refroidissante pour l’hyperthermie, des benzodiazépines (p. ex., le clonazépam) pour la myoclonie (contraction musculaire brusque, brève, involontaire et se répétant à intervalles variables), des anticonvulsivants pour les convulsions et des antihypertenseurs pour l’élévation de la P.A. (Frank, 2008). Mis à part le syndrome sérotoninergique, les ISRS peuvent occasionner d’autres interactions. Par exemple, la paroxétine augmenterait la concentration sanguine du métoprolol, un bêtabloquant, ce qui provoquerait une bradycardie. En cas de consommation concomitante d’alcool ou d’anxiolytiques avec les ATC, un effet dépresseur du SNC se manifeste (Frewer & Lader, 1993). Toute combinaison d’un IMAO avec des médicaments tels que les décongestionnants risque de mener à une crise hypertensive. Il existe une gamme importante d’interactions médicamenteuses avec les IMAO issues soit de l’inhibition, soit de l’induction des enzymes hépatiques. Par exemple, la coadministration de la carbamazépine (Tegretolmd ) (inducteur) risque de nécessiter l’augmentation du dosage de
Principaux effets indésirables des antidépresseursa
CLASSE OU MÉDICAMENT
EFFETS INDÉSIRABLES
ISRS et modulateur de la sérotonine
Agitation, céphalées, dysfonction sexuelle, effets gastrointestinaux (p. ex., des nausées), insomnie, irritabilité
IRSN
Céphalées, dysfonction sexuelle, effets gastro-intestinaux
Bupropion SR/XL
Céphalées, convulsions, insomnie, nervosité
Mirtazapine
Agranulocytose (rare), appétit augmenté, gain de poids (voire syndrome métabolique), somnolence
Trazodone
Hypotension, priapisme (ou érection douloureuse et persistante non accompagnée de stimulation sexuelle), somnolence
ATC
Convulsions, effets anticholinergiques (p. ex., de la constipation, un délirium anticholinergique, la rétention urinaire, la sécheresse de la bouche, une vision oue), hypotension, somnolence, trouble cardiaque
IMAO
Dysfonction sexuelle, gain de poids, hypotension orthostatique, interactions alimentaires et médicamenteuses nombreuses (risque de crise hypertensive), œdème
a
La liste des effets indésirables présentés ici n’est pas exhaustive ; elle est ordonnée alphabétiquement selon la classe ou le nom du médicament. Source : Adapté de APhC (2012).
l’antidépresseur. Par ailleurs, l’administration concomitante d’autres antidépresseurs et de la linézolide (Zyvoxammd), qui possède des propriétés inhibitrices de la monoamine oxydase, pourrait provoquer un syndrome sérotoninergique. De façon générale, les interactions médicamenteuses sont court-circuitées à la source, c’est-à-dire lorsque l’antidépresseur est remis par le pharmacien, qui vérie les données pertinentes. Cependant, l’inrmière rappelle au client et à ses proches les risques d’interaction et obtient la liste de tous les médicaments ou substances consommés. Finalement, les interactions avec le jus de pamplemousse, abondamment documentées, ont sensibilisé les professionnels de la santé à informer le client de ne pas consommer cette boisson avec leurs médicaments (psychotropes ou autres) (Ueda, Yoshimura, Umene-Nakano et al., 2009).
ALERTE CLINIQUE CLINIQUE ALERTE
Le dépistage précoce du syndrome sérotoninergique est important. L’inrmière obtient la liste de tous les médicaments du client (y compris ceux vendus sans ordonnance, les produits naturels et les drogues), prévient le client et sa famille de signaler immédiatement tout changement subtil qui se manifeste par de la confusion, un comportement inhabituel ou de l’agitation, et elle surveille la P.A. Si l’inrmière soupçonne un syndrome sérotoninergique, elle devra cesser les médicaments et prévenir le médecin.
Soins et traitements inrmiers L’infirmière surveille étroitement les effets indésirables majeurs qui pourraient survenir, et elle en seigne au client comment les prévenir ENCADRÉ 21.8. La surveillance thérapeutique du taux sérique du médicament (disponible pour quelques agents tricycliques seulement) permet de vérier si la dose administrée maintient la concentration sérique à l’intérieur d’un intervalle efcace, tout en évitant la toxicité et des effets indésirables sérieux.
Chapitre 21
Psychopharmacothérapie et autres thérapies biologiques
595
21
Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 21.8
Principaux effets indésirables d’un traitement par antidépresseurs
L’inrmière présente les effets indésirables des antidépresseurs au client et lui propose des moyens pour les prévenir. • Les effets thérapeutiques peuvent se manifester de quatre à huit semaines après le début du traitement, et la posologie ne doit pas être modiée sans avis médical ; en outre, le traitement ne doit pas être soudainement interrompu après une administration prolongée, car cela risque de causer des nausées, des céphalées, des malaises, et cet arrêt peut précipiter des rechutes. • Le client devra éviter de conduire un véhicule moteur et de s’adonner à des activités nécessitant de la vigilance, car le traitement risque de provoquer de la somnolence et une vision brouillée. • Il est également recommandé d’éviter de boire de l’alcool et de prendre d’autres dépresseurs du SNC. • Le client est avisé de ne pas utiliser des timbres de nicotine, à moins que ce ne soit prescrit par le médecin, à cause d’une augmentation possible de la P.A. • Il est recommandé de se lever progressivement pour prévenir l’hypotension orthostatique et les risques de chutes, et le port de bas de contention peut s’avérer utile.
21.5
• Il est proposé au client de sucer des glaçons ou des bâtonnets au citron, de mâcher de la gomme sans sucre, de se rincer fréquemment la bouche pour soulager la sécheresse buccale. • Une consultation ophtalmique est suggérée au client si sa vision devient oue, pour éliminer des causes autres que la médication, et l’emploi de larmes articielles peut être proposé pour diminuer la sensation de sécheresse oculaire. Il est également recommandé de lire pendant de courtes périodes dans des endroits bien éclairés et de varier la distance entre le document et les yeux pour corriger la vision oue. • Une alimentation riche en bres, une hydratation adéquate ainsi que des exercices physiques réguliers peuvent prévenir la constipation. Il peut être envisagé de recourir à un laxatif émollient, comme le docusate sodique (Colacemd). • La cliente est avisée qu’elle doit informer le médecin si elle est enceinte ou si elle planie une grossesse à court terme. • Le client est avisé qu’il doit consulter immédiatement un professionnel de la santé à l’apparition d’effets indésirables graves comme le pria pisme, les saignements et les signes de syndrome sérotoninergique comme l’agitation, la psychose et les myoclonies.
Stabilisateurs de l’humeur
Le rôle des stabilisateurs de l’humeur est majeur dans le traitement des troubles bipolaires. Comme leur nom l’indique, ils stabilisent l’humeur et préviennent l’apparition d’épisodes de manie ou de dépression associés aux troubles bipolaires. Ce groupe de médicaments comprend le lithium ainsi que des stabilisateurs de l’humeur anticonvulsivants, comme le divalproex (Epivalmd) et la carbamazépine (Tegretol md).
21.5.1
Lithium
Le lithium, constitué d’un unique ion, est un médicament utilisé depuis plus de 50 ans pour traiter le trouble bipolaire.
Mécanisme d’action
CE QU’IL FAUT RETENIR
Le lithium constitue un traitement de première intention des épisodes maniaques aigus du trouble bipolaire.
596
Partie 4
Le lithium possède un mécanisme d’action complexe et encore non complètement élucidé. Globalement, il stabiliserait les récepteursde la noradrénaline et de la dopamine, augmenterait l’activité du GABA et diminuerait la réponse neuronale à divers stimulus (Lilley, 2011).
Indications Le lithium, administré seul ou en combinaison avec un antipsychotique de deuxième ou de troisième génération (p. ex., la quétiapine ou l’aripiprazole), constitue un traitement de première intention des
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
épisodes maniaques aigus du trouble bipolaire. Le lithium est également utilisé seul ou en combinaison avec soit le divalproex, soit un antidépresseur de la classe des ISRS, soit le bupropion pour traiter, en première intention, les épisodes dépressifs aigus du trouble bipolaire. Il est aussi administré, en première intention, pour le traitement d’entretien du trouble bipolaire (Yatham, Kennedy, Schaffer et al., 2009). Le lithium peut être utilisé pour le traitement du trouble schizoaffectif, ainsi qu’en association avec les antidépresseurs pour traiter le trouble dépressif caractérisé réfractaire. Il s’agit d’une stratégie dite d’augmentation qui vise à accroître l’effet antidépresseur (Maust, Oslin & Thase, 2012).
Efcacité clinique De 70 à 80 % environ des clients atteints de troubles bipolaires répondent au lithium, qu’il s’agisse du traitement des épisodes aigus ou d’un traitement d’entretien (Machado-Vieira, Luckenbaugh, Soeirode-Souza et al., 2012).
Autres indications potentielles Le lithium s’est avéré efficace dans le traitement préventif des migraines et des céphalées (Stochino, Deidda, Asuni et al., 2012). Il est également prescrit pour contrôler l’agressivité et l’impulsivité chez certains clients atteints de troubles mentaux. Il pourrait s’avérer efcace pour le traitement des troubles des conduites alimentaires et du jeu pathologique (Virani et al., 2012).
Psychopharmacothérapie TABLEAU 21.9
Principales caractéristiques du lithium
TENEUR
NOMS COMMERCIAUX
PRÉSENTATION OFFERTE
DOSAGE (mg)
HORAIRE D’ADMINISTRATION
Lithium carbonate
• • • • • •
Apo-Lithium carbonatemd Carbolithmd Euro Lithiummd Lithanemd Phl-Lithium carbonatemd Pms-Lithium carbonatemd
Capsule
150 et 300
t.i.d. (p. ex., aux repas)
Lithium carbonate
• Carbolithmd • Phl-Lithium carbonatemd • Pms-Lithium carbonatemd
Capsule
600
b.i.d. (p. ex., aux repas)
Lithium carbonate
• Apo-Lithium carbonatemd SR • Lithmaxmd SR
Comprimé à libération prolongée (12 h)
300
b.i.d. (p. ex., aux repas)
CE QU’IL FAUT RETENIR
Lithium citrate
• Pms-Lithium citratemd
Liquide oral
300 mg/5 mL
b.i.d. ou t.i.d. (p. ex., aux repas)
La toxicité du lithium est étroitement liée à sa concentration dans le sang.
Source : Adapté de APhC (2012).
Pharmacocinétique et posologie Le client commence généralement à prendre du lithium en faibles doses fractionnées an de réduire les effets indésirables au minimum. L’augmentation de la posologie se fait en fonction de la réponse clinique et de l’apparition d’effets indésirables, jusqu’à ce que la concentration sérique de lithium se situe entre 0,6 et 1,0 mmol/L (Dunne, 2010). La dose de départ type est de 300 à 600 mg, 3 fois par jour, selon l’âge et le poids du client. Le TABLEAU 21.9 afche les présentations et les doses offertes au Canada.
ENCADRÉ 21.9
Principaux effets indésirables du lithiuma
USAGE PROLONGÉ : EFFETS PERSISTANTS
• Sédation et léthargie
• Acné
• Réapparition de symptômes gastrointestinaux (particulièrement les nausées, les vomissements et la diarrhée)
• Alopécie • Goitre simple et hypothyroïdie • Leucocytose • Polyurie et polydipsie légères • Prise de poids
Effets indésirables
• Psoriasis aggravé
La toxicité du lithium est étroitement liée à sa concentration dans le sang. Son index thérapeutique est faible, c’est-à-dire que l’écart entre sa concentration thérapeutique et sa concentration toxique est étroit. Jusqu’à 75 % des clients traités avec du lithium éprouvent des effets indésirables (Dunne, 2010). L’ENCADRÉ 21.9 présente les effets indésirables potentiels du traitement au lithium selon sa concentration dans le sang.
• Tremblements légers
Plusieurs stratégies permettent de maîtriser les effets indésirables en cas de toxicité de légère à modérée. Certains effets indésirables sont mineurs, et la diminution du dosage permet de les réduire. Il est également possible d’atténuer les effets indésirables liés aux pics des taux sériques (p. ex., les tremblements), en optant pour une présentation à libération
À mesure que le taux augmente : • Ataxie
21
• Détérioration de l’état mental • Dysarthrie
TOXICITÉ LÉGÈRE : EFFETS TRANSITOIRES
Taux de lithium : 1,2-2,0 mmol/L • Dérangement gastro-intestinal • Faiblesse musculaire et léthargie • Polyurie et polydipsie légères • Tremblements légers
Toxicité de légère à modérée
• Tremblements ampliés
TOXICITÉ GRAVE
Taux de lithium : > 2,5 mmol/L • Collapsus cardiovasculaire • Coma • Convulsions • Mort
TOXICITÉ MODÉRÉE
Taux de lithium : 2,0-2,5 mmol/L • Confusion a
Les concentrations sériques du lithium, qui permettent d’évaluer le degré de toxicité, sont présentées ici à titre indicatif. Il s’agit de valeurs de référence, variables selon les clients. Source : Adapté de Dunne (2010).
Chapitre 21
Psychopharmacothérapie et autres thérapies biologiques
597
ALERTE CLINIQUE
1 L’inrmière surveille étroitement le client qui prend du lithium à libération prolongée, car les symptômes de surdose peuvent se manifester à retardement. 2 Le lithium entraîne parfois de l’hypothyroïdie. L’inrmière s’assure que les taux de thyréostimuline (TSH) dans le sang sont régulièrement mesurés. Au besoin, le médecin prescrira de la lévothyroxine (Eltroxinmd, Euthyroxmd ou Synthroidmd). 3 L’inrmière évalue les signes d’intoxication au lithium selon leur gravité et avertit le médecin de tout changement dans l’état du client. Elle modiera ensuite le dosage en fonction de la nouvelle prescription.
Jugement
clinique Josée Pilote est une mère chef de famille âgée de 28 ans. Elle prend du carbonate de lithium à action prolongée (Lithmaxmd SR) pour traiter un trouble bipolaire. Sa dose a été augmentée à 300 mg b.i.d. il y a 6 jours. La cliente rapporte qu’elle a souvent soif et qu’elle urine un peu plus que d’habitude.Devriez-vous vous inquiéter de ces manifestations ? Justiez votre réponse. Madame Pilote devraitelle suivre un régime pauvre en sel ? Justiez votre réponse.
598
Partie 4
prolongée (p. ex., l’Apo-Lithium carbonatemd SR) 1 . Dans certains cas toutefois, il sera nécessaire d’interrompre l’administration de lithium 2 .
apparaître en cas d’administration concomitante de triptans pour la migraine (Ortiz & Alda, 2010).
L’usage de bêtabloquants pour traiter les tremblements, de diurétiques pour la polydipsie, la polyurie ou l’œdème et d’antibiotiques topiques ou d’autres préparations dermatologiques pour l’acné et le psoriasis représente une stratégie permettant de venir à bout des effets indésirables persistants. Une présentation à libération prolongée ou l’administration du médicament au moment du repas permet de gérer les dérangements gastro-intestinaux.
Soins et traitements inrmiers
Si le client fait également usage d’un diurétique, il faut généralement réduire la dose de lithium (parfois jusqu’à 50 %) en raison de l’augmentation de la réabsorption rénale provoquée par le diurétique (Finley, Warner & Peabody, 1995). Il est recommandé de surveiller les électrolytes du client, en particulier les taux de sodium et de potassium, au moment de l’administration de diurétiques thiazidiques. Une dose de départ de 5 mg d’amiloride (Midamormd), administrée 2 fois par jour, est en fait recommandée ; il s’agit d’un diurétique épargneur de potassium peu susceptible d’inuer sur le taux de lithium (APhC, 2012).
Toxicité grave et surdose Le risque d’atteinte neurologique permanente devient signicatif lorsque le taux sérique de lithium dépasse 2,5 mmol/L 3 (Dunne, 2010). Il est important, dans ce cas, d’en diminuer rapidement la concentration sérique. L’hémodialyse constitue la seule méthode able pour le faire, spécialement en cas d’intoxication aiguë ou lorsque l’état du client se détériore rapidement et qu’il présente des signes cliniques d’intoxication, des convulsions, un collapsus cardiovasculaire, de l’insufsance respiratoire ou un coma.
Contre-indications
Commencer le traitement au lithium La surveillance étroite que l’inrmière exerce sur les taux sériques de lithium est capitale. L’inrmière fait preuve de vigilance pour prévenir des réactions indésirables possiblement graves à ce médicament chez le client. Pour une posologie donnée, les taux sériques de lithium atteignent généralement un niveau stable après cinq jours (Türck, Heinzel & Luik, 2000). Le taux de lithium doit être vérié régulièrement ou après chaque changement de dosage, et ce, en raison de son faible index thérapeutique. Il est nécessaire de vérier le taux de lithium plus fréquemment lorsque le dosage est augmenté rapidement, comme pour le traitement d’un épisode maniaque aigu ou lorsque l’inrmière suspecte une intoxication. Le taux devrait être vérié plus fréquemment à mesure qu’il s’approche des limites supérieures de l’intervalle thérapeutique an de réduire au minimum les risques d’intoxication. Les clients âgés sont plus à risque d’une intoxication, et il est possible qu’il faille ajuster le dosage pour eux, la limite supérieure de l’intervalle thérapeutique se situant à environ 0,6 mmol/L pour cette clientèle, plutôt que 1,0 mmol/L (Wijeratne & Draper, 2011). En plus du taux sérique de lithium, l’inrmière observe périodiquement divers paramètres. Elle surveille les manifestations de toxicité légère, modérée et grave listée précédemment dans l’ENCADRÉ 21.9, notamment : • le poids du client chaque matin, avant le déjeuner. • toute présence d’œdème aux poignets ;
Il n’y a aucune contre-indication absolue à la prise de lithium, mais certaines conditions, comme l’insufsance rénale ou cardiaque, la déshydratation ou la carence en sodium peuvent augmenter le risque d’intoxication (Lilley, 2011).
• la présence de pli cutané démontrant un signe de déshydratation ;
Interactions
• les fonctions rénale et thyroïdienne, par une analyse d’urine, un hémogramme avec formule leucocytaire, la mesure des électrolytes sériques et un électrocardiogramme.
Les substances suivantes augmentent la concentration sérique du lithium : les diurétiques (p. ex., l’hydrochlorothiazide), les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) (p. ex., le captopril [Capotenmd]), les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine (ARA) (p. ex., le valsartan [Diovanmd]) et les anti-inammatoires non stéroïdiens (AINS) (p. ex., le naproxène). Les signes de toxicité du lithium sont augmentés avec l’halopéridol (Haldolmd), le métronidazole (Flagylmd) et le vérapamil (Isoptinmd). Le syndrome sérotoninergique, déni dans la quatrième section de ce chapitre, peut
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
• l’état neurologique, l’état de conscience, la démarche, les réexes moteurs, le tremblement des mains ;
Les femmes en âge de procréer doivent discuter du recours au lithium et à d’autres médicaments psychotropes si elles devaient devenir enceintes. Un test de grossesse doit toujours être effectué avant d’entreprendre un traitement au lithium.
Poursuivre le traitement au lithium Les clients atteints de trouble bipolaire doivent envisager la nécessité d’un traitement médicamenteux
à vie. L’inrmière en discute avec le client pour encourager l’adhésion au traitement et éviter toute rechute. Elle accompagne aussi le client dans son acceptation de certains effets indésirables.
provoqueraient par ailleurs une activation des neurones GABAergiques (Brunton et al., 2006).
Les rencontres de suivi et la surveillance de la lithémie sont importantes pour tous les clients ENCADRÉ 21.10. L’inrmière informe le client des signes de toxicité de légère à grave et lui remet un document écrit traitant du sujet. Elle aborde les effets indésirables possibles du lithium ainsi que les interactions médicamenteuses potentielles.
Administrés seuls ou comme adjuvants, les anticonvulsivants sont des traitements de première, de deuxième ou de troisième intention des troubles bipolaires TABLEAU 21.10 (Yatham et al., 2009). La phase aiguë de ces troubles se caractérise par un épisode maniaque, par un épisode hypomaniaque ou par un épisode dépressif. Par la suite, après stabilisation pharmacologique des symptômes, un traitement d’entretien à long terme est recommandé 11 .
21.5.2
Anticonvulsivants
Les premiers essais cliniques pour le traitement du trouble bipolaire par anticonvulsivants ont eu lieu dans les années 1980, puis la mise en marché du divalproex s’est faite dans les années 1990. L’exploration de l’utilité du divalproex pour le trouble bipolaire tient au fait que les symptômes de ce trouble s’apparentent parfois aux caractéristiques des épisodes neurologiques associés à l’épilepsie et aux migraines.
Mécanismes d’action Les résultats probants suggèrent que les anticonvulsivants réduiraient l’activité des canaux sodium voltage-dépendants (ou dépendants du potentiel), diminuant de ce fait la transmission neuronale. Ils
Indications
Le divalproex constitue un traitement de première intention pour les troubles bipolaires (Yatham et al., 2009). Pris seul ou en combinaison avec un antipsychotique de deuxième ou de troisième génération (p. ex., la quétiapine ou l’aripiprazole), il est administré pour les épisodes maniaques aigus des troubles bipolaires et pour le traitement d’entretien. La carbamazépine représente un traitement de seconde intention en cas d’épisode maniaque aigu des troubles bipolaires. En combinaison avec le lithium, elle devient un traitement de troisième intention en cas d’épisode maniaque ou dépressif aigu des troubles bipolaires. L’oxcarbazépine (Trileptalmd) est un traitement de troisième intention en cas d’épisode maniaque aigu. Administrée comme adjuvant, elle constitue également un traitement d’entretien de troisième intention du trouble bipolaire. La lamotrigine (Lamictal md ) est
11 Les épisodes des troubles bipolaires sont décrits dans le chapitre 11, Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés.
Canal sodium voltagedépendant (ou dépendant du potentiel) : Canal laissant principalement entrer du so dium dans les cellules, qui s’ouvre lorsqu’une différence de potentiel électrique est pré sente entre le milieu intracellu laire et le milieu extracellulaire.
Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 21.10
Traitement au lithium
• Indiquer au client qu’il ne doit pas croquer ou écraser les capsules de lithium, car les comprimés à libération lente (12 h) contiennent une matrice à ne pas détruire. • Expliquer au client que les effets bénéques peuvent se manifester de 1 à 3 se maines après le début du traitement, et ce, pour favoriser l’adhésion à celuici. • Aviser le client de ne pas sauter des doses ou de prendre des doses supplé mentaires pour remplacer les doses manquées, an d’éviter le surdosage. • Rappeler au client l’importance des analyses de laboratoire, dont la surveillance de la lithémie, et l’avertir qu’il ne doit pas prendre de lithium le matin de la prise de sang. • Enseigner au client à continuer à prendre sa médication malgré l’atténua tion des symptômes du trouble, pour éviter les rechutes. • Informer que les effets indésirables courants du lithium (augmentation de la diurèse, soif, légers tremblements, faiblesse musculaire, nausées, gain de poids, anorexie, diarrhée) sont généralement transitoires (Lilley, 2011). • Informer le client et ses proches d’aviser un professionnel de la santé dès l’apparition de signes de toxicité : nausées et vomissements, tremblements marqués, faiblesse musculaire soudaine, secousses musculaires, manque de coordination, inertie, somnolence, confusion, convulsions, coma, ou tout autre symptôme suggestif d’une intoxication.
• Suggérer au client d’ajuster son apport hydrique (environ 2 à 3 L/jour) en fonction de son activité, des exercices physiques ou d’un état de santé qui entraîne des pertes de liquides (p. ex., la èvre, la diarrhée) et d’éviter la consommation excessive de café, de thé ou de boissons à base de cola en raison de l’effet diurétique, ainsi que les régimes pauvres en sel, car une diminution de sel (notamment en cas de transpiration abondante) modie la quantité de lithium sérique.
21
• Expliquer au client qu’il pourrait inclure une portion de yogourt ou de probiotique dans son alimentation en cas de diarrhée, an de restaurer sa ore intestinale pour éviter les déséquilibres électrolytiques. • Informer en outre le client des interactions médicamenteuses possibles avec les diurétiques thiazidiques, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angio tensine, les AINS et les inhibiteurs de la cyclooxygénase2, an de prévenir les risques associés. Lui rappeler de consulter le médecin avant de prendre les médicaments offerts en vente libre en raison des risques d’interactions. • Aviser le client de s’abstenir de conduire un véhicule moteur ou de faire une activité nécessitant de la vigilance jusqu’à stabilisation de la concentration sérique, car il peut y avoir hypotension ou arythmies. • Encourager les femmes en âge de procréer à utiliser une méthode contraceptive et à aviser le médecin si une grossesse est planiée.
Chapitre 21
Psychopharmacothérapie et autres thérapies biologiques
599
Psychopharmacothérapie TABLEAU 21.10
Indications des anticonvulsivants et autres stabilisateurs de l’humeur approuvées au Canada (chez l’adulte) : traitement des troubles bipolaires
INDICATION
MÉDICAMENTS ADMINISTRÉS EN PREMIÈRE INTENTION
MÉDICAMENTS ADMINISTRÉS EN DEUXIÈME INTENTION
MÉDICAMENTS ADMINISTRÉS EN TROISIÈME INTENTION
Traitement des épisodes maniaques aigus
• Lithium
• Divalproex + lithium
• Lithium + halopéridol
• Divalproex
• Carbamazépine
• Divalproex + halopéridol
• Antipsychotiques (AP) de deuxième ou de troisième génération
• Halopéridol
• Lithium + carbamazépine
Traitement des épisodes dépressifs aigus
Traitement d’entretien
• Oxcarbazépine
• Lithium + AP de deuxième ou de troisième génération
• Chlorpromazine
• Divalproex + AP de deuxième ou de troisième génération
• Tamoxifène
• Clozapine
• Lithium
• Divalproex
• Carbamazépine
• Lamotrigine
• Lithium + lamotrigine
• Lithium + carbamazépine
• Lithium + ISRS
• Divalproex + lamotrigine
• Lithium + pramipexole
• Divalproex + ISRS
• Lurasidone
• Lithium OU divalproex + venlafaxine
• Lithium + divalproex
• Lithium + lurasidone
• Lithium + IMAO
• Lithium + bupropion
• Divalproex + lurasidone
• Lithium OU divalproex OU AP + ATC
• Divalproex + bupropion
• Quétiapine + ISRS
• Quétiapine
• Lithium OU divalproex OU carbamazépine + lamotrigine + ISRS
• Olanzapine + ISRS
• Quétiapine + Lamotrigine
• Lithium
• Carbamazépine
• Topiramate (adjuvant)
• Divalproex
• Lithium + divalproex
• Oxcarbazépine (adjuvant)
• Lamotrigine
• Lithium + carbamazépine
• Gabapentine (adjuvant)
• Lithium + quétiapine OU rispéridone OU aripiprazole OU ziprasidone
• Lithium + olanzapine
• Phénytoïne (adjuvant)
• Divalproex + olanzapine
• Clozapine (adjuvant)
• Divalproex + quétiapine OU rispéridone OU aripiprazole OU ziprasidone
• Lithium + rispéridone OU lamotrigine
• Asénapine
• Olanzapine • Rispéridone
• Palipéridone • Olanzapine + uoxétine
• Aripiprazole Source : Adapté de Yatham, Kennedy, Parikh et al. (2013).
administrée seule, en première intention, ou en combinaison avec le lithium en deuxième intention, pour le traitement des épisodes dépressifs aigus des troubles bipolaires. Elle s’est montrée efcace (surtout en combinaison) pour le traitement d’entretien des troubles bipolaires. En cas de troubles bipolaires à cycle rapide, les résultats probants ne la distinguent pas du placébo (Amann, Born, Crespo et al., 2011 ; Bowden & Singh, 2012). Quant au topiramate (Topamaxmd), il est utilisé comme un traitement adjuvant de troisième intention (Yatham et al., 2009).
Efcacité clinique De nombreuses études à double insu ont démontré l’efcacité des anticonvulsivants pour le
600
Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
traitement du trouble bipolaire (tant pour les épisodes maniaques aigus qu’en traitement d’entretien) (Gitlin & Frye, 2012 ; Pratoomsri, Yatham, Bond et al., 2006 ; Samalin, Nourry & Llorca, 2011 ; Yatham et al., 2009).
Autres indications potentielles Les anticonvulsivants peuvent être prescrits comme adjuvants pour le traitement du trouble panique et du trouble de stress post-traumatique. Ils peuvent aussi être utiles afin de diminuer l’impulsivité associée au trouble de la personnalité limite ou à la déficience intellectuelle. Ils peuvent également être prescrits pour traiter les douleurs chroniques (Virani et al., 2012).
Pharmacocinétique et posologie L’organisme absorbe rapidement les anticonvulsivants administrés par voie orale, le pic sérique étant atteint en moins de quatre heures (Brunton et al., 2006). Le foie les métabolise en grande partie, et ils sont éliminés par les reins. Le traitement débute habituellement par l’administration de doses fractionnées jusqu’à ce que la concentration sérique visée soit atteinte TABLEAU 21.11. Une fois le dosage thérapeutique atteint, il est recommandé de le simplier en passant à une ou deux administrations par jour an de favoriser l’adhésion au traitement. La carbamazépine afche un prol pharmacocinétique unique. En raison de son action inductrice sur l’enzyme responsable de l’éliminer, sa demi-vie est réduite de 36 heures à 24 heures (Anderson,
2008). Pour cette raison, l’état stationnaire de la concentration sérique du médicament n’est atteint qu’au bout de quatre semaines. En outre, l’augmentation du dosage entraîne un processus d’autoinduction lié à la dose. Des comprimés à libération prolongée (Tegretolmd CR), absorbés toutes les 12 heures, permettent d’atteindre des taux sériques stables comparables à ceux obtenus grâce à des comprimés à libération immédiate du même dosage absorbés toutes les 6 heures. Les aliments augmentent la biodisponibilité du médicament, et il est recommandé d’administrer la carbamazépine avec de la nourriture.
Effets indésirables Les effets indésirables des anticonvulsivants varient. Les plus fréquents sont présentés dans le TABLEAU 21.12.
Psychopharmacothérapie TABLEAU 21.11
Principales caractéristiques des anticonvulsivants
NOM GÉNÉRIQUE
NOM COMMERCIAL
GAMME POSOLOGIQUE
TITRAGE
PRÉSENTATIONS OFFERTES
Carbamazépine
Tegretolmd, génériques
400-1 200 mg/j
• 100-200 mg die ou b.i.d. • ↑ jusqu’à 200 mg/j à intervalles de 1 sem
Comprimé, comprimé croquable, comprimé CR –12 h, suspension orale
Divalproex
Epivalmd, génériques
20-60 mg/kg/j
• 5-15 mg/kg/j t.i.d. • ↑ de 5-10 mg/kg/j/sem
Comprimé entérique
Lamotrigine
Lamictalmd, génériques
50-100 mg/b.i.d.a
• 25 mg/j pour 2 sema • Ensuite, ↑ à 50 mg/j pour 2 sem • Puis, ↑ de 25-50 mg/j toutes les 1 ou 2 sem
Comprimé, comprimé croquable
Oxcarbazépine
Trileptalmd, génériques
600-1 200 mg/j
• 150-300 mg b.i.d. • ↑ de 300 à 600 mg/j à intervalles de 1 sem
Comprimé, liquide oral
Topiramate
Topamaxmd, génériques
200-400 mg/j
• 25-50 mg/j pour 1 sem • ↑ de 25-50 mg/j/sem
Capsule à saupoudrer, comprimé
21
a
Gamme posologique recommandée en monothérapie. Avec d’autres anticonvulsivants, un ajustement sera nécessaire. Source : Adapté de APhC (2012).
TABLEAU 21.12
Principaux effets indésirables des anticonvulsivantsa
ANTICONVULSIVANT
EFFETS INDÉSIRABLES
Carbamazépine
• Agranulocytose, anémie aplastique et thrombocytopénie (rares, mais potentiellement fatales)
• Fatigue
• Ataxie
• Insufsance hépatique et pancréatique (rares, mais potentiellement fatales)
• Dermatite exfoliatrice, ou syndrome de Stevens-Johnson (rare, mais potentiellement fatale)
• Intoxication aiguë pouvant conduire à la stupeur ou au coma
• Nausées et vomissements
• Diplopie (ou vision double)
• Perturbations de la conduction cardiaque (sérieux)
• Éruption cutanée et urticaire
• Somnolence
• Étourdissements
Chapitre 21
Psychopharmacothérapie et autres thérapies biologiques
601
Principaux effets indésirables des anticonvulsivantsa (suite)
TABLEAU 21.12 ANTICONVULSIVANT
EFFETS INDÉSIRABLES
Divalproex
• Alopécie (persistante)
Lamotrigine
Oxcarbazépine
• Augmentation de l’appétit et prise de poids (persistantes)
• Insufsance hépatique, hépatotoxicité, pancréatite et thrombocytopénie (graves et rares)
• Changements menstruels
• Leucopénie ou thrombopénie (légères et asymptomatiques)
• Dyspepsie et anorexie
• Tremblements et somnolence (transitoires)
• Élévation bénigne des transaminases
• Troubles gastro-intestinaux (nausées, vomissements, diarrhée)
• Céphalées
• Étourdissements, fatigue et somnolence
• Éruption cutanée : 5 % des clients ont une éruption maculopapuleuse, et environ 0,1 % des clients sont atteints du syndrome de Stevens-Johnson, souvent fatal (Seo, Chiesa, Lee et al., 2011)
• Troubles gastro-intestinaux
• Anomalies de la démarche, crises oculogyres, tremblements
• Étourdissements, fatigue, somnolence
• Ataxie, démarche chancelante, troubles de la coordination
• Dyslipidémie, altération des hormones reproductrices, prise de poids et effets sur la fonction thyroïdienne associés à une réduction de thyroxine, mais non de la triiodothyronine ou de la thyréostimuline
• Céphalées • Difcultés de concentration et troubles de la mémoire • Effets antidiurétiques et hyponatrémie • Encéphalopathie Topiramate
• Anémie
• Vision oue ou double
• Nausées et vomissements • Effets cardiovasculaires : hypertension artérielle, hypotension orthostatique, vasodilatation, arythmies, palpitations, bloc auriculoventriculaire et bloc de branche
• Ataxie • Anxiété • Confusion et problèmes cognitifs • Convulsions • Étourdissements, fatigue, somnolence • Hallucinations auditives
• Myopie aiguë et glaucome à angle fermé secondaire • Nystagmus • Ralentissement psychomoteur • Troubles de la parole et problèmes associés
a
La liste des effets indésirables présentés ici n’est pas exhaustive ; elle est ordonnée alphabétiquement pour chaque anticonvulsivant. Source : Adapté de APhC (2012).
Contre-indications La plus grande prudence est de mise avec les anticonvulsivants dans le cas de troubles hépatiques (Ruiz-Giménez, Sánchez-Alvarez, CañadillasHidalgo et al., 2010) et de grossesse (Tomson & Battino, 2012). Des malformations fœtales ont été associées à certains d’entre eux.
Interactions Les interactions les plus fréquentes des anticonvulsivants sont présentées dans le TABLEAU 21.13.
Soins et traitements inrmiers Commencer le traitement par anticonvulsivants Au moment de l’administration d’anticonvulsivants, l’inrmière évalue : • les signes vitaux an de vérier les signes d’hypertension artérielle, d’hypotension orthostatique, de palpitations, d’arythmies et d’étourdissements;
602
Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
• l’état mental afin de déterminer le degré d’anxiété, la présence de problèmes cognitifs, d’hallucinations, de confusion et de somnolence ; • l’état neurologique an de déterminer la présence de céphalées, de tremblements, d’ataxie et de ralentissement psychomoteur ; • l’état ophtalmique an de déceler une possible vision oue ou double à l’aide de l’examen de Snellen ainsi que d’un fond d’œil ; • la présence de troubles gastro-intestinaux ; • le temps de céphaline activée, le rapport international normalisé des plaquettes chez les clients sous anticoagulothérapie, la formule sanguine complète an de déterminer une leucopénie ou une thrombocytopénie, pendant quatre semaines, puis chaque mois ; • l’état de la fonction rénale et hépatique, en surveillant l’urémie, la créatinémie, l’acide urique sérique, la clairance de la créatinine et les en zymes hépatiques.
TABLEAU 21.13
Principales interactions des anticonvulsivantsa
ANTICONVULSIVANT
INTERACTIONS
Carbamazépine
• L’érythromycine, certains inhibiteurs calciques et les ISRS élèvent les taux de carbamazépine, alors que celle-ci réduit les taux de nombreux autres médicaments, dont des antipsychotiques, certains stéroïdes, les contraceptifs oraux, les hormones thyroïdiennes, les benzodiazépines, les ATC et les anticonvulsivants.
Divalproex
• L’usage concomitant d’acide acétylsalicylique (Aspirinmd) n’est pas recommandé, car la concentration du divalproex augmente. Il est préférable d’utiliser l’acétaminophène (Tylenol md) ou l’ibuprofène (Advilmd). • Le divalproex augmente de façon signicative les taux de lamotrigine et, par le fait même, la toxicité de cette dernière.
Lamotrigine
• Les interactions observées avec la lamotrigine sont issues d’études associées à l’épilepsie. Dans ce contexte, les barbituriques ont diminué la concentration de la lamotrigine. Les contraceptifs oraux diminuent également les taux et l’efcacité de la lamotrigine.
Oxcarbazépine
• Parmi ses interactions les plus importantes, l’oxcarbazépine induit la diminution de l’effet des contraceptifs oraux et de la quinidine, un médicament antiarythmique.
Topiramate
• Les interactions à surveiller sont la diminution des œstrogènes et la prise concomitante d’antiacides, qui peut favoriser l’apparition de calculs rénaux.
a
Tableau non exhaustif. L’inrmière peut se référer à la monographie ofcielle de chaque produit pour connaître la liste complète des interactions. Elle rappelle au client et à ses proches les risques d’interaction et obtient la liste de tous les médicaments ou de toutes les substances consommés. Source : Adapté de APhC (2012).
Poursuivre le traitement par anticonvulsivants Le traitement du trouble bipolaire nécessite la prise de médication à vie pour prévenir la récurrence des symptômes. Un accompagnement par l’inrmière est essentiel pour éviter les rechutes. L’inrmière est à l’écoute des inquiétudes et des préoccupations du client quant à sa maladie et à son traitement, pour faciliter l’adhésion au traitement. L’enseignement au client couvre la gestion des effets indésirables mineurs aussi bien que la reconnaissance des signes et des symptômes d’effets hépatiques et hématologiques. L’inrmière avise le client qu’il est important : • de se peser chaque jour, car un gain de poids rapide peut signier la présence de problèmes rénaux ; • de prendre ses médicaments avec de la nourriture an d’éviter les brûlures d’estomac, les nausées et les vomissements ; • d’ingérer le médicament à l’heure du coucher en cas de somnolence diurne ; • de rapporter rapidement à un professionnel de la santé l’apparition d’effets indésirables graves (p. ex., des vomissements, une douleur abdominale, une éruption cutanée, des saignements).
21.6
Anxiolytiques et hypnotiques
Les anxiolytiques et les hypnotiques sont généralement administrés pour le traitement des troubles anxieux et des troubles de l’alternance
veille-sommeil. Ils regroupent plusieurs classes de médicaments : les benzodiazépines, la buspirone, les hypnotiques non benzodiazépiniques, etc. La plupart agissent en provoquant une dépression du SNC. Certains anxiolytiques et hypnotiques peuvent cependant entraîner une dépendance et doivent être administrés avec prudence.
21.6.1
Benzodiazépines
Les benzodiazépines sont utilisées pour le soulagement de l’anxiété et de l’insomnie depuis plus de 50 ans. Elles ont remplacé à ce chapitre les barbituriques, des médicaments anxiolytiques et hypnotiques qui ont des effets dépresseurs sur le SNC beaucoup plus marqués et qui sont potentiellement mortels en surdose (Lader, 2011).
CE QU’IL FAUT RETENIR
Le traitement du trouble bipolaire nécessite la prise de médication à vie pour prévenir la récurrence des symptômes.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Certains anxiolytiques et hypnotiques peuvent entraîner une dépendance et doivent être administrés avec prudence.
Mécanismes d’action
21
Les benzodiazépines se lient à un site qui leur est propre sur les récepteurs GABAA et facilitent l’entrée d’ions chlorure dans les neurones, provoquant ainsi une diminution de l’activité neuronale dans l’ensemble du SNC. L’intensité de l’action est déterminée par la dose utilisée : de plus faibles doses soulagent l’anxiété, alors que des doses plus fortes ont des effets hypnotiques. Les benzodiazépines possèdent également des propriétés anticonvulsivantes et myorelaxantes (APhC, 2012 ; Lader, 2011).
Indications Les benzodiazépines sont principalement indiquées pour le traitement de l’anxiété et de l’insomnie. Certaines ont d’autres indications spécifiques reconnues comme le traitement du trouble panique, du sevrage alcoolique, des convulsions et des Chapitre 21
Psychopharmacothérapie et autres thérapies biologiques
603
Autres indications potentielles
Psychopharmacothérapie TABLEAU 21.14
Indications des benzodiazépines approuvées au Canada (chez l’adulte)
Les benzodiazépines sont fréquemment prescrites pour le traitement de l’agitation, associée à la psychose, ou de la manie. Elles sont également utilisées pour traiter l’akathisie, la dystonie aiguë et la catatonie. Bien que des benzodiazépines spéciques soient indiquées officiellement pour certaines conditions particulières, il s’agit dans la majorité des cas d’un effet de classe, c’est-à-dire que presque toutes les benzodiazépines, lorsqu’elles sont employées aux doses appropriées, peuvent avoir des effets anxiolytiques, hypnotiques, anticonvulsivants, myorelaxants en plus de soulager les symptômes d’un sevrage alcoolique (Virani et al., 2012).
INDICATION
BENZODIAZÉPINES
Traitement de l’anxiété
Alprazolam (Xanaxmd), bromazépam (Lectopammd), chlordiazépoxide (Libriummd), clorazépate (Tranxenemd), diazépam (Valiummd), lorazépam (Ativanmd), oxazépam (Seraxmd)
Traitement du trouble panique
Alprazolam (Xanaxmd), clorazépate (Tranxenemd)
Traitement de l’insomnie
Flurazépam (Dalmanemd), nitrazépam (Mogadonmd), témazépam (Restorilmd), triazolam (Halcionmd)
Traitement de l’épilepsie
Clobazam (Frisiummd), clonazépam (Rivotrilmd), clorazépate (Tranxenemd), diazépam (Valiummd), lorazépam (Ativanmd), nitrazépam (Mogadonmd)
Traitement des spasmes musculaires
Diazépam (Valiummd)
Traitement du sevrage alcoolique
Clorazépate (Tranxenemd), diazépam (Valiummd), oxazépam (Seraxmd)
Les nombreuses benzodiazépines offertes sur le marché canadien diffèrent quant à leurs propriétés pharmacocinétiques, particulièrement en ce qui a trait à leur délai et à leur durée d’action, et quant à leur posologie individuelle. Les diverses caractéristiques et posologies des benzodiazépines sont comparées à celles des autres anxiolytiques et hypnotiques en n de section, dans le TABLEAU 21.15.
Sédation périopératoire
Diazépam (Valiummd), lorazépam (Ativanmd), midazolam (Versedmd)
Effets indésirables
Source : Adapté de APhC (2012).
spasmes musculaires. Quelques benzodiazépines disponibles sous forme injectable sont aussi indiquées pour la sédation périopératoire (APhC, 2012). Le TABLEAU 21.14 présente les indications ofcielles des diverses benzodiazépines disponibles au Canada.
Efcacité clinique Plusieurs études ont conrmé, au cours des 50 dernières années, l’efcacité des benzodiazépines dans le traitement de l’anxiété et de l’insomnie. L’un des principaux avantages de cette classe de médicaments est sa rapidité d’action. Cependant, à cause de leur potentiel d’abus et de dépendance, les benzodiazépines ont été remplacées par les antidépresseurs, principalement les ISRS et les IRSN, comme médicaments de choix pour le traitement de divers troubles Ruth Saint-Germain, âgée de 52 ans, vit de anxieux et par d’autres classes l’anxiété à la suite de la rupture avec son conjoint pharmacologiques, comme les il y a 6 mois. Sa difculté à se concentrer la rend hypnotiques non benzodiazéinefcace au travail. Trouvant cette situation difpiniques, pour le traitement de cile, elle consulte un psychiatre, qui lui prescrit l’insomnie. Les benzodiazéde l’alprazolam 0,25 mg t.i.d., p.r.n. Depuis une sepines demeurent toutefois maine, madame Saint-Germain se plaint de brûlures populaires comme traitement d’estomac et de céphalées. Que pourriez-vous lui d’appoint à court terme (de suggérer pour diminuer son malaise gastrique ? quelques jours à quelques Est-il pertinent d’informer madame Saint-Germain semaines), en association avec qu’il est contre-indiqué de consommer de l’alcool en un antidépresseur, an de palmême temps que la prise d’alprazolam ? Expliquez lier le délai d’action de ce dervotre réponse. nier (Cloos & Ferreira, 2009).
Jugement
clinique
604
Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
Pharmacocinétique et posologie
Les effets indésirables des benzodiazépines sont le plus souvent liés à la dose. Les plus fréquents sont les étourdissements et la somnolence diurne. De rares cas de stimulation paradoxale peuvent également survenir au cours du traitement. D’autres inconvénients des benzodiazépines comprennent les perturbations cognitives comme les troubles de la mémoire, la réduction de la coordination avec possibilité de chutes, le risque de consommation excessive et les symptômes de sevrage à l’arrêt brusque du traitement. En général, il est plus difcile de diminuer graduellement la dose des benzodiazépines à durée d’action plus courte, et celles-ci risquent de causer plus de problèmes de sevrage (Lader, 2011 ; Virani et al., 2012). Les principaux problèmes entraînés par la consommation des benzodiazépines sont la tolérance et la dépendance. Ainsi, près de 30 % des clients recevant des benzodiazépines sur une base régulière pendant 8 semaines ou plus présentent des symptômes de sevrage à l’arrêt, ou syndrome de retrait (Lader, 2011). Ces symptômes apparaissent 1 ou 2 jours après la cessation d’une benzodiazépine à courte demi-vie et jusqu’à 5 à 10 jours après l’arrêt d’une benzodiazépine à longue demivie. Les symptômes de sevrage incluent l’insomnie, l’agitation, l’anxiété, la dysphorie, des céphalées, des douleurs musculaires, la tachycardie et des troubles digestifs. Dans de rares cas plus graves, des convulsions, un délirium ou des symptômes psychotiques peuvent apparaître. Idéalement, le sevrage des benzodiazépines devrait se faire graduellement, an d’éviter l’apparition de symptômes de sevrage (Lader, 2011 ; Virani et al., 2012).
Contre-indications Les benzodiazépines sont contre-indiquées chez les clients souffrant de myasthénie grave et de glaucome à angle fermé. Elles doivent être administrées avec beaucoup de prudence chez les clients souffrant d’apnée du sommeil ou d’insufsance respiratoire (APhC, 2012).
benzodiazépines sont à utiliser préférablement à court terme, et en association avec des mesures non pharmacologiques. L’inrmière fait la promotion de saines habitudes de vie pour faciliter le sommeil et peut aider la personne à trouver des stratégies de gestion du stress qui pourront être mises en pratique à long terme 19 .
Interactions
19 Des approches complé mentaires et parallèles de gestion des troubles de l’alternance veillesommeil sont présentées dans le chapitre 19, Troubles de l’alternance veille-sommeil.
Pratiques inrmières suggérées
Les effets dépresseurs des benzodiazépines peuvent être augmentés par la consommation concomitante d’alcool ou d’autres agents provoquant une dépression du SNC. Les benzodiazépines les moins à risque d’interactions médicamenteuses sont le bromazépam, le lorazépam, l’oxazépam et le témazépam. D’autres produits comme l’alprazolam, le diazépam et le triazolam peuvent interagir avec certains médicaments et aliments (p. ex., le jus de pamplemousse) qui agissent sur les mêmes enzymes par lesquelles elles sont métabolisées (Virani et al., 2012).
ENCADRÉ 21.11
Accompagner le client traité par benzodiazépines
AVANT LE DÉBUT DU TRAITEMENT
• Faire une évaluation de l’état mental (affect, état de conscience, cognition) pour anticiper l’impact des effets indésirables. • Évaluer la P.A. et la F.C. qui pourraient diminuer à la suite de la prise de médication. • Évaluer la présence de troubles respiratoires, qui pourraient être exacerbés par la médication.
Soins et traitements inrmiers
• Évaluer les habitudes de sommeil et suggérer la mise en place de mesures non pharmacologiques pour favoriser le sommeil.
Les effets indésirables les plus courants des benzodiazépines étant les étourdissements et la somnolence diurne, l’inrmière rappelle au client d’éviter de conduire ou de faire des activités qui demandent de la vigilance. L’inrmière porte une attention particulière aux personnes qui souffrent d’apnée du sommeil ou de problèmes respiratoires, ainsi qu’aux personnes âgées, plus vulnérables aux effets indésirables de la médication sur le système respiratoire et sur la cognition ENCADRÉ 21.11. Elle encourage le respect de la posologie et informe le client que l’arrêt brusque de la médication peut entraîner des symptômes de sevrage ENCADRÉ 21.12. En raison des risques de surdosage ou de dépendance, lorsque l’indication est le traitement de l’insomnie et de l’anxiété, les
PENDANT LE TRAITEMENT
• Suggérer la tenue d’un journal qui consigne les habitudes quotidiennes de sommeil, les heures dormies et les effets des traitements pharmacologiques et non pharmacologiques. • Prévenir les risques de chutes et de blessures en assurant un environnement sécuritaire : − au centre hospitalier, lever les ridelles de lit et garder la cloche d’appel à portée de la main ; − à domicile, évaluer les risques de chutes et de blessures et suggérer des modications de l’environnement au besoin.
21 Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 21.12
Traitement par benzodiazépines
• Enseigner les effets possibles de la médication comme la somnolence diurne et la difculté de concentration. • Informer le client de ne pas conduire ou de faire toute autre activité qui requiert de la vigilance et l’aviser d’éviter de consommer de l’alcool. • Aider le client à assurer un environnement sécuritaire. • Enseigner que la dépression respiratoire et la diminution de l’état de conscience sont des effets indésirables possibles qui demandent une consultation médicale immédiate.
• Encourager le respect de la posologie pour diminuer les symptômes de sevrage, ainsi que les risques d’intoxication et de dépendance. • Aviser le client que la consommation de la médication pendant plus de quatre semaines peut entraîner des effets négatifs sur le sommeil (p. ex., des rêves éveillés, des cauchemars, de l’agitation). • Proposer des mesures non pharmacologiques pour pallier l’insomnie et gérer l’anxiété à long terme.
Source : Adapté de Lilley (2011).
Chapitre 21
Psychopharmacothérapie et autres thérapies biologiques
605
21.6.2
Buspirone
La buspirone (BuSparmd) est un médicament anxiolytique faisant partie d’une classe pharmacologique unique, non apparentée à celle des benzodiazépines ou des barbituriques (APhC, 2012).
Mécanisme d’action La buspirone est un agoniste des récepteurs sérotoninergiques 5-HT1A. Elle procure ses effets anxiolytiques sans entraîner de sédation ni de dépression du SNC. Son principal inconvénient est son délai d’action, qui se situe entre une et quatre semaines (Virani et al., 2012).
Indications La buspirone est indiquée dans le traitement du trouble d’anxiété généralisée (TAG) (APhC, 2012).
Efcacité clinique Plusieurs études ont démontré l’efcacité de la buspirone dans le traitement du TAG. Elle est considérée comme étant aussi efcace que les benzodiazépines pour soulager l’anxiété, bien que son délai d’action soit plus long. Pour des raisons encore inconnues, la buspirone serait cependant légèrement moins efcace chez les clients ayant déjà reçu des benzodiazépines dans le passé. Son efcacité serait également similaire à celle des ISRS et de l’imipramine, bien que peu d’études comparatives aient été publiées (Chessik, Allen, Thase et al., 2006).
Jugement
clinique
Autres indications potentielles
La buspirone peut s’avérer utile comme traitement adjuLuc Tougas est âgé de 42 ans. Il est traité avec de vant du trouble dépressif la buspirone 15 mg b.i.d. depuis un peu plus de caractérisé, en combinaison 1 mois pour un TAG. Il dit qu’il ne voit pas beaucoup avec un antidépresseur. Des de changement dans son état depuis qu’il prend études ont prouvé son efcace médicament. Sa dose devrait-elle être augmencité dans le trai tement tée ? Justiez votre réponse. d’autres troubles anxieux que le TAG (p. ex., le trouble obsessionnel-compulsif, l’anxiété sociale), ainsi que dans le traitement du trouble dysphorique prémenstruel et des troubles du comportement associés à la démence ou à un trauma craniocérébral (Loane & Politis, 2012 ; Virani et al., 2012).
Pharmacocinétique et posologie Les principales caractéristiques pharmacocinétiques de la buspirone sont présentées en n de section, dans le TABLEAU 21.15. La dose de départ recommandée pour la buspirone dans le traitement du TAG est de 10 à 15 mg par jour, administrée en 2 ou 3 prises. La dose peut ensuite être augmentée de 5 mg tous les 2 ou 3 jours. La dose maximale recommandée est de 45 mg par jour, en 2 ou 3 prises. À cause de son long délai d’action, la buspirone est
606
Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
inefcace lorsqu’elle est prise « au besoin » (APhC, 2012 ; Virani et al., 2012).
Effets indésirables Les principaux effets indésirables de la buspirone comprennent les étourdissements, les céphalées et les nausées. La sédation ou l’insomnie peuvent survenir chez un nombre restreint de clients recevant de la buspirone. Aucun symptôme de retrait n’a été décrit au moment de l’arrêt brusque de la buspirone (APhC, 2012 ; Virani et al., 2012).
Contre-indications La buspirone est contre-indiquée chez les clients atteints d’insufsance hépatique ou rénale grave (APhC, 2012).
Interactions Lorsqu’elle est combinée à un antidépresseur de la famille des ISRS, la buspirone peut précipiter l’apparition d’un syndrome sérotoninergique, déni dans la quatrième section de ce chapitre. Les concentrations sériques et les effets indésirables peuvent également être augmentés par certains médicaments et aliments inhibant son métabolisme, tels la clarithromycine (Biaxinmd), le vérapamil (Isoptinmd) et le jus de pamplemousse (Virani et al., 2012).
Soins et traitements inrmiers L’indication thérapeutique principale de la buspirone est le traitement du TAG. Contrairement aux benzodiazépines, la buspirone n’entraîne pas de sédation ou de dépression du SNC ni de symptômes de sevrage à l’arrêt du traitement. Cependant, son délai d’action plus long oblige le client à une prise de médication régulière et exclut son administration « au besoin ». L’inrmière avise le client des effets indésirables possibles, soit les étourdissements, les céphalées, les nausées et parfois l’insomnie. Elle l’informe de ne pas prendre la buspirone avec du jus de pamplemousse et certains antibiotiques, pour éviter l’apparition d’autres effets indésirables.
21.6.3
Hypnotiques non benzodiazépiniques
Cette classe de médicaments comprend le zolpidem (Sublinoxmd) et la zopiclone (Imovanemd). Bien que leurs propriétés pharmacologiques soient similaires à celles des benzodiazépines, leur structure ne s’apparente pas à celle de ces dernières. Leur avantage par rapport aux benzodiazépines réside dans un risque diminué d’insomnie de rebond, de dépendance et d’effets indésirables de privation. Le principal inconvénient du zolpidem et de la zopiclone est leur coût élevé par rapport à celui des benzodiazépines (Greenblatt & Roth, 2012 ; Zammit, 2009).
Le zolpidem et la zopiclone sont des agonistes non benzodiazépiniques des récepteurs GABAA. Ils se lient à une sous-unité propre à ces récepteurs et potentialisent l’effet du GABA, ce qui leur confère des effets hypnotiques. Contrairement aux benzodiazépines, le risque de consommation excessive est faible. Ils ne possèdent pas de propriétés myorelaxantes, anticonvulsivantes ou anxiolytiques notables (Greenblatt & Roth, 2012).
Indications La seule indication reconnue pour le zolpidem et la zopiclone est le traitement de courte durée de l’insomnie (APhC, 2012).
Efcacité clinique Les hypnotiques non benzodiazépiniques ont été démontrés supérieurs à un placebo pour l’induction du sommeil chez des clients souffrant d’insomnie. Cependant, cette classe d’hypnotiques ne s’est pas toujours révélée plus efcace qu’un placebo pour le maintien du sommeil. L’efcacité de la zopiclone, du zolpidem et des benzodiazépines est similaire (Greenblatt & Roth, 2012).
Autres indications potentielles Le zolpidem pourrait améliorer l’aphasie chez certains clients ayant subi un accident vasculaire cérébral, ainsi que la perfusion cérébrale chez ceux qui se trouvent dans un état neurovégétatif (de Boissezon, Peran, de Boysson et al., 2007 ; Nyakale, Clauss, Nel et al., 2010). Il serait également efcace dans le traitement du syndrome des jambes sans repos (Trenkwalder, Hening, Montagna et al., 2008). Aucune indication autre que l’insomnie ne semble avoir fait l’objet d’études pour la zopiclone.
Pharmacocinétique et posologie Bien que leur mécanisme d’action soit similaire, les propriétés pharmacocinétiques des hypnotiques non benzodiazépiniques diffèrent légèrement et sont comparées dans le TABLEAU 21.15. La posologie de départ recommandée pour la zopiclone chez les adultes est de 3,75 mg immédiatement avant le coucher. Cette dose peut être augmentée jusqu’à 7,5 mg au besoin, mais elle ne devrait pas dépasser 5 mg chez les personnes âgées (APhC, 2012). Pour le zolpidem, la dose initiale recommandée est de 5 mg pour les femmes et de 5 ou 10 mg pour les hommes au coucher, par voie sublinguale, à ne pas répéter en cours de nuit. La dose maximale est de 10 mg. La dose ne peut être fractionnée, les comprimés de zolpidem n’étant pas sécables (APhC, 2012).
Effets indésirables Les effets indésirables du zolpidem comprennent des étourdissements, des céphalées, des dérangements gastro-intestinaux, des nausées et une légère
amnésie antérograde. Il existe un risque d’hallucinations avec un dosage supérieur à 10 mg par jour, qui est supérieur aux recommandations (Greenblatt & Roth, 2012 ; Zammit, 2009). L’effet indésirable le plus fréquent de la zopiclone est une perturbation du goût (goût amer). Elle peut également entraîner une sécheresse de la bouche, des étourdissements, des céphalées et, rarement, des troubles de la mémoire (Zammit, 2009).
Amnésie antérograde : Incapacité de se rappeler ou de reconnaître une nouvelle information ou de nouveaux événements survenus après le début de l’amnésie.
clinique
De rares cas de somnambulisme ont été décrits avec les hypnotiques non benzodiazéClémence Saint-Jean est âgée de 48 ans. Elle prend piniques, surtout dans des de la zopiclone 5 mg h.s. depuis 3 jours. Comme elle contextes impliquant la présente des symptômes d’allergie saisonnière, elle consommation concomitante prend depuis 1 mois de la diphenhydramine 25 mg q.6 h. La cliente se plaint de sécheresse buccale. d’un autre dépresseur du SNC Comment est-il possible de déterminer si cet effet (Greenblatt & Roth, 2012 ; indésirable est dû à l’hypnotique non benzodiazépiZammit, 2009). Bien que peu nique ou à l’antihistaminique ? susceptibles d’entraîner une dépendance, les hypnotiques non benzodiazépiniques peuvent quelquefois donner lieu à des symptômes de sevrage, ou syndrome de retrait, lorsqu’ils sont cessés abruptement. Ces symptômes comprennent l’insomnie, l’anxiété, les étourdissements et les nausées (Virani et al., 2012 ; Zammit, 2009).
Jugement
Mécanisme d’action
Contre-indications Le zolpidem et la zopiclone sont tous deux contreindiqués chez les clients présentant une insufsance hépatique grave. La zopiclone est de plus contre-indiquée chez les clients atteints de myasthénie grave et d’apnée du sommeil (APhC, 2012).
Interactions Les principales interactions médicamenteuses impliquant les hypnotiques non benzodiazépiniques surviennent avec l’usage concomitant d’autres dépresseurs du SNC, y compris l’alcool. Les effets dépresseurs des divers agents impliqués sont alors potentialisés (Zammit, 2009).
21 Soins et traitements inrmiers L’inrmière évalue les habitudes de sommeil du client et encourage de saines habitudes de sommeil ainsi que des options de remplacement à la prise de zolpidem ou de zopiclone, puisque ces hypnotiques non benzodiazépiniques sont efcaces pour l’insomnie de courte durée. Elle avise le client de certains effets désagréables comme la perception d’amertume persistante dans la bouche, la sécheresse buccale et des perturbations de la fonction digestive. Elle informe le client de s’abstenir de consommer de l’alcool conjointement avec la prise de zopiclone, pour éviter de potentialiser les effets dépresseurs du SNC, particulièrement chez les personnes faisant de l’apnée du sommeil et chez les personnes âgées.
Chapitre 21
Psychopharmacothérapie et autres thérapies biologiques
607
21.6.4
Autres anxiolytiques et hypnotiques
L’hydrate de chloral est utilisé comme hypnotique, pour soulager l’insomnie et comme sédatif préopératoire (APhC, 2012 ; Virani et al., 2012).
Divers autres produits appartenant à des classes pharmacologiques différentes sont utilisés pour le traitement de l’anxiété et de l’insomnie. Parmi eux gurent les antihistaminiques, comme la diphenhydramine (Benadrylmd, Nytolmd, Unisommd), l’hydroxyzine (Atarax md ) et la prométhazine (Histantilmd, Phenerganmd), ainsi que l’hydrate de chloral (Noctecmd).
Efcacité clinique Les antihistaminiques et l’hydrate de chloral sont reconnus pour favoriser l’endormissement, pour aider au maintien du sommeil en diminuant le nombre d’éveils nocturnes et pour augmenter la qualité globale du sommeil. Ces effets sont toutefois de courte durée ; une tolérance à l’effet sédatif des antihistaminiques et de l’hydrate de chloral apparaît souvent après deux semaines d’administration (Meolie et al., 2005 ; Virani et al., 2012).
Mécanismes d’action Tolérance croisée : Tolérance d’un organisme qui s’étend à d’autres produits après exposition durable à un produit particulier et qui nécessite d’augmenter la dose dès la première administration pour retrouver l’effet désiré.
Les antihistaminiques provoquent leurs effets sédatifs en agissant comme antagonistes des récepteurs H1. Le mécanisme d’action de l’hydrate de chloral, lui, demeure inconnu. Son métabolite actif, le trichloroéthanol, procure l’effet hypnotique et est responsable de la tolérance croisée avec l’alcool (Meolie, Rosen, Kristo et al., 2005 ; Virani et al., 2012).
Pharmacocinétique et posologie Les propriétés pharmacocinétiques des antihistaminiques et de l’hydrate de chloral sont présentées dans le TABLEAU 21.15. La posologie recommandée pour la diphenhydramine et la prométhazine dans le traitement de l’insomnie est de 25 à 50 mg au coucher. Pour le traitement de l’anxiété, la dose de prométhazine suggérée est de 25 à 50 mg toutes les 4 à 6 heures, sans toutefois dépasser 100 mg par jour. Pour l’hydroxyzine, dans le traitement de l’anxiété, une dose de 50 à 100 mg est recommandée, 4 fois par jour. La dose hypnotique d’hydrate de chloral suggérée chez l’adulte est de 500 à
Indications La diphenhydramine est indiquée pour le traitement de l’insomnie et est offerte en vente libre, alors que l’hydroxyzine est prescrite pour le soulagement de l’anxiété. La prométhazine est à la fois indiquée pour le traitement de l’insomnie et de l’anxiété, ainsi que comme agent facilitateur de l’anesthésie.
Psychopharmacothérapie TABLEAU 21.15
Principales caractéristiques des anxiolytiques et hypnotiques
NOM GÉNÉRIQUE
NOMS COMMERCIAUX
DOSE ÉQUIVALENTE (mg)
GAMME POSOLOGIQUE (mg/j)
Alprazolam
Xanaxmd, génériques
0,5
Bromazépam
Lectopammd, génériques
Chlordiazépoxide
a
DÉLAI D’ACTION
DEMI-VIE (heures)
PRÉSENTATIONS OFFERTES
0,75-4 (4-10 pour le trouble panique)
15-30 min
12-15
Comprimé
3
6-30
15-30 min
8-30
Comprimé
Libriummd, génériques
10
25-200
15-30 min
5-30
Capsule
Clonazépam
Rivotrilmd, génériques
0,5
1-8
30-60 min
20-50
Comprimé
Clorazépate
Tranxenemd, génériques
7,5
7,5-90
30-60 min
20-80
Capsule
Diazépam
Valiummd, génériques
5
2-40
5-15 min
20-80
Comprimé, injectable, liquide oral, gel rectal
Flurazépam
Dalmanemd, génériques
15
15-30
30-60 min
40-100
Capsule
Benzodiazépines
608
Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
TABLEAU 21.15
Principales caractéristiques des anxiolytiques et hypnotiques (suite)
NOM GÉNÉRIQUE
NOMS COMMERCIAUX
DOSE ÉQUIVALENTE (mg)
GAMME POSOLOGIQUE (mg/j)
Lorazépam
Ativanmd, génériques
1
Midazolam
Versedmd, génériques
Nitrazépam
Mogadonmd, génériques
Oxazépam
a
DÉLAI D’ACTION
DEMI-VIE (heures)
PRÉSENTATIONS OFFERTES
0,5-10
15-30 min
10-20
Comprimé, comprimé sublingual, injectable
1,5-6
1-5 min
1-4
Injectable
5
5-10
30-60 min
15-50
Comprimé
Seraxmd, génériques
15
10-120
30-60 min
5-20
Comprimé
Témazépam
Restorilmd, génériques
15
15-30
30-60 min
10-20
Capsule
Triazolam
Halcionmd, génériques
0,25
0,125-0,25
15-30 min
1,5-5
Comprimé
10-45
1-4 sem
2-4
Comprimé
5-10
30 min
1,5-4
Comprimé
3,75-7,5
30 min
4-6
Comprimé
25-50
60-90 min
3-9
Comprimé, capsule, liquide oral, injectable
–
Buspirone Buspirone
BuSparmd, génériques
–
Hypnotiques non benzodiazépiniques Zolpidem
Sublinoxmd
–
Zopiclone
Imovanemd, génériques
–
Autres anxiolytiques et hypnotiques Antihistaminiques Diphenhydramine
Benadrylmd, Nytolmd, Unisommd, génériques
–
Hydroxyzine
Ataraxmd, génériques
–
Prométhazine
Histantilmd, Phenerganmd, génériques
–
21
25-400
15-30 min
3-7
Capsule, liquide oral, injectable
25-100
30-60 min
9-16
Comprimé, liquide oral, injectable
500-1 000
15-30 min
4-10
Capsule, liquide oral
Hydrate de chloral Hydrate de chloral
Noctecmd, génériques
–
a
Pour le traitement de l’anxiété et de l’insomnie. Sources : Adapté de APhC (2012) ; Virani et al. (2012).
Chapitre 21
Psychopharmacothérapie et autres thérapies biologiques
609
1 000 mg, de 15 à 30 minutes avant le coucher (APhC, 2012 ; Virani et al., 2012).
21.7
Effets indésirables Les antihistaminiques, à cause de leurs propriétés anticholinergiques, peuvent causer de la sécheresse de la bouche, de la constipation, de la rétention urinaire et une vision trouble. Ils peuvent également provoquer des étourdissements, de la somnolence diurne, des palpitations et des nausées. Dans de rares cas, les antihistaminiques peuvent donner lieu à des réactions paradoxales et entraîner une hyperexcitabilité et de l’insomnie (APhC, 2012 ; Virani et al., 2012). Les effets indésirables de l’hydrate de chloral comprennent les dérangements gastro-intestinaux, les nausées, les vomissements, l’ataxie, la confusion, les céphalées, les cauchemars et les éruptions cutanées (APhC, 2012 ; Virani et al., 2012).
Contre-indications Les antihistaminiques sont contre-indiqués chez les clients comateux ou ayant reçu de fortes doses d’un autre dépresseur du SNC. Il faut de plus éviter d’administrer ces médicaments aux personnes âgées, à cause de leurs effets anticholinergiques. L’hydrate de chloral est contre-indiqué chez les clients atteints d’une insufsance hépatique ou rénale grave (APhC, 2012 ; Virani et al., 2012).
Interactions La prise conjointe d’antihistaminiques ou d’hydrate de chloral avec d’autres agents dépresseurs du SNC doit être évitée, à cause du risque de dépression respiratoire et de somnolence importante qui peut s’ensuivre. Les antihistaminiques peuvent avoir des effets additifs s’ils sont administrés de façon concomitante avec d’autres agents ayant des propriétés anticholinergiques. L’hydrate de chloral peut également augmenter le temps de saignement chez les clients qui reçoivent de la warfarine (Coumadin md) (APhC, 2012 ; Virani et al., 2012).
Soins et traitements inrmiers Plusieurs de ces autres anxiolytiques et hypnotiques étant vendus sans ordonnance, l’inrmière s’assure de la compréhension de la médication par le client et de son utilisation à bon escient. Elle s’intéresse aux comorbidités et à la médication actuelle du client pour éviter les effets ou les interactions indésirables. Les personnes âgées sont particulièrement susceptibles d’en subir des effets négatifs (Hilmer, Mager, Simonsick et al., 2009).
610
Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
Psychostimulants, atomoxétine et guanfacine
La classe des psychostimulants comprend : • les dérivés d’amphétamine tels que la dextroamphétamine (Dexedrinemd), la lisdexamfétamine (Vyvanse md) et les sels mixtes d’amphétamine (Adderall XRmd) ; • le méthylphénidate (Ritalinmd, Biphentin md, Concertamd). Les psychostimulants sont des médicaments contrôlés au Canada, c’est-à-dire régis par la Loi sur les drogues et substances contrôlées, à cause des effets euphorisants qu’ils peuvent produire et, par le fait même, des risques d’abus et de dépendance associés (C.R.C., ch. 1041). L’atomoxétine (Stratteramd), un inhibiteur du recaptage de la noradrénaline, ne fait pas partie de la classe des psychostimulants, bien qu’elle soit utilisée pour des indications similaires. L’atomoxétine n’est pas un médicament contrôlé. Il en est de même pour la guanfacine (Intuniv XR md ), un antagoniste sélectif des récepteurs alpha- adrénergiques, qui est utilisée comme agent de deuxième intention ou d’appoint pour le trouble de décit de l’attention avec ou sans hyperactivité.
21.7.1
Mécanismes d’action
Les dérivés d’amphétamine et le méthylphénidate bloquent le recaptage de la dopamine et de la noradrénaline, en plus d’entraîner une libération, dans la fente synaptique, de la noradrénaline et de la dopamine contenues dans les neurones. L’augmentation de la concentration de ces neurotransmetteurs dans la synapse provoque une hausse du niveau d’énergie et de l’activité psychomotrice (Heal, Cheetham & Smith, 2009). L’atomoxétine est un inhibiteur sélectif du recaptage de la noradrénaline, et elle augmente ainsi la concentration de cette dernière dans la fente synaptique. L’atomoxétine n’inhibe pas le recaptage de la dopamine et de la sérotonine de façon notable (Heal et al., 2009). La guanfacine est un agoniste sélectif des récepteurs alpha-adrénergiques. Son mode d’action formel dans le traitement du TDA/H n’est pas très bien déni.
21.7.2
Indications
Les dérivés d’amphétamine, le méthylphénidate, l’atomoxétine et la guanfacine sont tous indiqués pour le traitement du TDA/H. Le méthylphénidate est également utilisé pour le traitement de la narcolepsie (APhC, 2012).
21.7.3
Efcacité clinique
Les symptômes du TDA/H répondent rapidement au traitement avec les psychostimulants (soit les dérivés d’amphétamine et le méthylphénidate) chez plus de 75 % des enfants atteints (CADDRA, 2011) 25 . L’atomoxétine est reconnue comme étant moins efcace que les dérivés d’amphétamine et le méthylphénidate. Elle demeure toutefois une option thérapeutique valable pour plusieurs clients, en particulier ceux qui éprouvent des effets indésirables importants avec les psychostimulants ou qui ont un trouble lié à une substance comme l’abus ou la dépendance (Garnock-Jones & Keating, 2010). Ces considérations sont aussi valables pour la guanfacine.
21.7.4
Autres indications potentielles
Les psychostimulants sont quelquefois prescrits hors indication pour le traitement adjuvant du trouble dépressif caractérisé réfractaire (en combinaison avec un antidépresseur), pour le traitement de l’obésité, chez les clients ayant subi un trauma craniocérébral qui ont des problèmes cognitifs ou comportementaux, ainsi que pour le soulagement de l’asthénie chez les personnes âgées ou atteintes de maladies graves (Virani et al., 2012). L’atomoxétine a fait l’objet de quelques études pour des indications autres que le traitement du TDA/H, dont le traitement adjuvant du trouble dépressif caractérisé, de certains troubles anxieux et des troubles neurocognitifs (Beglinger, Adams, Paulson et al., 2009 ; Friedman, Carpenter, Lu et al., 2009 ; Michelson, Adler, Amsterdam et al., 2007 ; Mohs, Shiovitz, Tariot et al., 2009 ; Ravindran, Kim, Letamendi et al., 2009 ; Weintraub, Mavandadi, Mamikonyan et al., 2010). Son efcacité dans le traitement de ces conditions médicales reste cependant à démontrer. La guanfacine pourrait quant à elle s’avérer utile dans le traitement des tics et du syndrome Gilles de la Tourette, bien que ce ne soient pas des indications ofcielles au Canada. Elle est également utilisée comme traitement contre l’hypertension artérielle ailleurs dans le monde.
21.7.5
Pharmacocinétique et posologie
Bien que leur mécanisme d’action soit similaire, les propriétés pharmacocinétiques des psychostimulants et de l’atomoxétine diffèrent sensiblement. La guanfacine se distingue également des autres produits par ses caractéristiques pharmacocinétiques TABLEAU 21.16.
21.7.6
Effets indésirables
Les principaux effets indésirables communs des psychostimulants, de l’atomoxétine et de la guanfacine comprennent les nausées, les vomissements, les
douleurs abdominales et la perte d’appétit. Les stimulants et l’atomoxétine peuvent provoquer de l’insomnie ainsi qu’une augmentation transitoire en début de traitement de la P.A. et de la F.C. (CADDRA, 2011). En 2006, Santé Canada a émis un avis concernant les risques d’apparition de problèmes cardiovasculaires rares, mais graves, voire mortels, liés à la prise de ces médicaments (p. ex., l’infarctus du myocarde, la mort subite). Depuis, les médecins doivent questionner les clients ou leurs parents sur les antécédents personnels et familiaux de maladies cardiovasculaires, sur la prise potentielle d’autres médicaments touchant le système sympathique (sympathomimétiques) et sur les activités physiques intensives avant de prescrire ces médicaments. Au besoin, une consultation en cardiologie peut être demandée chez les clients exposés à des facteurs de risque (CADDRA, 2011 ; Santé Canada, 2006).
25 Le TDA/H est décrit dans le chapitre 25, Enfants et adolescents.
La guafacine peut quant à elle entraîner une diminution de la F.C. et de la pression artérielle, surtout lors du premier mois de traitement. D’autres effets cardiovasculaires peu fréquents mais potentiellement graves peuvent aussi se produire (p. ex., des arythmies), requérant ainsi une surveillance adéquate au moment de l’initiation du traitement. Les effets indésirables propres aux psychostimulants incluent l’anxiété, l’irritabilité, l’apparition ou l’aggravation de tics, la perte de poids et le ralentissement de la croissance. Il est possible de minimiser ces deux derniers effets indésirables en donnant la médication au moment des repas, en offrant de petits repas plus fréquents ou encore des suppléments alimentaires au client. Avec le temps, les effets sur le poids et la croissance ont tendance à s’estomper. Les psychostimulants sont également susceptibles d’être utilisés abusivement en raison de leurs effets euphorisants. L’administration de présentations à longue durée d’action réduit cependant les risques d’abus (CADDRA, 2011). L’atomoxétine peut également provoquer des céphalées, des étourdissements, une rhinite, une sécheresse de la bouche et de la constipation. En 2005, l’atomoxétine a fait l’objet d’un avis de Santé Canada concernant l’apparition de sentiments inhabituels d’agressivité, d’hostilité et d’anxiété pouvant mener à de l’impulsivité, à des pensées suicidaires et à des comportements automutilatoires. Il faut donc surveiller étroitement les clients qui en prennent, surtout en début de traitement, quant à l’apparition d’effets inhabituels sur le comportement (CADDRA, 2011 ; Santé Canada, 2005).
21
La guanfacine peut entraîner des céphalées, des étourdissements, de la fatigue, de la sédation, de la somnolence et des douleurs abdominales. Des manifestations psychotiques ou maniaques ont aussi été rapportées avec ce produit chez des enfants et adolescents qui ne présentaient pas de tels antécédents. On devrait donc surveiller ces manifestations chez les clients. Chapitre 21
Psychopharmacothérapie et autres thérapies biologiques
611
Psychopharmacothérapie TABLEAU 21.16
Principales caractéristiques des psychostimulants, de l’atomoxétine et de la guanfacine a
NOM GÉNÉRIQUE
NOMS COMMERCIAUX
DÉBUT D’ACTION
DURÉE D’ACTION (heures)
GAMME POSOLOGIQUE (mg/j)
PRÉSENTATIONS OFFERTES
Atomoxétine
Stratteramd, génériques
1-4 sem
24
10-60
Capsule
Dextroamphétamine
Dexedrinemd, Dexedrine Spansulemd
0,5-2 h
4-6 ; 6-8 (Spansulemd)
5-40
Comprimé, capsule à libération prolongée (Spansulemd) (50 % de la dose libérés immédiatement avec effet graduel de l’autre 50 % de la dose)
Guanfacine
Intuniv XRmd
2-4 sem
24
1-4
Comprimé à libération prolongée
Lisdexamfétamineb
Vyvansemd
0,5-2 h
13-14
20-60
Capsule
Méthylphénidate
Ritalinmd, Ritalin SRmd, génériques
0,5-2 h
3-5 ; 3-8 (SR)
10-60
Comprimé, comprimé à libération prolongée (SR) (libération lente et continuelle, souvent erratique)
Biphentinmd
0,5-2 h
10-12
10-60
Capsule à libération contrôlée (40 % de la dose libérés immédiatement avec effet graduel de 60 % de la dose)
Concertamd, génériques
0,5-2 h
10-12
18-72
Comprimé à libération prolongée (22 % de la dose libérés immédiatement avec effet graduel de 78 % de la dose)
Adderall XRmd
0,5-2 h
12
5-30
Capsule à libération prolongée (50 % de la dose libérés immédiatement avec effet graduel de l’autre 50 % de la dose)
Sels mixtes d’amphétamine
a
Enfants de 40 kg ou moins. La lisdexamfétamine est inactive en soi ; elle est transformée en dextroamphétamine par des enzymes sanguines. Source : Adapté de CADDRA (2011). b
Il n’est pas recommandé de cesser brusquement les psychostimulants après un traitement de longue durée. Des symptômes de sevrage (ou syndrome de retrait) tels que la dysphorie, l’irritabilité, une augmentation de l’appétit et des besoins en sommeil, ainsi que des symptômes rebond du TDA/H peuvent alors apparaître, particulièrement chez les clients ayant reçu une présentation à courte durée d’action. L’administration de l’atomoxétine peut cependant être cessée sans procéder à une réduction graduelle de la dose (Virani et al., 2012). L’arrêt de la guanfacine devrait s’effectuer graduellement, en réduisant la dose de 1 mg tous les 3 à 7 jours environ. Ce sevrage réduit les risques de nervosité et d’anxiété que comporte un arrêt brusque. Il permet également de réduire le risque d’hypertension et de tachycardie rebonds. La pression artérielle et le pouls devraient être monitorés étroitement lors de l’arrêt du traitement.
612
Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
21.7.7
Contre-indications
Les psychostimulants, l’atomoxétine et la guanfacine sont contre-indiqués chez les clients ayant une maladie cardiaque symptomatique, de l’artériosclérose avancée, une hypertension artérielle de modérée à grave, un glaucome à angle fermé, un phéochromocytome, une hyperthyroïdie non maîtrisée et chez ceux qui reçoivent un IMAO. Les psychostimulants sont également contre-indiqués chez les clients atteints d’anxiété importante, d’un trouble lié à une substance (abus ou dépendance), d’un état d’agitation ou de tics moteurs ou vocaux (APhC, 2012).
21.7.8
Interactions
La prise concomitante de psychostimulants et d’atomoxétine peut entraîner une augmentation importante de la P.A. et une tachycardie. Certains
Soins et traitements inrmiers L’inrmière suit régulièrement les enfants et les adolescents atteints du TDA/H et qui prennent de la médication ENCADRÉ 21.13. Elle évalue leurs signes vitaux en début de traitement en raison de l’augmentation transitoire de la P.A. et de la F.C. Les médicaments stimulants comme le méthylphénidate peuvent entraîner des effets indésirables sur l’appétit, le sommeil et provoquer de l’agitation. De plus, les enfants et les adolescents peuvent acquérir de nouveaux tics ou voir leurs tics légers préexistants s’aggraver. L’atomoxétine peut également augmenter les pensées suicidaires chez certains enfants et adolescents. Si cela se produit, il est impératif que l’inrmière cesse l’administration du médicament en question, qu’elle s’assure de la sécurité du client, qu’elle documente ses observations et avertisse le médecin. Une modication de la posologie ou l’interruption dénitive de la médication sont souvent nécessaires.
21.8
Agents procognitifs
Les agents procognitifs regroupent des médicaments utilisés principalement pour le traitement des troubles neurocognitifs, en particulier la maladie d’Alzheimer. Bien qu’ils ne guérissent ni ne freinent la maladie, ils peuvent toutefois stabiliser, voire améliorer de façon modeste et transitoire les fonctions cognitives des clients atteints (Massoud & Léger, 2011). Les agents procognitifs offerts au Canada comprennent trois inhibiteurs de cholinestérases et la mémantine.
21.8.1
Inhibiteurs de cholinestérases
Cette classe de médicaments comprend le donépézil (Ariceptmd), la galantamine (Reminyl ERmd) et la rivastigmine (Exelonmd). Ils sont principalement utilisés dans le but d’améliorer les fonctions cognitives et le fonctionnement global chez les clients atteints de la maladie d’Alzheimer (Rodda & Carter, 2012).
Mécanisme d’action
17 Le rôle de la neurotrans mission dans la maladie d’Alzheimer est précisé dans le chapitre 17, Trou bles neurocognitifs.
La réduction de la neurotransmission cholinergique est associée à la détérioration des fonctions cognitives observée dans la maladie d’Alzheimer 17 . Les inhibiteurs de cholinestérases entraînent une augmentation des taux d’acétylcholine dans la fente synaptique en inhibant de manière réversible Simon Robitaille est un jeune garçon âgé de sept les deux principales enzymes ans atteint de TDA/H. Il prend du méthylphénidate responsables de sa dégradation, 5 mg b.i.d. À quel moment devrait-il prendre sa l’acétylcholinestérase et la médication pour être le plus attentif possible en butyrylcholinestérase (Massoud classe ? & Léger, 2011).
clinique
Jugement
anticonvulsivants, comme la carbamazépine et la phénytoïne, peuvent accélérer le métabolisme des psychostimulants, réduisant ainsi leur durée d’action. L’excrétion des amphétamines peut être augmentée par la consommation de jus de fruits acides et de vitamine C, ce qui peut réduire leur efcacité. Bien qu’une prise avec de la nourriture puisse retarder l’absorption des psychostimulants et de l’atomoxétine, leur efcacité n’en est pas pour autant compromise (Virani et al., 2012). Il existe de multiples interactions médicamenteuses potentielles avec la guanfacine. Entre autres, il est préférable d’éviter l’administration concomitante de la guanfacine et des inhibiteurs puissants du CYP3A4 (comme le kétoconazole) et des inducteurs puissants de cette même enzyme (comme la rifampicine). Il est également recommandé d’éviter l’administration de la guanfacine avec les produits qui ralentissent la fréquence cardiaque (comme les bêtabloquants) et les produits qui allongent l’intervalle QT (par exemple, la ziprasidone ou la uoxétine). Pour réduire les risques d’hypotension, il est suggéré d’utiliser avec prudence les agents anti-hypertenseurs lorsque la guanfacine est administrée. De même, les médicaments dépresseurs du système nerveux central pourraient augmenter les risques de sédation et de somnolence. Enn, la guanfacine ne doit pas être administrée avec un repas riche en matières grasses, qui hausserait l’absorption et la concentration sanguine du médicament. La consommation de pamplemousse doit aussi être évitée, car elle pourrait augmenter les concentrations du médicament.
Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 21.13
Traitement du trouble de décit de l’attention/ hyperactivité à l’aide de psychostimulants
Les parents et l’enfant atteint de TDA/H devraient être informés que les effets bénéques de la médication commencent à être observables après plus de trois jours de traitement. Pendant les trois premiers jours, il est possible que l’enfant démontre plutôt une aggravation des symptômes, surtout en milieu de journée. Il est donc recommandé que celui-ci commence sa médication deux semaines avant la rentrée scolaire, pour stabiliser son état avant le stress normal associé à celle-ci. Pour la même raison, il n’est pas recommandé de cesser la médication pendant les ns de semaine, les congés ou les vacances (Venter, 2004).
Chapitre 21
21
Une discussion avec l’enseignant est souhaitable, particulièrement si la prise de psychostimulants se fait durant l’année scolaire (Salmeron, 2009). L’inrmière peut suggérer de tenir un journal des symptômes positifs et négatifs durant les premières semaines de la prise du médicament. Elle avise l’enfant et ses parents que les effets indésirables les plus fréquents sont liés à l’anorexie, dans les premiers jours, et à l’insomnie, dans les trois premiers mois. Pour diminuer les troubles de l’alternance veille-sommeil, la dernière dose de la journée devrait être prise de quatre à six heures avant le coucher (Lilley, 2011).
Psychopharmacothérapie et autres thérapies biologiques
613
Indications
Pharmacocinétique et posologie
Les inhibiteurs de cholinestérases sont indiqués pour le traitement de la maladie d’Alzheimer, de phase légère à modérée. Le donépézil est également indiqué pour le traitement de cette maladie en phase sévère. De plus, la rivastigmine est utilisée pour le traitement du trouble neurocognitif grave dû à la maladie de Parkinson (APhC, 2012 ; Virani et al., 2012).
Bien que leur mécanisme d’action soit similaire, les propriétés pharmacocinétiques des inhibiteurs de cholinestérases diffèrent TABLEAU 21.17.
Efcacité clinique Les inhibiteurs de cholinestérases procurent un soulagement des symptômes de la maladie d’Alzheimer sans toutefois arrêter ou renverser le cours de la maladie. Seulement de 30 à 40 % des clients atteints de la maladie d’Alzheimer obtiennent une réponse clinique, souvent modeste, à la suite de l’utilisation d’un inhibiteur de cholinestérases (Atri, 2011 ; Massoud & Léger, 2011). En cas de nonréponse ou d’effets indésirables importants, le passage d’un inhibiteur de cholinestérases à un autre peut s’avérer une stratégie valable. Des doses plus élevées seraient également associées à une meilleure réponse clinique (Atri, 2011). Une augmentation progressive de la dose est recommandée avec cette classe de médicaments, an de minimiser les effets indésirables (Lockhart, Mitchell, Kelly et al., 2009).
Autres indications potentielles Bien que Santé Canada n’ait pas approuvé ces indications, les inhibiteurs de cholinestérases peuvent être efcaces pour le traitement du trouble neurocognitif vasculaire, du trouble neurocognitif avec corps de Lewy et du trouble neurocognitif dû à des étiologies multiples (Lerner, 2010). L’utilisation de certains inhibiteurs de cholinestérases est envisagée pour traiter les problèmes cognitifs associés à la sclérose en plaques et les symptômes cognitifs liés à la schizophrénie (Lerner, 2010). Le donépézil a par ailleurs été utilisé avec succès pour la prévention de la confusion secondaire à l’électroconvulsivothérapie, décrite dans la neuvième section de ce chapitre (Lerner, 2010).
Effets indésirables Les principaux effets indésirables des inhibiteurs de cholinestérases sont de nature gastro-intestinale. Les nausées, les vomissements, la diarrhée, les douleurs abdominales et la perte d’appétit (quelquefois associée à une chute de poids) sont parmi les effets indésirables les plus fréquents. Des étourdissements sont également souvent observés. La rivastigmine administrée par voie transdermique (Exelon Patchmd) est associée à une plus faible fréquence d’effets indésirables gastro-intestinaux. La prise de donépézil a par ailleurs été associée à la survenue de cauchemars, de bradycardie et de syncope (Rodda & Carter, 2012 ; Virani et al., 2012). An d’éviter une détérioration subite des fonctions cognitives ou du comportement à l’arrêt du traitement, il est recommandé de diminuer la dose de l’inhibiteur de cholinestérases de 25 à 50 % par semaine ou toutes les deux semaines (Virani et al., 2012).
Contre-indications La galantamine est contre-indiquée chez les clients atteints d’une insufsance hépatique ou rénale grave. Il n’existe aucune autre contre-indication absolue pour les autres inhibiteurs de cholinestérases. Cependant, à cause de leurs effets cholinomimétiques, ces médicaments doivent être prescrits avec prudence chez les clients ayant des antécédents de maladie pulmonaire obstructive chronique, d’asthme, de certaines maladies cardiovasculaires (p. ex., l’angine instable, l’insufsance cardiaque, le bloc auriculoventriculaire), d’épilepsie, d’ulcère peptique ou de rétention urinaire, ou étant atteints de ces affections (Jones, 2010 ; Rodda & Carter, 2012 ; Virani et al., 2012).
Psychopharmacothérapie TABLEAU 21.17
Principales caractéristiques des inhibiteurs de cholinestérases
NOM GÉNÉRIQUE
NOM COMMERCIAL
GAMME POSOLOGIQUE (mg/j)
PIC D’ACTION (heures)
PRÉSENTATIONS OFFERTES
Donépézil
Ariceptmd
5-10
3-4
Comprimé, comprimé à dissolution rapide
Galantamine
Reminyl ERmd, génériques
8-24
4,5-5
Capsule
Rivastigmine
Exelonmd, génériques
3-12 (voie orale) 5-15 (voie transdermique)
1,4-2,6 (forme orale) 10-16 (timbre)
Capsule, liquide oral, timbre transdermique
a
Le pic d’action est associé au moment d’apparition de la majorité des effets indésirables. Sources : Adapté de APhC (2012) ; Virani et al. (2012).
614
Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
a
L’utilisation concomitante de médicaments anticholinergiques (p. ex., la benztropine, la procyclidine, la diphenhydramine) avec les inhibiteurs de cholinestérases réduit substantiellement l’efcacité de ces derniers, étant donnés leurs mécanismes d’action opposés. De plus, la combinaison d’un inhibiteur de cholinestérases et d’un bêtabloquant peut entraîner une bradycardie importante. Comme plusieurs personnes âgées sont conjointement atteintes de la maladie d’Alzheimer et de problèmes cardiaques nécessitant des bêtabloquants, ces associations médicamenteuses sont à surveiller étroitement (Jones, 2010 ; Virani et al., 2012).
Soins et traitements inrmiers En milieu hospitalier, au début du traitement, l’inrmière évalue les signes vitaux avant l’administration du médicament, puis trois fois par jour, an de déterminer la présence d’effets indésirables tels que des étourdissements, une syncope, de l’hypotension ou de l’hypertension artérielle et une bradycardie. Si le client se trouve à domicile, elle lui enseigne, ainsi qu’à ses proches, comment mesurer la F.C. avant chaque administration du médicament. Au besoin, elle suggère la prise de P.A. quotidienne. Elle évalue la présence de symptômes gastro-intestinaux comme les nausées, les vomissements, la diarrhée, les douleurs abdominales, et ce, à l’aide de la palpation, de l’auscultation et de la percussion abdominale. Chez certaines personnes, la prise d’inhibiteurs de cholinestérases amène une diminution du tonus vésical et un relâchement des sphincters. Ces deux symptômes sont liés à la stimulation du système nerveux parasympathique et se traduisent par un besoin anormalement fréquent d’uriner (pollakiurie) ou une incapacité à retenir ses mictions (incontinence). L’inrmière est attentive à ces symptômes. L’inrmière recommande aux proches du client de tenir un journal des symptômes, un outil très utile pour suivre l’évolution de ceux-ci et l’impact du traitement sur les fonctions cognitives ENCADRÉ 21.14. Une réévaluation des fonctions cognitives et du fonctionnement global du client recevant un inhibiteur de cholinestérases est recommandée tous les six mois, an de suivre l’évolution de la maladie, de statuer sur l’efcacité de la médication et sur la pertinence de poursuivre le traitement. Si une aggravation des symptômes est constatée, un changement d’agent ou la cessation de la médication doivent être envisagés.
21.8.2
Mémantine
La mémantine (Ebixamd) est le seul médicament commercialisé au Canada appartenant à la classe des antagonistes des récepteurs du glutamate de type N-méthyl-D-aspartate (NMDA), récepteurs
impliqués dans la mémoire et qui contribueraient à la pathogenèse de la maladie d’Alzheimer (APhC, 2012).
Mécanisme d’action L’activation continue des récepteurs NMDA par le glutamate dans le SNC serait liée à l’apparition de la maladie d’Alzheimer. En agissant comme antagoniste sur ces récepteurs, la mémantine préviendrait la neurotoxicité induite par les taux anormalement élevés de glutamate (Herrmann, Li & Lanctôt, 2011).
Indications La mémantine est indiquée pour le traitement des symptômes associés à la maladie d’Alzheimer de phase modérée à sévère. Elle peut être administrée seule ou en combinaison avec un inhibiteur de cholinestérases (APhC, 2012 ; Herrmann et al., 2011 ; Rodda & Carter, 2012).
Efcacité clinique La mémantine permet de diminuer le degré des atteintes cognitives chez les clients atteints de la maladie d’Alzheimer de phase modérée à sévère. En combinaison avec un inhibiteur de cholinestérases, l’usage de la mémantine a été associé à une amélioration notable des problèmes cognitifs
clinique
Jugement
Interactions
Juliette Pharand, âgée de 78 ans et atteinte de de la maladie d’Alzheimer, vit en hébergement dans une unité prothétique. Vous deviez lui administrer un comprimé de donépézil 10 mg à 21 h, mais vous n’avez pu le faire parce qu’une autre cliente n’allait pas bien. Il est 22 h 30, et madame Pharand semble dormir. Devriez-vous lui donner son médicament maintenant ? Justiez votre réponse.
Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 21.14
Traitement par inhibiteurs de cholinestérases
• Aviser le client et ses proches que le besoin d’assistance peut croître dans les premières semaines du traitement, car la médication entraîne des étourdissements et des pertes d’équilibre. Le nombre d’hospitalisations pour syncope et pour fracture de la hanche augmente considérablement chez cette clientèle en raison des effets indésirables du traitement (Gill, Anderson, Fischer et al., 2009). Il est donc important d’évaluer le risque de chutes et d’aider la famille à trouver des solutions pour les prévenir en réorganisant l’environnement et la chambre du client. Rappeler au client et à ses proches que l’effet thérapeutique de la médication n’est observable qu’après environ six semaines de l’amorce du traitement, pour éviter que ceux-ci cessent spontanément la médication.
Chapitre 21
• Souligner l’importance (Lilley, 2011) : – de prendre la médication selon la prescription et ne pas doubler la dose s’il y a omission ; – de ne pas broyer, couper ou mâcher les préparations à longue action ; – d’introduire du yogourt dans son alimentation an de rétablir la ore intestinale ; – de vérier le poids toutes les semaines an d’évaluer la perte de poids ; – de porter un bracelet d’identité (p. ex., MedicAlertmd). • Rappeler au client qui prend aussi des bêtabloquants : – de prendre sa F.C. et, si possible, sa P.A. chaque jour à la même heure pour déceler l’apparition de bradycardie et d’hypotension ; – d’aviser immédiatement un professionnel de la santé s’il ressent des palpitations ou s’il fait de l’hypotension orthostatique.
Psychopharmacothérapie et autres thérapies biologiques
615
21
et des problèmes du comportement liés à la maladie d’Alzheimer (Farrimond, Roberts & McShane 2012). Lorsque la mémantine est destinée à remplacer un inhibiteur de cholinestérases, ce dernier ne doit être cessé que un mois après l’introduction de la mémantine (Farrimond et al., 2012).
Autres indications potentielles Comme les inhibiteurs de cholinestérase, la mémantine peut être utilisée pour le traitement d’autres types de troubles neurocognitifs (p. ex., le trouble neurocognitif vasculaire, le trouble neurocognitif avec corps de Lewy, le trouble neurocognitif dû à des étiologies multiples). Elle pourrait s’avérer utile comme traitement adjuvant des symptômes de la schizophrénie et du trouble bipolaire, des troubles neurocognitifs associés à la sclérose en plaques, du trouble obsessionnel-compulsif et du trouble de stress post-traumatique (Sani, Serra, Kotzalidis et al., 2012). Aucune de ces utilisations n’est homologuée par Santé Canada.
Pharmacocinétique et posologie La mémantine possède une longue demi-vie, estimée en moyenne à 70 heures. Elle est toutefois généralement administrée en deux prises par jour. La dose de départ recommandée de mémantine est de 5 mg, administrée 1 fois par jour. La dose peut ensuite être augmentée de 5 mg toutes les semaines et divisée en 2 prises quotidiennes, jusqu’à un maximum de 20 mg par jour (10 mg, 2 fois par jour). La mémantine est offerte seulement sous forme de comprimés, dosés à 5 ou 10 mg. La mémantine n’est que faiblement métabolisée par le foie et est excrétée par les reins. En présence d’insufsance rénale de modérée à grave, la dose de mémantine doit être diminuée. Son usage n’est pas recommandé chez les clients atteints d’insufsance hépatique grave (APhC, 2012 ; Jones, 2010 ; Virani et al., 2012).
Effets indésirables
Annexe 21.1W : Origines de l’électroconvulsivothérapie.
Les principaux effets indésirables de la mémantine comprennent les céphalées, les étourdissements, la fatigue, la perte d’appétit et les vomissements. Elle peut également causer de l’anxiété, de la confusion, des perturbations du sommeil et des hallucinations. Dans de rares cas, des convulsions ont été associées à l’utilisation de mémantine. Son usage a aussi été lié à l’augmentation de la P.A. chez certains clients (Herrmann et al., 2011 ; Jones, 2010 ; Virani et al., 2012).
Contre-indications Il n’existe aucune contre-indication absolue à l’utilisation de la mémantine, mise à part une hypersensibilité documentée à ce médicament. Il faut cependant faire preuve de prudence au moment de l’administration de mémantine à des clients ayant
616
Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
des antécédents de convulsions ou aux prises avec une hypertension artérielle non maîtrisée (APhC, 2012 ; Jones, 2010).
Interactions La prise concomitante de mémantine et d’amantadine peut entraîner une augmentation des effets indésirables de type hallucinatoire de ces deux médicaments, et elle n’est pas recommandée. Les concentrations sériques de mémantine et, par le fait même, ses effets indésirables peuvent également être augmentés par l’utilisation simultanée de médicaments excrétés dans l’urine, comme la metformine (Glucophagemd) (Herrmann et al., 2011 ; Jones, 2010 ; Virani et al., 2012).
Soins et traitements inrmiers Les soins et traitements inrmiers présentés dans la sous-section précédente, concernant les inhibiteurs de cholinestérases, s’appliquent pour la mémantine. Les fonctions cognitives et le fonctionnement global du client recevant de la mémantine devraient également être réévalués tous les six mois. Cela est nécessaire pour suivre l’évolution du trouble et pour statuer sur l’efcacité de la médication et sur la pertinence de poursuivre le traitement. Si une aggravation des symptômes est constatée, la cessation de la médication doit être envisagée. La tenue d’un journal décrivant les symptômes du client par son entourage peut s’avérer un outil très utile pour son évaluation périodique. Une surveillance régulière de la P.A. est également recommandée.
21.9
Autres thérapies biologiques
Diverses approches biologiques non pharmacologiques sont désormais utilisées pour le traitement de certains troubles mentaux, particulièrement les troubles dépressifs. Parmi celles-ci, l’électroconvulsivothérapie (ECT) est la plus ancienne et la mieux connue (Eitan & Lerer, 2006). Elle a été introduite en psychiatrie en 1938 . À ses débuts dans les années 1940, l’ECT était pratiquée dans des conditions non optimales (p. ex., sans anesthésie et avec des appareils beaucoup plus puissants que ceux utilisés aujourd’hui) qui ont contribué à lui donner mauvaise presse. Depuis une vingtaine d’années, l’avancement des connaissances procuré par des études de haute qualité et les technologies modernes ont rendu cette pratique beaucoup plus sécuritaire (Fink, 2011 ; Payne et Prudic, 2009).
Électroconvulsivothérapie
L’ECT est un traitement biologique qui comprend un bref stimulus électrique, contrôlé, appliqué sur le cerveau, an de provoquer une convulsion épileptique tonicoclonique, ce qui modie la chimie du cerveau et améliore l’état de l’humeur (Kennedy, Milev, Giacobbe et al., 2009).
Mécanismes d’action Les mécanismes d’action exacts de l’ECT demeurent inconnus (Taylor, 2007). Plusieurs théories se concentrent sur son efcacité chez les clients ayant un trouble dépressif caractérisé. Selon la théorie des neurotransmetteurs, l’ECT agirait sur presque tous les systèmes de neurotransmetteurs, rendant difcile la reconnaissance d’un mécanisme unique et précis pouvant expliquer son efcacité (Bolwig, 2011). L’ECT rendrait également certains récepteurs sérotoninergiques plus sensibles aux effets de la sérotonine (Allan & Ebmeier, 2011 ; Merkl, Heuser, Bajbouj et al., 2009). Selon la théorie des facteurs neurotrophiques, la molécule d’adénosine monophosphate cyclisée serait régulée positivement par l’ECT, qui augmenterait les facteurs neurotrophiques cérébraux. Ces facteurs régularisent la croissance neuronale et sont aussi impliqués dans la synthèse de la noradrénaline et de la sérotonine (Allan & Ebmeier, 2011 ; Bolwig, 2011 ; Taylor, 2007). Selon la théorie anticonvulsive, l’ECT exercerait un effet anticonvulsivant profond sur le cerveau, entraînant un effet antidépresseur (Merkl et al., 2009 ; Taylor, 2007).
Indications et efcacité clinique L’électroconvulsivothérapie se révèle efcace pour les clients atteints de troubles dépressifs caractérisés ou de dépression atypique, bipolaire ou psychotique (Kennedy et al., 2009). Les indications sont les suivantes : • un trouble dépressif réfractaire au traitement pharmacologique ou une intolérance à celui-ci ; • des idéations et des comportements suicidaires graves ; • une souffrance psychique ou une détérioration physique marquées (p. ex., un déséquilibre hydrique ou électrolytique en raison de l’incapacité de manger ou de boire) et qui nécessitent un début d’effet thérapeutique rapide (Agence d’évaluation des technologies et des modes d’intervention en santé [AETMIS], 2003 ; Kennedy et al., 2009). L’efcacité de l’ECT en cas de schizophrénie ou de manie est moins bien documentée. Le traitement devrait être envisagé lorsque la réponse à la pharmacothérapie est nulle ou limitée (AETMIS, 2003 ; Payne & Prudic, 2009). La fréquence d’utilisation de l’ECT au Québec se situe à l’intérieur des limites observées dans les autres pays industrialisés. Selon les données de l’Institut canadien d’information sur la santé, pour les
années 1994 à 2000, la fréquence de recours à l’ECT au Québec chez des clients hospitalisés compte parmi les plus basses au Canada (AETMIS, 2003).
Effets indésirables
clinique
L’ECT et l’anesthésie qui l’accompagne peuvent entraîner Élyse Rinfret est âgée de 39 ans. Elle doit recevoir des symptômes physiques (p. un traitement d’ECT demain matin pour un trouble ex., des nausées, des douleurs dépressif caractérisé réfractaire aux antidépresmusculaires, de la somnolence), seurs ; c’est la première fois qu’elle recevra un des complications cardiovascutel traitement. Vous lui dites qu’elle ne devra laires, des lésions cérébrales et rien prendre par la bouche à partir de minuit. La des perturbations cognitives cliente vous demande pourquoi elle doit être à jeun (AETMIS, 2003 ; Kennedy et al., puisque ce n’est pas une chirurgie. Que devriez2009). Les complications carvous lui répondre alors ? diaques comprennent l’arythmie, l’ischémie cardiaque et l’infarctus, notamment chez les clients ayant déjà des problèmes cardiaques (AETMIS, 2003). Les perturbations cognitives incluent une période de confusion immédiatement après les convulsions, une amnésie rétrograde et une amnésie antérograde. Peu de clients rapportent des déficits permanents. Amnésie rétrograde : Cependant, ces décits varient considérablement Incapacité de se rappeler ou de selon les clients (Hihn, Baune, Michael et al., 2006 ; reconnaître une information ou Kho, VanVreeswijk & Murre, 2006 ; Sackeim, Prudic, des événements survenus avant Fuller et al., 2007). le début de l’amnésie.
Jugement
21.9.1
Contre-indications Les contre-indications concernent, entre autres, une lésion cérébrale qui augmente la pression intracrânienne. De plus, l’ECT s’avère inefcace en cas de troubles liés à une substance, de dysphorie de genre, de troubles anxieux, de troubles de la personnalité ou de maladies chroniques sans psychopathologies évidentes (Stuart, 2009).
Procédure
CE QU’IL FAUT RETENIR
L’électroconvulsivothérapie se révèle efcace pour les clients atteints de troubles dépressifs caractérisé ou de dépression atypique, bipolaire ou psychotique.
Consentement éclairé Le consentement éclairé du client autorise le médecin à pratiquer l’ECT. Le professionnel de la santé obtient le consentement du client avant le traitement, après l’avoir informé en détail de la procédure et l’avoir préparé à tous les effets indésirables possibles. L’inrmière agit souvent comme témoin dans le processus de l’obtention du consentement éclairé . 6
Intervention Les médecins administrent généralement l’ECT 2 ou 3 fois par semaine, à raison d’une moyenne de 6 à 12 traitements (Allan & Ebmeier, 2011 ; Eitan & Lerer, 2006). Les examens préliminaires de base avant l’ECT comprennent une formule sanguine complète, un bilan électrolytique complet, une analyse d’urine, un électrocardiogramme et un examen physique et mental. Les clients qui ont rendez-vous pour une ECT doivent être à jeun depuis au moins six heures (Eitan & Lerer, 2006). Il est également demandé aux Chapitre 21
6 Le droit du client au consentement et au refus des soins est déni dans le chapitre 6, Aspects éthiques et légaux de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques.
21
Annexe 21.2W : Formulaire de consentement à l’électro convulsivothérapie et à l’anesthésie.
Psychopharmacothérapie et autres thérapies biologiques
617
clients qui prennent des stabilisateurs de l’humeur, tels que le lithium et les anticonvulsivants, d’interrompre la prise de ces médicaments les jours de traitement (Kennedy et al., 2009).
cas d’une ECT unilatérale, l’électrode est placée sur la portion antérieure de la tempe de l’hémisphère non dominant. Par exemple, si le client est droitier, l’électrode est placée sur sa tempe droite.
Le matin de l’intervention, l’inrmière vérie les signes vitaux (notamment la température) et prévient le médecin que tous les résultats sont normaux. Elle indique au client de vider sa vessie, d’enlever bijoux et dentier, et s’assure qu’il ne porte pas de vernis à ongles.
Lorsque les électrodes sont en place, le psychiatre envoie un bref courant électrique. Le corps reste immobile à cause de l’agent paralysant, et l’électroencéphalogramme conrme la convulsion. Celle-ci doit durer au moins 15 secondes et un maximum de 1 minute. Une convulsion musculaire d’une durée de 15 à 20 secondes est généralement considérée comme adéquate an de produire un effet thérapeutique (Rasimas, Stevens & Rasmussen, 2007). Le client se réveille quelques minutes plus tard, et l’administration de l’oxygène est arrêtée. La surveillance constante des signes vitaux (après 2, 5, 15 et 30 minutes) permet de détecter une dépression respiratoire et un excès de sécrétions qui nécessiterait une succion.
Dans la salle d’ECT, l’inrmière installe le moniteur cardiaque, le sphygmomanomètre et l’électroencéphalographe an de surveiller les fonctions vitales du client. L’équipement d’urgence comprend notamment l’appareil à succion, l’équipement de réanimation cardiorespiratoire et les médicaments d’urgence recommandés par les anesthésistes. Le personnel doit comprendre à tout le moins un psychiatre traitant, un anesthésiste et une inrmière. L’anesthésiste administre un anesthésique à courte durée d’action et un bloqueur neuromusculaire par voie I.V. tel que la succinylcholine (Anectinemd). La paralysie musculaire empêche les mouvements et réduit les risques de fracture de la mâchoire, les lacérations de la langue et les blessures aux gencives. L’inrmière insère un protecteur dentaire dans la bouche et installe un masque pour l’administration d’oxygène pur. Environ 30 minutes avant le début de l’intervention, le client reçoit une injection I.M. d’atropine (généralement 0,5 mg) ou de 0,2 mg de glycopyrolate (Robinulmd), ce qui réduit l’hypersialorrhée et protège contre la bradycardie vagale qui survient parfois après l’application du stimulus Après son traitement d’ECT, madame Rinfret est électrique (Eitan & Lerer, 2006). légèrement somnolente mais elle est orientée dans Une fois l’anesthésie et la les trois sphères. Sa P.A. est de 126/78, sa pulsation paralysie obtenues, l’infirest de 82 batt./min, sa fréquence respiratoire est à mière place les électrodes. 16/min, sa température est de 37,4 °C et la SpO2 est à Pour une ECT bilatérale, les 92 %. Elle est un peu nauséeuse et dit ne pas se souveélectrodes sont placées sur la nir de ce qui s’est passé. Devriez-vous lui permettre de portion antérieure droite et retourner à sa chambre ? Justiez votre réponse. gauche des tempes ; dans le
Jugement
clinique
Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 21.15
Description de l’électroconvulsivothérapie
L’inrmière rappelle les indications, les contre-indications et les effets indésirables de l’ECT. Elle explique au client et à ses proches les principaux soins prétraitement, pertraitement et post-traitement. Elle leur permet d’exprimer leurs sentiments quant à l’ECT. Elle évite de faire de la fausse réassurance et met en contexte les rumeurs entourant le traitement. Elle est à l’écoute des peurs du client relatives à la douleur, à la perte de ses facultés intellectuelles, voire à la mort. L’inrmière clarie les fausses idées et met l’accent sur la valeur du procédé thérapeutique. Elle vérie la compréhension de l’information auprès du client et de sa famille et apporte les correctifs nécessaires. Elle répond à leurs questions. Elle utilise différents moyens audiovisuels disponibles dans son établissement an d’illustrer la procédure selon les besoins du client.
618
Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
Soins et traitements inrmiers Les interventions inrmières auprès du client qui reçoit une ECT comprennent une explication claire de la méthode, l’enseignement au client et à ses proches, la renégociation du consentement du client, la surveillance et le soulagement de la douleur et de l’inconfort après le traitement. L’inrmière travaille étroitement avec le client, la famille, le médecin et l’anesthésiste an que la procédure et le suivi soient sans danger et efcaces (Kavanagh & McLoughlin, 2009 ; Uko-Ekpenyong, 2007). Avant l’intervention, l’inrmière s’assure que le client comprend bien la procédure et ses indications ENCADRÉ 21.15. Elle s’assure d’un consentement libre et éclairé et vérie que celui-ci est documenté au dossier. Elle garde en tête qu’il existe encore une controverse sur ce traitement et ses effets indésirables et calme le client anxieux et préoccupé en dissipant les mythes concernant l’ECT (Kavanagh & McLoughlin, 2009). Elle s’assure que les vérications préinterventions sont faites ENCADRÉ 21.16. L’inrmière qui assiste l’anesthésiste et le psychiatre durant l’ECT doit être qualiée en réanimation cardiorespiratoire et doit connaître les effets indésirables de l’ECT (Kavanagh & McLoughlin, 2009). La surveillance des signes vitaux et l’administration de médication sont faites conjointement par l’inrmière et l’anesthésiste tout au long de la procédure. Après la procédure, le client demeure en salle de réveil durant environ 30 minutes ou jusqu’à ce que les signes vitaux soient stables et qu’il soit éveillé et orienté dans les trois sphères. L’inrmière réconforte et rassure les clients qui présentent des maux de tête ou des pertes de mémoire. L’amnésie transitoire est normale, et l’inrmière ne doit pas se surprendre de devoir répéter l’enseignement donné avant la procédure. Les troubles mnésiques tendent à être plus prononcés avec un traitement
bilatéral qu’avec un traitement unilatéral (Kennedy et al., 2009). Ils peuvent être assez graves pendant la durée du traitement, mais s’atténuent de manière importante après une série de traitements. En cas de céphalée, des analgésiques légers sont administrés (p. ex., de l’acétaminophène 500 mg) ; le repos est recommandé. Certains clients peuvent être nauséeux en raison de l’anesthésie. De retour à l’unité de soins ou lorsque le client reçoit l’ECT en consultation externe, une surveil lance des signes vitaux et une démonstration de sa capacité de marcher sans assistance s’effectuent encore durant une seconde heure. À ce moment, le client pourra manger et reprendre ses activités normales. Certains clients ont sommeil et retour nent se coucher. La famille pourra bénécier de
l’assouplissement des heures de visite ou recevoir un appel de l’inrmière responsable du client leur signalant le retour de celuici.
21.9.2
Autres traitements biologiques
La stimulation magnétique transcrânienne, la sti mulation du nerf vague, la stimulation des tissus profonds du cerveau peuvent être recommandées en cas de troubles dépressifs caractérisés réfrac taires au traitement. La luminothérapie se révèle efcace pour traiter certains troubles dépressifs, bipolaires et apparentés saisonniers ou pour cer tains troubles de l’alternance veillesommeil 11 et 19 .
11 et 19 Les autres traitements biologiques des troubles dépressifs ou de l’alternance veille-sommeil sont présentés dans les chapitres 11, Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés, et 19, Troubles de l’alternance veille-sommeil.
Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 21.16
Effectuer le suivi de l’électroconvulsivothérapie
L’inrmière vérie chacun des éléments suivants et consigne ses observations dans le dossier du client.
• Signes vitaux mesurés et consignés
À L’ARRIVÉE DU CLIENT
• Perruque enlevée
• Cheveux propres et secs, sans xatif ni gel
• Hygiène buccale faite et dentiers retirés
• Absence de vernis à ongles
• Lunettes ou verres de contact enlevés
• Bracelet d’identité en place
• Inrmière présente à l’ECT avisée de toute situation particulière (p. ex., une rupture du jeûne, un état grippal)
• Médicaments du coucher reçus selon les spécications de l’ordonnance médicale
• Vessie vidée
• Dossier complété et signé
LE MATIN DE L’INTERVENTION
AU RETOUR DE L’INTERVENTION
• Client à jeun depuis minuit
• Signes vitaux mesurés et consignés, après 15 minutes et après 30 minutes
• Bijoux ôtés (incluant les perçages) • Aucun objet en métal sur la tête • Chemise d’hôpital ouverte à l’avant • Pas de soutien-gorge ni de chemise • Robe de chambre, bas de coton, pantoues • Médicaments autorisés donnés depuis minuit conformément à l’ordonnance médicale
• Effets personnels remis à la personne • Médicaments du matin administrés • Déjeuner offert (attendre 30 minutes) • Malaises ou effets indésirables évalués • Capacité à circuler évaluée
21
Source : Adapté de l’Institut universitaire en santé mentale de Québec, Centre hospitalier Robert-Giffard [s.d.].
Chapitre 21
Psychopharmacothérapie et autres thérapies biologiques
619
Analyse d’une situation de santé Heather Davidson, âgée de 57 ans, est employée comme travailleuse sociale dans un centre hospitalier. Elle est en arrêt de travail pour trouble dépressif caractérisé. Elle a été victime de fraude et a perdu toutes les économies destinées à assurer sa retraite. Elle a consulté un
Jugement clinique psychiatre à la clinique de psychiatrie, et celui-ci lui a prescrit du citalopram 20 mg die. Vous rencontrez la cliente pour lui prodiguer l’enseignement sur sa médication. Elle a déjà pris un autre antidépresseur dans le passé.
Mise en œuvre de la démarche de soins
Collecte des données – Évaluation initiale – Analyse et interprétation 1. Trouvez au moins cinq questions à poser à la cliente concernant le médicament antidépresseur qu’elle a pris antérieurement. SOLUTIONNAIRE
2. Pourquoi est-il important de demander à la cliente si elle prend d’autres médicaments actuellement ?
écemment vu dans ce chapitre À quel risque pour sa sécurité madame Davidson est-elle exposée parce qu’elle prend du citalopram ? Expliquez votre réponse.
Madame Davidson n’est pas convaincue que la médication sera très utile. « J’ai déjà pris un antidépresseur et j’ai cessé de le prendre après un
certain temps parce que je trouvais que ce n’était pas efcace », dit-elle.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
écemment vu dans ce chapitre Nommez au moins quatre signes et symptômes du syndrome de retrait que pourrait présenter madame Davidson si elle décidait d’arrêter brusquement de prendre l’antidépresseur.
écemment vu dans ce chapitre Si madame Davidson fumait, devrait-elle utiliser des timbres de nicotine pour arrêter ses habitudes tabagiques ? Justiez votre réponse.
620
Partie 4
3. Quel problème potentiel pouvez-vous suspecter d’après ces nouvelles données ?
Planication des interventions – Décisions inrmières 4. Pourquoi devez-vous aviser la cliente que le délai d’action du médicament est d’environ quatre à huit semaines ? 5. Nommez au moins trois effets indésirables que vous devez expliquer à madame Davidson concernant le citalopram. 6. Vous avisez la cliente que les effets indésirables peuvent se manifester pendant la durée du traitement pharmacologique. À quel moment cela peut-il se produire ? 7. Pourquoi est-il important d’insister sur le fait que la cliente ne doit pas cesser brusquement la prise de son antidépresseur même si elle n’en voit pas l’efcacité ?
Madame Davidson se rendait au travail à pied. Elle n’avait pas à utiliser sa voiture pour rencontrer les clients et leurs familles. Depuis qu’elle a été
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
victime de fraude, elle a augmenté sa consommation d’alcool. « Je ne suis pas alcoolique, rassurezvous, mais ça me fait du bien », vous dit-elle.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
8. Pourquoi est-il pertinent d’informer madame Davidson de s’abstenir quand même de conduire sa voiture ? 9. Devriez-vous discuter davantage avec elle de sa consommation d’alcool ? Justiez votre réponse. 10. Madame Davidson vous dit qu’elle a souvent la bouche sèche. Elle craint que cela s’aggrave avec la prise de son médicament. Que pouvez-vous lui suggérer pour pallier ce désagrément ? 11. Pourquoi devriez-vous aviser la cliente de se lever lentement du lit le matin ?
écemment vu dans ce chapitre Que pourriezvous suggérer à madame Davidson si elle ressent une sensation de sécheresse oculaire en cours de traitement ?
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution 12. Relevez trois points à vérier au cours d’une rencontre ultérieure avec la cliente.
APPLICATION DE LA PENSÉE CRITIQUE Dans l’application de la démarche de soins auprès de madame Davidson, l’inrmière a recours à un ensemble d’éléments (connaissances, expériences antérieures, normes institutionnelles ou protocoles, attitudes professionnelles) pour analyser la situation de santé de la cliente et en comprendre les
enjeux. La FIGURE 21.4 illustre le processus de pensée critique suivi par l’inrmière an de formuler son jugement clinique. Elle résume les principaux éléments sur lesquels l’inrmière s’appuie en fonction des données de cette cliente, mais elle n’est pas exhaustive.
VERS UN JUGEMENT CLINIQUE CONNAISSANCES
EXPÉRIENCES
• Catégories d’antidépresseurs et leurs indications • Doses et concentrations sanguines thérapeutiques • Délais d’action selon le type d’antidépresseur • Principaux effets indésirables et stratégies pour y remédier • Risques associés à un arrêt brusque de la médication
NORMES
• Expérience de travail auprès de clients dépressifs • Expérience en enseignement à la clientèle • Expérience personnelle de prise de médicaments antidépresseurs
• Champ d’exercice de l’inrmière • Principes d’enseignement à la clientèle
ATTITUDES • Respecter le rythme d’apprentissage de la cliente • Être réceptive à ses questions et à ses préoccupations • Éviter de juger et de ser monner la cliente pour son comportement antérieur
PENSÉE CRITIQUE
ÉVALUATION • • • • • • •
Médicaments pris actuellement par la cliente, qu’ils soient prescrits ou offerts en vente libre Connaissance de la cliente de sa médication actuelle (autre que le nouvel antidépresseur) Détails concernant le médicament antidépresseur pris antérieurement Réceptivité à l’enseignement Croyances de la cliente relatives à l’efcacité des antidépresseurs Motivation de madame Davidson à adhérer au traitement pharmacologique actuel Effets du citalopram sur les signes et symptômes de dépression, effets indésirables observés, adhésion au traitement pharmacologique (au cours d’une rencontre ultérieure) • État de la muqueuse buccale
21
JUGEMENT CLINIQUE FIGURE 21.4
Application de la pensée critique à la situation clinique de madame Davidson
Chapitre 21
Psychopharmacothérapie et autres thérapies biologiques
621
Chapitre
22
Approches complémentaires et parallèles en santé mentale Écrit par : Ruth N. Grendell, DNSc, RN Adapté par : Élise Phaneuf, B. Sc. (OT) avec la collaboration de Dalila Benhaberou-Brun, inf., M. Sc. Mis à jour par : Claire Page, inf., Ph. D. (Sciences biomédicales – psychiatrie sociale)
MOTS CLÉS
OBJECTIFS
Acupuncture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 630 Approches complémentaires et parallèles en santé (ACPS) . . . . . . . . 624 Compléments alimentaires. . . . . . . . . . . 629 Holistique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 625 Hypnose . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 631 Massothérapie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 632 Méditation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 630 Produits de santé naturels . . . . . . . . . . . 628 Toucher thérapeutique. . . . . . . . . . . . . . . 632 Yoga . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 631 Zoothérapie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 632
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez être en mesure : • de décrire les différences de philosophie entre les modèles biomédical, holistique et les approches parallèles et complémentaires en santé ; • de nommer quelques exemples d’approches complémentaires et parallèles en santé et les catégories auxquelles elles appartiennent ; • d’expliquer l’utilisation des approches complémentaires et parallèles en santé qui visent le bien-être physique et psychologique ; • de décrire le rôle de l’infirmière dans l’application des approches complémentaires et parallèles en santé ; • de déterminer les devoirs et les obligations de l’infirmière concernant l’utilisation des approches complémentaires et parallèles en santé d’après le Code de déontologie des infirmières et infirmiers ; • de décrire les interactions entre les produits de santé naturels et les médicaments vendus sous ordonnance.
Disponible sur • • • • •
À retenir Carte conceptuelle Encadré Web Ressources Solutionnaire de l’Analyse d’une situation de santé
• • • •
Guide d’études – RE17
622
Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
Solutionnaire des questions de Jugement clinique Solutionnaire des questions Réactivation des connaissances Solutionnaire des questions Récemment vu dans ce chapitre Solutionnaires du Guide d’études
Concepts clés
Cette carte conceptuelle illustre schématiquement les principaux concepts décrits dans le présent chapitre. Sa lecture vous permettra d’avoir une vue d’ensemble des notions qui y sont présentées.
Approche holistique
selon
Capacité de la personne à récupérer Importance de l’estime de soi Croyances spirituelles et émotionnelles
Produits de santé naturels
basées sur
Approches corps-esprit comprennent
Approches complémentaires et parallèles en santé mentale
Massothérapie
visent à
Toucher thérapeutique
22 Accroître : – résistance interne de la personne à la maladie – capacité de guérison innée
Chapitre 22
Approches complémentaires et parallèles en santé mentale
623
PORTRAIT
Alexandre Charbonneau Alexandre Charbonneau, âgé de 23 ans, est soigné depuis quelques mois en raison de son anxiété. Il est suivi pour un épisode dépressif survenu pendant ses études, alors qu’il entamait un cycle de maîtrise en droit à l’université. Il a commencé à avoir des palpitations, des troubles du sommeil et s’est isolé de son groupe d’amis. Après une visite chez son médecin de famille, monsieur Charbonneau s’est fait prescrire des antidépresseurs (inhibiteurs du recaptage de la sérotonine). Peu à peu, son humeur s’est améliorée. Conscient de l’importance de se prendre en main, il a décidé d’intégrer dans son alimentation des suppléments d’oméga-3, des produits naturels et de faire du tai-chi « pour s’aider un peu ». Il consulte l’inrmière du CLSC pour évaluer sa situation parce qu’il trouve que l’amélioration n’est pas encore palpable. Monsieur Charbonneau pose surtout des questions sur l’alimentation parce qu’il veut avoir plus d’énergie. En révisant ses habitudes alimentaires, l’inrmière apprend que celui-ci adore le jus de pamplemousse et qu’il en boit près de 1 L chaque jour.
22.1
Caractéristiques générales
22.1.1
Origine des approches complémentaires et parallèles en santé
Avant Hippocrate, la conception de la santé était étroitement liée aux croyances religieuses. La guérison passait par la purication du corps à l’aide de plantes médicinales, de jeûnes, de purgatifs, d’incantations et de cérémonies rituelles. Les gens croyaient
ENCADRÉ 22.1
• La médecine classique, ou médecine allopathique, ou encore approche biomédicale, est celle utilisée dans les pays occidentaux depuis plus de 100 ans. L’accent est mis sur ce qui est observé, mesurable et vériable par les études scientiques. • L’approche complémentaire en santé est une approche employée conjointement avec la médecine classique. L’approche parallèle en santé est une approche employée à la place de la médecine classiquea. Les expressions médecine douce et approche alternative sont encore utilisées pour
624
Partie 4
En Occident, c’est Hippocrate (400-377 av. J.-C.) qui a introduit l’idée selon laquelle la santé fait plutôt référence au fonctionnement normal du corps et de l’esprit et qu’elle dépend de l’harmonie ou de l’équilibre entre le corps, l’esprit et l’environnement. Il a adopté une approche centrée sur le malade pour traiter tous les aspects de la personne. À la même époque, les croyances dominantes de la plupart des habitants des pays asiatiques envisageaient l’équilibre entre l’être humain et la nature comme passant par la recherche de la paix intérieure et du bien-être spirituel, de même que par la compréhension et l’interaction des pouvoirs de l’esprit et du corps. Avant le xixe siècle, la médecine classique et les approches complémentaires et parallèles en santé (ACPS) coexistaient en se faisant concurrence sur un pied d’égalité ENCADRÉ 22.1. Les fondements de la médecine classique et son ap proche biomédicale établissant une dichotomie entre le corps et l’esprit apparaissent au cours des xviie et xviiie siècles. Durant la deuxième moitié du xixe siècle, la découverte des microbes grâce aux travaux de Louis Pasteur explique de nombreuses maladies infectieuses, et les méthodes permettant de les éradiquer sont mises au point, la pasteurisation, notamment. L’augmentation des taux de guérison et de bons résultats chirurgicaux suivent l’introduction des techniques aseptiques et les nouvelles découvertes en anesthésie. La supériorité du modèle biomédical s’instaure. En 1910, le rapport Flexner, recommandant pour les médecins américains et canadiens l’établissement de normes éducatives et une autorisation d’exercer,
Révision des concepts clés
Une dénition des termes suivants s’avère utile pour les différencier clairement.
a Lewis,
que des esprits maléques étaient à l’origine des maladies et des événements indésirables, les bons esprits intervenant en faveur d’une personne ou d’un groupe. Dans nombre de cultures, des prêtresmédecins, nommés saints hommes ou chamans, faisaient ofce de guérisseurs et pratiquaient la médecine chamanique (Ellis & Hartley, 2007 ; Topham, 2010).
Dirksen, Heitkemper et al. (2011).
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
dénir ce concept. Enn, une approche intégrative combine un traitement de médecine classique « avec un traitement d’une approche complémentaire ou parallèle de santé qui a démontré son innocuité et son efcacité »a. • Un modèle de pensée dit holistique vient de l’holisme, une théorie qui considère que les caractéristiques d’un être ne peuvent être connues que dans son ensemble, c’est-à-dire dans sa totalité et non comme chaque partie considérée séparément. Le synonyme « global » est souvent utilisé pour faire référence au terme holistique. Cette conception de la personne et de la santé est la prémisse de toutes les ACPS.
constitue un autre événement signicatif légitimant la médecine classique. Le milieu du xx e siècle a été marqué par un regain d’intérêt pour les interactions entre le corps et l’esprit. La découverte selon laquelle certaines personnes, pourtant mises en présence d’agents pathogènes, ne contractent pas de maladie a conduit les chercheurs à explorer d’autres causes déterminantes possibles. La forte probabilité de l’existence d’une relation de cause à effet entre l’esprit et le corps et de son impact sur la santé et la maladie incite à pousser plus avant les recherches. Il est maintenant reconnu que bon nombre de maladies chroniques résultent de facteurs de risque courants (p. ex., le tabagisme, la mauvaise alimentation, la sédentarité et le stress). C’est ainsi que les concepts des déterminants de la santé et de la prévention sont mis en place. Dès les années 1970, l’augmentation des coûts des soins de santé force les professionnels du do maine à se rendre compte du besoin criant d’allier perfectionnement technique et valeurs hu maines. La création des centres locaux de services communautaires offrant des services interdisciplinaires constitue un bon exemple d’une approche holistique (Réseau Conseil interdisciplinaire du Québec inc., 2008). Dans les an nées 1980, à la suite de consultations publiques, le Comité de santé mentale du Québec sera à l’origine d’une véritable politique de santé mentale mettant en valeur le partenariat avec la population et le droit des usagers de ce secteur (Présentation : la politique de santé mentale : une politique de gestion des services, 1989). Dans les années 1990, le débat entourant les enjeux relatifs à la qualité de vie impose que l’accent soit mis sur la prévention et sur les changements de mode de vie à apporter dans les renseignements transmis à la population. L’approche holistique s’est intégrée aux soins : participation des membres de la famille du client aux soins prodigués à l’unité de soins intensifs, atmosphère plus chaleureuse en salle d’accouchement, présentation de programmes d’éducation sanitaire, création de groupes d’entraide, par exemple. De plus en plus, le client est amené à prendre sa santé en main et à participer pleinement aux décisions le concernant. Les infirmières ont même commencé à intégrer à leur pratique un certain nombre de traitements complé mentaires au même titre que d’autres professionnels de la santé (Santé Canada, 2001).
22.1.2
Modèles et approches actuels
Aujourd’hui, plusieurs modèles coexistent, et de nombreuses ACPS sont utilisées dans les milieux de soins.
Modèle biomédical occidental Le modèle biomédical occidental est principalement fondé sur les hypothèses suivantes : 1) la méthode scientique permet de cerner la cause d’une maladie (c.-à-d. de l’état pathologique), et les professionnels de la santé administrent les traitements nécessaires en vue de régler le problème physiologique ; 2) la théorie germinale (immunologie) permet de dénir les infections ; 3) la prévention des maladies est axée sur l’hygiène, les installations sanitaires adéquates et les choix de chacun relativement à ses habitudes de vie ; 4) la maladie est généralement tangible et mesurable au moyen de critères bien déterminés. La biomédecine occidentale se base sur la dichotomie entre l’esprit et le corps et repose sur la conception que la « maladie survient lorsqu’une partie du corps devient défectueuse » (traduction libre ; KPBS, 2006). Cette partie peut être réparée indépendamment des autres parties ou aspects de la personne (Lewis et al., 2011). La science et la technologie ont révolutionné la médecine et ont permis une meilleure compréhension de la biologie humaine ainsi que des méthodes d’intervention à adopter dans le cas d’une pathologie ou d’une maladie. Le modèle biomédical occidental s’appuie sur des traitements normalisés et sur des régimes de soins adaptés au client selon la catégorie de maladie, de signes et de symptômes dénis qui lui correspondent. Ces interventions ont pour but d’inverser le processus pathologique d’origine physiologique et de prolonger la vie du client (Topham, 2010).
éactivation des connaissances Les facteurs personnels, sociaux, économiques et environnementaux qui conditionnent l’état de santé des personnes sont appelés déterminants de la santé. Nommez au moins cinq déterminants de la santé.
éactivation des connaissances Quels sont les trois niveaux de prévention ? Qu’est-ce qui caractérise chacun des niveaux de prévention ?
Modèle holistique Contrairement au modèle biomédical, le modèle des soins holistique vise à renforcer la résistance interne de la personne à la maladie ou à accroître la capacité de guérison innée du corps. Bien que la pratique biomédicale inue fortement sur les soins inrmiers, ceux-ci se fondent également sur une perspective holistique centrée sur le client qui prend aussi en compte l’ensemble des interactions intrapersonnelles, interpersonnelles et environnementales comme autant de facteurs qui favorisent le bien-être ou la maladie de la personne (Pepin, Kérouac & Ducharme, 2010). Dans les modèles et conceptions récentes de la pratique inrmière, chaque personne est perçue comme unique par rapport aux autres, et elle représente plus que la somme de ses parties – ce qui touche un aspect touche tous les autres (Pepin et al., 2010 ; Topham, 2010). En plus d’examiner les symptômes physiques lorsqu’elle utilise le modèle holistique comme cadre de référence, l’inrmière tient compte de l’inuence des facteurs culturels et génétiques, des expériences passées et actuelles, de la structure familiale et des rôles sur la perception que la personne a de la santé, de la pathologie et de ses stratégies d’adaptation. Bon nombre Chapitre 22
22
CE QU’IL FAUT RETENIR
Le modèle des soins holistique vise à renforcer la résistance interne de la personne à la maladie ou à accroître la capacité de guérison innée du corps.
Approches complémentaires et parallèles en santé mentale
625
d’ACPS peuvent s’avérer être aussi des mesures de prévention et de gestion de symptômes plutôt qu’un traitement proprement dit d’une maladie.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les ACPS reprennent des thèmes récurrents de l’approche holistique : la capacité inhérente d’une personne à récupérer, l’importance de l’estime de soi ainsi que les croyances spirituelles et émotionnelles concernant la santé.
ENCADRÉ 22.2
La Canadian Holistic Nurses Association a publié les normes relatives aux pratiques de la médecine holistique ENCADRÉ 22.2. Les inrmières intègrent souvent des pratiques complémentaires à la médecine classique, un exemple courant consiste en l’utilisation des techniques de respira tion et de visualisation pour soulager la douleur et réduire le degré de stress ou d’anxiété du client.
Approches complémentaires et parallèles en santé Les ACPS constituent une variété de systèmes de santé en soi, de pratiques et de produits qui ne sont pas considérés comme faisant partie de la médecine classique (National Center for Complementary and Alternative Medicine [NCCAM], 2015). Elles sont adoptées par la
Objectifs des normes
Les normes régissant les soins inrmiers holistiques établies par la Canadian Holistic Nurses Association ont pour objectifs : • de démontrer l’unicité et de dénir la portée des soins inrmiers holistiques dans tous les milieux de pratique ; • de faciliter l’évaluation des soins inrmiers holistiques ; • de permettre au client de vérier la pertinence des soins inrmiers holistiques ; • de fournir une base pour l’afnement et l’élargissement de la spécicité des normes ;
• de reéter l’évolution d’un cadre conceptuel des soins inrmiers fondé sur la science de l’être humain unitaire, la théorie des champs considérant l’essence humaine en interaction avec son environnement ainsi que les soins inrmiers basés sur l’énergie ; • de permettre l’articulation de l’approche holistique des soins inrmiers et de ses méthodes pour les clients et les professionnels de la santé.
Source : Adapté de Canadian Holistic Nursing Association (2008).
ENCADRÉ 22.3
Thèmes récurrents dans le modèle holistique et les approches complémentaires et parallèles en santé
• Les êtres humains disposent d’une capacité de guérison innée. • Les valeurs religieuses, spirituelles et morales inuent sur l’état de santé. • L’estime de soi et le fait d’avoir une nalité dans la vie représentent des facteurs positifs du processus de guérison. • Les pensées, sentiments, émotions, valeurs et signications perçus ont un impact sur le fonctionnement physique.
relaxation et les changements relativement au mode de vie et à l’attitude. • L’accent est mis sur la personne dans sa globalité, sur sa santé physique, mentale, émotionnelle et psychosociale. • La maladie est envisagée comme un déséquilibre, les interventions étant vouées à restaurer l’équilibre. • L’énergie est la force nécessaire pour atteindre l’équilibre et l’harmonie.
• La plupart des thérapies s’appuient sur les régimes, l’exercice, les techniques de
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Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
médecine classique lorsqu’elles s’avèrent sûres et efficaces après l’obtention de résultats de re cherche. Nombre d’ACPS se fondent sur des croyances et des pratiques orientales et extrême orientales. Il faut savoir que ce qui est considéré comme complémentaire dans un pays peut être classique dans un autre pays, ce qui est le cas de la médecine traditionnelle chinoise. Même si la médecine classique encourage de plus en plus les clients à devenir pleinement responsables de leur propre santé, cette idéologie est à la base même des ACPS. La participation de la personne à son processus de guérison est essentielle dans les ACPS qui considèrent qu’une modication de l’attitude ou du mode de vie, un sentiment de maî trise et de paix ainsi que la disparition de l’anxiété sont des indicateurs de rétablissement même si la maladie primaire est toujours présente. Certains thèmes récurrents de l’approche holistique se retrouvent évidemment dans la gamme variée des ACPS : la capacité inhérente d’une personne à récupérer, l’importance de l’estime de soi ainsi que les croyances spirituelles et émotionnelles concernant la santé. De multiples méthodes de traitement peuvent être incorporées au plan de soins individualisé. Elles consistent à maintenir ou à rétablir l’équilibre dans tous les aspects de la personne. L’ ENCADRÉ 22.3 présente une liste détaillée de ces thèmes récurrents.
Reconnaissance des approches complémentaires et parallèles en santé dans le modèle biomédical classique Avec les dernières recherches en psychoneuro immunologie, les scientiques pourraient trou ver les explications du mode de fonctionnement des ACPS. Des liens entre le corps et l’esprit inueraient autant sur la santé physique que mentale. Ainsi, la psychoneuroimmunologie, ou neuroimmunologie psychoendocrinienne, est un domaine relativement nouveau qui étudie les facteurs psychobiologiques d’une personne, leur interaction avec la réaction au stress de celleci et son inuence sur les résultats cli niques. La stimulation de l’axe hypothalamo hypophysosurrénalien touche les systèmes nerveux, endocrinien et immunitaire. Une expo sition prolongée au stress et une forte anxiété réduiraient la réponse immunitaire alors qu’une grande résistance aux maladies se caractérise par un faible degré de stress et d’anxiété. À cet effet, le modèle psychoneuroimmunologique consti tue un cadre de référence pour le dépistage des facteurs de risque des problèmes de santé, notamment les stimulus de stress, les facteurs sociodémographiques, les comportements liés au mode de vie et les antécédents médicaux (Anderson, 2004). La psychoneuroimmunologie pourrait également constituer le cadre de
référence des futures études portant sur l’efca cité des interventions espritcorps, étant donné qu’elle met l’accent sur le lien qui unit le stress, un taux de cortisol élevé et une défaillance du système immunitaire 7 . Au Québec, la docteure Lupien et ses collabo rateurs ont effectué de nombreuses recherches portant sur le stress et son effet sur le cerveau (Lupien, 2010 ; Lupien, Maheu, Tu et al., 2007). Leurs études menées chez les adultes et les enfants démontrent les effets aigus et chroniques des hormones de stress sur la mémoire et sur la régulation des émotions. Leurs conclusions les ont ainsi amenés à concevoir un programme psy choéducatif sur le stress auprès des enfants fai sant la transition entre l’école primaire et l’école secondaire, une période où ces derniers sont très vulnérables. Ce programme est conçu pour infor mer les jeunes adolescents des effets du stress sur leur santé mentale an d’empêcher l’apparition des troubles de l’adaptation et des signes de dépression liés au stress et de leur offrir des stra tégies d’adaptation (Centre d’études sur le stress humain, 2012). De tout temps, les scientiques ont exploré les modalités de guérison espritcorps issues d’autres sociétés, plus particulièrement la méde cine traditionnelle chinoise. En conséquence, l’acupuncture, la méditation, les techniques de relaxation, la massothérapie et d’autres interven tions connexes ont été intégrées aux soins de santé. Certaines facultés de médecine, comme celle de Calgary, ont inclus des ateliers portant sur les ACPS dans leur programme. Un groupe de travail composé de professeurs de médecine a également évalué les besoins en matière de connaissances et de compétences des profession nels de la santé en ce qui concerne les ACPS (Santé Canada, 2002a).
22.1.3
Enjeux
Le recours aux ACPS augmente depuis plusieurs années (Esmail, 2007 ; PélissierSimard & Xhignesse, 2008). Ce phénomène s’explique par : • la hausse des maladies chroniques et des pro blèmes liés au stress ; • l’échec de la médecine classique dans certains cas (PélissierSimard & Xhignesse, 2008) ; • l’augmentation des connaissances des clients (Internet, groupes d’entraide et de discussions, documentaires et émissions) ; • la détérioration de la conance du client dans les méthodes de traitement classiques ; • la volonté croissante des clients de participer aux décisions prises relativement à leurs soins de santé. Ces derniers se tournent donc souvent
vers des traitements qui tiennent compte de tous les aspects de leur personne ; • les avantages de certaines substances « natu relles » : leurs rares effets indésirables, le fait que ces techniques sont peu invasives et la possibi lité de choisir incitent les clients à préférer les solutions de rechange à la médecine classique (Topham, 2010). Malgré l’engouement des ACPS auprès de la population générale, des réticences ont été consta tées chez certains professionnels de la santé. Cette divergence serait expliquée par le manque de connaissances des praticiens formés à la médecine classique. Il est suggéré que ces mêmes praticiens soient informés sur les principales approches dites « non reconnues », car il en existerait plus de 4 000, de même que sur les essais cliniques à grande échelle démontrant leur efficacité (PélissierSimard & Xhignesse, 2008). D’ailleurs, le Collège des médecins du Québec (CMQ) a déter miné des obligations déontologiques du médecin touchant les traitements non reconnus (CMQ, 2006). De la même façon, l’Ordre des inrmières et inrmiers du Québec (OIIQ) a fait part de sa position dès la n des années 1980 (OIIQ, 1987). L’Ordre a précisé que l’inrmière était habilitée, à condition d’avoir été formée, à utiliser les outils suivants : le toucher thérapeutique, la rétroaction biologique, les techniques de relaxation, les tech niques de massage et d’imagerie mentale. Enn, selon certains auteurs, le recours aux ACPS pourrait représenter un danger. De nom breux clients emploient ces remèdes complémen taires en plus d’adhérer aux traitements prescrits sans même en avertir les professionnels de la santé : 42 % des répondants d’une étude parlent de l’utilisation d’ACPS à leur médecin (Hazra, Noh, Boon et al., 2010). Dans certains cas, le fait de consommer à la fois certains produits naturels et des médicaments prescrits par le médecin peut entraîner des effets indésirables, en potentialisant l’effet de la molécule chimique du médicament. C’est surtout le fait que les personnes s’autoad ministrent des médicaments offerts en vente libre qui pose problème (Santé Canada, 2002a). Il est donc important que les inrmières établissent la liste exhaustive des médicaments prescrits et ceux offerts en vente libre que prennent les clients (Santé Canada, 2009). Dans un contexte plus large, les démarches de Santé Canada contri buent à fournir une meilleure connaissance des produits dits naturels (Santé Canada, 2012). En ce sens, elles ne font pas qu’appuyer le change ment d’opinion chez les professionnels de la santé amorcé il y a plusieurs années en ce qui a trait aux ACPS, elles permettent aussi de bien conseiller, d’éviter les problèmes et d’utiliser judicieusement les produits.
Chapitre 22
7 Le lien que la psychoneuroimmunologie a établi entre le stress et les troubles mentaux est détaillé dans le chapitre 7, Neurobiologie et santé mentale.
Le programme Dé-stresse et progresse© de la docteure Lupien et de ses collaborateurs peut être consulté au www.stresshumain.ca.
22
CE QU’IL FAUT RETENIR
Dans certains cas, le fait de consommer à la fois des produits naturels et des médicaments prescrits par le médecin peut entraîner des effets indésirables.
Approches complémentaires et parallèles en santé mentale
627
Santé Canada met à la disposition des consommateurs canadiens trois bases de données pour les produits de santé naturels homologués, les produits de santé naturels exemptés (bénéciant d’une exemption temporaire et pouvant donc être vendus et consommés pendant le processus d’homologation) et les ingrédients de produits de santé naturels. Ces trois bases sont accessibles sur le site www.hc-sc.gc.ca.
22.2
Approches complémentaires et parallèles en santé : classication et utilisation en santé mentale
22.2.1
Taxonomie et classication du National Center for Complementary and Alternative Medicine
Pour bien saisir la classication des ACPS, le système américain du NCCAM est pris comme référence. Créé en 1999, le NCCAM est une agence des National Institutes of Health des États-Unis. Le système de classication du NCCAM est utilisé dans les études qui sont menées sur les ACPS. Le NCCAM reconnaît l’existence de systèmes de santé complets et cohérents et d’ACPS TABLEAU 22.1. Le dernier groupe englobe des ACPS nombreuses et variées. Elles évoluent au l du temps et peuvent être combinées selon les besoins de la personne. Ces systèmes de santé peuvent utiliser plusieurs ACPS comme techniques d’intervention. Seules les ACPS dont l’utilité est reconnue en santé mentale seront présentées et détaillées dans ce chapitre.
22.2.2
Produits naturels
Les prochaines sections traiteront de produits de santé naturels, notamment des produits à base d’herbes et de plantes. TABLEAU 22.1
Phytothérapie La phytothérapie, qui signie soigner avec des plantes, constitue une ACPS en soi. Elle est souvent intégrée dans les systèmes de santé complets reconnus par le NCCAM (p. ex., la médecine traditionnelle chinoise, la médecine ayurvédique, la naturopathie). L’utilisation des plantes médicinales remonte à l’Antiquité autant en Occident qu’en Orient. Toutes les cultures ont utilisé des plantes médicinales, que ce soit l’écorce des arbres, les racines des plantes, les baies, les feuilles, la résine, les graines ou les eurs. La liste des produits homologués est présentée en ligne sur le site de Santé Canada. Ces produits de santé naturels sont soumis à un règlement entré en vigueur en janvier 2004 qui protège le consommateur (Santé Canada, 2012). Lorsque Santé Canada a évalué le produit et convenu de son innocuité, de son efcacité et de sa qualité, il délivre une licence de mise en marché comportant un numéro de produit naturel ou de remède homéopathique. L’inrmière informe le client sur l’utilisation de ces produits et le met en garde à propos de ceux vendus sur Internet, notamment, et qui n’auraient pas forcément reçu l’homologation de Santé Canada. Les herbes médicinales ont des indications en santé mentale ENCADRÉ 22.4. Elles sont utilisées pour retarder le vieillissement et les troubles moteurs des maladies dégénératives (maladie d’Alzheimer, Parkinson), réduire l’anxiété ou le stress, traiter les troubles du sommeil, de la mémoire, de la concentration, ou encore la dépression ou le stress. Le domaine de la santé mentale s’intéresse principalement au ginkgo biloba pour ses effets sur
Typologie des approches complémentaires et parallèles en santé
GROUPE
PRINCIPES
EXEMPLES
Produits naturels
Contiennent des substances naturelles connues pour leurs bienfaits sur la santé.
Produits naturels, suppléments vitaminiques, herbes médicinales, produits de phytothérapie, d’aromathérapie
Approches corps-esprit
Utilisent la capacité de l’esprit pour exercer une inuence sur le corps. Il existe un lien entre l’esprit et le corps selon ces approches.
Relaxation, méditation, rétroaction biologique, imagerie mentale, prière, art-thérapie, danse, yoga, tai-chi, hypnose, thérapie basée sur la pleine conscience, acupuncture, zoothérapie
Pratiques faisant appel à la manipulation et aux mouvements du corps
Utilisent le mouvement d’une ou de plusieurs parties du corps.
Massage, chiropractie, ostéopathie, réexologie
Autres ACPS
Utilisent la manipulation ou des champs énergétiques.
Reiki, qi gong, toucher thérapeutique
Font appel à des méthodes basées sur des théories, des expériences et des croyances autochtones transmises de génération en génération.
Guérisseur
Représentent des systèmes autonomes en soi incluant un ensemble de théories et de pratiques propres à une culture et ayant évolué en marge de la médecine allopathique.
Médecine traditionnelle chinoise, médecine ayurvédique
Source : Adapté de NCCAM (2011).
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Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
ENCADRÉ 22.4
Utilisation des herbes médicinales en santé mentale
• Ginkgo biloba : maladie d’Alzheimer (**), trouble neurocognitif majeur (**) • Ginseng : mémoire (~) • Millepertuis : dépression (***), troubles psychoso matiques (*), agitation, anxiété • Valériane : troubles du sommeil, anxiété et agitation (~) Efcacité : *** certaine, ** probable, * possible, ~ incertaine Sources : PasseportSanté.net (2011a, 2011b, 2011e, 2012).
les troubles neurocognitifs majeurs (démence) et au millepertuis pour le traitement des épisodes dépressifs (Jeschke, Ostermann, Vollmar et al., 2011 ; Nahas & Sheikh, 2011). Le millepertuis présente des similitudes étonnantes avec les antidépresseurs synthétiques et constitue une solution de rechange pertinente pour le traitement des dépressions de légères à modérées (Rahimi, Nikfar & Abdollahi, 2009). Des recherches supplémentaires sont nécessaires, car le millepertuis peut causer des interactions sérieuses, notamment avec les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS), des médicaments souvent utilisés pour soigner la dépression (Hazra et al., 2010 ; Santé Canada, 2000). Une attention particulière doit être portée sur les interactions possibles entre les produits naturels et les médicaments vendus sous ordonnance ENCADRÉ 22.5.
ENCADRÉ 22.5
Aromathérapie L’aromathérapie a d’abord été utilisée en Égypte pour soulager la douleur ; elle est également employée dans le cadre des traitements ayurvédiques (Topham, 2010). Il existe aujourd’hui plus de 300 huiles essentielles utilisées sous forme d’inhalateur, d’huile à massage, de compresses, etc. La lavande aurait un effet possible sur l’anxiété et l’agitation (PasseportSanté.net, 2011c).
Nutrition et régimes Les compléments alimentaires font partie intégrante des ACPS. Les vitamines et les autres compléments alimentaires sont fréquemment adjoints au régime thérapeutique (Locong & Ruel, 2003). Depuis plusieurs années, des chercheurs s’intéressent à l’effet du régime alimentaire sur la santé mentale. Les études tendent à démontrer qu’un supplément d’oméga-3, plus spéciquement l’EPA (acide eicosapentaénoïque), contribue de façon signicative à réduire les symptômes de la dépression, surtout dans les cas où celle-ci est caractérisée (Martins, 2011) et non concomitante avec un trouble anxieux (Lespérance, Frasure-Smith, St-André et al., 2011). Le célèbre psychiatre David Servan-Schreiber était de cet avis et conseillait une alimentation riche en oméga-3 pour traiter et même prévenir la dépression (Servan-Schreiber, 2003). Des chercheurs australiens ont étudié la consommation de poisson chez des femmes et ont conclu que celles qui en mangeaient moins de une fois par semaine avaient plus de risques d’être atteintes d’anxiété (Jacka, Pasco, Williams et al., 2012). Une
ALERTE CLINIQUE
L’inrmière doit demander au client s’il prend des herbes médicinales ou des complé ments alimentaires et le noter à son dossier. Certains produits naturels peuvent présenter des effets indésirables, provoquer une grave réaction allergique, interagir avec le traitement classique ou encore fausser les résultats de certaines analyses.
Interactions possibles entre les médicaments et les plantes médicinales ou les compléments alimentaires
• Le jus de pamplemousse augmente la biodisponibilité de plusieurs médicaments, notamment les benzodiazépines, les nonbenzodiazépines, la carbamazépine (anticonvulsi vant), la sertraline (antidépresseur). • Le millepertuis utilisé comme antidépresseur naturel ré duit la concentration de l’indinavir (inhibiteur de la pro téase utilisé dans le traitement des infections par le virus de l’immunodécience humaine) et peut produire des réactions comme l’hypomanie ou la manie. • La caféine (p. ex., dans le café, le thé, le cacao et la guarana) augmente le taux de théophylline dans le sang. Lorsque ces deux substances sont présentes dans l’orga nisme, les effets secondaires de la caféine sont exacerbés, notamment l’agitation, les tremblements et l’insomnie. • Un régime alimentaire riche en sodium augmente l’excré tion de lithium dans l’urine et diminue les effets du médi cament (utilisé dans le traitement des troubles bipolaires).
• La combinaison des inhibiteurs de la monoamineoxydase (antidépresseurs) avec certains aliments riches en tyra mine (p. ex., le fromage vieilli, la fève des marais, le salami, le saucisson, le poisson saumuré, le vin rouge, certaines bières) peut provoquer une crise hypertensive. Les plus récents ISRS ont presque remplacé les inhibiteurs de la monoamineoxydase ; toutefois, ces derniers demeurent sur le marché.
22
• La valériane utilisée pour réduire l’anxiété peut augmen ter les propriétés sédatives des benzodiazépines, des barbituriques et des hypnotiques. • Certains aliments ont un impact sur le rythme d’excrétion des médicaments. Les aliments acides (p. ex., les œufs, le fromage, la viande) prolongent la demivie des médica ments, alors que les aliments alcalins (p. ex., les agrumes, les légumes) la diminuent.
Sources : Adapté de Eberhardie (2005) ; PeytremannBridevaux, VoellingerPralong, Burnand et al. (2009) ; Sparreboom, Cox, Acharya et al. (2004) ; Vasiliadis & Tempier (2011).
Chapitre 22
Approches complémentaires et parallèles en santé mentale
629
autre étude révèle un lien entre une alimentation déséquilibrée chez des adolescents britanniques et des troubles en santé mentale, comme la dépression (Jacka, Rothon, Taylor et al., 2012).
22.2.3
Approches corps-esprit
Acupuncture
Encadré 10.1W : Cohérence cardiaque.
L’acupuncture, bien connue comme traitement de la médecine traditionnelle chinoise, consiste à introduire de nes aiguilles en certains points d’énergie du corps correspondant aux voies de circulation de l’énergie ou aux méridiens qui vont de la surface du corps aux organes internes. Son objectif est de stimuler le Qi, qui est l’énergie vitale, et de rétablir l’équilibre là où existent des déséquilibres. Quelques études ont évalué les effets de l’acupuncture en santé mentale, notamment sur les symptômes de la schizophrénie ou de la dépression sans pouvoir en tirer d’évidentes conclusions (Bouhlel, El-Hechmi, Ghanmi et al., 2011 ; Lee, Shin, Ronan et al., 2009). D’autres études ont apporté des preuves sur les bienfaits de l’acupuncture dans le traitement de la dépression (Leo & Ligot, 2007, Zhang, Chen, Yip et al., 2010).
Méditation
Relaxation progressive : Technique qui consiste à con tracter les muscles avant de les décontracter pour diminuer et apaiser les tensions.
Prière
20 La thérapie cognitivocomportementale est présentée en détail dans le chapitre 20, Modèles et stratégies thérapeutiques.
630
La relaxation provoquée par la méditation apporte une vaste gamme d’effets physiques et mentaux bénéques, incluant une baisse de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle, la diminution des taux sériques des corticostéroïdes et une réduction des symptômes d’anxiété et de dépression (Edeneld & Saeed, 2012). Les traitements par la méditation comprennent notamment la rétroaction biologique, l’imagerie mentale et d’autres mesures de réduction du stress, dont le yoga et les techniques de relaxation progressive. Une inrmière peut suggérer à son client atteint d’anxiété, de somatisation ou de dépression de pratiquer des exercices de relaxation quotidiens à la maison (Ross, Friedmann, Bevans et al., 2012). Le but est de commencer des exercices de méditation de quelques minutes, puis d’augmenter progressivement leur durée. Pour atteindre l’état méditatif, il est recommandé de se créer une routine, notamment quant à l’heure et à l’endroit de la méditation, de prendre une position confortable, de faire des exercices de respiration profonde et de relaxation progressive et de xer son attention sur une image mentale donnée (Topham, 2010).
Partie 4
À l’origine, la méditation était une pratique religieuse. Dans la mesure où la prière correspond aux valeurs et à la pratique du client, elle peut être suggérée par les inrmières pour lui apporter des soins sur le plan spirituel ou pour calmer ses inquiétudes. Bon nombre de centres hospitaliers emploient d’ailleurs un intervenant en soins
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
spirituels pour apporter du soutien aux clients pratiquants ainsi qu’à leur famille. En santé mentale, l’inrmière peut évaluer le bon moment où la présence d’un intervenant en soins spirituels peut être aidante pour le client. Par exemple, pour un jeune client hospitalisé atteint de schizophrénie, il est souvent préférable d’attendre que ses symptômes psychotiques en phase aiguë et associés à des délires religieux soient stabilisés pour que la rencontre s’avère aidante et n’aggrave pas les idées délirantes.
Rétroaction biologique La rétroaction biologique est une approche basée sur l’utilisation d’équipements électriques (p. ex., un appareil de rétroaction biologique, un électrocardiogramme) en vue d’aider le client à maîtriser de façon consciente des fonctions qu’il n’est habituellement pas en mesure de gérer . En observant la réponse de leur organisme sur l’appareil, les clients apprennent à maîtriser une fonction donnée – respiration, rythme cardiaque – à l’aide de processus mentaux. Au cours des séances, un thérapeute apprend au client certains exercices mentaux (p. ex., des techniques de relaxation, la méditation), de manière que ce dernier soit en mesure de les pratiquer sans avoir recours à l’appareil. La rétroaction biologique est utilisée dans le cadre du traitement de nombreux symptômes physiques, cognitifs et comportementaux, dont la toxicomanie, le stress, les troubles du sommeil, la migraine et la dépression (Saito & Saito, 2004 ; Servan-Schreiber, 2003).
Thérapie basée sur la pleine conscience Jon Kabat-Zinn est le fondateur de la clinique de réduction du stress par la pleine conscience (MBSR, mindfulness-based stress reduction). La pleine conscience consiste à « porter attention d’une manière particulière, sans jugement de valeur, au moment présent » (traduction libre ; Kabat-Zinn, 2002). La pratique se distingue donc principalement par une attitude d’acceptation. Les participants apprennent à atteindre un certain équilibre entre la santé physique, mentale et spirituelle en faisant appel à tous leurs sens. Le participant apprend en outre à analyser rapidement son corps dans le cadre d’un processus de désensibilisation en vue d’inhiber les réactions acquises qui surviennent par réexe lorsque des pensées automatiques faussées font surface (Laidlaw & Dwivedi, 2004 ; Telner, 2002). La thérapie basée sur la pleine conscience a été utilisée pour traiter divers troubles de santé, dont l’anxiété, les troubles de l’alimentation, les dépendances et les attaques de panique (Bondol, 2004 ; HazlettStevens, 2012). Il est de plus en plus suggéré de l’ajouter à la thérapie cognitivo-comportementale pour traiter les problèmes d’anxiété et de dépression (Larouche, 2009) 20 .
Hypnose
Yoga
L’hypnose existe depuis le siècle en tant que technique de relaxation profonde. Elle nécessite une formation à l’hypnose clinique en respectant les directives de l’ordre professionnel concerné. L’hypnose est basée sur la réceptivité de la personne à la suggestion (KPBS, 2006). En mettant en avantplan l’inconscient, l’hypnose active les pouvoirs d’autoguérison du cerveau et rend accessibles à la personne hypnotisée des ressources peu exploitées de son cerveau FIGURE 22.1. Elle comprend l’utilisation d’images mentales, la concentration, l’emploi de mots ou de sons répétitifs ainsi qu’un état de relaxation total. L’hypnose modie l’état de conscience de la personne et s’avère efcace, notamment pour l’anxiété sociale (phobie sociale) (peur de parler en public) ou pour les troubles du sommeil (insomnie) (Olness, 2008), et auprès des enfants atteints de troubles comportementaux (tics, trichotillomanie). Toutefois, l’hypnose est déconseillée pour les clients atteints de psychose (PasseportSanté.net, 2009a).
Activité physique Les bienfaits de l’activité physique sont bien connus. Elle apporte un sentiment général de bienêtre et de vitalité (Benhaberou-Brun, 2012). Les gens physiquement actifs dorment mieux et ont un meilleur appétit ; l’activité physique est aujourd’hui considérée comme une composante essentielle des autosoins. Les clients suivis pour dépression qui pratiquent une activité physique régulière se rétablissent plus vite que ceux qui sont sédentaires. Ce constat serait attribuable à l’effet neuro-immunologique de l’exercice (Benhaberou-Brun, 2012). Un programme d’activité physique comportant des suivis et une rétroaction adaptée permet d’obtenir des bienfaits notables, comparables à l’effet des antidépresseurs ou d’une psychothérapie chez des personnes atteintes d’anxiété ou de dépression légère (Beaulac, Carlson & Boyd, 2011).
FIGURE 22.1 Dans l’état d’hypnose, l’inconscient occuperait l’avant-plan, laissant en veilleuse le conscient habituellement hyperactif.
clinique
Le principe de base du yoga consiste à vivre une vie équiliLewis Clarkson, âgé de 35 ans, est suivi en clinique brée. Un entraînement quotide santé mentale pour des idées paranoïdes. Est-ce dien permet l’adoption de que l’hypnose pourrait aider monsieur Clarkson certaines postures corporelles, à mieux contrôler ses idées paranoïdes ? Justiez la pratique d’étirements et de votre réponse. mouvements lents, la maîtrise de la respiration, la réduction de la stimulation des sens, une vie simple et le recours à la méditation dirigée. Pratiqué à l’origine en Inde, le yoga est maintenant une activité répandue favorisant la santé et servant de thérapie pour les personnes aux prises avec le stress, mais aussi pour celles atteintes d’anxiété et de dépression (Hazlett-Stevens, 2012). L’inrmière peut proposer à son client d’intégrer la pratique du yoga pour l’aider à diminuer la fatigue et les troubles du sommeil (Ross et al., 2012).
Jugement
xviiie
Tai-chi Le tai-chi est une forme d’activité physique faisant partie de la médecine traditionnelle chinoise et inspirée des arts martiaux. Très accessible, il gagne en popularité auprès des Canadiens de tous âges, comme en témoignent les nombreux cours offerts dans les centres communautaires (PasseportSanté. net, 2011d). Il s’agit de mouvements lents et rythmés pendant lesquels le participant maîtrise sa respiration et cherche le calme intérieur. L’efcacité du recours au tai-chi en vue de réduire le stress, l’anxiété et la dépression a été évaluée dans une métaanalyse par des chercheurs américains. Malgré de nombreuses variations constatées dans les quelque 40 études concernées, il semblerait que la pratique du tai-chi améliorerait le bien-être psychologique (Wang, Bannuru, Ramel et al., 2010).
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les gens physiquement actifs dorment mieux et ont un meilleur appétit ; l’activité physique est aujourd’hui considérée comme une composante essentielle des autosoins.
Autosoins : Décisions et actions autonomes prises par une personne pour maintenir et améliorer sa santé.
Art-thérapie La musique, la danse, l’art dramatique, la littérature, la peinture et la sculpture sont des formes de thérapie couramment utilisées en santé mentale (Caddy, Crawford & Page, 2012). Une musique de fond crée une atmosphère apaisante et constitue souvent une distraction dans les moments de stress et de douleur. L’art a souvent permis aux clients (enfants comme adultes) d’exprimer leurs sentiments par rapport aux situations stressantes et aux inquiétudes concernant la maladie (Crawford, Killaspy, Kalaitzaki et al., 2010). En outre, l’expression artistique sert d’outil psychothérapeutique dans le cadre de cures de désintoxication, dans les prisons et dans les unités de santé mentale (Breiner, Tuomisto, Bouyea et al., 2012 ; Rylatt, 2012).
22
La musique aurait des effets reconnus sur le cerveau, et son rôle est étudié dans certains troubles comme la schizophrénie ou l’épilepsie (Maguire, 2012 ; Morgan, Harris, Luscombe et al., 2010). La musicothérapie permet à l’auditeur d’exprimer ses émotions et ses sentiments par l’intermédiaire de Chapitre 22
Approches complémentaires et parallèles en santé mentale
631
la danse, du chant et de l’imagination créatrice, même pour ceux qui n’ont pas recours à la parole (Gross, Linden & Ostermann, 2010). La musique contribuerait également à réduire l’agitation chez les personnes atteintes de troubles neurocognitifs majeurs (Ho, Lai, Jeng et al., 2011). Les clients d’une unité de santé mentale ont vu leur qualité de sommeil améliorée après que les inrmières ont eu recours à la musicothérapie (de Niet, Tiemens & Hutschemaekers, 2010). La danse, elle, est employée comme moyen d’accroître l’estime de soi de la personne et d’améliorer son image corporelle, d’atténuer la dépression, l’anxiété et le stress (Pinniger, Brown, Thorsteinsson et al., 2012). L’inrmière peut suggérer une ou plusieurs formes d’art-thérapie décrites plus haut, en tenant compte des centres d’intérêt et surtout des capacités de sa clientèle.
Humour L’humour et particulièrement le rire contribuent aussi à exprimer les émotions, à soulager les tenL’humour en tant que sions et l’anxiété et à s’adapter aux situations doumoyen de communicaloureuses ou désagréables 5 . Le rire a des tion thérapeutique est effets favorables sur la santé et améliore entre détaillé dans le chapitre 5, autres les aptitudes cognitives, la fréquence respiCommunication et relation ratoire et cardiaque, la pression artérielle et la thérapeutique. tension musculaire (Hasan & Hasan, 2009). Dans certains établissements, il existe une « salle de rire » munie de matériel humoristique (lms, disques et livres). Des effets positifs de l’humour ont été constatés chez les personnes atteintes de schizophrénie et dans les cas de problèmes de santé mentale en général (Gelkopf, 2011 ; Gelkopf, Gonen, Kurs et al., 2006). Au Québec, des programmes d’intervention basés sur l’humour ont permis de favoriser l’acquisition Ariane Fournier, âgée de 16 ans, est suivie à la d’habiletés interpersonnelles clinique des troubles de l’alimentation. Elle répète chez les jeunes ayant des difqu’elle déteste son corps et qu’elle n’éprouve que ficultés de socialisation à du dédain lorsqu’elle se regarde. De plus, elle dit ne cause de décits ou de retards plus éprouver de sensations corporelles comme la développementaux (trouble chaleur, le froid et le contact d’une texture soyeuse. du spectre autistique, handiDes traitements de massothérapie seraient-ils cap intellectuel) (Jourdanappropriés pour Ariane ? Justiez votre réponse. Ionescu, 2004). 5
Jugement
clinique
Zoothérapie Le contact des humains avec des animaux de compagnie favorise la relaxation et améliore le bien-être physique et mental (Cirulli, Borgi, Berry et al., 2011). La zoothérapie avec des animaux de la ferme est une intervention utilisée en psychiatrie (Berget & Braastad, 2011). La zoothérapie peut être employée en soins inrmiers psychiatriques en vue d’accroître l’estime de soi (Bachi, Terkel & Teichman, 2012). La présence d’animaux peut apporter du soutien moral et peut servir d’objet de projection dans un contexte psychothérapeutique,
632
Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
contribuer au bien-être des personnes âgées atteintes de dépression et souffrant de solitude, et améliorerait la capacité à éprouver du plaisir chez des personnes atteintes de schizophrénie chronique (PasseportSanté.net, 2009b).
22.2.4
Pratique faisant appel à la manipulation et aux mouvements du corps : la massothérapie
Le toucher, véhicule essentiel de la massothérapie, est une forme de communication et de soin. Plusieurs formes de massothérapie ainsi que de méthodes complémentaires sont répertoriées aujourd’hui (du traditionnel massage suédois au massage thaïlandais en passant par le shiatsu) et sont pratiquées par les massothérapeutes accrédités (Fédération québécoise des massothérapeutes, 2012). La plupart de ces massages s’effectuent avec les mains ; toutefois, les avant-bras, les coudes ou les pieds peuvent aussi être utilisés. La massothérapie vise avant tout la relaxation des muscles et de tout le corps, de même que l’amélioration de la conscience de soi, de ses émotions, de l’estime de soi ou encore de la résistance au stress. Elle peut également être utilisée pour produire un effet calmant. L’automassage, qui consiste à se prodiguer soimême des massages, a été employé dans un groupe de personnes souffrant de douleurs. Les résultats ont démontré, chez ceux qui se sont massés, une atténuation de la douleur, mais également une diminution de l’anxiété et des troubles dépressifs, bipolaires et apparentés (Field, Diego, Delgado et al., 2011).
22.2.5
Autre approche complémentaire et parallèle en santé : le toucher thérapeutique
La guérison par le toucher remonte aux premières civilisations. Deux Américaines, une inrmière, Dolores Krieger, et une « guérisseuse », Dora Kunz, ont mis au point cette pratique dans les années 1970, en collaboration avec des médecins et un biochimiste (Lewis, 2011). Cette approche est encadrée par la Nurse Healers – Professional Associates international et est pratiquée par quelque 100 000 personnes formées dans le monde (Therapeutic Touch International Association, 2012). Le toucher thérapeutique part du principe que chaque personne a un champ énergétique, qui est perturbé en cas de maladie (Association canadienne des thérapeutes en médecines douces, 2015). Cette technique consiste à rééquilibrer le champ énergétique à l’aide d’un transfert d’énergie, par une imposition des mains (sans aucun toucher direct) en une succession de mouvements au-dessus et autour de la personne. En santé mentale, le toucher
Soins et traitements inrmiers Connaître les approches complémentaires et parallèles en santé De nombreux modèles de pratique ont été élaborés pour guider l’inrmière dans l’exercice de ses fonctions. Tous ces modèles sont conçus selon une vision holistique du client, sa capacité à s’adapter aux événements, l’incidence des valeurs sociales et culturelles sur ses croyances concernant la santé et la maladie, et sa contribution personnelle aux résultats positifs des traitements (KPBS, 2006 ; Topham, 2010 ; Zahourek, 2008). Les inrmières, comme d’autres professionnels de la santé – médecins, physiothérapeutes – intègrent les ACPS en complément à leur pratique clinique classique (OIIQ, 2006). Le recours aux ACPS dépasse le cadre de la profession puisqu’il est également reconnu au sein même du système de santé canadien, comme en témoignent les remboursements des compagnies d’assurance privées pour ces soins (Santé Canada, 2002a).
Informer le client Les inrmières rencontreront de plus en plus de clients qui ont recours aux ACPS (Santé Canada, 2002b). C’est pourquoi l’inrmière respecte la dignité, l’intégrité, les croyances et les pratiques en matière de santé du client (OIIQ, 2006). L’OIIQ reconnaît l’intégration des ACPS dans l’exercice de la profession inrmière et rappelle le point suivant dans l’article 4 de la section I des devoirs inhérents à l’exercice de la profession du code de déontologie : « Dans le cadre de soins et traitements prodigués à un client, l’inrmière ou l’inrmier ne peut utiliser ou dispenser des produits ou des méthodes susceptibles de nuire à la santé ou des traitements miracles. L’inrmière ou l’inrmier ne peut non plus consulter une personne qui utilise ou dispense de tels produits, méthodes ou traitements miracles, ni collaborer avec cette personne, ni lui envoyer son client. » (Code de déontologie des inrmières et inrmiers, c. I-8, r. 9) Le client s’attend à ce que les professionnels de la santé connaissant le sujet le conseillent sur l’efcacité des ACPS, les résultats de recherches, leur utilisation clinique. L’inrmière peut rappeler que ces approches ne remplacent pas
clinique
les thérapies de la médecine classique, mais que, souvent, Marie-Camille Guy, âgée de 39 ans, est suivie elles peuvent être utilisées en consultation externe de santé mentale pour conjointement. L’inrmière trouble anxieux. Malgré l’ajustement de sa médipeut conseiller le client, mais cation, elle n’arrive pas à diminuer les tensions l’article 79 du Code de déonintérieures qu’elle éprouve au moment d’une situatologie prévoit ceci : « L’intion stressante. Quelle approche complémentaire rmière ou l’inrmier ne peut pourrait aider madame Guy à gérer son anxiété ? faire le commerce de produits ou de méthodes susceptibles de nuire à la santé ou de traitements miracles. » (Code de déontologie des inrmières et inrmiers, c. I-8, r. 9). Il est précisé dans les standards de pratiques de l’inrmière autonome que celle-ci doit faire preuve « de prudence et de rigueur dans l’utilisation d’approches complémentaires et informer [le client] des limites […] an qu’il CE QU’IL FAUT RETENIR puisse prendre une décision éclairée » (OIIQ, 2006). Très souvent, le client n’ose parler de son L’inrmière doit être utilisation d’une ACPS de peur d’être jugé ou de prudente lorsqu’elle utilise briser le lien de conance avec le professionnel les ACPS. Elle doit de la santé. L’inrmière se montre ouverte à la respecter les valeurs du discussion et démontre qu’au contraire elle peut client et, le cas échéant, aider le client en vériant la abilité de l’inforl’informer de leurs limites mation qu’il a obtenue. Elle peut aussi informer an qu’il puisse prendre le client sur la réglementation qui encadre les une décision éclairée. diverses approches complémentaires.
Jugement
thérapeutique a produit un effet démontré sur le comportement de personnes atteintes d’un trouble neurocognitif majeur et de la maladie d’Alzheimer (Hawranik, Johnston & Deatrich, 2008 ; Woods, Beck & Sinha, 2009).
Participer à l’amélioration des soins Au Québec, plusieurs approches sont reconnues par l’OIIQ (1987). La sensibilisation et la reconnaissance des ACPS seraient plus élevées chez les inrmières, pharmaciens et physiothérapeutes que dans les autres professions de la santé (Santé Canada, 2002a). L’implication des inrmières dans le massage, la relaxation, la musicothérapie et l’humour le démontre bien (OIIQ, 1993). Comme tout intervenant en santé, l’inrmière a la responsabilité de s’informer auprès de son ordre professionnel des compétences qu’elle doit acquérir. Ces dernières peuvent être suivies au moyen de formations données par des instituts privés, des universités ou des collèges. Ces formations peuvent varier autant sur leur portée que sur leur durée (Santé Canada, 2002a).
22
Les inrmières jouent un rôle non négligeable dans les recherches sur l’efcacité des ACPS. Elles participent à la mise au point de nouveaux traitements pour améliorer le bien-être de leur client en intégrant ces approches à leur pratique (Adams, Sibbritt & Lui, 2012 ; Sung, Lee, Chang et al., 2011 ; Zauderer & Davis, 2012).
Chapitre 22
Approches complémentaires et parallèles en santé mentale
633
Analyse d’une situation de santé Marie-Christine St-Amant enseigne au niveau primaire depuis 18 ans. Elle est âgée de 41 ans et est suivie en consultation externe de santé mentale pour troubles anxieux. Elle prend du lorazépam (Ativanmd) 0,5 mg b.i.d., mais dit éprouver quand même de l’anxiété dans des situations
Jugement clinique qu’elle considère stressantes, comme les rencontres avec les parents des élèves. Madame St-Amant est déçue de ne pas voir d’amélioration de sa condition malgré la médication. Elle ne veut toutefois pas prendre plus de médicaments, car elle craint de devenir dépendante de ceux-ci.
Mise en œuvre de la démarche de soins
Collecte des données – Évaluation initiale – Analyse et interprétation 1. Serait-il pertinent de demander à madame St-Amant si elle prend des produits de santé naturels ? Justiez votre réponse. 2. Puisque madame St-Amant ne veut pas prendre plus de médicaments par crainte de la dépendance, quelle information serait-il alors approprié d’obtenir de sa part ? SOLUTIONNAIRE
Vous essayez de trouver avec la cliente une approche qui serait susceptible de l’aider à mieux gérer son stress dans les situations anxiogènes.
écemment vu dans ce chapitre Serait-ce pertinent de suggérer à madame St-Amant de faire de la méditation ? Justiez votre réponse.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
Planication des interventions – Décisions inrmières 3. Des approches comme la massothérapie et le toucher thérapeutique seraient-elles de bonnes straté gies pour aider madame St-Amant à gérer son anxiété ? Justiez votre réponse. 4. Quelle approche semblerait la plus appropriée à la cliente ? Justiez votre réponse.
Vous rencontrez madame St-Amant de nouveau. MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution 5. Trouvez deux données à recueillir dans une rencontre ultérieure pour vous informer de l’évolution du trouble anxieux de la cliente.
634
Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
APPLICATION DE LA PENSÉE CRITIQUE Dans l’application de la démarche de soins auprès de madame St-Amant, l’inrmière a recours à un ensemble d’éléments (connaissances, expériences antérieures, normes institutionnelles ou protocoles, attitudes professionnelles) pour analyser la situation de santé de la cliente et en comprendre
les enjeux. La FIGURE 22.2 illustre le processus de pensée critique suivi par l’inrmière an de formuler son jugement clinique. Elle résume les principaux éléments sur lesquels l’inrmière s’appuie en fonction des données de cette cliente, mais elle n’est pas exhaustive.
VERS UN JUGEMENT CLINIQUE NORMES
ATTITUDES
• Respect du champ d’exercice de l’inrmière d’après la Loi sur les inrmières et les inrmiers • Respect du milieu de travail au regard de ces approches thérapeutiques
• Être compréhensive devant le désir de la cliente de ne pas vouloir prendre plus de médicaments • Être ouverte à d’autres approches que les traitements classiques • Respecter le choix de la cliente d’expérimenter ou non des stratégies différentes de gestion de son stress dans des situations anxiogènes • Être authentique en favorisant une stratégie connue et éprouvée
EXPÉRIENCES
CONNAISSANCES • Diverses approches complémentaires et parallèles en santé utilisables dans des situations de santé mentale • Avantages et bienfaits de ces approches sur le bien-être psychologique de la personne • Limites de ces approches et risques sur la santé physique • Applications possibles dans le champ d’exercice de l’inrmière
• Expérience de travail en santé mentale • Expérience dans l’utilisation d’approches complémentaires et parallèles en santé • Expérience personnelle d’utilisation de ces approches
PENSÉE CRITIQUE
ÉVALUATION • • • • • •
Degré d’anxiété de la cliente à chaque rencontre Stratégies de réduction de l’anxiété utilisées par la cliente et leur efcacité Situations anxiogènes reconnues par madame St-Amant Manifestations de son anxiété Intérêt de la cliente à essayer de nouvelles stratégies de réduction de l’anxiété Efcacité des nouvelles stratégies (au cours des rencontres ultérieures)
22
JUGEMENT CLINIQUE FIGURE 22.2
Application de la pensée critique à la situation clinique de madame St-Amant
Chapitre 22
Approches complémentaires et parallèles en santé mentale
635
Chapitre
23
Soins inrmiers et suivis dans la communauté Écrit par : MarieClaude Jacques, inf., Ph. D. (c) Mis à jour par : JeanPierre Bonin, inf., Ph. D. (Santé publique) D’après un texte de : Alwilda SchollerJaquish, RN, PhD
MOTS CLÉS
OBJECTIFS
Agente de liaison . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 639 Approche de travail de proximité (outreach) . . . . . . . . . . . . . . . . . 644 Continuité des services . . . . . . . . . . . . . . 639 Éducation à la santé . . . . . . . . . . . . . . . . . 638 Gestion autonome de la médication (GAM) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 642 Intervenante pivot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 639 Personnes en situation d’itinérance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 644 Personnes incarcérées . . . . . . . . . . . . . . 646 Services de soutien d’intensité variable (SIV) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 641 Suivi à domicile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 641 Suivi intensif (SI) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 641 Suivi intensif dans la communauté. . . 640
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez être en mesure : • de décrire les responsabilités de l’infirmière qui intervient en santé mentale dans la communauté ; • d’expliquer les éléments importants du suivi à domicile de personnes souffrant de troubles mentaux ; • de décrire en quoi le personnel infirmier joue un rôle fondamental dans la gestion des symptômes et l’adhésion au traitement en contexte communautaire ; • de décrire les éléments propres aux soins à des clientèles particu lières, soit les personnes en situation d’itinérance et les personnes incarcérées.
Disponible sur • • • • •
À retenir Carte conceptuelle Figure Web Ressources Solutionnaire de l’Analyse d’une situation de santé
• • • •
Guide d’études – RE17
636
Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
Solutionnaire des questions de Jugement clinique Solutionnaire des questions Réactivation des connaissances Solutionnaire des questions Récemment vu dans ce chapitre Solutionnaires du Guide d’études
Concepts clés
Cette carte conceptuelle illustre schématiquement les principaux concepts décrits dans le présent chapitre. Sa lecture vous permettra d’avoir une vue d’ensemble des notions qui y sont présentées.
trois approches
nécessitent
pour
pour
attention particulière
dans
clientèles visées
impliquent
rôles de l’inrmière
Soins inrmiers et suivis dans la communauté
responsabilités inrmières
essentiels pour
23
Chapitre 23
Soins inrmiers et suivis dans la communauté
637
PORTRAIT
Kevin Paquet Il y a une semaine, Kevin Paquet, âgé de 20 ans, étudiant au niveau collégial, a reçu son congé des services hospitaliers psychiatriques an de vivre de manière autonome. À la suite d’une fête, quatre de ses amis l’avaient amené à l’hôpital parce qu’il était ivre et présentait un comportement agressif et menaçant. Ses amis ont mentionné plusieurs changements dans le comportement de monsieur Paquet au cours du mois précédent. Avant son hospitalisation, monsieur Paquet avait commencé à rester éveillé toute la nuit, à consommer de l’alcool et à se battre avec des personnes de son immeuble. Il avait également reçu deux contraventions pour excès de vitesse au cours de la semaine précédente. Au centre hospitalier, monsieur Paquet a reçu le diagnostic de trouble bipolaire I, épisode maniaque isolé. Du carbonate de lithium (Carbolith md) à raison de 300 mg, 3 fois par jour, et du clonazépam (Rivotrilmd) à raison de 2 mg, au coucher, lui ont été prescrits. À sa sortie du centre hospitalier, des médicaments lui ont été remis pour une semaine. Aujourd’hui, l’inrmière intervenante pivot a reçu un appel du propriétaire de l’immeuble où habite monsieur Paquet. Il est inquiet, car monsieur Paquet lui a dit d’un ton sarcastique qu’il se tuerait si on lui demandait de baisser le volume de sa musique. Le propriétaire mentionne que d’autres locataires se plaignent du fait que monsieur Paquet fasse du bruit à toute heure de la nuit. L’inrmière n’a pas vu le client depuis sa sortie du centre hospitalier il y a une semaine et n’arrive pas à le joindre par téléphone.
23.1
2 Les objectifs des soins communautaires sont dénis dans le chapitre 2, Santé mentale et services dans la communauté.
Responsabilités de l’inrmière dans la communauté
Dans la communauté, le rôle de l’inrmière en santé mentale consiste à aider les clients à maintenir une indépendance et un niveau de fonctionnement optimaux au sein de leur milieu 2 . Ce rôle exigeant requiert une connaissance approfondie du comportement et du développement humains, des troubles mentaux ainsi que des traitements. Il est essentiel que l’inrmière comprenne la dynamique au sein d’un groupe ou d’une famille et qu’elle connaisse les ressources locales et le réseau communautaire an de collaborer avec l’équipe de soins interdisciplinaire. L’inrmière en psychiatrie communautaire s’occupe notamment de groupes particuliers au sein de la population (p. ex., des personnes souffrant
638
Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
d’un trouble mental grave en plus d’une dépendance à l’alcool ou à d’autres drogues, des personnes infectées par le virus de l’immunodécience humaine [VIH] ou l’hépatite C, des adolescents en difculté, divers groupes ethniques, etc.). Elle intervient habituellement dans les services externes en santé mentale, en centre de réadaptation en santé mentale et dépendance, ou à domicile. L’inrmière porte généralement le chapeau d’agente de liaison ou d’intervenante pivot et de membre de l’équipe de soutien d’intensité variable ou de suivi intensif dans la communauté, laquelle traite de façon complète les personnes atteintes d’un trouble mental grave. Un tel poste comporte de nombreuses responsabilités, notamment l’évaluation, la gestion des dossiers des clients et l’offre de soins psychiatriques à domicile, qui comprend également l’administration de médicaments psychotropes. De plus, l’infirmière en pratique avancée ou l’inrmière clinicienne en santé mentale et psychiatrie peut devenir gestionnaire d’un programme de santé mentale en CISSS ou en centre hospitalier, ou encore conseillère clinique, et ainsi agir à titre de consultante auprès des partenaires de soins. Elle est aussi en mesure d’ap pliquer de façon autonome différentes approches thérapeutiques, par exemple la thérapie cognitivo-comportementale (Ordre des inrmières et inrmiers du Québec [OIIQ], 2012). L’inrmière qui intervient dans la communauté adopte une approche très exible et accepte de jouer un rôle d’inrmière moins traditionnel. Les soins dans la communauté offrent des occasions d’intervention où, souvent, l’inrmière est la seule personne disponible dans l’entourage du client pour offrir un accompagnement contribuant à son rétablissement et à sa réadaptation. Par exemple, il peut s’agir de participer à un groupe de marche avec un client ou de partager avec une cliente la joie de l’arrivée d’un nouveau-né.
23.1.1
Éducation à la santé
L’éducation à la santé consiste à accompagner la personne dans l’apprentissage de l’utilisation de son potentiel, ses habiletés et ressources an de favoriser son empowerment. L’objectif est l’autogestion de la maladie, ainsi que l’atteinte d’un niveau de bien-être optimal (Bastable, 2014). L’inrmière effectue, lorsque pertinent, des interventions éducatives auprès des proches du client. Dans le passé, les familles étaient vues comme un agent causal des troubles mentaux et elles étaient, par conséquent, exclues du plan de traitement, voire perçues comme responsables de l’apparition ou de la chronicisation du trouble mental. Les membres de la famille sont désormais considérés comme des sources d’influence
thérapeutique positive pour leur proche, tout en ayant des besoins sur divers plans : connaissances sur le trouble et stratégies d’adaptation, soutien et collaboration avec les professionnels de la santé (Morin, 2012). Les familles qui hébergent sous leur toit un proche atteint d’un trouble mental font face à de nombreux dés tels que des problèmes de comportement, les impacts sur la vie quotidienne, les responsabilités nancières, la supervision continue, etc. (Corrigan, Mueser, Bond et al., 2009). L’infirmière peut alors effectuer auprès des membres de la famille des interventions systémiques et éducatives visant à les aider à avoir des attentes réalistes envers leur proche, à communiquer de façon plus efcace avec celui-ci et à utiliser l’approche de résolution de problèmes de façon routinière (Leclerc & Thérien, 2012) FIGURE 23.1. Le client, pour sa part, doit se doter de stratégies an de bien gérer son trouble, et ce, dans le but d’atteindre la stabilité et de favoriser le rétablissement. D’abord, il doit parvenir à une adhésion rigoureuse aux traitements médicamenteux et psychosociaux recommandés, et ce, dans un esprit éclairé et avec abilité. Deuxièmement, il importe d’élaborer un plan de prévention des rechutes qui servira en cas d’apparition de symptômes précoces. Enn, les personnes ayant une comorbidité avec des troubles liés à une substance doivent faire des apprentissages dans le but d’éviter à la fois les rechutes d’un trouble mental et d’un problème de consommation d’alcool ou de drogue. Ces personnes devraient pouvoir bénécier de services intégrés en toxicomanie et santé mentale (Rush & Nadeau, 2012). Cependant, il n’est pas rare que les décits neurocognitifs provoqués par le trouble mental nuisent à l’apprentissage du client. D’ailleurs, certains clients ne parviennent pas toujours à réutiliser une compétence acquise si le contexte change. Par exemple, un client peut avoir appris en thérapie à engager une conversation avec un inconnu, mais éprouver de la difculté à faire connaissance avec ses voisins, à qui il n’a jamais adressé la parole. La visite à domicile, décrite dans la deuxième section de ce chapitre, constitue donc une approche efficace pour enseigner
les aptitudes de la vie autonome au client qui présente des décits de transfert d’apprentissage. Durant une démonstration à la maison, le client a la possibilité d’employer ses propres stratégies, et ce, dans son propre milieu, ce qui facilite la mémorisation.
23.1.2
Coordination des soins
L’inrmière est appelée à occuper des postes de coordination des soins entre les divers paliers de services. Plusieurs intervenants gravitent autour de la clientèle en santé mentale, qui peut être suivie à la fois par un psychiatre, des organismes communautaires, des intervenants des services juridiques, un service de soutien scolaire, etc. Il peut être difcile pour les clients de s’y retrouver, particulièrement s’ils changent fréquemment d’intervenant. Fleury & Grenier (2012) ont mené une étude qualitative auprès de clients suivant un traitement psychiatrique. Ils ont constaté chez ces derniers une démotivation en raison des fréquents changements de personnel soignant. Les participants ont expliqué que le lien qu’ils entretiennent notamment avec leur intervenant pivot est très important à leurs yeux et qu’ils comptent sur ce dernier pour les aider à faire face aux divers événements et situations de crise qui surviennent dans leur vie. Il importe d’éviter le dédoublement de services, de s’assurer que le client a accès aux services dont il a besoin au bon moment et qu’il puisse faire appel à une personne qui connaît bien sa situation. L’inrmière peut être cette personne et jouer le rôle d’agente de liaison ou d’intervenante pivot (ministère de la Santé et des Services sociaux [MSSS], 2011).
CE QU’IL FAUT RETENIR
Dans la communauté, le rôle de l’inrmière en santé mentale consiste à aider les clients à maintenir une indépendance et un niveau de fonctionnement opti maux au sein de leur milieu.
Services intégrés : Approche où les services de santé men tale et de toxicomanie sont prodigués de façon simultanée, par la même équipe inter disciplinaire, qui assume la responsabilité du traitement des deux troubles, plutôt que de les traiter de façon séquentielle dans des services séparés.
Agente de liaison L’inrmière agente de liaison collabore souvent et de façon étroite avec les services hospitaliers (notamment l’urgence psychiatrique) de façon à éviter un bris de service pour un client qui a traversé un épisode de crise. Elle peut travailler directement à l’urgence d’un centre hospitalier et dépister les clients qui recevront leur congé sous peu et qui auront besoin d’un service en externe, ou qui devront être remis en contact avec des services dont ils bénéciaient déjà. Par une collecte des données, elle détermine les ressources déjà en place pour le client, ainsi que celles dont il aurait besoin pour la continuité des services. Elle contribue à créer des ponts entre les ressources du milieu et avec le client. Ainsi, le client, stabilisé après une courte visite à l’urgence, devrait à sa sortie du centre hospitalier avoir déjà un suivi prévu avec son intervenant du CISSS.
23
Intervenante pivot FIGURE 23.1 L’inrmière implique le client et ses proches dans la gestion du trouble.
L’inrmière intervenante pivot est la personne avec laquelle le client crée les liens les plus étroits au cours de son suivi dans la communauté. Elle prodigue elle-même des soins et services au client, Chapitre 23
Soins inrmiers et suivis dans la communauté
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assure le soutien affectif dont il a besoin et coordonne les autres services qu’il nécessite. Elle met rapidement à jour le plan d’intervention ou le plan de services individualisé du client lorsque des changements surviennent (p. ex., si le client a été expulsé de son logement, ou s’il a cessé de prendre sa médication). Le plan d’intervention et le plan de services individualisé sont des obligations ministérielles. Le plan d’intervention sert à la coordination des services lorsque plusieurs intervenants d’un même établissement offrent des services au client. Il contient les besoins du client, les objectifs poursuivis, les moyens à utiliser et la durée prévisible pendant laquelle des services devront lui être fournis. Lorsque le client doit recevoir des services d’autres intervenants en plus de ceux fournis par son établissement pour une période prolongée, c’est un plan de services individualisé qui doit être élaboré, an d’assurer la coordination entre les divers partenaires (RLRQ, c. S-4.2, art. 102 et 103). Le client a le droit de participer à l’élaboration de son plan d’intervention ou de son plan de services individualisé (RLRQ, c. S-4.2, art. 10). L’inrmière a aussi pour rôle de faire valoir les droits et les préférences du client au sein de l’équipe interdisciplinaire et auprès des autres partenaires s’il y a lieu.
2 Le suivi intensif dans la communauté et le soutien d’intensité variable sont présentés dans le chapitre 2, Santé mentale et services dans la communauté.
27 Les interventions inrmières en cas de crises psychotrau matiques sont dénies dans le chapitre 27, Situation de crise.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les personnes atteintes de troubles mentaux présentent une plus grande fragilité qui peut compromettre leur capacité d’adaptation.
640
Partie 4
D’autres professionnels peuvent porter le titre d’intervenant pivot, notamment un travailleur social, un ergothérapeute ou un psychoéducateur. Le type de professionnel assigné à un client peut dépendre des raisons cliniques du suivi. Il pourrait s’agir par exemple d’une inrmière dans le cas d’un client atteint de schizophrénie et de diabète. L’inrmière intervenante pivot évalue chacun des aspects de la vie du client an de déterminer quels sont ses besoins et s’il est en mesure de les satisfaire. En collaboration avec les autres membres de l’équipe interdisciplinaire, elle contribue à la prise des médicaments par des visites à domicile et par de l’enseignement sur le traitement, les effets indésirables et le trouble mental. L’intervenante pivot aide le client à établir un réseau de soutien et lui offre un accompagnement de base pour la vie quotidienne et sa santé physique. De plus, l’accompagnement vise à faciliter l’accès aux services de loisirs, à défendre les droits du client et à assurer l’intégration en emploi (Institut universitaire en santé mentale Douglas, 2010). L’inrmière intervenante pivot œuvre, entre autres, au sein des équipes de suivi intensif dans la communauté. La clientèle est composée de personnes souffrant de troubles mentaux graves et ayant épuisé les services usuels. Le suivi intensif est effectué par une équipe interdisciplinaire FIGURE 23.2. Tous les intervenants connaissent tous les clients et interviennent auprès de chacun selon ses besoins, mais chaque client a un intervenant désigné, qui est la personne la plus proche de lui. Il s’agit de l’intervenant pivot. Le client en suivi
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
FIGURE 23.2 Dans la communauté, l’inr mière collabore aux services de plusieurs professionnels et en assure la coordination.
intensif peut avoir été orienté à la suite d’une hospitalisation ou par d’autres mécanismes, dont le guichet d’accès en santé mentale. L’inrmière intervenante pivot s’occupe de 8 à 10 clients, selon l’intensité du suivi requis pour répondre à leurs besoins (Gélinas, 2012). Un baccalauréat en sciences inrmières est généralement recommandé (OIIQ, 2009). Le mandat des inrmières intervenantes pivot en santé mentale dépend de l’organisme qui les emploie et du type de programme dans lequel s’insère la prestation des services (p. ex., un service de suivi intensif dans la communauté ou un service de soutien d’intensité variable) 2 .
23.1.3
Interventions en situation de crise
Les soins communautaires comprennent fréquemment des interventions en situation de crise, et ce, auprès de groupes et de personnes. Au Québec, la plupart des municipalités disposent d’équipes interdisciplinaires spéciales composées, entre autres, de professionnels de la santé qui prodiguent des soins de santé mentale aux sinistrés. Les inondations au Saguenay en 1996, qui ont détruit plus de 500 résidences et nécessité l’évacuation de 16 000 personnes, la tempête de verglas de 1998, qui a provoqué une panne d’électricité majeure, ainsi que la tragédie ferroviaire qui a ravagé le centreville de Mégantic en 2013 et provoqué le décès de 47 personnes, sont des exemples d’événements catastrophiques qui perturbent fortement le quotidien des personnes touchées (Agence de la santé et de services sociaux de l’Estrie, 2013 ; Charbonneau, Ouellette & Gaudet, 2000 ; Lalande, Maltais & Robichaud, 2000) 27 . Les personnes atteintes de troubles mentaux présentent une plus grande fragilité qui peut compromettre leur capacité d’adaptation à de tels événements, car elles sont plus vulnérables au stress en plus de connaître l’isolement social, qui pourrait s’accentuer en cas de catastrophe. Par ailleurs, les personnes atteintes d’un trouble mental grave sont plus susceptibles d’avoir un
comportement violent, en particulier celles qui présentent une psychose. Selon les études, de 10 à 25 % des personnes ayant un trouble de santé mentale risqueraient de recourir à la violence, comparativement à 2,1 % des personnes n’en ayant pas (Crocker, Côté & Brathwaite, 2012). Il peut arriver que les personnes victimes d’hallucinations visuelles, auditives ou tactiles se blessent ou blessent quelqu’un au cours de leurs expériences hallucinatoires. Ces personnes nécessitent une surveillance soutenue assurée par un professionnel de la santé mentale et les membres de leur famille 29 . Depuis la n des années 1990, les homicides commis par des personnes souffrant d’un trouble mental ont augmenté (Statistique Canada, 2012). La fusillade de l’École Polytechnique de Montréal en 1989 (14 femmes tuées et 14 blessés) et celle, en 2006, du Collège Dawson à Montréal (20 blessés et 1 mort) en sont quelques exemples. Marc Lépine, auteur de la fusillade de l’École Polytechnique, s’est enlevé la vie et Kimveer Gill a été abattu par les policiers. Depuis ces événements, l’accessibilité des soins en santé mentale a été renforcée, et les lois relatives aux armes à feu ont été resserrées. Une personne atteinte d’un trouble mental pourrait aller jusqu’à causer la mort d’un membre de sa famille qui pensait être capable de maîtriser son proche. La crainte qu’un proche commette un acte violent augmente la détresse psychologique et le fardeau des membres de sa famille (Katz, Medoff, Fang et al., 2015). Il y a eu au Québec, entre 1997 et 2007, 11 cas de familicides, dont 10 ont été commis par des hommes (Léveillée & Lefebvre, 2008). Souvent appelé homicide masculin, le familicide consiste à tuer sa conjointe, ses enfants et ensuite à se suicider, ce qui se produit dans 80 % des cas (Léveillée & Lefebvre, 2008). Plusieurs des auteurs de familicide présentaient des antécédents psychiatriques (Léveillée & Lefebvre, 2008). Même les intervenants en santé mentale ne sont pas toujours en mesure de se protéger contre la violence d’un client. L’inrmière en psychiatrie communautaire est appelée à se protéger, de même que le client, les membres de la famille et toute autre personne éventuellement menacée. En cas de trouble mental grave, l’abus et la négligence dans l’enfance, la présence de comportements antisociaux à la maison, l’abus d’alcool et les événements de vie stressants sont des facteurs associés qui contribueraient à augmenter les risques de gestes violents (Van Dorn, Volavka & Johnson, 2012). L’inrmière doit donc évaluer attentivement ces facteurs de risque. Avoir été victime d’une forme de violence constituerait un facteur de risque supplémentaire. Les personnes atteintes d’un trouble mental grave et qui présentent des symptômes décitaires sont parfois victimes de mauvais traitements de
la part d’un membre de la famille ou d’un soignant. Celles qui présentent une décience mentale et qui sont victimes de mauvais traitements physiques, sexuels ou émotionnels hésitent souvent à dénoncer leur agresseur par peur de perdre la sécurité dont elles jouissaient jusqu’aux incidents. Il arrive également que ces clients tentent d’en parler à leur intervenant en santé mentale, mais que ce dernier ne les comprenne pas. Les policiers composent avec des personnes souffrant de troubles mentaux. Certains sont spécialement formés pour intervenir dans les situations d’urgence psychiatrique. Toutefois, il est arrivé que les policiers aient eu recours à une force excessive, voire mortelle, dans une intervention auprès d’une personne souffrant d’un trouble mental. L’inrmière en psychiatrie communautaire participe à l’enseignement auprès de la collectivité, notamment des policiers et des autres intervenants d’urgence. À cet effet, des services 24/7 tels que Urgence Psychosociale-Justice (UPS-J) à Montréal et le Programme d’encadrement clinique et d’hébergement (PECH) de Québec offrent du soutien aux policiers dans des situations de crise et de dangerosité, et ce, dans le but de prévenir la judiciarisation des personnes atteintes de troubles mentaux.
23.2
29 Une personne atteinte d’un trouble mental n’est pas systématiquement violente ; des interventions de prévention sont présentées dans le chapitre 29, Violence.
Suivis à domicile
Le suivi à domicile effectué en santé mentale par des inrmières se fait surtout par les services de suivi intensif (SI) et les services de soutien d’intensité variable (SIV). Outre l’intensité de service, le SI se distingue par son approche interdisciplinaire, où plusieurs intervenants d’une même équipe peuvent visiter le client dans la semaine, voire dans la même journée. À l’inverse, dans un service de type SIV, l’inrmière est souvent la seule intervenante (rôle de pivot), qui assure des visites au domicile du client à une fréquence variable selon les besoins. Le suivi à domicile est effectué dans le milieu de vie du client, qu’il s’agisse d’un domicile privé ou d’une ressource d’hébergement de groupe PSTI 23.1. Les clients qui vivent dans la communauté et qui nécessitent des traitements sont souvent réticents à l’idée d’être hospitalisés le temps que durent les traitements. Le cas échéant, l’objectif de la visite à domicile est d’établir un pont entre le client et le système de soins par l’entremise de l’inrmière ou de l’intervenant pivot. D’ailleurs, certains clients sont vus à domicile pendant plusieurs mois avant d’accepter un hébergement dans un centre de soins en santé mentale en vue d’y être traités. Cette approche active peut s’avérer utile pour les clients qui sont généralement réticents aux traitements classiques prodigués dans le cabinet du médecin (Stanhope, 2011). Chapitre 23
23
CE QU’IL FAUT RETENIR
L’inrmière a la responsabilité de s’assurer que les visites au domicile des clients se fassent de façon sécuritaire.
Soins inrmiers et suivis dans la communauté
641
23.2.1
21 Les interventions inr mières pour favoriser l’adhésion du client au traitement sont présentées dans le chapitre 21, Psychopharmacothérapie et autres thérapies biologiques.
Évaluation de l’environnement
La visite à domicile est tout d’abord utile pour observer l’environnement du client, ce qui peut donner de précieuses informations au sujet de ce dernier, notamment sur son état de santé et de bien-être ENCADRÉ 23.1.
23.2.2
Évaluation des besoins
L’inrmière qui exerce un suivi à domicile en santé mentale fait beaucoup plus qu’intervenir uniquement en lien avec le trouble dont souffre le client. Ce dernier aspire à avoir une vie aussi normale que possible et l’inrmière à domicile bénécie d’une
Collecte des données ENCADRÉ 23.1
Observations au cours des visites à domicile
L’inrmière évalue les composantes de l’environnement du client : • le niveau de stress du client lorsqu’il est chez lui ; • les conditions de vie de base : draps et couvertures propres, vêtements convenables, papier hygiénique, eau courante, savon, shampoing, brosse à dents, etc. ; • l’accès à une laveuse et à une sécheuse ; • la nourriture : contenu des armoires et du réfrigérateur, quantité et salubrité des aliments ;
animaux ou risque pour la sécurité de jeunes enfants ; • la présence ou l’absence d’amis, de membres de la famille, d’un colocataire, ainsi que la qualité de la relation avec ces personnes ; • les indices d’abus ou de négligence ; • les problèmes de santé physique nécessitant une assistance rapide ; • les médicaments ; • les signes de consommation d’alcool ou de drogues.
• les risques environnementaux : moisissures, punaises de lit, poussière excessive, Source : Adapté de Wenzl & Berthold (2009).
Collecte des données ENCADRÉ 23.2
Forces, intérêts et buts évalués par le client
L’inrmière pose plusieurs questions pour déterminer, avec le client, ses besoins : • Questions ouvertes sur les buts du client concernant le logement et les conditions de vie, la situation nancière et professionnelle, les relations interpersonnelles, la vie spirituelle et religieuse, la santé et la qualité de vie. • Questions sur les besoins d’aide ou de soutien du client en matière : – de gestion de l’argent ; – de gestion de la santé ; – de nutrition ; – de situation professionnelle ;
– – – – – – – – – – –
de transport ; d’amitiés ; d’activités récréatives ; d’hygiène personnelle ; d’effets personnels ; de prise de médicaments ; d’effets indésirables (des médicaments) ; de droits ; de difcultés cognitives ; de qualité de vie ; de qualité du traitement (degré de satisfaction) ; – de symptômes ; – de comportements dans la collectivité.
Source : Adapté de Wallace, Lecomte, Wilde et al. (2001).
642
Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
position privilégiée pour l’aider à déterminer des objectifs de vie. Ainsi, la collecte des données de l’inrmière prend en compte ces aspects. Il existe des outils spécialement conçus pour déterminer les besoins des personnes dans un contexte de santé mentale communautaire. L’outil Forces, intérêts et buts évalués par le client (FIBEC), validé en français, permet d’obtenir un portrait complet des besoins de la personne ENCADRÉ 23.2. Si elle n’a pas ce type d’outil à sa disposition, l’inrmière peut suivre la logique du FIBEC pour évaluer de façon adéquate les besoins de son client. En effet, dans cet outil, chaque élément est traité du point de vue du client : le client précise s’il présente une difculté sur un aspect, s’il veut se xer un but personnel en lien avec celui-ci et, nalement, s’il désire de l’aide ou du soutien pour atteindre ce but. Ainsi, l’inrmière s’assure d’une plus grande collaboration de la part du client, puisqu’elle peut axer ses interventions sur ses besoins personnels.
23.2.3
Accompagnement de la pharmacothérapie
Le suivi à domicile de clients traités avec des médicaments psychotropes pour un trouble mental présente des dés particuliers pour l’inrmière. Au cours de ses visites, elle doit vérier quel est l’état du traitement pharmacologique (Byrne & Deane, 2012). Le client a-t-il ses médicaments chez lui ? En a-t-il en quantité sufsante pour les prochains jours ? Les médicaments en sa possession correspondent-ils à l’ordonnance en cours ? Le client prend-il ses médicaments ? Comment sont-ils organisés (p. ex., des contenants bien étiquetés ou un système de distribution tel que Dispillmd) ? La non-adhésion est un enjeu majeur. De 30 à 50 % des clients nécessitant un traitement à long terme ne prennent par leur médication telle que prescrite. Un trouble lié à une substance, le manque d’insight, les conditions de vie non favorables à l’adhésion au traitement, les effets indésirables, le manque de soutien social et une alliance thérapeutique de mauvaise qualité, entre autres, contribuent au risque de non-adhésion (Shuler, 2014). L’inrmière peut recourir à différentes stratégies, et établir une relation de conance et de collaboration, an de renforcer la participation du client à son traitement (Diamond, 2012) 21 . De plus en plus de clients désirent un meilleur ajustement et un meilleur contrôle de leur médication (Rodriguez & Poirel, 2007). La gestion autonome de la médication (GAM) représente plus que l’automédication (le fait de prendre ses médicaments seul et sans aide). Elle vise une réappropriation du pouvoir et une amélioration de la qualité de vie des personnes qui sont traitées avec des médicaments psychotropes (Rodriguez & Richard, 2011). La médication est alors vue comme un outil parmi d’autres permettant de progresser vers le
Pratiques inrmières suggérées
Accompagner le client dans la gestion autonome de sa médication
L’inrmière peut accompagner le client qui envisage l’option de la GAM en l’informant à ce sujet, en l’orientant vers des organismes de formation et en l’accompagnant dans ses démarches auprès de son médecin psychiatre. Par exemple, un client d’une vingtaine d’années atteint de schizophrénie désire reprendre ses études en sciences politiques à l’université. Son inrmière lui a présenté la GAM et il a suivi diverses formations à ce sujet dans un organisme communautaire. Il a beaucoup appris sur la réappropriation du pouvoir sur sa vie, ainsi que sur les médicaments qu’il doit prendre et les symptômes précurseurs d’une rechute. Accompagné de son inrmière, il a convenu avec son médecin psychiatre d’une dose minimale
rétablissement, et non plus comme l’objet central du traitement. Cela est d’autant plus important que les médicaments psychotropes comportent de nombreux effets indésirables (p. ex., la prise de poids, des perturbations sexuelles, la sensation d’être déconnecté de ses émotions, etc.) et qu’il est difcile de trouver un dosage optimal qui assure une maîtrise adéquate des symptômes sans nuire à la qualité de vie (zone de confort). L’inrmière renseigne et accompagne le client qui opte pour la GAM ENCADRÉ 23.3.
23.2.4
Sécurité et mesures préventives
Les visites psychiatriques à domicile varient selon le motif, la durée, la fréquence et les résultats des interventions. Toute visite doit être documentée avec soin (Stanhope, 2011). L’évaluation des risques potentiels de la visite est cruciale et doit précéder toute intervention. Cette évaluation comprend toujours les antécédents du client, ses relations habituelles avec les inrmières et les autres intervenants, son état mental récent ou actuel et le type de résidence dans lequel il vit. Il est important que l’inrmière sache combien de personnes vivent avec ce dernier et qu’elle comprenne quel type d’intervention est requis. Elle évalue si le voisinage est sécuritaire et détermine la présence d’un quelconque risque. Il est par exemple possible que le client garde à domicile un animal dangereux. L’inrmière peut alors décider de s’y rendre seule, avec un autre membre de l’équipe soignante ou avec un autre partenaire du milieu qui connaît le client. En outre, l’inrmière quitte les lieux rapidement si elle note un changement dans le comportement du client ou si l’un des membres de la famille (ou toute autre personne présente au domicile) est menaçant. Les programmes de visites à domicile et de psychiatrie communautaire respectent certaines
d’antipsychotiques, qui implique une tolérance éclairée à certains symptômes, mais qui assure une quasi-absence d’effets indésirables. En effet, il a certaines pensées paranoïdes, mais il sait qu’il s’agit de paranoïa et choisit d’ignorer ces pensées. En revanche, il est beaucoup moins somnolent. Il a ainsi assez d’énergie et de concentration pour poursuivre ses études universitaires, tout en maîtrisant son trouble de manière satisfaisante. Il dispose également d’une prescription d’antipsychotiques au besoin (p.r.n.) qu’il utilise dans des situations prédéterminées comportant un risque d’augmentation des symptômes de psychose.
lignes directrices qui visent à protéger le personnel infirmier. À cet effet, l’inrmière agit comme un visiteur lorsqu’elle se présente chez le client. Elle appelle le client avant de se présenter (s’il a un téléphone), de même qu’elle arrive chez lui et quitte l’endroit selon un horaire précis. Elle s’assure également d’établir des frontières entre son client et elle-même, ainsi qu’entre les membres de la famille du client et elle-même ENCADRÉ 23.4.
23.3
clinique
Jugement
ENCADRÉ 23.3
Jonathan Bellavance, âgé de 34 ans, est atteint de schizophrénie. Il éprouve des difcultés de concentration et d’élocution, de l’insomnie et de l’anxiété. Il prend de la clozapine (Clozarilmd) 300 mg die et de l’aripiprazole (Abilifymd) 30 mg die. L’inrmière qui le rencontre chaque semaine lui a suggéré de réviser sa médication avec son psychiatre, car elle croit que les doses sont trop fortes. Monsieur Bellavance accepte puisqu’il aimerait prendre des doses minimales. Outre l’implication du client dans la gestion de sa médication, nommez un avantage qu’il aurait à recevoir des doses minimales de sa médication antipsychotique. Quels symptômes pourraient cependant apparaître avec la diminution de la posologie ? Nommez-en au moins quatre.
Suivis auprès de clientèles particulières
L’inrmière qui travaille dans la communauté fait aussi le suivi de personnes ayant des troubles mentaux, dans des milieux de pratique particuliers,
23
Relation d’aide ENCADRÉ 23.4
Établir une distance professionnelle
Le contexte des soins à domicile expose parfois l’inrmière à des situations inédites. L’inrmière à domicile, en entrant dans le milieu de vie du client, a accès à son intimité. Des liens plus étroits peuvent alors se tisser avec le client, mais l’inrmière garde une saine distance professionnelle. Ainsi, si l’inrmière apprend qu’un client fait des gestes illégaux (p. ex., qu’il vole des
Chapitre 23
vêtements au cours d’un délire de mégalomanie) ou qu’il a des rapports sexuels à risque élevé (p. ex., qu’il a contracté le VIH ou l’hépatite C), elle en informe les membres de son équipe an de concevoir un plan d’intervention en conséquence. L’inrmière établit un lien de conance avec ses clients, mais elle n’accepte jamais de taire un comportement dangereux ou illégal.
Soins inrmiers et suivis dans la communauté
643
éactivation des connaissances Un professionnel doit respecter le secret de tout renseignement condentiel qui vient à sa connaissance dans l’exercice de sa profession (Code des professions, RLRQ, c. C-26, art. 60.4). L’article 31 du Code de déontologie des inrmières et inrmiers souligne également cette obligation professionnelle. Cependant, l’inrmière peut être relevée de cette obligation dans certaines situations. Quelles sont-elles ?
comme la rue ou la prison. Les personnes ayant un trouble mental qui vivent dans de telles conditions sont particulièrement vulnérables et les soins inrmiers visent notamment à défendre leurs droits et à favoriser leur accès aux services de santé.
L’inrmière peut voir aussi d’autres besoins que ceux du client et l’aider à les cerner, mais il revient à ce dernier d’établir la hiérarchie entre ceux-ci. Cela dit, il peut être nécessaire que l’inrmière aide certains clients à établir la hiérarchie (p. ex., un client ayant un grave problème de jugement).
23.3.1
Les personnes en situation d’itinérance sont une clientèle atypique qui nécessite des interventions atypiques. L’inrmière fait donc preuve de créativité et dispose d’un bon réseau de contacts pour soutenir sa pratique. Il faut aussi prendre en considération que ces personnes ont souvent épuisé leur propre réseau et les organismes d’aide, et se retrouvent par conséquent exclues de plusieurs services.
Soins aux personnes en situation d’itinérance
Le travail en interdisciplinarité est une partie incontournable des soins et services aux personnes en situation d’itinérance. Au Québec, l’inrmière fait le suivi des clients en équipe interdisciplinaire avec l’intervenant pivot, de façon à pouvoir répondre à leurs besoins complexes. Elle travaille avec de multiples partenaires du milieu et collabore avec les intervenants de la soupe populaire, de centres de jour ou de centres d’hébergement, les policiers, les agents de la Sécurité du revenu, les services d’urgence des centres hospitaliers, les propriétaires de logements privés, les avocats, les agents de probation, les intervenants de la Direction de la protection de la jeunesse, et même les services municipaux et le député local. Les équipes itinérance relèvent toutes des CISSS. Composées de plusieurs professionnels (inrmières, médecins omnipraticiens ou psychiatres, travailleurs sociaux, psychoéducateurs), elles fournissent des soins directs aux personnes, mais elles ont aussi l’important mandat d’aider les personnes en situation d’itinérance à accéder aux services existants dont celles-ci ont besoin. L’intervention est complexe et adaptée an d’aider la personne là où les autres services ont échoué.
La pyramide de Maslow illustre les fondements de l’intervention auprès des personnes en situation d’itinérance . Par exemple, il peut être difFigure 8.1W : Hiérarchie des besoins de Maslow. cile pour une personne en situation d’itinérance de songer à s’engager dans une thérapie pour traiter son problème d’alcool si elle n’arrive pas à manger convenablement chaque jour et qu’elle n’a pas un logement sécuritaire où se reposer. Ainsi, les personnes en situation d’itinéGonzalvo Martinez est une personne en situation rance vivent souvent des d’itinérance de 52 ans. Il vit dans la rue depuis sa conits avec leurs intervesortie de prison il y a quatre ans et n’a aucune nants, car leurs besoins prioressource nancière, ce qui l’oblige à mendier. Il a ritaires peuvent être mal été condamné à plusieurs reprises pour trac de cernés. La FIGURE 23.3 ildrogue. Il a d’ailleurs consommé de la cocaïne lustre comment les besoins pendant de nombreuses années. Dès qu’il est déterminés par l’inrmière, contrarié, il devient agressif et profère des menaces bien que légitimes, peuvent de mort aux personnes de son entourage immédiat, facilement entrer en conit ce qui lui vaut d’être expulsé des centres qui avec les besoins plus presl’hébergent. Il a eu des différends avec les policiers sants du client. Il importe qui l’ont dirigé vers un établissement de soins du avant tout de connaître les CISSS. L’inrmière de rue qui le connaît participe à besoins que la personne en l’équipe interdisciplinaire du CISSS. Dans la situation d’itinérance doit situation de ce client, quel serait le principal combler avant d’espérer atobjectif poursuivi par l’équipe d’intervenants ? teindre le niveau suivant.
Jugement
clinique
644
Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
Globalement, trois types d’interventions sont particulièrement reconnus pour les soins aux personnes en situation d’itinérance : 1. l’approche de travail de proximité (outreach) ; 2. l’approche de type suivi systématique avec intervenant pivot ; 3. l’approche de réduction des méfaits (MSSS, 2008). L’approche de travail de proximité (outreach) vise à rejoindre les personnes là où elles se trouvent, au moment où elles s’y trouvent. Ainsi, l’inrmière entre en contact avec les personnes pour établir un lien de conance et éventuellement offrir des services. Les lieux de rencontre peuvent être les organismes communautaires offrant des services aux personnes en situation d’itinérance (p. ex., un refuge ou une soupe populaire), les édices fermés, les parcs, les stations de métro, etc. La prise de contact avec l’équipe itinérance peut aussi se faire pendant l’hospitalisation ou l’incarcération de la personne (McQuistion, 2012). Au sein des équipes itinérance, l’inrmière joue le rôle d’intervenante pivot avec suivi systématique des clientèles. Ainsi, elle a la responsabilité d’un certain nombre de clients. Elle assure le suivi de la personne et la coordination des services dont celle-ci a besoin. Le suivi systématique, dans ce cadre, vise à améliorer l’état de santé et la qualité de vie des personnes en situation d’itinérance et atteintes de troubles mentaux graves (MSSS, 2008). Par exemple, les personnes qui bénécient d’un tel suivi reçoivent du soutien pour briser leur isolement social, pour avoir accès à un logement décent ou encore pour acquérir leur autonomie. Enn, l’approche de réduction des méfaits est essentielle à la pratique auprès des personnes en situation d’itinérance. Les interventions basées sur cette approche sont centrées sur la diminution des conséquences négatives de l’usage des drogues (ou de tout autre comportement à risque) plutôt que sur l’arrêt de l’usage (Massé, 2013). Plusieurs stratégies de réduction des méfaits ont fait leurs preuves sur le plan scientique, la plus connue étant sans doute la distribution et la récupération
A
B
FIGURE 23.3
Besoins prioritaires et interventions auprès d’une personne en situation d’itinérance –
A Hiérarchie des besoins de Maslow. B Conit entre les besoins cernés par l’inrmière et les besoins prioritaires
du client.
des aiguilles pour la prévention de l’infection par le VIH chez les consommateurs de drogues injectables (Association des inrmières et inrmiers du Canada [AIIC], 2011). Ce type d’approche constitue aussi un moyen économique et efcace de joindre les clientèles marginalisées. L’inrmière qui préconise le logement d’abord pour une personne en situation d’itinérance, et ce, avant les autres traitements de son trouble mental ou de sa toxicomanie, fait aussi de la réduction des méfaits (AIIC, 2011) ENCADRÉ 23.5.
23.3.2
ENCADRÉ 23.5
• l’évaluation du risque suicidaire ;
23
Le projet Chez Soi a été lancé en 2009 dans cinq villes canadiennes : Moncton, Montréal, Toronto, Winnipeg et Vancouver. Il vise à évaluer les retombées des interventions qui accordent la priorité au logement avec suivi personnalisé pour les personnes en situation d’itinérance ayant des troubles mentaux a. Les premiers résultats démontrent : 1) une réduction de l’utilisation des services par les participants ; et 2) la stabilisation de 80 % d’entre eux en logement après 2 ans de suivib.
Soins aux personnes incarcérées
Les responsabilités de l’inrmière dans les établissements correctionnels varient et peuvent comprendre les interventions suivantes :
Chez Soi : un exemple d’approche de réduction des méfaits
a b
Commission de la santé mentale du Canada (2012). Institut universitaire en santé mentale Douglas (2016).
Chapitre 23
Soins inrmiers et suivis dans la communauté
645
• l’évaluation de la condition mentale et l’examen physique ; • le suivi de l’efcacité des médicaments ; • la liaison entre les détenus et les services externes ; • la prestation de soins, le cas échéant ; • la prestation de soins généraux en santé mentale ; • l’enseignement aux détenus et aux membres du personnel relativement aux troubles mentaux. Bien que les personnes incarcérées disposent des mêmes droits en matière de santé et de services sociaux que celles qui sont libres, cela n’empêche pas l’inrmière de se retrouver dans des situations difciles et préoccupantes. En vertu de la loi (Loi sur les services de santé et les services sociaux [LSSSS], art. 9), les détenus sont en droit de refuser les médicaments psychotropes, sauf en cas de dangerosité grave et immédiate envers soimême ou autrui. Malheureusement, lorsqu’une personne qui est incapable d’avoir les idées claires refuse que des médicaments psychotropes lui soient administrés, le résultat peut s’avérer aussi dangereux que tragique. Certains détenus impossibles à maîtriser en raison de leur trouble mental sont connés dans leur cellule. Ils vivent dans des conditions inhumaines, et ce, uniquement parce qu’ils n’ont pas accès aux médicaments et aux autres traitements essentiels à la maîtrise de leur trouble mental (Protecteur du citoyen, 2011).
CE QU’IL FAUT RETENIR
Le taux de suicide en milieu carcéral est extrêmement préoccupant. Les suicides surviennent le plus souvent dans les premières heures suivant l’arrestation et la détention.
Le taux de suicide en milieu carcéral est extrêmement préoccupant. Les suicides surviennent le plus souvent dans les premières heures suivant l’arrestation et la détention (Bureau de l’enquêteur correctionnel, 2014). Pour cette raison, le risque de suicide de chaque détenu nouvellement admis devrait être dépisté par un agent correctionnel dûment formé (Organisation
mondiale de la Santé, 2007). Par la suite, le risque de suicide devrait être évalué de façon continue pendant toute la durée de la détention. Si l’inrmière considère qu’une personne détenue est à risque de suicide, elle doit en informer les agents correctionnels qui ont la responsabilité de cette personne. La collaboration de tous est vitale, car les suicides peuvent avoir lieu en n de soirée ou la n de semaine, alors que le personnel inrmier est absent. Si le risque est élevé, la personne doit être placée sous surveillance constante, mais ne doit pas être isolée. Les personnes ayant des idées suicidaires ont besoin de présence hu maine et ne devraient pas être laissées seules pendant de longues périodes (Bureau de l’enquêteur correctionnel, 2014) FIGURE 23.4 . Enn, l’inrmière s’assure que le détenu ayant des idées suicidaires soit vu par un médecin, de façon qu’il puisse être évalué pour le dépistage de troubles mentaux.
FIGURE 23.4 Une personne ayant des idées suicidaires doit être entourée, même en milieu carcéral.
Plan de soins et de traitements inrmiers PSTI
23.1
Trouble dépressif caractérisé et trouble d’anxiété généralisée
Melissa Rivard est âgée de 32 ans et est atteinte d’un trouble dépressif caractérisé et d’un trouble d’anxiété généralisée. Elle est aussi connue pour son alcoolisme chronique. Elle commence un suivi avec l’inrmière du service de type SIV du CISSS. Elle a reçu son congé après une hospitalisation de trois mois à la suite d’une tentative de suicide (intoxication médicamenteuse). Elle suit présentement un traitement pour la dépression et l’anxiété avec antidépresseur de type inhibiteur sélectif du recaptage de la sérotonine (ISRS). Elle prend aussi un antipsychotique au coucher pour améliorer son sommeil. Elle est sans emploi, a terminé un secondaire 5, vit de l’aide sociale et habite seule, dans un appartement de 1 1/2 pièce, qu’elle a beaucoup de mal à garder propre. Elle avoue être découragée par l’état de son appartement,
mais se dit incapable de voir comment elle pourrait faire mieux. Cet appartement est situé dans un immeuble où il y a beaucoup de personnes ayant des problèmes psychosociaux (violence, problèmes de consommation d’alcool et de drogues, etc.). Elle a 2 enfants de 9 et 13 ans, de 2 pères différents qui sont absents de sa vie et de celle des enfants. Les deux enfants sont en famille d’accueil depuis trois ans et madame Rivard les voit quelques fois par mois. Elle aimerait pouvoir s’occuper d’eux à temps plein, mais ne s’en sent pas capable. Elle craint de ne pas avoir assez d’énergie, de ne pas être adéquate comme mère, de manquer d’argent, etc. Elle n’a pas de réseau social et présente une faible estime d’elle-même.
À la suite de son évaluation, l’inrmière formule les constats suivants et élabore un plan de soins avec madame Rivard.
646
Partie 4
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
PSTI
23.1
Trouble dépressif caractérisé et trouble d’anxiété généralisée (suite)
PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Absence de projet de viea liée à une longue maladie, à la stigmatisation et à des conditions de vie difciles
RÉSULTAT ESCOMPTÉ
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES ET JUSTIFICATIONS
• Détermination d’un projet de vie signicatif
• Explorer avec la cliente ses forces, ses intérêts et ses buts pour l’aider à se projeter positivement dans l’avenir. • Demander à la cliente comment serait sa vie dans un monde idéal pour cibler les aspects de sa vie auxquels elle accorde le plus d’importance. • Aider la cliente à déterminer un projet de vie signicatif pour elle an de la stimuler à s’engager dans un processus de rétablissement. • Décortiquer le projet de vie en étapes et en objectifs réalistes et atteignables à court, moyen et long termes pour favoriser la progression des efforts et diminuer la peur de l’échec. • Féliciter la cliente pour chacun de ses accomplissements la rapprochant de la réalisation de son projet de vie, même les plus petits, pour lui faire prendre conscience des progrès accomplis et stimuler son engagement.
PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Risque de rechute de la consommation d’alcool lié à une problématique connue de dépendance chronique à l’alcool
RÉSULTAT ESCOMPTÉ
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES ET JUSTIFICATIONS
• Arrêt de la consommation d’alcool
• Établir une relation de conance et d’ouverture avec la cliente an qu’elle se sente à l’aise de discuter de ses problèmes d’alcool. • Informer la cliente des diverses options de soutien pour les personnes présentant une dépendance à l’alcool (p. ex., des lignes de soutien, Alcooliques Anonymes, un centre de traitement des dépendances, etc.) an qu’elle choisisse ce qui lui convient le mieux. • Aider la cliente à accéder aux services de son choix an de s’assurer que son projet ne soit pas compromis par des problèmes d’accès.
PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Isolement social lié à la faible estime de soi, aux symptômes de la dépression et aux conditions de vie précaires
RÉSULTAT ESCOMPTÉ
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES ET JUSTIFICATIONS
• Participation à des activités qui favorisent une vie sociale enrichissante
• Explorer avec la cliente les situations où elle se sentirait à l’aise de socialiser avec d’autres personnes (p. ex., un club de marche, une activité d’artisanat, du bénévolat, etc.) an de mieux connaître ses goûts et de lui proposer des services en conséquence. • Renseigner la cliente sur les organismes communautaires et les autres ressources disponibles dans son milieu an de lui permettre de briser son isolement et de rencontrer d’autres personnes. • Offrir à la cliente de participer à des groupes de soutien visant à contrer l’isolement social an de lui permettre de rencontrer d’autres personnes vivant la même problématique qu’elle et d’élaborer des stratégies pour se construire un réseau social. • Proposer des ressources ou organismes (cuisine communautaire, centres de jour, etc.) pour aider la cliente à participer davantage à la vie sociale tout en palliant sa précarité sociale.
23
PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Difculté à accomplir ses activités de la vie quotidienne (AVQ) liée à la faible estime de soi et aux symptômes de la dépression
RÉSULTAT ESCOMPTÉ
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES ET JUSTIFICATIONS
• Augmentation du sentiment de bien-être à domicile
• Avec l’accord de la cliente, faire une demande d’auxiliaire familiale pour l’aider dans ses tâches quotidiennes, le temps qu’elle puisse y parvenir par elle-même. • Aider la cliente à décortiquer en petites étapes son entretien ménager an qu’elle se sente moins découragée par l’ampleur de la tâche. • Féliciter la cliente pour ses tentatives dans l’accomplissement de ses AVQ et pour chaque tâche accomplie an d’accroître son estime de soi et de favoriser la poursuite de cette démarche.
Chapitre 23
Soins inrmiers et suivis dans la communauté
647
PSTI
23.1
Trouble dépressif caractérisé et trouble d’anxiété généralisée (suite)
PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Risque d’augmentation des symptômes d’anxiété lié à un diagnostic de trouble anxieux et au retour dans son milieu de vie antérieur à l’hospitalisation
RÉSULTAT ESCOMPTÉ
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES ET JUSTIFICATIONS
• Gestion efcace des symptômes d’anxiété
• Aider la cliente à verbaliser son anxiété an de cerner ce qui la cause et de mieux anticiper les situations anxiogènes. • Évaluer l’efcacité du traitement pharmacologique de la cliente an de s’assurer que le traitement est optimal. • Enseigner à la cliente des techniques de relaxation simples pour l’aider à mieux réagir face à des stresseurs potentiels. • En collaboration avec la cliente et son médecin traitant, explorer la possibilité de faire une thérapie (notamment la thérapie cognitivo-comportementale) an de permettre à la cliente d’acquérir des outils pour mieux gérer son anxiété. • Déterminer des ressources de soutien pour faciliter la réinsertion de la cliente dans son milieu de vie antérieur.
PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Faible estime de soi liée aux symptômes dépressifs, à la stigmatisation et aux conditions de vie précaires
RÉSULTAT ESCOMPTÉ
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES ET JUSTIFICATIONS
• Augmentation de l’estime de soi
• Amener la cliente à reconnaître ses forces, ainsi que des accomplissements passés dont elle est ère an de l’aider à s’autovaloriser. • Aider la cliente à améliorer son image (p. ex., prendre soin de ses cheveux, voir un dentiste, trouver des vêtements qui lui plaisent à coût abordable, etc.) et à prendre soin de son appartement pour augmenter son estime d’elle-même. • Faire du renforcement positif en félicitant la cliente de ses efforts an de l’aider à s’autovaloriser. • Encourager la cliente à participer à des activités signicatives (p. ex., faire du bénévolat, marcher pour le cancer, prendre soin d’un animal de compagnie, etc.) pour lui permettre de se sentir valorisée.
a
Le projet de vie est souvent l’étape qui, une fois complétée, aide la personne à donner un sens à sa vie et à s’engager à mettre en place les moyens pour régler ses autres problèmes, qui lui paraîtront alors nuisibles dans la concrétisation de son projet de vie. C’est une approche axée sur la philosophie du rétablissement.
Analyse d’une situation de santé Carl Provost est un jeune homme âgé de 19 ans. Il est schizophrène et habite chez ses parents. Il est traité médicalement avec de la clozapine et de l’aripiprazole. Il est également suivi par une équipe interdisciplinaire et est visité chaque semaine par une inrmière du CLSC. Carl a des hallucinations auditives qui le rendent très anxieux et agressif. En rentrant
Jugement clinique d’une errance vers 3 h de la nuit, il a même frappé son père qui cherchait à le retenir, alors qu’il renversait les meubles en criant et en blasphémant. Les policiers ont dû le conduire à l’urgence psychiatrique. De retour à la maison, l’inrmière intervenante pivot le rencontre avec ses parents et discute de cet événement. Carl dit éprouver de la culpabilité et des remords, et afrme : « Mais je l’aime, mon père. »
Mise en œuvre de la démarche de soins
Collecte des données – Évaluation initiale – Analyse et interprétation 1. Trouvez cinq questions à poser pour connaître la cause des récents comportements agressifs de Carl. 2. L’infirmière demande à Carl ce que les voix qu’il entend lui commandent de faire. Cette question est-elle pertinente ? Justiez votre réponse. 3. Serait-il approprié de demander aux parents de Carl s’ils craignent pour leur sécurité en raison des comportements de leur ls ? Justiez votre réponse. SOLUTIONNAIRE
648
Partie 4
4. Quel problème est mis en lumière par les comportements agressifs de Carl ?
Interventions inrmières dans le processus thérapeutique
écemment vu dans ce chapitre
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
Planication des interventions – Décisions inrmières 5. L’infirmière demande à Carl comment il aimerait qu’on intervienne lorsqu’il présente des comportements agressifs. Est-ce une bonne approche pour Carl ? Justiez votre réponse.
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution 6. Nommez deux points que l’inrmière devrait vérier au cours d’une visite ultérieure chez Carl et ses parents.
Si Carl habite seul dans un logement, et si une inrmière effectue chez lui une visite hebdomadaire, quels sont les quatre points prioritaires qu’elle devra évaluer ?
APPLICATION DE LA PENSÉE CRITIQUE Dans l’application de la démarche de soins auprès de Carl Provost, l’infirmière a recours à un ensemble d’éléments pour analyser la situation de santé du client et en comprendre les enjeux. La FIGURE 23.5 illustre le processus de pensée
critique suivi par l’inrmière an de formuler son jugement clinique. Elle résume les principaux éléments sur lesquels l’inrmière s’appuie en fonction des données de ce client, mais elle n’est pas exhaustive.
VERS UN JUGEMENT CLINIQUE CONNAISSANCES
EXPÉRIENCES
NORMES
ATTITUDES
• Rôle de l’inrmière en psychiatrie communautaire • Constitution et rôles d’une équipe interdisciplinaire en santé mentale • Principaux troubles mentaux rencontrés dans un contexte de santé communautaire • Ressources disponibles dans la communauté • Connaissances juridiques en cas de violence envers autrui • Effets thérapeutiques et indésirables des médicaments psychotropes • Grille du potentiel de dangerosité (Oméga)
• Expérience de travail en psychiatrie • Expérience en santé communautaire • Expérience au sein d’une équipe interdisciplinaire
• Champ d’exercice des différents intervenants dans une équipe interdisciplinaire • Activité réservée de l’inr mière d’après l’article 36 de la Loi sur les inrmières et inrmiers (évaluer la condition physique et mentale d’une personne symptomatique)
• Être compréhensive face aux craintes des parents s’ils sentent leur sécurité menacée • Être empathique face au client en raison de l’anxiété créée par ses hallucinations auditives • Être ferme par rapport à la prise régulière de la médication • Être respectueuse en reconnaissant le potentiel du client à garder une certaine maîtrise de la situation
PENSÉE CRITIQUE
ÉVALUATION • • • • • • • • • • •
Prise de la médication antipsychotique Connaissances du client par rapport aux buts de sa médication Contenu des hallucinations auditives Manifestations détaillées de l’agressivité du client Degré d’anxiété lorsque le client a des hallucinations auditives Sentiments vécus à la suite de l’agression envers son père Stratégies utilisées par le client an de gérer son trouble Connaissance que le client a des symptômes précoces an de prévenir les rechutes Consommation d’alcool ou d’autres substances Craintes des parents face au risque pour leur sécurité physique Connaissances des parents sur les attitudes favorisant la diminution des tensions entre eux et leur ls ainsi que la diminution de l’anxiété chez leur ls • Capacité des parents à communiquer de façon efcace avec leur ls • Attentes des parents envers leur ls
23
JUGEMENT CLINIQUE FIGURE 23.5
Application de la pensée critique à la situation clinique de monsieur Provost Chapitre 23
Soins inrmiers et suivis dans la communauté
649
Chapitre
24
Comorbidité et clients atteints de troubles concomitants Écrit par : Ruth N. Grendell, DNSc, RN Adapté par : Mathieu Goyette, Ph. D. (Psychologie) Sarah Fillion-Bilodeau, M. Ps., Ph. D. (c) Marc-André Sirois, inf., B. Sc. Mis à jour par : Jean-Pierre Bonin, inf., Ph. D. (Santé publique)
MOTS CLÉS
OBJECTIFS
Approche holistique . . . . . . . . . . . . . . . . . 664 Comorbidité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 653 Double diagnostic. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 653 Facteurs de risque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 654 Trouble induit par une substance . . . . 653 Troubles concomitants. . . . . . . . . . . . . . . 653 Virus de l’immunodéficience humaine (VIH). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 663
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez être en mesure : • de distinguer les termes suivants : troubles comorbides, double diagnostic, troubles concomitants, trouble induit par une substance ou dû à une affection médicale générale, problème associé de santé mentale ou lié à une substance et combinaison d’un trouble et d’un problème psychosocial ou environnemental associé ; • d’expliquer différentes combinaisons de troubles comorbides et concomitants ainsi que les interventions infirmières spécifiques qui s’y appliquent ; • d’appliquer les notions de soutien et de traitement intégrés ainsi que de démarche holistique des soins auprès de clients atteints de troubles comorbides et concomitants ; • de reconnaître les relations possibles entre le virus de l’immunodéficience humaine/syndrome d’immunodéficience acquise et les troubles mentaux ; • d’appliquer la démarche de soins aux clients atteints du virus de l’immunodéficience humaine/syndrome d’immunodéficience acquise et d’un trouble mental ; • d’élaborer un plan de soins et de traitements infirmiers destiné aux clients atteints de troubles anxieux et liés à une substance.
Disponible sur • • • • • •
À retenir Carte conceptuelle Dossier vidéo Figure Web PSTI Web Ressources
• • • • •
Guide d’études – RE18
650
Partie 5
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
Solutionnaire de l’Analyse d’une situation de santé Solutionnaire des questions de Jugement clinique Solutionnaire des questions Réactivation des connaissances Solutionnaire des questions Récemment vu dans ce chapitre Solutionnaires du Guide d’études
Concepts clés
Cette carte conceptuelle illustre schématiquement les principaux concepts décrits dans le présent chapitre. Sa lecture vous permettra d’avoir une vue d’ensemble des notions qui y sont présentées.
Troubles comorbides Troubles concomitants Troubles induits par une substance Problèmes associés de santé mentale Problèmes liés à une substance Combinaison trouble / problème psychosocial
selon modèles
Causalité directe et indirecte Facteurs de risque associés Indépendance étiologique et maintien réciproque
distinguer
Comorbidité et clients atteints de troubles concomitants
inclut
Troubles mentaux combinés : – troubles anxieux – troubles dépressifs, bipolaires et apparentés – troubles psychotiques – troubles de la personnalité
Troubles concomitants : – tabagisme – drogues – alcool
Affections physiques : – obésité – virus de l’immunodécience humaine/syndrome d’immuno décience acquise – problèmes respiratoires, buccaux, ophtalmologiques et dermatologiques
24
Chapitre 24
Comorbidité et clients atteints de troubles concomitants
651
PORTRAIT
Éric Boulay Éric Boulay, âgé de 27 ans, se présente à l’urgence d’un centre hospitalier. Il se montre légèrement agité et désorganisé dans la salle d’attente. Il est possible de percevoir le malaise des autres clients, mais également des membres du personnel. Monsieur Boulay afrme être venu à l’urgence en raison d’une douleur importante au bras. L’inrmière apprend qu’il est sans domicile xe et qu’il a été hospitalisé il y a deux ans, en psychiatrie, en lien avec un épisode psychotique. Monsieur Boulay a un long historique de demandes de soins et de renvois entre l’urgence du centre hospitalier, un centre de réadaptation en dépendance et des ressources communautaires. Ses problèmes de santé mentale, sa consommation de substances psychoactives et son incapacité à conserver un logement apparaissent associés. Les établissements où le client a reçu des services semblent avoir travaillé de façon isolée et l’ont dirigé vers d’autres établissements lorsqu’un trouble devenait plus marquant et semblait limiter ses progrès. Par exemple, un organisme communautaire lui demandait de « régler » sa consommation avant de poursuivre sa participation. Durant l’évaluation au triage, l’inrmière observe que l’attitude du client est méante et que son discours comporte des éléments délirants. Lorsque monsieur Boulay présente son avant-bras, l’inrmière observe des plaies infectées associées à l’usage de drogues par injection. Elle propose qu’il soit admis pour un séjour de courte durée en psychiatrie. Après avoir vociféré certains propos décousus, monsieur Boulay prend ses effets personnels, puis décide de quitter promptement l’urgence.
24.1
Caractéristiques générales
Les chapitres antérieurs ont présenté isolément plusieurs troubles mentaux pour lesquels les inrmières sont appelées à intervenir, de la prévention à la réduction des méfaits associés à ceux-ci. Qu’advient-il lorsqu’un client a simultanément plusieurs problèmes de santé qui paraissent associés quant à leurs manifestations ou à leur maintien, soit lorsqu’il est atteint de troubles comorbides ou de troubles concomitants (ou cooccurrents) ? Les clients atteints de troubles comorbides ou concomitants présentent des tableaux cliniques complexes. Ces tableaux cliniques comportent une grande étendue de variation selon le degré d’association entre les troubles, leur chronicité respective, la nature des problématiques (c.-à-d. des troubles mentaux, des maladies physiques, etc.), ainsi que l’intensité et les conséquences des manifestations respectives
652
Partie 5
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
et combinées des troubles mentaux. L’inrmière possède une bonne capacité d’intégration et d’élaboration de plan de soins et de traitements inrmiers (PSTI) pour composer avec cette grande variabilité : il n’existe pas d’intervention toute faite pour faire face à l’étendue des possibilités. L’organisation des services en santé mentale, en dépendance et en santé physique s’est structurée de façon compartimentée au Québec, comme dans la plupart des régions du monde (Fleury, Perreault & Grenier, 2012 ; Rush & Nadeau, 2012). Cette organisation des soins a eu pour avantage d’offrir des services spécialisés de qualité et de mettre en œuvre des pratiques de pointe pour les clients ayant un trouble isolé. L’organisation et la trajectoire des soins suggèrent, du moins implicitement, que les clients devraient correspondre à un « cas type » au moment de leur admission an qu’ils puissent répondre de façon optimale au traitement classique proposé (Mueser, Noordsy, Drake et al., 2001). Ce modèle ne permet cependant pas de répondre aussi bien aux besoins de prise en charge des clients atteints de plusieurs troubles, qui sont pourtant présents en grand nombre dans les services de santé (Fleury et al., 2012 ; Rush & Nadeau, 2012). L’interdépendance entre les problèmes limite la capacité des clients à améliorer leur état de santé, leur degré de fonctionnement et leur bien-être général. Plus qu’une simple addition de troubles et de symptômes, les troubles comorbides et concomitants répondent à une logique multiplicative, soit une synergie où les deux troubles combinés sont plus que la somme de leurs parties (Chen, Crum, Martins et al., 2013). Conséquemment, les inrmières doivent parfois composer dans ces cas avec de forts sentiments d’impuissance, de frustration ou d’incompétence et avec de l’épuisement (Chen et al., 2013). Ce chapitre plus particulier reète l’étendue et la complexité que peuvent prendre les troubles comorbides et concomitants. Chaque combinaison possible, au même titre que chaque catégorie de troubles, mériterait sa place dans cet ouvrage. Par nécessité de synthèse, le présent chapitre regroupe l’ensemble des troubles comorbides et concomitants par catégories.
24.1.1
Dénitions des termes et des concepts
Il importe de dénir et de distinguer les termes associés aux troubles comorbides et concomitants : trou bles comorbides, double diagnostic, troubles concomitants, trouble induit, problème associé de santé mentale ou lié à une substance et combinaison d’un trouble et d’un problème psychosocial ou environnemental associé. La tâche n’est pas aisée puisque la terminologie utilisée évolue constamment et tend à varier selon les champs d’activités (Valderas, Stareld, Sibbald et al., 2009).
Fillion-Bilodeau, Nadeau et Landry (2012) ont rééchi à la question et tenté de départager les termes existants. Leur conceptualisation est retenue puisqu’elle s’appuie sur celle proposée par Santé Canada (2002b) et respecte celle d’ouvrages nosologiques psychiatriques actuels. Cette conceptualisation s’étend dans le présent chapitre à l’ensemble des troubles mentaux, physiques et liés à une substance.
Troubles comorbides La comorbidité consiste en la présence de deux troubles ou plus dans une période de temps dénie, dont l’étiologie et le développement peuvent être associés ou indépendants (Valderas et al., 2009). Le terme double diagnostic est également utilisé de façon similaire lorsqu’il est question d’une présence simultanée d’un premier trouble de santé mentale et d’un autre trouble mental, d’un trouble lié à une substance ou d’une décience intellectuelle (CAMH, 2011). Bien qu’il soit présent dans la documentation scientique, le terme double diagnostic est critiqué dans la mesure où il se limite à deux troubles, alors qu’il est également possible d’observer la présence de trois troubles ou plus chez un même client (Krueger & Markon, 2006 ; Smith & Morris, 2010). Le terme comorbidité peut renvoyer soit à la présence d’un historique de troubles mentaux multiples (comorbidité longitudinale), soit à la présence d’au moins deux diagnostics au tableau clinique actuel (comorbidité transversale), ce qui signie que les symptômes des différents troubles coexistent en même temps chez la personne (Bourgeois, 2004). Cette dernière conceptualisation est privilégiée puisqu’elle fait davantage état de la complexité clinique avec laquelle les inrmières doivent apprendre à composer, alors que la seconde dépend plus de questions relevant des domaines de l’étiologie et de l’épidémiologie. Ainsi, il n’est pas question de troubles comorbides, par exemple, dans le cas d’une cliente ayant un historique de trouble des conduites alimentaires s’étant résorbé, chez qui un trouble bipolaire serait diagnostiqué par la suite. Le concept de comorbidité englobe la combinaison de troubles de santé mentale et physique, mais également les troubles concomitants, c’est-à-dire liés à une substance. Un client ayant une atteinte préfrontale ainsi qu’un trouble de stress posttraumatique à la suite d’un accident routier illustre des troubles comorbides.
Troubles concomitants Les troubles concomitants, ou cooccurrents (en anglais co-occurring disorder), consistent en la présence simultanée, chez une même personne, de deux ou de plusieurs troubles dont au moins un est lié à une substance (Fillion-Bilodeau et al., 2012 ; Santé Canada, 2002a). Une cliente atteinte d’un
trouble de la personnalité limite et d’une dépendance à l’héroïne constitue un cas de troubles concomitants. Alors que le jeu pathologique est considéré par certains comme un trouble lié à une substance (Centre de toxicomanie et de santé mentale [CAMH], 2011 ; Comité permanent sur les troubles concomitants, 2005), le jeu d’argent pathologique relève pour d’autres d’un trouble addictif (American Psychiatric Association [APA], 2015).
Trouble induit par une substance ou dû à une affection médicale générale Le trouble induit par une substance et le trouble dû à une affection médicale générale sont des troubles à part entière du DSM-5. Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux devant faire l’objet d’un diagnostic différentiel (APA, 2015). La présence et la direction du lien de causalité sont établies entre deux troubles. Il est à noter que cette relation s’avère souvent difcile à déterminer, plus particulièrement lorsque les deux troubles présentent une chronicité ou lorsque les clients maintiennent leur consommation. Contrairement aux clients atteints de troubles comorbides ou concomitants, le traitement de la consommation ou de l’affection médicale est généralement sufsant pour améliorer de façon signicative le trouble mental induit chez les clients ayant ces types de troubles. Le trouble induit par une substance apparaît généralement dans les contextes d’intoxication ou de sevrage, mais il peut également persister après ces stades. Un client peut avoir une dysfonction sexuelle durant l’intoxication à la cocaïne, mais la consommation de cocaïne sur une période prolongée pourrait, même après un sevrage, faire en sorte que le trouble persiste. An de soutenir le lien de causalité, l’ordre d’apparition doit être tel que le trouble induit par une substance précède l’apparition du second trouble, que celui-ci apparaisse au même moment ou dans les quatre semaines suivant l’intoxication ou le sevrage et qu’il ne persiste généralement pas au-delà d’une courte période de temps après l’arrêt de la consommation (c.-à-d. environ un mois, selon la demi-vie de la substance). Les symptômes du second trouble doivent également dépasser ceux généralement attendus dans le cas d’une intoxication ou d’un sevrage. D’autres caractéristiques appuyant ce diagnostic doivent être prises en considération au moment de l’évaluation, à savoir des manifestations et une période d’apparition atypiques du second trouble, ainsi qu’une concordance entre la substance consommée et les manifestations du second trouble. La présence d’épisodes antérieurs du second trouble, hors des épisodes de consommation et de sevrage, est un élément allant à l’encontre d’un diagnostic de trouble induit par une substance (APA, 2015). Chapitre 24
CE QU’IL FAUT RETENIR
La comorbidité consiste en la présence de deux troubles ou plus dans une période de temps dénie, dont l’étiologie et le développement peuvent être associés ou indépendants.
24 CE QU’IL FAUT RETENIR
Les troubles concomitants, ou cooccurrents consistent en la présence simultanée, chez une même personne, de deux ou de plusieurs troubles dont au moins un est lié à une substance.
Comorbidité et clients atteints de troubles concomitants
653
Prodrome (ou stade prodromique) : Signe avant-coureur d’une maladie qui précède l’apparition d’un trouble.
Le trouble dû à une affection médicale générale suit une logique similaire à celle du trouble induit par une substance. Le trouble doit être directement induit par les conséquences physiologiques de l’affection médicale. Ce lien de causalité doit être soutenu par l’historique médical du client, l’examen médical ou des analyses en laboratoire. Le lien causal n’est pas facile à établir dans la mesure où certains symptômes d’un trouble mental représentent parfois un prodrome (ou stade prodromique) de l’affection médicale. Par exemple, des symptômes psychiatriques s’apparentant à un trouble dépressif, bipolaire ou apparenté se manifestent souvent avant l’apparition d’un trouble neurocognitif.
culturels, environnementaux et comportementaux du client ne relevant pas de la santé, est un terme relevé depuis peu dans la documentation scientique (Centre canadien de lutte contre les toxicomanies, 2014 ; Nardi, Scanelli, Corrao et al., 2007 ; Stafford, Allison & Kiefe, 2007 ; Valderas et al., 2009). Ce type de problème souligne également l’importance d’adopter une approche holistique.
Problème associé de santé mentale ou lié à une substance
Des modèles théoriques ont été conçus an d’expliquer l’apparition et le maintien des troubles comorbides et concomitants (Fillion-Bilodeau et al., 2012 ; Krueger & Markon, 2006 ; Valderas et al., 2009). Certains modèles regroupés par Klein et Riso (1993) et par Neale et Kendler (1995) sont présentés ici. Aucun modèle ne permet à lui seul d’expliquer l’ensemble des troubles comorbides et concomitants. L’inrmière peut garder ces modèles à l’esprit an de formuler des hypothèses propres à chaque client qu’elle évalue.
Ce problème consiste en la présence, chez un client atteint d’un trouble de santé mentale diagnostiqué, de symptômes d’un autre trouble mental ou lié à une substance qui engendrent une souffrance ou des difcultés de fonctionnement, mais qui n’atteignent pas le seuil clinique (FillionBilodeau et al., 2012 ; Rush & Nadeau, 2012 ; Santé Canada, 2002a). Le seuil clinique n’est pas atteint puisque, bien qu’ils aient des conséquences néfastes, les symptômes manifestés par un client ne sont pas présents en nombre, en intensité ou en durée sufsants pour consister en un trouble. C’est le cas d’un client présentant des symptômes des registres anxieux et dépressifs en plus d’un autre trouble ou encore d’un client ayant une dépendance à une substance et des traits d’un trouble de la personnalité. L’inrmière porte une attention particulière à ce type de problèmes étant donné leur interaction avec le trouble mental, leur effet délétère sur le client et la possibilité qu’un problème non traité devienne un trouble mental à part entière (Fillion-Bilodeau et al., 2012 ; Rush & Nadeau, 2012).
Combinaison d’un trouble et d’un problème psychosocial ou environnemental associé La combinaison d’un trouble de santé et d’un problème psychosocial ou environnemental associé peut se présenter de façon similaire à des troubles comorbides ou concomitants. Ce type de problème est considéré an d’offrir une démarche de soins qui correspond à la réalité du client. Il peut faire l’objet en soi d’une intervention, plus particulièrement lorsque l’inrmière travaille en prévention. De fait, ces problèmes peuvent avoir un fort impact sur l’apparition et le maintien d’un trouble mental ou être inuencés par ce dernier. La délinquance, l’absence de soutien social et l’itinérance ne sont que quelques manifestations que peuvent prendre ce type de problèmes. La « complexité du client », qui comprend les éléments socioéconomiques,
654
Partie 5
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
24.2
Étiologie et interdépendance des manifestations
24.2.1
Étiologie générale
Le modèle de la causalité directe ou indirecte propose qu’un premier trouble cause le second (Fillion-Bilodeau et al., 2012 ; Krueger & Markon, 2006 ; Valderas et al., 2009). Cette relation causale peut être unidirectionnelle ou bidirectionnelle et ne repose pas sur des facteurs de risque sousjacents. Par exemple, le trouble lié à une substance peut être le résultat d’un problème de santé mentale. Dans un premier temps, le client utilise la substance comme mécanisme d’adaptation an de composer avec sa souffrance (causalité directe) ou avec les conséquences occasionnées par le trouble mental (causalité indirecte). La consommation, utilisée au détriment d’autres mécanismes d’adaptation, s’instaure progressivement comme une habitude qui aboutit à une dépendance à la substance. À l’inverse, une dépendance à une substance, sur une période de temps prolongée, pourrait induire des dysfonctions du système neurologique (causalité directe et trouble induit) ou du fonctionnement de la personne (causalité indirecte) à même de générer un trouble mental FIGURE 24.1. Le modèle des facteurs de risque associés postule la présence de facteurs de risque sous-jacents d’ordre génétique, développemental ou environnemental (p. ex., un traumatisme, la recherche de sensations fortes, un style d’attachement dysfonctionnel) (Fillion-Bilodeau et al., 2012 ; Krueger & Markon, 2006 ; Valderas et al., 2009). Ces facteurs de risque sont généralement associés. Le premier facteur de risque cause le premier trouble, le second facteur de risque, le second
trouble. Par exemple, un client victime de négligence durant son développement sur une période de temps prolongée pourrait développer un style d’attachement désorganisé ainsi qu’une difculté à réguler ses affects. La première conséquence pourrait générer l’apparition d’un trouble de la personnalité à l’âge adulte, alors que le second pourrait favoriser l’émergence d’un trouble dépressif, bipolaire ou apparenté FIGURE 24.2. Enn, le modèle de l’indépendance étiologique et du maintien réciproque propose l’apparition indépendante et le maintien des deux troubles (Fillion-Bilodeau et al., 2012 ; Valderas et al., 2009). Cependant, une fois les deux troubles acquis, leur présence combinée contribue à leur maintien réciproque. Par exemple, une cliente a été atteinte au cours des années d’un trouble dépressif caractérisé et d’une anxiété sociale. D’une part, l’isolement social et l’étendue limitée d’activités découlant de l’anxiété sociale maintiennent les symptômes du trouble dépressif chez cette cliente. D’autre part, le manque d’intérêt et de motivation ainsi que le sentiment de dévalorisation découlant du trouble dépressif caractérisé peuvent limiter grandement la capacité de la cliente à composer avec son anxiété et à aller au-devant de sa crainte du jugement des autres FIGURE 24.3.
24.2.2
FIGURE 24.1
Causalité directe ou indirecte
FIGURE 24.2
Facteurs de risque associés
Interdépendance des manifestations
Chez les clients atteints de troubles comorbides et concomitants, les manifestations de chacun des troubles peuvent s’inuencer mutuellement de façon à altérer la présentation du portrait clinique. Par exemple, dans le cas d’un trouble lié à une substance et d’un trouble mental, le premier peut aggraver, masquer ou imiter le second. Une rechute de la consommation peut être associée à une recrudescence des symptômes du trouble mental, et vice-versa (CAMH, 2011). L’inrmière émet des hypothèses quant à l’étiologie et à l’inuence des manifestations an d’estimer la trajectoire des clients et d’adapter la démarche de soins. Par exemple, si la consommation de cannabis d’un client permet de diminuer ses symptômes anxieux, il pourrait bénécier d’une psychoéducation portant sur cette association et mettre au point des stratégies de gestion de l’anxiété an de faire face à l’augmentation possible des symptômes au moment du sevrage. Si l’inrmière croit qu’un trouble dépressif caractérisé s’additionne à un trouble de la personnalité narcissique à la suite d’un échec amoureux ou professionnel, il est possible d’entrevoir que la diminution des symptômes dépressifs consécutifs à des réussites importantes pourra s’accompagner d’une plus grande manifestation du trouble de la personnalité et d’une attitude de sufsance ou de critique concernant les soins offerts.
FIGURE 24.3 maintien réciproque
Indépendance étiologique et
24.3
Description clinique et fréquence observée des combinaisons de troubles comorbides et concomitants
24.3.1
Combinaisons de plusieurs troubles mentaux et exemples
24
Il faut rappeler que chaque trouble peut être présent dans une fenêtre temporelle séparée et distale (comorbidité longitudinale) ou contiguë et proximale (comorbidité transversale). Même si la seconde utilisation du terme est retenue, il s’avère essentiel d’avoir en tête l’historique du client en matière de santé mentale, car la présence de troubles passés doit absolument être considérée dans les interventions. Par exemple, chez une cliente atteinte de trouble dépressif caractérisé, une diminution de l’alimentation pourrait être Chapitre 24
Comorbidité et clients atteints de troubles concomitants
655
considérée comme la conséquence d’un symptôme dépressif (c.-à-d. une perte d’appétit), mais si cette cliente a une histoire de trouble des conduites alimentaires, l’inrmière sera plus aux aguets par rapport à ce symptôme qui pourrait laisser présager la réapparition de ce trouble. Il est ainsi primordial de connaître l’ensemble du dossier d’un client, y compris ses antécédents psychiatriques, an d’intervenir adéquatement, car les différents troubles ne peuvent être traités indépendamment, et ce, même s’ils surviennent à diverses périodes dans la vie d’une personne.
portant sur l’utilisation des services en santé mentale indiquent que les personnes qui présentent une comorbidité sont celles qui consultent le plus (Lesage, Rhéaume & Vasiliadis, 2008). Par exemple, en 2002, 21,3 % des clients ayant reçu un diagnostic unique de trouble anxieux et 48,7 % des personnes ayant un diagnostic unique de trouble dépressif ont consulté au moins une ressource du système de santé, alors que cette proportion s’élevait à 70,6 % chez les personnes présentant une comorbidité de trouble anxieux et de trouble dépressif, bipolaire ou apparenté (Lesage et al., 2008).
Description clinique générale
Troubles anxieux et troubles dépressifs, bipolaires et apparentés
Les mécanismes qui unissent les différents troubles mentaux sont généralement étudiés de façon propre à chaque combinaison possible. Les troubles mentaux interagissent entre eux de diverses façons.
CE QU’IL FAUT RETENIR
La présence de troubles comorbides et concomitants est généralement associée à une augmentation du risque suicidaire, mais également à des conséquences plus importantes sur le fonctionnement que si le client n’avait qu’un trouble.
La présence d’un premier trouble peut précipiter l’apparition (sans toutefois en être la cause), contribuer au maintien ou encore aggraver les symptômes d’un second trouble. Par exemple, la présence de troubles anxieux augmente le risque de suicide chez les clients atteints d’un trouble bipolaire (Lee & Dunner, 2008 ; Nakagawa, Grunebaum, Sullivan et al., 2008). La comorbidité avec un trouble anxieux est donc un facteur à prendre en considération dans l’évaluation du risque suicidaire de la clientèle atteinte d’un trouble bipolaire. Les symptômes d’un premier trouble peuvent également masquer ceux d’un second trouble. Le traitement du premier trouble peut ainsi se solder par l’apparition des symptômes du second trouble. Par exemple, chez les clients hospitalisés pour un trouble psychotique, il serait pertinent d’évaluer à nouveau la présence de symptômes anxieux après que les symptômes psychotiques ont été stabilisés, car il serait alors plus facile de les différencier (Achim, Maziade, Raymond et al., 2011). Dans certains cas, le traitement d’un trouble peut entraîner une amélioration d’autres troubles. Il semble que le traitement du trouble de déficit de l’attention/ hyperactivité (TDA/H) contribue à diminuer l’anxiété, de même que certaines formes de dépression (National Institute of Mental Health [NIMH], 2008). En résumé, l’inrmière demeure alerte quant aux interactions possibles entre les troubles mentaux, et elle conçoit sa démarche de soins an de prévoir les effets du traitement d’un trouble sur l’autre, de prioriser certaines cibles de traitement en fonction des interactions connues : c’est ce que signie l’intégration des soins.
Combinaisons fréquentes Les taux de comorbidité sont probablement plus élevés chez les personnes qui recherchent des soins au sein des services de santé mentale que dans la population générale. Les données québécoises
656
Partie 5
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
Les données canadiennes indiquent que 29,2 % des personnes atteintes d’un trouble anxieux (dans l’année précédente) répondent également aux critères d’un trouble dépressif caractérisé et que 9,6 % satisfont aux critères d’un épisode maniaque (A, Cox & Sareen, 2010). Le motif de consultation est plus souvent le trouble dépressif, bipolaire ou apparenté, alors que le trouble anxieux demeure souvent non décelé. Pourtant, il semble que les troubles anxieux précèdent souvent les troubles dépressifs, bipolaires et apparentés, et leur traitement pourrait même constituer une forme de prévention pour plusieurs autres troubles (A et al., 2010). L’inrmière décèle les indicateurs de troubles anxieux en présence d’un trouble dépressif, bipolaire ou apparenté. La présence combinée de troubles anxieux et dépressifs caractérisés augmente le risque de passage à l’acte suicidaire (Keller & Hanks, 1995 ; Mineka, Watson & Clark, 1998). L’inrmière considère donc la présence de troubles comorbides de ce registre comme un facteur supplémentaire dans l’évaluation du risque suicidaire. Certaines médications telles que les antidépresseurs de la catégorie des inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine, pouvant être prescrites dans les cas de comorbidité du registre anxiodépressif, pourraient être associées à un risque accru d’idée et de comportements suicidaires (Centre for Addiction and Mental Health [CAMH], 2014 ; Santé Canada, 2004 ; U.S. Food and Drug Administration, 2007). Il est donc crucial de considérer cet aspect dans la démarche de soins.
Troubles psychotiques Les symptômes anxieux et dépressifs sont très fréquents chez les personnes atteintes de schizophrénie (Tsai & Rosenheck, 2013). Il semble toutefois que le diagnostic de schizophrénie évacue les autres diagnostics. Dans plusieurs cas, la présence d’anxiété ou de dépression est considérée comme faisant partie intégrante du trouble psychotique ou y étant amalgamée (p. ex., dans le cas d’un trouble schizoaffectif). Une meilleure reconnaissance des troubles comorbides à la schizophrénie peut améliorer le traitement (Blum, Vakhrusheva, Saperstein et al., 2015). Par exemple, la présence d’un trouble
dépressif caractérisé est associée à un risque accru de suicide, ce qui devrait donc orienter le traitement vers une meilleure prévention (Green, Canuso, Brenner et al., 2003). De même, la présence simultanée d’un trouble dépressif caractérisé pourrait inuer sur le choix de la médication antipsychotique à préconiser (Möller, 2008).
la violence conjugale, les mauvais traitements envers les enfants, les difcultés professionnelles, le suicide et la participation à des jeux de hasard et d’argent, en plus d’être liés à des relations familiales tendues (CAMH, 2012a).
Troubles de la personnalité
Il semble que de 35 à 65 % des clients ayant un épisode dépressif caractérisé seraient également atteints d’un trouble de la personnalité (Rosenbluth, MacQueen, McIntyre et al., 2012). Cette comorbidité offre un intérêt clinique particulier puisqu’en présence d’un trouble de la personnalité, les symptômes dépressifs seraient plus nombreux et plus intenses, et il y aurait davantage d’idées suicidaires et de passages à l’acte (Rimlinger, 2010). Ainsi, dans le cas d’un trouble de la personnalité comorbide, l’inrmière devra être particulièrement alerte quant aux comportements suicidaires. Sur le plan du traitement de la dépression, la présence d’un trouble de la personnalité est associée notamment à des hospitalisations plus fréquentes, à un succès pharmacologique diminué (Rimlinger, 2010) et à la persistance du trouble dépressif caractérisé malgré le traitement (Newton-Howes, Tyrer & Johnson, 2006 ; Skodol, Grilo, Keyes et al., 2011). Il est donc fortement recommandé que le trouble de la personnalité soit considéré par l’inrmière dans le PSTI, qui pourrait, par exemple, inclure une psychothérapie avec un clinicien spécialisé auprès de cette clientèle TABLEAU 24.1.
Les troubles de la personnalité coexistent fréquemment avec d’autres troubles et en complexient le traitement (Stevenson, Brodaty, Boyce et al., 2011). La présence de troubles comorbides (p. ex., le trouble dépressif caractérisé) complique le diagnostic du trouble de la personnalité limite, étant donné que les symptômes des autres troubles se confondent avec ceux du trouble de la personnalité, qui demeure souvent non diagnostiqué (NIMH, 2012). Les clients qui en sont atteints ne recherchent pas de services en santé mentale à moins qu’ils aient un autre trouble mental qui génère de la souffrance ou qui s’inscrit en rupture avec leur identité, ou encore qu’un proche les pousse à consulter (Tredget, 2001). Puisque la présence d’un trouble de la personnalité sous-jacent assombrit le pronostic et augmente la probabilité d’une nouvelle hospitalisation, l’infirmière demeure attentive à ses manifestations (p. ex., un mode relationnel inadapté, de l’instabilité). En plus des troubles comorbides, les troubles de la personnalité comportent plusieurs conséquences psychosociales associées que l’inrmière garde à l’esprit telles que la consommation de substances,
Troubles de la personnalité et troubles dépressifs, bipolaires et apparentés
Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 24.1
Accompagner le client atteint d’un trouble de la personnalité et d’un autre trouble mental
INTERVENTIONS
JUSTIFICATIONS
• Évaluer le risque suicidaire, d’automutilation et d’hétéroagressivité.
Le client atteint d’un trouble de la personnalité et d’un autre trouble mental est plus à risque de comportements suicidaires. Des facteurs de risque historiques (p. ex., des tentatives antérieures) et des idées suicidaires persistantes peuvent être présents sans qu’il y ait nécessairement une urgence suicidaire.
• Établir avec le client un plan de gestion de crise. Composer avec la présence d’un risque chronique, sans urgence ou crise suicidaire actuelle. • Être attentive à la manifestation d’un autre trouble mental chez les personnes atteintes d’un trouble de la personnalité, et vice-versa.
• Clarier les demandes des clients, les rôles respectifs et les limites des cliniciens ainsi que le cadre de fonctionnement des services. • Responsabiliser le client par rapport à ses attitudes et comportements. • Échanger de l’information avec les autres cliniciens. • Viser une amélioration générale du fonctionnement ainsi que du trouble de la personnalité et considérer le trouble mental comme s’inscrivant dans celui-ci.
Il y a une association fréquente entre les troubles de la personnalité et les autres troubles mentaux. Les manifestations de ces troubles peuvent prendre une coloration différente ou s’inscrire moins en rupture avec le fonctionnement normal que chez un client sans trouble de la personnalité. Et vice-versa, en présence d’un autre trouble mental qui cause une grande souffrance et amène le client à consulter, le trouble de la personnalité peut passer inaperçu et inuer fortement sur le pronostic. Le client atteint d’un trouble de la personnalité et recevant des soins de divers milieux et cliniciens peut éprouver des difcultés à composer avec le manque de cohérence. Une constance et une direction quant aux soins offerts doivent être établies entre les cliniciens. Alors que l’amélioration du trouble de la personnalité s’accompagne d’une amélioration de l’autre trouble mental, le rétablissement de celui-ci peut donner lieu à une manifestation plus claire du trouble de la personnalité.
Chapitre 24
Comorbidité et clients atteints de troubles concomitants
657
24
24.3.2
Troubles concomitants et exemples
Description clinique CE QU’IL FAUT RETENIR
Il importe de considérer également les problèmes associés de santé mentale ou liés à une substance ainsi que les problèmes psychosociaux et environnementaux. Ces problèmes limitent la capacité du client à se rétablir et peuvent représenter en soi des cibles de traitements à même de favoriser leur bien-être.
Plus les clients cumulent des comportements à risque tels que le tabagisme, la consommation de drogues et d’alcool ainsi que la participation à des jeux de hasard et d’argent, plus leur stress quotidien et leur détresse psychologique sont élevés et plus ils se disent insatisfaits de leur vie, d’euxmêmes et de leurs relations (Nanhou & Audet, 2012). En présence de troubles concomitants, les clients éprouvent généralement plus de difcultés relativement à leur démarche de soins ainsi que des problèmes psychosociaux et environnementaux associés (O’Grady & Skinner, 2007 ; Rush & Nadeau, 2012) ENCADRÉ 24.1.
Les causes et les trajectoires possibles sont multiples (Falk, Yi & Hilton, 2008). Par exemple, de façon générale, l’abus d’alcool précède le trouble d’anxiété généralisée, le trouble panique avec agoraphobie, les troubles dépressifs caractérisés et persistants (dysthymie), il coïncide avec le premier épisode maniaque et succède aux phobies spéciques et à l’anxiété sociale. De façon similaire, la dépendance à l’alcool précède le trouble d’anxiété généralisée et le trouble panique avec agoraphobie, elle coïncide avec le trouble dépressif persistant (dysthymie), le trouble dépressif caractérisé ainsi que le premier épisode maniaque et succède à l’anxiété sociale et aux phobies spéciques. Les troubles mentaux, du moins les troubles dépressifs, bipolaires et apparentés et anxieux, sont la plupart du temps indéJérôme Lacoursière, âgé de 20 ans, est atteint pendants du trouble lié à une de schizophrénie avec hallucinations auditives. substance (Grant, Stinson, Son colocataire a remarqué que sa consommaDawson et al., 2004 ; Sadock, tion de cannabis augmente, surtout en soirée, et Sadock & Ruiz, 2014). est convaincu qu’il a acquis une dépendance à D’une part, la précocité de cette substance. Qu’est-ce qui pourrait expliquer l’amorce de la consommation l’augmentation de la consommation de cannabis de de substances psychoactives monsieur Lacoursière ? (tabac, alcool, drogues) chez
Jugement
clinique
ENCADRÉ 24.1
Difcultés fréquentes chez les clients atteints de troubles concomitants
• Intensité des symptômes du trouble mental
• Difcultés familiales
• Sensibilité à l’effet des substances
• Conits interpersonnels et comportements agressifs
• Arrêt prématuré des soins
• Comportements violents en situation de crise
• Rechute et réhospitalisation
• Incarcération
• Problèmes de santé physique
• Infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) : virus de l’immunodécience humaine (VIH), hépatites B (VHB) ou C (VHC)
• Jugement de la part des autres • Difcultés nancières • Précarité du logement
658
Partie 5
• Idées et comportements suicidaires
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
les clients aux prises avec un trouble lié à une substance est associée à l’apparition ultérieure d’un trouble mental (Rosenthal, Nunes & Le Fauve, 2012). D’autre part, la sévérité du trouble lié à une substance et le type de substances consommées augmentent le risque d’être atteint d’un trouble mental (Rosenthal et al., 2012). Le dépistage des troubles liés à une substance représente un défi pour les infirmières de première ligne puisque les clients sont parfois mal à l’aise de dévoiler un problème de consommation. La Substance Abuse and Mental Health Services Administration (SAMHSA) (2006) a déterminé des signes plus subtils pouvant laisser présager la présence de troubles concomitants ENCADRÉ 24.2. Ces signes sont non exhaustifs et peuvent relever d’un autre trouble.
Combinaisons fréquentes Tous les troubles mentaux peuvent être associés à un trouble lié à une substance (APA, 2015 ; CAMH, 2012b). La prévalence varie grandement selon le milieu de travail des inrmières. Il y a moins de cas de troubles concomitants dans la population générale que dans des centres de soins psychiatriques, et les centres de réadaptation en dépendance sont les milieux où ils sont plus fréquents (Fillion-Bilodeau et al., 2012 ; Fleury et al., 2012 ; Flynn & Brown, 2008). Les troubles liés à une substance s’associent également à des troubles de santé physique, notamment chez les clients atteints de douleurs chroniques (Morasco, Gritzner, Lewis et al., 2011). Cette situation est complexe puisqu’elle limite l’utilisation de certains médicaments visant à soulager la douleur. Les clients atteints d’un trouble psychotique consomment fréquemment du tabac et du cannabis (George & Blank, 2009). La consommation de celuici représenterait un facteur de risque d’apparition d’un trouble psychotique chez certains clients ayant une vulnérabilité génétique (Caspi, Moftt, Cannon et al., 2005). Par ailleurs, la consommation de tabac permettrait aux clients de diminuer certains effets indésirables (p. ex., la rigidité musculaire) associés à la prise d’antipsychotiques ainsi que les symptômes cognitifs du trouble (p. ex., des atteintes de la mémoire, de l’attention, du ltrage sensoriel) (George & Blank, 2009). Pour ce qui est du traitement, Sadock et ses collaborateurs (2014) recommandent d’aborder la combinaison des troubles de façon simultanée et intégrée pour les troubles mentaux graves et persistants, les troubles de la personnalité et les troubles des conduites alimentaires. Cependant, pour ce qui est des troubles dépressifs, bipolaires et apparentés et des troubles anxieux, hormis le trouble de stress post-traumatique, il est plutôt suggéré d’amorcer d’abord une diminution de la consommation tout en procédant à une évaluation continue des symptômes du trouble mental. Dans
la mesure où le client n’arriverait pas à cesser ou à diminuer sa consommation, il devrait être dirigé vers un service de soins intégrés (Baillie & Sannibale, 2007 ; Santé Canada, 2002a).
Symptômes cliniques ENCADRÉ 24.2
Troubles anxieux et dépendance aux substances
Signes laissant présager la présence d’un trouble concomitant
Les troubles anxieux sont parmi les troubles les plus fréquemment associés à un trouble lié à une substance (Kushner, Krueger, Frye et al., 2008). Au Québec, chez les personnes ayant été atteintes d’un trouble anxieux dans les 12 derniers mois, 4,3 % ont une dépendance à l’alcool, contre 1,7 % chez les personnes n’ayant pas de trouble anxieux (Kairouz, Boyer, Nadeau et al., 2008). Pour l’ensemble des troubles liés à une substance, 18 % des personnes qui ont été aux prises avec un trouble lié à une substance dans les 12 derniers mois sont atteintes d’un trouble anxieux, et 15 % qui ont eu un trouble anxieux dans les 12 derniers mois ont souffert d’un trouble lié à une substance (Grant et al., 2004) PSTI 24.1.
• Irritation nasale (troubles liés à une substance uniquement)
• Fatigue
• Contusions inexpliquées (troubles liés à une substance uniquement)
• Retrait social
Alors que le trouble panique est en lien avec un trouble lié à l’alcool et que le trouble d’anxiété généralisée est associé à celui lié aux drogues, la phobie spécique est moins liée à la consommation de substances (Stewart, 2009). Les clients atteints de troubles anxieux ont plus de risque de faire un usage erratique d’anxiolytiques et de benzodiazépines (Stewart, 2009) .
• Symptômes gastro-intestinaux
• Foie plus volumineux ou rate élargie, fonctionnement anormal du foie, hépatite, cirrhose avancée (troubles liés à une substance uniquement) • Symptômes de sevrage (troubles liés à une substance uniquement) • Céphalées • Douleur thoracique ou arythmie cardiaque • Hypertension artérielle
• Apathie ou affect plat • Changements du niveau de la concentration, de l’humeur, du niveau d’activité, du sommeil, de l’appétit ou du poids • Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive • Craintes, inquiétudes ou pensées intrusives ou actions répétées • Difculté cognitive et du contrôle des impulsions • Historique de traumatismes physiques ou psychologiques
• Dysfonctions sexuelles Source : Adapté de SAMHSA (2006).
L’inrmière a avantage à effectuer un suivi serré de la médication (Back & Brady, 2008 ; SAMHSA, 2012) TABLEAU 24.2.
PSTI 24.1W : Trouble de l’adaptation avec anxiété et humeur dépressive.
Plan de soins et de traitements inrmiers PSTI
24.1
Trouble panique avec agoraphobie et dépendance à une substance
Martine Boisjoli, âgée de 54 ans, rencontre l’inrmière de liaison en dépendance à l’urgence d’un centre hospitalier. Elle afrme être venue en raison de palpitations cardiaques et de difcultés respiratoires l’ayant amenée à craindre pour sa santé physique, mais qui se sont rapidement estompées durant l’attente. Le service de triage de l’urgence l’a dirigée vers l’inrmière de liaison en place étant donné que la cliente rapportait une certaine consommation d’alcool. En entrevue, madame Boisjoli afche une grande timidité qui s’exprime par des réponses brèves et un regard fuyant. Elle rapporte avec un grand malaise et de la honte le fait que son employeur se plaint de sa consommation d’alcool durant les heures de travail et elle craint de perdre son emploi. La cliente boit quatre ou cinq consommations de vin par jour, plus particulièrement durant la semaine. Elle reconnaît que sa consommation lui cause des problèmes, mais toutes ses tentatives pour la limiter ont jusqu’à présent échoué. Elle observe que, depuis les deux dernières années, elle aurait augmenté graduellement sa consommation et étalé celle-ci sur l’ensemble de la journée. Elle afrme avoir peu d’activités, de proches et d’amis, expliquant passer ses ns de semaine à lire. Lorsque l’inrmière questionne madame Boisjoli sur la prise de médicaments, elle note que la cliente prend également une dose élevée de benzodiazépine. Celle-ci explique que cette dose aurait augmenté progressivement depuis les cinq dernières années en raison de son anxiété croissante et de sa peur de faire des « crises d’angoisse ». Alors qu’elle avait l’habitude de se promener dans des parcs ou de fréquenter des centres commerciaux, madame Boisjoli craint depuis
six ans de subir ses crises dans ces endroits et de ne pas recevoir de soutien des passants. L’apparition d’attaques de panique coïncide avec le départ de son ls de la maison. Elle aurait reçu un diagnostic de trouble panique avec agoraphobie d’un médecin généraliste et prendrait une médication à cet effet. Elle observe, malgré l’augmentation de la posologie, une augmentation des symptômes physiques associés à son trouble anxieux depuis deux ans (c.-à-d. de la transpiration, des vertiges, une impression d’évanouissement, des bouffées de chaleur), moment où elle aurait commencé à boire plus de deux consommations par jour tout en prenant sa médication. L’inrmière observe que madame Boijoli collabore bien à l’entrevue, malgré son attitude réservée. Son niveau d’activité est légèrement diminué en dépit de la présence d’affects anxieux, et aucune anomalie n’apparaît sur le plan du langage. L’humeur qu’elle présente en entrevue est dysphorique, et l’affect est mobilisable et congruent avec le contenu abordé. Les préoccupations nommées demeurent circonscrites et sont en lien avec son emploi, la crainte de faire l’objet de jugements et le malaise généré par ses symptômes anxieux. Elle se projette dans l’avenir, ne verbalise pas d’idées hétéroagressives ou autoagressives et ne rapporte aucun antécédent suicidaire. Aucune anomalie n’apparaît dans le cours, la forme ou le contenu de la pensée. Elle ne démontre ni signe franc d’intoxication ni de désorganisation psychotique. Ses fonctions cognitives semblent préservées (p. ex., l’attention, la concentration, la mémoire). La cliente est bien orientée dans le temps, l’espace, la personne et la situation. L’autocritique et l’introspection sont présentes.
À la suite de son évaluation, l’inrmière formule les constats suivants et élabore un plan de soins avec madame Boisjoli.
Chapitre 24
Comorbidité et clients atteints de troubles concomitants
659
24
PSTI
24.1
Trouble panique avec agoraphobie et dépendance à une substance (suite)
PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Risque de perte d’emploi se manifestant par les plaintes de l’employeur à l’endroit de la cliente en lien avec sa consommation d’alcool et son état d’intoxication sur le lieu de travail
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES ET JUSTIFICATIONS
• Stabilisation à court terme des pertes associées à sa consommation
• Établir en collaboration avec la cliente un horaire faisant en sorte de modier ses habitudes de vie par l’instauration de comportements adaptés opposés à la consommation avant et pendant le travail.
• Responsabilisation graduelle de la cliente par rapport à sa consommation et limitation des méfaits associés à celle-ci
• Mettre au point en collaboration avec la cliente des stratégies que celle-ci pourra déployer si elle est en état d’intoxication au travail.
• Augmentation du sentiment de maîtrise et d’efcacité personnelle de la cliente associé à sa capacité d’améliorer son bien-être personnel PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Exacerbation des symptômes d’anxiété associés à une consommation de substances psychoactives
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES ET JUSTIFICATIONS
• Diminution des préoccupations et des appréhensions de la cliente quant à son état de santé physique
• Planier une investigation médicale pour préciser le diagnostic et éliminer les diagnostics différentiels (affections endocriniennes, cardiovasculaires, respiratoires, neurologiques).
• Augmentation de la compréhension de la cliente quant à l’interaction entre sa consommation et ses symptômes anxieux
• Demander une autorisation d’accès au dossier médical de la cliente pour connaître les médicaments prescrits et ainsi assurer un meilleur suivi.
• Soutenir la cliente dans le dévoilement de sa consommation d’alcool à son médecin de famille.
• Déterminer le prol de consommation par le questionnaire DÉBA-A/D et évaluer la sévérité du sevrage et le suivi requis par le questionnaire Évaluation spécialisée en dépendance NiD-ÉM+ NiD-ÉM (et l’échelle CIWA-Ar), pour orienter la cliente vers des services en dépendance appropriés . • Dépister la présence d’autres troubles mentaux (p. ex., par le questionnaire SCL-90-R), pour orienter le suivi médical. • Faire de l’enseignement sur les interactions possibles entre les substances et les symptômes anxieux (tolérance croisée, effet rebond, potentialisation, effet de sevrage sur le fonctionnement) pour augmenter le sentiment de maîtrise du trouble. • Explorer la perception de la prise de substances à usage médical (p. ex., un traitement) et non médical (p. ex., l’alcool ou la drogue). • Proposer à la cliente d’observer ses comportements intégrant la consommation et les symptômes anxieux pour augmenter le sentiment de maîtrise.
PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Stratégies d’adaptation inefcaces (centrées sur la consommation d’alcool) pour composer avec les symptômes d’anxiété
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES ET JUSTIFICATIONS
• Mise sur pied d’un réseau de soutien permettant à la cliente de briser son isolement
• Assurer le rôle d’intervenante pivot en attendant la prise en charge par le centre hospitalier, le centre de santé et de services sociaux ou le centre de réadaptation en dépendance pour assurer une continuité des soins.
• Mise au point de stratégies d’adaptation efcaces an de composer avec les attaques de panique et l’anxiété associée au sevrage éventuel de substances
• Déterminer les objectifs ainsi que le degré de motivation de la cliente en lien avec la consommation de chaque substance (diminution des méfaits, réduction ou cessation de la consommation) pour faciliter le partenariat et la collaboration au plan de soins.
• Continuité des soins
• Reconnaître le réseau social en place et sa volonté à aider la cliente.
• Préparation de la cliente à la mise en place d’un protocole de sevrage
• Proposer des groupes d’entraide correspondant aux valeurs de la cliente (p. ex., Revivre, PhobieZéro, Alcooliques Anonymes). • Soutenir et adapter les interventions selon les stades de changement de la cliente an de stimuler sa motivation au changement et de lui permettre de mieux composer avec la honte associée à ses difcultés. • Évaluer l’ouverture de la cliente à d’autres ressources comme une bibliothérapie propre à la gestion de l’anxiété, pour augmenter sa compréhension de sa situation.
Sources : DÉBA-A/D : Dépistage/Évaluation du Besoin d’Aide – Alcool/Drogues ; NiD-ÉM : Niveau de désintoxication : évaluation par les intervenants médicaux ; CIWA-Ar : Clinical Institute Withdrawal Assessment for Alcohol ; SCL-90-R : Symptom Checklist-90-Revised.
660
Partie 5
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 24.2
Intervenir auprès d’un client atteint d’un trouble anxieux et d’un trouble lié à une substance
INTERVENTIONS
JUSTIFICATIONS
• Reconnaître les signes d’intoxication et de sevrage durant l’entrevue.
Le client ayant une dépendance élevée ou qui consomme pour réduire une souffrance importante, notamment à l’occasion d’anxiété sociale, peut se présenter intoxiqué à l’entrevue. Pour favoriser l’alliance de travail et la mise en place d’un cadre de suivi, il faut partager cet élément et préciser les règles de l’établissement à cet égard.
• Valider ceux-ci avec le client, sans porter de jugement, et dénir des stratégies pour assurer la sobriété du client durant les rencontres. • Faire preuve de prudence et expliquer au client la difculté d’établir un diagnostic clair au cours d’épisodes soutenus de consommation ou de sevrage.
La présence de symptômes anxieux peut être induite par la substance ou par le sevrage physique et psychologique de celle-ci.
• Accepter que la motivation du client à améliorer son trouble lié à une substance soit parfois inférieure à celle de modier son trouble anxieux.
Un client peut afcher une motivation variable à aborder divers troubles. Les symptômes anxieux sont à l’origine de souffrance, alors que la consommation comporte des éléments positifs et négatifs.
• Amener le client à relever continuellement les associations entre les troubles au cours de l’évaluation et de l’intervention.
L’intervention permet au client de comprendre les relations entre les deux troubles ainsi que les facteurs communs à aborder et peut favoriser la motivation du client à modier sa consommation.
• Reconnaître et valider l’effet positif à court terme de la substance sur son état mental. • Effectuer de l’enseignement au client sur les interactions entre la médication et les substances (p. ex., la tolérance croisée, l’effet rebond, la potentialisation, l’effet de sevrage sur le fonctionnement). • Explorer la perception du client quant à la prise de substances à usage médical et non médical.
Combinaison d’un trouble mental et d’une affection physique
La formation de certains professionnels de la santé porte souvent soit sur la santé mentale (p. ex., le psychologue, le travailleur social), soit sur la santé physique (p. ex., le physiothérapeute, la nutritionniste). L’inrmière, grâce à ses connaissances acquises dans les deux domaines et à l’étendue de son champ d’exercice, joue ici un rôle central (Happell, Platania-Phung, Gray et al., 2011 ; Ordre des inrmières et inrmiers du Québec [OIIQ], 2012). Cette position professionnelle lui permet ainsi d’intervenir de façon intégrée sur les plans physique, psychologique et social.
Description clinique Les troubles comorbides issus de la combinaison d’un trouble mental et d’une affection physique peuvent prendre plusieurs formes. L’affection médicale associée peut relever d’une maladie chronique ou d’une affection physique aiguë. Les processus étiologiques sont similaires à ceux nommés précédemment. À titre d’exemple, un client peut être atteint d’un trouble dépressif caractérisé à la suite d’un accident vasculaire cérébral. Le trouble dépressif caractérisé peut être issu d’un déséquilibre neurologique, et il est alors question
d’un trouble dû à une affection médicale. Le trouble dépressif caractérisé peut également être associé à la perte d’autonomie et de fonctionnement de la personne. L’association entre les deux troubles est parfois plus complexe. Par exemple, un client présente des traits de la personnalité antisociale ou limite. Ces traits l’amènent à adopter des conduites à risque qui se soldent en un accident de la route. Le client a subi une atteinte au lobe préfrontal qui diminue encore plus ses capacités d’inhibition et augmente ses conduites de prise de risque. Il est possible d’observer une altération substantielle de sa personnalité, dont les traits paraissent alors relever d’un trouble. Un autre client s’est vu prescrire une médication en lien avec des douleurs ponctuelles. La prise d’une médication à l’origine légitime s’étale sur une longue période. Son système neurologique acquiert une tolérance au médicament, et les douleurs physiques ou la sensibilité du client à celles-ci s’exacerbent. Au l des consultations médicales, des douleurs chroniques s’apparentant à de Chapitre 24
Figure 16.1W : Dépistage/ Évaluation du Besoin d’Aide – Alcool (DÉBA-Alcool) et Dépistage/Évaluation du Besoin d’Aide – Drogues (DÉBADrogues).
clinique
Jugement
24.3.3
L’interaction entre les substances peut diminuer l’efcacité de la médication et avoir des conséquences importantes. Certaines psychopharmacologies comportent des risques de générer des abus ou des dépendances. Un client peut avoir une perception négative de la prise de médicament, même si cela apparaît paradoxal en présence d’un trouble lié à une substance.
24
Paul-André Lamarche est âgé de 38 ans. Il a reçu un diagnostic de sclérose en plaques il y a 10 mois et ne se fait pas encore à l’idée que sa vie est maintenant tributaire de l’évolution de sa maladie. Il vit de plus en plus de moments de découragement et exprime de la colère pour des banalités. Il dit que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue si c’est pour voir sa santé se détériorer à petit feu. Quel élément pourrait favoriser l’altération de l’état psychologique de monsieur Lamarche ?
Comorbidité et clients atteints de troubles concomitants
661
éactivation des connaissances De saines habitudes de vie contribuent à atteindre et à maintenir une bonne santé. Nommez trois comportements à adopter pour promouvoir une santé optimale.
éactivation des connaissances Des stratégies d’adaptation peuvent être actives (p. ex., trouver un sens à la situation stressante, rechercher de l’aide, maintenir des activités sociales) à l’inverse de mécanismes d’adaptation (p. ex., l’évitement) plus passifs. Nommez d’autres exemples de stratégies actives permettant de composer plus efcacement avec une difculté.
Vidéo : Trouble bipolaire en épisode maniaque et diabète.
la bromyalgie sont observées. Les conséquences du fonctionnement de la personne sur son employabilité et sur son bien-être psychologique intensient ses douleurs physiques, son trouble de dépendance à une substance, et elles s’accompagnent de symptômes dépressifs.
Combinaisons fréquentes Les clients atteints de troubles mentaux éprouvent plus fréquemment des problèmes de santé physique ou des maladies, notamment l’obésité et le VIH, ainsi que des problèmes respiratoires, buccaux, ophtalmiques et dermatologiques (Happell et al., 2011). La prise sur une période prolongée de certains médicaments, la présence de préjugés chez les professionnels de la santé physique envers les personnes atteintes de troubles mentaux, ainsi que la priorisation des soins en santé mentale au détriment de ceux portant sur la santé physique auprès des clients atteints d’un trouble mental pourraient contribuer à l’apparition de problèmes de santé physique (Happell et al., 2011). Il existe plusieurs liens entre les troubles mentaux et les problèmes de santé physique FIGURE 24.4. La complexité des tableaux cliniques des troubles comorbides issus de cette catégorie rend ardu le travail de l’inrmière. Le cadre conceptuel offert par la psychoneuro-immunoendocrinologie porte une attention particulière aux interactions complexes du corps et de l’esprit entre le système nerveux, le système endocrinien et le système immunitaire (Freberg, 2016). Les études en psychoneuro-immunoendocrinologie examinent l’effet des facteurs de stress psychosociaux perçus et de la réaction biopsychologique au stress sur l’apparition d’un trouble (Venes, 2009). Ce modèle
FIGURE 24.4 Interactions possibles entre les troubles mentaux et les problèmes de santé physique
662
Partie 5
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
fournit un cadre holistique et intégratif pour la recherche et le dépistage de facteurs de risque relatifs aux problèmes de santé, aux styles de vie et aux conditions sociologiques (Anderson, 2009). Il met davantage l’accent sur la promotion de la santé à toutes les étapes de la vie, sur l’autogestion des soins et sur une méthode holistique de prise en charge des problèmes de santé psychosociaux et physiologiques aigus et chroniques (Colin-Thome, 2009). L’inrmière joue un rôle essentiel en aidant le client à reconnaître les effets du stress, à choisir des stratégies d’adaptation appropriées et à favoriser la meilleure qualité de vie possible. Lorsque la comorbidité d’un trouble mental et d’une affection physique concerne un trouble ou une maladie chronique, une prise en charge continue est nécessaire pendant des années, voire des décennies. Voici des exemples de maladies chroniques : • certains troubles cardiovasculaires (p. ex., l’insufsance cardiaque), respiratoires (p. ex., les maladies pulmonaires obstructives chroniques) et rénaux (p. ex., l’insufsance rénale chronique), ainsi que les conséquences permanentes issues d’un accident vasculaire cérébral ; • les maladies chroniques persistantes comme le diabète, le virus de l’immunodécience humaine/ syndrome d’immunodécience acquise, la polyarthrite rhumatoïde et la sclérose en plaques ; • certains troubles mentaux comme la schizophrénie et le trouble bipolaire ; • les inrmités permanentes comme l’amputation, la paralysie et la cécité. L’incapacité résiduelle de ces maladies est irréversible et requiert de l’enseignement et de la réadaptation pour les personnes atteintes et leurs proches aidants . L’inrmière assure la supervision et l’observation sur une période prolongée. Les problèmes de santé chroniques ont des conséquences psychosociales, émotionnelles et nancières considérables pour le client, sa famille et la société. L’imprévisibilité d’une maladie chronique constitue un dé pour l’estime personnelle, l’image corporelle et la sexualité du client. Elle perturbe également les relations sociales et l’exercice des rôles au sein de la famille, du lieu de travail et de la collectivité. Les problèmes de santé chroniques font souvent perdre au client son sentiment d’autonomie (Shone, 2013 ; World Health Organization, 2016). L’exacerbation de symptômes comme la douleur, la fatigue, les nausées, la perte d’appétit, les difcultés de sommeil, qui s’associe à la baisse constante des capacités fonctionnelles, met les facultés d’adaptation à rude épreuve. L’aggravation des symptômes peut avoir lieu rapidement ou lentement et être attribuable à des effets indésirables des médicaments, à un échec du traitement ou à des complications liées à une maladie comorbide. L’adaptation est un processus complexe et continu
de restructuration de la vie autour du problème de santé chronique, surtout en ce qui concerne l’acceptation d’une perte d’autonomie et du changement de rôle social. L’incertitude liée à l’évolution de la maladie chronique mène souvent à la dépression, à la colère et à des sentiments de désespoir et d’impuissance. Certains clients se sentent prisonniers de leur maladie (Lee, 2010). Aider le client à réinterpréter ses pensées négatives et ses réactions aux situations stressantes constitue une stratégie cognitive qui permet de renforcer sa capacité à s’adapter à la maladie chronique et à orienter son cours plutôt que de se laisser submerger par elle.
Virus de l’immunodécience humaine/ syndrome d’immunodécience acquise et troubles associés L’infection par le virus de l’immunodécience humaine (VIH) et le syndrome d’immunodécience acquise (sida) sont des épidémies mondiales. Le VIH atteint le système nerveux central (SNC) chez certains clients. En plus des conséquences physiques et neurologiques du VIH/sida, beaucoup de clients éprouvent une détresse psychologique importante liée à la prise de conscience de leur diagnostic et à leur adaptation ultérieure aux conséquences de cette maladie chronique qui menace la vie. Ce diagnostic affecte également les familles et les proches qui éprouvent eux-mêmes une détresse psychologique (APA, 2015 ; Mitchell & Knowlton, 2009).
Facteurs biologiques et neuropsychiatriques Le VIH atteint le cerveau, sous la forme de trouble neurocognitif léger ou majeur dû à une infection par le VIH, la moelle épinière, sous la forme de myélopathie vacuolaire, et les terminaisons nerveuses, sous la forme de neuropathie périphérique. Le VIH traverse facilement la barrière hématoencéphalique, est présent dans le cerveau de presque toutes les personnes infectées et détruit directement ou indirectement les cellules du SNC (APA, 2015 ; Cook & Tyor, 2006). Des changements d’humeur peuvent être le signe d’une dépression clinique ou des symptômes de trouble neurocognitif associé au sida. Les problèmes émotionnels ont tendance à ressembler à des troubles fonctionnels. De plus, au début de la maladie, l’examen neurologique, les analyses de laboratoire, l’électroencéphalogramme, l’analyse du liquide cérébrospinal et la tomodensitométrie du cerveau semblent normaux. La séropositivité, l’absence d’antécédents personnels ou familiaux de désordres mentaux (y compris de trouble lié à une substance), la présence de décits neuropsychologiques et des signes d’organicité (p. ex., un déséquilibre, des tremblements, l’évitement des tâches complexes, la sensibilité aux drogues et à l’alcool) contribuent au diagnostic différentiel. Bien que plusieurs variations de trouble neurocognitif associé au sida soient
TABLEAU 24.3
Types de troubles neurocognitifs
TYPE
SIGNES
Trouble neurocognitif caractérisé par des signes modérés de dépression
Apathie ; repli sur soi ; fatigue ; hypersomnolence ; perte de poids ; anorexie ; retard psychomoteur ; décits cognitifs subtils
Trouble neurocognitif dont les symptômes psychotiques sont plus aigus
Idées délirantes ; hallucinations ; agitation psychomotrice ; manie accompagnée d’idées de grandeur ; décits cognitifs importants
observées, deux principaux types sont généralement retenus TABLEAU 24.3. Lorsqu’il est déterminé que l’atteinte du client demeure principalement organique, il arrive d’observer une inuence des phénomènes psychosociaux, mais il ne s’agit pas de la première cible d’intervention. Les professionnels de la santé traitent plutôt les clients atteints de trouble neurocognitif associé au sida comme ceux qui présentent d’autres types de trouble neurocognitif organique ENCADRÉ 24.3. Il arrive que ces symptômes s’accompagnent d’idées délirantes et d’hallucinations. Souvent, beaucoup de professionnels prennent les symptômes de la dépression, qui sont l’apathie, le ralentissement moteur (bradykinésie) et les décits de l’attention, pour des signes précoces de trouble neurocognitif. Certains clients ont une consommation problématique de substances, ce qui ajoute à la difculté de compréhension des manifestations neurologiques du stade avancé de l’infection par le VIH. Cette situation représente la complexité clinique et l’interdépendance possible entre des troubles physiques, de santé mentale et liés à une substance. Comme mentionné dans une section précédente, le terme comorbide demeure celui à utiliser puisqu’il chapeaute l’ensemble des troubles.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Beaucoup de clients atteints du VIH/sida vivent un stress psychologique important lié à la prise de conscience de leur diagnostic, et à la nécessité par la suite de s’adapter aux conséquences de cette maladie chronique qui menace leur vie.
Facteurs psychosociaux Personne ne connaît précisément la fréquence des désordres mentaux et des troubles liés à une substance chez les clients infectés par le VIH, mais beaucoup croient qu’elle est plus élevée au sein de certains sous-groupes particuliers, compte tenu en
Symptômes cliniques ENCADRÉ 24.3
24
Symptômes comportementaux et cognitifs du trouble neurocognitif associé au sida
• Manque de concentration
• Lenteur de la pensée
• Difcultés à résoudre des problèmes
• Décits moteurs (p. ex., des tremblements, une atteinte des mouvements répétitifs rapides, un déséquilibre, l’ataxie)
• Apathie • Retrait social • Pertes de mémoire
Chapitre 24
Comorbidité et clients atteints de troubles concomitants
663
partie du fait que le VIH se transmet notamment par l’exposition aux seringues infectées chez les utilisateurs de drogues par injection (Berger-Greenstein, Cuevas, Brady et al. 2007 ; Israelski, Prentiss, Lubega et al., 2007 ; Sadock et al., 2014) ENCADRÉ 24.4. L’inrmière prend en considération d’autres catégories de troubles mentaux, lorsque, en collaboration avec un médecin ou un psychologue, elle contribue à la réalisation d’un diagnostic différentiel chez ces clients (c.-à-d. une réaction de deuil, des facteurs psychologiques liés à un problème médical, des troubles anxieux et des troubles de la personnalité) (Ofce des professions du Québec, s.d). L’infection par le VIH est un événement de la vie provoquant un stress chronique ENCADRÉ 24.5. Cela se traduit par une série de pertes physiques, fonctionnelles et psychosociales ; l’anxiété et la
ENCADRÉ 24.4
Troubles mentaux fréquents chez les clients infectés par le VIH
• Trouble de l’adaptation • Trouble dépressif caractérisé • Abus de substances • Trouble bipolaire
dépression ont tendance à se manifester par intermittence et à être associées à la souffrance psychologique qui accompagne les divers stades du processus morbide. Certaines expériences sont sufsamment graves pour déclencher une humeur dysphorique ou une crise. L’expérience du VIH/ sida en tant que crise varie beaucoup. L’inrmière fait preuve de prudence en évitant de généraliser l’inévitabilité de la détresse psychologique et l’issue d’une crise chez un client en particulier.
ENCADRÉ 24.5
Problèmes associés au VIH pendant une hospitalisation psychiatrique
• Symptômes anxieux et dépressifs liés à la détérioration de l’état de santé physique • Rejet social lié à la séropositivité au VIH • Consommation de substances accrue en réaction à la séropositivité au VIH • Honte ou culpabilité relative à des pratiques sexuelles stigmatisées ou à l’usage de substances • Culpabilité ou peur liée au risque d’avoir infecté d’autres personnes, craintes de représailles ou idées d’homicide envers la personne qui a transmis l’infection
24.4 Démarche de soins Devant la complexité des tableaux cliniques que présentent les clients aux prises avec des troubles comorbides et concomitants et la moins grande efcacité des traitements classiques, il est recommandé d’offrir un soutien et un traitement qui tendent vers ENCADRÉ 24.6
Exemples de formes que peut prendre un traitement intégré
Le traitement intégré peut être offert par une seule inrmière, par plusieurs cliniciens d’un même établissement ou grâce à des ententes entre plusieurs établissements. Une inrmière peut acquérir sufsamment de connaissances entourant le traitement de plusieurs troubles qu’elle intègre dans une même démarche de soins. Des équipes interdisciplinaires ou des professionnels de divers établissements peuvent créer des partenariats de services. Au Québec, par exemple, an d’offrir des services intégrés aux clients anglophones atteints de troubles concomitants, des ententes de services ont vu le jour entre un centre de réadaptation en dépendance et
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un centre hospitalier psychiatrique, soit le Pavillon Foster et l’Institut universitaire en santé mentale Douglas. Il peut y avoir une intégration sur le plan organisationnel. À Montréal, la clinique Cormier-Lafontaine, une clinique de troisième ligne fondée en 2001, combine l’expertise réalisée par un centre de réadaptation en dépendance et un centre hospitalier de soins psychiatriques, soit le Centre Dollard-Cormier-IUD et l’Hôpital Louis-H. Lafontaine. Cette clinique permet de desservir des clients ayant un trouble concomitant, notamment un trouble lié à une substance et des troubles sévères de personnalité ou des troubles psychotiques.
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
l’intégration des soins (Padwa, Larkins, CrevecoeurMacPhail et al., 2013 ; Rush & Nadeau, 2012).
Soutien et traitement intégrés Dans ce type d’organisation des soins, un même clinicien ou des équipes coordonnées offrent un soutien psychosocial et des soins pour l’ensemble des troubles mentaux ou liés à une substance dont un client est atteint. Dans le traitement intégré, les soins offerts sont adaptés aux besoins propres du client et permettent de générer une cohérence quant aux explications et aux soins prodigués ainsi que d’assurer leur continuité (Mueser et al., 2001 ; Rush & Nadeau, 2012) ENCADRÉ 24.6. Mueser et ses collaborateurs (2001) suggèrent des composantes essentielles au traitement intégré : • un travail de proximité (outreach) qui consiste à aller à la rencontre des clients et à offrir des services dans leur milieu de vie ; • une approche holistique qui vise non seulement à aborder les symptômes ou la consommation, mais l’ensemble des sphères de vie ; • un partage de la responsabilité et de la prise de décisions qui consiste à offrir aux clients et à
leur entourage la possibilité de choisir les modalités et les objectifs des soins ; • la réduction des méfaits qui consiste à réduire en priorité les conséquences délétères associées à la consommation ou à la santé mentale ; • un engagement à long terme auprès des clients, soit par des épisodes de soins non limités dans le temps et l’ouverture à la possibilité d’offrir d’autres épisodes de soins ; • un traitement par étapes qui permet une modulation des interventions selon le degré de motivation, l’orientation vers le changement et les objectifs des clients. Le niveau d’intégration des soins s’inscrit sur un continuum et relève de la gravité des troubles présentés. En se basant sur le SAMHSA (2002), le Comité permanent sur les troubles concomitants (2005) a adopté un modèle an de déterminer l’intégration des soins qui permet de répondre de façon optimale aux besoins des personnes atteintes de troubles concomitants. La valeur ajoutée de l’intégration des soins, bien que prometteuse, demande toujours à être soutenue empiriquement (Rush & Nadeau, 2012). L’inrmière peut s’appuyer sur ce modèle à la suite de son évaluation dans l’aiguillage d’un client ou dans l’élaboration de sa démarche de soins FIGURE 24.5.
Modèle holistique de soins Le modèle de soutien et de traitement intégrés se conjugue au modèle holistique de soins. Le modèle holistique des soins de santé, qui gagne en importance, tient compte de la santé globale physique, psychologique et spirituelle du client et de ses besoins liés à la maladie. Ce modèle est centré sur le client, il comporte des services de soutien et il fournit de l’enseignement pour atteindre le but ultime de l’autogestion des soins. La famille et les proches participent aux décisions qui touchent le client et sont des partenaires actifs dans la démarche de soins. Un regain d’intérêt pour l’ensemble des facteurs qui contribuent à la santé et à la maladie a incité les scientifiques à explorer le lien entre les facteurs de stress internes et externes et les réactions humaines. Toutefois, le modèle classique des soins de santé continue de mettre l’accent surtout sur les états physiologiques de la santé et de la maladie 22 . Un modèle mixte ou holistique apparaît lentement et pourrait devenir le modèle des soins de santé de l’avenir. Les effets des facteurs environnementaux, des expériences personnelles et des stratégies d’adaptation sur les troubles psychologiques et physiologiques sont importants.
Troubles comorbides et pratiques inrmières La diversité des clients, les multiples combinaisons possibles de troubles comorbides et les réalités respectives de chaque milieu font en sorte qu’il n’existe
FIGURE 24.5 des troubles présentés
Modèle d’intégration des soins selon le degré de gravité
pas un seul et unique cheminement clinique pour l’ensemble des troubles comorbides. Il est tout de même envisageable de dégager certaines pistes d’évaluation, d’intervention et d’éléments associés à la pratique pouvant s’appliquer à un grand nombre de troubles comorbides TABLEAU 24.4. À titre d’exemple, cette démarche de soins porte sur un cas de comorbidité chez un client infecté par le VIH et atteint d’un trouble mental.
24.4.1
Collecte des données – Évaluation initiale
L’inrmière mène une évaluation approfondie auprès d’un client infecté par le VIH chez qui la présence d’un trouble de l’adaptation, anxieux ou dépressif est envisagée. Elle évalue la santé mentale autant que la santé physique et la consommation de substances psychoactives, mais également les problèmes psychosociaux ou environnementaux associés TABLEAU 24.5. L’étendue et la profondeur de l’évaluation effectuée par l’inrmière sont tributaires du milieu dans lequel elle œuvre et pourront s’inscrire dans un contexte de collaboration continue avec les autres cliniciens de la santé. Il n’en demeure pas moins qu’elle doit tenter de favoriser l’application des notions de traitement et de soutien intégrés ainsi que de modèle holistique de soins. Par exemple, une inrmière à l’urgence d’un centre hospitalier effectue une évaluation approfondie liée à la demande de consultation, mais peut également dépister d’autres troubles associés et orienter le client vers les services correspondant à ses besoins. Chapitre 24
Le Comité permanent sur les troubles concomitants de l’Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec propose plusieurs outils de dépistage des troubles mentaux chez les clients atteints d’un trouble lié à la consommation : www.acrdq.qc.ca. 22 Les différentes approches et les divers modèles de soins sont présentés dans le chapitre 22, Approches complémentaires et paral lèles en santé mentale.
Comorbidité et clients atteints de troubles concomitants
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24
Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 24.4
Intervenir auprès d’un client atteint de troubles comorbides
INTERVENTIONS
JUSTIFICATIONS
Évaluation Prendre connaissance auprès de l’établissement de travail de la fréquence des troubles comorbides et des troubles les plus communs retrouvés dans ce milieu.
La prévalence des troubles comorbides varie d’un milieu à l’autre. Une connaissance de la fréquence de certains troubles dans le milieu de l’inrmière lui permet d’orienter plus efcacement l’évaluation.
Effectuer le dépistage général de l’ensemble des troubles physiques et mentaux si un client a un problème de santé.
Les problèmes de santé sont souvent associés. Un dépistage précoce permet d’éviter la mise en place d’interventions non optimales.
Évaluer les problèmes psychosociaux et environnementaux (la complexité du client) et intégrer les éléments à la démarche de soins si un client a un problème de santé.
Les problèmes psychosociaux et environnementaux limitent l’efcacité des interventions et demandent en soi une intervention.
Effectuer une demande d’accès au dossier ou d’échange d’information avec le clinicien concerné si un client présente déjà un problème de santé et reçoit, ou a reçu, des services d’autres milieux.
Les clients atteints de troubles comorbides effectuent plus de demandes de services. L’accès à de l’information collatérale déjà colligée évite de multiplier les évaluations et permet d’obtenir l’opinion d’autres professionnels ainsi que d’évaluer la capacité du client à bénécier de certaines modalités d’intervention.
Intervention Établir des objectifs d’intervention progressifs et basés sur les besoins du client.
Lorsque plusieurs besoins sont déterminés, les objectifs signicatifs pour le client ont plus de probabilité d’être atteints. La gradation d’objectifs permet la réalisation d’acquis en cas d’arrêt prématuré des traitements et limite le sentiment d’échec.
Offrir de préférence des interventions visant simultanément les troubles comorbides et surveiller continuellement les changements et les interactions entre les troubles.
L’intervention sera plus signicative pour le client. L’interdépendance entre les troubles fait parfois en sorte que l’amélioration des manifestations de l’un provoque une augmentation des manifestations de l’autre.
Offrir un cadre et une intensité d’intervention (p. ex., des ateliers de jour, une hospitalisation, un suivi en consultation externe) proportionnels au degré d’autonomie du client.
Un cadre d’intervention inadapté risque de limiter l’acquisition ou le maintien de l’autogestion ou de placer le client en situation d’échec.
Demander au client quelle est sa conception des liens entre les deux troubles et partager celle énoncée au cours de l’évaluation (p. ex., les facteurs de risque, l’apparition, le maintien). Valider les hypothèses en cours d’intervention.
Le partage de la conceptualisation permet d’établir une alliance de travail quant à la nature du problème et aux moyens privilégiés pour l’aborder. Elle donne également l’occasion au client d’avoir la place et la responsabilité qui lui revient dans sa démarche de soins.
Relation, organisation des services et limites personnelles Reconnaître l’impuissance vécue devant l’ampleur de la problématique et le manque de connaissances dans l’ensemble des domaines.
L’inrmière peut reconnaître les sentiments vécus quant à cette prise en charge ; cela est essentiel pour éviter des réactions de contre-transfert envers le client (référence hâtive, surmenage, forte pression à obtenir des améliorations). Chaque clinicien acquiert une expertise dans certains domaines.
Clarier auprès des autres professionnels et du client les rôles respectifs de chacun et déterminer l’intervenant pivot. Celui-ci effectue le relais entre les divers intervenants en gardant un contact privilégié avec le client.
Le système de santé est complexe pour les clients. Le fonctionnement des différents milieux varie. Les rôles des professionnels de la santé mentale se juxtaposent souvent. L’intervenant pivot permet d’éviter les dédoublements de services et les renseignements ou directives contradictoires.
Considérer qu’un client atteint de troubles comorbides demande plus de temps et d’énergie sur le plan de l’évaluation et de l’intervention.
La complexité du tableau clinique fait en sorte que cette clientèle demande plus de temps direct et indirect (p. ex., une consultation auprès d’autres professionnels). Prendre en compte cet aspect permet de maximiser l’efcacité des interventions.
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Partie 5
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
TABLEAU 24.4
Intervenir auprès d’un client atteint de troubles comorbides (suite)
INTERVENTIONS
JUSTIFICATIONS
Prévoir et partager avec le client la possibilité qu’il puisse bénécier de plusieurs offres de services intermittentes, sur une période prolongée, s’inscrivant dans la continuité.
Ce partage permet au client de mettre en perspective le « succès » de la démarche de soins actuelle et de recadrer un abandon ou une exclusion de sa démarche de soins dans une perspective à long terme. Il laisse une ou verture à la poursuite ultérieure de la démarche de soins et peut diminuer le sentiment d’échec vécu le cas échéant.
Éviter de refuser des clients (en lien avec la présence de comorbidité), connaître les critères d’exclusion des autres milieux et s’assurer de la continuité des soins entre le moment où le client a été redirigé, s’il y a lieu, et celui de sa prise en charge par l’autre milieu.
Les clients atteints de troubles comorbides ont souvent pris part à plusieurs processus d’évaluation avant d’être reçus. Ces multiples évaluations suivies d’exclusions contribuent à l’apparition du sentiment d’aliénation et diminuent la motivation au changement.
Collaborer à la mise en place de partenariats, formels ou non, entre professionnels d’un même établissement ou d’autres établissements an de permettre une intégration des services.
Il existe plusieurs modèles d’intégration des services. Une bonne connais sance des première, deuxième et troisième lignes, ainsi que des expertises de chaque intervenant permet une meilleure coordination des services.
Afrmer son rôle de spécialiste de la santé physique et de la santé mentale auprès de l’équipe interdisciplinaire et contrebalancer l’expertise bâtie par l’équipe.
L’inrmière occupe une place centrale permettant d’intégrer les troubles physiques et mentaux et de favoriser une compréhension de l’interaction des médicaments. Ses connaissances lui permettent d’être bien placée pour considérer davantage les problèmes de santé physique lorsqu’elle se trouve dans un milieu spécialisé en santé mentale et viceversa.
Collecte des données TABLEAU 24.5
Éléments à évaluer auprès d’un client infecté par le VIH et atteint d’un trouble anxieux, de l’adaptation ou dépressif caractérisé
ÉLÉMENTS À ABORDER
DÉMARCHES ET QUESTIONS À POSER AU CLIENT
Antécédents et symptômes du problème actuel
• Entrevue d’évaluation (p. ex., Avezvous déjà consulté un professionnel de la santé pour des problèmes de santé mentale ou liés à votre consommation ?) • Examen de l’état mental (p. ex., le comportement, l’affect et l’humeur, la pensée, les fonctions cognitives)
4
• Utilisation de questionnaires (p. ex., SCL90R [Derogatis, 1994 ; Fédération québécoise des centres de réadaptation pour les personnes alcooliques et autres toxicomanes, 2008]) • Entrevue avec des proches (Quelles sont les forces de votre conjoint/conjointe ? Quelles pourraient être les difcultés éventuelles en lien avec le VIH dans votre relation ?) • Validation des observations avec le client (Vous me dites que vous êtes serein devant votre maladie, mais j’observe que vous tremblez lorsque nous abordons le sujet.) Données précises sur les habitudes de sommeil, l’appétit et les variations de poids
• Questionnement direct (p. ex., au sujet du sommeil : Avezvous observé des changements de votre sommeil depuis que vous avez pris connaissance de votre maladie ? Quelles étaient vos habitudes de sommeil dans l’année précédant la prise de connaissance de votre maladie ? Cette difculté touchetelle plus la qualité du repos, l’endormissement, les réveils durant la nuit ou un éveil précoce ? Qu’avezvous tenté pour améliorer cet aspect ?) • Suggestion au client de tenir un journal de bord entre les consultations pour colliger des données sur le sommeil et l’alimentation (p. ex., les heures de sommeil et d’éveil, le journal alimentaire quotidien, l’état émotionnel, les pensées et les comportements mis en place)
24
• Mesure objective du poids à l’aide d’un pèsepersonne Consultations psychiatriques antérieures (hospitalisations et consultations externes) et détermination des éléments déclencheurs
• Demande d’accès et mise en commun des dossiers médicaux, psychiatriques et psychologiques • Questionnement sur la perception et les gains réalisés au cours de ces épisodes de soins antérieurs (Vous avez pris part à un programme de jour ; quels sont les éléments qui ont pu être aidants pour vous ? Quels aspects du séjour ont été plus difciles et que pourrionsnous faire pour que vous le viviez mieux dans notre établissement ?) • Utilisation d’une grille d’analyse fonctionnelle du comportement adaptée aux deux problèmes pouvant être remplie entre les consultations
Chapitre 24
Comorbidité et clients atteints de troubles concomitants
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TABLEAU 24.5
Éléments à évaluer auprès d’un client infecté par le VIH et atteint d’un trouble anxieux, de l’adaptation ou dépressif caractérisé (suite)
ÉLÉMENTS À ABORDER
DÉMARCHES ET QUESTIONS À POSER AU CLIENT
Tendances actuelles et antérieures du client à se faire du mal
• Expression de l’ouverture de l’inrmière à aborder le thème du suicide avec le client (Je comprends que vous n’avez pas d’idées suicidaires. Les gens peuvent vivre ce type de pensée dans diverses situations de vie. Si jamais cela vous arrivait, sachez que je suis disposée à en parler.) • Questionnement sur la présence d’idées suicidaires actuelles et des tentatives passées (Avez-vous déjà tenté de vous suicider ? Comment ? Quelle était votre situation de vie avant cette tentative ? Comment voyez-vous celleci aujourd’hui ?)
Colère et rage vécues ainsi que leurs manifestations (p. ex., des comportements violents, des menaces d’homicides ou des gestes envers ceux considérés comme étant la source de l’infection ou envers la société en général)
• Questionnement du client sur sa perception de la cause et de la responsabilité de sa contamination (Comment comprenez-vous que vous ayez été infecté par le VIH ?), sur des affects vécus envers le responsable perçu (Comment vous sentez-vous par rapport à la personne qui vous a transmis le VIH ?), sur des intentions à lui faire du mal et la planication de représailles (Vous êtes-vous déjà imaginé lui faire du mal ou vous venger ? Quelle place ces idées prennent-elles dans une journée ? Avez-vous un plan précis à cet égard ?)
Données relatives à la famille et au réseau social actuel (antécédents familiaux d’événements traumatiques, immigration et facteurs culturels)
• Questionnement sur la nature et la perception du réseau de soutien (Quelles sont les personnes importantes autour de vous ? Quels genres de soutien vous apportent-elles ?), sur le dévoilement de l’infection et la perception de leur réaction quant à celui-ci (Quelles idées vous faites-vous de leur réaction dans la mesure où vous abordez le fait que vous êtes porteur du VIH ?), sur leur perception de sa maladie (Comment voient-elles cette maladie ? Comment voient-elles le fait que vous êtes infecté par le VIH ?), sur leur ouverture à le soutenir (Dans quelle mesure, à la suite du dévoilement, ces personnes seront-elles en mesure de vous soutenir et de quelles façons ?), sur la perception de leur rôle respectif (Quelles seraient leurs limites à vous apporter de l’aide ? Croyez-vous qu’elles-mêmes pourraient avoir besoin de soutien pour accepter votre problème ou pour vous accompagner ?)
Évaluation des comportements à risque de contamination
• Questionnement sur les comportements sexuels (Comment la connaissance de votre infection par le VIH a-t-elle modié votre sexualité ? Quels éléments mettez-vous ou mettrez-vous en place pour éviter la transmission du VIH à vos partenaires sexuels ?), sur l’utilisation de drogues injectables ou demandant un échange de matériel actuel et antérieur (Avez-vous déjà utilisé ou utilisez-vous des drogues injectables ou échangez-vous du matériel de consommation ? Quels éléments mettez-vous ou mettrez-vous en place pour limiter l’échange de matériel de consommation ?), sur les connaissances du client relatives aux méthodes de transmission (Selon vous, comment vous est-il possible de transmettre l’infection par le VIH ? Connaissez-vous le cadre légal entourant la transmission du VIH ?) • Questionnement sur les personnes auxquelles le client a peut-être transmis le VIH (Pensez-vous avoir transmis le VIH ou vous a-t-on reproché d’avoir été infecté par le VIH à cause de vous ?), sur la présence de menaces actuelles (Comment ces personnes réagissent-elles quant au fait d’avoir été contaminées ? Vous êtes-vous senti menacé ?) ou sur les craintes de représailles ultérieures (Croyez-vous que quelqu’un pourrait éventuellement vous faire des représailles en lien avec le fait que vous lui auriez transmis le VIH ?)
4 Le chapitre 4, Évaluation de la condition mentale, décrit en détail le contenu de l’examen de l’état mental.
Pour sa part, une inrmière travaillant dans une unité psychiatrique interne peut, en collaboration avec d’autres cliniciens, contribuer à une évaluation approfondie et étendue de diverses sphères de la vie du client ne se limitant pas à la santé mentale (p. ex., la nutrition, l’orientation professionnelle).
24.4.2
Analyse et interprétation des données
L’inrmière détermine les problèmes découlant de la situation de santé à partir de l’évaluation initiale approfondie de l’état de santé du client. Par dénition, la présence de troubles comorbides et de
668
Partie 5
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
problèmes psychosociaux et environnementaux associés génère un tableau clinique complexe. Le dé pour l’inrmière est alors d’intégrer les dires, les signes et les symptômes présentés par le client à l’information, parfois contradictoire, provenant des cliniciens concernés et des divers établissements. Au-delà des réputations et des titres professionnels, l’interprétation des données réside dans l’évaluation de la validité des renseignements que fournissent les intervenants par la recherche d’éléments convergents. L’inrmière poursuit alors sa collecte de données avec le client an de réduire ou d’expliquer les divergences possibles. Elle trouve un angle d’investigation qui permet au client d’expliquer son point de vue, sans se sentir invalidé
ou submergé par l’« expertise » des autres cliniciens. Une grande importance est accordée à la conceptualisation et aux priorités du client puisque ces éléments sont davantage associés à la motivation de ce dernier à améliorer son état de santé. L’inrmière dénit donc les priorités avec le client en fonction de ses besoins particuliers (OIIQ, 2015) ENCADRÉ 24.7.
24.4.3
Planication des soins
Le client infecté par le VIH manifeste souvent de nombreux symptômes qui nécessitent de multiples interventions an de répondre à divers aspects de son bien-être physique et psychosocial. Le client est accompagné dans la planication de ses soins, et le rôle de l’inrmière est d’offrir de l’information concrète sur les manifestations, leur évolution possible et les options de soins. Dans la mesure où le client reçoit des soins de différents établissements et cliniciens, l’inrmière tente de clarier les rôles, les mandats et le fonctionnement de chacun. Ultimement, la collaboration du client à la planication des soins favorisera sa compréhension des résultats escomptés, réduira son sentiment d’impuissance et encouragera son autonomie. La détermination des résultats escomptés avant la mise en œuvre du PSTI guide à la fois les interventions infirmières et l’évaluation ENCADRÉ 24.8.
24.4.4
Exécution des interventions Soins et traitements inrmiers
Soutenir le client dans son acceptation de l’infection par le virus de l’immunodécience humaine L’inrmière est amenée à déployer un vaste éventail de soins an de répondre aux besoins propres à chaque client. Il est ici question de permettre au client d’accepter sa maladie et de composer avec certaines émotions désagréables associées à cette dernière (p. ex., la colère, le désespoir). Les soins et traitements inrmiers présentés dans d’autres chapitres peuvent s’avérer appropriés. Dans le cas où le client a des idées suicidaires, l’inrmière valide d’abord les émotions désagréables vécues, par exemple à l’aide du reet : « Le fait d’apprendre que vous êtes infecté par le VIH vous amène à vous considérer comme n’ayant plus d’avenir, ce qui vous fait vivre un grand désespoir. » Des stratégies de gestion du passage à l’acte suicidaire peuvent être mises en place selon le risque que présente le client 28 . L’inrmière peut soutenir le client dans la résolution de problèmes et la recherche de solutions (p. ex., la dénition du problème, la génération de solutions de
ENCADRÉ 24.7
Problèmes prioritaires possibles pour un client atteint du sida et de troubles de l’adaptation avec humeur anxieuse ou dépressive
• Anxiété
• Perte d’espoir
• Déni non constructif
• Risque de suicide
• Diminution situationnelle ou chronique de l’estime de soi
• Sentiment d’impuissance
• Isolement social
• Stratégies d’adaptation familiale compromises
• Nonadhésion au traitement
• Stratégies d’adaptation inefcaces
Source : Adapté de North American Nursing Diagnosis Association International (2008).
ENCADRÉ 24.8
Exemples de résultats escomptés
Le client sera en mesure : • d’exprimer l’absence d’idées et de plan suicidaires ; • de faire état d’une baisse de la fréquence et de l’intensité des sentiments de désespoir et d’impuissance ; • de s’engager dans une alliance thérapeu tique avec l’équipe soignante ; • d’amorcer des interactions sociales avec d’autres personnes atteintes du VIH/sida pour obtenir de l’information et du sou tien concernant une adaptation efcace à la maladie ; • de reconnaître les obstacles ou les problèmes qui précipitent l’exacerbation
de l’anxiété et de la dépression (p. ex., une impression de soutien social insufsant, une impression d’impuissance concernant les symptômes physiques) ; • d’exprimer des plans à court terme clairs et orientés vers les buts xés qui sont réalisables et axés sur la résolution de problèmes ; • de manifester une amélioration de l’estime de soi et de la conance en soi en ce qui concerne la prise en charge de sa maladie et du traitement ; • de démontrer des intentions et des comportements qui visent à améliorer l’adhésion au traitement antirétroviral.
rechange, l’évaluation des solutions possibles, l’application et l’évaluation de la solution). Si ce soutien permet au client de pallier les difcultés à prendre des décisions associées à des symptômes anxieux ou dépressifs, il faut éviter de l’appliquer à des problèmes trop vastes (p. ex., le VIH, le sens de la vie). An d’amener le client à composer avec des sentiments de désespoir et d’impuissance liés à des pertes réelles, l’inrmière peut le soutenir dans la détermination des éléments de sa vie sur lesquels il a un sentiment de maîtrise, même minime. Dans cette optique, les interventions peuvent s’inspirer de celles issues de l’entretien motivationnel (p. ex. : « Vous me dites que vous avez peu de maîtrise sur votre état de santé, qu’est-ce qui vous amène à me dire cela plutôt qu’aucune maîtrise ? ») 20 . Enn, le client peut être accompagné dans les différentes phases des deuils qu’il vit (p. ex., le choc, la colère, le marchandage, la dépression et l’acceptation). Cet élément est d’autant plus pertinent que l’infirmière est, comparativement à
Chapitre 24
20 L’entretien motivationnel en tant qu’approche thérapeutique est décrit dans le chapitre 20, Modèles et stratégies thérapeutiques.
24
28 Le chapitre 28, Suicide, présente les facteurs de risque chez les personnes ayant des problèmes de santé physique.
Comorbidité et clients atteints de troubles concomitants
669
d’autres cliniciens, parfois plus présente pour le client dans son environnement de vie, et son statut peut être perçu comme étant moins menaçant que celui d’autres professionnels. Pour ce faire, l’inrmière fait preuve d’écoute empathique, utilise le reet et donne de l’enseignement sur la maladie qui correspond au degré d’acceptation du client.
Soutenir le client dans l’autogestion des troubles comorbides
i Deux sites canadiens traitent de l’autogestion des soins : http://mytoolbox.mcgill.ca et www.sante-abitibitemiscamingue.gouv.qc.ca.
La section précédente présentait la réaction émotionnelle aux difcultés associées aux troubles comorbides. L’inrmière peut en parallèle amener le client à acquérir une plus grande autonomie par rapport à sa capacité à prendre soin de sa santé. L’autogestion de soins désigne « les tâches dont une personne doit s’acquitter pour bien vivre avec une ou plusieurs maladies chroniques. Cette approche exige la conance et les capacités de gérer les symptômes, le traitement, les conséquences physiques et psychologiques et les modications du style de vie inhérent au fait de vivre avec une maladie chronique. La personne doit résoudre des problèmes, prendre des décisions éclairées touchant ses soins, savoir trouver les services de soutien dont elle a besoin et solliciter l’expertise et l’intervention des professionnels » (Centre de santé et de services sociaux de l’Abitibi-Témiscamingue, 2014).
Cet objectif peut donner lieu à plusieurs interventions. L’inrmière peut amener le client à utiliser par lui-même des grilles d’auto-observation et d’analyse fonctionnelle an de reconnaître certains déclencheurs de ses symptômes. Elle peut aussi faire participer le plus souvent possible le client dans la prise de décisions quant aux soins reçus. Elle l’aide également à trouver des sites Internet, des groupes communautaires ou de pairs aidants à même d’offrir de l’information sur la maladie, de favoriser un sentiment d’appartenance à un groupe et Théo Célian, âgé de 33 ans, est très actif sexueld’encourager la mobilisation à lement et a contracté le VIH au cours de relations maintenir un traitement. Enn, hétérosexuelles sans protection dans un club le client peut être amené à d’échangistes. Il banalise son état en disant qu’il proposer du soutien à ses ne craint pas les conséquences de son diagnostic, proches an de diminuer les qu’il remet en question par ailleurs, et en prétexpréjugés associés à la maladie tant qu’un traitement peut attendre. Pour monsieur et d’augmenter leur capacité à Célian, quel problème prioritaire ces quelques composer avec ses propres données laissent-elles entrevoir ? difcultés.
Jugement
clinique
Soins et traitements en interdisciplinarité Les interventions inrmières contribuent fortement à accroître et à maintenir la capacité du client à composer de manière efcace avec l’infection par le VIH. Toutefois, il est important de ne pas perdre de vue que d’autres disciplines et interventions jouent également un rôle crucial dans la
670
Partie 5
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
capacité du client à faire face à la détresse psychologique liée à cette infection.
Collaboration avec d’autres professionnels an d’intégrer les soins La spécicité professionnelle de l’inrmière fait en sorte qu’elle est souvent une intervenante pivot entre les divers cliniciens œuvrant dans des établissements. Dans ce cadre, l’inrmière peut être amenée à orienter et à soutenir le client dans ses demandes de services, dont le fonctionnement diffère parfois d’un domaine à l’autre et où les recommandations des médecins sont souvent nécessaires. La démarche de soins faite par l’inrmière contribue également à établir avec le client et les autres cliniciens un plan de traitements interdisciplinaires. Ce plan structure en partie les soins prodigués par l’inrmière d’autoriser et d’encadrer les échanges mutuels d’information. Il favorise la cohérence des soins en permettant la prise en charge de l’ensemble des problèmes présentés par le client tout en évitant que chaque établissement multiplie inutilement les mêmes évaluations et interventions. Par exemple, dans le cas d’une personne infectée par le VIH, la perte de poids occasionnée par des changements dans l’alimentation et l’exercice physique constitue davantage un problème qu’un but souhaité. Il faut réduire autant que possible les régimes inutiles et les exercices vigoureux qui entraînent un manque de calories. La recommandation de faire de l’exercice doit mettre l’accent sur la modération en ayant comme principal objectif le développement de la force et la musculation. Ainsi, un plan de traitement interétablissements pourrait orienter l’inrmière, le médecin, le psychologue et la nutritionniste an de coordonner les recommandations entourant l’activité physique dans le cadre d’une réactivation comportementale d’un client infecté par le VIH et présentant des symptômes dépressifs.
Psychopharmacothérapie Le traitement antirétroviral hautement actif (TAHA) et le traitement de sauvetage sont des traitements combinés d’antirétroviraux (aussi appelé trithérapie). Ces plans de traitements comprennent des inhibiteurs de la transcriptase inverse et des inhibiteurs de la protéase qui agissent de concert pour interrompre la production de nouveaux virus. Les traitements combinés constituent le traitement le plus efcace, mais certains d’entre eux entraînent des effets indésirables invalidants. Les psychotropes sont utiles pour traiter les troubles mentaux d’un client infecté par le VIH. Les psychotropes les plus fréquemment utilisés par les clients atteints du VIH sont les antidépresseurs et les anxiolytiques. L’inrmière garde à l’esprit que les médicaments psychotropes et antirétroviraux peuvent produire des effets secondaires. Il se peut également qu’un antidépresseur perturbe l’efcacité de l’antirétroviral ;
toutefois, l’antidépresseur peut aider le client à maîtriser les effets indésirables de l’antirétroviral et ainsi améliorer son adhésion au traitement. Le client doit faire l’objet d’une évaluation deux semaines après le début du traitement pour vérier l’amélioration de l’humeur, la présence d’effets indésirables et l’autogestion de la prise des médicaments.
Psychothérapie Le counseling et la psychothérapie constituent généralement la norme de soins chez les clients dont la dépression ou l’anxiété se manifeste de façon importante et persistante. Dans le cas du trouble de l’adaptation, certains clients réagissent bien à l’intervention de soutien apportée par un clinicien de la santé détenant des compétences en relation d’aide, sans toutefois posséder une formation et une accréditation particulières en psychothérapie.
Approches complémentaires et parallèles En l’absence de traitement dénitif, de nombreux clients infectés par le VIH choisissent d’ajouter à leur traitement des thérapies ou des méthodes complémentaires et parallèles. L’acupuncture, le massage, les herbes, les vitamines, la méditation et la réduction du stress sont des exemples de méthodes complémentaires. À quelques exceptions près, ces méthodes ne présentent aucun danger. Ces exceptions sont la consommation de millepertuis, qui diminue la concentration plasmatique de l’indinavir (inhibiteur de la protéase), et la prise de suppléments d’ail, qui interagissent avec le saquinavir (autre inhibiteur de la protéase). L’inrmière avertit le client de discuter de toute prise de suppléments alimentaires à base de plantes avec le médecin ou le pharmacien pour éviter des effets indésirables qui pourraient résulter des interactions entre ces substances et le traitement antirétroviral 22 .
Analyse d’une situation de santé Liliane Morency est âgée de 28 ans. Elle se trouve présentement à l’urgence d’un centre hospitalier psychiatrique pour des idées suicidaires très sérieuses. Elle explique qu’elle était sur le point de passer à l’acte en ingérant des médicaments. Le dossier antérieur de la cliente indique qu’elle a un trouble de la personnalité limite et qu’elle aurait reçu les services de l’unité de soins spécialisés pour des troubles relationnels il y a quatre ans. Au cours de l’évaluation initiale de la cliente, vous la questionnez d’abord sur le comportement suicidaire. Madame Morency vous semble peu ébranlée par la situation. Elle passe d’un sujet à l’autre : « [Sur un ton calme en souriant] J’aime bien la décoration de cette salle. Vous devez être
24.4.5
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution
Lorsque les interventions inrmières donnent de bons résultats, le client montrera généralement des signes d’amélioration relativement à ses capacités d’adaptation. Dans ce cas, une amélioration de son humeur, de son comportement et de ses capacités fonctionnelles sera aussi constatée. Le client montrera également une meilleure compréhension de sa maladie et du traitement. L’atteinte des résultats escomptés formulés dans le PSTI constitue la preuve d’une adaptation efcace. Le client démontrera une capacité à gérer et à maîtriser ses sentiments désagréables (p. ex., de peur, d’anxiété, de culpabilité, de tristesse et de dépression). À mesure que progressera sa capacité de gestion des symptômes, l’estime de soi et la conance en soi s’amélioreront également. Ses relations avec les autres, surtout avec les proches aidants, seront plus solides en raison d’un surcroît d’enseignement et de soutien de la part de l’inrmière. Le client fera preuve d’un espoir réaliste grâce aux efforts de l’inrmière pour l’aider à trouver un sens à sa vie et à se xer de petits objectifs réalisables. Bien que les clients n’éprouvent pas systématiquement un fort sentiment de bien-être, ils devraient connaître une meilleure qualité de vie sur la base de sentiments accrus de maîtrise. Aider le client à parvenir à un sentiment de maîtrise permet de réduire autant que possible la peur, l’anxiété et la dépression associées au VIH/sida tout en maximisant sa capacité de s’adapter à sa maladie et aux multiples pertes qui en découlent. Il sera plus enclin à suivre son régime thérapeutique antirétroviral s’il est en mesure de faire des choix.
22 Les approches complémentaires et parallèles sont détaillées dans le chapitre 22, Approches complémentaires et parallèles en santé mentale.
Jugement clinique heureuse de travailler ici. [En regardant le sol et en baissant la voix] J’ai peur que la DPJ m’enlève ma lle. J’aimerais bien retourner à l’école. Je ne suis bonne à rien ; j’ai honte de moi. [En vous regardant droit dans les yeux, en serrant les dents et en fermant les poings] C’est de votre faute, vous, les soidisant professionnels de la santé. »
24
Vous désirez recueillir plus de données sur le comportement suicidaire de la cliente, mais celle-ci détourne la conversation sur l’aide qu’elle aimerait recevoir concernant la garde de sa lle. Elle dit qu’elle ne se reconnaît plus comme mère et se sent complètement détruite à l’idée que la garde de sa lle puisse lui être retirée. Chapitre 24
Comorbidité et clients atteints de troubles concomitants
671
SOLUTIONNAIRE
écemment vu dans ce chapitre Si madame Morency présentait de l’irritation nasale ou des symptômes de sevrage, quel trouble concomitant devriez-vous suspecter alors ?
Madame Morency travaille comme vendeuse et elle vit des conits avec ses collègues de travail depuis quelque temps. Elle dépense de façon exagérée, achetant de plus en plus de jouets pour gâter sa lle. Elle aurait eu plusieurs partenaires sexuels dans la dernière année, mais elle a vite mis fin à ces relations, les qualifiant toutes
Mise en œuvre de la démarche de soins
Collecte des données – Évaluation initiale – Analyse et interprétation 1. Comment devriez-vous qualier l’affect de la cliente ? 2. Pourquoi devriez-vous vérier si la cliente a déjà eu des idées suicidaires ou commis des actes d’auto mutilation dans le passé ? 3. Quels sont les comportements impulsifs que la cliente a manifestés ?
Sans que vous le lui demandiez, madame Morency parle des craintes qu’elle a toujours eues concernant la garde de sa lle : « J’ai tellement l’impression d’être une mauvaise mère. Ma lle, c’est toute ma vie.» Elle ajoute que depuis un mois, elle se sent de plus en plus
écemment vu dans ce chapitre Madame Morency pourrait-elle présenter des comportements violents ? Justiez votre réponse.
d’insatisfai santes. Depuis un mois, elle se sent apathique et vit un fort sentiment de solitude. Elle passe la plupart de ses journées au lit à pleurer et mange le strict nécessaire pour se maintenir. Même si elle consacre le plus de temps possible à sa lle, elle la blâme souvent de la situation et se fâche contre elle.
seule, découragée, parfois irritable, qu’elle pleure souvent, qu’elle souffre d’insomnie et qu’elle se sent abandonnée par son entourage. « Les gens ne m’aiment pas. C’est pour ça qu’ils ne veulent plus me voir. Je suis toute seule avec mes problèmes. »
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
4. D’après ces nouvelles données, qu’est-ce qui semble être la cause des idées ayant conduit madame Morency à être sur le point de passer à l’acte suicidaire ? 5. Les troubles comorbides de madame Morency consistent en un trouble de la personnalité limite auquel s’ajoute un état dépressif. Quels sont les sept symptômes d’un trouble dépressif caractérisé que la cliente présente dans cette histoire ? 6. Pourquoi devriez-vous évaluer la tenue vestimentaire de madame Morency ?
Vous tentez d’en apprendre davantage sur les intentions suicidaires de madame Morency, mais celle-ci vous dit : « Comme tout le monde, vous devez penser que j’exagère et que je veux
attirer l’attention. » Elle ajoute sur un ton insistant, ne vous laissant pas le temps de rééchir : « Dites-moi franchement ce que vous pensez de moi. »
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
Planication des interventions – Décisions inrmières 7. Que devriez-vous répondre à la cliente concernant la question qu’elle vous pose ?
Madame Morency accepte de parler de la raison qui l’a incitée à se présenter à l’urgence. Elle
672
Partie 5
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
revient cependant à la charge et insiste pour savoir ce que vous pensez d’elle.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
8. Que pourriez-vous lui répondre pour lui démontrer de l’empathie ? 9. Sur quel aspect de la situation de la cliente devraient porter vos interventions prioritaires ?
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution 10. Nommez au moins deux critères qui permettraient à madame Morency de retourner chez elle sans avoir besoin d’être hospitalisée.
APPLICATION DE LA PENSÉE CRITIQUE Dans l’application de la démarche de soins auprès de madame Morency, l’inrmière a recours à un ensemble d’éléments (connaissances, expériences antérieures, normes institutionnelles ou protocoles, attitudes professionnelles) pour analyser la situation de santé de la cliente et en comprendre les
enjeux. La FIGURE 24.6 illustre le processus de pensée critique suivi par l’inrmière an de formuler son jugement clinique. Elle résume les principaux éléments sur lesquels l’inrmière s’appuie en fonction des données de cette cliente, mais elle n’est pas exhaustive.
VERS UN JUGEMENT CLINIQUE EXPÉRIENCES
CONNAISSANCES
NORME
• Expérience de travail en psychiatrie • Expérience en urgence psychiatrique • Expérience avec des personnes suicidaires • Expérience en relation d’aide • Expérience personnelle ou d’une personne de son entourage ayant présenté des idées suicidaires
• Troubles comorbides et concomitants souvent rencontrés en santé mentale • Caractéristiques d’un trouble de la personnalité limite et d’un trouble dépressif • Caractéristiques d’une personne suicidaire et critères d’évolution positive
• Critères de triage à l’urgence
ATTITUDES • Ne pas juger la cliente en croyant qu’elle cherche à attirer l’attention par ses intentions suicidaires • Démontrer de l’empathie à la cliente lorsqu’elle cherche à connaître l’opinion qu’on a d’elle • Être patiente devant son insistance • Ne pas considérer les propos de la cliente comme une attaque personnelle lorsqu’elle met la faute de sa situation sur les professionnels de la santé
PENSÉE CRITIQUE
ÉVALUATION • • • • • • •
Idées suicidaires de la cliente à son arrivée à l’urgence psychiatrique Manifestations d’un trouble de la personnalité limite Manifestations du trouble dépressif caractérisé Affect Apparence physique Capacité de se centrer sur le problème principal (idées suicidaires et non l’opinion qu’on a d’elle) Sentiments éprouvés par la cliente au moment où elle pensait sérieusement commettre l’acte suicidaire • Condition mentale avant son congé de l’urgence (intention de ne pas mettre n à ses jours et recherche d’aide au besoin) • Capacité de gérer son anxiété, son impulsivité • Capacité de mettre au point des stratégies d’adaptation positives
24
JUGEMENT CLINIQUE FIGURE 24.6
Application de la pensée critique à la situation clinique de madame Morency Chapitre 24
Comorbidité et clients atteints de troubles concomitants
673
Chapitre
25
Enfants et adolescents
Écrit par : Chantal M. Flanagan, RN, MS, CNS Adapté et mis à jour par : Nathalie Maltais, inf., M. Sc. Claire Page, inf., Ph. D. (Sciences biomédicales – psychiatrie sociale)
MOTS CLÉS
OBJECTIFS
Anxiété de séparation . . . . . . . . . . . . . . . 690 Automutilation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 681 Déficit de l’attention/hyperactivité (TDA/H) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 683 Dépression. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 693 Handicap intellectuel . . . . . . . . . . . . . . . . 678 Intimidation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 701 Mutisme sélectif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 691 Spectre de l’autisme . . . . . . . . . . . . . . . . . 680 Suicide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 703 Trouble bipolaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 694 Trouble oppositionnel avec provocation (TOP). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 695
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez être en mesure : • de décrire la symptomatologie des enfants et des adolescents atteints de troubles mentaux débutant pendant la période du développement ; • de distinguer les symptômes d’un trouble mental présenté par un enfant ou un adolescent de ceux d’un adulte ; • de décrire les méthodes utilisées par l’infirmière pour établir la confiance et une communication ouverte avec l’enfant ou l’adolescent ; • de connaître les composantes d’une collecte de données complète et de l’application de la démarche de soins pour les enfants ou les adolescents atteints d’un trouble mental ; • de déterminer des interventions de soins infirmiers pertinentes pour les enfants et les adolescents ayant des troubles mentaux ; • de déterminer des façons efficaces d’inclure la famille dans le processus de traitement des enfants et des adolescents atteints d’un trouble mental.
Disponible sur • • • •
À retenir Carte conceptuelle Encadré Web Ressources
• • • •
Guide d’études – RE10, RE20
674
Partie 5
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
Solutionnaire de l’Analyse d’une situation de santé Solutionnaire des questions de Jugement clinique Solutionnaire des questions Réactivation des connaissances Solutionnaires du Guide d’études
Concepts clés
Cette carte conceptuelle illustre schématiquement les principaux concepts décrits dans le présent chapitre. Sa lecture vous permettra d’avoir une vue d’ensemble des notions qui y sont présentées.
dont
requièrent
peuvent présenter
Enfants et adolescents
peuvent aussi présenter
comme
comme
Liés à des traumatismes ou à des facteurs de stress Anxieux Dépressifs Obsessionnels-compulsifs Bipolaires Spectre de la schizophrénie Disruptifs du contrôle des impulsions et des conduites Liés à une substance Alternance veille-sommeil Conduites alimentaires et de l’ingestion des aliments
25
Chapitre 25
Enfants et adolescents
675
PORTRAIT
Marilou Montreuil
Les principaux troubles dont cette population est atteinte sont décrits dans ce chapitre.
Isabelle Montreuil est la mère de la petite Marilou, âgée de quatre ans. Marilou fréquente un centre de la petite enfance depuis un an. Certaines observations des éducatrices ont amené madame Montreuil à consulter le groupe de médecine de famille près de chez elle.
Les problèmes émotionnels et comportementaux des enfants et des adolescents ont rarement fait l’objet de discussions avant le xviiie siècle. À cette époque, la croyance voulait que les enfants qui avaient des problèmes émotionnels soient possédés par les mauvais esprits. Il n’y avait pas d’approche individualisée parce que les enfants étaient considérés comme des adultes miniatures et recevaient le même traitement.
Elle veut faire évaluer Marilou, car, ditelle, elle n’a pas d’amis à la garderie et elle joue toujours toute seule. Cela ne lui semble pas normal. En réponse aux questions de l’inrmière, madame Montreuil ajoute que Marilou dit bien quelques mots, mais elle ne fait pas de phrases. L’inrmière lui demande si elle a remarqué d’autres comportements inhabituels. Parfois, dit sa mère, Marilou se balance d’avant en arrière, particulièrement lorsqu’elle semble anxieuse. Elle aime aussi regarder des images d’elle lorsqu’elle était bébé et les classe souvent par ordre chronologique. Lorsque quelqu’un lui parle, elle donne de courtes réponses, mais elle ne regarde pas les gens à qui elle s’adresse.
25.1
1 La distinction entre problème de santé mentale et trouble mental est précisée dans le chapitre 1, Perspectives en santé mentale : notions fondamentales et dés.
Caractéristiques générales
Les troubles mentaux ne touchent pas seulement les adultes. Ils sont présents chez les enfants et les adolescents. Pourtant, la santé mentale pédiatrique est une spécialité de la médecine assez méconnue. La reconnaissance des problèmes de santé mentale chez les enfants et les adolescents ne date que de quelques décennies (Côté, 2005). Une hypothèse pouvant expliquer en partie ce phénomène est la tendance à concevoir difcilement que les adolescents, et plus particulièrement les jeunes enfants, puissent être atteints de troubles mentaux 1 . Selon Bedwani (2011), trois difficultés supplémentaires doivent être prises en compte relativement aux troubles mentaux chez les enfants et les adolescents. D’abord, les psychopathologies sont souvent atypiques. Par exemple, un adolescent dépressif peut être plus irritable que triste. Par ailleurs, les psychopathologies, à leur début, sont mal différenciées. Un jeune aux prises avec un trouble dépressif peut fonctionner au ralenti, tandis qu’un autre atteint d’un trouble du spectre de la schizophrénie dans la phase prodromique peut sensiblement présenter les mêmes symptômes. Enfin, les comorbidités sont fréquentes.
676
Partie 5
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
Traditionnellement, les enfants avaient un statut défavorisé par rapport à celui des adultes dans le traitement de déviances comportementales. Les abus commis envers les enfants et les adolescents dans les orphelinats, les maisons de correction et les asiles d’aliénés étaient particulièrement graves. La Loi sur les jeunes contrevenants, votée en 1978, a marqué un changement de mentalité. En vertu de cette loi, toute personne âgée de 7 à 16 ans était par dénition considérée comme un enfant, et le juge avait le pouvoir d’agir dans l’intérêt primordial de celui-ci. Les décisions du tribunal s’effectuaient en fonction des besoins de l’enfant et non de la gravité du crime perpétré. À cette époque, il s’est aussi constitué un réseau parallèle de services en santé mentale adaptés aux besoins des jeunes, avec des cliniques spécialisées et des professionnels mieux formés. Dans le Plan d’action en santé mentale (PASM) 20052010, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) (2005) promeut l’amélioration de l’accès aux traitements disponibles pour les enfants et les adolescents ayant un trouble mental. Le PASM 2015-2020 (MSSS, 2015), s’appuyant sur le fait que 50 % des troubles mentaux apparaissent avant l’âge de 14 ans, consacre une section importante aux enfants et aux adolescents. Il est urgent d’adapter les soins et les services de façon à soutenir le développement optimal des enfants. Le milieu scolaire est reconnu comme un lieu privilégié pour conduire des actions de promotion de la santé mentale et de prévention des troubles mentaux. Le PASM 2015-2020 entend intensier l’intervention ciblée chez les enfants à risque de présenter un trouble mental. Il mise également sur l’importance de mieux répondre aux besoins des jeunes en fonction de leur développement et d’offrir des services adéquats aux jeunes en difculté d’adaptation qui reçoivent une assistance dans le cadre de la Loi de la protection de la jeunesse ainsi qu’à leur famille. L’intervention précoce et adaptée auprès de jeunes qui manifestent un premier épisode psychotique fait également partie des objectifs établis. L’enfance constitue une période déterminante dans le développement de la personne. Un bon départ dans la vie contribue au développement
favorable et à la santé positive de l’enfant, de l’adolescent, puis de l’adulte. La santé mentale résulte de l’interaction de plusieurs facteurs : 1) les facteurs biologiques, relatifs aux caractéristiques génétiques et physiologiques de l’enfant ou de l’adolescent ; 2) les facteurs psychologiques, liés aux aspects cognitifs, affectifs et relationnels ; 3) les facteurs contextuels, qui relèvent de la relation entre l’enfant ou l’adolescent et son environnement (Institut national de santé publique du Québec [INSPQ], 2008). Ces facteurs peuvent inuer sur la santé mentale de l’enfant. Les facteurs de protection (p. ex., l’estime de soi ou le soutien social) et les facteurs de risque (p. ex., les inégalités socioéconomiques ou le stress) auxquels l’enfant est exposé, et qui peuvent être modulés, inuent sur sa santé. L’inrmière est appelée à évaluer ces facteurs, et, en diminuant l’impact des facteurs de risque et en optimisant l’effet des facteurs de protection, elle peut intervenir pour promouvoir la santé mentale et prévenir les problèmes de santé mentale de l’enfant ou de l’adolescent. Chez les enfants et chez les adolescents, l’évaluation des troubles mentaux est particulièrement complexe, le défi étant de clarifier s’il s’agit : 1) d’un problème de développement ; 2) d’une réaction psychologique marquée relative à des changements dans l’environnement, comme à l’école ou dans la famille ; 3) d’une réaction émotive liée à une maladie physique ; ou 4) de l’apparition d’un trouble mental. Chez les enfants et les adolescents, la prévalence annuelle de l’ensemble des troubles mentaux est estimée à 14 % (Boyle & Georgiades, 2010 ; INSPQ, 2012). Les troubles anxieux sont les plus répandus. Ils sont suivis par le trouble de décit de l’attention/hyperactivité (TDA/H), le trouble de la conduite, les troubles dépressifs, puis par le trouble lié à une substance. L’inrmière est appelée à effectuer des évaluations et des interventions auprès d’enfants et d’adolescents dans divers contextes. Il est important qu’elle comprenne bien les particularités des problèmes de santé mentale, ainsi que leurs effets sur la croissance et le développement des enfants et des adolescents. Elle joue un rôle important dans l’évaluation des facteurs de risque potentiel qui sont présents avant l’apparition d’un trouble mental. Il est essentiel que cette évaluation tienne compte de la famille. En écoutant les parents exprimer leurs préoccupations et en aidant ces derniers à comprendre les étapes développementales ainsi que les comportements normaux pendant l’enfance, elle peut déceler de façon précoce les situations problématiques et contribuer à en prévenir l’aggravation. L’inrmière est en mesure d’aider la famille et de lui faciliter l’accès à des modalités de traitement interdisciplinaire.
Les enfants et les adolescents ont souvent des symptômes qui se présentent différemment de ceux des adultes. Ils peuvent manifester des signes et des symptômes associés à des problèmes physiques présumés, alors que le problème sousjacent peut être en réalité un trouble mental. Il arrive ainsi que l’analyse des symptômes liés à des problèmes de santé mentale fasse l’objet d’un mauvais diagnostic. Il faut donc redoubler de vigilance. Par la diversité de ses activités (p. ex., en périnatalité, en pédiatrie, en milieu scolaire), l’inrmière est bien placée pour le dépistage précoce des troubles mentaux chez les enfants et les adolescents. Les inrmières qui effectuent le suivi auprès d’enfants de la naissance à cinq ans sont appelées à « évaluer un enfant qui n’est pas encore admissible à l’éducation préscolaire et qui présente des indices de retard de développement, dans le but de déterminer des services de réadaptation et d’adaptation répondant à ses besoins » (Ordre des inrmières et inrmiers du Québec [OIIQ], 2009). Il s’agit d’une activité réservée à l’inrmière, ainsi qu’à d’autres professionnels de la santé (travailleur social, psychologue, psychoéducateur, orthophoniste, audiologiste, ergothérapeute, médecin), dans le but de déterminer des services de réadaptation ou d’adaptation appropriés. L’OIIQ suggère d’utiliser des instruments de mesure standardisés et validés pour évaluer le développement de l’enfant (p. ex., l’ABCdaire ; la grille Ballon – Grille d’observation du développement de l’enfant ; le Brigance – Inventaire du développement de l’enfant entre 0 et 7 ans ; la Grille d’évaluation du développement de l’enfant [GED] ; le Questionnaire de dépistage du district de Nipissing ; ou les Questionnaires sur les étapes du développement [ASQ]) (INSPQ, 2010).
25.2
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les problèmes de santé mentale ne se présentent pas de la même manière chez les enfants et chez les adultes. Il en résulte une complexité accrue au moment de l’évaluation.
Troubles neurodévelopementaux
Le premier chapitre de la cinquième édition du Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (DSM-5) regroupe les troubles neurodéveloppementaux, soit les divers troubles mentaux les plus fréquemment diagnostiqués dans l’enfance. Souvent, ces troubles se manifestent avant même que l’enfant n’entre à l’école. Ces troubles se caractérisent par des décits qui entraînent une altération du fonctionnement personnel, social, scolaire ou professionnel. Il s’agit du handicap intellectuel (trouble du développement intellectuel), des troubles de la communication, du trouble du spectre de l’autisme, du TDA/H, du trouble spécique des apprentissages, des troubles moteurs et des autres troubles neurodéveloppementaux. Chapitre 25
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Enfants et adolescents
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25.2.1
Handicap intellectuel (trouble du développement intellectuel)
Étiologie et épidémiologie Le DSM5 a remplacé le terme retard mental utilisé dans le DSMIV par celui de handicap intellectuel (trouble du développement intellectuel). Malgré des évaluations approfondies, il s’avère impos sible de déceler une étiologie chez de 58 à 78 % des personnes atteintes de ce trouble dans sa forme légère et chez de 23 à 43 % des sujets lorsque le trouble est grave ou profond. L’étiologie, lors qu’elle est détectée, peut être génétique, médicale, environnementale ou résulter d’une combinaison de ces facteurs. Dans la population générale, la prévalence du handicap intellectuel est estimée à environ 1 %, tandis que le handicap intellectuel grave touche environ 6 personnes sur 1 000 (American Psychiatric Association [APA], 2015). Le handicap intellectuel est léger chez 85 % des personnes atteintes de ce trouble, tandis qu’il est moyen pour 10 % d’entre elles et grave pour 3 ou 4 %. Seulement 1 ou 2 % des personnes atteintes d’un handicap intellectuel présentent un niveau de sévérité profond du trouble.
Description clinique CE QU’IL FAUT RETENIR
Les enfants atteints d’un handicap intellectuel léger acquièrent généralement des compétences sociales et communicationnelles durant leurs années préscolaires, si bien qu’ils peuvent ne pas présenter de différence évidente sur le plan intellectuel.
L’APA dénit le handicap intellectuel (trouble du développement intellectuel) comme un trouble débutant pendant la période du développement et qui comprend des décits intellectuels et adap tatifs sur les plans du raisonnement, de la réso lution de problèmes, de la planication, de la pensée abstraite, du jugement et des apprentis sages. La sévérité du trouble dépend davantage du fonctionnement adaptatif que du quotient intellectuel, puisque c’est le fonctionnement adaptatif qui détermine le niveau d’assistance requis ENCADRÉ 25.1.
Les enfants atteints d’un handicap intellectuel léger acquièrent généralement des compétences sociales et communicationnelles durant leurs années préscolaires, si bien qu’ils peuvent ne pas présenter de différence évidente sur le plan intellectuel. Ils ont des problèmes sensorimoteurs minimes et ne reçoivent souvent pas de diagnostic avant l’âge scolaire. Ils acquièrent généralement des apti tudes scolaires jusqu’à la sixième année du primaire. Ces enfants, et les adultes atteints, ont de la difculté à acquérir des compétences telles que la lecture, l’écriture, le calcul, l’apprentissage de l’heure, la valeur de l’argent. Il leur est difcile de reconnaître les codes sociaux, de contrôler leurs émotions ou d’apprécier les risques dans des situations sociales. Ils peuvent ainsi être manipulés, exploités ou abusés par les autres. À l’âge adulte, ces personnes sont généralement capables d’une insertion socioprofes sionnelle leur permettant de subvenir à leurs besoins minimaux avec une certaine forme de soutien et de supervision (Cloutier, Gosselin & Tap, 2005). Quant aux enfants dont le handicap intellectuel est moyen, ils présentent des capacités intellec tuelles bien en deçà de celles des autres enfants. Leur langage se développe lentement, et ils dépassent rarement la deuxième année du primaire. Avec un peu d’encadrement, ils peuvent subvenir à leurs besoins personnels et apprendre à se déplacer dans des endroits familiers. À l’adolescence, les relations avec les pairs sont souvent susceptibles de se détériorer à cause de l’incapacité de ces personnes à percevoir et à interpréter adéquatement les codes sociaux, à établir une interaction sociale appropriée. Durant l’âge adulte, ces personnes peuvent arriver à répondre à leurs besoins personnels comme se nourrir ou s’habiller, bien qu’une longue période d’éducation soit nécessaire. Elles peuvent accomplir des tâches domestiques et bénécier d’une forma tion professionnelle. Un soutien considérable leur
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 25.1
Handicap intellectuel (trouble du développement intellectuel)
Le handicap intellectuel (trouble du développement intellectuel) est un trouble débutant pendant la période du développement, fait de décits tant intellectuels qu’adaptatifs dans les domaines conceptuels, sociaux et pratiques. Les trois critères suivants doivent être présents : A. Décit des fonctions intellectuelles comme le raisonnement, la résolution de problèmes, la planication, l’abstraction, le jugement, l’apprentissage scolaire et l’apprentissage par l’expérience, conrmés par l’évaluation clinique et les tests d’intelligence individuels standardisés. B. Décit des fonctions adaptatives qui se traduit par un échec dans l’accession aux normes habituelles de développement socioculturel permettant l’autonomie et la responsabilité sociale. Sans assistance au
long cours, les décits adaptatifs limitent le fonctionnement dans un ou plusieurs champs d’activité de la vie quotidienne comme la communication, la participation sociale, l’indépendance, dans des environnements variés tels que la maison, l’école, le travail, la collectivité. C. Début du décit intellectuel et adaptatif pendant la période du développement. Spécier la sévérité actuelle : 317 (F70) Léger 318.0 (F71) Moyen 318.1 (F72) Grave 318.2 (F73) Profond
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association, DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
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Partie 5
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
est toutefois nécessaire pour répondre aux exigences liées au monde du travail (APA, 2015). Les personnes atteintes d’un handicap intellectuel grave n’acquièrent durant la petite enfance que peu d’aptitudes à communiquer, sinon aucune, mais peuvent développer des compétences de base en communication et des aptitudes d’hygiène élémentaire à l’âge scolaire. La motricité fine fait souvent défaut. Elles peuvent apprendre à lire quelques mots essentiels. À l’âge adulte, le discours se limite à des mots ou à des phrases simples, centrés sur le « ici et maintenant ». Certaines seront en mesure d’accomplir des tâches simples dans un environnement étroitement contrôlé. L’assistance doit être permanente. Ces personnes peuvent généralement vivre dans un milieu protégé au sein de la communauté, dans des foyers de groupe ou avec leur famille, à moins qu’un autre handicap ne nécessite des soins inrmiers spécialisés ou d’autres soins (APA, 2015). Les personnes atteintes d’un handicap intellectuel sévère profond sont, pour la plupart, également atteintes d’une affection neurologique à l’origine de ce trouble, comme une paralysie cérébrale, des déciences sensorielles, l’épilepsie ou d’autres troubles neurologiques. Ces personnes ont des problèmes sensorimoteurs considérables se manifestant pendant la petite enfance, tels qu’une incapacité à soutenir leur tête, à se retourner sur elles-mêmes, ainsi que des problèmes alimentaires. Elles expriment leurs désirs et leurs émotions surtout de façon non verbale. Elles peuvent contribuer à certaines tâches domestiques simples du quotidien. Elles doivent vivre dans des environnements très structurés, offrant une surveillance et une aide constantes, ce qui leur permet d’atteindre un développement optimal. Le DSM-5 propose de porter le diagnostic « retard global du développement » pour les enfants de moins de cinq ans, lorsque les stades attendus du développement ne sont pas atteints, mais que le niveau de sévérité ne peut être établi avec certitude par une évaluation systématique ou par la passation de tests standardisés.
Pronostic Le pronostic reète l’interaction des facteurs biomédicaux, psychologiques et environnementaux. Les études montrent que les personnes atteintes d’un handicap intellectuel léger peuvent vivre une vie plutôt satisfaisante et productive FIGURE 25.1. Par ailleurs, celles dont le niveau de sévérité est grave ou profond ont une espérance de vie plus courte à cause d’affections médicales comme l’épilepsie et les problèmes alimentaires, ainsi que des limites en matière de soins personnels et de communication (Engel-Yeger, Hardal-Nasser & Gal, 2011). Les limites
FIGURE 25.1 Les jeunes ayant un handicap intellectuel léger peuvent développer de bonnes compétences sociales et intellectuelles.
concernant l’appréciation des risques et des dangers rendent ces personnes plus susceptibles de se blesser accidentellement. Les personnes ayant un handicap intellectuel accompagné d’un trouble mental sont à risque accru de suicide.
25.2.2
Troubles de la communication
Dans le DSM-5, les troubles de la communication sont répertoriés comme suit : trouble du langage, trouble de la phonation, trouble de la fluidité verbale (bégaiement) apparaissant durant l’enfance et trouble de la communication sociale (pragmatique). Les troubles de la communication entraînent des limites fonctionnelles sur différents plans tels que la participation sociale, la réussite scolaire ou le rendement professionnel.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les personnes atteintes d’un handicap intellectuel grave n’acquièrent durant la petite enfance que peu d’aptitudes à communiquer, sinon aucune, mais peuvent développer des compétences de base en communication et des aptitudes d’hygiène élémentaire à l’âge scolaire.
Le trouble du langage est caractérisé par des difcultés persistantes d’acquisition et d’utilisation du langage dans ses différentes modalités. Les difcultés relèvent d’un vocabulaire restreint, d’une carence de structuration de phrases et d’une décience du discours. La carence peut être à prédominance réceptive (compréhension des messages) ou expressive (production des messages). Il peut être difcile de distinguer le trouble du langage des variations normales du développement avant l’âge de quatre ans. C’est aussi à partir de cet âge que la présence du trouble s’avère plus prédictive, c’est-à-dire qu’il persistera à l’âge adulte. Le trouble du langage est hautement héréditaire. Il est souvent associé à d’autres troubles neurodéveloppementaux.
25
Le trouble de la phonation se caractérise par de la difculté à produire des phonèmes, c’est-à-dire les différents sons qui se relient pour former des mots et permettre un discours intelligible. Cette difculté peut relever de la mauvaise connaissance phonologique des sons ou de l’incapacité à coordonner les mouvements qui servent à l’articulation des mots. Un langage global intelligible Chapitre 25
Enfants et adolescents
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est attendu à l’âge de quatre ans, tandis que la plupart des mots devraient être prononcés clairement à sept ans. La majorité des enfants ayant un trouble de phonation améliorent leur élocution avec le temps et à l’aide de traitements, et le trouble peut se dissiper. Le trouble de la uidité verbale apparaissant durant l’enfance, aussi connu sous le terme bégaiement, se caractérise par les perturbations de la uidité verbale et du rythme de la parole. Ce trouble peut se manifester de différentes façons, notamment par des répétitions de sons, de syllabes ou de mots monosyllabiques (p. ex., je je je je veux…) ou des allongements de sons. Des mots peuvent être tronqués, c’est-à-dire entrecoupés de pauses. Il peut y avoir des blocages audibles ou silencieux, soit des pauses dans le discours qui sont comblées par autre chose ou non. Le langage peut contenir des circonlocutions, qui consistent en des substitutions de mots qui pourraient être problématiques par d’autres mots. Une tension physique excessive peut accompagner la production de certains mots. La perturbation de la uidité tend à s’accroître dans des situations qui génèrent du stress et de l’anxiété, comme faire un exposé oral, alors qu’elle est souvent absente pendant la lecture ou le chant. Ce trouble apparaît chez l’enfant entre l’âge de deux et sept ans. Les études indiquent que de 65 à 85 % des enfants parviennent à surmonter ce trouble. Le facteur génétique joue un rôle dans son apparition. CE QU’IL FAUT RETENIR
Il n’existe aucun lien entre le vaccin rougeole- oreillonsrubéole et le risque d’autisme.
Pour le trouble de la communication sociale (pragmatique), il est question de difcultés persistantes dans l’utilisation sociale de la communication verbale et non verbale. La personne peut avoir de la difculté à saluer quelqu’un, à échanger des informations, à adapter sa communication au contexte et aux besoins de l’autre personne (p. ex., au cours d’une réunion formelle dans le cadre scolaire, pendant une rencontre récréative, avec un enfant, etc.). Il peut s’agir de difcultés à respecter des règles simples de la communication, comme attendre son tour pour prendre la parole, reformuler son propos au besoin pour se faire comprendre. De même, la personne peut avoir de la difculté à comprendre ce qui n’est pas exprimé explicitement (sous-entendus), ainsi que les tournures gurées ou ambiguës du langage (humour, sens selon le contexte). Le développement du langage de l’enfant âgé de quatre ou cinq ans devrait permettre de reconnaître le trouble de la communication sociale, bien que dans sa forme légère, il ne puisse devenir apparent qu’au début de l’adolescence.
25.2.3
Trouble du spectre de l’autisme
Le trouble du spectre de l’autisme est un nouveau trouble ajouté au DSM-5. Il inclut plusieurs autres troubles paraissant dans le DSM-IV :
680
Partie 5
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
autisme, syndrome d’Asperger, trouble désintégratif de l’enfance, syndrome de Rett, trouble envahissant du développement. L’apparition du trouble du spectre de l’autisme est généralement observée avant l’âge de trois ans. En effet, les parents s’inquiètent parce que leur enfant n’a pas acquis les habiletés langagières et développementales attendues. Cependant, d’autres enfants ne reçoivent un diagnostic que plus tard durant leur parcours scolaire. Des décits peuvent être observés sur le plan de la communication, de la cognition, du comportement et des interactions sociales (APA, 2015).
Étiologie L’étiologie exacte du trouble du spectre de l’autisme reste indéterminée. Plusieurs théories pouvant expliquer ce trouble ont été avancées. Il serait attribuable à des facteurs génétiques, neurologiques, métaboliques, immunologiques et environnementaux, ainsi qu’à des complications pendant l’accouchement. La plupart des chercheurs s’entendent sur le fait que l’étiologie de ce trouble comporte plusieurs facettes et citent le rôle que joue la combinaison de facteurs génétiques complexes et d’expositions environnementales (Plauche & Myers, 2007). Une consommation excessive de sucre, une sensibilité alimentaire, les additifs alimentaires, les vaccins et les allergies ne font pas partie des causes du trouble du spectre de l’autisme (Valente, 2004). Il n’existe aucun lien entre le vaccin rougeoleoreillons-rubéole et le risque d’autisme (Jain, Marshall, Buikema et al., 2015).
Épidémiologie Au Québec, en 2007-2008, 1 052 875 enfants âgés de 4 à 17 ans étaient inscrits dans une école publique ou privée (ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, 2016). Parmi ceux-ci, 5 892 avaient reçu un diagnostic de trouble envahissant du développement, un diagnostic répertorié dans le DSM-IV, mais inclus dans le DSM-5 sous le vocable de trouble du spectre de l’autisme. Le taux de prévalence du trouble envahissant du développement était donc de 56 pour 10 000, touchant ainsi 1 enfant sur 178 (Noiseux, 2009). Dans le DSM-5, la fréquence du trouble du spectre de l’autisme est estimée à près de 1 % de la population. Les estimations sont comparables entre les enfants et les adultes. Le trouble touche quatre fois plus souvent les garçons que les lles. Les lles atteintes d’autisme ont tendance à avoir un handicap intellectuel plus grave. Les frères et sœurs des personnes atteintes d’autisme ont un risque accru de présenter un trouble autistique (APA, 2015). Les membres de la famille de l’enfant atteint d’un trouble du spectre de l’autisme ont parfois d’autres troubles comportementaux et développementaux, comme le TDA/H. L’INSPQ reconnaît que le trouble du spectre de l’autisme
représente un problème de santé publique important à surveiller étant donné la fréquence de la maladie, l’importance du fardeau familial et sociétal, la faisabilité et l’efcacité des interventions existantes (intervention comportementale intensive), ainsi que les possibles inégalités dans les ressources d’interventions et de diagnostic dans certaines régions du Québec (Huot, Hamel & Saint Laurent, 2008).
Description clinique Divers symptômes comportementaux sont souvent présents chez les enfants atteints d’un trouble du spectre de l’autisme tels que l’hyperactivité, la réduction du champ de l’attention, l’impulsivité, l’agressivité, l’automutilation et les crises de colère ENCADRÉ 25.2. Des anomalies sur le plan de l’alimentation (p. ex., l’apport nutritionnel
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 25.2
Trouble du spectre de l’autisme
A. Décits persistants de la communication et des interactions sociales observés dans des contextes variés. Ceux-ci peuvent se manifester par les éléments suivants, soit au cours de la période actuelle, soit dans les antécédents (les exemples sont illustratifs et non exhaustifs) : 1. Décits de la réciprocité sociale ou émotionnelle allant, par exemple, d’anomalies de l’approche sociale et d’une incapacité à la conversation bidirectionnelle normale, à des difcultés à partager les intérêts, les émotions et les affects, jusqu’à une incapacité d’initier des interactions sociales ou d’y répondre. 2. Décits des comportements de communication non verbaux utilisés au cours des interactions sociales, allant, par exemple, d’une intégration défectueuse entre la communication verbale et non verbale, à des anomalies du contact visuel et du langage du corps, à des décits dans la compréhension et l’utilisation des gestes, jusqu’à une absence totale d’expressions faciales et de communication non verbale. 3. Décits du développement, du maintien et de la compréhension des relations, allant, par exemple, de difcultés à ajuster le comportement à des contextes sociaux variés, à des difcultés à partager des jeux imaginatifs ou à se faire des amis, jusqu’à l’absence d’intérêt pour les pairs. Spécier la sévérité actuelle : La sévérité repose sur l’importance des décits de la communication sociale et des modes comportementaux restreints et répétitifs. B. Caractère restreint et répétitif des comportements, des intérêts ou des activités, comme en témoignent au moins deux des éléments suivants soit au cours de la période actuelle soit dans les antécédents (les exemples sont illustratifs et non exhaustifs) : 1. Caractère stéréotypé ou répétitif des mouvements, de l’utilisation des objets ou du langage (p. ex., stéréotypies motrices simples, activités d’alignement des jouets ou de rotation des objets, écholalie, phrases idiosyncrasiques). 2. Intolérance au changement, adhésion inexible à des routines ou à des modes comportementaux verbaux ou non verbaux ritualisés (p. ex., détresse extrême provoquée par des changements mineurs, difculté à gérer les transitions, modes de pensée rigides, ritualisation des formules de salutation, nécessité de prendre le même chemin ou de manger les mêmes aliments tous les jours). 3. Intérêts extrêmement restreints et xes, anormaux soit dans leur intensité, soit dans leur but (p. ex., attachement à des objets insolites ou préoccupations à propos de ce type d’objets, intérêts excessivement circonscrits ou persévérants).
4. Hyper ou hyporéactivité aux stimulations sensorielles ou intérêt inhabituel pour les aspects sensoriels de l’environnement (p. ex., indifférence apparente à la douleur ou à la température, réactions négatives à des sons ou à des textures spéciques, actions de airer ou de toucher excessivement les objets, fascination visuelle pour les lumières ou les mouvements). Spécier la sévérité actuelle : La sévérité repose sur l’importance des décits de la communication sociale et des modes comportementaux restreints et répétitifs. C. Les symptômes doivent être présents dès les étapes précoces du développement (mais ils ne sont pas nécessairement pleinement manifestes avant que les demandes sociales n’excèdent les capacités limitées de la personne, ou ils peuvent être masqués plus tard dans la vie par des stratégies apprises). D. Les symptômes occasionnent un retentissement cliniquement signicatif en termes de fonctionnement actuel social, scolaire/professionnel ou dans d’autres domaines importants. E. Ces troubles ne sont pas mieux expliqués par un handicap intellectuel (trouble du développement intellectuel) ou un retard global du développement. La décience intellectuelle et le trouble du spectre de l’autisme sont fréquemment associés. Pour permettre un diagnostic de comorbidité entre un trouble du spectre de l’autisme et un handicap intellectuel, l’altération de la communication sociale doit être supérieure à ce qui serait attendu pour le niveau de développement général. N.B. : Les sujets ayant, selon le DSM-IV, un diagnostic bien établi de trouble autistique, de syndrome d’Asperger ou de trouble envahissant du développement non spécié doivent recevoir un diagnostic de trouble du spectre de l’autisme. Chez les sujets ayant des décits marqués de la communication sociale mais qui ne répondent pas aux autres critères du trouble autistique, l’existence d’un trouble de la communication sociale (pragmatique) doit être considérée. Spécier si : Avec ou sans décit intellectuel associé Avec ou sans altération du langage associée Associé à une pathologie médicale ou génétique connue ou à un facteur environnemental Associé à un autre trouble développemental, mental ou comportemental Avec catatonie
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association, DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved. Chapitre 25
Enfants et adolescents
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limité à quelques aliments ou la propension à ingérer des objets non comestibles) ou du sommeil (p. ex., des réveils récurrents avec balancement) sont également présentes. Ces enfants sont souvent incapables de tolérer des modications mineures dans l’environnement et peuvent avoir une réaction intense ou catastrophique devant ce type de changements tels que l’apparition d’une nouvelle chaise ou une disposition modiée des places à la table. Certains enfants nécessitent le maintien de rituels et de routines. Les enfants atteints d’un trouble du spectre de l’autisme ont souvent des activités motrices stéréotypées (p. ex., applaudir ou taper des mains, tourner sur soi, se bercer, se balancer) ainsi que des postures inusitées (marche sur la pointe des pieds, positionnement bizarre). Leur jeu ne peut pas être interrompu sans manifestations exagérées de colère, et ces enfants peuvent être intensément préoccupés par des objets communs (boutons, fermetures à glissière). Ils montrent fréquemment de la fascination pour les mouvements rotatifs comme celui des ventilateurs ou pour l’ouverture et la fermeture de tiroirs, de portes ou d’interrupteurs. Ils peuvent aligner des objets durant des heures. Certains peuvent s’attacher à des objets banals, comme un bout de celle ou un élastique, ignorant les objets transitionnels habituellement adoptés par les enfants tels que les couvertures, les animaux en peluche ou les poupées.
éactivation des connaissances Nommez deux bienfaits du jeu chez l’enfant d’âge préscolaire.
Ces enfants manquent généralement de réciprocité émotionnelle et ne participent pas activement aux jeux sociaux élémentaires. Une absence d’interaction sociale est souvent remarquée. Ils préfèrent plutôt les activités solitaires, cherchant à limiter le contact visuel ou la participation des autres au rôle de simples instruments de leur jeu (p. ex., l’enfant placerait un autre enfant comme s’il était un banc pour s’y asseoir) FIGURE 25.2. Des anomalies de l’affect ou de l’humeur sont parfois présentes, comme le fait de rire nerveusement ou de pleurer sans raison apparente, ou encore de ne manifester aucune émotion lorsqu’une réaction est normalement attendue.
Jugement
clinique
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Jason Couture est âgé de deux ans. Chaque fois que sa mère veut le prendre dans ses bras, il se fâche et pleure jusqu’à ce qu’elle le laisse aller. Il aime se rouler de façon répétitive dans la grosse boîte en carton qui contenait la voiturette que ses parents lui ont achetée. Comme il peut faire cela pendant de longues minutes, ses parents peuvent vaquer à leurs occupations sans inquiétude. Lorsque ceux-ci lui parlent, il ne les regarde pas. Parmi les comportements de Jason, lesquels pourraient laisser suspecter un trouble du spectre de l’autisme ?
Partie 5
Les enfants atteints d’un trouble du spectre de l’autisme peuvent réagir de façon inappropriée devant des dangers réels ou inoffensifs. Ils peuvent se blesser en se cognant la tête ou en mordant diverses parties de leur corps (automutilation). Certains ont un seuil de douleur élevé, une hypersensibilité aux sons ou au toucher ou encore une réaction exagérée à la lumière ou à la couleur. D’autres sont fascinés par une stimulation
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
FIGURE 25.2 L’enfant atteint d’un trouble du spectre de l’autisme ne maintient pas de contact visuel et a de la difculté à interagir avec les autres.
sensorielle particulière, par exemple, frotter constamment une surface dure ou un meuble particulier (Miller, Anzalone, Lane et al., 2007). Le trouble du spectre de l’autisme perturbe également d’autres zones cognitives comme la capacité d’introspection, le raisonnement et le jugement. Les problèmes de communication sont parfois si graves sur les plans verbal et non verbal qu’il peut y avoir absence de langage chez certains enfants. D’autres peuvent être incapables de commencer ou d’entretenir une conversation ; d’autres encore ont recours à un langage si stéréotypé et répétitif qu’il est difcile d’entretenir une conversation avec eux. Leur discours contient souvent des anomalies sur le plan du ton, de l’intonation, du débit et du rythme (p. ex., un ton et un rythme monotones ou chantants inappropriés ou une élévation du ton à la n de phrases déclaratives donnant l’impression d’une interrogation). Parfois, la grammaire est particulière, et seules les personnes qui connaissent bien le langage utilisé par l’enfant peuvent le comprendre. Certains enfants sont parfois incapables de comprendre des questions, des instructions ou des plaisanteries élémentaires. D’autres disposent d’une excellente mémoire à long terme pour certains éléments anodins comme les horaires d’autobus, des statistiques, des chansons ou des dates. Par exemple, une personne est incapable de compter la monnaie rendue dans un magasin, mais peut citer et résoudre des formules mathématiques complexes. Selon le DSM-5, les personnes atteintes d’un trouble du spectre de l’autisme présentent souvent un handicap intellectuel (trouble du développement intellectuel) concomitant et des troubles du langage. Environ 70 % d’entre elles seraient également atteintes d’un trouble mental concomitant. Des troubles spéciques des apprentissages, un trouble développemental de la coordination, des maladies somatiques comme l’épilepsie et le trouble de l’alimentation avec restriction ou
évitement sont des affections qui accompagnent souvent le trouble du spectre de l’autisme. Ces conditions doivent d’ailleurs être spéciées dans le diagnostic de ce trouble ENCADRÉ 25.2. Les manifestations du trouble du spectre de l’autisme varient énormément en fonction de la sévérité de celui-ci, du niveau de développement et de l’âge. Les spécications de sévérité peuvent être utilisées pour décrire les symptômes : niveau 1 (nécessitant de l’aide), niveau 2 (nécessitant une aide importante) et niveau 3 (nécessitant une aide très importante) (APA, 2015). Les niveaux de sévérité sont cotés séparément selon deux dimensions, soit la communication sociale et les comportements restreints et répétitifs.
Pronostic En général, les symptômes du spectre de l’autisme sont plus importants au cours de la petite enfance et des premières années scolaires. Il n’existe pas de traitement pour ce trouble. Les aptitudes langagières et le niveau intellectuel global constituent les principaux facteurs qui inuencent le pronostic nal. Les études portant sur l’évolution de ce trouble sont plutôt pessimistes et indiquent qu’un faible pourcentage des personnes atteintes réussit à travailler et à vivre de façon autonome à l’âge adulte. Cependant, une étude effectuée par Dawson et ses collaborateurs (2010) propose un pronostic plus optimiste. Dans cette étude contrôlée randomisée, des enfants âgés de 18 à 30 mois ayant reçu un diagnostic apparenté au trouble du spectre de l’autisme et ayant bénécié d’une intervention précoce ont montré une amélioration de leur quotient intellectuel, de leur langage et de leur comportement adaptatif 2 ans plus tard. Dans environ le tiers des cas, il est possible d’envisager un certain degré d’indépendance. Bien que les apprentissages et l’acquisition de stratégies de compensation se poursuivent tout au long de la vie, les adultes atteints continuent habituellement à éprouver des difcultés sur le plan des relations sociales et de la communication et à n’avoir que des activités et des champs d’intérêt restreints. Les efforts requis pour dissimuler leurs difcultés et maintenir un niveau de fonctionnement acceptable accroissent le risque de voir se développer des symptômes dépressifs et anxieux.
25.2.4
Décit de l’attention/ hyperactivité
Alors que le nombre d’enfants canadiens ayant reçu un diagnostic de trouble de décit de l’attention/hyperactivité (TDA/H) augmente et que la consommation de médicaments associés au TDA/H chez les enfants d’âge scolaire s’accroît (Brault & Lacourse, 2012), ce trouble demeure plutôt mal connu, difcile à cerner et à diagnostiquer.
Étiologie La cause exacte du TDA/H n’est pas connue (Massé, Verreault & Verret, 2011). La littérature rapporte l’hypothèse d’une prédisposition biologique puisque des déséquilibres neurologiques ont été observés chez les personnes atteintes de ce trouble. Il semble également y avoir une forte inuence des facteurs génétiques, le TDA/H étant nettement plus fréquent chez les membres de la famille au premier degré des enfants atteints (Asherson, 2011). D’autres facteurs de risque sont reconnus, comme le faible poids à la naissance, l’exposition à des substances neurotoxiques ou à l’alcool durant la grossesse et certaines affections infectieuses. En effet, selon Barkley (2006), de 10 à 15 % des personnes aux prises avec le TDA/H présentent une atteinte cérébrale causée par des complications périnatales liées entre autres à l’exposition à la cigarette ou à l’alcool ; de 3 à 5 % ont subi des complications postnatales comme l’infection (p. ex., une encéphalite), le trauma craniocérébral ou l’anoxie. Des hypothèses voulant que les additifs alimentaires et le sucre rafné puissent être à l’origine du TDA/H ou à l’exacerbation des symptômes du trouble ont été émises, mais n’ont pu être conrmées scientiquement à ce jour.
Épidémiologie Le TDA/H est plus fréquent chez les garçons que chez les lles, le ratio étant estimé à deux pour un (APA, 2015). Dans la population, les taux sont estimés à près de 5 % chez les enfants et les adolescents et à 2,5 % chez les adultes (APA, 2015 ; Boyle & Georgiades, 2010). Il s’agit du diagnostic le plus fréquent chez les jeunes en centres jeunesse, souvent en comorbidité, entre autres avec le trouble réactionnel de l’attachement et le trouble des conduites (Lemelin & Laviolette, 2008). Les autres problèmes fréquemment associés sont les troubles dépressifs, bipolaires et appa rentés, les troubles anxieux, le syndrome de Gilles de la Tourette et les tics chroniques, les troubles liés à une substance, les retards de parole et de langage ainsi que les troubles d’apprentissage.
Description clinique Selon le DSM-5, le TDA/H est caractérisé soit par l’inattention, soit par l’hyperactivité et l’impulsivité, soit par les deux à la fois. Il s’agit du type présentation inattentive prédominante lorsqu’il y a au moins six symptômes d’inattention et très peu d’hyperactivité-impulsivité. Le second type, présentation hyperactive/impulsive prédominante, se distingue par six symptômes ou plus à prédominance hyperactive et impulsive avec très peu d’inattention (APA, 2015) ENCADRÉ 25.3. La présentation combinée signie la présence de ces deux caractéristiques (inattention et hyperactivitéimpulsivité) chez la même personne. Chapitre 25
25
Enfants et adolescents
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Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 25.3
Décit de l’attention/hyperactivité
A. Un mode persistant d’inattention et/ou d’hyperactivité-impulsivité qui interfère avec le fonctionnement ou le développement, caractérisé par (1) et/ou (2) 1. Inattention : Six (ou plus) des symptômes suivants persistent depuis au moins 6 mois, à un degré qui ne correspond pas au niveau de développement et qui a un retentissement négatif direct sur les activités sociales et scolaires/professionnelles : N.B. : Les symptômes ne sont pas seulement la manifestation d’un comportement opposant, provocateur ou hostile, ou de l’incapacité de comprendre les tâches ou les instructions. Chez les grands adolescents et les adultes (17 ans ou plus), au moins cinq symptômes sont requis. a. Souvent, ne parvient pas à prêter attention aux détails, ou fait des fautes d’étourderie dans les devoirs scolaires, le travail ou d’autres activités (p. ex., néglige ou ne remarque pas des détails, le travail est imprécis). b. A souvent du mal à soutenir son attention au travail ou dans les jeux (p. ex., a du mal à rester concentré pendant les cours magistraux, des conversations ou la lecture de longs textes). c. Semble souvent ne pas écouter quand on lui parle personnellement (p. ex., semble avoir l’esprit ailleurs, même en l’absence d’une source de distraction évidente). d. Souvent, ne se conforme pas aux consignes et ne parvient pas à mener à terme ses devoirs scolaires, ses tâches domestiques ou ses obligations professionnelles (p. ex., commence des tâches mais se déconcentre vite et se laisse facilement distraire). e. A souvent du mal à organiser ses travaux ou ses activités (p. ex., difculté à gérer des tâches comportant plusieurs étapes, difculté à garder ses affaires et ses documents en ordre, travail brouillon ou désordonné, mauvaise gestion du temps, échoue à respecter les délais). f. Souvent, évite, a en aversion, ou fait à contrecœur les tâches qui nécessitent un effort mental soutenu (p. ex., le travail scolaire ou les devoirs à la maison ; chez les grands adolescents et les adultes, préparer un rapport, remplir des formulaires, analyser de longs articles). g. Perd souvent les objets nécessaires à son travail ou à ses activités (p. ex., matériel scolaire, crayons, livres, outils, portefeuilles, clés, documents, lunettes, téléphones mobiles). h. Se laisse souvent facilement distraire par des stimuli externes (chez les grands adolescents et les adultes, il peut s’agir de pensées sans rapport). i. A des oublis fréquents dans la vie quotidienne (p. ex., effectuer les tâches ménagères et faire les courses ; chez les grands adolescents et les adultes, rappeler des personnes au téléphone, payer des factures, honorer des rendez-vous). 2. Hyperactivité et impulsivité : Six (ou plus) des symptômes suivants persistent depuis au moins 6 mois, à un degré qui ne correspond pas au niveau de développement et qui a un retentissement négatif direct sur les activités sociales et scolaires/professionnelles : N.B. : Les symptômes ne sont pas seulement la manifestation d’un comportement opposant, provocateur ou hostile, ou de l’incapacité de comprendre les tâches ou les instructions. Chez les grands adolescents et les adultes (17 ans ou plus), au moins cinq symptômes sont requis.
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Partie 5
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
a. Remue souvent les mains ou les pieds, ou se tortille sur son siège. b. Se lève souvent en classe ou dans d’autres situations où il est supposé rester assis (p. ex., quitte sa place en classe, au bureau ou dans un autre lieu de travail, ou dans d’autres situations où il est censé rester en place). c. Souvent, court ou grimpe partout, dans des situations où cela est inapproprié. (N.B. : Chez les adolescents ou les adultes cela peut se limiter à un sentiment d’impatience motrice.) d. Est souvent incapable de se tenir tranquille dans les jeux ou les activités de loisir. e. Est souvent « sur la brèche » ou agit souvent comme s’il était « monté sur ressorts » (p. ex., n’aime pas rester tranquille pendant un temps prolongé ou est alors mal à l’aise, comme au restaurant ou dans une réunion, peut être perçu par les autres comme impatient ou difcile à suivre). f. Parle souvent trop. g. Laisse souvent échapper la réponse à une question qui n’est pas encore entièrement posée (p. ex., termine les phrases des autres, ne peut pas attendre son tour dans une conversation). h. A souvent du mal à attendre son tour (p. ex., dans une le d’attente). i. Interrompt souvent les autres ou impose sa présence (p. ex., fait irruption dans les conversations, les jeux ou les activités, peut se mettre à utiliser les affaires des autres sans le demander ou en recevoir la permission ; chez les adolescents ou les adultes, peut être intrusif et envahissant dans les activités des autres). B. Plusieurs symptômes d’inattention ou d’hyperactivité-impulsivité étaient présents avant l’âge de 12 ans. C. Plusieurs symptômes d’inattention ou d’hyperactivité-impulsivité sont présents dans au moins deux contextes différents (p. ex., à la maison, à l’école, ou au travail ; avec des amis ou de la famille, dans d’autres activités). D. On doit mettre clairement en évidence que les symptômes interfèrent avec ou réduisent la qualité du fonctionnement social, scolaire ou professionnel. E. Les symptômes ne surviennent pas exclusivement au cours d’une schizophrénie ou d’un autre trouble psychotique, et ils ne sont pas mieux expliqués par un autre trouble mental (p. ex., trouble dépressif, bipolaire et apparenté, trouble anxieux, trouble dissociatif, trouble de la personnalité, intoxication par, ou sevrage d’une substance). Spécier le type : 314.01 (F90.2) Présentation combinée : Si à la fois le critère A1 (inattention) et le critère A2 (hyperactivité-impulsivité) sont remplis pour les 6 derniers mois. 314.00 (F90.0) Présentation inattentive prédominante : Si, pour les 6 derniers mois, le critère A1 (inattention) est rempli mais pas le critère A2 (hyperactivité-impulsivité). 314.01 (F90.1) Présentation hyperactive/impulsive prédominante : Si, pour les 6 derniers mois, le critère A2 (hyperactivité-impulsivité) est rempli mais pas le critère A1 (inattention).
ENCADRÉ 25.3
Décit de l’attention/hyperactivité (suite)
Spécier si : En rémission partielle : Lorsqu’au cours des 6 derniers mois l’ensemble des critères pour poser le diagnostic ne sont plus réunis alors qu’ils l’étaient auparavant, et que les symptômes continuent à entraîner une altération du fonctionnement social, scolaire ou professionnel. Spécier la sévérité actuelle : Léger : Peu de symptômes, ou aucun, sont présents au-delà de ceux requis au minimum pour poser le diagnostic, et les symptômes n’entraînent que des altérations mineures du fonctionnement social ou professionnel.
Moyen : Les symptômes ou l’altération fonctionnelle sont présents sous une forme intermédiaire entre « léger » et « grave ». Grave : Plusieurs symptômes sont présents au-delà de ceux requis pour poser le diagnostic, ou plusieurs symptômes particulièrement graves sont présents, ou les symptômes entraînent une altération marquée du fonctionnement social ou professionnel.
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association, DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
Les problèmes d’attention, d’impulsivité et d’hyperactivité sont observés dans au moins deux milieux, comme à l’école et à la maison. L’ampleur du problème varie généralement selon la période et le contexte. Les symptômes s’aggravent habituellement dans les situations requérant une attention soutenue ou présentant peu d’intérêt pour l’enfant ou l’adolescent, comme écouter les enseignants, accomplir des tâches répétitives ou lire de longs documents. Les symptômes peuvent disparaître ou s’atténuer lorsque l’enfant ou l’adolescent est placé sous une autorité rigoureuse, comme au cours d’un entretien diagnostique, ou lorsqu’il reçoit fréquemment des récompenses pour un comportement approprié. Les symptômes s’aggravent généralement dans des situations de groupe non structuré, par exemple, dans une salle de classe ou dans la cour de récréation. L’hyperactivité se manifeste sous plusieurs formes : ne pas tenir en place et remuer sur sa chaise ; se lever lorsque l’on doit rester assis ; courir ou grimper sans se préoccuper du danger ni des limites imposées ; jouer bruyamment en dérangeant les autres pendant des activités calmes ; ou faire preuve d’une activité motrice ou verbale excessive. Il est difcile de diagnostiquer le TDA/H chez les enfants d’âge préscolaire, car ceux-ci se montrent en général curieux et actifs. C’est dans un milieu plus structuré comme une garderie que leur niveau d’activité se distingue de celui de leurs pairs. Ces enfants restent concentrés dans des activités qu’ils apprécient comme regarder la télévision ou jouer à des jeux vidéo, mais ne parviennent pas à maintenir leur attention ni à se concentrer lorsqu’ils trouvent l’activité ennuyeuse ou difcile. À la maison, il leur arrive fréquemment de ne pas terminer leur repas ni même d’achever des activités qu’ils ont entamées. Ils font du vacarme ou interrompent les autres durant des moments calmes et parlent constamment (p. ex., ils peuvent commenter
continuellement une émission de télévision). Les adolescents préfèrent les activités énergiques plutôt que sédentaires. Les enfants atteints peuvent : agir impulsivement en répondant en classe avant d’y avoir été invités ; ne pas attendre leur tour dans un jeu ; agripper les vêtements, les membres ou les biens d’autrui ; toucher des choses qui ne leur appartiennent pas. Ils peuvent provoquer des accidents à cause de leur impulsivité et de leur inattention en renversant les objets, en empoignant des objets dangereux, comme des casseroles chaudes, ou en prenant des risques sans en évaluer les conséquences. Ils peuvent démontrer des comportements colériques, faire preuve d’un caractère autoritaire et entêté, et ils insistent fréquemment de manière excessive pour obtenir ce qu’ils veulent. L’inattention peut se manifester dans plusieurs domaines. Le travail scolaire ou les autres activités peuvent contenir ou révéler des fautes d’inattention qui trahissent une négligence des détails. Les travaux sont bâclés, illustrant un manque de réexion sur le projet ou le devoir scolaire. L’enfant semble être souvent perdu dans ses rêves et ne pas écouter les indications ou les questions FIGURE 25.3 . Les stimulus courants comme les bruits de la maison distraient souvent ces enfants qui abandonnent alors leur tâche pour y répondre. Les fournitures requises pour des tâches particulières sont invariablement éparpillées, perdues, traitées négligemment ou abîmées. Ainsi, la période des devoirs devient souvent une bataille quotidienne (Massé et al., 2011). Ces enfants manquent souvent leurs rendez-vous ou ne respectent pas les délais xés pour réaliser les travaux scolaires.
éactivation des connaissances Quelle est la principale tâche de l’adolescent dans son développement psychosocial ?
CE QU’IL FAUT RETENIR
L’inattention peut se manifester dans plusieurs domaines, comme le fait d’être perdu dans ses pensées, distrait par le moindre stimulus et désorganisé devant une tâche.
Le TDA/H passe souvent inaperçu chez les lles, car il ne se manifeste pas de la même façon que chez les garçons. Chez ceux-ci, il s’agit souvent du type présentation combinée, et les symptômes sont généralement assez marqués. Chez les lles, il est plutôt question d’un problème
Chapitre 25
Enfants et adolescents
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25
FIGURE 25.3 L’enfant atteint du trouble de décit de l’attention/hyperactivité se laisse facilement distraire.
Jugement
clinique Sammy Jones, âgé de six ans, est en première année. Son enseignante a demandé qu’il soit vu par l’inrmière en santé scolaire parce qu’elle le croit atteint d’un TDA/H. Depuis le début de l’année scolaire, soit depuis sept mois, dans des activités ludiques, il ne respecte pas les consignes et dérange ses compagnons en les bousculant. Il frappe des mains, sife, chante en sautant sur place même lorsque l’activité doit se faire en position assise. Il parle souvent trop, bien qu’il ne soit pas interpellé par son enseignante ou par ses compagnons. Il s’arrête quelques instants si l’enseignante le lui demande, mais recommence presque immédiatement. Quel type de TDA/H l’inrmière peut-elle suspecter chez Sammy d’après ses comportements ?
Un exemple de programme d’entraînement est présenté dans le livre Mieux vivre avec le TDA/H à la maison, de Line Massé, Martine Verreault et Claudia Verret, paru en 2011 chez Chenelière Éducation.
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Partie 5
d’attention. Lorsqu’il y a hyperactivité, leurs comportements diffèrent de ceux des garçons ; par exemple, les filles vont se moquer des autres et les taquiner continuellement.
De nombreux enfants atteints du TDA/H connaissent des problèmes d’apprentissage ; 50 % d’entre eux subissent le rejet de leurs pairs à cause de leurs comportements (Hoza, 2007). Ils s’attirent également plus d’attention négative de la part des enseignants (TDA/H Belgique, 2010). Ils sont perçus comme moins intelligents, mais en réalité leur intelligence est normale (Compernolle & Doreleijers, 2004). Les membres de la famille éprouvent fréquemment du ressentiment, surtout lorsque la variabilité des symptômes conduit les parents à penser que le comportement perturbateur de leur enfant est délibéré. Les familles de ces enfants subissent probablement plus de stress, ont un sentiment accru d’incompétence et d’inadéquation parentale, et elles vivent des disputes et des perturbations conjugales ainsi qu’un isolement social accru (Massé et al., 2011). À cause de leur inattention, de leur hyperactivité et de leur impulsivité, ces enfants ont une faible tolérance à la frustration. Ils éprouvent des difcultés dans leurs relations avec les pairs, vivent des échecs scolaires, et, en conséquence, leur estime de soi en souffre (Sadock, Sadock & Ruiz, 2014).
Pronostic Les symptômes d’hyperactivité diminuent chez 50 % des enfants lorsqu’ils grandissent, alors que
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
l’autre moitié des enfants et des adolescents continuera à éprouver des problèmes d’inattention et d’impulsivité tout au long de la vie (Sadock et al., 2014). L’évolution est plus défavorable pour certains jeunes chez qui se développent des comportements antisociaux et des troubles liés à une substance. De nombreux adultes ayant reçu un tel diagnostic pendant l’enfance rapportent une diminution de l’hyperactivité comportementale, mais le maintien des difcultés à se concentrer pendant de longues périodes ou à planier et à effectuer des projets complexes tend à persister. La structure et la stabilité à la maison et à l’école sont particulièrement importantes pour obtenir des résultats positifs (MSSS, 2013). Les programmes d’entraînement aux habiletés parentales inspirés de l’approche comportementale peuvent aider les parents à établir un cadre à la maison et dans les loisirs (Massé et al., 2011). Au début de l’âge adulte, le TDA/H est associé à un risque accru de suicide.
25.2.5
Trouble spécique des apprentissages
Dans la classication des troubles neurodéveloppementaux gure le trouble spécique des apprentissages, lequel touche environ de 5 à 15 % des enfants d’âge scolaire, plus souvent les garçons que les lles (APA, 2015). Ce trouble entraîne diverses difcultés à apprendre et à utiliser des compétences scolaires. Avec le diagnostic, le type de domaine est spécié, ainsi que la sévérité du trouble. Le trouble spécique des apprentissages avec décit de la lecture comprend la lecture des mots inexacte ou lente et réalisée péniblement, les difcultés à comprendre le sens de ce qui est lu et à épeler les mots. Le trouble spécique des apprentissages avec décit de l’expression écrite se situe sur le plan de l’orthographe, de la ponctuation et de la grammaire, de la clarté et de l’organisation des idées. La dyslexie est un autre terme utilisé pour décrire les difcultés à reconnaître les lettres, les syllabes ou les mots. Le trouble spécique des apprentissages avec décit du calcul relève des problèmes à maîtriser le sens des nombres ou les données chiffrées ou le calcul ainsi que les difcultés avec le raisonnement mathématique. Le terme dyscalculie peut être utilisé pour décrire les difcultés dans les apprentissages numériques. Le niveau de sévérité du trouble des apprentissages peut être léger, moyen ou grave. Lorsqu’il est léger, la personne éprouve certaines difcultés, mais elle parvient à les compenser et à bien fonctionner avec des aménagements et des dispositifs de soutien. Le niveau de sévérité moyen correspond à des difcultés marquées dans les compétences scolaires qui risquent de compromettre le fonctionnement opérationnel si un enseignement intensif et spécialisé, des aménagements et des
dispositifs de soutien ne sont pas fournis. Un niveau grave indique des difcultés majeures à acquérir des compétences scolaires malgré un enseignement individualisé et soutenu et des mesures de soutien (APA, 2015). Le trouble spécique des apprentissages peut exister en dépit de niveaux normaux de fonctionnement intellectuel, et certains enfants ont des capacités supérieures à la moyenne dans des domaines comme le dessin, la réalisation de plans ou de modèles. Les difcultés que vivent les personnes atteintes d’un trouble spécique des apprentissages peuvent entraîner des épisodes d’anxiété grave, des plaintes somatiques ou des attaques de panique. Les résultats scolaires médiocres risquent d’entraîner le décrochage et ses conséquences. Les difficultés d’apprentissage persistent à l’âge adulte ; elles interfèrent avec les performances professionnelles ou les activités quotidiennes. Le trouble est associé à un risque accru d’idéations suicidaires et de tentatives de suicide chez les enfants, les adolescents et les adultes.
25.2.6
Troubles moteurs
Le DSM-5 inclut dans la catégorie des troubles moteurs le trouble développemental de la coordination, les mouvements stéréotypés et les tics. Le trouble développemental de la coordination est caractérisé par un décit sur le plan des compétences motrices attendues en fonction de l’âge, lorsque le décit interfère de façon importante avec les activités de la vie quotidienne (AVQ). Notamment, l’enfant peut multiplier les maladresses (p. ex., échapper des objets), accomplir les tâches motrices avec lenteur et imprécision (p. ex., attraper un objet, écrire, colorier, faire du vélo). En raison des variations considérables relatives à l’acquisition des aptitudes motrices chez les enfants, ce diagnostic n’est pas porté avant l’âge de cinq ans. Le trouble développemental de la coordination survient plus fréquemment dans les situations d’exposition prénatale à l’alcool et chez les enfants prématurés et de faible poids à la naissance. Il touche plus souvent les garçons que les lles (ratio de 2:1 et de 7:1). Ce trouble se présente fréquemment en concomitance avec un autre trouble neurodéveloppemental, le TDA/H étant le plus fréquent. Des difcultés de gravités diverses perdurent à l’adolescence et à l’âge adulte. Quant aux mouvements stéréotypés, ils correspondent à des comportements moteurs répétitifs, souvent rythmiques et en apparence sans but. Le trouble commence à se manifester au cours des trois premières années de la vie. Il peut se présenter sans comportements d’automutilation (p. ex., des balancements du corps, des mouvements rapides des doigts, des battements des bras) ou être accompagné de gestes d’automutilation (p. ex., se frapper la tête de façon répétée,
se mordre). Le niveau de sévérité de ce trouble varie de léger à grave. Dans sa forme légère, les mouvements peuvent être supprimés par un stimulus sensoriel ou une distraction, tandis que dans sa forme grave, la prévention de blessures majeures nécessite une surveillance continue et des mesures de protection. Les mouvements stéréotypés peuvent être exacerbés par le stress, la fatigue ou l’ennui. Les personnes ayant un handicap intellectuel sont particulièrement à risque d’être atteintes de ce trouble, l’estimation de la prévalence dans ce groupe étant de 4 à 16 % (APA, 2015). Les tics font référence à des vocalisations ou à des mouvements soudains, rapides, involontaires et récurrents, mais non rythmiques (APA, 2015). Ils sont ressentis comme irrésistibles, mais certaines personnes parviennent à les supprimer durant une période variable. Ils sont généralement exacerbés par le stress, l’anxiété, l’ennui ou la fatigue et atténués au cours de périodes de loisirs lorsque l’enfant ou l’adolescent se concentre sur une tâche ou effectue une activité de relaxation. Ils diminuent souvent considérablement ou sont absents pendant le sommeil. Les tics peuvent être simples ou complexes. Par exemple, un tic moteur simple pourrait être le clignement des yeux, les mouvements brusques du cou et du corps, les haussements d’épaules, les grimaces et les étirements (durée en millisecondes). Des exemples de tics vocaux simples pourraient être le raclement de la gorge, le reniement, le claquement de langue, les cris stridents, le sifement, le grognement ou l’aboiement. Les tics moteurs complexes se différencient par une durée plus longue (quelques secondes). Ils peuvent sembler avoir un but, comme soigner son apparence, poser des gestes sexuels ou obscènes (copropraxie) ou imiter les mouvements des autres (échopraxie). Les tics vocaux complexes comprennent la répétition de syllabes ou de mots (palilalie), la répétition du dernier mot ou de la dernière phrase entendus (écholalie) et la répétition de mots socialement inacceptables comme des obscénités ou des jurons (coprolalie). Le DSM-5 décrit quatre catégories diagnostiques de tics, classées par ordre hiérarchique de la façon suivante : le syndrome de Gilles de la Tourette, les tics moteurs ou vocaux persistants (chroniques), les tics provisoires et les autres tics (spéciés et non spéciés) ENCADRÉ 25.4.
25
Ces quatre catégories se distinguent selon la présence des tics moteurs ou vocaux. Le syndrome de Gilles de la Tourette est caractérisé par la présence répétitive et quotidienne de tics moteurs multiples accompagnés de tics vocaux involontaires. Les tics moteurs ou vocaux persistants (chroniques) sont dénis par la présence de tics moteurs ou vocaux, mais non des deux à la fois. La fréquence des tics pour ces deux diagnostics, soit le syndrome de Chapitre 25
Enfants et adolescents
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Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 25.4
Syndrome de Gilles de la Tourette
A. Présence de tics moteurs multiples et d’un ou de plusieurs tics vocaux, à un moment quelconque au cours de l’évolution de la maladie mais pas nécessairement de façon simultanée. B. La fréquence des tics peut croître et décroître mais ils persistent depuis plus d’une année après leur première apparition.
C. Le début est avant l’âge de 18 ans. D. La perturbation n’est pas imputable aux effets physiologiques d’une substance (p. ex., cocaïne) ou à une autre affection médicale (p. ex., maladie de Huntington, encéphalite virale).
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association, DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
Gilles de la Tourette et les tics moteurs ou vocaux persistants (chroniques), peut croître et décroître, mais les tics sont présents durant au moins une année. Dans le cas des tics provisoires, les tics moteurs et vocaux peuvent être présents, mais sans remplir les critères du syndrome de Gilles de la Tourette, ni ceux du diagnostic de tics moteurs ou verbaux persistants (chroniques) (p. ex., la présence de tics, mais depuis moins de un an). Le syndrome de Gilles de la Tourette touche environ de 3 à 8 enfants d’âge scolaire sur 1 000 et 1 ou 2 adultes sur 10 000. Le trouble est environ deux fois plus fréquent chez les garçons que chez les filles. Les autres troubles associés à ce syndrome sont le TDA/H, le trouble obsessionnel-compulsif et le trouble spécique des apprentissages (Association québécoise du syndrome de la Tourette [AQST], 2004). Il est souvent lié à un trouble neurologique génétique. Cependant, d’autres facteurs peuvent être en cause, comme un trauma craniocérébral, un empoisonnement au monoxyde de carbone ainsi que des complications pendant la grossesse. La faible estime de soi représente une manifestation psychologique inquiétante liée au syndrome de Gilles de la Tourette. De plus, les problèmes d’apprentissage (p. ex., la dyslexie) sont courants chez les personnes aux prises avec ce syndrome. Les enfants et les adolescents atteints peuvent être gênés par leurs tics et par leurs problèmes d’apprentissage. Ces derniers se révèlent très souvent handicapants au quotidien. Les symptômes associés fréquemment rapportés sont un inconfort social et un rejet de la part des autres, qui troublent le fonctionnement social, scolaire et professionnel de la personne. Dans les cas graves, les tics entravent les AVQ (p. ex., la lecture, l’alimentation) ou entraînent des complications médicales. Le syndrome de Gilles de la Tourette peut débuter dès l’âge de deux ans, mais il se manifeste
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Partie 5
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
généralement durant l’enfance ou au début de l’adolescence. Les symptômes vont généralement s’aggraver et se complexifier (apparition des tics complexes) au moment de l’adolescence, soit entre l’âge de 11 et 13 ans, mais ont tendance à diminuer chez les jeunes adultes. À la n de l’adolescence, de 8 à 30 % des jeunes atteints connaîtront des périodes complètes de rétablissement, alors que 30 % verront une diminution importante de leurs symptômes. De plus, à l’âge adulte, la personne atteinte apprend à mieux contrôler son environnement et peut plus facilement modier ses tics pour les rendre plus acceptables et moins apparents (AQST, 2004).
25.3
Troubles liés à des traumatismes ou à des facteurs de stress
Les troubles liés à des traumatismes ou à des facteurs de stress comprennent le trouble réactionnel de l’attachement, la désinhibition du contact social, le trouble de stress post-traumatique, le trouble de stress aigu et les troubles de l’adaptation. Les deux premiers de ces diagnostics, puisqu’ils concernent plus spéciquement les enfants, sont présentés plus en détail dans ce chapitre.
25.3.1
Trouble réactionnel de l’attachement
Le trouble réactionnel de l’attachement chez l’enfant est caractérisé par un comportement inhibé et un retrait émotionnel. Les liens d’attachement entre l’enfant et les adultes censés s’occuper de lui sont inexistants ou très faibles. L’enfant recherche peu ou rarement du réconfort lorsqu’il est en difculté, et il répond faiblement au réconfort que lui fournit une gure d’attachement. L’enfant est incapable d’avoir des interactions sociales correspondant à son niveau de développement : peu de réactivité à autrui ou d’affects positifs, épisodes inexpliqués d’irritabilité, de tristesse ou de peur même lorsque des adultes bienveillants prennent soin de lui. Parmi les critères descriptifs de ce trouble gurent une insufsance extrême de soins dans un contexte de négligence ou de privation sociale ou des conditions empêchant la possibilité d’établir des liens d’attachement stables. La prévalence du trouble, bien que mal connue, s’avère peu élevée, puisque seulement 10 % des enfants ayant vécu des négligences graves en souffriraient. Ce trouble est observable avant l’âge de cinq ans. Souvent, la personne qui prend soin de l’enfant l’emmène chez le pédiatre et rapporte des problèmes de coliques graves, des difficultés alimen taires, de l’incapacité à prendre du poids, des
comportements détachés ou non réactionnels, des difcultés à se laisser réconforter ou l’évitement des interactions sociales (Roy, Lubit, MaldonadoDurán et al., 2006). Le pronostic semble dépendre des mesures de récupération mises en place dans un environnement de soins adéquat (APA, 2015). ENCADRÉ 25.5.
25.3.3
25.3.2
Le DSM-5 a établi une liste de critères du trouble de stress post-traumatique qui s’appliquent aux enfants âgés de plus de six ans, aux adolescents et aux adultes. Cette liste est reprise et adaptée pour les enfants âgés de six ans et moins. Les symptômes de réviviscence chez ces derniers se manifestent surtout par le jeu. Plutôt que des manifestations de peur, les enfants et Félix Simpson est âgé de quatre ans. Le conjoint de les adolescents peuvent présensa mère, qui n’est pas son père biologique, a un ter différents changements tels caractère violent, et il gronde souvent l’enfant sans que l’évitement, c’est-à-dire raison. Il lui parle fort et le traite d’imbécile ou préférer ne pas participer à de d’arriéré mental. La mère se tait, ayant peur que nouvelles activités attrayantes son conjoint la quitte. Félix se fait souvent garder, et sources d’épanouissement. chaque fois par des personnes différentes. Même Ils peuvent être préoccupés si elles lui sont inconnues, Félix accourt au-devant pour des choses qui rappellent d’elles, leur sourit, leur prend la main et les suit le traumatisme, présenter des dans leurs déplacements ; ce scénario se répète modications de l’humeur ou avec chaque nouvelle gardienne. Quel type de rechercher des sensations fortes trouble lié à des traumatismes ou à des facteurs dans des comportements à haut de stress Félix présente-t-il ? risque.
Tout comme pour le trouble réactionnel de l’attachement, les carences concernant les besoins émotionnels élémentaires de réconfort et d’affection font partie des critères décrivant la désinhibition du contact social. Par contre, au lieu de présenter des comportements de retrait, l’enfant n’a pas la notion des limites appropriées lorsqu’il s’approche d’un étranger ou qu’il interagit avec lui. Ces enfants ont des comportements exagérément familiers et peuvent chercher du réconfort auprès d’adultes inconnus ; par exemple, ils peuvent courir vers des étrangers dans un endroit public, les serrer dans leurs bras et les suivre sans hésitation. Ils peuvent également ressentir de la détresse lorsqu’ils sont séparés de personnes inconnues (Boris, Zeanah & Work Group on Quality Issues, 2005) Les enfants peuvent apprendre à développer un attachement émotionnel sain s’ils sont placés dans un milieu stable stimulant et aimant et s’ils reçoivent le traitement nécessaire (Roy et al., 2006).
Le trouble de stress post-traumatique était classé, dans le DSM-IV, dans le chapitre portant sur les troubles anxieux. Dans le DSM-5, il est situé dans le nouveau chapitre « Troubles liés à des traumatismes ou à des facteurs de stress » 10 .
10 Le trouble de stress post-traumatique est expliqué dans le chapitre 10, Troubles liés aux traumatismes et aux facteurs de stress.
clinique
Jugement
Désinhibition du contact social
Trouble de stress post-traumatique
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 25.5
Trouble réactionnel de l’attachement
A. Mode relationnel durable vis-à-vis des adultes qui prennent soin de l’enfant, caractérisé par un comportement inhibé et un retrait émotionnel, comme en témoignent les deux éléments suivants : 1. L’enfant cherche rarement ou imperceptiblement le réconfort quand il est en détresse. 2. L’enfant répond rarement ou imperceptiblement au réconfort quand il est en détresse. B. Perturbation sociale et émotionnelle persistante caractérisée par au moins deux des éléments suivants : 1. Diminution de la réactivité sociale et émotionnelle à autrui. 2. Affects positifs restreints. 3. Épisodes inexpliqués d’irritabilité, de tristesse ou de craintes qui sont évidents même lors d’interactions non menaçantes avec les adultes qui prennent soin de l’enfant. C. L’enfant a vécu des formes extrêmes d’insufsance de soins comme en témoigne au moins un des éléments suivants : 1. Négligence ou privation sociale caractérisée par une carence chronique des besoins émotionnels élémentaires concernant le réconfort, la stimulation et l’affection de la part des adultes prenant soin de l’enfant.
2. Changements répétés des personnes qui s’occupent principalement de l’enfant, limitant les possibilités d’établir des attachements stables (p. ex., changements fréquents de famille d’accueil). 3. Éducation dans des conditions inhabituelles qui limitent sévèrement les possibilités d’établir des attachements sélectifs (p. ex., institutions comprenant un nombre élevé d’enfants par rapport au nombre d’adultes). D. Le manque de soins décrit dans le critère C est considéré comme étant à l’origine des comportements perturbés décrits dans le critère A (p. ex., les perturbations décrites dans le critère A ont débuté après le manque de soins adéquats décrits dans le critère C). E. Les critères ne répondent pas à un trouble du spectre de l’autisme. F. Le trouble est évident avant l’âge de 5 ans. G. L’âge de développement de l’enfant est d’au moins 9 mois. Spécier si : Chronique : le trouble est présent depuis plus de 12 mois. Spécier la sévérité actuelle : Le trouble réactionnel de l’attachement est spécié grave quand l’enfant présente tous les symptômes du trouble, chaque symptôme s’exprimant à des niveaux relativement élevés.
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association, DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved. Chapitre 25
Enfants et adolescents
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25
12 Les troubles anxieux sont expliqués dans le cha pitre 12, Troubles anxieux, trouble obsessionnelcompulsif et troubles apparentés.
Dans un échantillon prélevé dans la commu nauté, plus de 40 % des jeunes avaient été exposés à au moins un traumatisme majeur avant l’âge de 18 ans, et 6 % d’entre eux correspondaient aux critères relatifs au diagnostic de trouble de stress posttraumatique permanent (Cohen & Work Group on Quality Issues, 1998). Les manifestations de l’anxiété variaient selon les étapes du développe ment. Les enfants de moins de cinq ans pré sentaient les manifestations suivantes : ils s’accrochaient à leurs parents, pleuraient de façon excessive et se mettaient en retrait. Les enfants âgés de 6 à 11 ans présentaient des comportements perturbateurs, avaient des difcultés d’attention, faisaient des crises bruyantes, éprouvaient des dif cultés scolaires, un sentiment de dépression et d’anxiété et formulaient des plaintes somatiques. Les adolescents avaient des ashs-back, un émous sement émotionnel, des problèmes de sommeil ou de consommation de substances psychoactives, adoptaient des comportements à risque, entrete naient des pensées suicidaires et se sentaient iso lés. Une catastrophe naturelle, la séparation des parents, une préoccupation continuelle de la mère concernant l’événement ainsi qu’une altération du fonctionnement familial constituaient de meilleurs prédicateurs de l’apparition de symptômes que la seule exposition au traumatisme (Cohen & Work Group on Quality Issues, 1998).
25.4
CE QU’IL FAUT RETENIR
Non traités, les troubles anxieux tendent à persister à l’âge adulte.
690
Partie 5
Troubles anxieux
Les troubles anxieux sont les troubles mentaux les plus courants chez les enfants et les adoles cents, chez qui la prévalence annuelle du trouble est estimée à 6,4 % (Boyle & Georgiades, 2010). Outre la vulnérabilité génétique, les facteurs de risque d’apparition de troubles anxieux chez les enfants sont les suivants : le tempérament (p. ex., l’inhibition comportementale), la tendance à vivre des émotions négatives, les événements traumatisants (p. ex., la mort ou la maladie d’un membre de la famille, le divorce des parents, l’im migration, la maltraitance, des sévices physiques ou sexuels) et la surprotection parentale. Chez l’adolescent, il pourrait s’agir du départ de la maison parentale, d’une première relation amou reuse. Non traités, les troubles anxieux tendent à persister à l’âge adulte. Les facteurs prédisant un meilleur pronostic chez les enfants et les ado lescents ayant reçu un diagnostic de troubles anxieux sont la capacité de continuer à fréquenter l’école, une apparition tardive des symptômes, la durée de la maladie et l’absence d’un autre diagnostic psychiatrique (Sadock et al., 2014). Parmi les différents troubles anxieux décrits par le DSM5, l’anxiété de séparation et le mutisme sélectif touchent spéciquement les enfants. Les
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
autres troubles anxieux sont la phobie spécique, l’anxiété sociale, le trouble panique, l’agorapho bie et l’anxiété généralisée 12 .
25.4.1
Anxiété de séparation
Aux ÉtatsUnis, la prévalence de l’anxiété de sépa ration sur une période de 6 à 12 mois atteint envi ron 4 % chez les enfants et 1,6 % chez les adolescents (APA, 2015). Aussi fréquent chez les garçons que chez les lles, ce trouble est le plus courant des troubles anxieux chez les enfants de moins de 12 ans. L’anxiété de séparation apparaît souvent après un événement stressant (p. ex., la mort d’un proche ou d’un animal de compagnie, la maladie d’un enfant ou d’un parent) ou un chan gement important dans l’environnement (p. ex., un déménagement). Le facteur héréditaire l’ex plique en partie, et la surprotection des parents peut y être associée. Ce trouble comprend différentes manifesta tions, dont une détresse excessive et récurrente dans les situations réelles ou anticipées de sépa ration, des inquiétudes démesurées concernant la disparition des gures d’attachement, la possibi lité d’un malheur (accident, maladie) entraînant la séparation, la peur de s’éloigner de la maison ou de rester seul. Ainsi, l’enfant peut refuser d’al ler à l’école, de faire des activités parascolaires ou de participer à des camps. Cette anxiété dépasse largement en intensité celle associée au stade de développement de l’enfant et entrave ses activités sociales, scolaires et familiales ENCADRÉ 25.6. Le refus d’aller à l’école entraîne des difcultés sco laires, empirant ainsi la situation par l’ajout du problème d’évitement des amis. Le refus d’aller à l’école se produit chez environ 5 % de tous les enfants d’âge scolaire, principalement entre 5 et 6 ans et entre 10 et 11 ans (King, 2001). L’heure du coucher est difcile, l’enfant insiste pour que le parent reste avec lui jusqu’à ce qu’il s’endorme. La nuit, l’enfant tente souvent de dor mir dans le lit de ses parents ou d’autres personnes signicatives. Certains vont parfois dormir devant la porte de la chambre des parents. Les cauche mars contiennent souvent des éléments des peurs des enfants, comme la mort des membres de la famille à cause du feu, d’un meurtre ou d’une autre catastrophe. L’enfant peut également formuler des plaintes psychosomatiques et manifester d’autres symp tômes d’angoisse, comme des maux de ventre, des maux de tête, des nausées ou des vomissements, ou des palpitations, des accélérations cardiaques, des étourdissements, ou des évanouissements chez les enfants plus âgés. Ces plaintes somatiques peuvent entraîner de nombreuses visites chez le médecin ainsi que des interventions médicales subséquentes.
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 25.6
Anxiété de séparation
A. Peur ou anxiété excessives et inappropriées au stade du développement concernant la séparation d’avec les personnes auxquelles le sujet est attaché, comme en témoigne la présence d’au moins trois des manifestations suivantes : 1. Détresse excessive et récurrente dans les situations de séparation d’avec la maison ou les principales gures d’attachement ou en anticipation de telles situations. 2. Soucis excessifs et persistants concernant la disparition des principales gures d’attachement ou un malheur pouvant leur arriver, tel qu’une maladie, un accident, une catastrophe ou la mort. 3. Soucis excessifs et persistants qu’un événement malheureux (p. ex., se retrouver perdu, être kidnappé, avoir un accident, tomber malade) vienne séparer le sujet de ses principales gures d’attachement. 4. Réticence persistante ou refus de sortir, loin de la maison, pour aller à l’école, travailler ou ailleurs, en raison de la peur de la séparation. 5. Appréhension ou réticence excessive et persistante à rester seul ou sans l’une des principales gures d’attachement à la maison, ou bien dans d’autres environnements. 6. Réticence persistante ou refus de dormir en dehors de la maison ou d’aller dormir sans être à proximité de l’une des principales gures d’attachement.
7. Cauchemars répétés à thèmes de séparation. 8. Plaintes somatiques répétées (p. ex., céphalées, douleurs abdomi nales, nausées, vomissements) lors des séparations d’avec les principales gures d’attachement, ou en anticipation de telles situations. B. La peur, l’anxiété ou l’évitement persistent pendant au moins 4 semaines chez les enfants et les adolescents et typiquement pendant 6 mois ou plus chez les adultes. C. Le trouble entraîne une détresse cliniquement signicative ou une altération du fonctionnement social, scolaire, professionnel ou dans d’autres domaines importants. D. Le trouble n’est pas mieux expliqué par un autre trouble mental, tel que le refus de quitter la maison du fait d’une résistance excessive au changement dans le trouble du spectre de l’autisme, les idées délirantes ou les hallucinations concernant la séparation dans les troubles psychotiques, le refus de sortir sans une personne de conance dans l’agoraphobie, les soucis à propos de problèmes de santé ou autres malheurs pouvant arriver à des personnes proches dans l’anxiété généralisée ou les préoccupations d’avoir une maladie dans la crainte excessive d’avoir une maladie.
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association, DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
De plus, ces enfants sont souvent préoccupés, que ce soit pour eux-mêmes ou leur famille. Leurs craintes se manifestent par la peur des animaux, des monstres, du noir, des agresseurs, des voleurs, des accidents, des voyages en train ou en avion ainsi que par la peur de mourir. Ces enfants expérimentent des changements d’humeur ; ils s’inquiètent, par exemple, du fait que personne ne les aime et, en conséquence, ils veulent mourir ; ou ils manifestent une colère brusque et inhabituelle lorsque quelqu’un tente de les séparer de leurs parents. Dans le DSM-5, ce trouble est présenté avec les troubles anxieux puisqu’il peut persister de l’enfance à l’âge adulte et que dans certains cas, même si cela est encore très controversé, il pourrait apparaître à l’âge adulte (Katz, Stein & Sareen, 2013).
d’autres troubles mentaux, plus particulièrement le trouble d’anxiété généralisée et la phobie spécifique chez les enfants. Les enfants qui fréquentent l’école, qui pratiquent des activités parascolaires et dont les relations avec les pairs et les parents sont saines ont un meilleur pronostic que les autres (Sadock et al., 2014). À l’âge adulte, il est fréquent que la phobie simple, le trouble de stress post-traumatique, le trouble panique, l’anxiété généralisée, l’agoraphobie, le trouble obsessionnel-compulsif, les troubles de la personnalité, les troubles dépressifs, bipolaires et apparentés soient concomitants (APA, 2015).
Le diagnostic exige que le trouble persiste pendant une période d’au moins 4 semaines et qu’il ait commencé avant l’âge de 18 ans (APA, 2015). Ce trouble présente des phases d’accentuation et des périodes de rétablissement. Les manifestations de l’anxiété de séparation varient avec l’âge. Toutefois, l’anxiété de séparation et certains comportements d’évitement peuvent persister durant des années.
Un enfant qui présente un mutisme sélectif est incapable de parler dans des situations sociales précises, dans lesquelles il est censé s’exprimer (p. ex., à l’école, avec les grands-parents, les cousins, les amis), alors qu’il parle dans d’autres situations (APA, 2015). Ces enfants n’engagent pas les échanges verbaux et ne répondent pas à ceux qui
Le pronostic dépend généralement de l’âge de l’apparition des symptômes, de la durée et de la coexistence d’autres troubles. Ainsi, les comorbidités ne sont pas inhabituelles et comprennent
Mutisme sélectif
clinique
Jugement
25.4.2
Anne-Élise Boulerice est une enfant unique âgée de trois ans. Ses parents disent qu’elle aime beaucoup regarder des photos d’animaux et que, même en présence d’autres enfants, elle joue plutôt seule. Lorsqu’ils sortent et qu’ils la font garder, Anne-Élise refuse de manger et pleure silencieusement. La gardienne rapporte que la petite a même déchiré quelques photos qu’elle aime tant et qu’au moment du coucher, elle demande incessamment à quel moment ses parents reviendront. Un trouble d’anxiété de séparation doit-il être suspecté chez la llette ? Justiez votre réponse.
Chapitre 25
Enfants et adolescents
691
25
essaient d’en amorcer, et ce, malgré des capacités de langage normales. Par contre, ils peuvent parler à la maison avec les membres de leur famille. Ils ont tendance à manifester, entre autres caractéristiques, une timidité excessive, un attachement démesuré, du négativisme, des crises de colère. Presque toujours, ces enfants ont un autre trouble anxieux. Plutôt rare, la prévalence à un temps donné varie de 0,03 à 1 %, et le trouble débute généralement avant l’âge de 5 ans. L’inhibition sociale des parents, la surprotection parentale, de même que des facteurs génétiques pourraient être liés au trouble. L’évolution du mutisme sélectif demeure peu connue, outre les altérations qui en découlent dans la vie sociale et scolaire.
25.4.3
CE QU’IL FAUT RETENIR
L’anxiété sociale ne peut être diagnostiquée chez l’enfant que si l’anxiété survient en présence d’autres enfants et non seulement d’adultes.
12 Le trouble obsessionnelcompulsif est expliqué en détail dans le chapitre 12, Troubles anxieux, trouble obsessionnel-compulsif et troubles apparentés.
éactivation des connaissances Nommez trois principaux changements d’ordre physique chez l’adolescent et l’adolescente.
692
Partie 5
Autres troubles anxieux
La prévalence de la phobie spécique est estimée à environ 5 % chez les enfants et à 16 % chez les adolescents (APA, 2015). Le trouble se développe généralement avant l’âge de 10 ans. La phobie spécique chez l’enfant doit être différenciée des peurs communes chez les jeunes enfants. Le trouble est évalué en fonction du degré de handicap, de la durée de la peur, de l’anxiété et de l’évitement, ainsi que du stade du développement de l’enfant. La surprotection parentale, la perte ou la séparation parentale, la violence et l’abus sexuel, une expérience traumatique avec le stimulus phobogène, ainsi que la vulnérabilité psychologique spécique font partie des facteurs de risque. L’anxiété sociale ne peut être diagnostiquée chez l’enfant que si l’anxiété survient en présence d’autres enfants et non seulement d’adultes (APA, 2015). L’anxiété peut se manifester par des pleurs, des accès de colère, le retrait ou le silence. La prévalence sur 12 mois de ce trouble est similaire chez les enfants, les adolescents et les adultes ; elle se situe autour de 0,5 à 2 %. Chez 75 % des personnes atteintes, l’anxiété sociale débute entre l’âge de 8 et 15 ans. Le trouble commence parfois durant la petite enfance. Les difcultés psychosociales au cours de l’enfance et la vulnérabilité génétique prédisposent à ce trouble. L’anxiété sociale est associée à un taux élevé d’abandon scolaire. À l’adolescence, l’évitement peut compromettre l’engagement dans des relations amoureuses. Le trouble panique chez les enfants est très rare. Généralement, il apparaît vers l’âge de 20 à 24 ans (APA, 2015). Ce trouble, chez les adolescents ou les adultes, tend à évoluer de façon chronique. Une comorbidité avec d’autres troubles anxieux, dépressifs ou bipolaires est fréquente. De même, l’agoraphobie demeure rare chez l’enfant, l’âge moyen de son apparition étant de 17 ans. Le trouble évolue habituellement de façon chronique.
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
Quant à l’anxiété généralisée, elle apparaît généralement plus tard, soit autour de 30 ans, rarement à l’enfance (APA, 2015). La prévalence sur 12 mois est de 0,9 % chez les adolescents. Le contenu des inquiétudes étant congruent avec l’âge, les préoccupations ont trait aux performances scolaires et sportives. L’enfant ou l’adolescent tend à être excessivement perfectionniste, conformiste, peu sûr de lui-même, rarement satisfait de ses performances et à la recherche exagérée d’approbation et de rassurance. Les symptômes de l’anxiété généralisée uctuent au cours de la vie, mais ils évoluent le plus souvent de façon chronique.
25.5
Troubles obsessionnelscompulsifs
Le chapitre portant sur les troubles obsessionnels-compulsifs et les troubles apparentés est un nouveau chapitre du DSM-5. Ce trouble apparaît dans 25 % des cas vers l’âge de 14 ans (APA, 2015), avec un début plus précoce chez les garçons, soit avant l’âge de 10 ans pour le quart d’entre eux. Bien que ce trouble tende à évoluer de façon chronique, 40 % des enfants ou des adolescents atteints ont une rémission au début de l’âge adulte. Le contenu des obsessions et des compulsions est associé au stade du développement. Ainsi, les enfants sont plus enclins à présenter des obsessions de malheurs à soi ou aux autres, tandis que les adolescents sont davantage envahis par des obsessions à thèmes sexuels ou religieux. Outre la détresse cliniquement signicative, les obsessions et les compulsions peuvent entraîner des problèmes de développement et des difcultés d’ordre relationnel 12 . L’obsession d’une dysmorphie corporelle est caractérisée par « la préoccupation concernant une ou plusieurs imperfections ou défauts perçus dans son apparence physique, qui ne sont pas apparents ou qui semblent mineurs pour autrui » (APA, 2015, p. 284). Ces préoccupations non désirées sont difcilement contrôlées. Elles peuvent occuper en moyenne de trois à huit heures par jour. Ce trouble apparaît le plus souvent vers l’âge de 12 ou 13 ans, avant 18 ans dans les deux tiers des cas. Il se manifeste par des vérications fréquentes dans le miroir, des soins personnels excessifs, des tentatives exagérées de camouage par divers moyens (p. ex., des vêtements, du maquillage, les cheveux, un bronzage). L’exercice physique excessif et le recours à la chirurgie plastique sont courants. La précision « avec dysmorphie musculaire » doit être spéciée, le cas échéant. Cette forme d’obsession atteint presque exclusivement les hommes. Il s’agit de l’idée d’être de constitution trop petite ou pas assez musclée, alors que la
personne a un corps d’apparence normale ou même très musclé. Il s’ensuit des régimes, des exercices physiques exagérés, la pratique excessive de l’haltérophilie, l’utilisation de substances telles que les stéroïdes anabolisants androgènes. Chez les enfants et les adolescents, l’obsession d’une dysmorphie corporelle est associée à des taux accrus d’idéations suicidaires et de tentatives de suicide. La thésaurisation pathologique (syllogomanie), soit la « difculté persistante à jeter ou à se séparer de certains objets, indépendamment de leur valeur réelle » (APA, 2015, p. 290), peut émerger vers l’âge de 11 à 15 ans. Par contre, l’impact sur le fonctionnement quotidien survient surtout dans la trentaine. La trichotillomanie (arrachage compulsif de ses propres cheveux) et la dermatillomanie (triturage pathologique de la peau) apparaissent généralement avec la puberté (APA, 2015). L’évolution de ces troubles connaît des hauts et des bas.
25. 6
Troubles dépressifs
Le DSM-5 inclut, dans le chapitre consacré aux troubles dépressifs, le trouble disruptif avec dysrégulation émotionnelle, le trouble dépressif caractérisé (appelé trouble dépressif majeur dans le DSM-IV), le trouble dépressif persistant (dysthymie), le trouble dysphorique prémenstruel, le trouble dépressif induit par une substance/un médicament, le trouble dépressif dû à une autre affection médicale, le trouble dépressif autre spécié et le trouble dépressif autre non spécié.
25.6.1
Trouble disruptif avec dysrégulation émotionnelle
Le trouble disruptif avec dysrégulation émotionnelle est un nouveau diagnostic introduit dans le DSM-5. Globalement, sur une période de 6 à 12 mois, la prévalence de ce trouble est estimée à de 2 à 5 %, les garçons étant plus nombreux à être touchés que les lles. Le diagnostic ne peut être porté chez un enfant de moins de 6 ans ou chez une personne de plus de 18 ans, et il doit émerger avant l’âge de 10 ans. Ce trouble est caractérisé par des « crises de colère sévères récurrentes se manifestant verbalement (p. ex., accès de fureur verbale) et/ou dans le comportement (p. ex., agressivité physique envers des personnes ou des objets) qui sont nettement hors de proportion en intensité et en durée avec la situation ou la provocation » (APA, 2015, p. 182). Ces crises ne correspondent pas au stade de développement de l’enfant. Elles sont fréquentes, à raison de trois fois par semaine ou plus. Entre les crises, l’humeur de l’enfant demeure irritable ou colérique la plupart du temps. Les manifestations de ce trouble
perturbent les relations de l’enfant avec les autres et compromettent rudement la réussite scolaire. La comorbidité dans ce trouble est extrêmement élevée. Les risques d’être atteints de dépression ou de troubles anxieux sont accrus chez ces enfants.
25.6.2
Trouble dépressif caractérisé et trouble dépressif persistant (dysthymie)
Chez les enfants et les adolescents, la dépression a tendance à être épisodique et peut rester silencieuse pendant un certain temps. Les premiers symptômes comprennent une diminution du fonctionnement scolaire, une dégradation des relations avec les pairs et le retrait des activités parascolaires 11 .
11 Les troubles dépressifs sont décrits dans le chapitre 11, Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés.
La prévalence annuelle des troubles dépressifs chez les enfants et chez les adolescents à partir d’enquêtes populationnelles canadiennes et américaines est estimée à 3,5 %. Les enfants dont au moins l’un des parents est déprimé ont trois fois plus de risques de souffrir de dépression ENCADRÉ 25.7. Le trouble dépressif chez les adolescents est souvent atypique puisque les symptômes diffèrent de ceux présents chez l’adulte. Très souvent, l’adolescent, au lieu de ressentir un affect dysphorique et de la tristesse, démontre un affect irritable ainsi qu’une sensibilité excessive. Il peut se fâcher ou se renfermer sur lui-même à la moindre situation. Malgré la perte marquée pour ses champs d’intérêt, il en conserve parfois un ou deux pour arriver à continuer à vivre. Alors que l’adulte dépressif se mobilise difcilement, un adolescent dans un état similaire peut se remobiliser rapidement, par exemple, au moment de la visite d’un ami. Cependant, cela est de courte durée, et dès que l’ami est parti, il redevient apathique. Aussi, au lieu
Trouble dépressif persistant (dysthymie) : « Humeur dépressive présente quasiment toute la journée, plus d’un jour sur deux, signalée par la personne ou observée par les autres, pendant au moins 2 ans. Chez les enfants et adolescents, l’humeur peut être irritable et la durée doit être d’au moins 1 an. » (APA, 2015, p. 197).
Symptômes cliniques ENCADRÉ 25.7
Dépression chez les adolescents
• Colère et agressivité, surtout chez les garçons
• Pauvres stratégies de résolution de problèmes
• Faible estime de soi, autocritique élevée et pessimisme extrême, surtout chez les lles
• Grand stress provoqué par les relations intimes
• Anxiété • Pensée confuse et dysfonctionnelle
• Comportements antisociaux, surtout chez les garçons
• Humeur irritable
• Troubles du sommeil
• Activités réduites pour cause de maladies ou de blessures physiques
• Perte ou gain de poids
25
Source : Adapté de Richards & Perri (2002). Chapitre 25
Enfants et adolescents
693
de faire de l’insomnie, l’adolescent aura tendance à faire de l’hypersomnolence (Bedwani, 2011).
CE QU’IL FAUT RETENIR
Le trouble dépressif chez les adolescents est souvent atypique, et les symptômes diffèrent de ceux présents chez l’adulte. Alors que l’adulte dépressif se mobilise difcilement, un adolescent dépressif peut se remobiliser rapidement pour une courte durée, et il redevient apathique par la suite.
D’autres problèmes accompagnent souvent les troubles dépressifs, dont le plus fréquent est l’anxiété. En effet, les jeunes atteints d’un trouble dépressif sont huit fois plus à risque de présenter un trouble anxieux. Par ailleurs, ils ont 5,5 fois plus de risque d’être atteints de TDA/H. De plus, la fréquence des troubles dépressifs est de 47,9 % chez les adolescents qui consomment des drogues et de l’alcool comparativement à 20 % chez ceux qui n’en prennent pas (Cheng & Myers, 2011). L’adolescent dépressif est souvent traité en dehors du milieu hospitalier. L’hospitalisation devient nécessaire lorsqu’il présente un risque suicidaire, quand la situation psychologique rend impossible l’application du traitement ou lorsque l’adolescent est incapable de subvenir à ses besoins.
25.7
11 Le trouble bipolaire est présenté dans le chapitre 11, Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés.
Trouble bipolaire
Dans le DSM-5, le trouble bipolaire est classé dans le chapitre portant sur les troubles bipolaires et apparentés, qui comprend les catégories de diagnostic suivantes : le trouble bipolaire de type I, le trouble bipolaire de type II, le trouble cyclothymique, ainsi que le trouble bipolaire ou apparenté induit par une substance/un médicament, dû à une autre affection médicale, ou encore spécié ou non spécié 11 . L’incidence du diagnostic de trouble bipolaire a augmenté chez les enfants et les adolescents (Statistique Canada, 2004). À cause du chevauchement des symptômes, le diagnostic du trouble bipolaire d’apparition précoce est souvent difcile à établir de façon indéniable par les professionnels de la santé. L’épisode de manie peut ressembler au symptôme d’hyperactivité dans le TDA/H. Il s’avère difficile, même pour un clinicien
TABLEAU 25.1
chevronné, de différencier les symptômes de l’épisode de manie dans le trouble bipolaire du symptôme d’hyperactivité dans le TDA/H TABLEAU 25.1. Les symptômes dépressifs que manifeste l’enfant ou l’adolescent pourraient indiquer qu’il s’agit d’un trouble dépressif caractérisé. Environ 30 % des adolescents atteints d’une dépression caractérisée souffriront du trouble bipolaire dans leur vie (Gagnon et al ., 2001). Le trouble bipolaire de type I peut se manifester à tous les âges, mais il survient le plus souvent vers 18 ans. Le trouble bipolaire de type II apparaît habituellement plus tardivement, soit dans la trentaine. Les symptômes du trouble cyclothymique peuvent se manifester chez les enfants, surtout vers l’âge de six ans environ, mais le trouble s’installe habituellement à l’adolescence ou à l’âge adulte (APA, 2015). Les enfants présentent souvent des symptômes atypiques qui sont particulièrement labiles et irréguliers. Ils se montrent irritables, agressifs ou les deux à la fois, plutôt qu’euphoriques. La jovialité, la joie, l’énergie, le niveau d’activité et les bêtises s’accroissent. De façon inhabituelle, les enfants peuvent surestimer leurs talents, leur intelligence. Des idées de grandeur peuvent les amener à penser qu’ils deviendront des vedettes ou des génies alors qu’ils échouent à l’école. Les enfants ou les adolescents peuvent entreprendre plusieurs tâches ou projets complexes et irréalistes en même temps. Ils réagissent souvent exagérément à des perturbations minimes de leur environnement. Leur comportement téméraire les conduit souvent à l’échec scolaire, à s’impliquer dans des bagarres et des jeux dangereux parce qu’ils sont convaincus d’être au-dessus de tout danger. Ils peuvent également avoir des activités sexuelles inappropriées (faire des avances à des enseignants ou formuler des remarques indécentes aux camarades). Les jeunes ayant reçu un diagnostic de trouble bipolaire sont plus susceptibles d’avoir des épisodes
Comparaison du trouble bipolaire et du trouble de décit de l’attention/hyperactivité
TROUBLE BIPOLAIRE
TROUBLE DE DÉFICIT DE L’ATTENTION/HYPERACTIVITÉ
• Symptômes apparaissant après l’âge de sept ans • Symptômes cycliques
• Hyperactivité avant l’âge de sept ans (c’est-à-dire depuis que l’enfant a commencé à marcher)
• Loquacité et débit tendu
• Symptômes toujours présents
• Extrême irritabilité et agressivité incontrôlable
• Loquacité, mais débit non tendu
• Modication de l’humeur, de la cognition et du comportement (p. ex., des pleurs, l’autoritarisme ou l’effronterie ; une augmentation de l’estime de soi ; l’enfant pense qu’il a des talents spéciaux et qu’il est plus important que les autres)
• Irritabilité et agressivité moins extrêmes
• Distraction et agitation accrues par rapport au niveau normal Source : Adapté de Stokowski (2009).
694
Partie 5
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
• Constance de l’humeur • Distraction invariablement présente • Cognition non affectée (à moins que la distraction ne nuise à l’écoute)
cycliques rapides ou maniaque (hypomaniaque) avec caractéristiques mixtes et présentent un risque plus élevé de suicide. Ces symptômes sont différents des phénomènes courants observés chez les enfants, comme la vantardise, les jeux imaginaires, l’hyperactivité (McClellan, Kowatch, Findling et al., 1997). Les enfants et les adolescents ont de moins bons résultats si le problème se manifeste tôt dans la vie ou si leurs problèmes durent plus longtemps, s’ils appartiennent à un groupe socioéconomique défavorisé ou s’ils manifestent également des symptômes psychotiques (Birmaher, Axelson, Strober et al., 2006).
25.8
Spectre de la schizophrénie
La schizophrénie est rare chez les enfants. Selon les estimations, 1 enfant sur 10 000 souffre de schizophrénie, alors que les adolescents sont 50 fois plus susceptibles d’en être atteints, ce qui porte les chiffres à 2 jeunes sur 1 000 (Sadock et al., 2014). La survenue avant l’âge de 13 ans (c.-à-d. une apparition très précoce) est la plupart du temps insidieuse et se manifeste par un repli sur soi, une hygiène déciente, un comportement bizarre (p. ex., amasser excessivement ou stocker de la nourriture et d’autres objets) et une diminution du rendement scolaire. D’autres retards relatifs au développement peuvent être remarqués, comprenant un décalage des fonctionnements cognitif, moteur, sensoriel et social. La communication et l’interaction avec les membres de la famille et les pairs sont problématiques. Chez les enfants d’âge préscolaire, il est particulièrement difficile de poser un diagnostic de psychose. À cet âge, de brèves hallucinations provoquées par le stress ainsi que la présence d’amis et de personnages imaginaires sont communes. Après l’âge de sept ans, il est rare de remarquer une pensée illogique et incohérente chez les enfants en santé (McClellan et al., 1997). Quand les enfants atteignent l’âge scolaire, les hallucinations persistantes sont ainsi associées à des troubles graves. Les contenus délirants et les hallucinations provoquent une dégradation du fonctionnement psychosocial. Les hallucinations concernent souvent les monstres, les animaux domestiques ou les jouets, tandis que les délires sont axés sur les questions d’identité et sont généralement moins complexes que les délires des adultes. Les facteurs permettant de déterminer le pronostic sont le degré de fonctionnement de l’enfant avant l’apparition des symptômes de schizophrénie, l’âge de l’enfant au début de la maladie, son quotient intellectuel, sa réponse pharmacologique, son degré de fonctionnement après le premier épisode et l’accès à des systèmes de soutien efcaces (Sadock et al., 2014).
25.9
Troubles disruptifs, du contrôle des impulsions et des conduites
Le DSM-5 inclut dans le chapitre portant sur les troubles disruptifs, du contrôle des impulsions et des conduites, le trouble oppositionnel avec provocation, le trouble explosif intermittent, le trouble des conduites, la personnalité antisociale, la pyromanie, la kleptomanie et autres troubles disruptifs, le trouble du contrôle des impulsions et celui des conduites, spéciés et non spéciés. Ces troubles sont caractérisés par des comportements qui nuisent aux droits d’autrui, qui transgressent les normes sociales ou qui déent les personnes en position d’autorité.
25.9.1
Trouble oppositionnel avec provocation
Le trouble oppositionnel avec provocation (TOP) peut se produire chez les enfants dès l’âge de trois ans, mais est généralement diagnostiqué chez l’enfant d’âge scolaire. Ce trouble apparaît plus souvent dans les familles où les soins aux enfants ont été perturbés par des placements précoces ou fréquents en familles d’accueil ainsi que dans celles qui recourent à des pratiques éducatives punitives, incohérentes et négligentes. Le trouble survient plus communément en cas de graves problèmes conjugaux (APA, 2015). Le TOP est plus fréquent chez les garçons avant la puberté et a une fréquence à peu près équivalente chez les deux sexes après la puberté. La prévalence varie considérablement, allant de 1 à 11 % (APA, 2015). Les parents des enfants atteints de ce trouble ne correspondent à aucun modèle familial particulier, mais ils manifestent couramment un besoin de pouvoir et de contrôle (Sadock & Sadock, 2007). Dans le DSM-5, les critères décrivant ce trouble sont regroupés sous trois types : l’humeur colérique/irritable, les comportements querelleurs/provocateurs et l’esprit vindicatif. Les manifestations de ce trouble, qui comprennent le négativisme, le défi, la désobéissance et l’hostilité envers les figures d’autorité, sont généralement présentes à la maison et peuvent ne pas survenir en milieu scolaire. Les symptômes sont généralement dirigés vers les personnes que l’enfant connaît le mieux, comme les parents. Le défi peut aussi se manifester sous la forme délibérée et persistante de confrontation des limites par l’ignorance des instructions, l’argumentation et le refus d’accepter ses res ponsabilités en cas d’inconduite. L’hostilité est généralement dirigée vers les adultes ou les pairs et consiste à agacer verbalement et délibérément les autres. Les personnes atteintes Chapitre 25
CE QU’IL FAUT RETENIR
Chez les enfants, les contenus délirants et les hallucinations provoquent une dégradation du fonctionnement psychosocial. Les hallucinations concernent souvent les monstres, les animaux domestiques ou les jouets, tandis que les délires sont axés sur les questions d’identité et sont moins complexes que les délires des adultes.
Enfants et adolescents
695
25
CE QU’IL FAUT RETENIR
Le comportement d’opposition qui se manifeste aux diverses étapes du développement de l’enfant est normal et sain. Il s’agit d’un trouble seulement lorsqu’il se prolonge ou quand les comportements de l’enfant nuisent aux droits d’autrui ou l’exposent à des conits majeurs avec les normes sociétales ou les personnes en position d’autorité.
d’un TOP n’ont pas de propension à se percevoir comme étant la source de complications, mais elles reprochent aux autres leurs demandes déraisonnables et accusent les circonstances (APA, 2015 ; Sadock et al., 2014). Au cours de la période scolaire peuvent apparaître les problèmes suivants : piètre estime de soi, humeur labile et faible tolérance à la frustration. Il arrive fréquemment que les enfants et les adolescents ayant ce trouble soient grossiers ou consomment de l’alcool, du tabac ou des drogues illicites, des comportements qui affectent les relations avec les pairs et qui perturbent les relations avec les adultes ENCADRÉ 25.8. Chez certains enfants, le TOP peut être précurseur du trouble des conduites, et 25 % de ces enfants ne correspondront plus aux critères plusieurs années plus tard (Cheng & Myers, 2011).
25.9.2
Trouble explosif intermittent
Ce trouble se caractérise par des « épisodes comportementaux explosifs récurrents témoignant d’une incapacité à résister à des impulsions agressives » (APA, 2015, p. 553). Ces pulsions
peuvent se présenter sous forme de crises de colère, de disputes et d’altercations verbales, d’agressivité physique envers des biens, des animaux ou des personnes (APA, 2015). Ces comportements agressifs non prémédités, ni produits dans un but déterminé tel que provoquer ou intimider, surviennent rapidement et durent généralement moins de 30 minutes. Il s’ensuit de la détresse chez la personne. La majorité des auteurs le considère comme une pathologie rare, mais tous s’accordent sur la gravité de ses conséquences. En effet, les épisodes d’agressivité observés dans ce trouble comportent souvent une violence physique ou sexuelle, des menaces et des injures ou encore une destruction de biens. Selon Amara et ses collaborateurs (2007), ce trouble est mal connu des cliniciens, ce qui pourrait être à l’origine du faible taux de prévalence rapportée. Dans le DSM-5, le taux de prévalence indiqué sur un an est de 2,7 % de la population aux États-Unis. Il est plus fréquent chez les 35 ans et moins (APA, 2015). Ce trouble engendre souvent des problèmes sociaux comme la perte d’emplois, d’amis ou d’un conjoint ainsi que des conséquences judiciaires.
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 25.8
Trouble oppositionnel avec provocation
A. Un ensemble d’une humeur colérique/irritable, d’un comportement querelleur/provocateur ou d’un esprit vindicatif persistant pendant au moins 6 mois durant lesquels sont présents au moins quatre symptômes des catégories suivantes, et se manifestant durant l’interaction avec au moins un sujet extérieur à la fratrie. Humeur colérique/irritable 1. Se met souvent en colère. 2. Est souvent susceptible ou facilement agacé par les autres. 3. Est souvent fâché et plein de ressentiment. Comportement querelleur/provocateur 4. Conteste souvent les personnes en position d’autorité ou, pour les enfants et les adolescents, ce que disent les adultes. 5. S’oppose souvent activement ou refuse de se plier aux règles ou aux demandes des personnes en position d’autorité. 6. Embête souvent les autres délibérément. 7. Fait souvent porter à autrui la responsabilité de ses erreurs ou de sa mauvaise conduite. Esprit vindicatif 8. S’est montré méchant ou vindicatif au moins deux fois durant les 6 derniers mois. N.B. : La persistance et la fréquence de ces comportements doivent être utilisées pour distinguer un comportement qui est dans les limites de la normale d’un comportement symptomatique. Pour les enfants âgés de
moins de 5 ans, le comportement doit survenir la plupart des jours durant une période minimale de 6 mois, sauf indication contraire (critère A8). Pour les sujets âgés de 5 ans et plus, le comportement doit survenir au moins une fois par semaine durant une période minimale de 6 mois, sauf indication contraire (critère A8). Tandis que ces critères de fréquence fournissent des conseils sur un niveau minimal de fréquence pour dénir des symptômes, d’autres facteurs doivent être considérés, comme le fait de savoir si la fréquence et l’intensité des comportements dépassent ce que l’on observe habituellement chez des sujets d’âge, de genre et de culture comparables. B. La perturbation du comportement est associée à une détresse de l’individu ou d’autrui dans son entourage social proche (p. ex., famille, groupe de pairs, collègues de travail) ou a entraîné une altération cliniquement signicative du fonctionnement social, scolaire, professionnel ou dans d’autres domaines importants. C. Les comportements ne surviennent pas exclusivement au cours d’un trouble psychotique, d’un trouble de l’usage d’une substance, d’un trouble dépressif ou d’un trouble bipolaire. De plus, le trouble ne répond pas aux critères du trouble disruptif avec dysrégulation émotionnelle. Spécier la sévérité actuelle : Léger : Les symptômes sont connés à seulement un cadre (p. ex., à la maison, à l’école, au travail, avec les pairs). Moyen : Certains symptômes sont présents dans au moins deux cadres. Grave : Certains symptômes sont présents dans trois cadres ou plus.
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association, DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
696
Partie 5
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
25.9.3
Trouble des conduites
De 2 à 16 % des enfants d’âge scolaire sont considérés comme présentant un trouble des conduites (Cheng & Myers, 2011). Le ratio garçons/lles est de quatre pour un. Généralement, les garçons âgés de 10 à 12 ans correspondent aux critères, alors que le moment d’apparition chez les lles se situe plus tard, soit entre 14 et 16 ans (Sadock et al., 2014). Selon le DSM-5, les taux semblent plus élevés en milieu urbain qu’en milieu rural et varient selon la nature de l’échantillon étudié et des méthodes de recherche utilisées (APA, 2015). Les enfants à risque d’être atteints d’un trouble des conduites présentent les facteurs suivants : rejet et négligence continuelle des parents ; pratiques disciplinaires sévères ; sévices physiques ou sexuels ; manque de surveillance ; changement fréquent de professionnel de la santé ; ou placement institutionnel prématuré et association avec un groupe de pairs délinquants. La fréquence du trouble des conduites augmente lorsqu’un parent biologique ou adoptif est atteint d’un trouble de la personnalité antisociale, lorsqu’un parent biologique souffre d’un trouble lié à la consommation
d’alcool, d’un trouble dépressif, d’un trouble du spectre de la schizophrénie ou présente des antécédents de TDA/H ou de trouble des conduites, ou encore lorsqu’un membre de la fratrie est atteint du trouble des conduites (ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2008). Il n’existe pas de cause dénitive du trouble des conduites ; cependant, un modèle largement accepté propose une prédisposition génétique déclenchée par un risque lié à l’environnement et une faible tolérance au stress s’accompagnant de stratégies d’adaptation inefcaces (Sadock et al., 2014). Le symptôme qui définit le trouble des conduites est manifeste lorsque l’enfant viole les droits fondamentaux des autres ENCADRÉ 25.9. L’enfant manque d’empathie et n’exprime pas de remords quant à ses actions. Les enfants ou les adolescents atteints de ce trouble n’ont pas de considération pour les sentiments des autres et ne se sentent pas concernés par la situation ou les besoins d’autrui. Ils se montrent souvent impitoyables, bien qu’il leur arrive de manifester de la culpabilité ou des remords lorsqu’ils ont appris que cela servait à diminuer les punitions ou à y échapper. Leurs expressions de remords
CE QU’IL FAUT RETENIR
Le symptôme qui dénit le trouble des conduites est manifeste lorsque l’enfant viole les droits fondamentaux des autres.
Critères diagnostiques du DSM-5 ENCADRÉ 25.9
Trouble des conduites
A. Ensemble de conduites répétitives et persistantes, dans lequel sont bafoués les droits fondamentaux d’autrui ou les normes et règles sociales correspondant à l’âge du sujet, comme en témoigne la présence d’au moins trois des 15 critères suivants au cours des 12 derniers mois, et d’au moins un de ces critères au cours des 6 derniers mois : Agression envers des personnes ou des animaux 1. Brutalise, menace ou intimide souvent d’autres personnes. 2. Commence souvent les bagarres. 3. A utilisé une arme pouvant blesser sérieusement autrui (p. ex., un bâton, une brique, une bouteille cassée, un couteau, une arme à feu). 4. A fait preuve de cruauté physique envers des personnes. 5. A fait preuve de cruauté physique envers des animaux. 6. A commis un vol en affrontant la victime (p. ex., agression, vol de sac à main, extorsion d’argent, vol à main armée). 7. A contraint quelqu’un à avoir des relations sexuelles. Destruction de biens matériels 8. A délibérément mis le feu avec l’intention de provoquer des dégâts importants. 9. A délibérément détruit le bien d’autrui (autrement qu’en y mettant le feu). Fraude ou vol 10. A pénétré par effraction dans une maison, un bâtiment ou une voiture appartenant à autrui. 11. Ment souvent pour obtenir des biens ou des faveurs ou pour échapper à des obligations (p. ex., « arnaque » les autres).
12. A volé des objets d’une certaine valeur sans affronter la victime (p. ex., vol à l’étalage sans destruction ou effraction, contrefaçon). Violations graves de règles établies 13. Reste dehors tard la nuit en dépit des interdictions de ses parents, et cela a commencé avant l’âge de 13 ans. 14. A fugué et passé la nuit dehors au moins à deux reprises alors qu’il vivait avec ses parents ou en placement familial, ou a fugué une seule fois sans rentrer à la maison pendant une longue période. 15. Fait souvent l’école buissonnière, et cela a commencé avant l’âge de 13 ans. B. La perturbation du comportement entraîne une altération cliniquement signicative du fonctionnement social, scolaire ou professionnel. C. Si le sujet est âgé de 18 ans ou plus, le trouble ne répond pas aux critères de la personnalité antisociale. Spécier le type : 312.81 (F91.1) Type à début pendant l’enfance : Présence d’au moins un symptôme caractéristique du trouble des conduites avant l’âge de 10 ans. 312.82 (F91.2) Type à début pendant l’adolescence : Absence de tout symptôme caractéristique du trouble des conduites avant l’âge de 10 ans. 312.89 (F91.9) Début non spécifié : Les critères pour le diagnostic de trouble des conduites sont remplis mais les informations sont insuffi santes pour déterminer si le premier symptôme est apparu avant ou après l’âge de 10 ans.
Chapitre 25
Enfants et adolescents
697
25
ENCADRÉ 25.9
Trouble des conduites (suite)
Spécier si : Avec des émotions prosociales limitées : Pour recevoir cette spécication, une personne doit avoir présenté au moins deux des critères suivants de façon continue au cours au moins des 12 derniers mois et dans des situations relationnelles et des contextes divers. Ces critères reètent le mode de fonctionnement interpersonnel et émotionnel typique du sujet durant cette période et pas seulement des occurrences occasionnelles dans certaines situations. Ainsi, pour évaluer ce critère de spécication, diverses sources d’information sont requises. En plus de la narration individuelle, il est nécessaire de tenir compte des récits de ceux qui ont connu la personne durant de longues périodes de temps (p. ex., parents, enseignants, collègues, entourage familial, pairs). Absence de remords ou de culpabilité : Ne se sent ni mauvais ni coupable en faisant quelque chose de mal (exclure les remords exprimés seulement quand le sujet est arrêté et/ou confronté à une punition). L’individu montre un manque général de préoccupation par les conséquences négatives de ses actes. Par exemple, il n’a pas de remords après avoir blessé quelqu’un ou il ne se soucie pas des conséquences des transgressions des règles. Dureté (insensibilité) – manque d’empathie : Ne tient pas compte ou ne se sent pas concerné par les sentiments d’autrui. Le sujet est décrit comme froid ou insouciant. Il paraît plus concerné par les effets de ses actions sur lui-même que sur les autres, même s’ils entraînent un dommage important à autrui. Insouciance de la performance : Ne se sent pas concerné par ses performances faibles/problématiques à l’école, au travail ou dans d’autres activités importantes.
La personne ne met pas en œuvre l’effort nécessaire pour une bonne performance, même quand les attentes sont claires, et rend typiquement les autres responsables de ses mauvais résultats. Supercialité ou décience des affects : N’exprime pas de sentiments ou ne montre pas d’émotions à autrui, sauf de façon supercielle et peu sincère (p. ex., actions contradictoires avec l’émotion montrée, capacité d’activer ou désactiver les émotions rapidement) ou quand les émotions sont utilisées pour un intérêt (p. ex., émotions montrées pour manipuler ou intimider les autres). Spécier la sévérité actuelle : Léger : Il n’existe que peu ou pas de problèmes de conduite dépassant en nombre ceux requis pour le diagnostic ; de plus, les problèmes de conduite n’occasionnent que peu de mal à autrui (p. ex., mensonge, absentéisme, reste dehors tard la nuit sans permission, non-respect d’autres règles). Moyen : Le nombre de problèmes de conduites ainsi que leurs effets sur autrui sont intermédiaires entre « léger » et « grave » (p. ex., voler sans affronter la victime, vandalisme). Grave : Il existe de nombreux problèmes de conduite dépassant en nombre ceux requis pour le diagnostic ; ou bien, les problèmes de conduites occasionnent un dommage considérable à autrui (p. ex., contraindre quelqu’un à avoir des relations sexuelles, cruauté physique, usage d’une arme, voler en affrontant la victime, pénétrer par effraction).
Source : Traduction française reproduite avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (Copyright 2013). American Psychiatric Association, DSM-5 – Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux. Traduction française par M.-A. Crocq, J.-D. Guel et al., Elsevier Masson SAS, Paris, 2015. All rights reserved.
sont souvent hypocrites et articielles (Cheng & Myers, 2011). Les enfants atteints du trouble des conduites sont souvent agressifs envers les autres FIGURE 25.4. Ils peuvent jouer les tyrans, menacer et intimider autrui, ils déclenchent les bagarres, utilisent des armes d’une façon qui pourrait entraîner des blessures, agissent parfois cruellement
FIGURE 25.4 Les enfants atteints du trouble des conduites manifestent souvent de l’agressivité.
698
Partie 5
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
envers les gens ou les animaux, volent et imposent l’activité sexuelle à d’autres. La gravité de ces comportements violents risque d’engendrer des agressions et, plus rarement, des homicides. La destruction délibérée du bien d’autrui peut se traduire par des incendies entraînant des dommages, le vandalisme et la destruction de la propriété. En plus d’être impliqué dans des vols, l’enfant ou l’adolescent a tendance à être malhonnête, à mentir ou à être fréquemment indèle à ses promesses, et ce, dans le but d’obtenir des biens ou des faveurs et aussi pour échapper à ses obligations et à ses responsabilités. Ces comportements se manifestent en général dans plusieurs milieux : à la maison, à l’école ou ailleurs dans la communauté. Les jeunes atteints de ce trouble accusent régulièrement les autres pour échapper aux conséquences de leurs actes. Les manifestations précoces des comportements déviants comprennent généralement une activité sexuelle, la consommation d’alcool, de cigarettes ou de substances illicites et d’autres comportements à risque élevé. Ces comportements persistent en général à l’âge adulte. Ils mènent fréquemment à des renvois de l’école, à des grossesses non planiées, à des
blessures physiques, à des infections transmissibles sexuellement et par le sang, à des problèmes judiciaires, à des congédiements ou à l’exclusion d’autres activités ainsi qu’à l’incapacité à fréquenter le réseau scolaire normal. Bien qu’ils projettent parfois une image de « durs », ces jeunes ont souvent une faible estime d’eux-mêmes, tolèrent mal la frustration, sont irritables, ont des accès de colère et adoptent un comportement téméraire.
25.10
Troubles liés à une substance
L’Enquête québécoise sur le tabac, l’alcool, la drogue et le jeu chez les élèves du secondaire, 2008 indique que 60 % des élèves du secondaire ont consommé de l’alcool au moins 1 fois durant l’année, tandis que 28 % ont pris de la drogue. De plus, la proportion d’élèves qui ont consommé de la drogue augmente avec les années d’études. En cinquième secondaire, c’est 1 élève sur 4 qui en a consommé au cours d’une période de 30 jours (Institut de la statistique du Québec [ISQ], 2009) FIGURE 25.5. Souvent, le premier épisode d’intoxication par l’alcool survient durant l’adolescence, l’âge moyen étant d’environ 15 ans. Par contre, tous les critères décrivant le diagnostic de trouble de l’usage de l’alcool sont généralement satisfaits vers la n de l’adolescence ou au début de l’âge adulte (APA, 2015). Les jeunes âgés de 18 à 25 ans forment le groupe dans lequel la prévalence des intoxications par l’alcool est la plus élevée. Plus le début des intoxications régulières est précoce, plus le risque de voir se développer un trouble de l’usage de l’alcool devient élevé. Le trouble de l’usage du cannabis débute le plus fréquemment chez l’adolescent ou le jeune adulte (de 3 à 3,8 % chez les 12 à 17 ans) (APA, 2015). La croyance que le cannabis est peu nocif et moins dommageable que l’alcool, de même que ses effets moins manifestes de l’intoxication comparativement à l’intoxication par l’alcool, contribuent probablement à
FIGURE 25.5 La consommation d’alcool et de drogue par les adolescents touche un élève sur quatre à des degrés divers.
l’accroissement de son usage (fréquence et quantité) et à l’apparition du trouble de l’usage. Chez les adolescents, le cannabis peut avoir un impact sur la stabilité de l’humeur, le niveau d’énergie et les comportements alimentaires. La consommation précoce de cannabis est un prédicteur non seulement du développement du trouble de l’usage du cannabis, mais d’autres troubles liés à une substance et de troubles mentaux.
clinique
Jugement
Le pronostic est réservé pour les enfants atteints de ce trouble qui reçoivent un diagnostic précoce parce qu’ils ont tendance à manifester des comportements plus graves et plus fréquents que les autres. Ils peuvent également recevoir des diagnostics concomitants, comme un trouble dépressif, bipolaire ou apparenté, ou développer un trouble lié à une substance ou un trouble addictif plus tard dans la vie (APA, 2015 ; Sadock et al., 2014). Lorsque les enfants ayant un trouble des conduites atteignent l’âge adulte et que les comportements se poursuivent de façon importante, le diagnostic de personnalité antisociale est souvent posé (APA, 2015).
Marc-Antoine Manigat est un jeune garçon âgé de 11 ans qui présente des comportements caractéristiques d’un trouble des conduites. Il a déjà volé du matériel scolaire à ses compagnons de classe et brisé volontairement des objets leur appartenant. Il leur emprunte des choses, comme une planche à roulettes, mais tarde à les leur remettre. Il a même caché son téléphone intelligent, a accusé un copain de l’avoir volé et n’a démontré aucun remords par rapport à ses actions. Dans la cour d’école, il essaie souvent d’imposer ses règles du jeu. Devrait-on craindre que Marc-Antoine intimide ses camarades d’école ? Justiez votre réponse.
Les jeunes sont particulièrement susceptibles de consommer des médicaments offerts en vente libre dans un but récréatif (Légaré, 2008). Les adolescents qui veulent consommer une substance psychoactive peuvent se la procurer aisément dans leur propre pharmacie à la maison. La consommation excessive de médicaments offerts en vente libre chez les adolescents continue à augmenter, et ces médicaments gurent en troisième position des drogues faisant l’objet d’une consommation excessive chez cette population. Au Québec et au Canada, la prévalence de la consommation de ces médicaments dans un contexte récréatif est méconnue. Selon Légaré (2008), il arrive souvent que seules les données relatives aux surdoses intentionnelles impliquant de tels médicaments soient publiées. Cette auteure mentionne l’étude effectuée par Crouch et ses collaborateurs qui porte sur les cas de consommation excessive de médicaments offerts en vente libre et déclarés au centre antipoison régional de l’Utah. Les chercheurs ont découvert que dans 38 % des cas, la consommation excessive chez les jeunes de 6 à 19 ans était intentionnelle. Les médicaments offerts en vente libre comprennent des produits contenant de la dextrométhorphane (p. ex., un produit contre le rhume et la toux), les stimulants (p. ex., l’éphédrine, la phénylpropanolamine) et les antihistaminiques.
Chapitre 25
Les divers types de toxicomanie, les motifs poussant les jeunes à consommer certaines substances ainsi que les interventions inrmières sont présentés dans le chapitre 10 du manuel de Hockenberry, M.J., & Wilson, D. (2012). Soins inrmiers – Pédiatrie (2e éd.). Montréal, Québec : Chenelière Éducation.
Enfants et adolescents
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25
éactivation des connaissances Quelles sont les trois substances les plus consommées par les adolescents ?
Entre le début et la moitié des années 1990, les médicaments offerts en vente libre les plus couramment utilisés chez les enfants et les adolescents âgés de 6 à 19 ans étaient les antihistaminiques. L’utilisation de la dextrométhorphane a radicalement augmenté dans la dernière partie de la période de l’étude. L’utilisation de fortes doses entraîne des hallucinations. Ce médicament a pour surnom le « PCP du pauvre » ou l’« ecstasy en vente libre ». Les symptômes de toxicité sont les suivants : nystagmus, hallucinations, ataxie et dépression du système nerveux central (Crouch, Caravati & Booth, 2004). Les facteurs qui rendent attrayante la consommation de médicaments offerts en vente libre sont les suivants : 1) ils procurent un faux sentiment de sécurité ; 2) leur accessibilité est facile ; 3) ces substances sont légales ; 4) leur coût demeure abordable. Ils peuvent être achetés à tout âge dans n’importe quelle épicerie ou pharmacie ou encore en ligne (Crouch et al., 2004). Les facteurs de protection contre la consommation de substances sont les suivants : 1) des capacités de résolution de problèmes efcaces ; 2) une bonne estime de soi ; 3) une régulation intacte de l’affect ; 4) des relations familiales aidantes ; 5) des modèles de rôles positifs (Centre national de prévention du crime, 2009 ; Weinberg, Rahdert, Colliver et al., 1998) ENCADRÉ 25.10.
Le HIBOU, une échelle de dépistage des troubles de sommeil pédiatrique (2-18 ans), permet de cerner les symptômes associés à la problématique et d’en déterminer la gravité. Il peut être consulté sur le site www.oiiq.org.
25.11
Troubles de l’alternance veille-sommeil
Les troubles de l’alternance veille-sommeil sont fréquents chez les enfants et les adolescents. Chez les trois à cinq ans, des problèmes se manifestent surtout au moment du coucher et de l’endormissement en raison de certaines peurs ou de refus de la séparation (Thiedke, 2001). Les parasomnies
se produisent habituellement chez le jeune enfant, et leur fréquence diminue lorsqu’il grandit ; ainsi, la majorité des cas sont résolus vers l’âge de cinq ans (Davis, Parker & Montgomery, 2004 ; Meltzer & Mindell, 2006 ; Moturi & Avis, 2010). Chez les adolescents, le changement hormonal naturel entraîne un déséquilibre du rythme circadien, plus particulièrement un retard à s’endormir (Cheng & Myers, 2011 ; Godbout, Huynh & Martello, 2010). Le DSM-5 reconnaît 10 groupes de troubles de l’alternance veille-sommeil. Parmi eux, les troubles les plus fréquents chez les enfants et les adolescents sont le trouble de l’alternance veille-sommeil lié au rythme circadien – type avec retard de phase, les troubles de l’éveil en sommeil non paradoxal (somnambulisme, terreurs nocturnes) et les cauchemars. Le somnambulisme et les terreurs nocturnes, classés dans la catégorie des troubles de l’éveil en sommeil non paradoxal dans le DSM-5, sont des parasomnies très fréquentes chez les enfants. Cela s’explique par la quantité plus importante de sommeil lent profond durant l’enfance qu’au cours des autres stades de la vie (Boivin, 2012). De 10 à 30 % des enfants présentent au moins un épisode de somnambulisme. Par contre, la prévalence du trouble, caractérisé par des épisodes fréquents entraînant un handicap ou une détresse importante, est beaucoup moins élevée, à savoir de 1 à 5 % (APA, 2015). Il n’y a aucun danger à réveiller l’enfant lorsqu’il est somnambule, et il faut le faire, surtout si l’activité comporte un danger. Le mieux est de réconforter l’enfant et de lui proposer doucement de retourner au lit. Les prévalences d’épisodes de terreurs nocturnes (des épisodes et non le trouble en soi) chez les enfants à l’âge de 18 mois et de 30 mois sont estimées respectivement à 36,9 et à 19,7 %, tandis que seulement 2,2 % des adultes en sont atteints (APA, 2015). Les terreurs nocturnes enfantines s’avèrent plus fréquentes chez les lles. Les jeunes
Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 25.10
Prévention de la consommation de substances psychoactives chez l’adolescent
• Être un modèle positif pour l’adolescent (parents et adultes de son entourage). • Rappeler les dangers de la consommation et enseigner des comportements positifs. • Apporter son soutien à l’adolescent qui tente de s’adapter à la pression sociale exercée par ses pairs. • Fixer des limites ainsi que des règles à suivre à la maison et établir une structure relativement au comportement de l’adolescent. • Aider l’adolescent à prévoir la pression qu’il subira et renforcer chez lui les stratégies d’adaptation positives.
700
Partie 5
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
• Inviter l’adolescent à participer à un groupe de soutien sur l’aspect positif des choses, sur la résistance à la pression ainsi que sur le sentiment d’appartenance au groupe. • Surveiller le temps passé devant la télévision, à l’ordinateur, de même que les lms que l’adolescent écoute et les jeux auxquels il joue, car les médias peuvent présenter les substances légales et illégales comme étant un aspect normal de la vie quotidienne. • Fournir les coordonnées des ressources d’aide appropriées.
enfants sont plus susceptibles de ne garder aucun souvenir des images effrayantes que les enfants plus âgés et les adultes. Les cauchemars débutent souvent entre l’âge de 3 et 6 ans (APA, 2015). Ils sont rapportés comme étant fréquents ou chroniques par de 1,3 à 3,9 % des parents d’enfants d’âge préscolaire. La prévalence des cauchemars augmente de l’âge de 10 à 13 ans, mais les cauchemars fréquents persistent chez une minorité à l’âge adulte. Le trouble de l’alternance veille-sommeil lié au rythme circadien – avec retard de phase, qui se caractérise par un retard de la période principale de sommeil, habituellement de plus de 2 heures par rapport à l’horaire veille-sommeil souhaité, affecte surtout les adolescents (prévalence de 0,17 % dans la population générale et supérieure à 7 % chez les adolescents) (APA, 2015). Le désordre de retard de phase chez l’adolescent est normal et transitoire la plupart du temps (Boivin, 2012). Ainsi, de façon naturelle, le jeune tend à se coucher et à se lever à des heures plus tardives. Comme il doit fonctionner dans un horaire déterminé pour répondre à ses obligations scolaires et sociales, typiquement, il accumule une dette importante de sommeil durant la semaine. Ses performances scolaires risquent d’en être grandement touchées. Puis, il essaie de récupérer le sommeil perdu durant la n de semaine ; il tend à se mettre au lit très tard et dort une partie de la journée. Le diagnostic de trouble de l’alternance veille-sommeil lié au rythme circadien – avec retard de phase est porté si les symptômes (insomnie d’endormissement, difculté à se réveiller le matin et somnolence durant la journée) entraînent une détresse marquée ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants chez l’adolescent 19 .
25.12
Troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments
Les troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments comprennent, entre autres, le pica et le mérycisme, qui touchent souvent les enfants, de même que l’anorexie mentale, la boulimie et les accès hyperphagiques qui se manifestent souvent à l’adolescence (APA, 2015). Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène. L’adolescence constitue une période de la vie importante en raison des transformations corporelles majeures. De plus, le processus d’identité et de développement de la personnalité rend les jeunes sensibles aux modèles véhiculés par les médias, à la comparaison sociale ainsi qu’à l’identication à leurs pairs (Bedwani, 2011) 18 .
Selon Bedwani (2011), l’incidence de l’anorexie mentale ne cesse d’augmenter depuis les années 1950. Cependant, les troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments ne peuvent être expliqués que par la culture valorisant la minceur comme norme de beauté. L’anorexie mentale et la boulimie relèvent, comme bien d’autres troubles mentaux, d’une interaction complexe entre les facteurs génétiques et environnementaux. Une étude réalisée en 1996 auprès d’adolescents préoccupés par leur poids et leur image, sans pour autant manifester de comportements pathologiques, indique que 37 % des garçons et des lles avaient déjà tenté de perdre du poids malgré le fait qu’ils présentaient un poids santé. Chez les lles, cette portion s’élève à 54 % (ISQ, 2002). Les troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments touchent 10 fois plus souvent les femmes que les hommes. Selon des études récentes, la prévalence de l’anorexie mentale varie de 0,3 à 1 %. Elle peut être trois fois plus élevée pour la boulimie (Statistique Canada, 2013). L’Agence de la santé publique du Canada (2011) mentionne que les personnes atteintes de troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments sont également vulnérables à la dépression, à la dépendance à l’alcool et aux troubles anxieux.
25.13
Intimidation
25.13.1 Description L’intimidation désigne l’abus de pouvoir d’une personne envers une autre par des comportements agressifs répétés. Cet acte délibéré et itératif commis pour atteindre l’autre ou lui faire du tort est caractérisé par un déséquilibre perçu des forces entre l’agresseur et la victime (Glew, Fan, Katon et al., 2008). L’intimidation survient le plus souvent à l’école ou à des endroits où il y a peu d’encadrement sinon aucun, comme à la récréation, pendant les cours d’éducation physique, dans les corridors et les autobus (Glew et al., 2008). L’intimidateur se mée habituellement des adultes, adopte un comportement antisocial et est prêt à enfreindre les règles scolaires. Il éprouve peu d’anxiété, a une forte estime de lui-même et présente une personnalité dominante. Il peut provenir de foyers où l’engagement et le soutien des parents font défaut, être victime ou témoin de violence et de mauvais traitements à la maison et souffrir de dépression (Seeds, Harkness & Quilty, 2010). L’intimidation peut être directe ou indirecte. Les garçons et les lles emploient généralement des techniques d’intimidation différentes. Les garçons ont davantage recours à l’intimidation physique (coups, bagarres), alors que les lles sont moins susceptibles Chapitre 25
19 Les troubles du sommeil sont présentés en détail dans le chapitre 19, Troubles de l’alternance veille-sommeil.
25
18 La description clinique et les interventions inr mières en cas de troubles alimentaires sont l’objet du chapitre 18, Troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments.
Enfants et adolescents
701
CE QU’IL FAUT RETENIR
L’intimidation désigne l’abus de pouvoir d’une personne envers une autre par des comportements agressifs répétés. Elle comprend des actes délibérés et itératifs commis pour atteindre l’autre ou lui faire du tort.
de faire de l’intimidation physique et utilisent plus souvent les agressions verbales ou écrites (ISQ, 2002). Ce type d’intimidation comprend notamment les calomnies et les rumeurs FIGURE 25.6. En milieu scolaire, la manipulation est une méthode courante de l’agresseur verbal, qui implique aussi d’autres élèves dans sa manœuvre en les menaçant d’exclusion s’ils n’obéissent pas. Cette forme d’intimidation est très inquiétante en raison des effets débilitants possibles du rejet par les pairs. Elle peut notamment accentuer la colère et la dépression, la faible estime de soi et le retrait social chez la victime. Les conséquences à long terme de l’intimidation ne doivent pas être négligées. Les intimidateurs chroniques reproduisent vraisemblablement les mêmes comportements à l’âge adulte, nuisant à leur capacité d’établir des relations. Les victimes, quant à elles, se sentent souvent rejetées socialement et peuvent avoir peur de l’école ; à plus long terme, ce sentiment de rejet et ces craintes peuvent se transformer en phobie ou générer des problèmes de dépression et appauvrir encore plus leur estime de soi (Vreeman & Caroll, 2007). Les enfants dont les parents ont une scolarité de niveau secondaire ou supérieur, qui reçoivent du soutien de leur famille et qui ont de bonnes capacités de résolution de problèmes sont moins à risque d’adopter des comportements violents. D’autres facteurs de protection entrent en jeu : le fait de vivre à la maison, d’avoir un locus de contrôle interne, d’avoir intégré une forme de spiritualité dans sa vie, d’être capable d’effectuer les AVQ et de posséder de bonnes habiletés interpersonnelles (Rassy, 2012 ; Vance, Bowen, Fernandez et al., 2002).
éactivation des connaissances Expliquez la différence entre un locus de contrôle interne et un locus de contrôle externe.
25.13.2 Ampleur du phénomène L’intimidation est considérée comme un problème majeur de santé publique en raison de ses liens avec des comportements violents et agressifs qui peuvent causer de graves blessures à l’auteur et à ceux qui la subissent. Les enfants forment leur mode de
FIGURE 25.6 l’intimidation verbale.
702
Partie 5
Les lles utilisent plus souvent
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
relations interpersonnelles et leur image de soi sur la base de leurs interactions sociales. Les intimidateurs n’ont pas tous des troubles mentaux. Toutefois, un comportement antisocial persistant pendant l’enfance et l’adolescence peut annoncer des difcultés futures. Olweus (1999) a déterminé des traits de personnalité à risque chez les enfants, dont la violence envers les animaux ou d’autres enfants, un manque d’empathie et la destruction des biens. Autrefois considérée comme un rituel de l’enfance et de l’adolescence, l’intimidation fait de plus en plus les grands titres des médias, autant à l’échelle nationale qu’internationale (Burgess, Garbarino & Carlson, 2006). Au Canada, au moins un adolescent sur trois raconte avoir déjà été victime d’intimidation à l’école (Instituts de recherche en santé du Canada, 2012). Le taux de discrimination chez les jeunes lesbiennes, gais, bisexuels, transgenres, bispirituelles, allosexuelles ou en questionnement (LGBTQ) est trois fois plus élevé que chez les jeunes hétérosexuels. Les lles sont plus susceptibles que les garçons d’être intimidées sur Internet.
25.14
Lésions auto-inigées non suicidaires
Le DSM-5 décrit, dans une annexe présentée à la n du manuel, quelques affections proposées pour des études supplémentaires, faute d’éléments probants sufsants pour les inclure dans la liste ofcielle des troubles mentaux. Parmi ces affections se trouvent le trouble conduite suicidaire et les lésions auto-inigées non suicidaires. Le trouble conduite suicidaire se manifeste essentiellement par une tentative de suicide, un comportement entrepris avec une certaine intention de mourir. La caractéristique essentielle des lésions autoinigées non suicidaires est que la personne s’inige de manière répétée des blessures supercielles sur la surface de son corps. Il n’y a pas d’intention suicidaire. L’objectif est de composer avec des émotions envahissantes ou de générer des émotions an de combler un vide émotionnel. Ainsi, la personne s’inige des blessures telles que des coupures, des brûlures, des morsures, des ecchymoses. Les adolescents apprennent ces comportements de leurs pairs et y recourent an d’obtenir une libération immédiate de leur tension émotionnelle. Selon Nelson Noble et ses collaborateurs (2011), les études en Amérique du Nord mentionnent une prévalence de ces comportements d’automutilation de 14 à 20 % chez les adolescents. L’âge moyen rapporté pour la première manifestation de ces gestes est de 12 14 ans. Bien que ces comportements ne soient pas des gestes suicidaires en tant que tels, ils pourraient être considérés comme préparatoires. Certains adolescents se donnent accidentellement
Facteurs de protection
• Relations parentales positives • Discipline parentale cohérente et constante • Habiletés interpersonnelles • Dimension spirituelle présente chez le jeune
la mort au cours du processus. Les études démontrent que les personnes qui s’inigent des lésions non suicidaires sont plus susceptibles de se donner la mort plus tard au cours de leur vie (Lane, Archambault, Collins-Poulette et al., 2010). Il est essentiel que l’inrmière évalue la situation, renseigne la famille et soutienne l’adolescent dans l’exploration de nouvelles stratégies d’adaptation et de gestion du stress ENCADRÉ 25.11.
25.15
Suicide
La deuxième cause de décès chez les 15 à 24 ans est le suicide, après les traumatismes routiers (INSPQ, 2015). Les facteurs prédisposants sont les suivants : tentative de suicide antérieure ; symptômes d’un trouble mental actuel ; antécédents de violence physique ou sexuelle ou exposition à la violence à la
maison ; antécédents familiaux de comportements suicidaires ou de troubles dépressifs, bipolaires et apparentés ; et homosexualité (Ahluwalia, 2009). Les clients ayant reçu un diagnostic de trouble dépressif et d’agitation sont à risque élevé de suicide (Shaffer & Pfeffer, 2001). Les facteurs contribuants sont : l’abus de substances psychoactives ; l’accès aux armes ; les conits interpersonnels ; les problèmes judiciaires; et un sentiment d’impuissance ou de désespoir (Ahluwalia, 2009). Il y a moins de signes avant-coureurs et de facteurs précipitants précédant le suicide d’enfants et de jeunes adolescents que chez les adultes TABLEAU 25.2. Chez les moins de 15 ans, l’intoxication et l’échec amoureux ne sont pas des facteurs de risque, bien qu’il s’agisse de risques très courants chez les adolescents plus âgés. Environ 15 % des élèves du secondaire ont déjà sérieusement envisagé de se suicider, 11 % ont conçu un plan, et 7 % ont fait une tentative au cours de l’année précédente. Les jeunes de troisième et de quatrième secondaire sont plus susceptibles d’avoir tenté de se suicider au cours de l’année précédente que ceux de cinquième secondaire ou du cégep (Hallfors, Brodish, Khatapoush et al., 2006). La pendaison est la méthode la plus couramment pratiquée par les jeunes de 10 à 15 ans, alors que plus tard dans l’adolescence, les armes à feu sont souvent utilisées (Elnour & Harrison, 2008).
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les clients ayant reçu un diagnostic de trouble dépressif et d’agitation sont à risque élevé de suicide.
clinique
Jugement
ENCADRÉ 25.11
Laurent Giroux est un adolescent de 15 ans. Sa petite amie l’a quitté pour son meilleur copain. Laurent est découragé et ne comprend pas qu’elle ait fait cela. Il s’isole et est plutôt renfermé depuis. Devrait-on craindre que Laurent fasse une tentative de suicide ? Justiez votre réponse.
Facteurs de risque TABLEAU 25.2
Surveillance relativement au suicide chez les adolescents
FACTEURS PRÉDISPOSANTS ET CONTRIBUANTS
FACTEURS PRÉCIPITANTS
FACTEURS FACILITANTS
• Antécédents familiaux de troubles mentaux
• Attentes déçues
• Dysphorie du genre
• Conits avec les pairs
• Forte impression de « perdre la face » (recours au suicide de manière impulsive)
• Conits avec les parents
• Accès à une arme, à des médicaments ; domicile à proximité d’un métro ou d’un pont
• Fragilité narcissique
• Deuils, déménagement, rupture amoureuse, etc.
• Démêlés avec la justice
• Homosexualité • Présence d’un problème de santé mentale (50 % des jeunes qui tentent de se suicider ont des troubles dépressifs, bipolaires et apparentés)
• Échec sportif, scolaire, etc.
• Accès facile à des moyens de passer à l’acte • Médiation du suicide d’une vedette ou annonce du suicide d’un ami
• Pertes
• Sexe (taux de suicide quatre fois supérieur chez les garçons ; trois fois plus de tentatives chez les lles) • Tentatives antérieures
25
Sources : Bedwani (2011) ; Laamme (2007).
25.16 Démarche de soins L’établissement d’une relation de conance avec l’enfant ou l’adolescent représente une étape cruciale de la démarche de soins. Les enfants ne se
révèlent pas facilement, et les adolescents peuvent être réservés et difciles à atteindre. L’inrmière respecte des limites thérapeutiques claires. Elle Chapitre 25
Enfants et adolescents
703
peut amorcer la conversation avec l’enfant en parlant de choses qui sont pertinentes pour lui, comme les amis, les activités, un intérêt pour la musique ou les sports FIGURE 25.7. Avec les adolescents, l’écoute s’avère également une stratégie utile. Lorsque l’inrmière utilise le silence et adopte une attitude exempte de jugement, l’adolescent silencieux pourrait s’ouvrir.
ALERTE CLINIQUE
Au Québec, les adolescents de 14 ans et plus peuvent consentir seuls aux soins et donner leur consentement pour des soins non requis par l’état de santé (p. ex., une chirurgie esthétique). Le consentement du parent ou du tuteur est cependant nécessaire si les soins comportent un risque sérieux pour la santé du mineur et peuvent lui causer des effets graves et permanents. De plus, il est à noter que les parents ou le tuteur doivent être avisés lorsque le mineur séjourne plus de 12 heures dans un établissement de santé ou de services sociaux.
Souvent, les parents consultent un professionnel de la santé pour leur enfant ou leur adolescent lorsque l’école le leur conseille ou à la suite de multiples tentatives vaines de modier le comportement de celui-ci. Les parents peuvent avoir tendance à s’inquiéter d’une maladie physique, alors que le problème principal sous-jacent est d’ordre psychiatrique. Les adultes conçoivent souvent difcilement que les enfants, plus particulièrement les jeunes enfants, puissent être atteints de troubles mentaux. L’inrmière prendra le temps de renseigner toute la famille sur les caractéristiques du trouble en présence et ses effets sur la dynamique familiale, puisque la plupart des enfants et des adolescents continueront d’habiter avec leur famille. Le succès et les résultats du traitement dépendent en grande partie de l’engagement de la famille à acquérir de nouvelles aptitudes et à les mettre en pratique. L’évaluation et les interventions précoces constituent la clé d’un traitement optimal.
25.16.1 Collecte des données – Évaluation initiale La connaissance approfondie de la croissance et du développement de l’enfant est essentielle. Étant donné que chaque enfant et chaque adolescent possède ses propres forces et faiblesses, les caractéristiques du client sont prises en compte et évaluées dans le contexte de la famille, de la culture, des circonstances socioéconomiques et des phases normales de la croissance et du développement. La capacité d’effectuer une collecte de données
efcace qui comprend les aspects médicaux et psychosociaux du client est également primordiale. Selon Cheng et Myers (2011), la structure de l’entrevue initiale peut varier selon chaque cas. Avec de jeunes enfants, il pourrait être aidant pour l’inrmière de rencontrer les parents seuls dans un premier temps. Cela donne aux parents l’occasion de parler de sujets sensibles (p. ex., des relations de couple, des compétences parentales divergentes) sans être entendus par le jeune enfant. Cependant, il peut être avantageux de faire la première entrevue avec l’ensemble des membres de la famille, car cela permet d’observer la dynamique familiale. Il est ainsi possible de voir, entre autres, qui applique les règles et la discipline à l’égard des enfants, de quelle manière chacun des parents s’adresse à eux, si les parents leur démontrent de l’affection et de l’attention. Cheng et Myers (2011) suggèrent que l’entretien avec l’adolescent se fasse aussi en présence de ses parents. Cela va empêcher le jeune de penser que ses parents et l’infirmière sont de collusion. L’alliance thérapeutique pourrait être difcile à établir. Un adolescent peut vouloir rencontrer l’inrmière seul an de se coner sans que ses parents en soient informés. Peu importe la façon dont l’entrevue va se dérouler, il est important de bien informer l’enfant et l’adolescent avant l’entretien afin qu’ils puissent savoir à quoi s’attendre. Lorsqu’elle travaille avec des enfants, l’inrmière tient compte des spécicités légales et des droits de l’enfant ou de l’adolescent et de ses parents à la condentialité et au consentement aux soins.
Adapter la communication Quel que soit l’âge de l’enfant, l’inrmière instaure une complicité dans la communication verbale et non verbale. Le degré de réussite de l’inrmière dans sa communication avec l’enfant ou l’adolescent dépend étroitement de la compréhension qu’elle a de l’âge chronologique et développemental de celui-ci (Arnold & Boggs, 2007). Pour le jeune enfant, la compréhension du langage n’apparaissant qu’à la n de la seconde année de vie, l’inrmière axera jusqu’à cet âge sa relation avec l’enfant sur des attitudes non verbales, en adoptant une approche chaleureuse et attentive ainsi qu’un ton de voix apaisant. L’inrmière pourra aussi utiliser le jeu. Il est nécessaire de faire participer les parents aux soins de leur enfant, car en plus de favoriser leur soutien, cela permet par la même occasion de réduire leur anxiété.
FIGURE 25.7 Pour amorcer la conversation avec l’enfant, l’inrmière peut lui parler de ses passetemps préférés.
704
Partie 5
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
Entre l’âge de deux et six ans, l’enfant entame la phase d’acquisition du langage, et l’inrmière peut alors commencer à communiquer verbalement avec lui en utilisant des instructions simples et des explications concrètes. Elle peut se servir d’images ou de livres d’histoires pour lui fournir de l’information et clarier le sens de certains concepts.
Entre 6 et 10 ans, l’enfant éprouve habituellement moins de difcultés à communiquer avec des adultes, autres que ses parents, tels que les professeurs ou les entraîneurs, qui lui donnent des instructions et l’assistent. Il est donc plus facile pour l’inrmière de communiquer avec lui. De plus, l’enfant dispose d’un mode de communication plus élaboré. Une communication efcace peut être établie avec l’enfant grâce à l’utilisation d’exemples concrets, de vidéos et de livres illustrés avec ses personnages préférés. Cependant, l’infirmière établit une relation de conance autant avec lui qu’avec ses parents. Durant la préadolescence, entre 10 et 13 ans, le jeune demeure réceptif aux adultes et à leur inuence. Pour faciliter la communication, l’inrmière peut utiliser son langage et se limiter à des explications pertinentes, courtes, adaptées à sa compréhension propre au stade préadolescent. Le stade adolescent s’amorce à la puberté, généralement vers l’âge de 13 ans, et dure jusqu’à 18 ou 19 ans. Au début de l’adolescence, l’enfant cherche à se forger une identité et à se sentir bien dans sa peau. Il peut se sentir gêné ou embarrassé, ou encore être centré sur son image corporelle. L’inrmière respecte sa vie privée parce que la condentialité est cruciale à cet âge. Elle établit également un rapport direct avec lui, car l’adolescent se trouve en processus de séparation émotionnelle. Il tente de s’affranchir de ses parents et d’acquérir son indépendance. Le jeune adolescent commence à se construire une pensée abstraite. Il est à même de saisir les événements passés et présents, mais également de rééchir et d’envisager l’avenir. L’inrmière peut faire appel à ces aptitudes dans la relation avec un jeune adolescent. Lorsque celui-ci atteint l’âge de 14 ou 15 ans, l’inrmière peut remarquer qu’il est plus facile de communiquer avec lui en réalisant une activité, car il se sent ainsi plus à l’aise devant l’adulte. Le fait que l’inrmière ne soit pas le parent constitue un avantage et facilite le processus de communication. Il est important pour l’inrmière de se soucier des champs d’intérêt de l’adolescent, ce qui facilitera la relation thérapeutique.
Évaluer la condition physique et mentale Il est important d’effectuer un examen physique approfondi en tenant compte des antécédents, an d’assurer une évaluation complète de la santé mentale du client. L’inrmière joue un rôle clé dans le dépistage d’états pathologiques potentiels susceptibles d’inuer sur l’état de santé et le bienêtre de l’enfant ou de l’adolescent. Elle peut en outre prendre en compte les informations concernant la santé telles que : allergies, otites, sinusites, asthme, fonctionnement gastro-intestinal et urinaire, diabète, scoliose ou autres maladies préexistantes. Il est important d’être attentive à certaines maladies non diagnostiquées, comme des signes neurologiques anormaux susceptibles
d’avoir une inuence directe sur le bien-être de l’enfant ou le niveau de fonctionnement optimal de l’adolescent. Au moment de la collecte de données concernant l’enfant, il est important que les parents soient présents an que l’inrmière puisse évaluer les interactions, l’établissement de limites et la communication familiale. Les comportements particuliers à observer sont les suivants : 1) la façon dont l’enfant joue ; 2) la façon dont le parent apaise l’enfant si nécessaire ; 3) le niveau d’affection exprimée entre le parent et l’enfant. Il faut porter une attention particulière aux types de mots utilisés et aux expressions faciales. Le fait de s’entretenir avec les parents en l’absence des enfants favorise un dialogue ouvert sur les préoccupations parentales. Le type de discipline, le niveau de supervision et de structure, les attentes de l’enfant et les récents stresseurs ou problèmes que la famille a subis doivent aussi être cernés.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Au moment de la collecte de données concernant l’enfant, il est important que les parents soient présents an que l’inrmière puisse évaluer les interactions, l’établissement de limites et la communication familiale.
L’évaluation de la condition mentale permet à l’inrmière de déterminer les problèmes potentiels qui inuencent l’état de santé et de bien-être global de l’enfant ENCADRÉ 25.12. Au cours de la collecte de données sur le préadolescent et l’adolescent, il est essentiel d’obtenir les antécédents familiaux complets relatifs à la consommation d’alcool et de drogue, qui comprennent les quantités absorbées, la durée, les dates et les moments où la personne consomme. Pour obtenir les antécédents de consommation de drogue, l’inrmière pose des questions qui couvrent toutes les méthodes potentielles de consommation (inhaler, fumer, boire ou injecter la drogue) 4 .
4 Les procédures de collecte des données pour adolescents et adultes sont présentées dans le chapitre 4, Évaluation de la condition mentale.
Évaluer la vie familiale La vie et l’entourage de l’enfant ou de l’adolescent sont des aspects essentiels de la collecte des données qui permettent de bien comprendre les problèmes de santé mentale. L’inrmière acquiert une compréhension des différents types d’interactions existant dans les relations familiales et de la perception que chacun des membres a de la dynamique, des succès et des dés de la famille. Il est important pour l’inrmière de connaître les caractéristiques de l’environnement familial qui incluent : 1) la propreté et la taille de la maison ; 2) où et avec qui dort l’enfant ou l’adolescent ; 3) la façon de prendre les repas, de prendre soin des animaux de compagnie, d’effectuer les tâches ménagères et les devoirs ; 4) les moments et la fréquence des activités récréatives ; 5) les rituels entourant le moment du coucher FIGURE 25.8.
25
Examiner les activités de la vie quotidienne Les AVQ de l’enfant ou de l’adolescent en disent long sur son niveau d’indépendance ou de dépendance ainsi que sur son stade de développement. Chapitre 25
Enfants et adolescents
705
Collecte des données ENCADRÉ 25.12
Évaluation de la condition mentale d’un jeune enfant
• Apparence : niveau de nutrition, hygiène et habillement • Réaction à la situation : réaction initiale aux étrangers et réaction à la transition vers l’inrmière qui joue avec l’enfant pendant l’évaluation • Autorégulation : niveau d’éveil, y compris les pleurs et la capacité à se laisser apaiser et à se calmer ; réactions à la stimulation sensorielle (p. ex., le son, le toucher) ; comportements inhabituels comme se frapper la tête, s’arracher les cheveux, lancer des objets, battre des mains, marcher sur la pointe des pieds ; niveau d’activité comme s’asseoir en silence, grimper sur les meubles et explorer la pièce ; champ de l’attention (p. ex., suivre un objet des yeux, explorer un objet avec les mains ; jouer avec un objet) ; tolérance à la frustration comme la capacité de poursuivre une tâche difcile, pleurs et crises de colère ; agressivité, y compris l’afrmation appropriée ou l’agressivité excessive
ou convulsions ; motricité brute, y compris relever la tête, se retourner, se lever, marcher, courir et sautiller ; motricité ne, y compris saisir des doigts, effectuer une prise en pince (avec le pouce et l’index), empiler, gribouiller et faire des casse-tête • Parole et langage : vocalisation et discours comme la qualité, le rythme et le volume ; langage réceptif, y compris la compréhension du langage et la réponse adéquate aux questions et aux commandes ; langage expressif, y compris l’efficacité de la communication, le babillage, l’imitation, la vocalisation de mots uniques et l’utilisation de phrases complètes • Penséea : peur (d’un objet ou d’être séparé de la personne qui en prend soin) ; rêves, y compris des cauchemars ; état dissociatif, y compris le retrait soudain et l’inattention, des yeux vitreux et le désintérêt
• Motricité : tonus musculaire et force, mouvement du visage et de la langue, déglutition, bave et tics inhabituels a Selon
l’âge et le niveau de développement du client, cette catégorie peut ne pas s’appliquer ; cependant, les symptômes comme les associations imprécises et l’écholalie peuvent précéder les troubles de la pensée qui se manifestent plus tard dans la vie. Source : Adapté de Thomas, Benham, Gean et al. (1998).
enseignant des techniques comportementales efcaces à l’enfant ou à l’adolescent et aux parents ou intervenants principaux. Ces attentes et ces techniques favorisent des interactions familiales positives.
25.16.2 Analyse et interprétation des données
FIGURE 25.8 Il est important d’évaluer la dynamique familiale et les interactions entre les membres de la famille au cours de la collecte des données. 3 Les étapes de la démarche de soins sont décrites plus en détail dans le chapitre 3, Principes de la pratique inrmière en santé mentale.
706
Partie 5
Les AVQ sont au centre de nombreux rapports de force au sein de la famille, et une évaluation approfondie peut révéler une dynamique familiale exigeant trop ou trop peu de la part de l’enfant ou de l’adolescent. Celui-ci extériorise souvent les conflits de pouvoir portant sur les AVQ. Ces conits peuvent se produire quotidiennement, le matin au lever, au moment du départ pour l’école, au retour de l’école et à l’heure du coucher. Des punitions exagérées et des rituels négatifs ont souvent cours au sein de la structure familiale autour des AVQ. L’inrmière joue un rôle important en établissant des attentes appropriées à l’âge et en
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
Tout en considérant les besoins et les problèmes individuels du client, il est pertinent de prendre en considération les difficultés familiales. L’inrmière envisage également les problèmes importants suivants : 1) l’inefcacité du rôle parental ; 2) une perturbation du rôle parental ; 3) un bouleversement des processus familiaux. Dans l’établissement des problèmes prioritaires, il faut toujours tenir compte des besoins de la famille 3 .
25.16.3 Planication des soins Établir les résultats escomptés Les critères des résultats escomptés sont établis à partir des besoins prioritaires découlant de la situation de santé déterminés au cours de la démarche de soins. L’inrmière dresse la liste des résultats escomptés par ordre de priorité et les formule en termes simples en collaboration avec l’enfant et sa famille. Les résultats escomptés pour les enfants et les adolescents seront
principalement centrés sur la promotion d’une croissance et d’un développement optimaux. Ils combineront les objectifs de traitement de l’enfant ou de l’adolescent, de l’inrmière, de l’équipe interdisciplinaire et des parents. Par exemple, les objectifs du traitement sont-ils adaptés au niveau cognitif et développemental de l’enfant ou de l’adolescent ? Existe-t-il d’autres stresseurs sur le plan familial ou dans le système de soutien qui s’ajoutent aux problèmes actuels, entraînant des attentes irréalistes pour l’enfant ou l’adolescent (problèmes de santé, d’argent ou de famille d’accueil) ? Les enfants et les adolescents sont plus motivés à participer au processus de traitement lorsqu’ils sont impliqués dans les décisions concernant leurs soins et leur évolution. Par exemple, le client : • demandera de l’aide et du soutien aux adultes lorsqu’il en ressent le besoin ; • pourra discuter des éléments susceptibles de provoquer des émotions et des comportements excessifs ou négatifs ; • entretiendra avec ses pairs des relations positives, satisfaisantes et gratiantes ; • prendra l’initiative de jeux ou d’activités de loisir correspondant à son âge ; • appliquera les stratégies apprises pour mieux gérer son anxiété.
Décider des soins L’inrmière formule des attentes réalistes basées sur les aptitudes développementales et fonctionnelles de l’enfant ou de l’adolescent.
Elle établit des interventions visant à obtenir des changements de comportement orientés vers des objectifs réalistes en fonction des besoins précis déterminés. L’attention que l’inrmière accordera à l’instauration des objectifs mutuellement consentis démontrera son respect et sa conance envers l’enfant ou l’adolescent. L’inrmière encouragera ce dernier à participer activement et à y mettre tous ses efforts, en lui faisant comprendre qu’elle travaillera de concert avec lui et avec sa famille pour atteindre les objectifs de traitement formulés.
ALERTE CLINIQUE
Les questions de sécurité sont essentielles et constituent une priorité pour tout client aux prises avec un trouble mental.
25.16.4 Exécution des interventions Soins et traitements inrmiers Au moment d’exécuter le plan de soins et de traitements inrmiers (PSTI), l’inrmière a pour rôle d’épauler l’enfant ou l’adolescent de concert avec la famille tout au long du processus de modication du comportement. L’enfant ou l’adolescent sera tenté de recourir aux comportements auxquels il est habitué et qui peuvent compromettre l’atteinte des objectifs établis et le succès du traitement entrepris. L’inrmière exprime des attentes claires, cohérentes et réalistes tout en agissant comme un modèle de rôle et en recourant aux aptitudes de la communication thérapeutique. Elle s’applique à faire respecter des limites cohérentes lorsque l’enfant ou l’adolescent met en doute l’autorité et éprouve de la difculté à apprendre et à mettre en pratique un comportement adaptatif TABLEAU 25.3 et PSTI 25.1.
Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 25.3
Intervenir auprès d’enfants et d’adolescents ayant des problèmes de santé mentale
INTERVENTIONS
JUSTIFICATIONS
Entretenir la relation d’aide avec le client et ses proches Établir une alliance thérapeutique basée sur l’authenticité et l’empathie avec le client et sa famille et maintenir une distance relationnelle appropriée.
Pour assurer un meilleur pronostic.
Entendre et valider la détresse du client.
Pour répondre à son besoin d’être entendu et d’établir un réel partenariat.
Fournir une rétroaction positive et une reconnaissance des efforts du client lorsqu’il s’engage dans des comportements favorables à l’amélioration de son bien-être et de sa santé.
An de promouvoir l’estime de soi et de renforcer les comportements positifs.
Renseigner les parents et les tuteurs sur le trouble du client, sur la signication de la cohérence et de la structure dans les interventions et sur l’importance de l’adhésion au traitement pharmacologique le cas échéant.
An de maintenir la cohérence dans l’environnement et entre les adultes.
25
Accompagner le client dans la maîtrise de ses émotions Aider le client à déterminer ses forces et ses qualités.
Pour favoriser l’estime de soi, l’assurance et la conance en soi.
Chapitre 25
Enfants et adolescents
707
TABLEAU 25.3
Intervenir auprès d’enfants et d’adolescents ayant des problèmes de santé mentale (suite)
INTERVENTIONS
JUSTIFICATIONS
Reproduire, par un jeu de rôle, des situations qui déclenchent de la détresse, de l’anxiété, de l’agressivité, le recours à des lésions auto-inigées ou un trouble de consommation d’alcool ou de drogues illicites.
Pour promouvoir l’exploration et l’expérimentation d’autres stratégies d’adaptation.
Enseigner des stratégies de gestion du stress, de l’anxiété ou de la colère ; mettre en lumière les distorsions cognitives et y travailler.
Pour apprendre à contenir ses émotions, diminuer l’impression d’impuissance du client et prévenir les réactions disproportionnées aux situations.
Faire des jeux thérapeutiques avec les enfants plus jeunes.
Pour encourager l’expression de leurs pensées et de leurs sentiments autrement lorsque les capacités langagières sont limitées et pour rétablir des limites saines.
Déterminer des limites claires et renforcer les comportements positifs Encourager le client à exprimer sainement sa colère, avec des mots plutôt que par l’agir, ou à la canaliser par le sport, l’écriture ou la musique.
Pour aider à apprendre à gérer la colère.
Établir calmement des limites raisonnables, claires et cohérentes en adoptant une attitude dénuée de jugement.
Pour favoriser un milieu sécuritaire et établir la conance.
Informer le client des conséquences de la violation des limites.
Pour encourager l’expression de ses sentiments et la réexion quant à ses choix.
Rediriger les comportements perturbateurs en organisant des activités de loisir.
Pour permettre de canaliser l’excès d’énergie et prévenir l’escalade.
Utiliser des temps d’arrêt (technique d’arrêt d’agir) ou des moments de calme lorsque le client ne respecte pas les limites.
An de permettre une diminution de la tension dans un environnement calme et favoriser la compréhension de l’événement.
Enseigner et renforcer les comportements positifs, coopératifs et respectueux.
An de permettre une redénition des relations du client et l’établissement de relations constructives.
Mettre au point un programme de modication des comportements pour l’enfant d’âge préscolaire ou scolaire axé sur la récompense, lorsqu’il s’exprime et agit de façon sécuritaire.
An de renforcer les comportements positifs, d’améliorer l’estime de soi et de favoriser un sentiment d’accomplissement.
Faire participer le client adolescent à l’élaboration d’un contrat de comportement en déterminant les comportements attendus et les privilèges possibles si le contrat est respecté.
An de renforcer les comportements positifs, d’améliorer l’estime de soi et de favoriser l’indépendance.
Prévenir tout passage à l’acte Évaluer la présence d’idées suicidaires et de comportements agressifs dans le passé et déterminer les déclencheurs de ces comportements.
Pour assurer la sécurité du client et celle des autres.
Maintenir un environnement sans danger par une évaluation continue (p. ex., vérier la présence d’objets pointus, d’alcool, de substances illicites) et être attentive à toute modication du comportement ou à tout signe susceptible d’indiquer une augmentation de la colère ou de l’agressivité.
An de prévenir la violence et les agressions.
Orienter le client et ses proches vers les ressources adéquates Encourager le client à participer à la thérapie de groupe, aux activités de loisir et aux activités physiques.
Pour favoriser une meilleure communication avec les pairs et améliorer les habiletés sociales ainsi que les capacités motrices.
Orienter les adolescents vers des groupes de soutien.
Pour créer le sentiment d’appartenance à un groupe de pairs qui met l’accent sur l’aspect positif des choses et pour offrir des occasions d’appliquer de nouvelles stratégies d’adaptation.
Évaluer les parents et les tuteurs an de déterminer l’existence de systèmes de soutien et les orienter vers des groupes de soutien ainsi que vers une thérapie individuelle et familiale au besoin.
Pour consolider les stratégies d’adaptation et réduire au minimum le sentiment d’isolement et de culpabilité.
708
Partie 5
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
Plan de soins et de traitements inrmiers PSTI
25.1
Trouble de décit de l’attention/hyperactivité et trouble oppositionnel avec provocation grave
Michael Leduc-Lavallée, un garçon âgé de neuf ans, a été admis à l’unité de pédopsychiatrie après avoir tenté de « poignarder » son enseignant avec un crayon. Il a des antécédents de mauvaises relations avec ses camarades, ainsi qu’avec ses frères et sœurs, et est souvent mis en retenue à l’école parce qu’il s’est bagarré avec ses camarades pendant la récréation. Il prend du Ritalinmd depuis un an après avoir reçu un diagnostic de TDA/H. Sa mère se plaint qu’il continue d’avoir une faible tolérance à la frustration, qu’il fait souvent des crises de colère quand il n’obtient pas ce qu’il veut ou lorsqu’on lui demande de faire ses devoirs ou des tâches ménagères. Il a agressé physiquement sa
sœur de six ans parce qu’elle s’amusait avec le jouet qui lui appartenait et, ensuite, il a essayé de casser les jouets de sa sœur. La mère reconnaît qu’elle a des difcultés à être ferme et cohérente avec Michael. Elle pense que son mari est trop strict et tente de compenser en étant plus souple. La mère rapporte qu’elle a souffert de dépression au cours des deux dernières années et qu’elle a pris du Paxilmd. La consommation importante d’alcool par le père est une source de conit dans le couple. La famille a récemment entrepris une thérapie familiale.
À la suite de son évaluation, l’inrmière formule les constats suivants et élabore un plan de soins avec Michael. PROBLÈMES DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
• Risque de violence envers autrui lié aux antécédents d’agressions envers les pairs, la fratrie et les enseignants • Humeur colérique et irritable • Manque de tolérance à la frustration
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES ET JUSTIFICATIONS
• Adoption de comportements sécuritaires dans l’unité
• Observer étroitement le client pour assurer sa sécurité et celle de son environnement.
• Autocontrôle des impulsions • Diminution de la colère et de l’agressivité • Mise en place de stratégies d’adaptation • Amélioration de l’estime de soi
• Fournir un encadrement constant pour préserver la qualité de la relation de conance avec l’enfant. • Expliquer à l’enfant les règles de l’unité pour clarier l’information et les attentes. • Faire des demandes directes, une à la fois. • Établir des limites claires, constantes et cohérentes et des conséquences fondées sur la logique en cas de comportements agressifs ou de violation des règles de l’unité pour structurer les comportements et améliorer l’autocontrôle. • Appliquer les conséquences déterminées. • Éviter de confronter l’enfant devant un groupe ou d’autres personnes. • Accompagner l’enfant dans la détermination des situations qui précipitent ses accès d’agressivité pour l’aider à cerner les sources de frustration et à reconnaître ces déclencheurs avant d’agir impulsivement. • Fournir une récompense ou un privilège (renforcement positif) qui convient à l’enfant, chaque fois qu’il adopte des comportements non agressifs (p. ex., donner des autocollants, établir un programme d’étoiles ou de privilèges) pour renforcer les comportements appropriés et bâtir l’estime de soi. • Trouver avec l’enfant de nouvelles stratégies en dehors de la violence, qu’il peut utiliser lorsqu’il est frustré ou en colère (p. ex., lancer une balle en mousse, crier dans un oreiller) pour promouvoir l’expression des sentiments négatifs de façon socialement acceptable et sans danger. • Encourager l’enfant à exprimer ses sentiments par le dessin ou par toute autre forme d’art disponible de façon quotidienne pour favoriser l’expression de son hostilité de façon sécuritaire. • Prévoir un temps de rencontre individuelle quotidien avec l’enfant pour maintenir le lien, faire le point sur ses comportements et ses émotions et lui donner de la rétroaction.
Chapitre 25
Enfants et adolescents
709
25
Soins et traitements en interdisciplinarité Les inrmières ont recours à de nombreuses interventions en interdisciplinarité avec les enfants et les adolescents ayant des troubles mentaux. La récréologie, l’ergothérapie, la thérapie par la musique et par l’art, en plus des traitements à l’école, en groupe, familiaux et individuels, constituent des modalités de traitement qui favorisent la santé et le bien-être général des enfants et des adolescents. Les groupes de thérapie cognitivo-comportementale ont démontré leur efcacité pour enseigner à l’adolescent la gestion des symptômes, l’utilisation de ses capacités de résolution de problèmes et la modication des réactions émotionnelles et des schémas de pensée négatifs.
Psychopharmacothérapie
21 Le chapitre 21, Psychopharmacothérapie et autres thérapies biologiques, examine la question de l’administration des médicaments et présente les différentes classes de médicaments psychotropes.
De nombreux médicaments pour adultes sont également utilisés chez les enfants et les adolescents. Les principales classes de médicaments sont les psychostimulants, les antidépresseurs, les anxiolytiques, les anticonvulsivants et les antipsychotiques. L’infirmière joue un rôle crucial dans l’administration de ces médicaments, puisqu’elle assure le suivi de leur efcacité clinique et de leurs effets indésirables, et elle vérie l’adhésion au traitement 21 . Elle communique ces données à l’équipe soignante interdisciplinaire et au médecin traitant. En conséquence, elle tient constamment à jour ses connaissances sur les médicaments. L’ENCADRÉ 25.13 liste les médicaments utilisés pour les enfants et les adolescents atteints de TDA/H.
Activités de groupe Les jeux en groupe et les activités récréatives constituent des moyens efcaces d’aider l’enfant ou l’adolescent à établir une communication positive avec ses pairs et à améliorer ses relations interpersonnelles. Ils constituent une excellente occasion pour l’infirmière d’agir comme un modèle de rôle, d’enseigner de nouvelles
FIGURE 25.9 Les jeux en groupe permettent à l’inrmière de montrer des comportements acceptables aux enfants.
habiletés, de renforcer les comportements positifs et de favoriser des relations aidantes avec les pairs FIGURE 25.9. L’inrmière dénira le cadre d’un jeu en groupe pour favoriser un environnement sûr et montrer un exemple de coopération et de respect envers les camarades. Les enfants et les adolescents ont souvent appris à taquiner et à provoquer leurs semblables dans le cadre d’un groupe. L’inrmière peut les aider, en adoptant une attitude exempte de jugement, à redénir des relations positives. En effet, chaque interaction de l’inrmière au quotidien avec l’enfant ou l’adolescent est un moment propice pour agir comme un modèle de rôle. Par exemple, dans des jeux de société, elle peut enseigner aux enfants à jouer à tour de rôle, à respecter le droit de parole d’un autre, etc. Les interventions avec les adolescents représentent des dés particuliers, et ce, en fonction des signes cliniques. L’inrmière veille à établir très tôt au cours du traitement une relation ainsi qu’une alliance thérapeutique avec l’adolescent. Mettre en doute l’autorité et tester les limites et les règles font partie du comportement normal des adolescents. Ceux-ci sont à la recherche et ont besoin d’un modèle ; il est donc impératif pour
Psychopharmacothérapie ENCADRÉ 25.13
Trouble de décit de l’attention/hyperactivité
• Psychostimulants : − Dexamphétamine (Dexedrinemd) − Méthylphénidate (Ritalinmd, Concertamd, Biphentinmd) − Lisdexamfétamine (Vyvansemd) − Sels mixtes d’amphétamine (Adderall XRmd) • Inhibiteurs spéciques du recaptage de la norépinéphrine : − Atomoxétine (Stratteramd)
710
Partie 5
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
• Agonistes des récepteurs alpha-adrénergiques : − Clonidine (Catapresmd) − Guanfacine (Intuniv XRmd) • Antidépresseurs : − Bupropion (Wellbutrinmd) − Venlafaxine (Effexormd)
l’inrmière de maintenir des limites appropriées et d’agir comme un modèle de rôle. Les activités de groupe offrent une excellente occasion à l’inrmière d’interagir avec l’adolescent durant le traitement. Elles permettent à celuici d’acquérir des habiletés interpersonnelles, de fournir et de recevoir une rétroaction lorsqu’il communique avec ses pairs, de mettre en application des relations plus adultes, d’écouter avec empathie, de réaliser des succès et d’apprendre des façons appropriées d’interagir avec les autres. Le groupe est aussi une occasion de créer un milieu de soutien par les pairs.
Jeu thérapeutique Pour les jeunes enfants, les interventions de l’inrmière s’insèrent souvent au sein d’activités de jeu thérapeutique. Le jeu constitue le travail des enfants. Ils recourent à des jeux récréatifs ou créatifs pour établir ou faciliter la relation avec leurs camarades et les adultes en s’exerçant à maîtriser de nouvelles tâches développementales. Même lorsqu’ils sont incapables de s’exprimer verbalement ou lorsqu’ils refusent de le faire, les enfants peuvent, grâce au jeu thérapeutique, exprimer leurs pensées, leurs sentiments, leurs frustrations, leurs peurs et leurs espoirs. L’inrmière observe attentivement l’enfant en train de jouer, le guide et interagit avec lui pour modier certaines distorsions et rétablir des limites saines et des paramètres de sécurité, tandis que l’enfant redéfinit ses comportements grâce au jeu FIGURE 25.10.
Programmes de modication du comportement
programme méthodique et structuré qui détermine des objectifs appropriés à l’âge et au niveau développemental, qui sont observables et mesurables pendant une période donnée. Les objectifs sont souvent orientés vers les AVQ, le contrôle des impulsions ainsi que les relations avec les pairs et la fratrie. L’enfant est récompensé chaque fois qu’il atteint un objectif. Un tableau énumérant tous les objectifs peut être utilisé, et une récompense est donnée à l’enfant par l’apposition d’étoiles, d’autocollants ou de couleurs pour illustrer les progrès effectués. Parfois, un programme de comportement est mis en place à la maison en concordance avec le programme scolaire an de renforcer la cohérence. La modication du comportement est fréquemment employée dans les milieux de soins psychiatriques destinés à l’enfant et à l’adolescent. Les préadolescents et les adolescents utilisent souvent un contrat comportemental. Ces contrats se concentrent sur un à trois objectifs de nature plus complexe (p. ex., s’adressera aux autres de façon respectueuse, participera activement aux activités de groupe). L’inrmière coche généralement chaque objectif atteint. Des récompenses sous forme de privilèges accrus (p. ex., une prolongation de l’heure du coucher ou du couvre-feu, une activité avec un parent ou un ami) sont accordées lorsque le contrat est respecté .
Encadré 25.1W : Exemple d’un contrat de comportement.
25.16.5 Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution
Le recours à un programme de modication du comportement dans les plans de traitement des enfants âgés de 3 à 11 ans est fréquent. La modification du comportement nécessite un
L’étape d’évaluation atteste des progrès obtenus grâce au traitement par des résultats concrets. L’inrmière revoit objectivement l’étape d’évaluation pour juger de l’efcacité du plan d’intervention et du PSTI.
FIGURE 25.10 Il est possible de recueillir des indices développementaux physiques, intellectuels et sociaux à partir de la complexité des comportements ludiques d’un enfant.
L’équipe interdisciplinaire coordonne toutes les modications du plan d’intervention an de maintenir une cohérence dans l’exécution du traitement, et ce, en tenant compte des besoins du client et de sa famille ENCADRÉ 25.14 . Il importe de communiquer régulièrement l’évaluation du traitement aux parents ou tuteurs. Cela permet de consolider les acquis du traitement, de renforcer les nouvelles méthodes d’intervention parentale, d’encourager les parents ou les intervenants principaux à faire un suivi ou à établir de nouvelles attentes plus réalistes. En effet, certains objectifs de traitement qui ont été xés peuvent se révéler inappropriés en raison d’une surestimation ou d’une sous-estimation du potentiel de l’enfant. Cette lacune se corrige par une modication des composantes mesurables (p. ex., l’échéance pour l’atteinte du résultat ou le nombre souhaité de comportements adéquats).
Chapitre 25
25
Enfants et adolescents
711
En cas d’hospitalisation, il est important que l’inrmière commence dès le début du traitement à préparer la famille à la sortie éventuelle. Le travail entamé en milieu hospitalier sera poursuivi à la maison ou dans un autre contexte : traitement de jour, soins en établissement ou foyer collectif. L’inrmière encourage l’enfant ou l’adolescent, ainsi que sa famille, à réaliser une
transition harmonieuse avec les nouveaux intervenants (inrmière spécialisée, travailleur social, psychologue ou psychiatre, éducateurs spécialisés, psychoéducateurs et orthopédagogue). Dans les cas graves ou chroniques, les enfants et les adolescents peuvent être placés en centre hospitalier psychiatrique, mais ce type de placement demeure rare.
Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 25.14
Ajuster les objectifs du traitement en collaboration avec le client et ses proches
L’enfant ou l’adolescent : • manifeste des conduites sécuritaires envers soi et autrui ; • prend soin de lui selon ses capacités ; • maîtrise ses émotions et ses comportements selon ses capacités ; • effectue les tâches et les devoirs scolaires et fonctionne sans colère ni frustration inutiles ; • utilise ses habiletés cognitives, langagières et de communication pour se faire comprendre et répondre à ses besoins selon ses capacités ;
• joue adéquatement avec les pairs selon son âge et les règles établies ; • participe aux programmes pédagogiques et professionnels comme prescrit ; • utilise des stratégies d’adaptation et de réduction du stress ; • réagit aux attentions et aux demandes des autres de façon satisfaisante ;
• interagit de façon signicative avec le personnel, les pairs et la famille selon ses capacités ;
• utilise les ressources communautaires pour améliorer sa qualité de vie.
Claudel Sylvestre est un jeune garçon âgé de neuf ans. Il rencontre une inrmière du groupe de médecine de famille de son quartier parce que ses parents ont constaté des comportements qui les inquiètent. Entre autres, il fait des clins d’œil en levant le coin gauche de sa bouche et répète les derniers mots des phrases qu’il entend. Dernièrement, il a fait une colère marquée parce que sa mère avait acheté des bananes à l’épicerie et qu’il n’en
Partie 5
• adhère au plan thérapeutique, y compris la prise des médicaments, comme requis ;
• démontre des habiletés d’interactions adaptées à son niveau de développement ;
Analyse d’une situation de santé
712
• cherche adéquatement de l’attention et de l’aide auprès des personnes signicatives ;
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
Jugement clinique voulait pas. Malgré les explications de sa mère, il est allé reporter les fruits à l’insu de ses parents. C’est après cet incident que ces derniers ont décidé de consulter le médecin. Ils avaient déjà observé des comportements qu’ils qualiaient de bizarres, mais ils croyaient que cela passerait avec le temps. Ils ont lu dans un site Internet que de tels comportements pouvaient être des manifestations du syndrome de Gilles de la Tourette.
Mise en œuvre de la démarche de soins SOLUTIONNAIRE
Collecte des données – Évaluation initiale – Analyse et interprétation 1. Trouvez six questions que l’inrmière devrait poser aux parents concernant les tics faciaux de Claudel. 2. Pourquoi serait-il pertinent de demander si Claudel a des problèmes d’apprentissage ? 3. L’inrmière demande à Claudel s’il se sent stressé, fatigué ou s’il est préoccupé par quelque chose de précis. Pourquoi cette question est-elle appropriée ? 4. L’inrmière demande aux parents si Claudel montre des tics lorsqu’il dort. Pourquoi cette question estelle pertinente également ?
Pendant la rencontre, l’inrmière observe les comportements de Claudel lorsqu’elle s’adresse à
ses parents. L’enfant se lève et s’assoit, prend un magazine et tourne les pages sans les lire.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
5. Dans cet épisode, quelle information l’inrmière peut-elle recueillir par l’observation des comportements de Claudel ? 6. L’inrmière devrait-elle vérier si Claudel montre de l’échopraxie ? Justiez votre réponse.
L’inrmière observe que Claudel ne la regarde pas quand elle lui parle, qu’il cache son côté
gauche du visage avec sa main et qu’il tourne la tête vers la gauche en regardant le sol.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
7. Qu’est-ce que cela signie ?
Plus tard durant l’entrevue, l’inrmière questionne la mère de Claudel et remarque que celui-ci
répète le dernier mot prononcé par celle-ci lorsqu’elle répond à vos questions.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
8. Comment s’appelle ce phénomère ?
Au cours de l’entrevue, l’inrmière observe aussi que Claudel a de la difculté à tenir en place : il se tortille sur son siège, coupe la parole et tente de répondre aux questions à la place de sa mère. Celle-ci mentionne d’ailleurs que son enseignant
le réprimande souvent, car il se lève de son siège au milieu d’un cours. Il impose parfois sa présence aux autres et prend leur matériel sans demander la permission.
Chapitre 25
25
Enfants et adolescents
713
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
9. En vous basant sur ces nouvelles données, quel trouble souvent comorbide au syndrome de Gilles de la Tourette l’inrmière pourrait-elle suspecter ?
L’inrmière questionne Claudel sur ses résultats scolaires. Il dit tout en cachant son visage : « C’est
pas fort. J’me force, mais j’me trouve pas ben bon. C’est dur. »
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
10. Quel problème est mis en lumière dans la réponse de Claudel ? 11. D’après les données de cette situation, Claudel est-il dangereux pour lui-même ? Justiez votre réponse.
Même si le diagnostic du syndrome de Gilles de la Tourette n’est pas encore posé, l’inrmière suggère à Claudel et à ses parents des activités
calmes comme faire un casse-tête, des dessins, regarder un lm.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
Planication des interventions – Décisions inrmières 12. En quoi ce genre d’activités peut-il être bénéque pour Claudel ?
Même si rien n’est conrmé pour Claudel, les parents demandent à l’inrmière si les tics peuvent
s’aggraver avec le temps.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
13. Que devrait-elle leur répondre ?
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution 14. Nommez deux points à vérier chez Claudel à l’occasion d’une rencontre ultérieure.
714
Partie 5
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
APPLICATION DE LA PENSÉE CRITIQUE Dans l’application de la démarche de soins auprès de Claudel et de ses parents, l’infirmière a recours à un ensemble d’éléments (connaissances, expériences antérieures, normes institutionnelles ou protocoles, attitudes professionnelles) pour analyser la situation de santé de Claudel et en comprendre les
enjeux. La FIGURE 25.11 illustre le processus de pensée critique suivi par l’infirmière afin de formuler son jugement clinique. Elle résume les principaux éléments sur lesquels l’infirmière s’appuie en fonction des données de Claudel et de ses parents, mais elle n’est pas exhaustive.
VERS UN JUGEMENT CLINIQUE CONNAISSANCES
EXPÉRIENCES
NORME
ATTITUDES
• Troubles mentaux les plus fréquents chez les enfants et les adolescents • Facteurs contribuant à l’apparition d’un problème de santé mentale chez la jeune clientèle (sexe, climat familial, autres conditions) • Caractéristiques de ces troubles selon les groupes d’âge et conséquences sur le développement de l’enfant • Impacts de ces troubles sur l’enfant et l’adolescent (relations familiales et sociales, rendement scolaire, sécurité physique) • Moyens pharmacologiques et non pharmacologiques pour diminuer les symptômes
• Expérience de travail en pédiatrie et en santé mentale • Expérience en santé scolaire • Personne de l’entourage ayant un enfant présen tant un problème de santé mentale
• Activité réservée de l’inrmière d’après la Loi sur les inrmières et inrmiers : évaluer la condition physique et mentale d’une per sonne symptomatique
• Être compréhensive face aux inquiétudes des parents • Démontrer de l’empathie envers Claudel qui éprouve de la gêne par rapport à ses tics et qui présente une diminution de l’estime de soi • Être patiente face aux comportements de l’enfant
PENSÉE CRITIQUE
ÉVALUATION • • • • • • • • • • •
Types de tics présentés par Claudel Fréquence des tics et moment d’apparition Facteurs aggravant et diminuant les tics Comportements de Claudel par rapport à ses tics Niveau d’estime de soi du jeune garçon Risque de blessures envers luimême Autres signes du syndrome Comportements d’impulsivité, d’hyperactivité, d’inattention Rendement scolaire général Fonctionnement social Préoccupations des parents et leurs attentes face au diagnostic possible, au traitement et au pronostic • Perception de Claudel par rapport à sa situation • Impacts des manifestations présentées par Claudel sur son entourage
25
JUGEMENT CLINIQUE FIGURE 25.11
Application de la pensée critique à la situation clinique de Claudel
Chapitre 25
Enfants et adolescents
715
Chapitre
26
Personnes âgées
chapitre
Écrit et mis à jour par : Linda Thibeault, inf., M. Sc.
MOTS CLÉS
OBJECTIFS
Activités de la vie domestique (AVD). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 720 Activités de la vie quotidienne (AVQ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 720 Âgisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 720 Délirium . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 722 Détérioration physique. . . . . . . . . . . . . . . 726 Détresse psychologique . . . . . . . . . . . . . 724 Gériatrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 718 Gérontologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 718 Gérontopsychiatrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . 718 Soutien social. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 721 Stratégie d’adaptation . . . . . . . . . . . . . . . 720 Troubles liés à une substance . . . . . . . 731 Vieillissement de la population. . . . . . . 718
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez être en mesure : • d’expliquer les facteurs qui peuvent influer sur la santé mentale de la personne âgée ; • de reconnaître les perceptions courantes du vieillissement et les attitudes de la société à l’égard des personnes âgées ; • de préciser les éléments à évaluer par rapport à l’état fonctionnel et à la condition mentale de la personne âgée ; • de déterminer les divers problèmes de santé mentale dont peut être atteinte une personne âgée ; • d’expliquer les particularités des troubles mentaux chez une clientèle âgée ainsi que les soins et traitements infirmiers qui s’y rattachent.
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À retenir Carte conceptuelle Encadré Web Ressources Solutionnaire de l’Analyse d’une situation de santé Solutionnaire des questions de Jugement clinique
• Solutionnaire des questions Réactivation des connaissances • Solutionnaire des questions Récemment vu dans ce chapitre • Solutionnaires du Guide d’études • Tableau Web
Guide d’études – RE09
716
Partie 5
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
Concepts clés
Cette carte conceptuelle illustre schématiquement les principaux concepts décrits dans le présent chapitre. Sa lecture vous permettra d’avoir une vue d’ensemble des notions qui y sont présentées.
problèmes rencontrés
importance des
Personnes âgées
évaluer
et
les plus à risque
26
Chapitre 26
Personnes âgées
717
PORTRAIT
Marjorie Jones Marjorie Jones, âgée de 80 ans, est amenée au service des urgences par sa lle et son gendre. Elle soutient sa poitrine et a du mal à respirer. Actuellement, madame Jones suit un traitement pour de l’hypertension artérielle chronique. Elle a un poids insufsant, est déshydratée, ne porte pas sa prothèse dentaire, et son hygiène personnelle s’avère déciente. Lorsque l’inrmière lui demande où est sa prothèse dentaire, la cliente explique que cela fait plusieurs mois qu’elle l’a perdue et que personne ne l’a retrouvée. Après l’administration d’un médicament qui stabilise la pression artérielle, madame Jones se sent mieux et est en mesure de fournir plus d’explications à l’inrmière. Madame Jones est une personne renfermée et dit se sentir déprimée ; elle a de la difculté à établir un contact visuel avec l’inrmière. Elle explique qu’il y a 18 mois, elle a déménagé chez sa lle et son gendre, car elle n’était plus en mesure d’entretenir son propre appartement. Avant son déménagement, madame Jones menait une vie remplie en compagnie de ses amis veufs et participait à des activités sociales. Elle retenait les services d’une aide ménagère à temps partiel depuis le décès de son mari, il y a cinq ans, et arrivait assez bien à maintenir son indépendance, jusqu’à l’apparition d’un problème d’insufsance cardiaque. La cliente afrme que sa vie a changé depuis qu’elle a perdu son indépendance. Elle trouve difcile de s’adapter à une vie où l’« on dépend tellement des autres » et dit s’ennuyer de ses amis.
26.1
Tableau 26.1W – Évolution du nombre de personnes âgées au Québec et par région.
718
Partie 5
Situation de la population âgée
À mesure que la population vieillissante augmente et se diversie sur le plan ethnique, un réexamen des valeurs culturelles attachées au vieillissement devient nécessaire. Les recherches se sont recentrées sur la compréhension du vieillissement réussi, un terme qui décrit un fonctionnement général élevé de la personne âgée, comprenant un maintien de ses capacités fonctionnelles ou des atteintes modérées de ces dernières, et ce, en l’absence de pathologies. Ce concept évoque à la fois la dimension biopsychosociale et l’aspect médical, fonctionnel et même philosophique du vieillissement (Le Deun & Gentric, 2007). Les recherches se penchent aussi sur la santé physique et mentale, l’apprentissage et la créativité en tant que domaines permettant de promouvoir la qualité de vie chez les personnes âgées (Le Deun & Gentric, 2007 ; Organisation mondiale de la Santé [OMS], 2012).
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
Selon l’OMS, le nombre de personnes âgées est en hausse dans la plupart des pays ENCADRÉ 26.1. Ce changement démographique est associé à un prolongement de l’espérance de vie et à l’amélioration de la santé publique dans le monde (Centre de toxicomanie et de santé mentale [CAMH], 2010 ; OMS, 2012). Le Canada verra aussi le nombre de ses personnes âgées augmenter dans les prochaines années. Le vieillissement de la population canadienne s’explique essentiellement par un taux de fécondité qui se situe depuis longtemps sous le seuil de remplacement des générations de 2,1 enfants par femme et par une espérance de vie à la hausse. Mais la raison principale de ce changement est liée aux premières générations des babyboomers atteignant l’âge de 65 ans. En général, les Canadiens vivent aujourd’hui plus vieux et en meilleure santé en raison de l’amélioration des services de santé, un fait également constaté ailleurs dans le monde (CAMH, 2010 ; MacCourt, Wilson & Tourigny-Rivard, 2011 ; Statistique Canada, 2010). Le Québec suit aussi cette tendance d’un vieillissement massif de la population . Aux prises avec une baisse de natalité, mais protant de l’amélioration de l’espérance de vie et de l’état de santé général, la population québécoise est la plus âgée au pays. En 2011, le nombre de Québécois âgés de 65 ans et plus a dépassé pour la première fois celui des moins de 15 ans (GéoPopulation, 2011 ; ministère de la Famille et des Aînés & ministère de la Santé et des Services sociaux [MSSS], 2012 ; MSSS, 2011). En 2001, les personnes âgées autochtones constituaient pour leur part une proportion relativement faible de la population des Premières Nations, ne représentant que 4 % de celle-ci, bien que cette proportion devrait doubler d’ici 2020. Ce fait est lié en grande partie à l’espérance de vie moindre des Autochtones par rapport à la moyenne canadienne, la prévalence de certaines maladies telles que les affections cardiaques, le diabète ou l’arthrite y étant deux ou trois fois plus élevée. Cette situation de santé inue sur leur niveau de vie, le taux de pauvreté et d’isolement y étant plus important que chez les autres Canadiens, et a des répercussions sur la santé mentale de cette population (Collin & Jensen, 2009 ; Elgersma, 2010 ; Turcotte & Schellenberg, 2006). Pour les professionnels de la santé, le vieillissement généralisé de la population rend impérative la compréhension des notions fondamentales et globales de la gérontologie. Cette dernière est l’étude des phénomènes du vieillissement dans leurs différents aspects : morphologiques, physiopathologiques, psychologiques, sociaux, etc. Pour sa part, la gériatrie permet aux intervenants de la santé de comprendre particulièrement les maladies liées au vieillissement. Finalement, la gérontopsychiatrie est la branche de la psychiatrie consacrée
aux pathologies associées à la santé mentale et aux traitements des troubles mentaux complexes qui touchent les personnes âgées. Bien que l’évaluation de ces dernières ressemble à celle des adultes plus jeunes, elle doit être adaptée aux diverses caractéristiques du vieillissement normal ou pathologique de même qu’à la sensibilité des aînés aux médicaments. Les soins dont ces personnes ont besoin sont multiples et dépendent de leurs problèmes de santé à la fois physiques et mentaux (Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, 2011 ; Gouvernement du Québec, 2007 ; Paquette, Charron, Punti et al., 1999).
26.1.1
Population âgée immigrante et différences culturelles
La plupart des aînés immigrants demeurent au Canada depuis au moins 10 ans, et seulement 2,3 % des nouveaux immigrants avaient plus de 65 ans en 2004. Plus de 50 % de la population âgée immigrante habite principalement dans les grands centres urbains. En général, ces aînés ont des habitudes de vie favorables à une bonne santé en raison de leur faible taux de tabagisme et de consommation d’alcool. La façon d’envisager la santé mentale des personnes âgées immigrantes différerait de celle de la population générale, tant au Canada qu’au Québec ; ainsi, ces aînés vivraient en général moins de détresse psychologique que cette dernière. Les croyances culturelles inuent sur les réactions des personnes âgées relativement à la santé, à la maladie, à la souffrance, aux traitements et à la mort FIGURE 26.1. Ces croyances auront même un impact sur certains éléments comme l’heure des rendez-vous, le type de traitements, la médication ou sur le choix de la personne qui prend les décisions en matière de santé pour l’aîné (ministère de la Famille et des Aînés & MSSS, 2012 ; Ordre des inrmières et des inrmiers de l’Ontario [OIIO], 2009).
26.1.2
ENCADRÉ 26.1
Portrait du vieillissement de la population
• Au Canada, en 2011, le nombre de Canadiens de 65 ans et plus était estimé à 5 millions. Ce chiffre devrait doubler au cours des 25 prochaines années pour atteindre 10,4 millions de personnes âgées en 2036. • En 2036, les aînés canadiens représenteront entre 23 et 25 % de la population, un pourcentage qui grimpera de 24 à 28 % en 2061. • En 2051, près de 1 Canadien sur 4 devrait avoir 65 ans ou plus. • Au Canada, entre 2014 et 2021, le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus dépassera celui des jeunes de moins de 15 ans. • Au Québec, entre 2011 et 2031, le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus va presque doubler, leur proportion passant de 15,7 à 25,6. Sources : Adapté de CAMH (2010) ; Emploi et Développement social Canada (2016) ; ministère de la Famille et des Aînés & MSSS (2012) ; Statistique Canada (2010).
La Coalition canadienne pour la santé mentale des personnes âgées (CCSMPA) a émis certaines recommandations préventives destinées à cette population : privilégier une alimentation saine et variée, être actif physiquement et mentalement tout en dosant les périodes de repos, éviter de fumer, consommer de l’alcool avec modération, réaliser des activités intéressantes, comme du bénévolat, tout en gérant son stress et socialiser avec son entourage et ses proches (CCSMPA, 2009 ; Mechakra-Tahiri, Zunzunegui, Préville et al., 2010).
éactivation des connaissances Chez un professionnel de la santé, qu’est-ce que la compétence culturelle ?
Facteurs inuant sur la santé
La situation générale des aînés s’est nettement améliorée au cours des 30 dernières années, et les statistiques à ce sujet en représentent un indicateur clair. Cette situation est attribuable à des améliorations sur le plan du logement, du revenu et des milieux de vie, mais particulièrement à diverses activités de prévention comme la vaccination, la diminution des risques associés aux chutes et à la médication, la réduction des effets des maladies chroniques, le dépistage du cancer et la réadaptation. Toutefois, étant donné le vieillissement rapide de la population québécoise, les dés sont de taille quant aux besoins actuels et futurs de cette population en pleine croissance (ministère de la Famille et des Aînés & MSSS, 2012).
26
FIGURE 26.1 Les rites et les coutumes d’une population ont de multiples sources, selon l’origine religieuse, ethnique, sociodémographique, l’expérience de vie ou même l’orientation sexuelle. Chapitre 26
Personnes âgées
719
CE QU’IL FAUT RETENIR
La personne âgée est souvent victime d’une image négative où elle est associée à un fardeau social. Elle peut avoir à faire face à de l’infantilisation, de l’âgisme ou de la gérontophobie, attitudes découlant de la méconnaissance du processus du vieillissement.
Une majorité de personnes âgées de tous les horizons souffre d’au moins une affection chronique, et 81,6 % des personnes de 65 ans et plus vivant à domicile éprouvent au moins un problème de santé physique (ministère de la Famille et des Aînés & MSSS, 2012). La maladie en soi ne semble pas inuer sur la perception individuelle de l’état de santé si les habiletés fonctionnelles ne sont pas compromises. Celles-ci font partie des activités de la vie quotidienne (AVQ) et des activités de la vie domestique (AVD). La présence de facteurs favorisant la santé générale chez les personnes âgées leur permettra de vivre un vieillissement plus réussi, ce qui signie la réduction des risques de pathologies physiques et de déclin vers la fragilité, un état où l’organisme s’adapte moins bien au stress et qui se combine à la maladie et aux conséquences de l’inactivité TABLEAU 26.1. Cet état de fragilité rend la personne âgée plus vulnérable au trouble mental, dont la dépression (Champoux, 2005 ; Paquette et al., 1999 ; RamageMorin, Shields & Martel, 2010).
Jugement
clinique Mary Caldwell est âgée de 79 ans. Elle vient d’un milieu aisé et menait une vie sociale très active. Elle était ère de sa personne et aimait aider les autres, étant impliquée dans plusieurs activités de charité. Elle vit en centre d’hébergement et de soins de longue durée depuis 16 mois en raison d’un décit cognitif grave et d’une perte d’autonomie marquée pour ses AVQ. Le personnel inrmier la connaît bien et en prend soin, mais il la tutoie et l’appelle grandmaman. Tous les jours, on fait des « lulus » avec ses cheveux de chaque côté de la tête. « Elle ne s’en rend pas vraiment compte », afrme le personnel. Que pensez-vous de l’attitude du personnel inrmier ?
TABLEAU 26.1
Il y aurait un effet protecteur sur la santé à avoir une éducation plus élevée, à vivre en couple et à jouir d’un revenu plus substantiel. Par rapport au reste de la population canadienne, les Québécois seraient ceux qui manifesteraient le plus de détresse psychologique, mais qui présenteraient le moins d’atteintes à la santé mentale telles que la dépression, les manies, les phobies, les attaques de panique et l’abus de substances (Caron & Liu, 2010).
SANTÉ MENTALE
• Consommation ou non de tabac
• Ressources nancières à la retraite
• Qualité de l’alimentation • Poids
• Appartenance ou non à un groupe plus à risque (femmes, Autochtones, immigrants)
• Pratique d’exercice
• Niveau de scolarité
• Présence ou non de maladies chroniques
• Relations avec la famille
• Présence ou non d’incontinence
• Perception négative ou positive du vieillissement
• Autoperception de l’état de santé général et mental
Une des raisons expliquant ces préjugés serait la méconnaissance même du processus du vieillissement. L’âgisme pourrait aussi constituer une stratégie d’adaptation chez certaines personnes pour qui le vieillissement, avec ses pertes physiques potentielles, engendre de l’angoisse. Ne pouvant se reconnaître dans cette identité sociale, certains la classent à part : moi, je ne suis pas comme ça. Cette réaction peut se manifester quel que soit l’âge de la personne FIGURE 26.2 (MSSS, 2011 ; Pilote, 2010). Le culte de la jeunesse et la
• Réseau social
• Indépendance et autonomie fonctionnelle
• Deuil ou perte récente
• Qualité du sommeil
• Présence ou absence d’un décit fonctionnel entraînant une perte d’autonomie
• Implication sociale
Partie 5
La perception du vieillissement et les attitudes de la société à l’égard des personnes âgées évoluent depuis plusieurs années. Butler a employé pour la première fois le terme âgisme en 1969 pour désigner les opinions stéréotypées et la discrimination envers les personnes âgées (Pilote, 2010). Comme l’a souligné le groupe de travail qui s’est penché sur l’approche adaptée à la personne âgée en milieu hospitalier, cette clientèle est victime d’une image négative, soutenue trop souvent par les médias. L’âgisme, la gérontophobie et l’infantilisation sont quelques exemples de ce que peuvent subir les personnes âgées (MSSS, 2011). Les personnes âgées ayant un problème de santé mentale sont souvent victimes d’une double stigmatisation, celle d’appartenir au groupe des aînés et celle d’avoir une maladie mentale (Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, 2006).
Facteurs inuant sur la santé
SANTÉ GÉNÉRALE
720
Perception du vieillissement
• Précarité ou non de l’état de santé physique
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
FIGURE 26.2 L’impatience que manifesterait une personne quant au temps que prend un aîné pour entendre les explications en raison d’une presbyacousie est un exemple d’âgisme.
croyance selon laquelle les personnes âgées sont improductives ont accentué la perception de far deau social que représentent cellesci. Cette vision discriminatoire des personnes âgées nuit à leur implication sociale. En ne reconnaissant pas leur richesse expérientielle, la société déprécie les aînés et les qualifie de fragiles. Ceuxci se retrouvent alors exclus et isolés tant sur le plan social qu’économique. Cette exclusion et cet iso lement entraînent une dévalorisation personnelle et sociale, et favorisent l’apparition de certains troubles mentaux, telle la dépression. Pour briser ce cycle, les établissements et la communauté déploient des efforts an de cerner et de modier ces perceptions (Champoux, 2005 ; ministère de la Famille et des Aînés & MSSS, 2012).
de la Famille et des Aînés & MSSS, 2012). Les coûts liés aux services et aux soins destinés aux futurs aînés pourraient dépasser leur contribution nancière à la société, ce qui risque d’altérer les perceptions les concernant (Agence de la santé publique du Canada, 2010).
Les points de vue concernant le vieillissement varient selon la culture. La contribution des per sonnes âgées à la société a un impact sur leur sta tut dans certains groupes culturels. Par exemple, les cultures orientales sont depuis longtemps inuencées par les valeurs confucéennes qui res pectent grandement les personnes âgées, leur sagesse et leur expérience de vie, et ce, encore aujourd’hui dans plusieurs pays asiatiques. Par opposition, les cultures occidentales axées sur l’industrialisation et orientées vers une vision pro ductive dévalorisent les personnes âgées, les considérant à bien des égards comme un poids tout en niant la valeur profonde de l’expérience acquise au cours de leur vie (Löckenhoff, De Fruyt, Terracciano et al., 2009).
Le soutien social favorise une meilleure santé. Le fait pour l’un des conjoints de devenir le proche aidant (pair aidant) de l’autre dans les couples vieillissants ou le décès du conjoint peut augmen ter l’isolement social. Les personnes âgées qui aident leur conjoint et dont la qualité de vie est ellemême affectée deviennent à risque d’une atteinte à leur santé mentale et physique. Les proches aidants, qu’il s’agisse du conjoint ou de la famille, comptent pour audelà de 75 % de l’aide requise au maintien à domicile (Turcotte & Schellenberg, 2006).
Par ailleurs, dans certaines langues, aucune expression ou aucun mot n’est associé à un trouble mental particulier pour le qualier ou le décrire. Le trouble est alors plutôt classé comme une rela tive normalité, et cela peut retarder la recherche du traitement approprié (Elgersma, 2010 ; Nanhou & Audet, 2008 ; Simich, 2009). C’est ce qui explique que certains immigrants seront incapables de reconnaître un trouble mental, car ils ne com prennent pas ses causes et ont un système de croyances particulier, tant au sujet des personnes atteintes que des traitements requis. La culture occidentale actuelle montrerait cependant un soutien plus solide envers l’idée d’un vieillissement réussi (Löckenhoff et al., 2009). Plus les membres d’une société sont en contact avec les personnes âgées, plus la percep tion qu’ils en ont est positive. Avec le vieillisse ment de la population, chaque culture s’interroge quant aux aspects fonctionnels, économiques et politiques du vieillissement de ses membres. La situation de la population âgée actuelle permet probablement d’envisager avec plus d’optimisme la disponibilité de ressources sociales et écono miques, mais les générations futures de personnes âgées se heurteront à des problèmes importants de ressources (Löckenhoff et al., 2009 ; ministère
Réseau de soutien Une hausse remarquable du nombre de personnes seules devrait être notée, qu’elles soient céliba taires, divorcées ou séparées, avec ou sans enfants ENCADRÉ 26.2. Les aînés qui auront besoin d’as sistance devront alors s’adresser aux services publics et aux diverses ressources communau taires plutôt qu’à leurs proches (ministère de la Famille et des Aînés & MSSS, 2012).
ENCADRÉ 26.2
CE QU’IL FAUT RETENIR
L’exclusion et l’isolement social entraînent une dé valorisation personnelle et sociale, et favorisent l’apparition de certains troubles mentaux, tels que la dépression. À l’inverse, le soutien social favorise une meilleure santé.
Milieu de vie des personnes âgées
• Chez les personnes âgées en perte d’auto nomie, les proches aidants autres que le conjoint sont fréquemment les enfants. Cela peut devenir une source de conit quand un seul des enfants s’occupe du parent et causer : − des tensions émotives chez les autres enfants ; − un sentiment d’injustice pour la per sonne qui se sent plus impliquée (plus souvent une femme) ; − un sentiment d’impuissance devant la maladie du parent, ce qui peut amener le proche aidant à vouloir tout gérer à la place de l’aîné, pendant que les autres enfants s’en éloignent, dépassés par les événements.
vieillissent plus longtemps et sont plus souvent des veuves. En 2011, le taux de femmes québécoises seules se situe à 39 % pour la même tranche d’âge. • En 2012, les personnes de plus de 65 ans comptaient pour 23 % des aidants fami liaux et consacraient le plus grand nom bres d’heures à ce travail, soit plus de 20 heures par semaine. • Environ 30 % des aînés qui ont eu une grande famille demeurent en lien étroit avec les membres de celleci, particuliè rement en milieu rural. Près de la moitié de leurs contacts sociaux provient de la famille immédiate, comprenant les parents, la fratrie, les enfants ainsi que la bellefamille.
26
AU CANADA
AU QUÉBEC
• En 2006, 37 % des femmes âgées de 65 ans et plus vivaient seules, soit 2 fois plus que les hommes (seulement 17 %). Cet écart augmente avec l’âge, car les femmes
• La majorité des personnes âgées étaient bien entourées, et 80 % d’entre elles bénéciaient d’un soutien social adéquat à élevé.
Sources : Adapté de CAMH (2010) ; Kergoat & Légaré (2007) ; Meier, Bodenmann, Mörgeli et al. (2011) ; ministère de la Famille et des Aînés & MSSS (2012) ; MSSS (2011) ; Statistique Canada (2010).
Chapitre 26
Personnes âgées
721
Une analyse de la dynamique familiale antérieure à la détérioration de la santé du parent permet souvent de saisir les rouages de possibles conits. Elle facilite l’orientation quant au type d’aide requise par la personne âgée en perte d’autonomie an de lui éviter de subir les contrecoups de ces difcultés familiales (Kergoat & Légaré, 2007).
26.2
CE QU’IL FAUT RETENIR
Chez la personne âgée, certains problèmes physio logiques présentent des manifestations pouvant faire croire d’abord à un trouble mental. C’est le cas, par exemple, d’un délirium secondaire à une infection urinaire, où la personne atteinte aura des idées délirantes.
Évaluation de l’état de santé de la personne âgée
Malgré toutes les transformations physiologiques que vivent les personnes âgées, la plupart d’entre elles sont capables de s’adapter aux douleurs et aux souffrances mineures attribuées au vieillissement normal. Les stratégies d’adaptation cessent généralement d’être efcaces quand la personne âgée est incapable de fonctionner et d’accomplir ses AVQ de façon autonome. La plupart des situations qui amènent la personne âgée à consulter les services médicaux d’urgence se rapportent à l’incapacité de mener à bien des tâches fonctionnelles précises (Champoux, 2005 ; Voyer, 2011). Par ailleurs, les manifestations de certains problèmes physiologiques pourraient d’abord faire croire à un
TABLEAU 26.2
trouble mental. Ces symptômes ont pourtant une cause physiologique. Ce sera le cas, par exemple, si une personne âgée présente un délirium secondaire à une infection urinaire ou pulmonaire ou si elle souffre de déshydratation importante. Cette personne peut alors avoir des idées délirantes ou des hallucinations tout en manifestant une agitation psychomotrice ou, au contraire, avoir l’air apeurée ou vouloir se retirer. L’inrmière pourrait avoir l’impression que la personne est atteinte de schizophrénie, de dépression avec psychose, d’un trouble neurocognitif ou d’un autre trouble mental. Devant de telles manifestations, il est donc primordial d’en éliminer les causes physiologiques. L’introduction d’une médication nouvelle, la dénutrition combinée à une déprivation de sommeil, une déshydratation ou un désordre métabolique sont quelques exemples de causes pouvant perturber une personne âgée (MSSS, 2011 ; Voyer, 2011).
26.2.1
Évaluation de l’état fonctionnel
Il est important d’évaluer l’état fonctionnel de la personne âgée et son impact sur sa vie quotidienne. L’évaluation de l’état fonctionnel couvre habituellement deux domaines. Le premier englobe les AVQ, et le deuxième, les AVD. Le TABLEAU 26.2 présente
Catégories d’activités de la vie quotidienne et d’activités de la vie domestique pour l’évaluation de l’état fonctionnel
CATÉGORIE D’ACTIVITÉS
EXPLICATION
Catégorie d’AVQ Alimentation
Manger et boire
Hygiène personnelle
Se laver, prendre un bain ou une douche, incluant l’hygiène buccale, l’entretien et le brossage des cheveux
Habillement
Mettre et enlever ses vêtements et ses chaussures
Élimination
Contrôler l’émission urinaire et fécale, et utiliser les toilettes
Mobilisation
Marcher avec ou sans aide technique, ainsi que monter et descendre les escaliers
Transferts
Faire le transfert du lit au fauteuil ou au fauteuil roulant, le cas échéant
Catégorie d’AVD
722
Partie 5
Utilisation du téléphone
Se servir adéquatement du téléphone de sa propre initiative
Courses
Organiser et faire les courses et l’épicerie nécessaire
Préparation des repas
Organiser, préparer et servir ses repas
Entretien ménager
Faire son ménage, sa vaisselle, son lit
Lavage des vêtements
Faire son lavage en totalité ou en partie
Utilisation des transports
Se déplacer avec sa voiture, en transport public ou en taxi
Prise de médicaments
Gérer sa médication adéquatement et de façon autonome (acon ou dosette)
Gestion des nances
Gérer son budget, ses avoirs et faire des chèques
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
les principales catégories d’AVQ et d’AVD (Mahoney & Barthel, 1965 ; Shelkey & Wallace, 2012). Les échelles d’évaluation des capacités liées aux AVQ sont des indicateurs qui servent à déterminer l’aide dont une personne peut avoir besoin et à suivre son évolution. Les plus utilisées et les mieux adaptées sont les échelles de Katz et de Barthel ; bien qu’elle présente des similitudes avec celle de Katz, l’échelle de Barthel est un peu plus complète (Mahoney & Barthel, 1965 ; Shelkey & Wallace, 2012) 17 . Pour l’évaluation des AVD, les échelles les plus courantes sont celle de Lawton et Brody ainsi que l’Échelle d’activités instrumentales de la vie courante (IADL-AVD). Ces deux échelles présentent de grandes similitudes, la différence principale se trouvant dans la notation. Elles évaluent les huit activités instrumentales suivantes : 1) utiliser le téléphone ; 2) faire les courses ; 3) préparer les repas ; 4) faire le ménage ; 5) laver son linge ; 6) utiliser les transports urbains ; 7) manipuler de l’argent ; 8) prendre ses médicaments. Elles servent à déceler les personnes âgées qui ont besoin d’aide pour accomplir ces activités.
26.2.2
Évaluation de la condition mentale
Les soins primaires aux aînés n’incluent souvent pas une évaluation appropriée des symptômes de la dépression et de l’anxiété. Le dépistage précoce peut, quant à lui, ralentir le déclin fonctionnel associé à certaines maladies comme les troubles neurocognitifs et prévenir l’apparition de troubles tels que le délirium. La détection rapide de la dépression, par exemple, peut en atténuer la gravité et améliorer la réponse au traitement et les espoirs de rétablissement. Il est donc important pour l’inrmière de faire de l’enseignement sur les signes et les symptômes des maladies mentales et sur l’importance du dépistage précoce (MacCourt et al., 2011).
L’élaboration d’instruments ables pour évaluer les personnes âgées demeure un dé en raison des interrelations entre plusieurs facteurs, notamment l’état de santé, les transformations physiques et mentales liées à l’âge, les variables socioenvironnementales et les événements de la vie. Les instruments de mesure visant à déterminer l’état cognitif doivent aussi tenir compte du groupe d’âge de la personne évaluée et du contexte psychologique, tel un épisode dépressif, qui pourra avoir un impact sur la performance de la personne au test (Lacombe, Hébert & Carrier, 2007).
17
Il existe plusieurs outils d’évaluation de la condition mentale permettant d’estimer les fonctions mentales et cognitives tels que le Mini-Mental State Examination (MMSE ou test de Folstein), le Montreal Cognitive Assessment (MoCA) ou le test de l’horloge. La plupart d’entre eux évaluent la condition mentale du point de vue de la capacité de fonctionnement de la personne au quotidien. L’évaluation de la condition mentale n’est toutefois pas sufsante pour déterminer l’origine de la situation clinique de la personne âgée et de ses décits, s’il y a lieu. L’inrmière tient compte d’un ensemble de données (p. ex., les antécédents de santé, l’examen physique, les examens paracliniques, les facteurs psychosociaux et les capacités fonctionnelles) pour obtenir un portrait clinique complet de la personne. Ce tableau lui permet alors d’orienter ses interventions et aide le médecin à poser un diagnostic (St-Cyr & Neveu, 2009 ; Voyer, 2011). L’évaluation de la condition mentale des personnes âgées porte sur les aspects suivants : l’apparence, l’humeur, la communication, les processus mentaux, les habiletés perceptuelles et motrices, l’attention, la mémoire, la conscience et l’orientation. L’apparence, les comportements et les réactions du client âgé sont des champs d’intérêt pour le professionnel de la santé qui effectue la collecte des données TABLEAU 26.3 (Bouchard & Verret, 2007 ; St-Cyr & Neveu, 2009 ; Voyer, 2011).
Le chapitre 17, Troubles neurocognitifs, présente en détail les diverses échelles dont il est question dans cette section.
CE QU’IL FAUT RETENIR
L’évaluation de l’état cognitif de l’aîné doit tenir compte du groupe d’âge de la personne et du contexte psychologique, comme un épisode dépressif. On doit aussi observer l’apparence, les comportements et les réactions du client.
Collecte des données TABLEAU 26.3
Évaluation de la condition mentale de la personne âgée
INTERVENTION
JUSTIFICATION
EXEMPLE
Porter une attention particulière à l’apparence générale de la personne âgée.
Pour s’assurer de relever, s’il y a lieu, des incohérences dans l’apparence et le discours de la personne.
Une personne âgée déclare qu’elle n’a pas d’idées suicidaires, mais son apparence est négligée, son comportement témoigne de son retrait social, et elle accumule des médicaments.
Valider une perte ou un isolement récent ou vérier un changement d’humeur dans le cas de plaintes somatiques répétées de la personne.
La personne âgée dépressive ne parlera peut-être pas de ses peines et sera souvent plus réticente à verbaliser ses émotions.
Une cliente se plaint constamment de mal au dos malgré la médication. Son mari est mort il y a neuf mois, et ses douleurs sont apparues après le décès.
Valider avec la personne si des pertes fonctionnelles ou des changements dans son environnement social ont eu lieu au cours des derniers mois.
Ces pertes ou ces changements peuvent entraîner un isolement social et causer un trouble dépressif.
Une cliente sans enfant a perdu de vue sa grande amie, déménagée récemment. Cette dernière lui donnait un coup de main dans ses AVD et sortait chaque semaine avec elle. La cliente se retrouve isolée et ne sait plus quoi faire. Elle devient de plus en plus anxieuse.
26
Sources : Adapté de Bouchard & Verret (2007) ; St-Cyr & Neveu (2009) ; Voyer (2011).
Chapitre 26
Personnes âgées
723
Les personnes âgées ont besoin d’un soutien approprié et adapté à leur condition mentale et à leur état physique, selon leur atteinte fonctionnelle (Caron & Liu, 2010).
26.3
Particularités des troubles mentaux
Il existe différents groupes de troubles mentaux chez la personne âgée : • les personnes qui, durant l’âge adulte, avaient une maladie mentale récurrente, persistante ou chronique ; • les personnes dont la maladie mentale apparaît tardivement ; • les personnes qui présentent des symptômes comportementaux et psychologiques associés à des troubles neurocognitifs ; • les personnes qui vivent avec des problèmes de santé chroniques aux liens établis avec la maladie mentale (p. ex., la maladie de Parkinson) (MacCourt et al., 2011). Le traitement d’un trouble mental doit pouvoir prendre place dans le contexte d’un système axé sur le rétablissement, peu importe l’âge de la personne qui en est atteinte. La majorité des aînés ayant des troubles mentaux, incluant les troubles dégénératifs et progressifs comme les troubles neurocognitifs majeurs, obtiennent des résultats positifs aux traitements qui leur sont offerts. Des résultats probants démontrent que les modèles de soins mettant l’accent sur le rétablissement et le bien-être sont efcaces chez les aînés. En plus d’adopter une philosophie du rétablissement, les soins en santé mentale devraient pouvoir inclure des initiatives axées sur la promotion de la santé mentale et la prévention des troubles mentaux et prendre en considération les déterminants de la santé mentale (MacCourt et al., 2011).
26.3.1
CE QU’IL FAUT RETENIR
De nombreux facteurs sont source de détresse psycho logique chez les personnes âgées : une moins bonne santé physique, une maladie chronique, le deuil ou les pertes, les limitations fonc tionnelles, l’absence ou la faiblesse du réseau social.
724
Partie 5
Détresse psychologique et stress
Parmi les personnes âgées ayant un problème de santé mentale, plus de 10 % expriment de la détresse psychologique (Caron & Liu, 2010 ; Drapeau, Beaulieu-Prévost, Marchand et al., 2010 ; Préville, Boyer, Vasiliadis et al., 2010). Au Québec, les personnes âgées vivant en milieu rural, d’origine francophone ou autochtone et à faible revenu déclaraient en plus grand nombre souffrir de détresse comparativement aux personnes vivant en milieu urbain ou aux immigrants. Les Québécoises seraient plus vulnérables à la détresse, qui peut même les mener au service des urgences FIGURE 26.3. Le sentiment de détresse des personnes âgées serait aussi
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
FIGURE 26.3 Près de deux fois plus de femmes que d’hommes sont atteintes par la dépression, ce qui réduit leur capacité fonctionnelle et les amène à utiliser davantage les services d’urgence.
associé à leur santé physique ; celles qui ont une moins bonne santé physique et qui sont aux prises avec une maladie chronique afchent un degré de détresse psychologique plus élevé (Caron & Liu, 2010 ; Karunanayake & Pahwa, 2009). En plus de l’atteinte physique liée à la maladie, certains événements plus marquants tels que le deuil, la retraite ou des pertes importantes augmentent le risque de souffrir de détresse psychologique. De plus, si la personne âgée perçoit négativement sa situation physique ou sociale et les événements qui surviennent et si son réseau social est peu soutenant ou restreint, cette combinaison de facteurs aurait un impact supplémentaire sur le risque de détresse psychologique (Bierman & Statland, 2010). Par exemple, pour une personne âgée qui planiait passer le reste de sa vie avec son conjoint chez qui un cancer fulgurant est découvert et qui décède dans les trois mois qui suivent, les pertes affectives, relationnelles, organisationnelles et économiques qui s’ensuivent auront une importance accrue étant donné sa nouvelle solitude, d’autant plus que l’imprévisibilité de ces éléments est source de désorganisation. Les femmes âgées aux prises avec des incapacités pour effectuer leurs AVQ et leurs AVD seraient plus nombreuses que les hommes (Quail, Wolfson & Lippman, 2011).
Soins et traitements inrmiers L’inrmière évalue le niveau de détresse psychologique de la personne âgée, surtout si le réseau social de celle-ci est limité. Elle tient aussi compte des limitations fonctionnelles de la personne, qui peuvent être source de détresse, et vérie les ressources disponibles qui lui apporteront de l’aide, selon ses besoins, pour effectuer les AVQ ou les AVD ; il peut s’agir de ressources communautaires ou des proches.
Des approches non pharmacologiques ont été étudiées an de réduire la détresse chez la personne âgée TABLEAU 26.4 . L’activité physique aurait, entre autres, un effet protecteur, car elle augmente l’estime de soi et procure une meilleure sensation de maîtrise de la situation. Le soutien à l’égard des pertes d’autonomie dans la réalisation des AVQ, favorisé par un réseau social plus solide, par des ressources communautaires, un soutien téléphonique, des rencontres religieuses ou la visite de bénévoles, pourrait aider la personne âgée manifestant une détresse
psychologique. Les membres de la famille et les proches constituent aussi une précieuse ressource ; leurs visites à la personne âgée peuvent être resserrées, et ils peuvent lui proposer des idées de ressources ou d’activités qu’ils connaissent et qui intéressent celle-ci. Leur soutien positif et en courageant ou leur implication peuvent favoriser la participation de la personne à de telles activités (Bierman & Statland, 2010 ; Caron & Liu, 2010 ; Drapeau et al., 2010). Les signes de détresse psychologique peuvent être avant-coureurs de troubles dépressifs et de troubles anxieux.
Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 26.4
Proposer des approches non pharmacologiques pour réduire la détresse psychologique
INTERVENTION
JUSTIFICATION
Utiliser une approche basée sur la résolution de problèmes ou sur l’analyse des pensées négatives ou dysfonctionnelles.
Permet d’aider la personne âgée à prendre conscience de ses pensées négatives devant sa situation et de la détresse que cela engendre pour tenter de générer des pensées plus réalistes. La famille peut aussi apporter son soutien en appliquant les mêmes techniques pour aider la personne à se recentrer sur des idées plus constructives.
Recommander à la personne âgée de participer à des activités récréatives ou lui proposer des sorties communautaires (p. ex., les quilles, une sortie avec un club de l’âge d’or) plutôt que d’accomplir des tâches ménagères.
Permet d’augmenter le réseau social de la personne et de retrouver le sens du plaisir et non d’être toujours centrée sur la tâche à accomplir.
Sources : Adapté de Bierman & Statland (2010) ; Meier et al. (2011).
26.3.2
Troubles dépressifs
La présence presque inévitable de pertes associées au vieillissement peut facilement mener à la conclusion que les troubles dépressifs sont une conséquence de l’âge avancé, alors que ce n’est pas le cas. Bien que la dépression soit le problème de santé mentale le plus fréquent chez les personnes âgées, elle doit être traitée. La dépression caractérisée durerait trois ans chez les aînés et serait plus longue chez les hommes. Les personnes âgées pourront être atteintes d’un trouble dépressif léger, moyen ou grave, ou souffrir d’un trouble dépressif persistant. Chez les aînés, deux fois plus de femmes que d’hommes seraient atteintes de trouble dépressif (Ames, Chiu, Lindesay et al., 2010 ; CCSMPA, 2009 ; Préville, Byer, Grenier et al., 2008). La présence de comorbidités physiques et cognitives aura une inuence importante dans l’évaluation de la dépression chez la personne
âgée (Ames et al., 2010 ; MacCourt et al., 2011). Une comorbidité entre la dépression et l’anxiété serait présente dans 50 à 90 % des cas (Skoog, 2011). Jusqu’à 15 % des personnes âgées présenteraient des symptômes dépressifs ; cette proportion diminue à 3 à 6 % s’il s’agit d’une dépression caractérisée pour une personne vivant en communauté, elle grimpe à 10 % en milieu hospitalier et à 35 à 44 % en centre d’hébergement. Au Québec, près de 65 % des personnes âgées dépressives se rétabliront. Il faut tenir compte que le trouble dépressif persistant, les symptômes soussyndromaux et les présentations cliniques mineures sont les plus présents chez la personne âgée (Ames et al., 2010 ; MacCourt et al., 2011 ; Préville et al., 2008). La dépression est sousdiagnostiquée chez cette population, et 34 % des personnes âgées déprimées ne seraient pas traitées adéquatement, alors que 55 % d’entre elles ne
Symptôme sous-syndromal : Manifestation clinique réduite, minimale, partielle ou transitoire en deçà de la présentation attendue de l’ensemble des signes cliniques subjectifs et objectifs d’une maladie ou d’un processus pathologique.
Chapitre 26
CE QU’IL FAUT RETENIR
Malgré sa fréquence chez la clientèle âgée, la dépression n’est pas toujours traitée adéquatement. Cela peut entraîner une détérioration des autres problèmes de santé, car la personne aura tendance à négliger ses traitements habituels.
Personnes âgées
725
26
recevraient aucun traitement, celui-ci n’étant pas jugé nécessaire ou simplement parce que la dépression est non détectée. De même, plus de 25 % des personnes âgées qui ont des atteintes physiques, comme l’ostéoarthrite, seraient déprimées, et plus de la moitié de ces personnes souffrantes ne seraient pas traitées pour leurs symptômes dépressifs (Gleicher, Croxford, Hochman et al., 2011 ; Hottin & Trudel, 2007). La description des critères de la dépression est clairement expliquée dans le DSM-5 : Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (American Psychiatric Association [APA], 2015). La Laurier Georges est âgé de 70 ans. Il est veuf depuis présentation clinique de la 12 ans et ne s’est jamais remarié. Ses enfants sont dépression est cependant très attentifs à ses besoins et le visitent dès qu’ils le modulée chez la personne peuvent. Monsieur Georges a été victime de fraude âgée. L’humeur déprimée est de la part de son conseiller nancier. Il a perdu moins fréquente, et sera rembeaucoup d’argent, et ses revenus de retraite ne placée par la manifestation de lui permettaient plus d’habiter sa maison. Il y a deux mois, il a dû déménager dans un petit appartement perte du plaisir et d’intérêt, de deux pièces dans un quartier modeste, loin de de plaintes somatiques, d’anses enfants et de ses vieux amis. Il essaie de rebâtir xiété diffuse, d’agitation psyson cercle d’amis, mais il constate qu’il est difcile chomotrice ou d’irritabilité de se retrouver dans un contexte social nouveau. qui peuvent masquer l’atQuels sont les trois facteurs qui pourraient favoriser teinte dépressive. De plus, l’apparition de symptômes dépressifs chez monsieur des symptômes cognitifs pouGeorges ? vant aussi accompagner les symptômes peuvent faire croire à tort à un trouble neurocognitif (Hottin & Trudel, 2007). Les échelles et les critères du DSM-5 ne sont pas Les enfants de M. Georges s’inquiètent pour leur père. toujours adaptés à la perQuels symptômes pourraient leur indiquer que celui-ci sonne âgée, car la présentadevrait consulter son médecin pour une possible tion sera teintée par des dépression ? Déterminez-en au moins cinq. plaintes somatiques, la présence de déficits liés à un
Jugement
clinique
Jugement
clinique
Facteurs de risque ENCADRÉ 26.3
Facteurs de risque de dépression chez la personne âgée
• Sexe féminin • Histoire de dépression familiale
• Histoire d’abus de médicaments ou d’alcool
• Présence d’un problème de santé nouveau ou d’une atteinte cognitive
• Perte du conjoint ou autre perte importante
• Fait d’être le proche aidant d’une personne atteinte d’un trouble neurocognitif majeur
• Hébergement dans un centre
• Présence de douleur
• Absence de condent
• Perte sensorielle ou perte d’autonomie secondaire à la maladie
• Difcultés nancières
• Isolement et perte de rôle social
Sources : Adapté de CCSMPA (2009) ; Hottin et Trudel (2007) ; MacCourt et al. (2011) ; Mechakra-Tahiri et al. (2010) ; Préville et al. (2008).
726
Partie 5
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
trouble neurocognitif ou l’inuence socioculturelle affectant l’expression des émotions (Calvet & Clément, 2014 ; Hottin & Trudel, 2007). De plus, la dépression ampliera les autres maladies dont celle-ci peut souffrir en raison d’un certain laisser-aller de sa part. Par exemple, en négligeant de boire et de manger adéquatement et de prendre correctement ses médicaments, la personne âgée pourra voir son état se détériorer au point de manifester un délirium en plus de la dépression (Hottin & Trudel, 2007 ; MSSS, 2011). La dépression est parti culièrement préoccupante chez les personnes âgées parce que les symptômes se traduisent souvent par des situations mettant leur vie en danger à court terme. Par exemple, les symptômes végétatifs faisant en sorte que le client présente de la somnolence ou un ralentissement, donnant l’impression de régresser, peuvent conduire à la déshydratation, la dénutrition, un déséquilibre électrolytique, en plus d’aggraver un état pathologique existant et mener au délirium (CCSMPA, 2006). Les symptômes dépressifs nuisant aux capacités d’autonomie créeront un cercle vicieux en générant une détérioration physique et une perte fonctionnelle, ce qui aggravera la dépression (Hottin & Trudel, 2007 ; Jin Cho, Lavretsky, Olmsteadm et al., 2010 ; MacCourt et al., 2011). La mortalité plus élevée chez les personnes âgées atteintes de dépression est attribuable au suicide, à la coexistence de plusieurs maladies et à la dégradation du fonctionnement physique. L’inrmière s’intéresse à la santé des proches aidants âgés qui peuvent être atteints de dépression dans 40 à 75 % des cas (CCSMPA, 2009 ; Hottin & Trudel, 2007 ; MacCourt et al., 2011 ; Mechakra-Tahiri et al., 2010). Il est important de se rappeler que les troubles ou les atteintes de une personne âgée sur cinq se chroniciseront, généralement en raison d’une intervention tardive ou d’une atteinte cérébrale telle une atteinte vasculaire sous-corticale (Hottin & Trudel, 2007) ENCADRÉ 26.3.
Soins et traitements inrmiers L’inrmière observe les symptômes du client an de déterminer s’ils sont représentatifs d’une dépression ou s’ils correspondent à ses expériences de vie et à sa santé générale TABLEAU 26.5. Par exemple, une personne âgée pourrait se plaindre de problèmes d’appétit ou de sommeil sans pour autant être dépressive. L’inrmière tient compte que les symptômes de la dépression chez la personne âgée sont fréquemment atypiques et peuvent prendre plusieurs formes (Paquette et al., 1999). La plus subtile serait ce qui est souvent appelé syndrome de glissement, un terme européen pour décrire la personne âgée très
Collecte des données TABLEAU 26.5
Risque de dépression chez la personne âgée
QUESTIONS
JUSTIFICATION
• Avez-vous l’impression d’avoir plus de problèmes de mémoire que la majorité des gens ?
La présence de dépression peut être associée à des manifestations cognitives, particulièrement quant à la mémoire et à la capacité à se concentrer.
• Avez-vous abandonné un grand nombre d’activités et de champs d’intérêt ou ressentez-vous un vide dans votre vie ?
La dépression peut amener la personne à ressentir un manque d’énergie qui induit une perte d’intérêt, ce qui l’entraîne à abandonner des activités personnelles et sociales.
• Vous ennuyez-vous souvent ? • Évitez-vous de sortir ? • Croyez-vous avoir un bon moral ? • Pensez-vous qu’il est intéressant de vivre à l’époque actuelle ? • Avez-vous l’impression que votre situation est désespérée ? • Craignez-vous qu’il vous arrive quelque chose de grave ?
• Éprouvez-vous souvent un sentiment d’impuissance ? • Pensez-vous que la plupart des gens vivent mieux que vous ? • Vous sentez-vous inutile ?
Les personnes âgées peuvent ne pas ressentir de tristesse ou même nier une humeur dépressive, mais plutôt vivre une perte du plaisir (anhédonie) ainsi qu’une forme d’anxiété diffuse et d’irritabilité. Toujours en raison de cette anxiété et de la difculté pour certains aînés à verbaliser leurs états émotionnels, la personne manifeste surtout des symptômes somatiques, plus acceptables que la dépression, qui peut être vue comme un signe de faiblesse. Elle cherche dans les maladies physiques ce qui peut expliquer son impression qu’elle ne va pas bien.
CE QU’IL FAUT RETENIR
La personne âgée dépressive ne verbalisera pas nécessairement de la tristesse, mais manifestera plutôt des symptômes somatiques ainsi qu’une perte de plaisir et d’intérêt pour ses activités habituelles.
La dépression pourra se manifester par une perte de l’estime de soi, la personne percevant qu’il n’y a rien à faire et qu’elle ne vaut pas grand-chose. Les idées de mort, sans action suicidaire, mais plus par une réaction passive de laisser-aller, peuvent se rajouter à cette impression de vide.
Sources : Adapté de Ames et al. (2010) ; Hottin & Trudel (2007).
malade physiquement qui refuse les soins, qui manifeste une tendance à l’autodépréciation et qui se laisser aller jusqu’à la mort. En présence de ce syndrome, le taux de mortalité est important (Paquette et al., 1999). Certaines personnes âgées répondent négativement lorsqu’il leur est demandé si elles sont déprimées. Cela peut s’expliquer partiellement par la stigmatisation de la dépression ainsi que sa signication : par exemple, une perte fonctionnelle, un manque de volonté, un aspect inhérent au vieillissement ou la façon dont sont perçus certains traitements tels que l’électroconvulsivothérapie (CCSMPA, 2009 ; World Health Organization, 2002). Cependant, lorsque la collecte des données est approfondie, l’inrmière détectera que la personne âgée manifeste une modication de l’humeur, de la tristesse, du pessimisme ou une perte d’intérêt envers les activités qu’elle aimait auparavant. Tout comme dans le cas de l’anxiété, la dépression peut être associée à des manifestations cognitives, particulièrement sur le plan de la mémoire et de la capacité à se concentrer (Lavretsky, Siddarth, Kepe et al., 2009 ; MacCourt et al., 2011).
Les personnes âgées auront tendance à décrire des symptômes somatiques de la dépression, comme la fatigue, la perturbation du sommeil ou l’hypersomnolence, la perte d’appétit, une chute ou un gain de poids ; les plaintes relatives à la digestion sont présentes chez près de 65 % des personnes atteintes, alors qu’elles nient fréquemment la présence de tristesse. Tout comme en situation d’anxiété, des symptômes neurologiques comme des étourdissements, des maux de tête ou des symptômes cardiovasculaires tels que des palpitations seront aussi notés (Ames et al., 2010 ; CCSMPA, 2006 ; Hottin & Trudel, 2007 ; Paquette et al., 1999 ; Registered Nurses’ Association of Ontario [RNAO] 2003). La colère persistante, les déclarations négatives, les plaintes répétitives au sujet de la santé, les peurs non fondées et la tendance à pleurer sont d’autres symptômes pouvant indiquer une dépression (Skoog, 2011). L’échelle de dépression gériatrique est un moyen d’objectiver la présence de symptômes dépressifs . D’autres échelles sont aussi utilisées, comme l’échelle de dépression de Cornell. Les tests tels que le Modied Mini-Mental State (3MS) et le MMSE seront faussés par l’amnésie et les pertes d’intérêt que la personne âgée
CE QU’IL FAUT RETENIR
Tout comme dans le cas de l’anxiété, la dépression peut être associée à des manifestations cognitives, particulièrement sur le plan de la mémoire et de la capacité à se concentrer.
26 Encadré 26.1W – Questionnaire abrégé de l’échelle de dépression gériatrique.
Chapitre 26
Personnes âgées
727
L’échelle de mesure de la gravité de la dépression en sept points de Hamilton (HAMD-7) est présentée au www.veterans.gc.ca. Polypharmacie : Prescription d’au moins cinq médicaments.
20 Le chapitre 20, Modèles et stratégies thérapeutiques, présente les différentes interventions psychothérapeutiques que l’inrmière peut employer.
manifestera si elle est déprimée (Hottin & Trudel, 2007 ; RNAO, 2003). Une évaluation des symptômes physiques devrait aussi faire partie de celle de la dépression, comme dans l’échelle de mesure de la gravité de la dépression en sept points de Hamilton (HAMD-7) (Anciens Combattants Canada, 2006 ; Magnil, Gunmarsson, Björksedt et al., 2008). Comme dans toutes les autres situations d’intervention ayant pour but de soigner une atteinte à la santé mentale chez la personne âgée, l’inrmière prend en considération les atteintes physiques, particulièrement celles qui limitent l’autonomie et l’expression de la douleur, ainsi que la polypharmacie, car ces éléments auront une inuence potentielle sur le traitement et les approches de soins. Les antidépresseurs, plus spéciquement les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine et les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine et de la noradrénaline ont, entre autres, offert une nouvelle avenue dans le traitement de la dépression ; il faut toutefois surveiller de près les effets indésirables possibles tels que la prise de poids ou des incidents cardiovasculaires. Cela s’avère encore plus important si la personne reçoit une autre médication combinée comme un antipsychotique. Pour éviter des effets indésirables, les doses de départ doivent être faibles, et la croissance devra être lente. L’inrmière rappelle parfois à la personne âgée que les antidépresseurs peuvent prendre de quatre à six semaines avant de produire un réel effet. Il faut donc se donner du temps. Ces traitements peuvent aussi être perturbés par une atteinte cognitive ou par la prise d’alcool, qui sont plus fréquentes en situation de dépression. Le traitement pharmacologique ne doit pas être négligé au cours d’un premier épisode dépressif, et il est recommandé pour une période de 24 mois. L’inrmière s’assure donc que la personne âgée suit ses traitements quand elle constate que la
personne prend ce type de médicament. Les récurrences seraient d’ailleurs grandement diminuées quand un traitement antidépressif prophylactique est appliqué pendant le rétablissement ; il peut s’étaler sur une période de deux ans pour éviter un retour à la dépression (Ames et al., 2010 ; CCSMPA, 2006, 2009 ; Paquette et al., 1999 ; Shefn, Driscoll, Lenze et al., 2009). De plus, l’inrmière tient compte des différences biologiques, psychologiques et sociales et des diverses perceptions de la personne âgée et de ses proches dans les plans de soins destinés aux personnes âgées atteintes de dépression. Souvent, ces clients ont un réseau de soutien limité, et il devient difcile d’obtenir l’aide de la famille. Des membres de celle-ci peuvent considérer les symptômes dépressifs comme faisant partie du vieillissement normal. Ils ont donc besoin de recevoir de l’information sur la nature, le traitement et le pronostic positif de la dépression. La participation des proches devient particulièrement pertinente, car ils sont à même de constater les signes annonciateurs dépressifs récurrents ainsi que la réponse aux interventions globales (Ames et al., 2010 ; CCSMPA, 2006). De plus, les valeurs et les attitudes de la personne âgée inuent sur son adhésion au traitement. L’inrmière peut mettre de l’avant différents moyens d’intervention complémentaires : des stratégies de résolution de problèmes, une approche cognitivo-comportementale, l’écoute active, le soutien (Ames et al., 2010). Les recommandations de la CCSMPA favorisent les approches psychosociales et de soutien, particulièrement si la personne refuse la médication (CCSMPA, 2006) 20 . Des similarités sont remarquées avec les approches destinées aux troubles anxieux, ces deux problèmes de santé mentale étant fréquemment combinés (Beaudreau & O’Hara, 2009) ENCADRÉ 26.4.
Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 26.4
Soutenir la personne âgée ayant un trouble dépressif
• Encourager la personne âgée à entretenir un bon réseau social comprenant des ressources communautaires et sociales, et à utiliser ce réseau.
riences antérieures pour montrer une cohérence dans la capacité à répondre aux crises et à surmonter les obstacles personnels (réminiscence).
• Favoriser la participation de la famille dans le traitement pour aider à diminuer le stress et l’anxiété.
• Motiver la personne âgée à s’engager dans des activités à caractère social (remotivation/resocialisation).
• Encourager la personne âgée à se remémorer son passé de manière plus nuancée, avec ses hauts et, ses bas, à souligner ses réalisations personnelles et ses expé-
• Favoriser la stimulation sensorielle intellectuelle et socialisante chez la personne hébergée dans un centre pour entretenir une stimulation cognitive générale et positive.
Sources : Adapté de CCSMPA (2006, 2009) ; Hottin & Trudel (2007) ; Korte, Boltmeijer & Smit (2009) ; Lincourt Éthier (2002) ; Thorpe, Whitney, Kutcher et al. (2001).
728
Partie 5
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
Finalement, parmi les traitements plus particuliers pouvant être appliqués aux personnes âgées gure l’électroconvulsivothérapie ; elle est utilisée dans les cas de dépression réfractaire à au moins deux antidépresseurs, s’il y a présence d’éléments psychotiques ou d’une tendance suicidaire majeure, si la personne refuse de boire et de manger ou si elle a déjà répondu positivement à ce traitement. Le mécanisme de fonctionnement de l’électroconvulsivothérapie changerait la transmission des monoamines centrales ; d’autres mécanismes d’action demeurent nébuleux. Cette méthode, bien qu’elle nécessite une anesthésie, a beaucoup évolué depuis ses débuts. Elle est maintenant considérée comme sécuritaire, rapide et efcace auprès de la clientèle âgée si la sensibilité pharmacolo gique concomitante est prise en compte au moment du traitement. L’inrmière surveillera les effets indésirables possibles, à savoir les amnésies rétrogrades, les nausées, les céphalées et le délirium (Ames et al., 2010 ; CCSMPA, 2006 ; Enns, Reiss & Chan, 2010 ; Hottin & Trudel, 2007 ; Sienaert, 2011 ; Thorpe et al., 2001). La participation à des groupes ou à des programmes de gestion de la douleur, à des classes d’exercice et à des groupes de socialisation fait aussi partie des interventions possibles auprès de cette clientèle et des proches aidants.
26.3.3
Troubles anxieux
Les troubles anxieux sont associés à un ensemble complexe de facteurs comme la vulnérabilité de la personne, les événements circonstanciels et déstabilisants ainsi que les stratégies d’adapta tion inefficaces engendrant de l’anxiété FIGURE 26.4 . Ces facteurs sont souvent présents chez la personne âgée. Cette réaction serait plus à risque de se présenter chez les femmes et les personnes qui ont vécu une perte parentale dans l’enfance, dont l’éducation est limitée, qui vivent des limites sociales comme des contraintes chroniques, de l’isolement ou dont le réseau social est restreint, qui sont à faible revenu et qui perçoivent leur santé comme étant fragile (Almeida, Draper, Pirkis et al., 2012 ; Ames et al., 2010 ; Richardson, Simning, He et al., 2011). La maladie physique et la perte d’autonomie auront un plus grand impact sur ces personnes (Ames et al., 2010 ; Richardson et al., 2011). Les événements ayant marqué l’enfance forgeront aussi les stratégies d’adaptation de la personne en situation d’épreuve qui se traduiront dans ses comportements. Les troubles anxieux, de même que le trouble dépressif, seraient l’atteinte en santé mentale statistiquement la plus fréquente chez les aînés (Lenze & Wetherell, 2011) ENCADRÉ 26.5. Les personnes âgées
FIGURE 26.4 Les pertes comme la retraite, le deuil ou l’hébergement en centre peuvent avoir un impact sur la personne âgée, mais celui-ci dépend aussi de l’expectative de l’événement, à savoir si la personne a pu s’y préparer.
qui ont des troubles anxieux peuvent en avoir été atteintes toute leur vie, car ces troubles persistent avec l’âge. Chez les personnes qui présentent un trouble anxieux récent, ce trouble est alors associé à des troubles dépressifs, et pourrait même en être un prédicteur (Almeida et al., 2012 ; Byers, Yaffe, Covinsky et al., 2010 ; MacCourt et al., 2011 ; Richardson et al., 2011).
Amnésie rétrograde : Incapacité de se rappeler ou de reconnaître une information ou des événements survenus après le début de l’amnésie.
Des modications physiologiques liées au vieillissement cérébral et aux atteintes cognitives entraîneraient une altération entre l’amygdale et les lobes frontaux, modulant les processus associés aux peurs et pouvant induire de l’anxiété. En outre, des facteurs psychologiques et sociaux auraient un rôle inducteur de l’anxiété (Lenze & Wetherell, 2011). Les troubles anxieux surviendraient en général avant la cinquantaine, mais la personne âgée peut être atteinte d’un trouble
ENCADRÉ 26.5
Épidémiologie des troubles anxieux chez la personne âgée
• De 3,5 à 15 % des personnes âgées qui vivent dans la communauté et jusqu’à 28 % de celles en milieu hospitalier présentent des troubles anxieux. • Les femmes seraient deux fois plus à risque que les hommes d’être aux prises avec un trouble anxieux. • Le trouble d’anxiété généralisée se manifesterait chez environ 1 à 7,3 % des personnes âgées et serait fréquemment associé à la dépression, particulièrement s’il survient tardivement.
26
• Les peurs et les phobies seraient présentes chez environ 5 à 10 % des personnes âgées. Sources : Adapté de Almeida et al. (2012) ; Lenze & Wetherell (2011) ; MacCourt et al. (2011) ; Richardson et al. (2011).
Chapitre 26
Personnes âgées
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panique ou, plus tardivement, de phobies (Ames et al., 2010). Le début d’un trouble panique après cet âge est reconnu comme inhabituel et devrait suggérer une pathologie organique ou l’utilisation d’une substance (APA, 2015 ; Calvet & Clément, 2014). Ces troubles seraient sous-évalués et sous-traités chez la personne âgée (Ames et al., 2010 ; Lenze & Wetherell, 2011 ; Porensky, Dew, Karp et al., 2009 ; WolitzkyTaylor, Castriotta, Lenze et al., 2009). Le trouble d’anxiété généralisée s’observerait chez les personnes âgées aux prises avec des limitations physiques, par exemple à la suite d’un infarctus ou d’un accident vasculaire cérébral. Les préoccupations de la personne âgée ont trait plus spéciquement au bien-être de la famille ou à l’état de santé (Calvet & Clément, 2014). La plupart des peurs et des phobies se présentant tardivement seraient associées à l’agoraphobie, et ce, à la suite d’une maladie, d’un événement traumatisant (p. ex., un vol, des abus) ou de la peur de chuter (Ames et al., 2010 ; Lenze & Wetherell, 2011 ; Trudel, Bonin & Côté, 2007).
Soins et traitements inrmiers Les interventions inrmières auprès de la personne âgée sont relativement similaires à celles effectuées chez l’adulte plus jeune. L’inrmière connaît les différences dans les sources d’anxiété chez la personne âgée et chez l’adulte. Les manifestations physiques de l’anxiété sont aussi similaires, telles l’hyperventilation, les palpitations, les douleurs musculaires ou les céphalées. Dans son évaluation de la personne âgée, l’inrmière tient compte, en plus des facteurs psychologiques, médicaux et pharmacologiques, des
Psychopharmacothérapie ENCADRÉ 26.6
Particularité du traitement des troubles anxieux chez la personne âgée
ANTIDÉPRESSEURS
Particularité chez la personne âgée
• Ils font souvent partie des médicaments de premier plan.
• Les doses initiales doivent être faibles, et les augmentations sont très graduelles dans le temps.
• Ils sont particulièrement efcaces en phase aiguë. • Les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine et les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine et de la noradrénaline permettent la réduction de l’utilisation des benzodiazépines.
• Les médicaments peuvent prendre plus de temps à agir. • Les personnes âgées atteintes d’anxiété ainsi que de dépression en comorbidité répondraient moins bien au traitement pharmacologique.
Sources : Adapté de Ames et al. (2010) ; APC (2006) ; Byers et al. (2010).
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Partie 5
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
limitations sensitives et fonctionnelles de même que des atteintes cognitives possibles. Elle considère la possibilité d’une pathologie physique chez cette clientèle (Ames et al., 2010 ; Porensky et al., 2009 ; Wolitzky-Taylor et al., 2009). Par exemple, une personne âgée ayant eu des épisodes répétés de crises asthmatiques, mais qui est actuellement stable, pourra devenir anxieuse par simple anticipation et à un degré disproportionné par rapport à son état actuel (Wolitzky-Taylor et al., 2009). L’inrmière évalue l’état de santé physique de la personne de façon à contribuer au dépistage de causes éventuelles telles que le diabète, la maladie cardiovasculaire, respiratoire, vestibulaire, métabolique, neurologique, rénale, hépatique, cognitive ou autre, ainsi que les causes médi camenteuses (Ames et al., 2010 ; Association des psychiatres du Canada [APC], 2006 ; Porensky et al., 2009 ; Wolitzky-Taylor et al., 2009). En même temps, elle s’occupe de l’anxiété pour traiter la cause et sa résultante. L’inrmière garde aussi à l’esprit la sensibilité médicamenteuse plus importante chez la personne âgée en raison des modications de la pharmacocinétique par l’altération, entre autres, des fonctions hépatique et rénale liée à l’âge, ce qui rend la personne plus vulnérable aux effets indésirables des médicaments, particulièrement avec certains anxiolytiques tels que les benzodiazépines. L’inrmière surveille de près l’état physique de la personne dès l’introduction de nouveaux médicaments ENCADRÉ 26.6 . Il est recommandé de réduire le stress biologique, car celui-ci induit une hausse de cortisol qui, si elle est chronique, devient un irritant et un toxique pour les neurones, particulièrement ceux de l’hippocampe, et entraîne des atteintes mnésiques et cognitives dans le cas d’un stress prolongé. La diminution du stress biologique aide donc à limiter les atteintes cérébrales. Le but du traitement est la diminution de l’anxiété, mais avec le moins d’interactions médicamenteuses et d’effets indésirables physiques et cognitifs possible (Ames et al., 2010 ; APC, 2006 ; Lenze & Wetherell, 2011). Les approches non pharmacologiques se révèlent également très intéressantes auprès de la personne âgée ENCADRÉ 26.7. Les troubles de l’ anxiété répondent bien à l’approche cognitivo-comportementale, le taux de réponse positive pouvant aller jusqu’à 45 % dans le cas du trouble de l’anxiété généralisée (Ames et al., 2010 ; APC, 2006 ; Lenze & Wetherell, 2011 ; Stanley, Wilson, Novy et al., 2009). L’inrmière peut enseigner au client des techniques relatives à l’analyse de ses pensées négatives inspirées de la thérapie cognitivo-comportementale et des stratégies de résolution de problèmes. Elle peut
aussi faire de l’éducation thé rapeutique. Des approches d’exposition et de désensibilisation aux situations anxieuses peuvent être employées. Des éléments religieux peuvent être in tégrés, si cela est pertinent, car certaines personnes âgées trouvent relaxant et rassurant d’avoir recours à la prière. Finalement, proposer des stratégies de gestion du sommeil pour contrer l’insomnie peut être nécessaire, par exemple éviter les longues siestes, favoriser des heures de coucher et de lever régulières ou faire des activités calmes avant le coucher comme la relaxation, tout comme chez l’adulte plus jeune. Une bonne hygiène alimentaire et du sommeil permet de minimiser certains symptômes physiques de l’anxiété (Chicoine, 2008 ; Lenze & Wetherell, 2011). Il est possible d’adapter ces approches aux besoins physiologiques et cognitifs des personnes âgées en faisant un suivi plus serré, pour s’assurer de leur intégration, en obtenant la participation des proches, qui peuvent aussi rappeler à l’aîné comment s’y prendre, ou en fournissant de l’information écrite et simpliée, au besoin. Par exemple, si la personne a des limites physiques ou éprouve de la douleur, l’inrmière peut chercher avec elle les positions les plus confortables et trouver les moments opportuns pour effectuer des exercices de respiration profonde de relaxation. Des techniques de relaxation respiratoire, visant à demeurer centré sur le moment présent et à éviter la rumination du passé ou les inquiétudes portées sur le futur, seraient de plus en plus populaires chez la clientèle âgée (Lenze & Wetherell, 2011). L’inrmière pourra aussi suggérer de la musique relaxante ou plaisante pour la personne âgée, qui aurait des effets sur les conditions anxiogènes (Chicoine, 2008).
26.3.4
Troubles liés à une substance
Alcool Selon Ames et ses collaborateurs (2010), peu d’études se sont réellement attardées aux conséquences de l’abus d’alcool chez la personne âgée. Cependant, de 1 à 9 % des personnes âgées auraient des problèmes de consommation d’alcool, et 45 % de ces dernières auraient commencé à un âge plus avancé (Paquette et al., 1999 ; Sader, 2007 ; Santé Canada, 2002). Une diminution de la consommation d’alcool avec l’âge se produirait, la baisse étant plus importante chez les femmes que chez les hommes, celles-ci étant plus fragiles aux troubles liés à une substance. Les personnes âgées dont l’entourage social ne dénigre pas la consommation d’alcool ou n’y est pas réfractaire
Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 26.7
Utilisation de techniques non pharmacologiques
• Recommander à la personne âgée anxieuse de ne pas consommer trop de stimulants tels que le chocolat, le café, le thé ou d’autres produits contenant de la caféine, car cela surstimule le système nerveux, alors que l’alcool risque pour sa part de nuire au sommeil déjà perturbé. • Offrir à la personne âgée du soutien pratique, social et émotionnel, au moyen
de ressources communautaires comme un club de l’âge d’or, les groupes de soutien pour les personnes ayant des troubles anxieux, an qu’elle obtienne de l’aide au moment de changements possibles vécus dans sa vie quotidienne ; ce soutien permet aux aînés de s’exprimer quant à ce qu’ils vivent tout en maintenant des liens sociaux.
Sources : Adapté de Ames et al. (2010) ; APC (2006) ; Chicoine (2008) ; MacCourt et al. (2011).
sont plus à risque d’excès (Brennan, Schutte, Moos et al., 2010 ; Moos, Schutte, Brennan et al., 2009 ; Sader, 2007 ; Santé Canada, 2002). Les aînés ayant commencé à prendre de l’alcool plus tardivement auraient une consommation moindre, plus uctuante et se rétabliraient plus spontanément que ceux qui font un usage de l’alcool de longue date (Paquette et al., 1999). Cette consommation moins importante serait associée au taux de mortalité prématurée des personnes ayant un trouble lié à l’alcool ayant consommé plus tôt, à une prise de conscience de leur problème, aux atteintes physiques générales, aux problèmes médicaux qui diminuent l’accessibilité à l’alcool ou le besoin de consommer ou à un transfert vers d’autres types d’abus tels que les benzodiazépines. Les modications métaboliques, rénales et hépatiques et la prise médicamenteuse rendent la personne âgée plus vulnérable aux effets de l’alcool FIGURE 26.5. Cette fragilité cumulative la rendra plus à risque d’une perte fonctionnelle secondaire. L’aîné qui prend plus de cinq consommations quotidiennes serait quatre fois plus à risque d’avoir une atteinte cognitive, sans oublier l’augmentation du risque de dépression (Ames et al., 2010 ; Sader, 2007 ; Santé Canada, 2002). Les raisons qui amèneraient la personne âgée à une consommation excessive seraient aussi di verses que celles qui motivent les personnes plus jeunes. Le deuil ou la perte du conjoint, l’isolement, la maladie, la perte du statut social ou la retraite seraient des raisons émotives pour consommer ; un début précoce de consommation serait plutôt lié aux effets de l’ivresse. Les sources de stress sont donc les éléments que l’inrmière évalue quand elle rencontre une personne âgée ayant une histoire de consommation excessive (Ames et al., 2010 ; Sader, 2007). Si la prise d’alcool a eu un début tardif, par exemple consécutif à un deuil ou à la retraite, les dommages physiologiques et cognitifs peuvent avoir un pronostic positif à la suite des interventions psychologiques et médicales visant à rétablir Chapitre 26
26
Personnes âgées
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sevrage est compliqué en raison de son état physique, de ses antécédents médicaux ainsi que des grands risques physiologiques qu’un tel sevrage impose – pouvant mener au délirium comprenant convulsions, nausées, vomissements, hallucinations visuelles ou auditives, agitation psychomotrice et anxiété grave – sera alors hospitalisée. Pour ces raisons physiologiques en particulier, la personne âgée a des risques accrus d’être hospitalisée. Le client âgé intoxiqué ou hospitalisé pour une autre cause et chez qui une surconsommation d’alcool est découverte aura aussi besoin d’un sevrage. Cependant, certaines personnes âgées, en raison d’une consommation moindre ou parce que leur état physique le permet, pourront être suivies en consultation externe, tout comme les adultes plus jeunes (Ames et al., 2010 ; Centre québécois de lutte aux dépendances, 2008 ; Sader, 2007).
CE QU’IL FAUT RETENIR
La gêne pouvant empêcher la personne âgée d’avouer sa consommation, l’inrmière fait une évaluation lorsqu’elle suspecte un problème de consommation d’alcool et ne met pas les manifestations cliniques sur le compte du vieillissement.
La gestion de la désintoxication selon les niveaux d’intensité de traitement est présentée au www.cqld.ca.
16 Le questionnaire CAGE est présenté dans le cha pitre 16, Troubles liés à une substance et troubles addictifs.
éactivation des connaissances Nommez au moins quatre dangers liés à une immobilisation prolongée chez un client âgé ?
732
Partie 5
FIGURE 26.5 La personne âgée pourra être grandement affectée par la prise d’alcool en raison de la détérioration de sa condition médicale ou psychiatrique, tant sur le plan moteur que cognitif.
l’équilibre dans la vie de la personne (Ames et al., 2010 ; Sader, 2007).
Soins et traitements inrmiers La gêne pouvant empêcher la personne âgée d’avouer sa consommation, l’infirmière fait une évaluation lorsqu’elle suspecte un problème de consommation d’alcool et ne met pas les manifestations cliniques sur le compte du vieillissement (Page, Lebrasseur & Patenaude-Monette, 2015). Elle amorce le sujet avec doigté, par des questions ou à l’aide du questionnaire CAGE 16 . Les symptômes de la consommation excessive d’alcool chez la personne âgée sont une hygiène personnelle ou du milieu de vie négligée, une haleine éthylique, une mauvaise alimentation, un nombre de chutes inexpliquées, une aggravation de l’état cognitif allant jusqu’au délirium ou une suite d’oublis, une détérioration de l’état physique ou médical, particulièrement du système gastro-intestinal, et une désorganisation dans les relations sociales et familiales (Ames et al., 2010 ; Sader, 2007 ; Santé Canada, 2002). La famille et l’entourage peuvent être d’une grande aide pour déterminer la présence d’abus de substances chez la personne âgée. Une évaluation psychiatrique et physique est primordiale avant de déterminer l’importance et le besoin du sevrage. Ce choix peut être facilité par un instrument de mesure visant à gérer le degré de traitement des dépendances de l’Association for Standardisation of Automation and Measuring (ASAM). Une personne âgée dont le potentiel de
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
L’utilisation de benzodiazépines à courte action pendant 7 à 10 jours et de thiamine fait aussi partie de la thérapeutique du sevrage (Ames et al., 2010 ; Sader, 2007). Le traitement comprend souvent la prise d’autres vitamines, en raison de la dénutrition, et d’antipsychotiques, en présence de symptômes de délirium. L’inrmière visera alors le maintien fonctionnel de la personne âgée hospitalisée surtout si celle-ci a des atteintes physiques ou cognitives au cours du sevrage. Le syndrome d’immobilisation est le plus grand danger que court la personne âgée en situation d’hospitalisation. L’inrmière s’assure de maintenir la mobilité de celle-ci par la marche et les levers réguliers, le maintien des capacités de continence, en évitant les culottes d’incontinence, en favorisant un sommeil réparateur, en assurant une alimentation et une hydratation adéquates et en évitant la surstimulation et la sous-stimulation cognitive. La complexité du traitement chez la personne âgée dépend de son état physique global, associé à la prise d’alcool ou d’autres substances (MSSS, 2011 ; Voyer, 2011). L’infirmière soigne parallèlement les autres atteintes physiques qui font souvent partie du problème. Les soins à la personne âgée en sevrage et hospitalisée nécessiteront souvent une surveillance accrue d’un ensemble de pathologies. Par exemple, un homme âgé de 75 ans, arthritique et souffrant, ayant aussi une maladie cardiopulmonaire, aura besoin d’être soulagé et traité pour son hypertension en même temps que des approches seront utilisées pour traiter son problème d’alcool. De plus, l’utilisation de médicaments comme le lorazépam et les benzodiazépines exige une plus grande surveillance à cause de leurs effets indésirables ou en raison de l’ensemble de la médication que doit prendre cette personne. L’important est d’assurer la mobilité régulière et sécuritaire du client âgé tout en évitant de le conner au lit ou au fauteuil si le dosage ou les effets des médicaments nuisent à son équilibre
pendant la marche. Si la personne âgée ne présente pas d’atteinte cognitive importante, les approches de soins inrmiers recommandées en pareille situation peuvent être employées, peu importe l’âge du client (Lacombe et al., 2007 ; MSSS, 2011 ; Voyer, 2011). Il faut toutefois adapter les approches selon la situation de la personne âgée incapable de se déplacer, qui ne voit pas ou n’entend pas bien, ou si elle a une atteinte cognitive. Des approches cognitives adaptées ou des interventions à domicile peuvent constituer des avenues dans ces situations. La participation de la famille et des proches s’avère positive au traitement, car l’isolement, surtout chez la personne endeuillée, peut être démotivant (Ames et al., 2010 ; Santé Canada, 2002). Il est aussi important de noter que la personne âgée peut avoir des séquelles cognitives liées à l’abus d’alcool, notamment en raison de la dénutrition et du manque de thiamine. L’atteinte la plus connue qui entraîne des dommages cérébraux et cognitifs, décrite dans le DSM-5 et le CIM-10, est le trouble neurocognitif majeur induit par une substance. Le trouble neurocognitif induit par l’alcool à type d’amnésie confabulatoire (Korsakoff) est caractérisé par une amnésie. La personne a de la difculté à se souvenir de nouvelles informations. Elle a également tendance à la confabulation. Des signes d’encéphalophathie liée à la thiamine (encéphalopathie de Wernicke) peuvent aussi se manifester (p. ex., nystagmus, ataxie, paralysie du regard latéral) (APA, 2015). Le sevrage et l’abstinence prolongée associée à une bonne alimentation et à la prise de suppléments de thiamine améliorent l’état général de la personne. L’inrmière peut donc procéder au suivi en consultation externe par une surveillance du poids et de l’apport alimentaire. Si une réévaluation cognitive doit être faite, il est préférable qu’elle le soit dans les mois suivant l’arrêt de la consommation pour obtenir un portrait qui ne sera pas
faussé par les effets physiologiques et cognitifs de l’alcool (Paquette et al., 1999 ; Sader, 2007).
Drogues ou médicaments Les troubles liés à la consommation de substances illicites est rare chez la personne âgée, et moins de 1 % d’entre elles consommeraient des drogues telles que la marijuana ou des opiacés (Santé Canada, 2002). Les répercussions physiques et le décès précoce des consommateurs de ces drogues seraient les causes de ce faible taux (Santé Canada, 2002). Les troubles liés à la consommation de médicaments, particulièrement aux benzodiazépines, est la plus importante ; elle figure au deuxième rang de la surconsommation de substances, après l’abus éthylique (Santé Canada, 2002). Selon Paquette et ses collaborateurs (1999), être de sexe féminin, avoir une atteinte à la santé physique et subir un deuil récent sont des risques de polypharmacothérapie chez la personne âgée. En 2007, au moins 10 % de la clientèle âgée utilisait des benzodiazépines (Sader, 2007). Les benzodiazépines de longue action devraient être évitées chez la personne âgée (Ames et al., 2010 ; Sader, 2007). Des renouvellements de prescription sans une réévaluation préalable de l’état de la personne âgée peuvent donner une impression de banalisation du produit et créer une habitude d’utilisation. La prise du médicament pour le traitement d’un problème comme l’anxiété ou un trouble de sommeil, aurait dû être envisagée comme moyen à court terme.
Soins et traitements inrmiers L’infirmière surveille l’utilisation des benzodiazépines chez la clientèle âgée TABLEAU 26.6 . La sur utilisation de ces produits a généré des effets négatifs chez les personnes âgées comme
CE QU’IL FAUT RETENIR
La dépendance aux benzodiazépines chez les personnes âgées est importante. Elle crée des effets négatifs : chutes, fractures, troubles cognitifs, baisse fonctionnelle générale et risque d’inter actions médicamenteuses.
Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 26.6
Soutenir la personne âgée en sevrage de benzodiazépines
INTERVENTION
JUSTIFICATION ET COMMENTAIRE
Surveiller la personne âgée pendant la réduction régulière des doses sur une période de trois à quatre semaines.
En cas de comorbidité psychiatrique, le sevrage sera beaucoup plus long et pourrait prendre de 4 à 12 mois.
Porter une attention particulière à l’état physique sousjacent de la personne ainsi qu’au maintien de ses capacités fonctionnelles dans la réalisation des AVQ.
Pour éviter une détérioration et une perte d’autonomie en cas d’hospitalisation.
Soutenir la personne âgée dans l’application de stratégies non pharmacologiques.
Pour favoriser un sommeil sain par des approches non pharmacologiques.
Enseigner et favoriser l’intégration de stratégies non pharmacologiques.
Pour réduire l’anxiété (par la relaxation, les stratégies de respiration) et diminuer le risque de reprise de benzodiazépines de façon chronique.
26
Chapitre 26
Personnes âgées
733
TABLEAU 26.6
Soutenir la personne âgée en sevrage de benzodiazépines (suite)
INTERVENTION
JUSTIFICATION ET COMMENTAIRE
Utiliser la relation d’aide et l’analyse des pensées négatives inspirées par une approche cognitivo-comportementale.
Pour favoriser l’établissement des facteurs ayant mené à la prise de benzodiazépines (p. ex., un deuil, un trouble anxieux) et acquérir des pensées plus réalistes à l’égard de soi, de la situation et de l’avenir.
Surveiller les effets physiologiques du sevrage (tels que vertiges, céphalées, fatigue, irritabilité, hyperacuité sensorielle).
Pour soulager les symptômes et assurer un sevrage sécuritaire.
Adapter les approches de soins selon les atteintes fonctionnelles et cognitives au cours du suivi hospitalier ou à domicile.
Pour assurer les services nécessaires à domicile, au besoin, en adaptant le discours à la compréhension de la personne selon son degré et son type d’atteinte cognitive. Cela se fait par l’utilisation de la réminiscence de bons moments passés, en ayant recours aux proches ou aux ressources communautaires pour les personnes ayant une atteinte cognitive temporaire (p. ex., un postdélirium) ou dans le cas d’une atteinte cognitive dégénérative.
Sources : Adapté de MSSS (2011) ; Sader (2007) ; Santé Canada (2002).
CE QU’IL FAUT RETENIR
Chez une personne âgée qui se plaint de malaises (fatigue, douleurs, etc.), la recherche d’une cause physique devrait toujours être faite en premier lieu. Il faut tenir compte du potentiel de fragilité physique de l’aîné.
des chutes, des fractures, une baisse fonctionnelle générale, des troubles cognitifs et des interactions médicamenteuses (Ames et al., 2010 ; Paquette et al., 1999). Le sevrage des benzodiazépines est dangereux pour la personne âgée, car il entraîne un risque de convulsions et de décès. Le dosage, le type de benzodiazépine, les interactions avec les autres médicaments, la présence de problèmes de santé mentale associés et l’état physique préa lable peuvent influer sur le sevrage du client (Sader, 2007). La personne âgée fragile physiquement, qui emploie de fortes doses depuis longtemps, qui prend une polymédication ou qui a une histoire convulsive serait plus à risque au moment du sevrage. Des symptômes tels que des tremblements, des vomissements, de l’anxiété, des étourdissements ainsi qu’une hypersensibilité à la douleur, à la lumière et même au toucher peuvent être observés pendant le sevrage (Ames et al., 2010 ; Sader, 2007).
26.3.5
Approche globale (ou approche holistique) : Soins et services basés sur une vision entière de la personne dont le tout représente plus que la somme de ses composantes biologiques, psychologiques, socioculturelles et spirituelles.
734
Partie 5
Troubles à symptomatologie somatique
La personne âgée doit affronter divers changements physiologiques associés au vieillissement. Certains aînés deviennent alors centrés sur les modications et sur les malaises de leur corps vieillissant. Certaines personnes âgées présentent des symp tômes qui sont disproportionnés par rapport à une atteinte physique observable ou qui n’ont aucun lien de causalité avec une atteinte physique (Trudel et al., 2007). Les principales plaintes inexpliquées se dénissent comme de la fatigue, des douleurs (thoraciques, articulaires, musculaires, abdominales
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
ou des céphalées), un colon irritable. Les symptômes somatiques liés à l’anxiété, à la dépression ou au trouble panique seraient présents dans 60 % des cas. Les personnes ayant un trouble anxieux consulteront, particulièrement en raison des manifestations somatiques. Ce seront fréquemment les intervenants de première ligne qui auront à soigner les personnes âgées manifestant de tels symptômes (Escobar, Cook, Chen et al., 2010 ; García-Franco, Del-Cura González, Caballero Martinez et al., 2012 ; Huang & MacCarron, 2011).
Soins et traitements inrmiers La recherche d’une ou des causes physiques devrait toujours être faite en premier lieu. Il est important de tenir compte du potentiel de fragilité physique de la personne âgée, au-delà de ses plaintes. Comme celle-ci a souvent à affronter d’autres atteintes physiques en plus des troubles somatoformes, une at titude empathique permettra à l’inrmière d’approfondir la source des inquiétudes du client, qu’elles soient d’origine physique ou psycholo gique. Une approche globale (ou approche holis tique) est de mise (Anderson, Hartz, Nordin et al., 2008 ; Trudel et al., 2007). Au cours de son évaluation, l’inrmière prend en considération la personnalité de l’aîné, elle note si celui-ci est dépendant ou anxieux et tient compte de son histoire sociale et de ses antécédents médicaux. Trudel et ses collaborateurs (2007) ont établi un tableau comparatif des facteurs prédisposants, précipitants et perpétuants des troubles somatoformes TABLEAU 26.7.
Facteurs de risque TABLEAU 26.7
Facteurs liés à l’apparition d’un trouble à symptomatologie somatique
TYPE DE FACTEUR
DESCRIPTION
Prédisposant
• Traits de personnalité dépendante, égocentrique et centrée sur son corps • Génétique ; historique d’anxiété familiale • Exposition très jeune à la maladie • Carence affective • Abus sexuel ou violence physique • Croyances et attitudes de longue date liées à la maladie (p. ex., croire que la maladie grave et le vieillissement sont irrémédiablement liés) • Histoire de maladie importante • Faible introspection à l’égard de ses émotions • Installation récente d’un trouble mental : dépression ou anxiété
Précipitant
• Nouvelle atteinte physique mineure n’expliquant pas les symptômes ou handicaps observés • Tension musculaire • Tendance à l’hyperventilation • Trouble du sommeil • Effets indésirables de la médication • Stresseurs récents tels que deuil, pertes • Soutien social faible • Conits interpersonnels • Anxiété importante autour de problème de maladie connue socialement (p. ex., la grippe aviaire)
Perpétuant
• Trouble mental • Altération chronique de la nociception (atteinte spinale) • Trouble du système nerveux autonome, tant sympatique que parasympathique, comme l’hypotension orthostatique, le syndrome de Raynaud, la syncope • Réactions de l’entourage, par l’attention et les encouragements que la maladie apporte ; somatisation devenue un moyen d’entrée en communication avec autrui • Isolement social et absence d’un rôle social valable • Réactions du personnel soignant, percevant la personne comme étant en perte d’autonomie et compensant son besoin de dépendance • Pauvreté, difcultés nancières
Source : Adapté de Trudel et al. (2007).
En connaissant bien l’ensemble des pathologies qui peuvent toucher la personne âgée, l’inrmière peut déterminer à la fois comment ces atteintes perturbent la personne dans son quotidien et la façon dont celle-ci perçoit la situation. Une intervention rapide à la suite de la manifestation d’un trouble anxieux, dépressif ou de l’adaptation aura plus de chances d’être efcace en présence de somatisation. Si les plaintes somatiques datent de longtemps, cela est devenu un mode d’adaptation pour la personne, voire un mode de vie. Les médicaments auront alors en général peu d’effets (Trudel et al., 2007). Les douleurs physiques seront fréquemment traitées avec une médication. L’inrmière en surveille les effets indésirables,
surtout si la personne âgée est traitée avec des narcotiques. Ces médicaments augmentent le risque de chutes ou de délirium chez certaines personnes. Pour gérer les douleurs variées et apaiser les tensions musculaires, l’inrmière peut utiliser des approches non pharmacologiques telles que les massages simples, des applications de chaleur ou de froid, la relaxation, des techniques de respiration, la méditation et même la prière TABLEAU 26.8. Ces approches pourraient soulager jusqu’à 75 % des symptômes somatiques. Une explication des symptômes vécus par la personne et de leur source a aussi pour effets de diminuer l’anxiété quant à leur origine et de réduire certaines tensions musculaires (Ames et al., 2010 ; Anderson et al., 2008). Chapitre 26
CE QU’IL FAUT RETENIR
Si les plaintes somatiques datent de longtemps, cela est devenu un mode d’adap tation pour la personne, voire un mode de vie. Les médicaments auront alors en général peu d’effets.
Personnes âgées
735
26
Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 26.8
Soutenir la personne âgée ayant un trouble à symptomatologie somatique
INTERVENTION
JUSTIFICATION ET COMMENTAIRE
Reconnaître les souffrances et les symptômes de la personne âgée comme faisant partie de sa vie.
An de créer une ouverture et de reéter la réalité de la personne âgée.
Tenir compte du besoin d’attention par une approche chaleureuse et humaine au moyen de l’écoute active et de la validation.
An de soulever les points positifs de sa vie, différents de la maladie, des médicaments, etc., et pour que l’attention et la reconnaissance de soi ne soient pas uniquement associées à la maladie.
Stimuler les capacités fonctionnelles en augmentant la tolérance de la personne à effectuer les AVQ et les AVD de plus en plus par elle-même, surtout chez la personne déconditionnée étant restée immobile pendant une période. Encourager chaque effort fait par la personne en ce sens.
Pour éviter d’en faire trop pour aider. La perte d’autonomie qui s’ensuit justiera les plaintes.
Enseigner à la famille à prêter attention à la personne et à lui témoigner de l’affection, sans rester centrée sur ses plaintes physiques (trouver des centres d’intérêt, des loisirs).
Pour les inclure dans le plan d’intervention an de favoriser l’autonomie et une image constructive de soi autrement que par la maladie.
Gérer la médication en surveillant les effets indésirables et la non-réponse à certains médicaments.
Pour réduire l’usage médicamenteux, en trouvant des approches non pharmacologiques pour soulager les malaises physiques telles que l’application de chaleur, la relaxation, etc.
Sources : Adapté de Ames et al. (2010) ; Anderson et al. (2008) ; García-Franco et al. (2012) ; Huang & MacCarron (2011) ; MSSS (2011) ; Trudel et al. (2007).
L’inrmière utilise des techniques d’analyse des pensées dysfonctionnelles ou négatives en s’inspirant de l’approche cognitivocomportementale et de stratégies de résolution de problèmes. Cela permet à la personne âgée de voir les situations de manière objective et de mieux affronter les difcultés de sa vie plutôt que de chercher inconsciemment la victimisation ou l’attention par l’intermédiaire de la maladie. Comme chez la population adulte plus jeune, l’approche dynamique à court terme ou l’hypnothérapie peuvent aussi être recommandées pour aider la personne âgée à réduire ses symptômes physiques (García-Franco et al., 2012 ; Huang & MacCarron, 2011). En établissant un cadre thérapeutique an de réduire les manifestations somatiques et les plaintes, l’inrmière aide alors la personne à adopter une attitude autre que celle centrée essentiellement sur les pertes et sur la dépendance (Trudel et al., 2007).
736
Partie 5
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
26.3.6
Schizophrénie
Environ de 0,5 à 2 % des personnes âgées vieilliront avec une schizophrénie ou une atteinte psycho tique, et beaucoup moins seront atteintes de schizophrénie tardive ; de ce nombre, de 80 à 85 % vivent dans la communauté (Cohen, Vahia, Reyes et al., 2008 ; Meesters, Stek, Comijs et al., 2010 ; Trachsel & von Gunten, 2011). Parmi les personnes ayant eu une atteinte plus tardive, près de la moitié seront plus à risque de troubles liés à une substance, soit l’alcool, les drogues ou le tabac (MacCourt et al., 2011). Il faut d’ailleurs tenir compte qu’avec le vieillissement, les risques sont de plus en plus accrus d’avoir une psychose. Les atrophies des zones corticales, frontales et temporales, les modifications dans les neurotransmetteurs, les atteintes physiques, sensorielles, ainsi que des atteintes cognitives sous-jacentes seront des sources de vulnérabilité (Cohen et al., 2008 ; Paratte, 2007).
Un début des symptômes psychotiques à un âge avancé doit faire suspecter en premier lieu une pathologie organique ou des troubles induits par une substance (Calvet & Clément, 2014). Il existe 3 types d’atteinte qui perdure après l’âge de 65 ans (Ames et al., 2010 ; Trachsel & von Gunten, 2011) : • une schizophrénie précoce, manifestée avant 40 ans, où la personne a vieilli malgré le risque de décès prématuré chez cette clientèle ; • une schizophrénie tardive, manifestée après 40 ans, mais qui a les mêmes caractéristiques génétiques que la présentation chez les plus jeunes, ces atteintes représentant environ 23 % des cas ; • une schizophrénie très tardive, manifestée après 60 ans, qui n’a pas de base génétique et qui présente une symptomatologie différente, ces atteintes représentant environ 3 % de la population âgée de plus de 65 ans. Les différences notées dans les symptômes des atteintes des deux premiers types de schizophrénie, précoce et tardive, sont décrites dans le TABLEAU 26.9.
Dans le premier type d’atteinte, la personne aura été aux prises avec la maladie une bonne partie de sa vie. La personne âgée manifestera des délires et des hallucinations, le plus souvent auditives, et une perturbation de la pensée. Ces symptômes sont cependant atténués en intensité et en fré quence. Le vieillissement aurait un effet positif sur ces manifestations, car passé l’âge de 50 ans, près de la moitié des personnes atteintes seront peu symptomatiques. Elles peuvent cependant conserver des symptômes dépressifs, et jusqu’à 50 % d’entre elles auront des idées suicidaires (Cohen et al., 2008 ; Kasckow, Montross, Prunty et al., 2011). La personne âgée présentera tout de même les symptômes négatifs tels que l’apathie, une perte d’intérêt, un affect émoussé, une détérioration de la personnalité, ainsi qu’une atteinte des processus de la pensée et du fonctionnement psychosocial. En plus de voir leur qualité de vie réduite, peu d’aînés arriveront à satisfaire seuls leurs besoins fondamentaux (Ames et al., 2010 ; Paquette et al., 1999). Ames et ses collaborateurs (2010) soulignent à quel point la conjugaison de la dépression, de
Symptômes cliniques TABLEAU 26.9
Manifestations cliniques des atteintes précoce et tardive de la schizophrénie
ATTEINTE À DÉBUT PRÉCOCE AVANT 40 ANS
ATTEINTE À DÉBUT TARDIF APRÈS 40 ANS (MAIS AVANT 60 ANS)
• Début dans la vingtaine
• Début dans la quarantaine ou plus tard
• Atteinte autant chez les hommes que les femmes
• Atteinte plus fréquente chez la femme âgée
• Moins de traits de personnalité schizoïde antérieurs
• Traits de personnalité schizoïde et paranoïde antérieurs
• Amélioration générale passé 30 à 40 ans avec moins de symptômes positifs
• Personnalité moins altérée
• Symptômes positifs : − Délires : systématisés et non systématisés
• Symptômes positifs : − Délires : systématisés, cloisonnés et frontière fantôme ; thèmes : persécution, jalousie et vol pour la majorité des cas, idées mégalomanes, érotiques ou somatiques − Hallucinations : moins fréquentes ; présentation sous plusieurs formes, mais surtout auditives (30 % sont visuelles) − Tactiles : impressions surtout d’origine génitale − Olfactifs
• Symptômes négatifs (communs) : − Troubles de la pensée : communs, troubles d’apprentissage et d’abstraction − Affect plat, retrait social, comportement bizarre − Hallucinations : auditives, perceptions que les pensées sont imposées ou volées
• Tendance à persister dans le temps (devient chronique)
• Symptômes négatifs : − Troubles de la pensée : peu communs − Affect émoussé : moins commun ; humeur plutôt dysphorique
26
Sources : Adapté de Ames et al. (2010) ; Barak, Levy, Szor et al. (2011) ; Cohen et al. (2008) ; Folsom, Lebowitz, Lindamer et al. (2006) ; Paratte (2007) ; Trachsel & von Gunten (2011).
Chapitre 26
Personnes âgées
737
éactivation des connaissances Quelle différence y a-t-il entre le délirium et les autres troubles neurocognitifs ? Lequel de ces troubles est d’apparition insidieuse et d’évolution lente, mais inégale ?
CE QU’IL FAUT RETENIR
Chez la personne âgée récemment atteinte d’une schizophrénie à présentation tardive, une différenciation doit être faite pour éliminer une dépression avec des éléments psychotiques ou encore un délirium.
éactivation des connaissances Qu’est-ce que le syndrome métabolique ? Quels sont les risques associés à ce syndrome ?
la démoralisation par des années de traitements et de médication antipsychotique, du manque de soutien social et des périodes fréquentes d’hospitalisation aura un effet sur la qualité de vie et accentuera les symptômes négatifs. Cela se rajoute aux problèmes cognitifs susceptibles d’apparaître tels que la démence, le délirium, les atteintes provoquées par la schizophrénie elle-même, la dépression ou même les effets indésirables de certains médicaments (Ames et al., 2010). Les personnes âgées atteintes de schizophrénie précoce décéderaient en moyenne 10 ans plus jeunes en raison d’atteintes physiques (p. ex., le diabète, un infarctus, un trouble pulmonaire, un accident vasculaire cérébral), et cela serait en partie en lien avec la prise prolongée d’antipsychotiques (Folsom et al., 2006 ; Trachsel & von Gunten, 2011). Une grande variabilité du taux de glucose a d’ailleurs été constatée dans toutes les formes de schizophrénie ; un suivi de près est recommandé, car il existerait un lien entre ce taux et la présentation des dyskinésies tardives (Trachsel & von Gunten, 2011).
se seront souvent mariées, auront eu des enfants et seront donc moins isolées socialement (Trachsel & von Gunten, 2011). Seulement 8 % de cette clientèle se rétabliront, alors qu’environ 31 % auront peu ou pas de décits par la suite. Les autres aînés touchés demeureront avec des atteintes chroniques, tant sur le plan psychiatrique et fonctionnel que sur celui du bien-être général (Cohen et al., 2008). Les personnes âgées atteintes d’une schizophrénie auraient d’ailleurs jusqu’à 4 fois plus de risque d’être admises en hébergement, et ce, plus jeunes, soit vers l’âge de 50 à 60 ans (Andrews, Bartels & Xie, 2009).
Chez la personne âgée atteinte récemment d’une schizophrénie à présentation tardive, une différenciation doit être faite pour éliminer une dépression avec des éléments psychotiques ou encore un délirium. La dépression est une comorbidité fréquente chez la personne âgée atteinte de schizophrénie et constitue un facteur prédisposant au suicide. Les risques d’abus de substances et de benzodiazépines sont aussi présents chez cette clientèle (Kasckow et al., 2011 ; Trachsel & von Gunten, 2011). La personne âgée qui manifestera des symptômes dépressifs accompagnant la schizophrénie aura une humeur dépressive, des atteintes cognitives, de l’insomnie matinale et une perte d’appétit qui s’ajouteront aux autres symptômes (Felmet, Zisook & Kasckow, 2011). La schizophrénie tardive est associée à une modication dans les symptômes, avec une baisse de la manifestation des symptômes négatifs (Ames et al., 2010 ; Barak et al., 2011 ; Trachsel & von Gunten, 2011). La personne âgée peut avoir une atteinte cognitive induite par la psychose, mais le traitement pourra l’atténuer. Elle afche une personnalité moins désorganisée, et la pensée ainsi que les capacités fonctionnelles sont moins altérées que dans la schizophrénie à début précoce.
Jusqu’à un tiers des personnes âgées ne retireront pas de bénéces évidents de la médication. En général, les personnes atteintes d’une schizophrénie à début tardif prendront moins d’antipsychotiques que celles ayant une schizophrénie précoce. Malgré la prise de médication, elles pourront être encore touchées sur le plan de l’autocritique, ainsi que de l’adaptation et du fonctionnement social. Cependant, une amélioration, même modeste, permettra un maintien de la personne dans la communauté (Ames et al., 2010 ; Folsom et al., 2006 ; Kaschkow et al., 2011 ; Paratte, 2007 ; Sproule, Lake, Mamo et al., 2010).
Ces personnes âgées peuvent tout de même présenter une atteinte des fonctions exécutives. Elles ne semblent pas beaucoup plus à risque de pertes fonctionnelles comparativement aux autres aînés (Ames et al., 2010 ; Barak et al., 2011 ; Folsom et al., 2006 ; Paquette et al., 1999). Contrairement aux personnes ayant eu une schizophrénie précoce, elles
738
Partie 5
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
Le contrôle pharmacologique devra parfois être revu chez les personnes prenant des antipsychotiques de longue date en raison des effets indésirables et cumulatifs de ces médicaments (Kaschkow et al., 2011). Mais une personne atteinte de schizophrénie de longue date qui prendrait un antipsychotique de première génération depuis longtemps, dont l’état serait stable et qui ne serait pas aux prises avec des effets indésirables n’aurait pas besoin de changement de médication (Trachsel & von Gunten, 2011).
Soins et traitements inrmiers L’inrmière s’attarde d’abord à l’état physique et aux antécédents médicaux de la personne âgée atteinte de schizophrénie, quelle qu’en soit la forme. Une surveillance des symptômes dépressifs et suicidaires devrait faire partie des soins (Felmet et al., 2011 ; Rado & Janicak, 2010). Il importe de soutenir l’aîné par une attitude positive, centrée sur son potentiel pour adapter ses habitudes et par des encouragements, tout en reétant l’amélioration de son état à la suite de l’adoption de nouvelles habitudes (Ames et al., 2010 ; Kasckow et al., 2011). Si une modication médicamenteuse s’avère nécessaire, la surveillance devient particulièrement importante en raison de la sensibilité de la clientèle plus âgée quant au métabolisme des médicaments (Kasckow et al., 2011). L’introduction des
antipsychotiques atypiques de deuxième génération a offert une nouvelle avenue pour le traitement des personnes âgées. Cela n’élimine pas le risque possible d’effets indésirables tels que le syndrome métabolique, l’akathisie, la dystonie, les tremblements, l’hypertension de même que l’hypotension orthostatique chez certains clients. L’inrmière y portera attention. Si une approche combinant les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine est envisagée parce que la personne a une dépression concomitante, l’inrmière surveille alors les signes de nausées, de diarrhée et de transpiration comme effets indésirables (Ames et al., 2010 ; Felmet et al., 2011 ; Folsom et al., 2006 ; Kasckow et al., 2011 ; Paratte, 2007 ; Sproule et al., 2010).
Les approches non pharmacologiques sont surtout orientées vers le fonctionnement et le maintien de la personne dans la communauté. Cela nécessite généralement le concours d’une équipe d’intervenants et une approche globale adaptée à chaque cas particulier TABLEAU 26.10. Le soutien pour réduire l’isolement social est important an de contrer la tendance schizoïde. En ce qui concerne les besoins d’hébergement, le cas échéant, la résidence classique n’est peut-être pas l’endroit idéal pour loger la personne âgée atteinte de schizophrénie. Un lieu adapté aux clients ayant des atteintes psychogériatriques serait préférable (Ames et al., 2010 ; Felmet et al., 2011 ; Kasckow et al., 2011).
Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 26.10
Soutenir la personne âgée atteinte de schizophrénie
INTERVENTION
JUSTIFICATION ET COMMENTAIRE
Favoriser la réadaptation sociale par la participation à des activités adaptées.
Pour éviter l’isolement par des interventions individuelles ou en groupes telles que des groupes communautaires, un centre de jour, des visites à domicile, la participation accrue des proches ou de l’entourage.
Tenir compte des décits sensoriels et compenser les décits par une adaptation de la communication.
S’assurer que la personne porte ses lunettes ou l’appareillage pour compenser l’audition. Utiliser des documents écrits ou des images pour appuyer la communication.
Adopter une attitude empathique et établir un partenariat en impliquant la personne dans la prise des décisions qui la concernent.
An de chercher un objectif commun centré sur les symptômes et leurs répercussions psychosociales, en mettant l’accent sur leur caractère perturbant, comme les peurs, l’insomnie, l’agressivité et l’angoisse engendrées par les délires et les hallucinations.
Ne pas confronter la personne au sujet de la réalité du délire et des hallucinations, ni entrer dans le délire de la personne.
La confrontation risque d’accroître la conviction de la personne de la réalité du délire et des hallucinations, de lui faire ressentir qu’elle est incomprise et de lui faire perdre tout point de repère avec la réalité.
Utiliser une attitude directe et honnête pendant la relaton d’aide en favorisant le respect de l’espace physique de la personne, en renforcant son identité, en donnant un sens à ses propos et en l’aidant à distinguer le réel de l’imaginaire.
An de réduire l’impression de manipulation ou de mensonges chez la personne hypervigilante ou paranoïde. L’alliance thérapeutique peut être difcile.
Faire des suivis serrés des effets indésirables et des facteurs de risque au moment de la prise d’antipsychotiques, et encourager l’adhésion au traitement.
Le suivi de la médication peut être difcile si la personne en néglige la prise, appréhende ses effets ou refuse de la prendre ou de la changer, le cas échéant.
Assurer les services d’évaluation, de réadaptation et de maintien dans les AVQ et la stimulation quotidienne à effectuer ces activités au moyen d’une prise en charge par les ressources de services de soins et avec l’appui des proches.
En raison des pertes fonctionnelles et cognitives possibles secondaires à l’atteinte prolongée ou en raison d’une atteinte nouvelle telles l’hygiène négligée, la sous-alimentation ou la prise de poids secondaire à la médication.
26
Sources : Adapté de Folsom et al. (2006) ; Lawrence, Kisely & Pais (2010) ; Paquette et al. (1999) ; Paratte (2007) ; Trachsel & von Gunten (2011).
Chapitre 26
Personnes âgées
739
26.3.7
Suicide
L’évaluation du risque suicidaire, tout comme celui de la dépression, sera modulée chez la personne âgée par son état de santé physique et mental, ses déficits cognitifs et son traitement pharmacologique. Le risque suicidaire serait plus élevé chez les hommes âgés de 65 ans et plus, alors que le ratio de suicide le plus élevé au Canada se trouve chez les hommes ayant plus de 85 ans. La présence du risque suicidaire chez ces hommes âgés serait sous-évaluée (Institut national de santé publique du Québec, 2015 ; MacCourt et al., 2011). CE QU’IL FAUT RETENIR
Plus de 80 % des personnes âgées qui ont commis un suicide étaient atteintes d’une dépression carac térisée. Les symptômes dépressifs peuvent être masqués ou modulés par la présence de problèmes physiques.
Plus de 80 % des personnes âgées qui ont commis un suicide étaient atteintes d’une dépression caractérisée. Les symptômes dépressifs peuvent être masqués ou modulés par la présence de problèmes physiques, malgré un suivi médical de la personne. Les plaintes somatiques associées à la dépression, telle la douleur, ne mèneront pas nécessairement à un traitement antidépresseur. La combinaison de malaises physiologiques et de dépression augmentera le risque suicidaire (Ames et al., 2010). Celui-ci est moins fréquent chez les personnes âgées que chez les plus jeunes, mais les actes suicidaires qu’elles commettent sont plus violents, et ils ont plus de chance de succès (Ames et al., 2010 ; Paquette et al., 1999 ; Yeates & Thompson, 2008). Les personnes ayant des idées suicidaires peuvent être considérées par leur entourage comme moins déprimées et suicidaires qu’elles le sont en réalité, d’où l’intérêt pour l’inrmière de questionner la personne âgée elle-même et de ne pas se er uniquement à ses proches. La personne âgée pourra nier avoir des idées suicidaires ; une évaluation approfondie s’imposera alors (Heisel, Conwell, Pisani et al., 2011). Pour cette raison, malgré la présence de comorbidités physiques, le traitement rigoureux de la dépression sousjacente est recommandé. Les atteintes affectives comme la dépression, les abus de substances et d’alcool sont les facteurs les plus fréquents. Les atteintes psychotiques comme la schizophrénie, les troubles neurocognitifs et l’anxiété font également partie des atteintes à risque, mais en moindre proportion. La démence augmenterait aussi le risque de suicide (Ames et al., 2010 ; Yeates & Thompson, 2008). Les traits de personnalité de la personne âgée comme le besoin de contrôle, la résistance au changement et l’implication sociale réduite la rendent plus à risque de ne pas être détectée comme étant en détresse. Les problèmes de santé physique, bien qu’étant associés au suicide chez les plus jeunes, s’ajouteraient aux autres causes chez les personnes âgées, dès que ces dernières sont aux prises avec plus de trois pathologies. Cela
740
Partie 5
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
est encore plus important si une atteinte fonctionnelle de l’autonomie s’y rattache. Les stresseurs sociaux comme la perte de soutien social, les conits familiaux, ainsi que les événements marquants – tels que la retraite, une maladie qui cause un isolement social – ou des problèmes nanciers se superposeraient aux facteurs de risque (CCSMPA, 2009 ; Yeates & Thompson, 2008 ). La personne isolée socialement et ayant peu de soutien sera encore plus à risque de suicide. La personne âgée déprimée qui a commencé un traitement antidépresseur devient aussi plus à risque, car son énergie augmente, et elle peut alors vouloir mettre ses idées suicidaires à exécution. Les proches doivent donc être plus alertes dans cette période charnière. Les autres facteurs de risque seraient : 1) être de sexe masculin ; 2) avoir vécu une perte récente comme un deuil ou un divorce ; 3) être veuf ; 4) subir l’isolement social ; 5) présenter une comorbidité physique et psychiatrique ; 6) avoir une histoire de tentative suicidaire (Ames et al., 2010 ; CCSMPA, 2009 ; MacCourt et al., 2011 ; Paquette et al., 1999 ; RNAO, 2003).
Soins et traitements inrmiers L’inrmière demande clairement à la personne âgée si elle a des intentions suicidaires pour l’évaluer précisément par la suite (CCSMPA, 2006) ENCADRÉ 26.8. En cas de suspicion d’idées suicidaires, l’inrmière oriente la personne le plus rapidement possible vers les ressources médicales d’urgence. Une attention soutenue de l’inrmière et un questionnement précis permettront d’évaluer les risques chez cette clientèle. Certains comportements de la personne peuvent constituer des signes pour l’infirmière ou les proches, par exemple se départir de ses biens personnels, revoir son testament, être agitée ou augmenter sa consommation d’alcool, avoir des comportements à risque, ne pas être dèle à la médication, manifester des pensées et des préoccupations morbides (CCSMPA, 2006). À l’occasion de visites à domicile, l’inrmière dépiste les éléments associés au risque de suicide tels que la possession d’armes à feu, l’accès à des médicaments toxiques et l’isolement social. Le soutien des proches et la création d’un réseau deviennent alors très importants, surtout si ce dernier est très pauvre. Les soutiens téléphoniques et communautaires représentent d’autres avenues possibles visant à briser l’isolement, en plus des interventions pour contrer la dépression. Le traitement de la douleur devrait aussi faire partie des priorités, tant par des approches pharmacologiques que
ENCADRÉ 26.8
Risque suicidaire chez la personne âgée
L’évaluation du risque suicidaire permettrait de déterminer la tendance suicidaire. • Les intentions suicidaires : par la verbalisation des pensées, l’idée d’un plan, la capacité et les moyens physiques de le réaliser ; par la description des tentatives de suicide antérieures. • Le comportement : la personne âgée garde une réserve lorsque l’inrmière la questionne ou elle tergiverse. Elle manifeste un retrait social, est en traitement de dépression, distribue ses biens, abuse de substances ou d’alcool, a une humeur dépressive, porte un intérêt ou un désintérêt soudain envers la spiritualité ou la religion et clarie ses affaires (comme rédiger son testament). • Les facteurs de risque : être un homme blanc, avoir une histoire familiale de suicide ou des antécédents de tentative de suicide ou de violence, une faible estime de soi, un réseau social ou de soutien pauvre ou inexistant, un déclin de l’état cognitif ou physique, être impulsif, être atteint d’un trouble mental caractérisé, abuser de substances connues et avoir subi une perte ou vécu un grand changement récemment.
non pharmacologiques (MacCourt et al., 2011 ; Yeates & Thompson, 2008).
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les stratégies propres aux aînés quant au suiLes stratégies d’intervention cide comprennent la réduction de l’isolement propres aux aînés quant au social de la personne âgée de 65 ans et plus, l’acsuicide comprennent la croissement de son estime de soi par la revue des réduction de l’isolement points positifs de sa vie et l’augmentation du social et l’amélioration de l’estime de soi. Le sentiment de sécurité par l’utilisation de l’histraitement de la douleur doit toire de vie (Lane, Archambault, Collins-Poulette aussi faire partie des et al., 2010). Bien que l’effet de la religion ou de priorités. la visite de lieux de culte soit mitigé, l’utilisation de ces ressources communautaires peut aussi tirer la personne âgée de son isoleAntonia Marcos est âgée de 74 ans. Ses enfants la ment. L’inrmière prodigue décrivent comme une femme autoritaire et directive, aussi des soins physiques, en peu ouverte à la discussion et imposant facilement particulier pour soulager la son point de vue. N’ayant jamais occupé un emploi douleur et favoriser l’autonohors du foyer, elle a toujours été dépendante nanmie afin de diminuer les cièrement de son mari. C’est elle qui gérait tout dans risques. Les services approla maison. Lorsque son époux est décédé il y priés et adaptés dev raient a trois mois, elle s’est sentie démunie, mais, étant être assurés pour répondre de nature orgueilleuse, elle a toujours caché son aux besoins associés aux chagrin à ses enfants. Elle vit seule et trouve atteintes à la santé mentale. souvent des prétextes pour éviter de voir ses Les thérapies seront relativeenfants, ne voulant pas qu’ils soient témoins de ment les mêmes que celles sa peine. Madame Marcos pourrait-elle cacher utilisées chez les plus jeunes un risque suicidaire ? Justiez votre réponse. (Yeates & Thompson, 2008).
clinique
Jugement
Collecte des données
Sources : Adapté de RNAO (2003) ; Yeates & Thompson (2008).
26
Chapitre 26
Personnes âgées
741
Analyse d’une situation de santé Fabien Jolicœur, âgé de 68 ans, est retraité depuis 2 ans. Il avait commencé à voyager avec son épouse et faisait des projets pour passer ses hivers en Floride. Malheureusement, sa conjointe est décédée subitement d’une hémorragie cérébrale il y a deux mois. Monsieur Jolicœur en est fortement ébranlé, au point où il néglige même le traitement de son diabète et de son hypertension artérielle ; il lui arrive de sauter des doses d’insuline et d’oublier de prendre ses médicaments. Comme il s’est inigé une plaie au talon gauche, limitant sa mobilité, une inrmière le visite pour en évaluer
Jugement clinique les caractéristiques et vérier son adhésion aux traitements. Elle apprend que le client ne mange pas trois repas par jour, qu’il respecte plus ou moins la diète prescrite, qu’il néglige l’entretien de son appartement, qu’il refuse que sa lle vienne l’aider et qu’il voit de moins en moins ses amis. « Depuis que ma femme est morte, je n’ai plus d’entrain. Je n’ai plus le goût de me forcer pour faire des choses. Même l’idée de voyager ne me dit rien maintenant », dit-il. L’inrmière soupçonne que monsieur Jolicœur est à risque de suicide et prend le temps d’évaluer cette situation.
Mise en œuvre de la démarche de soins SOLUTIONNAIRE
écemment vu dans ce chapitre Pendant qu’elle se trouve au domicile du client, quelles vérications l’inrmière devrait-elle faire en lien avec les moyens que le client pourrait prendre pour un passage à l’acte suicidaire ?
écemment vu dans ce chapitre Si monsieur Jolicoeur commence un traitement antidépresseur avec des ISRS après avoir consulté son médecin, sur quels éléments l’inrmière devrait-elle lui faire de l’enseignement ?
742
Partie 5
Collecte des données – Évaluation initiale – Analyse et interprétation 1. Outre le décès de son épouse, y a-t-il d’autres éléments dans la mise en contexte qui auraient pu déclencher des idées suicidaires chez monsieur Jolicœur ? Justiez votre réponse. 2. L’inrmière demande à monsieur Jolicœur s’il a modié son testament récemment. Est-ce une question pertinente à poser au client ? Justiez votre réponse. 3. Sans en être certaine, l’inrmière croit que monsieur Jolicœur a déjà établi un plan pour passer à l’acte suicidaire. Quelle donnée de la mise en contexte peut laisser croire cela ? 4. Dans le cas de monsieur Jolicœur, quel facteur social constitue un élément de plus à considérer dans l’évaluation du risque suicidaire ?
Planication des interventions – Décisions inrmières 5. L’inrmière devrait-elle suggérer au client de voir son médecin pour un éventuel traitement de son état dépressif ? Justiez votre réponse. 6. Que faudrait-il faire pour éviter que l’état général de monsieur Jolicœur se détériore davantage ? 7. Que serait-il possible de faire pour que monsieur Jolicœur bénécie d’une aide psychologique en cas d’urgence ?
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution 8. Nommez quatre éléments qui feraient croire à l’inrmière que monsieur Jolicœur s’engage dans une démarche susceptible d’améliorer sa condition mentale. 9. Au cours de ses visites ultérieures, qu’est-ce qui indiquerait à l’inrmière que la condition mentale de monsieur Jolicœur s’améliore ?
Interventions inrmières auprès des clientèles spéciques
APPLICATION DE LA PENSÉE CRITIQUE Dans l’application de la démarche de soins auprès de monsieur Jolicœur, l’inrmière a recours à un ensemble d’éléments (connaissances, expériences antérieures, normes institutionnelles ou protocoles, attitudes professionnelles) pour analyser la situation de santé du client et en comprendre les
enjeux. La FIGURE 26.6 illustre le processus de pensée critique suivi par l’inrmière an de formuler son jugement clinique. Elle résume les principaux éléments sur lesquels l’inrmière s’appuie en fonction des données de ce client, mais elle n’est pas exhaustive.
VERS UN JUGEMENT CLINIQUE CONNAISSANCES • Développement psychologique de la personne âgée • Processus normal du vieillissement • Principaux problèmes de santé mentale chez une clientèle âgée, y compris leur évolution et leurs traitements • Facteurs de risque de suicide chez la personne âgée • Comportements indicateurs du risque suicidaire • Critères d’évolution positive • Particularités du traitement de la dépression • Ressources communautaires disponibles pour aider la clientèle âgée ayant un problème de santé mentale
EXPÉRIENCES
NORMES
ATTITUDES
• Expérience de travail auprès d’une clientèle âgée • Expérience en psychiatrie • Expérience avec des personnes suicidaires • Expérience en santé communautaire • Expérience de travail en équipe interdisciplinaire • Personne âgée de l’entourage ayant ou ayant déjà eu un problème de santé mentale
• Procédures locales du travail à domicile • Utilisation d’échelles validées pour l’évaluation de la condition mentale du client • Respect du champ d’exer cice des autres profession nels de la santé
• Démontrer de l’empathie envers le client, étant donné la période difcile qu’il vit actuellement • Ne pas culpabiliser le client parce qu’il n’adhère pas à son traitement médicamen teux comme il le devrait • Être disponible pour écouter les propos du client
PENSÉE CRITIQUE
ÉVALUATION • • • • • • • • • • • • •
Condition physique Alimentation et respect de la diète ; consommation d’alcool Adhésion au traitement médicamenteux du diabète et de l’hypertension artérielle Qualité du sommeil Facteurs de risque de suicide et comportements indicateurs du risque suicidaire Propos qui laissent suspecter un état dépressif Évaluation de la pensée, de l’affect et de l’humeur Réseau de soutien et aide recherchée par le client Intérêt à consulter son médecin pour une évaluation plus approfondie de sa condition mentale et du degré de coopération Démarche entreprise par le client pour améliorer sa condition mentale Utilisation des ressources suggérées en cas d’urgence Capacité à faire des projets à nouveau et niveau d’activité en général Perception du vieillissement et capacité d’adaptation aux tâches du vieillissement
26
JUGEMENT CLINIQUE FIGURE 26.6
Application de la pensée critique à la situation clinique de monsieur Jolicœur.
Chapitre 26
Personnes âgées
743
Chapitre
27
Situation de crise
Écrit par : Deborah Eimer King, RN, MS, PhD Adapté par : Karine Philibert, inf., M. Sc. Mis à jour par : Jean-Pierre Bonin, inf., Ph. D. (Santé publique)
MOTS CLÉS
OBJECTIFS
Adaptation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 748 Allostasie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 750 Crise psychopathologique . . . . . . . . . . . 755 Crise psychosociale . . . . . . . . . . . . . . . . . 751 Crise psychotraumatique . . . . . . . . . . . . 756 Crises . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 746 Facteurs contribuants . . . . . . . . . . . . . . . 748 Facteurs de protection . . . . . . . . . . . . . . . 749 Facteurs de stabilisation . . . . . . . . . . . . . 747 Facteurs précipitants . . . . . . . . . . . . . . . . 748 Homéostasie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 746 Résilience. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 747
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez être en mesure : • d’expliquer la situation de crise et ses phases d’évolution ; • de distinguer les trois types de crises et les facteurs qui les influencent ; • de décrire le contexte dans lequel s’inscrivent les interventions infirmières en situation de crise et les pratiques actuelles ; • de procéder, avec le client, à l’évaluation de la crise, selon le type ; • de reconnaître les stratégies de prévention primaire, secondaire et tertiaire se rapportant aux interventions infirmières chez le client en crise ; • de présenter les caractéristiques d’une catastrophe, les phases psychologiques après la catastrophe et les interventions infirmières reliées.
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Guide d’études – SA07
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Partie 6
Interventions inrmières en situation de crise
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Solutionnaire des questions de Jugement clinique Solutionnaire des questions Réactivation des connaissances Solutionnaire des questions Récemment vu dans ce chapitre Solutionnaires du Guide d’études
Concepts clés
Cette carte conceptuelle illustre schématiquement les principaux concepts décrits dans le présent chapitre. Sa lecture vous permettra d’avoir une vue d’ensemble des notions qui y sont présentées.
perturbe Événement perçu comme menaçant Stratégies d’adaptation et de résolution de problèmes inefcaces Mobilisation des ressources externes et internes Crise non résolue et désorganisation majeure
phases d’évolution selon Caplan
inuencée par
donc
résolution impossible en raison de facteurs de stabilisation ou compensatoires
est
durant les interventions
Situation de crise
trois types d’interventions
adaptées au client trois types de crises
peuvent être causées par
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Chapitre 27
Situation de crise
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PORTRAIT
Albert Moisan Albert Moisan, âgé de 65 ans, a perdu sa femme il y a 5 mois et a alors mis n à toute vie sociale, refusant toutes les invitations de ses amis. Peu à peu, il a cessé de manger, passait toutes ses journées en pyjama, ne se lavait pas et refusait de sortir de la maison. Après un appel de sa famille, il a été admis à l’unité psychiatrique pour une évaluation et un traitement. L’évaluation initiale révèle qu’il ne présente pas de risque de suicide imminent, mais qu’il y fait de vagues allusions. On lui prescrit des antidépresseurs, des activités et une thérapie quotidienne. Une semaine plus tard, il commence à s’habiller lui-même le matin sans qu’on le lui demande. Il va aussi aux rencontres de groupes, bien qu’il reste réservé quand il parle de lui-même et de sa situation. Un jour, Samuel, l’inrmier assigné à monsieur Moisan pour la journée, discute avec ce dernier au cours d’une rencontre prévue. Monsieur Moisan lui dit qu’il se sent beaucoup mieux. Ce dernier porte un gilet de couleur vive et Samuel lui fait un commentaire sur cette couleur. Le client répond que c’est exactement ainsi qu’il se sent : vif et joyeux. Samuel pense qu’il lui dit ce qu’il veut entendre, il ne le croit pas sincère. Deux jours plus tard, alors que Samuel se prépare à quitter l’hôpital, il aperçoit par une fenêtre monsieur Moisan qui marche rapidement vers une intersection fréquentée malgré l’interdiction de sortie. Aussitôt, Samuel demande à la réceptionniste de lui envoyer de l’aide et court après le client. Il le rattrape et celui-ci lui résiste et semble fâché, mais il serre ensuite Samuel dans ses bras et se met à pleurer.
27.1
CONSEIL CLINIQUE
L’inrmière peut se référer à la hiérarchie des besoins lorsqu’elle soigne une per sonne en crise. Ainsi, elle tentera de soutenir la personne dans la satisfac tion de ses besoins physio logiques de base avant de discuter avec elle de ses besoins d’estime et d’ac complissement personnel.
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Partie 6
Évolution du concept de crise
Les crises font partie de l’expérience humaine. Qu’il s’agisse d’une rupture amoureuse, d’un accident de voiture ou d’un tremblement de terre, chaque personne vivra plusieurs crises au cours de sa vie. Le mot crise vient du verbe grec krinein, qui signie décider, trancher, juger. Il a d’abord été utilisé en français dans le domaine médical. La crise signiait alors un moment critique dans l’état de santé du malade, l’instant à partir duquel on pouvait s’attendre à ce que cet état s’améliore ou se détériore. Puis, à partir du xviie siècle, le terme rejoint lentement le langage commun pour parler d’un moment difcile, critique, et dont l’issue est incertaine (Ordioni, 2011). En Asie, le concept de crise existe depuis longtemps également. En Chine, par exemple,
Interventions inrmières en situation de crise
l’idéogramme du mot crise combine les concepts de danger et d’occasion pour démontrer comment une crise, bien qu’il s’agisse d’un moment de vulnérabilité pour la personne, peut aussi conduire à une issue positive. En Occident, bon nombre de théoriciens ont par la suite contribué à l’élaboration du concept de crise. Claude Bernard (1813-1878), un biologiste français, dénit l’homéostasie comme l’état de stabilité naturelle qui tend à s’établir entre le système biologique interne et l’environnement extérieur en vue de maintenir le fonctionnement de l’organisme dans les valeurs normales et ainsi de conserver un état de santé optimal, autant physique que psychologique. La crise représente une perturbation de cet équilibre. Ainsi, même un événement heureux, par exemple une promotion ou une naissance, peut provoquer une crise chez certains, si cet événement provoque une perturbation de l’homéostasie de la personne et que celle-ci ne parvient pas dans des délais raisonnables à retrouver son équilibre. Abraham Maslow (1943) a aussi contribué à la compréhension du phénomène de la crise, en élaborant une hiérarchie des besoins. La personne cherche spontanément à satisfaire les besoins en bas de l’échelle avant de songer à accéder aux suivants. Par exemple, la personne trouvera plus urgent de se loger et de manger avant de songer à combler son besoin d’appartenance. Eric Lindemann est l’un des premiers chercheurs à s’intéresser au phénomène de la crise, à ses manifestations et à ses composantes. En 1942, il étudie le traitement prodigué aux survivants et aux proches des 493 victimes de l’incendie d’une boîte de nuit de Boston. Il décrit alors les symptômes observés chez les personnes en crise à la suite d’un deuil soudain (Lindemann, 1944). Lindemann s’associe par la suite à Gerald Caplan, le premier théoricien à concevoir une dénition opérationnelle de la crise, c’est-à-dire une dénition qui permettra au professionnel d’aider le client dans sa pratique clinique. Caplan (1964) dénit ainsi la crise comme étant un « déséquilibre psychologique chez un individu vivant une situation difcile ou dangereuse. Cette situation pose un problème qui ne peut être réglé par les habiletés habituelles de résolution de problèmes de l’individu. » Caplan (1964) a distingué quatre phases dans le processus d’évolution d’une crise, qui constituent encore à ce jour la base des modèles actuels d’intervention en situation de crise ENCADRÉ 27.1. Depuis Caplan, la dénition du concept de crise continue de se préciser. Pour mieux tenir compte de l’aspect subjectif de celle-ci, nous retiendrons la dénition de James (2008), pour qui la crise est
ENCADRÉ 27.1
CE QU’IL FAUT RETENIR
Phases d’évolution de la crise
PHASE 1
PHASE 3
La personne est exposée à un événement qu’elle perçoit comme menaçant. Cet événement provoque une certaine anxiété. L’homéostasie de la personne est perturbée. Les stratégies de résolution de problèmes et d’adaptation sont alors déployées, an d’éliminer ou du moins de réduire les conséquences négatives de la menace.
Toutes les ressources possibles, internes et externes, sont mobilisées pour régler le problème et soulager le mal-être. De nouvelles stratégies, plus ou moins adaptées à la situation, peuvent être sollicitées. Par exemple, la personne peut décider de consommer davantage d’alcool ou d’anxiolytiques pour réduire son anxiété. Si les moyens mis en œuvre ne permettent pas de résoudre le problème, l’inconfort et la tension s’accentuent.
PHASE 2
Les stratégies d’adaptation et de résolution de problèmes ne soulagent pas le stress ni l’anxiété. Autrement, la personne retrouverait son homéostasie et la crise serait évitée. Son inconfort augmente à mesure que les stratégies d’adaptation et de résolution de problèmes utilisées ne lui permettent pas de réduire l’inconfort provoqué par la menace ni de l’éliminer. L’insécurité, la désorganisation et la détresse augmentent.
PHASE 4
La crise n’ayant pas été résolue, une désorganisation majeure s’ensuit. Au cours de cette phase, la tension monte jusqu’au point de rupture, les fonctions cognitives et l’humeur sont touchées, et le comportement peut devenir irrationnel, auto ou hétéro-agressif.
La crise survient souvent à la suite d’une événement malheureux, mais même un événement heureux peut provoquer une crise si cet événement provoque une perturbation de l’homéostasie de la personne.
éactivation des connaissances Nommez, en ordre d’importance, les besoins selon la pyramide de Maslow.
Source : Adapté de Robinson & Smith (2009).
le fait de percevoir ou de vivre une situation intolérable qu’il est impossible de résoudre à l’aide des ressources à sa disposition ou de ses stratégies d’adaptation. La capacité de l’être humain à maintenir ou à rapidement retrouver un état d’équilibre satisfaisant malgré les difcultés de la vie porte le nom de résilience (Masten, 2009). Plusieurs facteurs influencent le degré de résilience dont une personne peut faire preuve devant une situation particulière, par exemple sa génétique, ses expériences antérieures, ses connaissances acquises et ses stratégies d’adaptation.
27.2
Facteurs inuençant la crise
Cerner les différents facteurs inuençant la crise permet à l’inrmière d’obtenir une vue d’ensemble de la situation et de mieux planier par la suite ses interventions.
27.2.1
Facteurs de stabilisation ou compensatoires : modèle d’Aguilera
Le modèle d’Aguilera (1998), présenté ci-contre, permet d’illustrer les trois principaux facteurs de stabilisation ou compensatoires qui détermineront si la personne, à la suite de l’événement stressant, parviendra à retrouver son équilibre ou non FIGURE 27.1. Il est essentiel que l’inrmière puisse évaluer ces facteurs lorsqu’elle rencontre un client ou une famille vivant une situation de crise.
27
FIGURE 27.1 Paradigme illustrant les effets des facteurs de stabilisation lorsque survient un événement stressant Chapitre 27
Situation de crise
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Perception réaliste de l’événement CE QU’IL FAUT RETENIR
Ce n’est pas l’événement en soi qui mène à la crise, mais plutôt la perception que la personne aura de cet événement.
Ce n’est pas l’événement en soi qui mène à la crise, mais plutôt la perception que la personne aura de cet événement. Il y a crise si la personne perçoit l’événement comme étant dangereux, menaçant ou si troublant qu’aucune stratégie d’adaptation à sa disposition n’est sufsant pour résoudre la situation (Yeager & Roberts, 2015).
Par exemple, deux personnes pourraient se retrouver soudainement coincées Marie-Nicole Brasseur est une mère de famille dans un ascenseur en panne monoparentale âgée de 35 ans. Elle a amené sa et réagir de manière très diflle Agathe, âgée de six ans, à un pique-nique férente. L’une peut interprédans un grand parc de la ville. Après avoir mangé, ter l’événement comme une elles ont fait une sieste, mais au réveil, Agathe menace sérieuse à son intén’était plus auprès de sa mère. Angoissée et en grité physique et psycholovoie de paniquer, madame Brasseur a appelé sa gique, alors que l’autre peut lle en vain, la cherchant partout dans le parc. trouver la situation amuElle a téléphoné à la police, à des membres de sante. Si la panne se poursuit sa famille et à des amis pour rechercher son plus longuement, la tension enfant. D’après ces données, à quelle phase du intérieure risque d’augprocessus d’évolution d’une crise madame Brasseur se situe-t-elle ? Expliquez votre réponse. menter pour la première personne, au point où ses stratégies d’adaptation ne lui permettent plus de répondre à la situation adéquatement. La personne entrera alors en crise.
Jugement
clinique
Lorsqu’elle rencontre le client, l’inrmière explore avec lui sa perception des événements. Elle révise avec lui son évaluation primaire de la situation stressante, c’est-à-dire ce que cette situation représente pour lui (Lazarus & Folkman, 1984). Qu’est-il arrivé ? Le client perçoit-il la situation comme une menace à son intégrité physique ou psychologique ? comme une perte ? comme un dé ? Le client risque moins de se retrouver en crise s’il perçoit l’événement comme un dé.
Jugement
clinique Jacques Bergeron, âgé de 37 ans, et Annie Langlois, âgée de 36 ans, viennent d’avoir un accident de voiture sur une route de campagne alors qu’ils reviennent d’une soirée entre amis. Le conducteur de l’autre automobile est mort sur le coup. Madame Langlois a les jambes coincées, mais monsieur Bergeron n’a que de légères éraures. Ils n’ont pas de téléphone cellulaire et aucune autre voiture n’est en vue. Madame Langlois est souffrante, mais elle donne des instructions à monsieur Bergeron, qui pleure et tente désespérément, sans trop rééchir, de la sortir de sa position. D’après ces quelques données, laquelle des deux personnes risque moins d’être en situation de crise face à cet événement ? Justiez votre réponse. À quelle phase du processus de développement d’une crise monsieur Bergeron se situe-t-il ?
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Partie 6
Ressources adéquates Après avoir déterminé avec le client ce qui est réellement advenu et les conséquences possibles de la situation sur son équilibre, l’infirmière révise avec lui son évaluation secondaire de la situation stressante. L’évaluation secondaire sert à répertorier les ressources internes et externes, les stratégies d’adaptation et de résolution de problèmes dont dispose le client pour résoudre la situation. Le client qui croit posséder peu de ressources pour résoudre la situation est plus à risque de se retrouver en crise.
Interventions inrmières en situation de crise
Les ressources peuvent être de différentes natures, soit nancières, sociales, culturelles, politiques, matérielles, juridiques ou autres. Une personne cherche à utiliser ses ressources an de préserver ou de retrouver son homéostasie. À l’inverse, un manque de ressources est souvent à l’origine d’une situation de crise ou risque de la compliquer. L’inrmière répertorie, durant son évaluation, l’ensemble des différentes ressources dont dispose son client. Par exemple, elle repère les personnes en crise souffrant d’isolement social ou de ressources nancières limitées. Certaines populations telles que les enfants et les adolescents, les personnes âgées, les réfugiés et les immigrants récents, les personnes atteintes d’une décience développementale, physique ou intellectuelle sont plus vulnérables en situation de crise. L’inrmière se tient informée des sources d’aide dans sa communauté et dirige ces clients vers les organismes appropriés lorsque c’est nécessaire.
Stratégies d’adaptation adéquates L’adaptation est la réaction d’une personne ou le recours de cette personne à des comportements habituels en réponse à une menace réelle ou perçue en vue de préserver son équilibre psychologique (Aguilera, 1998). Chaque personne adopte au cours de sa vie certains comportements qu’elle privilégie pour tenter de préserver ou de retrouver un état d’homéostasie. Par exemple, devant une situation difcile et stressante, une personne peut décider d’appeler ses proches pour en discuter, une autre, de courir s’entraîner au gym pour relâcher la tension, tandis qu’une troisième personne peut décider d’ignorer le problème le plus longtemps possible dans l’espoir qu’il disparaisse. Plus les stratégies d’adaptation de la personne sont nombreuses et appropriées, moins elle risque de se diriger vers une crise. Lorsque les stratégies d’adaptation habituelles ne fonctionnent plus, la personne atteint la phase 3 de la crise selon Caplan. Elle utilise alors des stratégies d’adaptation inhabituelles, qui sont des mécanismes d’urgence.
27.2.2
Facteurs précipitants, facteurs contribuants et facteurs de protection
Toute crise débute à un moment précis, à partir duquel, subitement ou graduellement, il y a perturbation de l’homéostasie de la personne et augmentation de son stress. Il est primordial pour l’inrmière de dégager le ou les facteurs précipitants, c’est-à-dire celui ou ceux ayant déclenché la crise, an de bien comprendre la nature de celle-ci, de déterminer le type de crise dont il s’agit et de planier les interventions en conséquence. Les facteurs contribuants comprennent tous les problèmes chroniques ou ponctuels, autres que
les facteurs précipitants, mais qui sont présents avant le début de la crise et qui risquent de compliquer celle-ci ou de retarder sa résolution. Il peut s’agir, par exemple, d’un problème de santé mentale, d’une situation d’isolement, ou encore de difcultés conjugales ou nancières. L’inrmière, dans son évaluation, est attentive aux préoccupations du client et de sa famille an de cerner tous les facteurs ayant contribué à la crise. À l’inverse, les facteurs de protection aident à retarder, à minimiser ou même à éviter la crise. Il peut s’agir, par exemple, d’un bon réseau de soutien, d’expériences vécues antérieurement qui permettent au client de mieux gérer la situation actuelle, ou encore de connaissances acquises. L’inrmière s’assure de bien répertorier, en collaboration avec la personne, toutes les ressources internes et externes à sa disposition ainsi que les stratégies d’adaptation auxquelles celle-ci a recours.
27.3
Caractéristiques de la crise
Les inrmières, de par la nature même de leur travail, font régulièrement face à des situations de crise ou à risque de dégénérer vers une crise, et ce, quel que soit leur milieu de pratique. Autant au département d’obstétrique, de psychiatrie ou à l’urgence, dans la communauté ou à Info-Santé, les inrmières devront soutenir des personnes composant avec les divers dés et difcultés qui se présentent dans leur vie. L’inrmière se trouve alors dans une situation privilégiée pour évaluer les ressources du client et prévenir la crise autant que possible. Si celle-ci ne peut être évitée, l’inrmière est amenée à accompagner la personne et son entourage en situation de crise, à désamorcer la crise et à orienter la personne au besoin, et à aider la personne et ses proches à retrouver un état d’équilibre satisfaisant par la suite ENCADRÉ 27.2.
27.3.1
Objectifs des interventions inrmières
Les interventions permettront d’apaiser les souffrances de la personne et de ses proches, avant que l’inrmière puisse offrir de nouvelles ressources ainsi qu’enseigner de nouvelles méthodes de résolution de problèmes et de nouvelles stratégies d’adaptation. L’objectif visé est de permettre à la personne de retrouver son niveau de fonctionnement d’avant la crise, ou mieux encore, d’atteindre possiblement un niveau de fonctionnement supérieur. Les personnes en crise se sentent vulnérables et trouvent leur situation intolérable ENCADRÉ 27.3. Elles sont conscientes d’avoir besoin d’une aide extérieure et elles la reçoivent habituellement avec beaucoup d’ouverture (Séguin, Brunet & LeBlanc,
ENCADRÉ 27.2
Caractéristiques d’une crise
• Survient à la suite d’un événement précis. • Perturbe l’homéostasie de la personne. • Suscite une impression de menace ou de perte. • Entraîne un sentiment d’incertitude et de tension.
• Est un processus de transformation au cours duquel l’ancien système de réactions ne convient plus et doit être changé. • Ne dure pas plus de deux mois. • Aboutit à un état fonctionnel pire, comparable ou meilleur par rapport à ce qu’il était avant la crise.
Source : Adapté de Venette (2003).
Symptômes cliniques ENCADRÉ 27.3
Symptômes de stress en situation de crise
PERCEPTUELS
ÉMOTIONNELS
Fatigue, troubles du sommeil, maux de tête, étourdissements, pression artérielle et fréquence cardiaque élevées, tension musculaire ou tremblements, nausées, douleurs thoraciques, dyspnée, grincements de dents, changements relatifs à l’appétit
Anxiété, colère, irritabilité, dépression, attaques de panique, sentiment de culpabilité, désespoir, anhédonie (perte d’affectivité), tolérance réduite au stress, stratégies d’adaptation habituelles inefcaces, labilité
COGNITIFS
Troubles de concentration, difculté à prendre des décisions ou à résoudre un problème, pensées négatives, rappels éclair (ashbacks), pensées intrusives, cauchemars, conscience réduite de l’environnement
COMPORTEMENTAUX
Isolement, agitation, changements relatifs aux activités sociales, changements relatifs aux modes d’expression, conscience de l’environnement modiée (p. ex., une conscience réduite, accrue ou déformée), méance, consommation de substances à usage récréatif, comportement à risque élevé
2012). L’aide en situation de crise devrait être offerte rapidement, an de tirer le meilleur parti de cette période d’ouverture au changement chez le client et ses proches. Cela permet d’alléger la souffrance des personnes concernées le plus rapidement possible. Cela permet aussi d’éviter le recours à des stratégies d’adaptation inappropriées et la manifestation de symptômes de stress chronique. L’intervention en situation de crise est généralement centrée sur les personnes qui vivent cette perturbation. Par contre, lorsqu’il s’agit d’une situation de crise de grande envergure touchant des communautés, des régions entières, ou ayant des conséquences sur le plan mondial, l’intervention de groupe s’avère nécessaire. Quant aux principaux objectifs de l’intervention auprès de l’enfant en crise, ils consistent à empêcher les situations et les émotions terriantes de submerger l’enfant et à renforcer ses stratégies d’adaptation saines an qu’il se sente en sécurité et maître de la situation au lieu d’être afigé par l’insécurité et le sentiment de menace ou de danger TABLEAU 27.1. Chapitre 27
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les interventions visent d’abord à apaiser les souffrances de la personne et de ses proches. Ensuite, l’inrmière offrira de nouvelles ressources et enseignera de nouvelles méthodes de résolution de problèmes et de nouvelles stratégies d’adaptation.
Situation de crise
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Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 27.1
Soutenir l’enfant en situation de crise
BESOIN
INTERVENTIONS
JUSTIFICATIONS
Sécurité physique
• Rendre l’environnement de l’enfant aussi sûr et sécuritaire que possible tout en cherchant à éviter les contraintes.
La présence d’objets, de rituels, d’aliments et de jouets familiers et réconfortants de même qu’une communication minimale entre les parents et le personnel soignant peuvent contribuer à ramener une structure et une prévisibilité dans l’environnement physique de l’enfant tout en favorisant le sentiment de sécurité physique.
• Veiller à ce que l’enfant soit retiré de la situation ayant porté atteinte à sa sécurité physique et le tenir à l’écart de toute forme de rappel de cette menace (p. ex., à la télévision, sur Internet ou à la radio) pour assurer la sécurité physique de l’enfant avant de voir à la satisfaction de ses besoins prioritaires.
Sécurité psychologique
• Favoriser la communication entre le personnel soignant, ou les parents, et l’enfant.
Les enfants cherchent à être proches de leurs parents et craignent souvent de les perdre s’ils ne sont pas dans leur champ de vision ou s’ils sont incapables de communiquer avec eux.
• Selon l’âge de l’enfant et son développement, la présence d’amis et de pairs peut contribuer à renforcer son sentiment de sécurité physique.
Cela permet de fournir à l’enfant un soutien social et des points de repère qui peuvent contribuer à réduire sa détresse.
• Parler à l’enfant de l’événement en employant des termes qu’il peut comprendre.
Le fait d’éviter d’aborder le sujet ou de refuser de répondre aux questions de l’enfant risque d’exacerber sa détresse plutôt que de diminuer son degré de stress.
• Dire la vérité. Rassurance
• Normaliser les réactions de l’enfant à l’égard de la situation de crise en légitimant ses sentiments, ses pensées et ses inquiétudes. • Établir une routine d’activités quotidiennes. • Fixer des limites claires relativement au comportement de l’enfant et faire respecter ces limites.
27.3.2
CE QU’IL FAUT RETENIR
La personne qui parvient à déployer rapidement de nouvelles ressources et stratégies d’adaptation sortira grandie de la crise.
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Partie 6
Issues possibles de la crise
L’issue de la crise peut être positive ou négative (Séguin et al., 2012). Après deux mois, si la situa tion n’est pas résolue, la crise évolue vers un état d’allostasie. L’allostasie est un état de fragilité chronique, moins satisfaisant que l’état dans lequel se trouvait la personne avant la crise. Au contraire, la personne qui parvient à déployer rapi dement de nouvelles ressources et stratégies d’adaptation sortira grandie de la crise. Elle aura accumulé de nouvelles expériences et de nou velles stratégies adaptatives en matière de résolu tion de problèmes. Non seulement auratelle retrouvé son homéostasie, mais son niveau de fonctionnement pourra être supérieur à ce qu’il était avant la crise.
Interventions inrmières en situation de crise
Cela permet de rassurer l’enfant et de lui faire comprendre que ses réactions sont normales, voire prévisibles, et que les autres vivraient probablement l’événement de la même manière que lui. Cette action a pour effet de rassurer l’enfant, car elle renforce le caractère prévisible de l’environnement dans lequel il se trouve.
Lorsqu’elles œuvrent auprès de personnes en situation de crise, les inrmières sont à même de faire naître chez elles l’espoir en fondant leurs interventions sur la capacité innée de l’être humain à croître et à évoluer, même dans les pires circonstances. Cela est possible lorsque le regard de l’inrmière envers le client met en évidence les aptitudes que ce dernier possède. Les inrmières peuvent également aider leurs clients à mettre en pratique les nouvelles connaissances qu’ils ont acquises en situation de crise dans leur vie. Séguin et ses collaborateurs (2012) divisent les différentes crises en trois types. Il s’agit des crises psychosociales, psychopathologiques et psy chotraumatiques. Ces types de crises sont
mutuellement exclusifs, c’est-à-dire qu’il est impossible de diagnostiquer deux types de crises différents chez la même personne, et chacun possède sa propre étiologie, ses symptômes, et ses issues positives ou négatives. De même, l’évaluation et les interventions diffèrent selon le type de crise. Il est important pour l’inrmière de bien connaître les différents types de crises an de faire une évaluation précise de la situation et d’orienter adéquatement son plan de soins.
27.3.3
Crise psychosociale
La détresse provoquée par la crise psychosociale résulte d’une situation problématique circonscrite dans les frontières de la normalité (Séguin et al., 2012). Les périodes de transitions normales du développement humain et les situations particulières qu’une personne peut s’attendre à vivre au cours de sa vie sont susceptibles de déclencher une crise chez elle, si celle-ci ne possède pas les ressources internes et externes nécessaires pour y faire face. Il peut s’agir, par exemple, du premier jour d’école, d’un déménagement, de l’annonce d’un diagnostic de maladie, d’une naissance, du décès d’un proche, d’une perte d’emploi, d’un accident de voiture, d’un mariage ou d’un divorce. La personne vivant une crise psychosociale est submergée par l’angoisse et la dépression, au point de se retrouver dans un état de désorganisation l’empêchant de fonctionner normalement (Séguin et al., 2012).
Évaluation initiale Comme la famille se révèle souvent le premier groupe d’appartenance d’une personne, il est possible que la crise soit familiale. L’inrmière recueille donc rapidement de l’information an de déterminer si d’autres membres de la famille ont besoin d’une aide professionnelle. Elle s’informe au sujet des personnes âgées, des personnes handicapées, des enfants et des proches aidants faisant partie de la famille, qui sont plus à risque de se retrouver en situation de vulnérabilité durant la crise (Perry, 2010). L’inrmière s’assure de leur sécurité physique et psychologique avant de poursuivre son évaluation du client. Elle demeure à l’affut de tout signe de violence conjugale, de négligence ou de maltraitance envers les enfants et les personnes âgées, ou d’épuisement professionnel chez les proches aidants. Au besoin, elle dirige le client et sa famille vers un travailleur social.
L’inventaire de développement personnel post-traumatique (Posttraumatic Growth Inventory), qui peut être consulté au http://cust-cf.apa. org/ptgi/, est un outil qui permet d’évaluer les résultats positifs observés chez les personnes qui ont vécu un événement traumatisant.
Si la situation paraît sans issue et que la tension et l’angoisse deviennent insoutenables, la personne désespérée peut envisager de passer à l’acte. Le passage à l’acte peut être un geste de violence envers des objets, envers autrui ou envers soi-même. L’inrmière s’assure de la sécurité de la personne et de son entourage, et elle évalue le risque suicidaire chez tous les clients en situation de crise 28 . Elle doit également procéder à une collecte de données exhaustive pour être en mesure de bien planier ses interventions ENCADRÉ 27.4.
CE QU’IL FAUT RETENIR
L’inrmière s’assure de la sécurité de la personne et de son entourage, et elle évalue le risque suicidaire chez tous les clients en situation de crise. 28 Le chapitre 28, Suicide, présente les pratiques inrmières suggérées face au risque suicidaire.
Collecte des données ENCADRÉ 27.4
Évaluation inrmière ciblée en situation de crise
Une information exhaustive doit comprendre les facteurs suivants. FACTEURS BIOPHYSIQUES
• Quel est le facteur précipitant ou quel est le motif de consultation ? Quel âge a le client ? De quel sexe est-il ? Quelle est son origine ?
• La cliente est-elle enceinte ? Existe-t-il un risque de fausse couche ou de déclenchement du travail ? • Le client a-t-il des personnes à charge ? FACTEURS PSYCHOLOGIQUES
• Quels sont ses antécédents médicaux ? Ses signes vitaux sont-ils normaux ?
• Quel est le facteur déclencheur ou quel est le motif de consultation (psychologique) ?
• Prend-il des médicaments ? Quelles sont la date et l’heure des dernières doses ?
• Quelle perception le client a-t-il de l’événement qui a provoqué la crise ?
• Fait-il usage de remèdes homéopathiques ou à base de plantes ? Lesquels ? • Quelle est son apparence générale ?
• Quels sont l’état mental, l’aptitude à communiquer et le schéma de pensée du client ?
• Que révèle l’examen physique ?
• Quelle est son humeur prédominante ?
• Le client a-t-il subi des blessures ou des traumatismes ou a-t-il reçu des résultats d’examen anormaux ?
• Dans quelle mesure peut-il se concentrer et suivre les directives ?
• Présente-t-il des caractéristiques physiques particulières ? • A-t-il été exposé à des maladies transmissibles, à des toxines, à des contaminants chimiques ou autres ? • Peut-il se déplacer ?
• Quelles sont les émotions et pensées exprimées par le client ?
• Quels sont ses principaux mécanismes de défense ? Quelle compréhension le client a-t-il de la crise et quel jugement émet-il concernant les mesures à prendre ? • Le client exprime-t-il une intention de se faire du mal ou de porter atteinte à autrui ?
Chapitre 27
Situation de crise
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ENCADRÉ 27.4
Évaluation inrmière ciblée en situation de crise (suite)
• A-t-il des idées suicidaires ou homicidaires ?
En cas d’événements majeurs :
• Quel comportement a-t-il (p. ex., de l’agitation, un sang-froid, des pleurs) ?
• Quelle est la proximité de la catastrophe, des risques environnementaux ou de la scène de crime par rapport au client ?
• A-t-il ingéré de manière avérée des substances à usage récréatif, des stupéants, des médicaments ou des substances chimiques, ou une telle ingestion est-elle soupçonnée (préciser) ? • Signale-t-il une situation de victimisation ou de violence ? • A-t-il reçu un diagnostic d’ordre psychiatrique ? • Quelles sont les stratégies d’adaptation qu’il a utilisées par le passé avec succès ? • Quelles sont les stratégies qu’il envisage pour résoudre la situation de crise ? • Quelle évaluation globale fait-il de son fonctionnement ? • Y a-t-il des indices qu’une hospitalisation ou une évaluation d’urgence est nécessaire ?
• Son accès à la nourriture ou à un logis est-il menacé à cause d’une situation de victimisation ou d’une autre menace environnementale ? • Est-il équipé d’appareils de communication (p. ex., un cellulaire, Internet, une radio) ? • Quels sont les enjeux relatifs au transport et au déplacement des victimes dans la situation du client ? • A-t-il accès aux services d’urgence, de secours aux sinistrés et d’approvisionnement ? • A-t-il des armes et effets personnels pouvant blesser autrui ?
• Quelle issue le client espère-t-il trouver à la crise ?
• A-t-il accès à ses biens personnels et à ses objets de valeur, à une hygiène et à une alimentation adéquates ainsi qu’à une source d’approvisionnement en eau potable ?
FACTEURS SOCIOCULTURELS
• Peut-il établir un contact pertinent avec les policiers ?
• Le client a-t-il de la famille proche ou un réseau de soutien social à sa disposition ? • S’identie-t-il à une communauté ou à un groupe culturel donné ? • A-t-il des croyances relatives à la situation de crise ou à la catastrophe ? • Y a-t-il des syndromes ou des symptômes liés à la culture ? • Le client a-t-il des rituels qui lui apportent du réconfort, de l’espoir et un sentiment de sécurité ? • A-t-il accès à un service de garde, à des médecins traitants ou à des soins de répit ? • A-t-il des antécédents juridiques qu’il serait pertinent de noter ? • A-t-il des antécédents de consommation de drogue et d’alcool ?
• Les conditions météorologiques peuvent-elles avoir une inuence sur le rétablissement de la victime ? • Le client peut-il avoir accès à des ressources communautaires et à des lignes d’écoute ? • A-t-il les fournitures médicales et de survie nécessaires ? • Peut-il avoir accès à des établissements de soins de santé et de traumatologie ? • Des témoins étaient-ils présents ? • Quelle est l’ampleur des dommages environnementaux et des pertes de vies ? • Quelles sont les implications de la situation de crise ou de la catastrophe ? • Quelles sont les conséquences possibles sur la santé des victimes ?
• A-t-il causé des troubles ou commis des actes de violence ou de pillage dans la communauté ?
FACTEURS SPIRITUELS
• Une cohésion existe-t-elle au sein de la communauté dans laquelle il vit ?
• Exprime-t-il des croyances quant au sens ou à la raison d’être de la situation de crise ?
• Est-ce que sa communauté collabore avec les organismes et ressources de secours ? FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX
• Le client éprouve-t-il un sentiment de sécurité ou de menace constante ? • Sa sécurité physique est-elle menacée ?
• Quelle est l’appartenance religieuse ou spirituelle du client ?
• Peut-il avoir un soutien spirituel (p. ex., d’un membre du clergé, d’un aumônier, d’un rabbin, d’un groupe confessionnel) ? • Démontre-t-il un besoin de pratiquer des rites spirituels (p. ex., des rites de deuil ou rituels mortuaires, des rituels de demande d’aide, des rituels de gratitude) ?
Soins et traitements inrmiers 5 Le chapitre 5, Communi cation et relation théra peutique, présente les principes de la communication thérapeutique et le rôle de l’inrmière dans l’établissement de l’alliance avec le client.
752
Partie 6
Établir un lien de conance et une relation de collaboration La principale caractéristique d’une bonne intervention demeure une écoute empathique et sans jugement de la part des intervenants (Maltais, Gauthier & Savard, 2010). L’inrmière se sert de ses connaissances en relation d’aide pour créer avec le client et ses proches un lien de conance basé sur le respect mutuel 5 .
Interventions inrmières en situation de crise
Si l’inrmière compte rencontrer le client à plusieurs reprises pour l’aider à cheminer à travers la situation de crise, par exemple dans le cadre de rencontres de consultation externe, elle convient avec le client du nombre de rencontres nécessaires dès la première entrevue. Cinq ou six rencontres, à raison de une ou deux rencontres par semaine, s’avèrent habituellement sufsantes pour aider le client et ses proches à mieux comprendre la situation de crise, établir avec eux un plan d’action et commencer les interventions, puis assurer le suivi nécessaire sans risquer de créer une relation de
dépendance entre le client et l’inrmière (Séguin et al., 2012).
Permettre au client d’exprimer ses émotions Parler de la crise ainsi que des difcultés et souffrances qu’elle génère peut s’avérer difcile pour le client et ses proches. L’inrmière prend soin de créer un environnement propice permettant au client d’exprimer ses émotions sans crainte d’être jugé. Pour ce faire, l’inrmière choisit un endroit confortable, loin de tout stimulus dérangeant et des oreilles indiscrètes. Elle rassure le client et sa famille sur la condentialité de la conversation.
Explorer avec le client sa vision de la situation L’inrmière soutient le client dans les deuils qu’il peut vivre face à ces changements. Il peut s’agir du deuil résultant de la mort d’un proche, mais aussi du deuil d’un état de santé impossible à retrouver (p. ex., après un accident ou à l’annonce d’un diagnostic de maladie chronique), du deuil d’une relation, d’une position professionnelle, etc. L’inrmière aide ses clients à reconnaître les pertes qu’ils ont subies et les émotions qui en résultent. Le changement, même lorsqu’il est inattendu ou non désiré, n’est pas synonyme d’impuissance ; l’inrmière aide le client à traverser à son rythme les étapes du deuil et à accepter ce qu’il ne peut changer, pour se concentrer sur les éléments de la situation qu’il peut maîtriser ou modier. L’inrmière aide le client à faire place à une vision réaliste de la situation. Ensemble, ils s’entendent sur ce qui est réellement advenu, en-dehors des craintes et suppositions que le client peut avoir entretenues concernant les événements FIGURE 27.2. Même si les clients n’ont parfois aucune emprise directe sur les événements stressants, ils peuvent apprendre à modier leur perception des événements, et ainsi inuencer leurs réactions. Certaines techniques utilisées dans le cadre d’une approche cognitivo-comportementale peuvent être utilisées en vue de « restructurer »
FIGURE 27.2 La perception réaliste ou non du client par rapport à l’événement inuence sa capacité d’adaptation.
les conceptions négatives d’un client à l’égard des événements stressants et de l’aider à discerner les sphères de sa vie qu’il maîtrise 20 .
Explorer les stratégies d’adaptation employées
20 Le chapitre 20, Modèles et stratégies thérapeutiques, présente l’approche cognitivo comportementale et offre à l’inrmière différents moyens d’appliquer ces principes dans ses interventions.
L’inrmière encourage le client à cerner et à conserver ses stratégies d’adaptation efcaces, c’est-à-dire celles qui ont permis de réduire son anxiété ou d’améliorer la situation sans trop de conséquences négatives (pratique d’un sport, soutien des pairs, etc.). Elle aide également le client à en déployer de nouvelles. Pour ce faire, elle interroge le client sur les situations de crise antérieures qu’il est parvenu à surmonter, an de dégager les stratégies d’adaptation qui se sont alors révélées bénéfiques. CE QU’IL FAUT RETENIR L’inrmière examine ensuite ses stratégies d’adaptation inadaptées (p. ex., l’hypersomnolence, l’isoLa principale caracté lement, l’hyperphagie, l’abus d’alcool ou la ristique d’une bonne consommation de drogues) an d’explorer les avanintervention demeure une tages qu’il en retire, mais aussi les conséquences écoute empathique et sans négatives qui en résultent à moyen ou à long terme. jugement de la part des Il s’agit d’une confrontation douce, une intervenintervenants. tion délicate parce que le client peut interpréter comme une menace la remise en question de ses stratégies d’adaptation. L’infirmière veille aussi à adopter en tout Enrico Fieri, âgé de 22 ans, est hospitalisé pour un temps une approche non punichoc nerveux. Avec un ami, il circulait à vélo dans tive et sans jugement. Elle s’asune rue très passante, en sens inverse. Son ami a sure que le lien de conance brûlé un feu rouge, a été happé par une automobile avec le client est bien établi et et a perdu la vie. Monsieur Fieri répète qu’il s’en l’informe de son intention veut et qu’il est totalement bouleversé par ce qui avant de procéder. Au besoin, est arrivé. Que lui diriezvous pour lui démontrer l’inrmière peut aussi orienvotre empathie par rapport à ce qu’il vit ? ter le client vers une aide
clinique
Jugement
L’inrmière se montre empathique et évite de porter des jugements. Certains clients peuvent en effet craindre d’être jugés parce qu’ils ne parviennent pas à surmonter la crise, à cause des pensées et émotions que la crise peut susciter en eux, ou pour leurs réactions en situation de crise. Par exemple, une mère de famille peut se sentir coupable d’éprouver des sentiments d’impatience et de colère envers son enfant malade, même si elle sait qu’il n’est pas responsable de son état. L’inrmière prend bien soin de ne pas juger la personne et normalise la réaction de celle-ci en lui rappelant qu’il s’agit de réactions normales à une situation extraordinaire. Une crise résulte toujours d’un ou plusieurs changements dans la situation du client.
Chapitre 27
Situation de crise
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27
éactivation des connaissances Indiquez deux moyens à la disposition de l’inrmière pour faire parler le client à propos des difcultés et souffrances engendrées par une situation stressante.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Posséder un bon réseau de soutien en entretenant des relations saines avec des amis, des membres de sa famille et de sa communauté demeure l’un des meilleurs facteurs de protection de la santé mentale.
psychologique qui lui permettra d’explorer la question plus en profondeur.
Réduire l’isolement Chaque fois que c’est possible et avec le consentement du client, l’inrmière cherche à contacter l’ensemble des membres de son entourage touchés par la crise ou prêts à soutenir le client durant cette étape difcile. Elle encourage le client à renouer des relations sociales signicatives qu’il aurait négligées et à se tisser un meilleur réseau de soutien social. Posséder un bon réseau de soutien en entretenant des relations saines avec des amis, des membres de sa famille et de sa communauté demeure l’un des meilleurs facteurs de protection de la santé mentale. Les personnes qui arrivent à demander de l’aide, par exemple à un membre de la famille, à un bénévole compréhensif ou à un membre de leur église, acquièrent une meilleure capacité de résilience lorsque surviennent des situations de crise (Feeney & Collins, 2015 ; Prati & Pietrantoni, 2009). L’inrmière peut aussi proposer au client des ressources communautaires adaptées à ses besoins an de l’aider à élargir son réseau social.
Aider le client à augmenter les ressources à sa disposition
L’Association canadienne pour la santé mentale publie le Répertoire des ressources en santé mentale du Grand Montréal, qui recense les ressources selon le type de problème et par région. Un service téléphonique mis sur pied par le gouvernement du Québec offre également du soutien en situation de crise aiguë : Info-Social, au numéro 811.
754
Partie 6
Après avoir déterminé les besoins du client avec celui-ci, l’inrmière l’aide à trouver les ressources qui lui manquent pour les satisfaire adéquatement. Si nécessaire, l’inrmière peut aussi diriger le client vers un travailleur social. La médication peut aussi, lorsque jugée nécessaire, aider à traverser la crise. Les antidépresseurs peuvent soulager les symptômes dépressifs, les troubles de l’adaptation, l’anxiété et le trouble de stress post-traumatique. D’autres médicaments, notamment les benzodiazépines, les bêtabloquants, les sédatifs et les hypnotiques, peuvent être prescrits pour offrir un soulagement à court terme. La gravité et le type des symptômes indiquent s’il y a lieu ou non de prescrire des médicaments au client. L’inrmière prend soin d’offrir un enseignement complet à la personne amorçant une nouvelle médication. Par exemple, elle s’assure qu’elle n’entretient pas des attentes trop élevées quant à la capacité des médicaments de l’aider à surmonter la crise, et que les autres ressources ne sont pas négligées entre temps. En effet, pour obtenir des résultats optimaux, la thérapie médicamenteuse en situation de crise devrait s’accompagner d’une thérapie individuelle ou de groupe adaptée aux besoins du client.
Établir un plan de résolution de crise Une fois que l’inrmière et son client ont convenu d’une interprétation commune de la situation, ainsi que du caractère approprié des stratégies d’adaptation et de la disponibilité de ressources pour surmonter la crise, l’inrmière planie un plan d’intervention en collaboration avec le client et sa
Interventions inrmières en situation de crise
famille. Ce plan d’intervention doit respecter leurs valeurs et leurs capacités. Plus un client est incité à se xer des objectifs qui lui tiennent à cœur, plus il a de chances d’être motivé à prendre les mesures nécessaires pour les atteindre par la suite. L’inrmière prend aussi soin d’encourager l’autonomie de son client en lui laissant déterminer par lui-même les pistes de solutions qui lui permettront de sortir de la crise. Bien que le soutien extérieur, dont l’aide professionnelle, soit primordial dans bien des situations de crise, inviter les clients à utiliser ses propres habiletés de résolution de problèmes aura pour effet de les accroître davantage et de rehausser son estime de soi, autant au cours de la crise actuelle que pour les crises futures. Par exemple, lorsqu’une ressource a été jugée pertinente pour l’aider, l’inrmière peut l’encourager à effectuer lui-même le premier contact téléphonique, sous supervision de l’inrmière si nécessaire. Elle s’assure ainsi du suivi tout en encourageant l’initiative et la prise en charge du client.
Prévoir un suivi Si l’inrmière a eu l’occasion de rencontrer le client à plusieurs reprises, par exemple au cours d’un suivi en consultation externe ou d’une hospitalisation en psychiatrie, elle prend soin, à la dernière rencontre, de faire le point avec lui sur l’ensemble du cheminement accompli tout au long du processus. Elle invite le client à décrire les changements vécus ainsi que sa perception de la nouvelle situation, de ses nouvelles stratégies d’adaptation et des nouvelles ressources à sa disposition. Cette étape permet au client de réévaluer et de conrmer les progrès qu’il a effectués. Si des outils d’évaluation avant la thérapie ont servi à mesurer le niveau de fonctionnement du client, l’inrmière peut réutiliser avec lui ces outils an de réévaluer la situation. L’inrmière discute ensuite avec le client de la façon dont l’expérience actuelle pourra l’aider à gérer les situations de crise futures. Par exemple, elle peut lui demander comment il réagirait si le même genre de situation se présentait à nouveau. Le client est alors à même d’exprimer ce qu’il a appris dans le cadre de ses rencontres et de réviser sous supervision sa démarche de résolution de la situation de crise. L’inrmière le félicite pour les actions entreprises et les changements positifs accomplis, an de renforcer sa conance en ses capacités d’adaptation et de résolution de problèmes. Même si tous les conflits ou tous les problèmes n’ont pas été résolus, la situation de crise aura permis au client de se découvrir de nouvelles forces et d’accumuler de nouvelles connaissances et ressources pour le futur. Enn, si d’autres problèmes sont soulevés au cours de cette dernière évaluation, l’inrmière s’assure de diriger une dernière fois le client vers les ressources appropriées.
27.3.4
Crise psychopathologique et urgence psychiatrique
Les événements susceptibles de provoquer une crise psychopathologique sont les mêmes que dans le cas de la crise psychosociale. La différence se situe chez la personne concernée, dont l’état d’équilibre est déjà fragilisé de façon chronique avant la crise, à cause de facteurs prédisposants particuliers, soit des antécédents de troubles mentaux, un problème de dépendance ou une enfance difcile (maltraitance, abandon) (Séguin et al., 2012). Les personnes aux prises avec l’un de ces facteurs prédisposants particuliers sont en allostasie plutôt qu’en homéostasie, de sorte qu’elles peuvent entrer en crise plus facilement, et les symptômes du problème chronique sous-jacent s’ajoutent alors au stress suscité par la crise. Quant à l’urgence d’ordre psychiatrique, c’est une perturbation psychologique grave et soudaine qui se manifeste par un comportement qui nécessite une intervention immédiate an d’éviter que les conséquences de ce comportement mettent la vie du client en danger ou nuise à son bien-être psychologique ENCADRÉ 27.5. Le principal élément qui distingue l’urgence d’ordre psychiatrique des autres types de crises et d’urgences médicales réside dans le risque que la personne touchée ou les autres soient exposés à un danger. Le fonctionnement de la personne est gravement compromis. Sa sécurité ou celle des autres pourraient également être compromises. La personne éprouve une grande difculté à retrouver son équilibre sans commettre des actes qui sont destructeurs à son égard ou à l’égard des autres. La personne en crise peut ou non reconnaître qu’elle aura besoin d’une aide extérieure pour soulager la détresse psychologique provoquée par la situation. Dans certains cas, elle est dirigée à l’urgence par un professionnel de la santé, un proche ou la police. Le client est parfois déjà hospitalisé. Les priorités dont il faut tenir compte pour décider si l’évaluation psychiatrique du client aura lieu de son plein gré ou contre son gré sont la protection des droits de celui-ci quant à son choix d’accepter ou non le traitement, ainsi que la protection de son droit et de celui de la communauté de vivre en sécurité 6 .
Évaluation initiale L’évaluation de l’inrmière doit tenir compte de cet état de « crise dans la crise » de la personne, c’est-à-dire qu’elle cherche à distinguer les symptômes propres à la crise et ceux propres au problème chronique sous-jacent. Les symptômes de la crise psychopathologique sont aussi les mêmes que dans le cas de la crise psychosociale, auxquels s’ajoutent les symptômes propres à la pathologie concomitante
ENCADRÉ 27.5
Exemples d’urgence d’ordre psychiatrique
• Tentative de suicide ou risques élevés de tentative de suicide
• Colère incontrôlable
• Voies de fait ou intention de violence envers autrui
• Exacerbation des symptômes des troubles dépressifs ou bipolaires
• Surdose de drogue (intentionnelle ou non) ou sevrage d’alcool ou de drogue, intoxication ou réaction idiosyncrasique aux médicaments • Perte de contact avec la réalité attribuable à une psychopathologie, à une intoxication provoquée par la drogue ou à une psychose
• Anxiété grave incontrôlable
• Inaptitude à mener à bien ses activités de la vie quotidienne (AVQ) • Dysfonctionnement cognitif avec impos sibilité pour le client d’effectuer ses AVQ • Tout comportement mettant la sécurité physique du client ou celle des autres en danger
chez le client. Par exemple, une personne atteinte de schizophrénie pourrait, en plus des symptômes d’anxiété et de dépression, présenter des symptômes psychotiques en période de crise. Une autre personne ayant déjà combattu un problème de toxicomanie pourrait recommencer à consommer lorsque ses stratégies d’adaptation habituelles ne sufsent plus.
Soins et traitements inrmiers L’objectif des interventions de l’inrmière consiste à transformer la situation de crise compromettant la sécurité du client ou celle des autres en un problème qu’il est possible de résoudre à l’aide d’interventions et de solutions ciblées. An de s’assurer que les soins dispensés en situation d’urgence psychiatrique demeurent respectueux et sécuritaires en tout temps, il est grandement souhaitable que les intervenants susceptibles de devoir prêter assistance dans ces situations soient bien formés. Plusieurs formations professionnelles existent, dont la formation Oméga, conçue au Québec et dispensée dans plusieurs établissements de santé.
Assurer la sécurité de chacun
6
Dans toute situation où le client se montre potentiellement agressif, l’inrmière s’assure en premier lieu de voir à sa propre protection, ainsi qu’à celle du client et des autres personnes concernées. Pour ce faire, elle observe attentivement les lieux, conserve une distance sécuritaire, c’est-à-dire au moins la distance de trois bras du client, et prend soin d’avertir ses collègues de la situation. Elle ne tourne jamais le dos au client et ne laisse jamais le client se placer entre elle et la seule porte de sortie. Elle place ses mains en « garde voilée », c’est-à-dire devant elle, à hauteur de la taille, an d’être rapidement capable de se défendre en cas Chapitre 27
Les conditions précises permettant l’évaluation et le traitement d’une personne en urgence psychiatrique sans le consentement de celleci sont décrites dans le chapitre 6, Aspects éthi ques et légaux de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques.
Situation de crise
755
27
CE QU’IL FAUT RETENIR
Il est de la responsabilité de l’inrmière de faire passer la crise par la verbalisation chaque fois qu’elle le juge possible.
éactivation des connaissances D’après la pyramide d’interventions Oméga, quelle étape suit la pacication lorsqu’elle ne fonctionne pas ?
de nécessité. Elle demeure calme en tout temps, même si l’urgence psychiatrique peut provoquer une anxiété intense. L’inrmière qui intervient auprès du client en état de crise ou des membres de sa famille se doit d’évaluer constamment le degré d’anxiété de toutes les personnes concernées, dont celui des membres de l’équipe soignante, ainsi que celui du client, puisque l’anxiété risque de se propager chez les autres.
devient chaque jour agité au moment du changement de quart de travail. Pour éviter de nouvelles crises, l’équipe peut alors décider de discuter avec le client pour cerner ses inquiétudes et ses besoins dans le but de trouver une façon de diminuer son anxiété à ce moment critique de la journée.
Utiliser la technique de la pacication
La crise psychotraumatique résulte d’un événement soudain et violent, déstabilisant subitement l’homéostasie de la personne et revêtant pour elle un caractère traumatique. Deux caractéristiques permettent de déterminer si l’événement est traumatique ou non pour la personne (Séguin et al., 2012). Premièrement, la nature traumatique de la crise repose sur la perception de l’événement comme une menace importante à son intégrité physique ou l’expérience soudaine et inattendue de l’imminence de la mort. Par exemple, il peut s’agir d’une agression physique ou sexuelle, d’un accident de travail, d’une catastrophe naturelle comme un tremblement de terre ou un tsunami, ou encore d’une situation de guerre. Deuxièmement, pour être qualié de traumatique, l’événement doit provoquer chez la personne une réaction émotive importante d’effroi, de sidération, d’impuissance ou d’horreur (Séguin et al., 2012).
An d’éviter à tout prix les gestes violents, il est de la responsabilité de l’inrmière de faire passer la crise par la verbalisation chaque fois qu’elle le juge possible. Pour ce faire, l’inrmière guette le moindre signe de coopération du client à discuter avec elle. Elle utilise alors la technique de la pacication. Bien qu’elle-même demeure calme, elle ne demande pas au client de se calmer, cela étant impossible pour lui dans la situation actuelle. Elle l’encourage plutôt à exprimer en mots son agressivité et lui offre une oreille attentive, sans le reprendre s’il crie, insulte ou menace, et sans lui demander d’obéir ni le menacer. Une personne ne peut pas demeurer en colère éternellement ; si elle se sent écoutée, elle nira par se calmer d’elle-même.
Minimiser le recours aux contentions
Vidéo : Application de mesures de contrôle.
Il est possible qu’en situation d’urgence psychiatrique, an de protéger le client ou d’autres personnes, des mesures restrictives deviennent nécessaires (p. ex., la contention, l’administration de médicaments, l’isolement). L’inrmière n’oublie jamais que les contentions physiques ou chimiques ne doivent être utilisées qu’en dernier recours. Aux yeux du client, il s’agit en effet d’une nouvelle crise qui survient, et ces mesures peuvent se révéler très traumatisantes pour celui-ci et ses proches .
Intervenir après la crise
10 Les symptômes cliniques du trouble de stress aigu sont détaillés dans le chapitre 10, Troubles liés aux traumatismes et aux facteurs de stress.
Après une situation d’urgence psychiatrique avec agressivité verbale ou physique, l’inrmière prend soin de relater de manière concise chacune de ses interventions et les réactions du client dans ses notes d’évolution. Au moment opportun, elle fait un retour sur l’événement auprès des personnes présentes durant la crise, an de s’assurer qu’aucune d’entre elles ne demeure ébranlée par la situation ou qu’elles reçoivent l’aide nécessaire le cas échéant. Cela permet aussi de passer en revue les interventions employées et de discuter avec l’équipe des améliorations à apporter, au besoin, dans la gestion des prochaines situations de crise. Un retour auprès du client et des autres personnes concernées permet d’acquérir une compréhension de ce qui a déclenché la crise an de modier le plan de soins de manière à éviter de futures crises. Par exemple, l’inrmière et les membres du personnel peuvent réaliser, en se remémorant les événements ayant conduit à la crise, que le client
756
Partie 6
Interventions inrmières en situation de crise
27.3.5
Crise psychotraumatique
Évaluation initiale La crise psychotraumatique peut mener à plusieurs complications que l’inrmière s’assure de bien connaître an d’en déceler les signes et symptômes précurseurs chez ses clients. Parmi ces complications se trouvent le trouble de stress aigu, le trouble de stress post-traumatique et la dépression posttraumatique, ainsi que d’autres troubles anxieux et troubles de l’adaptation (Séguin et al., 2012). Selon le Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux, 5e édition (DSM-5), le trouble de stress aigu peut se manifester dans une situation de crise et se caractérise par un ensemble de symptômes de dissociation et d’anxiété qui se manifestent au cours du premier mois suivant un événement traumatique majeur (American Psychiatric Association, 2015) 10 . La cause immédiate du trouble de stress aigu est l’exposition à un stresseur menaçant la vie ou l’intégrité physique de la personne, ou qui risque de causer de graves blessures ou encore la mort. La personne réagit à ce stress par une peur marquée, un sentiment d’impuissance ou d’horreur.
Soins et traitements inrmiers Évaluer la sécurité des lieux Que ce soit dans un centre hospitalier ou éventuellement sur les lieux du drame, l’inrmière s’assure avant d’intervenir que tout danger est écarté et que
Déterminer les personnes nécessitant une assistance immédiate L’inrmière détermine les personnes présentant des symptômes physiques ou psychologiques et nécessitant son assistance immédiate, par exemple une personne souffrant d’une blessure ou d’une intoxication, ou encore qui se trouve en état de choc ou en attaque de panique. Elle procède à ses interventions en ordre de priorité et s’assure au besoin que l’aide supplémentaire nécessaire est en route vers le lieu de l’intervention.
Se présenter au client et conserver une attitude rassurante L’inrmière se présente, nomme son titre ou sa fonc tion. Son attitude est calme, chaleureuse et respec tueuse. Elle explique ses interventions au client sur un ton calme et dans des termes faciles à comprendre.
Soutenir le client L’inrmière laisse le client exprimer ses sentiments sur les événements sans tenter de l’interrompre. Par contre, en cas de refus du client de parler de l’évé nement, elle respecte son choix sans rien forcer. Elle utilise les techniques de communication thé rapeutique pour lui démontrer son respect et son empathie. Elle évite de minimiser l’événement aux yeux du client, même si la réaction de ce dernier lui semble excessive, manifestant ainsi son accep tation sans jugement de la réaction du client aux événements extraordinaires qu’il vient de subir. Chaque personne réagit différemment aux événe ments traumatiques. L’inrmière peut rappeler au client qu’il n’y a pas de bonne manière de réagir.
Assurer un suivi L’inrmière ne quitte pas le client sans s’assurer d’abord de sa sécurité physique et psychologique. Si le client est encore trop ébranlé pour se retrouver seul après l’événement traumatique, l’inrmière contacte un autre professionnel de la santé ou, avec la permission du client, un proche de celuici pour assurer le suivi. Elle informe la personne de la situation et de la condition dans laquelle se trouve le client. Elle l’informe brièvement des symptômes que le client risque de ressentir à la suite de la situation traumatisante qu’il vient de vivre (cau chemars, tristesse, etc.) et lui présente des res sources à contacter en cas de besoin.
27.3.6
Catastrophes d’origine naturelle ou humaine
Les catastrophes sont des événements soudains, d’origine naturelle ou humaine et aux conséquences
désastreuses pour une popu lation. Au Québec, le terme sinistre est souvent utilisé, mais revêt le même sens que les termes catastrophe et dé sastre employés ailleurs dans le monde (ministère de la Sécurité publique, 2015). Une catastrophe peut conduire à une crise psychosociale, psychopathologique ou psy chotraumatique.
clinique
Jugement
l’endroit est sécuritaire pour ellemême ainsi que pour les autres personnes présentes.
Angela Hamel est une adolescente âgée de 16 ans. Elle a été trouvée dans une ruelle, ensanglantée et couverte de blessures. Elle aurait été violée par deux hommes qui l’auraient battue. Elle a été conduite à l’urgence où une première évaluation a été faite. Elle pleure, présente de la tachycardie et de la tachypnée et a des mouvements de retrait si on essaie de la toucher. Une inrmière l’invite doucement, sur un ton affable et calme, à parler de ce qui est arrivé. Par son écoute active, elle cherche à amener l’adolescente à exprimer les sentiments qu’elle peut éprouver dans l’immédiat. Quel autre impact bénéque l’attitude de l’inrmière peut-elle avoir sur Angela ?
Dans les dernières décen nies, la population québécoise a affronté plusieurs catas trophes, que ce soit la tuerie de l’Assemblée nationale en 1984, celle de la Polytechnique le 6 décembre 1989, le déluge du Saguenay en 1996, la crise du verglas en 1998, les inondations de la Montérégie en 2011 et l’accident ferroviaire de LacMégantic en 2013. En 1990, après la tuerie de la Polytechnique, l’Organisation de la sécurité civile du Québec a été créée. En cas de catastrophe sur le territoire québécois, elle a le mandat de faciliter les prises de décisions des ministères et organisations, puis de coordonner les actions prévues ENCADRÉ 27.6.
Les inrmières qui interviennent en cas de catastrophes peuvent aussi vivre un traumatisme psychologique du fait d’avoir été témoins de dom mages matériels imposants, de nombreuses bles sures et pertes de vies, de l’horreur ou de la violence d’un événement naturel (p. ex., un oura gan, un incendie, un tremblement de terre). La verbalisation s’avère alors essentielle, tant pour le client que pour les professionnels de la santé, an de remettre la situation de crise en perspective (Crocq, 2003) TABLEAU 27.2. La séance de verba lisation, ou debrieng, constitue un processus visant à réduire la souffrance psychologique, l’im pact du traumatisme et les risques de stress posttraumatique en aidant les personnes concer nées à comprendre ce qu’elles ont vécu et à parler de leurs problèmes dans un environnement d’ou verture et de réconfort. ENCADRÉ 27.6
Caractéristiques d’un sinistre
• Fonctionnement normal d’une communauté ou d’une société fortement perturbé • Pertes de vies humaines, pertes matérielles, économiques ou environnementales importantes observées • Milieu affecté incapable, avec les ressources et les capacités dont il dispose, de faire face aux conditions et aux conséquences découlant de la manifestation des aléas • Dommages à l’environnement (contaminations de l’eau, de l’air, du sol, pertes sur le plan de la diversité biologique, dégradations d’écosystèmes clés, etc.) Source : Ministère de la Sécurité publique (2008).
Chapitre 27
Situation de crise
757
27
Pratiques inrmières suggérées
Conserver son équilibre en situation de crise
TABLEAU 27.2 STRATÉGIE
MISE EN ŒUVRE
JUSTIFICATIONS
Fixer ses limites.
• Apprendre à dire non.
• Permet de prévenir le surmenage et d’être plus disponible pour soi et les autres.
• Respecter ses limites physiques, cognitives et émotionnelles. Entretenir son réseau de soutien social. Adopter de saines habitudes de gestion du stress.
• Consacrer du temps aux proches et aux amis.
• Permet d’éviter un épuisement des ressources malgré un horaire de travail changeant et requérant des heures supplémentaires.
• Établir des relations avec les collègues.
• Assure une bonne cohésion au sein de l’équipe de soins.
• Pratiquer le yoga, la relaxation, la musique douce, l’exercice physique sur une base régulière.
• Contribue à garder une saine santé mentale et physique.
• Prendre le temps de se reposer et de bien s’alimenter. • Avoir de saines habitudes de résolution de conits.
Trouver un mentor.
• Prendre des pauses au travail et des périodes de repos de quelques jours (retraite, vacances de courte durée, congé prolongé).
• Permet d’empêcher l’accumulation de stress d’origine professionnelle au sein de l’équipe de soins.
• Établir une relation avec un collègue plus expérimenté.
• Favorise l’apprentissage de différentes techniques d’adaptation par des rétroactions constructives.
• Favorise le sentiment d’accomplissement personnel et augmente la productivité ainsi que la satisfaction au travail.
• Contribue au sentiment de valorisation et de conance.
Phases psychologiques après une catastrophe Selon James et ses collaborateurs (2012), il existe quatre phases prévisibles que traversent les membres des groupes ou des communautés qui ont vécu une catastrophe :
4. La phase de reconstruction : cette phase a lieu de deux mois à deux ans après l’événement, et correspond au réinvestissement physique et émotionnel de la communauté.
1. La phase héroïque : cette phase a lieu immédiatement après la catastrophe et se caractérise par une période d’altruisme et des comportements héroïques au sein de la communauté.
Chaque personne traverse ces quatre phases à son propre rythme.
2. La phase de lune de miel : cette phase a lieu de une semaine à six mois après la catastrophe, lorsqu’un lien de partage et un fort attachement social unissent la communauté. D’ailleurs, la documentation sur le sujet rapporte que les catasFrance Nantel et Martin Larue, tous deux âgés de trophes sembleraient 40 ans, ont perdu tous leurs biens dans l’incendie de favoriser, dans bien des leur maison survenu il y a 4 mois. Depuis, ils logent cas, la croissance persondans une chambre d’hôtel avec leurs adolescents nelle et le renforcement âgés de 15 et 16 ans. La compagnie d’assurance des relations une fois la tarde à les dédommager pour des raisons qui sont crise passée (Solnit, 2009). inacceptables à leurs yeux (processus d’évaluation 3. La phase de désillusion : encore en cours, doute sur l’origine de l’incendie). Le cette phase a lieu de deux couple vit difcilement la promiscuité à quatre dans mois à deux ans après l’évéune même chambre et subit des tensions inhabinement et se caractérise par tuelles. Il se sent dépassé par les événements. un sentiment de déception, Quelle phase psychologique de la situation postde colère, de rancœur et traumatique du couple Nantel-Larue est illustrée d’amertume relativement dans cette histoire ? Expliquez votre réponse. aux attentes déçues de la
L’évaluation de l’inrmière à l’occasion d’une catastrophe se pratique autant sur place, c’està-dire hors d’un contexte de soins contrôlé, structuré et courant, que dans un milieu contrôlé (p. ex., une salle d’urgence, un centre hospitalier).
Jugement
clinique
758
communauté quant au soutien qu’elle aurait aimé recevoir.
Partie 6
Interventions inrmières en situation de crise
Évaluation initiale
Soins et traitements inrmiers Le travail de terrain est une approche d’intervention en situation de crise qui allie tant les besoins physiques que psychiatriques (Lerner, 2002). Le travail sur le terrain consiste par exemple à prodiguer des soins de santé mentale dans un refuge pour personnes en situation d’itinérance, dans un campement ou des installations temporaires (p. ex., des tentes, des refuges pour victimes d’une catastrophe). C’est aussi collaborer avec les forces de l’ordre qui répondent aux appels des services 911 requérant une intervention d’urgence ou en cas de catastrophes naturelles.
27.3.7
Stratégies de prévention
Les techniques d’intervention inrmière en situation de crise se divisent en trois catégories : 1) la prévention primaire ; 2) la prévention secondaire ; 3) la prévention tertiaire (Brannon, Feist & Updegraff, 2013 ; Clark, 2008). Ces catégories fournissent des balises permettant d’afner le processus d’évaluation inrmière et d’établir des objectifs réalistes ainsi que des stratégies d’intervention efcaces. 1. La prévention primaire vise à éviter qu’une situation de crise ne survienne. Elle favorise donc le maintien d’une bonne santé mentale, l’amélioration des stratégies d’adaptation et de gestion du stress, ainsi que la prévention des situations de crise ou la diminution de leur occurrence. Dans ce contexte, l’inrmière collabore avec le client ou la famille en vue de cerner les problèmes, les stresseurs et les événements susceptibles de provoquer une crise. Ainsi, les mesures nécessaires sont prises en vue d’interrompre la progression vers une situation de crise. La révision des stratégies de résolution de problèmes et d’adaptation, la réévaluation des modèles de prise de décisions, l’amélioration des habiletés relatives à la défense de ses intérêts, à la médiation et à la résolution des conits, ainsi que la mise en place de stratégies substitutives de résolution de problèmes sont quelques exemples d’interventions en prévention primaire qui permettent de moduler les réactions aux événements stressants an de prévenir une crise. L’inrmière planie la marche à suivre, elle
s’assure que le client ou la famille dispose de toute l’aide nécessaire, puis elle modifie ou réévalue au besoin les changements qui ont été planiés. 2. La prévention secondaire vise à déceler les premiers signes de la crise. Elle fournit donc des occasions d’intervenir en vue de freiner la progression des symptômes provoqués par la crise. L’inrmière se concentre sur la sécurité du client. Elle évalue également les signes et symptômes de la crise tels que les signes de violence conjugale, de violence ou de négligence à l’égard des enfants, et d’abus d’alcool ou de consommation de drogues. Elle collabore avec le client an de dénir des objectifs et des stratégies d’intervention permettant de résoudre la situation. Ce type d’intervention permet de réduire l’intensité de la souffrance psychologique et d’éviter l’apparition ou l’aggravation d’une décience cognitive. Elle peut être réalisée autant en milieu hospitalier que dans les centres de santé mentale, les cliniques, les refuges, de même que sur le terrain. 3. La prévention tertiaire a pour but de réduire les conséquences de la situation de crise qui a déjà eu lieu. Elle favorise donc pour le client un retour à un niveau de fonctionnement optimal ainsi qu’une diminution des risques de complications en aval de la crise, par exemple l’apparition des symptômes du trouble de stress post-traumatique après une crise psychotraumatique.
Analyse d’une situation de santé
Jugement clinique
Brigitte Moreau travaille comme inrmière de rue dans un quartier défavorisé d’une grande ville. Elle intervient souvent auprès d’une clientèle psychiatrique itinérante et fait souvent face à des situations sociales complexes. Ce matin, en parcourant son secteur habituel, elle a été témoin d’une scène de violence conjugale dans une ruelle. Au moment où elle s’est approchée du couple, l’homme est parti en courant. Elle a trouvé Sarah Dumontier, âgée de 26 ans, en pleurs et en état de panique. La jeune femme est alors en hyperventilation, a un regard apeuré, tremble malgré une importante
tension musculaire de tout le corps et gesticule de façon désordonnée. « Tout est d’ma faute, j’ai couru après. Mais qu’est-ce qui va m’arriver, mais qu’est-ce qui va m’arriver ? », parvient-elle à dire de façon saccadée entre deux respirations. Elle a des ecchymoses au visage, des marques de doigts autour du cou, des égratignures aux bras, des éraures aux genoux, et elle tient son ventre à deux mains. Lorsque Brigitte essaie de la toucher doucement, madame Dumontier a un mouvement de recul et dit en parlant fort : « Touche-moi pas ! »
Mise en œuvre de la démarche de soins
Collecte des données – Évaluation initiale – Analyse et interprétation
27
1. Dans la description de la condition de madame Dumontier, quelle donnée justie une intervention prioritaire ? Justiez votre réponse. 2. Outre l’hyperventilation et le regard apeuré de madame Dumontier, trouvez les cinq données indiquant que la jeune femme est en état de crise.
Chapitre 27
SOLUTIONNAIRE
Situation de crise
759
Avant de procéder à toute autre intervention, Brigitte prend le temps de calmer madame Dumontier. Cette dernière accepte la présence de l’inrmière et semble plus disposée à parler avec elle. Au cours de l’échange, madame Dumontier est ambivalente. Elle dit qu’elle va quitter cet homme avec qui elle partage sa vie depuis six mois, mais croit aussi qu’elle réussira à le changer
écemment vu dans ce chapitre En situation de crise comme celle qu’elle vit actuellement, madame Dumontier pourrait-elle chercher à s’isoler ou à fuir tout contact avec d’autres personnes ? Justiez votre réponse.
avant et qu’une rupture ne sera peut-être pas nécessaire. Elle ajoute qu’elle n’aurait jamais dû le rencontrer, mais reconnaît qu’il sait être très gentil par moments. Elle pense même qu’elle pourrait faire sa vie avec lui, mais que c’est à lui de décider cela. Puis elle frappe sa tête avec son poing et jure qu’elle va déménager aujourd’hui pour ne plus avoir à le rencontrer.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
3. Les données de cet épisode mettent en lumière une phase du processus d’évolution d’une crise chez madame Dumontier. Quelle est cette phase ? Justiez votre réponse.
Brigitte s’informe auprès de madame Dumontier du climat qui règne au sein du couple, si elle et
son conjoint consomment de la drogue, de l’alcool ou d’autres substances.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
4. En quoi ces renseignements peuvent-ils être utiles à Brigitte ?
Brigitte demande également à madame Dumontier si elle est enceinte. MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
5. Pourquoi cette question est-elle pertinente ?
Madame Dumontier dit à Brigitte qu’elle craint souvent pour sa vie, car ce n’est pas la première fois qu’elle subit des sévices corporels de la part
de son conjoint. Elle mentionne également que ce dernier a déjà essayé de l’agresser avec un couteau.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
6. Quel problème prioritaire émerge de ces nouveaux renseignements fournis par madame Dumontier ?
Brigitte demande à madame Dumontier si elle a pensé mettre n à ses jours.
écemment vu dans ce chapitre En plus de voir prioritairement à la sécurité physique de madame Dumontier, quel serait le but ultime de l’approche de l’inrmière auprès de la cliente ?
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
7. Cette question est-elle pertinente ? Justiez votre réponse.
Brigitte s’est assurée que la condition physique de madame Dumontier n’était pas inquiétante en raison des blessures qu’elle a subies. Elle lui demande si
elle a parlé de sa situation avec une amie ou un membre de sa famille. Comme ce n’est pas le cas, Brigitte suggère à la jeune femme de le faire.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
Planication des interventions – Décisions inrmières 8. Qu’est-ce qui justie une telle suggestion ?
Brigitte suggère également à madame Dumontier de la conduire dans un refuge pour femmes en difculté. MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
9. En quoi cette proposition peut-elle aider madame Dumontier ?
760
Partie 6
Interventions inrmières en situation de crise
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution 10. Qu’est-ce qui indiquerait à Brigitte que madame Dumontier peut recourir à des stratégies différentes pour éviter qu’une nouvelle situation de crise se produise ? 11. À la lumière de l’information dont vous disposez dans la situation de Brigitte, seriez-vous tenue de rapporter cette situation à la police, même si madame Dumontier s’y oppose ? Justiez votre réponse.
APPLICATION DE LA PENSÉE CRITIQUE Dans l’application de la démarche de soins auprès de madame Dumontier, l’inrmière a recours à un ensemble d’éléments (connaissances, expériences antérieures, normes institutionnelles ou protocoles, attitudes professionnelles) pour analyser la situation de santé de la cliente et en comprendre
les enjeux. La FIGURE 27.3 illustre le processus de pensée critique suivi par l’inrmière an de formuler son jugement clinique. Elle résume les principaux éléments sur lesquels l’inrmière s’appuie en fonction des données de cette cliente, mais elle n’est pas exhaustive.
VERS UN JUGEMENT CLINIQUE CONNAISSANCES
EXPÉRIENCES
Situations pouvant déclencher une situation de crise Types de crise Phases du processus d’évolution d’une crise psychosociale Éléments à évaluer chez une personne en situation de crise Grille du potentiel de dangerosité (Oméga) Cycle de la violence conjugale Approche cognitivo-comportementale Moyens pharmacologiques pour diminuer les symptômes des problèmes concomitants si indiqué • Critères de garde en établissement
• Expérience de travail auprès d’une clientèle en situation de crise • Expérience en santé communautaire • Habileté en relation d’aide • Expérience personnelle ou d’une personne de son entourage d’une situation de crise
• • • • • • • •
NORMES • Lois applicables au travail de rue • Loi sur le secret professionnel et Code de déontologie des inrmières et inrmiers du Québec
ATTITUDES • Ne pas juger madame Dumontier parce qu’elle vit de la violence conjugale • Ne pas chercher à imposer ses propres valeurs et sa vision d’une situation de violence conjugale • Adopter une attitude compréhensive et empathique • Respecter le rythme de madame Dumontier en raison des émotions fortes qu’elle vit
PENSÉE CRITIQUE
ÉVALUATION • • • • • • • • • • • •
Risque immédiat pour madame Dumontier (elle est en hyperventilation) Blessures subies par la cliente Facteurs qui ont déclenché la situation de crise Signes indicateurs d’une situation de crise (signes physiques, cognitifs, comportementaux et émotionnels) Sentiments de madame Dumontier découlant de la situation de crise Intentions suicidaires Stratégies d’adaptation de madame Dumontier à sa situation Intérêt de la cliente à mettre en œuvre des stratégies d’adaptation différentes (en parler avec une amie ou une personne de sa famille, accepter de recevoir de l’aide dans un centre pour femmes en difculté) Perception que la cliente a de l’événement comme étant dangereux ou une menace importante à son intégrité physique Problème concomitant, préoccupation importante pour la cliente Motivation à aborder le problème avec logique, désir de changement Ressources nancières et sociales
27 JUGEMENT CLINIQUE FIGURE 27.3
Application de la pensée critique à la situation clinique de madame Dumontier Chapitre 27
Situation de crise
761
Chapitre
28
Suicide Écrit par : Marjorie Montreuil, inf., M. Sc. (A) Catherine Pugnaire Gros, inf., M. Sc. (A) Mis à jour par : Jean-Pierre Bonin, inf., Ph. D. (Santé publique) D’après un texte de : Pamela E. Marcus, RN, APRN/PMH-BC
MOTS CLÉS
OBJECTIFS
Comorbidité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 768 Crise suicidaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 769 Dangerosité du passage à l’acte . . . . . 771 Évaluation initiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 775 Facteurs de protection . . . . . . . . . . . . . . . 770 Facteurs du suicide . . . . . . . . . . . . . . . . . . 766 Idées suicidaires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 765 Mythes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 773 Tentative de suicide. . . . . . . . . . . . . . . . . . 769 Urgence suicidaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 771
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez être en mesure : • d’expliquer les facteurs biologiques, environnementaux, psychologiques et sociologiques du suicide ; • de reconnaître les groupes vulnérables au suicide en fonction de certaines variables comme l’âge, le genre et le statut social ; • de reconnaître les facteurs associés au suicide ; • d’expliquer la nature du processus suicidaire ; • de déterminer les principaux éléments de la collecte des données sur les facteurs de risque et de protection au suicide ; • d’appliquer la démarche de soins en partenariat avec les personnes à risque de suicide et leurs proches ; • d’élaborer un plan de soins et de traitements infirmiers avec une personne suicidaire.
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À retenir Carte conceptuelle Dossier vidéo Ressources Solutionnaire de l’Analyse d’une situation de santé
Guide d’études – SA12
762
Partie 6
Interventions inrmières en situation de crise
• • • •
Solutionnaire des questions de Jugement clinique Solutionnaire des questions Réactivation des connaissances Solutionnaire des questions Récemment vu dans ce chapitre Solutionnaires du Guide d’études
Concepts clés
Cette carte conceptuelle illustre schématiquement les principaux concepts décrits dans le présent chapitre. Sa lecture vous permettra d’avoir une vue d’ensemble des notions qui y sont présentées.
au Québec
intervenir suppose
est
associé à
Suicide
causé par
facteurs associés
28
Chapitre 28
Suicide
763
PORTRAIT
Jean Boudreau Jean Boudreau, un comptable âgé de 31 ans, est en arrêt de travail depuis huit mois. Il est hospitalisé depuis une semaine pour le traitement d’un trouble dépressif dont les premières manifestations remontent à la période de ses études collégiales. Malgré ce trouble, il a obtenu son diplôme avec mention d’honneur, fait des études supérieures et réussi son examen de comptable agréé. Il y a une dizaine de mois, monsieur Boudreau a été traité pour un trouble obsessionnel-compulsif, au moment où il a commencé à connaître des ennuis avec son superviseur. Plusieurs clients du cabinet se plaignaient du fait qu’il avait de la difculté soit à leur remettre les formulaires d’impôt remplis, soit à déposer les demandes de prolongation nécessaires, et ce, dans les délais impartis. Le traitement par la paroxétine (Paxilmd) a soulagé monsieur Boudreau de ses comportements compulsifs de calcul et de vérication, mais il passe maintenant son temps à ruminer des pensées suicidaires. Monsieur Boudreau projette de mourir d’un accident de la route, mais il hésite, car il ne veut pas compromettre le droit de sa famille à bénécier de l’indemnité de sa police d’assurance en cas de décès par accident. Après avoir avoué son plan de suicide à l’inrmière au cours d’une évaluation de suivi, monsieur Boudreau a été hospitalisé pour éviter qu’il ne s’enlève la vie et pour lui prodiguer les soins nécessaires à son rétablissement.
28.1 éactivation des connaissances Outre la sérotonine qui joue un rôle dans la régulation de l’humeur, nommez quatre autres neurotransmetteurs du système nerveux central.
11 Les liens entre le dérèglement de l’axe hypothalamohypophyso-surrénalien et la dépression sont explicités dans le chapitre 11, Troubles dépressifs, bipolaires et apparentés.
764
Partie 6
Caractéristiques générales
L’humain est le seul être vivant reconnu comme ayant la capacité de mettre n consciemment à ses jours. Comme le mentionne Albert Camus : « Il n’y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux : c’est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d’être vécue, c’est répondre à la question fondamentale de la philosophie. » (Camus, 1965) Cette capacité de l’être humain de pouvoir décider en toute conscience du moment de sa mort rend ce phénomène particulièrement complexe. Dans plusieurs cas, le suicide est une réaction de la personne à une souffrance qu’elle ne peut tolérer. Les sentiments à la base de cette souffrance peuvent être le désespoir, la solitude, l’inutilité ou l’abandon. Les raisons qu’évoque la personne suicidaire de vouloir mourir peuvent sembler futiles ; cependant, pour elle, la souffrance vécue est réelle et insupportable (Institut de recherche en santé du Canada, 2012). Il peut être difcile pour l’inrmière de savoir comment intervenir auprès d’une personne suicidaire
Interventions inrmières en situation de crise
qui se trouve dans un tel état de vulnérabilité, d’autant plus qu’elle peut être appelée à le faire dans tous les milieux de pratique, de façon imprévisible. Une écoute attentive empreinte de respect est à la base de la relation d’aide avec la personne suicidaire. Lui dire que « tout ira mieux demain » n’est pas une réponse adéquate. Parler ouvertement du suicide avec la personne permet de reconnaître et d’aborder la souffrance qu’elle vit et ouvre la porte à l’exploration d’autres possibilités que le suicide pour s’en libérer.
28.2
Étiologie
Le suicide est un phénomène complexe qui implique de multiples aspects de la santé. Aucune explication à elle seule n’est sufsamment complète pour bien comprendre pourquoi une personne adopte des pensées et des comportements suicidaires. Le recours à une approche clinique holistique qui combine différentes écoles de pensée est recommandé. Les soins inrmiers offerts aux personnes suicidaires et à leurs familles devraient donc considérer diverses approches qui prennent en compte les multiples dimensions de la santé (Laamme, 2007). Les théories biologiques, environnementales, psychologiques ainsi que la théorie sociologique sont présentées ici.
28.2.1
Théories biologiques et environnementales
La recherche biologique constitue une approche pour comprendre les facteurs du suicide. Elle révèle des associations possibles entre la physiologie, la génétique, l’environnement et le suicide, mais n’établit pas de lien direct de cause à effet.
Neurotransmission et dérèglement neuroendocrinien La sérotonine joue un rôle majeur dans la régulation de l’humeur et l’apparition d’épisodes dépressifs ou suicidaires (Pompili, Serani, Innamorati et al., 2010). En fait, la très grande majorité des personnes qui se sont suicidées montraient des taux de sérotonine plus bas que la normale dans diverses parties du cerveau (Institut de recherche en santé du Canada, 2012). Le cortisol, une des hormones principales liées au stress, pourrait également jouer un rôle important dans le processus suicidaire par son effet sur l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (Brent, Melhen, Ferrell et al., 2010 ; Pompili et al., 2010) 11 . Malheureusement, il n’existe aucun médicament capable d’inuer sur le comportement suicidaire. Cependant, les produits qui régulent le taux de la sérotonine, par exemple les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine, sont efcaces dans le traitement des troubles dépressifs, bipolaires ou apparentés qui accompagnent souvent les idées suicidaires (Barbui, Esposito & Cipriani, 2009 ; Sadock, Sadock & Ruiz, 2014).
Épigénétique L’épigénétique est la science qui étudie l’inuence des expériences de la vie sur l’expression des gènes. Autrement dit, elle étudie comment les interactions quotidiennes d’une personne inuent sur le fonctionnement génétique de son organisme. Ainsi, les expériences vécues sur le plan physique, biologique, psychosocial et environnemental jouent un rôle important sur le développement, le fonctionnement et le comportement de la personne, incluant sa santé mentale et physique (Turecki, Ernst, Jollant et al., 2012).
suicidaires. Le TABLEAU 28.1 présente brièvement quatre de ces théories.
28.2.3
Le sociologue Émile Durkheim a classé les aspects sociaux et culturels du suicide en différents sous-types (Durkheim, 1897) TABLEAU 28.2. Ces catégories peuvent aider l’inrmière à comprendre
Les recherches portant sur l’épigénétique révèlent des altérations neurobiologiques dans le cerveau des personnes qui se sont suicidées et qui ont vécu des relations humaines traumatiques pendant leur enfance. Ces changements cérébraux dus aux expériences de vie traumatiques sont liés à une plus grande susceptibilité à l’anxiété, à la dépression et au suicide (McGowan, Suderman, Sasaki et al., 2011). Il a également été démontré que des expériences de vie positives peuvent modier l’expression génétique de manière à améliorer la santé. Ainsi, dans une expérience menée en laboratoire, les ratons qui avaient reçu beaucoup de soins maternels (p. ex., le léchage maternel fréquent) étaient notablement plus calmes et moins stressés que ceux dont les mères n’avaient pas été aussi attentionnées. Par la suite, en jumelant ces ratons à des mères plus affectueuses, les chercheurs ont pu modier le prol de stress chez les ratons « mal-aimés », changement qui leur permettait de se développer normalement (McGowan et al., 2011). Ces connaissances permettent de souligner les effets thérapeutiques qu’une relation sociale positive peut apporter chez la personne à risque de suicide.
28.2.2
Théorie sociologique
TABLEAU 28.1
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les changements cérébraux dus aux expériences de vie traumatiques sont liés à une plus grande susceptibilité à l’anxiété, à la dépression et au suicide.
Théories et facteurs psychologiques du suicide
THÉORIE
FACTEUR DE SUICIDE
Théorie psychodynamique
La dépression résulterait de la perte d’un objet d’amour signicatif entraînant des sentiments d’impuissance, de désespoir, de culpabilité et de perte de l’estime de soi. Le suicide constituerait une façon de se délivrer de la souf france inhérente à ces sentiments (Sadock et al., 2014).
Théorie interpersonnelle
Les personnes ne pourraient jamais vraiment se soustraire à l’interaction avec leurs proches au cours de leur existence (Sullivan, 1931). Par conséquent, le suicide devrait être inter prété sur la base de la perception que la personne a de ses proches. Le suicide mettrait en évidence l’incapacité à résoudre des conits interpersonnels (Sullivan, 1956).
Théorie cognitive
Selon des études en cours, le suicide serait le résultat d’une incapacité à gérer les situations particulièrement difciles de la vie. La personne, ne voyant plus d’espoir en sa capacité à trouver des solutions, commet alors un acte suicidaire (Koslow, Ruiz & Nemeroff, 2014).
Théorie de l’apprentissage social
Le suicide résulterait d’une accumulation d’événements stressants ou désagréables. Le fait de diminuer le nombre d’événements stressants ou désagréables vécus par la personne suicidaire et d’augmenter celui des événements agréables réduirait le risque de suicide (Gupta & Pradha, 2007).
Théories psychologiques
Diverses théories provenant de la psychologie tentent d’expliquer les comportements et les idées TABLEAU 28.2
Classication des sous-types de suicide selon Durkheim
SOUS-TYPE
DESCRIPTION
EXEMPLES DE FACTEURS
Anomique
Acte d’autodestruction effectué par des personnes qui ressentent une dégradation du lien avec leur réseau social.
• Un divorce
Égoïste
Mort autoinigée de personnes qui ne sont pas adéquatement intégrées socialement.
• L’isolement d’une personne âgée visàvis de son entourage
Altruiste
Décision fondée sur l’adhésion aux objectifs d’un groupe plutôt que sur les intérêts de la personne.
• La tentative de suicide par immolation d’un jeune Tunisien le 17 décembre 2010 qui a déclenché les émeutes à l’origine du printemps arabe en Tunisie
Fataliste
Fruit d’une société où la personne ploie sous un excès de réglementation et perd la maîtrise de sa propre destinée.
• Le refus d’admission dans le programme qu’un étudiant convoitait depuis des années, en raison d’un échec à un examen important
• Une perte d’emploi
28
Source : Adapté de Durkheim (1897).
Chapitre 28
Suicide
765
Jugement
clinique Daniel Courtemanche est âgé de 34 ans. Sa conjointe est décédée il y a un mois à la suite d’un grave accident de voiture alors qu’il conduisait avec des facultés affaiblies par l’alcool. Il lui avait fait une crise de jalousie au cours d’une soirée chez des amis et avait même menacé de la frapper. Depuis le tragique événement, monsieur Courtemanche ne cesse de répéter que tout est arrivé par sa faute et dit qu’il s’en voudra pour le reste de sa vie. « Je ne mérite pas de vivre. J’ai tué l’amour de ma vie à cause d’une bêtise », ajoute-t-il, inconsolable. Au regard de la théorie psychodynamique, quel facteur rend monsieur Courtemanche à risque de mettre n à ses jours ?
les raisons qui poussent une personne à vouloir se suicider et à personnaliser ses interventions en conséquence. L’inrmière procède à l’évaluation et aux interventions en gardant ces données en tête. Par exemple, si une personne veut se suicider en raison d’un isolement social (sous-type égoïste), la participation à des activités de groupe pourrait être envisagée, selon le désir de la personne.
L’ENCADRÉ 28.1 résume les divers facteurs du suicide, soit les facteurs biologiques, environnementaux, psychologiques et sociologiques.
28.3 CE QU’IL FAUT RETENIR
Les taux de suicide sont de trois à quatre fois plus élevés chez les hommes que chez les femmes, et le suicide est la deuxième cause de décès chez les 15-24 ans.
Épidémiologie
En 2011, au Canada, 3 896 personnes sont mortes à la suite d’un suicide, dont 2 910 hommes et 986 femmes (Statistique Canada, 2015). En 2011, au Québec, 1 116 suicides ont été enregistrés (Association québécoise de prévention du suicide [AQPS], 2013). Les données de 2011 montrent que la tendance à la baisse du taux de suicide, amorcée au début des années 2000, se maintient au Québec (AQPS, 2013). La diminution la plus importante a été enregistrée chez les adolescents (15-19 ans), avec une baisse annuelle moyenne d’environ 12 % (Gagné & St-Laurent, 2010). Cette réduction du taux de suicide est encourageante, mais le Québec reste la province détenant un des taux de mortalité par
ENCADRÉ 28.1
• Près de 95 % des personnes qui se sont suicidées montraient des déciences en sérotonine dans diverses parties de leur cerveau (Institut de recherche en santé du Canada, 2012). • Le cortisol, en raison de son lien étroit avec les réactions de stress, joue un rôle dans le processus suicidaire (Brent et al., 2010 ; Pompili et al., 2010). • Les variations dans l’expression de certains gènes pourraient expliquer les différences de réponse au stress des personnes suicidaires par rapport aux personnes non suicidaires (Sequeira, Morgan, Walsh et al., 2012). FACTEURS PSYCHOLOGIQUES
• La présence de sentiments d’impuissance, de désespoir, de culpabilité, de perte de l’estime de soi et de
Partie 6
28.3.1
Hommes
Les statistiques canadiennes révèlent que les taux de suicide sont de trois à quatre fois plus élevés chez les hommes que chez les femmes (Gagné & St-Laurent, 2010 ; Lane, Archambault, CollinsPoulette et al., 2010). Cet écart selon le genre est encore plus marqué au Québec que dans le reste du Canada (AQPS, 2013 ; Gagné & St-Laurent, 2010). Certaines hypothèses ont été avancées pour expliquer cette différence. Par exemple, les hommes emploient des moyens létaux plus radicaux que les femmes, le suicide est plus accepté socialement chez les hommes et ceux-ci sont moins enclins à demander de l’aide (Chagnon, Vrakas, Bardon et al., 2008 ; Lane et al., 2010 ; Sadock et al., 2014).
28.3.2
Jeunes de 15 à 24 ans
La deuxième cause de décès chez les 15-24 ans est le suicide (ministère de la Santé et des Services sociaux [MSSS], 2010b). Les diverses transitions vécues à ces âges et le stress qui y est rattaché expliqueraient cette réalité (Lane et al., 2010). De plus, les jeunes sont plus à risque d’avoir certains troubles mentaux, particulièrement un trouble dépressif, que le reste de la population (Monk & Samra, 2007). Pour prévenir le suicide chez les jeunes, il est important d’en comprendre les causes possibles et de dépister la présence de troubles mentaux,
Facteurs étiologiques du suicide
FACTEURS BIOLOGIQUES ET ENVIRONNEMENTAUX
766
suicide les plus élevés au Canada et l’un des plus importants des pays industrialisés (AQPS, 2013 ; ministère de la Santé et des Services sociaux [MSSS], 2010a). Le suicide est un problème de santé publique important au Québec ENCADRÉ 28.2.
Interventions inrmières en situation de crise
négativisme pourrait être la cause du suicide (Morasz & Danet, 2008). • Le suicide mettrait en évidence l’incapacité à résoudre des conits interpersonnels (Sullivan, 1956). • La personne suicidaire pourrait retrouver espoir en l’avenir si elle voit diminuer le nombre d’événements désagréables et augmenter celui des événements agréables qu’elle vit (Chiles & Strosahl, 2005). FACTEURS SOCIOLOGIQUES
• Une personne dont le réseau social est limité aura plus de difcultés à trouver quelqu’un avec qui partager sa souffrance qu’une personne bien entourée. Ainsi, l’intégration sociale serait une composante nécessaire à la compréhension du suicide (Institut de recherche en santé du Canada, 2012).
ENCADRÉ 28.2
CONSEIL CLINIQUE
Épidémiologie du suicide au Québec
Au Québec, environ trois personnes meurent par suicide chaque jour, et huit sont hospitalisées pour avoir tenté de se suicider (MSSS, 2012). De plus, 1 personne sur 10 afrme avoir pensé sérieusement au suicide pendant sa vie (MSSS, 2012).
CONTEXTE SOCIOÉCONOMIQUE ET FAMILIAL
GENRE, ÂGE ET APPARTENANCE ETHNIQUE
• Les adultes vivant seuls ou ayant la charge d’une famille monoparentale sont plus à risque d’avoir des idées suicidaires sérieuses que ceux vivant en couple (MSSS, 2012).
• Sur les 1 068 suicides accomplis au Québec en 2009, la majorité (830) s’est produite chez les hommes (Gagné, Légaré, Perron et al., 2011). • Chez les hommes âgés de moins de 35 ans, plus du tiers des décès est attribuable au suicide (Gagné & St-Laurent, 2010). • Les hommes âgés de 15 à 24 ans représentent le groupe qui afrme avoir le plus souvent eu des idées suicidaires sérieuses (MSSS, 2012). • Les hommes âgés de 35 à 64 ans ont le taux le plus élevé de mortalité par suicide (Gagné et al., 2011). • Environ la moitié des personnes qui ont rapporté avoir pensé au suicide ont consulté un professionnel de la santé pour la présence d’idées suicidaires (MSSS, 2012). • Les femmes consultent plus que les hommes relativement au suicide (60 % contre 43 %) (MSSS, 2012). • Une personne autochtone est de deux à trois fois plus à risque de suicide qu’une personne non autochtone (Gagné & St-Laurent, 2010 ; Lane et al., 2010).
d’abus de drogues et d’alcool 25 . Le risque est accru si la personne a des difcultés à interagir avec ses pairs. Cela inclut l’intimidation, la rupture d’une relation importante, une grossesse, l’obésité et le sentiment d’isolement. Les adolescents courent des risques accrus s’il y a conit au sein de la famille ou s’ils s’en sentent exclus. Le décès par suicide d’un pair augmente également la probabilité de tentatives de suicide (Haw, Hawton, Niedzwiedz et al., 2013 ; King, O’Mara, Hayward et al., 2009 ; Lenz, Coderre, Watanabe et al., 2009). Les réseaux sociaux seraient aussi des facteurs possibles de la dépression et du suicide chez les adolescents, qui peuvent être vulnérables à la cyberintimidation et aux autres messages négatifs pouvant y être véhiculés (O’Keeffe & Clarke-Pearson, 2011).
28.3.3
Personnes âgées de 65 ans et plus
Il y aurait une plus grande vulnérabilité au suicide chez les personnes de ce groupe d’âge, qui s’expliquerait par les nombreux deuils qu’elles vivent et
• Une personne sur trois ayant un revenu parmi les plus faibles au Québec présente un degré élevé de détresse psychologique. En comparaison, chez les personnes plus aisées, cette proportion est de une sur sept (MSSS, 2012).
L’inrmière porte une attention particulière aux hommes en raison de leur vulnérabilité au suicide. L’estimation du risque de suicide et les interventions doivent être adaptées à cette population.
• Les enfants qui ont été exposés à des abus et à de la violence physique ou sexuelle sont plus vulnérables au suicide (Séguin, Renaud, Lesage et al., 2011). COMORBIDITÉS
• Les personnes qui considèrent leur état de santé physique et mentale comme étant passable ou mauvais sont environ cinq fois plus à risque d’avoir des idées suicidaires sérieuses que celles qui jugent leur santé comme excellente ou très bonne (MSSS, 2012). • Une personne ayant un trouble mental a un risque de suicide 12 fois plus élevé qu’une personne ne souffrant pas d’un tel trouble (Cavanagh, Carson, Sharpe et al., 2003). • Environ 90 % des personnes qui se sont suicidées avaient un trouble mental (Cavanagh et al., 2003). • Les troubles mentaux les plus fortement associés au suicide sont : − les troubles dépressifs, bipolaires et apparentés (en particulier le trouble dépressif caractérisé) ; − les troubles psychotiques ; − les troubles liés à une substance (Cavanagh et al., 2003).
par le recours à des méthodes hautement létales (Sadock et al., 2014) 26 . Cependant, au Québec, les personnes âgées semblent faire gure d’exceptions, avec un taux de suicide nettement inférieur au reste de la moyenne canadienne. En fait, la proportion de mortalité par suicide dans l’ensemble des décès au Québec est de seulement 0,5 % chez les hommes âgés de 65 ans et plus et de 0,1 % chez les femmes de ce groupe (Gagné & St-Laurent, 2010). Il est cependant important de souligner que les taux ofciels de suicide chez les personnes âgées seraient inférieurs aux taux réels, car moins d’enquêtes sont effectuées pour déterminer les causes de décès dans cette population (Mishara, 1997).
28.3.4
Populations autochtones
Une personne autochtone est de deux à trois fois plus à risque de suicide qu’une personne non autochtone (Gagné & St-Laurent, 2010 ; Lane et al., 2010). La pauvreté, un taux de chômage élevé, des conditions de vie difciles, un stress culturel et un taux d’alcoolisme et de toxicomanie élevé sont associés à la plus grande vulnérabilité de ce groupe
25 Les facteurs associés au suicide chez les adolescents sont détaillés dans le chapitre 25, Enfants et adolescents.
26 Les facteurs de risque associés au suicide chez les personnes âgées sont détaillés dans le chapitre 26, Personnes âgées.
éactivation des connaissances
28
Quelle est la principale cause de décès chez les adolescents ?
Chapitre 28
Suicide
767
Vidéo : Trouble dépressif caractérisé et trouble lié à une substance.
social (Lane et al., 2010). Divers facteurs pourraient expliquer ce risque accru de suicide, notamment la présence de traumatismes historiques et socioculturels qui perturbent l’acquisition d’un sentiment d’appartenance culturelle (Niezen, 2009).
28.3.5
Jugement
clinique
Personnes homosexuelles, bisexuelles ou transsexuelles
Delphine Sagard s’est suicidée à l’âge de 22 ans. Depuis son enfance, elle désirait devenir inrmière. Elle a toujours éprouvé des difcultés à l’école (dyslexie, difcultés de concentration), mais elle était déterminée à réaliser son rêve et ne comptait pas les heures d’étude. Malgré quelques échecs, elle travaillait encore plus fort pour réussir. Malheureusement, elle a échoué trois fois l’avant-dernier stage du programme, et la politique de la maison d’enseignement stipule qu’après trois échecs d’un même stage, une étudiante ne peut poursuivre son programme d’études. C’est pour cette raison que madame Sagard a mis n à sa vie. Quels facteurs permettent de comprendre le geste de madame Sagard ? À quel sous-type de suicide correspond son geste ? Justiez votre réponse.
28.3.6 CE QU’IL FAUT RETENIR
Jusqu’à 90 % des personnes mortes par suicide avaient un trouble mental. Le plus souvent, il s’agissait du trouble dépressif caractérisé.
Parmi les personnes homosexuelles, bisexuelles ou transsexuelles, 46 % ont commis au moins une tentative de suicide dans leur vie (Haas, Eliason, Mays et al., 2011). Ces personnes sont donc plus vulnérables au suicide que la moyenne de la population (Lane et al., 2010). Certaines hypothèses ont été formulées pour expliquer cette situation, entre autres, une tendance plus marquée à la consommation de substances psychotropes, une plus grande vulnérabilité à la dépression et une susceptibilité accrue d’être rejeté par les proches ou la société (Monk & Samra, 2007).
Personnes ayant un trouble mental
Il est estimé que jusqu’à 90 % des personnes mortes par suicide avaient un trouble mental (American Psychiatric Association [APA], 2015 ; Cavanagh et al., 2003 ; Sadock et al., 2014). Le trouble mental le plus souvent associé au suicide est le trouble dépressif caractérisé : plus du tiers des personnes ayant un diagnostic de trouble dépressif caractérisé décèdent par suicide (Cavanagh et al., 2003). Les personnes atteintes d’un trouble de la personnalité limite sont également plus vulnérables au suicide, en raison d’une plus grande impulsivité et d’une instabilité affective (Lane et al., 2010 ; Oldham, 2006). De même, les personnes ayant reçu un diagnostic de schizophrénie ont une très grande vulnérabilité au suicide : de 20 à 42 % de ces personnes tentent de mettre n à leurs jours (Lane et al., 2010). Enn, la possibilité du passage à l’acte suicidaire chez les personnes atteintes d’un trouble panique, d’un trouble obsessionnel-compulsif et de phobies est réelle. Une évaluation du risque de suicide est nécessaire chez ces personnes, en particulier chez celles ayant également des troubles dépressifs, bipolaires ou apparentés, qui peuvent être à risque de faire une tentative de suicide au cours d’un épisode dépressif (Katz, Yaseen, Motjabai et al., 2011).
768
Partie 6
Interventions inrmières en situation de crise
Les personnes atteintes de plusieurs troubles mentaux (c.-à-d. de comorbidité) sont d’ailleurs plus vulnérables au suicide. Il est estimé que de 21 à 81 % des personnes qui décèdent par suicide étaient atteintes de plus d’un trouble mental, et qu’environ 38 % d’entre elles avaient un problème d’abus de substance en plus d’un trouble mental (Cavanagh et al., 2003) .
28.3.7
Personnes ayant un problème de dépendance
La dépendance à l’alcool et les comportements suicidaires seraient liés (Lane et al., 2010 ; Leite, Nogueira, do Nascimento et al., 2015) FIGURE 28.1. Au Québec, il a été estimé que plus de 25 % des personnes qui décèdent par suicide avaient une dépendance à l’alcool (Tousignant & Fayette, 1997). Une personne ayant une dépendance à l’alcool a un risque de suicide six fois plus élevé qu’une personne n’ayant pas une telle dépendance (Monk & Samra, 2007). La consommation d’alcool ne serait pas la cause directe du suicide. Elle agirait plutôt comme catalyseur en raison de son association fréquente avec une désaffiliation sociale. La personne serait alors en situation d’isolement et de vulnérabilité (Tousignant & Fayette, 1997). La consommation de substances illicites et la dépendance au jeu sont aussi liées à un risque de suicide accru, notamment en raison de l’isolement social associé à ces comportements (Zangeneh & Hason, 2006).
28.3.8
Personnes ayant un problème de santé physique
Les idées suicidaires peuvent apparaître lorsqu’une personne se sent désespérée en raison de problèmes de santé. Par exemple, une personne ayant fait une crise cardiaque est beaucoup plus à risque de mourir par suicide dans le mois qui suit l’événement que le reste de la population, et le risque de suicide demeure plus élevé plus de cinq
FIGURE 28.1 La dépendance à une substance est liée à un risque élevé de suicide.
En cas de comorbidité de la dépression et d’une affection médicale (p. ex., une coronaropathie avancée), la personne atteinte souffrirait presque deux fois plus de la perte de fonction sociale que lorsque l’une ou l’autre de ces affections est présente seule. Le risque de suicide serait également accru dans le cas où plusieurs affections coexistent (Kjølseth, Ekeberg & Steihaug, 2010 ; Macdonald, 2010). Il est important d’évaluer la personne qui se présente avec un problème médical an de déceler les signes et les symptômes de dépression. Les problèmes de santé physique s’ajoutent parfois à la douleur émotionnelle que ressentent les personnes suicidaires et peuvent contribuer à leur décision de mettre n à leurs jours. L’inrmière joue un rôle essentiel en évaluant la personne an de déceler la dépression et la présence d’idées suicidaires en milieu médical, chirurgical, communautaire et autres. En intervenant et en alertant l’équipe interdisciplinaire, elle contribue à prévenir les tentatives de suicide et les décès.
28.4
Description clinique
Avant tout, la connaissance du vocabulaire lié au suicide permet d’effectuer une évaluation infirmière adéquate d’une personne suicidaire TABLEAU 28.3 . Cette évaluation devrait notamment tenir compte de la présence d’idées suicidaires, de tentatives de suicide antérieures et de la dangerosité du passage à l’acte.
28.4.1
Processus de la crise suicidaire
Divers modèles tentent d’expliquer l’aboutissement à une crise suicidaire. L’Ordre des inrmières et inrmiers du Québec (OIIQ) privilégie le modèle fondé sur le processus de la crise suicidaire. Dans ce modèle, une tentative de suicide résulte d’une situation stressante à laquelle la personne n’a pas su trouver les stratégies et le soutien social nécessaires pour s’adapter (Laamme, 2007). En d’autres termes, la personne qui tente de se suicider a été incapable de trouver d’autres solutions que cet acte pour diminuer sa souffrance. Devant une situation stressante, la personne cherche
clinique
d’abord activement des solutions (p. ex., des stra tégies Angélique St-Amour, âgée de 45 ans, fait de d’adaptation, du soutien l’asthme depuis l’âge de 13 ans, en plus d’avoir social) pour retrouver l’équile diabète de type 1 et de souffrir de lupus érythélibre. Elle est alors dans une mateux disséminé avec atteinte rénale. Elle est situation de vulnérabilité, hospitalisée pour un cancer du sein gauche en mais qui n’aboutira pas à des phase terminale. Elle souffre beaucoup. Elle n’est idées suicidaires si des solupas croyante et, découragée, dit que la vie ne vaut tions sont trouvées. Si les plus la peine d’être vécue dans l’état où elle est. diverses solutions envisagées Elle demande à retourner chez elle, car elle sait ne permettent pas à la personne comment mettre n à ses jours. Que pensez-vous de retrouver un équilibre, le de l’intention de madame St-Amour ? suicide peut devenir envisageable comme une option possible pour se libérer de sa souffrance (Brennaman, 2012 ; Laamme, 2007).
Jugement
ans après la crise cardiaque (Larsen, Agerbo, Christensen et al., 2010). Le risque de suicide est également accru chez les personnes recevant un diagnostic de cancer que dans le reste de la population, particulièrement dans les premiers mois suivant cette annonce (Hem, Loge, Haldorsen et al., 2004 ; Sadock et al., 2014). Il est donc essentiel d’évaluer le risque de suicide chez les personnes ayant des problèmes de santé physique.
Le processus de la crise suicidaire est décrit comme ayant lieu en étapes progressives, mais une personne peut passer au travers de ce processus rapidement, sauter une étape ou revenir à une étape précédente (Laflamme, 2007). Par exemple, chez les jeunes, le suicide se produirait de façon beaucoup plus subite, particulièrement au cours d’un premier épisode dépressif caractérisé (Brennaman, 2012). C’est aussi le cas chez les personnes ayant un problème de jeu pathologique, qui ne manifestent pas de signes avantcoureurs dans 65 % des cas de suicide (Sadock et al., 2014). Aussi, lorsqu’une personne est de nature impulsive ou vit des situations particulièrement stressantes (p. ex., une rupture amoureuse), le passage à l’acte peut se faire très rapidement (Laamme, 2007). Ce modèle est donc utile pour comprendre comment une personne peut arriver à faire une tentative de suicide, mais ne doit pas être employé seul pour estimer la dangerosité du passage à l’acte. D’autres facteurs doivent être considérés dans cette estimation.
28.4.2
Facteurs associés au suicide
Le suicide est un phénomène complexe associé à la souffrance et au désespoir. Il résulterait de l’interaction de plusieurs facteurs liés à la personne, à ses proches, à son milieu de travail ou d’éducation, à sa communauté, ainsi qu’à la culture, à la société et à l’environnement qui l’entourent (Laamme, 2007). Dans chacune de ces sphères, divers facteurs peuvent contribuer à augmenter ou à diminuer le risque qu’une personne tente de se suicider. Plus précisément, quatre types de facteurs ont été reconnus comme pouvant inuer sur le taux de suicide : 1) les facteurs prédisposants ; 2) les facteurs contribuants ; 3) les facteurs précipitants ; 4) les facteurs de protection TABLEAU 28.4. En agissant pour diminuer l’impact des facteurs de risque et optimiser l’effet des facteurs de protection, l’inrmière peut intervenir dans le processus de la crise suicidaire (Laamme, 2007).
28
Chapitre 28
Suicide
769
TABLEAU 28.3
Terminologie du suicide
CONCEPT
DÉFINITION
EXPLICATION/EXEMPLES
Suicide
Mort causée de façon intentionnelle par soi-même
• L’intention signie que la personne a la volonté de se tuer. Elle différencie un décès par suicide d’une mort causée de façon accidentelle par soi-même. • La pendaison, la strangulation et la suffocation sont les moyens de suicide les plus fréquents au Québec (Gagné & St-Laurent, 2010).
Tentative de suicide
Acte intentionnel fait par une personne dans le but de se tuer, cet acte n’aboutissant pas toujours à la mort
• Une personne s’est inigée des coupures aux poignets, qui n’ont pas mené à la mort.
Idées suicidaires
Idées sérieuses d’en nir avec la vie
• Une personne peut penser en ces termes : − « Je veux mourir. » − « Vous seriez beaucoup mieux sans moi. »
Signes avant-coureurs
Indices par lesquels la personne manifeste sa détresse N.B. : Ces signes ne sont pas exclusifs à une crise suicidaire, mais constituent des signaux d’alarme pour les proches et les intervenants.
• Il existe deux types de signes avant-coureurs : − les messages verbaux qui peuvent être des propos directs tels que « Je veux mourir » ou des propos indirects tels que « Vous seriez bien mieux sans moi » ; − les manifestations comportementales qui soulignent un changement dans le comportement de la personne (p. ex., une baisse des résultats scolaires, la consommation de drogues et d’alcool, une perte d’intérêt pour les activités et un repli sur soi).
Processus suicidaire
Ensemble des étapes que peut franchir une personne et pouvant la mener à s’enlever la vie intentionnellement
• Le processus suicidaire est décrit en détail dans la sous-section suivante.
Dangerosité du passage à l’acte
Niveau de danger qu’une personne entreprenne un acte suicidaire
• L’estimation de la dangerosité du passage à l’acte tient compte des paramètres suivants : − l’urgence suicidaire ; − les facteurs associés.
Urgence suicidaire
Probabilité d’un passage à l’acte suicidaire dans les 48 prochaines heures, compte tenu de la létalité du plan envisagé (c.-à-d. le potentiel d’entraîner la mort) et de l’accessibilité aux moyens
• La planication du suicide s’estime selon le COQ : Comment ? Où ? Quand ?
Probabilité qu’une personne se suicide au cours des deux prochaines années
• L’estimation se fait à partir de la présence de facteurs associés, notamment des facteurs prédisposants.
Risque de suicide
• Une personne s’est jetée devant le métro dans le but de mourir ; elle a subi de graves blessures.
• Exemple de plan déni : « Je vais me pendre dans ma chambre ce soir. » Le moyen, le lieu et le moment sont établis et accessibles, si la personne se trouve à la maison. • Exemple de plan vague : « Je pense souvent au suicide, mais je ne sais pas comment je me suiciderais ni à quel endroit. Je le ferai quand j’en aurai assez. »
• Par exemple, une personne qui a des antécédents de tentatives de suicide, de violence physique, psychologique ou sexuelle et qui a vécu des abandons et des pertes précoces est à risque de suicide (Laamme, 2007).
Sources : Adapté de Laamme (2007) ; Lane et al. (2010) ; Mishara & Tousignant (2004).
Les facteurs de protection permettent à la personne d’envisager d’autres options que le suicide lorsqu’elle affronte des situations difciles. Ils
770
Partie 6
Interventions inrmières en situation de crise
représentent des leviers d’intervention pour aider la personne à reconnaître ses forces personnelles, ses aptitudes, ainsi que les ressources disponibles
TABLEAU 28.4
Facteurs associés au suicide
TYPE DE FACTEURS
DÉFINITION
EXEMPLES
Facteurs prédisposants
Éléments provenant du passé de la personne et pouvant contribuer à la fragiliser
• Des antécédents de suicide dans la famille
Éléments qui augmentent la vulnérabilité de la personne
• La consommation excessive de drogues ou d’alcool
Facteurs contribuants
• L’isolement social • Les troubles mentaux
• L’instabilité familiale Facteurs précipitants
Éléments déclencheurs de l’idée ou de l’acte suicidaire
• Une rupture amoureuse • La mort d’un proche • La perte d’un emploi • Des difcultés nancières
Facteurs de protection
Éléments qui diminuent la vulnérabilité de la personne au suicide
• La présence d’un réseau de soutien social • L’optimisme quant à l’avenir • Le recours à des stratégies d’adaptation • Une bonne santé globale
Sources : Adapté de Laamme (2007) ; Lane et al. (2010).
28.4.3
Dangerosité du passage à l’acte
Pour estimer adéquatement la dangerosité du passage à l’acte, c’est-à-dire le niveau de danger qu’une personne entreprenne un acte suicidaire, plusieurs variables doivent être prises en considération. Tout d’abord, il est suggéré d’évaluer l’imminence du passage à l’acte ou l’urgence suicidaire – c’est-à-dire la probabilité qu’une personne adopte un comportement suicidaire dans les 48 prochaines heures (Brennaman, 2012 ; Laamme 2007) –, la létalité du plan envisagé et l’accessibilité aux moyens (Lane et al., 2010). La létalité du plan représente son potentiel d’entraîner la mort (p. ex., une personne qui planie de se tuer avec une arme à feu a plus de risque d’y parvenir que
celle qui veut prendre huit comprimés d’acétaminophène [Tylenolmd]). Pour compléter l’estimation de la dangerosité du passage à l’acte, les facteurs de risque de suicide et les facteurs de protection doivent aussi être considérés (Lane et al., 2010). La prise en compte de ces divers éléments permet à l’inrmière de déterminer les interventions requises pour assurer la sécurité et le bien-être de la personne TABLEAU 28.5.
clinique
Jugement
autour d’elle (Laamme, 2007 ; Lane et al., 2010). En aidant la personne suicidaire à déterminer des facteurs de protection, l’inrmière peut contribuer à créer chez elle un désir de changement caractérisé notamment par une reprise d’espoir en ses capacités et par la reconnaissance de ressources disponibles dans son milieu (Lane et al., 2010). En somme, la connaissance des facteurs associés au suicide permet à l’inrmière de détecter les personnes vulnérables et d’agir pour promouvoir les facteurs de protection an de prévenir une éventuelle crise suicidaire. Les activités de promotion des facteurs de protection peuvent être d’encourager l’adoption d’un mode de vie sain, de faciliter la mise sur pied d’un réseau social fort et de favoriser la découverte d’un sens à la vie (Laamme, 2007).
Andrew Pearson est âgé de 36 ans. Il vit une relation amoureuse plutôt instable depuis six mois. Ce n’est pas un phénomène nouveau, car ses relations antérieures n’ont jamais duré plus de deux ans. Ses copines le quittaient en disant qu’il est un type narcissique et égoïste. Il a connu quelques difcultés nancières, mais puisqu’il a un emploi stable, il a toujours réussi à payer ses dettes. Son père s’est suicidé alors qu’il avait cinq ans, mais il n’en garde que très peu de souvenirs. Quels sont les facteurs qui pourraient rendre monsieur Pearson plus vulnérable au suicide ?
Dans certains cas précis, il peut être nécessaire de recourir à la Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui (RLRQ, chapitre P-38.001). Cette loi doit servir uniquement quand la sécurité de la personne ou de son entourage est en danger et lorsque la personne refuse de se rendre au centre hospitalier. Elle représente une mesure d’urgence d’exception qui permet de priver la personne de son droit de liberté pour l’hospitaliser sans son consentement de façon temporaire (Lane et al., 2010) 6 .
6 Les enjeux des gardes préventive, provisoire et en établissement sont détaillés dans le chapitre 6, Aspects éthiques et légaux de la pratique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques.
Par exemple, si une personne s’apprête à attenter à sa vie et refuse catégoriquement d’aller au centre hospitalier, un proche ou un intervenant peut demander aux policiers d’amener cette personne contre son gré à l’établissement. Pour ce faire, il doit y avoir des motifs sérieux qui laissent croire que son état mental représente un danger
28
Chapitre 28
Suicide
771
Collecte des données TABLEAU 28.5
Estimation de la dangerosité du passage à l’acte
FACTEURS À CONSIDÉRER
EXEMPLES DE QUESTIONS À POSER
Urgence suicidaire
• Planication à évaluer selon le COQ : − Comment prévoyez-vous vous suicider ? Avez-vous décidé d’un moyen pour vous suicider ? Attention, pour estimer le degré de dangerosité, il importe de considérer autant l’accessibilité aux moyens que la létalité du plan. − Où prévoyez-vous mettre le plan à exécution ? − Quand comptez-vous mettre le plan à exécution ? Cette dernière question permet d’évaluer l’imminence du passage à l’acte.
Idées et tentatives de suicide antérieures
• Avez-vous déjà pensé mettre n à vos jours ? Y pensez-vous souvent ? Actuellement, voulez-vous mettre n à vos jours ? • Avez-vous déjà tenté de mettre n à vos jours ? Si oui, quand, combien de fois et quels étaient les moyens utilisés ? Regrettez-vous les gestes posés ou auriez-vous préféré mourir ?
Condition mentale
• Comment vous sentez-vous lorsque vous vous réveillez le matin ? • Comment vous sentez-vous lorsque vous êtes en présence d’amis ou de membres de votre famille ? • Ces jours-ci, est-ce que vous réussissez à dormir et à manger ? • Avez-vous assez d’énergie pour réaliser vos activités de la journée (p. ex., faire le ménage, aller au travail) ? • Avez-vous vu un professionnel de la santé dernièrement ? Avez-vous un suivi médical ?
Consommation de drogues, d’alcool ou de médicaments
• Quelle est votre consommation de drogues ? • Quelle est votre consommation d’alcool ? • Prenez-vous des médicaments ? Si oui, lesquels ?
Degré d’impulsivité
• Dans quelle mesure vous sentez-vous capable de maîtriser vos actions ? • Avez-vous parfois l’impression d’agir trop vite, de ne pas rééchir assez avant de poser des gestes ?
Degré d’intentionnalité (c.-à-d. le degré d’ambivalence de la personne face au suicide et sa capacité à envisager un avenir meilleur)
• Quelles sont les autres solutions que vous envisagez pour diminuer votre souffrance ?
Qualité du réseau social
• Parlez-moi de vos proches.
• Parlez-moi d’une situation passée quand les choses allaient un peu moins mal. Qu’est-ce qui a fait que c’était moins pire que maintenant ? Comment pourriez-vous transférer ce qui a fait que ça allait un peu mieux à la situation actuelle ? • Qui a déjà été présent pour vous quand les choses allaient moins bien ? • Nommez une personne qui pourrait vous aider à aller un peu moins mal.
Événements stressants potentiels qui pourraient accentuer la crise
• Qu’est-ce qui pourrait faire en sorte que ça aille moins bien ? • Prévoyez-vous une situation de stress ou une situation conictuelle prochainement ?
Sources : Adapté de Bazinet, Roy & Lavoie (2011) ; Lane et al. (2010) ; Zhang, Ho, Ho et al. (2014).
grave et immédiat pour sa sécurité ou pour celle de son entourage (Justice Québec, 2011). Si un médecin estime que cette personne représente en effet un risque grave et immédiat pour sa propre
772
Partie 6
Interventions inrmières en situation de crise
sécurité ou celle d’autrui, la personne pourra être placée en garde préventive au centre hospitalier pour une période maximale de 72 heures (Justice Québec, 2011). Une personne peut
28.4.4
Mythes concernant le suicide
En dépit des nombreuses études réalisées sur le sujet, des efforts massifs déployés pour sensibiliser le public au phénomène suicidaire et de l’apport des groupes de revendication en matière de santé mentale, les mythes et les idées fausses circulent encore à ce sujet (Organisation mondiale de la Santé [OMS], 2006). Plusieurs mythes de longue date contribuent aux erreurs de jugement lorsque les intentions suicidaires d’une personne sont évaluées et que des interventions sont mises en place TABLEAU 28.6 (page suivante). L’inrmière peut contribuer à remettre en question les mythes sur le suicide qui ont tendance à banaliser la détresse et la souffrance des personnes en situation de crise. En faisant la promotion d’activités qui favorisent l’intégration sociale, le soutien et l’entraide, l’inrmière contribue à rappeler l’importance de la vie et la présence de ressources pour aider une ENCADRÉ 28.3
personne qui affronte la souffrance (Laamme, 2007).
28.5
Pronostic
clinique
Jugement
également être gardée de manière provisoire contre son gré dans un établissement an de subir une évaluation psychiatrique, si le tribunal l’autorise, à la suite de la demande d’un médecin ou d’un intéressé (Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64).
Marie Barbeau, célibataire âgée de 67 ans, est une personne qui parle d’elle facilement, qui se vante de ses exploits et de ses aventures amoureuses, de ses qualités de cuisinière et des nombreux voyages qu’elle a faits à l’étranger. Elle cherche à être le centre d’attraction lorsqu’elle rencontre des gens. Elle dit que si elle devient malade et impotente, elle se suicidera en se coupant les veines des poignets. Devriez-vous croire qu’elle commettra effectivement l’acte suicidaire ? Expliquez votre réponse.
Une personne ayant déjà tenté de se suicider a un risque beaucoup plus grand de mourir par suicide qu’une autre n’ayant fait aucune tentative de suicide, particulièrement en présence d’un trouble mental (APA, 2015 ; Jenkins, Papanastassiou, Crawford et al., 2002 ; Tidemalm, Långström, Lichtenstein et al., 2008). Il en est de même pour les personnes qui s’auto-inigent des blessures ENCADRÉ 28.3. Dans les cas où le comportement suicidaire est lié à un trouble dépressif caractérisé, le recours à des antidépresseurs peut aider la personne à se sortir de la crise. Cependant, le suicide étant un phénomène complexe, le personnel soignant devrait aborder l’ambivalence de la personne face à sa situation et a son désir de mourir et ne pas compter seulement sur l’effet de la médication (Sadock et al., 2014 ; Sakinosfky, 2007).
Personnes ayant vécu un ou plusieurs épisodes de blessures auto-inigées
Les personnes qui s’auto-inigent des blessures sont reconnues comme étant plus à risque de suicide (Lane et al., 2010). Il est estimé qu’environ 25 % des personnes décédées par suicide ont été hospitalisées en raison d’une blessure auto-inigée dans l’année précédant le suicide (National
Collaborating Centre for Mental Health, 2004). Ce phénomène est distinct du suicide, car l’intention est de se blesser plutôt que de mourir. Toutefois, il s’avère important de reconnaître la souffrance de ces personnes et d’être conscient de leur plus grande vulnérabilité au suicide.
28.6 Démarche de soins La démarche de soins se déroule dans un contexte d’accompagnement et se fonde sur une relation de partenariat et de collaboration. L’inrmière joue un rôle central dans le rétablissement de la personne suicidaire et de ses proches. La pratique inrmière vise non seulement la prévention du suicide et la sécurité de la personne, mais aussi la promotion de sa santé (Laamme, 2007), ainsi que l’amélioration de sa qualité de vie (Anthony, 1993). En raison de sa présence dans plusieurs milieux de soins et de ses interventions auprès d’une clientèle diversiée, l’inrmière occupe une position idéale pour contribuer à prévenir le suicide (Laamme, 2007).
28.6.1
Collecte des données − Évaluation initiale
Pour mener l’évaluation initiale, l’inrmière s’engage avec le client dans un processus
d’observation, d’écoute, d’exploration et de réexion. Tout au long de ce processus, elle porte une attention particulière à la détermination de facteurs de protection, an de favoriser le rétablissement de la personne. Elle se demande : qu’est-ce qui est spécial ou unique à propos de cette personne ? Quelle est son histoire ? Quelles sont ses stratégies d’adaptation ? Guidée par ces questions au cours de son évaluation initiale, l’inrmière cherche à connaître la personne et sa famille pour obtenir une vision globale de la situation. Elle a alors l’occasion de mettre en relief les forces, les capacités et les potentiels de la personne suicidaire et d’explorer plus en profondeur ces aspects positifs. En plus de ceux-ci, l’inrmière estime la dangerosité du passage à l’acte avec la personne, notamment le degré d’urgence suicidaire, et cherche à découvrir les facteurs prédisposants, contribuants et précipitants
CE QU’IL FAUT RETENIR
Une personne ayant déjà tenté de se suicider ou qui s’auto-inige des blessures a un risque beaucoup plus grand de mourir par suicide que la moyenne.
ALERTE CLINIQUE
En début de traitement, les anti-dépresseurs peuvent augmenter le risque de suicide chez les enfants et les adolescents (Barbui et al., 2009 ; Brent, Emslie, Clarke et al., 2009). L’inrmière informe le jeune et sa famille de cet effet possible et leur demande d’aviser immédiatement un professionnel de la santé s’il y a une augmentation de l’intensité ou de la fréquence des idées suicidaires ou s’il y a présence de changements inhabituels dans le comportement.
28
Chapitre 28
Suicide
773
TABLEAU 28.6
Mythes et réalités concernant le suicide
MYTHE
RÉALITÉ
EXEMPLES/EXPLICATION
Les personnes qui parlent de suicide ne passent jamais à l’acte.
La plupart des personnes qui se sont suicidées avaient envoyé des messages verbaux ou comportementaux de leur intention (c.-à-d. des signes avant-coureurs) (OMS, 2006).
• Exemples de messages verbaux : − « Mes parents seraient mieux sans moi. » − « Il n’y a pas d’autre solution, c’est ni pour moi. » − « Ce sera bientôt la n de mes problèmes. » (Laamme, 2007) • Exemples de manifestations comportementales : − Fatigue ou insomnie − Irritabilité − Isolement social − Perte d’intérêt pour les activités (Laamme, 2007) − Dons d’objets − Rédaction d’une lettre d’intention suicidaire (Bazinet et al., 2011)
774
Partie 6
Le fait de demander à une personne si elle a des idées suicidaires peut provoquer un passage à l’acte.
Demander à une personne si elle a des idées suicidaires ne provoque pas de comportement suicidaire ; en fait, la validation et la normalisation de la situation contribuent à réduire le stress et l’angoisse (OMS, 2006).
• L’inrmière peut demander à la personne : − Est-ce que vous pensez à vous enlever la vie ? − Votre situation m’inquiète : pensez-vous au suicide ? (Registered Nurses’ Association of Ontario [RNAO], 2009)
Une personne suicidaire l’est pour la vie.
Une personne peut avoir des pensées suicidaires récurrentes (Laamme, 2007). Cependant, il est important de réévaluer avec la personne la présence d’idées suicidaires et de ne pas présumer qu’elle sera suicidaire toute sa vie.
• Au cours de chaque rencontre, il serait approprié que l’inrmière demande à la personne si elle pense au suicide. Cela ouvre la porte à la discussion avec la personne au sujet des stratégies d’adaptation qu’elle envisage sans présumer qu’elle pense au suicide.
Les jeunes enfants ne se suicident pas.
En 2008, au Canada, 25 enfants âgés de 10 à 14 ans sont décédés par suicide. Ce nombre représente 10 % de tous les décès pour ce groupe d’âge (Skinner & McFaull, 2012).
• Un enfant qui se jette sous les roues d’une voiture peut vouloir volontairement « disparaître » pour fuir une souffrance qui lui est insupportable. Un des signes avant-coureurs du suicide chez les enfants serait la tendance à parler constamment de la mort et à faire des allusions à leur propre mort (Cyrulnik, 2011).
L’amélioration de l’humeur signie que la crise suicidaire est terminée.
Les personnes qui se suicident peuvent avoir un regain d’énergie et une meilleure humeur avant leur mort. L’amélioration de l’humeur et du niveau d’énergie peut signier que cette personne a mis n à son ambivalence et a décidé de passer à l’acte (Laamme, 2007).
• Il est alors important que l’inrmière pose la question directement à la personne sur son intention de se suicider, par exemple : Vous m’avez dit vous sentir mieux aujourd’hui, que vous étiez comme libéré d’un grand poids. Certaines personnes emploient ces termes lorsqu’elles ont décidé de passer à l’acte. Pensez-vous au suicide présentement ?
Le suicide arrive seulement aux autres.
Le suicide peut frapper toutes les personnes, peu importe le système social et familial dans lequel elles vivent (OMS, 2006).
• Il est important de ne pas présumer qu’une personne ne se suicidera pas, car elle est riche, célèbre, bien entourée, etc. Si une personne fait part de ses idées suicidaires, c’est la perspective qu’elle a de sa propre situation qui compte. Cette personne vit une souffrance réelle et considère le suicide comme une issue ; ses propos doivent donc être pris au sérieux.
Interventions inrmières en situation de crise
Relation d’aide ENCADRÉ 28.4
Être empathique et encourageante avec la personne suicidaire et ses proches
L’inrmière adopte les attitudes suivantes :
• écouter ce que la personne a à dire ;
• accueillir la personne de façon chaleureuse et respectueuse ;
• observer et noter l’apparence physique, les comportements et les indices non verbaux ;
• être ouverte à écouter la personne et sa famille ;
• avoir recours à des questions ouvertes qui encouragent la personne à décrire sa perception de la situation ;
• accepter la personne et ses proches tels qu’ils sont ; • ne pas porter de jugements négatifs ; • encourager la personne à raconter son histoire ; • demander à la personne de donner des exemples concrets et détaillés pour clarier ses propos ;
• poser des questions précises lorsque le but est d’obtenir de l’information plus pointue ; • explorer et valider avec la personne et sa famille leur compréhension de la discussion.
Source : Adapté de Gottlieb & Carnaghan-Sherrard (2004).
associés au suicide, tels que dénis dans la quatrième section de ce chapitre.
Établir une relation de conance Plusieurs habiletés sont requises pour effectuer une évaluation inrmière initiale efcace auprès de la personne suicidaire et de sa famille. Le développement d’une relation de conance est nécessaire pour que la personne se sente à l’aise de partager des pensées et des sentiments intimes ENCADRÉ 28.4. Si l’inrmière soupçonne un risque de suicide, elle demande d’abord directement à la personne si celle-ci pense au suicide. Ensuite, elle pose des questions précises pour estimer la dangerosité du passage à l’acte. Elle pose ces questions en suivant le rythme de la personne, lui laissant le temps de rééchir, d’élaborer ses propos et d’exprimer ses émotions. L’inrmière est également consciente des droits de la personne. Par exemple, elle respecte le choix de la personne de ne pas répondre aux questions posées.
Déterminer le degré d’urgence L’évaluation initiale aide à déterminer la présence de facteurs associés au suicide. Le processus d’évaluation se poursuit en continu et tient compte de la présence et de la signication d’idées suicidaires ainsi que de la dangerosité du passage à l’acte, comme expliqué dans la quatrième section de ce chapitre TABLEAU 28.5 . Ces éléments combinés permettent de déterminer le risque de suicide de la personne (Laamme, 2007). L’inrmière garde en tête que la présence de certains facteurs de risque ne signie pas nécessairement que la personne est suicidaire au moment de la rencontre. Il faut observer un ensemble de facteurs dans un intervalle de temps
donné pour estimer avec plus de précision le risque de suicide de la personne ENCADRÉ 28.5. Elle évalue l’urgence suicidaire, c’est-à-dire la probabilité que la personne passe à l’acte dans les 48 prochaines heures, en tenant compte de la létalité et de l’accessibilité des moyens envisagés.
Évaluer et promouvoir les facteurs de protection La reconnaissance et la promotion des forces et des capacités de la personne représentent des interventions thérapeutiques clés (Gottlieb, 2013 ;
CE QU’IL FAUT RETENIR
Un des rôles importants de l’inrmière est d’évaluer l’urgence suicidaire, c’està-dire la probabilité que la personne passe à l’acte dans les 48 prochaines heures, en tenant compte de la létalité et de l’accessibilité des moyens envisagés.
Collecte des données ENCADRÉ 28.5
Analyse de la situation
Si l’une des réponses aux questions suivantes est positive, alors l’inrmière offre son soutien pour assurer la sécurité et le bien-être de la personne.
• Est-elle anxieuse ?
• La personne ne voit-elle aucune perspective d’avenir ? Dit-elle qu’il n’y a pas de solution à ses problèmes ? Est-elle préoccupée par le suicide ou la mort ?
• Est-elle isolée ? Est-elle dépourvue de ressources ou sa famille manque-t-elle de disponibilité ?
• A-t-elle fait une tentative de suicide récemment ? Ses tentatives de suicide sont-elles graves ou multiples ? Manifestet-elle de l’impulsivité ? • Les tentatives de suicide sont-elles de plus en plus fréquentes ou de plus en plus dangereuses ? • Fait-elle de l’insomnie accompagnée de pensées suicidaires ?
• Y a-t-il des antécédents de suicide chez un membre de sa famille ou chez un de ses proches ?
• A-t-elle des plans de suicide détaillés ? A-t-elle accès à des moyens létaux pour se suicider (p. ex., une arme à feu) ? • A-t-elle laissé une note ou s’est-elle débarrassée d’objets de valeur lui appartenant ? • Est-elle de plus en plus frustrée par sa thérapie, sa maladie ou ses problèmes ? Se sent-elle impuissante et incapable d’apprendre à s’adapter ?
28
Sources : Adapté de Bazinet et al. (2011) ; Laamme (2007) ; Lane et al. (2010).
Chapitre 28
Suicide
775
Park, Peterson & Brunwasser, 2009 ; Sadock et al., 2014). Auprès d’une personne suicidaire, ces interventions peuvent être particulièrement bénéfiques (Gros, Jarvis, Mulvogue et al., 2012). Lorsque les données cliniques révèlent un degré de souffrance ou de détresse élevé, l’inrmière, au lieu de minimiser la peine de la personne, l’écoute, reète sa compréhension et reconnaît la difculté de la situation (Gottlieb, 2013). En posant les questions suivantes, l’infirmière cherche à déterminer les forces de la personne suicidaire : • Que faites-vous pour tolérer votre peine ? • Parlez-moi d’une situation difcile que vous avez vécue dans le passé. Comment avez-vous fait pour passer au travers de cette situation ? Racontez-moi comment ça s’est passé. • Qu’est-ce qui vous a aidé le plus jusqu’à présent ? L’ENCADRÉ 28.6 présente des exemples de forces que l’inrmière peut chercher à reconnaître chez la personne et à lui reéter.
28.6.2 CE QU’IL FAUT RETENIR
Le plan de soins et de traitements inrmiers (PSTI) pour une personne suicidaire a comme but principal de lui redonner la maîtrise de sa vie en l’aidant à se xer un objectif et des étapes pour l’atteindre.
Analyse et interprétation des données
À partir des renseignements recueillis pendant la collecte des données, l’inrmière détermine les problèmes prioritaires qui orienteront le plus efcacement le plan de soins. Les problèmes prioritaires sont personnalisés et rattachés au comportement de la personne et à ses besoins. L’inrmière discute de son interprétation des données avec la personne pour l’aider à reconnaître ses propres symptômes et à suivre leur évolution ENCADRÉ 28.7. De cette façon, l’inrmière vise à promouvoir la capacité d’autoévaluation et d’autosoins de la personne.
28.6.3
Planication des soins
Au moment de la planication des soins, l’inrmière agit comme facilitatrice, c’est-à-dire qu’elle
ENCADRÉ 28.6
• La personne partage ses sentiments et ses émotions (avec l’inrmière ou d’autres intervenants ou personnes). Par exemple, la personne pleure, exprime sa colère, sa peine ou son désespoir. • La famille ou les proches sont présents dans la vie de la personne de façon directe ou indirecte. Sources : Adapté de Gottlieb (2013) ; OMS (2014). Partie 6
Établir les résultats escomptés La détermination des résultats escomptés avec la personne suicidaire est basée sur une évaluation approfondie et s’avère essentielle pour établir les interventions inrmières. L’inrmière travaille avec la personne suicidaire pour l’aider à xer un objectif. Si celui-ci est trop large, elle l’aide à cerner la première étape pour y arriver. Par exemple, l’inrmière peut demander : Qu’est-ce qui vous préoccupe le plus en ce moment ?, Que désirezvous en ce moment ?, Quel serait le plus petit changement qui pourrait arriver pour que vous restiez en vie ? (Bazinet et al., 2011 ; Gottlieb, Feeley & Dalton, 2005) TABLEAU 28.7.
Décider des soins À travers un processus d’exploration, de dialogue, de négociation et d’échange d’idées, l’inrmière aide la personne à établir un plan qui est pertinent pour elle. Ainsi, la personne assume un rôle central dans les décisions concernant les soins. Le plan de soins et de traitements inrmiers (PSTI) pour une personne suicidaire a comme principal objectif de lui redonner la maîtrise de sa vie. En l’aidant à mettre son attention sur les éléments positifs dans sa vie, la personne sent qu’elle peut reprendre le contrôle de son existence (Lane et al., 2010). Le PSTI doit donc inclure les résultats escomptés établis avec la personne suicidaire et préciser des moyens pour les atteindre. Ceux-ci doivent être liés aux facteurs de protection et orientés sur les forces de la personne. De cette façon, l’attention de la personne portera sur les aspects positifs de sa vie, élément essentiel du PSTI pour une personne suicidaire (Lane et al., 2010). Il arrive
Facteurs de protection : exemples de forces
• La personne ou la famille s’est présentée au centre hospitalier, à la clinique ou a appelé une ligne d’aide. Ils sont ouverts à obtenir du soutien.
776
ne décide pas ce que la personne doit faire, mais elle l’aide à formuler ses objectifs et à établir un projet de vie. Pour l’aider dans cette démarche, l’inrmière suit le rythme de la personne et collabore avec elle.
Interventions inrmières en situation de crise
• La personne démontre de l’intérêt dans des activités ou dans des sujets diversiés. • La personne forme des relations avec autrui ; elle offre et reçoit le soutien des autres. • La personne qui a une histoire de vie marquée par des pertes majeures ou des situations traumatisantes est un survivant, un expert avec de l’expérience. La personne devient une source d’inspiration qui possède un niveau de courage exceptionnel.
toutefois que la personne nie son intention suicidaire ou la nécessité de précautions additionnelles. Dans ce cas, l’inrmière recourt à son
jugement clinique dans la prise de décision et travaille étroitement avec l’équipe interdisciplinaire pour décider des interventions requises.
Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 28.7
Données pouvant faire l’objet d’un dialogue
ANTÉCÉDENTS DE TENTATIVES SUICIDAIRES
La personne peut percevoir le suicide comme un moyen d’affronter des sentiments douloureux. Toute personne ayant utilisé ce type d’adaptation par le passé est particulièrement susceptible d’y recourir de nouveau (APA, 2015 ; Lane et al., 2010). COMPORTEMENTS
Dans plusieurs cas de suicide, la personne présente un état d’agitation et d’anxiété élevé. Elle adopte, par exemple, des comportements excessifs et répétitifs comme faire les cent pas et se tordre constamment les mains, combinés à un trouble émotionnel tel qu’une tension émotive qui la rend irritable (Ribeiro, Bender, Selby et al., 2011 ; Valente, 2010). Chez d’autres personnes, cette agitation n’est pas présente. Aussi, l’inrmière surveille systématiquement le comportement suicidaire de chaque personne et observe les changements dans les comportements habituels de chacune. CONDITION MENTALE
Des perturbations cognitives suggèrent un éventuel syndrome cérébral organique ou un trouble dépressif caractérisé
susceptible de diminuer la maîtrise des impulsions et d’augmenter le potentiel d’autodestruction. La présence d’hallucinations auditives entraîne également une augmentation du risque d’action destructrice (Cavanagh et al., 2003). CONDITION PHYSIQUE
Le champ d’exercice de la profession inrmière inclut l’évaluation de la condition physique et mentale (Loi sur les inrmières et les inrmiers, RLRQ chapitre I-8), et ces deux domaines s’inuencent mutuellement. L’inrmière effectue un examen physique, même si la raison de l’hospitalisation est liée à la santé mentale. Par exemple, au cours de l’évaluation d’une personne suicidaire, il est pertinent de noter la présence de signes et de symptômes d’abus d’alcool ou d’autres drogues (p. ex., une baisse de l’attention, de l’irri tabilité, une euphorie, un trouble de l’élocution, une démarche instable, une rougeur du visage, une agitation psychomotrice, des traces de piqûres) et de tentatives de suicide antérieures (p. ex., des cicatrices aux poignets).
Source : Adapté de Gottlieb & Carnaghan-Sherrard (2004).
TABLEAU 28.7
Exemples de résultats escomptés établis en collaboration avec la personne suicidaire
EXEMPLES DE QUESTIONS À POSER
EXEMPLES DE RÉPONSES FICTIVES
EXEMPLES DE RÉSULTATS ESCOMPTÉS
Quelle est votre priorité en ce moment ?
Je veux me sentir moins mal.
Qu’est-ce que se sentir moins mal veut dire pour vous ?
Je ne sais pas… Aller un peu mieux.
Donnez-moi un exemple d’une situation dans le passé où vous vous sentiez moins mal.
Quand j’étais avec ma femme et ma lle dans notre chalet, dans les Laurentides.
En discutant avec la personne, l’inrmière établit les résultats escomptés. Ainsi, la personne pourrait être en mesure :
Que se passait-il alors ? Décrivez-moi un moment où ça allait moins mal.
Je ne sais pas. (La personne rééchit.)
• de reconnaître des raisons pour continuer à vivre ;
(Silence de l’inrmière.)
Une fois, on a fait une promenade dans le bois. Ma lle se cachait derrière les arbres en riant et je courais à sa rencontre. (La personne sourit.)
• de participer, avec ses proches, au traitement.
Vous vous êtes bien amusé à ce moment ! Qu’est-ce qui a fait que vous vous sentiez mieux à ce moment ?
• de reconnaître des moments positifs qu’elle a vécus ;
• d’améliorer l’estime de soi et le sentiment de compétence ;
Pour une fois, le fait de savoir que ma lle était heureuse d’être avec moi.
28
Sources : Allen & Warner (2002) ; Bazinet et al. (2011) ; Gottlieb et al. (2005).
Chapitre 28
Suicide
777
28.6.4
Exécution des interventions Soins et traitements inrmiers
L’inrmière peut agir à plusieurs niveaux pour contribuer à diminuer l’incidence des comportements suicidaires, à savoir la promotion, la prévention, les interventions, la réadaptation et la postvention (Laamme, 2007) SC 28.1.
Promouvoir la santé L’inrmière peut faire la promotion d’activités qui renforcent les facteurs de protection d’une personne comme adopter de saines habitudes de vie et encourager l’intégration sociale. Elle peut aussi intervenir pour diminuer la stigmatisation liée au suicide, par exemple en encourageant les personnes à rechercher l’aide dont elles ont besoin, en diffusant l’information des campagnes nationales de sensibilisation qui visent à combattre les préjugés liés aux troubles mentaux et au suicide de même qu’en participant à des activités communautaires d’éducation de la population qui remettent en question les mythes sur la santé mentale et le suicide (OMS, 2014).
Prévenir le suicide L’inrmière peut intervenir de diverses façons pour prévenir le suicide. Par exemple, elle peut dépister et évaluer les personnes vulnérables au suicide et mettre en place un suivi clinique avant la crise (Laamme, 2007). L’inrmière peut aider les personnes à reconnaître leurs forces, les informer de l’existence de services d’aide à la prévention du suicide et leur mentionner que la dépression et les problèmes de dépendance peuvent être traités (Laamme, 2007). En facilitant l’accès à divers services, l’inrmière contribue à créer un réseau de soutien autour de la personne, ce qui concourt à diminuer le risque de suicide (Lane et al., 2010).
L’OIIQ a établi plusieurs principes sur lesquels l’inrmière s’appuie au cours de ses interventions en prévention du suicide ENCADRÉ 28.8.
Intervenir auprès des personnes concernées | Intervenir auprès de la personne suicidaire et de ses proches | Les interventions inrmières débutent par l’établissement d’une relation de conance avec la personne suicidaire, mais aussi avec ses proches ENCADRÉ 28.9. Dès le premier contact, les interventions relationnelles telles qu’adopter une attitude accueillante et offrir des mots de bienvenue peuvent être bénéques (Gros, Wright, Mulvogue et al., 2011). La relation thérapeutique que l’inrmière établit avec la personne favorisera chez elle le sentiment d’être écoutée, acceptée et sécurisée. Les interventions permettant à la personne suicidaire de partager son histoire et de décrire en détail la situation vécue sont particulièrement importantes (Bryan & Rudd, 2011). Lorsque la personne suicidaire désire soulager une souffrance psychologique intolérable, l’inrmière peut faire diminuer la tension intérieure en posant des questions exploratoires (Potter & Perry, 2016). Il est important pour l’inrmière de ne pas seulement explorer la question du suicide, mais de s’intéresser également à la personne d’une façon globale. Par exemple, elle peut demander à la personne de détailler sa vie quotidienne et de parler d’expériences de vie qui sont importantes à ses yeux (Gros et al., 2011). Les interventions doivent avant tout miser sur les forces de la personne. Aussi, l’inrmière demeure à l’écoute et pose des questions liées aux capacités et à l’expertise de la personne, par exemple en l’interrogeant sur les activités et les expériences qui lui sont plus positives (Gros et al., 2011). L’inrmière peut alors reéter à la personne ces éléments positifs.
Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 28.8
Appliquer les principes sous-jacents à toute intervention inrmière en prévention du suicide
• Adopter une approche globale pour évaluer les per sonnes à risque de suicide et intervenir auprès d’elles et de leurs proches.
• Créer une alliance thérapeutique avec les personnes en crise et leurs proches (respect, écoute, empathie).
• Prendre conscience de ses préjugés, de ses croyances, de sa position en matière de respect de la vie, ainsi que de ses limites personnelles.
• Faire participer la famille et les proches selon leur dispo nibilité, au moment de l’évaluation et de l’intervention.
• Prendre au sérieux les appels à l’aide.
• Intervenir en concertation avec les membres de l’équipe interdisciplinaire.
• Se préoccuper d’autrui, faire preuve d’entraide et de solidarité.
• Baser sa pratique sur les résultats probants en matière de prévention du suicide.
Source : Laamme (2007).
778
Partie 6
• Faire preuve de jugement clinique.
Interventions inrmières en situation de crise
Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 28.9
Intervenir auprès des proches d’une personne suicidaire
• Déterminer dans quelle mesure le soutien social existant pourrait contribuer à la gestion générale du risque.
• Encourager le retrait de tout moyen létal dans l’entourage de la personne.
• Informer les proches qu’ils peuvent jouer un rôle important dans le rétablissement de la personne suicidaire, notamment en l’écoutant et en reconnaissant ses forces.
• Communiquer avec les services sociaux pour les besoins en matière de soutien professionnel ou nancier.
• Écouter activement les proches qui expriment leurs sentiments (p. ex., de la frustration, de l’impuissance ou de la culpabilité) et leur offrir du soutien.
• Recommander un service d’écoute téléphonique sur le suicide auquel la personne ou ses proches peuvent faire appel s’ils se sentent accablés ou si la personne se sent suicidaire.
• Informer les proches des signes à surveiller chez la personne à risque de suicide.
• Recommander, le cas échéant, des groupes de suivi ou de soutien.
Sources : Adapté de Laamme (2007) ; Perlman, Neufeld, Martin et al. (2011) ; Sun, Long, Huang et al. (2009).
Le jugement clinique de l’inrmière s’avère nécessaire pour déterminer les sujets qu’il est approprié d’explorer avec chaque personne selon le moment. L’inrmière adapte ainsi le ton, le rythme et le contenu des conversations en suivant les indices verbaux et comportementaux de la personne. Par exemple, une personne qui est en crise aiguë avec une dangerosité élevée du passage à l’acte peut être ouverte à exprimer sa souffrance, mais non à parler de ses forces ou de ses activités quotidiennes préférées. Pour la personne qui n’est pas en mesure de parler, la simple présence de l’infirmière peut être réconfortante (Potter & Perry, 2016).
| Intervenir en milieu hospitalier | Au moment d’une admission au centre hospitalier, la personne suicidaire et sa famille se retrouvent dans un nouveau milieu qui leur est inconnu. L’inrmière étant engagée dans les soins jour et nuit, la démarche de soins est mise en pratique de façon continuelle. En tout temps, à toute heure et dans diverses situations, l’inrmière observe, écoute, évalue et intervient. Elle se trouve dans une position idéale pour établir une relation d’aide distincte et signicative. Poursuivre la relation thérapeutique Dans l’approche classique, les soins offerts aux personnes hospitalisées à risque de suicide se réduisaient à une surveillance étroite et à la limitation de l’accès aux moyens de passer à l’acte (Cutcliffe & Stevenson, 2008 ; Stewart, Bilgin & Bowers, 2010). Cependant, la relation thérapeutique entre le client et les professionnels de la santé est de première importance et doit demeurer au centre des interventions avec la personne suicidaire (Laamme, 2007). En fait, cette relation peut aider à augmenter l’estime de soi et le sentiment d’espoir et, éventuellement, contribuer à surmonter les idées suicidaires (Lakeman & FitzGerald, 2008). Ainsi, l’inrmière joue un rôle
central pour assurer la sécurité et l’intégrité physique de la personne suicidaire, tout en contribuant activement à son rétablissement. Poursuivre la relation d’aide collaborative, centrée sur les forces de la personne et établie dès l’évaluation initiale, est essentiel (Gottlieb, 2013 ; Gottlieb et al., 2005 ; Potter & Perry, 2016). L’in rmière travaille en étroit partenariat avec le client et sa famille. Ensemble, ils participent activement à un processus d’échange, de découverte, d’apprentissage et de développement (Gros & Young, 2007). L’inrmière cherche à engager la personne suicidaire et sa famille dans une démarche clinique d’exploration, de réexion, de prise de décisions et d’évaluation. Pour ce faire, elle reconnaît, apprécie et appuie les forces, les qualités et les aspects positifs du client et de ses proches. L’inrmière a conance en leur capacité de connaître leurs besoins personnels et d’établir leurs propres priorités. Elle considère que la personne possède, en elle-même, le potentiel pour résoudre les problèmes et surmonter les dés. L’inrmière accompagne et soutient le client dans les périodes de détresse, d’angoisse, de dépression et autres. Elle reste disponible pour la personne et ses proches en prévision des nouveaux dés qui se présenteront (Gottlieb et al., 2005). Assurer la sécurité physique L’inrmière qui travaille en milieu hospitalier avec des personnes suicidaires contribue à assurer leur sécurité et leur intégrité physiques. L’ampleur de la surveillance de la personne dépend du degré de risque évalué. Pendant cette surveillance, la personne doit se sentir accompagnée et soutenue, mais non observée, pour l’empêcher de passer à l’acte ENCADRÉ 28.10. Réalisées en collaboration, les mesures prises peuvent être sécurisantes au cours de la crise suicidaire (Stewart et al., 2010). Cependant, les restrictions
ALERTE CLINIQUE
Les risques de décès par suicide peuvent augmenter durant l’hospitalisation, particulièrement au début de celle-ci, à l’occasion des congés temporaires ou au moment du congé dénitif (Bowers, Banda & Nijman, 2010 ; Laamme, 2007). En fait, toute personne qui quitte une structure encadrante a un risque plus élevé de suicide (Lane et al., 2010). L’évaluation de la réaction de la personne au plan de soins et de traitements est donc déterminante. Chapitre 28
Suicide
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28
ENCADRÉ 28.10
Contrat de non-suicide : une intervention à éviter
Le recours à une entente verbale ou écrite de non-suicide entre l’inrmière et la personne suicidaire était commun autrefois (p. ex., Promets-moi que tu n’essayeras pas de te faire du mal d’ici demain matin). Aucune évidence scientique ne prouve l’efcacité clinique d’une telle entente, et elle pourrait entraîner des conséquences indésirables tant pour les clients que l’inrmière (Drew, 2001 ; Edwards & Sachmann, 2010 ; Farrow, 2009 ; McMyler & Pryjmachuk, 2008 ; Puskar & Urda, 2011). Par exemple, elle peut entraîner un faux sentiment de sécurité pour l’inrmière et une impression de coercition pour la personne suicidaire. L’établissement d’une relation de conance reste la clé pour prévenir le suicide.
23 Le rôle de l’inrmière agente de liaison est précisé dans le chapitre 23, Soins inrmiers et suivis dans la communauté.
CONSEIL CLINIQUE
L’inrmière établit ses limites personnelles, demande de l’aide ou oriente la personne vers une autre ressource lorsqu’elle sent que la situation dépasse ses compétences. En se donnant le droit à l’erreur, en s’accordant des moments pour « ventiler » et en s’investissant dans des activités autres que le travail, l’inrmière peut parvenir à un équilibre dans sa vie professionnelle et personnelle (Bazinet et al., 2011).
L’approche axée sur la personne et sa famille est présentée dans le manuel Paquette-Desjardins, D., Sauvé, J., & Pugnaire Gros, C. (2015). Modèle McGill – Une approche collaborative en soins inrmiers. Montréal : Chenelière Éducation.
780
Partie 6
personnelles très importantes associées à la surveillance étroite sont souvent difciles à accepter par le client (Stewart et al., 2010). Il s’avère donc essentiel d’établir une relation de conance pour que la personne se sente respectée. L’inrmière peut inviter celle-ci à collaborer aux procédures nécessaires pour assurer sa sécurité. Elle peut lui poser plusieurs questions : • Que peut-on faire ensemble pour maintenir un environnement sécuritaire pour vous ? • Quels objets sont potentiellement dangereux parmi vos effets personnels ? • Quels objets dans votre environnement pourraient poser des risques ? • Quels objets doit-on mettre de côté en ce moment ? En intervenant de cette façon, l’infirmière démontre que la responsabilité ultime pour la santé et la sécurité de la personne est entre les mains de celle-ci. Cette notion de responsabilité personnelle constitue un facteur clé dans la prévention du suicide (Bryan & Rudd, 2011). Les approches favorisant l’apprentissage, le contrôle et l’autonomie de la personne sont pertinentes même au cours de situations de crises suicidaires aiguës (Bryan & Rudd, 2011). En engageant la personne suicidaire dans la prise de décisions concernant sa propre vie, l’inrmière lui apprend à gérer sa santé au quotidien ; le client sera ainsi mieux outillé pour affronter les situations difciles à l’avenir.
Favoriser la réadaptation En cas de suivi de la personne suicidaire en consultation externe ou au moment du congé du centre hospitalier, l’inrmière s’assure que celle-ci recevra un suivi adapté à sa situation. Une personne qui a fait une tentative de suicide est une centaine de fois plus à risque de mourir par
Interventions inrmières en situation de crise
suicide qu’une personne dans la population générale (Tarrier, Gooding, Pratt et al., 2013). L’inrmière doit faire attention à la postrémission, car, souvent, la personne qui va faire une deuxième tentative de suicide le fait à ce moment (APA, 2015). Un let de sécurité doit donc être établi autour de la personne qui a fait une tentative de suicide, incluant ses proches et des partenaires de soins pour prévenir une éventuelle crise (Laamme, 2007). Par exemple, le recours aux services de crise ou au suivi à domicile peut être envisagé en cas de congé précoce du centre hospitalier (Fournier, Roberge & Brouillet, 2012) ou comme solution de rechange à l’hospitalisation (Perlman et al., 2011). L’inrmière agente de liaison peut notamment assurer le lien entre les divers services, la personne suicidaire et ses proches 23 . Pour un client qui quitte l’urgence du centre hospitalier à la suite d’une tentative de suicide, le simple fait d’avoir un rendez-vous de suivi avec un professionnel de la santé est lié à une réduction notable du risque de récidive (Kapur, Cooper, Hiroeh et al., 2004).
Assurer la postvention La postvention concerne les mesures devant être prises à la suite d’un suicide pour contribuer au traitement et au rétablissement des personnes affectées par ce décès. En général, les interventions de postvention visent deux groupes de personnes : les proches ayant un lien d’attachement avec la personne qui s’est suicidée (p. ex., le conjoint, les parents, les enfants, les amis, la fratrie) et les membres de l’entourage de la personne décédée par suicide qui n’ont pas ce lien d’attachement (Centre de recherche et d’intervention sur le suicide et l’euthanasie [CRISE], 2008). Il est estimé que, pour chaque suicide, six personnes sont fortement affectées (OMS, 2001). Les interventions doivent être adaptées à chaque groupe de personnes. Par exemple, il est important pour l’inrmière d’accueillir et de soutenir les personnes endeuillées par le suicide d’un proche. Ces personnes peuvent éprouver beaucoup de souffrance et de culpabilité, et elles présentent un risque plus élevé de suicide. L’inrmière peut les écouter activement et les diriger vers des ressources pertinentes comme des groupes de soutien (Sadock et al., 2014). Si le suicide touche un élève ou un enseignant, l’inrmière qui travaille en milieu scolaire peut mettre en place des activités de postvention telles que fournir de l’information et du soutien à l’entourage de la personne qui s’est suicidée et repérer les personnes vulnérables nécessitant un suivi plus étroit (Sadock et al., 2014). Les adolescents ayant un ami qui s’est suicidé sont plus à risque de présenter des symptômes de dépression et d’avoir des idées suicidaires. Ils sont également plus à risque de commettre un acte suicidaire, particulièrement
dans l’année suivant le décès de leur ami (Feigelman & Gorman, 2008). L’inrmière peut jouer un rôle central dans la détection de ces personnes à risque et les orienter vers des ressources appropriées.
Soins et traitements en interdisciplinarité L’inrmière joue un rôle central au sein de l’équipe interdisciplinaire. Elle travaille en complémentarité avec les autres professionnels en favorisant une approche axée sur la personne et sa famille, la promotion de la santé et le rétablissement. En raison de l’accompagnement qu’offre l’inrmière aux personnes suicidaires et à leurs proches, elle est dans une position idéale pour rassembler l’information pertinente pour les autres membres de l’équipe. Ainsi, elle inuence la qualité des soins de façon importante en portant la perspective de la personne et de ses proches à l’attention de ses collègues TABLEAU 28.8. Une communication étroite entre les membres de l’équipe a un impact important sur la sécurité et la qualité des soins (Zwarenstein, Goldman & Reeves, 2009). La personne et ses proches doivent être avisés que l’information transmise à l’inrmière peut être communiquée à l’équipe interdisciplinaire. Si un motif raisonnable laisse croire
qu’un danger imminent de mort ou de blessures graves menace une personne, l’inrmière a l’obligation de communiquer ce renseignement aux gens susceptibles de lui porter secours (Code des professions, c. C-26). Par exemple, si une personne cone à l’inrmière qu’elle a un plan de suicide et qu’elle lui demande de garder cette information secrète, l’inrmière l’avise qu’elle doit communiquer cette information à d’autres professionnels pour assurer sa sécurité. Enn, l’équipe interdisciplinaire permet à l’inrmière d’être soutenue et d’échanger avec les professionnels de la santé en vue du rétablissement de la personne suicidaire.
Psychopharmacothérapie Les interventions pharmacologiques peuvent faire partie du traitement de la personne suicidaire, particulièrement en cas d’hospitalisation. Selon le diagnostic médical, des antidépresseurs, des anxiolytiques ou des antipsychotiques peuvent être prescrits 21 .
Psychothérapies Diverses interventions psychothérapeutiques peuvent être effectuées en collaboration avec d’autres professionnels, notamment les thérapies cognitivo-comportementales, l’entretien motivationnel et l’approche orientée sur les solutions. Cependant, l’inrmière ne peut entreprendre une
21 Les indications et les effets indésirables des diverses classes de médicaments psychotropes sont précisés dans le chapitre 21, Psycho pharmacothérapie et autres thérapies biologiques.
Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 28.8
Interagir avec l’équipe interdisciplinaire
DESCRIPTION DU RÔLE
EXEMPLE D’INTERVENTION
Assurer la coordination et la mise en place des ressources appropriées.
La personne a une histoire d’abus de drogues et d’alcool. L’inrmière évalue qu’elle est prête pour un changement et ouverte à recevoir de l’aide. L’inr mière communique cette information à l’équipe, et une consultation avec un intervenant en toxicomanie est offerte à la personne.
S’assurer que la personne possède l’information nécessaire pour prendre ses propres décisions.
La personne a plusieurs questions au sujet du dosage de sa médication, des effets indésirables et des interactions médicamenteuses possibles. L’inrmière travaille en étroite collaboration avec le psychiatre et le pharmacien pour s’as surer que ses questions obtiennent des réponses et que les renseignements fournis soient complets et compris.
Communiquer de l’information liée à l’évolution de l’état de santé physique et mentale de la personne.
La personne est de plus en plus engagée dans les conversations avec le personnel. Elle a commencé à articuler ses objectifs et sourit en parlant de sa famille. Son sommeil est de moins en moins perturbé ; au cours des trois dernières nuits, elle n’a pas demandé de médication p.r.n. pour l’aider à dormir. L’inrmière communique ces résultats positifs aux membres de l’équipe.
Communiquer de l’information en lien avec les forces de la personne.
La personne rétablit les liens avec ses proches et est motivée à aller mieux. Son conjoint est très présent et lui offre du soutien. L’infirmière évalue leurs besoins et les oriente vers d’autres professionnels de la santé, si nécessaire.
28
Source : Adapté de Long, Kneafsey, Ryan et al. (2002).
Chapitre 28
Suicide
781
20 Le rôle de l’inrmière en regard des thérapies est précisé dans le chapitre 20, Modèles et stratégies thérapeutiques.
ALERTE CLINIQUE
Une amélioration soudaine de l’affect ou un rehaussement considérable de l’humeur dépressive peuvent indiquer que la personne a pris sa décision de se suicider et qu’elle n’est plus incertaine ni ambivalente. L’énergie accrue et la capacité à se concentrer et à planier l’acte suicidaire facilitent le passage à l’acte. L’inrmière reste alerte et communique ses observations à la personne (Laamme, 2007).
psychothérapie avec un client si elle n’a pas un permis lui permettant d’exercer cette activité (Code des professions, c. C-26). Elle peut effectuer des interventions basées sur certains principes de psychothérapie dans les limites de ce que la loi prévoit 20 .
28.6.5
événement positif qu’elle a vécu ce jour-là. Si cet objectif est trop difcile à atteindre, le délai pourrait être modié pour trouver un événement positif par semaine. L’inrmière s’adapte ainsi au rythme de la personne et n’hésite pas à modier le PSTI initial selon l’évolution de la situation (Gottlieb et al., 2005 ; Potter & Perry, 2016) FIGURE 28.2.
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution
Une évaluation continue doit être effectuée, prenant en compte la pertinence des interventions en fonction des réactions de la personne. L’absence de résultats escomptés à la suite des interventions planiées peut signier un besoin de les modier, de mettre d’autres modalités de traitement en application ou de reconsidérer les délais prévus pour l’obtention des résultats. Par exemple, auprès d’un client dont l’objectif est de cesser de souffrir, il serait pertinent de xer un but plus concret qui constituerait un premier pas pour atteindre cet objectif. Ainsi, il pourrait être entendu avec la personne qu’elle déterminera quotidiennement un
FIGURE 28.2 L’inrmière reste à l’écoute de la personne et de ses proches durant la démarche de soins.
Situation clinique SC
28.1
Trouble dépressif caractérisé, épisode récurrent et urgence suicidaire
Élise Turgeon, âgée de 16 ans, consulte l’inrmière de la clinique externe de psychiatrie pour un suivi de routine. Au cours des dernières années, la jeune lle a souvent songé à mourir. Elle déclare avoir pris des surdoses d’analgésiques et d’antibiotiques à trois reprises dans les sept derniers mois, mais n’en a jamais parlé à personne. Elle afrme avoir tenté de se suicider pour la première fois à l’âge de 11 ans en se tailladant les poignets avec une lame de rasoir. Au cours de la dernière année, elle s’est entaillé les poignets à cinq ou six reprises. Élise se plaint de ne pouvoir améliorer sa relation avec sa mère, qui ne la comprend pas. Elle a souvent l’impression que sa mère la rejette. Elle affirme obtenir de mauvais résultats scolaires, se sentir irritable, avoir peu d’appétit, souffrir d’insomnie, avoir des pensées morbides et une faible estime de soi. Elle a mentionné des antécédents de sévices sexuels perpétrés par le copain de sa gardienne lorsqu’elle avait neuf ans.
Élise annonce à l’infirmière en consultation externe de psychiatrie : « J’en ai assez. Rien ne change à la maison. Ma mère me déteste et me rejette. Mon beau-père est la seule personne qu’elle aime à part elle-même. Je hais la personne que je suis. J’ai conservé la plupart des comprimés donnés par mon médecin lorsque je me suis blessée à la jambe. » En riant, elle ajoute : « Je crois que ça suffit largement pour supprimer toute souffrance cette fois-ci. » Interrogée de manière à approfondir la question, Élise partage qu’elle prévoit mettre n à ses jours. Elle déclare qu’elle ne sait pas exactement quand elle attentera à sa vie, mais afrme : « Je n’attendrai plus très longtemps. » Pour lui assurer une sécurité immédiate, l’inrmière l’accompagne à l’urgence du centre hospitalier psychiatrique.
À la suite de son évaluation, l’inrmière formule les constats suivants et élabore un plan de soins avec Élise et ses proches.
782
Partie 6
Interventions inrmières en situation de crise
SC 28.1
Trouble dépressif caractérisé, épisode récurrent et urgence suicidaire (suite)
PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Dangerosité du passage à l’acte élevée liée à une humeur gravement dépressive, à des tensions familiales, à une faible estime de soi et à des antécédents de tentatives de suicide, et manifestée par la verbalisation de l’intention de mourir et l’énoncé d’un plan de suicide
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES
• Diminution de l’idée autodestructrice (suicide, automutilation)
• Accompagner la cliente pour assurer sa sécurité.
• Augmentation du sentiment de sécurité de la cliente
• Aider la cliente à développer des stratégies de gestion de l’humeur (dépression, colère) et de maîtrise des impulsions.
• Autolimitation du comportement violent • Autogestion des pensées perturbées • Augmentation de l’estime de soi
• Déterminer avec la cliente quel serait le plus petit changement qui pourrait se produire pour qu’elle reste en vie. • Encourager la participation au groupe de soutien et au groupe thérapeutique. • Favoriser la participation de la cliente à des activités qui visent l’amélioration de l’estime de soi. • Proposer une thérapie familiale.
PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Stratégies d’adaptation limitées liées à des schémas de pensée négatifs, à une perturbation de l’identité personnelle, à de multiples stresseurs et à un réseau de soutien inefcace comme en témoignent les comportements autodestructeurs, la colère mal dirigée et l’isolement social
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES
• Utilisation de stratégies d’adaptation constructives
• Offrir du soutien émotionnel.
• Diminution des idées autodestructrices (suicide, automutilation)
• Aider à mettre en place des stratégies d’adaptation de rechange à l’autodestruction.
• Diminution du degré de stress
• Enseigner des techniques de gestion de la colère et de diminution de l’anxiété.
• Habiletés d’interactions sociales accrues
• Encourager la participation de la cliente à un groupe de soutien et la poursuite de la thérapie déjà en cours.
• Mise en place d’un réseau de soutien social
• Proposer des ressources pour pallier le réseau de soutien décient. PROBLÈME DÉCOULANT DE LA SITUATION DE SANTÉ
Dynamique familiale perturbée liée à des difcultés de communication et des tensions entre la mère, la lle et le beau-père
RÉSULTATS ESCOMPTÉS
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES
• Meilleure communication au sein de la famille
• Offrir du soutien à la mère.
• Participation constructive de la mère durant l’hospitalisation de la cliente
• Évaluer le réseau de soutien familial et proposer des ressources au besoin.
• Habiletés parentales accrues
• Favoriser progressivement la participation de la mère aux soins avec l’assentiment de la cliente (cibler des objectifs et soutenir la prise de décision).
• Sentiment de sécurité et d’appartenance accru de la cliente à l’égard de sa famille
• Explorer la perception des rôles familiaux et en discuter avec la jeune lle et ses proches.
28
Chapitre 28
Suicide
783
SCHÉMA INTÉGRATEUR À partir des données consignées au dossier de la cliente, l’inrmière met en œuvre un plan de soins dont un exemple est illustré par la FIGURE 28.3.
Problème de santé : Trouble dépressif caractérisé, épisode récurrent et urgence suicidaire
Trouble dépressif caractérisé, épisode récurrent
Neurotransmission perturbée
Hospitalisation de la cliente pour sa sécurité
Pensées suicidaires et élabo ration d’un plan de suicide
Actes suicidaires antérieurs, automutilations
Relations familiales conictuelles
Dangerosité du passage à l’acte suicidaire élevée
Stratégies d’adaptation limitées
Dynamique familiale perturbée
La cliente accepte de demander de l’aide en cas d’idées suicidaires.
La cliente reconnaît certains aspects positifs dans sa vie et espère un changement positif dans l’avenir.
La communication familiale est de meilleure qualité.
Fournir un environnement sécuritaire et structuré (retirer les objets dangereux et les autres dangers) ; exercer une surveillance étroite en collaboration avec la cliente.
Aider la cliente à cerner les problèmes ; mettre l’accent sur les forces ; insufer de l’espoir ; soutenir la mise en place de stratégies d’adaptation ; encourager la cliente à participer à des séances de groupe sur les stratégies d’adaptation.
Favoriser les séances familiales ; enseigner et renforcer les habiletés d’écoute et de communication ; aider la famille à cerner les problèmes ; évaluer le réseau de soutien familial élargi et le réseau social ; proposer des ressources de soutien.
Constat médical
Facteurs de risque
Problèmes découlant de la situation de santé
Résultats escomptés
Physiopathologie
Manifestations cliniques
Interventions interdisciplinaires
Interventions inrmières
FIGURE 28.3
784
Multiples tentatives de suicide ; antécédents d’automutilation ; pensées suicidaires ; pensées morbides ; plan de suicide
Partie 6
Plan de soins et de traitements inrmiers d’Élise Turgeon
Interventions inrmières en situation de crise
Analyse d’une situation de santé Ralph Constantin est un adolescent âgé de 16 ans qui termine sa cinquième secondaire. Il n’a jamais parlé ouvertement de son homosexualité par crainte de subir encore plus d’intimidation à l’école de la part des autres élèves. Ses parents ne sont d’ailleurs pas au courant des difcultés qu’il vit en raison de cela. Ralph a subi de plus en plus de railleries et a même été victime de harcèlement pouvant s’accompagner de coups. Il encaissait le tout sans rien dire
Jugement clinique croyant que ce n’était que passager. Se sentant de plus en plus malheureux, il a tenté de se suicider par lacération au poignet gauche. En revenant de travailler, son père l’a trouvé dans le bain, presque inconscient, et a immédiatement appelé les services d’urgence. Ralph a été conduit à l’urgence du centre hospitalier et l’hémorragie a été arrêtée. L’adolescent est maintenant hospitalisé, et vous le rencontrez alors qu’il vient d’arriver à l’unité de psychiatrie.
Mise en œuvre de la démarche de soins
Collecte des données – Évaluation initiale – Analyse et interprétation 1. D’après les quelques données de la mise en contexte, quels sentiments éprouvés par Ralph auraient pu le conduire à sa tentative de suicide ? Justiez votre réponse.
SOLUTIONNAIRE
2. Quel facteur sociologique pourrait expliquer en partie l’acte que Ralph a posé pour mettre n à sa souffrance ? 3. Dans la situation de Ralph, quelle donnée constitue un facteur contribuant à l’acte suicidaire ? 4. Y a-t-il eu un facteur précipitant de l’acte suicidaire chez Ralph ? Justiez votre réponse. 5. Dans la situation de Ralph, y a-t-il des facteurs de protection au suicide ? Justiez votre réponse.
Au cours de votre rencontre avec Ralph, celui-ci vous dit d’une voix basse en regardant le sol : « Je suis nul. Je ne vaux rien. J’veux pas vivre la méchanceté des gens toute ma vie. » Lorsque vous lui
demandez s’il a l’intention de tenter de se suicider à nouveau, il vous répond que ce n’est qu’une question de temps.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
6. Quelles questions devriez-vous poser à Ralph pour estimer le degré de dangerosité de passage à l’acte et son imminence ? 7. Trouvez deux questions à poser pour évaluer la condition mentale actuelle de Ralph. 8. Que faut-il demander à Ralph pour évaluer son degré d’ambivalence face au suicide et sa capacité d’envisager un avenir meilleur ? 9. Ralph est-il à risque d’attenter à sa vie une seconde fois ? Justiez votre réponse.
écemment vu dans ce chapitre Vous constatez que Ralph présente un risque élevé de passage à l’acte. Le psychiatre a prescrit une surveillance toutes les 30 minutes. Pouvez-vous modier la surveillance prescrite ? Justiez votre réponse.
28
Chapitre 28
Suicide
785
Extrait des notes d’évolution
2016-05-29 18:00 Conduit à l’urgence par son père. D’après ce dernier, Ralph aurait tenté de se suicider en se coupant les veines au poignet gauche. Son père l’a retrouvé dans le bain presque inconscient.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
10. Voici un extrait du plan thérapeutique inrmier de Ralph. Vous avez déjà inscrit un premier problème prioritaire. D’après l’analyse des données, quel nouveau problème prioritaire devrait être ajouté dans la section des constats de l’évaluation ? Inscrivez votre réponse vis-à-vis le numéro 2. Extrait CONSTATS DE L’ÉVALUATION Date
Heure
N°
2016-05-29 18:00
1
2016-05-29 19:00
2
Problème ou besoin prioritaire
Initiales
Tentative de suicide par lacération au poignet gauche
Signature de l’inrmière
Initiales
Programme / Service
RÉSOLU / SATISFAIT Professionnels / Date Heure Initiales Services concernés
Vos initiales
Signature de l’inrmière
Initiales
Programme / Service
Vos initiales Unité de psychiatrie
Votre signature
Planication des interventions – Décisions inrmières 11. Quels devraient être les objectifs poursuivis par vos interventions concernant le premier problème apparaissant au plan thérapeutique inrmier de Ralph ? 12. Selon la réponse à la question 10 (voir le solutionnaire), émettez une directive applicable par l’inrmière pour le problème prioritaire déterminé. Extrait CONSTATS DE L’ÉVALUATION Date
écemment vu dans ce chapitre Vous rencontrez les parents de Ralph pour leur expliquer les signes avant-coureurs du suicide. Nommez au moins quatre signes que vous devriez leur expliquer.
Heure
N°
2016-05-29 18:00
1
2016-05-29 19:00
2
Problème ou besoin prioritaire
Initiales
Tentative de suicide par lacération au poignet gauche
RÉSOLU / SATISFAIT Professionnels / Date Heure Initiales Services concernés
Vos initiales
SUIVI CLINIQUE Date
Heure
N°
2016-05-29
19:00
2
Signature de l’inrmière
Votre signature
Directive inrmière
Initiales
Programme / Service
Initiales
Signature de l’inrmière
13. Est-ce une intervention acceptable ? Justiez votre réponse.
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution 14. Que devriez-vous vérier avant de quitter Ralph ? 15. Pourquoi devriez-vous également vérier les changements de l’affect de Ralph ?
Interventions inrmières en situation de crise
Programme / Service
à participer aux activités dans la mesure de ses capacités.
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
Partie 6
Initiales
Vos initiales Unité de psychiatrie
Vous demandez à Ralph de rester dans l’aire commune de l’unité en présence de ses pairs et d’un membre du personnel et vous l’encouragez
786
CESSÉE / RÉALISÉE Date Heure Initiales
APPLICATION DE LA PENSÉE CRITIQUE Dans l’application de la démarche de soins auprès de Ralph, l’inrmière a recours à un ensemble d’éléments (connaissances, expériences antérieures, normes institutionnelles ou protocoles, attitudes professionnelles) pour analyser la situation de santé du client et en comprendre les
enjeux. La FIGURE 28.4 illustre le processus de pensée critique suivi par l’inrmière an de formuler son jugement clinique. Elle résume les principaux éléments sur lesquels l’inrmière s’appuie en fonction des données de ce client, mais elle n’est pas exhaustive.
VERS UN JUGEMENT CLINIQUE EXPÉRIENCES
CONNAISSANCES • Personnes vulnérables au suicide • Facteurs à considérer dans l’évaluation de la personne suicidaire • Caractéristiques du processus suicidaire • Signes avant-coureurs du suicide • Caractéristiques de la dangerosité du passage à l’acte, qui incluent l’urgence suicidaire et les facteurs associés au suicide • Estimation de la dangerosité du passage à l’acte • Approches pour aider la personne suicidaire, notamment la promotion des facteurs de protection qui deviennent des leviers d’intervention
NORMES
• Expérience en relation d’aide • Expérience de travail auprès de personnes ayant un trouble dépressif • Expérience avec des personnes suicidaires • Expérience auprès d’adolescents en difculté • Connaissances, dans son entourage, ayant commis un acte suicidaire • Expérience de travail en équipe interdisciplinaire • Expérience personnelle de tentative de suicide ou de pensées suicidaires
• Protocole local pour la prévention et la gestion du suicide • Activité réservée à l’inrmière d’après l’article 36 de la Loi sur les inrmières et les inrmiers (évaluer la condition physique et mentale d’une personne symptomatique) • Gardes préventive, provisoire et autorisée en établissement
ATTITUDES • Être accueillante pour établir un climat de conance avec Ralph • Ne pas juger l’acte posé par le client • Être empathique face à la souffrance psychologique de l’adolescent et aux sentiments qu’il éprouve • Démontrer de l’ouverture et de la disponibilité pour l’écouter • Être vigilante à détecter les signes avant-coureurs de suicide
PENSÉE CRITIQUE
ÉVALUATION • • • • • • • • • • • • • • • • • •
Facteurs psychologiques et sociologiques qui ont pu inciter Ralph à tenter de se suicider Condition physique en lien avec le moyen pris au moment de sa tentative Éléments déclencheurs du passage à l’acte Degré d’estime de soi Sentiments actuels de l’adolescent Affect Degré de dangerosité du passage à l’acte Facteurs de protection Intentions immédiates Planication de l’acte Façon dont Ralph aimerait que sa sécurité soit assurée Solutions autres que le suicide envisagées pour mettre n à ses souffrances Réseau social Attitude des proches de Ralph Connaissances des proches de Ralph sur les signes avant-coureurs du suicide Connaissances des proches de Ralph sur les centres d’intervention sur le suicide Perspective des proches concernant les forces de Ralph Perspective de Ralph concernant les forces de ses proches
28
JUGEMENT CLINIQUE FIGURE 28.4
Application de la pensée critique à la situation clinique de Ralph Constantin Chapitre 28
Suicide
787
Chapitre
29
Violence Écrit par : Ann Wolbert Burgess, DNSc, APRN, BC, FAAN Dona Petrozzi, RN, MSN Adapté par : Jacinthe Dion, Ph. D. (Psychologie) Lyne Bouchard, inf., M. Sc Hélène Brochu, inf., B. Sc Francine Pilote, inf., B. Sc., DESS Mis à jour par : Jean-Pierre Bonin, inf., Ph. D. (Santé publique)
MOTS CLÉS
OBJECTIFS
Agressivité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 818 Approche Oméga . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 820 Facteurs de risque . . . . . . . . . . . . . . . . . . 796 Modèle écologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 791 Négligence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 798 Troubles mentaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 817 Violence familiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 795 Violence interpersonnelle. . . . . . . . . . . . 790 Violence sexuelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 811
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez être en mesure : • d’expliquer la problématique et les répercussions psychologiques de la violence chez certaines clientèles au Québec ; • d’expliquer le rôle de l’infirmière à l’égard des problèmes générés par la violence ; • d’effectuer du dépistage de première ligne auprès d’une personne présumée victime de violence ; • de discuter des facteurs qui empêchent une personne victime de violence de quitter une situation de violence ; • d’appliquer la démarche de soins aux victimes de violence ; • d’intervenir auprès d’une personne qui présente un risque de comportement violent.
Disponible sur • • • • •
Activités interactives À retenir Carte conceptuelle Dossier vidéo Ressources
Guide d’études – RE16
788
Partie 6
Interventions inrmières en situation de crise
• • • • •
Solutionnaire de l’Analyse d’une situation de santé Solutionnaire des questions de Jugement clinique Solutionnaire des questions Réactivation des connaissances Solutionnaire des questions Récemment vu dans ce chapitre Solutionnaires du Guide d’études
Concepts clés
Cette carte conceptuelle illustre schématiquement les principaux concepts décrits dans le présent chapitre. Sa lecture vous permettra d’avoir une vue d’ensemble des notions qui y sont présentées.
dont
dont
dont
dont
facteurs de risque
Violence
et
comprend
inclut
inclut
facteurs de risque
29 Chapitre 29
Violence
789
PORTRAIT
Nancy Deschamps Nancy Deschamps, âgée de 21 ans, étudie à l’université. Après trois heures d’études à la bibliothèque, deux étudiants l’ont invitée, avec sa colocataire, à jouer aux cartes. Le jeu consistait à faire boire un verre de bière au perdant. En quelques heures, les quatre étudiants se sont retrouvés ivres, et les jeunes femmes ont manqué leur autobus pour retourner chez elles. Les jeunes hommes leur ont offert leur lit tandis qu’eux dormiraient sur le sofa. Madame Deschamps s’est endormie immédiatement, mais elle a été réveillée par l’un des jeunes hommes qui la déshabillait et la forçait à avoir un rapport sexuel, malgré ses protestations. Le lendemain matin, les jeunes femmes sont retournées chez elles, et elles ont assisté à leurs cours, comme à l’habitude. Depuis, madame Deschamps éprouve de plus en plus d’anxiété et de détresse. Elle ne cesse de penser à l’agression sexuelle dont elle a été victime. Elle est incapable de se concentrer en classe, de réaliser ses travaux scolaires, de continuer à travailler à temps partiel et de participer aux activités sociales.
29.1
CE QU’IL FAUT RETENIR
Il appartient à l’inrmière de reconnaître le client à risque de commettre des gestes violents, de mesurer les risques de la situation, d’évaluer avec lui le besoin qu’il éprouve et d’intervenir en fonction de ce besoin et de la situation.
27 Les soins et traitements inrmiers en cas de catas trophes d’origine naturelle ou humaine sont l’objet du chapitre 27, Situation de crise.
790
Partie 6
Caractéristiques générales
La violence touche quotidiennement de nombreuses clientèles. Il s’agit d’un phénomène complexe, qui se dénit comme l’expression de sentiments, comme la colère, en vue de faire du mal à quelqu’un ou d’abîmer quelque chose (Lewis, Dirksen, Heitkemper et al., 2011). Elle peut se distinguer selon la relation entre l’agresseur et la victime, la nature, la gravité et la durée de l’acte commis. La violence interpersonnelle ou dirigée contre autrui, abordée dans ce chapitre, se divise en deux catégories : la violence familiale et la violence dans la communauté. La violence familiale se produit habituellement, mais pas exclusivement, à domicile envers un conjoint ou un partenaire, envers un enfant ou envers une personne âgée. La violence dans la communauté est caractérisée par le fait que les personnes impliquées ne sont pas apparentées et peuvent ne pas se connaître. Cette violence se produit généralement à l’extérieur du domicile (Margolin & Gordis, 2000 ; Organisation mondiale de la Santé [OMS], 2014). Elle peut se produire en milieux institutionnels (p. ex., le milieu de travail, l’école), mais elle comprend aussi les agressions sexuelles et les actes de violence commis au hasard par des étrangers 27 . Qu’elle soit communautaire ou familiale, la violence se distingue également
Interventions inrmières en situation de crise
par sa forme (la nature de l’acte) TABLEAU 29.1 et FIGURE 29.1. La violence peut avoir des effets négatifs sur la santé mentale des personnes victimes : par exemple, il peut s’agir d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT), de symptômes dissociatifs, de changements persistants de personnalité (Kamphus & Emmelkamp, 2005). Ces effets peuvent apparaître immédiatement ou survenir avec le temps, selon la nature, la gravité et la durée de la violence subie (ministère de la Justice du Canada, 2009). En particulier, chez les femmes victimes de violence conjugale chronique, des études cliniques ont montré une fréquence élevée de symptômes de dépression, de TSPT, de troubles anxieux (p. ex., un trouble panique) et d’idées suicidaires (Kamphus & Emmelkamp, 2005). An de se rapprocher de leurs victimes et de les soumettre, les agresseurs peuvent avoir recours à des menaces, à la force physique ou à des formes de contrainte psychologique (p. ex., la séduction, la supercherie ou la tromperie). Ils sont responsables de la violence et du tort qu’ils causent. Certains ont eux-mêmes subi de la violence ou y ont été exposés. Ils peuvent avoir appris que la violence est un moyen légitime d’exercer du pouvoir et une maîtrise sur les autres (ministère de la Justice du Canada, 2009). La présence d’un trouble de la personnalité ou d’un trouble de l’attachement, ainsi que la consommation de substances psychoactives constituent des facteurs de risque de commettre des gestes violents (Genest & Mathieu, 2011). L’inrmière est amenée à discerner, chez ses clients, des comportements qui découlent de la violence et qui peuvent refaire surface au cours de la mise en place de l’alliance thérapeutique. Comme les autres professionnels de la santé, elle intervient pour prévenir la violence, protéger et traiter les personnes dont la vie est touchée et bouleversée par des actes de violence. Il est notamment primordial de dépister les victimes de violence, comme expliqué dans la quatrième section de ce chapitre. Que ce soit en première, deuxième ou troisième ligne, l’inrmière est en mesure de procéder à l’évaluation des besoins de soins et de protection des victimes de violence de toute nature, que celle-ci soit exercée par un membre de la famille, un proche aidant, une personne responsable, une connaissance ou un étranger. Les interventions thérapeutiques peuvent être dirigées de façon à prévenir la violence, les abus et même la mort. Il appartient également à l’inrmière de reconnaître le client à risque de commettre des gestes violents, de mesurer les risques de la situation, d’évaluer avec lui le besoin qu’il éprouve et d’intervenir en fonction de ce besoin et de la situation. L’inrmière sait comment diriger les personnes vers des ressources spécialisées, le cas échéant.
TABLEAU 29.1
Dénitions de la violence
FORME DE VIOLENCE
DÉFINITION
Violence psychologique (ou émotionnelle)
Recours à des attitudes et à des gestes visant à humilier, dénigrer, intimider et dévaloriser l’autre personne. Porte atteinte à l’estime de soi et rend la personne vulnérable aux autres formes de violence.
Violence verbale
Utilisation de propos méprisants, de sarcasmes, d’insultes, de hurlements, de propos dégradants et humiliants, de chantage, de menaces ou d’ordres intimés brutalement. Relève de la violence psychologique.
Violence physique
Utilisation intentionnelle de la force physique, d’objets, d’armes pouvant causer des blessures, voire la mort. Peut inclure l’utilisation inappropriée de la médication, de traitements ou de contentions physiques, l’alimentation forcée ou l’usage de punitions physiques.
Violence sexuelle
Utilisation de la force, de l’intimidation ou du harcèlement pour contraindre une per sonne à avoir des activités ou des contacts sexuels non désirés ou non consensuels. Porte atteinte à l’intégrité de la personne.
Violence économique ou nancière (privations)
Privation des ressources économiques nécessaires pour le bon fonctionnement du foyer, par exemple, en contrôlant les activités économiques de façon à limiter le pouvoir de décision de la personne ou à l’empêcher d’atteindre l’autonomie nancière.
Négligence
Incapacité ou refus de combler les besoins de première nécessité comme l’affection, l’alimentation, l’habillement, le logement, la sécurité, les soins médicaux, l’éducation, la stimulation sociale.
Source : Adapté de Lewis et al. (2011).
FIGURE 29.1
29.2
Typologie de la violence, selon sa nature et les relations entre les personnes
Étiologie
Aucun facteur n’explique à lui seul le phénomène de la violence ; il s’agit davantage de l’interaction complexe de facteurs individuels, relationnels, sociaux, culturels et environnementaux. Le
modèle écologique, conçu à la n des années 1970, met en relation ces facteurs individuels et con textuels pour expliquer le phénomène de la vio lence (World Health Organization [WHO], 2015) FIGURE 29.2 . Dans ce chapitre, plusieurs fac teurs de risque de violence sont présentés à titre d’exemple. Cependant, le recours à une
29 Chapitre 29
Violence
791
son action sur plusieurs récepteurs, est impliquée dans la régulation de l’humeur, de l’anxiété et des comportements impulsifs violents (Dayan & Quentin, 2009 ; Kandell, Schwartz, Jessel et al., 2012). FIGURE 29.2 risque de violence
Imbrication des facteurs de
approche clinique holistique est recommandé an d’intervenir à plusieurs niveaux pour prévenir la violence (WHO, 2015).
29.2.1
Facteurs individuels
Le niveau individuel comprend les facteurs psy chophysiologiques et les facteurs psychologiques, c’estàdire ceux liés à l’histoire personnelle (p. ex., le niveau d’instruction, l’abus de subs tances, des antécédents violents ou de maltraitance subie, ou encore les troubles mentaux tels que les troubles de la personnalité). Ces caractéris tiques individuelles augmentent le risque que la personne soit auteure ou victime de violence (WHO, 2015).
Facteurs psychophysiologiques Plusieurs influences psychophysiologiques peuvent expliquer les comportements agressifs et violents (Bufkin & Luttrell, 2005 ; Levy, 2013). Des corrélats psychophysiologiques robustes du com portement agressif incluent un rythme cardiaque au repos plus faible, une réactivité accrue du sys tème nerveux autonome aux stimulus aversifs et stressants, une recrudescence des ondes lentes (delta) de l’activité électroencéphalographique, une diminution de l’amplitude de la réponse P300 du potentiel évoqué cérébral (ou onde d’amplitude positive qui arrive environ 300 millisecondes après le début d’une stimulation) (Patrick, 2008).
Perturbations des structures et des fonctions cérébrales Les régions associées aux comportements agressifs ou violents, en particulier les actes impulsifs, sont situées dans le cortex préfrontal et les régions temporales médianes (Bufkin & Luttrell, 2005 ; Levy, 2013). Ainsi, une diminution de l’activité préfrontale par rapport à l’activité souscorticale est associée à l’impulsivité agressive. Des dysfonc tionnements dans l’une ou l’autre de ces régions du cerveau peuvent prédisposer à la violence en perturbant l’activité sérotoninergique (Bufkin & Luttrell, 2005 ; Levy, 2013). Un taux plus élevé de sérotonine dans le sang a été retrouvé chez les délinquants violents, ce qui pourrait être lié à une diminution de l’activité des récepteurs sérotoni nergiques (Moftt, Brammer, Caspi et al., 1998). La sérotonine est un neurotransmetteur qui, par
792
Partie 6
Interventions inrmières en situation de crise
Un déséquilibre de l’activité du système lim bique (particulièrement l’amygdale) et du cortex frontal, qui sont impliqués dans le traitement et la régulation des émotions, peut également être associé à des comportements violents (Patrick, 2008). Des comportements d’agressivité peuvent apparaître après une lésion cérébrale précise, telle que des lésions frontales, des lésions de l’hypotha lamus ou même des stimulations électriques de l’amygdale (Bear, Connors & Paradiso, 2007). Des études ont également révélé des décits dans certaines structures et fonctions du cerveau liés à la maltraitance durant l’enfance (Levy, 2013). En général, ces études indiquent que les décits structuraux et fonctionnels les plus caractéris tiques associés à la maltraitance durant l’enfance se trouvent dans les régions cérébrales latérales et ventromédianes de la partie frontale du système limbique (notamment l’amygdale et l’hippo campe), ainsi que dans le cervelet. Ces régions du cerveau forment un réseau modulant les compor tements et les émotions (Hart & Rubia, 2012). Les épilepsies temporales peuvent également être associées à des comportements agressifs (Bear et al., 2007). Par ailleurs, plusieurs recherches indiquent un lien entre un taux élevé de testostérone et une augmentation de l’agressivité et des comportements violents chez les adultes (Bear et al., 2007).
Inuences génétiques L’étiologie des comportements violents est com plexe : autant les gènes que l’environnement y contribuent (Baker, Raine, Liu et al., 2008 ; LaPrairie, Schechter, Robinson et al., 2011). D’ailleurs, l’inter action entre les facteurs biologiques et sociaux augmente de façon exponentielle les taux de comportements violents et antisociaux. Une muta tion des gènes qui encodent les récepteurs séroto ninergiques peut aussi entraîner une augmentation des comportements impulsifs et agressifs (Kandell et al., 2012 ; Levy, 2013). L’épigénétique est la science qui étudie l’inuence des expériences de la vie sur l’expression des gènes. Les recherches révèlent des altérations neurobiolo giques dans le cerveau des personnes qui ont vécu des relations humaines traumatiques pendant leur enfance. Par exemple, la violence subie au cours de cette période provoquerait des changements phy siologiques dans le cerveau en développement qui entraîneraient des décits cognitifs (p. ex., du quo tient intellectuel, de la mémoire de travail, de l’at tention, du raisonnement et de l’interprétation des situations sociales), des décits de l’inhibition de la réponse et de la différenciation des émotions (p. ex.,
la colère, la dépression), ainsi que des difcultés de modulation des réactions émotionnelles (Hart & Rubia, 2012). Ces perturbations pourraient favoriser l’adoption de comportements impulsifs, antisociaux et de l’inconduite sexuelle (Levy, 2013 ; Schwartz, Bradley, Penza et al., 2006 ).
Facteurs de risque liés à la santé Certains facteurs de risque survenant dans les périodes prénatale, périnatale et postnatale peuvent accroître le risque de comportements agressifs et antisociaux, notamment la consommation de tabac pendant la grossesse, la dépression maternelle, les complications à la naissance, un trauma craniocérébral, l’exposition au plomb et la maltraitance des enfants (Liu, 2011).
Facteurs psychologiques Plusieurs facteurs psychologiques tentent d’expliquer les comportements violents.
Antécédents de violence Bien que la grande majorité des victimes de violence ne deviennent pas des agresseurs (Jennings, Piquero & Reingle, 2012), il existerait une corrélation entre la violence antérieure subie et la perpétration ultérieure de comportements violents (Jennings et al., 2012 ; Lafortune, Proulx & Tourigny, 2010). Que ce soit selon la théorie de l’apprentissage social ou la théorie de l’attachement, les enfants témoins ou victimes de violence familiale seraient plus enclins à s’adapter à ces expériences négatives en adoptant des comportements déviants. Si la violence subie pendant l’enfance n’a pas été détectée ou signalée, particulièrement par une personne responsable de l’enfant, la victime devenue adolescente peut sentir que la violence qu’elle a subie n’a pas d’importance et que sa propre violence entraîne peu de conséquences (Jennings et al., 2012). À noter qu’il n’est pas nécessaire que les enfants observent des modèles d’agression pour savoir comment agresser. Généralement, plutôt que d’apprendre à recourir à l’agression par l’intermédiaire de leur environnement, les enfants découvrent les façons de ne pas faire appel à l’agression grâce à leur environnement. Les enfants qui ne font pas ces apprentissages de solutions de rechange à l’agression pourraient être rejetés par les autres et sont plus à risque de maintenir ces comportements jusqu’à l’adolescence, lorsque leur croissance physique les rend beaucoup plus dangereux pour leur entourage (Tremblay, 2003). La théorie de l’attachement, quant à elle, vise à comprendre les perturbations du fonctionnement des personnes ayant subi des séparations précoces ou des pertes traumatisantes. Les traumatismes vécus au cours de l’enfance en raison d’actes violents et de négligence affecteraient les adultes en devenir (Kreidler & Kurzawa, 2009). Essentiellement, les liens formés au début de la vie entre l’enfant et
ses parents ou son principal donneur de soins, appelés liens d’attachement, détermineront la façon dont l’enfant percevra le monde en dehors de son environnement familial 8 . La violence familiale, la négligence et des soins insensibles ou qui alimentent la peur chez un enfant peuvent conduire à l’acquisition d’un attachement insécurisé ou désorganisé (van IJzendoorn, 2006). Un attachement insécurisé ou désorganisé en bas âge peut accroître les problèmes de comportement et d’agressivité, la psychopathologie, une incapacité à établir des relations efcaces avec les pairs, des dés d’adaptation à l’environnement scolaire, des symptômes dissociatifs et de dépression (Hennighausen & Lyons-Ruth, 2010). Un attachement dysfonctionnel peut également conduire à commettre des crimes violents à l’âge adulte (Genest & Mathieu, 2011).
8 La théorie de l’attachement de John Bowlby est détaillée dans le chapitre 8, Dévelop pement et vieillissement de la personne.
Consommation de substances psychoactives Les substances psychoactives et la violence seraient liées. Un des facteurs le plus souvent associés à la violence, que ce soit dans la population générale ou chez les personnes atteintes de troubles mentaux graves, est l’abus d’alcool ou de drogues (Crocker, 2012).
Alcool L’alcool a été cité comme un des principaux facteurs de risque de subir et de perpétrer de la violence, tant chez les jeunes que chez les adultes (Agence de la santé publique du Canada [ASPC], 2012a ; Brochu, Cousineau, Provost et al., 2010 ; Foran & O’Leary, 2008 ; McIntyre & Spatz Widom, 2011 ; Rothman, McNaughton Reyes, Johnson et al., 2011). Il est important de mentionner que, malgré le lien étroit qui existe entre l’alcool et la violence, cette relation est de nature corrélative et non causale (Lipsey, Wilson, Cohen et al., 1997). L’alcool a un effet désinhibant chez la personne qui en consomme, ce qui peut la conduire à adopter des comportements violents (Boles & Miotto, 2003). La consommation élevée d’alcool pourrait par exemple conduire à de la violence dans les relations amoureuses chez les jeunes (Rothman et al., 2011), à de la violence conjugale chez les adultes (Foran & O’Leary, 2008) et à des agressions sexuelles (Boles & Miotto, 2003). La consommation d’alcool peut également conduire à des actes d’agression sexuelle plus violents (BuschArmendariz, DiNitto, Bell et al., 2010). La relation entre l’alcool et la violence est complexe et peut s’expliquer par divers mécanismes ; par exemple, l’alcool peut diminuer le fonctionnement du lobe frontal, altérer l’état de conscience ou encore perturber le système neurobiologique, ce qui conduit à l’utilisation de la violence (Boles & Miotto, 2003).
Drogues La consommation de drogues est notamment associée à la violence entre partenaires intimes, que l’homme ou la femme soit l’agresseur ou la victime (Brochu et al., 2010). La cocaïne serait la drogue
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les troubles liés à la consommation d’une substance constituent le facteur le plus fréquemment associé à la violence. Les troubles de la personnalité ou de l’attachement sont d’autres facteurs parfois associés à la violence.
éactivation des connaissances L’un de vos clients revient de sa sortie temporaire du centre hospitalier et vous suspectez qu’il a consommé de la cocaïne. Quels signes allez-vous rechercher ?
Chapitre 29
Violence
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29
la plus associée à l’agression psychologique, physique et sexuelle entre partenaires (Moore, Stuart, Meehan et al., 2008).
fait de partager le domicile de l’agresseur risquent d’accroître les possibilités d’incidents et l’exposition à des actes de violence répétés.
La consommation de drogues a des effets psychopharmacologiques (p. ex., des distorsions perceptuelles), ce qui peut accroître l’envie et les comportements irrationnels menant à une agression. Les drogues peuvent interagir avec les neurotransmetteurs, par exemple la dopamine et la sérotonine, et accroître les risques de violence (Moore, Scarpa & Raine, 2002). Les effets physiologiques des drogues, comme l’inhibition de l’anxiété liée à la peur d’être puni pour des comportements d’agressivité, peuvent augmenter les comportements violents (Pihl & Peterson, 1995). Enn, la consommation de drogues et les comportements agressifs peuvent aussi être considérés comme des comportements déviants et ainsi faire partie d’un syndrome général de déviance (Harrison, Erickson, Adlaf et al., 2001).
Le contexte communautaire dans lequel sont ancrées les relations sociales (p. ex., l’école, le lieu de travail, le voisinage) comporte aussi des facteurs prédisposant à la violence : des déménagements fréquents, l’hétérogénéité de la population, un lien social quasi inexistant, une forte densité démographique. Aussi, des problèmes tels que le trac de stupéants, un taux de chômage élevé ou un isolement social général, la pauvreté d’un quartier ou le faible soutien institutionnel favorisent la violence (ASPC, 2014).
Les victimes peuvent subir une agression sexuelle après avoir volontairement consommé de la drogue ou de l’alcool, mais elles peuvent également avoir été droguées à leur insu avec des drogues communément appelées drogues du viol. Deux de ces drogues les plus courantes, le gamma-hydroxybutyrate (GHB) et le unitrazépam (Rohypnolmd), sont des dépresseurs du système nerveux central qui, lorsqu’elles sont dissoutes dans des boissons alcoolisées ou non, deviennent inodores et insipides. Après avoir ingéré ces substances, une personne devient désorientée et peut devenir inconsciente et le rester pendant plusieurs heures. Un effet secondaire courant de ces drogues est la perte de mémoire. Ainsi, les victimes ont du mal à se rappeler l’agression et à identier leur agresseur (Harner & O’Donnell, 2003 ; Table de concertation sur les agressions à caractère sexuel de Montréal, 2015). Il est donc difcile de mesurer l’ampleur de l’utilisation de cette drogue et ses conséquences. Au Canada, le viol facilité par des drogues est considéré comme un acte criminel.
29.2.2
Facteurs relationnels, communautaires et sociétaux
Le niveau relationnel s’intéresse à la manière dont les relations sociales proches, avec la famille, les partenaires et les pairs, peuvent inuer sur le comportement violent (ASPC, 2014). Il tient compte de facteurs tels que le manque d’affection, les dysfonctionnements familiaux, la fréquentation de camarades délinquants, les conits avec le conjoint ou avec les parents. La nature, la durée et le risque de répétition de la violence varient également selon qu’il s’agit d’étrangers, de connaissances, de pairs, de membres de la famille et de partenaires intimes. Les relations continues, les interactions quasi quotidiennes ou le
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Partie 6
Interventions inrmières en situation de crise
Enn, la violence est aussi corrélée aux facteurs plus généraux et sociétaux qui créent un climat de violence acceptable et qui réduisent les inhibitions contre la violence (ASPC, 2014). Ils engendrent et perpétuent ainsi un fossé entre divers segments de la société. Tel est le cas de normes culturelles selon lesquelles il serait acceptable de recourir à la violence pour résoudre des conits, de normes qui édicteraient que les droits parentaux l’emporteraient sur le bien-être de l’enfant, de normes qui afrmeraient la domination de l’homme sur les femmes et les enfants, etc.
Organisation et structure familiales L’organisation et la structure familiales peuvent expliquer certains types de violence familiale. Ainsi, la violence conjugale augmente le risque de maltraitance à l’égard des enfants (Lavergne, Clément, Damant et al., 2011). La présence de violence conjugale ou d’agression physique envers les enfants dans la famille d’origine des parents peut également accroître la violence dans la famille actuelle (Lavergne et al., 2011). De plus, certaines études mentionnent que la violence peut survenir dans les familles recomposées où peuvent coexister certains problèmes de fonctionnement des parents, dont des problèmes d’abus de substances, de discorde conjugale et d’isolement social (ministère de la Justice du Canada, 2015a ; Turner, Finkelhor & Ormrod, 2007). Les familles recomposées pourraient vivre plus de problèmes que les autres, car les normes de parentage et de résolution de conits y sont parfois moins claires. Elles éprouveraient également un stress accru en raison d’un plus grand isolement social (Turner et al., 2007). Ces divers facteurs peuvent inuer négativement sur le fonctionnement psychologique et social des parents et se répercuter sur l’enfant.
Isolement social L’isolement social a été reconnu comme une caractéristique de certaines familles où le risque de violence physique ou sexuelle envers un conjoint
ou un enfant est élevé (Choi, Cheung & Cheung, 2012). L’isolement social peut découler de l’absence de soutien social, un facteur lié à la violence familiale (Lavergne et al., 2011). L’isolement peut être imposé au conjoint par l’agresseur ; la honte peut aussi inciter le conjoint visiblement battu à se replier davantage. Les victimes se retrouvent souvent isolées des amis, de la famille d’origine, des voisins ou de toute personne qui pourrait se rendre compte de la situation. Certaines familles s’isolent elles-mêmes de façon subtile en ayant un numéro de téléphone condentiel, en n’ayant pas de moyen de transport pour éviter de visiter les autres et en fermant les rideaux de la maison pour rester à l’abri des regards. Elles peuvent alors n’avoir aucune relation avec la communauté.
Relations de genre La théorie féministe soutient que le partage inégal du pouvoir entre l’homme et la femme soumet celle-ci à la dominance de l’homme dans toutes les sphères de sa vie (c.-à-d. le travail, la famille et la vie en société). Les hommes apprendraient à utiliser la force, voire la violence dans certains cas, pour exercer leur domination. Cette théorie féministe a contribué à faire reconnaître la violence conjugale comme un problème de société (Rinfret-Raynor, Brodeur, Lesieux et al., 2010).
29.3
Violence familiale
La violence familiale englobe de nombreuses formes de violence, de mauvais traitements ou de négligence que des adultes ou des enfants peuvent vivre dans une relation intime, familiale ou de dépendance. Elle comprend la violence conjugale, la violence envers les enfants et la violence envers les personnes âgées. Une relation inégale de pouvoir rend une personne plus vulnérable à la violence d’un agresseur (ministère de la Justice du Canada, 2015b). Plusieurs caractéristiques distinguent la violence familiale de la violence envers des étrangers. Les occasions de violence sont plus nombreuses à domicile, et ce, en raison des interactions quotidiennes. Les gestes de violence répétés par l’agresseur sont plus probables, compte tenu de la relation continue qui existe entre les membres d’une famille. Les épisodes de violence se produisent souvent dans des endroits privés, où ils ne peuvent être vus par d’autres, et ils sont alors moins susceptibles d’être détectés ou rapportés à la police (ministère de la Justice du Canada, 2015b ; Momirov & Duffy, 2011). De plus, l’agresseur menace souvent la victime de violence supplémentaire si elle dévoile les actes de violence. La victime peut se taire pour éviter la stigmatisation et le dénigrement ou encore parce qu’elle a peur ou qu’elle ne veut pas faire arrêter un membre
de sa famille (Conseil du statut de la femme, 2005 ; Momirov & Duffy, 2011).
29.3.1
Violence conjugale
La violence conjugale peut être vécue dans une relation conjugale, extraconjugale ou amoureuse, et ce, à tous les âges de la vie (gouvernement du Québec, 2012). La violence exercée par les hommes à l’endroit des femmes est mieux documentée, mais il ne faut pas pour autant oublier que la violence peut aussi être perpétrée entre conjoints de même sexe et par des femmes envers les hommes. La violence conjugale inclut également celle commise à l’égard d’un partenaire ou pendant les fréquentations. Il est important de noter que la violence perpétrée par les ex- conjoints de droit et de fait est également dénie comme de la violence conjugale (Statistique Canada, 2011).
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les victimes de violence se retrouvent souvent isolées des amis, de la famille d’origine, des voisins ou de toute personne qui pourrait se rendre compte de la situation.
Description La violence conjugale ne constitue pas une perte de maîtrise, mais plutôt un moyen choisi pour dominer l’autre personne et afrmer son pouvoir sur elle (gouvernement du Québec, 2012).
Manifestations possibles Les agressions psychologiques, verbales, physiques et sexuelles ainsi que les actes de domination sur le plan économique font partie des manifestations de la violence conjugale (gouvernement du Québec, 2012) TABLEAU 29.2. La violence conjugale peut se manifester de différentes façons : parfois, une seule forme de violence sera observée, mais plusieurs types de violence peuvent coexister. Ainsi, l’exploitation nancière et la violence psychologique sont souvent concomitantes avec la violence physique et sexuelle (Statistique Canada, 2011). De plus, les formes et les manifestations de la violence conjugale peuvent évoluer et se transformer dans le temps.
CE QU’IL FAUT RETENIR
L’exploitation nancière et la violence psychologique sont souvent concomitantes avec la violence physique et sexuelle.
Le harcèlement fait partie de la multitude de comportements liés à la violence conjugale ; il peut se manifester à l’occasion d’une séparation difcile et prendre diverses formes. Le harcèlement criminel est le fait de suivre une personne de façon répétée ou de tenter de communiquer avec elle à répétition, incluant le fait de surveiller sa maison ou son lieu de travail et de la menacer (Institut national de santé publique du Québec [INSPQ], 2012b). Le harcèlement criminel donne à la victime un motif raisonnable de craindre pour sa sécurité ou celle d’un proche. Au Canada, la violence conjugale n’est pas spéciquement incluse dans la liste des infractions du Code criminel. Cependant, plusieurs formes de violences posées dans une relation intime, qu’elle soit actuelle ou passée, peuvent faire l’objet d’une poursuite en vertu du Code criminel (p. ex., le harcèlement criminel, les voies de fait, les agressions
Les infractions criminelles en contexte de violence conjugale sont listées dans la Trousse Média sur la violence conjugale au www.inspq.qc.ca.
Chapitre 29
Violence
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29
TABLEAU 29.2
Caractéristiques de la violence conjugale
FORME DE VIOLENCE
PARTICULARITÉS
MANIFESTATIONS POSSIBLES
Violence psychologique
• Est subtile et difcile à détecter par l’entourage et par la victime elle-même.
Attitudes méprisantes ; dénigrement ; dévalorisation ; humiliation ; isolement social et contrôle des sorties et des fréquentations (contrôle relationnel) ; négligence ; violence sur les objets et les animaux
Violence verbale
• Est souvent banalisée.
Chantage et menaces ; hurlements ; insultes ; ordres intimés brutalement ; propos dégradants et humiliants ; sarcasmes
• Accompagne la plupart du temps les autres formes de violence. Violence physique
• Est la plus médiatisée. • Est souvent déguisée en accidents.
Brûlures et morsures ; contrainte physique ; coups et bousculades ; homicide
Violence sexuelle
• Est souvent cachée en raison des tabous.
Agressions sexuelles ; imposition d’actes dégradants ; intimidation, harcèlement, manipulation ou brutalité en vue d’une relation sexuelle non consentie ; viol conjugal (reconnu depuis 1983 comme un acte criminel)
Violence économique
• Est répandue, mais méconnue.
Création d’une dépendance nancière ; gestion et surveillance des activités économiques ; privation ou contrôle des ressources nancières et matérielles
Source : Adapté de INSPQ (2012b).
sexuelles, l’enlèvement ou la séquestration, le fait de proférer des menaces) (INSPQ, 2012b).
Cycle de la violence conjugale Il peut exister des épisodes de tensions dans un couple qui suscitent des comportements agressifs (p. ex., de la colère, des paroles blessantes, des propos dénigrants), mais ces épisodes sont habituellement occasionnels et ne s’insèrent pas dans un cycle itératif avec une domination d’un des partenaires. Dans une relation marquée par la violence conjugale, les actes de violence sont rarement isolés, mais suivent plutôt une logique d’escalade (Ordre des inrmières et inrmiers du Québec [OIIQ], 2004). Ils se répètent et s’intensient selon les phases d’un cycle de violence FIGURE 29.3. L’agresseur maintient sa domination en mettant en place ce cycle.
Les quatre phases du cycle de la violence conjugale sont décrites en détail au www.violenceconjugale. gouv.qc.ca.
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Partie 6
Le cycle de la violence comporte quatre phases : 1) le climat de tension ; 2) la période de crise, caractérisée par les actes de violence ; 3) la justication, définie par les remords de l’agresseur ; 4) la période de lune de miel, où l’agresseur est aimant, attentionné et parle d’aller chercher de l’aide. Il est à noter que ces phases ne sont toutefois pas toujours présentes et ne surviennent pas nécessairement dans cet ordre. Avec le temps, l’escalade des tensions et la violence physique tendent à s’allonger, et, inversement, les phases d’apaisement et la lune de miel ont tendance à disparaître. L’un des partenaires a une position de victime, il n’ose pas s’opposer ouvertement et a peur des conséquences et des représailles. La peur est un indice important pour
Interventions inrmières en situation de crise
FIGURE 29.3
Cycle de la violence conjugale
distinguer la violence conjugale de la dispute de couple (INSPQ, 2012a).
Facteurs de risque spéciques Les facteurs de risque de la violence conjugale sont multiples et peuvent varier selon la position de la personne (victime ou agresseur). Les facteurs sociétaux et environnementaux de la violence conjugale sont ceux de la violence en général, et ils sont dénis dans la deuxième section de ce
Un âge jeune représente un facteur de risque accru de violence conjugale. Plusieurs études ont montré que les couples de moins de 25 ans sont plus à risque de violence conjugale que ceux où les partenaires sont âgés de 45 ans et plus (Johnson & Dawson, 2011). Il est à noter que le revenu du ménage et le niveau de scolarité sont parfois liés à la violence conjugale, mais pas systématiquement (Johnson & Dawson, 2011). Un faible niveau de scolarité pourrait réduire l’exposition et l’accès à des ressources et accroître l’acceptation de la violence (WHO, 2010). La proportion de violence est plus élevée chez les couples vivant en union libre ou dans une famille recomposée que chez les couples mariés (Brennan, 2011 ; Johnson & Dawson, 2011). Les femmes séparées, ou en processus de séparation de leur conjoint, sont aussi plus à risque de violence, particulièrement de féminicides (Johnson & Dawson, 2011). L’orientation sexuelle (homosexualité, bisexualité), la présence d’une limitation (p. ex., un handicap physique, une décience intellectuelle ou un problème de santé) et l’identité autochtone sont d’autres facteurs de risque de se déclarer victime de violence conjugale (Brennan, 2011 ; Mahony, 2011).
Les personnes qui appartiennent à une minorité visible ou qui sont immigrantes connaissent parfois des degrés accrus de violence conjugale, mais pas toujours. Il peut être difcile de déterminer si la violence conjugale chez les minorités visibles ou les immigrants pourrait être liée au fait que plusieurs d’entre eux sont désavantagés sur les plans social (p. ex., un manque de ressources, le racisme, des traumatismes vécus avant l’immigration) et économique (p. ex., ne pas avoir d’emploi, avoir des sous-emplois) (Johnson & Dawson, 2011).
Épidémiologie La prévalence de la violence conjugale demeure difcile à établir. Les données policières fournissent un portrait partiel de la situation puisque seules les formes criminelles de violence conjugale qui sont déclarées à la police sont comptabilisées. De plus, plusieurs victimes ne déclarent pas aux policiers la violence qu’elles subissent. Les enquêtes populationnelles permettent une meilleure appréciation
ALERTE CLINIQUE
Les femmes âgées de 18 à 29 ans, les femmes séparées, les femmes autochtones ainsi que les lesbiennes sont par ticulièrement à risque de subir de la violence conjugale (INSPQ, 2012d).
clinique
Jugement
chapitre. Toutefois, les facteurs individuels et relationnels peuvent varier TABLEAU 29.3.
Lison Morissette, âgée de 30 ans, est enceinte pour la troisième fois, malgré qu’elle portait, cette foisci, un stérilet. Son couple vit de l’aide sociale et a de la difculté à joindre les deux bouts avec les enfants actuels. Le père est facilement colérique et élève ra pidement la voix lorsqu’il devient contrarié. Madame Morissette est de nature plutôt soumise. Ayant peur de se retrouver seule, elle supporte les comportements violents de plus en plus fréquents de son conjoint, même lorsqu’il s’en prend aux enfants. Quel élément de cette situation a sans doute contribué à l’augmenta tion de la fréquence des comportements violents du conjoint de madame Morissette ?
Facteurs de risque TABLEAU 29.3
Facteurs individuels et relationnels associés à la violence conjugale
AGRESSEUR
VICTIME
Facteurs individuels possibles • Chômage
• Consommation, voire abus de substances
• Consommation, voire abus de substances
• Dépression
• Faible niveau de scolarité
• Faible niveau de scolarité
• Faible revenu/statut socioéconomique
• Faible revenu/statut socioéconomique
• Jeune âge
• Grossesse
• Mauvais traitements durant l’enfance : sévices physiques, agression sexuelle et exposition à la violence conjugale
• Jeune âge
• Possibilité de symptômes de troubles de la personnalité (Deslauriers & Cusson, 2014)
• Mauvais traitements durant l’enfance : sévices physiques, agression sexuelle et exposition à la violence conjugale • Séparation ou divorce
• Tolérance à l’égard de la violence
• Tolérance à l’égard de la violence
• Violence antérieure
• Victimisation antérieure
Facteurs relationnels possibles • Conits conjugaux/insatisfaction conjugale
• Conits conjugaux/insatisfaction conjugale
• Durée de la relation
• Écart de niveau de scolarité entre les conjoints
• Écart de niveau de scolarité entre les conjoints
• Nombre d’enfantsa
• Partenaires multiples/indélité a
La violence est plus courante dans les familles nombreuses (OMS, 2002). Source : Adapté de INSPQ (2012c).
29 Chapitre 29
Violence
797
de la prévalence de la violence conjugale, mais elles sous-estiment néanmoins l’ampleur de cette problématique. En effet, plusieurs victimes n’osent pas déclarer avoir été victimes de violence. De plus, certaines formes de violence conjugale ne sont parfois pas étudiées dans ces enquêtes (p. ex., la violence psychologique ou nancière) (INSPQ, 2012e). Entre 2004 et 2009, 5,3 % des Québécoises et des Québécois ont déclaré avoir été victimes de violence physique ou sexuelle inigée par un partenaire actuel ou ancien. Il s’agit d’une diminution depuis 1999 (7,4 %) (INSPQ, 2012e). Entre 1999 et 2009, le taux de violence conjugale (physique et sexuelle) a connu une diminution notable tant au Québec qu’au Canada (INSPQ, 2012e). Au Canada, en 2007, 40 165 victimes de crimes conjugaux âgées de plus de 15 ans ont déclaré la violence subie à la police. Parmi elles, on comptait 33 227 ou 83 % de femmes et 6 938 ou 17 % d’hommes (INSPQ, 2012e). Au Québec, les proportions sont similaires : 19 373 infractions contre la personne commises dans un contexte conjugal ont été rapportées à la police en 2011. De ce nombre, 81 % des victimes (soit 15 720) étaient des femmes, et 19 % (soit 3 653) étaient des hommes (INSPQ, 2012e).
CE QU’IL FAUT RETENIR
Dans la majorité des cas de violence physique et de négligence, les enfants sont aussi psychologiquement maltraités.
ENCADRÉ 29.1
Toutefois, une enquête canadienne réalisée en 2009 sur la violence familiale indique qu’une proportion similaire d’hommes et de femmes ont déclaré avoir été victimes de violence conjugale au cours des cinq années précédentes (Brennan, 2011). S’il peut subsister un débat à savoir si autant de femmes que d’hommes sont victimes de violence conjugale, le fait que les femmes subissent plus souvent des actes de violence graves et répétitifs n’est pas contesté (Johnson & Dawson, 2011). Les conséquences à court et à long termes sont également plus sérieuses pour les femmes que pour les hommes ENCADRÉ 29.1 (Brennan, 2011 ; Johnson & Dawson, 2011).
Types de violence conjugale envers les femmes et les hommes
D’après une enquête canadienne menée en 2009, les femmes sont plus à risque que les hommes (34 % versus 10 %) de rapporter les formes les plus graves de violence (p. ex., des femmes agressées sexuellement, battues, étranglées, menacées avec une arme à feu ou un couteau). De leur côté, les hommes ont rapporté plus souvent que les femmes (36 % versus 13 %) être victimes de violence moins grave (p. ex., avoir reçu des coups de pied, s’être fait frapper ou mordre, ou s’être fait frapper avec un objet). Dans ses relations actuelles ou antérieures, un Canadien sur cinq (17 %) a rapporté
avoir été victime d’une forme quelconque de violence psychologique ou d’exploitation nancière. Le fait de rabaisser la personne ou de lui dire des mots blessants était la forme de violence la plus courante. La même enquête révèle que chez 95 % des femmes et 75 % des hommes qui ont dit avoir été blessés au cours d’épi sodes de violence conjugale, les ecchymoses sont les blessures les plus dé clarées. Cependant, les femmes sont trois à quatre fois plus susceptibles que les hommes d’être victimes d’un homicide aux mains de leur conjoint.
Source : Adapté de Statistique Canada (2011).
798
Partie 6
Interventions inrmières en situation de crise
Conséquences chez les victimes Les nombreuses conséquences à court et à long termes de la violence conjugale peuvent inclure des problèmes de santé mentale et physique, des pertes d’emploi et de revenu pour les victimes et une diminution de la productivité pour les employeurs (Johnson & Dawson, 2011) TABLEAU 29.4. La violence conjugale a donc une incidence importante en santé publique, car elle implique plusieurs coûts pour le système de la santé et des services sociaux, en plus de mettre en cause la sphère du travail. Les problèmes psychologiques et de santé mentale induits par cette violence sont multiples. Leur présence varie selon un ensemble de facteurs, dont les forces et les ressources personnelles de la victime, la durée et la gravité des actes de violence vécus, l’exposition à d’autres événements traumatiques au cours de la vie, ainsi que l’accès aux services et à un soutien social (Heise & Garcia-Moreno, 2002 ; Nicolaidis & Liebschutz, 2009 ; WHO, 2014). Selon l’enquête canadienne de 2009, plus des trois quarts des victimes de violence conjugale ont dit avoir été affectées sur le plan émotionnel. Les victimes se sentent bouleversées, désorientées ou frustrées (32 %), en colère (27 %), blessées ou déçues (16 %), déprimées (15 %) et craintives (15 %) (Brennan, 2011). Les femmes sont trois fois plus susceptibles que les hommes de dire que l’incident de violence a perturbé leur routine quotidienne. La proportion plus élevée de femmes qui ont eu une réaction émotionnelle pourrait s’expliquer en partie par la constatation selon laquelle la violence perpétrée à leur endroit tend à être plus fréquente et plus grave que celle commise envers les hommes (Brennan, 2011).
29.3.2
Violence familiale envers les enfants
La violence à l’égard des enfants est l’usage délibéré ou la menace d’usage délibéré de la puissance ou de la force physique. Elle entraîne ou risque fort d’entraîner un traumatisme, un décès, un dommage moral, un développement altéré ou une carence (Smith & Segal, 2015 ; WHO, 2014).
Description La violence envers les enfants dans un contexte familial constitue une forme de violence interpersonnelle qui peut être de nature psychologique, physique ou sexuelle, ou prendre la forme de privations ou de négligence (OMS, 2002). Le fait qu’un enfant soit témoin de violence conjugale relève également de ce type de violence familiale TABLEAU 29.5. La violence familiale envers les enfants peut se manifester de plusieurs manières. La violence psychologique peut être la seule forme de mauvais traitements, mais l’inverse est rarement vrai. Dans la majorité des cas de violence physique et de négligence, les enfants sont aussi psychologiquement maltraités (Chamberland & Clément, 2009 ; State of New Jersey, 2015).
La fréquence et la gravité des actes de violence doivent être évaluées an de déterminer si la situation s’avère inquiétante ou non. Par exemple, le fait de crier après son enfant pour qu’il écoute est différent d’une menace d’abandon. Une discipline parentale très rigide à une occasion diffère d’une discipline rigide, mais répétée. Plus la violence s’installe tôt dans la vie de l’enfant, plus le développement de l’enfant en subira des conséquences (Chamberland & Clément, 2009 ; Special Representative of the Secretary-General [SRSG] on Violence against Children, 2013).
TABLEAU 29.4 ASPECT
CONSÉQUENCES POSSIBLESa
Santé physique
Blessures ; douleurs chroniques ; fonctions physiques diminuées, voire invalidité ; perturbations gastro-intestinales ; santé physique générale plus pauvre ; somatisation ; traumas physiques divers, voire mort
Santé mentale
Abus de substances ; automutilation ; dépression ; idées et tentatives de suicide, voire suicide ; sentiments de honte, de culpabilité et faible estime de soi ; troubles alimentaires (p. ex., l’anorexie, la boulimie) ; troubles anxieux (p. ex., une phobie, un trouble d’anxiété généralisée, un trouble panique) ; troubles de l’alternance veille-sommeil ; troubles à symptomatologie somatique ; TSPT
Facteurs de risque spéciques Les facteurs de risque de la violence familiale à l’égard des enfants sont multiples et peuvent varier selon le type de violence. Les facteurs TABLEAU 29.5
Conséquences de la violence conjugale sur la victime
a
La liste des conséquences possibles de la violence conjugale n’est pas exhaustive ; elle est ordonnée alphabétiquement. Source : Adapté de INSPQ (2012a).
Caractéristiques de la violence familiale envers l’enfant
FORME DE VIOLENCE
DÉFINITION
MANIFESTATIONS POSSIBLES
Violence (ou maltraitance) psychologique
• Actes commis ou omis par des gures parentales en situation de pouvoir et qui peuvent nuire au fonctionnement comportemental, cognitif, affectif et social de l’enfant, et ce, selon les normes de la communauté et l’expertise professionnelle (Chamberland & Clément, 2009)
• Exploitation/corruption de l’enfant (modelage, permission, encouragement des comportements déviants [p. ex., la prostitution, la toxicomanie, la parentication, ou l’infantilisation]) • Fait de terroriser l’enfant (menace ou risque de le blesser physiquement) • Isolement de l’enfant (dénigrement des occasions de l’enfant d’interagir avec ses pairs ou des adultes, restriction de manière déraisonnable des interactions sociales de l’enfant) • Mépris/rejet de l’enfant de manière verbale ou non verbale (p. ex., le fait de rabaisser, dégrader, humilier, ridiculiser, exclure l’enfant de la famille en le critiquant et en le punissant constamment)
Exposition à la violence conjugale (violence psychologique indirecte)
• Cas des enfants qui sont témoins directs ou indirects de scènes de violence conjugale (Lessard, Damant, Hamelin-Brabant et al., 2009)
• Constatation, par l’enfant, des effets de la violence conjugale (p. ex., les blessures subies par sa mère ou sa détresse psychologique, la visite des policiers, les objets cassés) • Vue ou audition de la violence conjugale
Violence (ou maltraitance) physiquea
• Acte de nature physique commis par un parent ou un tuteur, qui pourrait, quelle que soit l’intention, compromettre l’intégrité ou le bien-être physique de l’enfant (Clément, 2009)
• Punition corporelle (violence physique mineure), comme le fait de donner une tape sur les fesses à main nue, de donner une tape sur la main, le bras ou la jambe • Sévices physiques ou violence grave, comme le fait de donner un coup de poing ou un coup de pied à un enfant, de le frapper avec ou sans objet dur (p. ex., un bâton ou une ceinture), de l’étrangler, de le poignarder, de le brûler, de secouer ou de brasser un jeune enfant, etc.
Violence (ou agression) sexuelle
• Agression sexuelle commise par un agresseur qui a un lien de parenté avec l’enfant (p. ex., les liens légaux, de sang ou de fait) tel qu’un frère, un oncle, un père, une mère, un grand-parent, un beau-père (Tourigny & Baril, 2011)
• Manifestations détaillées dans la cinquième section de ce chapitre
Négligence
• Omission ou absence de certains comportements parentaux qu’adoptent normalement une majorité de parents pour assurer le bien-être de leur enfant (Milot, Éthier & St-Laurent, 2009)
• Besoins fondamentaux de l’enfant non comblés sur les plans : − physique (p. ex., l’alimentation, l’habillement, l’hygiène) − de la santé (soins requis pour la santé physique ou mentale) − éducatif (surveillance ou encadrement approprié pour la scolarisation) − émotionnel (privation de l’enfant de liens affectifs, aucune démonstration d’affection, de bienveillance ou d’amour à son endroit)
• Échec de l’environnement familial à prodiguer à l’enfant un certain nombre de soins essentiels et nécessaires à sa sécurité et à son bon développement (Milot et al., 2009) a
La violence physique doit être considérée selon « 1) la nature des gestes commis et la gravité des conséquences physiques et psychologiques pour l’enfant, et 2) la légitimité sociale et culturelle des actes ». Source : Clément (2009). Chapitre 29
Violence
29
799
sociétaux et environnementaux de la violence familiale envers les enfants sont ceux de la violence en général, et ils sont définis dans la deuxième section de ce chapitre. Toutefois, les facteurs individuels et relationnels peuvent varier TABLEAU 29.6.
Épidémiologie Diverses sources d’information permettent de dresser un portrait de l’ampleur de la violence
familiale à l’égard des enfants ENCADRÉ 29.2. Elles peuvent provenir des études réalisées auprès : 1) des services de la protection de la jeunesse ; 2) des professionnels ayant un pouvoir d’enquête (p. ex., les policiers) et des professionnels œuvrant auprès des enfants (p. ex., les médecins, les enseignants) ; 3) de la population générale (Clément, Chamberland & Trocmé, 2009). Une enquête populationnelle réalisée en 2004 auprès de gures parentales indique que 79,6 % des parents
Facteurs de risque TABLEAU 29.6
Facteurs individuels et relationnels associés à la violence familiale envers l’enfanta
DOMAINE
FACTEURS POSSIBLES
Violence psychologique Sur le plan individuel Enfant
Tempérament difcile
Parent
Cognition (attitude, attribution et attentes) ; criminalité ; décience intellectuelle ; difcultés dans la conciliation travail-famille ; faible estime de soi ; mécanismes de défense ; problèmes de santé mentale (p. ex., une dépression) ; problèmes de santé physique ; stress lié au rôle parental ; toxicomanie ; violence vécue dans l’enfance
Sur le plan relationnel Famille
Alliances intergénérationnelles problématiques ; conits pour la garde de l’enfant ; difcultés et violence conjugales ; dysfonctionnements familiaux ; monoparentalité ; plusieurs enfants dans la famille
Violence physique Sur le plan individuel Enfant
Décits physiques ou cognitifs ; jeune âge ; naissance prématurée ; tempérament difcile
Parent
Cognition (attitude, attribution et attentes) ; difcultés dans la conciliation travail-famille ; faible estime de soi ; mécanismes de défense ; problèmes de santé mentale (p. ex., une dépression) ; stress lié au rôle parental ; toxicomanie ; violence vécue dans l’enfance
Sur le plan relationnel Famille
Difcultés et violence conjugales ; isolement social ; monoparentalité ; plusieurs enfants dans la famille
Négligence Sur le plan individuel Enfant
Âge (0-12 ans), décience intellectuelle ; handicap physique ; naissance prématurée ; tempérament difcile
Parent
Cognition (attitude, attribution et attentes) ; décits des habiletés parentales ; difcultés dans la conciliation travail-famille ; faible estime de soi ; jeune âge de la mère ; mécanismes de défense ; problèmes de santé mentale (p. ex., une dépression) ; stress lié au rôle parental ; toxicomanie ; violence vécue dans l’enfance
Sur le plan relationnel Famille
Difcultés et violence conjugales ; isolement social ; monoparentalité
a
Les facteurs de risque qu’un enfant soit exposé à la violence conjugale correspondent aux facteurs de risque de la violence conjugale, dénis dans la sous-section précédente. Les facteurs de risque de la violence sexuelle, eux, sont exposés dans la cinquième section de ce chapitre. Sources : Adapté de Centers for Disease Control and Prevention (2014) ; Clément & Dufour (2009).
800
Partie 6
Interventions inrmières en situation de crise
ENCADRÉ 29.2
Types de violence familiale envers les enfants et les adolescents
AU QUÉBEC EN 2008
AU CANADA EN 2009
Les taux d’enfants déclarés victimes de violence familiale varient selon le type de violence : • 1,8 pour 1 000 cas de violence psychologique ;
• Un tiers des voies de fait et des infractions sexuelles commises sur des enfants et des adolescents ont été perpétrées par des membres de leur famille.
• 2,6 pour 1 000 cas d’exposition à la violence conjugale ;
• Les parents ont commis plus de la moitié de ces actes.
• 2,8 pour 1 000 cas de violence physique ;
• Plus de 66 % des actes de violence familiale commis envers les enfants et déclarés ont consisté en des voies de fait ; 33 % de ces actes relèvent de la violence sexuelle.
• 0,8 pour 1 000 cas d’agression sexuelle ; • 3,4 pour 1 000 cas de négligence.
Sources : Adapté de Hélie, Turcotte, Trocmé et al. (2012) ; Statistique Canada (2011).
déclarent l’utilisation de l’agression psychologique, 52,4 % de conduites répétées d’agression psychologique, 42,9 % de violence physique mineure (soit le recours à la punition corporelle) et 6,3 % de violence physique grave (Clément, Chamberland & Côté, 2005).
TABLEAU 29.7
Chez l’enfant de moins de trois ans, le syndrome du bébé secoué constitue une conséquence grave de la violence physique lorsque l’enfant est secoué violemment ou projeté brutalement contre une surface (p. ex., un matelas), alors qu’il est tenu par les extrémités, soit le tronc, les épaules ou le bras (Clément, 2009). Ce syndrome est reconnu comme le traumatisme craniocérébral le plus grave et le plus fréquent chez les nourrissons (Labbé & Fortin, 2004). Il est l’une des principales causes de mortalité par suite de violence physique envers les enfants (Reece, 2001).
CONSÉQUENCES POSSIBLESa
ASPECT
Santé physique
Conséquences chez les victimes Les enfants victimes de violence familiale sont confrontées à la peur et au sentiment de n’avoir aucune valeur. Les parents qui devaient les protéger et les aimer sont sources de souffrance. De nombreuses recherches montrent de manière évidente les effets néfastes à court et à long termes de la violence commise envers les enfants en milieu familial (Clément & Dufour, 2009 ; Hart & Rubia, 2012) TABLEAU 29.7. Ces conséquences sont multiples et influencées par la forme, l’intensité, la fréquence et la durée des actes de violence, l’âge et le stade de développement de l’enfant maltraité, ainsi que par la qualité de la vie, du traitement et de la thérapie de l’enfant lorsque les actes de violence ont cessé. Certaines de ces conséquences peuvent perdurer jusqu’à l’âge adulte. Parfois, il y a transmission intergénérationnelle, c’est-à-dire que les enfants qui ont été victimes de violence familiale deviennent à leur tour des parents qui utilisent les mauvais traitements envers leurs enfants (Éthier, 2009 ; Plant, Barker, Waters et al., 2012).
Conséquences de la violence familiale sur l’enfant
Problèmes et troubles de santé physique
Blessures (p. ex., des ecchymoses, des fractures, des brûlures, des coupures, des cicatrices, le syndrome du bébé secoué) ; hypertension artérielle ; moins bon état de santé général ; problèmes somatiques ; retards de croissance d’origine non organique
Fonctionnement neurobiologique
Altération des taux d’hormones et de neurotransmetteurs (p. ex., la cortisone, la dopamine)
Santé mentale Problèmes et troubles de santé mentale
Automutilation ; consommation de substances ; décit de l’attention avec ou sans hyperactivité ; dépression ; idées et tentatives suicidaires, voire suicide ; sentiments de honte, de culpabilité et faible estime de soi ; troubles anxieux (p. ex., une phobie, un trouble d’anxiété généralisée et un trouble panique) ; troubles des conduites alimentaires (p. ex., l’anorexie, la boulimie) ; trouble de la personna lité limite ; troubles de l’alternance veillesommeil
Comportements
Agressivité ; comportements oppositionnels ; délinquance ; destruction de biens ou cruauté envers les animaux ; troubles du comportement
Cognition
Difcultés scolaires ; mauvais résultats scolaires ; réduction de la motivation et de la persévérance à la tâche ; retard de langage
Fonctionnement social et relationnel
Attachement de type insécurisant ; décits dans les compétences sociales ; rejet par les pairs
a
La liste des conséquences possibles de la violence à l’égard des enfants n’est pas exhaustive ; elle est ordonnée alphabétiquement. Source : Adapté de Clément & Dufour (2009).
29.3.3
Violence familiale envers les personnes âgées
La violence familiale envers une personne âgée consiste en un acte isolé ou répété de violence ou en l’absence d’intervention appropriée. Elle se produit dans le cadre d’une relation de conance et cause un préjudice ou de la détresse chez la personne âgée (ASPC, 2012b). Elle peut inclure la violence perpétrée par un enfant adulte, un conjoint, mais aussi par un voisin, un intervenant social ou un professionnel de
Le syndrome du bébé secoué est décrit en détail dans le manuel de Hockenberry, M.J., & Wilson, D. (2012). Soins inrmiers – Pédiatrie. Montréal : Chenelière Éducation.
Chapitre 29
Violence
801
29
Jugement
clinique Nathan Gendron n’est âgé que de deux mois, et il est hospitalisé pour vomissements répétés. Sa mère précise qu’il pleure davantage et qu’il est plus irritable depuis la veille. Vous constatez qu’il a des marques de doigts au thorax. Lorsque vous questionnez la mère, elle vous dit que c’est probablement survenu lorsqu’elle l’a rattrapé alors qu’il allait tomber de la table à langer. Quel problème le nourrisson peut-il avoir ?
TABLEAU 29.8
la santé. Elle est en fait commise par un proche dans le milieu de vie de la personne.
Description La violence envers les personnes âgées inclut la violence psychologique, physique et sexuelle, l’exploitation nancière, la négligence, la violation des droits et la
maltraitance de forme systémique TABLEAU 29.8. Une personne âgée peut être victime de plusieurs types de violence, de la part de diverses personnes de son entourage (Beaulieu & Bergeron-Patenaude, 2012 ; Cohen, Levin, Gagin et al., 2007 ; ministère de la Famille et des Aînés, 2015). Au Canada, certains types de violence envers la personne âgée (p. ex., la fraude, les voies de fait, l’agression sexuelle, les menaces et le harcèlement criminel) sont des actes criminels (ministère de la Justice du Canada, 2011).
Caractéristiques de la violence envers la personne âgée
FORME DE VIOLENCE
DÉFINITION
MANIFESTATIONS POSSIBLES
Violence (ou maltraitance) psychologique
Iniction de souffrances morales
• Atteintes à l’identité, à la dignité, à l’estime de soi ou aux valeurs de la personne âgée • Dénigrement de ses croyances ou de ses pratiques religieuses • Infantilisation, ignorance, isolement, humiliation, menaces • Propos dégradants sur la personne, son âge ou son degré d’autonomie, etc.
Violence (ou maltraitance) physique
Violence sexuelle Exploitation nancière
Iniction de douleurs ou de blessures, utilisation de la contrainte physique, ou recours à des moyens de contention physiques ou médicamenteux
• Fait de frapper la personne âgée, de la pousser, de lui lancer des objets, de lui administrer de force des aliments, de l’enfermer, de la rudoyer
Contact sexuel non consensuel avec une personne âgée
• Attouchements, exhibitionnisme, harcèlement, viol
Exploitation ou utilisation de manière illégale ou impropre des fonds ou des ressources d’une personne âgée
• Détournement de fonds
• Fait de faire attendre indûment la personne âgée pour aller à la salle de bain ou satisfaire d’autres besoins • Ridiculisation lorsque la personne souhaite exprimer sa sexualité • Fait de soutirer de l’argent, de voler des bijoux, des biens ou des espèces • Fraudes par vol d’identité, par télémarketing, par utilisation inappropriée de cartes de services bancaires ou d’une procuration bancaire • Pressions par rapport à un héritage
Négligence
Refus de s’acquitter d’une obligation de soin ou fait de ne pas s’en acquitter, ce qui peut supposer un acte conscient et une intention visant à iniger une détresse physique ou morale à une personne âgée
• Omission (peut être intentionnelle ou ne pas l’être lorsqu’elle découle d’un manque de connaissance ou de conscience d’une situation donnée) de poser un geste alors que celui-ci serait nécessaire pour le bien-être de la personne aînée
Violation des droits de la personne
Absence de reconnaissance des droits fondamentaux de la personne âgée
• Retrait du droit à l’intimité, du droit de recevoir des appels téléphoniques ou de la visite • Retrait du droit de la personne âgée de pratiquer sa religion • Empêchement d’exercer son droit de vote • Discrimination de la personne âgée en raison de son âge • Imposition d’un traitement médical
Maltraitance de forme systémique
Actes qui découlent généralement de l’organisation des soins et des services dans un établissement ou dans une société
• Absence de soutien adéquat au personnel en place • Embauche de personnel non qualié • Horaire de travail du personnel privilégié par rapport aux besoins et au rythme de vie de la personne âgée • Personnel manquant sur certains quarts de travail • Pratique de mesures de contention physique ou chimique sans raison thérapeutique pour éviter que la personne dérange
Sources : Adapté de Beaulieu & Bergeron-Patenaude (2012) ; ministère de la Famille et des Aînés (2015).
802
Partie 6
Interventions inrmières en situation de crise
Facteurs de risque spéciques Les facteurs de risque de la violence familiale à l’égard des personnes âgées sont multiples et peuvent varier selon le type de violence. Les facteurs sociétaux et environnementaux sont ceux de la violence en général, et ils sont dénis dans la deuxième section de ce chapitre. Parmi ces facteurs, l’âgisme, c’est-à-dire la discrimination qui cible les aînés, les préjugés et la marginalisation sociale des personnes âgées, peut avoir une incidence sur la maltraitance. Lorsque l’âgisme est important dans une société, le degré de tolérance envers la maltraitance y est plus élevé (Angus & Reeve, 2006 ; Phelan, 2008). Par ailleurs, les facteurs individuels et relationnels de la violence envers les personnes âgées, notamment les prols des victimes et des agresseurs, varient.
Prol des victimes Il est difcile d’établir des caractéristiques propres aux personnes âgées maltraitées, mais il existe des facteurs individuels de vulnérabilité et des facteurs relationnels de risque ENCADRÉ 29.3. Les aînés, les hommes comme les femmes, ne sont pas à l’abri de la violence (Beaulieu & BergeronPatenaude, 2012). Toutefois, il est possible que les femmes âgées soient plus à risque de violence familiale. Selon Statistique Canada (2011), en 2009, des membres de la famille ont commis 41 % des actes de victimisation envers les femmes âgées et 23 % envers des hommes âgés. La maltraitance subie par les femmes âgées serait plus susceptible d’être grave (OMS, 2015 ; Statistique Canada, 2015). Plusieurs études indiquent que les personnes âgées atteintes de pertes cognitives ou aux prises avec un déclin de la santé physique seraient plus à risque de maltraitance (Beaulieu & BergeronPatenaude, 2012). Ces difcultés entraînent une perte d’autonomie qui les empêche d’accomplir certaines tâches quotidiennes et accroît ainsi leur vulnérabilité (Fulmer, Paveza, VandeWeerd et al., 2005). L’aîné qui habite avec une autre personne est plus à risque de maltraitance que s’il vivait seul. En effet, la cohabitation accroît les interactions et augmente les possibilités de conits et de tensions (Beaulieu & Bergeron-Patenaude, 2012). De plus, les personnes âgées qui vivent en relation conjugale sont plus à risque d’être maltraitées que celles qui demeurent avec une personne qui n’est pas leur conjoint (Pillemer & Finkelhor, 1988). Cependant, les aînés qui vivent seuls sont plus à risque de subir de l’exploitation nancière (Lachs & Pillemer, 2004).
Prol des agresseurs Les agresseurs sont généralement des proches (p. ex., un parent proche ou lointain, un proche aidant, un ami, un voisin, une connaissance). Ils peuvent réunir les caractéristiques suivantes : un besoin d’argent ou un penchant pour
Facteurs de risque ENCADRÉ 29.3
Facteurs individuels et relationnels associés à la violence familiale envers la personne âgée
FACTEURS INDIVIDUELS POSSIBLES
Il existe des facteurs de vulnérabilité, inhérents à la personne âgée elle-même, qui la prédisposent à subir de la violence : • la consommation de psychotropes ; • la dépression ; • le manque de contacts sociaux ; • les pertes cognitives ; • des problèmes de santé physique ou mentale ; • la résistance aux soins.
FACTEURS RELATIONNELS POSSIBLES Il existe des facteurs de risque liés à l’environnement social et humain de la personne âgée qui favorisent la violence à son égard : • des conits interpersonnels avec la famille ou les amis ; • le fait de vivre seule (facteur de risque pour l’exploitation nancière) ; • une perte d’autonomie et la cohabitation avec un ou plusieurs proches ; • le peu de soins prodigués par les proches ; • des tensions persistantes entre une personne âgée et son proche aidant.
Source : Adapté de ministère de la Famille et des Aînés (2012b).
l’exploitation économique, une occasion d’agir, le sentiment d’avoir droit à la propriété convoitée (Statistique Canada, 2015). Ils peuvent également avoir des problèmes physiques, émotifs ou de toxicomanie (Statistique Canada, 2015). Par exemple, lorsqu’un proche aidant est en mauvaise santé, il devient moins apte à subvenir aux besoins de l’aîné dont il a la responsabilité (Fulmer et al., 2005). Si le proche aidant a subi de la violence physique dans son enfance, il est également plus à risque de malmener un aîné, car la manière dont il a été traité dans son enfance peut le conduire à donner des soins de moins grande qualité (Fulmer et al., 2005 ; Lachs & Pillemer, 2004).
ALERTE CLINIQUE
L’inrmière garde à l’esprit que les personnes âgées victimes de violence peuvent provenir de milieux aisés ou défavorisés ; elles peuvent habiter leur résidence, un logement social ou être hébergées en établissement (ministère de la Famille et des Aînés, 2012b).
Épidémiologie Au Canada, en 2013, on comptait 22 personnes de 65 ans et plus pour 100 personnes âgées entre 15 et 64 ans. Ce nombre passerait de 22 à 37 en 2030. Près de une personne sur quatre au pays serait alors âgée de 65 ans et plus, soit 22,8 % de la population comparativement à 15,3 % en 2013 (Statistique Canada, 2014). Il est donc possible de penser que la violence à l’égard des aînés canadiens pourrait s’accroître au cours des prochaines années (Beaulieu & BergeronPatenaude, 2012). Cependant, les connaissances concernant la violence familiale envers les personnes âgées sont incomplètes, et ce, pour diverses raisons. Premièrement, la plupart des études ne font pas de distinction entre les diverses formes de violence à l’endroit des aînés. Deuxièmement, les familles sont peu susceptibles de rapporter la violence puisque la personne responsable peut être un proche (p. ex., un
29 Chapitre 29
Violence
803
ls ou une lle), et elles ne veulent pas briser la solidarité qui les unit. Troisièmement, puisque de nom breuses personnes âgées sont confinées à domicile, personne n’est témoin de ce qui s’y passe. Enn, les personnes âgées victimes de maltraitance peuvent être réticentes à dévoiler ce qu’elles subissent, car elles peuvent avoir peur d’être placées en centre d’hébergement, craindre de dénoncer l’agresseur lorsqu’il lui prodigue des soins, avoir honte et se sentir coupables, avoir peur que la situation empire, etc. Certains aînés ont également la perception qu’ils méritent ce qu’ils subissent ou qu’ils en sont la source directe, notamment en raison de leur plus grande dépendance (Beaulieu & Bergeron-Patenaude, 2012).
CE QU’IL FAUT RETENIR
Chez les aînés, la négligence est la forme de violence la plus fréquente, suivie de l’exploitation nancière et de la violence psychologique.
Selon Statistique Canada (2015), la prévalence de la violence familiale envers les aînés était de l’ordre de 60 pour 100 000 personnes âgées de 65 à 89 ans, au Canada, en 2012. Cette prévalence est toutefois sous-estimée en raison des obstacles liés au dépistage, notamment la réticence des professionnels et des personnes âgées à dénoncer les mauvais traitements (Beaulieu & Bergeron-Patenaude, 2012). Ainsi, certains auteurs estiment que la prévalence de la violence à l’égard des personnes âgées demeurant à domicile se situerait plutôt entre 8 et 20 % (Beaulieu, 2007) ENCADRÉ 29.4. La négligence représenterait la forme de violence la plus fréquente, suivie de l’exploitation nancière et de la violence psychologique, qui se classent au deuxième ou troisième rang dans la plupart des recherches. La violence sexuelle et la ENCADRÉ 29.4
violence physique seraient les formes de violence les moins fréquentes. Enn, un bon nombre de personnes âgées subiraient plusieurs formes de violence (Beaulieu & Bergeron-Patenaude, 2012).
Conséquences chez les victimes Puisque le réseau de soutien et les ressources physiques, psychologiques et économiques diminuent généralement avec l’âge, l’impact de la violence envers les personnes âgées est amplié. Les conséquences peuvent être graves en raison de leur plus grande vulnérabilité (p. ex., des os plus fragiles, une précarité sur le plan physique, une plus longue convalescence) (OMS, 2015) TABLEAU 29.9. Un simple épisode de mauvais traitement est susceptible de déclencher une spirale descendante qui entraîne une perte d’autonomie, une maladie grave avec complications, voire la mort (Burgess & Hanrahan, 2006). En particulier, les suicides des personnes âgées de 64 ans et plus seraient d’abord causés par la solitude, puis par des conits interpersonnels – ce qui comprendrait les situations de violence (Courtet, 2011). Les personnes qui auraient été mal accompagnées dans une situation de violence manifesteraient plus de comportements autodestructeurs que les autres, dont des idées suicidaires, ce qui requiert une vigilance particulière de la part des professionnels de la santé. Cependant, peu de travaux ont été consacrés au lien précis entre le suicide des personnes aînées et la violence (ministère de la Famille et des Aînés, 2012a).
Types de violence familiale envers les personnes âgées
• La violence familiale envers les aînés est le plus souvent perpétrée par des conjoints et des enfants adultes. • Les voies de fait simple sont le crime violent le plus souvent commis envers les personnes âgées (53 %) ; 13 % de ces actes sont des voies de fait majeur,
et 9 % regroupent divers crimes violents, notamment des agressions sexuelles. • Environ 7 crimes violents sur 10 commis envers la personne âgée ne sont pas signalés à la police. • La prévalence de la violence à l’égard des aînés a tendance à diminuer avec l’âge.
Source : Statistique Canada (2011).
TABLEAU 29.9
Conséquences de la violence familiale sur la personne âgée
ASPECT
CONSÉQUENCES POSSIBLESa
Santé physique
Blessures ; fonctions physiques diminuées et invalidité ; maladies ; perte de poids ; santé physique générale plus pauvre ; traumas physiques et mort
Santé mentale
Anxiété ; atteinte à la dignité ; confusion ; détresse psychologique et dépression ; faible estime de soi ; idées et tentatives suicidaires, voire suicide ; repli sur soi ; sentiment croissant d’insécurité ; sentiments d’impuissance, d’aliénation, de culpabilité, de honte, de peur, d’angoisse et de déni ; troubles de l’alternance veille-sommeil ; troubles des conduites alimentaires ; TSPT
a
La liste des conséquences possibles de la violence à l’égard des aînés n’est pas exhaustive ; elle est ordonnée alphabétiquement. Sources : Adapté de Beaulieu & Bergeron-Patenaude (2012) ; ministère de la Famille et des Aînés (2012a) ; ministère de la Justice du Canada (2009).
804
Partie 6
Interventions inrmières en situation de crise
29.4 Démarche de soins La démarche de soins présentée dans cette section s’applique aux personnes victimes de violence familiale au sens large, c’est-à-dire quelles que soient la forme de violence, la gravité ou la durée des actes de violence, ainsi que l’identité de la victime ou de l’agresseur, qui peut être un membre de la famille, un proche ou une personne de conance (p. ex., un proche aidant, un professionnel ou un autre résident dans un centre d’hébergement pour personnes âgées). L’inrmière peut entrer en contact avec une personne victime de violence familiale dans tous les milieux de soins. La personne consulte parfois pour d’autres motifs que la violence. Aussi, chaque fois qu’une personne qui présente des blessures ou des douleurs d’origine douteuse s’adresse au système de santé, l’inrmière se demande si elle est, ou non, victime de violence. Le rôle de l’inrmière évolue au l du traitement, mais au moment des premiers contacts, il consiste essentiellement à évaluer l’état de santé physique et mentale de la personne, à dépister et à documenter tous les signes et les symptômes qu’elle présente, et à la rassurer. En particulier, l’inrmière peut être en contact avec des enfants victimes de violence au service des urgences, dans le cabinet du médecin, à domicile, en milieu de garde ou à l’école. Il est alors essentiel de reconnaître les cas possibles de violence et de les signaler au Directeur de la protection de la jeunesse (DPJ) (OIIQ, 2004).
29.4.1
Collecte des données – Évaluation initiale
L’évaluation de la condition mentale des personnes comprend l’évaluation des risques et des indices de violence. Le dépistage de la violence s’avère essentiel, car il est impossible de venir en aide à une personne victime de violence tant qu’elle n’est pas identiée. Pour ce faire, l’inrmière fait preuve de jugement clinique et de discernement (OIIQ, 2004). Le dépistage de la violence constitue une priorité du Plan d’action gouvernemental 2012-2017 en matière de violence conjugale (gouvernement du Québec, 2012), du Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2010-2015 (gouvernement du Québec, 2010c) et du Plan d’action gouvernemental en matière d’agression sexuelle (gouvernement du Québec, 2008b). Il est essentiel à une intervention efcace, car il permet de briser le silence qui entoure la violence (gouvernement du Québec, 2012). Le dépistage de la violence concerne tous les membres qui peuvent constituer une famille (homme, femme, enfant, personne âgée, proche
aidant, etc.) ENCADRÉ 29.5. Il permet d’agir à trois niveaux de prévention de la violence : la prévention primaire, la prévention secondaire et la prévention tertiaire. La prévention primaire se situe en amont de l’apparition de la violence et vise à sensibiliser les personnes à celle-ci. La prévention secondaire a pour objectif de réduire la prévalence de la violence, soit le nombre total de cas de violence dans une population. Ce type de prévention comprend des mesures de dépistage et de traitement. Par exemple, dans le cas d’un début de violence dans un couple, il est possible de travailler avec les deux conjoints pour prévenir toute récidive. La prévention tertiaire a pour but de réduire les incapacités associées à la violence. Il s’agit d’accompagner la victime pour qu’elle surmonte les effets physiques et psychologiques de la violence, comme expliqué au l de cette section.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Chaque fois qu’une personne qui présente des blessures ou des douleurs d’origine douteuse s’adresse au système de santé, l’inrmière se demande si elle est, ou non, victime de violence.
Établir une relation de conance Plusieurs habiletés sont requises pour effectuer une évaluation initiale efcace auprès de la personne présumée victime de violence et de sa famille. L’établissement d’une relation de conance est essentiel pour que la personne se sente capable de partager ses pensées et ses sentiments. Des sentiments de peur, de honte ou de culpabilité peuvent l’empêcher de parler ouvertement de sa situation de violence (ministère de la Santé et des Services sociaux [MSSS], 2013a). La démarche de soins se déroule dans un contexte d’accompagnement et se fonde sur une relation de partenariat et de collaboration ENCADRÉ 29.6.
Reconnaître les indices de violence L’inrmière peut dépister une situation de violence en prêtant attention aux facteurs de risque de violence (p. ex., des antécédents familiaux ou personnels de
Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 29.5
Dépister la violence familiale
Le dépistage de la violence comprend quatre activités : • l’évaluation des facteurs de risque réels ou potentiels et des indices de violence (signes, symptômes et comportements qui y sont liés) ; • l’évaluation des risques pour la sécurité de la personne ; • l’intervention immédiate incluant, entre autres, l’écoute active, les soins et les
traitements requis, l’élaboration de scé narios de protection, l’orientation vers des ressources compétentes ainsi que l’accompagnement et le soutien à la prise de décision ; • la documentation, pour assurer la qualité et la continuité des soins et soutenir la personne dans toute action juridique, le cas échéant.
29
Source : Adapté de OIIQ (2004). Chapitre 29
Violence
805
Relation d’aide ENCADRÉ 29.6
Adopter une attitude empathique et respectueuse
L’inrmière crée une relation de conance, de soutien et de respect avec la personne adulte ou l’enfant qu’elle pense être victime de violence.
appropriés et efcaces. Quelle que soit la culture, il est essentiel de vérier l’état émotif et psychologique de la possible victime.
ACCUEILLIR LA PERSONNE ADULTE
PROTÉGER LE JEUNE DE MOINS DE 18 ANS
En démontrant de l’ouverture, de l’empathie et de la douceur à la personne adulte, l’inrmière favorise le récit des agres sions. Avant tout, elle offre un environnement sûr et propice aux révélations. Il peut être préférable que l’inrmière n’inter roge pas la victime adulte devant le présumé agresseur, les membres de la famille ou les amis. La participation d’un tiers empêchera sans doute la personne de se coner. L’examen physique de la personne est un moment privilégié pour se retrouver seule avec elle et favoriser ses révélations en toute intimité (MSSS, 2013a). De plus, l’inrmière effectue l’examen critique de ses pro pres croyances et préjugés à l’égard de la violence. Elle doit se sentir à l’aise d’aborder ouvertement le sujet, sans laisser transparaître ses propres inquiétudes. La compréhension des valeurs culturelles de la personne est tout aussi essen tielle. Cellesci peuvent constituer un facteur dans la déci sion de la personne de parler, ou non, de la violence et de demander, ou non, de l’aide (OMS, 2002). Certaines per sonnes sont isolées et ne connaissent pas les ressources offertes dans la communauté. L’inrmière qui soigne une personne d’une autre culture a la responsabilité de s’infor mer sur cette culture. Elle peut poser des questions à ce sujet, mais de façon délicate et respectueuse, an que la personne comprenne que l’inrmière est préoccupée par sa situation et qu’elle souhaite mieux connaître ses valeurs et ses coutumes, et ce, dans le but de lui offrir des soins
L’inrmière ne questionne pas le jeune de moins de 18 ans, dont la sécurité ou le développement sont ou peuvent être compromis parce qu’il se trouve dans une situation de vio lence, et ce, pour ne pas inuer sur son témoignage (gou vernement du Québec, 2008a). En effet, les enfants peuvent être inuencés par les questions des adultes. L’inrmière ne tente donc pas d’obtenir plus d’information que ce que l’en fant lui dit. Lorsque celuici lui fait des condences, l’inr mière reste calme et l’écoute sans le juger. Elle se montre rassurante et lui indique qu’il a pris la bonne décision en lui parlant de ses difcultés. Elle lui fait comprendre qu’elle le croit, mais ne lui promet pas de garder le secret. Elle n’inter roge pas l’enfant, mais le laisse parler librement. Enn, elle note dès que possible les paroles de l’enfant (gouvernement du Québec, 2008a). L’entrevue sera menée par des personnes formées sur la manière de questionner les enfants an de les inuencer le moins possible et ne pas accroître leur traumatisme. C’est pourquoi l’inrmière adresse le cas au DPJ (gouvernement du Québec, 2008a ; OIIQ, 2004). Cependant, elle procède à l’examen et aux soins physiques d’urgence. En fait, dès que l’inrmière a des motifs raisonnables de croire que la sécu rité ou le développement d’un enfant peut être compromis, elle a l’obligation de le signaler au DPJ. Cette obligation prévaut sur le secret professionnel de l’inrmière et doit être remplie sans délai (OIIQ, 2012).
violence, la consommation de substances, l’isolement social). Elle observe également les blessures suspectes ou non expliquées, ainsi que les comportements de la personne FIGURE 29.4. et ENCADRÉ 29.7.
Effectuer l’entrevue CONSEIL CLINIQUE
À noter que certains symp tômes peuvent faire partie du processus normal de vieillissement (p. ex., les décits cognitifs tels que des difcultés de concentra tion). Aussi, l’inrmière effectue une évaluation globale et examine les symptômes physiques et mentaux dans le contexte plus large des antécédents du client.
806
Partie 6
Souvent, une personne victime de violence se sent coupable et honteuse et s’abstient de parler (MSSS, 2013a). L’infirmière pose donc des questions directes à une personne adulte qu’elle soupçonne être victime de violence familiale (OIIQ, 2004). Elle peut commencer par des questions moins compromettantes et aller graduellement vers des questions plus précises. Dans tous les cas, les questions doivent être simples et respectueuses, en plus de reéter le langage et les termes utilisés par la personne elle-même an que celle-ci sente qu’elle maîtrise l’entrevue ENCADRÉ 29.8. L’inrmière réagit rapidement à un dépistage positif en validant l’expérience de la victime et en lui offrant son soutien. Des phrases telles que « Je vous crois » et « Personne ne mérite d’être battu »
Interventions inrmières en situation de crise
FIGURE 29.4 Des traces de doigts sur la peau peuvent indiquer de la violence physique.
Symptômes cliniques ENCADRÉ 29.7
Indices de violence
INDICES PHYSIQUES
• Marques ou blessures en divers endroits du corps (p. ex., aux bras, à la tête, au visage, à l’abdomen, à la région génitale) et à divers stades de guérison : ecchymoses, égratignures, brûlures, plaies infectées, fractures, entorses, contusions, cicatrices, etc. • Imprécisions ou liens douteux entre la description des accidents et des blessures (p. ex., des réponses évasives ou défensives aux questions posées) • Délai de consultation inexpliqué • Douleurs chroniques
• Problèmes de santé physique : infections transmissibles sexuellement (ITS), perte de poids, syndrome du bébé secoué, etc. INDICES COMPORTEMENTAUX
• Apparence négligée, notamment de l’enfant ou de la personne âgée : vêtements inappropriés, mauvaise hygiène, sous-alimentation, retard de croissance (chez l’enfant), signes de soins de santé insufsants et problèmes de santé non traités, etc. • Problèmes de santé mentale : anxiété, peur, sentiment d’insécurité, stress, vigilance excessive, agitation, absence de communication (p. ex., visuelle), perte d’estime de soi, dépression, idées ou comportements suicidaires, etc.
Source : Adapté de OIIQ (2004).
Collecte des données ENCADRÉ 29.8
Exemples de questions à poser
À UNE PERSONNE POTENTIELLEMENT VICTIME DE VIOLENCE CONJUGALE
À UN PARENT DONT L’ENFANT EST POSSIBLEMENT VIOLENTÉ
L’inrmière s’adresse doucement et de façon générale à une femme potentiellement victime de violence conjugale qu’elle rencontre pour la première fois. Elle peut lui dire : « La violence est vécue par beaucoup de femmes. C’est pourquoi je demande à toutes celles que je rencontre si elles vivent une situation de violence conjugale » (Saint-Laurent, 2012). Elle précise ensuite ses questions au rythme de la personne :
Les parents ont généralement conscience de la violence familiale exercée envers leurs enfants et peuvent souhaiter obtenir de l’aide. D’ailleurs, la maltraitance peut constituer un appel inconscient à l’aide. Engager une discussion ouverte et respectueuse avec les parents autour du problème observé est donc recommandé. L’inrmière précise aux parents qu’elle a le même souci qu’eux du bien-être de l’enfant. Elle peut énoncer ce qu’elle perçoit et leur communiquer ses inquiétudes quant à la santé de leur enfant tout en se gardant de les juger. Elle peut poser les questions suivantes :
• Vous arrive-t-il de vivre des conits avec votre partenaire ? • Comment vous y prenez-vous pour régler ces conits entre vous ? • Qu’arrive-t-il quand vous et votre partenaire êtes en colère ? • Y a-t-il des situations où vous avez peur de votre partenaire ? • Des personnes ont parfois des blessures comme la vôtre parce que quelqu’un les a frappées. Quelqu’un vous a-t-il frappé ? (OIIQ, 2004) À UNE PERSONNE ÂGÉE POTENTIELLEMENT VICTIME DE VIOLENCE
Auprès de la personne âgée, l’inrmière porte une attention particulière aux signes d’exploitation ou de négligence (Davies, Harries, Cairns et al., 2011 ; Phelan, 2012). Les signes d’exploitation économique comprennent les plaintes de l’aîné ou les preuves concernant un détournement de son argent, une perte de maîtrise de ses nances, l’appropriation de ses biens matériels sans une approbation librement consentie, ainsi que des besoins nanciers non satisfaits contrastant avec sa situation nancière réelle. Les signes de négligence peuvent inclure des témoignages de la personne âgée indiquant qu’elle a été laissée seule et démunie pendant de longues périodes sans aide sufsante. L’inrmière pose des questions ouvertes et respectueuses : • Lorsque je vous parle de violence, qu’est-ce que cela veut dire pour vous ? • Comment pouvez-vous me décrire votre relation avec X (l’agresseur présumé) ? • Dans quelles circonstances ces comportements ont lieu ? • Avez-vous accès à de l’argent facilement ? Ou devez-vous en demander à X (l’agresseur présumé) ? (Montminy & Drouin, 2009)
• Que pensez-vous des problèmes de votre enfant ? • Comment peut-on vous soutenir ? (Saliez, Pas, Aertssen et al., 2005) Il n’est pas obligatoire d’aviser les parents dans le cas d’un signalement au DPJ. C’est à l’inrmière d’évaluer s’il est préférable de le faire ou non, selon la situation. Dans certains cas, le fait de l’annoncer aux parents pourrait leur permettre de se concerter, rendant ainsi l’évaluation du DPJ plus difcile. Dans d’autres cas, il peut être préférable de leur expliquer la raison du signalement, sans porter de jugement, an de conserver une relation transparente avec les parents et de ne pas perdre leur conance (Labbé, 2012). Dans les cas de violence conjugale, il peut être important pour l’inrmière d’indiquer au parent victime qu’elle effectuera un signalement au DPJ, pour éviter que les mesures de protection prises pour protéger l’enfant mettent sa vie en danger (OIIQ, 2004). À UNE PERSONNE POTENTIELLEMENT VIOLENTE DANS UN CONTEXTE FAMILIAL
Les personnes violentes reconnaissent difcilement leur besoin d’aide. Par exemple, que ce soit par la négation de leur problème ou par la crainte de paraître vulnérable, les hommes responsables de violence conjugale consultent en général peu les professionnels susceptibles de les aider (Rondeau, Brodeur, Nadeau et al., 2002). Dans ce contexte, il leur arrive d’aller chercher de l’aide sous la contrainte judiciaire ou sous la pression de leur conjointe. Certains peuvent penser qu’ils ont raté leur vie familiale, qu’ils ont causé du tort autour d’eux, qu’ils ont perdu l’estime d’autrui et éprouver de la honte. D’autres ont beaucoup de difcultés à accepter la responsabilité de leurs actes (Rinfret-Raynor et al., 2010). Ils ont besoin d’une écoute impartiale et d’être aidés an de se responsabiliser.
Chapitre 29
Violence
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29
sont des exemples de réactions de soutien aux victimes de violence. Devant une telle situation, l’inrmière demeure calme et objective. Inversement, il est possible que, même devant des signes évidents de violence, la personne taise ou nie les observations. L’inrmière pourra alors lui reéter sa perception de la situation et lui offrir son soutien et sa disponibilité pour l’avenir. L’inrmière peut aussi accompagner la personne dans sa réexion sur la poursuite ou la rupture de L’évaluation du risque sa relation, par exemple conjugale. Entre autres, il suicidaire est l’objet du est important de retenir qu’une personne peut chapitre 28, Suicide. aimer son partenaire et qu’elle souhaite le croire quand il lui promet de ne plus jamais être violent. Celui-ci peut aussi tenter d’expliquer ou de justier ses comportements violents en disant qu’il est fatigué ou stressé (Lachapelle & Forest, 2000). L’inrmière garde en tête que quitter le conjoint peut augmenter les risques de violence. Certains hommes peuvent devenir plus agressifs et mettre la Ange-Aimée Biron, âgée de 85 ans, est atteinte de la vie de leur compagne en maladie d’Alzheimer. Elle habite avec sa lle. Elle se danger. Certaines pertrouve à l’urgence, car elle souffre d’insufsance carsonnes choisissent alors diaque grave et montre des signes d’œdème pulmode rester avec leur conjoint naire. Madame Biron se plaint de douleur constante plutôt que de vivre dans à l’épaule droite. Le médecin désire lui faire passer la peur constante de une radiographie, mais la lle de la cliente s’y oppose représailles si elles le prétextant que sa mère ne présente aucune manifesquittent (National Coalitation d’arthrite ou d’arthrose. Qu’est-ce qui pourrait tion Against Domestic expliquer le refus de la lle de madame Biron ? Violence [NCADV], 2015).
28
Jugement
clinique
CE QU’IL FAUT RETENIR
L’inrmière a également la responsabilité de questionner le client au sujet de la sécurité des autres personnes de la maison.
L’inrmière a également la responsabilité de questionner le client au sujet de la sécurité des autres personnes de la maison. Auprès d’une personne victime de violence conjugale, l’inrmière demande si les enfants subissent de la violence. Il est important d’évaluer la relation entre les personnes responsables et l’enfant, an de dépister les risques possibles de maltraitance ou de négligence dans un contexte de violence conjugale. La violence conjugale est en effet un facteur de risque pour la santé des enfants exposés (OIIQ, 2004).
Déterminer le degré de dangerosité An de déterminer le degré de dangerosité, ou le risque que la personne soit (de nouveau) soumise à des actes de violence, l’inrmière évalue : • le type de violence (psychologique, verbale, physique, sexuelle, etc.) ; • le cycle de la violence ; • la gravité de la violence (p. ex., une blessure majeure, de l’isolement, le risque d’homicide) ; • la fréquence de la violence à laquelle la personne est présentement soumise (p. ex., quotidienne, hebdomadaire). L’inrmière demande s’il y a une arme dans la maison, si l’agresseur présumé a été violent à l’extérieur du domicile, s’il fait une consommation
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Partie 6
Interventions inrmières en situation de crise
excessive de substances, s’il harcèle la personne ou profère des menaces de suicide ou d’homicide. Ce sont tous des éléments qui augmentent le danger (Campbell, 2005 ; Lussier, Wright, Lafontaine et al., 2008 ; Sinha, 2010). L’inrmière vérie également si une personne envisage de quitter son conjoint violent. Si oui, cette dernière doit être sensibilisée au risque accru de violence qu’entraîne ce projet (Campbell, Glass, Sharps et al., 2007 ; Walton-Moss & Campbell, 2002), et à la nécessité d’élaborer un scénario de protection pour assurer sa sécurité ENCADRÉ 29.11. Enn, une personne victime de violence peut envisager le suicide, et l’inrmière en évalue le risque 28 .
Documenter la situation L’inrmière consigne précisément les signes physiques de la violence, rassemble les données disponibles et les conserve (p. ex., les vêtements, les pansements ou les draps souillés ou tachés de sang). Avec le consentement de la personne adulte, elle peut prendre des photos des indices physiques d’une violence ou d’une négligence. Dans la mesure du possible, il s’agit de photographier la présumée victime avant de la traiter ou de lui offrir des soins d’hygiène. Les comportements de la personne sont décrits, non interprétés, et sont notés quotidiennement an d’établir un registre des progrès. Autant que possible, l’inrmière note mot à mot les conversations qu’elle a eues avec la personne et ses proches. Elle consigne également toutes les afrmations de la personne adulte, obtenues en posant des questions ouvertes. L’information consignée doit inclure le nom de l’auteur présumé de violence ainsi que la date des actes de violence et la façon dont ils se sont produits. Ce faisant, il est essentiel de rassurer la personne adulte quant à la condentialité de son dossier médical et de la documentation qu’il contient (Loi sur les services de santé et les services sociaux [LSSS], chapitre S-4.2, art. 19).
29.4.2
Analyse et interprétation des données
À partir des renseignements recueillis pendant la collecte des données, l’inrmière détermine les problèmes prioritaires qui orienteront le plus efcacement le plan de soins et de traitements inrmiers (PSTI) de la personne adulte ENCADRÉ 29.9. Chaque client peut vivre une situation de violence pour des raisons particulières. De ce fait, il ne s’agit pas d’anticiper tous les problèmes possibles liés à la violence. L’ordre de priorité accordé aux problèmes dépend des besoins précis du client. L’inrmière partage son interprétation des données avec la personne pour l’aider à reconnaître ses propres symptômes et à suivre leur évolution. De cette façon, l’inrmière vise à promouvoir la capacité d’autoévaluation et d’autosoins de la personne.
29.4.3
Planication des soins
Au moment de la planication des soins, l’inrmière agit comme facilitatrice. Elle ne détermine pas ce que la personne doit faire, mais elle l’aide à communiquer ses objectifs et à établir un plan. L’inrmière suit le rythme de la personne et collabore avec elle.
Établir les résultats escomptés L’établissement des résultats escomptés avant la mise en œuvre du PSTI guide à la fois les interventions inrmières et l’évaluation. Les résultats escomptés varient selon les problèmes prioritaires déterminés pour chaque client. En pratique, l’inrmière établit les résultats escomptés à partir des indices de violence, des problèmes prioritaires et des besoins exprimés par le client ENCADRÉ 29.10.
Décider des soins À partir d’une évaluation appropriée, le PSTI de toute personne victime de violence comprend : 1) les soins physiques urgents ; 2) les mesures prises pour assurer la sécurité immédiate de la victime (p. ex., un plan d’urgence, une ressource ENCADRÉ 29.9
d’aide ciblée et sollicitée, la possibilité de coner les enfants à un proche de conance) ; 3) les soins psychologiques ; 4) la mise en place, avec la personne adulte, de mesures de sécurité physique et psychologique pour le futur en même temps que l’évaluation des solutions possibles. L’inrmière travaille en collaboration avec le client et reconnaît que toute tentative d’imposer ses croyances personnelles à une personne victime de violence est vouée à l’échec. La personne a plutôt besoin d’être rassurée et soutenue quant à sa capacité de prendre des décisions appropriées pour elle-même. C’est par l’autonomie que la personne acquerra la force nécessaire pour prendre des décisions de façon autonome. L’inrmière travaille en interdisciplinarité et consulte un professionnel capable d’offrir des conseils ou des soins utiles. Elle fait notamment part de ses craintes à l’organisme de santé concerné, au DPJ ou à un agent de police lorsqu’elle a des raisons de soupçonner un cas de violence envers un enfant ou une personne âgée (LSSS, chapitre S-4.2, art. 19). Selon les besoins ou les attentes, plusieurs approches peuvent être envisagées TABLEAU 29.10.
Problèmes pouvant être associés à la violence
• Anxiété et peur liées à la menace de violence • Anxiété de modérée à grave liée à un changement de l’état de santé
• Modication du rythme cardiaque et intolérance à l’activité liées à un changement de l’état de santé, surtout chez la personne âgée
• Consommation d’alcool ou de drogues
• Risque de blessures lié à la menace de violence
• Dépression
• Risque d’homicide ou de suicide
• Difcultés familiales
• Risque pour la sécurité et le développement des enfants en cas de violence
• Diminution de l’estime de soi • Douleur due aux blessures comme peut en témoigner la difculté à respirer profondément et à dormir en raison de fractures multiples
ENCADRÉ 29.10
• Stratégies d’adaptation compromises en raison de la perturbation des rôles familiaux • TSPT
Exemples de résultats escomptés en cas de violence
La personne adulte sera en mesure : • de signaler une diminution de la douleur physique ; • de respirer calmement et de mentionner qu’elle se sent plus détendue ; • d’exprimer moins de crainte et d’anxiété en étant capable de discuter de la violence subie et d’explorer les solutions possibles à sa situation avec l’inrmière ; • d’élaborer des plans pour assurer sa sécurité en cas de menaces futures ; • de verbaliser sa prise de conscience concernant le danger croissant si la violence subie s’est intensiée avec le temps ;
• de discuter avec l’inrmière des conséquences pour elle-même et les autres membres de sa famille de demeurer dans une situation de violence ; • d’exprimer ses sentiments concernant le changement de son état de santé, sa dépendance envers ses proches, la façon dont elle a été traitée par ces derniers, s’il s’agit d’une personne âgée ; • d’explorer les choix possibles concernant sa situation d’hébergement, s’il s’agit d’une personne âgée ; • d’utiliser les ressources communautaires pour accroître son estime de soi et son indépendance ; • d’étudier les recours légaux possibles.
29 Chapitre 29
Violence
809
TABLEAU 29.10
Modèles d’intervention auprès de la personne âgée victime de violence
MODÈLE
INTERVENTION
Modèle de la violence familiale
Il s’agit d’agir rapidement et à court terme sur les symptômes plutôt que sur les causes de la violence. Il est possible de demander une ordonnance de protection, de proposer un groupe de soutien, un groupe d’aide aux victimes, un programme de surveillance, etc.
Modèle de la protection de l’adulte
Il s’agit de signaler systématiquement les cas de violence ou d’abus, au risque de limiter l’autonomie de la personne âgée.
Modèle de l’assistance à la victime
Il s’agit d’enseigner à la victime à atteindre ses objectifs personnels et à défendre ses droits.
Modèle interdisciplinaire
Il s’agit, pour les intervenants de première ligne, de demander, au besoin, des conseils à des experts.
Modèle des systèmes familiaux
Il s’agit de modier la dynamique familiale et de proposer une intervention à long terme auprès de la victime et de ses proches.
29.4.4
Exécution des interventions Soins et traitements inrmiers
La priorité de l’inrmière est de garantir un équilibre entre la sécurité et l’autonomie de la personne adulte. Les interventions varient selon les décisions et les besoins exprimés par cette dernière. En tout temps, la personne doit se sentir soutenue et respectée. Tout d’abord, l’inrmière aide la personne adulte à verbaliser ses sentiments et à reconnaître ses forces. Par exemple, elle lui fait réaliser qu’elle mérite qu’on prenne soin d’elle, qu’elle s’occupe bien de ses enfants, qu’elle arrive à fonctionner dans un environnement difcile. Elle répond au premier besoin de se coner de la victime. Elle ouvre la discussion sur les sentiments possibles de honte ou de culpabilité et sur la perte de socialisation. L’inrmière procède également aux soins physiques et assure le confort de l’enfant ou de l’adulte.
Par la suite, l’inrmière renseigne la personne adulte sur la violence, l’informe de ses droits et des ressources disponibles (p. ex., des groupes de soutien, des ressources d’hébergement, des ressources sociojuridiques). Elle lui explique ce que sont la violence familiale, son escalade, ses effets physiques et psychologiques. Elle établit avec elle la liste des solutions aidantes et non aidantes déjà expérimentées. L’inrmière aide la personne adulte à évaluer la situation de façon réaliste et à explorer toutes les solutions valables pour elle (p. ex., aller vers un refuge, demander l’aide de sa famille, porter plainte). L’inrmière adapte systématiquement ses interventions aux réactions de la personne, sans la juger. Par exemple, elle accepte que celle-ci ne veuille pas briser le lien avec le proche en cause. Elle assure alors le suivi nécessaire si la personne décide de retourner vivre avec son proche. Auprès d’une personne âgée, l’inrmière peut apporter du soutien à l’agresseur lorsque celui-ci est un proche aidant surmené et lui offrir des techniques de gestion du stress ou le diriger vers des ressources communautaires. La décision de quitter un conjoint violent est généralement un processus graduel. L’inrmière peut jouer un rôle clé dans la sensibilisation de la cliente à l’existence de solutions. Elle rappelle à la personne qu’elle n’est pas responsable de la violence de son partenaire (OIIQ, 2004). L’aide la plus adéquate dans cette situation est de continuer à croire dans le potentiel de la personne, de lui manifester de la conance et de lui exprimer qu’elle est capable de prendre la meilleure décision pour ellemême (Lachapelle & Forest, 2000). Parallèlement, l’inrmière élabore des scénarios de protection avec une personne victime de violence conjugale (OIIQ, 2004). Un tel scénario prévoit généralement une sortie d’urgence de la maison, les numéros de ressources communautaires et d’une maison d’hébergement (mémorisés par la victime), l’évaluation du réseau social an de briser l’isolement et de trouver le soutien nécessaire ENCADRÉ 29.11.
Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 29.11
Scénario de protection en cas de violence conjugale
L’inrmière propose à la cliente : • de trouver une façon de quitter rapidement la maison pour obtenir de l’aide ; • de prévoir des façons de se protéger en cas d’impossibilité de quitter la mai son (éviter la cuisine, la salle de bain, le soussol, les pièces avec escaliers) ; • de placer en sécurité, hors de la maison, tout document important tels que : actes de naissance, contrat de mariage, passeport, documents d’immigra tion, polices d’assurance, reçus des biens propres, bulletins scolaires et diplômes d’études ; Source : Adapté de OIIQ (2004).
810
Partie 6
Interventions inrmières en situation de crise
• d’avoir dans son sac à main : cartes de crédit et argent comptant pour un taxi, permis de conduire, livret de santé et de vaccination (les siens et ceux des enfants), carte d’assurance maladie et de centre hospitalier, livret ban caire, clés de la maison, numéros de téléphone du refuge le plus proche ; • d’établir une liste de numéros de téléphone importants ; • de demander aux voisins d’appeler la police s’ils entendent des bruits de scène de violence ; • d’expliquer la situation aux enfants et de leur enseigner d’aller chez un voisin et d’appeler la police en cas de scène de violence.
Soins et traitements en interdisciplinarité Il est indispensable de travailler en équipe pour venir en aide à toute personne victime de violence. L’expertise de chacun est utile pour répondre aux divers besoins. Ainsi, le partage de l’information entre les intervenants est crucial. Dans ce contexte, la condentialité peut devenir un dilemme important, à la fois dans des situations qui nécessitent la collaboration entre les professionnels d’un même établissement ou de plusieurs organisations différentes (Beaulieu & Leclerc, 2006 ; OIIQ, 2010a). Avec le consentement de la personne adulte, l’inrmière peut divulguer un renseignement condentiel et signaler la situation de violence aux intervenants qui peuvent l’aider, quelle que soit la nature du danger ou des menaces. Toutefois, si l’inrmière n’obtient pas le consentement de la victime, elle peut communiquer un renseignement condentiel lorsqu’elle juge que la situation présente un risque de dangerosité (Code de déontologie des inrmières et inrmiers, chapitre I-8, r. 9, art. 31 ; Code des professions, art. 60.4). Lorsque la victime est une personne âgée et qu’elle est jugée inapte, une déclaration d’inaptitude peut être demandée ainsi que la mise en place
d’un régime de protection (avec conseiller, tutelle ou curatelle d’une personne majeure) (Beaulieu & Leclerc, 2006). Lorsque la victime est une personne mineure (un enfant ou un adolescent âgé de moins de 18 ans), la Loi sur la protection de la jeunesse (chapitre P-34.1) s’applique ENCADRÉ 29.12.
29.4.5
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution
L’inrmière évalue les progrès du client vers l’atteinte des résultats escomptés à chacune de ses interactions avec lui (évaluation en cours d’évolution). Si les progrès ne sont pas satisfaisants, l’inrmière révise les résultats escomptés ou modie ses interventions. Cette évaluation est essentielle, car la violence peut continuer et même s’accroître, notamment si une personne choisit de retourner dans un environnement violent. Plusieurs indices permettent d’évaluer l’atteinte des résultats escomptés. Il s’agit notamment de la volonté de la personne de reconnaître la violence ainsi que de sa volonté et celle des membres de sa famille d’accepter les interventions extérieures ou le retrait de la personne de cet environnement violent (McFarlane, Malecha, Gist et al., 2004 ; Melchiorre & Vis, 2012).
CE QU’IL FAUT RETENIR
Lorsque la victime est une personne âgée et qu’elle est jugée inapte, une déclaration d’inaptitude peut être demandée ainsi que la mise en place d’un régime de protection.
Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 29.12
Signaler un enfant au Directeur de la protection de la jeunesse
L’inrmière qui, dans l’exercice de sa profession, a un motif raisonnable de croire que la sécurité ou le développement d’un enfant est ou peut être compromis au sens des arti cles 38 ou 38.1 de la Loi sur la protection de la jeunesse est tenue de signaler sans délai la situation auprès du DPJ, et ce, même si elle est liée par le secret professionnel. La sécurité ou le développement d’un enfant est ou peut être considéré comme compromis au sens de la Loi, entre autres : • si son développement mental ou affectif est menacé par l’absence de soins appropriés ou par l’isolement dans lequel il est maintenu ou par un rejet affectif grave et continu de la part de ses parents ;
• si sa santé physique est menacée par l’absence de soins appropriés ; • s’il est gardé par une personne dont le comportement ou le mode de vie risque de créer pour lui un danger moral ou physique ; • s’il est victime de sévices sexuels ou soumis à des mauvais traitements physiques par suite d’excès ou de négligence ; • s’il manifeste des troubles de comportement sérieux et que ses parents ne prennent pas les moyens nécessaires pour mettre n à la situation qui compromet la sécurité ou le développement de leur enfant ou qu’ils n’y parvien nent pas.
Source : Adapté de OIIQ (2004).
29.5
Violence sexuelle
La violence sexuelle comprend les agressions sexuelles commises envers des adultes et des mineurs ainsi que les autres infractions d’ordre sexuel à l’égard des mineurs. Les conséquences en sont multiples ; elles comprennent des problèmes de
santé physique ou mentale, des difcultés sexuelles ou relationnelles, des problèmes économiques, sociaux ou familiaux (MSSS, 2013b). Les orientations de la politique gouvernementale en la matière visent à réduire l’incidence de la violence sexuelle, à augmenter le taux de dénonciation, à améliorer les services d’aide et de protection aux victimes et à assurer
29 Chapitre 29
Violence
811
un meilleur encadrement des agresseurs (MSSS, 2015). Pour sa part, l’inrmière est appelée à intervenir auprès des victimes ou des agresseurs, qu’il s’agisse de prévenir, de dépister ou d’aider les victimes et leurs proches à composer avec les conséquences de la violence sexuelle.
29.5.1
Description
Une agression sexuelle est un geste à caractère sexuel commis sans le consentement de la personne visée. Cette définition s’applique quels que soient : • l’âge, le sexe, l’état civil, la culture, l’origine, la religion et l’orientation sexuelle de la victime ou de l’agresseur sexuel ; • les gestes posés, avec ou sans contact physique (p. ex., la pénétration, les attouchements, pardessus ou sous les vêtements, les baisers, l’exhibitionnisme, le voyeurisme) ; • le lieu ou le milieu de vie où les gestes sont posés ; • les liens qui existent entre la victime et l’agresseur sexuel (gouvernement du Québec, 2010a). CE QU’IL FAUT RETENIR
Les victimes d’agressions sexuelles sont majoritairement des femmes et des enfants de sexe féminin et les auteurs d’agressions sexuelles sont en grande partie des hommes qu’elles connaissent.
Dans tous les cas, une agression sexuelle vise à assujettir une autre personne aux désirs de l’agresseur par un abus de pouvoir, par l’utili sation de la force ou de la contrainte ou sous la menace implicite ou explicite. Elle porte atteinte à l’intégrité physique et psychologique, ainsi qu’à la sécurité de la personne agressée (MSSS, 2013c). Dans certains cas, notamment dans celui des enfants, l’agression sexuelle relève de la manipulation affective ou du chantage, car même si un enfant coopère, il ne mesure pas nécessairement les conséquences possibles de l’activité sexuelle sur son développement psychosocial. L’agresseur peut avoir établi une relation de conance avec l’enfant, puis présenter l’activité comme un jeu, la nommer différemment, mentir sur les normes sociales et prétendre qu’il s’agit d’une activité courante, offrir une récompense, menacer l’enfant, etc. Au Canada, en 2008, en vertu de la Loi sur la lutte contre les
TABLEAU 29.11
Partie 6
Les agressions sexuelles sont des actes criminels. Il s’agit de voies de fait, car elles consistent à utiliser la force ou à menacer d’utiliser la force, directement ou indirectement, avec ou sans arme, contre une personne, sans son consentement, selon le Code criminel canadien (L.R.C., 1985, chapitre C-46, art. 265.1). Comme pour les voies de fait, trois niveaux d’agression sexuelle se distinguent. Les autres infractions d’ordre sexuel visent les mineurs (INSPQ, 2016) TABLEAU 29.11.
29.5.2
Facteurs de risque spéciques
Les victimes d’agressions sexuelles sont majoritairement des femmes et des enfants de sexe féminin (ministère de la Sécurité publique, 2011 ; Perreault & Brennan, 2010 ; Tourigny & Baril, 2011). Les auteurs d’agressions sexuelles sont en grande partie des hommes (gouvernement du Québec 2010b ; Tourigny & Baril, 2011). La majorité des agresseurs sont âgés de 30 à 40 ans, bien qu’une proportion importante soit âgée de moins de 18 ans (Tourigny & Baril, 2011). Les agresseurs sexuels connaissent souvent la victime et protent de leurs relations de conance ou d’autorité pour commettre l’agression. Il est difcile de tracer le portrait type de l’agresseur sexuel et les motifs qui l’amènent à commettre ce délit. Les facteurs peuvent être multiples et inclure des éléments individuels (p. ex., biologiques et
Dénitions juridiques de la violence sexuelle
TYPE
DÉFINITION
Agression sexuelle de niveau 1
Ne cause pas ou presque pas de blessures corporelles.
Agression sexuelle de niveau 2
Est armée ; menace ou cause des lésions corporelles.
Agression sexuelle de niveau 3
Blesse, mutile ou dégure ou met la vie en danger.
Autres infractions d’ordre sexuel à l’égard des jeunes jusqu’à 18 ans
Incluent : les contacts sexuels, l’incitation à des contacts sexuels, l’exploitation sexuelle, l’inceste, les relations sexuelles anales, la bestialité, la corruption d’enfants, le leurre d’un enfant au moyen d’un ordinateur, le voyeurisme.
Source : Adapté de INSPQ (2016).
812
crimes violents (L.C., chapitre 6), l’âge légal pour consentir à une activité sexuelle est passé de 14 à 16 ans, ce qui signie qu’une personne de moins de 16 ans n’est plus considérée comme sufsamment mature pour consentir à un acte sexuel avec un partenaire plus vieux (en situation d’autorité ou non). La différence d’âge avec l’agresseur est xée par la Loi à un maximum de 2 ans lorsque les victimes ont 12 ou 13 ans, et de 5 ans pour les victimes âgées de 14 et 15 ans. Pour les victimes de moins de 12 ans, toute activité sexuelle est considérée comme une agression sexuelle, quelle que soit la différence d’âge avec l’agresseur (ministère de la Justice du Canada, 2015c).
Interventions inrmières en situation de crise
psychologiques), relationnels, socioculturels et institutionnels (Tourigny & Baril, 2011). Sur le plan individuel, avoir une paraphilie, c’està-dire un intérêt sexuel déviant (p. ex., la pédophilie), des distorsions cognitives (p. ex., des pensées erronées pour justier l’agression sexuelle), des idées et des attitudes favorables à l’agression sexuelle sont des facteurs qui augmentent le risque d’agresser sexuellement (Lafortune et al., 2010 ; Tourigny & Baril, 2011). De plus, la consommation d’alcool avant l’agression sexuelle, que ce soit contre une personne adulte, un adolescent ou un enfant, est un phénomène fréquent chez les agresseurs (Hébert, Cyr & Tourigny, 2011 ; Tourigny & Dufour, 2000). Parmi ceux-ci, les violeurs sont ceux qui consomment le plus d’alcool avant d’agresser sexuellement leurs victimes (Tourigny & Dufour, 2000). Certains facteurs de risque relationnels peuvent également augmenter le risque d’agresser sexuellement un enfant, par exemple l’adversité familiale, le fait d’avoir été victime de mauvais traitements dans l’enfance (dont l’agression sexuelle), les problèmes sexuels, les décits sociaux et les difcultés relationnelles. Plus particulièrement, certaines caractéristiques de l’enfant et de sa famille peuvent accroître le risque qu’un enfant soit agressé sexuellement, et ce, en augmentant sa vulnérabilité ou en diminuant la capacité de supervision du parent. Il peut s’agir de problèmes de comportement et d’isolement social chez l’enfant, de difficultés psychologiques du parent, de violence et d’instabilité familiale. Les données existantes montrent que les femmes sont responsables de 3 ou 5 % de toutes les agressions sexuelles, et environ 50 % d’entre elles commettraient leurs agressions en compagnie d’un coaccusé (Cortoni, Hanson & Coache, 2009 ; ministère de la Sécurité publique, 2015). Elles proviennent plus fréquemment de familles dysfonctionnelles, ont plus souvent été victimes d’agression sexuelle ou physique dans leur enfance, tendent à dépendre davantage des hommes ou à être rejetées par eux, et ont plus souvent une sexualité dysfonctionnelle. Elles sont aussi plus fréquemment atteintes de problèmes psychologiques tels que la
ENCADRÉ 29.13
dépression, l’anxiété, un TSPT, la dissociation et la psychose (Boroughs, 2004 ; Tardif, Auclair, Jacob et al., 2005 ; WHO, 2013).
29.5.3
Épidémiologie
La grande majorité des personnes victimes d’agression sexuelle ne le déclarent pas ; il est donc difcile de déterminer l’ampleur de la situation. Ainsi, au Canada, environ 90 % des agressions sexuelles ne sont pas déclarées à la police (Brennan & Taylor-Butts, 2008). Au Québec, en 2013, 80 % des victimes ont signalé une infraction sexuelle dans l’année même (ministère de la Sécurité publique, 2015). Une enquête menée auprès d’un échantillon de la population québécoise a établi que 20 % des victimes d’agression sexuelle pendant l’enfance, devenues adultes, n’avaient encore jamais dévoilé leur agression, et plus de la moitié des victimes ont attendu au moins 5 ans après la survenue de la première agression avant de la révéler (Hébert, Tourigny, Cyr et al., 2009). Plusieurs victimes ne déclarent pas l’agression sexuelle qu’elles ont subie, car elles estiment que l’incident n’était pas assez grave, qu’elles l’ont réglé d’une autre façon, qu’il s’agissait d’une question personnelle ou parce qu’elles ne veulent pas avoir affaire à la police (Brennan & Taylor-Butts, 2008 ; ministère de la Justice du Canada, 2015d). D’autres suggèrent que c’est plutôt en raison de la honte ou de la peur ainsi que des tabous, des mythes ou des préjugés (Groupe de travail sur l’intervention médicosociale auprès des victimes d’agression sexuelle, 2010a ; ministère de la Sécurité publique, 2008). Par exemple, certaines victimes ont peur des représailles, ont l’impression d’être seules à vivre une telle situation, se sentent coupables ou même responsables de ce qui leur arrive. L’ampleur réelle du problème est donc difcile à mesurer ENCADRÉ 29.13. Au Québec et dans le monde, la prévalence de l’agression sexuelle dans l’enfance est estimée à environ 20 % chez les femmes et à 10 % chez les hommes (Stoltenborgh, van IJzendoorn, Euser et al., 2011 ;
Statistiques québécoises sur les agressions sexuelles
En 2013, au Québec, 5 526 infractions sexuelles ont été enregistrées par la police : • 83 % des victimes étaient de sexe féminin (52 % étaient des lles de moins de 18 ans) ; • 17 % des victimes étaient de sexe masculin (14 % étaient des garçons de moins de 18 ans) ; • 86 % des jeunes victimes et 68 % des victimes adultes connaissaient l’agresseur présumé ;
• 97 % des auteurs d’infractions sexuelles étaient de sexe masculin (76 % étaient des adultes, et 23,5 % avaient moins de 18 ans) ; • 69 % des agressions sexuelles ont eu lieu dans des résidences privées. Les données québécoises indiquent donc un taux de 67,8 infractions par 100 000 habitants.
29
Source : ministère de la Sécurité publique (2015). Chapitre 29
Violence
813
Tourigny & Baril, 2011). La prévalence de l’agression sexuelle à l’âge adulte, elle, est d’environ 22 % chez les femmes et de 4 % chez les hommes (Elliott, Mok & Briere, 2004). Par ailleurs, le problème des agressions sexuelles apparaît plus grave dans certains groupes de la population (MSSS, 2001). Ainsi, il est particulièrement préoccupant chez les femmes marginalisées (Du Mont & McGregor, 2004 ; Gaetz, 2004), chez les personnes ayant un handicap physique ou une déficience intellectuelle (Dion, Bouchard, Gaudreault et al., 2012 ; Martin, Young, Billings et al., 2007) ainsi que dans la population autochtone (Collin-Vézina, Dion & Trocmé, 2009 ; Muckle & Dion, 2008). Enn, dans plusieurs cas, l’agression sexuelle ne survient pas seule, mais en présence d’autres formes de mauvais traitements durant l’enfance des victimes (Tourigny & Baril, 2011).
29.5.4
Conséquences chez les victimes
L’agression sexuelle entraîne des répercussions négatives graves dans plusieurs sphères du fonctionnement de la victime. Celle-ci subit des traumatismes physiques et émotionnels importants pendant l’agression sexuelle, tout de suite après et pendant une assez longue période par la suite. Les
TABLEAU 29.12
Conséquences de la violence sexuelle sur l’enfant ou l’adolescent
ASPECT
CONSÉQUENCES POSSIBLESa
Santé physique Problèmes de santé physique
• Changements neurobiologiques ; problèmes somatiques
Santé mentale Problèmes et troubles de santé mentale
• Anxiété ; dépression ; peur ; TSPT ; troubles mentaux
Comportements
• Comportements généraux : agression ; comportements autodestructeurs et automutilation ; consommation et abus de substances ; délinquance ; idées suicidaires et tentatives de suicide ; implication dans des gangs ; itinérance et fugues ; problèmes de comportements intériorisés ou extériorisés
Cognition
• Difcultés scolaires ; méance
Fonctionnement social et relationnel
• Faible estime de soi ; faible perception de l’image corporelle ; isolement social ; problèmes relationnels avec la mère
a
La liste des conséquences possibles de la violence sexuelle à l’égard des enfants et des adolescents n’est pas exhaustive ; elle est ordonnée alphabétiquement. Source : Adapté de Baril & Tourigny (2009). Partie 6
Que ce soit chez l’enfant ou l’adulte, l’agression sexuelle est associée à des problèmes de santé physique et mentale, à la victimisation sexuelle et physique avec son partenaire amoureux ainsi qu’à la criminalité (Daigneault, Hébert & McDuff, 2009 ; Maniglio, 2009 ; MSSS, 2013b). Les effets physiques de l’agression sexuelle peuvent être des marques ou des blessures en divers endroits du corps (p. ex., des égratignures, des ecchymoses, des brûlures, des fractures), des douleurs variées (p. ex., des maux de dos, un engourdissement des membres), une paralysie, une perte de sensibilité, des ITS, une grossesse, etc. Des sentiments tels que l’humiliation, la honte, la peur, la colère ou la vengeance peuvent se manifester. La victime peut ressentir de la détresse en se remémorant l’agression. Elle peut mettre plusieurs mois, voire des années à surmonter le drame. Les conséquences psychiatriques peuvent se présenter sous la forme de troubles anxieux, de troubles dépressifs, bipolaires ou apparentés, de troubles de la personnalité, de troubles de l’alternance veille-sommeil, de comportements sexuels problématiques, de dysfonctions sexuelles, d’inadaptation sociale, de problèmes de dépendance, et même, dans certains cas, de troubles psychotiques. Les conséquences particulières de la violence sexuelle à l’égard des enfants et des adolescents sont présentées dans le TABLEAU 29.12.
Soins et traitements inrmiers
• Comportements sexuels : agression ; comportements sexuels à risque ; comportements sexuels problématiques ; délinquance sexuelle ; engagement affectif diminué ; grossesses précoces ; nombre de partenaires sexuels augmenté ; relations sexuelles précoces ; utilisation réduite d’une méthode contraceptive ; victimisation
814
principales conséquences observées chez la victime dépendent d’éléments personnels tels que l’âge, de certaines caractéristiques des agressions et de certains aspects liés à l’environnement familial et extrafamilial. Ainsi, les prols des victimes sont très diversiés, tant chez les enfants que chez les adultes (Groupe de travail sur l’intervention médicosociale auprès des victimes d’agression sexuelle, 2010a ; Hébert, 2011 ; Littleton & Grills-Taquechel, 2011).
Interventions inrmières en situation de crise
L’inrmière peut agir à plusieurs niveaux pour diminuer la fréquence des agressions sexuelles, notamment la prévention et l’intervention.
Prévenir les agressions sexuelles Les orientations gouvernementales du Québec en matière d’agression sexuelle visent à faire reconnaître l’importance du problème et à réduire son incidence et les conséquences pour les victimes (gouvernement du Québec, 2008b). L’inrmière met de l’avant les valeurs fondamentales de respect, d’intégrité, d’égalité et de sécurité entre les personnes. L’éducation sexuelle, par exemple dans les écoles, est un outil essentiel pour informer la population et supprimer les mythes sociaux entourant la sexualité et les agressions sexuelles. Les efforts de dépistage doivent cibler les jeunes agresseurs an
d’intervenir avant que les comportements déviants ne soient ancrés. La prévention peut également être menée auprès des parents d’enfants, notamment lorsque l’inrmière aborde avec eux la question de l’agression sexuelle, clarie certains mythes ou croyances et leur présente les symptômes associés aux agressions sexuelles (Bergeron & Hébert, 2011). Si les parents sont mieux sensibilisés à la problé matique de l’agression sexuelle et aux services dis ponibles, ils seront plus capables de prendre les mesures nécessaires pour protéger leur enfant contre d’éventuelles agressions.
Intervenir auprès d’une victime La personne victime d’agression sexuelle n’est d’aucune façon responsable de ce qui lui est arrivé (gouvernement du Québec, 2010a). L’inrmière reconnaît qu’ellemême peut avoir des croyances, des préjugés, des peurs et elle les remet en ques tion an de demeurer objective et empathique envers la victime. Il lui incombe d’accepter la res ponsabilité de s’informer et d’acquérir une com pétence en matière de soutien aux victimes d’agression sexuelle. Elle respecte ses propres limites et recourt à des ressources spécialisées an d’offrir les meilleurs soins à la personne agressée. Le but de l’intervention de l’inrmière est d’aider la victime à exprimer ses besoins, de la renseigner sur les ressources, ses droits et ses recours.
| Connaître les centres désignés au Québec pour les personnes victimes d’agression sexuelle | En 2001 a commencé le processus d’implantation, au Québec, des centres désignés pour les victimes d’agression
ENCADRÉ 29.14
sexuelle (Comité interministériel de coordination en matière de violence conjugale, familiale et sexuelle, 2007). Dès l’année suivante, les premiers centres désignés ont commencé à offrir leurs ser vices (CollinVézina, Hébert, Dion et al., 2011). Les centres désignés sont des établissements du réseau de la santé et des services sociaux, géné ralement un centre hospitalier ou un centre de santé et de services sociaux. Ils offrent des services médicaux, médicolégaux et médicosociaux aux victimes d’agression sexuelle, peu importe leur âge et leur sexe. Ils ont été implantés pour que toutes les victimes d’agression sexuelle puissent accéder à des services d’accueil, de soutien affec tif, à un examen médical ou médicolégal, à des soins et traitements ainsi qu’à un suivi approprié (Groupe de travail sur l’intervention médicoso ciale auprès des victimes d’agression sexuelle, 2010b). Chaque centre désigné travaille en parte nariat avec d’autres organismes du milieu, notam ment avec les Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS). Dans les cas de victimes mineures, l’inrmière effectue également un signalement au DPJ, comme expli qué dans la quatrième section de ce chapitre.
| Appliquer le protocole d’intervention médicosociale du Québec | En plus d’être adaptée et personnalisée pour chaque victime, l’intervention médicosociale dans les centres désignés se déroule normalement en huit étapes (Groupe de travail sur l’intervention médicosociale auprès des victimes d’agression sexuelle, 2010b) ENCADRÉ 29.14.
Les CALACS offrent de la documentation aux victimes d’agression sexuelle, qui peut être consultée au www.rqcalacs.qc.ca.
Étapes de l’intervention médicosociale auprès d’une personne victime d’agression sexuelle
ÉTAPE 1 : ACCUEIL ET SOUTIEN AFFECTIF
L’intervenant, par exemple l’inrmière, laisse d’abord le temps à la victime de s’exprimer et de préciser ses besoins. Il la soutient dans ses démarches. ÉTAPE 2 : ORIENTATION DE L’INTERVENTION
Cette étape consiste à déterminer si un examen médical ou médicolégal sera effectué et, par conséquent, les instruments qui seront utilisés. Une fois que les diverses interventions possibles ont été présentées, la victime (ou ses parents s’il s’agit d’un enfant de moins de 14 ans) donne son consentement à l’interven tion choisie. La victime peut consentir à différentes étapes de l’intervention (p. ex., l’examen médical, l’examen médicolégal incluant l’examen médical, la remise au policier de la trousse médicolégale ou de formulaires seulement). ÉTAPE 3 : HISTOIRE MÉDICOSOCIALE
L’ensemble des besoins de la victime est évalué, et le médecin détermine les examens et les prélèvements pertinents. L’histoire médicosociale est consignée, par l’inrmière, dans les formulaires de la trousse médicolégale ou de la trousse médicosociale sans prélèvements médicolégaux. La trousse médicolégale permet d’uniformiser et de garantir l’intégrité des prélèvements effectués au cours de l’examen médicolégal, de disposer de
preuves scientiques objectives pouvant éclairer certains aspects de l’agression sexuelle et de soutenir la démarche judiciaire d’une victime qui décide de porter plainte contre son agresseur. La trousse sans prélèvements médicolégaux a pour objectif d’offrir un cadre d’intervention adapté aux victimes d’agression sexuelle pour lesquelles les prélèvements médicolégaux n’étaient pas requis ou pour celles qui ne désiraient pas porter plainte. Ces instruments doivent être intégrés à une approche globale des besoins des victimes et ne doivent pas être une n en soi. ÉTAPE 4 : EXAMEN MÉDICAL ET EXAMEN MÉDICOLÉGAL, TESTS ET PRÉLÈVEMENTS
L’examen médical inclut, si cela est pertinent, un examen gynécologique et génital, un test de grossesse et le dépistage des ITS. L’examen médicolégal comprend un examen médical et les prélèvements de la trousse médicolégale. ÉTAPE 5 : SOINS ET TRAITEMENTS
Cette étape inclut, si cela est pertinent, la prévention d’une grossesse ou des ITS, le traitement des lésions et des ITS ainsi que la prescription d’anxiolytiques.
Chapitre 29
Violence
29
815
ENCADRÉ 29.14
Étapes de l’intervention médicosociale auprès d’une personne victime d’agression sexuelle (suite)
ÉTAPE 6 : INFORMATION ET SOUTIEN, SIGNALEMENT AU DPJ, DÉCLARATION À LA POLICE ET RÉFÉRENCES
Cette étape inclut, selon les circonstances :
d’hébergement, la Direction de l’indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC), etc. ÉTAPE 7 : SUIVI MÉDICAL
• le signalement au DPJ ; • l’accompagnement dans la déclaration à la police ; • la prise de rendezvous pour les suivis médical et psychosocial ; • la remise de pièces justicatives qui seront nécessaires à la victime pour motiver une absence au travail ou à l’école ; • la transmission des coordonnées d’organismes communautaires venant en aide aux victimes d’agression sexuelle, dont les CALACS, les Centres d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC), les maisons
Cette étape consiste à évaluer ultérieurement les symptômes généraux de nature somatique, à déceler une grossesse, à dépister et à traiter des ITS, etc. ÉTAPE 8 : SUIVI PSYCHOSOCIAL
Cette étape ultérieure consiste à aider les victimes et leurs proches à composer avec les réactions et les séquelles consécutives à une agres sion sexuelle.
Source : Adapté de Groupe de travail sur l’intervention médicosociale auprès des victimes d’agression sexuelle (2010b).
Le MSSS fournit, pour chaque région du Québec, les res sources disponibles pour les agresseurs sexuels : www.msss.gouv.qc.ca.
Le rôle de l’inrmière est de procéder à l’accueil de la personne, de lui apporter un soutien affectif, de déterminer l’orientation de l’intervention et de consigner l’histoire médicosociale. Le médecin, lui, doit compléter l’histoire médicosociale et réaliser l’examen médical ou médicolégal, assisté par l’intervenante psychosociale ou l’inrmière (Groupe de travail sur l’intervention médicosociale auprès des victimes d’agression sexuelle, 2010b). Ensuite, l’inrmière accompagne la victime dans sa déclaration à la police ou l’oriente vers les organismes appropriés (Groupe de travail sur l’intervention médicosociale auprès des victimes d’agression sexuelle, 2010b).
| Adopter une attitude ouverte et respectueuse | L’inrmière veille à avoir une attitude empathique et respectueuse. Elle aide la victime sans prendre la maîtrise de la situation à sa place et croit en la
personne (Groupe de travail sur l’intervention médicosociale auprès des victimes d’agression sexuelle, 2010a) ENCADRÉ 29.15.
Adresser les personnes concernées aux programmes appropriés | Programmes pour agresseurs sexuels | La plupart des soins destinés aux agresseurs sexuels sont prodigués dans le cadre du processus correctionnel. Des services sont aussi offerts dans la communauté. Ainsi, au Québec, il existe des groupes de soutien et des programmes d’évaluation et de traitement pour les agresseurs sexuels, adolescents ou adultes, ou pour les personnes ayant peur de commettre une agression sexuelle. Pour être intégré dans un programme de réadaptation, l’agresseur doit être capable de reconnaître qu’il présente une problématique de
Relation d’aide ENCADRÉ 29.15
Accompagner la personne victime de violence sexuelle
L’inrmière s’assure d’appliquer les principes suivants. • Écouter ce que la victime a à dire sans porter de juge ment, la laisser s’exprimer dans ses mots, à sa façon, à son rythme et lui laisser le temps requis. • Croire ce que dit la victime, car il s’agit de son vécu et de sa perception, se centrer sur ce qu’elle dit et vit.
n’est pas de sa faute et que l’agresseur est entièrement responsable de ses actes. • Favoriser l’autonomie, aider la victime à reprendre du pouvoir sur sa vie, tout en étant disponible pour elle, lui donner de l’espace pour respirer et pour reprendre son niveau de fonctionnement habituel.
• Encourager et valoriser ses capacités, souligner ses forces, son courage d’en parler.
• Valider les émotions de la victime, l’aider à exprimer ce qu’elle ressent en normalisant ses réactions et ses senti ments (colère, rancœur, culpabilité, baisse de l’estime de soi) et en la rassurant, car toute personne a droit au respect de son intégrité, et l’agression sexuelle est inac ceptable et criminelle.
• Déculpabiliser la personne, lui faire comprendre et lui conrmer qu’elle est la victime, que l’agression sexuelle
• Aider et accompagner la personne dans ses démarches et rester disponible.
• Recevoir objectivement et ouvertement ce que la victime dit sans minimiser ni amplier les faits, les émotions ou les conséquences.
Source : Adapté de Groupe de travail sur l’intervention médicosociale auprès des victimes d’agression sexuelle (2010a).
816
Partie 6
Interventions inrmières en situation de crise
déviance sexuelle et qu’il éprouve des difcultés dans diverses sphères de sa vie (p. ex., dans sa relation de couple, en famille, au travail). Le but principal des traitements est de diminuer le risque de récidive (Institut Philippe-Pinel, 2012). Les principales stratégies visent à accroître la compréhension du cycle de l’agression et l’utilisation de stratégies pour l’interrompre (Lafortune et al., 2010). Il s’agit d’amener les agresseurs à reconnaître leurs diverses problématiques, à se responsabiliser à l’égard de celles-ci et à travailler leurs comportements qui sont en lien avec leur dynamique conictuelle. Plusieurs programmes pour agresseurs sexuels relèvent de la thérapie par le milieu, et d’autres se déroulent en rencontre de groupe en consultation externe. Au Québec, la majorité des programmes de traitement utilisent le modèle cognitivo-comportemental 20 . Cela exige la collaboration de professionnels expérimentés et objectifs. L’inrmière qui rencontre un présumé agresseur peut l’adresser aux organismes compétents.
| Programmes pour victimes | Le traitement des vic times d’agression sexuelle est bénéfique et souvent nécessaire pour leur rétablissement (Hébert, Bernier & Simoneau, 2011). Il existe plusieurs approches et programmes d’intervention pour venir en aide aux victimes. Par exemple, la thérapie cognitivo-comportementale axée sur le trauma constitue un traitement de choix pour les enfants victimes d’agression sexuelle (Hébert, Bernier & Simoneau, 2011 ; Simoneau, Daignault & Hébert, 2011). Lorsque la violence sexuelle est commise envers un enfant, l’inrmière est également à l’écoute du parent non agresseur. La réaction du parent quand l’enfant lui révèle l’agression, sa capacité à se mobiliser pour le protéger et le soutenir sont des facteurs qui ont une inuence sur l’adaptation de l’enfant (Cyr, Zuk & Payer, 2011). Par exemple, le soutien maternel est associé à des effets positifs sur la santé mentale des enfants victimes à court et à long termes. Le parent devrait croire la révélation de l’enfant, lui offrir un soutien qui répond à ses besoins et s’assurer de le protéger contre des agressions futures. Bien que certains parents ne présentent pas de détresse à la suite du dévoilement de l’agression sexuelle de leur enfant, certains d’entre eux peuvent en être bouleversés et traumatisés. Ce dévoilement peut ainsi occasionner de l’anxiété, de la dépression ou encore un TSPT chez le parent non agresseur (Cyr et al., 2011). L’inrmière est empathique et dépourvue de jugement envers celui-ci. Elle l’aide à accepter l’agression sexuelle de son enfant et à composer avec les émotions suscitées par le dévoilement. Elle encourage les parents à adopter une conduite parentale qui assure le bien-être et le développement optimal de l’enfant, d’autant plus que les difcultés psychologiques qu’ils vivent peuvent
interférer avec leur capacité à soutenir leur enfant (Cyr et al., 2011).
29.6
Violence et troubles mentaux
La violence peut survenir dans divers milieux de soins, aux urgences, au centre hospitalier ou dans le réseau communautaire. Les personnes à risque de manifester des comportements violents font partie de la clientèle de l’inrmière, au même titre que celle qui est victime de violence. Ces personnes doivent être identiées et accompagnées dans la reconnaissance et la gestion de la violence, et ce, pour les protéger contre elles-mêmes ou pour protéger de potentielles victimes. À la question de savoir s’il faut particulièrement s’inquiéter des personnes atteintes de troubles mentaux, en ce qui concerne la violence, la réponse est non, le plus souvent. En fait, ces personnes sont parfois elles-mêmes victimes de violence en raison de leur vulnérabilité. Cependant, le lien entre la violence et les troubles mentaux a fait l’objet de nombreuses études depuis plusieurs années (Joyal, 2005 ; Peterson, Skeem, Kennealy et al., 2014). Certains diagnostics de troubles mentaux, dont la schizophrénie, peuvent être associés à une augmentation du risque de violence (Busko, 2009 ; Grohol, 2013 ; Joyal, 2005). La plus grande prudence devant ces afrmations est recommandée an de ne pas stigmatiser les personnes atteintes de schizophrénie (Joyal, 2005). Un petit nombre de personnes seulement sont responsables d’un grand nombre de gestes de violence (Joyal, 2005). L’inrmière est alors appelée à demeurer vigilante et prudente. Elle a le souci de protéger le client, les membres de la famille et toute autre personne éventuellement menacée.
29.6.1
Le Centre d’expertise MarieVincent, à Montréal, propose une thérapie cognitivocomportementale à l’enfant victime d’agression sexuelle : www.ceasmv.ca. Le Centre d’intervention en abus sexuels pour la famille (CIASF) offre notamment une intervention de groupe aux enfants âgés de 6 à 12 ans : www.ciasf.org.
20 Les thérapies cognitivocomportementales sont dénies dans le chapitre 20, Modèles et stratégies thérapeutiques.
Description
La violence vise à exercer une domination. Les différentes formes de violence sont dénies dans la première section de ce chapitre. Généralement, les comportements de violence ne surgissent pas de façon inattendue. Il est possible d’en détecter des signes avant-coureurs qui, s’ils ne sont pas pris en considération, peuvent graduellement mener à des comportements violents (Cowin, Davies, Estall et al., 2003 ; Hodge & Marshall, 2007 ; Johnson & Aaron, 2013). La violence est l’expression d’émotions (p. ex., l’anxiété, la peur, la colère) qui, mal gérées, peuvent devenir insupportables pour une personne et l’amener à réagir vivement pour se libérer de ce surcroît d’émotion ou de tension (Heitmeyer & Hagan, 2003).
29 Chapitre 29
Violence
817
Parmi les signes avant-coureurs de violence, la colère et l’agressivité nécessitent une attention particulière. La colère est une émotion vive surLes comportements de venant le plus souvent dans un contexte de frusviolence ne surgissent pas tration. Elle constitue une réaction normale à un de façon inattendue. Il est stresseur, mais elle peut varier en intensité. Elle essentiel d’en détecter des s’accompagne de changements physiologiques signes avant-coureurs avant (p. ex., une augmentation de la fréquence cardiaque que le client en vienne à ou de la pression artérielle) et psychologiques des comportements (p. ex., un air renfrogné, un visage empourpré, des violents. marmonnements, une hausse de ton, des allées et venues, des poings serrés, une retenue excessive) (Adler, Rosen & Silverstein, 1998). L’agressivité est une attitude marquée par la brusquerie, l’hostilité, une tendance à s’opposer en réponse à une contrainte ou à de la frustration. Elle peut être utilisée de manière positive, par exemple dans une compétition ou dans la poursuite d’objectifs professionnels ou personnels. Elle peut également se 2 manifester par des comportements plus ou moins ouverts dirigés vers soi ou vers autrui. L’agressivité Les troubles mentaux graves peut s’exprimer de manière verbale ou physique sont expliqués dans le comme suit : ton élevé, voix tremblante, agitation, chapitre 2, Santé mentale et sarcasmes, menaces physiques ou verbales, gestes services dans la communauté. violent à l’endroit des objets ou des personnes, inter prétations erronées des stimulus (Johnson & Aaron, 2013 ; Ramírez & Vous accompagnez une inrmière qui effectue une visite Andreu, 2006). Le travail de à domicile chez Émilie Saint-Laurent, âgée de 35 ans. l’inrmière et des autres Celle-ci a accouché de son deuxième enfant. Vous intervenants est d’être à observez que Tristan, son ls âgé de cinq ans, marche l’affût des signes avantavec les jambes légèrement écartées. Sa mère, d’un ton coureurs de violence, de inquiet, dit qu’il marche ainsi depuis qu’elle est revenue les désamorcer ou d’aider du centre hospitalier. Elle ajoute que l’enfant refuse de la personne à les gérer, répondre lorsqu’elle s’informe sur les circonstances qui an d’en prévenir l’escaont conduit à ce changement de sa démarche. Avez-vous lade (Cowin et al., 2003 ; raison de croire que l’enfant a été victime d’agression Hodge & Marshall, 2007) sexuelle ? Justiez votre réponse. ENCADRÉ 29.16. CE QU’IL FAUT RETENIR
Jugement
clinique
29.6.2
Facteurs de risque spéciques
Les facteurs de risque de violence, dénis dans la deuxième section de ce chapitre, sont d’ordres individuel, relationnel, communautaire ou sociétal. À l’échelle individuelle, un trouble mental n’explique pas à lui seul la violence, et l’inrmière évalue toujours l’ensemble des facteurs de risque, qui peuvent être de plusieurs types TABLEAU 29.13. Le premier prédicteur de violence est la violence antérieure déjà commise (Ahern, 2002 ; Millaud & Dubreucq, 2005). Une personne qui a déjà perpétré un geste de violence risque d’en commettre d’autres.
29.6.3
Épidémiologie
Les personnes atteintes d’un trouble mental grave sont plus susceptibles d’avoir un comportement violent, en particulier celles qui ont une psychose 2 . Le risque de violence est 1,5 fois plus élevé chez ces personnes que dans la population générale (Douglas, Guy & Hart, 2009). Les probabilités de violence sont de 49 à 68 % plus élevées en présence de psychose que lorsqu’il n’y en a pas (Douglas et al., 2009). Les hallucinations mandatoires avec ordre de violence ou un délire à thèmes mystiques, grandioses ou de persécution jouent un rôle direct sur l’apparition de la violence. Par exemple, une personne atteinte de paranoïa et craignant pour sa sécurité peut agir violemment pour se protéger ou une personne interprétative peut mal comprendre un geste ou une parole et y réagir avec violence. En cas de trouble mental grave, la non-adhésion au traitement, l’abus de substances et le manque de discernement contribueraient à augmenter les risques de comportements violents (Busko, 2009). Les troubles mentaux graves augmentent notamment le risque de violence physique envers autrui.
Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 29.16
Reconnaître et désamorcer les signes avant-coureurs de la violence
Par exemple, une personne à risque de violence peut circuler de long en large en marmonnant sans cesse et de façon incompréhensible. Elle hausse le ton par moment, jette des regards furtifs autour d’elle, s’arrête quelques secondes et reprend de plus belle. L’inrmière est à l’affût de ces comportements inhabituels. Plutôt que de laisser la personne déambuler ainsi, dans un état visiblement inconfortable pour elle, l’inrmière évalue rapidement la personne, cherche l’origine de ce comportement et désamorce la crise. Elle intervient ainsi de façon à freiner l’évolution de la crise et surtout d’empêcher le passage à l’acte (Cowin et al., 2003 ; Fluttert, Van Meijel, Webster et al., 2008 ; Hodge & Marshall, 2007).
818
Partie 6
Interventions inrmières en situation de crise
Lorsque l’inrmière ou les intervenants s’adressent à la personne, celle-ci pourrait réagir vivement à leur contact en raison d’un trouble mental et d’une fausse interprétation possible de la réalité. L’inrmière réagit alors calmement et se fait rassurante. Il est clair qu’un comportement semblable d’une personne laissée à elle-même risque de s’amplier et peut graduellement conduire à des gestes de violence envers des objets (p. ex., frapper dans les murs, bousculer le mobilier ou lancer des accessoires) ou envers autrui (p. ex., menacer un intervenant, l’insulter, l’injurier). Il s’agit du passage à l’acte (Hodge & Marshall, 2007).
Ce risque de violence physique est encore plus élevé lorsqu’il y a consommation d’alcool ou de drogues (Dubreucq, Joyal & Millaud, 2005 ; Pickarda & Fazelb, 2013). Néanmoins, le nombre absolu des agressions physiques commises par les clients atteints d’un trouble mental grave reste faible. En effet, plus de 90 % des cas de violence sont perpétrés par des agresseurs qui n’ont pas de troubles mentaux graves (Dubreucq et al., 2005 ; Haute Autorité de Santé, 2011 ; ministère de la Justice, 2013).
29.6.4
Soins et traitements
Les soins et traitements consistent d’abord en une évaluation rigoureuse de la personne et de la situation clinique, et ce, dans le but d’intervenir de façon préventive (OIIQ, 2010b). L’estimation de la dangerosité du passage à l’acte repose en grande partie sur cette évaluation initiale. L’objectif est de prévenir la violence et de contribuer au rétablissement de la personne, qui est encouragée à acquérir une capacité à choisir les soins qui sont les plus susceptibles de répondre à ses besoins (Commission de la santé mentale du Canada, 2012).
Évaluation initiale L’inrmière qui évalue la condition mentale d’une personne atteinte d’un trouble mental inclut l’estimation du risque de violence. Elle peut être confrontée à cette problématique dans tous les milieux de soins. Par exemple, il est estimé que 5 % des personnes qui se présentent à l’urgence d’un centre hospitalier à Montréal ont des problèmes de santé mentale (Chaput & Lebel, 2007). L’évaluation du risque de violence s’effectue au cours de la première entrevue et à chaque rencontre subséquente. En effet, de nouveaux éléments (p. ex., l’augmentation de l’intensité des symptômes, des problèmes économiques ou relationnels) peuvent alors amener la personne à réagir de façon différente. L’inrmière connaît les conditions ou les situations qui peuvent être source de frustration, de colère, d’agressivité et de violence, et elle prend les mesures nécessaires pour prévenir les agressions. Il est primordial qu’elle diversifie les sources d’information afin de compléter son anamnèse. Ainsi, les observations recueillies auprès d’autres intervenants ou des proches de la personne contribuent à mieux cerner la présence ou non du risque de violence. Il peut être question de facteurs prédisposants (p. ex., la dynamique familiale), contribuants (p. ex., la non-adhésion au traitement) ou précipitants (p. ex., un deuil). Le jugement clinique est alors essentiel pour reconnaître les facteurs de risque de violence et déterminer les problèmes prioritaires ENCADRÉ 29.17. En effet, la sous-estimation ou la
TABLEAU 29.13
Liens possibles entre les troubles mentaux et la violence
TYPE DE FACTEURS
DÉFINITION
EXEMPLES
Facteurs prédisposants
Éléments qui peuvent fragiliser la personne
• L’isolement social • Un trouble mental et ses symptômes (p. ex., des hallucinations, des délires paranoïdes, une désorganisation) • Un trouble organique • La violence antérieure connue
Facteurs contribuants
Facteurs précipitants
Éléments qui augmentent la vulnérabilité de la personne
• La consommation de substances (drogues et alcool)
Éléments déclencheurs
• Des conits avec l’entourage
• La désinhibition • L’humeur (p. ex., irritable, élevée, exaltée) • Des contrariétés diverses (p. ex., un refus, un bris, l’attente) • La perte (p. ex., d’un proche, d’un emploi, d’un logement, d’argent)
surestimation de la dangerosité est un piège à éviter (Millaud & Dubreucq, 2005).
CE QU’IL FAUT RETENIR
L’inrmière vérie également si la personne a des idées délirantes ou des hallucinations qui peuvent la conduire à commettre des gestes de violence. Pour ce faire, elle lui pose des questions telles que : Avez-vous l’impression que quelqu’un vous veut du mal ? Avezvous peur ? Sentez-vous que vous devez vous défendre ? Avez-vous reçu des messages spéciaux, qui viennent de la télévision ou de la radio, par exemple ? Cela vous met-il en colère ? En voulez-vous à quelqu’un pour ce qui vous arrive présentement ?
La psychose avec hal lucinations mandatoires augmente le risque de comportement violent, mais il faut se rappeler que la très grande majo rité des cas de violence sont perpétrés par des clients qui n’ont pas de troubles mentaux graves.
Collecte des données ENCADRÉ 29.17
Éléments à considérer pour déterminer le risque de violence
• Le contexte démographique et socioécono mique (l’âge, le sexe, le statut économique) • L’histoire personnelle (p. ex., un environne ment familial perturbé, des antécédents de violence) • La cible des manifestations de violence (p. ex., un proche, un intervenant) • Le lieu d’exercice des manifestations de violence (p. ex., le domicile, le milieu hospitalier)
• L’accessibilité à des objets dangereux (p. ex., une arme à feu accessible au do micile, la possession d’une arme blanche) • L’état mental (notamment les symptômes tels que des hallucinations mandatoires, un sentiment de persécution, une hostilité verbale, un discours décousu et désorga nisé, une faible autocritique) • L’abus de substances (alcool, drogues) • L’adhésion, ou non, au traitement
Source : Adapté de Millaud & Dubreucq (2005)
29 Chapitre 29
Violence
819
Jugement
clinique
Elle vérie les perceptions de la personne et corrige, Bernard Lauzon est hospitalisé pour épisode psychos’il y a lieu, les pensées tique de schizophrénie de type paranoïde. Il est âgé de erronées en la rassurant sur 38 ans et a reçu son diagnostic il y a 10 ans. Vous le sa situation. Par exemple, voyez marcher rapidement dans le corridor, regardant elle peut dire : « Je comle sol et respirant rapidement et bruyamment. Lorsqu’il prends que tout cela est réel croise quelqu’un, il s’arrête, serre les poings et regarde pour vous. Je n’en suis pas la personne du coin de l’œil. Vous le sentez méant et si certaine, mais je suis là sur le point de manifester des comportements violents. pour en discuter. » L’inQu’est-ce qui pourrait expliquer les indices de violence rmière reste attentive et possible chez monsieur Lauzon actuellement ? vigilante à la réaction de la personne afin de ne pas augmenter le degré de stress.
La Grille de détection précoce du comportement agressif – DASA modiée peut être consultée au www.aqiism.org.
An de déterminer le degré d’urgence, l’inrmière peut recourir à des outils lui permettant d’objectiver ses observations. Par exemple, la Grille de détection précoce du comportement agressif – DASA modiée, utilisée dans certains milieux hospitaliers, permet de documenter le risque immédiat de violence (Association québécoise des inrmières et inrmiers en santé mentale, 2011).
Soins et traitements inrmiers
Jugement
clinique Comment devriez-vous vous comporter pour éviter que monsieur Lauzon ait des gestes violents envers les personnes de son entourage à l’unité de soins ? Quel outil peut vous aider à évaluer le risque de passage à l’acte chez monsieur Lauzon ?
Avant toute intervention auprès d’une personne à risque de violence, l’inrmière s’assure de se trouver dans un environnement sécuritaire et de pouvoir aller chercher de l’aide au besoin. Elle connaît et applique les principes de base de la relation thérapeutique : écoute active, empathie, respect, rétroaction. L’inrmière possède les habiletés requises pour intervenir auprès d’une personne qui est à risque de perdre la maîtrise de soi. Cette personne a besoin d’être rassurée, de se sentir en sécurité et encadrée.
L’inrmière utilise un ton de voix calme et bas pour favoriser l’apaisement de la personne.
Accompagner et encadrer le client à risque de violence
INTERVENTION
JUSTIFICATION
Reconnaître ses limites, évaluer l’environnement, demander de l’aide au besoin (p. ex., appeler un collègue, utiliser le téléphone ou l’interrupteur dédié).
Pour prévenir toute manifestation de violence de la part de la personne, comme le préconise notamment l’approche Oméga (ASSTSAS, 2012).
Maintenir une distance sécuritaire.
Pour assurer la sécurité de l’inrmière en attendant l’arrivée de l’aide, au besoin.
Établir et rappeler à la personne la relation de conance existante en souli-gnant l’aide disponible pour le dénouement de la situation de tension.
Pour permettre le maintien de la relation de conance, grâce à l’alliance thérapeutique et à la disponibilité de l’inrmière, ce qui contribue à diminuer l’anxiété et les comportements violents.
Garder en tout temps une attitude calme, rassurante, empathique et respectueuse. Assurer de la disponibilité pour l’expression des émotions et accompagner la personne dans le cycle de l’agressivité, comme le préconise l’approche Oméga (ASSTSAS, 2012).
820
Partie 6
L’inrmière utilise un ton de voix calme et bas pour favoriser l’apaisement de la personne. Elle énonce et clarie ensuite les limites des comportements acceptables, an de donner un cadre clair et rassurant. En tout temps, l’inrmière est attentive aux signes de colère ou d’agressivité et répond aux besoins qui s’en dégagent sans délai TABLEAU 29.14. Elle accorde du temps à la personne et lui permet de s’exprimer verbalement et émotivement. Elle se centre sur le contenu émotif qui se dégage de l’expression verbale plutôt que de réagir aux insultes, mépris ou autres propos négatifs que la personne exprime. Elle peut reéter les émotions qu’elle perçoit ou comprend et les valider avec la personne. Par exemple, elle demande : Vous semblez être très en colère, voulez-vous en parler ? Elle peut ensuite inviter la personne à trouver des moyens pour canaliser les irritants ou l’orienter vers des activités permettant de libérer la tension, par exemple des exercices de relaxation, une activité physique, comme la marche ou la lecture.
Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 29.14
CE QU’IL FAUT RETENIR
L’inrmière démontre, par ses aptitudes professionnelles, sa capacité à gérer la situation. Pour ce faire, elle peut s’appuyer sur divers outils. Par exemple, l’approche Oméga préconise des interventions graduées qui s’appuient sur l’évaluation du risque, la relation avec le client, le travail en équipe et un langage commun, qui facilite la communication entre les membres de l’équipe (Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail du secteur affaires sociales [ASSTSAS], 2012). Cette approche se fonde sur des principes inhérents à la pratique inrmière : le respect, le professionnalisme, la responsabilisation et la sécurité.
Interventions inrmières en situation de crise
TABLEAU 29.14
Accompagner et encadrer le client à risque de violence (suite)
INTERVENTION
JUSTIFICATION
Être attentive aux signes de colère ou d’agressivité et répondre aux besoins de la personne sans délai, notam ment en l’aidant à reconnaître les sources de colère.
Pour atténuer la violence en décelant les signes avant coureurs de façon précoce. Souvent la personne déplace sa colère ou son hostilité vers un objet ou une personne qui représente une menace moindre. Elle aura besoin d’aide ou d’un modèle pour résoudre le problème de façon plus adéquate.
Vérier les perceptions et corriger les pensées erronées.
Pour aider la personne à résoudre son problème de façon adéquate. Si elle se sent écoutée dans l’émotion ou le vécu plutôt que sur le contenu, cela peut diminuer la tension. Le modelage, c’estàdire, l’acquisition d’un comportement par observation d’un modèle, est un moyen d’apprentissage efcace.
Vérier la présence d’idées délirantes ou d’hallucinations. Encourager l’utilisation de stratégies pour diminuer ou canaliser les sentiments d’irritabilité (p. ex., des exercices de relaxation, la verbalisation, la tenue d’un journal de bord, la prise de médication au besoin). Orienter la personne vers des activités permettant de libérer la tension (p. ex., la marche, un sport, une chambre d’apaisement). Préciser les limites et les comportements non acceptables.
Pour appliquer la séquence et la gradation proposées par l’approche Oméga, an de permettre à la personne de reprendre la maîtrise de soi (ASSTSAS, 2012).
Évaluer la dangerosité du passage à l’acte avec une grille appropriée.
Pour adapter l’intervention à la réaction du client.
Appliquer le protocole d’urgence et les mesures de contrôle si nécessaire.
Pour respecter les droits du client, il importe d’utiliser les mesures de contrôle les moins contraignantes possible.
Soins et traitements en interdisciplinarité
régulièrement et surtout révisé en fonction de l’évolution de la situation et de la personne.
Les soins requis par une personne violente sont complexes. Il est indispensable que le traitement se fasse dans un cadre hospitalier (interne ou externe), suivant une approche interdisciplinaire, et ce, dans le but de prévenir la violence (Gacki-Smith, Juarez, Boyett et al., 2009). Ainsi, l’équipe se dote d’un cadre de travail à la fois sécuritaire et thérapeutique pour que tous se sentent à l’aise de soigner un client à risque de présenter des comportements violents (Millaud & Dubreucq, 2012). Les clients à risque de violence peuvent susciter diverses émotions auprès des équipes de soins telles que l’anxiété, la peur, la colère, l’impuissance, le mépris (Coupeau, 2014). Un soignant qui a peur ne peut pas intervenir de façon thérapeutique. Le travail en équipe permet que les observations et le jugement de chacun apportent un éclairage objectif sur la situation. Selon le degré de violence, des priorités cliniques sont alors dénies. Le plan d’intervention, établi en équipe, détermine les balises acceptables et respecte les ressources du client et du milieu. Le client doit également être informé des attentes du personnel et idéalement devrait avoir contribué à l’élaboration de son plan d’intervention. Celui-ci doit être réévalué
Des rencontres d’équipe sont nécessaires pour le bon fonctionnement de celle-ci. Les échanges concernant les observations et les perceptions de chacun sont favorisés. Millaud (2001) met en garde les équipes contre les divergences d’opinions que peut engendrer le travail auprès d’une personne à risque de violence. Elles pourraient entraîner des impasses thérapeutiques et susciter l’expression de la violence. Aussi, il ne faut pas laisser à un seul membre de l’équipe la décision des interventions à effectuer auprès d’un client à risque de violence. Ces décisions souvent restrictives doivent justement être prises en équipe.
Psychopharmacothérapie au besoin et mesures de contrôle L’administration d’une médication en fonction des symptômes observés peut diminuer l’agita tion, l’anxiété ou les symptômes psychotiques (Anderson, Bell, Powell et al., 2004 ; Hodge & Marshall, 2007 ; Sadock, Sadock & Ruiz, 2014). Le recours à la médication avec l’accord du client permet de prévenir le passage à l’acte et de maintenir la relation thérapeutique. Cependant, il n’existe pas de médicament contre la violence, bien que certains
29 Chapitre 29
Violence
821
soient efcaces pour soulager le client de certains symptômes inconfortables pour lui (Brault, 2008). Avant tout, il est primordial que le client atteint d’un trouble mental adhère à son traitement. Lorsque la médication n’est pas prise ou est mal gérée, le risque de violence augmente sérieusement. 20 Le rôle de l’inrmière en regard des thérapies est précisé dans le chapitre 20, Modèles et stratégies thérapeutiques.
6 Les principes généraux d’utilisation des mesures de contrôle sont présentés dans le chapitre 6, Aspects éthiques et légaux de la pra tique inrmière en santé mentale et en soins psychiatriques.
Vidéo : Application de mesures de contrôle.
ALERTE CLINIQUE
Les gestes de comportements antisociaux et de violence peuvent susciter chez les intervenants des sentiments de crainte et d’impuissance et mener à une utilisation hâtive des mesures de contrôle (Dumais, 2010). Les inter ventions visant la prévention et le rétablissement des personnes ont toute leur importance.
822
Partie 6
Le choix de la médication au besoin est souvent orienté vers une sédation non spécifique pour atteindre un état de calme, et non de sommeil. La prise par voie orale est à favoriser, car elle permet de préserver la dignité humaine et diminue les risques de blessures associés aux situations d’urgence (Brault, 2008). Les antipsychotiques de deuxième génération peuvent être prescrits en situation de crise. Ils permettent de réduire l’agitation et l’anxiété. Les benzodiazépines peuvent également être administrées. Leur utilisation est sécuritaire dans les cas de sevrage et de délirium. Elles peuvent se donner seules ou combinées. La combinaison permet une action plus rapide. Les combinaisons les plus fréquentes sont l’halopéridol et le lorazépam, la rispéridone et le lorazépam, la loxapine et la diphenhydramine (Brault, 2008). L’inrmière est responsable d’accompagner le client et de surveiller son état clinique (OIIQ, 2009). Elle vérifie tous les paramètres et normes de qualité qui encadrent l’administration de la médication au besoin. Il peut arriver que l’état d’agitation du client ne permette pas la collaboration avec lui et que l’administration de la médication au besoin se fasse contre son gré, comme prévu par la loi, en situation d’urgence. Si la personne présente un danger pour elle ou pour autrui, il peut être nécessaire, de façon exceptionnelle et en dernier recours, d’utiliser des mesures de contrôle tout en respectant les droits de la personne . Pour ce faire, il est essentiel 6 que l’inrmière applique rigoureusement le protocole en vigueur dans l’établissement. Chaque établissement doit posséder un protocole qui encadre les interventions à mettre en place lorsqu’une personne présente un risque de violence ou commet des actes de violence (p. ex., un appel au code blanc, le recours à la force policière) (LSSS, chapitre S-4.2, art. 118.1). Le rôle de l’inrmière consiste alors à accompagner la personne, à lui prodiguer les soins requis (p. ex., l’hydratation, les déplacements) et à assurer la sécurité de celle-ci en exerçant la surveillance appropriée durant l’application de la mesure (OIIQ, 2009). Une fois le calme revenu, l’inrmière effectue un retour sur l’événement avec la personne an qu’elle comprenne ses comportements et les actions prises pour l’aider à s’apaiser.
Psychothérapies et autres thérapies En établissement psychiatrique, l’objectif est de contenir la violence, de lui donner un sens et d’établir un lien de conance assez solide qui permettra à la personne de venir chercher de l’aide avant d’agir avec violence (Dubreucq, Millaud & Nguyen Phan,
Interventions inrmières en situation de crise
2008). La clientèle a des besoins en remédiation cognitive, en entraînement aux habiletés sociales et aux stratégies de résolution de problèmes interpersonnels, en apprentissage de gestion de la colère et en tout autre programme de psychothérapie ou de psychoéducation fondé sur des données probantes. En plus de l’inrmière, les intervenants auprès de la personne violente peuvent être des médecins, des psychiatres, des psychologues, des criminologues, des ergothérapeutes en santé mentale, des artthérapeutes, des psychoéducateurs, des zoothérapeutes, des travailleurs sociaux, des éducateurs spécialisés, des agents d’intervention physique, etc. L’inrmière, elle, ne peut entreprendre une psychothérapie avec un client si elle n’a pas un permis lui permettant d’exercer la psychothérapie (Code des professions, chapitre C-26). Elle peut toutefois effectuer des interventions basées sur certains principes de psychothérapie dans les limites de ce que la loi prévoit 20 . Un aspect important à considérer dans l’accompagnement de la personne violente est la connaissance de la dynamique familiale qui s’avère souvent complexe et qui nécessite des interventions individualisées en lien avec le degré de violence vécue ou non par la famille. De plus, certaines actions du plan de traitement du client devront tenir compte des contraintes légales qui sont imposées à ce type de clientèle (p. ex., une ordonnance de traitement, une période de probation, l’interdiction de contact). Des mesures de judiciarisation des actes violents peuvent être envisagées comme complément de traitement de la personne, en vue de la responsabiliser à l’égard de ses actes (Millaud & Bureau, 2011). Lorsque la situation n’est plus aiguë, le modèle cognitivo-comportemental est largement utilisé, les thérapies de groupe étant la plupart du temps privilégiées (Perkins, 2010). Le programme Integrated Psychological Treatment (IPT) de Brenner et ses collaborateurs (1992) a été implanté dans plusieurs milieux cliniques (Briand, Bélanger, Hamel et al., 2005). La thérapie comportementale dialectique est une autre thérapie utilisée dans plusieurs pays pour traiter, entre autres, les personnes atteintes d’un trouble de la personnalité limite (bordeline) qui manifestent régulièrement des épisodes de violence (Linehan, 1993a, 1993b, 2000).
Évaluation des résultats Une évaluation continue est effectuée auprès de la personne à risque de violence, an de vérier la pertinence des interventions selon la réaction de celle-ci. L’absence de résultats escomptés peut signier un besoin de les modier, de mettre d’autres modalités de traitement en application ou de reconsidérer les délais prévus pour l’obtention des résultats ENCADRÉ 29.18.
Collecte des données ENCADRÉ 29.18
Signes de rétablissement
La liste présentée ci-après permet à l’inrmière de vérier si l’évolution vers les résultats escomptés est positive. Cependant, elle n’est ni exhaustive ni spécique et doit être adaptée au client selon sa situation et le trouble dont il est atteint. L’inrmière s’assure que la personne est en mesure :
• d’utiliser des stratégies de rechange à la violence (p. ex., la discussion, une activité de diversion, une médication préventive) ;
• de reconnaître les signes de sa colère et de la gérer avant de perdre la maîtrise de la situation ou de soi ;
• d’établir des liens signicatifs avec autrui ;
• de s’abstenir de frapper ou de blesser autrui ;
Analyse d’une situation de santé Huguette Coutu, âgée de 87 ans, vient d’être admise dans un centre d’hébergement et de soins de longue durée. Elle est en perte d’autonomie. Elle habitait chez son ls et sa belle-lle, mais ceux-ci ont décidé de la placer en hébergement, n’étant plus en mesure de s’en occuper adéquatement. La cliente mesure 1,55 m et pèse 45 kg. Elle aurait perdu 5 kg en 2 semaines d’après son ls qui l’accompagne pour son admission.
• de poser un regard critique sur son comportement présent ou passé ; • de respecter les conditions imposées par la loi découlant des comportements de violence sanctionnés.
Jugement clinique En aidant la cliente à enlever son manteau, vous constatez qu’elle a des ecchymoses circulaires aux bras et si vous lui tenez les poignets, elle se raidit et ses yeux deviennent soudainement grand ouverts. Lorsque vous lui posez des questions, c’est son ls qui répond à sa place.
Mise en œuvre de la démarche de soins
Collecte des données – Évaluation initiale – Analyse et interprétation 1. Que laissent suspecter les données du deuxième paragraphe de la mise en contexte ? SOLUTIONNAIRE
Vous demandez à la cliente ce qui a causé les ecchymoses. Le ls vous répond qu’elle tombe parfois lorsqu’elle met ses vêtements. MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
2. Indiquez trois détails que vous devez évaluer concernant les ecchymoses. 3. Que pourrait signier la perte de poids de la cliente en si peu de temps ? 4. Qu’est-ce qui empêcherait madame Coutu de dénoncer son ls comme étant agresseur, si tel était le cas ? Nommez quatre éléments de réponse.
Lorsque le ls de madame Coutu est parti, vous en protez pour examiner le corps de la cliente et vous constatez qu’elle n’a pas d’autres ecchymoses ou de blessures. Vous redemandez à la cliente ce
qui a causé les ecchymoses aux bras et celle-ci répond : « Je ne m’en souviens pas. Pourtant, je ne tombe pas. Je n’avais pas ça hier. »
29 Chapitre 29
Violence
823
écemment vu dans ce chapitre Si Madame Coutu vous avait coné en pleurant que ses blessures avaient été causées pas la conjointe de son ls qui l’a menacée, que lui auriez-vous répondu ? Comment auriez-vous consigné cette information au dossier de la cliente ?
MISE EN ŒUVRE DE LA DÉMARCHE DE SOINS
5. Devriez-vous croire ce que dit la cliente ? Justiez votre réponse. 6. Voici un extrait du plan thérapeutique infirmier de madame Coutu. Le problème prioritaire numéro 2 est-il acceptable ? Justiez votre réponse. Extrait CONSTATS DE L’ÉVALUATION Date
Heure
2016-07-14 10:30
N°
Problème ou besoin prioritaire
1
Perte d’autonomie
2
Risque de violence de la part de son ls
Initiales
RÉSOLU / SATISFAIT Professionnels / Date Heure Initiales Services concernés
3
Signature de l’inrmière
Initiales
Programme / Service
Signature de l’inrmière
Initiales
Programme / Service
7. Quel autre problème prioritaire nécessiterait un suivi clinique particulier ? Inscrivez votre réponse visà-vis le numéro 3.
Planication des interventions – Décisions inrmières 8. Selon la réponse à la question 6, écrivez une note d’évolution appuyant le problème prioritaire numéro 2. 9. Devriez-vous aviser les instances concernées (chef d’unité, médecin, équipe interdisciplinaire [travailleur social], collègues) du soupçon de maltraitance pour madame Coutu ? Justiez votre réponse. 10. Selon la réponse à la question 6, inscrivez une directive inrmière pour assurer le suivi clinique du problème prioritaire numéro 2. Extrait CONSTATS DE L’ÉVALUATION Date
Heure
2016-07-14 10:30
N°
Problème ou besoin prioritaire
1
Perte d’autonomie
2
Risque de violence de la part de son ls
Initiales
RÉSOLU / SATISFAIT Professionnels / Date Heure Initiales Services concernés
3
SUIVI CLINIQUE Date
Heure
N°
2016-07-14
10:30
1
Directive inrmière
Initiales
CESSÉE / RÉALISÉE Date Heure Initiales
Appliquer suivi habituel pour personne en perte d’autonomie.
2
Signature de l’inrmière
Initiales
Programme / Service
Signature de l’inrmière
Initiales
Programme / Service
Unité 2
Évaluation des résultats – Évaluation en cours d’évolution 11. Selon la réponse à la question 6, nommez quatre points qui devraient être vériés dans les jours qui suivront l’admission de la cliente.
824
Partie 6
Interventions inrmières en situation de crise
APPLICATION DE LA PENSÉE CRITIQUE Dans l’application de la démarche de soins auprès de madame Coutu, l’inrmière a recours à un ensemble d’éléments (connaissances, expériences antérieures, normes institutionnelles ou protocoles, attitudes professionnelles) pour analyser la situation de santé de la cliente et en comprendre
les enjeux. La FIGURE 29.5 illustre le processus de pensée critique suivi par l’inrmière an de formuler son jugement clinique. Elle résume les principaux éléments sur lesquels l’inrmière s’appuie en fonction des données de cette cliente, mais elle n’est pas exhaustive.
VERS UN JUGEMENT CLINIQUE EXPÉRIENCES
CONNAISSANCES • • • •
Formes de violence Principales clientèles vulnérables Facteurs de risque de violence Ressources disponibles pour aider les victimes de violence • Indices physiques et psychologiques de violence, sous quelque forme que ce soit
• Expérience de travail auprès des personnes âgées • Expérience auprès des clientèles vulnérables • Expérience personnelle de violence ou d’une personne de son entourage ayant été agressée sous quelque forme que ce soit
NORMES
ATTITUDES
• Procédure locale d’investiga tion et de déclaration d’une personne victime d’abus de quelque forme que ce soit • Activité réservée de l’inr mière d’après l’article 36 de la Loi sur les inrmières et les inrmiers (chapitre I8)
• Éviter de juger les personnes concernées • Demeurer objective en tout temps • Respecter la capacité de la cliente de faire des choix, de reconnaître ce qui est bon pour elle • Démontrer de l’empathie en reconnaissant les émotions exprimées
PENSÉE CRITIQUE
ÉVALUATION • • • • • • • • •
Ecchymoses (nombre, forme, emplacement, couleur) Présence d’autres marques ou blessures sur le corps Indicateurs psychologiques de violence Perception que la cliente a de son indépendance Attitudes du ls en présence de sa mère Attitudes de la cliente en présence de son ls et lorsque celuici est absent Présence des visiteurs Perte de poids Alimentation de la cliente
JUGEMENT CLINIQUE FIGURE 29.5
Application de la pensée critique à la situation clinique de madame Coutu
29 Chapitre 29
Violence
825
ANNEXE A Dysfonctions sexuelles Écrit par : Kate Thomas, PhD Shelly F. Lurie-Akman, MS, APRN/PMH-BC, CTHY Adapté et mis à jour par : François Blanchette, sexologue clinicien et psychothérapeute, M.A., en collaboration avec Jerôme Pelletier, inf., B. Sc.
A.1
Annexe AW : Dysfonctions sexuelles, dysphorie de genre et troubles paraphiliques.
L’Ordre professionnel des sexologues du Québec (www. opsq.org) a été créé an de réglementer la pratique des sexologues des différents champs de pratique et d’assurer la protection du public. Le sexologue qui pratique la psychothérapie pour le traitement des troubles sexuels doit aussi détenir un permis de psychothérapie de l’Ordre des psychologues du Québec (www.ordrepsy.qc.ca).
A826
Dans la nouvelle édition du DSM-5, Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (American Psychiatric Association [APA], 2015), trois types de problématiques sexuelles sont décrits : les dysfonctions sexuelles, la dysphorie de genre et les troubles paraphiliques. Ces troubles peuvent être en lien (de façon causale, conséquente ou encore concomitante) avec des troubles mentaux, mais ce n’est pas toujours le cas. Dans la présente annexe, les dysfonctions sexuelles sont présentées en détail, car ce sont les troubles les plus fréquemment rencontrés .
A.1.1
i
Annexes
Caractéristiques générales
Dénitions et concepts clés
La sexualité est un phénomène complexe et sa dénition varie selon les auteurs. Celle de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) précise que, au sens large, la sexualité fait partie intégrante de l’être humain. Elle englobe le sexe, le genre, l’identité de genre et l’identité sexuelle, l’orientation sexuelle, l’érotisme, les liens affectifs, l’amour et la reproduction. La sexualité s’exprime et se vit à travers les pensées, les fantasmes, les désirs, les croyances, les attitudes, les valeurs, les activités, les pratiques, les rôles et les relations (Agence de la santé pu blique du Canada, 2008 ; OMS, 2012). Quant à la santé sexuelle, elle est définie comme un état de bien-être physique, mental et social dans le domaine de la sexualité. Elle requiert une ap proche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles, ainsi que la possibilité d’avoir des expériences sexuelles qui soient sources de plaisir, sans risque et libres de toute coercition, discrimination ou violence (World Health Organization, 2012). La santé sexuelle se manifeste par l’expression libre et responsable des capacités sexuelles, favorisant l’harmonie et le bien-être personnel et social, tout en améliorant la qualité de vie de la personne et de l’ensemble de la société.
A.2
Dysfonctions sexuelles
Plusieurs personnes vont manifester à un moment ou à un autre de leur vie une insatisfaction ou des difcultés dans leur vie sexuelle. Ces problèmes relèvent souvent de dysfonctions sexuelles. Les dysfonctions sexuelles sont dénies comme une perturbation du fonctionnement sexuel ; elles comprennent : • l’éjaculation retardée ; • le trouble de l’érection ; • le trouble de l’orgasme chez la femme ; • le trouble de l’intérêt pour l’activité sexuelle ou de l’excitation sexuelle chez la femme ; • le trouble lié à des douleurs génito-pelviennes ou à la pénétration ; • la diminution du désir sexuel chez l’homme ; • l’éjaculation prématurée (précoce) ; • la dysfonction sexuelle induite par une substance ou un médicament ; • une autre dysfonction sexuelle spéciée ; • une dysfonction sexuelle non spéciée (APA, 2015). Il faut savoir que la prévalence exacte des dysfonctions sexuelles est difcile à déterminer. La découverte d’une dysfonction sexuelle peut s’avérer préoccupante à la fois pour la personne et le couple. Toutefois, depuis quelques décennies, ce domaine intéresse énormément le milieu de la recherche. De nouveaux traitements sont maintenant accessibles et sont proposés aux clients. En fait, l’aide est plus accessible qu’elle ne l’a jamais été auparavant. Ainsi, au Québec, les sexologues psychothérapeutes sont spécialement formés pour traiter ce type de difcultés. En 2013, l’Ordre professionnel des sexologues du Québec a été créé an de réglementer la pratique des sexologues des différents champs de pratique et d’assurer la protection du public. Le titre de sexologue est un titre professionnel réservé. Le sexologue qui pratique la psychothérapie pour le traitement des troubles sexuels doit aussi détenir un permis de psychothérapie de l’Ordre des psychologues du Québec.
A.2.1
Étiologie
La fonction sexuelle est tributaire des systèmes vasculaire, neurologique et endocrinien, et peut également être affectée par une multitude de facteurs psychologiques, culturels, sociaux,
TABLEAU A.1
spirituels ou encore relationnels. Souvent, l’incapacité d’une personne ou d’un couple à avoir des rapports sexuels satisfaisants est attribuable à plusieurs de ces facteurs TABLEAU A.1. Il s’agit alors d’une étiologie mixte.
Facteurs étiologiques relatifs aux dysfonctions sexuelles
TYPES DE FACTEURS
FACTEURS ÉTIOLOGIQUES
Physiques ou biologiques
• Vasculaires (artériels et veineux) – Cardiopathies – Maladies vasculaires
• Endocriniens – Diabète – Dérèglements hormonaux (surtout les hormones sexuelles)
• Neurologiques – Accident vasculaire cérébral – Traumatismes craniocérébraux – Affections de la moelle épinière – Épilepsie – Maladie de Parkinson – Neuropathies périphériques
• Pharmacologiques – Antidépresseurs – Antihypertenseurs – Hormonothérapie – Drogues illégales (cannabis, cocaïne, etc.) – Alcool
• Autres facteurs – Cancer – Affections du tissu conjonctif, dont l’arthrite – Troubles de la douleur – Dépression – Incontinence – Consommation de tabac – Infections transmissibles sexuellement et par le sang – Certains traumatismes physiques (principalement ceux affectant la région pelvienne et les voies vasculaires et neurologiques de la sexualité) – Certaines interventions chirurgicales modiant l’apparence de la personne ou le fonctionnement sexuel normal (p. ex., la prostatectomie, l’ovariectomie, l’hystérectomie, la mastectomie, la mise en place d’une stomie digestive, etc.) – Radiothérapie (surtout celle qui touche les voies neurologiques et vasculaires de la sexualité) Psychologiques ou émotionnels et culturels
• Liés à la personnalité (incluant le style d’attachement, la capacité d’intimité, la capacité d’engagement, l’estime de soi, l’estime corporelle, etc.) • Liés à l’histoire sexuelle développementale (enfance, expériences négatives ou traumatiques, etc.) • Liés à l’histoire familiale (père, mère, fratrie, éducation sexuelle, sécurité, inuence de la religion, de la culture, etc.) • Liés aux affects (peurs, colère, amour, honte, culpabilité, peur de l’échec sexuel, etc.) • Liés à la cognition (croyances, mythes, distorsions, schéma sexuel, fréquence souhaitée des relations sexuelles, fantasmes, valeurs, etc.) • Liés au stress et à l’anxiété (degré, cause, fatigue et épuisement, anxiété de performance sexuelle, etc.) • Liés aux comportements (habiletés, initiatives, afrmation de soi, etc.) • Liés aux sensations (désir, excitation, orgasme, sensualité, capacité de s’abandonner, douleurs, etc.)
Relationnels
• Liés à la sexualité (attirance, fréquence, scénario sexuel, érotisme, routine, différence de désir sexuel, manque de temps, etc .) • Liés à l’aspect interactionnel (communication, conance, tendresse, distance, fusion, etc.) • Liés à l’histoire du couple actuel (durée, critères de choix, conits, résolution de problèmes, adaptation aux différences, etc.) • Liés à l’histoire relationnelle (relations signicatives passées, séparation, blessures, etc.) • Liés à l’histoire sexuelle (partenaires sexuels passés, expérimentation, abus, traumatisme, etc.)
Source : Adapté de Sicuro (2012). Annexe A Dysfonctions sexuelles
A827
Facteurs psychologiques ou émotionnels Le débat entre les chercheurs qui croient que les facteurs psychologiques ont plus d’importance que les facteurs organiques et ceux qui croient le contraire a alimenté bien des discussions à propos de l’étiologie des dysfonctions sexuelles. Celle-ci peut varier entre 90 % des cas qui seraient d’origine psychogène et 90 % des cas qui seraient d’origine organique. Pourquoi une telle variation ? En fait, cela dépend beaucoup de la dysfonction étudiée, du groupe d’âge, du sexe, des pathologies concomitantes, etc. En effet, chez des hommes jeunes en bonne santé, un trouble d’éjaculation précoce risque peu d’avoir une étiologie organique, alors que pour un groupe d’hommes âgés, diabétiques et hypertendus, un trouble érectile est plus vraisemblablement associé à une étiologie organique. Cependant, dans l’intervention réelle auprès d’un client, il s’agit d’un débat somme toute inutile. Dans les faits, il vaut mieux évaluer autant la présence de facteurs organiques contribuants que la présence de facteurs psychogènes contribuants. En effet, une femme ménopausée peut avoir un problème de lubrication vaginale, qui entraîne une dyspareunie, clairement d’origine organique, mais elle peut aussi avoir un problème conjugal important. Et traiter le trouble organique de façon adéquate ne résoudra en rien la question de son manque d’intérêt pour la sexualité tant que le problème conjugal ne sera pas réglé. Dans cette perspective, la relation de conance privilégiée que les inrmières établissent avec les clients les place dans une position propice pour aborder la sexualité de façon holistique. Les traumatismes sexuels subis au cours de l’enfance comptent parmi les facteurs étiologiques psychogènes (Harvey & Taylor, 2010). Bien que les expériences traumatiques dans l’enfance augmentent la probabilité de troubles sexuels chez l’adulte, ce ne sont pas 100 % des victimes qui auront des problèmes à l’âge adulte. L’anxiété (générale et de performance sexuelle), le stress, la fatigue et la dépression contribuent à l’apparition de dysfonctions sexuelles. L’attitude ou le rôle de spectateur (Masters & Johnson, 1970) est un phénomène psychologique qui consiste à observer, à surveiller et à critiquer sa propre activité sexuelle, ce qui empêche alors de s’abandonner à l’expérience sexuelle. Enn, les distorsions cognitives (perceptions ou conclusions erronées), les fausses croyances, les perceptions positives et négatives de sa propre image corporelle se répercutent sur le fonctionnement et l’intérêt sexuels (Kraft, Robinson, Nordstrom et al., 2009 ; Wolf, 1991).
Facteurs culturels Chaque culture possède sa propre interprétation du comportement sexuel. Entrent aussi en jeu
A828
Annexes
l’existence de rôles prescrits en fonction du sexe et les divergences quant aux normes sociales relatives aux comportements sexuels acceptables chez l’un et chez l’autre. Les mythes sexuels inuencent les attitudes concernant les rapports sexuels. À titre d’exemple, le mythe voulant que l’homme soit toujours prêt à avoir des rapports sexuels peut donner à la femme une fausse perception des hommes, ce qui peut entraîner des comportements sexuels qui ne sont pas naturels ni agréables pour les deux partenaires. La plupart des religions énoncent des règles qui favorisent certains comportements sexuels et qui en défavorisent d’autres. Cependant, au cours d’une collecte des données, il faut tenir compte non seulement de l’appartenance à une religion, mais surtout de la façon dont le client adhère et se conforme à certains principes religieux.
Facteurs relationnels Les problèmes dans la relation engendrent des déchirements au sein du couple et perturbent la satisfaction sexuelle des partenaires. Souvent, les couples ne communiquent pas ou communiquent mal leurs goûts, leurs intérêts ou leurs malaises sur le plan sexuel. Des différences sur le plan des pulsions et des préférences sexuelles risquent de compliquer davantage la relation.
A.2.2
Épidémiologie
En 1999, dans une enquête de grande envergure menée à l’échelle nationale sur la sexualité, qui constitue encore aujourd’hui l’étude la plus citée au sujet des activités sexuelles, 31 % des hommes et 43 % des femmes américains âgés de 18 à 59 ans, parmi les personnes interrogées, signalaient une dysfonction sexuelle (Laumann, Paik & Rosin, 1999). Des études récentes ont ciblé plus particulièrement certains groupes de personnes et d’âge ainsi que des facteurs coexistants (comme le degré de détresse sexuelle qui accompagne la dysfonction). L’exactitude des données constitue une difficulté. D’une manière générale, les hommes consulteraient moins facilement que les femmes pour un problème d’ordre sexuel ; une sousévaluation du nombre de cas est donc possible (Newman, 2010). Une étude à grande échelle menée à Boston comptait 32 000 femmes âgées de 18 à plus de 100 ans (Shifren, Monz, Russo et al., 2008). Il en est ressorti que 39 % d’entre elles avaient peu de désir sexuel, 26 % éprouvaient des difcultés liées à l’excitation et 21 % avaient de la difculté à atteindre l’orgasme. Toutefois, seulement 12 % des femmes ont dit éprouver de la détresse liée à l’un ou l’autre de ces problèmes. Les problèmes signalés ne constituaient donc pas à eux seuls des critères sufsants pour établir un diagnostic. Cette
étude montre bien qu’une évaluation du degré de détresse qui résulte de la dysfonction est également requise. En comparant des travaux de recherche antérieurs évalués par les pairs, Derogatis et Burnett (2008) ont constaté que les dysfonctions sexuelles semblent répandues dans le monde entier et que leur fréquence augmente en fonction de l’âge, pour les hommes comme pour les femmes. Pour l’inrmière, il convient surtout de se rappeler que les problèmes sexuels sont fréquents, que la prévalence augmente avec l’âge chez l’homme et chez la femme, et qu’il faut considérer le degré de souffrance psychologique dans l’évaluation d’un trouble sexuel et non seulement la présence du trouble sexuel lui-même. Les statistiques canadiennes sur les dysfonctions sexuelles sont parcellaires. Une étude menée auprès d’environ 4 000 Canadiens âgés entre 40 et 88 ans a révélé que près de la moitié d’entre eux souffrent de dysfonction érectile (DE) (Grover, Lowensteyn & Kaouache, 2006). Une donnée importante pour le suivi du client est que près de 90 % des clients s’attendent à ce que le médecin pose des questions sur la sexualité, alors que 90 % des médecins s’attendent à ce que ce soit les clients qui évoquent le sujet. Selon plusieurs auteurs, il en irait de même dans la relation infirmière-client (Gamel, Davis & Hengeveld, 1993 ; Matocha & Waterhouse, 1993 ; Özdemir & Akdemir, 2008 ; Rana, Kanik, Özcan et al., 2007 ; Reynolds & Magnan, 2005 ; Saunamäki, Andersson & Engström, 2010 ; Wilson & Williams, 1988). Cette discordance entre les soins attendus par les clients et les soins dispensés par les professionnels de la santé a pour résultat de maintenir un cercle vicieux dans lequel personne n’aborde le thème de la sexualité, le client continuant ainsi de souffrir de sa situation.
A.2.3
Description clinique
Dans le DSM-IV-TR, l’expression dysfonction sexuelle référait soit à des douleurs sexuelles, soit à un dérangement dans une ou plusieurs phases de la réponse sexuelle (APA, 2004). Le DSM-5 suggère que les phases de la réponse sexuelle ne sont pas toujours aussi linéaires ou qu’elles ne suivent pas un processus aussi uniforme que ce qui était supposé (APA, 2015). Ainsi, la distinction entre certaines phases (p. ex., la phase de désir et la phase d’excitation) pourraient bien être une distinction articielle. Dans le DSM-5, des dysfonctions spéciques à un genre ou à l’autre ont été ajoutées ENCADRÉ A.1. Par exemple, pour les femmes, le trouble du désir sexuel et le trouble de l’excitation ont été combinés en un seul trouble :
le trouble de l’intérêt pour l’activité sexuelle ou de l’excitation sexuelle chez la femme. An d’améliorer la précision à propos des critères de durée et de sévérité, et de diminuer le risque de surdiagnostic, toutes les dysfonctions sexuelles du DSM-5 (sauf celles causées par l’abus de substance ou une médication) nécessitent maintenant une durée d’environ 6 mois, une présence de 75 à 100 % du temps et il y a des critères plus précis de la sévérité (léger, modéré, sévère). Ces changements amènent des niveaux de seuils utiles pour faire un diagnostic et pour distinguer une difculté sexuelle temporaire d’une dysfonction sexuelle persistante. De plus, pour qu’un diagnostic soit posé, il faut la présence d’une détresse signicative.
A.2.4
Troubles mentaux et sexualité
Plusieurs facteurs ont un impact négatif sur la sexualité (médication, chirurgie, stress, etc.). De même, les troubles mentaux peuvent avoir un impact négatif sur la sexualité. Dans l’ensemble des troubles mentaux, les personnes atteintes peuvent présenter des comportements sexuels qui vont de l’urgence sexuelle, comme dans la manie, au repli sur soi-même et au retrait des activités sexuelles, comme dans la dépression. Ce qu’il est important de savoir, c’est qu’un grand éventail de comportements sexuels peuvent coexister avec les troubles mentaux.
Dépression Dans la dépression, une perte globale de désir sexuel (avec diminution de la fantasmatique) est fréquemment observée, ce qui peut entraîner une diminution de l’excitation sexuelle (donc trouble érectile et dyspareunie par manque de lubrication), ainsi que des difcultés à atteindre l’orgasme (retard ou absence). La présence d’un trouble sexuel peut aussi affecter l’humeur.
Trouble bipolaire Dans le trouble bipolaire, au moment de la phase maniaque, les préoccupations sexuelles sont souvent nombreuses, et une augmentation de la promiscuité sexuelle est notée chez les deux sexes. Les relations coïtales sont fréquentes et brèves. La personne a alors tendance à avoir des relations sexuelles sans faire trop de discrimination. Des activités pédophiliques et incestueuses pourraient être observées chez les hommes. À l’inverse, durant la phase dépressive, une diminution ou même une absence de désir sexuel est remarquée autant chez les hommes que chez les femmes. L’excitation est altérée, avec des difcultés érectiles ou des diminutions de la lubrication.
Annexe A Dysfonctions sexuelles
A829
ENCADRÉ A.1
Principales caractéristiques des dysfonctions sexuelles décrites dans le DSM-5a
TROUBLE DE L’INTÉRÊT POUR L’ACTIVITÉ SEXUELLE ET DE L’EXCITATION SEXUELLE CHEZ LA FEMME
Le trouble de l’intérêt pour l’activité sexuelle et de l’excitation sexuelle chez la femme apparaît dans le DSM-5 à la suite du regroupement du trouble du désir sexuel hypoactif et de celui de l’excitation sexuelle chez la femme. En plus de l’absence ou de la diminution des pensées, des fantaisies ou de l’intérêt sexuels, l’absence ou la diminution des quatre indicateurs suivants est également mentionnée : 1) initiative des activités sexuelles ou réponse aux tentatives du partenaire d’amorcer des activités sexuelles ; 2) excitation et plaisir ; 3) réponse à des éléments sexuels ; et 4) sensations génitales ou non génitales pendant les activités sexuelles. Trois critères sur six sont requis pour poser un diagnostic. TROUBLE LIÉ À DES DOULEURS GÉNITO-PELVIENNES OU À LA PÉNÉTRATION
Le DSM-5 dénit un nouveau trouble : le trouble lié à des douleurs génito-pelviennes ou à la pénétration. Il s’agit d’un regroupement de deux catégories du DSM-IV, soit le vaginisme et la dyspareunie, des troubles présentant une comorbidité fréquente et qui s’avèrent difciles à distinguer. Pour poser le diagnostic, il faut la présence d’un des éléments suivants : 1) difculté de pénétration vaginale ; 2) douleur marquée vulvovaginale ou pelvienne durant la pénétration ou une tentative de pénétration ; 3) peur ou anxiété à propos de la douleur par anticipation, pendant ou résultant de la pénétration ; et 4) fermeture ou tension des muscles du plancher pelvien durant la tentative de pénétration. TROUBLE DE L’ORGASME CHEZ LA FEMME
Le trouble de l’orgasme chez la femme demeure dans le DSM-5. L’un des éléments suivants, ou les deux simultanément, doit être présent pour poser le diagnostic : 1) absence d’orgasme, orgasme peu fréquent ou retardé ; 2) diminution de l’intensité de l’orgasme. DIMINUTION DU DÉSIR SEXUEL CHEZ L’HOMME
La diminution du désir sexuel chez l’homme fait maintenant l’objet d’une catégorie distincte. C’est une décience (ou absence) persistante ou répétée de pensées ou de fantaisies imaginatives d’ordre sexuel et de désir d’activité sexuelle. ÉJACULATION RETARDÉE
Le DSM-5 change l’ancienne expression « trouble de l’orgasme chez l’homme » par « éjaculation retardée ». Il s’agit d’une absence ou d’un retard persistant ou répété de l’éjaculation après une phase d’excitation sexuelle normale.
TROUBLE DE L’ÉRECTION
Dans le DSM-5, la précision « chez l’homme » a été retirée du nom du trouble de l’érection. Il s’agit d’une incapacité persistante ou répétée à atteindre ou à maintenir, jusqu’à l’accomplissement de l’acte sexuel, une érection adéquate ou d’une diminution marquée de la rigidité érectile. ÉJACULATION PRÉCOCE
Le diagnostic d’éjaculation précoce demeure dans le DSM-5, qui apporte cependant une précision quant à la durée, soit moins d’une minute de pénétration. Pour l’éjaculation précoce sans pénétration, la précision de la durée n’est pas nécessaire. Il s’agit d’un trouble de l’éjaculation persistant ou répété au cours de stimulations sexuelles minimes avant, pendant ou juste après la pénétration, et avant que le sujet ne souhaite éjaculer. ÉLÉMENTS ENLEVÉS DANS LE DSM-5
• Le diagnostic d’aversion sexuelle a été enlevé du DSM-5, principalement parce qu’il était très peu utilisé et qu’une faible quantité de recherches le soutenaient. • La dyspareunie ou la douleur sexuelle chez l’homme n’apparaît pas dans le chapitre sur les dysfonctions sexuelles. SOUS-TYPES
Le DSM-5 a aussi diminué le nombre de sous-types, pour ne retenir que les catégories de tout temps VS acquis et généralisé VS situationnel. À titre de comparaison, le DSM-IV-TR présentait les sous-types suivants : de tout temps VS acquis, généralisé VS situationnel, dû à des facteurs psychologiques VS dû à une combinaison de facteurs. La dysfonction sexuelle causée par une condition médicale et le sous-type dû à des facteurs psychologiques VS dû à une combinaison de facteurs ont été éliminés parce que les recherches montrent que la présentation clinique la plus fréquente est celle où les facteurs psychologiques ET les facteurs organiques sont contributifs. An d’indiquer la présence et le degré de contribution des facteurs médicaux et non médicaux, les éléments suivants peuvent être décrits : 1) facteurs concernant le/la partenaire (problème sexuel du partenaire, problème de santé du partenaire) ; 2) facteurs relationnels (mauvaise communication, différence dans le désir sexuel des partenaires) ; 3) facteurs de vulnérabilité individuelle (mauvaise image de soi, historique d’abus physique ou sexuel), comorbidité psychiatrique (dépression, anxiété), stresseurs (perte d’emploi, deuil) ; 4) facteurs culturels ou religieux (inhibitions relatives aux interdits sexuels ou au plaisir sexuel, attitudes négatives à l’égard de la sexualité) ; et 5) facteurs médicaux associés au pronostic ou au traitement.
a Le
diagnostic de chaque dysfonction sexuelle est posé lorsque ses symptômes se manifestent pendant au moins six mois et provoquent une détresse cliniquement signicative. Sources : Adapté de APA (2004, 2015).
Schizophrénie Les personnes schizophrènes sont capables d’avoir une réponse sexuelle parfaitement normale et peuvent donc être sujettes à toutes les dysfonctions sexuelles. Dans certains cas, le trouble sexuel peut être causé par une anxiété de performance, et le traitement du couple peut être entrepris. Dans d’autres cas, le trouble sexuel est un mécanisme de défense contre des processus psychotiques, ces mécanismes ne devant pas être touchés.
A830
Annexes
Durant la phase aiguë, le thème de la sexualité peut faire partie intégrante du délire, celui-ci amenant, chez certaines personnes, des obsessions sexuelles et une hypersexualité (avec un jugement altéré et des comportements inadéquats). Cette altération du jugement peut à son tour amener une promiscuité sexuelle, ainsi qu’une augmentation des comportements à risque (grossesse, infections transmissibles sexuellement). Les hallucinations génitales peuvent même conduire à l’orgasme,
alors que la personne accuse quelqu’un d’autre d’en être responsable. L’important pour l’inrmière est de demeurer alerte et vigilante face aux diverses manifestations des troubles sexuels chez les personnes présentant un trouble mental. Ainsi, elle pourra mieux inter venir auprès du client soit en faisant un travail de réassurance et de dédramatisation, soit en faisant un travail éducatif, ou encore en faisant un travail d’orientation du client vers une ressource ou un traitement médical ou psychothérapeutique approprié.
A.2.5
Pronostic
La documentation comporte peu d’études de suivi à long terme ; il est donc difcile d’estimer le pro nostic. De plus, les facteurs de causalité des dys fonctions sexuelles sont trop vastes et varient trop d’une personne à l’autre, et les méthodes de trai tement sont trop diverses et adaptables selon les cas, pour suggérer un pronostic précis. Ainsi, un traitement qui est reconnu pour être efcace en général pourrait ne pas l’être du tout dans cer taines circonstances (p. ex., la prescription d’in hibiteurs de la phosphodiestérase5 [IPDE5] pour traiter un trouble érectile chez un client présentant un trouble conjugal sévère).
Soins et traitements inrmiers Concilier ses propres valeurs et le rôle inrmier Pour bien des personnes (autant les clients que les inrmières), la sexualité peut constituer un sujet de discussion délicat. Par ailleurs, dans toutes leurs interventions (donc incluant celles portant sur la sexualité), les inrmières doivent demeurer sensibles aux sentiments, aux croyances, aux valeurs et aux attitudes des clients. Toutefois, il n’est pas impossible que ceuxci se heurtent à ceux de l’inrmière. Ainsi, avant de procéder à une collecte des données exhaustive (qui doit inclure des questions sur la sexualité), il est important que l’inrmière s’in terroge sur les questions et les problèmes d’ordre sexuel des clients. Des connaissances de base solides ainsi qu’une attitude ouverte, respec tueuse et empreinte de nonjugement sont néces saires pour travailler auprès des clients qui présentent des problèmes d’ordre sexuel ou pour aborder les questions sur la sexualité. L’inrmière peut rééchir sur sa position personnelle quant aux problématiques ou aux comportements sexuels des clients, mais elle doit surtout se positionner en tant que professionnelle dans son rôle d’accompagnement de ces personnes. En d’autres termes, il ne s’agit pas, par exemple, d’endosser ou d’accepter les comportements
potentiellement déplacés d’un client présentant une hypersexualité, mais d’adhérer à une vision holistique du rôle inrmier envers cette per sonne, dont la sexualité est partie intégrante.
Comprendre le contexte du trouble La collecte des données constitue une étape essen tielle du travail auprès de clients ayant une dys fonction sexuelle. L’infirmière a une bonne compréhension de la complexité des symptômes, des aspects du fonctionnement touchés ainsi que des répercussions dépassant la sphère proprement sexuelle, certaines questions d’ordre sexuel étant liées au fonctionnement individuel, mais pouvant aussi affecter les partenaires sexuels. La collecte des données portant sur la sexualité doit rassem bler les informations nécessaires permettant d’éta blir une hypothèse étiologique du problème sexuel an d’orienter le client vers le traitement adéquat. En plus d’évaluer le trouble en question, l’inr mière tient compte également de la vision qu’a la personne ou le partenaire du problème et de son désir d’apporter des changements.
Aborder la sexualité au moment de l’entrevue La sexualité n’est pas un sujet que la plupart des gens ont l’habitude d’aborder, ce qui peut rendre l’entrevue délicate. Toutefois, si l’infirmière adopte la bonne attitude, le client sera générale ment ouvert, disposé à parler et même empressé de le faire ENCADRÉ A.2. Ainsi, il importe de se rappeler que le ton de voix et les attitudes de l’in rmière sont des éléments qui contribuent à ins taurer un climat de conance. Si le client sent qu’il peut faire conance à l’inrmière, il peut se mon trer plus ouvert. Par ailleurs, en raison de la gêne ou de la honte qu’éprouvent certains clients à par ler de leurs troubles sexuels, ceuxci peuvent évi ter d’aborder le sujet, et en l’absence d’un questionnement direct, il peut se passer des mois, voire des années, avant que ces clients ne soient traités. Au moment de l’entrevue, l’inrmière évalue si le contexte est favorable pour aborder la théma tique de la sexualité. Les facteurs à prendre en considération sont présentés dans le TABLEAU A.2.
Orienter le client
CONSEIL CLINIQUE
À la suite de la collecte des données, l’inrmière s’interroge sur les données recueillies an d’orien ter adéquatement le client vers le traitement approprié : informations, consultation médicale, consultation en psychothérapie sexologique ou une combinaison de ces différentes possibilités ENCADRÉ A.3. Une fois l’évaluation terminée, l’inrmière peut effectuer plusieurs interventions ENCADRÉ A.4. L’inrmière priorise les interventions en fonction des besoins exprimés par le client, et non de ses propres croyances ou perceptions.
Il est important de garder un contact visuel approprié, sans dévisager, ainsi que d’adopter une attitude décontractée et intéressée ; pour certaines personnes, l’utilisation de l’humour, si c’est approprié, peut aider à dédramatiser les choses durant le questionnement sur la sexualité.
Annexe A Dysfonctions sexuelles
A831
Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ A.2
Aborder la sexualité au moment de l’entrevue
• Avant de commencer une collecte des données portant sur la sexualité, examiner ses propres sentiments et attitudes ainsi que sa facilité de communication sur le sujet. • Considérer que les besoins sexuels des personnes sont légitimes ; la fonction sexuelle doit donc elle aussi être évaluée, au même titre que les autres aspects de la personne. • Choisir un contexte et un moment pour aborder le thème de la sexualité où il sera possible d’assurer une écoute active dans le respect de l’intimité et en toute condentialité. • Si l’entrevue se déroule en présence du partenaire sexuel du client, éviter de poser des questions sur des thèmes qui pourraient être problématiques pour le couple (p. ex., l’indélité, les aventures extraconjugales, la masturbation). Si c’est possible, essayer de prévoir avec le client les sujets qui seront abordés ou évités en présence de l’autre membre du couple. • Envisager l’utilisation du modèle PLISSIT (Annon, 1976 ; Taylor & Davis, 2006), qui peut être un bon guide d’entrevue. Il ne s’agit pas d’une grille d’entrevue à proprement parler, mais d’une structure d’approche du thème de la sexualité, qui est respectueuse et délicate, et qui évite en même temps de « tourner autour du pot ». Annon estime que les infirmières devraient être à l’aise au moins dans les deux premières étapes : – P (Permission, consentement) : la discussion est « ouverte » et les préoccupations de la personne relatives à sa sexualité sont normalisées dans son contexte. > Par exemple : Il semble que les médicaments prescrits pour maîtriser vos symptômes ont bien fonctionné jusqu’à maintenant. Comme vous le savez peut-être, ces médicaments peuvent avoir un impact sur la sexualité. Aimeriez-vous que nous parlions de ce sujet aujourd’hui ? – LI (Limited Information, informations limitées) : de l’information générale (déconstruction des mythes, validation des connaissances, etc.), mais non ciblée sur des caractéristiques précises de la vie sexuelle de la personne, est donnée. > Par exemple : La première chose que je pourrais faire, si vous êtes d’accord, serait de vous donner des informations générales et des petits
TABLEAU A.2
A832
Annexes
trucs concernant votre médication en lien avec la sexualité (fausses croyances souvent véhiculées, activités à favoriser ou à éviter, etc.). – SS (Specic Suggestions, suggestions précises) : des suggestions plus précises au sujet d’éventuelles préoccupations soulevées par le client (questions, précisions, points non abordés) sont fournies. Au besoin, il peut être nécessaire de connaître les pratiques sexuelles de la personne, an de mieux répondre à ses interrogations. > Par exemple : Y a-t-il des sujets sur lesquels vous aimeriez obtenir des précisions ou plus d’informations ? > Par exemple : Pour bien répondre à votre question, j’aurais besoin de vous poser des questions sur votre vie sexuelle. Est-ce que cela vous convient ? – IT (Intensive Therapy, thérapie intensive) : éventuellement, le client peut avoir besoin d’un soutien par rapport à ce qu’il vit en lien avec sa sexualité qui soit au-delà des compétences de l’inrmière. Dans ce cas, avec la permission du client, celle-ci l’oriente vers un autre professionnel (médecin, sexologue, etc.), qui pourra entreprendre avec lui une thérapie plus approfondie. > Par exemple : Je ne me sens pas assez compétent(e) pour bien vous soutenir par rapport à ce que vous vivez en lien avec votre sexualité. Si vous acceptez, je pourrais discuter de votre situation avec le sexologue de l’équipe pour trouver une ressource qui pourrait vous aider mieux que moi. • Utiliser un langage professionnel, mais compréhensible pour le client. Ne pas hésiter à reformuler la réponse du client pour s’assurer d’avoir bien compris. Par exemple, si un client énonce spontanément qu’il a un problème de libido, cela ne veut pas nécessairement dire qu’il a un trouble de désir : il peut vouloir parler d’un trouble érectile, ou d’autre chose. Devant un terme inexact utilisé par le client, reprendre les mots précis du client, en y ajoutant l’expression correcte pour compléter. • Évaluer précisément chacune des dimensions de la réponse sexuelle : désir, excitation, orgasme et résolution ; faire de même pour les éléments suivants : présence de douleurs sexuelles, problèmes primaires ou secondaires, situationnels ou généralisés, mode d’apparition lent et progressif ou rapide et subit, circonstances concomitantes.
Facteurs à considérer pour aborder la sexualité au moment d’une entrevue
FACTEURS FAVORABLES
FACTEURS DÉFAVORABLES
• Client déjà connu
• Première consultation
• Conditions médicales stables
• Conditions médicales non stabilisées
• Sufsamment de temps alloué à la consultation pour ne pas bousculer le client
• Clinique sans rendez-vous où le temps est limité
• Contexte approprié (rendez-vous de suivi, ou périodique)
• Trouble mental important
• Client abordant lui-même le sujet en début de consultation
• Question surprise à la n de l’entrevue
• Client souffrant d’une maladie, ou prenant une médication, susceptible d’affecter la sexualité
• Motif de consultation simple chez un client sans aucun facteur de risque
• Multiples plaintes présentées par le client
Collecte des données ENCADRÉ A.3
Analyse de la situation
• La situation décrite par le client représente-t-elle un problème réel pour lui ? Par exemple, si un client rapporte une fréquence des relations sexuelles de une fois par année, le professionnel pourrait avoir tendance à considérer qu’il s’agit d’un problème. Mais il est important de se demander si le client souffre réellement de sa situation ou au contraire si cette fréquence est adéquate pour lui.
relatifs aux infections transmissibles sexuellement. Il s’agit alors de faire l’enseignement requis et d’orienter le client vers la ressource appropriée. • S’agit-il d’un problème de la fonction sexuelle, de dysphorie de genre ou d’un trouble paraphilique ?
• Le problème est-il réel ou relève-t-il d’un manque d’informations et de connaissances ? Dans ce dernier cas, le fait de fournir l’information exacte pourrait régler le problème. Bien que ce ne soit pas directement lié aux dysfonctions sexuelles, l’évaluation peut mettre en lumière des éléments
• Selon les données recueillies, quels sont les indices étiologiques en fonction des facteurs décrits dans le TABLEAU A.1 ? Cette information permettra de guider le client soit vers un traitement médical, soit vers un traitement en psychothérapie sexologique, ou les deux (dans les cas d’étiologie mixte).
• S’il s’agit d’un problème de la fonction sexuelle, quel aspect (désir, excitation, orgasme) est affecté ? Il peut y en avoir plus d’un.
Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ A.4
Orienter adéquatement le client
• Renseigner le client sur la réponse sexuelle humaine, plus particulièrement le lien entre l’aspect organique (anatomie, physiologie, inuence de la médication ou de divers troubles de santé, etc.) et l’aspect psychologique (émotions, cognition, croyances erronées, mauvaises informations, etc.). Renseigner le client sur les dysfonctions sexuelles, notamment sur les étiologies, les symptômes et les traitements possibles. Par l’enseignement, le client est davantage en mesure de comprendre pourquoi des changements surviennent dans son fonctionnement sexuel et de reconnaître les symptômes indiquant la présence d’un problème d’ordre sexuel. • Renseigner le client sur les habiletés positives en matière de communication et de relations interpersonnelles. Soutenir et encourager le client en facilitant le recours à ces habiletés. Les problèmes au sein de la relation de même que l’incapacité de communiquer sont souvent à l’origine des dysfonctions sexuelles. Des habiletés positives en matière de communication et de relations interpersonnelles améliorent les rapports intimes et la sexualité.
Soins et traitements en interdisciplinarité Après avoir effectué une collecte rigoureuse des données sur la situation de santé et établi les problèmes prioritaires de la dysfonction sexuelle, l’inrmière offre un soutien au client pendant les traitements, dont plusieurs modes peuvent être envisagés. Le traitement physique de la dysfonction sexuelle est proposé par un médecin. Selon les dysfonctions sexuelles, plusieurs avenues peuvent être explorées, dont la pharmacothérapie. Quant à la psychothérapie sexologique, aussi appelée sexothérapie, elle se caractérise par l’utilisation de techniques psychodynamiques, cognitivo-comportementales,
• Aider le client à explorer ses craintes et ses angoisses liées à la sexualité dans un climat d’ouverture et de conance en toute condentialité. Enseigner des techniques de respiration et de relaxation pour aborder ces questions avec calme. Une discussion ouverte sur la sexualité, accompagnée de stratégies éprouvées, aide le client à surmonter certains de ses refoulements et à s’ouvrir davantage à vivre des expériences sexuelles satisfaisantes. • Aider le client à accroître son estime de soi en lien avec la sexualité. Encourager le discours intérieur positif au moyen d’afrmations, d’exercices de thérapie cognitive et d’exercices sur l’image corporelle. Examiner des variations de l’expression sexuelle et diverses options de traitement. Un manque d’estime de soi est souvent un facteur qui contribue à la dysfonction sexuelle. Des stratégies et des traitements éprouvés aideront à améliorer l’estime de soi et l’image de soi du client. • Orienter le client vers des modes de traitement physique ou la sexothérapie, s’il y a lieu. Ces interventions thérapeutiques aideront le client à maximiser ses chances de réussite en présence d’une dysfonction sexuelle.
humanistes- existentielles et systémiques. De plus en plus, l’accent est mis sur des traitements qui combinent des approches biologiques, psychologiques et liées aux couples.
Examens paracliniques | Chez l’homme | An d’établir précisément le problème physiologique provoquant la dysfonction sexuelle, le médecin peut demander des examens paracliniques complémentaires. Pour la dysfonction érectile, plusieurs types d’examens effractifs et non effractifs sont utilisés. La pléthysmographie pénienne nocturne permet de vérier la présence et la qualité des érections nocturnes. L’index pénien-brachial est une Annexe A Dysfonctions sexuelles
A833
mesure utile pour déterminer la pression sanguine pénienne. Cet index se calcule par une comparaison de la pression artérielle systolique pénienne (mesurée par échographie Doppler) avec la pression artérielle systolique brachiale. Plusieurs analyses sanguines (p. ex., la fonction thyroïdienne, la fonction endocrinienne, dont les hormones sexuelles) ainsi que l’analyse des urines peuvent s’avérer utiles an de vérier la présence de troubles organiques métaboliques. Une échographie Doppler duplex après l’injection de prostaglandines permet d’évaluer le ux sanguin dans le pénis et de vérier ainsi la présence d’une fuite veineuse et l’état global des vaisseaux sanguins. Il est possible d’effectuer des évaluations de la fonction nerveuse du pénis pour vérier si la sensation nerveuse est suffisante. Il peut s’agir d’épreuves simples comme le pincement manuel du gland pour provoquer un réexe anal ou du diapason, mais il existe également des tests beaucoup plus complexes, notamment les tests de conductivité nerveuse : des électrodes sont placées sur la peau à différents endroits en fonction du trajet nerveux, une légère décharge électrique est donnée et une mesure de la transmission aux autres électrodes est prise.
ALERTE CLINIQUE
La prise quotidienne de tada lal (Cialismd) n’est pas recom mandée pour les hommes qui ont des maladies rénales ou hépatiques. Les clients qui présentent une douleur à la poitrine ne peuvent prendre de la nitroglycérine après la prise d’un IPDE5 à courte action (sildénal [Viagramd] et vardé nal [Levitramd]) ou 48 heures après la prise d’un IPDE5 à longue action (Ellsworth & Kirshenbaum, 2008).
A834
Annexes
| Chez la femme | Il existe actuellement beaucoup moins d’examens médicaux et de traitements physiologiques à l’intention des femmes. Les examens paracliniques pour vérier les taux d’œstrogène et de testostérone sont très utiles. La photopléthysmographie vaginale vérie l’afux sanguin vers le vagin, qui constitue un indicateur de l’excitation ; mais dans la réalité, l’utilité de ce test est mitigée compte tenu de sa complexité, de sa faible abilité et de la facilité de remédier à la baisse de lubrication vaginale par l’utilisation d’un lubriant synthétique. Des examens vaginaux, notamment des études de conduction nerveuse, de même que des évaluations de la douleur aux organes génitaux sont souvent effectués.
Pharmacothérapie Les diverses causes organiques et psychosexuelles, présentées précédemment, permettent d’expliquer les troubles de la sexualité. Différentes molécules (médicaments) peuvent avoir un effet positif sur l’une ou l’autre des composantes de la sexualité ENCADRÉ A.5.
| Pharmacothérapie pour le trouble de l’érection et l’éjaculation précoce | La découverte fortuite du rôle du sildénal, mieux connu sous son nom commercial Viagramd , a relancé la recherche internationale et a permis de mettre au point les IPDE-5. Le sildénal était testé comme traitement possible d’un problème
cardiaque. Les IPDE-5 fonctionnent en bloquant l’enzyme qui dégrade la guanosine monophosphate cyclique (GMPc) pour augmenter l’effet relaxant de cette substance sur les muscles lisses des corps caverneux, permettant ainsi l’afux sanguin. En association avec la stimulation, ces médicaments s’avèrent utiles pour favoriser une érection chez beaucoup d’hommes (Magheli & Burnett, 2009). D’autres sociétés pharmaceutiques ont lancé des IPDE-5 similaires, dont le vardénal (Levitramd) et le tadalal (Cialismd) ainsi que, plus récemment, l’option d’une prise quotidienne de Cialismd. En général, les médicaments utilisés pour traiter la dysfonction érectile sont considérés comme sûrs à condition que le client fournisse des antécédents médicaux et médicamenteux complets. Les hommes qui prennent des IPDE-5 (p. ex., Viagramd, Levitramd ou Cialismd) doivent communiquer immédiatement avec leur médecin s’ils présentent l’un des problèmes suivants : érection de plus de quatre heures, érections douloureuses, douleur thoracique, perte subite de vision, syncope, éruption cutanée et problèmes urinaires. La prise concomitante des IPDE-5 et de dérivés nitrés est contre-indiquée. L’injection intracaverneuse (IIC) de vasodilatateurs comme les prostaglandines (alprostadil), la papavérine ou la phentolamine s’effectue directement dans le corps caverneux pour provoquer l’érection. Comme il existe une possibilité d’effets indésirables sérieux dont le priapisme et ses complications (érection très douloureuse de plus de quatre heures, en l’absence de stimulation physique ou psychologique), les IIC sont plutôt déconseillées aux hommes ne présentant pas de troubles érectiles organiques. De nos jours, la pharmacothérapie intra- urétrale est encore offerte. Elle consiste en l’introduction de médicaments vasoactifs à l’aide d’un système d’administration transurétrale appelé MUSEmd (pour medicated urethral system for erections). Il existe divers inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS) qui s’avèrent utiles pour traiter l’éjaculation précoce. La dapoxétine est un ISRS mis au point expressément pour contrer l’éjaculation précoce, mais Santé Canada ne l’a pas encore homologué. La lidocaïne topique est aussi préconisée pour traiter ce trouble.
| Pharmacothérapie pour la femme | Des études portant sur l’administration d’IPDE-5 chez la femme ne se sont pas avérées aussi concluantes que celles menées chez l’homme (Romanelli & Sansone, 2010). Chez la femme, même si certains changements physiologiques ont été remarqués (p. ex., l’augmentation de la lubrication), l’excitation psychologique et le désir sexuel n’ont pas été améliorés. Le bupropion
Psychopharmacothérapie ENCADRÉ A.5
Dysfonctions sexuelles
MÉDICAMENTS APPROUVÉS PAR SANTÉ CANADA
• Pour les troubles liés à un décit d’hormones sexuelles (hypogonadisme, andropause, ménopause) – Thérapie de remplacement de la testostérone chez l’homme – Œstrogénothérapie chez la femme
– Crème topique à base de lidocaïne (diminution de la douleur) PERSPECTIVES PHARMACOTHÉRAPEUTIQUES
• 5-déhydroépiandrostérone (DHEA) (amélioration de la fonction sexuelle)
• Pour les troubles érectiles – IPDE-5 (Viagramd, Cialismd, Levitramd, et génériques récemment disponibles) – Injection intracaverneuse de l’alprostadil, un vasodilatateur (Caverjectmd) – Insertion intra-urétrale de l’alprostadil, un vasodilatateur (Musemd)
• Dapoxétine (traitement de l’éjaculation précoce)
• Pour le trouble d’éjaculation précoce – Anxiolytiques – Inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine – Crème topique à base de lidocaïne
• PT-141 (brémélanotide, composé qui traite les troubles de l’excitation sexuelle chez la femme)
• Pour le vaginisme et la dyspareunie – Toxine botulinique (Botoxmd) (diminution de la contraction musculaire)
• Agonistes des récepteurs de la dopamine (traitement de la baisse de désir sexuel) • Flibansérine (traitement de la baisse de désir sexuel chez la femme) • Phéromones (traitement de la baisse de désir sexuel)
• Viagramd en crème, condom avec IPDE-5 (pour le trouble érectile) • Thérapie de remplacement de la testostérone chez la femme (pour la baisse de désir sexuel)
Source : Adapté de Association des pharmaciens du Canada (2015).
(Wellbutrinmd) peut être prescrit aux femmes qui présentent un faible désir sexuel, surtout chez celles qui prennent des ISRS, car des données indiquent un effet positif modéré. La prise d’anxiolytiques s’avère efcace dans le traitement du vaginisme. Des préparations topiques de lidocaïne de même que la gabapentine (Neurontinmd) sont efcaces pour traiter les troubles sexuels avec douleur. Actuellement, quelques médecins utilisent la toxine botulinique (Botoxmd) dans le traitement de la vulvodynie, qui est un trouble entraînant des douleurs vulvaires chroniques, dans le but de diminuer la contraction musculaire. Un composé appelé PT-141, un agoniste de la mélanocortine et de l’ocytocine qui a des effets sur le système nerveux central, est prometteur dans les cas de troubles de l’excitation chez la femme. Il se lie à certains sites dans l’hypothalamus. L’application locale de la 5-déhydroépiandrostérone s’est montrée efcace au cours de premiers essais dans les cas d’atrophie vaginale et pourrait servir de traitement dans différentes phases du cycle de la réponse sexuelle chez la femme (Derogatis & Burnett, 2007).
Autres types de traitements médicaux D’autres types de traitements intervenant directement sur la physiologie du client peuvent aussi être envisagés ENCADRÉ A.6.
ENCADRÉ A.6
Interventions physiologiques
• Pompe de tumescence à vide (Responsemd, ErecAidmd) • EROS-CTDmd • Prothèse pénienne
Pour les troubles érectiles, des traitements mécaniques (pompe de tumescence à vide telle que Response md , ErecAid md ) ou chirurgicaux (implants péniens) sont également disponibles. Le recours à la chirurgie peut permettre de modier la circulation artérielle dans le pénis ou encore d’y insérer une prothèse : deux formes différentes de prothèses sont disponibles et ont fait l’objet d’améliorations avec le temps pour donner des résultats plus satisfaisants. Il s’agit de la tige semi-rigide en silicone ou en métal et des pompes présentant divers degrés de sophistication. Santé Canada a approuvé l’EROS-CTDmd pour traiter les symptômes de la dysfonction sexuelle chez la femme. Il s’agit d’un appareil qui crée une légère succion sur le clitoris dans le but d’augmenter la circulation sanguine dans les parties génitales. Cet afux de sang exerce alors une pression sur les nerfs et provoque une réaction dans le
Annexe A Dysfonctions sexuelles
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clitoris. De plus, un réexe autonome entraîne une augmentation de la lubrication et une capacité accrue d’atteindre l’orgasme (Berman, 2008).
Psychothérapies Les exercices de Kegel pour la femme sont expliqués en détail dans le chapitre 2 du manuel de Lowdermilk, D.L., Perry, S.E., & Cashion, K. (2012). Soins inrmiers– Périnatalité. Montréal : Chenelière Éducation.
20 Le modèle cognitivocomportemental est détaillé dans le chapitre 20, Modèles et stratégies thérapeutiques.
Il existe tout un éventail de techniques psychologiques utilisées par les sexothérapeutes et les sexologues cliniciens. Les exercices à faire en dehors des séances et le counseling par encouragement constituent généralement la base de la sexothérapie. Souvent, la sexothérapie comprend des consultations hebdomadaires, bimensuelles ou même mensuelles auprès d’un thérapeute, au cours desquelles le client a l’occasion de discuter de ses symptômes, de ses progrès, de ses sentiments et de ses observations. Parfois, une psychothérapie plus approfondie est nécessaire. Il se peut que le traitement d’un état psychopathologique (p. ex., la dépression) soit préalable à la sexothérapie ENCADRÉ A.7.
| Thérapies cognitivo-comportementales | Masters et Johnson (1970) ont mis au point des techniques cognitivo-comportementales pour la sexothérapie 20 . Ces techniques ont évolué au l des années vers des stratégies plus efcaces et approfondies. Ils ont mis au point la technique de la concentration sensorielle, qui consiste à se concentrer sur les sensations corporelles tout en excluant les autres stimulus. La concentration sensorielle est une façon de favoriser la détente, d’apprendre à se mettre à l’écoute de son corps plutôt que de ses pensées et de créer une ambiance où il n’y a aucune exigence relative au plaisir sexuel ou à la satisfaction sexuelle. L’idée derrière cette technique est que, souvent, les distractions sous forme de pensées d’ordre intellectuel (p. ex., « j’ai tellement de choses à faire aujourd’hui ») ou de pensées d’autodépréciation (p. ex., « mes cuisses sont tellement grosses, comment peut-on penser que je suis désirable ? ») ainsi que l’anxiété de performance (p. ex., « je me demande si je suis aussi bon que son ancien amant ») peuvent être si fréquentes que les personnes perdent le contact avec l’expérience en elle-même. Les techniques de concentration sensorielle peuvent consister à se donner des massages
ENCADRÉ A.7
• Éducation sexuelle • Thérapies corporelles (p. ex., le massage, le yoga tantrique) • Techniques de communication • Exercices de stimulation érotique • Dilatation progressive du vagin
Annexes
Pour améliorer l’excitation et la capacité orgasmique, le sexothérapeute peut enseigner au client des exercices de masturbation. Souvent, les femmes et les hommes font des exercices de Kegel, qui consistent à contracter le muscle pubococcygien pour permettre l’afux de sang dans la région génitale et en accroître ainsi sa sensibilité. Par la suite, le client entreprend une série d’exercices structurés pour se familiariser avec les sensations associées à la stimulation génitale. Les hommes qui présentent une dysfonction érectile peuvent également effectuer des exercices de masturbation en utilisant l’approche et les stimulus érotiques pour faciliter l’excitation et diminuer l’anxiété. Les techniques d’« arrêt-départ » et de compression du pénis sont utiles pour amener les hommes qui présentent un problème d’éjaculation précoce à être plus attentifs à leurs sensations génitales et à retarder ainsi l’éjaculation. Ces deux techniques exigent que l’homme se masturbe jusqu’au point où l’éjaculation est imminente. Par la suite, dans le cas de la technique d’« arrêtdépart », il cesse toute stimulation ; dans le cas de la technique de compression du pénis, il serre son pénis juste sous le gland. Dans les deux cas, il attend que la sensation se dissipe et répète le processus trois ou quatre fois avant de s’autoriser à éjaculer. Le but est d’être en mesure de mieux contrôler le moment précis de l’éjaculation. Le traitement pour contrer les contractions involontaires des muscles du périnée et du vagin au cours de la pénétration, un trouble appelé vaginisme), fait appel à l’utilisation d’un dilatateur vaginal. L’introduction progressive de dilatateurs de plus en plus grands, combinée à des techniques de relaxation, aidera la femme à surmonter sa peur et sa douleur et à diminuer les spasmes involontaires. Il est possible de trouver en ligne
Exemples de traitements psychologiques des dysfonctions sexuelles
• Sexothérapie ou psychothérapie sexologique
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hebdomadaires, à se laver mutuellement ou à se caresser réciproquement. Le partenaire qui reçoit le massage doit seulement se concentrer sur ses propres sensations sans se préoccuper de rendre la pareille. Le but de l’exercice n’est ni de provoquer une excitation sexuelle ni d’atteindre l’orgasme, mais seulement de savourer le plaisir sensuel.
• Exercices de masturbation dirigés et progressifs (p. ex., les exercices de Kegel, ou musculation du plancher pelvien) • Techniques d’arrêt-départ et de compression du pénis dans les cas d’éjaculation précoce • Concentration sensorielle (p. ex., se donner des massages hebdomadaires ou se caresser réciproquement)
des ensembles de dilatateurs vendus à cette n, mais des femmes utilisent aussi bien leurs doigts que d’autres objets d’insertion. Le coton-tige sert habituellement de premier dilatateur, car il est petit, doux et sans danger. L’éducation axée sur la sexualité en particulier et la restructuration cognitive sont deux autres types d’interventions largement utilisées. Les besoins en matière d’éducation varient grandement, allant de techniques précises de masturbation à des notions sur la réponse sexuelle. La restructuration cognitive consiste à remplacer des pensées négatives ou désagréables à propos de la sexualité par des pensées plus positives ou réalistes. À titre d’exemple, il peut s’agir de réinterpréter les expériences sexuelles d’un client sous un jour plus positif et agréable. L’utilisation d’accessoires érotiques pour aider à la concentration sexuelle et l’incorporation de pensées et de sentiments d’ordre sexuel dans le quotidien sont d’autres suggestions utiles. L’homme et la femme sont également en mesure de pratiquer la masturbation pour augmenter leur sensibilité à la stimulation sexuelle. L’apprentissage et la pratique de la masturbation facilitent et améliorent l’atteinte de l’orgasme ou le potentiel orgasmique tant chez l’homme que chez la femme. L’entraînement à la masturbation et l’atteinte de l’orgasme font également appel à l’utilisation de la restructuration cognitive comme méthode pour remplacer d’anciennes croyances sur la sexualité et certaines techniques par des croyances saines et réalistes qui diminuent la peur de perdre le contrôle. Ces techniques de sexothérapie ont prouvé leur utilité chez les personnes qui présentent des dysfonctions sexuelles. Toutefois, sans une sensibilisation et une attention portée à d’autres facteurs de la vie du client, ces méthodes ne donnent pas de résultats satisfaisants. Certains de ces facteurs sont les valeurs culturelles et religieuses, des troubles mentaux, un apprentissage décient de la sexualité et les problèmes d’image corporelle.
| Psychothérapies relationnelles | Il est important mais difcile pour les thérapeutes de mettre l’accent sur le couple et sa relation si le contexte est d’ordre sexuel. Autrement dit, s’agitil vraiment d’une dysfonction sexuelle ou d’un problème qui réside au sein de la relation ? En présence d’un problème en lien avec la relation, aucune thérapie médicale ou psychologique ne sera sufsante pour faciliter la réussite. Les problèmes de couple comprennent les changements de rôle, l’arrivée des enfants, la difculté de s’accorder des moments d’intimité, la perte de la passion envers l’autre, la colère envers l’autre, une divergence en matière de désir sexuel ou un manque de conance. L’un des principes fondamentaux de la sexothérapie est de rétablir les rapports sexuels dans le couple. L’une des techniques pour y parvenir consiste à demander au couple de convenir ensemble d’un moment pour avoir des rapports sexuels, et ce, régulièrement. Souvent, les couples se plaignent de vouloir de la spontanéité, mais celle-ci n’est pas toujours au rendez-vous et il se peut qu’ils se retrouvent dans le bureau du thérapeute parce que les rapports sexuels ont diminué au sein de leur relation. Il est possible de créer de la spontanéité et de l’enthousiasme même si les rapports sexuels sont planiés. Masters et Johnson (1970) ont afrmé que la mauvaise communication est au cœur du problème d’ordre sexuel. Pour améliorer la communication au sein du couple, il faut être à l’écoute de l’autre et apprendre à s’enquérir de ses désirs et de ses préférences 5 . Le travail d’amélioration de la communication peut commencer dans le bureau du thérapeute, où chaque partenaire est encouragé à s’exprimer et à écouter. Les habiletés acquises peuvent ensuite se transposer dans leur vie. Les facteurs prédictifs les plus importants du pronostic de résolution des problèmes d’intimité sexuelle dans le couple sont le respect, la considération et l’affection sincère qu’ont les partenaires l’un envers l’autre (Gottman & Schwartz Gottman, 2007).
5 L’écoute active est détaillée dans le chapitre 5, Communication et relation thérapeutique.
Annexe A Dysfonctions sexuelles
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ANNEXE B Approche Oméga Écrit par : Nicole Dupont Yves Proulx ALERTE CLINIQUE
Cette annexe donne les grandes lignes de la formation Oméga, mais elle n’est pas exhaustive et ne saurait remplacer la formation offerte par un formateur accrédité.
Nos remerciements à toute l’équipe de conception pour son travail exceptionnel : Robert Arbour, André Argouin, Rosaire Fortin, Bruno Guillemette, Jeanne Lefebvre, Michel Plante, Yves Proulx, MarieJosée Robitaille, Clermont Sévigny.
B.1
Historique
Au printemps 1997, un regroupement d’établisse ments à vocation psychiatrique du Québec faisait une demande de programme à l’Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail du secteur affaires sociales (ASSTSAS). Trois de ces établisse ments – le Centre hospitalier RobertGiffard, l’Hôpi tal Douglas et le Centre hospitalier de Charlevoix – se sont par la suite engagés activement dans le projet en prêtant six ressources spécialisées, qui se sont jointes à celles de l’ASSTSAS, pour constituer une équipe de conception de neuf personnes. Cette équipe a élaboré un programme de forma tion à trois niveaux : la formation Oméga de base pour les milieux institutionnels (centre hospita lier, urgence générale et psychiatrique), la forma tion Oméga plus pour les équipes d’intervention, qui aborde des techniques de maîtrise physique plus complexes, et la formation Oméga pour les travailleurs dans la communauté et pour les équipes œuvrant auprès des personnes non hos pitalisées (CLSC, cliniques externes en santé men tale, équipes de suivi dans la communauté). L’objectif prioritaire des trois formations Oméga est d’assurer la sécurité du personnel soignant sans négliger celle des clients. Pour atteindre cet objectif, Oméga propose divers outils : un modèle d’évalua tion de la situation de travail, une grille d’évaluation du potentiel de dangerosité et, enn, des techniques verbales, psychologiques et physiques pour inter venir dans la plupart des situations.
B.2
Fondements d’Oméga : valeurs et principes
Quatre valeurs guident le choix des interventions et des comportements enseignés dans Oméga : • le respect (de soi, des collègues, des clients) – agir avec courtoisie, retenue et considération, proté ger la dignité et l’amourpropre de chacun ;
A838
Annexes
• le professionnalisme – agir de manière éthique (écoute, condentialité, transparence, honnê teté), prendre les moyens nécessaires, raison nables et légaux pour réaliser son mandat ; • la responsabilisation (de l’intervenant, des col lègues, des clients) – rendre compte de ses gestes (positifs ou négatifs), respecter ses engagements, réparer ses fautes et assumer les conséquences de ses actes ; • la sécurité (de soi, des collègues, des clients) – veiller à la sécurité de chacun tant sur les plans physique et psychologique que social et déontologique. Ces valeurs permettent d’apprécier la qualité d’une intervention. Plus elles sont respectées, plus l’intervention est appropriée. L’inrmière devrait également appliquer les principes suivants, qui lui permettront d’assurer sa sécurité. • Se protéger : – en gardant une distance sécuritaire ; – en ayant une équipe de soutien ; – en ayant un système de communication approprié ; – en recueillant de l’information. • Évaluer : – sa situation de travail ; – le client ; – ses propres forces et limites. • Prévoir : – la possibilité d’avoir besoin d’aide ; – l’intervention à effectuer ; – les issues possibles. • Prendre le temps : – d’écouter ; – d’attendre l’aide demandée ; – de consulter le plan d’intervention ; – de communiquer. • Se centrer sur la personne : – le vécu du client ; – le contenu de son discours ; – sa sécurité ; – les collègues et les autres personnes présentes.
B.3
Situation de travail
Chaque situation de travail étant particulière, le personnel soignant doit déterminer au préalable les éléments susceptibles de l’aider (éléments de protection) : • les aspects favorisant la protection, par exemple la présence d’un collègue, d’un moyen de communication, d’un endroit où battre en retraite ; • les conditions favorables à la gestion d’une crise d’agressivité, par exemple la présence d’un membre de l’équipe de soins apte à gérer une crise ; • les facteurs facilitant l’apaisement du client agressif, par exemple la possibilité de répondre à ses besoins, de négocier, d’arriver à une entente. L’équipe de soins doit également être en mesure d’établir les éléments susceptibles de causer un problème (éléments de risque) : • les conditions pouvant précipiter et amplier la crise, par exemple la frustration, la déception, l’incompréhension ; • les facteurs pouvant menacer la sécurité du client, de l’équipe de soins et des autres clients, par exemple la présence d’une arme ; • les aspects pouvant limiter la possibilité de gérer l’événement, par exemple l’isolement ou la présence de collègues inexpérimentés en gestion de crise. Le modèle de la situation de travail permet à l’inrmière de systématiser sa démarche d’évaluation des éléments de risque et des éléments de protection FIGURE A. Il est à noter que plusieurs éléments de la situation de travail sont en constante évolution. Dans une situation de travail donnée, l’inrmière peut utiliser les éléments de protection qu’elle juge nécessaires. Si elle doit faire une intervention à risque (p. ex., une entrevue avec un client peu coopératif), elle compensera ce facteur de risque en ayant recours à des éléments de protection appropriés (p. ex., faire l’entrevue dans un endroit non isolé ou laisser la porte du bureau entrouverte, aviser un collègue et même retarder l’entrevue si nécessaire).
B.3.1
Appréciation du degré d’alerte
Lors du premier contact avec un client ainsi que tout au long de l’interaction avec celui-ci, il est essentiel que l’inrmière fasse une bonne évaluation de la situation an d’adopter le niveau de vigilance nécessaire. Cette appréciation du degré d’alerte doit inclure certains éléments spéciques.
• L’inrmière doit pouvoir anticiper les événements an d’assurer sa protection personnelle, en s’informant et en prévoyant l’aide nécessaire en gardant une distance sécuritaire. • Elle doit observer les paramètres physiques (âge, taille, poids, force), le comportement non verbal (attitude, gestuelle, démarche) et verbal de la personne (cohérence des propos, personne ciblée). • Enn, elle doit jauger le client, c’est-à-dire évaluer la qualité du contact visuel et du contact verbal, an de déceler les indices qui devraient la mettre en état d’alerte lorsqu’elle s’approche de lui. Elle s’assurera d’avoir la « permission tacite » de la personne avant de l’approcher, sinon elle devra le faire avec une très grande vigilance. Cette appréciation doit se faire tout au long de l’intervention an que l’inrmière adapte son niveau d’alerte aux réactions du client FIGURE B.
B.4
Grille du potentiel de dangerosité
Lors de l’appréciation du degré d’alerte, il est utile que l’inrmière ait un outil qui lui permette de mesurer le degré de dangerosité du client et qui la guide dans le choix des interventions appropriées. La grille du potentiel de dangerosité classe sur une échelle de neuf niveaux les réactions d’une personne lors d’un contact. L’intervention verbale, psychologique et physique doit s’ajuster en fonction des réactions du client. La grille permet de mesurer l’intensité possible des réactions de la personne et de prévoir l’évolution de la relation ainsi que l’effet de l’intervention FIGURE C. Il faut préciser que la grille du potentiel de dangerosité s’applique lorsque le client est en relation interpersonnelle. C’est sa réaction à cette relation qui permet de le situer sur la grille. Par exemple, où peut-on situer une personne qui refuse de quitter le bureau d’évaluation ? Tout dépend de sa réaction à la demande. Si elle éclate en sanglots, elle est probablement en tension émotive. Si elle répond : « Je vais quitter le bureau à la condition de pouvoir faire un appel téléphonique », elle est probablement en collaboration conditionnelle. Si elle répond : « Essaie de me sortir… » et prend une attitude dominante, elle est probablement en intimidation psychologique. Au cours d’une intervention, une personne peut donc passer par différents niveaux, et l’intervenant doit s’assurer d’ajuster ses interventions aux réactions du client. Annexe B Approche Oméga
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B.5
Pyramide d’interventions
Compte tenu du niveau élevé de risque de blessure et de l’impact souvent négatif de l’intervention physique, tant pour les personnes en crise que pour l’équipe de soins, il est important d’en limiter l’utilisation. Diverses techniques d’interventions verbale et psychologique permettent à l’inrmière de favoriser une résolution de la crise, sans avoir recours à l’intervention physique. Ces diverses techniques sont illustrées par la pyramide d’interventions FIGURE D. Les sept niveaux de la pyramide illustrent des techniques d’intervention qui vont d’une approche large et non directive à des interventions de plus en plus encadrantes. L’inrmière devra choisir l’intervention qui cadre le mieux avec la situation, tout en tenant compte des valeurs de respect, de professionnalisme, de responsabilisation et de sécurité du programme Oméga.
B.5.1
Pacication
La base des interventions est la pacication de la crise, mise au point par le psychologue Michel Plante FIGURE D. Cette technique d’écoute empathique « radicale », qui se centre sur la personne, sans demande ni allusion au comportement, permet de distinguer rapidement le type d’agressivité (de source émotionnelle ou action calculée). Dans le cas de crises émotionnelles, elle sufra souvent à elle seule à résoudre l’épisode de violence. Il est essentiel d’établir un premier contact en utilisant une phrase d’introduction simple et respectueuse (p. ex.,
ENCADRÉ B.1
Comment pacier ?
ATTITUDES PHYSIQUES
• Bougez lentement, évitez les gestes brusques. • Maintenez une distance sécuritaire de base, soit quatre mètres et plus (pour jauger la situation). • Tenez vos mains ouvertes devant vous, à hauteur du thorax. • Placez-vous de biais, vers le côté non dominant de la personne agressive (habituellement la gauche), évitez le face-à-face. ATTITUDES VERBALES
• Adoptez un ton calme. • Il peut être nécessaire de créer une trêve en attirant l’attention du client agressif pour établir le contact (p. ex., en l’interpellant, en se plaçant dans
A840
Annexes
son champ de vision, en faisant une diversion). • Centrez-vous sur le client et amorcez la pacication par une phrase d’introduction simple et respectueuse : « Ça ne va pas ? » • Ne lui demandez pas de se calmer, n’essayez pas de le raisonner, ne commentez pas ses comportements et ne vous justiez pas ; parlez peu. • Encouragez le client à s’exprimer sans restriction (même si son discours peut être dérangeant) ; il vous percevra alors comme un témoin respectueux, et votre sécurité en sera accrue. • Quand il aura évacué la plus grande partie de sa tension, vous pourrez l’aider à trouver une solution, un compromis acceptable pour tout le monde, ou lui demander quelque chose.
« Ça ne va pas ? »), de façon à permettre au client d’entrer en communication verbale. Le but de la pacication est de faire passer la crise en mots. L’utilisation de techniques d’écoute simples, comme le reet de sentiment, le reet écho et la reformulation, rend la pacication accessible à toute l’équipe de soins. De plus, cette technique a comme avantage de donner accès à des renseignements sur le vécu du client et sur ses difcultés. Ainsi, la crise devient un « levier » permettant d’accompagner la personne vers un changement, ce qui lui donne une valeur indiscutable du point de vue clinique ENCADRÉ B.1.
B.5.2
Trêve
La trêve est une technique qui s’avère nécessaire, lorsqu’on doit créer un temps d’arrêt dans l’action en cours, an d’établir un climat plus propice aux interventions psychologiques, tout en prévenant l’escalade FIGURE D. Par exemple, une inrmière qui assiste à une altercation entre deux personnes peut devoir créer une trêve en coupant le contact visuel entre ces deux personnes (pour séparer les adversaires). Il y a plusieurs façons d’obtenir une trêve : manifester sa présence en s’assurant d’être vu, offrir de l’aide, créer une diversion, faire de l’humour, réorienter la discussion, etc. Toutes ces interventions doivent être empreintes de respect envers les personnes concernées. Ce temps d’arrêt permet d’intervenir de façon plus sécuritaire puisqu’il prévient l’escalade.
B.5.3
Requête alpha
La requête alpha est une demande précise, claire et encadrante à laquelle le client en crise doit être en mesure de répondre et que l’inrmière est autorisée à faire FIGURE D. Elle permet d’éviter les malentendus, les discussions et les négociations. La demande doit être SMART, c’est-à-dire qu’elle doit respecter cinq critères essentiels. • Spécique : demande adressée à une personne précise, pas un « on » indéterminé. • Mesurable : demande dont la réponse recherchée est observable. Par exemple, « Je vous demande de venir avec moi » (facile à observer) plutôt que « Je vous demande de me faire conance » (difcile à évaluer). • Action positive : demande qui amène le client à agir dans le sens voulu plutôt que d’inhiber une action non désirée. Par exemple, « Venez vous asseoir ici » (demande de faire quelque chose) plutôt que « Arrêtez de déambuler » (demande d’arrêter quelque chose sans donner d’indication sur le comportement souhaité). • Réaliste : demande à la mesure des capacités actuelles de la personne. • Temps : demande qui prescrit un délai clair d’exécution.
De plus, cette demande peut s’appuyer sur une observation (s’en tenir à l’observation et éviter les interprétations) et une justication ou responsabilisation (code de vie, plan de traitement, inquiétude personnelle ou professionnelle véritable). Ainsi, plutôt que de dire « Monsieur, calmez-vous ! », à une personne en colère contre une autre et qui brandit un plateau, on préférera : « Monsieur Robert (spécique), vous brandissez un plateau (observation), je vous demande de le déposer sur la table (mesurable, action positive et réaliste) immédiatement (campée dans le temps). »
B.5.4
Recadrage
Certaines personnes utilisent différents modes de résistance pour éviter de répondre, de se conformer à une demande ou pour déstabiliser l’équipe de soins. Confrontée à la résistance d’un client, une inrmière peut utiliser la technique de recadrage pour rester centrée sur sa demande et garder sa distance psychologique FIGURE D. Cette stratégie lui permet d’éviter de répondre à la résistance du client par sa propre résistance et d’éviter l’escalade de la situation agressive.
B.5.4.1
Comment recadrer ?
On commence par utiliser l’approche du disque rayé. On répond à la résistance du client en ne réitérant que la demande initiale (requête alpha) dans les mêmes mots et sur le même ton. On peut devoir le faire à trois ou quatre reprises avant d’obtenir la collaboration du client. Si le client résiste encore, il faut capter de nouveau son attention en utilisant un langage verbal et corporel plus ferme, pour arrêter l’expression de résistance, et reprendre la demande initiale dans les mêmes mots et sur le même ton. Si la personne maintient toujours sa résistance, l’on doit suspendre la discussion (repli stratégique). L’inrmière met un terme à la discussion en donnant un délai au client an qu’il puisse penser à la demande et met l’accent sur les bénéces qu’il retirera de l’exécution rapide de la demande. L’inrmière doit utiliser ce délai pour se situer de nouveau par rapport à l’exécution de sa demande, reprendre sa distance psychologique, prévoir l’intervention à venir et consulter l’équipe de soins ENCADRÉ B.2. Ce délai donne également un temps de réexion au client et lui permet de ne pas perdre la face. Souvent, il décidera d’obtempérer en signiant au personnel soignant que c’est parce qu’il le veut bien !
B.5.5
Alternative
L’alternative vient au terme d’une succession d’interventions à encadrement plus souple, comme la
pacication, la requête alpha et le recadrage, sans que la collaboration souhaitée de la personne en crise ait été obtenue FIGURE D. L’alternative permet d’énoncer et d’expliquer les issues possibles an de responsabiliser le client quant à son choix de comportement. L’inrmière doit demeurer cohérente et assurer la continuité avec les messages et les demandes qu’elle a adressés à la personne antérieurement. Elle doit aussi s’assurer que l’alternative répond au préalable suivant : le client et l’équipe de soins sont capables d’assumer les options offertes et leurs conséquences. L’alternative s’énonce en trois segments : • l’alerte, pour capter l’attention du client ; • l’alternative, pour énoncer et expliquer les issues possibles ; • l’ofcialisation, pour demander à la personne de décider et d’exprimer l’issue choisie. Par exemple, une alternative pourrait s’exprimer ainsi : « Monsieur Robert (alerte), vous pouvez aller vous reposer à votre chambre ou vous asseoir à la salle de télévision (alternative), vous choisissez (ofcialisation). »
B.5.6
Option nale
L’option nale fait suite au refus du client de répondre ou de choisir l’une des options offertes FIGURE D. L’inrmière choisit alors elle-même l’une des deux options énoncées pour en faire son option nale. Puis, elle permet à la personne d’exprimer sa préférence quant au mode d’application de cette option, an de la responsabiliser. L’option nale doit répondre au même préalable que l’alternative, c’est-à-dire que le client et l’équipe de soins soient capables d’assumer les options et leurs conséquences. Ici aussi, l’option nale s’exprimera en trois temps : • l’alerte, pour capter de nouveau l’attention du client ;
ENCADRÉ B.2
Éléments de réexion Oméga
Pendant le délai accordé lors d’un recadrage, l’équipe de soins doit se demander : • La demande est-elle absolument nécessaire ? • Est-il absolument nécessaire que la demande soit respectée maintenant ? • Avons-nous tenu compte de nos valeurs : la sécurité, le professionnalisme, le respect, la responsabilisation ? • Avons-nous pris le temps de… ? • Est-ce à n’importe quelles conditions ?
Annexe B Approche Oméga
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• l’option nale, pour énoncer les deux conditions possibles pour l’application de l’option nale ; • l’ofcialisation, pour demander au client de décider et d’exprimer sa préférence quant aux moyens d’application. L’option nale pourrait donc s’exprimer comme suit : « Monsieur Robert, vous avez le choix (alerte) : vous décidez de vous rendre à votre chambre seul ou vous préférez y aller escorté des employés qui sont ici (option nale), vous choisissez (ofcialisation). »
B.5.7
Intervention physique
L’intervention physique est une mesure de dernier recours FIGURE D. Il est essentiel que l’équipe de soins se concerte avant d’utiliser de telles mesures. La mesure choisie doit être légale, acceptable sur le plan éthique et professionnelle. L’intervention physique comporte des risques importants de blessure pour le client à maîtriser et pour l’équipe de soins. An de réduire ces risques, il est important de respecter certaines règles d’application, entre autres, les règles d’intervention d’équipe, de la mécanique corporelle et de l’ajustement de l’intensité an que l’intervention soit adéquate sans être abusive. L’intervention d’équipe doit être structurée, concertée et sécuritaire. L’équipe est composée : • d’un leader, c’est la seule personne qui parle et dirige ; • d’équipiers qui restent centrés sur l’interven tion menée par le leader et interviennent si nécessaire ; • de soutiens qui sécurisent le milieu, rassurent les autres personnes et portent assistance au besoin. L’équipe doit prendre le temps de s’organiser et de s’entendre sur les principes d’action en tenant compte des paramètres physiques de la personne et des zones d’approche plus sécuritaires. La communication doit être constamment maintenue au sein de l’équipe. Les intervenants doivent utiliser tous les recours psychologiques
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Annexes
possibles an d’éviter l’intervention physique. L’équipe doit observer et rassurer le client avant, pendant et après l’intervention. Finalement, elle doit clore l’intervention, ramener le calme et procéder à une révision postévénement.
B.5.8
Révision postévénement
Élément essentiel du programme Oméga, la révision postévénement vise deux objectifs. Dans un premier temps, elle permet de prendre soin des membres de l’équipe ; elle sert ensuite à faire l’évaluation du déroulement de l’événement. Elle permet à l’équipe de soins de : • ventiler ses émotions ; • revoir ensemble l’événement an d’en clarier les composantes ; • rétablir l’équilibre émotionnel, tant avec le client qu’entre les membres de l’équipe ; • décoder les signes précurseurs ; • déterminer les améliorations à apporter en ce qui touche l’intervention et l’environnement ; • maintenir une attitude professionnelle. Cette révision doit se faire dans le respect de chacun. Ainsi, lorsqu’un membre de l’équipe est perturbé, on doit éviter les questionnements accusateurs et les « pourquoi ». Il est alors inapproprié de juger les comportements ou les réactions, de banaliser l’événement ainsi que de défendre ou d’excuser un agresseur. La révision postévénement sert à élaborer des stratégies d’intervention plus appropriées à l’équipe, tout en respectant les forces et les faiblesses de chacun. Elle permet également de reconnaître les besoins de suivi à court, moyen et long terme, tant pour les individus que pour l’équipe. Lors de la révision postévénement, l’utilisation des divers outils de la formation Oméga (situation de travail, grille du potentiel de dangerosité, pyramide d’interventions) permet d’améliorer la communication au sein de l’équipe par l’utilisation d’un langage commun.
Source : Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail du secteur affaires sociales (ASSTSAS) (2012).
Le contenu de cette annexe a été reproduit avec l’aimable autorisation de l’Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail du secteur affaires sociales (ASSTSAS) (2012). Formation Oméga. Montréal Québec : ASSTSAS. Annexe B Approche Oméga
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ANNEXE C Syndrome métabolique Écrit par : Robert Morin, inf., M. Éd. Le syndrome métabolique est un ensemble de facteurs de risque favorisant directement l’apparition de maladies cardiovasculaires et du diabète de type 2 (Keltner 2006 ; Agence de la santé publique du Canada (ASPC), 2011). Le diagnostic de syndrome métabolique est posé en présence de trois des cinq symptômes listés dans le TABLEAU C.1. Plusieurs médicaments utilisés en santé mentale peuvent déclencher le syndrome métabolique, soit les antipsychotiques de deuxième génération et les antidépresseurs (Solida, Choong, Lechaire et al., 2011). Selon Blouin (2008), l’afnité de ces médicaments pour certains neurotransmetteurs impliqués dans la régulation de l’apport énergétique serait en cause. Il existe notamment un lien entre l’utilisation d’antipsychotiques de seconde génération et un gain pondéral (Blouin, 2008 ; Flamand-Villeneuve, 2010). Ce gain pondéral augmenterait le risque de diabète de type 2, d’hypertension artérielle et de maladie coronarienne artérosclérosante. En
particulier, chez les clients traités avec la clozapine (Clozarilmd) et l’olanzapine (Zyprexamd), un gain pondéral important peut être observé, car ces médicaments ont une afnité spécique avec les récepteurs H1 de l’histamine et de la sérotonine. Ces deux neurotransmetteurs jouent un rôle dans la régulation de l’apport alimentaire et exercent un effet sur les sensations et les perceptions de faim, d’appétit, de satiation ou de satiété (Blouin, 2008).
C.1
Évaluation initiale
L’inrmière tient compte des symptômes subjectifs que le client exprime, mais elle s’appuie également sur des données objectives. Selon FlamandVilleneuve (2010), l’évaluation initiale de toute personne qui entreprend un traitement par antipsychotiques de deuxième génération ou par antidépresseurs devrait comprendre : • un questionnaire sur les antécédents médicaux, familiaux et sur les habitudes de vie du client ; • le poids (pris le matin au lever) ;
Symptômes cliniques TABLEAU C.1
• l’indice de masse corporelle ;
Critères cliniques pour le diagnostic du syndrome métaboliquea
SYMPTÔME
VALEUR LIMITE
Tour de taille élevé
• ≥ 102 cm chez les hommes (au Canada) • ≥ 88 cm chez les femmes (au Canada)
Taux élevé de triglycérides sanguinsb
• ≥ 1,7 mmol/L
Faible taux de lipoprotéines de haute densité (HDL)b
• < 1,03 mmol/L chez les hommes
Hypertension artérielleb
• Pression artérielle systolique (P.A.S.) : ≥ 130 mm Hg ou
• < 1,3 mmol/L chez les femmes
• Pression artérielle diastolique (P.A.D.) ≥ 85 mm Hg Glycémie à jeun élevéeb a Trois
• ≥ 5,6 mmol/L
des cinq symptômes doivent être présents pour établir un diagnostic de syndrome métabolique. prise de médicaments ayant pour but de maîtriser les taux élevés de triglycérides, les faibles taux de HDL, l’hypertension artérielle et la glycémie élevée peut aussi être considérée comme un indicateur de ces facteurs de risque. Sources : ASPC (2011) ; Alberti, Eckel, Grundy et al. (2009) ; National Heart Lung, and Blood Institute (2010) ; Statistique Canada (2012). b La
A844
Annexes
• la circonférence de la taille ; • la pression artérielle. L’examen physique comprend également : • l’inspection des membres inférieurs (an de déceler un éventuel œdème à godet), du faciès (an de déceler la présence de xanthélasma, ou accumulation de cholestérol aux paupières), du cou (examen des veines jugulaires), du thorax (examen des cicatrices de chirurgies ou de traumatismes antérieurs), des ongles (an de vérier la coloration et la présence d’un éventuel hippocratisme digital) et de l’abdomen (pour évaluer la présence d’œdème indiquant la présence d’ascite) ; • la palpation ; • la percussion ; • l’auscultation des bruits cardiaques (présence de bruits cardiaques surajoutés B3 et B4 ou de soufes auscultatoires). L’inrmière vérie enn les résultats des analyses de laboratoire telles que la glycémie à jeun, le taux d’hémoglobine, l’hématocrite, les électrolytes sériques (sodium, potassium, chlorure), le bilan lipidique (lipoprotéine de haute densité [HDL],
lipoprotéine de basse densité [HDL], lipoprotéine de très basse densité [VLDL], cholestérolémie, taux de triglycérides) et la protéine C réactive (CRP), et ce, an de suivre adéquatement la santé du client.
C.2
Interventions inrmières
Bien que les antipsychotiques de deuxième génération et les antidépresseurs constituent des traitements intéressants, leur prol métabolique n’est pas négligeable et doit être considéré au moment de leur introduction (Flamand-Villeneuve, 2010). L’inrmière joue un rôle de surveillance clinique primordial an de déceler l’apparition du syndrome métabolique par une observation étroite du client. Le gain de poids engendré par la psychopharmacothérapie inciterait 10 % des clients atteints de problèmes de santé mentale à abandonner le traitement (Lieberman, Stroup, McEvoy et al., 2005). Un suivi des habitudes de vie est donc primordial pour diminuer les risques liés à la surcharge pondérale, et ce, an de favoriser l’adhésion
au traitement et de prévenir l’apparition du syndrome métabolique. Ainsi, l’inrmière oriente principalement ses interventions sur la prévention, la promotion de saines habitudes de vie et le dépistage. Elle axe son enseignement sur l’acquisition d’une bonne hygiène de vie comme privilégier une alimentation équilibrée, entreprendre un programme d’exercice (p. ex., la marche, le jardinage) et cesser de fumer (Stuart, 2009). L’inrmière informe le client sur la prise de la médication, soit l’horaire d’autoadministration des médicaments, les indications, les principaux effets indésirables, les interactions avec les autres médicaments qu’il consomme ou les médicaments offerts en vente libre, l’importance de se présenter aux rendez-vous pour les analyses de laboratoire an d’en assurer un suivi. Elle remet toute l’information sous forme écrite an que le client puisse la consulter au besoin. Enn, elle coordonne l’équipe interdisciplinaire afin d’éviter les perturbations métaboliques associées à la prise d’antipsychotiques ou d’antidépresseurs, tant durant l’hospitalisation qu’au retour du client à domicile.
Annexe C Syndrome métabolique
A845
ANNEXE D Échelle d’évaluation des symptômes extrapyramidaux (ESRS) Chouinard, © 1979 L’échelle d’évaluation des symptômes extrapyramidaux (ESRS) est une échelle dont la version anglaise a été validée par plusieurs études depuis 1979 (Chouinard & Margolese, 2005 ; Knol, Keijsers, Jansen et al., 2010). Elle permet d’évaluer quatre types de mouvements extrapyramidaux induits par la médication, indépendamment des symptômes du trouble mental.
D.1
Questionnaire : parkinsonisme, akathisie, dystonie et dyskinésie
Dans ce questionnaire, il s’agit de considérer l’information verbale donnée par le client au sujet : 1) de la durée du symptôme durant la journée ; 2) du nombre de jours où le symptôme a été présent dans la dernière semaine ; et 3) de l’évaluation de l’intensité du symptôme par le client. En cas de doute, le score le moins sévère est attribué.
Information verbale donnée par le client ABSENT
LÉGER
MODÉRÉ
SÉVÈRE
1. Impression de ralentissement ou de faiblesse, difculté à accomplir des tâches courantes
0
1
2
3
2. Difculté à marcher ou équilibre incertain
0
1
2
3
3. Raideur, posture rigide
0
1
2
3
4. Incapacité à tenir en place, nervosité, besoin impérieux de bouger
0
1
2
3
5. Tremblements
0
1
2
3
6. Crises oculogyres ou posture gée anormale
0
1
2
3
7. Mouvements involontaires anormaux (dyskinésie) de la langue, de la mâchoire, des lèvres, du visage, des extrémités ou du tronc
0
1
2
3
FIGURE D.1
D.2
Examen
Examen : parkinsonisme et akathisie Examen physique des symptômes de parkinsonisme 1. Tremblement OCCASIONNEL
FRÉQUENT
CONTINUEL OU QUASI CONTINUEL
Aucun
0
Membre supérieur droit
Limite
1
Membre supérieur gauche
Faible amplitude
2
3
4
Membre inférieur droit
Amplitude modérée
3
4
5
Membre inférieur gauche
Grande amplitude
4
5
6
Tête
Mâchoire/menton
Langue
Lèvres
A846
Annexes
2. Bradykinésie 0
aucune
1
impression générale de ralentissement des mouvements
2
ralentissement certain des mouvements
3
très légère difculté à amorcer un mouvement
4
difculté, de légère à modérée, à amorcer un mouvement
5
difculté à amorcer ou à interrompre tout mouvement, ou à différer l’accomplissement d’un geste volontaire
6
rares mouvements volontaires, immobilité presque complète
0
normales
1
léger appauvrissement des mouvements pendulaires des bras
2
appauvrissement modéré des mouvements pendulaires des bras, marche normale
3
disparition des mouvements pendulaires des bras, tête échie, marche plus ou moins normale
4
posture rigide (cou, dos), marche à petits pas (démarche traînante)
5
posture xe, festination ou incapacité à se tourner
6
triple exion, très grande difculté à marcher
0
normale
1
hésitation en cas de poussée, mais absence de rétropulsion
2
rétropulsion, mais récupération sans assistance
3
rétropulsion exagérée, sans chute
4
absence de réponse posturale, tomberait sans l’aide de l’examinateur
5
instabilité à la station debout, même en l’absence de poussée
6
incapacité à demeurer en station debout sans aide
0
tonus musculaire normal
Membre supérieur droit
1
très légère, à peine perceptible
Membre supérieur gauche
2
légère (résistance perceptible à la mobilisation passive des membres)
Membre inférieur droit
3
modérée (résistance évidente à la mobilisation passive des membres)
Membre inférieur gauche
4
modérément sévère (résistance sensible, mais mouvement du membre encore facile)
5
sévère (résistance marquée avec une nette difculté à bouger le membre)
6
très sévère (membre presque gé)
3. Démarche et posture
4. Stabilité posturale
5. Rigidité
Annexe D Échelle d’évaluation des symptômes extrapyramidaux (ESRS)
A847
Observation générale durant l’examen des symptômes de parkinsonisme 6. Expression faciale (masque facial/élocution) 0
normale
1
très légère diminution de l’expressivité faciale
2
légère diminution de l’expressivité faciale
3
rares sourires spontanés, diminution du clignement des yeux, ton de voix légèrement monotone
4
pas de sourires spontanés, regard xe, ton de voix faible et monotone, marmonnements
5
masque facial marqué, incapacité à froncer les sourcils, élocution difcile
6
masque facial extrêmement marqué, langage non intelligible
0
aucune
1
agité, nerveux, impatient, mal à l’aise
2
présence d’un besoin de bouger au moins une extrémité
3
présence fréquente d’un besoin de bouger une extrémité ou de changer de position
4
mouvements presque constants d’une extrémité en position assise ou piétinements à la station debout
5
incapacité à rester assis plus longtemps qu’une brève période
6
mouvements incessants ou marche sans arrêt
7. Akathisie
FIGURE D.2
Examen : dystonie Examen et observation Dystonie de torsion aiguë et dystonie non aiguë, chronique ou tardive 0
aucune
Membre supérieur droit
1
très légère
Membre supérieur gauche
2
légère
Membre inférieur droit
3
modérée
Membre inférieur gauche
4
modérément sévère
Tête
Mâchoire/menton
5
sévère
Langue
Lèvres
6
très sévère
Yeux
Tronc
FIGURE D.3
A848
Annexes
Examen : mouvements dyskinétiques OCCASIONNELSa
FRÉQUENTSb
CONTINUELS OU QUASI CONTINUELS
Examen et observation 1. Mouvements de la langue (lent mouvement latéral ou de torsion de la langue) Absents
0
Limites
1
Nettement présents, limités à l’intérieur de la cavité buccale
2
3
4
Avec protrusion occasionnelle partielle
3
4
5
Avec protrusion complète
4
5
6
2. Mouvements de la mâchoire (mouvement latéral, mâchonnement, mordillement, serrement des dents) Absents
0
Limites
1
Nettement présents, de faible amplitude
2
3
4
D’amplitude modérée, mais sans ouverture de la bouche
3
4
5
De grande amplitude, avec ouverture de la bouche
4
5
6
Nettement présents, de faible amplitude
2
3
4
D’amplitude modérée, mouvements des lèvres vers l’avant
3
4
5
De grande amplitude, claquement bruyant et prononcé des lèvres
4
5
6
3. Mouvements buccolabiaux (plissement, moue, claquement, etc.) Absents
0
Limites
1
4. Mouvements du tronc (balancement involontaire, torsion, girations pelviennes) Absents
0
Limites
1
Nettement présents, de faible amplitude
2
3
4
D’amplitude modérée
3
4
5
D’amplitude plus importante
4
5
6
Annexe D Échelle d’évaluation des symptômes extrapyramidaux (ESRS)
A849
5. Extrémités supérieures (mouvements choréoathétosiques uniquement : bras, poignets, mains, doigts) Absents
0
Limites
1
Nettement présents, de faible amplitude, mouvements dans un seul membre
2
3
4
D’amplitude modérée, mouvements dans un membre ou mouvements de faible amplitude touchant deux membres
3
4
5
D’amplitude plus importante, mouvements touchant deux membres
4
5
6
6. Extrémités inférieures (mouvements choréoathétosiques uniquement : jambes, genoux, chevilles, orteils) Absents
0
Limites
1
Nettement présents, de faible amplitude, mouvements dans seul un membre
2
3
4
D’amplitude modérée, mouvements dans un seul membre ou mouvements de faible amplitude touchant deux membres
3
4
5
D’amplitude plus importante, mouvements touchant deux membres
4
5
6
7. Autres mouvements involontaires (déglutition, respiration irrégulière, froncement des sourcils, clignement d’yeux, grimaces, soupirs, etc.) Absents
0
Limites
1
Nettement présents, de faible amplitude
2
3
4
D’amplitude modérée
3
4
5
D’amplitude plus importante
4
5
6
a b
Présents à l’amorce du mouvement ou rarement spontanés. Fréquemment spontanés et présents à l’amorce du mouvement.
FIGURE D.4
A850
Annexes
D.3
Impression clinique globale
TABLEAU D.1
Impression clinique globale : intensité de la dyskinésie
En fonction de votre expérience clinique, quel est présentement le degré d’intensité de la dyskinésie ? 0 : absent
3 : léger
6 : marqué
1 : limite
4 : modéré
7 : sévère
2 : très léger
5 : modérément sévère
8 : extrêmement sévère
TABLEAU D.2
Impression clinique globale : intensité du parkinsonisme
En fonction de votre expérience clinique, quel est présentement le degré d’intensité du parkinsonisme ? 0 : absent
3 : léger
6 : marqué
1 : limite
4 : modéré
7 : sévère
2 : très léger
5 : modérément sévère
8 : extrêmement sévère
TABLEAU D.3
Impression clinique globale : intensité de la dystonie
En fonction de votre expérience clinique, quel est présentement le degré d’intensité de la dystonie ? 0 : absent
3 : léger
6 : marqué
1 : limite
4 : modéré
7 : sévère
2 : très léger
5 : modérément sévère
8 : extrêmement sévère
TABLEAU D.4
Impression clinique globale : intensité de l’akathisie
En fonction de votre expérience clinique, quel est présentement le degré d’intensité de l’akathisie ? 0 : absent
3 : léger
6 : marqué
1 : limite
4 : modéré
7 : sévère
2 : très léger
5 : modérément sévère
8 : extrêmement sévère
Annexe D Échelle d’évaluation des symptômes extrapyramidaux (ESRS)
A851
glossaire A Aboulie : Incapacité à entreprendre et à poursuivre une conduite volontariste. Acétylcholine : Neurotransmetteur excitateur du système nerveux autonome parasympathique, elle déclenche la contraction musculaire, stimule l’excrétion de certaines hormones et est impliquée entre autres dans l’éveil, l’attention et la mémoire. Acide gamma-aminobutyrique (GABA) : Neurotransmetteur inhibiteur qui régule entre autres la motricité et les maniestions de l’anxiété en bloquant la libération d’autres neurotransmetteurs comme la dopamine, la noradrénaline et le glutamate. Activité électrique cérébrale : Mouvement d’ions chargés électriquement à travers la membrane du neurone. Adaptation : Modication des onctions psychiques de la personne qui, sans altérer sa nature, la rend apte à vivre en harmonie avec les nouvelles données de son milieu ou dans un nouveau milieu. Affect : Expression ou maniestation externe d’un état émotionnel. Agente de liaison : Intervenante établissant le pont entre diérents services pour assurer une continuité dans le traitement d’un épisode de soins, notamment en situation de crise. Agent procognitif : Groupe de médicaments utilisés principalement pour le traitement des démences, an de stabiliser, voire d’améliorer sensiblement de açon transitoire les onctions cognitives des clients atteints. Âgisme : Opinions stéréotypées et discrimination envers les personnes âgées. Agoniste : Substance qui se xe sur les mêmes récepteurs cellulaires qu’une substance de réérence et qui produit, au moins en partie, les mêmes eets. Agoraphobie : Anxiété liée au ait de se retrouver dans des endroits ou des situations d’où une personne perçoit qu’il serait dicile (ou gênant) de s’échapper ou dans lesquelles elle ne pourrait pas trouver de secours en cas d’attaque de panique. Agranulocytose : Eet indésirable grave de certaines pathologies et de certains médicaments consistant en la diminution ou l’absence de leucocytes agranulocytes, ce qui augmente le risque d’inection pour le client. Aire de Broca : Aire motrice du langage habituellement localisée dans le lobe rontal gauche. Aire de Wernicke : Aire de compréhension du langage et zone spécialisée du lobe temporal responsable de l’organisation des mots de açon qu’ils soient reconnus et qu’ils expriment convenablement un contenu émotionnel. Aire pariétale postérieure : Aire située immédiatement à l’arrière de l’aire somesthésique primaire. Sa principale onction consiste à intégrer les diérentes inormations somesthésiques et à les traduire en perception de taille, de texture et d’organisation. Akathisie : Symptôme qui se manieste par l’impossibilité de rester en place, un besoin irrésistible de bouger, l’irritabilité, l’agitation. Akinésie : Trouble de la motricité caractérisé par une lenteur et rendant dicile les mouvements. Alexie : Incapacité de lire. Alexithymie : Diculté à décrire et à exprimer ses émotions. Allèle : Une des ormes que peut prendre un gène occupant un locus particulier sur un chromosome.
G2
Glossaire
Alliance thérapeutique : Qualité et orce de la relation de collaboration entre le client et le soignant dans la poursuite de buts thérapeutiques. Allostasie : Manière dont certains systèmes, chez l’humain, maintiennent la stabilité générale de l’organisme tout en étant eux-mêmes très variables. Altruisme : Disposition à avoir et à maniester de la compassion, de la générosité, de la bienveillance, de la gentillesse, de l’amabilité et de la disponibilité envers autrui. Amnésie antérograde : Incapacité de se rappeler ou de reconnaître une nouvelle inormation ou de nouveaux événements survenus après le début de l’amnésie. Amnésie rétrograde : Incapacité de se rappeler ou de reconnaître une inormation ou des événements survenus avant le début de l’amnésie. Amygdale (ou corps amygdaloïde) : Partie du système limbique qui joue un rôle clé dans le onctionnement émotionnel et la régulation des réactions aectives aux événements. L’amygdale module les états émotionnels courants, tels les sentiments de colère, d’agressivité, d’amour et de bien-être dans le milieu social. Analyse d’interaction : Compte rendu détaillé et analyse critique d’une partie ou de la totalité d’un entretien avec un client, rapportant les paroles, les sentiments, les émotions et les aits discutés. Anhédonie : Incapacité d’éprouver du plaisir. Anorexie mentale : Peur maladive des conséquences de s’alimenter, comme prendre du poids, qui entraîne une restriction alimentaire obstinée et dangereuse.
Autorisation de soins : Procédure judiciaire qui permet d’imposer des soins requis par l’état de santé d’un mineur ou d’un majeur inapte à consentir aux soins dans deux types de situations : 1) en cas de reus injustié du représentant légal (ou encore d’une absence prolongée ayant pour conséquence l’impossibilité de donner le consentement) ; 2) pour le majeur inapte seulement en cas de reus catégorique. Autosoins : Décisions et actions autonomes prises par une personne pour maintenir et améliorer sa santé. Axone : Prolongement constant, unique, de la cellule nerveuse, ou neurone sous la orme d’un let axial qui peut atteindre plusieurs décimètres et que parcourt l’infux nerveux.
B Boulimie : Comportement caractérisé par des rénésies alimentaires suivies de comportements visant à empêcher la prise de poids (p. ex., se aire vomir). Bouton synaptique : Région d’un axone accolée à une autre cellule, située à l’extrémité des bres axonales et ormant une synapse qui contient de nombreuses vésicules synaptiques. Bradypsychie : Ralentissement des onctions mentales qui s’accompagne souvent d’une diminution de l’activité motrice. Bris de service : Situation d’un client qui a besoin de services continus, et qui se retrouve laissé à lui-même en attendant que les services requis pour le suivi soient mis en place.
Antagoniste : Substance se xant sur les mêmes récepteurs cellulaires qu’une substance de réérence, en empêchant celle-ci de produire tous ses eets habituels ou une partie de ceux-ci.
Bruxisme : Grincement des dents durant la nuit. Peut occasionner une usure anormale des dents et des dommages au tissu périodontal.
Anxiété : État de tension, d’appréhension ou sentiment de atalité imminente qui résulte de la perception que des infuences extérieures menacent de submerger la personne et son intégrité.
C
Aphasie : Diculté ou incapacité à s’exprimer (aphasie motrice) ou à comprendre le langage (aphasie sensorielle). Approche cognitivo-comportementale : Approche pour laquelle les interventions thérapeutiques sont axées sur la modication et le recadrage des pensées et comportements problématiques. Approche globale (ou approche holistique) : Soins et services basés sur une vision entière de la personne dont le tout représente plus que la somme de ses composantes biologiques, psychologiques, socioculturelles et spirituelles. Arborisation synaptique : Ramication des axones. Arbre décisionnel : Outil d’aide à la résolution de problèmes procédant par questions successives, dont les branches matérialisent les options selon les choix possibles. Asthénie : Aaiblissement pathologique de l’état général. Ataxie : Incoordination des mouvements due à une atteinte du système nerveux central sans atteinte de la orce musculaire. Ataxie myoclonique : Syndrome caractérisé par l’ataxie (incoordination des mouvements volontaires) et les myoclonies (contractions brèves et brusques involontaires des muscles). Attention : Capacité d’une personne à se concentrer pendant toute l’exécution d’une tâche. Authenticité : Capacité à demeurer sincèrement soi-même au cours de la relation avec l’aidé. Autoactualisation : Réalisation de soi, de son potentiel.
Canal sodium voltage-dépendant (ou dépendant du potentiel) : Canal laissant principalement entrer du sodium dans les cellules, qui s’ouvre lorsqu’une diérence de potentiel électrique est présente entre le milieu intracellulaire et le milieu extracellulaire. Caractéristique catatonique : Trait distincti de la catatonie (inertie, négativisme). Caractéristique psychotique : Trait distincti de la psychose (idées délirantes ou hallucinations). Cataplexie : Perte soudaine du tonus musculaire déclenchée par des émotions intenses (peur, colère, excitation, éclat de rire). Catatonie : Trouble de l’activité motrice volontaire caractérisé par des pertes de maîtrise musculaire, pouvant se maniester par l’apparition de mouvements intempestis ou stéréotypés ou, au contraire, par un état cataleptique (absence de mouvements, xité posturale). Cellule souche : Cellule dont le génome complet est intact et qui n’est pas encore diérenciée ou développée en un type cellulaire précis. Cervelet : Partie postérieure et inérieure de l’encéphale, située au-dessous et en arrière du cerveau, organe essentiel de la régulation motrice et de l’équilibre. Cholinergique : Fait réérence à tout agent qui stimule ou simule l’action de l’acétylcholine. Il s’applique également aux bres nerveuses qui activent l’acétylcholine. Chronobiologie : Étude des rythmes biologiques de l’organisme, couramment appelés rythmes circadiens. Circonvolution : Saillies sinueuses qu’ore la surace du cerveau.
Clivage : Mécanisme de déense réquent chez les personnes atteintes de troubles de la personnalité, qui consiste en une incapacité de percevoir en même temps les caractéristiques positives et négatives d’une personne, d’un événement ou d’une chose, incluant la perception de soi-même. Cognition : Fonction complexe multiple incluant autant l’ensemble des connaissances (langage, mathématiques, musique, etc.) que les processus qui permettent leur apprentissage et leur manipulation (association, rétroaction, traitement de l’inormation, etc.). Communication éducative : Échange entre l’inrmière et le client ayant pour but d’inormer et d’enseigner des notions utiles à la prise en charge de sa propre santé. Communication onctionnelle : Communication courante de l’inrmière pour assurer les échanges de tous les jours avec les personnes soignées, les pairs, les autres proessionnels et toutes les personnes qu’elle croise. Communication interdisciplinaire : Interactions entre les proessionnels de diérentes disciplines ayant pour objecti une collaboration interproessionnelle ecace. Communication interpersonnelle : Communication entre deux ou plusieurs personnes, comprenant à la ois les messages verbaux et non verbaux, où chacune devient à son tour émetteur et récepteur. Communication intrapersonnelle : Communication qui se produit à l’intérieur de la personne, et qui est aite de pensées, de perceptions, de jugements sur soi et sur les autres, d’émotions, d’idées, de projets, etc. Communication sociale : Échange de propos superciels ou amicaux, partage d’idées ou d’expériences courantes qui sert à entretenir des relations passagères ou amilières.
suivies de secousses musculaires brusques et généralisées (phase clonique). Corrélat psychophysiologique : Rapport entre l’activité psychique et l’activité physiologique dont l’une implique l’autre et réciproquement. Cortex cérébral : Couche de substance grise recouvrant les hémisphères cérébraux. Siège de la conscience et des onctions mentales supérieures. Crise : Déséquilibre psychologique chez une personne vivant une situation dicile ou dangereuse. Cette situation pose un problème qui ne peut être réglé par les habiletés habituelles de résolution de problèmes de la personne. Crise psychopathologique : Crise qui résulte d’une situation problématique chez une personne présentant une vulnérabilité psychologique ou ayant des antécédents de troubles mentaux. Crise psychosociale : Crise qui résulte d’une situation problématique circonscrite dans les rontières de la normalité. Crise psychotraumatique : Crise qui résulte de l’exposition à un événement traumatique, déstabilisant subitement l’homéostasie de la personne, mettant ortement à l’épreuve ses capacités d’autorégulation psychologiques. Crise suicidaire : Crise qui résulte d’une incapacité à trouver des stratégies et des ressources ecaces pour réagir à une situation et qui entraîne l’apparition d’indices de passage à l’acte suicidaire. Curatelle au majeur : Régime de protection, mis en place par décision judiciaire uniquement, et qui vise à assurer le bien-être de la personne inapte de açon totale et permanente et qui a besoin d’être représentée dans l’exercice de ses droits civils.
Communication thérapeutique : Ensemble d’échanges entre l’inrmière et le client visant à mieux comprendre le client, à le soutenir dans ses dés et à l’aider à acquérir de meilleures stratégies d’adaptation.
D
Comorbidité : Présence de deux maladies / troubles ou plus dans une période de temps précise, dont l’étiologie et le développement peuvent être associés ou indépendants.
Décalage horaire : Condition physiologique résultant d’un voyage à travers plusieurs useaux horaires.
Complexe K : Sur un tracé d’électroencéphalogramme, onde cérébrale rapide et de grande amplitude générée par le thalamus qui caractérise le sommeil de stade 2 et qui illustre le passage de l’éveil au sommeil lent proond. Comportement psychotique : Maniestation ou ensemble de maniestations qui traduisent un état de psychose (hallucinations, idées délirantes, conusion, désorganisation, etc.). Compulsion : Comportements physiques ou actes mentaux répétitis qu’une personne se sent obligée d’accomplir pour diminuer un sentiment de détresse ou d’anxiété. Conrontation : Communication thérapeutique qui amène le client à prendre conscience de certaines contradictions entre ses objectis, ses paroles et son agir. Conseiller au majeur : Régime de protection, mis en place par décision judiciaire uniquement, qui vise à assurer le bien-être de la personne qui est généralement ou habituellement apte à prendre soin d’elle-même et à administrer ses biens, mais qui a besoin, pour certains actes ou temporairement, d’être assistée ou conseillée dans l’administration de ses biens. Continuum de soins : Divers services cliniques oerts à une personne ou à un groupe qui refètent les soins prodigués pendant une seule hospitalisation ou les soins oerts pour des problèmes de santé multiples tout au long de la vie. Contre-transert : Émotion ou réaction inconsciente du soignant à l’égard du client et qui est susceptible d’infuencer la relation thérapeutique. Convulsion épileptique tonicoclonique : Contraction et raideur intenses de l’ensemble du corps (phase tonique),
Dangerosité du passage à l’acte : Niveau de danger qu’une personne pose un acte suicidaire.
Décompensation : Rupture d’un équilibre précaire caractérisée par l’eondrement des mécanismes de déense habituels. Défcit cogniti : Déclin de la onction cognitive (p. ex., la capacité de la personne à penser, à percevoir ou à raisonner). Délire : Conviction erronée, irréductible par la logique et non conorme aux croyances du groupe. Démarche ataxique : Démarche maladroite, manquant de coordination. Démence : Décience généralisée du onctionnement intellectuel qui touche la personnalité et entrave le onctionnement social et proessionnel Dendrite : Prolongement lamenteux du neurone servant à recevoir et à conduire l’infux nerveux. Dépersonnalisation : Perte, par une personne, du sentiment de sa propre réalité physique et mentale. Déréalisation : Sentiment selon lequel le monde qui entoure la personne est anormal ou irréel. Désensibilisation en situation réelle ou in vivo : Méthode issue de la théorie de l’apprentissage et dans laquelle le thérapeute expose un client en état de relaxation proonde à une hiérarchie graduée de stimulus phobiques. Le thérapeute exposera ainsi progressivement la personne à des situations plus anxiogènes (jusqu’à être appliquée en situation réelle ou in vivo). Désensibilisation systématique : Méthode issue de la théorie de l’apprentissage et dans laquelle le thérapeute expose un client en état de relaxation proonde à une hiérarchie graduée de stimulus phobiques.
Désinstitutionalisation : Processus qui vise la sortie des personnes institutionnalisées, la noninstitutionnalisation des personnes susceptibles de l’être, la ermeture des hôpitaux psychiatriques et le remplacement de l’ore de services par l’implantation de ressources communautaires. Diathèse : Prédisposition d’une personne à l’anxiété au moment d’un stress. Diencéphale : Partie de l’encéphale, située entre les hémisphères cérébraux, qui comprend principalement le thalamus et l’hypothalamus. Dissociation : Modication involontaire des onctions d’intégration de la conscience, de la mémoire, de la perception de soi, de l’environnement ou du comportement sensorimoteur qui amène la personne à se sentir détachée de son corps. Distorsion cognitive (ou déormation cognitive) : Altération de la pensée sur soi, sur les autres, sur les événements provenant d’un jugement déplacé, préconçu, erroné de la situation. Double diagnostic : Présence simultanée d’un problème de santé mentale et d’un autre trouble mental, d’un trouble lié à une substance ou d’une décience intellectuelle. Dyade : Ensemble ormé de deux sujets qui sont unis par un lien spécique. Dyspepsie : Digestion douloureuse et dicile, survenant sans lésion organique, après les repas. Dystonie : Contraction tonique, involontaire et incoercible, intermittente et localisée à certains groupes musculaires (œil, cou, dos, langue, etc.).
E Écholalie : Répétition en écho des mots ou de phrases prononcés par autrui. Eet anticholinergique : Qui inhibe (ou réduit) l’action de l’acétylcholine. Embrasement : Phénomène où la stimulation répétée de certains neurotransmetteurs entraîne une augmentation de la sensibilité à cette stimulation, ce qui amène progressivement une réaction de plus en plus orte à un stimulus à priori aible (p. ex., ce qui générait un stress entraîne maintenant un épisode de dépression). Émique : Qualie une approche qui respecte les principes et les valeurs propres à une culture donnée ; elle refète par exemple les conceptions populaires de la maladie et de la santé dans un contexte culturel donné. Émoussé (aect) : Réduction importante de l’intensité de l’expression aective. Empathie : Sentiment de compréhension de l’inrmière qui saisit les dicultés du client du point de vue de celui-ci, sans en porter la charge émotive ni la sourance ; ce sentiment de compréhension est ressenti par le client. Empowerment (ou autonomisation) : Action de libérer, de donner du pouvoir. En l’occurrence, se donner un droit de regard sur son traitement, reconnaître sa compétence et sa capacité d’autonomie quant à sa santé. Encéphalopathie spongiorme bovine : Inection neurodégénérative mortelle qui touche le cerveau des bovins et qui ait partie des encéphalopathies spongiormes transmissibles à l’humain. Elle est communément appelée « maladie de la vache olle ». Entretien motivationnel : Méthode de communication directive, centrée sur le client, visant au changement de comportement par l’exploration et la résolution de l’ambivalence et des résistances du client. Environnement multisensoriel : Milieu contrôlé, sécuritaire et conortable conçu en vue d’orir une multitude d’expériences sensorielles procurant des bienaits pour la santé du client.
Glossaire
G3
Épigénétique : Science qui étudie l’infuence des expériences de la vie sur le onctionnement génétique de l’organisme d’une personne. Estime de soi : Sentiment qu’a la personne de sa propre valeur. État conusionnel (Délirium) : État de conscience et onctionnement cogniti détériorés, lesquels ne sont pas mieux expliqués par un TNC. Étique : Qualie une approche qui respecte les conditions de la recherche scientique caractérisée par une connaissance rationnelle, objective et indépendante de l’observateur ; elle renvoie à la dimension universelle du savoir médical. Examen polysomnographique : Examen qui se ait durant le sommeil et qui enregistre diérents signaux an de diérencier les stades de sommeil ou pour rechercher des anomalies associées au sommeil. Exposition intéroceptive : Type de thérapie comportementale qui consiste à amener le sujet à accomplir des exercices spécialement conçus pour provoquer des eets redoutés jusqu’à ce qu’il apprivoise ces sensations. Extinction : Technique qui vise à éliminer un comportement en cessant de le renorcer.
F Facteur contribuant : Facteur qui augmente la vulnérabilité de la personne à présenter un état pathologique. Facteur de protection : Élément qui diminue la vulnérabilité de la personne à présenter un état pathologique. Facteur neurotrophique cérébral : Protéines sécrétées par les neurones eux-mêmes, leur territoire d’innervation ou par des cellules extraneuronales. Celles-ci règlent la croissance, la proliération et la diérenciation des cellules nerveuses et sont ainsi essentielles au développement du système nerveux dans son ensemble, ainsi qu’au maintien des onctions cérébrales.
sérieux de croire que la personne est dangereuse et que sa garde est nécessaire.
I
Garde préventive : Mesure exceptionnelle permettant à un établissement de garder une personne contre son gré pour une période maximale de 72 heures, à la condition que cette personne présente un danger grave et immédiat pour ellemême ou pour autrui, et qui ne nécessite pas l’intervention du tribunal ou d’un psychiatre, l’avis d’un médecin généraliste étant susant.
Idée suicidaire : Considération sérieuse d’en nir avec la vie.
Garde provisoire : Mesure ordonnée par le tribunal dans le but de soumettre une personne à une évaluation psychiatrique an de déterminer si elle est dangereuse ou non en raison de son état mental. Cette évaluation consiste en deux examens psychiatriques qui doivent être aits par des psychiatres. Génogramme : Représentation graphique d’une amille, rassemblant sur un même schéma les membres de celle-ci, les liens qui les unissent et les renseignements biomédicaux et psychosociaux qui s’y attachent. Gérontopsychiatrie : Branche de la psychiatrie qui étudie les pathologies liées à la santé mentale et aux traitements des troubles mentaux complexes qui touchent les personnes âgées. Gestion autonome de la médication (GAM) : Approche d’automédication qui vise une réappropriation du pouvoir et une amélioration de la qualité de vie des personnes qui sont traitées avec des médicaments psychotropes. Globus pallidus (ou pallidum) : Zone du cerveau correspondant à la partie interne du noyau lenticulaire qui est située en dedans du putamen, la portion latérale du noyau lenticulaire. Guérison : Disparition complète des symptômes, et ce, sans séquelles.
Facteur précipitant : Élément déclencheur d’une idée, d’un acte ou d’un état pathologique.
Guichet d’accès : Centre d’expertise constituant la principale voie d’accès du Centre de Santé et des Services sociaux en matière de soins et de services en santé mentale. Sa onction intégrative permet d’orir le bon service à la bonne personne, par le bon intervenant, au bon moment, pour la bonne durée et au bon endroit.
Facteur prédisposant : Élément provenant du passé de la personne et pouvant contribuer à la ragiliser à un état pathologique.
H
Fardeau amilial : Impact négati que le problème de santé d’une personne amène sur le onctionnement quotidien, social, nancier et psychologique de sa amille et de chacun de ses membres. Fente synaptique : Espace entre deux cellules nerveuses qui constitue une aire de jonction par laquelle le message chimique passe d’un neurone à l’autre, entraînant l’excitation ou l’inhibition de ce dernier. Fuite des idées : Expression rapide et décousue avec changements brusques de sujet qui ne s’ordonnent pas en une conversation sensée. Fuseau du sommeil : Bouée d’activité de 8 à 14 Hz et de 50 à 150 microvolts d’amplitude durant le stade 2. Elle dure une ou deux secondes et est produite par des interactions entre neurones thalamiques et neurones corticaux.
G Gaine de myéline : Substance blanche constituée de lipides, qui recouvre les axones et permet d’accélérer la conduction des infux nerveux d’un neurone à l’autre. Garde en établissement (ou garde autorisée) : Mesure légale ordonnée par un juge de la Cour du Québec et qui xe la durée de la garde en établissement. Cette décision est prononcée à la suite de la présentation devant le tribunal des deux rapports d’examen psychiatrique qui concluent à la nécessité de cette garde. Le juge ne peut autoriser la garde en établissement que s’il a lui-même des motis
G4
Glossaire
Hémisphère non dominant : Hémisphère cérébral (généralement le droit) responsable des onctions non verbales et perceptuelles, par opposition à l’hémisphère dominant (généralement le gauche) qui contient les onctions du langage. Hémodialyse : Technique permettant d’épurer le sang avec un ltre (rein articiel) pour en éliminer les déchets toxiques. Hippocampe : Structure bilatérale et symétrique, aisant partie du système limbique, qui est connu pour jouer un rôle clé dans le processus de mémorisation. Il est impliqué dans la mémorisation des souvenirs à long terme. Homéostasie : État d’équilibre du milieu interne de l’organisme, naturellement maintenu par des réactions adaptatives assurant une bonne santé. Humeur : État émotionnel global et prolongé. Hyperphagie : Prise importante et compulsive de nourriture sans comportements compensatoires (p. ex., des vomissements, la prise de laxatis, une hyperactivité sportive). Hypomanie : État d’excitation passager ou habituel qui rappelle, sous une orme atténuée, les grands traits de l’excitation maniaque. Hypothalamus : Région du diencéphale, centre principal du système neurovégétati jouant un rôle important dans la régulation de certaines des onctions humaines les plus ondamentales, dont les cycles veille-sommeil, la température corporelle, la soi et des pulsions de survie telles la aim et les pulsions sexuelles.
Idée de réérence (ou perception délirante) : Croyance qu’une parole, une image, un signe ont une signication majeure qui vise personnellement le client. Identifcation projective : Mécanisme de déense qui consiste en la projection de parties du moi, surtout l’agressivité, dans des objets externes qui deviennent alors persécuteurs. Immédiateté : Attention soutenue de l’inrmière au moment présent, dans « l’ici et maintenant », l’amenant à être à l’aût de ce que vit le client dans l’immédiat et de ce qui se passe dans la relation qui les réunit. Inaptitude à consentir aux soins : Incapacité à comprendre l’inormation sur la maladie et les soins, et plus particulièrement sur les risques et les bénéces associés, à prendre une décision et à l’exprimer. Cette inaptitude oblige le consentement substitué, par le représentant légal ou une personne apte à consentir pour le client, voire l’autorisation de soins. Inaptitude à subir son procès : Incapacité pour un accusé à comprendre la nature, l’objet et les conséquences des poursuites ainsi qu’à donner des instructions à son avocat ou à assumer seul sa déense. Cette incapacité permet au tribunal de suspendre les procédures, qui pourront reprendre si l’accusé redevient apte. Inaptitude générale : Incapacité de s’occuper de soi-même ou de gérer ses biens pour cause de maladie, de handicap, de décience ou d’accident. Cette inaptitude oblige l’établissement d’un régime de protection. Incapacité : Terme général qui couvre les handicaps, les limitations de l’activité (exécution d’une tâche ou d’une action) et des restrictions à la participation à des situations de la vie courante. Index thérapeutique : Écart entre la concentration thérapeutique et la concentration toxique d’un médicament. Insomnie de rebond : Aggravation temporaire des dicultés de sommeil après l’arrêt du somnière. Institutionnalisation : Hospitalisation psychiatrique à long terme. Insula (ou cortex insulaire) : Partie du cortex cérébral qui constitue un des deux lobes du cerveau situés en position interne. Elle reçoit un certain nombre d’éléments d’inormation relatis à l’état du corps et intervient dans la perception d’événements internes (p. ex., la mesure du rythme cardiaque, la douleur), de la motricité de certains organes, du maintien de l’homéostasie, du contrôle de certaines émotions et de la conscience de soi. Interdisciplinarité : Travail conjoint des membres de l’équipe de soins eectué dans l’intérêt du client. Intervalle thérapeutique : Intervalle entre la concentration minimale du médicament qui produit un eet thérapeutique jusqu’à une concentration maximale qui ne produit pas d’eet toxique. Intervenante pivot : Personne désignée avec laquelle le client crée les liens les plus étroits au cours de son suivi dans la communauté, qui prodigue des soins et services au client, qui assure le soutien aecti dont il a besoin et qui coordonne les autres services qu’il nécessite. Intoxication : Maniestation d’un syndrome réversible entraînant des changements mentaux et comportementaux qui peuvent impliquer des troubles intellectuels, une altération du jugement et des onctions physiques et sociales, ainsi qu’une labilité de l’humeur et de l’agressivité.
L Labilité : Changement rapide et important de l’humeur qui peut être suscité acilement et disparaître rapidement, dû à un aaiblissement des mécanismes rontaux
cortico-souscorticaux sous-jacents à la maîtrise volontaire (cognitive) des réactions émotionnelles. Létalité : Potentiel d’entraîner la mort. Lobe : Portion arrondie d’un organe du corps délimitée par des sillons ou des échancrures nettes à la surace de l’organe. Locus de contrôle (ou lieu de contrôle) : Trait de personnalité dans lequel se manieste la croyance ondamentale que ce qui arrive dans la vie résulte des propres actions de la personne (attribution de causalité interne) ou, au contraire, d’infuences extérieures (attribution de causalité externe). Logorrhée : Besoin irrésistible de parler, observé particulièrement dans les états d’excitation de certains troubles mentaux.
M Maladie de Huntington : Aection génétique dont le mode de transmission autosomale dominante signie que chaque enant né d’un parent atteint devient une personne à risque. Maladie de Parkinson : Maladie chronique dégénérative aectant la onction motrice, résultant de la diminution de production de dopamine par les cellules de la substance noire du cerveau. Maltraitance : Acte de nature physique ou morale, commis ou omis par des gures en situation de pouvoir, compromettant ainsi l’intégrité ou le bien-être physique et moral de la victime. Mécanisme de défense : Stratégie à laquelle l’ego (le moi) ait appel pour maîtriser ou gérer l’anxiété. Elle protège la personne contre toute menace à son intégrité physique, mentale et sociale. Méditation de pleine conscience : Pratique qui consiste à porter intentionnellement attention aux expériences internes (sensations, émotions, pensées, états d’esprit) ou externes du moment présent, sans porter de jugement de valeur. Médullosurrénale : Partie centrale de la glande surrénale qui sécrète les hormones du groupe des catécholamines (épinéphrine et norépinéphrine). Mérycisme : Régurgitation répétée de la nourriture qui peut ensuite être remâchée, ravalée ou recrachée. Modèle Expanded Chronic Care Model : Version élargie du Chronic Care Model qui vise à améliorer la gestion des maladies chroniques en première ligne et qui est notamment utilisée dans le traitement en première ligne des troubles dépressis et anxieux au Québec. Mydriase : Dilatation anormale de la pupille.
N Négligence : Incapacité ou reus de combler les besoins de première nécessité d’une personne, comme l’aection, l’alimentation, l’habillement, le logement, la sécurité, les soins médicaux, l’éducation, la stimulation sociale.
Neurotrophine : Catégorie de molécules qui a pour onction de maintenir le neurone en vie et de aciliter la croissance de ses prolongements. Non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux : Incapacité pour un accusé, au moment des aits, de « juger de la nature et de la qualité » de son acte (Code criminel, art. 16). Il n’est pas déclaré coupable (Code criminel, art. 672.35) et, sous réserve du risque qu’il présente pour la société, il peut être libéré inconditionnellement, libéré sous condition ou détenu dans un centre hospitalier. Noyau accumbens (Acb) : Partie de la boucle striato-pallidothalamo-corticale dont le onctionnement repose sur deux neurotransmetteurs principaux (dopamine et sérotonine) et qui joue un rôle central dans le circuit de la récompense, de la dépendance et de l’eet placebo. Noyau caudé : Une des structures composant le corps strié ; le noyau caudé est responsable de l’initiation des mouvements volontaires.
Plainte psychogénique : Plainte dont l’origine est psychique. Plan de services individualisé : Outil élaboré à partir de l’évaluation des besoins d’un client et avec la participation active de ce dernier et de ses proches, qui permet la planication et la coordination des services oerts par un établissement, en collaboration avec d’autres établissements ou organismes. Plan d’intervention : Outil qui sert à la coordination des services lorsque plusieurs intervenants d’un même établissement orent des services au client. Il contient les besoins du client, les objectis poursuivis, les moyens à utiliser et la durée prévisible pendant laquelle des services devront lui être ournis.
Noyau suprachiasmatique : Structure cérébrale située à la base de l’hypothalamus qui est responsable de la régulation du rythme circadien.
Postvention : Soutien aux personnes endeuillées par le suicide d’un proche.
Nystagmus : Mouvement d’oscillation rythmique et involontaire des yeux.
O Obsession : Idée, pensée ou impulsion récurrente et persistante importune qui entraîne un accroissement marqué de l’anxiété. Outil psychométrique : Instrument de mesure standardisé d’un phénomène ou d’un trait psychologique (p. ex., l’intelligence, la personnalité, l’aptitude, la dépression, etc.).
P Pallidum ventral : L’un des trois noyaux ormant les noyaux gris centraux, le pallidum ventral retransmet l’inormation des autres noyaux vers le thalamus. Paralangage : Moyens auxiliaires de la parole qui ajoutent à la valeur communicative du message parlé et qui parois y suppléent : gestes, regard, mimique, expression de la physionomie, etc. Paraphilie : Groupe de comportements appartenant à la description clinique des déviations sexuelles, qui se caractérisent par des antasmes et des pulsions sexuels inappropriés pouvant entraîner des gestes sexuels déviants. Parasomnie : Comportements anormaux pendant le sommeil (p. ex., les cauchemars, le somnambulisme).
Neuroendocrinologie : Étude de la relation entre le système nerveux et le système endocrinien.
Pensée automatique : Pensée qui apparaît spontanément dans le discours intérieur de la personne.
Neuropeptide : Peptide utilisé par l’organisme comme neurotransmetteur tel que l’endorphine et les enképhalines.
Pensée dichotomique : Distorsion cognitive courante selon laquelle une personne voit les situations comme étant entièrement bonnes ou entièrement mauvaises.
Neurotransmetteur : Substance qui assure la transmission de l’infux nerveux entre un neurone et un autre neurone ou une cellule musculaire, sensorielle ou glandulaire cible.
Pica : Ingestion répétée de substances non nutritives et non comestibles.
Plat (affect) : Expression aective absente ou quasi absente.
Pédophilie : Attirance sexuelle, pour une personne de 16 ans et plus, exclusive ou non, envers des enants prépubères (habituellement de moins de 13 ans).
Neuroplasticité : Capacité de l’encéphale de modier sa structure et son onctionnement.
Peur : Réaction émotionnelle, qui se rapporte à une menace dénie, le plus souvent connue.
Noyau de la base (ou noyau gris central ou ganglion de la base) : Amas de corps cellulaires qui participent de près aux onctions motrices et associatives. Il s’agit de substance grise enouie dans la substance blanche du cerveau et du mésencéphale.
Neuroanatomie : Étude de la localisation des structures du système nerveux et de leurs relations spatiales.
Neurophysiologie : Étude du onctionnement des cellules et des circuits du système nerveux.
d’une personne, selon sa açon de réagir aux situations dans lesquelles elle se trouve.
Permanence de l’objet : Notion selon laquelle l’objet continue d’exister même s’il disparaît du champ percepti. Persévération : Continuation, répétition anormale d’une réaction lorsque la situation qui l’a provoquée a disparu. Personnalité : Ensemble des caractéristiques aectives, émotionnelles, dynamiques générales de la manière d’être
Polypharmacie : Prescription d’au moins cinq médicaments. Positron : Particule élémentaire de même masse que l’électron, mais de charge positive.
Potentiel d’action : Fluctuation électrique (dépolarisation et repolarisation) à la surace d’une membrane neuronale, qui permet la production d’un infux nerveux. Prodrome (ou stade prodomique) : Signe avant-coureur d’une maladie qui précède l’apparition d’un trouble. Proxémie : Utilisation de l’espace, de la distance. Psychoéducation : Discipline qui traite de l’inadaptation psychosociale d’une personne, des moyens de la prévenir ou d’en réduire la portée. Psychoneuro-immunoendocrinologie : Étude des interrelations entre les onctions mentales, le système nerveux, le système immunitaire et le système endocrinien. Psychothérapie : Processus d’accompagnement psychorelationnel de personnes en sourance à des ns d’élucidation, d’élaboration et d’émancipation. Psychothérapie systématisée : Psychothérapie dont le processus et le cadre sont homogènes et dont le contrat est ormel. Psychotrope : Substance qui agit sur le psychisme en modiant le onctionnement mental, entraînant des changements dans les perceptions, l’humeur, la conscience, le comportement et diverses onctions psychologiques et organiques. Punition : Réponse déplaisante qui vise à réduire la réquence d’un comportement. Putamen : Structure qui orme, avec le noyau caudé et le pallidum, les noyaux gris centraux. Il participe à l’intégration sensorimotrice et au contrôle moteur.
Q Questionnement socratique (ou maïeutique) : Méthode reposant apparemment sur l’interrogation et se proposant d’amener un interlocuteur à prendre conscience de ce qu’il sait implicitement, à l’exprimer et à le juger.
R Réaction auto-immune : Réaction immune dirigée contre son propre système. Réaction de lutte ou de fuite : Augmentation d’énergie mentale et physique et présence d’une vigilance accrue, qui préparent la personne à combattre ou à uir un stresseur.
Glossaire
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Réadaptation : Processus qui acilite le retour d’une personne à un niveau optimal de onctionnement autonome dans la communauté. Réduction des méaits : Approche centrée sur la diminution des conséquences négatives de l’usage des drogues (ou tout autre comportement à risque) plutôt que sur l’arrêt de l’usage. Refet : Reormulation, expression en miroir de ce que dit ou vit le client. Régime de protection : Mesure spécifque pour protéger les personnes jugées inaptes. Relâchement des associations : Idées qui passent d’un sujet à l’autre sans rapport net avec le précédent et sans logique. Relaxation progressive : Technique qui consiste à contracter les muscles avant de les décontracter pour diminuer et apaiser les tensions. Rémission : Récupération complète d’un onctionnement de base et absence de symptômes. Renorcement : Réponse positive qui consolide un comportement particulier. Représentant légal : Personne nommée pour agir au nom d’une personne inapte, en respectant ses droits, son autonomie et sa vie privée. Réseau social : Ensemble de liens créés par les interactions d’une personne avec des personnes autres que sa amille. Résilience : Capacité d’un sujet qui ait ace à des stress importants au cours de son existence de mettre en jeu des stratégies d’adaptation lui permettant non seulement de tenir le coup, mais de rebondir en tirant un certain proft d’un tel arontement. Résistance : Tout ce qui, dans les paroles et les comportements du client, s’oppose à l’accès de celui-ci à son inconscient. Restructuration cognitive : Processus de reconnaissance des pensées (souvent automatiques) et des attitudes inadaptées (négatives, erronées, irrationnelles ou irréalistes) pour les remplacer par des pensées ou attitudes plus adaptées. Rétablissement : Capacité pour une personne de réaliser ses objectis personnels et d’accéder à une vie satisaisante et utile malgré les inconvénients causés par un trouble mental. Rétroaction : Intervention par laquelle l’infrmière communique ses impressions au client afn de lui ournir un éclairage sur une situation particulière et de l’aider à orienter ses choix. Rhabdomyolyse : Destruction du tissu des muscles striés, entraînant la libération dans le sang d’un pigment musculaire toxique, la myoglobine. Risque de suicide : Probabilité qu’une personne se suicide au cours des deux prochaines années. Rumination : Pensées répétitives indésirables qui occupent l’esprit d’une personne de açon obsédante. Rythme circadien : Cycle biologique diurne-nocturne réparti sur 24 heures.
S Salade de mots : Communication de mots réels et imaginaires qui n’ont pas d’ordre logique. Santé mentale positive : Présence de bien-être émotionnel, psychologique et social. Scissure : Rainure du cortex cérébral qui s’étend proondément dans le cerveau. Sérotonine : Neurotransmetteur qui, par son action sur plusieurs récepteurs, est impliqué dans la régulation de
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Glossaire
l’humeur, de l’anxiété et des comportements impulsis violents.
Striatum : Structure ormée par le noyau caudé et le putamen.
Service de deuxième ligne : Service qui ore une expertise spécialisée pour traiter les personnes ayant des troubles mentaux plus graves débordant des services de première ligne.
Suicide : Mort causée de açon intentionnelle par soi-même.
Service de première ligne : Service universellement accessible et oert près des milieux de vie des personnes ; il cherche à promouvoir la santé, à prévenir les maladies et à orir des services diagnostics, curatis et de réadaptation à toute la population.
Suivi intensi dans la communauté : Type de suivi en équipe interdisciplinaire avec visites du client plusieurs ois par semaine et même plusieurs ois par jour (pas nécessairement par le même intervenant chaque ois), approprié en cas de trouble mental grave qui entrave sérieusement le onctionnement de la personne sur une longue période.
Service de troisième ligne : Service oert dans un nombre limité d’endroits et qui s’adresse à des personnes ayant des troubles mentaux dont la complexité requiert une expertise ultra-spécialisée ; accessible seulement sur recommandation d’un proessionnel de la santé.
Symptôme foride : En psychiatrie, terme utilisé afn de qualifer un épisode psychotique aigu qui est riche en symptômes positis de la psychose.
Services intégrés : Approche où les services de santé mentale et de toxicomanie sont prodigués de açon simultanée, par la même équipe interdisciplinaire, qui assume la responsabilité du traitement des deux troubles, plutôt que de les traiter de açon séquentielle dans des services séparés.
Symptôme neurovégétati : Perturbation du système nerveux qui régit le onctionnement des viscères et entretient les onctions vitales de base (respiration, circulation, digestion, excrétion) telle que des perturbations du sommeil, une modifcation de l’appétit, de la atigue.
Sialorrhée : Écoulement de salive hors de la bouche.
Symptôme positi : Symptôme qui s’ajoute à une personnalité et qui n’existait pas avant (p. ex., des hallucinations, des idées délirantes).
Sillon : Rainure peu proonde du cortex cérébral. Soin ambulatoire : Soin oert à une personne ne nécessitant pas d’hospitalisation, mais un séjour d’une courte durée en établissement de santé variant de quelques heures à un jour. Soin partagé : Modèle d’organisation de services ciblant la collaboration avec les prestataires de soins et de services qui visent à optimiser la coordination des services entre les omnipraticiens, les psychiatres et les équipes interdisciplinaires de santé mentale qui sont déployés dans la communauté. Somatique : Qui a rapport au corps. Somatisation : Processus inconscient visant à transérer, à transormer des difcultés aectives en troubles somatiques onctionnels : céphalées, migraines, dysphagie, rhumatismes, eczéma, etc. Sommeil : État physiologique périodique pendant lequel la vigilance et d’autres activités cérébrales sont suspendues dans le but de procurer du repos à l’organisme. Sommeil à activité rapide (ou sommeil rapide ou sommeil paradoxal) : Deuxième phase du cycle du sommeil qui correspond à un état d’activité cérébrale intense (proche de celle en phase d’éveil). Le dormeur est difcile à réveiller, son tonus musculaire est aboli, et il y a présence de mouvements oculaires rapides. Sommeil à ondes lentes (ou sommeil lent) : Première phase du cycle du sommeil qui correspond à la période d’endormissement et qui va jusqu’au sommeil proond, durant laquelle l’activité cérébrale connaît un ralentissement important. Soutien d’intensité variable : Suivi de première ligne qui vise à accroître l’autonomie du client en l’aidant à acquérir des aptitudes personnelles et à les maniester ; l’intensité de service varie de quelques rencontres par semaine à quelques rencontres par mois, selon les besoins du client. Soutien social : Assistance émotionnelle ou tangible procurée par le réseau social. Stratégie d’adaptation : Ensemble des actions cognitives et comportementales qui permettent à une personne de modifer sa perception du problème considéré comme stressant ou de gérer sa détresse émotionnelle causée par l’évaluation de du stresseur. Stress : Ensemble des perturbations biologiques et psychologiques provoquées par une agression quelconque sur l’organisme.
Symptôme négati : Manque ou absence de comportements spontanés ou attendus.
Symptôme rebond : Syndrome transitoire qui se manieste à l’arrêt d’un traitement, sous orme d’une exacerbation de l’aection qui avait motivé le traitement initial (p. ex., l’insomnie de rebond après l’arrêt d’un somnière). Symptôme somatique : Maniestation perçue par la personne d’un processus pathologique atteignant le corps, par opposition avec la dimension psychologique. Symptôme sous-syndromal : Maniestation clinique réduite, minimale, partielle ou transitoire en deçà de la présentation attendue de l’ensemble des signes cliniques subjectis et objectis d’une maladie ou d’un processus pathologique. Synapse : Région de contact et de transert d’inormation entre deux neurones. Syndrome de glissement : Décompensation rapide de l’état général aisant suite à une aection aiguë qui est en voie de guérison et qui paraît guérir. La personne semble reuser inconsciemment de vivre. Syndrome de la porte tournante : Va-et-vient incessant des clients en psychiatrie entre le centre hospitalier et la communauté. Syndrome de retrait : Ensemble des symptômes de sevrage à la suite de l’arrêt d’une substance ou d’un comportement ayant entraîné une dépendance et qui se traduit par une modifcation comportementale avec des répercussions physiologiques et psychologiques (p. ex., de l’insomnie, de l’angoisse, des nausées, des douleurs, des rissons). Syndrome de sevrage : Ensemble de symptômes provoqués par l’arrêt brusque de consommation d’une substance psychotrope. Syndrome d’immobilisation : Diminution de la capacité onctionnelle due à une réduction de la mobilité et de l’endurance. Syndrome d’inhibition : Forme de stress pathologique qui apparaît lorsque des situations de stress répétitis et intenses amènent la personne à cesser de réagir, ce qui met sa vie en danger. Syndrome général d’adaptation (SGA) : Ensemble des réactions de déense de l’organisme provoquées par un stresseur et qui permettent de aire ace à une menace (réelle ou perçue). Syndrome métabolique : Ensemble de acteurs de risque avorisant directement l’apparition de maladies cardiovasculaires et du diabète de type 2.
Syndrome sérotoninergique : Accumulation excessive de sérotonine qui ait suite à l’interaction de plusieurs médicaments et qui peut se traduire par des réactions graves telles qu’un choc cardiovasculaire, des convulsions, de l’hyperthermie, voire le décès.
Transert : En psychanalyse, déplacement d’une conduite émotionnelle par rapport à des événements du passé, spécialement associés aux parents, qui serait projetée sur la personne du thérapeute au cours du traitement.
Système limbique : Ensemble des structures situées à la ace interne de chaque hémisphère comprenant l’hippocampe, le ornix, les corps mamillaires, les noyaux septaux, l’amygdale et la bandelette diagonale de Broca.
Trouble comorbide : Présence de deux maladies ou de deux troubles ou plus dans une période de temps dénie, dont l’étiologie et le développement peuvent être associés ou indépendants.
Système nigrostrié : Groupe de neurones se situant dans la substance noire et se projetant vers le striatum. Ils sont impliqués dans l’initiation des mouvements volontaires et leur dysonctionnement explique les symptômes de la maladie de Parkinson.
T Tachypsychie : Déroulement anormalement rapide de la pensée et des associations (idées), qui s’observe dans la manie. Tempérament : Manière de penser, de se comporter et de réagir caractéristique de chaque personne (innée). Ce concept renvoie aux tendances de comportement et non aux actes de comportement précis. Tolérance croisée : Tolérance d’un organisme qui s’étend à d’autres produits après exposition durable à un produit particulier et qui nécessite d’augmenter la dose dès la première administration pour retrouver l’eet désiré. Toxicité : Propriété d’une substance qui peut empoisonner un organisme vivant. Traitement intégré (ou intégration des soins) : Organisation des soins qui consiste à ce qu’un même clinicien ou des équipes coordonnées orent un soutien psychosocial et des soins cohérents pour l’ensemble des troubles mentaux ou liés à une substance dont est atteint un client, assurant ainsi une meilleure continuité des soins.
Travail posté : Travail à des horaires atypiques.
Trouble concomitant (ou cooccurrent) : Présence simultanée, chez une même personne, de deux ou de plusieurs troubles dont au moins un est lié aux substances. Trouble de conversion : Mécanisme psychologique inconscient par lequel un confit psychique s’exprime par un symptôme somatique. Trouble de l’adaptation : Réponse psychologique à une ou plusieurs situations stressantes causant des symptômes émotionnels et psychologiques signiicatis et ne répondant pas aux critères des troubles anxieux ou de l’humeur. Trouble dépressi persistant (dysthymie) : « Humeur dépressive présente quasiment toute la journée, plus d’un jour sur deux, signalée par la personne ou observée par les autres, pendant au moins 2 ans. Chez les enants et adolescents, l’humeur peut être irritable et la durée doit être d’au moins 1 an. » (APA, 2015, p.197). Trouble mental grave : Trouble mental entraînant un niveau d’incapacité qui interère de açon importante dans les relations interpersonnelles, les compétences sociales de base et la capacité onctionnelle dans la production d’un travail. Tutelle au majeur : Régime de protection, mis en place par décision judiciaire uniquement, et qui vise à assurer le bienêtre de la personne inapte partiellement ou temporairement à prendre soin d’elle-même ou à gérer ses biens et qui a
besoin d’être représentée dans l’exercice de ses droits civils. Ce régime peut s’appliquer selon trois modes : la tutelle aux biens seulement, la tutelle à la personne seulement ou la tutelle aux biens et à la personne.
U Urgence d’ordre psychiatrique : Perturbation psychologique grave et soudaine nécessitant une intervention immédiate an de préserver l’intégrité psychologique et physique de la personne. Urgence suicidaire : Évaluation de la probabilité d’un passage à l’acte suicidaire dans les 48 prochaines heures.
V Vasospasme central : Diminution soudaine de la lumière des artères cérébrales qui compromet dangereusement l’irrigation des structures cérébrales. Vieillissement réussi : Fonctionnement général élevé de la personne âgée, comprenant un maintien des capacités onctionnelles ou des atteintes très modérées de ces dernières, et ce, en l’absence de pathologies. Violence : Expression de sentiments, tels que la colère, en vue de aire du mal ou de détruire. Elle peut être psychologique, physique, sexuelle, économique et inclure la négligence et la violation des droits de la personne. Virus de l’immunodéfcience humaine (VIH) : Virus mortel qui détruit le système immunitaire et qui cause le syndrome d’immunodécience acquise (sida). Vision discriminatoire : Fait de percevoir puis de séparer ou de traiter un groupe de personnes de manière diérente, généralement de açon négative. Voie de ait : Utilisation de la orce ou menace d’utiliser la orce, directement ou indirectement, avec ou sans arme, contre une personne, sans son consentement.
Glossaire
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