Soins critiques: soins infirmiers .
 9782765037248, 2765037248

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SOINS INFIRMIERS

SOINS CRITIQUES LINDA D. URDEN • KATHLEEN M. STACY • MARY E. LOUGH

ÉDITION FRANÇAISE DIRECTION SCIENTIFIQUE Louise-Andrée Brien Julie Houle Daniel Milhomme Andréanne Tanguay

SOINS INFIRMIERS

SOINS CRITIQUES LINDA D. URDEN • KATHLEEN M. STACY • MARY E. LOUGH

ÉDITION FRANÇAISE DIRECTION SCIENTIFIQUE Louise-Andrée Brien Julie Houle Daniel Milhomme Andréanne Tanguay

Soins infirmiers Soins critiques Traduction et adaptation de : Critical Care Nursing: Diagnosis and Management de Linda D. Urden, Kathleen M. Stacy et Mary E. Lough © 2014 Mosby Inc., an affiliate of Elsevier Inc. (ISBN 978-0-323-09178-7)

Dans cet ouvrage, le féminin est utilisé comme représentant des deux sexes, sans discrimination à l’égard des hommes et des femmes, et dans le seul but d’alléger le texte.

Copyright © 2014, 2010 by Mosby, an imprint of Elsevier Inc. Copyright © 2006, 2002, 1998, 1994, 1990 by Mosby Inc., an affiliate of Elsevier Inc. Copyright © 2014, 2010 par Mosby, une marque d’Elsevier Inc. Copyright © 2006, 2002, 1998, 1994, 1990 par Mosby Inc., une division d’Elsevier Inc. This edition of Critical Care Nursing, 7th by Linda D. Urden, DNSc, RN, CNS, NE-BC, FAAN, Kathleen M. Stacy, PhD, RN, CNS, CCRN, PCCN, CCNS and Mary E. Lough, PhD, RN, CNS, CCRN, CNRN, CCNS is published by arrangement with Elsevier Inc. © 2014 TC Média Livres Inc. Conception éditoriale : Dominique Hovington Coordination éditoriale : André Vandal Édition : Corine Archambault, Sarah Bigourdan, Suzanne Champagne, Karine Nadeau Coordination : Frédérique Coulombe Recherche iconographique : Julie Saindon Traduction : Jean Blaquière, Isabelle Dargis, Christiane Foley, Louise Gaudette, Joanne Goulet-Giroux, Anne-Catherine Hatton, Geneviève Lachance, Suzanne Legendre, Serge Paquin, Julie Paradis, Ethel Perez, Mélissa Perez, Laurence Perron et Guy Potvin Révision linguistique : Anne-Marie Trudel Correction d’épreuves : Zérofôte Conception graphique : Marguerite Gouin Conception de la couverture : Micheline Roy Impression : TC Imprimeries Transcontinental

Critical care nursing. Français Soins critiques Traduction de la 7e édition de : Critical care nursing. Comprend des références bibliographiques et un index. ISBN 978-2-7650-3724-8 1. Soins infirmiers en soins intensifs. 2. Soins infirmiers en situation d’urgence. i. Urden, Linda Diann. ii. Stacy, Kathleen. iii. Lough, Mary E. iv. Brien, Louise-Andrée. v. Houle, Julie, 1970. vi. Milhomme, Daniel, 1971- . vii. Tanguay, Andréanne, 1974- . viii. Titre. 616.02’8

La pharmacologie évolue continuellement. La recherche et le développement produisent des traitements et des pharmacothérapies qui perfectionnent constamment la médecine et ses applications. Nous présentons au lecteur le contenu du présent ouvrage à titre informatif uniquement. Il ne saurait constituer un avis médical. Il incombe au médecin traitant et non à cet ouvrage de déterminer la posologie et le traitement appropriés de chaque patient en particulier. Nous recommandons également de lire attentivement la notice du fabricant de chaque médicament pour vérifier la posologie recommandée, la méthode et la durée d’administration, ainsi que les contre-indications. Les cas présentés dans les mises en situation de cet ouvrage sont fictifs. Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant déjà existé n’est que pure coïncidence.

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

RT120.I5C7414 2014

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C2014-940574-X

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Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.

ÉQUIPE DE L’ÉDITION FRANÇAISE Direction scientique LOUISE-ANDRÉE BRIEN, inf., M. Sc. Professeure de formation pratique à la Faculté des sciences inrmières de l’Université de Montréal, elle est responsable des cours liés aux soins critiques pour le programme de baccalauréat en sciences inrmières. Détentrice d’une certication en neurosciences du Centre universitaire de santé McGill et d’une maîtrise en sciences inrmières (option formation) de l’Université de Montréal, elle s’intéresse aussi à la formation inrmière et interprofessionnelle en soins de n de vie auprès de clientèles non oncologiques. JULIE HOULE, inf., Ph. D. Julie Houle est professeure agrégée au Département des sciences inrmières de l’Université du Québec à Trois-Rivières. Elle détient un baccalauréat et une maîtrise en sciences inrmières de l’Université de Montréal ainsi qu’un doctorat en pharmacie de l’Université Laval. Ses champs d’intérêt pour la recherche et l’enseignement concernent les soins cardiovasculaires et les soins critiques. Avant sa carrière d’enseignement, elle a œuvré plusieurs années dans les milieux cliniques spécialisés (soins intensifs généraux et postchirurgie cardiaque, unité coronarienne, cliniques ambulatoires de cardiologie et réadaptation cardiaque). DANIEL MILHOMME, inf., M. Sc., Ph. D. (c) Daniel Milhomme est professeur en soins critiques au Département des sciences inrmières de l’Université du Québec à Rimouski, campus de Lévis. Titulaire d’une maîtrise en sciences inrmières, il est actuellement candidat au doctorat en sciences inrmières de l’Université Laval, où il s’intéresse au processus de surveillance clinique d’inrmières de soins critiques. Au cours des 23 dernières années, il a notamment œuvré dans le domaine des soins intensifs médicaux et chirurgicaux, des soins intensifs coronariens et des soins intensifs de chirurgie cardiaque. ANDRÉANNE TANGUAY, inf., Ph. D. Professeure adjointe à l’École des sciences inrmières de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke, elle agit à titre de coordonnatrice du domaine Soins critiques dans le cadre du programme de baccalauréat en sciences inrmières (DEC-BAC). Détentrice d’un doctorat en sciences cliniques (sciences inrmières) de l’Université de Sherbrooke, ses travaux de recherche portent entre autres sur l’optimisation de la qualité et de la sécurité des soins chez les clients intubés aux soins intensifs.

Rédaction

MARTINE BLAIS, inf., M. Sc., IPSC Inrmière praticienne spécialisée (IPS) en cardiologie, elle détient un baccalauréat en sciences inrmières de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) ainsi qu’une maîtrise en sciences inrmières (soins tertiaires) et un diplôme d’études supérieures spécialisées en cardiologie de l’Université Laval. Elle a travaillé pendant plusieurs années aux soins intensifs coronariens et œuvre maintenant comme IPS en cardiologie dans une clinique ambulatoire de cardiologie au Centre hospitalier universitaire de Québec. Elle est également chargée de cours à l’UQAR, campus de Lévis. LUC-ÉTIENNE BOUDRIAS, inf., M. Sc., CSI (c) Titulaire d’une maîtrise en soins inrmiers de la Faculté des sciences inrmières de l’Université de Montréal et spécialiste du développement du rôle de l’inrmière clinicienne en traumatologie, il a été inrmier clinicien aux soins intensifs et spécialiste de l’évacuation aérienne internationale auprès de la compagnie Skyservice Aviation, puis a obtenu sa certication canadienne en soins intensifs en 2009. Aujourd’hui, il est conseiller clinicien en soins inrmiers aux soins critiques de l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal et agit à titre d’instructeur en soins immédiats en réanimation (SIR) et en soins avancés en réanimation cardiovasculaire (SARC). LYNE CLOUTIER, inf., Ph. D. Lyne Cloutier détient un doctorat en sciences cliniques de l’Université de Sherbrooke et un postdoctorat de l’Université de Montréal en pharmacologie. Professeure titulaire au Département des sciences inrmières de l’Université du Québec à Trois-Rivières, son programme de recherche porte sur la prise en charge des personnes atteintes d’hypertension artérielle. Directrice du Laboratoire de recherche en santé cardiovasculaire et métabolique, elle a rédigé sept ouvrages en soins cliniques et une cinquantaine d’articles publiés dans des revues en collaboration avec des comités de pairs. SARAH CÔTÉ, inf., M. Sc. Sarah Côté est inrmière aux soins intensifs du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (depuis cinq ans) et inrmière clinicienne en développement clinique pour les soins intensifs depuis plus de un an. Elle est aussi chargée de cours à l’Université de Sherbrooke pour le baccalauréat en sciences inrmières où elle donne le cours de soins intensifs ; elle est superviseure de stage de soins critiques et monitrice de sciences biomédicales. Au cours de sa maîtrise en recherche, elle s’est principalement intéressée à la détection des signes de détérioration par les inrmières.

EMMANUELLE BERNHEIM, LL. D., Ph. D. (sciences sociales) Professeure au Département des sciences juridiques de l’Université du Québec à Montréal, Emmanuelle Bernheim enseigne la méthodologie de recherche au premier et au troisième cycle, ainsi que le droit psychiatrique. Sa thèse de sciences sociales et de droit a été consacrée aux enjeux théoriques et pratiques de la garde en établissement et de l’autorisation de soins; ses recherches portent maintenant sur le rôle du droit et des tribunaux dans la perpétuation des inégalités sociales.

CATY DALLAIRE, inf., B. Sc. Caty Dallaire a obtenu un baccalauréat en sciences inrmières de l’Université de Montréal en 1989 et a complété un certicat en gestion des services de santé en 1997. Elle a œuvré durant 11 ans auprès des grands brûlés en tant qu’inrmière soignante et, depuis 2011, à titre de conseillère en soins inrmiers pour le Service transversal des soins intensifs et des grands brûlés du Centre hospitalier universitaire de l’Université de Montréal.

GISÈLE BESNER, inf., M. Sc., ICSG(C) Gisèle Besner est conseillère en soins spécialisés à l’Hôpital Saint-Luc puis au Centre hospitalier de l’Université de Montréal depuis 1980. Elle détient une maîtrise en soins inrmiers ainsi qu’une certication canadienne de soins inrmiers en gastroentérologie. Elle s’implique en hépatologie et en transplantation hépatique, en gastroentérologie ainsi qu’en endoscopie digestive depuis 2002. Elle s’intéresse au soulagement de la douleur aiguë et chronique en milieu hospitalier depuis plusieurs années.

ISABELLE DESCHENES, inf., B. Sc., IPAC Détentrice d’un baccalauréat en sciences de l’Université du Québec à Trois-Rivières et candidate au diplôme d’études supérieures spécialisées, Isabelle Deschenes cumule 23 années d’expérience clinique diversiées majoritairement en soins critiques : urgence et bloc opératoire. Elle est spécialisée en assistance opératoire depuis 12 ans. Elle s’intéresse à l’amélioration continue des soins inrmiers en salle d’opération de même qu’à la formation de ses futurs collègues.

Équipe

III

AMÉLIE DOHERTY, inf., B. Sc. Inrmière clinicienne depuis 12 ans à l’Institut de cardiologie de Montréal, Amélie Doherty a pratiqué à l’unité de soins intensifs chirurgicaux, à la salle de réveil ainsi qu’au laboratoire d’hémodynamie. Elle a entamé des études à la maîtrise en Sciences inrmières à l’Université du Québec à Trois-Rivières où elle travaille également à titre de chargée de cours. STÉPHANIE DOLLÉ, inf., M.A. Inrmière depuis plus de 20 ans en soins critiques et membre du Regroupement des inrmières et inrmiers en soins intensifs du Québec, elle a obtenu en 2008 la certication de l’Association canadienne des inrmières et inrmiers en soins intensifs. Elle a complété une maîtrise en bioéthique à l’Université de Montréal en 2011. Elle siège actuellement au comité d’éthique clinique d’un hôpital universitaire de Montréal où elle exerce comme inrmière. MARIO DUBÉ, inf., M. Sc. Mario Dubé est professeur régulier en soins critiques au Département des sciences inrmières de l’Université du Québec à Rimouski, où il est aussi directeur du module des sciences de la santé. En plus de posséder une vaste expérience clinique en soins critiques, il se passionne pour la pédagogie universitaire. Il s’intéresse depuis plusieurs années aux domaines cognitif et métacognitif de l’apprentissage. Ses principaux travaux de recherche ont d’ailleurs porté sur le développement de l’expertise pédagogique des enseignantes cliniques selon une perspective cognitiviste. CHRISTELLE GOULET D’ONOFRIO, inf., M. Sc., IPSPL, Ph. D. (c) Inrmière praticienne spécialisée en soins de première ligne au CSSS de Drummondville après avoir pratiqué pendant plusieurs années au soutien à domicile du CSSS de Trois-Rivières, ainsi qu’à l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal, elle détient une maîtrise en sciences inrmières, option soins de première ligne, ainsi qu’une maîtrise en sciences inrmières, spécialisation santé familiale, de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Elle est aussi professeure clinicienne à l’UQTR et chargée de cours à l’Université du Québec en Outaouais. ÉMILIE GOSSELIN, inf., M. Sc. Émilie Gosselin a obtenu un baccalauréat ainsi qu’une maîtrise en sciences inrmières à l’Université de Sherbrooke. Elle poursuit actuellement des études de doctorat dans le même milieu d’enseignement. Elle pratique à titre d’inrmière aux soins intensifs depuis 2008 au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke. En plus de collaborer à de nombreux projets de recherche, elle a travaillé comme chargée de cours au baccalauréat en sciences inrmières et superviseure de stages en soins critiques à l’Université de Sherbrooke. DIANE GUAY, inf., Ph. D. (c) À la fois professeure et coordonnatrice des soins critiques, Diane Guay possède une expertise clinique à titre d’inrmière acquise principalement aux soins intensifs. Poursuivant sa formation doctorale, elle a axé sa recherche sur le rehaussement de la pratique et sur l’humanisation des soins par l’intégration de l’approche palliative en contexte de soins critiques. Ses travaux ont fait l’objet de nombreuses communications et contribuent à enrichir la formation inrmière au programme de baccalauréat et en formation continue. FRANÇOIS HUYNH, B. Pharm., M. Sc. Détenteur d’un baccalauréat en pharmacie de l’Université de Montréal et d’une maîtrise en pratique pharmaceutique en établissement de santé de la même université, François Huynh est en voie d’obtenir une maîtrise en sciences pharmaceutiques, option pharmacologie, de l’Université de Montréal (2014). Il travaille en milieu communautaire depuis

IV

Équipe

2011 et à l’Institut de cardiologie de Montréal depuis 2013. Il est également membre du comité administratif de l’organisme sans but lucratif Pharmacien sans frontière – Canada depuis 2013 et pharmacien clinicien associé. MARIE-CLAUDE JACQUES, inf., Ph. D. (c) Inrmière clinicienne et professeure à l’École des sciences inrmières de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke, elle a cumulé plusieurs années d’expérience comme inrmière en santé mentale, notamment auprès des sans-abri et des personnes ayant un trouble de toxicomanie. Elle enseigne maintenant les soins en santé mentale et en psychiatrie, tout en poursuivant ses recherches visant l’amélioration des soins et des services aux personnes atteintes de trouble mental grave et vivant dans la précarité. ANNICK JUTRAS, inf., M. Sc., Ph. D. (c) Annick Jutras est professeure au Département des sciences inrmières de l’Université du Québec à Trois-Rivières. Inrmière ayant œuvré en milieux d’urgence, détentrice d’un baccalauréat en biologie médicale et d’une maîtrise en épidémiologie, elle poursuit des études de doctorat en sciences pharmaceutiques à l’Université Laval. Sa thèse traite de la surveillance des maladies cardiovasculaires au Québec et de l’importance des facteurs de risque. Ses champs d’intérêt en recherche touchent les maladies chroniques, la santé cardiométabolique et la santé publique. Elle donne des cours de physiopathologie. ANNE-MARIE LAGACÉ, inf., M. Sc. Titulaire d’une maîtrise en sciences inrmières, option clinicienne spécialisée, de l’Université de Montréal, Anne-Marie Lagacé est conseillère clinique pour le Centre de prélèvement d’organes de l’Hôpital du SacréCœur de Montréal après y avoir été inrmière-ressource au don d’organes et de tissus durant plusieurs années. Spécialiste reconnue dans ce domaine, elle participe à l’enseignement de l’impact du don d’organes sur le deuil auprès d’étudiants à la maîtrise dans le cadre du cours Approche multidimensionnelle du deuil de l’Université de Montréal. CHRISTINE LAPOINTE, inf., M. Sc., IPSN Christine Lapointe a obtenu son baccalauréat en sciences inrmières puis sa maîtrise d’inrmière praticienne spécialisée en néphrologie (IPSN) à l’Université de Montréal. Elle est diplômée de la première cohorte d’IPSN au Québec et pratique depuis à l’Hôpital MaisonneuveRosemont. Inrmière praticienne spécialisée associée à la Faculté des sciences inrmières de l’Université de Montréal, elle est chargée de cours pour l’Université de Montréal, l’Université McGill et l’Université de Lausanne. Conférencière à de nombreux congrès provinciaux, nationaux et internationaux, elle est aussi membre de différents comités importants dans le domaine de la néphrologie et de la pratique inrmière avancée. PATRICK LAVOIE, inf., M. Sc., Ph. D. (c) Inrmier clinicien ayant œuvré en soins intensifs, Patrick Lavoie est candidat au doctorat en sciences inrmières à l’Université de Montréal, où il enseigne les soins critiques depuis 2010. Il s’intéresse au développement et à l’évaluation d’interventions éducatives visant l’amélioration des compétences en soins critiques d’inrmières de différents milieux de pratique. SYLVIE LE MAY, inf., Ph. D. Professeure titulaire à la Faculté des sciences inrmières de l’Université de Montréal et chercheuse ainsi que directrice adjointe clinique (Développement de la recherche inrmière) au Centre de recherche du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine à Montréal, elle est titulaire d’un doctorat en sciences cliniques et d’un postdoctorat en sciences inrmières. Ses principaux champs d’intérêt en recherche

concernent la gestion de la douleur auprès des personnes vulnérables, de même que le développement d’échelles de mesure de la douleur.

à titre de pharmacienne consultante occasionnellement. Elle est rédactrice en chef de la revue Pharmactuel.

ANNE-MARIE LECLERC, inf., M. Sc. Anne-Marie Leclerc est inrmière clinicienne à l’urgence du CSSS de Trois-Rivières et chargée de cours à l’Université du Québec à TroisRivières (UQTR). Ses expériences de travail ont touché le domaine de la santé mentale, le milieu communautaire, mais également les soins critiques. Son projet de maîtrise a été mené au Laboratoire de recherche en santé cardiovasculaire et métabolique de l’UQTR et portait sur l’expérience des hommes atteints d’hypertension artérielle.

VITALIE PERREAULT, inf., M. Sc. Depuis 10 ans, Vitalie Perreault enseigne les soins inrmiers autant au niveau universitaire que collégial. Ayant une vaste expérience clinique de soins critiques liée principalement à la cardiologie et à la chirurgie cardiaque, elle possède également une expérience clinique et de recherche en pneumologie, en électrophysiologie et en radiologie.

NANCY LÉGARÉ, B. Pharm., M. Sc., Pharm. D., BCPP, BCPS Pharmacienne depuis 1995 et détentrice d’un doctorat clinique en pharmacie depuis 2010, professeure adjointe au Département de psychiatrie de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, Nancy Légaré est spécialisée dans le domaine de la psychiatrie et des toxicomanies. Elle a pratiqué à l’Hôpital Louis-H. Lafontaine – Institut universitaire en santé mentale de 1998 à 2005 et poursuit sa carrière à l’Institut Philippe-Pinel. CHANTAL LEMIEUX, inf., M. Sc., CSIO Chantale Lemieux est titulaire d’une majeure en psychologie, d’un baccalauréat et d’une maîtrise en sciences inrmières de l’Université de Montréal. Elle a travaillé pendant sept ans à titre d’inrmière clinicienne en hémato-oncologie pédiatrique. Depuis 2011, elle occupe les fonctions de chargée de cours à l’Université de Montréal pour les cours du baccalauréat en sciences inrmières se rapportant aux maladies chroniques pédiatriques et à la chirurgie. SOPHIE LONGPRÉ, inf., M. Sc., IPSPL Professeure au Département des sciences inrmières de l’Université du Québec à Trois-Rivières, elle y occupe les postes de directrice de cycles supérieurs IPSPL et de directrice pédagogique à la clinique multidisciplinaire en santé pour le volet soins de santé IPSPL. Elle maintient une pratique clinique comme inrmière praticienne spécialisée en soins de première ligne à la clinique de Pointe-du-Lac. Elle détient une maîtrise ès sciences de l’Université de Montréal ainsi qu’un certicat d’inrmière praticienne de l’Université Laurentienne (Ontario). MÉLANIE MARCEAU, inf., M. Sc., MPES Inrmière clinicienne à l’urgence du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke depuis 2001, elle est aussi chargée de cours à l’Université de Sherbrooke depuis 2008. Elle détient une maîtrise en sciences cliniques ayant pour sujet la formation continue en traumatologie des inrmières œuvrant au service des urgences. Mélanie Marceau est actuellement étudiante au doctorat en sciences cliniques (pédagogie des sciences de la santé) portant sur les stratégies d’évaluation des apprentissages et le parcours de professionnalisation en soins critiques. GÉRALDINE MARTORELLA, inf., Ph. D. Conseillère en soins spécialisés dans les domaines de la chirurgie et de la traumatologie pendant plusieurs années, Géraldine Martorella est actuellement professeure en sciences inrmières à l’Université de Montréal. Ses champs d’intérêt portent sur le développement d’interventions novatrices pour le soulagement de la douleur aiguë et chronique, particulièrement dans le contexte périopératoire. JULIE MÉTHOT, B. Pharm., Ph. D. Professeure adjointe et directrice du programme de maîtrise en pharmacothérapie avancée à l’Université Laval, elle est titulaire d’un baccalauréat en pharmacie et d’une maîtrise en pharmacie d’hôpital. Elle a effectué un stage postdoctoral au Centre d’études cliniques ECOGENE-21 aflié à l’Université de Montréal (2007-2011). Elle travaille depuis 1998 comme pharmacienne clinicienne à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec et agit occasionnellement

JOSYANE PINARD, inf., B. Sc. Diplômée en 2010, elle travaille depuis deux ans à l’unité des soins intensifs médicaux et chirurgicaux du Centre hospitalier régional de Trois-Rivières. Présentement étudiante à la maîtrise, elle mène un projet de recherche en lien avec l’implication des inrmières dans la prise en charge de la clientèle atteinte d’hypertension artérielle. En 2013, elle a reçu le prix Distinction relève régionale décerné par l’Ordre régional des inrmières et inrmiers de la Mauricie et du Centre-du-Québec et elle est boursière de la Société québécoise d’hypertension artérielle. ILINCA TANASA, inf., M. Sc. Ayant obtenu en 2011 une maîtrise en sciences appliquées (volet sciences inrmières) de l’Université McGill, elle a œuvré à titre d’inrmière depuis 2005 dans le secteur des soins intensifs et de l’unité coronarienne. Depuis 2010, elle travaille en tant que conseillère en soins spécialisés pour le Service transversal des soins intensifs et des grands brûlés du Centre hospitalier universitaire de l’Université de Montréal. Elle s’implique dans divers projets d’amélioration continue et du contrôle de la qualité des soins prodigués à la clientèle des soins critiques. NATHALIE THIFFAULT, inf., M. Sc. Conseillère clinique spécialisée en soins critiques et en ressources en don d’organes et de tissus au Centre hospitalier aflié universitaire régional du CSSS de Trois-Rivières, Nathalie Thiffault est également chargée de cours au Département des sciences inrmières de l’Université du Québec à Trois-Rivières. CÉCILE TROCHET, M.D., M. Sc. Professeure adjointe à l’École des sciences inrmières de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke, elle coordonne l’enseignement des sciences biomédicales au baccalauréat en sciences inrmières et dans la partie prédoctorale du programme de médecine. Dès 1999, elle s’implique activement dans la mise en place des cours de sciences biologiques en utilisant l’approche par problème. Collaboratrice au Centre de pédagogie des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke, elle participe activement au développement de la formation des inrmières praticiennes spécialisées en soins de première ligne, dans son axe médical, en étroite collaboration avec le Département de médecine de famille. CATHERINE VILLEMURE, inf., B. Sc. Inrmière à l’unité des soins intensifs médicaux et chirurgicaux du Centre hospitalier aflié universitaire régional de Trois-Rivières, elle poursuit actuellement ses études de maîtrise en sciences inrmières à l’Université du Québec à Trois-Rivières, où elle collabore également à titre d’auxiliaire d’enseignement pour les cours de soins critiques. Elle s’intéresse à l’acquisition des compétences en situation de soins critiques par la simulation et plus particulièrement à la communication interdisciplinaire. MIREILLE VILLENEUVE, inf., M. Sc., IPSC Inrmière praticienne spécialisée en cardiologie à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec, Mireille Villeneuve s’est jointe à l’équipe de la chirurgie cardiaque en août 2012. Elle détient une maîtrise en sciences inrmières, ainsi qu’un diplôme d’études supérieures spécialisées en soins tertiaires de cardiologie. Équipe

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Consultation Émilie Allard, inf., M. Sc., Université de Montréal Mélanie Bérubé, inf., M. Sc., Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal Manon Bougie, inf., M. Sc. Nancy Chénard, inf., M. Sc., Institut de cardiologie de Montréal Mélanie Deslauriers, inf., M. Sc., Université de Montréal Michel Doré, inf., B. Sc., CSI(C), Université Laval Liane Dumais, IPSN, M. Sc., Centre hospitalier universitaire de Québec Julie Dupont, IPSN, M. Sc., Centre hospitalier universitaire de Québec Yves Dupuis, inf., CSIC(C), CSSS Haut Richelieu-Rouville Suzie Durocher-Hendriks, inf., B. Sc., B.A. (psychologie), M. Ed., Université de Moncton, campus d’Edmundston Bianca Gagnon, inf., B. Sc., Université de Montréal Maria-Cecilia Gallani, inf., Ph. D., Université Laval Mélanie Gauthier, inf., M. Int. Care N., Centre universitaire de santé McGill, Hôpital Royal Victoria Isabelle Guay, Dt. P. CNSC (diététiste/nutritionniste), Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec Virginie Harris, inf., M. Sc., Institut de cardiologie de Montréal Joëlle Jolicoeur, inf., M. Sc., Institut de cardiologie de Montréal Manon Lacroix, inf., M. Sc., IPSSP, Université du Québec en AbitibiTémiscamingue Me Jean-François Leroux, LL. B., LL. M., Ménard Martin Avocats Lysane Paquette, inf., M. Sc., Université du Québec en Outaouais Denyse Pharand, inf., Ph. D., Université d’Ottawa Sophie Poulin, inf., M. Sc., Université Laval Delphine Roigt, LL. B., DESS (bioéthique), Centre hospitalier de l’Université de Montréal Lyne St-Louis, inf., M. Sc., CISC(C), Hôpital général juif Carine Sauvé, inf., M. Sc. Sébastien Touchette, inf., B. Sc., Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal

ÉQUIPE DE L’ÉDITION AMÉRICAINE Direction LINDA D. URDEN, DNSc, RN, CNS, NE-BC, FAAN Professor and Director Master’s and International Nursing Programs University of San Diego San Diego, California KATHLEEN M. STACY, PhD, RN, CNS, CCRN, PCCN, CCNS Clinical Nurse Specialist–Pulmonary/Medicine PCU Palomar Medical Center Escondido, California; Clinical Associate Professor Hahn School of Nursing and Health Science University of San Diego San Diego, California MARY E. LOUGH, PhD, RN, CNS, CCRN, CNRN, CCNS Clinical Nurse Specialist–Critical Care Stanford Hospital and Clinics Stanford, California; Clinical Professor Department of Physiological Nursing University of California, San Francisco (UCSF) San Francisco, California

Collaboration CAROLINE ARBOUR, B. Sc, RN, Ph. D. (c) PhD Candidate

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Équipe

School of Nursing McGill University Montréal, Québec Canada JAMIE D. BLAZEK, MPH, APRN, FNP-C Nurse Practitioner Ochsner Multi-Organ Transplant Center Ochsner Clinic New Orleans, Louisiana BARBARA BUESCH, MSN, RN, CNS District Stroke Coordinator Palomar Health Escondido, California DARLENE M. BURKE, MS, MA, RN Adjunct Nursing Faculty MiraCosta College Oceanside, California; Consultant and Educator Professional Source Nursing Consulting Carlsbad, California BEVERLY CARLSON, PhD, RN, CNS, CCRN Lecturer and Graduate Advisor School of Nursing San Diego State University San Diego, California KELLY DINEEN, BSN, JD Assistant Dean for Academic Affairs and Instructor of Health Law Saint Louis University School of Law St. Louis, Missouri JONI L. DIRKS, MS, RN-BC, CCRN Manager, Clinical Educators Nurse Educator Adult Intensive Care Units Providence Urban Hospitals Spokane, Washington CAROLINE ETLAND, PhD, RN, CNS, AOCN, ACHPN Director of Education, Research and Professional Practice Department of Nursing Bioethics Consultant Sharp Chula Vista Medical Center Chula Vista, California LORRAINE FITZSIMMONS, PhD, APRN, FNP, ANP-BC Chair, Advanced Practice Nursing of Adults and Elderly School of Nursing San Diego State University San Diego, California CÉLINE GÉLINAS, PhD, RN Assistant Professor Ingram School of Nursing McGill University; Researcher Centre for Nursing Research and Lady Davis Institute for Medical Research Jewish General Hospital Montréal, Québec Canada CHRISTINE HARTLEY, MS, RN, ACNP-BC Nurse Practitioner Critical Care Services Stanford Hospital and Clinics Stanford, California

ANNETTE HAYNES, MS, RN, CNS, CCRN Cardiology Clinical Nurse Specialist Stanford Hospital and Clinics Stanford, California SUSIE HUTCHINS, DNP, RN, CNE Associate Clinical Faculty Coordinator of Standardized Patient and Simulation Lab Department of Nursing University of San Diego San Diego, California LOURDES JANUSZEWICZ, MSN, RN, CNS, CCRN Clinical Nurse Specialist Intensive Care/Intermediate Care Palomar Health Poway, California ELAINE BISHOP KENNEDY, EdD, RN Salisbury, Maryland SHERYL LEARY, MS, RN, CCNS, CCRN, PCCN, PhD Clinical Nurse Specialist San Diego VA Healthcare System San Diego, California CYNTHIA A. LEWIS, RN, MS, CNS, CPN Pediatric Clinical Nurse Specialist Medical Unit Rady Children’s Hospital San Diego San Diego, California JEANNE M. MAIDEN, PhD, RN, CNS-BC Associate Dean and Professor Director, MSN Program School of Nursing Point Loma Nazarene University San Diego, California MARY MARTEL, MSN, RN, FNP-BC Nurse Practitioner Physical Medicine & Rehabilitation Stanford Medicine Outpatient Center Red Wood City, California KASUEN MAULDIN, PhD, RD Assistant Professor Department of Nutrition, Food Science, and Packaging San José State University San José, California BARBARA MAYER, MS, RN, CNS, PhD (c) Director of Professional Practice Nursing Administration St. Vincent Medical Center Los Angeles, California MARY ALICE MCCUBBINS, RN, MSN, CPCP-PC, TNS, LtCol USAF(ret) Trauma Nurse Practitioner Department of Pediatric Surgery, Trauma Services Washington University—St. Louis St. Louis Children’s Hospital St. Louis, Missouri DENISE O’BRIEN, DNP, RN, ACNS-BC, CPAN, CAPA, FAAN Perianesthesia Clinical Nurse Specialist Department of Operating Rooms/Post-anesthesia Care Unit University of Michigan Hospitals and Health Centers; Adjunct Clinical Instructor School of Nursing University of Michigan Ann Arbor, Michigan

MARY RUSSELL, MSN, RN, CNS, CCRN, FNP (c) Clinical Nurse Specialist Acute Surgical Unit Surgical Progressive Unit Trauma Intensive Care Unit Palomar Pomerado Health Escondido, California ELIZABETH SCRUTH, MN, MPH, RN, CCRN, CCNS, PhD (c) Clinical Practice Consultant Department of Quality and Regulatory Services Kaiser Permanente Oakland, California JENNIFER SEIGEL, RN, CPNP, CWCN Pediatric Nurse Practitioner Pediatric Surgery/ Pediatric Acute Wound Service Washington University—St. Louis St. Louis Children’s Hospital St. Louis, Missouri TERESA J. SHAFER, MSN, RN, CPTC Executive Vice President and Chief Operating Ofcer LifeGift Fort Worth, Texas KARA A. SNYDER, MS, RN, CCRN, CCNS Clinical Nurse Specialist Surgical Trauma Critical Care Department University of Arizona Medical Center Tucson, Arizona CAROL A. SUAREZ, MSN, RN, CNS, PHN, FNP (c) Clinical Nurse Specialist Orthopaedic Medical/Surgical Acute Care and NeuroSciences Progressive Care Unit Palomar Pomerado Health Escondido, California CHRISTINE THOMPSON, MS, RN, CNS, CCRN, CHFN Clinical Nurse Specialist Department of Cardiovascular Health Stanford Hospital and Clinics Stanford, California JULIE M. WATERS, MS, RN, CCRN Clinical Nurse Educator Critical Care Department Providence Sacred Heart Medical Center Spokane, Washington SCHAWNTÉ WILLIAMS-TAYLOR, BSN, RN, CCRN, CPTC Managing Director Life Gift Lubbock, Texas CARRIE M. WILSON, MSN, RN, CPNP-PC, CPNP-AC, WCC Pediatric Nurse Practitioner Pediatric General Surgery Washington University—St. Louis St. Louis, Missouri FIONA WINTERBOTTOM, MSN, RN, APRN, ACNS-BC, CCRN Clinical Nurse Specialist for Critical Care Ochsner Medical Center—New Orleans New Orleans, Louisiana VALERIE J. YANCEY, PhD, RN, CHPN, HNC Associate Professor Department of Nursing Southern Illinois University—Edwardsville Edwardsville, Illinois Équipe

VII

CARACTÉRISTIQUES DE L’OUVRAGE Traduction et adaptation de la 7e édition américaine Cette édition de Soins critiques de Linda D. Urden, Kathleen M. Stacy et Mary E. Lough est l’adaptation de la toute dernière édition américaine parue en 2013. Elle reète les plus récentes avancées dans le domaine des sciences inrmières. Les chapitres du manuel sont regroupés en neuf parties thématiques traitant des particularités des soins critiques, des pathologies selon chaque système du corps humain et des clientèles ayant des besoins particuliers.

OUVERTURE DE CHAPITRE Nom des auteurs et des adaptatrices Le nom des auteurs de l’édition originale et des adaptatrices de l’édition en langue française apparaissent sur la page d’ouverture du chapitre. Les adaptatrices sont toutes issues du milieu des soins inrmiers québécois et canadien.

Introduction L’introduction met en évidence les aspects essentiels traités dans le chapitre. La lectrice survole ainsi les principales connaissances et compétences qu’elle acquerra en étudiant celui-ci.

FERMETURE DE CHAPITRE Étude de cas À la n de 25 chapitres, un cas clinique réaliste est présenté, abordant l’une des pathologies étudiées. À l’aide de questions, l’étudiante est amenée à développer son jugement clinique. Elle est également invitée à préparer, s’il y a lieu, un extrait du plan thérapeutique inrmier (PTI). Le solutionnaire est présenté au http://mabibliotheque.cheneliere.ca.

À retenir En lien avec l’introduction, cette rubrique résume, sous forme de liste à puces, les notions importantes présentées dans le chapitre. Il s’agit d’un outil de révision efcace.

VIII

Caractéristiques de l’ouvrage

3

AUTRES ÉLÉMENTS DISTINCTIFS 1 Tableaux, encadrés et gures

Que ce soit pour illustrer un concept, fournir un complément d’information ou résumer des notions, des centaines de tableaux, encadrés et gures facilitent l’apprentissage. 2 Renvois aux autres chapitres

2 4

Tout au long du manuel, la lectrice est redirigée vers d’autres chapitres qui décrivent plus spéciquement des notions présentées sommairement dans le texte courant.

1 5

3 Pictos i

Ces pictogrammes invitent l’étudiante à approfondir ses connaissances. Il peut s’agir de références supplémentaires, d’associations, d’organismes ou de sites Internet à consulter. 4 Rubriques Soins et traitement inrmiers

Ces rubriques mettent en évidence les interventions inrmières requises en lien avec une pathologie. 5 Rubriques Traitements médicaux et soins inrmiers

Ces rubriques mettent en évidence les interventions interdisciplinaires requises en lien avec une pathologie.

6 Figures Approche thérapeutique

6

Ces gures illustrent les étapes du traitement d’une pathologie, de son étiologie aux interventions inrmières en passant par les manifestations cliniques et la collecte des données. Véritables plans de soins, elles incluent également la pharmacothérapie. 7 Alertes cliniques

Ces alertes attirent l’attention de l’étudiante sur une information particulièrement importante pour sa propre sécurité ou celle du client. 8 Références

Les sources utilisées pour appuyer les notions ont été actualisées. Ces références assoient la rigueur scientique des contenus et permettent d’approfondir la matière.

7 8

Caractéristiques de l’ouvrage

IX

REPÉRAGE FACILE Les couleurs des tableaux et des encadrés thématiques permettent de faire le lien avec les composantes et les champs de compétences décrits dans la Mosaïque des compétences cliniques de l’inrmière – Compétences initiales de l’OIIQ.

Bleu

Tableaux et encadrés généraux

Vert clair

Composante professionnelle, évaluation clinique

Collecte des données

Bleu acier

Composante professionnelle, planication des soins et établissement des priorités

Plan de soins et de traitements inrmiers (PSTI)

Rouge

Composante fonctionnelle, champ opérationnel

Gestion des risques liés aux soins

Vert foncé

Composante professionnelle, continuité des soins

Interventions interdisciplinaires

Orangé

Composante fonctionnelle, champ scientique

Pharmacothérapie

Violet

Composante fonctionnelle, champ relationnel

Problèmes découlant de la situation de santé Pratiques inrmières suggérées

Pratique fondée sur des résultats probants Enseignement au client et à ses proches

Bleu Vert clair

Vert foncé Bleu acier

Orangé Rouge

FIN DU MANUEL 1 Annexes

L’annexe A comprend 35 plans de soins et de traitements inrmiers (PSTI) qui visent à recueillir, à analyser et à interpréter les données, à établir les besoins prioritaires et à planier les interventions en lien avec de nombreux problèmes découlant d’une situation critique de santé. L’annexe B regroupe les formules physiologiques pour les soins critiques.

Violet

1

2

2 Références

Les références bibliographiques utilisées pour appuyer les notions examinées dans le manuel sont répertoriées par chapitre. Elles permettent d’approfondir les notions présentées et témoignent de la rigueur scientique des contenus. 3 Index

Un index de plus de 5 000 termes permet de repérer rapidement l’information recherchée.

X

Caractéristiques de l’ouvrage

3

TABLEAUX ET ENCADRÉS SPÉCIFIQUES Collecte des données

Technique d’auscultation des bruits et des soufes cardiaques – Encadré 12.12 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 247

Questions pour déterminer l’aptitude du client à consentir aux soins – Encadré 3.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

Pressions hémodynamiques et valeurs hémodynamiques calculées – Tableau 13.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 255

Questionnaire d’évaluation – Encadré 4.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57

Évaluation de la réponse au traitement avec le cathéter artériel pulmonaire – Tableau 13.3. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 271

Comportements indiquant un faible niveau de littératie en santé – Encadré 4.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61 Principales analyses de sang utilisées pour évaluer l’état nutritionnel – Tableau 7.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113

Interprétation clinique des courbes de l’artère pulmonaire – Tableau 13.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 276 Mesure du débit cardiaque – Tableau 13.5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .288

Antécédents nutritionnels – Encadré 7.3. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114

Calculs relatifs à la physiologie du transport de l’oxygène – Tableau 13.6 . . . . . 293

Estimation des besoins énergétiques – Tableau 7.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115

Mesure de la saturation du sang veineux en oxygène – Tableau 13.8 . . . .298

Résultats d’évaluation possiblement associés à une maladie cardiovasculaire – Encadré 7.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125 Résultats d’évaluation possiblement associés à une maladie pulmonaire – Encadré 7.5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 127 Résultats d’évaluation possiblement associés à une altération des fonctions neurologiques – Encadré 7.6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128 Résultats d’évaluation possiblement associés à une insufsance rénale – Encadré 7.7 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130 Résultats d’évaluation possiblement associés à une altération de la fonction hépatique – Encadré 7.8 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132

Évaluation clinique en lien avec une chute de la saturation du sang veineux en oxygène – Encadré 13.7 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .299 Seuils anormaux du point J variant avec l’âge, le sexe et les dérivations de l’ECG – Encadré 13.11. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 313 Variations électrocardiographiques pendant un infarctus du myocarde – Tableau 13.10 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 315 Changements électrocardiographiques après un infarctus – Tableau 13.11 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 316 Rythmes sinusaux – Encadré 13.12 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .322

Échelle BPS – Tableau 8.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146

Arythmies auriculaires – Tableau 13.13 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 325

Échelle comportementale de la douleur CPOT – Tableau 8.2 . . . . . . . . . . . . 147

Bloc auriculoventriculaire – Tableau 13.16. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 342

Échelles de sédation – Tableau 9.1. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170

Méthodes d’épreuve d’effort – Tableau 13.23 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .369

Histoire de santé : antécédents cardiovasculaires évalués selon l’outil AMPLE – Encadré 12.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .233

Symptômes d’une douleur thoracique évalués selon l’outil PQRSTU – Encadré 14.7 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 390

Symptômes liés à une douleur thoracique évalués selon l’outil PQRSTU – Tableau 12.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235

Symptômes respiratoires courants évalués selon l’outil PQRSTU – Encadré 17.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .557

Inspection et palpation des membres inférieurs : comparaison des maladies artérielles et veineuses – Tableau 12.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . .236

Échelle de la dyspnée du Conseil de recherches médicales – Tableau 17.1 . . . . 558

Technique permettant d’évaluer la distension veineuse jugulaire – Encadré 12.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 237 Technique permettant d’estimer la pression veineuse centrale – Encadré 12.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 238

Histoire de santé : antécédents respiratoires courants évalués selon l’outil AMPLE – Encadré 17.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .559 Résultats d’évaluation fréquemment associés à des affections pulmonaires courantes – Tableau 17.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .566

Technique permettant d’évaluer le reux hépato jugulaire – Encadré 12.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 238

Étapes de l’interprétation de la gazométrie du sang artériel – Tableau 18.1. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 573

Échelle de palpation du pouls – Encadré 12.5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .239

Valeurs de la gazométrie du sang artériel non compensée – Tableau 18.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 575

Technique permettant d’évaluer l’apport sanguin artériel à la main : le test d’Allen – Encadré 12.6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 240

Valeurs de la gazométrie du sang artériel compensée – Tableau 18.3. . . . .576

Mesure des signes vitaux posturaux (orthostatiques) – Encadré 12.7. . . . . 242

Interprétation de la gazométrie du sang artériel – Tableau 18.4 . . . . . . . . .576

Obtention de valeurs de pression artérielle exactes – Encadré 12.8 . . . . . . 242

Évaluation de l’état d’oxygénation – Tableau 18.6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .577

Technique permettant de mesurer le pouls paradoxal – Encadré 12.9. . . . .243

Calcul du shunt intrapulmonaire – Tableau 18.7 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .578 Tableaux et encadrés spéciques

XI

Méthode de collecte de spécimens d’expectorations trachéales ou endotrachéales – Encadré 18.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 579

Examens paracliniques pour la pancréatite aiguë – Encadré 29.7 . . . . . . . .900

Explorations fonctionnelles respiratoires réalisées au chevet du client – Tableau 18.9 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .582

Histoire de santé : antécédents thyroïdiens évalués selon l’outil AMPLE – Encadré 31.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 942

Étapes de l’interprétation d’une radiographie thoracique – Encadré 18.2 . . . . .583

Analyses de laboratoire pour la fonction thyroïdienne – Tableau 31.2 . . . .943

Examen clinique du client atteint du syndrome de détresse respiratoire aiguë – Tableau 19.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .599 Paramètres de sevrage traditionnels – Tableau 20.8 . . . . . . . . . . . . . . . . . .658

Valeurs de laboratoire pour le client atteint de diabète insipide et du syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique (SIADH) – Tableau 32.8. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 972

Indicateurs d’intolérance au sevrage – Encadré 20.8 . . . . . . . . . . . . . . . . . .659

Échelle prédictive de la crise thyréotoxique – Tableau 32.10 . . . . . . . . . . . .980

Symptômes neurologiques courants évalués selon l’outil PQRSTU – Encadré 22.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 711

Questionnaire de dépistage des problèmes liés à la consommation d’alcool – Tableau 33.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 995

Histoire de santé : antécédents neurologiques courants évalués selon l’outil AMPLE – Encadré 22.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 712

Examen primaire d’un client victime de trauma – Tableau 33.3 . . . . . . . . . .996

Techniques de stimulation pour l’évaluation neurologique – Encadré 22.3 . . . . 713 Échelle de coma de Glasgow – Tableau 22.2. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 714 Échelle de la force musculaire – Encadré 22.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 717 Classication des réponses motrices anormales – Tableau 22.3 . . . . . . . . . 718 Analyse du liquide cérébrospinal – Tableau 22.6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .730 Avantages, inconvénients et interventions inrmières liés aux techniques de monitorage de la pression intracrânienne – Tableau 22.7 . . . . . . . . . . . . . . . . 732 Exemple d’un symptôme d’origine possiblement rénale évalué selon l’outil PQRSTU – Encadré 25.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 801

Score Apache II de gravité de la pancréatite aiguë – Tableau 29.3 . . . . . . .901

Résultats d’analyses sanguines à obtenir par un accès intraveineux – Encadré 33.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .998 Rapport inrmier et interprofessionnel faisant appel à la méthode SAER – Tableau 33.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .999 Interventions de réanimation préhospitalière et d’urgence – Tableau 33.5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1000 Résultats positifs du lavage péritonéal – Encadré 33.9 . . . . . . . . . . . . . . . 1027 Échelle de lésion hépatique – Tableau 33.11 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1029 Échelle de lésion à la rate – Tableau 33.12 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1030 Manifestations cliniques du choc cardiogénique – Encadré 34.6. . . . . . . . 1050

Histoire de santé : antécédents rénaux courants évalués selon l’outil AMPLE – Encadré 25.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 802

Manifestations cliniques du choc anaphylactique – Encadré 34.9. . . . . . .1054

Échelles des œdèmes à godet – Tableau 25.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .804

Manifestations cliniques du syndrome de défaillance multiorganique – Encadré 34.17 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1077

Évaluation hémodynamique de l’état hydrique – Tableau 25.2 . . . . . . . . . .808 Évaluation hydrique et électrolytique – Encadré 25.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . .809 Calcul de la clairance de la créatinine – Encadré 25.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . 812 Résultats de l’analyse d’urine – Tableau 25.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 815 Examens d’imagerie du rein – Tableau 25.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 818

Manifestations cliniques du choc septique – Encadré 34.13 . . . . . . . . . . . 1063

Orientation du client vers un centre de soins aux grands brûlés – Encadré 35.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1088 Indices de suspicion d’une obstruction des voies respiratoires supérieures – Encadré 35.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1096

Critères RIFLE de l’insufsance rénale aiguë – Tableau 26.1 . . . . . . . . . . . . 821

Variables déterminantes pour le monitorage cardiaque du client brûlé – Encadré 35.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1097

Critères AKIN de l’insufsance rénale aiguë – Encadré 26.1 . . . . . . . . . . . .822

Test d’apnée – Encadré 36.1. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1120

Résultats initiaux des analyses d’urine en cas d’insufsance rénale aiguë – Tableau 26.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 829

Diagnostic de décès neurologique selon les examens auxiliaires – Encadré 36.2. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1121

Symptômes de douleurs abdominales évaluées selon l’outil PQRSTU – Encadré 28.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 873

Évaluation des antécédents prétransplantation – Encadré 36.4 . . . . . . . . 1135

Histoire de santé : antécédents gastro-intestinaux courants évalués selon l’outil AMPLE – Encadré 28.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 874 Analyses de laboratoire courantes de la fonction gastro-intestinale – Tableau 28.2. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 878 Analyses de laboratoire courantes de la fonction hépatique – Tableau 28.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .879 Analyses de laboratoire courantes de la fonction pancréatique – Tableau 28.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .880 Principes de base pour assurer une meilleure abilité de la mesure de la pression intra-abdominale – Encadré 28.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .885 Résultats d’évaluation fréquemment associés à des affections gastro-intestinales courantes – Tableau 28.5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .886 Analyses de laboratoire pour la pancréatite aiguë – Tableau 29.2 . . . . . . .899

XII

Tableaux et encadrés spéciques

Principaux examens paracliniques visant à évaluer le receveur potentiel – Encadré 36.5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1136 Purpura thrombopénique idiopathique : signes et symptômes, et résultats d’analyses de laboratoire – Encadré 37.2 . . . . . . . . . . . . . . . . 1163 Thrombocytopénie induite par l’héparine : signes et symptômes, et résultats d’analyses de laboratoire – Tableau 37.3. . . . . . . . . . . . . . . . . 1166 Principales causes de la coagulation intravasculaire disséminée – Tableau 37.4. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1173 Coagulation intravasculaire disséminée : signes et symptômes courants – Tableau 37.5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1174 Coagulation intravasculaire disséminée : analyses de laboratoire clés – Tableau 37.6. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1174 Syndrome de lyse tumorale : manifestations cliniques et analyses de laboratoire – Tableau 37.7 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1177

Syndrome de lyse tumorale : anomalies électrolytiques et conséquences cliniques – Tableau 37.8 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1178

Débrillateur cardioverteur implantable – Encadré 15.7. . . . . . . . . . . . . . . .481

Indications pour le monitorage hémodynamique durant la grossesse – Encadré 38.2. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1190

Interventions coronariennes percutanées – Encadré 15.16 . . . . . . . . . . . . .497

Modication du débit cardiaque en lien avec la position durant la grossesse – Tableau 38.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1191

Ballon de contrepulsion intra-aortique – Encadré 15.23. . . . . . . . . . . . . . . . 512

Traitement brinolytique – Encadré 15.12 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .486 Chirurgie cardiaque – Encadré 15.19 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .507

Changements hémodynamiques et de la physiologie rénale associés à la grossesse – Tableau 38.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1191

Dispositif d’assistance ventriculaire – Encadré 15.24. . . . . . . . . . . . . . . . . . 515

Adaptations physiologiques du système pulmonaire durant la grossesse – Tableau 38.5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1192

Embolie pulmonaire – Encadré 19.18 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 615

Indicateurs cliniques associés à l’insufsance respiratoire de la clientèle pédiatrique – Tableau 39.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1223

Accident vasculaire cérébral – Encadré 23.10 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 760

Indicateurs cliniques permettant d’amorcer le début de sevrage de la ventilation pour la clientèle pédiatrique – Encadré 39.2 . . . . . . . . . . 1229

Insufsance respiratoire aiguë – Encadré 19.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .595 Status asthmaticus – Encadré 19.21. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 618 Syndrome de Guillain-Barré – Encadré 23.13. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .763 Craniotomie – Encadré 23.19 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .777

Évaluation de la gravité de l’asthme chez la clientèle pédiatrique – Tableau 39.6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1232

Insufsance rénale aiguë – Encadré 26.5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .839

Fréquence cardiaque normale de la clientèle pédiatrique – Tableau 39.7 . . . . 1237

Pancréatite aiguë – Encadré 29.12 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .903

Pression artérielle normale de la clientèle pédiatrique – Tableau 39.8 . . . 1237

Insufsance hépatique aiguë – Encadré 29.17 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .906

Volume sanguin systémique selon l’âge de la clientèle pédiatrique – Tableau 39.9 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1238

Stress neuroendocrinien causé par une maladie grave – Encadré 32.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 953

Débit cardiaque et volume d’éjection systolique normaux de la clientèle pédiatrique – Tableau 39.10. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1238

Acidocétose diabétique – Encadré 32.9. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .965

Échelle de Glasgow modiée pour la clientèle pédiatrique – Tableau 39.11 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1246

Diabète insipide – Encadré 32.16 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 975

Hémorragie digestive aiguë – Encadré 29.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .898

Syndrome d’hyperglycémie hyperosmolaire – Encadré 32.12. . . . . . . . . . . .970

Détermination des causes possibles de convulsions chez la clientèle pédiatrique – Tableau 39.12. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1247

Syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique – Encadré 32.19 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 977

Besoins d’entretien liquidien et électrolytique normaux de la clientèle pédiatrique – Tableau 39.13 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1251

Crise thyréotoxique – Encadré 32.23 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .983

Évaluation clinique du degré de déshydratation – Tableau 39.14 . . . . . . . . 1251

Thrombocytopénie induite par l’héparine – Encadré 37.6. . . . . . . . . . . . . . 1167

Considérations cliniques relatives aux changements attribuables au vieillissement – Tableau 40.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1258

Anémie falciforme – Encadré 37.9 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1171

Enseignement au client et à ses proches Troubles respiratoires du sommeil – Encadré 6.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106 Moniteur ambulatoire Holter – Encadré 13.5. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .358 Enregistrement intermittent – Encadré 13.6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .359 Maladie coronarienne et angine – Encadré 14.9 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .392 Infarctus du myocarde – Encadré 14.12 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .406 Insufsance cardiaque aiguë – Encadré 14.16. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 421 Cardiomyopathie – Encadré 14.19 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 425 Hypertension artérielle pulmonaire – Encadré 14.21 . . . . . . . . . . . . . . . . . .435 Endocardite infectieuse – Encadré 14.25. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .439 Valvulopathie – Encadré 14.28 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .444 Anévrisme de l’aorte et dissection aortique – Encadré 14.31 . . . . . . . . . . .448 Artériopathie périphérique – Encadré 14.34 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 451 Maladie de l’artère carotide – Encadré 14.37 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .454 Maladie thromboembolique veineuse – Encadré 14.41. . . . . . . . . . . . . . . . .459 Urgences hypertensives aiguës – Encadré 14.44 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .463 Stimulateur cardiaque temporaire – Encadré 15.6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 477

Coma myxœdémateux – Encadré 32.25. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .986

Gestion des risques liés aux soins Assurer la sécurité du client et résoudre les problèmes liés à l’utilisation du monitorage hémodynamique – Tableau 13.2. . . . . . . . . . . . .262 Utiliser un système d’alarme clinique – Encadré 13.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . .265 Prévenir les infections sanguines liées aux cathéters veineux centraux – Encadré 13.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 267 Prévenir les microchocs – Encadré 15.5. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 477 Prévenir l’ischémie périphérique – Encadré 15.15 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .495 Repérer les défaillances des alarmes du respirateur – Tableau 20.7 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .656 Assurer le transport intrahospitalier des clients en situation critique de santé – Encadré 20.7 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .658 Prévenir l’infection des voies urinaires due au cathéter – Encadré 26.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 826 Éviter l’erreur de raccordement, un problème potentiellement mortel – Encadré 29.19 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 911 Prévenir et prendre en charge l’éveil peranesthésique – Encadré 41.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1286 Tableaux et encadrés spéciques

XIII

Interventions interdisciplinaires

Protocole de détresse – Tableau 10.5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .202 Médicaments pouvant causer la torsade de pointes – Tableau 13.9 . . . . . .306

Compétences de base pour la pratique interdisciplinaire – Encadré 1.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

Médicaments pour le traitement de l’hypertension pulmonaire – Tableau 14.13 . .432

Soins de qualité en n de vie – Tableau 10.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184

Agents brinolytiques utilisés pour le traitement du STEMI – Tableau 15.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .483

Cadre de référence pour déterminer l’intensité des soins – Tableau 10.4. . . .196 Insufsance respiratoire aiguë – Encadré 19.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .593 Syndrome de détresse respiratoire aiguë – Encadré 19.7. . . . . . . . . . . . . . .602 Pneumonie infectieuse – Encadré 19.10. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .606

Prophylaxie de la maladie thromboembolique veineuse – Tableau 14.16 . . .457

Agents antiplaquettaires oraux – Tableau 15.6. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .490 Agents antiplaquettaires intraveineux – Tableau 15.7 . . . . . . . . . . . . . . . . . 491 Anticoagulants – Tableau 15.9 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .493

Pneumonie d’aspiration – Encadré 19.13 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 610

Médicaments utilisés pour le traitement des saignements postopératoires – Tableau 15.13. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .506

Embolie pulmonaire – Encadré 19.17 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 615

Classication des antiarythmiques – Tableau 15.15 . . . . . . . . . . . . . . . . . . .520

Status asthmaticus – Encadré 19.20. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 617

Agents antiarythmiques – Tableau 15.17. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .522

Fuites aériennes pulmonaires – Encadré 19.23 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .622 Suivi systématique du client en cas de dépendance à la ventilation mécanique à long terme – Tableau 19.8. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 625 Évaluation neurologique rapide du client conscient – Encadré 22.5 . . . . . .721 Évaluation neurologique rapide du client inconscient – Encadré 22.6 . . . . . 721

Médicaments utilisés dans la brillation auriculaire – Tableau 15.18 . . . . .523 Effets physiologiques des agents sympathomimétiques – Tableau 15.19 . . 524 Principaux médicaments vasodilatateurs – Tableau 15.20 . . . . . . . . . . . . . .526 Classication des bloqueurs des canaux calciques – Tableau 15.21 . . . . . .527 Médicaments utilisés pour l’insufsance cardiaque – Tableau 15.22 . . . . .528

Accident vasculaire cérébral – Encadré 23.9. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .758

Prévention des récidives de thrombose en cas d’embolie pulmonaire – Tableau 19.6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 613

Syndrome de Guillain-Barré – Encadré 23.12. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 762

Troubles respiratoires – Tableau 20.10. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .669

Hypertension intracrânienne – Encadré 23.16. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 769

Gestion de la pression artérielle dans le cas d’un AVC ischémique selon les directives de l’American Stroke Association – Tableau 23.1 . . . . . . . . . 748

Hémorragie digestive aiguë – Encadré 29.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .896 Pancréatite aiguë – Encadré 29.10. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .903 Insufsance hépatique aiguë – Encadré 29.16 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .906 Évaluation des fonctions vésicale et intestinale d’un client atteint de dysréexie autonome – Encadré 33.5. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1011

Troubles neurologiques – Tableau 23.5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 778 Diurétiques – Tableau 26.6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .835 Troubles gastro-intestinaux – Tableau 29.4. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 917 Médicaments ayant un effet sur les concentrations sériques des hormones thyroïdiennes, de la TSH et de la TRH – Tableau 31.3 . . . . . . . . .944

Lignes directrices de la Eastern Association of Surgeons in Trauma pour le dépistage des lésions cardiaques fermées – Encadré 33.8 . . . . . . 1024

Divers types d’insuline exogène – Tableau 32.5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .952

Mise en place des mesures visant à réchauffer le client victime d’un trauma – Tableau 33.10 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1029

Sommaire de la thérapie intraveineuse dans les cas d’acidocétose diabétique et de syndrome d’hyperglycémie hyperosmolaire – Encadré 32.7 . . .961

Choc – Encadré 34.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1046

Diabète insipide central – Tableau 32.9. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 973

Trousse d’interventions en cas de sepsie sévère – Tableau 34.6. . . . . . . .1064

Crise thyréotoxique – Tableau 32.11 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 981

Syndrome de défaillance multiorganique – Encadré 34.19 . . . . . . . . . . . . . 1082

Agents pharmacologiques utilisés dans le traitement du choc – Encadré 34.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1043

Guide relatif à l’évaluation et au maintien du donneur adulte – Encadré 36.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1123

Médicaments pour le traitement du diabète de type 2 – Tableau 32.6 . . . .956

Formules de réanimation liquidienne durant les 24 premières heures – Tableau 35.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1093

Purpura thrombopénique idiopathique – Encadré 37.3 . . . . . . . . . . . . . . . . 1165

Agents antimicrobiens topiques – Tableau 35.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1104

Thrombocytopénie induite par l’héparine – Encadré 37.5. . . . . . . . . . . . . . 1167

Immunosuppresseurs – Tableau 36.5. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1131

Anémie falciforme – Encadré 37.8 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1171

Catégories de risque de la FDA pour les médicaments utilisés durant la grossesse – Encadré 38.1. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1186

Coagulation intravasculaire disséminée – Encadré 37.11 . . . . . . . . . . . . . . 1176 Syndrome de lyse tumorale – Encadré 37.13 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1179

Médicaments couramment utilisés pour le traitement des anomalies pulmonaires durant la grossesse – Tableau 38.11 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1202 Doses standards d’analgésiques opioïdes pour la clientèle pédiatrique – Tableau 39.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1221

Pharmacothérapie Traitement pharmacologique de la douleur – Tableau 8.3 . . . . . . . . . . . . . . 153 Doses équivalentes approximatives des opioïdes selon l’analgésique étalon (morphine) – Tableau 8.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163

Médicaments potentiellement nocifs pour la gestion des symptômes chez les personnes âgées – Tableau 40.3 . . . . . . . . . . . . . . . . 1261 Considérations relatives à l’administration de médicaments cardiaques aux personnes âgées – Tableau 40.5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1267

Sédation – Tableau 9.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172

Caractéristiques idéales des agents anesthésiques et des adjuvants – Encadré 41.3. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1287

Analgésiques opioïdes et nausées – Encadré 10.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199

Anesthésiques par inhalation – Tableau 41.1. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1288

XIV

Tableaux et encadrés spéciques

Anesthésiques intraveineux non opioïdes – Tableau 41.2 . . . . . . . . . . . . . 1289

Étayer le rapport de quart de travail sur le plan éthique – Encadré 2.8 . . . . 31

Opioïdes adjuvants – Tableau 41.3. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1290

Normes pour la pratique inrmière en soins critiques – Encadré 3.3. . . . . . . 39

Bloquants neuromusculaires – Tableau 41.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1292

Répondre aux besoins du client et de ses proches – Encadré 4.4 . . . . . . . . . 65

Antagonistes des bloquants neuromusculaires non dépolarisants – Tableau 41.5. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1293

Créer un environnement favorable à l’apprentissage – Encadré 4.5 . . . . . . . 67

Pratique fondée sur des résultats probants

Favoriser un climat positif durant une séance d’enseignement – Encadré 4.6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67 Recourir à un interprète – Encadré 4.8 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70 Communiquer avec le client et ses proches – Encadré 5.2 . . . . . . . . . . . . . . . 88

Maladie coronariennes et angine stable – Encadré 14.4 . . . . . . . . . . . . . . .386

Intervenir pour soutenir la famille – Encadré 5.3. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91

Syndrome coronarien et infarctus du myocarde aigu (NSTEMI et ITEMI) – Encadré 14.13. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .406

Connaître, prévenir et corriger les complications de l’alimentation par sonde – Tableau 7.4. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120

Insufsance cardiaque – Encadré 14.17. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 422

Connaître, prévenir et corriger les complications de la nutrition parentérale totale – Tableau 7.5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123

Hypertension artérielle pulmonaire – Encadré 14.22 . . . . . . . . . . . . . . . . . .435 Endocardite infectieuse et prophylaxie de l’endocardite infectieuse – Encadré 14.26 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .439 Valvulopathie – Encadré 14.29 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .444 Anévrisme de l’aorte et dissection aortique – Encadré 14.32 . . . . . . . . . . .448 Artériopathie périphérique – Encadré 14.35 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 451 Maladie de l’artère carotide – Encadré 14.38 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .454 Prévenir la maladie thromboembolique veineuse – Encadré 14.39 . . . . . . .458 Maladie thromboembolique veineuse – Encadré 14.42. . . . . . . . . . . . . . . . .459 Urgences hypertensives aiguës – Encadré 14.45 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .463 Pontage aortocoronarien – Encadré 15.20. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .508 Coma – Encadré 23.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 744 Directives de soins et de traitements de l’hémorragie intracérébrale spontanée – Encadré 23.7 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .756

Administrer un analgésique en fonction de l’évaluation de la douleur – Encadré 8.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151 Intervenir auprès du client qui utilise l’ACP – Encadré 8.3 . . . . . . . . . . . . . . 159 Administrer l’analgésique par voie intrarachidienne – Encadré 8.4 . . . . . . . 161 Convertir les doses d’analgésiques opioïdes – Encadré 8.6 . . . . . . . . . . . . . 162 Appliquer les lignes directrices pour la prévention, l’évaluation et le traitement de l’agitation et du délirium – Encadré 9.3 . . . . . . . . . . . . . 179 Intervenir auprès du client en n de vie – Tableau 10.2 . . . . . . . . . . . . . . . . 191 Structurer les rencontres avec le client et ses proches – Tableau 10.3 . . . . 195 Effectuer un monitorage hémodynamique effractif – Encadré 13.1 . . . . . . .254 Prodiguer des soins cardiaques en phase aiguë – Encadré 14.8. . . . . . . . . . 391 Régler un stimulateur cardiaque temporaire monochambre – Encadré 15.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 472

Syndrome d’hyperglycémie hyperosmolaire – Encadré 32.13. . . . . . . . . . . . 971

Appliquer les lignes directrices canadiennes sur le renoncement au tabagisme – Encadré 19.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 595

Lignes directrices pour les soins et traitements de la sepsie sévère et du choc septique – Encadré 34.14 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1066

Suivre les lignes directrices concernant l’hygiène des mains – Encadré 19.11 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .606 Appliquer les lignes directrices pour la prévention de l’aspiration – Encadré 19.14. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 610

Pratiques inrmières suggérées

Assurer l’oxygénothérapie – Encadré 20.1. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .635

Appliquer les normes de l’Association canadienne des inrmières et inrmiers en soins intensifs pour la pratique en soins critiques – Encadré 1.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

Surveiller le fonctionnement des tubes endotrachéaux et des canules trachéales – Encadré 20.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 642

Catégories liées aux processus de réexion et d’intervention et à la pratique de l’inrmière en soins critiques – Encadré 1.2 . . . . . . . . . . . . . 11

Procéder à l’extubation endotrachéale – Encadré 20.4. . . . . . . . . . . . . . . . .647

Extrait d’un plan thérapeutique inrmier pour un client hospitalisé aux soins intensifs coronariens – Encadré 1.3. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Exercer les compétences du Quality and Safety Education for Nurses – Encadré 1.5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 Appliquer les normes Health Working Environment Standards pour un milieu de travail sain – Encadré 1.6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 Aider le client ou ses proches à prendre une décision – Encadré 2.2. . . . . . . 23 Réagir au désarroi éthique – Encadré 2.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 Clarier des valeurs – Encadré 2.5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 Détecter une situation problématique pour pouvoir anticiper une intervention éthique – Encadré 2.7 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31

Procéder aux soins buccodentaires – Encadré 20.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . .645 Intervenir auprès du client sous ventilation mécanique effractive – Encadré 20.5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 655 Offrir des soins centrés sur le client selon l’AAPA – AINÉES – Encadré 20.6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .656 Intervenir auprès du client sous ventilation mécanique non effractive – Encadré 20.9 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .662 Maintenir une irrigation cérébrale adéquate – Encadré 23.14 . . . . . . . . . . .768 Soins et traitements de l’HIC secondaire et de l’œdème cérébral – Encadré 23.15. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 769 Prévenir et contrôler les complications associées aux stules artério­ veineuses natives et aux greffons artérioveineux – Tableau 26.7 . . . . . . . .842 Surveiller et gérer l’hémodialyse – Tableau 26.7. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .843 Tableaux et encadrés spéciques

XV

Prévenir et contrôler les complications de la thérapie continue de suppléance rénale – Tableau 26.10 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .849

Fuites aériennes pulmonaires – Encadré 19.22 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 621

Surveiller et gérer la dialyse péritonéale – Encadré 26.10 . . . . . . . . . . . . . .852

Dépendance à la ventilation mécanique à long terme – Encadré 19.26 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 624

Prévenir et contrôler les complications de la dialyse péritonéale – Tableau 26.11 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 852

Chirurgie thoracique – Encadré 20.10. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .667

Vérier la position d’une sonde nasogastrique d’aspiration – Encadré 29.20 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 913

Accident vasculaire cérébral – Encadré 23.8. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 757

Coma – Encadré 23.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 743

Entretenir une sonde gastro-intestinale – Encadré 29.21. . . . . . . . . . . . . . . 913

Syndrome de Guillain-Barré – Encadré 23.11. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 762

Prévenir et traiter l’hypoglycémie – Encadré 32.4. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .958

Craniotomie – Encadré 23.18 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 776

Prévenir et traiter l’hyperglycémie – Encadré 32.11 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 970

Insufsance rénale aiguë – Encadré 26.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .837

Intervenir auprès des victimes de violence conjugale – Tableau 33.1 . . . . .994

Hémorragie digestive aiguë – Encadré 29.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .896

Procéder de manière sécuritaire à l’aspiration endotrachéale chez les clients victimes d’un trauma craniocérébral – Encadré 33.4. . . . . . . . .1008

Pancréatite aiguë – Encadré 29.9. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .902

Surveiller l’oxygénation – Encadré 35.4. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1098 Prévenir les hémorragies – Encadré 37.2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1164 Intervenir auprès de la femme présentant un trauma obstétrical – Tableau 38.12 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1207

Insufsance hépatique aiguë – Encadré 29.15 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .906 Chirurgie gastro-intestinale – Encadré 29.18. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 910 Stress découlant d’une maladie grave – Encadré 32.1 . . . . . . . . . . . . . . . . .953 Acidocétose diabétique – Encadré 32.8. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .963

Administrer de l’oxygène avec un dispositif d’oxygénation d’appoint – Tableau 39.4. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1225

Syndrome d’hyperglycémie hyperosmolaire – Encadré 32.10. . . . . . . . . . . .968

Ajuster l’entretien liquidien selon les problématiques de santé – Encadré 39.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1252

Syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique – Encadré 32.18. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 977

Diabète insipide – Encadré 32.15 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 973

Crise thyréotoxique – Encadré 32.22 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .982

Problèmes découlant de la situation de santé Troubles respiratoires du sommeil – Encadré 6.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106 Coronaropathie et angine – Encadré 14.6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .388 Infarctus du myocarde – Encadré 14.10 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .405 Insufsance cardiaque aiguë – Encadré 14.15. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 419 Cardiomyopathie – Encadré 14.18 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 425 Hypertension pulmonaire – Encadré 14.20 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .434 Endocardite infectieuse – Encadré 14.24. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .438 Valvulopathie – Encadré 14.27 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .443 Anévrisme de l’aorte et dissection aortique – Encadré 14.30 . . . . . . . . . . .447 Artériopathie périphérique – Encadré 14.33 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .450 Maladie thromboembolique veineuse – Encadré 14.40 . . . . . . . . . . . . . . . .458 Urgences hypertensives aiguës – Encadré 14.43 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .462 Traitement brinolytique – Encadré 15.10. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .485 Interventions coronariennes percutanées – Encadré 15.14 . . . . . . . . . . . . .495 Chirurgie cardiaque – Encadré 15.18 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .504

Coma myxœdémateux – Encadré 32.24. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .985 Lésion cérébrale traumatique – Encadré 33.3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1007 Lésion médullaire – Encadré 33.6. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1016 Trauma maxillofacial – Encadré 33.7 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1019 Choc hypovolémique – Encadré 34.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1047 Choc cardiogénique – Encadré 34.7 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1051 Choc anaphylactique – Encadré 34.11 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1057 Choc neurogénique – Encadré 34.12 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1058 Choc septique – Encadré 34.15. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1069 Syndrome de défaillance multiorganique – Encadré 34.18 . . . . . . . . . . . . . 1081 Phase de réanimation et phase aiguë après une brûlure – Encadré 35.6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1110 Phase de réadaptation après une brûlure – Encadré 35.7 . . . . . . . . . . . . . 1111 Transplantation cardiaque – Encadré 36.8. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1142 Transplantation hépatique – Encadré 36.14. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1152 Transplantation rénale – Encadré 36.17. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1155

Insufsance respiratoire aiguë – Encadré 19.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .593

Transplantation pancréatique – Encadré 36.19 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1157

Syndrome de détresse respiratoire aiguë – Encadré 19.6. . . . . . . . . . . . . . . 601

Purpura thrombopénique idiopathique – Encadré 37.1 . . . . . . . . . . . . . . . . 1164

Pneumonie infectieuse – Encadré 19.9 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .606

Thrombocytopénie induite par l’héparine – Encadré 37.4. . . . . . . . . . . . . . 1167

Pneumonie d’aspiration – Encadré 19.12 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .609

Anémie falciforme – Encadré 37.7 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1170

Embolie pulmonaire – Encadré 19.16 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 614

Coagulation intravasculaire disséminée – Encadré 37.10 . . . . . . . . . . . . . . 1175

Status asthmaticus – Encadré 19.19 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 617

Syndrome de lyse tumorale – Encadré 37.12 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1179

XVI

Tableaux et encadrés spéciques

TABLE DES MATIÈRES PARTIE

1

Fondements généraux              3 CHAPITRE 1 Pratique inrmière en soins critiques

11 12 13 14 15 16 17 18 19 110 111 112 113 114 115

Historique des soins critiques                         5 Soins inrmiers en soins critiques                      5 Soins critiques à l’époque contemporaine               6 Rôle et responsabilité professionnelle de l’inrmière en soins critiques                                   6 Pratique inrmière fondée sur des résultats probants      7 Approche holistique des soins critiques                 9 Approches complémentaires et parallèles en santé       10 Rôle stratégique de l’inrmière dans le système de santé                                11 Pratique inrmière en soins critiques                  11 Aspects technologiques des soins critiques             12 Collaboration interdisciplinaire                       13 Modèles et outils de gestion des soins en interdisciplinarité                               14 Qualité, sécurité et réglementation en matière de soins critiques                         15 Protection de la vie privée et condentialité            17 Milieu de travail sain                               17

43 44 45 46 47 48

Étape 1 : Évaluation initiale des besoins d’enseignement    56 Étape 2 : Planication de l’enseignement               63 Étape 3 : Exécution des interventions                  66 Étape 4 : Évaluation des apprentissages                71 Étape 5 : Documentation                            72 Obstacles à la démarche d’enseignement et à l’apprentissage                                73 49 Besoins d’information des proches d’un client hospitalisé dans une unité de soins critiques                     73 410 Préparation du client et de ses proches au transfert de l’unité de soins critiques                74 CHAPITRE 5 Gestion des dés psychologiques et spirituels 51 52 53 54 55 56 57 58 59

CHAPITRE 6 Altérations et gestion du sommeil

CHAPITRE 2 Enjeux éthiques 21 22 23 24

Éthique et déontologie                               21 Éthique et détresse morale chez l’inrmière              25 Spécicités des soins critiques et leurs enjeux éthiques      28 Processus de prise de décision éthique en situation de soins critiques                         29 CHAPITRE 3 Enjeux juridiques

31 Système juridique et ordre professionnel                37 32 Droits civils et fondamentaux du client                  41 33 Responsabilité professionnelle                        44 CHAPITRE 4 Enseignement au client et à ses proches 41 Dés de l’enseignement au client et à ses proches         55 42 Enseignement                                      55

Stress et psychoneuro-immunologie                   77 État de stress post-traumatique                      78 Anxiété et douleur                                 80 Altération du concept de soi                         81 Risque d’atteinte à la dignité humaine                 83 Enjeux d’ordre spirituel                             83 Adaptation au stress et à la maladie                  85 Client atteint de comorbidités d’ordre psychologique     92 Santé de l’inrmière                                93

61 62 63

Sommeil normal de l’être humain                     97 Perturbation du sommeil                            99 Troubles respiratoires du sommeil                    102 CHAPITRE 7 Altérations et gestion de l’état nutritionnel

71 72 73 74 75 76 77 78 79

Métabolisme des nutriments                        109 Évaluation de l’état nutritionnel                     110 Conséquences et prévention de la malnutrition chez le client malade                              115 Nutrition et altération de la fonction cardiovasculaire      125 Nutrition et altération de la fonction respiratoire        127 Nutrition et altération de la fonction neurologique      128 Nutrition et altération de la fonction rénale            130 Nutrition et altération de la fonction hépatique         132 Nutrition et altération de la fonction endocrine         134 Table des matières

XVII

CHAPITRE 8 Gestion de la douleur 8.1 8.2 8.3 8.4

Caractéristiques de la douleur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139 Évaluation de la douleur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143 Prise en charge de la douleur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 150 Obstacles à l’évaluation et à la prise en charge de la douleur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164 CHAPITRE 9 Évaluation et approche thérapeutique de la sédation, de l’agitation et du délirium

9.1 Sédation et agitation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169 9.2 Délirium . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175 9.3 Syndrome de sevrage de l’alcool et delirium tremens      176

CHAPITRE 14 Troubles cardiovasculaires 14.1 14.2 14.3 14.4 14.5 14.6 14.7 14.8 14.9 14.10 14.11 14.12 14.13

Maladie coronarienne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 375 Infarctus du myocarde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 392 Mort cardiaque subite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 409 Insufsance cardiaque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 410 Cardiomyopathie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 422 Hypertension pulmonaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 426 Endocardite. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 436 Valvulopathies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .440 Maladies athéroscléreuses de l’aorte . . . . . . . . . . . . . . . . 445 Artériopathie périphérique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 449 Maladie de l’artère carotide. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 452 Maladie thromboembolique veineuse . . . . . . . . . . . . . . . . 455 Urgences hypertensives aiguës . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 460

CHAPITRE 10 Soins palliatifs et de n de vie 10.1 10.2 10.3 10.4

PARTIE

Principaux enjeux en soins critiques . . . . . . . . . . . . . . . . . 183 Concepts clés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185 Expériences de n de vie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 190 Traitements médicaux et soins inrmiers . . . . . . . . . . . . . 192

2

Système cardiovasculaire . . . . . . . . .207 CHAPITRE 11 Anatomie et physiologie du système cardiovasculaire

11.1 Anatomie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209 11.2 Physiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222 CHAPITRE 12 Évaluation clinique du système cardiovasculaire 12.1 Entrevue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 233 12.2 Examen physique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 234 CHAPITRE 13 Examens paracliniques du système cardiovasculaire 13.1 Évaluation et surveillance de la fonction cardiovasculaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 251 13.2 Analyses de laboratoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 345 13.3 Examens paracliniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 354

XVIII

Table des matières

CHAPITRE 15 Approche thérapeutique du système cardiovasculaire 15.1 15.2 15.3 15.4 15.5 15.6 15.7 15.8

PARTIE

Stimulateurs cardiaques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 467 Débrillateurs cardioverteurs implantables . . . . . . . . . . . 479 Traitement brinolytique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 481 Interventions par cathétérisme cardiaque. . . . . . . . . . . . . 486 Chirurgie cardiaque. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 498 Dispositifs d’assistance circulatoire mécanique . . . . . . . . 509 Chirurgie vasculaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 515 Pharmacothérapie cardiovasculaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . 519

3

Système respiratoire . . . . . . . . . . . . . . . 533 CHAPITRE 16 Anatomie et physiologie du système respiratoire

16.1 Anatomie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 535 16.2 Physiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .544 CHAPITRE 17 Évaluation clinique du système respiratoire 17.1 Entrevue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 557 17.2 Examen physique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 558 17.3 Résultats d’évaluation d’affections courantes . . . . . . . . . 565

CHAPITRE 18 Examens paracliniques du système respiratoire

22.4 Examens paracliniques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 722 22.5 Analyses du liquide cérébrospinal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 730 22.6 Monitorage au chevet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 731

18.1 Analyses de laboratoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 573 18.2 Examens paracliniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 579 18.3 Monitorage au chevet du client . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 585

CHAPITRE 23 Troubles neurologiques et approche thérapeutique

CHAPITRE 19 Troubles respiratoires 19.1 19.2 19.3 19.4 19.5 19.6 19.7 19.8

Insufsance respiratoire aiguë. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 589 Syndrome de détresse respiratoire aiguë . . . . . . . . . . . . . 596 Pneumonie infectieuse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 602 Pneumonie d’aspiration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 607 Embolie pulmonaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 610 Status asthmaticus                                615 Fuites aériennes pulmonaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 618 Dépendance à la ventilation mécanique à long terme . . . 622

23.1 Troubles neurologiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 741 23.2 Approche thérapeutique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 772

PARTIE

5

CHAPITRE 24 Anatomie et physiologie du système rénal 24.1 Anatomie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 785 24.2 Physiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 788 CHAPITRE 25 Évaluation clinique du système rénal et examens paracliniques

CHAPITRE 20 Approche thérapeutique du système respiratoire 20.1 20.2 20.3 20.4 20.5 20.6 20.7

PARTIE

Oxygénothérapie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 631 Dégagement et ouverture des voies respiratoires . . . . . . 634 Ventilation mécanique effractive. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 647 Ventilation mécanique non effractive . . . . . . . . . . . . . . . . 660 Thérapie de position. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 661 Chirurgie thoracique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 664 Pharmacothérapie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 668

4

Système nerveux. . . . . . . . . . . . . . . . . .675 CHAPITRE 21 Anatomie et physiologie du système nerveux

21.1 Divisions du système nerveux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 677 21.2 Microstructure du système nerveux . . . . . . . . . . . . . . . . . 677 21.3 Système nerveux central . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 680 CHAPITRE 22 Évaluation clinique du système nerveux et examens paracliniques 22.1 Manifestations cliniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 711 22.2 Entrevue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 711 22.3 Examen physique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 711

Système rénal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 783

25.1 25.2 25.3 25.4 25.5

Entrevue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 801 Examen physique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 803 Évaluations complémentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 807 Analyses de laboratoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 810 Examens paracliniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 817 CHAPITRE 26 Troubles rénaux et approche thérapeutique

26.1 Troubles rénaux : insufsance rénale aiguë. . . . . . . . . . . . 821 26.2 Approche thérapeutique : suppléance rénale . . . . . . . . . . 840

PARTIE

6

Système gastro-intestinal. . . . . . . . .857

CHAPITRE 27 Anatomie et physiologie du système gastro-intestinal 27.1 Tube digestif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 859 27.2 Organes accessoires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 867 CHAPITRE 28 Évaluation clinique du système gastro-intestinal et examens paracliniques 28.1 Entrevue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 873 28.2 Examen physique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 873

Table des matières

XIX

283 Analyses de laboratoire                            877 284 Examens paracliniques                            877 285 Résultats d’évaluation d’affections courantes          886 CHAPITRE 29 Troubles gastro-intestinaux et approche thérapeutique 291 Troubles gastro-intestinaux                         891 292 Approche thérapeutique gastro-intestinale            907

PARTIE

7

Système endocrinien                921

CHAPITRE 30 Anatomie et physiologie du système endocrinien 301 302 303 304

Pancréas                                        923 Hypophyse et hypothalamus                        928 Thyroïde                                        930 Glande surrénale                                 932 CHAPITRE 31 Évaluation clinique du système endocrinien et examens paracliniques

311 312 313 314 315

Entrevue                                        937 Pancréas                                        937 Hypophyse                                      939 Thyroïde                                        941 Glande surrénale                                943 CHAPITRE 32 Troubles endocriniens et approche thérapeutique

321 322 323 324 325 326 327 328 329 3210 3211

XX

Neuroendocrinologie du stress et des maladies graves     947 Diabète                                         954 Acidocétose diabétique                            958 Syndrome d’hyperglycémie hyperosmolaire            965 Diabète insipide                                  970 Syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique                           975 Crise thyréotoxique                               977 Coma myxœdémateux                             983 Désordres de la corticosurrénale                    986 Désordre de la médullosurrénale                     987 Insufsance surrénalienne et maladie grave           987

Table des matières

PARTIE

8

Multisystèmes                    991 CHAPITRE 33 Trauma

331 332 333 334 335 336 337 338 339 3310 3311

Mécanisme des traumas                           993 Continuum de soins en traumatologie                 994 Trauma craniocérébral                            1000 Trauma médullaire                               1008 Lésions maxillofaciales                           1018 Lésions thoraciques                              1019 Lésions abdominales                             1026 Lésions génito-urinaires                           1031 Traumas pelviens                                1032 Complications des traumas                        1033 Considérations particulières                       1037 CHAPITRE 34 Chocs, sepsie et syndrome de défaillance multiorganique

341 342 343 344 345

Syndrome de choc                               1041 Choc hypovolémique                             1044 Choc cardiogénique                              1049 Choc distributif                                  1051 Syndrome de défaillance multiorganique             1069 CHAPITRE 35 Brûlures

351 352 353 354 355 356 357

Anatomie et physiologie de la peau                 1085 Étiologie des brûlures                             1086 Risques liés au bas âge et à l’âge avancé             1087 Physiopathologie                                1087 Manifestations cliniques et examens paracliniques     1091 Risques particuliers                              1095 Traitements médicaux et soins inrmiers             1097 CHAPITRE 36 Don et transplantation

361 Don d’organes et de tissus                         1115 362 Immunologie et rejet du greffon                    1125 363 Transplantation d’organes                         1135

CHAPITRE 37 Troubles hématologiques et urgences oncologiques 37.1 Mécanisme de la coagulation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1161 37.2 Troubles hématologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1163 37.3 Urgences oncologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1176

PARTIE

9

Clientèles spéciques . . . . . . . . . . . . . 1183 CHAPITRE 38 Cliente en obstétrique

38.1 38.2 38.3 38.4 38.5 38.6 38.7 38.8 38.9

Étiologie et épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1185 Changements physiologiques chez la mère. . . . . . . . . . . 1189 Anomalies cardiaques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1193 Hypertension gravidique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1197 Coagulation intravasculaire disséminée . . . . . . . . . . . . . 1200 Anomalies pulmonaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1201 Trauma . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1206 Hémorragie postpartum . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1211 État de choc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1212 CHAPITRE 39 Client en pédiatrie

39.1 Particularité de la clientèle pédiatrique en soins critiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1215 39.2 Système et troubles respiratoires . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1222 39.3 Système et troubles cardiovasculaires . . . . . . . . . . . . . . 1235 39.4 Système nerveux et troubles neurologiques . . . . . . . . . . 1245 39.5 Système et troubles gastro-intestinaux . . . . . . . . . . . . . 1250

CHAPITRE 40 Client en gérontologie 40.1 40.2 40.3 40.4 40.5 40.6 40.7 40.8 40.9

Situation de la population âgée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1257 Système cardiovasculaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1262 Système respiratoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1269 Système rénal. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1273 Systèmes digestif et gastro-intestinal . . . . . . . . . . . . . . 1274 Système nerveux central . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1276 Système immunitaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1280 Système tégumentaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1280 Système musculosquelettique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1281 CHAPITRE 41 Client en périanesthésie

41.1 41.2 41.3 41.4 41.5

Choix de l’anesthésie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1285 Anesthésie générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1285 Agents anesthésiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1287 Évaluation et soins périanesthésiques . . . . . . . . . . . . . . 1294 Approche thérapeutique des complications et urgences postanesthésiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1299

Annexe A . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1312 Annexe B . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1364 Sources iconographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1369 Références. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1372 Index 1443

Table des matières

XXI

PARTIE

1 Fondements généraux CHAPITRE 1

Pratique inrmière en soins critiques                  04 CHAPITRE 2

Enjeux éthiques                   20 CHAPITRE 3

Enjeux juridiques                  36

CHAPITRE 7

Altérations et gestion de l’état nutritionnel               108

CHAPITRE 4

Enseignement au client et à ses proches                   54

CHAPITRE 8

CHAPITRE 5

CHAPITRE 9

Gestion des dés psychologiques et spirituels                       76

Gestion de la douleur              138

Évaluation et approche thérapeutique de la sédation, de l’agitation et du délirium        168

CHAPITRE 6

Altérations et gestion du sommeil                       96

CHAPITRE 10

Soins palliatifs et de n de vie      182

chapitre

1

Pratique inrmière en soins critiques

Écrit par : Linda D. Urden, DNSc, RN, CNS, NE-BC, FAAN Adapté par : Vitalie Perreault, inf., M. Sc.

L

e milieu de la santé évolue de façon spectaculaire, à un rythme tel qu’il est presque impossible d’anticiper les événements et de ne pas se laisser distancer par certaines situations. L’effervescence dans laquelle sont plongés les professionnels de la santé ainsi que les clients et les nombreuses difcultés qu’ils éprouvent sont particulièrement agrants dans les unités de soins critiques, où des traitements et des technologies novateurs interagissent avec les efforts soutenus déployés pour prodiguer des soins de qualité et obtenir des résultats positifs. D’un autre côté, on rappelle avec insistance à tous ces professionnels l’importance de l’efcacité et du rapport coûts-efcacité des services de santé. Certains d’entre eux ont d’ailleurs l’impression que la qualité des soins passe au second plan par rapport à l’obligation de limiter les coûts, voire que qualité et efcacité sont incompatibles. Cela dit, il incombe à tous les professionnels de la santé en soins critiques de surmonter individuellement les obstacles actuels dans le cadre de leur champ d’exercice et collectivement dans celui des interventions interdisciplinaires.

Dans ce milieu en pleine mutation, les professionnels de la santé et la clientèle font face à de nombreuses difcultés. Par conséquent, il faut savoir éliminer ou modier les pratiques inefcaces au moment opportun au prot de certaines innovations, an de prodiguer en tout temps des soins de qualité ayant un bon rapport coûts-efcacité. Pour mettre en application les changements qui s’imposent, il faut être disposé avant toute chose à briser le moule des structures et des rôles traditionnels. Rien n’est immuable. Dès lors, la souplesse et la capacité d’adaptation s’avèrent essentielles pour survivre dans le milieu de la santé actuel et maintenir un équilibre à l’échelle individuelle et organisationnelle.

1

Le présent chapitre fait un survol de l’évolution des soins critiques et décrit les tendances et les enjeux qui concernent l’inrmière et les équipes interdisciplinaires en soins critiques à l’heure actuelle. Les éléments d’information qu’il contient constituent un cadre de référence pour divers aspects traités dans la suite de l’ouvrage, comme la prise de décision par l’inrmière, l’approche holistique des soins, l’interdisciplinarité, la pratique fondée sur des résultats probants (PFRP), la qualité des soins et la sécurité des clients.

1.1

Historique des soins critiques

Les soins critiques sont nés d’une prise de conscience de la possibilité de mieux répondre aux besoins des clients présentant une condition de santé aiguë qui menace leur vie en les regroupant dans des unités de soins spécialisées. Dans les années 1800, Florence Nightingale a décrit les avantages qu’il y avait à installer les clients qui venaient de subir une intervention chirurgicale dans une unité de soins distincte. Aux États-Unis, au début des années 1900, une unité de soins intensifs neurochirurgicaux de trois lits a été ouverte au Johns Hopkins Hospital de Baltimore ; peu de temps après, une unité de soins intensifs en néonatalogie a vu le jour à Chicago (Society of Critical Care Medicine [SCCM], 2012). Au Canada, les soins intensifs se sont développés au l de la complexication des interventions chirurgicales. Par exemple, au CHU Sainte-Justine, les lits de soins intensifs initiaux ont été créés au début des années 1970 an d’y accueillir les premiers enfants ayant subi une chirurgie ou une transplantation cardiaque (Lacroix, s.d.). D’importants bouleversements sociétaux ont inué sur l’évolution des soins intensifs en tant que spécialité. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, des unités destinées aux personnes en état de choc ont été créées pour la prise en charge des blessés graves. Après la guerre, la pénurie d’inrmières a contraint les hôpitaux à regrouper les personnes ayant subi une intervention chirurgicale dans des salles de réveil prévues à cet effet, afin qu’ils puissent y faire l’objet d’une surveillance et de soins adéquats. Les technologies mises au point durant les deux guerres mondiales et les expériences vécues au front par les professionnels de la santé ont été un important vecteur du perfectionnement des soins médicaux et inrmiers spécialisés dans

le contexte civil. Puis, les années 1950 ont été marquées par l’avènement de nouveaux traitements, comme la ventilation articielle, et par la nécessité de regrouper les personnes qui les recevaient dans un seul et même lieu.

1.2

Soins inrmiers en soins critiques

Les soins inrmiers en soins critiques sont devenus une spécialité à part entière il y a moins de 60 ans. Jusqu’alors, ils étaient prodigués dans tous les services où se trouvaient des clients dans un état de santé critique. Les interventions médicales et les outils technologiques novateurs ont amené le milieu de la santé à reconnaître le rôle fondamental joué par l’inrmière dans le monitorage et l’observation de ces clients. En effet, le médecin comptait sur elle pour déceler tout changement critique dans leur état en son absence et parfois pour entreprendre un traitement médical d’urgence. À mesure que s’est généralisé le recours à des outils technologiques de pointe pour réaliser des interventions médicales de plus en plus complexes, les centres hospitaliers ont commencé à former des unités de soins spéciales an d’y exploiter efcacement ce nouvel équipement et les compétences de professionnels ayant reçu une formation spécialisée. Ainsi, les soins postopératoires, jusque-là donnés par des inrmières particulières au sein des diverses équipes de soins inrmiers généraux réparties dans l’établissement, ont été concentrés dans des salles de réveil et confiés à des infirmières ayant des connaissances spécialisées en surveillance postopératoire. Il a également été décidé d’isoler les clients dont l’état de santé était très critique dans des unités de soins intensifs médicaux et chirurgicaux an qu’ils puissent y être soignés par des inrmières Chapitre 1

Pratique inrmière en soins critiques

5

détenant des connaissances spécialisées dans ce type de soins. Dans les années 1960, les infirmières avaient déjà commencé à consolider leurs connaissances et à perfectionner leur pratique dans des domaines précis, comme les soins coronariens, la néphrologie et les soins intensifs. Leurs connaissances et leur expertise leur ayant conféré une nouvelle forme d’autorité, elles étaient désormais aptes à assumer nombre de fonctions et de responsabilités jusqu’alors réservées aux médecins dans les unités de soins créées pour la prise en charge des clients nécessitant ce type de soins spécialisés.

1.3

Soins critiques à l’époque contemporaine

De nos jours, les soins critiques sont prodigués dans des unités ou des services spécialisés par une équipe interdisciplinaire de professionnels de la santé ayant suivi une formation avancée dans cette spécialité : intensivistes, médecins spécialistes, inrmières, inrmières cliniciennes, inrmières cliniciennes spécialisées en prévention et contrôle des infections (ICS), inrmières praticiennes spécialisées (IPS), pharmaciens, inhalothérapeutes, travailleurs sociaux, physiothérapeute et ergothérapeutes. L’accent est mis sur le continuum de soins, notamment sur l’efcacité de la transition entre les lieux d’intervention, comme le service des urgences ou le bloc opératoire. Les personnes hospitalisées aux soins critiques présentent une condition de santé aiguë qui menace leur vie. Celles qui se trouvent dans un état de santé très critique nécessitent des soins plus intensifs et une plus grande surveillance que les autres. Au Canada, près de 50 000 inrmières prodiguent des soins à des clients dont l’état de santé est critique (Association des inrmières et inrmiers du Canada [AIIC], 2012). Ces inrmières exercent leur profession dans divers contextes : unités de soins intensifs, salles d’urgence, salles d’opération et salles de réveil (AIIC, 2012). Les compétences de l’inrmière en soins critiques vont bien au-delà de la simple exécution de tâches. Elle mobilise à la fois sa compétence évaluative, ses savoirs et ses habiletés cliniques. Elle est en mesure d’évaluer, de réévaluer et d’intervenir rapidement en fonction de changements subtils survenus dans l’état du client ou d’une détérioration de celui-ci (Jost, Bonnell, Chako et al., 2010). La création d’unités de soins intermédiaires faisant partie intégrante du continuum de soins critiques est une pratique de plus en plus répandue dans les établissements de soins aigus. Il y a quelques années, on aurait hospitalisé exclusivement aux soins critiques les clients qui sont aujourd’hui admis aux soins intermédiaires. L’emploi de nouvelles technologies, l’amélioration des dispositifs de monitorage, l’existence de nouveaux modèles de prestation

6

Partie 1

Fondements généraux

des soins et la spécialisation de la formation des inrmières sont autant de facteurs qui expliquent pourquoi les unités de soins intermédiaires sont aujourd’hui considérées comme un milieu de soins mieux adapté au client plus stable et plus autonome, qui nécessite des soins moins complexes et un monitorage des paramètres physiologiques moins étroit. Les unités de soins intermédiaires servent donc de lieu de transition entre les unités de soins critiques et les unités de soins médicaux et chirurgicaux tout en garantissant la prestation de soins de haute qualité ayant un bon rapport coûts-efcacité (Stacy, 2011). Comme elles sont réparties dans divers services des établissements de soins aigus, il est possible de réserver les lits des unités de soins critiques aux clients qui nécessitent les soins les plus intensifs et une surveillance très étroite (Association canadienne des infirmières et infirmiers en soins intensifs [ACIISI], 2009).

1.4

Rôle et responsabilité professionnelle de l’inrmière en soins critiques

Des associations professionnelles soutiennent les praticiens en soins critiques en leur fournissant des ressources et l’accès à de nombreux réseaux. Par exemple, la SCCM est une association internationale et interdisciplinaire couvrant diverses spécialités. Elle s’est donnée pour mission de garantir la prestation de soins de la plus haute qualité ayant un rapport coûts-efcacité optimal à toutes les personnes hospitalisées aux soins critiques (SCCM, 2012). Elle propose en outre aux praticiens concernés nombre de publications et de possibilités de formation qui les tiennent informés des dernières avancées dans leur spécialité. L’ACIISI a été créée en 1983 de la fusion de la National Society of Critical Care Nurses et de la Niagara Association of Critical Care Nurses. L’ACIISI est l’association qui entretient les relations les plus étroites avec les inrmières en soins critiques. Cet organisme spécialisé sans but lucratif se consacre au maintien et à l’amélioration de la qualité des soins axés sur le client et ses proches en répondant aux besoins en matière d’éducation des inrmières et inrmiers en soins critiques. Entre autres, elle élabore des normes actuelles et fondées sur des résultats probants pour la pratique inrmière en soins critiques en plus de favoriser l’apprentissage en vue de l’obtention de la certification de l’AIIC dans le domaine des soins intensifs (ACIISI, 2013). Par ailleurs, l’ACIISI prône diverses valeurs et convictions auprès des inrmières travaillant en soins critiques. Ces valeurs sont les suivantes : • l’excellence et le leadership par la collaboration, le partenariat, l’éducation et la recherche ;

• la dignité et l’humanisme en priorisant des environnements de soins critiques respectueux, thérapeutiques et humains empreints de compassion ; • l’intégrité et l’honnêteté par la responsabilité et le courage dans la défense des convictions inrmières et la promotion de relations ouvertes et honnêtes. L’ACIISI a également établi des normes de soins inrmiers qui constituent un cadre de référence pour l’inrmière en soins critiques. Il faut préciser que la pratique varie selon le milieu dans lequel l’inrmière exerce ses fonctions et le type de clients qui y est pris en charge.

1.4.1

Normes pour la pratique inrmière en soins critiques

L’inrmière prodigue des soins aux personnes qui sont dans un état de santé critique et contribue à leur prise en charge en assumant des fonctions diverses. Le rôle le plus courant de l’inrmière est celui d’offrir des soins en continu. L’ACIISI (2009) dénit le rôle et les responsabilités de l’inrmière en soins critiques sous forme de normes ENCADRÉ 1.1 3 . Celles-ci décrivent les activités exercées par l’inrmière qui soigne le client atteint d’une affection aiguë ou qui se trouve dans un état critique et qui est hospitalisé dans un établissement de santé. Ces normes sont des énoncés faisant autorité qui précisent les critères d’évaluation de la qualité des soins inrmiers (niveau de soins et prestation des soins). En somme, elles dénissent le rôle et les responsabilités qui incombent à l’inrmière en établissant la référence en matière de soins et de pratique inrmiers en soins critiques.

1.4.2

Inrmière ayant un rôle étendu

Dans une unité de soins critiques, toute inrmière ayant un rôle étendu interagit avec les clients, leurs proches et l’équipe soignante. L’inrmière gestionnaire de cas s’emploie, en étroite collaboration avec les autres professionnels de la santé, à fournir à la clientèle des soins et des services adéquats dans des délais raisonnables et à garantir la continuité des soins d’un lieu d’intervention à l’autre. Les inrmières monitrices, les inrmières cliniciennes, les IPS en cardiologie ou en néonatologie et les ICS sont des exemples d’inrmières assumant un rôle étendu et qui peuvent contribuer à la prestation des soins dans un contexte de soins critiques. Le type d’inrmières au rôle étendu à intégrer dans l’équipe de soins est déterminé en fonction des besoins du client et des ressources dont dispose l’établissement.

1.4.3

Inrmière praticienne spécialisée

L’IPS satisfait à des exigences en matière de formation et de pratique clinique supérieures à celles de la formation de base en soins inrmiers. Les IPS qui

1

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 1.1

Appliquer les normes de l’Association canadienne des inrmières et inrmiers en soins intensifs pour la pratique en soins critiques

1. Se servir de compétences supérieures et de connaissances spécialisées pour pouvoir sans cesse évaluer, surveiller et assurer la prise en charge du client dans le but de favoriser un équilibre physiologique optimal. 2. Favoriser et faciliter le confort et le bienêtre optimaux dans un environnement hautement technologique, souvent étranger au client et à sa famille. 3. Favoriser des partenariats bénéques avec le client et sa famille, basés sur la conance, la dignité, le respect, la communication et la collaboration. La famille se dénit par le client. 4. Administrer des soins dans un environnement à haut risque, participer aux initiatives de sécurité et adhérer aux pratiques exemplaires.

5. Lorsque les technologies essentielles au maintien de la vie ne sont plus bénéques, accompagner le client et sa famille dans la transition d’un traitement actif vers une mort sereine. 6. Encourager une pratique collaborative au cours de laquelle l’apport du client, de la famille et de chacun des intervenants en soins de santé est sollicité, reconnu et estimé de manière non hiérarchique. 7. Démontrer du leadership en encourageant une culture des soins critiques favorable à la collaboration, à l’amélioration de la qualité, à la sécurité, à la croissance professionnelle et à l’utilisation judicieuse des ressources.

Source : Adapté de ACIISI (2009)

exercent le plus souvent dans les unités de soins critiques possèdent des connaissances et une expertise approfondies dans un domaine de spécialité et gèrent des problèmes cliniques ou des troubles de santé complexes. Le système organisationnel et les ressources dont dispose un établissement déterminent et dénissent le rôle que peut endosser l’IPS. Selon l’Ordre des inrmières et des inrmiers du Québec (OIIQ) (2012), en plus des 14 activités réservées à l’inrmière, les IPS québécoises peuvent, sous certaines conditions, exercer cinq activités traditionnellement réservées aux médecins :

3 Le chapitre 3, Enjeux juridiques, détaille les critères de pratique des sept normes de l’ACIISI.

1. prescrire des examens paracliniques ; 2. utiliser des techniques diagnostiques effractives ou présentant des risques de préjudice ; 3. prescrire des médicaments et d’autres substances ; 4. prescrire des traitements médicaux ; 5. utiliser des techniques ou appliquer des traitements médicaux effractifs ou présentant des risques de préjudice.

1.5

Pratique inrmière fondée sur des résultats probants

À l’origine, la pratique médicale et la pratique inrmière reposaient en grande partie sur l’intuition et sur des traditions n’ayant aucun fondement scientique. Bien souvent, ces traditions et ces rituels, qui étaient fondés sur le folklore, l’instinct, la

Chapitre 1

Pratique inrmière en soins critiques

7

recherche par tâtonnement et les préférences personnelles, se transmettaient d’une génération de praticiens à l’autre (Loiselle, Profetto-McGrath, Polit et al., 2007). Ainsi, le maintien de la position de Trendelenburg en cas d’hypotension, l’emploi de sondes rectales pour prendre en charge l’incontinence fécale, l’évaluation des résidus gastriques visant à réduire le risque d’aspiration, la prise de la température corporelle et la nécessité de procéder à une aspiration toutes les deux heures chez les personnes sous ventilation articielle sont autant d’exemples d’interventions inrmières en soins critiques n’ayant pas de fondement scientique. La PFRP est essentielle pour prodiguer aux clients des soins sécuritaires et de qualité (Makic, VonRueden, Rauen et al., 2011). L’ampleur et la multiplicité des changements qui sont survenus dans le milieu de la santé ainsi que la place grandissante accordée à une approche de soins intégrés ont conduit à l’importance de démontrer l’efcacité des traitements et des pratiques par rapport aux résultats escomptés. Au centre des préoccupations se trouve l’amélioration de l’efcacité, du rapport coûts-efcacité, de la qualité de vie et du taux de satisfaction du client. C’est donc dire qu’il est devenu essentiel pour l’inrmière de se fonder sur les meilleurs résultats probants du moment pour décider des soins à prodiguer au client et pour exécuter les interventions inrmières qui s’imposent (Cullen & Adams, 2012 ; Makic et al., 2011). En adoptant une démarche fondée sur des résultats de recherche scientiques, et donc susceptibles d’expliquer et de prévoir les phénomènes, l’inrmière réalise des interventions qui donnent systématiquement des résultats positifs. Le contenu du présent ouvrage est lui-même fondé sur des résultats de recherche : des résumés de récents travaux se trouvant à l’avant-garde de la recherche et présentant un intérêt pour les sujets abordés sont fournis au gré des chapitres. Cela dit, dans un système de santé de plus en plus complexe et en perpétuelle mutation, il n’est pas aisé d’élaborer des PFRP. Il faut concevoir des études adéquates pour répondre aux questions de recherche clinique qui se posent et exploiter les résultats de ces études pour apporter les changements nécessaires aux pratiques en cours. De multiples modèles de PFRP et d’utilisation des données de recherche aident les praticiens à exploiter les résultats des études de recherche. L’Iowa model of evidence-based practice to promote quality care est un exemple de modèle dans lequel les résultats probants et les données de recherche servent de base à la pratique (Titler, Kleiber, Steelman et al., 2001). Cullen et Adams (2012) décrivent quant à eux un cadre de référence en quatre grandes étapes pour l’instauration de PFRP : 1) la sensibilisation ; 2) l’approfondissement des connaissances et la

8

Partie 1

Fondements généraux

mobilisation ; 3) le passage à l’action et à l’instauration ; 4) l’intégration et l’utilisation systématique. Chaque étape comprend de multiples stratégies qui facilitent le passage à l’étape suivante. D’après les auteurs, ce modèle convient tout particulièrement aux organisations statiques complexes. Parallèlement à l’accroissement exponentiel des publications sur les PFRP (rapports et autres types de documents) et de l’adhésion à ce type de pratiques, d’aucuns s’interrogent sur les coûts qu’elles peuvent engendrer. Newhouse (2010) afrme qu’il s’agit là d’un problème complexe et que les économistes ne se limitent pas au coût de la main-d’œuvre et de l’équipement dans leurs analyses. L’une des méthodes d’évaluation qu’elle propose tient compte de celui qui prend les coûts en charge. Un article publié récemment aux ÉtatsUnis faisait état des coûts estimatifs par événement de plusieurs maladies nosocomiales. On y estime le coût des soins fournis pour une infection des voies urinaires associée au port d’une sonde urinaire à 758 $ US, celui d’une chute à 4 233 $ US et celui d’un épisode iatrogène grave évitable (neverevent) lié à une intervention chirurgicale à 62 000 $ US. Il s’agit fort probablement dans tous les cas d’une sous-estimation des coûts réels ; en tout état de cause, il est aisé d’apprécier les répercussions considérables de tels événements, qui sont d’autant plus évitables que l’on dispose de sufsamment de résultats probants pour les prévenir (Schifalacqua, Soukup, Kelley et al., 2012). Ainsi, ce sont les praticiens curieux qui s’efforcent d’adopter des pratiques exemplaires en se fondant sur des données valides et ables qui prodigueront des soins de qualité centrés sur les résultats. La PFRP tient compte des meilleurs résultats probants connus quant au type de soins considéré, à l’expertise de l’inrmière et aux préférences du client. Par exemple, pour déterminer la fréquence de la prise des signes vitaux, l’inrmière tient compte de résultats de recherche, de son propre jugement (vulnérabilité et capacité de résistance du client ; stabilité, complexité et prévisibilité de son état) (Schulman & Staul, 2010) et des préférences du client (diminution de la fréquence des interruptions et possibilité de dormir plus longtemps). Dans d’autres circonstances, l’inrmière appliquera un protocole ou une procédure fondés sur des résultats probants. Un protocole fondé sur des résultats probants peut servir par exemple à diminuer la prévalence du port d’une sonde urinaire et le nombre de cas d’infections des voies urinaires qui y sont associées dans une unité de soins critiques (Gray, 2010). L’American Association of Critical Care Nurses (AACN) a publié plusieurs résumés sur la PFRP sous la forme de Practice Alert. Il s’agit de courtes

directives faciles à consulter portant sur différents aspects de la pratique (soins buccaux, monitorage non effractif de la pression artérielle, monitorage du segment ST). Outre qu’elles sont succinctes et étayées par des données probantes, ces directives portent aussi bien sur les soins inrmiers que sur les interventions interdisciplinaires. Chaque Pratice Alert comprend des renseignements cliniques sur une pratique suivis des références qui étayent cette pratique (AACN, 2012c) 20 .

dimensions physique, psychique et spirituelle sont interdépendantes et indissociables. Par conséquent, elle préconise de prendre toutes ces dimensions en compte dans la planification et la prestation de soins (Mariano, 2001). À cet effet, Galvin (2010) précise que la science du caring, lorsqu’elle est intégrée à la vie de l’inrmière, permet d’offrir des soins englobant « la tête », « les mains » et « le cœur » de l’inrmière an d’offrir des soins critiques quotidiens de manière holistique.

1.6.2

1.6 1.6.1

Approche holistique des soins critiques Caring

Reposant sur une technologie de pointe, les soins critiques évoluent rapidement et sont centrés sur le monitorage et sur le traitement de tout changement dans l’état du client susceptible d’inuer sur son pronostic vital. Les outils technologiques et les traitements de pointe nécessaires au maintien de la stabilité des paramètres physiologiques du client ne reètent qu’en partie ce que représentent les soins critiques. Outre le recours à tous ces outils technologiques et la pratique d’interventions de soins précis, l’inrmière adopte une approche humaniste de caring lui permettant de guider sa pratique en soins critiques même si, parfois, il peut lui paraître difcile de croire qu’une telle approche puisse subsister dans un tel environnement. Or, O’Connell et Landers (2008) ont démontré qu’il y a signicativement plus de similarités que de différences quant à l’importance du caring et de sa place dans un contexte de soins critiques. Leur étude a permis une meilleure compréhension des attitudes de caring des inrmières en soins critiques qui favorisent des soins centrés sur le client et ses proches. De plus, il a été clairement démontré qu’un environnement de soins critiques, impliquant une technologie axée sur le maintien de la vie ou sur la réanimation de clients, favorisera un rapprochement entre les inrmières d’expérience, les clients et leurs proches (McGrath, 2008). Le caring en tant que tel joue un rôle fondamental dans la relation qui s’établit entre l’inrmière et le client et dans l’expérience que vit ce dernier. Absence et détachement, interactions empreintes d’antipathie et de condescendance et refus de tenir compte des caractéristiques du client sont autant de comportements qui vont à l’encontre du concept de caring. À l’inverse, l’approche holistique des soins vise essentiellement à concevoir l’être humain comme un tout indivisible dont les

1

Un exemple de protocole systématique de soins buccodentaires adapté aux PFRP canadiennes est présenté dans le chapitre 20, Approche thérapeutique du système respiratoire.

Soins inrmiers personnalisés

Si les professionnels de la santé ont bien compris que l’évolution de l’état physique du client passe par diverses étapes prévisibles et qu’elle dépend de la présence ou de l’absence de maladies concomitantes, ils ne maîtrisent pas aussi bien les effets des paramètres psychosociaux sur le processus de guérison. Par conséquent, ils doivent s’efforcer de cerner les interventions qui seront adaptées aux caractéristiques du client et qui seront susceptibles d’avoir des effets positifs sur son état et de favoriser l’atteinte des résultats escomptés. Le soutien familial des proches demeure une composante importante des soins prodigués et du processus de rétablissement du client dont l’état de santé est critique. En conséquence, il ne faut pas sous-estimer les effets positifs des soins centrés sur le client et les proches (Phaneuf, 2011). En fait, il est important d’associer les proches du client à la prise de décision et de les encourager à participer à la prestation des soins selon les besoins et le degré d’autonomie de ce dernier.

1.6.3

20

i Au Canada, l’Association des inrmières et inrmiers auto­ risés de l’Ontario a conçu un site Internet détaillé donnant accès à différentes PFRP sous forme de Best Practice Guide­ lines accessibles gratuitement sur le site de l’Association (http://rnao.ca).

Soins inrmiers transculturels

La question de la diversité culturelle dans le milieu de la santé ne date pas d’hier, mais elle se pose avec une acuité grandissante à mesure que les innovations technologiques et les échanges internationaux favorisent une ouverture totale sur le monde. La sensibilisation aux réalités culturelles englobe non seulement la conscientisation à la diversité ethnique, mais aussi la sensibilisation et une ouverture d’esprit à la diversité des modes de vie, des opinions, des valeurs et des croyances. Plus de 16 % des Canadiens appartiennent à une minorité ethnique ou visible (Statistique Canada, 2008). Les principales minorités recensées au Canada sont formées de personnes des Premières Nations, de personnes d’origine africaine, latino-américaine et asiatique. Les croyances et les particularités culturelles de ces minorités sont très différentes et évoluent selon l’acculturation et l’assimilation des minorités (Andrews & Boyle, 2008 ; Giger & Davidhizar, 2008).

Chapitre 1

Pratique inrmière en soins critiques

9

Il est impossible de fournir des soins de santé optimaux à un client en évacuant la dimension culturelle. Depuis peu, les différences qui existent entre les divers groupes ethniques sur les plans physiologique et physiopathologique (apparition et évolution des maladies) font l’objet d’un intérêt réel. En fait, les professionnels de la santé doivent être plus sensibles aux besoins de ces groupes en matière de soins de santé et aux facteurs de vulnérabilité qui leur sont propres. La sensibilisation aux réalités culturelles d’une personne permet d’incorporer au plan de soins les particularités propres à celle-ci (Gonzales, Gooden & Porter, 2000 ; Leonard & Plotnikoff, 2000). Ainsi, l’inrmière connaît les particularités bioculturelles, psychosociales et linguistiques du groupe ethnique auquel appartiennent le client et ses proches an d’évaluer le client correctement, et elle adapte ses interventions en conséquence.

1.7

Approches complémentaires et parallèles en santé

Les clients font de plus en plus entendre leur voix, et ils militent en faveur de soins de qualité qui ont un bon rapport coûts-efficacité tout en étant empreints d’humanité. En outre, ils cherchent à savoir s’il existe d’autres options que la médecine occidentale pour traiter troubles et maladies. Ainsi, la demande pour les pratiques séculaires qui sont dites « parallèles » ou « complémentaires » à la médecine occidentale s’est accrue (Lindquist & Kirksey, 2000 ; Lindquist, Sendelbach, Windenburg et al., 2008). Ce type de pratique est adopté dans tous les contextes de soins, y compris dans les unités de soins critiques. Les approches complémentaires offrent aux clients, à leurs proches et aux professionnels de la santé d’autres options susceptibles de favoriser la guérison et le rétablissement (Kreitzer & Jensen, 2000). Les expressions « approche alternative » et « approche complémentaire » sont entrées dans l’usage depuis des années. L’adjectif « alternatif » qualie un traitement qui représente une solution de rechange au traitement classique d’une maladie ou d’un état pathologique. Quant à l’adjectif « complémentaire », il a été proposé pour qualier un traitement destiné à renforcer ou à compléter un traitement classique (Kreitzer & Jensen, 2000). Les sections qui suivent décrivent brièvement quelques exemples d’approches complémentaires adoptées par certaines unités de soins critiques.

1.7.1

Spiritualité et prière

Les personnes qui vivent une situation tragique, critique et inattendue cherchent à donner un sens à cette situation et s’interrogent sur la voie à

10

Partie 1

Fondements généraux

suivre ; leur spiritualité prend alors une plus grande importance dans leur vie (Holt-Ashley, 2000). De même, les professionnels de la santé s’appuient sur leurs propres croyances spirituelles pour gérer leur stress et donner un sens aux multiples problèmes de santé auxquels ils doivent faire face quotidiennement. Les pratiques spirituelles sont basées sur des valeurs et sur des croyances personnelles ; elles englobent la méditation, la prière et la lecture d’ouvrages spirituels (Eldridge, 2007). Holt-Ashley (2000) explique comment incorporer la prière aux pratiques en cours dans les unités de soins critiques en se centrant sur les clients, leurs proches et les inrmières. Elle présente également quelques stratégies permettant de créer un milieu propice au bien-être spirituel des clients et du personnel.

1.7.2

Rêve éveillé dirigé

Comptant parmi les traitements complémentaires les mieux étudiés, le rêve éveillé dirigé est une intervention axée sur le corps et l’esprit fréquemment utilisée pour atténuer le stress, la douleur et l’anxiété (Tusek & Cwynar, 2000). Il procure également plusieurs bienfaits et avantages : diminution des effets indésirables du traitement ; réduction de la durée du séjour au centre hospitalier ; baisse du coût de ce séjour ; amélioration de la qualité du sommeil ; et amélioration de la satisfaction du client (Tusek & Cwynar, 2000). Ce type d’intervention a de plus l’avantage d’être peu coûteux et assez facile à réaliser. La participation du client au processus lui confère un sentiment de maîtrise sur sa vie et celui d’avoir atteint ses objectifs, et il favorise l’autoprise en charge.

1.7.3

Massage

Le massage du dos ne fait plus partie des soins usuels prodigués aux clients, et ce, pour diverses raisons, notamment les contraintes de temps, l’importance grandissante des outils technologiques et la complexication des exigences en matière de soins. Toutefois, des données scientiques conrment les effets positifs du massage sur les plans physiologique et psychologique. Un examen exhaustif des publications a révélé que la plupart du temps, le massage avait pour effet d’atténuer l’anxiété, et que certains rapports faisaient état d’une importante diminution de la tension ressentie par le client. Il en est également ressorti que le massage favorisait d’autres réactions physiologiques positives : diminution des fréquences respiratoire et cardiaque et apaisement de la douleur. En revanche, les données portant sur les effets du massage sur le sommeil n’étaient pas concluantes. Les auteurs de l’examen ont conclu que le massage est un traitement complémentaire efcace pour favoriser la relaxation et apaiser la douleur et qu’il doit être incorporé à la pratique inrmière (Richards, Gibson & Overton-McCoy, 2000).

1.8

Rôle stratégique de l’inrmière dans le système de santé

La situation actuelle du milieu de la santé exige que le cadre de référence de la pratique inrmière soit souple et adapté aux besoins des clients qui nécessitent des soins. L’OIIQ dénit les soins inrmiers comme étant un « processus dynamique visant le maintien, le rétablissement ou l’amélioration de la santé, du bien-être et de la qualité de vie d’une personne (famille, groupe ou collectivité), la prévention de la maladie, des accidents, des problèmes sociaux ainsi que la réadaptation. Ce processus englobe l’évaluation et la surveillance de l’état physique et mental, la détermination du plan thérapeutique inrmier et du plan de soins et de traitements inrmiers, les activités liées aux soins et aux traitements inrmiers et médicaux ainsi que l’information, le conseil professionnel, l’enseignement, l’orientation et le soutien au client » (OIIQ, 2010). Toutes les interventions inrmières ne sont pas indépendantes ; certaines sont fonction des interventions d’autres professionnels de la santé. Il est donc essentiel de créer un véritable partenariat entre ces professionnels.

1.9

Pratique inrmière en soins critiques

Benner et ses collaboratrices (1999) ont mené des études auprès d’inrmières en soins critiques an de mieux appréhender leur jugement clinique et leurs interventions ainsi que les liens qui unissent ces deux aspects de la pratique. Elles ont établi deux grandes catégories liées aux processus de réexion et d’intervention et neuf catégories liées à la pratique qui illustrent l’exercice du jugement clinique et l’acquisition de connaissances cliniques chez ces infirmières. Ces catégories, qui demeurent une référence aujourd’hui, sont énumérées dans l’ENCADRÉ 1.2. De manière plus spécique, au moment de l’évaluation d’un symptôme et de l’histoire de santé, les outils mnémoniques PQRSTU et AMPLE (OIIQ, 2007) permettent à l’inrmière de collecter des données complètes et pertinentes en lien avec la situation de santé actuelle du client 4 . Idéalement, an de réaliser une évaluation complète, le client est conscient et capable de répondre aux questions. Par contre, en présence d’un client inconscient ou incapable de répondre, les réponses à certaines questions peuvent être obtenues en détail ou en partie auprès d’un proche ou d’un accompagnateur. Par exemple, à la suite d’un accident de travail, le collègue accompagnateur peut certainement orienter l’inrmière sur ce qui a provoqué (P) le trauma ainsi que sur le moment (T) où l’accident est survenu. De plus, un parent proche peut donner des renseignements sur

1

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 1.2

Catégories liées aux processus de réexion et d’intervention et à la pratique de l’inrmière en soins critiques

PROCESSUS DE RÉFLEXION ET D’INTERVENTION

1. Compréhension et recherche d’information clinique : détection des problèmes et réso­ lution clinique de ceux­ci 2. Anticipation clinique : anticipation et prévention des problèmes éventuels PRATIQUE

1. Effectuer des examens paracliniques selon une ordonnance et prendre en charge tout changement dans les fonctions vitales des clients dont l’état n’est pas stable. 2. Gérer une crise en se servant de compé­ tences spécialisées pointues.

3. Prodiguer des soins palliatifs aux clients qui sont dans un état critique. 4. Accompagner les proches des clients. 5. Prévenir les risques inhérents à l’utilisation d’outils technologiques. 6. Savoir faire face à la mort (soins de n de vie et prise de décision relative à la n de vie). 7. Savoir communiquer et gérer de multiples perspectives. 8. Surveiller la qualité des soins et savoir gérer d’éventuelles interruptions dans les soins. 9. Posséder les compétences spécialisées nécessaires dans l’exercice de leadership clinique, d’encadrement et de mentorat.

l’histoire de santé du client concernant les allergies (A), les médicaments pris quotidiennement (M) ainsi que sur les antécédents de chirurgies ou de problèmes de santé chronique (P). L’inrmière aurait avantage à ne pas sous-estimer la quantité ni la qualité des renseignements que peut lui procurer l’entourage du client.

1.9.1

Démarche de soins

La démarche de soins constitue une méthode de prise de décisions cliniques. En fait, c’est un modèle dénissant pour l’inrmière une façon de penser et d’agir au regard d’un phénomène clinique donné. Ce modèle systématique est cyclique et non linéaire. Dans sa phase d’évaluation, il comprend une boucle de rétroactions qui permet de vérier systématiquement la qualité des décisions prises. La démarche de soins ne se réduit pas à une simple méthode de résolution des problèmes cliniques. Si, à l’instar des méthodes classiques de résolution des problèmes, elle constitue une approche systématique et organisée des problèmes cliniques, elle s’en distingue par le fait que sa mise en œuvre est continue et non intermittente. Ainsi, l’inrmière réévalue continuellement les changements dans l’état de santé du client de manière à ajuster ses interventions en fonction de ceux-ci.

4 Les méthodes PQRSTU et AMPLE sont présentées en détail dans le chapitre 4, Enseignement au client et à ses proches.

Plan thérapeutique inrmier Les inrmières sont responsables de leur évaluation clinique, de la surveillance qui en découle et du suivi effectué auprès de la clientèle. An de documenter les décisions de l’inrmière, l’OIIQ a mis au point le plan thérapeutique inrmier (PTI) (OIIQ, 2006) ENCADRÉ 1.3. Grâce au PTI, les décisions cliniques Chapitre 1

Pratique inrmière en soins critiques

11

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 1.3

Extrait d’un plan thérapeutique inrmier pour un client hospitalisé aux soins intensifs coronariens CONSTATS DE L’ÉVALUATION

Date

Heure



Problème ou besoin prioritaire

Initiales

RÉSOLU / SATISFAIT Professionnels / Date Heure Initiales Services concernés

2013-08-19 15:00

1

Syndrome coronarien aigu (SCA)

V.P.

Cardiologue

2013-08-19 15:00

2

Ballon intra-aortique (BIA)

V.P.

Perfusionniste, cardiologue

2013-08-20 08:00

3

Hémodynamie pour coro +/- dilatation

V.P.

Hémodynamicien

SUIVI CLINIQUE Date

Heure



Directive inrmière

2013-08-19

15:00

1

Suivi standard SCA + protocole SCA

V.P.

2013-08-19

15:00

2

Suivi standard BIA

V.P.

2013-08-19

15:00

2

Évaluation du site de BIA et radiale droite à chaque tournée au client

V.P.

2013-08-19

15:00

2

Évaluation des risques de saignement (plaquettes)

V.P.

2013-08-20

08:00

3

Soins pré-post hémodynamie

V.P.

Signature de l’inrmière

Valérie Perreault, inf.

Initiales

V.P.

Programme / Service

Constats de l’évaluation En faisant des constats de l’évaluation, l’inrmière détermine des problèmes et des besoins prioritaires du client (OIIQ, 2006). En se basant sur son jugement clinique, elle établit les constats de manière à dénir le prol clinique du client. En rédigeant les constats de manière chronologique, tout en faisant une mise à jour quotidienne, l’inrmière assure une continuité des soins pertinente et basée sur la situation clinique actuelle du client.

Suivi clinique An de rendre compte du suivi clinique en lien avec les constats de l’évaluation, l’inrmière rédige certaines directives associées aux problèmes ou aux besoins déterminés (OIIQ, 2006). Ces directives inrmières sont directement liées à une PFRP. En effet, l’inrmière tient compte des résultats probants pour formuler ses directives et les ajuster par la suite selon l’évolution de l’état clinique du client et l’efcacité des traitements en place. De plus, l’OIIQ (2006) souligne que les directives inrmières relatives à la surveillance clinique sont essentielles à un suivi

Partie 1

Fondements généraux

Signature de l’inrmière

Initiales

CESSÉE / RÉALISÉE Date Heure Initiales

Programme / Service

Soins intensifs coronariens

de l’inrmière, basées sur son évaluation, sont facilement accessibles an de permettre un suivi clinique rigoureux du client. Étant donné l’importance de cet outil, l’OIIQ en a fait une documentation obligatoire en avril 2009. Le PTI comporte, en plus des signatures des intervenants, deux sections principales : les constats de l’évaluation et le suivi clinique.

12

Initiales

clinique approprié en permettant à l’inrmière de déterminer et d’ajuster le type de surveillance nécessaire au client, en plus de mettre à contribution les autres membres de l’équipe de soins.

1.10

Aspects technologiques des soins critiques

Les nouvelles technologies occupent une place de plus en plus importante dans le système de santé, en particulier dans les unités de soins critiques. Il est exigé de tous les professionnels de la santé qu’ils apprennent à utiliser un nouvel équipement, de nouveaux dispositifs de monitorage et de nouvelles stratégies thérapeutiques connexes qui contribuent à l’amélioration des soins et des services. Le dossier de santé électronique (DSE) en est un exemple ; ce projet en constante évolution devait à l’origine permettre d’enregistrer des données facilitant la prise de décisions cliniques et d’accroître l’efcacité des professionnels de la santé. C’était sans compter la complexité inhérente à la création d’un DSE convivial. C’est cette complexité qui explique pourquoi il a été impossible à ce jour de mettre au point un DSE susceptible de répondre aux besoins de divers types de cliniciens, de reéter dèlement le déroulement de leur travail et leurs processus de réflexion respectifs. Il faut ajouter à cette profonde lacune le fait que malgré l’adoption par les professionnels de la santé

de solutions de rechange visant à contourner les difcultés posées par certains logiciels ou par des procédures, il n’y a pas eu d’importante réduction du nombre d’erreurs ni de hausse notable de la productivité. En fait, les technologies actuelles permettent d’obtenir une quantité impressionnante de données, mais celles-ci ne sont pas converties en éléments d’information utiles susceptibles d’éclairer les prises de décisions (Harrington, Kennerly & Johnson, 2011). En conséquence, il est important pour l’inrmière en soins critiques de participer activement à la sélection, à la mise à l’essai et à l’évaluation de tout nouvel outil informatique susceptible d’être utilisé sur son lieu de pratique, ainsi qu’aux activités de formation connexes. Les spécialistes en technologie de l’information et de la communication, les formateurs et les gestionnaires doivent eux aussi jouer un rôle dans le processus de sélection an que toutes les perspectives soient prises en compte (McLane & Turley, 2011). Un autre domaine nécessite la participation active de l’inrmière en soins critiques : celui de l’évaluation des nouveaux produits intégrés au système. Ces derniers peuvent passer par divers circuits pour pénétrer dans le système (salons professionnels, médecins, fournisseurs, service d’approvisionnement). En tout état cause, tous les nouveaux produits proposés doivent être examinés par un comité ou un groupe central, qui aura établi des critères de sélection, de mise à l’essai, d’évaluation, d’adoption des produits et de diffusion d’information sur ceux-ci. Parmi les critères qui peuvent guider l’évaluation initiale des nouveaux produits gurent l’utilité clinique, les besoins cliniques à combler, le coût du produit, les coûts additionnels et la sécurité (Tottle, 2008). Un tel processus d’évaluation permet de systématiser et de normaliser la sélection des produits au sein de l’établissement. Depuis peu, le rôle de l’inrmière en soins critiques englobe parfois l’exercice de certaines fonctions au sein d’une unité de soins intensifs à distance. À l’origine, la télémédecine (médecine à distance) se limitait aux consultations externes, aux régions rurales éloignées et aux régions aux prises avec une pénurie de médecins. De nos jours, des unités de soins intensifs à distance sont créées pour pallier le manque de ressources dans certains établissements. Ces unités sont formées d’experts (inrmières en soins critiques, intensivistes) se trouvant dans un centre éloigné et pouvant exercer une surveillance à distance permanente des clients grâce à des outils technologiques qui leur transmettent les données du monitorage et leur permettent de communiquer avec les collègues sur place. Les unités de soins intensifs à distance se distinguent les unes des autres par leur taille et leur emplacement ; cependant, elles ont toutes un point commun important : elles offrent les services d’experts qui ne sont pas sur place. À ce sujet,

Goran (2011) décrit les compétences que doit posséder l’inrmière en soins critiques qui exerce sa profession au sein d’une unité de soins intensifs à distance.

1.11

1

Collaboration interdisciplinaire

S’imposant de plus en plus dans le milieu de la santé, l’approche intégrée de gestion des soins a mis en avant la nécessité d’examiner les méthodes de prestation des soins et les démarches de soins de tous les professionnels de la santé. Il est apparu que l’interdisciplinarité et les partenariats amélioraient la qualité des soins et des services tout en limitant ou en réduisant les coûts (Boyle & Kochinda, 2004 ; Falise, 2007 ; Golanowski, Beaudry, Kurz et al., 2007 ; Manojlovich & Antonakos, 2008 ; Reina, Reina & Rushton, 2007 ; Wheelan, Burchill & Tilin, 2003). Il est plus que jamais essentiel de créer et d’améliorer les partenariats interprofessionnels puisqu’ils renforcent l’interdépendance et l’interdisciplinarité, lesquelles sont indispensables à l’obtention de résultats positifs. Par exemple, une étude a montré que l’amélioration des relations entre médecins et inrmières après la tenue de réunions ayant permis d’établir un protocole susceptible de changer la culture de l’unité de soins a renforcé l’interdisciplinarité. Plus précisément, au cours de ces réunions, ces professionnels ont cerné ensemble les problèmes qui se posaient et élaboré des stratégies pour les résoudre. C’est ainsi que les scores relatifs à la transparence de la communication au sein des groupes et entre les groupes, à l’exactitude des éléments d’information échangés et à l’interdisciplinarité globale se sont améliorés (Tschannen, Keenan, Aebersold et al., 2011). L’Interprofessional Education Collaborative Panel (IEC) a publié en 2011 une liste de compétences de base pour la pratique interdisciplinaire, les Core Competencies for Interprofessional Collaborative Practice. Les associations professionnelles américaines en soins inrmiers, en mé decine, en ostéopathie, en santé publique et en pharmacie, qui sont les commanditaires de l’IEC, s’étaient données pour objectif d’élaborer, grâce à cette liste de compétences, un cadre de référence qui régirait les relations entre les professionnels de la santé. En outre, elles prévoyaient évaluer la pertinence des compétences retenues et établir un plan de mise en œuvre (IEC, 2011). Les compétences de base de l’IEC sont particulièrement importantes dans le contexte actuel où des réformes sont poursuivies au sein du système de santé et où sont explorés des modèles de prestation des soins novateurs susceptibles d’exploiter de la manière la plus efcace et la plus rationnelle qui soit le savoir-faire

Chapitre 1

Pratique inrmière en soins critiques

13

Interventions interdisciplinaires ENCADRÉ 1.4

Compétences de base pour la pratique interdisciplinaire

VALEURS/PRINCIPES ÉTHIQUES SOUSTENDANT LA PRATIQUE INTERDISCIPLINAIRE

• Collaborer avec d’autres professionnels de la santé de façon à maintenir un climat de respect mutuel fondé sur des valeurs communes. RÔLE/RESPONSABILITÉS INHÉRENTS À LA PRATIQUE INTERDISCIPLINAIRE

• Connaître sufsamment son propre rôle et celui des autres professionnels de la santé pour éva­ luer et satisfaire adéquatement les besoins des clients et des populations desservis. COMMUNICATION INTERDISCIPLINAIRE

• Communiquer avec les clients, leurs proches, les communautés et les autres professionnels de la santé en demeurant à

l’écoute et en étant conscient de ses propres responsabilités, de façon à favoriser une stratégie interdisciplinaire de maintien de la santé et de traitement des maladies. INTERDISCIPLINARITÉ ET SOINS EN ÉQUIPE

• Appliquer les valeurs propres à renforcer l’esprit d’équipe et les principes de la dynamique de groupe an de remplir efcacement différents rôles au sein de l’équipe et de pouvoir ainsi planier des soins axés sur les besoins des clients et de la population et les prodiguer à ces derniers en toute sécurité, dans des délais raisonnables et de manière efcace, rationnelle et équitable.

Source : Adapté de IEC (2011)

de tous les professionnels de la santé. L’ENCADRÉ 1.4 présente les quatre compétences de base dénies par l’IEC.

1.12

Modèles et outils de gestion des soins en interdisciplinarité

Plusieurs modèles de prestation et de gestion des soins sont utilisés dans le milieu de la santé. Les sections qui suivent présentent ces modèles ainsi que les concepts clés qui y sont associés ; il peut aussi être utile de consulter d’autres ressources pour obtenir des explications détaillées sur le sujet.

1.12.1

Approche intégrée de gestion des soins

L’approche intégrée de gestion des soins est un système de processus intégrés visant à permettre, à faciliter et à coordonner la prestation des soins tout au long du continuum de services de soins de santé. Elle est appliquée dans divers contextes, et les soins sont prodigués par des professionnels de la santé regroupés au sein d’une équipe interdisciplinaire ainsi que par d’autres types d’intervenants, s’il y a lieu. La coordination des soins et des services peut être conée à des professionnels de la santé ou au personnel d’un assureur ou d’un payeur. L’approche intégrée de gestion des soins doit être centrée sur les besoins du client, être caractérisée par le souci de la continuité des soins, être axée sur les résultats et

14

Partie 1

Fondements généraux

reposer sur l’interdisciplinarité. L’autre concept clé associé à ce modèle de gestion des soins est celui de la gestion des maladies, qui renvoie à la gestion de la santé d’une population sur une période couvrant des vies entières. Dans ce cas toutefois, la priorité est accordée à la prise en charge de maladies chroniques complexes, comme le diabète ou l’insufsance cardiaque, d’un bout à l’autre du continuum de soins.

1.12.2

Modèle de gestion des soins

La gestion des soins consiste à superviser les soins prodigués au client et à organiser les services qui lui sont fournis en collaboration avec les autres professionnels de la santé. Le gestionnaire de cas peut être une inrmière, un professionnel paramédical ou un autre professionnel (médecin ou autre) impliqué étroitement dans la prise en charge du client. Une population de clients particulière lui est en général conée, et il est chargé de coordonner efcacement les services offerts à ces clients tandis qu’ils passent d’un lieu d’intervention à l’autre. Idéalement, le gestionnaire de cas doit superviser les soins prodigués à un client donné d’un bout à l’autre du continuum de soins.

1.12.3

Outils de gestion des soins

Il existe de nombreux outils d’amélioration de la qualité des soins destinés à favoriser une gestion intégrée des soins par les professionnels de la santé. Les sections qui suivent portent sur quatre outils de ce type : 1) l’algorithme clinique ; 2) les lignes directrices de pratique clinique ; 3) le protocole de recherche ; 4) l’ordonnance collective (D’Arcy, 2007). Ils sont tous quatre fondés sur des résultats probants et peuvent être intégrés au DSE.

Algorithme clinique Un algorithme est un organigramme qui représente toutes les étapes d’un processus de prise de décision sous-tendant une ou plusieurs démarches de soins particulières. Il indique au professionnel de la santé la marche à suivre en fonction de la réponse du client à un traitement donné. Parmi les algorithmes cliniques les plus connus gurent les algorithmes de réanimation cardiorespiratoire spécialisée publiés par l’American Heart Association. Divers types d’algorithmes ont été élaborés comme c’est le cas, entre autres, pour le sevrage thérapeutique, le choix de médicaments et leur ajustement, la gestion des outils clinique par rapport aux normes établies. Ces algorithmes dotent les professionnels de la santé d’outils d’aide à la prise de décisions cliniques.

Lignes directrices de pratique clinique En principe, les lignes directrices de pratique clinique sont élaborées par un groupe d’experts et diffusées par une association professionnelle (AIIC, Society of Critical Care Medicine, ACIISI, Global Initiative for Chronic Obstructive Disease) ou une agence gouvernementale (Institut national de santé

publique du Québec). Contrairement aux algorithmes cliniques qui prennent la forme d’organigrammes, les lignes directrices de pratique clinique sont généralement présentées sous la forme d’un texte suivi.

Protocole de recherche Les protocoles sont couramment utilisés dans le cadre de projets de recherche. Les consignes qu’ils comportent sont plus strictes et plus impératives que les recommandations formulées dans les lignes directrices, et les professionnels de la santé ne doivent pas y déroger. Il faut préciser qu’avant d’être recrutés dans un projet de recherche et astreints au protocole de celle-ci, les sujets font l’objet d’une sélection rigoureuse selon des critères bien dénis. Il existe de nombreux protocoles de recherche nationaux, comme ceux qui régissent les études sur le cancer et la chimiothérapie. Un protocole est particulièrement utile lorsque des éléments qui mettent le professionnel de la santé en garde contre le risque de problèmes potentiellement graves y sont intégrés. L’informatisation des protocoles permet aux professionnels de la santé de mieux anticiper les problèmes au moyen de mises en garde programmées dans le système et liées, entre autres, aux interactions médicamenteuses dangereuses, aux résultats anormaux d’analyses de laboratoire et à d’autres effets indésirables.

Ordonnance collective Une ordonnance collective est une liste normative de directives médicales ayant été validées par suite de l’analyse des pratiques en cours et de données de recherche, qui permet d’accélérer l’exécution de ces directives. Les ordonnances collectives complètent les normes de pratique existantes et favorisent l’observance de ces normes. Une ordonnance collective peut aussi être créée pour présenter le contenu d’un algorithme clinique ou d’un protocole sous la forme de directives.

1.12.4

Gestion des outils cliniques selon les normes établies

Les membres de l’équipe de soins doivent examiner et gérer dans des délais raisonnables toute déviation par rapport aux normes établies dans les outils d’amélioration de la qualité des soins. Les quatre outils décrits précédemment comprennent tous des méthodes de repérage de telles déviations. Selon le cas, ces dernières peuvent être codées dans le DES ou repérées au moyen d’une autre méthode d’amélioration de la qualité ; quoi qu’il en soit, il faut analyser et évaluer les données individuelles et les données globales. Les professionnels de la santé disposent d’une certaine marge de manœuvre quant à l’application des algorithmes et des lignes directrices, mais ils sont tenus de se conformer rigoureusement aux protocoles, qui sont plus stricts que les trois autres outils et qui se fondent sur des données de recherche. La gestion des outils cliniques selon

les normes établies est un bon moyen d’évaluer l’utilité de ces outils dans certains contextes et pour certaines populations de clients et ainsi d’améliorer la qualité et la sécurité des soins offerts. Il est important d’établir des liens entre le système de gestion des soins et le programme d’amélioration de la qualité an d’opérer les changements susceptibles d’améliorer les résultats des soins et des services.

1.13

Qualité, sécurité et réglementation en matière de soins critiques

1.13.1

Enjeux associés à la qualité des soins et à la sécurité des clients

1

La sécurité est désormais au cœur des préoccupations des clients, des professionnels de la santé et des administrateurs des établissements de santé. Un rapport déterminant intitulé Crossing the Quality Chasm : A New Health System for the 21st Century, publié par l’Institute of Medicine (IOM), a été le moteur des débats et des interventions visant à améliorer la sécurité dans les établissements de santé. Les éléments d’information détaillés qu’il contient indiquent que les soins de santé ont trop souvent des effets néfastes sur la santé des clients et qu’ils sont loin de leur procurer systématiquement les bienfaits escomptés (IOM, 2001). Qui plus est, les inrmières, les médecins, les administrateurs et les autres professionnels de la santé ne s’entendent pas sur la nature des erreurs médicales ni sur les méthodes susceptibles de réduire les risques liés aux soins (Cook, Hoas, Guttmannova et al., 2004). Faisant appel aux services de comités d’experts, l’IOM a publié par la suite de nombreux autres rapports importants sur la qualité des soins, la sécurité des clients et le milieu des soins inrmiers. La sécurité des clients est considérée comme un impératif éthique inhérent aux interventions et aux processus interpersonnels des professionnels de la santé (White, 2002). Dans une unité de soins critiques, la sécurité est primordiale, et le personnel n’a guère droit à l’erreur ; malgré tout, il peut lui arriver d’en commettre à cause de la complexité de ce milieu de soins et de l’effervescence qui y règne (Henneman, Gawlinski, Blank et al., 2010 ; White, 2002). Les clients hospitalisés aux soins critiques sont particulièrement fragiles, et ce, pour plusieurs raisons : leurs fonctions physiologiques se sont détériorées, ils font l’objet de nombreuses interventions médicamenteuses et technologiques et ils sont pris en charge par divers professionnels de la santé qui travaillent à un rythme effréné. Par conséquent, il est essentiel d’élaborer des processus de prestation des soins qui réduisent au minimum le risque d’erreur au Chapitre 1

Pratique inrmière en soins critiques

15

sein de ces unités et d’y implanter une « culture de la sécurité » plutôt qu’une « culture du reproche » (The Joint Commission, 2008). Une étude a montré que les inrmières hésitaient à signaler des erreurs médicamenteuses ou des pratiques dangereuses par peur d’être l’objet de railleries ou de médisances de la part de leurs collègues inrmières. Cette omerta contribuerait au maintien d’un milieu de travail dangereux où les erreurs avérées ainsi que les pratiques et les systèmes dangereux sont rarement signalés (Covell, 2010). L’administration des médicaments demeure l’une des interventions au cours desquelles l’inrmière en soins critiques est le plus susceptible de commettre une erreur (Henneman, 2009). De nombreuses erreurs médicamenteuses sont liées à des failles dans le système, et les interruptions dans le travail de préparation des médicaments gurent parmi les principaux facteurs mis en cause. Diverses méthodes ont été proposées pour tenter de diminuer le nombre d’erreurs médicamenteuses. Par exemple, une étude pilote a consisté en l’instauration d’une zone interdisant toute interruption au cours de la préparation des médicaments dans une unité de soins critiques. Cette stratégie a entraîné une diminution de 40 % du nombre initial d’interruptions. Si les auteurs doutent qu’il soit possible pour l’unité de maintenir ce faible taux d’interruption à long terme (Anthony, Wiencek, Bauer et al., 2010), il reste que cette méthode peut servir d’exemple pour réduire les risques liés à l’administration des médicaments dans les unités de soins critiques. En cas de lésion iatrogène ou d’erreur dans la prestation des soins, il faut absolument qu’un professionnel de la santé explique dans les plus brefs délais au client et à ses proches comment la lésion ou l’erreur s’est produite, en leur précisant les répercussions qu’elle pourrait avoir à court et à long terme. Il les informe également que les facteurs ayant contribué à la lésion ou à l’erreur seront examinés an de prendre les mesures nécessaires pour prévenir d’autres lésions ou erreurs de ce type. Par ailleurs, il a été démontré que certains comportements propres à intimider les autres professionnels de la santé ou à perturber leur travail peuvent être à l’origine d’erreurs et d’effets indésirables iatrogènes évitables. Les éclats de voix et les menaces physiques, de même que des comportements plus « passifs », comme le refus d’exécuter une tâche ou de suivre une procédure, entrent dans cette catégorie. Malheureusement, force est de constater que de tels comportements sont loin d’être exceptionnels dans les établissements de santé. Or, si aucune mesure n’est prise, ils peuvent provoquer de l’insatisfaction, une dépression, voire le départ de membres du personnel de l’unité de soins. En outre, des problèmes liés au système de gestion peuvent occasionner ou perpétuer ce type de comportements négatifs (pression pour accroître la productivité, contraintes nancières, peur des conits

16

Partie 1

Fondements généraux

ou d’être fiché par l’établissement) (The Joint Commission, 2008). Si les innovations technologiques contribuent à réduire le risque d’erreurs inhérentes à certaines fonctions et procédures, elles peuvent aussi être source d’erreur. C’est le cas du système de codesbarres visant à réduire les risques liés à l’administration des médicaments, des nombreux appareils de mesure et des dispositifs de monitorage utilisés au chevet des clients, des dossiers médicaux informatisés, des prescriptions médicales informatisées et de nombreuses autres innovations en cours de perfectionnement. Ces innovations sont toutes d’une aide précieuse pour le professionnel de la santé, pourvu que leur efcacité et leur exactitude soient vériées an d’en optimiser l’utilisation selon les modalités prévues (Henneman, 2009).

1.13.2

Réglementation en matière de qualité et de sécurité

Le milieu de la santé est régi par de nombreuses réglementations locales, provinciales et nationales et par les exigences établies par les régimes d’assurance maladie provinciaux. Ce chapitre ne présente que les principales réglementations et normes de certication qui inuent sur une grande partie des soins critiques. Agrément Canada est un organisme indépendant sans but lucratif qui délivre des certicats d’agrément depuis plus de 50 ans au pays. Il est agréé par l’International Society for Quality in Health Care et il favorise l’excellence dans les soins de santé. Son objectif est d’évaluer plus de 1 000 établissements de santé canadiens en fonction de normes nationales d’excellence et ainsi de vérier qu’on y prodigue des soins de haute qualité qui mettent l’accent sur la sécurité des clients. À cet effet, l’organisme a publié sa phase 3 des stratégies à développer an d’améliorer la sécurité des clients Agrément Canada (2012).

1.13.3

Ressources en matière de qualité et de sécurité

Au Canada, l’organisme gouvernemental responsable de la surveillance et de l’utilisation appropriée des médicaments est Santé Canada. Il a pour but de parvenir à classer les Canadiens parmi les populations les plus en santé au monde. An d’y arriver, Santé Canada xe plusieurs objectifs, dont la prévention et la réduction des risques pour la santé individuelle ainsi que l’assurance que les Canadiens reçoivent des services de santé de grande qualité, efcaces et accessibles (Santé Canada, 2013). Divers programmes ont été mis sur pied an d’atteindre ces objectifs. Entre autres, le Programme canadien de surveillance des effets indésirables des médicaments de la Direction des produits de santé commercialisés de Santé Canada est responsable de recevoir et de traiter

environ 10 000 déclarations d’effets indésirables soumises par les professionnels de la santé et les consommateurs. Les rapports sont tous liés à l’utilisation de produits de santé et incluent les produits pharmaceutiques et biologiques, les produits de santé naturels et les produits radiopharmaceutiques commercialisés au pays (Santé Canada, 2004). Au Québec, le Conseil du médicament est un organisme qui relève du ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec ; il a pour mandat de favoriser l’utilisation optimale des médicaments dans la province. Le Conseil évalue et favorise un usage approprié des médicaments requis par l’état de santé des personnes au meilleur coût possible. Pour ce faire, il utilise différentes stratégies comme des études portant sur l’utilisation des médicaments, la reconnaissance de problèmes liés au bon usage des médicaments et la mise en place de mesures ou d’initiatives destinées aux professionnels de la santé et à la population an de prévenir ou de corriger les problèmes ciblés (ministère de la Santé et des Services sociaux [MSSS], 2013). Concernant les inrmières, l’OIIQ est un ordre professionnel dont la fonction principale est d’assurer la protection du public en contrôlant notamment l’exercice de la profession infirmière par ses membres. À cet effet, le Comité d’inspection professionnelle de l’Ordre assure une inspection générale de l’exercice de la profession par les membres chaque année. Par exemple, en 2011-2012, les activités d’inspection du Comité ont touché 21 245 inrmières réparties dans 64 établissements de la province dans le but d’évaluer la qualité et la sécurité des soins administrés en plus d’émettre des recommandations consécutives aux évaluations faites et d’assurer un suivi des résultats (OIIQ, 2013). Aux États-Unis, le Quality and Safety Education for Nurses, un projet axé sur la formation des inrmières en matière de qualité et de sécurité, a permis d’établir des normes d’enseignement universitaire pour les inrmières au baccalauréat et à la maîtrise. Le modèle proposé comprend des listes de connaissances, de compétences et de comportements grâce auxquels l’inrmière est en mesure d’améliorer en permanence la qualité et la sécurité du système de soins de santé au sein duquel elle exerce sa profession. Les connaissances, compétences et comportements sont regroupés dans six grandes catégories dans chaque section (Quality Safety Education for Nurses, 2012) ENCADRÉ 1.5.

1.14

Protection de la vie privée et condentialité

Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada (CPVP) est l’organisme responsable de surveiller le respect de la Loi sur la protection des renseignements personnels (L.R.C., c. P-21) pour

1

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 1.5

Exercer les compétences du Quality and Safety Education for Nurses

• Centrer les soins sur le client. • Considérer le client ou son mandataire comme étant le maître de la situation et un partenaire à part entière dans le cadre de la prestation de soins coordonnés et empreints d’humanisme fondés sur le respect des préférences, des valeurs et des besoins du client. • Démonter un esprit d’équipe et collaborer avec les autres professionnels en interdisciplinarité. • Travailler efcacement au sein d’équipes inrmières et interdisciplinaires en favorisant la transparence dans la communication, le respect mutuel et la prise de décision commune en vue de prodiguer des soins de qualité au client. • Fonder sa pratique sur des résultats probants. • Combiner les meilleures données probantes du moment à sa propre expertise clinique et aux préférences et aux valeurs du client et de ses proches an d’optimiser les soins prodigués.

• Améliorer la qualité des soins. • S’appuyer sur des données pour surveiller les résultats des démarches de soins et adopter des méthodes d’amélioration de la qualité visant à établir et à mettre à l’essai les changements nécessaires à l’amélioration continue de la qualité et de la sécurité du système de santé. • Prodiguer des soins sécuritaires. • Réduire au minimum les risques auxquels sont exposés les clients et les professionnels de la santé en optimisant l’efcacité du système et sa propre pratique. • Participer à l’informatisation des milieux de soins. • Tirer parti des technologies de l’information pour les communications, la gestion des connaissances, la réduction du risque d’erreur et la prise de décision.

Source : Adapté de Cronenwett, Sherwood, Barnsteiner et al. (2007)

tous les Canadiens. Le CPVP a pour mission de protéger et de promouvoir le droit des personnes à la vie privée en assurant que les différentes lois canadiennes et provinciales, en lien avec la protection de la vie privée, sont respectées (CPVP, 2013).

1.15

Milieu de travail sain

Le milieu de la santé est stressant. Qui plus est, les difcultés croissantes liées aux contraintes nancières, aux exigences des organismes de réglementation, à la pression exercée par les clients, à l’évolution rapide des outils technologiques et des traitements et à la diversité de l’effectif sont source de conits et de dés quotidiens. De toute évidence, il est essentiel de mettre en place des mesures destinées à aider les professionnels de la santé à surmonter ces difcultés et à assainir leur milieu de travail. Un nombre croissant de résultats probants démontrent qu’un climat de travail malsain est associé à des erreurs médicales, à une gestion sousoptimale des risques liés aux soins, à des problèmes de communication entre les professionnels de la santé, à une augmentation des conits et à une intensication du stress chez le personnel. Par

Chapitre 1

Pratique inrmière en soins critiques

17

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 1.6

Appliquer les normes Health Working Environment Standards pour un milieu de travail sain

NORME I : EXCELLER EN COMMUNICATION

Les aptitudes de l’inrmière pour la communication doivent être aussi remarquables que ses compétences cliniques. NORME II : METTRE EN ŒUVRE DE L’INTERDISCIPLINARITÉ

L’inrmière s’efforce sans relâche de favoriser et d’optimiser la mise en œuvre de l’interdisciplinarité. NORME III : PRENDRE DES DÉCISIONS

L’infirmière est une partenaire privilégiée et engagée dans l’élaboration des politiques, la gestion et l’évaluation des soins et la direction des activités cliniques de l’établissement.

NORME IV : S’ADAPTER AUX BESOINS DU CLIENT

Il doit y avoir une adéquation réelle entre les besoins du client et les compétences de l’inrmière qui le soigne. NORME V : COLLABORER EN INTERDISCIPLINARITÉ

L’inrmière apprécie à sa juste valeur la contribution des autres intervenants à la réalisation des objectifs de l’établissement, et inversement. NORME VI : ENCADRER AVEC AUTHENTICITÉ

Le gestionnaire de soins adhère pleinement au principe impératif qu’est la création d’un milieu de travail sain, l’applique en toute sincérité et mobilise les autres pour qu’il soit mis en œuvre.

Source : Adapté de AACN (2012b)

FIGURE 1.1 Interdépendance entre établissement d’un milieu de travail sain, excellence clinique et optimisation des résultats obtenus par le client.

18

Partie 1

Fondements généraux

ailleurs, une synthèse de travaux de recherche sur le milieu de travail a mis en évidence une combinaison de styles de gestion et de caractéristiques qui contribue à la création et au maintien d’un climat de travail sain (Pearson, Laschinger, Porritt et al., 2007). L’AACN a formulé ses propres normes en la matière (AACN, 2012b), les Health Working Environment Standards, an de promouvoir la création d’un climat de travail susceptible d’inuer de manière positive sur les résultats des soins inrmiers et les résultats obtenus par le client. Ces six normes, fondées sur des résultats probants et sur des principes centrés sur les relations interprofessionnelles, sont résumées dans l’ ENCADRÉ 1.6. La FIGURE 1.1 illustre quant à elle leur interdépendance ainsi que les effets qu’elles ont à terme sur l’optimisation des résultats obtenus par le client et sur l’excellence clinique. Chaque membre de l’équipe doit contribuer à sa façon à créer et à maintenir un climat de travail sain. S’il est vrai que le gestionnaire joue un rôle fondamental dans l’établissement d’une telle culture, il n’en demeure pas moins que ce sont surtout les membres du personnel qui vont consolider cette dernière en encadrant les nouvelles recrues, en adoptant un comportement exemplaire et en orientant les équipes interdisciplinaires dans ce sens. En fait, c’est la pression exercée par leurs pairs qui inuera le plus sur le comportement des membres d’une équipe (Bylone, 2009a, 2009b). Bylone décrit ce qu’il ressort des discussions qu’elle a engagées avec de nombreux professionnels de la santé sur la façon dont ils peuvent exercer une inuence sur la culture de leur unité de soins. Elle recommande de demander aux membres d’une unité de soins donnée dans quelle mesure ils s’efforcent d’appliquer les normes de l’AACN pour un milieu de travail sain, de façon à faire de l’atteinte de ces objectifs une expérience et un cheminement personnels (Bylone, 2011). Kupperschmidt et ses collaboratrices (2010) proposent un modèle basé sur cinq facteurs qui permet de devenir un grand communicateur et de contribuer de ce fait à créer un climat de travail sain : 1) prendre conscience de son propre manque de lucidité ; 2) apprendre la sincérité ; 3) apprendre la franchise ; 4) apprendre à être attentif ; 5) apprendre les vertus de l’introspection. Enn, Blake (2012) a présenté une autre méthode en cinq étapes pour appliquer les normes Health Working Environment Standards : 1) mobiliser l’équipe ; 2) sonder l’équipe ; 3) former des groupes de travail ; 4) xer les objectifs et établir les étapes à suivre ; 5) souligner les réalisations qui jalonnent le processus. Quelle que soit la méthode employée par l’équipe pour appliquer ces normes, son efcacité dépendra de l’enthousiasme et de la détermination dont elle saura faire preuve.

ÉTUDE DE CAS Client atteint d’une maladie pulmonaire obstructive chronique

SOLUTIONNAIRE

http://mabibliotheque. cheneliere.ca

Mise en contexte Bertrand Hamel, âgé de 72 ans, est atteint d’une maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) et hospitalisé à l’unité des soins intensifs depuis deux jours pour détresse respiratoire aiguë. Monsieur Hamel a fumé 2 paquets de cigarettes par jour pendant 30 ans. Il dispose d’un concentrateur à la maison, car il doit recevoir de l’oxygène en permanence à raison de 1L/min. L’épouse de monsieur Hamel est très inquiète, car c’est la troisième hospitalisation de son mari en moins d’un an, et elle a peur que celui-ci nisse par mourir « au bout de son soufe » à la maison.

Manifestations cliniques Monsieur Hamel présente une dyspnée importante avec une expiration prolongée, de la toux et des sécrétions épaisses et brunâtres qui sont difciles à expectorer. L’oxygène est réglé à 1,5 L/min au moyen d’une lunette nasale, et monsieur Hamel respire avec les lèvres pincées en plus d’utiliser sa musculature accessoire à l’inspiration. Il a le teint gris et le regard angoissé. Le client dit ressentir une « pesanteur » au niveau de son thorax.

Collecte des données objectives À l’auscultation, une diminution des bruits respiratoires dans tous les champs respiratoires est décelable et des ronchi sont entendus aux deux bases. Le dernier résultat de gaz artériels sanguins donnait une PaO2 à 59 mm Hg et une PaCO2 à 43 mm Hg. La FSC démontre une polyglobulie avec une Hb à 192 g/L.

Diagnostic médical Exacerbation de la MPOC causée par une surinfection bronchique d’origine bactérienne.

Questions 1. Quels sont les principaux résultats escomptés pour ce client ? 2. Quels problèmes prioritaires ou risques doivent être contrôlés et inscrits au plan thérapeutique inrmier (PTI) pour obtenir ces résultats ? 3. Quelles interventions doivent être mises en œuvre et inscrites au PTI pour surveiller, prévenir, gérer ou éliminer les problèmes et les risques désignés ? 4. Quelles interventions devraient être mises en œuvre pour optimiser le fonctionnement, la sécurité et le bien-être du client ? 5. Quels besoins d’enseignement prévoyez-vous pour ce client ? 6. Quels facteurs liés à la culture et à l’âge du client peuvent inuer sur le plan de soins et de traitements ?

À RETENIR • Il faut savoir éliminer ou modier les pratiques inefcaces au bon moment au prot de certaines innovations, an de prodiguer en tout temps des soins de qualité ayant un bon rapport coûts-efcacité. • L’inrmière prend les décisions relatives aux soins à prodiguer au client en se fondant sur les meilleurs résultats probants du moment et réalise les interventions qui s’imposent. • L’inrmière en soins critiques prodigue avec compétence des soins de haute

qualité au client en se servant de tous les outils technologiques nécessaires tout en intégrant l’approche humaniste du caring.

professionnels de la santé ; il est donc essentiel de créer un véritable partenariat entre les professionnels de la santé.

• L’inrmière connaît les particularités bioculturelles, psychosociales et linguistiques du groupe ethnique auquel appartiennent le client et ses proches an d’évaluer le client correctement, et elle adapte ses interventions en conséquence.

• De multiples indicateurs de la qualité des soins critiques ont été établis ; l’inrmière joue un rôle déterminant dans la surveillance et l’amélioration de la qualité des soins.

• Toutes les interventions inrmières ne sont pas indépendantes. Certaines sont fonction des interventions d’autres Chapitre 1

• Un milieu de travail sain est indispensable à l’établissement d’un cadre interdisciplinaire et sécuritaire basé sur la conance pour la prestation des soins. Pratique inrmière en soins critiques

19

chapitre

2

Enjeux éthiques

Écrit par : Linda D. Urden, DNSc, RN, CNS, NE-BC, FAAN Adapté par : Stéphanie Dollé, inf., M.A.

D

ans le cadre de l’exercice de sa profession dans une unité de soins critiques, l’inrmière est inévitablement confrontée à des questionnements d’ordre éthique. Une sensibilisation à l’éthique biomédicale, entre autres, pourra l’aider à analyser des situations éthiquement discutables et à prendre des décisions dans certains cas. Le présent chapitre propose une vue d’en­ semble des principes éthiques et de la déontologie en matière de soins inrmiers. L’inrmière y trouvera aussi des exemples de modèles de prise de décision éthiques, ainsi que des recomman­ dations relatives aux méthodes à utiliser lorsque des enjeux éthiques se présentent dans un milieu de soins critiques.

2.1

Éthique et déontologie

En 1999, l’Ordre des inrmières et inrmiers du Québec (OIIQ) a apporté un éclairage sur les différences entre éthique et déontologie dans l’article intitulé Apprivoiser le langage de l’éthique et de la déontologie, plus simple qu’il n’y paraît, qui demeure pertinent encore aujourd’hui. L’éthique y est dénie comme étant « la science qui considère l’agir humain sous l’angle du bien et du mal » (OIIQ, 1999). Pour cela, l’inrmière tente de répondre à la question Qu’est-ce que je dois faire ?, et une action « bonne » doit en résulter. La déontologie, quant à elle, se rapporte au code de conduite du professionnel. Le Code de déontologie des inrmières et inrmiers (c. I-8, r. 9), qui a force légale au Québec, énonce les devoirs et les obligations qui doivent guider le comportement de l’inrmière, et il précise les règles qui régissent les rapports de l’inrmière avec les clients, le public et les autres professionnels (OIIQ, 1999). En éthique, on renvoie communément aux termes valeurs, principes et règles (p. ex., dans le code de déontologie) en employant régulièrement l’un pour l’autre indistinctement (Durand, 2005). Pour Durand (2005, p. 167), « on pourrait dire aussi bien que “principe” et “valeur” constituent comme l’envers et l’endroit d’une même réalité ». Ces trois concepts peuvent guider l’infirmière vers une action « bonne ». Il importe donc de tenter de les distinguer. Les problèmes ou les dilemmes éthiques surviennent le plus souvent dans les situations où ces trois repères éthiques (valeurs, principes, règles) s’opposent. Par exemple, lorsque les valeurs du client sont très différentes de celles de l’inrmière, ou lorsque le médecin interprète le principe de bienfaisance différemment de l’inrmière, ou encore lorsque les valeurs du client viennent confronter le code de déontologie que l’inrmière se doit de respecter. Ce type de situation peut mener à des problèmes ou à des dilemmes éthiques complexes. En connaissant bien ces trois repères éthiques et en sachant les distinguer, l’inrmière sera mieux outillée pour faire face à certaines de ces situations éthiquement problématiques TABLEAU 2.1. Ainsi, les valeurs, les principes et le code de déontologie (les règles) seront explicités dans les sections suivantes.

2.1.1

Valeurs

Les valeurs englobent « des croyances, des convictions, un idéal personnel, qui se manifestent dans des attitudes et des comportements » (Saint-Arnaud, 2009, p. 128). Ces valeurs, qui ont un sens philosophique et plus abstrait, sont subjectives et peuvent être le reet d’inuences culturelles et sociales, ainsi que des relations de la personne avec autrui. Dans la profession inrmière, par exemple, l’honnêteté et la loyauté sont deux valeurs mises de l’avant et recommandées par l’OIIQ (2002, 2007), ce qui pourra inuencer celles de l’inrmière.

TABLEAU 2.1

Distinction entre valeurs, principes et règles

CONCEPT

DÉFINITION

Valeurs

• Elles sont de l’ordre de l’être et du bien, qui indiquent des idéaux à poursuivre. • Exemples : l’honnêteté, la loyauté, l’intégrité.

Principes

• Ils donnent de grandes orientations à l’action, ils xent les attitudes. • Exemple : le respect de l’autonomie, la bienfaisance, la non-malfaisance, la justice.

Règles

• Elles déterminent l’action, elles encadrent la décision. • Exemples : le code de déontologie, le consentement libre et éclairé.

2

Source : Adapté de Durand (2005)

Honnêteté L’honnêteté, ou le fait de dire la vérité, est souvent liée à l’intégrité (OIIQ, 2010). Cette valeur éthique importante, clairement mise de l’avant par l’OIIQ, doit guider tous les champs de pratique de l’inrmière – les relations avec les professionnels de la santé et les autres collègues, tout autant que la relation inrmière-client (OIIQ, 2002, 2007). En pratique, l’honnêteté est importante notamment lorsque l’inrmière sollicite le consentement éclairé d’un client pour un traitement, car il doit être conscient de l’ensemble des risques et des avantages éventuels qui pourraient découler de ce traitement ou des autres options possibles. L’honnêteté de l’inrmière se manifeste dans la transparence et la franchise avec lesquelles elle transmet l’information, ce qui contribuera grandement à établir une relation de conance avec le client.

Loyauté La loyauté constitue une valeur essentielle des soins inrmiers. L’OIIQ se positionne explicitement à ce sujet ; en effet, l’article 47 du code de déontologie mentionne que « l’inrmière ou l’inrmier ne doit pas, à l’égard d’une personne avec laquelle il est en rapport dans l’exercice de sa profession, l’induire volontairement en erreur, surprendre sa bonne foi ou utiliser des procédés déloyaux ». Ainsi, l’inrmière n’abuse pas de la conance du client. La loyauté de l’inrmière signie pour le client qu’il peut avoir « une croyance sûre et une dépendance envers le caractère moral et la compétence d’une autre personne » (Beauchamp & Childress, 2008, p. 61). Dans la pratique, cette valeur de l’inrmière contribue aussi à consolider le lien de conance entre le client et elle-même. Ce point s’avère d’autant plus important pour le client en situation critique de santé puisqu’il est particulièrement affaibli et vulnérable et qu’il dépend ainsi de l’inrmière dans une large mesure pour ses soins physiques et son soutien émotionnel. La loyauté s’applique au client, mais aussi à ses proches et aux autres personnes que l’inrmière côtoie et avec qui elle travaille dans l’exercice de sa profession (OIIQ, 2007). Chapitre 2

Enjeux éthiques

21

3 Les situations où l’inrmière peut être relevée du secret professionnel et divulguer des renseignements condentiels sur le client sont expliquées dans le chapitre 3, Enjeux juridiques.

Le respect de la condentialité, qui fait partie de l’éthique traditionnelle des professionnels de la santé, a un lien direct avec la loyauté. Il est décrit comme une obligation par laquelle l’information relative au client ne peut être partagée qu’avec les personnes associées aux soins de celui-ci. Une situation où le bien-être d’autres personnes pourrait être menacé par la non-divulgation de l’information condentielle relative au client peut justier une exception à cette directive. L’existence de lois sur la déclaration obligatoire de certaines maladies est un exemple. Par ailleurs, l’article 60.4 du Code des professions (c. C-26) précise ceci : « Le professionnel peut en outre communiquer un renseignement protégé par le secret professionnel, en vue de prévenir un acte de violence, dont un suicide, lorsqu’il a un motif raisonnable de croire qu’un danger imminent de mort ou de blessures graves menace une personne

ENCADRÉ 2.1

Source : Adapté de OIIQ (2005)

Partie 1

Fondements généraux

2.1.2

Principes éthiques

Tout comme les valeurs, les principes sont abstraits. Cependant, ils désignent des orientations fondamentales et inspiratrices qui permettent d’orienter les actions (Durand, 2005).

Respect et préservation du secret professionnel

• Les dispositions du Code de déontologie des inrmières et inrmiers (section II, par. 2) visent à préserver le secret quant aux renseignements de nature condentielle. – Article 31. « L’inrmière ou l’inrmier doit respecter les règles prévues au Code des professions (chapitre C-26) relativement au secret qu’il doit préserver quant aux renseignements de nature condentielle qui viennent à sa connaissance dans l’exercice de sa profession et des cas où il peut être relevé de ce secret. » D. 1513-2002, art. 31. – Article 31.1. « L’inrmière ou l’inrmier qui […] communique un renseignement protégé par le secret professionnel doit consigner au dossier du client concerné les éléments suivants : › 1° les motifs au soutien de la décision de communiquer le renseignement, dont l’identité de la personne qui a incité l’inrmière ou l’inrmier à le communiquer ainsi que celle de la personne ou du groupe de personnes exposées au danger ; › 2° les éléments de la communication dont la date et l’heure de la communication, le contenu de la communication, le mode de communication utilisé et l’identité de la personne à qui la communication a été faite. » D. 579-2005, art. 8. – Article 32. « L’inrmière ou l’inrmier ne doit pas révéler qu’une personne a fait appel à ses services, sauf si, dans l’intérêt du client, cette révélation est nécessaire. » D. 1513-2002, art. 32. – Article 33. « L’inrmière ou l’inrmier doit prendre les moyens raisonnables an de s’assurer que les personnes sous son autorité, sa supervision ou à son emploi ne divulguent des renseignements de nature condentielle concernant le client. » D. 1513-2002, art. 33. – Article 34. « L’inrmière ou l’inrmier ne doit pas faire usage de renseignements condentiels au préjudice

22

ou un groupe de personnes identifiable. » Ces consignes peuvent guider la démarche de l’inrmière dans le cas de circonstances particulières 3 . Le respect de l’intimité représente aussi un élément inhérent à la loyauté. Il est étroitement lié au respect de la condentialité et au droit à la vie privée du client. Les renseignements relatifs à celui-ci et à l’intimité de sa personne en situation de soins doivent être préservés. L’ENCADRÉ 2.1 énumère diverses dispositions qui permettront à l’inrmière de préserver le secret professionnel.

d’un client ou en vue d’obtenir directement ou indirectement un avantage pour lui-même ou pour autrui. » D. 1513-2002, art. 34. – Article 35. « L’inrmière ou l’inrmier qui demande à un client de lui révéler des renseignements de nature condentielle ou qui permet que de tels renseignements lui soient conés doit s’assurer que le client en connaît les raisons et l’utilisation qui peut en être faite. » D. 1513-2002, art. 35. – Article 36. « L’inrmière ou l’inrmier doit éviter de tenir ou de participer à des conversations indiscrètes au sujet d’un client et des services qui lui sont rendus. » D. 1513-2002, art. 36. • Les dispositions du code de déontologie de l’Association des inrmières et inrmiers du Canada (AIIC) (partie I, E) visent à respecter la vie privée et à protéger la condentialité en afrmant que les inrmières reconnaissent l’importance de la vie privée et la condentialité et protègent les renseignements personnels, familiaux et communautaires obtenus dans le cadre d’une relation professionnelle. Ce code énumère différentes responsabilités déontologiques, dont la condentialité dans le cadre des technologies de l’information. • Les dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne (c. C-12, article 9) précisent que chacun a droit au respect du secret professionnel. • Les dispositions du Code des professions (art. 60.4) spécient que le professionnel doit respecter le secret de tout renseignement de nature condentielle qui vient à sa connaissance dans l’exercice de sa profession, mais elles ont la particularité d’émettre des conditions dans lesquelles un professionnel peut communiquer un renseignement protégé.

En sciences inrmières, on renvoie couramment aux quatre principes de l’éthique biomédicale formulés par Beauchamp et Childress depuis 1979 dans les différentes versions de Les principes de l’éthique biomédicale. Ces principes sont souvent utilisés comme cadre de référence pour aider à l’analyse des enjeux éthiques, guider la réexion éthique et orienter les actions qui en découleront. Il s’agit : 1) du respect de l’autonomie ; 2) de la bienfaisance ; 3) de la non-malfaisance ; 4) de la justice. Ces principes, détaillés dans la présente section, sont des principes prima facie, « ce qui signie qu’en cas d’opposition entre les exigences qu’ils génèrent, il faut soit équilibrer les principes, soit les hiérarchiser » (Saint-Arnaud, 2009, p. 65). Il importe de mentionner qu’aucun principe n’est dominant par rapport aux autres (Beauchamp & Childress, 2008).

Respect de l’autonomie Le concept d’autonomie apparaît dans tous les textes anciens et dans la philosophie grecque de l’Antiquité. Dans le domaine des soins de santé, le respect de l’autonomie est déni comme étant la reconnaissance du « droit de la personne à avoir des opinions, à faire des choix, et à agir en fonction de ses valeurs et de ses croyances » (Beauchamp & Childress, 2008, p. 101). Le respect de l’autonomie correspond à la liberté de choix ou au droit à l’autodétermination 3 1 . L’autonomie fait partie des droits fondamentaux de la personne (Charte des droits et libertés de la personne, c-12). Elle peut être exercée dans tous les événements de la vie. L’inrmière en soins critiques est souvent confrontée à des situations éthiques dans lesquelles le respect de l’autonomie entre en jeu. Lorsque le client n’est pas apte à s’exprimer, ce qui se produit souvent en soins critiques (Boles, 2010), l’inrmière est appelée à travailler en étroite collaboration avec ses proches an de faire ressortir les volontés que le client aurait exprimées concernant ses choix de vie s’il avait été en mesure de le faire 3 2 . Auparavant, l’inrmière aura donné, dans la mesure du possible, de l’enseignement au client et à ses proches sur la physiopathologie de la maladie ainsi que sur l’approche thérapeutique et ses conséquences sur le mode et la qualité de vie du client 4 . Les renseignements fournis devraient leur permettre d’avoir une compréhension juste des éléments qui leur sont présentés et de pouvoir prendre une décision libre et éclairée à propos des soins et des traitements offerts. Leur décision devrait être prise selon la perspective du client ou celle qu’il aurait pu avoir s’il avait été en mesure de s’exprimer. L’inrmière joue ici un rôle très important comme membre de l’équipe soignante. En défendant les intérêts du client, elle veille à fournir de l’information selon les besoins, à clarier les détails, à renforcer l’information communiquée et à offrir du soutien durant le processus de prise de décision. L’ENCADRÉ 2.2 présente la description de ce type d’intervention qui facilite la prise de décision.

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 2.2

Aider le client ou ses proches à prendre une décision

OBJECTIF

• Informer et soutenir le client ou ses proches dans la prise de décisions relatives aux soins nécessaires à la santé du client. INTERVENTIONS

• Déterminer s’il existe un écart entre la perception des personnes soignantes et celle du client sur son état de santé. • Aider le client à clarier ses valeurs et ses attentes susceptibles d’être utiles au moment de devoir faire des choix de vie cruciaux. • Renseigner le client sur les différentes options ou solutions de manière claire et encourageante. • Aider le client à peser les avantages et les inconvénients de chacune des possibilités.

• Établir des relations avec le client dès son arrivée. • Inciter le client à formuler ses objectifs concernant les soins. • Obtenir le consentement éclairé du client. • Favoriser la prise de décision en collabo­ ration avec les personnes concernées. • Familiariser le client et ses proches avec les règles et les méthodes de l’établissement. • Respecter le droit du client de recevoir ou de refuser de l’information. • Fournir l’information demandée par le client. • Aider le client à expliquer ses décisions à son entourage, s’il y a lieu. • Servir de lien entre le client et ses proches. • Servir de lien entre le client et les autres professionnels de la santé.

Source : Adapté de Bulechek et al. (2013)

Bienfaisance Le principe de bienfaisance renvoie « à l’obligation morale d’agir pour le bien d’autrui » (Beauchamp & Childress, 2008, p. 240). Il est inhérent à l’exercice de la profession inrmière et doit servir de base pour étayer les arguments lorsqu’il s’agit de défendre le bien-être du client et pour prendre les décisions relatives aux soins et traitements le concernant. Cependant, dans des situations éthiques complexes, ce principe se trouve tôt ou tard mis en opposition avec d’autres principes (p. ex., le respect de l’autonomie). Or, aucun de ces principes n’a préséance sur l’autre (Beauchamp & Childress, 2008). Par ailleurs, l’histoire de chaque client est singulière et doit être analysée en évitant de répéter un schéma unique de prise de décision. Par exemple, un client autonome qui n’a pas d’antécédents médicaux à l’occasion d’un premier séjour à l’hôpital est admis aux soins critiques pour une grave pneumonie. Le traitement requiert une intubation endotrachéale, mais le client refuse d’être intubé. Il se peut que l’équipe soignante, an de respecter le principe de bienfaisance, décide tout de même de l’intuber sur la base de l’argument qu’un tel soin permettra au client de quitter l’établissement de soins de santé sans souffrir de séquelles. Quelques jours plus tard, ce client quittera les soins critiques en remerciant l’équipe soignante de lui avoir sauvé la vie, tout en admettant que son refus initial était basé sur la peur et sur un manque de connaissances au sujet de la pathologie dont il était atteint. Dans un second exemple, un

Chapitre 2

31 Le droit à l’autodétermination en lien avec celui du consentement aux soins est abordé dans le chapitre 3, Enjeux juridiques. 32 Le chapitre 3, Enjeux juridi­ ques, traite des directives préalables, des clients ponctuellement inaptes à consentir aux soins, des obligations du mandataire du client, de même que des situations où la vie ou l’intégrité sont menacées. 4 Le chapitre 4, Enseignement au client et à ses proches, présente les facteurs à prendre en considération dans l’élaboration d’un plan d’enseignement de même que les particularités de l’apprenant susceptibles d’inuer sur l’apprentissage.

Enjeux éthiques

23

2

3 Le chapitre 3, Enjeux juridiques, aborde entre autres les traitements inusités ou devenus inutiles dans le cadre des droits civils et fondamentaux du client.

client a contracté une pneumonie similaire et il refuse lui aussi d’être intubé. Cependant, ce client est diabétique, il est atteint d’insufsance rénale et dépend de l’oxygène à domicile. De plus, il s’agit de son dixième séjour aux soins critiques, et il est en perte d’autonomie. L’équipe soignante pourrait invoquer les mêmes arguments que dans le cas du premier client en proposant l’intubation endotrachéale. Toutefois, l’inrmière dépositaire des condences du client fait valoir au cours de la réunion interdisciplinaire que ce client refuse l’intubation en toute connaissance de cause, que son refus du traitement est libre et éclairé. Appliquer le principe de bienfaisance et agir pour le bien de ce client ne consiste alors pas à l’intuber, mais à respecter son refus et à lui prodiguer des soins de confort. Dans ces deux exemples, le même principe de bienfaisance est mis en pratique de façon bien différente, mais avec une nalité identique : agir pour le bien d’autrui. Traditionnellement, les soins de santé étaient prodigués selon une approche dite paternaliste du client. Celle-ci a laissé place à une approche collaborative où le client est considéré comme « patient partenaire ». Ainsi les clients, qui sont de plus en plus informés, peuvent décider des choix de santé qui les concernent en collaboration avec l’équipe soignante (Beauchamp & Childress, 2008). Il ne s’agit plus alors de paternalisme où le médecin et l’inrmière décident pour le client, mais bel et bien d’une décision partagée entre celui-ci et les professionnels de la santé (Barry & Edgman-Levitan, 2012).

Non-malfaisance Le principe éthique de non-malfaisance a toujours été associé, dans l’éthique médicale, à la maxime primum non nocere (d’abord, ne pas nuire). Il « afrme l’obligation de ne pas infliger de mal à autrui » (Beauchamp & Childress, 2008, p. 167). Ce principe veut que l’inrmière s’abstienne intentionnellement d’agir si le geste qu’elle doit poser ou auquel on lui demande de participer doit causer du tort au client ou lui nuire. La non-malfaisance et la bienfaisance sont deux principes qu’il n’est pas toujours facile de distinguer. Le principe de non-malfaisance implique de s’abstenir d’accomplir certains actes selon des règles morales précises (p. ex., ne pas tuer, ne pas causer de douleur ni de souffrance). Quant à lui, le principe de bienfaisance exige des actions positives (p. ex., protéger et défendre les droits d’autrui, aider ceux qui souffrent) (Beauchamp & Childress, 2008). L’inrmière qui fait face à certaines problématiques éthiques peut donc différencier de quel principe il est question en se demandant si elle doit éviter une action ou au contraire en poser une, an de respecter les valeurs et les volontés du client et d’assurer son bien-être.

Justice Le principe de justice « afrme simplement que, quel que soit l’angle considéré, les personnes ayant des droits égaux doivent être traitées à égalité »

24

Partie 1

Fondements généraux

(Beauchamp & Childress, 2008, p. 325), ce qui signie que l’accès aux soins de santé devrait effectivement être offert à tous. Au Canada, la Loi canadienne sur la santé (L.R.C. [1985], c. C-6) prévoit les principes d’accessibilité et d’universalité des soins. Selon ce principe, chaque Québécois a le droit d’avoir un médecin de famille, et le temps d’attente, pour des chirurgies électives, devrait être identique pour tous. Ce principe de justice n’a toutefois pas préséance sur le droit du client au consentement, qui implique aussi celui de refuser les soins, par exemple les traitements inusités ou devenus inutiles 3 . Par ailleurs, l’escalade des coûts des soins de santé, le progrès dans les technologies, une population vieillissante ayant ses propres besoins spécialisés en soins de santé et, dans certains cas, une rareté de personnel soignant donnent lieu à des problématiques de plus en plus complexes concernant l’allocation des ressources en santé.

2.1.3

Code de déontologie

La déontologie renvoie « à une réexion sur des règles : devoirs, obligations, ce qu’il faut faire » (Durand, 2005, p. 98). Plus concrète que les valeurs et les principes, la déontologie se rapproche davantage des normes et de l’action (Durand, 2005). La déontologie professionnelle constitue le cadre d’exercice de toute profession (Lachman, 2009) et a pour fondement trois éléments : 1) le code de déontologie ; 2) la raison d’être de la profession ; et 3) les normes de pratique du professionnel. Le code de déontologie présente les valeurs et les rapports existant avec et entre les membres d’une profession et la société. L’inrmière a la responsabilité de le connaître et de le respecter comme cadre de l’exercice de sa profession. Ainsi, la mise en application de ce code par les professionnels en soins inrmiers permettra d’assurer, en partie tout au moins, qu’un environnement éthique prévaut partout où des soins et des traitements inrmiers sont offerts (Curtin, 2010 ; Murray, 2007). À cette n, l’inrmière peut notamment trouver des repères et des références éthiques dans deux codes de déontologie qui énoncent des règles de conduite et qui font consensus dans la profession d’inrmière au Québec. Le premier, le Code de déontologie des inrmières et inrmiers a « une portée légale du fait qu’il est intégré au Code des professions » (Saint-Arnaud, 2009, p. 33). Son approche de l’éthique est normative. Le second, celui de l’AIIC, énonce plus explicitement les valeurs éthiques qu’endosse le personnel inrmier dans l’exercice de sa profession (Saint-Arnaud, 2009). Par ailleurs, l’Association canadienne des inrmiers/ inrmières en soins intensifs (ACIISI, 2013) se positionne et énonce clairement des valeurs et des convictions qui pourraient être partagées par les inrmières de soins critiques. Les valeurs et les principes défendus par ces ordres professionnels peuvent servir de base à la prise de décisions éthiques.

D’autres références peuvent étayer la réexion, comme des ouvrages traitant plus spéciquement de l’éthique du caring ou de l’éthique biomédicale ; des théories différentes par leurs approches, mais qui ont le même objectif, soit celui de fonder une éthique du soin.

2.2

Éthique et détresse morale chez l’inrmière

Depuis peu, la détresse morale, aussi appelée désarroi éthique (ou moral) (AIIC, 2008), est un sujet largement discuté dans les écrits scientiques en tant que problème sérieux chez les inrmières (Cummings, 2010 ; Epstein & Delgado, 2010 ; Gallagher, 2011 ; Lasala & Biarnason, 2010). En effet, l’inrmière est confrontée quotidiennement à des dés multiples : situations d’urgence, tension découlant de conits avec autrui, cas cliniques complexes, nouvelles technologies, accroissement des exigences réglementaires, acquisition de nouvelles compétences ou connaissances, limitations de ressources, violence en milieu de travail, pour n’en nommer que quelques-uns. Un tel environnement de soins a donné lieu à l’émergence de dilemmes moraux et éthiques de plus en plus complexes (Lasala & Biarnason, 2010). Par ailleurs, il arrive que les inrmières soient fréquemment l’objet de débordements émotionnels de la part des clients, des familles et des collègues ; elles peuvent alors éprouver un sentiment d’impuissance et de manque de contrôle sur la situation (Fagerström, 2006).

ENCADRÉ 2.3

2.2.1

Détresse morale

La détresse morale ou le désarroi éthique survient lorsqu’une personne sait quel est le geste éthiquement correct à poser, mais qu’elle ne peut agir en conséquence pour des raisons personnelles, situationnelles, déontologiques, organisationnelles ou autres (Jameton, 1993). Pour l’AIIC, c’est une sensation d’inconfort qui « survient dans des situations où les inrmières savent ou croient savoir ce qui devrait être fait, mais dans lesquelles, pour différentes raisons (y compris la peur et des circonstances hors de leur contrôle), elles ne prennent pas ou ne peuvent pas prendre les mesures appropriées ou empêcher un préjudice précis » (AIIC, 2008, p. 6). La détresse morale peut également se manifester lorsqu’une situation amène l’inrmière à agir d’une façon qui irait à l’encontre de ses valeurs personnelles et professionnelles. Dans de telles circonstances, la détresse ressentie entraîne un sentiment de perte d’intégrité personnelle et de l’insatisfaction à l’égard de l’environnement de travail (Statistique Canada, Santé Canada & Institut canadien d’information sur la santé [ICIS], 2006) ENCADRÉ 2.3. Les relations avec les collègues et les clients en sont affectées, et la qualité des soins peut s’en ressentir. Des répercussions importantes sont également observées sur les relations personnelles et la vie familiale. Si elle n’est pas résolue, cette détresse peut s’accentuer, au point d’engendrer de l’épuisement professionnel, qui amènera certaines inrmières à démissionner de leur poste ou à abandonner la profession (Cummings, 2010 ; Epstein & Delgado, 2010 ; Lasala & Biarnason, 2010 ; Saint-Arnaud, 2009).

2 Les associations et les ordres professionnels inrmiers dé­ fendent des valeurs ayant de nombreux points communs, détaillées dans leur code de déontologie respectif, acces­ sible sur les sites de l’AIIC, de l’ACIISI et de l’OIIQ au www.cna­aiic.ca/fr, au www.caccn.ca/fr et au www.oiiq.org.

Enquête nationale sur le travail et la santé du personnel inrmier

L’Enquête nationale sur le travail et la santé du personnel inrmier (ENTSPI) de 2005 a permis d’étudier les liens entre le milieu de travail et la santé des inrmières au Canada (Statistique Canada, Santé Canada & ICIS, 2006). Les sec­ tions ci­dessous présentent certains de ses constats. TENSION ET CONTRAINTES AU TRAVAIL

Il est question de tension et de contraintes au travail lorsque les exigences psychologiques associées nuisent à la liberté du travailleur de décider de la façon de l’exécuter. L’examen de chaque élément lié aux tensions et aux contraintes au travail démontre que le personnel inrmier était plus susceptible que l’ensemble de la population active de décrire son emploi comme étant « frénétique » considérant les demandes conic­ tuelles auxquelles il doit faire face et le niveau de compétence élevé requis qui demande d’acquérir constamment de nouvelles connaissances. Près du tiers (31 %) des femmes œuvrant en soins inr­ miers évoluaient dans des situations où les tensions et les contraintes au travail étaient grandes, comparativement

à 26 % pour l’ensemble des femmes actives. Quant aux hommes, la proportion se situait à 27 % chez les inr­ miers et à 18 % pour l’ensemble des hommes actifs. INSATISFACTION AU TRAVAIL

L’insatisfaction au travail était plus courante chez les inrmières que dans l’ensemble de la population active. En réponse à la question « Dans l’ensemble, dans quelle mesure êtes­vous satisfaite de cet emploi ? », environ 12 % des femmes et des hommes en soins inrmiers se sont dits « plutôt » ou « très » insatisfaits, comparativement à environ 8 % de l’ensemble de la population active (p. 54). FACTEURS PSYCHOSOCIAUX ET SANTÉ MENTALE

Une différence marquée sur le plan de la santé mentale a été constatée entre les inrmières qui subissaient une degré élevé de tensions et de contraintes au travail et celles qui ne vivaient pas une telle situation. Parmi les premières, 9 % ont fait état d’une santé mentale passable ou mauvaise, comparativement à 4 % chez les secondes.

Source : Statistique Canada, Santé Canada & ICIS (2006) Chapitre 2

Enjeux éthiques

25

Il est donc important que l’inrmière sache reconnaître la détresse morale et qu’elle recherche activement des stratégies pour aborder cette problématique auprès de ressources institutionnelles, personnelles et d’organisations professionnelles. La connaissance et l’application de principes éthiques et de lignes directrices peuvent

aider l’inrmière dans sa pratique quotidienne lorsqu’un dilemme éthique surgit. L’ENCADRÉ 2.4 présente la position ainsi que les recommandations de l’AIIC relatives au désarroi éthique. Les actions proposées s’adressent au personnel infirmier œuvrant en soins directs ainsi qu’aux établissements de soins de santé.

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 2.4

Réagir au désarroi éthique

• Le désarroi éthique n’est pas un problème toujours bien reconnu dans les milieux de travail en soins de santé. Non résolu, il restreint l’inrmière dans sa capacité de prodiguer des soins optimaux aux clients et de retirer de la satisfaction de son travail, ce qui peut avoir une répercussion sur sa vie quotidienne. • Dans l’article Le désarroi éthique dans les milieux de soins de santé, l’AIIC estime qu’il « ne faut pas viser à supprimer le désarroi éthique : il faut plutôt le reconnaître et essayer de le résoudre de la meilleure façon possible » (AIIC, 2003, p. 2). RECOMMANDATIONS POUR RÉAGIR AU DÉSARROI ÉTHIQUE

À l’intention des inrmières Chaque inrmière peut avoir recours aux stratégies suivantes. • Reconnaître le désarroi éthique. L’inrmière peut être à l’affût des signaux de désarroi et déterminer la nature de leur expérience. • Consulter le code de déontologie de l’AIIC et de l’OIIQ, pour l’aider à clarier les préoccupations d’ordre éthique à l’origine du désarroi éthique. Les codes de déontologie peuvent aussi faciliter l’argumentation de problèmes éthiques auprès des collègues et des membres de l’équipe de soins. • Demander de l’aide : – auprès de pairs, an de rompre le silence qui peut être oppressant et d’éviter la solitude. Cette collaboration pourrait favoriser des appuis précieux qui aideraient à modier la situation éthiquement problématique ; – de l’équipe interdisciplinaire, an d’établir une philo­ sophie éthique dans l’unité de soins qui favoriserait le partage de réexions sur les situations problématiques ; – de comités d’éthique ou d’une autre structure similaire répondant aux questionnements d’ordre éthique, car la consultation auprès d’un tel comité peut aider à clarier le problème éthique. – d’associations d’inrmières ou d’organismes de réglementation, qui représentent des collectifs d’entraide. • Observer l’obligation professionnelle d’agir et de s’engager dans la lutte contre la détresse morale. • Être au fait des ressources professionnelles et institu­ tionnelles disponibles pour contrer la détresse morale et y avoir recours, le cas échéant.

• Participer activement à des activités professionnelles en vue d’améliorer les connaissances et la compréhension de l’effet de la détresse morale. • Acquérir des compétences, par le mentorat et diverses ressources, pour réduire la détresse morale. • Mettre en œuvre des stratégies pour réaliser les change­ ments souhaités dans le milieu de travail, tout en préservant son intégrité personnelle et son authenticité. À l’intention des établissements de soins de santé Chaque organisation doit : • mettre en œuvre des stratégies interdisciplinaires pour reconnaître l’expérience de la détresse morale et la nommer ; • mettre en place des mécanismes d’évaluation de l’envi­ ron nement clinique et organisationnel pour détecter les situations récurrentes qui causent de la détresse morale ; • mettre sur pied un processus systématique pour permettre l’examen et l’analyse des problèmes qui entraînent des situations générant de la détresse morale et pour favoriser l’adoption de mesures correctives ; • créer des systèmes de soutien qui comportent notamment : – des programmes d’aide aux employés ; – des protocoles relatifs aux soins de n de vie ; – des comités d’éthique ou une autre structure similaire répondant aux questionnements d’ordre éthique ; – des séances de discussion sur le stress consécutif à un événement critique ; – du counseling pour les personnes endeuillées ; • créer des forums interdisciplinaires pour discuter des attentes qu’ont les clients à l’égard des soins et accueillir des opinions divergentes dans un contexte d’ouverture et de respect ; • élaborer des politiques qui encouragent un accès sans restrictions aux ressources, comme les comités d’éthique ; • assurer la représentation des inrmières au sein des comités d’éthique institutionnels ou d’autres structures similaires répondant aux questionnements d’ordre éthique, avec pleine participation à l’ensemble des processus réexifs et décisionnels ; • fournir de l’enseignement et des outils en vue de prendre en charge et de réduire la détresse morale dans le milieu de travail.

Sources : Adapté de AIIC (2003) ; American Association of Critical-Care Nurses (AACN) (2008)

26

Partie 1

Fondements généraux

L’AACN a mis sur pied un modèle de cadre d’intervention intitulé The 4A’s to Rise Above Moral Distress (les quatre étapes permettant de surmonter la détresse morale : ask, afrm, assess et act [se questionner, accepter, évaluer et agir]) pour apporter du soutien aux inrmières qui vivent de la détresse morale FIGURE 2.1. La première étape, celle du questionnement, consiste en une introspection et en une réexion au cours de laquelle l’inrmière devient plus consciente de sa détresse et de ses effets sur elle. Les domaines particuliers à explorer relèvent des réactions physiques, spirituelles, émotionnelles et comportementales. À la deuxième étape, l’acceptation,

l’inrmière reconnaît sa détresse et s’engage à prendre soin d’elle-même. À la troisième étape, l’évaluation, l’inrmière distingue le moment et le contexte où surgissent les stresseurs ; elle détermine le degré de gravité de la détresse ressentie ; elle évalue dans quelle mesure elle est prête à passer à l’action. L’étape nale, l’action, comprend la préparation, l’intervention en elle-même et le maintien des changements désirés. Même si le modèle a été créé par l’AACN, ce cadre d’intervention peut être utilisé dans des contextes variés et par différents professionnels de la santé (AACN, 2012a). McCue (2010) signale avoir utilisé ce modèle comme ressource pour résoudre un problème

2

FIGURE 2.1 ACCN 4 A’s to Rise Moral Distress (les quatre étapes permettant de surmonter la détresse morale).

Chapitre 2

Enjeux éthiques

27

entre un chef de direction des soins inrmiers et un directeur général. Dans ledit cas, l’impact du résultat touchait le niveau organisationnel.

2.2.2

Courage moral

Dans le but d’éviter de vivre de la détresse morale, il est important que l’inrmière puisse se sentir libre de plaider pour elle-même, ses clients, ses collègues et pour un milieu de travail sain et efcace. L’AIIC partage la position de Lachman et de ses collaborateurs, qui décrivent le courage moral comme étant « la volonté de défendre ses convictions éthiques et d’agir selon celles-ci lorsque les principes moraux sont menacés, peu importe les risques éventuels ou réels (comme le stress, l’anxiété, l’isolement social exercé par les collègues, ou les risques relatifs à l’emploi) » (Lachman, Murray, Iseminger et al., 2012, p. 24). Ils décrivent les cultures organisationnelles qui appuient le courage moral, l’importance du soutien par les pairs, l’éducation et les politiques susceptibles de favoriser le courage moral du personnel. D’autres auteurs signalent que le courage moral est nécessaire dans la pratique quotidienne et qu’une personne doit agir conformément à l’éthique même en présence de risques (Gallagher, 2011 ; Murray, 2010).

2.3

Spécicités des soins critiques et leurs enjeux éthiques

La spécicité clinique des soins critiques engendre à elle seule des questionnements éthiques puisque le pronostic vital des clients qui y sont admis est très souvent compromis, ce qui nécessite minimalement des techniques de suppléance vitale pour une durée qui ne peut jamais être clairement dénie, et ce, chez des clients en perte d’autonomie cognitive (Boles, 2010). Des problématiques éthiques émergent au regard de ce constat. Elles concernent les technologies utilisées pour le traitement, le personnel soignant, l’abstention et l’interruption de traitement, de même que les traitements inusités ou devenus inutiles.

2.3.1

Technologies et traitements

Les technologies utilisées et les traitements mis en œuvre pour prodiguer les soins critiques ont considérablement évolué et ont bénécié à un grand nombre de clients ayant frôlé la mort. Cependant, il est de plus en plus recommandé de s’interroger avant d’y avoir recours auprès des clients (Fortin & Maynard, 2012). L’approche collaborative de « patient partenaire » en soins de santé requiert en effet de s’informer auprès du client ou de ses proches quant à ses volontés et à ses choix de vie avant de mettre en place diverses technologies de suppléance disponibles en soins critiques (p. ex., un respirateur, la

28

Partie 1

Fondements généraux

dialyse). La qualité de vie demeure un élément qui devrait être soigneusement pris en considération dans ce questionnement sur l’utilisation ou non de certaines technologies. Les enjeux sont très personnels et chargés de valeurs ; ils se présentent différemment pour chaque personne concernée et dépendent des multiples aspects de la situation. La préférence d’un client en matière de traitements reète la valeur qu’il attache aux résultats cliniques escomptés et peut différer largement de celles des membres de l’équipe soignante. L’exemple mentionné précédemment illustre ce type de situation : le second client atteint de pneumonie souhaitait ne pas être intubé parce qu’il estimait que sa qualité de vie serait altérée au point de devenir intolérable. Dans une telle situation, l’autonomie du client peut donc se heurter aux valeurs, aux principes et à la déontologie de l’équipe soignante.

2.3.2

Personnel soignant

Selon Jobin (2011), il est légitime que « tout soignant digne de ce nom adhère » aux nalités de la médecine qui ont été dénies par le Hastings Center (un institut de recherche en bioéthique aux États-Unis) en 1996. Les nalités qui ont été établies sont les suivantes : « Prévenir la maladie et les blessures ; promouvoir le maintien de la santé ; soulager la douleur et les souffrances causées par les maladies ; privilégier la guérison, ou donner des soins de confort lorsque la guérison n’est plus envisageable, soigner et guérir ceux qui peuvent l’être, soigner ceux qui ne peuvent être guéris ; éviter la mort prématurée et chercher une mort paisible. » (Jobin, 2011, p. 145) L’équipe de soins critiques, conformément à sa mission et grâce à la technologie et aux traitements qui sont à sa disposition, peut espérer privilégier la nalité de favoriser le rétablissement des clients, soit de « soigner et guérir ceux qui peuvent l’être ». Un changement de paradigme s’est opéré dans le milieu des soins de santé selon lequel l’approche dite paternaliste, où l’équipe soignante décidait pour le client, est délaissée pour une vision plus modérée où un dialogue s’établit en reconnaissant l’autonomie du client (Marcoux, 2003). Ainsi, celle-ci a préséance sur toute approche qui se voudrait directive (ou paternaliste) de la part de l’équipe soignante, et ce, même si le choix du client s’oppose au principe de bienfaisance. Ce changement peut modier les pratiques et susciter chez l’inrmière des questionnements éthiques d’autant plus complexes et difciles (Langlois, Dupuis, Truchon et al., 2009 ; Malherbe, 2007). À cela viennent s’ajouter des changements contextuels comme le vieillissement de la population ou la limitation des ressources, ainsi que le fait que très souvent le client hospitalisé aux soins critiques n’est pas en mesure de s’exprimer directement (Boles, 2010) sur ses choix et qu’il requerra un représentant pour témoigner en son nom. Ces derniers éléments amènent eux aussi leur lot de problématiques éthiques.

2.3.3

Abstention et interruption de traitements

La décision de ne pas utiliser les mesures de suppléance disponibles (p. ex., le respirateur, la dialyse) ou d’interrompre les traitements déjà en place est toujours difcile et éprouvante pour toutes les personnes concernées par la décision, et en particulier pour l’inrmière qui continue de prendre soin du client au quotidien. Ces décisions épineuses surviennent lorsque le soutien technologique de la vie est remis en question par les professionnels de la santé et le client qui en bénécie. Les médecins et les inrmières qui sont très au fait de ces enjeux se sont penchés sur les implications morales et éthiques de la question et se sont tournés vers les éthiciens pour obtenir des conseils. Truog, Campbell, Curtis et leurs collaborateurs (2008) recommandent dans tous les cas d’évaluer les avantages et les inconvénients de telles décisions, tout en tenant compte des souhaits du client. Néanmoins, il peut y avoir une certaine réticence à interrompre un traitement, signe des conflits éthiques et moraux habitant chaque professionnel de la santé. Des discussions doivent avoir lieu entre les membres de l’équipe soignante et les proches du client, si ce dernier n’est pas en mesure de se prononcer. C’est alors que les proches ont le plus besoin de renseignements appropriés, d’honnêteté et de la présence des membres de l’équipe soignante qui doivent parler en termes explicites des possibilités de traitements. Ces derniers doivent être à l’écoute des proches et mis au courant des volontés du client. Dans le but de rendre cette expérience positive pour le client, les proches et l’équipe soignante, il est nécessaire d’établir un plan d’intervention relatif à ce processus complexe et difcile. Stacy (2012) rapporte une étude de cas qui décrit la planication des soins inrmiers pour un client adulte à qui la ventilation mécanique est retirée dans le contexte d’un protocole de n de vie. L’inrmière clinicienne spécialisée y joue un rôle essentiel en ce qui a trait à la coordination d’une rencontre portant sur les soins à ce client et s’adressant à tous les membres de l’équipe soignante concernés ainsi qu’aux proches du client. L’essentiel du processus qui s’ensuit repose sur : 1) la prise en charge des symptômes ; 2) une communication claire entre les professionnels de la santé et les proches ; 3) la détermination de la méthode pour procéder au retrait de la ventilation mécanique ; 4) la disponibilité de documentation portant sur les soins. Un autre élément clé consiste à effectuer un retour sur le deuil vécu par l’équipe soignante, idéalement quelques jours après l’événement (Stacy, 2012).

2.3.4

Traitements inusités ou devenus inutiles

Les soins ayant une ampleur qui peut paraître démesurée sont encore parfois décrits par le terme

acharnement thérapeutique, qui « est une expression utilisée par des personnes qui jugent que les interventions médicales sont d’une intensité disproportionnée par rapport aux bénéces escomptés et les coûts humains et matériels qu’elles représentent pour le malade. » (Langlois et al., 2009, p. 23) Toutefois, cette expression tend à disparaître au prot d’énoncés plus modérés tels que traitements inusités ou devenus inutiles, soins inappropriés ou disproportionnés (Wilkinson & Savulescu, 2011) ou obstination déraisonnable (Boles, 2010). Quelle que soit l’expression employée, ces situations de soins critiques demeurent complexes, chargées de valeurs (Wilkinson & Savulescu, 2011) et singulières (Boles, 2010). Les concepts de dignité humaine et de qualité de vie du client doivent être pris en considération, ainsi que les résultats escomptés des traitements mis en place.

2.4

Processus de prise de décision éthique en situation de soins critiques

2.4.1

Rôle de l’inrmière

2

Le mode éthique est un des modes de développement et d’utilisation du savoir inrmier (Carper, 1978 ; Chinn & Kramer, 2008). Il « fait référence aux processus de prise en compte de valeurs et de clarication d’ordre moral qu’exigent de nombreuses situations de soins » (Pepin, Kérouac & Ducharme, 2010, p. 19). Il est donc essentiel que l’inrmière se sente concernée par les dimensions éthiques propres à chaque situation de soins et impliquée dans les tentatives de résolution de problématiques éthiques. Le recours aux principes éthiques abordés jusqu’à présent peut aider l’inrmière à mettre en pratique ce mode de savoir infirmier. D’autres modèles éthiques peuvent offrir des approches alternatives. L’éthique relationnelle est décrite par Benner (2004) comme ayant trait au bien-être, au toucher et au réconfort. Cette auteure s’est aperçue, tout comme ses collègues, qu’il existe encore nombre d’exemples de ce type de réconfort dans la pratique de tous les jours, malgré la place prédominante faite aux technologies dans le traitement des clients en situation critique de santé. La voix et le toucher sont décrits comme des éléments essentiels pour le client qui récupère d’une anesthésie. Dans certaines circonstances, des décisions critiques, comme l’usage de mesures de contention, constituent d’autres exemples liés au bien-être et aux soins éthiques des clients. Par ailleurs, l’éthique de l’empathie (caring) est décrite par Lachman (2012) comme étant propre à la pratique inrmière. En prenant la décision importante d’accéder à la profession inrmière, une personne prend un engagement moral de fournir des soins et des services à des clients, et cela dénote son intérêt à Chapitre 2

Enjeux éthiques

29

vouloir répondre à l’ensemble de leurs besoins. La reconnaissance de l’importance de la relation inrmière-client et la consécration de temps à l’écoute, aux explications et au réconfort sont des éléments qui peuvent aider l’inrmière à déceler des besoins non satisfaits chez le client. L’ENCADRÉ 2.5 présente la description d’une intervention visant à favoriser la clarication des valeurs pour le client. Comme discuté précédemment, l’inrmière en soins critiques affronte des problèmes éthiques sur une base quotidienne. Des auteures ont étudié les situations éthiquement difciles propres aux inrmières, les indicateurs précoces et les facteurs de

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 2.5

Clarier des valeurs

OBJECTIF

• Aider le client, ou ses proches, s’il ne peut s’exprimer lui-même, à clarier ses valeurs personnelles de façon à prendre une décision éclairée. INTERVENTIONS

• Revoir, avant de commencer l’intervention, l’ensemble des aspects éthiques et légaux du consentement libre et éclairé, compte tenu de la situation particulière. • Créer un climat d’acceptation et exempt de jugement. • Encourager la prise en compte des enjeux par le client. • Encourager la prise en compte par le client des valeurs sous-jacentes à ses choix et des conséquences de ceux-ci. • Poser des questions pertinentes pour aider le client à rééchir sur la situation et sur ce qui lui importe personnellement. • Aider le client à établir les priorités dans ses valeurs. • Utiliser une che d’étude de la situation (où gurent les éléments de la situation et les questions), selon le cas. • Poser des questions visant à faire rééchir le client et à éclaircir ses idées.

• Éviter l’utilisation de questions visant à conrmer les premières réponses du client. • Encourager le client à dresser une liste de points qui sont importants ou non dans sa vie et à noter le temps consacré à chacun d’eux. • Encourager le client à dresser la liste des valeurs qui guident son comportement dans différents contextes et diverses situations. • Élaborer et mettre en œuvre un plan avec le client pour mettre divers choix à l’essai. • Évaluer l’efcacité du plan avec le client. • Fournir du renforcement relativement aux actions du plan qui soutiennent les valeurs du client. • Aider le client à dénir d’autres choix possibles ainsi que leurs avantages et leurs inconvénients. • Aider le client à voir à quel degré ses valeurs sont en conformité ou en conit avec celles des membres de sa famille et de ses proches. • Aider le client à communiquer ses propres valeurs à son entourage. • Éviter de faire l’intervention avec des personnes ayant des problèmes psychologiques importants.

Source : Adapté de Bulechek et al. (2013)

ENCADRÉ 2.6

Indicateurs précoces de dilemmes éthiques

• Signes de conit entre les professionnels de la santé, les membres de la famille et entre les professionnels de la santé et les proches • Signes de souffrance chez le client

30

Partie 1

Fondements généraux

• • • •

Signes de détresse chez l’inrmière Signes de non-respect de l’éthique Signes d’attentes irréalistes Signes de mauvaise communication

risque, les interventions des inrmières et leurs résultats. Cette étude a permis de découvrir certains facteurs de risques liés aux clients, aux proches, aux professionnels de la santé et aux organisations de soins de santé. Elle a de plus permis de dénir des indicateurs précoces de dilemmes éthiques dans six domaines (Pavlish, Brown-Saltzman, Hersh et al., 2011a) ENCADRÉ 2.6. L’éthique n’est pas une doctrine rigide applicable à tous les cas, mais « une manière d’assumer positivement l’incertitude inhérente à notre condition humaine, un art de chercher […] une position plus juste à l’égard du certain et de l’incertain » (Malherbe, 2007, p. 416). Dans ce contexte, une éthique préventive semble tout à fait réaliste, c’est-à-dire une façon de faire ou une pratique où l’inrmière en soins critiques joue un rôle essentiel dans la détection précoce de problèmes éthiques potentiels (Epstein, 2012). Des exemples de questions à se poser pour déceler précocement des situations éthiquement problématiques sont présentés dans l’ENCADRÉ 2.7. Les questionnements d’ordre éthique peuvent être générés par les soins directs au client, mais aussi par d’autres pratiques, moins directes et qui concernent tout autant le client. Le rapport concernant les clients entre deux quarts de travail, ou d’inrmière à inrmière, est une de ces pratiques effectuées quotidiennement par le personnel soignant. Rushton (2010) signale que, au cours de ce processus, les inrmières peuvent laisser passer certains problèmes courants et de possibles violations éthiques. Elle propose plusieurs stratégies pour s’assurer d’un rapport de quart de travail éthiquement bien étayé ENCADRÉ 2.8. Les conits éthiques sont courants dans les milieux de soins de santé. Or, ces conits ont des répercussions négatives sur le moral du personnel, sur les coûts de fonctionnement et sur les relations publiques. Il est essentiel que l’organisation de soins de santé dispose de méthodes pour faire face à ces conits éthiques. L’inrmière se trouve en première ligne dans nombre de ces situations délicates, voire conictuelles, par exemple pour l’application d’ordonnances de ne pas réanimer (do not resuscitate ou DNR), pour répondre à des questions concernant les traitements, mettre en place de nouvelles technologies et de nouveaux protocoles, connaître les souhaits du client et de ses proches en ce qui a trait à la prolongation ou à l’arrêt des traitements. Elle représente un maillon important pour enrayer ces conits éthiques. Il est donc important que l’inrmière participe au processus de réexion et de prise de décision en présence de dilemme éthique.

2.4.2

Enjeux, problèmes et dilemmes éthiques

Saint-Arnaud établit cette distinction entre l’enjeu et le problème éthique : « L’enjeu éthique est un objet d’étude, de recherche, de débats, alors que le problème éthique exige un examen en vue d’une décision. » (2009, p. 151) Un problème éthique nécessite

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 2.7

2

Détecter une situation problématique pour pouvoir anticiper une intervention éthique

• Le client est-il capable de prendre part aux décisions concernant ses soins ? • Le client est-il toujours en phase critique 48 heures après son admission ? • Ses proches se sont-ils présentés depuis les dernières 48 heures ? • Le client et ses proches sont-ils incapables de s’exprimer en français ou sont-ils membres d’un groupe culturel qui n’est pas connu des membres de l’équipe soignante ? • Les proches ont-ils reçu de l’information actualisée de la part de l’équipe soignante au cours des 24 dernières heures ? • L’inrmière au chevet du client aujourd’hui a-t-elle déjà soigné ce dernier ?

• L’inrmière au chevet du client a-t-elle établi des rapports avec ce client et ses proches ? • Combien d’inrmières différentes se sont occupées de ce client au cours de la dernière semaine ? • La famille a-t-elle exprimé des croyances religieuses fermes qui pourraient faire en sorte qu’elle s’oppose à un traitement médical donné ? • Y a-t-il un consensus au sein des membres de l’équipe soignante en ce qui a trait au pronostic et au plan de traitement de ce client ? • Y a-t-il dans l’unité de soins des activités routinières ou des façons de faire qui nuisent aux soins à apporter à ce client ? • La situation de ce client présente-t-elle un enjeu éthique actuellement ?

Source : Adapté Epstein (2012)

de prendre la décision d’entamer ou non une action pour y remédier. Les dilemmes éthiques, quant à eux, sont des types de problème « dans lesquels se présentent une ou plusieurs options d’intervention éthiquement acceptables, mais exclusives. L’inrmière doit faire un choix, mais les arguments éthiques à l’appui de chacune des options sont perçus comme étant d’égal poids et ne permettent pas de conclure qu’une option d’intervention est plus éthique qu’une autre. » (Saint-Arnaud, 2009, p. 153) Avant d’appliquer un modèle de prise de décision, l’inrmière détermine si elle est en présence d’un vrai dilemme éthique. Les critères dénissant les dilemmes moraux et éthiques au sein de la pratique clinique sont triples : 1) une connaissance des différentes options ; 2) un problème présentant différentes options ou issues possibles ; 3) deux options ou plus comportant de bons aspects, le choix de l’une compromettant l’option non retenue. Devant de telles situations, l’inrmière s’arrête, elle cherche à obtenir l’opinion de l’équipe interdisciplinaire sur le problème, vérie ses hypothèses, cherche des modèles de pensée et de comportements et favorise la réexion et la recherche d’information avant de prendre une décision (Rushton, 2009). Celle-ci doit être prise en collégialité (AIIC, 2008 ; Boles, 2010 ; Jensen, Ammentorp, Johannessen et al., 2013 ; Langlois, Centero & Fillion, 2012 ; Langlois et al., 2009), et non par une seule personne. Cependant, le fait d’entreprendre ces réexions et d’être proactive pour établir ce type de concertation permet à l’inrmière d’exprimer son leadership (AIIC, 2013). Ce leadership aide indéniablement le client et ses proches (Kerfoot, 2012) à l’occasion de situations éprouvantes, et il permet aussi à l’inrmière de contribuer substantiellement au processus décisionnel (Lind, Lorem, Nortvedt et al., 2012).

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 2.8

Étayer le rapport de quart de travail sur le plan éthique

• Surveiller le langage et le ton employés. • Vérier les hypothèses émises. • Être attentive à la présence de bris du secret professionnel, de préjugés ou de rumeurs. • Instaurer des normes professionnelles.

2.4.3

• Assumer personnellement et mutuellement les responsabilités. • Utiliser un cadre de travail standardisé. • Adopter une politique fondée sur la « nécessité de savoir ».

Modèles de prise de décision

En vue de faciliter le processus éthique de prise de décision, il faut utiliser un modèle ou un cadre de travail pour que toutes les personnes concernées puissent analyser avec clarté les multiples problèmes éthiques qui se présentent à elles. Il existe différents modèles éthiques. L’AIIC et la littérature scientique consacrée à ce sujet en proposent quelques-uns. Ces modèles ont des caractéristiques spéciques et des approches différentes (méthode de résolution de problèmes, clarication des valeurs, références à des obligations morales, etc.). Ils présentent également des similitudes dans l’articulation du processus qui mènera à une prise de décision (Saint-Arnaud, 2009). L’ENCADRÉ 2.9 décrit les étapes qui sont communes à ces différents modèles. L’ENCADRÉ 2.10 en présente un parmi les nombreux modèles existants. Ce large éventail de modèles de processus décisionnels éthiques permet à chaque groupe devant se pencher sur une problématique éthique en milieu de soins de santé de trouver un modèle adapté à sa situation. Chapitre 2

Il est possible de consulter des références de modèles de processus décisionnels éthiques en annexe du code de déontologie de l’AIIC, présenté au www.cna-aiic.ca/fr.

Enjeux éthiques

31

ENCADRÉ 2.9

Étapes de la prise de décision éthique

• Détermination et formulation du questionnement d’ordre éthique • Établissement des faits • Détermination des rôles et des valeurs des personnes impliquées • Prise en considération spontanée des options possibles

ENCADRÉ 2.10

• Énonciation des différents repères disponibles (éthiques, juridiques, organisationnels) • Analyse de l’ensemble des données • Dénition des différentes options possibles • Choix d’une option et sa mise en œuvre • Évaluation de l’intervention et réajustement de celle-ci au besoin

Modèle de processus décisionnel éthique

PREMIÈRES ÉTAPES : CLARIFIER ET DÉFINIR LA NATURE DU PROBLÈME

MISE EN ŒUVRE : PRENDRE DES MESURES NÉCESSAIRES POUR METTRE LE PLAN EN ŒUVRE

• Quelle est la situation critique (ou quel est le dilemme) motivant une décision ?

• Comment enclencher le processus d’intervention, le poursuivre et y mettre un terme ? • Comment évaluer les coûts et les bénéces de l’intervention ? • Comment surveiller l’évolution vers la réussite ou l’échec dans le courant du processus ?

ÉVALUATION : PRÉCISER LES PRINCIPAUX FAITS ET VALEURS EN CAUSE

• Quels sont les faits essentiels inhérents à ce cas ? • Quelles sont les valeurs qui entrent ici en jeu ? • Quelles sont les options de décision possibles spontanément ? PLANIFICATION : EXPLORER LES MEILLEURS MOYENS DISPONIBLES POUR ATTEINDRE LE BUT FIXÉ, SOIT DE RÉSOUDRE UNE PROBLÉMATIQUE ÉTHIQUE

• Quel est le principal objectif de ce processus de décision éthique ? • Quels sont les buts, les bénéces et les objectifs moraux de l’intervention éthique dans le cadre de la prise de décision ? • Y a-t-il des problématiques éthiques similaires ou des cas de même nature qui ont déjà été résolus à l’unité de soins et dont il faudrait tenir compte ou s’inspirer pour aider à la réexion ?

ÉVALUATION : ÉVALUER L’AMÉLIORATION ET LES RÉSULTATS PAR RAPPORT AUX RÉSULTATS ESCOMPTÉS

Objectifs • Quels sont les moyens mis de l’avant pour effectuer un retour et dégager une rétroaction ? • Les moyens appropriés ont-ils été utilisés à bon escient ? • Comment analyser les avantages et les inconvénients de l’intervention réalisée ? DERNIÈRES ÉTAPES : RÉTROSPECTIVEMENT, ÉVALUER LE PROCESSUS DE DÉCISION

• Peut-on fournir une justication éthique raisonnable pour l’intervention réalisée ? • Peut-on préciser les leçons apprises en appliquant le modèle de prise de décision utilisé ? • Comment intégrer cet apprentissage dans le prochain cycle de prise de décision ?

Source : Adapté de Thompson et al. (2006)

2.4.4

Stratégies favorisant la prise de décision éthique

La complexité des soins de santé et les dilemmes éthiques fréquemment rencontrés dans la pratique clinique exigent la mise en place de mécanismes permettant de résoudre les problèmes éthiques en milieu hospitalier et dans les établissements de soins de santé. Trois types de mécanismes sont discutés ici brièvement : 1) les comités d’éthique clinique ; 2) les programmes de formation en cours d’études ou d’emploi ; 3) les rencontres relatives à l’éthique.

32

Partie 1

Fondements généraux

Comités d’éthique clinique Les normes d’Agrément Canada demandent qu’une instance dans l’établissement de soins de santé puisse répondre aux problèmes éthiques qui se posent (Saint-Arnaud, 2009). Cependant, certains établissements ne sont pas dotés de comités d’éthique clinique ou d’un autre type de comité répondant aux questionnements d’ordre éthique. Les principales fonctions d’un comité d’éthique clinique sont la formation, la consultation, et la rédaction des politiques et des lignes directrices de l’établissement (Parizeau, 1999).

Un tel comité peut fonctionner selon divers modes, mais il agit le plus souvent comme une instance consultative qui aide et conseille les requérants dans leurs réexions éthiques, tout en leur apportant du soutien, et qui peut émettre des recommandations dans des cas précis auprès des personnes ayant requis son avis. Les consultations éthiques peuvent donc aider à résoudre des conits. Aucune réglementation n’encadre la composition de ce comité. L’inrmière s’informe an de savoir s’il existe un comité d’éthique clinique dans l’établissement de soins de santé où elle exerce ; dans l’afrmative, il est utile qu’elle connaisse la procédure de demande de consultation auprès de celui-ci. S’il n’existe pas de tel comité, d’autres options de consultations éthiques peuvent être offertes (p. ex., des consultants externes). Cette démarche de reconnaissance des ressources disponibles en éthique permet d’éviter que des inrmières se retrouvent seules devant un dilemme éthique (Langlois et al., 2009).

Programmes de formation en cours d’études ou d’emploi L’enseignement de la base des principes éthiques et du processus de prise de décision constitue un premier pas important permettant de favoriser une démarche éthique de prise de décision au sein du personnel inrmier dans le domaine des soins critiques (Pavlish, Brown-Saltzman, Hersh et al., 2011b ; Robichaux, 2012). Il est important que l’inrmière rééchisse sur ses propres valeurs, croyances et convictions morales, car « une clarication des valeurs est un préalable à toute démarche de réexion éthique » (Saint-Arnaud, 2009, p. 123). L’inrmière se doit de connaître les codes de déontologie de l’AIIC et de l’OIIQ et de les respecter dans sa pratique clinique quotidienne. Les choix de

traitement pour les clients ainsi que les problèmes éthiques impliquant des clients, des inrmières et des collègues médecins sont des éléments qu’il est nécessaire d’explorer et de discuter en contexte de formation, car il n’y a alors pas de contraintes de temps ni de distractions étrangères susceptibles d’interrompre le processus de prise de décision. Le recours à la démarche de soins inrmiers comme cadre de réexion et à un modèle de prise de décision éthique peut être une stratégie d’enseignement pour mieux faire comprendre les questions d’éthique (Thompson, Melia, Boyd et al., 2006).

2.4.5

2

Rencontres relatives à l’éthique

La sensibilité éthique des intervenants pourrait être motivée par une culture éthique développée par les établissements eux-mêmes ou en réponse à une demande de plus en plus pressante sur ce sujet. Des mécanismes de soutien à l’éthique pourraient être mis en place pour favoriser des échanges sur des questionnements éthiques qui peuvent être partagés par les professionnels d’autres unités de soins (Langlois et al., 2012). Par ailleurs, des rencontres interdisciplinaires sur l’éthique au sein de l’unité de soins pourraient également être organisées an d’offrir un temps pour exprimer et partager les difcultés éprouvées à ce sujet (Pavlish et al., 2011b ; Robichaux, 2012). Elles permettraient de réaliser un enseignement en s’alimentant de réexions propres à l’unité de soins ou relatives à des sujets sur lesquels l’OIIQ ou l’AIIC se sont positionnés ou ont émis des recommandations. Ces rencontres peuvent aussi servir de lieu de débreffage après la survenue de situations plus difficiles. Enfin, les questionnements éthiques, lorsqu’il y en a, pourraient être intégrés aux questions qui doivent être soulevées au moment de la tournée interdisciplinaire à laquelle participe l’inrmière.

L’OIIQ propose des chroniques portant sur la déontologie et sur divers enjeux éthiques, dont l’intégrité et la relation de conance susceptibles d’alimenter la réexion, présentées au www.oiiq.org.

Des lectures et des références pouvant servir de source de réexion dans le cadre d’un enseignement associé à l’éthique sont offertes par l’AIIC au www.cna-aiic.ca/fr.

ÉTUDE DE CAS SOLUTIONNAIRE

http://mabibliotheque. cheneliere.ca

Client dont la situation de soin pose un dilemme éthique Mise en contexte Xavier Demers, âgé de 67 ans, est obèse. Il fait de l’emphysème depuis 2 ans (il a déjà consommé 100 paquets de cigarettes par an dans le passé) et a été hospitalisé à deux reprises récemment en raison d’une pneumonie qui a exigé de le mettre sous assistance respiratoire. Lors de sa dernière visite chez son pneumologue, où il s’est rendu seul, il a exprimé le désir d’un niveau de soins maximal, soit l’admission aux soins critiques et l’intubation, si nécessaire, s’il devait être hospitalisé de nouveau. À ses proches, monsieur Demers a déjà dit qu’il ne veut pas être replacé sous assistance respiratoire, mais également

Chapitre 2

Enjeux éthiques

33

qu’il ne veut pas souffrir. Il vient d’être impliqué dans un accident de la circulation et a subi un trauma contondant au tronc et aux membres inférieurs et des fractures fémorales bilatérales. Même si son état est critique, il devrait s’en remettre. Monsieur Demers a reçu 5 mg de morphine par bolus I.V. au service des urgences. L’analgésie a été minimale, mais il a présenté les premiers symptômes de confusion. L’épouse et les enfants de monsieur Demers s’inquiètent du risque de dépression respiratoire causée par les médicaments analgésiques. Ils disent préférer que monsieur Demers supporte la douleur plutôt que de le voir retourner sous assistance respiratoire. Pour cette raison, ils surveillent tous les médicaments que l’inrmière administre à monsieur Demers et s’opposent fermement lorsqu’il s’agit d’un analgésique.

Manifestations cliniques Monsieur Demers est admis à l’unité des soins critiques à partir du service des urgences, et des transfusions sanguines sont en cours. Une traction de Buck (de 2,3 kg) a été appliquée aux deux jambes. Il est réveillé, alerte et orienté par rapport aux gens, à l’heure, à l’endroit et à la situation. Monsieur Demers respire par la bouche de manière supercielle. Il se plaint de douleurs abdominales à la hauteur du quadrant supérieur droit lorsqu’il inspire profondément. Sa peau est chaude et sèche. Le client est capable de bouger ses orteils à la demande, et la sensibilité des membres inférieurs est normale au toucher ; il se plaint toutefois d’intenses douleurs aux deux jambes qui le rendent inconfortable et agité.

Collecte des données objectives Les données recueillies pour monsieur Demers sont les suivantes : GSA : PaO2 à 55 mm Hg ; PaCO2 à 28 mm Hg ; pH à 7,35 ; HCO3− à 24 mEq/L ; SaO2 à 88 %. L’hématocrite est à 24 %, et l’hémoglobine, à 80 g/L. L’évaluation de la douleur par le client se situe à 10 sur l’échelle visuelle analogue. L’indice sur l’échelle de sédation-agitation de Riker est à 5 (agitation) : le patient est anxieux ; il tente de s’asseoir ; il est possible de le calmer par des rappels verbaux.

Diagnostic médical Monsieur Demers a un diagnostic d’hématome hépatique et de fractures fémorales bilatérales résultant d’un accident de la circulation.

Questions 1. Quels sont les principaux résultats escomptés pour ce client ? 2. Quels problèmes prioritaires ou risques doivent être contrôlés et inscrits au plan thérapeutique inrmier (PTI) pour obtenir ces résultats ? 3. Quelles interventions doivent être mises en œuvre et inscrites au PTI pour surveiller, prévenir, gérer ou éliminer les problèmes et les risques désignés ? 4. Quelles interventions devraient être mises en œuvre pour optimiser le fonctionnement, la sécurité et le bien-être du client ? 5. Quels besoins d’enseignement prévoyez-vous pour ce client ? 6. Quels facteurs liés à la culture et à l’âge du client peuvent inuer sur le plan de soins et de traitements ?

34

Partie 1

Fondements généraux

À RETENIR • La pratique des soins critiques comporte des défis quotidiens en matière de dilemmes éthiques. • L’éthique englobe des valeurs, des principes et des règles. Les valeurs sont subjectives. Celles mises de l’avant dans la profession inrmière sont notamment l’honnêteté et la loyauté. Les principes orientent l’action. Les quatre principes de l’éthique biomédicale qui guident la réexion et les interventions éthiques sont le respect de l’autonomie, la bienfaisance, la non-malfaisance et la justice. La déontologie encadre légalement la pratique inrmière. • L’inrmière se réfère aux valeurs, aux principes et au code de déontologie pour l’aider à faire face aux dilemmes éthiques et à les aborder. • La nature critique de la situation et la vitesse à laquelle les décisions doivent

être prises dans une unité de soins critiques ne permettent pas toujours aux praticiens de se familiariser avec les désirs, les valeurs et les sentiments du client. • La position de l’Association des inrmières et inrmiers du Canada (AIIC) relative au désarroi moral et à la conduite à tenir pour le détecter et le réduire est source de conseils et fournit des lignes directrices à l’inrmière en soins critiques qui ressent de la détresse morale. • En adoptant une approche basée principalement sur les technologies, les professionnels de la santé risquent de ne pas témoigner le respect qui lui est dû au client et de manquer à leur code de déontologie. • En utilisant un processus de prise de décision éthique, les professionnels de la santé développent un raisonnement moral qui tiendra compte de leurs valeurs ainsi que de celles du client, respectera leurs

obligations déontologiques, favorisera la collaboration interdisciplinaire et qui aboutira à des décisions qui seront prises dans l’intérêt du client en respectant son individualité et ses choix. • Le processus de prise de décision doit se faire en concertation avec les intervenants impliqués dans la problématique éthique. • Il n’y a pas une solution à un problème éthique, mais des solutions. Le processus de décision éthique doit aider à adopter la position la plus juste pour la situation en cause. • La pratique inrmière repose sur des fondements d’empathie morale et d’éthique ; l’inrmière en soins critiques joue un rôle central quand il s’agit de reconnaître une situation comportant un volet éthique pour un client, et elle peut prendre part au processus de prise de décision pour résoudre les problèmes de cette nature.

Chapitre 2

Enjeux éthiques

35

chapitre

3

Enjeux juridiques

Écrit par : Emmanuelle Berhneim, LL. D., Ph. D. À partir d’un texte de : Kelly K. Dineen, BSN, JD

L

e droit régit plusieurs aspects de la pratique inrmière depuis l’organisation du système de santé jusqu’à la dénition du champ d’exercice, en passant par la structure des ordres professionnels et les droits des clients. Bien que ce chapitre porte essentiellement sur la notion de responsabilité professionnelle, l’inuence du droit dans la pratique inrmière dépasse largement cette seule question. Parce que le droit est un outil de formalisation et d’actualisation des valeurs sociales, il contribue notamment à la détermination de l’importance et de l’ampleur de la place qu’oc­ cupe la santé dans une société. La santé peut être vue comme une responsabilité sociale ou individuelle, et ces différentes conceptions ont un impact direct sur le contenu du droit. Par exemple, ces préoccupations pourraient se traduire par la reconnaissance d’un droit fonda­ mental à la santé ou à l’autodétermination. Ces éléments sont fort importants, car ils inuent non seulement sur les choix et sur l’établissement des priorités dans le système de santé, mais aussi sur la dimension éthique de la pratique inrmière. Dans le domaine des soins critiques, les inrmières travaillent souvent en situation d’urgence, et elles offrent des soins complexes à

une clientèle la plupart du temps fragile et instable. Elles sont donc particulièrement exposées à d’éventuels recours judiciaires : la compréhension et la maîtrise des enjeux juridiques de la pratique peuvent prévenir certains litiges. 3

Ce chapitre présente le cadre juridique en matière de pratique inrmière. Dans un premier temps, il sera question des activités professionnelles réservées aux inrmières, du droit déontologique et des normes de pratique, soit la réglementation de la profession appliquée par l’Ordre des inrmières et des inrmiers du Québec. Dans un second temps, les droits civils et fondamentaux des clients, et plus particulièrement les droits à l’intégrité et au consentement aux soins, seront examinés. Enn, la troisième partie du chapitre traitera de la responsabilité civile, à savoir les principes en matière de poursuites judiciaires pour préjudice découlant d’une faute professionnelle. Bien que ces normes soient de nature différente, elles sont reliées entre elles : la faute susceptible d’entraîner des poursuites en responsabilité professionnelle peut découler d’un manquement aux normes professionnelles, au droit déontologique ou au corpus des droits des clients.

3.1

Système juridique et ordre professionnel

Le système juridique canadien est composé des paliers municipaux, provinciaux et fédéral, dont les compétences sont spécifiques. En vertu de la Constitution canadienne (Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada [R-U], 1982, c. 11), la compétence en matière de soins de santé est réservée au gouvernement provincial. Certaines lois fédérales imposent néanmoins des balises en la matière, comme la Loi canadienne sur la santé (L.R.C. [1985], c. C-6), qui prévoit les principes d’accessibilité et d’universalité des soins. Les différents paliers juridiques régissent des questions variées, tant d’ordre public (entre l’État et les citoyens) que privé (entre les citoyens). Quel que soit le cadre auquel elle s’applique, la loi, en général, porte sur des normes moyennes plutôt que sur des normes éthiques. Les normes d’éthique professionnelle, de même que celles des meilleures pratiques, sont déterminées et gérées par les ordres professionnels qui imposent de la formation continue à leurs membres. Les conseils de discipline peuvent sanctionner les écarts. L’autorisation d’exercer la profession infirmière en est un exemple : le permis d’exercice indique que l’inrmière a fait preuve des compétences nécessaires pour intégrer la pratique. Évidemment, une bonne pratique dépasse largement la maîtrise des compétences minimales. L’Ordre des inrmières et des inrmiers du Québec (OIIQ) travaille à l’élaboration de standards et de normes des meilleures pratiques dans tous les domaines de l’exercice inrmier. Pour l’OIIQ (2010), la pratique des soins inrmiers : • exige des connaissances scientiques et leur mise à jour continue, l’exercice compétent du jugement clinique et la maîtrise d’habiletés techniques complexes ;

• est empreinte d’humanisme, où l’inrmière fait respecter les droits du client et l’aide dans les situations où ceux-ci sont lésés ; • s’inscrit dans un cadre interdisciplinaire et dans une perspective de continuité des soins et des services. Étant donné que l’inrmière exerce dans un système de soins de santé de plus en plus complexe et qui évolue rapidement, il est essentiel qu’elle connaisse les principes et les normes juridiques propres à sa profession.

3.1.1

Activités professionnelles réservées et champ d’exercice

Le champ d’exercice renvoie à l’ensemble des activités que l’inrmière accomplit dans le cadre de la prestation de soins. Le cadre des activités du champ d’exercice est plutôt large pour rendre compte des nombreux contextes et rôles inhérents à la profession, mais aussi pour représenter les activités qui sont réservées aux inrmières ou, le cas échéant, aux intervenants qui sont sous leur supervision. Les dispositions portant sur le champ d’exercice visent également à empêcher des personnes non autorisées d’offrir des services qui sont réservés aux inrmières. Le champ d’exercice est déterminé par la Loi sur les inrmières et les inrmiers (c. I-8, art. 36 et 36.1) et le Code des professsions (c. C-26) ENCADRÉ 3.1. D’autres règles encadrent la pratique inrmière telles que le Code de déontologie des inrmières et inrmiers (c. I-8, r. 9), qui est un règlement, ainsi que des normes de meilleure pratique, déterminées par l’OIIQ. Le fait de pratiquer illégalement une profession est passible d’accusations criminelles. Ainsi, une inrmière qui poserait des diagnostics ou qui prescrirait une médication (à l’exception de certaines inrmières, en vertu de l’article 36.1 de la Loi sur les inrmières et les inrmiers), même sans se présenter comme médecin, empiéterait illégalement sur le champ Chapitre 3

Enjeux juridiques

37

ENCADRÉ 3.1

Champ d’exercice déterminé par la Loi sur les inrmières et les inrmiers

Art. 36 : « L’exercice inrmier consiste à évaluer l’état de santé, à déterminer et à assurer la réalisation du plan de soins et de traitements inrmiers, à prodiguer les soins et les traitements inrmiers et médicaux dans le but de maintenir et de rétablir la santé de l’être humain en interaction avec son environnement et de prévenir la maladie ainsi qu’à fournir les soins palliatifs. » Art. 36.1 : « L’inrmière et l’inrmier peuvent, lorsqu’ils y sont habilités par règlements pris en application du paragraphe b du premier alinéa de l’article 19 de la Loi médicale (cha­ pitre M­9) et du paragraphe f de l’article 14

de la présente loi, exercer une ou plusieurs des activités suivantes, visées au deuxième alinéa de l’article 31 de la Loi médicale : 1° prescrire des examens diagnostiques ; 2° utiliser des techniques diagnostiques invasives ou présentant des risques de préjudice ; 3° prescrire des médicaments et d’autres substances ; 4° prescrire des traitements médicaux ; 5° utiliser des techniques ou appliquer des traitements médicaux, invasifs ou présentant des risques de préjudice. »

d’exercice des médecins en posant des actes réservés aux membres du Collège des médecins (Vézina c. Corporation professionnelle des médecins du Québec).

3.1.2

Rôle de l’Ordre des inrmières et des inrmiers du Québec

La constitution des ordres professionnels a pour objectif d’encadrer les activités professionnelles et de mettre une instance d’information et de plainte à la disposition du public. Les rôles et les responsabilités multiples des ordres professionnels sont présentés dans l’ENCADRÉ 3.2. La structure et la composition des ordres professionnels sont prévues par le Code des professions, alors que l’Ofce des professions a pour mission de surveiller les différents ordres. De plus, chaque gouvernement désigne dans son cabinet un ministre responsable de l’application du droit professionnel. L’inscription au tableau de l’OIIQ est un préalable à l’exercice de la profession d’inrmière. Elle permet de bénécier de la reconnaissance de la formation inrmière et de compétences précises, en accordant notamment la possibilité de poser des actes réservés à ses membres. Diverses entités réalisent la mission de l’OIIQ par des mandats complémentaires. Le Bureau du registraire de l’OIIQ délivre les permis et met à jour le tableau de l’Ordre, alors que le Bureau de surveillance

ENCADRÉ 3.2

Rôles et responsablités des ordres professionnels

« 1. Contrôler la compétence et l’intégrité de ses membres [...] 2. Surveiller l’exercice de la profession [...] 3. Réglementer l’exercice [...] 4. Gérer le processus disciplinaire [...] Source : Ofce des professions (2013)

38

Partie 1

Fondements généraux

5. Favoriser le développement de la profession [...] 6. Contrôler l’exercice illégal de la profession et l’usurpation du titre [...] 7. Produire un rapport annuel [...]. »

de l’exercice inrmier s’occupe de l’inspection professionnelle et notamment des cas d’exercice illégal et d’usurpation du titre d’inrmière, ainsi que de la révocation du permis de pratique. Le Bureau du syndic gère toute infraction aux règles régissant la pratique infirmière (et notamment les règles déontologiques) et peut porter plainte au Conseil de discipline, le cas échéant. Ce dernier a pour fonction de se prononcer sur les plaintes déposées contre les membres de l’Ordre, et il peut imposer des sanctions.

3.1.3

Droit déontologique

Le Code de déontologie des inrmières et inrmiers présente un cadre de principes à l’intérieur duquel se déroulent les activités professionnelles des inrmières. Il prévoit différents devoirs inhérents à la profession tels que l’obligation de porter secours à autrui (art. 1), de se conformer aux meilleures pratiques fondées sur des résultats probants (art. 4) et de ne pouvoir refuser de soigner un client pour des raisons discriminatoires comme l’ethnie, la couleur, le sexe, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge, la religion, les convictions politiques, la langue, l’ascendance ethnique ou nationale, l’origine ou la condition sociale, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap (art. 2). L’inrmière est notamment tenue à des obligations d’intégrité (art. 10 et suiv.), de compétence (art. 17 et suiv.), d’indépendance professionnelle (art. 20 et suiv.) et de disponibilité (art. 25 et suiv.). Dans sa relation avec son client, l’inrmière entretient le lien de conance (art. 28 et suiv.), respecte que le client consulte les professionnels de la santé de son choix (art. 5) et s’assure de préserver la condentialité des renseignements personnels du client (art. 31 et suiv.). Elle ne peut établir de liens d’amitié, intimes, amoureux ou sexuels avec un client (art. 38). L’inrmière ne peut faire preuve de négligence dans les soins et l’administration de la médication (art. 45). Ainsi, elle intervient promptement auprès du client et maintient la surveillance requise par son état de santé, de même qu’elle prend les moyens raisonnables pour assurer la continuité des soins et des traitements (art. 44). L’inrmière ne peut refuser de collaborer avec d’autres professionnels de la santé dont les interventions sont nécessaires pour assurer le bien-être du client (art. 46). Le contenu du droit déontologique est déni par la jurisprudence du Conseil de discipline de l’OIIQ au cours de l’examen de plaintes pour actes dérogatoires déposées à l’encontre d’inrmières par des clients ou des supérieurs. Par exemple, le droit à l’intégrité fait régulièrement l’objet de plaintes et renvoie à des situations diverses : le conit d’intérêts (OIIQ c. Cockburn), la possession de matériel de pornographie juvénile (OIIQ c. Gagnon), les fausses déclarations tant sur les diplômes et les emplois antérieurs (OIIQ c. Lajoie) que sur les interventions de soins effectuées (OIIQ c. Alabré), l’usage de

narcotiques (OIIQ c. Desjardins) ou des condamnations criminelles (OIIQ c. Howe). Lorsque le Conseil de discipline juge que les plaintes sont fondées, il peut imposer une sanction allant de l’imposition de stages de formation à la radiation temporaire ou dénitive de l’Ordre. Les sanctions imposées par le Conseil de discipline ne visent pas à punir l’inrmière, mais « doi[ven]t permettre d’atteindre les objectifs suivants : au premier chef la protection du public, puis la dissuasion du professionnel de récidiver, l’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables et enn, le droit par le professionnel visé d’exercer sa profession » (OIIQ c. Caron).

3.1.4

Normes de pratique professionnelle

La Loi sur les inrmières et les inrmiers établit le champ d’exercice de la profession inrmière, tandis que l’OIIQ a pour fonction d’élaborer les normes de pratique qui précisent les attentes relatives à une pratique inrmière sûre et efcace. Pour ce faire, la Direction, Développement et soutien professionnel de l’OIIQ réalise et évalue des initiatives ou des projets visant le développement ou l’amélioration de la pratique clinique et produit des guides d’exercice, des lignes directrices ou d’autres outils dont l’objectif est de bonier la pratique inrmière dans différents domaines (OIIQ, 2012). Ces normes de pratique permettent la certication des inrmières dans des secteurs précis : la salle d’opération, les soins intensifs,

les soins psychiatriques, etc. Jumelées aux politiques et aux procédures propres à chaque établissement de soins de santé, ces normes décrivent en détail la façon dont l’inrmière doit effectuer ses tâches. Les normes de pratique guident le Bureau du syndic et le Conseil de discipline, mais également les tribunaux pour évaluer la pratique courante de la profession. Par conséquent, pour bien comprendre les attentes à l’égard de la profession ainsi que ses limites, il est nécessaire de se reporter à la fois à la Loi sur les inrmières et les inrmiers, au Code de déontologie et aux normes de pratique émises par l’OIIQ. Par ailleurs, d’autres normes instaurées par de nombreuses organisations inrmières spécialisées guident la pratique. Alors que les normes de l’OIIQ dénissent les attentes générales en matière de sécurité et d’efcacité, celles qui concernent les spécialités sont plus ciblées et cherchent à encourager l’excellence dans un domaine précis. Les normes édictées par l’Association canadienne des inrmières et inrmiers en soins intensifs (ACIISI) et par l’American Association of Critical-Care Nurses (AACN) sont des exemples de normes de spécialité. Elles sont utiles dans le contexte judiciaire pour évaluer l’adéquation entre une pratique reprochée et la pratique promue et reconnue dans une spécialité. Les normes de l’ACIISI pour la pratique inrmière en soins critiques sont présentées dans l’ENCADRÉ 3.3. Ces normes, liées à une spécialité, sont utiles pour établir des soins de qualité et les évaluer, et elles reètent souvent l’opinion générale des experts dans une spécialité donnée de soins inrmiers.

3

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 3.3

Normes pour la pratique inrmière en soins critiques

NORME NO 1

Les inrmières/inrmiers en soins critiques se servent de compétences supérieures et de connaissances spécialisées pour pouvoir sans cesse évaluer, surveiller et assurer la prise en charge des patients dans le but de favoriser un équilibre physiologique optimal.

Critères L’inrmière/inrmier en soins intensifs : 1.1 Recueille des données physiologiques, psychosociales, culturelles, développementales et spirituelles basées sur l’état du patient à l’aide de toutes les ressources disponibles et appropriées. 1.2 Analyse et procède à la validation des données provenant de sources multiples an de prendre des décisions éclairées relativement aux besoins du patient/de sa famille. 1.3 Prend des décisions concernant les soins prioritaires lors de situations met­ tant en danger la vie du patient et celles qui ne comportent pas de risque. 1.4 Intègre toutes les informations découlant de l’évaluation an d’identier un plan de soins collaboratif et/ou autonome. 1.5 Coordonne et met en pratique le plan de soins établi selon les champs de pratique. 1.6 Prévoit, prévient, se prépare à reconnaître des situations menaçant la vie et y intervenir.

1.7 Gère des thérapies multiples dans un contexte où les besoins du patient sont en évolution constante. 1.8 Surveille et évalue l’efcacité des interventions dans un délai approprié, en les révisant, le cas échéant, pour obtenir les résultats escomptés. NORME NO 2

Les inrmières/inrmiers en soins critiques favorisent et facilitent le confort et le bien­être optimaux dans un environnement hautement technologique, souvent étranger aux patients et à leurs familles.

Critères L’inrmière/inrmier en soins intensifs : 2.1 Organise l’environnement an d’atténuer les effets de stimulus nocifs. 2.2 Discerne si la douleur, l’anxiété et le délire [délirium] est à l’origine de l’inconfort et met en œuvre des traitements individualisés de type pharmacologique et non pharmacologique pour prévenir et/ou soulager la souffrance. 2.3 Protège la dignité du patient en respectant sa vie privée et sa diversité indi­ viduelle, y compris l’âge, l’ethnicité, les croyances religieuses, le sexe, l’état civil, l’orientation sexuelle, le mode de vie et la situation socioéconomique. 2.4 Communique l’information de manière à cultiver une espérance réaliste et adaptée aux besoins du patient/de la famille, à son stade de développement et à son niveau de compréhension.

Chapitre 3

Enjeux juridiques

39

ENCADRÉ 3.3

Normes pour la pratique inrmière en soins critiques (suite)

NORME NO 3

Les inrmières/inrmiers en soins critiques favorisent des partenariats bénéques avec les patients et leurs familles, basés sur la conance, la dignité, le respect, la communication et la collaboration. La famille se dénit par le patient.

Critères L’inrmière/inrmier en soins intensifs : 3.1 Recueille des données concernant les besoins du patient/de la famille, la réponse de ceux-ci face à l’expérience vécue au sein des soins critiques et aborde les ressources appropriées pour répondre aux préoccupations identiées. 3.2 Partage l’information avec le patient et sa famille, de manière ouverte, précise et honnête, pour déterminer un plan de soins approprié et aider à la prise de décisions. 3.3 Sollicite, écoute et respecte les perspectives du patient et de la famille lors de la planication et de la prestation des soins. 3.4 Agit en faveur des patients et de leurs familles an de répondre aux attentes et aux besoins de ceux-ci. 3.5 Fournit aux membres de la famille l’accès opportun et sans restriction au patient, en respectant leur besoin d’intimité, et ce, dans la mesure où l’environnement et les situations cliniques le permettent. NORME NO 4

L’administration des soins dans un environnement à haut risque fait participer les inrmières/inrmiers en soins critiques aux initiatives de sécurité et les fait adhérer aux pratiques exemplaires.

Critères L’inrmière/inrmier en soins intensifs : 4.1 Intègre les données an de prévoir, d’empêcher et de reconnaître les blessures et les dysfonctionnements pouvant contribuer à une crise de santé qui menace le pronostic vital ou qui provoque des changements permanents de la santé. 4.2 Documente les soins des patients et les évaluations continues d’une manière claire, concise, précise et opportune tout en respectant la vie privée et la condentialité des informations personnelles et cliniques. 4.3 Sollicite et incorpore les réactions du patient et de la famille dans des activités relatives à l’amélioration de la qualité. 4.4 Utilise les résultats découlant des activités d’amélioration de la qualité pour servir d’information au changement dans la pratique des soins inrmiers et dans la prestation des soins de santé. 4.5 Préconise le nombre adéquat d’inrmières/d’inrmiers qualiés en fonction de leurs connaissances et de leur compétence en soins critiques, an d’assurer aux patients des soins sécuritaires et humanitaires en fonction de la complexité des soins requis. NORME NO 5

Lorsque les technologies essentielles au maintien de la vie ne sont plus bénéques, les inrmières/inrmiers aux soins critiques accompagnent les patients et leurs familles dans la transition d’un traitement actif vers une mort sereine.

Critères L’inrmière/inrmier en soins intensifs : 5.1 Encourage la discussion des directives relatives aux soins avancés avec le patient et/ou sa famille.

5.2 Collabore avec le patient et la famille an d’identier les ressources disponibles pouvant apporter un soutien à la famille pendant les soins en phase terminale. 5.3 Identie des candidats potentiels pour les dons d’organes et de tissus. 5.4 Utilise les ressources appropriées lors de situations déontologiques complexes en vue d’obtenir une résolution éventuelle des conits et de créer des stratégies d’adaptation efcaces. 5.5 Maintient un dialogue ouvert avec la famille et l’équipe des soins médicaux concernant le plan de soins en phase terminale. NORME NO 6

L’inrmière/inrmier en soins critiques encourage une pratique collaborative au cours de laquelle l’apport du patient, de la famille et de chacun des intervenants en soins de santé est sollicité, reconnu et estimé de manière non hiérarchique.

Critères L’inrmière/inrmier en soins intensifs : 6.1 Explique aux patients, familles et autres intervenants de soins de santé leur rôle et leurs responsabilités et les encourage dans ceux-ci. 6.2 Démontre une communication interpersonnelle efcace, des compétences dans la négociation et dans la résolution des conits, et ce, an d’encourager des relations collégiales positives. 6.3 Accepte la responsabilité des contributions professionnelles autonomes et collabore à déterminer le meilleur intervenant de soins de santé basé sur le respect des rôles propres à chacun, leurs responsabilités et leurs compétences partagées. 6.4 Souligne la valeur de la responsabilité partagée dans la prise de décision et soutient l’utilisation d’une gestion partagée et des rôles de coordination. 6.5 Consulte les individus appropriés pour établir ou réviser le plan de soins, et ce, an de favoriser la continuité des soins. NORME NO 7

L’inrmière/inrmier en soins critiques se sert de ses qualités de leader en encourageant une culture des soins critiques favorable à la collaboration, à l’amélioration de la qualité, à la sécurité, à la croissance professionnelle et à l’utilisation judicieuse des ressources.

Critères L’inrmière/inrmier en soins intensifs : 7.1 Incorpore dans la pratique les normes professionnelles, légales, déontologiques et les normes propres aux soins critiques. 7.2 Maintient les compétences professionnelles en soins critiques en s’engageant dans une pratique réexive, d’auto-évaluation des besoins d’apprentissage et par la participation à des activités éducatives. 7.3 Encourage la recherche, la pratique factuelle et la diffusion de connaissances en sciences inrmières. 7.4 Agit comme personne-ressource, éducateur, modèle, représentant et/ou mentor à l’égard des étudiants, des pairs et des prestataires de soins de santé. 7.5 Contribue aux initiatives qui améliorent l’environnement des soins intensifs et la qualité de vie au travail et les soutient.

Source : Association canadienne des inrmières et inrmiers en soins intensifs (ACIISI) (2009), p. 11 à 17.

40

Partie 1

Fondements généraux

3.2

Droits civils et fondamentaux du client

Le client du système de santé est titulaire de droits, prévus par différentes lois. Il faut toutefois souligner que l’exercice des droits du client est susceptible d’être limité par la situation (p. ex., l’urgence) et qu’il ne peut justier l’atteinte aux droits des professionnels de la santé. La Loi sur les services de santé et services sociaux (LSSSS) (L.R.Q., c.-4.2), qui régit l’organisation du système de santé, consacre notamment le droit de tout client « de recevoir des services de santé et des services sociaux adéquats sur les plans scientique, humain et social, avec continuité et de façon personnalisée et sécuritaire » (art. 5). Un établissement de santé peut donc autoriser le congé d’un client uniquement si son état de santé permet son retour à la maison ou dans une autre ressource adaptée (art. 14). Parmi les droits reconnus aux clients du système de santé par la LSSSS gurent également le droit de choisir son professionnel de la santé et son établissement (art, 6), le droit d’être accompagné et assisté d’une personne de son choix dans ses démarches (art. 11) et, s’il est âgé de 14 ans et plus, le droit d’accès à son dossier médical (art. 17). Cette section traite du consentement du client, nécessaire à toute prestation de soins, des directives préalables, du client ponctuellement inapte à consentir aux soins, du client inapte légalement, des situations où la vie ou l’intégrité sont menacées, de même que des traitements inusités ou devenus inutiles.

3.2.1

Consentement aux soins

Le droit à l’intégrité est un droit fondamental et civil reconnu par la Charte des droits et libertés de la personne (L.R.Q., c. C-12, art. 1) et par le Code civil du Québec (C.c.Q., art. 10). Les droits au consentement et au refus de soins y sont intimement liés : « Nul ne peut être soumis sans son consentement à des soins, quelle qu’en soit la nature, qu’il s’agisse d’examens, de prélèvements, de traitements ou de toute autre intervention » (C.c.Q., art. 11 ; LSSSS, art. 9). Il faut souligner que les mêmes principes s’appliquent au mineur de plus de 14 ans, sauf si les soins ne sont pas requis par l’état de santé ou qu’ils présentent un risque important pour sa santé et peuvent lui causer des effets graves et permanents (C.c.Q., art. 17). La notion de « soins » englobe « toute espèce d’examens, de prélèvements, de traitements ou d’interventions, de nature médicale, psychologique ou sociale, requis ou non par l’état de santé, physique ou mentale. Il couvre également, comme acte préalable, l’hébergement en établissement de santé lorsque la situation l’exige » (ministère de la Justice, 1993). Le droit d’un client de plus de 14 ans de refuser un traitement, même s’il est d’importance vitale et peu importe ses motivations, est bien établi. Ce droit repose sur les principes du consentement libre et

éclairé et de l’autodétermination, le droit québécois valorisant prioritairement l’autonomie de la personne et la volonté individuelle. Dans l’affaire Nancy B. c. Hôtel-Dieu de Québec, la cliente était atteinte de dégénérescence nerveuse et demandait à être débranchée du respirateur qui la maintenait en vie. Un psychiatre l’avait rencontrée à plusieurs reprises et avait conrmé qu’elle « joui[ssait] d’une très bonne santé mentale » et qu’elle était « en mesure de prendre des décisions et d’en saisir la portée ». Le tribunal a conclu que le droit au refus de soins devait être interprété largement et a autorisé le débranchement du respirateur, sachant que le décès de la cliente était inévitable. Cette décision judiciaire établit la norme générale en matière de refus de soins. Pour les professionnels de la santé, l’obtention du consentement et le respect du refus, peu importe les conséquences, sont des obligations tant légales que déontologiques. Elles sont en effet prévues par la loi (C.c.Q., LSSSS) et dans certains codes de déontologie. Bien qu’elle incombe le plus souvent au médecin, elle revient parfois à l’inrmière. Même si le consentement doit être expressément consigné par écrit dans certaines situations (p. ex., dans les cas d’expérimentation de nouveaux traitements), le fait qu’un consentement ait été donné par écrit ne constitue pas en soi une preuve de sa validité. Le caractère libre et éclairé du consentement doit toujours être validé. Un consentement ou un refus libre correspond à une décision prise en dehors de toute inuence ou contrainte indue, tant de la part des professionnels de la santé que des proches du client. Un consentement ou un refus éclairé renvoie directement à l’obligation d’informer le client de manière à lui permettre de faire un choix en toute connaissance de cause (Code de déontologie des inrmières et inrmiers, art. 41 ; LSSSS, art. 8). La divulgation d’information se rapporte à la communication objective de faits et non à l’expression d’opinions ou de conseils cliniques (Kouri & Philips-Nootens, 2005). L’information doit porter sur le diagnostic, la nature et l’objectif du traitement proposé, les risques, les effets et les bénéces du traitement, la procédure, la conséquence d’un non-traitement et les options thérapeutiques possibles (Philips-Nootens, Lesage-Jarjoura & Kouri, 2007) 4 . L’inrmière en soins critiques peut prendre part à la décision du client de refuser ou de cesser un traitement. Cette démarche est difcile selon que le client est apte ou non à prendre une décision ; il faut que l’inrmière garde en tête qu’il y a des moments où les droits du client reconnus par la loi et les décisions éthiques concordent, mais qu’en d’autres circonstances, ces éléments semblent incompatibles 2 . Les décisions en matière de soins de santé deviennent très complexes lorsque le client n’est pas en mesure de donner un consentement, qu’il perd ponctuellement la capacité de prendre ses propres décisions ou qu’il n’a jamais été apte à les prendre.

Chapitre 3

3

4 Les stratégies d’enseigne­ ment sont abordées dans le chapitre 4, Enseignement au client et à ses proches.

2 Le chapitre 2, Enjeux éthi­ ques, traite des différences entre éthique et déontologie ainsi que des spécicités en soins critiques et de leurs enjeux éthiques.

Enjeux juridiques

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3.2.2

Directives préalables

Le client peut lui-même indiquer ses volontés en matière de soins à l’avance, en préparant des documents écrits qui les précisent. Ces documents portent le nom de directives préalables et peuvent prendre la forme d’un contrat d’Ulysse, d’un testament biologique (ou directives de ns de vie) ou faire partie d’un mandat en prévision de l’inaptitude (C.c.Q., art. 2131). Le contrat d’Ulysse est composé de directives anticipées que le client donne aux professionnels de la santé en prévision d’une situation où il ne serait pas en mesure de donner un consentement libre et éclairé. Il peut s’agir d’un client vient d’apprendre qu’il souffre de la maladie d’Alzheimer et décide à avance du genre de traitement qu’il veut recevoir ou qu’il refuse. Le testament biologique spécie qu’advenant certaines circonstances, comme le stade terminal d’une maladie, le client refuse certains traitements précis, comme la réanimation cardiorespiratoire ou la ventilation mécanique. Il peut également comporter des directives pour le don d’organe. Bien que ce testament possède une valeur juridique, il peut être fait à domicile et n’a pas à être homologué par le tribunal. Il désigne un exécuteur qui devra s’assurer que les dernières volontés du client en matière de soins sont bien respectées. Le mandat en prévision de l’inaptitude est un document juridique par lequel un client désigne un mandataire. Cette personne prendra les décisions à sa place advenant qu’il en devienne incapable. Le mandataire a l’obligation de considérer les préférences et les valeurs du client lorsqu’il prend les décisions pour lui. Ce n’est pas une tâche facile, et le client doit rééchir soigneusement au choix de son mandataire. Les directives préalables émises ailleurs au Canada ou dans le monde sont valables au Québec à moins qu’elles ne constituent une violation du droit québécois.

3.2.3

Client ponctuellement inapte à consentir aux soins

Dans certaines situations, un client habituellement capable de donner un consentement libre et éclairé n’est ponctuellement pas en état de le faire.

Collecte des données ENCADRÉ 3.4

Questions pour déterminer l’aptitude du client à consentir aux soins

1. La personne comprend-elle la nature de la maladie pour laquelle un traitement lui est proposé ? 2. La personne comprend-elle la nature et le but du traitement ?

Adapté de Institut Philippe Pinel c. A.G.

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Partie 1

Fondements généraux

3. La personne comprend-elle les risques associés à ce traitement ? 4. La personne comprend-elle les risques si elle ne reçoit pas le traitement ? 5. La maladie de la personne affecte-t-elle sa capacité à consentir ?

Une personne peut être inconsciente et donc dans l’impossibilité de communiquer (p. ex., dans le cas d’un coma) ou elle peut être en mesure de communiquer, mais incapable de prendre une décision éclairée (p. ex., en cas d’intoxication). Pour donner un consentement valable, le client doit être en mesure de comprendre et d’évaluer l’information donnée par les professionnels de la santé et de prendre une décision en fonction de ses besoins personnels. L’impossibilité de le faire constitue l’inaptitude à consentir aux soins. Le consentement aux soins est un processus continu, de même que la détermination de l’aptitude à consentir. Si le client est en mesure de communiquer, l’évaluation de son aptitude à consentir devrait être effectuée chaque fois qu’un soin doit lui être prodigué. L’évaluation de cette aptitude s’effectue sur la base des réponses à cinq questions ENCADRÉ 3.4. Dans certains cas, l’aptitude à consentir aux soins peut varier dans une même journée, mais également en fonction du soin proposé. Par exemple, dans l’affaire M. B. c. Centre hospitalier Pierre-Le Gardeur, une dame atteinte de sclérose en plaques a chuté à plusieurs reprises dans son appartement où elle vivait seule. Alors qu’elle accepte les traitements médicamenteux et chirurgicaux, elle refuse catégoriquement les mesures d’hébergement qui lui sont proposées. La preuve démontre qu’elle « ne comprend tout simplement pas les paramètres de la décision qu’elle a à prendre concernant son hébergement compte tenu de son état de santé. Elle minimise les effets de sa maladie à un point tel qu’elle ne comprend pas l’étendue des limitations cognitives et fonctionnelles dont elle souffre. Elle ne comprend pas les effets bénéques de l’hébergement proposé par rapport aux conséquences associées au refus d’être hébergée. » Le fait que l’inaptitude à consentir aux soins d’un client est constatée par un médecin ne libère pas les professionnels de la santé de l’obligation de recueillir un consentement libre et éclairé. Ce consentement peut être donné par le conjoint ou, à défaut, par un proche parent ou une personne qui démontre un intérêt particulier pour le client (C.c.Q., art. 15). Il s’agit alors du consentement substitué. Dans la mesure du possible cependant, la volonté exprimée par le client doit être au mieux respectée, du moins prise en compte (C.c.Q., art. 12). Cette volonté est celle exprimée par le client, même alors qu’il est inapte à consentir aux soins, ou celle qu’il pourrait avoir exprimée par des directives préalables.

3.2.4

Client inapte légalement

L’inaptitude légale diffère de l’inaptitude à consentir aux soins. Alors que cette dernière ne concerne que la capacité du client de comprendre et de traiter l’information médicale an de prendre une décision, l’inaptitude légale constitue l’incapacité à prendre soin de soi ou de ses biens. Il existe deux sortes de personnes légalement inaptes : les mineurs

et les majeurs dont l’inaptitude a été démontrée par des évaluations médicales et psychosociales (C.c.Q., art. 270). Cette inaptitude peut mener à l’ouverture d’un régime de protection. Le fait d’être inapte légalement n’entraîne pas automatiquement une inaptitude à consentir aux soins. Par exemple, un client atteint d’une décience intellectuelle et reconnu inapte légalement peut être en mesure de comprendre les avantages et les inconvénients liés à un traitement et donc de donner son consentement à des soins. Les mineurs de moins de 14 ans sont automatiquement considérés comme inaptes à consentir aux soins, et le consentement aux soins est donné par le titulaire de l’autorité parentale ou par le tuteur (C.c.Q., art. 14). Le consentement d’un seul des parents est sufsant, à moins que le professionnel de la santé ait un doute sur le fait que les deux parents soient d’accord. Il en va tout autrement pour le client majeur inapte. Son inaptitude à consentir aux soins ne peut être présumée et doit être réévaluée régulièrement. Dans l’éventualité où un client inapte légalement (p. ex., dans le cas d’une décience intellectuelle) est aussi inapte à consentir aux soins, son représentant légal (tuteur, curateur, mandataire) pourra y consentir pour lui. Les majeurs inaptes font l’objet de mesures particulières visant à les protéger : il s’agit des régimes de protection mis en place par décision judiciaire an d’assurer leur bien-être, l’administration de leurs biens, de même que l’exercice de leurs droits. Il existe deux régimes de protection au Québec : la curatelle et la tutelle (C.c.Q., art. 281 et 285). Le tuteur ou le curateur de la personne est nommé par le tribunal et a comme mandat de prendre soin de la personne inapte. Ce représentant peut être un parent ou un proche ou, à défaut, le Curateur public. À ces régimes de protection s’ajoute le mandat en prévision de l’inaptitude qui est coné par la personne ellemême, au moment où elle est apte, à quelqu’un en qui elle a conance pour voir à la protection de sa personne ou à l’administration de ses biens dans l’éventualité où elle deviendrait inapte (C.c.Q., art. 2131). Comme indiqué plus haut, le mandat en prévision de l’inaptitude peut contenir des directives préalables concernant les soins de santé. Dans tous les cas, le tuteur, le curateur ou le mandataire qui prend une décision pour une personne inapte doit le faire dans l’intérêt de celle-ci, le respect de ses droits et la sauvegarde de son autonomie (C.c.Q., art. 257). Il est cependant inévitable que le jugement de ce représentant diffère à l’occasion de celui des professionnels de la santé. Tous les efforts doivent alors être faits par l’inrmière et l’équipe soignante pour favoriser la discussion, la compréhension et la recherche d’une solution sans avoir recours aux tribunaux. Il existe toutefois une procédure judiciaire dans le cas où le représentant légal oppose un « refus injustié » ou dans celui où le majeur inapte refuse « catégoriquement » les soins : il s’agit de l’autorisation judiciaire de soins (C.c.Q.,

art. 16). Pour en faire la demande, le médecin doit démontrer l’inaptitude à consentir aux soins du client et la nécessité des soins que l’on veut lui prodiguer contre le consentement de son représentant légal ou contre son propre consentement.

3.2.5

3

Situations où la vie ou l’intégrité sont menacées

Le droit des clients de recevoir les soins appropriés lorsque leur vie est en danger ou lorsque leur intégrité se trouve menacée est consacré dans plusieurs lois québécoises, dont la Charte des droits et libertés de la personne (art. 2), qui énonce le droit au secours pour toute personne dont la vie est en péril, et la LSSSS, qui prévoit que « toute personne dont la vie ou l’intégrité est menacée a droit de recevoir les soins que requiert son état » (art. 7). La responsabilité de fournir ces soins revient aux établissements de santé. Par ailleurs, le Code de déontologie des inrmières et inrmiers prévoit l’obligation pour « l’inrmière ou l’inrmier [de] porter secours à celui dont la vie est en péril » (art. 1). Alors que l’obtention du consentement libre et éclairé est préalablement nécessaire avant de prodiguer tout soin, le Code civil (art. 13) prévoit toutefois deux situations d’exception : un danger immédiat pour la vie de la personne et l’impossibilité pour celle-ci d’exprimer sa volonté. Le client dont l’état de santé risque de se détériorer dramatiquement et qui est inconscient ou incapable de donner un consentement libre et éclairé doit donc recevoir les soins nécessaires à son maintien en vie sans séquelles. Ainsi, les professionnels de la santé ne sont pas tenus d’obtenir le consentement aux soins médicaux lorsque la vie du client est en danger ou que son intégrité est menacée et que ce consentement ne peut être obtenu parce qu’une intervention immédiate est requise pour lui porter secours. Toutefois, la situation d’urgence ne dégage pas les professionnels de la santé de l’obligation d’obtenir le consentement libre et éclairé du client. La loi exige donc expressément, en plus de la situation d’urgence, que le client ne soit pas en mesure de manifester sa volonté et qu’aucun proche, ou représentant légal le cas échéant, ne soit disponible pour donner ce consentement aux soins requis par l’état de santé du client (Kouri & Philips-Nootens, 2005). Ainsi, dans l’affaire ED c. Hôpital Jean-Talon, une cliente est amenée à l’urgence par les ambulanciers et les policiers à la suite d’une intoxication médicamenteuse. Alors que le personnel veut procéder à un lavage d’estomac, la cliente refuse. L’équipe lance un code blanc à cause du danger que la cliente représente pour elle-même en raison de son geste suicidaire et de son refus de traitement. Lorsque l’équipe du code blanc se présente, la cliente donne un coup de pied à l’aide-inrmière-chef. L’équipe décide donc d’utiliser les mesures de contention pour immobiliser la cliente et lui administrer une dose de charbon activé. Chapitre 3

Enjeux juridiques

43

Pour le tribunal, le fait d’imposer un soin sans le consentement de la cliente était justié par l’urgence de la situation clinique (C.c.Q., art. 13). De plus, l’utilisation des mesures de contention était requise dans ce contexte puisque la cliente se débattait et risquait de s’iniger des blessures ou d’en causer à autrui (LSSSS, art. 118.1).

3.2.6

Traitements inusités ou devenus inutiles

Le Code civil du Québec (art. 13) prévoit que, même en situation d’urgence, les professionnels de la santé ne peuvent prodiguer, sans le consentement libre et éclairé du client, des soins inusités ou devenus inutiles ou dont les conséquences pourraient être intolérables pour celui-ci. Les soins inusités ou devenus inutiles visent spéciquement l’acharnement thérapeutique. Les soins imposés doivent être « bénéques malgré la gravité et la permanence de certains de leurs effets » ; ils doivent être appropriés compte tenu de l’état clinique du client ; et « les risques [qu’ils] présent[ent] ne [doivent] pas [être] hors de proportion avec le bienfait qu’on en espère » pour lui (C.c.Q., art. 12). Il est important de faire la distinction entre le fait qu’il est parfois approprié de cesser un traitement effractif et la nécessité de continuer des soins de confort. L’inrmière en soins critiques peut être amenée à observer le client et à lui prodiguer à un moment ou à un autre des soins qui semblent inutiles, non nécessaires, voire cruels. Il est cependant de plus en plus accepté que la qualité de vie potentielle des clients est un facteur à considérer quand vient le temps de prodiguer des soins et qu’il n’est plus question de simplement maintenir articiellement la vie. Le fait d’administrer des soins alors qu’il n’existe pas d’espoir raisonnable de guérison ou d’amélioration de l’état du client, même en situation d’urgence, ne peut donc se faire sans l’obtention d’un consentement libre et éclairé de sa part. Les soins dont les conséquences seraient intolérables pour le client concernent notamment des situations où celui-ci refuserait les traitements que l’on s’apprête à lui prodiguer. Dans le cas où le refus a déjà été exprimé antérieurement par une directive préalable, les professionnels de la santé doivent le respecter. Cette situation concerne également le client qui refuse des traitements pour des motifs religieux, par exemple, le Témoin de Jéhova qui refuse les transfusions sanguines. Il est ainsi admis dans la pratique que ce client porte sur lui une carte de refus de transfusion permettant de faire connaître sa volonté alors qu’il serait incapable de l’exprimer. Les professionnels de la santé sont alors tenus de respecter ce refus, même s’il compromet sérieusement les chances de survie du client. Dans les services de soins critiques, où les situations urgentes et graves se présentent régulièrement, les procédures de soins sont généralement mises en place dans une perspective de maintien de la vie et

44

Partie 1

Fondements généraux

de la santé. L’évaluation complexe des situations doit cependant tenir compte, dans la mesure du possible, des paramètres non seulement cliniques, mais également individuels. Cela signie que les professionnels de la santé doivent baser leurs décisions sur les valeurs et les préférences du client et sur ce qu’il déciderait s’il était apte à consentir aux soins. Ils doivent laisser de côté leurs valeurs et préférences personnelles et considérer celles du client au moment de la prise de décision. L’inrmière joue à cet égard un rôle très précieux en envisageant la situation d’une façon holistique. Cette approche est d’une importance inestimable dans un domaine où la prestation de soins est fortement axée sur des processus pathogéniques particuliers. L’inrmière peut être la personne responsable de rappeler aux autres professionnels de la santé l’ensemble des aspects de la situation et l’importance d’offrir une qualité de vie et des soins compatissants au client. Évidemment, cela constitue une très grande responsabilité, de même qu’une tâche difcile. Dans la mesure où le client fait connaître ses volontés par le moyen de directives préalables, l’angoisse associée à ces décisions difciles peut être amoindrie. Trois questions permettent d’évaluer l’adéquation entre les besoins cliniques et personnels d’un client et le traitement que l’on veut lui imposer : 1. L’intervention proposée répond-elle aux attentes du patient ? 2. L’intervention proposée entraîne-t-elle des effets nuisibles supérieurs aux bénéces escomptés ? 3. L’intervention proposée offre-t-elle globalement un bénéce au patient ? « (Collège des médecins du Québec, 2010) »

3.3

Responsabilité professionnelle

L’inrmière, à l’instar de tous les professionnels de la santé, est assujettie à divers mécanismes de contrôle et de sanction. Comme tout citoyen, elle est soumise aux règles de droit criminel. En tant que membre d’un ordre professionnel, elle doit se conformer aux prescriptions du droit déontologique propre à sa discipline. En tant que professionnelle, elle a « le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s’imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui » (C.c.Q., art. 1457). Le fait de ne pas respecter ces règles constitue une faute passible de poursuites en responsabilité civile (et plus spéciquement en responsabilité professionnelle). Il faut souligner qu’une faute disciplinaire ne constitue pas nécessairement une faute civile, et vice versa (Baudoin & Deslauriers, 1998). Contrairement au processus disciplinaire, dont un des objectifs est l’exemplarité, la responsabilité civile vise à compenser une perte, à réparer un

préjudice (Ciment du Saint-Laurent inc. c. Barrette). Ainsi, une décision du Conseil de discipline de l’OIIQ, même si elle n’est pas étrangère au litige en responsabilité professionnelle, ne génère pas automatiquement de droits devant un tribunal civil et ne constitue pas forcément un élément de preuve valable (Saint-Pierre Charest c. Gendron). L’autorité des décisions disciplinaires est cependant reconnue, et il revient au tribunal, en fonction des circonstances, d’en tirer les conclusions qui s’imposent (Société coopérative agricole de Montmagny c. Cloutier). La responsabilité professionnelle de l’inrmière envers le client dépend du lien qui existe entre eux : outre les clients conés spéciquement à ses soins, l’inrmière peut ainsi être tenue responsable de décisions prises à l’égard d’autres clients, par exemple l’omission de rapporter une information importante ou de documenter des interventions. De nombreuses situations peuvent faire l’objet de poursuites en responsabilité professionnelle, et le nombre d’inrmières appelées comme défenderesses est en augmentation. Cette situation touche tout particulièrement l’inrmière de pratique d’urgence ou de soins critiques. La souscription à une police d’assurance responsabilité professionnelle, par l’intermédiaire de l’OIIQ ou d’une compagnie d’assurances, est obligatoire en vertu du Règlement sur l’assurance responsabilité professionnelle des inrmières et inrmiers (art. 2.01) et protège l’inrmière contre les conséquences économiques de ces poursuites. La présente section se divise en deux parties. Dans un premier temps, les éléments théoriques essentiels à l’établissement de la responsabilité professionnelle seront examinés : la faute, le préjudice et le lien de causalité que le client poursuivant doit démontrer (St-Jean c. Mercier). Dans un second temps, les principes de la responsabilité professionnelle seront illustrés dans le contexte de la pratique inrmière et notamment en lien avec le champ d’exercice, dont l’évaluation et la surveillance clinique, l’application de principes, de traitements et de mesures, la tenue de dossiers, etc.

3.3.1

Faute professionnelle

Les inrmières sont tenues de connaître et d’appliquer les normes de pratique spéciques reconnues dans leur champ de spécialité (Cloutier c. Centre hospitalier de Laval). Il s’agit de leur responsabilité, et la faute professionnelle se dénit comme un manquement à cette obligation. L’inrmière doit constamment exercer son jugement clinique, même lorsqu’elle exécute les ordonnances prescrites par les médecins ou d’autres professionnels. Un comportement qui ne respecte pas les normes de soins établies peut être considéré comme une faute professionnelle, même dans le cas où l’inrmière est convaincue de bien faire puisque l’intentionnalité n’est pas un paramètre d’établissement de la faute (Ciment du Saint-Laurent inc. c. Barrette). L’insouciance, l’imprudence ou encore la négligence

grossière constituent des fautes lourdes (C.c.Q., art. 1474) susceptibles d’engager la responsabilité professionnelle. La faute peut impliquer une erreur dans la prestation de soins (p. ex., le fait de se tromper dans le dosage d’une médication), mais elle peut également découler d’une erreur de jugement dans l’intervention auprès d’un client (p. ex., retarder l’administration d’une médication prescrite au besoin) ou d’une erreur dans une intervention qui ne relève pas du traitement (p. ex., omettre de transmettre une information importante au client). L’infirmière qui exécute un traitement pour lequel elle n’a pas reçu de formation ou qui tente d’informer un client de manière approximative s’expose à des poursuites judiciaires si un préjudice est causé au client en raison de ses actes. Le comportement fautif se distingue de la simple erreur de jugement par la dérogation aux normes de pratique, et son appréciation est fondée sur le caractère raisonnable de l’événement ou sur ce qu’une « personne raisonnable » aurait fait en pareilles circonstances (Philips-Nootens et al., 2007). Pour évaluer la pratique de l’infirmière poursuivie et déterminer la faute professionnelle, son comportement est donc comparé à celui promu par les normes de pratique (Cloutier c. Centre hospitalier de Laval). La caractérisation du comportement de la personne raisonnable est axée sur les pratiques acceptées chez les inrmières compétentes plutôt que sur les pratiques exemplaires chez les inrmières d’excellence (qui peuvent être considérées dans certaines normes de pratique de spécialité). Autrement dit, le tribunal se demande « ce qu’aurait fait en pareil cas une autre inrmière, de science, de compétence et d’habilité ordinaires et raisonnables, placée dans des circonstances semblables à celles où se trouvait celui ou celle dont on veut juger la conduite » (Hôpital général de la région de l’Amiante Inc. c. Perron, p. 574, dans Lapointe c. Hôpital Le Gardeur). Pour répondre à cette question et établir le comportement de la personne rai sonnable, les tribunaux se rapportent à la documentation institutionnelle (et notamment à celle des établissements où pratiquent les professionnels) et font appel à des experts. Dans l’affaire Boucher c. Couture, un client reproche au personnel inrmier d’avoir été négligent lors de sa visite à l’urgence. Il blâme l’inrmière du triage de ne pas avoir reconnu la possibilité qu’il soit atteint d’un problème cardiaque. Lorsque le client arrive à l’urgence en ambulance, mais sans gyrophare ni sirène, il est assis dans un fauteuil. L’évaluation des ambulanciers est celle d’un trauma mineur. Il se présente à l’inrmière « en déclarant avoir une douleur de forte intensité à l’épaule gauche, sans jamais signaler de douleur rétro-sternale » (par. 285). En raison de cette douleur, l’inrmière attribue un ni veau III au client, conformément à l’échelle canadienne de triage et de gravité, et des normes alors en vigueur à l’urgence de l’établissement. L’expert qui témoigne au Chapitre 3

3

Enjeux juridiques

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tribunal explique que l’objectif du triage n’est pas de poser un diagnostic (acte réservé aux médecins), mais bien de faire une évaluation permettant de déterminer un degré et un ordre de priorité avant l’évaluation médicale, en conformité avec l’échelle canadienne de triage et de gravité. Aucune faute attribuable à l’inrmière n’a donc pu être démontrée. L’inrmière n’a pas une obligation de résultat envers son client, mais plutôt une obligation de moyens (Lapointe c. Hôpital Le Gardeur) : elle n’a pas à garantir un résultat dans la prestation de soins, mais doit mettre en œuvre les moyens nécessaires à l’atteinte d’un résultat. Dans ce cadre, elle a une obligation de prudence et de diligence (Gravel c. HôtelDieu d’Amos). L’intensité de l’obligation peut cependant être différente dans certaines circonstances : il a été ainsi déterminé que l’inrmière peut parfois être tenue à une obligation de résultat lorsqu’un acte « ne fait pas appel à une marge de jugement ou d’appréciation, mais doit être accompli exactement » (Hôpital de Chicoutimi c. Battikha). Dans l’affaire Hôpital de Chicoutimi c. Battikha, une compresse a été retrouvée dans le ventre d’un client qui avait été opéré un an plus tôt. La procédure prévue par les directives et les règlements du centre hospitalier exige que le personnel inrmier attaché à la salle d’opération procède à un décompte des compresses mises à la disposition du chirurgien avant que celui-ci procède à l’incision pour ouvrir le site opératoire. Deux autres décomptes des compresses ont eu lieu avant la fermeture de l’incision, et le personnel inrmier a informé le chirurgien que le décompte était exact. Après examen du site opératoire, celui-ci a refermé l’incision. Les experts amenés à témoigner au procès ont conrmé que la responsabilité du décompte des compresses revient au personnel inrmier. L’obligation imposée vis-à-vis d’un acte de contrôle arithmétique, comme un décompte de compresses ou d’instruments chirurgicaux, présente une nature différente de celle d’un acte de soins qui requiert un jugement clinique. Elle peut être qualiée d’obligation de résultat puisqu’elle doit être accomplie exactement.

3.3.2

Préjudice

L’existence d’un préjudice subi par le client est une condition de la responsabilité profesionnelle, sans égard à la proportionnalité avec la faute. Alors qu’une faute grave peut entraîner un préjudice minime, une faute de peu d’importance peut avoir de graves conséquences (Baudoin & Deslauriers, 1998). Le préjudice peut être corporel (physique), moral (psychologique) ou matériel et toucher directement le client victime de la faute, mais également d’autres personnes (« préjudice par ricochet »). Dans le cas où le client serait décédé, les héritiers détiennent les droits d’action en responsabilité civile pour le préjudice subi avant le décès (C.c.Q., art. 625). Le préjudice s’évalue tant sur le plan pécuniaire, en quantiant la perte de capacité de gain, que sur le

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Partie 1

Fondements généraux

plan personnel, en compensant la perte d’agrément. Sur le plan pécuniaire, le tribunal devra tenir compte de la perte économique directe en fonction de la situation personnelle du client, comme la perte de revenu d’emploi ainsi que les frais médicaux additionnels associés à ses blessures. Dans le cas du décès du client, la succession pourrait invoquer, par exemple, les frais funéraires et la perte de soutien économique. Sur le plan personnel (et non pécuniaire), il s’agira d’évaluer la perte de jouissance de la vie, le préjudice esthétique et les souffrances (Baudoin & Deslauriers, 1998). Dans tous les cas, l’évaluation du préjudice dépend de la situation personnelle de la victime, puisqu’il s’agit de considérer ce qui est perdu. Par exemple, il est reconnu que « la perte d’un doigt est pour un pianiste amateur une perte de jouissance de la vie beaucoup plus grande que pour d’autres » (Andrews c. Grand Toy Alberta Ltd., p. 263). Le calcul du préjudice pécuniaire et non pécuniaire se fait en dollars an de permettre la réparation. Ainsi, dans l’affaire C.L. c. St-Arnaud, des parents tiennent pour responsables un médecin et le personnel inrmier d’un établissement de santé de toute une série de complications subies par leur enfant après sa naissance prématurée. Ils prétendent que la naissance prématurée, à 29 semaines et 6 jours, aurait pu être évitée si la cliente avait reçu des soins inrmiers et médicaux appropriés. En effet, lorsque celleci s’est présentée en consultation externe, elle a rapporté avoir des contractions et de légers saignements. L’inrmière n’a pas effectué d’examen gynécologique, et le médecin lui a donné congé par téléphone, sans l’examiner. L’accouchement a nalement eu lieu le soir même. Les parents démontrent l’existence de préjudices directs (pour l’enfant) et de préjudices par ricochet (pour eux-mêmes). Le préjudice direct est à la fois pécuniaire (soins médicaux et psychologiques pour plusieurs années) et non pécuniaire (douleurs, souffrances, inconvénients et perte de jouissance de la vie). Le préjudice par ricochet est également pécuniaire (perte de salaire) et non pécuniaire (soucis et inquiétudes, perte de jouissance de la vie). Cependant, conformément aux règles et procédures du service d’obstétrique, l’examen gynécologique doit être fait par l’inrmière « sauf s’il y a saignement actif ou s’il y a travail prématuré » (par. 127), auquel cas il doit être effectué par le médecin. La faute n’a donc pas été commise par le personnel inrmier, mais bien par le médecin qui a omis de rencontrer la cliente et de procéder aux examens appropriés.

3.3.3

Lien de causalité entre la faute et le préjudice

Pour que la responsabilité professionnelle d’une inrmière qui s’occupe d’un client nécessitant des soins aigus ou critiques soit démontrée, ce client doit prouver que l’inrmière a eu un comportement professionnel contraire aux normes de pratique – la faute – et que ce manquement a eu des conséquences – le

préjudice – pour lesquelles il devrait être indemnisé. L’établissement d’une relation directe entre la faute et le préjudice constitue le lien de causalité essentiel à la détermination de la responsabilité professionnelle. Une faute peut en effet avoir été commise et un préjudice peut avoir été subi sans que le lien entre les deux puisse être établi et que l’auteur de la faute puisse en être tenu responsable (Baudoin & Deslauriers, 1998). Dans l’affaire Bérubé c. Hôpital Hôtel-Dieu de Lévis, une cliente poursuit le centre hospitalier en raison d’un choc toxique qu’elle a subi après une intervention chirurgicale mineure. Par suite de ce choc, elle est victime d’une nécrose pour laquelle elle est amputée des doigts et des orteils et devient partiellement sourde. La cliente reproche au personnel inrmier d’avoir été négligent dans le suivi des premiers symptômes qui sont apparus le surlendemain de l’opération. Le tribunal constate que le dossier de la cliente est incomplet et que les éléments d’information manquants auraient permis aux médecins d’avoir connaissance d’éléments physiologiques susceptibles de fonder un diagnostic. Il conclut donc à la faute. Cependant, en raison de la nature spécique du choc toxique, qui est imprévisible et irréversible, le lien de causalité entre la faute et le préjudice ne peut être établi. En effet, « même en présence d’une faute du personnel inrmier, rien ne pouvait être fait, ni pour anticiper, ni pour prévenir, ni pour éviter le choc toxique » (par. 32). La responsabilité professionnelle ne peut donc pas être établie dans ce cas. Pour établir le lien de causalité, il faut isoler une cause unique ayant provoqué le préjudice en établissant une chaîne d’événements entre la commission de la faute et la réalisation du préjudice. La difculté réside bien souvent dans le fait qu’une série d’interventions, de la part de différents professionnels de la santé, peuvent avoir été menées sur une courte période. Ainsi, malgré la commission d’une faute, la survenance d’un événement nouveau, indépendant de la volonté de l’auteur de la faute, peut rompre la relation directe entre la faute et le préjudice (Baudoin & Deslauriers, 1998). Il faut souligner que lorsque la faute commise est une faute lourde, à savoir une faute dénotant « une insouciance, une imprudence ou une négligence grossières » (C.c.Q., art. 1474), les tribunaux sont moins exigeants dans la démonstration du lien de causalité.

3.3.4

Partage de responsabilité

La responsabilité civile peut être partagée entre plusieurs professionnels de la santé lorsqu’ils sont tous intervenus auprès d’un client et qu’ils ont commis soit une faute commune (lorsque plusieurs professionnels commettent la même faute), soit des négligences contributives (lorsque deux ou plusieurs fautes contribuent à la création d’un préjudice unique) (Baudoin & Deslauriers, 1998 ; Tabah c. Liberman).

De même, le comportement d’une infirmière employée d’un établissement de santé engage, en raison du contrat qui l’unit à son employeur, la responsabilité de l’établissement (C.c.Q., art. 1463). La situation est différente pour les médecins, qui ne sont pas des employés contractuels des établissements de santé. Les poursuites conjointes contre le médecin (personnellement) et l’établissement de santé (pour le fait de son personnel inrmier) sont donc courantes. Dans le cas de cabinets privés, le médecin responsable de la clinique et des employés qui y travaillent peut être personnellement tenu responsable des erreurs commises par son personnel inrmier.

3.3.5

3

Devoir, faute professionnelle et démarche de soins

Un droit d’action pour faute professionnelle peut être basé sur les soins prodigués n’importe quand entre le moment où il y a établissement d’une relation inrmière-client et celui où le client obtient son congé. En plus des interventions concernant les soins, l’inrmière continue d’être tenue responsable après le congé du client par ses obligations en matière de condentialité des renseignements médicaux et de secret professionnel. An d’illustrer l’établissement de la responsabilité civile en soins critiques, cette section présente diverses situations se rapportant aux devoirs de l’inrmière en fonction notamment de son champ d’exercice.

Évaluation de la condition physique et mentale d’une personne symptomatique L’inrmière qui s’occupe d’un client nécessitant des soins aigus ou critiques planie un enchaînement efcace de traitements. Une telle démarche repose sur une évaluation appropriée du client symptomatique, comme le précise la Loi sur les inrmières et les inrmiers (art. 36, 1°). De façon générale, les poursuites pour des fautes commises dans les plans de soins ou dans les diagnostics concernent plutôt les médecins que les inrmières. Cependant, l’inrmière qui évalue l’état d’un client peut exposer sa responsabilité professionnelle si elle commet une faute dans l’application des normes de pratique et que cette faute entraîne un préjudice pour le client. L’évaluation de la condition des clients au triage est un moment critique de la pratique inrmière à l’urgence : l’évaluation du degré de gravité et d’urgence établi par l’inrmière détermine l’ordre de priorité entre les clients. Une erreur dans cette évaluation peut entraîner de graves conséquences. De même, la réévaluation de la condition des clients qui, après le triage, attendent de voir le médecin peut également s’avérer nécessaire et relève de la responsabilité de l’inrmière. Ainsi, l’Échelle canadienne de triage et de gravité pour les départements d’urgence prévoit que « [t]ous les patients doivent être réévalués par une infirmière lorsque les délais recommandés pour l’évaluation médicale sont Chapitre 3

Enjeux juridiques

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atteints » (Association des médecins d’urgence du Québec [AMUQ], 1998, p. 5). La cause Lacombe c. Hôpital MaisonneuveRosemont illustre cette situation. À son arrivée à l’urgence en ambulance, à 1 h 20, la cliente souffre de troubles respiratoires et d’une grande faiblesse. Elle a été ventilée par les ambulanciers avec de l’oxygène à 100 %. L’inrmière au triage décide que la cliente sera vue à tour de rôle, c’est-à-dire que le médecin omnipraticien de garde la verra après tous les cas urgents et semi-urgents, ainsi qu’après les clients devant être vus à tour de rôle et qui se sont présentés avant elle à l’urgence. La cliente est alors installée sur une civière dans un corridor de la salle d’urgence sans disposer d’aucun moyen pour appeler le personnel en cas de besoin. « Vers 5 h 30, une inrmière décide de devancer le moment où [la cliente] doit être vue par le médecin an de libérer sa civière. Lorsqu’elle s’approche de la civière pour transférer la cliente dans une salle de traitement, elle constate que sa peau est jaunâtre et froide et qu’elle n’a pas de pouls. » Il semble que le décès, causé par un arrêt cardiaque, ait eu lieu entre 3 h 30 et 5 h 30. Le frère de la cliente allègue que « le décès de sa sœur a été causé par le système décient de suivi et de surveillance à l’urgence de l’Hôpital ». Dans cette affaire, le tribunal juge que « l’Hôpital tolérait un système décient de suivi et de surveillance dans les corridors de l’urgence » et qu’il ne devrait pas permettre une situation telle qu’une vieille dame, ne pesant que 36 kg et ayant un problème respiratoire, reste couchée seule sur une civière dans un corridor de l’urgence entre 1 h 30 et 5 h 30. En plus de la responsabilité du personnel inrmier, le tribunal reconnaît des défaillances dans le fonctionnement de l’établissement : absence de cloche d’appel pour les clients qui attendent dans le corridor et une politique de triage du centre hospitalier qui ne prévoit aucune instruction relative à la réévaluation des clients catégorisés à tour de rôle.

Surveillance de la condition des personnes dont l’état de santé présente des risques Un des actes réservés à l’inrmière est celui de surveiller la condition du client qui lui est coné. Ce devoir de surveillance doit s’exercer en tenant compte des besoins propres au client (Loi sur les inrmières et les inrmiers, art. 36, 2°). Dans l’exercice de ce devoir, comme de l’ensemble des devoirs qui reviennent à l’infirmière, celle-ci doit faire preuve de jugement clinique, même quand elle exécute les ordonnances médicales. Dans l’affaire Hubert c. Centre hospitalier des Vallées-de-l’Outaouais, pavillon de Hull, une cliente allègue des soins inadéquats et un manque de surveillance appropriée de la part du personnel inrmier à la suite du développement d’une nécrose locale par extravasation de chlorure de calcium. La cliente est hospitalisée après une intervention chirurgicale. Avant son transfert en salle de réveil,

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Partie 1

Fondements généraux

un soluté est installé dans chacun des avant-bras. Celui du bras droit est retiré peu après, n’étant plus requis, mais la cliente se plaint d’une sensation de brûlure au bras gauche. Après vérication, l’inrmière lui répond que tout est normal. L’inrmière auxiliaire inscrit peu après dans le dossier de la cliente : « Soluté perfuse bien. Site de bel aspect, mais fragile. » Une fois rendue dans une chambre, la cliente donne des signes d’apnée et reçoit deux injections de morphine. Un masque à oxygène est installé. L’inrmière reçoit ensuite le résultat d’une analyse de laboratoire indiquant un taux de calcium anormalement bas chez la cliente. Elle communique avec le médecin de garde qui prescrit au téléphone un bolus de chlorure de calcium suivi d’une perfusion de chlorure de calcium, qui seront administrés par injection intraveineuse incorporée au soluté déjà en place, à l’avant-bras gauche. En soirée, l’inrmière auxiliaire note un œdème et la « présence d’une plaque ovale au site de la grosseur d’un œuf et de coloration bleu foncé » au bras gauche. L’inrmière replace alors l’intraveineuse à l’avant-bras droit et applique des compresses d’eau chaude sur l’avant-bras gauche. Elle ne tente aucune autre manœuvre et ne juge pas approprié d’aviser le médecin. Le lendemain matin, un diagnostic de nécrose locale par extravasation de chlorure de calcium est posé, et la cliente a dû subir un débridement et une greffe cutanée qui ont requis une hospitalisation prolongée. L’administration de chlorure de calcium commande une attention particulière étant donné sa nature irritante et nécrosante. L’inrmière de garde connaissait les effets de ce médicament et les dangers qui entourent son utilisation. Elle n’a pourtant pas tenté de savoir pourquoi l’inrmière auxiliaire avait inscrit que le site d’injection était « fragile ». Le tribunal conclut à la négligence de l’inrmière pour plusieurs raisons. Il estime que la mention « fragile » aurait dû amener l’inrmière à utiliser, par prudence, un autre site d’injection pour installer un nouveau cathéter, comme elle l’a fait ensuite, mais trop tard. Le tribunal conclut également qu’une vigilance particulière s’imposait à l’inrmière, qui aurait dû tenir compte de la condition de cette cliente qui présentait de l’hypocalcémie en plus d’un problème préalable d’apnée. De plus, une fois l’extravasation découverte, il y a eu aussi négligence du fait que « ni le médecin ayant prescrit le médicament, ni le médecin traitant n’ont été contactés » et que l’affaire a été traitée « comme s’il s’agissait d’une extravasation d’un produit inoffensif ». Le devoir de surveillance ne concerne pas que l’administration des traitements. Ainsi, dans l’affaire B.H. c. Centre hospitalier régional de Baie-Comeau, la succession d’un client allègue que la surveillance insufsante du personnel inrmier de l’urgence est la cause de son suicide. Le client est amené par les policiers à l’urgence à 23 h 12. Ils informent l’inrmière de garde que le client menace de se suicider. Il est amené en salle d’isolement et est surveillé par les policiers et les

agents de sécurité du centre hospitalier. Le médecin, qui constate des idées suicidaires persistantes, veut lui faire voir un psychiatre le lendemain. Il remplit une ordonnance qui prévoit son maintien en salle d’isolement avec porte verrouillée ainsi que la présence d’un préposé en service privé pour en assurer la surveillance. L’inrmière demande aux policiers de l’aider à déshabiller le client en salle d’isolement. Les policiers quittent le centre hospitalier à 23 h 50. Un préposé aux bénéciaires est alors contacté pour assurer le service privé prescrit par le médecin. Le préposé n’arrive sur les lieux qu’à minuit trente. De 23 h 50 jusqu’à minuit, une inrmière surveille le client. Puis les quatre inrmières affectées à l’urgence pour le quart de nuit arrivent. L’une d’elles aura la responsabilité de ce client en plus de deux autres. Mais elle ne reste pas à la fenêtre de la salle d’isolement ; elle doit notamment s’occuper d’un autre client qui nécessite une attention particulière. À minuit quinze, elle jette un coup d’œil au passage par la fenêtre de la salle d’isolement et écrit au dossier : « Assis au lit, toujours calme. » Le préposé se présente à l’urgence à minuit trente. Lorsqu’il entre dans la salle d’isolement, il constate que le client est assis par terre, adossé à la porte, pendu à la poignée par une lanière de tissu qu’il a détachée de la couverture qu’on lui avait remise. Pour l’inrmière de soir et celle de nuit, il sufsait, pour exécuter la prescription médicale, d’exercer une « surveillance étroite », soit toutes les 15 minutes. Le médecin conrme pourtant avoir donné la consigne verbale à l’inrmière de soir que le client devait faire l’objet d’une surveillance constante. Pour le tribunal, rien n’a été tenté pour se conformer à la prescription de surveillance constante en attendant le préposé, alors que plusieurs solutions étaient envisageables. Par exemple, il aurait été possible de faire appel à l’agent de sécurité qui avait commencé à travailler à 23 h, de demander aux policiers de rester sur place ou de libérer une des quatre inrmières en poste pour une durée de 30 minutes. Le tribunal établit ainsi la responsabilité professionnelle du personnel inrmier : « Le risque de suicide du patient de la salle d’isolement était important. Sa vie était en danger et rien ne permet de croire qu’on n’aurait pas pu lui accorder priorité en attendant l’arrivée du préposé. » (p. 46)

Application et ajustement des mesures diagnostiques et thérapeutiques ou des traitements selon une ordonnance Le fait de ne pas appliquer une ordonnance constitue une faute de la part de l’inrmière (Loi sur les inrmières et inrmiers, art. 36, 3° et 6°), comme l’illustre l’affaire Collins c. Centre hospitalier de Sept-Îles. Dans cette affaire, la cliente, une touriste âgée de 63 ans, est victime d’une chute à l’aéroport. Elle perd connaissance et se fracture le poignet gauche à trois endroits. Elle est transportée en ambulance à l’urgence où elle subit une radiographie. Elle souffre et perd connaissance à plusieurs reprises. La cliente est ensuite informée par le médecin du fait que les

soins ne peuvent lui être prodigués sur place et qu’elle doit être transférée dans un autre établissement. Le médecin prescrit un transfert escorté, et l’inrmière coordonnatrice est responsable de l’organisation du transfert. Malgré la prescription, l’inrmière coordonnatrice décide que l’accompagnement n’est pas nécessaire. Elle ne consulte ni le médecin ni le dossier de la cliente. De son point de vue, la cliente n’avait pas l’air souffrant. La cliente ne connaît personne dans la région et demande elle-même un accompagnement pour la durée du transfert. Elle pleure. Elle est malgré tout placée dans un taxi qui la transporte à l’aéroport. La douleur est si importante qu’elle ne peut pas mettre son manteau, porter son sac ou même l’enveloppe contenant ses papiers, remise par l’infirmière. Pendant le transport en avion, elle perd connaissance, et c’est l’agente de bord qui lui donne les premiers soins. À destination, l’agente de bord lui procure un fauteuil roulant et lui demande un taxi. La cliente se rend seule en taxi à l’établissement où elle doit recevoir les soins appropriés. Elle rapporte avoir gardé des séquelles de cet événement. Pour le tribunal, les gestes de l’inrmière coordonnatrice dénotent une « insouciance à l’égard du respect du droit d’autrui. Une faute grossière au point qu’une personne raisonnable ne saurait s’imaginer que celle qui l’a commise ne pouvait pas ne pas se rendre compte au départ qu’elle produirait les conséquences préjudiciables qui ont été la suite. La coordonnatrice a fait preuve de négligence et d’aveuglement. » L’inrmière passe plus de temps auprès du client que tout autre professionnel de la santé, et plus particulièrement celle qui s’occupe d’un client nécessitant des soins aigus ou critiques. Elle est donc la mieux placée pour déceler rapidement tout changement dans l’état d’un client. La détection n’est toutefois qu’une première étape. L’infirmière qui s’occupe d’un client nécessitant des soins aigus ou critiques adapte rapidement ses interventions en fonction de l’état du client, en exerçant son jugement clinique. En plus de transmettre les données du client en difculté au médecin ou au professionnel concerné, elle ajuste au besoin les mesures diagnostiques et thérapeutiques ou les traitements prescrits par ordonnance. Dans l’affaire Parent c. Centre hospitalier universitaire de Québec (Hôpital St-François-d’Assise), un médecin prescrit par téléphone à un client hospitalisé à l’urgence une dose de DilaudidMD qui a été ensuite injectée par une inrmière. Or le client est allergique à ce médicament, comme en font état une note à son dossier et le bracelet médical qu’il porte. Le client a subi une réaction allergique causant rougeurs, démangeaison et inconfort. Le tribunal conclut à la responsabilité professionnelle de l’inrmière qui aurait dû vérier le dossier du client et ajuster la prescription en conséquence. Il faut savoir que les erreurs liées à la médication (omission, dose, nature du médicament, heure d’administration, etc.) font partie des Chapitre 3

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Enjeux juridiques

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accidents les plus souvent déclarés dans les établis­ sements de santé. Du 1er octobre 2011 au 31 mars 2012, elles représentaient 31,7 % des déclarations d’acci­ dent (Direction des communications du ministère de la Santé et des Services sociaux, 2012).

Application du principe de l’autodétermination L’inrmière qui s’occupe d’un client nécessitant des soins aigus ou critiques a l’obligation légale et déon­ tologique d’agir suivant la volonté du client (C.c.Q., art. 10 et suiv.). Cette volonté peut s’exprimer par un consentement ou un refus de soins libre et éclairé, mais également par un consentement ou un refus substitué (exprimé par le représentant légal ou par la personne habilitée à consentir pour le client) ou encore par des directives préalables, comme expli­ qué précédemment. Le fait d’agir à l’encontre de la volonté exprimée par un client expose l’inrmière à des mesures disciplinaires et à des poursuites en responsabilité professionnelle.

Utilisation des mesures d’isolement et de contention Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) propose des dénitions de l’utilisation de l’isolement et des mesures de contention à des ns de contrôle. La contention est une « mesure de contrôle qui consiste à empêcher ou à limiter la liberté de mouvement d’une personne en utilisant la force humaine, un moyen mécanique ou en la pri­ vant d’un moyen qu’elle utilise pour pallier un han­ dicap » (MSSS, 2002, p. 14). L’isolement est une « mesure de contrôle qui consiste à conner une per­ sonne dans un lieu, pour un temps déterminé, d’où elle ne peut sortir librement » (MSSS, 2002, p. 14). L’isolement et les contentions peuvent être utilisés, avec le consentement du client, dans le cadre d’un plan de soins (mesures planiées) ou sans le consen­ tement du client lorsqu’elles n’ont pas été prévues (mesures non planiées). La décision d’utiliser des mesures d’isolement ou de contention pour un client risquant de « s’iniger

ENCADRÉ 3.5

Principes encadrant l’utilisation de l’isolement et des mesures de contention

1. L’isolement et les contentions sont des mesures qui ne peuvent (ou doivent) être employées seulement comme mesures de sécurité dans un contexte de risque imminent. 2. Leur utilisation ne doit être envisagée qu’en dernier recours. 3. La mesure mise en place doit être la moins contraignante possible pour la personne. 4. Le respect, la dignité et la sécurité du client doivent être préservés en assurant son

confort, et leur utilisation doit être soumise à une supervision attentive. 5. Chaque établissement doit baliser leur utilisation par des procédures et contrôler celles-ci an d’assurer le respect des protocoles. 6. Le conseil d’administration de chaque établissement doit évaluer leur utilisation et assurer le suivi de ces évaluations.

Source : Adapté de ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) (2002)

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ou d’iniger à autrui des lésions » (LSSSS, art. 118.1) demeure une responsabilité de l’infirmière. Évidemment, dans la mesure où cette décision est prise dans l’urgence, souvent à l’encontre de la vo­ lonté du client, elle se trouve en opposition directe avec le principe de l’autodétermination qui fonde tout rapport thérapeutique. La LSSSS prévoit d’ail­ leurs que l’utilisation de l’isolement et des mesures de contention doit être « minimale et exceptionnelle » (art. 118.1). En 2006, le MSSS a d’ailleurs mis en place la formation Vers un changement de pratique an de réduire le recours à la contention et à l’isolement. À cet égard, chaque établissement de santé doit avoir instauré une procédure claire et détaillée et a la responsabilité d’assurer une évaluation et un suivi de l’utilisation de ces mesures (MSSS, 2006). L’utilisation des mesures d’isolement ou de contention, à l’encontre de la volonté d’un client, se justie lorsque le comportement de celui­ci ou la situation est inhabituel, donc imprévisible, et pré­ sente un danger réel et imminent : c’est l’urgence de la situation qui justie l’intervention sans le consen­ tement du client. Tous les autres moyens doivent cependant avoir été essayés au préalable et se révéler infructueux. La mesure appliquée doit être la moins contraignante possible, et sa durée, réduite au mini­ mum. L’établissement de santé devra tout de même procéder à une analyse postsituationnelle an de vérier le bien­fondé de l’intervention (MSSS, 2002). Les principes directeurs encadrant l’utilisation de l’isolement et des mesures de contentions à des ns de contrôle sont énumérés dans l’ENCADRÉ 3.5.

Prise des mesures qui s’imposent en fonction des normes de pratique Il relève de la responsabilité de l’infirmière de prendre les mesures nécessaires en fonction des normes de pratique et selon son jugement profes­ sionnel. Pour éviter des allégations de défaut de cette responsabilité, l’inrmière qui s’occupe d’un client nécessitant des soins aigus ou critiques doit savoir reconnaître les signes et les symptômes de compli­ cations ou les situations mettant en péril la vie du client. L’inrmière s’assure, d’une part, que ces signes et ces symptômes sont communiqués rapide­ ment au médecin et, d’autre part, que d’autres actions concrètes sont entreprises. L’affaire Turgeon c. Centre de santé et de services sociaux de Beauce illustre cette obligation. La cliente allègue que le défaut de nettoyer rapidement la plaie a entraîné une infection nécessitant plusieurs traite­ ments et déplacements. Il faut souligner que de « déterminer le plan de traitement relié aux plaies et aux altérations de la peau et des téguments et prodi­ guer les soins et les traitements qui s’y rattachent » fait partie des actes réservés à l’inrmière (Loi sur les inrmières et les inrmiers, art. 36, 7°). La cliente arrive à l’urgence vers midi avec une plaie au mollet, couverte de débris d’écorce et de bois, sur laquelle les ambulanciers ont déposé une compresse. Elle est classée « cas moins urgent » au

triage. Le médecin lui fait subir des examens radiologiques à 16 h 35. Sa plaie est nettoyée, drainée et suturée à 19 h 30. Le lendemain, sa jambe ene, et la plaie est rougeâtre, chaude et colorée. Le surlendemain, puis à une autre reprise, son médecin lui prescrit des antibiotiques pour trois ou quatre jours. Les inrmières expertes reconnaissent que la plaie aurait dû être nettoyée avec une solution stérile dans l’heure suivant l’arrivée de la cliente à l’urgence, l’infection se développant entre 24 et 48 heures si le nettoyage est tardif ou insufsant. Le tribunal conclut donc à la responsabilité professionelle de l’inrmière de l’urgence.

Respect du secret professionnel Le fait d’être en contact avec des renseignements condentiels est une des caractéristiques du travail des membres des ordres professionnels (Code des professions, art. 25, 5°). Les professionnels, et notamment les inrmières, sont tenus de respecter le secret de tout renseignement de nature condentielle qui est porté à leur connaissance dans l’exercice de leur profession et ne peuvent, même en justice, divulguer des éléments d’information condentielle. Le secret professionnel vise à préserver une relation de conance avec les clients. Cette obligation est à la fois légale et déontologique, puisqu’elle gure expressément dans la Charte des droits et libertés de la personne (art. 9), le Code des professions (art. 60.4) et le Code de déontologie des inrmières et inrmiers (art. 31). Outre ce qui est consigné dans le dossier du client, le secret professionnel s’étend à tout ce qui est porté à la connaissance de l’inrmière dans son lien avec le client, soit par des révélations, soit par des constatations qu’elle ferait elle-même. Ainsi, le secret professionnel ne se limite pas à ce que le client a lui-même révélé, mais également à ce que l’inrmière, en raison de ses connaissances, a pu ellemême observer (Philips-Nootens et al., 2007). Le dossier matériel lui-même doit également être protégé en vertu du secret professionnel. L’inrmière, au même titre que les autres professionnels de la santé, veille à ce que l’accès au dossier ne soit permis qu’aux personnes autorisées. De plus, elle ne doit pas révéler qu’une personne a fait appel à ses services, sauf si, dans l’intérêt du client, cette révélation est nécessaire (Code de déontologie des inrmières et inrmiers, art. 32) et elle doit prendre les moyens raisonnables an de s’assurer que les personnes sous son autorité ou sa supervision ne divulguent pas des renseignements de nature condentielle concernant les clients. Lorsqu’une inrmière demande à un client de lui révéler des renseignements de nature condentielle ou permet que de tels renseignements lui soient conés, elle informe le client des raisons de cette demande et de l’utilisation qui peut être faite des renseignements conés. Il existe certaines situations où l’inrmière peut être relevée du secret professionnel. Le client peut autoriser la transmission de son dossier ou d’un résumé de son dossier à un autre professionnel de la

santé ou à un autre établissement, ou encore donner son accord à la divulgation d’information condentielle à un tiers, comme une compagnie d’assurances ou un proche. Il consent alors à la divulgation de renseignements condentiels (Charte des droits et libertés de la personne, art. 9). Lorsqu’un danger imminent de mort ou de blessures graves, y compris le suicide, menace une personne ou un groupe de personnes identiables, l’inrmière peut divulguer aux personnes exposées à ce danger l’information susceptible d’assurer leur protection (Code de déontologie des inrmières et inrmiers, art 31.1 ; Code des professions, art 60.4 ; LSSSS, art. 19.0.1 ; Smith c. Jones). Lorsqu’une inrmière a un motif raisonnable de croire que la sécurité ou le développement d’un enfant est ou peut être considéré comme compromis, elle signale sans délai la situation au Directeur de la protection de la jeunesse (Loi sur la protection de la jeunesse, L.R.Q., c. P-34.1, art. 39). Dans le cas où un client entreprend une action en responsabilité civile, l’infirmière peut, pour se défendre et avec l’autorisation du tribunal, briser le secret en produisant, s’il y a lieu, le dossier médical du client contenant ses notes (Philips-Nootens et al., 2007). Outre ces situations précises, le fait de ne pas respecter le secret professionnel constitue une faute professionnelle passible de poursuites en responsabilité civile ou de plaintes déontologiques.

3

Tenue de dossiers Toute inrmière se doit d’inscrire au dossier des clients des notes d’évolution précises, complètes, évolutives et objectives. Elle démontre ainsi l’étendue des soins qu’elle a administrés. Ces notes montrent aussi l’évaluation clinique faite par l’inrmière et les résultats des soins prodigués. An de favoriser une communication efcace avec les membres de l’équipe interdisciplinaire, il est important que les notes d’observation soient rédigées clairement et dans un ordre chronologique. En effet, lorsque les notes sont mises à jour régulièrement, les autres professionnels de la santé peuvent prendre connaissance non seulement des traitements reçus par le client, mais aussi du comportement de ce dernier durant la journée. De ce fait, tous les intervenants peuvent ajuster leurs interventions an de maximiser les traitements administrés au client. Bien documenter les dossiers permet d’améliorer l’efcacité du traitement, favorise une meilleure continuité des soins et aide à prévenir les accidents et les incidents liés aux soins. Le dossier doit faire état des démarches entreprises pour obtenir le consentement du client (information donnée, interrogations du client, etc.) et doit décrire les séquences d’interventions très précisément. Si des éléments d’information sont manquants ou s’il est impossible de reconstituer l’historique des interventions (p. ex., la personne qui a donné l’information n’est pas mentionnée, le moment d’administration des médicaments n’est pas précisé, etc.), l’inrmière pourra difcilement démontrer que les soins prodigués étaient de qualité. Chapitre 3

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Les notes au dossier du client doivent être libellées convenablement. S’il y a une erreur d’inscription, il est important de la corriger en respectant la politique et les procédures de l’établissement. Le fait de masquer ou d’effacer une erreur peut semer le doute et laisser croire qu’il s’agit d’une fraude. Les notes conservées aux dossiers sont des éléments primordiaux aux ns de poursuites en responsabilité professionnelle ou devant un conseil de discipline. Les notes doivent contenir sufsamment d’information pour permettre de juger de la qualité des soins reçus par le client. Un dossier perdu ou incomplet pourrait constituer une preuve de négligence. Le dossier doit établir une description continue des interventions de soins inrmiers et, quand il est rédigé correctement, il constitue la meilleure preuve contre des allégations de négligence ou de violation des normes de soins inrmiers.

Déclaration des incidents et des accidents Depuis 2002, l’inrmière employée par un établissement de santé doit déclarer tout incident ou accident le plus tôt possible après qu’elle l’a constaté (LSSSS, art. 233.1). Par incident, on entend « une action ou une situation qui n’entraîne pas de conséquence sur l’état de santé ou le bien-être » tant du client que de toute autre personne (inrmière concernée, professionnel de la santé, autre employé de l’établissement ou tiers), mais « dont le résultat est inhabituel et qui, en d’autres occasions, pourrait entraîner des conséquences » (LSSSS, art. 183.2). Par

contre, un accident survient lorsque le risque se réalise. L’accident se dénit comme une « action ou situation où le risque se réalise et est, ou pourrait être, à l’origine de conséquences sur l’état de santé ou le bien-être » tant du client que d’une autre personne (LSSSS, art. 8). Le rapport d’indicent/accident est fait au moyen du formulaire adéquat et versé au dossier du client. L’inrmière est tenue d’informer ce dernier dès que possible de tout incident ou accident survenu au cours de la prestation de soins et qui entraîne ou pourrait entraîner des conséquences pour sa santé ou son bien-être. L’inrmière informe également le client des mesures qui ont été prises, le cas échéant, pour contrer les conséquences possibles de l’événement ou pour prévenir qu’un incident ou un accident similaire se reproduise (LSSSS, art. 8, 235.1). Les établissements de santé ont l’obligation de mettre en place un registre des incidents et accidents, d’en faire l’analyse et de mettre en place des mesures de prévention (LSSSS, art. 183.2). Les incidents et accidents sont ensuite rapportés à l’agence des services de santé et services sociaux liée à l’établissement. Le MSSS a l’obligation de tenir un registre national sur les incidents et accidents (LSSSS, art. 431, paragr. (6.2)). Ce registre permet de suivre l’évolution des événements qui surviennent au moment de la prestation des soins et de proposer des mesures pour les éviter. Il constitue également un indicateur de la qualité des soins prodigués dans les établissements de santé québécois.

ÉTUDE DE CAS SOLUTIONNAIRE

http://mabibliotheque. cheneliere.ca

Client dont l’état mental peut soulever des questions d’ordre juridique Mise en contexte Édouard Aubin est âgé de 87 ans. Il a des antécédents de sténose aortique. Sa santé était toutefois plutôt bonne jusqu’à la survenue récente de quelques épisodes de syncope. Monsieur Aubin habite dans un centre d’hébergement avec services de soutien en raison de son manque de mémoire, mais il était autonome pour ses activités quotidiennes avant son hospitalisation.

Manifestations cliniques Monsieur Aubin a été admis à l’unité des soins intensifs hier, après avoir subi une valvuloplastie aortique. Le client n’a reçu aucun analgésique opioïde ni benzodiazépine depuis sa procédure interventionnelle d’hier. L’inrmière de nuit a noté que monsieur Aubin était désorienté par rapport aux lieux lorsqu’il s’est réveillé durant la nuit, mais elle ajoute comme commentaire que cela est normal pour une personne de 87 ans. Ce matin, monsieur Aubin s’orientait bien par rapport aux personnes, au temps, aux lieux et à la situation. Il se réveille facilement, mais somnole par intermittence s’il n’est pas stimulé. Le client est capable de suivre un ordre simple, mais il faut le lui répéter plusieurs fois. L’inrmière n’a pas documenté ni signalé le changement de l’état mental du client ni le taux anormal d’électrolytes sériques au médecin.

52

Partie 1

Fondements généraux

Collecte des données objectives Les données de référence des signes vitaux de monsieur Aubin sont les suivantes : P.A. à 110/62 mm Hg, F.C. à 82 batt./min (rythme sinusal), F.R. à 18 R/min, T° à 36,8 °C. La radiographie pulmonaire est normale, la SaO2 est à 96 % à l’air ambiant. Les résultats de l’analyse des électrolytes sériques sont les suivants : sodium à 120 mmol/L, potassium à 4,1 mmol/L, chlorure à 95 mmol/L, azote uréique du sang à 60 mg/dL, créatinine à 2 mg/dL.

Diagnostic médical Monsieur Aubin a un diagnostic de délirium secondaire à une hyponatrémie.

Questions 1. Quels sont les principaux résultats escomptés pour ce client ? 2. Quels problèmes prioritaires ou risques doivent être contrôlés pour obtenir ces résultats ? 3. Quelles interventions doivent être mises en œuvre pour surveiller, prévenir, gérer ou éliminer les problèmes et les risques désignés ? 4. Quelles interventions devraient être mises en œuvre pour optimiser le fonctionnement, la sécurité et le bien-être du client ? 5. Quels besoins d’enseignement prévoyez-vous pour ce client ? 6. Quels facteurs liés à la culture et à l’âge du client peuvent influer sur le plan de soins et de traitements ?

À RETENIR • La profession d’infirmière exige des connaissances et des habiletés complexes, fait appel à l’humanisme et exige le respect des droits des clients, et elle s’inscrit dans un contexte interdisciplinaire de continuité des soins et des services. • Le permis d’exercer comme inrmière est régi par l’Ordre des inrmières et des inrmiers du Québec (OIIQ) qui a le mandat de protéger les citoyens en réservant la pratique inrmière à des personnes qualiées qui ont su démontrer la maîtrise de compétences minimales. • Le champ d’exercice de la profession d’inrmière est déni par la Loi sur les inrmières et les inrmiers, et la pratique est encadrée par le Code de déontologie des inrmières et inrmiers. Les normes de pratique sont dénies par l’OIIQ et servent de mesures de base pour une pratique inrmière sûre et efcace. • Les normes de pratique, comme celle des associations infirmières, précisent les attentes relatives aux inrmières en matière de prestation de soins de qualité et peuvent contribuer à clarier l’obligation juridique de prudence et de diligence. • L’obtention d’un consentement libre et éclairé est une obligation légale et déontologique. Lorsqu’un client est inapte à

consentir aux soins, le consentement doit être recueilli auprès de son représentant légal ou d’un proche. • Le droit de refuser des soins, même d’importance vitale, est un droit civil et fondamental. • Le refus de traitement libre et éclairé du client, de son représentant légal ou de sa famille doit être documenté par le médecin responsable du client, conformément à la politique de l’établissement. • Les directives préalables émises par un client doivent être appliquées. • Le client dont l’état de santé risque de se détériorer dramatiquement, qui est incapable de donner un consentement libre et éclairé et dont aucun proche ou représentant légal, le cas échéant, n’est disponible pour donner ce consentement doit recevoir les soins nécessaires à son maintien en vie sans séquelles. • Même en situation d’urgence, les professionnels de la santé ne peuvent prodiguer, sans le consentement libre et éclairé du client, des soins inusités, devenus inutiles ou dont les conséquences pourraient être intolérables pour le client. • L’intervention judiciaire peut être utilisée pour imposer des soins contre la volonté

d’un client ou de son représentant légal, mais elle devrait être vue comme un dernier recours. La coopération interdisciplinaire, la discussion et la collaboration entre les professionnels de la santé et les représentants légaux devraient être des avenues explorées à fond en premier lieu. • Les paramètres de la responsabilité civile sont la commission d’une faute causant un préjudice direct ou par ricochet. L’établissement du lien de causalité entre la faute et le préjudice est essentiel pour établir la responsabilité civile. • L’inrmière peut réduire au minimum le risque de responsabilité en restant dèle à ses obligations professionnelles d’agir en fonction des normes de pratique, en prodiguant au client les soins que requiert sa condition, notamment en étant attentive au dossier du client et aux changements de son état, en réalisant les interventions nécessaires et en documentant soigneusement l’ensemble de ces éléments. • Le secret professionnel est un droit du client et une obligation de l’inrmière. Certaines situations exceptionnelles permettent de relever l’inrmière de son obligation. • Il est essentiel de bien documenter les interventions qui sont faites pour protéger à la fois le client et l’inrmière. Chapitre 3

Enjeux juridiques

53

chapitre

4

Enseignement au client et à ses proches

Écrit par : Barbara Mayer, MS, RN, CNS, PhD (c) Adapté par : Patrick Lavoie, inf., M. Sc., Ph. D. (c)

P

lus que jamais, la population utilise une diversité de moyens pour accéder à une grande variété d’information. Que ce soit grâce aux téléphones intelligents, à la télévision ou à l’accès à Internet, les gens sont en mesure de consulter aisément des sources d’informa­ tion provenant du monde entier. Quand surviennent des changements dans leur état de santé, ils utilisent toutes les ressources disponibles pour trouver des renseignements susceptibles de faciliter leur adaptation à la nouvelle situation. Cette manière d’accéder à l’information fait en sorte que la population est aujourd’hui beaucoup plus connaissante en matière de santé. Lorsque l’état de santé d’une personne s’aggrave au point de devenir critique, le cours normal de la vie est perturbé. Cela peut engendrer une situation de crise au sein de la famille, qui doit alors faire appel à la capacité d’adaptation de ses membres (Leske, 2003). En tant que professionnelle de la santé, l’inrmière a le devoir d’aider les clients et leurs proches dans cette quête d’information qui vise l’adaptation à une situation critique de santé. En ce sens, l’inrmière se doit d’être outillée en matière d’enseignement au client et à ses proches, particulièrement dans un contexte de soins critiques. Ce chapitre constitue une introduction à une démarche et aux concepts liés à l’enseignement au client et à ses proches dans un tel contexte.

4.1

Dés de l’enseignement au client et à ses proches

Les soins critiques visent avant tout à favoriser la stabilité physiologique et la perfusion tissulaire. La priorité consiste à répondre au besoin humain le plus fondamental : l’oxygénation des cellules. Qui plus est, l’admission dans une unité de soins critiques est habituellement un événement imprévu qui peut susciter une réaction de stress chez le client et ses proches, tant par la gravité de la situation que par la non-familiarité de l’environnement hospitalier. De telles conditions peuvent compromettre leurs capacités à recevoir et à comprendre l’information que voudra leur transmettre l’inrmière. Pour le client, des changements dans son fonctionnement physiologique, causés par l’évolution du processus de la maladie, la sédation, les dispositifs de monitorage ou la ventilation mécanique , constituent des facteurs de risque susceptibles d’altérer ses conditions mentales. À tous ces éléments s’ajoutent le manque de sommeil et la surstimulation sensorielle. L’altération de la condition mentale peut compromettre les capacités d’apprentissage et l’efcacité de l’enseignement. Ces limitations physiques et cognitives empêchent le client de comprendre l’information relative à ses soins et nuisent à sa capacité de prendre des décisions éclairées (Davis, Pohlman, Gehlbach et al., 2003). Lorsque ces situations surviennent, la prise de décisions relatives aux soins et aux traitements est conée à un mandataire, généralement un membre de la famille immédiate. Ces situations confrontent l’inrmière à des dés particuliers en matière d’enseignement au client et à ses proches. La présence de nombreux facteurs émotionnels crée parfois des obstacles à la démarche d’enseignement et d’apprentissage qui peuvent être contrariants pour l’apprenant et l’inrmière. Dans ce contexte, comment l’inrmière offre-t-elle un enseignement adapté au client et à ses proches en vue d’optimiser les résultats escomptés et de prodiguer des soins efcients de qualité ? Il est de la responsabilité de l’inrmière de s’outiller en vue d’élaborer un plan d’enseignement personnalisé qui répondra à leurs besoins d’apprentissage. Pour ce faire, elle se reporte à des concepts de pédagogie applicables à l’adulte, comme les principes d’apprentissage, les besoins d’enseignement, les obstacles à l’apprentissage, le stress et les stratégies d’adaptation, de même qu’à des interventions fondées sur des résultats probants. L’enseignement au client et à ses proches fait partie intégrante de l’exercice inrmier au Québec. En effet, l’article 8 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (L.R.Q., c. S-4.2) stipule que chaque usager a le droit d’être sufsamment informé sur son état de santé pour consentir aux soins qui le concernent 3 . Le Code des professions du Québec (L.R.Q., c. C-26) comporte également un article qui indique que « l’information, la promotion

de la santé, la prévention du suicide, de la maladie, des accidents et des problèmes sociaux auprès des individus, des familles et des collectivités […] » (L.R.Q., c. C-26, art. 39.4) sont des activités où l’inrmière recourt à une démarche d’enseignement auprès du client et de ses proches. L’Ordre des inrmières et des inrmiers du Québec (OIIQ), quant à lui, afrme que l’inrmière s’assure que le client possède les connaissances et les habiletés nécessaires et propres à sa situation de santé (OIIQ, 2010). L’enseignement touche donc l’ensemble de l’exercice inrmier auprès du client et de ses proches, que ce soit pour que ceux-ci comprennent les soins et y consentent, s’approprient les autosoins, modient ou adoptent des habitudes de vie ou encore pour favoriser leur sécurité et leur bien-être.

4.2

Enseignement

4.2.1

Dénition

4

L’enseignement au client et à ses proches comprend un ensemble d’activités qui visent à leur fournir de l’information en matière de santé an de les rendre aptes à adopter volontairement des comportements de santé et à soutenir l’adoption de ces comportements (Bastable, 2008 ; Hagan, 2010 ; Rankin, Stallings & London, 2005). Ce processus peut s’avérer extrêmement exigeant dans un contexte de haute technologie comme celui d’une unité de soins critiques, où les activités se déroulent à un rythme rapide. L’inrmière intègre les nombreux besoins d’apprentissage du client et de ses proches au plan d’enseignement et est consciente des normes légales et réglementaires qui encadrent ses activités d’enseignement et leur documentation.

4.2.2

Avantages

Des études montrent qu’un enseignement de qualité diminue la durée de séjour des hospitalisations, réduit le taux de réadmission et améliore les habiletés d’autosoins (Bastable, 2008 ; Rankin et al., 2005 ; Wei & Camargo, 2000). Lorsque les clients ou leurs proches ont une perception positive de l’enseignement, leur réponse au stress et leur anxiété peuvent diminuer. Cela favoriserait leur croissance et leur développement personnels, de même que leur satisfaction globale (Bastable, 2008 ; Rankin et al., 2005 ; Wei & Camargo, 2000). L’ENCADRÉ 4.1 présente des exemples de bénéces associés à une démarche d’enseignement structurée.

4.2.3

Démarche d’enseignement

La démarche d’enseignement suit les mêmes étapes générales que la démarche de soins : évaluation initiale (et analyse des données), planication, intervention et évaluation des résultats (Bastable, 2008). Le présent chapitre aborde ces étapes une à la fois, Chapitre 4

3 Le droit fondamental du consentement aux soins par le client qui les reçoit est abordé dans le cha­ pitre 3, Enjeux juridiques.

Enseignement au client et à ses proches

55

ENCADRÉ 4.1

Avantages d’une démarche d’enseignement structurée

• Clarication de la compréhension et de la perception qu’a le client de sa maladie et de ses décisions en matière de soins • Amélioration des résultats cliniques comme les techniques d’autosoins ou l’autogestion des symptômes par le client • Promotion de la prise de décisions éclai­ rées et du sentiment de contrôle de la situation

• Réduction du stress émotionnel associé à un environnement non familier et à un pronostic inconnu • Adaptation facilitée à des situations stressantes • Satisfaction augmentée en regard des soins reçus • Amélioration des relations avec l’équipe soignante • Promotion d’une image de soi positive

Sources : Adapté de Briggs, Kirchhoff & Hammes (2004) ; Moorhead, Johnson & Maas (2012)

mais dans la pratique, celles-ci peuvent se présenter simultanément et de façon répétitive. La démarche d’enseignement est un processus dynamique et continu qui se déroule tout au long de l’hospitalisation et qui peut se poursuivre après le congé du client. Cette démarche est souvent perçue par l’inrmière comme une tâche qui exige beaucoup de temps. Bien qu’il soit possible d’acquérir les connaissances et les habiletés nécessaires, le temps s’avère une denrée rare dans une unité de soins critiques. Beaucoup d’inrmières pensent qu’il n’est possible d’enseigner que durant une période réservée à cette n. Cependant, même si une séance d’enseignement planiée peut sembler optimale, cela n’est pas réaliste dans le contexte contemporain des soins. Pour l’inrmière, chaque moment passé auprès du client devrait être une occasion d’enseigner (Burkhead, Jones, VonCannon et al., 2003). Il peut s’agir de lui expliquer comment utiliser la sonnette d’appel, de le renseigner sur les procédures de soins à venir ou de lui décrire ce à quoi il peut s’attendre au moment d’un bain au lit. C’est le rôle de l’inrmière de voir que l’enseignement, quelle que soit sa durée, peut avoir une inuence sur le quotidien de chaque personne qu’elle rencontre. Elle peut notamment proter des moments qu’elle consacre à l’évaluation physique du client pour apprécier ses besoins d’apprentissage et ceux de ses proches.

4.3

Étape 1 : Évaluation initiale des besoins d’enseignement

Un programme d’enseignement doit être conçu en fonction des besoins du client (Hagan, 2010 ; OIIQ, 2010). L’évaluation est la première étape de la démarche d’enseignement ; elle permet de s’assurer d’offrir au client et à ses proches un enseignement axé sur leurs besoins. Elle commence dès l’admission du client et se poursuit jusqu’à ce qu’il obtienne son congé. L’évaluation initiale des besoins d’enseignement, bien qu’elle demande du temps, permet de collecter des données précieuses. Elle vise l’identication des lacunes dans les connaissances du client relativement à sa situation de santé.

56

Partie 1

Fondements généraux

Les besoins d’apprentissage peuvent être dénis comme étant l’écart entre ce que l’apprenant sait et ce qu’il doit savoir. En identiant les besoins d’apprentissage actuels et potentiels du client et de sa famille, l’inrmière peut ainsi offrir un enseignement adapté qui devrait les aider à se familiariser avec la situation en cours. Les besoins d’apprentissage du client et de ses proches peuvent toucher : l’information générale (environnement, heures des visites) ; la prise de décision éclairée (plan de traitement, consentement éclairé) ; ou l’autogestion (reconnaissance des symptômes et manière d’y réagir) (London, 1999 ; Rankin et al., 2005). Les besoins d’apprentissage peuvent varier de jour en jour, d’un quart de travail à l’autre ou de minute en minute. Ils dépendent de la manière dont le client ou ses proches perçoivent ou interprètent la gravité de la situation (Gentz, 2000). Devant un même événement, les perceptions individuelles peuvent varier et inuencer le désir et la motivation des personnes quant à l’apprentissage. Pour évaluer les besoins, l’inrmière fait preuve d’écoute active, maintient un contact visuel avec le client et ses proches, leur demande des précisions et prête attention aux messages verbaux et non verbaux qu’ils expriment. Avant de commencer l’enseignement, l’inrmière cherche à comprendre leurs besoins d’apprentissage tels qu’ils les perçoivent. En effet, le client et ses proches considéreront généralement qu’un enseignement a été positif si l’inrmière a répondu aux besoins d’apprentissage qu’ils ressentent personnellement. La cohérence entre les besoins décelés par l’inrmière et ceux exprimés par le client et ses proches se traduit par une expérience d’apprentissage enrichissante qui les encourage à obtenir plus d’éléments d’information. Les professionnels de la santé recourent au terme de non-adhésion thérapeutique pour décrire la situation où le client ou les membres de sa famille ne modient pas leurs comportements pour satisfaire aux exigences du traitement prescrit (p. ex., un régime faible en gras ou la posologie d’un médicament). Cependant, il se peut que le problème sous-jacent à la non-adhésion tienne plus à une mauvaise compréhension du traitement qu’à un désir conscient de s’y opposer. Poser des questions permet à l’inrmière de vérier si le client ou ses proches entretiennent de fausses croyances sur l’environnement de soins, la maladie, les autosoins ou l’administration des médicaments. La technique consistant à poser des questions ouvertes (Pouvez-vous me dire ce que vous savez de votre médication ?) plutôt que des questions fermées (Savez-vous que ce comprimé sert à éliminer l’eau ?) permet d’obtenir plus d’information sur les connaissances du client. Les questions ouvertes donnent à l’infirmière l’occasion d’évaluer les connaissances réelles du client plutôt que de présumer ce qu’il sait par l’obtention de réponses de type « oui » ou « non » à des questions fermées. Ces questions permettent également au client et à ses proches de raconter l’histoire de la maladie qui les afige et

de faire part de ce qu’ils vivent (Rankin et al., 2005), ce qui a pour effet que l’apprenant adulte se sent respecté et impliqué dans le processus thérapeutique. Les questions fermées auxquelles le client répond par « oui » ou par « non » restreignent la communication et ne donnent pas lieu à une séance d’enseignement interactive. Par contre, ce type de question demeure utile pour valider a posteriori certaines données transmises par le client ou sa famille. L’ENCADRÉ 4.2 présente des exemples de renseignements que l’inrmière obtient au moment de l’évaluation ainsi que de questions qu’elle peut poser pour obtenir l’information dont elle a besoin. En général, avec un peu de pratique et d’efforts, il lui est possible de cerner assez rapidement les besoins d’apprentissage du

client, sans trop interférer avec la routine des soins. Parce que le client et ses proches sont des êtres multidimensionnels, l’inrmière ne peut évaluer tous les aspects de l’apprenant au cours d’une première rencontre ou parfois même durant tout le séjour au centre hospitalier. Cela demeure vrai même lorsqu’elle possède de bonnes compétences évaluatives. Le processus d’évaluation peut être bref ou englober une histoire de santé et un examen détaillés, selon la nature et l’urgence de l’état de santé du client. Le tableau clinique initial du client dénit la rapidité et la direction de l’entrevue. En présence d’un client en détresse aiguë, l’inrmière limite l’histoire de santé à quelques questions sur le symptôme principal du client et sur les facteurs déclenchants.

4

Collecte des données ENCADRÉ 4.2

Questionnaire d’évaluation

Données démographiques

• • • • •

Modes fonctionnels de santé (AMPLE)

A : ALLERGIES/RÉACTIONS

Nom Âge Activité Origine ethnique Culture, religion

• Avez-vous des allergies ? • Si oui, quelles ont été vos réactions à ces allergènes dans le passé ? M : MÉDICATION (OU PRODUITS NATURELS OU AUTRES SUBSTANCES)

• • • • •

Quels médicaments prenez-vous ? Pouvez-vous me dire pourquoi vous prenez chacun de ces médicaments ? Prenez-vous des médicaments offerts en vente libre dans les pharmacies ? Prenez-vous des produits naturels ou homéopathiques ? Consommez-vous de l’alcool, du tabac, des drogues, de la caféine ?

P : PASSÉ MÉDICAL

• Avez-vous déjà eu des problèmes de santé ? Lesquels ? • Avez-vous déjà été opéré ou hospitalisé ? Quand ? Pour quelles raisons ? L : (LAST MEAL) DERNIER REPAS

• Quand avez-vous mangé la dernière fois ? Qu’avez-vous mangé et bu ? Avez-vous bien toléré ces aliments et boissons ? • Suivez-vous une diète particulière ? E : ÉVÉNEMENTS/ENVIRONNEMENT

• Y a-t-il un événement qui vous préoccupe actuellement ? • Décrivez-moi votre milieu de vie, votre milieu de travail (si applicable).

Perception et gestion de la santé

• • • •

Relations et rôles

• Êtes-vous accompagné d’un ami ou d’un proche aujourd’hui ? • Ces gens sont-ils votre principal réseau de soutien ? • Décrivez-moi votre réseau social.

Valeurs et croyances

• Y a-t-il des besoins particuliers, religieux ou autres que nous devons prendre en compte pendant votre séjour à l’hôpital ?

Pour quelle raison êtes-vous venu à l’hôpital aujourd’hui ? Qui est votre médecin traitant pour ces problèmes ? Qui est votre médecin de famille ? Comment prenez-vous soin de vous à la maison ? Avez-vous de l’aide ? Comment pouvons-nous vous aider ?

Chapitre 4

Enseignement au client et à ses proches

57

ENCADRÉ 4.2

Évaluation d’un symptôme ou d’un problème (PQRSTU)

Questionnaire d’évaluation (suite) P : PROVOQUER/PALLIER/AGGRAVER

• Qu’est-ce qui a provoqué ce symptôme ? • Qu’avez-vous fait pour le soulager ? Est-ce efcace ? • Qu’est-ce qui aggrave ce symptôme ? Q : QUALITÉ/QUANTITÉ

• Décrivez-moi ce symptôme. • Sur une échelle numérique de 0 à 10, où situeriez-vous votre symptôme actuellement ? Y a-t-il des variations dans la journée ? R : RÉGION/IRRADIATION

• Pouvez-vous me pointer où vous ressentez ce symptôme ? • Ressentez-vous ce symptôme ailleurs ? S : SYMPTÔMES ET SIGNES ASSOCIÉS/SÉVÉRITÉ

• Avez-vous d’autres symptômes ou problèmes ? • Ce symptôme est-il stable ou est-ce qu’il augmente ou diminue avec le temps ? T : TEMPS/DURÉE

• Quand ce symptôme a-t-il commencé ? Est-ce fréquent ? À quel moment de la journée ce symptôme se présente-t-il ? • Est-il constant ou intermittent ? Depuis combien de temps ressentez-vous ce symptôme ? U : (UNDERSTANDING) COMPRÉHENSION ET SIGNIFICATION POUR LE CLIENT

Évaluation des besoins d’apprentissage

4.3.1

• • • •

D’après vous, qu’est-ce que ce symptôme signie ? Quelle répercussion a-t-il dans votre vie ? Que savez-vous de ce problème ou symptôme ? Quelle information avez-vous reçue de la part des autres membres de l’équipe soignante ? Y a-t-il de l’information que je peux vous fournir dès maintenant et qui vous aiderait à mieux comprendre la raison pour laquelle vous êtes ici ?

Facteurs inuençant le processus d’apprentissage

L’inrmière prête attention à certains facteurs qui inuent sur la démarche d’enseignement et sur la réaction du client et de ses proches. Il s’agit des facteurs physiologiques, des particularités de l’apprenant, des facteurs socioculturels et familiaux, des facteurs psychologiques, de la capacité d’adaptation, du processus d’adaptation, des facteurs nanciers et des facteurs environnementaux.

Facteurs physiologiques Le besoin d’oxygénation des cellules prédomine sur tout autre besoin humain. Il est décrit dans la théorie de la hiérarchie des besoins de Maslow (1943). Selon cette théorie, les besoins fondamentaux à la base de la hiérarchie, soit les besoins physiologiques, doivent être comblés avant qu’une personne puisse satisfaire les besoins des niveaux supérieurs, comme celui d’estime de soi. Ainsi, la satisfaction des besoins physiologiques et de sécurité prédomine sur le besoin de changer ses habitudes de vie. Par exemple, lorsque l’inrmière veut sensibiliser le client à l’arrêt tabagique, il ne pourra être réceptif à ce nouvel apprentissage que lorsque ses besoins fondamentaux seront satisfaits. Il ressentira d’abord un besoin instinctif de réduire le stress lié à son environnement et de rétablir le cours normal de sa vie quotidienne.

58

Partie 1

Fondements généraux

Au cours des séances d’enseignement, l’inrmière peut également observer des changements physiologiques du rythme cardiaque et de la pression artérielle chez le client (Leske, 2003). Les sources de stress physiologique chez les personnes dont l’état de santé est critique sont, entre autres, la médication, la douleur, l’hypoxie, la diminution de la perfusion cérébrale et périphérique, l’hypotension, un déséquilibre hydroélectrolytique, une infection, des altérations neurosensorielles, de la èvre (Phillips, 1999). La présence d’un de ces stresseurs est susceptible de solliciter toute l’attention et l’énergie du client, ce qui nuira à sa réceptivité à l’apprentissage.

Particularités de l’apprenant Certaines particularités de l’apprenant peuvent inuencer la façon dont il perçoit et comprend l’information : son âge ; les principes d’apprentissage chez l’adulte ; sa motivation (sa capacité, sa volonté et sa réceptivité) ; ainsi que sa littératie en santé. La considération de ces particularités prote à l’inrmière, car elle permet d’optimiser la communication, ainsi qu’au client, qui comprend mieux l’information reçue.

Âge du client L’âge et le stade de développement de chaque client varient. Il en va de même pour ses proches. Les personnes âgées, qui n’ont pas été aussi exposées à la

technologie que les plus jeunes, pourront se sentir dépassées dans un environnement hautement technologique comme celui des soins critiques. Elles peuvent également éprouver des difcultés à lire des documents éducatifs ou les étiquettes sur un acon de médicaments. Pour ces clients, il peut être nécessaire de recourir à du matériel ayant une plus grande police de caractère. Certaines personnes âgées peuvent prendre plusieurs médicaments à la fois, et il est possible que l’inrmière doive enseigner les effets indésirables ou les interactions entre ces médicaments (Blount & Moore, 2002). Les aînés peuvent aussi faire face à des situations de n de vie et avoir besoin d’information pour prendre des décisions éclairées. Quant aux jeunes adultes, ils ont parfois de la difculté à concilier leur vie sociale et leur besoin d’intimité par rapport à leur situation de santé. Avec ces clients, l’inrmière peut devoir miser sur la vie privée et sur le soutien des pairs pour favoriser leur adaptation. Elle sait distinguer ces enjeux liés à l’âge et les intégrer au plan d’enseignement (The Joint Commission, 2004).

Principes d’apprentissage chez l’adulte Les adultes apprennent en grande partie à partir d’expériences vécues. Leur motivation à apprendre est personnelle et orientée sur les problèmes et les événements de leur vie. L’andragogie est la théorie des principes de l’apprentissage chez l’adulte (Knowles, 1976). Cette théorie insiste sur les concepts d’individualisme, d’autoévaluation, d’autodétermination, de motivation, d’expérience et d’autonomie. Les adultes ont tendance à avoir une identité forte (concept de soi), ils sont orientés vers la réalisation d’objectifs et aiment prendre leurs propres décisions. Ils prennent la responsabilité de leurs apprentissages et veulent être respectés en tant qu’individu ayant vécu des expériences de vie particulières. Les adultes ont des styles d’apprentissage individuels et peuvent manquer de confiance dans leur capacité d’apprendre. Lorsque l’information transmise va à l’encontre de leur image de soi, ils ont tendance à être réfractaires à l’enseignement. Lorsqu’une maladie survient, le processus d’apprentissage entraîne généralement la modication des habitudes de vie du client et de ses proches. Leur motivation à l’apprentissage peut être inuencée par des mécanismes d’adaptation à la maladie, comme la colère et le déni. L’enseignement et l’apprentissage peuvent être complexiés s’ils refusent de changer certains comportements pour tenir compte des nouveaux besoins de santé. En soins critiques, l’inrmière fournit graduellement l’information nécessaire dans un vocabulaire simple et compréhensible. Avant que le client et ses proches l’intègrent, il se peut qu’elle doive répéter l’information à quelques reprises, les encourager et valoriser leurs efforts (Knowles, 1976). Par ailleurs, les adultes sont sensibles à l’erreur et ont tendance à voir celle-ci comme un échec. Le client ou ses proches éviteront les situations d’apprentissage perçues comme étant humiliantes, gênantes ou supérieures à leurs capacités ou

ils s’en désintéresseront. Le rôle de l’inrmière consiste à guider, à animer et à faciliter l’apprentissage plutôt que d’agir comme une enseignante (Phillips, 1999). Elle peut montrer la voie au client et à ses proches, mais la décision de la suivre leur revient. Il faut se rappeler que l’apprentissage est un processus de changement intérieur qui prend du temps et qui ne peut être forcé. L’inrmière se montre proactive dans son enseignement et afche une bonne compréhension de la théorie de l’apprentissage chez l’adulte. Elle intègre les concepts de cette théorie dans l’évaluation des besoins d’apprentissage, l’élaboration du plan d’enseignement, sa mise en œuvre et l’évaluation de ses résultats.

4

Motivation : capacité, volonté, réceptivité La motivation à apprendre du client et de ses proches est inuencée par leur capacité d’apprentissage, leur volonté d’apprendre et leur réceptivité à l’enseignement. Ces facteurs ont un impact direct sur le succès de l’enseignement et sur l’atteinte des objectifs d’apprentissage. L’apprentissage dépend de la capacité qu’a l’apprenant de prêter attention aux notions enseignées et de les comprendre. La volonté d’apprendre renvoie au désir et à l’énergie que montre l’apprenant à assimiler de nouvelles idées, de nouveaux concepts. La réceptivité à l’apprentissage repose sur l’ouverture que manifeste l’apprenant à considérer de nouveaux concepts et à adopter de nouveaux comportements (Rankin et al., 2005). Pour que l’apprentissage ait lieu, le client et ses proches doivent être capables d’intégrer l’enseignement et d’y être réceptifs. Des méthodes d’enseignement créatives, du matériel éducatif bien conçu et le temps dont dispose l’inrmière ne sont pas sufsants en eux-mêmes si le client et ses proches ne sont pas motivés à apprendre.

Littératie en santé Même si le client et ses proches sont motivés à apprendre, ils peuvent ne pas être en mesure de comprendre et d’intégrer l’information qui leur est présentée. Une enquête canadienne révèle que « 60 % des adultes canadiens (16 ans et plus) sont incapables d’obtenir des renseignements et des services de santé, de les comprendre et d’agir en conséquence, et de prendre eux-mêmes les décisions appropriées relatives à leur santé » (Conseil canadien sur l’apprentissage [CCA], 2007). Le concept de littératie en santé désigne la « capacité d’une personne à accéder à des renseignements sur la santé et à les utiliser pour prendre les décisions appropriées et se maintenir en santé » (CCA, 2007). Les compétences en lecture et en écriture auraient un impact direct sur la santé des personnes (CCA, 2007). Il s’agit donc d’un facteur essentiel à considérer au cours de l’enseignement au client et à ses proches. Évaluer le niveau de littératie en santé n’est pas une tâche facile. Il existe un test qui permet de mesurer facilement la compréhension et l’utilisation de l’information liée à la santé. Ce test, le Newest Vital Sign, consiste à demander à un client de lire l’étiquette Chapitre 4

i Le site du Conseil canadien de l’apprentissage (www.cclcca.ca) et le site de l’Association canadienne de santé publique (www.cpha.ca/fr/ portals/h-l.aspx) offrent différentes ressources sur la littératie en santé. Le Bureau de soutien à la communication en santé publique a également produit le guide La littératie en santé pour des communications écrites compréhensibles, qui peut être consulté sur http ://pmb.santenpdc.org/ opac_css/doc_num.php? explnum_id=12666.

Enseignement au client et à ses proches

59

d’information nutritionnelle d’un contenant de crème glacée (Hudon, Fortin, Poitras et al., 2012). On lui pose ensuite six questions. Le nombre de réponses exactes permet d’apprécier son niveau de littératie en santé. La FIGURE 4.1 présente une version française librement adaptée du Newest Vital Sign. Les professionnels de la santé croient souvent à tort que les compétences en lecture et en compréhension de textes sont directement liées à la richesse et au niveau de scolarité ; ainsi, une personne détenant un diplôme universitaire présenterait un niveau de lecture plus élevé qu’une autre qui a arrêté sa scolarité au primaire. Or, la richesse et le niveau de scolarité ne vont pas nécessairement de pair avec la capacité de lecture et de compréhension de l’information en matière de soins de santé.

FIGURE 4.1 Adaptation libre d’un outil d’évaluation de la littératie en santé (Newest Vital Sign).

60

Partie 1

Fondements généraux

Par ailleurs, la honte est signalée comme étant l’une des émotions les plus communément associées à une faible littératie en santé (Moore, 2012). An de dissimuler leurs limitations, les gens recourent parfois à certains trucs : demander à un proche de remplir un formulaire à leur place, prétexter une trop grande fatigue ou ne pas avoir ses lunettes à portée de main. D’autres comportements pouvant fournir des indices d’un faible niveau de littératie en santé sont énumérés dans l’ENCADRÉ 4.3. Dans certains cas, le fait de poser une question directe permet de clarier le niveau de littératie en santé d’une personne. Par exemple, la façon dont elle répond à certaines questions (comme Dans quelle mesure êtes-vous à l’aise de lire les étiquettes des médicaments ? ou Que savez-vous de votre maladie ?)

peut aider l’inrmière à obtenir de l’information sur le niveau de littératie en santé et à planier les interventions d’enseignement appropriées.

Facteurs socioculturels et familiaux La famille peut être dénie comme un groupe de personnes qui partagent un lien biologique, juridique ou social (Leske, 2003). La famille moderne présente une grande diversité en matière d’origine ethnique, d’orientation sexuelle, d’âge, de genre, d’expérience de vie ou de travail, de conditions physiques ou mentales, d’habiletés de communication, de niveau de scolarité, de lieu d’habitation ou de croyances religieuses (Giger, 2012 ; Glittenburg, 2004 ; Walsh, 1999). L’inrmière tient compte des besoins d’apprentissage des membres de la famille du client et les implique dans le processus d’enseignement. D’autres facteurs, comme la culture, l’ethnicité, les valeurs, les croyances et le mode de vie inuencent la manière dont la personne perçoit la maladie, la douleur et la guérison (Giger, 2012). Il est important de prévoir des stratégies d’enseignement qui seront adaptées aux différentes cultures pour pouvoir faire part des besoins particuliers du client aux autres membres de l’équipe soignante et obtenir les meilleurs résultats d’apprentissage possible (The Joint Commission, 2004). Dans une unité de soins critiques, on s’attend à ce que les inrmières prodiguent à chaque client des soins culturellement compétents. C’est le cas lorsque l’inrmière est sensible et attentive aux différences culturelles des clients et de leurs proches (Giger, 2012). Cela signie qu’elle valorise la diversité et acquiert une connaissance des caractéristiques culturelles des personnes qu’elle soigne (Suh, 2004). La communication et la compréhension ont une inuence sur la démarche d’enseignement. L’accessibilité à des services de traduction et à de la documentation dans la langue appropriée, ainsi que la reconnaissance de différences religieuses et culturelles au regard de la perception de la maladie et des traitements sont des éléments qui inuent sur l’enseignement (Giger, 2012).

Facteurs psychologiques Lorsqu’ils sont confrontés à une situation qui ébranle le cours de leur vie, comme l’admission dans une unité de soins critiques, le client et ses proches peuvent ressentir de l’anxiété et du stress. La peur de la mort, l’incertitude quant au pronostic, les changements de rôles, les perturbations de l’image de soi, l’isolement social, les changements dans les activités de la vie quotidienne (AVQ), les soucis nanciers et l’inexpérience du milieu des soins critiques représentent autant de sources de stress (Institute of Medicine, 2004 ; Leske, 2003). L’intensité de ces émotions peut conduire à une situation de crise et nuire à la capacité d’adaptation du client et de ses proches (Leske, 1998 ; Van Horn, Fleury & Moore, 2002). Lorsqu’une personne se trouve dans un état de

Collecte des données ENCADRÉ 4.3

Comportements indiquant un faible niveau de littératie en santé 4

La personne : • exige qu’un de ses proches soit toujours présent ; • ouvre les acons de médicaments pour reconnaître un médicament ; • se cherche des excuses comme : – J’ai oublié mes lunettes. – Je veux que mon ls le lise tout d’abord. – Je vais l’apporter à la maison. • désigne les médicaments par leur forme ou leur couleur plutôt que par leur nom ;

• est incapable d’expliquer ce qui vient de lui être présenté ; • manque fréquemment ses rendez-vous ; • remet à plus tard la prise de décisions ; • observe ou mime les comportements ou les réponses des autres ; • prétend lire la documentation (son regard erre sur une page), lent à lire ; • ne remplit pas les formulaires ou demande à un membre du personnel ou de sa famille de le faire.

santé critique, sa capacité à traiter ou à retenir de l’information ainsi qu’à prendre part à la planication des soins est altérée (Davis et al., 2003). Si le processus pathologique ou les stresseurs physiologiques limitent la capacité du client à prendre des décisions, ses proches doivent prendre la relève. Il faut savoir que les hommes et les femmes réagissent différemment au stress. Par exemple, les femmes qui subissent un infarctus du myocarde montrent un degré d’anxiété plus élevé que les hommes tout au long de leur séjour au centre hospitalier (An, De Jong, Riegel et al., 2004). Or, les changements physiologiques causés par l’anxiété nuisent au processus de guérison et au pronostic à long terme (An et al., 2004). Dans des situations critiques, l’inrmière peut juger nécessaire de répéter plusieurs fois l’information fournie ou de donner l’enseignement petit à petit. Elle évite le jargon médical et utilise des mots faciles à comprendre. En étant honnête et précise quant à l’évolution de l’état de santé du client, l’inrmière peut contribuer à réduire les effets des stresseurs et à calmer l’anxiété, le stress et la peur.

Capacité d’adaptation La capacité d’adaptation renvoie à la manière dont une personne s’y prend pour gérer des événements stressants qui sollicitent ou qui dépassent ses ressources personnelles (Leske, 2000 ; Rankin et al., 2005). Un événement stressant représente toujours une certaine menace pour la personne qui doit se concentrer sur le problème rencontré ou sur les émotions ressenties (Lazarus & Folkman, 1984). Les stratégies d’adaptation utilisées par le client et ses proches les aident à garder un sentiment de contrôle vis-à-vis de la situation, en plus de générer de l’espoir et de favoriser un sentiment d’équilibre dans leur vie. Le déni peut se manifester à tout moment au cours de l’hospitalisation. Des phrases telles « Pourquoi moi ? » et « Je ne peux pas croire ce qui arrive » sont courantes dans les milieux de soins critiques. D’autres mécanismes d’adaptation, comme la colère, minent Chapitre 4

Enseignement au client et à ses proches

61

la capacité du client et de ses proches à trouver une solution au problème et à composer avec la situation. De tels mécanismes font obstacle à la capacité du client de recevoir et d’intégrer l’information. Pour apprendre, un adulte doit y être disposé physiquement et émotionnellement. Par conséquent, enseigner de nouvelles habiletés ou techniques en matière d’autosoins à un apprenant adulte représente un dé particulier pour l’inrmière en soins critiques. Par exemple, une personne qui n’accepte pas son diagnostic d’insufsance cardiaque n’apportera pas de changements à son mode de vie pour éviter d’exacerber sa condition.

Processus d’adaptation Toutes les situations vécues dans une unité de soins critiques peuvent être considérées comme stressantes. C’est le cas de n’importe quelle condition, situation ou perception qui exige d’une personne qu’elle s’y adapte (Thomas, 2003). La capacité d’adaptation d’une personne est d’une importance primordiale pour apaiser les émotions qui peuvent miner la motivation à l’apprentissage. La culture, les croyances, les attitudes et la capacité de mobilisation des ressources inuencent la réaction d’une personne à une situation de crise (Leske, 2000). Le TABLEAU 4.1 donne un aperçu des étapes du processus d’adaptation et de leurs implications pour l’enseignement. Le client et ses proches traversent ces étapes à leur rythme respectif. Il ne s’agit pas nécessairement d’un processus linéaire : une personne peut aller et venir d’une étape à l’autre ou bien en passer une. Ainsi, l’inrmière sera en mesure de

TABLEAU 4.1

comprendre à quelle étape se situe le client et chacun de ses proches, an d’adapter ses interventions d’enseignement à leurs besoins respectifs.

Facteurs nanciers Il arrive souvent que le client et ses proches se fassent du souci pour des questions nancières liées à l’hospitalisation et à l’éventualité d’une incapacité chronique. Il se peut qu’ils craignent une perte de revenus en lien avec une absence prolongée du travail ou qu’ils appréhendent les frais de médicaments associés à une nouvelle maladie. Dans ces situations, le client peut être plus soucieux de savoir ce que lui coûtera sa maladie plutôt que de s’intéresser aux stratégies de prise en charge des symptômes. L’inrmière comprend les préoccupations du client et fait appel à des ressources pour calmer son anxiété quant aux questions nancières. Certains intervenants issus d’autres disciplines, en particulier les travailleurs sociaux, sont disponibles pour soutenir le client et ses proches dans leur recherche de ressources dans la communauté an de les aider à couvrir les dépenses comme le coût des médicaments.

Facteurs environnementaux Le milieu des soins critiques peut être considéré comme une source de stress pour l’apprenant. Les bruits, le personnel et l’équipement ultramoderne font partie du quotidien de l’inrmière, mais cet environnement non familier peut être intimidant pour le client et ses proches. La première expérience de séjour dans une unité de soins critiques est une

Démarche d’enseignement et d’apprentissage relative à l’adaptation à la maladie

ÉTAPE DU PROCESSUS D’ADAPTATION

CARACTÉRISTIQUE DE LA RÉACTION DE LA PERSONNE

IMPLICATIONS SUR LA DÉMARCHE D’ENSEIGNEMENT ET D’APPRENTISSAGE

Dénégation

Déni

• • • •

Prise de conscience

Colère

• Continuer d’axer l’enseignement sur la situation actuelle. • Éviter les longues énumérations de faits. • Encourager l’instauration d’un lien de conance et d’une relation thérapeutique par la prestation de soins de qualité.

Réorganisation

Acceptation du rôle de malade

• Axer l’enseignement sur les besoins du client et sur ses préoccupations. • Fournir l’information nécessaire sur les autosoins ; utiliser de la documentation écrite.

Acceptation

Identication aux autres personnes ayant vécu une situation similaire ; acceptation d’une perte

• Tenir des séances d’enseignement de groupe. • Faire appel à des groupes de soutien ; permettre au client de rencontrer d’autres personnes ayant vécu une situation similaire.

Reconnaissance du changement

Redénition de soi en tenant compte du changement qui a été subi

• Répondre aux questions du client à mesure qu’elles surgissent. • Reconnaître qu’une fois les besoins fondamentaux assurés, les besoins de niveau supérieur peuvent se manifester.

62

Partie 1

Fondements généraux

Axer l’enseignement sur la situation actuelle. Enseigner en même temps que se déroulent d’autres activités de soins inrmiers. Rassurer le client sur le fait qu’il est en sécurité. Expliquer chaque procédure et intervention de façon claire et concise.

lame à double tranchant : selon que les résultats sont positifs ou négatifs, l’expérience contribuera à diminuer ou à augmenter le degré d’anxiété du client et de ses proches. L’inrmière prête attention à la perception qu’ils ont de l’environnement et adapte l’enseignement en conséquence. Les changements dans le cycle du sommeil causés par le manque de sommeil ou la surstimulation sensorielle liée au bruit continu des appareils et du personnel nuisent à la capacité du client à se concentrer et à saisir l’information. En lui permettant de faire des siestes fréquentes et ininterrompues, l’inrmière l’aide à avoir une meilleure qualité de sommeil (Thomas, 2003). Par ailleurs, pour que le client et ses proches apprécient l’enseignement, ils doivent considérer la source d’information comme able. Or, l’inrmière représentant la source d’information la plus disponible à l’intérieur d’une unité de soins critiques. Il est important qu’ils entretiennent un lien de conance avec elle pour favoriser l’apprentissage. Les rotations fréquentes du personnel soignant peuvent nuire à l’établissement d’une relation de conance entre le personnel inrmier, le client et ses proches. La constance dans l’affectation des soignants contribue à tisser un lien de conance, à réduire l’anxiété et à améliorer le confort par rapport à l’environnement (Leske, 2000 ; Rankin et al., 2005).

4.4

Étape 2 : Planication de l’enseignement

L’enseignement doit être continu, interactif et correspondre au plan de soins et au niveau de connaissances du client (The Joint Commission, 2004). L’inrmière analyse l’information recueillie lors de l’évaluation initiale pour établir les priorités d’enseignement au client et à ses proches. Elle prend aussi en compte l’état physique et émotionnel du client lorsqu’elle détermine les priorités d’enseignement. La capacité et la volonté d’apprendre du client inuent sur sa motivation et sa réceptivité à la nouvelle information transmise durant la séance d’enseignement, comme il a été dit précédemment. L’inrmière évalue ces facteurs avant de commencer l’enseignement. La version écrite du plan d’enseignement devrait indiquer les besoins d’apprentissage, les objectifs ou les résultats escomptés de l’enseignement, les interventions prévues pour atteindre ces objectifs et les stratégies d’enseignement appropriées envisagées. Le plan d’enseignement peut traiter du plan de soins, de l’utilisation sécuritaire et efcace des médicaments, des fournitures ou du matériel médical, ainsi que d’alimentation et de nutrition, de la gestion de la douleur ou des besoins en matière d’adaptation ou de réadaptation. Le plan thérapeutique inrmier (PTI) devrait également contenir les besoins d’apprentissage et les directives cliniques en matière d’enseignement qui s’y rattachent.

L’inrmière peut faire appel aux résultats de recherche et aux normes ou lignes directrices nationales reconnues pour l’élaboration d’un plan d’enseignement fondé sur des résultats probants. Les organisations canadiennes suivantes proposent des normes en matière d’enseignement : l’Agence de la santé publique du Canada et l’Association des inrmières et inrmiers de l’Ontario. Par ailleurs, plusieurs organisations américaines servent de références, comme l’American Association of Critical-Care Nurses, l’American Heart Association et la Society of Critical Care Medicine.

4.4.1

Choix d’enseignement

Il peut être difcile d’établir des priorités devant la multitude de besoins d’apprentissage du client et de ses proches au cours d’un séjour en soins critiques. Les besoins d’apprentissage dans ce contexte peuvent être répartis en six catégories pour établir plus facilement les priorités d’enseignement à chaque étape de l’hospitalisation TABLEAU 4.2. Lors du premier contact ou des premières heures suivant l’admission au centre hospitalier, l’enseignement doit être axé sur la réduction du stress, de l’anxiété et de la peur plutôt que sur les changements de mode de vie ou sur la réadaptation à venir. Les interventions infirmières visent à favoriser le confort du client et à lui permettre de mieux connaître les lieux et le contexte où il se trouve (Laubach, 2000). Le plan d’enseignement devrait se concentrer sur l’orientation par rapport à l’environnement et à l’appareillage, sur la communication du pronostic, sur les explications relatives aux procédures de soins ainsi que sur le plan de soins dans l’immédiat. Trois domaines d’apprentissage sont pris en compte au moment de l’élaboration d’un plan d’enseignement personnalisé : 1) les connaissances ; 2) les attitudes ; 3) les habiletés du client. Le domaine des connaissances est centré sur l’acquisition d’information sur un sujet donné ; par exemple, la connaissance des signes et des symptômes de l’hypoglycémie et des gestes à poser quand le client devient symptomatique. Un client diabétique depuis des années possède une plus grande expérience de cette pathologie que celui qui vient de recevoir ce diagnostic. Même si les deux clients ont reçu le même diagnostic, leurs besoins d’apprentissage seront différents. Le domaine des attitudes porte sur l’intégration de nouvelles valeurs, croyances ou façon de voir dans les comportements du client ; par exemple, comprendre que le tabagisme est mauvais pour la santé et faire un effort délibéré pour arrêter de fumer. Le troisième domaine touche l’acquisition d’habiletés qui permettent à une personne de poser de nouveaux gestes ou de réaliser de nouvelles techniques ; par exemple, l’aspiration des sécrétions oropharyngées ou le changement des pansements. L’inrmière peut intégrer plus d’un domaine d’apprentissage dans le plan d’enseignement. Chapitre 4

i Le site de l’Agence de la santé publique du Canada, au www.phac-aspc.gc.ca, et le site de l’Association des inrmières et inrmiers de l’Ontario, au www.ona.org, présentent des normes en matière d’enseignement. Le site Groupe Vigilance pour la sécurité des soins offre également de l’information au www.msss.gouv.qc.ca/ ministere/vigilance.

Enseignement au client et à ses proches

4

63

TABLEAU 4.2

Catégories des besoins d’enseignement en situation de soins critiques

ÉTAPE

BESOINS D’ENSEIGNEMENT

Contact initial ou première visite, avec accent sur les besoins immédiats

• Préparation à la visite : l’inrmière prépare le client et ses proches à la première visite de l’unité. – À quoi doivent-ils s’attendre en ce qui concerne l’environnement ? – Quelle sera la durée de la visite ? – Quelle apparence aura le client (p. ex., la présence de sondes, de cathéters intraveineux) ? • Information générale sur l’environnement et l’unité de soins : cloche d’appel, tournées médicales et inrmières, salles d’attente, numéros de téléphone • Information générale sur les politiques de l’unité de soins et du centre hospitalier • Politique de visite • Information générale sur l’équipement : pompe volumétrique intraveineuse, saturomètre, moniteur cardiaque, respirateur • Médicaments : raisons d’administration, effets recherchés, effets secondaires • Attitude durant les visites : parler au client, tenir sa main, s’assurer de respecter la durée de la visite (si applicable) • État du client : stable ou instable et ce que cela signie • Traitements et interventions en cours ou à venir • Prochaine visite médicale, dernière visite médicale et professionnels impliqués dans les soins et les services au client • Plan de soins des 24 prochaines heures • Disponibilité et mobilisation des ressources en cas de situation critique

Phase active des soins

• Routine de soins : repas, examens paracliniques, visite du médecin, fréquence du suivi des signes vitaux, évaluations inrmières, pesées quotidiennes et activités courantes des quarts de travail • Explications concernant les procédures de soins : sensations ou malaises à prévoir (p. ex., le retrait d’un drain thoracique) • Plan de soins : traitements, évolution, résultats atteints (p. ex., l’extubation endotrachéale) • Médicaments : noms, raisons d’administration, effets secondaires à signaler à l’inrmière ou à l’équipe soignante • Pathologie : description et inuence sur la vie quotidienne, symptômes à signaler à l’inrmière ou à l’équipe soignante • Ressources disponibles pour faciliter l’adaptation du client et de ses proches : services de pastorale, travailleurs sociaux, gestionnaires de cas, aide aux victimes, counseling en violence familiale • Cadeaux : aviser la famille si des restrictions s’appliquent dans l’unité de soins ou découlent de la condition de santé critique du client quant aux cadeaux à lui offrir (eurs, ballons, cartes) • Début de l’enseignement des autosoins et discussion au sujet du suivi après l’hospitalisation

Transfert vers une unité d’un autre niveau de soins

Unité de soins d’origine • Accent sur l’aspect positif du départ des soins critiques • Moment du transfert • Raison du transfert • Fonctionnement de la nouvelle unité de soins • Nom de la nouvelle personne soignante • Disponibilité des professionnels de la santé • Heures des visites • Indications pour se rendre à la nouvelle unité de soins ; nouveaux numéros de chambre et de téléphone Unité de soins d’accueil • Information générale sur l’environnement, la politique des visites, les visiteurs • Routine de l’unité de soins, repas, changements de quart, visites du médecin • Attentes en matière d’autosoins du client ; AVQ • Horaires d’administration des médicaments et d’examens paracliniques courants

Démarches à faire durant le séjour au centre hospitalier

64

Partie 1

• Rendez-vous de suivi : nom de la clinique du médecin, numéros de téléphone du bureau du médecin et autres coordonnées • Obtention des médicaments : prescriptions, pharmacie, information concernant la commande de médicaments particuliers • Changements exigés en matière de mode de vie : problèmes de mobilité et de sécurité pour la personne paraplégique ou victime d’un accident vasculaire cérébral, AVQ • Changements pouvant comporter certains risques : cessation du tabagisme, modications de régime, activité physique • Ressources : réadaptation cardiologique, groupes de soutien, agences de soins à domicile

Fondements généraux

TABLEAU 4.2

Catégories des besoins d’enseignement en situation de soins critiques (suite)

ÉTAPE

BESOINS D’ENSEIGNEMENT

Planication du suivi et du congé

• Prise en charge des autosoins : gestion des symptômes, administration de la médication, diète, activités recommandées, équipement médical à la maison, techniques de soins • Mesures d’urgence • Explication de ce qu’est une urgence et moment où il faut communiquer avec le médecin • Soin des plaies chirurgicales et des sites d’insertion de cathéters

Soins en n de vie

• Participation aux soins, services disponibles • Soins palliatifs • Maison de soins palliatifs

Le client et ses proches tentent de s’adapter à une situation de santé critique et ont continuellement besoin d’information pour ajuster leur comportement en conséquence. Les travaux de recherche de Leske (1991, 2000, 2003) portant sur les besoins des proches des personnes gravement malades ont permis de développer des connaissances scientiques pour aider les inrmières à mieux déterminer les besoins d’apprentissage de cette population, surtout dans la phase initiale d’hospitalisation. Les résultats de ces études montrent que ces personnes ont besoin d’entretenir un sentiment d’espoir et d’obtenir des réponses honnêtes à leurs questions (Leske, 1991). L’ENCADRÉ 4.4 propose des exemples d’interventions qui permettent de mieux répondre aux besoins des proches du client. Durant cette période de grand stress, l’inrmière peut avoir à recentrer l’attention du client et de ses proches sur le moment présent plutôt que sur l’appréhension quant à l’avenir. Ne pas se préoccuper de leurs besoins immédiats peut générer plus d’anxiété, diminuer leur capacité d’adaptation et nuire à une communication ouverte et franche (Leske, 2003). Pendant l’hospitalisation, le client et ses proches commencent à s’adapter à la situation, et les besoins d’apprentissage changent. Ils développent un sentiment de soulagement par rapport au fait que le client est hors de danger. Puisque les besoins fondamentaux (les besoins physiologiques) sont satisfaits, le client peut concentrer ses efforts sur les changements comportementaux qui visent à combler des besoins d’un niveau supérieur, comme l’estime de soi et l’accomplissement personnel. L’enseignement durant la phase active des soins vise à offrir des réponses aux questions du client et de ses proches sur le plan de traitement ou sur la façon dont une situation de santé critique peut influencer leur quotidien. L’enseignement relatif aux changements dans les habitudes de vie et aux habiletés d’autosoins devrait être offert durant cette phase. La planication du congé fait aussi partie de la démarche d’enseignement et devrait commencer dès l’admission au centre hospitalier. Les instructions sur les soins à domicile devraient débuter avant la journée prévue du congé pour favoriser la rétention de l’information, qui est compromise lorsque l’inrmière surcharge le client de renseignements.

4

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 4.4

Répondre aux besoins du client et de ses proches

• Répondre ouvertement et honnêtement aux questions posées. • Fournir de l’information qui correspond à leurs besoins pour comprendre la situation de santé. • Donner de l’information fréquente sur l’évolution de l’état de santé du client. • Fournir de l’information compréhensible dans un vocabulaire simple. • Utiliser des phrases courtes et présenter seulement quelques éléments d’information à la fois. • Offrir du réconfort pour réduire l’anxiété et entretenir un sentiment d’espoir.

4.4.2

• Préparer le client et ses proches à leur première visite de l’unité. • Expliquer l’apparence possible du client au cours de son séjour, le but du matériel et de l’appareillage, le rôle de la famille pendant les visites et l’environnement de l’unité de soins. • Informer quotidiennement la famille et l’impliquer dans la planification des soins. • Expliquer les procédures diagnostiques ou de soins à venir, leurs raisons d’être, de même que les informations qui y seront obtenus.

Rédaction des objectifs ou des résultats escomptés

Énoncer clairement les objectifs et les résultats escomptés permet de clarier ce qui doit être appris, évalué et documenté. Cela permet à l’inrmière et à l’apprenant de comprendre quelles sont leurs attentes respectives. Les énoncés d’objectifs ou de résultats escomptés diffèrent de ceux décrivant les interventions dans le sens où ils reètent ce que l’apprenant doit accomplir et non ce que l’inrmière sait ou ce qu’elle doit faire pour enseigner (Saunders, 2003). Leur rédaction peut constituer l’aspect le plus difficile de l’élaboration du plan d’enseignement. Ces objectifs guident la démarche d’enseignement ; ils doivent être simples, accessibles et inclure une seule tâche ou un seul domaine d’apprentissage à la fois (Saunders, 2003). Voici un exemple d’objectif clairement énoncé : Le client et ses proches énuméreront les signes et les symptômes d’une infection postopératoire. Cet énoncé comprend trois éléments : 1) la personne qui doit atteindre l’objectif ; 2) un verbe d’action mesurable et observable ; 3) ce qui doit être appris. Les verbes d’action suivants sont mesurables et observables : dénir, Chapitre 4

Enseignement au client et à ses proches

65

énumérer, nommer, réaliser et préparer, par opposition à des verbes d’un autre registre comme croire, apprécier ou comprendre. Les objectifs devraient porter notamment sur les changements dans les habitudes de vie, l’acquisition d’habiletés psychomotrices et l’acquisition de connaissances.

4.4.3

3 Les obligations inrmières en matière de condentialité et de respect du secret pro­ fessionnel sont abordées dans le chapitre 3, Enjeux juridiques.

Interventions d’enseignement

L’intervention renvoie à la manière dont l’inrmière enseignera au client ou à sa famille. Le choix des interventions d’enseignement fait partie des décisions cliniques inrmières qui ont un impact direct sur les résultats de l’enseignement (Bulechek, Butcher, Dochterman et al., 2013). Ces choix s’appuient sur les connaissances et sur le jugement clinique de l’inrmière. Même si des interventions d’ordre physiologique occupent la majorité du PTI et du plan de soins, il est essentiel d’y intégrer des interventions d’enseignement régulières an d’obtenir des résultats positifs pour le client. Des interventions soigneusement planiées et conçues aident l’inrmière, le client et ses proches à se concentrer sur des objectifs réalistes. Elles sont axées sur l’information à transmettre (p. ex., la manière de manipuler et d’utiliser une lunette à oxygène ou de reconnaître les signes et les symptômes d’une infection).

4.4.4

Plans d’enseignement standardisés

Des plans d’enseignement standardisés, utilisés dans les suivis systématiques de clientèles par exemple, sont un moyen de s’assurer de couvrir tous les sujets nécessaires à la condition du client. Ces plans sont simples à mettre en œuvre, mais ils doivent toutefois être personnalisés pour répondre aux besoins propres au client et à ses proches. Un plan d’enseignement standardisé peut inclure entre autres les facteurs susceptibles d’inuencer l’enseignement, les constats de l’évaluation des besoins d’apprentissage, les thèmes d’enseignement et les objectifs d’apprentissage. Il existe également plusieurs autres exemples de plans d’enseignement standardisés, qui sont disponibles dans les hôpitaux québécois : syndrome coronarien aigu, angioplastie coronarienne et coronarographie, entre autres.

4.5

Étape 3 : Exécution des interventions

Une fois l’évaluation complétée et le plan d’enseignement élaboré, l’enseignement centré sur les besoins peut débuter. Les inrmières nouvellement diplômées et novices ne possèdent pas les mêmes habiletés que les inrmières d’expérience, en ce qui a trait à la mise en œuvre du plan d’enseignement. Les inrmières expérimentées utilisent leur intuition et leurs connaissances pour anticiper les besoins d’apprentissage et dresser mentalement une liste des interventions et des

66

Partie 1

Fondements généraux

résultats possibles (Benner, 1984). Celles qui commencent à exercer la profession se référeront d’emblée aux plans d’enseignement élaborés par des inrmières d’expérience pour guider les séances d’enseignement (Benner, 1984). Cette section présente les conditions nécessaires pour mettre en place un environnement favorable à l’enseignement, des stratégies d’enseignement et des considérations particulières relatives à certains types de clientèle.

4.5.1

Organisation de l’environnement

L’environnement optimal pour l’apprentissage est confortable et non intimidant : la discussion qui s’y tient est ouverte et franche. De nombreux facteurs relatifs au milieu des soins critiques peuvent avoir un caractère intimidant ou anxiogène. L’inrmière tente de les contrôler le plus possible. Permettre aux proches de visiter le client ou de communiquer avec le personnel soignant en tout temps peut réduire leur degré d’anxiété et améliorer leur satisfaction à l’égard des soins (Leske, 2003). L’inrmière se conforme aussi aux dispositions prévues dans le Code des professions (L.R.Q., art. 60-4) et dans le Code de déontologie des inrmières et inrmiers (L.R.Q., c. I-8, r-9) en ce qui a trait à la condentialité des renseignements personnels du client 3 . Il est important qu’elle prête attention à cet élément dans des environnements ouverts comme l’unité de soins critiques, le service des urgences et les salles d’attente afin de favoriser un environnement de conance. Créer un environnement propice à l’enseignement mène à une expérience positive pour le client et ses proches, ce qui peut stimuler la motivation à apprendre et permettre des changements dans les habitudes de vie (Clark & Dunbar, 2003). L’ENCADRÉ 4.5 présente des exemples de stratégies que l’inrmière peut mettre en œuvre pour créer un environnement favorable à l’apprentissage. Le cas d’un client atteint d’insufsance cardiaque chronique et qui présente une exacerbation de ses symptômes en raison de sa consommation de sel peut illustrer la différence entre un enseignement positif et un enseignement qui ne l’est pas. Le client afrme que « ça se passe bien » avec son régime faible en sel, mais ses proches soulignent qu’il mange beaucoup trop d’aliments transformés et de malbouffe. Voici un exemple de phrase type d’un enseignement négatif : Vous savez bien que le sel n’est pas bon pour vous. Cette phrase est critique, empreinte d’un jugement catégorique, culpabilisante et présume du niveau de connaissances du client. En révisant la formulation de la phrase pour lui donner un autre sens, l’inrmière peut dire au client qu’elle sait à quel point il est difcile de renoncer à ses plats favoris, mais que la décision de saler ou non lui revient. Elle peut ensuite lui demander s’il connaît l’impact que peut avoir le sel sur son problème cardiaque. Cette formulation constructive fait passer la responsabilité de l’inrmière au client et motive ce dernier à prendre

délibérément la décision de limiter sa consommation de sel. En outre, l’inrmière se place dans une position d’égalité avec le client, ce qui contribue à rendre l’environnement moins intimidant pour ce dernier.

4.5.2

Stratégies d’enseignement

L’inrmière est très bien placée pour agir comme facilitatrice, pour guider et accompagner le client dans le labyrinthe d’information offerts dans le milieu de soins critiques. La surcharge d’information est toutefois fréquente, et il devient facile pour le client d’oublier ce qui a été enseigné. L’inrmière peut se sentir contrariée lorsque les proches et le client posent les mêmes questions à répétition. Dans cette situation, la patience est de mise. Même si le personnel soignant aimerait que le client et ses proches retiennent toute l’information présentée, l’apprentissage ne se fait pas d’un seul coup, ou il peut même ne pas se faire du tout. Une personne est en mesure de retenir seulement quelques éléments et non l’ensemble de l’information présentée dans une séance d’enseignement. L’inrmière est en interaction constante avec le client et le tient informé de l’évolution de son état de santé, du plan de traitement et des procédures de soins. En gardant cela en tête, l’inrmière peut voir chaque contact avec le client, aussi bref soit-il, comme une occasion d’enseignement et d’apprentissage. Elle prote de chaque moment où le client et ses proches se montrent réceptifs à l’enseignement. Lorsqu’elle s’adresse à des adultes, l’inrmière peut combiner différentes stratégies d’enseignement pour favoriser l’échange d’information. Chaque personne a un mode d’apprentissage préféré : visuel (en lisant ou en observant), auditif (en écoutant des instructions) ou kinesthésique (en bougeant). Les stratégies d’enseignement courantes font appel à la discussion, à la démonstration, à l’utilisation de matériel audiovisuel, à la documentation écrite, à l’enseignement assisté par ordinateur, aux sites Web et à la langue de communication.

Discussion La discussion est une stratégie d’enseignement informelle qui favorise l’interaction entre l’inrmière et le client. Elle peut avoir lieu à n’importe quel moment, que ce soit en tête-à-tête ou en groupe. Au cours d’une discussion, il se peut que l’inrmière découvre de nouveaux besoins d’apprentissage chez le client et ses proches ou qu’elle constate que ceux qu’elle avait déjà établis ont évolué. Elle s’ajuste donc continuellement, tout en gardant en tête l’atteinte des objectifs du plan d’enseignement. Elle se concentre sur ce que le client ou ses proches veulent ou ont besoin de savoir à ce moment-là, plutôt que sur ce qu’il serait agréable de savoir. Étant donné le caractère informel de la discussion, il peut être difcile de solliciter et de maintenir l’attention de l’apprenant. L’inrmière utilise différentes tech-

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 4.5

Créer un environnement favorable à l’apprentissage 4

• Exprimer de l’empathie et de l’intérêt. Écou­ ter activement l’apprenant et s’intéresser à ses expériences vécues et à ses idées. • Utiliser son langage verbal et non verbal pour encourager l’exploration de différentes op­ tions et la recherche de solutions créatives.

• Éviter un langage qui est contrôlant, critique, culpabilisant, empreint de jugement ou punitif. • Expliquer l’importance d’apporter des changements dans les habitudes de vie pour mieux gérer les symptômes.

Source : Adapté de Clark & Dunbar (2003)

niques d’enseignement et les adapte selon la situation et la réaction du client et de ses proches. Peu importe les stratégies d’enseignement que l’infirmière choisira, certains comportements peuvent favoriser un climat positif au cours d’une séance d’enseignement ENCADRÉ 4.6.

Démonstration et pratique La démonstration et la pratique sont d’excellentes stratégies pour l’enseignement d’habiletés techniques. L’apprenant adulte comprend mieux quand il est actif dans le processus d’apprentissage. L’inrmière favorise l’apprentissage d’une habileté quand elle fait participer l’apprenant, en lui expliquant et en lui démontrant étape par étape l’habileté en question. En permettant au client et à ses proches de mettre en pratique une habileté enseignée, elle peut apprécier immédiatement la qualité de leur apprentissage. Cette stratégie permet à l’inrmière d’offrir du renforcement positif et une rétroaction constructive durant la séance et ainsi d’accroître la conance de l’apprenant dans sa capacité à exécuter l’habileté nouvellement acquise. Pour se sentir à l’aise avec la nouvelle habileté et la maîtriser, le client et ses proches peuvent avoir besoin de nombreuses démonstrations et d’exercices pratiques répétés.

Matériel audiovisuel Le recours à du matériel audiovisuel pour l’enseignement au client et à ses proches est une stratégie de

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 4.6

Favoriser un climat positif durant une séance d’enseignement

• S’adresser au client et à ses proches par leur nom. • Énoncer clairement le but de la séance d’enseignement. • Solliciter la participation du client et ses proches et leur intérêt pour l’enseignement.

• Maintenir un contact visuel avec le client et ses proches durant la rencontre. • Être brève et concise. • Donner du renforcement positif. • Échanger avec les autres professionnels de la santé sur l’évolution et les besoins d’ap­ prentissage du client et de ses proches.

Sources : Adapté de Bastable (2008) ; Rankin et al. (2005) Chapitre 4

Enseignement au client et à ses proches

67

i Le Centre de santé McGill offre une trousse pour concevoir des ressources d’apprentissage destinées aux patients et des ressources sur la lisibilité, au www.infotheque.cusm.ca.

plus en plus courante. Le matériel audiovisuel s’avère un excellent moyen pour transmettre de l’information, car il convient aux trois modes d’apprentissage (visuel, auditif ou kinesthésique) et permet de s’assurer de la constance de l’information d’un client à l’autre. Les dépliants, les vidéos, les images et les modèles anatomiques sont les outils audiovisuels les plus courants. Cette stratégie d’enseignement met à la disposition de l’apprenant beaucoup d’éléments d’information dans une période relativement courte. Le recours aux outils audiovisuels peut aider les professionnels de la santé à expliquer les soins et les traitements, an d’aider les clients à les comprendre. Il s’agit d’un bon moyen pour obtenir leur consentement libre et éclairé. Ce type de matériel peut être utilisé pour informer le client sur divers sujets, comme les médicaments, les pathologies, les procédures de soins, les autosoins, la gestion des symptômes, le contrôle du poids, les examens paracliniques, la diète, les interventions chirurgicales et l’importance de saines habitudes de vie. Parmi les manières d’utiliser le matériel audiovisuel, l’enseignement à l’aide de vidéos requiert généralement peu de temps et offre à l’apprenant de l’information intéressante et nécessaire. Après que le client a visionné une vidéo, l’inrmière récapitule le contenu avec lui et révise les points principaux. Elle l’aura déjà visionné elle-même et aura noté les éléments clés sur lesquels il est essentiel de revenir avec le client. Cette rencontre sert à évaluer quels ont été les apprentissages en regard des besoins ciblés. À cette n, l’inrmière pourra également utiliser un post-test de validation des connaissances. Néanmoins, le visionnement d’une vidéo ne garantit pas la rétention de l’information ou l’acquisition de connaissances. Ces outils ne doivent pas remplacer les interactions de l’inrmière avec le client et ses proches.

Documentation écrite La documentation écrite, comme les brochures et les dépliants, est couramment utilisée par les inrmières dans tous les milieux de pratique. Ces outils sont peu coûteux et permettent d’offrir de l’information sur de multiples sujets : les pathologies, la modication des facteurs de risque, les procédures de soins, les médicaments, l’utilisation de l’équipement médical à domicile, etc. Les documents écrits conviennent aux différents modes d’apprentissage et permettent de centrer l’enseignement sur l’apprenant. En effet, ils constituent de l’information facilement accessible à laquelle celui-ci pourra se référer dans l’immédiat ou à plus long terme. L’inrmière s’assure que les documents écrits sont appropriés pour la clientèle visée et qu’ils répondent aux besoins d’apprentissage du client et ses proches. Plusieurs facteurs doivent être pris en compte au moment du choix d’un document écrit pour l’enseignement au client : sa lisibilité, certaines considérations culturelles, ou liées à l’âge, la langue maternelle et la littératie en santé du client (Wei & Camargo, 2000).

68

Partie 1

Fondements généraux

La lisibilité est un facteur important à considérer dans le choix de matériel éducatif imprimé. Le concept de lisibilité renvoie à la facilité ou à la difculté de lecture d’un document. Plus de la moitié des adultes canadiens âgés de 16 à 65 ans ont des capacités de lecture et d’écriture inférieures au seuil nécessaire pour se débrouiller dans la vie quotidienne (Statistique Canada, 2005). La situation est sensiblement la même au Québec, et près de 800 000 Québécois sont considérés comme analphabètes. Des projections statistiques indiquent que la situation ne risque pas de s’améliorer d’ici 2031 (CCA, 2008). L’inrmière reste donc attentive à cette réalité et à la qualité des documents éducatifs qu’elle utilise dans son l’enseignement. Les documents éducatifs types sont rédigés pour un niveau de lecture qui correspond à celui d’un élève de deuxième ou de troisième secondaire, et ils peuvent se révéler hors de la portée de beaucoup de lecteurs (Falvo, 2011 ; Rankin et al., 2005). Si le client ou ses proches sont incapables de lire le matériel offert ou de le comprendre, ils ne pourront pas proter ni mettre en pratique l’information et les recommandations qui y sont consignées, comme les autosoins nécessaires à leur situation de santé. Cela peut occasionner des difcultés liées au traitement ou augmenter le risque que le client et ses proches soient reconnus comme n’adhérant pas au traitement. Il existe des outils conçus pour évaluer rapidement et facilement la lisibilité des documents éducatifs offerts au client. Cependant, il est important de savoir que ces outils ne permettent pas d’évaluer si le lecteur a bien compris les documents lus. Par exemple, la formule conçue par Gunning (1968) qui s’appuie sur l’idée que la longueur des phrases et le nombre de mots de plus de trois syllabes complexient la lecture d’un texte. Selon cette formule, en multipliant par 0,4 la somme du nombre moyen de mots par phrase et du pourcentage de mots de plus de trois syllabes, on obtient une cote qui augmente avec le niveau de difculté de lecture d’un texte. Par exemple, un texte de 200 mots contient 20 phrases (10 mots par phrase en moyenne) et comporte 25 mots de plus de 3 syllabes (12,5 %). Le résultat de la formule Gunning [(10 + 12,5) × 0,4] pour ce texte est de 9. Un texte très facile à lire aura un indice de 6 ou moins, un texte moyen aura une cote de 9 ou 10, et les textes sont considérés comme difciles à lire si leur cote atteint 13 (Gunning, 1968). Il existe d’autres formules, selon la langue employée dans le texte. L’inrmière s’assure que le niveau de lecture requis pour comprendre un texte est approprié, si elle veut que l’information soit lue et comprise par la plupart des clients et de leurs proches. Le matériel éducatif destiné au client devrait être conçu pour un niveau de lecture ne dépassant pas celui de la cinquième année du primaire (Doak, Doak, Friedell et al., 1998 ; Klingbeil, Speece, Schubiner et al., 1995). L’ENCADRÉ 4.7 présente quelques exemples de consignes rédigées pour différents niveaux de lecture.

Même si le client ou ses proches éprouvent de la difculté à lire ou à comprendre le français, cela ne signie pas qu’ils ne peuvent saisir les consignes ou les traitements prescrits. Selon Hodgdon, la communication d’un message repose à 55 % sur des éléments visuels, à 37 % sur des éléments vocaux et à 7 % sur des éléments verbaux (Hodgdon, 2001). La présence d’illustrations, de dessins, de schémas, de diagrammes ou de tableaux dans le matériel d’enseignement améliore la compréhension et augmente la rétention de l’information chez le client ayant de faibles capacités de lecture et d’écriture (Houts, Doak, Doak et al., 2006). Pour le client aveugle, l’inrmière peut utiliser du matériel traduit en braille ou disponible en format audio. Les établissements de soins de santé ou les organismes ministériels offrent souvent de la documentation éducative rédigée dans plusieurs langues. Les associations nationales et provinciales, comme l’Association pulmonaire du Québec, la Fondation des maladies du cœur, Info-Santé, Passeport Santé ou la Société canadienne du cancer, publient également du matériel d’enseignement à l’intention des clients. Toutes ces organisations ont un site Web permettant l’accès facile à du matériel pédagogique, et certaines vendent des dépliants ou d’autres formes de matériel écrit. Lorsque vient le moment de choisir du matériel d’enseignement déjà imprimé destiné à une clientèle cible, il y a plusieurs éléments à considérer. Il faut demander au fournisseur des précisions sur le niveau de lisibilité du matériel et sur la méthode utilisée pour le déterminer. Il importe aussi de vérier la fréquence des mises à jour des documents imprimés pour s’assurer d’obtenir l’édition la plus récente. Lire le document en entier permet de valider sa pertinence pour la clientèle visée, tout en s’assurant qu’il ne contient pas d’information contradictoire ou qu’il ne va pas à l’encontre des pratiques cliniques d’une unité de soins précise. Par exemple, si l’inrmière renseigne le client sur une diète faible en gras, mais que la brochure traite uniquement d’une diète faible en sel, le client peut devenir perplexe et contrarié et ne pas être en mesure de déterminer la diète à appliquer une fois revenu à la maison. Certains outils peuvent ne pas être cohérents avec le plan d’enseignement d’une unité de soins et, par conséquent, s’avérer inappropriés dans un établissement de santé particulier. Les documents imprimés doivent être complémentaires à l’enseignement au client et à ses proches et correspondre à ce qui est enseigné et appliqué au sein des organisations de santé. Lorsque le matériel d’enseignement déjà existant ne correspond pas aux besoins de la clientèle d’un établissement, il faut alors créer son propre matériel. La production de ce matériel maison peut être difcile et nécessiter beaucoup de temps (Phillips, 1999). En effet, il peut être long d’en déterminer le contenu, le niveau de lisibilité et la présentation. Certaines règles simples s’appliquent toutefois au moment de la conception de documents d’information écrits à

ENCADRÉ 4.7

Exemples de niveau de lisibilité

NIVEAU DE LISIBILITÉ COLLÉGIAL OU UNIVERSITAIRE

NIVEAU DE LISIBILITÉ DE DEUXIÈME SECONDAIRE

Consultez immédiatement votre médecin à l’apparition d’un inconfort thoracique, d’une sensation d’essoufement ou d’une sudation excessive.

Appelez immédiatement votre docteur si vous commencez à ressentir une douleur au thorax, si vous êtes essoufé ou si vous êtes en sueur.

NIVEAU DE LISIBILITÉ DE CINQUIÈME SECONDAIRE

NIVEAU DE LISIBILITÉ DE QUATRIÈME ANNÉE DU PRIMAIRE

Appelez immédiatement votre médecin si vous présentez un inconfort au thorax, de l’essoufement ou une transpiration abondante.

Appelez tout de suite votre docteur si vous commencez à avoir mal au thorax, si vous avez du mal à respirer ou si vous suez.

4

l’intention des clients, notamment : utiliser un fond blanc ; recourir à des images et à des éléments graphiques pour illustrer les principaux concepts ; utiliser des puces plutôt que des paragraphes pour réduire le temps de lecture et éviter un effet de surcharge de mots ou de confusion (Peregrin, 2010) ; mettre l’accent uniquement sur les éléments clés et sur les comportements souhaités, en évitant l’ajout d’information « intéressante » , mais qui peut distraire le lecteur de l’essentiel du message. L’inrmière garde en tête que le client et ses proches peuvent recevoir beaucoup de matériel d’enseignement durant le séjour au centre hospitalier. La réduction et la standardisation du matériel d’enseignement disponible dans un établissement permettent de réduire le risque de contradictions dans l’information et d’éviter que les professionnels de la santé dédoublent leurs efforts d’enseignement d’une discipline ou d’un quart de travail à l’autre. Même si la distribution de documents écrits peut sembler être une méthode d’enseignement simple et rapide, l’inrmière révise quand même le contenu des documents offerts avec le client ou ses proches pour vérier la qualité de l’apprentissage et pour répondre à leurs questions.

Enseignement assisté par ordinateur L’enseignement assisté par ordinateur est une stratégie d’enseignement relativement récente. Même si plusieurs foyers possèdent un ordinateur personnel, l’aisance à l’égard de cette technologie varie d’une personne à l’autre. Ainsi, un client qui doit se concentrer sur la manière d’utiliser la souris de l’ordinateur ne prêtera pas autant attention à l’information qui est présentée, ce qui fait que cette stratégie ne convient pas nécessairement à tous. L’utilisation d’écrans tactiles au lieu de la souris classique ouvre la possibilité d’apprentissage par ordinateur à beaucoup de gens qui ne sont pas à l’aise avec les systèmes standard : la technologie des écrans tactiles est même présente dans les épiceries locales aux caisses libre-service ! L’ordinateur offre une avenue au client et à ses proches pour accéder à de l’information sur demande, lorsqu’ils s’en sentent prêts, le souhaitent Chapitre 4

Enseignement au client et à ses proches

69

et en sont capables. Il permet un apprentissage autonome, ce que les apprenants adultes apprécient : ils peuvent explorer les logiciels à leur propre rythme et choisir de passer le temps qu’ils veulent sur certains contenus. L’ordinateur stimule tous les modes d’apprentissage (visuel, auditif et kinesthésique). Par ailleurs, les coûts associés au matériel informatique et au développement de logiciels peuvent être importants et freineront possiblement les établissements de santé qui souhaiteraient les utiliser pour leurs programmes d’enseignement.

Sites Web

i Différentes ressources sont offertes pour favoriser l’accès à l’information auprès de la population canadienne, notamment le site Passeport Santé accessible au www. passseportsante.net.

Le client et ses proches ont souvent recours aux sites Web pour chercher de l’information sur la maladie ou la condition qui les préoccupent (Jones, 2003). Les sites Web offrent une mine de renseignements. L’information disponible sur Internet se présente généralement selon un niveau de lisibilité correspondant à celui de la deuxième secondaire (Burkhead et al., 2003). Toutefois, la validité ou la abilité de cette information n’est pas réglementée ou contrôlée (Jones, 2003), et toute l’information offerte sur chaque site Web ne peut être considérée comme able. L’inrmière informe le client et ses proches de cette réalité, et elle peut leur suggérer d’imprimer l’information qu’ils consultent, an qu’elle puisse en discuter avec eux. Les sites gouvernementaux (p. ex., Info-Santé) et ceux d’organismes professionnels, d’établissements de soins de santé et d’associations de groupes de clients pour une condition de santé donnée offrent généralement des renseignements dignes de conance pour les professionnels de la santé et le public (Jones, 2003).

Langue de communication Une communication efcace est essentielle à l’obtention de résultats positifs dans l’enseignement au client. Pour ce faire, il est essentiel de parler lentement, clairement et d’éviter de recourir à des termes argotiques ou au jargon médical. Même lorsque le client et ses proches parlent français, le stress de

l’hospitalisation, la crainte du pronostic et la difculté d’aborder des préoccupations personnelles avec une personne étrangère peuvent constituer un dé dans l’enseignement. Quand le client ou ses proches ont une connaissance limitée du français, le dé est d’autant plus grand. Dans de nombreux cas, un membre de la famille fait ofce d’interprète. Cela peut sembler une situation idéale, mais il arrive que cette personne n’ait aucune compréhension de la matière enseignée et, par conséquent, ne soit pas en mesure de transmettre correctement l’information. Lorsque la transmission d’un message est vitale pour la santé et le bien-être du client, il est préférable de recourir aux services d’un interprète professionnel. Ceux-ci sont accessibles par divers moyens (Mikkelson, 2012). Certains établissements de santé ont des listes de personnes qui peuvent agir à titre d’interprètes ou ils peuvent faire appel à des banques provinciales d’interprètes professionnels. Quelle que soit la méthode utilisée, l’interprétation peut se révéler un processus difcile et contrariant pour l’inrmière. L’ENCADRÉ 4.8 décrit certaines techniques utiles pour faciliter cette expérience. Tous les clients et leurs proches souhaitent être bien compris et voir leurs préoccupations prises en compte. Cela peut toutefois s’avérer difcile pour les clients qui sont gravement malades et dont la capacité à communiquer avec les proches et le personnel soignant est réduite. Les aides à la communication, comme les cartes imagées, les tableaux de pictogrammes ou les tableaux de mots, améliorent la capacité de l’inrmière à comprendre les besoins d’apprentissage et à transmettre de l’information. Il est également possible d’utiliser l’écriture an de faciliter la communication avec les clients intubés. Pour ces derniers, l’incapacité des proches ou des personnes soignantes de bien comprendre leurs besoins est un aspect très stressant pendant le séjour à l’unité de soins critiques (Thomas, 2003).

4.5.3

Considérations particulières

Client âgé Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 4.8

Recourir à un interprète

• S’adresser directement au client et non à l’interprète. • Se positionner pour maintenir le contact visuel avec le client. • Présenter l’interprète et clarier le rôle des autres personnes dans la pièce. • Ne pas mentionner ce que le client ne devrait pas entendre. • Faire une pause après chaque idée an de donner le temps à l’interprète de la traduire.

• Se préparer, expliquer à l’interprète le contenu exact et le but de la séance au préalable. • Demander au client de réexpliquer en ses mots ce qu’on lui a présenté an d’évaluer l’apprentissage. • Être attentive à l’interprète, qui peut re­ connaître des pratiques ou des normes culturelles susceptibles de nuire à la compréhension.

Source : Adapté de Techniques for educating with the aid of an interpreter (2007)

70

Partie 1

Fondements généraux

Au moment de planier et de mettre en œuvre l’enseignement, il faut prendre en compte les changements cognitifs, physiologiques et psychologiques qui se manifestent avec l’âge. C’est à l’inrmière que revient la responsabilité de comprendre les effets du vieillissement et d’adapter ses stratégies d’enseignement en conséquence (Speros, 2009).

Effets du vieillissement sur le plan cognitif Les effets du vieillissement sur le plan cognitif peuvent inclure un traitement plus lent de l’information, une diminution de la capacité de capter plusieurs messages à la fois et de la difculté à saisir des notions abstraites. Lorsqu’elle enseigne à une personne âgée, l’inrmière présente l’information lentement pour donner au client le temps d’assimiler chaque idée. L’information doit être regroupée en deux ou trois points essentiels qui seront révisés

fréquemment. L’inrmière évite l’emploi de termes vagues comme « plusieurs fois par jour » ou « jusqu’à amélioration ». Elle se montre aussi précise que possible en ce qui a trait aux quantités, à l’horaire et aux fréquences.

sensations et l’orientation dans le temps relève d’une attitude bienveillante et peut contribuer à réduire le stress physiologique du client.

Effets du vieillissement sur le plan physique

La non-adhésion thérapeutique ou le manque de motivation à l’apprentissage ne signient pas nécessairement que le client choisit délibérément de ne pas participer à ses soins ou de ne pas suivre les consignes médicales. Beaucoup d’autres raisons peuvent expliquer la non-adhésion thérapeutique. L’inrmière est attentive aux facteurs qui peuvent empêcher un client disposé à apprendre d’être fidèle au traitement. L’ENCADRÉ 4.9 énumère des facteurs pouvant contribuer à la non-adhésion thérapeutique ou au manque de motivation à apprendre (Thomas, 2009).

La presbytie, les cataractes, le glaucome et la dégénérescence maculaire sont des affections susceptibles de modier la vue de nombreuses personnes âgées. Bien que l’utilisation d’éclairage supplémentaire soit souvent nécessaire, il faut éviter la lumière solaire directe, un éclairage trop intense et l’emploi de papier lustré. Chez la personne âgée, les couleurs de la partie bleue du spectre lumineux sont plus difciles à distinguer en raison du jaunissement du cristallin. Au moment de donner des instructions par écrit ou d’utiliser des codes de couleur pour indiquer des dosages, les teintes de bleu, de vert et de violet sont à éviter. En vieillissant, il devient plus difcile d’entendre les tonalités aiguës. Contrairement à l’inrmier masculin, l’inrmière fait un effort pour garder sa voix dans un registre plus grave pour que la personne âgée l’entende mieux. De plus, il peut être nécessaire d’articuler soigneusement les mots contenant des sons plus aigus comme les « f », les « s » les « k » et les « ch ». Le vieillissement et les maladies associées peuvent causer de la fatigue, de l’arthralgie ou une diminution de la dextérité. Pour pallier cela, l’apprentissage peut être facilité en prévoyant la tenue de séances d’enseignement de courte durée en début de journée et en priorisant le soulagement de la douleur avant la séance d’enseignement.

Effets du vieillissement sur le plan psychologique Il arrive que les personnes âgées souffrent de dépression. L’apprentissage peut être favorisé si le contenu enseigné a une valeur et de la pertinence aux yeux de la personne. Il est souhaitable que l’inrmière choisisse du contenu que l’apprenant considère comme important pour sa qualité de vie et qu’elle s’efforce de faire des liens entre ce qu’elle enseigne et les expériences vécues du client.

Client inconscient ou sous sédation L’enseignement ne devrait pas être réservé au client alerte et conscient ; il devrait être offert également au client inconscient ou sous sédation. La prise en charge des besoins d’apprentissage de cette clientèle représente un dé. Ces clients ne peuvent communiquer leurs besoins d’apprentissage, pas plus qu’ils ne peuvent interagir avec l’inrmière et participer au processus enseignement. Même si l’on ne sait pas vraiment ce que les clients inconscients ou sous sédation entendent, il est connu que certains d’entre eux se souviennent des discussions entre les médecins et le personnel soignant au cours d’une chirurgie qu’ils ont subie. Par conséquent, un client inconscient ou sous sédation ne doit pas être négligé dans l’enseignement. La communication d’information concernant l’environnement, les interventions, les

Non-adhésion du client au traitement

4.6

4

Étape 4 : Évaluation des apprentissages

L’évaluation est le dernier élément de la démarche d’enseignement au client et à ses proches. Son but est de vérier l’efcacité des interventions d’enseignement. L’inrmière utilise son jugement clinique et ses connaissances des principes d’apprentissage chez l’adulte pour vérier dans quelle mesure l’apprenant atteint les objectifs. Le processus d’évaluation se déroule tout au long de la démarche d’enseignement et se penche sur l’ensemble de l’interaction enseignant-apprenant, y compris le degré d’intérêt de l’apprenant, sa motivation à l’égard du contenu présenté et sa participation durant la rencontre. L’évaluation doit être effectuée à la n de chaque rencontre d’enseignement. Cela permet à l’inrmière de présenter immédiatement une rétroaction positive et constructive au client et à ses proches, ainsi que de réviser le plan d’enseignement pour l’adapter à l’évolution des besoins d’apprentissage. Il est important d’évaluer la réaction du client et de ses proches à l’enseignement et de déterminer si un suivi s’avère nécessaire. Certaines techniques permettent de s’assurer de la qualité de l’apprentissage. Parmi les méthodes d’évaluation courantes servant à déterminer l’efcacité d’une séance d’enseignement, l’inrmière peut utiliser le questionnement, la démonstration des techniques par l’apprenant et la mesure de paramètres physiologiques. Pour évaluer la rétention de l’information, l’inrmière peut également questionner verbalement le client ou ses proches. ENCADRÉ 4.9

Facteurs pouvant contribuer à la non-adhésion thérapeutique

• Maîtrise limitée de la langue • Faible scolarisation • Croyances culturelles

Chapitre 4

• Contraintes nancières • Manque de matériel ou d’outils appropriés • Manque de soutien familial

Enseignement au client et à ses proches

71

Ainsi, elle peut leur demander d’énumérer les signes et symptômes d’insufsance cardiaque. Le questionnement verbal doit se faire immédiatement après l’enseignement et tout au long de l’hospitalisation. Par exemple, si le médecin prescrit un nouveau médicament et que l’inrmière renseigne ensuite le client sur l’action de ce médicament et ses effets secondaires, elle lui pose alors quelques questions au cours de son évaluation an de s’assurer qu’il a bien retenu l’information présentée. Le lendemain, l’inrmière peut de nouveau vérier la rétention de l’information en demandant au client s’il se rappelle la raison pour laquelle il prend ce nouveau médicament. Les questions habituellement posées au client et à ses proches concernent les signes et les symptômes à signaler, la gestion des symptômes à domicile, l’horaire de prise de la médication et les personnes-ressources à contacter en cas de questionnement ou d’inquiétude. Il est difficile d’évaluer les changements en matière d’attitude, de croyances ou d’habitudes de vie, car l’apprenant peut dire qu’il a réalisé ces changements alors qu’il n’en est rien. Dans ce type d’apprentissage, l’inrmière fait appel à ses capacités de déduction pour vérier si la personne accepte le traitement prescrit et modie ses comportements en conséquence. Parfois, la meilleure façon de vérier la présence de changement dans les attitudes consiste à observer le client et à poser des questions directement. Des outils peuvent être employés, comme dans le cas d’un client à qui une diète faible en cholestérol a été prescrite : le journal alimentaire qu’on lui demande de tenir témoigne de ce qu’il mange. L’inrmière peut également questionner les proches à propos des comportements du client an d’obtenir de l’information. La démonstration de techniques par l’apprenant devant l’inrmière constitue un moyen privilégié pour évaluer l’apprentissage d’habiletés. Le client et ses proches sont considérés comme compétents en regard d’une certaine habileté s’ils sont capables d’en faire la démonstration en toute autonomie, en se référant à l’inrmière uniquement en cas de questions. L’aspiration des sécrétions oropharyngées, l’installation d’un condom urinaire et le changement de pansements sont des exemples de tâches courantes que le client et ses proches peuvent être appelés à apprendre. En raison de la complexité grandissante des autosoins que les clients devront réaliser à domicile après l’hospitalisation, l’enseignement avant le congé peut devoir être entièrement consacré à ces habiletés. Ces séances d’enseignement n’ont pas toujours le succès escompté, et l’inrmière ne devrait pas se sentir coupable ou incompétente lorsque l’apprenant ne réussit pas à atteindre l’objectif. Il peut être nécessaire de réévaluer et de réviser les buts et les résultats escomptés durant une séance d’enseignement, an de mieux répondre à l’évolution des besoins du client et de ses proches. L’inrmière peut aussi mesurer des paramètres physiologiques pour évaluer l’efcacité de l’enseignement.

72

Partie 1

Fondements généraux

Des indicateurs comme la cholestérolémie, la pression artérielle, la fréquence cardiaque, la glycémie et le poids peuvent conduire le professionnel de la santé à la conclusion que le client et ses proches ont de la difculté à comprendre ou à suivre le plan de soins convenu (Clark & Dunbar, 2003). En général, les adultes veulent bien respecter les nouvelles demandes, mais en sont parfois incapables, et ce, pour diverses raisons, comme le manque d’argent pour l’achat des médicaments ou l’incapacité de comprendre ce qu’on attend d’eux. Il faut tenir compte de ces barrières et les intégrer au plan d’enseignement.

4.7

Étape 5 : Documentation

Il est nécessaire de consigner l’enseignement pour conserver une trace des efforts déployés. L’inrmière considère que toute transmission d’information constitue de l’enseignement et devrait être inscrite au dossier, même si cela se déroule au chevet du client de manière informelle. Pour ce faire, divers documents ofciels peuvent être employés, dont le PTI (OIIQ, 2006) et les notes d’évolution. Le PTI sert à consigner les constats de l’évaluation, soit les besoins d’apprentissage ou les problèmes prioritaires qui nécessitent un enseignement particulier. Il contient aussi les directives cliniques, c’est-à-dire les différentes interventions d’enseignement qui devront être réalisées. Tout au long de la démarche d’enseignement, l’inrmière évalue la situation du client et de ses proches an d’ajuster le PTI. Les notes d’évolution permettront de justier les diverses modications qui y seront apportées. C’est également dans ces notes que l’inrmière consigne les informations relatives à l’évolution de la situation de santé du client, les décisions thérapeutiques, les interventions inrmières, les réactions du client et les résultats obtenus (OIIQ, 2005). Puisque les notes d’évolution sont plutôt narratives, l’inrmière pourra y décrire ces éléments de manière plus exhaustive que dans le PTI. D’autres formulaires pourront également être employés, comme les plans d’enseignement standardisés propres aux établissements de santé. Par ailleurs, les professionnels des autres disciplines qui interviennent dans les soins d’un client ou auprès de ses proches ont également une responsabilité quant à la documentation de leurs interventions d’enseignement. Ces différents documents sont utilisés comme outils de communication pour témoigner de l’évolution de l’enseignement et de l’apprentissage d’un quart de travail à l’autre, jour après jour et entre les divers professionnels de la santé (Russell & Freiburghaus, 2004). La documentation doit couvrir l’enseignement offert, de l’admission jusqu’au congé, sur des sujets allant de l’orientation par rapport à l’environnement jusqu’aux habiletés d’autosoins à domicile. La complexité de l’information, les exigences professionnelles et légales réglementant la profession inrmière, les droits fondamentaux du client et le

nombre considérable de clients qui transitent dans une unité de soins sont des facteurs qui exigent de l’inrmière qu’elle consigne une information de qualité concernant ses activités d’enseignement (Russell & Freiburghaus, 2004) 3 . La documentation relative à la démarche d’enseignement et d’apprentissage est à volets multiples. Les formulaires de documentation doivent « raconter l’histoire » de l’enseignement, de l’évaluation des besoins d’apprentissage jusqu’à l’évaluation des résultats. Ils devraient contenir les préférences en matière de mode d’apprentissage, les facteurs qui inuencent la capacité et la volonté d’apprentissage du client, sa motivation à l’apprentissage et les besoins d’apprentissage actuels et potentiels. Il faut également consigner de l’information portant sur l’interaction entre l’inrmière et le client, le contenu enseigné, le matériel distribué, la réaction à l’enseignement, les résultats atteints et tout besoin de suivi ou de ressources en matière d’enseignement.

4.8

Obstacles à la démarche d’enseignement et à l’apprentissage

De nombreux facteurs peuvent faire obstacle à la réussite de la démarche d’enseignement. Les facteurs physiologiques, socioculturels, psychologiques, nanciers et environnementaux discutés précédemment sont connus pour inuer sur la motivation (la capacité, la volonté et la réceptivité) du client et de ses proches au regard de l’apprentissage. Les limitations physiques, visuelles et auditives nuisent à la capacité de l’apprenant de lire des documents, d’écouter des consignes ou d’effectuer des tâches techniques (Bruccoliere, 2000). Si une tâche technique est requise, il faut s’assurer que le client ou l’un de ses proches possède la capacité physique ou la dextérité nécessaire pour l’accomplir. L’utilisation de lunettes ou d’un appareil auditif est parfois essentielle pour améliorer la participation à l’apprentissage. L’ENCADRÉ 4.10 présente plusieurs autres facteurs qui peuvent avoir un impact négatif sur la démarche d’enseignement et l’apprentissage. La liste peut sembler impressionnante, mais il est important que l’inrmière soit proactive et surmonte le plus grand nombre possible de ces barrières. Un plan d’enseignement structuré permet de sauver du temps et des ressources et d’éviter de devoir repartir à zéro une fois la démarche d’enseignement amorcée. Les obstacles relatifs à la démarche d’enseignement existent pour le client et ses proches, mais aussi pour l’inrmière. Les contraintes de temps, la durée réduite du séjour au centre hospitalier et les activités quotidiennes dans l’unité de soins interrompent la démarche d’enseignement ou limitent la possibilité pour l’inrmière de transmettre de l’information au client et à ses proches. Le TABLEAU 4.3 présente des obstacles à l’enseignement auxquels les inrmières

ENCADRÉ 4.10

Obstacles à la démarche d’enseignement et à l’apprentissage

• L’absence d’une évaluation juste des besoins d’apprentissage • L’irréalisme des objectifs • Le défaut de faire participer le client ou ses proches au processus • Le fait de surcharger l’apprenant d’information • Le fait de s’en remettre trop fortement à d’autres professionnels ou aux ressources écrites sans les expliquer

• Un enseignement désordonné et non ciblé ou l’absence d’un plan d’enseignement • Un enseignement donné au mauvais moment, précipité, sans prêter attention à l’apprenant • Le manque de conance entre l’inrmière et l’apprenant • Un manque de communication dans l’équipe interdisciplinaire • Des difcultés de communication liées à la langue

Sources : Adapté de Phillips (1999) ; Rankin et al. (2005)

TABLEAU 4.3

Obstacles à l’enseignement

OBSTACLE

EXEMPLE

SOLUTION

Interruptions

Activités quotidiennes

Utiliser toutes les occasions possibles pour enseigner.

Distractions

Tâches, administration de médi­ caments ; appels téléphoniques, télévision ou autres bruits dans la chambre du client

Éteindre le téléviseur ; diminuer le bruit.

Quart de nuit

Client endormi

Prévoir l’enseignement avant l’heure du coucher.

Calmants ou analgésiques

Opioïdes

Enseigner avant l’adminis­ tration des médicaments.

Connaissances lacu­ naires de l’inrmière

Enseignement sur le diabète

S’informer soi­même.

Sources : Adapté de London (1999) ; Stallings (2001)

se butent fréquemment. L’adhésion du client au plan d’enseignement est favorisée par des interactions et des rapports positifs avec les professionnels de la santé, de même que par une compréhension claire de sa maladie, de ses symptômes et de sa médication (Wu, Moser, Lennie et al., 2008).

4.9

Besoins d’information des proches d’un client hospitalisé dans une unité de soins critiques

3 Les exigences de la Loi sur les inrmières et les inrmiers, de l’OIIQ, du Code des professions et du Code de déontologie des inrmières et inrmiers en matière de tenue de dossiers sont présentées dans le chapitre 3, Enjeux juridiques.

Les proches et les êtres chers d’un client dont l’état de santé est critique font partie intégrante du processus de rétablissement de celui-ci. Au moment de planier l’ensemble des soins pour le client, l’inrmière et les autres professionnels de la santé prennent en compte les besoins de soutien Chapitre 4

Enseignement au client et à ses proches

73

4

émotionnel et d’information de ce groupe (Doering, McGuire & Rourke, 2002). Les proches d’un client gravement malade rapportent que leur plus grand besoin en est un d’information (Doering et al., 2002). Pour satisfaire ce besoin, il est recommandé de permettre des heures de visites exibles et d’offrir des brochures d’information concernant les soins critiques (Miracle & Hovenkamp, 1994).

4.10

Préparation du client et de ses proches au transfert de l’unité de soins critiques

Quand l’état du client est stabilisé et qu’il nécessite moins de monitorage hémodynamique ou de surveillance, il est fréquent qu’il soit transféré vers une autre unité de soins, comme les unités de soins intermédiaires ou les unités de soins avec surveillance télémétrique. Dans ces unités, le client reçoit les soins optimaux que requiert son état, le nombre de clients placés sous la responsabilité de l’inrmière est moins grand, et l’environnement est plus calme, car il comporte moins d’équipements de monitorage (Radtke, 2006 ; White & Edwards, 2006). Le transfert d’un client de l’unité de soins critiques vers une unité de soins courants peut générer de l’anxiété et du stress. En effet, le client et ses proches se sont habitués aux divers dispositifs de monitorage, à l’équipement, à la surveillance inrmière constante et à l’information abondante dont ils bénécient à l’unité de soins critiques. Le client a développé un sentiment de sécurité sachant que ses besoins physiologiques et émotionnels sont satisfaits dans l’immédiat. Souvent, un lien très fort s’est établi entre le personnel et la famille. Beaucoup de clients et de proches sont peu enthousiastes à l’idée de renoncer à ce lien et pensent que le personnel des autres unités de soins ne pourvoira pas aussi bien à leurs besoins. Pour éviter cette anxiété et offrir au client et à ses proches un certain sentiment de contrôle sur la situation, l’inrmière les prépare adéquatement au transfert.

La préparation au transfert doit commencer après que l’état du client a été stabilisé et que la situation critique qui menaçait sa vie s’est améliorée. À ce moment, le stresseur n’est plus l’environnement de l’unité de soins critiques, mais plutôt celui de la nouvelle unité de soins où il sera transféré. Dès que possible, l’inrmière explique au client où il sera dirigé, la raison du transfert et le nom de l’inrmière qui s’occupera de lui. Avant le transfert, il faut informer le client et ses proches des changements prévus dans les soins, de ce qui est attendu d’eux en matière d’autosoins et des heures de visites. L’inrmière prévient les proches du moment exact du transfert, pour leur permettre d’être présents, ou elle les informe de l’endroit où le client sera installé. Les thèmes d’enseignement relatifs au transfert vers une autre unité ont été décrits dans le TABLEAU 4.2. Le personnel des soins critiques transmet au personnel de l’autre unité de soins le plan d’enseignement et les points particuliers concernant ce client et ses proches. La plupart des transferts de clients de l’unité de soins critiques vers une autre unité de soins sont planiés. Cependant, il arrive qu’un transfert imprévu doive avoir lieu, par exemple lorsqu’il manque une place à l’unité de soins critiques pour un cas urgent. Le transfert s’effectue alors rapidement durant le jour ou souvent même la nuit. La famille peut être présente ou avoir quitté le centre hospitalier. Cette manière parfois précipitée de transférer le client peut créer autant d’anxiété que l’événement initial, principalement parce que le client et ses proches peuvent ne pas se sentir prêts ou penser qu’ils perdent le contrôle de la situation. En indiquant au client et à ses proches les manifestations concrètes d’amélioration, comme des signes vitaux plus stables ou une réduction du besoin de médicaments ou du recours à des dispositifs de monitorage, l’inrmière les rassure sur l’amélioration de la condition du client avant que le transfert n’ait lieu. La communication étroite avec le client et ses proches et la transmission d’information permettent également d’accroître le niveau de satisfaction à l’égard des soins et des services (Mages, 2006).

ÉTUDE DE CAS SOLUTIONNAIRE

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Partie 1

Client atteint d’acidose diabétique Mise en contexte Cam Pham Lê est un québécois d’origine vietnamienne âgé de 30 ans qui occupe un emploi de pêcheur de homards en Gaspésie. Il est marié et a trois enfants âgés de moins de cinq ans. Il y a quelques mois, il a reçu un diagnostic de diabète de type 1 à la suite d’une perte de poids de 15 kg et de la diminution de son acuité visuelle. Il a été hospitalisé à deux reprises au cours des deux derniers mois pour acidocétose diabétique. Fondements généraux

Manifestations cliniques Monsieur Pham Lê a été admis à l’unité de soins critiques pour une acidocétose diabétique il y a deux jours. Son état est maintenant stabilisé et il est prêt aujourd’hui à être transféré dans une unité de soins courants. Monsieur Pham Lê dit qu’il ne comprend pas pourquoi « cela continue de se produire » parce qu’il prend toujours son insuline avant l’heure du repas, sauf qu’il ne mange pas régulièrement. La femme de monsieur Pham Lê dit que la glycémie de son mari semble correcte quand il est à la maison, mais qu’il éprouve des problèmes lorsqu’il est en mer.

Collecte des données objectives Voici les résultats d’analyses de laboratoire obtenus à l’admission : glycémie à 34,4 mmol/L, PaCO2 à 26 mm Hg, HCO3- à 18 mmol/L et pH artériel à 7,25. Des corps cétoniques ont été décelés dans l’urine et le sang. L’évaluation des besoins d’apprentissage indique une mauvaise compréhension du suivi de la glycémie et des besoins d’insuline lorsqu’il est à l’extérieur de chez lui.

Diagnostic médical Monsieur Pham Lê a reçu un diagnostic d’acidocétose diabétique consécutif à la non-adhésion thérapeutique.

Questions 1. Quels sont les principaux résultats escomptés pour ce client ? 2. Quels problèmes prioritaires ou risques doivent être contrôlés et inscrits au plan thérapeutique inrmier (PTI) pour obtenir ces résultats ? 3. Quelles interventions doivent être mises en œuvre et inscrites au PTI pour surveiller, prévenir, gérer ou éliminer les problèmes et les risques désignés ? 4. Quelles interventions devraient être mises en œuvre pour optimiser le fonctionnement, la sécurité et le bien-être du client ? 5. Quels besoins d’enseignement prévoyez-vous pour ce client ? 6. Quels facteurs liés à la culture et à l’âge du client peuvent influer sur le plan de soins et de traitements ?

À RETENIR • Un plan d’enseignement élaboré en collaboration, bien structuré et orienté sur les besoins d’apprentissage est un élément essentiel à l’amélioration des résultats cliniques et à la réduction de la durée du séjour hospitalier.

• Les besoins d’apprentissage peuvent être dénis comme étant les lacunes à combler entre ce que l’apprenant sait et ce qu’il doit savoir (p. ex., les habiletés d’adaptation, la prise de décision en matière de soins).

• La communication d’information concernant l’environnement de soins, les interventions, les sensations et l’orientation dans le temps est importante pour les clients inconscients et peut contribuer à réduire leur stress physiologique.

• La démarche d’enseignement est une activité dynamique et continue qui se déroule tout au long de l’hospitalisation et qui peut se poursuivre après le congé du client.

• Des plans d’enseignement standardisés sont un moyen de s’assurer de couvrir tous les sujets nécessaires à la condition du client ; ils doivent toutefois être personnalisés pour répondre aux besoins précis du client et de ses proches.

• Au moment de planier l’ensemble des soins pour le client, l’inrmière prend en compte les besoins émotionnels et d’information des proches de celui-ci.

• L’inrmière recueille de l’information sur de nombreux facteurs qui inuencent la démarche d’enseignement, dont : les croyances culturelles ou religieuses au regard de la maladie ou de la santé, les barrières émotionnelles, la volonté et la motivation, les limitations physiques ou cognitives et les obstacles à une communication efcace.

• L’environnement optimal pour l’apprentissage est confortable et non intimidant : la discussion qui y a lieu est ouverte et franche.

• Il est important de préparer le client et ses proches au transfert dans une autre unité de soins an de réduire le stress et l’anxiété associés au fait de se diriger vers un milieu où le niveau de surveillance est souvent moindre.

• Le choix d’une stratégie d’enseignement appropriée est essentiel pour bien répondre aux besoins du client.

Chapitre 4

Enseignement au client et à ses proches

75

chapitre

5

Gestion des dés psychologiques et spirituels

Écrit par : Valerie Yancey, PhD, RN, CHPN, HNC Adapté par : Marie-Claude Jacques, inf., Ph. D. (c)

L

e client admis aux soins critiques nécessite un secours physiologique. Il se trouve dans une situation de vie ou de mort dont l’issue dépend du rétablissement de l’homéostasie physiologique à l’aide d’interventions très techniques pratiquées par une équipe de soins critiques compétente. Cependant, chez une personne gravement malade ou blessée, le corps n’est pas le seul à souffrir. En effet, une maladie ou une blessure grave touchent tous les aspects de l’être, autant physiques et psychologiques que spirituels. Si elles ne sont pas aussi facilement mesurables que les paramètres physiques, les variables psychologiques et spirituelles ont toute­ fois une incidence sur l’évolution de l’état du client dont la santé s’avère compromise ou vulné­ rable. En outre, les interventions psychologiques et spirituelles ont le pouvoir de susciter chez le client espoir et énergie, ainsi que le désir de survivre et de relever les dés que la vie met sur son chemin (Chochinov, 2002 ; Cockell & McSherry, 2012 ; Peris, Bonizzoli, Iozzelli et al., 2011). Le présent chapitre explique les dés psychosociaux et spirituels qu’affrontent les clients dont l’état de santé est critique. Il propose également des pratiques inrmières holistiques en vue d’aider le client et ses proches à s’adapter efcacement à la situation et à continuer de s’épa­ nouir au cours d’une expérience hautement stressante. En outre, la qualité des soins psycho­ logiques et spirituels individuels dépend aussi, du moins en partie, de la santé psychologique et du bien­être spirituel de l’inrmière qui les prodigue. Une explication des autosoins à l’inten­ tion des inrmières en soins critiques conclut le chapitre.

5.1

Stress et psychoneuroimmunologie

ENCADRÉ 5.1

Stresseurs courants chez les clients en soins critiques

STRESSEURS POSSIBLES

L’appellation « stress » fait souvent référence à une expérience négative ou à une tension interne. Si le stress chronique peut contribuer à l’apparition, avec le temps, de nombreux problèmes de santé (Cropley & Steptoe, 2005 ; Lloyd, Smith, Weinger et al., 2005 ; Neilsen, Zhamg, Kristensen et al., 2005), une réaction de stress aigu constitue plutôt une réponse protectrice essentielle inhérente à un stresseur. Cette dernière est spécialement conçue pour mobiliser les réactions de l’organisme à une menace, réelle ou perçue, aux ns de survie. D’ailleurs, le stress constitue une réaction non spécique provoquée par toute demande d’adaptation ou de changement. Le stress peut être de source physique, émotionnelle, sociale, spirituelle, culturelle, chimique ou environnementale (Lovallo, 2005 ; Seaward, 2009). Le stress excessif fait référence à une quantité démesurée de demandes ou de types de demandes qui exigent une réponse de l’organisme. Les stresseurs sont perçus comme des problèmes qui contribuent à l’apparition d’autres problèmes (Lunney, 2006). En outre, il est important de faire la distinction entre le stress excessif et d’autres problèmes découlant de la situation de santé en lien avec le stress qui sont abordés dans le présent chapitre, notamment l’anxiété, la peur, la faible estime de soi, le désespoir, l’impuissance, la détresse spirituelle et les stratégies d’adaptation inefcaces. Le stress excessif ne survient pas parce que le client ou les membres de sa famille présentent une piètre habileté d’adaptation ou sont atteints de problèmes psychologiques. Les stresseurs inhérents à la maladie grave sont plutôt en cause. Effectivement, ces derniers deviennent si nombreux et graves que la personne s’en trouve submergée. L’intervention inrmière à privilégier chez le client sujet à un stress excessif consiste donc à réduire le nombre ou le type de stresseurs auxquels il fait face. Afin d’intervenir adéquatement auprès des clients sujets à un stress excessif, l’inrmière est d’abord consciente des nombreux stresseurs auxquels le client en soins critiques se trouve confronté ENCADRÉ 5.1. Les habitudes de vie sont perturbées, et les clients expérimentent des changements sur les plans physique, social, professionnel et nancier. Ils se retrouvent dans un environnement non familier, contraignant et parfois effrayant. En outre, les clients atteints d’une maladie grave signalent souvent des sensations physiques pénibles, la perte de la maîtrise de leur vie, la peur des appareils médicaux, la perte du sens de la vie, ainsi que la perturbation de leur vie conjugale pendant et après la durée du traitement en soins critiques (Fredriksen & Ringsberg, 2007). Ils subissent des interventions douloureuses, un manque de vie privée, des interruptions du sommeil, de la douleur, l’isolement ; ils

• Douleur, inconfort et limitations physiques • Ennui interrompu uniquement par de brèves visites, des stimulus menaçants et les soins de routine • Environnement inconnu, excès de lumière, présence de bruits, d’alarmes et événe­ ments traumatisants • Incertitude quant à l’avenir et peur de souffrir de séquelles permanentes • Inquiétudes relatives aux ressources nan­ cières, au risque de perdre son emploi et au stress vécu par les proches • Manque de sommeil • Perte d’autonomie et de la maîtrise de son corps, de son environnement, de sa vie privée et de ses activités quotidiennes • Perte de dignité, situations embarrassantes, vulnérabilité • Perte de la capacité à s’exprimer verbale­ ment (lorsque le client est intubé)

• Questions et inquiétudes de nature spiri­ tuelle demeurées sans réponse en ce qui concerne la signication des événements et le sens de la vie • Risque de mourir • Sensations corporelles peu familières attribuables à l’alitement, aux médica­ ments, aux interventions chirurgicales ou aux symptômes • Séparation des membres de la famille, des amis, des rôles sociaux et d’un em­ ploi signicatifs

5

FACTEURS AYANT UNE INFLUENCE SUR LA RÉPONSE DU CLIENT AUX STRESSEURS

• • • •

Sa perception des stresseurs Leur nature aiguë ou chronique L’effet cumulatif de plusieurs stresseurs L’efcacité et le type de stratégies d’adaptation habituellement utilisées par le client • La qualité du soutien social du client

sont exposés à des bruits soudains ou continus, ils prennent des médicaments et n’ont que des contacts très limités avec leurs proches (Pang & Suen, 2008 ; Rattray, Crocker, Jones et al., 2010). Le manque de sommeil et l’interruption du cycle veille-sommeil nuisent de plus à la fonction immunitaire (Ganz, 2012). Par ailleurs, les écrits scientiques sur le sujet citent notamment, comme sources de stress excessif, le fait de s’inquiéter au sujet des événements marquants, la maladie, certains facteurs sociaux, un faible niveau de scolarité, la pauvreté, les réponses émotionnelles fortes, le manque de ressources ainsi que les situations menaçantes de l’environnement (Lunney, 2006).

5.1.1

Réponse au stress

Tous les types de stress, qu’ils soient positifs ou négatifs, d’ordre psychologique, spirituel ou social, entraînent les mêmes réponses physiques (Seaward, 2009). Les théoriciens classiques du stress décrivent ce concept comme étant un stimulus, une réaction, une transaction (Neurberger, 1981 ; Selye, 1976). Selye, dans son œuvre innovatrice publiée en 1976, afrme que les réponses de l’organisme à un stresseur constituent un syndrome général d’adaptation qui se caractérise par trois étapes distinctes : 1) la réaction d’alarme ; 2) la résistance ; 3) l’épuisement. La réaction d’alarme survient en présence d’un stresseur ; l’hypothalamus provoque la sécrétion de la corticolibérine (CRH) qui à son tour stimule la libération de la corticotrophine (ACTH) par l’hypophyse. L’ACTH stimule ensuite le cortex surrénal, provoquant la libération des hormones du stress, Chapitre 5

Gestion des dés psychologiques et spirituels

77

soit le cortisol et l’aldostérone. Le système nerveux sympathique issu du système nerveux autonome libère alors les neurotransmetteurs et les hormones endocriniennes associés à la réponse aiguë au stress. Également connue sous le nom de réaction de lutte ou de fuite, la réaction d’alarme provoque des chan­ gements cardiovasculaires et endocriniens fortement intégrés, comme en témoigne une élévation de la pression artérielle, de la fréquence respiratoire, de la fréquence cardiaque, de la résistance vasculaire systémique et de la production de glucose ; une dia­ phorèse, des tremblements ainsi que des nausées surviennent également. Au cours de l’étape de résis­ tance, l’organisme du sujet lutte, ce qui mène à son adaptation et au retour à un fonctionnement normal. Toutefois, si le stresseur demeure présent, s’ensuit alors l’épuisement, une étape au cours de laquelle l’organisme est vidé de ses réserves. Remédier à l’épuisement par le stress comprend l’administra­ tion de médicaments, l’adaptation de l’alimentation et d’autres mesures de réduction du stress. Nuernberger (1981) est le premier à avoir décrit la réaction de « fermeture », soit la réponse émotion­ nelle possible à un stresseur qui découle d’une surstimulation du système nerveux parasympa­ thique. Il a nommé ce mécanisme de survie « syn­ drome général d’inhibition » ou « syndrome de l’opossum ». En outre, les mécanismes de défense tels que le retrait, l’évitement ou le détachement sont tous des comportements courants associés à ce type de réaction (Lazarus & Lazarus, 1994 ; Stuart, 2009). Tant les réponses du système nerveux sym­ pathique que celles du système nerveux para­ sympathique sont innées et provoquées dans un but de protection. Cependant, une stimulation ou un déséquilibre prolongé de ces réponses peut s’avérer nuisible. En effet, la stimulation continue ou fré­ quente du système nerveux sympathique ajoute au fardeau physiologique que porte déjà le client qui se trouve aux soins critiques. Dans le même ordre d’idées, un client épuisé n’a plus les réserves néces­ saires pour surmonter les épreuves que lui fait subir la maladie dont il est atteint ou la blessure dont il souffre.

5.1.2

Psychoneuro-immunologie

L’idée qu’il existe des interactions complexes mul­ tifactorielles entre les personnes et leurs milieux interne et externe, un concept d’abord décrit par les théoriciens du stress, a donné lieu à un domaine d’étude interdisciplinaire appelé psychoneuro­ immunologie (PNI). Nommée pour la première fois par Ader (1980), cette discipline cherche à vérier, à mesurer et à expliquer les interactions complexes entre la pensée d’une personne et ses systèmes nerveux, endocrinien et immunitaire (DeKeyser, 2003 ; Halldorsdottir, 2007 ; McCain, Gray, Walter et al., 2005). La PNI s’appuie sur le fait que la santé et le bien­être ne constituent pas simplement des processus physiologiques, mais plutôt une

78

Partie 1

Fondements généraux

expression des émotions, des traits de personna­ lité, des liens sociaux, du comportement de santé, de l’environnement social et de la vie spirituelle d’une personne. Ainsi, au lieu de percevoir l’esprit comme faisant partie de l’encéphale, la PNI avance que l’organisme en entier « comprend », qu’il a une mémoire et qu’il réagit aux inux sensoriels et à l’interprétation de la vie, et ce, dans toutes ses cel­ lules. Les stresseurs psychologiques et les états émo­ tionnels entraînent donc une série de réactions physiologiques. Les données sensorielles et les indices provenant de l’environnement sont évalués et interprétés dans les aires associatives de l’encé­ phale et dans l’hippocampe. L’évaluation de la menace donne lieu à des états émotionnels précis, lesquels entraînent une réponse ainsi qu’une solli­ citation des systèmes nerveux autonome et endocri­ nien. Les réactions autonomes font également parvenir une réponse au cortex cérébral ainsi qu’au système limbique (Daruna, 2012). Le comportement et les émotions ont une inci­ dence majeure sur le système immunitaire. En effet, les états psychologiques négatifs sont liés à une diminution de la croissance lymphocytaire, de l’activité des cellules tueuses naturelles et du nombre de leucocytes en plus de faire varier la quantité d’anticorps en circulation dans l’orga­ nisme, de même que celle produite à la suite d’une exposition à une substance néfaste (Caine, 2003). Les nombreux stresseurs auxquels sont confrontés les clients en soins critiques s’intègrent à la chimie de l’organisme et entraînent des conséquences sur les systèmes cardiovasculaire, nerveux, endocrinien et immunitaire. En outre, l’interprétation qu’un client fait d’un des mots qu’il entend ou encore l’anticipation d’une intervention peuvent déclen­ cher une réponse de stress aussi forte que s’il y avait une menace réelle. La PNI avance également que les mesures prises en vue de favoriser le bien­être psychologique et spirituel revêtent un potentiel curatif et ont une forte incidence sur le système immunitaire des clients (Halldorsdottir, 2007 ; Langley, Fonseca & Iphofen, 2006). En résumé, la PNI propose une vision du monde, qui sert de fon­ dement aux soins inrmiers holistiques en soins critiques, axée sur les relations interpersonnelles, l’empathie et la compassion.

5.2

État de stress post-traumatique

De plus en plus de cliniciens et de chercheurs se sont penchés sur la fréquence et la nature des réac­ tions de stress aigu, des attaques de panique et de l’état de stress post­traumatique (ESPT) subis par les clients peu de temps après qu’ils ont reçu leur congé des soins critiques (Davydow, Gifford, Desai et al., 2008 ; Tedstone & Tarrier, 2003 ; Wallen, Chaboyer,

Thalib et al., 2008). Même si les réactions de stress post-traumatique surviennent de quelques semaines à quelques années après un événement, l’inrmière en soins critiques est néanmoins consciente qu’il existe un risque que le client souffre d’ESPT, de manière à savoir reconnaître et réduire les stresseurs inutiles tout au long du séjour du client. De plus, elle porte une attention particulière aux clients dont le risque d’ESPT est élevé et a recours aux approches psychosociales et spirituelles nécessaires en vue de réduire la fréquence d’un tel syndrome chez les clients aux soins critiques. Un client peut survivre à une expérience critique de santé, puis, une fois sur la voie du rétablissement au moment de son retour à la maison, se voir confronté à un dé de santé encore plus grand. La fréquence et la nature des symptômes d’ESPT chez les clients aux soins critiques n’ont pas encore été déterminées. Cependant, le problème est assez grave pour retenir l’attention des professionnels de la santé spécialisés en soins critiques. Les études qui portent sur le sujet révèlent qu’un grand nombre de clients traités à l’unité de soins critiques, soit de 5 à 63 %, présentent, à divers degrés, des symptômes associés à l’ESPT (Jackson, Hart, Gordon et al., 2007). De nombreuses études indiquent que les clients atteints d’ESPT sont sujets à d’autres problèmes de santé mentale et physique (Jackson et al., 2007 ; Jones, Bäckman, Capuzzo et al., 2007). Le fait d’étiqueter les réactions de stress posttraumatique comme un « trouble » n’est pas représentatif de la vraie nature de ce phénomène. Comme pour ce qui est du stress excessif, l’ESPT ne constitue pas un trouble de la réponse au stress attribuable à un manque de volonté, de force, d’endurance ou de courage. La réponse au stress est automatique et nécessaire à la survie. Or, lorsque les menaces se font multiples et incessantes et que le temps de récupération s’avère insufsant, il devient difcile pour la chimie de l’encéphale et l’organisme de mettre en action des mécanismes rapides d’adaptation. Par conséquent, l’ESPT doit être perçu comme une réponse « normale » à une tâche anormale et impossible. Cependant, les réactions de stress posttraumatique se manifestent sous forme de divers symptômes éprouvants. Les réactions de stress post-traumatique comprennent une vaste gamme de réponses d’ordre cardiovasculaire, neuromusculaire, gastro-intestinal, cognitif, émotionnel ou relatives à l’humeur et à la mémoire (Grifths & Jones, 2007 ; Wallen et al., 2008). Après avoir vécu un traumatisme, quel qu’il soit, il arrive que certaines personnes soient spontanément envahies par un rappel de l’événement éprouvant. Ce dernier est souvent provoqué par un bruit, un son, une image, une odeur, un autre événement ou un souvenir qui suscitent une réaction de stress aigu. Par exemple, les cauchemars et les souvenirs délirants au cours desquels une personne revit un traumatisme entraînent une

détresse psychologique et physiologique intense. Les personnes atteintes d’ESPT peuvent également présenter des réactions d’émoussement de la réactivité générale telles que le détachement, l’isolement, la répression de l’affect et la dépression. Une hyperactivité entraîne des troubles du sommeil, une hypervigilance ainsi que des comportements nerveux et répétitifs. Sur le plan cognitif, les réactions au stress provoquent des troubles de la concentration et nuisent aux fonctions exécutives ainsi qu’à la prise de décisions. Grifths et Jones (2007) résument leurs 20 ans de suivi auprès de clients qui ont survécu à une hospitalisation en soins critiques en expliquant l’importance que revêtent la qualité et le type de souvenirs que ces derniers gardent de leur séjour dans cette unité. Même si la plupart de ces clients se rappellent difcilement les faits ou présentent une amnésie relativement à leur passage aux soins critiques, ils vivent toutefois avec des souvenirs délirants, paranoïaques et non fondés ou se créent de fausses interprétations de ce qu’ils ont vécu ou de fausses expériences. Chez bon nombre de clients, les cauchemars et les souvenirs délirants donnent lieu à des symptômes associés à l’ESPT et peuvent s’avérer problématiques dans leur démarche de compréhension réaliste de leur processus de rétablissement (Kiekkas, Theodorakopoulou, Spyratos et al., 2010). Les membres de la famille des clients risquent également de présenter des réactions de stress posttraumatique (Azoulay, Pochard, Sourial et al., 2005 ; Pillai, Aigalikar, Vishwasrao et al., 2010), liées à une incertitude prolongée, à une attente angoissée, à une perturbation des habitudes de sommeil, à des inquiétudes nancières ainsi qu’au fait d’avoir été témoin d’interventions médicales d’urgence ou d’avoir fait face à la peur de la mort ou de perdre un être cher. Kross et ses collaboratrices (2011) indiquent d’ailleurs que la dépression et l’ESPT sont plus courants chez les membres de la famille d’un client décédé après avoir été admis en soins critiques. De plus, les membres de la famille de jeunes clients ou de clients sous ventilation mécanique ont eux aussi un risque accru de dépression et d’ESPT. L’inrmière en soins critiques peut planier des activités de promotion de la santé qui visent à prévenir les réactions de stress post-traumatique chez les clients et leurs proches. La première étape consiste à reconnaître qu’il existe un risque de stress excessif en soins critiques. Les professionnels de la santé prennent ensuite les mesures nécessaires en vue de gérer ou d’éliminer le plus grand nombre de stresseurs possible. Souvent, les clients ignorent ou ne savent pas précisément ce qu’ils ont vécu et ce qu’il est advenu de leurs fonctions corporelles. L’inrmière devrait alors favoriser les discussions encourageantes, mais réalistes au sujet de ce que le client a vécu. Elle devrait lui expliquer précisément les événements et lui parler ouvertement du délai de

Chapitre 5

Gestion des dés psychologiques et spirituels

5

79

rétablissement et du processus graduel de recouvrement de ses forces. Par ailleurs, certains groupes de personnes sont plus sujets que d’autres à l’ESPT. Indépendamment du type et de la gravité de la maladie, il s’avère que les jeunes clients, ceux qui ont des souvenirs délirants, ceux atteints d’un trouble mental préexistant ainsi que les clients sous contention sans sédation sont à risque accru d’ESPT (Grifths & Jones, 2007 ; Wallen et al., 2008). Bien que peu concluantes à ce jour, les recherches menées sur le lien qui unit les symptômes de l’ESPT à la durée et au degré de sédation en soins critiques mettent en lumière la nécessité de tenir compte des conséquences de l’ensemble des interventions en soins critiques sur les résultats à long terme (Luks, 2009 ; Samuelson, Lundberg & Fridlund, 2007). Une autre recherche portant sur le sujet souligne que le pessimisme constitue un prédicteur des réactions au stress vécues par les clients qui ont reçu leur congé de l’hôpital (Myhren, Ekeberg, Tøien et al., 2010). Bien que le processus qui consiste à reconnaître les risques et les symptômes de l’ESPT s’avère complexe et multidimensionnel, des questionnaires de dépistage ont été élaborés, puis évalués en vue d’analyser, dans un premier temps, les risques d’ESPT peu après le congé de l’hôpital (Twigg, Humphris, Jones et al., 2007). Les souvenirs et l’interprétation des événements, des décisions prises et de la séquence temporelle relative aux soins critiques sont généralement différents chez le client et les membres de sa famille. En ce sens, tenir un journal auquel sont ajoutées des photographies prises pendant l’hospitalisation du client aux soins critiques peut aider ce dernier ainsi que ses proches à s’approprier les événements. De plus, en relisant son journal, le client pourra mieux comprendre ce qu’il a vécu et parviendra à accepter plus facilement sa maladie et le processus de rétablissement par lequel il doit passer (Combe, 2005 ; Phillips, 2011). Lorsqu’ils apprennent à vivre avec leurs souvenirs des soins critiques, les clients sont avantagés s’ils parviennent à se reconstituer une suite d’événements signicatifs (Williams, 2009). Les interventions décrites dans le présent chapitre ne visent pas seulement à soutenir les clients pendant leur séjour à l’unité de soins critiques, mais sont également conçues en vue de favoriser le bien-être des clients à long terme et de les préparer aux dés de la réadaptation et du rétablissement.

5.3

Anxiété et douleur

L’anxiété représente une réaction subjective normale et courante de l’être humain à une menace perçue ou réelle. Elle varie de la vague sensation pénible et généralisée à l’état de panique, de perte de maîtrise de soi. Fréquente chez les clients hospitalisés aux soins critiques, l’anxiété est toutefois

80

Partie 1

Fondements généraux

rarement décelée par les professionnels de la santé (Perpina-Galvan & Richart-Martinez, 2009). Une étude américaine portant sur 171 clients présentant un risque élevé de décès aux soins critiques a révélé que 58 % des sujets ont signalé une anxiété d’intensité moyenne (Puntillo, 2010). Or, l’anxiété et l’agitation chez les clients traités aux soins critiques peut ralentir leur rétablissement en raison, notamment, d’une extubation imprévue (Jaber, Chanques, Altairac et al., 2005), d’épisodes d’hyperventilation et de changements comportementaux. Les effets physiologiques de l’anxiété peuvent également avoir des conséquences néfastes sur les clients atteints d’une maladie grave, car celle-ci stimule le système nerveux sympathique et l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien. En outre, l’anxiété provoque des changements dans les habitudes de libération du système neurohumoral, particulièrement en ce qui a trait aux neurotransmetteurs de l’encéphale qui régissent l’humeur, dont l’acétylcholine, la noradrénaline, la dopamine, la sérotonine ainsi que l’acide gamma-aminobutyrique, de même que leurs récepteurs correspondants. L’intégration complexe et subtile de ces réactions dans le système nerveux central dépend de la communication entre le cortex cérébral, le système limbique, le thalamus, l’hypothalamus, l’hypophyse et la formation réticulaire. Le cortex intervient dans la cognition, l’attention et le niveau d’alerte mentale alors que le système limbique constitue le siège des réactions émotionnelles au stress. Par ailleurs, la CRH régit la réponse endocrinienne ainsi que la voie de la noradrénaline qui intervient dans la régulation du système nerveux sympathique. Il existe une boucle de rétroaction positive entre la CRH et le système nerveux sympathique ; la stimulation du premier système activerait le second et inversement. De plus, une forte concentration de CRH en circulation entraînerait une accélération des réactions comportementales (c.-à-d. l’anxiété et l’hypersensibilité) aux stimulus stressants (Stuart, 2009). À mesure que l’anxiété augmente, le client subit les conséquences de la stimulation du système nerveux sympathique, soit une sensation d’agitation et d’hypervigilance, suivies par une diminution de son champ de perception, de sa faculté à résoudre des problèmes ainsi que de ses capacités d’adaptation. Les attaques de panique, une manifestation d’une grave anxiété qui n’est pas rare chez les clients aux soins critiques, peuvent engendrer une réaction de stress aigu accompagnée de tachycardie, d’hyperventilation et de dyspnée. La pharmacothérapie relative à l’anxiété aiguë comprend l’administration d’anxiolytiques (p. ex., des benzodiazépines), d’antidépresseurs et, plus rarement, d’antihistaminiques (alors utilisés pour le traitement de l’anxiété et de l’insomnie) (Lehne, 2013 ; Stuart, 2009). Les expériences stressantes comme le fait d’être atteint d’une maladie aiguë ou chronique, d’affronter une perte ou de l’anticiper, d’être admis aux soins

critiques ou d’en recevoir son congé, ou encore de devoir être placé sous ventilation mécanique peuvent provoquer une grande anxiété chez le client (BrodskyIsraeli & Ganz., 2011 ; Chlan & Savik, 2011 ; Khalaila, Zbidat, Anwar et al., 2011). Les recherches sur le sujet avancent également que les femmes, les clients qui reçoivent peu de soutien social ainsi que ceux qui sont hospitalisés aux soins critiques pendant une longue période ont un risque accru d’être atteints d’anxiété au moment de leur transfert vers une unité où le niveau de soins est inférieur (Brodsky-Israeli & Ganz., 2011 ; Moser, 2007). Que les causes de l’anxiété soient d’origine biochimique, génétique, émotionnelle ou qu’elles soient attribuables aux menaces propres à la situation dans laquelle le client se trouve, l’inrmière en soins critique tient compte de l’ensemble des facteurs qui contribuent à l’anxiété an que ses interventions s’avèrent efcaces. Bien qu’il soit reconnu que les clients hospitalisés aux soins critiques puissent être atteints d’un degré plus ou moins élevé d’anxiété qui contribue à augmenter de façon importante les complications médicales (Ruz, Lennie, Riegel et al., 2010), aucune méthode valide et able servant à évaluer l’anxiété dans ce contexte n’a encore été mise en pratique. Dans la plupart des cas, les inrmières aux soins critiques se ent plutôt à des indicateurs de comportement comme l’agitation et l’instabilité psychomotrices, de même qu’à des paramètres physiologiques, notamment une élévation de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle (Frazier, Moser, Riegel et al., 2002). Les changements de comportement et la variation des signes vitaux ne constituent pas des indicateurs sufsamment ables de l’anxiété. D’ailleurs, se er à ces variables pourrait entraîner une sous-estimation de la gravité de l’anxiété chez les clients traités en soins critiques (Moser, 2007). La documentation portant sur l’anxiété en soins critiques présente plus de 50 manifestations cliniques, parmi lesquels bon nombre sont non spéciques ou peuvent être attribuables à diverses causes, comme la confusion, l’agitation, l’hypertension artérielle ou l’insomnie (Frazier et al., 2002). Ainsi, l’utilisation d’échelles d’évaluation valides de l’anxiété telle que perçue par les clients eux-mêmes pourrait s’avérer utile en vue de déterminer le degré et l’étendue de leur anxiété (Frazier et al., 2002 ; Perpina-Galvan & Richart-Martinez, 2009 ; Ruz et al., 2010) A . La relation cyclique entre le degré d’anxiété et la perception de la douleur ainsi que la tolérance à cette dernière revêt une importance particulière dans un contexte de soins critiques. En effet, la douleur donne lieu à de l’anxiété, et celle-ci intensie les expériences douloureuses. Cette réciprocité varie selon que la douleur est attribuable à un processus pathogénique ou à une intervention effractive, qu’elle est de nature aiguë ou chronique ou que la douleur est anticipée ou non. Dans un contexte de soins critiques, les expériences douloureuses peuvent être causées par divers facteurs : une lésion,

une immobilisation, une douleur chronique préexistante, une intubation, une intervention diagnostique ou thérapeutique, une lumière vive, un bruit excessif ou une interruption du sommeil. Lorsque la douleur ou un malaise comme les nausées sont marqués, les clients tentent de préserver leur énergie et de se concentrer intérieurement en vue de maîtriser la douleur et l’anxiété. Il est donc possible qu’ils sursautent facilement, qu’ils deviennent irritables, qu’ils se mettent en colère, qu’ils se méent des professionnels de la santé ou qu’ils soient perçus par ces derniers comme étant exigeants. En outre, il n’est pas rare que les clients envahis par la douleur tendent à éviter les contacts interpersonnels (Doenges, Murr & Moorhouse, 2010 ; Pasero & McCaffery, 2011 ; Stuart, 2009). Lorsque l’anxiété semble causée par la douleur, l’inrmière trouve la source de cette douleur, conrme ses observations auprès du client, puis prend les mesures nécessaires relativement à la gestion de celle-ci. Enn, certains médicaments, dont les corticostéroïdes (p. ex., Prednisone MD), la théophylline (p. ex., UniphylMD), les anticholinergiques (p. ex., Scopolamine MD), la dopamine (p. ex., Intropin MD) ou la lévodopa (p. ex., la lévodopacarbidopa [SinemetMD]) peuvent également contribuer à l’anxiété (Doenges et al., 2010 ; Pasacreta, Minarik & Nield-Anderson, 2010).

5.4

5

Altération du concept de soi

Les stresseurs suscités par une maladie grave, un trauma ou une intervention chirurgicale peuvent perturber le concept de soi. Celui-ci peut se dénir comme l’ensemble des valeurs, des croyances et des idées qui constituent la connaissance de soi et qui inuencent les liens qu’une personne crée avec les autres. Le concept de soi d’une personne lui est propre. Il découle de sa perception de ses traits caractéristiques, de ses aptitudes, de ses buts, de ses idéaux, des interactions qu’elle a avec autrui et avec son environnement, de même que de l’importance qu’elle attribue à ces interactions. Le concept de soi comprend également les concepts de l’image du corps, de l’estime de soi et de l’identité du moi (Fortinash, 2012 ; Stuart, 2009). Il est important de s’adapter en fonction des limites de son rôle et de son concept de soi lorsque les circonstances de la vie l’exigent. Les clients admis aux soins critiques peuvent parfois éprouver des difcultés relatives au concept de soi. En effet, certains clients croient que les autres les perçoivent comme un problème, comme la maladie dont ils sont atteints ou comme un malade plutôt que comme une personne (Fortinash, 2012). Les clients hospitalisés aux soins critiques n’ont généralement pas le temps de s’adapter à l’altération de leur état de santé. Il arrive donc qu’ils présentent les signes

Chapitre 5

A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux pro­ blèmes d’anxiété sont ex­ pliqués dans le PSTI A.6 de l’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers.

Gestion des dés psychologiques et spirituels

81

A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux problèmes d’image cor­ porelle sont décrits dans le PSTI A.24 de l’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers.

avant-coureurs d’une réaction de perte ou d’incapacité, dont le choc, l’émoussement émotionnel et l’évitement de la réalité. Ils peuvent également être incapables de comprendre clairement ce que la situation implique (Neweld, Cox, Hinz et al., 2007 ; Stuart, 2009). En somme, les composantes particulièrement pertinentes relatives au concept de soi des clients aux soins critiques comprennent l’image corporelle, l’estime de soi et la perturbation de l’identité.

5.4.1

A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux pro­ blèmes d’estime de soi sont expliqués dans le PSTI A.13 de l’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers.

9 Le délirium est décrit au chapitre 9, Évaluation et approche thérapeutique de la sédation, de l’agitation et du délirium.

82

Partie 1

Image corporelle

Le corps constitue le point central de l’image de soi. L’image corporelle correspond à l’interprétation mentale qu’une personne a de son propre corps et du fonctionnement de ce dernier à un moment donné. Elle comprend l’attitude et les impressions de la personne à l’égard de son apparence, de sa constitution, de sa santé, de son niveau de performance, de ses capacités et de son sexe. Cette image évolue avec le temps ; elle est inuencée par le contact de la personne avec les autres ainsi qu’avec son environnement, par ses expériences émotionnelles et ses fantasmes. L’image corporelle est dynamique et varie en fonction des perceptions et expériences passées et présentes (Stuart, 2009 ; Varacarolis & Halter, 2010). Dans leur description classique des conséquences du stress et de l’adaptation sur la santé et la maladie, Benner et Wrubel (1989) ont révélé que la personne atteinte ne fait pas qu’avoir un corps, elle est un corps. Les expériences relatives à la maladie sont « incarnées » par la personne et s’ajoutent à la mémoire du corps. Souvent, les sensations corporelles ressenties par un client pendant sa maladie n’ont pas de sens pour lui, ce qui entraîne une série de réactions au stress (Fredriksen & Ringsberg, 2007). Les clients traités aux soins critiques subissent un alitement prolongé, une désorientation relative à leur nouvelle position, une privation sensorielle, une atrophie musculaire, un changement des habitudes métaboliques, une ventilation mécanique, de la douleur, une grande faiblesse (Grifths & Jones, 2007), des changements alimentaires ainsi que des symptômes physiques d’origine médicamenteuse. La perturbation de l’image corporelle survient chez les clients aux soins critiques lorsqu’ils sont incapables de percevoir les changements qui s’imposent en raison de la situation ou lorsqu’ils ne parviennent pas à s’y adapter. Dans certains cas, le client se sent trahi par son propre corps, lequel ne semble plus fonctionner normalement. Évidemment, les enjeux liés à l’image corporelle apparaissent, puis se règlent avec le temps, mais l’inrmière en soins critiques demeure celle qui amorce le processus, celle qui aidera le client à vivre avec les changements relatifs à l’apparence ou au fonctionnement de son corps. Finalement, une prise de conscience plus aiguë de la

Fondements généraux

nature de l’expérience du client aidera l’inrmière à s’harmoniser avec les perceptions corporelles de celui-ci, et ce, dans l’ensemble des soins qu’elle lui prodigue A .

5.4.2

Estime de soi

Le concept d’estime de soi renvoie à la relation entre le comportement d’une personne et son moi idéal ; il est étroitement lié à la valeur qu’une personne s’accorde (Stuart, 2009). Maslow, l’un des premiers théoriciens à s’être penché sur la question de l’épanouissement de l’espèce humaine, a reconnu l’estime de soi et la valorisation comme étant deux éléments importants de sa hiérarchie des besoins (Maslow, 1954). Par ailleurs, il s’avère que le fait d’avoir une forte estime de soi aiderait les personnes à surmonter les situations de crise de la vie courante, notamment en ce qui a trait au vieillissement et aux facteurs situationnels (Stuart, 2009). L’estime de soi a été étudiée dans une foule de contextes. Comme les inrmières interagissent intimement et fréquemment avec les clients, il est important qu’elles soient en mesure de comprendre davantage l’importance du rôle que joue l’estime de soi dans l’énergie, le rétablissement et l’autoefcacité du client. La maladie dépossède le client de toute perspective, ce qui entraîne souvent une faible estime de soi, un sentiment de faiblesse, d’impuissance et des symptômes dépressifs (Ackley & Ladwig, 2011). Le manque d’estime de soi nuit à l’adaptation. Ainsi, un client pourrait refuser de prendre part aux autosoins, pourrait manifester un comporte ment autodestructeur ou devenir trop passif (ne poser aucune question et laisser les autres prendre toutes les décisions à sa place) (Ackley & Ladwig, 2011 ; Neweld et al., 2007). Une approche globale en matière de rétablissement comprend la mise en place de mesures de soutien continues conçues en vue de favoriser, chez les clients, une forte estime de soi ainsi qu’une image corporelle saine A .

5.4.3

Perturbation de l’identité

La perturbation de l’identité, un type d’altération du concept de soi, se dénit par une incapacité à faire la distinction, dans un environnement social, entre le soi, à savoir une personne unique et distincte, et les autres membres du groupe. La dépersonnalisation qui accompagne la perturbation de l’identité engendre une grande anxiété. Cette perturbation peut être attribuable à la prise de certains médicaments psychoactifs, à un déséquilibre biochimique au cerveau, à des troubles cérébraux organiques, à une démence, à un trauma craniocérébral, à une amnésie ou à un délirium 9 . Une évaluation inrmière rigoureuse de même qu’une consultation psychiatrique ou neurologique s’avèrent cruciales en présence d’un client atteint d’une perturbation de l’identité. En outre, la désorientation et la confusion,

deux symptômes courants chez les clients hospitalisés aux soins critiques, sont inuencées par divers facteurs, dont la gravité du problème de santé physique, les déséquilibres chimiques, la privation ou la surcharge sensorielle ainsi que les antécédents relatifs à la maladie et aux soins de santé.

5.5

Risque d’atteinte à la dignité humaine

La dignité est à la base de l’image corporelle et de l’estime de soi. Par ailleurs, l’objectif sous-jacent de toute interaction de l’inrmière avec le client et ses proches est de l’aider à recouvrer la santé. Or, une personne traitée avec dignité et respect a toutes les chances de guérir et de retrouver le bien-être (Watson, 2005). Lorsqu’un client entre dans le système de santé, y compris dans une unité de soins critiques, il porte avec lui sa maladie, ses imperfections et ses décits. Ses épreuves physiques ou psychologiques font en sorte qu’il entre en relation avec des professionnels de la santé. Au cours d’une rencontre avec le personnel médical, le client subit un examen physique et psychologique des plus approfondis en plus de voir son mode de vie étudié avec minutie. Le client se sent alors nu, au sens propre comme au sens guré. Ses déceptions et ses regrets personnels sont ampliés lorsqu’il ressent l’inquiétude, les efforts et l’insistance que suscite sa santé défaillante. C’est alors que le client devient en proie à des sentiments de culpabilité. La description que fait Lazare (1987) de la honte et de l’humiliation que vivent les clients à l’occasion de leurs rendez-vous médicaux a donné lieu à une analyse de la culture des soins de santé. À cet égard, les philosophes éthiciens désignent les « coutumes de culture interne » comme étant l’une des sources non intentionnelles, mais tout de même pénibles de honte, d’embarras et d’humiliation tant pour les clients qui reçoivent les soins que pour le personnel médical qui les prodigue. Ces coutumes propres à la culture interne des milieux de soins sont notamment présentes en soins critiques et comprennent le fait de traiter les personnes comme des objets (à des ns de prise en charge physiologique), le contrôle, la distance créée entre soi et l’expérience vécue par l’autre, l’indifférence et la dissociation. En outre, l’autorité du modèle médical remplace l’expérience du client, son interprétation et la signication qu’il attribue à ce qu’il vit (Malterud & Hollnagel, 2007). Par ailleurs, les coutumes de culture interne déterminent en partie les comportements des personnes au sein d’une même culture. Ainsi, bien que les professionnels de la santé ne cherchent pas à humilier leurs clients, ils s’habituent toutefois

à ces attitudes et à ces circonstances culturelles qui portent atteinte à la dignité humaine sur une base quotidienne. La dignité correspond également à une image de soi positive, à la capacité à s’investir dans le sens que le client donne à sa vie et à y puiser des forces, au sentiment d’être apprécié par les autres, ainsi qu’à la façon d’être traité par les professionnels de la santé. Le modèle de Chochinov et de ses collaborateurs (2006) en matière de soins qui préservent la dignité désigne certains facteurs qui lui portent atteinte dans divers milieux de soins. Parmi ces facteurs se trouvent le degré d’indépendance de la personne ainsi que la détresse liée à ses symptômes. La plupart des clients en soins aigus, particulièrement ceux en soins critiques, n’ont d’autre choix que de laisser derrière eux ce qui leur procure un sentiment d’identité personnelle, soit leurs vêtements, leurs habitudes et leur vie privée. Le corps de ces clients est régulièrement dénudé en vue d’être examiné dans le cadre du traitement de leur pathologie ou pour y déceler toute irrégularité. En outre, il n’est pas rare que les clients ne puissent pas faire part de leurs préférences ou donner leur accord au déroulement d’une évaluation, d’un examen ou d’une intervention. Les membres de la famille ainsi que les amis ont des droits de visite restreints en raison de contraintes environnementales. Dépourvus de tout ce qui constitue leur identité, les clients sont alors étiquetés en fonction de leur maladie au lieu d’être considérés comme des personnes qui portent en eux une histoire et l’espoir d’un avenir meilleur. Ainsi, en prenant davantage conscience de leurs propres sentiments et de leur propre humanité, les professionnels de la santé risquent moins de minimiser, même de façon accidentelle, l’importance des émotions et de l’expérience de vie des clients (Malterud & Hollnagel, 2007).

5.6

5

Enjeux d’ordre spirituel

Bon nombre d’enjeux psychosociaux dont il a déjà été question (le stress, l’anxiété, l’image de soi, l’image corporelle, l’estime de soi, l’adaptation, la dignité et les relations interpersonnelles) sont enracinés dans la dimension spirituelle, laquelle constitue le siège du sens profond de la vie et de l’appartenance de l’être. La dimension spirituelle d’une personne inclut les éléments qui donnent un sens et un but à la vie, de l’espoir et un sentiment d’unité avec les autres ainsi qu’avec une force supérieure (Ackley & Ladwig, 2011 ; Grifn & Yancey, 2009 ; Puchalski, 2007-2008). C’est pourquoi les soins de nature spirituelle jouent un rôle important dans le rétablissement des clients en soins critiques.

Chapitre 5

Gestion des dés psychologiques et spirituels

83

5.6.1

Détresse spirituelle

La détresse spirituelle a été dénie comme étant une perturbation de la force vitale qui envahit l’être en entier et qui intègre et dépasse la nature biologique et psychosociale de la personne (Ackley & Ladwig, 2011). La menace d’une maladie d’origine physiologique ou psychologique, la douleur prolongée et la souffrance sont autant de facteurs qui peuvent remettre en cause la spiritualité. En effet, la séparation d’une pratique ou d’un rituel religieux ou spirituel combinée à une souffrance intense peut provoquer une détresse spirituelle chez le client ou chez ses proches. Les clients qui souffrent de ce type de détresse peuvent remettre en question le sens de la souffrance et de la mort par rapport à leur système de croyances personnel. Ils peuvent se demander pourquoi cette maladie ou cette blessure leur arrive. Ils peuvent également craindre que l’entité en laquelle ils croient les ait abandonnés au moment où ils ont le plus besoin de son aide. De plus, certaines personnes qui vivent un désespoir spirituel peuvent remettre leur existence en question, verbaliser leur désir de mourir ou encore présenter des signes de colère à l’égard de leurs traditions religieuses. La détresse spirituelle non résolue est interprétée par l’organisme comme étant un stresseur. Si elle est prolongée, elle peut mener au désespoir, au refus de chercher le traitement qui convient ou de consentir aux interventions et régimes thérapeutiques (Ackley & Ladwig, 2011).

5.6.2

Espoir et désespoir

L’espoir est un processus interne subjectif et dynamique essentiel à la vie. Considéré comme étant un processus spirituel, l’espoir correspond à une énergie qui naît du sentiment qu’un lien profond unit l’individu, les autres et une force supérieure. Grâce à l’espoir, une personne parvient à opérer une transition entre la vulnérabilité et la capacité à vivre sa vie aussi pleinement que possible (Arnaert, Filteau & Sourial, 2006). La nécessité de l’espoir provient du besoin de changer, de s’adapter en fonction des situations inattendues. C’est le cas, notamment, des personnes atteintes d’une maladie grave. Le désir de garder espoir constitue la base de nombreuses stratégies d’adaptation. De plus, une personne remplie d’espoir, qui croit en ses buts, est investie d’une force qui la pousse à entreprendre sa guérison avec un sentiment de liberté et de paix intérieure. Bien que l’espoir dénote une orientation vers l’avenir, il présente également une dimension actuelle qui a une incidence sur les gens ici et maintenant (Cutcliffe & Hearth, 2002). Grâce à l’expérience de personnes qui ont vécu des circonstances hors du commun, l’être humain a vite compris que l’espoir constitue un élément important de la survie (Frankl, 1959) et qu’il s’avère essentiel dans le traitement réussi de la maladie (Miller, 2007).

84

Partie 1

Fondements généraux

En revanche, le désespoir constitue un état subjectif dans lequel la personne ne voit que des solutions très limitées ou l’absence de solutions. Elle est alors incapable de trouver elle-même l’énergie dont elle a besoin (Ackley & Ladwig, 2011 ; Doenges et al., 2010). Le désespoir peut nuire grandement au rétablissement. Par ailleurs, les circonstances qui accroissent le risque de désespoir comprennent la perte de dignité, le stress prolongé, la perte de l’estime de soi, la détresse spirituelle ainsi que l’isolement. Or, tous ces facteurs peuvent être présents en soins critiques. Les clients qui souffrent de désespoir risquent de participer moins activement que les autres à leur rétablissement, de se retirer alors que du soutien leur est offert et de manquer d’énergie et d’initiative relativement aux autosoins (Ackley & Ladwig, 2011).

5.6.3

Perte de contrôle et impuissance

Bon nombre de clients admis à l’unité de soins critiques sont atteints d’une maladie ou souffrent d’une blessure apparue subitement. Ils n’ont donc pas eu le temps de s’ajuster aux nouvelles limites que leur impose leur état. Les clients doivent s’adapter rapidement à une perte de maîtrise de leur vie. Celle-ci peut être aussi imperceptible que l’impossibilité de choisir ses aliments ou aussi grave que la perte radicale de l’identité personnelle. Le contrôle, ou l’autodétermination, d’une personne correspond à la capacité de faire ses propres choix relativement à son temps, à son espace et à ses ressources ; or cette dernière s’avère compromise lorsque la personne se trouve aux soins critiques. Au cours de leur hospitalisation, les individus perdent la majeure partie de leur indépendance et deviennent des clients. Les vêtements et les autres effets personnels sont généralement interdits aux soins critiques. Les clients ne peuvent décider qui entre dans leur chambre, qui leur prodigue les soins d’hygiène personnelle ou qui se présentera pour leur faire subir un traitement douloureux. Qui plus est, les règles en milieu hospitalier peuvent rarement être modiées. Les premiers travaux de recherche de Rotter (1966) portant sur le comportement humain et sur la perception de la maîtrise de sa vie ont permis d’expliquer la vaste gamme de réactions que présentent les gens dans des situations où ils doivent céder le contrôle. Rotter suggère que le locus de contrôle peut être interne ou externe. Les personnes dont le locus de contrôle est interne considèrent qu’ils sont responsables de la tournure des événements. Quant à celles dont le locus de contrôle est externe, elles croient que leur comportement n’a aucune incidence sur l’issue des événements. De plus, comme pour tout concept fortement individualisé, le degré de contrôle idéal dépend de chaque personne. Les clients convaincus qu’ils ne peuvent rien faire pour changer ou maîtriser les circonstances risquent d’être confrontés à l’impuissance (Ackley & Ladwig, 2011 ; Neweld et al., 2007). D’ailleurs, les personnes

gravement malades peuvent ressentir de l’impuissance en raison des contraintes associées à leur état de santé et au milieu de soins, du manque d’interactions signicatives avec leur réseau de soutien, de l’incapacité à continuer d’adhérer à certaines croyances et pratiques culturelles ou religieuses ou encore d’un mode d’adaptation qui trahit leur impuissance. Le degré d’impuissance vécu par une personne dépend de son sentiment de contrôle, du type de perte qu’elle a subie et de l’accès à un réseau de soutien social. L’impuissance peut se manifester par un refus de participer aux décisions, par un désengagement du plan de soins, par un sentiment de doute de soi ou par un manque apparent d’intérêt pour le rétablissement. Par ailleurs, la frustration, la colère et le ressentiment que fait naître la dépendance aux autres sont généralement exprimés verbalement sous la forme d’une insatisfaction relativement aux soins prodigués (Ackley & Ladwig, 2011). De plus, les interactions négatives avec les professionnels de la santé, qui sont perçus comme les responsables de tant de restrictions, peuvent aggraver la situation. En effet, les clients réagissent parfois de façon agressive, ils tentent de négocier ou refusent d’accepter le diagnostic ou de suivre le plan de traitement. Ils perdent parfois de vue les aspects de leur vie qu’ils contrôlent encore, car ils ont dû lâcher prise sur un grand nombre de choses A .

5.7

Adaptation au stress et à la maladie

5.7.1

Stratégies d’adaptation

Une stratégie d’adaptation correspond à un processus intentionnel utilisé en vue de s’ajuster, de s’adapter et de faire face aux stresseurs de la vie quotidienne. La réponse au stress est unique pour chaque client et dépend d’une série de facteurs environnementaux et de différences entre les personnes. Parmi ces facteurs gurent certaines variables cognitives, la place de la personne dans le cycle de la vie, le degré de soutien social ainsi que la perception qu’a le client de la nature du stresseur ou de la perte qu’il subit (Stuart, 2009). Un client qui s’adapte de manière efcace semble relativement à l’aise avec lui-même ainsi qu’avec les autres. Il effectue une évaluation juste des stresseurs, prend des décisions en accord avec ses préférences et ses valeurs, et il a accès aux ressources nécessaires. Les stratégies d’adaptation efcaces aident le client à sentir qu’il garde une maîtrise satisfaisante de sa vie, à se responsabiliser en vue de prendre les mesures nécessaires pour améliorer sa situation, à partager ses inquiétudes, à faire preuve d’une forme saine de déni, ainsi qu’à gérer les situations problématiques et les incertitudes. La plupart des gens possèdent une série de stratégies d’adaptation auxquelles ils ont recours lorsque survient une situation

stressante ou une difculté de la vie quotidienne. En outre, les stratégies d’adaptation s’acquièrent et s’exercent tout au long de la vie. Elles sont axées sur la perception qu’une stratégie donnée s’avère efcace pour s’adapter à un stresseur (Lazarus & Folkman, 1984 ; Varacarolis & Halter, 2010). L’adaptation inefcace correspond au manque d’efcacité des comportements d’adaptation et des aptitudes à la résolution de problèmes d’une personne lorsque celle-ci fait face aux exigences de la vie et à ses rôles nécessaires. Parmi les manifestations de l’adaptation inefcace à une maladie grave se trouvent l’expression verbale d’une incapacité à s’adapter, l’anxiété et l’incapacité à satisfaire ses besoins fondamentaux. Le client démontre également une utilisation inadéquate de ses mécanismes de défense ainsi qu’une capacité réduite à la résolution de problèmes. Finalement, le client peut faire preuve d’apathie ou manifester un comportement destructeur à son égard ou à celui des autres (Stuart, 2009). Les stratégies d’adaptation d’une personne peuvent se révéler efcaces ou non selon la nature et le niveau de difculté du dé auquel elle est amenée à faire face, son expérience préalable de situations semblables et selon la mesure dans laquelle la stratégie d’adaptation peut être utilisée pour gérer une situation donnée. Par exemple, en temps normal, une personne peut gérer les situations pénibles en procédant à une analyse minutieuse du problème, à une cueillette de renseignements, à une discussion constructive en vue de régler le problème, puis en s’accordant une bonne nuit de sommeil. Cette personne risque fortement d’éprouver le sentiment de s’adapter de façon inefcace si elle est confrontée à la perte de contrôle que peut entraîner une maladie grave et un environnement de soins critiques. En effet, elle pourrait être dans l’incapacité de parler ou de recueillir des renseignements, elle pourrait voir son sommeil perturbé ou ses ressources diminuées, ou encore elle pourrait manquer de temps pour procéder à une réexion approfondie. Les réactions d’adaptation efcaces les plus courantes peuvent être axées sur le problème, sur le processus cognitif ou sur les émotions. L’exercice physique, la méditation, la saine alimentation, le soutien social, le discours intérieur positif, la reformulation, la gestion du temps, la consultation psychologique, l’acquisition de nouvelles compétences et le recours aux rituels spirituels et religieux font partie de ces stratégies d’adaptation (Stuart, 2009 ; Varacarolis & Halter, 2010).

5.7.2

5

A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux pro­ blèmes du sentiment d’im­ puissance sont détaillés dans le PSTI A.32 de l’an­ nexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers.

Utilisation des mécanismes de défense psychologiques

La surutilisation des mécanismes de défense psychologiques peut indiquer une adaptation inefcace chez le client ou les membres de sa famille. Les mécanismes de défense sont des mesures automatiques d’autoprotection qui se manifestent en réaction à un

Chapitre 5

Gestion des dés psychologiques et spirituels

85

stresseur interne ou externe, notamment lorsqu’un client ou un membre de sa famille sent qu’il perd le contrôle de la situation, qu’il est incapable d’y faire face (Cutcliffe & Hearth, 2002 ; Freud, 1946 ; Stuart, 2009). La colère soutenue, la surprotection, la méance à l’égard des autres, la dépendance excessive ou la régression, le repli sur soi, le déni ou l’apathie relativement aux objectifs de traitement peuvent indiquer que les stresseurs provoqués par l’expérience aux soins critiques sont plus puissants que les aptitudes d’adaptation. En outre, l’utilisation de mécanismes mésadaptés peut réduire temporairement l’anxiété, mais elle ne permet pas de résoudre le problème de façon efcace ni permanente. À cet égard, la régression et le déni constituent deux mécanismes de défense qui pourraient être observés en soins critiques.

Régression La régression est un mécanisme de défense inconscient qui se manifeste par un retour à des comportements d’une étape de développement antérieure lorsque la personne est confrontée à une situation de stress (Stuart, 2009). La régression permet au client d’abandonner son rôle habituel, son autonomie et sa vie privée pour devenir un bénéciaire passif de soins médicaux et inrmiers. Le client en soins critiques renonce en quelque sorte à une part du contrôle qu’il pouvait antérieurement exercer sur sa santé. Lorsqu’une situation de santé critique survient, une relation de dépendance prend forme entre le client et les divers professionnels de la santé en ce qui a trait à la satisfaction des besoins, même les plus fondamentaux, de la personne. Dans certains cas, le refus de soins pourrait certes compromettre le rétablissement. En effet, refuser ces soins risque de mettre sa situation en péril. En revanche, l’évolution positive de l’état de santé du client et sa guérison rapide peuvent être menacées si ce dernier régresse au point de renoncer entièrement au contrôle de sa vie et à ses responsabilités, de devenir dépendant des autres à outrance. À cet effet, les comportements comme les plaintes, le fait de s’accrocher au personnel, d’avoir constamment besoin d’une inrmière à ses côtés et d’être incapable de gérer son anxiété ou sa peur peuvent nuire à la guérison du client ainsi qu’à la relation qu’il entretient avec le personnel inrmier. Lorsque les attentes relatives à la participation du client ou de ses proches aux autosoins doivent être modiées ou remises en question, il est plus avantageux pour le client que les limites et les responsabilités de chacun soient établies de façon mutuelle et dans un climat de soutien. La réaction des inrmières à l’égard du client sera empreinte d’une plus grande compréhension si ces dernières considèrent que la régression constitue une réponse non seulement prévue, mais encouragée à certaines étapes du séjour du client aux soins critiques, que la peur et l’anxiété y sont exacerbées et que les stratégies d’adaptation habituelles ne prévalent plus. Bien que

86

Partie 1

Fondements généraux

les comportements régressifs puissent être une source de frustration pour le personnel inrmier, il est recommandé d’éviter la confrontation et les réprimandes. En effet, les réactions négatives de la part du personnel peuvent aggraver la situation alors que le client éprouve déjà des difcultés relativement aux questions de dépendance, d’autonomie et d’estime de soi.

Déni Le déni se dénit comme l’ensemble des tentatives conscientes et inconscientes entreprises en vue de nier sa connaissance ou l’importance d’un événement dans le but de réduire son degré d’anxiété et de peur (NANDA International, 2011). Les clients atteints d’une maladie grave, de même que les membres de leur famille, ont parfois recours au déni comme mécanisme de défense pour gérer le sentiment accablant de menace que suscite l’annonce d’une maladie, d’une blessure ou d’un décès imminent et, par le fait même, de s’en protéger. Comme le souligne Weisman (1972) dans son ouvrage classique, le déni présente des fonctions à la fois protectrices et possiblement néfastes. Le degré d’utilisation du déni varie selon la personne ou la situation. Par ailleurs, l’incapacité à faire face aux réalités d’un problème de santé possible pousse certaines personnes à nier des aspects de la maladie ou la gravité de certains symptômes. Or, le déni peut retarder le traitement ou faire en sorte qu’un symptôme grave n’est pas remarqué surle-champ. Les membres de la famille du client, lorsqu’ils sont incapables d’accepter le fait qu’un proche est atteint d’une maladie grave et irréversible, se concentrent parfois uniquement sur les chances d’une guérison complète. Ils refusent alors d’avoir une discussion réaliste en ce qui concerne les objectifs du traitement, ils insistent pour poursuivre les manœuvres de réanimations ou investissent dans une rénovation résidentielle en prévision d’un retour du client à la maison. De plus, ils peuvent accuser les professionnels de la santé qui abordent les possibilités autres que la guérison complète d’être négatifs ou de ne pas être dignes de conance. S’il est courant de demeurer à l’affût des conséquences négatives d’un déni inefcace, il s’avère toutefois que cette stratégie peut constituer un mécanisme de défense utile pour les personnes qui ne peuvent faire face à la pleine intensité du sentiment suscité par une perte ou à un changement radical survenu à un moment donné de leur vie. Ainsi, le déni assure une sorte de protection et donne à la personne qui le vit l’espace et le temps nécessaire pour comprendre et accepter les réalités d’une perte accablante. L’inrmière peut trouver qu’il est particulièrement difcile de communiquer avec des personnes qui semblent avoir recours au déni à leur propre détriment. Aux yeux du professionnel de la santé, la personne s’adapterait peut-être mieux si elle faisait face à la situation, si elle prenait les mesures

nécessaires pour que la vie reprenne son cours. Selon le besoin de la personne de se prémunir contre les changements qui surviennent dans sa vie, il se peut que cette dernière ne soit pas réceptive à l’information qui contredit ses croyances. En outre, les clients et les membres de la famille qui font preuve d’un déni fort et bien ancré seront mieux appuyés par des professionnels de la santé qui comprennent que pour le moment, leur déni s’avère protecteur, et qui se montrent attentifs aux indices laissant croire que le client et sa famille sont prêts à accepter un changement dans leur réalité. Il peut être difcile et gênant d’assister à un comportement problématique et d’y réagir sur le plan thérapeutique, surtout lorsque le comportement en question semble viser le professionnel de la santé. L’inrmière en soins critiques est donc appelée à examiner attentivement ses réactions à l’égard de ce qui lui semble être un comportement mésadapté. Dans la plupart des cas, les clients et leurs proches font de leur mieux dans des circonstances des plus stressantes, et ils se ent sur les connaissances et sur la compréhension des professionnels de la santé, car ces derniers maîtrisent la complexité du stress, les diverses stratégies d’adaptation ainsi que l’utilisation des mécanismes de défense. Le séjour aux soins critiques ne représente généralement qu’une étape du long chemin vers le rétablissement. Or, les clients et leurs proches ont besoin de temps pour analyser la situation et y parviennent plus efcacement lorsqu’ils reçoivent le soutien et l’encouragement dont ils ont besoin au cours de cette période éprouvante A .

Soins et traitements inrmiers En plus de détenir une connaissance approfondie de l’anatomie, de la physiologie, de la physiopathologie et du processus morbide, ainsi que des interventions adéquates, l’inrmière en soins critiques holistiques possède également les connaissances, la sagesse et les compétences nécessaires à l’interprétation des réactions internes de l’être humain devant la maladie ou une blessure grave. L’évaluation du client en tant qu’entité constitue donc l’objectif ultime des soins inrmiers et revêt une importance vitale pour les clients en soins critiques, leurs proches ainsi que le personnel inrmier. Dans le même ordre d’idées, Florence Nightingale, pionnière des soins inrmiers modernes, trouvait qu’il est inimaginable de considérer les êtres humains malades comme un simple corps à traiter séparément de l’âme et de l’esprit (Dossey, 1998). Les compétences essentielles à la base des interventions psychosociales et spirituelles comprennent l’utilisation de modèles de communication axés sur la compassion et la sollicitude, le recours à des pratiques de soins qui préservent la dignité du client, le soutien au client en phase d’adaptation, l’approche axée sur le client et sa famille et le recours à des ressources spirituelles.

Axer la communication sur la compassion et la sollicitude Les modèles de communication verbale ou non verbale axés sur la compassion et la sollicitude donnent corps aux activités inrmières qui favorisent les interventions psychosociales et spirituelles spécialisées. Des auteurs ont décrit les principales difcultés éprouvées en soins critiques, particulièrement en ce qui a trait aux personnes gravement malades (Nelson, Angus, Weissfeld et al., 2006). Aucune de ces difcultés ne portait sur l’aspect technique de la gestion des soins. Les plus grandes touchaient plutôt aux modèles de communication inadéquats entre l’équipe de soins critiques et les membres de la famille, au manque de connaissances du personnel relativement à la communication efficace, aux attentes irréalistes de la famille et des professionnels de la santé, à la mésentente familiale, au manque de directives de n de vie, aux clients aphones et à l’espace sous-optimal pour tenir des conversations fructueuses. En outre, les clients des soins critiques et les membres de leur famille considèrent la communication avec les professionnels de la santé comme étant l’un des facteurs qui contribuent le plus au sentiment d’être accompagné (Batty, 2009), et ce, particulièrement chez les clients incapables de parler (Grossbach, 2011 ; Happ, Garrett, Thomas et al., 2011). Les clients interrogés à la suite de leur hospitalisation en soins critiques ont révélé qu’à leur avis, l’attitude attentionnée de l’inrmière a contribué à une perception plus positive de leur expérience. Ils ont également afrmé avoir subi un moins grand stress lorsque le personnel inrmier se montrait aimable, chaleureux, compétent et lorsqu’il faisait preuve de respect à leur endroit (Lusk & Lash, 2005). En outre, de nombreux clients interprètent l’empathie et le contact physique des inrmières comme étant des signes de sollicitude et de soutien (Stajduha, Thorne, Mc Guinness et al., 2010). Dans bien des cas, le fait de pouvoir partager des inquiétudes avec un interlocuteur attentionné et compréhensif permet de soulager la détresse émotionnelle ou spirituelle. Finalement, les clients trouvent réconfortant de savoir qu’ils ne sont pas seuls, que quelqu’un comprend ce qu’ils vivent et comment ils se sentent et que cette personne s’en soucie. Même si le client fait part de ses inquiétudes aux membres de sa famille, il pourrait toutefois vouloir éviter de contrarier ses proches et trouver qu’il est plus adéquat et plus prudent, sur le plan émotionnel, de se coner à une inrmière. En outre, il est grandement bénéque pour un client qui s’adapte à sa situation en s’ouvrant aux autres d’avoir accès à une inrmière qui sait quand il a besoin de se coner et qui sait l’écouter (Lowey, 2008 ; Watson, 2005). Le personnel inrmier ne devrait pas chercher à éviter les conversations délicates. Bon nombre de clients, ainsi que leurs proches, ont besoin de parler Chapitre 5

5

A L’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers, détaille, dans le PSTI A.33, les soins et les traitements inrmiers adaptés aux stratégies d’adaptation familiale insufsantes.

Gestion des dés psychologiques et spirituels

87

A L’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers, aborde, dans le PSTI A.2, les soins et les traitements inrmiers adaptés aux problèmes d’altération de la communication.

de leurs peurs et préfèrent prendre part à une conversation qui présente un certain équilibre entre l’honnêteté et l’espoir (Stajduha et al., 2010 ; Verhaeghe, van Zuuren, Deoor et al., 2007). En outre, il est important de tenir compte des différences culturelles au cours d’une conversation avec un client ou ses proches. En effet, bon nombre d’Occidentaux attachent une grande importance à l’honnêteté et à la vérité. En situation difcile, c’est d’ailleurs ainsi qu’ils s’attendent à être traités. Toutefois, il existe dans d’autres cultures des tabous en ce qui concerne le diagnostic et le pronostic relatifs à une maladie grave (Erichsen, Danielsson, Friedrichsen et al., 2010 ; Johnstone & Kanitsaki, 2009). Ainsi, une évaluation médicale et inrmière minutieuse, une réunion de la famille et de l’équipe médicale en vue de favoriser la communication et la consultation spirituelle donnent lieu à un dialogue plus fécond et plus compréhensif en situation de crise ou dans un processus de prise de décision. C’est pourquoi les clients en soins critiques et leurs proches ont besoin de connaître des stratégies relativement à la communication entre eux et le personnel inrmier ENCADRÉ 5.2. Une communication verbale ou non verbale efcace s’avère essentielle à la création d’un lien de conance entre l’inrmière et le client (Watson, 2005). Chez les clients en soins critiques, la conance correspond à la conviction que les personnes de qui

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 5.2

Communiquer avec le client et ses proches

• Se montrer patiente. Ce qui est habituel pour les professionnels de la santé peut être stressant et nouveau pour le client et ses proches. • Répéter aussi souvent que nécessaire. Le stress réduit la concentration, la mémoire et la compréhension, surtout dans des situa­ tions inhabituelles. • Évaluer le niveau de connaissance et l’ex­ périence des soins critiques du client et de ses proches. • Utiliser un langage facile à comprendre et vulgariser les termes médicaux sans toutefois simplier à outrance. • Poser des questions supplémentaires pour s’assurer de la compréhension de l’interlocuteur. • Adopter une approche de communication accueillante et ouverte. Les soins critiques constituent parfois un milieu intimidant aux yeux de ceux qui n’y sont pas habitués. • Effectuer fréquemment un suivi en ce qui a trait à l’état du client, même si personne ne l’a demandé.

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Partie 1

Fondements généraux

• Avoir des conversations profondes avec le client et sa famille, même si elles sont de courte durée. Souvent, les conversations relatives aux soins critiques se limitent aux éléments techniques des soins prodi­ gués au client. • Respecter la vie privée des familles et mettre à leur disposition un espace où elles pourront se réunir. • Parler au client, même s’il est inconscient. La famille y percevra de la sollicitude, et cela pourrait réconforter le client, même s’il n’est pas en mesure de répondre. • Utiliser un tableau de communication ou tout autre matériel pertinent pour communiquer avec le client incapable de parler. • Laisser le temps au client de répondre aux questions et poser des questions auxquelles il pourra répondre facilement. • Parler lentement, favoriser le contact visuel avec le client et prêter attention à son langage non verbal (ses gestes, le mouvement des lèvres, ses expressions faciales) pouvant transmettre un message important.

ils dépendent les aideront à traverser la maladie et sauront intervenir si un événement fâcheux se produit. Le client doit avoir conance en la compétence de l’inrmière relativement aux aspects physiques et techniques des soins. Il doit également sentir qu’il peut se er à ce qu’elle lui dit. De plus, les clients sont des observateurs attentifs de leurs soignants et savent lire en eux. Ainsi, la conance et l’espoir sont rapidement ébranlés lorsque le client reçoit des renseignements inadéquats ou que l’inrmière ne respecte pas sa parole A .

Préserver la dignité humaine Prodiguer des soins qui préservent la dignité constitue une pratique qui repose sur la présence authentique, sur le fait de consacrer toute son attention et tout son être à une autre personne à un moment donné. La présence authentique de l’inrmière lui permet non seulement de considérer les renseignements scientiques, mais aussi d’être au diapason des besoins, des expériences et des émotions du client de manière à favoriser son rétablissement (Newman, 2008). Les aspects qui favorisent la dignité comprennent le besoin de préserver son identité, ses rôles et sa contribution, de même qu’un sentiment de erté, d’espoir, de contrôle, d’acceptation et de résilience. Les soins qui préservent la dignité humaine comportent quatre éléments : 1) l’attitude ; 2) le comportement ; 3) la compassion ; 4) le dialogue (Tulsky, 2005). La première étape en vue de prodiguer de tels soins consiste à se pencher sur son attitude et sur ses opinions à l’égard des autres et de ce qu’ils vivent. D’ailleurs, l’attitude de l’inrmière, sa vision du monde et ses croyances à l’égard d’un client ou de ses proches ont une incidence sur son ouverture d’esprit et sa capacité à établir un lien de conance avec eux. Ce type de soins se manifeste également dans les comportements. Veiller à ce que le client ait une belle apparence renforce son estime de soi et favorise une image corporelle saine. En outre, la propreté et l’absence de mauvaises odeurs contribuent à la valorisation du client. Lorsque l’inrmière prodigue des soins physiques, elle préserve l’intimité du client, respecte les limites sociales et demande la permission du client avant de le toucher, s’il y a lieu. De plus, elle réconforte le client en accordant de l’importance aux choses qui lui tiennent à cœur. Dans un autre ordre d’idée, le fait de passer du temps avec lui, de l’écouter raconter sa vie aide l’inrmière à mieux connaître le client, mais favorise aussi la mise en œuvre d’interventions individualisées. Il est également conseillé d’appeler les clients par le nom ou le titre qu’ils préfèrent, car cela renforce leur image de soi et leur identité. Enn, il est préférable de demander leur permission avant d’inclure d’autres personnes dans les conversations privées. La compassion renvoie à la conscience de la souffrance que vit une personne combinée au désir

sincère de soulager cette souffrance. Lorsqu’ils font preuve de compassion, les professionnels de la santé sont alors en mesure de s’identier à l’autre et de reconnaître leur humanité commune. Faire preuve de compassion peut être assez simple. Il suft de poser des gestes qui dénotent de la considération, de la gentillesse ou tout simplement de toucher l’autre. L’inrmière en soins critiques touche souvent les clients dans le cadre de ses pratiques et interventions. Toutefois, en tenant compte des différences individuelles et culturelles, l’inrmière peut se servir du toucher à d’autres ns que celles des soins physiques. En effet, le toucher comme source d’attention et de réconfort peut jouer un rôle important dans la guérison et les relations interpersonnelles du client. La compassion peut également se manifester dans le dialogue, soit le quatrième élément des soins qui préservent la dignité. À la base, les clients et leur famille ont besoin de recevoir des explications et un suivi opportuns, ils doivent se faire répéter l’information qu’ils n’ont pas l’habitude de traiter et être mis au courant des renseignements pertinents de manière rigoureuse. À un niveau plus profond, les clients doivent sentir que les professionnels de la santé sont à l’écoute et que leur personnalité est valorisée et respectée (Tulsky, 2005).

Soutenir le client en phase d’adaptation L’un des objectifs des soins psychosociaux et spirituels spécialisés est de promouvoir l’épanouissement du client et de sa famille, de les inciter à se réapproprier autant que possible le contrôle de la situation et son caractère prévisible. Comme mentionné précédemment, l’adaptation constitue un processus dynamique dans lequel la personne déploie des efforts cognitifs et comportementaux en vue de gérer des exigences internes et externes qui dépassent ses propres ressources. Le secret d’une adaptation efcace réside dans l’utilisation de la meilleure combinaison de stratégies possible dans une situation donnée. La plupart des adultes s’adaptent en se ant aux stratégies d’adaptation et aux mécanismes de défense conscients ou inconscients qu’ils ont déjà acquis et qui se manifestent automatiquement à l’occasion d’une situation stressante. Apprendre de nouvelles stratégies d’adaptation à une personne qui vit un stress psychologique aigu peut sembler irréaliste. Cependant, en pratiquant une écoute active et en engageant la conversation avec le client et les membres de sa famille, l’inrmière sera en mesure de cerner les ressources dont ils disposent pour s’adapter, les aptitudes et les préférences qui risquent d’être les plus utiles au processus d’adaptation.

Aider au contrôle de la situation La recherche à ce sujet propose que l’une des façons les plus efcaces de réduire le stress associé au fait

d’être hospitalisé aux soins critiques consiste à permettre aux clients de contrôler le plus d’aspects possible de leurs soins et de leur environnement (Lusk & Lash, 2005). Il est donc recommandé de laisser une liberté aux clients à l’égard de certaines décisions à prendre lorsqu’ils sont en mesure de le faire, notamment quant à la façon et au moment de procéder aux soins d’hygiène personnelle, aux préférences alimentaires et à la coordination des interventions inrmières. De plus, le personnel infirmier devrait informer le client et sa famille des activités quotidiennes, des examens et des traitements de même que de leur raison et des effets attendus de ceux-ci. Les clients hospitalisés aux soins critiques sont souvent incapables de se retourner et de voir ce qui se passe autour d’eux. C’est pourquoi il est important, au cours des traitements et des interventions, de leur fournir des explications et d’entreprendre de brèves discussions relativement aux résultats escomptés, à l’heure à laquelle l’intervention devrait avoir lieu ainsi qu’au déroulement de cette dernière. En outre, le client pour qui il est important de gérer tous les aspects de sa vie devrait recevoir l’aide nécessaire pour assurer le maintien du contrôle du plus grand nombre possible de sphères de celle-ci. En revanche, le client devrait également avoir la possibilité de se décharger de cette tâche si l’abondance de choix à faire génère chez lui un stress accru.

5

Respecter les approches complémentaires et parallèles privilégiées par le client Les clients et leurs proches entrent dans le milieu de soins avec des façons de faire et des croyances bien établies quant à la gestion du stress et au maintien du bien-être, de l’équilibre ainsi que de l’harmonie dans leur vie. En outre, ils savent quelles méthodes favorisent une guérison optimale chez eux. À cet effet, les approches intégrées en soins de santé font intervenir une série de méthodes allopathiques combinées aux approches complémentaires et parallèles choisies en fonction des préférences du client (Henricson, Ersson, Määttä et al., 2008). Le type d’approches complémentaires et intégrées dépend donc des préférences du client, de son mode d’adaptation, de sa capacité physique et de sa personnalité. La musicothérapie, la relaxation, l’imagerie mentale dirigée, la massothérapie, la visualisation, la prière, le biofeedback – une méthode utilisant la technologie an d’amener le client à prendre conscience de phénomènes physiologiques inconscients et apprendre à les modifier – s’avèrent autant de méthodes possiblement utiles aux clients en soins critiques (Austin, 2010 ; Caine, 2003). En outre, le toucher thérapeutique serait associé à une diminution notable de l’anxiété et des symptômes de détresse (Jackson, Kelly, McNeil et al., 2008). Bien qu’une recherche approfondie soit nécessaire pour conrmer l’utilité des approches complémentaires et parallèles relativement à certains résultats observés chez des

Chapitre 5

Gestion des dés psychologiques et spirituels

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1 Dans le chapitre 1, Pratique inrmière en soins critiques, les approches complémentaires et parallèles en santé sont abordées.

clients hospitalisés aux soins critiques, les premières études sur le sujet concluent que ces approches présentent un certain potentiel à titre d’interventions inrmières 1 .

Créer un environnement propice au rétablissement Les personnes sont le reet de leur environnement. Or, certains changements dans l’environnement physique du client hospitalisé aux soins critiques peuvent entraîner une sensation de calme, favoriser l’adaptation du client et son rétablissement (Bazuin & Cardon, 2011). En ce sens, l’inrmière peut modier le milieu de soins en vue d’accentuer le confort du client et mettre ce dernier à son aise pour la durée de son séjour à l’unité.

| Assouplir les droits de visite | Si les pratiques varient selon l’unité de soins critiques, il s’avère que l’assouplissement des droits de visite rendrait l’environnement de soins plus humain et favoriserait la guérison. À cet égard, l’énoncé de position Structure of Critical Care Units de la Canadian Association of Critical Care Nurses (CACCN, 2011) recommande d’accorder des droits de visite sans restriction à une personne qui soutient le client. En outre, le fait de permettre aux membres de la famille de visiter leur proche hospitalisé augmenterait le degré de satisfaction du client et de la famille, ainsi que la sécurité des soins. En effet, les membres de la famille connaissent le comportement et les préférences du client et savent les interpréter, même si ce dernier est incapable de communiquer. Par ailleurs, les interactions entre le client et les membres de sa famille contribuent à réduire l’anxiété de ce dernier ainsi qu’à augmenter son impression de contrôle sur sa vie (Black, Boore, Parahoo et al., 2011). Finalement, il a été démontré que le fait d’inclure les clients et leur famille dans les tournées interdisciplinaires contribue à améliorer la satisfaction relative à l’accessibilité et à la communication avec l’équipe soignante (Jacobowski, Girard, Mulder et al., 2010). | Apaiser l’environnement physique | L’environnement des soins critiques est très éclairé, bruyant et fréquenté. Il est donc recommandé de fermer la porte des aires voisines, d’avoir recours aux rideaux d’isolement, d’éteindre les appareils bruyants qui fonctionnent inutilement et de réduire le bruit au poste de travail. De plus, les interruptions par les appels inrmiers peuvent être réduites grâce à l’utilisation de téléphones intelligents. La musique peut également y être utilisée à titre thérapeutique. Il est recommandé de régler l’éclairage en respectant les préférences des clients, de leur permettre d’être exposés à la lumière du soleil, s’il y a lieu, et de les mettre dans une position où ils peuvent voir par la fenêtre (Bazuin & Cardon, 2011). Tout en respectant les politiques de l’unité, il convient de rendre la chambre du client plus personnelle en afchant des photos, des cartes, des dessins ou bien en y exposant

90

Partie 1

Fondements généraux

ses objets préférés. Par ailleurs, la privation de sommeil constitue un enjeu d’une grande importance en soins critiques. An d’éviter d’exposer les clients à une lumière qui risque de les réveiller, il est préférable de regrouper les interventions inrmières de manière que les visites nocturnes soient réduites. Dans le même ordre d’idées, l’inrmière peut travailler de concert avec les autres membres du personnel pour tenter de réduire les interruptions du sommeil des clients (Dunn, Anderson & Hill, 2010 ; Lusk et Lash, 2005).

Centrer les soins sur le client et ses proches Les soins axés sur le client et ses proches, qui sont approuvés par la CACCN à titre de valeur fondamentale en soins critiques, considèrent ofciellement ces personnes comme un tout. Les soins reposent alors sur la conviction que le client et ses proches doivent prendre les décisions ensemble et que le client a besoin de l’amour, de la compréhension et du soutien de sa famille lorsqu’il fait face à une maladie grave (Hynes, Conlon, O’Neill et al., 2008 ; Mitchell, Chaboyer, Burmeister et al., 2009). En outre, le fait de voir que l’inrmière soutient les membres de sa famille procure un sentiment de réconfort au client. Les éléments essentiels aux soins axés sur le client et ses proches sont le respect, la collaboration et le soutien. Les recherches sur le sujet ont démontré que les membres de la famille des clients en soins critiques cherchent à être informés, rassurés et à demeurer près d’eux. Ils veulent également être renseignés de façon juste et compréhensible tout en pouvant garder espoir (Verhaeghe et al., 2007). En outre, la majorité des familles qui prennent part aux soins bénécient d’une perspective plus positive de la situation. En temps de crise, les proches deviennent euxmêmes particulièrement sensibles aux mots et aux gestes de l’inrmière. Il s’avère donc essentiel que cette dernière fasse preuve de compréhension et d’acceptation. Même si le personnel inrmier en soins critiques a rarement le temps ou l’occasion d’effectuer une évaluation familiale complète ou de fournir un soutien continu à tous les membres de la famille, il n’en demeure pas moins qu’il peut observer la qualité des interactions entre le client et sa famille en vue d’aider celle-ci à soutenir son proche (Tulsky, 2005). En outre, c’est le client qui décide qui fait partie ou non de sa famille. Il est donc recommandé de considérer les proches non biologiques et les partenaires (même s’ils ne sont pas unis aux clients sur le plan légal) comme des membres à part entière de la famille ou du réseau de soutien s’il s’agit là de la nature des liens qui les unissent au client. Finalement, l’inrmière en soins critiques prévoit des interventions en vue de soutenir les membres de la famille du client tout au long de l’hospitalisation de ce dernier à l’unité ENCADRÉ 5.3.

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 5.3

Intervenir pour soutenir la famille

Le soutien à la famille peut être déni comme étant la promotion des valeurs, des intérêts et des objectifs familiaux. Les interventions suivantes favorisent le soutien envers le client et ses proches. • Assurer à la famille que les meilleurs soins possible sont prodigués au client. • Évaluer la réaction émotionnelle de la famille à l’annonce de l’état de santé du client. • Déterminer la charge psychologique du pronostic chez la famille. • Encourager l’espoir réaliste. • Écouter la famille faire part de ses inquiétudes, de ses émotions et de ses questions. • Favoriser la communication des inquiétudes et des émotions entre le client et sa famille ou entre les membres de la famille. • Promouvoir les liens de conance au sein de la famille. • Accepter les valeurs de la famille sans la juger. • Répondre à toutes les questions des membres de la famille ou aider ces derniers à obtenir des réponses. • Orienter la famille dans le milieu de soins (unité ou clinique). • Aider la famille à satisfaire ses besoins fondamentaux (hébergement, alimentation, habillement). • Cerner la nature du soutien spirituel auquel la famille a recours. • Reconnaître les points communs entre les attentes du client, de la famille et des professionnels de la santé. • Résoudre les divergences entre les attentes du client, de la famille et des professionnels de la santé grâce à la communication. • Aider les membres de la famille du client à reconnaître et à régler les conits de valeurs. • Respecter et appuyer les stratégies d’adaptation utilisées par la famille du client. • Fournir une rétroaction à la famille relativement à son adaptation. • Conseiller les membres de la famille quant à des stratégies d’adaptation supplémentaires qu’ils pourraient utiliser. • Mettre des ressources spirituelles à la disposition de la famille, s’il y a lieu.

• Informer régulièrement la famille des progrès réalisés par le client tout en respectant les préférences de ce dernier. • Informer la famille des plans de soins médicaux et inrmiers. • Fournir à la famille les connaissances nécessaires en ce qui a trait aux options qui les aideront à prendre les décisions qui s’imposent relativement aux soins prodigués au client. • Inclure les membres de la famille et le client dans les décisions relatives aux soins, s’il y a lieu. • Inciter les membres de la famille à prendre ensemble les décisions relatives aux soins à long terme qui auront une incidence sur la structure familiale et sur les moyens nanciers. • Reconnaître sa compréhension des décisions familiales prises relativement aux soins qui seront prodigués au client après son congé de l’hôpital. • Aider la famille à acquérir les connaissances, les aptitudes et le matériel nécessaires en vue de maintenir leur engagement relativement aux soins prodigués au client. • Défendre les intérêts de la famille, s’il y a lieu. • Promouvoir l’afrmation de soi chez les membres de la famille dans leur recherche de renseignements, s’il y a lieu. • Donner la chance aux membres de la famille éloignée du client de lui rendre visite, s’il y a lieu. • Présenter la famille à d’autres familles qui vivent la même expérience, s’il y a lieu. • Prodiguer les soins au client à la place de la famille lorsqu’elle ne peut s’en charger ou pour lui offrir un répit. • Coordonner des soins de relève continus selon le besoin et le désir de la famille. • Donner la chance aux membres de la famille de prendre part à un groupe de soutien par les pairs. • Diriger la famille vers une thérapie familiale, s’il y a lieu. • Informer les membres de la famille de la façon dont ils peuvent avoir accès à l’inrmière. • Aider les membres de la famille à vivre le décès et le deuil, s’il y a lieu.

Source : Adapté de Bulechek, Butcher, Dochterman et al. (Eds) (2013)

Recourir à des ressources spirituelles Une période de crise peut mener à un renouveau spirituel positif et à une vie spirituelle plus riche. En effet, les croyances et les pratiques spirituelles et religieuses procurent souvent aux clients et à leur famille une certaine forme d’acceptation de la maladie, un sentiment de contrôle, une force qui leur permet de faire face aux stresseurs inhérents à la maladie ainsi qu’un sentiment d’espoir et de conance plus grands que ceux suscités par les interventions médicales. Les stratégies de soins spirituels transformatrices sont particulièrement utiles en temps de crise et d’incertitude. En effet, lorsqu’ils sont confrontés à une grande difculté, les gens ont besoin de certaines ressources qui leur permettront de transcender leur sort et de savoir que quoi qu’il arrive, ils vont s’en sortir. Les ressources spirituelles comprennent la foi

en une force supérieure, les groupes de soutien, l’espoir et le sentiment que la vie a un sens, ainsi que les pratiques religieuses. En outre, la spiritualité du client et de ses proches a une incidence sur leur capacité à s’adapter à une perte (Hermann, 2007). L’étude qualitative de Cutcliffe (1996) portant sur l’espoir chez les clients atteint d’une maladie grave a révélé qu’un lien direct est perçu entre l’espoir et l’aide, c’est-à-dire que lorsque les clients savent qu’ils reçoivent de l’aide, ils gardent espoir. Les clients consultés ont également révélé que l’espoir et la sollicitude sont étroitement liés. Ainsi, les clients atteints d’une maladie grave ressentent de l’espoir lorsqu’ils savent que quelqu’un se soucie et s’occupe d’eux. En outre, l’espoir est lié à l’avenir personnel du client et sert de stratégie d’adaptation. De plus, dans la description que chacun des clients interrogés par Cutcliffe a donnée de l’espoir, il

Chapitre 5

Gestion des dés psychologiques et spirituels

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5

s’avère que l’inrmière joue un rôle central, voire inspirant. Les interventions inrmières qui font naître l’espoir chez le client sont à la fois simples, discrètes et informelles. Il s’agit d’écouter les inquiétudes de celui-ci, de lui offrir du soutien, d’être présent, de préserver sa dignité et d’établir une relation basée sur la sollicitude et la conance pour que le client garde espoir (Tanis & DiNapoli, 2008). Les clients entretiennent divers espoirs au cours de leur maladie. Il convient donc d’être à l’affût des changements en ce qui concerne leurs espérances et de trouver des façons de les aider à atteindre leurs objectifs (Chochinov et al., 2006). Bien qu’il soit important de souligner les différences entre les questions d’ordre spirituel et religieux (Puchalski, 2007-2008), il s’avère que de nombreuses personnes puisent une force spirituelle dans l’adhésion à une tradition religieuse précise. Elles y trouvent l’inspiration nécessaire pour survivre et ressentent de l’espoir, du réconfort, de l’assurance et de la conance lorsqu’elles lisent des textes sacrés ou qu’elles pratiquent leurs rituels et leurs croyances avec leur groupe confessionnel. Ainsi, il est recommandé de faciliter l’accès du client aux pratiques religieuses à titre d’activités qui favorisent le maintien de l’espoir ainsi que de l’aider à établir un lien avec sa communauté spirituelle ou culturelle. L’inrmière peut également collaborer avec le service de soutien spirituel du centre hospitalier lorsqu’elle sent que les besoins du client sont insatisfaits ou que des questions demeurent sans réponse sur le plan spirituel. Dans bien des cas, les spécialistes du soutien spirituel sont les personnes les mieux placées pour évaluer les besoins du client à ce sujet et planier les interventions qui s’imposent. De plus, les chefs spirituels et religieux peuvent apporter une perspective précieuse relativement aux décisions éthiques qui pourraient avoir des répercussions sur les valeurs et les croyances du client. Les pratiques religieuses, spirituelles ou philosophiques peuvent servir directement d’indices quant aux rituels alimentaires et d’hygiène ainsi que ceux entourant la naissance, la mort et les interventions médicales.

5.8

33 Un questionnaire de dépis­ tage de l’alcoolisme est pré­ senté dans le chapitre 33, Trauma.

92

Partie 1

Client atteint de comorbidités d’ordre psychologique

Il n’est pas rare que des clients admis aux soins critiques soient atteints de troubles mentaux préexistants. Or, la dépression chronique, les troubles bipolaires, la dépendance et les comportements autodestructeurs, dont les tentatives de suicide, peuvent s’avérer la principale cause de l’hospitalisation aux soins critiques. L’équipe médicale doit faire en sorte que le client reçoive les médicaments dont il a besoin pour traiter ses troubles mentaux pendant son séjour aux soins critiques, à moins d’une contre-indication

Fondements généraux

d’ordre médical. En outre, si le client ne peut prendre ses médicaments par voie orale, il convient de trouver une autre voie d’administration, dans la mesure du possible. Si, pour des raisons médicales, un traitement psychotrope doit être interrompu, il est recommandé de discuter de la nécessité de recommencer le traitement avec les professionnels de la santé qui s’occuperont du client à sa sortie de l’unité de soins critiques.

5.8.1

Sevrage de l’alcool aux soins critiques

Le personnel inrmier qui travaille dans tout milieu de soins critiques doit être en mesure de reconnaître les symptômes de sevrage aux substances chimiques, dont l’alcool, car ils risquent de compliquer la guérison de l’affection pour laquelle le client a été admis aux soins critiques. Il n’est pas rare qu’au moment d’une admission d’urgence à l’unité de soins critiques, les antécédents relatifs à la consommation d’alcool ou de drogues ne soient pas mentionnés au dossier. D’ailleurs, les recherches sur le sujet ont démontré que 20 % des admissions aux soins critiques étaient liées à l’abus d’alcool et que l’alcoolisme chronique peut affecter jusqu’à 60 % des clients victimes de trauma (Awissi, Lebrun, Coursin et al., 2013). Sans traitement, le sevrage peut se transformer en délire alcoolique (ou delirium tremens), une grave complication qui peut se manifester de trois heures à sept jours suivant la dernière consommation d’alcool. Le point culminant du sevrage survient au cours des 48 à 72 heures suivant la dernière consommation chez une personne dépendante à l’alcool (Dumont, 2009). Les signes et les symptômes du syndrome de sevrage de l’alcool (SSA) peuvent être facilement confondus avec ceux d’autres affections. Le client atteint du SSA présente des troubles de la concentration, des tremblements, une hyperexcitation autonome, des hallucinations, une désorientation, une psychose, une tachycardie, une hypertension, une faible èvre, une agitation, une diaphorèse ou un délire alcoolique (Nuss, Elnicki, Dunsworth et al., 2004). L’inrmière aux soins critiques peut évaluer rapidement et efcacement les risques du client d’être atteint du SSA grâce à la version révisée de la Clinical Institute Withdrawal Assessment for Alcohol Scale (CIWA-Ar) (Sullivan, Sykora, Schneiderman et al., 1989). Cette échelle en 10 points évalue la présence : 1) d’agitation ; 2) d’anxiété ; 3) de perturbations auditives ; 4) de problèmes d’orientation ; 5) de maux de tête ; 6) de nausées et vomissements ; 7) de sueurs paroxystiques ; 8) de perturbations tactiles ; 9) de tremblements ; 10) de perturbations visuelles 33 . Le protocole thérapeutique relatif au syndrome de sevrage de l’alcool dépend de la gravité des symptômes du client. Les médicaments les plus couramment utilisés sont le chlordiazépoxyde et le lorazépam pour soulager les symptômes

de sevrage. De plus, de la thiamine, de l’acide folique et des multivitamines devraient être ajoutés au soluté intraveineux (Dumont, 2009 ; Nuss et al., 2004).

suivi du client une fois qu’il aura reçu son congé de l’unité ou du centre hospitalier (Lane, Archambault, Collins-Poulette et al., 2010).

5.8.2

5.9

Clients ayant fait une tentative de suicide

Il arrive que les infirmières des soins critiques traitent des clients qui ont fait une tentative de suicide. Il est alors particulièrement important de leur prodiguer des soins qui préservent leur dignité. L’inrmière devrait rééchir à sa propre disposition à l’égard des comportements autodestructeurs. Souvent, les clients qui attentent à leurs jours sont stigmatisés, et les professionnels de la santé n’apprécient pas particulièrement l’idée de prodiguer des soins à un client responsable de la nature critique de son état de santé. Cependant, une tentative de suicide indique que le client souffre d’une si grande détresse personnelle et spirituelle qu’il a ressenti le désir de mourir. En outre, le comportement suicidaire se trouve à l’extrémité du continuum des réactions d’autoprotection aux difcultés de la vie, mais du côté de la l’inadaptation (Stuart, 2009). Généralement, une personne qui fait une tentative de suicide est transférée de l’unité de soins critiques dès qu’elle est stable sur le plan médical, en vue de procéder à une évaluation psychologique approfondie ainsi qu’à des soins psychologiques. Toutefois, pour la durée du séjour du client aux soins critiques, les principales interventions infirmières comprennent la validation de la valeur et de l’estime de soi du client, la maîtrise de son état émotionnel et de ses comportements ainsi que la mobilisation de son réseau de soutien social, lequel s’avérera nécessaire pour son rétablissement à long terme (Stuart, 2009 ; Varacarolis & Halter, 2010). L’inrmière s’occupe également des proches du client qui a tenté de se suicider. Ces personnes vivent souvent une situation de crise familiale et peuvent éprouver de la honte, de la culpabilité et de la colère à l’égard du client. Il est recommandé de parler aux proches du client dans un lieu privé et d’établir une atmosphère qui laisse voir un souci du client. Avant de donner son congé de l’unité ou du centre hospitalier au client, il est préférable de recueillir des données d’évaluation auprès des proches, notamment des renseignements sur le passé médical et les antécédents psychiatriques du client, sur toute autre tentative de suicide, sur la présence d’un élément qui aurait pu déclencher ce comportement autodestructeur (mésentente récente, anniversaire, perte), sur la présence de stresseurs aigus dans l’environnement du client ainsi que sur l’accessibilité à un réseau de soutien. Les proches du client devraient également être incités à informer les professionnels de la santé si ce dernier a récemment cessé de prendre des psychotropes ou de voir son intervenant en santé mentale, ainsi qu’à planier sans tarder le

Santé de l’inrmière 5

L’inrmière en soins critiques possède les connaissances, la sagesse et le pouvoir nécessaires pour aider les personnes qui sont confrontées à l’incertitude et à la souffrance. Considérant que le travail de l’inrmière en soins critiques contribue au maintien de la vie, il est essentiel que cette dernière prenne soin d’elle-même de façon constante. En effet, une inrmière ne peut prodiguer des soins avec dévouement et compassion si elle se sent épuisée ou si elle ne s’occupe pas de son propre bien-être. Dans un contexte de soins critiques, le personnel inrmier a rarement le temps de se remettre d’une situation épuisante sur le plan émotionnel avant de devoir intervenir à nouveau. Les inrmières sont souvent témoins au quotidien d’une souffrance prolongée et concentrée, ce qui peut provoquer chez elles de la frustration, de la colère, de la culpabilité, de la tristesse ou de l’anxiété. En outre, une exposition fréquente, intense ou prolongée à un deuil ou à une perte fait en sorte que l’inrmière risque de souffrir d’usure de compassion, une forme d’épuisement physique, émotionnel et spirituel accompagnée d’une souffrance morale. Les stresseurs inhérents à la prestation de soins peuvent entraîner une diminution de la capacité à ressentir de la compassion et de l’empathie à l’égard des personnes qui souffrent (Bush, 2009). De plus, les inrmières sont elles aussi sujettes à l’ESPT en réaction au stress incessant et aux difcultés psychologiques que représente le fait de prodiguer des soins dans des situations extrêmes (Mealer, Burnham, Goode et al., 2009 ; Mealer, Shelton, Berg et al., 2007). An d’éviter d’être trop atteinte par la souffrance de ses clients ou de se détacher d’eux, l’inrmière peut avoir recours à des activités où elle prend soin d’ellemême, ce qui lui permettra de conserver un certain équilibre. En premier lieu, les inrmières devraient utiliser l’autoréexion lorsqu’elles se sentent bouleversées en vue de cerner les raisons qui expliquent ces sentiments. Le bouleversement s’explique bien souvent par de nombreuses causes : de la tristesse à l’égard d’un client, une surcharge de travail, un climat hostile au travail (Alspach, 2008), une erreur professionnelle (Deslauriers, Alderson, Caux et al., 2013) ou des problèmes d’ordre personnel, par exemple. La réexion constitue une première étape importante, car sans prise de conscience, il est difcile de trouver des solutions. Également, le fait de parler à des amis, à un intervenant en soins spirituels ou à un collègue proche peut aider l’inrmière à reconnaître son chagrin et à rééchir au sens de son travail.

Chapitre 5

Gestion des dés psychologiques et spirituels

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En second lieu, les techniques de gestion du stress contribuent à favoriser un regain d’énergie et de bonheur à prodiguer des soins aux clients. Dans certains cas, l’inrmière peut choisir de travailler temporairement dans un milieu moins stressant sur le plan émotionnel. Les inrmières qui prennent soin de leur bien-être physique et psychologique ont plus de chances que les autres de vivre une croissance sur les plans professionnel et personnel ainsi que de trouver un sens à leur travail. Il est donc recommandé de garder une bonne santé physique en optant pour une alimentation équilibrée, en faisant de l’activité physique, en s’adonnant à des activités reposantes, en riant et en s’assurant de dormir sufsamment. Également, il convient de promouvoir la bonne santé émotionnelle en prenant part à des activités de relaxation comme la méditation, les réexions quotidiennes empreintes de gratitude, les techniques de respiration

profonde, la marche ou l’écoute de musique (Showalter, 2010 ; Wilson, 2008). Il est recommandé de s’adonner à des activités d’éveil spirituel, comme le fait de tenir un journal intime, de partager ses histoires, de reconnaître sa contribution et son talent et d’entretenir un lien avec son moi intérieur (Hunnibell, Reed, Guinn-Grifn et al., 2008). Étant donné les exigences constantes du travail de l’inrmière aux soins critiques, il est important d’arriver à un certain équilibre entre le travail et les loisirs ainsi que le repos. L’inrmière accorde donc une partie de son temps aux personnes ainsi qu’aux activités qui lui permettent de nourrir son âme. Finalement, il convient d’apprendre du courage dont font preuve les clients et les membres de leur famille. Ainsi, en portant une attention constante à sa propre santé physique et psychologique, l’inrmière éprouvera de la joie et un sentiment d’accomplissement à travailler aux soins critiques.

ÉTUDE DE CAS SOLUTIONNAIRE

http://mabibliotheque. cheneliere.ca

Cliente ayant des besoins d’ordre psychologique Mise en contexte Alice Richard est une jeune femme de 17 ans qui a consommé une surdose d’acétaminophène quand son petit ami l’a quittée. Elle afrme qu’elle ne voulait pas mettre n à ses jours, qu’elle cherchait seulement à effrayer son copain. Alice a de la difculté à accepter l’idée qu’elle a besoin d’une évaluation psychiatrique ainsi que d’examens paracliniques qui permettront d’écarter la possibilité de graves lésions hépatiques.

Manifestations cliniques Alice a été admise aux soins critiques à partir de l’urgence où son état était stable. Elle est éveillée, alerte et orientée dans le temps et dans l’espace. Elle sait ce qu’il s’est passé et reconnaît les gens qui l’entourent. Elle est irritable, repliée sur elle-même et souhaite rester seule. Ses parents sont à son chevet et expriment à l’inrmière leurs profonds sentiments de peur, de confusion et d’incertitude en ce qui a trait à la gravité de l’état psychologique et physique de leur lle.

Collecte des données objectives Une évaluation psychiatrique est effectuée. Il est recommandé qu’Alice reçoive des soins psychiatriques en milieu hospitalier dès que son état médical s’avère stable.

Diagnostic médical Alice souffre d’une intoxication à l’acétaminophène et risque une insufsance hépatique.

94

Partie 1

Fondements généraux

Questions 1. Quels sont les principaux résultats escomptés pour cette cliente ? 2. Quels problèmes prioritaires ou risques doivent être contrôlés et inscrits au plan thérapeutique inrmier (PTI) pour obtenir ces résultats ? 3. Quelles interventions doivent être mises en œuvre et inscrites au PTI pour surveiller, prévenir, gérer ou éliminer les problèmes et les risques désignés ? 4. Quelles interventions devraient être mises en œuvre pour optimiser le fonctionnement, la sécurité et le bien-être de la cliente ? 5. Quels besoins d’enseignement prévoyez-vous pour cette cliente ? 6. Quels facteurs liés à la culture et à l’âge de la cliente peuvent inuer sur le plan de soins et de traitements ?

À RETENIR • L’infirmière en soins critiques tient compte du lien entre tous les aspects de l’être, qu’ils soient physiques, psychologiques ou spirituels, lorsqu’elles prodiguent des soins de santé holistiques aux clients dont l’état de santé est critique. • Les clients hospitalisés aux soins critiques doivent s’adapter à de nombreux stresseurs. La réaction de chacun est unique et dépend de toute une gamme de facteurs environnementaux et individuels. • La perception qu’une personne a d’ellemême, de sa relation avec les autres, de ses valeurs spirituelles et de sa compétence dans son rôle social a une inuence sur la façon dont elle réagit au stress et à la maladie. • L’anxiété est une réaction subjective normale et courante de l’être humain à une

menace perçue ou réelle qui varie de la vague sensation pénible et généralisée à l’état de panique pouvant conduire à la perte de maîtrise de soi. • Le client atteint d’une maladie ou qui souffre d’une blessure grave vit souvent des perturbations de l’image corporelle, de l’estime de soi et de son identité. • La détresse spirituelle, le désespoir et l’impuissance peuvent compliquer la guérison des clients atteints d’une maladie grave. Ces questions doivent être abordées par l’infirmière en soins critiques. • Chaque personne privilégie une série de stratégies d’adaptation qui lui permettent de faire face aux stresseurs. • Les soins qui préservent la dignité comprennent des pratiques axées sur

Chapitre 5

l’attitude, le comportement, la compassion et dialogue. • Le soutien de la part de la famille et des amis constitue une source de force et d’espoir aux yeux des clients qui sont confrontés aux stresseurs d’une maladie ou d’une blessure grave. • La spiritualité donne aux clients des moyens de transcender leur situation, d’accepter ce qui ne peut être changé et de nourrir l’espoir et la conance en soi, en autrui ainsi qu’en la transcendance de leur sort. • L’inrmière en soins critiques s’assure de prendre soin d’elle-même, et ce, pour son propre bien-être, mais aussi an de continuer à donner un sens à son travail auprès des clients gravement malades et de leurs proches.

Gestion des dés psychologiques et spirituels

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chapitre

6

Altérations et gestion du sommeil

Écrit par : Kathleen M. Stacy, PhD, RN, CNS, CCRN, PCCN, CCNS Adapté par : Émilie Gosselin, inf., M. Sc.

L

’inrmière qui connaît l’importance du sommeil accorde une priorité accrue à celui du client (Matthews, 2011). Cependant, l’inrmière en soins critiques réveille régulièrement le client hospitalisé pour effectuer une évaluation, procéder à un traitement ou à un autre type d’intervention. Le bruit ambiant, la douleur ou l’anxiété peuvent aussi perturber le sommeil du client à l’unité de soins critiques ou de soins intensifs (Bokyo, Ording & Junnum, 2012). Bien que les soins soient prioritaires, il faut savoir qu’interrompre le repos du dormeur n’a pas pour seule conséquence la privation de sommeil ; celle-ci peut aussi entraîner des troubles chroniques du sommeil, nuire au rétablissement et réduire la qualité de vie du client (Matthews, 2011). An de faciliter le sommeil et la guérison du client, l’inrmière en soins critiques possède des connaissances élémentaires sur le sommeil. Ce chapitre porte sur les caractéristiques normales du sommeil, sur sa chronobiologie, sur la perturbation des cycles du sommeil pouvant affecter le client en situation critique de santé et sur la pharmacothérapie qui s’y rattache. Il présente également des soins fondés sur des résultats probants auprès de clients en situation critique de santé atteints de troubles respiratoires du sommeil comme l’apnée obstructive du sommeil et l’apnée centrale du sommeil.

6.1

Sommeil normal de l’être humain

L’être humain consacre environ le tiers de sa vie au sommeil. Dans le domaine du comportement, le sommeil se dénit comme un état réversible de désengagement perceptuel et d’absence de réaction à l’environnement (Carskadon & Dement, 2011). Le sommeil est un besoin essentiel de l’être humain, au même titre que la prise de nourriture et d’eau.

6.1.1

Physiologie du sommeil

Pour que le client puisse retrouver et maintenir une santé physique et mentale optimale, il doit pouvoir dormir sufsamment et proter d’un sommeil réparateur. An d’aider le client à y arriver au mieux, l’inrmière sait ce qu’est un sommeil normal et comment un plan de soins et de traitements inrmiers peut l’aider à atteindre ce but. Divers examens permettent de documenter la physiologie et les perturbations du sommeil, comme la polysomnographie (PSG), l’électro-oculographie (EOG), l’électromyographie (EMG) et l’électrocardiogramme (ECG). La PSG consiste à mesurer les ondes cérébrales à l’aide d’électrodes d’électroencéphalogramme (EEG) xées sur le cuir chevelu du client (Jafari & Mohsenin, 2010). Au cours de l’examen, les changements de fréquence (nombre d’oscillations) et d’amplitude (hauteur des oscillations) de l’EEG permettent de séparer le sommeil en stades. Les stades du sommeil se distinguent principalement par les ondes d’EEG qu’ils produisent. Sur le tracé d’EEG, le sommeil est divisé par époque ou segment de 30 secondes. Les critères de division des stades du sommeil d’un nourrisson diffèrent de ceux utilisés pour l’adulte (Jafari & Mohsenin, 2010). L’EOG mesure les mouvements oculaires. Elle permet de déterminer si le client est en stade de sommeil paradoxal (caractérisé par des mouvements oculaires rapides) ; elle sert aussi à établir le début du sommeil, indiqué par le lent roulement des yeux (Jafari & Mohsenin, 2010). L’EMG consiste à placer des électrodes sur divers groupes de muscles. Des électrodes xées sur le menton peuvent aider à détecter l’atonie musculaire liée au sommeil paradoxal. Des électrodes intercostales détectent l’effort respiratoire, tandis que des électrodes placées sur les muscles tibiaux antérieurs détectent les mouvements de jambe qui peuvent réveiller le client. L’ECG montre toute anomalie cardiaque, et la saturométrie mesure la saturation du sang artériel en oxygène (SaO2). Des bandes piézoélectriques (captant la déformation élastique et la transformant en activité électrique) disposées autour de la poitrine et de l’abdomen détectent des troubles respiratoires du sommeil tels que l’apnée obstructive du sommeil (AOS). Enn, des sondes thermocouples sont utilisées pour surveiller le ux respiratoire, ou l’écoulement d’air, dans le nez et la bouche (Jafari & Mohsenin, 2010).

6.1.2

Stades du sommeil

L’être humain a trois états de vigilance : 1) l’éveil ; 2) le sommeil lent ; 3) le sommeil paradoxal. Le sommeil lent occupe généralement de 62 à 80 % du cycle du sommeil, et le sommeil paradoxal en couvre de 20 à 25 % (Collop, Salas & Delato, 2008). De brefs épisodes d’éveil peuvent également se produire au cours de la nuit, et la personne ne s’en souvient généralement pas au réveil. Le sommeil lent est une période réparatrice qui soulage le stress des périodes d’éveil, tandis que le sommeil paradoxal sert à régénérer les facultés créatives du cerveau (Carskadon & Dement, 2011 ; Ganz, 2012 ; Siegel, 2011).

6

Sommeil lent Le sommeil lent, caractérisé par des mouvements oculaires lents, peut être divisé en trois stades qui correspondent à un sommeil de plus en plus profond. L’adulte commence généralement son sommeil par le stade 1, un sommeil léger de transition duquel il peut être tiré par un léger contact ou par la mention de son nom à voix basse. Sur l’EEG, le stade 1 est représenté par des oscillations de faible tension électrique à fréquences mixtes et par des ondes abruptes et pointues qui tendent à ralentir de plus en plus au cours de l’endormissement (Collop et al., 2008). Pendant ce stade, l’EOG peut indiquer des mouvements oculaires latéraux lents. Le stade 1 représente de 2 à 5 % d’une nuit de sommeil (Collop et al., 2008). Le client dont le sommeil est gravement perturbé peut avoir une plus grande proportion de stade 1 dans son cycle du sommeil. Pendant la transition entre l’éveil et le sommeil, il peut subir une brève perte de mémoire (Jafari & Mohsenin, 2010). Ainsi, il ne se rappellera peut-être pas les instructions données par l’inrmière pendant cette transition. Le stade 2 du sommeil occupe de 45 à 55 % de la nuit (Collop et al., 2008). Le sommeil devient plus profond, et le seuil d’éveil du client est plus élevé (Collop et al., 2008). Les changements observés sur l’EEG incluent l’apparition de fuseaux du sommeil (train occasionnel d’ondes de haute fréquence) et de complexes K (ondes rapides de grande amplitude) (Collop et al., 2008). À mesure que le stade 2 avance, la tension électrique augmente, et une activité à ondes lentes commence à apparaître sur le tracé d’EEG (Jafari & Mohsenin, 2010). Quand les ondes lentes représentent 20 % de l’activité de l’EEG par page, cela répond aux critères du stade 3 du sommeil, qui constitue de 15 à 20 % d’une nuit de sommeil (Collop et al., 2008). À ce stade, les ondes lentes continuent d’augmenter jusqu’à ce qu’elles représentent 50 % des oscillations de l’EEG. Le stade 3 du sommeil lent est souvent appelé sommeil profond (Collop et al., 2008). Le sommeil lent est dominé par le système nerveux parasympathique. Le corps effectue une régulation entraînant une diminution de la dépense énergétique an de rétablir l’homéostasie. La pression artérielle (P.A.), les fréquences cardiaque et respiratoire ainsi que le métabolisme descendent à des valeurs basales. Chapitre 6

Altérations et gestion du sommeil

97

FIGURE 6.1 Nature cyclique du sommeil.

Les valeurs d’EMG sont plus faibles au cours du sommeil lent que durant l’éveil, mais ne sont pas aussi basses que pendant le sommeil paradoxal. La transpiration ou le frissonnement d’un client présentant des températures extrêmes ont lieu pendant le sommeil lent, mais ils cessent pendant le sommeil paradoxal (Carskadon & Dement, 2011). Au cours du sommeil profond, 80 % de la quantité quotidienne d’hormone de croissance est libérée, ce qui stimule la synthèse des protéines tout en limitant le catabolisme. La libération d’autres hormones, telles que la prolactine et la testostérone, indique qu’il se produit de l’anabolisme pendant le sommeil profond. La libération de cortisol est maximale tôt le matin, tandis que la mélatonine est libérée seulement quand il fait noir. La sécrétion d’hormones thyroïdiennes est inhibée pendant le sommeil. Les activités liées au stade 3 du sommeil lent sont notamment la synthèse des protéines et la réparation de tissus tels que les cellules épithéliales et les cellules spécialisées du cerveau, de la peau, de la moelle osseuse et de la muqueuse gastrique (Ganz, 2012).

Sommeil paradoxal Le sommeil paradoxal, caractérisé par des mouvements oculaires rapides, représente de 20 à 25 % de la nuit de sommeil d’un jeune adulte en bonne santé (Collop et al., 2008). Puisque la majorité des rêves survient pendant ce stade, il est parfois appelé stade du rêve, même si le rêve ne caractérise aucun stade du sommeil en particulier. Le sommeil paradoxal peut être vu comme un état où le cerveau est très actif dans un corps paralysé, d’où son nom. Le paradoxe tient au fait que certaines régions du cerveau restent très actives, tandis que d’autres sont inhibées. Les oscillations de l’EEG montrent une tension électrique assez faible et des ondes en dents de scie. L’activité corticale est accrue, et le tracé d’EEG ressemble à celui de l’état d’éveil. Des poussées synchronisées de mouvements oculaires latéraux rapides et une activité électromyographique inhibée (atonie musculaire) sont observées, ce qui indique une paralysie fonctionnelle des muscles squelettiques (Siegel, 2011). Le système nerveux sympathique prédomine durant le sommeil paradoxal. La P.A., le débit cardiaque ainsi que les fréquences respiratoire et cardiaque deviennent variables, et la consommation d’oxygène augmente. C’est pendant le sommeil paradoxal que le corps réagit le moins à une concentration réduite en oxygène et à une concentration accrue en dioxyde de carbone (gaz carbonique). Le tonus du nerf vague efférent est généralement inhibé, ce qui augmente la fréquence cardiaque, et une respiration irrégulière peut causer une diminution d’apport d’oxygène, particulièrement chez le client atteint d’une maladie pulmonaire ou cardiaque. Pendant le sommeil paradoxal, une augmentation des extrasystoles ventriculaires et des tachyarythmies peuvent être accompagnées de

98

Partie 1

Fondements généraux

pauses respiratoires. Des pics de P.A. et des augmentations de la fréquence cardiaque, du tonus artériel dans les coronaires et de la viscosité sanguine peuvent causer à la fois la rupture des plaques d’athérosclérose et l’hypercoagulabilité chez les personnes ayant une maladie cardiaque (Siegel, 2011).

6.1.3

Cycles du sommeil

Les sommeils lent et paradoxal se produisent en alternance au cours de la nuit FIGURE 6.1. Le dormeur amorce généralement sa nuit au stade 1 du sommeil lent et progresse vers les stades 2 et 3, puis revient au stade 2, moment où commence généralement le sommeil paradoxal. Le premier cycle dure normalement de 70 à 100 minutes, et les cycles suivants, de 90 à 120 minutes. Le sommeil normal d’un adulte comporte quatre ou cinq cycles. Le sommeil lent prédomine pendant le premier tiers de la nuit, tandis que le sommeil paradoxal est plus important au cours du dernier tiers. De brefs épisodes d’éveil (généralement moins de 5 % de la durée du sommeil) se produisent en général plus tard au cours de la nuit (Collop et al., 2008). Le temps de sommeil dont a besoin un être humain demeure inconnu. Aucun nombre d’heures précis n’a été établi. Le temps nécessaire à une récupération optimale peut dépendre de nombreux facteurs, notamment de la prédisposition génétique. Une personne a sufsamment dormi quand elle se réveille sans stimulus externe et n’a pas sommeil au cours de la journée.

6.1.4

Chronobiologie

Le sommeil n’est pas seulement une réaction à la fatigue. Un ensemble complexe de systèmes en interaction détermine le moment et la durée du sommeil.

Rythme circadien De nombreux systèmes de l’organisme suivent un cycle d’environ 24 heures, appelé rythme circadien (de circa, qui signie environ, et de dies, qui signie jour) (Czeisler & Buxon, 2011). L’un des rythmes circadiens du corps est le rythme éveil-sommeil. Un amas de cellules de l’hypothalamus antérieur, appelé noyau suprachiasmatique, synchronise ce rythme. Le rythme circadien facilite le cycle de fonctions données dans une période prévisible, mais ces fonctions dépendent aussi d’autres conditions telles que l’activité sociale, la posture et l’environnement physique (Czeisler & Buxon, 2011). Dans des conditions normales, les rythmes d’une personne interagissent et s’inuencent entre eux. Par exemple, quand sa température corporelle diminue, une personne est susceptible de s’endormir ; quand sa température corporelle augmente tôt le matin, la personne se réveille. Le cycle de la mélatonine est un autre exemple. Il est généralement synchrone avec le cycle éveil-sommeil (Czeisler & Buxon, 2011). Des facteurs externes tels que la posture, l’exercice et la lumière inuent également sur le rythme circadien

du sommeil. Ces facteurs externes peuvent en modier le rythme et lui faire atteindre des pics à différentes heures ou le fragmenter. La lumière est le facteur qui agit le plus sur le sommeil (Czeisler & Buxon, 2011). L’inrmière en soins critiques limite donc la lumière ambiante la nuit pour favoriser le sommeil et la continuité circadienne du client (Hardin, 2009).

Mécanisme homéostatique Les récents antécédents de sommeil d’une personne exercent aussi une inuence sur le moment et sur la profondeur du sommeil. Ce facteur déterminant du sommeil, appelé processus de régulation homéostatique du sommeil, est lié à la quantité de sommeil qu’une personne a eu précédemment. Celle qui manque de sommeil dormira facilement, peu importe la phase circadienne, tandis qu’une autre personne bien reposée ne s’endormira pas rapidement (Achermann & Borbely, 2011 ; Brandon, 2010). La quantité de sommeil profond (stade 3 du sommeil lent) reète l’intensité du sommeil. Les personnes qui récupèrent d’une privation de sommeil ont plus de périodes de sommeil profond (Achermann & Borbely, 2011).

Interactions circadiennes et homéostatiques Les processus circadiens et homéostatiques travaillent de concert pour assurer le sommeil optimal d’une personne. Des études ont montré que les processus homéostatiques régulent principalement l’activité à ondes lentes et que les proportions de sommeil paradoxal et de sommeil lent par rapport au sommeil total sont surtout régulées par l’interaction des processus circadiens et homéostatiques (Achermann & Borbely, 2011).

6.2

Perturbation du sommeil

Les troubles du sommeil d’un client en situation critique de santé se dénissent comme une durée insufsante du sommeil ou de stades de sommeil, qui entraîne des malaises et perturbe la qualité de vie. Un client se trouvant dans une telle situation nécessite généralement plus de sommeil qu’à l’habitude, car celui-ci favorise le rétablissement de l’homéostasie. Pourtant, des études ont montré que le sommeil nocturne des clients hospitalisés à l’unité de soins critiques est grandement perturbé, même si beaucoup d’entre eux reçoivent des médicaments qui favorisent le sommeil (Matthews, 2011 ; Michaud, Paquin & Allard, 2006 ; Nicolás, Aizpitarte, Iruarrizaga et al., 2008 ; Ugras & Oztekin, 2007).

6.2.1

Étiologie et physiopathologie

La perturbation du sommeil peut être causée par plusieurs facteurs et entraîner des conséquences importantes sur un client en situation critique de santé.

À la suite d’une hospitalisation dans une unité de soins critiques, 84 personnes ont été interrogées sur leurs souvenirs des facteurs perturbateurs du sommeil. Les facteurs les plus fréquemment mentionnés étaient l’incapacité de trouver une position confortable due à des malaises musculaires et articulaires liés à l’alitement et les interventions ou les processus douloureux (Michaud et al., 2006 ; Parthasarathy & Tobin, 2004 ; Salas & Gamaldo, 2008 ; Simpson, Lee & Cameron, 1996 ; Topf & Thompson, 2001). Le stress physiologique de la chirurgie, notamment, peut perturber le sommeil d’un client en situation critique de santé. Une réaction inammatoire générale causée par une circulation extracorporelle ou des incisions, des modications de la régulation du neurométabolisme endocrinien ainsi que les effets de médicaments tels que les benzodiazépines, les barbituriques, la scopolamine et les analgésiques opioïdes à action systémique peuvent perturber le sommeil (Redeker, Mason, Wykpisz et al., 1996). De plus, la nature stressante de l’environnement de l’unité de soins critiques ainsi que l’incertitude et l’inquiétude concernant les suites d’une maladie grave ou d’une chirurgie peuvent expliquer pourquoi certains clients ont tant de difculté à dormir au centre hospitalier (Michaud et al., 2006 ; Salas & Gamaldo, 2008). L’incapacité à effectuer ses activités habituelles avant d’aller au lit a aussi un impact important sur la perturbation du sommeil (Simpson et al., 1996). La luminosité accrue et le bruit ambiant sont d’autres facteurs qui perturbent le sommeil (Frisk & Nordstrom, 2003 ; Michaud et al., 2006 ; Salas & Gamaldo, 2008 ; Wenham & Pittard, 2009). Une étude portant sur les intensités lumineuses et sonores en lien avec les interruptions du sommeil dans les unités de soins critiques a montré que les intensités lumineuses suivent le rythme nocturne-diurne, les intensités maximales dépendant de l’orientation des fenêtres. Les intensités sonores maximales sont extrêmement élevées dans tous les secteurs et dépassent les recommandations de l’Environmental Protection Agency et de l’Organisation mondiale de la Santé concernant les intensités acceptables dans un centre hospitalier (Berglun, Lindvall & Schwela, 1999). Les interruptions du sommeil du client pour des soins sont généralement variables, mais se font à tout moment, ce qui laisse peu de temps pour un sommeil continu (Boyko et al., 2012 ; Matthews, 2011 ; Salas & Gamaldo, 2008). L’inrmière effectue généralement ses tâches exigeantes tôt le matin, principalement pour des questions de ressources de personnel et d’organisation générale du travail (Boyko et al., 2012). Elle interrompt également le sommeil du client à plusieurs reprises an de réaliser des surveillances et des soins (Salas & Gamaldo, 2008). Ainsi, moins d’un quart des clients dorment pendant plus de 90 minutes d’aflée, soit la durée moyenne d’un cycle de sommeil (Michaud et al., 2006). Ces pratiques sont sous-optimales et devraient être évitées. Toutefois, des chercheurs ont établi que le bruit et les interventions inrmières causent moins de 30 % des Chapitre 6

Altérations et gestion du sommeil

6

99

interruptions du sommeil (Gabor, Cooper, Crombach et al., 2003). La ventilation mécanique et les soins connexes constituent également des sources de perturbations du sommeil. Cooper et ses collaborateurs (2000) ont étudié 20 sujets qui étaient sous ventilation mécanique et considérés comme étant en situation critique de santé. Selon les résultats de la PSG, aucun de ces clients n’avait un sommeil normal. Douze d’entre eux ne dormaient pas du tout, et les résultats de la PSG des huit autres correspondaient à un sommeil gravement perturbé. L’importance de la perturbation du sommeil de ce dernier groupe était semblable à la somnolence diurne excessive et aux décits cognitifs de clients atteints d’AOS (Cooper, Thornley, Young et al., 2000). Les méthodes de ventilation peuvent inuer sur le sommeil. Bosma et ses collaborateurs (2007) ont étudié les effets de la ventilation à volume contrôlé et à régulation de pression sur le sommeil. Ce type de ventilation permet une synchronisation respirateur-client, ce qui améliore le sommeil (Bosma et al., 2007). Une comparaison de la ventilation assistée contrôlée et d’une légère aide inspiratoire a aussi permis d’établir que l’utilisation de cette forme de ventilation améliorait la qualité du sommeil. Les auteurs ont formulé l’hypothèse que la ventilation des clients la nuit pouvait améliorer la période de sevrage et permettre de réduire la durée de la ventilation. D’autres études suggèrent que le neuroasservissement de la ventilation assistée (mode de ventilation NAVA) permettrait de diminuer le nombre de périodes d’éveil, le nombre de périodes d’apnée et le nombre d’asynchronies avec le respirateur, tout en augmentant les proportions de sommeil lent et paradoxal au cours de la nuit (Delisle, Terzi, Ouellet et al., 2013 ; Kacmarek, 2011). Le système NAVA capte l’activité électrique du diaphragme à l’aide d’une sonde nasogastrique et transmet cette information au respirateur, qui synchronise parfaitement et proportionnellement l’assistance respiratoire au client en fonction de ses besoins. Toutefois, d’autres données indiquent que les perturbations du sommeil liées à une ventilation mécanique prolongée ne disparaissent pas après l’extubation et le congé du client (Toublan, Rose, Glérant et al., 2007). Ces résultats soulignent l’importance pour l’inrmière de favoriser et de protéger le sommeil de tout client hospitalisé à l’unité de soins critiques. Le sommeil normal est une période où la charge de travail physiologique du système cardiovasculaire est réduite. Le manque de sommeil du client en situation critique de santé est associé à l’épuisement physiologique et psychologique. De plus, un sommeil insufsant est susceptible de retarder le rétablissement d’une personne malade. Il peut notamment causer des modifications de l’état mental qui entraînent le délirium (Barr, Fraser, Puntillo et al., 2013 ; Stuck, Clark & Connoly, 2011). Selon les experts et les chercheurs dans le domaine, le manque de sommeil provoque des modications psychologiques telles que des changements d’humeur et de rendement, de la fatigue, une irritabilité accrue et un sentiment de persécution (Matthews, 2011 ; Salas &

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Partie 1

Fondements généraux

Gamaldo, 2008). L’intensication de la douleur liée aux troubles du sommeil est un problème important du client en situation critique de santé. Sunshine et ses collaborateurs (1997) ont décrit une méthode du soulagement de la douleur par le massage qui est liée à un sommeil calme ou réparateur. Pendant un sommeil profond, le corps libère normalement de la somatostatine. Sans cette substance, le client ressent de la douleur. Quand une personne manque de sommeil profond, son corps libère une substance dite P, reconnue pour causer de la douleur. Un client qui manque de sommeil profond peut avoir une quantité réduite de somatostatine et une quantité accrue de substance P, ce qui augmente la douleur et les troubles du sommeil (Sunshine, Field, Quintino et al., 1997).

6.2.2

Manifestations cliniques et examens paracliniques

L’évaluation du client à son admission à l’unité de soins critiques comprend une description de divers facteurs liés au sommeil : les habitudes de sommeil, y compris les éveils, la fréquence et la durée des siestes, l’heure normale du coucher et du lever ; les facteurs qui améliorent le sommeil (p. ex., le nombre d’oreillers et de couvertures, la routine du coucher et les médicaments) ; tout changement récent des habitudes de sommeil dû à une maladie aiguë ; les antécédents récents de difcultés à s’endormir ou à rester endormi (p. ex., le ronement, la difculté à respirer la nuit, l’arrêt de la respiration la nuit ou une somnolence excessive le jour) ; la gravité, la durée et les antécédents de maladies chroniques et de perturbations qui peuvent interrompre le sommeil, telles que la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC), l’arthrite, l’angor nocturne, l’œsophagite peptique ou la nycturie (Matthews, 2011). La réaction psychologique du client à son admission à l’unité de soins critiques ainsi que le niveau de bruit dans son environnement immédiat doivent être évalués. L’inrmière en soins critiques s’informe de tout antécédent de ronement en raison de la relation de celui-ci avec l’apnée et les troubles du sommeil. Une façon efcace d’évaluer la qualité du sommeil du client est de lui demander de comparer son sommeil au centre hospitalier avec son sommeil à la maison. Puisque les habitudes et les exigences de sommeil varient d’une personne à l’autre, cette information doit être notée au plan thérapeutique inrmier an de favoriser le repos et le sommeil. Il peut être utile de collecter et de consigner des données sur le sommeil du client pendant une période de 48 à 72 heures. L’inrmière note la date et l’heure des observations, le nombre et la durée des temps d’éveil et de sommeil du client, particulièrement pour les périodes de sommeil de plus de 90 minutes, le temps de sommeil total et toute intervention qui a nécessité le réveil du client. Une partie de la feuille de route, couramment utilisée dans les unités de soins critiques, peut être réservée aux données sur le sommeil.

6.2.3

Pharmacothérapie

Il est essentiel que l’inrmière comprenne la relation entre les divers médicaments et le sommeil du client à l’unité de soins critiques.

Traitement de l’insomnie L’insomnie est l’incapacité de s’endormir ou de rester endormi. Chez certains clients, un stress intense, tel qu’une admission à l’unité de soins intensifs, peut provoquer une insomnie (Weinhouse & Schwab, 2006). Les benzodiazépines hypnotiques (p. ex., le urazépam [DalmaneMD]) sont les médicaments idéaux pour le traitement de l’insomnie (Snowden, 2008) 9 . Cependant, si les hypnotiques peuvent aider le client à s’endormir, l’inrmière a la responsabilité de lui procurer un environnement et des soins qui favorisent le sommeil et lui permettent de rester endormi. Le zopiclone (ImovaneMD, RhovaneMD), un hypnotique non apparenté aux benzodiazépines, constitue un choix intéressant puisqu’il n’altère pas la structure du sommeil. Il agit sur le même récepteur acide gammaaminobutyrique-benzodiazépine (Fleming, 2011). La mélatonine est une hormone impliquée dans la régulation de la chronobiologie du sommeil. Son utilisation à titre de produit de santé naturel pour traiter les troubles de sommeil chez les adultes a été approuvée par Santé Canada en 2004 et est en essor au Québec (Santé Canada, 2013). La prise de mélatonine est associée à une augmentation de la durée totale du sommeil, à une diminution du temps nécessaire pour s’endormir et à une amélioration du rythme circadien (Kunz, Mahlberg, Müller et al., 2004 ; Van Geijlswijk, Korzilius & Smits, 2010 ; Zhdanova, Wurtman, Regan et al., 2001). Elle devrait être administrée tôt en soirée. De plus, elle n’occasionne pas de dépendance, de tolérance ni de symptômes de sevrage (Lyseng-Williamson, 2012).

Traitement de la somnolence La somnolence est un état d’assoupissement peu profond entre l’éveil et le sommeil. Les médicaments stimulants produisent une augmentation de l’excitation, de l’activation comportementale et de la vigilance, et ils peuvent être utilisés pour traiter des symptômes incapacitants de somnolence causés par la narcolepsie, l’hypersomnie idiopathique (due à une problématique du système nerveux central [SNC]) ou le manque de sommeil. Ils se divisent en deux classes : les sympathomimétiques à action indirecte (p. ex., le méthylphénidate [RitalinMD]) et les stimulants non sympathomimétiques (p. ex., la caféine). Leurs effets indésirables communs sont l’anorexie, la dyskinésie, l’insomnie, l’irritabilité, la transpiration, les troubles gastro-intestinaux, la volubilité et, moins fréquemment, des palpitations (Nishino & Mignot, 2011). Les médicaments stimulants doivent être utilisés seulement dans le but de réduire la somnolence excessive, car ils présentent un fort potentiel d’abus. Une seule utilisation peut entraîner une séquence d’euphorie, de dysphorie, de paranoïa et de psychose.

L’utilisation soutenue de fortes doses de ces médicaments peut causer des troubles cognitifs et comportementaux (O’Malley, Gleeson & Weir, 2011). Une posologie adéquate et un plan de soins et de traitements structuré sont recommandés lorsque le client utilise ces médicaments. Ce plan doit prévoir l’enseignement au client en ce qui concerne les buts du traitement, l’importance de faibles doses initiales et l’adaptation de la posologie. De plus, une bonne hygiène du sommeil et une attention portée aux autres substances ou médicaments susceptibles de perturber le sommeil peuvent être bénéques au client.

6

Mises en garde particulières Une personne malade et une personne en bonne santé peuvent réagir de façon différente aux médicaments. Un client admis à l’unité de soins critiques peut avoir un sommeil perturbé ou des fonctions cognitives réduites. À titre d’exemple, la légère dépression respiratoire causée par les hypnotiques ne devrait pas toucher le client ayant une ventilation normale, mais elle pourrait affecter celui qui est atteint d’une MPOC ou de troubles respiratoires du sommeil (Roux & Kryger, 2010). De plus, la physiopathologie et l’âge peuvent non seulement avoir une forte inuence sur l’absorption et l’élimination des médicaments, mais aussi sur l’adaptation du client à sa maladie et sa capacité à se maintenir en bonne santé (Brandt & Piechocki, 2013). Les médicaments hypnotiques favorisent un sommeil léger, et ils sont lipophiles, ce qui peut augmenter la demi-vie des médicaments chez la personne âgée (Mendelson, 2011). Il faut faire preuve de prudence dans l’administration et la posologie des hypnotiques destinés à une personne âgée. Celleci peut subir des terreurs nocturnes, des cauchemars et une agitation accrue. Dans ce groupe d’âge, le métabolisme des hypnotiques peut être inhibé par l’utilisation de stéroïdes ou il peut être accéléré par la consommation de tabac. Les hypnotiques peuvent aussi causer une amnésie antérograde, c’està-dire des difcultés à mémoriser de l’information apprise après l’ingestion du médicament.

9 Les propriétés des benzodia­ zépines sont détaillées dans le chapitre 9, Évaluation et approche thérapeutique de la sédation, de l’agitation et du délirium.

Interactions Certaines personnes aux prises avec des troubles du sommeil se tournent parfois vers des traitements parallèles, par exemple à base de plantes médicinales. Puisque ces substances ne sont pas des médicaments d’ordonnance, les clients ne mentionnent pas toujours à l’infirmière qu’ils en prennent. Certaines plantes sont considérées comme des hypnotiques efcaces, tandis que d’autres peuvent servir de stimulants. L’inrmière demande au client de mentionner tous les médicaments qu’il prend, qu’il s’agisse de médicaments d’ordonnance ou offerts en vente libre, et ce, an de prévenir les interactions médicamenteuses. De plus, certaines personnes consomment de l’alcool pour s’endormir. L’alcool est un sédatif du SNC, et il cause la suppression du sommeil Chapitre 6

Altérations et gestion du sommeil

101

paradoxal. La consommation de plus de deux verres d’alcool peut entraîner une augmentation des stades 1 et 2 du sommeil lent et retarder l’apparition du stade 3 (sommeil profond). L’alcool peut aussi favoriser un sommeil peu profond, fragmenté, et il peut précipiter ou aggraver une AOS existante. Les bêtabloquants, des médicaments couramment utilisés en soins critiques, peuvent provoquer des cauchemars et perturber le sommeil de certains clients (Schweitzer, 2011). L’effet de divers médicaments combinés n’est pas bien connu.

Soins et traitements inrmiers Si l’anxiété et les malaises sont les principales causes de perturbation du sommeil d’un client hospitalisé à l’unité des soins critiques (Combes, Costa, Trouillet et al., 2003 ; Michaud et al., 2006), des interventions inrmières qui favorisent la relaxation et le bien-être, telles que le massage, peuvent s’avérer efcaces. Une revue de 22 articles traitant des effets du massage sur la relaxation, le bien-être et le sommeil a montré que le massage réduisait l’anxiété et la douleur de façon constante (Richards, Gibson, Overton-McCoy et al., 2000). Il est aussi possible de faire jouer des sons de l’océan ou d’autres bandes sonores relaxantes an d’augmenter notablement la qualité du sommeil des clients hospitalisés dans les unités de soins critiques (Williamson, 1992). Stanchina et ses collaborateurs (2005) ont trouvé que des générateurs de bruit blanc (signal sonore aléatoire constant) dans la chambre des clients réduisaient la variance des pointes de bruit et augmentaient le seuil d’éveil des clients. Un environnement calme et chaleureux qui inspire la conance envers les professionnels de la santé peut aussi aider le client à se détendre. La présence des proches au chevet peut être réconfortante pour le client et sa famille et ainsi favoriser son repos (Michaud et al., 2006). L’inrmière limite les interruptions du sommeil dues aux soins, et elle coordonne les soins des autres professionnels de la santé pour permettre au client d’avoir un sommeil continu la nuit et de faire une sieste le jour. Des chercheurs ont rapporté qu’une période de repos obligatoire en après-midi est bénéque aux clients et accroît l’efcacité des interventions interdisciplinaires en permettant aux

intervenants de prendre un temps d’arrêt et de mettre leurs dossiers à jour (Lower, Bonsack & Guion, 2002). Les rideaux doivent être ouverts le jour pour que le client voie la lumière naturelle, et la lumière doit être réduite la nuit. Cela permet au client de mieux s’orienter dans le temps et de cerner plus facilement la période de la journée. Le bruit du personnel, des chariots, des alarmes, des téléviseurs, des portes et des téléphones doit être réduit au minimum. Il est possible d’offrir au client des bouchons d’oreilles pour réduire le niveau de bruit et favoriser son sommeil (Michaud et al., 2006). L’inrmière en soins critiques évalue les besoins du client en matière de sédatifs et d’analgésiques. Elle a la responsabilité d’administrer ces médicaments le plus efcacement possible pour favoriser le sommeil du client et elle surveille aussi leur efcacité. Cela peut se faire au cours d’une collecte des données, qui inclut les antécédents de médication, les résultats des examens paracliniques et les antécédents médicaux du client. Les renseignements ainsi obtenus aident l’inrmière à déterminer les problèmes découlant de la situation de santé ainsi que les résultats escomptés et les interventions inrmières pertinentes. L’évaluation du client assure l’atteinte des résultats escomptés (Ahmed, 2008). Le sommeil des clients en situation critique de santé devrait être évalué toutes les heures en notant la durée et la qualité du sommeil (Michaud et al., 2006). Les résultats des interventions inrmières peuvent être évalués et consignés sur une feuille de route.

6.3

Troubles respiratoires du sommeil

Un trouble respiratoire du sommeil, ou syndrome d’apnée du sommeil, consiste en l’absence ou en la réduction du ux respiratoire. Les apnées du sommeil peuvent être divisées en trois types, soit : 1) l’apnée obstructive du sommeil (AOS) ; 2) l’apnée centrale du sommeil (ACS) ; 3) l’apnée mixte. L’AOS se caractérise par l’absence de ux respiratoire due à une obstruction des voies respiratoires supérieures. Dans le cas de l’ACS, il n’y a pas de ux respiratoire en raison de l’absence d’effort musculaire respiratoire FIGURE 6.2. Le troisième type d’apnée du sommeil, l’apnée mixte, est une combinaison de l’AOS et de l’ACS au cours d’un même événement apnéique. Une apnée qui dure 10 secondes ou plus est une apnée complète, tandis qu’une apnée partielle de moins de 10 secondes est une hypopnée.

6.3.1

Étiologie et physiopathologie

Apnée obstructive du sommeil FIGURE 6.2 Comparaison du ux respiratoire et de l’effort respiratoire dans l’apnée obstructive du sommeil (AOS) et l’apnée centrale du sommeil (ACS).

102

Partie 1

Fondements généraux

L’apnée obstructive du sommeil (AOS) désigne l’occurrence d’au moins cinq événements d’apnée ou d’hypopnée par heure de sommeil dus à une obstruction des

voies respiratoires supérieures. Dans la population générale, de 3 à 5 % des personnes sont atteintes d’une AOS grave (Punjabi, 2008). L’incidence et la gravité de l’AOS augmente avec l’âge (Gabbay & Lavie, 2012). Le contrôle neural, la régulation hormonale et la structure des voies respiratoires supérieures joueraient un rôle dans le développement de l’AOS. Le contrôle neural est un facteur important de l’apparition de l’AOS. La perméabilité des voies respiratoires est inuencée par le fonctionnement des voies respiratoires supérieures, lui-même gouverné par les motoneurones respiratoires. Pendant le sommeil, cette commande varie et entraîne une diminution de l’activité neurale, rétrécissant ainsi les voies respiratoires. Cet effet est particulièrement important pendant le sommeil paradoxal, quand les motoneurones sont hypotoniques. Un contrôle instable des nerfs respiratoires des muscles diaphragmatiques, intercostaux et respiratoires supérieurs peut causer une apnée du sommeil (Naughton, 2008 ; Yaggi & Strohl, 2010). Par ailleurs, l’hypothyroïdie peut modier le contrôle respiratoire et favoriser ainsi l’AOS. Enn, les facteurs liés aux voies respiratoires supérieures qui contribuent à l’AOS sont le rétrécissement anatomique des voies respiratoires supérieures ; la compliance accrue du tissu des voies respiratoires supérieures ; les réexes touchant le calibre des voies respiratoires supérieures ; le fonctionnement des muscles inspiratoires pharyngiens (Yaggi & Strohl, 2010). Une personne dont la gorge est anormalement étroite ou sujette à l’affaissement peut être atteinte d’apnée, d’autant que les muscles qui garderaient normalement la gorge ouverte se détendent quand elle dort. Des examens tomodensitométriques de sujets éveillés ont montré que les personnes atteintes d’AOS ont des voies respiratoires plus étroites que les sujets normaux. Des voies respiratoires plus étroites s’obstruent plus facilement FIGURE 6.3.

L’AOS peut être associée aux signes et symptômes suivants : le ronement, un cou large et court, l’obésité, une maladie cardiovasculaire, une hypertension systémique ou pulmonaire, un sommeil fragmenté, un reflux gastro-œsophagien et une mauvaise hygiène de vie. Le ronement causé par la vibration des tissus mous de la gorge précède souvent les plaintes de somnolence diurne, et son intensité augmente avec la prise de poids et l’ingestion d’alcool (Uluap, 2010). Il semble que les hommes qui ont un tour de cou de 43 cm ou plus et les femmes dont le tour du cou est de 41 cm ou plus présentent un risque accru d’apnée. Ainsi, des auteurs ont montré une corrélation clinique entre un changement du score de Mallampati, ou un score de Cormack élevé, la taille de la langue, l’indice de masse corporelle et la gravité de l’apnée (Friedman, Wilson, Pulver et al., 2010). Ces données sont utilisées par les anesthésistes pour prévoir les difcultés d’intubation (Uluap, 2010). Les autres troubles pouvant favoriser l’AOS sont l’obésité exogène, la cyphoscoliose et un dysfonctionnement du système nerveux autonome (Uluap, 2010). Le client atteint d’AOS présente des cycles d’hypoxémie, d’hypercapnie et d’acidose à chaque épisode d’apnée jusqu’à ce qu’il se réveille et que le ux respiratoire se rétablisse. L’hypoventilation alvéolaire accompagne chaque épisode d’apnée et entraîne de l’hypercapnie. Entre les épisodes d’apnée, la ventilation alvéolaire s’améliore de façon qu’il n’y ait globalement pas de rétention de dioxyde de carbone. Lorsqu’il y a une obstruction, les pressions inspiratoires intrathoraciques sont anormalement élevées. Cela entraîne un affaissement des voies respiratoires, entraînant des changements hémodynamiques et électrocardiographiques. Chez la personne ayant des épisodes d’AOS pendant le sommeil paradoxal et le sommeil lent, ces pressions

6

FIGURE 6.3 Imagerie par résonance magnétique (IRM) sagittale médiane d’un sujet normal (gauche) et d’un sujet atteint d’apnée obstructive du sommeil (AOS) (droite). Le rétrécissement de la trachée et l’allongement du palais mou sont visibles.

Chapitre 6

Altérations et gestion du sommeil

103

très élevées causent de l’hypertension systémique et pulmonaire. Des pressions systémiques de 200/120 mm Hg (témoin éveillé : 130/80 mm Hg) et des P.A. pulmonaires de 80/54 mm Hg (témoin éveillé : 30/20 mm Hg) ont été rapportées chez des clients atteints d’AOS (Young, Javier Nieto, Javaheri et al., 2011). Les arythmies cardiaques liées à l’AOS incluent des bradycardies, l’arrêt sinusal et occasionnellement des blocs auriculoventriculaires du second degré. Les tachycardies sont communes après le retour du ux respiratoire. Le syndrome bradycardietachycardie est lié à l’AOS (Somers & Javaheri, 2011). Les conséquences de l’AOS sont notamment le syndrome d’hypoventilation chronique, les éveils qui fragmentent le sommeil, des modications cardiovasculaires telles que l’hypertension, l’accident vasculaire cérébral, la cardiopathie ischémique, la résistance à l’insuline, l’hypertrophie ventriculaire et l’angor nocturne (Krieger & Caples, 2007). En raison des complications et des accidents cardiovasculaires causés par la somnolence, l’AOS est une maladie importante qui doit être bien évaluée.

Apnée centrale du sommeil L’apnée centrale du sommeil (ACS) apparaît à la PSG comme une absence de ux respiratoire et d’effort respiratoire pendant au moins 10 secondes. Un arrêt complet de l’activité électromyographique par les muscles respiratoires est possible, puisque l’ACS se dénit comme une pause respiratoire sans effort ventilatoire (Wellman & White, 2011). Le cerveau abrite un chimiorécepteur sensible à la concentration de dioxyde de carbone. Quand celleci devient excessive, les efforts respiratoires augmentent pour éliminer l’excédent de ce gaz. Lorsque la concentration de dioxyde de carbone se rétablit, la respiration retourne à la normale. Cette boucle de rétroaction inhibitrice permet l’équilibre homéostatique des concentrations de dioxyde de carbone et d’oxygène dans le corps. Contrairement à l’AOS, qui est due à une obstruction ou à un affaissement des voies respiratoires, l’ACS est liée à une absence d’effort respiratoire. Cela peut être observé chez le client ayant une maladie cardiopulmonaire (p. ex., une MPOC) ou une insufsance cardiaque en raison de l’adaptation des chimiorécepteurs à une concentration accrue de dioxyde de carbone (Javaheri, 2010). Toutefois, le facteur commun est l’interruption momentanée de la respiration pendant le sommeil dû à l’arrêt transitoire de la stimulation des muscles respiratoires par le SNC (Ekhert, Jordan, Merchia et al., 2007). Il n’est pas rare qu’une personne atteinte d’ACS subisse aussi quelques événements obstructifs. Certaines hypothèses indiquent même que les divers types d’apnées du sommeil font tous partie d’un continuum pathologique (Naugthon, 2008). Plusieurs études rapportent l’apparition de l’AOS chez des clients traités avec succès pour l’ACS (Buysse, 2011). L’ACS peut découler de nombreux événements physiologiques ou physiopathologiques (Ekhert et al., 2007). Les causes possibles de l’ACS non

104

Partie 1

Fondements généraux

hypercapnique sont, entre autres, la respiration périodique à haute altitude, des troubles rénaux ou métaboliques et l’apnée centrale idiopathique observée au niveau de la mer. L’ACS hypercapnique peut être liée à de nombreux troubles neuromusculaires tels que des lésions spinales ou cérébrales, l’encéphalite, le néoplasme ou l’infarctus du tronc cérébral, la dystrophie musculaire, la myasthénie grave, la poliomyélite bulbaire et le syndrome postpolio.

6.3.2

Manifestations cliniques et examens paracliniques

Le diagnostic formel de trouble respiratoire du sommeil se fait avec une PSG effectuée au cours d’une nuit de sommeil. La PSG est utilisée pour déterminer le nombre et la durée des épisodes d’apnée et des stades du sommeil, le nombre d’éveils, le ux respiratoire, l’effort respiratoire et la désaturation en oxygène (Ekhert et al., 2007). Un index apnées-hypopnées (le nombre d’apnées et d’hypopnées par heure divisé par le nombre d’heures de sommeil) de 5 ou plus correspond à un diagnostic de trouble respiratoire du sommeil (Ioachimescu & Collop, 2012). Les connaissances sur les modications de l’effort respiratoire du client ont permis d’élaborer l’index de détresse respiratoire. Le calcul de cet index se fait en additionnant le nombre d’apnées et d’hypopnées au nombre d’éveils liés à un effort respiratoire ou d’autres événements respiratoires et en divisant ce total par le nombre d’heures de sommeil. Un index de détresse respiratoire supérieur à 5, lié à une somnolence diurne, corrobore un diagnostic de trouble respiratoire du sommeil (Cao, Guilleminault & Kushida, 2011). Une surveillance attentive de la SaO2 et de la respiration peut aider l’inrmière en soins critiques à déterminer si le client est atteint de ce syndrome et faciliter le diagnostic et le traitement. Tous les types d’apnées du sommeil sont accompagnés de désaturation artérielle et possiblement d’hypoxémie, ce qui peut causer une vasoconstriction pulmonaire et une résistance vasculaire systémique accrue. Toutefois, la désaturation et l’hypoxémie sont plus graves dans le cas de l’AOS. Les épisodes d’AOS se terminent souvent par de brefs éveils visibles à l’EEG. Le client peut subir des centaines d’éveils pendant la nuit et ne même pas s’en rendre compte. Ces éveils causent la fragmentation du sommeil et la somnolence diurne, ce qui peut entraîner de l’irritabilité, un mauvais rendement au travail, des relations interpersonnelles difciles, la dépression et une mauvaise qualité de vie (Jennum et Kjellberg, 2011 ; McArdle, Kingshott, Engleman et al., 2001 ; Mulgrew, Ryan, Fleetham et al., 2007). Les caractéristiques cliniques de l’ACS hypercapnique sont notamment l’insufsance respiratoire, le cœur pulmonaire, l’œdème périphérique, la polycythémie, la somnolence diurne et le ronement. Le client atteint d’ACS non hypercapnique présente des caractéristiques cliniques très semblables à celle

de l’AOS, entre autres la somnolence diurne, l’insomnie ou un sommeil de mauvaise qualité, un ronflement léger ou intermittent et des éveils accompagnés d’étouffement ou d’essoufflement (Ioachimescu & Collop, 2012). Le client a généralement une masse corporelle normale.

6.3.3

Traitements médicaux

Pour le client aux prises avec une AOS légère (index apnées-hypopnées de 5 à 14), les simples mesures suivantes peuvent sufre : perdre du poids, dormir en position latérale (si l’apnée est liée au sommeil en position dorsale), ne pas consommer de médicaments sédatifs et d’alcool avant d’aller au lit et éviter le manque de sommeil. Des appareils oraux peuvent être prescrits pour stabiliser la mâchoire ou retenir la langue. Ces appareils doivent être ajustés par un dentiste. Ils ne sont pas toujours aussi efcaces que la ventilation spontanée en pression positive continue (CPAP) (ventilation non effractive). Une apnée de modérée à grave (index apnéeshypopnées de 15 ou plus) peut être traitée par une thérapie mécanique ou chirurgicale. Le traitement peut varier selon le type et la gravité de la maladie. Pour le client hypercapnique dont l’hypoventilation augmente pendant le sommeil, la ventilation nocturne est préférable. Dans ce cas, le client présente généralement une certaine insufsance des muscles respiratoires. Chez le client non hypercapnique ou ayant une insufsance cardiaque, un traitement possible est la CPAP nasale, qui peut aussi avoir un effet cardiovasculaire bénéque. Des suppléments d’oxygène administrés la nuit peuvent aussi être efcaces. Un appareil CPAP est simplement un générateur de pression dont la pression effective est déterminée au cours de la PSG. Il garde les voies respiratoires ouvertes et empêche leur affaissement. Le client porte un masque triangulaire sur le nez ou des coussinets pour les narines s’il ne tolère pas le masque. La CPAP traite l’obstruction, le ronement, l’étouffement ainsi que le halètement qui s’en suit, et elle procure des bienfaits cardiovasculaires. Bien qu’elle soit le traitement idéal, la CPAP n’est efcace que si le client suit son traitement. La pression positive biphasique, ou à deux niveaux (BiPAP), pourrait être une option viable pour les clients atteints d’AOS ne tolérant pas la CPAP. Cependant, le rôle du BiPAP dans le traitement de l’AOS reste incertain (Freedman, 2010). Il existe diverses interventions chirurgicales pour le traitement de l’AOS et du ronement. Pour le client qui rone, mais qui n’a pas d’apnée, la somnoplastie peut offrir un soulagement. Elle consiste à insérer une petite électrode dans le palais mou et à chauffer le tissu, ce qui cause le rétrécissement et le resserrement de la région (Friedman & Wilson, 2010). Le client qui a seulement une légère AOS ou qui rone faiblement peut subir une chirurgie d’un jour appelée uvulopalatopharyngoplastie (UPPP), qui consiste à enlever le tissu en excès dans le palais mou à l’aide d’un

6

FIGURE 6.4

A Images sagittales médianes d’un client avant et après l’uvulopala­

topharyngoplastie (UPPP). La luette est raccourcie. Puisque le palais mou n’a pas subi de résection, la lumière de la trachée reste réduite. B Images axiales de la luette ; une augmentation importante du dia­ mètre des voies respiratoires est visible.

laser FIGURE 6.4. L’UPPP a été l’une des premières techniques de chirurgie utilisées pour traiter l’AOS. Le succès de cette chirurgie est très variable : de 32 à 80 % des clients l’ayant subie rapportent une diminution de l’AOS (Carpenter & LaMear, 2008 ; Elshaug, Moss, Southcott et al., 2007). Les complications de l’UPPP sont notamment des troubles de l’élocution, l’incapacité de manger, des saignements postopératoires et l’infection. Elle provoque parfois une douleur grave qui peut persister longuement en période postopératoire (Carpenter & LaMear, 2008). Bien que la trachéostomie ait été la première chirurgie utilisée pour traiter l’AOS, elle est maintenant réservée aux cas les plus graves d’apnée qui ne répondent pas à d’autres traitements. La chirurgie bariatrique est un moyen efcace de favoriser la perte de poids et la diminution subséquente de l’AOS (Buchwald, Estok, Fahrbach et al., 2004).

Soins et traitements inrmiers Les soins et les traitements inrmiers du client atteint d’apnée du sommeil peuvent porter sur plusieurs problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 6.1 A . Les interventions inrmières consistent entre autres à optimiser l’oxygénation et Chapitre 6

A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux problèmes découlant de troubles respiratoires du sommeil sont détaillés, selon le problème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers.

Altérations et gestion du sommeil

105

Problèmes découlant de la situation de santé

Enseignement au client et à ses proches

ENCADRÉ 6.1

ENCADRÉ 6.2

Troubles respiratoires du sommeil

• Altération de la ventilation spontanée liée à la fatigue des muscles respiratoires ou à des facteurs métaboliques PSTI A.4 • Décit de compréhension PSTI A.8 • Diminution du débit cardiaque liée à des altérations de la précharge PSTI A.12

• Habitudes de sommeil perturbées PSTI A.17 • Perturbation de l’image de soi découlant d’une dépendance envers de l’équipement d’assistance fonctionnelle PSTI A.24

la ventilation, à offrir du réconfort et un soutien émotionnel, à surveiller les complications et à donner l’enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 6.2 . Le risque d’accident de la route est augmenté chez les personnes atteintes d’apnée du sommeil non traitée (Sassani, Findley, Kryger et al., 2004). Bien que la responsabilité de conduire prudemment revienne aux automobilistes, l’inrmière avise le client atteint d’apnée du sommeil des dangers de conduire en état de somnolence (Fleetham, Ayas, Bradley et al., 2007). Selon l’évaluation médicale, le client peut être jugé inapte à conduire et se voir retirer son permis (Dow, 2006). La surveillance du client atteint d’apnée du sommeil à l’unité de soins critiques comprend l’évaluation de la respiration, des heures de sommeil et de la SaO2. La surélévation de la tête de lit à 30° et le positionnement latéral permettent une meilleure ouverture des voies respiratoires supérieures (Verschenlden, 2008). L’administration de narcotiques au client atteint d’apnée du sommeil doit être faite prudemment en raison du potentiel de dépression respiratoire, bien que les questions concernant le soulagement adéquat de la douleur aient été peu étudiées (Jungquist, Karan, Prelis et al., 2011).

Troubles respiratoires du sommeil

L’inrmière aborde les sujets suivants : • physiopathologie propre au client et au type d’apnée • conséquences d’une apnée non traitée, telles que la somnolence diurne, l’hypertension systémique et pulmonaire, des arythmies, une maladie coronarienne, une maladie vasculaire cérébrale, le diabète et la mort • importance de la CPAP • modication des facteurs de risque, tels que perdre du poids, éviter de consommer de l’alcool, établir un programme d’hygiène du sommeil, dormir en position latérale • interventions chirurgicales (p. ex., l’UPPP), si cela est applicable

La CPAP nasale est plus efcace quand le masque nasal est bien ajusté au client et que celui-ci a reçu des instructions claires concernant son utilisation. Des masques de divers modèles et de diverses tailles sont offerts, notamment les coussinets pour les narines, qui ne couvrent pas le nez, mais s’insèrent plutôt dans les narines. Si le client admis à l’unité de soins critiques a des antécédents d’AOS, il doit se servir du masque et de l’appareil CPAP qu’il utilise à la maison pour dormir. L’inrmière peut optimiser l’utilisation de cet appareil. Elle peut, entre autres, s’assurer que le masque est bien ajusté, qu’il n’y a pas de jet d’air dans les yeux du client, que la pression d’air est correcte, que le masque ne cause pas de lésion et qu’il n’y a pas d’insufation gastrique.

ÉTUDE DE CAS SOLUTIONNAIRE

http://mabibliotheque. cheneliere.ca

Client atteint d’apnée obstructive du sommeil Mise en contexte Jean Dallaire, un travailleur autonome âgé de 43 ans, présente une obésité grave. Ses antécédents médicaux comprennent une somnolence diurne excessive, de l’hypertension et une arythmie sinusale. Il a reçu un diagnostic d’apnée obstructive du sommeil (AOS) il y a deux ans, et son médecin de famille lui a prescrit la ventilation en pression positive continue (CPAP) nasale la nuit. Toutefois, monsieur Dallaire n’a pas bien adhéré à son traitement en raison des malaises causés par l’appareil et des perturbations de sa vie sexuelle. Son hypertension a nécessité une médication accrue, et une cardiomégalie s’est développée chez lui. Son incapacité à rester éveillé et à se concentrer nuit à son travail. Lui et son épouse ont commencé à dormir dans des chambres séparées à cause de son ronement. Cette situation a incité son médecin à lui recommander une correction chirurgicale des voies respiratoires. Monsieur Dallaire a accepté l’uvulopalatopharyngoplastie (UPPP) même si les chances de succès de cette intervention varient de 32 à 80 %. Monsieur Dallaire et son épouse comprennent qu’une hospitalisation aux soins intensifs sera nécessaire pendant une période de 24 à 48 heures en raison des nombreux antécédents de santé du client.

106

Partie 1

Fondements généraux

Manifestations cliniques Monsieur Dallaire est admis à l’unité de soins intensifs chirurgicaux avec 40 % de fraction d’oxygène inspiré (FiO2) au moyen d’un masque après une chirurgie s’étant bien déroulée. Il est somnolent, mais s’éveille facilement à la stimulation verbale. L’inhalothérapeute est avisé de son arrivée pour l’installation de la CPAP personnelle du client. Celui-ci afrme être mal à l’aise avec l’utilisation de la CPAP.

Collecte des données objectives Les signes vitaux de monsieur Dallaire sont les suivants : P.A. à 160/72 mm Hg, F.C. à 120 batt./min (tachycardie sinusale), fréquence respiratoire (F.R.) à 20 R/min et T° rectale à 37,1°C. La radiographie pulmonaire est normale. L’analyse des gaz sanguins artériels (GSA) est la suivante : PaO2 à 90 mm Hg ; pH à 7,38 ; PaCO2 à 35 mm Hg ; concentration de HCO3– à 24 mmol/L (mEq/L) ; et SaO2 à 98 %. Monsieur Dallaire indique une douleur de 5 sur l’échelle visuelle analogue (EVA) pour laquelle il reçoit de la morphine 5 mg S.C. Son score est de 3 sur l’échelle de sédation-agitation de Riker (SAS).

Questions 1. Quels sont les principaux résultats escomptés pour ce client ? 2. Comment pouvez-vous évaluer l’impact de l’AOS sur la qualité du sommeil du client ? 3. Quels problèmes prioritaires ou risques doivent être contrôlés et inscrits au plan thérapeutique inrmier (PTI) pour obtenir ces résultats ? 4. Quelles interventions doivent être mises en œuvre et inscrites au PTI pour surveiller, prévenir, gérer ou éliminer les problèmes et les risques désignés ? 5. Quelles interventions devraient être mises en œuvre pour optimiser le fonctionnement, la sécurité et le bien-être du client ? 6. Quels besoins d’enseignement prévoyez-vous pour ce client ?

À RETENIR • Dans le domaine du comportement, le sommeil se dénit comme un état réversible de désengagement perceptuel et d’absence de réaction à l’environnement. • L’être humain a trois états de vigilance : l’éveil, le sommeil lent et le sommeil paradoxal. • Une personne a suffisamment dormi quand elle se réveille sans stimulus externe et n’a pas sommeil au cours de la journée. • Les processus circadiens et homéostatiques permettent un sommeil optimal. • Les perturbations du sommeil du client en situation critique de santé se dénissent comme une durée insufsante du sommeil ou une perturbation des stades du sommeil qui entraîne des malaises et altère la qualité de vie. • Un sommeil insufsant peut retarder le rétablissement et causer l’épuisement physiologique et psychologique du client en situation critique de santé.

• Les troubles du sommeil du client en situation critique de santé peuvent découler d’un stress psychologique lié à une maladie grave et à l’environnement de l’unité de soins critiques, d’un stress chirurgical, du bruit, de l’interruption du sommeil pour des soins, d’interventions ou de processus physiologiques douloureux, d’une lumière excessive et de douleurs musculaires et articulaires dues à l’alitement. • Les benzodiazépines hypnotiques sont les médicaments idéaux pour le traitement de l’insomnie. • Les médicaments stimulants augmentent l’excitation, l’activation comportementale et la vigilance et permettent de traiter la somnolence. • Un client malade et un client en bonne santé peuvent réagir de façon différente à des médicaments. • L’inrmière a la responsabilité d’administrer les médicaments de façon optimale an de favoriser le sommeil, et elle surveille leur efcacité. Chapitre 6

• Un trouble respiratoire du sommeil, ou syndrome d’apnée du sommeil, désigne l’absence ou la diminution du ux respiratoire. Il se divise en trois types, soit l’apnée obstructive du sommeil (AOS), l’apnée centrale du sommeil (ACS) et l’apnée mixte du sommeil. • Tous les types d’apnées du sommeil sont accompagnés de désaturation artérielle et possiblement d’hypoxémie, ce qui peut causer une vasoconstriction pulmonaire et une résistance vasculaire systémique accrue. • Les traitements médicaux sont axés sur la correction de la cause sous-jacente, l’aide ventilatoire avec la ventilation spontanée en pression positive continue (CPAP) et l’évaluation du client pour la chirurgie. • Les interventions inrmières incluent l’optimisation de l’oxygénation et de la ventilation, le réconfort et le soutien émotionnel, la surveillance des complications et l’enseignement au client et à ses proches. Altérations et gestion du sommeil

107

chapitre

7

Altérations et gestion de l’état nutritionnel

Écrit par : Kasuen Mauldin, PhD, RD Adapté par : Sarah Côté, inf., M. Sc.

L

e soutien nutritionnel est un volet essentiel des soins prodigués au client en situation critique de santé. Chaque client doit faire l’objet d’un bilan nutritionnel et d’un dépis­ tage des problèmes nutritionnels plus approfondi si l’examen préliminaire a mis en évidence un risque à cet égard. La malnutrition se dénit comme un état pathologique dé­ coulant d’un décit ou d’un excès de un ou de plusieurs nutriments. Il existe quatre formes de malnutrition : 1) la dénutrition, résultant d’un apport alimentaire insufsant ; 2) la surali­ mentation occasionnée par une ingestion excessive d’aliments ; 3) une carence alimentaire précise liée à un ou à plusieurs nutriments essentiels ; 4) un déséquilibre entre les apports alimentaires et les besoins de l’organisme (Jelliffe & World Health Organization, 1966). La malnutrition est associée à un grand nombre de conséquences indésirables, notamment la fonte musculaire, les infections, les lésions de pression et l’altération du processus de la guérison des plaies, la prolongation de la durée de l’hospitalisation et le décès (Barker, Gout & Crowe, 2011 ; Canadian Malnutrition Task Force, 2011a). Le présent chapitre expose une vue d’ensemble du métabolisme des nutriments, de l’évaluation de l’état nutritionnel et des conséquences de la malnutrition chez le client malade. En particulier, les problèmes de nu­ trition propres aux altérations de la fonction des principaux systèmes de l’organisme seront abordés parallèlement aux soins et aux traitements inrmiers ainsi qu’au soutien nutritionnel.

7.1

Métabolisme des nutriments

Les nutriments sont des substances chimiques présentes dans les aliments ; ils sont nécessaires à la vie humaine, à la croissance, au maintien et à la réparation des tissus de l’organisme. Les principaux nutriments contenus dans les aliments sont les glucides, les protéines, les lipides, les vitamines, les minéraux et l’eau. Le métabolisme est le processus permettant l’utilisation des nutriments par les cellules.

7.1.1

Glucides

Au cours du processus de digestion, les glucides sont dégradés en glucose, en fructose et en galactose. Après leur absorption par le tube digestif (tractus gastro-intestinal), le fructose et le galactose sont convertis en glucose, la principale forme sous laquelle les cellules utilisent les glucides. Le glucose fournit l’énergie nécessaire au maintien des fonctions cellulaires, notamment le transport à travers les membranes cellulaires, la sécrétion d’hormones, la contraction musculaire et la synthèse de nouvelles substances. L’essentiel de l’énergie produite par le métabolisme des glucides sert à synthétiser de l’adénosine triphosphate, la source principale d’énergie immédiatement disponible dans toutes les cellules de l’organisme. Un gramme de glucides apporte environ 4 kilocalories (kcal) d’énergie. Ainsi, dans un aliment contenant 10 g de glucides, 40 kcal (10 g × 4 kcal/g) du nombre total de calories fournies par cet aliment proviennent des glucides. À l’intérieur de la cellule, le glucose peut être métabolisé en acide pyruvique par un processus appelé glycolyse, ce qui permet la production subséquente d’énergie, ou il peut être stocké sous forme de glycogène. Les cellules hépatiques et les cellules musculaires contiennent les réserves de glycogène les plus importantes. Le glucose peut être produit à partir du glycogène, mais aussi à partir de l’acide lactique, des acides aminés et du glycérol. Ce processus de formation de glucose à partir de précurseurs non glucidiques est appelé néoglucogenèse. Celle-ci se produit en permanence et joue un rôle particulièrement important en rendant disponible du glucose lorsque la demande physiologique augmente alors que les réserves s’avèrent insufsantes. Seul le foie est en mesure de produire des quantités importantes de glucose destiné à être libéré dans la circulation sanguine pour être utilisé par d’autres tissus (Guyton & Hall, 2011).

7.1.2

Protéines

Les protéines sont constituées de chaînes d’acides aminés. Chaque acide aminé contient du carbone et de l’oxygène ainsi que de l’hydrogène et de l’azote sous la forme de un ou de plusieurs groupements amine (-NH2). Les acides aminés sont les éléments constitutifs des protéines utilisables par les cellules.

Les protéines assument plusieurs rôles structuraux et fonctionnels importants dans l’organisme. Elles constituent les éléments structuraux de l’ensemble de la masse maigre, dont les organes vitaux et les muscles squelettiques. Les protéines sont importantes pour les fonctions viscérales (cellulaires) telles que l’amorce des réactions chimiques (p. ex., les hormones, les enzymes), le transport d’autres substances (p. ex., les apoprotéines, l’albumine), la préservation de la fonction immunitaire (p. ex., les anticorps), ainsi que le maintien de la pression osmotique (p. ex., l’albumine) et de la neutralité du sang (p. ex., les tampons). Certains acides aminés sont utilisés comme source d’énergie et apportent environ 4 kcal/g. Le remplacement des protéines se fait en trois étapes : 1) l’organisme synthétise des protéines en continu, puis 2) les dégrade en acides aminés pour ensuite 3) resynthétiser de nouvelles protéines. Le taux de remplacement est maximal (ne prend que quelques heures) dans le cas où des enzymes et des hormones participent aux activités métaboliques. Dans les tissus où ces activités sont importantes, comme ceux du foie, des reins et de la muqueuse gastro-intestinale, le remplacement des protéines s’effectue à intervalles de quelques jours. Au besoin, 90 % des acides aminés libérés par la dégradation des tissus peuvent être réutilisés, tandis que l’alimentation apporte les derniers 10 % nécessaires à la synthèse des protéines. Chez une personne blessée ou dénutrie, une fraction importante des acides aminés libérés par la dégradation des tissus peut être utilisée pour la néoglucogenèse. La préservation de la masse maigre nécessite un apport énergétique adéquat par l’alimentation, de manière que la majorité des acides aminés fournis par les aliments et par la dégradation des tissus puissent servir à la synthèse tissulaire plutôt qu’à la néoglucogenèse. Les protéines, souvent constituées de plusieurs centaines ou de plusieurs milliers d’acides aminés, sont de trop grande taille pour être absorbées intactes dans des circonstances normales. La digestion a pour effet de dégrader les protéines en acides aminés et en dipeptides ou en tripeptides (composés respectivement de deux ou trois acides aminés) qui peuvent être absorbés par la paroi intestinale. Certains acides aminés sont qualiés d’essentiels, ce qui signie qu’ils ne peuvent pas être produits par l’organisme et doivent être fournis par l’alimentation. Les acides aminés non essentiels peuvent être synthétisés par l’organisme dans des circonstances normales, si l’apport en acides aminés essentiels s’avère adéquat. Certains acides aminés non essentiels chez l’adulte en bonne santé peuvent devenir nécessaires à l’occasion d’une maladie. Ainsi, l’histidine est un acide aminé essentiel chez l’adulte atteint d’insufsance rénale. Le groupement amine joue un rôle crucial dans la synthèse des protéines, alors que la partie non aminée de la molécule se lie à l’acide cétonique pour être utilisée dans la néoglucogenèse. Lorsqu’un acide cétonique est utilisé dans la néoglucogenèse, le groupement Chapitre 7

Altérations et gestion de l’état nutritionnel

7

109

amine peut être excrété dans l’urine sous la forme d’ammoniac ou d’urée. Quand le taux de néoglucogenèse s’élève, l’excrétion urinaire d’urée augmente également. Au moment de l’évaluation de l’apport alimentaire en protéines, le bilan azoté est généralement mesuré, c’est-à-dire la quantité d’azote excrétée, et il est comparé à la quantité d’azote consommée. Normalement, comme l’essentiel des pertes de l’organisme en azote se produit dans l’urine, l’excrétion urinaire d’urée est mesurée (de préférence, en l’espace de 24 heures) pour déterminer le bilan azoté. L’apport en azote (protéines) est consigné durant la même période, et les pertes d’azote sont généralement mesurées par les fèces, par l’urine et d’autres voies (p. ex., la desquamation des cellules de la peau). La plupart des adultes en bonne santé ont un bilan azoté équilibré, ce qui signie qu’ils excrètent autant d’azote qu’ils en consomment. Les personnes qui excrètent moins d’azote qu’elles n’en consomment ont un bilan azoté positif ; un tel phénomène se produit pendant la croissance, la grossesse et lorsque les tissus se cicatrisent à la suite d’une blessure ou d’une maladie. Chez celles qui utilisent plus d’azote qu’elles n’en consomment pour produire de l’énergie, le bilan azoté se révèle négatif ; cet état est fréquent à l’occasion d’un stress physique ou émotif (un traumatisme, une intervention chirurgicale, une infection, une brûlure ou dans le cas de dénutrition). Par exemple, chez un client victime d’un trauma et ne pouvant être nourri en raison de son état de santé trop instable, l’organisme peut perdre des quantités importantes de protéines. Ces pertes touchent des protéines tant structurales que viscérales qui jouent un rôle essentiel dans la survie. Par conséquent, la préservation des protéines de l’organisme demeure un objectif clé du soutien nutritionnel des clients en situation critique de santé.

7.1.3

Lipides

Les lipides comprennent les acides gras, les triglycérides (trois acides gras liés à un résidu de glycérol), les phospholipides (lipides contenant des groupements phosphate), le cholestérol et les esters de cholestérol. Outre leur rôle dans des fonctions comme le maintien des membranes cellulaires et la synthèse de prostaglandines, les lipides – principalement sous la forme de triglycérides – constituent une réserve d’énergie pour l’organisme et une source d’énergie pour les hépatocytes et les muscles squelettiques. Il s’agit en général de molécules à densité énergétique élevée, qui apportent 2 fois plus d’énergie (9 kcal) par gramme que les protéines et les glucides. La grande majorité des lipides d’origine alimentaire – surtout des triglycérides – sont trop volumineux pour être absorbés sous leur forme d’origine et sont partiellement dégradés (hydrolysés) dans l’intestin en monoglycérides et en diglycérides. Les sels biliaires produits dans le foie favorisent la formation de micelles, c’est-à-dire des agrégats d’acides gras, de monoglycérides et de sels biliaires. La micelle, étant hydrophile, peut traverser la

110

Partie 1

Fondements généraux

couche d’eau recouvrant l’intérieur des intestins et pénétrer dans la surface absorbante de la cellule. À l’intérieur des cellules intestinales, les monoglycérides et les acides gras à chaîne longue se regroupent à nouveau pour former des triglycérides ; ils s’associent alors à des phospholipides, à du cholestérol et à des protéines pour être transportés sous la forme de chylomicrons à l’extérieur de l’intestin par le système lymphatique où ils aboutissent dans la circulation sanguine (Guyton & Hall, 2011). Les acides gras à chaîne courte (d’une longueur inférieure à 8 atomes de carbone) et les acides gras à chaîne moyenne (d’une longueur de 8 à 12 atomes de carbone) sont plus solubles dans l’eau que ceux à chaîne plus longue, et ils peuvent être absorbés sans être hydrolysés au préalable et sans nécessiter la formation de chylomicrons (Guyton & Hall, 2011). Les acides gras à chaîne courte et à chaîne moyenne sont avantageux pour les soins nutritionnels lorsque la production de sels biliaires est insufsante ou que la surface intestinale se trouve trop réduite pour permettre l’absorption des acides gras à chaîne longue. Sous l’action d’une enzyme, la lipoprotéine lipase, les triglycérides contenus dans les chylomicrons sont dégradés à l’extérieur de la cellule avant d’y pénétrer sous la forme d’acides gras et de glycérol. Dans des conditions de jeûne nocturne, de jeûne prolongé ou de stress métabolique où l’approvisionnement en glucides est limité, la concentration de glucose et d’insuline dans le sang diminue. En réaction à ce phénomène, par un processus appelé lipolyse, les triglycérides intracellulaires sont dégradés en acides gras utilisables pour produire de l’énergie et en glycérol servant à la néoglucogenèse. Les acides gras libérés (lipolyse) par le tissu adipeux peuvent être utilisés par le foie, par le cœur ou par les muscles squelettiques. Dans le foie, les acides gras sont dégradés en corps cétononiques qui contiennent l’acide bêta-hydroxybutyrique, l’acide acétoacétatique et l’acétone. En l’absence de glucose, la dégradation des acides gras et la production de corps cétoniques augmentent. Durant un jeûne prolongé de plus de trois jours, l’encéphale – qui consomme normalement du glucose – se met à utiliser les cétones comme principale source d’énergie (Hasselbalch, Knudsen, Jakosen et al., 1994). Il s’agit là d’un mécanisme de défense de l’organisme visant à assurer l’approvisionnement en énergie lorsque l’apport en glucides est faible tout en diminuant la dégradation en protéines.

7.2

Évaluation de l’état nutritionnel

Au Canada, il n’y a pas d’évaluation systématique de l’état nutritionnel de tous les clients hospitalisés aux soins intensifs. Le Groupe de travail canadien sur la malnutrition (Canadian Malnutrition Task Force), formé de cliniciens et de chercheurs faisant partie de la Société canadienne de nutrition, mène

des recherches dans ce sens. Un de ses objectifs est que les centres hospitaliers de soins aigus effectuent un dépistage de la malnutrition et une évaluation de l’état nutritionnel de ses clients à l’aide d’un outil valide (Keller, 2012). Généralement, un bref questionnaire à l’admission aux soins intensifs, effectué par le médecin en collaboration avec l’inrmière, fournit les renseignements permettant de déterminer si le client est à risque sur le plan nutritionnel. Toute personne considérée comme étant à risque fait alors l’objet d’une évaluation nutritionnelle plus approfondie par une nutritionniste ENCADRÉ 7.1 . L’évaluation nutritionnelle est un processus continu, et les réévaluations font partie intégrante du plan global de soins nutritionnels. Durant l’évaluation nutritionnelle faite par le médecin et par la nutritionniste, quatre types de renseignements sont recueillis : 1. les paramètres anthropométriques ; 2. les données biochimiques (résultats des analyses de laboratoire) ; 3. les signes cliniques (examen physique) ; 4. les habitudes alimentaires et les antécédents médicaux pertinents. À partir de ces renseignements, il est possible de : • repérer les personnes dénutries ou à risque de malnutrition ; • déterminer les besoins nutritionnels des clients ; • choisir les méthodes les plus appropriées de soutien nutritionnel pour les personnes aux prises avec des carences nutritionnelles ou à risque d’en souffrir (Barker, Gout, Crowe et al., 2011). Le soutien nutritionnel désigne le fait de fournir, par voie orale, entérale ou parentérale, des nutriments préparés ou administrés spécialement pour maintenir ou rétablir un état nutritionnel optimal (McClave, Martindale, Vanek et al., 2009). La FIGURE 7.1 présente, sous la forme d’un algorithme, un plan de prise de décision relatif à l’alimentation.

7.2.1

Paramètres anthropométriques

La taille et le poids actuel du client sont des paramètres anthropométriques essentiels qui doivent être mesurés plutôt qu’obtenus par l’intermédiaire du client ou de l’un de ses proches. Leur mesure permet de déceler toute modication des valeurs initiales au cours du temps (p. ex., pour suivre la réponse à la thérapie nutritionnelle). Les paramètres d’une personne peuvent être comparés à ceux gurant dans des tableaux standards du poids par rapport à la taille ou à des courbes de croissance standards pour les nourrissons et les enfants. Un autre outil simple et able pour évaluer le poids en fonction de la taille chez les adultes et les adolescents plus âgés est l’indice de masse corporelle (IMC). IMC 5 poids (kg)  taille (m)2 (Santé Canada, 2003)

ENCADRÉ 7.1

Clients à risque de malnutrition

ADULTES PRÉSENTANT L’UNE OU L’AUTRE DES CARACTÉRISTIQUES SUIVANTES

• ↑ besoins métaboliques • Apport inadéquat en nutriments pen ­ dant > 7 jours • Consommation régulière d’au moins 3 médicaments • Faible revenu • Maladie chronique • Maladie ou chirurgie pouvant interférer avec l’apport nutritionnel • Perte ou gain de poids involontaire d’une ampleur appréciable (> 10 % du poids cor­ porel habituel en 6 mois, > 5 % en 1 mois), même si le poids atteint par perte ou par gain est approprié compte tenu de la taille • Utilisation chronique d’un régime modié

NOURRISSONS ET ENFANTS PRÉSENTANT L’UNE OU L’AUTRE DES CARACTÉRISTIQUES SUIVANTES

• ↑ besoins métaboliques • Capacité amoindrie d’ingestion ou de tolérance de l’alimentation par voie orale • Faible poids à la naissance • Faible revenu familial • Gain de poids inadéquat ou diminution signicative du rang centile de croissance habituel de l’enfant • Perte de poids ≥ 10 % • Petite taille pour la période gestationnelle • Poids par rapport à la longueur ou poids par rapport à la taille < 5e centile ou > 95e centile

L’IMC est indépendant de l’âge ou du sexe. Il ne doit pas être utilisé pour évaluer le risque pour la santé des personnes ayant moins de 18 ans ou celui des femmes enceintes ou qui allaitent. D’ailleurs, plusieurs facteurs devraient être pris en considération en plus de l’IMC pour évaluer le risque pour la santé, comme les habitudes de vie, la condition physique et les antécédents de santé (Santé Canada, 2003). Les valeurs de l’IMC chez l’adulte peuvent être associées à différentes catégories de poids, comme le montre le TABLEAU 7.1. Les données probantes démontrant que les associations entre l’IMC, le pourcentage et la distribution de l’adiposité corporelle diffèrent d’une population à l’autre suggèrent qu’il faudrait xer des valeurs seuils de l’IMC différentes pour chaque groupe ethnique (WHO Expert Consultation, 2004). Par exemple, d’autres valeurs seuils sont utilisées pour dénir différentes catégories de l’IMC chez les Asiatiques, car le risque de comorbidité lié à l’obésité est observé à un IMC inférieur chez cette population (WHO Expert Consultation, 2004). À l’occasion d’une maladie grave, les modications observées dans les paramètres anthropométriques comme le poids sont plus susceptibles de reéter des changements de la teneur en eau du corps et de sa distribution. Ainsi, pour interpréter les données anthropométriques, il faut faire preuve de discernement. Par exemple, un œdème peut masquer une perte de poids ou une insufsance pondérale appréciable. Malgré ces limites, le poids demeure un indicateur important de l’état nutritionnel, et tout changement de poids récent doit faire l’objet d’une évaluation. Une femme qui était obèse il y a 4 mois et qui, depuis, a perdu 15 kg pourrait être à risque sur le plan nutritionnel, même si son poids actuel est approprié compte tenu de sa taille. Chapitre 7

Altérations et gestion de l’état nutritionnel

111

7

FIGURE 7.1

Algorithme de soutien nutritionnel.

CLASSIFICATION

IMC

Poids insufsant

< 18,5 kg/m2

Poids normal

18,5-24,99 kg/m2

En plus de la taille et du poids, d’autres mesures sont parfois prises, comme la circonférence musculaire brachiale, l’épaisseur des plis cutanés et la composition corporelle (proportion de tissus adipeux et de tissus maigres, déterminée par impédance bioélectrique ou par d’autres méthodes), mais elles demeurent toutefois d’une utilité limitée pour l’évaluation de personnes en situation critique de santé (Ravasco, Camilo, Gouveia-Oliveira et al., 2002).

Excès de poids

25-29,99 kg/m2

7.2.2

Obésité, classe I

30-34,99 kg/m2

Obésité, classe II

35-39,99 kg/m2

Obésité, classe III

≥ 40 kg/m2

TABLEAU 7.1

Classication du poids selon l’indice de masse corporelle chez les adultes

Source : Adapté de Santé Canada (2003)

112

Partie 1

Fondements généraux

Données biochimiques

De nombreuses analyses de laboratoire peuvent fournir de l’information sur l’état nutritionnel. Les analyses les plus souvent utilisées en milieu clinique sont répertoriées dans le TABLEAU 7.2. Aucune analyse paraclinique employée pour l’évaluation nutritionnelle n’est parfaite, et en interpréter les résultats requiert certaines précautions (Raguso, Dupertuis, Pichard et al., 2003).

Collecte des données TABLEAU 7.2

Principales analyses de sang utilisées pour évaluer l’état nutritionnel

ANALYSE

COMMENTAIRES ET LIMITES

Protéines sériques

Albumine ou préalbumine

Les taux diminuent avec la carence en protéines et dans les cas d’insufsance hépatique. Les taux d’albumine changent lentement en réponse à la dénutrition et à la réplétion. Les taux de préalbumine chutent en réponse à un traumatisme et à l’infection.

7

Paramètres hématologiques

Anémie normocytaire (valeurs normales du VGM et de la CGMH)

Courante en cas de carence en protéines

Anémie microcytaire (↓ valeurs du VGM, de la TCMH et de la CGMH)

Indicatrice d’une carence en fer

Anémie macrocytaire (↑ valeur du VGM)

Courante en cas de carence en folate et en vitamine B 12

Lymphocytopénie

Courante en cas de carence en protéines

VGM : volume globulaire moyen ; CGMH : concentration globulaire moyenne en hémoglobine ; TCMH : teneur corpusculaire moyenne en hémoglobine.

7.2.3

Manifestations cliniques

L’examen physique approfondi est un élément essentiel de l’évaluation nutritionnelle. Certaines des manifestations cliniques les plus fréquentes pouvant indiquer une altération de l’état nutritionnel sont présentées dans l’ENCADRÉ 7.2.

7.2.4

Habitudes alimentaires et antécédents médicaux

Les renseignements sur la consommation alimentaire et sur les variations importantes de poids constituent ENCADRÉ 7.2

des éléments essentiels de l’histoire de santé. Il existe plusieurs méthodes d’évaluation de la consommation alimentaire, dont le bilan alimentaire, le bilan de 24 heures et l’histoire nutritionnelle. Le bilan alimentaire – qui consiste à dresser la liste de tous les aliments et de toutes les boissons consommés, ainsi que leur quantité, pendant une période donnée (en général trois jours) – est utile pour évaluer l’apport alimentaire du client dans le contexte des soins critiques en cas de doute sur son caractère approprié. Toutefois, un tel bilan donne peu de renseignements sur la consommation

Manifestations cliniques des altérations de l’état nutritionnel

MANIFESTATIONS POUVANT INDIQUER UNE MALNUTRITION PROTÉINOÉNERGÉTIQUE

• • • •

Hépatomégalie Mauvaise cicatrisation des plaies ; lésion de pression Œdème Perte de cheveux ; cheveux ternes, secs et cassants ; dépigmentation des cheveux • Perte du tissu sous-cutanée ; atrophie musculaire MANIFESTATIONS SOUVENT PRÉSENTES DANS LES CAS DE CARENCES EN VITAMINES

• Confusion ; délirium (thiamine [vitamine B1]) • Gingivite ; mauvaise cicatrisation des plaies (vitamine C) • Inammation de la langue, ssures aux commissures des lèvres (riboavine [vitamine B2], niacine, acide folique, vitamine B12 ou autres vitamines B) • Œdème ; insufsance cardiaque (thiamine [vitamine B1])

• Peau sèche et squameuse ; hyperkératose folliculaire, où la peau semble avoir constamment la chair de poule (vitamine A) • Pétéchies ; ecchymoses (vitamine C ou K) • Sécheresse conjonctivale et cornéenne (vitamine A) MANIFESTATIONS SOUVENT PRÉSENTES DANS LES CAS DE CARENCES EN MINÉRAUX

• Coloration bleue des sclérotiques, pâleur des muqueuses, ongles en cuillère (fer) • Hypogueusie, ou diminution de la perception du goût ; dysgueusie, ou perception du goût anormale ; eczéma ; mauvaise cicatrisation des plaies (zinc) MANIFESTATIONS SOUVENT OBSERVÉES DANS LES CAS DE PRISE DE QUANTITÉS EXCESSIVES DE VITAMINES

• Perte de cheveux ; peau sèche ; hépatomégalie (vitamine A)

Chapitre 7

Altérations et gestion de l’état nutritionnel

113

B Les formules communément utilisées pour estimer les besoins en calories des per­ sonnes en situation critique de santé sont répertoriées dans l’annexe B, Formules physiologiques pour les soins critiques.

habituelle de la personne avant sa maladie ou sa blessure. Le bilan de 24 heures consiste à établir la liste de tous les aliments ainsi que de toutes les boissons consommés au cours des 24 dernières heures. Ce procédé est facile et rapide, mais il ne permet pas de reéter les habitudes alimentaires du client, et son utilité reste limitée. Le recueil de l’histoire nutritionnelle se fait par une entrevue approfondie au sujet de l’alimentation habituelle du client, ainsi que des facteurs sociaux, familiaux, culturels, économiques, éducationnels ou liés à la santé susceptibles d’inuer sur la consommation alimentaire. Si cette démarche prend du temps et peut se révéler stressante pour la personne en situation critique de santé, elle fournit cependant une quantité importante de renseignements sur les habitudes alimentaires du client et sert de base à la planication d’un enseignement individualisé en matière de nutrition s’il est souhaitable d’amener la personne à modifier ses habitudes alimentaires. Les autres renseignements devant être inclus dans l’histoire nutritionnelle sont indiqués dans l’ENCADRÉ 7.3.

7.2.5

Évaluation des besoins nutritionnels

Un volet important du processus d’évaluation nutritionnelle est l’utilisation des renseignements recueillis au sujet du client pour estimer ses besoins en nutriments, et plus particulièrement en calories et en énergie. Dans la pratique clinique, il existe un large éventail de méthodes pour estimer les besoins en calories. La calorimétrie indirecte, qui permet de calculer la dépense énergétique

à partir de la consommation d’oxygène et de la production de dioxyde de carbone, constitue la méthode la plus précise (Academy of Nutrition and Dietetics, 2012a ; Satchell, 2012). Elle s’avère utile dans le cas où un taux métabolique élevé est soupçonné. Cependant, les besoins en calories et en protéines sont majoritairement estimés à l’aide de formules qui permettent de tenir compte de l’utilisation accrue de nutriments associée à la survenue d’une blessure et à la guérison au lieu d’utiliser la calorimétrie. Si la calorimétrie indirecte est considérée comme la méthode la plus précise pour calculer la dépense énergétique, il a cependant été démontré que les estimations faites à l’aide de formules étaient d’une précision raisonnable (Academy of Nutrition and Dietetics, 2012b) B . Il existe quelques règles empiriques permettant d’estimer les besoins caloriques, grâce auxquelles l’inrmière ou un autre membre du personnel soignant peut déterminer rapidement si un client est gravement suralimenté ou sous-alimenté TABLEAU 7.3. Le but de l’évaluation nutritionnelle est d’obtenir l’estimation la plus précise possible des exigences en matière de nutrition. Lorsque le client est en situation critique de santé, il faut éviter la dénutrition et la suralimentation. Cette dernière donne lieu à une production excessive de dioxyde de carbone, laquelle peut aggraver les symptômes des personnes atteintes d’insufsance respiratoire. Elle entraîne aussi une augmentation des réserves de lipides qui peut contribuer à l’insulinorésistance et à l’hyperglycémie, qui, à son tour, accroît le risque d’infection (Ramos, Khalpey, Lipsitz et al., 2008).

Collecte des données ENCADRÉ 7.3

Antécédents nutritionnels

APPORT EN NUTRIMENTS INADÉQUAT

AUGMENTATION DES BESOINS EN NUTRIMENTS

• Alcoolisme • Anorexie, nausées ou vomissements importants ou prolongés • Confusion, coma • Faible revenu • Mauvaise dentition

• Cancer (certains types) • Chirurgie, traumatisme, brûlures, infection • Demandes physiologiques augmentées (grossesse, lactation, croissance) • Fièvre

AUGMENTATION DES PERTES DE NUTRIMENTS

• • • •

Corticothérapie (↑ catabolisme tissulaire) Dialyse péritonéale ou hémodialyse Diarrhée grave Fistules, abcès exsudatifs, plaies, lésions de pressions • Hémorragie

114

Partie 1

Fondements généraux

DIGESTION OU ABSORPTION DES NUTRIMENTS INADÉQUATE

• Certains médicaments : les antiacides et les antagonistes des récepteurs H2 de l’histamine abaissent l’acidité de l’intestin grêle ; la cholestyramine se lie aux nutriments liposolubles ; les anticonvulsivants • Chirurgies gastro-intestinales antérieures, notamment la gastrectomie, la chirurgie bariatrique et la résection intestinale

Collecte des données TABLEAU 7.3

Estimation des besoins énergétiques

CATÉGORIE

DESCRIPTION

CALORIES/kg

CALORIES/lb

Obèse

Poids supérieur de 40 % ou plus au poids corporel idéal ou IMC > 30

21

9,5

Sédentaire

Personne relativement inactive n’ayant pas d’activité physique aérobique régulière ; client hospitalisé sans lésion grave ou sepsie

25-30

11-13,5

Activité modérée ou blessure bénigne

Personne ayant une activité physique aérobique régulière en plus de ses activités quotidiennes ; client présentant un trauma ou une sepsie

30-35

13,5-16

Activité intensive ou blessure grave

Travailleur manuel ou athlète suivant un entraînement intensif ; client présentant un trauma ou des brûlures graves

40

18

7.3

Conséquences et prévention de la malnutrition chez le client malade

La malnutrition touche environ 41,5 % des clients adultes dans les centres hospitaliers canadiens (Laporte, Keller, Payette et al., 2012). La malnutrition est avant tout la conséquence d’une maladie ou d’une blessure ; toutefois, elle peut également avoir comme facteurs contributifs : • l’absence de communication entre l’inrmière, le médecin et la nutritionniste responsables des soins prodigués au client ; • la fréquence excessive des tests et des interventions paracliniques qui nécessitent l’interruption de l’alimentation ; • les médicaments et les autres traitements qui interfèrent avec la consommation de nutriments en causant de l’anorexie, des nausées ou des vomissements ; • la surveillance insuffisante de l’apport en nutriments ; • l’utilisation inadéquate des suppléments alimentaires, de l’alimentation entérale ou de la nutrition parentérale pour maintenir le bon état nutritionnel du client (Canadian Malnutrition Task Force, 2011a). L’état nutritionnel tend à se dégrader durant l’hospitalisation, sauf si un soutien nutritionnel approprié est apporté dès le début et fait l’objet d’une réévaluation en continu (Canadian Malnutrition Task Force, 2011b). La malnutrition de la personne hospitalisée est associée à un large éventail de conséquences indésirables. Les cas de déhiscence des plaies, de lésions de pression, de sepsie, d’infection, d’insufsance respiratoire nécessitant une assistance ventilatoire, de prolongation de l’hospitalisation et de

7

décès sont plus fréquents chez le client dénutri (Barker et al., 2011). Il est rare que la carence ne concerne qu’un nutriment. Les carences alimentaires sont en général multiples et touchent l’apport en quantité insufsante de protéines, de calories et, parfois, de vitamines et de minéraux.

7.3.1

Malnutrition protéinoénergétique

La malnutrition peut être liée à un ou à plusieurs nutriments essentiels, mais un type de malnutrition grave observé fréquemment chez la personne hospitalisée est la malnutrition protéinoénergétique (MPE) (Lewis et al., 2011). Un apport insufsant ou une absorption altérée des protéines et de l’énergie provenant des glucides et des lipides peuvent aggraver l’affaiblissement associé à la maladie d’un client en situation critique de santé. Chez la personne atteinte de MPE, les protéines de l’organisme sont dégradées pour la néoglucogenèse, ce qui appauvrit les réserves en acides aminés nécessaires au maintien des protéines du corps et au rétablissement. La malnutrition peut être causée tout simplement par le jeûne, c’est-à-dire par un apport insufsant en nutriments (p. ex., dans un cas d’anorexie liée au cancer). Elle peut aussi résulter d’une blessure qui a pour effet d’élever le métabolisme à un point tel que l’apport en nutriments devient insufsant pour combler les besoins de l’organisme (hypermétabolisme). Chez une personne gravement malade, la malnutrition est en général le résultat des effets combinés d’une alimentation insufsante et de l’hypermétabolisme. Il existe deux formes de MPE, le kwashiorkor et la cachexie (ou marasme). Le kwashiorkor est caractérisé par de faibles concentrations en protéines sériques et par de l’œdème. La cachexie se reconnaît par une perte de poids et par la fonte des tissus adipeux sous-cutanés et des tissus musculaires. La personne atteinte de cachexie présente une maigreur extrême (Lewis et al., 2011). Chapitre 7

Altérations et gestion de l’état nutritionnel

115

7.3.2

Réponse métabolique au jeûne et au stress

Savoir comment le métabolisme répond au jeûne et au stress physiologique permet à l’inrmière de comprendre le mécanisme de survenue de la malnutrition chez la personne hospitalisée. Les changements hormonaux et métaboliques déterminent conjointement le début et la gravité de la malnutrition. Un déséquilibre nutritionnel survient lorsque la demande est supérieure à l’apport exogène en nutriments. La principale différence entre une personne dénutrie et celle qui est dénutrie en plus d’être malade est que chez cette dernière, la dégradation de ses protéines tissulaires sert principalement à fournir les précurseurs du glucose nécessaires pour répondre à ses besoins énergétiques accrus. Bien que le métabolisme des glucides et celui des lipides soient également touchés, ce sont le métabolisme et l’homéostasie des protéines qui constituent les aspects les plus préoccupants. Au cours d’un jeûne aigu sans exposition à un stresseur, les taux sanguins de glucose et d’insuline baissent, tandis que ceux de glucagon augmentent. Le glucagon stimule la libération de glucose par le foie à partir de ses réserves de glycogène, qui s’épuisent au bout de quelques heures. Il stimule également la néoglucogenèse, dont une grande partie des substrats est fournie par les muscles squelettiques. Au fur et à mesure que le jeûne progresse, les lipides deviennent alors la première source d’énergie, et les taux sanguins de cétones commencement à augmenter (Guyton & Hall, 2011). Après l’augmentation du taux de cétones circulantes et l’absence prolongée de glucose (3 jours), l’encéphale peut utiliser jusqu’à 25 % des réserves de corps cétonique comme source d’énergie (Hasselbalch et al., 1994), ce qui a pour effet de réduire la dépendance de l’organisme à l’égard du glucose comme source d’énergie. À mesure que la néoglucogenèse à partir des protéines diminue, la vitesse de dégradation des protéines et d’excrétion d’azote s’abaisse également. Pour certaines cellules comme les globules rouges et les neurones, le glucose est la seule source d’énergie utilisable et une petite quantité d’acides aminés continue d’être nécessaire pour la néoglucogenèse. Toutefois, les réserves de protéines endogènes échappent en grande partie à la dégradation par le mécanisme de néoglucogenèse, et l’homéostasie des protéines se trouve partiellement rétablie. Chez les personnes en situation critique de santé, il existe un risque à la fois de carence nutritionnelle et de stress physiologique découlant d’une blessure, d’un trauma, d’une intervention chirurgicale majeure ou d’une sepsie. Le jeûne survient parce que la personne ne doit rien prendre par voie orale avant une intervention chirurgicale, ou parce qu’il lui est impossible de manger pour des raisons liées à sa maladie, ou parce que son instabilité hémodynamique est telle qu’elle ne peut être alimentée. Le stress physiologique provoque une élévation du

116

Partie 1

Fondements généraux

métabolisme (hypermétabolisme) qui se traduit par une augmentation de la consommation d’oxygène et de la dépense énergétique ainsi que par des changements dans la production d’hormones cataboliques. En effet, le système nerveux sympathique est stimulé, ce qui déclenche la libération de catécholamines (adrénaline et noradrénaline) par la glande médullosurrénale. Parmi les autres hormones libérées en réponse à un stress gurent le glucagon, l’hormone corticotrope, l’hormone antidiurétique, ainsi que les glucocorticoïdes et les minéralocorticoïdes (p. ex., le cortisol, l’aldostérone). Les cytokines sont des messagers peptidiques sécrétés par les macrophages pendant la réponse inammatoire qui font ofce de régulateurs hormonaux du système immunitaire. Les concentrations de cytokines augmentent en réponse à une sepsie ou à un trauma. Parmi les cytokines jouant un rôle important gurent le facteur de nécrose tumorale, la cachectine, l’interleukine-1 et l’interleukine-6. Tous ces changements hormonaux engendrent une migration de substrats des nutriments (principalement les acides aminés) des tissus périphériques (p. ex., les muscles squelettiques) vers le foie pour la néoglucogenèse. Malheureusement, cette mobilisation des substrats s’effectue aux dépens des tissus et des fonctions de l’organisme, au même moment où la synthèse des protéines devient, elle aussi, en forte demande (p. ex., les protéines nécessaires à la guérison des plaies). La perte en protéines se traduit par un bilan azoté négatif et par une perte de poids. Le catabolisme peut ne pas répondre à l’apport en nutriments.

Soins et traitements inrmiers Le soutien nutritionnel, administré par l’inrmière, est un aspect important des soins prodigués au client en situation critique de santé. Le maintien d’un état nutritionnel optimal peut alors prévenir ou réduire les complications associées à la maladie et favoriser l’obtention de résultats cliniques positifs (McClave et al., 2009). L’inrmière en soins critiques joue un rôle clé dans l’administration du soutien nutritionnel et travaille en étroite collaboration avec la nutritionniste et le médecin an de promouvoir les meilleurs résultats possible pour ses clients. Le soutien nutritionnel consiste à administrer des nutriments par voie orale, entérale ou parentérale (Lewis et al., 2011). Il s’agit d’un complément essentiel dans la prévention et le traitement de la malnutrition chez les personnes en situation critique de santé (McClave et al., 2009). L’objectif de la thérapie de soutien nutritionnel est d’assurer un apport sufsant pour répondre aux besoins de l’organisme, de réduire les risques de complication et de favoriser un rétablissement rapide. Une bonne compréhension de tous les aspects du soutien nutritionnel, incluant la prévention et le traitement de ses complications, permet à l’inrmière en soins critiques de contribuer à l’atteinte de cet objectif.

Assurer une supplémentation par voie orale L’inrmière, selon l’ordonnance médicale, amorce rapidement une supplémentation par voie orale dans le cas où un client est capable de manger et a une digestion et une absorption normales, mais où il ne peut pas s’alimenter sufsamment pour combler ses besoins caloriques et protéiques (Lewis et al., 2011). Les personnes atteintes d’anorexie légère à modérée et celles ayant subi des brûlures ou un trauma se retrouvent parfois dans cette catégorie. Pour améliorer la consommation et la tolérance des suppléments, l’inrmière en soins critiques prend les mesures suivantes. • Elle collabore avec la nutritionniste pour choisir les aliments appropriés et fait participer le client au processus de sélection des aliments constituant ses repas et ses collations. Elle offre au client des suppléments commerciaux avec les repas ou comme collation – et non pas comme substitut de repas – an de compléter les apports en protéines, en calories, en vitamines et en minéraux (Lewis et al., 2011). Ceux-ci sont offerts sous plusieurs formes – boissons ressemblant à des laits frappés ou à des jus, poudings, barres – et en différentes saveurs (Abbott Nutrition, 2012 ; Nestlé Health Science, 2012). L’inrmière sert les suppléments commerciaux bien réfrigérés ou sur la glace, car cela améliore leur goût. • Elle conseille au client de boire la préparation liquide lentement et à petites gorgées, en ne consommant pas plus de 240 ml en l’espace de 30 à 45 minutes. Ces produits contiennent des glucides faciles à digérer. Si la préparation est consommée trop rapidement, l’hydrolyse rapide des glucides dans le duodénum peut contribuer à l’apparition du syndrome de chasse, dont les symptômes sont des crampes abdominales, de la faiblesse, de la tachycardie et de la diarrhée.

Administrer une alimentation entérale L’inrmière administre l’alimentation entérale, ou l’alimentation par sonde, au client qui a au moins une certaine capacité de digestion et d’absorption, mais qui ne peut ou ne veut pas prendre d’aliments par la bouche (Lewis et al., 2011 ; Potter & Perry, 2010). Dans la mesure du possible, elle préfère l’alimentation entérale à la nutrition parentérale (Jeejeebhoy, 2012). Les principaux avantages de la première par rapport à la seconde sont un moindre coût, un meilleur maintien de l’intégrité intestinale, une diminution des infections et du temps de séjour au centre hospitalier (McClave et al., 2009). En effet, le tube digestif joue un rôle important dans la défense du système immunitaire : par exemple, les neutrophiles et l’acidité du pH gastrique de la ore intestinale normale inhibent la croissance des organismes pathogènes ou les détruisent (Langkamp-Henken, 2003). Ses mécanismes de défense immunitaire sont stimulés en présence d’aliments. Ainsi, le recours à

la nutrition parentérale provoquant la mise au repos du tube digestif contribue à la translocation bactérienne : les bactéries présentes dans le tube digestif peuvent franchir la barrière intestinale et se retrouvent dans les ganglions mésentériques, provoquant une sepsie (Langkamp-Henken, 2003 ; Ong & Fock, 2012). Toutefois, les données probantes chez l’humain sont insufsantes pour conclure que l’alimentation entérale prévient la translocation bactérienne (Alpers, 2002 ; Jeejeebhoy, 2001). Il peut s’avérer utile que l’inrmière recoure à l’alimentation par sonde dans le cas d’un client soumis à un stress important (causé par une intervention chirurgicale majeure, des brûlures ou un trauma) ce qui accroît considérablement ses besoins nutritionnels. Une personne ayant besoin d’une préparation entérale en raison de troubles de la digestion ou de l’absorption ou d’une préparation spécialisée en raison d’un trouble du métabolisme doit en général être alimentée par sonde. Il existe différents types de préparations entérales pour répondre aux besoins nutritionnels particuliers des clients selon leur condition. Des préparations immunostimulantes visant à préserver et à stimuler le système immunitaire ont été mises au point pour la personne en situation critique de santé (McClave et al., 2009). Elles peuvent contenir, entre autres, de la glutamine (principal combustible des cellules de l’intestin grêle) et des antioxydants (McClane et al., 2009). Cependant, il a été démontré que les préparations contenant de la glutamine augmentaient le taux de mortalité des clients atteints d’une défaillance multiorganique et que les préparations contenant des antioxydants n’apportaient pas d’effets thérapeutiques bénéques pour les clients en situation critique de santé (Heyland, Muscedere, Wischmeyer et al., 2013), ce qui constitue une contreindication à leur administration. D’autres préparations peuvent contenir de l’arginine, des acides gras oméga-3 ou de l’acide nucléique (acide ribonucléique [ARN]) (McClave et al., 2009). L’arginine, un précurseur de l’oxyde nitrique (une molécule qui stimule la vasodilatation), est nécessaire à la fonction normale des lymphocytes T. Elle joue un rôle dans la synthèse des protéines, dont les protéines hépatiques dans des conditions de sepsie (Schloerb, 2001). Les acides gras oméga-3 réduisent les effets de l’inammation systémique en participant à la synthèse des éicosanoïdes – prostaglandines, prostacycline et leucotriènes. Ils stabilisent le myocarde, diminuent le risque du syndrome de détresse respiratoire aiguë et de sepsie (McClave et al., 2009), ce qui rend intéressantes les préparations qui en contiennent. De son côté, l’ARN stimule la prolifération des lymphocytes. Les bres peuvent aussi se révéler bénéques : n’étant pas digérées chez l’humain, elles peuvent être métabolisées par les bactéries intestinales en acides gras à chaîne courte, la principale source d’énergie des cellules du colon. Une alimentation entérale précoce a démontré des effets bénéques pour le client aux soins intensifs lorsque sa fonction gastro-intestinale est intacte Chapitre 7

Altérations et gestion de l’état nutritionnel

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(p. ex., une réduction de la mortalité, une diminution du nombre de jours où le client doit être ventilé mécaniquement) (de Aguilar-Nascimento, Bicudo-Salomao & Portari-Filho, 2012 ; McClave et al., 2009 ; Ridley & Davies, 2011). L’inrmière en soins critiques amorce l’alimentation entérale dès que le médecin la prescrit pour trois raisons principales : cette forme de soutien nutritionnel vise 1) à maintenir l’intégrité des intestins, 2) à moduler le stress et la réponse immunitaire systémique et 3) à atténuer la gravité de la maladie (Kang & Kudsk, 2008). L’inrmière entreprend l’alimentation entérale dans les 24 à 48 heures suivant l’admission du client aux soins intensifs (de AguilarNascimento et al., 2012 ; McClave et al., 2009) ou dès que la réanimation liquidienne est complétée et que le client devient stable hémodynamiquement an de prévenir les risques d’ischémie et d’infarctus intestinal (McClave et al., 2009). Les lignes directrices actuelles préconisent l’instauration d’un soutien nutritionnel chez la personne en situation critique de santé qui sera incapable de répondre à ses besoins nutritionnels par voie orale pendant une période allant de 5 à 10 jours (McClave et al., 2009). Chez une personne gravement malade, l’alimentation entérale peut être mal tolérée en raison de troubles de la motilité gastrique, d’un iléus ou des médicaments administrés durant la phase initiale de la maladie. Des retards dans la vidange gastrique sont communs chez les clients ventilés mécaniquement, ayant une hypertension intracrânienne, étant polytraumatisés ou souffrant de brûlures ou d’une sepsie grave (Kuppinger, Rittler, Hartl et al., 2013). L’évaluation de la tolérance à l’alimentation entérale est un aspect important des soins inrmiers qui peut se faire par la surveillance infirmière du volume des résidus gastriques (Kuppinger et al., 2013). Toutefois, l’utilité de cette méthode est controversée, car les données probantes actuelles n’ont pas réussi à démontrer une association signicative entre les complications associées à une intolérance de l’alimentation entérale et le volume de résidus gastriques, étant donné que les populations étudiées sont trop hétérogènes (Kuppinger et al., 2013). Une étude a cependant révélé, au cours de plusieurs observations faites auprès de clients ventilés mécaniquement, que la fréquence d’aspiration augmentait signicativement lorsque le volume mesuré des résidus gastriques était supérieur à 200 ml (Metheny, Schallom, Oliver et al., 2008). L’inrmière utilise la mesure des résidus gastriques en la combinant à d’autres méthodes d’évaluation du client an de vérier la tolérance à la nutrition. Par exemple, elle peut évaluer la présence de douleur, de distension, de gaz et de fèces ou vérier les résultats de la radiographie abdominale (McClave et al., 2009). En présence de résidus gastriques élevés, l’inrmière peut avoir recours à plusieurs stratégies pour améliorer la tolérance à l’alimentation entérale. Par exemple, elle peut administrer des agents procinétiques selon la prescription (incluant le métoclopramide et l’érythromycine, qui améliorent la motilité gastrique) (Ridley & Davies, 2011).

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Partie 1

Fondements généraux

Choisir l’emplacement et le type de sondes d’alimentation Les décisions concernant l’accès entéral sont prises par les médecins en tenant compte de l’anatomie gastro-intestinale, de la vidange gastrique et du risque d’aspiration bronchique (McClave et al., 2009). L’installation d’une sonde d’alimentation nasale est la voie d’accès entéral la plus simple et la plus fréquemment utilisée. Installée par l’inrmière, cette sonde permet l’accès à l’estomac, au duodénum ou au jéjunum. L’entérostomie – gastrostomie ou jéjunostomie – est utilisée principalement pour assurer l’alimentation pendant une longue période (de 6 à 12 semaines ou plus) et dans les cas où une obstruction rend les voies orogastrique, nasogastrique ou nasoduodénale inaccessibles. Une gastrostomie ou une jéjunostomie classique est généralement pratiquée au cours d’une autre intervention chirurgicale abdominale ou par voie endoscopique percutanée. L’alimentation postpylorique par une sonde nasoduodénale ou nasojéjunale ou par une sonde de jéjunostomie est communément utilisée lorsqu’il existe un risque élevé d’aspiration bronchique, car le sphincter pylorique constitue une barrière qui diminue théoriquement les risques de régurgitation et d’aspiration (Heyland, Drover, MacDonald et al., 2001b). L’alimentation postpylorique offre un avantage par rapport à la voie gastrique pour les personnes ayant un retard de la vidange gastrique, par exemple dans les cas de lésions crâniennes, de gastroparésie associée à l’urémie ou au diabète, ou d’iléus postopératoire. L’utilisation de l’intestin grêle comme voie d’administration de l’alimentation entérale est associée à une meilleure tolérance (Davies, Froomes, French et al., 2002), à un apport plus élevé en calories et en protéines (Kearns, Chin, Mueller et al., 2000) et à une réduction des complications gastro-intestinales (Montejo, Grau, Acosta et al., 2002). La motilité de l’intestin grêle revient plus rapidement que celle de l’estomac après une intervention chirurgicale, et l’alimentation postpylorique est souvent possible quelques heures après une blessure ou une chirurgie (Heylan et al., 2001b). La FIGURE 7.2 indique les emplacements possibles des sondes d’alimentation.

Réaliser un accès entéral La réalisation d’un accès entéral est la pierre angulaire du traitement par l’alimentation entérale. Pour faciliter cet accès, plusieurs techniques peuvent être utilisées, notamment des méthodes chirurgicales, des méthodes au chevet du client, la uoroscopie, l’endoscopie, l’insufation d’air et les agents procinétiques (Ravasco et al., 2002). L’installation de la sonde d’alimentation en aval de l’estomac (site postpylorique) élimine certains problèmes associés à l’intolérance à l’alimentation entérale. Après l’installation de la sonde, il faut conrmer son bon positionnement avant d’amorcer l’alimentation entérale ou d’administrer des médicaments

liquide aspiré contient des sécrétions pulmonaires et que la sonde n’est pas dans l’estomac (Potter & Perry, 2010). L’inrmière peut aussi injecter rapidement 30 ml d’air dans la sonde tout en écoutant l’air entrer dans l’estomac à l’aide de son stéthoscope placé sur celui-ci. Après conrmation du bon positionnement de la sonde, il est important de la xer et de marquer le site de sortie de celle-ci an de s’assurer qu’elle ne se déplace pas (Lewis et al., 2011 ; Potter & Perry, 2010).

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Administrer des préparations En portant une attention particulière à l’administration des préparations par voie entérale, l’inrmière peut prévenir de nombreuses complications. L’utilisation d’une technique aseptique ou très propre pour manipuler et administrer la préparation peut contribuer à prévenir la contamination bactérienne de la préparation et l’infection pouvant en résulter. Avant d’utiliser des préparations à transvaser dans un sac d’alimentation, l’inrmière veille à avoir une hygiène des mains adéquate et nettoie la partie supérieure de la boîte avant de l’ouvrir. Ensuite, elle verse une quantité de préparation dans le sac d’alimentation pour quatre heures d’administration seulement. Il existe également des préparations servies en circuits fermés, qui peuvent être raccordées à la sonde d’alimentation à l’aide d’un perforateur (Potter & Perry, 2010).

Prévenir l’obstruction de la sonde d’alimentation

FIGURE 7.2 Emplacements possibles des sondes d’alimentation.

(Potter & Perry, 2010). Cela peut se faire à l’aide de la radiographie (Lewis et al., 2011), la méthode la plus précise pour évaluer le positionnement de la sonde ; toutefois, la prise de plusieurs radiographies peut devenir coûteuse et exposer le client à une dose excessive de rayonnement (Potter & Perry, 2010). Pour vérier le positionnement de la sonde, l’inrmière peut aspirer le contenu gastrique à l’aide d’une seringue : l’aspiration d’un liquide verdâtre, brunâtre ou jaunâtre conrme le positionnement dans l’estomac (Potter & Perry, 2010). Elle peut aussi tester le pH du liquide aspiré (Metheny, Stewart, Smith et al., 1999 ; Potter & Perry, 2010). La valeur de celui-ci devrait être de 1 à 5. Si le pH se situe dans les environs de 7, cela signie que le

L’irrigation régulière de la sonde aide à prévenir son obstruction. En général, l’inrmière injecte 30 ml (ou selon la prescription médicale) d’eau tiède toutes les 4 heures durant l’alimentation en continu, avant et après l’alimentation intermittente ou l’administration de médicaments an de maintenir la perméabilité de la sonde (Lewis et al., 2011 ; McClave et al., 2009 ; Potter & Perry, 2010). Une obstruction peut survenir en présence de préparation stagnante, de comprimés insufsamment écrasés ou d’interactions médicamenteuses avec la préparation. Le jus de canneberge ou des boissons à base de cola pour désobstruer la sonde ne devraient pas être utilisés ; l’eau est la seule solution d’irrigation à employer, sa supériorité ayant été démontrée pour le maintien de la perméabilité des sondes (Lord, 2003).

Évaluer et prévenir les complications liées aux sondes d’alimentation Les soins inrmiers prodigués au client recevant une alimentation entérale comprennent la prévention et le traitement des complications associées à l’utilisation des sondes d’alimentation. Les soins et les traitements inrmiers à effectuer dans le cas de telles complications sont résumés dans le TABLEAU 7.4. L’inrmière nettoie la peau de la région entourant la sonde d’alimentation au moins une fois par jour et remplace le ruban adhésif enroulé autour de la sonde dès qu’il est décollé ou souillé. En xant solidement Chapitre 7

Altérations et gestion de l’état nutritionnel

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Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 7.4

Connaître, prévenir et corriger les complications de l’alimentation par sonde

COMPLICATION

FACTEURS CONTRIBUTIFS

PRÉVENTION OU CORRECTION

Aspiration bronchique (principaux signes et symptômes : tachypnée, dyspnée, hypoxie et inltrats visibles sur les radiographies pulmonaires)

• Déplacement de la sonde d’alimentation • Régurgitation de la préparation • Vidange gastrique retardée

• Vérier le positionnement de la sonde toutes les quatre à huit heures si l’administration est continue. • Redresser la tête de lit à un angle de 30 à 45° en tout temps durant l’alimenta tion et jusqu’à 2 heures après l’arrêt de l’alimentation, sauf en cas de contreindication ; si le redressement de la tête est impossible, placer le client en position de Trendelenburg inversé (Lewis et al., 2011). • Chez les personnes à haut risque, envisager la possibilité d’administrer la préparation par le duodénum et consulter le médecin. • Envisager l’administration de métoclopramide, qui peut améliorer la vidange gastrique et réduire les résidus gastriques et le risque de vomissements. • Évaluer la tolérance à la préparation toutes les quatre heures. Les manifestations de l’intolérance peuvent être les suivantes : ballonnements, distension et douleurs abdominales, absence de fèces et de gaz intestinaux, diminution ou absence des bruits intestinaux, tympanisme abdominal, nausées et vomissements, résidus gastriques > 200 ml ; cependant, en l’absence d’une autre observation anormale, des résidus gastriques élevés ne justient pas nécessairement l’arrêt de l’alimentation. Si une intolérance est soupçonnée, il est possible d’effectuer des radiographies abdominales pour rechercher une bulle gastrique en expansion, une distension des anses intestinales ou des niveaux hydroaériques.

Diarrhée

• Médicaments ayant des effets secondaires gastro-intestinaux (p. ex., les antibiotiques, la digitaline, les laxatifs, les antiacides contenant du magnésium, la quinidine) • Maladie prédisposante (p. ex., le syndrome de l’intestin court, les maladies inammatoires de l’intestin) • Préparation ou médicaments hyperosmolaires (p. ex. les suspensions orales qui contiennent du sorbitol) pouvant provoquer le syndrome de chasse • Contamination bactérienne de la préparation • Fécalome accompagné de suintement de fèces liquides à sa périphérie

• Évaluer les médicaments pris par le client pour déterminer s’ils peuvent causer de la diarrhée et consulter le pharmacien au besoin. • Opter pour l’alimentation en continu ; envisager la possibilité d’utiliser une préparation isotonique ou contenant des bres solubles. • Bien diluer les médicaments administrés par voie entérale. • Considérer l’utilisation de formules entérales contenant des bres solubles (p. ex., pectine) ou de petits peptides semi-élémentaires. • Respecter scrupuleusement les règles d’hygiène pour administrer l’alimentation par sonde ; conserver au réfrigérateur les récipients de préparation qui ont été ouverts et les jeter après 24 heures ; jeter les récipients (sac, bouteille) contenant les préparations entérales et les dispositifs d’administration (tubulures) toutes les 24 heures ; ne pas laisser la préparation accrochée à la tige à soluté pendant plus de 4 heures, sauf si elle est fournie dans un dispositif d’administration fermé et stérile ; bien nettoyer le sac toutes les 4 heures, avant de remettre une nouvelle préparation. • Maintenir à jour une feuille d’habitudes intestinales et consulter le médecin au sujet du recours au toucher rectal. • Se renseigner sur les intolérances alimentaires du client.

Constipation

• Préparation à faible teneur en résidus, créant peu de masses fécales, manque de bres

• Veiller à ce que l’apport hydrique soit sufsant ; l’administration d’un laxatif émollient pourrait être bénéque.

Occlusion de la sonde

• Médicament administré par la sonde qui provoque un bouchon à l’intérieur de la sonde ou qui fait coaguler la préparation et obstrue la sonde • Irrigation insufsante de la sonde • Sédimentation de la préparation

• Bien écraser les comprimés qui doivent être administrés par sonde ; consulter le pharmacien pour déterminer quel médicament peut être donné sous la forme de liquide ou de suspension. • Irriguer la sonde avec de l’eau tiède avant et après l’administration de tout médicament et toutes les quatre heures. Irriguer la sonde toutes les quatre heures lorsque l’alimentation est continue et après toute alimentation intermittente. Si les résidus gastriques sont mesurés, rincer la sonde après la réadministration de la préparation retirée de l’estomac, car les sucs gastriques restant dans la sonde pourraient alors provoquer la précipitation de la préparation. L’injection d’enzymes pancréatiques (CotazymMD) dans la sonde permet d’éliminer certaines occlusions.

Rétention gastrique

• Retard de la vidange gastrique lié à un trauma craniocérébral, une sepsie, une gastroparésie diabétique ou urémique, un déséquilibre électrolytique ou une autre affection

• Corriger la cause dans la mesure du possible. Consulter le médecin au sujet du recours à l’alimentation postpylorique ou à des agents procinétiques pour stimuler la vidange gastrique. Encourager le client à se coucher fréquemment en position latérale droite, sauf en cas de contre-indication.

Source : Adapté de Moore (2009)

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Partie 1

Fondements généraux

la sonde à l’aide de ruban adhésif ou de dispositifs de xation commerciaux, l’inrmière contribue à prévenir les mouvements de la sonde, qui peuvent irriter les narines ou la muqueuse buccale ou provoquer son déplacement accidentel. La sonde doit être xée à l’aide du ruban adhésif en position déclive an de prévenir les pressions inutiles sur la cloison nasale ainsi que la nécrose. Pour prévenir la sécheresse buccale, l’inrmière encourage le client à respirer le plus possible par le nez. Des soins d’hygiène buccale fréquents permettent de débarrasser le palais du goût désagréable de la préparation et de nettoyer les dents, la langue et les muqueuses. Un pansement est posé autour du site d’insertion de la sonde de gastrostomie. L’inrmière veille à le changer quotidiennement et à nettoyer la peau avec du NaCl 0,9 %. Elle peut utiliser de la poudre de gomme pour protéger la peau péristomiale des fuites. La èvre, les rougeurs, un écoulement purulent, une odeur nauséabonde ou une douleur au site d’insertion peuvent indiquer la présence d’une infection. Pour la traiter, l’inrmière doit appliquer un onguent antibiotique topique comme prescrit et nettoyer la région infectée tous les jours avec du NaCl 0,9 %.

Prévenir l’aspiration bronchique L’aspiration bronchique des préparations entérales et la pneumonie qu’elle entraîne constituent une complication grave de l’alimentation entérale chez les personnes en situation critique de santé 19 . Les principaux facteurs de risque de l’aspiration bronchique des préparations entérales sont l’altération de l’état de conscience, la position en décubitus dorsal et les troubles de la déglutition (Metheny, 2002). La FIGURE 7.3 présente les facteurs de risque de l’aspiration chez les personnes alimentées par sonde. Pour réduire le risque d’aspiration bronchique des préparations durant l’alimentation entérale, l’inrmière garde la tête du lit du client en position surélevée à 30-45° sauf en cas de contre-indications ; arrête temporairement l’alimentation lorsque le client doit rester en décubitus dorsal pendant une longue période ; place le client en décubitus latéral droit lorsque cela est possible an de favoriser la vidange gastrique ; suggère l’utilisation de méthodes d’alimentation postpylorique ; collabore avec l’inhalothérapeute an que le ballonnet de la sonde endotrachéale demeure gonflé adéquatement durant l’alimentation entérale, s’il y a lieu, et surveille toute augmentation de la distension abdominale. Deux méthodes au chevet du client ont été utilisées par le passé pour déceler l’aspiration bronchique durant l’alimentation entérale. La première consiste à ajouter un colorant bleu à la préparation entérale, selon l’ordonnance, et à guetter l’apparition de sécrétions trachéales de cette couleur. La deuxième est le dosage du glucose dans les sécrétions trachéales pour déceler la présence de la préparation entérale, qui contient du glucose. Les méthodes faisant appel à la glucose oxydase ou au colorant alimentaire bleu ne sont pas recommandées à titre de méthodes

appropriées pour détecter l’inhalation de nourriture administrée par sonde (Maloney & Ryan, 2002 ; McClave et al., 2009).

Prévenir les complications gastro-intestinales La diarrhée, courante chez les personnes recevant une alimentation entérale, survient dans 2 à 95 % des cas (Whelan, 2007). Il n’existe pas de dénition universelle de la diarrhée. Dans les dénitions actuellement utilisées, la fréquence, le volume et le poids des fèces varient (Wiesen, Van Gossum, Preiser et al., 2006). La diarrhée chez la personne en situation critique de santé recevant une alimentation entérale est la conséquence de plusieurs facteurs. Ses principales causes sont les médicaments, la malabsorption, la contamination des préparations ou leur faible apport en bres (Chang & Huang, 2013 ; Eisenberg, 2002). Pendant que la cause de la diarrhée est recherchée, l’inrmière veille au remplacement des pertes liquidiennes et électrolytiques, à préserver l’intégrité de la peau et à administrer des agents antidiarrhéiques comme prescrit. Pour prévenir les complications, avant d’administrer un antidiarrhéique, les fèces devraient être examinées an de s’assurer de l’absence d’agent infectieux, en particulier le Clostridium difcile (Bernard, Magnuson, Tsuei et al., 2004). La constipation est une autre complication de l’alimentation entérale pouvant avoir pour origine la déshydratation, l’alitement, l’administration d’analgésiques opioïdes ou l’insufsance de la teneur en bres de la préparation entérale. Les fèces pâteuses sont normales chez les personnes recevant une alimentation entérale. L’inrmière évalue chaque jour la fréquence des fèces. Elle veille aussi à ce que l’apport en liquides et en bres soit adéquat, favorise une mobilité optimale et administre des laxatifs au besoin (Mostafa, Bhandari, Ritchie et al., 2003).

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19 La pneumonie d’aspira­ tion est expliquée dans le chapitre 19, Troubles respiratoires.

FIGURE 7.3 Facteurs favorisant l’aspiration bronchique de la préparation chez le client alimenté par sonde.

Chapitre 7

Altérations et gestion de l’état nutritionnel

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Assurer une alimentation entérale optimale

Distinguer les types de nutrition parentérale

Chez la personne en situation critique de santé, les besoins en matière de soins sont si nombreux qu’il est facile de sous-estimer l’importance de la nutrition. De nombreuses études ont montré que chez ces clients alimentés par sonde, la quantité de nourriture reçue est considérablement inférieure à la quantité nécessaire (Kim, Stotts, Froelicher et al., 2012 ; McClave et al., 2009 ; O’Leary-Kelley, Puntillo, Barr et al., 2005). Cette complication est particulière à l’alimentation entérale et ne s’observe pas dans le cas de l’alimentation parentérale. Le décit d’apport nutritionnel peut avoir un large éventail de causes (Keller, 2012), y compris des facteurs propres au client (p. ex., des résidus gastriques élevés, des vomissements, une distension abdominale), des facteurs liés à la sonde (p. ex., une occlusion, un mauvais positionnement) et des facteurs associés au traitement (p. ex., des interruptions en raison d’interventions, du dégagement des voies respiratoires et de l’administration de médicaments) (Engel, Muhling, Junger et al., 2003). L’insufsance de l’alimentation entérale est également liée aux habitudes de prescription des médecins de l’unité de soins critiques (DeJonghe, Appere-De-Vechi, Fournier et al., 2001). Les pratiques d’administration entérale au sein de cette unité et les préoccupations des cliniciens à l’égard des risques d’aspiration peuvent mener à des interruptions inappropriées et prolongées de l’alimentation. La kinésithérapie de drainage bronchique, une suspicion de présence de la préparation dans les sécrétions trachéobronchiques et une rétention gastrique excessive de la préparation sont des exemples de raisons valables d’interrompre l’alimentation. Il est nécessaire d’adopter des pratiques d’administration entérale fondées sur des données probantes pour assurer une issue nutritionnelle optimale chez les clients en situation critique de santé (Seron-Arbeloa, Zamora-Elson, LabartaMonzon et al., 2013).

La NPT consiste à administrer une solution hautement concentrée (de 20 à 50 %) en dextrose, une importante source d’énergie. Les solutions à haute concentration de dextrose étant hyperosmolaires (au moins 1 600 milliosmoles par litre [mOsm/L]), elles doivent être administrées par l’intermédiaire d’une voie veineuse centrale (Lewis et al., 2011). La solution donnée par nutrition parentérale périphérique (NPP) a une concentration de glucose allant de 5 à 10 % et peut donc être administrée sans risque par une veine périphérique. Le soutien nutritionnel obtenu par NPP est apporté dans un volume de solution important qui peut ne pas être toléré par les clients ayant une restriction liquidienne. La NPP assure un soutien nutritionnel à court terme pendant une période allant de quelques jours à moins de deux semaines (SeronArbeloa et al., 2013). Quelle que soit la voie d’administration, la nutrition parentérale fournit un apport en glucose, en lipides, en acides aminés, en électrolytes, en vitamines et des traces d’oligoéléments. Même si les solutions contenant du dextrose et des acides aminés sont souvent considérées comme un bon milieu de croissance pour les micro-organismes, elles exercent en réalité un effet suppresseur sur la croissance de la plupart des organismes causant une sepsie secondaire à la contamination d’un cathéter, à l’exception des levures. L’inrmière inspecte chaque sac de solution an de déceler toute ssure et toute fuite éventuelle avant de la suspendre à la tige à soluté, et elle jette les solutions restantes au plus tard 24 heures après leur utilisation. Pour administrer la solution, l’inrmière utilise un ltre intégré de 0,22 micron (µ), qui élimine tous les microorganismes, mais pas les endotoxines. Toutefois, l’utilisation du ltre ne saurait remplacer le respect des règles d’asepsie.

Administrer une nutrition parentérale totale La nutrition parentérale totale (NPT) consiste à administrer tous les nutriments par voie intraveineuse (I.V.) lorsque le tube digestif n’est pas fonctionnel (Lewis et al., 2011 ; Potter & Perry, 2010), lorsque l’alimentation entérale est impossible ou que le tube digestif ne peut à lui seul répondre à l’ensemble des besoins nutritionnels (McClave et al., 2009). La NPT est indiquée dans les cas de troubles graves de l’absorption (p. ex., le syndrome de l’intestin court, la collagénose avec manifestations vasculaires, l’entérite radique), d’obstruction intestinale, de péritonite ou d’iléus persistant. Chez un client ayant subi une intervention chirurgicale, un trauma ou des brûlures, la NPT peut s’avérer nécessaire pour compléter l’apport en nutriments tolérable par la voie entérale.

122

Partie 1

Fondements généraux

Administrer des émulsions lipidiques Les émulsions lipidiques fournissent des calories et préviennent la déplétion en acides gras, puisqu’elles sont composées de triglycérides émulsiés et de phospholipides (Jeejeebhoy, 2012). Les émulsions lipidiques I.V. créent un milieu riche et propice à la croissance des bactéries et des fongus, y compris le Candida albicans. Selon la solution employée, un ltre de 1,2 μ intégré à la tubulure peut être utilisé pour ltrer les émulsions lipidiques. Les lipides peuvent être intégrés à la ligne de perfusion en aval du ltre. Aucun autre médicament ne doit être administré par perfusion dans un cathéter contenant des lipides ou une solution de NPT. Les émulsions lipidiques doivent être manipulées selon des règles d’asepsie strictes et doivent être jetées dans les 24 heures suivant leur installation sur la tige à soluté. Les émulsions lipidiques et les solutions de NPT contenant du dextrose et des acides aminés sont parfois mélangées ; il s’agit alors de solution « 3 en 1 », ou préparation nutritionnelle totale. La disponibilité dans un même sac de tous les

Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 7.5

Connaître, prévenir et corriger les complications de la nutrition parentérale totale

COMPLICATION

MANIFESTATIONS CLINIQUES

PRÉVENTION OU CORRECTION

Sepsie liée au cathéter veineux central

Rougeur, induration du site I.V., èvre, frissons, intolérance au glucose, hémoculture positive

• Utiliser une technique aseptique pour manipuler le cathéter, la tubu­ lure I.V. et les solutions de NPT. Ne pas laisser de sac de NPT accroché pendant plus de 24 heures. • Utiliser un ltre de 1,2 μ intégré pour éliminer les micro­organismes dans les solutions d’acides aminés et de dextrose. • Éviter de prélever du sang ou d’administrer d’autres solutions ou d’autres solutés dans la voie utilisée pour la NPT. • Si une sepsie liée au cathéter est soupçonnée, retirer le cathéter selon l’ordonnance médicale et administrer les antibiotiques prescrits. • Changer la tubulure de l’émulsion lipidique toutes les 24 heures.

Embolie gazeuse liée au cathéter veineux central

Dyspnée, cyanose, apnée, tachycardie, hypotension

• Utiliser un ltre sur la tubulure de la solution d’acides aminés. • Poser un pansement occlusif sur le site d’insertion du cathéter et le laisser en place pendant au moins 24 heures après avoir enlevé le cathéter. • Si une embolie gazeuse est soupçonnée, placer le client en position de décubitus latéral gauche et en position de Trendelenburg (pour piéger l’air au niveau de l’apex du ventricule droit, loin de la chambre de chasse) et, au besoin, administrer de l’oxygène et pratiquer la réa­ nimation cardiorespiratoire ; aviser immédiatement le médecin : celui­ ci pourrait tenter d’aspirer l’air à partir du cœur.

Pneumothorax lié au cathéter veineux central

Douleur thoracique, dyspnée, hypoxémie, hypo­ tension, signes radiographiques manifestes

• Bien expliquer la procédure d’insertion du cathéter au client. Après l’insertion ou la tentative d’insertion, effectuer une radiographie. • Si un pneumothorax est soupçonné, aviser le médecin et assister au besoin à la décompression à l’aiguille ou à l’insertion d’un drain thoracique.

Thrombose liée au cathéter veineux central

Œdème du cou, de l’épaule et du bras du même côté que le cathéter ; apparition d’une circulation collatérale sur le thorax ; douleur au point d’inser­ tion ; écoulement de la préparation de NPT au site d’insertion du cathéter ; manifestations positives à la phlébographie

• Aviser le médecin lorsqu’il y a suspicion d’une thrombose et évaluer les signes neurovasculaires du membre atteint.

Occlusion ou semi­occlusion du cathéter

Résistance dans le cathéter

• Si la perfusion est arrêtée momentanément, rincer le cathéter avec une solution physiologique. Si le cathéter semble être occlus, essayer d’as­ pirer le caillot ; si la tentative est infructueuse, aviser le médecin.

Hypoglycémie

Diaphorèse, tremblements, confusion, perte de conscience

• Si la perfusion d’acides aminés doit être momentanément arrêtée, installer un soluté dextrosé. En cas d’hypoglycémie, aviser le médecin : celui­ci peut prescrire l’administration de dextrose en bolus I.V.

Hyperglycémie

Soif, maux de tête, léthargie, ↑ débit urinaire

• Administrer la NPT à moins de 10 % du débit de perfusion prescrit ; sur­ veiller la glycémie au moins quatre fois par jour jusqu’à sa stabilisa­ tion. Si l’hyperglycémie persiste, il peut être nécessaire d’ajouter un protocole d’insuline sous­cutanée (S.C.) ou I.V. ; une hyperglycémie soudaine chez une personne qui tolérait auparavant la même charge de glucose peut indiquer l’apparition d’une sepsie.

Hypertriglycéridémie

Concentration sérique élevée de triglycé­ rides (particulièrement grave si > 12,9 mmol/L [4 g/L]) ; le sérum peut être trouble

• Chez un client recevant une émulsion lipidique, surveiller la concentration sérique de triglycérides.

Source : Adapté de Moore (2009)

Chapitre 7

Altérations et gestion de l’état nutritionnel

123

7

nutriments se révèle plus économique et permet au personnel inrmier de gagner du temps, même si ce type de préparation est sans doute moins stable (Worthington, Gilbert, Wagner et al., 2000).

Prévenir et corriger les complications Les soins et les traitements inrmiers prodigués au client recevant une NPT comprennent la surveillance du cathéter, l’administration des solutions, la prévention ou la correction des complications et l’évaluation de la réponse du client à l’alimentation par voie I.V. Le TABLEAU 7.5 décrit les soins et les traitements inrmiers à effectuer dans les cas de complication de la NPT (Lewis et al., 2011 ; Potter & Perry, 2010). L’évaluation de la réponse du client est abordée plus loin dans cette section. Comme la NPT peut s’administrer par un cathéter veineux central, il y a un risque accru d’infection et de complications liées à l’insertion du cathéter telles que le pneumothorax et l’embolie gazeuse (Lewis et al., 2011). Le cathéter veineux central inséré par voie périphérique (PICC-line) réduit le risque de complications associées à la canulation percutanée de la veine sous-clavière, et il permet d’administrer une NPT (Orr, 2002). Il est essentiel d’utiliser une technique aseptique stricte combinée à une bonne hygiène des mains au moment de l’utilisation des cathéters : leurs manipulations fréquentes pendant le changement de soluté I.V. et de prélèvement d’échantillons de sang augmentent le risque de contamination. En effet, les infections liées aux cathéters peuvent avoir pour origine la ore cutanée endogène, la contamination du site d’insertion du cathéter, la colonisation du cathéter par des micro-organismes transportés par la circulation sanguine ou par la contamination de la solution I.V.. D’autres mesures réduisent le risque de telles contaminations, notamment l’utilisation de barrières de protection (p. ex., un chapeau, un masque, des gants stériles, un champ stérile) au moment de l’insertion, la tunnellisation sous-cutanée du cathéter, l’utilisation d’une préparation de chlorhexidine 2 % pour la désinfection de la peau, ainsi que le recours à des cathéters veineux centraux imprégnés de substances antiseptiques ou antibiotiques (O’Grady, Alexander, Dellinger et al., 2002). Les complications métaboliques associées à la NPT incluent l’intolérance au glucose et le déséquilibre électrolytique. Une augmentation lente du débit de NPT (25 ml/h) jusqu’au débit cible permet au pancréas de s’adapter à la charge de dextrose. La glycémie capillaire devrait être vériée toutes les quatre à six heures. L’insuline peut être administrée par voie S.C. ou au moyen d’un circuit de perfusion distinct pour normaliser la glycémie. Une cessation rapide de la NPT ne mène pas nécessairement à l’hypoglycémie, mais il est recommandé de réduire graduellement le débit de perfusion sur une période de deux à quatre heures (Speerhas, Wong, Seidner et al., 2003).

124

Partie 1

Fondements généraux

L’apport en électrolytes sériques se fait au début de la NPT. Lorsque le client est en situation critique de santé, l’inrmière vérie les électrolytes tous les jours. Le syndrome de réalimentation est une affection potentiellement mortelle qui survient au cours de la réalimentation de clients dénutris ou en jeûne prolongé. Elle est caractérisée par un déséquilibre hydroélectrolytique généralisé (hypophosphorémie, hypomagnésémie, hypokaliémie) et par une hypovitaminose B1 menant à la défaillance multiorganique (Barras-Moret, Guex & Coti Bertrand, 2011). Il s’agit d’une complication qui peut survenir après l’instauration d’une nutrition par voie orale, entérale ou parentérale chez une personne malnutrie (BarrasMoret et al., 2011). Durant un jeûne chronique, plusieurs changements métaboliques compensatoires surviennent. La réintroduction des glucides et des acides aminés entraîne une augmentation brutale de la production d’insuline. Ces demandes métaboliques provoquent des transferts d’électrolytes (phosphore, potassium, magnésium) importants de l’espace extracellulaire vers l’espace intracellulaire. L’hypophosphatémie, l’hypokaliémie et l’hypomagnésiémie graves altèrent les fonctions cardiaque, respiratoire, hépatique et neurologique. En particulier, l’hypophosphorémie cause une diminution du taux de 2,3-diphosphosoglycérate (2,3-DPG) et freine le métabolisme énergétique (Barras-Moret et al., 2011). Il est important d’anticiper la possibilité d’un syndrome de réalimentation chez le client à risque. La malnutrition chronique, la sous-alimentation, l’alcoolisme chronique, l’anorexie nerveuse, l’absence d’alimentation par voie orale depuis plusieurs jours et le stress sont tous des facteurs de risque (Barras-Moret et al., 2011). Dans le cas d’une personne à haut risque, l’inrmière veille à corriger les déséquilibres électrolytiques préexistants avant l’instauration du soutien nutritionnel. La nutritionniste amorce le soutien nutritionnel avec prudence à raison de 10-15 kcal/kg par jour pendant 3 jours et progresse lentement pour atteindre 30-40 kcal/kg par jour (Barras-Moret et al., 2011). L’inrmière surveille étroitement les taux d’électrolytes sériques avant et pendant l’administration du soutien nutritionnel. Il est recommandé de procéder à une surveillance et à une réplétion des électrolytes et des vitamines en continu, tout au long de la première semaine de soutien nutritionnel (Hearing, 2004).

Surveiller et évaluer le soutien nutritionnel Une approche interdisciplinaire est requise pour évaluer les effets du soutien nutritionnel sur les résultats cliniques (Potter & Perry, 2010). L’évaluation de la réponse au soutien nutritionnel est un processus continu qui nécessite de mesurer les paramètres anthropométriques, de procéder à un examen physique et à des analyses biochimiques, et de surveiller la consommation alimentaire quotidiennement an de prévenir les problèmes associés à la malnutrition.

Les taux sériques d’électrolytes servent de repère pour déterminer en quelle quantité ceux-ci doivent être fournis. La glycémie constitue un indicateur de la tolérance du client aux glucides, tandis que la concentration de préalbumine permet d’évaluer si le soutien nutritionnel est adéquat. Le taux sérique de triglycérides (chez la personne recevant une émulsion lipidique I.V.) est un indicateur de la capacité des tissus à métaboliser les lipides. Dans le cadre des tâches relevant de son champ de pratique, l’inrmière en soins critiques veille à promouvoir un soutien nutritionnel précoce et à en réduire les interruptions au minimum. En plus de surveiller l’évolution du poids du client et les résultats des analyses de laboratoire, l’inrmière est le membre de l’équipe soignante le plus proche du client ; elle occupe donc une place de choix pour évaluer si l’alimentation est adéquate et bien tolérée.

7.4

Nutrition et altération de la fonction cardiovasculaire

Les maladies cardiovasculaires sont des affections qui touchent le cœur et les vaisseaux sanguins qui irriguent les organes vitaux (p. ex., les poumons, le cerveau, les reins, le foie). Parmi les nombreux types de maladies cardiovasculaires, les principales sont la cardiopathie ischémique (angine de poitrine, infarctus du myocarde), la maladie cérébrovasculaire (accident vasculaire cérébral [AVC]) et l’insufsance cardiaque. L’alimentation et les maladies cardiovasculaires sont étroitement liées. Par exemple, un apport excessif en nutriments et une alimentation riche en cholestérol et en gras saturés, qui se manifestent par le surpoids et l’obésité, sont

des facteurs de risque de la cardiopathie ischémique athérosclérotique ; l’insufsance cardiaque chronique peut mener à la malnutrition.

7.4.1

Évaluation nutritionnelle

L’évaluation nutritionnelle fournit à l’inrmière et aux autres membres de l’équipe soignante les renseignements nécessaires pour planier l’approche thérapeutique et les soins nutritionnels destinés au client. Les manifestations cliniques fréquentes observées au cours de l’évaluation nutritionnelle du client atteint d’une maladie cardiovasculaire sont résumées dans l’ENCADRÉ 7.4. Les principales préoccupations d’ordre nutritionnel concernent la normalisation du poids corporel, des taux de lipides sériques et de la pression artérielle.

7.4.2

7

Soutien nutritionnel

Les interventions qui composent l’approche thérapeutique dans les cas de maladies cardiovasculaires – qu’il s’agisse de l’angine de poitrine, de l’infarctus du myocarde ou de l’insufsance cardiaque – ont une base commune : elles visent essentiellement à diminuer le travail du cœur an de prévenir une exacerbation de la maladie. Ainsi, les stratégies pour y parvenir comprennent principalement la réduction de la quantité de nourriture ingérée par repas an de favoriser la perte de poids en cas d’embonpoint ou d’obésité, la prévention des douleurs angineuses postprandiales, le contrôle de la température des aliments et la réduction de la consommation de caféine, de lipides (gras trans et gras saturés), de sodium et d’alcool (Lewis et al., 2011 ; Santé Canada, 2010). Ainsi, il est recommandé pour une personne atteinte d’une affection myocardique grave ou d’une angine de poitrine postprandiale de prendre des collations légères et fréquentes plutôt que de gros repas lourds. Cela permet de diminuer le travail du cœur pendant la digestion et, en réduisant l’apport

Collecte des données ENCADRÉ 7.4

Résultats d’évaluation possiblement associés à une maladie cardiovasculaire

PARAMÈTRES ANTHROPOMÉTRIQUES

SIGNES CLINIQUES

• Obésité abdominale : risque accru de maladie cardiovasculaire si le tour de taille est > 102 cm (> 40 pouces) chez les hommes et > 88 cm (> 35 pouces) chez les femmes • Surpoids ou obésité ; poids insufsant (cachexie cardiaque)

• Atrophie des muscles et des tissus adipeux sous-cutanés (cachexie cardiaque)

DONNÉES BIOCHIMIQUES (DE LABORATOIRE)

• Taux sériques élevés de cholestérol total, de choles térol à lipoprotéines de faible densité (LDL) et de triglycérides

HABITUDES ALIMENTAIRES OU HISTOIRE DE SANTÉ

• Angine de poitrine, difcultés respiratoires ou fatigue durant les repas • Consommation excessive de gras saturés, de cholestérol, de sel ou d’alcool • Médicaments qui nuisent à l’appétit (p. ex., les préparations à base de digitale, la quinidine) • Sédentarité

Chapitre 7

Altérations et gestion de l’état nutritionnel

125

14 La physiopathologie de l’insuf­ sance cardiaque est détaillée dans le chapitre 14, Troubles cardiovasculaires.

126

Partie 1

alimentaire de 500 à 1 000 kcal/jour, cela favorise la perte de poids (Lewis et al., 2011). Les aliments très chauds ou très froids doivent aussi être évités, car ils peuvent provoquer des arythmies cardiaques par l’intermédiaire de la stimulation du nerf vague (pneumogastrique). Si la caféine fait partie de l’alimentation, ses effets devraient être surveillés. La caféine étant un stimulant, elle peut avoir pour effet d’augmenter la fréquence cardiaque et la demande en oxygène du myocarde (Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada, 2013 ; Lewis et al., 2011). Celle-ci se retrouve entre autres dans le café, le thé, les boissons gazeuses et énergisantes ainsi que dans le chocolat. Un apport quotidien de 400 mg en caféine n’aurait pas d’effets indésirables sur la santé des adultes, bien qu’une consommation de 300 mg/jour soit recommandée pour les femmes en âge de procréer, enceintes ou qui allaitent (Santé Canada, 2012b). À titre informatif, un café contient de 118 à 179 mg de caféine, selon qu’il est infusé ou ltré ; un thé en renferme de 15 à 50 mg, et une boisson gazeuse, de 36 à 50 mg. Les gras trans et les gras saturés augmentent le risque de maladie cardiovasculaire (Santé Canada, 2012). De plus, ils élèvent les concentrations du mauvais cholestérol (lipoprotéines à faible densité ou LDL), qui contribue aux maladies vasculaires athérosclérotiques (Lewis et al., 2011 ; Santé Canada, 2007). Les gras trans réduisent aussi les concentrations du bon cholestérol (lipoprotéines à haute densité ou HDL), qui offre une protection contre les maladies cardiovasculaires, ce qui n’est pas le cas pour les gras saturés, qui contribuent à leur augmentation. Ainsi, le client atteint de maladie cardiovasculaire devrait éviter de consommer des aliments frits, des pâtisseries, des huiles et des gras partiellement hydrogénés qui contiennent beaucoup de ces mauvais gras (Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada, 2008 ; Santé Canada, 2007) et réduire sa consommation de viandes rouges et grasses, de produits laitiers riches, de shortening végétal, de croustilles et de sucreries. Les bres solubles trouvées dans les fruits et les légumes, ainsi que dans l’avoine et le son, aident à abaisser le taux de mauvais cholestérol. La consommation de bres (25 g pour les femmes et 38 g pour les hommes) a un effet protecteur contre les maladies cardiovasculaires (American Dietetic Association [ADA], 2008). Une consommation élevée en sodium est associée à l’hypertension, un facteur de risque de maladie cardiovasculaire (Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada, 2013). Un maximum de 1 500 mg/jour de sodium devrait être consommé par un adulte atteint d’hypertension. Les aliments à éviter pour respecter une diète réduite en sodium sont, entre autres, les plats préparés et prêts à être consommés, les charcuteries et les viandes assaisonnées. Finalement, la consommation d’alcool devrait être limitée à 1 consommation par jour (un verre de vin

Fondements généraux

de 150 ml, une bière de 350 ml ou 50 ml de spiritueux) ou même cessée, l’alcool étant riche en calories, favorisant l’hypertension, les maladies du cœur et l’AVC (Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada, 2013).

Insufsance cardiaque L’une des interventions en nutrition auprès des clients atteints d’insufsance cardiaque vise à limiter la rétention liquidienne et, par conséquent, à diminuer la précharge. Comme les liquides suivent le sodium, il est encore plus important d’en diminuer la consommation pour limiter les risques d’autres maladies cardiovasculaires an de réduire la rétention liquidienne. Cela consiste notamment à limiter l’apport quotidien en sel à 2 g par jour (1,5 g si la personne est hypertendue), ainsi qu’à respecter une limite liquidienne de 2 L par jour (Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada, 2013), ce qui inclut tous les liquides fournis par les aliments et ceux pris en boissons et en soupes 14 . Comme l’apport en liquide se trouve limité chez ces clients et qu’ils prennent fréquemment des diurétiques prescrits, il devient important qu’ils consomment beaucoup de bres an d’éviter la constipation (Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada, 2013).

Cachexie cardiaque La cachexie (du grec kakos, mauvais, et hexis, condition) est caractérisée par une perte de poids importante, une fonte des graisses corporelles et des muscles et par l’augmentation du catabolisme des protéines causées par une maladie sous-jacente comme le cancer ou l’insuffisance cardiaque (Muscaritoli, Anker, Argilés et al., 2010). Elle s’accompagne souvent d’anorexie, de faiblesse, de satiété précoce et d’œdème (Barber, 2002). La cachexie est reconnue comme étant un facteur indépendant prédictif d’un risque accru de mortalité chez les personnes atteintes d’insufsance cardiaque (Filippatos, Tsilias, Venetsanou et al., 2000). La diminution des apports en sodium et en liquides est importante pour réduire l’œdème. La personne cachectique devrait être encouragée à consommer des aliments et des suppléments à forte densité énergétique pour maintenir un poids santé. De plus, des méthodes permettant de conserver l’énergie et de stimuler l’appétit du client doivent être instaurées. Par exemple, trouver des stratégies pour diminuer les nausées, offrir des aliments appétissants au goût et à l’odeur, et fournir fréquemment de petites portions au lieu de trois gros repas par jour, an de ne pas excéder les capacités de la personne. Pour certains clients, l’alimentation entérale peut devenir nécessaire. Les solutions concentrées fournissent des quantités appropriées de nutriments dans un volume plus réduit. Chez ce type de client sous alimentation entérale, l’inrmière surveille attentivement le bilan liquidien. Elle note, chaque jour ou plus fréquemment, les bruits respiratoires, recherche la présence d’œdèmes périphériques et évalue leur

gravité. Elle surveille aussi les variations de poids. Un gain de poids régulier de plus de 0,11 à 0,22 kg par jour évoque généralement une rétention.

7.5

Nutrition et altération de la fonction respiratoire

La malnutrition a des effets extrêmement néfastes sur la fonction respiratoire, car elle entraîne une réduction de la production de surfactant, de la masse diaphragmatique, de la capacité vitale et de l’immunocompétence. Les personnes atteintes de troubles respiratoires aigus ont de la difculté à consommer une quantité sufsante de nutriments par voie orale et peuvent rapidement souffrir de malnutrition. Ce risque est également élevé lorsqu’une maladie aiguë s’ajoute à des problèmes respiratoires chroniques. Une perte de poids a été observée chez près des trois quarts des personnes atteintes de maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) (Cochrane & Afolabi, 2004). Toutefois, les personnes malnutries atteintes de MPOC à un stade terminal sont bien souvent incapables de tolérer l’augmentation de la demande métabolique qui survient durant la réalimentation. Elles présentent aussi un risque important de développer un cœur pulmonaire et peuvent ne pas tolérer l’apport de liquide requis pour acheminer le soutien nutritionnel par voie entérale ou parentérale. Pour la prise en charge nutritionnelle de tels clients, il est préférable de prévenir des carences graves plutôt que de corriger des décits déjà existants.

7.5.1

Évaluation nutritionnelle

Les manifestations cliniques fréquemment observées durant l’évaluation nutritionnelle de la clientèle présentant des altérations de la fonction respiratoire sont résumées dans l’ENCADRÉ 7.5. Le client atteint d’un trouble respiratoire est particulièrement affecté par les effets d’un excès de volume liquidien menant à l’œdème pulmonaire et doit faire l’objet d’une évaluation continue visant à déceler cette complication, en particulier pendant l’alimentation entérale ou parentérale.

7.5.2

Soutien nutritionnel

Prévention et correction de la malnutrition L’inrmière et la nutritionniste, de manière concertée, encouragent le client souffrant ou qui risque de souffrir de malnutrition à s’alimenter par voie orale s’il est capable de le faire. Sa diète devrait être riche en calories et en protéines et modérée en glucides (Lewis et al., 2011). Il est particulièrement important que le client trouve des moyens de minimiser la dyspnée et la fatigue. Par exemple, consommer fréquemment des aliments en petite quantité n’entrave pas les mouvements du diaphragme et, par conséquent, diminue la sensation de dyspnée. Cela réduit aussi les ballonnements et contrecarre la satiété précoce. Prendre 30 minutes de repos avant de s’alimenter et manger des plats qui ne demandent pas beaucoup de mastication permet de conserver de l’énergie pour se nourrir. Des soins buccaux devraient être donnés avant les repas et les collations pour éliminer le goût des expectorations et des médicaments. L’administration de bronchodilatateurs avant les repas et les collations permet également de diminuer la dyspnée pendant l’alimentation. À moins de contre-indications cardiaques (cœur pulmonaire avec risque d’œdème pulmonaire) ou rénales, le client devrait avoir un apport liquidien de 2 à 3 L par jour, ce qui contribue à liquéer ses sécrétions (Lewis et al., 2011). Cependant, il est recommandé de réduire les liquides pour les clients atteints d’insufsance respiratoire aiguë (McClave et al., 2009). Toutefois, pour cause d’anorexie, de dyspnée, d’affaiblissement ou de nécessité d’une assistance ventilatoire, il est souvent nécessaire d’opter pour l’alimentation entérale ou parentérale. L’inrmière porte une attention particulière au risque d’aspiration bronchique chez le client sous ventilation mécanique, tel qu’expliqué dans la troisième section de ce chapitre.

7

Prévention de la suralimentation Étant donné qu’il souffre de dyspnée à l’effort, il arrive que le client atteint de MPOC réduise son activité physique ou que la prise de corticostéroïdes stimule son appétit, cela se soldant par un gain de poids. L’inrmière ou la nutritionniste pourrait alors

Collecte des données ENCADRÉ 7.5

Résultats d’évaluation possiblement associés à une maladie pulmonaire

PARAMÈTRES ANTHROPOMÉTRIQUES

HABITUDES ALIMENTAIRES OU HISTOIRE DE SANTÉ

• Poids insufsant ou surpoids

• Apport alimentaire insufsant lié à la dyspnée, à un goût désagréable dans la bouche à cause des expectorations ou du traitement bronchodilatateur, ou à l’intubation endotra­ chéale empêchant l’alimentation orale

DONNÉES BIOCHIMIQUES (DE LABORATOIRE)

• Pression partielle de dioxyde de carbone élevée MANIFESTATIONS CLINIQUES

• Dyspnée, toux, expectorations

Chapitre 7

Altérations et gestion de l’état nutritionnel

127

lui conseiller de suivre une diète réduite en lipides et en calories, et d’augmenter son niveau d’activité physique (Lewis et al., 2011). D’ailleurs, la suralimentation en calories totales, en glucides ou en lipides, peut nuire à la fonction respiratoire. La production de dioxyde de carbone augmente lorsque les glucides constituent la principale source d’énergie de l’organisme (Guyton & Hall, 2011). Cela est peu probable chez les clients s’alimentant par voie orale, mais il peut s’agir d’une complication de la NPT – dans laquelle le glucose est souvent la principale source calorique – et, occasionnellement, de l’alimentation entérale lorsque la teneur en glucides de la préparation administrée est très élevée. Une consommation excessive de calories peut augmenter la production de dioxyde de carbone sufsamment pour rendre le sevrage ventilatoire difcile (McClave et al., 2009). Le régime alimentaire doit faire l’objet d’une réévaluation continue an de s’assurer que l’apport énergétique n’est pas excessif, particulièrement chez les clients ventilés mécaniquement (McClave, Martindale, Vanek et al., 2009). Un apport excessif en lipides peut nuire aux échanges gazeux dans les capillaires pulmonaires, même si cela n’est en général pas sufsant pour produire une augmentation de la pression partielle de dioxyde de carbone dans le sang artériel ou une diminution de la pression partielle d’oxygène dans le sang artériel (Driscoll, 2001). Toutefois, un surdosage lipidique peut empirer une atteinte respiratoire grave. Si l’apport lipidique est maintenu à une valeur maximale de 2 g/kg/jour, l’excès de lipides est rarement problématique. Les taux sériques de triglycérides supérieurs à 4 g/L peuvent être indicateurs d’une clairance lipidique insufsante et de la nécessité de réduire la dose de ces nutriments.

prises avec une atteinte respiratoire. La tenue du bilan précis des ingesta et des excreta permet d’évaluer l’équilibre hydrique. D’ordinaire, une personne n’a pas besoin de plus de 35 à 40 ml/kg/jour de liquide. Dans le cas où elle reçoit un soutien nutritionnel, il est possible de réduire l’apport liquidien en utilisant des émulsions lipidiques à 20 % comme source de calories, des préparations entérales restreintes en liquide apportant de 1,5 à 2 calories/ml (McClave et al., 2009) (la nutritionniste pourra déterminer les préparations appropriées) et en optant pour des suppléments par voie orale dans un faible volume de liquide. De plus, des polymères de glucose ou des protéines en poudre peuvent être utilisés pour accroître l’apport énergétique sans augmenter le volume liquidien. L’inrmière joue un rôle crucial en réévaluant en continu l’hydratation du client et en alertant les membres de l’équipe soignante en cas de changements pouvant indiquer la nécessité d’augmenter ou de réduire l’apport liquidien.

Prévention de l’excès de volume liquidien

Les observations cliniques faites au cours de l’évaluation nutritionnelle du client présentant une altération de la fonction neurologique varient considérablement en fonction du type de trouble. Certaines des manifestations cliniques observées fréquemment durant l’évaluation sont répertoriées dans l’ENCADRÉ 7.6.

L’œdème pulmonaire et la rétention liquidienne sont fréquents chez le client atteint d’une insufsance respiratoire aiguë (McClave et al., 2009). L’œdème pulmonaire et l’insufsance cardiaque droite, dont la survenue peut être accélérée par un volume liquidien excessif, aggravent encore l’état du client aux

7.6

Nutrition et altération de la fonction neurologique

Les troubles neurologiques suivant un AVC et les traumas craniocérébraux étant généralement des problèmes de longue durée, ils nécessitent des soins nutritionnels adaptés visant à prévenir les carences alimentaires et à favoriser le bien-être du client.

7.6.1

Évaluation nutritionnelle

Collecte des données ENCADRÉ 7.6

Résultats d’évaluation possiblement associés à une altération des fonctions neurologiques

DONNÉES BIOCHIMIQUES (DE LABORATOIRE)

HABITUDES ALIMENTAIRES OU HISTOIRE DE SANTÉ

• Hyperglycémie (par la corticothérapie)

• Apport alimentaire insufsant lié à une diminution de l’état de conscience, à la dysphagie ou à d’autres difcultés de la mastication ou de la déglutition, ou à un iléus découlant d’une lésion de la moelle épinière ou de la consommation de pentobarbital • Hypermétabolisme découlant d’une lésion crânienne • Lésions de pression

MANIFESTATIONS CLINIQUES

• Atrophie des muscles et des tissus adipeux sous-cutanés liée à leur non-sollicitation ou à un apport alimentaire insufsant

128

Partie 1

Fondements généraux

7.6.2

Soutien nutritionnel

Prévention et correction des carences nutritionnelles Alimentation par voie orale Les personnes atteintes de dysphagie ou ayant une faiblesse des muscles de la déglutition éprouvent souvent beaucoup de difculté à avaler des aliments secs ou des liquides légers, comme l’eau, qui sont difciles à maîtriser. Pour de tels clients, l’inrmière, la nutritionniste et l’orthophoniste peuvent collaborer à la planication de repas appropriés et évaluer leur acceptation et leur tolérance. Pour faciliter la déglutition des liquides légers, il est possible de les épaissir en y ajoutant un produit épaississant commercial, des céréales pour bébé ou du yogourt (Sue Eisenstadt, 2010). Les nectars de fruits ou les liquides épaissis avec du miel sont souvent mieux tolérés que les jus moins épais (Sue Eisenstadt, 2010). Les aliments mous et humides sont en général plus faciles à avaler que les aliments secs. Une position assise droite en tout temps pendant l’alimentation et au cours des 30 minutes qui suivent permet à la gravité de faciliter la déglutition et réduit les risques d’aspiration (Lewis et al., 2011). Il est préférable de ne pas presser le client à manger, an de ne pas accroître le risque d’aspiration bronchique (Sue Eisenstadt, 2010). Donner au client de petites quantités de nourriture à des intervalles fréquents, plutôt que de grandes quantités aux repas, peut l’aider à se sentir moins pressé de manger. Un équipement de succion doit être gardé à portée en cas d’aspiration bronchique. La dysphagie est source de frustration et de peur pour le client et nécessite beaucoup de compréhension et de patience de la part de ses proches et de l’équipe soignante.

Alimentation par sonde ou nutrition parentérale Chez une personne inconsciente ou incapable de s’alimenter pour cause de dysphagie grave, de faiblesse, d’iléus ou pour une autre raison, il est nécessaire de recourir à l’alimentation entérale ou à la nutrition parentérale. L’instauration rapide d’un soutien nutritionnel doit être une priorité chez le client ayant des atteintes neurologiques an de prévenir les complications. Les besoins en protéines et en énergie sont augmentés par l’infection et la èvre, qui surviennent notamment dans le cas d’encéphalite ou de méningite. Les besoins en protéines, en calories, en zinc et en vitamine C s’accroissent au cours de la guérison des plaies, par exemple chez un client victime d’un trauma ou chez celui aux prises avec des lésions de pression. Les personnes atteintes d’un décit neurologique voient augmenter leur risque de survenue de certaines complications (en particulier l’aspiration bronchique) durant l’alimentation par sonde ; elles nécessitent donc une prise en charge attentive par le personnel inrmier. Les clients demandant le plus

d’attention sont: 1) ceux qui présentent une diminution du réexe nauséeux (réexe pharyngé), comme cela arrive parfois après un AVC ; 2) ceux dont la vidange gastrique est ralentie, par exemple immédiatement après une lésion de la moelle épinière ou en cas de lésion crânienne traitée par un coma barbiturique ; 3) ceux qui sont susceptibles d’avoir des convulsions. Pour aider à prévenir l’aspiration bronchique, la tête du client doit être maintenue à un angle de 30 à 45°, sauf dans le cas de contre-indications ; si l’élévation de la tête s’avère impossible, le client doit être placé en position de Trendelenburg inversé (Lewis et al., 2011). La préparation entérale peut réduire l’absorption de certains médicaments et leur concentration plasmatique maximale lorsqu’ils se retrouvent ensemble dans l’estomac. C’est le cas par exemple du phénytoïne (DilantinMD), un anticonvulsivant ; il faut alors interrompre l’alimentation entérale une heure avant et deux heures après son administration (Dickerson, Tidwell, Brown et al., 2003). Ainsi, les taux de phénytoïne doivent faire l’objet d’une surveillance étroite. Il peut aussi être nécessaire d’augmenter le débit de perfusion pour tenir compte du temps pendant lequel l’alimentation entérale est interrompue pour permettre l’administration de phénytoïne, ce que la nutritionniste doit vérier. L’hyperglycémie est une complication fréquente chez les personnes recevant des corticostéroïdes. En effet, ceux-ci sont fréquemment administrés chez les personnes dont la fonction neurologique est altérée. La surveillance régulière de la glycémie constitue un volet important des soins prodigués à ces clients. Il peut s’avérer nécessaire de leur administrer de l’insuline pour maîtriser l’hyperglycémie, en particulier lorsqu’un soutien nutritionnel est amorcé en concomitance. Le recours rapide au soutien nutritionnel devient particulièrement important dans le cas d’une lésion crânienne, car ce type de blessure entraîne une augmentation marquée du catabolisme, même après l’administration de barbituriques, qui devraient réduire la demande métabolique (Donaldson, Borzatta & Matossian, 2000). Chez la personne victime d’une lésion crânienne, les taux de cortisol, d’adrénaline et de noradrénaline peuvent atteindre des concentrations sept fois plus élevées que la normale. Ces hormones provoquent une augmentation du métabolisme et de la demande énergétique, ce qui mobilise les protéines et les lipides de l’organisme pour satisfaire à ces besoins accrus. Par ailleurs, les réserves de glycogène s’épuisent rapidement, et l’organisme commence à utiliser les protéines des tissus pour répondre à ses besoins énergétiques, un processus qui peut mener rapidement à la MPE (Donaldson et al., 2000). Chez la personne ayant subi une lésion crânienne, il se produit un état d’hypermétabolisme et une réponse inammatoire qui peut causer de la èvre, augmentant ainsi la demande en protéines et en énergie. Une Chapitre 7

Altérations et gestion de l’état nutritionnel

7

129

amélioration des résultats et une diminution des complications chez les personnes victimes d’une lésion crânienne ayant reçu un soutien nutritionnel dès le début de leur séjour au centre hospitalier ont été observées (Donaldson et al., 2000 ; Taylor, Fettes, Jewkes et al., 1999).

Prévention du surpoids et de l’obésité Bon nombre de personnes stables atteintes de troubles neurologiques sont moins actives que leurs homologues en bonne santé et ont besoin de moins de calories. Elles peuvent faire de l’embonpoint ou devenir obèses si elles consomment le nombre de calories normal pour les personnes de leur âge et de leur sexe. En l’espace de un ou de deux mois après la lésion de la moelle épinière, une atrophie musculaire importante et une perte de masse corporelle commencent à se produire par suite de la dénervation et de la non-sollicitation des muscles. Par conséquent, le poids corporel et les besoins énergétiques déclinent. Le poids corporel idéal des personnes paraplégiques et quadriplégiques est inférieur à celui de l’adulte en bonne santé de la même taille (Flank, Wahman, Levi et al., 2012). Ainsi, les clients ayant subi une lésion de la moelle épinière et dont l’IMC est supérieur à 22 devraient être considérés à haut risque d’obésité (Laughton, Buchholz, Martin Ginis et al., 2009) et de complications cardiovasculaires indépendantes de l’IMC non ajusté (Flank et al., 2012). Une personne atteinte de dysphagie ou ayant une faiblesse extrême des muscles de la déglutition peut consommer uniquement des aliments très mous et faciles à mastiquer, dont la densité énergétique est en général supérieure à celle des aliments plus volumineux, à teneur élevée en bres. Elle peut également prendre du poids, alors que ce gain pondéral n’est pas nécessaire et nuira à sa mobilité et aux soins qui lui sont donnés. Pour ces raisons, l’enseignement en nutrition donné au client victime d’une lésion de la moelle épinière et à ses proches doit inclure des instructions sur la prévention d’un gain de poids indésirable. La

réduction de la consommation d’aliments riches en lipides (p. ex., le lait sous la forme notamment de lait frappé, la crème glacée, le beurre, la margarine et les pâtisseries) peut aider à réduire l’apport énergétique (Santé Canada, 2012). Les fruits et les légumes non accompagnés de matière grasse ou de sauce sont des choix judicieux, car ils contiennent en général peu de lipides et fournissent les bres nécessaires pour contribuer au maintien de la régularité du transit intestinal (Santé Canada, 2012).

7.7

Nutrition et altération de la fonction rénale

Il peut être extrêmement difcile de prodiguer des soins nutritionnels adéquats à un client atteint d’une affection rénale. Si les perturbations de la fonction rénale et leurs traitements peuvent entraîner une augmentation marquée des besoins en nutriments, la nécessité de limiter l’apport en liquides, en protéines, en phosphore et en potassium rend difficile la consommation de calories en quantité sufsante, de vitamines et de minéraux. Une évaluation approfondie de l’état nutritionnel permet d’obtenir des données de base pour une bonne prise en charge de la nutrition du client atteint d’une maladie rénale.

7.7.1

Évaluation nutritionnelle

Les manifestations fréquentes observées dans l’évaluation nutritionnelle du client atteint d’une insufsance rénale sont résumées dans l’ENCADRÉ 7.7.

7.7.2

Soutien nutritionnel

Les besoins nutritionnels de la personne atteinte d’une affection rénale sont complexes. L’objectif de l’intervention en nutrition est d’assurer un apport équilibré en calories, en protéines, en vitamines et en minéraux, en évitant tout excès (Charney & Charney, 2002).

Collecte des données ENCADRÉ 7.7

Résultats d’évaluation possiblement associés à une insufsance rénale

PARAMÈTRES ANTHROPOMÉTRIQUES

• Poids insufsant (peut être masqué par un œdème) RÉSULTATS D’ANALYSES BIOCHIMIQUES

• Anémie liée à la production insufsante d’érythropoïétine et aux pertes de sang durant l’hémodialyse • Déséquilibres électrolytiques • Hypertriglycéridémie liée à l’utilisation du glucose comme agent osmotique dans la dialyse et au recours aux glucides pour fournir les calories nécessaires

130

Partie 1

Fondements généraux

• Hypoalbuminémie liée à la restriction de l’apport en pro­ téines, à l’inammation et aux pertes d’acides aminés pendant la dialyse MANIFESTATIONS CLINIQUES

• Atrophie des muscles et des tissus adipeux sous­cutanés (peut être masquée par un œdème) HABITUDES ALIMENTAIRES OU HISTOIRE DE SANTÉ

• Apport alimentaire insufsant lié à la restriction de la quantité de protéines et d’électrolytes consommée et à l’altération du goût

Protéines Les reins assurent l’excrétion de l’azote provenant du catabolisme des acides aminés et des protéines sous la forme d’urée (Charney & Charney, 2002). Lorsque l’excrétion urinaire de l’urée est altérée par l’insufsance rénale, la concentration d’urée sérique augmente, et un apport en protéines excessif peut alors aggraver l’urémie (Kapadia, Bhojani & Shah, 2003). Toutefois, un client atteint d’insufsance rénale subit souvent d’autres stress physiologiques qui augmentent les besoins en protéines ou en acides aminés : pertes à cause de la dialyse, des plaies et des stules ; utilisation de corticostéroïdes exerçant un effet catabolisant ; augmentation de la sécrétion endogène de catécholamines, de corticostéroïdes et de glucagon, ayant tous pour effet d’accroître le catabolisme ; conditions catabolisantes telles que trauma, intervention chirurgicale et sepsie (Kapadia et al., 2003). La personne ayant une lésion rénale aiguë a besoin d’un apport sufsant en protéines pour prévenir le catabolisme des tissus corporels. Une lésion rénale aiguë stable sans signe de surcharge liquidienne ou de déséquilibre électrolytique ou acidobasique peut être traitée de manière classique sans le recours à une thérapie de remplacement rénal (Kapadia et al., 2003). Toutefois, lorsque la fonction rénale se détériore, la dialyse péritonéale, l’hémodialyse intermittente et l’hémoltration artérioveineuse continue peuvent être nécessaires pour maintenir l’homéostasie et prévenir les complications métaboliques (Charney & Charney, 2002). La perte en protéines se trouve accentuée au cours de l’hémodialyse, puisque les acides aminés libres sont ltrés et éliminés, tandis que les protéines plus grosses comme l’albumine et les immunoglobulines sont conservées ; les protéines et les acides aminés sont aussi éliminés par la dialyse péritonéale, ce qui augmente la demande nutritionnelle en protéines (Case, Cuddy & Dooling McGurk, 2000 ; Charney & Charney, 2002). Les besoins en protéines peuvent aussi être plus élevés, en fonction du degré de stress (Scheinkestel, Kar, Marshall et al., 2003). Pour limiter l’effet du catabolisme et assurer une balance azotée positive, les clients atteints d’une lésion rénale aiguë traitée par dialyse devraient recevoir par voie entérale environ 1,8 à 2,0 g de protéines/kg/jour, selon le taux de catabolisme, l’efcacité de la fonction rénale et les pertes par dialyse (Brown, Compher & the American Society for Parenteral and Enteral Nutrition Board of Directors, 2010).

Liquides et sodium Chez une personne atteinte d’insufsance rénale, la restriction liquidienne et sodique ne devient en général nécessaire que lorsque le débit urinaire commence à diminuer puisque la rétention liquidienne d’eau augmente (La Fondation canadienne du rein, 2003). Un client sous traitement d’hémodialyse est limité à un apport liquidien journalier de 500 à 750 ml, plus le volume perdu dans l’urine (Kapadia

et al., 2003). Dans un cas de recours à la dialyse péritonéale continue, à l’hémoltration ou à l’hémodialyse, l’apport liquidien autorisé peut être plus élevé (Wiggins & Harvey, 2002). Cette augmentation du volume liquidien autorisé permet un apport plus adéquat en nutriments par voie orale, entérale ou parentérale. Les préparations entérales contenant de 1,5 à 2 calories/ml ou plus constituent une source concentrée de calories pour les clients alimentés par sonde qui sont assujettis à des restrictions liquidiennes. L’administration de lipides par voie I.V., en particulier sous la forme d’émulsions à 20 %, peut constituer un apport énergétique concentré pour le client sous nutrition parentérale. La nutrition parentérale intradialytique ne devrait pas être administrée durant les séances d’hémodialyse au client malnutri, parce qu’elle ne permet pas de combler tous les besoins nutritionnels et parce qu’elle est associée à des effets indésirables liés à une administration rapide de glucose et de lipides (Brown et al., 2010).

7

Énergie (calories) Le catabolisme chez les clients atteints d’insufsance rénale réduit la masse des muscles et libère de l’azote qui doit être excrété par les reins. Chez un adulte atteint d’insufsance rénale, l’apport doit être d’environ 25 à 35 calories/kg/jour pour prévenir les effets du catabolisme et faire en sorte que toutes les protéines consommées soient utilisées dans les réactions anaboliques, et non pas pour répondre aux besoins énergétiques (Charney & Charney, 2002). Après une transplantation rénale, où le client se voit en général administrer des doses élevées de corticostéroïdes, il est particulièrement important de s’assurer que l’apport calorique s’avère adéquat pour prévenir les réactions cataboliques indésirables. Le glucose instillé durant la dialyse péritonéale à titre d’agent osmotique peut être absorbé, et cette quantité doit être considérée comme faisant partie de l’apport en glucides du client (Charney & Charney, 2002). Le monohydrate de glucose (ou dextrose), utilisé dans les solutions I.V. et le dialysat, apporte 3,4 calories/g. Si le client reçoit 4,25 % de glucose (4,25 g de glucose/100 ml de solution) dans le dialysat, l’apport calorique est alors de : 42,5 g/L 3 70 % 3 3,4 calories/g 5 101 calories/L de dialysat Le glucose présent dans le dialysat péritonéal peut être un facteur contributif de l’hypertriglycéridémie. Pour aider à la maîtriser, les glucides ne devraient constituer qu’environ 30 à 35 % de l’apport calorique du client, la majeure portion des glucides alimentaires provenant des glucides complexes. Une consommation quotidienne de bres de 25 g pour les femmes ou de 38 g pour les hommes peut aider à maîtriser les taux de triglycérides (ADA, 2008). Les bres alimentaires se trouvent notamment dans les fruits, les légumes, l’avoine et le son. Le son de blé constitue une bonne source de bres (de 5 à 10 g/30 ml), Chapitre 7

Altérations et gestion de l’état nutritionnel

131

mais il fournit aussi de grandes quantités de phosphore et, pour cette raison, il peut accélérer la progression de l’insuffisance rénale. Pour le client alimenté par sonde, il est possible d’opter pour une préparation contenant des bres alimentaires (Nestlé Health Science, 2012). Pour aider à maîtriser l’hypertriglycéridémie et pour fournir des calories sous une forme concentrée dans un volume de liquide minimal, il peut être nécessaire d’utiliser les lipides pour combler jusqu’à 40 % de l’apport énergétique du client. L’hypercholestérolémie est fréquente chez les personnes atteintes d’insufsance rénale. Pour diminuer le taux de cholestérol, il faut privilégier les graisses insaturées présentes dans les huiles (d’olive, de canola, de soya) et dans les noix, les poissons, les viandes blanches. Les graisses saturées (gras trans et gras saturés) provenant principalement de la viande et des produits laitiers ont tendance à élever les taux de cholestérol (Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada, 2008). Une réduction de l’apport en viandes rouges et grasses, en produits laitiers riches, en shortening végétal, en pâtisseries, en croustilles et en sucreries aide à abaisser la quantité de cholestérol et de graisses saturées consommés. Les bres solubles trouvées dans l’avoine et le son aident à abaisser le taux de cholestérol, tout comme les fruits et les légumes (Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada, 2008). Les émulsions lipidiques I.V. et les lipides à chaîne longue présents dans la plupart des préparations commerciales entérales sont principalement polyinsaturés.

Autres nutriments Certains nutriments comme le potassium et le phosphore font l’objet d’une restriction parce qu’ils sont excrétés par les reins (La Fondation canadienne du rein, 2003). Il n’y a pas d’exigences particulières concernant les vitamines liposolubles A, D, E et K, parce qu’elles ne sont pas éliminées de manière appréciable par la dialyse et que la restriction prévient en général la survenue d’une toxicité. Chez la personne atteinte d’une affection rénale en phase terminale, il faut surveiller les taux de vitamine A, dont la clairance peut diminuer (Brown et al., 2010). Les besoins en plusieurs vitamines hydrosolubles et en oligoéléments sont plus importants chez la personne dialysée,

car du fait de leur petite taille, ces substances passent facilement à travers le ltre de dialyse. Il peut donc s’avérer nécessaire d’administrer des suppléments de vitamines et de minéraux (La Fondation canadienne du rein, 2003 ; Wiggins & Harvey, 2002).

7.8

Nutrition et altération de la fonction hépatique

En raison des liens intrinsèques entre le tube digestif et l’alimentation, il n’est pas surprenant qu’une atteinte de celui-ci et de ses organes accessoires, comme le foie, ait une incidence majeure sur la nutrition. L’insufsance hépatique est une maladie grave courante chez les clients des unités de soins critiques.

7.8.1

Évaluation nutritionnelle

Certaines manifestations cliniques fréquemment observées au cours de l’évaluation nutritionnelle du client atteint d’une altération de la fonction hépatique sont résumées dans l’ENCADRÉ 7.8.

7.8.2

Soutien nutritionnel

Insufsance hépatique Le foie, organe métabolique le plus important du corps, est responsable du métabolisme des glucides, des lipides et des protéines, du stockage et de l’activation des vitamines et de la détoxication des déchets (Patton & Aranda-Michel, 2002). L’insufsance hépatique est associée à un large spectre d’altérations du métabolisme. Le foie atteint ayant une capacité altérée de biotransformer les hormones circulantes, les taux sériques de glucagon, d’adrénaline et de cortisol demeurent élevés. Ces hormones stimulent le catabolisme des tissus corporels et provoquent l’épuisement des réserves de glycogène. La libération de lipides à partir des réserves est accélérée, mais la capacité du foie de les métaboliser pour produire de l’énergie se trouve amoindrie. De plus, la production insufsante de sels biliaires par le foie entraîne une malabsorption des lipides fournis par l’alimentation. Les protéines corporelles sont utilisées comme sources d’énergie, ce

Collecte des données ENCADRÉ 7.8

132

Partie 1

Résultats d’évaluation possiblement associés à une altération de la fonction hépatique

DONNÉES BIOCHIMIQUES DE LABORATOIRE

MANIFESTATIONS CLINIQUES

• Anémie associée à la perte de sang causée par les varices œsophagiennes • Hypoalbuminémie (pouvant s’expliquer principalement par une atteinte hépatique, et non par la malnutrition) • Hypomagnésiémie liée à l’abus d’alcool

• Atrophie des muscles et des tissus adipeux sous-cutanés (peut être masquée par un œdème) • Confusion, délirium, nystagmus ou neuropathie périphérique liée à une carence en thiamine causée par l’abus d’alcool (syndrome de Wernicke-Korsakoff)

Fondements généraux

qui provoque une atrophie des tissus. Les acides aminés à chaîne ramiée, c’est-à-dire la leucine, l’isoleucine et la valine, sont davantage utilisés comme sources d’énergie, entraînant une baisse de leur concentration dans le sang. Inversement, les taux d’acides aminés aromatiques, c’est-à-dire la phénylalanine, la tyrosine et le tryptophane, augmentent par suite du catabolisme tissulaire et de la capacité réduite qu’a le foie de les éliminer de la circulation sanguine. Les acides aminés à chaîne ramiée ne sont pas aussi dépendants du métabolisme hépatique que les acides aminés aromatiques (Patton & Aranda-Michel, 2002). Ces derniers sont des précurseurs des neurotransmetteurs (sérotonine et dopamine) dans le système nerveux central. L’augmentation de la concentration de ces composés provoque une encéphalopathie en favorisant la synthèse de faux neurotransmetteurs entrant en compétition avec les neurotransmetteurs endogènes. Le foie atteint ne pouvant plus éliminer adéquatement l’ammoniac de la circulation, cette substance s’accumule dans le cerveau et contribue à l’aggravation des symptômes de l’encéphalopathie et d’un œdème cérébral (Canadian Liver Foundation, 2012 ; McClave et al., 2009 ; Patton & Aranda-Michel, 2002).

Surveillance de l’équilibre liquidien et électrolytique L’ascite et l’œdème sont causés par une combinaison de facteurs : la pression osmotique du plasma diminue à cause de la réduction de la production d’albumine et d’autres protéines plasmatiques par le foie atteint ; l’augmentation de la pression dans la veine portale causée par la congestion hépatique favorise la fuite du plasma dans l’espace extravasculaire ; et la rétention rénale de sodium attribuable à un hyperaldostéronisme secondaire (McCance & Huether, 2010). Pour lutter contre la rétention liquidienne, il est en général nécessaire de limiter l’apport quotidien en sodium à environ 2 000 mg (Patton & Aranda-Michel, 2002) et en liquides à 1 500 ml ou moins, en conjonction avec l’administration de diurétiques. Il faut peser le client chaque jour an d’évaluer l’efcacité du traitement. L’état physique du client et les résultats des analyses de laboratoire doivent être surveillés étroitement an de repérer toute carence en potassium, en phosphore, en zinc et en vitamines A, D, E et K (McClave et al., 2009).

Élaboration d’un régime alimentaire nutritif et évaluation de la réponse aux protéines alimentaires La MPE et les carences nutritionnelles sont courantes chez la personne atteinte d’insufsance hépatique. Les causes de la malnutrition demeurent complexes et sont en général liées à la diminution de l’apport en nutriment dans l’alimentation, à la malabsorption et au métabolisme anormal des nutriments (Patton & Aranda-Michel, 2002). L’intervention en nutrition pour les clients atteints d’insufsance hépatique doit être individualisée, et elle repose sur ces changements métaboliques (Case et al., 2002 ; Patton & ArandaMichel, 2002). Une alimentation apportant

une quantité suffisante de protéines contribue à contrebalancer les réactions cataboliques et à favoriser la régénération du foie tout en prévenant l’encéphalopathie hépatique (Canadian Liver Foundation, 2012). Les clients stables atteints de cirrhose tolèrent habituellement entre 0,8 et 1,0 g de protéines/kg/jour. Les clients qui subissent un stress important ou ayant des décits nutritionnels ont des besoins plus élevés, pouvant atteindre de 1,2 à 2,0 g de protéines/kg/jour (Patton & Aranda-Michel, 2002). Une pharmacothérapie agressive, notamment par le lactulose (CéphulacMD), la rifaximin (ZaxineMD) (antibiotiques), est considérée comme un traitement de première intention dans la prise en charge de l’encéphalopathie hépatique aiguë avant d’envisager de limiter l’apport en protéines, qui pourrait conduire à la MPE (Khungar & Poordad, 2012 ; McClave et al., 2009). L’anorexie peut interférer avec l’ingestion par voie orale (Patton & Aranda-Michel, 2002), et il peut être nécessaire que l’inrmière prodigue de nombreux encouragements au client pour qu’il s’alimente de façon appropriée. L’instauration d’un bilan alimentaire peut s’avérer utile pour vérier la consommation par voie orale. Les petites collations fréquentes sont en général mieux tolérées par la personne anorexique que trois gros repas quotidiens et permettent de réduire la néoglucogenèse (Patton & ArandaMichel, 2002). Les aliments mous sont préférables parce que le client peut avoir des varices œsophagiennes qui pourraient être irritées par une nourriture rude (Nix, 2009). Si le client ne parvient pas à satisfaire ses besoins énergétiques, il peut être nécessaire de recourir à la supplémentation par voie orale ou à l’alimentation entérale (McClave et al., 2009). Les sondes de petit calibre peuvent être utilisées en toute sécurité sans augmenter le risque d’hémorragie variqueuse (Patton & Aranda-Michel, 2002). Il faut réserver la nutrition parentérale aux personnes qui sont absolument incapables de tolérer l’alimentation entérale (McClave et al., 2009). Une diète dont l’apport énergétique est adéquat (au moins 30 calories/kg par jour) aide à prévenir les réactions cataboliques et le recours aux protéines alimentaires pour répondre aux besoins caloriques (Florez & Aranda-Michel 2002). Dans les cas de malabsorption, des triglycérides à chaîne moyenne peuvent être utilisés pour satisfaire aux besoins énergétiques. L’administration d’enzymes pancréatiques (CotazymMD) constitue une autre option. Les produits enrichis en acides aminés à chaîne ramiée ont été mis au point pour l’alimentation entérale et la nutrition parentérale des personnes souffrant d’une affection hépatique grave. Ils peuvent être utilisés chez le client atteint d’une encéphalopathie hépatique aiguë qui ne tolère ni les régimes alimentaires standards ni les préparations entérales ou qui ne répond pas au lactulose (Patton & Aranda-Michel, 2002). Toutefois, aucune donnée probante ne démontre la supériorité des acides aminés à chaîne ramiée aux préparations standards en ce qui concerne le bilan azoté ou le traitement de Chapitre 7

Altérations et gestion de l’état nutritionnel

7

133

l’encéphalopathie (McClave, 2009). La personne ayant subi une greffe du foie peut en général tolérer un régime alimentaire normal avec quelques restrictions. L’apport durant la période postopératoire doit être sufsant pour permettre la réplétion nutritionnelle et le rétablissement ; de 1,0 à 1,2 g de protéines/ kg/jour et environ 30 calories/kg/jour sufsent en général. Le traitement immunosuppresseur (corticostéroïdes et cyclosporine [NeoralMD] ou tacrolimus [Advagraf MD, Prograf MD]) contribue à l’intolérance au glucose (Vicenti, Friman, Scheuermann et al., 2007). Les principales mesures d’ordre alimentaire visant à maîtriser l’intolérance au glucose sont les suivantes : 1) faire en sorte que les lipides apportent environ 30 % des calories alimentaires ; 2) privilégier les sources de glucides complexes ; 3) prendre plusieurs petits repas chaque jour. L’activité physique modérée améliore souvent la tolérance au glucose.

7.9

Nutrition et altération de la fonction endocrine

Les altérations de la fonction endocrine ont de profondes répercussions sur tous les systèmes de l’organisme et exercent leurs effets sur l’état nutritionnel de différentes manières. Le diabète mellitus constitue l’un des problèmes endocriniens les plus courants dans la population générale et chez les personnes en situation critique de santé. La pancréatite est une maladie grave souvent observée chez les clients des unités de soins critiques. La discussion qui suit porte sur ces deux maladies touchant le pancréas.

7.9.1

Évaluation nutritionnelle

En raison de la prévalence des cas de diabète non insulinodépendant (diabète mellitus de type 2) au sein de la clientèle hospitalisée et de l’association de cette affection avec le surpoids, les problèmes nutritionnels les plus couramment diagnostiqués chez les personnes présentant une altération de la fonction endocrine sont le surpoids et l’obésité. L’hyperglycémie et l’hyperlipidémie sont d’autres manifestations cliniques courantes chez le diabétique, qui peuvent aussi survenir chez les clients atteints de pancréatite.

7.9.2

Soutien nutritionnel

Diabète mellitus Soutien nutritionnel et maîtrise de la glycémie Chez le client atteint de diabète insulinodépendant (diabète mellitus de type 1) ou d’un dysfonctionnement endocrinien causé par une pancréatite, une perte de poids et un état de dénutrition causés par le catabolisme tissulaire sont souvent observés, puisque la personne est incapable d’utiliser les glucides apportés par l’alimentation pour combler ses besoins énergétiques. Si le surpoids est plus fréquent

134

Partie 1

Fondements généraux

que l’insuffisance pondérale chez la personne atteinte de diabète de type 2, celle-ci peut également souffrir de malnutrition. Le soutien nutritionnel ne doit pas être négligé du simple fait que le client est obèse, car il existe un risque de survenue de MPE chez ce type de clientèle. Lorsqu’une personne ne sera vraisemblablement pas capable de manger pendant au moins cinq à sept jours ou que l’apport alimentaire sera insufsant pendant cette période, l’instauration de l’alimentation entérale ou de la NP devient indiquée. Aucun processus pathologique ne prote d’un jeûne, et l’apparition ou la progression d’une carence nutritionnelle peut contribuer à engendrer des complications comme les lésions de pression, les infections pulmonaires ou urinaires et la sepsie, qui ont pour conséquence de prolonger le séjour au centre hospitalier et d’augmenter le coût des soins, sans compter qu’elles peuvent être mortelles. La normalisation de la glycémie est particulièrement importante dans les soins prodigués au client en chirurgie. Un diabète mal maîtrisé nuit à la fonction immunitaire en réduisant l’adhérence des granulocytes, le chimiotactisme et la phagocytose (Rassias, Givan, Marrin et al., 2002 ; Van den Berghe, Wouters, Weekers et al., 2001). Dans les études portant sur des clients en situation critique de santé subissant un large éventail d’interventions chirurgicales non urgentes ou une chirurgie des artères coronaires, une glycémie de 11 mmol ou plus durant les 24 à 36 heures suivant l’opération est associée à des taux plus élevés d’infection nosocomiale que lorsque les taux de glucose sont plus faibles (Van den Berghe et al., 2001). Pour maintenir un contrôle serré de la glycémie, il faut la surveiller régulièrement, en général plusieurs fois par jour, jusqu’à ce que l’état du client soit stable. Si la personne est incapable de tolérer l’alimentation par voie orale ou entérale, la nutrition parentérale peut être nécessaire pour répondre aux besoins nutritionnels en cas de mala die aiguë (McMahon, 2004). L’ajout d’insuline régulière S.C. ou en perfusion est une méthode couramment utilisée pour normaliser la glycémie chez un client sous soutien nutritionnel (Charney & Hertzler, 2004). La posologie requise peut être supérieure à la dose habituelle du client, car une fraction de l’insuline adhère à la paroi des acons en verre et des sacs en plastique ou au dispositif d’administration. Il est recommandé d’utiliser les cibles glycémiques de 7,8 à 10 mmol/L pour les clients hospitalisés sous soutien nutritionnel (McMahon, Nystrom, Braunschweig et al., 2013). Chez un client sous alimentation entérale, la voie postpylorique (par sonde nasoduodénale, nasojujénale ou par jéjunostomie) pourrait être la plus efcace, car la gastroparésie peut limiter la tolérance à ce type d’alimentation (Jones, 2004). L’alimentation entérale postpylorique est administrée en continu, étant associée à un meilleur équilibre glycémique (Charney & Hertzler, 2004). Les préparations enrichies en bres peuvent ralentir l’absorption des

glucides, ce qui permet d’obtenir une réponse glycémique plus tardive et plus stable (Charney & Hertzler, 2004). La plupart des préparations standards contiennent des proportions équilibrées de glucides, de protéines et de lipides qui conviennent à la personne diabétique. Il n’a pas été démontré que les préparations spéciales pour diabétiques amélioraient les résultats par rapport aux préparations standards (McMahon et al., 2013).

Vomissements et diarrhée graves chez la personne diabétique de type 1 Lorsqu’une personne diabétique est prise de vomissements ou de diarrhée assez graves pour entraver l’alimentation orale ou pour entraîner un déséquilibre hydroélectrolytique, il faut lui fournir une quantité adéquate de liquides et de glucides pour compenser les pertes étant donné un risque plus élevé d’hypoglycémie. Les nausées et les vomissements peuvent être traités par l’administration d’antiémétiques (Framer, Kadirkamanathan & Aziz, 2012 ; Jones, 2004). En général, le client aux prises avec des nausées et des vomissements tolère mieux les petites quantités d’aliments et de liquides prises toutes les 15 à 20 minutes. La vidange gastrique retardée occasionnée par une gastroparésie diabétique touche environ 12 % des personnes atteintes de diabète (Farmer et al., 2012).

Prévention des complications dans les cas de diabète La maîtrise optimale de la glycémie dans le diabète de type 1 et de type 2 est associée à une diminution du risque de survenue d’une rétinopathie, d’une neuropathie et des autres complications à long terme de cette affection (Extenso, 2012). L’autoévaluation de la glycémie s’avère essentielle à la bonne gestion du diabète, et la nutrition est considérée comme l’élément le plus important des soins antidiabétiques pour atteindre les cibles glycémiques (Paul, 2002). La composition des repas suit les principes du régime alimentaire favorisant la santé du cœur, selon lequel la quantité de lipides, de gras saturés et de cholestérol doit être réduite (respectivement à 20-30 %, à 10 % de l’apport calorique total et inférieure à 300 mg) et où les protéines doivent représenter de 15 à 20 % de l’apport calorique total (McMahon, 2004 ; Paul, 2002). Les glucides devraient être fournis principalement par les grains entiers, les fruits, les légumes et le lait à faible teneur en matières grasses (ADA, 2008) et représenter de 50 à 60 % de l’apport calorique total (Paul, 2002). Les bres solubles (son, céréales d’avoine, légumes et légumineuses, fruits riches en pectine) devraient faire partie de l’alimentation quotidienne, car elles permettent d’abaisser la glycémie et contribuent à la perte de poids en diminuant l’absorption intestinale (Diabète Québec, 2007). Un menu quotidien typique devrait apporter envi ron 1 500 à 2 000 calories comprenant 3 à 5 aliments riches en glucides à chaque repas, fournissant chacun 15 g de ces nutriments (ADA, 2008). Une surveillance attentive de l’apport alimentaire en glucose et de la glycémie est essentielle chez un

client en situation critique de santé pour répondre à ses besoins nutritionnels et maintenir un bon équilibre glycémique (McMahon, 2004). En évitant la suralimentation, le risque d’hyperglycémie et de ses complications connexes est limité (McMahon, 2004). Il a été démontré que l’insulinothérapie intensive réduit les taux de mortalité chez les clients en situation critique de santé subissant une intervention chirurgicale (Van den Berghe et al., 2001). Il est d’une importance vitale que la nutritionniste travaille en étroite collaboration avec l’équipe soignante interdisciplinaire pour déterminer les méthodes d’alimentation et les préparations entérales appropriées, ainsi que les quantités de protéines, de lipides et de glucides apportées par la nutrition parentérale (Clement, Braithwaite, Magee et al., 2004).

7

Pancréatite Le pancréas est une glande exocrine et endocrine indispensable au bon déroulement de la digestion et du métabolisme des protéines, des glucides et des lipides. La pancréatite aiguë est un processus inammatoire qui résulte de l’autodigestion du pancréas par les enzymes qu’il sécrète (Canadian Digestive Health Foundation, 2013 ; Ong & Fock, 2012). L’ingestion d’aliments stimule la sécrétion pancréatique, ce qui aggrave les lésions du pancréas et la douleur associée à cette affection. La personne atteinte souffre en général de sensibilité et de douleurs abdominales (Canadian Digestive Health Foundation, 2013 ; Teshima, Bridges & Fedorak, 2012) et présente une élévation du taux d’enzymes pancréatiques de trois fois supérieures à la normale (Teshima et al., 2012). En utilisant les données sociodémographiques de 2010 tirées de Statistique Canada, Teshima et ses collaborateurs (2012) ont estimé que 15 100 Canadiens étaient atteints d’une pancréatite aiguë en 2010, dont 300 en serait décédés, et 2 070 souffraient d’une pancréatite chronique, dont 40 en seraient morts. Les clients atteints de la forme bénigne de cette affection n’ont pas besoin de soutien nutritionnel et recommencent en général à s’alimenter par voie orale en l’espace de sept jours (Russel, 2004). Une pancréatite chronique, caractérisée par la brose des cellules du pancréas, peut apparaître. Cette situation entraîne une perte des fonctions exocrine et endocrine en raison de la destruction des cellules acineuses et des cellules des îlots pancréatiques (Ong & Fock, 2012). La perte de la fonction exocrine conduit à la malabsorption et à la stéatorrhée. Dans la pancréatite chronique, la perte de la fonction endocrine entraîne une diminution de la tolérance au glucose (Ong & Fock, 2012).

Prévention de l’aggravation des lésions du pancréas et des carences nutritionnelles La prise en charge nutritionnelle efcace est un élément clé dans le traitement du client atteint d’une pancréatite aiguë ou présentant des exacerbations de la pancréatite chronique. La crainte que l’alimentation Chapitre 7

Altérations et gestion de l’état nutritionnel

135

puisse stimuler la production d’enzymes digestives et accentuer les lésions tissulaires a mené à l’utilisation généralisée de la nutrition parentérale an de favoriser le repos intestinal (Ong & Fock, 2012). Les données probantes tirées des essais cliniques randomisés ont démontré que, dans le cas d’une pancréatite grave, un soutien nutritionnel entéral est plus bénéfique que le repos intestinal prolongé et la NPT (Academy of Nutrition and Dietetics, 2012g ; Ong & Fock, 2012). En effet, on dénombre moins d’infections et de recours à la chirurgie, le taux de mortalité est inférieur chez les clients qui reçoivent une alimentation entérale, et les coûts associés sont moindres (Avgerinos, Delis, Rizos et al., 2003 ; Ong & Fock, 2012). Il arrive qu’un client qui ne tolère pas l’alimentation entérale doive recevoir une nutrition parentérale et, dans certains cas, il faut utiliser ces deux procédés

en combinaison pour que l’apport nutritionnel soit adéquat (Abou-Assi & O’Keefe, 2002 ; Dejong, Greve & Soeters, 2001). Les préparations entérales élémentaires et à faible teneur en lipides et celles où ces nutriments sont apportés par les triglycérides à chaîne moyenne stimulent moins la sécrétion d’enzymes par le pancréas (Ong & Fock, 2012). La restriction en lipides est liée à la gravité de la stéatorrhée et de l’intensité des douleurs abdominales ressenties par le client (Academy of Nutrition and Dietetics, 2012g). Dans un cas de pancréatite chronique, un traitement de remplacement des enzymes pancréatiques peut être indiqué (Academy of Nutrition and Dietetics, 2012g). Les lignes directrices pour le traitement du diabète sont applicables aux soins à la personne atteinte d’intolérance au glucose ou de diabète causés par une pancréatite.

ÉTUDE DE CAS SOLUTIONNAIRE

http://mabibliotheque. cheneliere.ca

Cliente ayant des problèmes nutritionnels Mise en contexte Sylvie Laporte, âgée de 49 ans, est atteinte de cardiomyopathie au stade terminal. Elle est copropriétaire d’un restaurant avec son mari depuis de nombreuses années. Elle souffre d’anorexie (manque d’appétit) et trouve difcile de manger des aliments solides, ce qui occasionne de la malnutrition. Au cours du dernier mois, elle a perdu 4,5 kg. Madame Laporte a été inscrite sur la liste de transplantation cardiaque il y a six mois. Elle a accepté l’hospitalisation pour optimiser son état nutritionnel ainsi que les soins et les traitements médicaux qu’elle reçoit.

Manifestations cliniques Madame Laporte est admise à l’unité de soins critiques. On lui a posé un cathéter central pour lui administrer de la dobutamine (DobutrexMD). La nutritionniste a effectué son évaluation nutritionnelle. Elle recommande de prendre de petites portions fréquentes d’aliments à forte densité énergétique et à faible teneur en sodium.

Collecte des données objectives Madame Laporte mesure 1,57 m et pèse 40,8 kg. Ses signes vitaux sont les suivants : P.A. à 100/60 mm Hg, F.C. sinusale à 80 batt./min, F.R. à 20 min, T° à 37,0 °C. Les taux sériques mesurés en laboratoire sont les suivants : hémoglobine : 83 mg/dl ; préalbumine : 0,14 g/L ; sodium : 125 mmol/L ; potassium : 3,3 mmol/L ; chlorure : 94 mmol/L ; PCO2 : 26 mEq/L ; calcium : 2,0 mmol/L ; magnésium : 0,65 mmol/L ; PNB : 500 pg/ml.

Diagnostic médical Madame Laporte reçoit un diagnostic de cachexie cardiaque découlant de la cardiomyopathie au stade terminal.

Questions 1. Quels sont les principaux résultats escomptés pour cette cliente ? 2. Quels problèmes prioritaires ou risques doivent être contrôlés et inscrits au plan thérapeutique inrmier (PTI) pour obtenir ces résultats ?

136

Partie 1

Fondements généraux

3. Quelles interventions doivent être mises en œuvre et inscrites au PTI pour surveiller, prévenir, gérer ou éliminer les problèmes et les risques désignés ? 4. Quelles interventions devraient être mises en œuvre pour optimiser le fonctionnement, la sécurité et le bien-être de la cliente ? 5. Quels besoins d’enseignement prévoyez-vous pour cette cliente ? 6. Quels facteurs liés à la culture et à l’âge de la cliente peuvent influer sur le plan de soins et de traitements ?

À RETENIR • Un dépistage des problèmes nutritionnels doit être effectué pour chaque client. Par la suite, toute personne considérée comme étant à risque sur le plan nutritionnel doit faire l’objet d’une évaluation nutritionnelle plus approfondie. • La malnutrition peut être liée à un ou à plusieurs nutriments essentiels, mais un type de malnutrition grave observé fréquemment chez la personne hospitalisée est la malnutrition protéinoénergétique (MPE). La malnutrition est en général le résultat des effets combinés d’une alimentation insufsante et de l’hypermétabolisme (catabolisme). • La malnutrition est associée à un grand nombre de conséquences indésirables, notamment la déhiscence des plaies, les infections, les lésions de pression, l’insufsance respiratoire nécessitant une assistance ventilatoire, la prolongation de la durée de l’hospitalisation et la mort. • Il faut privilégier la voie orale, puis la voie entérale si la voie orale n’est pas disponible pour l’alimentation parce que celles-ci assurent un meilleur maintien de l’intégrité intestinale. De plus, ces voies sont associées à un séjour hospitalier et à des risques d’infections et de

complications moindres que la nutrition parentérale. • Une alimentation entérale précoce (dans les 24 à 48 premières heures de l’admission aux soins critiques) réduit les complications septiques et améliore la tolérance chez le client en situation critique de santé, car elle permet de contrer l’effet de l’augmentation du catabolisme, présent dans le cas d’une altération de la fonction cardiaque (p. ex., l’insufsance cardiaque), respiratoire (p. ex., la maladie pulmonaire obstructive chronique [MPOC]), neurologique (p. ex., une lésion cérébrale traumatique), rénale (p. ex., l’insufsance rénale chronique), hépatique (p. ex., l’insufsance hépatique) et endocrine (p. ex., le diabète, la pancréatite). • Il est particulièrement important d’être sensibilisé au risque d’aspiration bronchique chez le client sous alimentation entérale pour prévenir les pneumonies. Ainsi, la tête de lit du client doit être maintenue à un angle d’au moins 45° durant l’alimentation entérale. • L’alimentation orale, entérale ou parentérale devrait être adaptée en fonction des besoins individuels des clients. Elle doit combler les besoins énergétiques, en

Chapitre 7

vitamines et en minéraux tout en limitant les excès qui augmentent les risques d’obésité (apport trop riche en calories), de maladie du cœur (apport trop riche en lipides, en cholestérol et en sodium), d’insufsance respiratoire (apport trop riche en glucides pour les clients atteints de MPOC ou en liquide pour les clients atteints d’insufsance rénale ou d’insufsance cardiaque) ou de diabète. • Les personnes atteintes de dysphagie ou ayant une faiblesse des muscles de la déglutition éprouvent souvent beaucoup de difculté à avaler des aliments secs ou des liquides légers, comme l’eau, qui sont difciles à maîtriser. Les boissons peuvent être épaissies en y ajoutant un produit épaississant commercial, des céréales pour bébé ou du yogourt ; les nectars de fruits peuvent être mieux tolérés que les jus moins épais. • Chez le client atteint de pancréatite, la crainte que l’alimentation puisse stimuler la production d’enzymes digestives et perpétuer les lésions tissulaires a amené à opter pour l’utilisation généralisée de la nutrition parentérale et le repos intestinal alors que la bonne stratégie est de fournir un soutien nutritionnel précoce.

Altérations et gestion de l’état nutritionnel

137

chapitre

8

Gestion de la douleur

Écrit par : Céline Gélinas, RN, Ph. D. Caroline Arbour, B. Sc., RN, Ph. D. (c) Adapté par : Sylvie Le May, inf., Ph. D.

M

algré les efforts déployés à l’échelle nationale et internationale, les lignes directrices, les normes de pratique, les prises de position et les nombreuses découvertes importantes faites dans le domaine de la gestion de la douleur au cours des trois dernières décennies, les personnes en situation critique de santé peuvent ressentir de la douleur modérée à intense, au repos ou durant les soins de routine (Chanques, Sebbane, Barbotte et al., 2007 ; Puntillo, White, Morris et al., 2001). À titre d’exemple, dans des études antérieures, des adultes en situation critique de santé ont indiqué que le retrait d’un drain (p. ex., un drain thoracique), les mobilisations et les soins de plaies étaient les procédures les plus douloureuses (Gélinas, 2007 ; Puntillo et al., 2001). En dépit de cette situation, la douleur demeure insufsamment traitée chez la plupart des clients en situation critique de santé (Puntillo, Wild, Morris et al., 2002). Le présent chapitre vise à permettre à l’inrmière de mieux comprendre la physiologie de la douleur. Les indicateurs pouvant être utilisés pour l’évaluation de la douleur y sont également présentés, ainsi que plusieurs méthodes de gestion de celle-ci chez les clients en situation critique de santé.

8.1

Caractéristiques de la douleur

La douleur est décrite comme une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable liée à une lésion tissulaire existante ou exprimée dans des termes évoquant une telle lésion. Elle est associée à la perception de l’événement vécu par la personne et influencée par ses expériences passées (International Association for the Study of Pain [IASP] Subcommittee on Taxonomy, 1979 ; Marchand, 2009). Cette dénition souligne la nature multidimensionnelle de la douleur. Plus précisément, la subjectivité de cette notion sous-entend que la douleur est telle que la décrit la personne qui la ressent et qu’elle est présente chaque fois que cette personne l’afrme (McCaffery, 1979 ; Pasero & McCaffery, 2011). Cette dénition sous-entend également que le client est capable de procéder à une autoévaluation de sa douleur. Certains auteurs (Anand & Craig, 1996) ont proposé une autre dénition pour une catégorie particulière de clients non verbaux, les nourrissons, mais qui s’applique à toute population non verbale. Selon cette dénition, les changements de comportement causés par la douleur sont des formes d’autoévaluation valides qui devraient être considérées comme d’autres mesures de la douleur. Suivant ce principe, il convient de concevoir un modèle d’évaluation de la douleur adapté aux capacités de communication de chaque client. La douleur étant une expérience subjective, l’autoévaluation du client est considérée comme la mesure de la douleur la plus valide, et elle devrait être obtenue le plus souvent possible (Loeser & Treede, 2008). Malheureusement, dans le contexte des soins critiques, la communication avec le client peut être entravée par de nombreux facteurs, dont l’administration d’agents sédatifs, le recours à la ventilation mécanique et l’altération de l’état de conscience (Lome, 2005 ; Shannon & Bucknall, 2003). Ces obstacles rendent l’évaluation de la douleur plus complexe. Néanmoins, même s’ils sont incapables de parler, bon nombre de clients sous ventilation mécanique peuvent faire savoir qu’ils ressentent de la douleur en hochant la tête, en bougeant leurs mains ou en attirant l’attention par d’autres mouvements (Gélinas, 2007). Dans de telles situations, le recours à des méthodes de communication appropriées (p. ex., un tableau magique) peut réduire la détresse du client associée à la présence du tube endotrachéal en lui permettant de signaler la présence d’une douleur ou d’un inconfort de manière claire et précise (Khalaila, Zbidat, Anwar et al., 2011). Également, des échelles d’autoévaluation de l’intensité de la douleur ont été utilisées auprès de personnes sous ventilation mécanique venant de subir une chirurgie, à qui il a été demandé de montrer du doigt une valeur sur l’échelle (Gélinas & Johnston, 2007 ; Puntillo et al., 2001). Toutefois,

une étude portant sur des adultes sous ventilation mécanique admis pour différents diagnostics (trauma, intervention chirurgicale ou traitement médical) a révélé qu’un tiers d’entre eux seulement étaient capables d’utiliser une échelle d’intensité de la douleur (Gélinas & Johnston, 2007). Lorsque le caractère critique de sa maladie s’accentue, il devient plus difcile pour la personne de communiquer l’intensité de sa douleur par autoévaluation, en raison de la concentration et de l’énergie que cela exige. Les indicateurs comportementaux observables deviennent les seuls indices permettant d’évaluer la douleur et font partie des lignes directrices cliniques et des recommandations élaborées en Amérique du Nord (Barr, Fraser, Puntillo et al., 2013 ; Herr, 2011). Sa gestion efcace est de plus en plus considérée comme une responsabilité professionnelle envers le client. Un traitement insufsant de la douleur aiguë peut mener à des complications graves (Dunwoody, Krenzischek, Pasero et al., 2008 ; Kehlet, 2006) et à des syndromes de douleurs chroniques (Joshi & Ogunnaike, 2005 ; Nampiaparampil, 2008), qui peuvent avoir des répercussions importantes sur le fonctionnement, la qualité de vie et le bien-être du client. Ces observations soulignent l’importance de porter attention à la douleur dans le contexte particulier des soins critiques.

8.1.1

8

Composantes de la douleur

L’expérience de la douleur comprend plusieurs composantes : sensorielle, affective, cognitive, comportementale et physiologique (McGuire, 1992). • La composante sensorielle est la perception de nombreuses caractéristiques de la douleur telles que l’intensité, le site et la qualité. • La composante affective regroupe les émotions négatives telles que l’inconfort, l’anxiété, la crainte et l’anticipation qui peuvent être associées à l’expérience de la douleur. • La composante cognitive renvoie à l’interprétation ou à la signication de la douleur pour la personne qui la ressent. • La composante comportementale inclut les stratégies utilisées par la personne pour exprimer, éviter ou maîtriser la douleur. • La composante physiologique comprend la nociception et la réaction de stress.

8.1.2

Types de douleur

La douleur peut être aiguë ou chronique selon sa durée et être accompagnée de sensations différentes selon sa cause (nociceptive ou neuropathique).

Douleur aiguë La douleur aiguë est de courte durée et coïncide en général avec le processus de guérison (30 jours), mais Chapitre 8

Gestion de la douleur

139

elle ne devrait pas durer plus de 6 mois. Elle sousentend une lésion tissulaire dont la cause peut en général être déterminée. La douleur aiguë soustraitée peut provoquer une réaction de stress prolongée et mener à des lésions permanentes du système nerveux. Dans un tel cas, la douleur aiguë peut devenir chronique (Joshi & Ogunnaike, 2005 ; Kehlet, Jensen, Woolf et al., 2006).

Douleur chronique La douleur chronique persiste plus de six mois après le processus de guérison de la lésion initiale et n’est pas nécessairement associée à une maladie (IASP Task Force on Taxonomy, 1994). Elle apparaît lorsque le processus de guérison est incomplet ou, lorsque le traitement de la douleur a été inadéquat (Melzack, 1999). La douleur, tant aiguë que chronique, peut avoir une origine nociceptive ou neuropathique (Loeser & Treede, 2008).

Douleur nociceptive La douleur nociceptive est provoquée par l’activation des nocicepteurs (Loeser & Treede, 2008) et peut être somatique ou viscérale. La douleur somatique est associée aux tissus superciels comme la peau, les muscles, les articulations ou les os. Son site est bien défini. La douleur viscérale concerne les organes comme le cœur, l’estomac et le foie. Son site est diffus, et elle peut être projetée ailleurs dans l’organisme (Pasero & McCaffery, 2011). Tous les organes ne sont pas sensibles à la douleur, et certains peuvent subir des lésions très profondes sans que la personne s’en rende compte. Par exemple, bon nombre d’affections du foie, des poumons et des reins sont totalement indolores, les seuls symptômes ressentis étant ceux qui découlent du fonctionnement anormal de ces organes. En revanche, des lésions relativement mineures des viscères comme l’estomac, la vessie ou les uretères peuvent provoquer une douleur intense, car ces organes sont fortement innervés par des neurones sensoriels qui signalent les lésions ou les traumas à ces viscères (Cervero & Laird, 1999).

Douleur neuropathique La douleur neuropathique est provoquée par une lésion ou une affection touchant le système nerveux périphérique ou central (Loeser & Treede, 2008 ; Marchand, 2009). La névralgie et la neuropathie sont des exemples de douleur neuropathique périphérique, qui sous-entend une lésion du système somatosensoriel périphérique. La douleur neuropathique centrale touche le cortex somatosensoriel central et peut être ressentie après un accident vasculaire cérébral. La gestion de la douleur neuropathique peut s’avérer difcile et nécessite souvent une approche multimodale (c.-à-d. faisant appel à une combinaison de plusieurs traitements pharmacologiques ou non pharmacologiques) (Pasero & McCaffery, 2011).

140

Partie 1

Fondements généraux

8.1.3

Nociception

La nociception est l’activité nerveuse engendrée par une stimulation potentiellement dangereuse pour l’organisme. La nociception est purement physiologique, car elle représente l’activité nerveuse (inux douloureux) avant qu’elle ne soit traitée par les centres nerveux supérieurs (interprétée comme étant de la douleur par le cerveau) (Marchand, 2009). Autrement dit, la douleur est l’expérience consciente qui émerge de la nociception (Marchand, 2009). Celle-ci comprend quatre processus : 1) transduction ; 2) transmission ; 3) perception ; 4) modulation (Pasero & McCaffery, 2011) FIGURE 8.1.

Transduction La transduction fait référence au processus par lequel des stimulus de nature mécanique (p. ex., une coupure), thermique (p. ex., une brûlure) ou chimique (p. ex., une substance toxique) qui causent des lésions tissulaires se voient transformés en réponse électrique (inux nerveux). L’inux nerveux est une onde chimioélectrique véhiculée dans le système nerveux (Marchand, 2008). Dans le contexte des soins critiques, les stimulus nociceptifs sont nombreux ; l’affection ou la maladie du client, les techniques effractives employées et les multiples procédures qui doivent être réalisées auprès des clients en sont quelques-uns. Ces stimulus, également appelés stresseurs, stimulent la libération de nombreuses substances chimiques comme les prostaglandines, la bradykinine, la sérotonine, l’histamine, le glutamate et la substance P. Ces neurotransmetteurs stimulent les récepteurs nociceptifs périphériques et amorcent la transmission nociceptive.

Transmission Le processus de transduction mène à l’émission d’un potentiel d’action qui est conduit par les bres nerveuses nociceptives dans la moelle épinière jusqu’aux centres supérieurs du cerveau. Il s’agit alors de la transmission, qui est la deuxième étape de la nociception. Les principales bres nociceptives sont les bres A-delta et C. Les bres A-delta, myélinisées et de diamètre élevé, qui transmettent la douleur vive bien localisée sont responsables de la sensation de « première douleur », qui provoque le réexe de retrait. Les bres C, non myélinisées et de petit diamètre, transmettent la douleur diffuse, sourde et permanente aussi appelée deuxième douleur (Marchand, 2009). Ces bres transmettent la sensation douloureuse de la périphérie jusqu’à la racine dorsale de la moelle épinière. Par la libération de substance P, ces bres font ensuite synapse avec les fibres spinothalamiques ascendantes menant au système nerveux central (SNC). Ces bres spinothalamiques sont rassemblées en deux faisceaux représentant deux voies différentes, les voies néospinothalamique et paléospinothalamique. En général, les bres A-delta transmettent la sensation

8

FIGURE 8.1 Processus de la nociception.

douloureuse au cerveau par la voie néospinothalamique, tandis que les bres C utilisent la voie paléospinothalamique (Melzack, 1996).

Perception Le message de douleur est transmis par les voies spinothalamiques jusqu’à des centres du cerveau où il est perçu. La sensation de douleur transmise par la voie néospinothalamique atteint le thalamus, tandis que celle transmise par la voie paléospinothalamique atteint le tronc cérébral, l’hypothalamus et le thalamus (Melzack, 1996). Ces parties du SNC contribuent à la perception initiale de la douleur. Les projections sur le système limbique et le cortex frontal contribuent à l’expression de la composante affective

de la douleur (Marchand, 2008 ; Rainville, 2002). Les projections sur le cortex sensoriel situé dans le lobe pariétal permettent au client de décrire les caractéristiques sensorielles de sa douleur telles que son site, son intensité et sa qualité (Derbyshire & Osborn, 2007 ; Rainville, 2002). La composante cognitive de la douleur, très complexe, met à contribution de nombreuses régions du cortex cérébral. Ces trois composantes (affective, sensorielle et cognitive) représentent l’interprétation subjective de la douleur. Parallèlement à ce processus subjectif, certaines expressions faciales et certains mouvements du corps sont des indicateurs comportementaux de la douleur qui résultent des projections des bres transmettant la douleur jusqu’au cortex moteur du lobe frontal. Chapitre 8

Gestion de la douleur

141

142

Partie 1

Modulation

8.1.4

La modulation est le processus par lequel les stimulus nocifs (inux douloureux) acheminés des récepteurs nociceptifs (en périphérie) vers le SNC peuvent être ampliés ou inhibés. La douleur peut être modulée par des mécanismes ascendants et descendants. La théorie du portillon est un exemple typique de modulation de la douleur par un mécanisme ascendant. Lorsqu’une région du corps douloureuse est massée, par exemple la région lombaire, de grosses bres myélinisées, très rapides et activées par des sensations mécaniques (inux non douloureux) sont stimulées. La stimulation de ces bres active des interneurones inhibiteurs situés dans la corne postérieure de la moelle épinière, ce qui bloque la transmission du signal nociceptif de la périphérie (douleur lombaire), car les bres responsables de cette transmission (A-delta) ont une couche de myéline plus mince et sont donc moins rapides. En massant la région douloureuse, on ferme ainsi la « porte » aux inux douloureux moins rapides, d’où l’appellation de théorie du portillon (Melzack & Wall, 1965). Dans le mécanisme descendant de modulation de la douleur, les bres nerveuses spinothalamiques efférentes qui descendent du cerveau peuvent inhiber la propagation du signal de douleur en déclenchant la libération d’opioïdes endogènes dans le tronc cérébral et la moelle épinière. La sérotonine et la noradrénaline sont des neurotransmetteurs inhibiteurs importants qui exercent leur action dans le SNC. Ces substances sont également libérées par les bres descendantes de la voie spinothalamique (Marks, Shah, Patkar et al., 2009). Les techniques de distraction, de relaxation et d’imagerie peuvent faciliter la libération des opioïdes endogènes, et leur efcacité en matière de diminution de la perception globale de la douleur a été démontrée (Lorenz, Minoshima, Casey & 2003). En résumé, la nociception est un mécanisme physiologique important de la douleur qui peut intégrer un grand nombre de composantes pour faciliter l’évaluation de celle-ci. Au cours de la transduction, les stimulus, qui sont les sources de la douleur, déclenchent la libération des neurotransmetteurs. Durant la transmission, la diffusion du potentiel d’action le long de la voie néospinothalamique peut causer une rigidité musculaire, une activité réexe qui peut être observée à titre d’indicateur comportemental associé à la douleur. La rigidité musculaire peut également inuer sur la fréquence et l’amplitude de la respiration et causer une diminution de la saturation pulsatile en oxygène (SpO2) et de la pression partielle d’oxygène dans le sang artériel (PaO2). Au stade de la perception, des renseignements concernant les composantes affective, sensorielle et cognitive peuvent être obtenus au moyen de l’autoévaluation par le client, et il est possible d’observer des réponses comportementales à la douleur. Finalement, au stade de la modulation, la sensation de douleur peut être atténuée par des mécanismes ascendants et descendants.

La douleur déclenche une réaction biologique de stress (Gélinas & Arbour, 2009). Cette réaction fait intervenir les systèmes nerveux, endocrinien et immunitaire de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (McCance & Huether, 2006). La réaction biologique de stress comprend une réaction directe à court terme, une réaction à moyen terme et une réaction indirecte à long terme FIGURE 8.2.

Fondements généraux

Réaction biologique de stress

Réaction directe à court terme En présence d’un stresseur tel que la douleur, l’hypothalamus libère l’hormone de libération de la corticotrophine (CRH), qui active directement le système nerveux sympathique. La noradrénaline est ensuite libérée par les terminaisons des nerfs sympathiques, et le cortex surrénal libère l’adrénaline. Ce mécanisme constitue la réponse de stress directe à court terme. Les effets de ces hormones du stress permettent l’observation de réponses physiologiques associées à l’activation du système nerveux sympathique. Ainsi, l’augmentation de la pression artérielle (P.A.), de la fréquence cardiaque (F.C.) et de la fréquence respiratoire (F.R.) sont des signes fréquents d’une douleur aiguë (Arbour & Gélinas, 2010 ; Gélinas & Arbour, 2009 ; Gélinas & Johnston, 2007). Dans un tel cas, une dilatation des pupilles peut également être observée (Li, Miaskowski, Burkhardt et al., 2009). Si la douleur persiste ou si les lésions touchent la vessie ou les intestins, le système nerveux parasympathique peut être dominant. La P.A. et la F.C. peuvent alors diminuer au lieu d’augmenter. Le manque d’indicateur lié à la douleur associé à l’activation du système nerveux sympathique n’entraîne pas nécessairement l’absence de sensation de douleur (Puntillo, Miaskowski, Kehrle et al., 1997).

Réponse indirecte à moyen terme À moyen terme, le CRH libéré par l’hypothalamus stimule l’adénohypophyse, ce qui provoque la libération de la corticotrophine [ACTH]) et de la vasopressine, l’hormone antidiurétique, par la neurohypophyse. L’ACTH stimule la libération d’aldostérone et de cortisol par le cortex surrénal. La vasopressine et l’aldostérone augmentent la rétention de sodium et d’eau, ce qui a pour effet d’accroître le volume intravasculaire, de diminuer la diurèse et d’élever la P.A. ainsi que la précharge cardiaque. Le cortisol peut également contribuer à des réponses systémiques telles que l’infection et l’hypoglycémie. À moyen terme, la douleur peut être associée à une diminution de la diurèse et à une augmentation de la P.A., de la pression veineuse centrale et de la pression artérielle capillaire pulmonaire bloquée. Toutefois, les variations de ces paramètres ne sont pas propres à la douleur, et leur association avec celle-ci n’est pas corroborée par les données empiriques.

8

FIGURE 8.2

Intégration des indicateurs physiologiques possibles de la douleur dans la réaction biologique de stress. CRH : hormone de libération de la corticotrophine ; ACTH : corticotrophine ; P.A. :pression artérielle ; F.C. : fréquence cardiaque ; F.R. : fréquence respiratoire ; IL : interleukine ; TNF : facteur de nécrose tumorale.

Réponse indirecte à long terme À long terme, les hormones du stress, et plus particulièrement le cortisol, exercent une inuence sur le système immunitaire par deux mécanismes, l’immunosuppression et la libération de cytokines (Rabin, Cohen, Ganguli et al., 1989). Les cytokines peuvent prolonger par rétroactivation la libération du cortisol, qui peut exacerber les lésions tissulaires et contribuer ainsi au processus de douleur chronique (Melzack, 1999). En résumé, la réaction biologique de stress permet d’observer des uctuations des signes physiologiques qui représentent une source de stress et qui peuvent être associés à la douleur aiguë. Les signes à court terme sont principalement liés à l’activation du système nerveux sympathique. D’autres signes, comme la diminution de la diurèse et l’augmentation de la pression veineuse centrale et de la pression artérielle capillaire pulmonaire bloquée, se rapportent à la

réponse de stress indirecte à moyen terme. Aucun indicateur de la douleur aiguë n’a été associé à ce processus. Aucun des indicateurs caractérisés dans la réponse biologique de stress n’est propre à la douleur, car chacun d’eux peut être imputé à d’autres conditions de stress négatif, à des changements homéostatiques et à des médicaments (Herr, 2011).

8.2

Évaluation de la douleur

L’évaluation de la douleur fait partie intégrante des soins inrmiers. D’ailleurs, la douleur est considérée comme étant le cinquième signe vital. Son évaluation constitue une intervention importante pour en assurer une gestion adéquate. La douleur requiert une évaluation détaillée. Bon nombre de facteurs peuvent altérer la communication verbale chez les clients en situation critique de santé, ce qui rend Chapitre 8

Gestion de la douleur

143

l’évaluation de la douleur plus difcile. Cependant, cette situation ne devrait pas dissuader l’inrmière de l’évaluer chez cette clientèle vulnérable, car la douleur aiguë est un stresseur qui peut exacerber la condition du client. La douleur peut être modulée par des facteurs intrapersonnels ou contextuels qui inuent sur la façon dont l’information est intégrée et, par conséquent, sur la manière dont chaque personne ressent la douleur. Dans le contexte des soins critiques, certains facteurs intrapersonnels sont susceptibles d’avoir un impact sur le traitement de la douleur, dont les caractéristiques sociodémographiques du client, la gravité de sa blessure ou de la maladie, son degré de sédation et son état de conscience. De même, d’autres facteurs, d’ordre contextuel lié à l’hospitalisation en soins critiques, risquent d’inuer sur la douleur ressentie par le client, dont la ventilation mécanique et l’administration de sédatifs et d’analgésiques opioïdes. Compte tenu des divers facteurs intrapersonnels et contextuels, les clients en situation critique de santé peuvent traduire leur douleur par différents modes d’expressions verbales et non verbales. De fait, si certaines personnes présentant une légère altération de leur état de conscience conservent la capacité d’effectuer une autoévaluation ou d’exprimer leur douleur par des comportements volontaires (p. ex., la localisation de la douleur), d’autres dont l’altération de l’état de conscience est importante peuvent répondre à la douleur uniquement par des réactions autonomes telles que les réexes et les uctuations des signes physiologiques. L’évaluation de la douleur se subdivise en deux volets principaux, soit les éléments non observables ou subjectifs et les éléments observables ou objectifs. En raison de la complexité de l’évaluation de la douleur, l’inrmière en soins critiques fait appel à plusieurs stratégies pour la réaliser.

8.2.1

Composante subjective

La composante subjective de l’évaluation de la douleur fait référence à l’autoévaluation par le client de son expérience sensorielle, affective et cognitive de la douleur. L’autoévaluation étant considérée comme la mesure la plus valide, elle doit être obtenue chaque fois que cela est possible (Herr, 2011). Un simple « oui » ou « non » (présence ou absence de douleur) constitue une autoévaluation valable. Il est préférable de faire plusieurs tentatives avant de conclure qu’un client est incapable de procéder à une autoévaluation. De plus, il est important, à chaque tentative, de laisser au client sufsamment de temps pour répondre aux questions (Herr, 2011). Si le degré de sédation et l’état de conscience du client lui permettent de fournir plus de renseignements sur sa douleur, l’inrmière peut procéder à une évaluation multidimensionnelle. Il existe des outils d’évaluation multidimensionnelle de la douleur prenant en compte les composantes sensorielle, émotionnelle et cognitive, comme l’Initial Pain Assessment Tool (Pasero & McCaffery, 2011) – un

144

Partie 1

Fondements généraux

outil d’évaluation initiale de la douleur – et la forme abrégée du Questionnaire McGill sur la douleur (Melzack, 1987). Toutefois, en raison du traitement sédatif et analgésique, le questionnaire doit être assez court pour permettre au client de donner ses réponses. Par exemple, il faut deux ou trois minutes pour répondre aux questions de la forme abrégée du Questionnaire McGill sur la douleur. Cette échelle a déjà été utilisée pour évaluer la douleur de personnes sous ventilation mécanique dont l’état était stable (Puntillo et al., 2001). L’inrmière peut également obtenir une autoévaluation de la douleur du client, conscient et extubé, en lui posant des questions à l’aide de la formule mnémonique PQRSTU (Jarvis, 2011) : P : Provoquer/pallier/aggraver ; Q : Qualité R : Région/irradiation ; S : Symptômes et signes associés/intensité ; T : Temps/durée ; U : (Understanding) Compréhension et signication pour le client.

P : Provoquer/pallier/aggraver La lettre P de la formule mnémonique correspond à ce qui provoque ou cause la douleur du client, à ce qu’il était en train de faire lorsque la douleur est apparue et à ce qui l’aggrave ou la soulage. Par exemple, une respiration profonde qui intensie la douleur thoracique dans un cas de péricardite est une illustration de facteur aggravant. Les facteurs modérateurs qui diminuent ou soulagent la douleur ou l’inconfort sont également des observations importantes, notamment le repos pour atténuer la douleur thoracique, similaire à une brûlure, causée par l’angine de poitrine. La connaissance de toute condition aggravante ou atténuante peut contribuer à la qualité des soins au client tout au long du continuum thérapeutique.

Q : Qualité La lettre Q de la formule mnémonique renvoie à la qualité de la douleur ressentie par le client. Par exemple, celui-ci peut décrire sa douleur comme étant sourde, constante, vive, similaire à une sensation de brûlure ou en coup de poignard. Cette information donne à l’inrmière des précisions sur le type de douleur ressentie par le client (p. ex., somatique ou viscérale). La capacité de distinguer les types de douleur peut faciliter la détermination de la cause de la douleur et sa gestion. Un client ayant subi une opération à cœur ouvert peut se plaindre d’une douleur thoracique fulgurante ou similaire à une brûlure (Gélinas, 2007). Cette information est associée à une lésion cutanée ou osseuse provoquée par une sternotomie. Un autre client peut décrire une douleur thoracique vive pouvant conduire l’inrmière à envisager une douleur viscérale provoquée par une embolie pulmonaire. La description verbale de la douleur est importante parce qu’elle donne un repère initial permettant à

l’inrmière en soins critiques de surveiller l’évolution du type de douleur, laquelle peut indiquer une modication de la pathologie sous-jacente.

R : Région/irradiation L’élément correspondant à la lettre R est en général aisé à trouver pour le client, même si la douleur viscérale est plus difficile à localiser (Pasero & McCaffery, 2011). Si le client éprouve de la difculté à nommer la région ou s’il est sous ventilation mécanique, l’inrmière peut lui demander de montrer du doigt l’emplacement douloureux sur son corps ou sur un dessin anatomique simple (Puntillo, 2006).

8

S : Symptômes et signes associés/intensité La lettre S correspond aux symptômes et aux signes associés, de même qu’à l’intensité de la douleur. Il existe plusieurs échelles d’intensité de la douleur, y compris les échelles d’évaluation de la douleur descriptives et numériques souvent utilisées dans le contexte des soins critiques FIGURE 8.3. Bon nombre d’unités de soins critiques ont recours à une échelle d’intensité de la douleur. L’utilisation d’un outil unique assure l’uniformité de l’évaluation et de la consignation des résultats. Le fait de demander au client d’évaluer l’intensité de sa douleur sur une échelle allant de 0 à 10 est une méthode uniforme qui aide l’inrmière à traduire en termes objectifs l’analyse subjective que fait le client de sa douleur. Toutefois, il importe de tenir compte de la condition clinique du client et des facteurs culturels associés à celui-ci dans le choix d’une échelle pour mesurer la douleur. La lettre S renvoie également aux autres symptômes accompagnant la douleur ressentie par le client, par exemple l’essoufement, les nausées et la fatigue. L’anxiété et la crainte sont des émotions fréquemment associées à la douleur.

T : Temps/durée La lettre T de la formule mnémonique fait référence au moment de l’apparition de la douleur, de même qu’à sa durée et à sa fréquence. Cette information peut aider l’inrmière à déterminer si l’origine de la douleur est aiguë ou chronique. La durée de la douleur peut donner une indication de la gravité du problème. Ainsi, une douleur thoracique durant moins de 15 minutes peut être imputée à une angine de poitrine, tandis qu’une douleur persistant plus de 15 minutes peut évoquer un infarctus du myocarde.

U : (Understanding) Compréhension et signication pour le client La lettre U correspond à la perception du problème par le client ou à son interprétation de la douleur. Un client ayant des problèmes cardiaques avérés peut dire à l’inrmière si sa douleur est la même que celle qu’il a ressentie durant son infarctus du myocarde. Une personne ayant une hémorragie cérébrale décrit souvent sa douleur comme le pire mal de tête de sa vie.

FIGURE 8.3 Échelles d’intensité de la douleur (format vertical). A Échelle visuelle analogique. B Échelle numérique. C Échelle descriptive de la douleur. D Thermomètre d’intensité de douleur.

En raison de l’altération de la capacité de communiquer du client, de son manque de concentration à cause des traitements sédatifs et du fait que la plupart des gestes posés dans le contexte des soins critiques ont un caractère d’extrême urgence mettant en jeu la vie du client, l’évaluation de la douleur est souvent réduite au strict minimum en matière d’information. La première question posée est : Avezvous de la douleur ? L’utilisation d’une question ayant pour choix de réponse « oui » ou « non » permet au client de répondre soit verbalement, soit par un hochement de tête ou par un autre signe. Il est plus facile pour le client sous ventilation mécanique de communiquer avec l’inrmière de cette manière, car il ne peut s’exprimer verbalement. L’intensité et le site de la douleur doivent également être connus pour l’évaluation initiale de la douleur.

8.2.2

Composante observable

L’inrmière peut recourir à l’observation d’indicateurs comportementaux, une méthode vivement conseillée dans les recommandations et les lignes directrices cliniques sur la gestion de la douleur chez les clients non verbaux (Barr et al., 2013 ; Herr, 2011). Les uctuations des signes vitaux ne devraient jamais être utilisées isolément, mais plutôt être considérées comme une alerte invitant à entreprendre une évaluation plus approfondie de la douleur.

Échelles d’évaluation Les comportements liés à la douleur ont été décrits chez les clients en situation critique de santé et ont également été étudiés dans le cadre du Thunder Chapitre 8

Gestion de la douleur

145

Project II de l’American Association of Critical-Care Nurses (AACN) (Puntillo, Morris, Thompson et al., 2004). Les personnes ayant ressenti de la douleur durant une procédure douloureuse étaient trois fois plus nombreuses que celles n’ayant pas ressenti de douleur à présenter une augmentation des réponses comportementales comme un changement dans les expressions du visage, la rigidité musculaire et la vocalisation. Des constatations similaires ont été faites dans une étude menée auprès de 257 adultes en situation critique de santé sous ventilation mécanique (Rainville, 2002). Chez les personnes ayant ressenti de la douleur pendant les mobilisations, une intensité signicativement plus élevée des expressions faciales (p. ex., des grimaces) et de la rigidité musculaire ainsi qu’une adaptation moins marquée à la ventilation (p. ex., une résistance au respirateur) ont été observées. Les indicateurs comportementaux sont fortement recommandés pour l’évaluation de la douleur chez les clients non verbaux (Herr, 2011), et plusieurs outils ont été conçus et mis à l’essai chez les adultes en situation critique de santé, tels que la BPS (Behavioral Pain Scale) (Payen, Bru, Bosson et al., 2001), l’échelle comportementale de la douleur CPOT (Critical-Care Pain Observation Tool) (Gélinas, Fillion, Puntillo et al., 2006), la NVPS (NonVerbal Pain Scale) (Odhner, Wegman, Freeland et al., 2003), le PBAT (Pain Behavioral Assessment Tool) (Payen et al., 2001) et l’algorithme PAIN (Pain Assessment and Intervention Notation) (Rabin et al., 1989). Les échelles BPS et CPOT sont privilégiées par les

experts en soins critiques (Barr et al., 2013 ; Gélinas, Puntillo, Joffe et al., 2013 ; Li, Puntillo, Miaskowski et al., 2008 ; Sessler, Grap & Ramsay, 2008), et leur usage est recommandé par les lignes directrices cliniques de la Society of Critical Care Medicine (SCCM) chez les adultes en situation critique de santé, en période postopératoire ou victimes d’un trauma non craniocérébral qui sont incapables de procéder à une autoévaluation de leur douleur (Barr et al., 2013). De plus, leur mise en application dans les unités de soins critiques a permis d’améliorer les pratiques inrmières en matière d’évaluation et de gestion de la douleur (Gélinas, Tousignant-Laamme, Tanguay et al., 2011) de même que les résultats pour le client, y compris une période plus courte de recours à la ventilation mécanique et de séjour à l’unité de soins critiques (Chanques, Jaber, Barbotte et al., 2006).

Échelle BPS

ÉLÉMENT ÉVALUÉ

DESCRIPTION

SCORE

Expression du visage

Détendue

1

Partiellement tendue (p. ex., un abaissement des sourcils)

2

Complètement tendue (p. ex., la fermeture des paupières)

3

Grimaces

4

L’échelle BPS a été surtout mise à l’essai chez les clients non verbaux sous ventilation mécanique présentant une altération de l’état de conscience (Ahlers, van Gulik, van der Veen et al., 2008 ; Payen et al., 2001 ; Young, Sifeet, Nikoletti et al., 2006) TABLEAU 8.1. Sa validité a été établie par l’obtention de scores signicativement plus élevés sur cette échelle durant les procédures douloureuses (p. ex., la mobilisation, l’aspiration endotrachéale, l’installation d’une voie veineuse périphérique) qu’au repos ou au cours de procédures non douloureuses (p. ex., un changement de pansement de cathéter artériel, la pose de bas de contention, les soins des yeux). Les auteurs de l’échelle BPS ont déterminé à 5 le score seuil (seuil de douleur) au-delà duquel la douleur est présente. Une association positive entre les évaluations effectuées par les inrmières à l’aide de l’échelle BPS et l’autoévaluation faite par des clients conscients sous sédation légère en ce qui concerne l’intensité de la douleur durant les mobilisations a été observée (Ahlers, van der Veen, Dijk et al., 2010). L’échelle BPS peut être utilisée en peu de temps (de deux à cinq minutes), et la plupart des cliniciens se sont déclarés satisfaits de sa facilité d’utilisation (Payen et al., 2001).

Aucun mouvement

1

Échelle comportementale de la douleur CPOT

Partiellement échis

2

Complètement échis avec exion des doigts

3

Rétractés de façon permanente

4

Tolère le mouvement du respirateur

1

Tousse, mais tolère le respirateur la plupart du temps

2

Lutte contre le respirateur

3

Totalement incapable de tolérer le respirateur

4

Collecte des données TABLEAU 8.1

Membres supérieurs

Adaptation au respirateur

Échelle BPS

Total

3 à 12

Source : Adapté de Payen et al. (2001)

146

Partie 1

Fondements généraux

L’échelle CPOT a été mise à l’essai chez des clients adultes verbaux et non verbaux en situation critique de santé (Gélinas & Arbour, 2009 ; Gélinas & Johnston, 2007 ; Gélinas et al., 2006 ; Marmo & Fowler, 2010) TABLEAU 8.2. La validité de son contenu a été attestée par des cliniciens experts en matière de soins critiques, dont des inrmières et des médecins intensivistes (Gélinas, Fillion & Puntillo, 2009). La validité de l’échelle CPOT a été établie par l’obtention de scores signicativement plus élevés durant une procédure douloureuse (p. ex., une mobilisation accompagnée ou non d’autres soins) qu’au repos ou durant une procédure non douloureuse (p. ex., la prise de la P.A.). Des associations positives entre les scores sur la grille CPOT et l’autoévaluation de la douleur

Collecte des données TABLEAU 8.2

Échelle comportementale de la douleur CPOT

INDICATEUR

Expression faciale

Mouvements corporels

Interaction avec le respirateur (client intubé)

OU

Vocalisation (client non intubé)

Tension musculaire

DESCRIPTION

SCORE

DÉFINITION

Détendue, neutre

0

• Aucune tension musculaire observable sur le visage

Tendue

1

• • • • •

Front plissé Sourcils abaissés Yeux serrés Léger plis nasolabiaux Ou tout autre changement de l’expression faciale (p. ex., le client ouvre soudainement les yeux, présente des larmes durant la mobilisation)

Grimace

2

• • • •

Front plissé, sourcils abaissés, plis nasolabiaux Yeux fermés et serrés Bouche peut être ouverte Client peut mordre le tube endotrachéal

Absence de mouvement ou position normale

0

• Immobile, ne bouge pas (ne signie pas nécessairement une absence de douleur) • Position normale (mouvements non dirigés vers la douleur ou non réalisés dans un but de se protéger de la douleur)

Mouvements de protection

1

• • • • •

Mouvements lents, prudents Touche ou frotte le site de douleur, les tubes Touche à ses tubes Attire l’attention en tapant du pied ou des mains Décortication, décérébration

Agitation

2

• • • • • •

Tire sur ses tubes Essaie de s’asseoir Bouge constamment Ne collabore pas Repousse le personnel Tente de passer par dessus les ridelles

Tolère le respirateur ou le mouvement

0

• Alarmes non actives, se laisse ventiler

Tousse, mais tolère le respirateur

1

• Tousse mais se laisse ventiler, alarmes peuvent s’activer, mais cessent spontanément

Combat le respirateur

2

• Asynchronie, bloque sa respiration, déclenche constamment les alarmes

S’exprime normalement, silencieux

0

• S’exprime normalement ou demeure silencieux

Gémit, soupire

1

• Gémit, soupire

Crie, pleure

2

• Crie, pleure

Détendu

0

• Absence de résistance aux mouvements passifs

Tendu, rigide ou crispé

1

• Résistance aux mouvements passifs

Très tendu, rigide ou crispé

2

• Forte résistance aux mouvements passifs, incapable d’effectuer les mouvements

Chapitre 8

Gestion de la douleur

147

8

TABLEAU 8.2

Échelle comportementale de la douleur CPOT (suite)

1. Pour obtenir le score de référence sur l’échelle CPOT, l’inrmière observe le client au repos pendant une minute. 1.1 Observation du client au repos (score de référence) L’inrmière observe le visage et le corps du client an de noter toutes les réactions visibles pendant une minute. Elle attribue un score pour tous les éléments, sauf la tension musculaire. À la n de la période de une minute, l’inrmière prend le bras du client avec ses deux mains, l’une au niveau du coude et l’autre au niveau de la main, puis effectue une exion et une extension passives du bras en percevant si le client oppose une résistance. Si les mouvements se font facilement, elle conclut que le client est détendu et qu’il n’oppose pas de résistance (score de 0). Si le mouvement peut être effectué, mais qu’il faut y mettre plus de force, elle conclut que le client oppose une résistance aux mouvements (score de 1). Une forte résistance est ressentie par l’inrmière à la suite de l’amorce du mouvement (score de 2). Une telle situation peut être observée chez un client spastique. 2. Ensuite, l’inrmière observe le client durant une procédure douloureuse (p. ex., la mobilisation, le soin des plaies) an de déceler tout changement de son comportement. 2.1 Observation du client durant une procédure douloureuse Pendant qu’elle effectue une procédure qu’elle sait douloureuse, l’inrmière observe le visage du client pour noter toute réaction telle qu’un froncement des sourcils ou une grimace. Ces réactions peuvent être brèves ou durer un certain temps. L’inrmière recherche également des mouvements corporels du client, notamment des mouvements de protection, par exemple lorsque la personne essaie de toucher ou touche le site de la douleur (p. ex., une incision chirurgicale, le site de la lésion). Chez le client sous ventilation mécanique, l’inrmière prête attention au déclenchement des alarmes et vérie si elles s’arrêtent spontanément ou si elle doit intervenir (p. ex., en rassurant le client, en lui administrant un médicament). Il est important que l’inrmière ausculte le client an de vérier la position du tube endotrachéal et la présence de sécrétions, car ces facteurs peuvent inuencer le score attribué à cet élément sans être nécessairement indicateurs de la présence d’une douleur. Pour la tension musculaire, l’inrmière peut percevoir si le client résiste au mouvement ou pas. Un score de 2 est attribué lorsque le client oppose une résistance au mouvement et tente de se replacer en décubitus dorsal. 3. Le client devrait être évalué avant l’administration d’un analgésique et au pic d’action de celui-ci an d’évaluer si le traitement a soulagé efcacement la douleur ou pas. 4. Le client devrait se voir attribuer le score le plus élevé donné durant la période d’observation. 5. L’inrmière attribue au client un score pour chaque comportement inclus dans l’échelle CPOT et évalue la tension musculaire en dernier lieu, car la procédure peut provoquer des réactions comportementales qui ne sont pas nécessairement liées à la douleur, mais plutôt à la stimulation. Pour l’adaptation au respirateur, l’inrmière vérie que le tube endotrachéal n’a pas été déplacé et recherche la présence de sécrétions, car ces deux problèmes pourraient mener à l’attribution d’un score plus élevé pour cet élément. Source : Adapté de Gélinas et al. (2006), et redessiné par Elsevier.

par le client ont été observées (Gélinas & Arbour, 2009 ; Gélinas & Johnston, 2007 ; Gélinas et al., 2006). Un score seuil correspondant à 2 a été établi pour l’échelle CPOT chez les adultes à l’unité de soins critiques après une intervention chirurgicale (Marmo & Fowler, 2010). L’utilité clinique de cette échelle a été conrmée par des inrmières en soins critiques (Gélinas, 2010). Ces dernières étaient d’accord pour afrmer que cet outil était assez court pour être utilisé à l’unité de soins critiques, simple à comprendre et facile à utiliser.

Scores seuils Sur une échelle donnée, un score seuil est le score associé à la probabilité la plus élevée d’inclure ou d’exclure un client atteint d’une affection donnée, en l’occurrence ici celui ressentant de la douleur. L’utilisation d’un score seuil avec une échelle d’évaluation comportementale de la douleur peut aider à déterminer à quel moment la douleur est hautement susceptible d’être présente et guider l’inrmière an qu’elle décide si une intervention visant à soulager la douleur est nécessaire ou pas. De plus, un score seuil peut contribuer à évaluer l’efcacité des interventions de gestion de la douleur. Il est important de souligner que les scores seuils sont établis en fonction d’un critère. Dans le cas de la douleur, l’autoévaluation par

148

Partie 1

Fondements généraux

le client est considérée comme le critère de référence (Loeser & Treede, 2008) ENCADRÉ 8.1.

Limites liées à l’utilisation d’échelles comportementales de la douleur L’utilisation des comportements pour l’évaluation de la douleur chez les personnes en situation critique a été validée, mais elle présente certaines limites. En effet, la surveillance des comportements s’avère impossible chez les personnes incapables de manifester une réponse comportementale à la douleur, par exemple celles qui souffrent de paralysie ou qui se trouvent sous l’effet de bloqueurs neuromusculaires. De plus, les réponses comportementales peuvent être atténuées par l’administration d’agents sédatifs à haute dose (Gélinas & Johnston, 2007). De fait, des réponses comportementales minimales aux procédures douloureuses ont été observées chez des adultes en situation critique de santé sous ventilation mécanique et inconscients qui avaient reçu des doses d’agents sédatifs plus élevées que les personnes conscientes (Gélinas & Arbour, 2009). Des résultats similaires avaient été obtenus dans des études antérieures, où l’on avait observé un score plus faible sur l’échelle BPS chez les clients ayant reçu une dose plus élevée de midazolam (Young et al., 2006).

De plus, les échelles d’évaluation comportementale de la douleur élaborées pour la clientèle non verbale en situation critique de santé ne sont pas nécessairement applicables aux personnes ayant subi une lésion cérébrale et dont l’état de conscience est altéré, chez qui des réponses comportementales atypiques à la douleur ont été observées (Arbour & Gélinas, 2012 ; Le, Gélinas, Arbour et al., 2012 ; Marchand, 2008 ; Schnakers, Chatelle, Majerus et al., 2010). Au lieu de froncer les sourcils et de grimacer, les clients atteints de lésions cérébrales dont l’état de conscience est altéré semblent réagir principalement en ouvrant les yeux, en pleurant, en ouvrant la bouche et en effectuant des mouvements répétitifs des membres inférieurs lorsqu’ils sont exposés à un stimulus douloureux. Par conséquent, les échelles d’évaluation comportementale de la douleur peuvent être inappropriées pour cette clientèle vulnérable particulière. Il est nécessaire d’effectuer des études additionnelles pour mieux comprendre comment les personnes atteintes de lésions cérébrales réagissent aux procédures douloureuses. À cet effet, Schnakers et ses collaborateurs (2010) suggèrent l’utilisation de l’Échelle de nociception pour les clients comateux [traduction libre] (Nociception Coma Scale) an de pouvoir évaluer leur douleur lorsqu’ils émergent d’un coma. Enn, au moment de choisir une échelle, l’inrmière s’assure que celle-ci a été mise à l’essai auprès du type de clients et dans le contexte correspondant à l’utilisation visée. De fait, la validité d’une échelle ne peut être démontrée qu’auprès d’une clientèle particulière et dans un contexte donné (Streiner & Norman, 2008).

Signes vitaux Lorsqu’un client ne peut pas réagir à la douleur par un comportement, les changements dans les signes vitaux doivent être interprétés par l’inrmière comme un signal d’alarme lui indiquant qu’elle doit repérer la présence de stresseurs pour le client. Bien que la valeur des signes vitaux puisse augmenter durant les procédures douloureuses (Arbour & Gélinas, 2010 ; Gélinas & Arbour, 2009 ; Gélinas & Johnston, 2007 ; Payen et al., 2001 ; Young et al., 2006), ceux-ci ne sont pas des facteurs prédictifs de la douleur (Gélinas & Arbour, 2009 ; Gélinas & Johnston, 2007 ; Joffe, Hallman, Gélinas et al., 2013). À titre d’exemple, dans une étude, aucun des signes vitaux ayant fait l’objet d’un monitorage (F.C., P.A. moyenne, F.R., SpO2 et pression partielle de dioxyde de carbone de n d’expiration) n’a permis de prédire la présence de douleur chez les clients en situation critique de santé (Gélinas & Arbour, 2009). Dans les recommandations de l’American Society for Pain Management (ASPMN), comme dans les lignes directrices de la SCCM, il est afrmé que les signes vitaux ne devraient pas être considérés comme des indicateurs primaires de la douleur, car ils peuvent être imputés à d’autres conditions de stress négatif, à des changements hémodynamiques

ENCADRÉ 8.1

Exemple d’utilisation d’un score seuil de douleur avec l’échelle CPOT

Un client est admis à l’unité de soins critiques à la suite d’une chirurgie cardiaque. Il est sous ventilation mécanique et trop somnolent pour pouvoir communiquer efcacement avec l’inr­ mière par des signes (c.­à­d. en hochant la tête ou en montrant du doigt un élément sur un tableau de communication). Cependant, il semble être dérangé par quelque chose, car il s’agite chaque fois qu’on le touche. L’inrmière responsable ne sait pas si elle lui administre un analgésique ou un sédatif, les deux catégories de médications étant prescrites dans le protocole de soins post­ opératoires. Elle évalue tout d’abord si une douleur est présente et obtient un score

de 4 sur 8 sur l’échelle CPOT, car le client grimace et tente de s’asseoir dans son lit. Compte tenu du fait qu’un score supérieur à 2 sur l’échelle CPOT indique clairement la présence de douleur, l’inrmière lui administre une dose d’analgésique par voie sous­cutanée. Trente minutes après l’administration de l’analgésique, le client présente un visage détendu et avance prudemment la main de temps en temps en direction de la plaie chirurgicale sur sa poitrine. Son score sur l’échelle CPOT est à présent de 1 sur 8, ce qui indique un soulagement de sa douleur, puisque ce chiffre a chuté de 4 à 1 (c.­à­d. de plus de 2 points).

et à des médicaments. Les uctuations des signes vitaux devraient plutôt être considérées comme une alerte invitant à entreprendre une évaluation clinique plus approfondie du client axée sur la douleur et les stresseurs (Barr et al., 2013 ; Herr, 2011).

Monitorage cérébral Les paramètres physiologiques (monitorage cérébral) autres que les signes vitaux peuvent aider l’inrmière à détecter la présence de douleur chez un client non verbal en situation critique de santé, en particulier lorsque les indicateurs comportementaux ne peuvent plus être utilisés. La réactivité du cerveau humain a également été étudiée à l’aide de technologies d’imagerie cérébrale comme la tomographie par émission de positrons et l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle tant chez les personnes en bonne santé que chez celles atteintes de pathologies douloureuses (Apkarian, Bushnell, Treede et al., 2005). De nombreuses régions du cerveau jouent un rôle dans la perception de la douleur, dont le cortex somatosensoriel, le cortex frontal et le thalamus. Les connexions anatomiques entre ces régions laissent croire qu’elles agissent de manière interactive dans le codage des différents aspects de la douleur (composantes sensorielle et affective de la douleur). Ainsi, le cortex somatosensoriel joue un rôle majeur dans le traitement de la composante sensorielle de la douleur, tandis que le cortex frontal semble reéter sa composante affective (Marchand, 2009).

Index bispectral Une autre technologie novatrice, la mesure de l’index bispectral (bispectral index [BIS]), fait l’objet d’études visant à évaluer sa pertinence dans le processus d’évaluation de la douleur chez les personnes en situation critique de santé sous sédatifs (Gélinas et al., 2011, Li et al., 2009). L’utilité première du BIS est de Chapitre 8

Gestion de la douleur

149

8

représenter une mesure objective de la profondeur de la sédation durant une intervention chirurgicale dans la salle d’opération ou durant le blocage neuromusculaire à l’unité de soins critiques. Cette méthode non effractive de monitorage fait appel à des électrodes placées sur le front du client et permet d’afcher un paramètre numérique obtenu par traitement des signaux de l’électroencéphalogramme pouvant varier de 0 (électroencéphalogramme plat) à 100 (client totalement éveillé) lié à la profondeur de la sédation. Un capteur électromyographique qui reproduit la stimulation musculaire du front est inclus pour permettre la reconnaissance des artéfacts de ce signal. Dans une étude portant sur 48 clients en situation critique de santé sous ventilation mécanique et sédation après une chirurgie cardiaque, une augmentation signicative de la valeur du BIS a été observée lorsque les clients étaient exposés à une stimulation douloureuse (mobilisation ou aspiration endotrachéale) plutôt qu’à une procédure non douloureuse (contact léger). Toutefois, les comportements liés à la douleur les plus fréquemment signalés (p. ex., des expressions faciales, des mouvements du corps, des tensions des membres, une asynchronie client-respirateur) n’étaient pas induits par la stimulation douloureuse chez les personnes sous sédation profonde, ce qui met en lumière les limites du recours aux comportements pour évaluer la douleur auprès de la clientèle en situation critique de santé recevant de fortes doses de sédatifs. Dans une autre étude portant sur neuf personnes sous ventilation mécanique et sous sédation (Gélinas et al., 2011), la valeur médiane du BIS a augmenté de 20 à 30 % entre le repos et les procédures douloureuses (mobilisation et aspiration endotrachéale). Contrairement aux observations de l’étude précédente, les participants ont manifesté des réponses comportementales, avec une augmentation du score médian sur l’échelle CPOT de 0 à 3 durant les procédures. La méthode du BIS bilatéral est une option au système de monitorage du BIS classique. Le BIS bilatéral permet d’enregistrer séparément les signaux électroencéphalographiques et électromyographiques des deux hémisphères (c.-à-d. BIS-gauche et BIS-droit). Ce système pourrait se révéler particulièrement utile pour l’évaluation de la douleur chez les personnes victimes d’une perte unilatérale des fonctions cérébrales, par exemple à la suite d’un accident vasculaire cérébral ou d’une lésion cérébrale traumatique. Ainsi, dans une étude pilote réalisée auprès de 12 personnes en situation critique de santé et présentant une lésion cérébrale traumatique ainsi qu’une altération de l’état de conscience (Arbour, Gélinas, Loiselle et al., 2012), des augmentations du BIS-gauche (supérieures à 6,6 %) et du BIS-droit (supérieures à 7,2 %) ont été observées chez celles qui avaient subi des mobilisations, comparativement au repos ou à une procédure non douloureuse. Fait intéressant, l’augmentation du BIS était plus prononcée du côté du cerveau non lésé. D’après les conclusions des études disponibles, la

150

Partie 1

Fondements généraux

mesure du BIS pourrait constituer une technique intéressante qui devrait faire l’objet d’évaluations plus poussées dans l’évaluation de la douleur en soins critiques, du fait de sa nature non effractive et de la possibilité de l’utiliser au chevet du client.

8.2.3

Utilisation de la douleur comme cinquième signe vital

La douleur étant considérée comme le cinquième signe vital, son inclusion dans la mesure des autres signes vitaux vériés de manière systématique peut aider à s’assurer qu’elle est évaluée et contrôlée à intervalles réguliers chez tous les clients. Cette approche peut faire en sorte que la douleur soit détectée et que le traitement soit mis en œuvre avant l’apparition de complications associées à la douleur non soulagée. L’utilisation d’une feuille de suivi pour la douleur en soins critiques permet de procéder à son évaluation de façon continue avant et après une intervention de traitement de la douleur, et elle demeure accessible à tous les cliniciens participant à l’évaluation et à la gestion de celle-ci (Gélinas, Arbour, Michaud et al., 2011 ; Gordon, Dahl, Miaskowski et al., 2005). Enn, la capacité du client d’exprimer sa douleur par une autoévaluation, par des comportements volontaires ou par des réactions autonomes a sans aucun doute des conséquences sur la clarté du message et sur la facilité avec laquelle l’inrmière pourra déterminer la nature précise de sa douleur. En raison de la difculté du décodage des comportements, le personnel inrmier devrait recevoir une formation an de posséder les compétences requises pour bien évaluer les comportements associés à la douleur à l’aide de paramètres observationnels.

8.3

Prise en charge de la douleur

Chez un client en situation critique de santé, la gestion de la douleur est de nature aussi multidimensionnelle que son évaluation. Il s’agit d’une tâche multidisciplinaire Le traitement de la douleur peut être pharmacologique, non pharmacologique ou faire appel à une combinaison des deux types de méthodes (Joffe et al., 2013).

8.3.1

Traitement pharmacologique

Le traitement pharmacologique de la douleur en soins critiques est très varié. Le présent chapitre présente certains agents fréquemment administrés. La pharmacologie de la douleur est divisée selon trois catégories de mécanismes d’action : 1) les agonistes des récepteurs des opioïdes; 2) les analgésiques non opioïdes ; 3) les adjuvants et coanalgésiques. Certains éléments des lignes directrices de pratique clinique sur la douleur et l’analgésie (Barr et al., 2013) de la SCCM applicables au traitement de la douleur chez l’adulte en situation critique sont présentés dans l’ENCADRÉ 8.2. Un aide-mémoire pour la gestion de

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 8.2

Administrer un analgésique en fonction de l’évaluation de la douleur

• Savoir que les clients de l’unité des soins intensifs ressentent souvent de la douleur au repos et pendant qu’ils reçoivent des soins. La douleur chez les personnes venant de subir une chirurgie cardiaque, en particulier les femmes, est insufsamment traitée. La douleur procédurale est fréquente chez la clientèle de cette unité. • Procéder à une évaluation systématique de la douleur chez tous les clients. Chez ceux dont la fonction motrice demeure intacte, il est conseillé d’utiliser les échelles d’évaluation comportementale. Les échelles BPS et CPOT sont les outils d’évaluation comportementale de la douleur les plus valides. Les signes vitaux ne devraient être utilisés que comme indicateurs de la nécessité d’ap­ profondir l’évaluation clinique du client, dont la douleur. • Pour la douleur somatique, utiliser des opioïdes comme analgésiques de première intention ; employer la gabapentine (NeurontinMD) ou la

carbamazépine (TegretolMD) par voie orale (P.O.) en concomitance avec les analgésiques opioïdes par voie intraveineuse (I.V.) ou (P.O.) pour soulager la douleur neuropathique. • Proposer au client un traitement préventif de la douleur procédurale, en par­ ticulier celle associée au retrait du drain thoracique ou du tube endotrachéal. • Utiliser une analgésie épidurale thoracique pour la chirurgie vasculaire abdo­ minale de même que pour les fractures traumatiques des côtes. Aucune don­ née probante n’appuie l’utilisation de l’analgésie épidurale lombaire pour le traitement chirurgical d’un anévrisme abdominal, ou de l’analgésie épidurale thoracique dans le cas d’une intervention chirurgicale intrathoracique ou d’une chirurgie abdominale non vasculaire. Aucune donnée probante ne soutient l’utilisation d’une analgésie régionale plutôt que systémique chez les clients de l’unité de soins critiques ne subissant pas de chirurgie.

Source : Adapté de Barr et al. (2013)

la douleur dans l’unité de soins critiques a été créé an de faciliter la mise en application des lignes directrices de pratique clinique de la SCCM au chevet du client FIGURE 8.4. Les modalités d’approche et de gestion de la douleur sont progressives et varient en fonction des agents disponibles, du type de douleur et de la réponse du client au traitement. La FIGURE 8.5 illustre les sites d’action des analgésiques.

Analgésiques opioïdes Les opioïdes les plus couramment utilisés et recommandés comme analgésiques de première intention sont les agonistes des récepteurs mu (morphine, hydromorphone [DilaudidMD], fentanyl [Duragesic MD]). Les opioïdes modulent la transmission de la douleur en agissant principalement sur le SNC par l’intermédiaire des récepteurs opioïdes (mu, kappa, sigma) (Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec [APES], 2008) TABLEAU 8.3 . Les lignes directrices de la SCCM recommandent d’utiliser les opioïdes comme traitement de première intention de la douleur somatique (Bar et al., 2013). Un effet secondaire grave nécessitant un monitorage assidu est l’effet dépresseur sur la respiration. Les opioïdes peuvent causer cette complication parce qu’ils réduisent la réactivité des chimiorécepteurs sensibles aux variations du dioxyde de carbone dans le centre respiratoire situé dans le bulbe rachidien (Jarzyna, Jungquist, Pasero et al., 2011). S’il est peu fréquent, cet effet peut cependant générer des séquelles importantes chez le client en situation critique de santé. Plusieurs facteurs de risque de la dépression respiratoire induite par les opioïdes ont été répertoriés (Pasero & McCaffery, 2011), dont les situations suivantes : personne âgée, obésité, apnée du sommeil, dysfonctionnements rénaux, pulmonaires, hépatique et cardiaque, personne chez qui la

FIGURE 8.4

Aide-mémoire pour la gestion de la douleur. BPS : Behavioral Pain Scale ; CPOT : Critical-Care Pain Observation Tool ; NRS : échelle numérique. Chapitre 8

Gestion de la douleur

151

8

FIGURE 8.5

Sites d’action des analgésiques opioïdes, des coanalgésiques et des adjuvants selon chaque étape du processus de nociception. PG : prostaglandines ; BK : bradykinine ; 5HT : sérotonine ; SP : substance P ; H : histamine ; AINS : anti-inammatoires non stéroïdiens ; Na+ : sodium ; NE : Noradrénaline.

152

Partie 1

Fondements généraux

Pharmacothérapie TABLEAU 8.3 MÉDICAMENT

Traitement pharmacologique de la douleur POSOLOGIE

DÉLAI D’ACTION

PIC D’ACTION

DURÉE D’ACTION

VOIES D’ADMINISTRATION

PROPRIÉTÉS

SURVEILLANCE INFIRMIÈRE

Analgésiques opioïdes Morphine (MorphineMD)

• Bolus I.V. de 1-4 mg • Perfusion I.V. de 1-10 mg

5-10 min (I.V.)

15-30 min (I.V.)

3-4 h (I.V.)

P.O., sublingual (S.L.), intrarectal (IR), I.V., intramusculaire (I.M.), sous-cutanée (S.C.), analgésie épidurale (AE), analgésie intrathécale (AI)

Analgésique, anxiolytique

• Analgésique étalon • Effets indésirables possibles : constipation, dépression respiratoire, euphorie ou dysphorie, hypotension, nausées et vomissements, prurit, rétention urinaire, sédation • Attention à l’accumulation possible du morphine-6glucuronide (M6G) chez les personnes atteintes d’insufsance rénale ou de troubles hépatiques

Fentanyl (DuragesicMD)

• Bolus I.V. de 25-100 mcg • Perfusion I.V. de 25-200 mcg

1-5 min (I.V.)

15-30 min (I.V.)

2h (I.V.)

Voie buccale transmuqueuse, I.V., I.M., transdermique, AE, AI

Analgésique, anxiolytique

• Mêmes effets indésirables que la morphine • Rigidité à haute dose

Hydromorphone (DilaudidMD)

• Bolus I.V. de 0,2-1 mg • Perfusion I.V. de 0,2-2 mg

5 min (I.V.)

10-20 min (I.V.)

3-4 h (I.V.)

P.O., IR, I.V., I.M., S.C., AE, AI

Analgésique, anxiolytique

• Mêmes effets indésirables que la morphine

Codéine

• 15-30 mg I.M., S.C.

10-20 min (S.C.)

Inconnu

3-4 h (S.C.)

P.O., I.M., S.C.

Analgésique (douleur de légère à modérée)

• Opioide de faible puissance (absorption imprévisible ; pro-drogue nécessitant d’être métabolisée pour libérer sa composante analgésique [morphine]) • Effets indésirables fréquents : essoufement, étourdissements, nausées et vomissements, sédation, vertiges

Méthadone (MetadolMD)

• 5-10 mg I.V.

10-20 min (I.V.)

Inconnu

4-8 min

P.O., S.L., IR, I.V., S.C., I.M., AE, AI

Analgésique

• Effet sédatif en général moins marqué que celui de la morphine, mais l’administration de doses répétées peut entraîner une accumulation qui peut provoquer une sédation soutenue (de deux à cinq jours)

Chapitre 8

Gestion de la douleur

153

8

TABLEAU 8.3 MÉDICAMENT

Traitement pharmacologique de la douleur (suite) POSOLOGIE

DÉLAI D’ACTION

PIC D’ACTION

DURÉE D’ACTION

VOIES D’ADMINISTRATION

PROPRIÉTÉS

SURVEILLANCE INFIRMIÈRE

Analgésiques non opioïdes Acétaminophène (AbenolMD, AtasolMD, TylenolMD)

• 650 mg (P.O.) (maximum de 4 g/jour ; 2 g/jour pour les personnes âgées)

20-30 min

60 min (P.O.)

4-6 min

P.O., IR

Analgésique, antipyrétique

• Effets indésirables rares • Hépatotoxicité à haute dose

Kétorolac (ToradolMD)

• 15-30 mg I.V.

< 10-30 min

Inconnu

6-8 h

P.O., I.M., I.V.

Analgésique, effet antiinammatoire minimum

• Utilisation à court terme (< 5 jours) • Effets indésirables : exacerbation de l’insufsance rénale, saignement, ulcération gastrique • Utilisation prudente chez les clients âgés et les insufsants rénaux

douleur est contrôlée après une période de maîtrise insatisfaisante, personne naïve aux opioïdes (c.-à-d. qui a commencé à en prendre depuis moins d’une semaine), prise concomitante de dépresseurs du SNC et 24 premières heures après une intervention chirurgicale (Jarzyna et al., 2011 ; Smith, 2007). L’inrmière en soins critiques surveille très étroitement le client pour prévenir cette complication. Le monitorage du client recevant des analgésiques opioïdes est détaillé plus loin dans le présent chapitre.

Morphine La morphine est l’analgésique opioïde le plus fréquemment prescrit en soins critiques. À cause de sa solubilité dans l’eau, elle a un délai d’action plus lent et une durée d’action plus longue que les opioïdes liposolubles (comme le fentanyl). La morphine produit deux métabolites principaux, le morphine-3-glucuronide (M3G, inactif) et le morphine-6-glucuronide (M6G, actif). Le M6G est responsable de l’effet analgésique, mais il peut s’accumuler et engendrer une sédation excessive chez les personnes atteintes d’insufsance rénale ou de dysfonctionnement hépatique (Devlin, MallowCorbett & Riker, 2010). La morphine est métabolisée par le cytochrome P450 2D6 (Association des pharmaciens du Canada [APhC], 2013). Il existe de nombreuses méthodes d’administration de la morphine. Cette substance est la référence étalon par rapport à laquelle tous les autres opioïdes sont comparés. C’est également l’agent qui ressemble le plus aux opioïdes endogènes (endorphines) du système de modulation de la douleur chez l’humain.

154

Partie 1

Fondements généraux

La morphine est indiquée dans les cas de douleur de modérée à intense. Elle exerce des effets additionnels qui aident à traiter d’autres symptômes. La morphine dilate les veines et les artères périphériques et peut donc être utilisée pour réduire le travail du cœur. Elle est également considérée comme un anxiolytique en raison de son effet calmant. De nombreux effets secondaires liés à l’utilisation de la morphine ont été rapportés. Son effet hypotenseur peut poser un problème particulier chez le client hypovolémique. L’effet vasodilatateur est potentialisé chez la personne en décit de volume sanguin, chez qui l’état hémodynamique doit faire l’objet d’un monitorage attentif. L’administration de liquides I.V. rétablit la P.A. en cas de réponse hypotendue prolongée. En plus des effets secondaires communs à tous les opioïdes, la morphine peut stimuler la libération d’histamine par les mastocytes, ce qui peut provoquer une instabilité cardiaque et des réactions allergiques chez certains clients.

Fentanyl Le fentanyl est un opioïde synthétique dont l’utilisation est privilégiée chez un client en phase critique qui présente une instabilité hémodynamique ou qui est allergique à la morphine. Il s’agit d’un agent liposoluble qui agit plus rapidement que la morphine, mais dont la durée d’action est plus courte (Brush & Kress, 2009). Ses métabolites étant pour l’essentiel inactifs et non toxiques, le fentanyl est un opioïde efcace et sûr. Toutefois, il est métabolisé par le cytochrome P450 3A4 (e-cps). L’administration de fentanyl ou d’hydromorphone est privilégiée dans les cas

d’instabilité hémodynamique ou de troubles rénaux (Brush & Kress, 2009). Le fentanyl est disponible pour administration par voie I.V., intrarachidienne et transdermique. Le médicament sous la forme transdermique est le timbre de DuragesicMD. Les effets secondaires du fentanyl étant similaires à ceux de la morphine, l’inrmière surveille attentivement les réponses hémodynamique et respiratoire. Le fentanyl administré rapidement et à des doses élevées a été associé à un risque additionnel de bradycardie (Devlin et al., 2010 ; Liu & Gropper, 2003). L’utilisation de fentanyl transdermique est rarement indiquée chez le client en phase critique. Le timbre de fentanyl est généralement employé chez les personnes atteintes de douleurs chroniques ou de douleurs associées au cancer ; en soins critiques, il est utilisé chez la clientèle nécessitant une maîtrise de la douleur pendant une longue période. Administré par voie transdermique, le fentanyl a un délai d’action compris entre 12 et 16 heures, et le timbre est habituellement laissé en place pendant 72 heures ; il exerce donc ses effets durant cette période (Pasero & McCaffery, 2011). Si cette méthode d’administration est utilisée, il faut administrer d’autres analgésiques opioïdes au client en attendant d’obtenir un effet thérapeutique (début d’action), de même qu’il est nécessaire d’administrer, au besoin, des analgésiques opioïdes de courte durée à l’occasion de procédures douloureuses (p. ex., une aspiration des sécrétions) ou au moment d’une percée de douleur.

Hydromorphone L’hydromorphone est un opioïde semi-synthétique dont le délai et la durée d’action sont similaires à ceux de la morphine (Liu & Gropper, 2003). Cet opioïde efcace peut être administré par plusieurs voies et est de quatre à sept fois plus puissant que la morphine. L’hydromorphone produisant un métabolite inactif (l’hydromorphone-3-glucuronide), elle constitue l’analgésique opioïde de choix chez le client atteint d’une affection rénale au stade terminal (Devlin & Roberts, 2009). Une étude a montré que certains effets secondaires (p. ex., le prurit, la sédation, des nausées, des vomissements) pourraient être moins fréquents avec l’hydromorphone qu’avec la morphine (Sarhill, Walsh & Nelson, 2001).

Mépéridine La mépéridine est un opioïde moins puissant dont les effets agonistes sont similaires à ceux de la morphine. Elle doit être administrée à haute dose pour procurer une action équivalente à celle de la morphine. Sa durée d’action étant brève (de deux à quatre heures), il faut l’administrer fréquemment. Un sujet de préoccupation majeure lié à ce médicament est le métabolite normépéridine, un agent neurotoxique du SNC. Administré à haute dose à un client atteint d’insufsance rénale ou de trouble hépatique ou à un client âgé, il peut produire des effets toxiques sur le SNC, notamment de l’irritabilité, une spasticité musculaire, des tremblements, de

l’agitation, des hallucinations, de la confusion et des convulsions (Pasero & McCaffery, 2011). Si la mépéridine est utile pour traiter certains états de courte durée comme le traitement du frisson postopératoire (Ashley & Given, 2008), elle ne devrait cependant pas être employée de manière systématique à des ns analgésiques en soins critiques (Brush & Kress, 2009 ; Devlin & Roberts, 2009 ; Erstad, Puntillo, Gilbert et al., 2009).

Codéine La codéine, un antitussif qui possède des propriétés analgésiques, peut être utilisée dans les cas de douleur de légère à modérée. Elle n’est pas indiquée pour le soulagement de la douleur intense. Elle est en général associée à un non-opioïde (p. ex., l’acétaminophène). La codéine est un promédicament. Donc pour devenir active, elle doit être métabolisée en morphine dans le foie (Pasero & McCaffery, 2011). Cependant, environ 12 % de la population blanche ne possède pas l’enzyme nécessaire (CYP 450 2D6) pour métaboliser la codéine. Ces clients ne bénécient donc d’aucun effet analgésique à la suite de son administration (Kelly, Rieder, van den Anker et al., 2012). D’autres médicaments utilisant ou modiant l’effet du CYP 450 2D6 peuvent être la source d’interactions médicamenteuses avec la codéine. Celle-ci ne peut être administrée que par voie P.O., I.M. ou S.C., et son absorption peut être diminuée chez un client à l’unité de soins critiques en raison de la réduction de la motilité gastro-intestinale et de l’irrigation des tissus. Enn, la codéine n’est pas un analgésique à privilégier dans un contexte de soins critiques.

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Méthadone La méthadone est un opioïde synthétique ayant des propriétés analogues à celles de la morphine, mais dont l’effet sédatif est moins prononcé. Elle agit plus longtemps que la morphine, et sa demi-vie est longue. À cause de cela, son dosage est difcile chez le client aux soins critiques. La méthadone n’a pas de métabolite actif et est éliminée à 60 % par des voies autres que les reins. Autrement dit, il n’y a pas d’accumulation de méthadone chez les personnes atteintes d’insufsance rénale. La méthadone peut être utilisée pour traiter les syndromes de douleur chronique lorsque le client est tolérant aux autres analgésiques opioïdes, et elle peut aider à faciliter la diminution progressive de la posologie des perfusions d’opioïdes dans l’unité de soins critiques (Devlin & Roberts, 2009). Toutefois, des cas d’allongement de l’intervalle QT ont été rapportés, à la suite de son utilisation, ce qui peut provoquer le développement de torsades de pointes (Devlin et al., 2010). De plus, la méthadone a un potentiel important d’interactions médicamenteuses (CYP1A2, CYP2D6, CYP3A4) (APhC, 2013).

Rémifentanil et sufentanil Le rémifentanil et le sufentanil sont des agonistes des récepteurs des opioïdes. L’utilisation de ces médicaments puissants a été étudiée chez les clients en situation critique de santé. Chapitre 8

Gestion de la douleur

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Le rémifentanil est 250 fois plus puissant que la morphine, il agit rapidement et a une durée d’action prévisible. Pour ces raisons, il permet une émergence rapide de la sédation, ce qui facilite l’évaluation de l’état neurologique du client après l’arrêt de la perfusion (Cavaliere, Antonelli, Arcangeli et al., 2002 ; Soltész, Biedler, Silomon et al., 2001). L’utilisation du rémifentanil est associée à une incidence du délirium postopératoire plus faible que celle du fentanyl (Radtke, Lorenz, Luetz et al., 2010). La puissance du sufentanil est de 7 à 13 fois supérieure à celle du fentanyl et de 500 à 1 000 fois plus élevée que celle de la morphine. Ses propriétés sédatives sont plus prononcées que celles du fentanyl et des autres opioïdes. Les personnes sous sufentanil ont besoin de doses minimales pour atteindre un degré de sédation adéquat. Le sufentanil a une vitesse de répartition et une clairance élevées, ce qui prévient son accumulation lorsqu’il est administré pendant une longue période (Ethuin, Boudaoud, Leblanc et al., 2003). Le sufentanil produit une émergence de la sédation plus longue que le rémifentanil, mais son effet analgésique dure plus longtemps après la cessation de son administration (Soltész et al., 2001).

Prévention et traitement de la dépression respiratoire La dépression respiratoire est l’effet secondaire des opioïdes présentant le plus grand risque mortel. Le risque de dépression respiratoire augmente avec l’administration concomitante d’autres médicaments ayant des effets dépresseurs sur le SNC (p. ex., les benzodiazépines, les antiémétiques, les neuroleptiques, les antihistaminiques). S’il n’existe pas de dénition universelle de la dépression respiratoire, cet état est en général décrit par une diminution de la F.R. (moins de 8 à 10 respirations par minute), une réduction du taux de SpO2 ou une augmentation du taux de fraction de dioxyde de carbone en n d’expiration (PEtCO2) (Jarzyna et al., 2011). L’apparition de la dépression respiratoire est généralement précédée par une altération de l’état de conscience du client ou par une augmentation de la sédation. L’ASPMN a élaboré des lignes directrices sur la surveillance des clients recevant des analgésiques opioïdes (Jarzyna et al., 2011). Elle recommande l’évaluation non seulement de l’intensité de la douleur en tant que résultat visé de l’analgésie, mais aussi de la sédation normale et de la respiration. Les échelles de sédation valides et ables, conçues pour la clientèle en situation critique de santé, sont à privilégier. Il est recommandé d’évaluer la respiration pendant une minute et de qualier sa fréquence, son rythme et l’amplitude thoracique. Le recours à des moyens technologique de monitorage (p. ex., la saturométrie et la capnographie en continu) peut être utile chez la clientèle à haut risque. Pour ces clients, une surveillance plus étroite doit être effectuée, par exemple durant les 24 premières heures suivant une intervention chirurgicale, après une augmentation

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Fondements généraux

de la dose d’un analgésique opioïde ou le changement de l’agent opioïde ou de sa voie d’administration. Par exemple, Pasero et ses collaborateurs (2007) recommandent la surveillance de ces paramètres au moins toutes les 2 heures pendant les 24 premières heures, puis toutes les 4 heures chez la personne dont l’état est stabilisé. Le ronement est un signe avertisseur. Il peut indiquer une dépression respiratoire associée à une obstruction des voies aériennes par la langue, menant à l’hypoxémie et éventuellement à l’arrêt cardiorespiratoire (Pasero & McCaffery, 2011). Un client qui ronfle après l’administration d’un analgésique opioïde nécessite une observation attentive de la part de l’inrmière de soins critiques. La dépression respiratoire en phase critique peut être facilement inversée par l’administration de naloxone, un antagoniste des récepteurs des opioïdes (Pasero & McCaffery, 2011). La dose usuelle de cette substance est de 0,4 mg dans 10 ml de soluté physiologique (NaCl 0,9 %) (pour obtenir une concentration de 0,04 mg/ml). La naloxone est normalement administrée par voie I.V. à une vitesse très lente (0,5 ml de solution infusée en 2 minutes), pendant que l’inrmière observe attentivement le client pour surveiller l’inversion de la détresse respiratoire. Elle peut arrêter l’administration de naloxone dès que le client répond à la stimulation douloureuse et peut inspirer profondément. Toutefois, il est préférable de garder ce médicament à portée de main. La naloxone ayant une durée d’action plus courte que la plupart des opioïdes, une autre dose de cette substance peut être nécessaire aussi tôt que 30 minutes après l’administration de la première dose. L’inrmière surveille la sédation et la respiration et rappele au client de respirer profondément au moins une fois par période de une à deux minutes jusqu’à ce qu’il soit plus éveillé. Il faut évaluer soigneusement les avantages de l’inversion de la dépression respiratoire par rapport au risque d’apparition soudaine de la douleur et à la difculté de la soulager. Pour prévenir cette éventualité, il est important d’administrer un analgésique non opioïde pour le soulagement de la douleur. De plus, l’utilisation de la naloxone n’est pas recommandée après une analgésie prolongée, car elle peut être à l’origine d’un syndrome de sevrage et causer des nausées et des complications cardiovasculaires (p. ex., des arythmies).

Sédatif doté de propriétés analgésiques La dexmédétomidine (PrecedexMD) est un agoniste des récepteurs alpha-2 à courte durée d’action qui est indiqué pour la sédation à court terme (moins de 24 heures) de la clientèle sous ventilation mécanique de l’unité des soins critiques (Bhana, Goa & McClellan, 2000). Son mécanisme d’action est unique et diffère de ceux des autres sédatifs couramment utilisés en soins critiques. De fait, par rapport au midazolam (VersedMD) ou au lorazépam (AtivanMD) – dont les effets hypnotiques s’exercent surtout sur le

système limbique et le cortex – la dexmédétomidine agit sur le locus cœruleus du tronc cérébral. En conséquence, les personnes recevant de la dexmédétomidine par perfusion I.V. sont calmes et somnolentes, tout en pouvant être facilement réveillées (Abramov, Nogid & Nogid, 2005). Pour cette raison, la dexmédétomidine se prête idéalement à la sédation légère à modérée, souvent appelée sédation consciente 9 . La dexmédétomidine possède également des propriétés analgésiques. Ses effets analgésiques s’expliquent principalement par l’antinociception au niveau rachidien provoquée par sa liaison à des récepteurs noradrénergiques (hétérorécepteurs) situés sur les neurones de la corne postérieure de la moelle épinière (Pasero, Manworren & McCaffery, 2007). Il a été constaté que la dexmédétomidine réduisait la dose d’analgésique opioïde postopératoire nécessaire tant chez l’adulte que chez l’enfant (Gertler, Brown, Mitchell et al., 2001 ; Ohtani, Yasui, Watanabe et al., 2011). Ces résultats laissent croire que cette substance pourrait améliorer le soulagement de la douleur postopératoire en soins critiques. Si la dexmédétomidine est de plus en plus utilisée pour la sédation de courte durée à l’unité de soins critiques, cette substance n’est cependant pas dénuée d’effets indésirables. En effet, l’inhibition des récepteurs noradrénergiques du tronc cérébral et de la moelle épinière cause souvent de l’hypotension et de la bradycardie (Abramov et al., 2005). Ses effets indésirables moins fréquents sont notamment les suivants : diminution de la salivation, réduction de la sécrétion et ralentissement du transit intestinal dans le tube digestif (tractus gastrointestinal) ; contraction des muscles lisses vasculaires ; inhibition de la libération de rénine, augmentation de la ltration glomérulaire et de la sécrétion de sodium et d’eau dans les reins ; baisse de la pression intraoculaire ; et diminution de la libération d’insuline par le pancréas (Pestieau, Quezado, Johnson et al., 2011).

Analgésiques non opioïdes Parmi les lignes directrices de la SCCM, il est recommandé d’utiliser des agents non opioïdes en association avec un analgésique opioïde pour réduire la dose d’opioïde nécessaire et les effets secondaires de ces substances (Barr et al., 2013). Cette stratégie permet d’obtenir un meilleur effet analgésique par une action tant périphérique que centrale. Les renseignements pharmacologiques connexes sont présentés dans le TABLEAU 8.3.

Acétaminophène L’acétaminophène est un analgésique utilisé pour traiter la douleur de légère à modérée. Il inhibe la synthèse des prostaglandines dans le SNC (Lehne, 2012). Dans le cas d’un surdosage d’acétaminophène, cette substance peut engendrer une quantité plus grande de métabolites toxiques pouvant causer des

lésions au foie. Les effets secondaires sont rares aux doses thérapeutiques (la dose journalière totale ne devrait pas dépasser 4 g/24 h chez l’adulte). Les agents non opioïdes sont rarement utilisés seuls chez la clientèle en soins critiques. Pour calculer la dose journalière totale d’acétaminophène, l’inrmière tient compte des autres produits contenant cette substance que le client pourrait recevoir. Il faut porter une attention particulière aux clients atteints de troubles hépatiques, de malnutrition ou ayant des antécédents de consommation excessive d’alcool (Barr et al., 2013).

9 La pharmacothérapie de la sédation, dont l’administra­ tion de la dexmédétomidine, constitue entre autres l’objet du chapitre 9, Évaluation et approche thérapeutique de la sédation, de l’agitation et du délirium.

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Anti-inammatoires non stéroïdiens L’utilisation d’anti-inammatoires non stéroïdiens (AINS) en association avec des analgésiques opioïdes est indiquée chez le client atteint d’une inammation aiguë des tissus musculosquelettiques et des tissus mous (Pasero & McCaffery, 2011). Les AINS agissent en bloquant l’action de la cyclo-oxygénase (COX, qui possède deux formes, COX-1 et COX-2), l’enzyme qui convertit l’acide arachidonique en prostaglandines. Ce blocage inhibe la production des prostaglandines. Il s’agit du processus de transduction FIGURE 8.5. Ce phénomène se produit dans le système nerveux périphérique et le SNC. Les AINS peuvent être soit de première génération (inhibiteurs des enzymes COX-1 et COX-2 [p. ex., l’acide acétylsalicylique, l’ibuprofène, le naproxène, le kétorolac]), soit de deuxième génération (inhibiteurs de l’enzyme COX-2 [p. ex., le célécoxib]). L’inhibition de COX-1 serait responsable de bon nombre des effets secondaires des AINS tels que l’ulcération gastrique, les saignements provoqués par l’inhibition des plaquettes et l’insufsance rénale aiguë. Par opposition, l’inhibition de l’enzyme COX-2 est à l’origine de la suppression de la douleur et de l’inammation (Lehne, 2012). Les AINS de deuxième génération sont associés à un risque minimum d’effets indésirables graves, mais leur rôle chez le client en situation critique de santé demeure inconnu (Barr et al., 2013). Le kétorolac (ToradolMD) est l’AINS le plus approprié pour les soins critiques. Des recherches ont démontré son innocuité et son efcacité contre la douleur postopératoire (Summer & Puntillo, 2001). En raison de ses effets secondaires, le kétorolac n’est pas approprié à tous les clients en situation critique de santé. Il convient d’être prudent dans l’administration de cette substance à des adultes âgés ou à des personnes atteintes de troubles rénaux en raison de leur clairance rénale plus lente. Le kétérolac étant un AINS, la surveillance de l’agrégation plaquettaire est d’une importance primordiale. Une évaluation des résultats des analyses de laboratoire doit être effectuée an de déceler une éventuelle augmentation du temps de saignement, et il faut rechercher les signes de saignement anormal chez le client. De plus, l’administration de kétorolac pendant plus de cinq jours a été associée à une augmentation de l’insuffisance rénale et du saignement (Feldman, Chapitre 8

Gestion de la douleur

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Kinman, Berlin et al., 1997 ; Strom, Berlin, Kinmam et al., 1996). Il est important d’envisager l’utilisation concomitante d’analgésiques opioïdes et d’AINS an d’agir sur la modication de la douleur dans les systèmes nerveux périphérique et central. Cette association d’agents crée un effet de synergie et réduit souvent de façon importante la quantité d’analgésiques opioïdes nécessaire pour obtenir une gestion efcace de la douleur. D’autres agents pharmacologiques sont utilisés à l’unité de soins critiques. Quel que soit l’agent, l’élément le plus important dans la gestion de la douleur est l’évaluation et la réévaluation attentives de la douleur du client durant l’administration du médicament. La nécessité d’ajuster la posologie, d’augmenter la fréquence de l’agent ou de le changer est fondée sur les résultats de l’évaluation. L’utilisation d’une feuille de suivi antidouleur permet une évaluation continue de la douleur et la consignation complète de l’information sur la gestion de la douleur dans l’unité de soins critiques.

Adjuvants S’ils ne sont pas souvent mentionnés dans la littérature sur les soins critiques, les adjuvants peuvent cependant être utiles pour soulager la douleur chez les personnes présentant des douleurs complexes comme la douleur neuropathique ou à d’autres ns particulières (p. ex., la douleur procédurale). Les anticonvulsivants (p. ex., la carbamazépine [TegretolMD], la phénytoïne [DilantinMD], la gabapentine [NeurontinMD], la prégabaline [LyricaMD]) sont des analgésiques de première intention pour soulager la douleur neuropathique déchirante. Les lignes directrices de la SCCM recommandent l’utilisation de gabapentine ou de carbamazépine, en plus des analgésiques opioïdes par voie I.V., pour le traitement de la douleur neuropathique (Barr et al., 2013). Même si le mécanisme précis du soulagement de la douleur par cette voie est inconnu, l’analgésie est probablement le résultat de la suppression de l’inux d’ion sodium (Na+), ce qui atténue l’hyperexcitabilité neuronale (potentiel d’action) dans le processus de transduction (Pasero & McCaffery, 2011) FIGURE 8.5. Les antidépresseurs sont également considérés comme des analgésiques dans un large éventail de syndromes de douleurs chroniques tels que les maux de tête, les lombalgies, les neuropathies, la douleur centrale et la douleur liée au cancer. La dose analgésique est souvent inférieure à celle requise pour traiter la dépression. On distingue en général deux groupes principaux d’antidépresseurs utilisés comme analgésiques adjuvants : les antidépresseurs tricycliques (p. ex., l’amitriptyline [ElavilMD], l’imipramine, la désipramine) et les inhibiteurs du recaptage de la sérotonine (p. ex., la venlafaxine [EffexorMD], la paroxétine [PaxilMD], la sertraline [ZoloftMD]). Le mécanisme de l’analgésie le plus largement accepté est la capacité des antidépresseurs de bloquer le recaptage de la sérotonine et de la noradrénaline, deux neurotransmetteurs, dans le SNC (Pasero & McCaffery, 2011), ce qui contribue à la modulation de la douleur FIGURE 8.5.

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Fondements généraux

Kétamine Les anesthésiques peuvent être utilisés pour traiter la douleur dans le contexte des soins critiques. La kétamine est un agent anesthésique dissociatif qui possède des propriétés analgésiques. Elle est traditionnellement administrée par voie I.V. pour traiter la douleur procédurale chez les personnes ayant subi des brûlures. En comparaison des opioïdes, la kétamine présente l’avantage de préserver le réexe respiratoire, mais cause de nombreux effets secondaires liés à la libération des catécholamines. Pour cette raison, la kétamine n’est pas recommandée à titre de traitement de routine chez la clientèle en soins critiques (Liu & Gropper, 2003 ; Summer & Puntillo, 2001). Avant d’administrer de la kétamine, il importe d’expliquer au client ce qu’est l’état dissociatif. Cet état est caractérisé par une sensation de détachement par rapport à l’environnement, une perte de contrôle, des hallucinations et des rêves d’apparence réelle. L’utilisation concomitante de benzodiazépines (p. ex., le midazolam) peut réduire le risque de cet effet désagréable (Pasero & McCaffery, 2011).

Lidocaïne La lidocaïne est un autre anesthésique qui peut être utilisé contre la douleur procédurale et la douleur aiguë ou chez certaines personnes atteintes de douleurs neuropathiques chroniques (Pasero & McCaffery, 2011). Lorsqu’ils sont employés localement, les anesthésiques topiques exercent leurs effets sur le processus de transduction FIGURE 8.5.

Méthodes d’administration La voie la plus courante pour l’administration des médicaments en milieu hospitalier, et plus particulièrement en soins critiques, est la voie I.V. par perfusion continue, l’administration en bolus ou le dispositif contrôlé par le client. La voie privilégiée est l’administration en bolus I.V. Les avantages de cette méthode sont le délai d’action rapide et la facilité d’ajustement des doses (titration). Son principal inconvénient est la uctuation du taux sérique de l’analgésique opioïde, ce qui mène à une alternance de périodes de maîtrise et de réapparition de la douleur (Lehne, 2012). La perfusion continue d’analgésiques opioïdes à l’aide d’une pompe à perfusion assure une concentration sanguine constante de l’opioïde prescrit, ce qui favorise un degré de confort uniforme. Cette méthode d’administration est particulièrement utile durant le sommeil, car elle permet à la personne de se réveiller avec un soulagement adéquat de la douleur. Il est important de donner au client un bolus initial qui soulage la douleur et augmente la dose circulante du médicament. Une fois le taux basal établi, le client bénécie d’un soulagement constant de la douleur jusqu’à l’apparition d’une douleur additionnelle imputable à une intervention, à une activité ou à un changement de son état. Dans une telle situation, il faut disposer d’ordonnances du médecin pour l’administration de bolus additionnels d’analgésiques opioïdes.

Analgésie contrôlée par le patient L’analgésie contrôlée par le patient (ACP) est une méthode d’administration de médicament par voie I.V. à l’aide d’une pompe à perfusion. Elle permet au client de s’autoadministrer de petites doses d’analgésique. Plusieurs opioïdes peuvent être administrés par ACP, mais le plus courant est la morphine. Cette méthode d’administration des médicaments permet au client de contrôler le niveau de douleur et de sédation et d’éviter les pics de soulagementsouffrance provoqués par l’administration intermittente (au besoin) par le personnel soignant. Le client peut agir de façon préventive et s’autoadministrer un bolus de médicament dès que la douleur apparaît et avant que celle-ci ne devienne intolérable. Les gestes à poser par l’inrmière à l’égard d’un client recevant des analgésiques par une pompe ACP selon la Nursing Interventions Classication sont présentés dans l’ENCADRÉ 8.3. L’ACP n’est pas adaptée pour tous les clients. Une personne présentant une altération de l’état de conscience ou ayant un problème cognitif peut avoir de la difculté à comprendre comment utiliser l’appareil. Chez les clients très âgés ou ceux atteints d’insufsance rénale ou de troubles hépatiques, une surveillance étroite peut s’avérer nécessaire. Le fait de laisser la personne s’administrer des doses d’analgésiques opioïdes ne diminue en rien le rôle de l’inrmière dans la gestion de la douleur. L’inrmière formule des conseils au sujet des changements devant être apportés à l’ordonnance et continue à surveiller les effets du médicament. Le client fait l’objet d’une surveillance étroite durant les deux premières heures du traitement et après chaque

modication apportée à l’ordonnance. Si un soulagement ne se produit pas après deux heures de traitement, il est essentiel de procéder à une réévaluation complète de la douleur du client. L’inrmière surveille le nombre de bolus administrés par le client. Si celui-ci appuie sur le bouton d’administration d’un bolus plus souvent que la fréquence prescrite, la dose peut être insufsante pour assurer un contrôle adéquat de la douleur. Il faut garder de la naloxone au chevet du client an de pouvoir inverser rapidement les effets des opioïdes sur le système respiratoire. Idéalement, lorsque le client subit une intervention chirurgicale non urgente nécessitant l’administration d’analgésiques opioïdes après l’opération, un enseignement à l’étape préopératoire sur la façon d’utiliser l’ACP devrait lui être offert. Ainsi, le client peut se familiariser avec le concept d’automédication avant d’utiliser l’appareil.

8

Contrôle de la douleur par voie rachidienne Le principe de l’anesthésie rachidienne repose sur le concept selon lequel la moelle épinière constitue le principal lien dans la transmission nociceptive. L’objectif est de simuler le système de modication de la douleur par les opioïdes endogènes en interférant avec la transmission de la douleur par l’administration directement dans la moelle d’un agent se liant aux récepteurs des opioïdes. Cette procédure a très peu d’effets sur l’état hémodynamique du client. L’anesthésie rachidienne convient particulièrement aux douleurs au thorax, à la partie supérieure de l’abdomen et aux membres inférieurs. La voie empruntée peut être intrathécale ou épidurale FIGURE 8.6 .

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 8.3

Intervenir auprès du client qui utilise l’ACP

OBJECTIF

• Faciliter le contrôle de l’administration de l’analgésique par le client. INTERVENTIONS

• Collaborer avec les médecins, le client et les membres de sa famille pour choisir le type d’analgésique opioïde devant être utilisé. • Recommander l’administration d’AINS en concomitance avec les analgésiques opioïdes, s’il y a lieu. • Recommander la cessation de l’administration d’analgésiques opioïdes par d’autres voies. • Éviter l’utilisation de mépéridine (DemerolMD). • S’assurer que le client n’est pas allergique à l’analgésique devant être administré. • Enseigner au client et à ses proches les différentes caractéristiques associées à la douleur : l’intensité, le ou les sites, la qualité et la durée. • Enseigner au client et à ses proches comment évaluer la F.R. • Établir l’accès nasogastrique, veineux, sous-cutané ou rachidien, selon le cas. • Vérier que le client peut utiliser une pompe ACP (c.-à-d. qu’il est capable de communiquer, de comprendre les explications et de suivre les directives).

• Collaborer avec le client et sa famille pour choisir le type approprié de dispositif de perfusion contrôlé par le client. • Enseigner au client et à ses proches comment utiliser la pompe ACP. • Évaluer l’effet analgésique : comparer le nombre de doses reçues et demandées par le client, évaluer l’intensité de la douleur et consulter le médecin pour ajuster la médication an d’obtenir un soulagement optimal de la douleur. • Enseigner au client et à ses proches l’action et les effets secondaires des médicaments qui soulagent la douleur. • Recommander un régime alimentaire pour éviter la constipation. • S’assurer d’obtenir une prescription pour un émollient fécal an d’éviter la constipation. La prise de cette substance doit débuter en même temps et durer aussi longtemps que la prise d’analgésiques opioïdes (chez le client capable d’avaler). • Dans le cas d’un client ayant de la difculté à maîtriser sa douleur, consulter des experts cliniciens en matière de douleur (anesthésistes, inrmièresanesthésistes, personnel de la clinique de la douleur).

Source : Adapté de Bulechek, Butcher, Dochterman et al. (2013) Chapitre 8

Gestion de la douleur

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FIGURE 8.6 Positionnement du cathéter intrarachidien dans une section transversale de la moelle épinière.

Quelle que soit la voie d’administration d’un analgésique, les effets de l’agoniste des récepteurs des opioïdes utilisés restent les mêmes, et les paramètres d’évaluation et de surveillance de l’analgésie par voie rachidienne sont identiques à ceux qui sont sous monitorage pour les autres voies ENCADRÉ 8.4.

Analgésie intrathécale Les analgésiques opioïdes administrés par voie intrathécale (sous-arachnoïdienne) sont injectés directement dans le liquide cérébrospinal et se lient aux récepteurs de la moelle épinière. Les opioïdes introduits par cette voie agissent rapidement dans la corne antérieure. Le fourreau dural est ponctionné, ce qui élimine la barrière bloquant l’entrée des agents pathogènes de l’environnement dans le liquide cérébrospinal. Cette situation crée un risque d’infection grave. La voie intrathécale est en général réservée à un usage peropératoire. L’administration en bolus unique procure un soulagement de la douleur de courte durée (la douleur du travail et de l’accouchement est bien soulagée par un tel régime). Les effets secondaires de l’analgésie intrathécale sont notamment la céphalée postponction durale et l’infection.

Analgésie épidurale L’analgésie épidurale est utilisée couramment dans l’unité de soins critiques après une chirurgie abdominale lourde, une néphrectomie, une thoracotomie ou une intervention orthopédique majeure. Selon les lignes directrices de la SCCM, son utilisation devrait être envisagée durant la phase postopératoire

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Partie 1

Fondements généraux

du traitement chirurgical d’un anévrisme de l’aorte abdominale et chez les personnes victimes de fractures traumatiques des côtes (Barr et al., 2013). Certaines affections font obstacle à l’utilisation de cette méthode de maîtrise de la douleur, notamment l’infection généralisée, la prise d’anticoagulants et l’augmentation de la pression intracrânienne. L’administration d’un analgésique opioïde par voie épidurale procure un soulagement de la douleur de plus longue durée, avec une dose moins forte de cette substance. Dans le cas d’une injection dans l’espace péridural, une dose de morphine de 5 mg peut être efcace pendant 6 à 24 heures, comparativement à 3 à 4 heures par voie I.V. Les analgésiques opioïdes injectés dans l’espace péridural sont plus imprévisibles que ceux administrés par voie intrathécale. L’espace péridural est rempli de tissu adipeux et entoure la dure-mère. Le tissu adipeux interfère avec l’absorption, et la dure-mère fait obstacle à la diffusion, ce qui rend difcile la prévision de la vitesse de diffusion. Le type de médicament utilisé détermine la rapidité de sa diffusion. Les médicaments hydrophiles (p. ex., la morphine) sont solubles dans l’eau et pénètrent lentement dans la dure-mère ; ils ont donc un délai d’action plus lent et une durée d’action plus longue. Les médicaments lipophiles (p. ex., le fentanyl) sont solubles dans les lipides et pénètrent rapidement dans la dure-mère ; ils ont par conséquent un délai d’action rapide et une durée d’action plus courte. La dure-mère joue le rôle d’obstacle physique, ce qui retarde la diffusion du médicament. Cette voie permet donc l’absorption d’une plus grande quantité de médicament dans la circulation générale que par la voie intrathécale, nécessitant des doses plus élevées pour soulager la douleur. Les médicaments acheminés par voie épidurale peuvent être administrés en bolus ou en perfusion continue. L’analgésie épidurale est utilisée plus souvent dans le milieu de soins critiques et requiert une surveillance attentive. L’inrmière évalue le client pour déceler tout signe de sédation profonde et de dépression respiratoire. Ce phénomène peut survenir au début du traitement et jusqu’à 24 heures après son instauration. De plus, le cathéter épidural présente un risque d’infection pour le client. L’efcience de cette méthode de maîtrise de la douleur et la mobilité accrue du client ne dégagent toutefois pas l’inrmière de sa responsabilité de surveiller et d’évaluer les résultats du protocole de gestion de la douleur utilisé.

Équianalgésie Lorsqu’un changement d’analgésique opioïde est prescrit, l’inrmière consulte le médecin traitant et valide les posologies équianalgésiques. Le but de la conversion est d’obtenir des effets analgésiques équivalents avec le nouvel agent. Ce concept est appelé équianalgésie ENCADRÉS 8.5 et 8.6. La morphine est la substance de référence étalon pour la conversion des opioïdes. Les posologies prescrites doivent tenir

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 8.4

Administrer l’analgésique par voie intrarachidienne

OBJECTIF

• Administrer des agents pharmacologiques dans l’espace épidural ou intra­ thécal en vue de réduire ou d’éliminer la douleur. INTERVENTIONS

• Vérier la perméabilité et le fonctionnement du cathéter, de l’orice d’accès et de la pompe. • Veiller à ce que l’accès I.V. soit en place en tout temps durant le traitement. • Étiqueter le cathéter et le xer en place de la manière appropriée. • Veiller à ce que la préparation appropriée de médicament soit utilisée (p. ex., en haute concentration et sans agent de conservation). • Veiller à disposer d’un antagoniste des opioïdes pour administration d’urgence et, au besoin, l’administrer conformément à l’ordonnance du médecin. • Commencer la perfusion continue de l’agent analgésique après avoir vérié que le cathéter est bien positionné et surveiller le débit de perfusion pour assurer l’administration de la dose de médicament prescrite. • Surveiller la température, la P.A., l’amplitude et le rythme respiratoires, le pouls et l’état de conscience à la fréquence appropriée et consigner les données sur la feuille de soins. • Vérier que le cathéter ne se déplace pas et que le pansement reste sec et, dans le cas contraire, aviser les membres du personnel appropriés selon le protocole de l’établissement. • Prodiguer les soins appropriés au site d’insertion du cathéter selon le proto­ cole de l’établissement.

• Fixer l’aiguille en place avec du ruban adhésif et appliquer le pansement approprié selon le protocole de l’établissement. • Surveiller l’occurrence de réactions indésirables telles que sédation profonde, dépression respiratoire, rétention urinaire, somnolence excessive, prurit, convulsions, nausées et vomissements. • Mesurer la P.A. orthostatique et le pouls avant la première tentative de mobilisation. • Demander au client de rapporter les effets secondaires (p. ex., un engour­ dissement des membres, l’incapacité d’uriner, une céphalée), l’intensité de la douleur et tout besoin d’assistance pour la mobilisation s’il se sent faible. • Suivre les politiques de l’établissement pour l’injection des agents analgési­ ques par intermittence. • Administrer les médicaments adjuvants appropriés (p. ex., des antidépres­ seurs, des anticonvulsivants, des AINS). • Augmenter la dose intrarachidienne en fonction du score d’intensité de la douleur. • Expliquer au client les mesures non pharmacologiques (p. ex., la relaxation, l’imagerie mentale dirigée et le biofeedback) permettant d’accroître l’ef­ cacité des médicaments. • Retirer le cathéter ou aider à son au retrait conformément au protocole de l’établissement.

Source : Adapté de Bulechek et al. (2013)

compte de l’âge et de l’état de santé du client (Pasero & McCaffery, 2011). L’inrmière de soins critiques est en mesure de consulter un tableau pouvant servir facilement de référence au sein de l’unité an d’administrer à la clientèle en situation critique de santé des analgésiques opioïdes à la posologie appropriée. En raison de la grande diversité des agents et des voies d’administration, les organisations professionnelles de lutte contre la douleur ont élaboré des tableaux d’équianalgésie à l’intention des membres de l’équipe soignante. Chaque unité de soins critiques devrait afcher un tel tableau de façon qu’il soit facile à consulter TABLEAU 8.4.

8.3.2

Traitements non pharmacologiques

Malgré les nombreuses méthodes de gestion de la douleur non pharmacologiques citées dans la littérature sur les soins critiques (Faigeles, Miaskowski, Howie-Esquivel et al., 2010), rares sont les études qui ont été réalisées pour recueillir des preuves de leur efcacité dans ce secteur. Les méthodes non pharmacologiques peuvent être utilisées à titre de complément d’un traitement analgésique, mais ne sont pas destinées à remplacer celui-ci. La plupart du temps, ces thérapies peuvent améliorer la gestion pharmacologique de la douleur du client, de même que diminuer la fréquence d’administration et la dose d’analgésiques opioïdes. Selon les lignes directrices

de la SCCM, l’administration d’un traitement analgésique à titre préventif, combiné à une intervention non pharmacologique, est fortement suggérée pour soulager la douleur procédurale chez l’adulte en soins critiques (Barr et al., 2013). Parmi les différentes méthodes non pharmacologiques disponibles gurent les techniques physiques et les techniques cognitivocomportementales, qui sont peu utilisées par les inrmières et qui gagneraient à être combinées à des méthodes pharmacologiques, afin d’offrir une approche multimodale de la gestion de la douleur. La stimulation d’autres bres sensorielles non associées à la douleur (Aβ) dans la région périphérique modie la transmission de la douleur. Ces bres sont stimulées par les changements thermiques, par exemple durant l’application de chaleur ou de froid, et par un simple massage.

Thérapie par le froid L’utilité de la thérapie par le froid a été démontrée pour réduire la douleur liée à l’intervention chez les personnes en soins critiques. Dans une étude menée auprès de 50 clients d’une unité de soins critiques ayant subi une chirurgie cardiaque, une diminution signicative de l’intensité de la douleur après le retrait du drain thoracique a été obtenue lorsque des sacs de glace étaient placés autour de la région 10 minutes avant le retrait du drain (Sauls, 2002). Chapitre 8

Gestion de la douleur

161

8

ENCADRÉ 8.5

Guide pour l’utilisation des tableaux équianalgésiques

• Le tableau équianalgésique est utile pour passer d’un analgésique à un autre ou d’une voie d’administration à une autre pour le même analgésique ou pour un analgésique différent. • Le tableau équianalgésique est destiné à servir de guide. Les doses et les intervalles entre celles-ci sont déterminés en fonction de la réponse de chaque client. • Les posologies indiquées dans le tableau d’équianalgésie ne sont pas nécessairement

des doses initiales. Elles indiquent un rapport permettant de comparer l’analgésie produite par différents médicaments. • Pour le client âgé, il faut instaurer le traitement en réduisant de 25 à 50 % la dose d’analgésique opioïde calculée suivant l’équation de conversion. • Plus le client est traité depuis longtemps aux analgésiques opioïdes, plus le bolus initial d’un nouvel opioïde doit être faible.

Source : Adapté de Pasero & McCaffery (2011)

Les propriétés analgésiques de la thérapie par le froid ont également été étudiées par Demir et Khorshid (Demir & Khorshid, 2010), qui ont constaté que l’application de sacs de glace, au pourtour de l’insertion du drain, pendant 20 minutes avant le retrait du drain thoracique réduisait signicativement l’intensité de la douleur provoquée par cette procédure chez les clients d’une unité de soins critiques qui avaient également reçu une dose d’analgésique par rapport aux clients du groupe placebo et de groupe témoin.

Massage Les effets du massage sur le soulagement de la douleur ont été explorés dans deux études réalisées auprès de clients ayant subi une chirurgie cardiaque,

après leur départ de l’unité des soins critiques (Bauer, Cutshall, Wentworth et al., 2010 ; Cutshall, Wenworth, Engen et al., 2010). Dans ces deux études menées auprès de 171 personnes au total, une diminution signicative des scores de l’intensité de la douleur a été observée chez celles qui avaient reçu un massage de 20 minutes entre le deuxième et le cinquième jour suivant l’opération, par rapport à un groupe témoin où les personnes avaient reçu les soins standards et bénécié d’une période de repos de 20 minutes durant la même période. Les chercheurs ont obtenu des résultats similaires dans les unités de soins critiques. De fait, dans une étude pilote réalisée (Gélinas, Michaud, Arbour et al., 2012) auprès de 40 personnes venant de subir une chirurgie cardiaque, on a observé des scores de l’intensité de la douleur inférieurs à ceux d’un groupe témoin chez celles qui avaient bénécié de 2 ou 3 séances de massage manuel de 15 minutes durant les 24 heures suivant l’intervention chirurgicale. Les participants du groupe témoin ne recevaient pas de massage, mais l’inrmière leur tenait la main.

Techniques cognitivo-comportementales Plusieurs interventions s’appuyant sur les fonctions cérébrales supérieures peuvent atténuer la douleur rapportée par le client. Au nombre de ces modalités gurent les techniques cognitives comme la relaxation, l’imagerie mentale dirigée et la musicothérapie.

Relaxation La relaxation est une méthode bien documentée de réduction de la détresse associée à la douleur. Si elle ne peut remplacer la pharmacologie, la relaxation

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 8.6

Convertir les doses d’analgésiques opioïdes

• Prévenir le médecin traitant de toute nécessité de changement d’analgésique opioïde ainsi que de la nécessité d’augmenter la dose du client au-delà de la dose prescrite, et ce, dans une situation où le client ne serait pas soulagé avec 100 % de la dose prescrite. • Calculer la conversion d’une dose d’un analgésique opioïde à un autre (ou d’une voie d’administration à une autre pour un même opioïde) selon la formule suivante. 1. Calculer la dose totale pour 24 heures. 2. Résoudre l’équation, où x est la dose du nouveau médicament pour une période de 24 heures et reporter le nouveau dosage selon la fréquence d’administration prescrite. Dosage du médicament actuel (selon tableau d’équianalgésie) Dosage du nouveau médicament (selon tableau d’équianalgésie)

=

Dose pour 24 h du médicament actuel x

Isoler x, pour obtenir la dose du nouveau médicament pour une période de 24 heures. La dose souhaitée pour 24 heures doit être répartie selon la Sources : APES (2008) ; Pasero & McCaffery (2011)

162

Partie 1

Fondements généraux

• •







fréquence d’administration prescrite : calculer la valeur de x, puis calculer le dosage à administrer selon la fréquence prescrite (p. ex., toutes les quatre heures, toutes les six heures). Faire vérier le calcul de la nouvelle dose d’opioïde par le pharmacien attitré à l’unité des soins intensifs et par le médecin traitant. Commencer l’administration du nouvel opioïde à environ 50 à 75 % de la dose équianalgésique calculée et augmenter graduellement la dose jusqu’à ce que le client soit soulagé ou au maximum jusqu’à 100 % de la dose prescrite. Commencer l’administration du nouvel analgésique opioïde à 25 % de la dose prescrite si le client est âgé ou atteint d’une insufsance rénale et hépatique et augmenter graduellement selon sa tolérance. En présence d’un client atteint d’un cancer en phase préterminale ou terminale et souffrant de douleurs graves, et en l’absence de signes de toxicité, débuter, si nécessaire, l’administration du nouvel analgésique opioïde à 100 % de la dose prescrite. Augmenter graduellement la dose de 30 à 50 % de la médication opioïde si le soulagement de la douleur au moment du pic d’action est inadéquat et qu’il n’y a pas de signes de toxicité (c.-à-d. le client est alerte, ses signes vitaux sont normaux, et la SaO2 > 92 %).

Pharmacothérapie TABLEAU 8.4

Doses équivalentes approximatives des opioïdes selon l’analgésique étalon (morphine)

MÉDICAMENT

ADMINISTRATION PAR VOIE ORALE (P.O.) POUR UN INTERVALLE DE 4 h

ADMINISTRATION PARENTÉRALE (I.M., S.C. OU I.V.) OU TRANSDERMIQUE POUR UN INTERVALLE DE 4 h*

Agonistes des récepteurs mu (µ) Morphine (MorphineMD ; P.O. : DoloralMD, MS-IRMD, StatexMD ; longue action : KadianMD Morphine SRMD, M-EslonMD, MS ContinMD)

30 mg

10 mg

Codéine (CodéineMD ; P.O. longue action : Codéine [ContinMD])

200 mg (non recommandé)

130 mg

Fentanyl (FentanylMD)

8

100 mcg I.V. et 100 mcg/h de fentanyl transdermique est équivalent à 4 mg/h de morphine I.V.

Hydromorphone (DilaudidMD)

7,5 mg

1,5 mg

Mépéridine (DemerolMD)

300 mg (non recommandé)

75

Oxycodone

20 mg

-

Oxymorphone (NumorphanMD)

10 mg (non recommandé)

1 mg

Buprénorphine (BuprenexMD)

-

0,4 mg

Butorphanol (StadolMD)

-

2 mg

Dézocine (DalganMD)

-

10 mg

Nalbuphine (NubainMD)

-

10 mg

Pentazocine (TalwinMD)

50 mg

30 mg

Autres opioïdes

* De toutes les voies d’administration, la voie I.V. est celle qui produit la concentration thérapeutique du médicament la plus élevée, laquelle est associée à une plus haute toxicité pouvant entraîner une sédation profonde et la dépression respiratoire. Pour éviter les doses toxiques, le bolus I.V. peut être administré plus lentement (p. ex., 10 mg de morphine sur une période de 15 minutes) ou de plus petites doses peuvent être données plus souvent (p. ex., 5 mg de morphine toutes les 60 minutes). Source : Adapté de Pasero & McCaffrey (2011)

constitue cependant un excellent complément pour la maîtrise de la douleur. Cette technique réduit la consommation d’oxygène et le tonus musculaire et peut abaisser la F.C. et la P.A. Elle donne à la personne le sentiment de contrôler sa douleur et réduit la tension musculaire et l’anxiété. Certains clients ne sont pas intéressés par la technique thérapeutique de relaxation. Dans ce cas, des exercices de respiration profonde peuvent être utiles. En effet, dans une étude (Friesner, Curry & Moddeman, 2006), des scores de l’intensité de la douleur moins élevés ont été observés, après le retrait du drain thoracique, chez 40 personnes en soins critiques qui avaient effectué des exercices de respiration profonde et qui avaient reçu un analgésique par rapport à celles qui n’avaient reçu qu’un analgésique.

Imagerie mentale dirigée L’imagerie mentale dirigée est une technique qui fait appel à l’imagination pour maîtriser la douleur. Pour l’inrmière, suggérer à un client un scénario qui le place dans une situation agréable et non douloureuse est une démarche qui prend beaucoup de temps et qui nécessite un environnement calme et silencieux. Même si cette technique est considérée comme étant bénéque (Good, Stanton-Hicks, Grass et al., 1999), elle serait peu appropriée dans un contexte de soins intensifs en raison de la proximité d’appareils bruyants et de l’activité des professionnels de la santé.

Musicothérapie La musicothérapie est une intervention très fréquemment utilisée à des ns de relaxation. La musique Chapitre 8

Gestion de la douleur

163

appréciée par le client peut avoir sur lui un effet apaisant, mais la question de savoir si elle atténue sa douleur reste controversée (Biley, 2000). Idéalement, la musique devrait être écoutée avec de petits écouteurs. Il est important de sensibiliser le client et ses proches au rôle de la musique dans la relaxation et la maîtrise de la douleur et de proposer au client de la musique qu’il a choisie.

8.4 8.4.1

Obstacles à l’évaluation et à la 8.4.3 Clientèle âgée prise en charge de la douleur Nombreux sont les clients âgés qui se plaignent peu Altération de la capacité de communiquer

L’obstacle le plus évident à l’évaluation de la douleur lié au client dans le contexte des soins critiques est l’altération de la capacité de communiquer. Il est impossible à un client sous ventilation mécanique de verbaliser une description de sa douleur. Si la personne parvient à communiquer d’une quelconque manière, par exemple en hochant la tête ou en la tournant pour indiquer une direction, elle pourrait exprimer sa douleur de cette façon. Si elle est en mesure d’écrire, elle peut alors décrire la douleur avec précision. Dans le cas d’un client incapable de faire une autoévaluation, l’inrmière s’appuie sur les indicateurs comportementaux pour évaluer la présence de douleur. La famille ou un proche du client peut jouer un rôle important dans l’évaluation de la douleur. Ces personnes connaissent bien les réponses normales à la douleur du client et peuvent aider l’inrmière à reconnaître des signaux. L’impression d’un proche au sujet de la douleur d’un client devrait être prise en considération dans le processus d’évaluation de la douleur du client en situation critique de santé (Herr, 2011).

8.4.2

Altération de l’état de conscience

Le client inconscient ou dont l’état de conscience est altéré pose un dilemme à tous les cliniciens. Comme la reconnaissance de la douleur passe par la réponse corticale, la croyance selon laquelle une personne atteinte d’une lésion cérébrale altérant les fonctions corticales supérieures ne perçoit pas la douleur peut persister. Inversement, l’incapacité d’interpréter la transmission nociceptive n’a pas pour conséquence de nier l’existence de cette transmission. Les entrevues réalisées par Lawrence (1995) avec 100 personnes ayant été admises aux soins intensifs, où elles étaient inconscientes, ont révélé qu’ils pouvaient entendre et comprendre tout ce qui se disait et y répondre émotionnellement. Les experts recommandent de présumer que le client inconscient ou dont l’état de conscience est altéré ressent de la douleur et qu’il doit être traité de la même manière que le client conscient lorsqu’il est exposé à des sources de douleur (Herr, 2011). Il a été démontré que les

164

Partie 1

Fondements généraux

indicateurs comportementaux et physiologiques de la douleur peuvent être observés en réaction à une procédure douloureuse chez les clients en situation critique de santé, quel que soit leur état de conscience (Gélinas & Arbour, 2009). De plus, on a montré qu’un certain niveau d’activation corticale liée à la perception de la douleur reste présent chez la personne inconsciente dans un état neurovégétatif (Laureys, Faymonville, Peigneux et al., 2002).

de la douleur. Certaines idées fausses, comme le fait de croire que la douleur est une conséquence normale de la vieillesse, ou la peur de déranger l’équipe soignante nuisent à la communication de la douleur chez cette clientèle (Pasero & McCaffery, 2011). Les déciences cognitives et le délirium sont des obstacles additionnels à l’évaluation de la douleur. Bon nombre de clients âgés atteints de troubles cognitifs de légers à modérés, et même parfois graves, sont capables d’utiliser des échelles d’intensité de la douleur (Bjoro & Herr, 2008 ; Hadjistavropoulos, Herr, Turk et al., 2007). Les échelles verticales d’intensité de la douleur, mieux comprises par cette catégorie de personnes, sont recommandées (Herr, 2011) FIGURE 8.3. Dans le cas d’un client âgé atteint de déciences cognitives, il est indiqué de répéter les instructions à plusieurs reprises et de lui laisser le temps dont il a besoin pour répondre. Lorsqu’il est impossible d’obtenir une autoévaluation, l’observation directe des comportements liés à la douleur est vivement recommandée chez cette clientèle (Hadjistavropoulos et al., 2007 ; Herr, 2011). Plus d’une vingtaine d’outils d’évaluation comportementale ont été mis au point pour les personnes âgées atteintes de déciences cognitives (Zwakhalen, Hamers, Abu-Saad et al., 2006). La PACSLAC-F (Pain Assessment Checklist for Seniors with Limited Ability to Communicate, version française validée) (Fuchs-Labelle & Hadjistavropoulos, 2004), l’échelle Doloplus-2 (Wary & Doloplus,1999) et la PAINAD (Pain Assessment in Advanced Dementia) (Warden, Hurley & Volicer, 2003) sont des outils prometteurs recommandés par les experts (Herr, Bursch, Ersek et al., 2010 ; Zwakhalen et al., 2006). Le délirium est une forme de trouble cognitif passager très fréquent chez la clientèle âgée de l’unité de soins critiques (McNicoll, Pisani, Zhang et al., 2003). Une difculté importante que présente le délirium est le chevauchement existant entre les comportements engendrés par ce trouble et ceux liés à la douleur. On ignore toujours si les outils d’évaluation comportementale peuvent aider l’inrmière à détecter la douleur chez le client âgé durant un épisode de délirium. La douleur étant un facteur modiable du délirium, elle peut être maîtrisée par des mesures adéquates de gestion de la douleur (Graf & Puntillo, 2003).

8.4.4

Inuences culturelles

L’inuence de la culture peut constituer un autre obstacle à une évaluation adéquate de la douleur, de même que la communication des éléments permettant de bien décrire la douleur (Davidhizar & Giger, 2004). Cette difculté est exacerbée lorsque le client parle une autre langue que celle des membres de l’équipe soignante. Pour faciliter la communication, il est important d’utiliser une échelle d’intensité de la douleur traduite dans la langue du client ou d’avoir recours à un membre de la famille ou à une autre ressource pour servir d’interprète. Les échelles numériques de 0 à 10 ont été traduites dans un grand nombre de langues (Pasero & McCaffery, 2011). Si ce chapitre n’aborde pas en détail la question des différents groupes culturels et de leurs réactions à l’égard de la douleur, certains principes généraux peuvent cependant être présentés. Tout d’abord, lorsque l’inrmière évalue un client issu d’un autre groupe culturel que le sien, elle ne tient pas pour acquis que celui-ci va avoir une réaction ou un comportement à l’égard de la douleur propre à sa culture. Chaque personne réagit à la douleur en fonction de ses caractéristiques individuelles. Le professionnel de la santé peut à tort imputer ou anticiper des comportements qui ne seront pas manifestés par le client. Un deuxième élément souvent négligé est l’expérience de la douleur dans la vie du client. L’inrmière a avantage à communiquer avec le client ou avec ses proches pour déterminer les expériences antérieures de douleur. Pour certaines cultures, la douleur est une forme de mise à l’épreuve ou de châtiment imposé par la puissance divine. Les personnes issues de ces cultures ne croient pas nécessairement que la douleur devrait être soulagée. Dans d’autres cultures, la douleur est associée à un déséquilibre dans la vie, et il faut alors manipuler l’environnement pour rétablir l’équilibre an de maîtriser la douleur (Davidhizar & Giger, 2004). Par ailleurs, les différences culturelles peuvent se reéter dans l’évaluation de la douleur. Par exemple, dans la culture chinoise, la couleur rouge représente le bonheur, la joie. Certaines échelles de mesure de la douleur présente des intensités de couleur rouge plus fortes pour indiquer une intensité de douleur plus élevée. Ce type d’échelle pourrait être interprétée de façon erronée s’il est utilisé avec une personne d’origine chinoise. Enfin, les complexités et les subtilités des croyances culturelles nécessiteraient une analyse plus approfondie que ce qui peut être fait ici. En effet, il serait bon que l’inrmière demande au client et à ses proches de lui faire part de ses expériences antérieures liées à la douleur ainsi que des particularités associées au soulagement de celle-ci. Il est important que l’inrmière, dans la mesure du possible, respecte le client et ses proches dans leurs croyances et leurs besoins particuliers an de créer l’environnement thérapeutique le plus favorable à la guérison.

8.4.5

Manque de connaissances

Un aspect qui fait obstacle à l’évaluation adéquate est le manque de connaissances du public et souvent du personnel inrmier et médical en ce qui concerne la douleur et sa gestion. Les clients, leurs proches et les intervenants en général sont souvent effrayés par le risque de dépendance aux médicaments antidouleur. Ils redoutent l’apparition d’une dépendance si l’administration de médicaments est fréquente ou si le client reçoit les doses d’analgésiques opioïdes nécessaires pour soulager la douleur. Cette crainte est si vive chez certaines personnes qu’elles vont jusqu’à nier ou à sous-estimer délibérément la fréquence ou l’intensité de leur douleur. Une autre fausse croyance chez certains clients est que la douleur non soulagée représente la conséquence normale d’une procédure ou d’une maladie grave (Ulmer, 1996). Bon nombre de clients ne se rappellent pas avoir reçu une explication de leur plan de gestion de la douleur (Carroll, Atkins, Herold et al., 1999). Dans un tel contexte, il est important que l’infirmière de soins critiques explique au client et à ses proches l’importance de la maîtrise de la douleur et l’utilisation des analgésiques opioïdes dans le traitement de la douleur de modérée à intense chez la personne en situation critique de santé. Quant aux professionnels de la santé, leurs préjugés et leurs attitudes à l’égard de la douleur et de la gestion de celle-ci font souvent obstacle à son évaluation précise et adéquate. Cette situation peut se traduire par de mauvaises pratiques de gestion. Les idées reçues et le manque de connaissances au sujet de la dépendance, de la dépendance physiologique, de la tolérance aux médicaments, des effets secondaires de la médication analgésique et surtout du risque de dépression respiratoire persistent encore aujourd’hui. De plus, les professionnels peuvent avoir des préjugés quant à l’administration d’analgésiques opioïdes chez un client toxicomane admis aux soins intensifs. Bien que ce client soit dépendant à une substance, il doit recevoir un traitement adéquat pour soulager sa douleur. Ce client peut nécessiter de recevoir un dosage d’analgésiques plus élevé que les dosages habituellement prescrits, puisqu’il est devenu tolérant en raison de sa dépendance. Enn, il faut se rappeler qu’une unité de soins intensifs n’est pas un centre de réadaptation pour le sevrage d’abus de substances. Il n’est pas donc pas éthique ni approprié d’entreprendre un sevrage chez un client toxicomane souffrant.

8

Dépendance et tolérance aux opioïdes La dépendance est une recherche compulsive de drogues qui se développe à la suite de l’administration répétée d’une substance. Elle peut être physique et associée à un syndrome de manque ou psychologique (addiction) (Chauvin & Beaulieu, 2005). La tolérance, ou accoutumance, désigne la diminution d’un effet pharmacologique ou la nécessité d’augmenter la dose Chapitre 8

Gestion de la douleur

165

nécessaire pour obtenir le même effet pharmacologique au cours de l’administration réitérée d’un médicament (Chauvin & Beaulieu, 2005). La dépendance physique se manifeste par des symptômes de sevrage lorsque la prise de l’opioïde est arrêtée de manière soudaine. L’anticipation de ce problème permet d’éviter l’apparition de ces symptômes en diminuant graduellement la dose de l’opioïde an de permettre au cerveau de rétablir son équilibre neurochimique en l’absence de cette substance (Pasero & McCaffery, 2011). En effet, l’utilisation d’opioïdes sur une longue période entraîne la suppression d’endorphines (morphines naturelles). Cela entraîne des symptômes de sevrage lorsque les opioïdes sont arrêtés subitement. Il faut cesser l’opioïde graduellement, et ce, sur plusieurs jours pour éviter au client de subir ces symptômes.

Dépression respiratoire Un autre sujet de préoccupation pour le client, ses proches et le professionnel de la santé est la crainte qu’une gestion de la douleur par les analgésiques opioïdes provoque une dépression respiratoire. Les opioïdes peuvent être à l’origine d’une dépression respiratoire, mais ce phénomène demeure rare chez la clientèle en situation critique de santé. L’incidence de la dépression respiratoire est inférieure à 2 % (Cashman & Dolin, 2004 ; Smith, 2007). De plus, la dépression respiratoire secondaire à l’administration d’analgésiques opioïdes peut être prise en charge par des pratiques d’évaluation et de surveillance clinique diligentes décrites dans la quatrième section de ce chapitre.

8.4.6

Obstacles organisationnels

Enfin, le système organisationnel exerce une inuence sur les pratiques en matière d’évaluation et de gestion de la douleur. Ne pas faire de la gestion

de la douleur une priorité en est l’obstacle principal. Le défaut d’adopter des échelles standardisées d’évaluation de la douleur ou de ne pas laisser au personnel soignant assez de temps pour évaluer la douleur et consigner ses observations ainsi que le manque de responsabilité à l’égard des pratiques de gestion de la douleur sont une réalité dans certains établissements de santé. Des recherches ont mis en évidence l’absence de documentation de l’évaluation de la douleur et le sous-traitement de celle-ci dans les unités de soins critiques (Gélinas, Fortier, Viens et al., 2004 ; Joffe et al., 2013). Le manque de collaboration entre médecins et inrmières est également considéré comme un obstacle à la gestion efcace de la douleur (Pasero, Puntillo, Li et al., 2009). En raison des conséquences pour le client de la douleur non soulagée et de l’augmentation des coûts des soins, la gestion de la douleur devrait être une priorité pour toute l’équipe de soins. Chaque établissement devrait analyser ses problèmes et ses pratiques en matière de gestion de la douleur et donner de la formation à ce sujet à son personnel. La douleur étant désormais considérée comme le cinquième signe vital, son évaluation devrait être incluse de manière standard dans les systèmes de documentation. La douleur devrait être évaluée chez tous les clients en situation critique de santé, quel que soit leur état clinique ou leur état de conscience. La mise en œuvre des outils d’évaluation de la douleur est essentielle pour permettre à l’équipe soignante d’établir un langage de communication commun, ce qui est de nature à faciliter la collaboration interprofessionnelle. De plus, les stratégies visant à favoriser la collaboration entre les professionnels de la santé peuvent inclure des rondes de soins et des études de cas interdisciplinaires (Pasero et al., 2009). Chaque client a le droit d’être consulté au sujet de son plan de soins contre la douleur et devrait être partie prenante à la prise des décisions, lorsque sa condition le permet.

ÉTUDE DE CAS SOLUTIONNAIRE

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166

Partie 1

Cliente aux prises avec des douleurs Mise en contexte Claire Lantaigne est atteinte de diabète de type 2 et d’artériopathie périphérique oblitérante accompagnée de neuropathie. La cliente est handicapée en raison de sa mobilité réduite, de la douleur chronique associée à une claudication et de la douleur neuropathique. Elle a été hospitalisée pour subir un pontage fémorotibial distal droit non urgent. La douleur chronique de madame Lantaigne a été traitée efcacement par l’administration de gabapentine (600 mg 3 fois/jour) et par la pose d’un timbre transdermique de 75 mcg de fentanyl tous les 3 jours. Madame Lantaigne signale que son timbre antidouleur doit être changé le jour suivant. Son diabète de type 2 a été bien maîtrisé par l’adoption d’un régime alimentaire

Fondements généraux

approprié et par la prise de plusieurs agents par voie P.O. Après l’opération, le médecin lui a prescrit son régime antidouleur habituel (gabapentine et timbre de fentanyl) ainsi que de la morphine pour les exacerbations transitoires de la douleur (entre-doses).

Manifestations cliniques Madame Lantaigne est admise à l’unité de soins critiques à sa sortie de la salle de réveil (unité de soins périanesthésiques) après une revascularisation chirurgicale de son membre inférieur droit qui a duré huit heures. Elle est éveillée, alerte et orientée par rapport aux personnes, au temps, au lieu et à la situation. La cliente respire par la bouche de manière supercielle. Elle se plaint de douleurs au membre inférieur droit et aux deux pieds. Sa peau est chaude et sèche. Madame Lantaigne est capable de bouger les orteils lorsqu’on le lui demande, et son sens du toucher aux membres inférieurs est intact ; toutefois, elle se plaint de sensations de brûlure intenses aux deux pieds.

Collecte des données objectives Madame Lantaigne évalue l’intensité de sa douleur à sa jambe droite à 10 sur l’échelle numérique 0 à 10. Elle obtient un score de 5 sur l’échelle d’agitation-sédation de Riker.

Diagnostic médical Le médecin diagnostique une douleur aiguë imputable à la plaie opératoire s’ajoutant à la douleur neuropathique chronique touchant les deux membres inférieurs. La douleur neuropathique a probablement été aggravée par le fait que certaines doses de gabapentine n’ont pas été prises.

Questions 1. Quels sont les principaux résultats escomptés chez cette cliente ? 2. Quels problèmes prioritaires ou risques doivent être contrôlés pour obtenir ces résultats ? 3. Quelles interventions doivent être mises en œuvre pour surveiller, prévenir, gérer ou éliminer les problèmes et les risques désignés ? 4. Quelles interventions devraient être mises en œuvre pour optimiser le fonctionnement, la sécurité et le bien-être de la cliente ? 5. Quels besoins d’enseignement prévoyez-vous pour cette cliente ? 6. Quels facteurs liés à la culture et à l’âge de la cliente peuvent inuer sur le plan de soins et de traitements ?

À RETENIR • La douleur chez la personne en situation critique de santé est difcile à évaluer et à traiter. • Les sources de douleur sont nombreuses dans le contexte des soins critiques, et les effets d’une douleur aiguë non soulagée peuvent avoir des conséquences appréciables sur le rétablissement du client. • Dans la mesure du possible, il faut obtenir l’autoévaluation du client. Une simple réponse par un « oui » ou par un « non » communiquée par un hochement de la tête par un client sous ventilation mécanique est considérée comme une autoévaluation valide de la douleur.

• Lorsque le client ne peut faire d’autoévaluation, l’inrmière peut utiliser des indicateurs comportementaux pour évaluer la douleur ; des outils (p. ex., les échelles BPS et CPOT) ont été élaborés pour l’évaluation de la douleur chez les clients non verbaux en situation critique de santé. • Dans certaines situations, il peut être impossible d’évaluer avec précision les indicateurs comportementaux de la douleur. L’utilisation des indicateurs physiologiques devient alors cruciale. Toutefois, les signes vitaux ne constituent pas des données valides pour l’évaluation de la douleur. L’utilité de mesures physiologiques novatrices (p. ex., l’échelle de l’index

bispectral [BIS]) qui pourraient appuyer l’inrmière dans le processus d’évaluation de la douleur est actuellement explorée. • L’inrmière de soins critiques collabore avec l’équipe interdisciplinaire pour veiller à ce que soit élaboré un plan de soins pour la gestion de la douleur du client. Pour participer pleinement, elle possède une connaissance approfondie des thérapies pharmacologiques et non pharmacologiques visant à soulager efcacement la douleur. • L’inrmière joue un rôle clé dans l’information donnée au client et à ses proches quant aux interventions planiées pour soulager la douleur du client.

Chapitre 8

Gestion de la douleur

167

chapitre

9

Évaluation et approche thérapeutique de la sédation, de l’agitation et du délirium

Écrit par : Mary E. Lough, PhD, RN, CNS, CCRN, CNRN, CCNS Adapté par : Émilie Gosselin, inf., M. Sc.

L

’un des dés auxquels font face les professionnels de la santé est de fournir un envi­ ronnement thérapeutique qui favorise la guérison des clients de l’unité de soins criti­ ques, un lieu où les situations d’urgence sont courantes et les alarmes, incessantes. De nombreux clients en situation critique de santé manifestent une agitation, des malaises et de l’inconfort causés par des interventions douloureuses et effractives, la perturbation du sommeil, la peur, l’anxiété et le stress physiologique. La Society of Critical Care Medicine a élaboré des lignes directrices de pratique clinique an d’accroître la prise de conscience de ces problèmes qui touchent les clients en situation critique de santé. Ces lignes directrices ont d’abord été diffusées en 2002, puis largement révisées en 2013. Elles permettent d’établir des protocoles basés sur des résultats probants an de prévenir et de traiter le délirium et l’agitation chez des clients en situation critique de santé (Barr, Fraser, Puntillo et al., 2013). L’inrmière contribue à la prévention du délirium en décelant rapidement ses signes et symptômes et en intervenant rapidement sur les facteurs précipitants (Durant, 2009).

9.1

Sédation et agitation

ENCADRÉ 9.1

Les clients hospitalisés dans les unités de soins critiques nécessitent fréquemment des traitements effractifs comme la ventilation mécanique et l’installation de drains. An de permettre au client de tolérer ces interventions sans douleur ni anxiété, des agents sédatifs sont souvent administrés (American College of Emergency Physicians, 1998 ; Mehta, Burry, Fischer et al., 2006). La sédation se dénit comme la réduction du niveau de conscience pouvant être accompagnée d’une perte partielle ou complète des réexes protecteurs incluant la capacité de maintenir de façon indépendante la perméabilité des voies respiratoires (Association canadienne des médecins d’urgence, 1999 ; Collège des médecins du Québec, 2009) ENCADRÉ 9.1. Par ailleurs, l’agitation décrit le client hyperactif dont les mouvements varient en intensité, de légers mouvements des mains et du corps à l’arrachement des tubulures et des sondes ou à l’agression physique et à l’autoagressivité. Les causes fréquentes de l’agitation comprennent, entre autres, l’anxiété, la défaillance d’un organe, le délirium, la désynchronisation du respirateur, la douleur, l’hypoxie, les lésions neurologiques, une position inconfortable, la privation de sommeil, une réaction médicamenteuse, le sevrage de l’alcool, la septicémie ou une vessie pleine (Hansen-Flaschen, 1994 ; Sessler, Grap & Brophy, 2001 ; Siegel, 2003).

9.1.1

Dénition des degrés de sédation

SÉDATION LÉGÈRE (SÉDATION MINIMALE, ANXIOLYSE)

État induit par des médicaments durant lequel le client est capable de répondre normalement aux consignes verbales. La fonction cognitive et la coordination peuvent être altérées, mais les fonctions respiratoires et cardiovasculaires ne sont pas touchées. SÉDATION MODÉRÉE AVEC ANALGÉSIE (SÉDATION CONSCIENTE, SÉDATION PROCÉDURALE)

État de diminution de la conscience induit par des médicaments durant lequel le client peut répondre correctement aux consignes verbales, soit spontanément, soit accompagné par une stimulation tactile légère. La ventilation est spontanée, et aucune intervention n’est nécessaire pour maintenir la perméabilité des voies respiratoires. La fonction cardio­ vasculaire est habituellement maintenue. SÉDATION PROFONDE AVEC ANALGÉSIE

État de diminution de la conscience induit par des médicaments durant lequel le client

peut être difcilement réveillé, mais peut répondre correctement aux consignes verbales après une stimulation répétée ou douloureuse. La capacité du client à maintenir une ventilation spontanée est altérée. Celle­ci peut être inadéquate, et une intervention est nécessaire pour main­ tenir la perméabilité des voies respiratoires. La fonction cardiovasculaire est habituelle­ ment maintenue. ANESTHÉSIE GÉNÉRALE

État de perte de la conscience induit par des médicaments durant lequel le client ne peut pas être réveillé même après une stimulation douloureuse. La capacité du client à maintenir une ventilation spontanée est altérée, et une intervention est nécessaire pour maintenir la perméabilité des voies respiratoires. Ainsi, la ventilation mécanique peut être requise en raison de l’altération de la ventilation spontanée ou de la dépression de la fonc­ tion neuromusculaire induite par les médi­ caments. La fonction cardiovasculaire peut être diminuée.

Sources : Adapté de Association canadienne des médecins d’urgence (1999) ; Jacobi, Fraser, Coursin et al. (2002) ; Joint Commission on Accreditation of Healthcare Organizations (2000)

Évaluation de la douleur

Évaluation de la sédation et de l’agitation

L’emploi de systèmes de cotation pour évaluer et consigner les degrés de sédation et d’agitation est fortement recommandé (Barr et al., 2013 ; Jacobi, Fraser, Coursin et al., 2002 ; Thuong, 2008). Le métabolisme des sédatifs variant d’une personne à l’autre, l’utilisation d’une échelle normalisée assure que les perfusions continues de sédatifs sont ajustées pour atteindre le degré de sédation souhaité. Quatre échelles sont fréquemment utilisées : 1. l’échelle de Ramsay (Ramsay, Savege, Simpson et al., 1974) ; 2. l’échelle de sédation-agitation de Riker (Riker Sedation-Agitation Scale [SAS]) (Riker, Picard & Fraser, 1999) ; 3. l’échelle d’évaluation de l’activité motrice (Motor Activity Assessment Scale [MAAS]) (Devlin, Boleski, Mlynarek et al., 1999) ; 4. l’échelle de sédation-agitation de Richmond (Richmond Agitation-Sedation Scale [RASS]) (Ely, Truman, Shintani et al., 2003 ; Sessler, Gosnell, Grap et al., 2002). Les échelles SAS et RASS sont les deux échelles recommandées pour évaluer l’agitation et la sédation chez les adultes en situation critique de santé (Barr et al., 2013) TABLEAU 9.1. Chapitre 9

Une étape essentielle de l’évaluation de la sédation et de l’agitation vise à écarter toute présence de douleur, notamment lorsque le client est agité (Barr et al., 2013 ; Jacobi et al., 2002). Cependant, l’évaluation de la douleur est plus difcile en présence d’une perte de sensibilité ou d’une canule pharyngée. Si le client est en mesure de communiquer, l’échelle visuelle analogique (EVA) de la douleur cotée de 0 à 10 s’avère très utile (Cline, Herman, Shaw et al., 1992). Si le client est intubé et ne peut pas parler, l’évaluation de la douleur se complexie. L’échelle comportementale de douleur (Behavioral Pain Scale [BPS]) et l’échelle d’observation de la douleur en soins critiques (Critical-Care Pain Observation Scale [CPOT]) sont les deux échelles comportementales de douleur les plus ables pour évaluer celle-ci chez les adultes en situation critique de santé (Barr et al., 2013) 8 .

8 Les outils d’évaluation de la douleur BPS et CPOT ainsi que les stratégies de préven­ tion et de soulagement de la douleur sont présentés dans le chapitre 8, Gestion de la douleur.

Ajustement de l’analgésie et de la sédation À la suite de l’évaluation de la douleur et de son soulagement adéquat, il est nécessaire de déterminer le degré minimal de sédation requis (Barr et al., 2013 ; Jacobi et al., 2002). Une analgésie prophylactique devrait être administrée avant les interventions douloureuses (Barr et al., 2013). Les lignes directrices de la Society of Critical Care Medicine recommandent que des objectifs soient xés pour Évaluation et approche thérapeutique de la sédation, de l’agitation et du délirium

169

9

Collecte des données TABLEAU 9.1 SCORE

Échelles de sédation

DESCRIPTION

COMPORTEMENT

Échelle de sédation-agitation de Riker (SAS)a, b 7

Agitation dangereuse

Le client tire sur la sonde endotrachéale, tente d’arra­ cher les cathéters, passe par­dessus la ridelle, frappe le personnel.

6

Grande agitation

Le client ne peut pas être calmé par les rappels verbaux. Il a besoin de mesures de contention physique. Il mord la sonde endotrachéale.

5

Agitation

Le client est anxieux. Il tente de s’asseoir. Il est possible de le calmer par des rappels verbaux.

4

Calme et collaboration

Le client se réveille facilement et suit les consignes.

3

Sédation

Le client se réveille aux stimulus verbaux ou à la stimu­ lation légère, mais se rendort aussitôt. Il répond aux consignes simples.

2

Grande sédation

Le client se réveille aux stimulus physiques, mais ne peut communiquer ni suivre les consignes. Il peut bouger spontanément.

1

Aucune réaction

Le client a peu ou pas de réaction aux stimulus doulou­ reux. Il ne peut communiquer.

l’analgésie et la sédation chez tous les clients en situation critique de santé, intubés et ventilés mécaniquement (Barr et al., 2013). Ainsi, l’ensemble de l’équipe de soins critiques détermine le degré de sédation qui convient le mieux à chaque client.

9.1.2

Complications de la sédation

La sursédation est décrite comme une absence imprévue de réponse alors que le client se trouve dans un état ressemblant à l’anesthésie générale. La sédation profonde prolongée est associée à des complications importantes liées à l’immobilité, y compris les lésions de pression, les maladies thromboemboliques, l’iléus gastrique, la pneumonie nosocomiale et le sevrage tardif de la ventilation mécanique (Strom, Martinussen & Toft, 2010).

9.1.3

Optimisation du degré de sédation

+4

Combatif

Combatif, danger immédiat envers l’équipe

+3

Très agité

Tire, arrache les tubulures ou les cathéters ou est agressif envers l’équipe

+2

Agité

Mouvements fréquents sans but précis ou désadap­ tation au respirateur

+1

Ne tient pas en place

Anxieux ou craintif, mais mouvements orientés, peu fréquents, non vigoureux, non agressifs

0

Éveillé et calme

−1

Somnolent

Pas complètement éveillé, mais reste éveillé avec contact visuel (> 10 sec.) à l’appel

−2

Diminution légère de la vigilance

Reste éveillé brièvement avec contact visuel (< 10 sec.) à l’appel

Tous les agents sédatifs doivent être administrés de façon à obtenir le degré de sédation ciblé selon l’état clinique du client (Barr et al., 2013). Ce degré de sédation est déterminé chaque jour et réévalué, au moyen de l’échelle RASS ou SAS, lorsqu’il y a un changement de la posologie de l’agent sédatif ou de l’état du client FIGURE 9.1. L’un des objectifs de la sédation est de s’assurer que le client reste éveillé et calme, ce qui correspond à un degré de sédation léger, soit de 0 à l’échelle RASS ou de 4 à l’échelle SAS. À ce degré de sédation, le client répond à de simples consignes verbales sans manifester de signes d’agitation, et il peut établir un contact visuel pendant au moins 10 secondes. Le maintien d’un degré de sédation léger est associé à plusieurs résultats positifs pour le client tels qu’une diminution de la durée de la ventilation mécanique et du nombre de jours d’hospitalisation aux soins critiques (Strom et al., 2010). Une sédation profonde correspond à un degré de sédation de –3 à –5 à l’échelle RASS et de 1 ou 2 à l’échelle SAS (Barr et al., 2013). Ce degré de sédation, parfois requis par la condition du client, correspond à un client ventilé mécaniquement qui ne répond pas à l’appel, mais qui peut réagir à la stimulation douloureuse. Concernant l’agitation, il s’agit de traiter la cause plutôt que de pencher vers une surmédicalisation.

−3

Diminution modérée de la vigilance

N’importe quel mouvement à l’appel (p. ex., l’ouverture des yeux), mais pas de contact visuel

9.1.4

−4

Diminution profonde de la vigilance

Aucun mouvement à l’appel, n’importe quel mouvement à la stimulation physique (friction non nociceptive de l’épaule ou du sternum)

−5

Non réveillable

Aucun mouvement, ni à l’appel ni à la stimulation physique (friction non nociceptive de l’épaule ou du sternum)

Échelle de sédation-agitation de Richmond (RASS)c, d, e

Sources : a Riker et al. (1999) b Brunet (2003) c Sessler et al. (2002) d Ely et al. (2003) e Chanques, Jaber, Barbotte et al. (2006)

170

Partie 1

Fondements généraux

Pharmacothérapie de la sédation

Plusieurs types d’agents sédatifs sont disponibles. Si le client éprouve de la douleur, un traitement analgésique doit être administré en complément à tout sédatif. Les sédatifs comprennent les benzodiazépines, les sédatifs hypnotiques (p. ex., le propofol [DiprivanMD]) et les agonistes alpha2-adrénergiques centraux (p. ex., la dexmédétomidine [PrecedexMD]) (Jacobi et al., 2002) TABLEAU 9.2. Les traitements sédatifs à base de propofol et de dexmédétomidine sont généralement recommandés pour la sédation systématique des adultes ventilés mécaniquement (Barr et al., 2013).

9

FIGURE 9.1 Soins liés à l’agitation, à la sédation et au délirium. CAM-ICU : Méthode d’évaluation de la confusion en unité de soins critiques (Confusion Assessment Method for the Intensive Care Unit) ; ICDSC : Liste de contrôle pour le dépistage du délirium aux soins critiques (Intensive Care Delirium Screening Checklist ) ; RASS : Échelle d’agitation-sédation de Richmond ; SAS : Échelle de sédation-agitation de Riker.

Benzodiazépines Les benzodiazépines possèdent de puissantes propriétés amnésiques qui inhibent la réception d’une nouvelle information sensorielle (Jacobi et al., 2002 ; Sessler et al., 2002). Elles n’ont pas d’effet analgésique. Les benzodiazépines les plus souvent utilisées pour la sédation sont le diazépam (ValiumMD), le lorazépam (AtivanMD) et le midazolam (VersedMD). Autrefois considérées comme la pierre angulaire de la sédation et du traitement de l’agitation, les benzodiazépines ne sont plus recommandées pour la sédation des adultes en situation critique de santé sous ventilation mécanique (Barr et al., 2013). En effet, les algorithmes thérapeutiques de sédation à base de benzodiazépines sont associés à des résultats médiocres, y compris la prolongation de la ventilation mécanique et le délirium (Fong, Kanji, Dasta et al., 2007 ; Pandharipande, Pun, Herr et al., 2007). Chapitre 9

De toute évidence, lorsqu’un client présente une agitation dangereuse (SAS +7), qu’il est combatif (RASS +4) ou qu’il pourrait mettre en danger sa vie ou celle des autres, la sédation immédiate est justiée. Dans ces situations extrêmes, une benzodiazépine est administrée au client (Barr et al., 2013). Puisque les benzodiazépines se sont avérées provoquer le délirium, il est maintenant recommandé d’effectuer des évaluations proactives du délirium au moins quatre fois au cours d’un quart de travail pour les clients recevant ce type de médication (Barr et al., 2013) FIGURE 9.1. Les benzodiazépines à courte durée d’action (p. ex., le midazolam) sont encore utiles pour le traitement de l’agitation aiguë à court terme (Barr et al., 2013), car lorsqu’elles sont administrées par voie I.V., elles commencent à agir en moins de trois minutes. Toutefois, lorsque le midazolam est administré en perfusion continue pendant plus Évaluation et approche thérapeutique de la sédation, de l’agitation et du délirium

171

Pharmacothérapie TABLEAU 9.2

Sédation

POSOLOGIE*

EFFETS RECHERCHÉS

DÉLAI D’ACTION

SURVEILLANCE INFIRMIÈRE

• Anxiolyse • Amnésie • Sédation

• Début d’action : 2­5 min après l’admi­ nistration I.V. • Demi­vie : longue (20­120 h) ; les méta­ bolites actifs contribuent également à l’effet sédatif prolongé

• Effets indésirables : dépression respiratoire, hypotension, phlébite pouvant résulter de l’administration périphérique. • Tolérance : une tolérance physique se développe avec l’usage prolongé, et des doses plus élevées du médi­ cament sont nécessaires pour produire le même effet avec le temps ; un sevrage lent du diazépam est néces­ saire après un usage prolongé et continu.

• Anxiolyse • Amnésie • Sédation

• Début d’action : 15­20 min après l’admi­ nistration I.V. • Demi­vie : relativement longue (8­15 h)

• Effets indésirables : acidose induite par le propylène glycol, dépression respiratoire, hypotension, néphro­ toxicité à dose élevée. • Tolérance : une tolérance physique se développe avec l’usage prolongé, et des doses plus élevées du médi­ cament sont nécessaires pour produire le même effet avec le temps ; un sevrage lent du lorazépam est néces­ saire après un usage prolongé et continu.

• Anxiolyse • Amnésie • Sédation

• Début d’action : 2­5 min après l’admi­ nistration I.V. • Demi­vie : 3­11 h ; prolongation de l’effet sédatif lorsque la perfusion du midazolam se poursuit sur plusieurs jours en raison de la présence de métabolites sédatifs actifs ; l’effet sédatif est également prolongé en cas d’insufsance rénale

• Effets indésirables : dépression respiratoire, hypotension. • Tolérance : une tolérance physique se développe avec l’usage prolongé, et des doses plus élevées du médi­ cament sont nécessaires pour produire le même effet avec le temps ; un sevrage lent du midalozam est néces­ saire après un usage prolongé.

• Anxiolyse • Amnésie • Sédation

• Début d’action : très rapide (1­2 min) après l’administration I.V. • Demi­vie : 2­4 min lorsqu’il est utilisé comme médicament à courte durée d’action • Demi­vie : 3­68 heures avec la perfu­ sion I.V. continue et prolongée

• Effets indésirables : dépression respiratoire (le client doit être intubé et ventilé mécaniquement pour éliminer cette complication) ; douleur au site de l’injection si administré par voie I.V. périphérique ; hypertriglycéridémie ; hypoten­ sion ; pancréatite ; réactions allergiques ; syndrome de per­ fusion du propofol. • Mise en garde : anesthésique efcace à court terme, pratique pour le réveil des clients aux ns d’évaluation ; si la perfusion continue est utilisée pendant plusieurs jours, l’émergence de la sédation peut prendre des heures, voire des jours ; l’effet sédatif dépend de la dose, du degré et de la durée de sédation. • Interventions inrmières : utiliser un cathéter et un tube I.V. attitrés (ne pas mélanger avec d’autres médi­ caments) ; changer la tubulure de perfusion I.V. toutes les 12 h ; surveiller les taux sériques de triglycérides.

Benzodiazépines Diazépam (ValiumMD) • Bolus initial intra­ veineux (I.V.) : 5­10 mg, en perfusion lente • Perfusion I.V. intermit­ tente : 0,03­0,1 mg/kg q.0,5­6 h p.r.n. Lorazépam (AtivanMD) • Bolus initial I.V. : 0,02­0,04 mg/kg (≤ 2 mg), en perfusion lente • Perfusion I.V. intermittente : 0,02­0,6 mg/kg q2­6 h p.r.n., en perfusion lente • Perfusion I.V. continue : 0,01­0,1 mg/kg/h (≤ 10 mg/h) Midalozam (VersedMD) • Bolus initial I.V. : 0,01­0,05 mg/kg, en perfusion lente sur plusieurs minutes • Perfusion I.V. continue : 0,02­0,1 mg/kg/h

Sédatif hypnotique Propofol (DiprivanMD) • Bolus initial I.V. : 5 mcg/kg/min sur 5 min • Perfusion d’entretien I.V. continue : 5­50 mcg/kg/min

172

Partie 1

Fondements généraux

TABLEAU 9.2

Sédation (suite)

POSOLOGIE*

EFFETS RECHERCHÉS

DÉLAI D’ACTION

SURVEILLANCE INFIRMIÈRE

Agoniste des récepteurs alpha2-adrénergiques centraux Dexmédétomidine (PrecedexMD) • Bolus initial I.V. : 0,5-1 mcg/kg sur 10 min • Perfusion I.V. continue : 0,2-0,7 mcg/kg/h

• Anxiolyse • Amnésie • Sédation

• Début d’action : 5-10 min • Demi-vie : 1,8-3,1 h (aucun métabolite actif)

• Effets indésirables : bradycardie, hypotension, perte des réexes respiratoires. • Contre-indication : l’administration en bolus intermittent n’est pas recommandée.

* La posologie de chaque perfusion est ajustée de façon à obtenir le degré de sédation ciblé pour le client. Source : Adapté de Barr et al. (2013)

de 24 heures, l’effet sédatif est prolongé par ses métabolites actifs (Jacobi et al., 2002). Les benzodia­ zépines à plus longue durée d’action (p. ex., le lorazépam) jouent également un rôle dans le traite­ ment du delirium tremens – décrit dans la deuxième section de ce chapitre – et des convulsions, mais ces indications diffèrent de celles utilisées dans la séda­ tion systématique pour un client en situation critique de santé (Barr et al., 2013). La dépression respiratoire liée à la dose et l’hy­ potension sont les principaux effets indésirables des benzodiazépines. Au besoin, le umazénil (Anexate MD) est l’antidote utilisé pour renverser un surdosage aux benzodiazépines chez les clients symptomatiques. Cependant, il faut éviter le u­ mazénil chez les clients ayant une dépendance aux benzodiazépines, car le retrait rapide peut provoquer des convulsions (Betten, Vohra, Cook et al., 2006).

Sédatifs hypnotiques Le propofol est un puissant sédatif et dépresseur respiratoire utilisé pour la sédation chez les clients sous ventilation mécanique en situation critique de santé. Reconnaissable par son apparence laiteuse, ce médicament est entreposé dans un flacon en verre. À doses élevées (supérieures à 100 à 200 mcg/kg/min), le propofol vise à produire un état d’anesthésie générale dans la salle d’opération (Whitcomb, Huddleston & McAndrews, 2003). À l’unité de soins critiques, il est prescrit en perfu­ sion continue à des doses moins élevées (de 5 à 50 mcg/kg/min) pour induire un état de sédation profonde (Whitcomb et al., 2003). Comme il est présenté dans une émulsion lipidique, il traverse rapidement les membranes cellulaires, y compris les cellules de la barrière hématoencéphalique. Il en découle une apparition rapide de la sédation (environ 30 sec.), avec perte de conscience immé­ diate. Outre son début d’action rapide, le propofol a une demi­vie très brève à la première utilisation (de deux à quatre minutes), est rapidement éliminé

Chapitre 9

(en 30 à 60 min) et n’a pas de métabolites (Whitcomb et al., 2003 ; Zaccheo & Buccher, 2008). Cette carac­ téristique en fait un sédatif idéal chez le client qui doit être rapidement réveillé pour effectuer un test de réveil spontané et un test de ventilation sponta­ née ou pour évaluer son état neurologique. Il est également parfait pour prendre en charge le sevrage rapide de la ventilation après une chirurgie. Le pro­ pofol est à la fois efcace et rentable, car il réduit le délai jusqu’à l’extubation. Cependant, le propofol n’est pas un amnésique able, et les clients qui sont uniquement sous séda­ tion par ce médicament peuvent avoir une mémoire vive de leurs expériences. Les risques de complica­ tions augmentent lorsque le propofol est adminis­ tré à long terme à doses élevées (supérieures à 4 mg/kg/h pendant plus de 48 h). Comme le propo­ fol est administré dans une émulsion lipidique, ses effets indésirables peuvent être liés à un dérègle­ ment du métabolisme des acides gras, à des lésions musculaires et à la libération de composantes intra­ cellulaires toxiques. Les complications, regroupées sous le terme syndrome d’infusion au propofol (Propofol Related Infusion Syndrome), com­ prennent entre autres : acidose métabolique, fai­ blesse musculaire, rhabdomyolyse, myoglobinurie, insufsance rénale aiguë et arythmies cardiaques. Ce syndrome touche environ 1 % des clients qui reçoivent le propofol, et près d’un tiers des per­ sonnes qui en sont atteintes ne survivent pas (Corbett, Montoya & Moore, 2008 ; Fong et al., 2007 ; Zaccheo & Buccher, 2008). L’hyperlipidémie, l’hy­ pertriglycéridémie et la pancréatite aiguë sont d’autres effets indésirables de la formulation lipi­ dique du propofol. La vigilance inrmière est nécessaire pour sur­ veiller les degrés de sédation et dépister les risques rares, mais importants de complications liées au propofol TABLEAU 9.2. Les taux sériques de tri­ glycérides doivent être mesurés chez tous les clients qui reçoivent du propofol pendant plus de 48 heures.

Évaluation et approche thérapeutique de la sédation, de l’agitation et du délirium

173

9

Agonistes alpha2-adrénergiques centraux Un agoniste des récepteurs alpha2-adrénergiques centraux doté de propriétés sédatives est disponible au Canada : il s’agit de la dexmédétomidine. Elle a un début d’action rapide (de 5 à 10 min) et une demivie brève (1,8 à 3,1 h) (Barr et al., 2013). Son élimination se trouve substantiellement ralentie si le client est atteint d’une insufsance hépatique. Les complications associées incluent la bradycardie et l’hypotension (Tan & Ho, 2010). La dexmédétomidine est principalement utilisée en seconde intention, en perfusion continue, auprès des clients à risque d’avoir un délirium ou de ceux ne tolérant pas la thérapie au propofol (Barr et al., 2013 ; Shehabi, Grant, Wolfenden et al., 2009). Elle est approuvée par Santé Canada pour la sédation à court terme (moins de 24 h) chez les clients sous ventilation mécanique. La sédation est produite lorsque la dexmédétomidine active les récepteurs alpha-2 postsynaptiques du système nerveux central. Cette activation inhibe la libération de noradrénaline et les réactions de lutte ou de fuite du système nerveux sympathique, produisant une sédation. L’inhibition du système nerveux sympathique peut provoquer une hypotension et des bradycardies, deux effets indésirables de la dexmédétomidine. Les effets analgésiques sont produits par la liaison de la dexmédétomidine aux récepteurs alpha-2 dans la moelle épinière. Ces mécanismes d’action particuliers permettent de soumettre le client à la sédation et de pouvoir néanmoins le réveiller, ce qui permet un délai plus court jusqu’à l’extubation comparativement aux schémas sédatifs traditionnels.

D’autres sédatifs ou des opioïdes sont souvent administrés en perfusion en adjonction à la dexmédétomidine, et cette combinaison peut potentialiser l’effet sédatif global. La surveillance du degré de sédation, de la pression artérielle, de la fréquence cardiaque, de la fréquence respiratoire et de la saturation du sang artériel en oxygène doit être effectuée d’emblée. La dexmédétomidine produit des effets sédatifs et analgésiques sans dépression respiratoire (Lam & Alexander, 2008). Conséquemment, les clients peuvent être extubés alors qu’ils sont encore sous perfusion de dexmédétomidine. Cela peut s’avérer utile chez les clients anxieux pendant le sevrage de la ventilation. La dexmédétomidine a également été utilisée chez les clients sous ventilation non effractive avec masque (Akada, Takeda, Yoshida et al., 2008).

Arrêt quotidien de la sédation

SYSTÈME

SEVRAGE DES BENZODIAZÉPINESb

SEVRAGE DES ANALGÉSIQUES OPIOÏDES

Nerveux (manifestations générales)

Agitation, anxiété, céphalées, convulsions, délirium, fatigue, myoclonie, paresthésie, trem­ blements, troubles du sommeil

Convulsions, délirium, tremblements

Nerveux (manifestations sensorielles)

Sensibilité accrue à la lumière et au son, diaphorèse

Bâillements, dilatation des pupilles, irritabilité, larmoie­ ments, sensibilité accrue à la douleur, diaphorèse

Musculosquelettique

Crampes musculaires

Crampes, douleurs musculaires

Une stratégie innovatrice pour éviter les pièges de la dépendance et du sevrage des sédatifs vise à interrompre la perfusion sédative une fois par jour (Barr et al., 2013). Cette intervention, également appelée congé de sédation ou test de réveil spontané, permet d’éviter la sursédation, de diminuer la durée de la ventilation mécanique ainsi que le temps d’hospitalisation à l’unité de soins critiques (Kress, Pohlman, O’Connor et al., 2000). À un moment prévu, tous les sédatifs en perfusion sont interrompus. Parfois, les analgésiques sont également interrompus, selon le protocole du centre hospitalier. Le client reprend connaissance pour l’évaluation clinique au moyen d’instruments normalisés tels que l’échelle RASS ou SAS (Girard, Kress, Fuchs et al., 2008 ; Kress et al., 2000). Le client est étroitement surveillé ; lorsqu’il a repris connaissance, l’inrmière effectue une évaluation du niveau de conscience et de la fonction neurologique en collaboration avec le médecin. Si le client devient agité, un protocole doit être en place pour que l’inrmière recommence l’administration des sédatifs. Un protocole préconise l’arrêt quotidien des sédatifs le matin et, après une évaluation complète, la réintroduction des perfusions de sédatifs et d’opioïdes à 50 % de la dose antérieure, avec une titration à la hausse jusqu’à ce que le client soit bien (Kress et al., 2000). Une importante responsabilité de l’inrmière est de s’assurer que le client ne se blesse pas durant le sevrage des sédatifs ou des analgésiques TABLEAU 9.3. Si le client est très agité, l’inrmière consulte le médecin et le pharmacien pour élaborer un plan thérapeutique efcace qui permettra d’effectuer un sevrage sécuritaire des sédatifs.

Digestif

Diarrhée, nausées

Diarrhée, vomissements

Bloquants neuromusculaires

Respiratoire

Tachypnée

Tachypnée

TABLEAU 9.3

Signes et symptômes du sevrage des sédatifs ou des analgésiquesa

a

Ces signes et symptômes ne surviennent pas chez tous les clients (Jacobi et al., 2002). Ils sont classés en ordre alphabétique. b Les données portant sur le propofol sont limitées, mais les symptômes de sevrage après une utilisation prolongée sont similaires à ceux observés avec le sevrage des benzodiazépines (Jacobi et al., 2002).

174

Partie 1

Fondements généraux

Les bloquants neuromusculaires, ou curares, provoquent un état de paralysie physique en bloquant la transmission de l’acétylcholine aux récepteurs postsynaptiques sur les bres musculaires. La curarisation est administrée pour synchroniser la respiration du client avec le respirateur et améliorer

l’oxygénation lorsque la sédation et l’analgésie n’y arrivent pas à elles seules 20 1 . Étant donné que la curarisation entraîne une paralysie pharmacologique, le client n’est pas en mesure de répondre aux stimulus verbaux ou douloureux ; des méthodes de surveillance additionnelles sont donc requises. La curarisation n’est jamais administrée à moins qu’une analgésie et une sédation adéquates aient été entreprises au préalable. En effet, la curarisation paralyse les muscles squelettiques, mais n’a aucun pouvoir analgésique ou sédatif. Il est essentiel que des mesures soient déjà en place pour éviter un scénario où le client qui a subi une curarisation ne peut pas bouger, mais demeure néanmoins conscient (Society of Critical Care Medicine and American Society of Health-System Pharmacists, 2002 ; Warr, Thiboutot & Rose, 2011).

Surveillance des muscles périphériques Un stimulateur des nerfs périphériques est utilisé pour évaluer la paralysie des muscles squelettiques du client 20 2 . Cela permet d’ajuster plus adéquatement les bloquants neuromusculaires et ainsi de retrouver rapidement la fonction neuromusculaire et la ventilation spontanée (Murray, Cohen, DeBlock et al., 2002 ; Rudis, Sikora, Angus et al., 1997).

Surveillance de la fonction cérébrale La surveillance de la fonction cérébrale est recommandée pour évaluer le niveau de conscience après l’administration d’une curarisation (Barr et al., 2013) FIGURE 9.1. Dans la salle d’opération, au cours de l’anesthésie, la fonction ou l’activité cérébrale est systématiquement mesurée pour s’assurer que le client demeure inconscient durant la chirurgie. Des technologies de monitorage sont maintenant recommandées pour les clients en situation critique de santé qui reçoivent une curarisation, en plus des évaluations standards de la sédation au moyen des échelles RASS ou SAS (Barr et al., 2013). Diverses technologies sont offertes pour surveiller l’activité électrique des lobes frontaux, notamment les capteurs de l’électromyogramme qui enregistrent les mouvements des muscles du front ainsi que l’indice bispectral qui jumelle l’électromyogramme avec l’électroencéphalogramme du client (Gélinas, Tousignant-Laamme, Tanguay et al., 2011 ; Haenggi, Tpparila-Wolters, Bieri et al., 2008).

9.2

La prévalence du délirium est plus élevée que le nombre de cas de délirium effectivement diagnostiqués. De fait, le délirium est difcile à diagnostiquer chez le client en situation critique de santé, et il peut avoir plusieurs causes ENCADRÉ 9.2. Il touche plus de 75 % des clients hospitalisés aux soins intensifs en raison de l’environnement de soins surchargé (bruit, éclairage, appareillage) (ministère de la Santé et des Services sociaux [MSSS], 2011). Il prolonge l’hospitalisation et augmente les taux de mortalité chez les clients sous ventilation mécanique (Ely, Shintani, Truman et al., 2004). Certains troubles préexistants, y compris la démence, l’abus d’alcool et les antécédents de dépendance aux sédatifs ou aux opioïdes, augmentent la probabilité qu’un client soit atteint de délirium (MSSS, 2011). Lorsqu’il survient aux soins critiques, le délirium est parfois appelé psychose des soins intensifs ou syndrome de Sundowner. Dans le cas où le client est agité, fébrile et qu’il arrache les tubulures et les sondes, il est dit atteint d’un délirium hyperactif (MSSS, 2011). Toutefois, le client délirant n’est pas toujours agité. Il est beaucoup plus difcile de reconnaître le délirium lorsqu’il s’agit de sa forme hypoactive et que le client demeure calme, voire somnolent (Jacobi et al., 2002 ; MSSS, 2011 ; Roberts, Rickard, Rajbhandari et al., 2006). Une forme mixte du délirium est également observable lorsque le client oscille entre la forme hyperactive et hypoactive au cours de la journée (MSSS, 2011). L’administration d’une analgésie et d’une sédation adéquates est une composante essentielle de la prévention du délirium (Barr et al., 2013).

9.2.1

Le délirium se caractérise par un décit global des processus cognitifs, d’apparition généralement soudaine, s’accompagnant d’une désorientation, d’un décit de la mémoire de travail, d’une perturbation de la perception sensorielle (c.-à-d. des hallucinations), d’anomalies de la pensée et de comportements inappropriés (Conn & Lieff, 2001). Le monitorage systématique du délirium est recommandé (Barr et al., 2013). Chapitre 9

Les agents bloquants neuromusculaires sont présentés en détail dans le chapitre 20, Approche thérapeutique du système respiratoire.

9

20 2 Le fonctionnement ainsi que les interventions inr­ mières liées à l’utilisation d’un stimulateur des nerfs périphériques sont expli­ qués dans le chapitre 20, Approche thérapeutique du système respiratoire.

Dépistage du délirium

Il existe des instruments de cotation pour évaluer le délirium, dont deux qui ont été validés chez les clients sous ventilation mécanique en situation

ENCADRÉ 9.2

Causes possibles de délirium chez les clients en situation critique de santé

CAUSES ENDOCRINIENNES

• • • •

Hyperparathyroïdie Hyperthyroïdie ou hypothyroïdie Maladie d’Addison Syndrome de Cushing

CAUSES INTRACRÂNIENNES

Délirium

20 1

• • • • • •

Abcès cérébral Encéphalite Hématome épidural ou sous-dural Hémorragie intracrânienne Méningite Tumeur

CAUSES MÉDICAMENTEUSES

• Administration ou sevrage de benzodiazépines

• Intoxication par les métaux lourds • Syndrome de sevrage de l’alcool CAUSES MÉTABOLIQUES

• Déséquilibre acidobasique • Déséquilibre électrolytique • Hypoglycémie CAUSES RESPIRATOIRES

• Hypercapnie • Hypoxémie DÉFAILLANCE ORGANIQUE

• Choc septique • Encéphalopathie hépatique • Encéphalopathie rénale

Évaluation et approche thérapeutique de la sédation, de l’agitation et du délirium

175

critique de santé (Barr et al., 2013 ; Plaschke, von Haken, Scholz et al., 2008) : • la méthode d’évaluation de la confusion à l’unité de soins critiques (Confusion Assessment Method for the Intensive Care Unit [CAM-ICU]) (Ely, Margolin, Francis et al., 2001 ; Pun, Gordon, Peterson et al., 2005) FIGURES 9.2 et 9.3 ; • la liste de contrôle pour le dépistage du délirium aux soins critiques (Intensive Care Delirium Screening Checklist [ICDSC]) (Bergeron, Dubois, Dumont et al., 2001 ; Ouimet, Riker, Bergeron et al., 2007) FIGURE 9.4. Ces deux instruments sont utilisés en tandem avec l’échelle RASS ou SAS pour exclure les clients comateux et cibler rapidement l’apparition de symptômes de délirium. Le coma est en effet un facteur de risque connu du délirium (Barr et al., 2013). Le CAM-ICU et l’ICDSC sont des outils structurés pour évaluer le délirium à la fois chez les clients en mesure de parler et chez ceux qui ne peuvent pas communiquer ou qui sont ventilés mécaniquement.

9.2.2

Pharmacothérapie du délirium

La pharmacothérapie du délirium est complexe (Barr et al., 2013). Un antipsychotique de première génération, l’halopéridol (HaldolMD), a traditionnellement été administré pour traiter le délirium hyperactif (Millbrandt, Kersten, Kong et al., 2005). Cet antipsychotique stabilise la fonction cérébrale en inhibant la neurotransmission modulée par la dopamine dans les synapses et les noyaux gris centraux. Le monitorage électrocardiographique est recommandé, car l’halopéridol prolonge l’intervalle QTc, augmentant ainsi le risque d’arythmies ventriculaires. Il faut éviter l’halopéridol et les autres antipsychotiques chez les clients qui présentent un intervalle QTc prolongé ou des antécédents de torsades de pointes (Barr et al., 2013). Les antipsychotiques de deuxième génération sont parfois administrés pour traiter le délirium associé à une situation critique de santé. Ces médicaments mis au point pour traiter d’autres maladies, comme la schizophrénie ou le trouble bipolaire, sont

administrés pour écourter le délirium lié à une situation critique de santé. Dans une étude clinique de petite envergure menée auprès de sujets sous ventilation mécanique, il a été noté que la quétiapine (SeroquelMD) a entraîné une résolution plus rapide du délirium que le placebo (Devlin, Roberts, Fong et al., 2010 ; Devlin, Skrobik, Riker et al., 2011). D’autres antipsychotiques devront faire l’objet d’une étude clinique, car il y a très peu de données portant sur l’efcacité et l’innocuité des antipsychotiques de deuxième génération dans le traitement du delirium précipité par une situation critique de santé. Il faut éviter d’administrer la rivastigmine (ExelonMD), un inhibiteur de la cholinestérase, qui est associée à un risque de mortalité plus élevé (van Eijik, Roes, Honing et al., 2010). Enn, il ne faut pas utiliser l’halopéridol ni les antipsychotiques de deuxième génération dans le traitement préventif du délirium, car il n’y a aucune donnée démontrant qu’ils réduisent l’incidence du délirium (Barr et al., 2013).

9.2.3

L’aménagement d’un sommeil adéquat et une mobilisation précoce sont recommandés pour réduire l’incidence du délirium (Barr et al., 2013). Les stratégies non pharmacologiques utilisées pour prévenir l’agitation et le délirium sont semblables à celles employées comme mesures d’appoint pour atténuer la douleur (Barr et al., 2013). Ces méthodes comprennent notamment le massage du dos, la musicothérapie, la réduction du bruit, le fait de tamiser la lumière la nuit an de favoriser le sommeil, le regroupement des interventions de soins inrmiers pour procurer un sommeil ininterrompu et l’utilisation d’une voix calme et douce (Morin & Pinze, 2004 ; MSSS, 2011). Il est important de trouver et de traiter la cause sous-jacente au délirium an de favoriser la résolution de ce dernier (MSSS, 2011). L’ENCADRÉ 9.3 résume les interventions visant à prévenir, à évaluer et à traiter l’agitation et le délirium.

9.3

FIGURE 9.2 Méthode d’évaluation de la confusion à l’unité de soins critiques (CAM-ICU). Le diagnostic de délirium est positif en présence de la caractéristique 1 ET de la caractéristique 2, ainsi qu’en présence de la caractéristique 3 OU de la caractéristique 4.

176

Partie 1

Fondements généraux

Interventions non pharmacologiques pour prévenir le délirium

Syndrome de sevrage de l’alcool et delirium tremens

Les clients en situation critique de santé qui ont une dépendance à l’alcool et qui en consommaient avant leur hospitalisation présentent un risque de syndrome de sevrage de l’alcool (SSA) pouvant évoluer vers un delirium tremens s’il est non traité (Riker et al., 1999). Le delirium tremens est un délirium hyperactif causé par le SSA (Sarff & Gold, 2010). Au cours de l’hospitalisation, à mesure que les concentrations sériques d’alcool diminuent, environ 50 % des clients dépendants à l’alcool présentent

9

FIGURE 9.3 Évaluation de l’agitation, de la sédation et du délirium.

Chapitre 9

Évaluation et approche thérapeutique de la sédation, de l’agitation et du délirium

177

FIGURE 9.4 Liste de contrôle pour le dépistage du délirium aux soins critiques (ICDSC). L’ICDSC est également utilisée en tandem avec l’échelle RASS pour évaluer l’agitation et la sédation, ainsi que le délirium.

178

Partie 1

Fondements généraux

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 9.3

Appliquer les lignes directrices pour la prévention, l’évaluation et le traitement de l’agitation et du délirium

• Il est préférable que le client soit éveillé et capable de suivre les consignes an de participer à ses soins, à moins qu’il y ait une indication clinique pour une sédation plus profonde. • Le dépistage et le soulagement de la douleur, de l’agita­ tion et du délirium, ainsi que la sédation devraient être continuellement réévalués. AGITATION

• Chez le client en situation critique de santé, l’agitation peut être attribuable au soulagement inadéquat de la douleur, à l’anxiété, au délirium et à la désynchronisation avec le respirateur. • La profondeur et la qualité de la sédation devraient être systématiquement évaluées chez tous les clients séjour­ nant à l’unité de soins critiques. • Les échelles RASS et SAS sont les outils les plus pertinents et ables pour évaluer la qualité et la profondeur de la séda­ tion chez un client séjournant à l’unité de soins critiques. • Le degré de sédation le plus léger possible et l’arrêt quotidien de la sédation sont à des objectifs à viser. • L’utilisation des protocoles et des listes de vérication de la sédation facilite la prise en charge de celle­ci. • L’analgésie chez le client intubé et chez le client sous ventilation mécanique est recommandée à l’unité de soins critiques. • Chez l’adulte sous ventilation mécanique hospitalisé à l’unité de soins critiques, les médicaments autres que les benzodiazépines pour la sédation (le propofol

[DiprivanMD] ou la dexmédétomidine [PrecedexMD]) sont à privilégier plutôt que les benzodiazépines (p. ex., le midazolam [VersedMD] ou le lorazépam [AtivanMD]). DÉLIRIUM

• Le dépistage du délirium devrait être systématiquement effectué chez tout client séjournant à l’unité de soins critiques. • Le CAM­ICU et l’ICDSC sont les échelles les plus valides et dèles pour évaluer le délirium chez un client séjournant à l’unité de soins critiques. • Si possible, la mobilisation précoce du client est assurée an de réduire l’incidence et la durée du délirium et d’améliorer les résultats fonctionnels. • Le sommeil chez le client séjournant à l’unité de soins critiques est promu en contrôlant la lumière et le bruit, en regroupant les soins prodigués et en diminuant les stimulus la nuit. • La rivastigmine (ExelonMD) ne devrait pas être administrée pour réduire la durée du délirium chez un client séjournant à l’unité de soins critiques. • Les antipsychotiques ne sont pas recommandés chez le client à risque de torsades de pointes. • Les benzodiazépines ne doivent pas être administrées chez un client séjournant à l’unité de soins critiques qui a un délirium non attribuable à un sevrage de l’alcool ou des benzodiazépines.

9

Source : Adapté de Barr et al. (2013)

des symptômes de SSA, comme l’anxiété, une augmentation de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle, la diaphorèse, l’hyperthermie, l’insomnie, les nausées et vomissements et les tremblements (Dumont, 2009 ; Schuckit, 2009). Le SSA est associé à un risque augmenté de délirium, d’hallucinations, de convulsions, de recours accru à la ventilation mécanique et de décès. Cependant, moins de 5 % des clients atteints afchent des complications graves dans les 24 à 48 heures suivant l’arrêt de la consommation d’alcool comme des convulsions, des hallucinations ou un delirium tremens (Dumont, 2009 ; Sarff & Gold, 2010 ; Schuckit, 2009). Certains outils permettant de reconnaître la dépendance à l’alcool sont très utiles, comme le questionnaire de dépistage des problèmes liés à la consommation d’alcool (Alcohol Use Disorders Identication Test [AUDIT]) 33 . De plus, la gravité du sevrage de l’alcool peut être évaluée au moyen d’une échelle comme la version révisée de la Clinical Institute Withdrawal Assessment of Alcohol Scale (CIWA-Ar) (Amato, Minozzi, Vecchi et al., 2010 ; Sarff & Gold, 2010). Le traitement du sevrage de l’alcool comporte la surveillance étroite de l’agitation liée au SSA et l’administration de benzodiazépines, généralement Chapitre 9

le diazépam ou le lorazépam (Paré & Fortier, 2007). Il est recommandé d’administrer des benzodiazépines en présence d’une agitation accrue associée au delirium tremens ; la posologie est déterminée par le protocole clinique. Cette approche est dite axée sur les symptômes du SSA (Sarff & Gold, 2010). Le diazépam a l’avantage d’avoir une demi-vie plus longue et une solubilité lipidique élevée (Sarff & Gold, 2010). Les médicaments liposolubles franchissent rapidement la barrière hématoencéphalique et pénètrent dans le système nerveux central pour produire rapidement un effet sédatif (Amato et al., 2010 ; Sarff & Gold, 2010). L’administration prophylactique de multivitamines, y compris la thiamine (vitamine B1), vise à prévenir les séquelles neurologiques (Repper-DeLisi, Stern, Mitchell et al., 2008 ; Sarff & Gold, 2010). Ainsi, la pharmacothérapie du délirium lié au sevrage de l’alcool est très différente de celle administrée dans le délirium attribuable à d’autres causes. Les benzodiazépines à longue durée d’action sont les médicaments de choix dans le cas du SSA (Sarff & Gold, 2010). Par contre, les benzodiazépines sont contre-indiquées pour le traitement du délirium dont l’origine n’est pas liée à l’alcool (Lonergan, Luxenberg, Areosa Sastre et al., 2009).

33 Le questionnaire de dépis­ tage des problèmes liés à la consommation d’alcool est présenté dans le cha­ pitre 33, Trauma.

Évaluation et approche thérapeutique de la sédation, de l’agitation et du délirium

179

ÉTUDE DE CAS SOLUTIONNAIRE

http://mabibliotheque. cheneliere.ca

Client atteint de délirium Mise en contexte Hiraku Makimura est un Japonais âgé de 42 ans en visite au Québec pour affaires. Il est transporté à l’urgence après un status epilepticus. La conjointe de monsieur Makimura signale par téléphone qu’il est en bonne santé et qu’elle ne croit pas qu’il prend des médicaments sur une base régulière. Toutefois, elle déclare qu’il a récemment cessé de consommer de l’alcool à la suite de pressions exercées par sa famille. Elle rapporte également qu’il prend de l’alprazolam (XanaxMD) à l’occasion pour se calmer.

Manifestations cliniques Monsieur Makimura est admis à l’unité de soins critiques avec les symptômes suivants : hypertension, agitation, confusion mentale, idéation paranoïde avec discours décousu et hallucinations visuelles et auditives. Sa peau est chaude et moite. L’administration I.V. de thiamine, d’acide folique, de multivitamines et de magnésium a été amorcée à l’urgence. Selon les consignes du médecin, le lorazépam (AtivanMD) doit être administré toutes les six heures au besoin pour soulager les symptômes de délirium.

Collecte des données objectives Les signes vitaux de base de monsieur Makimura sont les suivants : P.A. à 190/92 mm Hg, F.C. à 130 batt./min (tachycardie sinusale), F.R. à 26 R/min et T° à 37,1 °C. La SaO2 est à 90 % avec 4 L/min d’oxygène administré au moyen d’une lunette nasale. La PaCO2 est à 26 mm Hg. L’échelle CAM-ICU indique la présence d’un état mental uctuant, une inattention et une désorganisation de la pensée. Le score à l’échelle SAS est de 5. Les résultats des études de toxicologies sériques et urinaires sont négatifs pour l’alcool éthylique, le cannabis et les opioïdes ; les résultats urinaires sont fortement positifs pour les benzodiazépines. Le taux de sodium est à 135 mmol/L, le taux de potassium est à 4,3 mmol/L, le taux de chlorure est à 84 mmol/L, le taux à calcium est à 2,4 mmol/L, le taux de magnésium est à 0,92 mmol/L, et le taux de gamma-glutamyl-transpeptidase (GGT) est à 80 U/L.

Diagnostic médical Un delirium tremens est diagnostiqué chez monsieur Makimura causé par le sevrage d’alcool et de benzodiazépine.

Questions 1. Quels sont les principaux résultats escomptés pour ce client ? 2. Quels problèmes prioritaires ou risques doivent être contrôlés et inscrits au plan thérapeutique inrmier (PTI) pour obtenir ces résultats ? 3. Quelles interventions doivent être mises en œuvre et inscrites au plan thérapeutique inrmier (PTI) pour surveiller, prévenir, gérer ou éliminer les problèmes et les risques désignés ? 4. Quelles interventions devraient être mises en œuvre pour optimiser le fonctionnement, la sécurité et le bien-être du client ? 5. Quels besoins d’enseignement prévoyez-vous pour ce client ?

180

Partie 1

Fondements généraux

À RETENIR • Il convient d’utiliser un instrument validé an d’évaluer la sédation (échelle RASS ou SAS) et d’ajuster la posologie des sédatifs pour atteindre le degré de sédation le plus léger possible, et ce, dans le but de prévenir les problèmes liés à l’immobilité et le délirium. • Les benzodiazépines ne sont pas recommandées pour la sédation systématique des adultes sous ventilation mécanique. • Le propofol et la dexmédétomidine sont recommandés pour la sédation des adultes sous ventilation mécanique. • L’arrêt quotidien de la sédation ainsi qu’un test de ventilation spontanée sont

recommandés chez les clients sous ventilation mécanique. • Le délirium est une complication fréquente des situations critiques de santé. Le délirium peut être hyperactif (accompagné d’agitation), hypoactif (en cas de repli sur soi) ou mixte (en cas de variation des symptômes au cours de la journée). • Le recours à un instrument validé d’évaluation du délirium (méthode d’évaluation de la confusion à l’unité de soins critiques [CAM-ICU] ou liste de contrôle pour le dépistage du délirium aux soins critiques [ICDSC]) est recommandé pour le dépister.

Chapitre 9

• La pharmacothérapie du délirium inclut le traitement par l’halopéridol et parfois par les antipsychotiques de deuxième génération. • Les interventions non pharmacologiques visant à prévenir le délirium incluent la promotion d’un sommeil adéquat et une mobilisation précoce. • Le delirium tremens est une complication possible du syndrome de sevrage de l’alcool (SSA). • Les benzodiazépines telles que le diazépam et le lorazépam sont utilisées dans le traitement du delirium tremens.

Évaluation et approche thérapeutique de la sédation, de l’agitation et du délirium

181

chapitre

10

Soins palliatifs et de n de vie

Écrit par : Diane Guay, inf., Ph. D. (c) Ce chapitre remplace le chapitre End-of-life issues de Caroline Etland dans l’édition originale américaine.

B

ien que l’amélioration des conditions et des habitudes de vie, les avancées tech­ noscientiques et les progrès de la médecine permettent de vaincre plusieurs ma­ ladies et de prolonger la vie, ce gain en longévité, fréquemment accompagné de conditions débilitantes, peut considérablement affecter la qualité de vie et suscite de nom­ breuses réexions. Les notions de dignité et d’humanisation des soins font désormais partie du discours populaire, et le rehaussement des pratiques en matière de soins palliatifs et de n de vie est une priorité au Canada (Assemblée nationale, 2012 ; Association canadienne des écoles de sciences inrmières, 2011 ; Ordre des inrmières et des inrmiers du Québec, 2010). L’inrmière en soins critiques occupe une place centrale au sein de l’équipe interdiscipli­ naire et exerce un rôle déterminant sur l’expérience des clients en n de vie et de leurs proches en prodiguant des soins spécialisés, compétents et respectueux qui allègent leurs souffrances physiques, émotionnelles, sociales et spirituelles.

10.1

Principaux enjeux en soins critiques

Si la majorité des clients admis à l’urgence ou à l’unité de soins intensifs bénécient des avantages qu’offre la médecine moderne, le contact avec la mort fait néanmoins partie du quotidien dans ces milieux de soins. Au Québec, la grande majorité des décès (69,8 %) survient en établissements de soins, généraux ou spécialisés (Institut national de Santé publique du Québec [INSPQ], 2006). Plus précisément, 56 % des clients décédés dans un centre hospitalier ont visité l’urgence au cours du dernier mois de leur vie dont plus de 6 % des décès sont constatés ou surviennent à l’urgence (INSPQ, 2006). De plus, près de 20 % des clients admis à l’unité de soins intensifs y décèdent durant leur séjour ou peu de temps après leur transfert vers une unité de soins intermédiaires (Angus, Barnato, Linde-Zwirble et al., 2004). Les maladies chroniques gurent au sommet des 10 causes de décès les plus fréquentes chez l’adulte. À l’échelle canadienne, « le cancer, les maladies vasculaires cérébrales et les maladies chroniques des voies respiratoires inférieures représentaient 62 % des causes de décès en 2007 » (Société royale du Canada [SRC], 2011, p.13). Au Québec, à elles seules, les tumeurs et les maladies cardiovasculaires causent plus de 57 % des décès chez l’adulte (Payeur, 2013). Considérant que les personnes âgées de 65 ans et plus constituent le segment de la population canadienne qui croît le plus rapidement et qui consomme la plus grande part de ressources en santé (SRC, 2011), une importante augmentation des besoins en soins palliatifs et de n de vie en soins critiques est à prévoir à court terme (Cazale & Dimitru, 2008 ; Fush, Chronaki, Park et al., 2012 ; Menec, Lix, Nowicki et al., 2007). Chez la clientèle pédiatrique, le taux de mortalité semble connaître une relative stabilité depuis 15 ans (Payeur, 2013). Les décès d’enfants susceptibles de bénécier de soins palliatifs et de n de vie seraient également attribuables à des conditions chroniques complexes, et la majorité survient dans des unités de soins de courte durée, in cluant les unités de soins intensifs (INSPQ, 2008). Près de la moitié de ces enfants (48,5 %) ont eu au moins un contact avec l’urgence au cours du dernier mois de leur vie (INSPQ, 2008).

10.1.1

Principales barrières

Le corpus de connaissances visant à rehausser l’accès aux soins palliatifs, à améliorer l’expérience du client en n de vie et à accompagner ses proches s’est surtout développé auprès de clients atteints de cancer. Toutefois, d’importants obstacles continuent de présenter un dé de taille à l’intégration des soins palliatifs et de n de vie en soins intensifs ENCADRÉ 10.1.

ENCADRÉ 10.1

Principales barrières aux soins palliatifs et de n de vie en soins intensifs

• Culture curative orientée vers le maintien et la sauvegarde des fonctions vitales • Incertitude pronostique • Faible implication de l’inrmière dans le processus décisionnel

• Manque de communication et de collaboration interdisciplinaire • Manque d’expérience et de formation • Attentes irréalistes des familles • Environnement physique : manque d’intimité

Sources : Adapté de Attia, Abd-Elaziz & Kandeel (2013) ; Bailey, Murphy, Porock et al. (2011) ; Beckstrand, Giles, Luthy et al. (2012) ; Crump, Schaffer & Schulte (2010) ; Espinosa, Young & Walsh (2008) ; DeVader, Albrecht & Reiter (2012)

La plupart des obstacles observés aux soins intensifs ont également été rapportés à l’urgence. Cependant, des études réalisées dans ce milieu de soins révèlent des enjeux spéciques. Entre autres, l’accès limité aux dossiers médicaux, la difculté de reconnaître l’imminence de la mort et l’accessibilité réduite des services de soins palliatifs jour et nuit pour la clientèle de l’urgence constituent des obstacles supplémentaires (Lamba, Nagurka, Zielinski et al., 2013). De leur côté, Heaston et ses collaborateurs (2006) ciblent l’acuité des soins, la rotation de personnel, le manque de temps ainsi que les difcultés relationnelles avec les familles en crise. L’environnement physique ainsi que le manque d’intimité propre au contexte de l’urgence constituent également des enjeux particulièrement importants (Beckstrand et al., 2012 ; Lamba et al., 2013). Aux soins intensifs, l’impact de l’environnement physique semble plutôt variable. Il est tantôt décrit comme un endroit chaotique et caractérisé par un climat d’incertitude, tantôt comme un endroit calme, sécuritaire et contrôlé. La qualité de l’environnement retient l’intérêt d’un nombre croissant de chercheurs an d’humaniser l’expérience de la n de vie. D’ailleurs, une intervention visant à réduire le bruit et à offrir la possibilité de bénécier d’une chambre individuelle avec lumière du jour a été signicativement associée à l’augmentation de la satisfaction des familles (Jongerden, Slooter, Peelen et al., 2013) 6 . Les périodes de visites limitées en temps et en nombre de visiteurs sont fréquentes dans les unités de soins critiques. La crainte de créer un stress supplémentaire, d’épuiser les clients et de contribuer à la transmission d’infections peut justier certaines décisions (Malacarne, Pini & De Feo, 2008 ; Olson, 2007). Néanmoins, ces raisons semblent peu soutenues par les écrits scientifiques (American Association of Critical Care Nurses [AACN], 2012). Au contraire, la présence des proches diminuerait l’anxiété et l’agitation en rassurant les clients et rehausserait la satisfaction et la qualité des soins, réduisant ainsi la durée de séjour à l’unité de soins intensifs (McAdam & Puntillo, 2013 ; Roger, Mari, Bousquet et al., 2010 ; Whitton & Pittiglio, 2011). La présence des proches serait susceptible de créer un environnement de rétablissement favorisant l’harmonie corps-esprit pour le client gravement malade à l’unité de soins intensifs. Les inrmières, elles, Chapitre 10

10

6 Des interventions inr­ mières telles que la réduc­ tion du bruit ou le recours à des sons relaxants sont traitées dans le chapitre 6, Altérations et gestion du sommeil.

Soins palliatifs et de n de vie

183

rapportent que la présence de la famille au chevet humanise le client voilé par la technologie, et ce, grâce aux récits et aux histoires racontés par les proches (Calvin, Linday & Clingnon, 2009 ; Fridh, Frosberg & Bergbom, 2009).

10.1.2

Recommandations et critères de qualité

Les résultats de l’étude SUPPORT ont démontré d’importantes lacunes sur le plan de la communication, de la fréquence et de l’agressivité des traitements, ainsi que de la gestion de la douleur des clients en

situation critique de santé en phase avancée (SUPPORT Principal Investigators, 1995). L’étude a donné lieu à de nombreuses recommandations an de rehausser la pratique clinique, et le groupe de recherche Robert Wood Johnson Fondation a publié des critères de qualité, répartis en sept domaines (Clarke, Curtis, Luce et al., 2003). Les recommandations concrètes de ce groupe peuvent guider la pratique en soins critiques, et ce, dans une perspective interdisciplinaire TABLEAU 10.1. Des recommandations et des mesures de qualités ont également été formulées pour guider la pratique en soins critiques adultes et pédiatriques (Davidson,

Interventions interdisciplinaires TABLEAU 10.1

Soins de qualité en n de vie

DOMAINE

CRITÈRES DE QUALITÉ

Processus déci­ sionnel centré sur le client et ses proches

• • • • • • • •

Communication au sein de l’équipe interdisciplinaire

• Tenir une rencontre interdisciplinaire an de discuter de l’état du client, de clarier les objectifs du traitement et de reconnaître les besoins du client et de ses proches ainsi que leurs préférences. • Recourir à une approche de résolution de conits au sein de l’équipe de soins avant la rencontre avec le client ou ses proches. • Faire à appel à des experts cliniques, des consultants éthiques et spirituels au besoin. • Reconnaître les stratégies d’adaptation et de communication du client et de ses proches en fonction de la nature chronique ou aiguë de la maladie, des différences culturelles et spirituelles et de toute autre inuence. • Planier des rencontres avec le client ou ses proches sur une base régulière an de les informer de l’évolution de l’état du client et de répondre à leurs questions. • Transmettre toute l’information au client et à ses proches de manière claire et emphatique. • Valider la compréhension par le client et ses proches de l’état de la situation et des objectifs des soins au début et à la n de chaque rencontre. • Nommer une personne de liaison au sein de l’équipe et désigner un membre de la famille qui agira à titre de personne­ressource pour celle­ci. • Préparer le client et ses proches à la mort possible.

Collaboration et continuité des soins

• Optimiser la continuité des soins entre les professionnels de la santé et les divers consultants. • Informer les nouveaux intervenants de l’état du client et de ses proches. • Préparer le client ou ses proches à un changement d’intervenant et introduire les nouveaux soignants, le cas échéant.

Soutien émotion­ nel au client et à ses proches

• Explorer les besoins de la personne mourante et de ses proches et y répondre. • Distribuer la documentation pour les familles, qui inclut l’orientation dans l’environnement de soins et les lignes directrices de visite, la liste des services de consultations, des programmes de deuil et autres ressources. • Faciliter le renforcement des relations familiales et de la communication. • Protéger les renseignements personnels du client et de ses proches. • Considérer, valoriser et soutenir les traditions culturelles du client et de ses proches. • Soutenir la famille au moment du décès de leur proche et durant leur deuil. • Assurer une présence et du soutien pour les clients sans famille.

184

Partie 1

Reconnaître le client et ses proches comme l’entité de soins. Évaluer les capacités décisionnelles du client et considérer ses préférences ainsi que celles de ses proches. Clarier et documenter les directives anticipées. Identier le décideur substitut et suivre les directives éthiques et juridiques. Clarier et documenter le niveau de réanimation. Établir et documenter des objectifs thérapeutiques clairs, réalistes et appropriés, et ce, en collaboration avec le client et ses proches. Informer l’équipe des conits au sein de la famille. Aider le client et ses proches à évaluer les avantages et les inconvénients des choix thérapeutiques en fonction des changements de l’état du client. • Planier les soins avec le client et ses proches. • Renoncer aux traitements de maintien des fonctions vitales qui ne respectent pas les préférences du client et de ses proches.

Fondements généraux

TABLEAU 10.1

Soins de qualité en n de vie (suite)

DOMAINE

CRITÈRES DE QUALITÉ

Soutien spirituel au client et à ses proches

• Évaluer et documenter les besoins spirituels du client et de ses proches sur une base continue. • Favoriser l’accès aux ressources spirituelles. • Susciter et faciliter les pratiques spirituelles et culturelles.

Soulagement des symptômes et soins de confort

• • • • • • •

Soutien aux professionnels de la santé

Mettre l’accent sur les soins de confort. Se conformer aux meilleures pratiques cliniques pour la gestion et le soulagement des symptômes. Recourir à des outils et échelles d’évaluation des symptômes appropriés et uniformes. Utiliser des approches non pharmacologiques ainsi que des mesures pharmacologiques pour optimiser le confort. Réévaluer les symptômes et documenter la réponse aux interventions. Connaître et respecter les meilleures pratiques cliniques pour le retrait de traitements. Réduire les procédures inutiles (p. ex., les analyses de laboratoire, les mesures des signes vitaux de routine) et maintenir les cathéters intraveineux (I.V.) pour l’administration des médicaments. • Minimiser les stimulus néfastes (moniteurs, lumières, bruits) et maintenir les soins d’hygiène du client. • Promouvoir la présence de la famille ou d’un soignant si le client est seul.

10

• • • •

Soutenir les membres de l’équipe responsables des soins aux clients mourants. Adapter les horaires du personnel inrmier et médical de manière à optimiser la continuité des soins. Communiquer régulièrement avec l’équipe interdisciplinaire en ce qui concerne l’objectif thérapeutique. Mettre en place un groupe de soutien régulier pour les soignants coordonné par des animateurs expérimentés et fondé sur les besoins du personnel de l’unité de soins intensifs ou de l’urgence. • Faire appel à des experts en soins palliatifs, à des conseillers spirituels et à d’autres consultants pour enseigner l’approche palliative.

Source : Adapté de Clarke et al. (2003)

Powers, Hedayat et al., 2007 ; Truog, Campbell, Curtis et al., 2008). Enn, les prises de position et les lignes directrices, rédigées par les associations professionnelles en soins critiques, témoignent de l’importance de développer une culture collective de soins reconnaissant la mort comme un processus naturel de la vie et faisant inévitablement partie des soins critiques (Association des inrmières et inrmiers du Canada [AIIC], 2008 ; Norton, Hobson & Kulm, 2011 ; Ordre des inrmières et des inrmiers du Québec [OIIQ], 2010).

10.2

Au Canada, la dénition des soins palliatifs proposée par l’Organisation mondiale de la Santé est la plus fréquemment retenue. Ainsi, il s’agit de « l’ensemble des soins actifs et globaux dispensés aux personnes atteintes d’une maladie avec pronostic réservé. […] L’objectif des soins palliatifs est d’obtenir, pour les usagers et leurs proches, la meilleure qualité de vie possible. Les soins palliatifs sont organisés et dispensés grâce aux efforts de collaboration d’une équipe multidisciplinaire incluant

Concepts clés

Qui dit soins palliatifs dit, encore trop souvent, oncologie et n de vie. Les soins critiques symbolisent généralement l’art de maîtriser la science et la technologie dans le but ultime de sauver la vie, tandis que les soins palliatifs constituent l’option alternative lorsqu’il n’y a plus rien à faire. Néanmoins, les soins palliatifs et les soins critiques peuvent et doivent coexister.

10.2.1

Soins palliatifs et soins de n de vie

Il importe avant tout de distinguer les soins palliatifs et les soins de n de vie, car l’inrmière adapte son approche et ses interventions à l’égard du client et de ses proches en fonction de l’étape de vie où le client se situe. Les soins palliatifs constituent une approche beaucoup plus large, qui intègre les soins de n de vie FIGURE 10.1.

FIGURE 10.1 Dénitions conceptuelles.

Chapitre 10

Soins palliatifs et de n de vie

185

l’usager et les proches. La plupart des aspects des soins palliatifs devraient également être offerts plus tôt au cours de la maladie, parallèlement aux traitements actifs » (ministère de la Santé et des Services sociaux [MSSS], 2010, p. 7). L’approche palliative dite traditionnelle suggère d’offrir des soins palliatifs lorsque les traitements potentiellement curatifs ont été épuisés ou s’avèrent inefcaces. Dans cette perspective, les efforts curatifs et palliatifs sont mutuellement exclusifs, et le changement d’orientation thérapeutique s’effectue à un moment précis. Cette conception semble encore largement inuencer la pratique en soins critiques. Toutefois, la majorité des décès à l’unité de soins intensifs survient quelques heures après la décision médicale de limiter les traitements (Cooke, Hotchkin, Engelberg et al., 2010). Ainsi, le maintien de l’approche traditionnelle accorde peu de temps au client et à ses proches pour bénécier de soins palliatifs tels que promus par l’Organisation mondiale de la Santé (MSSS, 2010). Inversement, le nouveau modèle propose l’accès aux soins palliatifs à tous les clients atteints de maladies chroniques potentiellement fatales en proposant un début précoce et un ajustement progressif des mesures curatives et palliatives se poursuivant audelà même du décès pour les proches endeuillés. Dans cette perspective, les soins palliatifs et les soins potentiellement curatifs coexistent FIGURE 10.2.

10.2.2

Trajectoires de n de vie et clients potentiels

La reconnaissance de la phase dite terminale, ou de la n de vie, constitue un dé important puisque les indicateurs varient selon la trajectoire de la maladie. Le General Medical Council (2010) propose quatre indicateurs permettant de situer une personne dans la phase terminale ou en n de vie : 1) le stade avancé d’une maladie progressive et incurable ; 2) un état de fragilité et des conditions permettant d’anticiper le décès dans les 12 prochains mois ; 3) une condition existante susceptible de mener au décès à la suite d’un événement aigu et soudain ; 4) un pronostic

vital menacé par un événement aigu et soudain. La compréhension de ces indicateurs est indispensable à l’inrmière œuvrant en soins critiques. Les caractéristiques dénissant la clientèle susceptible de bénécier de soins palliatifs en soins critiques intéressent de nombreux chercheurs. Plusieurs milieux de soins ont recours à des outils permettant d’anticiper l’évolution de certaines maladies. Par exemple, un outil de dépistage destiné aux personnes âgées et fragiles a été mis au point à l’urgence an d’évaluer le besoin de soins palliatifs de cette clientèle. Cet outil évalue notamment les activités de la vie quotidienne, les capacités fonctionnelles et les symptômes du client ainsi que la détresse du proche aidant (Glajchen, Lawson, Homel et al., 2011). Aux soins intensifs, plusieurs outils pronostiques sont couramment utilisés pour prédire l’évolution des maladies, et la majorité s’appuie sur des données physiologiques et sur des indicateurs cliniques. Cependant, aucun dispositif pronostique ne permet de prédire avec exactitude quel client se dirige inévitablement vers la mort ni à quel moment. Ainsi, au sein d’une même unité de soins, se retrouvent des clients potentiellement inscrits dans une trajectoire palliative parmi une majorité de clients faisant l’objet d’efforts à visées curatives (Capuzzo, Moreno & Le Gall, 2008 ; Duke, Santamaria, Shann et al., 2008). Coombs et ses collaborateurs (2012) soutiennent que tous les clients qui y décèdent suivent une trajectoire en trois grandes étapes : 1) l’admission avec espoir de guérison ; 2) la transition entre l’intervention et les soins en n de vie ; 3) une mort contrôlée. Ces chercheurs proposent de mettre l’accent sur le processus de transition, car il est le plus ambigu. Si la trajectoire des principales maladies chroniques a fait l’objet de nombreux écrits, les décès survenant à la suite de traumas ou d’événements imprévus, tels que les accidents de la route ou les brûlures graves ainsi que les décès neurologiques sont imprévisibles et ne respectent aucune trajectoire. Ces situations nécessitent des compétences inrmières et des habiletés relationnelles avancées an de pallier à l’instabilité hémodynamique et de composer efcacement avec l’impact émotif lié à l’accompagnement de la

FIGURE 10.2 Évolution du concept de soins palliatifs. A Approche traditionnelle. B Nouvelle approche.

186

Partie 1

Fondements généraux

famille en crise. L’identication des donneurs potentiels et les soins à leurs familles en sont des exemples concrets 36 . Murray et ses collaborateurs (2005) regroupent les principales maladies chez l’adulte en trois trajectoires. Selon l’INSPQ, les clients inscrits dans ces trajectoires seraient susceptibles de bénécier de soins palliatifs (INSPQ, 2006) FIGURE 10.3.

La première trajectoire est majoritairement empruntée par les clients atteints de cancer, et elle correspond à une évolution progressive suivie d’une phase terminale relativement courte et prévisible. Chez cette clientèle, les soins palliatifs s’inscrivent généralement dans le continuum des soins. Pour ce faire, un instrument de dépistage et d’évaluation des symptômes à l’urgence a été mis au point (Richard,

36 Le chapitre 36, Don et transplantation, détaille le rôle de l’inrmière en soins critiques auprès de donneurs potentiels et de leurs proches.

10

FIGURE 10.3

Trajectoires de n de vie susceptibles de faire bénécier le client adulte de soins palliatifs. Chapitre 10

Soins palliatifs et de n de vie

187

26 Le chapitre 26, Troubles rénaux et approche théra­ peutique, aborde entre autres la physiopatholo­ gie et les traitements de l’insufsance rénale aiguë.

188

Partie 1

Gisondi, Chang et al., 2011). De plus, les travaux réalisés par Pattison (2012) proposent d’intéressants critères permettant à l’équipe des soins intensifs d’amorcer la transition vers des soins palliatifs et de n de vie. La seconde trajectoire correspond à la clientèle atteinte de maladie chronique (p. ex., une défaillance cardiorespiratoire). Elle se dénit par un déclin graduel, ponctué de graves épisodes d’exacerbation nécessitant parfois des traitements intensifs et urgents. Le décès survient souvent de manière soudaine et imprévue. Toutefois, l’avancement des connaissances permet de mieux comprendre cette trajectoire. Ainsi, Goodlin (2009) a rigoureusement décrit et illustré cinq phases distinctes de l’insufsance cardiaque. De plus, six indicateurs cliniques spéciques permettant d’anticiper le début de la phase dite terminale ont été documentés (Boyd & Murray, 2010). Chez la clientèle atteinte de maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC), l’outil d’évaluation BODE serait le meilleur outil pronostique (Iley, 2012 ; Marin, Cote, Diaz et al., 2011 ; Momen, Hadeld, Kuhn et al., 2012). Les stades évolutifs de la maladie ainsi que les paramètres cliniques propres à cette trajectoire ont également été proposés (Barnett, 2012 ; Scullion & Holmes, 2011). La troisième trajectoire survient chez les clients âgés et fragiles atteints d’une forme de démence. Le déclin graduel et prolongé de leur état de santé mène inexorablement vers la mort. L’état nutritionnel, le stade de la maladie ainsi que les comorbidités seraient parmi les principales variables inuençant le pronostic (Brown, Sampson, Jones et al., 2012). Un outil pronostique a été conçu dans un contexte de résidence pour personnes âgées, mais le taux de précision en serait modéré (Mitchell, Miller, Teno et al., 2010). Deux échelles sont toutefois fréquemment utilisées pour déterminer les stades de la démence et en estimer la gravité, soit l’échelle FAST (Fonctional assesment staging) et l’échelle CDR (Clinical dementia rating) (Goldstein & Morrisson, 2013). S’ajoute à ces trajectoires chez l’adulte celle qu’empruntent les clients atteints d’insufsance rénale (Murtagh, Addington-Hall & Higginson, 2011) ou ayant subi un événement soudain évoluant vers une condition critique chronique nécessitant une assistance respiratoire à long terme (Golstein & Morisson, 2013) 26 . De plus, une équipe de chercheurs américains propose sept trajectoires observées chez les clients admis à l’urgence (Chan, 2011). Chez la clientèle pédiatrique, les nombreuses conditions chroniques complexes susceptibles de bénécier aux clients de soins palliatifs ont été regroupées en quatre principales trajectoires (INSPQ, 2008). Cependant, la valeur prédictive de ces trajectoires et des outils pronostiques présente d’importantes limites sur le plan individuel. Il est difcile de positionner exactement un client sur le continuum de sa

Fondements généraux

trajectoire et de prédire sa vitesse de progression. De plus, il est possible qu’une personne ne se situe dans aucune trajectoire ou se situe dans plusieurs d’entre elles, comme ce serait le cas d’une personne atteinte de cancer et d’insufsance cardiaque. Cela dit, ces trajectoires offrent de nombreux avantages. Pour le client, connaître et comprendre celle dans laquelle il s’inscrit et le déclin qui, inévitablement, l’accompagne favorise la perception de contrôle et d’autonomisation (empowerment) lui permettant de participer plus activement au processus de décision et de faire des choix plus éclairés. Pour la famille, bénécier de ce précieux temps de préparation peut considérablement diminuer les symptômes liés au choc et à la culpabilité souvent associée à la prise de décision accélérée. En outre, cette stratégie pourrait même réduire les conits entre les membres de la famille et favoriser le cheminement vers la n de vie d’un proche puisque leurs attentes, fréquemment qualiées d’irréalistes, semblent étroitement associées au manque de temps de préparation (Apatira, Boyd, Malvar et al., 2008 ; Calvin et al., 2009 ; Gerstel, Engelberg, Koepsell et al., 2008). Les retombées potentielles pour l’équipe de soins sont également multiples. Le fait de connaître la trajectoire de la maladie permet d’orienter les soins du client séjournant à l’unité de soins critiques. D’abord, la compréhension commune des différentes trajectoires devrait faciliter la détermination et l’évaluation des besoins ainsi que la planication des soins de la clientèle autant à l’urgence qu’aux soins intensifs. En plus d’harmoniser l’approche et de favoriser la cohérence du discours parmi les divers membres de l’équipe, reconnaître qu’un client est potentiellement inscrit dans une trajectoire terminale présente également l’avantage d’estomper les zones grises, d’établir des objectifs thérapeutiques plus réalistes qui mettent un ajustement progressif des traitements ou de réajuster ces objectifs. L’amélioration de la planication et la coordination des interventions entre les différents services gurent également au nombre des retombées possibles puisque la reconnaissance précoce de la clientèle permettrait de réduire les admissions répétées à l’urgence et aux soins intensifs, l’utilisation de ressources et de technologies non désirées ou non bénéques, diminuant ainsi les coûts (Gruenberg, Shelton, Rose et al., 2006 ; Morrison, Penrod, Cassel et al., 2008 ; Rady & Johnson, 2004). D’autres critères sont proposés pour reconnaître la clientèle susceptible de bénécier de soins palliatifs à l’unité de soins intensifs. Entre autres, le décès anticipé durant le séjour ou à très court terme, la demande explicite du client ou de la famille, un diagnostic de mort cérébrale conrmée et la futilité thérapeutique considérée ou déclarée par l’équipe médicale gurent parmi les principaux déclencheurs de soins palliatifs à l’unité de soins intensifs (Bradley & Brasel, 2009). Le jugement des médecins a également été démontré efcace dans l’étude de Gibbins et de ses collaborateurs (2013). Dans cette étude, les médecins étaient invités à se prononcer sur le

pronostic vital des clients en répondant à la question suivante : La condition du client est-elle sufsamment précaire pour qu’il risque de décéder pendant le séjour actuel ? Une réponse positive peut conduire l’équipe à mettre en place des interventions de communication proactives auprès de la personne et de ses proches. Enn, en raison de l’incertitude associée au pronostic, à l’efcacité des traitements et à l’évolution de la maladie caractérisant le parcours de la plupart des clients admis à l’unité de soins intensifs, certains chercheurs proposent d’intégrer une approche palliative auprès de tous les clients puisque chacun présente un risque de mortalité élevé et nécessite une gestion optimale de la douleur et des symptômes (Curtis, 2008 ; Mularski, Puntillo, Varkey et al., 2009). Pour ces chercheurs, l’approche palliative ne peut être réservée à une clientèle privilégiée ou à un domaine de pratique particulier, car ses principes sont applicables à tous et dans tous les milieux de soins. De plus, cette approche s’adresse même aux clients qui, ultimement, survivent à leur séjour à l’urgence ou à l’unité de soins intensifs, puisque plusieurs, principalement ceux atteints de maladies chroniques, devront vivre avec une réduction notable de leur qualité de vie et sont susceptibles de nécessiter de nouveau des soins urgents ou critiques.

10.2.3

Modèles de prestation des soins

Des chercheurs canadiens ont dégagé quatre éléments essentiels soutenant les meilleures pratiques en matière de soins en n de vie : 1) l’universalité ; 2) la coordination des soins ; 3) l’accès à un vaste éventail de soins de base et spécialisés ; 4) l’assurance de services de n de vie peu importe où les soins sont prodigués (Wilson, Birch, Sheps et al., 2008). De nombreuses interventions visant à intégrer les soins palliatifs à l’unité de soins intensifs ont été développées et implantées, et la majorité des chercheurs sont d’avis que la stratégie la plus prometteuse, et souvent la plus efcace pour changer la pratique, repose sur le développement, l’implantation et l’évaluation d’interventions à multiples composantes et interdisciplinaires (Curtis & Shannon, 2006 ; Curtis, Ciechanowski, Downey et al., 2011 ; Lorenz, Lynn, Dy et al., 2008). Leurs études peuvent être résumées par l’un des deux modèles présentés à la FIGURE 10.4 (Nelson, Baskett, Boss et al., 2010b). Le premier modèle est consultatif et offre les avantages d’avoir recours à l’équipe d’experts qui se joint à l’équipe des soins intensifs pour guider la pratique. Ce modèle semble principalement retenu lorsque l’intervention s’adresse à une clientèle à risque de décès élevé et correspond aux critères de déclenchement classiques de consultation en soins palliatifs. Le modèle consultatif est susceptible d’améliorer la qualité de la n de vie, d’accroître la rédaction de directives anticipées et l’utilisation des services de soins palliatifs, de diminuer la durée du séjour et

surtout de réduire la période entre la détermination du pronostic et la mise en place de soins de confort, évitant ainsi de prolonger le processus de la mort par le retrait de ressources technoscientiques non bénéques. Toutefois, en plus d’exiger une augmentation importante des ressources, ce modèle nécessite une profonde connaissance et un respect de la culture des soins critiques an de promouvoir la collaboration entre les différents professionnels de la santé. Le second modèle propose plutôt d’intégrer les principes et la philosophie des soins palliatifs dans l’équipe de soins intensifs elle-même, et ce, pour l’ensemble des clients. Ce modèle reconnaît l’importance de rehausser la qualité de la pratique au sein de l’équipe de l’unité de soins intensifs tout en maintenant le recours au service de soins palliatifs, au besoin. Ce modèle serait susceptible d’être plus efcace pour surmonter les obstacles organisationnels et culturels locaux (Adolph, Frier, Stawicki et al., 2011 ; Nelson et al., 2010b ; Sinuff, Cook, Giacomini et al., 2007). Toutefois, le succès de ce modèle dépend hautement de la motivation et de l’engagement de l’équipe et des dirigeants, et il nécessite un changement progressif de la culture des soins intensifs ainsi qu’une solide formation. En contexte d’urgence, trois programmes sont proposés an d’optimiser la prestation de soins palliatifs. Le premier correspond au modèle consultatif classique. Le second modèle propose des services palliatifs entrepris par des intervenants formés en soins palliatifs communément appelés champions locaux. Enn, le troisième vise à rehausser activement le partenariat urgence-soins palliatifs an d’accélérer la reconnaissance et le transfert de clients en phase terminale dans des unités dédiées (Grudzen, Hwang, Cohen et al., 2012).

10

FIGURE 10.4

Modèles structurant les interventions de soins palliatifs à l’unité de soins intensifs. A Modèle consultatif. B Modèle intégratif.

Chapitre 10

Soins palliatifs et de n de vie

189

10.3

Expériences de n de vie

L’exploration de l’expérience vécue par les principaux bénéciaires de soins revêt un intérêt inestimable pour répondre aux besoins des clients et des familles. L’inrmière, au cœur des soins, peut ainsi améliorer sa pratique en s’inspirant des suggestions exprimées par les clients et leurs proches. Par ailleurs, les interventions facilitant les soins palliatifs à l’unité de soins intensifs selon une perspective inrmière soulèvent d’importantes pistes de réexion pour rehausser les soins au client et à ses proches.

10.3.1

Perspective des clients

La perspective des personnes en soins palliatifs et en n de vie a longtemps été écartée de la recherche an de prévenir le stress potentiel que celle-ci risquait de causer chez les clients, des difcultés de recrutement et de l’attrition ainsi que d’importants enjeux éthiques et moraux. Cependant, de plus en plus de chercheurs reconnaissent que la perspective des clients est centrale au développement du savoir (Emmanuel, Fairclough, Wolfe et al., 2004 ; Hopkinson, Wright & Corner 2005 ; Janssen & MacLeod, 2010). Ils estiment qu’exclure les clients de la recherche est injustié et les prive de faire entendre leur voix, alors que cela pourrait signicativement guider et améliorer l’approche des soignants. Quatre motivations différentes semblent inciter les clients et leurs proches à participer à la recherche : 1) l’altruisme ; 2) la gratitude et la préoccupation concernant les soins ; 3) l’opportunité d’avoir quelqu’un à qui parler ; 4) la possibilité d’avoir accès à l’information ou à des services supplémentaires (Gysels Shipman & Higginson, 2008). Les clients atteints de cancer auraient tendance à décliner davantage l’invitation de participer à la recherche que les clients issus des autres trajectoires (Gysels et al., 2008). De fait, les clients atteints de maladies chroniques autres que le cancer expriment de nombreuses préoccupations et besoins cliniques non satisfaits et réclament, eux aussi, l’accès aux soins palliatifs (Fitzsimons, Mulan, Wilson et al., 2007 ; Ivany & While, 2013). Une étude qualitative, réalisée auprès des clients eux-mêmes et de leurs proches, révèle que les constituants essentiels d’une pratique optimale de soins palliatifs à l’unité de soins intensifs sont : 1) une communication claire, imprégnée de compassion et en temps opportun ; 2) une prise de décision clinique axée sur les préférences, les objectifs et les valeurs des clients ; 3) des soins visant le confort et la dignité ; 4) des soins offrant à la famille l’accès à leur proche malade et la proximité avec lui ; 5) un soutien interdisciplinaire et des soins aux familles endeuillées (Nelson, Puntillo, Pronovost et al., 2010c).

10.3.2

Perspective des proches

L’expérience des familles endeuillées à la suite du décès d’un proche à l’unité de soins intensifs a fait

190

Partie 1

Fondements généraux

l’objet de nombreuses études (Eggenberger & Nelms, 2007 ; Nelson et al., 2010c ; Workman & Mann, 2007). Il est essentiel pour les proches d’être clairement informés, d’être préparés adéquatement, d’être assurés de la gestion optimale des symptômes, d’éviter de prolonger inutilement le processus conduisant à la mort, de préserver la dignité et de pouvoir renforcer les liens familiaux. Selon Hebert et ses collaborateurs (2006), la préparation au décès d’un proche est un construit complexe et multidimensionnel nécessitant une communication ouverte, régulière et personnalisée avec le client et ses proches. La qualité de la communication serait donc un déterminant majeur de la préparation des familles. D’autres études ont également démontré que les familles de clients atteints de maladie en phase terminale ont un large éventail de questions de nature médicale, psychosociale, religieuse ou spirituelle et pratique. Les familles expriment clairement le besoin d’être informées bien au-delà du pronostic an de se préparer cognitivement et émotivement à la mort de leur proche (Apatira et al., 2008 ; Gerstel et al., 2008 ; Hebert, Schulz, Copeland et al., 2008). La plupart des proches insistent sur l’importance d’une information communiquée au bon moment, avec doigté, humanisme et sensibilité, en plus d’être complète, claire, véridique et sans ambiguïté. La satisfaction (quantitative et qualitative) des familles à l’égard du processus de soins à l’unité de soins intensifs est de plus en plus acceptée comme un indicateur de la qualité des soins dans les écrits scientiques et témoignerait même de la qualité organisationnelle et de la sécurité des clients (Dodek, Wong, Heyland et al., 2012 ; Schleyer & Curtis, 2013). Il importe toutefois de reconnaître que le degré de satisfaction des familles peut être inuencé par plusieurs facteurs, notamment la gravité de la condition de leur proche, la durée de séjour, leurs attentes et la qualité de la communication. Bien que la majorité des inrmières semblent favorables à la participation de la famille aux soins de leurs proches en n de vie (AACN, 2012 ; Bloom Gustavsson & Sundler, 2013), les multiples rôles informels, complexes et dynamiques qu’elle exerce en soins critiques seraient peu reconnus et insufsamment valorisés, selon les familles (Blom et al., 2013 ; McAdam, Arai & Puntillo, 2008 ; Quinn, Schmitt, Baggs et al., 2012). Enn, le besoin d’améliorer le suivi des familles endeuillées a également été soulevé par plusieurs (Fridh, Frosberg & Bergbom, 2007 ; Fridh et al., 2009 ; Workman & Mann, 2007). Ainsi, une visite de suivi à l’unité de soins intensifs après le décès d’un proche offre aux familles l’occasion de s’exprimer, de se réconcilier et les soulage du sentiment de culpabilité.

10.3.3

Perspective des inrmières

Agir à titre d’intermédiaire entre le client, ses proches et le médecin fait assurément partie du quotidien de l’infirmière, et cette position centrale justifie la prise en compte de sa perspective sur le plan

thérapeutique. L’exploration de l’expérience des inrmières en soins critiques révèle que l’accompagnement des clients en n de vie gure parmi leurs responsabilités les plus complexes et les plus douloureuses. Elles se disent insufsamment préparées et déplorent de ne participer que rarement au processus décisionnel formel (Hov, Hedelin, & Athlin, 2006 ; Langlois, Dupuis, Truchon et al., 2009 ; McMillen, 2008). Par conséquent, la transition entre les soins curatifs et les soins palliatifs est souvent vécue comme une période ambiguë et angoissante, qui conduit fréquemment à des sentiments de frustration, de résignation, d’impuissance et même de détresse morale (Embriacco, Papazian, Kentish-Barnes et al., 2007 ; Gélinas, Fillion, Robitaille et al., 2012 ; Langlois et al., 2009 ; Poncet, Toullic, Papazian et al., 2007).

Les inrmières en soins critiques seraient d’ailleurs particulièrement vulnérables à l’épuisement professionnel et à la fatigue de compassion (Epp, 2012 ; Sabo, 2011). Elles utilisent une variété de stratégies d’adaptation cognitives, affectives et comportementales pour faire face à ces situations (Badger, 2005). Les principales conditions facilitant les soins palliatifs à l’unité de soins intensifs ont été relevées selon la perspective des inrmières. Une étude phénoménologique réalisée en contexte québécois corrobore les résultats de nombreuses recherches nationales et internationales antérieures et démontre qu’à travers plusieurs gestes de caring, les bons soins palliatifs à l’unité de soins intensifs se manifestent par la considération des six dimensions de la personne (Guay, Michaud & Mathieu, 2011) TABLEAU 10.2.

10

Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 10.2

Intervenir auprès du client en n de vie

DIMENSION ET THÈME

DÉFINITION

INTERVENTIONS

Physique : c’est important que mon client soit beau !

Cette dimension porte sur deux aspects : tout ce qui a trait au corps de la personne, affecte l’être entier ; il est nécessaire de maintenir le statut humain au-delà des fonctions purement physiologiques.

• Se soucier de l’apparence physique. • Maintenir les soins de base et d’hygiène (bain au lit, lavement des cheveux, soins de bouche, application de crème protectrice). • Assurer le confort (positionnement, changement de literie). • Minimiser la souffrance. • Soulager la douleur et les autres symptômes (anxiété et nausées). • Retirer ou maintenir certains dispositifs de maintien des fonctions vitales.

Relationnelle : place à la famille

Il s’agit de favoriser les contacts entre les personnes signicatives et son client.

• Valoriser la présence des personnes signicatives et honorer les liens. • Assouplir les règles relatives à la durée des visites et au nombre de visiteurs. • Reconnaître l’expertise des proches et rehausser leur contribution (attribution de petits rôles, permission d’apporter des objets personnels tels qu’une couverture ou une photographie). • Faciliter le contact et la proximité.

Psychologique : il s’agit d’une personne unique et d’un moment unique

L’unicité de la personne est la principale caractéristique de cette dimension et se reète, chez l’inrmière, par son attitude de respect envers la valeur de chaque être humain.

• Donner de petits soins au client et à ses proches. • Encourager le récit de la vie du client. • Regarder la réalité à travers la lunette du client (qualité de vie telle que dénie par la personne). • Savoir doser sa présence. • Ne jamais laisser un client mourir seul.

Morale : la dignité humaine ; la personne avant la technique

La personne humaine est un être moral et responsable de ses actions ; elle ne doit donc jamais être réduite à un objet ou utilisée en tant que simple moyen.

• • • • •

Sociale : des soins de santé pour tous, un but collectif

Chaque être humain fait partie d’une entité sociale, et offrir des soins de santé pour tous constitue un but collectif.

• Établir des priorités en tenant compte de la structure organisationnelle. • S’assurer que le client et sa famille ne se sentent pas abandonnés (surveillance régulière, fréquents contacts visuels et tournée par une collègue). • S’assurer du respect mutuel entre les clients et leurs familles.

Spirituelle : de quoi le client a-t-il besoin en ce moment ?

Souvent latente durant la vie active, la signication existentielle de la vie fait fréquemment surface en contexte de maladie, de douleur et de souffrance.

• Manifester une ouverture spirituelle (respect des religions et des croyances). • Offrir le service de pastorale. • Individualiser les soins (expériences, cheminement et signication de la mort).

Favoriser la participation du client et l’expression de ses volontés. Respecter ses valeurs (questions circulaires posées à la famille). S’adresser au client par son nom. Prévenir le client avant d’intervenir et préserver l’intimité. Prendre soin du client.

Source : Adapté de Guay et al. (2011) Chapitre 10

Soins palliatifs et de n de vie

191

3 Les directives préalables qui peuvent notamment prendre la forme d’un testament biologique (ou directives de n de vie) sont dénies plus en détail dans le cha­ pitre 3, Enjeux juridiques. 2 Le chapitre 2, Enjeux éthiques, dénit plus en détail le principe de bienfaisance.

Les conditions favorisant les soins palliatifs en soins critiques peuvent être subdivisées en trois principaux thèmes : 1) une vision commune ; 2) un processus de décision concerté ; 3) un environnement propice (Guay, Michaud & Mathieu, 2013). Le partage d’une vision commune nécessite l’adoption d’une philosophie d’équipe et la mise en place d’activités de formation et de soutien spéciquement adaptés au contexte de l’unité de soins intensifs. Pour sa part, la prise de décision informée et concertée exige que la clientèle susceptible de bénécier de soins palliatifs soit reconnue par l’équipe, que l’information soit transmise de la bonne façon, au bon moment, et que la décision considère la perspective de tous les acteurs impliqués. Enn, assouplir les modalités de fonctionnement de l’unité de soins en ajustant l’intensité des interventions et en adaptant les lieux physiques permet de créer un environnement propice à l’accompagnement de la clientèle en n de vie dans l’unité de soins intensifs.

10.4

Traitements médicaux et soins inrmiers

Les traitements médicaux et les soins inrmiers prodigués au client se déroulent dans un contexte d’accompagnement et se fondent sur le partenariat et la collaboration. Ils incluent la prise de décision partagée avec le client et ses proches, les soins de confort et le soutien de la famille en deuil.

10.4.1

Coordonner le processus décisionnel

La plupart des études portant sur les questionnements éthiques entourant la n de vie en soins critiques font état d’ambiguïté, de confusion et même de conits entre les membres de l’équipe ou entre l’équipe et les clients et leurs proches (Çobano˘glu & Algier, 2004 ; Coombs et al., 2012 ; Hamric & Blackhall, 2007). Communément appelée la zone grise, cette phase dans laquelle se situe la majorité des clients en soins critiques est dénie comme une période d’incertitude et d’ambiguïté et est fréquemment vécue comme une source d’inconfort par l’équipe (Brewer, 2008).

Principes éthiques et légaux Les principes éthiques à eux seuls sont insufsants pour guider la conduite thérapeutique dans un contexte de n de vie en soins critiques, car chaque situation est unique. Ils offrent tout de même d’intéressants repères moraux, incluant l’autonomie du client, la bienfaisance, la non-malfaisance et la justice (Saint-Arnaud, 2009). Le principe d’autonomie, intimement lié à celui de l’autodétermination, est fondé sur le caractère rationnel de la personne à faire ses propres choix. Le

192

Partie 1

Fondements généraux

respect de ce principe représente un important dé en soins critiques puisque la capacité de nombreux clients à participer activement à la décision est fréquemment limitée, et peu d’entre eux rédigent des directives anticipées ou désignent des décideurs substituts. L’ambiguïté et l’incompréhension des termes médicaux, l’incertitude pronostique, ainsi que les différences culturelles seraient parmi les principaux facteurs inuençant la rédaction, ou non, de directives anticipées (Camhi, Mercado, Morrison et al., 2009 ; Gordy & Klein, 2011 ; Gutierrez, 2012 ; Johnson, Zhao, Newby et al., 2012 ; Thorevska, Tilluckdharry, Tickoo et al., 2005) 3 . Le principe de bienfaisance renvoie au devoir d’agir pour le bien-être et dans le « meilleur intérêt » (best interest) du client 2 . Ce principe prescrit aux professionnels de la santé de considérer non seulement les indications médicales, mais également la qualité de vie telle que dénie par la personne. En soins critiques, la responsabilité de représenter les valeurs du client incombe généralement à la famille, et l’argument du « meilleur intérêt » doit prévaloir dans le choix des options thérapeutiques. Si la notion de « meilleur intérêt » était traditionnellement définie par le médecin, les principes qui soustendent les soins palliatifs réclament que cette décision s’appuie sur la judicieuse évaluation des inconvénients et des bénéces à la lumière des valeurs du client ou de son représentant. Le principe de non-malfaisance désigne le devoir de ne pas causer de tort, et il prescrit de s’abstenir de poser tout acte qui pourrait nuire au client, et ce, tant sur les plans physique et psychologique que spirituel et social. Ce principe nécessite de connaître les volontés de la personne et sa dénition individuelle de la qualité de vie. Par son rôle d’« avocate » et grâce à un contact continu avec le client, ses proches et l’équipe de soins, l’inrmière occupe une place privilégiée. Ainsi, elle peut activement soutenir le représentant du client et permettre de transformer un espoir de guérison en celui d’une mort digne et sans souffrance. Enn, le principe de justice fait référence au devoir de traiter tous les clients équitablement en considérant l’utilisation raisonnable des ressources. Ce principe est respecté lorsque toute personne susceptible de bénécier d’un traitement y a accès. Toutefois, les possibilités sans cesse croissantes qu’offre la médecine technoscientique peuvent entretenir la croyance que les soins intensifs peuvent et doivent tout faire. Cette exigence a été analysée an d’en comprendre les diverses signications (Quill, Arnold & Back, 2009). Pour certains clients et leurs proches, il peut s’agir de recourir à l’ensemble des traitements curatifs possibles même lorsque l’espoir d’amélioration est minime. Pour d’autres, il peut être question d’optimiser le soulagement et la qualité de vie, et ce, même si les traitements curatifs ont un impact sur la survie.

Les désaccords à l’égard du concept de futilité des soins à l’unité de soins intensifs sont fréquents (Cosgrove, Nesbitta & Bartley, 2006 ; Langlois et al., 2009 ; Robichaux & Clark, 2006). À l’occasion d’une enquête réalisée dans 157 unités de soins intensifs canadiennes, auprès de médecins et d’inrmières, la très grande majorité des répondants a rapporté avoir prodigué des soins jugés futiles l’année précédente (Palda, Bowman, McLean et al., 2005). Les demandes de la famille et l’incertitude pronostique gurent parmi les principales raisons de maintenir parfois des interventions jugées médicalement déraisonnables. L’idée que la mort d’un client constitue un échec thérapeutique, quant à elle, se situe au premier rang des justications. L’utilisation de dispositifs technologiques par le simple fait qu’ils existent, communément appelée impératif technologique, risque d’ouvrir la porte à l’abus de traitements ou à l’acharnement thérapeutique. Pour les inrmières de cinq unités de soins intensifs québécoises, les interventions médicales jugées d’intensité disproportionnée par rapport aux bénéces escomptés pour le client correspondent à la définition d’un acharnement thérapeutique (Langlois et al., 2009). L’étude de Langlois et de ses collaborateurs (2009) explique comment sont vécus les dilemmes éthiques opposant le respect de la dignité du client et la culture organisationnelle des soins intensifs. À l’opposé, l’euthanasie est le décès accéléré par l’administration d’une dose létale de médicaments, tandis que l’interruption de traitement correspond à l’administration de médicaments (sédatifs ou analgésiques opioïdes) pour minimiser la souffrance du client au moment de l’arrêt d’un traitement de maintien des fonctions vitales.

Discussions sur le pronostic Il est généralement recommandé d’entreprendre, dès le début de la maladie, des discussions sur le pronostic et sur l’orientation thérapeutique avec le client atteint d’une maladie chronique potentiellement fatale. Cependant, les occasions d’ouvrir le dialogue demeurent limitées dans la pratique, et les échanges sont rarement entrepris avant un épisode aigu (Camhi et al., 2009 ; Fitzimons et al., 2007 ; Janssen, Engelberg, Wouters et al., 2012 ; Rady & Johnson, 2004). Il existe un consensus quant aux situations qui exigent d’amorcer les discussions sur le pronostic sans délai. C’est le cas, par exemple, lorsque l’équipe soignante anticipe un décès ou est en présence de mort imminente, lorsque le client aborde lui-même le sujet ou demande de recevoir des soins de confort (McPhee, Winker, Rabow et al., 2011). Étant donné que les traitements entrepris à l’urgence inuencent signicativement l’orientation thérapeutique du client et sa trajectoire de soins, l’urgence pourrait être l’endroit idéal pour amorcer les discussions relatives aux volontés de la personne, explorer les options thérapeutiques, réévaluer l’orientation et

intégrer l’approche palliative (Lamba, Nagurka, Murano et al., 2012). Les malaises associés aux discussions portant sur le pronostic et les craintes d’éteindre l’espoir sont de fréquentes raisons évoquées par les professionnels de la santé pour justier leur report (Schenker, Tiver, Hong et al., 2012). Cependant, le fait d’éviter les discussions et de ne pas dévoiler le pronostic aux familles de clients gravement malades peut être considéré par ces dernières comme des moyens inacceptables de préserver l’espoir (Apatira et al., 2008). Les familles, se tournant vers les professionnels de la santé pour obtenir l’heure juste, croient au contraire que ces derniers sont tenus de discuter du pronostic. La compréhension de celui-ci permet justement aux proches de se préparer et de se soutenir mutuellement. Les professionnels de la santé auraient tendance à sous-estimer le besoin d’information et à surestimer la compréhension des clients (Hancock, Clayton, Parker et al., 2007). En réalité, les clients se souviendraient de moins de la moitié de l’information reçue en raison du stress, de la terminologie utilisée ou par mécanisme de protection. L’infirmière, par ses contacts fréquents avec le client, est dans une position idéale pour vulgariser l’information, réexpliquer le pronostic et vérier la compréhension du client et de ses proches. De plus, il importe de noter que la quantité d’information souhaitée par les clients et leurs familles peut varier considérablement et que plusieurs facteurs inuent sur leurs préférences durant la phase aiguë de la maladie (Frost, Cook, Heyland et al., 2011 ; Momen et al., 2012). Puisque la capacité cognitive du client à participer activement au processus décisionnel est fréquemment compromise à l’unité de soins intensifs (Silveira, Kim & Langa, 2010), ses proches sont fréquemment sollicités pour clarier ses volontés et participer au processus décisionnel menant au maintien ou à la limitation des traitements à visée curative. Or, la prise de décision à la place d’un proche est une tâche complexe et hautement émotive pour les familles, et plusieurs souhaitent plus de recommandations de la part du médecin (Nelson, Boss, Brasel et al., 2010a). Les écrits scientiques indiquent également une importante variabilité quant au degré d’implication souhaité par les familles dans le processus décisionnel à l’unité de soins intensifs. Le modèle de décision partagée semble être de plus en plus privilégié (Browning, 2009 ; White, Braddock, Bereknyei et al., 2007). Cependant, l’ambiguïté relative aux rôles formels et informels des décideurs substituts ainsi que les impacts émotifs et personnels liés à ces rôles demeurent d’importantes sources d’anxiété pour ces derniers (Azoulay, Pochard, Chevret et al., 2004 ; Quinn et al., 2012). De plus, la justesse des prédictions exprimées par les proches au sujet des préférences du client varie considérablement au sein d’une même famille (Heyland, Rocker, O’Callaghan

Chapitre 10

Soins palliatifs et de n de vie

10

193

et al., 2003 ; Marks & Arkes, 2008 ; Mularski, Curtis, Osborne et al., 2004). Les discussions tardives, les difcultés de communication et le processus de décision accéléré seraient associés au développement de symptômes de stress, d’anxiété et de dépression et même de stress post-traumatique chez les proches endeuillés (Anderson, Arnold, Angus et al., 2009 ; Davidson, Jones & Bienvenu, 2012 ; Gries, Engelberg, Kross et al., 2010 ; McAdam & Puntillo, 2009). Plusieurs stratégies peuvent réduire ces symptômes : 1) instaurer un mode de communication proactif ; 2) distribuer de la documentation et des feuillets d’information ; 3) mettre en place des modalités de communication interdisciplinaire ; 4) élargir les périodes de visite ; 5) faire appel à une inrmièrepivot ; 6) procéder à un dépistage psychologique (Schmidt & Azoulay, 2012).

Rencontres familiales Les rencontres familiales constituent un moment privilégié pour aborder les discussions relatives à l’intensité de l’orientation thérapeutique, pour fournir du soutien et pour promouvoir le processus de décision partagé (Azoulay et al., 2004 ; Cypress, 2011 ; White et al., 2007). Toutefois, Curtis et ses collaborateurs (2005) révèlent que la possibilité d’écouter la famille et de lui répondre, de reconnaître les émotions et d’aborder les principes clés de l’éthique médicale et des soins palliatifs, y compris l’exploration des préférences du client, gurent parmi les principales opportunités manquées au cours de ces rencontres à l’unité de soins intensifs. De leur côté, McDonagh et ses collaborateurs (2004) rapportent que la durée moyenne des rencontres familiales est de 30 minutes, mais que les familles bénécient seulement de 30 % de ce temps pour s’exprimer. Dans cette étude, l’augmentation du temps de parole accordé à la famille a été signicativement associée à la satisfaction des proches et à la réduction des conits. Ainsi, de nombreuses initiatives et recommandations visant à améliorer la structure et le déroulement des rencontres familiales ont été émises (Curtis & White, 2008 ; Gay, Pronovost, Bassett et al., 2009 ; Nelson, Walker, Luhrs et al., 2009). De manière générale, il est recommandé qu’une première rencontre proactive et interdisciplinaire soit planiée et ait lieu dans les 24 à 48 heures après l’admission du client aux soins intensifs. Par la suite, l’évolution de son état devrait guider la fréquence des rencontres. Si la présence du médecin responsable et de l’inrmière pendant les rencontres familiales semble faire consensus dans les écrits, plusieurs suggèrent également d’inclure un travailleur social et un intervenant spirituel. Le fait d’écouter l’information transmise par le médecin et d’être témoin des réactions de chaque membre de la famille guide, par la suite, les interventions de l’inrmière et des soignants, leur permettant d’offrir un meilleur accompagnement. Toutefois, l’implication formelle de

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Partie 1

Fondements généraux

l’inrmière n’a été observée que dans 25 % des rencontres familiales dans l’étude de Bloomer et de ses collaborateurs (2013). Le rehaussement du leadership de l’inrmière gure parmi les principales recommandations quant aux rencontres familiales (Krimshtein, Luhrs, Puntillo et al., 2011 ; Martin & Koesel, 2010 ; Nelson, Cortez, Curtis et al., 2011). Plusieurs interventions peuvent lui permettre d’en structurer le contenu et de rehausser sa contribution aux rencontres familiales TABLEAU 10.3. Enn, le manque de documentation résumant les communications, décisions et rencontres familiales représente un obstacle majeur à la continuité des soins. La gestion des symptômes, incluant l’évaluation de la douleur, semble être la plus documentée (Bloomer et al., 2013). Le processus décisionnel et le soutien émotionnel et spirituel devraient également être consignés (Clarke, Luce, Curtis et al., 2004). D’intéressants outils de documentation systématique des rencontres familiales ont été élaborés an d’uniformiser la documentation et d’assurer le suivi.

Niveaux de soins Au Québec, chaque établissement de santé utilise les niveaux de soins comme moyen de dénir les objectifs et les orientations thérapeutiques pour un client. Pour ce faire, l’Agence de la santé et des services sociaux de la Capitale-Nationale (2012) propose un cadre de référence ainsi qu’une échelle à trois niveaux. L’objectif est d’harmoniser la détermination de l’intensité des soins, et ce, dans un contexte de communication et de prise de décision partagée TABLEAU 10.4. La détermination du niveau de soins est un processus de décision complexe nécessitant réexion et discussions entre le client, ses proches et les professionnels de la santé. L’Agence de la santé et des services sociaux de la Capitale-Nationale (2012) recommande une rigoureuse évaluation de la condition médicale en matière de morbidité, de réversibilité et d’incidence sur la qualité de vie ultérieure. Le niveau retenu doit être proportionné à l’état clinique du client et respecter les restrictions que celui-ci exprime (p. ex., le refus du respirateur). De plus, les notes au dossier doivent reéter le contenu des discussions et des décisions prises par le client ou son représentant concernant l’intensité de soins souhaitée. Enn, l’information jugée pertinente concernant le niveau de soins ou les limites et les raisons principales qui les motivent devront être clairement communiquées au milieu d’accueil, et ce, quel que soit le niveau. Le niveau de soins devrait donc être rapidement établi par le médecin traitant pour tout client atteint d’une maladie aiguë ou chronique associée à un risque élevé de détérioration et de complications majeures, mais aussi pour les clients âgés fragiles présentant un état de santé précaire, les clients en soins palliatifs ainsi que les clients atteints de décits

Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 10.3

Structurer les rencontres avec le client et ses proches

ÉTAPE

INTERVENTIONS

Avant la rencontre Préparation préalable

• • • • •

Réviser le dossier du client (diagnostic, traitements, évolution et pronostic). Prendre connaissance de la dynamique familiale et des réactions antérieures (p. ex., par un génogramme, une écocarte). Convenir, avec la famille, des membres qui seront présents à la rencontre. Inviter les proches à se préparer à la rencontre en leur remettant un guide préparatoire ou en les invitant à formuler leurs questions. Choisir un endroit calme et privé.

10

Pendant la rencontre Présentation des objectifs

• • • •

Présenter toutes les personnes présentes, préciser leur rôle au sein de l’équipe et favoriser un climat d’échange. Convenir des objectifs précis de la rencontre. Préciser le temps alloué. Explorer les attentes, préoccupations, questions et sentiments.

Analyse de la situation

• • • •

Explorer la compréhension de la famille à l’égard de la situation actuelle. Dresser un portrait évolutif de la situation (éviter le jargon médical). Discuter franchement du diagnostic et du pronostic tout en reconnaissant l’incertitude de ce dernier. Observer les interactions et le langage non verbal.

Prise de décision partagée

• • • • •

Conclusion

• • • • •

Conclure la rencontre par un énoncé de la compréhension commune de la situation. Résumer le plan thérapeutique et les recommandations. Offrir l’occasion de poser des questions. Convenir d’une personne-ressource et des modalités de communication pour le suivi. Remettre de la documentation si possible (p. ex., un feuillet d’information).

• • • • • •

Faire un retour sur la rencontre avec les membres présents et offrir écoute et disponibilité. Compléter ou corriger l’information au besoin. Documenter la décision et la réaction des membres de la famille. Ajuster les directives au plan thérapeutique inrmier. Promouvoir accès, proximité et soutien à la famille au chevet du client. Préparer la famille en anticipant et en expliquant concrètement les manifestations et le processus menant au décès.

Revoir le principe de la substitution de jugement et poser la question : Que souhaiterait votre proche s’il pouvait participer à la décision ? Accueillir les questions et y répondre. Soutenir la décision de la famille. Nourrir un espoir réaliste : envisager de réorienter l’espoir vers une mort digne et confortable au besoin. Rassurer la famille et expliciter que les soins seront maintenus après la décision de limiter les traitements (le cas échéant), incluant la gestion optimale des symptômes. • S’assurer de leur compréhension en leur demandant de résumer l’information dans leurs mots. • Reconnaître et encourager l’expression des émotions. • Tolérer le silence.

Après la rencontre Ouverture

Sources : Adapté de Curtis & White, 2008 ; Gay et al. (2009) ; Lautrette, Ciroldi, Ksibi et al. (2006) ; Nelson et al. (2009)

cognitifs. Toutefois, les modalités pour établir les niveaux de soins dans les milieux cliniques sont très variables. Plusieurs médecins négligent d’entreprendre les discussions, alors que d’autres éprouvent de la difculté à se conformer au niveau établi (Burkle, Mueller, Swetz et al., 2012). La planification préalable des soins est une démarche de réexion qui permet à une personne

apte de communiquer ses volontés quant à ses soins de santé ultérieurs, et ce, dans l’éventualité où sa capacité à consentir serait altérée. L’ordonnance de non-réanimation, par exemple, peut faire partie de la planication préalable des soins, mais celle-ci requiert une réexion plus large en intégrant les discussions avec des proches et amis, des professionnels de la santé ou des avocats (Association canadienne Chapitre 10

Soins palliatifs et de n de vie

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Interventions interdisciplinaires TABLEAU 10.4

Cadre de référence pour déterminer l’intensité des soins

OBJECTIFS POURSUIVIS

INTERVENTIONS POSSIBLES

Niveau 1 : soins curatifs optimaux • Maintien de toute fonction altérée par tout moyen possible • Recherche de la guérison par tout moyen jugé adéquat selon les standards optimaux de pratique

• • • •

Admission aux soins intensifs Manœuvres de débrillation ou d’intubation Examens paracliniques ou thérapeutiques possiblement effractifs Réanimation cardiorespiratoire non nécessairement incluse

Niveau 2 : soins curatifs limités • Correction de toute détérioration possiblement réversible par des moyens proportionnés et limités

• Toute intervention diagnostique et thérapeutique disponible et raisonnable selon le pronostic de récupération et les limites, et ce, an de prévenir une détérioration, de maintenir la condition du client ou de la ramener à ce qu’elle était avant la survenue d’un épisode aigu • Interventions inrmières (p. ex., le fait de poser des questions circulaires ou hypothétiques) visant à clarier et à dénir les moyens raisonnables et la qualité de vie selon le client et ses proches • Niveau cliniquement ambigu, car sujet à interprétation selon le contexte et les personnes

Niveau 3 : soins de confort • Soulagement des symptômes et bien-être global sans viser la guérison ni la survie

• Interventions visant à obtenir la meilleure qualité de vie possible pour le client compte tenu du pronostic vital • Interventions inrmières telles que la gestion optimale des symptômes, le positionnement adapté, les soins buccodentaires ou cutanés • Interventions possiblement effractives (p. ex., la ponction d’ascite)

Source : Adapté de Agence de la santé et des services sociaux de la Capitale-Nationale (2012)

de soins palliatifs [ACSP], 2010). Selon la Société royale du Canada, la planication préalable des soins peut être transmise de deux façons : par des instructions ou par des procurations (SRC, 2011). Les instructions offrent de l’information susceptible d’orienter les décisions et comprennent les valeurs et les préférences du client établies selon les divers scénarios, mais sans s’y limiter. Les procurations désignent les personnes qui seront habilitées à prendre des décisions au nom du client dans l’éventualité où la capacité de ce dernier serait compromise. Selon une étude réalisée auprès de clients atteints de conditions chroniques, cette seconde option proposant un processus de discussion régulier serait plus utile que le fait de prendre position sur des décisions anticipées plus contraignantes (MacPherson, Walshe, O’Donnell et al., 2012).

Réanimation cardiorespiratoire La réanimation cardiorespiratoire (RCR) vise essentiellement à rétablir la dynamique circulatoire et respiratoire dans le cas d’un arrêt soudain et inattendu. Les données épidémiologiques relatives aux taux de survie des clients à la suite d’une RCR sont assez variables. Plusieurs facteurs inuent sur les résultats, notamment l’endroit et le moment de l’arrêt, le délai d’intervention, l’accès ou non à un débrillateur, l’âge de la personne et les comorbidités.

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Partie 1

Fondements généraux

En centre hospitalier, les chances de survie suivant un arrêt cardiorespiratoire seraient de l’ordre de 15 à 20 % (Sandroni, Nolan, Cavallaro et al., 2007). Plus précisément, un adulte sur six recevant une RCR à l’unité de soins intensifs survit jusqu’à son congé du centre hospitalier, mais seulement 3,3 % de ces clients retournent à la maison sans dépendance fonctionnelle (Gershengorn, Li, Kramer et al., 2012). L’ordonnance de ne pas réanimer, conçue pour guider et faciliter les interventions chez les clients atteints de malades terminales et incurables, a subi une importante transformation depuis 2005. En effet, l’American Heart Association recommande désormais de parler de ne pas tenter de réanimation (do not attempt resuscitation [DNAR]), plutôt que d’employer l’expression traditionnelle « ne pas réanimer » (do not resuscitate [DNR]). Cette nuance est importante, car elle suggère que des manœuvres de réanimation peuvent être entreprises sans toutefois donner l’assurance que les efforts conduiront à un résultat favorable (Breault et al., 2011). Le fait de permettre une mort naturelle (allow natural death [AND]) est également un concept essentiel, traduisant clairement que les manœuvres non souhaitées ou les interventions médicalement non indiquées ne seront pas entreprises, contribuant ainsi à rendre la mort plus naturelle en soins critiques. Bien entendu, les soins prodigués aux clients, les traitements

destinés à pallier les principaux symptômes ainsi que la relation thérapeutique seront maintenus après l’ordonnance de non-réanimation (Brewer, 2008 ; Fields, 2007). La question de la présence des familles pendant les manœuvres de réanimation en soins critiques suscite également l’intérêt de plusieurs chercheurs. La majorité des clients adultes et leurs familles souhaitent la présence d’un proche pendant la réanimation (Mortelmans, Broeckhoven, Van Boxstael et al., 2010). Cependant, la position des intervenants varie considérablement en raison de la perception des risques et des bénéces de cette pratique (Norton et al., 2011 ; Porter, Cooper & Sellick, 2013 ; Twibell, Siela, Riwitis et al., 2008). Ainsi, les professionnels favorables à la présence des familles évoquent l’importance pour les proches d’être témoins des efforts déployés et estiment que cette stratégie facilite le processus de deuil (Demir, 2008 ; Fallis, McClemen & Pereira, 2008 ; Leung & Chow, 2012). Ces études soulèvent toutefois l’importance de bien former les équipes et d’offrir un accompagnement, un soutien et un suivi aux familles. Cette position est d’ailleurs celle des principales associations professionnelles en soins critiques (Canadian Association of Critical Care Nurses [CACCN], 2005 ; Emergency Nurses Association [ENA], 2009). Inversement, les professionnels de la santé émettant des réserves à l’égard de cette pratique soulèvent que la présence des familles risque d’interférer avec les soins en plus de possiblement leur causer un traumatisme et du stress supplémentaire (Ganz & Yoffe, 2012 ; McClement Fallis, & Pereira, 2009). Les résultats d’une étude randomisée révèlent que l’opportunité pour les proches d’être témoins des manœuvres de réanimation a conduit à une réduction importante de leurs symptômes psychologiques (d’anxiété et de dépression). De plus, l’étude démontre que leur présence n’interfère pas avec les soins et a peu d’inuence sur le niveau de stress émotionnel de l’équipe (Jabre, Belpomme, Azoulay et al., 2013). En situation de réanimation pédiatrique, la position des soignants à l’égard de la présence des parents est plutôt consensuelle, et l’option d’assister aux manœuvres de réanimation semble généralement offerte aux parents. Les études explorant l’effet de leur présence démontrent également qu’accorder le choix aux familles facilite leur expérience (Dudley, Hansen, Furnival et al., 2009 ; Tinsley, Hill, Shah et al., 2008) et que cette pratique n’entraîne pas de souvenirs traumatiques chez les parents dans les trois mois suivant l’événement (Mangurten, Scott, Guzzetta et al., 2006).

Retrait de la ventilation mécanique Le décès suivant le retrait de la ventilation mécanique survient parfois très rapidement. En effet, plus de 90 % des clients décèdent dans les 24 heures consécutives au retrait de l’assistance ventilatoire, dont 50 % dans l’heure qui suit la procédure (Cooke et al., 2010).

La limitation de traitements consiste en l’abstention ou en l’interruption des traitements. L’abstention consiste à ne pas amorcer ni augmenter un traitement susceptible de maintenir un client en vie, alors que l’interruption est la cessation d’un traitement qui maintenait un client en vie (p. ex., la ventilation mécanique) (SRC, 2011). La distinction entre ces deux formes de limitation demeure un enjeu considérable en soins critiques et même si l’abstention semble émotionnellement plus facile à accepter pour les soignants et les familles qu’un retrait du soutien, l’équivalence éthique entre ces deux options semble de plus en plus reconnue (Gedge, Giacomini & Cook, 2007). Le processus menant au retrait de la ventilation mécanique est complexe et tient compte de nombreux facteurs, notamment le pronostic du client, la réponse aux options thérapeutiques disponibles, les valeurs et les préférences des personnes ainsi que les croyances culturelles, philosophiques et religieuses. Des conits peuvent survenir au moment des discussions visant à prendre la décision de retirer la ventilation mécanique, et certains mythes semblent les alimenter. Par exemple, le retrait de la ventilation mécanique peut être perçu à tort comme une forme d’abandon. Les différentes manières (implicites et explicites) d’éviter l’abandon du client ont été conceptualisées par West et ses collaborateurs (2005). Celles exprimées par les familles sont au nombre de cinq : 1) veiller à la gestion optimale de la douleur et des souffrances du proche malade ; 2) être présentes au chevet du proche ; 3) garantir que les préférences du proche sont respectées ; 4) avoir l’assurance que toutes les options possibles pour guérir le proche ont été tentées ; 5) permettre une mort naturelle ou un lâcher-prise. De leur côté, les soignants expriment que le client ne sera pas abandonné de trois façons : 1) en assurant un soulagement optimal de la souffrance ; 2) en permettant aux membres de la famille d’être présents au chevet du client ; 3) en offrant disponibilité et écoute aux clients et à leurs proches. Le fait que la douleur ou toute forme de souffrance (p. ex., la dyspnée, un bronchospasme, de l’anxiété) ne seront pas adéquatement atténuées si le soutien ventilatoire est retiré constitue une autre préoccupation importante. Kompanje et ses collaborateurs (2008) rappellent que les soignants ont une obligation morale et éthique d’anticiper et de traiter la douleur ou tout symptôme du client mourant et que la majorité des milieux adoptent des protocoles guidant le retrait de la ventilation mécanique (Curtis, 2005 ; Kirchhoff & Kowalkowski, 2010 ; Kompanje et al., 2008 ; Treece, Engelberg, Crowley et al., 2004 ; Wellesley & Jenkins, 2009). Une étude portant sur la durée du processus de retrait de la ventilation mécanique révèle que la majorité des familles (95,2 %) a bénécié de rencontres familiales durant la dernière semaine de vie de leur proche et que les proches ont besoin de Chapitre 10

Soins palliatifs et de n de vie

10

197

temps pour passer d’une situation de soutien complet nourrissant l’espoir à une situation de n de vie, particulièrement auprès de clients ayant séjourné plusieurs jours aux soins intensifs. Miser sur une meilleure préparation plutôt que d’encourager un processus plus long devrait contribuer à l’amélioration de la satisfaction des familles (Gerstel et al., 2008).

10.4.2

Soulager les symptômes

En dépit de sa fréquence, la gestion des symptômes des clients en phase terminale à l’urgence ou aux soins intensifs est fréquemment qualiée de sousoptimale par les familles et les soignants (Mularski et al., 2009 ; Nelson & Hope, 2012 ; Puntillo, Arai, Cohen et al., 2010). Les symptômes physiques et psychologiques qui accompagnent la n de vie sont généralement multifactoriels, interreliés et hautement individuels. Les difcultés associées à la gestion optimale des symptômes pulmonaires et gastro-intestinaux ainsi que les douleurs et la fatigue seraient parmi les principaux motifs de consultation à l’urgence au cours des dernières semaines précédant le décès (Barbera, Taylor & Dudgeon, 2010 ; Grundzen, Richardson, Morrison et al., 2010 ; Hjermstad, Kolaath, Løkken et al., 2013 ; Smith, Schonberg, Fisher et al., 2010). Le processus psychologique et spirituel, qui accompagne inévitablement la n de vie, échappe parfois aux soignants des soins critiques. Pourtant, des symptômes tels que l’anxiété et le délirium inuencent le seuil de tolérance à l’inconfort physique et nécessitent d’être soulagés. Une approche individualisée, basée sur une évaluation interdisciplinaire rigoureuse et continue des symptômes plutôt que sur le pronostic, constitue le meilleur moyen de soulager les symptômes, un besoin largement exprimé par les clients et leurs familles (Gadoud, Jenkins & Hogg, 2013). Il importe donc de reconnaître que chaque symptôme, tout comme la douleur, est tel que le client le décrit. Puisque la capacité des clients à l’unité de soins intensifs de rapporter leurs propres symptômes est fréquemment compromise, la compétence évaluative de l’inrmière s’avère déterminante. L’évaluation de la douleur et de tout symptôme de même que la qualité de la communication ont été reconnues par des études réalisées à l’urgence et aux soins intensifs comme d’importants aspects à améliorer (Lind, Lorem, Nortvedt et al., 2012 ; Moceri & Drevdahl, 2012). De plus, la majorité de l’information transmise par les inrmières porterait sur les symptômes physiques et comprendrait généralement peu d’explications sur leurs causes (Kirchhoff, Palzkill, Kowalkowski et al., 2008 ; Truog et al., 2008). Ainsi, le rehaussement des connaissances relatives aux phénomènes physiopathologiques en cause est donc incontournable an d’évaluer les symptômes physiques et psychologiques, d’accompagner les clients et leurs familles et d’intervenir adéquatement.

198

Partie 1

Fondements généraux

Dyspnée La dyspnée est l’un des symptômes les plus fréquemment rapportés chez les clients en phase avancée de la maladie, et sa prévalence augmente rapidement en n de vie à l’unité de soins intensifs (Campbell, 2012 ; Joshi, Joshi & Bartter, 2012). Ce symptôme, comme plusieurs autres, est vraisemblablement sousévalué puisque la plupart des échelles d’évaluation de la dyspnée sont destinées aux clients capables de l’autoévaluer. D’origine cardiaque, pleurale, thoracique ou extrathoracique, la dyspnée nécessite une rigoureuse évaluation des facteurs en cause puisque ses manifestations cliniques varient au l du temps et de la trajectoire de la maladie. Bien que les tests de la fonction respiratoire, la gazométrie du sang artériel et la saturation en oxygène soient de précieux indicateurs de la fonction respiratoire, ils fournissent peu de données sur la composante subjective de la dyspnée. L’inrmière peut recourir à des échelles d’évaluation verbale, visuelle ou numérique pour évaluer l’intensité de la dyspnée. L’échelle de mesure observable RDOS (Respiratory Distress Observation Scale), de Campbell et ses collaborateurs (2010), permet de dresser un tableau précis du phénomène en offrant la possibilité de l’évaluer auprès des clients inconscients et de ceux atteints cognitivement. De plus, la tachypnée, un soufe court, de l’agitation et l’utilisation des muscles accessoires gurent parmi les principaux signes objectifs de la dyspnée. Abernethy et Wheeler (2008) dénissent la dyspnée totale par les mêmes quatre composantes associées à la douleur : 1) physique ; 2) psychologique ; 3) sociale ; 4) spirituelle. De manière générale, les traitements pharmacologiques de la dyspnée incluent les diurétiques, les bronchodilatateurs, les mucolytiques et les opioïdes (Barnett, 2012). En ce qui concerne l’efcacité de l’oxygénothérapie en phase palliative, une amélioration de la dyspnée a été observée chez les clients hypoxémiques, mais peu d’avantages semblent associés à l’administration d’oxygène pour soulager la dyspnée réfractaire chez les clients dont la pression partielle d’oxygène dans le sang artériel dépasse 55 mm Hg (Abernethy, McDonald, Frith et al., 2010). Toutefois, l’utilisation de l’oxygène demeure pratique courante en soins critiques en raison des avantages psychologiques qu’il procure chez le client et ses proches.

Cachexie La cachexie est un état de dénutrition, principalement lié à un hypercatabolisme et à un dérèglement neuroendocrinien ; elle est dénie comme une perte de poids non intentionnelle de plus de 5 à 10 % de la masse corporelle sur une période de 6 mois. Ces anomalies métaboliques, conduisant à une importante fonte musculaire et à une résistance à l’insuline, représentent un important critère pronostique. La cachexie serait présente chez près de 20 % des clients atteints d’insufsance cardiaque (Muscaritoli,

Anker, Argilés et al., 2010 ; von Haehling, Lainscak, Springer et al., 2009) et chez près de 80 % des clients souffrant de néoplasie gastro-intestinale ou pulmonaire (Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec [APES], 2008). Il n’existe aucun traitement approuvé pour la cachexie, fréquemment associée à un état de fatigue grave et à l’anorexie, mais beaucoup d’attention semble accordée aux stratégies anti-inammatoires. Certaines stratégies auraient par ailleurs montré leur efcacité pour prévenir la perte tissulaire et musculaire. Par exemple, l’enzyme de conversion de l’angiotensine et les agents bêtabloquants seraient cliniquement efcaces pour retarder, et possiblement prévenir, le début de la cachexie cardiaque, mais leur efcacité sur la capacité fonctionnelle des clients serait limitée. De son côté, la nutrition visant à soutenir les carences en micronutriments (vitamines et suppléments d’acides aminés) figure encore aujourd’hui parmi les principales approches thérapeutiques. Le rôle de l’inrmière se situe principalement sur le plan de la prévention et du traitement des lésions de pression.

Fatigue La fatigue est un symptôme subjectif et désagréable, corrélée à l’ensemble des sensations corporelles. De la lassitude à l’exténuation, elle nuit aux capacités de fonctionnement normal de la personne (Simon, 2003). La fatigue gure également parmi les symptômes les plus fréquemment rapportés par les clients de toutes trajectoires, et son impact sur le fonctionnement quotidien et la qualité de vie est considérable (Bookbinder & McHugh, 2010). Le caractère tenace et persistant de la fatigue se manifeste notamment par un besoin inhabituel de repos ; toutefois, le client est peu soulagé par le sommeil (Olson, 2007). Souvent associée à la phase dite terminale de la maladie, la fatigue est un symptôme sous-évalué et insufsamment traité (Radbruch, Strasser, Elsner et al., 2008). Liée au déconditionnement et aux myopathies musculosquelettiques chez la clientèle atteinte d’insufsance cardiaque et de MPOC (Rehn, Munkvik, Lunde et al., 2012), la physiopathologie de la fatigue n’est toutefois pas complètement élucidée. Les causes étiologiques corrigibles de la fatigue sont multiples et doivent être traitées si cela est indiqué (Radbruch et al., 2008). Bien qu’aucun marqueur biologique objectif ne permette d’évaluer la présence ni l’intensité de la fatigue, l’inrmière peut recourir à des échelles descriptives multidimensionnelles pour évaluer l’impact individuel et subjectif de ce symptôme (McPhee et al., 2011).

Nausées et vomissements De causes multiples et variées, les nausées occasionnent d’importants malaises chez les clients de toutes trajectoires. Ce symptôme, bien que fréquent en phase terminale, demeure encore sous-traité (Greaves, Glare, Kristjanson et al., 2009). Que les nausées soient d’origines chimique, psychologique

ou mécanique, la sélection judicieuse de l’antiémétique adéquat pour le client doit nécessairement considérer les causes probables ainsi que les facteurs aggravants et atténuants. Jusqu’à ce jour, il n’existe aucun outil d’évaluation propre à ce symptôme, et une approche thérapeutique basée sur le mécanisme déclencheur est recommandée. L’inrmière connaît notamment les principaux récepteurs ainsi que les neurotransmetteurs responsables de l’apparition des nausées secondaires à l’administration d’analgésiques opioïdes ENCADRÉ 10.2. Les nausées et les vomissements induits par la chimiothérapie (NVIC) sont très fréquents et complexes. En plus d’altérer la qualité de vie du client, ils réduisent l’adhérence à la chimiothérapie, augmentent l’anxiété et le risque de dépression. Il existe trois types de NVIC : 1) les NVIC anticipés (24-48 heures avant la chimiothérapie) ; 2) les NVIC aigus (dans les 24 heures suivant la chimiothérapie) ; 3) les NVIC retardés (au-delà de 24 heures postchimiothérapie). Ces trois formes suggèrent l’implication de plusieurs mécanismes pathologiques. Il est généralement admis que les traitements de chimiothérapie et de radiothérapie altèrent les muqueuses gastriques et stimulent la libération de neurotransmetteurs, principalement la dopamine, la sérotonine et la substance P. Des facteurs psychologiques ont également un impact sur la gravité et la fréquence des NVIC, particulièrement des NVIC anticipés. Ce phénomène semble donc avoir une origine neurohormonale et psychologique, et le recours aux antagonistes des récepteurs de la sérotonine (5HT3), de la neurokinine-1 (NK1) et de la dopamine (D2) ainsi qu’aux corticostéroïdes et parfois aux benzodiazépines sont appropriés dans le traitement et la prévention des NVIC. Le choix du régime antiémétique varie selon le

10

Pharmacothérapie ENCADRÉ 10.2

Analgésiques opioïdes et nausées

Les analgésiques opioïdes contribuent aux nausées par trois mécanismes distincts pouvant être soulagés différemment (APES, 2008). 1. Les opioïdes activent les récepteurs dopaminergiques situés dans la zone chimioréceptrice réexogène, et un antagoniste de ces récepteurs (p. ex., un antipsychotique comme l’halopé­ ridol [HaldolMD]), gure comme traite­ ment de première intention. 2. Le ralentissement de la motilité gastro­ intestinale risque de causer une distension abdominale, une stase gastrique et de la constipation. Ce phénomène peut être soulagé par des modulateurs de mobilité

Chapitre 10

gastrique (p. ex., le dompéridone et le métoclopramide). 3. L’augmentation de la sensibilité de l’appa­ reil vestibulaire accroît la sensibilité aux mouvements surtout au cours de la mobi­ lisation des clients, et le recours aux anti­ histaminiques et aux anticholinergiques serait donc indiqué. Une fois le mécanisme déclencheur des nausées identié, le choix de l’antiémétique est précisé en fonction du meilleur antagoniste pour le récepteur ciblé, tout en tenant compte du prol d’effets indésirables, des interactions potentielles avec les autres médicaments du client et de la voie d’administration la plus appropriée pour celui­ci.

Soins palliatifs et de n de vie

199

20 Les soins inrmiers bucco­ dentaires sont décrits dans le chapitre 20, Approche thérapeutique du système respiratoire.

potentiel émétisant de la chimiothérapie utilisée, de la réponse au traitement antiémétique et du délai d’apparition des NVIC (Basch, Prestrud, Hesketh et al., 2011 ; Janelsins, Tejani, Kamen et al., 2013 ; Wood, Shega, Lynch et al., 2007). Les mesures non pharmacologiques susceptibles de soulager les nausées et les vomissements comprennent la ventilation, le fait d’éviter les odeurs fortes, l’hydratation et les soins buccodentaires. L’altération fonctionnelle des glandes salivaires est d’ailleurs fréquemment à l’origine d’infections, de ssures et d’inammation. Des soins buccodentaires réguliers font donc partie des bonnes pratiques pour soulager ce symptôme très incommodant 20 .

Anxiété L’anxiété est la traduction émotionnelle ou cognitive d’une situation perçue comme menaçante. Multifactoriels, les symptômes anxieux sont fréquents et variables en phase terminale, allant d’une vague sensation d’inconfort à un sentiment de terreur ou de panique (APES, 2008). La frontière entre l’anxiété normale et pathologique est toutefois difcile à établir, car son pouvoir anxiogène semble proportionnel à la signication qui lui est accordée. Ainsi, l’anxiété adaptative et transitoire chez un client confronté à la souffrance et à la mort peut être considérée comme normale alors qu’un degré d’anxiété qui perdure et met en péril les liens sociaux ou familiaux, voire la relation avec les soins, devient pathologique et mal adaptative (Dauchy & Chauffour, 2002). Bien qu’il existe plusieurs outils d’évaluation de l’anxiété, la plupart manquent de spécicité et en absence de position consensuelle, un traitement étiologique est à privilégier, et le recours à des benzodiazépines, à des antidépresseurs et à des antipsychotiques semble parfois justié lorsque l’anxiété revêt un caractère pathologique.

Délirium

9 Le dépistage du délirium, incluant plusieurs instru­ ments de cotation, cons­ titue entre autres l’objet du chapitre 9, Évaluation et approche thérapeutique de la sédation, de l’agita­ tion et du délirium.

200

Partie 1

Si la mort paisible, indolore et sans détresse correspond souvent à l’image d’une mort digne, le délirium peut considérablement porter atteinte à cette représentation. Le délirium touche près du tiers des clients atteints de cancer, de maladies pulmonaires chroniques et de troubles hépatiques, et sa prévalence augmente considérablement en phase terminale, surtout au cours d’un séjour aux soins intensifs. Parmi les causes les plus fréquemment associées à la n de vie, notons la septicémie, les désordres métaboliques et endocriniens, les syndromes paranéoplasiques et la médication. Bien que plusieurs outils de dépistage soient disponibles, le délirium serait encore aujourd’hui sous-évalué par les inrmières des soins critiques (Bookbinder & McHugh, 2010 ; Brummel & Girard, 2013) 9 . Une compréhension approfondie de ce symptôme par l’inrmière s’avère donc nécessaire, et une approche thérapeutique visant le confort par l’administration judicieuse de sédatifs ou d’antipsychotiques est recommandée (APES, 2008).

Fondements généraux

10.4.3

Gérer les urgences palliatives

Certaines urgences nécessitent une prise en charge immédiate chez la clientèle palliative. Les professionnels des services d’urgence et des soins intensifs doivent acquérir des compétences évaluatives permettant de les reconnaître puisque les traitements disponibles peuvent améliorer considérablement la qualité de la n de vie des clients atteints.

Syndrome de la veine cave supérieure Cette complication se développe lorsqu’une obstruction empêche le retour du sang veineux au cœur. Fréquente en cas de cancer, elle survient chez l’adulte et la clientèle pédiatrique (Haut, 2005 ; McCurdy & Shanholtz, 2012). Les manifestations cliniques de ce syndrome varient selon sa gravité, mais l’œdème facial, du cou et du bras droit, la dyspnée au repos et la toux gurent parmi les symptômes plus spécifiques. Si la prise en charge thérapeutique médicale peut inclure la radiothérapie palliative et l’installation d’endoprothèses vasculaires dans certains cas, l’élévation de la tête de lit et l’oxygénothérapie représentent des interventions standards pouvant signicativement réduire l’intensité de ces symptômes.

Épanchement péricardique et tamponnade Cette complication survient surtout chez les clients atteints de cancer et se développe à la suite d’une accumulation de sang dans l’espace péricardique. L’équilibration des pressions intracardiaques qui en résulte perturbe à son tour le débit cardiaque et conduit à la tamponnade. Cette condition compromet la dynamique circulatoire et est habituellement associée à un mauvais pronostic. La présentation classique de cette complication, communément appelée la triade de Beck (hypotension, distension veineuse et bruits cardiaques assourdis), s’observe principalement lorsque le phénomène est aigu et que l’effusion se développe rapidement. Dans la forme progressive et chronique de cette atteinte, la plupart des clients présentent plutôt de la dyspnée à l’effort, de la tachycardie et des malaises à la poitrine (Lewis, Hendrickson & Moynihan, 2011 ; McCurdy & Shanholtz, 2012). Parfois, une péricardiocentèse ou un drainage chirurgical permettent l’amélioration des symptômes, lorsque cela est indiqué, et ces interventions nécessitent une étroite surveillance hémodynamique et une admission à l’unité de soins intensifs.

Compression médullaire Cette complication, généralement diagnostiquée par résonnance magnétique, survient surtout chez les clients atteints de cancer en phase terminale, principalement les cancers du poumon, du sein et de la prostate (McCurdy & Shanholtz, 2012). La douleur au dos est le premier symptôme, mais la dysfonction intestinale ou vésicale touche également de nombreux clients. L’amorce d’un traitement rapide

(corticostéroïdes et radiothérapie) semble améliorer le pronostic à court terme (Loblaw, Mitera, Ford et al., 2012). Les objectifs thérapeutiques visent essentiellement le maintien de la fonction neurologique, le contrôle de la croissance tumorale locale, la stabilisation de la colonne vertébrale et la gestion de la douleur.

Hypercalcémie Ce désordre métabolique menace la survie et touche surtout les clients atteints de maladies néoplasiques terminales. Les cancers du sein, du poumon, les carcinomes rénaux ainsi que le myélome multiple sont les causes les plus fréquentes d’hypercalcémie (Lewis et al., 2011). De manière générale, une thérapie agressive est indiquée dans les cas d’hypercalcémie graves. Un traitement peut être entrepris selon les manifestations cliniques du client. Considérant que celles-ci sont souvent non spéciques (p. ex., l’anorexie, la fatigue, les nausées et les vomissements), l’approche thérapeutique consiste à corriger la cause lorsque c’est possible, à stimuler l’excrétion urinaire du calcium et à diminuer la réabsorption osseuse an d’améliorer la qualité de vie du client atteint. Si la dialyse peut être envisageable en cas d’hypercalcémie grave en présence de cancers traitables ou d’insufsance cardiaque ou rénale, l’administration de biphosphonates par voie I.V. ainsi que la réhydratation à l’aide de solutés physiologiques par voie I.V. gurent parmi les moyens thérapeutiques privilégiés comme traitement de première intention. La calcitonine, le nitrate de gallium, ainsi que les corticostéroïdes et les anti-inammatoires non stéroïdiens peuvent être employés comme traitement adjuvant. Les diurétiques comme le furosémide (LasixMD) peuvent augmenter l’excrétion rénale du calcium et prévenir la surcharge liquidienne liée à la réhydratation chez le client atteins d’insufsance cardiaque ou rénale, mais leur emploi doit se faire sous surveillance étroite pour ne pas aggraver la déshydratation et précipiter l’insuffisance rénale (APES, 2008 ; Reagan, Pani & Rosner, 2013).

Saignements majeurs Généralement causée par des maladies vasculaires, des coagulopathies, des hémopathies malignes avancées ou des tumeurs solides, cette situation d’urgence provoque une détresse à la fois pour le client, sa famille et les soignants. Visible ou interne, cette complication se traduit inévitablement par des signes d’instabilité hémodynamique, et l’approche thérapeutique dépend de l’objectif de soins. Aucune norme thérapeutique pour le traitement des saignements chez les clients atteints de cancer avancé ne semble guider la pratique, et l’approche basée sur les causes sous-jacentes est recommandée (Pereira & Phan, 2004). Si le recours à des procédures chirurgicales effractives et à la radiothérapie hémostatique peuvent constituer des options envisageables pour certains, des soins de confort et la sédation palliative

sont clairement indiqués en cas d’hémorragies majeures en n de vie.

Protocole de détresse Bien qu’il existe d’importantes variations relatives à la disponibilité et à l’application des protocoles de détresse (Prasad, Christie, Bellamy et al., 2010), leur utilisation gure parmi les critères de qualité de la pratique et est hautement recommandée pour structurer et harmoniser celle-ci (Clarke et al., 2003 ; Mularski, Curtis, Billing et al., 2006 ; Treece et al., 2004). Utilisée dans le but explicite de soulager les symptômes réfractaires et intolérables, l’application d’un protocole de détresse nécessite que le client soit atteint d’une maladie terminale et incurable et qu’une ordonnance de non-réanimation soit clairement indiquée au dossier (Bureau de transfert et d’échange de connaissances [BTEC], 2007). Cette procédure exige également que l’ensemble des mesures thérapeutiques envisageables ait été préalablement essayées et qu’aucun traitement optionnel ne soit disponible. Selon cette même source, les douleurs graves, la détresse respiratoire et les saignements majeurs gurent au nombre des principaux symptômes réfractaires justiant le recours au protocole de détresse. À ces symptômes, Maltoni et ses collaborateurs (2013) ajoutent le délirium, la détresse psychologique et les vomissements. La n de la vie est un moment redouté, fréquemment marqué par l’angoisse et l’ambivalence. C’est un moment de questions sans réponses où tout semble s’accélérer et qui se vit parfois en soins critiques comme une période de choix ultimes où les risques d’acharnement, de désinvestissement, voire de tentation d’accélérer le processus font partie des choix possibles (Schwald, 2007). L’approche des soignants et l’administration judicieuse de la médication en n de vie font donc assurément la différence entre une mort calme et sereine ou un événement difcile et traumatisant pour la famille (Fields, 2007). De manière générale, la triade benzodiazépineopioïde-anticholinergique comprend les principaux médicaments utilisés pour traiter la détresse respiratoire en brisant le cercle vicieux anxiété-dyspnée, en soulageant la dyspnée et en réduisant l’embarras respiratoire et les sécrétions bronchiques. Des arbres décisionnels sont généralement disponibles pour guider l’ajustement de la médication par l’inrmière TABLEAU 10.5. Parfois légère, parfois profonde, l’intensité de la sédation diffère selon les médecins, mais la plupart considèrent les préférences des familles, et tous sont guidés par le même objectif, celui de soulager les symptômes réfractaires (Swart, van der Heide, van Zuylen et al., 2012). Toutefois, la délicate question de la dose initiale et de la vitesse de son escalade représente une fréquente source de malaise chez les inrmières (Langlois et al., 2009 ; Sprung, Ledoux, Bulow et al., 2008). La compréhension du double effet s’avère ici incontournable puisque ce dernier, Chapitre 10

Soins palliatifs et de n de vie

10

201

Pharmacothérapie TABLEAU 10.5

Protocole de détressea

MÉDICAMENT

POSOLOGIE HABITUELLE DU CLIENT

POSOLOGIE b RECOMMANDÉE

EFFETS RECHERCHÉS

Au besoin (p.r.n.) ou une fois par jour (die) régulier et poids < 70 kg

5 mg par voie souscutanée (S.C.)

Plus d’une fois par jour ou poids > 70 kg

10 mg S.C.

• Sédation en moins de 10 minutes • Amnésie • Cessation du cercle vicieux de l’anxiété-dyspnée

Forte dose

10-20 mg S.C.

Benzodiazépine Midazolam (VersedMD)

Anticholinergiques et opioïdes

a

Glycopyrrolate (GlycopyrrolateMD) ou scopolamine (ScopolamineMD)

p.r.n.

0,4 mg S.C.

Prise régulière

0,8 mg S.C.

Morphine

0-3 mg S.C. toutes les quatre heures (q.4 h)

5 mg S.C.

Hydromorphone (DilaudidMD)

≥ 4 mg S.C. q.4 h

1,5 × la dose (mg S.C.) q.4 h

0-1 mg S.C. q.4 h

1 mg S.C.

> 1 mg S.C. q.4 h

1,5 × la dose (mg S.C.) q.4 h

• • • •

Amnésie ↓ volume des sécrétions ↓ effort respiratoire Sédation

• ↓ rythme respiratoire • ↓ sensation de dyspnée • Potentialisation de l’effet sédatif du midazolam et de la scopolamine

L’ordonnance de détresse respiratoire doit être individualisée selon les besoins du client, en tenant compte des doses de ben zodiazépines, d’anticholinergiques et d’opioïdes préalablement reçues.

b

Posologie du protocole de détresse respiratoire : immédiatement, puis 1 fois de 20 à 30 minutes plus tard au besoin ou 1 fois 10 minutes plus tard (lorsque la voie I.V. est utilisée) au besoin ; débuter par la benzodiazépine. Sources : Adapté de Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (APES) (2008) ; Bureau de transfert et d’échange de connaissances (BTEC) (2007)

appuyé par les principes de bienfaisance et de nonmalfaisance, distingue l’intention souhaitée (soulagement des symptômes réfractaires) des conséquences possibles (abréger la vie) en insistant sur le fait que les effets indésirables de la sédation ne doivent pas être le but principal de celle-ci (APES, 2008). Parmi les nombreux mythes entourant la sédation palliative, celui d’accélérer le processus menant au décès est couramment véhiculé. Or, des études révèlent que le décès survenant après le début de la sédation serait plus lié à l’évolution de la maladie et que lorsqu’elle est appliquée adéquatement, la sédation palliative n’aurait aucun impact sur la survie des clients (Engstrom, Bruno, Holm et al., 2007 ; Maltoni, Scarpi, Rosati et al., 2012).

10.4.4

Reconnaître les signes de décès imminent

Au cours des derniers moments de la vie d’une personne, les témoins ont parfois un sentiment

202

Partie 1

Fondements généraux

d’impuissance, de peur et de culpabilité, et ces émotions n’épargnent pas les soignants. Certains signes de décès imminents chez la clientèle atteinte de cancer ont été décrits selon la perspective clinique des inrmières (van der Werff, Paans & Nieweg, 2012). De manière générale, une défaillance multiorganique semble précéder la plupart des décès, et Schwald (2007) divise la n de vie en deux principales phases, soit la préagonie et l’agonie. Dans la phase de préagonie, en raison d’un ralentissement circulatoire et des changements métaboliques, le tableau clinique traduit généralement un dérèglement neurovégétatif. Cette phase peut durer quelques semaines ; toutefois, puisqu’aucun signe n’est spécique et universel, cet état de détérioration, perceptible pour la famille, le soignant et le malade lui-même, peut facilement être interprété comme une urgence. La principale difculté à ce stade est d’associer ces signes à une complication

potentiellement traitable et réversible ou à la n de vie imminente. Dans la phase de l’agonie (derniers moments de la vie), la détérioration est irréversible et se caractérise par les premiers signes de décérébration conduisant inévitablement au décès. La connaissance de ces signes permet à l’inrmière d’anticiper le décès et d’offrir un meilleur accompagnement à la famille TABLEAU 10.6.

10.4.5

Offrir des soins après le décès

L’acuité des soins exige parfois que le lit utilisé par une personne décédée soit rapidement réclamé pour

l’admission d’un nouveau client en soins critiques. Les moments qui suivent le décès sont pourtant précieux pour les proches, et le transfert vers un espace plus calme et intime leur est fréquemment proposé. Le besoin des familles quant au temps est variable et inuencé par plusieurs facteurs, notamment la culture et la religion. Par exemple, certaines familles souhaitent participer aux soins d’hygiène après le décès. L’inrmière en soins critiques sait reconnaître ces particularités, que l’événement appartient aux proches, et elle favorise leur respect dans la mesure où l’organisation le permet. 10

TABLEAU 10.6

Signes cliniques des phases de la n de vie

SIGNES

PRÉAGONIE

AGONIE

Neurologiques

• Conscience variable selon l’oxygénation cérébrale ou l’atteinte neurologique directe, ou les deux : – Client calme ou agité, conscient par moments, coma léger ou état de confusion – Hallucinations visuelles ou auditives possibles

• Coma • Hypotonie, clonies, dyskinésie, contractures, convulsions possibles : – Disparition du réexe cornéen – État de la pupille pouvant être difcile à interpréter • Myosis en cas de traitement morphinique ou mydriase induite par la scopolamine (ScopolamineMD)

Respiratoires

• Accélération réexe de la fréquence respiratoire (F.R.) • Encombrement bronchique variable

• F.R. diminuée, devenant irrégulière (pauses) • Encombrement et hypersécrétion bronchique (râles agoniques) • Cyanose s’intensiant

Cardiovasculaires

• Pouls accéléré, lant • Pression artérielle (P.A.) variable : normale, abaissée ou élevée (hypercapnie) • Signes de cyanose périphérique, marbrures et escarres (vasoconstriction cutanée) • Diarrhée profuse (ischémie du tube digestif)

• Diminution de la fréquence cardiaque • P.A. basse, voire imperceptible • Levée de la vasoconstriction avec possible disparition des marbrures

Mutisystémiques

• Troubles de la déglutition • Sueurs

• Masque de la mort : – Pincement des ailes du nez – Teint blanc-jaunâtre – Odeur caractéristique

Comportementaux

• Signes pouvant suggérer que le malade sait qu’il entre dans cette phase : – Refus d’alimentation ou brusque poussée d’appétit – Appétence relationnelle ou repli sur un mode régressif (p. ex., la position fœtale) – Conversations ou allusions obsessionnelles sur la mort – Objectifs xes (voir quelqu’un, tenir jusqu’à une date) – Demandes de rentrer chez soi

Source : Adapté de Schwald (2007)

Chapitre 10

Soins palliatifs et de n de vie

203

Bien que le rôle de l’inrmière après le décès d’un client en soins critiques ne soit pas clairement déni, il est essentiel de connaître les étapes du deuil, de communiquer l’information relative aux démarches

à entreprendre, aux ressources disponibles et au suivi des familles. Ce sont des besoins clairement exprimés par les familles et les inrmières (Blommer et al., 2013 ; Lautrette, Darmon, Megarbane et al., 2007).

ÉTUDE DE CAS SOLUTIONNAIRE

http://mabibliotheque. cheneliere.ca

Mise en contexte Alphonse Latreille, âgé de 78 ans, est veuf depuis 6 ans. Atteint de diabète de type II, il est sédentaire et fumeur. Atteint de MPOC depuis de nombreuses années, sa condition respiratoire est maintenant qualiée de très grave. Sa capacité expiratoire forcée est inférieure à 30 % et lui cause d’importantes limitations fonctionnelles. Depuis le début de l’année, de graves épisodes d’exacerbation ont nécessité deux admissions à l’unité de soins intensifs au cours desquelles monsieur Latreille a été intubé et placé sous ventilation mécanique. Pendant son dernier séjour, d’importantes doses de médication vasoactive et d’antibiothérapie ont été nécessaires an de maintenir sa stabilité hémodynamique et de traiter une pneumonie. Aujourd’hui, monsieur Latreille se présente de nouveau à l’urgence, accompagné de son ls aîné Paul, avec un tableau clinique semblable.

Manifestations cliniques Monsieur Latreille est très anxieux, évreux, il présente une toux et une dyspnée grave. Il se dit faible et se sent très fatigué. Le simple fait de respirer l’épuise, et il cone à l’inrmière qu’il a peur de mourir étouffé. Paul rassure son père en lui disant : « Ne t’en fais pas, ils vont te remettre sur pied comme les autres fois, c’est probablement juste une autre petite pneumonie. »

Collecte des données objectives La F.R. de monsieur Latreille est à 36 R/min ; il utilise ses muscles accessoires et présente une importante cyanose des extrémités. L’analyse des GSA démontre un état hypoxémique grave avec acidose respiratoire partiellement compensée, et la radiographie pulmonaire suggère la présence d’une masse au poumon droit. Devant l’insistance de Paul Latreille, qui souhaite que tout soit fait pour sauver la vie de son père, et en l’absence de niveau de soins documenté, l’équipe de l’urgence procède à l’intubation endotrachéale de monsieur Latreille, suivie par un transfert rapide à l’unité de soins intensifs.

Diagnostic médical Une évaluation globale et des examens paracliniques complémentaires sont réalisés dans les 24 premières heures et révèlent la présence d’un cancer bronchique à petites cellules et d’une pneumonie surinfectée. En dépit du déploiement optimal des mesures curatives, l’état de monsieur Latreille se détériore rapidement, et une atteinte multiorganique se développe. Devant ce pronostic très sombre, une rencontre interdisciplinaire, incluant l’oncologue, a lieu ; au terme des discussions, le médecin envisage de recommander le retrait du soutien ventilatoire et de permettre une mort naturelle à monsieur Latreille.

204

Partie 1

Fondements généraux

Questions 1. Quels sont les principaux résultats escomptés pour ce client ? 2. Quels problèmes prioritaires ou risques doivent être anticipés ? 3. Quelles interventions doivent être mises en œuvre pour surveiller, prévenir, gérer ou éliminer les problèmes et les risques désignés ? 4. Quelles interventions devraient être mises en œuvre pour optimiser le confort, la sécurité et le bien-être du client ? 5. Quels besoins d’enseignement prévoyez-vous pour ce client et ses proches ?

À RETENIR • La complexité croissante des situations qui surviennent en soins critiques exige une prise de conscience collective an de reconnaître que la n de vie fait inévitablement partie de ces soins et que les soins palliatifs et curatifs doivent coexister. • L’émergence d’un important corpus de connaissances en matière de soins palliatifs en soins critiques peut considérablement guider la pratique inrmière dans une perspective d’humanisation des soins.

• Malgré les limites prédictives sur le plan individuel, la compréhension des principales trajectoires de la maladie offre de nombreux avantages pour le client, sa famille et les soignants. • Un processus de décision centré sur le client et sa famille ainsi qu’une démarche de communication interdisciplinaire et proactive sont les constituants essentiels facilitant le rehaussement de la pratique. • L’expérience des clients, des familles et des soignants constituent une précieuse source d’information pouvant orienter

l’amélioration de la communication entre les différents acteurs. • Les niveaux de soins et les principes éthiques offrent d’intéressants repères pour guider la conduite thérapeutique dans un contexte de n de vie en soins critiques. • Une approche individualisée, basée sur une évaluation interdisciplinaire rigoureuse et continue des symptômes, est nécessaire à la gestion optimale des principaux symptômes et des urgences palliatives.

Chapitre 10

Soins palliatifs et de n de vie

205

PARTIE

2 Système cardiovasculaire CHAPITRE 11

Anatomie et physiologie du système cardiovasculaire          208 CHAPITRE 12

Évaluation clinique du système cardiovasculaire          232 CHAPITRE 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire          250 CHAPITRE 14

Troubles cardiovasculaires        374 CHAPITRE 15

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire          466

chapitre

11

Anatomie et physiologie du système cardiovasculaire

Écrit par : Mary E. Lough, PhD, RN, CNS, CCRN, CNRN, CCNS Adapté par : Mario Dubé, inf., M. Sc.

L

e système cardiovasculaire est constitué d’une pompe et de différentes ramications qui favorisent l’irrigation des tissus et des organes du corps humain. Ainsi, le cœur, qui assure le pompage du sang à travers un généreux réseau vasculaire, est un muscle complexe et extrêmement able dans des conditions idéales. Il reçoit le sang oxygéné des poumons qu’il redistribue ensuite à l’ensemble des vaisseaux artériels. L’inrmière en soins critiques se doit d’acquérir une connaissance sufsante de l’anatomie et de la physiologie du système cardiovasculaire an de bien en comprendre le fonctionnement normal et d’être ainsi en mesure de détecter toute anomalie et intervenir le plus efcacement possible. En santé car­ diovasculaire, « être un pas devant » peut faire toute la différence dans l’évaluation et le suivi de clients en milieu de soins critiques. Ce chapitre décrit d’abord les divisions anatomiques du cœur, son système de conduction, l’apport sanguin coronarien, les principaux vaisseaux cardiaques et les structures microscopiques. Il décrit ensuite la physiologie du système cardiovasculaire qui comprend l’activité électrique du cœur, le couplage excitation­contraction, le cycle cardiaque, l’interaction entre le cœur et les vaisseaux, la régulation des battements cardiaques et le contrôle de la circulation périphérique.

11.1

Anatomie

La présentation de l’anatomie du cœur et des vaisseaux sanguins commence par une description macroscopique des principales structures, avant d’aborder l’architecture cellulaire et moléculaire de chacune d’entre elles.

11.1.1

Structure macroscopique

Structures du cœur Le cœur est logé dans la partie antérieure de la cage thoracique, juste derrière le sternum FIGURE 11.1. Plusieurs structures importantes, comme l’œsophage, l’aorte, la veine cave et la colonne vertébrale, sont situées derrière le cœur. Dans la cavité thoracique, le cœur est placé de telle sorte que les cavités habituellement désignées comme « droite » et « gauche » sont en fait des cavités antérieure et postérieure (Anderson & Loukas, 2009). Le ventricule droit occupe la majorité de la surface antérieure (venant immédiatement derrière la paroi thoracique) et de la surface inférieure (juste au-dessus du diaphragme). Le ventricule gauche constitue les surfaces antérolatérales (l’avant et le côté) et postérieure. Au-dessus du diaphragme se trouve la pointe du cœur (apex) qui est constituée par la partie inférieure de la portion ventriculaire. Pour sa part, la base du cœur est représentée par la partie auriculaire et les gros vaisseaux qui s’y rattachent, c’est-à-dire les lieux de jonction avec l’aorte, les veines caves supérieure et inférieure et les vaisseaux pulmonaires. L’usage croissant de la tomodensitométrie du thorax a mis en évidence l’inadéquation anatomique des termes ventricule droit et ventricule gauche, car ceux-ci ne reètent pas parfaitement la situation du cœur dans le thorax, dans la position anatomique standard (c.-à-d. en orthostatisme, face à l’observateur) (Anderson & Loukas, 2009 ; Dell’Italia, 2012 ; Hale, Mirjaili & Stringer, 2010). Malgré tous les débats entourant ces disparités, la nomenclature classique n’a pas été modiée à ce jour.

Péricarde Le cœur et le point d’origine des gros vaisseaux sont enveloppés et contenus dans le péricarde. Le péricarde breux, la couche la plus supercielle, est une enveloppe épaisse rigide et inélastique. Des ligaments ancrent le péricarde externe au diaphragme et aux gros vaisseaux de manière à maintenir le cœur en position xe dans la cavité thoracique. Le péricarde fait également ofce de barrière physique contre les infections. À l’intérieur de la couche breuse se trouve une membrane interne à double feuillet appelée péricarde séreux (Lachman, Syed, Habib et al., 2010) ; ces deux feuillets sont dits pariétal et viscéral. Le péricarde pariétal adhère à la couche externe rigide du péricarde. Le péricarde viscéral, ou épicarde, est une couche exible qui adhère directement au muscle cardiaque et qui épouse ses contours. La cavité péricardique désigne l’espace compris entre le feuillet viscéral et le feuillet pariétal (Lachman et al., 2010 ; Loukas et al., 2012). Celui-ci contient normalement de 15 à 60 ml de liquide (Beaumont, 2012) sécrété et résorbé par les cellules épithéliales et qui sert de lubriant entre les feuillets an que le cœur puisse battre sans subir de friction (Loukas et al., 2012). Du fait de sa rigidité, le sac péricardique externe breux ne peut pas s’adapter aux augmentations rapides du volume de liquide péricardique (Loukas et al., 2012). Ainsi, du sang ou du sérum peut s’y accumuler et causer un épanchement péricardique, voire une tamponnade cardiaque dans les cas les plus graves. Si l’accumulation de liquide dans le sac péricardique nuit au remplissage ventriculaire, à l’éjection ventriculaire ou à l’apport sanguin (perfusion) par les artères coronaires, il peut s’avérer nécessaire d’éliminer l’excès de liquide péricardique au moyen d’une intervention appelée péricardiocentèse (Loukas et al., 2012). Puisque le nerf phrénique permet d’acheminer des

11

Taille et poids du cœur En général, la taille du cœur d’une personne correspond à peu près à la dimension de son poing. Chez l’adulte, le cœur mesure en moyenne 12 cm de longueur et de 8 à 9 cm de largeur à la partie la plus ample. Un cœur normal pèse en moyenne 310 g chez l’homme adulte et 255 g chez la femme. Il n’y a pas de différence notable en ce qui a trait à l’épaisseur de la paroi ventriculaire entre les hommes et les femmes. Les états pathologiques comme l’hypertension grave non traitée augmentent le poids du muscle cardiaque en raison de l’hypertrophie ventriculaire qu’elle occasionne au l du temps.

Tuniques du cœur Le cœur est constitué de trois tuniques distinctes : 1) le péricarde ; 2) le myocarde ; 3) l’endocarde.

FIGURE 11.1 Siège anatomique du cœur à l’intérieur de la cavité thoracique.

Chapitre 11

Anatomie et physiologie du système cardiovasculaire

209

bres sensorielles vers le péricarde, c’est donc son innervation qui fait ressentir la douleur liée à un épanchement péricardique et à une tamponnade cardiaque (Loukas et al., 2012).

Adiposité épicardique Chez l’adulte, une couche de tissu adipeux se trouve normalement sous le péricarde viscéral, et elle peut entourer le cœur. Cette adiposité épicardique s’accumule le long du trajet des principales artères et veines coronaires. Les données d’autopsie indiquent que l’adiposité épicardique augmente jusqu’à l’âge de 20 à 40 ans, mais qu’ensuite, sa quantité ne dépend plus de l’âge (Rabkin, 2007). L’adiposité épicardique peut recouvrir jusqu’à 80 % de la surface du cœur et représenter environ 20 % du poids total du cœur ; elle siège principalement au-dessus du ventricule droit (Rabkin, 2007). D’ailleurs, une personne qui présente un surplus de poids a généralement une adiposité épicardique plus importante (Ouwens, Sell, Greulich et al., 2010). Comme l’obésité est maintenant un phénomène endémique, l’adiposité épicardique fait l’objet d’une plus grande attention. Selon une hypothèse, l’adiposité épicardique favoriserait le risque de coronaropathie, car elle renferme des adipocytes (cellules avec de nes gouttelettes de lipides dans le cytoplasme) plus petits que ceux d’autres dépôts adipeux, sa composition en acides gras est différente, et sa teneur en protéines est plus élevée. Cette composition facilite l’inltration d’acides gras libres et d’adipokines dans les artères coronaires (Iacobellis & Bianco, 2011). Le péricarde breux externe ne contient pas de dépôt adipeux.

Myocarde La tunique médiane du cœur est le myocarde, un tissu musculaire épais. En font partie toutes les bres musculaires des oreillettes et des ventricules nécessaires à la contraction du cœur. Les bres du myocarde n’ont pas la même épaisseur dans toutes les parois ventriculaires. Par exemple, le ventricule gauche est plus épais que le ventricule droit ou que les oreillettes. Les bres sont disposées de telle manière que la force de contraction éjecte le sang vers les chambres de chasse du ventricule en obéissant à une torsion qui va de l’apex vers la partie supérieure ou la base du cœur FIGURE 11.2 (Anderson, Ho, Redmann et al., 2005). C’est le myocarde qui est le muscle endommagé en cas d’infarctus du myocarde (IDM) (plus communément appelé crise cardiaque).

Endocarde

14 La cardiomyopathie et l’IDM sont abordés dans le chapitre 14, Troubles cardiovasculaires.

210

Partie 2

La tunique interne du cœur, l’endocarde, est une ne couche de tissu endothélial et conjonctif qui tapisse l’intérieur du cœur. Cette tunique est un prolongement de l’endothélium des gros vaisseaux avec lesquels elle forme un système clos continu. Toute perturbation de l’endothélium résultant par exemple d’une chirurgie, d’un trauma ou d’une anomalie congénitale peut prédisposer l’endocarde à des infections. L’endocardite infectieuse est une maladie

Système cardiovasculaire

FIGURE 11.2

Structure macroscopique de la musculature en spirale des parois ventriculaires.

dévastatrice qui, si elle n’est pas traitée, peut entraîner des lésions massives des valves cardiaques, une septicémie, voire le décès.

Cavités du cœur Le cœur humain est constitué de quatre cavités : les oreillettes gauche et droite et les ventricules gauche et droit. La paroi des oreillettes est mince, et, normalement, la pression intra-auriculaire est faible. La fonction des oreillettes est de recevoir le sang en provenance des veines caves inférieure et supérieure et du sinus coronaire pour ce qui est du côté droit du cœur et en provenance des veines pulmonaires pour le côté gauche du cœur, permettant ainsi de pomper le sang recueilli vers leurs ventricules respectifs. La contraction auriculaire, aussi appelée systole auriculaire, assure un remplissage pouvant varier, selon les auteurs, de 20 à 30 % du volume sanguin des ventricules ; les 70 à 80 % du volume restant arrivent passivement dans les ventricules pendant la phase diastolique (Beaumont, 2012 ; McKinley, 2014 ; Waugh & Grant, 2007 ; Widmaier, Raff & Strang, 2011). Les ventricules sont les principales cavités de pompage du cœur. Le ventricule gauche sain mesure environ de 10 à 13 mm d’épaisseur ; la section transversale de sa cavité interne est ronde (Partridge & Anderson, 2009). Le ventricule droit sain mesure environ 3 mm d’épaisseur, sa forme est triangulaire lorsqu’il est observé de côté, ou en croissant si l’on effectue une coupe transversale FIGURE 11.3. Le ventricule droit pompe le sang dans la circulation pulmonaire à faible pression, à raison d’une pression moyenne normale généralement de 15 à 25 mm Hg. Le ventricule gauche doit générer une force considérable pour éjecter le sang vers l’aorte (pression moyenne normale généralement de 100 à 120 mm Hg). Compte tenu de l’épaisseur de sa paroi et de la force importante qu’il doit générer, le ventricule gauche est considéré comme la principale pompe du cœur. En cas de lésion du muscle ventriculaire gauche causée par une cardiomyopathie ou un IDM, la pression de pompage utile diminue, ce qui augmente la pression auriculaire gauche, entraîne la congestion du système vasculaire pulmonaire et, nalement, celle de tout le système veineux 14 .

FIGURE 11.3 Coupe transversale des ventricules du cœur adulte. Le ventricule droit occupe la majorité de la surface antérieure du cœur, et la paroi du ventricule gauche est trois fois plus épaisse que celle du ventricule droit.

11

Valves cardiaques Les valves cardiaques sont composées de tissu breux exible. Une valve normale a l’aspect d’un pétale de rose translucide. La structure de la valve est telle que le sang ne peut se déplacer que dans une seule direction. L’ouverture et la fermeture des valves dépendent des gradients de pression relatifs de part et d’autre de la valve. Les quatre valves cardiaques reposent sur un plan oblique de collagène appelé charpente breuse du cœur. Quatre anneaux adjacents de tissu conjonctif contiennent et soutiennent les valves cardiaques FIGURE 11.4.

Valves auriculoventriculaires Les valves situées entre les oreillettes et les ventricules sont appelées valves auriculoventriculaires (AV). Il s’agit de la valve tricuspide dans le cœur droit et de la valve mitrale dans le cœur gauche. La valve mitrale est constituée de deux « lames » qui, en fait, forment une structure ininterrompue et sont communément appelées cuspides (Muresian, 2009) FIGURE 11.5. La valve tricuspide, pour sa part, est constituée de trois cuspides similaires. Les valves AV sont ouvertes pendant la diastole ventriculaire (remplissage) et empêchent le retour du sang vers les oreillettes pendant la systole ventriculaire (contraction). Les cordages tendineux et les muscles papillaires, qui sont attachés aux valves tricuspide et mitrale, donnent aux valves leur stabilité et empêchent le renversement de la lame valvulaire pendant la systole FIGURE 11.5. Les muscles papillaires proviennent du myocarde ventriculaire et reçoivent leur approvisionnement en sang des artères coronaires. De chaque muscle papillaire partent de 4 à 10 principaux cordages tendineux, qui se divisent en cordons de plus en plus ns à mesure qu’ils rejoignent les cuspides valvulaires et s’y attachent. Les cordages tendineux sont des structures breuses avasculaires recouvertes d’une ne couche d’endocarde. Au début de la phase systolique, la fermeture simultanée des valves auriculoventriculaires correspond au premier bruit du cœur (B1) entendu à l’auscultation. La dysfonction des cordages tendineux ou d’un muscle papillaire peut se traduire par

FIGURE 11.4

Coupe transversale du cœur. À noter, la position des quatre valves cardiaques.

la fermeture incomplète d’une valve AV et entraîner un retour sanguin dans l’oreillette. Les maladies dégénératives des cuspides des valves sont une autre cause de régurgitation sanguine dans l’oreillette (Bascelli, Di Fonso, Bartoloni et al., 2012). La régurgitation valvulaire produit un murmure détectable à l’auscultation au stéthoscope.

Valves semi-lunaires Les valves pulmonaire et aortique forment des valves semi-lunaires qui sont composées chacune de trois

FIGURE 11.5 La valve mitrale est le lien entre les cuspides, les cordages tendineux et les muscles papillaires.

Chapitre 11

Anatomie et physiologie du système cardiovasculaire

211

FIGURE 11.6

Valve aortique et ses cuspides.

cuspides FIGURE 11.6. Elles séparent les ventricules de leurs artères efférentes respectives TABLEAU 11.1. Sous l’effet de la pression durant la systole ventriculaire (contraction simultanée des deux ventricules), les valves semi-lunaires s’ouvrent, ce qui permet au sang de sortir des ventricules avec force. Vers la n de la systole, lorsque la pression dans les artères efférentes dépasse celle à l’intérieur des ventricules, les valves semi-lunaires se referment, ce qui empêche ainsi le sang d’être régurgité dans les ventricules. La fermeture simultanée des valves semi-lunaires (pulmonaire et aortique) correspond au deuxième bruit du cœur (B2) entendu à l’auscultation. Chez la plupart des personnes, la valve aortique comprend trois cuspides. Chez moins de 1 % de la population, cette valve est bicuspide, ce qui implique une plus grande vulnérabilité à l’insufsance de la valve aortique au fil du temps (Mordi & Tzemos, 2012 ; Siu & Silversides, 2010). Les dysfonctions de la valve aortique, quelle que soit leur cause, affectent non seulement les cuspides, mais entraînent également des modications pathologiques de la morphologie du ventricule gauche.

TABLEAU 11.2

Fréquences intrinsèques de stimulation dans les tissus de conduction cardiaque

EMPLACEMENT

FRÉQUENCE

Nœud SA

60-100 (batt./min)

Nœud AV / faisceau de His

40-60 (batt./min)

Fibres de Purkinje

20-40 (batt./min)

nœud sinoauriculaire (SA) ; 2) le nœud AV ; 3) les bres de conduction du ventricule, plus précisément le faisceau de His (aussi appelé faisceau auriculoventriculaire), les branches du faisceau de His et les bres de Purkinje (Park & Fishman, 2011).

Nœud sinoauriculaire

VALVE

TYPE

SITUÉE ENTRE

Tricuspide

Auriculoventriculaire

L’oreillette droite et le ventricule droit

Pulmonaire

Semi-lunaire

Le ventricule droit et l’artère pulmonaire

Le nœud sinoauriculaire (SA) est considéré comme le centre rythmogène naturel du cœur. Son degré élevé d’automaticité produit la fréquence cardiaque intrinsèque la plus rapide TABLEAU 11.2. Le nœud est une structure anatomique fusiforme située près du point d’entrée de la veine cave supérieure, sur la face postérieure de l’oreillette droite. Il est fréquent et normal que sa position et sa morphologie varient. Le nœud SA reçoit le sang du système coronaire droit chez 63 % des personnes, alors qu’il le reçoit du système coronaire gauche chez les autres 37 % de la population (Pejkovic´, Krajnc, Anderhuber et al., 2008). Le nœud SA contient deux types de cellules, les cellules nodales rythmogènes spécialisées, qui se trouvent au centre du nœud, et les cellules de transition. Ces deux types de cellules ont des propriétés rythmogènes inhérentes (elles se dépolarisent automatiquement de 60 à 100 fois par minute). Les cellules rythmogènes au centre du nœud sont responsables de la stimulation du cœur, alors que la fonction de dépolarisation intrinsèque des bres de la zone de transition est réduite par le tissu auriculaire avoisinant. Une fois que les cellules centrales se dépolarisent, l’inux électrique chemine par la zone de transition du nœud SA en direction de l’oreillette. La transmission de l’onde de dépolarisation de l’oreillette droite vers l’oreillette gauche sera avantagée par un tissu de conduction spécialisé, c’est-à-dire une voie de conduction intra-auriculaire appelée faisceau de Bachmann (Anderson & Cook, 2007 ; Fedorov, Glukhov & Chang, 2012). La dépolarisation des oreillettes se produit ensuite de cellule en cellule FIGURE 11.7A. Au même moment, l’onde de dépolarisation du nœud SA se propage en direction du nœud AV par des voies internodales (Beaumont, 2012 ; Bickley, 2010 ; McKinley, 2014).

Mitrale

Auriculoventriculaire

L’oreillette gauche et le ventricule gauche

Nœud auriculoventriculaire

Aortique

Semi-lunaire

Le ventricule gauche et l’aorte

Le nœud auriculoventriculaire (AV) est situé sur la face postérieure du cœur, du côté droit du septum

Système de conduction Pour pouvoir analyser l’activité électrique intracardiaque, il importe de comprendre l’anatomie et le fonctionnement des trois principales zones de propagation et de conduction de l’inux électrique : 1) le

TABLEAU 11.1

212

Partie 2

Valves cardiaques et leur emplacement

Système cardiovasculaire

11

FIGURE 11.7 Cœur avec ses voies de conduction normales. A Les potentiels d’action transmembranaire du nœud SA et du muscle auriculaire. B Faisceau de His. C Branches du faisceau de His et bres de Purkinje. D Muscle ventriculaire.

interauriculaire, à la base de l’oreillette droite (Kurian, Ambrosi, Hucker et al., 2010). Il reçoit son approvisionnement en sang du premier rameau septal postérieur de l’artère coronaire droite (90 %) et gauche (10 %) (Pejkovic´, Krajnc, Anderhuber et al., 2008). Comme les oreillettes et les ventricules sont séparés par un tissu non conducteur, les inux électriques qui prennent naissance dans l’oreillette droite ne peuvent arriver aux deux ventricules que par le nœud AV depuis les voies internodales. Le nœud AV possède trois fonctions essentielles qui favorisent la conduction cardiaque : 1. Il retarde de 0,10 seconde la conduction de l’inux provenant des oreillettes an de donner le temps aux ventricules de se remplir complètement pendant la diastole (Beaumont, 2012 ; McKinley, 2014 ; Waugh & Grant, 2007 ; Widmaier et al., 2011). 2. Il contrôle le nombre d’inux transmis par les oreillettes aux ventricules, ce qui empêche les rythmes cardiaques auriculaires irréguliers et rapides de déstabiliser le rythme ventriculaire. 3. Il peut être le siège d’une conduction rétrograde (vers l’étage auriculaire) de l’inux. Si les cellules rythmogènes des nœuds SA et AV (et du faisceau de His, situé dans la portion terminale [ou inférieure] du nœud AV) n’envoient pas d’inux, un inux électrique peut prendre naissance dans les ventricules et être dirigé vers la base du cœur (étage auriculaire) par le nœud AV. Normalement,

le délai de conduction rétrograde est plus long que celui de la conduction antérograde (vers l’avant).

Faisceau de His, branches du faisceau de His et bres de Purkinje À l’extrémité distale de la structure du nœud AV se trouve un foyer d’automaticité, communément appelé faisceau de His (de 40 à 60/min). Le faisceau de His sert de centre rythmogène subsidiaire en cas de défaillance du nœud SA. Normalement, la fréquence de dépolarisation des cellules automatiques du faisceau de His est plus lente que la fréquence nodale SA TABLEAU 11.2. Lorsqu’un inux en provenance du nœud SA arrive au nœud AV, le tissu nodal AV se dépolarise, et le délai de stimulation du nœud AV se réinitialise FIGURE 11.7B . Cela empêche le nœud AV de déclencher son propre inux rythmogène et d’entrer en concurrence avec le nœud SA. Par ailleurs, les inux électriques se déplacent par l’entremise des branches du faisceau de His et des bres de Purkinje FIGURE 11.7C. Ces structures passent sous l’endocarde, en se dirigeant vers le côté droit du septum interventriculaire. À environ 12 mm sous le nœud AV, le faisceau de His se divise en branches droite et gauche. La branche droite continue de descendre vers le côté droit du septum interventriculaire en direction de l’apex droit du cœur. La branche gauche, plus épaisse que celle de droite, quitte le faisceau de His en formant un angle presque droit. Chapitre 11

Anatomie et physiologie du système cardiovasculaire

213

Elle traverse le septum en direction de la surface sous-endocardique de la paroi interventriculaire gauche, où elle se divise en deux faisceaux de bres : le faisceau antérieur, mince, et le faisceau postérieur, plus épais. Le faisceau de His reçoit son approvisionnement sanguin par les artères collatérales de l’artère du nœud AV dans 90 % des cas et par l’artère coronaire circonflexe dans les autres cas (10 %) (Beaumont, 2012). Sur le plan fonctionnel, il est question d’hémibloc lorsque l’un des faisceaux de la branche gauche est bloqué. La branche droite et la branche gauche peuvent être sujettes à des anomalies de conduction (blocs de branches) qui se traduisent par des modications précises à l’ECG. La branche droite et les deux divisions de la branche gauche du faisceau de His se subdivisent en bres de Purkinje, dont la vitesse de conduction est la plus élevée de tout le tissu cardiaque. Les bres de Purkinje se ramient plusieurs fois et se terminent dans la surface sous-endocardique des deux ventricules. Il s’ensuit une dépolarisation du muscle ventriculaire FIGURE 11.7D. Les bres de Purkinje sont également considérées comme le centre d’automatisme tertiaire (foyers d’automaticité) de relève (de 20 à 40/min) en cas de défaillance

du nœud SA ou des cellules automatiques du faisceau de His.

Apport sanguin coronarien La circulation coronarienne comprend les vaisseaux qui approvisionnent les structures cardiaques en sang oxygéné (artères coronaires) et ceux qui ramènent le sang désoxygéné dans l’oreillette droite par le sinus coronaire. Les artères coronaires droite et gauche, d’un diamètre d’environ 3 mm, prennent naissance dans la partie initiale de l’aorte par les ostiums coronaires, juste audessus de la valve aortique (Beaumont, 2012 ; Loukas, Groat, Khangura et al., 2009) FIGURE 11.8. Elles traversent ensuite l’extérieur du cœur, audessus de l’épicarde, dans les sillons naturels (sillons coronaires) logés entre les cavités. An d’irriguer l’épais muscle cardiaque, les rameaux de ces artères principales forment des angles aigus et pénètrent la paroi musculaire pour irriguer l’endocarde FIGURE 11.9 (Loukas et al., 2009). L’artère coronaire droite (ACD) s’étend principalement au côté droit du cœur et se divise en deux branches terminales : antérieure et postérieure (McKinley, 2014). Chez la plupart des

FIGURE 11.8 Proximité des artères coronaires avec la valve aortique et le sinus de Valsalva.

214

Partie 2

Système cardiovasculaire

FIGURE 11.9

Distribution des artères coronaires à l’intérieur du myocarde. A Les artères épicardiennes bifurquent à angles aigus à partir des principaux vaisseaux coronaires de manière à approvisionner la surface épicardique du cœur. B Les vaisseaux plus petits partent en rameaux à angles obliques à partir des principaux vaisseaux coronaires qui pénètrent plus profondément dans le myocarde et l’endocarde (artères intramurales).

personnes, l’ACD est liée à l’oreillette droite et à la plus grande partie du ventricule droit. Chez 63 % de la population, l’artère du nœud sinusal, qui irrigue le nœud SA, prend naissance dans l’ACD (Pejkovic´ et al., 2008). Chez 90 % de la population, le nœud AV est irrigué par cette artère (Pejkovic´ et al., 2008). Le terme artère coronaire dominante se rapporte à la portion de l’ACD qui approvisionne la partie postérieure du cœur. Chez la plupart des personnes, l’artère interventri culaire postérieure (IVP) est l’artère coronaire dominante, et elle irrigue les parois postérieures de deux ventricules ainsi qu’une petite partie du septum (Loukas et al., 2009). L’artère coronaire gauche est une artère courte, mais importante qui se dirige vers le côté gauche du cœur. Le tronc commun de l’artère gauche, qui

mesure environ 15 mm, se subdivise rapidement en deux grosses artères : l’artère interventriculaire antérieure (IVA), d’une longueur approximative de 130 mm, et l’artère circonexe (Cx), qui mesure environ 90 mm (Beaumont, 2012). Ces vaisseaux sont liés à l’oreillette gauche et à la majeure partie de la face antérieure du ventricule gauche FIGURE 11.10. L’IVA traverse le sillon au-dessus du septum intraventriculaire antérieur. Les rameaux perforants septaux bifurquent à angle droit an d’approvisionner la plus grande partie du septum intraventriculaire en sang (Loukas et al., 2009). Les artères coronaires sont des artères terminales, c’est-à-dire qu’elles approvisionnent une petite zone du myocarde et qu’elles font l’objet d’une circulation collatérale limitée. Elles sont donc vulnérables à l’obstruction par une plaque athéroscléreuse ou un thrombus, ce qui peut entraîner une diminution importante du débit sanguin vers le muscle du myocarde normalement approvisionné par ces artères. Le blocage du débit sanguin de l’artère coronaire, notamment dans la portion du tronc commun de l’artère coronaire gauche, aboutit généralement au décès consécutif à un IDM massif de la face antérieure du ventricule gauche. Si l’artère bloquée irrigue une plus petite section du myocarde, l’IDM peut se produire sans que le client décède nécessairement. Les répercussions d’un IDM sont intimement liées au siège de l’occlusion. Étant donné la force de contraction des ventricules pendant la systole, la circulation dans les artères coronaires est maximale au début de la diastole, immédiatement après la fermeture de la valve aortique. Pendant un épisode de tachycardie, le temps de diastole diminue considérablement, ce qui réduit la durée de l’irrigation coronarienne. Ainsi, lorsque la fréquence cardiaque (F.C.) est rapide et persistante, le débit sanguin coronarien peut devenir insufsant et occasionner des douleurs rétrosternales.

11

FIGURE 11.10 Faces antérieure et postérieure de la circulation de l’artère coronaire et principaux vaisseaux. ACD : artère coronaire droite ; IVA : interventriculaire antérieure ; Cx : circonexe ; IVP : interventriculaire postérieure.

Chapitre 11

Anatomie et physiologie du système cardiovasculaire

215

Veines coronaires Les veines cardiaques (coronaires), qui transportent le sang désoxygéné, suivent le même trajet que les artères coronaires, à un détail important près : les veines coronaires nissent par se rejoindre pour former le sinus coronaire (la plus grosse veine cardiaque), qui se vide principalement à l’intérieur de l’oreillette droite. Le sang veineux provenant des coronaires se mélange ensuite au reste du sang veineux systémique qui se retrouve dans l’oreil lette droite avant d’être éjecté vers les poumons pour y être réoxygéné (Loukas, Blinsky, El-Sedfy et al., 2009).

Shunts intracardiaques physiologiques

14 Le chapitre 14, Troubles cardiovasculaires, décrit entre autres une perfora­ tion du septum ventricu­ laire, une complication pouvant découler d’un IDM de la face antérieure et étendue du cœur.

Un shunt intracardiaque survient lorsque le sang artériel oxygéné se mélange au sang désoxygéné (généralement le sang veineux dont la teneur en oxygène est inférieure). Le plus souvent, la direction du shunt est orientée de la cavité (oreillette ou ventricule) où la pression est la plus forte vers la cavité (oreillette ou ventricule) où la pression est la plus faible, c’est-à-dire de gauche à droite ou encore du sang oxygéné vers le sang désoxygéné. Dans un cas de gure précis, ce processus physiologique intracardiaque est normal. Les veines de Thébésius sont de petits vaisseaux qui relient directement les lits capillaires aux cavités cardiaques par des sinus irréguliers tapissés d’endothélium à l’intérieur du myocarde. Les veines de Thébésius ajoutent une petite quantité de sang désoxygéné au sang oxygéné dans le ventricule gauche. Un exemple de shunt intracardiaque anormal ou pathologique serait une ouverture dans le septum interventriculaire, qui sépare normalement les côtés droit et gauche du cœur. Cette ouverture septale dans le ventricule, appelée communication interventriculaire, entraîne le mélange de sang provenant des deux ventricules. Les répercussions cliniques de cette anomalie dépendent de la taille du shunt intracardiaque. La communication interventriculaire est une ouverture congénitale reliant les ventricules. Une perforation du septum ventriculaire est une complication qui peut découler d’un IDM de la face antérieure et étendue du cœur 14 .

11.1.2

Principaux vaisseaux cardiaques

Aorte L’aorte est le plus gros vaisseau de l’organisme. Cette artère transporte le sang oxygéné du ventricule gauche vers tout l’organisme. Elle est séparée du ventricule gauche par la valve semi-lunaire aortique. Juste au-dessus de la valve aortique se trouvent deux petites ouvertures qui constituent les points de départ des systèmes artériels coronariens droit et gauche FIGURE 11.8. Ces ouvertures sont appelées orices (ou ostium) coronaires. Elles sont situées dans les sinus de Valsalva.

216

Partie 2

Système cardiovasculaire

Artère pulmonaire L’artère pulmonaire transporte le sang désoxygéné du ventricule droit vers les artérioles pulmonaires. Elle est séparée du ventricule droit par la valve semilunaire pulmonaire. L’artère pulmonaire principale se divise en rameau droit et en rameau gauche, qui acheminent le sang vers le système vasculaire des poumons droit et gauche. L’artère pulmonaire est la seule artère de l’organisme qui transporte du sang désoxygéné.

Veines pulmonaires Les quatre veines pulmonaires rapportent le sang oxygéné des poumons vers l’oreillette gauche. Ce sont les seules veines de l’organisme qui transportent du sang oxygéné. Ces veines vident leur contenu dans la paroi antérieure de l’oreillette gauche FIGURE 11.10. Aucune valve ne s’oppose au sang qui se déverse dans l’oreillette gauche. Le débit sanguin s’effectue par des gradients simples de pression hydrostatique. La pression dans l’oreillette gauche doit être inférieure à celle de la circulation pulmonaire an que le sang puisse avancer.

Circulation générale Si la fonction du cœur est de générer une pression sufsante pour pomper le sang, les structures vasculaires servent de conduits amenant l’oxygène et les nutriments essentiels à la vie vers chaque cellule, et elles permettent en outre d’acheminer les déchets métaboliques en vue de leur élimination. La capacité d’échange de ces nutriments et de ces déchets à l’échelle cellulaire revêt une importance primordiale. Le système vasculaire agit donc non seulement comme système transporteur du sang, mais il gère aussi le mécanisme de pression dans le cœur et les vaisseaux. Ces interactions complexes entre le cœur et les vaisseaux sanguins maintiennent une pression et une vitesse adéquates au sein de ce système, pour garantir sa fonction optimale.

Système artériel Les artères sont constituées de trois couches : 1) l’adventice (ou tunique externe), la couche la plus supercielle, composée principalement d’un manteau de tissu conjonctif qui procure aux vaisseaux leur force et leur morphologie ; 2) la média, la couche musculaire médiane, constituée de muscle lisse et de tissu élastique (la couche musculaire fait varier le diamètre de la lumière artérielle en fonction des besoins) ; 3) la couche interne, ou intima, est formée d’une ne paroi endothéliale et d’une petite quantité de tissu élastique FIGURE 11.11. La ne couche endothéliale lisse diminue la résistance au débit sanguin et réduit au minimum le risque d’agrégation plaquettaire. Dans le système vasculaire, les dimensions de l’intima et de l’adventice restent relativement constantes, alors que l’élastine et le muscle lisse de la média varient en proportions, selon la taille et le type de vaisseau. Par exemple, l’aorte contient la plus importante quantité de tissus élastiques, ce qui

est nécessaire compte tenu des changements soudains de pression créés par le ventricule gauche. Les sphincters précapillaires et les artérioles sont constitués d’une plus importante quantité de muscle lisse que les grosses artères et l’aorte, car ils doivent pouvoir modier le diamètre de la lumière artérielle an de réguler la pression artérielle (P.A.) et le débit sanguin en direction des tissus FIGURE 11.12.

Débit sanguin et pression artérielle La nature pulsatile du débit artériel résulte du caractère intermittent de l’éjection cardiaque et de l’étirement de l’aorte ascendante. L’onde de pression déclenchée par l’éjection ventriculaire gauche voyage considérablement plus vite que le sang luimême FIGURE 11.13. Lorsque l’inrmière palpe le pouls d’un client, c’est la propagation de l’onde de pression qu’elle perçoit. Dans le système artériel normal, le débit sanguin se déplace dans une seule direction. Cependant, les vitesses linéaires varient à l’intérieur d’un vaisseau sanguin. En effet, la couche de sang immédiatement adjacente à la paroi du vaisseau se déplace relativement lentement en raison de la légère friction causée par son contact avec la paroi vasculaire immobile. En revanche, le sang qui s’écoule plus au centre de la lumière des vaisseaux voyage plus rapidement FIGURE 11.14. Lorsque la paroi des vaisseaux présente une anomalie, par exemple un petit caillot ou un dépôt de plaque, il en découle un état pathologique potentiel. Cette perturbation du ux sanguin peut donner lieu à des courants en tourbillon, pouvant prédisposer le foyer en question à une agrégation plaquettaire et à une athérosclérose. La mesure de la P.A. comprend plusieurs éléments. La pression artérielle systolique (P.A.S.) représente l’éjection du volume ventriculaire et la manière dont le système artériel y répond. La valeur de la pression artérielle diastolique (P.A.D.) indique l’état de repos ventriculaire du système artériel. La

11

FIGURE 11.11

Coupe transversale des trois couches d’une artère et d’une veine : l’intima, la média et l’adventice. À noter, la différence d’épaisseur de la paroi des artères et des veines et l’absence de valves dans l’artère.

pression artérielle différentielle (P.A. diff.) (ou pression pulsée) correspond à la différence entre la P.A.S. et la P.A.D. Comme la P.A. augmente ou diminue selon l’état de repos ou de contraction des ventricules, la pression artérielle moyenne (P.A.M.) correspond à la moyenne des variations de ces pressions.

FIGURE 11.12 Diamètre interne, épaisseur de la paroi et quantités relatives des principales composantes de l’appareil circulatoire vasculaire. Les sections transversales des vaisseaux ne sont pas à l’échelle compte tenu de l’énorme différence de taille entre l’aorte, la veine cave et les capillaires.

Chapitre 11

Anatomie et physiologie du système cardiovasculaire

217

FIGURE 11.15 Mesure de la pression artérielle moyenne. P.A. : pression artérielle ; P.A. diff. : pression artérielle différentielle ; P.A.S. : pression artérielle systolique ; P.A.M. : pression artérielle moyenne ; P.A.D. : pression artérielle diastolique.

FIGURE 11.13

Propriétés élastiques et de rétraction de l’aorte.

13 et B Le chapitre 13, Examens paracliniques du système cardiovasculaire, et l’an­ nexe B, Formules physio­ logiques pour les soins critiques, présentent la façon de calculer la P.A.M.

Elle représente la valeur moyenne de l’aire sous la courbe de la P.A. FIGURE 11.15 13 et B . La P.A. peut être mesurée de plusieurs façons, et elle s’exprime en millimètres de mercure (mm Hg). La mesure directe consiste à insérer un cathéter dans une artère. La méthode de mesure indirecte la plus courante repose sur l’utilisation d’un stéthoscope et d’un sphygmomanomètre FIGURE 11.16. La FIGURE 11.17 offre un schéma sommaire des pressions artérielles en différents points de l’appareil circulatoire général. La résistance vasculaire reète le tonus artériolaire. La quantité importante de muscle lisse dans les artérioles permet à ces vaisseaux de se relâcher ou de se contracter et donc d’inuer sur la résistance et la redistribution de l’écoulement sanguin. La résistance est une force qui s’oppose à l’écoulement du sang, produite par les vaisseaux sanguins. Les variations de résistance résultent le plus souvent

FIGURE 11.14 Écoulement sanguin dans une artère.

218

Partie 2

Système cardiovasculaire

de modications du tonus des parois des vaisseaux artériels, principalement des artérioles. Ce mécanisme sert à maintenir une P.A. constante dans le système artériel. L’inrmière ne peut jamais présumer que le débit sanguin et la P.A. sont identiques. Par exemple, un débit sanguin insufsant en direction des tissus, à cause d’une vasoconstriction des artérioles périphériques, provoque un refoulement du sang et augmente la P.A. Une P.A. accrue est un mécanisme compensatoire qui n’est pas forcément l’indice d’un problème d’irrigation tissulaire.

FIGURE 11.16 Principes de mesure de la pression artérielle (P.A.) à l’aide d’un sphygmomanomètre. La ligne oblique représente la pression dans le sac gonable du brassard du tensiomètre. Lorsque les pressions dans le brassard sont supérieures à la P.A.S. (à gauche de A), le sang ne peut avancer au-delà du brassard, et aucun son n’est décelable sous le brassard, avec le stéthoscope. Lorsque les pressions dans le brassard sont comprises entre la P.A.S. et la P.A.D. (entre A et B), le sang coule dans les artères sous le brassard et produit les sons de Korotkoff. Lorsque les pressions dans le brassard sont inférieures à la P.A.S. (à droite de B), le débit artériel en aval du brassard est continu, et aucun son n’est décelable.

FIGURE 11.17 Pressions sanguines dans différentes parties de l’appareil circulatoire général.

Il est d’ailleurs possible de calculer la résistance au sein du système vasculaire général, dite résistance vasculaire systémique (RVS). Lorsque la résistance touche la circulation pulmonaire, il est question de résistance vasculaire pulmo naire (RVP) 13 et B .

Microcirculation La microcirculation s’effectue dans des artérioles, des capillaires artériels, des capillaires veineux et des veinules FIGURE 11.18. Les échanges d’oxygène, de nutriments, d’hormones et de déchets métaboliques se produisent entre la circulation sanguine et les cellules adjacentes. La microcirculation joue un rôle vital dans la régulation de l’apport et de la demande en oxygène à l’échelle tissulaire. La densité et l’anatomie de la microcirculation varient en fonction des besoins métaboliques de chaque tissu ou organe. Les sphincters précapillaires sont de petits anneaux de muscle lisse qui contrôlent le débit sanguin à la jonction entre les artérioles et les capillaires. Ils

FIGURE 11.18 Microcirculation. À noter, les ramications et la vaste zone transversale du lit capillaire.

régulent le débit sanguin vers les lits capillaires en modiant leur contractilité ; leur innervation est sous la responsabilité de la noradrénaline libérée par le système nerveux sympathique et de l’adrénaline libérée par les cellules chromafnes dans la médullosurrénale des glandes surrénales (Thomas, 2011). À mesure que le sang arrive à l’échelle capillaire, le débit artériel devient moins pulsatile FIGURE 11.17. Même si le diamètre d’un capillaire est inférieur à celui d’une artériole, la pression et la vitesse de l’écoulement sanguin dans le lit capillaire sont faibles, car la ramication de celui-ci s’étend sur une large section transversale FIGURE 11.18. Chaque capillaire, constitué d’une seule couche cellulaire d’endothélium, est dépourvu de muscle ou d’élastine FIGURE 11.12. Cette structure permet aux solutés de diffuser vers les capillaires et hors de ceux-ci, sans être soumis à des obstacles mécaniques. Les capillaires retiennent normalement les structures de grande taille comme les globules rouges, mais sont très perméables aux solutés de plus petite taille comme les électrolytes.

11

Système veineux À mesure que le sang quitte le système capillaire, il traverse les veinules puis les veines. Les veinules et les veines sont constituées de tissu élastique, de muscle lisse et de tissu breux. Cependant, les veines contiennent une proportion plus élevée de muscle lisse et de tissu breux pour pouvoir accueillir un volume de sang veineux important et assurer une grande capacité de réserve. La majorité du sang en circulation se trouve dans le système veineux, mais contrairement à la P.A., la pression veineuse oscille très peu au cours d’un cycle cardiaque. Le fait que les veines soient munies de valves favorise l’écoulement du sang veineux en direction du cœur et l’empêche de reuer vers les tissus. Les veines sont appelées vaisseaux capacitifs ou réservoirs veineux FIGURE 11.19. Près de 60 % du volume sanguin total est contenu dans les veines (Widmaier et al., 2011). Cela permet à l’organisme de puiser dans une vaste réserve en cas de besoin. Par exemple, lorsqu’un client passe de la position allongée à la position assise, de 7 à 10 ml de sang par kilogramme de poids corporel se déversent dans les jambes. Théoriquement, le débit cardiaque (D.C.) pourrait alors diminuer de 20 %, mais grâce au phénomène de vasoconstriction réexe et à la redistribution du sang en provenance de ces réservoirs que sont les veines, le D.C. et la P.A. demeurent généralement normaux. Chez l’humain, ces capacités de réservoir sont les plus abondantes dans la rate, le foie et l’intestin. Les clients dont les réserves de sang ont diminué ou qui sont en hypovolémie ou déshydratés doivent être particulièrement prudents pendant les changements de position, surtout lorsqu’ils se redressent et se lèvent. Avant d’aider un client à se lever, l’inrmière le laisse faire « pendiller » ses jambes (en l’asseyant sur le bord du lit pendant quelques instants) an de s’assurer que ses réserves veineuses sont adéquates. Chapitre 11

13 13 et et BB LLes valeurs de RVS et de RVP, dérivées de calculs réalisés à partir d’autres paramètres hémodynamiques, sont détaillées dans le chapitre 13, Examens paracliniques du système cardiovasculaire, et dans l’annexe B, Formules physiologiques pour les soins critiques.

Anatomie et physiologie du système cardiovasculaire

219

FIGURE 11.19 Pourcentage de la volémie totale dans chaque partie du système circulatoire.

11.1.3

Structure microscopique

Pour apprécier la capacité unique de pompage du cœur, il importe de comprendre la structure et la fonction des cellules cardiaques. La présente section passe en revue les mécanismes anatomiques responsables de la contractilité des cellules du muscle cardiaque.

Fibres cardiaques En général, les bres du muscle cardiaque sont disposées en treillis. Les cellules breuses (myobrilles) se divisent, se rejoignent et se séparent de nouveau, mais leurs parois cellulaires sont distinctes, et elles sont mononucléées. Chaque cellule du muscle cardiaque est appelée myocyte. Les myocytes sont reliés entre eux par des structures de liaison spécialisées appelées stries scalariformes (ou disques intercalaires), qui facilitent la propagation de la dépolarisation. Les cellules du muscle du myocarde sont très différentes de celles du muscle squelettique, dont les cellules sont fusionnées en une bre continue comprenant de nombreux noyaux. En général, les myobrilles cardiaques suivent un axe longitudinal et présentent un aspect rayé ou strié. En microscopie électronique, ces stries correspondent aux protéines contractiles FIGURE 11.20. Les régions séparant chaque cellule du myocarde de sa cellule voisine, c’est-à-dire les stries scalariformes (ou disques intercalaires), sont en contact direct avec le sarcolemme ou membrane cellulaire. Le point de rencontre entre les branches longitudinales de deux cellules est appelé jonction serrée (ou jonction communicante) ; il est contenu dans les stries scalariformes. Ces jonctions gênent beaucoup moins

220

Partie 2

Système cardiovasculaire

l’inux électrique par rapport au sarcolemme, de sorte que la dépolarisation s’effectue d’une cellule à l’autre assez facilement. Le muscle cardiaque est un syncytium fonctionnel : la dépolarisation déclenchée dans n’importe quelle cellule cardiaque se propage rapidement dans la totalité du cœur.

Cellules cardiaques Chaque cellule du cœur contient de nombreuses protéines intracellulaires qui participent à la contraction. L’actine et la myosine en sont deux types importants. Ces protéines contractiles abondent dans la cellule et sont réparties de manière longitudinale. En microscopie électronique, les laments de myosine ont l’air épais, alors que les laments d’actine, qui sont presque deux fois plus nombreux, ont un aspect nettement plus mince. Les laments d’actine sont reliés à une bande Z d’un côté, mais leur autre extrémité est libre pour pouvoir former les ponts actine-myosine. Dans la cellule musculaire au repos, l’actine et la myosine se chevauchent partiellement. La myosine est divisée en trois parties distinctes : 1) la tête ; 2) la charnière ; 3) la queue. Les extrémités du lament de myosine qui chevauchent l’actine comportent de nes projections appelées têtes de myosine, qui contiennent un site de liaison à l’actine. Pour que la contraction puisse se produire, les têtes de myosine doivent interagir avec l’actine et former des ponts actine-myosine FIGURE 11.21. Le sarcomère, qui est l’unité fonctionnelle de la contraction cardiaque, est déni comme la région comprise entre deux bandes Z (Gautel, 2011). À l’état de repos normal, le sarcomère mesure de 2 à 2,2 µm de longueur FIGURE 11.22. Les laments de myosine

11

FIGURE 11.20 Diagramme d’un micrographique électronique du muscle cardiaque illustrant le nombre important de mitochondries, les stries scalariformes avec les jonctions communicantes, les tubules transverses et les tubules longitudinaux (aussi appelés réticulum sarcoplasmique) (environ × 30 000).

FIGURE 11.21 Filaments d’actine et de myosine et ponts actine-myosine responsables de la contraction cellulaire.

sont situés au milieu du sarcomère et sont liés à la bande Z du sarcomère par la protéine titine (LeWinter & Granzier, 2010 ; Pappas, Bliss, Zieseniss et al., 2009). Chaque sarcomère contient une bande A centrale (laments épais) et deux moitiés de bande I (laments ns), comme l’illustre la FIGURE 11.22C. Les bandes I de deux sarcomères adjacents se rencontrent au niveau de la bande Z. La partie centrale de la bande A représente la bande M, qui ne contient pas d’actine. La FIGURE 11.22C montre la position de la titine, des laments ns et des laments épais dans le sarcomère. Le lament n est composé de chaînes hélicoïdales de protéines globulaires d’actine enroulées autour d’un long lament de tropomyosine et de trois protéines régulatrices de troponine : Tn-T, Tn-C et Tn-I. Le complexe des troponines se lie à l’actine à des intervalles d’espacement réguliers. Le réticulum sarcoplasmique est une autre structure intracellulaire tout à fait cruciale pour l’efcacité de la contraction. Les ions calcium sont mis en réserve dans le réticulum sarcoplasmique et libérés après la dépolarisation FIGURE 11.22A. Les invaginations profondes dans le sarcomère sont appelées tubules transverses ou tubules T (Ibrahim, Gorelik, Yacoub et al., 2011). Les tubules T sont principalement un prolongement Chapitre 11

Anatomie et physiologie du système cardiovasculaire

221

respiratoires nécessaires à la phosphorylation oxydative FIGURE 11.20. C’est ainsi qu’elles peuvent répondre aux immenses exigences énergétiques associées aux contractions répétitives. Lorsque les cellules cardiaques sont endommagées du fait d’un trauma ou d’une ischémie, les cellules du myocarde libèrent des biomarqueurs protéiques comme la troponine. Le taux de troponine est mesuré en laboratoire et peut servir à évaluer l’ampleur des lésions 14 .

11.2

Physiologie

Les propriétés électriques et mécaniques du tissu cardiaque fascinent les scientiques depuis plus de un siècle. Elles incluent l’excitabilité, la conductivité, l’automaticité, la rythmicité, la contractilité et leur propriété réfractaire. La présente section explique ces notions associées aux cellules cardiaques TABLEAU 11.3.

11.2.1

Activité électrique

Potentiels transmembranaires

FIGURE 11.22 Mouvement d’un sarcomère à la suite d’une dépolarisation. A La dépolarisation d’une cellule du myocarde entraîne la libération de calcium du réticulum sarcoplasmique et des tubules transverses. B La libération de calcium permet aux ponts actine-myosine sur les laments de myosine de se lier aux laments d’actine pour enclencher une contraction cellulaire. C Le sarcomère est compris entre deux bandes Z. Le sarcomère est composé d’une bande A centrale, qui contient des laments épais, et de deux moitiés d’une bande I, qui contient les laments ns. Le centre de la bande A est la ligne M. La titine va de la bande Z jusqu’à la ligne M.

14 Le chapitre 14, Troubles cardiovasculaires, aborde le taux de troponine mesuré en laboratoire pouvant servir à évaluer l’ampleur des lésions cardiaques.

222

Partie 2

de la membrane cellulaire (sarcolemme) ; ils acheminent la dépolarisation vers les structures profondes du cytoplasme comme le réticulum sarcoplasmique (Ibrahim et al., 2011). Les tubules T se lient aux sarcomères au niveau de la bande Z, comme l’illustre la FIGURE 11.22B. La bande Z est composée de protéines jonctionnelles comme l’alpha-actinine, qui relie l’actine à la bande Z. Les cellules cardiaques contiennent une grande quantité de mitochondries, qui renferment les enzymes

Système cardiovasculaire

Presque toutes les cellules de l’organisme renferment des potentiels électriques de part et d’autre de leur membrane. Certaines cellules, comme les cellules nerveuses et musculaires, sont spécialisées dans la conduction des inux électriques le long de leurs membranes. Ce potentiel électrique, ou potentiel transmembranaire, désigne la différence de charge électrique relative entre l’intérieur d’une cellule et le liquide qui l’entoure. Les canaux ioniques sont des pores dans les membranes cellulaires qui permettent le passage d’ions précis, à des moments donnés, ou en réponse à des signaux spéciques. Les potentiels transmembranaires et les canaux ioniques sont extrêmement importants pour les cellules du myocarde, car ils jouent un rôle central dans la conduction des inux électriques et la contraction musculaire. La connaissance de la structure et de la fonction physiologiques des canaux ioniques cardiaques est de plus en plus déterminante pour cerner la genèse des arythmies cardiaques mortelles et pour concevoir des médicaments à visée cardiaque an de traiter les pathologies qui touchent ces canaux.

Potentiel membranaire au repos Dans une cellule du myocarde au repos, le potentiel membranaire au repos (PMR) normal est compris entre –80 millivolts (mV) à l’étage auriculaire et de –90 mV à l’étage ventriculaire (Beaumont, 2012). Cela signie que l’intérieur de la cellule est relativement négatif par rapport à l’extérieur. La négativité relative de l’intérieur de la cellule est le résultat d’une distribution inégale d’ions positifs et négatifs. Lorsque la cellule est au repos, il y a plus d’ions positifs à l’extérieur qu’à l’intérieur de celle-ci. Lorsque la cellule est au repos, la concentration intracellulaire d’ions potassium (K+) est très élevée, alors que la concentration intracellulaire d’ions sodium (Na+) demeure faible. En revanche, la concentration extracellulaire d’ions K+ est relativement faible, et celle de Na+ est élevée TABLEAU 11.4. La concentration des ions calcium (Ca++) est de loin supérieure à l’extérieur de la cellule lorsque celle-ci est au repos. Ces différences importantes de concentrations ioniques créent des gradients chimiques (gradients de concentration). Un gradient chimique est la tendance d’un ion à se déplacer d’une région où sa concentration est plus élevée vers une région où elle est plus faible. Cependant, il existe aussi un gradient électrique, qui pousse les ions positifs à aller vers une région de négativité relative. Par exemple, le gradient chimique des forces K+ pousse ces ions à l’extérieur de la cellule, car la concentration intracellulaire de K+ est largement supérieure à sa concentration extracellulaire. Toutefois, en raison de la négativité relative à l’intérieur de la cellule (de −80 à −90 mV), le gradient électrique retient les ions positifs K+. La perméabilité membranaire, ou la sélectivité de la membrane pour certains mouvements ioniques, est un facteur important qui inuence ces deux gradients. Même au repos, il se produit un léger déplacement des ions à travers la membrane cellulaire. Ainsi, la membrane cellulaire est environ 50 fois plus perméable aux ions K+ qu’aux ions Na+. Étant donné que le déplacement des ions K+ vers l’extérieur de la cellule entraîne une négativité plus marquée à l’intérieur de celle-ci, les ions K+ sont les principaux ions responsables du maintien d’un PMR négatif. Il est alors question d’un état de polarisation de la cellule myocardique.

TABLEAU 11.3

Termes relatifs à la fonction du tissu cardiaque

TERME

DÉFINITION

Excitabilité

Capacité d’une cellule ou d’un tissu à se dépolariser en réponse à un stimulus donné

Conductivité

Capacité des cellules cardiaques à transmettre un stimulus d’une cellule à l’autre

Automaticité

Capacité de certaines cellules à se dépolariser spontanément (potentiel rythmogène)

Rythmicité

Automaticité produite à un rythme régulier

Contractilité

Capacité des myobrilles cardiaques à se raccourcir en réponse à un stimulus électrique (dépolarisation)

Propriété réfractaire

11

Pendant la repolarisation, état d’une cellule ou d’un tissu qui ne peut se dépolariser, quelle que soit l’intensité du stimulus, ou qui nécessite un stimulus beaucoup plus intense que celui qui est requis normalement

Phase 0 Le passage massif du Na+ à travers la membrane cellulaire dépolarise la membrane et augmente la positivité à l’intérieur de la cellule. À environ −65 mV, la membrane atteint le seuil, le point auquel le ux entrant d’ions Na+ dépasse le ux sortant d’ions K+. Cette opération s’effectue par les canaux Na+ rapides. Lorsque ces canaux s’ouvrent, le déferlement extrêmement rapide d’ions Na+ favorise un état bref au cours duquel l’intérieur de la cellule est légèrement plus positif que l’extérieur. Cette série d’événements est décrite graphiquement comme la phase 0 du potentiel d’action, et elle représente le stade d’inversion du potentiel d’action, où la charge est comprise entre 20 et 30 mV.

Phase 1 Lorsque l’entrée rapide des ions Na+ est terminée, il se produit une brève période de repolarisation partielle, au cours de laquelle la pente du potentiel d’action tend vers zéro (phase 1 du potentiel d’action). La fermeture des canaux rapides des ions Na+ est principalement responsable de cette phase initiale de repolarisation.

Phases du potentiel d’action Dans une cellule du myocarde, l’augmentation soudaine de la perméabilité membranaire aux ions Na+ suivant une stimulation (pour les cellules non rythmogènes) déclenche une séquence ultrarapide d’événements qui durent une fraction de seconde. Cette séquence d’événements est appelée dépolarisation. Le potentiel d’action est la représentation graphique de la dépolarisation et de la repolarisation FIGURE 11.23. Les courants ioniques modient les potentiels électriques suivant une séquence désignée par les phases 0, 1, 2, 3 et 4 du potentiel d’action. Ces phases donnent à celui-ci une forme caractéristique TABLEAU 11.5 et FIGURE 11.7.

TABLEAU 11.4

Concentrations approximatives d’ions potassium, sodium et calcium dans une cellule du myocarde au repos

TYPE D’ION

CONCENTRATION EXTRACELLULAIRE

CONCENTRATION INTRACELLULAIRE

Potassium (K+)

4 mmol/L

135 mmol/L

Sodium (Na+)

145 mmol/L

10 mmol/L

Calcium (Ca++)

2 mmol/L

0,1 mmol/L

Les valeurs indiquées ci-haut peuvent légèrement différer d’une source à l’autre. Chapitre 11

Anatomie et physiologie du système cardiovasculaire

223

Le ux entrant d’ions Ca++ pendant cette phase peut être influencé par de nombreux facteurs. Par exemple, les médicaments qui bloquent les canaux calciques, comme le vérapamil (IsoptinMD) et le diltiazem (CardizamMD, TazacMD), inhibent le flux entrant d’ions Ca++ dans les tissus du centre rythmogène, en particulier le nœud AV 15 .

Phase 3 La phase de repolarisation rapide correspond à la phase 3, et elle obéit à deux processus. Le premier est l’inactivation des canaux lents, qui empêche d’autres ions Ca++ et Na+ d’entrer dans la cellule. Le second est le ux sortant ininterrompu d’ions K+ hors de la cellule. Ces deux processus rendent le milieu intracellulaire plus négatif, ce qui permet de rétablir le PMR. Pendant le potentiel d’action, la phase 3 est illustrée sur la représentation graphique par une ligne abrupte descendante au cours de laquelle l’intérieur de la cellule devient plus négatif que l’extérieur.

Phase 4 FIGURE 11.23

Potentiels d’action cardiaques. A Phases 0 à 4 du potentiel d’action d’une cellule non rythmogène. B Potentiel d’action d’une cellule rythmogène. 15 La classe de médicaments utilisée en traitement pour ralentir les tachyarythmies auriculaires et protéger le ventricule contre des inux auriculaires excessifs sera abordée dans la section des médicaments à visée car­ diaque dans le chapitre 15, Approche thérapeutique du système cardiovasculaire.

TABLEAU 11.5

PHASE

Phase 2 La phase 2 est caractérisée par un épisode en plateau. Ainsi, pendant cette phase, un autre ensemble de canaux, les canaux lents Na+ et Ca++, s’ouvrent pour permettre le ux entrant des ions Ca++ et Na+. Pendant la phase 2, les ions K+ tendent à diffuser à l’extérieur de la cellule, ce qui équilibre le ux entrant lent d’ions Na+ et Ca++ et maintient ainsi le plateau du potentiel d’action. Les ions Ca++ entrant dans la cellule pendant cette phase déclenchent une contraction cardiaque, dont il sera question plus loin.

Phases de 0 à 4 du potentiel d’action d’une cellule cardiaque

DESCRIPTION

DÉPLACEMENT IONIQUE

MÉCANISME

0

Dépolarisation rapide

Entrée de Na+ dans la cellule

Ouverture des canaux rapides Na+

1

Inversion du potentiel



Fermeture des canaux rapides Na+

2

Plateau

Entrée de Na+ et de Ca++ dans la cellule, sortie de K+

Ouverture de canaux multiples (Ca++, Na+, K+) pour maintenir le potentiel membranaire

3

Repolarisation

Sortie de K+ de la cellule

Fermeture des canaux d’ions Ca++ et Na+ ; les canaux K+ restent ouverts

4

224

Potentiel membranaire au repos

Partie 2

Sortie de Na+, entrée de K+

Système cardiovasculaire

Pompe Na+/K+

Pendant la phase 4, le potentiel d’action retrouve un PMR compris entre −80 et −90 mV. L’excès d’ions Na+ entrés dans la cellule pendant la dépolarisation est évacué et échangé pour des ions K+ par la pompe Na+/K+. Ce mécanisme ramène les concentrations intracellulaires de Na+ et de K+ aux valeurs antérieures à la dépolarisation ; il est essentiel à l’équilibre ionique normal et à la préparation de la prochaine dépolarisation. En somme, c’est le retour au potentiel de repos qui est présent entre deux potentiels d’action distincts TABLEAU 11.5.

Fibre de conduction et excitabilité Les diverses parties du système de conduction réclament des courants électriques différents et créent des potentiels d’action transmembranaires distincts, comme l’illustre la FIGURE 11.7 au début du chapitre. Les déplacements ioniques à l’intérieur de l’endocarde, du myocarde et de l’épicarde ne sont pas uniformes, mais la signification clinique de ce phénomène n’est pas claire. La propagation d’un potentiel d’action le long des bres cardiaques est le résultat de déplacements ioniques (dont il a été question plus tôt). Lorsqu’une section localisée de la cellule se dépolarise, elle atteint un seuil et se dépolarise complètement, la région adjacente de la cellule en est alors affectée et subit une dépolarisation à son tour. Le potentiel d’action se propage le long de la bre comme une onde FIGURE 11.24. Ce phénomène ressemble un peu à la combustion d’une traînée de poudre, dans la mesure où, après l’allumage à une extrémité, une petite zone s’enamme, brûle puis met le feu à la poudre immédiatement voisine. La période d’inexcitabilité totale de la cellule correspond à la période réfractaire absolue. Dès que cette période est terminée, la cellule entre en période réfractaire effective (PRE), c’est-à-dire que la cellule peut être stimulée, mais ne conduit pas.

FIGURE 11.24

Schéma de la propagation d’un potentiel d’action le long d’une membrane cellulaire.

C’est probablement pour cette raison que dans la littérature, on les présente comme une seule et unique période, soit absolue (ou effective). Cette période va du début de la dépolarisation jusqu’à la repolarisation de l’intérieur de la cellule à environ −50 mV pendant la phase 3. La période réfractaire effective est immédiatement suivie de la période réfractaire relative (PRR). Pendant ce temps, la cellule n’est pas entièrement repolarisée, mais peut encore se dépolariser si le stimulus est assez puissant FIGURE 11.25. Cette période commence à environ −50 mV pendant la phase 3 jusqu’au point où la cellule retrouve le PMR (phase 4) ; à ce moment, la cellule est entièrement repolarisée et de nouveau prête à répondre au stimulus suivant 13 . En somme, une cellule ne peut être stimu lée dans le sens de la dépolarisation tant qu’elle ne s’est pas au moins partiellement rétablie de l’inux précédent. Cela signie qu’un inux ectopique ne peut se propager pendant la période réfractaire absolue.

Potentiels d’action des cellules rythmogènes et non rythmogènes Le potentiel d’action reète la dépolarisation des cellules du myocarde. Bien qu’il existe des similarités quant aux échanges ioniques, il n’en demeure pas moins que des différences importantes existent entre

les cellules rythmogènes et non rythmogènes. En effet, dans le nœud SA, le PMR n’est pas aussi négatif, et il correspond à environ −65 mV. Plutôt que de conserver un PMR constant, les cellules rythmogènes se dépolarisent lentement, à une vitesse constante, jusqu’à l’atteinte du seuil FIGURE 11.23B. L’absence de PMR à l’état d’équilibre résulte principalement d’un ux entrant continu d’ions Na+ par les canaux lents. Ce mécanisme explique que les cellules puissent spontanément se dépolariser (automaticité). La fréquence de décharge de ces cellules peut être altérée par l’augmentation ou la diminution du PMR cellulaire.

11.2.2

Couplage excitation-contraction

À mesure que la cellule du myocarde complète sa période de dépolarisation au cours de la phase 2 du potentiel d’action, les ions Ca++ extracellulaires pénètrent dans le cytoplasme par la membrane cellulaire en traversant des canaux Ca++ spéciaux. L’entrée des ions Ca++ déclenche la libération des réserves de Ca++ du réticulum sarcoplasmique (libération du calcium provoquée par des ions calcium). Par la suite, le Ca++ cytoplasmique se lie à la protéine régulatrice Tn-C pour entraîner une modication conformationnelle de la Tn-I ; cette liaison provoque à son tour un changement conformationnel de la protéine Tn-T qui éloigne la tropomyosine de son site de liaison à la myosine sur l’actine. Cette dernière peut alors interagir avec la myosine et libérer ainsi de l’adénosine diphosphate (ADP) et un phosphate inorganique, ce qui fournit l’énergie nécessaire à la myosine pour glisser le long de la molécule d’actine et entamer la contraction. Ce mécanisme est appelé cycle des ponts d’union. Il s’ensuit une contraction d’une cellule du myocarde qui se propage dans tout le myocarde. Après la contraction, les taux intracellulaires de Ca++ diminuent de deux manières. D’une part, la plupart des ions Ca++ retournent dans le réticulum sarcoplasmique par un processus dépendant du Ca++, du magnésium (Mg++) et de l’adénosine triphosphate (ATP). D’autre part, le système d’échange Na+/Ca++ du sarcolemme évacue les ions Ca++ de la cellule. La concentration cytoplasmique de Ca++ diminue, ce qui entraîne le relâchement musculaire.

11.2.3

11

13 Les concepts de période réfractaire absolue et de période réfractaire relative sont utiles pour comprendre la genèse de certaines aryth­ mies ventriculaires qui sont abordées dans le chapitre 13, Examens paracliniques du système cardiovasculaire.

Cycle cardiaque

Le mécanisme ordonné de la dépolarisationrepolarisation décrit précédemment provoque un cycle cardiaque. Le terme cycle cardiaque désigne le cycle mécanique complet du battement cardiaque qui commence par le relâchement ventriculaire (phase de remplissage) et qui se termine par la contraction ventriculaire (phase d’éjection). FIGURE 11.25

Deux parties de la période réfractaire. La période réfractaire effective (ou absolue) (PRE) va de la phase 0 à environ −50 mV pendant la phase 3. Le reste du potentiel d’action correspond à la période réfractaire relative (PRR).

Diastole ventriculaire (phase de remplissage) Les oreillettes gauche et droite étant remplies, l’ouverture des valves mitrale et tricuspide permet le passage du sang vers les ventricules. Après la Chapitre 11

Anatomie et physiologie du système cardiovasculaire

225

ventricules commencent à se tendre, depuis l’intérieur de l’endocarde jusqu’à l’épicarde externe, en passant par le myocarde. Cela augmente la pression à l’intérieur des cavités ventriculaires. C’est ce qui est appelé la contraction isovolumique, car même si le muscle ventriculaire se contracte, le volume de sang dans les ventricules ne change pas. Comme le montre la FIGURE 11.26, cela se traduit par une augmentation rapide de la pression dans le ventricule gauche.

Systole ventriculaire (phase d’éjection) La systole ventriculaire représente la phase d’éjection ventriculaire du cycle cardiaque. À mesure que la tension ventriculaire augmente, les pressions intraventriculaires dépassent la pression dans l’aorte et les artères pulmonaires, ce qui entraîne l’ouverture des valves aortique et pulmonaire. La quantité de sang éjecté des ventricules, à chaque battement, est appelée volume d’éjection systolique (V.E.S.). Dans un cœur en bonne santé, plus de la moitié du volume total de sang ventriculaire est éjecté ; le sang qui reste dans les ventricules correspond au volume résiduel ou volume ventriculaire télésystolique (VTS). La fraction d’éjection (F.E.) est une mesure de la capacité du cœur à pomper efcacement le sang qu’il reçoit. Sa valeur correspond au rapport entre le V.E.S. sortant du ventricule gauche à chaque battement et le volume de sang se trouvant dans le même ventricule à la n de la diastole, communément appelé volume télédiastolique (VTD). La F.E. est exprimée en pourcentage ; sa valeur normale peut varier entre 55 et 70 % (Abramson, 2012). Une F.E. inférieure à 30 % (Abramson, 2012) indique une fonction ventriculaire défaillante (comme dans les cas de cardiomyopathie), un remplissage ventriculaire insufsant, une obstruction de l’écoulement du sang (p. ex., à cause de problèmes de sténose valvulaire) ou une combinaison de ces affections.

Relâchement isovolumique

FIGURE 11.26 Cycle cardiaque.

ECG : électrocardiogramme ; P.A. : pression artérielle.

dépolarisation électrique des oreillettes (onde P), une contraction auriculaire (systole auriculaire) débute et favorise une entrée de sang additionnelle dans la cavité du ventricule. Lorsque le rythme sinusal est normal, cette étape assure un complément de remplissage ventriculaire pouvant varier de 20 à 30 % (Beaumont, 2012 ; McKinley, 2014 ; Waugh & Grant, 2007 ; Widmaier et al., 2011). Dès lors se produit la fermeture des valves mitrale et tricuspide.

Contraction isovolumique La dépolarisation ventriculaire (ondes QRS sur l’ECG) causée par le stimulus électrique dépolarise d’abord le septum et les muscles papillaires. Ensuite, les

226

Partie 2

Système cardiovasculaire

La phase suivante est celle du relâchement isovolumique, qui se produit entre la fermeture des valves semi-lunaires (aortique et pulmonaire) jusqu’à l’ouverture des valves AV (mitrale et tricuspide). Au début de cette phase, les quatre valves sont fermées, et la pression à l’intérieur du ventricule diminue et devient inférieure à la pression auriculaire, sans altérer le volume intraventriculaire. À ce stade, les valves mitrale et tricuspide s’ouvrent, et la phase de diastole ventriculaire recommence FIGURE 11.26.

11.2.4

Interaction entre le cœur et les vaisseaux : débit cardiaque

Le débit cardiaque (D.C.) est le volume de sang éjecté du cœur en une minute. Les déterminants du D.C. sont la F.C., exprimée en batt./min, et le V.E.S., exprimé en millilitres par battement (ml/batt.). L’équation est la suivante : V.E.S. × F.C. = D.C. En règle générale, le D.C. est exprimé en litres par minute (L/min). Chez l’humain adulte, le D.C.

11

FIGURE 11.27 Déterminants du débit cardiaque.

normal est compris entre 4 et 8 L/min ; il oscille entre 4 et 6 L/min au repos, et il augmente pendant l’effort. Le D.C. peut être spéciquement mis en rapport avec la taille corporelle en utilisant la taille et le poids d’une personne pour déterminer l’index cardiaque (I.C.). Celui-ci est égal au D.C. divisé par la surface corporelle (SC) du sujet, calculée à partir de la taille et du poids. L’intervalle normal de la SC, qui s’exprime en mètres carrés (m2), est compris entre 2,2 et 4 L/min/m2. Les variations du V.E.S. ou de la F.C. peuvent altérer le débit cardiaque 13 . Par exemple, chez une personne dont la F.C. est de 72 et le V.E.S. est de 70 ml, l’I.C. serait de : 72 (batt./min) × 70 (ml/batt.) = 5,04 L/min Si la F.C. passait à 140 et si le V.E.S. atteignait 40 ml chez cette personne, le calcul serait le suivant : 140 (batt./min) × 40 (ml/batt.) = 5,6 L/min Bien que le D.C. soit plus élevé, il est certain qu’une F.C. plus élevée ne serait pas un signe d’amélioration dans cette situation. La diminution du V.E.S. dans le deuxième cas indique que la décompensation cardiaque est imminente. En tant que valeur, le V.E.S. est tributaire de trois grands facteurs : 1) la précharge ; 2) la postcharge ; 3) la contractilité FIGURE 11.27.

Précharge La notion de précharge est apparue au début du siècle dernier, lorsque Ernest Starling a décrit les résultats obtenus à partir d’une étude menée sur des

cœurs canins. Starling a découvert qu’au fur et à mesure qu’il augmentait le volume perfusé dans un cœur énervé, le D.C. augmentait jusqu’à un point au-delà duquel toute perfusion additionnelle le faisait décroître. En fait, plus le volume sanguin est important dans le ventricule, plus la bre myocardique est étirée, et plus grande sera la force de contraction, et ce, jusqu’à une certaine limite physiologique. C’est ce qu’on appelle depuis la loi de Starling, dont la représentation graphique est connue sous le nom de courbe de Starling FIGURE 11.28. La meilleure façon de la décrire est de la situer à l’échelle moléculaire, c’est-à-dire sur la base des observations des ponts actine-myosine dans la myobrille. À mesure que le volume diastolique augmente, les molécules d’actine et de myosine au repos s’étirent. Pendant la contraction, la contractilité augmente du fait de l’étirement accru. Cependant, si l’étirement est excessif et qu’il étend l’actine et la myosine au-delà des limites des ponts actinemyosine (plus de 2,2 µm), la contractilité diminue. La courbe de Starling repose sur ce principe. Depuis l’avènement des unités de soins intensifs et des appareils sophistiqués de surveillance, ce principe a acquis une importance particulière dans la pratique clinique. Par exemple, après un IDM, la capacité de pompage du ventricule gauche peut être altérée. Il pourrait être souhaitable, dans certains cas, d’optimiser la contractilité du reste du muscle cardiaque viable en l’« étirant », et ce, en augmentant le volume. Cependant, si le volume intravasculaire dépasse la limite d’étirement, le D.C. diminue. La précharge est donc en lien avec le volume de sang dans le ventricule gauche à la n de la diastole. La pression créée par ce volume est appelée pression ventriculaire gauche en n de diastole (PVGFD). Les facteurs influant sur la précharge ventriculaire gauche incluent le retour veineux vers le cœur, la volémie et la systole auriculaire. Les facteurs qui agissent sur la compliance ventriculaire (capacité d’étirement) sont la raideur et l’épaisseur de la paroi musculaire. Par exemple, la précharge du client hypovolémique est trop faible, alors que celle du Chapitre 11

13 Le V.E.S., la F.C. et le D.C. sont davantage décrits et expliqués dans le cha­ pitre 13, Examens para­ cliniques du système cardiovasculaire.

Anatomie et physiologie du système cardiovasculaire

227

aortique), l’hypertrophie septale (obstruction de la chambre de chasse du ventricule), la vasoconstriction (augmentation de la RVS), la viscosité du sang et l’hypertension. La prise en charge thérapeutique visant à diminuer la postcharge consiste à réduire l’effort du cœur en administrant des agents vasodilatateurs qui atténuent la demande en oxygène du myocarde. Toute augmentation de la postcharge suscite une autorégulation, par laquelle le ventricule tente de s’adapter aux changements de la pression de remplissage sans allongement continu des bres au repos. Ainsi, lorsque la RVS augmente soudainement pendant la vasoconstriction, la pression diastolique ventriculaire croît temporairement jusqu’à ce que le ventricule atteigne un nouvel équilibre de pression.

Contractilité FIGURE 11.28

Courbe de Starling. Au fur et à mesure que la pression de remplissage du ventricule gauche en n de diastole (PVGFD) augmente, il en va de même du travail systolique et du volume ventriculaires, c’est-à-dire de la contractilité des ventricules. Lorsque la pression de remplissage du ventricule gauche dépasse un point maximal, la contractilité et le débit cardiaque diminuent. 13 Il est question de l’applica­ tion clinique de la PAPO dans le chapitre 13, Exa­ mens paracliniques du système cardiovasculaire.

client atteint d’insufsance cardiaque est trop importante. La pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO) offre un moyen de mesurer la précharge. Cette valeur était désignée autrefois comme la pression capillaire pulmonaire bloquée (PCPB) ou pression capillaire pulmonaire (PCP) 13 .

La postcharge peut être dénie comme la résistance, la tension ou le stress auquel la paroi ventriculaire est soumise durant l’éjection systolique. Elle est communément appelée résistance vasculaire. Alors qu’à partir du cœur gauche cette résistance s’appelle résistance vasculaire systémique (RVS) ou, moins fréquemment, résistance vasculaire périphérique, celle qui correspond au cœur droit s’appelle résistance vasculaire pulmonaire (RVP). En règle générale, l’augmentation de la postcharge signie une hausse de l’effort du cœur. La postcharge est exacerbée par des facteurs qui s’opposent à l’éjection, par exemple, l’impédance aortique (pression aortique diastolique élevée, rétrécissement

Sommaire des effets des systèmes nerveux parasympathique et sympathique sur le cœur

FONCTION

PARASYMPATHIQUE

SYMPATHIQUE

Automaticité (bathmotrope)





Contractilité (inotrope)





Vitesse de conduction (dromotrope)





Fréquence (chronotrope)





228

Partie 2

Système cardiovasculaire

11.2.5

Régulation des battements cardiaques

Contrôle nerveux

Postcharge

TABLEAU 11.6

La contractilité désigne la force de contraction du cœur. Aussi appelée inotropie (de inos, « force », et trope, « stimulation »), elle peut être positive (c.-à-d. que la contraction est plus forte) ou encore négative (c.-à-d. que la contraction est plus faible). La contractilité peut augmenter au moyen du mécanisme en lien avec la loi de Starling. Elle est également altérée par le système nerveux sympathique et par des agents pharmacologiques (p. ex., des sympathomimétiques) dont l’action est apparentée à celle du système nerveux sympathique FIGURE 11.27.

Le système nerveux autonome (SNA) est composé de deux systèmes de contrôle neurologique concurrents. Le système nerveux parasympathique, ou vagal, et le système nerveux sympathique, ou adrénergique, dont le fonctionnement vise à créer un équilibre et une homéostasie entre le relâchement et la réaction de « lutte » ou de « fuite ». Ils agissent sur la fonction cardiovasculaire en ralentissant la F.C. pendant les périodes de calme et en l’augmentant après une stimulation sympathique (Thomas, 2011). Le TABLEAU 11.6 résume les effets de ces divisions du SNA sur le cœur. Les bres parasympathiques sont concentrées près des tissus de conduction SA et AV, ainsi que dans les oreillettes. Elles se rattachent au nerf vague (Thomas, 2011) FIGURE 11.29. La stimulation du nerf vague produit une bradycardie à cause de l’hyperpolarisation de la phase 4 du potentiel d’action, ce qui se traduit par une pente qui met plus de temps à atteindre la valeur seuil. Parallèlement, le tonus sympathique diminue. Les bres des nerfs sympathiques sont sousépicardiques et suivent le même trajet que les principales artères coronaires (Zipes, 2008). Lorsqu’elles sont stimulées, les bres sympathiques altèrent directement la fonction ventriculaire et augmentent la F.C. et la contractilité.

aortique (Prabhakar & Peng, 2004). Ils se caractérisent par un fort apport sanguin capillaire et par une innervation importante du système nerveux parasympathique. Leur principale fonction est de maintenir l’homéostasie pendant l’hypoxémie (Prabhakar & Peng, 2004). Les chémorécepteurs signalent les variations de la pression de l’oxygène (pression partielle de l’oxygène dans le sang artériel [PaO2] inférieure à 80 mm Hg) ou de la pression du dioxyde de carbone (gaz carbonique) (pression partielle du dioxyde de carbone dans le sang artériel [PaCO2] supérieure à 40 mm Hg), mais non celles de l’équilibre acidebase (pH). Les changements de pH sont détectés par des chémorécepteurs centraux situés dans le tronc cérébral (bulbe rachidien). L’information relative à l’altération de ces paramètres est transmise au système nerveux sympathique par le tronc cérébral, qui modie la F.C. La stimulation des chémorécepteurs des zones chémoréceptrices aortique et carotidienne provoque normalement une augmentation de la fréquence et de l’amplitude respiratoires.

11

Récepteurs de l’oreillette

FIGURE 11.29 Innervation du système nerveux autonome (SNA) dans le tissu nodal et le myocarde par les bres parasympathiques du nerf vague et les chaînes sympathiques.

Régulation intrinsèque Plusieurs réexes faisant ofce de mécanisme de rétroaction vers le cerveau viennent complémenter le contrôle nerveux du cœur. Ils assurent l’uniformité de l’écoulement sanguin, ainsi que l’oxygénation et l’irrigation du cœur.

Barorécepteurs Les barorécepteurs, ou récepteurs de la pression, sont situés dans la crosse aortique et les sinus carotidiens (Fadel, 2008). Ils sont plus sensibles aux changements de la paroi (étirement) dans ces régions qu’à la pression absolue. Lorsque les récepteurs perçoivent une modication de la conformation des parois, généralement à la suite d’une variation de la pression, le SNA est activé et augmente la F.C. (dans le cas d’une pression moindre) ou la diminue (en réponse à une pression accrue). Ainsi, une baisse de la P.A. altère les afférences des barorécepteurs au centre vasomoteur du bulbe rachidien (tronc cérébral) et provoque une tachycardie réexe. Le baroréexe déclenche lui aussi des changements du tonus veineux visant à modier le D.C. au besoin. La vasoconstriction veineuse augmente le retour veineux vers le cœur et accentue le V.E.S.

Chimiorécepteurs Les chimiorécepteurs artériels, ou zones chémoréceptrices aortiques et carotidiennes, sont situés dans les artères carotides et à la bifurcation de la crosse

Le réexe de Bainbridge est attribué aux récepteurs des oreillettes droite et gauche (Crystal & Salem, 2012). Lorsque la pression dans l’oreillette droite augmente sufsamment pour stimuler les barorécepteurs, cela déclenche une tachycardie réexe. Le but de ce réexe est possiblement de protéger le côté droit du cœur d’un état de surcharge et d’égaliser rapidement les pressions de remplissage des côtés droit et gauche du cœur.

Peptides natriurétiques Le système des peptides natriurétiques constitue un autre mécanisme de contrôle du cœur FIGURE 11.30. Le cœur sécrète deux peptides natriurétiques majeurs. Le myocarde auriculaire sécrète le peptide natriurétique auriculaire (PNA) en réponse à un étirement auriculaire, alors que le myocarde ventriculaire produit le peptide natriurétique de type B (PNB) (aussi appelé BNP) en cas d’étirement de la cavité ventriculaire. Les deux peptides entraînent une vasodilatation, augmentent la natriurie (perte de Na+ et d’eau par voie rénale) et inhibent le système nerveux sympathique et le système rénine-angiotensinealdostérone (SRAA) (Maisel, 2007). Sur le plan clinique, la mesure des taux de PNB est un examen de choix qui contribue au diagnostic de l’insufsance cardiaque aiguë.

Système rénine-angiotensine-aldostérone Le système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA) est activé par une faible P.A. ou par une déplétion du volume intravasculaire. En fait, les cellules juxtaglomérulaires du rein, situées près de l’artériole afférente, sont activées par un faible débit sanguin rénal. Comme le montre le TABLEAU 11.7, cela stimule la libération d’une alphaglobuline, la rénine. Celle-ci joue un rôle enzymatique qui, une fois combinée à une autre alpha-globuline, l’angiotensinogène, forme l’angiotensine I. Lorsque l’angiotensine I traverse le lit vasculaire pulmonaire, Chapitre 11

Anatomie et physiologie du système cardiovasculaire

229

cycle respiratoire. Ainsi, les battements cardiaques s’accélèrent à l’inspiration et décélèrent à l’expiration 13 . Le V.E.S. ventriculaire gauche diminue pendant une inspiration normale. Les raisons possibles incluent les uctuations normales des tonus sympathique et vagal pendant la respiration ou toute altération suivante : diminution de la pression intrathoracique contribuant à augmenter le retour veineux ; réexe de Bainbridge ; activation des barorécepteurs dans les poumons ; interactions entre les centres respiratoire et cardiaque dans le bulbe rachidien ; augmentation de la capacité des vaisseaux pulmonaires pendant l’expansion des poumons ; diminution de la compliance ventriculaire gauche résultant d’une augmentation du retour ventriculaire droit ; résistance accrue du ux ventriculaire gauche sortant à cause des modications de la pression pleurale ; mécanismes réexes neuraux indépendants des inuences mécaniques.

FIGURE 11.30

Libération du peptide natriurétique auriculaire (PNA) à partir des oreillettes et du peptide natriurétique de type B (PNB) à partir du ventricule, en réponse à une surcharge volémique. 13 Le chapitre 13, Examens paracliniques du système cardiovasculaire, traite entre autres de l’arythmie sinusale.

14 et 15 L’insufsance cardiaque est abordée dans le chapitre 14, Troubles cardiovasculaires, et les médicaments pour le cœur le sont dans le chapitre 15, Approche thérapeutique du système cardiovasculaire.

TABLEAU 11.7

elle est activée par l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA) qui la transforme en angiotensine II. L’angiotensine II est un agent puissant qui exerce deux actions principales : elle active les récepteurs vasculaires périphériques pour qu’ils provoquent une vasoconstriction du système artériel systémique et augmentent la P.A. ; elle active la libération d’aldostérone à partir des glandes surrénales. L’aldostérone agit dans le tube contourné distal du rein an de retenir le sodium et, par conséquent, l’eau. De nombreux médicaments servent à manipuler le SRAA pour prendre en charge les symptômes de l’insufsance cardiaque 14 et 15 .

Inuence respiratoire Le cycle respiratoire a un effet sur la F.C. et le V.E.S. En temps normal, la F.C. varie légèrement avec le

11.2.6

Contrôle de la circulation périphérique

Contrôle intrinsèque Le contrôle intrinsèque, ou local, de la circulation artérielle périphérique est maximal à l’échelle des artérioles. Les artérioles sont les principaux vaisseaux de résistance en raison de la quantité de muscle lisse contenue dans leurs parois FIGURE 11.12. L’artériole peut considérablement augmenter ou diminuer sa lumière. Plusieurs facteurs locaux inuencent cet équilibre, notamment les stimulus liés à la libération locale de catécholamines, d’histamine, d’acétylcholine, de sérotonine, d’angiotensine, d’adénosine et de prostaglandines. La production de ces agents peut résulter de divers mécanismes comme une blessure tissulaire, l’hypoxémie ou la libération d’hormones. D’autres facteurs comme la température et le taux de dioxyde de carbone inuent sur la circulation locale.

Interaction entre le système rénine-angiotensine-aldostérone et le système de l’hormone antidiurétique pour maintenir l’équilibre hydrique

ENZYME ET HORMONE DU SRAA

EFFET*

Rénine

La réduction du volume vasculaire ou de la P.A. stimule la libération de rénine à partir des cellules juxtaglomérulaires des reins.

Angiotensine

L’angiotensine est produite dans le foie.

Angiotensine I

Les poumons libèrent l’ECA pour convertir l’angiotensine I en angiotensine II.

Angiotensine II

L’angiotensine II active les récepteurs vasculaires périphériques pour augmenter la RVS et la P.A. La libération d’angio­ tensine II stimule aussi les glandes surrénales à excréter de l’aldostérone.

Hormone antidiurétique (ADH)

L’ADH est libérée par la région posthypophysaire lorsque l’angiotensine II cause une constriction des artérioles rénales et que l’hypothalamus détecte une déshydratation intracellulaire.

Aldostérone

L’aldostérone agit sur les tubules distaux des reins pour retenir le sodium ; la conservation du sel entraîne une rétention hydrique.

* L’effet global est une augmentation du volume intravasculaire et une hausse de la P.A.

230

Partie 2

Système cardiovasculaire

Contrôle extrinsèque Le contrôle extrinsèque est inuencé par deux mécanismes principaux : le SNA et les réexes vasculaires périphériques. Le SNA exerce un contrôle antagoniste double sur la plupart des systèmes d’organes par l’entremise des bres nerveuses sympathiques (constriction) et parasympathiques (dilatation). La stimulation du centre vasomoteur dans le bulbe rachidien augmente la P.A.M. et la F.C. en stimulant le signal sympathique efférent et, possiblement, en inhibant le signal parasympathique efférent. Le signal sympathique efférent cible la résistance des artérioles et provoque une vasoconstriction. L’inhibition de ces zones produit l’effet opposé, soit une vasodilatation. Les bres sympathiques causant la vasoconstriction inuent sur les artères, les artérioles et les veines. Les vaisseaux capacitifs (veines) contiennent jusqu’à 60 % de la volémie (Widmaier et al., 2011). L’accroissement du tonus veineux (vasoconstriction veineuse) augmente le volume sanguin revenant au cœur droit, ainsi que le V.E.S. Les lits veineux les plus innervés sont ceux des circulations splanchnique (rate) et cutanée (peau). Les systèmes vasculaires veineux et artériels sont interdépendants ; ils se dilatent et se resserrent à l’unisson. L’un ne peut

agir sans l’autre. Le TABLEAU 11.8 présente un sommaire des récepteurs sympathiques, de leur siège et des effets de leur stimulation. Le contrôle de la circulation périphérique est obtenu par une combinaison de mécanismes intrinsèques et extrinsèques, mais il dépend aussi des émotions, de la température et des substances humorales. Par exemple, lorsque les globules rouges sont exposés à une hypoxie à l’échelle tissulaire, ils libèrent de l’oxyde nitrique et de l’ATP, des vasodilatateurs, qui augmentent l’apport en oxygène.

TABLEAU 11.8

Régions du bulbe rachidien qui inuent sur l’activité cardiovasculaire

RÉGION

ACTIVITÉ

Bulbe rachidien dorsolatéral (région pressive)

• Vasoconstriction • Accélération cardiaque • Contractilité accrue

Bulbe rachidien ventromédian (région dépressive)

• Inhibition rachidienne directe • Inhibition de la région pressive

11

À RETENIR • Il est primordial de connaître l’anatomie et la physiologie du système cardiovasculaire an de bien saisir les changements qui accompagnent les maladies cardiaques. • Les principales structures anatomiques du cœur comprennent le péricarde, le myocarde, l’endocarde, les oreillettes, les ventricules, les valves cardiaques, le système de conduction électrique, les artères coronaires et les veines coronaires. • À condition qu’il soit pompé efcacement et muni d’un réseau vasculaire sans faille, le sang va permettre de nourrir l’ensemble des tissus de l’organisme et, du même coup, le débarrasser de certains déchets. • La circulation coronarienne propre au cœur comprend un réseau vasculaire responsable de fournir l’oxygène nécessaire (artères coronaires) à l’ensemble des structures cardiaques et de ramener le sang désoxygéné (veines coronaires) vers l’oreillette droite.

• La microcirculation du réseau vasculaire joue un rôle de premier plan dans la régulation de l’apport et de la demande en oxygène à l’échelle tissulaire.

système nerveux autonome (SNA) agissent en synergie an d’assurer un débit cardiaque optimal et une stabilité hémodynamique à l’état physiologique.

• La présence de nombreux muscles lisses dans les artérioles permet à ces vaisseaux de se relâcher et de se contracter inuençant ainsi la résistance et la redistribution de l’écoulement sanguin dans l’organisme.

• L’homéostasie hémodynamique est grandement inuencée par la stabilité des pressions de chacune des cavités cardiaques.

• Les veines sont constituées de tissu élastique, de muscle lisse et de tissu breux qui permettent d’assurer une grande capacité de réserve du volume sanguin. • Les propriétés électriques et mécaniques du tissu cardiaque comprennent l’excitabilité, la conductivité, l’automaticité, la rythmicité, la contractilité et leur propriété réfractaire. • Le système de conduction électrique, les événements mécaniques du cycle cardiaque, les phénomènes de précharge, de postcharge et de contractilité ainsi que le Chapitre 11

• Outre le SNA, d’autres éléments comme les barorécepteurs, les chimiorécepteurs, les récepteurs de l’oreillette droite, les peptides natriurétiques, le système rénine-angiotensine-aldostérone et l’inuence respiratoire sont impliqués dans la régulation des battements du cœur. • Le cœur et le système vasculaire qui l’accompagne jouissent d’un niveau de abilité, mais quand la pompe cardiaque connaît des ratés, il est essentiel de bien connaître l’anatomie et la physiologie du système cardiovasculaire an de faciliter l’évaluation et le suivi de clients en milieu de soins critiques.

Anatomie et physiologie du système cardiovasculaire

231

chapitre

12

Évaluation clinique du système cardiovasculaire

Écrit par : Mary E. Lough, PhD, RN, CNS, CCRN, CNRN, CCNS Adapté par : Martine Blais, inf., M. Sc., IPSC

L

’évaluation clinique du client atteint d’une maladie cardiovasculaire est importante à considérer, même en présence des très nombreux moyens technologiques qui carac­ térisent les soins critiques (Conn & O’Keefe, 2009). Les données recueillies à l’issue d’une entrevue et d’un examen complet et sérieux seront prises en compte dans les décisions médicales et inrmières. L’inrmière procède à l’évaluation cardiovasculaire du client par l’inspection, la palpation et l’auscultation. Dans ce chapitre, les observations importantes associées à l’inspection seront d’abord discutées. Elles portent sur la cyanose, les veines jugulaires et l’œdème. La palpation des pouls, la prise de la pression artérielle et l’auscul­ tation des bruits cardiaques normaux et anormaux ainsi que les soufes seront ensuite expliqués.

12.1

Entrevue

L’entrevue avec le client est importante parce qu’elle fournit des données qui permettront de diagnostiquer la maladie cardiovasculaire et d’élaborer le plan de traitement. Le processus d’évaluation peut se limiter à un bref examen physique ou englober une entrevue et un examen détaillés, selon la nature et l’urgence de l’état de santé du client. Le tableau clinique initial du client dénit la rapidité et la direction de l’entrevue. Chez le client en détresse aiguë, l’histoire de santé est condensée en quelques questions qui visent à déterminer rapidement le motif de consultation, les événements déclencheurs et toute autre information pertinente qui contribuera à établir un diagnostic ENCADRÉ 12.1. Pour le client qui ne présente pas de détresse manifeste, l’entrevue se concentre sur les quatre aspects suivants : 1. histoire de la maladie actuelle ; 2. aperçu de l’état cardiovasculaire général du client, notamment les examens paracliniques cardiaques précédents, les procédures effractives cardiaques, les chirurgies cardiaques et les médicaments actuellement prescrits (pour traiter les

affections cardiaques et non cardiaques ainsi que les médicaments vendus sans ordonnance) ; 3. revue de l’état de santé général du client, notamment les antécédents familiaux et personnels de coronaropathie, d’hypertension, de diabète, de maladie artérielle périphérique ou d’accident vasculaire cérébral ; 4. habitudes de vie du client, notamment des facteurs de risque de coronaropathies. L’une des difcultés particulières de l’évaluation cardiovasculaire consiste à déterminer si une douleur thoracique est d’origine cardiaque ou non. Les renseignements fondamentaux suivants doivent toujours être pris en compte. • En cas de signe de coronaropathie ou d’un risque élevé de maladie cardiovasculaire, il faut présumer que la douleur thoracique est causée par une ischémie myocardique jusqu’à preuve du contraire.

12

• Les questions qui permettent d’élucider la nature de la douleur thoracique concernent six éléments de base regroupés dans la méthode mnémotechnique PQRSTU. Une liste de ces questions gure dans le TABLEAU 12.1.

Collecte des données ENCADRÉ 12.1

Histoire de santé : antécédents cardiovasculaires évalués selon l’outil AMPLE

A : ALLERGIES/RÉACTIONS

• Allergies à toute médication ainsi que les réactions associées, en particulier aux médicaments d’urgence (lidocaïne, morphine), à des agents de contraste radiologiques ou à l’iode M : MÉDICATION (OU PRODUITS NATURELS OU AUTRES SUBSTANCES)

Emploi concomitant de médicaments • Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, antagoniste des récepteurs de l’angiotensine (ARA) • Anticoagulants, antiplaquettaires • Antiarythmiques • Antihypertenseurs • Bêtabloquants • Bloqueurs des canaux calciques • Hypolipémiants • Digoxine • Diurétiques • Nitrates • Contraceptifs oraux, hormonothérapie de remplacement • Potassium, calcium • Médicaments vendus sans ordonnance et remèdes à base de plantes médicinales, suppléments, vitamines • Vaccins reçus P : PASSÉ MÉDICAL

Facteurs de risque cardiovasculaires • Sexe, âge, identité culturelle

• • • • • •

Antécédents de tabagisme Hypertension Hyperlipidémie Mode de vie sédentaire Diabète Obésité

Histoire médicale Enfant • Soufes, cyanose, infections à streptocoques, èvre rhumatismale Adulte • Maladies et anomalies – Insufsance cardiaque (droite ou gauche), coronaropathie, maladie valvulaire cardiaque, prolapsus de la valve mitrale, infarctus du myo­ carde (IDM), maladie vasculaire périphérique (artérielle ou veineuse), diabète, hypertension, hyperlipidémie, arythmies, soufes, endocar­ dite, troubles de vision, changements récents de poids, maladies psychiatriques, thrombophlébite, thrombose veineuse profonde, embolies systémiques ou pulmonaires • Antécédents chirurgicaux – Cardiovasculaires : pontage aorto­coronarien (PAC), remplacement valvulaire, pontages ou dilatation vasculaire périphériques, stimulateur cardiaque, débrillateur cardioverteur implantable – Revues des systèmes : neurologique, gastro­intestinal, musculosquelet­ tique, pulmonaire, rénal, immunologique, hématologique • Infection ou soins dentaires récents • Hospitalisations (raison, date)

Chapitre 12

Évaluation clinique du système cardiovasculaire

233

ENCADRÉ 12.1

Histoire de santé : antécédents cardiovasculaires évalués selon l’outil AMPLE (suite)

Antécédents familiaux • Coronaropathie (avant 55 ans chez les femmes et avant 65 ans chez les hommes) (Greenland, Alpert, Beller et al., 2010). • IDM ou mort subite précoce d’origine inconnue • Hypertension • Accident vasculaire cérébral • Diabète • Troubles lipidiques • Maladie vasculaire du collagène Épreuves ou interventions cardiaques déjà subies • Cathétérisme cardiaque • Étude électrophysiologique • échocardiographie (échocardiogramme) • Électrocardiogramme (ECG) • ECG à l’effort (épreuve d’effort) • Imagerie myocardique avec isotopes radiographiques (p. ex. le thallium, le dipyridamole, la dobutamine) • Traitement thrombolytique • Interventions coronariennes percutanées • Valvuloplastie percutanée

L : (LAST MEAL) DERNIER REPAS

• Moment du dernier repas et du dernier breuvage • Diète particulière et respect de la diète (hyposodée, restriction liquidienne, diabétique, etc.) • Habitudes alimentaires E : ÉVÉNEMENTS/ENVIRONNEMENT

Mode de vie du client • Fonctionnement cognitif initial • Habitudes en matière de santé : activité physique ; sommeil ; habitudes alimentaires • Habitudes de vie et responsabilités • Travail, détente, réponse au stress, habitudes culturelles • Soutien social • Changements récents survenus au cours des 12 derniers mois • État émotionnel, signe de stress psychologique, de colère, d’anxiété et de dépression • Perception de la maladie et des répercussions qu’elle aura sur l’avenir • Consommation de thé et de café, de boissons énergisantes • Consommation de drogues illégales à usage récréatif (p. ex., la cocaïne) • Consommation d’alcool (occasionnelle, quotidienne) • Tabac

Source : Adapté de Lewis, Dirksen, Heitkemper et al. (2011)

• Il est possible qu’il n’y ait pas de forte corrélation entre l’intensité du malaise thoracique et la gravité de sa cause : cela découle de la nature subjective de la douleur et du fait que les femmes, les clients âgés et les diabétiques atteints de maladies ischémiques présentent tous un tableau clinique unique (Anderson, Adams, Antman et al., 2011). • Les descriptions subjectives varient grandement. Les clients n’emploient pas tous le terme douleur ; certains peuvent parler de pression, de lourdeur, de malaise ou d’indigestion. • Il n’y a pas toujours de corrélation entre l’emplacement du malaise thoracique et sa source, compte tenu du phénomène de l’irradiation douloureuse. Par exemple, les clients atteints de reux gastroœsophagien qui présentent un spasme œsophagien peuvent rapporter une douleur thoracique rétrosternale d’origine viscérale qui irradie vers le bras gauche et la mâchoire et la décrire comme une brûlure d’estomac (Ang, Sifrim & Tack, 2008). • Les autres symptômes non douloureux susceptibles de signaler une affection cardiaque sont la dyspnée, les palpitations, la toux, la fatigue, l’œdème, une douleur ischémique à la jambe, la nycturie, la syncope et la cyanose. Une méta-analyse concernant l’évaluation des douleurs thoraciques stables et intermittentes a permis d’établir que la description par le client de sa douleur thoracique était le facteur prédictif le plus important d’une coronaropathie sous-jacente (Chun & McGee,

234

Partie 2

Système cardiovasculaire

2004). En ce qui a trait à l’évaluation de la douleur thoracique aiguë, l’ECG s’est avéré le facteur prédictif clinique le plus utile du diagnostic de l’IDM avec surélévation du segment ST (Chun & McGee, 2004).

12.2

Examen physique

Un examen physique complet est essentiel pour parvenir à reconnaître toutes les anomalies susceptibles de compromettre l’état de santé d’un client ou de voir à déterminer les éléments qui serviront à établir le diagnostic médical. L’inrmière qui a acquis les compétences nécessaires en matière d’inspection, de palpation et d’auscultation peut évaluer les clients atteints de maladie cardiovasculaire en toute conance. Contrairement à l’évaluation d’autres systèmes, la percussion ne sert pas à l’évaluation du système cardiovasculaire.

12.2.1

Inspection

Visage Il est important d’observer la couleur du visage (cyanotique, pâle ou ictérique) et de relever les expressions d’appréhension ou de douleur. La peau, les lèvres, la langue et les muqueuses du client sont inspectées à la recherche d’une pâleur ou d’une cyanose. La cyanose centrale désigne une décoloration bleuâtre de la langue et de la région sublinguale. La langue est le siège où la cyanose centrale – qui doit

Collecte des données TABLEAU 12.1

Symptômes liés à une douleur thoracique évalués selon l’outil PQRSTU

DÉTERMINER

QUESTIONS TYPIQUES

P : Provoquer

Selon vous, qu’est-ce qui a provoqué l’apparition de la douleur ? Que faisiez-vous lorsque la douleur est apparue ?

Pallier

Qu’avez-vous fait pour tenter de soulager la douleur ? Cela a-t-il donné un résultat ? Est-ce que quelque chose a atténué la douleur ?

Aggraver

Est-ce que quelque chose augmente la douleur ?

Q : Qualité Quantité R : Région Irradiation S : Symptômes et signes associés Sévérité T : Temps Durée U : (Understanding) Compréhension et signication pour le client

Pouvez-vous décrire ce que vous ressentez ? Quelle est la fréquence d’apparition de la douleur ? Pouvez-vous me montrer avec un doigt la région précise où la douleur se manifeste ?

12

La douleur se fait-elle ressentir dans une autre région ? Avez-vous observé d’autres signes ou symptômes ? Comment évaluez-vous l’intensité de la douleur ? La douleur augmente-t-elle, diminue-t-elle ou demeure-t-elle constante ? À quel moment la douleur a-t-elle commencé ? Est-ce la première fois ? Cela se produit-il à un moment précis ? Est-elle constante ou intermittente ? Combien de temps la douleur a-t-elle duré ? Qu’est-ce que la douleur signie pour vous ? Quelles répercussions a-t-elle sur votre vie ?

être reconnue et traitée comme une urgence médicale – est la plus visible, en particulier pour les clients à peau foncée (Longo, Fauci, Kasper et al., 2011). Dans ce cas, la saturométrie, l’analyse des gaz artériels sanguins et l’oxygénothérapie à 100 % doivent être instaurées sans tarder.

Thorax Les faces antérieure et postérieure du thorax sont inspectées à la recherche de déformations squelettiques susceptibles de déplacer le cœur et de causer une atteinte cardiaque. Le pectus excavatum (ou thorax en entonnoir), caractérisé par un enfoncement du sternum causant une diminution du diamètre antéropostérieur du thorax, peut entraver la capacité du cœur à se dilater (Koumbourlis, 2009). Quant au pectus carinatum, ou protubérance du sternum, il est considéré comme une déformation mineure ne requérant aucun traitement (Jarvis, 2009). L’examen de la peau sur la paroi thoracique et l’abdomen permet de déceler les cicatrices, les pétéchies, le purpura, les ecchymoses, les blessures et les saillies associées aux cardiostimulateurs. La fréquence, les caractéristiques et l’effort respiratoires doivent également être observés et consignés.

Abdomen et poids L’examen de l’abdomen sert à déceler les signes de distension ou d’ascite possiblement liés à une insufsance cardiaque droite. De plus, l’adiposité

abdominale est un facteur de risque connu de coronaropathies. La mesure du tour de taille a été démontrée comme étant une méthode simple pour évaluer l’obésité centrale (Cornier, Després, Davis et al., 2011). Les normes quant aux valeurs du tour de taille varient selon des caractéristiques liées à l’hérédité, à l’environnement et au sexe (Cloutier, GrenierMichaud & Houle, 2010). Pour la population canadienne, les valeurs normales sont de moins de 102 cm pour l’homme et de moins de 88 cm pour la femme (Leiter, Fitchett, Gilbert et al., 2011). Le poids est mesuré relativement à la taille pour quantier l’indice de masse corporelle. Bien que cette mesure présente certaines limites – car elle ne tient pas compte de la répartition de la masse corporelle selon sa composition –, elle permet tout de même de déterminer si le client est obèse ou cachectique (Cloutier et al., 2010 ; Cornier et al., 2011).

Lits unguéaux et cyanose L’infirmière inspecte les lits unguéaux à la recherche de signes de décoloration ou de cyanose (Tully, Trayes & Suddiford, 2012). L’hippocratisme du lit unguéal (hippocratisme digital) est un signe associé à une maladie cardiaque congénitale cyanogène, à une endocardite infectieuse et à une variété de conditions pulmonaires (Longo et al., 2011 ; Marrie & Brown, 2007 ; Tully et al., 2012). Parmi les maladies pulmonaires, on parle de brose kystique, Chapitre 12

Évaluation clinique du système cardiovasculaire

235

de tuberculose, de cancer pulmonaire, de bronchi­ ectasies, etc. L’hippocratisme est une déformation de l’ongle dont la racine ne forme plus un angle normal avec le doigt ou l’orteil et qui devient large et convexe. La phalange distale du doigt ou de l’orteil prend également un aspect bulbeux et ené (Spicknall, Zirwas & English, 2005). L’hippocratisme est rare et signale une cyanose centrale grave FIGURE 12.1. La cyanose périphérique, qui désigne une décolora­ tion bleuâtre du lit unguéal, est plus courante et résulte d’une diminution de la quantité d’oxygène dans les membres périphériques, attribuable à une maladie artérielle ou à une réduction du débit car­ diaque (D.C.). L’hippocratisme ne découle jamais d’une cyanose périphérique.

Membres inférieurs L’inspection des jambes sert à déceler des signes de maladie vasculaire artérielle ou veineuse périphé­ rique. Des jambes pâles, brillantes, aux poils clair­ semés sont un signe visible de maladie vasculaire artérielle périphérique. Selon de récentes lignes directrices, de nombreuses personnes, notamment les femmes, peuvent être atteintes d’athérosclérose périphérique sans présenter de signes ou de symp­ tômes manifestes (Hirsch, Allison, Gomes et al., 2012). La maladie veineuse provoque l’œdème du membre, une rougeur marquée et profonde, une décoloration brune et, souvent, une ulcération de la jambe. Le TABLEAU 12.2 compare les signes cliniques des maladies artérielles et veineuses au stade de l’évaluation.

FIGURE 12.1 Hippocratisme des lits unguéaux.

Collecte des données TABLEAU 12.2

Inspection et palpation des membres inférieurs : comparaison des maladies artérielles et veineuses

CARACTÉRISTIQUE

MALADIE ARTÉRIELLE

MALADIE VEINEUSE

Perte de pilosité

Présente

Absente

Texture de la peau

Fine, brillante, sèche

Desquamation, stase, dermatite, apparence marbrée

Ulcération

Sur les points de pression ; douloureuse, pâle, sèche avec un écoulement négligeable ; bien démarquée par des escarres ou asséchée ; entourée de tissu breux ; tissu de granulation peu abondant et pâle

Habituellement à la cheville ; indolore, rose, humide avec un important écoulement ; irrégulière, sèche et squameuse ; entourée de dermatite ; tissu de granulation sain

Couleur de la peau

Pâleur à l’élévation, rougeur déclive

Plaques brunes, rougeur, couleur cyanotique marbrée en position déclive

Ongles

Épais, friables

Normaux

Veines variqueuses

Absentes

Présentes

Température

Froide

Chaude

Remplissage capillaire

> 2 sec.

< 2 sec.

Œdème

Absent ou faible, habituellement unilatéral

Habituellement présent du pied au mollet, unilatéral ou bilatéral

Pouls

Absent ou faible (0 à 1+)

Normal, vigoureux et symétrique

Sources : Adapté de Caser (2011) ; Krenzer (1995)

236

Partie 2

Système cardiovasculaire

Posture La posture peut être un indicateur de l’effort nécessaire à la respiration. Par exemple, il se peut que le client atteint d’une insufsance cardiaque aiguë doive s’asseoir en se tenant droit pour respirer et que la position la moins douloureuse pour le client atteint d’une péricardite consiste à se pencher vers l’avant.

État mental L’inrmière observera le client à la recherche de signes de confusion ou de léthargie susceptibles d’indiquer une hypotension, un faible D.C. ou une hypoxémie.

Veines jugulaires L’inspection des veines jugulaires du cou permet d’estimer le volume et la pression intravasculaires de manière non effractive. L’observation des veines jugulaires internes sert à déceler la distension veineuse jugulaire (DVJ) FIGURE 12.2 et ENCADRÉ 12.2. La DVJ est due à une augmentation de la pression veineuse centrale (PVC) qui résulte d’une surcharge liquidienne, d’une dysfonction ventriculaire droite, d’un épanchement péricardique ou de toute affection entraînant une hausse de la pression auriculaire droite (Ferrante, Pugliese & Di Mario, 2010 ; Jolobe, 2011). La PVC peut être mesurée en centimètres d’eau en localisant les ondes du pouls veineux jugulaire sur la veine jugulaire interne droite FIGURE 12.3 et ENCADRÉ 12.3. L’inrmière détermine la PVC en trouvant le point le plus haut d’oscillations dans les veines jugulaires internes (Jarvis, 2009). Plusieurs éléments permettent de le distinguer du

Collecte des données ENCADRÉ 12.2

pouls carotidien. Entre autres, le pouls veineux jugulaire n’est pas palpable, varie avec la respiration et le positionnement de la personne (Jarvis, 2009). Par ailleurs, la mesure effractive de la PVC dans les soins critiques se fait habituellement en insérant un cathéter veineux central dans la veine sous-clavière ou jugulaire interne (Edwards & Sabato, 2009). Un transmetteur de la voie distale du cathéter veineux central se trouve à la jonction de l’oreillette droite et de la veine cave supérieure et permet ainsi d’obtenir les mesures (Muller, Kennard, Browne et al., 2012).

Reux hépatojugulaire Le signe du reux hépatojugulaire peut aider à établir le diagnostic d’insufsance ventriculaire droite. Cet examen non effractif s’effectue en même temps que la mesure de la PVC. La procédure à suivre est décrite dans l’ENCADRÉ 12.4.

Points de référence thoraciques La cage thoracique et les espaces intercostaux sont respectivement divisés en lignes imaginaires verticales et horizontales qui servent de points de référence permettant de localiser ou de décrire adéquatement les observations de l’examen cardiaque FIGURE 12.4 17 . Les côtes sont numérotées de 1 (celle qui est située en dessous de la clavicule) à 12. L’espace intercostal qui se trouve sous chaque côte porte le même numéro que celleci. La deuxième côte demeure la plus facile à localiser, car elle est attachée au sternum au niveau de l’angle de Louis (également appelé angle sternal), qui se caractérise par l’arête osseuse sur le sternum située environ 5 cm en dessous de la fourchette sternale FIGURE 12.4A. Une fois localisée, cette deuxième côte peut servir de point de référence pour calculer la position des autres côtes et espaces intercostaux.

FIGURE 12.2 Évaluation de la DVJ. L’applica­ tion d’une légère pression du doigt sur le muscle sternocléi­ domastoïdien et parallèle à la clavicule permet de détecter la veine jugulaire externe par une occlusion de l’écoulement sanguin et une distension de la veine. La pression du doigt est ensuite relâchée, et l’inrmière observe le client à la recherche d’une véritable distension. Si le tronc du client est surélevé à 30 ° ou plus, il ne devrait pas y avoir de DVJ.

17 Le chapitre 17, Évaluation clinique du système respira­ toire, traite plus en détail des points de référence thoraciques.

Technique permettant d’évaluer la distension veineuse jugulaire

1. Le client est allongé à un angle de 30 à 45 °. Normalement, dans cette position, les veines jugulaires externes s’aplatissent et deviennent invisibles (Jarvis, 2009). 2. L’inrmière se tient du côté droit du client et tourne la tête de ce dernier légèrement vers la gauche. 3. Si la veine jugulaire n’est pas visible, elle utilise la technique mentionnée à la FIGURE 12.2. 4. Une fois la veine localisée, l’inrmière relâche la pression et vérie la présence d’une DVJ. 5. Comme l’inspiration diminue la pression veineuse, la DVJ doit être évaluée à la n de l’expiration. 6. Il y a DVJ lorsque les veines jugulaires externes sont distendues et gonées. 7. Consignation : la DVJ est consignée en mentionnant l’angle de la tête de lit au moment de l’évaluation (p. ex., Présence de DVJ avec une élévation de la tête de lit à 45 ° ).

FIGURE 12.3 Position des veines jugulaires internes et externes. La pulsation dans la veine jugulaire interne sert à estimer la PVC.

Chapitre 12

Évaluation clinique du système cardiovasculaire

237

12

Collecte des données ENCADRÉ 12.3

Technique permettant d’estimer la pression veineuse centrale

1. Le client est allongé sur le lit. Le point le plus élevé de pulsation dans la veine jugulaire interne s’observe durant l’expiration. 2. La distance verticale entre cette pulsation (hauteur maximale du liquide) et l’angle sternal est estimée ou mesurée en centimètres. 3. L’infirmière ajoute alors 5 cm à ce chiffre pour estimer la PVC. Cette valeur de 5 cm correspond à la distance approximative entre l’angle sternal et le

niveau de l’oreillette droite FIGURE 12.3 . La PVC normale est de 3 à 8 cm d’eau. 4. Consignation : le degré de surélévation du client est consigné dans le rapport (p. ex., PVC estimée à 13 cm à l’aide de la pulsation de la veine jugulaire interne et avec une tête de lit à 45 °).

Choc de la pointe

Pouls artériel

La face antérieure du thorax est inspectée à la recherche du choc de la pointe, quelquefois désigné comme la pulsation apicale. Ce phénomène se produit lorsque le ventricule gauche se contracte durant la systole et qu’il pivote vers l’avant de manière que sa pointe heurte la paroi thoracique. Chez l’adulte, le choc de la pointe (aussi appelé point d’impulsion maximale [PIM]) est une secousse rapide, apparente et localisée, située d’habitude sur la ligne médioclaviculaire gauche à l’intersection du cinquième espace intercostal FIGURE 12.5. Le choc de la pointe est la seule pulsation normale visible sur la paroi thoracique. Il peut passer inaperçu si le client ne présente aucune maladie cardiaque.

Huit paires de pouls artériels bilatéraux sont décelables à la palpation. L’examen comprend une évaluation bilatérale des artères carotides, brachiales, cubitales, radiales, fémorales, poplitées, pédieuses et tibiales postérieures. Les pouls sont palpés séparément puis soumis à une comparaison bilatérale pour assurer l’uniformité (Coats & Eliott, 2012). L’amplitude du pouls est rapportée sur une échelle de 0 à 3+ ENCADRÉ 12.5. L’inrmière peut également déceler la pulsation aortique abdominale à la palpation.

12.2.2

Palpation

La palpation est une technique reposant sur le sens du toucher du bout des doigts et de la paume des mains. Elle peut être utile pour rechercher un frémissement tactile qui informe l’inrmière de la présence d’un soufe cardiaque. Cette manœuvre peut aussi servir à noter la taille, l’amplitude et la durée du choc de pointe. Cependant, dans les unités de soins critiques, la palpation du pouls est plus fréquemment utilisée.

Pouls carotidiens L’évaluation des artères carotides s’effectue dans un sillon entre la trachée et le muscle sternocléidomastoïdien (Jarvis, 2009). Si l’écoulement sanguin dans les artères carotides est compromis par une plaque d’athérosclérose, une palpation ferme peut entraîner une occlusion totale. Le toucher se doit donc d’être léger, et les artères carotides seront palpées délicatement et toujours une à la fois.

Pouls brachiaux, radiaux et cubitaux L’évaluation du pouls brachial s’effectue en palpant doucement des doigts l’intérieur du coude légèrement plié. Le pouls radial se palpe dans la région médiane du poignet (côté du pouce).

Collecte des données ENCADRÉ 12.4

Technique permettant d’évaluer le reux hépatojugulaire

1. Demander au client de se détendre et de respirer normalement en ouvrant la bouche. 2. Mesurer la PVC dans la veine jugulaire interne du client, conformément à la procédure décrite dans l’ENCADRÉ 12.3. 3. Appliquer une pression ferme d’environ 20 à 35 mm Hg au quadrant supérieur droit de l’abdomen du client pendant 15 à 30 sec., puis mesurer de nouveau la PVC durant la compression. 4. Mesurer la PVC droite une troisième fois après relâchement de la pression. 5. Demander au client de ne pas se stresser ni de retenir sa respiration durant l’examen (cela risquerait d’augmenter le retour veineux au cœur et de produire ainsi un résultat faussement positif). * Il existe des écarts dans la littérature à l’égard de cette technique.

238

Partie 2

Système cardiovasculaire

6. Le reux hépatojugulaire est positif lorsque la compression abdominale entraîne une augmentation soutenue d’au moins 4 cm de la PVC maintenue pendant au moins 15 sec. (Wiese, 2000). Ce signe signale une insufsance cardiaque droite*. 7. Le reux hépatojugulaire est normal si la PVC n’augmente pas, qu’elle augmente de manière passagère (< 10 sec.) ou n’augmente pas de plus de 3 cm tout au long de la compression*. 8. Consignation : le reux hépatojugulaire est noté en mentionnant s’il est positif ou négatif.

12

FIGURE 12.4 Points de repère thoraciques. A Thorax antérieur. B Thorax latéral droit. C Thorax postérieur.

L’artère cubitale (ou ulnaire) se palpe du côté opposé du poignet (côté de l’auriculaire). Les pouls artériel radial et cubital doivent être évalués avant l’insertion d’un cathéter artériel ; ce test, connu sous le nom de test d’Allen, est décrit dans l’ENCADRÉ 12.6.

Collecte des données ENCADRÉ 12.5

0 1+ 2+ 3+

Échelle de palpation du pouls

Non palpable Légèrement palpable (faible et liforme) Palpable (pouls normal) Bondissant (pouls hyperdynamique)

FIGURE 12.5 Points de palpation et d’auscultation thoraciques.

Chapitre 12

Évaluation clinique du système cardiovasculaire

239

Collecte des données ENCADRÉ 12.6

Technique permettant d’évaluer l’apport sanguin artériel à la main : le test d’Allen

Avant de mettre en place un cathéter, le test d’Allen est effectué pour évaluer l’écoulement sanguin dans la main et s’assurer qu’il est adéquat. TEST D’ALLEN PAR INSPECTION VISUELLE

1. Si le client est alerte et coopérant, l’inrmière lui demande de serrer le poing à plusieurs reprises pour presser le sang hors de la main tandis qu’elle comprime fermement les artères radiale et cubitale. Ainsi, la paume de la main blanchira. 2. La client ouvre ensuite la main sans faire d’hyperextension, et l’inrmière relâche la pression sur l’artère cubitale, tout en maintenant la pression sur l’artère radiale. 3. Une circulation adéquate est suggérée lorsque la main retrouve sa coloration normale en deux à cinq secondes (sec.) (Jarvis, 2009).

TEST D’ALLEN À L’AIDE DE LA SATUROMÉTRIE

Si le client n’est pas en mesure de serrer le poing, une autre approche consiste à se servir d’un saturomètre (ou oxymètre de pouls) qui afche un tracé du pouls. 1. Placer le saturomètre sur le majeur et obtenir une amplitude adéquate du tracé du pouls sur l’écran. 2. Comprimer simultanément les artères radiale et cubitale jusqu’à ce que l’onde diminue clairement ou disparaisse. 3. Relâcher la pression de l’artère cubitale seulement. Si l’artère cubitale est perméable, l’amplitude de pouls reprend son aspect normal. 4. Répéter la procédure avec l’artère radiale. 5. L’installation du cathéter (ou de la canule artérielle) dans l’artère radiale ne peut se faire en toute sécurité que si l’apport de sang à la main est adéquat.

Pouls fémoraux Les artères fémorales se palpent en exerçant une pression profonde sur l’aine en dessous du ligament inguinal, à mi-chemin environ entre l’épine iliaque supérieure et la symphyse pubienne.

Pouls poplités Le pouls poplité se décèle par une palpation légère du bout des doigts. La jambe du client est très légèrement pliée, et l’inrmière entoure délicatement son genou de ses doigts en plaçant les pouces au-dessus de la rotule et le bout des doigts derrière le genou.

Pouls pédieux et pouls tibial postérieur Les pouls de la jambe inférieure et du pied servent à déterminer le débit sanguin dans le membre et à évaluer la sufsance du D.C. aux extrémités. Le pouls pédieux se situe sur la face supérieure du pied, parallèlement et latéralement au tendon de l’extenseur du gros orteil (Jarvis, 2009). Le pouls tibial postérieur, quant à lui, se trouve derrière la malléole interne (os interne de la cheville). Si le pouls distal ne peut pas être décelé à la palpation par une légère pression des doigts, l’usage d’un stéthoscope doppler permet d’accroître la précision du diagnostic. Il est important de noter l’emplacement du signal audible à l’aide d’un marqueur à encre indélébile en vue des prochaines évaluations de la qualité du pouls.

Pulsation de l’aorte descendante 25 Une échelle de l’évaluation de l’œdème à godet est pré­ sentée dans le chapitre 25, Évaluation clinique du sys­ tème rénal et examens paracliniques.

240

Partie 2

En position couchée, la pulsation aortique abdominale se situe dans la région épigastrique et peut être ressentie comme un mouvement vers l’avant lorsqu’une pression ferme est appliquée du bout des doigts au-dessus du nombril. Une pulsation intense ou diffuse peut signaler un anévrisme abdominal. Une pulsation atténuée ou absente peut indiquer un faible D.C., une sténose artérielle ou une occlusion en amont du siège de l’examen. Une pulsation anormalement vive ou bondissante peut révéler la

Système cardiovasculaire

présence d’un anévrisme ou d’une occlusion en aval du siège de l’examen.

Remplissage capillaire L’observation du remplissage capillaire permet d’évaluer la circulation artérielle aux extrémités et l’irrigation sanguine globale. Ainsi, le lit unguéal est comprimé jusqu’au blanchissement, après quoi le relâchement de la pression doit entraîner un retour de l’écoulement sanguin et de la couleur initiale de l’ongle en moins de deux secondes (Lewin & Maconochie, 2008). La gravité de l’insufsance artérielle est directement proportionnelle au temps nécessaire au rétablissement de l’écoulement sanguin et de la couleur de l’ongle.

Œdème L’œdème est une accumulation de liquide dans les espaces extravasculaires de l’organisme. Les tissus déclives des jambes et du sacrum y sont particulièrement sensibles. L’œdème peut être déclive, unilatéral ou bilatéral, avec ou sans prise du godet. Il se quantifie en mesurant la circonférence du membre ou en exerçant une pression sur la peau des pieds, des chevilles et des tibias contre l’os profond. L’œdème est un symptôme associé à plusieurs maladies, et d’autres examens paracliniques sont nécessaires pour en déterminer la cause. Plusieurs techniques existent pour évaluer l’oedème prenant le godet 25 .

12.2.3

Auscultation

Mesure de la pression artérielle La mesure de la pression artérielle (P.A.) est un élément essentiel de tout examen physique complet. L’hypertension correspond à une pression artérielle systolique (P.A.S.) de 140 mm Hg ou plus ou encore à une pression artérielle diastolique (P.A.D.) de 90 mm Hg ou plus (Chobanian, Bakris, Black et al., 2003).

La préhypertension est dénie comme des valeurs de P.A.S. et de P.A.D. respectivement comprises entre 120 et 139 mm Hg et entre 80 et 89 mm Hg (Chobanian, Bakris, Black et al., 2003). « Au Canada entre 1994 et 2007, la prévalence autodéclarée de l’hypertension selon le diagnostic d’un professionnel de la santé, est passée de 10 % à 18 %. Cette hausse peut s’expliquer en partie par le fait que plus de gens se font tester et obtiennent un diagnostic » (Agence de santé publique du Canada, 2009). L’hypertension touche tous les groupes d’âge, mais le risque d’en être atteint augmente avec l’âge (Agence de la santé publique du Canada, 2010). Selon les résultats de la Framingham Heart Study, plus de 90 % des sujets dont la P.A. est normale à 55 ans nissent par présenter de l’hypertension (Chobanian et al., 2003). Dans les unités de soins critiques, la P.A.S. peut être mesurée directement ou indirectement. Les dispositifs effractifs de surveillance artérielle qui mesurent directement la P.A. nécessitent la mise en place d’une canule artérielle et sont considérés comme l’étalon de référence 13 . Si le cathéter a été correctement inséré, cette méthode permet de mesurer la P.A. de façon très précise (Cloutier, 2011). Il est toutefois possible d’obtenir des valeurs de pression sanguine indirectes très proches des mesures directes (à 1 à 3 mm Hg près) en se servant correctement d’un stéthoscope et d’un sphygmomanomètre ou d’appareils de mesure électroniques. La section qui suit passe en revue les éléments essentiels de la surveillance non effractive de la pression sanguine.

Surveillance non effractive de la pression sanguine Les points périphériques les plus couramment utilisés pour surveiller la pression sanguine sont les artères brachiales bilatérales. La pression est mesurée aux deux bras pour écarter toute sténose de l’artère sous-clavière. Normalement, la différence de pression entre les deux bras est inférieure à 10 mm Hg. Une différence supérieure à 15 mm Hg indique une obstruction artérielle du côté où la pression est la plus faible (Ochoa & Yeghiazarians, 2011). L’asymétrie est notée de manière que toutes les mesures subséquentes soient effectuées au bras où la pression est la plus élevée.

Hypotension orthostatique Lorsqu’une personne en bonne santé se lève, de 10 à 15 % du volume sanguin stagne dans les jambes ; le retour veineux vers le côté droit du cœur s’en trouve réduit, ce qui diminue le D.C. ainsi que la pression sanguine artérielle (Naschitz & Rosner, 2007). L’intolérance orthostatique passagère est une réalité quotidienne pour de nomb re use s pe rso nne s, m a i s l ’ hy po t e nsi o n orthostatique aiguë est plus préoccupante (Stewart, 2012). La chute de la pression sanguine active les barorécepteurs ; l’intensication réexe subséquente du débit sympathique et de l’inhibition parasympathique entraîne une vasoconstriction périphérique, qui s’accompagne d’une accélération

de la fréquence cardiaque (F.C.) et d’une augmentation de la contractilité (Naschitz & Rosner, 2007). L’hypotension orthostatique est dénie lorsqu’il y a une diminution de la P.A.S. de plus de 20 mm Hg ou de la P.A.D. de plus de 10 mm Hg (Frenette, Cloutier & Houle, 2009). Le pouls doit également être mesuré puisqu’une F.C. stable à plus ou moins 10 battements/minute (batt./min) pourrait indiquer une réponse inadéquate des barorécepteurs (Frenette et al., 2009). On parle d’hypotension orthostatique lorsqu’il y a un changement minimal de la F.C. de moins de 10 batt./min en présence d’hypotension tandis qu’une augmentation de plus de 20 batt./min indique de l’hypovolémie (Sclater & Alagiakrishann, 2004). Par contre, Jarvis (2009) mentionne la présence d’hypotension orthostatique lorsqu’il y a une augmentation de plus de 20 batt./min. Ce phénomène s’accompagne habituellement de vertiges, de sensations d’ivresse ou d’une syncope. Lorsqu’un client présente ces symptômes, il est important de vérier tous les signes vitaux orthostatiques avant d’accroître son niveau d’activité ENCADRÉ 12.7 . L’hypotension orthostatique peut avoir plusieurs causes (Stewart, 2012). Les altérations des signes vitaux orthostatiques (c.-à-d. chute de la P.A. et augmentation de la F.C.) en soins critiques s’expliquent le plus souvent par les trois causes suivantes :

12

13 Le monitorage intra-artériel est expliqué plus en détail dans le chapitre 13, Exa­ mens paracliniques du système cardiovasculaire.

1. une déplétion du volume intravasculaire ou une perte de liquide causée par une hémorragie, une diurèse excessive ou la èvre ; 2. l’inaptitude des mécanismes vasoconstricteurs vasculaires à provoquer la constriction du lit artériel, ce qui peut s’observer chez les clients âgés après une immobilité prolongée ou une lésion de la moelle épinière ; 3. l’insufsance du système nerveux autonome causée par l’administration d’agents pharmacologiques comme les bêtabloquants, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine et les bloqueurs des canaux calciques.

Taille du brassard de tensiomètre La bonne taille et le placement adéquat du sac gonable (à l’intérieur du brassard inextensible) sont essentiels pour obtenir des valeurs de P.A. exactes. Le sac doit être assez long pour envelopper de 80 à 100 % de la longueur du bras (ou de la jambe) et entre 40 et 60 % de la circonférence du bras (Hypertension Canada, 2013). Les brassards trop petits peuvent produire des valeurs faussement élevées, et ceux qui sont trop grands, des valeurs faussement basses. L’ENCADRÉ 12.8 énumère les précautions indispensables associées à la mesure de la P.A.

Bruits de Korotkoff La mesure de la P.A. systémique repose sur l’auscultation des bruits de Korotkoff, c’est-à-dire les sons créés par la turbulence de l’écoulement sanguin dans un vaisseau attribuable à la constriction du brassard. Celui-ci est goné à une pression Chapitre 12

Évaluation clinique du système cardiovasculaire

241

Collecte des données ENCADRÉ 12.7

Mesure des signes vitaux posturaux (orthostatiques)

DIRECTIVES

1. 2. 3. 4.

Noter la P.A. et la F.C. dans chaque position. Ne pas retirer le brassard entre les mesures. Noter tous les signes et symptômes associés. Consigner clairement la position du client.

4. Client debout : mesurer la P.A. et la F.C. trois minutes suivant le lever. Si la P.A. et la F.C. sont stables, mais que de l’orthostatisme est soupçonné, ces valeurs peuvent être mesurées de nouveau toutes les deux minutes. Cette opération est rarement pratiquée lorsque le client est gravement malade. RÉSULTATS

Changements normaux • La F.C. augmente de 5 à 20 batt./min (de manière transitoire). • La P.A.S. diminue de 10 mm Hg. • La P.A.D. diminue de 5 mm Hg. TECHNIQUE

1. Pendant cinq minutes, garder le client dans une position allongée avant la première mesure. 2. Mesurer la P.A. et la F.C. en position couchée après la période de repos. 3. Mesurer la P.A. et la F.C. une minute après le changement de position (couchée à assise ou couchée à debout).

Orthostatisme positif • La P.A.S. diminue de plus de 20 mm Hg. OU • La P.A.D. diminue de plus de 10 mm Hg en 3 min.

supérieure à la P.A.S. normale, soit 30 mm Hg audessus de la valeur à laquelle il y a disparition du pouls radial (à la palpation) an d’écarter la possibilité d’un trou auscultatoire (Hypertension Canada, 2013). Il faut apposer la membrane du stéthoscope sur l’artère brachiale et desserrer la vis de façon que la vitesse de dégonement du brassard soit d’environ 2 mm Hg/batt. (Hypertension Canada, 2013) À mesure que la pression diminue, les bruits de Korotkoff changent de nature et d’intensité. Ils se divisent en cinq phases. La P.A.S. correspond à la valeur la plus élevée à laquelle le bruit commence à se faire entendre, et la P.A.D. coïncide avec la disparition complète des bruits de Korotkoff. Il est fréquent que les bruits diastoliques s’estompent avant de disparaître complètement, ce qui a suscité des débats sur la valeur diastolique à relever. Comme la disparition complète des bruits de Korotkoff

coïncide plus étroitement avec les mesures obtenues en utilisant un cathéter artériel, c’est la valeur mesurée à ce moment-là qui doit être retenue.

Tensiomètres automatisés Les appareils électroniques sont fréquemment employés pour mesurer la P.A., et ils ont remplacé le sphygmomanomètre au mercure dans de nombreux cas. Le mercure est un polluant environnemental non dégradable dont il est difcile de disposer en toute sécurité. C’est pour cette raison que les appareils qui en contiennent ont cessé d’être utilisés dans la plupart des hôpitaux. En ce qui concerne les résultats afchés par les appareils automatisés (oscillométrie), la pression artérielle moyenne (P.A.M.) est déterminée dans un premier temps à partir du point d’impulsion maximum d’oscillations. À partir de ce résultat, un

Collecte des données ENCADRÉ 12.8

Obtention de valeurs de pression artérielle exactes

• Choisir un sphygmomanomètre précis. • S’assurer que la taille du brassard est adéquate. • Positionner le brassard de la bonne façon (sur un bras dévêtu, le bord inférieur est à 3 cm au-dessus du pli du coude et le centre passe par-dessus l’artère brachiale). • Positionner le client confortablement (le bras soutenu et à la hauteur du cœur, le dos appuyé, les jambes décroisées et les pieds posés au sol). • Optimiser les conditions (le client ne doit pas parler, ne doit pas avoir pris de café ou d’alcool ni avoir fumé dans les 30 min précédant les mesures, et ne doit pas être gêné par une vessie pleine ou des intestins encombrés). Source : Adapté de Hypertension Canada (2013)

242

Partie 2

Système cardiovasculaire

• Prendre trois mesures du même bras, rejeter la première et faire la moyenne des deux autres. La P.A. est prise aux deux bras, et le bras ayant les valeurs plus élevées servira pour les autres mesures par la suite. Il faut attendre deux minutes entre les mesures pour éviter la congestion veineuse. • Lire les mesures en s’assurant que les yeux sont au même niveau que le manomètre. • Comparer les mesures obtenues du côté droit et du côté gauche. • Noter la position du client au dossier ainsi que la valeur de la P.A. à 2 mm Hg près et le bras où elle a été prise.

algorithme mathématique est utilisé pour déterminer la P.A.S. et la P.A.D. (Cloutier, 2011 ; Pickering, Hall, Appel et al., 2005). Les appareils placés sur le bras ou la jambe sont considérés comme précis (pour autant que la taille du brassard soit adéquate) pour mesurer la P.A.S et donner une indication de la pression sanguine. Puisque l’emplacement standard pour la prise de P.A. est le haut du bras et qu’il existe une variation de pression dans les différentes parties du lit artériel, les appareils qu’il faut placer au poignet ou au doigt ne sont pas recommandés (Pickering et al., 2005). La mise en place du brassard automatique doit être fréquemment alternée pour éviter l’irritation excessive du membre, surtout si le dispositif doit se goner plus souvent qu’à toutes les 15 minutes.

Pression différentielle La pression différentielle est la différence entre les valeurs systolique et diastolique. Elle équivaut normalement à 40 mm Hg (c.-à-d. la différence entre une P.A.S. de 120 mm Hg et une P.A.D. de 80 mm Hg). Chez le client gravement malade, une faible P.A. est souvent associée à une pression différentielle modeste. Par exemple, la pression différentielle d’un client dont la P.A. est de 90/72 mm Hg sera de 18 mm Hg. Cette valeur plus faible s’explique par un mécanisme compensatoire temporaire lié à la vasoconstriction artérielle découlant de la déplétion volumique ou de l’insufsance cardiaque. La faible pression différentielle fait en sorte que la P.A.M. (18 mm Hg, dans l’exemple) reste dans l’intervalle thérapeutique et permet une irrigation adéquate des organes.

4 mm Hg. Certaines affections cliniques, comme la tamponnade cardiaque, sont associées à une diminution anormalement importante de la P.A. durant l’inspiration. En général, une diminution supérieure à 10 mm Hg de la P.A.S. durant l’inspiration justie un diagnostic de pouls paradoxal (Stone, Bauch & Rubal, 2006 ; Swami & Spodick, 2003 ; Wu & Nishimura, 2003). La technique traditionnelle de mesure du pouls paradoxal à l’aide d’un sphygmomanomètre, d’un brassard de tensiomètre et d’un saturomètre est décrite dans l’ENCADRÉ 12.9. Si le client est hypotendu, la surveillance des tracés de pouls produits par le saturomètre ou le cathéter artériel permet une évaluation plus exacte du pouls paradoxal dans les unités de soins critiques (Stone et al., 2006 ; Swami & Spodick, 2003 ; Wu & Nishimura, 2003).

12

Pouls alternant Le pouls alternant désigne un cycle régulier de changements d’amplitude de pouls caractérisé par des battements plus forts et plus faibles en alternance (Jarvis, 2009). Cette observation indique une insufsance cardiaque de stade terminal.

Bruits vasculaires Les artères carotides et fémorales sont auscultées à la recherche de bruits. Le bruit, un son aigu en « sh-sh », est un soufe vasculaire extracardiaque, dont le volume varie avec la systole et la diastole. La circulation du sang à travers un vaisseau partiellement occlus produit un bruit anormal. L’auscultation d’un bruit peut accélérer le diagnostic d’une obstruction artérielle soupçonnée.

Bruits cardiaques normaux

Pouls paradoxal En physiologie, la force du pouls fluctue tout au long du cycle respiratoire. Lorsque le « pouls » est mesuré à l’aide de la P.A.S., l’inrmière observera que la pression diminue légèrement durant l’inspiration et qu’elle augmente légèrement à l’expiration. Normalement, l’écart est de 2 à

L’auscultation du cœur est la tâche la plus délicate de l’examen physique cardiaque, et elle peut paraître redoutable aux nouvelles inrmières. Pour résumer les recommandations de la plupart des experts, l’inrmière (Barrett, Lacey, Sekara et al., 2004 ; Chizner, 2008 ; Treadway, 2006) :

Collecte des données ENCADRÉ 12.9

Technique permettant de mesurer le pouls paradoxal

MESURE À L’AIDE D’UN TENSIOMÈTRE

1. Le client doit être allongé et confortable. 2. L’amplitude et la fréquence respiratoires doivent être normales pour éviter toute interférence respiratoire excessive. 3. La P.A. est mesurée suivant les procédures standards ENCADRÉS 12.7 et 12.8. Le brassard du tensiomètre est goné à une pression supérieure à la P.A.S., tandis que les bruits de Korotkoff sont auscultés sur l’artère brachiale et que le brassard se dégone à une vitesse d’environ 2 à 3 mm Hg/batt. 4. La P.A.S. de pointe durant l’expiration (c.-à-d. la pression à laquelle les bruits de Korotkoff ne s’entendent que durant l’expiration) doit être établie puis reconrmée.

5. Le brassard est ensuite dégoné lentement pour établir la P.A.S. à laquelle les bruits de Korotkoff deviennent audibles pendant l’inspiration et l’expiration. 6. Si la différence relevée à l’auscultation entre ces deux valeurs de P.A.S. dépasse 10 mm Hg durant une respiration calme, la présence de pouls paradoxal est conrmée. MESURE PAR ANALYSE DU TRACÉ

1. Un détecteur du saturomètre afchant un tracé de pouls peut servir d’appareil de mesure additionnel. 2. Dans l’unité de soins critiques, le tracé artériel provenant du cathéter artériel (le cas échéant) peut servir à mesurer la différence de P.A.S. entre l’expiration et l’inspiration.

Chapitre 12

Évaluation clinique du système cardiovasculaire

243

• effectue une auscultation systématique de toute la région précordiale avec le diaphragme et la cloche du stéthoscope ;

Comme le montre la FIGURE 12.6, chaque son est le plus intense dans le foyer d’auscultation situé en aval de sa source valvulaire proprement dite.

• visualise l’anatomie cardiaque sous chaque point d’auscultation et s’attendre à percevoir les bruits physiologiques correspondants ;

Dédoublement physiologique de B1 et B2

• mémorise le cycle cardiaque pour mieux être en mesure de déceler les bruits anormaux ; • s’exerce, s’exerce et s’exerce encore.

Premier et deuxième bruits cardiaques Les premier (B1) et deuxième (B2) bruits cardiaques sont les bruits normaux du cœur. Le bruit B1 est le son associé à la fermeture des valves mitrale et tricuspide et s’entend le plus clairement dans les zones correspondantes. Le bruit B2 (fermeture des valves aortique et pulmonaire) s’entend le plus distinctement au niveau du deuxième espace intercostal à gauche et à droite du sternum FIGURE 12.5. Il s’agit de deux sons de haute fréquence qui s’entendent le mieux avec le diaphragme du stéthoscope ENCADRÉ 12.10.

Normalement, les sons émis du côté gauche sont plus forts que ceux qui viennent du côté droit, car la contraction du ventricule gauche survient quelques millisecondes avant celle du ventricule droit. Le dédoublement physiologique s’accentue à l’inspiration et disparaît normalement avec l’expiration. Il est plus facile de détecter ce dédoublement à l’inspiration, car celle-ci est associée à une augmentation du retour sanguin vers le côté droit du cœur et à une réduction vers le côté gauche. La fermeture de la valve pulmonaire est donc retardée, car il faut plus de temps pour que le volume sanguin supérieur la traverse, alors que la fermeture de la valve aortique est plus hâtive compte tenu de la quantité relativement inférieure de sang éjectée du ventricule gauche. Il en résulte un bruit B2 dédoublé (la fermeture de chaque valve est audible, car les contractions des ventricules gauche et droit sont plus espacées) FIGURE 12.7.

Dédoublement pathologique de B1 et B2 Diverses anomalies peuvent affecter l’intensité et le rythme des bruits cardiaques dédoublés. L’auscultation de la région pulmonaire, par exemple, peut laisser entendre un dédoublement pathologique au stéthoscope si la fermeture de la valve pulmonaire précède celle de la valve aortique. Le dédoublement pathologique de B1 et B2 est lié à des affections cardiovasculaires spéciques, comme l’hypertension pulmonaire, la sténose pulmonaire ou l’insufsance ventriculaire droite, et à des perturbations de la conduction électrique comme le bloc de branche et les contractions ventriculaires prématurées.

Bruits cardiaques anormaux

FIGURE 12.6 Transmission des bruits cardiaques au thorax et leur lien avec la position anatomique des valves cardiaques.

ENCADRÉ 12.10

244

Partie 2

Les troisième (B3) et quatrième (B4) bruits cardiaques sont connus comme les bruits anormaux ; ils portent le nom de galops lorsqu’ils sont auscultés dans le cours d’un épisode de tachycardie. Ces sons de basse fréquence se produisent durant la diastole et s’entendent le mieux en plaçant la cloche du stéthoscope à l’apex. Les caractéristiques des bruits B3

Caractéristiques des premier et deuxième bruits cardiaques

PREMIER BRUIT CARDIAQUE (B1)

DEUXIÈME BRUIT CARDIAQUE (B2)

• Haute fréquence • Le plus intense dans le foyer mitral (apex)

• Haute fréquence • Le plus intense dans le foyer aortique (base)

DÉDOUBLEMENT DE B1

DÉDOUBLEMENT DE B2

• • • •

• • • •

Dédoublement normal de moins de 20 millisecondes (ms) S’entend le mieux dans le foyer tricuspidien Important de distinguer entre le dédoublement de B1 et B4 Survient immédiatement avant la montée du pouls carotidien

Système cardiovasculaire

Dédoublement normal de moins de 30 ms S’entend le mieux dans le foyer pulmonaire ↑ dédoublement avec l’inspiration ↓ dédoublement avec l’expiration

et B4 sont énumérées en détail dans l’ENCADRÉ 12.11. Sans surprise, l’apparition d’un bruit cardiaque B3 est fortement corrélée avec des taux élevés de peptide natriurétique de type B (PNB ou pro-PNB) (Johnston, Collins & Storrow, 2007). La détection d’un bruit B4 à l’auscultation conduira également l’inrmière à soupçonner une insufsance cardiaque et une diminution de la compliance ventriculaire (Gupta & Michaels, 2009). Également appelé galop auriculaire, le bruit B4 survient à la n de la diastole (juste avant le bruit B1), lorsque le ventricule est rempli. Il est associé au phénomène de contraction auriculaire, également désignée comme la systole auriculaire.

Soufes cardiaques Les soufes valvulaires cardiaques désignent des bruits du cœur surajoutés et prolongés se produisant durant la systole ou la diastole. Ils résultent d’un écoulement turbulent du sang à travers les chambres du cœur, soit parce que des orices de valve rétrécis ou irréguliers entravent sa progression, soit parce qu’une insufsance valvulaire provoque une régurgitation rétrograde du ux (Bonow, Carabello, Chatterjee et al., 2008). Les soufes se produisent pendant la systole et la diastole. Ils sont généralement causés par des modications cardiaques structurelles. L’ENCADRÉ 12.12 énumère les étapes à suivre pour ausculter efcacement et correctement les soufes cardiaques. Ils se caractérisent par des critères précis :

12

• le moment d’apparition : à l’étape de la systole ou de la diastole et s’il est situé au début (proto), au milieu (méso), à la n (télé) ou couvrant toute la période (holo) du cycle cardiaque ; • le foyer d’origine : la région de la paroi thoracique où l’intensité du soufe est maximale (foyer aortique, mitral, tricuspidien, pulmonaire) ; • l’irradiation : jusqu’où le bruit se répand à travers la paroi thoracique ; • la morphologie : rectangulaire ou en plateau, crescendo-decrescendo, decrescendo; • la tonalité : aiguë ou grave ;

FIGURE 12.7 Caractéristiques des bruits cardiaques normaux et anormaux et foyer auscultatoire où ils s’entendent le mieux.

• l’intensité : classée sur une échelle de 1 à 6, où 6 correspond au soufe le plus intense TABLEAU 12.3. Les quatre soufes valvulaires les plus fréquents à l’auscultation chez l’adulte sont brièvement évoqués ci-après 11 .

| Sténose mitrale | Le terme sténose mitrale désigne le rétrécissement de l’orice de la valve mitrale qui produit un soufe grave variant en intensité et en rudesse selon le degré de sténose valvulaire. Il est émis durant la diastole, s’ausculte dans le foyer mitral (cinquième espace intercostal, ligne médioclaviculaire) et n’irradie pas. À mesure que la sténose mitrale évolue, l’oreillette gauche s’hypertrophie, ce qui provoque souvent une brillation auriculaire et, conséquemment, l’apparition de thrombus dans l’oreillette gauche. La pression auriculaire croissante

crée aussi une congestion pulmonaire, un essoufement, une toux grasse ainsi que des symptômes d’insufsance cardiaque droite.

| Régurgitation mitrale | La régurgitation mitrale peut être aiguë ou chronique. En contexte aigu, elle peut être déclenchée par la rupture d’un muscle papillaire consécutive à un infarctus aigu du myocarde ou celle d’au moins un cordon tendineux. Ainsi, lorsque le ventricule se contracte durant la systole, un jet de sang est renvoyé dans l’oreillette gauche, ce qui entraîne une augmentation soudaine de la pression auriculaire gauche, un œdème pulmonaire aigu, un ralentissement du D.C. et un choc cardiogénique. La régurgitation mitrale chronique s’observe le plus souvent chez les adultes âgés, à Chapitre 12

11 Le chapitre 11, Anatomie et physiologie du système cardiovasculaire, décrit plus en détail l’anatomie des valves.

Évaluation clinique du système cardiovasculaire

245

ENCADRÉ 12.11

Caractéristiques des troisième et quatrième bruits cardiaques

TROISIÈME BRUIT CARDIAQUE (B3)

Causes physiologiques • Correspond au mouvement diastolique et au remplissage rapide des ventricules au début de la diastole • Peut être normal chez les enfants, les femmes enceintes et les jeunes adultes (< 40 ans) Causes pathologiques • Dysfonction ventriculaire associée à une augmentation du volume en n de diastole (IDM, insufsance cardiaque, maladie valvulaire, hypertension systémique ou pulmonaire) • État hyperdynamique (anémie, thyrotoxicose, régurgitation mitrale ou tricuspidienne) Association rythmique verbale • Kentucky : B1, B2, B3

QUATRIÈME BRUIT CARDIAQUE (B4) • Correspond à la contraction auriculaire lorsqu’elle se contracte tardivement en diastole, signiant l’augmentation de la pression télédiatolique (Jarvis, 2009) Causes physiologiques • Peut se produire avec ou sans décompensation cardiaque et est considéré physiologique chez des adultes âgés de 40 à 50 ans, particulièrement après l’exercice (Jarvis, 2009) Causes pathologiques • Hypertrophie ventriculaire associée à une diminution de la compliance ventri­ culaire (coronaropathie, hypertension systémique, cardiomyopathie, sténose aortique ou pulmonaire ; intensité accrue en cas d’IDM aigu ou d’angine) • État hyperkinétique (anémie, thyrotoxicose, stule artérioveineuse) • Régurgitation valvulaire aiguë Association rythmique verbale • Tennessee : B4, B1, B2

Synonymes • Galop ventriculaire • Galop protodiastolique

Synonymes • Galop auriculaire • Galop présystolique

mesure que les structures valvulaires s’affaissent et s’étirent avec le temps. À l’auscultation, le soufe de régurgitation mitrale s’entend au foyer mitral et se produit durant la systole. C’est un soufe holosystolique à tonalité élevée, dont le timbre et l’intensité varient selon le degré de régurgitation. À mesure que la régurgitation mitrale évolue, le soufe irradie plus amplement.

| Sténose aortique | La sténose aortique désigne le rétrécissement de l’orice de la valve aortique. Le ventricule gauche, qui a plus de mal à éjecter le sang vers l’aorte, réagit en augmentant la pression intraventriculaire et, ainsi, sa masse musculaire augmente (hypertrophie ventriculaire gauche). Cependant, avec la surcharge de pression et la valve aortique rétrécie, le ventricule gauche perd progressivement sa force contractile et nit par défaillir. Comme le volume de sang qui entre dans l’aorte durant la systole est moindre, les artères coronaires ne se remplissent pas efcacement, ce qui explique que la douleur thoracique soit un symptôme couramment associé à la sténose aortique. Cette douleur peut être difcile à distinguer de celle de l’angine causée par la coronaropathie, surtout chez les adultes âgés (Maganti, Rigolin, Enriquez-Sarano, 2010). Les autres symptômes incluent les vertiges, la syncope et l’essoufement dus à une insufsance cardiaque gauche. Après l’apparition des symptômes, l’évolution clinique ne sera pas encourageante, à moins que la valve aortique ne soit remplacée, sans quoi la survie à deux ans est médiocre (Maganti et al., 2010). Le soufe de sténose aortique se produit durant la systole et s’entend à l’auscultation dans la région aortique (deuxième espace intercostal, bord droit du

246

Partie 2

Système cardiovasculaire

sternum). La sténose aortique produit un soufe grave qui n’irradie pas, quoique le timbre varie selon le degré d’obstruction valvulaire. Les observations (ou signes) cliniques au cours de l’examen physique varient avec la gravité de la calcication de la valve, de l’importance de la sténose et de la dysfonction ventriculaire gauche. Plus la gravité de la sténose augmente, plus la durée du soufe s’accroît, et le pic du soufe se fera entendre plus tardivement en systole (Maganti et al., 2010). Éventuellement, avec la progression de la gravité de la sténose, des symptômes se manifestent, comme mentionné précédemment (Maganti et al., 2010). Il est recommandé d’effectuer une échocardiographie pour visualiser la valvule une fois le souffle de sténose aortique détecté.

| Régurgitation aortique | La régurgitation aortique, aussi appelée couramment insufsance aortique, se dénit comme une insufsance de la valve aortique. L’expression « valve qui fuit » est souvent utilisée en langage courant. Normalement, une fois que le ventricule gauche a éjecté le sang dans l’aorte, la valve se referme de manière étanche et empêche le sang de remonter dans la cavité. Si les cuspides de la valve ne maintiennent pas cette étanchéité, le bruit du sang qui remonte dans le ventricule gauche durant la diastole ressemble à un soufe de haute fréquence, doux, lointain et en decrescendo. Ce son se produit au début de la diastole et s’entend d’abord dans la région aortique (deuxième espace intercostal, bord droit du sternum), mais à mesure que la régurgitation aortique évolue, il peut être perçu tout le long du bord du sternum gauche à l’auscultation. Comme pour tous les soufes valvulaires, le timbre

Collecte des données ENCADRÉ 12.12

Technique d’auscultation des bruits et des soufes cardiaques

1. STÉTHOSCOPE

Diaphragme • Offre une plus grande surface. • Accentue les hautes fréquences et élimine les basses fréquences. • Sert à écouter les bruits B1/B2 (dédoublement B1/B2), les soufes intenses et les frottements péricardiques. Cloche • Présente une plus petite surface de contact. • Élimine les bruits de haute fréquence et accentue ceux de basse fréquence. • Offre un contact léger avec la surface (sinon devient un diaphragme). 2. FOYER

Les bruits cardiaques sont auscultés aux foyers APTM : A : foyer aortique (deuxième espace intercostal droit le long du bord sternal) ; P: foyer pulmonaire (deuxième espace intercostal gauche le long du bord sternal) ; T: foyer tricuspidien (quatrième espace intercostal gauche le long du bord sternal) ; M : foyer mitral (cinquième espace intercostal le long de la ligne médio­ claviculaire). 3. « BIEN CONNAÎTRE SES BASES »

• La base du cœur fait référence au deuxième espace intercostal droit et gauche près du sternum où les soufes aortiques et pulmonaires sont auscultés.

et l’intensité varient selon le degré de la régurgitation. L’ENCADRÉ 12.13 présente les résultats normaux habituellement retrouvés dans chacun des principaux foyers d’auscultation ; le TABLEAU 12.4 compare les caractéristiques des soufes valvulaires les plus fréquents.

• L’apex ou le foyer ventriculaire gauche fait référence au cinquième espace intercostal le long de la ligne médioclaviculaire : – le plus souvent désigné comme la pulsation apicale ; – également désigné comme le foyer mitral ; – B1 et les bruits mitraux y sont les plus intenses. • Point d’Erb : deuxième foyer aortique (troisième espace intercostal gauche le long du bord sternal) ; les frottements péricardiques s’y entendent le mieux. 4. PALPATION

• Palper chaque foyer à la recherche d’un thrill (frémissement). • Palper le pouls carotidien (ou regarder l’ECG pour reconnaître B1 et B2). 5. GARDER LE SILENCE ET S’ARMER DE PATIENCE.

• Chercher d’abord à entendre B1 et B2 en ignorant les autres sons. • Recourir à cette technique de façon graduelle. • Une fois établi avec certitude quel bruit correspond à B1 ou B2, tenter de déterminer à quel moment les autres bruits s’interposent. • Déterminer s’il s’agit d’un son systolique ou diastolique. • Se souvenir que B3 et B4 s’entendent le mieux lorsque le client est en décubitus latéral gauche. Noter le foyer (indique l’origine du bruit). • Noter la chronologie des bruits (B4 s’entend juste avant B1, et B3 juste après B2). 6. INTERPRÉTER LE SON EN SE BASANT SUR L’ÉTAT CLINIQUE DU CLIENT.

TABLEAU 12.3

Classement des soufes cardiaques

GRADE

DESCRIPTION

1

Très discret ; ne peut s’entendre que dans le calme

2

Discret, mais clairement audible

Soufes fonctionnels

3

Modérément fort

Chez les enfants, les adolescents et les jeunes adultes en santé, les soufes systoliques de « haut débit » sont courants et résultent d’une contraction ventriculaire vigoureuse. Ces bruits non pathologiques sont appelés soufes fonctionnels. Ils se produisent toujours durant la systole ; leur timbre est faible à modéré (s’entendent le mieux avec la cloche du stéthoscope) ; leur intensité, de grade 1 à 2, se caractérise par un bruit holosystolique. C’est dans la région tricuspidienne qu’ils sont d’habitude perçus le plus distinctement ; ils n’irradient pas ENCADRÉ 12.14.

4

Fort ou très intense ; peut être associé à un frémissement palpatoire

5

Extrêmement intense ; audible en appuyant le rebord du stéthoscope sur le thorax ; frémissement aisément palpable

6

Peut être entendu sans que le stéthoscope touche le thorax ; frémissement palpable et visible

Soufes associés à l’infarctus du myocarde Au chevet du client, il arrive souvent que l’inrmière soit la première à ausculter un nouveau soufe. Les soufes holosystoliques qui surviennent en phase aiguë comme complication d’un IDM, en sont de bons exemples.

| Rupture du muscle papillaire | L’auscultation d’un nouveau soufe aigu, de haute fréquence et holosystolique à l’apex du cœur, annonce une régurgitation de la valve mitrale découlant d’une dysfonction du

ENCADRÉ 12.13

Auscultation des valves cardiaques

FOYER AORTIQUE

FOYER MITRAL

• B2 intense • Soufe systolique aortique

• B1 intense • B3 et B4 au niveau du ventricule gauche • Soufes valvulaires mitraux

FOYER PULMONAIRE

• B2 intense et dédoublé à l’inspiration • Soufes valvulaires pulmonaires FOYER TRICUSPIDIEN

• • • •

Dédoublement de B1 B3 et B4 au niveau du ventricule droit Soufes valvulaires tricuspidiens Soufe signalant une anomalie du septum ventriculaire Chapitre 12

POINT D’ERB

• Dédoublement de B2 à l’inspiration • Soufe diastolique aortique • Frottement péricardique

Évaluation clinique du système cardiovasculaire

247

12

TABLEAU 12.4

Caractéristiques de certains soufes

ANOMALIE

MOMENT D’APPARITION DANS LE CYCLE CARDIAQUE

TONALITÉ, INTENSITÉ, MORPHOLOGIE

FOYER, IRRADIATION

Régurgitation mitrale

• Aigu • Rude • Holosystolique

• Foyer mitral • Peut irradier vers le creux axillaire

Régurgitation tricuspidienne

• • • •

• Foyer tricuspidien du bord sternal inférieur gauche, foyer épigastrique • Peu d’irradiation

Anomalie du septum ventriculaire

• Aigu • Intense • Holosystolique

• Bord sternal gauche

Sténose aortique

• • • •

Chhhhhh Modéré Âpre, rude Crescendo-decrescendo

• Foyer aortique jusqu’à la fourchette sternale, côté droit du cou, apex

Sténose pulmonaire

• • • •

Faible à modéré Intense Rude, grinçant Crescendo-decrescendo

• Foyer pulmonaire • Aucune irradiation

Sténose mitrale

• • • •

Faible Calme à intense avec frémissement Grondement rude, de basse fréquence Roulement diastolique (decrescendo) avec renforcement présystolique

• Foyer mitral • Habituellement aucune irradiation

Sténose tricuspidienne

• • • •

Modéré Calme ; plus intense à l’inspiration Grondement Roulement diastolique (decrescendo)

• Foyer tricuspidien ou épigastre • Peu d’irradiation

Régurgitation aortique

• Aigu • Faible à modéré • Decrescendo, doux, lointain

• Foyer aortique jusqu’au bord sternal inférieur gauche et aorte • Point d’Erb

Régurgitation pulmonaire

• Modéré • Faible • Decrescendo

• Foyer pulmonaire • Aucune irradiation

Soufes systoliques

Aigu Souvent faible, mais variable Intensité augmentant avec l’inspiration Holosystolique

Soufes diastoliques

muscle papillaire. Ce soufe peut être faible (grade 1 ou 2) et ne se produire que durant des épisodes ischémiques lorsque la contractilité du muscle papillaire est altérée, mais sa présence est liée à une douleur persistante, à une insufsance ventriculaire et à une plus grande mortalité. Si le soufe est intense (grade 5 ou 6), rude, et qu’il irradie dans toutes les

248

Partie 2

Système cardiovasculaire

directions à partir de la pointe, il est possible que le muscle papillaire ou les cordons tendineux se soient rompus. L’auscultation clinique d’un nouveau soufe doit toujours être conrmée par échocardiographie transthoracique ou transœsophagienne (Bonow et al., 2008 ; Czarnecki, Thakrar, Fang et al., 2008). La rupture du muscle papillaire constitue une urgence qui

ENCADRÉ 12.14

Description des soufes fonctionnels

• Toujours systoliques • Faibles, courts (grade 1 ou 2, grave) • Changent avec la position, diminuent ou disparaissent en position assise • B2 normal • S’entendent généralement au niveau du bord sternal gauche

requiert une intervention médicale et chirurgicale immédiate.

| Rupture du septum ventriculaire | La rupture du septum ventriculaire est une urgence possible, mais rare, consécutive à un IDM aigu. Il s’agit d’une nouvelle ouverture du septum entre les deux ventricules qui crée un soufe holosystolique rude qui est le plus intense (à l’auscultation)

le long du bord gauche du sternum (Hanin, 2010). Le tableau clinique associé à cette complication est celui de l’insufsance ventriculaire aiguë et du choc cardiogénique. Un diagnostic ainsi qu’un traitement immédiats sont nécessaires an de prévenir une issue fatale.

| Frottement péricardique | Le frottement péricardique est un bruit qui peut survenir de deux à sept jours après un IDM. Il résulte d’une inammation péricardique (péricardite). Il s’agit typiquement d’un grincement ou d’un grattement à la fois systolique et diastolique, qui correspond au mouvement du cœur dans le sac péricardique. Ce frottement est souvent associé à une douleur thoracique susceptible d’être aggravée par une inspiration profonde, par la toux, la déglutition et le changement de position. Il est important de ne pas confondre la péricardite et l’ischémie myocardique aiguë. La détection d’un frottement péricardique à l’auscultation peut faciliter cette distinction et permettre un diagnostic et un traitement efcaces.

12

À RETENIR • Il est essentiel d’obtenir l’histoire de santé précise du client, d’un parent ou d’un proche qui connaît son état de santé actuel. Les signes et symptômes rapportés par le client donnent des indices sur les causes sous-jacentes de l’affection cardiaque. S’il présente des signes évidents de détresse aiguë (essoufflement, expectoration rose écumeuse, hypotension, tachycardie, pâleur, diaphorèse) ou qu’il se plaint de douleurs ou d’une pression thoracique, les questions doivent être brèves et servir à détecter rapidement le problème immédiat. • Le questionnaire concernant un symptôme ou la douleur doit se faire à partir des méthodes AMPLE et PQRSTU an de bien cibler la problématique.

• L’inspection sert à déterminer si le client est anxieux ou détendu, mais aussi à relever des affections graves comme la cyanose, l’hippocratisme des ongles ou un œdème périphérique important.

assurer la abilité. La prise de la P.A. aux deux bras et en position couchée puis debout doit se faire au cours d’une première évaluation et permet d’orienter le traitement.

• La palpation des pouls majeurs est une composante habituelle de l’examen physique cardiovasculaire. Normalement, les pouls sont identiques des deux côtés du corps. La perte du pouls d’un côté peut signaler la présence d’une maladie vasculaire artérielle athérosclérotique. Au moment de la prise de pouls aux membres inférieurs, il peut être intéressant de bien observer l’intégrité de la peau et ainsi de déceler la présence d’insufsance veineuse ou artérielle.

• L’auscultation des bruits et des soufes cardiaques est une compétence que le temps et la pratique permettent de maîtriser. Lorsqu’elle est effectuée habilement, l’auscultation peut révéler bien des éléments sur la fonction cardiaque et l’écoulement sanguin. Pendant l’auscultation, l’inrmière porte une attention particulière aux bruits cardiaques, au moment d’apparition et à la qualité du soufe entendu. Ainsi, l’origine du soufe peut être déterminée. Après l’infarctus du myocarde (IDM), l’auscultation cardiaque peut être utile pour détecter des complications.

• La prise de la pression artérielle (P.A.) doit se faire selon les normes an d’en

Chapitre 12

Évaluation clinique du système cardiovasculaire

249

chapitre

13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

Écrit par : Mary E. Lough, PhD, RN, CNS, CCRN, CNRN, CCNS Christine Thompson, MS, RN, CNS, CCRN, CHFN Adapté par : Amélie Doherty, inf., B. Sc.

L

’inrmière en soins critiques est appelée à assurer les soins et les traitements d’un client souffrant d’une affection cardiaque, à en faire la surveillance et à effectuer le suivi nécessaire. C’est en raison des avancées technologiques, notamment dans le domaine des soins critiques, que l’inrmière trouve les outils appropriés pour évaluer et surveiller la fonction cardiaque. Le présent chapitre traite de l’évaluation et de la surveillance de la fonction cardiovasculaire ainsi que des analyses de laboratoire et des examens paracliniques liés à cette fonction. Au terme de ce chapitre, l’inrmière est en mesured’interpréter les courbes de pression artérielle et veineuse, de comprendre les déterminants du débit cardiaque, de lire un électrocardiogramme, de différencier les arythmies auriculaires et ventriculaires, et de comprendre les analyses de laboratoire couramment utilisées en soins critiques.

13.1

13.1.1

Évaluation et surveillance de la fonction cardiovasculaire Monitorage hémodynamique clinique

Le monitorage hémodynamique est à la croisée des chemins. La technologie à l’origine de ce procédé effractif a plus de 30 ans, et d’intenses recherches sont menées pour découvrir de nouvelles méthodes viables, peu ou non effractives, ce qui représente un réel dé en soins critiques. Le monitorage effractif est de moins en moins utilisé dans les unités de soins critiques. Son utilisation est limitée à une clientèle nécessitant un suivi hémodynamique étroit, et ce, lorsqu’il ne peut être remplacé par une méthode moins effractive. La connaissance des méthodes classiques de monitorage hémodynamique et la capacité d’appliquer les principes physiologiques connus à de nouvelles situations sont nécessaires à l’inrmière en soins critiques. À mesure que la technologie évolue, elle s’appuie sur les mêmes principes physiologiques en utilisant les dernières méthodes pour s’assurer de la sécurité et de l’évolution optimale de chaque client. La présentation qui suit, portant sur le monitorage hémodynamique, traite à la fois des technologies établies et des technologies émergentes.

Équipement Comme le montre la FIGURE 13.1, les dispositifs classiques de monitorage hémodynamique sont dotés des quatre composantes suivantes : 1) Un cathéter effractif et une tubulure à haute pression qui relient le client au transducteur. 2) Un transducteur qui reçoit le signal physiologique venant du cathéter et de la tubulure et qui le convertit en énergie électrique. 3) Un système de rinçage qui maintient la perméabilité du cathéter et du dispositif rempli de soluté physiologique. 4) Un moniteur clinique qui contient l’amplicateur et le capteur, et qui augmente le volume du signal électrique et l’afche sur un oscilloscope en valeur numérique exprimée en millimètres de mercure (mm Hg). Il est possible d’utiliser des types variés et nombreux de cathéters pour le monitorage des pressions hémodynamiques, mais les équipements auxquels ils sont reliés sont analogues FIGURE 13.1. Les hôpitaux peuvent également congurer leurs dispositifs de surveillance hémodynamique de diverses façons. La mise en place de base inclut les éléments suivants : • Un sac de chlorure de sodium 0,9 % (soluté physiologique) servant de solution de rinçage à laquelle certaines unités de soins, telles que la pédiatrie ou la néonatalogie, ajoutent parfois de l’héparine comme anticoagulant. Une manchette

à pression gonée à 300 mm Hg recouvre le sac de solution de rinçage. • Un dispositif formé d’une tubulure, de robinets à trois voies et d’un dispositif d’écoulement intégré qui permet une perfusion continue de liquide et un rinçage manuel. La tubulure de haute pression doit servir à relier le cathéter au transducteur an de maintenir la perméabilité du système et de prévenir l’amortissement (aplatissement) de la courbe. • Un transducteur à pression. Les transducteurs modernes munis d’une puce en silicone sont jetables et très précis.

Maintien de la perméabilité du système : héparine L’ajout d’héparine, un anticoagulant, au soluté physiologique du système de rinçage pour maintenir la perméabilité du cathéter demeure controversé (Brzezinski, Luisetti & London, 2009 ; Mitchell, Anderson, Williams et al., 2007). Certaines unités de soins critiques ont recours à cette pratique, mais la majorité l’évite par crainte de l’apparition d’anticorps susceptibles de déclencher l’affection autoimmune connue sous le nom de thrombocytopénie induite par l’héparine (TIH) (Brzezinski et al., 2009). Il est aussi parfois question d’allergie à l’héparine, associée, le cas échéant, à une baisse importante du nombre de plaquettes et à la formation d’un thrombus. Si l’héparine est utilisée dans la perfusion de rinçage, le monitorage constant du nombre de plaquettes est alors recommandé (Warkentin, Greinacher, Koster et al., 2008). Les solutions de rinçage, les sondes, les robinets d’arrêt et les transducteurs jetables sont remplacés toutes les 96 heures, conformément aux lignes directrices actuelles des Centers for Disease Control and Prevention (O’Grady, Alexander, Burns et al., 2011). Cependant, les pratiques varient selon les hôpitaux ; certains établissements changent en effet la solution de rinçage toutes les 24 heures. C’est pourquoi il est essentiel de bien connaître les procédures écrites se rapportant spéciquement à l’équipement de monitorage hémodynamique dans chaque unité de soins critiques. Il n’est pas recommandé d’utiliser des solutions de dextrose dans le système de rinçage des cathéters de monitorage (O’Grady et al., 2011).

13

Calibrage de l’équipement Pour assurer la précision des lectures de pression hémodynamique, deux mesures initiales s’imposent : 1) le calibrage du système à la pression atmosphérique, une mesure également appelée mise à zéro du transducteur ; 2) la détermination de l’axe phlébostatique, qui correspond à la hauteur à laquelle le transducteur doit être placé, une mesure également appelée mise à niveau du transducteur (American Association of Critical-Care Nurses [AACN], 2009a). Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

251

FIGURE 13.1

Les quatre parties d’un dispositif de monitorage hémodynamique : un cathéter relié à une tubulure sous haute pression à brancher au transducteur ; un transducteur ; un système de rinçage, incluant un rinçage manuel ; un moniteur au chevet du client.

Mise à zéro du transducteur Pour calibrer l’équipement à la pression atmosphérique, une opération également désignée par l’expression mise à zéro du transducteur, il faut utiliser le robinet à trois voies et mettre le transducteur en contact avec l’air ambiant (pression atmosphérique) en s’assurant de fermer le robinet vers le client (an d’éviter le retour de sang vers le capteur). Le moniteur est ajusté jusqu’à ce que la valeur zéro s’afche. Bien que la pression atmosphérique soit de 760 mm Hg au niveau de

252

Partie 2

Système cardiovasculaire

la mer, elle est ramenée à zéro pour servir de référence initiale pour les mesures hémodynamiques. Avec certains moniteurs, la limite supérieure de l’échelle doit être calibrée pendant que le dispositif reste exposé à l’air. À la n de la procédure de calibrage, le robinet est remis en position fermée, et un bouchon stérile est placé sur l’orice ouvert. Le tracé et les pressions hémodynamiques du client s’afchent ensuite. Les transducteurs jetables sont très précis, et une fois calibrés à la pression atmosphérique, la déviation

par rapport au zéro initial est négligeable. Même si cela signie a priori qu’il n’est pas nécessaire de répéter l’opération, les protocoles cliniques en vigueur dans la plupart des unités obligent l’inrmière à recalibrer le transducteur au début de chaque quart de travail an d’assurer l’exactitude des données hémodynamiques. La mise à zéro doit aussi être effectuée après chaque débranchement du câble électrique.

Axe phlébostatique L’axe phlébostatique est un point de repère sur le thorax qui permet de placer systématiquement le transducteur à la bonne hauteur. Il se trouve à l’intersection d’une ligne imaginaire, qui part du sternum à la hauteur du quatrième espace intercostal, et de la ligne axillaire moyenne, laquelle se situe à michemin entre les surfaces antérieure et postérieure du thorax dans le plan frontal (AACN, 2009a). L’axe phlébostatique se trouve à peu près à la hauteur de l’oreillette droite, comme l’illustre la FIGURE 13.1. Il sert de point de référence pour le positionnement des transducteurs qui serviront à la mesure de la pression veineuse centrale (P.V.C.) via un cathéter veineux central (CVC) et un cathéter artériel pulmonaire (CAP), aussi appelés cathéters de SwanGanz. La hauteur à laquelle se trouve le robinet du transducteur (interface air-eau) correspond approximativement à celle à laquelle repose l’extrémité distale du cathéter de monitorage hémodynamique effractif dans le thorax.

Mise à niveau du transducteur Le procédé de mise à niveau consiste à aligner le transducteur vis-à-vis de l’axe phlébostatique. Il vise à faire coïncider l’interface air-eau avec l’oreillette droite de manière à corriger les variations de la pression hydrostatique dans les vaisseaux sanguins audessus et au-dessous du cœur (AACN, 2009a). Le niveau à bulle ou au laser permet de s’assurer que le transducteur est parallèle au point de référence de l’axe phlébostatique. Lorsque le client change de position, le transducteur doit être remis à niveau an d’obtenir des mesures de pression hémodynamique précises (AACN, 2009a). Les résultats peuvent être erronés si le transducteur est placé en dessous de l’axe phlébostatique, puisqu’il soutient alors le liquide contenu dans le dispositif, ce qui crée une pression hydrostatique additionnelle et produit ainsi une mesure faussement élevée. La pression exercée par ce liquide augmente de 1,87 mm Hg pour chaque 2,5 cm de distance entre le transducteur et l’extrémité du cathéter. Par exemple, s’il est situé à 15 cm au-dessous, la pression afchée sera faussement excédentaire de 11 mm Hg. Si le transducteur est placé au-dessus du niveau de l’oreillette, la gravité et l’absence de pression de liquide produiront une mesure faussement basse. Pour chaque 2,5 cm d’écart entre le transducteur et l’extrémité du cathéter, la mesure sera inférieure de 1,87 mm Hg à la véritable valeur. L’ENCADRÉ 13.1 résume les autres activités inrmières associées au monitorage hémodynamique.

Position du client La question de la position idéale du client faisant l’objet d’un monitorage hémodynamique aux soins critiques ne serait pas problématique s’il pouvait rester constamment en décubitus dorsal. Or, cette position n’est pas toujours confortable, en particulier si le client est conscient. D’ailleurs, il est fortement recommandé de maintenir une élévation de la tête de lit pour réduire le risque d’aspiration bronchique et favoriser une meilleure amplitude respiratoire.

Décubitus dorsal strict ou proclive Des inrmières chercheuses ont déterminé qu’une mesure able de la pression veineuse centrale (PVC), de la pression artérielle (P.A.) pulmonaire et de la pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO), appelée également pression capillaire pulmonaire bloquée (PCPB) ou wedge, peut être obtenue lorsque le client est installé en décubitus dorsal, c’est-à-dire allongé sur le dos, et que l’inclinaison de la tête du lit est comprise entre 0 et 60° (AACN, 2009a ; Rauen, Makic & Bridges, 2009). En principe, en cas de normovolémie et de stabilité de l’état hémodynamique, la surélévation de la tête n’a pas d’effet négatif sur les pressions mesurées dans le cadre du monitorage hémodynamique. En revanche, si l’instabilité de l’état hémodynamique ou l’hypovolémie sont telles que le fait de surélever la tête du client perturbe le volume intravasculaire, il faudra chercher en priorité à corriger l’instabilité hémodynamique et à abaisser la tête du lit. Bien qu’il soit fréquent en clinique de placer le client à l’horizontale (0°) pour la mesure du débit cardiaque (D.C.), il ne serait généralement pas nécessaire de mettre le client dans cette position pour obtenir des mesures précises de la PVC, de la P.A. pulmonaire ou de la PAPO. D’ailleurs, il est impératif de porter une attention particulière au risque de pneumonie par aspiration lorsque la tête du lit est abaissée, notamment lorsque le client bénécie d’une alimentation entérale.

13

Position latérale Lorsque le client est installé en position latérale, c’est-à-dire allongé sur le côté, les points de repère à utiliser pour la mise à niveau du transducteur ne sont pas les mêmes que celui décrit précédemment. Des chercheurs ont évalué les pressions mesurées par monitorage hémodynamique chez des clients allongés en position latérale à 30 et à 90° (avec le relèvebuste à plat) et en ont conclu que ces mesures étaient ables (AACN, 2009a). En position latérale à 30°, le repère pour la mise à niveau du transducteur se situait à mi-chemin entre la surface du lit et le bord gauche du sternum (AACN, 2009a). En position latérale droite à 90°, l’interface air-eau du transducteur était placée à la hauteur du quatrième espace intercostal, à la hauteur du corps du sternum. En position latérale gauche à 90°, le transducteur était positionné au bord gauche (à côté) du sternum (AACN, 2009a). Comme il est nécessaire de tourner régulièrement les clients hospitalisés aux soins critiques pour prévenir les complications liées à l’alitement, notamment les lésions de pression, l’inrmière retient que Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

253

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 13.1

Effectuer un monitorage hémodynamique effractif

OBJECTIF

• Mesurer et interpréter des paramètres hémodynamiques effractifs pour déterminer la fonction cardiovasculaire et adapter le traitement en conséquence. INTERVENTIONS

• Aider à effectuer l’insertion et le retrait des sondes hémodynamiques effractives. • Aider à effectuer le test d’Allen pour évaluer la circulation cubitale collatérale avant la canulation de l’artère radiale. • Aider à effectuer l’examen radiologique du thorax après l’insertion d’un CAP avec l’aide du technologue en radiologie, s’il y a lieu. • Surveiller la fréquence et le rythme cardiaques. • Mettre à zéro et à niveau l’équipement à chaque quart de travail ou débran­ chement du transducteur, selon les recommandations de l’établissement. • Surveiller la pression artérielle (P.A.) (systolique, diastolique et moyenne), la P.A. pulmonaire (systolique, diastolique et moyenne), la PVC et la PAPO. • Surveiller les tracés signalant des changements hémodynamiques de la fonction cardiovasculaire. • Comparer les paramètres hémodynamiques avec d’autres signes et symptômes cliniques. • Utiliser un montage à système fermé pour mesurer le D.C. • Mesurer le D.C. en injectant un volume connu de solution en quatre secondes, et en faisant la moyenne de trois injections dont la différence de volume est inférieure à un litre. • Surveiller les tracés de l’artère pulmonaire et du système artériel général ; en cas d’amortissement de la courbe, vérier si la tubulure s’est enroulée ou si elle contient des bulles d’air, inspecter les raccords, aspirer les caillots de l’extrémité du cathéter, les rincer délicatement ou essayer de repositionner le cathéter.

• Surveiller l’irrigation périphérique en aval du point d’insertion du cathéter toutes les quatre heures ou selon les besoins. • Vérier la présence de dyspnée, de fatigue, de tachypnée et d’orthopnée. • Surveiller si l’avancée du cathéter pulmonaire s’est heurtée à un blocage spontané et, le cas échéant, aviser le médecin sans tarder. • Éviter de goner le ballonnet plus d’une fois chaque heure ou toutes les deux heures, selon le cas (lorsque l’établissement permet à l’inrmière d’effectuer la prise de mesure de la PAPO). • Vérier si le ballonnet s’est rompu (p. ex., évaluer la résistance pendant le gon­ age et permettre au ballonnet de se dégoner passivement an d’obtenir la PAPO). • Prévenir les embolies gazeuses (p. ex., retirer les bulles d’air des tubulures ; si le ballonnet semble s’être rompu, ne pas essayer de le regoner, mais plutôt bloquer l’orice avec une pince et aviser immédiatement le médecin). • Maintenir la stérilité des orices. • Maintenir un dispositif à pression fermée aux orices, selon le cas. • Effectuer la réfection des pansements selon la méthode stérile ou sans contact et évaluer l’état du site d’insertion. • Vérier si le point d’insertion du cathéter présente des signes de saignement ou d’infection. • Remplacer les solutés intraveineux (I.V.) et les tubulures toutes les 24 à 96 heures, selon les protocoles. • Surveiller les résultats des analyses de laboratoire an de détecter toute éventuelle infection liée aux cathéters. • Administrer des liquides, les solutions de remplissage et les agents pharma­ cologiques an de maintenir les paramètres hémodynamiques dans les inter­ valles spéciés, selon les ordonnances médicales ou les protocoles. • Expliquer au client et à ses proches l’usage diagnostic et thérapeutique des cathéters de monitorage hémodynamique. • Informer le client des activités à éviter pendant que le cathéter est en place.

Source : Adapté de Bulechek, Butcher, McCloskey Dochterman et al. (2013)

les mesures peuvent être prises dans d’autres positions que le décubitus dorsal.

13.1.2 Monitorage intra-artériel de la pression artérielle Indications Le monitorage intra-artériel de la pression artérielle (P.A.) est indiqué pour tout état médical ou chirurgical majeur qui compromet le D.C., l’irrigation des tissus ou la volémie. Le dispositif est conçu pour mesurer continuellement trois paramètres de la P.A. : la systole, la diastole et la pression artérielle moyenne (P.A.M.). L’accès artériel direct est utile pour le traitement du client atteint d’une insufsance respiratoire aiguë chez qui il est nécessaire de mesurer fréquemment les gaz sanguins artériels.

Cathéters et insertion La taille du cathéter employé est proportionnelle au diamètre de l’artère qui le reçoit. Pour les petites artères,

254

Partie 2

Système cardiovasculaire

comme l’artère radiale et l’artère dorsale du pied, un cathéter non fuselé de calibre 20 et de 3,8 à 5,1 cm est le plus souvent utilisé. Pour les artères fémorales ou axillaires, qui sont plus larges, un cathéter de calibre 19 ou 20 et de 16 cm est utilisé. En règle générale, l’insertion du cathéter se fait par voie percutanée, mais la technique varie en fonction de la taille du vaisseau. Habituellement, les cathéters sont insérés dans les plus petites artères au moyen d’une unité cathéter sur aiguille dans laquelle l’aiguille sert de guide métallique temporaire : une fois l’unité insérée dans l’artère, l’aiguille est retirée, laissant en place le cathéter souple en plastique. L’insertion d’un cathéter dans une artère plus large s’effectue généralement par la technique de Seldinger, qui comprend les étapes suivantes : 1) entrée dans l’artère avec une aiguille ; 2) introduction d’un guide métallique souple le long de l’aiguille, dans l’artère ; 3) retrait de l’aiguille ; 4) insertion du cathéter autour du guide ; 5) retrait du guide et maintien du cathéter dans l’artère.

Plusieurs artères périphériques majeures peuvent recevoir un cathéter et servir au monitorage hémodynamique à long terme. La plus utilisée est l’artère radiale (Brzezinski et al., 2009). La canulation est également souvent pratiquée sur l’artère fémorale, qui est un vaisseau de plus gros calibre. Il faut éviter, si possible, les artères de plus petit calibre comme l’artère dorsale du pied, l’artère axillaire ou l’artère brachiale, auxquelles il n’est préférable de recourir que lorsque les autres accès artériels ne sont pas praticables. Le principal avantage de l’artère radiale est le passage de la circulation collatérale venant de l’artère cubitale vers la main, à travers l’arcade palmaire, chez la plupart des personnes. Avant de procéder à la canulation de l’artère radiale, il faut évaluer la circulation collatérale en recourant à un doppler ou au test d’Allen en suivant le protocole de l’établissement (Brzezinski et al., 2009 ; Kohonen, Teerenhovi, Terho et al., 2007). Dans le test d’Allen, l’artère radiale et l’artère cubitale sont comprimées simultanément 12 . Le client doit serrer et desserrer la main jusqu’à ce qu’elle pâlisse. Par la suite, en gardant la paume de la main ouverte, l’artère cubitale est décomprimée, la pression sur l’artère radiale est maintenue et un retour à la coloration normale de la paume de la main est observé. Le retour de la coloration normale de la main devrait se faire en trois à cinq secondes.

Soins et traitements inrmiers Le monitorage intra-artériel de la P.A. sert à évaluer de façon continue la perfusion sanguine vers les systèmes de l’organisme. La P.A.M. est le paramètre clinique le plus courant pour évaluer la perfusion, car elle représente la pression de perfusion pendant tout le cycle cardiaque. Dans la mesure où un tiers du cycle cardiaque se produit pendant la systole et les deux tiers restants pendant la diastole, le calcul de la P.A.M. doit reéter la durée plus importante de la diastole (Shapiro & Loiacono, 2010). Ainsi, la P.A.M. est égale à une durée de systole plus deux durées de diastole, le tout divisé par trois. P.A.M. =

(Systole × 1) + (Diastole × 2) 13

3

Une P.A. de 120/60 mm Hg produit une P.A.M. de 80 mm Hg. Cependant, il se peut que le moniteur hémodynamique de chevet afche une valeur numérique légèrement différente, car les ordinateurs de ces appareils calculent l’aire sous la courbe du cathéter artériel (ou du cathéter artériel pulmonaire) (Shapiro & Loiacono, 2010) TABLEAU 13.1.

12 Les procédures relatives au test d’Allen sont présentées dans le chapitre 12, Évalua­ tion clinique du système cardiovasculaire.

Collecte des données TABLEAU 13.1

Pressions hémodynamiques et valeurs hémodynamiques calculées

PRESSION HÉMODYNAMIQUE

DÉFINITION ET EXPLICATION

INTERVALLE NORMAL

• Pression artérielle moyenne (P.A.M.)

Pression de perfusion moyenne créée par la pression du sang artériel pen­ dant le cycle cardiaque. Le tiers du cycle cardiaque normal est consacré à la systole et les deux tiers restants, à la diastole. En additionnant la systole et deux fois la diastole, et en divisant le tout par trois, la P.A.M. est obtenue.

• 70­100 mm Hg

• Pression veineuse centrale (PVC)

Pression créée par le volume du côté droit du cœur. Lorsque la valve tricuspide est ouverte, la PVC reète les pressions de remplissage dans le ventricule droit (V.D.). Sur le plan clinique, la PVC donne souvent une bonne idée de l’équilibre hydrique global.

• 2­6 mm Hg • 3­8 cm d’eau (H2O)

• Pression de l’oreillette gauche (POG)

Pression créée par le volume du côté gauche du cœur. Lorsque la valve mitrale est ouverte, la POG reète les pressions de remplissage dans le ventricule gauche (V.G.). Sur le plan clinique, la POG est utilisée après une chirurgie cardiaque pour déterminer l’efcacité d’éjection du volume du ventricule. En général, plus la POG est élevée, plus la fraction d’éjec­ tion (F.E.) est faible dans le V.G.

• 6­12 mm Hg

• Pression artérielle (P.A.) pulmonaire • Pression artérielle systolique (P.A.S.) pulmonaire • Pression artérielle diastolique (P.A.D.) pulmonaire • Pression artérielle moyenne (P.A.M.) pulmonaire

Pression pulsatile dans l’artère pulmonaire mesurée avec un CAP.

• P.A.S. pulmonaire = 15­25 mm Hg • P.A.D. pulmonaire = 8­15 mm Hg • P.A.M. pulmonaire = 10­20 mm Hg

Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

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TABLEAU 13.1

Pressions hémodynamiques et valeurs hémodynamiques calculées (suite)

PRESSION HÉMODYNAMIQUE

DÉFINITION ET EXPLICATION

INTERVALLE NORMAL

• Pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO)*

Pression créée par le volume dans le côté gauche du cœur. Lorsque la valve mitrale s’ouvre, la PAPO reète les pressions de remplissage dans le sys­ tème vasculaire pulmonaire ; les pressions dans le côté gauche du cœur sont retransmises au cathéter bloqué dans une petite artériole pulmonaire.

• 6­12 mm Hg

• Débit cardiaque (D.C.)

Quantité de sang pompé à l’extérieur du cœur par un ventricule en une minute. Sur le plan clinique, le D.C. peut être mesuré par thermodilution, qui donne le D.C. en L/min.

• 4­8 L/min (au repos)

• Index cardiaque (I.C.)

D.C. (adapté à la taille corporelle de chaque sujet) divisé par la surface corpo­ relle. Il est nécessaire d’avoir une table de conversion de la surface corporelle pour calculer l’I.C., qui est considéré comme plus précis que le D.C., puisqu’il tient compte de la taille et du poids de chaque sujet. L’I.C. s’exprime en litres par minute par mètre carré de surface corporelle (L/min/m 2).

• 2,5­4,0 L/min/m2

• Volume d’éjection systolique (V.E.S.)

Quantité de sang éjecté par le ventricule à chaque battement cardiaque, exprimée en millilitres (ml). Les systèmes de monitorage hémodynamique calculent le V.E.S. en divisant le D.C. (en L/min) par la fréquence cardiaque (F.C.), puis en multipliant le résultat par 1 000 pour convertir les litres en millilitres.

• 60­100 ml/batt.

• Volume d’éjection systolique indexé (V.E.S.I.)

V.E.S. indexé à la surface corporelle.

• 33­47 ml/m2/batt.

• Résistance vasculaire systémique (RVS)

Différence de pression moyenne dans le lit vasculaire systémique divisée par le débit sanguin. Sur le plan clinique, la RVS représente la résistance contre laquelle le V.G. doit pomper pour éjecter son contenu. Cette résis­ tance est créée par les artères et les artérioles systémiques. À mesure que la RVS augmente, le D.C. diminue. La RVS est exprimée en dyn⋅sec/cm−5.

• 800­1 200 dyn⋅sec/cm−5

• Index de résistance vasculaire systémique (IRVS)

RVS indexée à la surface corporelle.

• 1 970­2 390 dyn⋅sec/cm−5/m2

• Résistance vasculaire pulmonaire (RVP)

Différence de pression moyenne dans le lit vasculaire pulmonaire divisée par le débit sanguin. Sur le plan clinique, la RVP représente la résistance contre laquelle le V.D. doit pomper pour éjecter son volume. Cette résistance provient des artères et des artérioles pulmonaires. À mesure que la RVP augmente, le débit du V.D. diminue. La RVP s’exprime en dyn⋅sec/cm−5. Normalement, la RVP est égale à un sixième de la RVS.

• < 250 dyn⋅sec/cm−5

• Index de résistance vasculaire pulmonaire (IRVP)

RVP indexée à la surface corporelle.

• 255­285 dyn⋅sec/cm−5/m2

• Index du travail systolique ventriculaire gauche (ITSVG)

Quantité de travail fourni par le V.G. pour chaque battement cardiaque. La formule hémodynamique représente la pression générée (P.A.M.) multipliée par le volume pompé V.E.S.I. Un facteur de conversion des ml/mm Hg en grammes­mètres (g­m) est utilisé. L’ITSVG est toujours exprimé en volume indexé. L’ITSVG augmente ou diminue en raison de changements de la pression (P.A.M.) ou du volume pompé (V.E.S.).

• 50­62 g­m/m2/batt.

• Index du travail systolique ventriculaire droit (ITSVD)

Quantité de travail fourni par le V.D. pour chaque battement cardiaque. La formule hémodynamique représente la pression générée (P.A.M. pulmonaire) multipliée par le volume pompé V.E.S.I. Un facteur de conversion des mm Hg en grammes­mètres (g­m) est utilisé. L’ITSVD est toujours exprimé en valeur indexée (tableau des surfaces corporelles). Comme l’ITCG, l’ITSVD augmente ou diminue en raison de changements de la pression (P.A.M. pulmonaire) ou du volume pompé (V.E.S.).

• 5­10 g­m/m2/batt.

* La pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO) est aussi appelée pression artérielle pulmonaire bloquée (PAPB). Autrefo is, elle était appelée pression capillaire pulmonaire bloquée (PCPB) ou pression capillaire pulmonaire (PCP).

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Partie 2

Système cardiovasculaire

Prévenir l’infection Jusqu’à tout récemment, plusieurs croyaient que les infections des cathéters artériels étaient rares en raison de la rapidité du débit sanguin artériel. De nouvelles données probantes indiquent que les cathéters artériels sont aussi susceptibles d’entraîner des infections sanguines que les CVC (Lucet, Bouadma, Zahar et al., 2010). Cela signie que les mesures de prévention des infections doivent être aussi méticuleuses dans un cas comme dans l’autre (Lucet et al., 2010).

Surveiller la pression de perfusion La P.A.M. doit être supérieure à 60 mm Hg pour pouvoir perfuser les artères coronaires. Une valeur différente peut être nécessaire pour irriguer le cerveau et les reins. Une P.A.M. comprise entre 70 et 90 mm Hg est idéale pour diminuer le travail du V.G. chez les clients en cardiologie. D’ailleurs, il convient de surveiller les pressions artérielles systolique et diastolique en même temps que la P.A.M. an d’évaluer plus précisément la perfusion. Si le D.C. diminue, l’organisme compense par une constriction des vaisseaux périphériques pour maintenir la P.A. Dans ce cas de gure, la P.A.M. peut rester constante, mais la pression différentielle (différence entre les pressions systolique et diastolique) diminue. Voici des illustrations de ce phénomène : Client A : P.A. = 90/70 mm Hg ; P.A.M. = 76 mm Hg Client B : P.A. = 150/40 mm Hg ; P.A.M. = 76 mm Hg Les deux clients ont la même pression de perfusion, soit 76 mm Hg, mais leur état clinique est très différent. Le client A a une vasoconstriction périphérique, comme le démontre la faible pression différentielle (90/70 mm Hg, soit 20 mm Hg). Sa peau est froide au toucher, et ses pouls périphériques sont faibles. La pression différentielle du client B est importante (150/40 mm Hg, soit 110 mm Hg). Sa peau est chaude, et ses pouls périphériques sont normalement palpables. Pour l’évaluation du client porteur d’un cathéter artériel, l’inrmière compare notamment les résultats cliniques obtenus par la méthode auscultatoire avec les lectures du cathéter artériel, y compris celles de la pression de perfusion et de la P.A.M.

la P.A. différentielle a diminué de 30 mm Hg. Par ailleurs, sa F.C. est passée de 90 à 110 battements par minute (batt./min). Cette situation clinique n’est pas rare après l’administration de furosémide, mais la faible pression différentielle et la F.C. accrue peuvent indiquer non seulement une hypovolémie, mais aussi une détérioration de l’état de santé du client. L’inrmière qui s’occupe de monsieur Leblanc doit surveiller la tendance de la P.A.M. et assurer la surveillance clinique nécessaire. Si la P.A.M. commence à diminuer et que des signes de bas débit apparaissent, le médecin doit être avisé. Dans la plupart des situations non urgentes, il est plus utile de surveiller la tendance de la P.A. que d’effectuer une mesure isolée.

Utiliser un brassard de tensiomètre Si le cathéter artériel n’est plus able ou qu’il se déloge, un brassard de tensiomètre peut être utilisé comme méthode d’appoint (Chatterjee, DePriest, Blair et al., 2010). Chez les clients normotendus et normovolémiques, la P.A. varie peu selon qu’elle est mesurée par un brassard de tensiomètre ou par un cathéter intravasculaire ; la différence oscille entre 5 et 10 mm Hg, et elle n’inue généralement pas sur la prise en charge clinique. Il en va autrement pour le client ayant un faible D.C. ou étant en état de choc. En effet, la pression mesurée avec un brassard de tensiomètre risque d’être faussée par la vasoconstriction périphérique, si bien qu’en règle générale, un cathéter artériel s’avère nécessaire. Généralement, la pression mesurée avec le brassard est comparée après l’insertion du cathéter artériel. Une étude menée auprès de clients hypotendus a révélé que la P.A.M. calculée au moyen d’un brassard de tensiomètre était équivalente à la P.A.M. mesurée par monitorage artériel intravasculaire (Lakhal, Macq, Ehrmann et al., 2012), bien que la prise de la P.A.M. par cathéter artériel demeure un moyen plus précis (Ward & Langton, 2007). Cependant, les brassards de P.A. placés sur la cuisse ou la cheville étaient moins précis dans le cas des clients hypotendus (Lakhal et al., 2012). Si une différence existe entre les données mesurées par le brassard de tensiomètre et les données de la ligne artérielle, il est important de conrmer avec le médecin traitant laquelle des mesures sera prise en compte.

13

Surveiller la pression différentielle Le cas de Jean Leblanc est un exemple d’évaluation hémodynamique par l’inrmière, un jour après un pontage aortocoronarien. Ce client a été récemment sevré de la norépinéphrine (LevophedMD) et il a reçu un diurétique par voie intraveineuse (I.V.), soit 20 mg de furosémide (LasixMD). Il a éliminé 800 ml d’urine par sonde urinaire pendant les deux dernières heures. La P.A. de monsieur Leblanc est passée de 120/60 mm Hg à 100/70 mm Hg. Bien que la P.A.M. soit demeurée identique dans les deux cas, soit 80 mm Hg, il n’en demeure pas moins que

Interprétation de la courbe de pression artérielle Lorsque la valve aortique s’ouvre, le sang est éjecté du V.G., ce qui se traduit par une augmentation de la pression dans le système artériel. La valeur maximale enregistrée est appelée systole. Après le pic d’éjection (systole), la force diminue, et la pression baisse. Sur le segment descendant de cette courbe de P.A., une incisure (incisure dicrote) est visible : elle représente la fermeture de la valve aortique. Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

257

L’incisure dicrote signale le début de la diastole. Le reste du segment descendant représente l’écoulement du sang vers l’arbre artériel pendant la diastole. Le point le plus faible à être enregistré est appelé diastole. La FIGURE 13.2 illustre une courbe normale de P.A. La stimulation électrique (QRS) apparaît toujours en premier, et la courbe de P.A. est consécutive à l’amorce du complexe QRS.

Diminution de la perfusion artérielle

12 La procédure permettant de déceler un pouls paradoxal est présentée dans le cha­ pitre 12, Évaluation clinique du système cardiovasculaire.

Certaines irrégularités du rythme cardiaque peuvent se traduire par une faible perfusion artérielle si le D.C. diminue. Une faible perfusion peut se manifester en raison d’un battement unique sans perfusion, comme dans le cas d’une extrasystole ventriculaire (ESV) ou des battements multiples sans perfusion FIGURES 13.3 et 13.4. En cas de bigéminisme ventriculaire, chaque second battement est imperceptible FIGURE 13.5. La désorganisation de la ligne de base auriculaire résultant d’une brillation auriculaire crée un pouls artériel variable en raison des différences du V.E.S. entre chaque battement FIGURE 13.6. Tous ces exemples illustrent le fait que lorsque deux battements sont rapprochés, le V.G. n’a pas le temps de se remplir adéquatement, de sorte que le deuxième battement est peu ou non perceptible.

Pouls décitaire Un pouls est décitaire lorsqu’il y a une différence entre le pouls apical et les pouls périphériques. Aux

soins critiques, cette anomalie peut être décelée sur le moniteur de chevet. Normalement, chaque complexe QRS se situe en regard de la phase ascendante d’une onde de pouls artériel ; cela dit, en cas de pouls décitaire, plus de complexes QRS que d’ondes de pouls artériel sont observés, comme l’illustrent les FIGURES 13.3 et 13.6. Pour déceler un pouls décitaire chez un client qui n’est pas sous monitorage hémodynamique, l’inrmière place le stéthoscope en regard de l’apex (pointe) du cœur, soit au 5e espace intercostal à la ligne médioclaviculaire gauche, et palpe l’artère radiale simultanément. En cas de pouls décitaire, la F.C. au cœur est supérieure à celle perçue à l’artère radiale (Cloutier & Brisebois, 2011). Pour déterminer la gravité d’un pouls décitaire, il faut en évaluer le retentissement clinique et vérier si la P.A.M. ou la pression différentielle ont varié. En général, plus le nombre de battements imperceptibles pendant la prise du pouls périphérique est élevé, plus le pouls est décitaire.

Pouls paradoxal Le pouls paradoxal est une baisse de la P.A. de plus de 10 mm Hg observée sur la courbe de P.A. à l’inspiration. Il est causé par une chute du D.C. attribuable à une hausse de la pression intrathoracique négative durant l’inspiration. Comme la pression chute dans le thorax, le sang stagne dans les grandes veines des poumons et du thorax, et le V.E.S. diminue 12 .

FIGURE 13.2 Courbes simultanées A de l’électrocardiogramme (ECG) et B de la pression artérielle (P.A.) normale.

258

Partie 2

Système cardiovasculaire

13

FIGURE 13.3 Les tracés simultanés A de l’électrocardiogramme (ECG) et B de la pression artérielle (P.A.) illustrent une courbe de P.A. normale avec extrasystole ventriculaire (ESV) imperceptible. La courbe de P.A. montre aussi des signes de pouls paradoxal chez un client sous ventilation mécanique.

Le pouls paradoxal est manifeste dans certains contextes cliniques et peut être décelé sur la courbe de P.A. La recherche de cette anomalie peut être utilisée comme examen paraclinique, auquel cas elle vise à mettre en évidence une tamponnade cardiaque, un épanchement péricardique ou une péricardite constrictive (Feihl & Broccard, 2009). Le pouls paradoxal est fréquent chez le client hypovolémique qui a subi une intervention chirurgicale et qui est placé sous ventilation mécanique avec un volume courant important FIGURE 13.3.

Pouls alternant Dans le cas du pouls alternant, une pulsation artérielle sur deux est faible. Cette anomalie s’observe parfois chez le client ayant une insufsance ventriculaire gauche avancée.

Amortissement de la courbe de pression artérielle Lorsque le moniteur indique une baisse de la pression artérielle (P.A.), il incombe à l’inrmière de déterminer si cette dernière traduit effectivement un changement dans l’état du client ou si elle est attribuable à une défaillance du dispositif de monitorage TABLEAU 13.2. La FIGURE 13.7 illustre une courbe de P.A. de faible amplitude. En l’occurrence, la valeur de la P.A. afchée à l’écran correspond bien à celle mesurée par la méthode auscultatoire (tensiomètre), ce qui conrme que le client est hypotendu.

FIGURE 13.4 Les tracés simultanés A de l’électrocardiogramme (ECG) et B de la pression artérielle (P.A.) illustrent un pouls alternant. Une extrasystole ventriculaire (ESV) imperceptible est aussi présente.

Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

259

FIGURE 13.5

Les tracés simultanés A de l’électrocardiogramme (ECG) et B de la pression artérielle (P.A.) illustrent un bigéminisme ventriculaire. Chaque second battement ventriculaire est peu perceptible sur la courbe de P.A. Le schéma B illustre un tracé de P.A. bien perceptible lorsque revient le rythme sinusal normal (RSN) du client.

FIGURE 13.6 Les tracés simultanés A de l’électrocardiogramme (ECG) et B de la pression artérielle (P.A.) illustrent une brillation auriculaire qui entraîne des pulsations auriculaires irrégulières. Celles-ci créent des différences du débit systolique ventriculaire entre chaque battement, ce qui rend le débit ventriculaire moindre ou absent, comme le montre la courbe de P.A.

260

Partie 2

Système cardiovasculaire

Comparativement à la courbe de P.A. normale illustrée dans la FIGURE 13.2, cette courbe de P.A. est plus arrondie et n’affiche pas d’incisure dicrote. La FIGURE 13.8 illustre une courbe de P.A. amortie. Dans ce cas, la P.A. mesurée par la méthode auscultatoire est nettement plus élevée que celle qui est afchée sur le moniteur, ce qui dénote une défaillance du dispositif de monitorage. Lorsque la communication entre l’artère et le transducteur est interrompue, les valeurs afchées sur le moniteur et l’oscilloscope sont faussées, et un amortissement de la courbe de P.A. est observé. Cet amortissement peut être attribuable à la formation d’une gaine de brine qui obstrue partiellement l’extrémité distale du cathéter, de nœuds ou de plis dans le cathéter ou la tubulure, ou de bulles d’air dans le circuit. Il existe des techniques de détection des anomalies permettant de localiser et d’éliminer le problème à l’origine de l’amortissement de la courbe de P.A. TABLEAU 13.2.

Amortissement insufsant de la courbe de pression artérielle Une distorsion de la courbe de pression artérielle (P.A.) est observée lorsque cette dernière n’est pas sufsamment amortie. Un amortissement insufsant de la courbe de P.A. se caractérise par un pic systolique positif étroit qui correspond à une surestimation de la P.A. systolique (valeur plus élevée que celle mesurée par la méthode auscultatoire) FIGURE 13.9. Ce phénomène est attribuable à une amplication de la réponse dynamique du système ou à une amplication des oscillations.

13

FIGURE 13.8 Tracés simultanés A de l’électrocardiogramme (ECG) et B de la pression artérielle (P.A.) illustrant l’amortissement d’une courbe de P.A.

FIGURE 13.9

FIGURE 13.7 Tracés simultanés A de l’électrocardiogramme (ECG) et B de la pression artérielle (P.A.) illustrant une courbe de P.A. faible.

Tracés simultanés A de l’électrocardiogramme (ECG) et B de la pression artérielle (P.A.) illustrant l’amortissement insufsant causé par une réponse dynamique marquée dans le système de monitorage. Le moniteur a enregistré une P.A. de 141/51 mm Hg par le cathéter artériel. La véritable P.A. du client, mesurée avec un brassard de tensiomètre, est de 110/54 mm Hg. La pression artérielle systolique de 110 mm Hg mesurée avec le brassard correspond au tracé du cathéter artériel sans outrepassement. Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

261

Gestion des risques liés aux soins TABLEAU 13.2

Assurer la sécurité du client et résoudre les problèmes liés à l’utilisation du monitorage hémodynamique

PROBLÈME

PRÉVENTION

JUSTIFICATION

RÉSOLUTION

Amortissement excessif de la courbe

• Administrer une perfusion continue de solution saline.

• Vérier que les pressions enregistrées et les courbes sont précises, car tout amortissement des courbes entraîne des lectures inexactes.

• Avant l’insertion, rincer complètement la tubulure ou le cathéter. • Dans le cas d’une tubulure raccordée au client, rincer en amont par le dispositif pour éliminer les bulles de la tubulure ou du transducteur.

Amortissement insufsant (outrepassement) de la courbe

• Utiliser des tubulures courtes non ajustables. • Réduire le nombre de robinets. • Utiliser le test de rinçage rapide pour démontrer l’amortissement optimal du système. • Vérier la précision de la courbe de P.A. à l’aide d’un tensiomètre avec brassard.

• Si l’amortissement du système de moni­ torage est insufsant, les valeurs systo­ lique et diastolique sont surestimées par la courbe et les valeurs numériques. Des valeurs systoliques faussement élevées peuvent motiver des décisions cliniques reposant sur des données erronées.

• Effectuer le test de rinçage rapide pour vérier l’amortissement optimal du système de monitorage.

Formation d’un caillot à la n du cathéter

• Administrer une perfusion continue de solution saline.

• Tout corps étranger introduit dans l’organisme peut provoquer l’activation locale du système de coagulation du client, lequel est un mécanisme de défense physiologique. Les caillots formés peuvent être dangereux s’ils se détachent et se rendent dans d’autres parties de l’organisme.

• Si la présence d’un caillot dans le cathéter est soupçonnée à la suite d’un amortissement de la courbe ou d’une résistance pendant le rinçage en aval du dispositif, aspirer délicatement la tubulure au moyen d’une petite seringue introduite dans le robinet en amont. Rincer de nouveau la tubulure une fois que le caillot est éliminé et vérier le tracé. Il doit être normal.

Hémorragie

• Utiliser un montage intégré avec raccords Luer Lock (à vis). • Fermer et recouvrir les robinets lorsqu’ils ne sont pas utilisés. • Vérier que le cathéter est suturé (dans le cas d’une canule artérielle fémorale) et bien xé avec du ruban adhésif.

• Un raccord mal xé ou un robinet ouvert créent un effet de puisard à faible pression, ce qui refoule le sang dans la tubulure et vers l’extrémité ouverte. Si un cathéter est accidentellement retiré, le vaisseau peut saigner abondamment, surtout s’il s’agit d’un cathéter artériel ou si le client est atteint d’une anomalie des facteurs de coagulation (en raison de la présence d’héparine dans le cathéter) ou d’hypertension.

• Après la détection d’une fuite de sang, serrer tous les raccords, rincer la tubu­ lure et estimer la perte sanguine. • Si le cathéter a été retiré accidentelle­ ment, appliquer une pression sur le site de canulation. Après l’arrêt du saignement, appliquer un pansement stérile, estimer la perte sanguine et en informer le médecin. Si le client est agité, utiliser un support de bras pour protéger les cathéters insérés dans le bras.

Emboles gazeux

• Avant de raccorder un cathéter artériel pulmonaire à un nouveau montage de tubulures, vérier que toutes les bulles d’air en ont été éliminées. • S’assurer que la chambre compte­ gouttes du sac de solution de rinçage est remplie plus qu’à moitié avant d’utiliser le système intégré de rinçage rapide. • Certaines sources recommandent d’éliminer tout l’air du sac de solution de rinçage avant l’assemblage du système.

• L’entrée d’air peut se produire de plu­ sieurs manières, notamment lorsque le cathéter de PVC se détache, lorsqu’un nouveau montage de tubulures est relié ou encore lorsqu’un nouveau cathéter de PVC ou un nouveau CAP est inséré. Pendant l’insertion d’un cathéter de PVC ou d’un CAP, il est possible de demander au client de retenir son soufe à des moments précis pour éviter d’aspirer de l’air dans le thorax pendant l’inhalation.

• Étant donné qu’il est impossible de retirer l’air une fois qu’il a été introduit dans la circulation sanguine, il est préférable de prévenir que de devoir intervenir. • Si des bulles d’air apparaissent, elles doivent être éliminées par les robinets intégrés, et la chambre compte­gouttes doit être remplie. • Le montage de cathéters de POG est le seul dispositif qui inclut un ltre d’air visant à prévenir spéciquement les emboles gazeux.

262

Partie 2

Système cardiovasculaire

TABLEAU 13.2

Assurer la sécurité du client et résoudre les problèmes liés à l’utilisation du monitorage hémodynamique (suite)

PROBLÈME

PRÉVENTION

JUSTIFICATION

RÉSOLUTION

• Les dispositifs intégrés de rinçage rapide sont conçus pour permettre l’élimination du sang de la tubulure après le prélève­ ment d’échantillons de sang. • Si le niveau de liquide dans la chambre de la tubulure intraveineuse est trop bas ou qu’elle est vide, l’écoulement rapide du liquide crée une turbulence et pousse les bulles d’air dans le dispositif vers la circulation sanguine. Tracé normal avec pression numérique faible

• S’assurer que le système est calibré à la pression atmosphérique. • S’assurer que le transducteur est placé au niveau de l’axe phlébostatique.

• Établir une valeur initiale de zéro par rapport à la pression atmosphérique. • Si le transducteur a été placé plus haut que le niveau de l’axe phlébostatique, la gravité et la pression hydrostatique insufsante produisent une lecture faussement faible.

• Recalibrer l’équipement si le transduc­ teur a été déplacé. • Repositionner le transducteur au niveau de l’axe phlébostatique. Le transducteur peut se déplacer si le client passe du lit à sa chaise ou si le lit est placé en décubitus dorsal déclive (position de Trendelenburg).

Tracé normal avec pression numérique élevée

• S’assurer que le système est calibré à la pression atmosphérique. • S’assurer que le transducteur est placé au niveau de l’axe phlébostatique.

• Établir une valeur initiale de zéro par rapport à la pression atmosphérique. • Si le transducteur a été placé plus basque le niveau phlébostatique, le poids de la pression hydrostatique sur le transducteur produit une lec­ ture faussement élevée.

• Recalibrer l’équipement si le transduc­ teur a été déplacé. • Repositionner le transducteur au niveau de l’axe phlébostatique. • Cette situation peut se produire si la tête de lit a été redressée et que le transducteur n’a pas été repositionné. Certains établissements exigent de relier le transducteur à la poitrine du client pour éviter ce problème.

Perte du tracé

• S’assurer de surveiller constamment le tracé hémodynamique an de remarquer rapidement les change­ ments ou les pertes.

• Il se peut que le cathéter soit enroulé ou qu’un robinet soit fermé.

• Vérier le montage des tubulures pour s’assurer que tous les robinets sont dans la position adéquate et que les tubulures ne sont pas enroulées. Par­ fois, le cathéter migre contre la paroi d’un vaisseau, et le repositionnement du client permet de rétablir le tracé.

Test de rinçage rapide L’inrmière peut vérier que la réponse dynamique du dispositif de monitorage, situé au chevet du client, est optimale en procédant au test de rinçage rapide, également appelé test de purge rapide (AACN, 2009a). Ce test permet de savoir si la P.A. et la courbe de P.A. afchées sur le moniteur de chevet sont exactes (AACN, 2009a). Il est réalisé à l’aide du système de purge manuelle du transducteur. Normalement, le système de purge limite le débit à 3 ml/h. Le test de rinçage rapide manuel entraîne une hausse rapide de la pression, qui est visible sur l’oscilloscope. L’apparition d’une ou de deux oscillations rectangulaires, qui sont suivies de la courbe de P.A. normale, indique que la réponse dynamique

est optimale FIGURE 13.10. En revanche, si l’amortissement du système est excessif, c’est une oscillation inclinée, et non rectangulaire, qui apparaîtra sur le moniteur pendant le test. Si l’amortissement est insufsant, des oscillations additionnelles (vibrations) seront visibles sur le moniteur durant le test. Le test de rinçage rapide peut être réalisé avec n’importe quel dispositif de monitorage hémodynamique. Il est à noter que la présence de bulles d’air, de thrombus ou de nœuds dans le circuit se traduit par un amortissement (aplatissement) des oscillations rectangulaires qui résultent du test. Ce test est simple et il doit être incorporé aux interventions inrmières réalisées au chevet du client pendant le réglage initial du système de Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

263

13

ainsi que l’état clinique du client, et elle effectue le test de rinçage rapide.

Alarmes Lorsqu’un client dans un état critique est sous monitorage hémodynamique, il est impératif que le système d’alarme du moniteur soit activé et réglé de telle sorte que toute variation de la P.A., de la F.C., de la fréquence respiratoire (F.R.) ou d’autres variables dignes d’intérêt déclenche un signal d’alarme sonore. L’ENCADRÉ 13.2 mentionne les principaux problèmes liés aux systèmes d’alarme des moniteurs hémodynamiques.

13.1.3

Monitorage de la pression veineuse centrale

Indications Le monitorage de la pression veineuse centrale (PVC) est indiqué chaque fois qu’un client afche une altération importante du volume hydrique. La PVC peut servir d’indicateur lorsqu’une expansion volumique est effectuée en cas d’hypovolémie ou pour évaluer l’effet de la diurèse après l’administration d’un diurétique en présence de surcharge hydrique. Lorsque l’insertion d’une tubulure intraveineuse majeure est requise pour l’expansion volumique, le CVC est un bon choix, car il permet d’administrer facilement des volumes importants de liquide.

Cathéters veineux centraux Il existe une vaste gamme de cathéters veineux centraux (CVC) répondant aux besoins spéciques des clients : cathéters de perfusion à lumière simple, double, triple, quadruple. Ils sont offerts dans un vaste choix de matières, allant du polyuréthane au silicone ; la plupart sont souples et exibles.

Insertion Test de rinçage rapide. A Résultat escompté du test (oscillations rectangulaires). B Amortissement excessif. C Amortissement insufsant.

Les grosses veines de la partie supérieure du thorax, c’est-à-dire la veine sous-clavière et la veine jugulaire interne, sont les sites les plus fréquents d’insertion des CVC par voie percutanée (O’Grady et al., 2011). La veine fémorale est utilisée lorsque les veines thoraciques sont inaccessibles. Les trois principaux sites ont leurs avantages et leurs inconvénients.

monitorage hémodynamique ; il doit ensuite être effectué au moins une fois par quart de travail, après toute ouverture du circuit (quel qu’en soit le motif) et en cas de doute sur la précision de la courbe (AACN, 2009a). Si l’inrmière remarque une distorsion de la courbe de P.A. ou une valeur numérique de la P.A. erronée sur le moniteur, elle peut appliquer les méthodes de localisation des anomalies décrites dans le TABLEAU 13.2. Il est nécessaire que l’inrmière qui soigne un client portant un cathéter artériel soit en mesure de déterminer si une baisse de la P.A.M. ou une diminution de la pression de perfusion dénote un ralentissement du débit artériel ou une défaillance du matériel de monitorage. Pour ce faire, elle évalue la courbe de P.A. sur l’oscilloscope

| Veine jugulaire interne | La veine jugulaire interne est le site d’accès le plus courant pour l’insertion d’un CVC. C’est la plus facile des veines thoraciques à canuler. Si la veine jugulaire interne n’est pas disponible, la veine jugulaire externe peut être utilisée, mais l’écoulement sanguin est beaucoup plus élevé dans la veine jugulaire interne, qui reste le site privilégié. L’autre avantage de la veine jugulaire interne est qu’elle n’est associée qu’à un faible risque de pneumothorax iatrogène. Ses inconvénients sont l’inconfort du client, qui doit limiter ses mouvements de la tête et du cou en raison du cathéter à ballonnet, et la contamination du site d’insertion par les sécrétions orales ou trachéales, surtout si le client est intubé ou s’il a subi une trachéostomie.

FIGURE 13.10

264

Partie 2

Système cardiovasculaire

Gestion des risques liés aux soins ENCADRÉ 13.2

Utiliser un système d’alarme clinique

S’ASSURER DE L’EFFICACITÉ DU SYSTÈME D’ALARME CLINIQUE

1. Effectuer régulièrement des vérications ainsi que l’entretien préventif du système d’alarme. 2. Vérier que les alarmes sont activées, que les réglages sont adéquats et que le volume des alarmes sonores est sufsamment fort pour qu’elles puissent être entendues en tenant compte de la taille de l’unité et du bruit qui y règne. S’ASSURER DE LA SÉCURITÉ DU SYSTÈME D’ALARME CLINIQUE Savoir reconnaître les alarmes

1. Toute anomalie susceptible de menacer la vie du client doit déclencher une alarme visuelle et sonore. Les alarmes visuelles doivent être visibles à une distance d’au moins trois mètres. 2. Les professionnels de la santé doivent pouvoir déterminer facilement la cause du déclenchement de l’alarme. 3. À partir du type d’alarme déclenchée, il faut pouvoir distinguer aisément les anomalies susceptibles de menacer la vie du client des situations qui ne sont pas critiques. 4. Les alarmes hautement prioritaires doivent avoir la priorité sur les alarmes non prioritaires.

5. Les alarmes doivent être sufsamment fortes ou reconnaissables pour que l’inrmière puisse les entendre malgré les bruits de fond liés à l’agitation qui règne dans l’unité de soins critiques. 6. Personne ne doit pouvoir couper le volume du système d’alarme. Désactiver une alarme ou la mettre en sourdine

1. Un indicateur visuel doit indiquer clairement que le mode sourdine est désactivé. 2. Il ne faut pas désactiver dénitivement les alarmes critiques. 3. Toute nouvelle anomalie susceptible de menacer la vie du client doit passer avant une anomalie ayant déclenché une alarme mise en sourdine. Vérier l’alimentation électrique

Avant que le moniteur cesse de fonctionner pour de bon, la pile doit déclencher une alarme (pour les systèmes de monitorage portatifs).

13

Régler les seuils d’alarme

1. Il est possible de régler le seuil d’alarme en fonction des besoins cliniques du client. Il faut rétablir les seuils d’alarme par défaut entre les clients. 2. Il est préférable d’afcher les valeurs limites susceptibles de déclencher une alarme sur le moniteur.

Sources : Adapté de ECRI’s guide (2002) ; The Joint Commission (2013)

C’est sans doute la raison pour laquelle les infections liées aux cathéters sont plus fréquentes avec la veine jugulaire interne qu’avec la veine sousclavière lorsque les CAP restent en place pendant plus de quatre jours (Polderman & Girbes, 2002a, 2002b).

| Veine sous-clavière | Si le CVC doit demeurer en place plus de cinq jours, la veine sous-clavière est plus indiquée. Ce site est associé à un taux plus faible d’infection et crée moins d’inconfort pour le client. Par contre, la veine sous-clavière est plus difcile d’accès, et le risque de pneumothorax ou d’hémothorax iatrogène est supérieur, bien qu’il varie grandement en fonction de l’expérience et de l’habileté du médecin qui procède à l’insertion du cathéter. | Veine fémorale | La veine fémorale est considérée comme le site de canulation le plus facile, car le trajet d’insertion est dépourvu de courbes. Son diamètre plus grand permet de faire circuler une plus grande quantité de sang, ce qui est avantageux pour les interventions spécialisées comme les thérapies continues de suppléance rénale ou la plasmaphérèse. Compte tenu du taux accru d’infections nosocomiales liées aux cathéters fémoraux, ce site n’est pas recommandé (O’Grady et al., 2011). Si un accès veineux fémoral a été choisi, le CVC doit être déplacé dans la veine sous-clavière ou jugulaire interne dès que l’état hémodynamique du client est stable (O’Grady et al., 2011).

Pendant l’insertion d’un cathéter dans la veine sous-clavière ou jugulaire interne, le client peut être placé en décubitus dorsal déclive. En effet, le positionnement de la tête en déclive rend les veines jugulaires internes du cou plus saillantes, ce qui facilite l’insertion du cathéter. Pour réduire au minimum le risque d’embole gazeux pendant l’intervention, il est recommandé de demander au client d’inspirer profondément et de retenir son soufe chaque fois qu’une aiguille ou qu’un cathéter est exposé à l’air. L’extrémité du cathéter est conçue pour rester dans la veine cave et ne doit pas migrer dans l’oreillette droite. Étant donné que de nombreux clients sont réveillés et alertes pendant l’insertion d’un CVC, il est possible de contribuer à calmer leur anxiété et de les encourager à coopérer en leur expliquant brièvement la marche à suivre. Leur coopération est importante, puisque l’insertion d’un CVC est une intervention stérile et que la supination ou la position en décubitus dorsal déclive peut être inconfortable pour plusieurs d’entre eux. Il faut surveiller l’électrocardiogramme (ECG) pendant l’insertion d’un CVC en raison du risque d’engendrer des arythmies. Tous les cathéters centraux doivent être installés par ponction percutanée, après la préparation de la peau et l’administration d’un anesthésique local. Avant l’insertion, il est recommandé de repérer le vaisseau par une échographie de chevet an de réduire le nombre de tentatives d’installation du CVC (O’Grady et al., 2011). En général, une trousse préemballée de CVC est utilisée pour l’intervention. La Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

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trousse standard de CVC contient des serviettes stériles, de la chlorhexidine et de l’alcool pour préparer la peau ainsi qu’un introducteur d’aiguille, une seringue, un guide métallique et un cathéter. La technique de Seldinger, qui consiste à localiser une veine en utilisant une aiguille creuse (aussi appelée trocart) et une seringue, est la méthode privilégiée pour la pose d’un cathéter. Le guide métallique est introduit par l’aiguille, puis celle-ci est retirée, et le cathéter est enlé sur le guide. Une fois l’extrémité du cathéter bien en place dans la veine cave, le guide métallique est retiré. Une tubulure intraveineuse est reliée à un soluté, et le cathéter est suturé pour qu’il demeure en place. Après avoir installé un CVC dans la partie supérieure du thorax, une radiographie thoracique est effectuée pour vérier la mise en place et l’absence d’hémothorax ou de pneumothorax iatrogène, surtout si c’est la veine sous-clavière qui a servi d’accès. Il est impératif que la radiographie ait été validée par le médecin avant que l’inrmière puisse commencer une perfusion par le CVC.

Complications liées aux cathéters veineux centraux Le cathéter veineux central (CVC) est un outil essentiel pour les clients aux soins critiques, mais son utilisation comporte certains risques, et il est de la responsabilité de tous les cliniciens d’en connaître les dangers et de suivre les procédures hospitalières pour éviter les complications iatrogènes. Les complications liées aux CVC incluent l’embole gazeux, la formation d’un thrombus liée à la présence du cathéter ainsi que l’infection.

Embole gazeux Le risque d’embole gazeux, quoique rare, existe toujours lorsque le client est porteur d’une tubulure veineuse centrale. L’air peut s’introduire pendant l’insertion (Maddukuri, Downey, Blander et al., 2006), lorsqu’un cathéter se détache ou se casse, par un robinet ouvert ou en empruntant le conduit d’un CVC retiré (Clark & Plaizier, 2011 ; Deceuninck, De Roy, Moruzi et al., 2007). Ce cas de gure est plus probable lorsque le client est en position orthostatique, car l’air peut être aspiré vers le système veineux. Si un important volume d’air est introduit rapidement, il peut se loger dans la voie de sortie du V.D., ce qui bloque l’écoulement de sang du côté droit du cœur vers les poumons. D’après certaines études menées sur des animaux, ce volume correspond à environ 4 ml/kg (Wang, Zhou, Jiang et al., 2008). Si l’embole gazeux est volumineux, le client subit une souffrance respiratoire et un collapsus cardiovasculaire. L’un des signes cliniques auscultatoires précisément associés à la présence d’un embole gazeux veineux important est le bruit de moulin (Collyer, Yates & Bellamy, 2007 ; Deceuninck et al., 2007 ; Maddukuri et al., 2006). Il s’agit d’un son fort de bouillonnement entendu au-dessus du milieu du thorax et causé par l’obstruction de la voie d’éjection du V.D. Le traitement consiste à obstruer

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Système cardiovasculaire

immédiatement le site externe d’entrée de l’air, à administrer de l’oxygène 100 % et à placer le client sur le côté gauche, la tête vers le bas (décubitus dorsal déclive latéral gauche) (Collyer et al., 2007). Cette position permet de déplacer l’air de la région de sortie du V.D. vers l’apex du cœur, où il peut être aspiré par une intervention avec cathéter ou graduellement absorbé par la circulation sanguine pendant que le client reste en décubitus dorsal déclive latéral gauche. Les précautions permettant de prévenir l’embolie gazeuse dans un cathéter de PVC consistent à utiliser exclusivement des raccords à vis (Luer Lock), à éviter les longues boucles de tubulure intraveineuse et à munir le robinet à trois voies de bouchons à vis (à dessus fermé).

Formation d’un thrombus Malheureusement, la formation d’un caillot (thrombus) au site d’accès du CVC est courante. Le phénomène n’est pas uniforme ; une gaine de brine peut se former autour du cathéter (Sinno & Alam, 2012) ou le thrombus peut s’attacher directement à la paroi du vaisseau. Les facteurs favorisant la formation d’un caillot incluent la rupture de l’endothélium vasculaire, l’interruption de l’écoulement sanguin laminaire et la présence physique du cathéter ; ils peuvent tous déclencher la cascade de la coagulation. Le risque de formation d’un thrombus est plus élevé si l’insertion a été difcile ou si plusieurs ponctions ont été effectuées. La formation graduelle d’un thrombus peut entraîner l’occlusion soudaine du CVC. En général, il devient plus difcile de prélever du sang à partir du CVC ; la courbe de la PVC devient amortie par intermittence, en quelques heures ou même après un ou deux jours, et le CVC nécessite alors des rinçages fréquents pour rester perméable. Cette situation est le résultat de l’allongement constant d’une gaine de brine le long du cathéter, du point d’insertion jusqu’au-delà de son extrémité (Sinno & Alam, 2012). Certains cathéters sont enduits d’héparine pour réduire le risque de formation d’un thrombus, mais ce choix est rendu problématique par le risque inhérent de TIH. Il arrive que les complications des CVC s’additionnent ; par exemple, le risque d’infection liée au cathéter augmente en cas de thrombus, car celui-ci sert probablement de milieu de culture propice à la croissance bactérienne. Compte tenu des préoccupations liées à la TIH, de nombreux hôpitaux ne se servent des purges au soluté physiologique que pour maintenir la perméabilité des CVC (Schallom, Prentice, Sona et al., 2012 ; Sona, Prentice & Schallom, 2012).

Infection L’infection liée à l’utilisation des CVC est un problème majeur. La fréquence des infections est fortement corrélée avec la durée d’insertion d’un CVC, les taux d’infection augmentant avec celle-ci (O’Grady et al., 2011 ; Timsit, L’Hériteau, Lepape et al., 2012). Les infections liées aux CVC sont détectables au point d’insertion du cathéter ou dans la circulation sanguine (septicémie). Leurs manifestations générales

peuvent s’observer en l’absence d’inammation au site du cathéter. Le remplacement régulier des cathéters n’a pas été associé à une diminution des taux d’infection sanguine, et cette pratique n’est d’ailleurs plus recommandée (O’Grady et al., 2011). Lorsqu’un CVC est infecté, il faut le retirer et en insérer un nouveau en choisissant un autre site. Si une infection du cathéter est soupçonnée, il ne faut pas le remplacer en l’enlant sur un guide métallique en raison du risque de contamination (O’Grady et al., 2011). La plupart des infections se transmettent à partir de la peau, et la prévention commence avant l’insertion du CVC. Les directives d’insertion imposent au médecin d’observer des procédures efcaces de lavage des mains, de nettoyer le site avec du gluconate de chlorhexidine 2 % dans de l’isopropyle 70 %, d’employer une technique stérile pour introduire le cathéter et de maintenir les précautions maximales

de barrière stérile (O’Grady et al., 2011). Dans de nombreux hôpitaux, l’infirmière est autorisée à mettre n à l’intervention si ces directives de prévention de l’infection au stade de l’insertion ne sont pas respectées. Il est recommandé de vérier sur une base quotidienne si les CVC sont encore nécessaires an de s’assurer qu’ils sont retirés rapidement lorsqu’ils ont rempli leur fonction ENCADRÉ 13.3 (O’Grady et al., 2011). Toutes les inrmières doivent procéder correctement à l’hygiène des mains et respecter les procédures aseptiques avant de prendre soin du site, de prélever du sang à partir des CVC, d’y administrer des médicaments ou de changer les tubulures (O’Grady et al., 2011). Lors de la désinfection du site d’insertion, il est recommandé d’utiliser de la chlorhexidine pour diminuer le risque d’infection (O’Grady et al., 2011).

Le document La trousse de dé­ part : prévention des infections liées aux cathéters centraux du programme Des soins de santé plus sécuritaires maintenant! peut également être consulté au www.saferhealthcarenow.ca/ FR/Interventions/CLI/ Documents/CIC%20Trousse %20En%20avant.pdf.

13

Gestion des risques liés aux soins ENCADRÉ 13.3

Prévenir les infections sanguines liées aux cathéters veineux centraux

1. Informer, former et doter en personnel a. Le personnel inrmier et les autres professionnels de la santé doivent être avisés des indications d’utilisation d’un CVC, des règles d’entretien et des méthodes de prévention des infections. b. Seul le personnel formé est habilité à insérer et à entretenir les CVC. c. Dans les unités de soins critiques, un niveau adéquat de dotation en personnel est corrélé avec une réduction des infections sanguines liées aux cathéters (ISC). 2. Sélectionner les cathéters et les sites a. Utiliser la veine sous-clavière plutôt que la veine jugulaire ou fémorale comme site d’insertion pour réduire au minimum le risque d’infection. b. Utiliser l’échographie pour la mise en place des CVC au besoin. c. Retirer tout cathéter dont la présence n’est plus essentielle. d. Si un CVC a été installé dans une situation d’urgence médicale, la technique aseptique n’a pas été employée ; remplacer alors le dispositif dans les 48 heures. 3. Procéder à l’hygiène des mains et utiliser une technique aseptique a. Procéder à l’hygiène des mains avec de l’eau et du savon, ou avec une solution à base d’alcool, avant et après la palpation du site du CVC, la vérication du pansement au site d’insertion ou toute autre intervention. b. Le professionnel qui insère le CVC doit porter des gants stériles neufs. c. Il doit enler des gants stériles neufs avant de toucher un nouveau cathéter et d’enler un nouveau CVC sur un guide métallique. d. Porter des gants propres ou stériles pour changer le pansement d’un cathéter. 4. Utiliser un système de barrière stérile a. Pour l’insertion, adopter les précautions maximales offertes par un système de barrière stérile incluant un masque, un bonnet, une blouse et des gants stériles, ainsi qu’un champ opératoire corporel. 5. Préparer la peau a. Nettoyer la peau avec une préparation d’alcool et de chlorhexidine d’au moins 0,5 % avant l’insertion du CVC. b. Laisser sécher les antiseptiques conformément aux recommandations du fabricant avant l’insertion du CVC.

6. Panser le site du cathéter a. Utiliser les pansements transparents et semi-perméables en polyuréthane permettant d’observer continuellement le site d’insertion du CVC. b. Remplacer les pansements transparents recouvrant les sites de CVC au moins tous les sept jours ou selon les normes de l’établissement. c. Au moment de changer les pansements, inspecter le site ou le palper à travers le pansement intact. d. Remplacer le pansement autour du site du cathéter chaque fois qu’il est mouillé, qu’il est mal xé ou qu’il est souillé. e. Ne pas utiliser d’onguent ou de crème antibiotique topique sur les sites d’insertion (excepté pour les cathéters de dialyse) en raison du risque accru d’infection fongique. f. Envelopper le site du CVC d’un pansement en éponge imbibé de chlorhexidine si le taux d’ISC ne diminue pas par d’autres moyens (aucune recommandation pour les autres types de pansements imprégnés dechlorhexidine). 7. Procéder à l’hygiène du client a. Utiliser une solution de lavage à la chlorhexidine 2 % pour le nettoyage quotidien de la peau an de réduire les ISC. 8. Utiliser un dispositif de xation des cathéters a. Utiliser un dispositif de xation des cathéters sans suture pour réduire le mouvement des cathéters et limiter éventuellement le risque d’infection. 9. Employer des stratégies antimicrobiennes adéquates a. Utiliser un CVC enduit d’un antimicrobien si les cathéters doivent rester en place pendant plus de cinq jours. b. Ne pas administrer d’antimicrobien prophylactique par voie systémique pour prévenir les ISC. c. Ne pas administrer de routine un traitement anticoagulant pour prévenir les ISC. 10. Gérer efcacement le remplacement des CVC a. Ne pas remplacer les CVC de manière systématique. b. Ne pas remplacer les CVC uniquement parce que le client fait de la èvre.

Source : O’Grady, Alexander, Burns et al. (2011) Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

267

Soins et traitements inrmiers Chez le client aux soins critiques, le CVC sert à administrer les solutés et la médication, et à surveiller la PVC. Le cathéter de PVC permet de mesurer les pressions de remplissage au côté droit du cœur. Durant la diastole, lorsque la valve tricuspide est ouverte et que le sang s’écoule de l’oreillette droite vers le V.D., la PVC indique précisément la pression ventriculaire droite télédiastolique (PVDTD). La PVC normale varie de 2 à 6 mm Hg (3 à 8 cm d’H2O).

Évaluer la pression veineuse centrale L’utilisation consacrée de la valeur de la pression veineuse centrale (PVC) comme moyen d’évaluation de l’état du volume central a été remise en question (Marik, Baram & Vahid, 2008). Une importante revue systématique a révélé une faible corrélation entre la mesure de la PVC et la volémie (Marik et al., 2008). De même, une faible valeur de la PVC n’est pas toujours un indice able pour savoir quels clients répondront à une administration de liquide (Marik et al., 2008). Jusqu’à 25 % des clients dont la PVC est comprise entre 0 et 5 mm Hg ne répondent pas comme prévu à cette intervention (Kupchik & Bridges, 2012). Dans l’ensemble, près de la moitié seulement des clients aux soins critiques réagissent à une administration de liquide de la manière espérée (Marik et al., 2008). Dans cette situation, l’inrmière analyse d’autres indices de perfusion tissulaire insufsante, notamment le taux élevé de lactate, le léger décit de base ou la diminution de la diurèse (Kupchik & Bridges, 2012). L’autre moyen d’évaluer la réactivité aux liquides est d’élever passivement les jambes du client en leur fournissant un appui, ce qui permet au sang veineux des membres inférieurs de s’écouler rapidement dans la veine cave et de retourner vers le cœur droit. Si cette manœuvre fait augmenter la PVC d’au moins 2 mm Hg, cela indique que le client répondra positivement à un bolus de soluté I.V. (Lakhal, Ehrmann, Runge et al., 2010).

Mesurer la pression veineuse centrale en millimètres de mercure ou en centimètres d’eau Les valeurs de la pression veineuse centrale (PVC) sont mesurées en millimètres de mercure (mm Hg) si un appareil de monitorage est utilisé au chevet du client. Si un client est admis en provenance d’une unité de médecine-chirurgie et qu’aucun CVC n’est installé, l’inrmière peut mesurer la PVC en procédant à l’examen physique du client. Les inrmières qui veulent établir le lien entre les deux valeurs doivent effectuer un calcul simple fondé sur le rapport standard suivant : 1 mm Hg (pression de mercure) correspond à 1,36 cm d’eau (H2O) (pression d’eau). Bien que la valeur numérique en centimètres d’H 2O soit plus élevée, les valeurs sont équivalentes sur le plan clinique chez un client donné. Ainsi, pour convertir la pression d’eau

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Partie 2

Système cardiovasculaire

manométrique en pression de mercure, la valeur de pression d’eau doit être divisée par 1,36 (H2O ÷ 1,36). Inversement, la valeur de la pression d’eau est obtenue en multipliant la pression de mercure par 1,36 (mm Hg × 1,36).

Retirer le cathéter veineux central Le retrait du cathéter veineux central (CVC) relève généralement de la responsabilité de l’inrmière. Les complications sont rares ; celles qui sont à prévoir sont le saignement et l’embole gazeux. Les techniques recommandées pour éviter l’embole gazeux pendant le retrait d’un CVC consistent notamment à placer le client alité à plat ou encore en décubitus dorsal déclive si son état clinique le permet. Un CVC ne doit jamais être retiré lorsque le client est assis dans un fauteuil. Les clients atteints d’insufsance cardiaque, d’une maladie pulmonaire et de maladies neurologiques, ou ceux dont la pression intracrânienne est élevée, ne doivent pas être couchés à plat. Dans ce cas, l’inrmière vérie avec le médecin traitant la façon de procéder pour retirer le cathéter. Si le client est alerte et en mesure de coopérer, l’inrmière lui demande de prendre une respiration profonde pour faire monter la pression intrathoracique pendant le retrait. Aussitôt après, un pansement occlusif est appliqué sur le site an de diminuer le risque d’entrée d’air par traînée. En cas de saignement au site après le retrait, une forte pression doit être appliquée. Par contre, si un client obtient des temps de coagulation prolongés, il est possible de lui faire prescrire du plasma frais congelé ou des plaquettes avant le retrait du CVC.

Positionner le client Pour que les mesures de la PVC soient précises, l’axe phlébostatique doit servir de point de référence pour le corps, et le zéro du transducteur doit être réglé par rapport à ce point. Si l’axe phlébostatique est utilisé et que le transducteur est bien aligné, le positionnement de la tête de lit à un angle inférieur ou égal à 60° permettra d’obtenir des lectures exactes de la PVC dans la plupart des cas (O’Grady et al., 2011). L’élévation de la tête de lit est particulièrement utile pour le client à risque d’aspiration bronchique (notamment celui sous nutrition entérale) ou pour celui atteint de problèmes respiratoires ou cardiaques et qui ne tolère pas la position à plat.

Interpréter la courbe de pression veineuse centrale La courbe auriculaire droite normale (PVC) comporte trois déexions positives, soit les ondes a, c et v, qui correspondent à des épisodes auriculaires précis du cycle cardiaque FIGURE 13.11. L’onde a reète la contraction auriculaire et elle suit l’onde P observée à l’ECG. La pente de cette onde est appelée descente x; elle représente le relâchement des oreillettes. L’onde c illustre la voussure de la valve tricuspide fermée dans l’oreillette droite pendant la contraction ventriculaire ; cette onde est petite et pas toujours

visible, mais elle correspond à l’intervalle QRS-T sur le tracé de l’ECG. L’onde v représente le remplissage des oreillettes et la pression accrue exercée contre la valve tricuspide fermée au début de la diastole. La pente descendante de l’onde v est appelée descente y et elle représente la chute de pression résultant de l’ouverture de la valve tricuspide et de l’écoulement du sang de l’oreillette droite vers le V.D.

Détecter les ondes géantes Les arythmies peuvent modier le prol de la courbe de PVC. En présence d’un rythme jonctionnel, ou à la suite d’une ESV, les oreillettes sont dépolarisées après les ventricules s’il y a conduction rétrograde vers les oreillettes. Cela peut se traduire par une onde P rétrograde sur le tracé de l’ECG et par une grande onde ac ou une onde géante sur la courbe de PVC FIGURE 13.12. Ces ondes géantes sont facilement détectables sous forme de pouls forts dans les veines jugulaires. D’autres états pathologiques, comme l’insufsance ventriculaire droite avancée ou l’insufsance de la valve tricuspide, peuvent provoquer un reux de sang régurgitant du V.D. vers l’oreillette droite pendant la contraction ventriculaire, ce qui se traduit par de longues ondes v sur la courbe de l’oreillette droite. En cas de fibrillation auriculaire, la courbe de PVC n’afche pas un prol typique du fait de la désorganisation des oreillettes.

13 FIGURE 13.11

Épisodes cardiaques produisant la courbe de la pression veineuse centrale (PVC) avec les ondes a, c, et v. L’onde a représente la contraction auriculaire. La descente x correspond au relâchement des oreillettes. L’onde c représente la voussure de la valve tricuspide fermée dans l’oreillette droite pendant la systole ventriculaire. L’onde v représente le remplissage auriculaire. La descente y correspond à l’ouverture de la valve tricuspide et au remplissage du ventricule. ECG : électrocardiogramme ; PAPO : pression artérielle pulmonaire d’occlusion.

FIGURE 13.12

A Tracé simultané de l’électrocardiogramme (ECG). B Tracé simultané de la pression veineuse centrale (PVC). La courbe de PVC illustre de larges ondes géantes (ondes c) correspondant aux battements jonctionnels ou à des ESV (bande inférieure). À mesure que le rythme du client devient sinusal, la courbe de PVC devient normale. J : rythme jonctionnel suivi d’ondes géantes sur la courbe de PVC ; S : rythme sinusal suivi d’un tracé normal de la PVC avec des ondes a, c et v ; ESV : extrasystole ventriculaire suivie d’une onde géante sur la courbe de PVC ; C : ondes géantes sur le tracé de la PVC ; ac : tracé normal de la pression auriculaire droite.

Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

269

Cathéters veineux centraux spécialisés Un cathéter veineux central (CVC) muni d’un capteur à bres optiques mesurant continuellement la saturation du sang veineux central en oxygène (SvcO2) peut être utilisé comme un CVC classique, mais il permet aussi de suivre la tendance de la saturation du sang veineux en oxygène (Christensen, 2012). Il sera question de la physiologie sous-jacente à l’utilisation de cette technologie à bres optiques ultérieurement dans les sections portant sur le monitorage de la saturation du sang veineux mélangé en oxygène (SvO2) et de la SvcO2.

13.1.4

Monitorage de la pression artérielle pulmonaire

Le cathéter artériel pulmonaire (CAP) est le plus effractif de tous les dispositifs de monitorage en soins critiques. Il est aussi appelé cathéter du cœur droit ou cathéter de Swan-Ganz, d’après le nom de ses inventeurs. L’insertion systématique de cathéters artériels pulmonaires prête énormément à controverse. En effet, plusieurs essais contrôlés à répartition aléatoire menés auprès de clients en soins critiques n’ont pas démontré l’avantage de cette pratique. Une recherche portant sur 676 personnes atteintes du syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) en soins critiques, en France, n’a révélé aucune différence en matière de taux de mortalité entre les clients dont le traitement reposait sur l’utilisation d’un CAP et ceux pour lesquels ces renseignements n’étaient pas disponibles (Richard, Warszawski, Anguel et al., 2003). Une autre étude portant sur 1 000 personnes atteintes du SDRA aux États-Unis n’a établi aucune différence en ce qui a trait aux taux de mortalité entre les clients dont le traitement s’appuyait sur l’utilisation d’un CAP et ceux dont les renseignements paracliniques découlaient de la mesure de la PVC (Wheeler, Bernard, Thompson et al., 2006). Une analyse des effets du cathétérisme artériel pulmonaire sur les taux de mortalité des personnes atteintes d’insufsance cardiaque aiguë a également été effectuée. Une étude menée auprès de 433 personnes atteintes d’insufsance cardiaque aiguë aux États-Unis n’a fait état d’aucune différence quant à la mortalité, que l’approche thérapeutique de la volémie ait reposé sur la mise en place d’un CAP ou non (Binanay, Califf, Hasselblad et al., 2005). Des résultats comparables proviennent d’un essai multicentrique britannique portant sur plus de 1 000 clients en soins critiques : aucune différence pour ce qui est du taux de mortalité ou de la durée de l’hospitalisation n’a été relevée (Harvey, Welch, Harrison et al., 2008). Une recherche portant sur des clients âgés à haut risque ayant subi une chirurgie et réclamant une surveillance en soins critiques n’a démontré aucun avantage quant à la survie, que le traitement se soit appuyé sur l’utilisation paraclinique d’un CAP ou non (Sandham, Hull, Brant et al., 2003). Des examens systématiques et une méta-analyse d’études sur l’insertion des CAP ont permis de tirer

270

Partie 2

Système cardiovasculaire

des conclusions similaires : cette pratique n’a aucun effet, elle ne procure aucun avantage et elle n’expose pas le client à plus de risques. Aucune augmentation du taux de mortalité ou du nombre de jours à l’unité de soins critiques ou à l’hôpital n’a été notée (Harvey, Young, Brampton et al., 2006 ; Shah, Hasselblad, Stevenson et al., 2005). Ces résultats ont éveillé des préoccupations au sujet de l’utilisation systématique des CAP chez les clients aux soins critiques. L’insertion du CAP est une intervention effractive. Jusqu’ici, plusieurs s’imaginaient instinctivement que les renseignements paracliniques fournis conféraient un avantage en matière de survie par rapport aux méthodes moins effractives, mais des recherches ont démontré que ce n’était pas le cas. Par conséquent, l’utilisation des CAP a considérablement décliné. Le nombre de ces interventions a diminué de 65 % en 10 ans (1993-2004) (Wiener & Welch, 2007) aux États-Unis et de 50 % en 5 ans (2002-2006) (Koo, Sun, Zhou et al., 2011) dans l’ouest du Canada. Bien que le cathétérisme artériel pulmonaire soit moins fréquent dans les unités de soins critiques, il reste qu’il est encore employé comme outil paraclinique dans les laboratoires de cathétérisme cardiaque. Dans beaucoup d’unités de soins critiques, l’utilisation d’un CAP est réservée aux cas réfractaires au traitement classique (Richard, Monnet & Teboul, 2011) et elle a d’ailleurs été remplacée dans de nombreux contextes par des techniques moins effractives comme l’échocardiographie, dont il sera question plus loin.

Indications Le recours au CAP est réservé aux clients dont l’état hémodynamique est le plus instable, pour le diagnostic et l’évaluation d’une cardiopathie (Kahwash, Leier & Miller, 2011) ainsi que pour les clients en état de choc. Le CAP permet d’évaluer la réponse du client au traitement TABLEAU 13.3 et de déterminer simultanément les pressions systolique et diastolique dans l’artère pulmonaire, la P.A.M. dans l’artère pulmonaire et la PAPO. Il sert également à mesurer le D.C., à établir la SvO2 et à calculer d’autres paramètres hémodynamiques.

Déterminants du débit cardiaque Le débit cardiaque (D.C.) est le produit de la F.C. et du V.E.S. Ce dernier correspond au volume de sang éjecté par le cœur à chaque battement (exprimé en millilitres). F.C. × V.E.S. = D.C. Chez l’adulte, le V.E.S. normal varie de 60 à 100 ml. Les facteurs cliniques qui contribuent au V.E.S. du cœur sont la précharge, la postcharge et la contractilité FIGURE 13.13. L’insertion d’un CAP permet de surveiller ces trois facteurs. L’autre paramètre qui intervient dans le D.C. est la F.C. : elle est généralement enregistrée à l’aide des dérivations de l’ECG.

Collecte des données TABLEAU 13.3

Évaluation de la réponse au traitement avec le cathéter artériel pulmonaire

INDICATIONS PARACLINIQUESa

CAUSE POSSIBLE

RÉSULTATS CLINIQUES ASSOCIÉS

PROFIL HÉMODYNAMIQUEb

TRAITEMENT ET RÉPONSE PRÉVUE

Choc hypovolémique

• • • • •

• Cardiovasculaire : tachycardie sinusale, ↓ P.A. (P.A.S. < 90 mm Hg), faibles pouls périphériques • Pulmonaire : poumons clairs • Rénal : ↓ diurèse • Peau : température cutanée normale, pas d’œdème • Neurologique : variable

• D.C. faible • I.C. faible (< 2,5 L/min/m2) • RVS élevée (> 1 200 dyn⋅sec/cm−5) • P.A. pulmonaire faible • PAPO faible

• Traitement : administration de liquide • Réponse hémodynamique prévue : – ↓ F.C. – ↑ P.A. – ↑ P.A. pulmonaire – ↑ PAPO – ↑ PVC – ↑ D.C. et I.C. – ↓ RVS

Trauma Chirurgie Saignement Brûlures Diurèse excessive

13

Choc septique

• Septicémie

• Cardiovasculaire : tachycardie sinusale, ↓ P.A. (P.A.S. < 90 mm Hg), pouls péri­ phériques bondissants • Pulmonaire : les poumons peuvent être clairs ou congestionnés, selon l’origine de la septicémie • Rénal : ↓ diurèse • Peau : chaude et rouge • Neurologique : variable

• D.C. élevé (> 8 L/min) • I.C. élevé • RVS faible (< 800 dyn⋅sec/cm−5) • P.A. pulmonaire faible • PAPO faible • PVC faible

• Traitement : liquide par voie I.V. pour maintenir la fonction hémodynamique • Administration de liquides • Agent vasoconstricteur périphérique (alpha) pour ↑ RVS • Antibiotiques et cultures de laboratoire pour découvrir le foyer de l’infection • Réponse hémodynamique prévue : – ↓ F.C. – ↑ P.A. – ↑ P.A. pulmonaire – ↑ PAPO – ↑ PVC – ↑ D.C. et I.C. – ↑ RVS – SvO2 = 70 %

Choc par défaillance multiorganique

• Syndrome de défaillance multiorganique (SDMO)

• Cardiovasculaire : RSN ou tachycardie sinusale, ↓ P.A., faibles pouls périphériques • Pulmonaire : les poumons peuvent être clairs ou congestionnés, selon le foyer de la septicémie ; acidose d’après les valeurs des gaz sanguins artériels ; peut nécessiter une ventilation mécanique • Rénal : ↓ diurèse, possible ↑ de l’urée et ↑ des taux de créatinine • Peau : froide et marbrée • Neurologique : variable, selon l’état des liquides et les médi­ caments utilisés pendant le traitement

• D.C. faible • I.C. faible (< 2,5 L/min/m2) • RVS élevée (> 1 200 dyn⋅sec/cm−5) • P.A. pulmonaire élevée ou faible • PAPO élevée ou faible • PVC élevée ou faible

• Traitement : vasodilatateurs pour ↓ RVS, antibiotiques pour soutenir les systèmes de l’organisme, au besoin (p. ex., ventilation mécanique, hémodialyse) • Réponse hémodynamique prévue : – ↓ F.C. – ↑ P.A. – P.A. pulmonaire, PAPO, PVC normalisées – ↓ RVS – ↓ RVP – ↑ D.C. et I.C.

Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

271

TABLEAU 13.3

Évaluation de la réponse au traitement avec le cathéter artériel pulmonaire (suite)

INDICATIONS PARACLINIQUESa

CAUSE POSSIBLE

RÉSULTATS CLINIQUES ASSOCIÉS

PROFIL HÉMODYNAMIQUEb

TRAITEMENT ET RÉPONSE PRÉVUE

Choc cardiogénique

• Pompage insuf­ sant du V.G. causé par un infarctus aigu du myocarde ou une maladie grave de la valve mitrale ou aortique

• Cardiovasculaire : tachycardie sinusale, possiblement des arythmies, P.A. systolique < 90 mm Hg, B3 ou B4, pouls périphériques faibles • Pulmonaire : crépitants pulmonaires possibles ou œdème pulmonaire • Rénal : ↓ diurèse • Peau : froide, pâle et humide

• D.C. faible • I.C. faible (< 2,5 L/min/m2) • RVS élevée (> 1 200 dyn⋅sec/cm−5) • P.A. pulmonaire élevée • PAPO élevée (> 12 mm Hg) • PVC élevée

• Traitement : médicaments inotropes pour ↑ la contrac­ tilité du V.G. • Vasodilatateurs ou BIA pour ↓ la RVS • Diurétiques pour ↓ la précharge • Normalisation de la F.C. et maîtrise des arythmies • Réponse hémodynamique prévue : – ↓ F.C. – ↑ P.A. – ↓ P.A. pulmonaire – ↓ PAPO – ↓ PVC – ↓ RVS – ↑ D.C. et IC

SDRA ou œdème pulmonaire non cardiogénique

• • • •

• Neurologique : peut ↓ l’état mental à cause de la faible P.A. et du faible D.C. • Cardiovasculaire : tachycardie sinusale, P.A. élevée ou faible, pouls périphériques normaux • Pulmonaire : faible oxygéna­ tion et œdème pulmonaire, ↑ F.R. ou besoin d’une venti­ lation mécanique • Rénal : ↑ ou ↓ de la diurèse • Peau : température normale • Neurologique : anxiété ou confusion liées à la détresse respiratoire et à l’oxygénation insufsante

• • • • • •

• Traitement : éliminer la cause du SDRA • Soutenir la fonction pulmonaire, au besoin • Réponse hémodynamique prévue : – ↓ F.C. – P.A. normale – ↓ P.A. pulmonaire – ↓ RVP – D.C. et I.C. normaux – RVS normale

Trauma Septicémie Choc Toxines par inhala­ tion (fumée, pro­ duits chimiques, oxygène 100 %) • Aspiration du contenu gastrique • Troubles métaboliques

D.C. normal I.C. normal RVS normale PAPO normale P.A. pulmonaire élevée RVP élevée (> 250 dyn⋅sec/cm−5)

a

Les clients qui doivent subir une chirurgie vasculaire ou cardiaque à risque élevé de complications peuvent aussi recevoir un cathéter pulmonaire pour suivre la tendance du débit car­ diaque (D.C.) et de l’index cardiaque (I.C.), la résistance vasculaire systémique (RVS) et pulmonaire (RVP) ainsi que l’état de s liquides pendant les 24 premières heures après la chirurgie. b Se reporter au TABLEAU 13.1 pour les dénitions et à l’ANNEXE B pour les valeurs normales des paramètres hémodynamiques gurant dans ce tableau. BIA : ballon de contrepulsion intra-aortique ; D.C. : débit cardiaque ; F.C. : fréquence cardiaque ; I.C. : index cardiaque ; I .V. : intraveineux ; P.A. : pression artérielle ; P.A.S. : pression artérielle systolique ; PAPO : pression artérielle pulmonaire d’occlusion ; PVC : pression veineuse centrale ; RVP : résistance vasculaire pulmonaire ; RVS : résistance vasculaire systémique ; SvO 2 : saturation du sang veineux mélangé en oxygène ; V.G. : ventricule gauche ; ↓ : diminution ou faible ; ↑ : hausse ou élevé.

Apport d’oxygène et besoins en oxygène Lorsque les tissus périphériques ont besoin de plus d’oxygène (p. ex., pendant un exercice ou en cas de èvre), un cœur normal en bonne santé peut augmenter la F.C. et le V.E.S., et considérablement accroître le D.C. Chez le client en soins critiques, lorsque les tissus nécessitent plus d’oxygène, ces mécanismes sont souvent dysfonctionnels, et il incombe à l’inrmière d’évaluer l’état de la fonction hémodynamique an de l’optimiser. La section suivante décrit les composantes fondamentales des

272

Partie 2

Système cardiovasculaire

facteurs cliniques qui déterminent le D.C. ainsi que le rôle de l’inrmière en soins critiques appelée à s’occuper du client chez qui l’un de ces paramètres a été perturbé.

Précharge Les résultats hémodynamiques liés à la précharge sont décrits comme des pressions de remplissage. Ces valeurs désignent les pressions résultant des volumes dans les oreillettes et les ventricules. Elles incluent la P.A.D. pulmonaire et la PAPO, qui concernent la précharge dans le côté gauche du cœur,

est que la présence de sang dans le ventricule crée des pressions susceptibles d’être quantiées par un CAP et un transducteur, et afchées sur le moniteur au chevet du client.

FIGURE 13.13 La précharge, la postcharge et la contractilité contribuent au volume d’éjection systolique. Débit cardiaque (D.C.) = fréquence cardiaque (F.C.) × volume d’éjection systolique (V.E.S.).

et la PVC, qui se rapporte à la précharge dans le côté droit du cœur. La précharge correspond au volume dans le ventricule en n de diastole. La diastole étant le stade de remplissage du cycle cardiaque, le volume dans le ventricule à la n de la diastole représente le volume présystolique disponible pour l’éjection pendant ce cycle cardiaque. Le volume du V.G. peut être mesuré directement par cathétérisme cardiaque, mais, en général, cela ne s’effectue pas à l’unité de soins critiques. Le principe sur lequel repose cette mesure

| Mesure de la précharge | Lorsque le CAP est correctement positionné avec l’extrémité dans l’une des grosses branches de l’artère pulmonaire, la seule valve qui sépare cette extrémité du V.G. est la valve mitrale. Pendant la diastole, lorsque la valve mitrale est ouverte, aucun obstacle ne sépare donc l’extrémité du CAP du V.G. FIGURE 13.14. Le volume de précharge du V.G. crée une pression ventriculaire gauche télédiastolique (PVGTD). Celle-ci est mesurée sur le plan clinique par la PAPO. La PAPO et la P.A.D. pulmonaire sont les valeurs dont il est question le plus souvent dans le présent chapitre, car ce sont elles qui sont utilisées dans la pratique clinique. La POG ou la PAPO normale varient de 6 à 12 mm Hg.

13

| Loi de Frank-Starling | La PAPO est signicative sur le plan clinique, puisque toute variation du volume du V.G. (précharge) se traduit par une modication de la PAPO mesurée. La variation de la précharge obéit à la loi de Frank-Starling. Suivant ce principe, la force d’éjection du ventricule est directement liée à deux facteurs : 1) le volume dans le ventricule en n de diastole (précharge) ; 2) le degré d’étirement du myocarde qui se répercute sur le ventricule. Si le volume du V.G. est faible, le D.C. est lui aussi sous-optimal. En cas de perfusion de liquides intraveineux (volume), le D.C. augmente en même temps

FIGURE 13.14 Relation entre la pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO) et la pression ventriculaire gauche télédiastolique (PVGTD) (c.-à-d. la précharge). Dans la plupart des situations cliniques, la PAPO reète exactement la PVGTD. Durant la diastole, lorsque la valve mitrale est ouverte, aucune autre valve ni aucun autre obstacle ne sépare l’extrémité du cathéter du ventricule gauche (V.G.). La pression exercée par le volume dans le V.G. est transférée à l’oreillette gauche (OG), par les veines pulmonaires, et aux capillaires pulmonaires. AP : artère pulmonaire ; OD : oreillette droite ; V.D. : ventricule droit.

Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

273

que le volume du V.G. et l’étirement des bres du myocarde. Ce principe est vériable jusqu’à un certain point, au-delà duquel le volume accru de liquide entraîne une distension du ventricule et étire les bres du myocarde au maximum de telle sorte que le D.C. diminue. Ce scénario se produit sur le plan clinique en cas d’insufsance cardiaque aiguë associée à un œdème pulmonaire. Le volume supérieur dans le V.G. qui subit une surdistension augmente la pression dans le V.G., l’oreillette gauche et les veines pulmonaires (qui se vident dans l’oreillette gauche), ce qui nit par augmenter les pressions capillaires pulmonaires et, de ce fait, la PAPO mesurée. L’effet de la précharge sur le D.C. est illustré dans les FIGURES 13.15 et 13.16 pour lesquelles la courbe de Frank-Starling est utilisée comme modèle.

14 Les symptômes d’insuf­ sance cardiaque provo­ qués par la dysfonction du myocarde sont abor­ dés plus en détail dans le chapitre 14, Troubles cardiovasculaires.

| Fraction d’éjection | Le rapport entre la précharge et le D.C. est complexe, car le volume de précharge n’est pas entièrement éjecté à chaque battement cardiaque. Le pourcentage du volume de précharge éjecté à partir du V.G. pour chaque battement est appelé la fraction d’éjection (F.E.). La F.E. normale d’un cœur en bonne santé est de 70 %. Dans la pratique clinique, la plupart des cardiologues considèrent qu’une F.E. supérieure à 50 % est normale. | Dysfonction cardiaque | Il existe un lien signicatif entre la PVGTD et la dysfonction du muscle cardiaque. En règle générale, plus la pression est élevée dans le V.G., plus le degré de dysfonction cardiaque est important. La pression augmente en n de dias-

FIGURE 13.15

Effet de la précharge sur le débit cardiaque (D.C.). A Faible débit cardiaque avec faible précharge en raison de l’hypovolémie. B L’hypovolémie est corrigée après l’administration de 2 L de liquide intraveineux. Le volume de la précharge dans le ventricule augmente, tout comme la pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO). Du fait de l’étirement accru des bres causé par l’augmentation de la précharge, le D.C. augmente aussi. C Après la perfusion de 2 L additionnels de solution intraveineuse, il se produit une distension des bres du myocarde, la précharge (PAPO) augmente et le D.C. diminue à mesure que le volume dans le ventricule gauche (V.G.) augmente.

274

Partie 2

Système cardiovasculaire

tole (n du remplissage), car le ventricule atteint ne peut éjecter tout le volume de sang de précharge. Par exemple, chez un client souffrant d’insufsance cardiaque, le volume de précharge peut égaler 100 ml, et le V.E.S. peut être de seulement 30 ml. La F.E., quant à elle, est de 30 % (F.E. normale supérieure à 50 %). Le volume restant de la précharge (70 ml dans cet exemple) fait augmenter de façon importante la pression V.G. Lorsque la valve mitrale s’ouvre au début de la diastole, la POG doit être légèrement supérieure aux pressions dans le V.G. pour permettre le remplissage. Les 70 ml restants dans le ventricule créent des pressions diastoliques V.G. élevées, ce qui augmente la pression de remplissage dans l’oreillette gauche, et donc la PAPO. Dans cet exemple, le V.G. est soumis à un étirement excessif par la précharge surabondante, si bien que le D.C. est inférieur à la normale. Pour ce client, le plan de traitement consiste à diminuer la précharge du V.G. : 1) en restreignant les liquides par voie intraveineuse et orale ; 2) par la vasodilatation ; 3) par la diurèse. La dysfonction du myocarde provoque des symptômes d’insufsance cardiaque 14 .

| Rapport entre les pressions artérielles pulmonaires diastolique et d’occlusion | Une estimation de la PVGTD peut être effectuée par des mesures indirectes grâce à un CAP. La méthode la plus précise consiste à mesurer la PAPO. La deuxième repose sur la mesure de la P.A.D. pulmonaire qui correspond généralement à 1 à 4 mm Hg de plus que la PAPO ou la PVGTD. Il est

FIGURE 13.16

Effet de la précharge et de la vasodilatation veineuse sur le débit cardiaque (D.C.). A Après un infarctus aigu de la paroi antérieure du myocarde ayant entraîné une dysfonction importante du ventri­ cule gauche (V.G.), ce client présente une défaillance du V.G. avec un D.C. faible et une pression de remplissage accrue qui entraîne une pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO) élevée. L’un des problèmes cliniques de ce client est une précharge excessive. B Après l’administration de diurétiques pour réduire le volume et de nitroglycérine pour dilater le système veineux, la précharge diminue et le D.C. augmente.

physiologiquement impossible que la PAPO soit supérieure à la P.A.D. pulmonaire. Si tel est le cas, l’inrmière règle toute anomalie liée au dispositif de monitorage et recalibre l’appareil TABLEAU 13.2.

| Hypertension pulmonaire | Certains états cliniques précis peuvent perturber le rapport normal entre la P.A.D. pulmonaire et la PAPO (Opitz, Blindt, Blumberg et al., 2011). En cas de SDRA avec hypertension pulmonaire aiguë, les pressions artérielles pulmonaires systolique et diastolique augmentent indépendamment jusqu’à atteindre la pression V.G. Dans cette situation clinique, la P.A.D. pulmonaire n’est pas un indicateur précis de la fonction du côté gauche du cœur. La différence numérique entre la P.A.D. pulmonaire et la PAPO s’appelle gradient. Si l’utilisation d’un CAP révèle un gradient important entre la PAPO et la P.A.D. pulmonaire, le client est atteint d’hypertension pulmonaire TABLEAU 13.4C. | Insufsance cardiaque | En cas d’insufsance du côté gauche du cœur, la PAPO et la P.A.D. pulmonaire sont élevées et plus ou moins égales TABLEAU 13.4B. L’insufsance cardiaque peut entraîner une hypertension pulmonaire secondaire. Avec le temps, le système vasculaire pulmonaire subit des lésions en raison de la pression élevée dans le V.G. | Rétrécissement mitral | Les affections de la valve mitrale, soit le rétrécissement ou la régurgitation, font de la PAPO et de la P.A.D. pulmonaire des paramètres moins précis de la fonction V.G. Dans le cas du rétrécissement, la POG et la PAPO augmentent et provoquent une congestion pulmonaire ; cependant, ces valeurs élevées ne reètent pas la PVGTD, car le resserrement de la valve mitrale diminue le débit sanguin allant de l’oreillette gauche au V.G., ce qui réduit la précharge du V.G. et fait constamment baisser la PVGTD. Pour obtenir des lectures précises, il est essentiel que la valve mitrale soit intacte, car, en rétrécissant, elle fait augmenter la POG, la PAPO et la P.A.D. pulmonaire si la PVGTD est normale. | Régurgitation mitrale | Chez les clients ayant une régurgitation mitrale (RM), la valeur moyenne de la PAPO est articiellement élevée en raison du retour anormal du sang du V.G. vers l’oreillette gauche pendant la systole. Elle se distingue par de très larges ondes v sur la courbe de PAPO et ne reète pas forcément la véritable PVGTD TABLEAU 13.4F. Les ondes v peuvent être particulièrement larges chez certains clients. La taille de l’onde v est liée à l’importance de la RM et à la compliance de l’oreillette gauche (Bunker & DiNardo, 2009). Si la RM est chronique et que l’oreillette gauche est compliante et qu’elle peut s’étirer, les ondes v peuvent être courtes. En cas de RM aiguë après un infarctus du muscle papillaire (piliers), l’oreillette non compliante contribue à l’apparition d’ondes v larges. La dysfonction mitrale rend difcile l’interprétation de la courbe de PAPO. Si les ondes v sont larges (RM aiguë), elles ne peuvent pas

servir à estimer la précharge du V.G. Si l’onde v est petite (RM chronique), les valeurs moyennes de la PAPO ou de la POG peuvent encore servir à estimer la précharge du V.G. L’échocardiographie permet également de conrmer la présence d’une RM (Ahuja, Chopra, Greenberg et al., 2011).

Postcharge La postcharge désigne la pression générée par le ventricule pour contrer la résistance à l’éjection créée par les artères et les artérioles. Cette mesure est calculée à partir des données obtenues grâce au CAP. Si la postcharge augmente ou diminue, la tension des parois ventriculaires en fait autant. Le nom technique de la postcharge est résistance vasculaire systémique (RVS) pour le côté gauche du cœur, et résistance vasculaire pulmonaire (RVP) pour le côté droit.

| Résistance vasculaire systémique | La résistance à l’éjection du côté gauche du cœur est estimée en calculant la résistance vasculaire systémique (RVS) d’après la formule suivante (l’ordinateur au chevet du client effectue normalement cette opération) : RVS =

P.A.M. − PVC

13

× 80

D.C. La valeur normale est comprise entre 800 et 1 200 dyn⋅sec/cm−5. Pour faire correspondre cette valeur à la surface corporelle du client, l’I.C. est introduit dans la formule à l’endroit du D.C. Il est fréquent que l’inrmière en soins critiques administre des médicaments vasoactifs prescrits pour modier la RVS à des ns thérapeutiques. En général, plus la RVS est faible, plus le D.C. est élevé.

| Réduction de la résistance vasculaire systémique et de la postcharge | La modication de la résistance vasculaire systémique (RVS) par la pharmacothérapie est fréquente chez le client en soins critiques pour améliorer l’efcacité cardiaque. Par exemple, il est possible de réduire une RVS élevée en administrant des perfusions de vasodilatateurs comme du nitroprussiate de sodium (NiprideMD) ou une dose importante de nitroglycérine (TridilMD). Si la RVS est extrêmement faible (p. ex., inférieure à 500 dyn⋅sec/cm−5), comme cela peut se produire en cas de septicémie, le D.C. est élevé, et la P.A.M. est basse. Des agents d’expansion volumique et des vasopresseurs sont alors perfusés pour augmenter la P.A.M. et la RVS. Après un rétablissement volémique adéquat, les lignes directrices de la Surviving Sepsis Campaign recommandent d’administrer en premier choix de la noradrénaline pour créer une vasoconstriction du système vasculaire périphérique, et donc augmenter la RVS (Dellinger, Levy, Rhodes et al., 2012). L’adrénaline peut être ajoutée à la noradrénaline si un agent supplémentaire est requis pour maintenir la P.A. La vasopressine peut être ajoutée à la noradrénaline an d’augmenter la P.A.M. ou de diminuer la dose de noradrénaline. La dopamine

Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

275

Examens cliniques TABLEAU 13.4

Interprétation clinique des courbes de l’artère pulmonaire

PRESSION DE L’ARTÈRE PULMONAIRE

INTERPRÉTATION CLINIQUE

Pression artérielle systolique (P.A.S.) pulmonaire

La P.A.S. pulmonaire reète la pression systolique dans le système vasculaire pulmonaire. Le tracé A correspond à un tracé normal. Les valeurs élevées de l’hypertension pulmonaire peuvent résulter de causes idiopathiques, d’anomalies congénitales cardiaques ou d’une maladie pulmonaire.

Pression artérielle diastolique (P.A.D.) pulmonaire

Chez le client dont le système vasculaire pul­ monaire est sain, la P.A.D. pulmonaire reète la PVGTD, illustrée par le tracé B . Même si le client souffre d’insufsance cardiaque, la PAPO et la P.A.D. pulmonaire augmentent ensemble.

En cas de SDRA ou d’hypertension pulmonaire, la P.A.D. pulmonaire ne reète pas avec précision la PAPO, comme le montre le tracé C .

Pression artérielle moyenne (P.A.M.) pulmonaire

La P.A.M. pulmonaire sert au calcul de la RVP et de l’IRVP, décrits dans le TABLEAU 13.1. Des pressions moyennes élevées peuvent indiquer une maladie cardiaque ou pulmonaire. Des pressions moyennes faibles signalent une hypovolémie. Le tracé D illustre la ligne de la P.A.M. pulmonaire.

Pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO)

Chez le client en bonne santé, la PAPO reète le volume de sang dans le V.G. à la n de la diastole (PVGTD). La courbe de PAPO normale correspond à la courbe de l’oreillette gauche, comme le montre la gure E . Si le client a une régurgitation de la valve mitrale, les ondes v sont plus larges que la normale, ce qui fait augmenter la PAPO et ne reète pas forcément la véritable PVGTD, comme le montre le tracé F . De nombreuses cardiopathies affectant la fonc­ tion V.G. produisent une PAPO élevée. La PAPO est faible en cas d’hypovolémie.

* Les pressions sur l’axe y sont exprimées en millimètres de mercure (mm Hg).

276

Partie 2

Système cardiovasculaire

INTERPRÉTATION DE LA COURBE*

demeure une alternative à la noradrénaline uniquement pour les clients à faible risque de tachyarythmie ou en présence de bradycardie. Il faut évaluer régulièrement la circulation périphérique lorsque des médicaments qui agissent sur la RVS sont administrés, car une vasoconstriction excessive peut nuire à l’irrigation tissulaire. Le cas de Michel Thomas, qui a subi un vaste infarctus du myocarde (IDM) de la paroi antérieure il y a deux jours, peut être utilisé comme exemple. Il présente des symptômes d’insufsance cardiaque aiguë, une RVS élevée, à 1 840 dyn∙sec/cm−5, et un faible D.C., à 2,8 L/min. Lorsque la contractilité du cœur diminue à la suite d’un IDM aigu, une RVS supérieure à l’intervalle normal fait baisser le D.C. Pour optimiser la fonction cardiaque de M. Thomas, un vasodilatateur systémique (médicament qui réduit la postcharge) est perfusé pour ramener la RVS dans l’intervalle normal. Après administration de nitroprussiate de sodium (1 à 4 mcg/kg/min), la RVS de monsieur Thomas est passée à 970 dyn∙sec/cm−5, et son D.C., à 4,1 L/min. Dans cette situation, la diminution de la RVS a fait considérablement augmenter la quantité de sang éjecté du V.G. Chez une personne dont la fonction cardiaque est normale, l’accroissement de la RVS n’aura pas forcément une grande incidence sur le D.C. En résumé, l’importance de la RVS pour le D.C. est liée à la qualité fonctionnelle du myocarde. Que le muscle cardiaque soit endommagé globalement (cardiomyopathie) ou localement (IDM), de légers changements de la RVS peuvent entraîner des variations importantes du D.C.

| Résistance vasculaire pulmonaire | La résistance à l’éjection du côté droit du cœur est estimée en calculant la résistance vasculaire pulmonaire (RVP). En temps normal, la RVP est égale à un sixième de la RVS. La RVP normale varie habituellement de 100 à 250 dyn∙sec/cm−5 B . L’hypertension pulmonaire aiguë, qui se traduit par une P.A.M. pulmonaire supérieure à 25 mm Hg, peut être une séquelle du SDRA (Price, McAuley, Marino et al., 2012). L’augmentation abrupte de la RVP peut provoquer une défaillance du V.D., alors que les pressions V.G. restent généralement dans l’intervalle normal. Un CAP est habituellement utilisé pour surveiller le traitement vasodilatateur et la prise en charge liquidienne. Cependant, des études n’ont pas démontré que les clients atteints du SDRA soumis au monitorage artériel pulmonaire effractif obtenaient de meilleurs résultats quant à la survie que ceux qui étaient assignés uniquement au monitorage de la PVC, si bien que l’emploi du CAP est devenu rare (Richard et al., 2003 ; Wheeler et al., 2006). L’hypertension pulmonaire est associée à une hausse chronique de la RVP, que les perfusions de vasodilatateurs pulmonaires peuvent contribuer à réduire (Price, Wort, Finney et al., 2010) 14 .

Contractilité De nombreux facteurs inuent sur la contractilité, y compris le volume de la précharge mesuré par la PAPO, la RVS, l’oxygénation du myocarde, l’équilibre électrolytique, l’usage de médicaments inotropes positifs et négatifs ainsi que la proportion fonctionnelle du muscle du myocarde pouvant contribuer à la contraction. Tous ces éléments peuvent avoir un effet inotrope positif et stimuler la contractilité ou, au contraire, avoir un effet inotrope négatif et limiter la contractilité. Certains paramètres importants liés à la contractilité peuvent être mesurés à l’aide d’un CAP, comme les pressions de remplissage précharge, la RVS et le D.C. D’autres, calculés, sont indiqués dans le prol hémodynamique s’afchant sur le moniteur au chevet du client ; ce sont notamment les ITSVG et ITSVD. Ces valeurs permettent d’estimer la force de la contraction cardiaque TABLEAU 13.1. La précharge agit sur la contractilité suivant la Loi de Starling. La contractilité augmente en même temps que le volume du ventricule. Si le volume distend le ventricule, la contractilité diminue FIGURES 13.15 et 13.16. La RVS affecte la contractilité en modiant la résistance à l’éjection ventriculaire. Si la RVS est élevée, la contractilité diminue, et inversement. L’hypoxémie agit comme inotrope négatif. Le myocarde doit être alimenté en oxygène pour que les cellules puissent se contracter efcacement. Des médicaments intraveineux comme la dobutamine (DobutrexMD), la milrinone (PrimacorMD) et la dopamine (IntropinMD) sont prescrits pour leur effet inotrope positif. L’inrmière surveille l’effet de ces agents pharmacologiques sur la contractilité lorsqu’elle suit la tendance du prol hémodynamique du client. L’état de contractilité ne peut se déduire d’aucun paramètre hémodynamique unique. Cependant, si la contractilité du V.G. est stimulée par le traitement, cet effet se traduit souvent par des changements de la PAPO ainsi que par une augmentation du D.C. et de l’ITSVG.

13

B La formule permettant de calculer la résistance vasculaire pulmonaire est présentée dans l’annexe B, Formules physiologiques pour les soins critiques.

Cathéter artériel pulmonaire Le cathéter artériel pulmonaire (CAP) standard inventé par Swan et Ganz comporte quatre lumières qui permettent de mesurer la pression de l’oreillette droite ou la PVC, la P.A. pulmonaire, la PAPO et le D.C. FIGURE 13.17A. Les cathéters multifonctions possèdent des lumières supplémentaires qui peuvent être utilisées pour les perfusions intraveineuses, la mesure continue de la SvO2, la mesure du volume du V.D. et la mesure continue du D.C. FIGURE 13.17B et 13.17C. Certains CAP sont également équipés d’électrodes de stimulation qui permettent, au besoin, de stimuler le cœur. Le CAP ottant standard mesure 110 cm. Il existe des CAP ayant un calibre de 5 à 8F, selon le type de cathéter. Les quatre lumières du CAP débouchent dans le cœur près de l’artère pulmonaire (leurs Chapitre 13

14 Une analyse du traitement pharmacologique de l’hy­ pertension pulmonaire est présentée dans le chapitre 14, Troubles cardiovasculaires.

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

277

orices respectifs sont situés à des graduations différentes du corps du cathéter) FIGURE 13.17A.

Lumière proximale (oreillette droite) L’orice de la lumière proximale se trouve dans l’oreillette droite. Cette lumière est utilisée pour les perfusions intraveineuses, la mesure de la PVC, le prélèvement d’échantillons de sang veineux et

l’injection d’une solution pour la mesure du D.C. Elle est souvent décrite comme étant la lumière auriculaire droite ou la lumière PVC.

Lumière distale (artère pulmonaire) L’orice de la lumière distale se trouve à l’extrémité distale du CAP, qui repose dans l’artère pulmonaire. La lumière distale sert à mesurer la P.A. pulmonaire et

FIGURE 13.17 Types de cathéter artériel pulmonaire (CAP). A Cathéter à quatre lumières. B Cathéter à cinq lumières comprenant une lumière avec un orice pour perfusion (VIPMD) donnant accès à l’oreillette droite. C Cathéter à sept lumières comprenant une lumière avec un orice pour perfusion VIPMD, une lumière et un lament thermique pour la mesure continue du débit cardiaque (D.C.) et une lumière pour la surveillance continue de la saturation du sang veineux mélangé en oxygène (SvO2) (connecteur du module optique). Il est aussi possible de jumeler la mesure continue du D.C. à l’aide du lament thermique et le temps de réponse de la thermistance pour calculer en continu le volume ventriculaire télédiastolique.

278

Partie 2

Système cardiovasculaire

à prélever des échantillons de sang pour effectuer une gazométrie du sang veineux mélangé (p. ex., la SvO2).

Lumière du ballonnet La troisième lumière débouche dans un ballonnet situé à l’extrémité du cathéter ; ce ballonnet peut recevoir de 0,8 ml (7F) à 1,5 ml (7,5F) d’air. Durant la procédure d’insertion, le ballonnet est goné une fois que le CAP a atteint l’oreillette droite pour qu’il puisse avancer en ottant et pour réduire au minimum le risque d’ESV en cas de contact entre son extrémité distale et la paroi du V.D. Le ballonnet est également goné pour mesurer la PAPO lorsque le CAP est bien en place dans l’artère pulmonaire.

Thermistance La quatrième lumière est une thermistance (capteur de température) qui mesure les variations de la température du sang en continu. La thermistance se trouve à 4 cm de l’extrémité distale du CAP et permet aussi de mesurer le D.C. par thermodilution. Le connecteur situé à l’embout de cette lumière est relié directement au module qui analyse le D.C.

Caractéristiques supplémentaires Pour la mesure continue de la SvO2, le CAP doit être équipé d’une lumière à bres optiques dont l’orice est situé à son extrémité distale FIGURE 13.17C. Par ailleurs, dans le cas où l’installation d’un stimulateur cardiaque temporaire s’avère nécessaire, il existe deux types de cathéter permettant de stimuler le cœur. Le premier est doté de trois électrodes pour la stimulation auriculaire et de deux électrodes pour

la stimulation ventriculaire. Lorsqu’il est placé correctement, il est possible de le connecter à un stimulateur cardiaque pour provoquer une stimulation auriculoventriculaire (AV). Le second est muni d’une lumière supplémentaire dont l’orice débouche dans le V.D. et dans laquelle une sonde spécialisée et destinée à la stimulation du ventricule est introduite. Enn, il existe aussi un CAP volumétrique qui permet de mesurer le débit systolique du V.D.

Insertion du cathéter artériel pulmonaire L’installation du cathéter artériel pulmonaire (CAP) peut être faite au bloc opératoire ou à l’unité de soins intensifs. Si le client est conscient, il faut lui décrire brièvement la marche à suivre pour l’insertion du CAP an qu’il comprenne bien le déroulement de l’intervention. Les techniques d’insertion du CAP sont semblables à celles décrites pour le CVC. Étant donné que le CAP doit reposer dans les cavités cardiaques et se rendre jusqu’à l’artère pulmonaire droite, sa progression doit être surveillée par contrôle radioscopique ou par l’analyse de la courbe de pression sur le moniteur de chevet FIGURE 13.18. Avant d’introduire le CAP dans la veine, le médecin vérie que le ballonnet se gone bien et rince le CAP avec une solution physiologique pour évacuer les bulles d’air, en respectant les techniques d’asepsie qui s’imposent. Après que le zéro du transducteur ait été fait, le médecin relie relie le CAP au système de monitorage hémodynamique (circuit et moniteur) au chevet du client an de pouvoir suivre sa progression dans le cœur droit en analysant la

13

FIGURE 13.18 Insertion d’un cathéter artériel pulmonaire (CAP) avec courbes correspondantes.

Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

279

courbe de pression FIGURE 13.18. Après avoir repéré le vaisseau qui servira d’accès (p. ex., la veine jugulaire interne ou la veine sous-clavière), le médecin commence généralement par la canulation de la veine à l’aide d’un introducteur de gros calibre (8,5F) dont l’extrémité repose dans cette veine et qui est équipé d’une lumière latérale supplémentaire pour les injections intraveineuses. Une fois ce dernier en place, le médecin y introduit le CAP souple et le fait avancer dans la veine cave jusqu’au cœur droit.

Interprétation de la courbe de pression artérielle pulmonaire Le passage du CAP dans une cavité cardiaque donnée se traduit par l’apparition de courbes de pression artérielle (P.A.) pulmonaire ayant une forme caractéristique. Il incombe à l’inrmière en soins critiques de savoir reconnaître sur le moniteur les courbes caractéristiques des différentes structures traversées par le CAP durant l’insertion de ce dernier et durant le monitorage hémodynamique.

Courbe de pression auriculaire droite Lorsque le CAP passe dans l’oreillette droite durant son insertion, la courbe de pression de cette cavité cardiaque, qui comporte des ondes a, c et v caractéristiques, s’afche sur le moniteur FIGURE 13.18. Dans l’oreillette droite, la pression moyenne normale varie de 2 à 6 mm Hg. Il faut goner le ballonnet se trouvant à l’extrémité du CAP avant que celui-ci passe par la valve tricuspide, et ce, pour deux raisons. Premièrement, comme il protège l’extrémité distale pointue du CAP, le ballonnet amortira le choc si celle-ci vient à entrer en contact avec la paroi du V.D., réduisant ainsi le risque d’irritation du myocarde et, par le fait même, le risque d’arythmie ventriculaire. Deuxièmement, le gonement du ballonnet permet au CAP d’être porté par la circulation sanguine du V.D. au tronc pulmonaire. C’est à cause de la présence du ballonnet et de ces deux fonctions que les CAP portent le nom de cathéter ottant.

Courbe de pression ventriculaire droite La courbe de pression du ventricule droit (V.D). se distingue par le fait qu’elle est pulsatile ainsi qu’en raison des pressions systolique et diastolique bien distinctes. Normalement, dans le V.D., la pression systolique varie de 15 à 25 mm Hg et la pression diastolique, de 0 à 8 mm Hg. Même lorsque le ballonnet a été goné, il n’est pas rare d’observer des ESV durant son passage dans le V.D. Il est à noter que tout client qui porte un CAP doit faire l’objet d’une surveillance électrocardiographique et que le personnel qui le soigne doit disposer d’un débrillateur et de matériel de réanimation à portée de main.

Courbe de pression artérielle pulmonaire La morphologie de la courbe de pression qui s’afche sur le moniteur change une fois de plus lorsque le CAP pénètre dans l’artère pulmonaire (p. ex., la pression diastolique augmente). Normalement, dans

280

Partie 2

Système cardiovasculaire

l’artère pulmonaire, la pression systolique varie de 15 à 25 mm Hg, et la pression diastolique atteint entre 8 et 15 mm Hg. La pente descendante de la courbe est marquée par une incisure dicrote qui correspond à la fermeture de la valve pulmonaire.

Courbe de pression artérielle pulmonaire d’occlusion Le CAP continue de progresser jusqu’à ce que le ballonnet, qui est encore goné, s’immobilise en position bloquée (wedge), position dans laquelle la PAPO est mesurée. La courbe de P.A. n’est plus pulsatile, son amplitude diminue et sa morphologie est celle de la courbe de pression normale de l’oreillette gauche avec des ondes a et v caractéristiques. Ce phénomène s’appelle la courbe de pression capillaire bloquée, car le ballonnet reste bloqué dans un capillaire pulmonaire, mais, techniquement, elle est décrite comme étant la courbe de PAPO FIGURE 13.18. Comme le ballonnet obstrue le capillaire pulmonaire, l’extrémité distale et la lumière distale du CAP ne sont exposées qu’à la pression auriculaire gauche et ne subissent donc pas les effets de l’onde pulsatile en provenance du V.D. et de l’artère pulmonaire. Une fois le ballonnet dégoné, l’extrémité distale du CAP devrait reculer naturellement jusqu’à l’artère pulmonaire en ottant. Si le ballonnet est goné de nouveau, c’est la courbe de PAPO qui devrait apparaître à l’écran. La PAPO normale varie de 6 à 12 mm Hg. Une fois le CAP en place, l’introducteur est suturé à la peau. Le CAP, qui repose dans l’introducteur, est solidement xé à ce dernier au moyen d’un ruban adhésif ou d’une bandelette de xation prévue à cet effet. S’il s’est avancé trop profondément dans le lit vasculaire pulmonaire, le client risque l’infarctus pulmonaire. Ce type d’infarctus est causé par l’obstruction de l’artère pulmonaire et entraîne un arrêt de la perfusion sanguine dans le poumon. En revanche, s’il n’a pas cheminé sufsamment loin dans l’artère pulmonaire, la PAPO ne pourra pas être enregistrée correctement. Cela dit, chez de nombreux clients hospitalisés aux soins critiques, lorsque la P.A.D. pulmonaire et la PAPO sont comparables (différence de 1 à 4 mm Hg), la P.A.D. pulmonaire peut être utilisée pour surveiller les tendances de pression de remplissage du V.G. (précharge) (AACN, 2011). Dans ce cas, il n’est plus nécessaire de maintenir le CAP en position bloquée et il est possible de le faire reculer dans l’artère pulmonaire pour prévenir d’éventuels traumatismes attribuables aux gonements répétés du ballonnet. Après l’insertion du CAP, la radiographie est utilisée pour vérier le positionnement, rechercher des nœuds ou des boucles qui se seraient formés dans le V.D. et exclure la possibilité d’un pneumothorax ou de complications hémorragiques. Pour préserver la stérilité de la partie externe du CAP, celle-ci est recouverte d’un mince manchon de protection (gaine) en plastique. Il est possible de repositionner le CAP, s’il n’est pas à l’emplacement idéal ou s’il se

déplace. L’utilisation du manchon de protection sur la partie externe du CAP a été associée à une diminution du taux d’infection sanguine (O’Grady et al., 2011).

Traitements médicaux Le recours au cathétérisme artériel pulmonaire est sujet à controverse au sein du corps médical, et comme les essais cliniques ont démontré qu’il ne procurait pas de bienfaits particuliers, il est moins répandu qu’avant. Les objectifs médicaux du monitorage hémodynamique sont les suivants : évaluation de la qualité de la perfusion chez les clients dont l’état est stable, détection précoce de toute diminution de la perfusion, réglage posologique de la pharmacothérapie en vue d’atteindre des cibles thérapeutiques précises et possibilité de distinguer des atteintes de différents systèmes. Il existe des lignes directrices pour la prise en charge des clients porteurs d’un CAP (American Society of Anesthesiologists Task Force on Pulmonary Artery Catheterization, 2003). L’utilisation du CAP est moins fréquente qu’auparavant, mais certaines unités continuent à l’utiliser, notamment les soins intensifs de chirurgie cardiaque.

Soins et traitements inrmiers Plus l’inrmière en soins critiques approfondit ses connaissances sur le cathétérisme artériel pulmonaire, plus ses interventions gagnent en précision et en efcacité (AACN, 2009a). Au nombre des facteurs susceptibles d’inuer sur la mesure de la P.A. pulmonaire gurent la hauteur à laquelle se trouve le transducteur par rapport à la position du client (décubitus dorsal strict ou proclive, position latérale) et la ventilation mécanique, en particulier la pression expiratoire positive (PEP).

Positionner le client Il n’est pas nécessaire de placer le client en décubitus dorsal strict pour obtenir des mesures précises de la P.A. pulmonaire. Dans la plupart des cas, l’inclinaison de la tête de lit peut varier de 0 à 60° ; le transducteur doit alors être placé à la hauteur de l’axe phlébostatique (AACN, 2009a). Il faut savoir qu’il y a une différence entre les mesures de la P.A.D. pulmonaire et de la PAPO qui sont prises en position latérale et celles qui sont prises en décubitus dorsal. En cas de doute quant à la validité des valeurs de la P.A. pulmonaire, il vaut mieux prendre les mesures lorsque le client est en décubitus dorsal et que l’inclinaison de la tête de lit est comprise entre 0 et 60° (selon le degré de tolérance et les normes en vigueur dans les établissements), car elles sont plus ables que les autres. Par ailleurs, lorsque l’infirmière change le client de position, il est recommandé d’observer une période de stabilisation de 5 à 15 minutes avant de relever la mesure de la P.A. pulmonaire (AACN, 2009a). Habituellement, cette période est

prolongée pour le client atteint d’un dysfonctionnement ventriculaire gauche ou dont l’état hémodynamique est instable.

Surveiller la ventilation spontanée ou mécanique Des variations respiratoires des courbes de P.A.D. pulmonaire et de PAPO sont observées, en particulier chez les clients qui sont sous ventilation mécanique à pression positive (AACN, 2009a). Durant la phase inspiratoire en pression positive, la hausse de la pression intrathoracique pousse la courbe de P.A. pulmonaire vers le haut, ce qui conduit à une surestimation de la P.A. pulmonaire sur le moniteur FIGURE 13.19A. Durant la phase inspiratoire en ventilation spontanée, la pression intrathoracique négative tire la courbe vers le bas, ce qui conduit à une sous-estimation de la P.A. pulmonaire FIGURE 13.19B. Pour réduire au minimum les répercussions des variations respiratoires sur la mesure de la P.A.D. pulmonaire, il faut relever celle-ci à la n de l’expiration, qui est l’étape la plus stable du cycle respiratoire (les pressions intrapleurales sont presque nulles). En cas de variation respiratoire de la valeur numérique de la P.A.D. pulmonaire, il est possible d’imprimer l’enregistrement pour établir la valeur exacte de cette pression. Dans certains contextes cliniques, un ECG ou des mesures des débits et des pressions dans les voies respiratoires sont enregistrés en même temps que les courbes de P.A.D. pulmonaire et de PAPO pour pouvoir repérer la n de l’expiration (AACN, 2009a).

13

Appliquer une pression positive en n d’expiration Certaines affections, comme le SDRA, commandent l’application d’une pression expiratoire positive (PEP) élevée pour corriger toute hypoxémie réfractaire. L’application d’une PEP supérieure à 10 cm d’eau provoque une surestimation de la PAPO et de la P.A. pulmonaire, mais aussi une diminution importante de la P.A. systémique et du D.C. C’est à cause de ces répercussions négatives de la PEP qu’il était auparavant habituel d’interrompre la ventilation pour mesurer la P.A. pulmonaire dans certaines unités de soins critiques. Il a été démontré depuis que cette pratique provoque la fermeture des alvéoles, une diminution du taux d’oxygénation et, éventuellement, une hypoxémie persistante. Si le traitement du client nécessite qu’il soit sous ventilation mécanique avec une PEP, les mesures de la P.A. pulmonaire doivent se faire également sous ventilation mécanique avec une PEP. Dans ce cas, l’inrmière se e davantage à la tendance qui se dégage des mesures qu’aux mesures elles-mêmes. Autrement dit, ce n’est pas tant une mesure donnée ou la valeur absolue obtenue qui compte, mais plutôt la tendance observée, et c’est cette dernière qui servira de base aux interventions cliniques visant à suppléer et à améliorer la fonction cardiovasculaire chez un client qui est dans un état critique. Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

281

FIGURE 13.19

Courbes illustrant les répercussions de la ventilation sur la mesure de la pression artérielle (P.A.) pulmonaire. Il faut mesurer la P.A. pul­ monaire à la n de l’expiration, car c’est le moment où la précision de ces mesures est garantie. A En cas de ventilation en pression positive, la hausse de la pression intrathoracique durant l’inspiration pousse la courbe de P.A. pulmonaire vers le haut, ce qui conduit à une surestimation de cette dernière. B En cas de ventilation spontanée, la baisse de la pression intrathoracique durant l’inspiration tire la courbe de P.A. pulmonaire vers le bas, ce qui conduit à une sous­estimation de cette dernière.

Prévenir les complications Les complications cardiaques possibles du cathétérisme artériel pulmonaire comprennent l’arythmie ventriculaire, l’endocardite, les lésions valvulaires, la rupture du V.D. et la tamponnade cardiaque. Les complications pulmonaires sont les suivantes : rupture d’une artère pulmonaire, thrombose, embolie

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Partie 2

Système cardiovasculaire

ou hémorragie dans une artère pulmonaire et infarcissement d’un segment du poumon. Les courbes de P.A.P. relevées par le CAP doivent faire l’objet d’un monitorage continu, car ce cathéter pourrait progresser de lui-même et se retrouver en position bloquée. Or, si dans cette position il obstrue une artériole et que cette obstruction est prolongée, il peut provoquer l’infarcissement du segment

pulmonaire qui est irrigué par cette artériole. Dans ce cas, il faut le faire reculer doucement pour le débloquer et prévenir ainsi un infarctus pulmonaire. Il est très important de toujours garder la valve de gonement du ballonnet fermée pour ainsi éviter les gonements accidentels. Le port d’un CAP est toujours associé à un risque d’infection semblable à celui dont il a été question dans la section sur le CVC ENCADRÉ 13.3.

Retirer un cathéter artériel pulmonaire Bien qu’il soit nécessaire de vérier les procédures permises dans chacun des centres hospitaliers, toute inrmière en soins critiques peut retirer un cathéter artériel pulmonaire (CAP) en toute sécurité, pourvu qu’elle possède les compétences nécessaires (AACN, 2009a ; Oztekin, Akyolcu, Oztekin et al., 2008). En général, cette intervention n’entraîne pas de complications majeures. Cependant, des ESV sont parfois observées lorsque le CAP passe dans le V.D. (AACN, 2009a). Il va sans dire que l’inrmière prend connaissance de la méthode appropriée pour retirer le CAP en toute sécurité.

Mesure du débit cardiaque Le CAP permet de mesurer le débit cardiaque (D.C.) suivant deux méthodes : une méthode de mesure intermittente (bolus) et une méthode de mesure continue.

Mesure du débit cardiaque par thermodilution Pratiquée au chevet du client, la méthode par thermodilution (technique du bolus) permet de calculer le D.C. en litres par minute. Le D.C est calculé en faisant la moyenne de trois mesures effectuées successivement et dont les résultats varient au plus de 10 %. Un volume déterminé de soluté physiologique glacé (5 ml) ou, le plus souvent, à température ambiante (10 ml) est injecté dans la lumière proximale du CAP. L’injectat se déverse dans l’oreillette droite et se dilue dans le sang qui le transporte jusqu’à la thermistance (capteur de température) située près de l’extrémité distale du CAP. L’injection peut se faire manuellement au moyen de plusieurs seringues de soluté physiologique. Cependant, dans bien des cas, c’est un circuit fermé, relié à un sac de 500 ml de solution physiologique servant de réservoir, qui est utilisé pour chaque injection. Il arrive parfois que l’orice proximal (situé dans l’oreillette droite) soit obstrué par un thrombus et qu’il soit donc inutilisable. Si possible, une autre voie proximale débouchant dans l’oreillette droite est alors utilisée ; sinon, il faut changer le CAP pour obtenir des mesures précises du D.C.

Courbe du débit cardiaque La méthode de mesure du débit cardiaque (D.C.) par thermodilution repose sur l’enregistrement de la courbe de dilution d’un indicateur, en l’occurrence une température bien dénie. Elle est fondée sur le principe selon lequel la variation de la température

au l du temps est inversement proportionnelle au débit sanguin. Le D.C. peut donc être représenté sous la forme d’une courbe de température en fonction du temps FIGURE 13.20A. La plupart des moniteurs hémodynamiques afchent ce type de courbe qui est alors interprétée pour déterminer si l’injection du bolus a été bien effectuée. La courbe de D.C. normale a une pente ascendante douce, un pic arrondi et une pente descendante comportant des plateaux successifs. Un tracé irrégulier peut être attribuable à une mauvaise technique d’injection, auquel cas il faut refaire les mesures. Les mouvements du client peuvent également fausser les mesures du D.C. FIGURE 13.20B.

Température de l’injectat Si le D.C. se situe dans les limites de la normale, la valeur obtenue est able, que l’injectat ait été refroidi ou qu’il soit resté à la température ambiante. En revanche, si le D.C. est extrêmement élevé ou très bas, il faut refroidir l’injectat pour obtenir des mesures ables. Pour une précision optimale, il faut prévoir une différence d’au moins 10 °C entre la température de l’injectat et la température corporelle, et faire l’injection en moins de quatre secondes en manipulant le moins possible la seringue pour éviter de réchauffer l’injectat. Cette dernière précaution est particulièrement importante si l’injectat est glacé. Quelle que soit la méthode employée, la solution doit toujours être injectée dans l’oreillette droite à une phase particulière du cycle respiratoire, soit à la n de l’expiration.

13

Position du client et mesure du débit cardiaque Chez un client normovolémique dont l’état est stable, des mesures ables du débit cardiaque (D.C.) sont obtenues en décubitus dorsal (allongé sur le dos), pourvu que l’inclinaison de la tête de lit soit comprise entre 0 et 60° (AACN, 2009a). Il est important de prendre la mesure du D.C. selon la méthode préconisée dans l’établissement. Chez un client hypovolémique ou dont l’état est instable, ce qui est fréquemment rencontré aux soins critiques, la position la plus appropriée d’un point de vue clinique est le décubitus dorsal strict ou légèrement proclive, si un risque d’aspiration bronchique est présent. Les mesures relevées lorsque le client est en décubitus latéral (allongé sur le côté) sont moins précises que celles obtenues en décubitus dorsal.

Affections susceptibles d’inuer sur le débit cardiaque Les deux états pathologiques susceptibles de fausser les mesures du débit cardiaque (D.C.) sont la régurgitation tricuspidienne et la rupture du septum interventriculaire. En cas de régurgitation tricuspidienne, la circulation du sang de l’oreillette droite vers l’artère pulmonaire est perturbée par le reux du sang contenu dans le V.D. vers l’oreillette. Ce phénomène conduit à une sous-estimation du D.C. par la méthode de mesure par thermodilution. En présence d’un shunt gauche-droite, une anomalie observée après une rupture du septum interventriculaire, l’augmentation du volume de sang éjecté dans le Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

283

FIGURE 13.20

A Variation de la courbe normale de thermodilution par la technique du bolus. B Courbes anormales du D.C. donnant une mesure erronée

de ce dernier.

tronc pulmonaire conduit à une surestimation du D.C. par la méthode de mesure par thermodilution.

Monitorage effractif continu du débit cardiaque La méthode de mesure du débit cardiaque (D.C.) par thermodilution (technique du bolus) est able, mais elle est intermittente. Dans la pratique clinique, il est possible d’avoir recours à des méthodes de monitorage continu du D.C. L’une de ces méthodes repose sur l’utilisation d’un CAP équipé d’un lament thermique qui émet de faibles signaux (indicateur thermique) dans la circulation sanguine. Ces signaux sont détectés par la thermistance située près de l’extrémité distale du CAP. Leur analyse aboutit à la construction d’une courbe de dilution de l’indicateur thermique à partir de laquelle il est possible de calculer le D.C. Malgré le fait que cette méthode puisse exister, pour le moment au Québec c’est la mesure du D.C. par thermodilution qui est principalement utilisée dans les différents centres de la province.

284

Partie 2

Système cardiovasculaire

Prols hémodynamiques dérivés des calculs Lorsqu’un client porte un CAP aux ns d’un monitorage par thermodilution, il est possible de calculer d’autres paramètres hémodynamiques que le D.C. à partir des signes vitaux usuels, du D.C. ainsi que de la surface corporelle. Les formules uti lisées pour le calcul sont indexées à la surface corporelle. Les valeurs ainsi calculées qui ont servi à l’établissement des prols hémodynamiques sont présentées dans le TABLEAU 13.1. L’utilité clinique de ces prols est décrite dans deux études de cas. Le premier exemple consiste en une interprétation détaillée du prol hémodynamique 1 qui permet à l’inrmière de se familiariser avec l’utilisation des valeurs calculées ENCADRÉ 13.4. L’exemple 2, celui du prol hémodynamique 2, ne comprend que des valeurs indexées au poids ; il illustre les répercussions du traitement sur ces valeurs au l du temps ENCADRÉ 13.5.

ENCADRÉ 13.4

Exemple de prol hémodynamique 1a

HOSPITALISATION

Denis Savoie a des antécédents médicaux de cardiomyopathie et de maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC). Il est hospitalisé dans une unité de soins coronariens en raison d’une exacerbation de son insufsance cardiaque biventriculaire. Auparavant, il se plaignait d’une douleur angineuse et d’essoufements. Les problèmes découlant de la situation de santé sont une diminution du débit cardiaque et une altération des échanges gazeux.

Taille

1,63 m

P.A.D. pulmonaire

27 mm Hg

RVP

322 dyn∙sec/cm−5

Poids

79 kg

P.A.M. pulmonaire

36 mm Hg

IRVP

611 dyn∙sec/cm−5/m2

Surface corporelle

1,9 m2

PAPO

26 mm Hg

PVC

24 mm Hg

D.C.

2,48 L/min

TSVG

11,9 g-m/batt.

I.C.

1,31 L/min/m2

ITSVG

6,29 g-m/m2/batt.

88 mm Hg

V.E.S.

23,8 ml/batt.

51 mm Hg

V.E.S.I.

12,5 ml/m2/batt.

P.A.M.

63 mm Hg

RVS

1 258 dyn∙sec/cm−5

TSVD

3,88 g-m/batt.

P.A.S. pulmonaire

55 mm Hg

IRVS

2 381 dyn∙sec/cm−5/m2

ITSVD

2,04 g-m/m2/batt.

F.C. P.A. • Systolique • Diastolique

104 batt./min

13

ANALYSE b PROFIL

ANALYSE

F.C. (fréquence cardiaque)

F.C. de 104 batt./min supérieure aux limites normales (normale : 60 à 100 batt./min).

P.A. (pression artérielle)

Pression différentielle faible, à 88/51 mm Hg, et P.A.M. faible, à 63 mm Hg (P.A.M. normale : 70-100 mm Hg).

P.A.P. (pression artérielle pulmonaire)

P.A.P. élevée (55/27 mm Hg), ce qui correspond au diagnostic de cardiomyopathie et de défaillance du côté gauche du cœur.

PAPO (pression artérielle pulmonaire d’occlusion)

PAPO élevée (26 mm Hg), ce qui correspond au diagnostic de cardiomyopathie et de défaillance du côté gauche du cœur (PAPO normale : 6-12 mm Hg).

PVC (pression veineuse centrale)

PVC élevée (24 mm Hg), ce qui correspond au diagnostic de cardiomyopathie, de défaillance du côté droit du cœur et de MPOC (PVC normale : 2-6 mm Hg).

D.C. (débit cardiaque) et I.C. (index cardiaque)

D.C. et I.C. faibles (D.C. : 2,48 L/min ; I.C. : 1,31 L/min/m2). Les deux valeurs sont en dessous de la normale (D.C. normal : 4-8 L/min ; I.C. normal : 2,5-4,0 L/min/m2).

V.E.S. (volume d’éjection systolique) et volume d’éjection systolique indexé (V.E.S.I.)

V.E.S. et V.E.S.I. faibles (V.E.S. : 23,8 ml ; V.E.S.I. : 12,5 ml/m2/batt.). Ces résultats étaient à prévoir, étant donné le faible D.C. (V.E.S. normal : 60-100 ml ; V.E.S.I. normal : 33-47 ml/min/m2/batt.).

RVS (résistance vasculaire) et IRVS (index de résistance vasculaire systémique)

RVS et IRVS légèrement aux limites supérieures à la normale (RVS : 1 258 dyn ∙sec/cm−5 ; IRVS : 2 381 dyn∙sec/cm−5/ m2). Ces valeurs ne peuvent pas être corrélées avec le faible D.C. pour le moment (RVS normale : 800-1 200 dyn∙sec/cm−5 ; IRVS normal : 1 970-2 390 dyn∙sec/cm−5/m2).

RVP (résistance vasculaire pulmonaire) et IRVP (index de résistance vasculaire pulmonaire)

RVP et IRVP élevés (RVP : 322 dyn∙sec/cm−5 ; IRVP : 611 dyn∙sec/cm−5/m2). La RVP élevée peut être à l’origine du faible D.C. (RVP normale : < 250 dyn ∙sec/cm−5 ; IRVP normal : 255-285 dyn∙sec/cm−5/m2).

ITSVG (index de travail systolique ventriculaire gauche)

L’ITSVG est en dessous de la normale ; ITSVG : 6,29 g-m/m2/batt., ce qui indique de possibles lésions du myocarde dans le V.G. Cela correspond au diagnostic de cardiomyopathie de monsieur Savoie (ITSVG normal : 50-62 g-m/m2/batt.).

Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

285

ENCADRÉ 13.4

Exemple de prol hémodynamique 1a (suite)

PROFIL

ANALYSE

ITSVD (index de travail systolique ventriculaire droit)

ITSVD à la limite inférieure de la normale (ITSVD : 2,04 g-m/m2/batt.), ce qui indique de possibles lésions du myocarde dans le V.D. Cela concorde avec le diagnostic de cardiomyopathie de monsieur Savoie et ses antécédents de MPOC (ITSVD normal : 5-10 g-m/m2/batt).

Interprétation de l’inrmière

Les données hémodynamiques conrment l’interprétation clinique de l’inrmière concernant le faible D.C. L’objectif est d’améliorer le D.C. pour le ramener dans les limites acceptables à la dysfonction du myocarde de monsieur. Savoie et à sa MPOC. À mesure que le D.C. augmentera et que la P.A. pulmonaire diminuera, la congestion pulmonaire sera moindre, ce qui améliorera les échanges gazeux alvéolaires.

a

Les valeurs ayant été calculées à partir d’un moniteur cardiaque, les résultats d’un calcul manuel peuvent parfois différer.

b

Les formules et les valeurs normales des paramètres hémodynamiques gurent dans le TABLEAU 13.1 et l’ANNEXE B.

ENCADRÉ 13.5

Exemple de prol hémodynamique 2a

HOSPITALISATION

Jeannie Laliberté a été hospitalisée à l’unité de soins critiques en raison d’un œdème pulmonaire. Elle a des antécédents d’infarctus de la paroi antérieure du myocarde et de MPOC grave. Taille

1,59 m

P.A.M.

106 mm Hg

V.E.S.I.

9,9 ml/m2/batt.

Poids

45,8 kg

P.A.S. pulmonaire

53 mm Hg

IRVS

5 353 dyn∙sec/cm−5/m2

Surface corporelle

1,40 m2

P.A.D. pulmonaire

27 mm Hg

IRVP

554 dyn∙sec/cm−5/m2

P.A.M. pulmonaire

36 mm Hg

PAPO

27 mm Hg

ITSVG

10,6 g-m/m2/batt.

PVC

19 mm Hg ITSVD

2,2 g-m/m2/batt.

F.C.

131 batt./min

P.A. • Systolique

160 mm Hg

D.C.

1,82 L/min

• Diastolique

80 mm Hg

I.C.

1,3 L/min/m2

ANALYSEb

Dans le prol hémodynamique ci-dessus, il convient de noter la F.C. rapide ; la P.A.M., la pression artérielle (P.A.) pulmonaire et la pression de remplissage et la PVC élevées ; les faibles I.C., V.E.S.I., ITSVG et ITSVD ; les valeurs élevées de l’IRVS et de l’IRVP. Ces valeurs concordent avec un diagnostic de défaillance du côté gauche du cœur susceptible d’entraîner un œdème pulmonaire, puis un choc cardiogénique. Le traitement est axé sur l’augmentation de l’I.C. par la réduction de l’IRVS et de l’IRVP ainsi que par l’administration de nitroprussiate de sodium et de nitroglycérine par voie I.V. en perfusion continue. TROIS HEURES PLUS TARD

Taille

1,59 m

P.A.M.

81 mm Hg

V.E.S.I.

16,5 ml/m2/batt.

Poids

45,8 kg

P.A.S. pulmonaire

41 mm Hg

IRVS

3 010 dyn∙sec/cm−5/m2

Surface corporelle

1,40 m2

P.A.D. pulmonaire

26 mm Hg

IRVP

215 dyn∙sec/cm−5/m2

P.A.M. pulmonaire

31 mm Hg

PAPO

26 mm Hg

ITSVG

12,34 g-m/m2

F.C.

286

113 batt./min

Partie 2

Système cardiovasculaire

ENCADRÉ 13.5

Exemple de prol hémodynamique 2 (suite)

P.A.

PVC

11 mm Hg

• Systolique

104 mm Hg

D.C.

2,61 L/min

ITSVD

• Diastolique

69 mm Hg

I.C.

1,86 L/min/m2

4,48 g-m/m2/batt.

ANALYSE

Les résultats obtenus trois heures après l’administration de nitroprussiate de sodium indiquent une amélioration des paramètres hémodynamiques se traduisant par une P.A.M. normale et une baisse des pressions de remplissage intracardiaques (P.A. pulmonaire et PVC). Cependant, l’I.C.et l’V.E.S.I. restent bas ; l’IRVS est au-dessus de la normale. Madame Laliberté souffre encore d’une insufsance ventriculaire gauche grave liée à son faible I.C. LE LENDEMAIN

Taille

1,59 m

P.A.M.

77 mm Hg

V.E.S.I.

22,5 ml/m2/batt.

Poids

45,8 kg

P.A.S. pulmonaire

31 mm Hg

IRVS

2 495 dyn∙sec/cm−5/m2

Surface corporelle

1,40 m2

P.A.D. pulmonaire

15 mm Hg

IRVP

171 dyn∙sec/cm−5/m2

P.A.M. pulmonaire

20 mm Hg

PAPO

15 mm Hg

ITSVG

18,97 g-m/m2/batt.

PVC

4 mm Hg ITSVD

4,89 g-m/m2/batt.

F.C.

104 batt./min

P.A. • Systolique

111 mm Hg

D.C.

3,28 L/min

• Diastolique

60 mm Hg

I.C.

2,34 L/min/m2

13

ANALYSE

Le lendemain, le prol hémodynamique de madame Laliberté s’est amélioré grâce à l’utilisation continue de nitroprussiate de sodium et de nitroglycérine. L’I.C. se situe dans l’intervalle faible-normal, alors que les valeurs de l’IRVS et de l’IRVP sont dans l’intervalle élevé-normal. L’ITSVG reste faible, ce qui reète l’altération du V.G. de la cliente causée par l’infarctus de la paroi antérieure du myocarde. D.C. : débit cardiaque ; F.C. : fréquence cardiaque ; I.C. : index cardiaque ; IRVP : index de résistance vasculaire pulmonaire ; IRVS : index de résistance vasculaire systémique ; ITSVD : index de travail systolique ventriculaire droit ; ITSVG : index de travail systolique ventriculaire gauche ; P.A. : pression artérielle ; P.A.M. : pression artérielle moyenne ; PAPO : pression artérielle pulmonaire d’occlusion ; P.A.S. : pression artérielle systolique ; PVC : pression veineuse centrale ; RVP : résistance vasculaire pulmonai re ; RVS : résistance vasculaire systémique ; V.E.S. : volume d’éjection systolique ; V.E.S.I. : volume d’éjection systolique indexé. a b

Les valeurs ayant été calculées à partir d’un moniteur cardiaque, les résultats d’un calcul manuel peuvent parfois différer. L’ENCADRÉ 13.4 fournit la liste des abréviations ; le TABLEAU 13.1 et l’ANNEXE B expliquent les valeurs hémodynamiques.

Méthodes de mesure du débit cardiaque non effractives ou minieffractives Les risques liés au cathétérisme artériel pulmonaire, tels que les perçoivent les médecins, et le fait que les essais cliniques n’ont pas mis en évidence une amélioration des résultats avec cette méthode de monitorage systématique ont fait naître un très vif intérêt pour la mise au point de méthodes de mesure du débit cardiaque (D.C.) moins effractives. Les deux méthodes non effractives utilisées sont l’échocardiographie et la bio-impédance. Les méthodes minieffractives reposent sur le cathétérisme vasculaire ou l’utilisation d’une sonde œsophagienne TABLEAU 13.5 . Toutes ces méthodes ont été comparées avec la méthode de mesure par thermodilution associée au cathétérisme artériel pulmonaire. Il est

à noter que plusieurs de ces technologies sont récentes et ne sont pas encore utilisées dans les centres hospitaliers du Québec.

Bio-impédance thoracique électrique La bio-impédance thoracique électrique est une méthode non effractive de mesure continue du D.C. La cardiographie d’impédance consiste à produire un courant alternatif de faible amplitude et de haute fréquence qui traverse le thorax au moyen de quatre électrodes de surface. Les deux premières électrodes sont placées à la base du cou, sous l’oreille, et les deux autres, sur la ligne axillaire moyenne, à la hauteur de la partie moyenne de l’appendice xiphoïde (Malfatto, Blengino, Perego et al., 2012). Les électrodes détectent les variations de l’impédance électrique dans le thorax.

Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

287

Collecte des données TABLEAU 13.5 NOM DU DISPOSITIF

Mesure du débit cardiaque POSITION DU CATHÉTER OU DE LA SONDE

MÉTHODE

CALCUL DU DÉBIT CARDIAQUE

CONSIDÉRATIONS CLINIQUES

Bio-impédance électrique thoracique

1. Des électrodes de surface produisent un courant alternatif qui traverse le thorax. 2. Les variations pulsatiles du volume sanguin intrathoracique entraînent des modications de l’impédance électrique. Le débit cardiaque (D.C.) est calculé à partir des variations d’impédance mesurées durant la systole.

• Méthode non effractive dont la abilité diminue lorsque la température corporelle est basse.

Méthodes non effractives Bio-impédance*

Des électrodes de surface sont placées sur le cou et le thorax.

Méthodes minieffractives Analyse du contour de l’onde de pouls artériel LiDCOMD (LiDCO Ltd., Cambridge, RoyaumeUni)*

Nécessite la mise en place d’un cathéter veineux (central ou périphérique) et d’un cathéter artériel muni d’un capteur qui détecte la concentration de lithium.

Analyse du contour de l’onde de pouls artériel (avec calibrage)

Un calibrage indépendant par la technique de dilution du lithium est préalablement nécessaire : 1. Une faible dose de chlorure de lithium isotonique est injectée par la voie veineuse. 2. Le lithium est détecté par le capteur du cathéter artériel placé dans l’artère fémorale, où une minipompe impose un débit de prélèvement constant. 3. La courbe de concentration du lithium en fonction du temps est enregistrée avant la recirculation. 4. Le D.C. est calculé à partir de la dose de lithium administrée et de l’aire sous la courbe.

• Dispositif facile à congurer ; technique ne nécessitant pas l’utilisation de cathéters veineux ou artériel spécialisés ; possibilité de mesurer l’eau pulmonaire extravasculaire en cas d’œdème pulmonaire. • La présence d’artefacts sur les courbes de P.A., un amortissement de ces courbes ou leur irrégularité inuent sur la mesure du D.C. • Cette méthode peut être utilisée aussi bien pour un client conscient qu’inconscient. • Nécessite d’effectuer un recalibrage au moins toutes les huit heures pour garantir la précision des mesures. • Technique ne pouvant être utilisée pour un client traité par du lithium, car le traitement pourrait interférer avec le calibrage.

PiCCO2MD (Pulsion Medical Systems, Munich, Allemagne) *

Nécessite l’installation d’un CVC et d’un cathéter artériel fémoral spécialisé muni à son extrémité distale d’une thermistance.

Analyse du contour de l’onde de pouls artériel reposant sur un calibrage par thermodilution transpulmonaire

1. Un volume déterminé de solution physiologique glacée est injecté dans le CVC. La thermistance distale du cathéter artériel détecte la variation de température du sang. 2. L’analyse de la partie systolique de la courbe de P.A. enregistrée permet de mesurer le D.C. en continu.

• La présence d’artefacts sur les courbes de P.A. ou l’irrégularité de celles-ci inuent sur la mesure du D.C. • Nécessite de procéder initialement à trois calibrages, puis de recalibrer fréquemment le dispositif pour garantir la précision des mesures.

288

Partie 2

Système cardiovasculaire

TABLEAU 13.5

Mesure du débit cardiaque (suite)

NOM DU DISPOSITIF

POSITION DU CATHÉTER OU DE LA SONDE

MÉTHODE

CALCUL DU DÉBIT CARDIAQUE

CONSIDÉRATIONS CLINIQUES

VigileoMD (Edwards Lifesciences, Irvine, Californie)

Nécessite l’installation d’un cathéter artériel fonctionnel.

Analyse du contour de l’onde de pouls artériel (calibrage inutile)

1. Le calcul du D.C. s’effectue à partir de l’analyse du contour de l’onde de pouls artériel et des données du client (âge, sexe, taille, poids). 2. L’algorithme interne breveté est fondé sur le principe voulant que la pression différentielle (différence entre les pressions systolique et diastolique) est proportionelle au V.E.S. et inversement proportionnelle à la compliance aortique. 3. La pression aortique est calibrée à 100 Hz et mise à jour toutes les 20 secondes.

• Il n’est pas nécessaire de procéder à un calibrage externe, mais il faut mettre le transducteur à niveau. • Le fait qu’aucun calibrage n’est nécessaire suscite la controverse.

13

Méthodes faisant appel à une sonde œsophagienne Doppler œsophagien

Pose d’une sonde à ultrasons dans le bas de l’œsophage

Calcul du V.E.S. à partir de la mesure de la vitesse du sang dans l’aorte descendante (par doppler continu) et du calcul de la surface de section de l’aorte ; ces va­ leurs permettent de calculer le D.C.

1. Le calcul du ux sanguin ou du D.C. (produit de la surface aortique mesu­ rée par échographie en mode M et de la vitesse sanguine) est effectué. 2. La valeur du D.C. total est dérivée d’un nomogramme établi en fonc­ tion de la vitesse du sang aortique, de la taille, du poids et de l’âge du client.

• Méthode se révélant utile au bloc opératoire ou pour les clients sous sédation. • Comme la sonde est rigide, son installation n’est pas bien tolérée par les clients conscients.

Échocardiographie transœsophagienne (ETO)

Pose d’une sonde à ultrasons dans l’œsophage

La position de la sonde permet de visualiser la voie d’éjection du V.G. Le V.E.S. est me­ suré par doppler.

1. La surface de section de la voie d’éjection ventriculaire gauche est mesurée, elle est élevée au carré, puis elle est multipliée par l’intégrale temps­vitesse du ux aortique et la F.C. 2. Le volume d’éjection systolique V.E.S. du V.G. et la F.C. sont obte­ nus, ce qui permet de calculer le D.C. à l’aide de la formule suivante : V.E.S. × F.C. = D.C.

• Méthode se révélant utile au bloc opératoire ou pour les clients sous sédation. • Comme la sonde est rigide, son installation n’est pas bien tolérée par les clients conscients. • Nécessite de maîtriser la technique de pose de la sonde an de bien visualiser la voie d’éjection ventriculaire gauche.

Mesure du D.C. à partir des varia­ tions de la concentration en CO2 obtenue durant une courte période de réinhalation. L’élimination du CO2 est calculée à l’aide de capteurs qui mesurent les débits et les pressions dans les voies respiratoires ainsi que la concentration en CO2. Ce sont ces variations qui sont utilisées dans l’équation de Fick appliquée au CO2 pour calculer le D.C.

• Technique pouvant être utilisée seulement pour les clients intubés et sous ventilation mécanique. • Nécessite de brancher un circuit additionnel au circuit respiratoire. • Technique à proscrire chez les clients qui ne peuvent tolérer une hypercapnie (concentration élevée en CO2). • Un shunt intrapulmonaire peut altérer la mesure du D.C.

Technique de la réinhalation partielle du dioxyde de carbone (CO2) NICOMD (Philips, Respironics)*

Branchement d’un circuit de réinhalation partielle du CO2 sur le circuit respiratoire

Technique de la réinhalation partielle du CO2

* Méthode encore peu ou pas utilisée au Québec.

Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

289

La circulation du sang dans l’aorte thoracique modie l’impédance, et les données obtenues permettent de calculer le V.E.S. et le D.C. en continu. Le recours à la bio-impédance thoracique électrique est rare en milieu hospitalier. L’une des raisons invoquées tient au fait que si cette méthode fournit de l’information sur le D.C., elle ne fournit aucune autre donnée clinique susceptible d’orienter le traitement, pas même la pression de remplissage des cavités cardiaques (Kamath, Drazner, Tasissa et al., 2009).

Courbe de pression artérielle : méthode de l’analyse du contour de l’onde de pouls artériel L’analyse du contour de l’onde de pouls artériel est une méthode minieffractive comparativement à la mesure du D.C. au moyen d’un CAP. Elle nécessite la mise en place d’un cathéter veineux et d’un cathéter artériel fonctionnels. Les mesures du V.E.S. et du D.C. sont dérivées de la courbe de P.A., c’està-dire de l’analyse du contour de celle-ci. Cette méthode comporte un avantage certain : il n’est pas nécessaire d’intuber le client ni de le mettre sous sédation pour qu’il puisse tolérer le monitorage. Trois systèmes de monitorage commerciaux reposant sur l’analyse du contour de l’onde de pouls artériel ont fait l’objet d’essais cliniques menés auprès de clients dans un état critique.

| Mesure du débit cardiaque par dilution du lithium (LiDCOMD) | Le dispositif de mesure du débit cardiaque (D.C.) par dilution du chlorure de lithium (LiDCOMD, de l’anglais lithium dilution cardiac output; LiDCO Ltd., Royaume-Uni) évalue la puissance de l’onde de pouls artériel et détecte les variations de celle-ci, qui reètent des variations du V.E.S. Le LiDCOplusMD associe deux systèmes : un système de calibrage initial et un système d’analyse continue du contour de l’onde de pouls artériel reposant sur un algorithme breveté. Pour obtenir une mesure initiale précise du V.E.S. et du D.C. aux ns du calibrage initial, une faible dose de lithium est injectée par la voie veineuse. La concentration en lithium est enregistrée par le capteur du cathéter artériel. Les valeurs enregistrées au moyen de ce système sont comparables à celles obtenues par la méthode de mesure du D.C. par thermodilution (Cecconi, Dawson, Casaretti et al., 2010 ; Hadian, Kim, Severyn et al., 2010 ; Mora, Ince, Birkenberg et al., 2011). Il est nécessaire de recalibrer le dispositif pour établir une nouvelle valeur initiale toutes les quatre à huit heures (Sundar & Panzica, 2010). Il existe également un dispositif d’analyse du contour de l’onde de pouls non calibré, le LiDCOrapid MD. En général, il semble que le taux de précision des mesures du D.C. est plus faible avec les systèmes non calibrés qu’avec la thermodilution (technique du bolus) (Broch, Renner, Höcker et al., 2011). | Mesure du débit cardiaque par analyse du contour de l’onde de pouls artériel (PiCCO2MD) | Le système PiCCO2MD (de l’anglais pulse index contour cardiac output ; Pulsion Medical Systems, Allemagne) permet de mesurer le débit cardiaque (D.C.) au

290

Partie 2

Système cardiovasculaire

moyen de deux techniques : la thermodilution transpulmonaire (valeur initiale du D.C.) et la mesure continue du D.C. d’après l’analyse de la partie systolique de la courbe de P.A. (Litton & Morgan, 2012 ; Oren-Grinberg, 2010). Pendant la conguration initiale de ce système, il est nécessaire de procéder à trois calibrages à l’aide d’un soluté physiologique refroidi (injection par voie veineuse et détection par un capteur se trouvant sur le cathéter artériel). L’injection peut être effectuée par voie veineuse jugulaire ou fémorale. Comme le temps de transit est plus long avec la voie veineuse qu’avec la voie artérielle fémorale, une surestimation systématique du D.C est obtenue. Cela dit, lorsque l’inrmière est consciente de cette lacune, il suft, pour la combler, de suivre la tendance des mesures plutôt que les mesures en tant que telles (Schmidt, Westhoff, Hofmann et al., 2007). Le fabricant recommande de recalibrer le dispositif toutes les huit heures ; selon les chercheurs, il est nécessaire de répéter les calibrages toutes les quatre à six heures, voire toutes les heures pour garantir la précision des mesures du D.C. (Hamzaoui, Monnet, Richard et al., 2008 ; Hofer, Ganter & Zollinger, 2007 ; Morgan, Al-Subaie & Rhodes, 2009). En outre, le système PiCCO2MD permet de surveiller d’autres paramètres cliniques dignes d’intérêt susceptibles d’orienter l’approche thérapeutique pour le client qui est dans un état critique. Par exemple, il est possible de mesurer l’eau pulmonaire extravasculaire, c’est-à-dire le volume d’eau accumulé dans le tissu pulmonaire, qui est un marqueur de l’œdème pulmonaire (Oren-Grinberg, 2010). Le volume d’eau contenu dans les poumons augmente en cas d’insufsance cardiaque, de pneumonie et de septicémie, et il est associé à une hausse de la mortalité. Par conséquent, la mesure de l’eau pulmonaire extravasculaire peut être utile pour la prise de décision clinique (traitement par un diurétique ou par expansion volémique). L’analyse du contour de l’onde de pouls artériel permet de surcroît de mesurer la variation du V.E.S., et donc d’apprécier la volémie. Ainsi, la différence entre le V.E.S. maximal et le V.E.S. minimal au cours des 30 secondes précédant la mesure assure le calcul. L’inconvénient de la mesure de ce paramètre est qu’elle ne peut être effectuée que pour les clients sous ventilation mécanique, à condition qu’il ne persiste aucune activité respiratoire spontanée. Autrement dit, elle est réservée aux clients qui sont sous anesthésie ou sous sédation, ou à ceux qui souffrent d’une paralysie médicamenteuse induite par un curare (Oren-Grinberg, 2010).

| Mesure du débit cardiaque par analyse du contour de l’onde de pouls artériel (VigileoMD) | Le moniteur VigileoMD (Edwards Lifesciences, Irvine, Californie, É.-U.) fait lui aussi appel à la technique de l’analyse du contour de l’onde de pouls artériel, mais il se distingue par le fait qu’aucun calibrage n’est nécessaire. En fait, un capteur spécialisé (FloTracMD) qui peut être connecté à n’importe quel cathéter

artériel standard enregistre l’onde de pouls à une fréquence de 100 Hz et permet ainsi l’enregistrement de la courbe du pouls artériel. Un algorithme breveté permet d’estimer le V.E.S. et le D.C. à partir de ces données et des variables propres au client (âge, sexe, poids) (Button, Weibel, Reuthebuch et al., 2007 ; Morgan et al., 2009). Les résultats des études de validation de ce dispositif sont contradictoires : certains chercheurs ont conclu qu’il ne fournissait pas toujours des mesures précises du D.C. ; d’autres ont établi au contraire qu’il permettait de détecter avec précision les variations des paramètres hémodynamiques après l’administration de vasopresseurs (Button et al., 2007 ; Morgan et al., 2009). Les systèmes d’analyse du contour de l’onde de pouls artériel reposent sur différentes méthodes brevetées d’estimation de l’impédance aortique. Par conséquent, même si ces différentes méthodes fournissent des D.C. moyens similaires, elles analysent différemment les tendances en fonction du temps à la suite d’interventions volémiques ou inotropes (Hadian et al., 2010 ; Monnet, Anguel, Naudin et al., 2010).

autre capteur mesure le débit de l’air dans le circuit pour recueillir les données pendant le cycle respiratoire. La production de CO2 est égale au produit de la ventilation-minute et de la concentration en CO2. Le contenu du sang artériel en CO2 est dérivé du CO2 en n d’expiration et de la courbe de dissociation du CO2. Les variations de ces paramètres permettent ensuite de calculer le D.C. (Young & Low, 2010). Les études de validation ayant porté sur la précision du D.C. ainsi calculé ont donné des résultats divergents ; ceci pourrait être attribuable au fait que les clients étaient dans un état critique et qu’ils avaient un shunt intrapulmonaire. Enn, ce dispositif nécessite, lui aussi, des calibrages fréquents. Il est fort probable que ces nouvelles technologies s’amélioreront au l du temps. Cette tendance est renforcée par la volonté de substituer au cathétérisme artériel pulmonaire des méthodes de mesure moins effractives. Ces dernières comportent toutes des avantages et des inconvénients qui leur sont propres et, de toute évidence, d’autres innovations se prolent à l’horizon.

| Mesure du débit cardiaque par doppler œsophagien | L’œsophage est utilisé comme source de données du monitorage du débit cardiaque (D.C.) pour les clients sous sédation profonde ou sous anesthésie générale au bloc opératoire. Le doppler œsophagien est considéré comme étant une méthode moins effractive que la pose d’un CAP. La technique d’insertion de la sonde œsophagienne est semblable à celle utilisée pour les sondes gastriques, si ce n’est que la sonde œsophagienne est relativement rigide (Turner, 2003). La sonde œsophagienne est positionnée à une distance de 35 à 40 cm des dents. Son extrémité doit être située à la hauteur des vertèbres T5 et T6, puisqu’à ce niveau, l’œsophage est parallèle à l’aorte descendante (Turner, 2003). Il existe au moins trois types de moniteur de doppler œsophagien qui font appel à différentes méthodes brevetées de mesure du D.C. (Schober, Loer & Schwarte, 2009). Lorsque la sonde est placée correctement, le degré de précision des mesures du D.C. par doppler œsophagien est élevé (Schober et al., 2009). En fait, il dépend de deux facteurs : la position de la sonde et les compétences de l’opérateur (Robert, Floccard, Crozon et al., 2012).

13.1.5

| Mesure du débit cardiaque par la méthode de réinhalation partielle du dioxyde de carbone | Un autre dispositif de mesure du débit cardiaque (D.C.) repose sur la réinhalation partielle du dioxyde ce carbone (CO2) et sur l’application de l’équation de Fick modié au CO2. Ce dispositif de mesure non effractive du D.C. (NICOMD, de l’anglais non invasive cardiac output; Novametrix Medical Systems Inc., Wallingford, Connecticut, É.-U.) nécessite le branchement d’un circuit supplémentaire (boucle) de réinhalation sur le circuit d’un respirateur ; par conséquent, il ne peut être utilisé que pour les clients intubés sous ventilation mécanique. Un capteur mesure la concentration en CO2 (absorption de rayons infrarouges) et un

13

Monitorage continu de la saturation du sang veineux en oxygène

Indications Le monitorage continu de la saturation du sang veineux mélangé en oxygène (SvO2) est indiqué pour le client dans un état critique et prédisposé à un déséquilibre entre l’apport d’oxygène aux tissus et les besoins métaboliques de ceux-ci, notamment celui étant en état de choc grave ou ayant une septicémie grave, celui ayant subi une chirurgie cardiaque à haut risque et celui ayant un SDRA (Walley, 2011). Le monitorage continu de la SvO 2 permet de quantier l’adéquation entre l’apport d’oxygène aux tissus (saturation du sang artériel en oxygène [SaO2]) et les besoins en oxygène de ceux-ci à partir d’un échantillon de sang appauvri en oxygène prélevé à l’extrémité distale du CAP. Cet échantillon permet de mesurer la SvO2, car il s’agit d’un mélange de sang veineux provenant des différents tissus de l’organisme. La technologie employée est celle des bres optiques, et c’est sur elle que reposent également certains CVC triple lumière à bres optiques. Dans ce cas, l’échantillon de sang veineux est prélevé dans la veine cave supérieure, juste en amont de l’oreillette droite, et la SvcO2 est alors mesurée. Dans des conditions physiologiques, c’est le système cardiorespiratoire qui maintient l’équilibre entre les apports d’oxygène et les besoins en oxygène. Cet équilibre dépend de quatre facteurs : 1) le D.C. ; 2) le taux d’hémoglobine (Hb) ; 3) la SaO2 ; 4) le métabolisme tissulaire. Trois de ces facteurs, à savoir le D.C., le taux d’Hb et la SaO2, déterminent l’apport d’oxygène aux tissus. Le métabolisme tissulaire correspond quant à lui à la consommation d’oxygène (VO2), soit la quantité d’oxygène extraite par les tissus, laquelle détermine Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

291

B L’annexe B, Formules phy­ siologiques en soins criti­ ques, présente les formules qui utilisent les valeurs de la SvO2.

les besoins en oxygène. La FIGURE 13.21 illustre les relations qui existent entre ces facteurs. Outre la mesure de la saturation du sang veineux en oxygène, il est également possible de calculer la quantité d’oxygène (en ml/min) fournie aux tissus par le système cardiorespiratoire et d’évaluer la quantité d’oxygène consommée par les tissus. Ces calculs reposent sur les principes physiologiques du transport de l’oxygène, et les valeurs obtenues permettent de calculer la SvO2TABLEAU 13.6 B .

Cathéters La SvO2 peut être mesurée au moyen de deux types de cathéter qui se distinguent par l’emplacement des bres optiques nécessaires à la mesure : ces bres se trouvent à l’extrémité du CVC et à l’extrémité distale du CAP.

Cathéter de mesure de la saturation du sang veineux mélangé en oxygène Le CAP à bres optiques permettant de mesurer la saturation du sang veineux mélangé en oxygène (SvO2) possède les quatre lumières standard et une cinquième lumière équipée de deux ou trois bres optiques. Ces bres sont reliées à un module optique qui est lui-même connecté à un micro-ordinateur de chevet. Le module optique transmet un faisceau lumineux étroit à une bre optique. Le faisceau, qui se propage le long de la fibre, est réfléchi par

l’hémoglobine et renvoyé au module optique par une bre optique réceptrice. Le signal de la SvO2 est enregistré et afché en continu.

Cathéter de mesure de la saturation du sang veineux central en oxygène La mesure de la saturation du sang veineux central en oxygène (SvcO2) s’effectue au moyen d’un CVC multilumière. Dans ce cas, les bres optiques se trouvant à l’extrémité du cathéter reposent dans une veine centrale, comme la veine cave supérieure. La technique de mesure de la saturation du sang veineux est la même que celle décrite pour le CAP, et dans les deux cas, le même moniteur d’afchage continu est utilisé. Le cathéter de mesure de la SvcO2 permet d’orienter de façon satisfaisante la réanimation hémodynamique et liquidienne du client ayant une septicémie (Christensen, 2012). Les relations entre les valeurs obtenues au moyen d’un CAP standard (SvO2), d’une part, et celles obtenues au moyen d’un CVC (SvcO2), d’autre part, sont très similaires, si ce n’est que la SvcO2 est légèrement plus élevée. De plus, la tendance des mesures parallèles (à la hausse ou à la baisse, selon l’état du client) est la même dans la plupart des cas.

Calibrage des cathéters de mesure de la saturation du sang veineux en oxygène Le cathéter est calibré avant son insertion grâce à un code de couleurs de référence normalisé fourni dans l’emballage. La technique d’insertion et le point d’insertion sont les mêmes que ceux retenus pour la pose d’un cathéter standard. L’analyse du contour de la courbe ou les mesures de la SvO2 peuvent servir de guide pour bien positionner le cathéter. Une fois que ce dernier est en place, il est inutile de procéder à d’autres calibrages, à moins qu’il n’ait été déconnecté du module optique. Pour recalibrer le module optique an de garantir la précision des mesures lorsque le cathéter est en place, il faut prélever un échantillon de sang veineux mélangé ou de sang veineux central au moyen de la lumière appropriée et l’envoyer au laboratoire aux ns d’une gazométrie. Il s’agit, dans de nombreuses unités de soins critiques, d’une procédure quotidienne standard qui permet de vérier que les mesures utilisées pour soigner le client sont précises (Jesurum, 2004).

Soins et traitements inrmiers

FIGURE 13.21

La saturation du sang veineux mélangé en oxygène (SvO2) dépend de plusieurs facteurs. A Le débit cardiaque (D.C.) est le produit de la fréquence cardiaque (F.C.) et du volume d’éjection systolique (V.E.S.). B La saturation du sang artériel en oxygène (SaO2), le taux d’hémoglobine (Hb) et le D.C. déterminent le transport artériel de l’oxygène aux tissus. C Les tissus extraient l’oxygène du sang pour l’utiliser. Ce processus de consommation cellulaire d’oxygène correspond à la consom­ mation d’oxygène par les tissus (VO2). D Le sang atteint la veine cave supérieure (où la SvcO2 est enregistrée), puis il est éjecté dans l’artère pulmonaire (où la SvO2 est enregistrée).

292

Partie 2

Système cardiovasculaire

Le monitorage de la SvO2 permet d’évaluer en permanence l’adéquation entre l’apport d’oxygène et les besoins en oxygène pour un client donné. Il incombe à l’inrmière d’évaluer la SvO2 ou la SvcO2, selon le cas, ainsi que les quatre facteurs (SaO2, D.C., taux d’Hb et VO2) qui contribuent au maintien de l’équilibre entre l’apport d’oxygène et les besoins en oxygène.

Collecte des données TABLEAU 13.6

Calculs relatifs à la physiologie du transport de l’oxygène

NOM

Saturation du sang artériel en oxygène (SaO2)

FORMULE

HbO2 Hb + HbO2

× 100

VALEURS NORMALES

EXPLICATIONS

95 %

• La SaO2 est déterminée à partir de la quantité d’O2 lié à l’Hb, laquelle est alors appelée oxyhémoglobine (HbO2). L’HbO2 est divisée par le taux d’hémoglobine totale (Hb + HbO2). Normalement, 96 % de l’O2 est lié à l’Hb.

Contenu du sang en oxygène

• Le contenu en O2 du sang correspond à la quantité d’O2 dissous dans 100 ml (1 dl) de sang. Elle peut être calculée pour le sang artériel (CaO2) et pour le sang veineux (CvO2). Elle combine l’O2 dissous (PaO2) et la saturation en O2 (SaO2), et elle s’exprime en ml/100 ml de sang.

CaO2 (artériel)

(O2 dissous) + (saturation en O2)

19-20 ml/100 ml de sang

CvO2 (veineux)

(PO2 × 0,003) + (1,34 × Hb × SO2)*

12-15 ml/100 ml de sang

Transport de l’oxygène dans le sang (c.-à-d. distribution de l’O2)

D.C. × CaO2 × 10 (artériel)

1 000 ml/min

D.C. × CvO2 × 10 (veineux)

750 ml/min

Consommation d’oxygène par les tissus (VO2)

Transport de l’O2 artériel moins transport de l’O2 veineux : (D.C. × CaO2 × 10) − (D.C. × CvO2 × 10)

250 ml/min

• La consommation d’O2 est la quantité d’O2 consommé par les tissus en une minute. • Pour calculer la VO2, il faut connaître les valeurs du transport de l’O2 artériel et du transport de l’O2 veineux (calculés en ml/min). La différence entre le premier et le second correspond à la VO2.

Différence artério-veineuse en oxygène (différence a-v O2)

Contenu en O2 artériel moins contenu en O2 veineux : CaO2 − CvO2

3,0-5,5 ml/100 ml de sang

• La différence a-v O2 correspond à la différence entre la CaO2 et la CvO2. Comme le CaO2 et le CvO2 sont exprimés en ml/dl, la différence a-v O2 est aussi exprimée ml/100 ml de sang.

Saturation du sang veineux mélangé en oxygène (SvO2)

Transport de l’O2 artériel moins la consommation en O2 des tissus équivaut au retour de l’O2 veineux : (D.C. × CaO2 × 10) − VO2

60-80 %

La SvO2 correspond au retour de l’oxygène veineux lié à l’Hb. La saturation est mesurée en pourcentage (%). La SvO2 dépend de la quantité d’O2 acheminé aux tissus moins la VO2 ; elle s’exprime en ml/min. Plus la quantité (ml) d’O2 dans le retour veineux est élevée, plus la saturation de l’Hb est importante.

• Le transport de l’O2 représente la quantité (ml) d’O2 transporté vers les tissus, ou à partir des tissus, par minute (ml/min). Le transport de l’O2 artériel est une mesure de l’O2 acheminé vers les tissus. Le transport de l’O2 veineux correspond au retour veineux vers le côté droit du cœur. • Le transport de l’O2 est obtenu en multipliant le D.C. par la contenu en O2 (CaO2 ou CvO2) et par 10. La différence entre le retour artériel normal et le retour veineux normal de l’O2 représente la consommation d’O2 par les tissus.

* Étant donné que la formule est tirée de l’ouvrage américain, il est essentiel d’utiliser l’unité de mesure en grammes par déci litre (g/dl) en ce qui concerne l’hémoglobine, par exemple : 11,6 g/dl. D.C. : débit cardiaque ; hémoglobine : Hb ; O2 : oxygène ; PaO2 : pression partielle d’oxygène dans le sang artériel ; PO 2 : pression partielle d’oxygène.

Mesurer la saturation du sang veineux en oxygène Pour un client en bonne santé, la valeur normale de la saturation du sang veineux mélangé en oxygène (SvO2) s’établit environ à 75 % (valeurs de référence : de 60 à 80 %). Pour les clients qui sont dans un état critique, une SvO2 comprise entre 60 et 80 % dénote une bonne adéquation entre l’apport d’oxygène et les besoins en oxygène.

Mesurer la saturation du sang veineux central en oxygène La valeur normale de la saturation du sang veineux central en oxygène (SvcO2) est légèrement plus élevée que celle de la SvO2, puisque ce paramètre est

mesuré à l’abouchement du sinus coronaire (lequel draine le sang veineux du myocarde pour le déverser dans l’oreillette droite), c’est-à-dire avant que le sang pénètre dans le cœur droit. Comme le sang provenant du myocarde est très pauvre en oxygène, la saturation en oxygène diminue légèrement à ce point anatomique. C’est pour cette raison que la SvO 2 est toujours légèrement inférieure à la SvcO 2 pour un client donné (Collaborative Study Group on Perioperative ScvO2 Monitoring, 2006). En règle générale, lorsque les conditions sont idéales, une valeur acceptable de la SvO2est obtenue en soustrayant 30 à la SaO2. Cependant, le client en soins critiques étant souvent instable, le calcul peut donc varier. Ainsi : 1) si la SaO2 est de 100 %, la SvO2 Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

293

13

sera égale à 70 % (100 % − 30 %) ; 2) si la SaO2 est de 95 %, la SvO2 sera égale à 65 % (95 % − 30 %). Si la SvO2 (ou la SvcO2) subit une variation de plus de 10 % et que cette variation persiste plus de 10 minutes, l’inrmière établit lequel des quatre facteurs déterminants de la SvO2 est en cause.

1) la précharge ; 2) la RVS ; 3) la contractilité du myocarde ; 4) la F.C. FIGURE 13.21. Toute variation de un ou de plusieurs de ces facteurs inue sur le D.C. La FIGURE 13.23 illustre une amélioration de la SvO2

Évaluer la saturation du sang veineux et du sang artériel en oxygène Toute variation de la saturation veineuse en O2 peut être attribuable à une variation de la SaO2. En effet, si la SaO2 augmente en raison d’une supplémentation en oxygène, la SvO2 augmentera, elle aussi. De même, si l’apport d’oxygène aux tissus est perturbé et que la SaO2 diminue, la SvO2 diminuera également. Par ailleurs, toute intervention ou affection susceptible de réduire l’apport d’oxygène aux tissus, y compris le SDRA, l’aspiration endotrachéale, l’arrêt de la ventilation mécanique ou l’arrêt de la supplémentation en oxygène, risque de réduire du même coup la SvO2. La FIGURE 13.22 illustre une chute de la SvO2 durant une aspiration endotrachéale chez un client atteint d’un SDRA. En général, il ne faut pas s’inquiéter en cas de baisse temporaire de la SvO 2 (ou de la SvcO2) imputable à une intervention inrmière (p. ex., l’aspiration endotrachéale). Parfois, il s’écoule un certain temps avant que la SvO2 (ou la SvcO2) revienne à la valeur initiale, soit celle mesurée avant l’intervention. Dans ce cas, il convient d’attendre et de ne poursuivre les activités inrmières que lorsque la SvO2 (ou la SvcO2) aura repris sa valeur initiale.

Évaluer la saturation du sang veineux en oxygène et le débit cardiaque Une altération du débit cardiaque (D.C.) peut également modier la saturation veineuse en O2. Quatre facteurs hémodynamiques inuent sur le D.C. :

FIGURE 13.23 Effets des variations du débit cardiaque (D.C.) sur la saturation du sang veineux mélangé en oxygène (SvO2). A Les valeurs de la SvO2 mesurées juste avant le point A étaient faibles en raison d’une diurèse excessive qui avait entraîné une baisse du D.C. et une diminution de la pression artérielle pulmonaire (P.A.P.). Une perfusion de 500 ml de solution colloïdale et de 1 000 ml (1 L) de solution de lactate Ringer a permis d’accroître la SvO2 et le D.C., qui a atteint 3,7 L/min. B Un court épisode de tachy­ cardie ventriculaire (TV) a provoqué une diminution brutale du D.C. (2,5 L/min) ainsi qu’une baisse de la SvO2. C La tendance à la hausse de la SvO2 est attribuable à l’administration de liquides ainsi qu’à l’amélioration du D.C. (qui est passé à 3,4 L/min) et des pressions de remplissage. Ce graphique correspond à un tracé enregistré sur une période de 4 heures ; l’espace entre les lignes pointillées correspond à un intervalle de 20 minutes.

FIGURE 13.22 La saturation du sang veineux mélangé en oxygène (SvO2) diminue durant une aspiration endotrachéale. Cette intervention provoque aussi une baisse du sang artériel en oxygène (SaO2). La SvO2 initiale est faible (60 %), car la personne est hypoxémique et souffre d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA).

294

Partie 2

Système cardiovasculaire

du client (70 à 80 %) après une expansion volémique qui a accru la précharge (A). Elle met aussi en évidence une diminution marquée du D.C. durant un court épisode de tachycardie ventriculaire (TV) (B). Toute baisse importante de la F.C. entraîne une diminution du D.C. Les variations de la contractilité du myocarde, de la précharge et de la postcharge (RVS) peuvent aussi avoir une incidence sur le D.C. Étant donné que la mesure du D.C. est une composante importante de la mesure continue de la SvO2, les chercheurs ont exploré la possibilité d’utiliser cette dernière à la place de la mesure du D.C. par thermodilution comme méthode de monitorage hémodynamique. Des études menées auprès de clients ayant subi un IDM aigu et une chirurgie cardiaque subséquente indiquent qu’une variation soutenue de la SvO2 ne traduit pas systématiquement une variation du D.C. En fait, aucune corrélation systématique ou able n’a été établie entre la SvO2 et le D.C. Cela dit, une variation de la SvO2 doit inciter l’inrmière à vérier le D.C. au chevet du client an d’en déterminer la cause. La mesure de la SvO2 est une procédure très délicate ; toute variation de ce paramètre constitue donc un signal d’alerte précoce d’un changement dans l’état du client, que ce changement soit attribuable ou non à une altération du D.C. En somme, la mesure continue de la SvO2 est un outil de monitorage hémodynamique complémentaire utile, mais elle ne peut se substituer à la mesure du D.C. par thermodilution, tout en aidant à sa conrmation. Le prol hémodynamique 3 illustre clairement ce principe, puisque dans cet exemple, une hausse de la SvO2 n’est pas associée à une augmentation importante du D.C. ENCADRÉ 13.6.Les facteurs et les raisons qui permettent d’expliquer un tel résultat sont également présentés dans la section portant sur l’évaluation de la consommation en oxygène.

Évaluer la saturation du sang veineux en oxygène et le taux d’hémoglobine L’hémoglobine (Hb) est une molécule qui a pour fonction de transporter l’oxygène dans le sang. Si le taux d’Hb chute en raison d’un saignement ou d’une destruction des globules rouges, l’organisme dispose de deux mécanismes adaptatifs pour maintenir le transport de l’oxygène : l’accélération du D.C. et l’utilisation des réserves d’oxygène contenues dans le sang veineux qui retourne vers le cœur. Autrement dit, l’organisme peut compenser efcacement une anémie. Chez une personne en bonne santé, la SvO2 ne diminue que lorsque le taux d’Hb est extrêmement faible. En revanche, en présence d’une anémie et d’une atteinte cardiovasculaire, le système cardiovasculaire est incapable d’ajuster le D.C. Par conséquent, la SvO2 (ou la SvcO2) diminue à mesure que s’épuisent les réserves en oxygène du sang veineux.

Évaluer la saturation du sang veineux en oxygène et la consommation d’oxygène La consommation d’oxygène (VO2) est la quantité d’oxygène que les tissus consomment par minute pour remplir leur fonction physiologique. Pour compenser une hausse des besoins métaboliques à la suite d’une activité physique ou d’une augmentation de la vitesse du métabolisme, le D.C. et l’apport d’oxygène aux tissus augmentent, et les res sour ces d’oxygène du système veineux sont mises à contribution. Le transport d’oxygène aux tissus est de 1 000 ml (1 L) par minute. Au repos, les tissus peuvent consommer un quart de l’oxygène transporté par le sang, soit 250 ml/min. La réserve d’oxygène dans les veines s’élève donc à 750 ml/min TABLEAU 13.6. Chez un client en bonne santé, l’association des deux mécanismes adaptatifs que sont l’augmentation du D.C. et l’utilisation d’une fraction considérable de la réserve d’oxygène du système veineux permet à l’organisme de compenser adéquatement une hausse des besoins métaboliques. Par contre, chez un client dont l’état est critique et dont la fonction cardiaque ou respiratoire est altérée, les efforts déployés par le système cardiorespiratoire et l’utilisation des réserves d’oxygène ne sufront pas pour faire face à une augmentation de la consommation d’oxygène consécutive à une intensication de l’activité physique. Alors que l’état de santé du client peut accroître la VO2 jusqu’au double par rapport à la VO2 normale, les interventions inrmières peuvent faire augmenter la VO2 de 10 à 36 % chez un client dont l’état est critique TABLEAU 13.7. D’ailleurs, l’inrmière en soins critiques peut constater les répercussions d’une hausse de la VO2 au cours des soins inrmiers usuels et dans des circonstances qui accroissent la vitesse du métabolisme tissulaire, d’où l’importance d’essayer de circonscrire les soins à un moment donné. Le fait de tourner le client, de lui masser le dos ou de l’aider à se lever du lit est associé à une chute brutale, quoique passagère, des mesures continues de la SvO2 (ou de la SvcO2). Une fois la procédure terminée, la SvO2 (ou la SvcO2) reprend sa valeur initiale (soit celle mesurée avant l’intervention) en l’espace de quelques minutes. Chez un client dont l’état est critique, ce retour à la valeur initiale (hausse de la SvO2 ou de la SvcO2) peut prendre jusqu’à cinq minutes. Dans ce cas, il convient d’observer l’évolution de l’état clinique du client tout en surveillant la SvO2 (ou la SvcO2) et d’attendre que celle-ci soit retournée à sa valeur initiale avant d’entreprendre d’autres manœuvres. Bien des clients hospitalisés aux soins critiques sont dans un état clinique susceptible d’accroître considérablement leur consommation d’oxygène. Par exemple, une septicémie, un syndrome de défaillance multiorganique, des brûlures, un trauma craniocérébral ou des frissons peuvent doubler les besoins physiologiques en oxygène des tissus TABLEAU 13.7. Une telle hausse de la VO2 se traduit

Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

13

295

ENCADRÉ 13.6

Exemple de prol hémodynamique 3

Edmond Henri vient d’être admis à l’unité de soins critiques cardiovasculaires après avoir subi une chirurgie cardiaque. Au point A de la gure, sa saturation du sang veineux mélangé en oxygène (SvO2) est extrêmement faible, soit 40 %. Une SvO2 inférieure à 40 % indique que l’approvisionnement en oxygène est insufsant pour répondre aux besoins des tissus de l’organisme, ce qui entraîne une acidose métabolique. Pour élucider la raison de la faible SvO2, il faut connaître le taux d’hémoglobine (Hb), la saturation du sang artériel en oxygène (SaO2), le débit cardiaque (D.C.) et la consommation d’oxygène par les tissus (VO2). Le taux d’Hb de M. Henri est de 116 g/L (taux normal d’Hb : 135-170 g/L), ce qui est acceptable après une telle chirurgie ; la SaO2 est de 99,6 % (valeur normale : 97 %), ce qui est élevé dans la mesure où ce client a commencé à recevoir une ventilation mécanique avec de l’oxygène à 70 % juste après l’intervention ; son D.C. est faible, soit 3,15 L/min (valeur normale : 4-6 L/min). Monsieur Henri reçoit de la dopamine (5 mcg/kg/min) pour pallier son faible D.C. Il frissonne, et sa température corporelle est de 35,2 °C après la chirurgie. En utilisant les valeurs du taux d’Hb de 116 g/L*, de la SaO2 de 99,6 % et du D.C. de 3,15 L/min, il est possible de calculer la VO2 pour monsieur Henri. Apport artériel Apport veineux D.C. (PaO2 × 0,003) + (1,34 × Hb × SaO2) 10 − D.C. (PvO2 × 0,003 + (1,34 × Hb × SvO2) 10 = VO2 Pour calculer l’apport d’oxygène artériel, l’oxygène dans le retour veineux, la VO 2 et la différence entre le contenu en oxygène artériel (a) et veineux (v) (différence artério-veineuse en O2), il faut appliquer les valeurs de monsieur Henri (en carac­ tères gras) à la formule précédente. Apport artériel Apport veineux VO2 Différence a­vO2 3,15 (354 × 0,003) + (1,34 × 11,6 × 0,99) 10 − 3,15 (20 × 0,003) + (1,34 × 11,6 × 0,38) 10 3,15 (1,0 + 15,3) 10 3,15 (0,06 + 5,90) 10 3,15 (16,3) 10 3,15 (5,90) 10 505 ml/min 183 ml/min = 322 ml/min 10,4 ml/100 ml de sang Au point A de l’illustration précédente, l’apport d’oxygène artériel aux tissus est de 505 ml/min (valeur normale : 1 000 ml/min), alors que le retour en oxygène dans le sang veineux n’est que de 183 ml/min (valeur normale : 750 ml/min). La VO2 de monsieur Henri est élevée, soit 322 ml/min (valeur normale : 250 ml/min). Les

objectifs cliniques pour ce client doivent être les suivants : 1) augmenter le D.C. ; 2) administrer une sédation ou des relaxants musculaires pour diminuer la VO2 et maîtriser les frissons. La différence entre le contenu en oxygène du sang artériel (a) et celle du sang veineux (v) (différence artério-veineuse en O2) est très importante : 10,4 ml/100 ml de sang (valeur normale : 3,5-5,0 ml/100 ml de sang). Ces valeurs calculées conrment l’hypothèse de l’inrmière, soit une irrigation insufsante des tissus avec diminution du D.C. Deux heures plus tard, au point B, la SvO2 de Monsieur Henri s’est améliorée et atteint une valeur faible-normale de 60 %. D’autres médicaments inotropes ont été administrés. À ce stade, son taux d’Hb est de 108 g/L, sa SaO2 est de 99,6 % et son D.C. reste faible, à 3,3 L/min. L’amélioration de la SvO2 n’est pas causée par une augmentation considérable du D.C. Lorsque la consommation en oxygène de monsieur Henri est calculée au point B, il devient évident que la diminution de l’activité physique après une sédation par la morphine en vue de réduire les frissons a amélioré la SvO2. Les valeurs de monsieur Henri sont en caractères gras. Apport artériel Apport veineux D.C. (PaO2 × 0,003) + (1,34 × Hb × SaO2) 10 − D.C. (PvO2 × 0,003) + (1,34 × Hb × SvO2) 10 = VO2 Apport artériel Apport veineux VO2 Différence a­v O2 3,3 (266 × 0,003) + (1,34 × 10,8 × 0,99) 10 − 3,3 (28 × 0,003) + (1,34 × 10,8 × 0,60) 10 3,3 (0,82 + 14,32) 10 3,3 (0,86 + 8,6) 10 3,3 (15,1) 1 3,3 (9,4) 10 498 ml/min 300 ml/min = 198 ml/min 5,7 ml/100 ml de sang Au point B de l’illustration, l’apport d’oxygène du sang artériel de monsieur Henri est encore faible, à 498 ml/min, comme le taux d’oxygène dans le retour de sang veineux mélangé, à 300 ml/min. La VO 2 est à présent inférieure à la normale (caractéristique après une sédation), à 198 ml/min. À ce stade, la différence a-v O 2 est presque dans les limites normales, soit 5,7 ml/100 ml de sang. Ces résultats sont conrmés par la valeur faible-normale de la SvO 2 de 60 % au point B. Cette étude de cas montre que la consommation tissulaire en oxygène (besoin en O 2) peut être aussi importante que le D.C. et l’oxygénation (apport d’O 2) dans la détermination de la SvO2 chez un client dont le système cardiovasculaire est atteint.

* Étant donné que la formule est tirée de l’ouvrage américain, il est essentiel d’utiliser l’unité de mesure en grammes par décil itre (g/dl) en ce qui concerne l’hémoglobine, par exemple : 11,6 g/dl.

296

Partie 2

Système cardiovasculaire

TABLEAU 13.7

Altérations de la consommation d’oxygène

AFFECTION OU ACTIVITÉ

AUGMENTATION PAR RAPPORT À LA VO2 AU REPOS (%)

DIMINUTION PAR RAPPORT À LA VO2 AU REPOS (%)

Affections cliniques faisant augmenter la VO2

Fièvre

10 % (pour chaque 1 °C au-dessus de la normale)

Blessures squelettiques

10-30 %

Effort respiratoire

40 %

Infection grave

60 %

Frissons

50-100 %

Brûlures

100 %

Interventions postopératoires de routine

7%

Intubation nasale

25-40 %

Aspiration endotrachéale

27 %

Trauma thoracique

60 %

Syndrome de défaillance multiorganique

20-80 %

Septicémie

50-100 %

Trauma craniocérébral, client sous sédation

89 %

Trauma craniocérébral, client qui n’est pas sous sédation

138 %

État critique au service de l’urgence

60 %

13

Activités inrmières et activités de la vie quotidienne faisant augmenter la VO2

Remplacement des pansements

10 %

Électrocardiogramme

16 %

Agitation

18 %

Examen physique

20 %

Visite

22 %

Bain

23 %

Examen par radiographie thoracique

25 %

Changement de position

31 %

Physiothérapie thoracique

35 %

Pesée sur balance suspendue

36 %

États faisant diminuer la VO2

Anesthésie

25 %

Anesthésie chez les victimes de brûlures

50 %

Source : Adapté de White, Winslow, Clark et al. (1990)

Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

297

par une faible SvO2 (ou SvcO2), même si le D.C. est normal. Le prol hémodynamique 3 illustre une situation de ce type : des frissons intenses ont accru la consommation en oxygène des tissus, ce qui explique que la SvO2 soit faible (point A) ; après sédation, la SvO2 a augmenté à la suite de la diminution des besoins en oxygène (point B).

Maintenir la valeur normale de la saturation du sang veineux en oxygène Si la saturation du sang veineux mélangé en oxygène (SvO2) (ou la saturation du sang veineux central en oxygène [SvcO2]) d’un client se situe dans les limites de la normale (soit de 60 à 80 %) et que l’état clinique de ce dernier n’est pas préoccupant, l’inrmière peut en conclure qu’il y a adéquation entre l’apport d’oxygène aux tissus et les besoins en oxygène de ceux-ci. Cet équilibre peut être rompu si l’apport d’oxygène (SaO 2) diminue en raison

d’une variation du D.C. ou du taux d’Hb, ou d’une augmentation des besoins en oxygène (hausse de la VO2). Si la SvO2 (ou la SvcO 2) chute sous la barre des 60 % et que cette baisse est prolongée, l’inrmière doit en conclure que l’apport d’oxygène aux tissus ne répond pas aux besoins de ceux-ci TABLEAU 13.8. Elle procède alors à une évaluation méthodique de la situation clinique en lien avec la chute de la SvO2 ENCADRÉ 13.7. Le concept des valeurs cibles s’avère utile dans le cadre de l’élaboration de protocoles de monitorage hémodynamique. Il convient de rappeler les valeurs cibles de la gazométrie veineuse : la SvO2 doit être supérieure ou égale à 70 %, et la SvcO2 légèrement supérieure à la SvO2. Selon ce concept, tout client dont la gazométrie veineuse est inférieure à ces valeurs cibles est exposé à un risque accru d’hypoperfusion tissulaire et de mortalité. Cette association a été mise en évidence dans une étude menée en contexte périopératoire ou postopératoire ayant

Collecte des données TABLEAU 13.8

298

Partie 2

Mesure de la saturation du sang veineux en oxygène

MESURE DE LA SvO2

BASES PHYSIOLOGIQUES DES MODIFICATIONS DE LA SvO2 (OU DE LA SvcO2)

DIAGNOSTIC CLINIQUE ET JUSTIFICATION

SvO2 élevée (80-95 %)

• Apport accru d’oxygène • Besoin inférieur en oxygène

• Apport d’oxygène plus important que nécessite l’état clinique du client • Anesthésie, qui induit une sédation et diminue les mouvements musculaires • Hypothermie, qui diminue les besoins métaboliques (p. ex., sous circulation extracorporelle) • Septicémie causée par une incapacité des tissus à utiliser l’oxygène au niveau cellulaire • Résultat faussement élevé-positif, car le CAP est bloqué dans une artériole pulmonaire (SvO2 seulement) • Mauvaise technique de prélèvement (si méthode par prélèvement) • Communication interauriculaire ou interventriculaire

SvO2 (ou SvcO2) normale (60-80 %)

• Apport normal d’oxygène et besoin métabolique normal

• Équilibre entre les besoins en oxygène et l’apport d’oxygène

SvO2 (ou SvcO2) faible (< 60 %)

• Apport inférieur d’oxygène en raison : – d’un faible taux d’Hb – d’une faible SaO2 – d’un faible D.C. – d’une consommation accrue en oxygène (VO2)

• Anémie ou saignement avec atteinte du système cardiopulmonaire • Hypoxémie résultant d’une baisse de l’apport d’oxygène ou d’une atteinte pulmonaire • Choc cardiogénique causé par une défaillance de la fonction de pompage du V.G. • Besoins métaboliques excédant l’apport d’oxygène en cas d’affections faisant augmenter les mouvements musculaires et le métabolisme, y compris les états physiologiques comme les frissons, les crises convulsives et l’hyperthermie, et les interventions inrmières comme la pesée et le fait de mobiliser le client

Système cardiovasculaire

Collecte des données ENCADRÉ 13.7

Évaluation clinique en lien avec une chute de la saturation du sang veineux en oxygène

1. Évaluer l’état clinique du client. 2. Vérier si la diminution de la SvO2 (ou de la SvcO2) est imputable à une diminution de l’apport d’oxygène aux tissus. Vérier l’efcacité du respirateur ou du masque à oxygène, ou vérier la SaO2 d’après les résultats de la gazométrie artérielle. 3. Évaluer la fonction cardiaque en mesurant le D.C.

révélé qu’une SvcO2 inférieure à 65 % était liée à une hausse de la mortalité (Collaborative Study Group on Perioperative ScvO2 Monitoring, 2006 ; Maddirala & Khan, 2010). Dans les lignes directrices de la Surviving Sepsis Campaign, qui sont basées sur des études menées sur la septicémie, il est recommandé de maintenir la SvcO2 au-dessus de 70 % en cas de septicémie (Dellinger et al., 2012). Cette cible s’avère utile dans la pratique dans l’attente des résultats d’études cliniques en cours visant à déterminer la SvcO2 optimale permettant de prévoir le taux de survie. Si la SvO2 (ou la SvcO2) chute sous la barre des 40 % et que cette baisse persiste, les besoins des cellules en oxygène ne seront pas satisfaits, puisque l’apport d’oxygène à ces dernières est insufsant. Les cellules niront par passer d’un métabolisme aérobique à un métabolisme anaérobique, lequel entraîne la production d’acide lactique et reète un état de choc qui peut provoquer des lésions cellulaires, voire la mort des cellules. À ce stade, il faut tout mettre en œuvre pour déterminer la cause de la diminution de la SvO2 (ou de la SvcO2) et corriger l’inadéquation entre l’apport d’oxygène et les besoins en oxygène. Pour éliminer le risque d’acidose lactique, il peut être utile de surveiller la tendance des mesures de la SvO2 (ou de la SvcO2) et d’intervenir rapidement en cas de baisse pour ramener cette dernière à 70 % (Dellinger et al., 2012).

4. Vérier le taux d’Hb en prenant connaissance des résultats des dernières analyses de laboratoire ou en prélevant un échantillon de sang an de commander de telles analyses. 5. Vérier si la baisse de la SvO 2 (ou de la SvcO2) est attribuable à une hausse passagère de la VO 2 qui serait secondaire à un mouvement du client ou à une intervention inrmière.

puisque les bres optiques situées à l’extrémité de celuici entrent en contact avec du sang qui vient d’être oxygéné. Lorsque la mesure est effectuée par prélèvement avec le CAP, le résultat peut être faussé si la technique a été mal effectuée, notamment si l’aspiration du sang a été trop rapide. Un shunt du cœur gauche vers le cœur droit (communication interauriculaire ou interventriculaire) peut également augmenter la SvO2, puisque du sang artériel se mélange au sang veineux.

13.1.6

13

Électrocardiographie

L’électrocardiographie est un outil complexe et d’une utilité vitale. En effet, l’analyse détaillée d’un électrocardiogramme (ECG) peut fournir une mine d’informations pour le diagnostic cardiaque et permet souvent de déterminer quels autres examens paracliniques sont nécessaires. Les sections suivantes traitent des nombreux facteurs cliniques dont l’inrmière en soins critiques doit tenir compte lorsqu’elle recourt au monitorage par ECG, des arythmies courantes dans la pratique clinique ainsi que des habiletés requises pour l’analyse d’un ECG à 12 dérivations. L’objectif est de présenter les fondements nécessaires pour saisir l’utilité des nombreuses applications cliniques de l’électrocardiographie.

Comprendre l’augmentation de la saturation Principes de base de l’électrocardiographie du sang veineux en oxygène Dans certains contextes cliniques, la saturation du sang veineux en oxygène (SvO2) (ou la saturation du sang veineux central en oxygène [SvcO2]) peut dépasser la limite supérieure de la normale, soit 80 %. Une telle hausse est observée lorsque les besoins en oxygène sont faibles (diminution de la VO2), durant une anesthésie ou en cas d’hypothermie, par exemple. Dans certains cas de choc septique, puisque les cellules ne peuvent pas utiliser l’oxygène qui leur est fourni, l’extraction tissulaire de l’oxygène diminue. La réserve en oxygène du système veineux demeure élevée, et la SvO2 (ou la SvcO2) est supérieure à la normale TABLEAU 13.8. Par ailleurs, la valeur de la SvO2 augmente si le CAP permettant de la mesurer continue de otter et qu’il se retrouve en position bloquée,

L’électrocardiogramme (ECG) enregistre les changements électriques induits par un potentiel d’action dans le muscle cardiaque. Il n’enregistre pas la contraction mécanique qui suit d’habitude immédiatement une dépolarisation électrique. Une brève description du potentiel d’action cardiaque permet d’expliquer le principe suivant lequel les variations électriques coïncidant avec une stimulation électrique des cellules du myocarde produisent les déexions observables sur le tracé de l’ECG FIGURE 13.24.

Phase 0 Pendant la phase 0 (dépolarisation), le potentiel électrique change rapidement ; il passe d’une valeur initiale de 290 mV à 120 mV. Cette variation électrique importante se traduit par le complexe QRS sur l’ECG. Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

299

FIGURE 13.24 Corrélation entre le potentiel d’action d’une cellule du myocarde ventriculaire et les épisodes électriques enregistrés sur l’électrocardiogramme (ECG) de surface. Il convient de noter que le prol d’ECG est silencieux pendant la phase 2 du potentiel d’action. La contraction mécanique se produit, mais aucune activité électrique importante n’est décelée.

Phase 1 La phase 1 est la phase initiale de repolarisation, une conséquence de la fermeture des canaux rapides des ions Na+, et le potentiel électrique se stabilise à environ 0 mV. À l’ECG, aucune onde n’apparaît.

Phase 2 La phase 2 est caractérisée par un épisode en plateau. Ainsi, pendant cette phase, un autre ensemble de canaux, les canaux lents Na+ et Ca++, s’ouvrent pour permettre le ux entrant des ions Ca++ et Na+. À l’ECG, aucune onde n’apparaît.

d’ECG créée comporte un pôle positif et un pôle négatif. La troisième électrode est destinée à la mise à la terre ; sa fonction est de prévenir l’afchage de l’interférence électrique de fond sur le tracé de l’ECG. Les électrodes ne transmettent aucune électricité au client : elles perçoivent et enregistrent l’activité électrique intrinsèque du cœur à la surface du corps. L’électrode positive (souvent appelée électrode exploratrice) sert de caméra. Si l’onde de dépolarisation voyage vers l’électrode positive, une déviation vers le haut, ou déexion positive, s’inscrit sur le tracé de l’ECG FIGURE 13.25A. Si l’onde de dépolarisation s’éloigne de l’électrode positive, une déviation vers le bas, ou déexion négative, est enregistrée sur l’ECG FIGURE 13.25B. Lorsque la dépolarisation se fait perpendiculairement à l’électrode positive, cela crée un complexe biphasique. Il arrive que celuici paraisse presque plat ou isoélectrique si les forces électriques qui se déplacent en direction opposée sont égales et qu’elles ont pour effet de s’annuler mutuellement FIGURE 13.25C. La taille de la masse musculaire dépolarisée peut aussi avoir un effet : plus elle est importante (en général, il s’agit du V.G.), plus cela sera visible sur le tracé. L’onde de la dépolarisation ventriculaire dans un cœur sain voyage de la droite vers la gauche, et de la tête vers les orteils. L’aspect du tracé des différentes dérivations de l’ECG dépend de l’emplacement de l’électrode positive.

| Électrocardiogramme à 12 dérivations | L’électrocardiogramme (ECG) standard à 12 dérivations est un tracé représentant l’activité électrique du cœur produite en 12 points uniques au moyen de 10 électrodes placées à des endroits différents (Drew, Califf, Funk et al., 2004 ; Drew & Funk, 2006 ; Kligeld, Gettes, Bailey et al., 2007). Un ECG standard à 12 dérivations compte 6 tracés provenant des électrodes sur les membres et 6 tracés provenant des électrodes sur le

Phase 3 Pendant la phase 3 (repolarisation), le potentiel électrique évolue de nouveau, cette fois un peu plus lentement, passant de 0 mV à sa valeur initiale de 290 mV par le ux sortant de potassium. C’est un autre épisode électrique majeur qui se traduit par une onde T à l’ECG.

11 Les phases du potentiel d’action cardiaque sont abordées plus en détail dans le chapitre 11, Ana­ tomie et physiologie du système cardiovasculaire.

Phase 4 Pendant la phase 4 (période de repos), l’équilibre chimique est rétabli par les pompes sodium et potassium, mais du fait de l’échange d’ions positifs, suivant une règle de un pour un, aucune activité électrique n’est générée et aucune onde n’apparaît sur le tracé de l’ECG 11 .

Dérivations électrocardiographiques Tous les moniteurs cardiaques utilisent un système à une dérivation ou plus. Le système de base comprend trois électrodes bipolaires qui sont appliquées sur la paroi thoracique et identiées comme bras droit (BD), bras gauche (BG) et jambe gauche (JG). Le terme bipolaire signie que chaque dérivation

300

Partie 2

Système cardiovasculaire

FIGURE 13.25 Effet de la position des électrodes sur le tracé de l’électrocardio­ gramme (ECG). A La transmission de la dépolarisation vers l’électrode positive entraîne une déexion positive sur le tracé de l’ECG. B La transmission de la dépolarisation en direction opposée de l’électrode positive entraîne une déexion négative sur le tracé de l’ECG. C Le trajet de la dépolarisation perpendi­ culaire à l’électrode positive entraîne une déexion biphasique ou quasi isoélectrique sur le tracé de l’ECG. Ce principe de base s’applique à l’onde P et au complexe QRS.

thorax (précordiales) ; le positionnement adéquat de ces électrodes est vital pour éviter les erreurs de diagnostic (Drew, 2007). Si un ECG à 12 dérivations est effectué, les électrodes des membres sont généralement placées sur le muscle en évitant les os, et il faut demander au client de ne pas bouger. À l’unité de soins critiques, les électrodes sont généralement placées sur le torse, près du point d’origine du membre, en évitant l’os claviculaire (BG et BD) et l’os pelvien (JG et JD) FIGURE 13.26A. La raison en est que les clients portent ces électrodes pendant plusieurs

heures ou plusieurs jours, et que le mouvement des membres perturbe la ligne de base. Dans la pratique, cela signie que les tracés ECG enregistrés avec un moniteur de chevet ne sont pas identiques à ceux que produisent les ECG standards à 12 dérivations, dont les électrodes sont placées directement sur les membres correspondants (Kligeld et al., 2007). Dérivations bipolaires Un tracé de l’activité électrique du cœur dans les dérivations bipolaires (également appelées dérivations périphériques bipolaires des membres) est obtenu en plaçant une électrode

13

FIGURE 13.26

A Dérivations périphériques standard. Les électrodes sont placées sur les membres : bras droit (BD), bras gauche (BG) et jambe gauche

(JG). L’électrode de la jambe droite sert de mise à la terre. Les dérivations DI, DII et DIII sont bipolaires, chacune étant composée d’une électrode positive et d’une électrode négative. Les dérivations aVR, aVL et aVF sont des dérivations unipolaires augmentées qui utilisent le centre estimé du cœur comme leur électrode négative. B Dérivations précordiales. Les dérivations V1 à V6 sont les six dérivations précordiales standard disposées de la manière suivante : V1, quatrième espace intercostal, bord droit du sternum ; V2, quatrième espace intercostal, bord gauche du sternum ; V3, à équidistance entre V2 et V4 ; V4, cinquième espace intercostal, ligne médioclaviculaire gauche ; V5, ligne axillaire antérieure, même plan horizontal que V4 ; V6, ligne axillaire moyenne, même plan horizontal que V4. C Les dérivations précordiales droites V1R à V6R sont illustrées. Elles ne font pas partie du dispositif standard d’ECG à 12 dérivations, mais elles sont uti­ lisées lorsqu’un infarctus du ventricule droit est suspecté. Leur emplacement est identique à celui des dérivations V3 à V6, sauf qu’elles sont xées sur le côté droit du thorax plutôt que sur le côté gauche. D Les dérivations précordiales postérieures V7, V8 et V9 sont pla­ cées sur la face postérieure gauche de la cage thoracique du client, au même plan horizontal que V4 (cinquième espace intercostal). La dérivation V7 est placée sur la ligne axillaire postérieure, V8 sur la ligne scapulaire et V9 sur le bord spinal. Ces dérivations peuvent être ajoutées au dispositif standard d’ECG à 12 dérivations si un infarctus de la paroi postérieure du myocarde est suspecté. Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

301

sur chaque membre : le bras gauche (BG), le bras droit (BD), la jambe gauche (JG) et la jambe droite (JD). Les dérivations DI, DII et DIII sont des dérivations périphériques bipolaires, c’est-à-dire qu’elles sont déterminées par deux électrodes, l’une étant le pôle positif, et l’autre, le pôle négatif FIGURE 13.26A. Les électrodes sont placées sur la peau du client au repos, et la polarité est modiée, s’il y a lieu, pour obtenir la dérivation désirée. Aux soins critiques, cette modication peut être effectuée manuellement par l’inrmière sur le moniteur de chevet ou automatiquement par l’électrocardiographe lorsqu’un ECG à 12 dérivations doit être obtenu : Dérivation I (DI) : électrode négative sur le BD et électrode positive sur le BG ; Dérivation II (DII) : électrode négative sur le BD et électrode positive sur la JG ; Dérivation III (DIII) : électrode négative sur le BG et électrode positive sur la JG. Selon cette conguration, les trois dérivations périphériques standard forment un triangle. Les données qu’elles fournissent permettent d’établir un point central au potentiel nul qui reète le potentiel électrique moyen des électrodes posées sur le BD, le BG et la JG (Kligeld et al., 2007). C’est ce point de référence central, situé au centre du triangle formé par les trois dérivations périphériques standard, qui est utilisé pour mesurer les différences de potentiel dans les dérivations augmentées des membres FIGURE 13.26. Dérivations unipolaires Les dérivations unipolaires, aussi appelées dérivations ampliées des membres, sont notées aVR, aVL et aVF (les lettres a, V, R, L et F renvoient aux termes anglais augmented, vector, right, left et foot, respectivement) et sont créées à l’aide des paires d’électrodes décrites précédemment. Toutefois, dans ce cas, une seule électrode constitue l’un des pôles de la dérivation (pôle positif) ; le pôle négatif est quant à lui formé par le point central au potentiel nul (soit le centre du triangle) FIGURE 13.26A. En général, comme le tracé obtenu est très petit, l’électrocardiographe l’amplie en accroissant la différence de potentiel entre les deux pôles de façon que l’amplitude des ondes soit à peu près équivalente à celle obtenue dans les autres dérivations. Le terme vecteur réfère à l’orientation de la force électrique enregistrée dans la dérivation. Les dérivations unipolaires, tout comme les dérivations bipolaires des membres sont utilisées pour analyser une lésion ou un IDM. Les dérivations bipolaires et ampliées des membres sont créées à partir des quatre électrodes posées sur les membres. Elles dénissent un plan frontal dans lequel l’activité cardiaque est enregistrée par l’ECG (Kligeld et al., 2007 ; Surawicz, Childers, Deal et al., 2009). Dérivations précordiales Les six dérivations précordiales, notées V1 à V6, sont dénies par des électrodes positionnées en arc de cercle sur la partie gauche du thorax. Ces électrodes permettent de détecter des forces électriques orientées de droite à gauche ou de l’arrière vers l’avant. Les dérivations précordiales sont indépendantes les unes des autres,

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Système cardiovasculaire

et chacune d’elles permet d’enregistrer l’activité électrique du cœur selon un angle particulier FIGURE 13.26B. Voici comment sont placées les six électrodes précordiales sur le thorax (Kligeld et al., 2007) : V1 : quatrième espace intercostal, sur le bord droit du sternum ; V2 : quatrième espace intercostal, sur le bord gauche du sternum ; V3 : à mi-chemin entre V2 et V4 ; V4 : cinquième espace intercostal, sur la ligne médioclaviculaire ; V5 : dans le même plan horizontal que V4, sur la ligne axillaire antérieure, ou si cette dernière n’est pas évidente, à mi-chemin entre V4 et V6 ; V6 : dans le même plan horizontal que V4, sur la ligne axillaire moyenne. Dérivations précordiales droites Parfois, il peut être utile d’utiliser des dérivations supplémentaires pour évaluer l’étendue du territoire myocardique en souffrance au moment d’un IDM aigu. Les activités électriques respectives du V.D. et de la face postérieure du cœur ne sont pas visibles sur un ECG à 12 dérivations. Pour mieux visualiser l’activité électrique du V.D., il faut poser des électrodes supplémentaires sur le côté droit du thorax FIGURE 13.26C. Ces 6 dérivations précordiales droites, appelées V1R, V2R, V3R, V4R, V5R et V6R, sont ajoutées à l’ECG standard à 12 dérivations lorsqu’un infarctus du V.D. est suspecté. L’infarctus du V.D. est généralement associé à un infarctus inférieur et à un infarctus postérieur (Drew, 2007). L’ajout de 6 dérivations précordiales droites à l’ECG standard à 12 dérivations accroît la précision de ce dernier comme examen paraclinique ; il est alors appelé ECG à 18 dérivations. Dérivations postérieures Il est également possible d’utiliser trois dérivations supplémentaires pour explorer l’activité électrique de la face postérieure du cœur FIGURE 13.26D. Ces dérivations postérieures sont appelées V7, V8 et V9. Certes, la pose des électrodes postérieures peut comporter quelques difcultés techniques, mais elle peut être utile, car l’information fournie par les dérivations postérieures peut inuer sur l’approche thérapeutique. L’ajout des 3 dérivations postérieures à l’ECG standard à 12 dérivations accroît également la précision diagnostique de celui-ci, qui se nomme alors ECG à 15 dérivations. Distorsion de la ligne de base La ligne de base de l’ECG, soit la ligne tracée entre les différentes ondes, doit être horizontale. Il existe deux types d’interférences susceptibles d’entraîner une distorsion de cette ligne : les interférences causées par le courant alternatif à 60 cycles par seconde (Hz) et les interférences causées par les mouvements musculaires extracardiaques FIGURE 13.27A. Les interférences produites par le courant à 60 Hz résultent des fuites de courant électrique dans le voisinage immédiat de l’électrocardiographe, qui se traduisent par un épaississement généralisé de la ligne de base. En général, ce problème peut être réglé en vériant que

13

FIGURE 13.27

A Artéfact d’une interférence produite par le courant alternatif à 60 cycles par seconde. B Artéfact causé par des mouvements musculaires extracardiaques.

tous les appareils électriques se trouvant au chevet du client sont reliés à la terre. Pour ce faire, il peut parfois être nécessaire de les débrancher les uns après les autres pour trouver celui qui ne l’est pas et l’éloigner du client. Les interférences causées par les mouvements musculaires se traduisent par des distorsions grossières et irrégulières de la ligne de base FIGURE 13.27B. Dans la plupart des cas, pour éviter ce type d’interférences, il suft de demander au client de rester immobile pendant l’enregistrement de l’ECG. S’il est pris de frissons ou de convulsions, il vaut mieux attendre que ces symptômes s’estompent pour enregistrer l’ECG. S’il est atteint d’un trouble neuromusculaire comme la maladie de Parkinson, il sera peut-être impossible d’éliminer les interférences provoquées par les tremblements qui le secouent. Or, la présence d’artefacts (signaux électriques parasites) sur l’ECG peut amener l’inrmière à en faire une interprétation erronée ou à soupçonner à tort une arythmie (Baranchuk, Shaw, Alanazi et al., 2009).

Analyse de l’électrocardiogramme Papier d’enregistrement de l’électrocardiogramme L’électrocardiographe enregistre la fréquence et l’amplitude des impulsions électriques qui se propagent dans le cœur sur un papier graphique quadrillé au moyen de petits et de grands carrés FIGURE 13.28. Chaque grand carré est formé de 25 petits carrés mesurant chacun 1 mm2. Lorsque le papier déle à la vitesse standard, soit 25 mm/sec., et que l’ECG est lu de gauche à droite, chaque petit carré (1 mm de côté) représente 0,04 sec., et chaque grand carré (5 mm de côté), 0,20 sec. L’axe horizontal des carrés correspond au temps qu’il faut à l’impulsion électrique pour se propager dans une région donnée du cœur. L’unité

FIGURE 13.28

Papier graphique sur lequel est enregistré l’ECG. L’axe horizontal correspond au temps et l’axe vertical, à l’amplitude des ondes enregistrées. Sur l’axe horizontal, chaque petit carré représente 0,04 sec., et chaque grand carré mesure 5 mm. Des points de repère ayant été placés toutes les trois secondes au sommet du papier facilitent le calcul de la F.C.

de mesure est la seconde, et non le millimètre ou le carré. L’axe vertical permet quant à lui de mesurer l’amplitude (ou la force) du signal électrique. Il est normalisé (calibrage spécique).

Calibrage Selon le calibrage standard, l’arête d’un petit carré correspond à 0,1 mm, et celle d’un grand carré, à 0,5 mm. Il est important de rechercher le signal enregistré au moment du calibrage ; il se trouve généralement au début de l’ECG FIGURE 13.29A. C’est un repère qui indique à l’inrmière que l’émission d’un signal électrique de +1 mV se traduit par l’enregistrement d’un signal de calibrage rectangulaire ayant la hauteur de deux grands carrés. Parfois, un autre calibrage est utilisé pour l’enregistrement de l’ECG. Par exemple, il arrive que l’amplitude de certaines ondes soit si grande avec le calibrage standard qu’elles dépassent les limites du papier. L’enregistrement est alors repris en diminuant ce calibrage standard de moitié, auquel cas la hauteur du signal de calibrage se limite à un grand carré FIGURE 13.29B. Par contre, si toutes les ondes enregistrées avec le calibrage standard ont une très faible amplitude, il faut reprendre l’enregistrement en doublant ce dernier, auquel cas la hauteur du signal de calibrage est de quatre grands carrés FIGURE 13.29C. Quoi qu’il en soit, le signal du Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

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FIGURE 13.29

A L’appareil est calibré de manière que le signal normal enregistré pendant le calibrage soit de 10 mm de hauteur. B L’enregistrement est repris en diminuant le calibrage standard de moitié lorsque l’amplitude des complexes QRS est si grande qu’elle dépasse les limites du papier. C Un enregistrement est repris en doublant le calibrage standard lorsque les complexes QRS sont de trop faible amplitude pour être correctement analysés.

calibrage doit être bien visible sur l’ECG, car certaines conclusions paracliniques sont tirées à partir de l’amplitude de portions spéciques de ce dernier.

Tracés L’interprétation de l’ECG repose d’abord sur l’analyse des tracés et des intervalles FIGURE 13.30.

FIGURE 13.30 Tracés ECG normaux, intervalles et corrélation avec les événements du cycle cardiaque. L’onde P représente la dépolarisation auriculaire, immédiatement suivie de la systole auriculaire. Le com­ plexe QRS représente la dépolarisation ventriculaire, immédiatement suivie de la systole ventricu­ laire. Le segment PR correspond à la pause entre la dépolarisation auriculaire et la dépolarisation ventriculaire. Le segment ST correspond à la phase 2 du potentiel d’action durant laquelle le muscle cardiaque est complètement dépolarisé, et une contraction normale se produit. L’onde T représente la repolarisation ventriculaire. L’intervalle PR, mesuré du début de l’onde P jusqu’au début du com­ plexe QRS, correspond à la dépolarisation auriculaire et au ralentissement de l’impulsion électrique par le nœud auriculoventriculaire (AV). L’intervalle QT, mesuré du début du complexe QRS jusqu’à la n de l’onde T, représente la durée comprise entre la dépolarisation initiale des ventricules et la n de la repolarisation des ventricules.

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Partie 2

Système cardiovasculaire

| Onde P | L’onde P équivaut à la dépolarisation auriculaire. | Complexe QRS | Le complexe QRS reète la dépolarisation ventriculaire, soit la phase 0 du potentiel d’action ventriculaire. Il s’agit d’un complexe, car il est formé de plusieurs ondes différentes. La lettre Q désigne la première déexion négative (la première déexion de la ligne de base n’est désignée par la lettre Q que si elle est négative). La lettre R désigne toute déexion positive de la ligne de base. S’il y a deux déexions positives dans un complexe QRS, la deuxième déexion est appelée R′ (R prime). Cette deuxième déexion positive est généralement observée en V1 en présence d’un bloc de branche droite (BBD). Enn, la lettre S désigne toute autre déexion négative qui suit une onde positive. Ensemble, ces trois ondes forment le complexe QRS. Il est toutefois important de préciser que ce dernier n’a pas toujours exactement la même conguration FIGURE 13.31. Normalement, le complexe QRS dure généralement de 0,06 à 0,10 sec.

FIGURE 13.31 Exemples de complexes QRS. Les petites déexions de moins de 5 mm sont indiquées par des lettres en minuscules et les déexions de plus de 5 mm, par des lettres en majuscules. Une seconde déexion vers le haut est identiée comme R’.

| Onde T | L’onde T représente la repolarisation des ventricules, soit la phase 3 du potentiel d’action ventriculaire. L’intervalle qui va du début du complexe QRS jusqu’à la première moitié environ (ou au pic) de l’onde T correspond à la période réfractaire absolue durant laquelle le myocarde ne peut répondre à aucun stimulus, aussi intense soit-il FIGURE 13.32. Durant l’intervalle qui va du pic à la n de l’onde T, le myocarde est dans la période réfractaire relative. À ce stade, il n’a pas encore complètement récupéré, mais il peut se dépolariser de nouveau s’il est exposé à un stimulus assez puissant. Une ESV qui survient durant cette période peut avoir des répercussions dangereuses, en particulier en cas d’ischémie d’une partie du myocarde. En effet, comme la durée de repolarisation d’un territoire ischémique est plus longue que celle d’un territoire sain, l’ESV entraîne une série de dépolarisations anarchiques et autoentretenues des diverses régions du myocarde appelée brillation ventriculaire (FV).

Intervalles séparant les ondes Il faut évaluer les intervalles qui séparent les ondes enregistrées sur l’ECG FIGURE 13.30.

| Intervalle PR | La mesure de l’intervalle PR est prise du début de l’onde P jusqu’au début du complexe QRS. Cet intervalle représente le temps qui s’écoule entre la décharge du nœud sinusal et le début de la dépolarisation des ventricules ; il dure normalement de 0,12 à 0,20 sec. Il s’agit d’un bon indicateur du fonctionnement du nœud AV, puisqu’il correspond en grande partie au temps de latence qui précède le relais de l’impulsion électrique par ce nœud.

FIGURE 13.32

Les périodes réfractaires absolue et relative sont corrélées au potentiel d’action du myocarde et à une portion de l’ECG.

Dans les laboratoires d’électrophysiologie et dans certaines unités de soins critiques, la durée de cet intervalle est exprimée en millisecondes (ms). Comme 1 sec. équivaut à 1 000 ms, la durée normale de l’intervalle PR est de 120 à 200 ms. Il existe aussi un segment PR qui est rarement mesuré. Il représente la pause entre la dépolarisation des oreillettes et celle des ventricules. Bien qu’il soit rarement mesuré, ce segment est cependant présent et peut être utile pour détecter précocement une péricardite.

| Segment ST | Le segment ST est la portion de l’ECG qui s’étend de la n du complexe QRS au début de l’onde T. Sa durée n’est pas mesurée, mais sa forme et son emplacement sur le tracé sont analysés (Drew & Funk, 2006). Normalement, le segment ST est horizontal et isoélectrique, c’est-à-dire qu’il se situe au niveau de la ligne de base. Toute déviation de ce segment par rapport à la ligne de base peut dénoter une ischémie myocardique et est exprimée en millimètres (à titre de rappel, un petit carré mesure 1 mm de côté). Un sus-décalage du segment ST (élévation de 1 ou 2 mm par rapport à la ligne de base) traduit une lésion aiguë du myocarde (infarctus aigu) ou une péricardite. Un sous-décalage du segment ST (déviation vers le bas de plus de 1 ou 2 mm par rapport à la ligne de base) dénote généralement une lésion myocardique (AACN, 2009b), mais peut aussi être physiologique chez les clients âgés. Il faut surveiller étroitement le segment ST chez les clients à haut risque.

13

| Intervalle QT | L’intervalle QT équivaut au temps total qui s’écoule entre le début de la dépolarisation et la n de la repolarisation du V.G. ; il s’étend du début du complexe QRS jusqu’à la n de l’onde T. Aucune recommandation n’a été formulée quant à la dérivation à privilégier pour mesurer l’intervalle QT durant le monitorage ECG (Drew et al., 2004). Sur l’ECG, c’est habituellement en V3 et en V4 que l’intervalle QT est le plus long (Drew et al., 2004). L’essentiel est que toutes les inrmières qui soignent un client utilisent la même dérivation pour mesurer l’intervalle QT sur l’ECG (Drew et al., 2004). À une F.C. normale, l’intervalle QT mesure moins de la moitié de l’intervalle RR, lequel s’étend d’un complexe QRS à l’autre. Cela dit, la longueur de l’intervalle QT dépend de la F.C. et, par conséquent, pour en évaluer la signication clinique, il faut le corriger en fonction de ce paramètre. Comme l’intervalle QT raccourcit lorsque la F.C. s’accélère et qu’il s’allonge lorsqu’elle ralentit, il est souvent exprimé sous la forme d’une valeur corrigée en fonction de la F.C., appelée intervalle QTc (valeur qui serait obtenue à une F.C. de 60 batt./min). Il est donc possible de comparer les intervalles QTc obtenus à des F.C. diverses. Le calcul de l’intervalle QTc s’effectue en divisant la valeur de l’intervalle QT (en secondes) par la racine carrée de l’intervalle RR (Drew et al., 2004) FIGURE 13.30. La limite supérieure de la normale pour l’intervalle QTc est de 0,48 sec. Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

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(480 ms) chez la femme et inférieure à 0,47 sec. (470 ms) chez l’homme (Drew et al., 2004). En fait, un intervalle QTc devrait généralement se situer à moins de 0,44 sec. (440 ms) (Drew & Funk, 2006). L’allongement de l’intervalle QT est une anomalie à prendre au sérieux, car elle peut prédisposer le client à une forme de TV polymorphe appelée torsade de pointes. L’allongement de l’intervalle QT peut être congénital (héréditaire) ou acquis (provoqué par un déséquilibre électrolytique ou une pharmacothérapie) (Drew, Ackerman, Funk et al., 2010 ; Pickham, Helfenbein, Shinn et al., 2012). De nombreux médicaments antiarythmiques peuvent prolonger l’intervalle QT, notamment la classe des antiarythmiques Ia (quinidine [Bioquin DurulesMD], procaïnamide [Procan SRMD], disopyramide [NorpaceMD, RythmodanMD]) et les antiarythmiques de classe III (amiodarone [Cordarone MD], dronéradone [MultaqMD], ibutilide [CorvertMD], dofétilide [TykosinMD], sotalol). Tous les médicaments à haut risque ne sont pas forcément des antiarythmiques. D’ailleurs, Santé Canada (2010) a émis des lignes directrices quant à la médication en lien avec l’allongement de l’intervalle Qt-Qtc. Le TABLEAU 13.9

énumère certains médicaments employés à l’unité de soins critiques et susceptibles de prolonger l’intervalle QT. Lorsqu’un traitement par des médicaments associés à un risque élevé de torsade de pointes est instauré, il est important d’enregistrer l’intervalle QTc avant le début de la pharmacothérapie et de poursuivre le monitorage du QTc pendant le traitement. Le risque de torsade de pointes augmente avec un allongement de l’intervalle QTc de plus de 0,50 sec. (500 ms) ou une augmentation de 0,06 sec. (60 ms) par rapport au QTc initial (Drew et al., 2010). Le monitorage de l’intervalle QTc ne fait pas encore partie intégrante du monitorage ECG de routine dans les unités de soins critiques (Funk, Winkler, May et al., 2010) et il n’est pas non plus utilisé aux ns de l’évaluation des facteurs de risque cardiovasculaire. Cela dit, il est urgent de l’incorporer aux pratiques actuelles. En effet, selon une étude ayant porté sur 900 personnes atteintes d’une cardiopathie et dans laquelle la proportion de cas d’intervalle QTc supérieur à 0,50 sec. (500 ms) au moment de l’hospitalisation s’élevait à 18 %, un tiers de ces personnes ont reçu par la suite des médicaments qui allongent

Pharmacothérapie TABLEAU 13.9

Médicaments pouvant causer la torsade de pointes*

MÉDICAMENT

MARQUE DE COMMERCE

EFFETS RECHERCHÉS

Trioxyde de diarsenic

TrisenoxMD

Anticancéreux pour le traitement de la leucémie

Azithromycine

ZithromaxMD

Antibiotique

Chloroquine

AralenMD

Antipaludique

Chlorpromazine

COMMENTAIRE

Antipsychotique ; antiémétique

Citalopram

CelexaMD

Antidépresseur

Clarithromycine

Biaxin

Antibiotique

Disopyramide

RythmodanMD, NorpaceMD

Antiarythmique

Femmes > hommes

Dofétilide

TikosynMD

Antiarythmique

Femmes > hommes

MD

Dropéridol

Sédatif ; antinauséeux

Érythromycine

E.E.S.MD ErythrocinMD ErycMD

Antibiotique ; augmentation de la motilité gastro-intestinale

Flécaïnide

TambocorMD

Antiarythmique

Halopéridol

HaldolMD

Antipsychotique

Risque de torsade de pointes avec I.V.ou surdosage

Ibutilide

CorvertMD

Antiarythmique

Femmes > hommes

Mésoridazine

SerentilMD

Antipsychotique

Méthadone

MetadolMD

Agoniste des opioïdes pour la maîtrise de la douleur

306

Partie 2

Système cardiovasculaire

Femmes > hommes

Femmes > hommes

TABLEAU 13.9

Médicaments pouvant causer la torsade de pointes* (suite)

MÉDICAMENT

MARQUE DE COMMERCE

EFFETS RECHERCHÉS

Moxioxacine

AveloxMD

Antibiotique

Pentamidine

COMMENTAIRE

Anti-infectieux pour le traitement de la pneumonie à Pneumocystis

Femmes > hommes Femmes > hommes

Pimozide

OrapMD

Antipsychotique ; tics du syndrome de Gilles de la Tourette

Procaïnamide

Procan SRMD

Antiarythmique

Quinidine

Bioquin DurulesMD

Antiarythmique

Femmes > hommes

Antiarythmique

Femmes > hommes

Sotalol Thioridazine

MellarilMD

Antipsychotique

Vandetanib

CaprelsaMD

Anticancéreux pour le cancer de la thyroïde

13

* Le tableau n’inclut que les médicaments associés à un risque avéré de torsades de pointes. Une adaptation aux médicaments utilisés au Canada a été faite. Les médicaments à faible risque ne sont pas mentionnés. Source : Adapté de Arizona Center for Education and Research on Therapeutics (CERT) (2012)

l’intervalle QT (Tisdale, Wroblewski, Overholser et al., 2012). En fait, nombreux sont les clients atteints d’un syndrome du QT long (SQTL) (QTc supérieur à 0,50 sec.) qui acquièrent de multiples facteurs de risque de torsade de pointes durant leur séjour à l’hôpital (Muzyk, Rayeld, Revollo et al., 2012 ; Pickham et al., 2012 ; Tisdale et al., 2012). Le risque de torsade de pointes est accentué par les anomalies électrolytiques comme l’hypokaliémie, l’hypomagnésémie et l’hypocalcémie (Drew et al., 2010). Il augmente aussi en présence d’une bradycardie, d’un bloc cardiaque avec pauses et de contractions prématurées avec une alternance cycle long-cycle court (Drew et al., 2010) ENCADRÉ 13.8. Des facteurs génétiques peuvent aussi être en cause. En effet, de 10 à 15 % des clients ayant acquis un SQTL (induit par une pharmacothérapie) sont porteurs de gènes qui les prédisposent à cette anomalie (Drew et al., 2010). Le traitement aigu vise l’accélération de la F.C., qui entraîne un raccourcissement de l’intervalle QT, l’arrêt de la pharmacothérapie en cause et la correction des anomalies électrolytiques. Il peut aussi comporter l’installation d’un stimulateur cardiaque temporaire et l’administration I.V. de magnésium, en particulier si la magnésémie est faible.

| Syndrome du QT long | Le syndrome du QT long (SQTL) est une maladie héréditaire des canaux cardiaques (canalopathie) associée à plusieurs génotypes différents (LQTS 1-10) et à un phénotype qui se traduit par un allongement de l’intervalle QTc sur le tracé de l’ECG. Les personnes atteintes courent un risque accru de mort cardiaque subite (MCS) (Goldenberg & Moss, 2008) ENCADRÉ 13.9. Tous les clients porteurs du génotype SQTL ne savent

pas qu’ils sont atteints de la maladie, et tous ne présentent pas un allongement de l’intervalle QTc au repos (Goldenberg& Moss, 2008). À l’unité de soins critiques, ces clients courent un risque élevé d’interactions gène-environnement ou gènemédicament qui peuvent allonger l’intervalle QTc et entraîner une TV polymorphe, aussi appelée torsade de pointes (Drew et al., 2010). ENCADRÉ 13.8

Facteurs de risque de torsade de pointes

ALLONGEMENT DU QTC

BRADYCARDIE

• QTc 0,50 sec.

• • • •

MÉDICAMENTS

• Utilisation de médicaments qui allongent l’intervalle QT • Perfusion rapide I.V. de médicaments qui allongent l’intervalle QT • Diurétiques

Bradycardie sinusale Bloc cardiaque complet Bloc cardiaque incomplet avec pauses Extrasystole entraînant des cycles courtslongs-courts

PRÉDISPOSITION GÉNÉTIQUE

• Insufsance cardiaque • IDM

• SQTL occulte (latent) (Robert, Floccard, Crozon et al., 2012 ; Timsit, L’Hériteau, Lepape et al., 2012) • Polymorphismes génétiques (diminution de la réserve de repolarisation)

AFFECTIONS MÉTABOLIQUES

ÂGE ET SEXE

AFFECTIONS CARDIAQUES STRUCTURALES

• • • •

Hypokaliémie Hypomagnésémie Hypocalcémie Insufsance hépatique avec diminution du métabolisme des médicaments

• Âge avancé • Sexe féminin • Le risque de torsade de pointes augmente en proportion des facteurs de risque présents, dont certains peuvent être silencieux sur le plan clinique et difciles à détecter.

Adapté de Drew, Ackerman, Funk et al. (2010) Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

307

ENCADRÉ 13.9

Maladies génétiques aux soins critiques : syndrome du QT long

TABLEAU CLINIQUE

INTERACTIONS ENTRE LES GÈNES ET L’ENVIRONNEMENT

• Le syndrome du QT long (SQTL) est un trouble génétique cardiaque caracté­ risé par l’allongement de l’intervalle QT. Cet allongement est déni par un intervalle QT corrigé (QTc) de plus de 0,50 sec. au repos à l’ECG. Le SQTL affecte 1 personne sur 5 000 et il est l’une des principales causes de MCS chez les jeunes (Collins & Van Hare, 2006). Chez les enfants, il est souvent appelé SQTL congénital. • La plupart du temps, c’est un épisode de syncope, une arythmie menaçant le pronostic vital (p. ex., une torsade de pointes) ou une MCS qui permet de dépis­ ter les personnes qui en sont atteintes. Les schémas thérapeutiques incluent les bêtabloquants (Goldenberg, Bradley, Moss et al., 2010 ; Goldenberg & Moss, 2008). Pour les clients à risque élevé d’arrêt cardiaque, la mise en place d’un débrillateur cardioverteur implantable (DCI) est justiée (Goldenberg et al., 2010 ; Goldenberg & Moss, 2008). • Les clients gravement malades qui sont atteints d’un SQTL non diagnostiqué sont sujets à des allongements additionnels de l’intervalle QT causés par une variété de médicaments. L’American Heart Association recommande de sur­ veiller l’intervalle QTc (Drew, Ackerman, Funk et al., 2010).

• Chez les personnes atteintes du SQTL, les interactions entre les gènes et l’environnement sont importantes ; elles varient selon le génotype et selon chaque sujet (Sauer, Moss, McNitt et al., 2007 ; Schwartz, 2006) : – L’incidence des arythmies ventriculaires et des épisodes de MCS pendant l’effort, notamment la natation (déclencheur lié à l’activité physique), est plus élevée en présence du SQTL1. – L’incidence des arythmies ventriculaires et des épisodes de MCS survenant pendant le sommeil est plus élevée en présence du SQTL2, qui rend les personnes très sensibles aux bruits forts et soudains à l’origine du réexe de tressaillement (déclencheur auditif). – L’incidence des arythmies ventriculaires et des épisodes de MCS pendant le sommeil et le repos est plus élevée en présence du SQTL3.

DONNÉES GÉNÉTIQUES

• Plusieurs gènes ont été identiés relativement au SQTL (Ashley, Butte, Wheeler et al., 2010 ; Baccarelli & Ghosh, 2012 ; Cold Spring Harbor Labo­ ratory, 2012 ; Damani, & Topol, 2011 ; Feero, Guttmacher & Collins, 2010 ; International Human Genome Sequencing Consortium, 2004 ; Madian, Wheeler, Jones et al., 2012 ; Odell, Wallace & Pederson, 2012 ; Rare Diseases Act of 2002, 2002 ; Salari, Watkins, & Ashley, 2012). Tous ces gènes codent des composants protéiques des canaux ioniques cardiaques et modulent le ux ionique. Parfois, les troubles affectant ces canaux sont appelés cana­ lopathies (Goldenberg & Moss, 2008). Les trois gènes les plus courants sont énoncés ci­dessous. 1. Le SQTL1 est causé par une mutation du gène KCNQ1, aussi appelé gène KvLQT1, qui code pour une protéine du canal potassique active pendant la phase 3 du potentiel d’action cardiaque (courant Iks). Il touche de 35 à 50 % des cas de SQTL. 2. Le SQTL2 est causé par une mutation du gène KCNH2, aussi appelé gène HERG, qui code pour une protéine du canal potassique intervenant normalement à la n du potentiel d’action cardiaque (courant IKr). Il touche de 25 à 30 % des cas. 3. Le SQTL3 est causé par une mutation du gène SCN5A, qui code pour une protéine du canal sodique pendant la phase 0 du potentiel d’action cardiaque (courant NaV15). Il est présent dans 5 à 10 % des cas.

HÉRÉDITÉ

• La transmission du gène peut se faire par des processus autosomiques dominants et autosomiques récessifs. Les gènes LQTS1, LQTS2 et LQTS3 se transmettent par un processus autosomique dominant (Nannenberg, Sijbrands, Dijksman et al., 2012). • Le phénotype n’est pas le même chez toutes les personnes, même si elles sont porteuses du même génotype (Nannenberg et al., 2012). Ce phénomène s’expliquerait par l’inuence d’autres gènes agissant de concert avec le gène principal pour modier le potentiel d’action cardiaque et allonger l’intervalle QTc. QUI DEVRAIT PASSER UN TEST GÉNÉTIQUE ?

• Certains tests génétiques cliniques permettent de dépister le SQT. Le test génétique est très utile pour les familles de clients atteints du SQTL. Si un membre de sa famille présente un intervalle QTc long, il est raisonnable de présumer, pendant les explorations cardiaques et génétiques, qu’il est porteur de la mutation. Il est également important que les membres de la famille dont l’intervalle QTc est normal passent des tests, car jusqu’à 50 % d’entre eux sont atteints d’un SQTL latent, ce qui signie qu’ils ont un génotype positif et un phénotype négatif (QTc normal au repos, à l’ECG) (Goldenberg & Moss, 2008). Cela s’explique par le concept génétique de pénétrance, c’est­à­dire par le fait qu’un même gène n’entraîne pas le même effet phénotypique chez toutes les personnes qui en sont porteuses. En effet, si une personne est porteuse de la mutation génétique, mais que son inter­ valle QTc est normal au repos, elle sera quand même vulnérable pendant un effort ou un stress physiologique.

Axe électrique du cœur Les impulsions électriques créées instantanément par la dépolarisation du myocarde ventriculaire se propagent dans le cœur en prenant diverses directions. À l’aide de l’ECG à 12 dérivations, une moyenne de ces forces divergentes peut être calculée pour déterminer l’orientation globale du courant électrique qui se propage dans le cœur. Le vecteur résultant est appelé vecteur cardiaque moyen. Il donne la direction générale du front de dépolarisation cardiaque. Il est possible de le représenter sur un graphique circulaire de référence appelé double triaxe de Bailey et de lui attribuer une valeur en degrés. Cette valeur est celle de l’axe électrique du cœur (Surawicz et al., 2009) FIGURE 13.33.

308

Partie 2

Système cardiovasculaire

L’axe électrique du cœur se situe entre −30 et +90° (Surawicz et al., 2009). Lorsque cet axe se trouve entre +90 et +180°, il s’agit d’une déviation axiale droite. Plus précisément, la déviation axiale droite est qualiée de modérée lorsqu’elle est comprise entre +90 et +120°, et de marquée lorsqu’elle est comprise entre +120 et +180° (Surawicz et al., 2009). Lorsque l’axe électrique du cœur se situe entre −30 et −90°, il s’agit d’une déviation axiale gauche. Entre −30 et −45°, cet axe traduit une déviation axiale gauche modérée, et entre −45 et −90°, il dénote une déviation axiale gauche marquée (Surawicz et al., 2009). La FIGURE 13.33 illustre l’emplacement de ces points de repère sur le double triaxe de Bailey. Quand l’axe électrique du cœur est situé dans le quadrant

ENCADRÉ 13.10

Étapes de la détermination de l’axe électrique du cœur

1. Placer la pointe d’un crayon au centre du double triaxe de Bailey FIGURE 13.33. 2 À l’ECG, vérier la dérivation DI. Si elle est positive, déplacer le crayon vers la droite ; si la dérivation DI est négative, déplacer le crayon vers la gauche. 3. Vérier la dérivation aVF. Si elle est posi­ tive, déplacer le crayon vers le bas ; si la

dérivation aVF est négative, déplacer le crayon vers le haut. 4. Au plan frontal, déterminer la dérivation avec le moins d’amplitude (aspect isodipha­ sique) et tracer une ligne la représentant. 5. Tracer une ligne perpendiculaire dans le sens déterminé par les étapes 2 et 3. 6. Déterminer l’axe.

Analyse des dérivations de l’électrocardiogramme FIGURE 13.33

Double triaxe de Bailey. DAG : déviation axiale gauche ; DAD : déviation axiale droite.

supérieur gauche du cercle, appelé aussi quadrant nord-ouest, il est qualié d’indéterminé ou d’extrême. Ce cas de gure est rare ; il s’observe lorsque les ondes de dépolarisation partent de la base du ventricule, à proximité de l’apex du cœur, et qu’elles se propagent vers le haut, en direction de l’oreillette. L’axe indéterminé peut être associé sur le plan clinique à des battements d’origine ventriculaire, comme les ESV et certains rythmes électroentraînés. L’axe électrique du cœur est déterminé en se servant des six dérivations des membres (DI, DII, DIII, aVR, aVL et aVF), en suivant les étapes décrites dans l’ENCADRÉ 13.10 et en consultant la FIGURE 13.33. La FIGURE 13.34 peut être utilisée comme exemple.

13

Le monitorage cardiaque continu utilise des électrodes adhésives prégéliées qui permettent d’obtenir un tracé semblable à celui de une ou de plusieurs dérivations de l’ECG à 12 dérivations. Pour ce faire, il faut disposer d’au moins trois électrodes. La première sert de pôle positif, la deuxième de pôle négatif et la troisième de masse (mise à la terre). Dans la plupart des unités de soins critiques, cinq électrodes sont utilisées. Sur un système multipiste à cinq électrodes, l’inrmière peut surveiller deux dérivations simultanément et changer en tout temps de paires de dérivations en appuyant sur le bouton de sélection prévu à cet effet. Habituellement, lorsque ce type de système est utilisé, l’inrmière place les électrodes vis-à-vis le BD, le BG, la JG, la JD et sur le thorax près du sternum. L’électrode précordiale est généralement placée en position V1 FIGURE 13.35. Le choix de la dérivation à utiliser pour le monitorage continu ne doit pas être fait à la légère ni par

FIGURE 13.35

A Le système à trois électrodes (avec les câbles correspondants) permet de surveiller trois des déri­

FIGURE 13.34 ECG qui démontre un axe d’environ 0°.

vations périphériques (DI, DII et DIII). Les électrodes peuvent être déplacées pour visualiser les dériva­ tions modiées MCL1 et MCL6. B Le système multipiste comprend cinq électrodes (avec les câbles correspondants) qui permettent de surveiller n’importe laquelle des six dérivations standard des mem­ bres (DI, DII, DIII, aVR, aVL ou aVF) ainsi qu’une dérivation précordiale (V1 ou V6). C1 indique l’endroit où il convient de placer l’électrode précordiale pour surveiller l’activité du cœur en V1, et C6, l’endroit où il con­ vient de placer cette électrode pour surveiller l’activité cardiaque en V6. Le code de couleurs des raccords des câbles facilite le repérage et le bon positionnement des électrodes. Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

309

simple automatisme. Il doit dépendre de l’état clinique du client et de ses antécédents cliniques récents (Drew et al., 2004). Ainsi, en cas de susdécalage du segment ST associé à un syndrome coronarien aigu, d’intervention coronarienne percutanée (ICP) ou de chirurgie cardiaque récente, c’est parmi les dérivations qui ont le mieux mis en évidence le sus-décalage du segment ST qu’il faut choisir les deux dérivations optimales pour le monitorage ECG (Drew et al., 2004). Au début de chaque quart de travail, il faut vérier que les électrodes sont bien positionnées et que c’est la dérivation appropriée qui a été sélectionnée sur le moniteur.

Dérivation DII Sur l’ECG standard à 12 dérivations, la dérivation DII est obtenue en plaçant une électrode positive sur la JG, une électrode négative sur le BD et une électrode servant de mise à la terre sur la JD. Pour le monitorage continu, par souci de commodité, ces électrodes sont placées sur le torse, à proximité du point de jonction des membres avec le thorax, plutôt que sur les membres eux-mêmes FIGURE 13.35. Dans les unités de soins critiques, dans la plupart des cas, c’est un système multipiste à cinq électrodes sur lequel il est possible de visualiser la dérivation DII en appuyant sur le bouton correspondant sur le moniteur qui est utilisé. Lorsque l’axe électrique du cœur est normal, le tracé enregistré en DII est essentiellement positif (au-dessus de la ligne de base) : l’onde P et le complexe QRS sont positifs FIGURE 13.36B. En général, les ondes P en DII peuvent aisément être repérées ; d’ailleurs, c’est cette dérivation qui est recommandée pour la surveillance des arythmies auriculaires. Par contre, il est difcile de déceler un BBD ou un BBG dans cette dérivation, car il s’agit d’une dérivation verticale qui ne met pas clairement en évidence les troubles de la conduction interventriculaire (orientation horizontale de l’impulsion électrique). DII ne permet pas non plus de distinguer une TV d’une tachycardie supraventriculaire (TSV) avec conduction aberrante. Les critères permettant de distinguer la TV de la TSV à

FIGURE 13.36 Surveillance en DII. A Position des électrodes. L’électrode négative est placée sur l’épaule droite ; l’électrode positive, sur le thorax, à gauche (de préférence sous la cage thoracique) ; et l’électrode de masse, sur l’épaule gauche. B ECG typique en DII.

310

Partie 2

Système cardiovasculaire

complexes QRS larges sont expliqués en détail plus loin dans le chapitre.

Dérivation V1

L’électrode exploratrice V1 est placée à la hauteur du quatrième espace intercostal, sur le bord droit du sternum. Les impulsions électriques se propageant dans le cœur sont, pour la plupart, dirigées vers le V.G. et s’éloignent de l’électrode V1. C’est pourquoi le complexe QRS normal en V1 est essentiellement négatif FIGURE 13.37B. Toute activité électrique anormale dirigée vers le V.D., comme c’est le cas en présence d’un BBD, se traduit dans cette dérivation par des complexes QRS positifs ayant souvent un aspect RSR. La dérivation V1 est idéale pour analyser les ESV. De plus, elle fournit des données qui permettent : 1) de détecter et de faire la différence entre un BBD et un BBG, ou entre une TV et une TSV avec conduction aberrante ; 2) de déterminer si les ESV proviennent du V.D. ou du V.G. ; 3) d’établir clairement si les anomalies du segment ST sont provoquées par un BBD ou si elles traduisent une ischémie. En fait, V1 est la

FIGURE 13.37

A Position de l’électrode exploratrice pour les dérivations MCL1 et MCL6. B ECG typique en MCL1. C ECG typique en MCL6.

dérivation idéale pour trancher ces questions. Les critères de détection de ces arythmies en V1 sont présentés en détail plus loin dans ce chapitre.

MCL1

L’abréviation MCL1, de l’anglais modied chest lead, correspond à la dérivation V1 obtenue sur un ECG à 5 ou à 12 dérivations. Il est à noter que les ECG enregistrés en MCL1 et en V1 sont similaires, mais qu’ils ne sont pas identiques. En MCL1, l’électrode négative est placée sur l’épaule droite, et l’élec trode positive est posée à la hauteur du quatrième espace intercostal, juste à droite du sternum FIGURE 13.37A. Il est important de placer cette électrode correctement. De nos jours, rares sont les inrmières qui choisissent d’utiliser la dérivation MCL1. Elles n’y ont recours que lorsqu’un système à trois dérivations est utilisé (p. ex., un moniteur ECG portatif) et qu’il est impossible de créer une dérivation V1, ce qui arrive rarement dans les unités de soins critiques. Normalement, en MCL 1, la déflexion du complexe QRS est essentiellement négative FIGURE 13.37B. En revanche, en MCL6, elle est essentiellement positive, car l’électrode positive est placée sur la ligne axillaire moyenne gauche FIGURE 13.37C.

Choix de la dérivation optimale pour le monitorage cardiaque Dans les premiers temps de la pratique inrmière en soins critiques, le monitorage cardiaque avait pour objectifs principaux la surveillance de la F.C., la détection des arythmies ventriculaires constituant des signaux d’alerte (essentiellement les ESV) et la détection précoce des arythmies mortelles (FV ou asystolie). Si les objectifs du monitorage ECG demeurent les mêmes aujourd’hui aux soins critiques, plusieurs problèmes plus complexes sont désormais au centre des préoccupations des inrmières et des médecins. Le cas des tachycardies à complexes QRS larges peut être donné comme exemple. Elles ne sont pas toujours d’origine ventriculaire : il arrive qu’elles soient supraventriculaires et associées à une conduction ventriculaire aberrante. Par ailleurs, de nombreux clients hospitalisés aux soins critiques reçoivent un traitement de reperfusion (ICP, pose d’une endoprothèse [stent] ou brinolyse) et doivent faire l’objet d’un monitorage ECG continu, puisque ce dernier permet de déceler d’éventuels décalages du segment ST évocateurs d’une lésion en l’absence de symptômes cliniques. C’est donc dire que l’inrmière qui accueille un client au sein d’une unité de soins critiques ou d’une unité de télémétrie choisit avec soin les dérivations de l’ECG à surveiller en fonction des besoins cliniques de ce dernier. Qui plus est, il est extrêmement important de bien placer les électrodes si elle veut utiliser les données fournies par ces dérivations à des ns paracliniques bien précises (AACN, 2009b). Plus spéciquement, les électrodes des membres supérieurs doivent être placées sur la poitrine, à proximité de la jonction entre le torse et les bras. Les

électrodes des membres inférieurs, elles, doivent être placées sous la cage thoracique, entre l’ombilic et la ligne axillaire moyenne (Drew & Funk, 2006). Le fait de trop rapprocher les électrodes du cœur diminue la précision des différents critères utilisés dans la reconnaisance des arythmies.

Monitorage continu des arythmies Les clients atteints d’une cardiopathie grave (IDM aigu, insufsance cardiaque, cardiomyopathie) sont prédisposés aux blocs de branche, aux ESV et aux tachycardies à complexes QRS larges. Dans ce cas, pour le monitorage, il convient de sélectionner une dérivation précordiale qui permet d’enregistrer des anomalies de la conduction interventriculaire, soit la dérivation V1. Certains systèmes multipistes à cinq dérivations offrent à l’inrmière la possibilité de choisir entre les dérivations MCL1 et V1. Comme cela a été mentionné précédemment, les ECG obtenus en MCL1 et en V1 ne sont pas identiques, et il faut toujours privilégier V1 par rapport à MCL1, car elle est associée à une plus grande précision diagnostique. Il est également possible de choisir différentes options parmi les six dérivations frontales (dérivations périphériques standard et dérivations augmentées des membres) et d’adapter ainsi le monitorage aux besoins cliniques du client. Par exemple, les dérivations DI et aVF seront privilégiées pour déceler toute déviation brutale de l’axe électrique du cœur. S’il y a lieu de surveiller le segment ST, l’inrmière choisira la dérivation en fonction de la topographie du territoire ischémique. Lorsque ce dernier ne peut être circonscrit, il est recommandé d’opter pour les dérivations V 3 et DIII an de surveiller le seg ment ST à la recherche de signes d’ischémie (AACN, 2009b). En cas de lésion de la paroi inférieure du myocarde, l’infirmière optera pour les dériva tions DII, DIII et aVF, et, en présence d’ischémie latérale, elle pourra se er aux dérivations DI et aVL.

13

Monitorage continu du segment ST L’une des principales responsabilités incombant à l’inrmière en soins critiques est de déceler toute variation de l’ECG dénotant une ischémie myocardique (AACN, 2009b). Au chevet du client, la mise en œuvre de cette responsabilité se fait sous la forme d’une surveillance continue du segment ST à l’aide du moniteur de chevet classique. De plus en plus de systèmes de monitorage comprennent un logiciel destiné à l’analyse du segment ST et permettent ainsi de déceler une éventuelle ischémie ou une lésion myocardique. Ces affections peuvent se manifester par des décalages caractéristiques du segment ST associés aux symptômes usuels (douleurs thoraciques), mais il arrive aussi qu’elles soient silencieuses, c’est-à-dire qu’elles ne se manifestent par aucun signe ou symptôme clinique, à l’exception d’un sus-décalage ou d’un sous-décalage du segment ST sur le moniteur ECG (Conti, Bavry & Petersen, 2012). La méthode la plus efcace pour choisir la dérivation idéale pour le monitorage du segment ST et Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

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le repérage d’anomalies ischémiques consiste à analyser, si possible, l’ECG à 12 dérivations enregistré durant un épisode d’ischémie. En effet, l’ECG standard à 12 dérivations enregistré en cas de syndrome coronarien aigu avant l’instauration d’un traitement ou durant une ICP met en évidence la dérivation qui permet de visualiser le mieux les anomalies électrocardiographiques dénotant l’ischémie (AACN, 2009b ; Drew et al., 2004). Dans les conditions physiologiques normales, c’est-à-dire en l’absence d’ischémie, le segment ST est isoélectrique tout comme le segment TP (segment allant de la n de l’onde T au début de l’onde P suivante [Rautaharju, Surawicz, Gettes et al., 2009] et suivant la ligne de base) ; ce dernier est également appelé ligne isoélectrique FIGURE 13.38. Tout client atteint d’un syndrome coronarien aigu est exposé à un risque d’ischémie silencieuse, même s’il reçoit un traitement par des brinolytiques, des dérivés nitrés ou des anticoagulants (Conti et al., 2012). Les clients ayant subi une ICP, quant à eux, sont prédisposés à une nouvelle occlusion coronarienne ou à un spasme coronarien, lesquels se traduisent à l’ECG par des variations du segment ST semblables à celles observées au moment du gonement du ballonnet durant l’ICP. Le monitorage du segment ST est indiqué pour tous les clients hospitalisés aux soins critiques qui ont des antécédents d’IDM, d’angine, de diabète ou d’insufsance rénale (Drew et al., 2004). Toutefois, il convient de souligner que les décalages du segment ST ne sont pas toujours attribuables à une ischémie et qu’ils peuvent par conséquent constituer une fausse alerte. Parmi les autres facteurs couramment mis en cause dans les décalages du segment ST gurent l’hyperkaliémie, la péricardite, l’hypokaliémie, l’hypomagnésémie, l’hypothermie, l’anévrisme ventriculaire, l’hypothyroïdie, l’infarctus pulmonaire et la prise de certains médicaments (p. ex., la quinidine, les digitaliques). De plus, des variations du segment ST, qui sont provoquées par une

FIGURE 13.38 Le segment TP sert de point de repère pour dénir la ligne isoélectrique lorsque la F.C. est sufsamment lente pour qu’il puisse être visualisé. Dans le cas contraire, l’intervalle PR peut être utilisé comme référence.

312

Partie 2

Système cardiovasculaire

libération excessive de noradrénaline par les bres sympathiques innervant le myocarde, sont observées en présence d’une hémorragie sous-arachnoïdienne. La gravité de la souffrance myocardique et l’importance du décalage du segment ST dépendent alors de la gravité de la lésion nerveuse (Behrouz, Sullebarger & Malek, 2011). Le décalage du segment ST est quantié en mesurant le nombre de millimètres qui séparent ce dernier de la ligne isoélectrique ou de la ligne de base. Comme il arrive que le segment ST soit incliné ou qu’il forme un arc, la mesure est généralement effectuée à 60 ms à droite du point J (AACN, 2009b) FIGURE 13.39. Le point J est utilisé comme repère pour éviter de prendre la mesure sur la pente ascendante de l’onde T. Sur le moniteur de chevet, le susdécalage du segment ST est représenté par un nombre positif, alors que le sous-décalage est

FIGURE 13.39

A Position normale du point J. B Élévation de 3 mm du segment ST. C Dépression de 3 mm du segment ST. Les

variations du segment ST sont mesurées de 0,06 à 0,08 sec. (60 à 80 ms) après le point J.

indiqué par un nombre négatif FIGURE 13.39. Pour que le décalage du segment ST soit considéré comme d’importance clinique, il doit être décalé d’au moins 1 mm au plan frontal ou de 2 mm au plan précordial (1 ou 2 petits carrés sur l’ECG) par rapport à la ligne isoélectrique, selon la dérivation choisie (Wagner, Macfarlane, Wellens et al., 2009). L’ENCADRÉ 13.11 répertorie les valeurs seuils à partir desquelles le point J est considéré comme étant anormal dans différentes dérivations. Il faut toujours tenir compte de l’état clinique du client au moment du réglage des paramètres de l’alarme qui signale un décalage du segment ST. Par exemple, pour les clients exposés à un risque élevé d’ischémie, l’infirmière peut faire en sorte que l’alarme se déclenche en présence d’un décalage de 1 mm par rapport à la valeur initiale. Pour les clients dont l’état est stable et qui sont exposés à un faible risque d’ischémie, il est recommandé de la régler de telle sorte qu’elle signale tout décalage de 2 mm par rapport à la ligne isoélectrique (Drew et al., 2004). Des valeurs seuils différentes ont été établies en fonction de l’état clinique dans le but de réduire le nombre de fausses alarmes. S’il est recommandé d’accroître la valeur seuil à partir de laquelle se déclenche l’alarme chez les clients dont l’état est stable, c’est parce que ces derniers sont actifs et que chacun de leurs mouvements peut faire varier la ligne isoélectrique. Or, lorsque les fausses alarmes se multiplient, l’inrmière peut être tentée d’éteindre le système d’alarme ou de l’ignorer, chose à éviter absolument. Une mauvaise adhésion des électrodes à la peau peut également déclencher de fausses alertes de décalage du segment ST, d’où l’importance de préparer correctement la peau avant de mettre les électrodes en place (Drew et al., 2004). Il est très important d’utiliser des électrodes neuves tous les jours et de changer le site sur la peau ; cela permet une meilleure qualité du tracé et diminue le risque de réactions cutanées. Le monitorage continu du segment ST ne se prête pas au repérage de certaines anomalies électrocardiographiques, notamment celles qui caractérisent des rythmes associés à des complexes QRS larges et à une distorsion du segment ST (BBG, BBD, rythme électroentraîné et rythme idioventriculaire). D’autres types de rythmes qui masquent la ligne isoélectrique, comme la fibrillation ou le flutter auriculaires, peuvent compliquer le monitorage du segment ST (Drew et al., 2004). Enn, ce type de monitorage est quasiment impossible si le client est agité.

Hypertrophie auriculaire Le tracé de l’ECG à 12 dérivations peut faire soupçonner une hypertrophie de la cavité des oreillettes, car la taille du muscle inue sur ce tracé. En effet, des anomalies auriculaires peuvent être révélées par la taille et la forme des ondes P, et elles sont généralement plus évidentes dans la dérivation DII. Les ondes P larges en forme de m (bides), généralement observées en présence d’une hypertrophie

Collecte des données ENCADRÉ 13.11

Seuils anormaux du point J variant avec l’âge, le sexe et les dérivations de l’ECG

IDM DE LA PAROI ANTÉRIEURE, LATÉRALE ET INFÉRIEURE – SEUIL DU POINT J

• Pour les hommes de plus de 40 ans, le seuil d’élévation anormale du point J est de +0,2 mV (2 mm) dans les dérivations V2 et V3, et de +0,1 mV (1 mm) dans toutes les autres dérivations. • Pour les hommes de 40 ans et moins, le seuil d’élévation anormale du point J dans les déri­ vations V2 et V3 est de +0,25 mV (2,5 mm). • Pour les femmes, le seuil d’élévation anor­ male du point J est de +0,15 mV (1,5 mm) dans les dérivations V2 et V3, et supérieur à +0,1 mV (1 mm) dans toutes les autres dérivations. IDM DE LA PAROI VENTRICULAIRE DROITE – SEUIL DU POINT J

et V4R est de +0,05 mV (0,5 mm), mais il est plus bas chez les hommes de moins de 30 ans, soit +0,1 mV (1 mm). IDM DE LA PAROI POSTÉRIEURE – SEUIL DU POINT J

• Pour les hommes et les femmes, le seuil d’élé­ vation anormale du point J de V7 à V9 doit être de +0,05 mV (0,5 mm). DÉPRESSION DU POINT J

• Pour les hommes et les femmes de tous âges, le seuil de dépression anormale du point J doit être de +0,05 mV (−0,5 mm) dans les dérivations V2 et V3, et de − 0,1 mV (−1 mm) dans toutes les autres dérivations.

Pour les hommes et les femmes, le seuil d’élévation anormale du point J dans V3R Source : Adapté de Wagner, Macfarlane, Wellens et al. (2009)

auriculaire gauche, étaient autrefois appelées ondes P mitrales, car il est fréquent que l’hypertrophie de l’oreillette gauche soit causée par un rétrécissement mitral FIGURE 13.40A. Les ondes P hautes et pointues observées en présence d’une hypertrophie auriculaire droite sont appelées ondes P pulmonaires, car ce type d’hypertrophie résulte souvent d’une maladie pulmonaire chronique FIGURE 13.40B. Les lignes directrices actuelles sur l’ECG insistent sur le fait que les anomalies de l’onde P peuvent résulter de nombreuses affections et se produire en l’absence d’hypertrophie auriculaire. C’est pourquoi l’ECG n’est pas considéré comme un outil concluant de détection de l’hypertrophie auriculaire (Hancock, Deal, Mirvis et al., 2009). Le terme plus général d’anomalie auriculaire est suggéré pour désigner les anomalies de l’onde P lorsque la pathologie sousjacente est inconnue (Hancock et al., 2009).

Hypertrophie ventriculaire L’hypertrophie ventriculaire désigne une augmentation de la taille et de la masse musculaire de l’un ou des deux ventricules. Étant donné qu’une masse musculaire plus importante est dépolarisée, une activité électrique plus importante est enregistrée à l’ECG pendant la dépolarisation. Dans l’hypertrophie ventriculaire, la masse musculaire accrue fait augmenter l’amplitude du complexe QRS, particulièrement dans les électrodes précordiales. Les complexes QRS verticaux deviennent plus longs, et les complexes QRS négatifs deviennent plus négatifs. Il est fréquent que le complexe QRS s’élargisse légèrement, Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

313

13

myocarde devient si marqué que les tissus ne peuvent plus survivre, il y a infarctus et nécrose des cellules du myocarde. Un grand nombre d’interventions inrmières et médicales visent à sauver autant de tissus ischémiques que possible. L’infarctus désigne la mort et la désintégration des cellules musculaires, suivies de leur remplacement par des tissus cicatriciels. Le processus ainsi déclenché est irréversible. Il est donc crucial de surveiller attentivement l’ECG et d’intervenir rapidement pour rétablir la perfusion du myocarde avant que l’infarctus ne se produise.

Variations électrocardiographiques indiquant une ischémie et un infarctus

FIGURE 13.40 Hypertrophie auriculaire. A Dans l’hypertrophie auriculaire gauche, l’onde P est large et crochetée, et parfois appelée onde P mitrale, parce qu’elle est souvent associée à une maladie de la valve mitrale. B Dans l’hypertrophie de l’oreillette droite, l’onde P est haute et pointue, et parfois appelée onde P pulmonaire, car elle est souvent associée à une maladie pulmonaire.

puisqu’il faut plus de temps pour dépolariser un muscle plus volumineux. L’axe QRS se déplace souvent vers le ventricule hypertrophié, car une part plus importante de l’activité électrique totale du cœur s’y produit. Il existe des indices permettant de mesurer des critères bien précis sur l’ECG pour permettre le diagnostic de l’hypertrophie ventriculaire, notamment les indices de Sokolow-Lyon et Cornell, ou bien l’échelle de pointage de Romhilt-Estes (Libby, Bonow, Mann et al., 2008). Bien que les résultats de l’ECG à 12 dérivations puissent évoquer une hypertrophie, l’échocardiogramme est un dispositif paraclinique des plus ables car il permet de visualiser l’épaisseur de la paroi du ventricule ainsi que son mouvement.

Ischémie et infarctus L’ischémie se produit lorsque l’apport d’oxygène aux tissus est insufsant pour répondre aux besoins métaboliques. Une forme instable d’ischémie cardiaque peut résulter d’une diminution soudaine de l’apport, comme lorsque l’artère est bloquée par un thrombus, ou en cas de spasme de l’artère coronaire (Jneid, Anderson, Wright et al., 2012 ; Kushner, Hand, Smith et al., 2009). Une artère coronaire rétrécie qui ne peut s’adapter à une augmentation soudaine des besoins créée par un effort peut se traduire par une angine stable. L’ischémie est, par nature, un processus transitoire. L’équilibre entre l’apport et les besoins est rétabli, et les tissus du muscle cardiaque récupèrent. En revanche, lorsque le déséquilibre entre les besoins et l’apport d’oxygène du

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Partie 2

Système cardiovasculaire

L’ischémie et l’infarctus perturbent la manière dont les cellules musculaires cardiaques répondent aux stimulus électriques. Ces changements peuvent généralement s’observer sur le tracé d’un ECG à 12 dérivations. L’élévation du segment ST apparaît lorsque l’électrode positive est placée directement au-dessus d’une région touchée par une lésion aigüe qui affecte toute l’épaisseur de la paroi myocardique FIGURE 13.41A. Les changements du segment ST apparaissant sur le tracé de l’ECG de surface sont causés par des différences entre le gradient du potentiel du myocarde ischémique et celui du myocarde sain, et ils se nomment courants de lésion (Wagner et al., 2009). Cela représente la phase aiguë de l’infarctus, et il faut alors entamer des interventions visant à débloquer l’artère coronaire obstruée pour prévenir la nécrose myocardique. L’élévation du segment ST est un précurseur de l’infarctus du myocarde avec élévation du segment ST (STEMI) (Kushner et al., 2009). L’élévation du segment ST n’est pas toujours le seul signe annonciateur de l’IDM. Lorsque le client est atteint d’un IDM sans élévation du segment ST, il s’agit d’un infarctus du myocarde sans élévation du segment ST (NSTEMI, abréviation anglaise signiant non-ST segment elevation myocardial infarction), et le diagnostic peut être considérablement plus difcile à poser si l’ECG ne révèle aucun des changements caractéristiques du segment ST (Jneid et al., 2012). La dépression du segment ST se produit lorsque la réduction du débit sanguin est limitée à l’endocarde et qu’il reste certains tissus musculaires normaux entre le foyer ischémique et l’électrode positive FIGURE 13.41B. La dépression du segment ST est observable, car l’électrode positive est séparée du foyer ischémique par des tissus normaux. Le plus souvent, les ondes T s’aplatissent ou s’inversent. Un infarctus entraîne une nécrose (mort) des cellules musculaires qui nissent par former du tissu cicatriciel. Ces cellules ne peuvent plus être dépolarisées lorsqu’une impulsion électrique les atteint. Si l’IDM atteint la couche épicardique (externe) du muscle cardiaque ou toute l’épaisseur de la paroi cardiaque (lésion complète), le complexe QRS est modifié. Les ondes Q anormales apparaissent

complète du myocarde, aujourd’hui, c’est davantage l’expression avec onde Q qui est utilisée. Il arrive aussi que tout le complexe QRS se raccourcisse sans apparition d’onde Q. Il s’agit alors d’un IDM qualié de sans onde Q.

Infarctus sans onde Q Tous les infarctus du myocarde (IDM) aigus ne produisent pas forcément une onde Q pathologique sur l’ECG à 12 dérivations. Lorsque les variations caractéristiques de l’ECG sont absentes, le diagnostic dépend du tableau clinique symptomatique, de biomarqueurs cardiaques précis (p. ex., TnI, TnT, CK-MB) et d’autres examens paracliniques sans ECG comme le cathétérisme cardiaque. Les infarctus NSTEMI sont des infarctus sans onde Q.

Détermination du foyer de l’infarctus d’après l’électrocardiogramme à 12 dérivations

FIGURE 13.41

A Infarctus sous-épicardique aigu (lésion) de l’ensemble de la

paroi myocardique. Les forces électriques (èches) à l’origine du segment ST sont dirigées vers l’extérieur dans toute l’épaisseur de la paroi du muscle cardiaque et causent une élévation du segment ST dans les dérivations directement au-dessus de la région ischémique. B Infarctus sous-endocardique aigu (lésion). Les forces électriques à l’origine du segment ST sont déviées vers la tunique interne du cœur et entraînent une dépression ST dans les dérivations directement au-dessus de la région de la paroi musculaire cardiaque.

généralement dans les dérivations au-dessus du foyer affecté. Alors qu’autrefois le terme transmural était utilisé pour décrire un infarctus de la paroi

Le foyer de l’infarctus peut être déterminé approximativement en vériant exactement de quelles électrodes proviennent les variations des segments ST et de l’onde T observées sur l’ECG à 12 dérivations. Le TABLEAU 13.10 résume les variations prévisibles à l’ECG à 12 dérivations 14 . L’infarctus ventriculaire droit et l’infarctus de la paroi postérieure sont particulièrement difciles à détecter sur un ECG standard à 12 dérivations, car aucune des dérivations standard n’enregistre directement les changements dans ces régions. Un infarctus ventriculaire droit peut être envisagé et analysé dans le contexte d’un IDM aigu de la paroi inférieure. An que ce diagnostic ne passe pas inaperçu, l’inrmière peut recourir aux électrodes précordiales

13 14 Le chapitre 14, Troubles car­ diovasculaires, décrit plus en détail la façon de déter­ miner le foyer de l’IDM.

Collecte des données TABLEAU 13.10

Variations électrocardiographiques pendant un infarctus du myocarde*

FOYER DE L’INFARCTUS

ARTÈRE TOUCHÉE

DÉRIVATIONS TOUCHÉES

CHANGEMENTS VISIBLES À L’ECG

Paroi antérieure

Artère interventriculaire antérieure (IVA)

V3, V4

Ondes Q, ST ↑, T ↓

Paroi inférieure

Artère coronaire droite (ACD) ou artère circonexe (Cx)

DII, DIII, aVF

Ondes Q, ST ↑, T ↓

Septum ventriculaire

IVA

V1, V2

Ondes Q, ST ↑, T ↓

Paroi latérale

Cx

V5, V6, DI, aVL

Ondes Q, ST ↑, T ↓

Paroi postérieure

ACD ou Cx

V1, V2, (parfois V3) ; V7, V8, V9

R haute et pointue ; ST ↓ ; T droite avec ST ↑ V7, V8, V9

Ventricule droit

ACD proximale

V4R (droit)

ST ↑

* Voir la FIGURE 13.26 pour l’emplacement des électrodes ECG. ACD : artère coronaire droite ; ant. : antérieur ; Cx : artère circonexe ; droit : région précordiale droite ; ECG : électroca rdiogramme ; IVA : artère interventriculaire antérieure ; ondes Q : ondes Q pathologiques ; post. : postérieur ; ↑ : élevé ; ↓ : déprimé. Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

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Collecte des données TABLEAU 13.11

Changements électrocardiographiques après un infarctus

ÉVOLUTION

CHANGEMENT

Immédiatement

Élévation du segment ST dans les dérivations au-dessus du foyer de l’infarctus (ondes T généralement négatives).

Après quelques heures

Ondes T géantes verticales

Plusieurs heures plus tard

Normalisation du segment ST ; inversion symétrique des ondes T

De plusieurs heures à quelques jours plus tard

Ondes Q ou réduction des ondes R ; potentiel pouvant rester faible en permanence

droites et enregistrer l’ECG à 12 dérivations de tout client soupçonné de présenter un IDM de la paroi ventriculaire droite inférieure (Drew, 2007). Il est important de détecter rapidement l’infarctus ventriculaire droit, car il nécessite une prise en charge spéciale et entraîne un risque supérieur de mortalité hospitalière (Goldstein, 2012).Les nitrates et les autres vasodilatateurs couramment administrés en cas d’IDM aigu peuvent causer une hypotension importante et avoir un effet négatif sur la précharge et le D.C. Un IDM de la paroi postérieure peut survenir chez un client atteint d’un IDM aigu de la paroi inférieure en présence d’une dépression du segment ST dans les dérivations V1, V 2 et V 3 sur l’ECG standard à 12 dérivations. Des ondes R proéminentes peuvent aussi apparaître. L’atteinte de la paroi postérieure peut être conrmée en se servant également des électrodes précordiales postérieures V7, V8 et V9 FIGURE 13.26D.

Évolution d’un infarctus à l’électrocardiogramme Lorsque le débit sanguin dans une artère coronaire est soudainement bloqué, tout le foyer du muscle cardiaque normalement perfusé par cette artère devient ischémique. Les artérioles collatérales, qui recouvrent habituellement le périmètre de ce foyer en l’irriguant, peuvent prévenir la nécrose de certains tissus affectés. Au centre du foyer ischémique, le débit sanguin collatéral est minimal, voire nul. En quelques heures, ce tissu commence à mourir. Le tracé de l’ECG illustre cette évolution de la manière suivante : quelques minutes après la survenue de l’infarctus, une élévation du segment ST s’observe dans les dérivations placées directement au-dessus de la paroi cardiaque affectée. Cette élévation du segment ST persiste entre quelques heures et une journée, puis elle s’atténue graduellement. Dans les premières heures, les ondes T qui étaient négatives deviennent hautes et symétriques ; elles sont alors appelées ondes T hyperaiguës, car elles signalent une ischémie aiguë. Par ailleurs, et généralement dans les 4 à 24 heures suivant la survenue de l’infarctus, des ondes Q pathologiques commencent à s’afcher

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Partie 2

Système cardiovasculaire

dans les dérivations affectées, et les ondes T commencent à s’inverser. Parfois, les ondes Q n’apparaissent pas, mais les ondes R raccourcissent, ce qui indique quand même une nécrose du tissu musculaire. Les segments ST redeviennent isoélectriques quelques jours plus tard, et l’onde T devient symétrique et s’inverse de façon très marquée dans les dérivations affectées. Il arrive que ces changements de l’onde T ne disparaissent jamais, mais en règle générale, les ondes T retrouvent leur forme normale après plusieurs mois. Les ondes Q peuvent persister pendant toute la vie du client ou raccourcir avec le temps et, dans certains cas, complètement disparaître. Le TABLEAU 13.11 résume la séquence de ces changements.

Anomalies de conduction intraventriculaire Les anomalies de conduction intraventriculaire résultent d’une altération de la voie de conduction à travers les ventricules. En temps normal, la conduction s’effectue rapidement du nœud AV vers le faisceau de His (ou faisceau auriculoventriculaire), d’où elle se répartit dans les branches droite et gauche de celui-ci. La branche droite du faisceau de His est longue et ne, et elle se termine par un amas de bres de Purkinje qui propagent l’onde de dépolarisation vers le muscle ventriculaire droit avoisinant. À peine un peu plus loin, la branche gauche du faisceau de His se divise en trois parties : 1) les contingents de bres (ou faisceaux) antérieurs ; 2) les contingents de bres postérieurs ; 3) les bres septales gauches FIGURE 13.42. Chacun de ces faisceaux entraîne la dépolarisation de régions distinctes du V.G. En cas de défaillance d’une partie du système de conduction, les cellules musculaires de cette zone se dépolarisent malgré tout, quoique moins rapidement. La dépolarisation doit ensuite se propager de cellule en cellule, et ce processus est plus lent que l’activation par des voies de conduction spécialisées.

FIGURE 13.42 Système de conduction cardiaque. AV : auriculoventriculaire ; BG : branche gauche du faisceau de His ; BD : branche droite du faisceau de His.

À l’ECG, les anomalies de conduction intraventriculaire se manifestent par un élargissement du complexe QRS, puisque la dépolarisation progresse plus lentement. Le tissu musculaire affecté commence à ralentir la dépolarisation des cellules de proche en proche, tandis que d’autres régions du ventricule ont presque achevé le cycle. Cette dépolarisation tardive survient donc à la n du complexe QRS normal, ce qui le prolonge et altère sa forme. Ces irrégularités peuvent affecter n’importe quelle partie du système de conduction. L’expression bloc de branche désigne l’interruption complète de la conduction dans la branche droite du faisceau de His ou toute la branche gauche du faisceau de His.

Blocs de branche droite et gauche Les électrodes thoraciques sont les plus utiles pour la détection d’un bloc de branche droite (BBD) et d’un bloc de branche gauche (BBG) complets. Les électrodes V1 et V6 sont celles qui sont les plus utiles pour localiser les forces qui se déplacent sur un axe horizontal, car elles sont placées sur les parties droite et gauche du cœur, respectivement. La FIGURE 13.43A illustre la séquence normale de l’activation ventriculaire et la forme habituelle du complexe QRS dans les dérivations V1 et V6.

| Bloc de branche droite | En cas de bloc de branche droite (BBD) complet, le complexe QRS est égal ou plus large que 0,12 sec. (120 ms) FIGURE 13.43B. En effet, le V.D. n’est pas activé par le système de conduction rapide normal : l’opération est plus lente, puisqu’elle s’effectue d’une cellule à l’autre. Les forces électriques non compensées par des forces d’opposition à gauche voyagent vers la droite à la n de l’activation ventriculaire. Le septum est dépolarisé en premier, de façon normale, de la gauche vers la droite. Ensuite, l’onde de dépolarisation se propage par le V.G., puis elle est enregistrée dans la dérivation V1 sous la forme d’une minuscule déexion négative. Le dernier segment du complexe QRS est large et vertical, ce qui signale des forces électriques nales voyageant vers la droite. Cela signie que la dépolarisation ventriculaire droite se produit une fois que la dépolarisation du V.G. est presque terminée. En V1, ce complexe QRS afche un prol classique appelé rsR (Surawicz et al., 2009). Le segment ST correspondant à la repolarisation est lui aussi anormal. Dans la dérivation V6, l’électrode positive est placée sur le côté gauche du thorax, et les ondes sont inversées. Les forces finales du complexe QRS sont négatives, car elles voyagent vers la droite en s’éloignant de l’électrode positive V6. La déexion négative nale en V6 est moins marquée que la déexion verticale nale de la dérivation V1, car l’électrode positive en V6 est plus éloignée du V.D. | Bloc de branche gauche | En cas de bloc de branche gauche (BBG) complet, la conduction par le V.G. doit se propager de proche en proche, ce qui entraîne un complexe QRS égal ou plus large que 0,12 sec. (120 ms) (Surawicz et al., 2009) FIGURE 13.43C. Étant

13

FIGURE 13.43

A Séquence de dépolarisation ventriculaire et complexe QRS consécutif obtenus à partir des dérivations V 1 et V6. B Séquence de dépolarisation ventriculaire en cas de bloc de branche droite et complexe QRS consécutif obtenus à partir des dérivations V1 et V6. C Séquence de dépolarisation ventriculaire pour un

bloc de branche gauche et complexe QRS consécutif obtenus à partir des dérivations V1 et V6.

donné qu’une partie de la branche gauche commune du faisceau de His amorce normalement la dépolarisation du septum, ce dernier est dépolarisé dans la mauvaise direction, soit de la droite vers la gauche. Dans la dérivation V1, cela se dénote par une déexion négative initiale. Le V.D. est ensuite dépolarisé, ce qui se traduit par une petite incisure verticale dans le complexe QRS à mesure que les forces se déplacent rapidement vers l’électrode positive V1. Cette incisure ne s’observe pas toujours. La séquence d’événements décrite ci-dessus n’a pas été changée, mais le V.G. commence déjà à être dépolarisé Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

317

de cellule en cellule et pourrait compenser les forces de dépolarisation du V.D. qui s’exercent vers le côté droit. Les forces nales voyagent vers la gauche à mesure que le V.G. devient dépolarisé. Le V.G. est une masse musculaire très importante, et ces forces électriques nales sont étendues et larges. Dans la dérivation V1, la déexion nale qui en résulte est profonde et négative (onde S), alors que dans la dérivation V6, elle est haute et verticale (onde R). La présence d’un BBG rend le diagnostic d’IDM aigu de la paroi antérieure extrêmement difcile, car le changement de repolarisation masque l’élévation du segment ST. Ce problème d’interprétation peut expliquer que le risque de mortalité hospitalière soit deux fois plus élevé chez les clients atteints d’un syndrome coronarien aigu (SCA) accompagné d’un BBG que chez ceux touchés par un SCA sans BBG (Morrow, 2010). Il est possible de détecter des blocs de branche au chevet du client si le monitorage s’exerce par les dérivations V1 et V6 respectivement. Cependant, le diagnostic dénitif doit être établi à l’aide d’un ECG à 12 dérivations (Haataja, Nikus, Kähönen et al., 2012). Le bloc de branche est généralement détecté dans la dérivation V1, lorsque l’onde P est suivie d’un complexe QRS égal ou plus large que 0,12 sec. (120 ms), en sus d’autres signes caractéristiques du bloc (Surawicz et al., 2009). La présence de l’onde P indique que le complexe n’a pas pris naissance dans les ventricules. Il est possible de déterminer rapidement laquelle des branches est bloquée en examinant le dernier segment du complexe QRS, juste avant qu’il ne rejoigne la ligne de base dans les dérivations V1 et V6 : si la déexion est positive en V1 et négative en V6, il s’agit d’un BBD ; si elle est négative en V1 et positive en V6, il s’agit d’un BBG.

Hémiblocs Les hémiblocs désignent une anomalie de conduction dans une partie seulement de la branche gauche du faisceau de His. En cas de bloc du contingent de bres antérieur de la branche gauche, aussi appelé hémibloc antérieur gauche, la dépolarisation V.G. prend naissance dans les contingents de bres postérieurs de la branche gauche et se propage en direction antérieure par les bres de Purkinje en aval du bloc. Outre le fait qu’un BBD puisse être présent, la durée du complexe QRS est habituellement normale, c’est-à-dire en dessous de 0,12 sec.Cependant, l’axe frontal-plan change considérablement et devient inférieur à −30°, ce qui trahit une déviation de l’axe gauche (l’axe entre −45 et −90°) (Surawicz et al., 2009) ENCADRÉS 13.12 et 13.13. L’hémibloc antérieur s’observe assez fréquemment chez les clients atteints d’hypertension artérielle ou d’une cardiomyopathie (Elizari, Acunzo & Ferreiro, 2007) ENCADRÉ 13.12. Le bloc des faisceaux de bres postérieurs est aussi appelé hémibloc gauche postérieur. La durée du complexe QRS est dans les limites normales (inférieure à 0,12 sec.) (Surawicz et al., 2009). Le bloc des contingents de bres postérieurs modie la voie de

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Partie 2

Système cardiovasculaire

ENCADRÉ 13.12

Causes d’une déviation axiale gauche

• Variation normale • Décalage mécanique : exhalation ; élévation du diaphragme en raison d’une grossesse, d’ascite ou d’une tumeur abdominale • Hémibloc antérieur gauche • Hypertrophie du ventricule gauche • Syndrome de Wolff-Parkinson-White • Hyperkaliémie • Cardiomyopathie

ENCADRÉ 13.13

• • • • • • •

Causes d’une déviation axiale droite

Variation normale Décalage mécanique : inhalation, emphysème Hémibloc postérieur gauche Hypertrophie du ventricule droit Infarctus de la paroi latérale du myocarde Bloc de branche droite Dextrocardie

conduction normale de telle sorte que la partie antérieure du V.G. se dépolarise en premier. La conduction se propage ensuite lentement vers la droite, en direction inférieure et postérieure. L’axe se déplace alors entièrement en direction opposée et devient supérieur à +90°, ce qui indique une déviation de l’axe droit (axe entre +90 et +180°) (Surawicz et al., 2009). L’hémibloc postérieur isolé est rare et il s’accompagne presque toujours d’un BBD (Elizari et al., 2007).

Bloc bifasciculaire Le blocage de l’un des deux faisceaux du système de conduction V.G. associé à un BBD est dit bloc bifasciculaire. Toute combinaison de ces troubles de la conduction peut évoluer en bloc cardiaque complet. En règle générale, le bloc bifasciculaire (hémibloc accompagné d’un BBD) est bien toléré et ne réclame aucune intervention. L’exception concerne le bloc bifasciculaire concomitant à un IDM aigu : en effet, l’infarctus aigu peut exiger, à titre prophylactique, la mise en place d’un stimulateur cardiaque temporaire si l’ischémie des tissus de conduction évolue en un bloc cardiaque complet.

Interprétation de l’arythmie cardiaque L’arythmie cardiaque désigne toute anomalie de la voie de conduction cardiaque normale. Les arythmies peuvent être détectées au moyen d’un ECG à 12 dérivations, mais ce dernier est généralement sporadique. C’est pourquoi les clients à l’unité de

soins critiques font l’objet d’un monitorage continu à l’aide d’un système à dérivation unique ou à dérivation double, et les tracés du rythme cardiaque sont enregistrés à chaque quart de travail et chaque fois que le rythme cardiaque du client change. Les arythmies sont fréquentes chez les clients aux soins critiques atteints ou non d’une maladie cardiaque. Il est indispensable d’appréhender les troubles du rythme cardiaque suivant une approche systématique. Il sera question, dans un premier temps, des étapes nécessaires à l’interprétation exacte d’un tracé du rythme, puis des critères précis d’évaluation des arythmies courantes dans la pratique clinique.

Détermination de la fréquence cardiaque Le premier élément à évaluer en présence d’un tracé du rythme cardiaque est la fréquence ventriculaire. Quel que soit le type d’arythmie, la fréquence ventriculaire est déterminante pour savoir si le client pourra tolérer l’arythmie (c.-à-d. maintenir une P.A., un D.C. et une perfusion cérébrale adéquats). Si la fréquence ventriculaire est inférieure à 50 ou supérieure à 150 et que le client est symptomatique, des mesures correctrices s’imposent (Sinz, Navarro, Soderberg et al., 2011). Une analyse détaillée du trouble sous-jacent du rythme pourra être effectuée ultérieurement, une fois la crise immédiate passée. Les trois méthodes de calcul de la fréquence ventriculaire sont les suivantes FIGURE 13.44A :

1. Le nombre d’intervalles RR en 6 sec. multiplié par 10 (le tracé ECG est généralement marqué dans sa partie supérieure, à intervalles de 3 sec., ce qui permet de relever aisément l’intervalle de 6 sec.). 2. 300 divisé par le nombre de grandes cases entre les complexes QRS. 3. 1 500 divisé par le nombre de petites cases entre les complexes QRS. Dans un cœur sain, la fréquence auriculaire et la fréquence ventriculaire sont identiques. Toutefois, dans plusieurs types d’arythmies, les fréquences auriculaire et ventriculaire sont différentes, et l’une et l’autre doivent être calculées. Pour déterminer la fréquence auriculaire, l’intervalle RR est remplacé par l’intervalle PP dans la première des trois méthodes ci-dessus. La méthode des 1 500, qui se démarque par sa précision, permet de calculer la F.C. à l’aide d’un compas à pointes sèches (ou d’un papier et d’un crayon) FIGURE 13.44B. En plaçant la pointe gauche du compas sur le dessus d’une onde P et la pointe droite sur l’onde P suivante, la distance qui sépare les deux ondes peut être calculée. Cette distance correspond à la F.C. Sans refermer ou ouvrir le compas, il faut placer délicatement la pointe gauche sur un trait gras (n’importe lequel). Il est maintenant possible de commencer à compter.

13

FIGURE 13.44

A Calcul de la F.C. si le rythme est régulier. 1re méthode : nombre d’intervalles RR en 6 sec. multiplié par 10 (p. ex., 8 × 10 = 80/min).

2e méthode : 300 divisé par le nombre de grandes cases entre 2 complexes QRS consécutifs (p. ex., 300 ÷ 4 = 75/min). 3e méthode : 1 500 divisé par le nombre de petites cases entre les 2 complexes QRS consécutifs (p. ex., 1 500 ÷ 18 = 83/min). B Calcul de la fréquence en cas de rythme irrégulier. L’utilisation de la troisième méthode est la plus précise. L’inrmière calcule la fréquence entre les intervalles RR les plus rapides (intervalle 5) et les intervalles RR les plus lents (intervalle 3). Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

319

Lorsque le papier ECG déroule pendant 1 minute à une vitesse de 25 mm/sec., 1 500 petits carrés sont obtenus. En utilisant cette donnée, la valeur de chacun des traits gras est connue. Le trait gras, qui est le point de départ (vis-à-vis de la pointe gauche du compas), vaut 1 500. Le trait qui suit immédiatement à sa droite représente 300, car le nombre 1 500 est divisé par 5 (5 petits carrés). Le deuxième trait à droite vaut 150, puisque la division de 1 500 par 10 donne 150, etc. Cette gymnastique continue, et la mnémotechnique est appliquée : 1 500, 300, 150, 100, 75, 60, 50, 43, 38, 33, 30, etc. Dans le cas où la pointe droite du compas se pose entre deux traits gras (par exemple, entre le trait de 75 et celui de 60), une étape supplémentaire doit être réalisée an de calculer précisement la F.C. Ainsi, durant le calcul de la F.C., les petits carrés n’ont plus la signification vue précédemment (ce n’est pas une durée qui est mesurée, mais bien une F.C.). Par exemple, la façon de connaître la valeur de chaque trait n entre 150 et 100 est de soustraire ces deux données et de diviser le résultat obtenu par 5 petits carrés (p. ex., 150 − 100 = 50 ; 50 ÷ 5 = 10). La valeur des petits carrés entre 150 et 100 est donc de 10. Voici un autre exemple : entre 75 et 60, il y a une différence de 15 ; 15 ÷ 5 = 3. La valeur des petits carrés entre 75 et 60 est donc de 3. Cette logique suit son cours. Il est important de comprendre que la valeur des petits carrés est de plus en plus importante lorsqu’on tend vers la pointe gauche du compas (vitesse rapide) que lorsque la F.C. est lente et tend vers la pointe droite du compas.

Détermination du rythme Le rythme désigne la régularité avec laquelle apparaissent les ondes P ou les ondes R. Un compas est utilisé pour déterminer le rythme : une extrémité de l’instrument est placée sur le point d’origine d’une onde R et l’autre, sur l’onde R suivante. En bloquant l’ouverture à cet écart, le compas est ensuite appliqué sur chaque intervalle RR suivant pour s’assurer que l’amplitude est bien la même. La même méthode doit aussi être utilisée avec les ondes P et l’intervalle PP. Trois expressions sont utilisées pour qualier le rythme. Si le rythme est régulier, les intervalles RR varient de moins de 0,16 sec. Si le rythme est régulièrement irrégulier, les intervalles RR ne sont pas les mêmes, mais une certaine séquence peut être perçue ; il peut s’agir d’un groupement, d’une accélération ou d’un ralentissement rythmiques, ou de toute autre séquence constante FIGURE 13.45A. Si le rythme est irrégulièrement irrégulier, les intervalles RR ne sont pas les mêmes, et aucun motif répétitif n’est décelé FIGURE 13.45B.

Évaluation de l’onde P L’onde P est analysée en répondant aux questions suivantes. Premièrement, l’onde P est-elle présente ou absente ? Deuxièmement, est-elle liée au complexe QRS ? Normalement, une onde P doit apparaître vis-à-vis de chaque complexe QRS, mais il arrive que deux, trois ou quatre ondes P s’afchent

320

Partie 2

Système cardiovasculaire

FIGURE 13.45

A Le rythme régulièrement irrégulier obéit à une séquence

constante en ce sens que un battement sur deux est prématuré. B Le rythme irrégulièrement irrégulier est dépourvu de séquence constante.

à cet endroit. Si cette séquence est constante, l’onde P et le complexe QRS sont quand même reliés, mais non sur une base 1:1.

Évaluation de l’intervalle PR La durée de l’intervalle PR varie normalement de 0,12 à 0,20 sec. (120 à 200 ms) ; c’est elle qu’il faut mesurer d’abord, en partant du point d’origine d’une onde P visible jusqu’à celui du complexe QRS suivant FIGURE 13.46. Il faut s’assurer que la durée de tous les intervalles PR sur la bande de papier est égale à celle de l’intervalle initial.

Évaluation du complexe QRS Il faut vérier la totalité de la bande ECG pour conrmer que les complexes QRS gardent une forme ainsi qu’une amplitude constantes. La durée

FIGURE 13.46 Mesure de l’intervalle PR, du point d’origine de l’onde P à celui du complexe QRS. Sur ce tracé, l’intervalle PR est de 0,20 sec. ; la durée du complexe QRS illustre des intervalles normaux et anormaux. Les complexes QRS ns mesurent 0,08 sec., ce qui est normal. Les complexes QRS larges mesurent 0,20 sec. et ils sont causés par l’ectopie ventriculaire.

normale du complexe QRS est de 0,06 à 0,10 sec. (60 à 100 ms). Tout complexe QRS dépassant 0,10 sec. est considéré comme anormal (Surawicz et al., 2009). Si le tracé montre plus d’une forme QRS, chaque complexe doit être mesuré à partir de l’endroit où il quitte la ligne de base jusqu’au point où il la rejoint de nouveau FIGURE 13.46.

Évaluation de l’intervalle QT La longueur de l’intervalle QT varie avec la F.C. L’intervalle QT est plus court lorsque la F.C. est plus rapide. Un intervalle QT corrigé en fonction de la F.C. (QTc) supérieur à 0,50 sec. (500 ms) est préoccupant.

Rythmes sinusaux Le cycle cardiaque débute par une impulsion qui prend naissance dans le nœud sinusal. À mesure que l’onde de dépolarisation se propage par les oreillettes, une onde P s’inscrit sur l’ECG. L’impulsion électrique est brièvement retardée dans le nœud AV, ce qui correspond à l’intervalle PR à l’ECG. Après avoir quitté le nœud AV, l’onde de dépolarisation se propage rapidement par le faisceau de His et ses branches jusqu’au réseau de Purkinje et elle entraîne une dépolarisation ventriculaire, qui se traduit par un complexe QRS à l’ECG. La contraction suit immédiatement la dépolarisation. Elle se conclut par la repolarisation, qui est représentée par une onde T à l’ECG.

Rythme sinusal normal Si tous les événements décrits ci-dessus se produisent suivant leur séquence normale, à des fréquences et à des intervalles normaux, le client a un rythme sinusal normal (RSN). Les critères associés à un RSN sont les suivants : • Fréquence. La fréquence intrinsèque du nœud sinusal est égale ou supérieure à 60 et inférieure à 100 batt./min. La fréquence intrinsèque est la fréquence normale à laquelle un foyer rythmogène du cœur se dépolarise automatiquement sans aucune inuence externe, comme des médicaments, la èvre ou l’effort. Lorsque le rythme sinusal est normal, la fréquence correspond à n’importe quelle valeur normale pour le nœud sinusal. • Rythme. Le rythme doit être régulier. • Onde P. Les ondes P doivent être présentes, mais une seule doit précéder chaque complexe QRS. • Intervalle PR. L’intervalle PR représente un ralentissement de l’inux dans le nœud AV. Lorsque le rythme sinusal est normal, l’intervalle PR varie de 0,12 à 0,20 sec. • Complexe QRS. La taille et la forme de ce complexe n’ont pas d’importance, car celui-ci dépend de la mise en place des électrodes et des réglages du gain sur le moniteur. Cependant, tous les complexes QRS doivent avoir le même aspect. Si la conduction par les ventricules est normale, la durée du complexe QRS est de 0,06 à 0,10 sec. La FIGURE 13.47 offre un exemple de RSN en V1.

FIGURE 13.47 Rythme sinusal normal (RSN). La fréquence est de 69 batt./min et le rythme est régulier. Une seule onde P est présente avant chaque complexe QRS. L’intervalle PR est de 0,18 sec. et il ne varie pas dans tout le tracé. La durée du complexe QRS est de 0,08 sec. Tous les critères d’évaluation sont compris dans les limites normales.

13

Bradycardie sinusale La bradycardie sinusale répond à tous les critères du RSN à ceci près que la fréquence est inférieure à 60 batt./min TABLEAU 13.12. Elle est normalement observée chez les athlètes bien entraînés, au repos ou chez de nombreuses autres personnes pendant le sommeil. Les autres états favorables à une bradycardie sinusale incluent la stimulation vagale, la pression intracrânienne élevée, une pharmacothérapie par la digoxine (LanoxinMD, ToloxinMD) ou des bêtabloquants (bisoprolol [Monocor MD], métoprolol [LopresorMD, BetalocMD]) et une ischémie du nœud sinusal causée par un IDM aigu. En général, la bradycardie sinusale n’est pas traitée sauf si le client présente des symptômes d’hypoperfusion comme l’hypotension, des étourdissements, une douleur thoracique ou une altération du niveau de conscience.

Tachycardie sinusale La tachycardie sinusale répond à tous les critères d’un RSN à ceci près que la fréquence est égale ou supérieure à 100 batt./min TABLEAU 13.12. La fréquence peut atteindre 180 à 200 batt./min chez de jeunes adultes en bonne santé pendant un effort vigoureux. Cependant, en soins critiques, le repos au lit est prescrit à la plupart des clients. Il est sage de s’interroger chaque fois qu’une tachycardie sinusale s’accompagne d’une fréquence supérieure à 150 batt./min et de rechercher un autre foyer déclencheur que le nœud sinusal. Par exemple, les ondes d’un utter auriculaire peuvent être difciles à repérer à première vue, puisqu’une fréquence ventriculaire élevée entraîne une distorsion de la ligne de base FIGURE 13.48. La tachycardie sinusale peut être causée par divers facteurs tels que l’effort, une émotion, la douleur, la èvre, une hémorragie, un choc, une insufsance cardiaque et une thyrotoxicose (Blomström-Lundqvist, Scheinman, Aliot et al., 2003). La consommation de drogues stimulantes illégales telles que la cocaïne, l’ecstasy et les amphétamines peut augmenter de façon importante la F.C. au repos (BlomströmLundqvist et al., 2003). De nombreux médicaments Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

321

Collecte des données TABLEAU 13.12

Rythmes sinusaux

PARAMÈTRE

RYTHME SINUSAL NORMAL

BRADYCARDIE SINUSALE

TACHYCARDIE SINUSALE

ARYTHMIE SINUSALE

Fréquence

60-99 batt./min

< 60 batt./min

 100 batt./min

Variable

Rythme

Régulier

Régulier

Régulier

Irrégulier ; variation respiratoire

Onde P

Présente, une par complexe QRS

Présente, une par complexe QRS

Présente, une par complexe QRS

Présente, une par complexe QRS

Intervalle PR

0,12-0,20 sec. et constant

0,12-0,20 sec. et constant

0,12-0,20 sec. et constant

0,12-0,20 sec. et constant

QRS

0,06-0,10 sec.

0,06-0,10 sec.

0,06-0,10 sec.

0,06-0,10 sec.

FIGURE 13.48 Bien que le tracé puisse être confondu avec celui d’une tachycar­ die sinusale, il s’agit d’un utter auriculaire à 300/min. conduction 2:1. Il convient de noter à quel point il est difcile de repérer les ondes additionnelles du utter (F), qui sont dissimulées dans les ondes T.

employés en soins critiques peuvent aussi déclencher une tachycardie sinusale ; ceux qui sont couramment en cause incluent l’aminophylline, la dopamine, l’hydralazine (ApresolineMD), l’atropine et les catécholamines comme l’adrénaline. La tachycardie est néfaste chez toute personne atteinte d’une cardiopathie ischémique, car elle diminue la durée du remplissage ventriculaire et le V.E.S., et elle altère le D.C. La tachycardie augmente l’effort cardiaque et les besoins en oxygène du myocarde tout en réduisant le temps de remplissage de l’artère coronaire, et donc l’apport d’oxygène. Lorsque c’est possible, il est plus important de déterminer la cause de la tachycardie (p. ex., la èvre ou des douleurs) et de la traiter que d’essayer de diminuer directement la F.C. Plusieurs médicaments permettent de réduire la F.C., au besoin. Les bloqueurs des canaux calciques de type nondihydropyridine (vérapamil [IsoptinMD] ou diltiazem [CardizemMD]) et les bêtabloquants (bisoprolol ou métoprolol) sont très souvent utilisés à cette n. Toutefois, la prudence est de mise. Le D.C. est déterminé à partir de la F.C. et du V.E.S. Si un cœur lésé ne peut plus maintenir un V.E.S. adéquat, la F.C. peut être augmentée pour maintenir le D.C. et fournir un

322

Partie 2

Système cardiovasculaire

apport adéquat de sang aux tissus vitaux de l’organisme. L’administration d’un médicament visant à forcer le ralentissement du nœud sinusal peut provoquer presque immédiatement une insufsance cardiaque grave. Le nœud sinusal est contrôlé par de nombreux facteurs neuraux et humoraux de l’organisme, et sa fréquence est xée de manière à essayer de répondre aux besoins perçus ; il est impératif de s’interroger attentivement sur l’origine de la tachycardie avant de prendre des décisions thérapeutiques (Magder, 2012).

Arythmie sinusale L’arythmie sinusale répond à tous les critères d’un RSN à ceci près que le rythme est irrégulier (généralement de plus de 0,16 sec.) TABLEAU 13.12. Cette irrégularité coïncide notamment avec le prol respiratoire ; la F.C. augmente à l’inspiration et diminue à l’expiration FIGURE 13.49. L’arythmie sinusale est fréquente chez les enfants et les jeunes adultes ; son incidence diminue avec l’âge. Aucun traitement n’est requis. Pour éviter d’être induite en erreur par d’autres anomalies du rythme, l’inrmière s’assure que toutes les ondes P ont la même forme et que tous les intervalles PR sont constants.

Arythmies auriculaires Les arythmies auriculaires prennent naissance dans un foyer ectopique dans les oreillettes, ailleurs que dans le nœud sinusal. L’impulsion ectopique se

FIGURE 13.49 Arythmie sinusale. Il convient de noter l’augmentation de la fréquence cardiaque pendant l’inspiration, et sa diminution pendant l’expiration.

produit prématurément, avant l’apparition de l’impulsion sinusale normale. La dépolarisation précoce des oreillettes peut déclencher un complexe QRS normal, anormal ou aberrant, ou encore une TSV. D’énormes progrès ont été réalisés en ce qui a trait à la pathogenèse et à l’approche thérapeutique des arythmies auriculaires.

Extrasystoles auriculaires Les extrasystoles auriculaires (ESA) sont des battements précoces isolés provenant d’un foyer ectopique dans les oreillettes. Le rythme sous-jacent est généralement sinusal. Le rythme sinusal régulier est interrompu par une onde P auriculaire précoce, de forme différente, qui peut être inversée, et dont l’aspect diffère généralement de celui de l’onde P sinusale. L’intervalle PR peut alors être plus long ou plus court que dans le cas d’une impulsion électrique sinusale, ou identique. Bien que la forme de l’onde QRS qui suit l’onde P auriculaire ectopique soit généralement identique à la morphologie de base, elle peut varier en fonction du degré de l’état réfractaire du nœud AV.

être observée très attentivement et comparée avec d’autres ondes T de la même bande an de repérer les distorsions susceptibles de révéler une onde P précoce cachée. Les ESA peuvent se produire chez les personnes dont la fonction cardiaque est normale. Elles sont accentuées par les perturbations émotionnelles, la nicotine, la caféine et la digoxine. Le prolapsus valvulaire mitral est associé à une fréquence plus élevée d’arythmies auriculaires. L’insufsance cardiaque peut aussi causer des ESA en raison de la pression accrue dans les oreillettes. Lorsque la pression auriculaire commence à augmenter, les parois auriculaires sont étirées, ce qui déclenche l’irritabilité des cellules auriculaires et la survenue d’ESA.

Tachycardie supraventriculaire L’expression tachycardie supraventriculaire (TSV) est employée de manière non spécique dans le milieu clinique pour décrire un ensemble varié d’arythmies qui prennent naissance au-dessus du

13

• Complexe QRS normal et n. Si l’impulsion auriculaire arrive au nœud AV une fois que celui-ci est complètement repolarisé, elle est dirigée vers les ventricules, ce qui est représenté par un complexe QRS normal. Si les ventricules sont eux aussi entièrement repolarisés, la conduction devrait passer par les branches du faisceau de His, et l’ECG devrait afcher un complexe QRS normal FIGURE 13.50A. • Complexe QRS large. Occasionnellement, l’onde P ectopique précoce peut traverser le nœud AV, mais une partie de la conduction est bloquée dans les branches du faisceau de His ventriculaire. Comme la branche droite du faisceau de His dispose normalement de la période réfractaire la plus longue, c’est elle qui est encore bloquée à l’arrivée de l’impulsion précoce. Cela produit un complexe QRS de plus de 0,12 sec. (120 ms) ou un complexe différent du QRS généralement observé et dont la forme correspond à un aspect de BBD FIGURE 13.50B. Une conduction par les ventricules qui diffère de la normale est dite aberrante. Par conséquent, ces ESA, de conduction anormale, sont qualifiées d’ESA avec conduction ventriculaire aberrante. • Pause sans complexe QRS. Parfois, l’onde P ectopique arrive si tôt que le nœud AV est encore dans sa période réfractaire absolue. Dans ce cas, l’onde de dépolarisation ne se rend pas en aval du nœud AV, et aucun complexe QRS n’est enregistré. Tout ce qui apparaît sur l’ECG est une onde P précoce anormale, suivie d’une pause et de la prochaine onde P sinusale FIGURE 13.50C. C’est ce qui est appelé ESA bloquée. Habituellement, ces ondes P surgissent si tôt qu’elles se superposent sur l’onde T du battement précédent, ce qui les rend difciles à déceler. La pause qui suit est cependant bien visible. Chaque fois qu’une pause imprévue interrompt le rythme, l’onde T précédant la pause doit

FIGURE 13.50 Contractions auriculaires prématurées (ESA). A Conduction normale des ESA. L’onde P précoce est indiquée par la èche, et le complexe QRS qui suit est de forme et de durée normales. B Aberration de la branche droite du faisceau de His après une ESA. C Absence de conduction (blocage) des ESA. Les ondes P précoces sont indiquées par des èches. Il convient de noter de quelle façon elles déforment les ondes T, leur don­ nant un aspect pointu par rapport aux ondes T normales obser­ vées après les troisième et quatrième complexes QRS.

Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

323

nœud AV. Elle inclut notamment la tachycardie sinusale, la tachycardie auriculaire, la tachycardie auriculaire multifocale (TAM), le utter auriculaire, la brillation auriculaire (FA) et la tachycardie jonctionnelle (ou nodale). Chacune de ces affections donne lieu à une physiopathologie distincte, à un traitement particulier et à des résultats prévisibles. La TSV est aussi appelée tachycardie à com plexes QRS ns, car elle se dénit par un complexe QRS de moins de 0,12 sec. (120 ms) (BlomströmLundqvist et al., 2003). Une fois qu’une arythmie spécique est découverte, elle est généralement désignée par le nom qui lui est propre (p. ex., la FA avec réponse ventriculaire rapide). L’expression TSV renvoie à une tachycardie rapide, auriculaire ou jonctionnelle constante, dont le mécanisme sousjacent exact est inconnu. Les femmes connaissent environ deux fois plus d’épisodes de TSV que les hommes (Blomström-Lundqvist et al., 2003). En situation d’urgence, une arythmie rapide peut être difcile à déceler avec précision. La TSV peut causer une instabilité hémodynamique. Il est important de distinguer la TV de la TSV ; il faudra alors veiller à maîtriser la F.C. jusqu’à ce que la situation d’urgence se résolve et que la stabilité hémodynamique soit rétablie. Ceci fait, il sera nécessaire de procéder à une analyse plus minutieuse an de déterminer quel type d’arythmie précis est responsable de la TSV. Savoir discerner les TSV à complexes QRS larges des TV suppose de bien connaître les critères d’ECG pertinents. La TSV n’est pas toujours bénigne. Environ 15 % des personnes atteintes font une syncope (perte de connaissance). Certains médicaments servent à diminuer la fréquence des TSV et à prévenir les syncopes (Blomström-Lundqvist et al., 2003). Les TSV qui persistent pendant des semaines ou des mois peuvent entraîner une cardiomyopathie induite par une tachycardie (Blomström-Lundqvist et al., 2003). L’ECG à 12 dérivations initial s’avère utile dans ce cas, puisqu’il servira de référence et, dans la mesure du possible, il doit être utilisé pendant un épisode de palpitations (BlomströmLundqvist et al., 2003).

Tachycardie supraventriculaire avec conduction aberrante Si le complexe QRS accompagnant la tachycardie supraventriculaire (TSV) est supérieur à 0,12 sec., il est important de distinguer la TSV avec conduction aberrante de la TV (dont il sera question ultérieurement). La TSV avec conduction aberrante inclut les TSV avec BB et la TSV passant par une bre de conduction additionnelle anormale congénitale (voie accessoire), comme dans le cas du syndrome de Wolff-Parkinson-White (Blomström-Lundqvist et al., 2003). Les clients atteints de TSV avec conduction aberrante reçoivent souvent un diagnostic erroné, et il est vivement recommandé de les faire évaluer par un spécialiste (Blomström-Lundqvist et al., 2003).

324

Partie 2

Système cardiovasculaire

Tachycardie supraventriculaire paroxystique Le terme paroxystique signie qui commence et se termine brusquement. La tachycardie supraventriculaire paroxystique (TSVP) désigne l’interruption soudaine du rythme sinusal par un foyer ectopique auriculaire qui envoie des décharges répétitives à une fréquence de 150 à 250 batt./min. Ces décharges nissent par s’arrêter aussi soudainement qu’elles ont commencé FIGURE 13.51. Le rythme de la TSVP est parfaitement régulier, puisqu’il se déroule dans une boucle fermée (réentrée) de longueur spécique ; la durée de chaque cycle à travers la boucle doit être identique. La réentrée dans les oreillettes ou dans le nœud AV est le mécanisme à l’origine de la plupart des TSV, y compris la TSVP. Les autres mécanismes sousjacents courants incluent l’automaticité anormale et l’activité déclenchée. Les ondes P sont présentes et ont une forme anormale, mais elles peuvent être difciles à déceler, car la fréquence rapide les fait souvent coïncider avec l’onde T précédente. Le plus utile est de détecter et d’enregistrer le début de la série de TSVP sur le papier de l’ECG, car l’onde P précoce anormale est souvent la plus facile à reconnaître avant le premier battement de la série. L’intervalle PR doit être le même pour chaque cycle de la série, mais il ne correspondra probablement pas à l’intervalle PR du RSN du client. Comme c’est le cas avec les ESA, le complexe QRS reste généralement normal, car après le passage de l’impulsion électrique par le nœud AV, la conduction par les ventricules emprunte la voie habituelle TABLEAU 13.13. Cependant, comme dans le cas de la TSV, la TSVP avec conduction aberrante, souvent sous forme de BBG ou de BBD, peut faire apparaître un complexe QRS large (de plus de 0,12 sec.), ce qui ne permet pas de distinguer aisément la TSVP relativement bénigne de la TV, qui est plus grave. Étant donné le caractère réfractaire du nœud AV, toutes les ondes P ectopiques ne se propagent pas forcément aux ventricules. Normalement, au moins une onde P sur deux produit un complexe QRS, selon un rapport de conduction 2:1, mais il arrive que celui-ci descende à trois ondes P pour chaque complexe QRS (rapport 3:1). Les facteurs de causalité de la TSVP sont essentiellement les mêmes que ceux des ESA. La signication clinique des TSVP est plus importante, car elle

FIGURE 13.51

Tachycardie supraventriculaire paroxystique (TSVP). La fréquence auriculaire pendant la tachycardie est d’environ 150 batt./min. La décharge commence et s’arrête brusquement.

Collecte des données TABLEAU 13.13 PARAMÈTRE

Arythmies auriculaires TACHYCARDIE SUPRAVENTRICULAIRE PAROXYSTIQUE

TACHYCARDIE AURICULAIRE MULTIFOCALE

FLUTTER AURICULAIRE

FIBRILLATION AURICULAIRE

Auriculaire

150-250 batt./min

100-160 batt./min

250-350 batt./min

> 350 batt./min (impossible à compter)

Ventriculaire

Identique ou inférieure

Identique

Conduction ventriculaire xe ou variable

Réponse ventriculaire variable

Rythme

Régulier

Irrégulier

Auriculaire : régulier ; ventriculaire : peut être régulier ou non

Irrégulièrement irrégulier

Onde P

Présente ; de forme anormale

Présente ; trois formes différentes ou plus

Ondes F

Ondes f

Fréquence

13

Intervalle PR

Peut être normal ou prolongé

Variable

Rapport de conduction : ondes de utter par QRS

Absent

Complexe QRS

0,06-0,10 sec.

0,06-0,10 sec.

0,06-0,10 sec.

0,06-0,10 sec.

peut persister pendant de longues périodes et sa fréquence est très rapide. Comme cela a été mentionné dans la section portant sur la tachycardie sinusale, les fréquences accélérées réduisent la durée de remplissage ventriculaire, augmentent la consommation d’oxygène du myocarde et diminuent l’apport d’oxygène. L’insufsance cardiaque, l’angine ou même un IDM peuvent en résulter. En général, le client atteint de TSVP réagit rapidement au traitement médical qui commence par des manœuvres vagales. Voici quelques exemples de ces manœuvres utilisées en soins critiques (Blomström-Lundqvist et al., 2003) : • Manœuvre de Valsalva. • Massage du sinus carotidien. Ce massage est effectué par un médecin, d’un seul côté du cou, audessus de l’artère carotidienne, alors que le client est sous monitorage ECG ; à éviter avec les clients âgés possiblement atteints d’une maladie athérosclérotique des artères carotidiennes. Si les manœuvres vagales ne sufsent pas à régler la TSVP et que l’état hémodynamique du client est stable, l’étape suivante consiste habituellement à employer des médicaments par voie I.V. (BlomströmLundqvist et al., 2003). Parmi eux, le médicament de choix pour bloquer brièvement la conduction par le nœud AV est l’adénosine (AdenocardMD). En cas de TSVP, l’adénosine seule permet souvent de rétablir le RSN ; si elle n’a pas cet effet, elle permet de révéler les ondes P ectopiques et de conrmer ou d’étayer fortement le diagnostic d’une TSV (Blomström-Lundqvist et al., 2003). La dose courante est de 6 mg par voie I.V., par injection rapide, en 1 sec., suivie d’un bolus de soluté physiologique et de l’élévation du membre supérieur. Si cela ne

déclenche pas de bloc AV temporaire ou ne rétablit pas le rythme sinusal après 1 à 2 minutes, une dose de 12 mg par voie I.V. est administrée en suivant les mêmes étapes que pour la première dose (Sinz et al., 2011). Comme l’adénosine a une demi-vie de 10 secondes, il est primordial de bien respecter les étapes pour l’administration I.V. Les effets secondaires arythmiques possibles de l’adénosine incluent un risque de 1 à 15 % de FA. L’adénosine est contreindiquée pour les clients souffrant d’asthme grave (Blomström-Lundqvist et al., 2003). Les autres médicaments pouvant être administrés par voie I.V. pour ralentir la fréquence en cas de TSVP sont l’amiodarone, un antiarythmique de classe III ayant un court délai d’action et une courte demi-vie (Blomström-Lundqvist et al., 2003), ou le diltiazem, un bloqueur des canaux calciques de classe IV appartenant au groupe des inhibiteurs non-dihydropyridiniques. L’action de ces agents vise à ralentir la conduction à travers le nœud AV (Blomström-Lundqvist et al., 2003). Si les médicaments par voie I.V. ne convertissent pas la TSVP ou la TSV persistante, ou que l’état hémodynamique du client devient instable, l’étape suivante est la cardioversion électrique (Blomström-Lundqvist et al., 2003).

Tachycardie auriculaire multifocale La tachycardie auriculaire multifocale (TAM), parfois appelée wandering pacemaker, survient lorsque de nombreux foyers auriculaires irritables envoient des décharges intermittentes et créent une impulsion électrique FIGURE 13.52. La fréquence auriculaire est supérieure à 100 batt./min, mais elle ne dépasse généralement pas 160 batt./min. La caractéristique distinctive à l’ECG est la présence d’au moins trois

Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

325

formes différentes d’ondes P, qui indiquent au moins trois foyers irritables différents capables de générer trois fréquences auriculaires différentes (Blomström-Lundqvist et al., 2003). La TAM, toujours irrégulière, est souvent diagnostiquée à tort et confondue avec la FA (Blomström-Lundqvist et al., 2003). La TAM est plus fréquente chez les clients âgés souffrant d’une MPOC. Cette dernière crée une hypertension pulmonaire chronique qui entraîne des hausses chroniques des pressions auriculaire droite et ventriculaire droite. La pression auriculaire droite anormalement élevée provoque l’étirement des cellules musculaires de l’oreillette droite et une irritabilité chronique. Comme la cause sous-jacente ne peut être déterminée, cette arythmie est réfractaire à tout traitement. Il est inutile de recourir à la cardioversion électrique, aux antiarythmiques ou à l’ablation par cathéter de la zone arythmogène. Le traitement doit viser à limiter l’effet de la MPOC et à corriger toute anomalie électrolytique (BlomströmLundqvist et al., 2003).

Flutter auriculaire Le utter auriculaire est reconnaissable à l’ECG par le prol auriculaire en dents de scie. Ces ondelettes auriculaires en dents de scie ne sont pas des ondes P ; elles portent un nom qui leur convient mieux, les ondes F (ondes du utter auriculaire) FIGURE 13.53. Heureusement, le nœud AV ne permet pas la conduction de toutes ces impulsions vers les ventricules.

| Pathogenèse du utter auriculaire | Le utter auriculaire peut être déclenché par toute impulsion électrique auriculaire isolée, mais il a besoin, pour persister, d’une voie circulaire de réentrée autour des structures macroscopiques des oreillettes. En règle

FIGURE 13.52 Tachycardie auriculaire multifocale (TAM). Il y a plusieurs ondes P de formes différentes, et les intervalles PR varient.

FIGURE 13.53

A Le tracé initial montre un utter auriculaire avec un rapport de conduction 2:1 par le nœud auri­ culoventriculaire (AV). B Pendant le massage du sinus carotidien, la fréquence de conduction AV

diminue, ce qui révèle plus clairement les ondes du utter.

326

Partie 2

Système cardiovasculaire

générale, ces structures sont comprises dans l’oreillette droite et font intervenir la veine cave et la valve tricuspide dans un foyer appelé isthme cavotricuspide. Pour maintenir une propagation de réentrée qui peut se renouveler continuellement, la boucle doit éviter le nœud sinusal et être assez large pour toujours traverser un tissu prêt à être dépolarisé, c’està-dire prêt à accepter un nouveau stimulus électrique. La fréquence de réentrée auriculaire dans le utter auriculaire varie généralement de 250 à 350 batt./min, ce qui produit une onde classique en forme de dents de scie ou une onde de utter (Blomström-Lundqvist et al., 2003). L’ondelette du utter auriculaire est toujours régulière, car la longueur du circuit et la durée requise pour effectuer la boucle de réentrée restent absolument identiques.

| Fréquences auriculaire et ventriculaire dans le utter auriculaire | Pour évaluer la fréquence du utter auriculaire, il est important de calculer les fréquences auriculaire et ventriculaire. Le rythme ventriculaire est régulier si le même nombre d’ondes de utter apparaissent entre chaque complexe QRS, autrement dit, si le degré du bloc dans le nœud AV reste constant. Le caractère réfractaire du nœud AV varie parfois d’un battement au suivant, ce qui entraîne une réponse ventriculaire irrégulière. L’expression intervalle PR ne s’applique plus pour décrire le utter auriculaire ; il est plutôt question de ratio de conduction, xe ou variable, selon la conduction de l’inux vers les ventricules, par exemple 3:1 ou 4:1 (ratio entre les ondes auriculaires et les complexes QRS). Si le rythme sinusal est normal, la mesure de l’intervalle PR permet d’évaluer la vitesse de conduction à travers le nœud AV ; en cas de utter auriculaire, le nombre d’ondes de utter qui bombardent le nœud AV avant qu’une d’elles n’arrive à le traverser pour se rendre aux ventricules est une mesure de la conduction du nœud AV. Une fois que l’impulsion a traversé le nœud AV, la conduction par les ventricules est inchangée. La durée du complexe QRS reste normale ou, du moins, la même que pendant le RSN TABLEAU 13.13. Le principal facteur sous-jacent aux symptômes du utter auriculaire est la fréquence de la réponse ventriculaire. Si la fréquence auriculaire est de 300 batt./min et que le ratio de conduction AV est de 4:1, la fréquence de la réponse ventriculaire est de 75 batt./min et sera bien tolérée. Cependant, si la fréquence auriculaire est de 300 batt./min, mais que le ratio de conduction AV est de 2:1, la fréquence ventriculaire correspondante, qui est de 150 batt./min, peut provoquer une angine, une insufsance cardiaque aiguë ou d’autres signes de décompensation cardiaque. Une fréquence auriculaire de 250 batt./min avec un ratio de conduction AV de 1:1 entraîne une fréquence de la réponse ventriculaire de 250 batt./min ; le client sera alors extrêmement symptomatique, et des mesures d’urgence s’imposeront pour faire baisser sa fréquence ventriculaire.

Il est parfois difcile de détecter les ondes du utter, surtout lorsque le ratio de conduction est de 2:1. Les manœuvres vagales ou l’adénosine peuvent servir d’outils paracliniques utiles pour mieux les observer FIGURE 13.53A. Les manœuvres vagales ou la perfusion d’adénosine par voie I.V. ne mettent pas n au utter auriculaire, mais créent plutôt un bloc AV temporaire qui permet de voir l’onde auriculaire et d’établir un diagnostic précis FIGURE 13.53B.

| Traitement du utter auriculaire | La cardioversion pharmacologique au moyen de l’ibutilide permet de convertir efcacement un utter auriculaire hémodynamiquement stable en rythme sinusal chez 38 à 76 % des clients (Blomström-Lundqvist et al., 2003). Les études cliniques n’ont pas élucidé les raisons de la variance de conversion, mais celle-ci n’a pas été corrélée avec la durée du utter auriculaire. Chez les sujets qui ont répondu à l’ibutilide, la durée moyenne de conversion après la perfusion était de 30 minutes. L’une des complications liées à l’utilisation de cet agent est la tachycardie polymorphe – aussi appelée torsade de pointes – mais, dans certaines études menées auprès de sujets atteints de utter auriculaire, le taux de torsades de pointes était inférieur à 3 % (Blomström-Lundqvist et al., 2003). Les antiarythmiques sont prescrits à deux ns pour traiter le utter auriculaire : 1) pour convertir le rythme en RSN ; 2) pour ralentir la conduction à travers le nœud AV. L’agent qui assure la conversion la plus efcace est l’ibutilide ; les autres médicaments, moins efcaces, incluent la écaïnide (TambocorMD), la propafénone (Rythmol MD) et la procaïnamide (Blomström-Lundqvist et al., 2003). D’autres agents ayant pour effet de bloquer le nœud AV sont employés pour maîtriser la fréquence ventriculaire en cas de utter auriculaire, mais ils ne réussissent pas à réduire l’arythmie. Il s’agit notamment des bloqueurs des canaux calciques, des bêtabloquants et de la digoxine. Par ailleurs, l’amiodarone, l’un des agents antiarythmiques utilisés le plus fréquemment, possède deux propriétés : il peut ralentir la conduction par le nœud AV et convertir l’arythmie auriculaire. Bref, ces médicaments agissent efcacement comme mécanisme maîtrisant la fréquence ventriculaire avant une cardioversion électrique (Blomström-Lundqvist et al., 2003). Les interventions non pharmacologiques visant à convertir le utter auriculaire en rythme sinusal offrent les meilleurs résultats ; elles incluent la cardioversion électrique et l’entraînement électrosystolique auriculaire. Lorsque le rythme sinusal est rétabli au moyen d’une cardioversion électrique, le taux de conversion varie de 95 à 100 % (BlomströmLundqvist et al., 2003). Si le utter auriculaire est présent depuis plus de 48 heures, jusqu’à un tiers des clients ont des thrombus dans les oreillettes, et il faut alors administrer un anticoagulant avant de procéder à la conversion pharmacologique ou électrique. Le risque d’emboles systémiques après la cardioversion varie de 2 à 7 % (Blomström-Lundqvist

et al., 2003). Après une chirurgie cardiaque, l’entraînement électrosystolique auriculaire est souvent privilégié pour convertir un utter auriculaire. Les ls épicardiques placés pendant la chirurgie sont reliés à un stimulateur cardiaque externe. Le taux de succès global de l’entraînement électrosystolique auriculaire est de 83 % (intervalle de 55 à 100 %) (Blomström-Lundqvist et al., 2003). L’apparition soudaine du utter auriculaire est associée à un processus pathologique grave comme un IDM aigu ou une exacerbation d’une maladie pulmonaire, ou elle est consécutive à une chirurgie cardiaque ou pulmonaire. Dans ce cas de gure, une fois la maladie aiguë prise en charge, le utter auriculaire répond d’habitude rapidement au traitement standard et rend inutile une pharmacothérapie à long terme. Si l’état hémodynamique du client atteint d’un utter auriculaire devient instable, la cardioversion électrique est l’intervention d’urgence recommandée (Blomström-Lundqvist et al., 2003). Si le utter auriculaire n’est pas lié à un processus pathologique aigu, il est possible de supprimer dénitivement le circuit du utter auriculaire au moyen de l’ablation percutanée par radiofréquence (Calkins, Brugada, Packer et al., 2007). Il s’agit d’une intervention par cathéter servant à créer une voie de conduction à travers une section ou plus du circuit de réentrée. Le foyer le plus fréquent d’ablation percutanée par radiofréquence est une bande étroite de tissu située entre la veine cave inférieure (VCI) et l’anneau tricuspide appelée isthme cavotricuspide (BlomströmLundqvist et al., 2003) 15 .

13

15 Les médicaments antiarythmiques qui sont destinés au traitement des arythmies auriculaires sont traités plus en détail dans le chapitre 15, Approche thérapeutique du système cardiovasculaire.

Fibrillation auriculaire La brillation auriculaire (FA) est l’arythmie la plus fréquente dans les pays développés FIGURE 13.54. Elle touche environ 350 000 Canadiens (Fondation des maladies du cœur du Québec, 2011). Les hospitalisations en raison de la FA ont augmenté de 66 % depuis les 20 dernières années au Canada (Stiell, Macle & CCS Atrial Fibrillation Guidelines Committee, 2011). Lorsqu’elle vient d’être détectée, la FA peut être paroxystique (spontanément résolutive) ou persistante (non spontanément résolutive) ; lorsque toutes les tentatives de conversion en rythme sinusal ont échoué, elle est qualiée de permanente (ou chronique) FIGURE 13.55.

FIGURE 13.54 Fibrillation auriculaire. Le rythme ventriculaire est irrégulièrement irrégulier.

Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

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ce qui permet d’expliquer la variation considérable des intervalles RR pendant la FA TABLEAU 13.13.

FIGURE 13.55 Prols d’une brillation auriculaire (FA) d’apparition récente.

La FA peut être classée dans la vaste catégorie des TSV, puisque la F.C. est élevée et que de nombreux clients présentent des symptômes d’hypotension et de dyspnée pendant une fibrillation auriculaire paroxystique (FAP) que les médicaments sont impuissants à maîtriser. L’activation électrique auriculaire non sinusale et non coordonnée entraîne une détérioration rapide de la fonction mécani que des oreillettes. En cas de FA, le tracé de l’ECG se distingue par une ligne isoélectrique irrégulière dépourvue d’ondes P clairement dénies et montre des oscillations rapides ou des ondelettes de brillation dont la taille, la forme et la fréquence varient (Fuster, Rydén, Asinger et al., 2006). Les ondes de FA (ondes f) sont particulièrement faciles à détecter dans les dérivations DII, DIII et aVF inférieures de l’ECG. La réponse ventriculaire à une FA dépend de plusieurs facteurs : l’efcacité du nœud AV ; l’activité du système nerveux autonome, soit le degré de tonus sympathique et parasympathique (nerf vague) ; la présence de médicaments qui augmentent ou ralentissent la conduction à travers le système de conduction du nœud AV-branches du faisceau de His ; et diverses cardiopathies sous-jacentes telles que l’insufsance cardiaque (Fuster et al., 2006). La FA produit des intervalles RR irréguliers (intervalles inégaux entre les complexes QRS) sans constance logique ; la fréquence est donc irrégulièrement irrégulière. La capacité du nœud AV et des branches du faisceau de His à conduire ou à bloquer les impulsions auriculaires de brillation est une condition essentielle de l’apparition du complexe QRS sur l’ECG de surface. En cas de FA, ce complexe est généralement étroit et d’apparence normale tant que la voie de conduction par les ventricules est intacte après la sortie de l’impulsion du nœud AV. Le nœud AV sert de ltre protégeant les ventricules contre les centaines d’impulsions auriculaires qui se produisent chaque minute, mais il ne reçoit pas la totalité de ces impulsions. Lorsque le tissu musculaire des oreillettes le plus près du nœud AV entre en état réfractaire, les impulsions provenant d’autres régions des oreillettes ne peuvent atteindre le nœud AV,

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Partie 2

Système cardiovasculaire

| Pathogenèse de la brillation auriculaire | La pathogenèse de la brillation auriculaire (FA) est généralement attribuable à des foyers électriques aléatoires qui envoient des décharges dans les oreillettes. Des recherches reposant sur la cartographie auriculaire à haute densité, des enregistrements vidéo à grande vitesse et des analyses ECG ont révélé une organisation spatiale distincte à l’intérieur des oreillettes (Fuster et al., 2006). La FA fait appel à plusieurs circuits de réentrée au sein des oreillettes, dont certains prennent naissance dans des foyers anatomiques spéciques. Les quatre veines pulmonaires qui se vident dans l’oreillette gauche sont un site déclencheur permettant aux foyers auriculaires précoces de susciter et de propager des circuits de réentrée an de maintenir la brillation (Fuster et al., 2006). Les premiers foyers ectopiques auriculaires détectés par cartographie électrique ont été localisés de 2 à 4 cm dans les veines pulmonaires. Les veines pulmonaires affectées contiennent de nes projections de manchons myocardiques provenant de l’oreillette gauche. Ce tissu ectopique ressemble à des projections digitiformes discontinues d’environ 5 mm d’épaisseur, dont la longueur peut atteindre 4,5 cm lorsqu’elles se déploient dans une veine pulmonaire ou plus. Ce tissu nit par faire partie intégrante de la paroi veineuse. Il semble que la propagation de la FA vers le reste des oreillettes s’effectue par plusieurs ondelettes de réentrée dont le mouvement est perpétuellement maintenu par un rotor, ou par un circuit de réentrée dominant qui fonctionne à une fréquence plus élevée, stimule la FA et prend naissance dans le tissu ectopique des veines pulmonaires. Lorsqu’un seul foyer peut être détecté, il est possible d’encercler cette zone et de l’isoler au moyen d’une ablation par radiofréquence. Plusieurs types d’ablation par radiofréquence permettent d’isoler les foyers qui prennent naissance dans les quatre veines pulmonaires : en encerclant les quatre veines pulmonaires ensemble, en les isolant individuellement ou en les isolant par paires (Calkins, Kuck, Cappato et al., 2012). Cette intervention par cathéter est employée avec succès dans de nombreux centres d’électrophysiologie cardiaque. Pour pratiquer l’ablation, la cryothermie ou l’énergie par laser sont parfois utilisées plutôt que la radiofréquence. En cas de FA, les oreillettes afchent d’autres altérations pathologiques, qui sont le plus souvent une brose auriculaire et une diminution de la masse du muscle auriculaire. La brose auriculaire peut précéder l’apparition de la FA et même contribuer, selon une hypothèse, à la FA persistante (Fuster et al., 2006). L’hypertrophie des oreillettes est un facteur de risque indépendant de FA (Schotten, Verheule, Kirchhof et al., 2011). La FA peut également favoriser une hypertrophie pathologique des oreillettes (Schotten et al., 2011).

Il est probable que plusieurs types différents de FA soient causés par différents mécanismes. Les progrès des techniques de cartographie électrophysiologique du cœur permettront de percer le mystère des origines de la FA. Bien que cette brillation semble se traduire par un tracé initial désordonné à l’ECG, un schéma électrique relatif aux oreillettes peut être observé. La compréhension de ce schéma permettra somme toute de découvrir des traitements susceptibles de soigner ou de maîtriser la FA.

| Types de brillation auriculaire | La brillation auriculaire (FA) est caractérisée au moyen de plusieurs qualicatifs associés à divers résultats cliniques : • Fibrillation auriculaire paroxystique. La FA qui commence et s’arrête brusquement est dite brillation auriculaire paroxystique (FAP) ; elle est souvent décrite comme étant spontanément résolutive (Camm, Kirchhof, Lip et al., 2010 ; Fuster et al., 2006) FIGURE 13.55. La plupart du temps, le client ressent des palpitations qu’il peut décrire de différentes façons (p. ex., « comme un oiseau qui voltige dans ma poitrine »). Il arrive que la F.C. soit si élevée qu’il est impossible de savoir si le rythme correspond à une FA qui peut initialement être confondue avec une TSV. Il est toujours utile de repérer le point initial ou nal de toute TSV sur le tracé du rythme à l’ECG an de pouvoir déterminer le stimulus initial. L’imprimé du tracé du rythme permet aussi d’analyser avec plus de précision l’arythmie une fois que l’état clinique du client s’est stabilisé. À l’unité de soins critiques, il est important de consigner l’apparition d’une FAP en rangeant le tracé du rythme ECG dans le dossier médical et d’y noter tout symptôme clinique associé. L’objectif du traitement est de reconvertir la FA en rythme sinusal dès que possible. Les cardioversions électrique et pharmacologique sont les deux options les plus efcaces lorsque la FA s’est manifestée depuis moins de 24 heures (Fuster et al., 2006). • Fibrillation auriculaire récurrente. Lorsqu’un client compte deux épisodes ou plus de FAP, il s’agit d’une brillation auriculaire (FA) récurrente. Il est courant que des périodes avec et sans FA s’écoulent avant que le remodelage auriculaire électrique ne s’achève et que la FA devienne le rythme dominant et persistant (Fuster et al., 2006). • Fibrillation auriculaire persistante. Lorsque la FA persiste au-delà de sept jours ou qu’il se produit plusieurs épisodes de FAP, il s’agit de brillation auriculaire (FA) persistante (Fuster et al., 2006) FIGURE 13.55. Des études et l’expérience clinique démontrent que plus une personne reste en état de FA, plus le degré de remodelage électrique des oreillettes est élevé, et plus il est difcile de les ramener à un rythme sinusal (Schotten et al., 2011). Même après la cardioversion électrique, alors que l’ECG de surface peut afcher un rythme sinusal, la fonction mécanique des oreillettes peut prendre plusieurs jours,

voire des semaines avant de retrouver une contractilité normale (Schotten et al., 2011). Après la cardioversion, le client court toujours un risque d’accident thromboembolique en raison des thrombus délogés, mais aussi de la formation d’éventuels nouveaux thrombus auriculaires lorsque la fonction contractile des oreillettes n’est pas rétablie (Schotten et al., 2011). • Fibrillation auriculaire chronique. Lorsque la FA a duré plus d’une année, un diagnostic de brillation auriculaire (FA) chronique ou permanente est établi. En principe, les tentatives de conversion électrique ou pharmacologique de la FA en rythme sinusal doivent avoir échoué avant de pouvoir évoquer une FA permanente (Fuster et al., 2006)FIGURE 13.55. • Fibrillation auriculaire isolée. L’expression brillation auriculaire isolée s’applique aux personnes de moins de 60 ans atteintes d’une FA sans cardiopathie structurale. De 30 à 45 % des cas de FAP et de 20 à 25 % des cas de FA persistante sont des clients jeunes qui ne sont pas atteints d’une cardiopathie sous-jacente démontrable (Fuster et al., 2006).

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• Fibrillation auriculaire associée à une cardiopathie structurale sous-jacente. La FA est associée à certaines maladies cardiaques, notamment l’hypertension, surtout en cas d’hypertrophie du V.G. concomitante, d’insufsance cardiaque, de valvulopathie cardiaque, d’IDM aigu, de myocardite et de péricardite (Camm et al., 2010 ; Fuster et al., 2006). Grâce à l’amélioration des conditions et de l’hygiène de vie ainsi qu’à l’accessibilité aux antibiotiques, les répercussions de l’arthrite rhumatismale aiguë, une affection courante au début du xxe siècle, sont désormais mineures dans les pays industrialisés. Lorsque le tissu auriculaire des clients atteints de FA persistante est soumis à un examen histologique (analyse tissulaire), les oreillettes comportent des anomalies structurales allant au-delà des changements inhérents à la cardiopathie sous-jacente : ces changements sont appelés remodelage auriculaire électrique. Plus la FA dure longtemps, moins probable est le rétablissement du rythme sinusal (Schotten et al., 2011). • Fibrillation auriculaire associée à d’autres affections. Les affections non cardiaques liées à une incidence accrue de FA incluent le diabète, l’embolie pulmonaire, la pneumonie et la thyrotoxicose. Une fois la phase aiguë de la maladie traitée, la FA doit se résoudre et ne pas se reproduire. L’hyperthyroïdie est une cause traitable de FA qu’il est possible de dissiper efcacement dans la plupart des cas en corrigeant l’affection thyrotoxique. S’il n’est ni détecté ni traité, l’excès d’hormone thyroïdienne rend difcile la maîtrise de la fréquence, favorise le risque d’accident thromboembolique et augmente les taux de morbidité et de mortalité. • Fibrillation auriculaire silencieuse. En cas de brillation auriculaire (FA) silencieuse, le client Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

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est asymptomatique ou présente peu de symptômes, et il ne sait pas qu’il fait de l’arythmie. Dans le cadre d’une étude multicentrique récente menée auprès de personnes qui venaient de se faire implanter un stimulateur cardiaque et dont le rythme cardiaque était sous monitorage, 10 % ont eu une FA silencieuse ou infraclinique pendant les trois premiers mois (Healey, Connolly, Gold et al., 2012). Ce phénomène est préoccupant, car la FA provoque la détérioration de la fonction mécanique des oreillettes, la formation d’emboles auriculaires et un risque accru d’accident vasculaire cérébral (AVC), en plus d’être difficilement convertible en rythme sinusal lorsqu’elle est présente depuis longtemps. • Fibrillation auriculaire postchirurgie cardiaque. La FA touche environ un tiers des clients qui ont subi un pontage aortocoronarien (Hillis, Smith, Anderson et al., 2011 ; Schotten et al., 2011). Son incidence est encore plus élevée lorsque le pontage aortocoronarien est combiné à un remplacement de la valve mitrale ou aortique. Dans la plupart des cas, la FA se déclare le deuxième ou le troisième jour postopératoire, que les clients aient déjà été atteints ou non de cette affection (Kern, McRae & Funk, 2007). La FA postchirurgie cardiaque est associée à une instabilité hémodynamique importante, à un prolongement de l’hospitalisation, à une diminution de la survie à long terme et à un risque accru d’AVC emboliques. Les bêtabloquants sont recommandés comme prophylaxie pour réduire l’incidence de la FA après une chirurgie cardiaque (Hillis et al., 2011). En postopératoire de chirurgie cardiaque, on peut avoir recours à l’auriculogramme pour déterminer le rythme du client. Pour cela, durant une chirurgie cardiaque, des sondes (ou ls) temporaires reliés à l’épicarde des oreillettes et des ventricules sont souvent placés pour pouvoir stimuler le cœur, au besoin, à l’étape postopératoire. Le ou les ls de stimulation auriculaire sont xés sur l’épicarde de l’oreillette droite et sortent du thorax, dans la partie droite inférieure du sternum. Si l’électrode de stimulation auriculaire est reliée à une électrode de monitorage par ECG, le tracé auriculaire est bien visible et il est beaucoup plus large que d’habitude, car l’enregistrement provient directement de l’oreillette droite. L’auriculogramme n’est pas effectué fréquemment, mais il est utile lorsqu’un ECG de surface standard ne permet pas de savoir si un client atteint de TSV présente des ondes P, des ondes de utter ou une FA (Kern et al., 2007 ; Miller & Drew, 2007).

| Facteurs de risque de brillation auriculaire | Les recherches plus abondantes consacrées à la cause de la brillation auriculaire (FA) ont permis de mieux décrire son incidence et ses facteurs de risque. La FA touche de 0,4 à 1 % de la population générale, mais

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Système cardiovasculaire

son incidence passe à plus de 8 % chez les personnes de plus de 80 ans (Fuster et al., 2006). L’âge moyen des clients atteints de FA est d’environ 75 ans (Fuster et al., 2006). La FA est l’arythmie cardiaque la plus courante aux États-Unis ; elle est responsable d’environ un tiers des hospitalisations liées aux arythmies (Fuster et al., 2006), et le taux global d’hospitalisation au Canada pour les clients atteints de FA de 1997 à 2000 était de 582,7 pour 100 000 habitants (Humphries, Jackevicius, Gong et al., 2004). Le risque d’apparition d’une FA est plus élevé chez les personnes ayant des antécédents d’hypertension, d’insufsance cardiaque, d’obésité ou d’IDM (Fuster et al., 2006).

| Traitement de la brillation auriculaire | La question de l’approche thérapeutique la plus efcace pour soigner la brillation auriculaire (FA) reste ouverte, comme l’illustre l’algorithme de traitement d’une FA de novo FIGURE 13.56. Dans le passé, l’objectif idéal était de reconvertir la FA en rythme sinusal. Cependant, pour de nombreux clients âgés, il est impossible de supprimer la FA. L’essentiel du traitement consiste alors à maîtriser le rythme ou à maîtriser la fréquence. Tous les clients atteints de FA doivent recevoir un traitement anticoagulant pour prévenir une embolie et un AVC thrombotiques, sauf si les risques pour le client dépassent les avantages du traitement (Zimetbaum, 2012). Maîtrise du rythme Pour le client hospitalisé en raison d’une FA de novo et dont l’état hémodynamique est instable, l’essentiel est généralement de rétablir le rythme (conversion en rythme sinusal) au moyen de médicaments antiarythmiques ou d’une cardioversion électrique. Les médicaments utilisés pour convertir la FA en rythme sinusal (cardioversion pharmacologique) incluent la procaïnamide et l’ibutilide. Les antiarythmiques utilisés à long terme pour le maintien du rythme sinusal comprennent l’amiodarone, la dronédarone, la écaïnide, la propafénone, le sotalol (Sotalol MD) et le dofétilide (TikosynMD) (Gillis, Verma, Talajic et al., 2011). Le choix du médicament dépend de la présence ou de l’absence d’une cardiopathie structurale sous-jacente (Chenoweth & Diercks, 2012 ; Zimetbaum, 2012). Actuellement, l’agent le plus prescrit pour le traitement de la FA est l’amiodarone (Zimetbaum, 2012). La récurrence de la FA est possible malgré la pharmacothérapie. La cardioversion électrique peut réussir à ramener les oreillettes à un rythme sinusal si elle est utilisée dans les jours ou les semaines qui suivent l’apparition de la FA. Les chances de succès sont moins grandes si la brillation est présente depuis longtemps (Fuster et al., 2006). Maîtrise de la fréquence Les médicaments les plus prescrits pour maîtriser la fréquence ventriculaire en cas de FA incluent les bloqueurs des canaux calciques et les bêtabloquants. La digoxine doit être utilisée conjointement avec l’un ou l’autre. La

13

FIGURE 13.56 Approche thérapeutique d’une brillation auriculaire (FA) de novo.

dronédarone est utilisée en plus du traitement initial lorsque la fréquence ventriculaire reste difcilement contrôlable (Gillis et al., 2011). Ces médicaments agissent en ralentissant la conduction qui s’effectue par le nœud AV. Ils n’ont pas d’effet sur les oreillettes en brillation. Certains présumaient autrefois que la maîtrise de la fréquence était une stratégie inférieure, car le client restait en FA, il perdait l’efcacité des contractions auriculaires (communément appelées kick auriculaire) et il était plus à risque de subir un AVC embolique. Deux essais multicentriques ont changé ces perceptions : l’essai AFFIRM (Atrial Fibrillation Follow-up : Investigation of Rhythm Management) et l’essai RACE (RAte Control vs Electrical Cardioversion for Persistent Atrial Fibrillation). L’un et l’autre rapportent des taux équivalents de morbidité, de mortalité et de mesure de la qualité de vie parmi les clients dont le traitement visait la conversion du rythme ou la maîtrise de la fréquence. La maîtrise de la fréquence est l’approche thérapeutique recommandée pour le traitement à long terme de la FA, et un traitement d’anticoagulation destiné à prévenir un AVC embolique est nécessaire (You, Singer, Howard et al., 2012) 15 .

Évaluation du risque d’accident vasculaire cérébral et traitement antithrombotique dans la brillation auriculaire La brillation auriculaire (FA), du fait de l’apparition de thrombus dans les oreillettes, favorise grandement le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) embolique. Plusieurs méthodes de notation ont été mises au point pour dépister les clients atteints de FA qui nécessiteront une anticoagulation prophylactique.

CHADS2 L’acronyme CHADS2 est un outil d’évaluation facile à mémoriser qui permet de prévoir le risque d’AVC chez les personnes atteintes de FA et d’orienter le traitement antithrombotique ENCADRÉ 13.14. Les lettres de l’acronyme renvoient à l’insufsance cardiaque, à l’hypertension, à l’âge (75 ans ou plus), au diabète et à l’AVC (S pour stroke en anglais) (double des points) (Camm et al., 2010). Le score varie de 0 à 6. L’anticoagulation peut se faire à l’aide d’acide acétylsalicylique (AspirinMD) ou de warfarine (CoumadinMD). Néanmoins, les nouveaux anticoagulants oraux sont généralement privilégiés. Les recommandations

Chapitre 13

15 Les antiarythmiques utilisés pour la prise en charge de la brillation auriculaire sont énumérés dans le chapitre 15, Approche thérapeutique du système cardiovasculaire.

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

331

ENCADRÉ 13.14 LETTRE

Score CHADS2 FACTEUR DE RISQUE

SCORE

C

Insufsance cardiaque chronique

1

H

Hypertension

1

A

Âge > 75 ans

1

D

Diabète

1

S

AVC ou accident ischémique transitoire (AIT)

2

Le score CHADS2 sert à prévoir le risque d’AVC chez les personnes atteintes de FA. Un score plus élevé est lié à un risque accru d’AVC embolique. Score CHADS2 minimal = 0 ; score CHADS2 maximal = 6 Score de 0 : aucun traitement Score de 1 : anticoagulation orale suggérée Score de 2 à 6 : anticoagulation orale

varient selon le score CHADS2. Selon ces recommandations, pour un score de 0, une stratication doit être faite en fonction du sexe et de la présence de maladie coronarienne ; pour un score de 1 et plus, une anticoagulation orale est suggérée (Skanes, Healey, Cairns et al., 2012). Des anticoagulants par voie orale plus récents, comme le dabigatran (PradaxaMD), un inhibiteur de la thrombine, et le rivaroxaban (XareltoMD) ou l’apixaban (EliquisMD), des inhibiteurs du facteur Xa, peuvent être prescrits pour la FA (Schneeweiss, Gagne, Patrick et al., 2012).

CHA2DS2-VASc Dans les autres systèmes d’évaluation comme le score CHA2DS2-VASc, l’éventail des facteurs de risque est élargi an d’y inclure l’insufsance cardiaque aiguë, l’hypertension, l’âge de 75 ans ou plus (double des points), le diabète, l’AVC (double des points), les maladies vasculaires, l’âge de 65 à 74 ans et le sexe féminin (Camm et al., 2010). Les formes électrique et pharmacologique de cardioversion comportent le risque de précipiter des emboles dans la circulation systémique. Pendant la FA, les oreillettes ne se contractent pas efcacement, et le sang peut stagner et former plus facilement des caillots qui s’attachent aux parois auriculaires (thrombus muraux) (Schotten et al., 2011). Si la cardioversion réussit et que le RSN est rétabli, les oreillettes recommencent à se contracter vigoureusement et, si un thrombus s’est formé, des caillots peuvent entrer dans la circulation pulmonaire ou systémique. Dans le contexte de la FA, les recommandations antithrombotiques dont il sera question s’appliquent aussi aux clients atteints d’un utter auriculaire (You et al., 2012). Pour prévenir un AVC embolique, il est important de respecter la règle des 48 heures. Les client satteints d’une FA depuis 48 heures ou plus (durée possiblement inconnue) doivent recevoir un traitement anticoagulant adéquat par un antagoniste de la

332

Partie 2

Système cardiovasculaire

vitamine K par voie orale (warfarine) an d’obtenir un rapport normalisé international (RNI) variant de 2,0 à 3,0 pendant au moins trois semaines avant de procéder à la cardioversion élective (You et al., 2012). Après une cardioversion réussie, les clients doivent recevoir un traitement anticoagulant pendant quatre semaines additionnelles (You et al., 2012). Les progrès des thérapies antithrombotiques ont permis l’avènement de plusieurs nouveaux agents à prise orale, en plus de la warfarine. Ces médicaments sont spéciquement destinés à la prévention des AVC chez les personnes atteintes d’une FA non valvulaire (Wann, Curtis, January et al., 2011 ; You et al., 2012) : dabigatran (Connolly, Ezekowitz, Yusuf et al., 2009), rivaroxaban (Patel, Mahaffey, Garg et al., 2011) et apixaban (Granger, Alexander, McMurray et al., 2011). L’administration de ces trois antithrombotiques ne nécessite pas de monitorage systématique de l’anticoagulation. L’échocardiographie transœsophagienne (ETO) s’avère utile pour mettre en évidence la présence ou l’absence de thrombus dans les oreillettes en brillation, et elle est recommandée pour le dépistage de tels thrombus avant une cardioversion non urgente (You et al., 2012). Elle se prête tout particulièrement à l’évaluation des clients en FA depuis moins de 48 heures et qui, en l’absence d’un thrombus auriculaire, peuvent subir une cardioversion sans recevoir d’anticoagulothérapie (You et al., 2012). Cet examen est décrit en détail dans la section de ce chapitre qui traite de l’échocardiographie transœsophagienne. Les clients aux prises avec des épisodes de FA de quelques heures ou de quelques jours, suivis d’un rétablissement spontané du rythme sinusal (FAP), sont eux aussi prédisposés aux accidents vasculaires cérébraux cardioemboliques.

Traitement non pharmacologique de la brillation auriculaire L’efcacité de plusieurs techniques de cathétérisme interventionnel dans le traitement de la brillation auriculaire (FA) est actuellement explorée, notamment la stimulation auriculaire, la chirurgie auriculaire et l’ablation par cathéter (isolement électrique des veines pulmonaires). L’intervention de Cox-Maze III, appelée couramment technique du labyrinthe, est une intervention chirurgicale à cœur ouvert. Elle n’est indiquée que chez une faible proportion de clients atteints de FA qui doivent être opérés pour remédier à un problème cardiaque quelconque, notamment un problème lié à la valve mitrale. L’intervention de Cox-Maze III vise à éliminer dénitivement la FA en créant des lignes cicatricielles stratégiques dans les oreillettes par incision-suture. Le taux de réussite est de 75 à 95 % jusqu’à 15 ans après l’intervention (Camm et al., 2010). De nos jours, cette technique est rarement utilisée. Elle a été remplacée par des techniques moins effractives d’ablation par cathéter qui consistent à créer des lignes de blocs (cicatrices) autour des veines pulmonaires en utilisant comme

source d’énergie un générateur de radiofré quence (Calkins et al., 2012). D’autres sources d’énergie peuvent également être employées pour réaliser une ablation par cathéter, notamment le froid (cryoablation) ou les ultrasons localisés de haute intensité (Camm et al., 2010). L’ablation par radiofréquence a pour but d’atténuer les symptômes cliniques associés à la FA. D’après des résultats d’études publiées récemment, une atténuation postopératoire des symptômes de FA a été observée chez 57 % des clients ayant subi une telle intervention, bien qu’ils n’aient pas reçu d’antiarythmique (Calkins, 2012). Dans les cas où de multiples ablations avaient été réalisées, le taux de réussite passait à 71 % lorsque les interventions n’étaient pas associées à la prise d’un antiarythmique, et à 77 % lorsqu’elles y étaient associées. La stimulation auriculaire ne réduit pas l’incidence de la FA (Healey et al., 2012).

Arythmies jonctionnelles Seules certaines régions du nœud AV sont des foyers d’automatisme. La région située autour du nœud AV est appelée jonction AV, et les impulsions électriques qui y sont générées sont dites jonctionnelles. Lorsqu’une impulsion électrique prend naissance dans la jonction AV, le front de dépolarisation se propage instantanément dans deux directions. Une onde de dépolarisation se propage vers le haut en direction des oreillettes et entraîne leur dépolarisation, qui se traduit par une onde P sur l’ECG. Parallèlement, une autre onde de dépolarisation se propage vers le bas en direction des ventricules en empruntant le circuit de conduction normal, ce qui se traduit sur l’ECG par un complexe QRS normal ; il s’agit, dans ce cas, de conduction antérograde. Selon l’ordre dans lequel ces ondes de dépolarisation atteignent les cavités cardiaques, l’onde P peut : 1) apparaître avant le complexe QRS (l’intervalle PR est alors de courte durée, soit moins de 0,12 sec.) ; 2) être masquée complètement par le complexe QRS ; ou 3) apparaître immédiatement après le complexe QRS.

qui présente plusieurs ESJ et traité par la digoxine, il faut soupçonner une toxicité digitalique. La digoxine ralentit effectivement la conduction à travers le nœud AV, mais elle stimule aussi l’automatisme de la jonction AV (hyperautomatisme).

Rythme d’échappement jonctionnel Il arrive parfois que la jonction AV devienne le principal stimulateur physiologique du cœur TABLEAU 13.14. Normalement, la fréquence intrinsèque de la jonction AV est de 40 à 60 batt./min, et celle du nœud sinusal est de 60 à 100 batt./min. Dans les conditions physiologiques, il est impossible pour la jonction AV de prendre la commande du rythme cardiaque (échappement) et de dépolariser le cœur, car c’est le nœud sinusal qui impose son rythme au cœur. Cela dit, en cas de dysfonctionnement de ce dernier, la jonction AV peut prendre le relais en émettant des impulsions susceptibles de dépolariser complètement le cœur et en lui imposant ainsi son propre rythme, qui porte alors le nom de rythme d’échappement jonctionnel. Ce mécanisme protecteur est destiné à prévenir une asystolie en cas de dysfonctionnement du nœud sinusal. Si, en général, le rythme d’échappement jonctionnel est bien toléré sur le plan hémodynamique, il faut néanmoins prendre les mesures nécessaires pour rétablir le rythme sinusal FIGURE 13.57. Dans certains cas, le médecin décide de procéder à l’implantation d’un stimulateur cardiaque par mesure de prudence s’il a des raisons de craindre un dysfonctionnement de la jonction AV.

13

Tachycardie jonctionnelle et rythme jonctionnel accéléré Il arrive aussi que le rythme jonctionnel soit plus rapide que le rythme sinusal TABLEAU 13.14. En rythme sinusal, le terme tachycardie fait référence à une fréquence ventriculaire égale ou supérieure à 100 batt./min. Il en va de même pour le rythme jonctionnel : l’expression tachycardie jonctionnelle désigne un rythme jonctionnel généralement régulier, associé à une fréquence supérieure à 100 batt./min.

Extrasystole jonctionnelle Si une impulsion unique prend naissance dans la jonction AV, elle se nomme simplement extrasystole jonctionnelle (ESJ). L’ECG traduit un rythme régulier à partir du nœud sinusal, si ce n’est qu’il enregistre un complexe QRS prématuré ayant une forme et une durée normales. Il se peut que l’onde P n’apparaisse pas sur le tracé ; lorsqu’elle est visible, elle précède ou suit de très près le complexe QRS. En DII, l’onde P est inversée, car l’onde de dépolarisation qui atteint les oreillettes s’est propagée vers le haut à partir du nœud AV, soit dans la direction opposée à celle que prend l’onde de dépolarisation qui part du nœud sinusal (conduction rétrograde). Si l’onde P précède le complexe QRS, l’intervalle PR est généralement inférieur à 0,12 sec. Les ESJ se traduisent pour l’essentiel par les mêmes manifestations cliniques que les ESA. Cela dit, pour un client

TABLEAU 13.14

Rythmes jonctionnels

PARAMÈTRE

RYTHME D’ÉCHAPPEMENT JONCTIONNEL

RYTHME JONCTIONNEL ACCÉLÉRÉ

TACHYCARDIE JONCTIONNELLE

Fréquence

40-60 batt./min

60-100 batt./min

> 100 batt./min

Rythme

Régulier

Régulier

Régulier

Ondes P

Peuvent être présentes ou non ; sont inversées en DII.

Peuvent être présentes ou non ; sont inversées en DII.

Peuvent être présentes ou non ; sont inversées en DII.

Intervalle PR

< 0,12 sec.

< 0,12 sec.

< 0,12 sec.

Complexe QRS

0,06-0,10 sec.

0,06-0,10 sec.

0,06-0,10 sec.

Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

333

FIGURE 13.57 Rythme d’échappement jonctionnel. La fréquence ventriculaire est de 38 batt./min. Il n’y a pas d’ondes P, et la largeur du complexe QRS est normale.

Lorsque la fréquence jonctionnelle varie de 60 à 100 batt./min, il s’agit de rythme jonctionnel accéléré (Pelter & Carey, 2007). Habituellement, cette anomalie est bien tolérée, ce qui s’explique en grande partie par le fait que la F.C. se situe dans des limites raisonnables. La tachycardie jonctionnelle, en revanche, n’est pas toujours bien tolérée : le degré de tolérance dépend de la F.C. et de la réserve cardiaque.Une toxicité digitalique est peut-être en cause si le client est sous digoxine, car ce médicament provoque un hyperautomatisme du nœud AV. Dans ce cas, la stratégie thérapeutique optimale consiste à mesurer le taux sérique de digoxine et à interrompre le traitement jusqu’à ce que l’arythmie cède. Si la toxicité digitalique menace le pronostic vital, le client devra recevoir un antidote, à savoir des fragments d’anticorps spéciques de la digoxine (DigibindMD, DigiFabMD) (Yang, Shah & Criley, 2012).

Arythmies ventriculaires L’arythmie ventriculaire est la conséquence de l’existence d’un foyer d’automatisme ectopique dans n’importe quelle région du myocarde ventriculaire. L’onde de dépolarisation créée par ce foyer ectopique n’emprunte pas la voie de conduction normale dans les ventricules et se propage d’une cellule à l’autre, ce qui se traduit par une prolongation du complexe QRS, qui dure habituellement plus de 0,12 sec. Il faut tenir compte de la largeur et de la forme du complexe QRS, et non de sa hauteur, pour établir la provenance de l’extrasystole ventriculaire.

Extrasystoles ventriculaires Une extrasystole ventriculaire (ESV) est une impulsion électrique unique générée par un foyer ectopique ventriculaire. Certaines ESV ont une très faible amplitude ; quoi qu’il en soit, le complexe QRS est de forme différente, et sa largeur est généralement supérieure à 0,12 sec. En cas de doute, une autre dérivation peut être utilisée. La forme du complexe QRS dépend de la localisation du foyer ectopique ventriculaire. S’il se situe dans le V.D., l’impulsion qu’il crée se propagera de droite à gauche, auquel cas le complexe QRS aura un aspect évocateur d’un BBG, puisque c’est le V.G. qui se dépolarisera en dernier. De plus, le complexe QRS sera large et négatif en V1 FIGURE 13.58A. Si le foyer ectopique se trouve dans la paroi libre du V.G., le front de dépolarisation se

334

Partie 2

Système cardiovasculaire

FIGURE 13.58

A Extrasystole ventriculaire droite (ESV) droite. Le front de dépo­

larisation se propage de la droite vers la gauche ; autrement dit, il s’éloigne de l’électrode positive de V1 (MCL1), ce qui se traduit par un complexe QRS large et négatif. B ESV gauche. Le front de dé­ polarisation se propage de la gauche vers la droite, soit en direc­ tion de l’électrode positive de V1 (MCL1), ce qui se traduit par un complexe QRS large et positif.

propagera de la gauche vers la droite, ce qui donnera l’aspect d’un BBD FIGURE 13.58B. Puisque n’importe quelle cellule du ventricule peut se transformer en foyer ectopique, le complexe QRS peut prendre une multitude de formes et d’aspects. Si toutes les ESV se ressemblent dans une dérivation particulière, elles sont qualiées d’unifocales et de monomorphes, c’est-à-dire qu’elles ont toutes été engendrées par le même foyer arythmogène FIGURE 13.59A. Par contre, si les ESV enregistrées dans une dérivation donnée ont des formes différentes, elles sont dites multifocales et polymorphes FIGURE 13.59B. Les ESV multifocales sont à prendre plus au sérieux que les ESV unifocales, car elles témoignent de l’existence d’une vaste zone de tissu myocardique irritable et parce qu’elles sont plus susceptibles d’évoluer vers une TV ou une FV que ces dernières. En général, les arythmies ventriculaires surviennent rarement chez les clients en bonne santé ; cela dit, leurs répercussions sont plus graves que celles des arythmies auriculaires ou jonctionnelles. L’ESV prend naissance dans une cellule du myocarde ventriculaire devenue perméable au sodium à la suite d’une lésion quelconque. À cause de cette anomalie de la perméabilité, la cellule atteint son seuil de dépolarisation avant de recevoir l’impulsion en provenance du nœud sinusal. Une fois ce seuil atteint, elle se dépolarise automatiquement, ce qui provoque la dépolarisation de l’ensemble du ventricule. D’ordinaire, l’onde de dépolarisation ventriculaire ne se propage pas à travers le nœud AV, et comme elle ne perturbe pas non plus le nœud sinusal, l’électrocardiographe enregistre une onde P normale. Cela dit, l’impulsion sinusale ne se propagera pas dans les ventricules s’ils sont en période réfractaire, et c’est pourquoi l’onde P est habituellement non perceptible à l’ECG en présence d’ESV. S’il n’y a pas d’autre foyer ectopique ventriculaire, l’impulsion sinusale suivante

FIGURE 13.59

A Extrasystoles ventriculaires (ESV) unifocales. B ESV multifocales.

empruntera la voie de conduction sinusale normale et passera par le nœud AV pour atteindre les ventricules.

| Pause compensatrice | Si l’intervalle entre le dernier complexe QRS normal qui précède l’ESV et le complexe QRS qui la suit est égal à deux cycles cardiaques complets, c’est qu’il y a une pause compensatrice (ou repos compensateur) FIGURE 13.60A. Comme cette pause n’est pas toujours observée en cas d’ESA ou d’ESJ, sa présence suft en quelque sorte à reconnaître l’ESV. Quand l’onde de dépolarisation sinusale qui suit immédiatement l’ESV atteint les ventricules, ces derniers ont sufsamment récupéré et peuvent se dépolariser de nouveau. L’électrocardiographe enregistre un complexe QRS normal, et l’ESV se trouve intercalée entre deux complexes QRS normaux FIGURE 13.60B. Elle est alors qualiée d’interpolée, c’est-à-dire qu’elle se situe entre deux battements normaux. En général, l’ESV est interpolée lorsqu’elle est très prématurée ou que le rythme sinusal est relativement lent. Il arrive que l’impulsion créée par le foyer ectopique ventriculaire se propage suivant la voie rétrograde à travers le nœud AV et qu’elle dépolarise ensuite les oreillettes. Le nœud sinusal est alors dépolarisé, et aucune pause compensatrice n’est observée. | Caractéristiques des extrasystoles ventriculaires | Les extrasystoles ventriculaires (ESV) peuvent survenir en même temps qu’une arythmie supraventriculaire. Pour décrire le rythme cardiaque en présence d’ESV, il ne suft pas de spécier les caractéristiques de ces dernières (p. ex., des ESV fréquentes ou des ESV fréquentes unifocales), il faut toujours préciser la nature de l’arythmie sous-jacente (p. ex., une bradycardie sinusale associée à des ESV unifocales fréquentes ou une FA associée à des ESV

FIGURE 13.60

13

A Extrasystole ventriculaire (ESV) avec pause compensatrice

complète. L’intervalle entre les deux impulsions sinusales qui encadrent l’ESV (R1 et R2) équivaut exactement au double de l’intervalle normal entre deux impulsions sinusales (R3 et R4). L’électrocardiographe enregistre une pause compensatrice complète, car le nœud sinusal commande toujours le rythme malgré l’émergence de l’ESV. Sur cette gure, l’onde P sinusale (èche) est masquée par le segment ST de l’ESV. Cette onde de dépolarisation ne s’est pas propagée dans les ventricules parce qu’ils venaient de se dépolariser et qu’ils étaient encore dans la période réfractaire absolue. B ESV interpolée. L’ESV survient entre deux complexes QRS normaux sans perturber le rythme sinusal. Les intervalles RR entre les battements sinusaux sont égaux.

multifocales occasionnelles). La périodicité des ESV peut également être précisée. Ainsi, il est question de bigéminisme ventriculaire lorsqu’une ESV survient après chaque battement sinusal, de trigéminisme ventriculaire lorsqu’une ESV survient tous les trois battements cardiaques et de quadrigéminisme ventriculaire lorsque l’ESV survient tous les quatre battements FIGURE 13.61. Chez les clients ayant une cardiopathie sousjacente, les ESV ou les épisodes de TV non soutenue peuvent être malins ; une TV non soutenue correspond à plus de trois ESV consécutives dont la fréquence est supérieure à 110 batt./min (selon certains auteurs) et qui dure moins de 30 sec.

| Moment de survenue des extrasystoles ventriculaires au cours du cycle cardiaque | Le moment où survient l’extrasystole ventriculaire (ESV) peut se révéler important, notamment en cas d’ischémie myocardique. Les ESV qui surviennent durant la période réfractaire relative, qui est représentée sur l’ECG par la deuxième moitié de l’onde T, sont problématiques, car à ce moment, la repolarisation n’est pas terminée et le myocarde ventriculaire est particulièrement vulnérable. Comme la repolarisation du tissu ischémique est plus lente que celle du tissu sain après un épisode d’ischémie, toutes les régions Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

335

du myocarde ventriculaire ne sont pas repolarisées en même temps. Autrement dit, si une ESV se produit durant cette période critique, il se peut que toutes les régions du myocarde ventriculaire ne se dépolarisent pas en même temps, ce qui peut entraîner une FV. Il s’agit alors d’un phénomène R/T FIGURE 13.62. Une série de deux ESV consécutives porte le nom de couplet, et une série de trois ESV consécutives est appelée salve. Une salve de plus de trois ESV est un épisode de TV, et il est toujours utile de préciser le nombre d’ESV que comprend un épisode de TV, en particulier si celui-ci est de courte durée (moins de 30 sec.).

| Causes des extrasystoles ventriculaires | Les causes des extrasystoles ventriculaires (ESV) sont multiples. Ces dépolarisations prématurées peuvent survenir chez des clients en bonne santé ne présentant aucun signe de cardiopathie, bien que cela arrive rarement. L’inrmière en soins critiques joue un rôle clé dans le repérage des facteurs susceptibles de provoquer des ESV ou, à tout le moins, de favoriser leur survenue. Il n’y a pas de facteur étiologique plus dangereux que l’ischémie aiguë. L’ischémie modie la perméabilité ionique de la membrane cellulaire, un phénomène qui occasionne une dépolarisation prématurée de la cellule, laquelle devient alors un foyer ectopique. Il peut être nécessaire de traiter les ESV qui surviennent durant un épisode d’ischémie aiguë par des antiarythmiques (p. ex., avec de l’amiodarone par voie I.V.). Les anomalies métaboliques sont des causes fréquentes d’ESV. Ainsi, l’hypokaliémie, l’hypoxémie et l’acidose peuvent être à l’origine d’ESV, car elles accentuent le risque d’instabilité de la membrane

FIGURE 13.61 Bigéminisme ventriculaire.

FIGURE 13.62 Phénomène R/T.

336

Partie 2

Système cardiovasculaire

cellulaire. Dans ce cas, le traitement vise à caractériser le trouble métabolique en cause et à le corriger. Il faut mesurer la gazométrie artérielle ainsi que la kaliémie et la magnésémie si les valeurs disponibles ne sont pas récentes. Il ne faut pas sous-estimer le risque de variation très brutale de la kaliémie ou des résultats de la gazométrie pour les clients qui sont dans un état critique. Pour un client intubé, quelques insufations d’oxygène 100 % sufsent généralement pour rétablir une saturation adéquate en oxygène et pour éliminer les ESV provoquées par les manœuvres d’aspiration. Toute cardiopathie est susceptible de provoquer des ESV. Les clients atteints de cardiomyopathie ou d’anévrisme ventriculaire peuvent être en proie à des ESV chroniques graves qui peuvent se révéler réfractaires à un traitement antiarythmique. Par ailleurs, certaines interventions effractives (insertion d’un CAP, cathétérisme cardiaque) peuvent exercer des forces mécaniques sur le myocarde susceptibles de l’irriter et de provoquer ainsi des ESV. Habituellement, les ESV cèdent lorsque le cathéter est retiré ou avancé. Certains médicaments sont également susceptibles de déclencher des ESV. La toxicité digitalique peut entraîner des ESV relativement réfractaires aux antiarythmiques classiques. Certains antiarythmiques de classe III peuvent déclencher des arythmies encore plus graves que celles pour lesquelles ils ont été prescrits. Cet effet indésirable, appelé effet arythmogène ou effet proarythmique, peut être mortel. Les antiarythmiques de la classe III ont pour effet thérapeutique de prolonger la période réfractaire des ventricules et d’allonger de ce fait l’intervalle QT. Or, un allongement excessif de cet intervalle favorise l’apparition d’une forme particulière de TV polymorphe appelée torsade de pointes FIGURE 13.63. Ce type d’arythmie se caractérise par une F.C. très rapide et, sur l’ECG, par un aspect caractéristique en spirale des complexes QRS qui semblent former une torsade autour de la ligne de base. D’un point de vue clinique, les torsades de pointes ne sont guère tolérées parce qu’elles se traduisent par une F.C. extrêmement rapide. Si elles ne sont pas traitées, elles sont mortelles. Il arrive qu’elles cèdent spontanément ; durant cet épisode, le client peut faire une syncope ou être pris de convulsions. Les facteurs de risque de torsade de pointes sont énumérés dans l’ENCADRÉ 13.8.

| Traitement des extrasystoles ventriculaires | La survenue d’une extrasystole ventriculaire (ESV) ne commande pas toujours un traitement. En l’absence d’une cardiopathie sous-jacente d’importance clinique, les ESV sont considérées comme étant bénignes et elles n’accentuent pas le risque de mort subite. Si le client se plaint d’avoir des palpitations, le traitement initial consiste à le rassurer et à éliminer certains facteurs susceptibles d’accroître l’irritabilité du myocarde comme la consommation de caféine ou d’alcool, le stress émotionnel et l’administration de sympathomimétiques. En cas de persistance des symptômes, un anxiolytique ou un

FIGURE 13.63

Torsade de pointes.

bêtabloquant peuvent être administrés pour atténuer la réponse à la stimulation sympathique. En cas d’IDM aigu, le client reçoit un antiarythmique comme l’amiodarone ou un bêtabloquant, car la formation de lésions myocardiques accentue le risque d’évolution d’ESV isolées en TV. En revanche, pour un client ayant un cœur sain, c’est en dernier recours que les antiarythmiques sont utilisés, en particulier ceux qui accroissent l’incidence de la TV 15 .

| Rythme idioventriculaire | Il arrive qu’un foyer ectopique ventriculaire prenne la commande du rythme cardiaque TABLEAU 13.15. En cas de dysfonctionnement du nœud sinusal et de la jonction AV, les ventricules se dépolarisent à leur propre rythme (20 à 40 fois par minute) par l’entremise du réseau de Purkinje. Ce mécanisme de protection naturel porte le nom de rythme idioventriculaire ou rythme d’échappement ventriculaire. Le traitement a alors pour objectif d’augmenter la F.C. et de rétablir la prédominance d’un foyer d’automatisme situé en amont, comme le nœud sinusal ou la jonction AV. Habituellement, un stimulateur cardiaque temporaire est installé pour accroître la F.C. jusqu’à ce que les anomalies à l’origine de la défaillance des autres stimulateurs physiologiques situés en amont aient pu être corrigées. Il est question de rythme idioventriculaire accéléré (RIVA) ou de rythme ventriculaire accéléré lorsqu’un foyer ectopique ventriculaire prend la commande du rythme cardiaque et impose au cœur une fréquence supérieure à sa fréquence intrinsèque (40 batt./min), mais inférieure à 100 batt./min FIGURE 13.64. Si le RIVA est relativement bénin, il

TABLEAU 13.15

faut néanmoins surveiller de près le client qui en souffre à la recherche de signes d’accélération de la F.C. et demeurer à l’affût de tout signe de détérioration de son état hémodynamique. En principe, le RIVA n’est pas traité par voie médicamenteuse s’il est bien toléré et que la P.A. demeure stable ; cela dit, il y a lieu de procéder à l’implantation d’un stimulateur cardiaque temporaire par voie endoveineuse par mesure de précaution contre une détérioration soudaine de l’état hémodynamique. L’administration de lidocaïne (XylocaïneMD, XylocardMD) par voie I.V. est formellement contreindiquée en présence d’un rythme idioventriculaire, car cet agent abolit le foyer ectopique ventriculaire et risque d’induire une asystolie.

| Tachycardie ventriculaire | La tachycardie ventriculaire (TV) est provoquée par la présence d’un foyer ectopique ventriculaire qui génère des inux électriques à une fréquence supérieure ou égale à 100 fois par minute ; elle est généralement entretenue par un circuit de réentrée dans le ventricule FIGURE 13.65. Les complexes QRS sont larges, et le rythme cardiaque, qui peut être légèrement irrégulier, s’accélère à mesure que la tachycardie persiste TABLEAU 13.15. Dans la plupart des cas, le nœud sinusal n’est pas perturbé et il continue de dépolariser les oreillettes à un rythme normal. Des ondes P sont parfois présentes sur l’ECG. Il existe une dissociation entre elles et les complexes QRS, mais lorsqu’elles sont à leur emplacement normal sur l’ECG, cela peut laisser croire que l’inux

15 Le chapitre 15, Approche thérapeutique du système cardiovasculaire, fournit un complément d’information sur les antiarythmiques.

FIGURE 13.64 Rythme idioventriculaire accéléré. Le complexe QRS dure 0,14 sec., et la fréquence ventriculaire est de 66 batt./min.

Rythmes ventriculaires

PARAMÈTRE

RYTHME IDIOVENTRICULAIRE

RYTHME IDIOVENTRICULAIRE ACCÉLÉRÉ

TACHYCARDIE VENTRICULAIRE

FIBRILLATION VENTRICULAIRE

Fréquence

20-40 batt./min

40-100 batt./min

> 100 batt./min

0 batt./min

Rythme

Régulier, en général

Régulier, en général

Régulier, en général

Irrégulier

Ondes P

Absentes ou rétrogrades

Absentes ou rétrogrades

Absentes ou rétrogrades

Absentes

Intervalle PR

Absent

Absent

Absent

Absent

Complexe QRS

> 0,12 sec.

> 0,12 sec.

> 0,12 sec.

Ondes de brillation

Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

337

13

15 Le chapitre 15, Approche thérapeutique du système cardiovasculaire, présente le débrillateur cardioverteur implantable ainsi que les indications pour son implantation.

électrique emprunte la voie de conduction normale jusqu’aux ventricules. L’activation simultanée des ventricules par l’impulsion générée grâce au nœud sinusal et par celle générée grâce au foyer ectopique ventriculaire se traduit sur l’ECG par un complexe de fusion. Ce complexe est hybride, car il résulte de la fusion d’un complexe QRS sinusal et d’un complexe QRS ectopique FIGURE 13.66. La présence d’ondes P et de complexes de fusion permet de distinguer les TV des TSV. Les critères permettant de faire une telle distinction ont été présentés précédemment. La plupart du temps, la TV survient en présence d’une cardiopathie structurale telle qu’une ischémie myocardique, une cardiopathie congénitale, une valvulopathie ou une cardiomyopathie. Parmi les autres facteurs déclencheurs de la TV gurent la toxicité médicamenteuse, les déséquilibres électrolytiques et l’effet arythmogène (effet indésirable de certains antiarythmiques). La TV est une arythmie mortelle et, par conséquent, elle doit être traitée en urgence. Comme l’accélération de la fréquence ventriculaire diminue la P.A., le client peut perdre connaissance. De plus, en l’absence de synchronisation entre les contractions auriculaires et ventriculaires, le D.C. ralentit considérablement, puisque la contraction auriculaire s’accompagne normalement d’une augmentation du volume des ventricules juste avant l’ESV et qu’elle intensie ainsi la force de cette dernière. Si la TV n’est pas corrigée rapidement, elle risque d’évoluer vers une FV et de mener au décès du client.

FIGURE 13.65 Tachycardie ventriculaire.

L’approche thérapeutique de la TV dépend de la stabilité hémodynamique du client. La TV sans pouls est une arythmie mortelle. Le client perd connaissance et doit immédiatement faire l’objet d’une réanimation cardiorespiratoire et d’une débrillation, conformément aux lignes directrices de la Fondation des maladies du cœur du Canada et du Québec qui s’inspirent de l’American Heart Association en la matière. Un client ayant une TV lente et stable ou à complexes QRS larges, une F.C. supérieure à 150 batt./min, un pouls palpable et une P.A. stable peut être traité par une perfusion d’antiarythmique comme l’amiodarone ou la procaïnamide, comme cela est recommandé dans les lignes directrices en réanimation (Sinz et al., 2011). Au cours d’un épisode de TV, un client qui a des antécédents de TV soutenue ou qui a survécu à un arrêt cardiaque demeure exposé à un risque de mort subite. Par conséquent, il est recommandé de le soumettre à une évaluation clinique complète (cathétérisme cardiaque, examen électrophysiologique avec stimulation ventriculaire programmée). Le traitement a pour but de prévenir la récurrence d’une TV soutenue ou d’une FV. Il consiste à éliminer la cause sous-jacente de la TV, à administrer au client un traitement antiarythmique, ou encore à procéder à l’ablation du circuit de réentrée ventriculaire ou à l’installation d’un défibrillateur cardioverteur implantable (DCI). Il est possible de programmer le DCI pour qu’il délivre plusieurs salves de stimulation ventriculaire rapide (stimulation antitachycardique) an de corriger une TV stable avant la cardioversion. Cette technique a l’avantage d’être mieux tolérée par le client, car elle lui évite d’avoir à subir un choc interne désagréable si la stimulation se révèle efcace. La plupart des clients qui portent un DCI reçoivent en outre un traitement antiarythmique pharmacologique. La stimulation antitachycardique est efcace lorsqu’elle est associée à une cardioversion de réserve. Toutefois, la stimulation antitachycardique se révèle risquée en l’absence de cette dernière, puisqu’elle peut provoquer une accélération du rythme cardiaque telle que la TV dégénère en TV rapide sans pouls, puis en TV polymorphe, voire en FV 15 .

Fibrillation ventriculaire

FIGURE 13.66

Complexe de fusion (èches). Le complexe QRS ne dure que 0,08 sec. et il a une forme hybride (fusion entre un complexe QRS normal et le complexe QRS ectopique précédent).

338

Partie 2

Système cardiovasculaire

La brillation ventriculaire (FV) est la conséquence d’une activité électrique anarchique du myocarde ventriculaire attribuable à une série d’impulsions électriques rapides émises par divers foyers ectopiques ventriculaires ou à de petits circuits de réentrée. Cette désynchronisation empêche les ventricules de se contracter complètement et efcacement. Elle entraîne une simple trémulation ventriculaire qui ne suft pas à pomper le sang hors des ventricules. En l’absence de circulation sanguine, ni le pouls ni les bruits du cœur à l’apex ne sont perceptibles. Durant l’examen clinique, il est impossible de distinguer

une FV d’une asystolie (absence d’activité électrique cardiaque). Sur l’ECG, des ondulations continues de la ligne de base sont observées ; les ondes P, les ondes T et le complexe QRS ne sont pas identiables FIGURE 13.67. Lorsqu’une FV survient dans le cadre d’un événement ischémique aigu qui provoque d’importantes lésions myocardiques, le pronostic vital est sombre. La réanimation échoue bien souvent, et le taux de récidive est élevé pour les clients ayant été réanimés. Sur l’ECG, la FV prend l’aspect d’ondulations amples et anarchiques de la ligne de base (FV à grandes mailles) ou de légères trémulations (FV à petites mailles). La FV se caractérise par l’absence de pouls et un arrêt cardiocirculatoire ; la débrillation électrique est donc le seul traitement dénitif possible. Il convient toutefois de souligner que la débrillation est plus susceptible de corriger une FV à grandes mailles qu’une FV à petites mailles. En outre, il est possible d’administrer au client des antiarythmiques (p. ex., de l’amiodarone par voie I.V.) en cas d’échec des tentatives de défibrillation. Comme c’est le cas pour tout arrêt cardiaque, il est nécessaire d’appliquer les mesures de soutien appropriées (réanimation cardiorespiratoire, intubation et correction des anomalies métaboliques) en concomitance avec le traitement.

La détection d’une tachycardie à complexes QRS larges atypique est extrêmement difcile. Une tachycardie déclenchée par un foyer ectopique auriculaire ou jonctionnel est dite supraventriculaire, ce qui signie qu’elle est provoquée par un foyer irritable situé en amont des ventricules. Une TSV typique est caractérisée par des complexes QRS ns (durée inférieure à 0,12 sec.), car l’impulsion électrique passe par le nœud AV, puis emprunte la voie de conduction

normale jusqu’aux ventricules en passant par les branches du faisceau de His. La TV se caractérise invariablement par des complexes QRS larges et déformés (durée supérieure à 0,12 sec.), car l’impulsion électrique prend naissance dans les ventricules et se propage lentement d’une cellule à l’autre au lieu d’emprunter la voie de conduction normale. La différence entre une TSV typique et une TV peut être établie en se basant notamment sur la largeur du complexe QRS. Toutefois, la TSV ne se traduit pas toujours par des complexes QRS ns ; elle peut être caractérisée par des complexes QRS larges dans les trois cas suivants : 1. Le client est atteint d’un BBD ou d’un BBG, auquel cas le complexe QRS est large, même en rythme sinusal. Il va sans dire que le bloc persiste et que le complexe QRS demeure large si une tachycardie auriculaire ou jonctionnelle survient. 2. Il se peut que l’impulsion ventriculaire survienne si prématurément que seule une partie du système de conduction a eu le temps de se repolariser. Dans ce cas, si l’une des branches du faisceau de His est encore en période réfractaire, l’onde de dépolarisation se propagera anormalement dans les ventricules, et cette conduction aberrante se traduira à l’électrocardiographie par un complexe QRS large. 3. Chez certains clients, une mince bande musculaire relie les oreillettes aux ventricules, et l’impulsion électrique peut l’emprunter au lieu de passer par le nœud AV. Ce type de variante anatomique, dont la forme la plus fréquente est associée au syndrome de Wolff-Parkinson-White, porte le nom de voie de conduction accessoire ou de faisceau accessoire. Il n’entraîne pas d’altération de l’état hémodynamique en rythme sinusal, si ce n’est qu’il se traduit parfois par des variations subtiles sur l’ECG qui révèlent son existence. En revanche, en cas d’arythmie auriculaire rapide, les impulsions auriculaires peuvent atteindre directement une portion du myocarde ventriculaire en passant par le faisceau accessoire et elles ne sont donc pas ralenties par le nœud AV. Puisque la dépolarisation des ventricules se fait alors de proche en proche plutôt que par la voie de conduction normale qui est plus efcace, elle provoque une tachycardie à complexes QRS larges qui ressemble beaucoupà une TV sur l’ECG.

FIGURE 13.67 Fibrillation ventriculaire.

| Importance de distinguer la tachycardie ventriculaire de la tachycardie supraventriculaire | Le traitement usuel de la tachycardie ventriculaire (TV) consiste en l’injection d’amiodarone par voie I.V., alors que celui de la tachycardie supraventriculaire (TSV) repose sur l’administration de divers médicaments qui bloquent la voie de conduction AV (p. ex., diltiazem, vérapamil, amiodarone, digoxine). Si une TSV à complexes QRS ns est attribuable à la présence d’un faisceau accessoire de Wolff-Parkinson-White et qu’elle est traitée par un médicament qui bloque le nœud AV mais qui ne bloque pas cette voie de

Diagnostic différentiel d’une tachycardie à complexes QRS larges Les tachycardies à complexes QRS larges sont habituellement provoquées par les mécanismes suivants (Goldberger, Rho & Page, 2008) : • TV ; • TSV associée à des aberrations attribuables à un ralentissement de la conduction des branches du faisceau de His ; • TSV associée à une conduction antérograde suivant une voie accessoire ; • rythme imposé par les ventricules.

Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

13

339

conduction accessoire (comme le vérapamil), elle peut évoluer vers une tachycardie extrêmement rapide à complexes QRS larges (puisque les impulsions empruntent la voie de conduction accessoire) s’accompagnant d’une hypotension aiguë ou d’une perte de connaissance et commandant une cardioversion immédiate. C’est pourquoi, pour un client dont l’état hémodynamique est relativement stable et qui est en proie à une tachycardie, il faut toujours être sûr de la cause de cette dernière avant d’instaurer quelque traitement que ce soit. Il arrive que la tachycardie rapide à complexes QRS larges ne soit pas bien tolérée, quel qu’en soit le foyer d’origine. Cette intolérance s’explique essentiellement par le fait que la F.C. est si rapide que le remplissage ventriculaire durant la diastole est incomplet et que les besoins du myocarde en oxygène augmentent tandis que le temps de remplissage des artères coronaires diminue. La détérioration de l’état hémodynamique se manifeste par une syncope, une hypotension importante ou des symptômes d’ischémie. Une cardioversion électrique d’urgence doit être réalisée dans ce cas, que la tachycardie soit d’origine ventriculaire ou supraventriculaire. En présence d’une tachycardie à complexes QRS larges, l’inrmière se doit d’être en mesure de reconnaître clairement de quel type d’arythmie il s’agit. Ainsi, elle contribuera à assurer une prise en charge adéquate du client. Si le mécanisme sous-jacent est une brillation ou un utter auriculaires, le traitement à long terme consistera probablement en l’administration d’amiodarone ou d’un bêtabloquant, et il visera à ralentir la F.C. durant les épisodes de tachycardie. Si le mécanisme sous-jacent est une TV et que le client n’a pas d’antécédents d’arythmie ventriculaire, il est recommandé de rechercher rigoureusement la cause de la TV (p. ex., une hypoxémie, un déséquilibre électrolytique, une stimulation sympathique excessive, une ischémie). Selon l’état clinique du client, il peut être nécessaire de lui prescrire un traitement antiarythmique de longue durée. Pour un client ayant des antécédents de TV ou ayant survécu à un arrêt cardiaque et qui a un traitement antiarythmique, la survenue d’un nouvel épisode de TV indique que le traitement en question n’est pas efcace et qu’il y a lieu de le modier.

| Critères cliniques permettant de distinguer la tachycardie ventriculaire de la tachycardie supraventriculaire | La stabilité de l’état hémodynamique ne permet pas de faire la distinction entre une tachycardie ventriculaire (TV) et une tachycardie supraventriculaire (TSV) à complexes QRS larges. Théoriquement, la TSV est beaucoup mieux tolérée que la TV, en particulier si chaque ESV est précédée d’une contraction auriculaire (synchronisation AV). Cela dit, dans la pratique clinique, la tolérance pour l’une ou l’autre de ces arythmies varie souvent d’un client à l’autre. En effet, il arrive que la TV soit bien tolérée, en particulier si elle est associée à une F.C. inférieure à 150 batt./min. Ainsi,

340

Partie 2

Système cardiovasculaire

dans certains cas, une TV soutenue peut persister pendant des heures sans pour autant entraîner de détérioration importante de l’état hémodynamique. En revanche, puisqu’il n’y a plus de synchronisation AV et que la fréquence de la réponse ventriculaire peut être élevée en cas de brillation ou de utter auriculaires sous-jacents, le remplissage ventriculaire et le D.C. peuvent s’en trouver considérablement amoindris. De l’information précieuse sur la source d’une tachycardie peut être obtenue en effectuant un examen physique approfondi. D’abord, l’infirmi ère peut examiner le pouls jugulaire à la recherche d’ondes a géantes. Lorsque les oreillettes se contractent pendant la systole ventriculaire, les valves AV sont fermées ; par conséquent, le sang contenu dans les oreillettes est refoulé dans le système veineux, ce qui se manifeste par une très forte pulsation dans la veine jugulaire. L’irrégularité de ce phénomène, à savoir le fait qu’il ne soit pas perceptible à chaque battement, est signe d’une dissociation AV, c’est-à-dire de contractions indépendantes des oreillettes et des ventricules. L’examen des bruits du cœur fournit d’autres éléments paracliniques intéressants. Par exemple, des variations de l’intensité du premier bruit du cœur (B1) d’un battement à l’autre évoquent plutôt une TV, car elles indiquent une dissociation AV. La méthode la plus able pour reconnaître une tachycardie à complexes QRS larges réside dans l’examen approfondi de l’ECG. Il faut commencer par évaluer la F.C. et le rythme cardiaque en étant conscient que ce ne sont pas les seuls indices diagnostiques à prendre en compte. Puis, la largeur du complexe QRS est mesurée dans plusieurs dérivations an de trouver la dérivation dans laquelle le complexe sera le plus large. Il fautpartir du principe qu’une portion du complexe QRS est isoélectrique dans les dérivations pour lesquelles ce complexe QRS semble être n. Des complexes QRS qui durent moins de 0,14 sec. (140 ms) font pencher la balance en faveur d’une TSV avec conduction aberrante. Par contre, des complexes QRS durant plus de 0,14 sec. et ayant un aspect de BBD, ou des complexes QRS durant plus de 0,16 sec. (160 ms) et ayant un aspect de BBG, évoquent généralement une TV (Alzand & Crijns, 2011). De plus, il faut examiner attentivement l’ECG à la recherche des ondes P. Si les ondes P repérées ne sont pas corrélées aux complexes QRS dans une proportion de 1:1, c’est le signe d’une dissociation AV, une anomalie fortement évocatrice d’une TV. Les ondes P peuvent être observées dans n’importe quelle dérivation, mais, en général, elles sont plus facilement repérables en V1 ou en DII. Lorsque le nœud sinusal demeure le centre de commande de la dépolarisation auriculaire et qu’un foyer ectopique ventriculaire prend le contrôle de la dépolarisation ventriculaire, il est fort probable qu’à un moment donné, les contractions des cavités cardiaques seront coordonnées et que, par pur

hasard, l’impulsion sinusale se propagera jusqu’aux ventricules en passant par le nœud AV et déclenchera une dépolarisation ventriculaire au moment où le foyer ectopique ventriculaire émet sa propre impulsion électrique. Cette coïncidence se traduit sur l’ECG par l’apparition d’un complexe de fusion, soit un QRS hybride qui résulte de la fusion d’un complexe QRS normal et d’un complexe QRS large caractéristique d’une arythmie ventriculaire FIGURE 13.66. La présence d’un complexe de fusion sur l’ECG est également fortement évocatrice d’une TV. L’autre critère qui peut s’avérer utile pour poser un diagnostic de TV est la présence de l’axe du QRS dans le quadrant nord-ouest (quadrant supérieur gauche), entre −90 et −180° sur le double triaxe de Bailey, laquelle signie que l’onde de dépolarisation se propage vers le haut et vers la droite, soit dans le sens contraire d’une onde de dépolarisation ventriculaire normale FIGURE 13.68. Même lorsque la conduction ventriculaire est anormale, dans le cas d’un bloc de branche par exemple, l’onde de dépolarisation ventriculaire prend naissance à la hauteur de la jonction AV et se propage suivant la voie antérograde vers l’apex du cœur, bien que des anomalies de la conduction puissent orienter l’inux électrique plus à droite ou plus à gauche que la normale. La TV ne se traduit pas systématiquement par la présence de l’axe du QRS dans ce quadrant, mais ce signe en conrme le diagnostic. La FIGURE 13.69 démontre comment repérer cette anomalie sur un moniteur ECG de chevet à cinq dérivations en observant la forme du complexe QRS en DI et en aVF. La morphologie du complexe QRS dans la dérivation précordiale droite V1 (ou MCL1) et dans la dérivation précordiale gauche V6 (ou MCL6) peut être un critère diagnostique de TV ou de TSV avec conduction aberrante. La FIGURE 13.69 résume les différents aspects du complexe QRS servant de critères morphologiques diagnostiques. Si le complexe QRS est complètement positif dans les dérivations V1 à V6 ou qu’il est entièrement négatif, il est possible de conclure à un diagnostic de TV. Ce phénomène porte le nom de concordance précordiale.

FIGURE 13.68 Détermination de la position de l’axe du QRS par l’observation de la polarité prédominante de ce complexe en DI et en aVF. Axe normal : si le complexe QRS est essentiellement positif en DI et en aVF durant un épisode de tachycardie, l’axe du QRS se trouve dans le quadrant normal, soit entre 0 et +90°. Déviation axiale droite : lorsque le complexe QRS est essentiellement négatif en DI et positif en aVF, il s’agit d’une déviation axiale droite. Déviation axiale gauche : lorsque le complexe QRS est essentielle­ ment positif en DI et négatif en aVF, il s’agit d’une déviation axiale gauche. Axe indéterminé : lorsque le complexe QRS est essentiellement négatif en DI et en aVF, l’axe de QRS est totalement anormal (il est qualié d’indéterminé ou d’extrême) et conrme le diagnostic de TV.

Soins et traitements inrmiers Il est essentiel que l’inrmière place correctement les électrodes et choisisse la bonne dérivation. Outre ces deux éléments de préparation cruciaux, tout doit être mis en œuvre pour objectiver la tachycardie à complexes QRS larges sur un ECG standard à 12 dérivations. Si l’état hémodynamique du client est altéré, il est urgent de le stabiliser. Cela fait, et si elle dispose de sufsamment de temps pour le faire, l’inrmière cherche immédiatement à objectiver l’arythmie en enregistrant un ECG standard à 12 dérivations. Bien souvent, comme la TV et la TSV ne sont pas soutenues, il arrive de rater l’occasion d’enregistrer de tels troubles

FIGURE 13.69 Résumé des critères morphologiques en V1 (ou MCL1 ; colonne de gauche) et en V6 (ou MCL6 ; colonne de droite) qui s’avèrent utiles pour distinguer une TSV avec bloc de branche ou conduction aberrante d’une TV. Lorsqu’une tachycardie à complexes QRS larges avec une oreille droite prédominante (signe des oreilles de lapin avec R < R’ ; morphologie ne présentant aucun intérêt) est décelée chez une per­ sonne dont l’activité cardiaque est surveillée uniquement en V1 (MCL1), l’inrmière vérie en V6 (MCL6) si l’aspect des complexes QRS correspond à l’un des critères diagnostiques de TV dans cette dérivation.

Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

341

13

de la conduction par le simple fait d’attendre les directives du médecin ou l’arrivée d’un technicien. Chez une personne en santé, c’est le nœud sinusal qui déclenche la dépolarisation électrique du cœur. L’impulsion électrique qu’il émet passe à travers l’oreillette droite pour atteindre le nœud AV. L’oreillette gauche, quant à elle, se dépolarise grâce à la propagation de l’impulsion le long de bres de conduction qui relient les deux oreillettes et qui portent le nom de faisceau de Bachmann. L’impulsion électrique est brièvement ralentie par le nœud AV, ce qui donne le temps aux oreillettes de se contracter, et aux valves mitrale et tricuspide de se refermer, avant qu’elle gagne le faisceau de His, qu’elle se propage le long de ses branches et qu’elle atteigne les bres de Purkinje. Sur l’ECG, la capacité du nœud AV à conduire l’impulsion électrique est évaluée en mesurant

l’intervalle PR et le ratio ondes P:complexes QRS (P:QRS) TABLEAU 13.16. L’intervalle PR, qui s’étend du début de l’onde P au début du complexe QRS, dure normalement de 0,12 à 0,20 sec.

Bloc auriculoventriculaire du premier degré Lorsque toutes les impulsions auriculaires parviennent aux ventricules, mais que l’intervalle PR est supérieur à 0,20 sec., il s’agit d’un bloc auriculoventriculaire du premier degré (BAV I) FIGURE 13.70. Cette anomalie de la conduction peut être chronique ou aiguë, et elle peut être provoquée par de multiples facteurs. Un BAV I chronique peut être attribuable à une brose et à une sclérose du système de conduction, à une maladie coronarienne qui réduit l’apport de sang au système de conduction, à une valvulopathie, à une myocardite ou à diverses cardiomyopathies. Le BAV I aigu est beaucoup plus préoccupant. Parmi les facteurs

Collecte des données TABLEAU 13.16

Bloc auriculoventriculaire

PARAMÈTRE

PREMIER DEGRÉ

DEUXIÈME DEGRÉ, MOBITZ I (WENCKEBACH)

DEUXIÈME DEGRÉ, MOBITZ II

TROISIÈME DEGRÉ (COMPLET)

Intervalle PR

> 0,20 sec. et constant

Augmente avec chaque onde P dénotant l’acheminement consécutif de l’impulsion sinusale aux ventricules.

Constant

• Varie aléatoirement

Ondes P

Une onde P pour chaque complexe QRS

Par intermittence, une impul­ sion sinusale ne se propage pas aux ventricules, ce qui se traduit par plus d’ondes P que de complexes QRS.

Par intermittence, une impul­ sion sinusale ne se propage pas aux ventricules, ce qui se traduit par plus d’ondes P que de complexes QRS.

• Ondes P indépendantes et non liées aux complexes QRS

Complexe QRS

0,06­0,10 sec.

0,06­0,10 sec.

Peut être normal, mais généralement concomitant à un BB (> 0,12 sec.).

• 0,06­0,10 sec. si le foyer ectopique d’échappement jonctionnel active les ventricules • > 0,12 sec. si le foyer ectopique d’échappement ventriculaire active les ventricules

étiologiques possibles gurent les effets toxiques de la digoxine, des bêtabloquants et de l’amiodarone ; l’IDM aigu ou l’ischémie myocardique ; l’hyperkaliémie ; un œdème secondaire à une valvuloplastie ; l’hypertonie vagale. Le BAV I se caractérise par un ralentissement de la conduction à travers le nœud AV. Si le complexe QRS est n, c’est que l’anomalie de la conduction observée se limite probablement au nœud AV. Toutefois, un élargissement du complexe QRS peut dénoter l’existence de lésions du faisceau de His secondaires à une sclérose, à une ischémie ou à un infarctus.

342

Partie 2

Système cardiovasculaire

FIGURE 13.70 Bloc auriculoventriculaire du premier degré (BAV I). Prolongation de l’intervalle PR, qui dure 0,44 sec.

Bloc auriculoventriculaire du deuxième degré Le bloc auriculoventriculaire du deuxième degré (BAV II) se caractérise globalement par le fait que toutes les impulsions auriculaires n’atteignent pas les ventricules, car certaines d’entre elles sont bloquées par le nœud AV. Cette dénition englobe deux types d’interruption intermittente de la conduction AV ayant des signications cliniques bien différentes : le Mobitz de type I, également appelé phénomène de Wenckebach, et le Mobitz de type II.

| Mobitz de type I | Le BAV II de type Mobitz I est caractérisé par un allongement progressif du temps de conduction AV jusqu’à ce qu’une impulsion auriculaire soit bloquée. Sur l’ECG, cette anomalie prend l’aspect d’une séquence de battements (période) caractérisée par un allongement progressif des intervalles PR, la dernière onde P de la séquence étant bloquée. En général, l’aspect et la durée des complexes QRS sont normaux. Pour poser un diagnostic de BAV II de type Mobitz I, il faut que les critères suivants soient satisfaits. • Le nœud sinusal est fonctionnel et génère des impulsions électriques qui atteignent le nœud AV à un rythme régulier. Les intervalles PP mesurés sur l’ECG sont réguliers. • Comme les impulsions auriculaires successives atteignent le nœud AV lésé de plus en plus prématurément au cours de sa période réfractaire relative, le temps de conduction s’allonge d’une impulsion à l’autre. Cette anomalie se traduit sur l’ECG par un allongement progressif des intervalles PR. Habituellement, un raccourcissement progressif des intervalles RR d’un battement à l’autre est observé en parallèle. • L’intervalle PR le plus court est celui du premier battement. – L’intervalle PR initial est bien souvent de longueur normale, mais ce n’est pas toujours le cas. Par exemple, en cas de BAV I concomitant, un allongement de l’intervalle PR initial est observé ; cependant, il demeure malgré tout l’intervalle PR le plus court de la séquence. – L’intervalle PR est plus court que la normale, car le nœud AV marque une pause (temps de récupération) plus longue que la normale en raison de la dernière onde de dépolarisation auriculaire de la séquence qui y est restée bloquée (comme décrit précédemment). • La dernière onde de dépolarisation auriculaire de la séquence est bloquée. En fait, comme cette impulsion auriculaire atteint le nœud AV alors qu’il est entré dans sa période réfractaire absolue, elle n’est pas acheminée plus loin. Ce blocage se traduit à l’ECG par une onde P isolée qui n’est pas suivie d’un complexe QRS FIGURE 13.71. Le Mobitz de type I a un aspect spécique caractérisé par des séquences répétitives qui attirent l’attention. Les ratios P:QRS suivants peuvent être observés : 3:2, 4:3 ou 5:4. Par exemple, un ratio P:QRS

de 5:4 correspond à une séquence de quatre impulsions auriculaires qui sont propagées aux ventricules et d’une cinquième impulsion qui reste bloquée au nœud AV (soit cinq ondes P pour quatre complexes QRS). C’est l’onde P bloquée qui met n à la séquence. Après la pause ventriculaire, la séquence se répète. En principe, le Mobitz de type I ne provoque pas d’altération importante de l’état hémodynamique du client tant que la fréquence ventriculaire demeure constante. En revanche, en présence d’une ischémie ou d’un infarctus, il peut évoluer vers un type de bloc plus sérieux. Lorsqu’un Mobitz de type I est concomitant à un infarctus inférieur aigu, il est recommandé, par mesure de précaution, d’exercer une surveillance étroite du client et, à l’occasion, de procéder à l’implantation d’un stimulateur cardiaque temporaire.

| Mobitz de type II | Le Mobitz de type II siège toujours en aval du nœud AV, au sein du faisceau de His, des branches de ce faisceau ou même des bres de Purkinje. Dans ce cas, la conduction AV est régie par la loi du tout ou rien : soit les impulsions sinusales se propagent jusqu’aux ventricules, soient elles sont bloquées. Si la conduction AV se fait normalement, tous les intervalles PR sont identiques. Étant donné le siège anatomique du bloc, des intervalles PR constants et des complexes QRS larges sont habituellement observés sur l’ECG de surface FIGURE 13.72. D’un point de vue clinique, le Mobitz de type II est plus préoccupant que le Mobitz de type I, et il est plus susceptible d’évoluer vers un bloc AV complet. S’il affecte les bres de Purkinje, le mécanisme protecteur de rythme d’échappement ne s’enclenche pas toujours. C’est pourquoi il est important de placer, par mesure de précaution, un dispositif de stimulation cardiaque transcutanée (qui est souvent combiné au débrillateur) au chevet du client. Ce dispositif fournit une stimulation externe (à l’extérieur de la cage thoracique). Lorsque son utilisation est indiquée, les deux grandes électrodes de stimulation qu’il comprend sont placées sur le thorax du client. Il y a toujours un schéma sur le dispositif qui indique où placer ces électrodes. Il faut envisager la possibilité d’équiper le client d’un stimulateur cardiaque endoveineux temporaire, voire d’un stimulateur cardiaque permanent, avant de lui donner son congé.

13

FIGURE 13.71 Bloc auriculoventriculaire du deuxième degré (BAV II) de type Mobitz I (Wenckebach). Il convient de noter l’allongement progressif de la durée des intervalles PR, qui passe de 0,36 à 0,46 sec. jusqu’à l’onde P bloquée (dernière impulsion auriculaire de la séquence qui ne se propage pas jusqu’aux ventricules).

Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

343

FIGURE 13.72

Bloc auriculoventriculaire du deuxième degré (BAV II) de type Mobitz II. Les intervalles PR sont constants.

| Conduction 2:1 | Il arrive parfois qu’une impulsion sinusale sur deux se propage à travers le nœud AV FIGURE 13.73. Ce phénomène peut être évocateur d’un Mobitz de type I ou d’un Mobitz de type II, car une impulsion sinusale sur deux n’est pas acheminée aux ventricules, ce qui se traduit par un allongement de l’intervalle PR ou par des intervalles PR constants. En cas de Mobitz de type I, il se peut que les ratios P:QRS aient diminué (4:3, puis 3:2, puis 2:1) au point de créer une conduction 2:1, mais le siège et le type de bloc, eux, demeurent inchangés. Les variations de ratio de conduction peuvent être spontanées (il s’agit alors d’un bloc 2:1) ou secondaires à une accélération de la fréquence auriculaire. Il est impossible de savoir avec certitude si une conduction 2:1 masque un Mobitz de type I ou un Mobitz de type II en observant l’ECG de surface. Si cette anomalie est associée à d’autres ratios P:QRS évocateurs du Mobitz de type I, elle s’inscrit probablement dans le cadre d’un Mobitz de type I. Si elle est isolée et qu’elle ne peut être comparée à d’autres séquences anormales, la largeur du complexe QRS et l’intervalle PR fournissent de précieux indices quant au siège du bloc. En général, dans le Mobitz de type I, le complexe QRS est normal, et l’intervalle PR est allongé. Dans le Mobitz de type II, le complexe QRS est généralement large, et l’intervalle PR est normal. Chez les clients ayant subi un IDM inférieur aigu, les Mobitz de type I avec conduction 2:1 sont beaucoup plus fréquents que les Mobitz de type II.

Par ailleurs, il existe aussi un type de bloc qui s’apparente au bloc AV Mobitz de type II, mais qui se différencie par la conduction aux ventricules. Le bloc AV de haut degré se dénit comme un blocage auriculoventriculaire qui empêche plus de 50 % des impulsions sinusales de parvenir à l’étage ventriculaire. Du point de vue électrocardiographique, par exemple, deux ondes P sur trois (bloc 3:1) seront bloquées ou trois ondes P sur quatre (4:1) ne parviendront pas aux ventricules. Il est à noter que l’intervalle PR avant le complexe QRS qui est conduit peut être normal ou allongé, mais toujours identique lorsqu’une séquence P:QRS est notée. Enn, les signes et les symptômes ressemblent grandement à ceux répertoriés durant un bloc AV du troisième degré.

Bloc auriculoventriculaire du troisième degré Le bloc auriculoventriculaire du troisième degré (BAV III) se caractérise par le fait qu’aucune des impulsions auriculaires n’est acheminée des oreillettes aux ventricules. Ce phénomène porte aussi le nom de bloc AV complet, ce qui dénote le fait que la dépolarisation des oreillettes et celle des ventricules ne sont pas contrôlées par le même centre de commande. Le bloc siège à la hauteur du nœud AV ou en aval de celui-ci, au sein du faisceau de His ou de ses branches (Pelter & Carey, 2010). Il peut être provoqué par un infarctus, une toxicité digitalique ou une dégénérescence du système de conduction liée au vieillissement (personnes âgées). Dans le meilleur des cas, un foyer ectopique jonctionnel (40 à 60 batt./min) ou ventriculaire (20 à 40 batt./min) se dépolarisera spontanément à sa fréquence intrinsèque et assurera la poursuite des ESV. En l’absence d’un tel stimulateur physiologique, il y a asystolie, le pouls n’est plus perceptible et le client risque de mourir s’il n’est pas placé sous stimulateur cardiaque immédiatement. Des ondes P sont observées sur l’ECG et, en général, elles apparaissent à intervalles réguliers. Si c’est un foyer jonctionnel qui prend la commande du cœur, les complexes QRS seront normaux, mais ils apparaîtront à une fréquence et à des intervalles indépendants de ceux des ondes P. En fait, les intervalles PR varieront considérablement, car les ondes P et les complexes QRS seront indépendants les uns des autres. Lorsque c’est un foyer ventriculaire qui prend la commande du cœur, les complexes QRS sont larges, et il y a une dissociation entre eux et les ondes P FIGURE 13.74.

Traitement du bloc auriculoventriculaire

FIGURE 13.73 Bloc auriculoventriculaire (BAV) avec conduction 2:1. Comme une impulsion sinusale sur deux ne se propage pas aux ventricules, il est impossible de déterminer s’il s’agit d’un Mobitz de type I ou d’un Mobitz de type II.

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Partie 2

Système cardiovasculaire

Les conséquences cliniques du bloc auriculoventriculaire (AV) sont variables : elles peuvent être bénignes tout comme elles peuvent menacer le pronostic vital. Le BAV I est rarement considéré comme une urgence médicale, mais il commande une surveillance étroite et la recherche de signes d’évolution. En général, le BAV II de type Mobitz I (Wenckebach) est bénin en l’absence de bradycardie. En cas d’altération ou de risque d’altération de l’état hémodynamique, il est possible de procéder à l’implantation

13.2.1

Électrolytes

Potassium

FIGURE 13.74 Bloc auriculoventriculaire du troisième degré (BAV III), ou BAV complet.

d’un stimulateur cardiaque temporaire à titre prophylactique. Le BAV II de type Mobitz II est une anomalie plus grave que le Mobitz I, et il évolue bien souvent vers un BAV complet. Dans ce cas, il est recommandé d’avoir recours à un stimulateur cardiaque temporaire, dont l’implantation n’est pas urgente si l’état hémodynamique du client est stable. Le BAV complet correspond à une dissociation AV et est associé à un D.C. lent qui commande l’utilisation d’un stimulateur cardiaque. Dans ce cas, des ondes a géantes peuvent être observées sur la courbe de P.V.C. ; elles traduisent le fait que les oreillettes désynchronisées se contractent alors que les valves AV sont fermées. La FIGURE 13.12 illustre ce phénomène. Si l’état hémodynamique du client n’est pas stable, une option consiste à utiliser un stimulateur cardiaque transcutané pour maintenir une fréquence ventriculaire adéquate jusqu’à ce que l’implantation d’un stimulateur transveineux temporaire ou d’un stimulateur permanent puisse être effectuée.

13.2

Analyses de laboratoire

L’examen de l’état cardiovasculaire repose sur des analyses de laboratoire réalisées à partir du sérum sanguin. L’interprétation minutieuse de ces analyses et le tableau clinique permettront à l’équipe de soins critiques de diagnostiquer, de traiter et d’évaluer la réponse aux interventions thérapeutiques. Les valeurs de référence peuvent différer d’un laboratoire à l’autre. Il est important de toujours suivre les valeurs de référence établies par les laboratoires des différents centres hospitaliers. Les analyses de laboratoire du sérum sanguin servent à mesurer : • les taux d’électrolytes qui peuvent inuer sur la contraction du muscle cardiaque ; • les biomarqueurs cardiaques qui peuvent dénoter l’intégrité ou l’infarctus des cellules du myocarde ; • l’état hématologique, qui permet d’évaluer le risque d’anémie et d’infection ; • les temps de coagulation ; • les taux de lipides sériques ; • l’état d’autres systèmes susceptibles d’affecter indirectement la fonction cardiaque.

Pendant la dépolarisation et la repolarisation des bres nerveuses et musculaires, des échanges de potassium (K+) et de sodium (Na++) se produisent entre l’intérieur et l’extérieur des cellules. Le gradient de potassium à travers la membrane cellulaire détermine la vitesse de conduction et contribue à conner la stimulation électrique du cœur dans le nœud sinusal. Tout excès ou décit en potassium peut altérer la fonction du myocarde. Les taux normaux de potassium sérique sont de 3,5 à 5,0 millimoles par litre (mmol/L).

Hyperkaliémie L’hyperkaliémie, c’est-à-dire la présence de taux élevés de potassium sérique, peut être causée par diverses affections comme la destruction importante du muscle squelettique (rhabdomyolyse), le syndrome de lyse tumorale et l’insufsance rénale, ou elle peut être provoquée par une administration excessive de potassium. Certains médicaments, parmi lesquels des diurétiques d’épargne potassique, des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine et des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine, peuvent provoquer une hyperkaliémie (Raebel, 2012). L’hyperkaliémie peut se traduire par des variations importantes sur le tracé de l’ECG, car elle diminue la vitesse de conduction AV, ralentit la dépolarisation ventriculaire et accélère la repolarisation (Freeman, Feldman, Mitchell et al., 2008). Le stade initial de l’hyperkaliémie s’accompagne généralement, mais pas exclusivement, d’ondes T hautes, étroites et pointues ; à mesure que les taux de potassium sérique augmentent, un prolongement de l’intervalle PR, une perte de l’onde P, un élargissement du complexe QRS, un bloc cardiaque et une asystolie sont observés (Freeman et al., 2008) FIGURE 13.75A. Une augmentation grave des taux de potassium sérique (supérieure à 8 mmol/L) entraîne une tachycardie à complexes QRS larges, comme le montre l’ECG à 12 dérivations de la FIGURE 13.75B. Si elle n’est pas corrigée, l’hyperkaliémie grave peut entraîner une FV ou l’arrêt des contractions du cœur. Il est important de se rappeler que les signes de l’hyperkaliémie ne sont pas toujours visibles à l’ECG (Montague, Ouellette & Buller, 2008) et que des recherches ont démontré que les variations du tracé de l’ECG ne sont pas un indicateur able de taux de potassium élevés (Montague et al., 2008). Si une hyperkaliémie est suspectée, il est plus sûr d’effectuer des dosages en série du potassium sérique que de se er uniquement au tracé ECG (Montague et al., 2008). Cette affection met en danger la vie du client, et l’approche thérapeutique consiste à administrer rapidement de l’insuline par voie I.V. an de rétablir le potassium à l’intérieur de la cellule et temporairement à l’extérieur du plasma. En général, du glucose est administré simultanément an d’éviter l’hypoglycémie, une complication incidente. Le potassium est retiré de façon permanente de la circulation sanguine Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

13

345

FIGURE 13.75 Effets de l’hyperkaliémie sur l’ECG. A Stades d’hyperkaliémie allant de taux normaux de potassium à des taux plasmatiques de 8 mmol/L. À environ 6 mmol/L, l’onde P s’aplatit, le complexe QRS s’élargit, le segment ST disparaît et l’onde S s’inltre dans l’onde T haute et pointue. B ECG à 12 dérivations d’un client ayant un taux de potassium sérique de 9,1 mmol/L.

par des résines échangeuses de cations comme le polystyrène sodique (KayexalateMD), introduit dans le tube digestif (tractus gastro-intestinal) ou éliminé directement du sang par hémodialyse (El-Sherif & Turitto, 2011). La combinaison de faibles taux sériques de sodium ou de calcium et d’un pH peu élevé accentue les effets cardiaques de l’hyperkaliémie.

Hypokaliémie L’hypokaliémie, qu’on peut dénir comme la présence d’un faible taux de potassium (K+) sérique (inférieur à 3,5 mmol/L), est généralement causée par des pertes gastro-intestinales, un traitement diurétique avec remplacement insufsant du potassium ou un traitement par des stéroïdes à long terme. L’hypokaliémie se manifeste également par des variations du tracé de l’ECG FIGURE 13.76. La première consiste souvent en des ESV qui peuvent se dégrader en TV ou en FV si le potassium n’a pas été adéquatement remplacé. C’est pourquoi le potassium est l’un des électrolytes les plus souvent surveillés en soins critiques. L’hypokaliémie nuit à la conduction myocardique et prolonge la repolarisation ventriculaire. Ce phénomène se traduit par une onde U proéminente (une déexion positive après l’onde T à l’ECG) (El-Sherif & Turitto, 2011). L’onde U n’est pas tout à fait unique à l’hypokaliémie, mais sa présence doit inciter l’inrmière à vérifier le taux de potassium sérique (El-Sherif & Turitto, 2011). À l’unité de soins critiques, où des diurétiques et des sondes gastriques

346

Partie 2

Système cardiovasculaire

sont utilisés pour l’aspiration, le taux de potassium sérique des clients est régulièrement surveillé par les inrmières ; cet électrolyte est ainsi remplacé par voie I.V. jusqu’à l’obtention de taux normaux propres à prévenir les arythmies. Le remplacement du potassium par voie I.V. doit s’effectuer avec beaucoup de précautions en veillant à ce qu’il soit sufsamment dilué et administré assez lentement pour éviter un surdosage accidentel. Le potassium est un médicament à haut risque, et il est recommandé de prendre des précautions additionnelles avant de remplacer cet électrolyte TABLEAU 13.17. Le TABLEAU 13.18 présente les valeurs électrolytiques ayant une incidence sur la contractilité cardiaque.

Calcium Le calcium (Ca++) est un cation crucial dans l’organisme. Le métabolisme du calcium dépend de nombreux facteurs comme la fonction normale de la parathormone, de la calcitonine et de la vitamine D agissant sur des organes cibles comme les reins, les os et le tube digestif. Le calcium est un médiateur important de nombreuses fonctions cardiovasculaires en raison de ses effets sur le tonus vasculaire, la contractilité du myocarde et l’excitabilité du cœur. Près de la moitié du calcium présent dans la circulation sanguine se trouve sous sa forme biologiquement active appelée calcium ionisé (Kelly & Levine, 2011). Le reste du calcium non actif est lié à des protéines (principalement l’albumine) et à des

13

FIGURE 13.76 Effets de l’hypokaliémie sur l’ECG. A À une concentration sérique normale de 3,5 à 5,0 mmol/L, l’amplitude de l’onde T est considérablement supérieure à celle de l’onde U. B Alors que le taux de potassium sérique est descendu à 3 mmol/L, les amplitudes des ondes T et U s’approchent l’une de l’autre. C et D Lorsque le taux de potassium continue de diminuer, l’onde U commence à recouvrir l’onde T et à fusionner avec elle. E Tracé ECG d’un client dont le taux de potassium sérique est de 2,6 mmol/L, montrant une onde U proéminente.

TABLEAU 13.17

Moyens à mettre en œuvre pour éviter les erreurs d’administration des médicaments

PRÉCAUTION

JUSTIFICATION

Lire attentivement les étiquettes des médicaments.

De nombreux produits sont vendus dans des récipients similaires, de couleurs et de formes semblables.

Faire preuve de vigilance au moment de l’administration de plusieurs comprimés ou oles pour une seule dose.

La plupart des doses correspondent à un ou deux comprimés (ou capsules), ou à une ole unidose. Une interprétation inadéquate de l’ordonnance risque de donner une dose excessivement élevée.

Prêter attention aux médicaments portant des noms similaires.

De nombreux noms de médicaments ont des prononciations presque identiques (p. ex., LasixMD et LosecMD).

Vérier la place de la virgule décimale dans la posologie.

Certains médicaments sont vendus en quantités multiples les unes des autres (p. ex., CoumadinMD en comprimés de 1 ; 2 ; 2,5 ; 5 ; 7,5 et 10 mg ; ProveraMD en comprimés de 10 et 100 mg).

Faire preuve de vigilance en cas d’augmentations abruptes et excessives de la posologie.

La plupart des posologies augmentent graduellement pour permettre au médecin de vérier l’effet thérapeutique et les réactions au médicament.

Consulter une ressource lorsque le médicament prescrit est nouveau ou peu connu.

Si le médicament est également peu connu du médecin, le risque d’erreur de posologie est encore plus grand.

Éviter d’administrer un médicament désigné par un surnom ou par une abréviation non ofcielle.

De nombreux médecins désignent les médicaments couramment prescrits par leur surnom ou par une abréviation non ofcielle. Si l’inrmière ou le pharmacien ne connaît pas ce nom, le médicament administré risque de ne pas être le bon.

Éviter d’essayer de déchiffrer une écriture illisible.

En cas de doute, demander au médecin. Si l’inrmière ne se questionne pas sur une ordonnance difcile à lire, elle risque fort de faire une erreur d’interprétation. Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

347

TABLEAU 13.17

Moyens à mettre en œuvre pour éviter les erreurs d’administration des médicaments(suite)

PRÉCAUTION

JUSTIFICATION

Lorsque l’état du client le permet, lui demander de s’identier clairement. Toujours vérier les bracelets d’identité.

Il est courant d’avoir deux ou plusieurs clients qui portent des noms de famille similaires. Des étiquettes spéciales placées sur le dossier des clients ou incluses dans le plan de soins peuvent avertir l’inrmière des problèmes éventuels.

S’assurer de bien distinguer les unités de mesure.

Lorsqu’elle est pressée, l’inrmière peut facilement se tromper en mélangeant les unités de mesure (p. ex., mg au lieu de ml).

Inscrire immédiatement le médicament administré.

Cette précaution évite l’administration d’une autre dose par une inrmière auxiliaire ou une inrmière remplaçante.

Procéder à la double vérication indépendante pour les novices ou lorsqu’il s’agit de classes de médicaments à risques élevés (p. ex., ceux ayant un écart thérapeutique étroit comme la digoxine).

Cette vérication permet d’obtenir un deuxième avis d’un professionnel habilité, ce qui réduit signicativement les erreurs.

Retirer les électrolytes concentrés, y compris – mais pas uniquement – le chlorure de potassium, le phosphate de potassium et le chlorure de sodium hypertonique, dans les unités de soins des clients.

L’injection à un client d’un électrolyte concentré peut entraîner de graves conséquences. C’est pourquoi il est généralement conseillé de retirer ou de restreindre l’accessibilité à ces substances.

Faire trois fois la vérication des 5 à 7 bons (médicament, dose, client, voie d’administration, moment ainsi que documentation et surveillance).

Permet la détection d’une erreur avant d’administrer le médicament au client.

Procéder au bilan comparatif des médicaments au moment de l’admission, du transfert ou du congé du client.

Permet la détection d’une erreur avant l’admission, le transfert ou le congé du client.

L’Institut pour l’utilisation sécuritaire des médicaments (ISMP) du Canada présente la liste des abréviations équivoques au www.ismp-canada.org/fr/ dangerousabbreviations.htm.

TABLEAU 13.18

ions inorganiques comme le sulfate et le phosphate (Kelly & Levine, 2011). Le TABLEAU 13.18 présente les valeurs normales du taux de calcium sérique total et de calcium sérique ionisé. La concentration sérique normale en calcium ionisé est maintenue dans des limites très étroites ; les variations du taux de calcium ionisé sont responsables des effets cliniques de l’hypercalcémie et de l’hypocalcémie. Le seul moyen précis de déterminer le taux de calcium ionisé, appelé calcium physiologiquement actif, non lié ou libre, est de mesurer le taux sérique de calcium ionisé à l’aide d’une analyse de laboratoire (Kelly & Levine, 2011). Les valeurs calculées mathématiquement et extrapolées à partir du taux de calcium total et des taux d’albumine sérique se sont révélées inexactes (Kelly & Levine, 2011).

Valeurs biochimiques affectant la contractilité et la conduction cardiaques

ÉLECTROLYTE

VALEURS NORMALES*

Potassium (K+)

3,50-5,0 mmol/L

Calcium ionisé (Ca++)

1,15-1,29 mmol/L

Calcium total (Ca)

2,12-2,60 mmol/L

Magnésium total (Mg++)

0,70-1,03 mmol/L

* Certains électrolytes sont associés à plus d’une valeur de référence. Les laboratoires cliniques n’utilisent pas tous les mêmes valeurs de référence, et celles qui sont citées ici peuvent varier légèrement selon les laboratoires. La valeur de référence qui prévaut est celle établie par le laboratoire de votre centre hospitalier.

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Partie 2

Système cardiovasculaire

Hypercalcémie L’hypercalcémie se caractérise par des quantités accrues de calcium ionisé (supérieures à 1,29 mmol/L) ou de calcium sérique total (supérieures à 2,60 mmol/L). Les taux de calcium sérique total augmentent en cas de tumeur osseuse, d’hyperparathyroïdie primitive causée par des taux élevés de parathormone, d’apport excessif de suppléments de calcium et de vitamine D (généralement lié à la prise d’antiacides par voie orale), d’hypomagnésémie et de diminution de l’excrétion du calcium par voie rénale résultant d’une complication de l’insufsance rénale. L’hypercalcémie affecte de nombreux organes, cause un relâchement des muscles lisses et peut entraîner des changements neurologiques comme la léthargie, la confusion et même le coma. Les taux élevés de calcium ont des effets cardiovasculaires : contractilité plus intense et raccourcissement de la repolarisation ventriculaire se traduisant par un intervalle QTc plus court à l’ECG (El-Sherif & Turitto, 2011). Les troubles du rythme associés à l’hypercalcémie incluent la bradycardie, les blocs AV du premier, deuxième et troisième degré, et les BBD. L’hypercalcémie peut accentuer les effets de la digoxine, précipiter une toxicité à la digoxine et déclencher l’hypertension (Kelly & Levine, 2011). L’approche thérapeutique de l’hypercalcémie consiste à améliorer l’excrétion rénale du calcium par la prise de diurétiques et l’administration d’un volume élevé de soluté physiologique par voie I.V., soit de 200 à 300 ml/h, si le cœur, les poumons et les reins le tolèrent. Le client qui ne supporte pas ce schéma clinique doit être mis sous hémodialyse avec un dialysat à faible teneur en calcium.

Hypocalcémie L’hypocalcémie se dénit par un taux de calcium ionisé inférieur à la normale (inférieur à 1,15 mmol/L) ou par un taux de calcium sérique total inférieur aux valeurs de référence (2,12 mmol/L). L’hypocalcémie (mesurée par rapport au calcium ionisé) est une observation courante qui peut toucher de 15 à 20 % des clients aux soins critiques, selon le diagnostic initial (Buckley, LeBlanc & Cawley, 2010). Plus la maladie du client est grave, plus le risque d’hypocalcémie est élevé. Les transfusions de sang provenant des banques de sang font diminuer les taux de calcium sérique, car le citrate que ces établissements utilisent comme anticoagulant se lie au calcium (Kelly & Levine, 2011). C’est ce qui est appelé la chélation du citrate. Si le citrate est employé pendant l’hémodialyse ou la plasmaphérèse, il aura le même effet de liaison au calcium (chélation). C’est pourquoi une perfusion de calcium est souvent administrée aux clients en hémoltration. Le phosphate se lie également au calcium et peut réduire le taux de calcium sérique. L’alcalose métabolique est souvent concomitante à l’hypocalcémie. Les effets cardiovasculaires de l’hypocalcémie incluent la diminution de la contractilité du myocarde, la baisse du D.C. et l’hypotension. Il n’est donc pas rare de considérer l’administration de calcium lorsqu’un client présente une diminution du débit cardiaque. En cas d’hypocalcémie grave, les troubles du rythme peuvent aller de la bradycardie à la TV et à l’asystolie. Lorsque le taux de calcium ionisé est faible, l’intervalle QTc peut s’allonger à l’ECG (El-Sherif & Turitto, 2011) FIGURE 13.77. Cet état prédispose le client à une arythmie ventriculaire potentiellement mortelle appelée torsade de pointes. L’approche thérapeutique de l’hypocalcémie, surtout lorsque le taux de calcium ionisé est faible, suppose de perfuser du chlorure de calcium ou du gluconate de calcium par voie I.V. (Kelly & Levine, 2011). • Le chlorure de calcium fournit 27 mg de calcium élémentaire/ml (272 mg dans 10 ml). • Le gluconate de calcium fournit 9 mg de calcium élémentaire/ml (90 mg dans 10 ml).

Magnésium Le magnésium (Mg++) est essentiel à de nombreuses fonctions enzymatiques, protéiques, lipidiques et glucidiques de l’organisme ; il joue un rôle capital dans la production et l’utilisation d’énergie. L’organisme met en réserve la plus grande part du magnésium dans les os (53 %), les muscles (27 %) et les tissus mous (19 %) ; seule une très faible proportion de magnésium reste dans la circulation sanguine – les globules rouges en contiennent 0,5 % et le sérum en contient 0,3 % (Noronha & Matuschak, 2002). Comme c’est le cas pour les autres électrolytes, la partie ionisée du magnésium sérique total est le composant biologiquement actif disponible pour les processus biochimiques. Le magnésium sérique est ionisé

FIGURE 13.77 Prolongation anormale de l’intervalle QT chez un client en hypocalcémie. Le client est une femme de 50 ans admise à l’unité de soins critiques à la suite d’un diagnostic d’hépatopathie d’origine alcoolique et de malnutrition. La concentration en calcium total est de 1,7 mmol/L, et le taux d’albumine est de 19 g/L. L’intervalle QT (0,55 sec.) est considérablement prolongé étant donné la fréquence cardiaque (F.C.) (100 batt./min). L’intervalle QT varie avec la F.C. et peut être corrigé (QTc) en faisant comme si la F.C. était de 60 batt./min grâce à la formule QT/√RR = QTc. L’intervalle QTc doit être de 0,44 sec.ou moins. L’intervalle QTc afché sur le tracé ECG est de 0,55 sec. L’hypocalcémie prolonge la repolarisation ven­ triculaire. Un moyen rapide d’évaluer l’intervalle QT est de se rappeler qu’il est généralement inférieur à la moitié de l’intervalle RR. S’il est supérieur à la moitié de l’intervalle RR, il est prolongé.

13 à 67 % ; il se lie à des protéines à 19 % et se présente sous forme de complexe à 14 % (Noronha & Matuschak, 2002). Le magnésium sérique total est un électrolyte mesuré normalement dans le cadre d’analyses de sang de routine. L’intervalle sérique des valeurs de référence est de 0,70 à 1,03 mmol/L. Il est important de savoir que les valeurs de référence normales varient selon le laboratoire de chaque établissement.

Hypermagnésémie L’incidence de l’hypermagnésémie est plus faible que celle de l’hypomagnésémie. L’hypermag nésémie résulte d’une insufsance rénale, du syndrome de lyse tumorale ou d’un surtraitement iatrogène.

Hypomagnésémie L’hypomagnésémie se caractérise par une concentration en magnésium sérique total inférieure à 0,70 mmol/L. Elle est souvent associée à d’autres déséquilibres électrolytiques qui touchent le plus souvent le potassium, le calcium et le phosphore. Les faibles taux de magnésium sérique total peuvent avoir de nombreuses causes. L’hypomagnésémie est attribuable à un apport insufsant d’électrolytes par l’alimentation ou par nutrition parentérale totale ; elle est aussi liée à une consommation abusive d’alcool sur une base chronique. Une diurèse profuse par des diurétiques de l’anse permet de diminuer les taux sériques de magnésium à l’unité de soins critiques (Noronha & Matuschak, 2002). La diarrhée peut être une cause importante de perte de magnésium, car les liquides du système gastro-intestinal bas en contiennent jusqu’à 7,5 mmol/L ; les vomissements ou l’aspiration gastrique entraînent moins de déplétion de cet électrolyte, puisque les liquides du système gastro-intestinal haut en contiennent environ 0,5 mmol/L. L’autre cause de déplétion du magnésium est l’administration rapide de produits sanguins contenant du citrate, car ce dernier se lie au magnésium par un mécanisme appelé chélation du citrate. Pour le client atteint d’hypomagnésémie Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

349

chronique, les taux sériques sont restaurés aux dépens des réserves osseuses. L’hypomagnésémie peut également se produire chez le client qui prend des inhibiteurs de la pompe à protons pour réduire la production d’acide gastrique (p. ex., esoméprazole [NexiumMD]). L’arrêt de ces médicaments permet de corriger l’hypomagnésémie (Cundy & Mackay, 2011). L’hypomagnésémie peut entraîner une hypertension et un vasospasme, y compris un spasme de l’artère coronaire. Certaines études ont établi un lien entre la déplétion du magnésium et la MCS, l’augmentation de l’incidence de l’IDM aigu et la survenue d’arythmies ventriculaires (Noronha & Matuschak, 2002). En cas d’hypomagnésémie, les variations de l’ECG ressemblent à celles qui sont associées à l’hypokaliémie et à l’hypocalcémie : prolongation des intervalles PR et QTc, présence d’ondes U, aplatissement de l’onde T et élargissement du complexe QRS. Les arythmies cardiaques peuvent être supraventriculaires ou ventriculaires, et elles incluent principalement la torsade de pointes, une forme d’arythmie ventriculaire polymorphe. En cas d’arrêt cardiaque avec TV sans pouls et avec torsade de pointes, il est possible d’administrer du magnésium à 1 ou 2 g, dilué dans 10 ml de solution aqueuse de dextrose 5 %, en 15 minutes (Neumar, Otto, Link et al., 2010). Lorsque du magnésium est administré, il est important d’évaluer la fonction rénale an d’éviter d’engendrer une hypermagnésémie.

13.2.2

Analyses des biomarqueurs cardiaques

Biomarqueurs cardiaques dans le syndrome coronarien aigu Les biomarqueurs cardiaques sont des protéines libérées par les cellules endommagées du myocarde (Patil, Vaidya & Bogart, 2011). Lorsque ces cellules sont détériorées, elles libèrent des protéines détectables dans la circulation sanguine, si bien qu’une augmentation de ces biomarqueurs peut être corrélée avec une lésion du muscle cardiaque. Les biomarqueurs régulièrement mesurés incluent la troponine I cardiaque (TnI), la troponine T cardiaque (TnT) et la créatine TABLEAU 13.19

350

Partie 2

kinase MB (CK-MB). Le TABLEAU 13.19 donne une présentation sommaire des biomarqueurs cardiaques liés aux lésions et à l’IDM.

Créatine kinase MB La créatine kinase MB (CK-MB) est un biomarqueur libéré après une lésion du myocarde. Ses taux sériques augmentent de 4 à 8 heures après un IDM, ils atteignent leur pic de 15 à 24 heures plus tard et ils restent élevés pendant 2 à 3 jours TABLEAU 13.19. Des séries d’échantillons sont prélevées de manière systématique à des intervalles de six ou huit heures ; d’habitude, trois échantillons sufsent pour corroborer ou exclure le diagnostic d’IDM. Le test de la CK-MB n’est jamais isolé ; il s’accompagne toujours de la mesure des taux des troponines cardiaques. Le test CK-MB est graduellement remplacé par les troponines cardiaques.

Troponine T et troponine I Les troponines sont des biomarqueurs des lésions du myocarde. La TnI et la TnT sont des marqueurs plus sensibles des lésions du myocarde et de l’IDM que la CK-MB. C’est pourquoi les lésions du myocarde sont maintenant détectées chez un plus grand nombre de clients. Plusieurs méthodes de laboratoire permettent de les mesurer, ce qui signie que les taux sériques normaux varient selon les situations cliniques, mais les taux sériques de TnI et de TnT sont toujours faibles en l’absence de lésions du myocarde. L’élévation initiale du taux de TnI, de TnT et de CK-MB se produit de trois à six heures après des lésions aiguës au myocarde. Par conséquent, si une personne se rend au service de l’urgence dès qu’elle ressent une douleur thoracique, les taux des biomarqueurs n’auront pas eu le temps d’augmenter. Voilà pourquoi, dans la pratique clinique, un IDM aigu est diagnostiqué au moyen d’un ECG à 12 dérivations et des symptômes cliniques sans attendre la hausse des taux des biomarqueurs cardiaques. Puisque la troponine cardiaque se trouve uniquement dans le muscle du cœur, elle est un biomarqueur très spécique des lésions du myocarde, bien davantage que la CK-MB. En conséquence, le client qui obtient un résultat positif au test de la TnI ou de la TnT et un résultat négatif au test de la CK-MB est

Biomarqueurs sériques à la suite d’un infarctus aigu du myocarde

BIOMARQUEUR SÉRIQUE

DÉLAI AVANT L’ÉLÉVATION a INITIALE

ÉLÉVATION JUSQU’AU a, b PIC

RETOUR À LA VALEUR a INITIALE

Troponine I cardiaque (TnI)

3-12 h

24 h

5-10 jours

Troponine T cardiaque (TnT)

3-12 h

12-48 h

5-14 jours

CK-MBc

3-12 h

24 h

2-3 jours

a

Les délais représentent des valeurs moyennes rapportées.

b

N’inclut pas les clients qui ont reçu un traitement de reperfusion.

c

L’enzyme créatine kinase (CK) comprend deux sous-unités : le type musculaire (M) et le type cérébral (brain ; B) (Antman, Anbe, Armstrong et al., 2004).

Système cardiovasculaire

généralement considéré comme un cas d’IDM aigu. Un résultat négatif de la TnI ou de la TnT, qui le reste plusieurs heures après un épisode de douleur à la poitrine, indique fortement que le client ne fait pas un IDM aigu. Même si le résultat du test de la TnI ou de la TnT est négatif, les symptômes de douleur thoracique indiquent malgré tout que le client doit subir une évaluation cardiaque complète pour déceler une éventuelle coronaropathie sous-jacente, qui peut amener des complications ultérieures. L’avènement du dosage de la troponine I et de la troponine T de haute sensibilité (TnI HS ou TnT HS) est une nouveauté dans ce contexte (Keller, Zeller, Ojeda et al., 2011). L’avantage d’un biomarqueur plus précis est de permettre de dépister plus de clients atteints d’un SCA, mais une évaluation clinique avisée n’en est pas moins nécessaire en raison des nombreuses autres maladies associées aux taux élevés de troponine (Patil et al., 2011).

Biomarqueurs cardiaques et reperfusion L’approche thérapeutique d’un STEMI inclut l’ouverture de l’artère coronaire obstruée par un thrombus et la reperfusion de la zone lésée, deux procédures qu’il faut effectuer aussi rapidement que possible. Les personnes qui ont ressenti récemment (dans les 12 dernières heures) une douleur thoracique sont candidates aux traitements de reperfusion reposant notamment sur des agents brinolytiques (thrombolytiques), l’intervention coronarienne percutanée (p. ex., l’angioplastie à ballonnet), la thrombectomie ou la pose d’une endoprothèse (tuteur) (O’Gara, Kushner, Ascheim et al., 2013). Si elles réussissent, ces interventions permettent d’éviter totalement l’IDM ou de limiter l’ampleur des lésions du muscle cardiaque, ce qui se traduit par une augmentation rapide, puis une chute des taux de biomarqueurs cardiaques 14 . Après une reperfusion, les taux de troponine sérique augmentent considérablement et atteignent rapidement un pic. Les échantillons destinés au test des biomarqueurs cardiaques sont prélevés au moment de l’hospitalisation, avant l’administration du traitement brinolytique ou d’une ICP, puis à des intervalles de 6 ou 8 heures pendant 18 à 24 heures an de détecter toute augmentation des biomarqueurs et de déterminer si la reperfusion du myocarde est efcace.

natriurétiques de type B (BNP). Deux analyses de laboratoire permettent de mesurer le taux de BNP : un test de laboratoire pour le dosage du BNP et un autre évaluant le fragment N-terminal du pro-BNP (NTpro-BNP). La demi-vie du BNP est d’environ 20 minutes, alors que celle du NTpro-BNP dure 1 à 2 heures (Maisel, 2007). Le choix du test dépend généralement de ce qui est offert dans l’établissement. Plus le stress de la paroi ventriculaire est important, plus le taux de BNP augmente. En plus du taux de BNP, le diagnostic d’insufsance cardiaque doit reposer sur l’examen physique, un ECG à 12 dérivations et une radiographie thoracique pour plus d’exactitude (Maisel, 2007) FIGURE 13.78. Si un client présente des symptômes et un taux de BNP inférieur à 100 picogrammes par millilitre (pg/ml) ou un taux de NTpro-BNP inférieur à 300 pg/ml, il est peu probable qu’il souffre d’insufsance cardiaque (Maisel & Daniels, 2012). En revanche, un client dont le taux de BNP est supérieur à 400 pg/ml est presque certainement atteint d’insufsance cardiaque (Maisel & Daniels, 2012). Le BNP est un excellent critère pour exclure l’insufsance cardiaque aiguë (Maisel & Daniels, 2012). La difculté est d’interpréter les résultats des clients dont le taux de BNP est de 100 à 400 pg/ml, un intervalle parfois appelé la zone grise (Maisel, 2007 ; Maisel & Daniels, 2012). Ceci illustre l’importance d’utiliser un spectre de tests cliniques et paracliniques. À mesure que les symptômes d’insufsance cardiaque sont traités efcacement, le taux de BNP redescend habituellement dans l’intervalle normal. L’utilisation des peptides natriurétiqu BNP tant que biomarqueurs n’est pas préconisée par certains, notamment parce qu’ils sont présents ailleurs que dans le muscle cardiaque. En effet, ces peptides sont aussi libérés par l’endothélium et les reins, ce qui peut fausser la mesure des taux de BNP. La ltration par les reins est l’un des mécanismes d’élimination du BNP de la circulation sanguine. Les taux de BNP sont plus élevés chez les clients atteints d’insufsance rénale, notamment si le débit de ltration glomérulaire est inférieur à 60 ml/min/1,7 m2 (Maisel, 2007 ; Maisel & Daniels, 2012). C’est également vrai

13

14 Le chapitre 14, Troubles cardiovasculaires, illustre l’évolution rapide des bio­ marqueurs cardiaques durant un infarctus du myocarde.

Biomarqueurs des peptides natriurétiques en cas d’insufsance cardiaque Les peptides natriurétiques sont des biomarqueurs qui fournissent davantage de renseignements pour estimer exactement l’état d’un client atteint d’essoufement (Maisel & Daniels, 2012). Il peut être difcile de déterminer si un client atteint de dyspnée souffre d’un problème pulmonaire primaire ou s’il présente des symptômes d’insufsance cardiaque aiguë avec œdème pulmonaire. Les peptides natriurétiques cardiaques servent à faciliter l’établissement du bon diagnostic (McKelvie, Moe, Ezekow et al., 2012). En cas d’insufsance cardiaque décompensée, les myocytes du ventricule libèrent des peptides

FIGURE 13.78 Algorithme du peptide natriurétique de type B (BNP) dans le diagnostic de l’insufsance cardiaque (IC).

Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

351

en cas de choc septique avec D.C. élevé, possiblement en raison de la libération du peptide natriurétique par l’endothélium ou en cas de lésion du myocarde. Les taux de BNP sont inférieurs aux valeurs prévues chez les clients obèses atteints d’insufsance cardiaque, peut-être parce que les récepteurs des peptides natriurétiques des tissus adipeux dégradent le BNP plus rapidement (Maisel, 2007). Les maladies qui provoquent un œdème pulmonaire, mais qui protègent le V.G. (p. ex., le rétrécissement mitral) sont associées à des taux de BNP inférieurs à ceux que laisse prévoir le tableau clinique. Nonobstant ces mises en garde, le BNP reste un outil additionnel extrêmement utile en vue de diagnostiquer l’insufsance cardiaque.

13.2.3

Analyses hématologiques

Les analyses de laboratoire hématologiques commandées systématiquement dans le cadre de l’approche thérapeutique pour le client dont l’état cardiovasculaire est atteint portent sur le taux de globules rouges (GR), ou érythrocytes, le taux d’Hb, la valeur de l’hématocrite et le taux de globules blancs (GB), ou leucocytes.

Globules rouges La quantité normale de globules rouges (GR) d’une personne varie avec l’âge, le sexe, la température ambiante, l’altitude et l’effort effectué. Les hommes produisent de 4,5 à 6 millions de GR/mm3 de sang, alors que le taux normal des femmes varie de 4 à 5,5 millions GR/mm3. L’anémie est l’affection clinique qui se traduit par un nombre insufsant de globules rouges disponibles pour transporter l’oxygène vers les tissus. La polyglobulie se traduit par une production excessive de GR.

Hémoglobine Le taux d’hémoglobine (Hb) varie entre 115 et 170 g/L selon le sexe.

Hématocrite L’hématocrite correspond au volume de GR, exprimé en pourcentage, dans le sang entier. Sa valeur de référence est de 39 à 50 % chez les hommes, et de 34 à 46 % chez les femmes.

Globules blancs La plupart des processus inammatoires qui produisent des tissus nécrotiques à l’intérieur du muscle du cœur, comme le rhumatisme articulaire aigu, l’endocardite et l’IDM, font augmenter le taux de globules blancs (GB). Les GB étant également nommés leucocytes, le test des GB porte aussi le nom de numération des leucocytes sériques. Pour les deux sexes, le taux normal de GB est de 4,5 à 10,8 × 109/L. Le taux de GB augmente également en réponse à une infection.

Plaquettes La numération plaquettaire normale est de 150 à 400 × 109/L. Généralement, la numération plaquettaire

352

Partie 2

Système cardiovasculaire

est la seule constante biologique à être rapportée. Malheureusement, il n’existe aucun test de routine permettant d’évaluer la fonctionnalité des plaquettes chez les clients en soins critiques. Les plaquettes sont importantes, car elles sont les premières cellules à être activées lorsque le système de coagulation est stimulé. De nombreux médicaments inhibent la fonction plaquettaire et rendent les plaquettes glissantes, et donc incapables de s’agréger pour activer le processus de la coagulation. Parfois, c’est l’effet antiplaquettaire d’un médicament qui est recherché (p. ex., l’acide acétylsalicylique) an de prévenir le syndrome coronarien aigu, mais il peut s’agir aussi d’un effet secondaire indésirable. Une faible numération plaquettaire est appelée thrombocytopénie.

Analyses de la coagulation sanguine Les analyses de coagulation servent à évaluer l’efcacité de la coagulation du sang. Dans les unités de soins critiques, des anticoagulants sont administrés quotidiennement, notamment l’héparine, des inhibiteurs directs de la thrombine, la warfarine et les antiplaquettaires, pour de nombreuses raisons cliniques. Il est essentiel de comprendre les analyses de laboratoire destinées au monitorage de l’efcacité de l’anticoagulation thérapeutique.

Rapport normalisé international La plupart des résultats des analyses de coagulation sont exprimés en secondes (sec.) et représentent la durée nécessaire pour que le sang forme un caillot dans un tube à essai de laboratoire. Le temps de prothrombine ne sert plus directement à établir la posologie thérapeutique de la warfarine nécessaire pour atteindre l’anticoagulation. Le temps de prothrombine n’est pas une analyse normalisée au sein de tous les laboratoires, de sorte que le résultat de ce test est toujours exprimé sous forme de rapport normalisé international (RNI).

Le RNI a été mis au point par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) en 1982 dans le but de normaliser les résultats du temps de prothrombine entre les laboratoires cliniques du monde entier. Le TABLEAU 13.20 illustre les intervalles cibles du RNI pour différentes maladies cardiovasculaires réclamant un traitement anticoagulant. Un RNI cible de 2,5 (intervalle de 2,0 à 3,0) représente la valeur souhaitable (Holbrook, Schulman, Witt et al., 2012 ; Whitlock, Sun, Fremes et al., 2012). Lorsqu’un client commence à recevoir de la warfarine, il est important de garder à l’esprit qu’un délai de 72 à 96 heures est habituellement nécessaire pour atteindre un niveau thérapeutique d’anticoagulation (Association des pharmaciens du Canada [APhC], 2014). Ce délai est imputable à la demi-vie des facteurs de coagulation que cible la warfarine. La warfarine inhibe la synthèse des facteurs de coagulation dépendants de la vitamine K, qui comprennent les facteurs II, VII, IX et X ainsi que les protéines anticoagulantes C et S. La demi-vie de ces facteurs de

coagulation est de 60 heures pour le facteur II, de 4 à 6 heures pour le facteur VII, de 24 heures pour le facteur IX et de 48 à 72 heures pour le facteur X (APhC, 2014). Ce délai d’efcacité du traitement concerne aussi les clients qui passent d’une anticoagulation à base d’héparine – avec monitorage par le temps de céphaline activée (TCA) – à une anticoagulation à base de warfarine (monitorage par le RNI). Pour que la transition soit sans danger et an d’avoir une valeur thérapeutique du RNI, il est nécessaire d’obtenir deux RNI thérapeutiques, selon l’indication, avant d’interrompre l’administration d’héparine. Le test qui permet d’évaluer l’effet de l’héparine est le temps de céphaline activée (TCA). Le TCA est l’un des tests de coagulation les plus fréquemment utilisés dans les unités de soins critiques. Il est à noter que lorsque l’héparine induit une anticoa gulation excessive, le sulfate de protamine sert d’antidote. Les héparines non fractionnées et de faible poids moléculaire sont fréquemment utilisées dans le cas de maladies thromboemboliques, de FA ou chez les porteurs d’une valve cardiaque mécanique. An d’assurer une anticoagulation adéquate, l’administration d’héparine non fractionnée doit s’accompagner d’un monitorage étroit du TCA. Contrairement à l’héparine non fractionnée, l’héparine de bas poids moléculaire ne nécessite généralement pas de surveillance étroite des facteurs de coagulation, sauf dans certaines situations, notamment chez un client atteint d’insufsance rénale, un client obèse ou une femme enceinte, auxquels cas il est possible d’utiliser le test de l’antifacteur Xa.

Test de l’antifacteur Xa de l’activité de l’héparine Certaines unités de soins critiques effectuent un monitorage direct de l’activité de l’héparine en utilisant un test de l’antifacteur Xa. Il s’agit du seul test disponible pour la surveillance des effets anticoagulants de l’héparine de bas poids moléculaire et des nouveaux médicaments antithrombotiques (Gehrie & Laposata, 2011).

13.2.4

Analyses des lipides sériques

Pour évaluer le risque de coronaropathie d’un client ou prévoir l’évolution de cette maladie, le taux des quatre principaux types de lipides sanguins est mesuré : 1) le cholestérol total ; 2) le cholestérol à lipoprotéines de faible densité (C-LDL) ; 3) les triglycérides ; 4) le cholestérol à lipoprotéines de haute densité (C-HDL). Lorsque les taux de C-LDL et de triglycérides sont élevés ou que le taux de C-HDL est faible, le client s’expose à un risque de coronaropathie ou d’évolution de cette maladie ; des interventions intensives comme certains régimes alimentaires, de l’exercice physique et une pharmacothérapie lui sont alors proposés (Grundy, Cleeman, Merz et al., 2004 ; Smith, Benjamin, Bonow et al., 2011).

TABLEAU 13.20

Valeurs normales et thérapeutiques de la coagulation

TEST

MALADIE CLINIQUE

VALEUR NORMALE

RNI

Coagulation normale

< 0,8-1,2

RNI

Fibrillation auriculaire

2,0-3,0

RNI

Traitement d’une thrombose veineuse profonde ou d’une embolie pulmonaire

2,0-3,0

RNI

Valves cardiaques mécaniques

2,5-3,5

TCA*

Coagulation normale

VALEUR CIBLE THÉRAPEUTIQUE DE L’ANTICOAGULATION

25-35 sec.

1,5 à 2,5 × la valeur du témoin

13

* Le temps de céphaline activé (TCA) est normal, mais les valeurs thérapeutiques peuvent varier en fonction du type d’activateur utilisé.

L’analyse des biomarqueurs lipidiques suivants fait souvent partie du bilan lipidique 14 .

Cholestérol total Le cholestérol est une substance lipidique produite par le foie et présente dans les membranes cellulaires ; il est un précurseur des acides biliaires et des hormones stéroïdiennes. Le taux de cholestérol dans le sang dépend notamment de facteurs génétiques et de facteurs acquis comme l’alimentation, l’équilibre calorique et le niveau d’activité physique. Les quantités excessives de cholestérol dans le sérum pourraient favoriser l’évolution de l’athérosclérose (athérogenèse).

14 Le bilan lipidique et la dysli­ pidémie sont décrits dans le chapitre 14, Troubles cardiovasculaires.

Lipoprotéines de faible densité Entre 60 et 70 % du taux de cholestérol sérique total est transporté dans la circulation sanguine sous forme de complexes de lipoprotéines de faible densité (LDL). Les taux de C-LDL et de cholestérol sérique total sont directement corrélés avec le risque de coronaropathie, et les taux élevés de chacun d’eux sont des facteurs prédictifs importants d’un IDM aigu ultérieur chez les personnes atteintes d’une athérosclérose établie d’une artère coronaire. Les LDL sont les principales lipoprotéines athérogènes et la cible privilégiée des thérapies visant à faire baisser le taux de cholestérol (Grundy et al., 2004). Les lignes directrices recommandent d’instaurer une thérapie hypolipémiante si le taux de C-LDL est égal ou supérieur à 5,0 mmol/L pour les clients à faible risque de maladie cardiovasculaire et de viser une réduction de 50 % des LDL. Si un client est à risque modéré de maladie cardiovasculaire, il faut instaurer une thérapie hypolipémiante si le taux de C-LDL est supérieur à 3,5 mmol/L et viser des LDL à moins Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

353

de 2 mmol/L ou une réduction de 50 % de ceux-ci. Si le client à risque modéré présente un taux de C-LDL inférieur à 3,5 mmol/L, il faut instaurer une thérapie hypolipémiante si le taux d’apolipoprotéines de type B (Apo B) est supérieur ou égal à 1,2 g/L ou si le taux de non C-HDL est supérieur ou égal à 4,3 mmol/L. Une thérapie hypolipémiante doit être instaurée d’emblée pour les clients à risque élevé de maladie cardiovasculaire, et le taux cible recommandé de C-LDL pour ces derniers est de moins de 2,0 mmol/L. S’il semble difcile d’atteindre la cible souhaitée de C-LDL pour le client présentant un risque modéré ou élevé, une cible alternative peut être choisie, soit : un taux d’Apo B inférieur ou égal à 0,8 g/L ou non C-HDL inférieur ou égal à 2,6 mmol/L (Anderson, Grégoire, Hegele et al., 2013).

Lipoprotéines de très faible densité Les lipoprotéines de très faible densité contiennent de 10 à 15 % du cholestérol sérique total ainsi que la majeure partie des triglycérides du sérum à jeun.

Lipoprotéines de haute densité Les lipoprotéines de haute densité (HDL) sont des particules qui transportent de 20 à 30 % du cholestérol sérique total. Un faible taux de C-HDL est un autre facteur de risque indépendant et signicatif de coronaropathie. Plusieurs études tendent à conrmer que les HDL contribuent à protéger contre l’athérosclérose, et qu’un taux élevé aide à prévenir le risque de coronaropathie. D’ailleurs, les faibles taux de C-HDL sont souvent associés à des taux élevés de triglycérides (Miller, Stone, Ballantyne et al., 2011).

Triglycérides Les triglycérides sont une autre forme de lipides présents dans la circulation sanguine. Ils sont normalement mesurés dans le cadre d’un bilan lipidique. Selon les nouvelles normes canadiennes pour le traitement de la dyslipidémie, il n’y a pas de valeur cible souhaitable en lien avec les triglycérides. Les taux élevés de triglycérides sont associés au diabète et à un risque accru de maladie athéroscléreuse.

13.3

Examens paracliniques

13.3.1

Cathétérisme cardiaque et coronarographie

Le cathétérisme cardiaque et la coronarographie sont des interventions paracliniques destinées au client atteint d’une cardiopathie ou soupçonné de l’être. Les indications cliniques du cathétérisme cardiaque incluent l’ischémie du myocarde, l’angine instable, l’IDM aigu, la cardiopathie congénitale ainsi que l’insufsance cardiaque avec des antécédents évoquant une coronaropathie ou une valvulopathie cardiaque. Le cathétérisme cardiaque sert à conrmer les résultats de l’examen physique et constitue le

354

Partie 2

Système cardiovasculaire

fondement du traitement médical ou chirurgical (Patel, Bailey, Bonow et al., 2012).

Cathétérisme cardiaque du cœur gauche et coronarographie Le cathétérisme du côté gauche du cœur permet d’évaluer plusieurs paramètres de la pression hémodynamique dans l’aorte, le V.G. et l’oreillette gauche (Nishimura & Carabello, 2012). Un milieu de contraste radio-opaque (colorant) est utilisé pour bien visualiser le V.G. (ventriculogramme). Ces renseignements serviront également à calculer la fraction d’éjection du ventricule gauche. Pour la coronarographie, le colorant est injecté directement dans les ostiums des coronaires gauche et droite. L’imagerie des vaisseaux est désignée par le terme générique d’angiographie (veines et artères), mais la visualisation des artères coronaires est désignée par le terme plus spécique d’artériographie coronarienne, ou coronarographie.

Cathétérisme cardiaque du cœur droit Le cathétérisme du côté droit du cœur peut être réalisé à l’aide d’un cathéter artériel pulmonaire (CAP). Les données suivantes peuvent être obtenues à l’aide de cet examen paraclinique : mesures de la pression hémodynamique dans l’oreillette droite, le V.D. et l’artère pulmonaire (P.A. pulmonaire) ; PAPO ; mesure du D.C. ; certaines valeurs hémodynamiques calculées ; et saturations en oxygène. Une angiographie des cavités du cœur droit peut également être effectuée à l’aide d’un produit de contraste radio-opaque.

Intervention Avant le cathétérisme, le client rencontre le cardiologue pour discuter de l’objectif, des avantages et des risques inhérents à l’examen. Dans de nombreux cas, le cathétérisme cardiaque est la première intervention effractive majeure pour conrmer un éventuel diagnostic de cardiopathie. Le client est souvent très anxieux et aux prises avec de nombreuses interrogations. Il est important que l’inrmière et les autres professionnels de la santé répondent à toutes ses questions en lien avec l’expérience du cathétérisme.

Le matin de l’intervention, le client est à jeun, mais généralement, il peut prendre les médicaments à visée cardiaque prescrits. Avant qu’il n’entre dans le laboratoire de cathétérisme, il reçoit une légère prémédication. S’il a des antécédents d’allergie à l’iode, il faut lui donner un antihistaminique et un corticostéroïde pour prévenir une réaction anaphylactique au produit de contraste radio-opaque. Pendant toute l’intervention de cathétérisme cardiaque, le client doit rester éveillé et alerte. Il est allongé sur une table à surface dure au-dessus ou à côté de laquelle se trouve une caméra en forme de C. Le bras de la caméra peut être positionné de manière à voir le cœur sous des angles différents.

Du bicarbonate de sodium ou du soluté physiologique (NaCl) est administré au client dont le taux de créatinine sérique est élevé an de protéger les reins contre les effets néfastes du produit de contraste (Stacul, van der Molen, Reimer et al., 2011). L’efcacité de la N-acétylcystéine (MucomystMD) a été remise en question, et les bénéces ne sont pas clairs quant à la protection rénale qu’elle peut offrir (International Society of Nephrology, 2012 ; Stacul et al., 2011). Jusqu’à 10 % des lésions rénales aiguës à l’hôpital surviennent à la suite d’interventions utilisant des produits de contraste par voie I.V. (Isaac, 2012). Les cathéters pour cathétérisme cardiaque sont offerts en plusieurs tailles et formats ; ils sont introduits dans la veine fémorale et l’artère radiale ou fémorale après l’administration d’un anesthésique local. Le choix des cathéters repose sur l’expérience du cardiologue et l’examen paraclinique requis. Le cathétérisme du cœur gauche, y compris les artères coronaires, s’effectue par l’artère radiale ou fémorale. La veine fémorale sert de vaisseau d’accès des cathéters vers le cœur droit. Durant l’examen, le client reçoit de l’héparine par voie systémique an de réduire le risque d’emboles. De nombreux clients reçoivent aussi de la nitroglycérine pour éliminer des spasmes coronariens et pour aider à réduire la douleur thoracique, s’il y a lieu. À la n de l’examen, les cathéters sont retirés des vaisseaux. Après l’intervention, lorsque l’état du client est stable, le cardiologue rencontre celui-ci et ses proches pour discuter des résultats et du plan de soins.

Soins et traitements inrmiers Surveiller le site de ponction Si le site d’accès choisi est l’artère radiale, l’introducteur est retiré immédiatement après l’examen et le retrait des cathéters, et un bracelet compressif est mis en place sur le site de ponction. Le bracelet sera par la suite desserré graduellement (toutes les 30 minutes) par l’inrmière. Habituellement, le bracelet peut être retiré après deux à trois heures. Dans le cas où la procédure est réalisée par l’artère ou la veine fémorale, le client doit rester alité après l’intervention durant une à six heures (la durée recommandée varie selon les protocoles en vigueur dans les établissements et le calibre des cathéters) pour qu’un thrombus hémostatique stable puisse se former au point de ponction artériel fémoral. Entre-temps, l’inrmière inspecte fréquemment le point de ponction en demeurant à l’affût de signes de saignement ou d’hématome.

Il existe trois méthodes pour arrêter les saignements au point de ponction fémoral après le retrait du cathéter et de son introducteur. La plus simple, la pression manuelle, consiste à appliquer une pression directement sur la veine ou l’artère jusqu’à

l’arrêt du saignement. La deuxième méthode passe par la mise en place d’un dispositif de compression mécanique externe (C-clamp ou FemoStopMD). Enn, à la n de l’intervention, le cardiologue peut utiliser un dispositif de fermeture vasculaire qui lui permettra, selon le cas, de suturer l’artère en retirant la gaine ou de colmater le point de ponction artériel à l’aide d’un tampon de collagène ou d’un point de suture fondant qu’il introduira par la voie d’accès créée par l’introducteur. Ces trois méthodes sont efcaces. Aucune différence entre elles n’a été notée quant à la fréquence des complications observées au point de ponction de l’artère fémorale après un cathétérisme cardiaque interventionnel de routine à visée diagnostique. Le client doit rester allongé sans bouger et de ne pas mobiliser l’articulation de la hanche. En général, un thrombus hémostatique stable se forme en l’espace de 40 minutes.

13

Il se peut que le thrombus hémostatique se déplace si le client se lève pour aller uriner, par exemple. S’il ne peut pas uriner en restant en décubitus dorsal, l’inrmière lui posera une sonde urinaire ou un étui pénien.

Surveiller les pouls périphériques L’inrmière en soins critiques surveille de près les pouls périphériques du membre dans lequel le cathéter artériel a été introduit, soit les pouls pédieux et tibial postérieur en cas de cathétérisme de l’artère fémorale, ou le pouls radial si c’est l’artère radiale qui a été choisie comme voie d’accès. Elle les prend toutes les 15 minutes durant l’heure qui suit le cathétérisme, puis à intervalles réguliers de 30 à 60 minutes par la suite (ou selon les normes de l’établissement). De plus, elle évalue le membre dans lequel le cathéter a été introduit à la recherche des signes précurseurs d’une occlusion artérielle aiguë (p. ex., un changement de la coloration de la peau, une variation de température, une douleur ou une paresthésie).

Favoriser la réhydratation L’inrmière encourage le client à boire beaucoup de liquides clairs et accroître le débit de la perfusion intraveineuse selon l’ordonnance médicale ou le protocole établi par l’établissement. La réhydratation orale et intraveineuse s’avère nécessaire, car le produit de contraste (substance radio-opaque) agit comme un diurétique osmotique. En outre, la réhydratation vise à prévenir une néphropathie causée par les produits de contraste ou d’éventuelles lésions rénales provoquées par ces produits. Les clients chez lesquels une créatininémie ou un taux d’urée sanguin élevés ont été mesurés avant le cathétérisme sont exposés à un risque d’insufsance rénale aiguë associée à l’utilisation du produit de contraste. Il faut donc limiter le volume de produit de contraste utilisé et leur administrer des bolus de soluté physiologique pour préserver la fonction rénale.

Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

355

Prévenir l’angine 15 Le chapitre 15, Approche thérapeutique du système cardiovasculaire, aborde plus en détail l’angioplas­ tie coronarienne translu­ minale percutanée.

16 Le chapitre 16, Anatomie et physiologie du système respiratoire, fournit plus d’information sur le cathé­ térisme interventionnel pour le traitement des maladies coronariennes.

Après l’intervention, l’inrmière vérie si le client ressent des douleurs thoraciques. Habituellement, l’administration de nitroglycérine par voie sublinguale suft à elle seule à atténuer la douleur, la gêne ou la sensation d’oppression ressentie. Il est important de savoir que tous les clients atteints d’angine n’emploient pas le terme douleur pour décrire ce qu’ils ressentent et qu’ils utilisent bon nombre d’autres descripteurs comme le mot oppression. L’inrmière demande au client de quantier la douleur angineuse sur une échelle de la douleur allant de 0 à 10 ou sur tout autre type d’échelle d’évaluation de la douleur utilisée dans l’établissement. Par ailleurs, il faut le soumettre immédiatement à un ECG à 12 dérivations pour repérer les artères coronaires touchées, et aviser le cardiologue. La persistance des douleurs thoraciques peut être évocatrice d’une thrombose d’une artère coronaire, auquel cas il peut être nécessaire de réorienter le client vers le laboratoire de cathétérisme interventionnel 15 et 16 .

Prévenir les risques d’arythmie Il faut toujours tenir compte du risque d’arythmie après tout examen paraclinique effractif. L’arythmie est déclenchée par la cardiopathie sous-jacente et une hypokaliémie secondaire à une diurèse excessive.

Informer le client et ses proches Nombreux sont les clients qui éprouvent une grande anxiété à l’idée de subir un cathétérisme cardiaque, car il s’agit d’une intervention effractive. Par conséquent, l’inrmière leur fournit les renseignements utiles sur les détails de l’intervention, notamment la nécessité de rester allongé sans bouger pendant plusieurs minutes sur une table d’examen et la possibilité de ressentir une sensation de chaleur au moment de l’injection du produit de contraste. Comme des analgésiques opiacés et des sédatifs sont systématiquement administrés, les clients éprouvent rarement de la douleur. Par ailleurs, il faut les informer des résultats (positifs ou négatifs) et des complications possibles de l’intervention. L’inrmière leur explique également la conduite à adopter après l’intervention (nécessité de rester allongé sans bouger et de boire beaucoup de liquides). Certes, les renseignements élémentaires peuvent leur être fournis à l’aide de brochures ou de matériel audiovisuel, mais il est crucial de répondre aux questions et aux préoccupations des clients, et de personnaliser le contenu de ces outils. Enn, il faut leur demander de signaler tout symptôme inhabituel, comme des douleurs thoraciques ou des nausées.

13.3.2

Étude électrophysiologique

Indications L’étude électrophysiologique est un examen paraclinique effractif qui permet d’enregistrer l’activité

356

Partie 2

Système cardiovasculaire

électrique endocavitaire. Elle est indiquée en cas d’antécédents de syncope (perte de connaissance) et en présence d’une tachycardie rapide à complexes QRS larges ou d’autres anomalies de l’activité électrique cardiaque qui ne peuvent être diagnostiquées au moyen de méthodes non effractives comme l’ECG à 12 dérivations, l’épreuve d’effort sur tapis roulant, l’ECG à haute amplication par sommationmoyennage ou le monitorage Holter. Elle est réalisée dans un laboratoire de cathétérisme cardiaque doté d’un équipement spécialisé.

En prévision de l’examen, il faut donner des explications orales et écrites au client et à ses proches an de les rassurer et d’atténuer le stress et l’anxiété qu’ils éprouvent. Il faut interrompre tout traitement antiarythmique quelques jours avant l’étude électrophysiologique an de pouvoir déclencher aisément une arythmie durant l’examen. De plus, avant de commencer, il est nécessaire d’administrer au client une prémédication destinée à le dé tendre. Le client doit être à jeun huit heures avant l’examen. Durant cette procédure, il peut demeurer éveillé, mais il reçoit régulièrement des sédatifs (p. ex., midazolam [VersedMD] ou propofol [DiprivanMD]) ou, selon le type d’étude, le client peut être sous anesthésie générale. Il est installé en décubitus dorsal sur une table dure munie d’un bras latéral en forme de C ou de U, ou d’un bras plafonnier sur lequel est montée une caméra qui permet de vérier la position des cathéters dans le cœur. En général, le matériel nécessaire pour le déclenchement des arythmies et la surveillance se trouve à portée de main. Une voie d’accès I.V. périphérique est d’abord installée, et les électrodes de l’ECG de surface sont mises en place. Puis, les cathéters d’électrophysiologie sont introduits dans la veine fémorale jusque dans le cœur droit sous contrôle radioscopique. Plus précisément, l’extrémité de ces cathéters, qui sont semblables aux cathéters de stimulation, est positionnée à des points anatomiques bien précis an d’enregistrer l’impulsion électrique dès son origine. La FIGURE 13.79 illustre le positionnement des cathéters et celui de leurs pôles : • partie supérieure de l’oreillette droite, à proximité du nœud sinusal (NS) ; • nœud AV ; • sinus coronaire (SC), dans le sillon AV gauche postérieur ; • faisceau de His, à proximité de la valve tricuspide ; • V.D., à proximité de l’apex. Durant l’examen, l’électrophysiologiste déclenche une arythmie par stimulation électrique programmée. Cette technique consiste à délivrer des extrastimulus prématurés à une région déterminée du myocarde à l’aide d’un cathéter spécialisé. L’électrophysiologiste détermine les mécanismes des différentes arythmies (p. ex., l’automaticité, la réentrée, etc.). L’étude électrophysiologique a pour but de

Débrillateur cardioverteur implantable Lorsqu’un client porteur d’un débrillateur cardioverteur implantable (DCI) doit subir une étude électrophysiologique de suivi, le DCI peut être utilisé à la place des cathéters d’électrophysiologie, puisqu’il est pourvu d’électrodes de détection et qu’il possède les fonctions suivantes : réduction de l’arythmie (stimulation antitachycardique), stimulation antibradycardique, cardioversion et débrillation. L’étude électrophysiologique peut être réalisée en laboratoire d’électrophysiologie au moyen du programmateur externe du DCI. Le générateur d’impulsions et les électrodes du DCI permettent de réaliser une stimulation ventriculaire programmée au même titre que les cathéters d’électrophysiologie. FIGURE 13.79

Introduction de cathéters dans le cœur durant une étude électrophysiologique. HIS : faisceau de His ; OD : oreillette droite ; OG : oreillette gauche ; PSOD : partie supérieure de l’oreillette droite ; SC : sinus coronaire ; VCI : veine cave inférieure ; VCS : veine cave supérieure ; V.D. : ventricule droit ; V.G. : ventricule gauche.

déceler et de localiser les foyers d’arythmies pour ensuite les éliminer par ablation à l’aide d’un cathéter.

Examen de la fonction auriculaire Les mesures habituellement prises durant l’étude électrophysiologique sont les suivantes : mesure du temps de récupération sinusal et du temps de conduction sinoauriculaire, et mesure des périodes réfractaires de l’oreillette et du nœud AV par stimulation auriculaire. La stimulation à la hauteur du sinus coronaire permet d’induire une tachyarythmie de l’oreillette gauche. En général, l’électrophysiologiste procède à la stimulation auriculaire après l’examen de la fonction ventriculaire pour réduire le risque de conduction rétrograde jusqu’au faisceau de His et au nœud AV susceptible de provoquer une brillation ou un utter auriculaires.

Examen de la fonction ventriculaire L’électrophysiologiste utilise la technique de la stimulation ventriculaire programmée pour déclencher une arythmie ventriculaire. Cet examen permet de dépister le client à haut risque d’arythmies ventriculaires ou de MCS. Le protocole de stimulation déclenche une TV chez la majorité des clients ayant des antécédents de TV ou de FV.

Une fois l’arythmie déclenchée et diagnostiquée, il s’agit de rétablir le rythme sinusal soit en déclenchant de 10 à 15 extrastimulus à une fréquence supérieure à celle de la TV, soit en effectuant une cardioversion-débrillation associée à l’administration I.V. d’un antiarythmique. À la n de l’examen, tous les cathéters d’électrophysiologie sont retirés avant de retourner le client à l’unité de soins.

13.3.3

Électrocardiogramme à haute amplication par sommation-moyennage

13

L’électrocardiogramme à haute amplication par sommation-moyennage (ECGHA) permet de déceler des potentiels tardifs dans la portion terminale du complexe QRS. Ces ondes de faible amplitude ne peuvent être détectées sur un ECG de surface standard, mais elles peuvent être mises en évidence sur un ECGHA. La présence de potentiels tardifs témoigne d’un ralentissement de la conduction dans le myocarde ventriculaire qui peut être un marqueur d’arythmie ventriculaire et qui peut exposer le client à un risque de MCS (Gibbons, Balady, Bricker et al., 2002). L’ECGHA contribue à diagnostiquer la dysplasie arythmogène du V.D. (Kamath et al., 2011) qui consiste en une inltration de bres adipeuses dans le V.D.

L’ECGHA est un examen non effractif. Le client est positionné en décubitus dorsal et il doit limiter ses mouvements au minimum. Des électrodes, appliquées sur les faces antérieure et postérieure de la cage thoracique, sont reliées à un ordinateur, lequel produit un signal ECG à haute résolution et à haute amplication. Un programme mesure alors la durée du complexe QRS sur cet ECG exempt de bruits et l’analyse à la recherche de potentiels tardifs (présence, durée et mesure). À l’issue de l’analyse par ordinateur, l’ECGHA est soit négatif (normal), soit positif (anormal). Lorsqu’il est jumelé à d’autres indices spéciques, un ECGHA positif est un facteur prédictif de risque accru de MCS. Il faut savoir qu’un grand nombre de clients qui obtiennent un ECGHA positif (anormal) nissent par avoir un ECGHA normal lorsqu’ils sont soumis à un traitement arythmique. L’ECGHA n’est pas analysé isolément : il est jumelé à d’autres examens paracliniques de la fonction cardiaque comme l’étude électrophysiologique. S’il constitue un complément utile à ce dernier, il ne peut toutefois le remplacer. Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

357

13.3.4

Enregistrement ambulatoire de l’électrocardiogramme

Avant qu’il soit hospitalisé aux soins critiques, il se peut que le client ait eu à subir des examens électrocardiographiques complémentaires visant à déterminer la gravité du trouble cardiovasculaire dont il est atteint. L’électrocardiographie ambulatoire est une technique qui permet d’enregistrer l’activité électrique cardiaque d’un client pendant qu’il vaque à ses occupations habituelles. Elle a pour but d’enregistrer toute arythmie qui survient spontanément de façon aléatoire ou qui se déclenche dans des circonstances particulières (p. ex., à la suite d’un stress émotionnel, d’une activité physique). Elle est indiquée en cas de palpitations, d’étourdissements, de syncope ou dans le cadre de l’évaluation d’un stimulateur cardiaque. Il existe deux types de dispositif d’enregistrement de l’ECG en mode ambulatoire : les dispositifs d’enregistrement continu et les dispositifs d’enregistrement intermittent. Bon nombre de dispositifs d’enregistrement intermittent de l’ECG possèdent une courte boucle de mémoire qui permet de sauvegarder les dernières minutes d’enregistrement de l’ECG qui précèdent la survenue des symptômes étudiés.

Dispositifs d’enregistrement continu de l’électrocardiogramme et dérivations choisies pour le monitorage Le moniteur Holter est le dispositif d’enregistrement continu de l’électrocardiogramme (ECG) le plus répandu. Il est composé d’électrodes de surface, qui sont placées sur la peau du client, et d’un petit boîtier

muni d’une bandoulière ou accroché à la ceinture ou à une poche et contenant un enregistreur analogique ou numérique. Le client doit le porter pendant 24 à 48 heures, selon le choix du médecin, puis le ramener à l’hôpital ou à la clinique aux ns d’analyse de l’ECG. Cette méthode de monitorage n’est aucunement effractive et n’entraîne pas d’effets indésirables. Tous les moniteurs Holter enregistrent l’ECG dans au moins deux dérivations de façon à réduire au minimum les répercussions de la présence d’artefacts sur l’interprétation de ce dernier.

En général, cinq électrodes sont utilisées : deux électrodes positives, qui sont positionnées approximativement à l’endroit où sont placées les électrodes positives de V1 et de V5 pour enregistrer un ECG à 12 dérivations, deux électrodes négatives et une électrode de masse (mise à la terre). Dans certains cas, des électrodes additionnelles sont utilisées pour accroître l’efcacité diagnostique du monitorage Holter. Par exemple, si ce dernier a pour but d’objectiver une défaillance du stimulateur cardiaque, il est possible d’employer une autre électrode an de déceler les artefacts traduisant l’activité du stimulateur (spike). Les électrodes de surface utilisées sont jetables, prégéliées et autoadhésives. Elles doivent rester sèches, non pas parce qu’elles exposent le client à un quelconque risque électrique, mais parce que, dans le cas contraire, elles pourraient se décoller avant la n de l’enregistrement. Par ailleurs, le fait de donner des instructions claires au client inue grandement sur la qualité de l’enregistrement dénitif ENCADRÉ 13.15.

Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 13.15

Moniteur ambulatoire Holter

• Le moniteur ECG ambulatoire (Holter) sauvegarde tous les tracés enregistrés sur une période de 24 ou 48 heures. L’enregistremen t dénitif peut indiquer l’heure à laquelle un événement s’est produit. La plupart des moniteurs Holter possèdent une fonction d’enregistrement d’événement que le client peut activer à l’apparition de symptômes ou de tout autre événement digne d’intérêt. Par ailleurs, il est tenu de noter dans un journal la liste de ses activités, de ses symptômes et des médicaments qu’il prend. • L’enregistrement continu de l’ECG est la technique d’électrocardiographie ambulatoire la plus complète, car elle permet d’enregistrer l’activité cardiaque sans interruption sur une période de 24 ou 48 heures. Qui plus est, ce type de monitorage ne nécessite pas la participation active du client (quoique la tenue d’un journal détaillé soit utile) ; ainsi, l’enregistrement se poursuit même durant les variations asymptomatiques de l’ECG et les épisodes d’arythmie qui entraînent une perte de connaissance. L’un des principaux objectifs du monitorage Holter est atteint lorsqu’il permet de repérer un épisode d’arythmie corrélé à des symptômes précis ou des symptômes qui surviennent en l’absence d’arythmie. Toutefois, la plupart des clients soupçonnés d’être atteints d’arythmie n’éprouvent pas de symptômes caractéristiques de leur maladie tous les jours. Donc, si aucun symptôme ou épisode d’arythmie ne survient durant les heures que dure le monitorage Holter, l’examen s’avèrera inutile. Les seules activités qui sont proscrites durant le monitorage Holter sont celles durant lesquelles les électrodes ou le moniteur risquent d’être mouillés, notamment la natation, la douche et le bain. Cela dit, la toilette à l’éponge est permise, à condition que le client contourne les électrodes de surface. • Les dispositifs d’enregistrement continu de l’ECG les plus récents sont appliqués sur la peau comme un timbre transdermique et ils ont été conçus pour que le client puisse les porter en permanence une fois qu’ils ont été installés et activés en milieu hospitalier. Ils permettent alors d’enregistrer l’activité cardiaque pendant une durée maximale de 30 jours à l’issue de laquelle ils sont remis à l’établissement aux ns de l’évaluation des enregistrements effectués.

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Partie 2

Système cardiovasculaire

Dispositifs d’enregistrement intermittent de l’électrocardiogramme Un moniteur portatif qui enregistre l’électrocardiogramme (ECG) de façon intermittente peut également être utilisé pour diagnostiquer une arythmie. Ce type de dispositif porte le nom d’enregistreur d’événements. Dans ce cas, le client porte les électrodes de surface en permanence, mais son activité cardiaque n’est pas enregistrée en continu par le dispositif. Le client doit appuyer sur un bouton chaque fois qu’il éprouve des symptômes an d’activer manuellement l’enregistrement en temps réel. Cette technique de monitorage offre deux grands avantages : la possibilité de laisser l’enregistreur en place pendant une période prolongée et la possibilité d’activer l’enregistrement à l’apparition des symptômes. L’inrmière transmet au client les consignes pour l’enregistrement intermittent des symptômes pour diagnostiquer une arythmie ENCADRÉ 13.16.

Enregistreur en boucle externe Ce type de dispositif enregistre l’activité cardiaque en continu, mais ne sauvegarde que les quatre dernières minutes d’enregistrement dans la boucle de mémoire. Grâce à cette boucle de mémoire, le client peut sauvegarder l’activité cardiaque enregistrée avant ou après un événement donné (p. ex., des palpitations) en appuyant sur un bouton. Puis, il doit rapporter l’enregistreur à l’hôpital ou à la clinique à la n de la période de monitorage pour que l’ECG puisse être interprété. Ce type d’enregistreur miniature peut être porté à la ceinture pendant une durée maximale de un mois.

Enregistreur électrocardiographique implantable Lorsqu’il est difficile de diagnostiquer le type d’arythmie sous-jacente aux symptômes observés à l’aide des méthodes traditionnelles, ou qu’il est nécessaire d’effectuer un suivi à long terme pour diagnostiquer les causes d’une syncope ou d’une

Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 13.16

Enregistrement intermittent

S’il est bien informé, le client peut contribuer à améliorer considérablement la qualité de l’enregistrement. Dans bien des cas, les symptômes d’arythmie ne se manifestent pas tous les jours ; par conséquent, il se peut qu’ils ne puissent pas être objectivés en réalisant aléatoirement un ECG ambulatoire sur 24 heures. Bien souvent, les symptômes d’arythmie ont tendance à être associés à des activités particulières. C’est pourquoi il faut encourager le client à être le plus actif possible. De plus, il est essentiel de lui demander de tenir un journal très précis de ses activités an de pouvoir corréler tout épisode d’arythmie décelé avec une activité donnée.

arythmie intermittente, le recours à l’implantation d’un enregistreur en boucle implantable est privilégié. Ce dispositif d’enregistrement continu miniature (environ 5 cm × 5 cm × 2,5 cm) est implanté sous la peau, dans la partie supérieure du thorax, au cours d’une intervention d’une vingtaine de minutes réalisée sous anesthésie locale. Ce type de monitorage est particulièrement utile lorsque les ECG ambulatoires antérieurs de courte durée n’ont rien révélé. L’enregistreur ECG implantable enregistre l’activité cardiaque en continu pendant une période maximale de 14 mois. Dès que le client fait une syncope (perte de connaissance), il (ou un proche) doit placer un activateur portatif miniature sur son thorax audessus de l’enregistreur implantable pour qu’il sauvegarde les données électrocardiographiques les plus récentes. L’ECG ainsi sauvegardé sera ensuite analysé an de déterminer si la syncope a été provoquée par une arythmie. Une fois le diagnostic posé, l’enregistreur en boucle implantable pourra être retiré en toute sécurité.

13

Dispositifs de transmission transtéléphonique de l’électrocardiogramme Le dispositif de transmission transtéléphonique de l’électrocardiogramme (ECG) est un système d’enregistrement intermittent de l’ECG dont les électrodes ne restent pas collées en permanence sur la peau. Il consiste en un petit boîtier (environ 10 cm × 5 cm) muni à sa base de quatre électrodes métalliques que le client doit avoir sur lui en permanence pendant une durée déterminée (généralement un mois). Dès que le client éprouve les symptômes à l’étude, il doit placer le boîtier enregistreur au centre de son thorax en appliquant fermement les quatre électrodes sur sa peau.

Il est également possible d’utiliser deux bracelets contenant des électrodes en métal au lieu de placer le boîtier sur le thorax. Le client appuie alors sur un bouton pour déclencher l’enregistrement, qui dure une ou deux minutes. L’enregistrement est sauvegardé jusqu’à ce que le client ait pu passer un appel téléphonique pour le transmettre au centre d’analyse (la transmission transtéléphonique consiste à placer le téléphone sur le transmetteur dont est pourvu le boîtier) ; il sera alors imprimé sous la forme d’un ECG, puis analysé.

Monitorage électrocardiographique à distance Le système de transmission transtéléphonique a été utilisé pendant des années pour effectuer un suivi à distance du fonctionnement des DCI et des stimulateurs cardiaques. Grâce aux progrès d’Internet, les derniers modèles de DCI et de stimulateurs cardiaques permanents peuvent être surveillés à distance. Le client doit composer le numéro de téléphone convenu pour transmettre les données enregistrées à un site Internet sécurisé. Ces données sont ensuite téléchargées en milieu hospitalier par un clinicien (électrophysiologiste, inrmière en cardiologie, technologue d’électrophysiologie médicale) Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

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sur une page Internet sécurisée. Le clinicien peut alors examiner tous les détails de la programmation du DCI ou du stimulateur cardiaque et déceler toute défaillance de ce dernier ainsi que des épisodes d’arythmie. La quantité et la qualité des données obtenues sont supérieures à celles de la transmission transtéléphonique. Le client n’a pas besoin d’un ordinateur pour transférer les données par voie électronique ; il lui suft d’utiliser le moniteur portable miniature mis à sa disposition et une ligne téléphonique standard.

Épreuves d’effort : monitorage électrocardiographique à l’effort L’épreuve d’effort physique est un examen non effractif qui consiste à enregistrer un ECG au cours d’un stress physiologique qui met le système cardiovasculaire (myocarde et vaisseaux qui l’approvisionnent) àrude épreuve an de déceler et de diagnostiquer une ischémie qui ne se manifeste pas au repos (Miller, 2011). Pour provoquer le stress physiologique, le client marche sur un tapis roulant ou utilise un vélo d’exercice.

Physiologie du système cardiovasculaire durant l’exercice Durant l’exercice, le système cardiovasculaire est particulièrement sollicité. Comme la consommation d’oxygène de l’organisme augmente considérablement, le D.C. augmente pour répondre à ces nouveaux besoins. Puisque la contractilité du myocarde augmente, le V.E.S. et la P.A. systolique augmentent également. Par ailleurs, la F.C. s’accélère sous l’effet des catécholamines libérées dans le sang. Normalement, en cas d’augmentation de la F.C. et du V.E.S., le D.C. augmente considérablement pour répondre aux besoins en oxygène des tissus. Cependant, cette augmentation de l’activité du myocarde n’est pas sans conséquence. Au repos, le myocarde consomme le quart de l’oxygène transporté par le sang. Comme ses besoins en oxygène augmentent durant l’effort, il faut que le débit coronaire augmente pour maintenir l’équilibre entre l’apport d’oxygène et les besoins en oxygène. Or, chez les clients atteints d’une maladie coronarienne, le débit coronaire ne peut augmenter sufsamment pour répondre aux besoins métaboliques élevés du myocarde durant l’effort, et cette inadéquation entre les besoins en oxygène et l’apport d’oxygène entraîne une ischémie.

Protocoles des épreuves d’effort L’épreuve d’effort est pratiquée au moyen d’un vélo d’exercice ou d’un tapis roulant dont la vitesse et la pente peuvent être modiées. Différents protocoles d’épreuves d’effort sur tapis roulant ont été élaborés. Les deux protocoles les plus populaires sont le protocole de Bruce, qui consiste à augmenter la vitesse et la pente du tapis roulant toutes les trois minutes, et le test de Balke, qui vise à maintenir une vitesse constante tout en augmentant la pente toutes les

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Système cardiovasculaire

minutes. Quel que soit le protocole utilisé, l’ECG doit être enregistré en continu. De même, la P.A. doit être mesurée et enregistrée toutes les minutes.

Fréquence cardiaque cible durant l’épreuve d’effort sur tapis roulant L’épreuve d’effort sur tapis roulant se termine lorsqu’une fréquence cardiaque (F.C.). cible établie à partir de la F.C. maximale théorique du client est atteinte. La F.C. maximale théorique est estimée à l’aide de la formule suivante :

F.C. maximale théorique = 220 − âge du client La F.C. cible de prédilection est de 85 à 90 % de la F.C. maximale théorique, et dans la plupart des cas, ce niveau d’effort suft pour objectiver une maladie coronarienne. La valeur diagnostique de l’épreuve dépend de la F.C. maximale atteinte, et non de la durée de l’épreuve. Voici deux exemples : celui d’un athlète bien entraîné, qui peut tenir 15 minutes sur le tapis roulant, et celui d’une personne sédentaire ou âgée, qui ne tolérera l’effort que pendant 3 à 5 minutes. Si, dans un cas comme dans l’autre, la F.C. atteinte durant l’épreuve équivaut à 85 % de la F.C. maximale théorique du client, ces deux épreuves auront la même valeur diagnostique. Il est à noter qu’une personne qui reçoit des bêtabloquants ne sera peut-être pas en mesure d’atteindre la F.C. cible (corrigée en fonction de l’âge) étant donné les effets chronotropes négatifs de cette classe de médicaments. La charge imposée au client durant l’épreuve d’effort est exprimée en équivalent métabolique (MET) de la consommation d’oxygène. Par dénition, 1 MET correspond à une consommation d’oxygène au repos de 3,5 ml d’oxygène par kilogramme par minute chez un homme de 40 ans pesant 70 kg. Les résultats de l’épreuve décrivent le degré de tolérance du client à l’effort : il est question, par exemple, de faible tolérance à l’effort (moins de 5 MET) ou de bonne tolérance à l’effort (10 ou 11 MET). Si ces résultats sont transposés dans un contexte clinique, il en ressort que le risque de décès est quatre fois plus élevé chez les clients qui atteignent moins de 5 MET dans une épreuve d’effort que chez ceux qui atteignent 10 MET ou plus (Morrow, 2010).

Motifs cliniques justiant l’arrêt de l’épreuve d’effort sur tapis roulant Il faut parfois abandonner l’épreuve d’effort si des symptômes d’ischémie apparaissent avant l’atteinte de la F.C. cible. L’interruption de cet examen peut aussi être motivée par l’apparition de symptômes d’angine (douleurs thoraciques) modérés ou graves, d’une pâleur ou de signes d’hypoperfusion. Elle peut également être réclamée par le client qui s’y soumet. Enn, un sus-décalage du segment ST supérieur ou égal à 1 mm (1 petit carré), un sous-décalage du segment ST supérieur ou égal à 2 mm (2 petits carrés), une arythmie, un déplacement marqué de l’axe du complexe QRS ou une aggravation des symptômes

(essoufflement ou fatigue, et chute d’au moins 10 mm Hg de la P.A. par rapport à sa valeur initiale) sont autant de signes qui peuvent pousser l’inrmière à arrêter l’examen (Gibbons et al., 2002). En principe, la P.A. augmente durant l’effort ; cela dit, une P.A. systolique supérieure à 250 mm Hg ou une P.A. diastolique supérieure à 115 mm Hg sont sufsamment élevées pour justier l’interruption d’une épreuve d’effort (Gibbons et al., 2002).

Réalisation d’une épreuve d’effort sur tapis roulant à la suite d’un infarctus du myocarde Certains clients ayant subi un infarctus du myocarde (IDM) aigu sont soumis à une épreuve d’effort de faible intensité avant de leur donner leur congé de l’hôpital. Dans ce cas, la F.C. cible n’excède pas 120 ou 130 batt./min. Tout sous-décalage ou sus-décalage du segment ST au cours d’une épreuve d’effort de faible intensité réalisée avant la sortie de l’hôpital est un indice able d’ischémie myocardique résiduelle. Cependant, comme peu de symptômes d’angine d’effort ou d’anomalies de la P.A. à l’effort sont observés durant une épreuve d’effort de faible intensité, si les résultats de l’épreuve sont normaux, il est nécessaire de procéder par la suite à une autre épreuve dont l’intensité se rapproche de la valeur standard.

Soins et traitements inrmiers Durant l’épreuve d’effort, le client est encouragé à tenir le plus longtemps possible. Cependant, l’examen prend n à sa demande s’il se plaint de fatigue, d’essoufement, de crampes aux jambes ou en cas de modications importantes de l’ECG, de variations de la P.A. ou d’apparition de symptômes d’angine. À la n de l’épreuve, l’inrmière aide le client à s’allonger sur le dos. Elle continue à surveiller l’ECG, le pouls et la P.A. pendant au moins 10 minutes à la recherche de signes d’arythmie ou d’ischémie. Elle demande au client de se reposer pendant les 30 à 60 minutes qui suivent sa sortie du laboratoire. Elle lui recommande également de ne pas prendre de douche chaude pendant les trois à quatre heures qui suivent l’épreuve pour réduire le risque d’hypotension orthostatique. Il est essentiel que l’inrmière qui surveille un client ayant été soumis à une épreuve d’effort soit expérimentée dans ce type d’examen et qu’elle en maîtrise parfaitement tous les aspects de même que les protocoles d’urgence en vigueur. Il doit toujours y avoir des médicaments d’urgence et un débrillateur dans la salle où est réalisée l’épreuve.

Informer le client et ses proches Nombre de clients sont anxieux à la perspective de passer une épreuve d’effort, et cette anxiété est souvent plurifactorielle. Certains clients exempts de cardiopathies avérées craignent de rater l’épreuve et de découvrir qu’ils sont malades et qu’ils devront

peut-être subir une chirurgie cardiaque. Chez les clients sédentaires, l’anxiété peut être causée par la crainte de s’écrouler sur le tapis roulant. Certains d’entre eux redoutent qu’il leur faille plusieurs jours pour reprendre des forces ou qu’ils soient forcés de dépasser leur seuil de tolérance à l’effort. Parmi les clients qui ont été hospitalisés en raison d’un IDM aigu et qui ont dû passer une épreuve d’effort de faible intensité avant d’obtenir leur congé, certains craignent que leur cœur soit mis à trop rude épreuve ; d’autres ont peur de mourir durant l’examen. Un enseignement efcace peut contribuer de façon considérable à atténuer ces craintes. En plus de décrire l’épreuve proprement dite au client, l’inrmière lui demande de cesser de fumer au moins deux heures avant cette dernière, d’observer un jeûne de trois heures et de porter des vêtements amples et des chaussures de marche ou de course. An de le rassurer, il est aussi essentiel de lui préciser qu’elle surveillera étroitement sa fonction cardiaque tout au long de l’épreuve d’effort.

13.3.5

13

Radiographie thoracique

Principes et techniques de base La radiographie thoracique est la plus ancienne technique d’imagerie cardiaque non effractive et elle demeure à ce jour un outil paraclinique précieux couramment utilisé. En effet, elle permet d’examiner aisément, sans danger et à un coût relativement faible l’anatomie et la physiologie du cœur. À l’unité de soins critiques, l’inrmière est parfois le premier membre de l’équipe de soins qui examine les clichés radiographiques d’un client se trouvant dans un état critique.

Radiographie numérique La radiographie numérique est une méthode largement répandue dans les établissements hospitaliers. Une radiographie numérisée est une image formée d’éléments discrets (pixels) auxquels une valeur précise est assignée et qui sont enregistrés an d’être afchés à l’écran par la suite. La taille des pixels est variable ; plus elle est petite, plus la résolution est bonne. La radiographie numérique offre de nombreux avantages. D’abord, il n’y a pas à attendre le développement du cliché comme c’est le cas pour la radiographie conventionnelle : une image peut être afchée rapidement sur un écran d’ordinateur en clinique. Ensuite, il est possible d’agrandir ou de réduire cette image. Enn, la radiographie numérisée se prête au diagnostic assisté par ordinateur, soit une analyse logicielle visant à déceler et à quantier les anomalies radiographiques. Si une radiographie numérisée initiale est disponible, elle peut être soustraite de la seconde radiographie numérisée an de mettre en évidence les différences entre ces deux images numériques (p. ex., une augmentation du volume du cœur ou la présence de nouveaux inltrats pulmonaires). Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

361

Densité des tissus

Appareil de radiographie mobile

Les rayons X, émis par un tube à rayons X, traversent le corps avant d’atteindre la plaque photographique. Ils sont plus ou moins absorbés par les tissus qu’ils traversent en fonction de la densité de ces derniers TABLEAU 13.21. Les tissus très denses, comme les os, absorbent pratiquement tous les rayons X qui les traversent. Comme ils empêchent ainsi les rayons X d’atteindre la plaque, ils apparaissent comme des zones opaques (blanches) sur le cliché radiographique. Les structures anatomiques comme le cœur, l’aorte, les vaisseaux pulmonaires et le sang qu’ils contiennent ont une densité moyenne : ils apparaissent dans des tons de gris sur le cliché radiographique. À proximité de ces structures se trouvent les poumons emplis d’air qui, eux, n’arrêtent pas du tout les rayons X : ces derniers laissent donc une impression sur la plaque (zones sombres). Sur le cliché, il est impossible de distinguer les limites des structures voisines de même densité. Toutefois, lorsque deux structures adjacentes n’ont pas la même densité (contraste radiographique), comme c’est le cas des vaisseaux et des poumons emplis d’air, la moindre variation de taille ou de morphologie peut être décelée sur les clichés.

Comme la plupart des clients hospitalisés aux soins critiques sont trop malades pour qu’ils puissent être transférés en radiologie, un appareil de radiographie mobile est systématiquement utilisé pour prendre des clichés radiographiques de leur thorax. Le médecin décide en fonction de l’état clinique du client s’il faut l’asseoir le dos bien droit ou l’installer en décubitus dorsal pour prendre les clichés. La plaque photographique est placée derrière son dos et, dans ce cas, une incidence antéropostérieure est utilisée (le faisceau des rayons X pénètre dans le thorax par la face antérieure de celui-ci) (TrotmanDickenson, 2003a). Dans la mesure du possible, pour prendre un cliché antéropostérieur, la position assise sera privilégiée plutôt que le décubitus dorsal, car de cette façon, le cliché est plus précis : il permet de mieux examiner les poumons (le diaphragme est plus bas dans cette position), il amplie moins la taille des structures intrathoraciques et les contours de celles-ci sont mieux dénis.

Incidences en radiologie conventionnelle Dans la plupart des établissements, l’incidence postéroantérieure et l’incidence de prol (prol gauche) sont les deux incidences utilisées en radiologie conventionnelle pour l’exploration du cœur et des poumons. Les clichés standard sont pris au service de radiologie dans les conditions suivantes : le tube à rayons X, situé à 180 cm de la plaque, est placé à l’horizontale ; le client se tient debout face à la plaque et il retient sa respiration après avoir pris une profonde inspiration. Les expressions incidence postéroantérieure et cliché postéroantérieur font référence au fait que le faisceau de rayons X pénètre dans le thorax du client par la face postérieure.

TABLEAU 13.21

362

Partie 2

Densité radiographique des structures intrathoraciques

MÉTAL OU OS (BLANC)

LIQUIDE (GRIS)

AIR (NOIR)

Côtes, clavicules, sternum, colonne vertébrale

Sang

Poumon

Dépôts de calcium

Cœur

Agrafes et ls chirurgicaux

Veines

Prothèses valvulaires

Artères

Fils conducteurs du stimulateur cardiaque

Œdème

Système cardiovasculaire

Interventions visant à optimiser la radiographie thoracique L’inrmière en soins critiques peut contribuer à l’optimisation de la qualité des clichés radiographiques en travaillant de pair avec la technologue en radiologie. Ainsi, elle tient compte de plusieurs éléments clés : • Il faut prendre le cliché au moment de l’inspiration profonde. En effet, durant l’expiration, le volume d’air contenu dans les poumons est moindre, ce qui peut se traduire par une opacité sur le cliché (comme celle observée en cas d’épanchement liquidien dans les poumons). De plus, le cœur semble être plus volumineux qu’il ne l’est en réalité lorsque le cliché est pris durant l’expiration, ce qui pourrait amener le médecin à diagnostiquer à tort une insufsance cardiaque. Il faut donc demander au client, s’il est conscient, de prendre une profonde inspiration, puis de bloquer sa respiration pendant le temps de pose. S’il est sous ventilation mécanique, il faut faire coïncider le temps de pose avec le moment où l’inspiration est maximale. • Il est important de retirer tous les tubes externes et tous les autres objets mobiles qui se trouvent sur le thorax du client an d’optimiser le cliché. Par ailleurs, le client ne doit avoir ni les bras ni les mains en travers du thorax pendant la radiographie. • Si son état le permet, le client doit être assis le dos bien droit sur son lit. Les clichés pris dans cette position sont plus nets que ceux pris en décubitus dorsal, car la distance entre le client et le tube à rayons X avoisine alors la distance standard, qui est de 180 cm. • Le client doit être assis bien en face du tube à rayons X, sans aucune torsion du thorax, an de pouvoir visualiser clairement les principales structures intrathoraciques.

Indications La question de la fréquence optimale des radiographies thoraciques systématiques dans les unités de soins critiques est au cœur d’âpres débats. Un groupe d’experts de l’American College of Radiology a formulé les recommandations suivantes à propos de l’utilisation des appareils mobiles de radiographie aux soins critiques : • En cas d’atteinte cardiorespiratoire aiguë ou de ventilation mécanique, il est recommandé de réaliser une radiographie thoracique tous les jours. • Il n’est pas nécessaire de soumettre à d’autres radiographies que celle effectuée au moment de l’hospitalisation les clients dont l’état commande un monitorage cardiaque, mais qui demeure stable par ailleurs. • Il y a lieu d’effectuer une radiographie thoracique après la pose d’un dispositif intrathoracique ou lorsque cet examen permet d’obtenir des données particulières sur l’état cardiorespiratoire du client.

Analyse de la radiographie thoracique : cathéters et sondes L’évaluation d’un cliché radiographique du thorax est un processus systématique. Le médecin doit être en mesure de repérer et de reconnaître tous les instruments ayant été placés dans le thorax durant les interventions effractives. En outre, il doit examiner les principales structures intrathoraciques, comme les poumons, l’espace pleural, le médiastin, le diaphragme et les vaisseaux, et comparer le cliché radiographique aux clichés précédents, si possible. Les variations observées entre les clichés peuvent être des signes de complications et renseigner le médecin sur l’évolution de l’état hémodynamique du client.

Cathéter veineux central Sur un cliché radiographique, le cathéter veineux central (CVC) apparaît comme un tube plus ou moins radio-opaque qui part d’un point d’insertion central (veine sous-clavière, veine jugulaire interne ou veine fémorale). Idéalement, l’extrémité du cathéter doit être située dans la veine cave supérieure de façon qu’elle soit à proximité de l’oreillette droite sans pour autant pénétrer dans celle-ci. Un mauvais positionnement du cathéter après insertion est observé dans 1 à 15 % des cas (Trotman-Dickenson, 2003a). Le degré d’expertise du médecin qui installe le cathéter et les variantes anatomiques sont au nombre des facteurs qui expliquent la grande diversité des complications possibles. Le risque de pneumothorax s’établit à 5,6 % (Trotman-Dickenson, 2003a). Il est nécessaire de réaliser une radiographie thoracique après l’installation d’un CVC par voie jugulaire ou sous-clavière. Le médecin doit avoir visualisé le cliché et donné son accord avant l’utilisation du CVC.

Cathéter artériel pulmonaire Il faut également réaliser une radiographie thoracique après la pose d’un cathéter artériel pulmonaire (CAP). La principale indication clinique de la radiographie dans ce cas est la détermination de l’emplacement de l’extrémité du cathéter. Pour que le CAP soit dans une position bloquée optimale, le ballonnet non goné doit reposer à moins de 2 cm du hile du poumon et ne doit pas dépasser les artères interlobaires proximales (Trotman-Dickenson, 2003a). La complication la plus grave de la pose d’un CAP est la rupture de l’artère pulmonaire. Cette complication est associée à un taux de mortalité supérieur à 70 %, mais elle est rare (Trotman-Dickenson, 2003a).

Tube endotrachéal Il faut toujours réaliser une radiographie thoracique après une intubation endotrachéale, car l’examen physique n’est pas une méthode sufsamment able pour déceler un mauvais positionnement du tube. La position idéale du tube endotrachéal est de 2 à 4 cm au-dessus de la carène. Si l’examen physique permet de détecter un positionnement sous-optimal d’un tube endotrachéal dans 2 à 5 % des cas, la radiographie thoracique, elle, peut mettre ce type de complication en évidence dans 20 à 25 % des cas (Trotman-Dickenson, 2003a).

13

Sonde entérale Dans 1 % des cas, les sondes destinées à l’alimentation entérale sont mal positionnées. Cette complication est plus fréquente avec les sondes de petit calibre (Trotman-Dickenson, 2003a). Il est essentiel de réaliser une radiographie thoracique avant la première utilisation, car en cas de mauvais positionnement, l’alimentation peut se retrouver dans un espace non entéral, ce qui peut avoir de graves conséquences pour le client (Godoy, Leitman, de Groot et al., 2012a).

Drain thoracique Le drain thoracique est muni d’une ligne radioopaque qui permet de le visualiser aisément sur un cliché radiographique. Ce type de drain est placé dans l’espace pleural ou médiastinal (dans le cas d’un drain médiastinal). Le drain pulmonaire est utilisé dans le traitement du pneumothorax, de l’hémothorax ou de l’épanchement pleural. Plusieurs pneumothorax observés aux soins critiques sont iatrogènes (barotraumatisme lié à la ventilation mécanique), traumatiques (complication de l’installation d’un CVC) ou secondaires à une chirurgie cardiothoracique (Trotman-Dickenson, 2003b). Habituellement, durant une chirurgie cardiaque, le chirurgien pose un ou plusieurs drains dans l’espace médiastinal. Les drains médiastinaux sont placés vers le centre du thorax et les drains pleuraux, vers l’extérieur du thorax.

Ballon de contrepulsion intra-aortique Le ballon de contrepulsion intra-aortique (BIA) vise à fournir un soutien mécanique à un cœur défaillant.

Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

363

Il s’agit d’un cathéter entouré d’un ballonnet gonable de 25 à 50 mm qui est introduit dans l’aorte descendante, habituellement par l’artère fémorale (voie percutanée). Il est impératif de réaliser une radiographie thoracique immédiatement après l’insertion du cathéter BIA pour vérier son positionnement (Trotman-Dickenson, 2003b). L’extrémité distale de ce cathéter est munie d’un petit marqueur radio-opaque qui facilite son repérage sur le cliché radiographique. Elle doit reposer en aval du point où l’aorte descendante donne naissance à l’artère sous-clavière gauche (2 cm sous l’artère sousclavière gauche, entre le 2e et le 3e espace intercostal). Même lorsque ce type de cathéter est introduit correctement dans l’aorte, il y a un risque de dissection aortique (Godoy, Leitman, de Groot et al., 2012b), une complication mortelle qui se traduit sur le cliché radiographique par le fait que les contours de l’aorte thoracique descendante sont ous.

Stimulateur cardiaque et débrillateur cardioverteur implantable Le stimulateur cardiaque et le débrillateur cardioverteur implantable (DCI) sont des dispositifs cardiovasculaires qui peuvent être visualisés sur les clichés radiographiques. Les types d’électrodes de stimulation portées par les clients hospitalisés aux soins critiques sont très divers. Dans le cas d’un stimulateur cardiaque permanent, c’est l’ensemble du dispositif qui est visible sur le cliché radiographique. En revanche, dans le cas d’un stimulateur cardiaque temporaire, le générateur d’impulsions n’est pas implanté dans l’organisme et n’est donc pas visible sur le cliché. Les électrodes de stimulation sont radioopaques et ressemblent sur le cliché à des ls blancs qui pénètrent dans le cœur droit par voie transveineuse. Les sondes de stimulation ayant été suturées sur l’oreillette droite ou le V.D. sont aussi visibles. Sur le cliché radiographique d’un client qui a des antécédents d’insufsance cardiaque, outre la sonde suturée sur le V.D., une autre sonde de stimulation placée dans le sinus (veine) coronaire (stimulation biventriculaire) est également visible.

TABLEAU 13.22

364

Partie 2

Le TABLEAU 13.22 présente brièvement les dispositifs les plus couramment utilisés et ce qui est observé sur le cliché radiographique lorsqu’ils sont bien placés.

Analyse d’une radiographie thoracique : facteurs cardiaques et pulmonaires La radiographie thoracique fournit une mine de données physiologiques. Pour être valides, ces renseignements doivent être interprétés à la lumière d’un examen physique approfondi et des données cliniques concernant l’état du client.

Taille du cœur L’étude du ratio cardiothoracique peut servir à évaluer la taille du cœur FIGURE 13.80. La taille normale du cœur est inférieure à la moitié du diamètre de la poitrine telle qu’elle apparaît sur une radiographie. Les clients atteints d’insufsance cardiaque chronique ont souvent une cardiomégalie (hypertrophie du cœur) : l’organe peut occuper une grande partie du diamètre thoracique sur le cliché.

Œdème pulmonaire L’œdème pulmonaire s’observe fréquemment chez les clients aux soins critiques. Il se traduit, sur la radiographie thoracique, par des zones blanches, denses et troubles, et il peut augmenter la vascularisation pulmonaire. L’œdème pulmonaire peut être localisé très clairement sur la radiographie thoracique, mais en l’absence d’une anamnèse clinique, cette méthode ne suffit pas pour déterminer si l’œdème pulmonaire résulte d’une cause cardiaque ou pulmonaire (Trotman-Dickenson, 2003a). Si l’œdème pulmonaire découle d’une insufsance cardiaque, auquel cas il est parfois appelé œdème pulmonaire hydrostatique, le liquide peut être réparti en ailes de papillon avec une concentration de zones blanches dans la région hilaire (origine des principaux vaisseaux pulmonaires). Cependant, à mesure que l’insufsance cardiaque évolue, la quantité de liquide dans les espaces alvéolaires augmente, et l’opacité oconneuse blanche s’observe dans tout le poumon.

Dispositifs cardiovasculaires

DISPOSITIF

FONCTION

POSITION

Cathéter artériel pulmonaire (CAP)

Mesure de la pression artérielle pulmonaire et de la PAPO

Extrémité dans l’artère pulmonaire droite ou gauche

Cathéter veineux central (CVC)

Mesure de la PVC, accès veineux

Veine cave supérieure

Drains thoraciques dans l’espace médiastinal

Évacuation du liquide de l’espace médiastinal

Médiastin antérieur, péricarde postérieur

Électrodes du stimulateur cardiaque

Stimulation cardiaque

Oreillette droite ou ventricule droit

Ballon de contre-pulsion intra-aortique (BIA)

Assistance à la fonction ventriculaire gauche

Extrémité placée juste en dessous de la partie supérieure de la crosse de l’aorte

Système cardiovasculaire

le préxe pneumo-) se traduit par une zone noire dans la plèvre. La zone pleurale est dénuée de trame pulmonaire, et le poumon effondré apparaît de plus en plus dense (gris ou blanc). Le risque le plus important est l’apparition d’un pneumothorax sous tension qui déplacera les structures médiastinales. Cette affection est aussi visible sur une radiographie thoracique.

13.3.6

FIGURE 13.80 La détermination du ratio cardiothoracique est une technique qui permet d’estimer la taille du cœur sur un cliché radiographique pulmonaire postéroantérieur. Habituellement, le diamètre du cœur équivaut à la moitié ou moins de celui du thorax, mesuré pendant une inspiration complète. La largeur du pédicule vasculaire (èches) est un indicateur plus précis du volume sanguin systémique. C : diamètre cardiaque maximal ; T : diamètre thoracique maximal mesuré jusqu’à l’intérieur des côtes.

Si l’œdème pulmonaire est causé par un SDRA, il est alors nommé œdème pulmonaire non cardiogénique, et la répartition du liquide est aléatoire ; elle peut être décrite comme des inltrats diffus bilatéraux (Trotman-Dickenson, 2003b).

Pneumonie La pneumonie nosocomiale est une complication iatrogène grave susceptible d’être détectée sur une radiographie thoracique. Lorsque le client reçoit une ventilation mécanique, le risque de pneumonie est accru, car les défenses oropharyngées normales sont contournées par l’intubation. Le client est donc vulnérable aux pneumonies associées aux respirateurs, une complication dont l’incidence rapportée est de 12 à 29 % et qui engendre un taux de mortalité atteignant les 50 % (Trotman-Dickenson, 2003a). Toute nouvelle opacité ou tout signe d’évolution d’une opacité (zone dense et blanche) à la radiographie thoracique doit être une source de préoccupations et exige d’autres examens cliniques 19 .

Pneumothorax Le pneumothorax est la présence d’air dans la cavité pleurale ; il est diagnostiqué par radiographie thoracique. Normalement, la plèvre n’est pas visible, car elle est adjacente à la paroi thoracique. Lorsque la taille du pneumothorax augmente, l’inrmière peut voir la bordure de la plèvre, car une poche d’air la sépare alors de la paroi thoracique. L’air (désigné par

Échocardiographie

L’échocardiographie est un examen qui permet d’obtenir des images des structures anatomiques du cœur à l’aide d’ultrasons. Normalement, l’oreille humaine perçoit des sons dont la fréquence varie de 20 à 20 000 Hz (cycles par seconde). Par comparaison, la fréquence des ultrasons est supérieure à 20 000 Hz. La fréquence optimale pour visualiser les structures cardiaques est de 1,5 à 10 MHz. En général, une fréquence de 2,25 MHz est utilisée pour un adulte an de garantir une profondeur de pénétration optimale des ultrasons, alors qu’une fréquence de 3 à 5 MHz est utilisée pour un enfant an d’améliorer la netteté de l’image, car les structures à observer sont de petite taille.

13

Les ondes ultrasonores sont particulièrement bien rééchies à l’interface entre les tissus de densités différentes. Dans le cœur, étant donné que les densités du sang, des valves cardiaques, du myocarde et du péricarde sont différentes, leurs frontières sont bien visibles sur l’échocardiogramme. L’échocardiographie est utilisée pour déceler des anomalies structurales du cœur comme la sténose de la valve mitrale et la régurgitation mitrale, le prolapsus des feuillets de la valve mitrale, la sténose et l’insufsance aortiques, la cardiomyopathie hypertrophique, la communication interauriculaire, la communication interventriculaire, la dissection de l’aorte thoracique, la tamponnade cardiaque et l’épanchement péricardique. L’utilisation de l’échocardiographie comme outil d’évaluation hémodynamique de première ligne est de plus en plus répandue dans les unités de soins critiques.

Échocardiographie transthoracique L’échocardiographie transthoracique (ETT) est pratiquée chez un client installé en décubitus dorsal, en décubitus latéral gauche ou dans une position semiallongée. La position choisie dépend de l’état clinique de ce client et des structures à examiner. Le transducteur de l’échocardiographe est appliqué sur la peau enduite de lubriant pour faciliter le contact avec le transducteur et réduire le nombre d’artefacts. L’élément actif du transducteur est un cristal piézoélectrique. Ce terme désigne un dispositif ayant la capacité de convertir l’énergie électrique en énergie mécanique (en l’occurrence, en énergie acoustique). Le transducteur émet des ondes ultrasonores et en recueille les échos (ondes rééchies). Il y a donc une alternance entre les périodes d’émission des ultrasons et les périodes de réception des échos. Chapitre 13

19 Le chapitre 19, Troubles respiratoires, traite de façon plus exhaustive de la pneumonie.

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

365

Les ondes ultrasonores ne se propagent pas très bien dans l’air et ne peuvent pas se propager dans les structures très denses comme l’os. Chez l’adulte, le transducteur est d’abord placé à la hauteur du 3e ou du 4e espace intercostal, à gauche du sternum, car à cet endroit, le péricarde est en contact direct avec la paroi thoracique et il n’y a pas d’interposition d’os ou de poches d’air entre le cœur et le transducteur. Par la suite, le transducteur est placé à la hauteur du 7e espace intercostal, à la ligne miclaviculaire, ce qui permet de visualiser les structures à partir de la position apicale du cœur. Aux soins critiques, le clinicien apporte généralement l’échocardiographe au chevet du client. Il lui suft de tamiser l’éclairage de la chambre pour mieux voir les images afchées à l’écran. Les soins inrmiers consistent à surveiller le client durant l’examen, qui est généralement réalisé par un technicien en échocardiographie. L’ETT est un examen non effractif, et l’inrmière précise ce point au client et à ses proches, et leur explique l’objectif à atteindre. L’ETT en elle-même n’est pas pénible, mais elle peut fatiguer certains clients du fait de sa durée, qui varie généralement de 30 à 60 minutes.

Échocardiographie en mode M Dans une échocardiographie transthoracique (ETT) en mode temps-mouvement, dit mode M (ou mode TM), un faisceau ultrasonore étroit est dirigé vers le cœur FIGURE 13.81A. Les échos recueillis chaque fois que le faisceau rencontre une interface sont représentés à l’écran par des points lumineux, et lorsque ces échos sont enregistrés en fonction du temps (comme

l’ECG), chaque point prend la forme d’une ligne sur l’oscilloscope. Il est possible d’enregistrer ce tracé sur une bande de papier déroulant pendant que le cœur bat. En somme, l’échocardiographie en mode M permet d’enregistrer une représentation graphique des mouvements des structures cardiaques en fonction du temps. La FIGURE 13.81B illustre une échocardiographie en mode M normale. Ce type d’examen est particulièrement utile pour déceler un léger épanchement péricardique ou une tamponnade cardiaque.

Échocardiographies bidimensionnelle et tridimensionnelle Dans le cas de l’échocardiographie bidimensionnelle (2D), les échos recueillis par les cristaux du transducteur permettent de créer une coupe anatomique du cœur selon un plan donné. Grâce à cette technique, il est possible de visualiser des coupes du cœur selon différents angles FIGURE 13.82. Il suft d’enregistrer l’échocardiogramme 2D qui s’afche sur l’oscilloscope sur un support numérique pour en garder une trace sur papier. L’échocardiographie 2D permet d’examiner le cœur en temps réel selon un plan de coupe tomographique donné et de mesurer directement le volume du V.G. ainsi que l’épaisseur de la paroi de ce dernier. Elle permet également de visualiser les structures cardiaques telles qu’elles sont positionnées les unes par rapport aux autres et de déceler aisément une valvulopathie ou des anomalies de la contractilité de la paroi cardiaque après un IDM.

FIGURE 13.81

A Représentation schématique des structures cardiaques traversées par deux faisceaux ultrasonores. B Échocardiogramme en

mode M normale de l’aorte, des feuillets de la valve aortique et de l’oreillette gauche. Ao : aorte ; FVM : feuillet postérieur (petite valve) de la valve mitrale ; MPP : muscle papillaire postérieur ; OG : oreillette gauche ; SIV : septum interventriculaire ; T : transducteur ; VA : valve aortique ; VAVM : valve antérieure (grande valve) de la valve mitrale ; V.D. : ventricule droit ; V.G. : ventricule gauche.

366

Partie 2

Système cardiovasculaire

FIGURE 13.82 Échocardiogramme 2D. À noter qu’il est possible de visualiser plusieurs coupes du cœur en même temps et qu’il est facile de visualiser les cavités cardiaques telles qu’elles sont positionnées les unes par rapport aux autres. OG : oreillette gauche ; VA : valve aortique ; V.D. : ventricule droit ; V.G. : ventricule gauche ; VM : valve mitrale ; VP : veine pulmonaire ; VT : valve tricuspide.

L’échocardiographie tridimensionnelle (3D) est la toute dernière innovation en matière d’échocardiographie. Elle fournit une représentation graphique encore plus réaliste de certaines structures comme la valve mitrale (Little, 2012).

un shunt, mesure du débit sanguin et du D.C., évaluation d’anomalies structurales secondaires à un IDM aigu. Par ailleurs, il est possible d’estimer la P.A.M. pulmonaire en mesurant la vitesse du ux sanguin dans la voie d’éjection ventriculaire droite.

Échocardiographie doppler couleur

Échocardiographie transœsophagienne

L’échocardiographie doppler couleur (écho-doppler couleur) est une technique d’échocardiographie qui permet d’évaluer les ux sanguins. Elle repose sur l’émission pulsée (intermittente) ou continue d’ondes ultrasonores et l’enregistrement des variations de fréquence des ondes rééchies qui permettent d’apprécier la vitesse et l’orientation des ux sanguins par rapport au transducteur. Les signaux doppler recueillis sont généralement codés en couleur. Cette technique, qui porte aussi le nom de cartographie doppler couleur, consiste en une analyse simultanée des signaux doppler renvoyés par de multiples points de mesure endocavitaires. Ces divers signaux sont codés en couleur et fournissent une représentation graphique des ux sanguins qui est superposée à un échocardiogramme 2D en temps réel. Les ux qui se dirigent vers le transducteur sont représentés dans une couleur donnée, et ceux qui s’en éloignent sont représentés dans une couleur différente. L’intensité de la couleur varie en fonction de la vitesse des ux.

L’écho-doppler est particulièrement utile pour l’évaluation des clients atteints d’une valvulopathie. En effet, cet examen permet de déceler un jet de régurgitation et une sténose valvulaire, et d’évaluer la gravité de la valvulopathie décelée. Il permet aussi de mesurer avec précision la pression systolique ventriculaire droite. De plus, en cas d’atteinte plurivalvulaire, le doppler sert à préciser la gravité de chacune des atteintes valvulaires décelées. L’écho-doppler trouve bien d’autres applications : examen des cardiopathies congénitales associées à

13

Dans le cas de l’échocardiographie transœsophagienne (ETO), le transducteur (sonde monoplan, biplan ou multiplan) est monté à l’extrémité d’un instrument exible semblable à un endoscope, qui est introduit dans l’œsophage, point anatomique à partir duquel il est possible de bien visualiser les structures cardiaques. La sonde multiplan est munie d’une série de cristaux qui peuvent être orientés sur 180°, ce qui permet de limiter le nombre de manipulations et de mouvements nécessaires à l’examen. Étant donné la proximité anatomique du cœur et de l’œsophage, il est possible d’obtenir par ETO des images de haute qualité des structures intracardiaques et de l’aorte thoracique en s’affranchissant des obstacles que représentent les os (paroi thoracique) et les poumons emplis d’air.

La technique d’insertion du transducteur est semblable à celle utilisée pour une endoscopie digestive haute. Le client doit observer un jeûne d’au moins six heures avant l’ETO pour prévenir les nausées et les vomissements. Il reçoit des analgésiques et des sédatifs pour atténuer la peur et l’anxiété, et pour provoquer une amnésie rétrograde. Par ailleurs, la région pharyngée est anesthésiée en y appliquant de la lidocaïne visqueuse 2 % et en vaporisateur 10 % pour atténuer le réexe nauséeux et prévenir les haut-le-cœur et les laryngospasmes. En général, le client est positionné en décubitus latéral gauche ; cela dit, aux soins critiques, le décubitus dorsal est parfois utilisé, au besoin. Un embout buccal est inséré entre les Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

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mâchoires supérieure et inférieure du client pour éviter toute détérioration accidentelle de la sonde. L’inrmière lui demande d’avaler pendant l’insertion de la sonde dans l’œsophage. Une fois la sonde insérée sur une distance de 25 à 30 cm à partir de la bouche, l’examen peut commencer FIGURE 13.83. L’ETO est aussi pratiquée en situation peropératoire durant une valvuloplastie ou au moment de la pose d’une prothèse valvulaire, ainsi qu’en laboratoire de cathétérisme pour les interventions percutanées telles que la fermeture de l’appendice auriculaire, la fermeture de la communication interauriculaire ou le remplacement percutané de la valve aortique. Les images obtenues grâce à une ETO sont supérieures à plusieurs égards à celles générées par une ETT. D’abord, il est possible de visualiser clairement l’aorte thoracique dans son intégralité. Ensuite, l’ETO permet d’explorer aisément les deux oreillettes et de visualiser de façon particulièrement claire la cavité auriculaire gauche, ce qui en fait l’examen de prédilection pour déceler la présence de thrombus dans l’oreillette gauche. Par ailleurs, l’ETO permet de diagnostiquer les communications interauriculaires et d’évaluer leur gravité. En la combinant à l’effet doppler, il est possible d’évaluer les shunts à l’étage auriculaire. Enn, l’ETO est utile pour évaluer les clients ayant une

FIGURE 13.83 Diagramme des plans scintigraphiques communs pendant une échocardiographie transœsophagienne (ETO) avec incidence bidimensionnelle. A Plan scintigraphique horizontal de l’arc aortique et de la partie distale de l’aorte. B Incidences de base de l’axe court (transversal), de l’axe long (sagittal) et de l’axe court des deux oreillettes. C Incidences de l’axe long des quatre cavi­ tés et auriculoventriculaire gauche. La scintigraphie d’un plan sagittal permet de visualiser une coupe transversale du ventri­ cule gauche. D Incidence transgastrique de l’axe court des ventricules droit et gauche. E Coupes scintigraphiques trans­ versale et sagittale de l’aorte descendante.

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Partie 2

Système cardiovasculaire

atteinte valvulaire, notamment pour examiner les végétations valvulaires chez ceux qui ont une endocardite infectieuse. Les mouvements de la sonde d’ETO dans l’œsophage durant les manipulations peuvent provoquer une réaction vagale (bradycardie et hypotension). Le principal risque associé à l’ETO est la lacération œsophagienne. Les clients qui ont une cirrhose ou des varices œsophagiennes sont également exposés à un tel risque. Durant l’ETO, l’inrmière surveille de près les signes vitaux du client (ECG, P.A.) et son état clinique. En cas de résistance franche au moment de l’insertion de la sonde, il ne faut pas forcer. Il faut avoir le matériel de réanimation nécessaire à portée de la main durant une ETO en raison du risque de réaction vagale grave (bradycardie, hypotension) associé à cet examen. Il faut aussi prévoir des instruments d’aspiration au chevet du client dans l’éventualité où ce dernier serait pris de vomissements ou aurait de la difculté à supporter les sécrétions buccales.

Échocardiographie de stress et échocardio­ graphie de stress à la dobutamine Souvent réalisée en consultation externe, l’échocardiographie de stress vise à déceler une angine stable. Elle permet de dresser un tableau précis des effets ischémiques de la maladie coronarienne sur le myocarde (Douglas, Garcia, Haines et al., 2011). Elle est utilisée pour diagnostiquer des anomalies régionales (ischémie) ou globales (cardiomyopathie) (Douglas et al., 2011). Elle peut être pratiquée après un IDM en vue d’évaluer l’incidence d’une nécrose sur la contractilité du tissu myocardique viable. Le stress physiologique provoqué par l’intensication du niveau d’effort physique rompt l’équilibre entre l’apport d’oxygène au myocarde et les besoins en oxygène de ce dernier. Cette inadéquation entraîne une ischémie et se solde nalement par des anomalies de la contractilité de la paroi cardiaque, lesquelles peuvent être décelées à l’échocardiographie. Le stress physiologique peut être créé par une épreuve d’effort physique ou par une épreuve de stimulation médicamenteuse (Douglas et al., 2011). L’une ou l’autre des épreuves d’effort physique suivantes sont habituellement utilisées : la marche sur tapis roulant ou l’utilisation d’un vélo d’exercice. Les protocoles d’échocardiographie de stress sont très semblables aux protocoles d’ECG d’effort décrits précédemment TABLEAU 13.23. Lorsqu’un client n’est pas en mesure d’atteindre le niveau d’effort nécessaire à l’évaluation de la réponse du myocarde à un stress physiologique durant une épreuve d’effort physique, une substance médicamenteuse peut être utilisée pour réaliser l’échocardiographie de stress. La dobutamine, un agoniste des récepteurs adrénergiques ß1, est l’agent le plus couramment utilisé. Il est également possible d’employer des vasodilatateurs comme l’adénosine et le dipyridamole (PersantineMD) pour accélérer la F.C. dans le cadre d’une échocardiographie de stress. Il faut déterminer l’agent qui sera le plus

approprié en fonction des affections concomitantes et de l’état clinique du client. Dans la plupart des cas, le stress pharmacologique est induit par une perfusion de dobutamine administrée initialement à raison de 5 mcg/kg/min et augmentée, au besoin, à 40 ou 50 mcg/kg/min pour

atteindre une F.C. cible équivalant à 85 % de la F.C. maximale théorique du client (Douglas et al., 2011). L’administration de la dobutamine entraîne une augmentation de la F.C., de la contractilité du myocarde et de la P.A., ce qui provoque une forte hausse des besoins en oxygène du myocarde, laquelle déclenche

Collecte des données TABLEAU 13.23

Méthodes d’épreuve d’effort

PARAMÈTRES DU TEST

ÉLECTROCARDIOGRAPHIE D’EFFORT

ÉCHOCARDIOGRAPHIE D’EFFORT

SCINTIGRAPHIE MYOCARDIQUE D’EFFORT

Épreuve d’effort physique

• ECG à 3,5 ou 12 dérivations ; les élec­ trodes sont attachées à la poitrine et aux membres pour surveiller l’ECG pendant le protocole d’exercice.

• Le client effectue des exercices en suivant le protocole. • L’échocardiogramme est enre­ gistré immédiatement après l’exercice.

• La substance radiopharmaceutique (thallium 201 ou technétium 99m) est injectée avant l’exercice. • Le client effectue des exercices en suivant le protocole. • La scintigraphie myocardique est réa­ lisée après l’exercice pour visualiser l’absorption du radiotraceur.

Examen de stress provoqué par une substance pharmacologique

• Le client est au repos. • Des médicaments par voie I.V. stimulent la F.C. et la contractilité du cœur : – de la dobutamine (DobutrexMD) est administrée à raison de 5 mcg/kg/min, et la dose est augmentée, au besoin, de manière à augmenter la F.C. • L’inrmière surveille l’ECG pendant les perfusions médicamenteuses. • Les autres agents utilisés incluent l’adénosine (AdenocardMD) et le dipyridamole (PersantineMD).

• Le client est au repos. • Des médicaments par voie I.V. stimulent la F.C. et la contractilité du cœur : – de la dobutamine est adminis­ trée à raison de 5 mcg/kg/min, et la dose est augmentée, au besoin, de manière à augmen­ ter la F.C. • L’échocardiogramme est enre­ gistré pendant et après les perfu­ sions médicamenteuses. • Les autres agents utilisés incluent l’adénosine et le dipyridamole.

• Le client est au repos. • Des médicaments par voie I.V. simulent l’effet obtenu par un effort physique : – de la dobutamine est administrée à raison de 5 mcg/kg/min, et la dose est augmentée, au besoin, de manière à augmenter la F.C. • L’image isotopique est enregistrée pendant et après le stress pharmacologique. • Les autres agents utilisés incluent l’adénosine et le dipyridamole.

Indications cliniques

• Sert à exclure une coronaropathie. • N’est pas aussi utile que si le client a une anomalie initiale visible à l’ECG et causée par un BBG, un BBD ou le port d’un stimulateur ventriculaire interne, car les variations du segment ST sont masquées.

• Utile pour le client ayant un BBG ou un BBD, ou qui porte un stimu­ lateur cardiaque implanté, car le mouvement des parois est direc­ tement observable.

• Utile pour le client atteint d’un BBG ou d’un BBD, ou qui porte un stimulateur cardiaque implanté. • Utile avant un pontage aortocoronarien pour déterminer si le greffon pourra approvisionner le foyer ischémique en sang. Il ne sert à rien de greffer une artère dans un foyer infarci.

Issue clinique d’un résultat positif au test

• Apparition d’une douleur thoracique. • Variations des segments ST à l’ECG.

• Apparition d’une douleur thoracique. • Observation d’anomalies du mouvement des parois.

• Les foyers du cœur qui n’ont pas absorbé le radiotraceur sont appelés zones lacunaires. Une zone lacunaire correspond à un tissu ischémique ou infarci. • Une scintigraphie de suivi effectuée ultérieurement le même jour (ou le lendemain avec certains radiotraceurs) montrera si la zone lacunaire s’est remplie ; dans l’afrmative, la zone est ischémique ; si elle reste toujours lacunaire, la zone est infarcie.

Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

13

369

une ischémie myocardique. Au nombre des effets indésirables possibles de cet agent gurent l’hypotension, l’hypertension, l’arythmie, les nausées, les céphalées, l’anxiété et les tremblements. De l’atropine peut également être administrée au client si la perfusion de dobutamine ne permet pas à elle seule d’atteindre la F.C. cible.

Échographie intravasculaire L’échocardiographie intravasculaire est utilisée comme méthode paraclinique complémentaire à la coronarographie ou à l’intervention coronarienne percutanée (ICP). Dans ce cas, une sonde à ultrasons miniature souple équipée d’un transducteur à haute fréquence (20 à 40 MHz) permet d’obtenir des images à haute résolution de la paroi des artères coronaires. L’échocardiographie intravasculaire ne peut être réalisée à la place d’une angiographie, mais elle est utilisée en complément de cette dernière à des ns diagnostiques. Elle permet une étude anatomique de la lumière des artères coronaires. Grâce à cette méthode, le cardiologue peut localiser avec précision une plaque d’athérome ou vérier si une endoprothèse coronarienne (tuteur) s’est déployée correctement et si elle épouse bien la paroi de l’artère.

Échographie intracardiaque L’utilisation de l’échographie intracardiaque est de plus en plus répandue. Cet examen consiste à explorer les oreillettes et les ventricules à l’aide de cathéters souples munis de capteurs ultrasonores. L’échographie intracardiaque trouve les applications paracliniques suivantes : exploration directe des structures intracardiaques et visualisation des septums interauriculaire et interventriculaire durant une chirurgie réparatrice. Elle peut aussi se substituer à l’ETO durant certains actes de cardiologie interventionnelle ou certaines chirurgies cardiaques.

Échographe portatif Bon nombre d’unités de soins critiques et de service des urgences utilisent des échographes portatifs. Ce type de dispositif vise à accroître la précision de l’examen physique réalisé dans la chambre du client.

13.3.7

Imagerie par résonance magnétique

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est une technique d’imagerie non effractive qui permet d’obtenir des renseignements biochimiques précis sur des tissus de l’organisme sans utiliser de rayonnement ionisant. L’intervention ne comporte pas de danger connu pour les cellules vivantes. À de nombreux égards, l’image obtenue est supérieure à celle que procure la radiographie ou l’échographie, car les os n’interfèrent pas avec l’IRM.

Indications L’imagerie par résonance magnétique (IRM) cardiaque peut fournir des renseignements sur l’intégrité tissulaire, les anomalies des mouvements des

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Partie 2

Système cardiovasculaire

parois cardiaques, les anévrismes, la F.E., le D.C., la perméabilité des artères coronaires proximales et les ux pénétrant les greffons des artères coronaires. L’IRM est utile pour le diagnostic des complications de l’IDM comme la péricardite ou l’épanchement péricardique, la dysfonction valvulaire, la rupture du septum ventriculaire, l’anévrisme et le thrombus intracardiaque (Sommer, Bremerich & Lund, 2012).

Le sang qui s’écoule activement n’émet pas de signal de résonance magnétique ; il se traduit plutôt par un contraste foncé naturel dans la lumière des artères coronaires proximales. Par conséquent, les anomalies de la taille des lumières susceptibles de signaler une obstruction, comme le rétrécissement, sont observables.

Principes de l’imagerie par résonance magnétique La physique de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) est complexe, mais l’idée fondamentale est simple. Certains atomes à l’intérieur des molécules agissent comme de minuscules barres aimantées munies d’un pôle nord et d’un pôle sud. Les noyaux tournent autour de cet axe comme une toupie de plomb. Dans des conditions normales, ces petits aimants atomiques sont agencés de manière aléatoire. Si un client est placé à l’intérieur d’un champ magnétique puissant, de nombreux noyaux s’alignent dans la même direction que la force magnétique. Lorsqu’une onde de radiofréquence est dirigée vers le client, certains noyaux absorbent cette énergie, ce qui perturbe leur alignement et les fait osciller comme un gyroscope qui se décompresse. Cette oscillation hors de l’alignement est appelée résonance. Le processus de réalignement avec le champ magnétique après la désactivation du signal de radiofréquence est appelé relâchement. Ces uctuations d’énergie peuvent être détectées et enregistrées par l’appareil d’IRM.

Chaque type d’atome possède son prol particulier de résonance et de relâchement. Le plus facile à enregistrer est l’ion hydrogène, mais d’autres atomes comme le phosphore, le sodium et le carbone sont à l’étude. Comme chaque molécule d’eau comporte deux ions hydrogène, l’IRM est particulièrement sensible aux variations de la teneur en eau dans les tissus. Les lésions ischémiques du myocarde entraînent des augmentations prévisibles de la teneur en eau de ce muscle, ce qui permet de distinguer un tissu normal d’un tissu ischémique. L’IDM entraîne une cicatrisation du myocarde, et donc une diminution de la teneur en eau des tissus qui peut être détectée par un examen par résonance magnétique, car elle se traduit par une baisse de l’intensité du signal. L’IRM convient particulièrement aux structures peu ou pas du tout mobiles comme le cerveau. Ses applications cardiaques sont limitées en raison du mouvement constant du cœur. En vue de surmonter cet obstacle, plusieurs techniques de synchronisation

et de coupe sont employées pour faire correspondre les images obtenues à des moments précis avec les phases exactes du cycle cardiaque. La synchronisation peut être chronométrée à partir de l’onde R de l’ECG ou à partir du tracé du pouls artériel. Ces deux méthodes sont satisfaisantes pour autant que le client a un RSN. En cas d’irrégularité rythmique quelconque, la technique de synchronisation perd beaucoup en utilité.

Objets métalliques L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est une intervention sûre. Le principal danger est lié à la présence de substances métalliques dans le milieu. Dans la mesure où le champ magnétique créé est environ 40 000 fois plus puissant que celui de la Terre, les objets métalliques comme les tiges de soluté intraveineux, les pompes à perfusion ou les réservoirs d’oxygène peuvent être transformés en projectiles s’ils sont assez proches de la source aimantée. Aucun objet métallique n’est permis dans une salle d’IRM. Il faut demander au client s’il est porteur d’implants métalliques (stimulateur cardiaque) ou d’autres objets métalliques susceptibles d’être déplacés par la force magnétique pendant l’examen. Les agrafes d’anévrisme sont composées de substances ferromagnétiques qui peuvent être soumises à un moment de torsion important si elles sont exposées à un champ magnétique. Il faut également savoir que l’effet d’un champ magnétique puissant peut désactiver un stimulateur cardiaque ou un DCI, ou altérer leur mode d’opération. Cependant, certaines nouvelles générations de stimulateurs cardiaques et de DCI permettent les examens par IRM.

Inconvénients de l’imagerie par résonance magnétique Les inconvénients de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) sont considérables pour les clients en soins critiques, notamment parce que cette technique suppose qu’ils doivent quitter l’unité et qu’ils doivent être transportés au laboratoire de médecine nucléaire. Or, il est inconcevable d’utiliser les respirateurs standards, l’équipement de monitorage et les pompes à perfusion, car ces appareils contiennent des pièces métalliques. Il existe des respirateurs spéciaux avec accessoires non magnétiques, de même que des ECG, des sondes pour oxymètre de pouls et des pompes à perfusion non métalliques.

L’étroitesse du tunnel aimanté exige que le client s’allonge sans bouger pendant de longues périodes. Cet espace exigu provoque des réactions de claustrophobie chez toute personne vulnérable, de sorte qu’une sédation peut s’avérer nécessaire. Le client claustrophobe doit être bien rassuré et informé avant de s’allonger sur le dos et de rester immobile à l’intérieur du tunnel de l’appareil d’IRM. Un progrès récent est à signaler dans le domaine de ces appareils : le tunnel est ouvert aux extrémités, si

bien que la tête du client n’est plus enfermée pendant l’examen du reste du corps.

13.3.8

Examens d’imagerie cardiaque avec isotope

Il existe plusieurs types d’examens d’imagerie avec isotope. À l’instar des examens paracliniques utilisant l’ECG et l’échocardiographie, de nombreux examens isotopiques peuvent être réalisés au repos ou pendant un effort (Badheka & Hendel, 2011).

Objectif des scintigraphies myocardiques L’objectif d’une scintigraphie myocardique est de déterminer si le muscle cardiaque comporte des anomalies de perfusion. Une scintigraphie myocardique est indiquée pour le client souffrant d’une douleur thoracique et d’une coronaropathie avérée ou soupçonnée. Cette technique est aussi particulièrement utile pour le client atteint d’un BBG concomitant ou porteur d’un stimulateur cardiaque permanent, dont le complexe QRS montre une forme anormale. Dans les deux cas, il est difcile d’interpréter avec précision l’angine aiguë sur l’ECG à 12 dérivations. La scintigraphie myocardique est quant à elle avantageuse, car elle permet d’observer directement la capacité du myocarde à recevoir un ux sanguin (Hendel, Berman, Di Carli et al., 2009).

13

La scintigraphie myocardique fournit un complément à l’information obtenue grâce à un examen par cathétérisme cardiaque et à un ECG à 12 dérivations. L’anatomie et la perméabilité de l’artère coronaire sont cruciales, car l’approvisionnement en sang du myocarde provient toujours d’une artère coronaire donnée, et tout blocage d’une artère peut entraîner un décit de perfusion du myocarde, ce qui provoque une réduction (ischémie) ou une absence (infarctus) d’approvisionnement en sang dans ce foyer. Bien que la coronarographie permette de juger l’anatomie des artères coronaires, elle n’indique pas si elles irriguent le muscle cardiaque.

Radio-isotopes Les radio-isotopes employés en imagerie paraclinique cardiaque sont très différents de ceux employés en oncologie pour l’ablation des tumeurs. Les isotopes paracliniques ont une demi-vie courte (de quelques minutes à quelques heures) et sont utilisés en très petite quantité an de réduire au maximum le risque de radioactivité. Les clients n’ont pas besoin d’être isolés, et il est inutile de prendre des précautions particulières pour le prélèvement du sang, de l’urine, des selles ou d’autres liquides corporels.

Thallium 201 Le thallium 201 (201Tl) est un radio-isotope à faible énergie. C’est un analogue du potassium, et il se comporte de la même façon que ce dernier lorsqu’il est injecté dans la circulation sanguine. Compte tenu de cette similarité, le thallium est absorbé à partir de la circulation sanguine dans les cellules du muscle Chapitre 13

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

371

cardiaque par la pompe à sodium-potassium adénosine triphosphatase (ATPase). La captation du thallium dépend de deux facteurs : la perméabilité des artères coronaires et la quantité de myocarde sain doté d’une pompe à sodium-potassium ATPase fonctionnelle. Les foyers d’infarctus (nécrose) du myocarde ne captent pas le thallium. Après l’injection du thallium, une caméra de scintillation spécialisée et un système informatique sont utilisés pour obtenir un cliché scintigraphique du myocarde.

Technétium 99m Le technétium 99m (99mTc) est aussi d’usage courant. Lorsqu’il est injecté à l’état pur, ce radio-isotope ne possède pas d’afnité spécique pour le cœur ; il doit donc obligatoirement être lié à un quelconque vecteur de façon à conditionner sa distribution dans le myocarde. Deux vecteurs grandement utilisés sont le sestamibi (Mibi) et la tétrofosmine (non disponible au Canada). Lorsqu’injectées de façon intraveineuse, ces molécules non radioactives ont la capacité d’adhérer aux myocytes d’une façon relativement proportionnelle au flot coronarien de cette région. Naturellement, l’imagerie doit s’effectuer de façon non effractive. Un atome de 99mTc est xé sur ces vecteurs, ce qui les rend lumineux. Le 99mTc rend donc les vecteurs visibles pour la caméra qui tourne autour du client. Les traceurs à base de 99mTc conviennent tout à fait à l’imagerie du myocarde pendant un SCA, car ils ne se dispersent pas à mesure que le temps s’écoule (ils restent dans le myocarde), ce qui permet, le cas échéant, d’effectuer un deuxième cliché scintigraphique de nombreuses heures plus tard (Hendel et al., 2009). Dans la pratique clinique, cet examen n’est pas facilement réalisable en situation d’urgence ; il est par contre utilisé dans les études de recherche (Hendel et al., 2009). Cette méthode est employée lorsque l’état hémodynamique et cardiaque du client est stable.

Scintigraphie myocardique Cet examen se déroule dans un service de médecine nucléaire spécialisé. Normalement, les murs de la salle d’examen sont recouverts de plomb pour éviter toute fuite radioactive. Il est nécessaire de poser d’abord une voie intraveineuse au client. Avant qu’il commence l’épreuve d’effort, ce dernier reçoit par injection un radio-isotope (thallium 201 ou technétium 99m) qui permettra de distinguer les zones perfusées du myocarde des zones non perfusées (froides ou non viables). Une fois l’épreuve d’effort terminée, une caméra spécialisée est utilisée pour réaliser l’imagerie de la perfusion du myocarde. Comme c’est le cas pour les autres épreuves d’effort, les deux méthodes utilisées pour accélérer la F.C. du client et le débit sanguin dans le myocarde sont l’exercice et la perfusion d’un médicament susceptible d’avoir les mêmes effets que ce dernier TABLEAU 13.23.

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Partie 2

Système cardiovasculaire

Déroulement de la scintigraphie myocardique à l’effort Avant de soumettre un client à une scintigraphie myocardique à l’effort, il faut lui expliquer en détail le déroulement de cet examen, notamment l’équipement utilisé pour l’épreuve d’effort physique (dispositif de monitorage ECG, tapis roulant ou vélo d’exercice et gamma-caméra à scintillation). Habituellement, le client est à jeun, car l’examen nécessite un effort physique intense. Avant l’examen initial, il faut interrompre l’administration des vasodilatateurs susceptibles d’inuer sur la xation des radioisotopes (dérivés nitrés, théophylline et médicaments similaires). Le client peut continuer à prendre tout médicament qui ne risque pas de fausser les résultats de l’examen. Une voie intraveineuse est installée avant l’examen. Puis, le client doit se soumettre à une épreuve d’effort de grande intensité pendant au moins une minute ou jusqu’à l’apparition d’une douleur angineuse ou d’une sensation de fatigue. Le radio-isotope est alors administré par voie I.V. Après l’injection, il est possible de demander au client de reprendre l’épreuve d’effort pendant une minute pour soumettre le cœur à un stress physiologique et favoriser la circulation du radio-isotope. Par la suite, il est invité à s’allonger sur la table d’examen pour réaliser la mise en image de la perfusion myocardique selon trois incidences (antérieure, oblique antérieure gauche et oblique latérale gauche) an d’accroître la précision diagnostique de l’examen. À l’écran, le cœur apparaît sous la forme d’un cercle qui comporte un trou en son milieu (forme de beigne) ; autrement dit, c’est le myocarde qui apparaît avec le reet de la perfusion myocardique au moment de l’injection, mais pas les cavités cardiaques qui sont gorgées de sang.

Déroulement de la scintigraphie myocardique au repos Si le client ne peut tolérer une scintigraphie myocardique à l’effort, il peut être soumis à une scintigraphie myocardique au repos associée à une stimulation médicamenteuse. Le radio-isotope administré peut être le thallium 201 ou le technétium 99m. Comme le client n’est pas en mesure de passer une épreuve d’effort physique, il est mis sous perfusion de dobutamine pour augmenter le débit sanguin dans les artères coronaires et le myocarde (Hendel et al., 2009). D’autres substances peuvent être utilisées, notamment l’adénosine ou le dipyridamole. Un myocarde normal atteint sa contractilité maximale à une dose de dobutamine d’environ 10 mcg/kg/min. La stimulation médicamenteuse a pour but d’atteindre une F.C. cible équivalant à 85 % de la F.C. maximale théorique du client ; s’il y a lieu, de l’atropine peut être ajoutée à la dobutamine pour atteindre cette F.C. cible. Après la première scintigraphie, le client se

lève de la table d’examen, et il faut laisser sa F.C. revenir à la normale (valeur initiale). Après 5 à 10 minutes, le client doit se remettre sur la table d’examen pour vérier que la contractilité de la paroi du V.G. a également repris sa valeur initiale.

généralement le signe d’un phénomène cicatriciel (infarctus).

Résultats de la scintigraphie myocardique

La tomodensitométrie (TDM) sert à calculer le score du calcium dans l’artère coronaire (SCAC) (Greenland, Bonow, Brundage et al., 2007 ; Mark, Berman, Budoff et al., 2010 ; Patel et al., 2012). La quantité de calcium dans la plaque d’athérome est mesurée à l’aide d’un faisceau d’électrons ou d’un multidétecteur de tomodensitométrie, ce qui permet ensuite de calculer le score du calcium. Un score inférieur à 100 est associé à un faible risque, alors qu’un score au-dessus de 300 annonce un risque élevé d’accident coronarien futur (Grayburn, 2012). Sur le plan clinique, le SCAC est analysé en même temps que les autres données liées aux facteurs de risque an d’évaluer le risque de coronaropathie du client (Greenland et al., 2007).

Peu importe le type d’effort utilisé (physique ou stimulation pharmacologique), une imagerie au repos est habituellement utilisée à des ns de comparaison. Cela s’effectue par l’injection du radio-isotope lorsque le client est calme et détendu. Ainsi, la lecture de l’examen s’effectue toujours en comparant la perfusion myocardique au stress par rapport à l’imagerie obtenue au repos. La présence d’un décit perfusionnel visible seulement sur l’étude réalisée au stress (décit réversible) est le signe d’une ischémie myocardique. Dans ce cas, cette ischémie peut être traitée soit par une chirurgie de pontage, soit par une ICP. Toutefois, la présence d’un décit perfusionnel présent durant les deux phases de l’étude est

13.3.9

Angiographie avec tomodensitométrie

13

À RETENIR • Le monitorage hémodynamique est l’une des principales raisons de l’admission des clients à l’unité de soins critiques. • Le monitorage hémodynamique du débit cardiaque (D.C.) se situe quelque part entre les dispositifs effractifs (cathéter artériel pulmonaire [CAP]) à ceux très peu effractifs (mesure du D.C. par dilution du chlorure de lithium [LiDCOMD], mesure du D.C. par analyse du contour de l’onde de pouls artériel [PiCCOMD], FloTracMD), et les méthodes non effractives (échocardiographie doppler). • Le monitorage continu de la saturation du sang veineux mélangé en oxygène (SvO2) et de la saturation du sang veineux central en oxygène (SvcO2) est indiqué pour le client aux soins critiques qui risque de subir un déséquilibre entre l’approvisionnement en oxygène et les besoins métaboliques des tissus. • La mise en place précise des électrodes de l’électrocardiographe et l’interprétation des rythmes de l’électrocardiogramme (ECG) en vue du diagnostic

clinique fournissent des renseignements pertinents qui contribuent à des issues optimales pour les clients. Cela comprend la détection de l’ischémie et de l’infarctus à l’aide d’un ECG à 12 dé rivations, et celle des arythmies auriculaires, des arythmies ventriculaires et des blocs auriculoventriculaires (BAV). • Les analyses de laboratoire requises en soins cardiaques incluent les mesures des taux d’électrolytes (potassium, magnésium, calcium), des biomarqueurs cardiaques (troponine et créatine kinase MB [CK-MB]), de l’état hématologique (hémoglobine [Hb], hématocrite, globules rouges [GR], plaquettes), des temps de coagulation (rapport normalisé international [RNI], temps de céphaline activée [TCA]), des taux de lipides sériques (lipoprotéines de faible densité [LDL], lipoprotéines de haute densité [HDL], triglycérides) et des paramètres de laboratoire dénotant l’état d’autres systèmes pouvant affecter incidemment la fonction cardiaque.

Chapitre 13

• Les examens paracliniques spécialisés incluent le cathétérisme cardiaque, pour évaluer les cavités et les pressions dans les ventricules, l’angiographie, pour évaluer les artères coronaires, et l’électrophysiologie, pour évaluer le système électrique du cœur. • La lecture d’une radiographie thoracique permet de localiser de manière non effractive les cathéters, les sondes et les dispositifs implantés, et de déceler les complications comme l’œdème pulmonaire, la pneumonie et le pneumothorax. • L’échocardiographie est couramment employée à l’unité de soins critiques pour l’évaluation rapide des variations de la fonction cardiaque ; elle est de plus en plus utilisée, car cette technologie est devenue moins encombrante et plus légère. • Les tests ambulatoires électrocardiographiques incluent le monitorage Holter, les épreuves d’effort sur tapis roulant, l’ECG à haute amplication par sommationmoyennage, l’imagerie par résonnance magnétique (IRM) et la scintigraphie.

Examens paracliniques du système cardiovasculaire

373

chapitre

14

Troubles cardiovasculaires

Écrit par : Elizabeth Scruth, MN, MPH, RN, CCRN, CCNS, PhD (c) Annette Haynes, MS, RN, CNS, CCRN Adapté par : Martine Blais, inf., M. Sc., IPSC

L

ongtemps considérées comme la principale cause de décès au Canada, les maladies cardio­ vasculaires (MCV) ont connu une diminution de leur incidence et de leur prévalence, ce qui fait en sorte que depuis 2007, le nombre de décès attribuables aux MCV est moindre que celui associé aux différents cancers. Alors qu’elles étaient responsables de 29 % de tous les décès au Canada en 2008 (Fondation de maladies du cœur et de l’AVC, 2013), les maladies cardiovasculaires ont connu, entre 2008 et 2009, une baisse de 1,9 % des décès leur étant attri­ buables (Statistique Canada, 2009a). Quant aux coûts associés, les maladies du cœur et les acci­ dents vasculaires cérébraux coûtent à l’économie canadienne plus de 20,9 milliards de dollars annuellement en services médicaux, en frais hospitaliers, en perte de salaire et en perte de pro­ ductivité (Fondation des maladies du cœur et de l’AVC, 2013). L’inrmière en soins critiques est particulièrement bien placée pour contribuer, jour après jour, à la sensibilisation du grand public aux MCV et aux facteurs de risque qu’il est possible de corriger en modiant les habitudes ou le mode de vie. Qui plus est, une bonne compréhension de la physiopathologie et de la prise en charge clinique des MCV lui permet d’anticiper et de planier adéquatement ses interventions. Le présent chapitre porte essentiellement sur les maladies cardiaques habituellement observées dans les unités de soins critiques.

14.1

Maladie coronarienne

L’expression maladie coronarienne (ou maladie car­ diovasculaire ou coronaropathie ou encore cardio­ pathie ischémique) désigne les manifestations cliniques de l’athérosclérose des artères qui irriguent le cœur. L’athérosclérose est une maladie évolutive des artères ; cela dit, comme ce processus patholo­ gique nit par affecter d’autres structures du système cardiovasculaire, les Anglo­Saxons l’appellent par­ fois coronary heart disease. Il faut savoir que les lésions vasculaires athéroscléreuses à l’origine de la maladie coronarienne peuvent apparaître dès l’enfance.

14.1.1

Étiologie

Les recherches et les données épidémiologiques recueillies au cours des cinquante dernières années ont mis en évidence une forte association entre l’ap­ parition des maladies coronariennes, d’une part, et les facteurs de risque coronarien évitables et non évitables, d’autre part (O’Gara, Kushner, Ascheim et al., 2013 ; Roger, Go, Lloyd­Jones et al., 2012). Ces deux types de facteurs de risque sont subdivisés en facteurs de risque coronarien non modiables et en facteurs de risque coronarien modiables. L’étude INTERHEART a trouvé que certains facteurs de risque pourraient expliquer globalement plus de 90 % du risque d’infarctus, et ce, pour toutes les régions et les groupes ethniques du monde (Yusef, Hawken, Ounpuu et al., 2004) ENCADRÉ 14.1.

14.1.2

Facteurs de risque liés aux maladies coronariennes

Âge, sexe et origine ethnique Les conséquences graves des maladies coronariennes se manifestent avec l’âge. En effet, les symptômes coronariens ne s’observent généralement qu’à partir de 45 ans (Roger et al., 2012). Cette maladie a long­ temps été considérée comme ayant une prédomi­ nance masculine, mais des études démontrent que les femmes ne sont pas épargnées (Fihn, Gardin, Abrams et al., 2012 ; O’Gara et al., 2013 ; Roger et al., 2012). Certaines différences existent toutefois entre les sexes. Premièrement, les manifestations corona­ riennes apparaissent généralement de 5 à 10 ans plus tôt chez les hommes. Deuxièmement, la prévalence des MCV est plus élevée chez les femmes que chez les hommes à partir de 75 ans (Fihn et al., 2012 ; O’Gara et al., 2013 ; Roger et al., 2012). La fréquence des coronaropathies est de deux à trois fois plus éle­ vée chez les femmes ménopausées que chez les femmes non ménopausées du même âge (Roger et al., 2012). Troisièmement, les principaux facteurs de risque cardiovasculaire diffèrent d’un sexe à l’autre ; par exemple, le diabète et l’hypertension sont plus fréquents chez les femmes que chez les hommes (Roger et al., 2012). La prévalence des facteurs de

ENCADRÉ 14.1

Facteurs de risque de coronaropathie

FACTEURS DE RISQUE NON MODIFIABLES

• • • •

Âge Sexe Antécédents familiaux Origine ethnique

FACTEURS DE RISQUE MODIFIABLES

• Taux élevé de lipides sériques • Hypertension • Tabagisme

• Prédiabète, diabète, syndrome métabolique • Alimentation riche en gras saturés, en cholestérol et en calories, et faible en fruits et légumes • Obésité • Sédentarité • Stress psychologique • Marqueurs sériques (protéine C réactive, lipoprotéine(a), homocystéine)

Sources : Adapté de Agence de la santé publique du Canada (ASPC) (2009) ; Bonow, Mann, Zipes et al. (2012) ; Canadian Cardiovascular Society (2001) ; Yusef, Hawken, Ounpuu et al. (2004)

risque diffère aussi selon l’origine ethnique. La ma­ ladie coronarienne survient moins souvent chez les populations d’origines hispanique et asiatique, mais plus fréquemment chez les personnes afro­ américaines (Bonow, Mann, Zipes et al., 2012). Celles­ci sont à risque, étant donné l’hypertension, l’obésité et la sédentarité qui touchent cette popula­ tion, tandis que les Latino­Américains le sont en raison de l’obésité et du diabète, à l’instar des Américains d’origine européenne (Bonow et al., 2012).

14

Antécédents familiaux L’expression antécédents familiaux de maladie coronarienne sous­entend le fait, pour une per­ sonne, d’avoir un parent du premier degré qui a eu un événement cardiovasculaire avant l’âge de 55 ans chez les femmes, et avant 65 ans chez les hommes (Greenland, Alpert, Beller et al., 2010). De tels antécédents signient que certains facteurs génétiques ou environnementaux (mode de vie) prédisposent cette personne à une coronaropathie. En effet, le risque de subir un infarctus du myo­ carde (IDM) aigu est 50 % plus élevé chez les per­ sonnes ayant des antécédents familiaux de coronaropathie que chez celles qui n’en ont pas, comme l’a démontré INTERHEART, une étude menée dans 52 pays auprès de sujets ayant subi un IDM (Yusef et al., 2004).

Dyslipidémie La dyslipidémie est l’un des principaux facteurs res­ ponsables de l’athérosclérose grave et de l’apparition des coronaropathies. Entre 2009 et 2011, 39 % des Canadiens de 6 à 79 ans avaient des taux de choles­ térol total nuisibles à la santé (Statistique Canada, 2012b). Bien que toutes les valeurs du bilan lipidique soient nécessaires, la mesure du taux de cholestérol total sérique et du taux de cholestérol à lipoprotéines de haute densité (C­HDL) font partie intégrante de l’évaluation du risque cardiovasculaire (selon l’échelle de Framingham) (Côté, Bergeron & Couture, 2013). Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

375

Un bilan lipidique sanguin permet de mesurer les valeurs suivantes : • le taux de C-HDL ; • le taux de cholestérol à lipoprotéines de faible densité (C-LDL) ; • le taux d’apolipoprotéine B (apo B) ; • le taux de triglycérides. Le traitement de la dyslipidémie a évolué à un point tel que sa vocation n’est plus seulement de réduire le taux de cholestérol total, mais de traiter des anomalies lipoprotéiques spéciques (Adult Treatment Panel, 2002 ; Fihn et al., 2012 ; Roger et al., 2012). Le TABLEAU 14.1 énumère les taux de lipides sériques favorables à la santé, selon l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé (ECMS).

Cholestérol total Le cholestérol total est la somme des C-HDL, C-LDL et des lipoprotéines de très basse densité (VLDL) dans la circulation sanguine. Malgré que le taux de C-LDL soit généralement utilisé pour déterminer le prol lipidique des clients, il reste que le taux de cholestérol total sert souvent de point de départ pour l’analyse de la lipémie lorsqu’il est supérieur à 5,20 mmol/L. Néanmoins, le prol général du client est aujourd’hui un aspect important pris en compte an d’assurer une surveillance étroite du bilan lipidique (Adult Treatment Panel, 2002 ; Cannon, Brindis, Chaitman et al., 2013).

Cholestérol à lipoprotéines de haute densité Le cholestérol à lipoprotéines de haute densité (C-HDL) est communément appelé bon cholestérol, car, d’un point de vue épidémiologique, un taux sérique élevé de C-HDL exerce un effet protecteur contre la maladie coronarienne. Toutes les raisons ne sont pas encore connues, mais un des effets physiologiques du C-HDL est de favoriser la sortie du cholestérol des cellules. Ce processus permet possiblement de réduire au maximum l’accumulation de cellules spumeuses dans la paroi artérielle et de diminuer le risque

TABLEAU 14.1

Taux de lipides sériques favorables à la santé

LIPIDE SÉRIQUE

TAUX CIBLE

Cholestérol total

< 4,5 mmol/L (6 à 19 ans)a < 5,2 mmol/L (20 à 79 ans)a

Triglycérides

< 1,7 mmol/La

C-LDL

< 3,4 mmol/La

C-HDL

> 1,0 mmol/L (hommes)a > 1,3 mmol/L (femmes)a

Ratio cholestérol total-C-HDL

< 4,11b

a Valeur

fondée sur les recommandations du Comité consultatif des médecins de l’ECMS. fondée sur les recommandations du National Cholesterol Education Program des États-Unis. Source : Statistique Canada (2010) b Valeur

376

Partie 2

Système cardiovasculaire

d’athérosclérose (Barter, Nicholls, Rye et al., 2004). Les taux élevés de C-HDL entraînent des bienfaits anti-inammatoires et antioxydants pour la paroi artérielle (Barter et al., 2004). En revanche, un faible taux de C-HDL est un facteur de risque indépendant de coronaropathie et d’autres maladies athéroscléreuses. En règle générale, le taux de C-HDL est plus élevé chez les femmes. Il est aussi possible de l’augmenter en haussant le niveau d’activité physique et en cessant la consommation tabagique. Certains médicaments (p. ex., l’acide nicotinique [niacine] à libération prolongée, les brates) peuvent faire augmenter les faibles taux de C-HDL des personnes pour lesquelles les modications du mode de vie sont inefcaces. Bref, un taux de C-HDL élevé protège contre la maladie coronarienne, tandis qu’un faible taux est associé à plus d’événements et de mortalité cardiovasculaires (Côté et al., 2013 ; Genest, McPherson, Frohlich et al., 2009).

Cholestérol à lipoprotéines de faible densité Le cholestérol à lipoprotéines de faible densité (C-LDL) est communément appelé mauvais cholestérol, car des taux élevés sont associés à un risque supérieur de syndrome coronarien aigu (SCA), d’accident vasculaire cérébral (AVC) et d’artériopathie périphérique (AP). Lorsque sa concentration est élevée, le C-LDL déclenche le processus athéroscléreux en inltrant la paroi des vaisseaux et en se liant à la matrice des cellules sous-jacentes à l’endothélium (Barter et al., 2004). Par ailleurs, le C-LDL exerce un effet inammatoire sur la paroi des vaisseaux artériels (Barter et al., 2004). Un taux accru de C-LDL est initialement pris en charge par des approches non pharmacologiques faisant appel à des modications du mode de vie comme la perte de poids, l’abandon du tabagisme, une alimentation à faible teneur en gras saturés, en gras trans et en cholestérol alimentaire ainsi que l’activité physique. Le calcul du tour de taille et l’atteinte d’un ratio taillepoids normal d’après le calcul de l’indice de masse corporelle (IMC) sont de bonnes façons d’assurer un suivi de l’adiposité abdominale ou de voir au maintien d’un poids idéal. Si ces méthodes ne sufsent pas pour réduire le taux de C-LDL dans la circulation sanguine, la catégorie de médicaments de choix englobe les statines, aussi appelées inhibiteurs de l’HMG-CoA réductase. De nombreuses études ont établi de manière concluante que la diminution du taux de C-LDL par les statines dans le cadre d’une prévention primaire ou secondaire était très efcace et entraînait une réduction du taux de mortalité à la suite d’une coronaropathie (Fihn et al., 2012 ; Roger et al., 2012). Le traitement doit être adapté au prol de risque cardiovasculaire de chaque personne. À la suite de l’instauration d’un traitement, la cible de C-LDL visée est généralement inférieure à 2 mmol/L, ou une réduction de plus de 50 % de la valeur initiale (prétraitement) (Anderson, Grégoire, Hegele et al., 2013) TABLEAU 14.2.

Triglycérides Les triglycérides sont des lipides sériques qui constituent un facteur de risque athérogène indirect,

TABLEAU 14.2

Seuils de traitement et cibles primaires de C-LDL selon le score de Framingham

NIVEAU DE RISQUE

CONDITIONS D’INSTAURATION D’UNE THÉRAPIE

CIBLE PRINCIPALE DE C-LDL

CIBLES ALTERNATIVES

Élevé : score de Framingham ≥ 20 %

• Envisager une thérapie pour tous

≤ 2 mmol/L ou ↓ ≥ 50 % du C-LDL (fort, élevé)

• Apo B ≤ 0,8 g/L • Non C-HDL ≤ 2,6 mmol/L (fort, élevé)

Moyen : score de Framingham = 10-19 %

• C-LDL ≥ 3,5 mmol/L (fort, modéré) • Pour C-LDL < 3,5 mmol/L, envisager si : – Apo B ≥ 1,2 g/L ou non C-HDL ≥ 4,3 mmol/L (fort, modéré)

≤ 2 mmol/L ou ↓ ≥ 50 % du C-LDL (fort, modéré)

• Apo B ≤ 0,8 g/L • Non C-HDL ≤ 2,6 mmol/L (fort, modéré)

Faible : score de Framingham < 10 %

• C-LDL ≥ 5,0 mmol/L • Histoire familiale d’hypercholestérolémie (fort, modéré)

↓ ≥ 50 % du C-LDL (fort, modéré)

14

Source : Adapté d’Anderson, Grégoire, Hegele et al. (2013)

c’est-à-dire que la seule augmentation de ces derniers n’est pas suffisante pour considérer le risque. L’hypertriglycéridémie doit être associée à d’autres facteurs de risque rencontrés notamment dans le syndrome métabolique. D’ailleurs, le taux optimal de triglycérides devrait être de moins de 1,5 mmol/L (Côté et al., 2013). Environ 25 % des Canadiens âgés de 20 à 79 ans ont un taux de triglycérides nuisible à la santé (Statistique Canada, 2010).

Lipoprotéines(a) Le C-LDL peut être subdivisé en fonction des catégories de particules lipidiques qui composent la valeur du C-LDL total. De celles-ci, les lipoprotéines a et b sont de loin les particules les plus fréquemment observées en lien avec le C-LDL. Des chercheurs ont analysé la fonction de plusieurs particules lipidiques an de déterminer leur rôle dans l’apparition d’une coronaropathie athéroscléreuse précoce. La lipoprotéine(a), désignée par l’abréviation Lp(a) (prononcée « Lp petit a »), a fait l’objet d’études approfondies. La Lp(a) est produite par le foie et voyage dans la circulation sanguine sous une forme liée à une grosse glycoprotéine appelée apolipoprotéine a, connue sous l’abréviation Apo A (Futterman & Lemberg, 2001 ; Tsimikas & Hall, 2012). Une concentration élevée de particules lipidiques Lp(a)Apo A indique une inammation et favorise la formation de plaques d’athérome et de caillots dans les artères enammées (Futterman & Lemberg, 2001). Cet effet découlerait des similarités structurales entre l’Apo A et le plasminogène, une protéine essentielle à la formation des caillots. Les taux de Lp(a) sont déterminés à 90 % par des mécanismes génétiques. Les taux plasmatiques élevés de Lp(a) constituent le trouble lipidique génétique le plus fréquent dans les familles touchées par

des coronaropathies précoces (Futterman & Lemberg, 2001). Le dosage de la Lp(a) est réservé aux populations de personnes très vulnérables, comme celles dont les antécédents familiaux de maladie athéroscléreuse précoce sont très signicatifs, et celles qui sont atteintes d’une coronaropathie précoce sans présenter les facteurs de risque cardiaque prévus. Bien que le taux sanguin de Lp(a) ait une distribution asymétrique, une valeur moyenne approximative de 0,90 g/L est notée (Anderson et al., 2013). Le taux est habituellement considéré comme stable au cours de la vie, mais un taux de plus de 300 mg/L est associé à une augmentation progressive du risque de maladie cardiovasculaire. En ce qui concerne, les Apo B, ces dernières sont aussi majoritairement concentrées dans les molécules de C-LDL. Leur rôle est de transporter le cholestérol et les triglycérides vers les tissus. Fortement athérogène, les Apo B ont une afnité importante avec l’intima de la paroi artérielle et c’est pourquoi on leur accorde une attention particulière dans les nouvelles recommandations. Bien que les statines (ordinairement prescrites pour diminuer le taux de C-LDL), l’activité physique, une alimentation faible en gras, la perte pondérale ou une maîtrise glycémique rigoureuse ne font pas baisser les taux de Lp(a) (Futterman & Lemberg, 2001), il reste qu’on recommande généralement une modication du mode de vie pour faire abaisser le taux de C-LDL.

Alimentation riche en gras Une alimentation riche en gras saturés favorise l’augmentation des taux de cholestérol dans le sang. Le traitement de première intention pour diminuer le taux élevé de cholestérol sérique consiste à adopter une alimentation à faible teneur en gras et riche Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

377

en bres, et à faire plus d’activité physique (Expert Panel on Detection, Evaluation, and Treatment of High Blood Cholesterol in Adults, 2001 ; Grundy, Cleeman, Merz et al., 2004). Si ces mesures sont inefcaces, des médicaments hypolipémiants sont indiqués. Il est à noter que moins de la moitié des personnes admissibles à un traitement hypolipémiant observent leur pharmacothérapie et que seulement un tiers des clients traités aux hypolipémiants atteignent leurs taux cibles de C-LDL.

Obésité

7 La classication du poids selon l’indice de masse corporelle chez les adultes est présentée dans le chapitre 7, Altérations et gestion de l’état nutritionnel.

L’obésité est une maladie des temps modernes. Un IMC supérieur à 30 kg/m2 signale l’obésité. À l’échelle mondiale, plus de 1 milliard d’adultes ont un surpoids, et au moins 300 millions de ces personnes sont obèses. À l’heure actuelle, un tiers de la population adulte des États-Unis est obèse (Roger et al., 2012), alors que plus de un adulte canadien sur quatre est obèse, selon les données de la taille et du poids mesurés recueillies de 2007 à 2009. Parmi les enfants et les jeunes âgés de 6 à 17 ans, 8,6 % sont obèses (ASPC & Institut canadien d’information sur la santé, 2011). Parmi les effets délétères bien établis liés à l’excès de poids gure notamment le risque accru de coronaropathie. L’hypertension, l’hypercholestérolémie et le diabète font partie des affections cliniques qui sont des médiateurs importants de cette maladie (Fihn et al., 2012 ; Roger et al., 2012). L’IMC est une formule mathématique permettant d’évaluer le poids corporel par rapport à la taille. L’IMC sert à apprécier l’excès pondéral comme facteur de risque de coronaropathie et permet de comparer des personnes de sexes, d’âges, de tailles et de types corporels différents (Roger et al., 2012). Elle est obtenue en divisant le poids en kilogrammes par le carré de la taille en mètres (kg/m2) 7 . Un IMC normal varie de 18,5 à 24,99 kg/m2. Un IMC de 25 à 29,99 kg/m2 indique que la personne a un surpoids. Un IMC supérieur à 30 kg/m2 dénit l’obésité (Roger et al., 2012). Le prol de répartition de l’adiposité corporelle est un facteur de risque de coronaropathie. Plus le poids dans la région de l’abdomen est élevé, ce qui transparaît par un large tour de taille, plus le risque de coronaropathie augmente. L’adiposité abdominale excessive (morphologie corporelle en forme de pomme) signale un excès de gras autour des organes de l’abdomen, contrairement aux personnes dont le tour de taille est inférieur et les hanches plus larges (morphologie corporelle en forme de poire). Un tour de taille supérieur aux normales favorise le risque de coronaropathie (Després, 2007). Pour la population canadienne, les valeurs normales sont de moins de 102 cm pour l’homme et de moins de 88 cm pour la femme (Leiter, Fitchett, Gilbert et al., 2011).

Activité physique La pratique régulière d’une activité physique intense, c’est-à-dire d’exercices cardiovasculaires sollicitant les grands groupes musculaires, favorise l’adaptation

378

Partie 2

Système cardiovasculaire

physiologique à ce type d’effort. Elle permet, d’une part, de prévenir les coronaropathies et, d’autre part, d’atténuer les symptômes des MCV établies (Smith, Benjamin, Bonow et al., 2011). En fait, l’activité physique procure nombre de bienfaits. Elle contribue à réduire l’incidence de nombreuses autres maladies comme l’ostéoporose, l’obésité, la dépression et les cancers du côlon et du sein (Smith et al., 2011). Elle a des effets positifs sur d’autres facteurs de risque cardiaque majeurs, comme l’ont démontré de nombreux essais cliniques (Smith et al., 2011). Elle inue sur le bilan lipidique : elle diminue le taux de C-LDL et de triglycérides tout en augmentant le taux de C-HDL (Canadian Association of Cardiac Rehabilitation, 2009). Enn, elle atténue l’insulinorésistance à l’échelle cellulaire et diminue ainsi le risque de diabète de type 2, en particulier lorsqu’elle est jumelée à un programme d’amaigrissement (Smith et al., 2011). Toutefois, il convient de souligner que selon des études épidémiologiques, le fait d’avoir pratiqué des activités sportives durant l’enfance ne confère aucune protection contre les MCV à l’âge adulte. En tout état de cause, la sédentarité a des effets négatifs sur la santé cardiovasculaire, indépendamment de l’âge, du sexe, de l’IMC, de la présence ou de l’absence d’hypertension, du statut tabagique et de la présence d’une dyslipidémie. Par conséquent, il est essentiel de faire de l’activité physique an d’assurer une protection contre les maladies coronariennes et les AVC.

Hypertension L’hypertension est souvent qualiée de tueur silencieux, car 30 % des personnes qui en sont atteintes ne savent pas que leur pression artérielle (P.A.) est dangereusement élevée (Roger et al., 2012). En 2006-2007, près de 6 millions de Canadiens âgés de 20 ans et plus, soit au-delà de 1 adulte sur 5, étaient atteints d’hypertension (ASPC, 2010). En fait, la P.A. normale correspond à une pression artérielle systolique (P.A.S.) inférieure à 120 mm Hg et à une pression artérielle diastolique (P.A.D.) inférieure à 80 mm Hg. L’hypertension est dénie par une P.A.S. supérieure à 140 mm Hg ou une P.A.D. supérieure à 90 mm Hg. L’hypertension contrôlée est l’expression qui désigne le maintien d’une P.A. dans l’intervalle normal grâce à l’utilisation de médicaments antihypertenseurs (Roger et al., 2012). Il est essentiel que les clients comprennent qu’une P.A. constamment élevée aboutit inexorablement à l’athérosclérose, à l’insufsance cardiaque, à l’insufsance rénale, à l’AVC et à la crise cardiaque (Chobanian, Bakris, Black et al., 2003). L’hypertension est si répandue dans les sociétés industrialisées que même une personne normotendue de 55 ans a un risque à vie de 90 % de faire de l’hypertension. Cela signie que même les personnes normotendues doivent adopter des mesures visant à maintenir une P.A. normale (Roger et al., 2012). L’hypertension est un facteur de risque cardiaque, car une P.A.S. élevée endommage l’endothélium

artériel, ce qui favorise l’inammation vasculaire, et donc la formation de plaques. L’hypertension est un processus pathologique complexe et multifactoriel qui peut être divisé en plusieurs stades aux ns du traitement TABLEAU 14.3. La pression normale-élevée, ou préhypertension, est dénie par une P.A.S. variant de 120 à 139 mm Hg ou une P.A.D. supérieure à 85 mm Hg (Chobanian et al., 2003 ; Roger et al., 2012 ; Smith et al., 2011). L’hypertension est diagnostiquée lorsque la P.A. est supérieure à 140/90 mm Hg. L’hypertension affecte également un adulte sur trois aux États-Unis. Lorsque la P.A. dépasse 140/90 mm Hg, on nomme l’hypertension selon le grade TABLEAU 14.3. D’ici 2030, 27 millions de personnes de plus pourraient faire de l’hypertension (Roger et al., 2012). Les lignes directrices actuelles recommandent, comme objectif du traitement des personnes hypertendues ne présentant pas d’autres facteurs de risque, de ramener la P.A. en dessous de 140/90 mm Hg. Pour les personnes hypertendues déjà atteintes de diabète, la P.A. cible doit être inférieure à 130/80 mm Hg. Les cibles de traitement ont changé pour les personnes atteintes d’une néphropathie : une P.A. à moins de 140/90 mm Hg est maintenant recommandée. Quant aux personnes très âgées (80 ans et plus), le traitement doit être instauré lorsque la pression est de 160 mm Hg ou plus, et il faut viser une pression inférieure à 150 mm Hg (Hypertension Canada, 2014). Une P.A. est dite normale lorsqu’elle est inférieure à 120/80 mm Hg (Chobanian et al., 2003 ; Smith et al., 2011). Les interventions axées sur le mode de vie permettant de normaliser la P.A. incluent l’activité physique, une alimentation à faible teneur en sodium, une consommation limitée d’alcool et l’atteinte d’un poids corporel normal. Le traitement pharmacologique suggéré varie selon le type d’hypertension et la présence ou l’absence de pathologies concomitantes pour lesquelles il existe une indication impérative de traitement. Par exemple, pour le traitement de l’hypertension systolique ou diastolique, les lignes directrices canadiennes recommandent, en première intention, une médication en monothérapie par un diurétique thiazidique, un bêtabloquant (chez les clients âgés de moins de 60 ans), un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) (chez les personnes qui ne sont pas de race noire), un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine (ARA) ou un bloqueur des canaux calciques (Hypertension Canada, 2014). Si la monothérapie à dose normale ne permet pas d’atteindre les valeurs cibles de P.A., il faut adjoindre d’autres antihypertenseurs. Les médicaments à ajouter devraient être choisis parmi les médicaments de première intention. La plupart des clients ont besoin d’au moins deux médicaments, appartenant chacun à une classe thérapeutique différente, pour normaliser leur P.A. (Chobanian et al., 2003 ; Hypertension Canada, 2014). Il sera question plus loin dans ce chapitre des urgences hypertensives aiguës avec atteinte des organes cibles.

TABLEAU 14.3

Lignes directrices concernant la pression artérielle et le risque de coronaropathie

CATÉGORIE

P.A.S.*

P.A.D.*

Optimale*

 120 mm Hg

 80 mm Hg

Normale

 130 mm Hg

 85 mm Hg

Normale-élevée

130-139 mm Hg

85-89 mm Hg

Hypertension de grade 1

140-159 mm Hg

90-99 mm Hg

Hypertension de grade 2

160-179 mm Hg

100-109 mm Hg

Hypertension de grade 3

 180 mm Hg

 110 mm Hg

Hypertension systolique isolée

 140 mm Hg

 90 mm Hg

* Les valeurs supérieures à la normale augmentent le risque de coronaropathie et d’insufsance cardiaque. Source : Cloutier & Poirier (2011)

14

Tabagisme Chez les fumeurs, le risque de coronaropathie, d’IDM aigu et d’AVC augmente avec le nombre de cigarettes consommées par jour (Roger et al., 2012). Le tabagisme a des effets néfastes sur les taux sériques de lipides, en ce sens qu’il diminue le taux de C-HDL et qu’il augmente le taux de C-LDL et de triglycérides. Le tabagisme accroît le risque de maladie coronarienne à tous les niveaux, même chez les fumeurs qui se contentent de moins de cinq cigarettes par jour (Roger et al., 2012). D’ailleurs, les fumeurs sont de deux à quatre fois plus susceptibles d’être atteints d’une maladie coronarienne que les non-fumeurs (Roger et al., 2012). Par contre, le tabagisme passif (fumée secondaire) accroît le risque cardiovasculaire pour les adultes non-fumeurs (Roger et al., 2012 ; Sargent Shepard & Glantz, 2004). Plus précisément, le risque coronarien augmente de 30 % chez un nonfumeur exposé à de la fumée secondaire à la maison ou à son lieu de travail (Roger et al., 2012). En somme, le tabagisme est un facteur prédictif important de l’apparition d’une angine instable et d’un IDM (Anderson, Adams, Antman et al., 2011 ; Roger et al., 2012 ; Wright, Anderson, Adams et al., 2011). Dans l’année qui suit l’abandon du tabagisme, le risque coronarien auquel est exposé un ex-fumeur diminue sensiblement. Étant donné la dépendance que crée la nicotine, les fumeurs éprouvent beaucoup de difculté à se défaire du tabagisme. En fait, ils n’y arrivent que s’ils sont très bien entourés. Fort heureusement, une baisse du tabagisme a été enregistrée au Canada depuis 1999, et ce, tant chez les femmes que chez les hommes (ASPC, 2009) 19 .

19 Des recommandations sur l’enseignement au client relativement à l’abandon du tabagisme sont four­ nies dans le chapitre 19, Troubles respiratoires.

Diabète Les coronaropathies sont plus fréquentes chez les personnes atteintes de diabète (de type 1 ou 2) que dans la population générale. La glycémie élevée est un facteur de risque connu d’inammation vasculaire associée à l’athérosclérose. Pendant des Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

379

31 et 32 Les chapitres 31, Évalua­ tion clinique du système endocrinien et examens paracliniques, et 32, Trou­ bles endocriniens et ap­ proche thérapeutique, décrivent plus en détail le diabète ainsi que l’utili­ sation de l’insuline et des hypoglycémiants oraux en vue de maîtriser la gly­ cémie et de combattre l’insulinorésistance.

décennies, le diagnostic du diabète a reposé sur des critères relatifs à la glycémie. En 2013, l’Association canadienne du diabète a recommandé de fonder le diagnostic du diabète sur la présence d’un taux d’hémoglobine glycosylée (HbA1C) supérieur ou égal à 6,5 % (Association canadienne du diabète, 2013). Les critères diagnostiques du diabète sont les suivants : un taux d’HbA1C supérieur ou égal à 6,5 % ; une glycémie à jeun supérieure ou égale à 7 mmol/L, ou une glycémie deux heures après le repas supérieure ou égale à 11,1 mmol/L pendant une épreuve d’hyperglycémie provoquée par voie orale (P.O.) (Association canadienne du diabète, 2013) ; ou encore, chez un client présentant les symptômes classiques de l’hyperglycémie, une glycémie mesurée aléatoirement supérieure ou égale à 11,1 mmol/L (Association canadienne du diabète, 2013 ; Cheng, Woo, Booth et al., 2013). Une glycémie à jeun de 6,1 mmol/L à 6,9 mmol/L ou un taux d’HbA1C de 6,0 à 6,4 % indiquent un risque accru de diabète TABLEAU 14.4. La limite supérieure de la glycémie à jeun normale est de 6,9 mmol/L (Association canadienne du diabète, 2013 ; McGuire, Newby, Bhapkar et al., 2004). Les clients diabétiques s’exposent à un risque accru de coronaropathie et obtiennent des résultats cliniques plus médiocres après des épisodes liés au SCA (ADA, 2012 ; McGuire et al., 2004). Dans le cadre d’une étude multinationale menée auprès de clients ayant consulté des hôpitaux en raison de symptômes du SCA, près de une personne sur quatre avait des antécédents avérés de diabète (Franklin, Goldberg, Spencer et al., 2004) 31 et 32 .

Néphropathie chronique Les néphropathies chroniques sont considérées comme un équivalent du risque de coronaropathie (Fihn et al., 2012 ; O’Gara et al., 2013 ; Roger et al., 2012 ; Smink, Lambers Heerspink, Gansevoort et al., 2012). Cela signie que les personnes souffrant d’une néphropathie chronique courent le même risque de subir un accident coronarien que si elles étaient déjà atteintes d’une coronaropathie (Fihn et al., 2012 ; O’Gara et al., 2013 ; Roger et al., 2012 ; Vassaiwala, Cannon, Foronow et al., 2012). Le risque de décès d’une personne qui a subi un IDM aigu augmente en fonction du taux de créatinine sérique (Vassaiwala et al., 2012). TABLEAU 14.4

Glycémie à jeun et risque de coronaropathie

GLYCÉMIE

GLYCÉMIE À JEUN*

Normale

3,9-5,6 mmol/L (max. 6,0 mmol/L)

Prédiabète

6,1-6,9 mmol/L

Diabète

7 mmol/L ou plus

* Les valeurs supérieures à la normale augmentent le risque de coronaropathie et d’insufsance rénale. Source : Adapté de Association canadienne du diabète (2013)

380

Partie 2

Système cardiovasculaire

Syndrome métabolique Le syndrome métabolique désigne l’ensemble des facteurs de risque associés aux MCV et au diabète de type 2 (Roger et al., 2012). De 2009 à 2011, le syndrome métabolique a été décelé chez 22 % des Canadiens âgés de 18 à 79 ans (Statistique Canada, 2012a). Récemment, une série de critères harmonisés a été acceptée par plusieurs associations et fédérations importantes (Leiter et al., 2011). Voici les principaux critères diagnostiques (Gami, Witt, Howard et al., 2007 ; Roger et al., 2012) : • Glycémie à jeun supérieure ou égale à 5,6 mmol/L, ou prise de médicaments visant à diminuer une glycémie élevée ; • Taux de C-HDL inférieur à 1,00 mmol/L chez l’homme et inférieur à 1,30 mmol/L chez la femme, ou prise de médicaments visant à augmenter le taux de C-HDL ; • Taux de triglycérides supérieur ou égal à 1,7 mmol/L, ou prise de médicaments visant à diminuer des taux élevés de triglycérides ; • Tour de taille de plus de 102 cm chez l’homme ou de plus de 88 cm chez la femme ; • P.A.S. supérieure à 130 mm Hg ou P.A.D. supérieure à 85 mm Hg, ou prise d’antihypertenseurs. Au moins trois critères ou plus doivent être présents pour poser un diagnostic (Leiter et al., 2011).

Maladies cardiaques chez la femme Des progrès considérables ont été réalisés en matière de sensibilisation aux MCV ainsi qu’en ce qui concerne le traitement et la prévention de ces maladies chez les femmes (Mosca, Benjamin, Berra et al., 2011). Les maladies cardiovasculaires sont l’une des principales causes de décès chez les Canadiennes (Statistique Canada, 2009b). Les femmes font d’ailleurs partie des groupes les plus à risque d’être atteints de maladies cardiovasculaires, et ce, en raison de la présence importante de facteurs de risque. En fait, la plupart des Canadiennes présente au moins un facteur de risque associé aux maladies cardiovasculaires. Environ 1,7 million de femmes âgées de 20 à 34 ans sont sédentaires, 1 million d’entre elles ont un surplus de poids et plus de 800 000 fument (Fondation de maladie du cœur, 2010). Une différence entre les sexes est bien décrite tant pour les MCV que pour certains facteurs de risque. Au Canada, les taux d’hypertension chez les femmes de 55 ans et plus étaient beaucoup plus élevés que chez les hommes (ASPC, 2010). Quant à l’âge moyen du premier IDM aigu, il est de 65,8 ans chez l’homme et de 70,4 ans chez la femme (Roger et al., 2012). Par ailleurs, l’incidence des MCV est de deux à trois fois plus élevée chez les femmes ménopausées que chez celles qui ne le sont pas encore (Roger et al., 2012). Auparavant, il semblait logique de traiter les symptômes liés à la ménopause par une hormonothérapie substitutive (HTS) (Mosca et al., 2011), mais il est

actuellement déconseillé d’employer l’HTS pour la prévention primaire ou secondaire des MCV (Mosca et al., 2011). Cependant, les lignes directrices ne prennent pas en compte les données issues d’une étude randomisée étalée sur 10 ans qui démontre les bénéces de l’HTS par une réduction de la mortalité, de l’insufsance cardiaque et d’infarctus chez des femmes traitées (Schierbeck, Rejnmark, Tofteng et al., 2012). Selon les données tirées de l’étude de Framingham (Framingham Heart Study), le risque à vie de MCV est supérieur à 50 % chez les femmes dans la quarantaine. La mise à jour en 2007 des Guidelines for the prevention of CVD in women (Lignes directrices pour la prévention des maladies cardiovasculaires chez la femme) contient le nouvel algorithme de stratication du risque ayant été adopté pour les femmes, lequel prévoit les trois catégories suivantes de risque : 1. Risque coronarien élevé : maladie coronarienne objectivée ou risque cardiovasculaire équivalant à une maladie coronarienne (MCV objectivée, diabète de type 1, insufsance rénale chronique ou au stade terminal, ou encore risque coronarien sur 10 ans supérieur à 20 %). 2. Risque coronarien : maladie vasculaire ou faible tolérance à l’effort pendant une épreuve d’effort sur tapis roulant. 3. Risque coronarien optimal : risque coronarien calculé selon la méthode de Framingham et inférieur à 10 %, absence des principaux facteurs de risque cardiovasculaire et bonne hygiène de vie (Mosca et al., 2011 ; Roger et al., 2012).

femme (ASPC, 2009), il reste que les maladies cardiovasculaires étaient responsables de 23 % de tous les décès chez les femmes en 2008 (Statistique Canada, 2008). De plus, certains facteurs de risque coronarien comme l’hypertension, le diabète de type 1, la consommation d’alcool et la sédentarité sont plus fortement associés à l’IDM aigu chez les femmes que chez les hommes (Llyod-Jones et al., 2010 ; Mosca et al., 2011). Parmi les nombreux facteurs qui contribuent à accroître le taux de mortalité attribuable aux IDM aigus chez les femmes gurent la propension des femmes à se décider à consulter un médecin plus tard que les hommes. De plus, le calibre des artères coronaires étant plus petit chez la femme que chez les hommes et les symptômes coronariens se manifestant plus tard chez elles que chez les hommes font en sorte que les symptômes qu’elles ressentent sont très différents de ceux qui se manifestent chez les hommes du même âge (Anderson, Limacher, Assaf et al., 2004 ; Leer & Bondy, 2004 ; Mosca, Banka, Benjamin et al., 2007).

La dernière mise à jour de ces lignes directrices publiée en 2011 prend en compte plusieurs équations permettant de prévoir le risque cardiovasculaire global sur 10 ans, notamment le prol de risque cardiovasculaire modié selon Framingham et le score de Reynolds pour les femmes (Mosca et al., 2011). Pour sa part, l’American Heart Association (AHA) a élaboré un nouveau concept, la santé cardiovasculaire optimale chez la femme. Voici les données de ce concept, inspirées de l’AHA et adaptées au contexte québécois :

Le marqueur de l’inammation le plus souvent cité est la protéine C réactive (CRP). Les taux de CRP de haute sensibilité (hs-CRP) servent à la mesurer (Aronow, 2003 ; Kavousi et al., 2012 ; Pearson, Mensah, Alexander et al., 2003). La CRP est associée à une probabilité supérieure d’apparition d’autres facteurs de risque cardiovasculaire comme le diabète, l’hypertension et le gain pondéral (Aronow, 2003 ; Greenland, Alpert, Beller et al., 2010 ; Pearson et al., 2003). Plus le taux d’hs-CRP est élevé, plus le risque d’accident coronarien est important, notamment si toutes les autres causes possibles d’inammation systémique comme les infections peuvent être écartées. Les valeurs du taux d’hs-CRP sont présentées dans le TABLEAU 14.5. Par contre, si d’autres affections inammatoires systémiques comme la bronchite ou l’infection des voies urinaires sont présentes, le test de l’hs-CRP perd toute sa valeur prédictive (Aronow, 2003 ; Pearson et al., 2003). La CRP et les autres marqueurs de l’inammation servent à estimer la probabilité de survenue d’accidents coronariens aigus futurs (Greenland et al., 2010 ; Pearson et al., 2003). Pendant les épisodes liés au SCA, l’activation des neutrophiles dans la circulation cardiaque est importante (mesurée à partir du sinus coronarien), ce qui indique que l’inammation n’est pas limitée à une seule plaque instable (Buffon, Biasucci, Liuzzo et al., 2002).

• Absence de manifestations cliniques de MCV et taux de cholestérol total optimal (< 5,20 mmol/L) ; • Pression artérielle < 140/90 mm Hg ; • Glycémie à jeun < 5,6 mmol/L ; • Maintien d’une bonne hygiène de vie ; • Indice de masse corporelle < 25 ; • Pratique d’une activité physique suivant le niveau d’effort recommandé ; • Abandon du tabagisme ; • Maintien d’une bonne hygiène alimentaire selon les recommandations de la diète DASH (dietary approaches to stop hypertension) (Llyod-Jones, Hong, Labarthe et al., 2010). Bien que le taux de mortalité liée aux crises cardiaques soit plus élevé chez l’homme que chez la

14

Inammation vasculaire Le lien entre l’inammation vasculaire et les maladies athéroscléreuses est bien établi (Aronow, 2003 ; Kavousi, Elias-Smale, Rutten et al., 2012). Il en sera question plus loin dans cette section. Des recherches sont en cours pour déterminer les marqueurs pronostiques et les marqueurs de l’inammation dotés d’une grande sensibilité.

Protéine C réactive

Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

381

TABLEAU 14.5

Protéine C réactive et risque de coronaropathie

CATÉGORIE

TAUX DE PROTÉINE C RÉACTIVE DE HAUTE SENSIBILITÉ*

Faible risque (normal)

< 1 mg/L

Risque augmenté

> 2 mg/L

Risque élevé

> 3 mg/L

* Les valeurs au-dessus de 1 mg/L sont liées à un risque accru de coronaropathie, mais les résultats du test ne sont pas valides en cas d’infection ou en présence d’autres états inammatoires. Les valeurs normales peuvent varier légèrement suivant les laboratoires cliniques ; toutefois, des valeurs inférieures à 1 mg/L sont généralement considérées comme normales. Un résultat supérieur à 10 mg/L indique une inammation ou une infection d’origine non coronarienne. Sources : Adapté de Côté, Bergeron & Couture (2013) ; Pearson, Mensah, Alexander et al. (2003)

Pathologies associées à un risque élevé de maladies coronariennes Certaines maladies constituent des pathologies associées à un risque élevé de maladies coronariennes, c’est-à-dire qu’elles exposent les personnes qui en sont atteintes au même risque d’IDM aigu que celui auquel les exposerait une maladie coronarienne. Les deux maladies non cardiaques considérées comme des pathologies associées à un risque élevé de maladies coronariennes sont le diabète de type 1 et l’insufsance rénale chronique (Greenland et al., 2010). Deux autres maladies athéroscléreuses gurent également au nombre des pathologies associées à un risque élevé de maladies coronariennes : les artériopathies périphériques et les maladies vasculaires cérébrales (Greenland et al., 2010).

Risque multifactoriel Les causes de coronaropathies sont multiples, et plus le nombre de facteurs de risque présentés par une personne est élevé, plus le risque coronarien auquel elle est exposée est important (Fihn et al., 2012 ; Greenland et al., 2010 ; Levine, Bates, Blankenship et al., 2011 ; Roger et al., 2012). Idéalement, c’est avant l’apparition des symptômes coronariens qu’il faut modier son hygiène de vie. Les personnes qui ont au moins deux facteurs de risque coronarien ou au moins une pathologie associée à un risque élevé de maladies coronariennes sont les plus susceptibles de tirer parti des stratégies de correction des facteurs de risque et de modication du mode de vie (Greenland et al., 2010). Les principaux facteurs de risque coronarien ont été bien établis dans de vastes études épidémiologiques : tabagisme, antécédents familiaux de maladie coronarienne, mauvais bilan lipidique et P.A. élevée.

Prévention primaire et secondaire des maladies coronariennes En cas de symptômes coronariens ou d’antécédents de SCA, l’objectif de toute pharmacothérapie ou de toute stratégie de modication du mode de vie porte le nom de prévention secondaire, puisqu’il vise la

382

Partie 2

Système cardiovasculaire

prévention d’un autre épisode de SCA (Smith et al., 2011). En revanche, chez une personne ayant le prol de risque décrit précédemment, mais qui n’a pas de symptômes coronariens ou qui n’a pas subi d’IDM aigu, le plan de traitement porte le nom de prévention primaire. Ayant été bien établis, les facteurs de risque coronarien permettent de prévoir ce risque dans la plupart des populations des pays développés (Greenland et al., 2010).

14.1.3

Physiopathologie

Les coronaropathies sont des maladies athéroscléreuses dégénératives des artères coronaires qui aboutissent à une occlusion partielle ou complète de celles-ci. Dans ce cas, l’athérosclérose se développe dans les artères de calibre moyen qui irriguent le cœur, mais aussi dans celles destinées à d’autres organes importants. Il convient de rappeler que la paroi des artères est formée de trois couches : 1) l’intima (couche interne) ; 2) la média (couche musculaire moyenne) ; 3) l’adventice (couche externe).

Pathogenèse de l’athérosclérose L’athérosclérose est une maladie inammatoire chronique caractérisée par l’accumulation de macrophagocytes et de lymphocytes T dans l’intima. L’élévation du taux de C-LDL est l’un des facteurs susceptibles de déclencher une inammation de la paroi artérielle. L’inammation provoque des lésions de la paroi artérielle par lesquelles s’inltrent les LDL pour pénétrer dans la zone sous-endothéliale (Barter et al., 2004). Les monocytes circulants adhèrent aux cellules endothéliales et migrent aussi dans la paroi artérielle. Certains d’entre eux s’y différencient en macrophagocytges qui captent et phagocytent les LDL. Ainsi chargés en lipides, ces macrophagocytes deviennent des cellules dites spumeuses, qui sont les marqueurs de l’athérosclérose (Barter et al., 2004). En somme, l’élévation du taux de C-LDL induit une inammation endothéliale qui favorise l’inltration de lipoprotéines dans l’intima. Contrairement aux LDL, qui ont tendance à rester dans la zone sousendothéliale au lieu de retourner dans la circulation sanguine, les HDL qui pénètrent dans la paroi artérielle contribuent à évacuer le cholestérol des cellules qui en ont accumulé avant de rejoindre la circulation sanguine (Barter et al., 2004 ; Bonow et al., 2012). Autrement dit, les HDL peuvent contribuer à réduire le nombre de cellules spumeuses qui se forment dans la paroi artérielle (Barter et al., 2004).

Rupture d’une plaque d’athérome La composition d’une plaque d’athérome (ou plaque athéromateuse) arrivée à maturité n’est pas homogène. En effet, à ce stade, la plaque est formée d’un cœur lipidique liquide rempli de molécules prothrombotiques et d’une chape breuse (ou cap breux) de tissu conjonctif qui recouvre ce dernier (Buffon et al., 2002 ; Pearson et al., 2003). La rupture soudaine de cette chape fibreuse favorise la

libération des molécules prothrombotiques dans la lumière de l’artère coronaire touchée, laquelle induit rapidement la formation d’un thrombus. La lumière artérielle rétrécit à mesure que le thrombus prend du volume, et si les autres artères coronaires ne peuvent assurer une circulation collatérale adéquate, il y aura IDM.

TABLEAU 14.6

Les symptômes des maladies coronariennes et les interventions cardiovasculaires recommandées à différents stades de celles-ci sont énumérés dans le TABLEAU 14.6. Les plaques d’athérome qui sont sujettes à la rupture sont saturées de macrophagocytes et d’autres

Déroulement de l’athérogenèse illustré par une coupe longitudinale d’une artère

ATHÉROGENÈSE OU THROMBOGENÈSE

SYMPTÔMES ASSOCIÉS

INTERVENTION CARDIAQUE

A Artère normale, paroi normale du vaisseau

Aucun symptôme

B Lipides dans la circulation sanguine

Aucun symptôme

• Prévention primaire des coronaropathies recommandée : – alimentation faible en gras – activité physique régulière – arrêt du tabagisme – IMC normal

C Les lipides extracellulaires s’accumulent dans l’intima de l’artère (athérome). D L’accumulation de lipides progresse et forme

Aucun symptôme

14

La douleur thoracique à l’effort est soulagée par le repos ou la nitroglycérine (NTG) (angine stable) ; il est possible qu’il n’y ait aucun symptôme tant que la lésion n’occupe pas plus de 75 % de la lumière du vaisseau.

• Intervention coronarienne percutanée (ICP) en cas d’angine stable et de coronaropathie diagnostiquée par cathétérisme cardiaque

E La rupture de la chape breuse libère les lipides intralésionnels dans la circulation sanguine, ce qui favorise la formation d’un caillot (thrombogenèse).

La douleur thoracique n’est pas soulagée par le repos ou la NTG (SCA, angine instable).

• Composition du 911 pour joindre les services préhospitaliers d’urgence (SPU) an d’obtenir un transport immédiat à l’hôpital, de préfé­ rence dans un centre expérimenté dans le trai­ tement des SCA

F Le caillot frais bloque le vaisseau ; un spasme artériel peut se produire près du thrombus.

La douleur thoracique n’est pas soulagée par le repos ou la NTG ; la gravité et le foyer de l’angine, ainsi que les symptômes associés, varient beaucoup selon les personnes (SCA, IDM aigu).

• Intervention d’urgence pour ouvrir l’artère : traitement brinolytique ou ICP

G Le vaisseau est ouvert, mais la lésion athéroscléreuse persiste.

Aucun symptôme

• Prévention secondaire des coronaropathies pour empêcher un nouvel IDM • Bêtabloquants pour prévenir les arythmies • IECA pour prévenir le remodelage ventriculaire et l’insufsance cardiaque • ICP élective

une lésion graisseuse breuse (athéroscléreuse) ; l’intérieur de certaines lésions contient un lipide recouvert d’une chape breuse.

Source : Illustration adaptée d’Antman, Anbe, Armstrong et al. (2004) Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

383

cellules inammatoires. En général, ces plaques, qualiées de vulnérables, sont situées au voisinage des courbures ou des bifurcations artérielles, et elles n’obstruent pas la lumière artérielle (Fihn et al., 2012). Les facteurs à l’origine de la rupture ou de l’érosion de la chape breuse sont inconnus. Cela dit, en faveur de profondes ssures qui se creusent dans le cœur lipidique, les molécules prothrombotiques contenues dans ce dernier entrent en contact avec le plasma, ce qui déclenche un cycle que rien ne peut arrêter. Plus précisément, la mise en contact de ces molécules (collagène, débris nécrotiques, facteur de von Willebrand, thromboxane) avec les plaquettes circulantes entraîne la formation d’un thrombus susceptible d’obstruer l’artère coronaire touchée. Les plaques d’athérome dans lesquelles le tissu breux prédomine ne risquent pas de se rompre ; ce sont plutôt celles qui sont recouvertes d’une chape breuse fragile et dont le cœur contient un volume important de gouttelettes de cholestérol qui sont sujettes à la rupture TABLEAU 14.6.

Régression de la plaque Une diminution du taux de cholestérol sanguin entraîne une réduction de la quantité de gouttelettes formant le cœur lipidique d’une plaque d’athérome. Par contre, cette même diminution de la cholestérolémie n’a aucun effet sur la dimension des plaques,

FIGURE 14.1 Principaux sièges de la douleur angineuse. A Partie supérieure du thorax (poitrine). B Région rétrosternale avec irradiation dans le cou et la mâchoire. C Région rétrosternale avec irradiation dans le bras gauche. D Région épigastrique. E Région épigastrique avec irradiation dans le cou, la mâchoire et les bras. F Cou et mâchoire. G Épaule gauche. H Région interscapulaire.

384

Partie 2

Système cardiovasculaire

qu’elles soient breuses ou calciées. La calcication d’une plaque d’athérome rend le client à risque d’avoir un SCA.

14.1.4

Manifestations cliniques et examens paracliniques

Syndrome coronarien aigu L’expression syndrome coronarien aigu (SCA) recouvre différents tableaux cliniques liés aux coronaropathies, allant de l’angine instable à l’IDM aigu (Barter et al., 2004 ; Fihn et al., 2012 ; O’Gara et al., 2013 ; Roger et al., 2012). La section suivante traite des manifestations stables des coronaropathies (angine stable) et des manifestations aiguës tombant sous la description du SCA (angine instable et IDM aigu).

Angine Causée par une ischémie myocardique, l’angine, également appelée angor ou angine de poitrine, n’est pas une maladie en soi, mais plutôt le symptôme d’une maladie coronarienne. En cas d’occlusion d’une artère coronaire ou de spasme coronarien, l’apport de sang (et donc d’oxygène) au myocarde diminue. Cette diminution provoque une ischémie myocardique qui se manifeste par une sensation de gêne ou d’oppression, ou une douleur à la poitrine ; ce sont ces symptômes qui sont désignés par le terme angine. L’angine peut se manifester au niveau de la poitrine, du cou, des bras ou du dos, mais dans la plupart des cas, elle est décrite comme une douleur ou une sensation d’oppression rétrosternale. Bien souvent, la douleur angineuse irradie seulement dans le bras gauche, mais elle peut aussi irradier dans le bras droit, le dos, l’épaule, la mâchoire ou le cou FIGURE 14.1. Les symptômes angineux varient d’une personne à l’autre (p. ex., bon nombre de personnes se plaignent d’une gêne ou d’une sensation d’oppression à la poitrine, mais ne ressentent aucune douleur), et les symptômes avant-coureurs sont également propres à chaque personne ENCADRÉ 14.2. Par conséquent, il faut expliquer aux clients et à leurs proches que l’angine ne se manifeste pas systématiquement par une crise cardiaque spectaculaire, comme cela se produit souvent à la télévision ou au cinéma dans les scènes où un personnage, en proie à une vive détresse, serre fortement sa gorge ou sa poitrine (O’Gara et al., 2013). | Symptômes équivalents à l’angine | Les hommes et les femmes doivent être sensibilisés aux symptômes équivalents à l’angine : épisode inexpliqué de dyspnée, sueurs froides, fatigue soudaine, nausées ou sensation de tête légère (Anderson et al., 2011).

| Angine chez la femme | Beaucoup de femmes éprouvent une variété de symptômes différents avant et pendant un IDM aigu (Levine et al., 2011 ; McSweeney, Cody, O’Sullivan et al., 2003) ENCADRÉ 14.3. Il est essentiel de sensibiliser l’inrmière au fait que bon

ENCADRÉ 14.2

Caractéristiques de l’angine de poitrine

FOYER

• Sous le sternum ; irradiant vers le cou et la mâchoire • Partie supérieure du thorax • Sous le sternum, irradiant vers le bras gauche ou le bras droit • Région épigastrique • Région épigastrique, irradiant vers le cou, la mâchoire et les bras • Cou et mâchoire • Épaule gauche, face interne des deux bras • Région interscapulaire DURÉE

• Moins de 5 minutes • Soulagée en 5 à 10 minutes par le repos ou la NTG (stable) • Plus de 20 minutes ou aggravation des symptômes sans soulagement par le repos ou l’administration de NTG sublinguale : évoque un préinfarctus (instable) QUALITÉ

• Sensation de pression ou d’un poids lourd sur la poitrine • Sensation d’oppression, comme un étau

nombre de femmes en proie à une crise angineuse ne ressentent pas nécessairement une douleur thoracique oppressante. Par conséquent, l’inrmière évite de prendre à la légère les autres symptômes que la cliente pourrait éprouver (Jacobs, Leopold, Bates et al., 2003). Par ailleurs, il faut sensibiliser les femmes elles-mêmes aux symptômes équivalents à l’angine : épisode inexpliqué de dyspnée, sueurs froides, fatigue soudaine, nausées ou sensation de tête légère (O’Gara et al., 2013). Chaque année, aux États-Unis, le SCA fait plus de victimes chez les femmes que chez les hommes, ce que bon nombre de professionnels de la santé ignorent (Bairey Merz, Bonow, Sopko et al., 2004 ; McSweeney et al., 2003).

| Angine stable | L’angine stable est prévisible, en ce sens que les crises sont toujours déclenchées par les mêmes facteurs. En général, la crise est déclenchée par l’effort (angor d’effort). Habituées à ce schéma prévisible, les personnes angineuses décrivent leurs crises comme des douleurs à la poitrine qui n’ont rien d’inhabituel. Le soulagement, procuré par la prise de NTG par voie sublinguale, doit se faire sentir en l’espace de cinq minutes de repos. L’ischémie myocardique et la douleur angineuse qu’elle provoque sont la conséquence d’une inadéquation entre les besoins en oxygène du myocarde, qui augmentent en raison de l’effort, et l’apport d’oxygène à ce dernier. L’ENCADRÉ 14.4 fournit

• Qualité viscérale (profonde, lourde, oppressante, douloureuse) • Sensation de brûlure • Essoufements, avec sensation de suffocation • Douleur la plus intense jamais ressentie IRRADIATION

• • • •

Face interne du bras gauche Mâchoire Épaule gauche Bras droit

FACTEURS PRÉCIPITANTS

• • • • • • •

Effort ou exercice Temps froid Exercice après un repas consistant et lourd Marche contre la direction du vent Détresse émotionnelle Peur, colère Coït

14

SOULAGEMENT PHARMACOLOGIQUE

• Généralement dans les 45 secondes à 5 minutes après l’administration sublinguale de NTG

ENCADRÉ 14.3

Symptômes cardiovasculaires ressentis par les femmes avant un infarctus aigu du myocarde

SYMPTÔMES UN MOIS AVANT L’IDM AIGU

SYMPTÔMES PENDANT L’IDM AIGU

• • • • • •

• • • • • • • • •

• • • • • •

Fatigue inhabituelle (71 %) Troubles du sommeil (48 %) Essoufements (42 %) Indigestion (39 %) Anxiété (36 %) Augmentation de la fréquence cardiaque (27 %) Faiblesse ou lourdeur des bras (25 %) Altération des facultés de penser ou de mémoriser (24 %) Troubles de la vision (23 %) Perte d’appétit (22 %) Fourmillements dans les mains ou les bras (22 %) Difculté à respirer la nuit (19 %)

Essoufements (58 %) Faiblesse (55 %) Fatigue inhabituelle (43 %) Sueurs froides (39 %) Étourdissements (39 %) Nausées (36 %) Lourdeur ou faiblesse des bras (35 %) Courbatures aux bras (32 %) Sensation de chaleur ou bouffées vasomotrices (32 %) • Indigestion (31 %) • Douleur centrée dans la partie supérieure du thorax (31 %) • Augmentation de la fréquence cardiaque (23 %)

un complément d’information sur les maladies coronariennes et l’angine stable.

| Angine instable | L’angine instable se dénit comme un changement inattendu dans le schéma prévisible des crises angineuses. Elle s’inscrit dans le continuum

Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

385

Pratique fondée sur des résultats probants ENCADRÉ 14.4

Maladies coronariennes et angine stable

Des données probantes montrent que les interventions suivantes, axées sur le mode de vie, contribuent à prévenir les coronaropathies. • Alimentation – Régime à faible teneur en sodium et riche en bres, en fruits, en légumes et en céréales ; – Tous les lipides alimentaires doivent représenter moins de 30 % de l’apport calorique total ; les gras saturés, moins de 7 % ; – Limiter la consommation de glucose (sucres simples) ; – Limiter l’apport calorique en cas de surpoids ; – Inclure des acides oméga-3 dans l’alimentation. • Exercice – Commencer par marcher plus souvent et augmenter ensuite le niveau d’activité physique. Orienter le client vers un programme de réadaptation cardiaque. • Obésité – Atteindre un poids corporel sain. • Dépendances – Cesser de fumer. Éviter l’exposition à la fumée secondaire à la maison et au travail ; – Limiter la consommation d’alcool. Des données probantes montrent que les interventions paracliniques suivantes sont bénéques pour les clients atteints d’angine. • Lorsqu’un client consulte en raison d’une douleur à la poitrine, obtenir rapidement l’histoire de santé détaillée des symptômes, effectuer un examen physique ciblé et évaluer les facteurs de risque permettant d’établir si sa probabilité de coronaropathie est faible, intermédiaire ou élevée. • Les analyses de laboratoire initiales incluent la mesure du taux d’hémoglobine, celle de la glycémie à jeun, le bilan lipidique et le dosage des enzymes cardiaques. • Effectuer un électrocardiogramme (ECG) initial au repos, même en l’absence de douleur à la poitrine. • Effectuer un ECG pendant un épisode de douleur thoracique. • Effectuer une radiographie thoracique en cas de symptômes d’insufsance cardiaque. • Effectuer un ECG à l’effort si l’état du client est stable et si les symptômes évoquent une coronaropathie, ou effectuer une scintigraphie myocardique pour le client stable avec un bloc de branche gauche (BBG) ou un bloc de branche droite (BBD) complet. • Effectuer une échocardiographie si le client a un soufe systolique évoquant un rétrécissement aortique. • Recourir à l’échocardiographie pour déterminer l’ampleur de l’hypertrophie ou de la dysfonction du ventricule gauche (V.G.). • L’échocardiographie de stress est recommandée lorsque le client présente une dépression du segment ST supérieure à 1 mm au repos (l’effort peut être physique ou induit par une stimulation pharmacologique). • L’angiographie coronarienne (généralement dans le cadre d’un cathétérisme cardiaque) est recommandée pour tous les clients s’exposant à un risque élevé d’accident coronarien. RECOMMANDATIONS POUR LE TRAITEMENT INITIAL PAR DES MÉDICAMENTS ET MODIFICATIONS DU MODE DE VIE

• Les 10 éléments les plus importants de la prise en charge d’une coronaropathie et d’une angine stable peuvent être mémorisés grâce au code mnémonique A à E : A – Acide acétylsalicylique et antiangineux : prescrire une faible dose quotidienne d’acide acétylsalicylique (75 à 325 mg) ; nitrates par voie P.O. ; NTG sublinguale pour les épisodes d’angine. B – Bêtabloquants et P.A. : administrer des IECA et des bêtabloquants pour faire baisser la P.A. à moins de 140/90 mm Hg si aucun autre facteur de risque de coronaropathie n’est présent, et à moins de 130/80 mm Hg en cas de diabète. C – Cholestérol et tabagisme : effectuer un bilan lipidique à jeun. Recommander une alimentation ou une pharmacothérapie hypolipémiante (statines) visant à réduire le taux de C-LDL à moins de 2 mmol/L, ou une réduction 50 % ou plus. La cible alternative inclut une réduction à 0,8 g/L ou moins de l’apolipoprotéine B (apo B) ou une réduction à 2,6 mmol/L ou moins du cholestérol non-HDL (Anderson et al., 2013). Recommander d’ajouter à l’alimentation des stanols ou des stérols végétaux (2 g/jour), ou des bres solubles (> 10 g/jour) (ou les deux) an de réduire davantage le taux de C-LDL ; ajouter des acides gras oméga-3 alimentaires sous forme de poisson ou de gélules (1 g/jour). S’informer systématiquement des habitudes de tabagisme ; recommander vivement l’abandon du tabagisme ; au besoin, encourager les thérapies de remplacement de la nicotine (timbres ou gommes à la nicotine). D – Diabète et alimentation : prescrire une alimentation pauvre en gras avec un apport calorique adéquat, et proposer, au besoin, des consultations nutritionnelles de manière à atteindre une glycémie à jeun de 3,9 à 5,6 mmol/L et un taux d’HbA1C inférieur à 6,5 %. E – Exercice et information : fournir de l’information sur la modification des facteurs de risque et le processus pathologique des coronaropathies ; recommander de faire quotidiennement de 30 à 60 minutes d’activité physique. Un IMC de 18,5 à 24,9 kg/m2 et un tour de taille inférieur à 102 cm pour les hommes, et inférieur à 88 cm pour les femmes, sont les valeurs à recommander. Traiter la dépression, le cas échéant. Ne pas utiliser l’HTS en prévention primaire ou secondaire de la maladie cardiovasculaire (Mosca, 2011). La vaccination contre la grippe est recommandée. RECOMMANDATIONS EN MATIÈRE D’INTERVENTIONS ET DE CHIRURGIES POUR LES CLIENTS À RISQUE ÉLEVÉ DONT L’ÉTAT EST STABLE

Le risque des clients est déterminé en fonction de leurs symptômes et des résultats de leurs tests paracliniques cardiaques. • Intervention coronarienne percutanée (ICP) – L’ICP est pratiquée plus souvent que les chirurgies à cœur ouvert pour soulager les symptômes de l’angine. • Pontage aortocoronarien (PAC) – Pour les clients ayant une occlusion d’une artère majeure du cœur gauche ou une atteinte de plusieurs vaisseaux ; – Pour les clients atteints d’une maladie touchant deux vaisseaux, une sténose signicative de l’artère interventriculaire antérieure proximale et une fraction d’éjection du V.G. inférieure à 50 %.

• L’objectif du traitement est d’éliminer la douleur à la poitrine. Sources : Anderson, Adams, Antman et al. (2011) ; Fihn, Gardin, Abrams et al. (2012) ; Mosca, Benjamin, Berra et al. (2011) ; Wright, Anderson, Adams et al. (2011)

386

Partie 2

Système cardiovasculaire

du SCA. En général, les crises d’angine instable sont plus intenses que les crises d’angine stable, à tel point qu’elles peuvent tirer la personne de son sommeil et que les dérivés nitrés ne sufsent pas pour calmer la douleur ressentie. Toute variation de l’intensité ou de la fréquence des symptômes angineux commande une évaluation médicale d’urgence. Une crise angineuse sévère qui persiste plus de cinq minutes, qui gagne en intensité et qui ne cède pas malgré la prise de NTG constitue une urgence médicale pour laquelle la personne ellemême ou l’un de ses proches doivent composer immédiatement le 911 pour joindre les services préhospitaliers d’urgence (SPU) (Fihn et al., 2012). Il est déconseillé aux parents et amis d’une personne en proie à une crise d’angine instable de la conduire à l’hôpital ; ils doivent plutôt composer le 911. L’inrmière explique aux clients qu’ils ne doivent en aucun cas prendre le volant pendant une crise d’angine instable et qu’ils doivent appeler les SPU (911). L’angine instable dénote l’instabilité, voire la rupture d’une plaque d’athérome et une thrombose susceptible de provoquer un IDM. Lorsque l’ECG d’une personne qui s’est présentée à l’urgence en proie à une crise d’angine instable d’apparition récente met en évidence des anomalies non spéciques de l’onde T ou du segment ST ne s’accompagnant pas d’un sus-décalage ou d’un sous-décalage, il faut hospitaliser cette dernière à l’unité de soins critiques an d’écarter la possibilité d’un IDM. Par contre, si elle a des symptômes classiques d’IDM, il est vital de la traiter conformément aux toutes dernières lignes directrices. Il convient de rappeler que l’IDM ne se manifeste pas toujours par un susdécalage ou un sous-décalage du segment ST sur l’ECG standard (Anderson et al., 2011 ; O’Gara et al., 2013 ; Wright et al., 2011).

| Angine vasospastique | L’angine vasospastique, nommée aussi angor de Prinzmetal ou angine de Prinzmetal, est provoquée par une forte vasoconstriction d’une artère coronaire qui crée une obstruction dynamique de cette dernière (Keller & Lemberg, 2004). Un tel spasme coronarien peut être associé ou non à des lésions athéroscléreuses. En général, l’angine vasospastique se manifeste au repos et de façon périodique (elle survient souvent à la même heure tous les jours). Le tabagisme et la consommation d’alcool ou de drogues stimulantes illicites comme la cocaïne peuvent déclencher un spasme coronarien. Le diagnostic formel d’angine vasospastique est posé en procédant à une coronarographie. Le sus-décalage du segment ST et la douleur thoracique sont des signes de spasme coronarien. Il est important de préciser que les spasmes coronariens peuvent être associés ou non à une coronaropathie. En l’absence de sténose coronarienne serrée, le pronostic est excellent. Le traitement, qui vise la vasodilatation des artères coronaires, repose sur l’administration de NTG ou d’un bloqueur des canaux calciques.

| Ischémie silencieuse | L’expression ischémie silencieuse désigne les cas dans lesquels des signes objectifs d’ischémie sont observés sur le moniteur ECG en l’absence de symptômes angineux. Une ischémie silencieuse peut survenir dans de nombreux contextes cliniques ENCADRÉ 14.5. Par exemple, un tiers des personnes qui subissent un IDM disent ne pas ressentir de douleur thoracique (O’Gara et al., 2013). Les personnes atteintes de diabète de type 2 sont particulièrement prédisposées à l’ischémie silencieuse. En effet, chez bon nombre de celles qui vivent avec cette maladie depuis plus d’une dizaine d’années, une atteinte du système nerveux autonome les empêche de ressentir les douleurs thoraciques. De plus, les personnes diabétiques peuvent prendre certains symptômes équivalents à l’angine – comme les nausées, les vomissements et la diaphorèse, qui sont des signes d’ischémie myocardique – pour des signes de déséquilibre glycémique.

14.1.5

14

Traitements médicaux

Pour diagnostiquer et traiter efcacement l’angine instable, il est essentiel d’évaluer avec précision la douleur angineuse. Il faut d’abord procéder à une entrevue portant sur la douleur angineuse en vue de déterminer si elle dénote une angine stable ou une angine instable. Il est important de se rappeler que l’évolution d’une angine stable en angine instable peut menacer le pronostic vital. En présence d’un sus-décalage du segment ST ou d’un bloc de branche gauche (BBG) ayant été récemment objectivé sur un ECG, il faut instaurer le traitement recommandé pour un IDM aigu (O’Gara et al., 2013). En l’absence de ces signes électrocardiographiques classiques et en cas de persistance de la douleur thoracique, le traitement de prédilection actuel consiste en l’administration d’acide acétylsalicylique (ou d’une thiénopyridine comme le clopidogrel [PlavixMD] en cas d’intolérance à l’acide acétylsalicylique). Toute personne chez qui une angine instable ou un IDM sans sus-décalage du segment ST (NSTEMI) a été

ENCADRÉ 14.5

Caractéristiques cliniques de l’ischémie silencieuse

• Signes objectifs électrocardiographiques de l’ischémie du myocarde sans douleur thoracique ni symptôme. • Aucun symptôme d’angine après un IDM antérieur, mais les signes objectifs d’ischémie du myocarde à l’ECG persistent. • Symptômes d’angine avec certains épisodes d’ischémie et aucun symptôme d’autres épisodes ischémiques ; le client peut ou non avoir déjà fait un IDM.

Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

387

A Les soins et traitements inrmiers adaptés aux problèmes qui découlent d’une coronaropathie ou d’une angine sont expliqués, selon le problème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers.

diagnostiqué et qui doit subir une intervention effractive imminente doit recevoir un traitement antiplaquettaire double (acide acétylsalicylique et clopidogrel ou ticagrelor [BrilintaMD]) dès son admission à l’hôpital. Un bolus initial de clopidogrel ou de ticagrelor est administrée et sera suivie d’une prise quotidienne. La dose de clopidogrel à donner varie selon le délai d’instauration du traitement avant la coronarographie. Le prasugrel (EfentMD) peut être utilisé comme antiplaquettaire en remplacement du clopidogrel ou du ticagrelor lorsque l’anatomie coronarienne est connue et qu’une ICP est planiée. Un bolus initial est également administré et, par la suite, une dose quotidienne est donnée. L’héparine (standard ou de bas poids moléculaire) est administrée jusqu’à l’ICP. Il est également possible d’administrer un inhibiteur de la glycoprotéine IIb/IIIa (GP IIb/IIIa), à moins que la bivalirudine (Angiomax MD) ne soit choisie en remplacement de l’héparine. L’administration concomitante d’acide acétylsalicylique et d’une thiénopyridine est bénéque jusqu’à 12 mois après le SCA ou l’ICP. La durée peut être revue à la baisse selon le risque de saignement et le type de tuteur installé. En revanche, si une stratégie thérapeutique non effractive est pratiquée, un traitement concomitant d’acide acétylsalicylique et de thiénopyridine (clopidogrel ou ticagrelor) qui devra être poursuivi idéalement pendant une durée maximale de 12 mois est généralement prescrit au client. Le fondaparinux (ArixtraMD) ou l’héparine (standard ou de bas poids moléculaire) est administré pour un minimum de 48 heures ; idéalement pour toute la durée de l’hospitalisation (jusqu’à 8 jours). En cas de persistance des symptômes, il faut réaliser une angiographie à des ns diagnostiques et un inhibiteur de la GP IIb/IIIa peut être administré. Par ailleurs, si un traitement non effractif de l’angine instable NSTEMI est retenu, il faut soumettre le client à une épreuve d’effort et, en cas de résultat négatif, abandonner l’inhibiteur de la GP IIb/IIIa.

Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 14.6

Coronaropathie et angine

• Anxiété liée à une menace contre l’intégrité biologique, psychologique ou sociale PSTI A.6

• Décit de compréhension lié à une absence d’exposition préalable à l’information PSTI A.8

• Douleur aiguë liée à la transmission et à la perception d’impulsions cutanées, viscérales, musculaires ou ischémiques

• Intolérance à l’activité liée à un dysfonction­ nement cardiopulmonaire PSTI A.21 • Risque d’hypoperfusion des tissus cardiaques PSTI A.27 • Sentiment d’impuissance lié à une percep­ tion de manque de contrôle sur la situation actuelle ou sur l’aggravation de la maladie

PSTI A.14

388

Partie 2

Système cardiovasculaire

PSTI A.32

Soins et traitements inrmiers Les soins et traitements inrmiers prodigués aux personnes ayant une maladie coronarienne ou une angine englobent divers problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 14.6 A . Les pratiques inrmières suggérées consistent essentiellement à déceler rapidement toute ischémie myocardique, à soulager la douleur thoracique, à reconnaître les complications, à veiller à ce que le milieu dans lequel se trouve le client demeure calme, et à assurer l’enseignement à ce dernier et à ses proches. La FIGURE 14.2 résume l’approche thérapeutique du SCA.

Déceler l’ischémie du myocarde Les plaintes concernant un inconfort à la poitrine (angine) doivent être examinées rapidement, car l’angine est un indicateur d’ischémie du myocarde. Les symptômes dont il faut tenir compte pour évaluer avec précision la douleur angineuse sont énumérés dans l’ENCADRÉ 14.7. En fonction de l’état du client, l’inrmière l’interroge d’abord de façon plus ou moins succincte sur la douleur angineuse ressentie en vue de déterminer si elle dénote une angine stable ou une angine instable, puisque l’évolution de l’une vers l’autre peut menacer le pronostic vital. Elle demande généralement au client d’évaluer l’intensité de l’inconfort à la poitrine en utilisant une échelle allant de 0 à 10. Cette gradation doit être envisagée en tenant compte des différences culturelles relatives aux manifestations de la douleur. L’expression douleur à la poitrine ne doit pas être utilisée de façon exclusive, car certaines personnes décrivent leur angine comme une pression ou une lourdeur. Il est important de noter les caractéristiques de la douleur du client, sa fréquence et son rythme cardiaques, sa P.A., ses respirations, sa température, la couleur de sa peau ainsi que ses pouls périphériques, et de consigner les renseignements touchant la diurèse, l’état mental et la perfusion tissulaire globale. Un ECG peut permettre de détecter le foyer d’ischémie du myocarde. La principale inquiétude, en l’occurrence, est que la douleur à la poitrine trahisse une angine préinfarctus ; c’est pourquoi il est essentiel de le vérier sans délai an que le client puisse être traité immédiatement. La prise en charge peut consister à transférer le client vers le laboratoire de cathétérisme cardiaque pour qu’il subisse une coronarographie et se fasse désobstruer l’artère bloquée, le cas échéant. Si l’hôpital ne dispose pas d’un laboratoire permettant une telle procédure, il est possible de perfuser des antagonistes des récepteurs de la GP IIb/IIIa pour prévenir l’évolution vers l’IDM aigu avant le transfert du client (Anderson et al., 2011 ; O’Gara et al., 2013 ; Wright et al., 2011).

14

FIGURE 14.2 Approche thérapeutique du syndrome coronarien aigu (SCA).

Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

389

Collecte des données ENCADRÉ 14.7

Symptômes d’une douleur thoracique évalués selon l’outil PQRSTU

P : PROVOQUER/PALLIER/AGGRAVER

• L’apparition de la douleur a-t-elle été soudaine ou graduelle ? La douleur a-t-elle été précipitée par la marche ou la position debout ? Qu’est-ce qui calmait la douleur (p. ex., le changement de position, la nitroglycérine, l’oxygène, la présence d’une inrmière) ? Certains facteurs comme l’environnement, les appels téléphoniques ou le fait d’attendre pour obtenir de l’aide aggravaient-ils la douleur ? La douleur s’intensiait-elle en cas de réaction émotionnelle (p. ex., l’anxiété, la peur, la colère) ? Q : QUALITÉ/QUANTITÉ

• La douleur était-elle similaire à la douleur angineuse antérieure ? Était-elle moins intense ou plus intense ?

douleur antérieure ? La douleur irradiait-elle vers la mâchoire, le cou, un bras ou une épaule ? S : SYMPTÔMES ET SIGNES ASSOCIÉS/ SÉVÉRITÉ

• Sur une échelle allant de 0 à 10, comment le client évaluerait-il la douleur ? La douleur était-elle accompagnée de nausées, de vomissements, d’une diaphorèse ou de dyspnée ? T : TEMPS/DURÉE

• La douleur a-t-elle duré quelques secondes ou quelques minutes ? Combien de temps après qu’elle est apparue le client a-t-il recherché de l’aide ?

R : RÉGION/IRRADIATION

U : (UNDERSTANDING ) COMPRÉHENSION ET SIGNIFICATION POUR LE CLIENT

• La douleur était-elle sous-sternale ? Siégeait-elle au même endroit que la

• À votre avis, de quel problème croyez-vous qu’il s’agit ?

Soulager la douleur à la poitrine À l’unité de soins critiques, la maîtrise de l’angine repose sur une combinaison d’oxygène d’appoint, de nitrates et d’analgésie, et sur la surveillance de l’angine et des effets de la pharmacothérapie. • Oxygène : Les clients ayant une dyspnée, une insufsance cardiaque ou une hypoxémie cliniquement signicative (saturométrie inférieure à 90 %) reçoivent de l’oxygène d’appoint (O’Gara et al., 2013) pour augmenter l’oxygénation du myocarde. La saturation en oxygène sert à orienter le traitement et à maintenir la saturation en oxygène au-dessus de 90 %, à moins que le client n’ait des antécédents de maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) et qu’il ne retienne le dioxyde de carbone. • Nitrates : La NTG est administrée par voie I.V. et sublinguale pour vasodilater les artères coronaires et calmer la douleur. Après lui avoir administré un nitrate, l’inrmière observe de près le client pour vérier si sa douleur à la poitrine a été soulagée, si le segment ST est retourné à sa valeur initiale et si des effets secondaires indésirables se produisent, comme une hypotension ou une céphalée. Il faut éviter l’administration d’un nitrate si la P.A.S. est inférieure à 90 mm Hg. Les interactions médicamenteuses avec les nitrates peuvent également être un facteur de préoccupation. L’association d’un inhibiteur de la phosphodiestérase 5 (p. ex., le sildénal [ViagraMD,

390

Partie 2

Système cardiovasculaire

RevatioMD], le tadalal [CialisMD], le valdénal [LevitraMD]) et d’un nitrate peut contribuer à précipiter une chute de la P.A. (Fihn et al., 2012). Un inhibiteur de la phosphodiestérase 5 comme le sildénal peut être prescrit pour plusieurs affections, y compris l’hypertension pulmonaire et la dysfonction érectile. • Analgésie : La morphine (2 à 4 mg par voie intraveineuse [I.V.]) est l’opioïde analgésique de choix pour l’angine ou l’infarctus. Elle calme la douleur et diminue la crainte ainsi que l’anxiété. Après l’avoir administrée au client, l’inrmière évalue le client pour vérier si la douleur a été soulagée et si des effets secondaires indésirables comme l’hypotension et la dépression respiratoire sont apparus (Anderson et al., 2011 ; O’Gara et al., 2013). Bien que le FentanylMD soit aussi parfois administré pour soulager les douleurs d’angine, il n’en demeure pas moins que ce dernier ne fait pas encore partie des pratiques exemplaires dans les cas de douleur rétrosternale. • Aspirine : Il a été démontré que le fait de mâcher de l’acide acétylsalicylique non entérosoluble P.O. (162 à 325 mg) dès l’apparition de la douleur à la poitrine était corrélé avec une réduction de la mortalité. La préparation non entérique est privilégiée, car elle augmente l’absorption du médicament dans la bouche pendant qu’il est mâché sans être avalé (Anderson et al., 2011 ; O’Gara et al., 2013).

Maintenir un environnement calme Le client admis à l’unité de soins critiques en raison d’une angine instable ressent une anxiété extrême et craint de mourir. Il revient à l’inrmière de maintenir un environnement calme propice à apaiser la crainte et l’anxiété du client en restant prête à tout moment à réagir à une urgence grave comme un arrêt cardiaque. Quelques éléments liés à la pratique inrmière en soins critiques pour un client souffrant d’un problème cardiaque sont présentés dans l’ENCADRÉ 14.8.

Informer le client et ses proches La capacité d’une personne hospitalisée aux soins critiques à retenir l’information que lui fournit l’inrmière est passablement réduite en raison du stress et de la douleur qu’elle ressent. Les sujets qu’il convient d’aborder avec elle une fois que son état clinique s’est stabilisé sont répertoriés dans l’ENCADRÉ 14.9. Il est notamment essentiel de lui apprendre à éviter la manœuvre de Valsalva, qui consiste à expirer fortement, la glotte fermée. À titre d’exemple, l’inrmière peut lui citer le fait de pousser lorsqu’elle va à la selle ou de retenir sa respiration pendant qu’une inrmière la repositionne sur son lit. La manœuvre de Valsalva provoque une augmentation de la pression intrathoracique, qui diminue le reux du sang veineux vers le cœur droit et qui peut être associée à une hypotension et à une bradycardie symptomatique.

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 14.8

Prodiguer des soins cardiaques en phase aiguë

OBJECTIF

• Limiter l’apparition de complications à la suite d’un déséquilibre entre l’apport d’oxygène au myocarde et les besoins en oxygène de ce dernier ayant entraîné une altération de la fonction cardiaque. INTERVENTIONS

• Évaluer la douleur thoracique (intensité, siège, irradiation, durée et facteurs susceptibles de la déclencher ou de l’apaiser). • Informer le client de la nécessité de signaler immédiatement toute gêne thoracique. • Prendre immédiatement les mesures nécessaires pour que le client et ses proches puissent appeler en tout temps une inrmière et les informer qu’une inrmière répondra immédiatement à chaque appel. • Surveiller l’ECG à la recherche d’anomalies du segment ST ou de l’onde T, s’il y a lieu. • Procéder à une évaluation complète de la fonction cardiovasculaire (y compris la circulation périphérique). • Surveiller le rythme et la fréquence cardiaques. • Procéder à une auscultation cardiaque. • Savoir reconnaître les signes de frustration et de terreur que lance un client qui est incapable de communiquer et qui se retrouve dans un milieu inhabituel, entouré d’appareils de monitorage. • Procéder à une auscultation pulmonaire à la recherche de crépitants (râles) ou d’autres bruits adventices. • Surveiller l’efcacité de la supplémentation en oxygène, s’il y a lieu. • Surveiller les facteurs déterminant l’apport d’oxygène aux tissus (pression partielle d’oxygène dans le sang artériel, taux d’hémoglobine et débit cardiaque [D.C.]), s’il y a lieu. • Surveiller l’état neurologique. • Surveiller les ingesta et les excreta, notamment la diurèse, et peser la personne une fois par jour, s’il y a lieu. • Choisir la dérivation optimale pour le monitorage cardiaque continu, s’il y a lieu. • Obtenir un ECG, s’il y a lieu. • Effectuer des prélèvements sanguins aux ns de la mesure des taux de créatine kinase (CK), de troponine T ou I, de lacticodéshydrogénase (LDH) et d’aspartate aminotransférase (AST), s’il y a lieu. • Surveiller la fonction rénale (p. ex., l’urée et la créatininémie [Cr]), s’il y a lieu. • Surveiller les résultats des examens de la fonction hépatique, s’il y a lieu. • Surveiller les résultats des examens de laboratoire à la recherche de déséquilibres électrolytiques susceptibles d’accroître le risque d’arythmie (p. ex., la kaliémie, la magnésémie), s’il y a lieu.

• Obtenir une radiographie thoracique, s’il y a lieu. • Surveiller les tendances de la P.A. et d’autres paramètres hémodynamiques (pression veineuse centrale et pression artérielle pulmonaire d’occlusion), si possible. • Offrir au client des repas peu copieux, mais plus fréquents. • Faire suivre au client un régime alimentaire approprié (limiter la consommation de caféine, de sel, de cholestérol et d’aliments gras). • S’abstenir d’administrer au client des stimulants P.O. • Trouver des substituts au sel articiel, s’il y a lieu. • Limiter les stimulus environnementaux. • Veiller à ce que le milieu dans lequel se trouve le client soit propice à son rétablissement et au repos. • Éviter les occasions pouvant générer des émotions intenses chez le client. • Cerner les stratégies adoptées par le client pour gérer le stress. • Enseigner au client des stratégies efcaces de gestion du stress. • Employer des techniques de relaxation, s’il y a lieu. • S’abstenir de provoquer de vives discussions avec le client. • Dissuader le client de prendre des décisions lorsqu’il est très stressé. • Veiller à ce que le client n’ait ni trop chaud ni trop froid. • S’abstenir de poser une sonde rectale. • S’abstenir de prendre la température du client par voie rectale. • S’abstenir d’effectuer un examen rectal ou vaginal. • Reporter la toilette, s’il y a lieu. • Demander au client d’éviter toute activité susceptible de déclencher une manœuvre de Valsalva (p. ex., éviter de pousser lorsqu’il va à la selle). • Administrer au client des médicaments qui réduiront le risque de manœuvre de Valsalva (p. ex., des laxatifs émollients, des antiémé­ tiques), s’il y a lieu. • Prévenir la formation de thrombus dans les vaisseaux périphériques (pour ce faire, tourner le client toutes les deux heures et lui administrer des anticoagulants à faible dose). • Administrer au client des médicaments destinés à soulager ou à prévenir la douleur angineuse ou l’ischémie, au besoin. • Surveiller l’efcacité de la pharmacothérapie. • Expliquer au client et à ses proches les objectifs des soins et les méthodes de mesure de l’évolution de la maladie. • Veiller à ce que tous les membres de l’équipe soient informés de ces objectifs et qu’ils collaborent à la prestation de soins suivis. • Soutenir la démarche spirituelle de la personne et de ses proches (c’est­à­dire communiquer avec un intervenant spirituel), s’il y a lieu.

Source : Adapté de Bulechek, Butcher, McCloskey, Dochterman et al. (2013)

Une fois la douleur angineuse disparue, l’inrmière peut commencer l’enseignement à long terme. Les sujets à aborder sont les suivants : 1) la correction des facteurs de risque ; 2) les signes et les symptômes de l’angine ; 3) les circonstances dans lesquelles il faut appeler un médecin ; 4) la pharmacothérapie ; 5) la gestion des émotions et du stress. Cela dit, comme en général l’hospitalisation en soins primaires pour une angine non compliquée ne dure pas plus de trois jours, l’intervention éducative la plus

efcace que puisse entreprendre l’inrmière en soins critiques consiste à orienter le client vers un programme de réadaptation cardiaque an qu’il puisse suivre un programme d’activité physique sous la supervision d’un professionnel de la santé et apprendre à modier ses facteurs de risque à sa sortie de l’hôpital. Les lignes directrices de pratique clinique sur la prise en charge des coronaropathies et de l’angine stable ont été présentées précédemment ENCADRÉ 14.4.

Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

391

14

Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 14.9

Maladie coronarienne et angine

L’inrmière aborde les sujets suivants. • Dans les cas d’angine : décrire les signes et les symptômes comme la douleur, la pression et la lourdeur à la poitrine, aux bras ou à la mâchoire. • Dans les cas d’angine instable : toute douleur à la poitrine qui n’est pas soulagée par de la NTG sublinguale prise en vaporisation à cinq minutes d’intervalle, à raison de trois doses, doit inciter le client à joindre les SPU en composant le 911. • Utilisation de l’échelle d’évaluation de la douleur allant de 0 à 10 : aviser l’inrmière des soins critiques ou le personnel de l’urgence de toute variation de l’intensité de la douleur à la poitrine. • Utilisation de la NTG sublinguale pour l’angine : après l’administration de NTG, l’intensité de la douleur doit diminuer sur l’échelle d’évaluation de la douleur. Dans le cas de NTG en comprimés, celle-ci doit être conservée dans un contenant foncé, étanche à l’air, pour éviter qu’elle ne perde de sa puissance. La NTG active provoque une légère sensation de brûlure lorsqu’elle est placée sous la langue.

14.2

Infarctus du myocarde

L’infarctus du myocarde (IDM) est le terme employé pour désigner la nécrose (mort cellulaire) irréversible du myocarde résultant d’une diminution soudaine ou de l’arrêt complet du débit sanguin coronarien vers un foyer spécique du myocarde. À l’hôpital, il est souvent appelé IDM aigu en référence à l’épisode survenu brusquement et potentiellement mortel. De plus en plus, un IDM aigu est rapporté dans la pratique en relation avec la présence ou l’absence d’un sus-décalage ou d’un sous-décalage du segment ST sur l’ECG. Il s’agit alors d’un infarctus du myocarde sans sus-décalage du segment ST (NSTEMI, de l’anglais non-ST segment elevation myocardial infarction) aigu (Anderson et al., 2011) ou d’un infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST (STEMI, de l’anglais ST segment elevation myocardial infarction) aigu (O’Gara et al., 2013).

14.2.1

Étiologie

L’artère coronaire peut se bloquer par l’effet de trois mécanismes qui réduisent considérablement l’apport en oxygène vers le myocarde : 1) la rupture d’une plaque ; 2) une nouvelle thrombose de l’artère coronaire ; 3) un spasme de l’artère coronaire, voisin du foyer de rupture de la plaque. Les 90 premières minutes suivant l’apparition des symptômes d’angine correspondent au délai optimal pour le sauvetage du tissu myocardique FIGURE 14.3. Plus le myocarde est revascularisé rapidement, meilleures sont les chances de survie (Anderson

392

Partie 2

Système cardiovasculaire

• Renseignements sur les façons d’éviter la manœuvre de Valsalva. • Modication des facteurs de risque adaptée au prol de risque individuel de chaque client : – réduction de la consommation de lipides à 30 % de l’apport calorique total quotidien ; – arrêt du tabagisme ; – réduction de la consommation de sodium ; – maîtrise de l’hypertension ; – traitement du diabète et maîtrise de la glycémie (si le client est diabétique) ; – augmentation de l’activité physique ; atteinte d’un poids corporel idéal. • Orientation vers un programme de réadaptation cardiaque. • Renseignements sur les médicaments, leurs indications et leurs effets secondaires. • Soins de suivi après la sortie de l’hôpital. • Symptômes à signaler à un professionnel de la santé. • Discussion sur les moyens de faire face au stress émotionnel et à la colère.

et al., 2011 ; O’Gara et al., 2013). Malheureusement, nombreux sont ceux qui ne consultent pas avant la n de la phase aiguë ou qui tardent à le faire parce qu’ils refusent d’admettre leurs symptômes.

14.2.2

Physiopathologie

Ischémie La région externe du foyer myocardique infarci est la zone d’ischémie, ou pénombre FIGURE 14.4. Elle est composée de cellules viables. Les interventions prioritaires visent à sauver ce muscle encore sain. La repolarisation est temporairement perturbée dans cette zone, mais elle nit par revenir à la normale FIGURE 14.5A. La repolarisation des cellules de la zone d’ischémie se traduit généralement par une inversion de l’onde T, mais elle peut aussi être représentée par des ondes T positives, pointues et de grande amplitude FIGURE 14.5B.

Lésion La zone infarcie est entourée de tissus lésés mais potentiellement viables qui forment la région appelée zone de lésion FIGURE 14.4. Les cellules de cette zone ne se repolarisent pas entièrement du fait de l’insufsance de l’apport sanguin. Cela se traduit à l’ECG par un sus-décalage ou un sous-décalage du segment ST FIGURE 14.5C.

Infarctus Le foyer de muscle mort (nécrose) dans le myocarde est appelé zone d’infarctus FIGURE 14.4. À l’ECG, le

14

FIGURE 14.3 Évaluation de la douleur thoracique, du syndrome coronarien aigu (SCA) et des traitements possibles en services préhospitaliers d’urgence (SPU) (O’Gara et al., 2013). ECG : électrocardiogramme ; ICP : intervention coronarienne percutanée ; I.V. : intraveineux ; STEMI : infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST.

phénomène se traduit par de nouvelles ondes Q pathologiques signalant une absence de dépolarisation de la surface cardiaque touchée par l’IDM FIGURE 14.5D. Les ondes Q ne sont pas visibles dans tous les cas. À mesure que la guérison se produit, les cellules de cette zone sont remplacées par du tissu cicatriciel.

Infarctus du myocarde à ondes Q Les infarctus du myocarde (IDM) sont classés en fonction de leur emplacement sur la surface myocardique et des couches musculaires affectées. Tous les infarctus n’entraînent pas forcément une nécrose de toutes les couches du myocarde FIGURE 14.6. Un IDM à ondes Q (toute l’épaisseur) touche les trois couches cardiaques, soit l’endocarde, le myocarde et le péricarde, et entraîne habituellement des variations importantes de l’ECG FIGURE 14.5. Tous les IDM aigus ne produisent pas nécessairement une onde Q à l’ECG. Dans certains cas, une onde Q visible sur un ECG à la suite d’un IDM aigu disparaît plusieurs mois ou quelques années plus tard. Les raisons en sont inconnues, mais elles ont peut-être trait à l’apparition d’une circulation collatérale.

Variations sur l’électrocardiogramme à 12 dérivations Les variations électrocardiographiques produites par un IDM démontrent le dérèglement de la dépolarisation (complexe QRS) et de la repolarisation (segment ST et onde T) du myocarde. Les changements

FIGURE 14.4

Zone d’ischémie, zone de lésion et zone d’infarctus illustrées par les ondes électrocardiographiques et les ondes réciproques correspondant à chaque zone. Le sus-décalage du segment ST représente un infarctus sous-épicardique. V.G. : ventricule gauche. Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

393

de repolarisation se manifestent par la présence de nouvelles ondes Q. Ces nouvelles ondes Q pathologiques sont plus profondes et plus larges que les minuscules ondes Q visibles sur l’ECG à 12 dérivations (ou ECG standard) (Levine et al., 2011 ; O’Gara et al., 2013).

Foyer de l’infarctus du myocarde Le foyer de l’infarctus est localisé en faisant correspondre les dérivations de l’ECG avec les ondes Q et les anomalies du segment ST et de l’onde T TABLEAU 14.7. Les manifestations à l’ECG permettant de diagnostiquer un IDM et de repérer le foyer ventriculaire endommagé incluent l’inversion d’ondes T, le sus-décalage ou le sous-décalage du segment ST et la présence d’ondes Q pathologiques dans des regroupements de dérivations spéciques (cette notion sera abordée ultérieurement).

Infarctus de la paroi antérieure

FIGURE 14.5 Variations électrocardiographiques indiquant une ischémie, une lésion et un infarctus (nécrose) du myo­ carde. A ECG normal. B Ischémie indiquée par l’inversion de l’onde T. C Ischémie et courant de la lésion indiqués par l’inversion de l’onde T et le sus­décalage du segment ST. Le segment ST peut être élevé au­dessus ou déprimé en dessous de la ligne de base, selon que le tracé provient d’une dérivation faisant face à la zone infarcie ou d’une dérivation placée en direction opposée, et selon que des lésions épicardiques ou endocardiques sont présentes. Les lésions épicardiques entraînent un sus­décalage du segment ST dans les dérivations faisant face à l’épicarde. D Ischémie, lésion et nécrose du myocarde. L’onde Q indique une nécrose du myocarde.

L’infarctus de la paroi antérieure résulte de l’occlusion de l’artère interventriculaire antérieure proximale. Les modications du segment ST devraient se produire dans les dérivations V3 et V4 de l’ECG FIGURE 14.7. Si l’artère coronaire gauche proximale est obstruée, les tracés de toutes les dérivations précordiales V1 à V6 et ceux de DI et d’aVL en seront affectés à l’ECG TABLEAU 14.7. Ces ensembles de variations particulières à l’ECG permettant de localiser le foyer cardiaque infarci sont appelés changements révélateurs. Un IDM important de la paroi antérieure peut être associé à une insufsance ventriculaire gauche, à un choc cardiogénique ou au décès (Sargent et al., 2004 ; Vassaiwala et al., 2012).

Infarctus de la paroi latérale gauche L’infarctus de la paroi latérale gauche découle de l’occlusion de l’artère circonexe. Sur un ECG, de nouvelles ondes Q ainsi que des variations du segment ST et de l’onde T sont observées à partir des dérivations DI, aVL, V5 et V6 FIGURE 14.8. En réalité, peu de clients n’afchent à l’ECG que des changements liés à la paroi latérale, et les dérivations de la paroi antérieure (V3 et V 4) peuvent montrer des signes de lésions ou d’infarctus.

Infarctus de la paroi inférieure L’infarctus de la paroi inférieure résulte de l’occlusion de l’artère coronaire droite. Il se manifeste par des changements à l’ECG pour les dérivations DII, DIII et aVF FIGURE 14.9. En cas d’IDM de la paroi inférieure, des troubles de la conduction liés à l’ischémie du territoire desservi par l’artère coronaire sont attendus. Comme l’artère coronaire droite perfuse le nœud sinoauriculaire de plus de la moitié de la population et qu’elle approvisionne le faisceau de His proximal ainsi que le nœud auriculoventriculaire (AV) dans plus de 90 % des cas, un bloc cardiaque et d’autres troubles de la conduction sont à prévoir.

Infarctus ventriculaire droit

FIGURE 14.6

Foyer d’infarctus dans le myocarde.

394

Partie 2

Système cardiovasculaire

L’infarctus ventriculaire droit découle d’un blocage dans la section proximale de l’artère coronaire

14

FIGURE 14.7

Changements observés à l’électrocardiogramme (ECG) en cas d’infarctus du myocarde (IDM) de la paroi antéroseptale. A Infarctus de la paroi cardiaque. B Dérivations de l’ECG avec sus-décalage prévu du segment ST. C ECG standard d’un client atteint d’un IDM de la paroi antéroseptale. Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

395

TABLEAU 14.7

13 L’emplacement correct des dérivations précordiales droites en vue du diagnostic d’un IDM ventriculaire droit aigu est illustré dans le chapitre 13, Examens para­ cliniques du système cardiovasculaire.

Relation entre les surfaces ventriculaires, les dérivations électrocardiographiques et les artères coronaires

TERRITOIRE DES VENTRICULES GAUCHE OU DROIT

DÉRIVATIONS ÉLECTROCARDIOGRAPHIQUES

ARTÈRE GÉNÉRALEMENT ATTEINTE

Inférieur

DII, DIII, aVF

Artère coronaire droite

Septal

V1 et V2

Artère interventriculaire antérieure

Antérieur

V3 et V4

Artère interventriculaire antérieure

Antéroseptal

V1 à V4

Artère interventriculaire antérieure

Antérieur étendu

V1 à V6, DI, aVL

Artère coronaire gauche

Latéral

DI, aVL, V5 et V6

Artère circonexe

Latéral haut

DI, aVL

Artère circonexe

Postérieur

V1 et V2 (parfois V3)

Artère circonexe du cœur ou artère coronaire droite (variations réciproques : sous-décalage ST)

V7 à V9 (direct) Ventricule droit

V4R (DII, DIII, aVF)

FIGURE 14.8 Changements observés sur un électrocardiogramme (ECG) en cas d’infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST (STEMI) dans la paroi latérale. A Foyer d’infarctus sur la paroi cardiaque. B Dérivations de l’ECG avec sus-décalage prévu du segment ST.

396

Partie 2

Système cardiovasculaire

Artère coronaire droite

droite. Cette situation est dangereuse pour tout le ventricule droit (V.D.) ainsi que pour les parois inférieure et postérieure du V.G. L’ischémie du V.D. peut être démontrée dans près de la moitié des cas de STEMI de la paroi inférieure, même si les anomalies hémodynamiques associées à cet infarctus classique du V.D. ne sont avérées que dans 10 à 15 % des cas. Le client qui subit un infarctus massif peut souffrir d’un choc cardio­ génique, et le taux de mortalité dépasse alors les 50 % (Goldstein, 2012 ; Jacobs et al., 2003 ; Keller & Lemberg, 2004). Les dérivations de l’ECG peuvent être placées sur le côté droit de la poitrine pour faciliter le diagnostic d’infarctus du V.D., et sur la partie pos­ térieure pour conrmer un infarctus postérieur. La détection d’un infarctus du V.D. dépend du posi­ tionnement précis des électrodes de l’ECG. Celles­ ci sont placées au­dessus de la région précordiale droite (poitrine) suivant un schéma correspondant à l’image miroir des dérivations gauches clas­ siques. Il est important de noter la lettre R (right) sur l’ECG (p. ex., V1R­V6R) à côté du tracé des déri­ vations thoraciques du V.D. an de bien mettre en évidence l’emplacement de l’électrode. Les déri­ vations périphériques ne sont pas touchées 13 . Le voltage de l’ECG est beaucoup plus bas dans les dérivations V 1R­V6R et, le cas échéant, le sus­ décalage du segment ST apparaît généralement dans la dérivation V 4R (O’Gara et al., 2013)

14

FIGURE 14.9 Changements observés à l’électrocardiogramme (ECG) en cas d’infarctus du myocarde (IDM) de la paroi inférieure. A Infarctus situé sur la paroi cardiaque. B Dérivations de l’ECG avec sus-décalage prévu du segment ST. C ECG d’un client atteint d’un IDM de la paroi inférieure.

Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

397

FIGURE 14.10.

La paroi du V.D. est très mince, ce qui signie que le sus-décalage du segment ST n’est détecté que dans les dérivations du V.D. pendant la phase aiguë de l’infarctus.

Infarctus de la paroi postérieure 13 Le chapitre 13, Examens paracliniques du système cardiovasculaire, illustre l’emplacement adéquat des dérivations posté­ rieures gauches en vue du diagnostic d’un IDM aigu postérieur.

L’infarctus de la paroi postérieure peut résulter d’un blocage de l’artère coronaire droite ou de l’artère circonexe du cœur. Cela tient à ce que les deux artères approvisionnent ce territoire du cœur, même si l’artère coronaire droite est généralement le vaisseau dominant. Un IDM de la paroi postérieure est difcile à détecter, mais il peut l’être grâce à des dérivations spéciques placées sur la région scapulaire gauche, ou encore si des ondes R très hautes apparaissent dans les dérivations V1 et V2 FIGURE 14.11 13 .

Infarctus du myocarde sans sus-décalage du segment ST L’ECG est un outil diagnostique très utile. Durant de nombreuses années, il a été considéré comme l’instrument de référence pour le diagnostic de l’IDM aigu. Cependant, des sus-décalages ou des sous-décalages du segment ST ne sont pas observés dans tous les cas d’IDM aigu. Cela tient notamment au fait que l’infarctus et la nécrose subséquente ne touchent pas toute l’épaisseur de la paroi. Étant donné qu’une partie du muscle de ce foyer peut encore être dépolarisée, le sus-décalage ou le sousdécalage du segment ST ne se produit pas forcément. Ce type d’IDM est d’ailleurs moins susceptible d’entraîner des ondes Q sur un ECG ultérieur, une

FIGURE 14.10 Changements observés à l’électrocardiogramme (ECG) en cas d’infarctus du myocarde (IDM) avec susdécalage du segment ST (STEMI) dans la paroi inférieure du ventricule droit (V.D.). A Schéma d’un IDM de la paroi du V.D. B IDM aigu de la paroi inférieure, avec occlusion de l’artère coronaire droite (ACD).

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Partie 2

Système cardiovasculaire

14

FIGURE 14.10

(suite)

C Exemple d’IDM aigu de la paroi inférieure du V.D. avec ECG standard. D Exemple d’IDM aigu de la paroi du V.D. avec ECG du cœur

droit. Les deux ECG proviennent du même client.

fois la phase aiguë terminée. Dans un contexte diagnostique, ce cas de gure correspond à un NSTEMI (Anderson et al., 2011 ; Wright et al., 2011). Comme la personne ayant un NSTEMI souffre de coronaropathie, il est important qu’elle soit traitée de manière énergique an de réduire autant que possible la taille du foyer infarci. Sans l’indice visuel qu’est le sus-décalage du segment ST sur un ECG, le client ne peut pas recevoir immédiatement des agents brinolytiques par voie I.V., mais il peut être pris en charge adéquatement au laboratoire de cathétérisme cardiaque et recevoir un traitement

par un inhibiteur de la GP IIb/IIIa FIGURE 14.3. L’ECG joue un rôle crucial dans l’établissement du plan thérapeutique en cas de SCA. S’il est présent, il permettra de visualiser les modications du segment ST. Les clients dont l’ECG ne présente pas de sus-décalage ou de sous-décalage du segment ST s’exposent tout de même à un risque d’épisode instable et doivent être placés sous surveillance FIGURE 14.12. En l’occurrence, le diagnostic dénitif peut être posé au laboratoire de cathétérisme cardiaque ou lorsque les taux de certains biomarqueurs cardiaques augmentent. Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

399

FIGURE 14.11 Changements observés sur un électrocardiogramme (ECG) en présence d’un infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST (STEMI). A Zone d’infarctus sur la paroi cardiaque. B Dérivations de l’ECG avec sus-décalage prévu du segment ST en cas de STEMI de la paroi postérieure.

13 Les différents biomarqueurs sont expliqués plus en détail dans le chapitre 13, Examens paracliniques du système cardiovasculaire.

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Partie 2

Biomarqueurs cardiaques associés à un infarctus du myocarde

• Créatinine kinase : 30-213 U/L

En cas de lésion et de nécrose du myocarde, certains biomarqueurs cardiaques, également appelés enzymes cardiaques, sont libérés. Pour conrmer le diagnostic d’IDM aigu, il faut mesurer les taux des biomarqueurs sériques : la créatine kinase de type musculaire-cérébral (CK-MB), la troponine I ou la troponine T. Dans la pratique clinique, le taux de CK est beaucoup utilisé, mais les troponines sont des indicateurs précieux, car elles ont une spécicité plus accrue pour indiquer la lésion myocardique et elles se renouvellent plus rapidement. Si l’artère coronaire est désobstruée grâce à un traitement brinolytique ou une ICP, les taux de biomarqueurs augmentent plus vite et diminuent brusquement FIGURE 14.13 13 . Les valeurs de référence des biomarqueurs varient considérablement d’un centre hospitalier à l’autre.

• Troponine I : < 0,04 mcg/L

Système cardiovasculaire

• CK-MB : 0-19 U/L • Troponine T : < 50 ng/L Les valeurs des troponines peuvent varier selon la technique (Fiacre, Plouvier & Vincenot, 2010).

Complications liées à l’infarctus aigu du myocarde De nombreux clients présentent des complications pendant la phase initiale ou tardive de l’infarctus. Celles-ci peuvent résulter d’une dysfonction électrique ou d’un problème de contractilité cardiaque. Alors que les dysfonctions électriques se présentent sous forme d’arythmies cardiaques, les complications liées à la contractilité ou au pompage se manifestent généralement par une insufsance cardiaque,

FIGURE 14.12 Syndrome coronarien aigu (SCA). NSTEMI : infarctus du myocarde sans sus-décalage du segment ST ; STEMI : infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST ; IDM : infarctus du myocarde.

un œdème pulmonaire ou un choc cardiogénique. La présence d’un nouveau soufe chez un client atteint d’un infarctus du myocarde (IDM) aigu exige une attention particulière, car elle peut indiquer la rupture du muscle papillaire. Le soufe peut être le signe d’une lésion grave et de complications imminentes telles que l’insufsance cardiaque et l’œdème pulmonaire.

Bradycardie sinusale La bradycardie sinusale, soit une fréquence cardiaque (F.C.) inférieure à 60 batt./min, est fréquente chez les personnes qui ont subi un IDM aigu. Elle est plus courante en cas d’infarctus de la paroi inférieure dans l’heure suivant le STEMI. La bradycardie symptomatique avec hypotension et faible D.C. est traitée par l’atropine (0,5 mg par bolus rapide I.V.), jusqu’à une dose maximale de 3 mg, comme le recommandent les lignes directrices de soins avancés en réanimation cardiovasculaires (Neumar, Otto, Link et al., 2010). Une perfusion de dopamine peut être administrée, surtout en présence de bradycardie avec hypotension, à raison de 2 à 10 mcg/kg et titrée selon la P.A. (Neumar et al., 2010).

Tachycardie sinusale La tachycardie sinusale, soit une F.C. égale ou supérieure à 100 batt./min, est le plus souvent associée à un IDM de la paroi antérieure. Les infarctus de la paroi antérieure entravent la capacité de pompage du V.G., ce qui réduit le volume d’éjection systolique (V.E.S.). Pour maintenir le D.C., la F.C. doit alors s’accroître. La tachycardie sinusale est corrigée par le traitement de sa cause sous-jacente. Il est à noter que la tachycardie augmente considérablement la consommation d’oxygène du myocarde, ce qui accentue l’ischémie.

Arythmies auriculaires Les extrasystoles auriculaires sont fréquentes chez les clients qui ont subi un IDM aigu. La brillation

FIGURE 14.13 Biomarqueurs cardiaques pendant un infarctus du myocarde (IDM). CK-MB : créatine kinase de type musculaire-cérébral ; STEMI : infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST.

14

auriculaire (FA) est elle aussi fréquente et peut survenir spontanément ou être précédée par des extrasystoles auriculaires. La perturbation des contractions auriculaires liée à la FA provoque une réduction du D.C. allant de 20 jusqu’à 30 %. Les taux de morbidité sont plus élevés chez les clients présentant une FA nouvelle ou préexistante que chez les clients qui subissent un SCA sans FA. Les cas de SCA avec nouvelle FA connaissent plus d’effets indésirables hospitaliers tels que la récidive d’infarctus, le choc, l’œdème pulmonaire, l’hémorragie et l’AVC. La prise en charge de la FA inclut le contrôle de la fréquence ou la maîtrise du rythme cardiaque (Wann et al., 2011), ainsi que l’anticoagulation orale.

Arythmies ventriculaires Les extrasystoles ventriculaires s’observent chez presque tous les clients dans les premières heures qui suivent un IDM. Elles sont maîtrisées initialement en administrant de l’oxygène, au besoin, pour réduire l’hypoxie du myocarde et en corrigeant les déséquilibres acidobasiques et électrolytiques. Dans le contexte d’un IDM aigu, les extrasystoles ventriculaires peuvent être traitées à l’aide d’une approche pharmacologique si elles apportent une instabilité hémodynamique et qu’elles présentent les caractéristiques suivantes : fréquentes (> 6/min), étroitement couplées (phénomène R sur T), polymorphes et apparaissant en salves qui augmentent le risque de précipiter une tachycardie ventriculaire (TV) soutenue. La brillation ventriculaire (FV) est une arythmie menaçant le pronostic vital ; elle est associée à un taux de mortalité élevé si elle accompagne l’IDM aigu. Des bêtabloquants sont prescrits après un IDM aigu pour réduire la mortalité liée aux arythmies ventriculaires. Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

401

Bloc auriculoventriculaire pendant un infarctus du myocarde Le bloc auriculoventriculaire (AV) de divers degrés et le bloc de branche persistant se manifestent respectivement chez 7 et 5 % des clients avec STEMI. Les blocs AV de haut grade et le bloc de branche persistant sont indépendamment associés à un mauvais pronostic à court et à long terme (O’Gara et al., 2013). En cas de STEMI, le bloc AV survient généralement après un infarctus de la paroi inférieure. Comme l’artère coronaire droite approvisionne le nœud AV chez 90 % de la population, l’occlusion de l’artère coronaire droite entraîne une ischémie et un infarctus des cellules du nœud AV (Bonow et al., 2012). L’apparition d’un bloc cardiaque soudain est devenue beaucoup moins fréquente, car la plupart des clients reçoivent un traitement brinolytique ou subissent une ICP visant à ouvrir le vaisseau obstrué. Dans la plupart des cas, la stimulation cardiaque transcutanée est l’intervention de choix ; l’utilisation des stimulateurs cardiaques endoveineux est moins répandue.

Anévrisme ventriculaire après un infarctus du myocarde L’anévrisme ventriculaire représente l’amincissement et la perte de la contractilité de la paroi du V.G. résultant d’un infarctus de la paroi entière du myocarde FIGURE 14.14. Il suit généralement une occlusion aiguë de l’artère interventriculaire antérieure avec infarcissement myocardique étendu. La prévention la plus efcace consiste à reperfuser rapidement le myocarde en ouvrant l’artère coronaire thrombosée. Les complications les plus courantes de l’anévrisme ventriculaire sont l’insufsance cardiaque aiguë, les embolies systémiques, l’angine et la TV. Le traitement consiste à prendre en charge ces complications et à effectuer une réparation chirurgicale par anévrismectomie ventriculaire gauche. Toutefois,

FIGURE 14.14

Anévrisme ventriculaire après un infarctus du myocarde aigu. AP : artère pulmonaire ; OD : oreillette droite ; OG : oreillette gauche ; V.D.: ventricule droit ; V.G.: ventricule gauche.

402

Partie 2

Système cardiovasculaire

la chirurgie de l’anévrisme ventriculaire après un STEMI est rarement nécessaire, mais elle peut être un traitement considéré pour l’insufsance cardiaque, les arythmies ventriculaires ne se prêtant pas à la médication ou à l’ablation par radiofréquence, ou pour les embolies récurrentes malgré un traitement anticoagulant approprié (O’Gara et al., 2013). La zone affectée peut être qualiée d’hypokinétique (contraction insufsante), d’akynétique (tissu cicatriciel non contractile) ou de dyskinétique (tissu cicatriciel se déplaçant en direction opposée vers le myocarde contractile normal). Le pronostic dépend de la taille de l’anévrisme, du degré de dysfonction du V.G. global et de la gravité de la coronaropathie concomitante.

Rupture du septum interventriculaire après un infarctus du myocarde La rupture du septum interventriculaire après un infarctus est une complication rare mais potentiellement mortelle de l’IDM aigu de la paroi antérieure FIGURE 14.15. La rupture du septum interventriculaire, également appelée perforation du septum interventriculaire, est une communication anormale entre les ventricules droit et gauche (communication interventriculaire). Cette complication touche moins de 1 % de tous les cas d’IDM, et son incidence a diminué, car l’artère coronaire bloquée de la plupart des victimes d’un STEMI est ouverte par ICP ou par brinolyse peu après le diagnostic. Néanmoins, la rupture du septum interventriculaire est associée à un taux de mortalité très élevé, variant généralement de 35 à 73 % (Birnbaum, Fishbein, Blanche et al., 2002 ; Crenshaw, Granger, Birnbaum et al., 2000). La majorité des clients atteints d’une rupture du septum interventriculaire afchent des signes et des symptômes de choc cardiogénique. La perforation du septum interventriculaire provoque une douleur thoracique intense, une syncope, de l’hypotension et une détérioration hémodynamique soudaine due à un détournement du sang du V.G. sous pression élevée vers le V.D. sous basse pression à travers la nouvelle ouverture septale. Un soufe holosystolique (souvent accompagné d’un frémissement) peut s’entendre à l’auscultation : il est le plus distinct le long du bord sternal gauche. La rupture du septum interventriculaire est une urgence médicale et chirurgicale. Des vasodilatateurs, des inotropes et un ballon de contrepulsion intra-aortique (BIA) sont utilisés pour diminuer la postcharge et stabiliser l’état du client. L’objectif de la réduction de la postcharge chez cette catégorie de clients est de diminuer la quantité de sang déviée vers le cœur droit et d’augmenter ainsi le débit sanguin vers la circulation systémique (O’Gara et al., 2013). Si la perforation septale est très petite et que l’état du client est assez stable pour attendre qu’un tissu cicatriciel se forme avant la réparation chirurgicale, le taux de survie augmente. Malheureusement, lorsque la communication interventriculaire est importante, le détournement massif de sang du cœur gauche vers le cœur droit à travers la perforation septale diminue

péricardiocentèse d’urgence pour soulager la tamponnade en attendant de pouvoir tenter une réparation chirurgicale. La meilleure prévention consiste en une reperfusion rapide du myocarde.

Péricardite après un infarctus du myocarde

FIGURE 14.15 Rupture du septum interventriculaire après un infarctus du myocarde aigu. AP : artère pulmonaire ; OD : oreillette droite ; OG : oreillette gauche ; V.D. : ventricule droit ; V.G. : ventricule gauche.

dramatiquement les chances de survie, avec ou sans chirurgie (Crenshaw et al., 2000 ; Deja, Szostek, Widenka et al., 2000).

Rupture du muscle papillaire après un infarctus du myocarde La rupture du muscle papillaire peut se produire lorsque l’infarctus touche la région entourant l’un des muscles papillaires qui soutiennent la valve tricuspide ou la valve mitrale, bien que ce soit généralement la valve mitrale qui est majoritairement touchée. L’infarctus des muscles papillaires rend inefcace la fermeture de cette valve, ce qui repousse le sang vers l’oreillette gauche sous faible pression pendant la systole ventriculaire. La rupture peut être partielle ou complète. La rupture complète est catastrophique et entraîne une régurgitation mitrale aiguë grave, un choc cardiogénique et un risque élevé de mortalité. La rupture partielle provoque aussi une régurgitation mitrale, mais cette affection peut être stabilisée par une prise en charge médicale énergique reposant sur l’utilisation d’un BIA et de vasodilatateurs FIGURE 14.16. Une intervention chirurgicale est requise d’urgence pour réparer ou remplacer la valve mitrale (Meris, Amigoni, Verma et al., 2012 ; O’Gara et al., 2013).

La péricardite est une inammation du péricarde. Elle peut notamment survenir pendant ou après un infarctus du myocarde (IDM) aigu. L’épicarde endommagé devient rugueux et enammé, et il irrite la couche adjacente du péricarde, précipitant ainsi la péricardite. La douleur et le frottement péricardique en sont respectivement le symptôme et le signe initial les plus courants. La meilleure façon d’ausculter ce frottement consiste à appliquer le stéthoscope sur le bord sternal. Ce bruit est décrit comme un grattement, un grincement ou un froissement de cuir. La péricardite s’accompagne souvent d’un épanchement péricardique (Seferovic´, Ristic´, Maksimovic´ et al., 2012). Après l’épanchement, le frottement péricardique peut disparaître. Sur l’ECG, la péricardite peut se manifester par un sus-décalage diffus du segment ST dans toutes les dérivations qui ont normalement une déexion positive (Wang, Asinger & Marriott, 2003). La péricardite est majoritairement traitée avec de l’acide acétylsalicylique et du repos. Les glucocorticoïdes et les anti-inammatoires non stéroïdiens ne sont pas nécessairement recommandés (O’Gara et al., 2013). La péricardite comme complication tardive d’un IDM aigu est appelée syndrome de Dressler en présence d’une douleur persistante de plus d’une semaine, de malaises systémiques, de èvre et de marqueurs inammatoires élevés (O’Gara et al., 2013 ; Paelinck & Dendale, 2003).

14

Insufsance cardiaque après un infarctus du myocarde De nombreux clients ayant subi un STEMI aigu sont aussi atteints d’une insufsance cardiaque aiguë au

Rupture de la paroi cardiaque après un infarctus du myocarde La rupture de la paroi cardiaque se produit à deux moments précis : pendant les 24 premières heures ou entre le troisième et le cinquième jour après l’infarctus, lorsque les globules blancs phagocytent les débris nécrotiques, ce qui amincit la paroi du myocarde. Le phénomène est soudain et généralement catastrophique, puisqu’il entraîne un saignement dans l’espace péricardique et une tamponnade cardiaque, un choc cardiogénique, une activité électrique sans pouls et le décès. La survie est rare. Si la rupture se produit à l’hôpital, il faut effectuer une

FIGURE 14.16 Rupture du muscle papillaire après un infarctus du myocarde aigu. AP : artère pulmonaire ; OD : oreillette droite ; OG : oreillette gauche ; V.D. : ventricule droit ; V.G. : ventricule gauche.

Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

403

moment de leur hospitalisation. Comparativement à ceux qui font un IDM aigu sans insufsance car­ diaque, le risque d’effets indésirables et de décès à l’hôpital est plus élevé, et l’hospitalisation est plus longue dans leur cas. L’insufsance cardiaque sera abordée en détail plus loin dans ce chapitre.

14.2.3

Traitements médicaux

Les recherches consacrées à l’évaluation de la qualité démontrent que l’observance des lignes directrices mises au point par l’American College of Cardiology et l’American Heart Association (ACC/AHA) réduit le taux de mortalité à l’hôpital à la suite d’un IDM aigu (Krumholz, Merrill, Schone et al., 2009 ; Wu, Parsons, Every et al., 2002). Lorsque les lignes direc­ trices de l’ACC/AHA concernant le traitement du STEMI ou du NSTEMI sont respectées, le taux de mortalité des personnes hospitalisées est de 8,3 %, alors qu’il est de 15,3 % chez les personnes prises en charge dans des hôpitaux où la plupart des lignes directrices les plus récentes ne sont pas entièrement respectées (Eagle, Kline­Rogers, Goodman et al., 2004 ; Krumholz et al., 2009). Les lignes directrices reposent sur des recherches et sont conçues pour améliorer le pronostic des clients hospitalisés à la suite d’un IDM aigu. Les lignes directrices cliniques concernent les interventions visant à ouvrir l’artère coronaire, l’anticoagulation, la prévention des aryth­ mies, la maîtrise intensive de la glycémie et la pré­ vention du remodelage ventriculaire après un STEMI. Pour favoriser la revascularisation rapide de l’artère coronaire en cas de STEMI, les hôpitaux locaux sont amenés à mettre au point une stratégie harmonisée de transfert des clients entre les établis­ sements dotés de laboratoires d’ICP et ceux qui ne le sont pas (O’Gara et al., 2013) FIGURE 14.3. Au Québec, une étude comparative des lignes directrices avec la pratique québécoise a permis à un groupe de travail de trouver des solutions an de diminuer les délais quant à l’angioplastie. Parmi ces solutions gurent la mise en place de l’ECG préhos­ pitalier ainsi que l’orientation directe des clients vers un centre pratiquant l’angioplastie (Réseau québécois de cardiologie tertiaire, 2009).

Reperméabilisation de l’artère coronaire Pour le client atteint d’un STEMI aigu, les interven­ tions immédiates essentielles sont le traitement bri­ nolytique ou l’ICP visant à ouvrir l’artère obstruée (O’Gara et al., 2013). Toutes les lignes directrices insistent sur la nécessité de trier et de traiter rapide­ ment les clients qui présentent des symptômes de SCA (O’Gara et al., 2013).

Anticoagulation Pendant la phase aiguë qui suit un STEMI, de l’hépa­ rine est administrée en association avec un

404

Partie 2

Système cardiovasculaire

traitement fibrinolytique pour reperméabiliser (ouvrir) l’artère coronaire (O’Gara et al., 2013). Le client qui bénécie d’un traitement brinolytique reçoit un bolus initial d’héparine de 60 unités/kg (maximum de 5 000 unités) par voie I.V., suivi d’une perfusion continue d’héparine de 12 unités/kg/h (maximum de 1 000 unités/h) pour maintenir un temps de céphaline activée (TCA) de 50 à 70 se­ condes (1,5 à 2,0 fois) pendant 48 heures ou jusqu’à la revascularisation (O’Gara et al., 2013). Il sera prudent, par ailleurs, d’administrer de l’héparine non fractionnée (HNF) par voie I.V. ou de l’héparine de bas poids moléculaire par voie sous­cutanée (S.C.) si le client court un risque de thrombus. Lorsque le client est atteint d’une throm­ bocytopénie induite par l’héparine avérée, l’hépa­ rine de bas poids moléculaire ou l’HNF peuvent être remplacées par une troisième classe d’an­ tithrombotiques : les antithrombotiques directs (p. ex., lépirudine [Reudan MD], bivalirudine et argatroban [ArgatrobanMD]). Une embolie thrombo­ tique est susceptible de se former chez les per­ sonnes qui ont subi un infarctus de la paroi antérieure avec akinésie antéroapicale ou dyskiné­ sie, ou encore celles qui ont une FA ou des antécé­ dents d’embolie, de cardiomyopathie ou de choc cardiogénique.

Prévention des arythmies Les bêtabloquants sont également recommandés comme antiarythmiques pour tous les clients qui ont subi un STEMI. Ils diminuent la P.A. et préviennent les arythmies ventriculaires et les récidives d’infarc­ tus, notamment chez les clients atteints d’une dys­ fonction ventriculaire gauche (O’Gara et al., 2013). L’amiodarone (CordaroneMD) est l’antiarythmique doté du meilleur prol d’innocuité après un STEMI (Neumar et al., 2010).

Prévention du remodelage ventriculaire De nombreux clients présentent un risque d’insuf­ sance cardiaque après un STEMI. Les antihyperten­ seurs, les IECA ou les ARA peuvent freiner ou limiter le remodelage ventriculaire qui provoque l’insuf­ sance cardiaque. Le remodelage ventriculaire est un changement évolutif de la taille, de l’architecture et de la morphologie du myocarde ; il est dû à des lésions comme l’IDM. Le remodelage ventriculaire est modulé par des catécholamines et l’activation de mécanismes compensateurs neurohormonaux. Les parois des cavités cardiaques nissent par se dilater, s’amincir et perdre de leur contractilité. Un IECA ou, si cet agent n’est pas toléré, un ARA est indiqué pour tous les clients qui ont subi un STEMI (O’Gara et al., 2013). Il sera question ultérieurement des effets cli­ niques de l’insufsance cardiaque.

Soins et traitements inrmiers Les soins et traitements inrmiers du client qui a subi un IDM aigu concernent divers problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 14.10 A . Les interventions inrmières visent à obtenir un équilibre entre l’apport et la demande d’oxygène du myocarde, à prévenir les complications et à informer le client et ses proches.

Équilibrer l’apport et la demande d’oxygène du myocarde Si la phase aiguë a donné lieu à des lésions du muscle cardiaque, l’inrmière augmente l’apport d’oxygène du myocarde en administrant de l’oxygène d’appoint an de prévenir l’hypoxie tissulaire. Ce déséquilibre se traduit par de nombreux signes cliniques ENCADRÉ 14.11. Les médicaments à visée cardiaque jouent un rôle de plus en plus important dans l’équilibre entre l’apport et la demande d’oxygène, et c’est l’inrmière qui administre ces agents et en surveille l’efcacité. Des médicaments inotropes positifs comme la dobutamine (DobutrexMD) et la dopamine (RevimineMD, IntropinMD) peuvent être administrés au client dont le D.C. est faible. La milrinone (PrimacorMD), un inhibiteur de la phosphodiestérase qui augmente la contractilité en améliorant le captage du calcium dans le sarcolemme et qui exerce des effets inotropes positifs dans le myocarde, peut également être prescrite. Si les clients prennent des bêtabloquants, la milrinone n’entre pas en concurrence avec eux pour les sites des récepteurs, contrairement à la dobutamine et à la dopamine. Ces agents inotropes servent à augmenter la contractilité cardiaque dans les zones saines du cœur (augmenter l’apport d’oxygène) en évitant d’altérer les foyers récemment infarcis. L’apport d’oxygène au myocarde peut être amélioré grâce à des vasodilatateurs de l’artère coronaire. Il est fréquent d’administrer de la NTG par voie I.V. (TridilMD) pendant les 48 premières heures pour augmenter la vasodilatation et prévenir l’ischémie du myocarde. Des résultats de recherches appuient l’administration du traitement bêtabloquant dans la phase initiale en vue de diminuer la charge de travail du myocarde et de prévenir les arythmies.

Prévenir les complications Il est essentiel de bien cerner toutes les complications susceptibles de se manifester après un STEMI. Le monitorage cardiaque doit se poursuivre an de détecter rapidement les arythmies ventriculaires. L’évaluation des signes de douleur ischémique continue est importante, car l’angine signale l’exposition du myocarde à un risque. En cas d’angine, un ECG est effectué pour déterminer si la zone d’infarctus s’est étendue, et de la NTG est administrée ;

Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 14.10

Infarctus du myocarde

• Anxiété liée à une menace contre l’intégrité biologique, psychologique ou sociale PSTI A.6

• Décit de compréhension lié à une absence d’exposition préalable à l’information PSTI A.8

• Diminution du débit cardiaque liée à des altérations de la précharge PSTI A.12 • Diminution du débit cardiaque liée à des altérations de la postcharge PSTI A.12 • Diminution du débit cardiaque liée à des altérations de la contractilité myocardique PSTI A.12

• Diminution du débit cardiaque liée à des modications de la fréquence ou du rythme cardiaques PSTI A.12

• Douleur aiguë liée à la transmission et à la perception d’impulsions cutanées, viscérales, musculaires ou ischémiques PSTI A.14

• Habitudes de sommeil perturbées liées à un sommeil fragmenté PSTI A.17 • Intolérance à l’activité liée à un dysfonction­ nement cardiopulmonaire PSTI A.21 • Risque d’hypoperfusion des tissus cardiaques PSTI A.27 • Sentiment d’impuissance lié à une percep­ tion de manque de contrôle sur la situation actuelle ou sur l’aggravation de la maladie PSTI A.32

• Stratégies d’adaptation inefcaces à l’égard d’une situation de crise et liées à la vulné­ rabilité personnelle PSTI A.34

le médecin doit être avisé immédiatement an d’entamer les interventions visant à limiter la taille de l’IDM. L’insufsance cardiaque est une complication grave après un STEMI. Lorsque la P.A. du client est stable, le traitement s’amorce avec un IECA. Ces antihypertenseurs servent à prévenir le remodelage et la dilatation du V.G., très fréquents chez les personnes qui ont subi un IDM aigu. L’hypotension est un effet indésirable possible de ces médicaments, surtout après la première dose. Après en avoir administré, l’une des responsabilités importantes de l’inrmière est de surveiller la P.A. et les symptômes du client. Il est également essentiel de vérier la présence de tout signe évident ou subtil d’hémorragie, car les clients qui ont subi un IDM aigu sont nombreux à recevoir des antiplaquettaires, un traitement anticoagulant et des brinolytiques (Eagle ENCADRÉ 14.11

• • • • • • • • • •

A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux problèmes découlant de l’infarctus du myocarde sont détaillés, selon le problème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers.

Manifestations cliniques de l’infarctus aigu du myocarde

Tachycardie avec ou sans extrasystole Bradycardie Pression artérielle normale ou hypotension Tachypnée Diminution des bruits cardiaques, notamment B1 En cas de dysfonction ventriculaire gauche, B3, B4 ou les deux peuvent être audibles Soufe systolique Crépitants (râles) pulmonaires Œdème pulmonaire Respiration de Kussmaul

• • • • • • • • • • • •

Orthopnée Expectorations spumeuses Diminution du débit cardiaque Diminution de la diurèse Atténuation des pouls périphériques Ralentissement du remplissage capillaire Nervosité Confusion Anxiété Agitation Déni Colère

Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

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14

et al., 2004 ; Krumholz et al., 2009 ; O’Gara et al., 2013 ; Wu et al., 2002). Dans les 24 premières heures suivant un IDM, l’alimentation est réinstaurée selon la tolérance du client. La prévention des pneumonies nosocomiales et de la thrombose veineuse profonde (TVP) est favorisée par le lever précoce du client ainsi que par l’élévation de la tête de lit à 30° ou plus. Une position verticale facilite la diminution du retour veineux, ce qui réduit d’autant la précharge et le travail du myocarde. L’inrmière montre au client comment éviter l’augmentation de la pression intraabdominale (manœuvre de Valsalva). Des laxatifs émollients peuvent lui être administrés pour diminuer le risque de constipation liée à l’utilisation des analgésiques et à l’alitement, et pour diminuer le risque lié aux efforts intenses de défécation. Assurer

un environnement calme et apaisant propice au bien-être du client aide au rétablissement.

Informer le client et ses proches Après la phase aiguë d’un IDM, la priorité est d’informer le client et ses proches. Les conseils se rapportent aux éléments clés suivants : 1) la réduction des facteurs de risque ; 2) les manifestations de l’angine ; 3) savoir quand appeler un médecin ou les SPU ; 4) les médicaments ; 5) la reprise des activités physiques et sexuelles ENCADRÉ 14.12. Il est recommandé d’orienter les clients vers un programme de réadaptation cardiaque pour consolider l’information reçue durant l’hospitalisation (O’Gara et al., 2013). Les lignes directrices de pratique clinique concernant les soins interdisciplinaires des clients qui ont subi un IDM aigu sont présentées dans l’ENCADRÉ 14.13.

Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 14.12

Infarctus du myocarde

L’inrmière aborde les sujets suivants. • Physiopathologie des coronaropathies, de l’angine et de l’IDM. • Dans les cas d’angine : décrire les signes et les symptômes comme la douleur, la pression et la lourdeur à la poitrine, aux bras ou à la mâchoire. • Utilisation de l’échelle d’évaluation de la douleur allant de 0 à 10 : aviser l’inrmière des soins critiques ou le personnel de l’urgence de toute variation de l’intensité de la douleur à la poitrine. • Renseignements sur les façons d’éviter la manœuvre de Valsalva. • Modication des facteurs de risque adaptée au prol de risque individuel de chaque client : – réduction de l’apport lipidique quotidien à moins de 30 % du total des calories ; – réduction du taux sérique de cholestérol total < 5,20 mmol/L ;

• •

• • •

– réduction du taux de C­LDL à moins de 2 mmol/L ; – arrêt du tabagisme ; – réduction de la consommation de sodium ; – maîtrise de l’hypertension ; – maîtrise du diabète (si le client est diabétique) ; – augmentation de l’activité physique ; – atteinte d’un poids corporel idéal (en cas de surpoids). Orientation vers un programme de réadaptation cardiaque. Information sur les médicaments, leurs indications et leurs effets secondaires, ainsi que sur la prise de NTG sublinguale. Soins de suivi après la sortie de l’hôpital. Symptômes à signaler à un professionnel de la santé. Discussion sur les moyens de faire face au stress émotionnel et à la colère.

Pratique fondée sur des résultats probants ENCADRÉ 14.13

Syndrome coronarien et infarctus du myocarde aigu (NSTEMI et STEMI)

PRÉVENTION DU SYNDROME CORONARIEN AIGU

Le SCA renvoie aux conséquences potentiellement mortelles des coronaropa­ thies, notamment l’angine instable, le NSTEMI et le STEMI. • L’angine instable désigne une douleur à la poitrine qui n’est pas soulagée 20 minutes après l’administration de NTG sublinguale ou un repos. • Le NSTEMI est un IDM aigu sans sus­décalage du segment ST sur l’ECG. • Le STEMI est un IDM aigu avec sus­décalage du segment ST sur l’ECG. Toutes les recommandations sont de classe I, ce qui signie qu’elles reposent sur des données probantes issues de recherches ables.

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Partie 2

Système cardiovasculaire

RECOMMANDATIONS LIÉES À LA RÉDUCTION DU RISQUE DE NSTEMI OU DE STEMI

• Les professionnels de soins primaires doivent évaluer les facteurs de risque de coronaropathie chez tous les clients, tous les trois à cinq ans, en se servant d’un outil validé d’évaluation des risques. • Ces outils d’évaluation basés sur les données probantes permettent de déterminer le risque de coronaropathie et d’IDM aigu pouvant survenir dans les 10 prochaines années. Ils devraient être utilisés pour tous les clients qui présentent au moins deux facteurs de risque majeurs.

ENCADRÉ 14.13

Syndrome coronarien et infarctus du myocarde aigu (NSTEMI et STEMI) (suite)

• Un programme intensif de modication des facteurs de risque est recommandé aux clients atteints d’une coronaropathie avérée ou ayant des équivalents à risque élevé comme le diabète ou une néphropathie chronique. RECOMMANDATIONS CONCERNANT LES SYMPTÔMES D’URGENCE DU SYNDROME CORONARIEN AIGU

• Un client qui a déjà reçu un diagnostic de coronaropathie doit prendre une dose de NTG sublinguale ; le client (s’il est seul), un ami ou un proche doit composer le 911 si la douleur ou l’inconfort à la poitrine ne sont pas soulagés ou s’aggravent dans les cinq minutes. • La même recommandation s’applique à un client n’ayant pas de coronaropa­ thie avérée. Si la douleur n’est pas soulagée par le repos ou qu’elle s’aggrave dans les cinq minutes, le client (s’il est seul), un ami ou un proche doit com­ poser le 911. • Les clients souffrant d’un inconfort à la poitrine doivent être transportés à l’hôpital en ambulance plutôt qu’être conduits par un ami ou un proche. • Il faut conseiller aux membres de la famille de suivre un cours de RCR avant la survenue d’un épisode de SCA pour les familiariser avec les techniques de RCR, l’utilisation d’un DEA et la notion de chaîne de survie. RECOMMANDATIONS DESTINÉES AUX PREMIERS INTERVENANTS DES SPU ET AU PERSONNEL PARAMÉDICAL AVANT L’ARRIVÉE À L’HÔPITAL

• Les premiers intervenants comme les SPU et le personnel paramédical peuvent pratiquer les manœuvres de réanimation sur les clients victimes d’un arrêt cardiaque. • Selon les ordonnances en vigueur, le personnel des SPU devrait administrer 162 à 325 mg d’acide acétylsalicylique non entérique (à mâcher et à ne pas avaler) aux clients ayant une douleur à la poitrine et chez qui un STEMI est suspecté. • Les clients de plus de 75 ans et ceux qui ont subi un choc cardiogénique doivent être transportés dans un hôpital en mesure d’administrer des brinolytiques, une ICP d’urgence ou un PAC d’urgence. • Les clients ayant un STEMI pour lesquels le traitement brinolytique est contre­indiqué doivent être emmenés dans un hôpital en mesure d’offrir une ICP ou un PAC d’urgence. Le délai entre le départ des lieux et l’arrivée à l’hôpital doit être inférieur à 30 minutes. L’ICP doit être instaurée dans les 90 minutes suivant le contact médical initial. RECOMMANDATIONS POUR LA PRISE EN CHARGE CLINIQUE INITIALE D’URGENCE

• Les hôpitaux doivent constituer des équipes interdisciplinaires chargées de faciliter le triage rapide des clients qui arrivent à l’urgence en raison d’une douleur à la poitrine. • Il est recommandé de normaliser les soins en adoptant un protocole écrit. Une consultation immédiate en cardiologie est conseillée si les symptômes du client ne correspondent pas au protocole écrit. STEMI

• Fibrinolytiques pour le STEMI : Il doit s’écouler moins de 30 minutes entre le premier contact avec le système de soins de santé (personnel paramé­ dical ou à l’urgence) et l’administration du traitement brinolytique. Il faut procéder à un bref examen neurologique pour établir les antécédents d’AVC ou la présence de décits cognitifs avant d’administrer un traitement bri ­ nolytique. Le traitement pharmacologique du STEMI avec brinolytique in­ clut l’administration d’un deuxième antiplaquettaire comme le clopidogrel (PlavixMD) et de l’HNF. • ICP pour le STEMI : il doit s’écouler moins de 90 minutes entre le premier contact avec le système de soins de santé (personnel paramédical ou à l’ur­ gence) et le gonement du ballon de l’ICP. Le traitement pharmacologique

du STEMI inclut l’administration d’un deuxième antiplaquettaire (clopidogrel, prasugrel [EfentMD] ou ticagrelor [BrilintaMD]), en plus de l’acide acétylsalicy­ lique et d’une héparine, jusqu’à l’ICP. NSTEMI

• Si le risque concernant le client atteint d’un NSTEMI n’est pas immédiate­ ment apparent, du personnel de l’urgence formé en cardiologie assurera une surveillance étroite sans procéder immédiatement à une hospitalisation. • Un deuxième antiplaquettaire (clopidogrel, prasugrel ou ticagrelor) est combiné à l’acide acétylsalicylique et à l’héparine. Des inhibiteurs de la glycoprotéine IIb/IIIa peuvent aussi être ajoutés pour le traitement du NSTEMI pour les clients considérés à plus haut risque cardiovasculaire. • L’ICP peut être indiquée pour les cas de NSTEMI. RECOMMANDATIONS POUR L’ÉVALUATION PHYSIQUE INITIALE D’URGENCE Signes vitaux

14

• Surveiller la F.C., la P.A., la F.R., la température, la SpO2, le monitorage par ECG pour détecter les arythmies. Évaluation physique

• Vérier si la peau est chaude ou froide, observer sa couleur, surveiller le remplissage capillaire et les pouls périphériques. • Ausculter le cœur à la recherche de soufes cardiaques ou d’un nou­ veau B3 ou B4. • Ausculter les poumons pour détecter les bruits respiratoires vésiculaires, les crépitants (râles) et les sibilances. • Vérier si le client est essoufé ou s’il présente des expectorations roses mousseuses (œdème pulmonaire). • Interroger le client, sa famille et ses proches pour obtenir l’histoire de santé pertinente. RECOMMANDATIONS POUR LE DIAGNOSTIC D’URGENCE ECG standard

• Le tracé de l’ECG doit être montré au médecin dans les 10 minutes suivant l’arrivée du client à l’urgence, et ce, pour tous les clients ayant un inconfort à la poitrine ou des symptômes équivalents à une angine. • Si le premier ECG est normal, mais que le client continue à présenter des symptômes de douleur ou d’inconfort à la poitrine, il faut recommencer l’ECG à des intervalles de 5 à 10 minutes et procéder à un monitorage ECG continu. • Dans le cas des clients atteints d’un infarctus de la paroi inférieure, il faut soupçonner un infarctus du V.D. et enregistrer un ECG avec dérivations droites. V4R est la dérivation privilégiée pour le diagnostic du sus­décalage du seg­ ment ST dans le V.D. Analyses de laboratoire

• La prise en charge générale du STEMI exige certaines analyses de labora­ toire, sans qu’il faille pour autant retarder l’administration du traitement de reperfusion. Biomarqueurs cardiaques

• Il est recommandé de mesurer les troponines cardiaques chez les clients ayant des lésions concomitantes des muscles squelettiques. Il est conseillé de ne pas attendre les résultats des tests des biomarqueurs pour instaurer le traitement de reperfusion. Il est possible d’utiliser les résultats des tests des biomarqueurs sur place (portatifs) pour décider rapidement du traitement, mais les tests des biomarqueurs subséquents doivent reposer sur des ana­ lyses quantitatives de laboratoire.

Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

407

ENCADRÉ 14.13

Syndrome coronarien et infarctus du myocarde aigu (NSTEMI et STEMI) (suite)

Examens d’imagerie

• Radiographie thoracique portative : il ne faut pas retarder le traitement de reperfusion en attendant les clichés de radiographies thoraciques, sauf en cas de complications majeures (p. ex., si une dissection aortique est suspectée). • Échocardiographie portative (ETT ou ETO) ou IRM : le recours à ces examens permet de distinguer la dissection aortique du STEMI chez les clients dont les symptômes ne sont pas évidents. RECOMMANDATIONS EN MATIÈRE DE SOINS Prévention de l’hypoxie

• Administrer de l’oxygène d’appoint pour maintenir une saturation en oxygène supérieure à 90 %. Vasodilatation coronaire

• Administrer de la NTG (3 doses sublinguales de 0,04 mg en tout à intervalle de 5 minutes). Si la douleur ou l’inconfort à la poitrine persistent, installer un accès I.V. périphérique. Administrer de la NTG I.V. pour calmer la douleur à la poitrine, maîtriser l’hypertension ou soulager la congestion pulmonaire. Maîtrise de la douleur

• Administrer du sulfate de morphine pour soulager la douleur liée à l’infarctus. AINS

• Interrompre l’administration des AINS (excepté l’acide acétylsalicylique), qu’il s’agisse d’agents sélectifs ou non sélectifs de la COX-2, au moment où le client atteint de STEMI se présente en raison du risque accru de mortalité, de récidive d’infarctus, d’hypertension, d’insufsance cardiaque et de rupture du myocarde liés à l’utilisation de ces agents. Acide acétylsalicylique

• Acide acétylsalicylique (AspirineMD) à 162 mg : le client doit la mâcher an d’accélérer son absorption par la bouche. Bêtabloquants

• Le traitement bêtabloquant P.O. est administré aux clients atteints d’un STEMI pour lesquels il n’y a pas de contre-indications aux bêtabloquants, indépendamment du traitement brinolytique ou de la reperfusion par ICP primaire. • Les contre-indications relatives à l’utilisation des bêtabloquants en cas de STEMI incluent les signes d’insufsance cardiaque, le faible D.C., le risque de choc cardiogénique, le bloc cardiaque ou la prolongation de l’intervalle PR (> 0,24 sec.), l’asthme actif ou une maladie réactive des voies respiratoires. • En attendant d’établir les options de reperfusion, des bêtabloquants sont administrés si le client souffre de tachycardie ou d’hypertension ; autrement, ces traitements sont instaurés dès que possible après le STEMI. Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine

• Les IECA P.O. sont indiqués dans les 24 premières heures qui suivent le STEMI, à moins d’une contre-indication. RECOMMANDATIONS POUR LES INTERVENTIONS D’URGENCE EN CAS DE STEMI Médicaments brinolytiques

• Si l’ICP n’est pas disponible, les clients atteints de STEMI qui présentent une élévation du segment ST dans deux dérivations contiguës, soit une élévation du point J de plus de 2 mm (0,2 mV) dans les dérivations V2 et V3 (2,5 mm chez les hommes de moins de 40 ans ; 1,5 mm chez toutes les femmes), ou une élévation de 1 mm ou plus dans toutes les autres dérivations, l’apparition d’un nouveau BBG avéré ou soupçonné et des symptômes apparus depuis moins

408

Partie 2

Système cardiovasculaire

de 12 heures recevront des médicaments brinolytiques (Thygesen, Alpert, Jaffe et al., 2012). • Avant d’administrer ce traitement, écarter les contre-indications neurologiques. • Écarter les traumatismes faciaux, l’hypertension non maîtrisée ou l’AVC ischémique survenus au cours des trois derniers mois. • En cas de contre-indications à la brinolyse, l’ICP est la méthode de reperfusion à privilégier. ICP

• Effectuer une angiographie coronarienne diagnostique d’urgence pour déceler l’artère coronaire bloquée avant l’ICP. • L’ICP d’urgence est recommandée plutôt que le traitement brinolytique si l’apparition des symptômes remonte à plus de trois heures. • L’ICP d’urgence peut être effectuée dans les 12 heures qui suivent l’apparition des symptômes lorsque les clients présentent un nouveau BBG avéré ou soupçonné. • Le gonement du ballon dans l’ICP d’urgence doit avoir lieu dans les 90 minutes qui suivent l’arrivée du client à l’hôpital. Chirurgie cardiaque

Le traitement chirurgical du STEMI par PAC d’urgence répond à des indications spéciques : • Échec de l’ICP avec douleur persistante ou instabilité hémodynamique. • Ischémie récurrente réfractaire au traitement médical chez le client qui n’est pas candidat à l’ICP et dont l’anatomie le permet. • Rupture du septum interventriculaire post-IDM ou d’un muscle papillaire entraînant souvent un choc cardiogénique. • Choc cardiogénique moins de 36 heures après l’IDM chez le client de moins de 75 ans présentant un sus-décalage du segment ST, ou chez le client atteint d’un nouveau BBG et d’une maladie touchant plusieurs vaisseaux ou un vaisseau principal gauche. • Arythmies ventriculaires récurrentes chez le client ayant une lésion couvrant 50 % ou plus de l’artère coronaire gauche principale ou une maladie affectant trois vaisseaux, ou les deux. RECOMMANDATIONS POUR LA PRÉVENTION SECONDAIRE DES COMPLICATIONS Médicaments

• Administrer un IECA pour prévenir le remodelage ventriculaire. • Considérer l’utilisation d’un bêtabloquant pour prévenir les arythmies ventriculaires. • Favoriser l’instauration d’un diurétique en cas d’insufsance cardiaque. • Instaurer un traitement aux hypolipémiants si les taux de cholestérol total, de C-LDL ou de triglycérides sont élevés. RECOMMANDATIONS POUR LA PRISE EN CHARGE DES COMPLICATIONS APRÈS UN STEMI Choc cardiogénique

• Utiliser un BIA pour les clients atteints d’hypotension (P.A. de 90 mm Hg ou P.A.S. de 30 mm Hg en dessous de la valeur initiale). Arythmies ventriculaires

• La FV ou la TV sans pouls sont prises en charge en fonction des critères standards de SARC. • Les clients ayant encore une TV signicative sur le plan hémodynamique plus de deux jours après le STEMI et qui sont aux prises avec des arythmies ventriculaires persistantes sont candidats à l’implantation d’un DCI.

ENCADRÉ 14.13

Syndrome coronarien et infarctus du myocarde aigu (NSTEMI et STEMI) (suite)

• Le DCI est recommandé > 40 jours après le STEMI pour les clients dont la F.E. est < 35 % et qui ont une classe fonctionnelle I ou II selon la New York Heart Association (NYHA), ou pour ceux avec une F.E. < 30 % indépendamment des symptômes an de réduire le risque de MCS (O’Gara et al., 2013). Bloc AV

Renseignements sur les situations d’urgence

• Demander au client et à ses proches d’appeler le 911 en cas de douleur ou de symp­ tômes équivalents à l’angine qui persistent ou qui s’aggravent après cinq minutes. • Recommander aux proches des clients à risque élevé de suivre un cours de RCR et d’apprendre à utiliser un DEA.

• En cas de bloc AV du deuxième ou du troisième degré symptomatique, un stimulateur cardiaque endoveineux (d’urgence) ou un stimulateur cardiaque permanent (chirurgie élective ultérieure) est inséré. • Après un STEMI, tous les clients nécessitant une stimulation cardiaque permanente doivent être évalués an de déterminer si un DCI est indiqué.

Réduction des facteurs de risque

ENSEIGNEMENT PERTINENT AU CLIENT Médicaments

Réadaptation cardiaque

• Fournir des directives écrites et verbales concernant les posologies, l’admi­ nistration et les effets secondaires des médicaments.

• Favoriser l’abandon du tabagisme, la maîtrise de l’hypertension, la gestion du poids, une glycémie normale, une alimentation faible en gras, un bilan lipidique normal. • Augmenter les activités physiques, ne pas entamer de nouvelle HTS chez les femmes.

• Le client continuera plus facilement à réduire ses facteurs de risque et à modier son mode de vie s’il participe à un programme de réadaptation cardiaque.

14 AINS : anti-inammatoires non stéroïdiens ; AV : auriculoventriculaire ; AVC : accident vasculaire cérébral ; BBG : bloc de branche gauche ; BIA : ballon de contrepulsion intra-aortique ; COX-2 : cyclooxygénase-2 ; D.C. : débit cardiaque ; DCI : débrillateur cardioverteur implantable ; DEA : débrillateur externe automatisé ; ECG : électrocardiogramme ; ETO : échocardiographie transœsophagien ; ETT : échocardiographie transthoracique ; F.C. : fréquence cardiaque ; F.E. : fraction d’éjection ; F.R. : fréquence respiratoire ; FV : brillation ventriculaire ; HTS : hormonothérapie substitutive ; I.V. : intraveineux ; ICP : intervention coronarienne percutanée ; IDM : infarctus du myocarde ; IECA : inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine ; IRM : imagerie par résonance magnétique ; C-LDL : cholestérol à lipoprotéines de faible densité ; MCS : mort cardiaque subite ; NSTEMI : infarctus du myocarde sans sus-décalage du segment ST ; P.A. : pression artérielle ; PAC : pontage aortocoronarien ; RCR : réanimation cardiorespiratoire ; SaO2 : saturation en oxygène du sang artériel ; SARC : soins avancés en réanimation cardiovasculaire ; SCA : syndrome coronarien aigu ; SpO2 : saturation en oxygène mesurée à partir d’un oxymètre de pouls externe ; SPU : services préhospitaliers d’urgence ; STEMI : i nfarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST ; TV : tachycardie ventriculaire ; V.D. : ventricule droit. Sources : Anderson, Adams, Antman et al. (2011) ; O’Gara, Kushner, Ascheim et al. (2013) ; Wright, Anderson, Adams et al. (2011)

14.3

Mort cardiaque subite

Il faut savoir que 50 % des Américains et 64 % des Américaines qui meurent subitement des suites d’une maladie coronarienne chaque année étaient asymptomatiques. Au Canada, le nombre de décès par mort cardiaque subite (MCS) se situe dans les dizaines de milliers (Zipes, 2005). En fait, l’incidence annuelle de la MCS est de trois à quatre fois plus élevée chez les hommes que chez les femmes ; cela dit, cet écart entre les deux sexes s’amenuise avec l’âge. La fréquence de la MCS est de quatre à six fois plus élevée chez une personne dont les symptômes d’IDM ont duré moins d’une heure ou sont survenus à l’urgence que dans la population générale. Le taux de MCS représente environ 5 % du taux annuel total de mortalité, toutes causes confondues (Balady, Williams, Ades et al., 2007 ; Chugh, Jui, Gunson et al., 2004 ; Fox, Evans, Larson et al., 2004). En cas de MCS (apparition brutale de symptômes cardiaques aboutissant rapidement au décès), la cause la plus probable du décès est une TV qui a dégénéré en FV. Rares sont les personnes ayant subi un arrêt cardiaque extrahospitalier qui sortent vivantes de l’hôpital, et ce, même si elles ont bénécié de manœuvres de réanimation cardiorespiratoire avant l’hospitalisation. Les stratégies qui se sont révélées efcaces pour améliorer les chances de survie des personnes réanimées reposent sur des

programmes communautaires de grande envergure destinés à apprendre les manœuvres de RCR et le mode d’emploi des débrillateurs externes automatisés au grand public. Ces programmes contribuent au maintien de la survie jusqu’à la sortie de l’hôpital (Roger et al., 2012).

14.3.1

Étiologie

La plupart des cas de MCS sont observés chez des personnes atteintes d’une cardiopathie ayant entraîné un dysfonctionnement ventriculaire. Les facteurs de risque propres à la MCS sont les suivants : 1) athérosclérose coronarienne étendue, associée ou non à des antécédents d’IDM aigu ; 2) cardiomyopathie hypertrophique ou dilatée ; 3) valvulopathie ; 4) anomalies du système nerveux autonome ; 5) anomalies de l’activité électrique du cœur (bloc AV, syndrome de Wolff-Parkinson-White, allongement de l’intervalle QT ou syndrome de Brugada) ; 6) prise de médicaments qui allongent l’intervalle QT (Antzelevitch, Brugada, Borggrefe et al., 2005 ; Goldberger, Cain, Hohnloser et al., 2008 ; Priori, Aliot, BlomströmLundqvist et al., 2001). Une fraction d’éjection (F.E). inférieure à 30 % et des antécédents d’arythmie ventriculaire sont de puissants facteurs prédictifs de MCS. Les autres facteurs de risque de MCS sont répertoriés dans l’ENCADRÉ 14.14. Malheureusement, nombreuses sont les personnes qui ignorent qu’elles Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

409

ENCADRÉ 14.14

Causes de mort cardiaque subite

RISQUE ACQUIS DE MCS

La plupart des victimes d’une MCS sont âgées et ont des antécédents de coronaropathie, d’IDM et d’insufsance cardiaque subséquente. • Insufsance cardiaque – La F.E. est < 30 %. – La structure cardiaque est anormale. – Les coronaropathies et les antécédents d’IDM ayant produit des tissus cicatriciels sont les causes les plus courantes de TV et de FV entraînant une MCS. • Cardiomyopathie (dilatée ou ischémique) – Les clients chez qui il est possible d’induire une TV ou un FV pendant une étude électrophysiologique sont les plus à risque. – Le risque diminue après l’implantation d’un débrillateur cardioverteur implantable et l’instauration d’un traitement médicamenteux antiarythmique. RISQUE GÉNÉTIQUE DE MCS

Les maladies cardiovasculaires génétiques représentent 40 % des causes de MCS chez les jeunes adultes. • Syndrome de Brugada – Les signes à l’ECG sont le sus-décalage du segment ST de type convexe ou concave avec élévation du point J de 2 mm ou plus dans les dérivations précordiales droites V1 à V3. – La structure cardiaque semble normale. – Le risque de TV ou de FV est élevé chez des jeunes adultes autrement en bonne santé. – La TV ou la FV se produit souvent la nuit, au repos. – Ce syndrome représente 4 % de toutes les MCS ; l’âge moyen est de 41 ans. – Ce syndrome représente jusqu’à 20 % des cas de MCS de causes génétiques.

15 Le chapitre 15, Approche thérapeutique du système cardiovasculaire, aborde le sujet des débrillateurs cardioverteurs implanta­ bles et des médicaments antiarythmiques.

410

Partie 2

– Le syndrome est héréditaire : la transmission est génétique autosomiquedominante. – Ce syndrome est huit fois plus répandu chez les hommes (davantage chez la population asiatique du sud-est). – La prévalence est beaucoup plus élevée chez la population asiatique du sud-est. – Les clients chez qui il est possible d’induire une TV ou une FV pendant une étude électrophysiologique s’exposent à un risque supérieur. – Le risque de décès diminue après l’implantation d’un DCI. • Syndrome de Wolff-Parkinson-White (WPW) – Une voie de conduction accessoire congénitale relie les oreillettes aux ventricules. – La voie accessoire vient s’ajouter au système de conduction normal. – La voie accessoire permet une transmission très rapide des impulsions électriques, ce qui entraîne une préexcitation du ventricule qui peut dégénérer en TV ou en FV, notamment en cas d’arythmies auriculaires. – En général, le syndrome de WPW est détecté à l’adolescence ou au début de l’âge adulte. – Le syndrome de WPW est souvent révélé par des palpitations ou des essoufements durant l’exercice. – Dans de nombreux cas, il peut être soigné par l’ablation par radiofréquence de la voie accessoire. • Cardiomyopathie hypertrophique – Le risque de TV/FV est présent pendant l’effort. – La cardiomyopathie obstructive hypertrophique peut être souvent guérie par l’alcoolisation du septum interventriculaire hypertrophié. – Pour les autres clients atteints de cardiomyopathie hypertrophique (CMH), le risque diminue après l’implantation d’un DCI. • Syndrome du QT long – Le risque de TV ou de FV est présent en cas d’effort. – Le risque diminue après l’implantation d’un DCI.

sont exposées à un risque de MCS ou qui n’ont pas pris en considération tous leurs facteurs de risque.

14.4

14.3.2

L’insufsance cardiaque touche 500 000 Canadiens, et 50 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année (Fondation des maladies du cœur et de l’AVC, 2013).

Traitements médicaux

Selon la durée de l’arrêt cardiaque, une atteinte cognitive attribuable à l’hypoxie causée par l’interruption de l’apport de sang au cerveau est parfois observée. Un arrêt cardiaque peut aussi être à l’origine de lésions du myocarde ou d’autres tissus. Le traitement est adapté aux besoins du client. Ainsi, une hypothermie thérapeutique sera induite chez un client comateux exposé à un risque élevé de lésions cérébrales hypoxiques après un arrêt cardiaque an de préserver sa fonction cérébrale. Dans l’étude de Framingham, la MCS était deux fois plus fréquente chez les hommes que chez les femmes, et elle survenait en moyenne de 6 à 10 ans plus tard chez ces dernières (Antzelevitch et al., 2005 ; Chugh et al., 2004 ; Epstein, DiMarco, Ellenbogen et al., 2008 ; Fox et al., 2004 ; Ghani, Maas, Delnoy et al., 2011 ; Goldberger et al., 2008 ; Priori et al., 2001 ; Steinbeck, 2002). La prévention de la MCS est axée sur le dépistage et la prise en charge des clients à haut risque 15 .

Système cardiovasculaire

14.4.1

Insufsance cardiaque

Physiopathologie

L’insufsance cardiaque est une réaction au dysfonctionnement du cœur ; elle empêche le cœur de pomper le volume de sang requis pour répondre aux besoins de l’organisme. Toute affection qui perturbe la capacité des ventricules à se remplir de sang ou à éjecter du sang peut entraîner une insuffisance cardiaque. Dans la plupart des cas, une coronaropathie, et les lésions nécrotiques qu’elle entraîne pour le V.G., est la cause sous-jacente de l’insufsance cardiaque. Les autres principales affections responsables de l’insufsance cardiaque incluent les dysfonctions valvulaires, l’infection (myocardite ou endocardite), les cardiomyopathies et l’hypertension non maîtrisée (Jessup, Abraham, Casey et al., 2009). L’hypertension est le précurseur de l’insufsance cardiaque chez les hommes et les femmes (Jessup et al., 2009 ; Roger et al., 2012).

Mécanismes compensateurs neurohormonaux Lorsque l’insufsance cardiaque commence et que le D.C. ne suft plus à répondre aux besoins métaboliques des tissus, l’organisme active certains mécanismes compensateurs, dont le système nerveux sympathique et le système rénine-angiotensinealdostérone (SRAA). Ces mécanismes entraînent une vasoconstriction et une augmentation du volume plasmatique par une rétention du sodium. Par conséquent, le processus lié à l’activité sympathique et l’augmentation des pressions favorisent l’apparition de modications importantes de la structure ventriculaire qui sont appelées remodelage ventriculaire. Les interventions pharmacologiques visant à limiter le remodelage ventriculaire sont décrites dans cette section. Le système nerveux sympathique compense le faible D.C. en favorisant l’augmentation du taux de catécholamines circulantes, ce qui a comme conséquence d’accroître la F.C., d’augmenter la P.A. par vasoconstriction et d’activer certains facteurs complexes qui mèneront à la nécrose du tissu myocardique. L’activation du système nerveux sympathique amène donc un soutien à court terme, mais devient un mécanisme inadéquat, voire nuisible, à long terme (Bonow et al., 2012). L’activation du SRAA liée à l’insufsance cardiaque favorise la rétention de liquides (Butler, Ezekowitz, Collins et al., 2012 ; Goldberger et al., 2008). Elle résulte de la faiblesse du D.C. qui stimule la sécrétion de l’hormone rénine par les reins. Une chaîne physiologique d’événements est alors déclenchée, ce qui aboutit à une hypervolémie. La rénine agit sur l’angiotensinogène de la circulation sanguine et le convertit en angiotensine I. Lorsque l’angiotensine I traverse les tissus pulmonaires, elle est activée par l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA), qui la convertit à son tour en angiotensine II, un puissant vasoconstricteur qui augmente la résistance vasculaire systémique (RVS), la P.A. et le travail du V.G. ; la RVS élevée diminue davantage le D.C. L’aldostérone, une hormone minéralocorticoïde libérée par les glandes surrénales sous l’effet de leur stimulation par l’angiotensine, stimule la rétention sodique par l’entremise des tubules distaux des reins. Le faible D.C. entraîne une constriction des artérioles rénales, une diminution de la ltration glomérulaire et une réabsorption accrue du sodium à partir des tubules proximaux et distaux. Pour rompre le cycle de rétention liquidienne lié à l’activation du SRAA en présence d’insufsance cardiaque, deux types de médicaments sont prescrits. Les premiers sont les IECA, qui servent à inhiber la conversion de l’angiotensine I en angiotensine II 15 . Ces agents préviennent la vasoconstriction artérielle, réduisent la P.A. et la RVS, et atténuent la gravité du remodelage ventriculaire souvent concomitant à l’insufsance cardiaque. Les médicaments du second type, quant à eux, inhibent directement l’angiotensine II ; il s’agit de la classe des ARA (Butler et al., 2012). La spironolactone (AldactoneMD) ou

l’éplérénone (InspraMD) sont des médicaments appartenant à une catégorie différente également prescrite pour rompre le cycle du SRAA. Ces antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes inhibent la rétention du sodium à partir des tubules distaux des reins (Butler et al., 2012 ; Goldberger et al., 2008). La FIGURE 14.17 décrit le mode d’action de ces médicaments sur le SRAA. L’hypertrophie ventriculaire est le mécanisme compensateur nal. Elle est d’ailleurs fortement corrélée avec l’hypertension préexistante. L’hypertrophie cardiaque dite concentrique apparaît en réponse à la surcharge de pression (postcharge) qui augmente le stress sur les parois ventriculaires en systole, favorisant ainsi l’épaississement du muscle cardiaque (Bonow et al., 2012). Comme l’hypertrophie du myocarde augmente la force de contraction, l’hypertrophie aide le ventricule à surmonter une augmentation de la postcharge. Lorsque ce mécanisme devient insufsant pour le ventricule, il se produit un remodelage par dilatation, appelé hypertrophie excentrique, qui survient en présence d’une surcharge de volume. La surcharge de volume accroît le stress sur les parois en diastole, augmentant ainsi la longueur des bres myocardiques. L’étirement de ces bres entraîne ensuite une dysfonction contractile (Bonow et al., 2012) Le remodelage ventriculaire résulte des mécanismes décrits précédemment. Le ventricule change de forme ou est remodelé, et il ressemble maintenant à une boule. Un ventricule dilaté est doté d’une faible contractilité ; il est plus gros sans être hypertrophié. D’après des données probantes, l’utilisation de médicaments appartenant à des classes thérapeutiques différentes (p. ex., les IEC ou les ARA, les antagonistes des récepteurs de l’aldostérone et les bêtabloquants) peut freiner ou ralentir l’évolution du remodelage lié à l’insufsance cardiaque (Dimopoulos, Salukhe, Coats et al., 2004 ; Mullens, Abrahams, Francis et al., 2009 ; Patten & Soman, 2004).

14.4.2

14

Manifestations cliniques et examens paracliniques

L’insufsance cardiaque est généralement classée suivant les critères de la New York Heart Association (NYHA). Les clients sont divisés en quatre groupes, soit I à IV, selon la gravité des symptômes et le degré d’activité qui les provoque TABLEAU 14.8. Certaines lignes directrices préconisent l’utilisation d’un deuxième système de classication fondé sur l’évolution de l’insufsance cardiaque vers des stades correspondant à une souffrance croissante et à des interventions cliniques de plus en plus intenses TABLEAU 14.9 (Jessup et al., 2009). L’insuffisance cardiaque peut se manifester de nombreuses façons, selon l’ampleur du remodelage et de la dysfonction ventriculaires. Elle peut être détectée en raison d’un syndrome clinique déjà connu comme un IDM aigu, d’une diminution de la tolérance à l’effort, d’une rétention liquidienne ou d’une admission à l’unité de soins critiques pour une affection non Chapitre 14

15 Le chapitre 15, Approche thérapeutique du système cardiovasculaire, détaille les médicaments utilisés pour traiter l’insufsance cardiaque.

Troubles cardiovasculaires

411

FIGURE 14.17 Rôle du système rénine-angiotensine-aldostérone dans l’insufsance cardiaque (IC) et mode d’action des médicaments. A-I : angiotensine I ; A-II : angiotensine II ; ARA : récepteurs de l’angiotensine ; D.C. : débit cardiaque ; P.A. : pression artérielle ; RVS : résistance vasculaire systémique.

12 L’intervention permettant d’évaluer la distension veineuse jugulaire est illustrée dans le chapitre 12, Évalua­ tion clinique du système cardiovasculaire.

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Partie 2

apparentée (Jessup et al., 2009). Chez les clients souffrant de rétention liquidienne, le signe clinique le plus able d’une hypervolémie est la distension veineuse jugulaire (Jessup et al., 2009) 12 . La première étape du diagnostic consiste à déterminer l’anomalie structurale sous-jacente qui déclenche la dysfonction ventriculaire et les symptômes. Divers examens d’imagerie permettent de visualiser

Système cardiovasculaire

l’anatomie du cœur, et certaines analyses de laboratoire servent à évaluer les répercussions du déséquilibre hormonal ou électrolytique. Grâce aux résultats de ces tests, l’équipe de cardiologie peut mettre au point un plan thérapeutique visant à maîtriser les symptômes et, possiblement, à corriger la cause sous-jacente. Tous les clients ne sont pas forcément atteints du même type d’insufsance cardiaque.

Insufsance ventriculaire gauche L’insufsance du ventricule gauche (V.G.) se dénit comme un trouble de la contractilité du V.G. qui affaiblit le D.C. Cela se traduit par une vasoconstriction du lit artériel qui accroît la RVS, un phénomène appelé postcharge élevée, et qui provoque une congestion ainsi qu’un œdème dans la circulation et les alvéoles des poumons. L’insufsance cardiaque gauche est généralement découverte en raison : 1) d’une diminution de la tolérance à l’effort ; 2) d’une rétention de liquides ; 3) lors d’un examen pour un problème non cardiaque (Jessup et al., 2009). Les manifestations cliniques de l’insufsance ventriculaire gauche incluent la diminution de la perfusion périphérique avec pouls faible ou diminué, la froideur et la pâleur des extrémités, et, au stade ultérieur, la cyanose périphérique TABLEAU 14.10. Progressivement, l’accumulation de

TABLEAU 14.8

Classication fonctionnelle de l’insufsance cardiaque selon la New York Heart Association

CLASSE

DÉFINITION

I

Les activités quotidiennes habituelles ne déclenchent pas de symptômes.

II

Les activités quotidiennes habituelles déclenchent des symptômes qui disparaissent au repos.

III

Des activités minimes déclenchent des symptômes ; généralement, les clients ne présentent pas de symptômes au repos.

IV

Tout type d’activité déclenche des symptômes, et ceux-ci sont présents au repos.

14

TABLEAU 14.9

Évolution de l’insufsance cardiaque

STADE

TROUBLE CARDIAQUE STRUCTURAL

SYMPTÔMES

PRISE EN CHARGE

A

• Non, mais risque lié à l’hypertension, à la coronaropathie ou au diabète

• Aucun

• Traitement préventif des facteurs de risque connus • Hypertension • Troubles lipidiques • Tabagisme • Diabète • Décourager la consommation d’alcool et de drogues illicites

B

• • • •

• Aucun

• Traitement de tous les facteurs de risque • Si indiqué, utilisation : – d’IECA – de bêtabloquants

C

• Oui, avec symptômes antérieurs ou actuels

• Essoufements • Fatigue • Diminution de la tolérance à l’effort

• Traitement de tous les facteurs de risque et des symptômes d’IC : – Diurétiques – IECA – Bêtabloquants – Digoxine (LanoxinMD, ToloxinMD) – Consommation de sodium limitée

D

• Oui, avec symptômes d’IC réfractaire malgré des interventions spécialisées maximales (pharmacologiques, médicales et inrmières) • Hospitalisations récurrentes dues à des symptômes d’IC

• Symptômes marqués au repos malgré un traitement médical maximal

• Application des interventions associées aux stades antérieurs (A à C) de l’IC réfractaire en plus des mesures suivantes : – Soutien inotrope continu par voie I.V. – Dispositifs d’assistance mécanique – Greffe cardiaque – Soins palliatifs

Oui, mais sans symptômes Antécédents d’IDM Antécédents familiaux de cardiomyopathie Valvulopathie ou cardiomyopathie asymptomatique

Source : Adapté de Hunt, Abraham, Chin et al. (2005)

Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

413

liquide en amont du V.G. dysfonctionnel fait augmenter les pressions pulmonaires et favorise la congestion ainsi que l’œdème pulmonaires. D’ailleurs, la congestion pulmonaire est à l’origine de la dyspnée, symptôme cardinal dans l’insufsance cardiaque. Avec l’évolution de la maladie, les pressions pulmonaires augmentent. À long terme, cette augmentation de la postcharge du V.D. entraîne une dysfonction, et donc une insufsance du côté droit du cœur.

Insufsance ventriculaire droite L’insufsance du côté droit du cœur se dénit comme un problème de contractilité du ventricule droit (V.D.). L’insufsance cardiaque droite peut résulter d’un état aigu comme une embolie pulmonaire (EP) ou un infarctus du V.D. Par contre, elle résulte le plus souvent d’une insuffisance cardiaque gauche. L’hypertension pulmonaire, qu’elle soit primaire ou secondaire, peut également en être une cause (Bonow et al., 2012). Les manifestations courantes de l’insufsance ventriculaire droite sont la distension veineuse jugulaire, la pression veineuse centrale accrue, la faiblesse, l’œdème périphérique ou sacré, l’hépatomégalie (hypertrophie du foie), l’ictère et la sensibilité à la palpation du foie. Les symptômes gastro-intestinaux incluent la diminution de l’appétit, l’anorexie, les nausées et la sensation de plénitude inconfortable TABLEAU 14.10.

Insufsance cardiaque systolique L’expression dysfonction systolique décrit toute anomalie du muscle cardiaque ayant pour effet de réduire considérablement la contractilité pendant la

TABLEAU 14.10

systole (éjection) et la quantité de sang pouvant être pompée à l’extérieur du cœur. Le client qui a reçu un diagnostic d’insufsance cardiaque systolique (ICS) présente des signes et des symptômes d’insufsance cardiaque combinés à une fraction d’éjection (F.E.) inférieure à la normale. La dysfonction systolique du V.G. est le tableau classique que la plupart des inrmières envisagent lorsqu’elles pensent à l’insufsance cardiaque. En plus des signes et des symptômes de l’insufsance du cœur gauche décrits plus haut, le client présente une diminution de la F.E. L’ampleur de la diminution de la F.E. autorisant un diagnostic d’ICS fait encore débat, mais la fraction doit généralement être inférieure à 40 % selon les dernières lignes directrices sur l’insufsance cardiaque (Yancy, Jessup, Bozkurt et al., 2013). Ainsi, les clients avec une F.E. de 40 à 50 % représentent un groupe intermédiaire. Les symptômes de l’ICS incluent la dyspnée, l’intolérance à l’effort et l’hypervolémie. Les coronaropathies et leurs séquelles sont la cause sous-jacente de l’ICS dans les deux tiers des cas (Jessup et al., 2009) ; les personnes atteintes de dysfonction systolique restantes ont une cardiomyopathie non ischémique, également appelée cardiomyopathie dilatée (CMD) (Henry, 2003), découlant d’une cause identiable comme l’hypertension, une maladie thyroïdienne, une valvulopathie cardiaque, la consommation d’alcool ou une myocardite (Jessup et al., 2009). Si la cause est inconnue, la dysfonction systolique est qualiée de cardiomyopathie dilatée idiopathique. L’ICS augmente avec l’âge. Les résultats cliniques justiant un diagnostic d’ICS incluent :

Manifestations cliniques de l’insufsance ventriculaire droite et gauche

INSUFFISANCE VENTRICULAIRE DROITE

INSUFFISANCE VENTRICULAIRE GAUCHE

SIGNES

SYMPTÔMES

SIGNES

SYMPTÔMES

Œdème périphérique

Faiblesse

Tachypnée

Fatigue

Hépatomégalie

Anorexie

Tachycardie

Dyspnée

Splénomégalie

Indigestion

Toux

Orthopnée

Reux hépatojugulaire

Gain pondéral

Crépitants ns à la base des poumons

Dyspnée paroxystique nocturne

Ascites

Changements de l’état mental

Rythmes de galop (B3 et B4)

Nycturie

Distension veineuse jugulaire

Pressions artérielles pulmonaires accrues et périodes de palpitations

Pression veineuse centrale accrue

Hémoptysie Cyanose Œdème pulmonaire Hypertension pulmonaire

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Partie 2

Système cardiovasculaire

• des signes et des symptômes d’insuffisance cardiaque ; • une dysfonction systolique du V.G. avec une F.E. inférieure à la normale. En cas d’ICS, les cavités ventriculaires changent de forme, ce qui constitue une évolution nuisible appelée remodelage ventriculaire. Les répercussions négatives du remodelage sur les cellules cardiaques diffèrent de la dysfonction et de la perte de myocytes résultant de l’ischémie et de l’IDM. Des changements hémodynamiques importants accompagnent l’évolution de la dysfonction systolique. En cas d’insuffisance cardiaque gauche systolique, le volume ventriculaire télédiastolique est élevé et entraîne une augmentation de la pression ventriculaire supérieure à celle d’un cœur normal. Le volume et la pression intracardiaques accrus font augmenter les pressions veineuses pulmonaire et auriculaire gauches. Ainsi, tout le sang qui arrive au cœur en provenance du lit vasculaire pulmonaire est soumis à une plus forte pression hydrostatique, laquelle est nécessaire pour remplir le cœur congestif. L’augmentation de la pression vasculaire pulmonaire provoque une transsudation de liquide des capillaires pulmonaires vers l’espace interstitiel alvéolaire, liquide qui nit par être poussé à travers la paroi des alvéoles, créant ainsi un œdème pulmonaire. Les complications pulmonaires de l’insufsance cardiaque sont décrites en détail plus loin. Bien qu’une multitude de facteurs puissent être en cause, il reste qu’en général, une augmentation des pressions dans le cœur gauche a comme conséquence d’augmenter celles du côté droit et, conséquemment, d’entraîner une insufsance cardiaque droite secondaire. Outre le fait qu’elle soit liée à l’insuffisance cardia que gauche, l’insufsance cardiaque droite systolique peut être causée par d’autres mécanismes tels que l’atteinte systolique du V.D. par l’ischémie ou la cardiomyopathie en cause. De plus, dans l’insufsance cardiaque gauche, quand le V.D. devient défaillant, il peut être incapable de maintenir le volume d’éjection requis pour maintenir une précharge adéquate du V.G. La progression de la maladie à ce stade peut donc être un indicateur able de décompensation imminente ou de mauvais pronostic (Voelkel, Quaife, Leinwand et al., 2006).

Insufsance cardiaque diastolique L’expression dysfonction diastolique désigne une anomalie du muscle cardiaque qui l’empêche de se relâcher, de s’étirer ou de se remplir pendant la diastole. L’insuffisance cardiaque diastolique (ICD) résulte d’une dysfonction du V.G. (Haney, Sur & Zu, 2005). L’ICD se traite différemment de l’ICS. Des études ont démontré que la F.E. des personnes atteintes d’ICD était préservée et correspondait à une valeur supérieure à 50 % (Yancy et al., 2013). Ses principales causes sont comparables à celles de l’ICS : coronaropathie, ischémie du myocarde, FA,

hypertension non maîtrisée dans 60 à 89 % des cas et hypertrophie ventriculaire gauche dans près de 40 % des cas (Bolliger & Sadar, 2003 ; Yancy et al., 2013). La cardiomyopathie hypertrophique, la cardiomyopathie restrictive et les maladies inltrantes comme l’amyloïdose et l’infiltrat néoplasique gurent parmi les affections qui altèrent grandement la fonction diastolique (Bolliger & Sadar, 2003 ; Jessup et al., 2009). L’incidence de l’ICD est la plus élevée chez les personnes de plus de 75 ans, et cette maladie affecte de façon disproportionnée les femmes âgées. En fait, le processus du vieillissement aurait un effet négatif sur la fonction diastolique, occasionnant une rigidité ainsi qu’une brose du muscle cardiaque et des vaisseaux cardiovasculaires qui seraient liées à l’âge. Les critères qui dénissent l’ICD, appelée aussi insufsance cardiaque avec F.E. préservée, incluent les signes et les symptômes cliniques d’insufsance cardiaque, l’évidence d’une F.E. normale (> 50 %) et l’évidence d’une dysfonction diastolique anormale selon l’échocardiographie (Yancy et al., 2013). Normalement, la diastole représente la phase de remplissage du cycle cardiaque lorsque le ventricule se relâche complètement. Les anomalies hémodynamiques liées à l’ICD sont détectables par des examens paracliniques comme le cathétérisme cardiaque et l’épreuve d’effort 13 . Une F.E. dépassant l’intervalle des 40 à 50 % est considérée comme une zone intermédiaire par l’AHA (Yancy et al., 2013) pour cette population. En cas d’ICD, la pression ventriculaire gauche en n de diastole est élevée, alors que le volume ventriculaire télédiastolique est paradoxalement faible par rapport aux cœurs normaux (Haney et al., 2005). Un autre indice diagnostique réside dans le fait que de nombreuses personnes atteintes d’ICD afchent des pressions intracardiaques normales au repos, alors que leur pression ventriculaire gauche en n de diastole et leurs pressions vasculaires pulmonaires augmentent rapidement pendant l’effort (Haney et al., 2005). La cause en est que le ventricule rigide non compliant ne peut pas augmenter le débit systolique pendant l’effort ; le D.C. reste faible, même si les besoins physiques sont élevés. Les clients atteints d’ICD connaissent souvent une augmentation soudaine de leur P.A. et une tachycardie sinusale pendant l’activité. La tachycardie présente durant l’exercice diminue la durée de la diastole, et donc du temps de remplissage ventriculaire. An d’assurer un V.E.S. sufsant, le remplissage ventriculaire doit alors augmenter, et cela est souvent accompagné d’une majoration des pressions de l’oreillette gauche (Little, Kitzman & Cheng, 2000). Conséquemment, les personnes sont intolérantes à l’effort et manifestent de la fatigue, une dyspnée, une congestion veineuse pulmonaire et même un œdème pulmonaire (Aurigemma & Gaasch, 2004 ; Bolliger & Sadar, 2003 ; Jessup et al., 2009).

Chapitre 14

14

13 L’épreuve d’effort et son monitorage électrocardiographique sont décrits dans le chapitre 13, Examens paracliniques du système cardiovasculaire.

Troubles cardiovasculaires

415

Insufsance cardiaque systolique et insufsance cardiaque diastolique Il est impossible d’établir avec exactitude si un client est atteint d’une insufsance cardiaque systolique (ICS) ou d’une insuffisance cardiaque diastolique (ICD) uniquement à partir de l’évaluation clinique (Haney et al., 2005). Ces deux types d’insufsance cardiaque produisent des signes et des symptômes analogues. L’intensité des symptômes et la qualité de vie varient selon chaque personne ainsi que selon le sexe, même lorsque la F.E. et la dysfonction cardiaque présumée sont identiques (Corra-deAraujo, Stevens, Moy et al., 2006). Cela s’explique par le fait que la plupart des symptômes sont liés à des mécanismes compensateurs neurohormonaux (décrits précédemment) plutôt qu’au D.C. Un taux accru de peptides natriurétiques de type B (BNP) est très utile pour diagnostiquer l’insufsance cardiaque chez les clients ayant une surcharge liquidienne et des essoufflements (Corra-de-Araujo et al., 2006). Le taux de BNP tend à être plus élevé chez le client qui a reçu un diagnostic d’ICS que chez celui atteint d’ICD, mais la différence n’est pas assez importante pour permettre de distinguer les deux types d’insufsance cardiaque dans la pratique clinique (Maisel, McCord, Nowak et al., 2003). Plus l’insufsance cardiaque est grave, plus le taux de BNP est élevé. Le principal objectif du test du BNP est d’établir si le client est atteint d’insufsance cardiaque. Le diagnostic dénitif du type d’insufsance cardiaque est souvent posé après une échocardiographie doppler. Un échocardiogramme bidimensionnel, combiné à des examens doppler pour déterminer s’il y a présence d’anomalies du myocarde, des valves cardiaques ou du péricarde ou pour déterminer quelles cavités cardiaques sont atteintes, est l’outil d’évaluation paraclinique le plus puissant pour les clients atteints d’insufsance cardiaque. Le calcul de la F.E. peut être déterminé par échocardiographie doppler ou pendant un cathétérisme cardiaque. Ces examens paracliniques permettent également de révéler que certaines personnes souffrent à la fois d’ICS et d’ICD (Haney et al., 2005 ; Jessup et al., 2009). Il est impossible de distinguer un client atteint d’ICS d’un client atteint d’ICD simplement en s’informant des médicaments qui leur ont été prescrits. Les mêmes médicaments servent en effet à traiter ces deux types d’insufsance cardiaque, même si les principes sous-jacents diffèrent (Greenberg, 2012). Par exemple, les bêtabloquants sont employés dans le traitement de l’ICD pour ralentir la F.C. et prolonger la diastole de manière à allouer plus de temps au remplissage ventriculaire, et à modifier la réponse ventriculaire en cas d’effort, notamment chez les personnes dont la F.E. est préservée (Greenberg, 2012). Lorsque des bêtabloquants sont prescrits pour le traitement de l’ICS, l’objectif est de sauvegarder la fonction inotrope (contractile) à long terme et de prévenir le remodelage ventriculaire (Greenberg, 2012). Les diurétiques sont indiqués pour traiter les deux

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Partie 2

Système cardiovasculaire

types d’insufsance cardiaque, mais l’ICD en réclame généralement une posologie inférieure (Greenberg, 2012). Les IECA et les ARA entrent aussi dans le traitement des deux types d’insufsance cardiaque.

Insufsance cardiaque aiguë et insufsance cardiaque chronique Le caractère aigu ou chronique de l’insufsance cardiaque est lié à l’évolution rapide du syndrome, à la présence et à l’activation de mécanismes compensateurs ainsi qu’à la présence ou à l’absence d’accumulation de liquide dans l’espace interstitiel TABLEAU 14.9. Dans les lignes directrices de pratique clinique, les termes aigu et chronique ont remplacé l’expression plus ancienne d’insufsance cardiaque congestive (ICC), car l’insufsance cardiaque n’est pas toujours liée à une congestion pulmonaire. Cependant, l’abréviation ICC est encore courante dans la pratique clinique. L’insufsance cardiaque aiguë est d’apparition soudaine, et les mécanismes compensateurs sont insufsants pour compenser la détérioration clinique. Le client peut avoir un œdème pulmonaire aigu, un faible D.C. ou même un choc cardiogénique. Bien que le client atteint d’insufsance cardiaque chronique soit affecté par une hypervolémie, par une rétention sodique et hydrique ainsi que par des changements structuraux des cavités du cœur comme la dilatation ou l’hypertrophie, ces changements structuraux sont également présents en phase aigüe (Jessup et al., 2009). D’ailleurs, durant cette phase, il est possible d’évaluer de façon non effractive l’état hémodynamique du client, c’est-à-dire le degré de congestion ainsi que la perfusion périphérique (Yancy et al., 2013). L’insufsance cardiaque chronique est un processus continu associé à des symptômes qui peuvent être rendus tolérables par des médicaments, un régime alimentaire particulier et la diminution du niveau d’activité. La détérioration de l’état du client en insufsance cardiaque aiguë peut être précipitée par l’apparition d’arythmies, une ischémie aiguë, une maladie soudaine ou l’arrêt de médicaments. Cette évolution peut exiger une hospitalisation à l’unité de soins critiques. L’hypertension est le principal précurseur de l’insufsance cardiaque chez les femmes, alors que les coronaropathies, notamment l’IDM, sont la principale cause d’insuffisance cardiaque chez les hommes (Jessup et al., 2009).

14.4.3

Complications pulmonaires liées à l’insufsance cardiaque

Les manifestations cliniques de l’insufsance cardiaque résultent d’une hypoperfusion des tissus et d’une congestion des organes ; elles sont évolutives. Leur gravité progresse à mesure que l’insufsance cardiaque s’aggrave. Initialement, les manifestations n’apparaissent que pendant l’effort, mais avec le temps, elles surviennent également au repos (Jessup et al., 2009).

Dyspnée et insufsance cardiaque Le client est d’abord essoufé uniquement pendant l’effort, mais à mesure que l’insufsance cardiaque s’aggrave, les symptômes s’observent également au repos. An de déterminer si la dyspnée du client résulte d’une insufsance cardiaque ou d’une complication pulmonaire, on aura recours au taux de BNP ou de NT-Pro-BNP. L’insufsance cardiaque augmente la tension contre la paroi ventriculaire gauche en raison de la précharge excessive dans les ventricules et favorise la libération de BNP. Bien que les taux de BNP ou de Nt-Pro BNP puissent varier avec l’âge, lorsque le taux sanguin est supérieur à 400 ng/L, la dyspnée est probablement davantage liée à l’insufsance cardiaque qu’à l’insufsance pulmonaire (Maisel, Clopton, Krishnaswamy et al., 2004 ; McCullough & Sandberg, 2003). Plus l’insufsance cardiaque est grave, plus le taux de BNP ou de NT-Pro-BNP est élevé (Maisel et al., 2004). Si le client est atteint d’une néphropathie concomitante, le seuil diagnostique clinique de l’insufsance cardiaque est un taux de BNP supérieur à 100 pg/ml (Kociol, Horton, Fonarow et al., 2011 ; Maisel, Mueller, Adams et al., 2008). Les essoufements qui accompagnent l’insufsance cardiaque sont décrits par les termes suivants : • Dyspnée : le client éprouve une sensation d’essoufement qui résulte d’une congestion vasculaire pulmonaire et d’une diminution de la compliance pulmonaire. • Orthopnée : difculté à respirer en position allongée en raison de l’augmentation du retour veineux inhérente en décubitus dorsal. • Dyspnée nocturne paroxystique : forme grave d’orthopnée qui réveille le client en raison d’un manque d’air. • Asthme cardiaque : dyspnée avec sibilances, toux non productive et crépitants pulmonaires évoluant en gargouillements typiques de l’œdème pulmonaire.

Œdème pulmonaire et insufsance cardiaque L’œdème pulmonaire, caractérisé par la présence de liquide rempli de protéines dans les alvéoles, empêche les échanges gazeux en perturbant la voie de diffusion normale entre l’alvéole et le capillaire FIGURE 14.18A. Il est causé par des pressions auriculaire et ventriculaire gauches accrues, et provoque une accumulation excessive de liquide séreux ou sérosanguin dans les espaces interstitiels et les alvéoles pulmonaires. La formation de l’œdème pulmonaire s’accomplit en deux étapes. La première, qui est moins grave, se caractérise par l’apparition d’un œdème interstitiel, l’engorgement des espaces périvasculaires et péribronchiques, et l’accroissement du débit lymphatique FIGURE 14.18B. L’étape suivante est celle de l’œdème alvéolaire résultant du mouvement du liquide du secteur interstitiel vers

FIGURE 14.18 À mesure que l’œdème pulmonaire évolue, il inhibe l’échange d’oxygène et de dioxyde de carbone à l’interface des capillaires alvéolaires. A Relation normale. B La pression hydrostatique capillaire pulmonaire élevée pousse le liquide de l’espace vasculaire vers l’espace interstitiel pulmonaire. C Le débit lymphatique augmente an de ramener le liquide dans l’espace vasculaire ou lymphatique. D L’échec du débit lymphatique et l’aggravation de l’insufsance cardiaque gauche entraînent un déplacement accru de liquide vers l’espace interstitiel et les alvéoles.

les alvéoles FIGURE 14.18C. Le processus aboutit à un déplacement du plasma sanguin vers les alvéoles plus rapide que son élimination par le système lymphatique, ce qui perturbe la diffusion de l’oxygène, déprime la pression partielle d’oxygène dans le sang artériel et provoque une hypoxie tissulaire FIGURE 14.18D.

Le client atteint d’insufsance cardiaque et ayant un œdème pulmonaire est extrêmement dyspnéique et anxieux. L’œdème pulmonaire est causé par une transsudation alvéolaire et interstitielle liée à l’augmentation des pressions capillaires pulmonaires (Bonow et al., 2012). Au stade avancé, il peut expectorer des sécrétions spumeuses et rosées, et éprouver une sensation de noyade. Il peut lui arriver de se relever pour s’asseoir bien droit, de haleter ou de se débattre. La position assise facilite la respiration, car elle réduit le retour veineux (Bonow et al., 2012). Le client a une fréquence respiratoire élevée et il utilise les muscles accessoires pour respirer : un battement des ailes du nez et des muscles du cou saillants peuvent être observés. Sa respiration est caractérisée par une inspiration bruyante et des bruits de gargouillement expiratoires. Sa diaphorèse est profuse, et sa peau est froide, livide et parfois cyanotique. Ces symptômes correspondent à un faible D.C., à une stimulation sympathique accrue, à une vasoconstriction périphérique et à une désaturation du sang artériel.

Gaz sanguins artériels et œdème pulmonaire Les valeurs des gaz sanguins artériels oscillent. Au stade initial de l’œdème pulmonaire, l’alcalose respiratoire peut se produire du fait de l’hyperventilation, Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

417

14

qui élimine le dioxyde de carbone. À mesure que l’œdème pulmonaire évolue et que les échanges gazeux sont perturbés, l’acidose décompensée et l’hypoxémie surviennent. Une radiographie thoracique permet normalement de conrmer l’hypertrophie ventriculaire, la congestion veineuse pulmonaire et l’œdème interstitiel.

Œdème pulmonaire cardiogénique et œdème pulmonaire non cardiogénique

20 Le chapitre 20, Approche thérapeutique du système respiratoire, décrit plus en détail la prise en charge du syndrome de détresse respiratoire aiguë.

À l’unité de soins critiques, il est souvent difcile de déterminer si l’œdème pulmonaire qui affecte le client est d’origine cardiaque (il s’agit alors d’un œdème pulmonaire cardiogénique) ou encore d’origine pulmonaire ou systémique (il s’agit alors d’un œdème pulmonaire non cardiogénique ou, plus souvent, du syndrome de détresse respiratoire aiguë [SDRA]). Le taux de BNP sérique ou de NT-Pro-BNP (Maisel et al., 2003) ou l’insertion d’un cathéter artériel pulmonaire sont deux moyens, parmi d’autres, d’établir la cause de l’œdème pulmonaire. Ce cathéter permet notamment de calculer la pression artérielle pulmonaire d’occlusion du client. Il est important de comprendre les différentes causes de l’œdème, car le traitement de chaque forme d’œdème pulmonaire est spécique 20 .

Arythmies et insufsance cardiaque Une F.E. ventriculaire inférieure à 30 % et la présence d’une insufsance cardiaque de catégorie III ou IV suivant le classement de la NYHA sont fortement corrélées avec des arythmies ventriculaires et un risque accru de mortalité (Buxton, Lee, Haey et al., 2002 ; Gattis, O’Connor, Gallup et al., 2004). Étant donné que le maintien d’une TV ou d’une FV déclenche une MCS, les clients à risque élevé atteints d’une insufsance cardiaque grave doivent recevoir des antiarythmiques et un DCI (Buxton et al., 2002 ; Gattis et al., 2004). De nombreux clients atteints d’insufsance cardiaque ont aussi une FA. La digoxine (LanoxinMD, ToloxinMD) peut être prescrite pour prendre en charge la FA et maîtriser la F.C. ventriculaire. Cette substance ne prolonge pas la vie, mais elle atténue les symptômes du client. Elle peut être employée de manière concomitante avec certains bêtabloquants (p. ex., carvédilol [CoregMD]) et rendre les symptômes plus tolérables pour les clients atteints d’insufsance cardiaque grave (Buxton et al., 2002 ; Gattis et al., 2004).

14.4.4

Traitements médicaux

Les objectifs des traitements médicaux de l’insufsance cardiaque sont le soulagement des symptômes, l’amélioration de la fonction cardiaque et la correction des facteurs précipitants connus.

Soulagement des symptômes et amélioration de la fonction cardiaque Dans la phase aiguë de l’insufsance cardiaque avancée, il est possible que le client soit porteur d’un cathéter artériel pulmonaire an d’assurer la surveillance étroite de la fonction du V.G. La maîtrise des

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Système cardiovasculaire

symptômes consiste à éviter la surcharge liquidienne et à améliorer le D.C. en diminuant la RVS et en augmentant la contractilité. Des diurétiques I.V. sont administrés pour réduire la précharge et éliminer l’excès de liquide de l’organisme (Patten & Soman, 2004 ; Yancy et al., 2013). D’autres diurétiques sont utilisés en cas d’œdème pulmonaire. La morphine favorise la diminution de la postcharge et calme l’anxiété. Des vasodilatateurs comme le nitroprussiate de sodium (NiprideMD) et la NTG servent aussi à diminuer la postcharge (Yancy et al., 2013). Le nitroprussiate de sodium est un vasodilatateur équilibré qui relâche la résistance artérielle et les vaisseaux capacitifs veineux. En réduisant la précharge et la postcharge, il est possible de soulager la congestion, mais aussi d’améliorer le D.C., en particulier chez les clients dont la RVS est élevée. Cette manœuvre est utile pour redistribuer favorablement le débit systolique V.G. total des clients atteints d’une insufsance mitrale ou aortique, de telle sorte que la régurgitation diminue et que le ux normal augmente (Greenberg, 2012). Les nitrates sont employés pour réduire la précharge et vasodilater les artères coronaires si l’insufsance cardiaque aiguë a pour cause sous-jacente une coronaropathie. Dans certains cas, un BIA est requis (Chen, Canto, Parsons et al., 2003). La contractilité augmente initialement par perfusion continue de médicaments inotropes positifs (dopamine) ou par une combinaison d’inodilatateurs comme la dobutamine ou la milrinone. L’administration d’oxygène est requise pour le client hypoxémique, et la ventilation non effractive ne devrait être utilisée qu’en présence d’hypoxémie persistante ou d’œdème pulmonaire (McKelvie, Moe, Ezekowitz et al., 2013). Après la résolution de la phase d’exacerbation aiguë, le client passe à des agents à prise orale à mesure que les doses de médicaments par voie I.V. diminuent. Avant de quitter l’unité de soins critiques, le client atteint d’insufsance cardiaque reçoit des IECA pour inhiber le remodelage de la cavité ventriculaire gauche et ralentir la dilatation du V.G. (Butler et al., 2012 ; Jessup et al., 2009 ; Mullens et al., 2009). Si le client ne tolère pas ces agents, des ARA peuvent être administrés en remplacement (Patten & Soman, 2004 ; Yancy et al., 2013). Il est également possible de leur prescrire une faible dose de bêtabloquants comme le carvédilol à condition de maintenir une surveillance stricte pour anticiper et éviter leurs effets inotropes négatifs indésirables (Gattis et al., 2004). Un antagoniste des récepteurs de l’aldostérone peut être initié en plus des deux dernières classes, en présence d’une F.E. à moins de 35 %. (Yancy et al., 2013). De la digoxine peut être ajoutée au plan thérapeutique, notamment si le client est atteint de FA concomitante (Yancy, 2008). La thérapie de resynchronisation cardiaque (TRC) (Singh & Gras, 2012) est une intervention non pharmacologique de plus en plus répandue : il s’agit d’une technique de stimulation biventriculaire consistant à installer une électrode de stimulation

dans les ventricules droit et gauche. La TRC a des effets bénéques sur les symptômes cliniques, la capacité à l’effort et la fonction ventriculaire gauche systolique des personnes atteintes d’insufsance cardiaque (Arshad, Moss, Foster et al., 2011 ; Linde, Ellenbogen & McAllister, 2012 ; Singh & Gras, 2012).

Correction des facteurs déclencheurs Une fois les symptômes de l’insufsance cardiaque maîtrisés, il faut en élucider la cause par des examens paracliniques destinés à évaluer la perfusion du myocarde (p. ex., le cathétérisme cardiaque, l’échocardiographie, les techniques d’imagerie diagnostique) de manière à ajuster la prise en charge à long terme du client et à traiter la cause. Certains problèmes structuraux comme une valvulopathie peuvent exiger une correction chirurgicale.

Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 14.15

Insufsance cardiaque aiguë

• Altération des échanges gazeux liée à un déséquilibre ventilation-perfusion ou à un shunt intrapulmonaire PSTI A.5 • Anxiété liée à une menace contre l’intégrité biologique, psychologique ou sociale PSTI A.6

• Décit de compréhension lié à une absence d’exposition préalable à l’information PSTI A.8

• Diminution du débit cardiaque liée à des altérations de la précharge PSTI A.12

• Diminution du débit cardiaque liée à des altérations de la contractilité myocardique PSTI A.12

• Diminution du débit cardiaque liée à des modications de la fréquence ou du rythme cardiaques PSTI A.12 • Intolérance à l’activité liée à un dysfonctionnement cardiopulmonaire PSTI A.21 • Stratégies d’adaptation inefcaces à l’égard d’une situation de crise et liées à la vulnérabilité personnelle PSTI A.34

Soins palliatifs pour l’insufsance cardiaque au stade terminal Un énoncé consensuel sur les soins palliatifs et d’appoint liés à l’insufsance cardiaque au stade avancé a été publié en 2004 (Goodlin, Hauptman, Arnold et al., 2004). L’insufsance cardiaque est une maladie évolutive dont les clients ne se rétablissent pas (Goodlin et al., 2004 ; Jessup et al., 2009). À un certain stade de l’insufsance cardiaque, de nombreux clients de la catégorie IV, suivant le classement de la NYHA, deviennent candidats aux soins palliatifs (Goodlin et al., 2004). Le principal objectif de ces soins est de prendre en charge les symptômes et de soulager les souffrances. La visée fondamentale de toutes les stratégies de prise en charge des symptômes de l’insufsance cardiaque est d’optimiser la pharmacothérapie conformément aux lignes directrices actuelles (Goodlin et al., 2004 ; Jessup et al., 2009). Les symptômes les plus courants de l’insufsance cardiaque au stade avancé sont la dyspnée, la douleur et la fatigue (Goodlin et al., 2004).

Soins et traitements inrmiers Les soins et traitements inrmiers du client atteint d’insufsance cardiaque touchent une variété de problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 14.15 A . Les interventions visent à retrouver une fonction cardiopulmonaire optimale, à contribuer au confort et au soutien émotionnel, à surveiller l’efcacité de la pharmacothérapie, à assurer un apport nutritionnel sufsant, et à offrir de l’information au client et à ses proches. L’approche thérapeutique de l’insufsance cardiaque est présentée dans la FIGURE 14.19.

Optimiser la fonction cardiopulmonaire L’inrmière examine l’ECG du client à la recherche d’arythmies. Celles-ci peuvent être liées à la maladie (cardiomyopathie), à une toxicité médicamenteuse ou à un déséquilibre électrolytique. Le client atteint

14 d’insufsance cardiaque est vulnérable aux effets toxiques de la digoxine en raison d’un état d’hypoperfusion rénale et de déséquilibres électrolytiques. L’inrmière ausculte fréquemment les bruits respiratoires pour déterminer si l’effort respiratoire est adéquat et s’il y a apparition ou dégradation d’une congestion pulmonaire. Elle administre de l’oxygène par lunettes nasales pour soulager la dyspnée. Des diurétiques ou des vasodilatateurs sont prescrits pour réduire une précharge et une postcharge excessives (Jessup et al., 2009 ; Patten & Soman, 2004). Si le client n’est pas hypotendu, de la morphine peut lui être administrée pour atténuer l’hyperventilation et l’anxiété. Si l’état ventilatoire du client s’aggrave, l’inrmière assiste le médecin pour une intubation endotrachéale et administre une ventilation mécanique ou non effractive. Il est important de peser quotidiennement le client jusqu’à ce qu’il parvienne à un poids sec stable. En général, le poids quotidien est utile pour orienter la prise en charge des liquides ; le poids hebdomadaire est un outil idéal de suivi du poids corporel (p. ex., la masse musculaire ou adipeuse).

Contribuer au confort et au soutien émotionnel Pendant les périodes d’essoufement, il faut restreindre les activités du client. L’alitement est généralement prescrit, et la tête de lit est surélevée de 45° pour permettre une expansion pulmonaire maximale. Les bras peuvent reposer sur des coussins an d’éviter tout stress inutile sur les muscles des épaules. Les jambes peuvent être pendantes pour favoriser l’accumulation de sang dans les veines et diminuer ainsi le retour veineux. Les périodes de repos doivent être planiées avec soin et respectées par le client ; il faut également encourager son autonomie lorsque certaines activités lui sont prescrites. L’inrmière veille à enregistrer ses signes vitaux avant et après le déroulement d’une activité. Les signes d’intolérance à l’effort, notamment la dyspnée, la fatigue, l’augmentation Chapitre 14

A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux problèmes découlant d’une insufsance cardiaque aiguë sont expliqués, selon le problème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers.

Troubles cardiovasculaires

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FIGURE 14.19 Physiopathologie de l’insufsance cardiaque.

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Système cardiovasculaire

régulière du pouls et l’apparition d’arythmies, doivent être notés et rapportés au médecin. L’activité du client augmentera graduellement selon sa tolérance. L’apparition de lésions de pression est une complication possible liée à une multitude de facteurs comme l’alitement, l’alimentation inadéquate, l’œdème périphérique et la diminution de la perfusion de la peau et des tissus sous-cutanés. Des changements de position fréquents et le lever du lit peuvent améliorer le confort du client et prévenir cette complication.

Surveiller les effets de la pharmacothérapie Les clients souffrant d’une insufsance cardiaque aiguë doivent recevoir une pharmacothérapie énergique (Greenberg, 2012 ; Prasad & Pugh, 2012 ; Yancy, 2008). Il est nécessaire de connaître le mode d’action, les effets secondaires, les niveaux thérapeutiques ainsi que les effets toxiques des diurétiques et des vasodilatateurs veineux servant à diminuer la précharge, ceux des agents inotropes positifs destinés à augmenter la contractilité ventriculaire, ceux des vasodilatateurs utilisés pour réduire la postcharge et ceux de tout antiarythmique employé pour maîtriser la F.C. et prévenir les arythmies. De plus, lorsqu’il y a administration de milrinone, les effets proarythmiques de la médication doivent être surveillés. Plusieurs clients subissent des arythmies auriculaires et ventriculaires ainsi que de l’hypotension grave (Bonow et al., 2012). La réponse hémodynamique du client à ces agents sera étroitement surveillée. Enn, chaque jour, voire chaque heure, l’inrmière doit établir le bilan des ingesta et des excreta de liquide à l’unité de soins critiques.

Évaluer les besoins nutritionnels Les personnes atteintes d’insufsance cardiaque ont souvent une diminution de l’appétit et des nausées,

si bien que des repas légers fréquents pourraient mieux leur convenir que les trois gros repas habituels. Les plats doivent être aussi goûteux que possible ; ils peuvent inclure les aliments préférés du client et des produits maison pour autant que les restrictions nutritionnelles sont respectées, notamment les faibles teneurs en sodium visant à réduire le risque de rétention hydrique. Chaque personne doit être soumise à une évaluation individuelle des déséquilibres nutritionnels. Tous les clients atteints d’insufsance cardiaque n’ont pas les mêmes besoins nutritionnels. Étant donné que l’apport en sodium recommandé est généralement lié au type d’insufsance cardiaque, à la gravité de la maladie ou aux comorbidités, il peut s’avérer difcile de donner des recommandations précises à ce sujet. Par contre, la restriction se situe généralement aux environs de 1 500 mg de sodium quotidiennement. En considérant que la population générale en consomme de grandes quantités, l’apport est parfois augmenté jusqu’à 3 000 mg/jour chez les clients présentant peu de symptômes (Canadian Heart Failure Network, 2013 ; Yancy et al., 2013). La restriction liquidienne, quant à elle, devrait se situer aux environs de 1 500 à 2 000 ml quotidiennement (Arnold, Liu, Demers et al., 2006).

14

Informer le client et ses proches L’inrmière évalue la compréhension de la physiopathologie et du prol de facteur de risque individuel d’insufsance cardiaque par le client et ses proches (Goodlin et al., 2004). Les points à passer en revue sont : 1) l’importance de la pesée quotidienne ; 2) les restrictions liquidienne et sodée ; 3) l’information écrite concernant les divers médicaments prescrits pour maîtriser les symptômes de l’insufsance cardiaque ENCADRÉ 14.16 (Jessup et al., 2009).

Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 14.16

Insufsance cardiaque aiguë

L’inrmière aborde les sujets suivants. • Insufsance cardiaque : physiopathologie de l’insufsance cardiaque. • Équilibre hydrique : alimentation à faible teneur en sodium pour réduire la rétention hydrique ; mesure des ingesta et des excreta ; signes de surcharge hydrique (p. ex., l’œdème pulmonaire). • Poids corporel : le gain ou la perte de 0,5 à 1 kg en quelques jours est un signe de rétention ou de perte hydrique, et non un signe d’un gain ou d’une perte de poids véritables. • Dyspnée : l’exacerbation des essoufements, la respiration sifante et le fait de dormir en position droite sur des oreillers ou sur un dossier inclinable sont des symptômes à surveiller et à signaler au professionnel de la santé. • Activité : maintien des activités avec périodes de repos selon l’évolution de l’insufsance cardiaque. • Pharmacothérapie : nécessité de fournir au client de l’information de vive voix et par écrit, compte tenu de la complexité de certains schémas thérapeutiques. – Précharge : rôle des diurétiques, nécessité d’accroître la diurèse et de maîtriser le volume liquidien.

– Postcharge : objectif du traitement destiné à réduire le travail du cœur (vasodilatateur ou IECA). – Fréquence cardiaque : il faut préciser au client que l’utilisation de la digoxine (LanoxinMD, ToloxinMD) vise à maîtriser la F.C. en cas de brillation auriculaire, une forme d’arythmie qui survient couramment chez les personnes atteintes d’insufsance cardiaque. – Contractilité : mise à part la digoxine, aucun agent administré P.O. n’a été approuvé par la Food and Drug Administration américaine. – Anticoagulathérapie : il est possible de prescrire un anticoagulant comme la warfarine (CoumadinMD) en présence d’une fibrillation auriculaire ; il y a lieu de souligner alors le risque d’hémorragie, la nécessité de respecter les doses prescrites, l’importance du temps de prothrombine et du rapport normalisé international (RNI) ainsi que le risque d’interaction médicament-aliments. • Soins de suivi après la sortie de l’hôpital. • Symptômes à signaler à un professionnel de la santé.

Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

421

De nombreuses personnes ayant reçu un diagnostic d’insufsance cardiaque doivent également être informées des modications à apporter à leur mode de vie, comme l’abandon du tabagisme, la perte pondérale, la conservation énergétique et la manière d’intégrer l’exercice et la restriction sodique à leurs habitudes quotidiennes (Evangalista, Rasmusson, Laramee et al., 2010 ; Francis, Greenberg, Hsu et al., 2010 ; Mullens et al., 2009). Pour obtenir des résultats

optimaux, les clients atteints d’insufsance cardiaque doivent être encadrés par une équipe de professionnels de soins de santé avertis (Evangalista et al., 2010 ; Francis et al., 2010 ; Mullens et al., 2009 ; Prasad & Pugh, 2010 ; Sneed & Paul, 2003). Les objectifs interdisciplinaires et collectifs associés à la prise en charge des symptômes de l’insufsance cardiaque, d’après les lignes directrices de pratique clinique, sont présentés dans l’ENCADRÉ 14.17.

Pratique fondée sur des résultats probants ENCADRÉ 14.17

Insufsance cardiaque

Une équipe interdisciplinaire de prise en charge de l’insufsance cardiaque met en œuvre une approche intégrée des soins an de stabiliser l’état clinique du client. • Procéder à des évaluations systématiques et assurer une prise en charge suivie pour : – éliminer la congestion et stabiliser l’état de santé de la personne pour maintenir l’état clinique le plus optimal possible durant l’hospitalisation TABLEAUX 14.8 et 14.9 ; – maintenir la stabilité de l’état de santé du client après sa sortie de l’hôpital et éviter la réhospitalisation. • Conseiller le client et ses proches après la sortie de l’hôpital et assurer l’enseignement à ces derniers. Plus précisément, il faut aborder les sujets suivants : – physiopathologie de l’insufsance cardiaque ; – classes de médicaments destinés au traitement de l’insufsance car­ diaque (posologies recommandées, horaires d’administration, effets indésirables) ; – équilibre hydrique lié au régime hyposodé (1,5 g de sodium par jour) ; pesée quotidienne ; régime diurétique ;

– circonstances dans lesquelles il faut appeler un professionnel de la santé ; – risque de complications : MCS, insufsance cardiaque évolutive, nécessité de subir une intervention percutanée (implantation d’un stimulateur car­ diaque, pose d’un débrillateur cardiaque implantable ou ICP) ou chirur­ gicale (pontage aortocoronarien, remplacement valvulaire) ; pose d’un dispositif d’assistance cardiaque ou greffe cardiaque, au besoin ; – objectif des directives préalables (prise de décisions en matière de santé). • Favoriser l’adhésion du client à son plan thérapeutique : – le client doit être entouré par des proches et des professionnels de la santé soucieux de son état. – le client doit mener une vie active et continuer à pratiquer des activités physiques. • Faciliter la sortie de l’hôpital ; mettre en œuvre des modèles de prestation de soins externes : – il est essentiel que les professionnels de la santé qui prodiguent des soins au client durant son hospitalisation et ceux qui le soignent en consultation externe restent en communication étroite.

Source : Jessup, Abraham, Casey et al. (2009)

14.5

Cardiomyopathie

Comme son nom l’indique, la cardiomyopathie (cardio- signie cœur, myo- signie muscle et -pathie signie maladie) est une maladie du muscle cardiaque. Les cardiomyopathies sont classées en fonction des anomalies structurales sous-jacentes et du génotype, lorsque ce dernier a pu être déterminé. De plus, en se fondant sur les facteurs étiologiques, il faut distinguer les cardiomyopathies extrinsèques ou secondaires (atteinte consécutive à des facteurs étiologiques externes tels que l’hypertension, l’ischémie, l’inammation, une valvulopathie) et les cardiomyopathies intrinsèques ou primitives (atteinte primitive du myocarde, c.-à-d. qu’elle n’est pas associée à un facteur étiologique externe) (Friedrich & Carrier, 2012 ; Gersh, Maron, Bonow et al., 2011). Il existe trois grands types de cardiomyopathie : les cardiomyopathies hypertrophique et dilatée, qui sont des cardiomyopathies primitives, et la cardiomyopathie restrictive FIGURE 14.20. La plupart des cas de cardiomyopathie hypertrophique ainsi que de 20 à 50 % des cas de CMD sont familiaux,

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Système cardiovasculaire

c’est-à-dire qu’ils sont la conséquence d’une prédisposition génétique aux cardiomyopathies (Friedrich & Carrier, 2012). Il existe un très large spectre de génotypes et de phénotypes de cardiomyopathies. Si certains sont des troubles affectant un seul gène (héréditaires), d’autres sont de nature phénotypique complexe et sont associés à une forte composante environnementale, si bien que la cardiomyopathie résulte d’une maladie ischémique ou valvulaire du cœur.

14.5.1

Cardiomyopathie hypertrophique obstructive

La cardiomyopathie hypertrophique est la cardiomyopathie héréditaire la plus fréquente (Maron, Maron & Semsarian, 2012). Il s’agit d’une maladie hétérogène, sur les plans génétique et phénotypique, associée à des mutations de plus de 11 gènes codant pour les protéines du sarcomère cardiaque (Maron et al., 2012). La plupart des mutations sont des polymorphismes mononucléotidiques faux-sens au sein desquels le nucléotide normal est remplacé ; cela a pour effet de modier la protéine exprimée. Le risque

14 FIGURE 14.20 Types de cardiomyopathies et différences du diamètre ventriculaire pendant la systole et la diastole par rapport à un cœur normal. A Hypertrophique. B Restrictive. C Dilatée. D Cœur normal.

de MCS est élevé chez les personnes qui expriment le phénotype d’hypertrophie du ventricule ou du septum ventriculaire. An de dépister les autres membres de la famille qui pourraient en être affectés, il est recommandé de construire un arbre généalogique sur trois générations et de faire passer des tests génétiques (Maron et al., 2012). La cardiomyopathie hypertrophique (CMH) est une maladie héréditaire des sarcomères des cardiomyocytes (Friedrich & Carrier, 2012 ; Kamisago, Sharma, DePalma et al., 2000). Son évolution se caractérise par une rigidité croissante, une perte de la compliance et une hypertrophie, parfois asymétrique, du V.G. (Gersh et al., 2011). Il existe deux formes de CMH. La forme la plus connue, bien qu’étant la moins fréquente, associe une rigidité et une perte de la compliance du myocarde à une hypertrophie ventriculaire gauche et à une hypertrophie de la partie supérieure du septum interventriculaire (septum membraneux). Cette hypertrophie ventriculaire gauche du septum interventriculaire fait obstacle à l’éjection du sang par la valve aortique, en particulier durant l’effort FIGURE 14.20A. Elle entraîne aussi un désalignement du muscle papillaire, qui est à l’origine d’une régurgitation mitrale. La seconde forme de CMH est caractérisée par une hypertrophie ventriculaire gauche généralisée, qui est particulièrement marquée dans le septum interventriculaire (Gersh et al., 2011). La CMH entraîne une dysfonction diastolique importante ; en effet, le ventricule ne peut se remplir normalement durant la diastole en raison de la rigidité, de la perte de compliance et de l’hypertrophie du myocarde. Deux grandes avancées réalisées en médecine diagnostique ont permis de mieux comprendre les différences qui existent entre les deux formes de CMH.

La première, l’échocardiographie transthoracique (ETT) bidimensionnelle, se révèle utile pour diagnostiquer la CMH lorsqu’elle est le premier examen paraclinique effectué (Gersh et al., 2011). Elle permet d’observer l’anatomie et la motilité du septum interventriculaire, ainsi que l’épaisseur et la motilité de la paroi ventriculaire. La seconde relève de la génétique médicale. En général, le test génétique pour la CMH est réalisé dans un centre spécialisé (Gersh et al., 2011). La CMH est une maladie à transmission autosomique dominante. Les 10 gènes ayant été mis en cause codent pour différentes protéines du sarcomère (Gersh et al., 2011), et les mutations qui peuvent toucher n’importe lequel d’entre eux sont à l’origine de la variabilité de l’expression clinique de cette maladie. Les travaux de recherche actuels en matière d’analyse génétique contribueront sans aucun doute à éclaircir d’autres aspects de cette forme de cardiomyopathie au cours des 10 prochaines années. Le tableau clinique de la CMH est semblable à celui de l’insufsance cardiaque, si ce n’est qu’il peut également englober une ischémie myocardique, une tachycardie supraventriculaire, une TV, des épisodes de syncope et l’AVC (Friedrich & Carrier, 2012 ; Gersh et al., 2011 ; Kamisago et al., 2000). En général, les symptômes s’intensient à l’effort, surtout en cas de CMH obstructive (obstruction de la chambre de chasse par hypertrophie ventriculaire gauche dans le septum interventriculaire). Comme le lien entre la CMH et la MCS est bien établi, il est parfois recommandé aux personnes atteintes de CMH de limiter leur degré d’activité physique. Certains croient que, dans ce cas, les causes de la MCS sont liées à certaines arythmies auriculaires comme la FA, bien qu’il soit admis que la MCS est principalement liée aux arythmies Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

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ventriculaires (Gersh et al., 2011). Les interventions susceptibles d’être réalisées sont les suivantes : mise en place d’un DCI an de réduire le risque de MCS et alcoolisation septale (réduction de l’épaisseur du septum interventriculaire par injection percutanée d’alcool) (Friedrich & Carrier, 2012 ; Gersh et al., 2011). La myectomie, qui consiste en la résection d’une petite portion du muscle de la portion septale basale, fait également partie du traitement (Bonow et al., 2012).

14.5.2

Cardiomyopathie dilatée

La cardiomyopathie dilatée (CMD) familiale est associée à des mutations affectant plus de 14 gènes. Le phénotype est une hypertrophie ventriculaire gauche avec dysfonction systolique qui affecte plus de deux membres d’une même famille (Hershberger, Morales & Siegfried, 2010). Chez les clients de plus de 40 ans, il est possible de diagnostiquer une CMD idiopathique à partir du phénotype lorsque les autres causes structurales ont été écartées. Les personnes âgées passent rarement des tests génétiques ; la réduction des coûts liés au séquençage génétique pourrait toutefois rendre ces tests plus accessibles à l’avenir (Hershberger & Siegfried, 2011). La CMD est caractérisée par une dilatation importante des ventricules en l’absence d’une hypertrophie myocardique concomitante FIGURE 14.20C. Il existe plusieurs causes principales et secondaires de CMD, qui sont d’origine valvulaire, ischémique, toxique, métabolique, infectieuse ou systémique (Friedrich & Carrier, 2012). La CMD est la principale cause d’insufsance cardiaque.

Cardiomyopathie dilatée ischémique La cardiomyopathie dilatée (CMD) ischémique est la conséquence de lésions et d’infarcissements myocardiques répétés qui entraînent une diminution de la F.E. Il s’agit de la forme de CMD la plus courante aux États-Unis. Chez les clients atteints de CMD, des signes et des symptômes d’ICD ainsi qu’une diminution de la F.E. sont observés (Friedrich & Carrier, 2012 ; Henry, 2003). Le traitement repose sur l’administration d’IECA et de digoxine aux clients symptomatiques, et sur celle d’IECA seulement aux clients asymptomatiques.

Cardiomyopathie dilatée idiopathique Quand la cardiomyopathie dilatée (CMD) est de cause inconnue, elle est dite idiopathique. Dans certains cas, l’apparition d’une CMD idiopathique est liée à des facteurs génétiques. Les progrès réalisés en génétique moléculaire ont permis de mener des études approfondies auprès de familles frappées par une forte incidence de CMD. Certains croient que la CMD idiopathique est héréditaire dans 10 à 50 % des cas (Kamisago et al., 2000 ; Li, Czernuszewicz, Gonzalez et al., 2001 ; Murphy, Mogensen, Shaw et al., 2004). Dans les familles touchées, diverses mutations des gènes qui codent pour les protéines contractiles formant le sarcomère sont observées. Ces

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Système cardiovasculaire

mutations peuvent être transmises selon un mode autosomique dominant ou récessif (Kamisago et al., 2000 ; Li et al., 2001). Des études préliminaires indiquent une très grande variabilité des prols génétiques d’une famille à l’autre, même lorsque le tableau clinique est le même (Kamisago et al., 2000 ; Li et al., 2001 ; Murphy et al., 2004).

Autres causes de cardiomyopathie dilatée L’ischémie et les facteurs génétiques sont loin d’être les seuls facteurs étiologiques de la CMD. Par exemple, cette affection peut découler d’une valvulopathie ayant accru excessivement la pression dans les cavités cardiaques ou ayant entraîné une dilatation de celles-ci. Par ailleurs, certaines infections bactériennes ou virales, comme la myocardite, peuvent entraîner des lésions inammatoires qui modient de manière dénitive la structure du cœur (Murphy et al., 2004). Parmi les autres causes de CMD non cardiaques gurent les maladies inltratives comme les connectivites (collagénoses), l’amyloïdose, l’hémochromatose ou la sarcoïdose (Ammash, Seward, Bailey et al., 2000 ; McNamara, Starling, Cooper et al., 2008). En cas de CMD, les fibres du myocarde se contractent de manière inefcace. Ces anomalies de la contraction sont à l’origine d’un dysfonctionnement ventriculaire gauche, d’un ralentissement du D.C., d’arythmies auriculaires et ventriculaires, d’une stase intracavitaire susceptible de provoquer des épisodes de thrombose ventriculaire et d’embolie, d’une insufsance cardiaque réfractaire et d’une mort prématurée. Les objectifs des soins et des traitements médicaux de la CMD sont semblables à ceux des soins et des traitements médicaux de l’ICD : amélioration de la fonction de la pompe cardiaque, évacuation de l’excès de liquide, maîtrise des symptômes d’insufsance cardiaque, anticipation et prise en charge des complications, et prévention de la MCS.

14.5.3

Cardiomyopathie restrictive

La cardiomyopathie restrictive familiale est la cardiomyopathie héréditaire la moins courante. En général, elle n’est décelée qu’une fois que le client présente des symptômes et une maladie restrictive à un stade avancé (Daneshvar, Kedia, Fishbein et al., 2012). La CMR est aussi la cardiomyopathie la moins courante dans les pays développés FIGURE 14.20B. Comme c’est le cas pour les autres formes de cardiomyopathie, elle peut être idiopathique ou secondaire à un facteur bien établi (Ammash et al., 2000). Elle se caractérise par une dysfonction diastolique associée à une préservation de la fonction systolique (Murphy et al., 2004 ; O’Neil, Sanderson & Oldenburg, 2010). Elle se manifeste la plupart du temps par une ICD, un D.C. faible, une dyspnée, une orthopnée et une congestion hépatique. Une élévation de la pression veineuse jugulaire est parfois observée, et un B3 ou un B4 tardif peut être entendu. Habituellement, les ventricules sont de petite taille et leur volume est inférieur à la normale, alors que les oreillettes sont dilatées. Un épaississement du septum

interauriculaire et des valves cardiaques, ainsi qu’un épanchement péricardique, peuvent également être observés (O’Neil et al., 2010). Les soins et traitements médicaux visent l’atténuation des symptômes et la prévention de la tachycardie. Des diurétiques sont administrés au client an de réduire la pression pulmonaire ainsi que le volume de liquide, et d’atténuer ainsi la dyspnée. Les dérivés nitrés peuvent aussi lui procurer un soulagement. Le médecin lui recommande en outre de réduire sa consommation de sodium, de se peser tous les jours et de limiter sa consommation de liquide. Enn, un IECA ou un ARA lui est prescrit pour accroître le volume systolique et diminuer les besoins en oxygène du myocarde (O’Neil et al., 2010).

Soins et traitements inrmiers Les soins et traitements inrmiers prodigués aux clients atteints de cardiomyopathie englobent divers problèmes découlant de la situation de santé liés aux symptômes d’insufsance cardiaque ; ils sont présentés dans l’ENCADRÉ 14.18 A . Les pratiques inrmières suggérées sont adaptées à la forme de cardiomyopathie diagnostiquée et consistent essentiellement à stabiliser l’équilibre hydrique, à surveiller les effets de la pharmacothérapie, à accroître prudemment la mobilité de la personne et à assurer l’enseignement à cette dernière et à ses proches. Comme c’est le cas pour l’insufsance cardiaque, il est nécessaire de former une équipe interdisciplinaire

Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 14.18

Cardiomyopathie

• Altération des échanges gazeux liée à un déséquilibre ventilation-perfusion ou à un shunt intrapulmonaire PSTI A.5 • Anxiété liée à une menace contre l’intégrité biologique, psychologique ou sociale PSTI A.6

• Décit de compréhension lié à une absence d’exposition préalable à l’information PSTI A.8

• Diminution du débit cardiaque liée à des altérations de la précharge PSTI A.12 • Diminution du débit cardiaque liée à des altérations de la postcharge PSTI A.12

• Diminution du débit cardiaque liée à des altérations de la contractilité myocardique PSTI A.12

• Diminution du débit cardiaque liée à des modications de la fréquence ou du rythme cardiaques PSTI A.12 • Intolérance à l’activité liée à un dysfonctionnement cardiopulmonaire PSTI A.21 • Sentiment d’impuissance lié à une perception de manque de contrôle sur la situation actuelle ou sur l’aggravation de la maladie PSTI A.32

14 de professionnels de la santé expérimentés et bienveillants pour prodiguer des soins et un enseignement efcaces aux clients atteints de cardiomyopathie, et relever ainsi le pari difcile que représente la prise en charge de cette maladie (O’Neil et al., 2010).

Informer le client et ses proches L’enseignement est adapté au type de cardiomyopathie et aux affections concomitantes dont souffre la personne ENCADRÉ 14.19.

A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux pro­ blèmes découlant d’une cardiomyopathie sont ex­ pliqués, selon le problème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers.

Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 14.19

Cardiomyopathie

Les cardiomyopathies entraînent des symptômes d’insufsance cardiaque ; l’enseignement au client a donc de nombreux points communs avec celui qui se rapporte à l’insufsance cardiaque. L’inrmière aborde les sujets suivants. • Cardiomyopathie : expliquer la physiopathologie de la cardiomyopathie et de l’insufsance cardiaque. • Équilibre hydrique : alimentation à faible teneur en sodium pour réduire la rétention hydrique ; mesure des ingesta et des excreta ; restriction de l’apport liquidien (de 1 500 à 2 000 ml quotidiennement) ; signes de surcharge hydrique comme l’œdème périphérique. • Pesée quotidienne : une augmentation ou une perte de 0,5 à 1 kg en quelques jours est un signe de gain ou de perte de liquide, et non d’un véritable gain ou d’une perte de poids. • Essoufements : l’exacerbation des essoufements, la respiration sifante et le fait de dormir en position droite sur des oreillers ou sur un dossier inclinable sont des symptômes à surveiller et à signaler à un professionnel de la santé. • Activité : maintien des activités avec périodes de repos selon l’évolution de l’insufsance cardiaque. • Pharmacothérapie : nécessité de fournir au client de l’information de vive voix et par écrit, étant donné la complexité de certains plans thérapeutiques. • Précharge : rôle des diurétiques ; nécessité d’accroître la diurèse et de maîtriser le volume liquidien.

• Postcharge : objectif du traitement destiné à réduire le travail du cœur (vasodilatateur ou IECA). • Fréquence cardiaque : il faut préciser au client que l’utilisation de la digoxine (LanoxinMD, ToloxinMD) vise à maîtriser la F.C. en cas de brillation auriculaire, une forme d’arythmie qui survient couramment chez les personnes atteintes d’insufsance cardiaque, et que l’amiodarone (CordaroneMD) a pour but de réduire les arythmies ventriculaires et auriculaires, qui sont courantes en cas d’insufsance cardiaque. • Contractilité : la digoxine est un agent pharmacologique fréquemment utilisé. • Diminution de la réponse sympathique : le carvédilol (CoregMD), un bêtabloquant, vise à réduire la réponse cardiaque à la stimulation adrénergique. • Anticoagulathérapie : il est possible de prescrire des anticoagulants (Coumadin MD) ou de l’acide acétylsalicylique, ou les deux, en présence d’une dilatation auriculaire, d’une hypertrophie ventriculaire ou d’une FA ; il y a lieu de souligner alors le risque d’hémorragie, la nécessité de respecter les doses prescrites, l’importance du temps de prothrombine et du rapport normalisé international (RNI), et le risque d’interaction médicament-aliments. • Soins de suivi après la sortie de l’hôpital. • Liste des signes et des symptômes à signaler à un professionnel de la santé.

Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

425

14.6

Hypertension pulmonaire

L’hypertension pulmonaire est une maladie évolutive des vaisseaux pulmonaires qui menace à long terme le pronostic vital. Elle est la conséquence d’une augmentation des résistances vasculaires pulmonaires secondaire à un rétrécissement progressif de la lumière des capillaires pulmonaires. Si elle n’est pas traitée, l’hypertension pulmonaire évolue vers une insufsance cardiaque droite et le décès (McLaughlin, Archer, Badesch et al., 2009). L’hypertension pulmonaire est décrite avec les cardiopathies artérielles car elle touche des artères, mais elle peut être aussi être associée à d’autres affections. Le principal sous-groupe de l’ensemble complexe d’affections que constitue l’hypertension pulmonaire est formé des entités regroupées sous l’expression hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) (Gupta, 2010). Celle-ci est une atteinte des artérioles pulmonaires qui se caractérise par une prolifération cellulaire et un remodelage vasculaire (McLaughlin et al., 2009).

14.6.1

Classication des hypertensions pulmonaires établie par l’Organisation mondiale de la Santé

La toute dernière mise à jour de la classication des hypertensions pulmonaires établie par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a été présentée en 2008 lors du 4e Symposium mondial sur l’hypertension pulmonaire. Cette nouvelle classification vise à regrouper les hypertensions pulmonaires en fonction de similitudes sur les plans physiopathologique et thérapeutique TABLEAU 14.11 (Simmoneau, Robbins, Beghe et al., 2009). Les sections qui suivent décrivent plusieurs facteurs étiologiques d’hypertension pulmonaire que l’inrmière est susceptible d’observer chez les personnes hospitalisées aux soins critiques. La présence d’une hypertension pulmonaire, quelle qu’en soit la cause, accroît sensiblement la morbimortalité associée à n’importe quelle cardiopathie ou pneumopathie sous-jacente. En somme, l’hypertension pulmonaire est une affection grave qui engage bien souvent le pronostic vital et qui nécessite donc un traitement énergique (McLaughlin et al., 2009). Voilà de nombreuses années que l’AHA utilise une classication fonctionnelle des symptômes de l’insufsance cardiaque. Ce qui est entendu par classication fonctionnelle est une typologie basée sur les symptômes physiques susceptibles de limiter la capacité fonctionnelle. C’est la classication de la NYHA qui était utilisée pour la classication fonctionnelle des symptômes d’HTAP jusqu’à la création d’une classication fonctionnelle propre à cette maladie en 2003 TABLEAU 14.12. Cette dernière repose sur le même principe que la classication de la NYHA, à savoir que plus le numéro de la classe est élevé, plus les symptômes sont marqués, plus la capacité fonctionnelle est réduite et plus le risque de décès

426

Partie 2

Système cardiovasculaire

est grand. Outre le fait qu’elle constitue un facteur prédictif solide de la mortalité, la classe fonctionnelle à laquelle appartient une HTAP permet d’en orienter le traitement (Rubenre, Bayram & Hector-Word, 2007 ; Zamanian, Haddad, Doyle et al., 2007).

Hypertension artérielle pulmonaire idiopathique Lorsque la cause de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) est inconnue, il s’agit d’HTAP idiopathique, anciennement appelée HTAP primitive. L’HTAP idiopathique qui entre dans le groupe 1 de la classication étiologique de l’OMS TABLEAU 14.11 présente les caractéristiques suivantes FIGURE 14.21 : • prolifération de cellules endothéliales dans l’intima et hypertrophie de la média provoquée par une prolifération de cellules musculaires lisses vasculaires ; • muscularisation des artérioles précapillaires ; • formation de lésions plexiformes angioprolifératives (prolifération focale de cellules endothéliales) liée à une prolifération et à une brose endothéliale, et susceptible d’accroître le risque d’obstruction. L’HTAP idiopathique est rare : son incidence annuelle s’établit à environ 3 à 6 cas par tranche de 1 million de personnes ; le ratio des femmes par rapport aux hommes s’élève presque à 3 pour 1, et l’âge moyen au moment du diagnostic est de 37 ans (Gupta, 2010 ; Shah, 2012). De façon générale, l’hypertension pulmonaire est une affection qui s’installe de façon insidieuse, et son diagnostic est difcile à établir, car elle se manifeste par des symptômes non spéciques (dyspnée, fatigue). Dans bien des cas, au moment où un diagnostic formel d’hypertension pulmonaire est posé, les symptômes se manifestent déjà avec acuité : douleur angineuse, lipothymie (syncope imminente) ou syncope, et insufsance cardiaque droite (Luttenberger & DiNapoli, 2011). En l’absence de traitement, les taux de survie à 1, 3 et 5 ans atteignent respectivement 68 %, 48 % et 34 %. Le traitement accroît les chances de survie de 20 à 30 % (Badesch, Champion, Sanchez et al., 2009 ; Gupta, 2010 ; Keogh, Strange, Kotlyar et al., 2011).

Hypertension artérielle pulmonaire héréditaire L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) héréditaire, appelée auparavant hypertension artérielle pulmonaire familiale, est une maladie génétique qui entre dans le groupe 1 de la classication de l’OMS TABLEAU 14.11. Plusieurs gènes associés à l’HTAP héréditaire ont été identiés, notamment BMPR2 (bone morphogenic protein receptor, type 2), ALK1 (actin receptorlike kinase 1) et endogline (mutation associée ou non à une angiomatose hémorragique familiale [maladie de Rendu-Osler]). Dans 70 % des cas d’HTAP héréditaire, ce sont des muta tions BMPR2 qui sont en cause (Galiè, Hoeper, Humbert et al., 2009 ; Simmoneau et al., 2009). Ces mutations

TABLEAU 14.11

Classication des hypertensions pulmonaires selon l’Organisation mondiale de la Santé

GROUPE

MALADIES

Groupe 1

• HTAP • HTAP idiopathique • HTAP héréditaire associée à une mutation de BMPR2 (de l’anglais bone morphogenetic protein receptor, type 2 ), d’ALK1 (de l’anglais activin receptor-like kinase 1) ou de l’endogline (associée ou non à une angiomatose hémorragique familiale) • HTAP induite par des médicaments, ou par des drogues ou des toxines inconnues • HTAP associée aux affections suivantes : – connectivités – infection par le virus de l’immunodécience humaine (VIH) – hypertension portale – cardiopathie congénitale – schistosomiase (bilharziose) – anémie hémolytique chronique – hypertension pulmonaire persistante du nouveau-né

Groupe 1′

• Maladie veino-occlusive pulmonaire (MVOP) ou hémangiomatose capillaire pulmonaire, ou les deux

Groupe 2

• Hypertension pulmonaire secondaire à une cardiopathie gauche : – Dysfonction systolique – Dysfonction diastolique – Valvulopathie

Groupe 3

• Hypertension pulmonaire secondaire à une pneumopathie, à une hypoxémie, ou aux deux : – Maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) – Pneumopathie interstitielle – Autres pneumopathies restrictives ou obstructives – Troubles respiratoires du sommeil – Hypoventilation alvéolaire – Exposition prolongée à de hautes altitudes – Anomalies du développement

Groupe 4

• Hypertension pulmonaire thromboembolique chronique

Groupe 5

• Hypertension pulmonaire d’origine indéterminée ou multifactorielle, ou les deux : – Hémopathies (maladie myéloproliférative, splénectomie) – Maladies polysystémiques (sarcoïdose, histiocytose langerhansienne pulmonaire, lymphangioléiomyomatose, neurobromatose, vasculite) – Troubles du métabolisme (maladie de surcharge en glycogène, maladie de Gaucher, atteintes thyroïdiennes) – Autres (obstruction tumorale, médiastinite breuse, insufsance rénale chronique dialysée)

14

Source : Adapté de Simmoneau, Robbins, Beghetti et al. (2009)

perturbent l’apoptose et favorisent de ce fait la prolifération cellulaire (Galiè et al., 2009). Au sein des familles qui en sont porteuses, le risque de transmission est de 50 %. Cependant, toutes les personnes porteuses d’une mutation BMPR2 ne présentent pas pour autant des signes ou des symptômes d’HTAP héréditaire ; la raison en est encore inconnue (McLaughlin et al., 2009). Il semblerait que la pathogenèse de l’HTAP héréditaire relève de multiples facteurs génétiques et environnementaux. C’est en partant de ce principe qu’une hypothèse multifactorielle a été élaborée. Selon cette hypothèse, les manifestations cliniques de l’HTAP ne surviennent que lorsque des gènes

modicateurs et des stimulus environnementaux inuent sur les anomalies génétiques qui rendent cette maladie cliniquement observable (comme les mutations BMPR2) (Widlitz, McDevitt, Ward et al., 2007).

Hypertension artérielle pulmonaire induite par des médicaments, ou par des drogues ou des toxines inconnues Certains médicaments ainsi que certaines drogues illicites et toxines sont susceptibles d’induire une HTAP. Les premiers médicaments mis en cause dans l’apparition de l’HTAP étaient des anorexigènes (dérivés de l’aminorex et de la fenuramine). Ils ont été retirés du marché, mais depuis, d’autres agents Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

427

TABLEAU 14.12

Classication fonctionnelle des hypertensions pulmonaires selon l’Organisation mondiale de la Santé

CLASSE

SYMPTÔMES

Classe I

Personnes atteintes d’hypertension pulmonaire dont le degré d’activité physique n’est pas limité par leur état. Les activités physiques habituelles n’entraînent pas de dyspnée ou de fatigue excessive, ni de douleurs thoraciques ou de lipothymie.

Classe II

Personnes atteintes d’hypertension pulmonaire dont le degré d’activité physique est légèrement limité par leur état. Elles se sentent bien au repos, mais les activités physiques habituelles induisent une dyspnée ou une fatigue excessive, des douleurs thoraciques ou une lipothymie.

Classe III

Personnes atteintes d’hypertension pulmonaire dont le degré d’activité physique est considérablement limité par leur état. Elles se sentent bien au repos, mais des activités physiques, même légères, induisent une dyspnée ou une fatigue excessive, des douleurs thoraciques ou une lipothymie.

Classe IV

Personnes atteintes d’hypertension pulmonaire incapables de se livrer à la moindre activité physique sans éprouver de symptômes. Elles ont des signes d’insufsance cardiaque droite. Elles peuvent accuser une dyspnée ou de la fatigue, même au repos. Les symptômes ressentis sont accentués par n’importe quelle activité physique.

Source : Adapté de Barst, McGoon, Torbicki et al. (2004)

susceptibles d’accroître le risque d’HTAP (p. ex., l’huile de colza, le millepertuis et les médicaments contre l’obésité contenant de la phénylpropanolamine) ont été répertoriés (McLaughlin et al., 2009 ; Simmoneau et al., 2009). La consommation d’amphétamines est également associée à un risque d’HTAP ; il existe notamment une forte association entre la

FIGURE 14.21

Pathogenèse de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP).

428

Partie 2

Système cardiovasculaire

consommation de méthamphétamine et l’apparition de l’HTAP (Simmoneau et al., 2009). Enn, l’exposition à des substances ou à des stimulus environnementaux toxiques accroît le risque d’HTAP.

Hypertension artérielle pulmonaire associée à des facteurs de risque ou à d’autres affections L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) peut être associée à des facteurs de risque ou à d’autres affections, auquel cas elle entre dans le groupe 1 de la classication de l’OMS TABLEAU 14.11. Les affections en question (maladies vasculaires du collagène, infection par le virus de l’immunodécience humaine [VIH], hypertension portale, shunt gauche-droite congénital, schistosomiase et anémie hémolytique chronique) sont associées à des lésions des artérioles pulmonaires.

Maladie veino-occlusive pulmonaire et hémangiomatose capillaire pulmonaire La maladie veino-occlusive pulmonaire (MVOP) et l’hémangiomatose capillaire pulmonaire sont classées parmi les hypertensions pulmonaires, car elles présentent des similitudes avec l’HTAP sur le plan histopathologique. D’ailleurs, c’est en raison d’anomalies histopathologiques communes que la MVOP et l’HCP ont été regroupées dans une classe à part, le groupe 1′, dans la dernière classication. Le fait qu’elles aient des tableaux cliniques similaires, qu’elles soient associées aux mêmes facteurs de risque et qu’il s’agisse de maladies familiales indique qu’elles font partie bel et bien partie d’un seul et même ensemble pathologique (Galiè et al., 2009 ; McLaughlin et al., 2009 ; Simmoneau et al., 2009).

Hypertension pulmonaire secondaire à une cardiopathie gauche Les hypertensions pulmonaires secondaires à une cardiopathie gauche forment le groupe 2 de la classication de l’OMS TABLEAU 14.11. Ce sont les formes d’hypertension pulmonaire les plus courantes, et elles peuvent être associées à différents facteurs étiologiques (p. ex., une dysfonction systolique, une dysfonction diastolique, des valvulopathies) (Galiè et al., 2009 ; Simmoneau et al., 2009). Il convient de noter que les mécanismes sous-jacents à l’hypertension veineuse pulmonaire diffèrent de ceux observés pour les autres formes d’hypertension pulmonaire. L’hypertension veineuse pulmonaire est une élévation de la pression veineuse pulmonaire consécutive à une élévation des pressions qui règnent dans le cœur gauche. Les personnes atteintes d’hypertension veineuse pulmonaire ont des antécédents de maladie coronarienne, d’IDM aigu, de valvulopathie, d’insufsance cardiaque ou de CMD. Au début, l’hypertension pulmonaire est un processus passif de contrepression qui entraîne une élévation de la pression en amont dans les veines pulmonaires, puis dans les artères pulmonaires. Comme cette élévation est persistante, elle accroît ensuite la résistance des artérioles pulmonaires et induit un remodelage vasculaire durable (Simmoneau et al., 2009).

Hypertension pulmonaire secondaire à une pneumopathie ou à une hypoxémie Les pneumopathies chroniques sont souvent associées à une hypoxémie et elles peuvent entraîner une hypertension pulmonaire. Les hypertensions pulmonaires classées dans le groupe 3 de l’OMS sont causées par une hypoxie alvéolaire secondaire à une pneumopathie, par une atteinte du centre de contrôle de la respiration ou par une exposition prolongée à de hautes altitudes (Simmoneau et al., 2009) TABLEAU 14.11. Toutes les personnes atteintes d’hypertension pulmonaire sont dyspnéiques durant l’effort, et celles qui sont atteintes de MPOC ou de pneumopathie interstitielle (p. ex., une brose kystique, une brose pulmonaire, un emphysème) sont aussi dyspnéiques au repos. Le taux de survie des personnes ayant une pneumopathie obstructive et une hypertension pulmonaire diminue à mesure que cette dernière évolue (Lester & Wilansky, 2007). Le bilan diagnostique des personnes ayant une hypertension pulmonaire et une pneumopathie concomitante repose sur des explorations fonctionnelles respiratoires et des examens paracliniques de dépistage de l’apnée du sommeil (Badesch et al., 2009 ; Galiè et al., 2009).

Hypertension pulmonaire thromboembolique chronique Le groupe 4 de la classication de l’OMS englobe les hypertensions pulmonaires secondaires à des thromboembolies chroniques TABLEAU 14.11. Dans de tels cas, c’est une embolie pulmonaire (blocage de la

circulation sanguine dans le lit vasculaire pulmonaire par un embole volumineux) qui provoque une hypertension pulmonaire aiguë. D’ailleurs, cette dernière peut aussi être consécutive à de multiples microembolies (obstruction d’artérioles pulmonaires par des microemboles). L’incidence de l’hypertension pulmonaire thromboembolique chronique s’élève à 4 % après une EP aiguë (McLaughlin et al., 2009). Cela dit, il est possible de prévenir une hypertension pulmonaire thromboembolique chronique chez une personne qui présente un état d’hypercoagulabilité lorsqu’un risque d’EP a été mis en évidence. Il est recommandé, dans les lignes directrices, de réaliser une scintigraphie pulmonaire de ventilationperfusion dès qu’un diagnostic d’hypertension pulmonaire a été posé an de conrmer la présence ou l’absence d’une EP concomitante (Galiè et al., 2009 ; Simmoneau et al., 2009). De plus, il est fortement conseillé d’orienter les personnes atteintes d’une hypertension pulmonaire thromboembolique chronique vers un centre spécialisé, puisqu’il est essentiel qu’elles soient prises en charge par des professionnels expérimentés dans la pratique de la thromboendartériectomie pulmonaire et qu’elles disposent du système de soutien clinique nécessaire (McLaughlin et al., 2009 ; Simmoneau et al., 2009).

14

Hypertension pulmonaire d’origine indéterminée ou multifactorielle Le groupe 5 de la classication de l’OMS TABLEAU 14.11 englobe divers types d’affections, notamment des hémopathies (p. ex., des maladies myéloprolifératives, une splénectomie), des maladies polysystémiques (p. ex., une sarcoïdose, une neurobromatose, une vasculite), des troubles du métabolisme (p. ex., des maladies de surcharge en glycogène, la maladie de Gaucher, des atteintes thyroïdiennes) et d’autres affections (p. ex., une obstruction tumorale, une médiastinite breuse, une insufsance rénale chronique).

14.6.2

Physiopathologie

Dans un état physiologique normal, le système vasculaire pulmonaire est caractérisé par un débit sanguin élevé ainsi que par des pressions intravasculaires et des résistances vasculaires faibles, et il s’adapte aisément aux variations du D.C. et des besoins en oxygène, notamment au cours d’une activité physique (Gupta, 2010). En cas d’hypertension pulmonaire, le système vasculaire pulmonaire perd ces trois caractéristiques. Il est alors possible d’observer une élévation progressive et persistante des pressions pulmonaires associées à une augmentation des résistances vasculaires pulmonaires, laquelle entraîne successivement une augmentation de la pression dans le V.D., une augmentation du travail de ce dernier, une hypertrophie ventriculaire droite, une insufsance cardiaque et le décès. Trois principaux mécanismes interviennent dans la pathogenèse de l’hypertension pulmonaire chronique : 1) la dysfonction endothéliale et la Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

429

vasoconstriction ; 2) le remodelage vasculaire (modi­ cations structurales) ; 3) la thrombose. À ces trois mécanismes vient s’ajouter la formation de lésions plexiformes qui obstruent de façon irréversible les artérioles pulmonaires FIGURE 14.21 (Rubenre et al., 2007). Plus précisément, le dysfonctionnement des cellules endothéliales est à l’origine d’une diminution de la production de monoxyde d’azote et de prosta­ cycline, et d’une augmentation de la production de l’endothéline (substance vasoconstrictrice), laquelle favorise une vasoconstriction. Il contribue également à une augmentation du risque thrombogène et à une diminution de la thrombolyse, et, par conséquent, à la formation de thrombus dans les artérioles pulmo­ naires. L’apparition de l’hypertension pulmonaire peut être catalysée par une production excessive de substances vasoconstrictrices comme le throm­ boxane et l’endothéline par les cellules endothéliales, par la diminution de la production de facteurs endo­ théliaux qui stimulent la vasodilatation, notamment la prostacycline et le monoxyde d’azote, ou par ces deux mécanismes (Galiè et al., 2009).

14.6.3

Manifestations cliniques et examens paracliniques

Le diagnostic de l’hypertension pulmonaire est dif­ cile à établir. Dans bien des cas, l’hypertension pulmonaire est le dernier diagnostic qui reste lorsque toutes les autres hypothèses ont été écartées. En fait, lorsqu’elle en est à ses débuts, l’hypertension pul­ monaire se manifeste par des symptômes cliniques non spéciques qui traduisent l’incapacité du lit vas­ culaire pulmonaire à s’adapter à l’accélération du D.C. durant l’effort. Cette non­spécicité de la symptoma­ tologie conrme les observations selon lesquelles le diagnostic d’hypertension pulmonaire est établi, dans bien des cas, plus de deux ans après l’appari­ tion des symptômes (Barst, Gibbs, Ghofrani et al., 2009 ; Brown, Chen, Halpern et al., 2011).

Examen physique 13 Le chapitre 13, Examens paracliniques du système cardiovasculaire, fournit de l’information sur les applications diagnostiques du cathéter artériel pulmonaire et sur la saturation du sang veineux mélangé en oxygène.

430

Partie 2

La gravité des symptômes de l’hypertension pulmo­ naire est évaluée selon la classication fonctionnelle (classes I à IV) établie par l’OMS TABLEAU 14.12. Cette classication joue le même rôle que la classi­ cation des symptômes d’insufsance cardiaque éla­ borée par la NYHA (Gupta, 2010). L’examen physique révèle des signes d’insufsance ventriculaire droite, notamment une pression veineuse jugulaire élevée, un signe de Harzer (palpation d’une hypertrophie du V.D.), une hépatomégalie, une ascite et un œdème périphérique. L’auscultation du cœur met en évi­ dence un B2 au foyer pulmonaire et un soufe ho­ losystolique témoignant d’une régurgitation tricuspidienne. La présence d’un œdème pulmonaire évoque un dysfonctionnement ventriculaire gauche ou une cause non cardiaque comme le SDRA (Zamanian et al., 2007). La fatigue et la dyspnée comptent parmi les pre­ miers symptômes de l’hypertension pulmonaire ; elles sont la conséquence des anomalies du transport

Système cardiovasculaire

de l’oxygène aux tissus et du ralentissement du D.C. Par la suite, l’hypertension pulmonaire se traduit par des épisodes de syncope, qui sont attribuables à l’hypotension provoquée par le ralentissement du D.C., et par des symptômes angineux, qui dé­ coulent des anomalies de remplissage des ventricules. De plus, chez les personnes atteintes d’hypertension pulmonaire, il est possible d’observer des œdèmes intestinaux susceptibles de provoquer une constipa­ tion, des douleurs abdominales, une malabsorption et une anorexie (Rubenre et al., 2007).

Examens paracliniques L’ECG, l’échocardiographie et le cathétérisme car­ diaque droit gurent au nombre des examens para­ cliniques permettant de poser un diagnostic d’hypertension pulmonaire. C’est l’échocardiogra­ phie qui s’avère être l’examen non effractif le plus utile. Elle permet d’estimer la pression dans l’oreil­ lette droite ainsi que la pression artérielle (P.A.) pulmonaire, et d’évaluer le degré d’insufsance ven­ triculaire droite (Zamanian et al., 2007). La dilatation et l’hypertrophie du V.D., le bombement du septum interventriculaire en direction du V.G. (V.G. ayant la forme d’un D), une hypokinésie du V.D., la régurgi­ tation tricuspidienne, l’hypertrophie de l’oreillette droite et la dilatation de la veine cave inférieure sont autant de signes qui dénotent une insufsance ven­ triculaire droite marquée. L’ECG, pour sa part, peut mettre en évidence une déviation axiale droite et une hypertrophie ventri­ culaire droite secondaires à une hypertension pul­ monaire. Cela dit, il ne s’agit là que d’un examen non effractif d’appoint qui peut effectivement indiquer que le V.D. est mis à rude épreuve, mais qui ne per­ met pas à lui seul de poser un diagnostic d’hyper­ tension pulmonaire. L’un des examens paracliniques effractifs qui se révèle le plus utile est le cathétérisme cardiaque droit. Un diagnostic d’hypertension pulmonaire est posé lorsque la P.A. pulmonaire moyenne est supé­ rieure à 25 mm Hg au repos (Badesch et al., 2009). Une évaluation précise de la saturation du sang vei­ neux mélangé en oxygène au moment de l’insertion du cathéter artériel pulmonaire et de son passage dans les cavités cardiaques permet de diagnostiquer d’éventuels shunts intracardiaques. La possibilité d’une atteinte ventriculaire gauche peut être généra­ lement exclue lorsque la pression artérielle pulmo­ naire d’occlusion est inférieure à 15 mm Hg (Badesch et al., 2009 ; Zamanian et al., 2007) 13 . Le test de vasoréactivité pulmonaire, soit l’évaluation de la capacité des vaisseaux pulmonaires à se dilater à la suite de l’administration d’un vasodilatateur artériel pulmonaire, est l’un des principaux examens réalisés dans le cadre d’un cathétérisme cardiaque droit destiné au diagnostic de l’hypertension pulmonaire. Pour réali­ ser ce test, des agents vasoactifs comme le monoxyde d’azote (par inhalation), l’adénosine (AdénocardMD par voie I.V.) ou l’époprostenol (FlolanMD, CaripulMD) (égale­ ment appelé prostacycline par voie I.V.) sont utilisés. La détermination de la capacité de vasodilatation des

vaisseaux pulmonaires permet de prévoir l’efcacité des différents vasodilatateurs. Le test est positif lorsque la P.A. pulmonaire moyenne diminue d’au moins 10 mm Hg par rapport à sa valeur initiale et qu’elle passe sous la barre des 40 mm Hg alors que le D.C. augmente ou qu’il demeure inchangé. Seulement quelque 10 à 20 % des personnes atteintes d’hypertension pulmonaire répondent aux vasodilatateurs (Galiè et al., 2009 ; Rubenre et al., 2007). Si l’hypertension pulmonaire est à un stade avancé lorsque les examens paracliniques sont effectués, il se peut que la P.A. pulmonaire soit presque équivalente à la pression aortique et que les artérioles pulmonaires ne se dilatent pas sous l’effet des vasodilatateurs. Dans ce cas de gure, le V.D. hypertrophié exerce une pression sur le septum interventriculaire, qui nit par comprimer le V.G. Cette diminution du volume du V.G. réduit nettement le volume systolique de ce dernier et ralentit considérablement le D.C. (McLaughlin et al., 2009 ; Rubenre et al., 2007). Il est essentiel d’évaluer systématiquement la tolérance à l’effort dans le cadre de l’évaluation et du traitement de l’hypertension pulmonaire à l’aide du test de marche de six minutes (TM6) et de diverses épreuves d’effort sur tapis roulant. Le TM6 consiste à faire parcourir à pied la plus longue distance possible pendant six minutes. En évaluant une série de TM6, il est possible de surveiller la gravité et l’évolution de cette maladie, ou la réponse thérapeutique (Galiè et al., 2009).

14.6.4

Pharmacothérapie

Les traitements médicaux de l’hypertension pulmonaire consistent essentiellement à établir un diagnostic précoce, à administrer la pharmacothérapie appropriée et à prévenir les complications. Le traitement a pour objectifs le soulagement des symptômes, l’amélioration de la qualité de vie et la survie. Pour mesurer l’amélioration de l’état d’une personne atteinte d’hypertension pulmonaire, il faut s’appuyer sur les variations de la tolérance à l’effort et sur la gravité des symptômes établie en fonction de la classe fonctionnelle (McLaughlin et al., 2009). Les lignes directrices de pratique clinique sur l’hypertension pulmonaire recommandent d’orienter les personnes atteintes vers un centre médical spécialisé dans la prise en charge de cette maladie complexe et évolutive (Galiè et al., 2009). Le TABLEAU 14.13 énumère les médicaments prescrits pour le traitement de l’hypertension pulmonaire. La plupart des clients prennent en permanence plusieurs médicaments comme des antagonistes des récepteurs de l’endothéline, des inhibiteurs de la phosphodiestérase 5 (PDE 5), des vasodilatateurs pulmonaires, des dérivés de la prostacycline, des bloqueurs des canaux calciques (au stade initial seulement), des anticoagulants, des diurétiques et de l’oxygène. La FIGURE 14.22 illustre l’une des façons d’associer ces médicaments dans le cadre du schéma thérapeutique (Badesch et al., 2009 ; Barst et al., 2009). Les bloqueurs des canaux calciques améliorent la survie des clients atteints d’HTAP qui démontrent un résultat formellement positif au test de la vasoréactivité pendant un cathétérisme cardiaque droit

(répondeurs) (Anderson & Nawarskas, 2011 ; Barst et al., 2009). Les bloqueurs des canaux calciques à longue durée d’action incluent la nifédipine (Adalat XLMD), le diltiazem (CardizemMD, TiazacMD) et l’amlodipine (NorvascMD) (Anderson & Nawarskas, 2011). La plupart des personnes atteintes d’HTAP sont des nonrépondeurs et sont mieux prises en charge par l’un des médicaments les plus récents spécialement conçus pour l’hypertension pulmonaire (il en sera question ultérieurement) (Badesch et al., 2009 ; Barst et al., 2009). Les antagonistes des récepteurs de l’endothéline servent au traitement de l’HTAP. L’endothéline 1 est un vasoconstricteur puissant et un mitogène du muscle lisse à même de provoquer une hypertrophie des cellules musculaires lisses. Il existe deux types de récepteurs de l’endothéline : 1) l’endothéline A, qui cause la vasoconstriction et la prolifération du muscle lisse ; 2) l’endothéline B, qui cause la vasodilatation et participe à la clairance de l’endothéline. Le bosentan (TracleerMD), un antagoniste des récepteurs de l’endothéline à prise orale (Badesch et al., 2009 ; Barst et al., 2009), est homologué pour les classes étiologiques III et IV d’hypertension pulmonaire de l’OMS. Dans le traitement de l’HTAP et des troubles liés au scléroderme, il atténue les symptômes et améliore la classe fonctionnelle, les paramètres hémodynamiques ainsi que la capacité à l’effort mesurée par le TM6 (Fitzgerald & Lim, 2011 ; Nishimura, Carabello, Faxon et al., 2008). L’ambrisentan (VolibrisMD) sert au traitement de l’HTAP et de l’hypertension pulmonaire résultant d’une maladie des tissus conjonctifs et d’une cardiopathie congénitale. Il améliore les symptômes, le délai avant l’aggravation clinique de la maladie, la capacité à l’effort et la classe fonctionnelle (Anderson & Nawarskas, 2011 ; Iheagwara & Thomas, 2010 ; Simmoneau et al., 2009). Les inhibiteurs de la PDE 5 sont conçus pour inhiber la dégradation de la monophosphatase guanosine cyclique (GMPc). Ces médicaments favorisent la vasodilatation pulmonaire et diminuent la prolifération des cellules du muscle lisse vasculaire. Le sildénal et le tadalal (AdcircaMD) sont de puissants inhibiteurs de la PDE 5 ; ils sont utilisés dans le traitement de la dysfonction érectile et constituent une option thérapeutique efcace pour l’HTAP (Barts et al., 2009). Le sildénal est employé initialement en monothérapie, mais il peut aussi être inclus dans un plan thérapeutique à plusieurs médicaments (Anderson & Nawarskas, 2011 ; Badesch et al., 2009). Le monoxyde d’azote est un vasodilatateur puissant qui dilate le système vasculaire pulmonaire des unités pulmonaires ventilées. Il améliore l’oxygénation et réduit la P.A. pulmonaire (Barts et al., 2009 ; Zamanian et al., 2007). Le monoxyde d’azote par inhalation est utile pour les clients en soins critiques sous ventilation mécanique, notamment en association avec la dobutamine ou la milrinone. Le retrait brusque du monoxyde d’azote par inhalation peut entraîner une méthémoglobinémie, la production de dioxyde d’azote et une hypertension pulmonaire de Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

14

431

Pharmacothérapie TABLEAU 14.13

Médicaments pour le traitement de l’hypertension pulmonaire

MÉDICAMENT

POSOLOGIE

Antagoniste des récepteurs de l’endothéline (ARE)

MODE D’ACTION

SURVEILLANCE INFIRMIÈRE/ COMMENTAIRES

Blocage de la vasoconstriction et de la prolifération du muscle lisse

Bosentan (TracleerMD)

• 62,5-125 mg, par voie orale (P.O.), deux fois par jour (b.i.d.)

Surveiller les résultats de tests de la fonction hépatique.

Ambrisentan (VolibrisMD)

• 5-10 mg, P.O., une fois par jour (die)

Surveiller les résultats de tests de la fonction hépatique.

Inhibiteurs de la phospho­ diestérase 5 (PDE 5)

Vasodilatation pulmonaire et diminution de la prolifération du muscle lisse

La prise concomitante de nitrates peut entraîner une hypotension irréversible.

Sildénal (RevatioMD, ViagraMD)

• 20 mg, P.O., trois fois par jour (t.i.d.) • Bolus de 10 mg, I.V., t.i.d.

ViagraMD : formulation indiquée pour la dysfonction érectile.

Tadalal (AdcircaMD, CialisMD)

• 40 mg, P.O., die

CialisMD : formulation indiquée pour la dysfonction érectile.

Vasodilatateur pulmonaire Monoxyde d’azote par inhalation

Dilatation du système vasculaire pulmonaire

Hypertension pulmonaire de rebond en cas d’arrêt soudain ; la production de monoxyde d’azote entraîne une méthémoglobinémie.

Dérivés de la prostacycline

Dilatation des vaisseaux pulmonaires et périphériques ; antiprolifératif, antiplaquettaire

Hypertension pulmonaire de rebond en cas d’arrêt soudain ou d’une diminution de la dose.

Époprosténol (FlolanMD, CaripulMD)

• Commencer par 2-4 ng/kg/min en perfusion I.V. continue • Intervalles de 20-40 ng/kg/jour

Il faut réfrigérer FlolanMD ou le recouvrir de sacs à glace en raison de sa courte demi-vie ; CaripulMD est stable à la température ambiante.

Tréprostinil (RemodulinMD)

• 20-40 ng/kg/min en perfusion continue S.C./I.V.

Douleur au point d’injection.

Iloprost

• 2,5-5 mcg (6-9 inhalations) en nébulisateur, quatre fois par jour (q.i.d).

Hémoptysie*

Anticoagulant

Maintenir le rapport normalisé international (RNI) avec un traitement antagoniste de la vitamine K P.O.

Bloqueur des canaux calciques

Nifédipine (Adalat XLMD)

• 120-240 mg/jour

Diltiazem (CardizemMD, TiazacMD)

• 240-720 mg/jour

Amlodipine (NorvascMD)

• Jusqu’à 20 mg/jour

Diurétiques * Disponible par le Programme d’accès spécial (nécessite une autorisation).

432

Partie 2

Système cardiovasculaire

Vasodilatateur

Peut entraîner de l’hypotension ; seulement utile chez les clients ayant une vasoréaction positive.

Diminution de l’hypervolémie.

Surveiller étroitement les électrolytes et la fonction rénale.

14

FIGURE 14.22 Traitement médicamenteux d’association employé contre l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). ARE : antagoniste des récepteurs de l’endothéline ; CF : classe fonctionnelle ; I.V. : voie intraveineuse ; OMS : Organisation mondiale de la Santé ; PDE 5 : phosphodiestérase 5 ; S.C. : voie sous-cutanée.

rebond avec collapsus hémodynamique, ce qui limite l’usage de cette thérapie. Les prostacyclines sont de puissants vasodilatateurs qui agissent sur les circulations pulmonaire et systémique ; elles possèdent des effets antiprolifératifs et antiplaquettaires agrégants (Anderson & Nawarskas, 2011 ; Badesch et al., 2009). Les médicaments analogues de la prostacycline sont appelés prostanoïdes. Les quatre médicaments prostanoïdes homologués par la Food and Drug Administration des États-Unis sont : 1) l’époprosténol ; 2) le tréprostinil (RemodulinMD) ; 3) le tréprostinil en inhalation (TyvasoMD) (Anderson & Nawarskas, 2011 ; McLaughlin, Benza, Rubin et al., 2010 ; Rubenre et al., 2007). À l’exception de l’iloprost qui n’est offert que par le Programme d’accès

spécial du Canada et de la formulation inhalée du tréprostinil, les mêmes formulations sont offertes sur le marché au Canada TABLEAU 14.13. • Époprosténol. Chez les personnes atteintes d’hypertension pulmonaire au stade avancé et d’insufsance ventriculaire droite, le traitement à long terme par l’époprosténol I.V. peut être salutaire. Le traitement par l’époprosténol commence à l’hôpital et se poursuit à long terme à domicile. La demi-vie d’élimination de l’époprosténol est courte : moins de cinq minutes (Anderson & Nawarskas, 2011). Les clients en unité de soins critiques présentant des symptômes de classe fonctionnelle IV doivent d’abord recevoir de l’époprosténol, car il s’agit du traitement le plus rapidement efcace (Badesch et al., 2009). Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

433

36 Un exposé détaillé sur la greffe cœur-poumon est présenté dans le chapitre 36, Don et transplantation.

A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux prodécoulant d’une hypertension pulmonaire sont décrits, selon le problème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers.

Ce médicament procure un avantage durable de 62,8 % sur la survie à 3 ans, par rapport à 35,4 % avec les témoins historiques (McLaughlin et al., 2009 ; Rubenre et al., 2007). • Tréprostinil. Le tréprostinil sodique, un prostanoïde récemment homologué, est administré par perfusion S.C. ou I.V. au moyen d’un cathéter ou d’une pompe ; sa demi-vie est de trois à quatre heures. Son administration S.C. est efcace et sans danger. Cependant, ce traitement est associé à une douleur au point d’injection, que le client ne tolère pas forcément. Ces analogues de la prostacycline ne guérissent pas l’hypertension pulmonaire, mais ils permettent tous une vasodilatation du lit vasculaire pulmonaire, une maîtrise des symptômes et une prolongation de la vie des clients chez qui la réponse est favorable. • Iloprost. L’iloprost est un prostanoïde en inhalation administré avec un nébuliseur de 6 à 12 fois par jour. Sa demi-vie varie de 20 à 25 minutes. Des études démontrent qu’il entraîne une amélioration de la classe fonctionnelle, de la capacité à l’effort et des paramètres hémodynamiques pulmonaires (Badesch et al., 2009 ; Barst et al., 2009). Des études récentes concernant son utilisation à long terme et son rôle dans un traitement d’association par des agents oraux ont démontré son innocuité et son efcacité. L’anticoagulation est une composante essentielle de la prise en charge pharmacologique. Les facteurs de risque de maladie thromboembolique veineuse comme l’insufsance cardiaque, la dysfonction ventriculaire droite, le faible débit systolique, la diminution de la P.A. différentielle, la sédentarité et la prédisposition thrombophile sont présents en cas d’hypertension pulmonaire. La warfarine (CoumadinMD) améliore la survie des clients atteints de certains types d’hypertension pulmonaire. Le RNI cible habituel compris entre 2 et 3 est ramené à une valeur variant de 1,5 à 2,5 lorsque le client prend des analogues de la prostacycline (Anderson & Nawarskas, 2011 ; Rubenre et al., 2007).

Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 14.20

Hypertension pulmonaire

• Altération des échanges gazeux liée à un déséquilibre ventilation-perfusion ou à un shunt intrapulmonaire PSTI A.5 • Anxiété liée à une menace contre l’intégrité biologique, psychologique ou sociale PSTI A.6

• Décit de compréhension lié à une absence d’exposition préalable à l’information PSTI A.8

• Diminution du débit cardiaque liée à des altérations de la précharge PSTI A.12 • Diminution du débit cardiaque liée à des altérations de la postcharge PSTI A.12

434

Partie 2

• Diminution du débit cardiaque liée à des altérations de la contractilité myocardique PSTI A.12

• Diminution du débit cardiaque liée à des modications de la fréquence ou du rythme cardiaques PSTI A.12 • Intolérance à l’activité liée à un dysfonctionnement cardiopulmonaire PSTI A.21 • Risque d’infection PSTI A.31 • Stratégies d’adaptation inefcaces à l’égard d’une situation de crise et liées à la vulnérabilité personnelle PSTI A.34

Système cardiovasculaire

Les diurétiques servent à prévenir la surcharge du volume ventriculaire droit, l’œdème, les ascites et la malabsorption associée à l’œdème intestinal. Il faut surveiller étroitement les électrolytes sériques et la fonction rénale (Galiè et al., 2009). L’oxygène d’appoint est un élément central du traitement de l’hypertension pulmonaire chronique (Badesch et al., 2009). L’hypoxémie chronique liée à l’altération du D.C. entraîne une désaturation veineuse mixte. L’hypoxémie peut aussi découler d’anomalies cardiaques ou d’un shunt droite-gauche créant une perméabilité du foramen ovale (Galiè et al., 2009). L’inhalation d’oxygène diminue la P.A. pulmonaire et améliore le D.C. L’hypoxie est un vasoconstricteur pulmonaire puissant. Il est préférable de maintenir la saturation en oxygène au-dessus de 90 % (Shah, 2012). La greffe cœur-poumon peut être envisagée pour les personnes réfractaires à la prise en charge pharmacologique (Badesch et al., 2009) 36 .

Soins et traitements inrmiers Les soins et traitements inrmiers prodigués aux personnes atteintes d’hypertension pulmonaire englobent divers problèmes découlant de la situation de santé liés à la dyspnée et à l’insufsance cardiaque droite qu’entraîne cette maladie ENCADRÉ 14.20 A . Les pratiques inrmières suggérées dépendent quant à elles de la gravité des symptômes de l’hypertension pulmonaire. Elles sont axées principalement sur la réduction de la P.A. pulmonaire l’administration de la pharmacothérapie, la surveillance des effets et de l’innocuité de tous les médicaments administrés, le traitement de la douleur qui peut survenir au point d’injection (en cas de traitement par l’époprosténol ou le tréprostinil) et l’enseignement au client et à ses proches.

Informer le client et ses proches Si la cause de l’hypertension pulmonaire a été établie, l’inrmière assure l’enseignement au client avant sa sortie de l’hôpital. Ainsi, elle remet à tout client atteint d’hypertension pulmonaire une liste des médicaments prescrits précisant le rôle de chacun d’eux. Elle aborde notamment les sujets suivants dans le cadre de l’enseignement : 1) l’utilisation et l’entretien des nébuliseurs portatifs, des cathéters I.V. tunnellisés et des pompes destinées à l’administration par voie S.C. ; 2) la lutte contre les infections ; 3) la préparation des analogues de la prostacycline dans des conditions stériles (Doran, Ivy, Barst et al., 2010 ; Widlitz et al., 2007). Étant donné la complexité du traitement de l’HTAP, il est aussi essentiel de donner au client le nom du professionnel de la santé à joindre pour toute question ENCADRÉ 14.21. Enn, pour qu’ils soient efcaces, les soins que nécessite cette maladie complexe doivent être prodigués par une équipe interdisciplinaire de professionnels de la santé empathiques et compétents ENCADRÉ 14.22.

Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 14.21

Hypertension artérielle pulmonaire

L’inrmière aborde les sujets suivants. • Physiopathologie de l’HTAP et processus pathologique. • Symptômes : dyspnée au repos ou, plus souvent, à l’effort. • Préservation de l’activité avec périodes planiées de repos. • Objectif, effets secondaires et considérations particulières en lien avec les médicaments : – époprosténol (FlolanMD, CaripulMD) : par voie I.V., avec une pompe ; demi-vie de deux à trois minutes ; – tréprostinil (RemodulinMD) : par voie I.V. ou S.C., avec une pompe ; demi-vie de trois heures ; – bosentan (TracleerMD), Ambrisentan (VolibrisMD) : P.O. ; – sildénal (RevatioMD, ViagraMD) et tadalal (AdcircaMD, CialisMD) : la prise P.O. est contre-indiquée en cas d’utilisation de nitrates, car elle peut causer une hypotension grave.

• Prise en charge de la douleur au point d’insertion du cathéter I.V. ou S.C. • Utilisation d’un nébuliseur portatif pour Iloprost en inhalation. • Anticoagulation : objectif du RNI ; observer la peau, les gencives, l’urine et les selles à la recherche de signes de saignement ; prendre des précautions pour prévenir les saignements pendant l’anticoagulation (p. ex., utiliser une brosse à dents souple et un rasoir électrique au lieu du rasoir ; éviter les sports de contact). • Soins de suivi après la sortie de l’hôpital. • Liste des signes et des symptômes à signaler à un professionnel de la santé. • Activité physique : pratiquer des activités physiques légères telles que le vélo et la natation. Augmenter l’intensité de façon graduelle. Éviter les exercices isométriques et s’abstenir de soulever de lourdes charges (Bonow et al., 2012).

14

Pratique fondée sur des résultats probants ENCADRÉ 14.22

Hypertension artérielle pulmonaire

RECOMMANDATIONS RELATIVES À LA DÉTECTION PRÉCOCE ET AU DÉPISTAGE DE L’HTAP

• Il est conseillé aux proches des personnes atteintes d’HTAP ou susceptibles de l’être (facteur héréditaire) de subir un test génétique avant toute grossesse. • Il est conseillé aux femmes atteintes d’hypertension pulmonaire d’éviter les grossesses. • Si une hypertension pulmonaire est suspectée, il faut procéder à un dépistage précoce par ECG an d’exclure la possibilité d’autres anomalies cardiaques. Il convient toutefois de préciser que l’ECG ne permet pas à lui seul de poser un diagnostic d’hypertension pulmonaire. • Si une hypertension pulmonaire est suspectée, il est possible d’avoir recours à la radiographie thoracique, puisqu’elle peut mettre en évidence certains signes qui conrment le diagnostic d’hypertension pulmonaire. • Si une hypertension pulmonaire est suspectée, il est recommandé de réaliser une échocardiographie an de mesurer la pression systolique dans le V.D. selon une méthode non effractive et d’évaluer des anomalies anatomiques telles qu’une dilatation de l’oreillette droite ou du V.D., une atteinte du V.G. ou un shunt intracardiaque. RECOMMANDATIONS RELATIVES AUX EXAMENS PARACLINIQUES PERMETTANT D’ÉVALUER L’HTAP DE MANIÈRE APPROFONDIE

• En présence d’une hypertension pulmonaire inexpliquée, il est recommandé de rechercher une connectivite ou une infection par le l’VIH. • S’il est probable que le client souffre d’une HTAP associée à une connectivite, il est conseillé de le soumettre à une scintigraphie pulmonaire de ventilationperfusion an de diagnostiquer d’éventuelles anomalies de la perfusion et d’évaluer l’évolution de la maladie. • Il est recommandé de procéder à des explorations fonctionnelles respiratoires an d’écarter d’autres causes de pneumopathie. • Il est déconseillé de réaliser une biopsie pulmonaire : non seulement cet examen comporte des risques, mais, en plus, sa valeur diagnostique est faible.

• Il est recommandé de procéder à un cathétérisme droit ainsi qu’à un test de réactivité en aigu au moyen d’agents à courte durée d’action comme l’époprosténol (FlolanMD, CaripulMD) par voie I.V., l’adénosine par voie I.V. ou le monoxyde d’azote en inhalation. • Il est recommandé d’effectuer une série d’évaluations de la classe fonctionnelle et de la tolérance à l’effort (test de marche de six minutes [TM6]). RECOMMANDATIONS RELATIVES À LA PRISE EN CHARGE GÉNÉRALE DE L’HTAP

• Il faut envisager une anticoagulothérapie par la warfarine (CoumadinMD). • Il faut prescrire un traitement diurétique dans les cas où il est indiqué. • Le recours à une supplémentation en oxygène, au besoin, est conseillé pour maintenir les taux de saturation en oxygène au-dessus de la barre des 90 % en tout temps. • Il est fortement conseillé d’orienter la personne vers un centre spécialisé dans le traitement de l’HTAP. RECOMMANDATIONS RELATIVES À LA PHARMACOTHÉRAPIE DE L’HTAP

• Il est recommandé de prescrire un bloqueur des canaux calciques aux personnes dont le test de vasoréactivité est positif. • Dans tous les cas, il faut envisager un traitement à long terme associant les médicaments suivants FIGURE 14.22 : – Antagonistes des récepteurs de l’endothéline : bosentan (TracleerMD) (P.O.) ; ambrisentan (VolibrisMD) (P.O.). – Inhibiteurs de la phosphodiestérase : sildénal (RevatioMD, ViagraMD) ; tadalal (AdcircaMD, CialisMD). – Analogues de la prostacycline (prostanoïdes) : époprosténol (FlolanMD, CaripulMD) (I.V.) ; tréprostinil (RemodulinMD) (S.C. ou I.V., ou en inhalation) ; iloprost (en inhalation). • Le traitement à long terme par l’époprosténol par voie I.V. est indiqué en cas d’HTAP de classe IV.

Sources : Badesch, Champion, Sanchez et al. (2009) ; McLaughlin, Archer, Badesch et al. (2009)

Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

435

14.7

Endocardite

L’endocardite est une inammation de la surface endothéliale du cœur, et plus précisément des végétations thrombotiques et brineuses présentes sur les valves cardiaques. Cette inammation peut être liée à des sources infectieuses ou non infectieuses (Luttenberger & DiNapoli, 2011). Bien qu’elle touche le plus souvent les lames des valves, il est également possible d’observer une affection des cordages tendineux, des parois des cavités cardiaques, des tissus paraprosthétiques, des shunts implantables, des conduits et des stules (Lester & Wilansky, 2007). L’ancienne expression endocardite bactérienne a été remplacée par endocardite infectieuse (EI), car des micro-organismes non bactériens peuvent être la source infectieuse de l’inammation endothéliale. L’incidence de l’EI n’a pas diminué au cours des 30 dernières années : 15 000 cas sont rapportés annuellement ; le taux de mortalité avoisine les 40 % (Bashore, Cabell & Fowler, 2006). L’EI est la quatrième cause de syndromes infectieux potentiellement mortels (après une septicémie d’origine urinaire, une pneumonie et une septicémie intraabdominale). Le risque de contracter une EI est plus élevé chez les clients atteints d’une cardiopathie congénitale ou d’une valvulopathie cardiaque, et dont les valves cardiaques sont prosthétiques. Chez environ 75 % des clients, la valve cardiaque affectée présente une anomalie structurale préexistante.

14.7.1

Étiologie

L’incidence accrue des interventions médicales effractives comme l’implantation de stimulateurs cardiaques (incluant les DCI), les perçages corporels, l’usage de drogues injectables (UDI) et l’augmentation du nombre de clients âgés atteints d’une valvulopathie dégénérative multiplient d’autant les risques d’EI (Bashore et al., 2006 ; Luttenberger & DiNapoli, 2011). L’atteinte des valves du cœur droit doit éveiller de forts soupçons d’UDI (Luttenberger & DiNapoli, 2011). Par ailleurs, l’incidence de l’EI est 60 fois plus élevée chez les utilisateurs de drogues injectables que chez les témoins appariés en fonction de l’âge (Horstkotte, Follath, Gutschik et al., 2004). La survenue d’une EI dépend des épisodes suivants (Wilson, Taubert, Gewitz et al., 2007) :

Physiopathologie

L’EI résulte de la présence de bactéries ou de champignons dans la circulation sanguine, lesquels réussissent à coloniser l’endothélium cardiaque. Cette infection est mortelle si elle n’est pas traitée. Les bactéries, généralement des streptocoques, des staphylocoques ou des entérocoques, sont les agents pathogènes les plus courants. La recrudescence de micro-organismes résistants à plusieurs médicaments a fait augmenter le nombre de clients touchés, de complications plus graves et de décès (Baddour, Wilson, Bayer et al., 2005 ; Wilson et al., 2007). Les foyers de végétations d’endocardite sont corrélés avec un D.C. aberrant dû à des lésions valvulaires ou à des anomalies septales. Lorsque la colonisation par les végétations se produit, les bactéries se multiplient rapidement à l’intérieur d’un environnement protégé cloisonnant l’infection et constitué de plaquettes et de brines (Bashore et al., 2006).

14.7.3

Manifestations cliniques et examens paracliniques

Le diagnostic doit être posé dès que possible an d’instaurer un traitement et de dépister les clients courant un risque élevé de complications. Le diagnostic s’appuie sur les manifestations classiques d’une bactériémie ou d’une fongémie, les si gnes d’une valvulite active, les emboles périphériques et les phénomènes vasculaires immunologiques.

Critères modiés de Duke

• présence d’une lésion thrombotique non bactérienne sur une valve cardiaque ou sur l’endothélium ; • bactériémie (bactéries dans la circulation sanguine) ;

Hémocultures

• prolifération de bactéries sur la lésion et à l’intérieur de celle-ci susceptible d’évoluer en végétation. Les recherches indiquent que, contrairement à une croyance erronée, il est moins probable que le Partie 2

14.7.2

L’énoncé scientique de 2008 de l’AHA sur l’EI préconise l’usage des critères modiés de Duke pour le diagnostic, l’identication rapide et le traitement de l’EI. Ce système permet de répartir en trois catégories les personnes chez qui la présence d’une EI est soupçonnée : 1) cas certains ; 2) cas possibles ; 3) cas rejetés TABLEAU 14.14. Le diagnostic dénitif de l’EI exige la présence de deux critères majeurs, ou de un critère majeur et de trois critères mineurs, ou de cinq critères mineurs. Un diagnostic possible d’EI repose sur la présence de un critère majeur et de un critère mineur, ou de trois critères mineurs (Baddour et al., 2005 ; Bashore et al., 2006 ; Nishimura et al., 2008).

• bactérie adhérant à la lésion thrombotique non bactérienne ;

436

micro-organisme responsable soit lié à une intervention effractive spécique comme une intervention urogénitale ou des soins dentaires. L’EI résulterait plutôt de la conuence de plusieurs épisodes bactériémiques quotidiens et d’une lésion cardiaque vulnérable (Wilson et al., 2007).

Système cardiovasculaire

Les symptômes initiaux incluent la èvre, parfois accompagnée de frissons, de fatigue et de malaises ; jusqu’à 50 % des clients se plaignent de myalgies et de douleurs articulaires (Luttenberger & DiNapoli, 2011). Chaque contenant destiné à la culture doit renfermer au moins 10 ml de sang veineux prélevé pendant les périodes de température élevée an de

TABLEAU 14.14

Critères modiés de Duke

CRITÈRES MAJEURS

CRITÈRES MINEURS

Culture de sang positive pour l’endocardite infectieuse (EI)

• Prédisposition : personnes atteintes d’une maladie du cœur ou utilisant des drogues injectables

Signes d’atteinte de l’endocarde

• Fièvre : température supérieure à 38 °C • Phénomènes vasculaires : emboles artériels majeurs, infarctus pulmonaires septiques, anévrisme mycotique, hémorragie intracrânienne, hémorragie conjonctivale et lésions de Janeway • Phénomènes immunologiques : glomérulonéphrite, nodules d’Osler, taches de Roth et facteur rhumatoïde • Signes microbiens : résultat positif de la culture sanguine qui ne correspond à aucun des critères majeurs, ou signes sérologiques d’infection active par un micro-organisme typique de l’EI

Sources : Adapté de Baddour, Wilson, Bayer et al. (2005) ; Wilson, Taubert, Gewitz et al. (2007)

14 pouvoir détecter le micro-organisme infectieux (Horstkotte et al., 2004). L’endocardite avec culture négative concerne jusqu’à un tiers des cas ; elle est généralement liée à la prise antérieure d’antibiotiques ou à une infection par un micro-organisme fastidieux, c’est-à-dire qui ne prolifère pas dans les conditions de culture de laboratoire habituelles (Lester & Wilansky). En général, le nombre de globules blancs est élevé, et les symptômes correspondent aux critères de Duke TABLEAU 14.14.

Radiographie pulmonaire La toux et la douleur thoracique pleurétique sont présentes dans 40 à 60 % des cas. Le premier test non effractif est souvent une radiographie pulmonaire visant à détecter des inltrats nodulaires, une cardiomégalie et l’enure des vaisseaux pulmonaires.

tricuspide. Les autres organes affectés par les emboles incluent le foie, la rate, les reins, l’artère mésentérique abdominale et les vaisseaux périphériques. Les emboles septiques peuvent être visibles sur les doigts et les pieds. Le taux de formation d’emboles diminue rapidement après l’administration par voie I.V. de l’antimicrobien adéquat (Baddour et al., 2005). Le risque de décès augmente avec l’apparition d’embolies et diminue avec la perfusion artérielle des organes vitaux. Les manifestations cliniques de l’endocardite infectieuse qui peuvent être relevées à l’examen physique gurent dans l’ENCADRÉ 14.23.

14.7.4

Traitements médicaux

Le traitement de l’EI exige une administration I.V. prolongée de doses adéquates d’agents antimicrobiens adaptés à la situation du client et aux microbes

Échocardiogramme L’autre test non effractif essentiel est un échocardiogramme des valves cardiaques servant à visualiser les végétations. L’ETT peut être effectuée initialement, mais l’échocardiographie transœsophagienne (ETO) est encore plus utile en raison de la clarté des clichés des valves cardiaques. L’ETO est plus sensible pour la détection des végétations et des abcès (Baddour et al., 2005). La cartographie par doppler couleur est particulièrement utile pour rendre compte de la gravité de la régurgitation valvulaire (Nishimura et al., 2008).

Complications L’insufsance cardiaque est la complication la plus fréquente de l’EI et la première cause de décès. Viennent ensuite les complications emboliques, qui concernent 22 à 50 % des cas d’EI : 65 % des emboles touchent le système nerveux central (SNC) et peuvent entraîner un AVC. L’EP survient dans 66 à 75 % des cas d’UDI présentant des végétations sur la valve

ENCADRÉ 14.23

Manifestations cliniques de l’endocardite infectieuse

• • • • • • •

Fièvre Splénomégalie Hématurie Pétéchie Soufes cardiaques Fatigabilité accrue Nodules d’Osler (petites zones en saillie, sensibles à la palpation, le plus souvent dans la pulpe des doigts et des orteils) • Hémorragies linéaires sous le lit des ongles • Taches de Roth (taches rondes ou ovales contenant de la brine coagulée ; présentes dans la rétine, elles peuvent provoquer une hémorragie)

Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

437

spéciques en cause. L’antibiothérapie de l’endocardite valvulaire native diffère souvent du traitement de l’endocardite valvulaire prosthétique ou de l’endocardite liée à l’UDI. L’antibiothérapie est prolongée ; elle repose sur l’administration de doses élevées par voie I.V. et peut consister en un traitement d’association (Baddour et al., 2005). Les meilleurs résultats sont obtenus si elle est instaurée avant la dégradation des paramètres hémodynamiques (Horstkotte et al., 2004). Dans de nombreux cas, les antibiotiques ne sufsent pas à guérir l’EI. L’excision chirurgicale de la valve native ou prosthétique endommagée s’impose en cas de végétation persistante, de dysfonction valvulaire, d’extension périvalvulaire et de champignons pathogènes ou de bactéries résistantes aux antibiotiques. En règle générale, la chirurgie valvulaire est reportée jusqu’à ce que l’état du client se stabilise (Horstkotte et al., 2004). De plus en plus de personnes atteintes d’une EI sans complications reçoivent leur congé plus tôt qu’auparavant et poursuivent le traitement antimicrobien par voie I.V. chez elles, par l’entremise d’un cathéter veineux central implanté par voie chirurgicale ou périphérique (Baddour et al., 2005). Quant aux personnes ayant déjà fait une endocardite infectieuse, elles sont considérées comme ayant une situation de santé cardiaque associée à un risque élevé de manifester des conséquences néfastes. Elles sont donc plus à risque d’endocardite. Pour cette raison, l’antibioprophylaxie est recommandée pour certaines interventions telles que les traitements buccodentaires (Institut national d’excellence en santé et en services sociaux [INESSS], 2012).

36 Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux problèmes découlant d’une endocardite infectieuse sont décrits, selon le problème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers.

Soins et traitements inrmiers Les soins et traitements inrmiers des clients atteints d’EI concernent divers problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 14.24 A . Les interventions inrmières consistent surtout à administrer

Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 14.24

Endocardite infectieuse

• Anxiété liée à une menace contre l’intégrité biologique, psychologique ou sociale

• Diminution du débit cardiaque liée à des altérations de la contractilité myocardique

PSTI A.6

PSTI A.12

• Décit de compréhension lié à une absence d’exposition préalable à l’information PSTI A.8

• Diminution du débit cardiaque liée à des altérations de la précharge PSTI A.12 • Diminution du débit cardiaque liée à des altérations de la postcharge PSTI A.12

438

Partie 2

• Diminution du débit cardiaque liée à des modications de la fréquence ou du rythme cardiaques PSTI A.12 • Douleur aiguë liée à la transmission et à la perception d’impulsions cutanées, viscérales, musculaires ou ischémiques PSTI A.14 • Intolérance à l’activité liée à un dysfonction­ nement cardiopulmonaire PSTI A.21 • Risque d’infection PSTI A.31

Système cardiovasculaire

rapidement des antimicrobiens pour résoudre l’infection, à prévenir les complications, à offrir des analgésiques et à personnaliser l’enseignement au client.

Contrer l’infection L’EI exige un traitement antibiotique par voie I.V. de longue durée, généralement de quatre à six semaines. Ce traitement débute à l’hôpital et se poursuit à domicile avec des cathéters centraux, une fois que l’état du client est stable (Baddour et al., 2005). L’évaluation inrmière inclut le monitorage des signes d’aggravation de l’infection comme la température constamment élevée, le malaise, la faiblesse, la fatigabilité accrue, les sueurs nocturnes ainsi que l’apparition d’emboles aux mains ou aux pieds.

Prévenir les complications De 20 à 60 % des personnes atteintes d’EI présentent des complications (Bashore et al., 2006). L’évaluation inrmière permet de détecter rapidement les changements tels que la dyspnée ou la douleur thoracique avec hémoptysie. Lorsque la dysfonction valvulaire s’accélère, une insufsance cardiaque aiguë survient. L’évaluation cardiaque inclut l’auscultation des bruits du cœur à la recherche d’un soufe cardiaque ou de la modication de ce soufe, qui peut être causée par une insufsance cardiaque qui s’aggrave ou par des embolies pulmonaires. Les changements de l’état de conscience, les troubles visuels ou les plaintes liées à des céphalées doivent toujours être immédiatement rapportés en raison du risque d’embolies. L’évaluation de la fonction hépatique et rénale est capitale pour surveiller la santé de ces organes en raison du risque d’embolies. Enn, les réactions médicamenteuses indésirables sont une autre dimension importante du traitement antibiotique de l’IE, étant donné la complexité et la durée nécessaire de ce traitement.

Informer le client et ses proches La personne atteinte d’EI doit connaître les manifestations d’une infection, la manière de prendre sa température buccale et les interventions médicales qui augmentent le risque de récurrence d’une EI. L’inrmière veillera à lui remettre une liste écrite de tous les médicaments ENCADRÉ 14.25. Il est primordial d’insister auprès des clients sur la nécessité de fournir une histoire de santé complète de l’endocardite à leurs autres professionnels de la santé comme les dentistes (Baddour et al., 2005 ; Nishimura et al., 2008). L’UDI soulève quant à elle des difcultés particulières à surmonter (Broyles & Korniewicz, 2002). Un soutien multidisciplinaire est essentiel pour prévenir les récidives chez le client sevré des opiacés et aux prises avec des problèmes de dépendance psychologique (Chaikof, Brewster, Dalman et al., 2009). Les professionnels de la santé participant aux soins d’un client atteint d’EI sont nombreux ENCADRÉ 14.26.

Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 14.25

Endocardite infectieuse

L’inrmière aborde les sujets suivants. • Physiopathologie de l’endocardite infectieuse. • Médicaments : importance des antibiotiques I.V. à long terme pour l’éradication. • Température : monitorage quotidien de la température. • Tolérance aux activités : augmenter le niveau d’activité selon la tolérance du client en incluant des périodes de repos, au besoin. • Lutte contre les infections : nécessité d’instaurer une antibiothérapie prophylactique en prévision d’une intervention effractive (soins dentaires : manipulation

de la gencive, de la région périapicale de la dent ou perforation de la muqueuse orale). • Insufsance cardiaque : en présence de symptômes d’insuf­ sance cardiaque, l’enseignement doit porter notamment sur la réduction de la consommation de liquides et de so­ dium, le maintien de l’équilibre hydrique, le traitement diu­ rétique, la pesée quotidienne et la surveillance des signes et des symptômes (dyspnée, œdème, prise de poids). • Soins de suivi après l’hospitalisation. • Liste des signes et des symptômes à signaler à un professionnel de la santé.

14

Pratique fondée sur des résultats probants ENCADRÉ 14.26

Endocardite infectieuse et prophylaxie de l’endocardite infectieuse

DIAGNOSTIC DE L’ENDOCARDITE INFECTIEUSE

Les critères modiés de Duke sont recommandés pour orienter le diagnostic TABLEAU 14.14. La prophylaxie de l’endocardite est indiquée chez les clients qui : • sont porteurs de valves cardiaques prosthétiques ou qui ont subi une réparation valvulaire ; • ont des antécédents d’endocardite infectieuse ; • présentent une cardiopathie congénitale, soit : – cardiopathie cyanogène congénitale non réparée, y compris les shunts palliatifs et les conduits ; – postréparation complète pendant les six premiers mois d’une cardiopathie congénitale avec matériel prosthé­ tique en place ; – postréparation incomplète d’une cardiopathie congé­ nitale avec du matériel prosthétique en place ; • ont subi une greffe cardiaque et sont atteints d’une valvulopathie cardiaque (INESSS, 2012). Des considérations particulières s’appliquent aux clients porteurs d’une valve prosthétique et atteints d’EI : • Chez les clients susceptibles de contracter une EI et qui présentent une èvre inexpliquée depuis plus de 48 heures, il faut effectuer au moins 2 séries de cultures de sang provenant de foyers différents. • Le remplacement valvulaire chirurgical est indiqué pour les clients dont l’EI affecte une valve prosthétique et qui sont atteints d’insufsance cardiaque. ANTIBIOTHÉRAPIE

Le traitement antimicrobien de l’EI possède quatre caractéristiques : 1. Il est prolongé. 2. Il est bactéricide.

3. Il est intraveineux. 4. Sa dose est élevée. Au moins 2 hémocultures sont prélevées toutes les 24 à 48 heures, jusqu’à ce que l’infection soit enrayée de la circulation sanguine. Le traitement antimicrobien par voie I.V. se poursuit après le congé de l’hôpital et le retour à domicile. COMPLICATIONS LIÉES À L’ENDOCARDITE INFECTIEUSE

• L’infection des valves cardiaques entraîne la formation d’em­ bolies dans 22 à 50 % des cas d’EI, et 65 % des accidents emboliques touchent le SNC. Le taux d’accidents emboliques chute de façon importante pendant les deux à trois semaines suivant la n de l’antibiothérapie appropriée. • L’insufsance cardiaque aiguë a l’effet le plus important sur le pronostic global. COMPLICATIONS LIÉES AUX ANTIBIOTIQUES

• La toxicité des doses élevées d’antibiotiques peut nuire à la fonction rénale ou à la fonction vestibulaire (équilibre). • La diarrhée et la colite peuvent résulter d’une réaction à l’antibiothérapie ou à une surcroissance de Clostridium difficile. INDICATIONS DE LA CHIRURGIE

• Retrait du dispositif infecté. • Augmentation de la taille des végétations valvulaires malgré un traitement antimicrobien adéquat. • Régurgitation mitrale ou aortique avec insufsance cardiaque aiguë récalcitrante au traitement médical. • Au moins un épisode embolique pendant les deux premières semaines du traitement antimicrobien.

Sources : INESSS (2012) ; Nishimura, Carabello, Faxon et al. (2008) ; Wilson, Taubert, Gewitz et al. (2007)

Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

439

14.8

Valvulopathies

Les valvulopathies sont des anomalies structurales et fonctionnelles de une ou de plusieurs valves cardiaques qui perturbent le passage du sang à travers la ou les valves concernées. Il existe deux types d’atteinte valvulaire : la sténose et la régurgitation. Ces atteintes sont décrites en précisant le nom des valves touchées. En général, les personnes atteintes d’une valvulopathie sont hospitalisées aux soins critiques parce qu’elles doivent subir une intervention chirurgicale (remplacement valvulaire) ou en raison du fait que leurs symptômes d’insufsance cardiaque se sont exacerbés.

14.8.1

Étiologie

Auparavant, la plupart des cas de valvulopathies recensés aux États-Unis étaient secondaires à un rhumatisme articulaire aigu, l’une des séquelles de la pharyngite causée par le streptocoque bêtahémolytique du groupe A. Ce facteur étiologique ne s’observe que dans de rares cas aujourd’hui, car il fait l’objet d’un traitement énergique. En effet, de nos jours, les valvulopathies sont le plus souvent liées à

TABLEAU 14.15

Physiopathologie

Sténose mitrale La sténose mitrale constitue un rétrécissement progressif de la surface de l’orice mitral. Habituellement causée par un rhumatisme cardiaque, la sténose mitrale est toutefois liée, dans de rares cas, à une malformation. Elle est deux fois plus fréquente chez les femmes que chez les hommes (Bonow et al., 2006a). Les symptômes à l’effort se manifestent lorsque l’orice mitral est inférieure ou égale à 2 cm2, et au repos, lorsqu’elle est inférieure à 1 cm2 (Bonow et al., 2006a). Le rétrécissement mitral peut être causé par le vieillissement des tissus valvulaires ou par une valvulite secondaire à un rhumatisme articulaire aigu TABLEAU 14.15A. Étant donné que

PHYSIOPATHOLOGIE

MANIFESTATIONS CLINIQUES

SIGNES PHYSIQUES

Sténose mitrale

• Dyspnée à l’effort • Fatigue et faiblesse • Symptômes respiratoires marqués (p. ex., une orthopnée, une dyspnée nocturne paroxystique) • Hémoptysie légère avec rupture capillaire bronchique • Vulnérabilité aux infections pulmonaires

• Radiographie thoracique : congestion pulmonaire, redistribution du débit sanguin vers les lobes supérieurs • Électrocardiogramme (ECG) : brillation auriculaire et autres arythmies auriculaires • Auscultation : soufe diastolique, B1 accentué, claquement d’ouverture (de la valve mitrale) • Cathétérisme : gradient de pression élevé dans toute la valve ; augmentation de la pression auriculaire gauche, de la pression artérielle pulmonaire d’occlusion et de la pression artérielle (P.A.) pulmonaire ; faible débit cardiaque (D.C.)

• • • •

• Radiographie thoracique : hypertrophie de l’OG et du V.G., congestion pulmonaire variable • ECG : ondes P mitralesa, hypertrophie V.G., brillation auriculaire • Auscultation : soufe pendant toute la systole • Cathétérisme : opacication de l’OD pendant l’injection V.G., ondes v, augmentation des pressions de l’OG et du V.G. • Élévation variable des pressions pulmonaires

Régurgitation mitrale

• Dilatation et hypertrophie du ventricule gauche (V.G.) • Dilatation et hypertrophie de l’OG

Partie 2

14.8.2

Dysfonction valvulaire

• Augmentation de la pression par l’oreillette gauche (OG) pour propulser le sang au-delà de la lésion • Augmentation de la pression auriculaire gauche et reux vers les vaisseaux pulmonaires • Hypertrophie ventriculaire droite • Insufsance ventriculaire droite

440

des anomalies congénitales ou au vieillissement. Elles se manifestent généralement par des symptômes d’insufsance cardiaque et des remaniements valvulaires dégénératifs (Bonow, Carabello, Chatterjee et al., 2006a ; Carbello, 2008 ; Foster, 2010 ; Siu & Silversides, 2010), notamment une dégénérescence myxomateuse des lames des valves ou des calcifications annulaires (Bonow et al., 2006a ; Nishimura et al., 2008).

Système cardiovasculaire

Faiblesse et fatigue Dyspnée à l’effort Palpitations Symptômes graves précipités par l’insufsance V.G., avec diminution consécutive du D.C. et congestion pulmonaire

TABLEAU 14.15

Dysfonction valvulaire (suite) PHYSIOPATHOLOGIE

MANIFESTATIONS CLINIQUES

SIGNES PHYSIQUES

Sténose aortique

• • • • •

• Radiographie thoracique : dilatation aortique poststénotique, calcication • ECG : hypertrophie V.G. • Auscultation : soufe d’éjection systolique • Cathétérisme : gradient de pression signicatif, augmentation de la pression du V.G. en n de diastole

• Hypertrophie V.G. • Insufsance évolutive de la vidange ventriculaire • Congestion pulmonaire • Insufsance du cœur droit avec congestion veineuse systémique • Mort cardiaque subite

Régurgitation aortique

• Augmentation de la charge volémique imposée au V.G. • Dilatation et hypertrophie du V.G.

Sténose tricuspidienne

• Augmentation de la pression par l’OD pour propulser le sang au-delà de la lésion • Dilatation de l’OD • Engorgement veineux systémique • Pression veineuse accrue

Régurgitation tricuspidienne

• Hypertrophie et dilatation du V.D.

a Ondes b Ondes

Dyspnée à l’effort Intolérance à l’effort Syncope Angine Insufsance cardiaque (insufsance V.G.)

• Fatigue • Dyspnée à l’effort • Palpitations

• Radiographie thoracique : élongation en forme de botte de l’apex du cœur • ECG : hypertrophie V.G. • Auscultation : soufe diastolique • Cathétérisme : opacication du V.G. pendant l’injection aortique • Signes périphériques : action myocardique hyperdynamique et faible résistance périphérique

• • • • •

Distension veineuse jugulaire Œdème périphérique Ascites Engorgement hépatique Anorexie

• Radiographie thoracique : hypertrophie de l’oreillette droite • ECG : hypertrophie de l’oreillette droite (ondes P pulmonairesb) • Auscultation : soufe diastolique • Cathétérisme : augmentation de la pression de l’oreillette droite avec grandes ondes a ; descente y émoussée ; gradient de pression dans toute la valve tricuspide

• • • • • • •

Diminution du D.C. Distension des veines du cou Engorgement hépatique Ascites Œdème Épanchements pleuraux Anorexie

• Radiographie thoracique : hypertrophie de l’oreillette et du ventricule droits • ECG : hypertrophie du ventricule droit et de l’OD, FA • Auscultation : soufe pendant toute la systole • Cathétérisme : augmentation de la pression auriculaire droite et grandes ondes v

P mitrales : ondes P en forme de « m » associées à l’hypertrophie auriculaire gauche, souvent dues à une sténose mitrale . P pulmonaires : ondes P hautes et pointues associées à l’hypertrophie auriculaire droite, souvent dues à une maladie pul monaire chronique.

l’épaississement, la brose et la fusion des lames de la valve mitrale réduisent leur mobilité et entraînent l’épaississement des cordages tendineux, la valve mitrale ne peut plus s’ouvrir ni se fermer de manière passive sous l’effet des variations de pression dans l’oreillette gauche et le V.G., de sorte que le passage du sang s’en trouve perturbé. La sténose

mitrale accroît le risque de FA, car elle contribue à une élévation de la pression dans l’oreillette gauche qui favorise certains remaniements structuraux et une dilatation de cette dernière. L’apparition d’une FA risque d’accentuer sensiblement les symptômes de la sténose mitrale ainsi que la nécessité de procéder à un remplacement de la valve mitrale.

Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

441

14

Régurgitation mitrale La régurgitation mitrale, appelée également insufsance mitrale, peut être secondaire à un rhumatisme articulaire aigu, au vieillissement de la valve mitrale, à une endocardite, à une maladie vasculaire du collagène ou à un dysfonctionnement des muscles papillaires (Bonow et al., 2006a) TABLEAU 14.15B. Il peut s’agir d’une atteinte de l’ensemble des éléments du système valvulaire mitral (anneau, lames, cordages tendineux, muscles papillaires) ou de l’un d’entre eux. La régurgitation mitrale se caractérise par un reux de sang dans l’oreillette gauche à chaque contraction ventriculaire. Il faut toujours préciser si elle est chronique ou aiguë, car le retentissement sur le cœur gauche varie selon le cas. La régurgitation mitrale chronique est caractérisée par le fait que l’oreillette gauche se dilate pour s’adapter à l’augmentation du volume de sang qu’elle reçoit du fait de la régurgitation, tandis que le V.G. s’hypertrophie (c’est-à-dire que son volume musculaire augmente) an de maintenir un volume systolique et un D.C. adéquats. La régurgitation mitrale aiguë, quant à elle, est une urgence médicale déclenchée par une rupture des cordages tendineux ou des muscles papillaires secondaire à un IDM aigu ou à une EI (Bonow et al., 2006a). Dans ce cas, comme l’oreillette gauche ne peut faire face à l’augmentation soudaine de sa pression interne ou du volume sanguin qu’elle reçoit, il est bien souvent nécessaire d’utiliser un ballon de contrepulsion intra-aortique (BIA), un traitement inotrope ou un traitement destiné à réduire la postcharge an d’accroître le volume de sang éjecté et d’atténuer la congestion pulmonaire (Tendera, Aboyans, Bartelink et al., 2011). Une fois que l’état de la personne s’est stabilisé, il faut procéder au remplacement ou à la réparation (valvuloplastie) de la valve défectueuse (Bonow et al., 2006a).

Sténose aortique La sténose aortique est un rétrécissement de la surface de l’orice aortique qui peut être causé par le vieillissement, une valvulite secondaire à un rhumatisme articulaire aigu ou à la détérioration d’une bicuspidie aortique (Bonow et al., 2006a ; Siu, 2010) TABLEAU 14.15C. Les mécanismes physiopathologiques caractéristiques de la sténose aortique sont l’inammation, l’épaississement breux de la valve et une calcication tissulaire semblable à une ostéoformation (Akat, Borggrefe & Kaden, 2009). Lorsque la surface de l’orice aortique est de 1,5 cm2, la sténose aortique est qualiée de mineure. Le cathétérisme cardiaque ou l’échocardiographie doppler permettent de déceler un gradient de pression inférieur à 25 mm Hg à travers la valve aortique (Bonow et al., 2006a). Le gradient de pression correspond à la différence entre la pression systolique du V.G. et celle de l’aorte. Une forte élévation du gradient de pression est un signe caractéristique des sténoses valvulaires permettant de les diagnostiquer. Alors

442

Partie 2

Système cardiovasculaire

qu’une surface aortique entre 1 et 1,5 cm2 est considérée comme modérée, lorsque la surface de l’orice aortique est inférieure à 1 cm2, le gradient de pression dépasse les 40 mm Hg, et il s’agit alors d’une sténose aortique sévère (Bonow et al., 2006a). La résistance à l’éjection du contenu du V.G. entraîne une élévation de la pression systolique du V.G., qui s’hypertrophie et nit par se dilater. Il est essentiel d’intervenir dès que des symptômes évocateurs d’une insufsance cardiaque (p. ex., une angine, une dyspnée, une syncope) se manifestent an de prévenir une aggravation de l’atteinte ventriculaire gauche. En principe, c’est le remplacement de la valve aortique qui est indiqué. Chez les personnes porteuses d’une malformation de la valve aortique, il peut être nécessaire de réaliser une telle intervention entre la quarantaine et la soixantaine ; cela dit, dans bien des cas, les remaniements dégénératifs observés sont tolérés environ jusqu’à l’âge de 72 ans (Siu, 2010).

Régurgitation aortique La régurgitation aortique, appelée également insufsance aortique, peut être secondaire à une èvre rhumatismale, à une hypertension, au syndrome de Marfan, à la syphilis, à la polyarthrite rhumatoïde, au vieillissement des tissus valvulaires ou à une CMH discrète TABLEAU 14.15D. Elle se caractérise par un défaut d’étanchéité de la valve aortique qui provoque un reux de sang de l’aorte vers le V.G. pendant la diastole. Pour s’adapter à cet excédent de sang, le V.G. se dilate dans un premier temps, puis il s’hypertrophie pour tenter de se vider le plus possible et répondre aux besoins de la circulation systémique. Le remplacement de la valve aortique est recommandé pour les personnes symptomatiques dont la fonction ventriculaire gauche est bien préservée ou qui accusent un dysfonctionnement ventriculaire gauche modéré (Bonow et al., 2006a).

Sténose tricuspidienne La sténose tricuspidienne est rarement isolée TABLEAU 14.15E ; elle est bien souvent concomitante à une atteinte mitrale ou aortique. Dans la plupart des cas, les facteurs étiologiques sont la èvre rhumatismale ou une endocardite secondaire à l’UDI (Bonow et al., 2006a). La sténose tricuspidienne accroît la pression normalement peu élevée qui règne dans l’oreillette droite, si bien que cette dernière nit par s’hypertrophier. L’oreillette droite se dilate pour tenter d’accommoder le volume résiduel qu’elle contient ainsi que le retour veineux. Ces anomalies entraînent une congestion du système veineux qui a pour conséquence une congestion des veines jugulaires, une insuffisance hépatique, une hépatomégalie, une ascite et un œdème périphérique.

Régurgitation tricuspidienne En général, la régurgitation tricuspidienne est provoquée par une insuffisance avancée du cœur gauche, qui nit par se répercuter sur le cœur droit, ou par une hypertension pulmonaire grave. Elle peut aussi être une conséquence d’une EI. Parmi les autres causes possibles gurent les tumeurs carcinoïdes, la polyarthrite rhumatoïde, la radiothérapie, les traumas et le syndrome de Marfan (Bonow et al., 2006a)

Soins et traitements inrmiers Les soins et traitements inrmiers prodigués aux personnes atteintes d’une valvulopathie englobent divers problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 14.27 A Les pratiques inrmières suggérées consistent essentiellement à maintenir un D.C. adéquat, à maintenir l’équilibre hydrique et à assurer l’enseignement au client et à ses proches.

TABLEAU 14.15F.

Surveiller le débit cardiaque Atteinte de la valve pulmonaire Rarement observée chez l’adulte, l’atteinte de la valve pulmonaire est généralement liée à une cardiopathie congénitale et provoque une insufsance cardiaque droite (Fitzgerald & Lim, 2011). Lorsqu’elle est acquise, les facteurs étiologiques les plus couramment observés sont les tumeurs carcinoïdes et la èvre rhumatismale. C’est la dyspnée qui est le symptôme avant-coureur et, par la suite, des symptômes d’insufsance cardiaque droite grave peuvent aussi être observés. La dilatation par cathéter à ballonnet s’est révélée être un traitement efficace des atteintes de la valve pulmonaire (Fitzgerald & Lim, 2011).

Atteinte valvulaire mixte De nombreux cas d’atteinte valvulaire mixte, c’està-dire de sténose et de régurgitation concomitantes, sont observés. La concomitance de ces deux types d’anomalies accentue la gravité de l’atteinte valvulaire. Par exemple, la concomitance d’une sténose et d’une régurgitation aortiques accroît le volume du V.G. et la pression qui y règne, et multiplie la charge de travail du ventricule.

14.8.3

Traitements médicaux

Les traitements médicaux des valvulopathies consistent, dans un premier temps, en l’instauration d’une pharmacothérapie destinée à maîtriser les symptômes d’insufsance cardiaque et, dans un deuxième temps, en un traitement chirurgical (valvuloplastie ou remplacement valvulaire) (Akat et al., 2009 ; Bonow et al., 2006a). Dans les rares cas où la chirurgie ne peut être envisagée (personnes trop malades pour subir une chirurgie cardiaque), il faut avoir recours à la dilatation par ballonnet (Rosengart, Feldman, Borger et al., 2008). Des solutions de rechange par voie percutanée, et donc moins effractives, sont actuellement évaluées (p. ex., l’implantation d’une endoprothèse valvulaire ou la pose d’un clip visant à corriger les fuites mitrales) (Bonow, Carabello, Chatterjee et al., 2006b ; Jilaihawi, Hussaini & Kar, 2011 ; Makkar, Fontana, Jilaihawi et al., 2012).

A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux problèmes découlant d’une valvulopathie sont décrits, selon le problème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers.

En cas de valvulopathie, une diminution du débit cardiaque (D.C.) est souvent observé. Ce ralentissement peut être la conséquence d’une diminution du ux sanguin en aval de la valve, si cette dernière est sténosée, de l’existence d’un ux sanguin bidirectionnel attribuable au défaut d’étanchéité de la valve ou d’une insufsance cardiaque associée à la valvulopathie. L’inrmière évalue et consigne par écrit les signes vitaux ainsi que les effets des agents inotropes positifs et des agents destinés à réduire la postcharge. En outre, si le client porte un cathéter de monitorage hémodynamique, elle mesure le D.C. et les paramètres hémodynamiques. Enfin, elle planifie soigneusement ses activités de façon à laisser sufsamment de temps au client pour se reposer et à prévenir ainsi toute fatigue.

14

Assurer l’équilibre hydrique L’état volémique est évalué de la façon suivante : 1) en auscultant les poumons à la recherche de crépitants (râles) ; 2) en auscultant le cœur à la recherche de B3 ; 3) en pesant quotidiennement la personne an de déceler toute prise de poids subite ; 4) en recherchant des signes d’œdème périphérique. La présence de crépitants ou de B3 à l’auscultation conrme l’existence d’une surcharge volémique. Il convient par ailleurs d’évaluer les veines jugulaires à la recherche de signes de turgescence excessive. En cas de rétention hydrique excessive, l’inrmière administre des diurétiques et des vasodilatateurs au client. Enn, elle

Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 14.27

Valvulopathie

• Décit de compréhension lié à une absence d’exposition préalable à l’information

• Diminution du débit cardiaque liée à des altérations de la contractilité myocardique

PSTI A.8

PSTI A.12

• Diminution du débit cardiaque liée à des altérations de la précharge PSTI A.12 • Diminution du débit cardiaque liée à des altérations de la postcharge PSTI A.12

• Diminution du débit cardiaque liée à des modications de la fréquence ou du rythme cardiaques PSTI A.12 • Intolérance à l’activité liée à un dysfonction­ nement cardiopulmonaire PSTI A.21

Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

443

pèse ce dernier tous les jours, et surveille et note l’apport hydrique ainsi que la diurèse.

Informer le client et ses proches 15 Le chapitre 15, Approche thérapeutique du système cardiovasculaire, fournit un complément d’information sur le traitement chirurgical des valvulopathies.

L’enseignement au client atteint d’une insufsance cardiaque aiguë ou chronique secondaire à une valvulopathie consiste à lui fournir de l’information sur : 1) son alimentation ; 2) la diminution de la consommation de liquides et de sodium ; 3) le mode d’action et les effets indésirables des médicaments destinés au traitement de l’insufsance cardiaque ; 4) la nécessité d’entreprendre une antibiothérapie

prophylactique avant de subir des soins dentaires ; 5) les circonstances dans lesquelles il convient de communiquer avec un professionnel de la santé pour lui signaler une aggravation des symptômes cardiaques ENCADRÉ 14.28. L’enseignement devra également porter sur le traitement chirurgical de la valvulopathie. L’atteinte de résultats thérapeutiques optimaux chez le client ayant une valvulopathie repose sur les efforts déployés par une équipe de professionnels de la santé expérimentés. Les priorités de cette équipe interdisciplinaire sont énumérées dans l’ENCADRÉ 14.29 15 .

Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 14.28

Valvulopathie

L’inrmière aborde les sujets suivants. • Physiopathologie des valvulopathies. • Lutte contre les infections : nécessité d’instaurer une antibiothérapie prophylactique en prévision d’une intervention effractive (p. ex., des soins dentaires). • Insufsance cardiaque : en présence de symptômes d’insufsance cardiaque, l’enseignement doit porter notamment sur la réduction de la consommation de liquides et de sodium, le maintien de l’équilibre hydrique, le traitement diurétique et la pesée quotidienne, ainsi que sur la surveillance et la prise en charge des symptômes (dyspnée, œdème, prise de poids). • Chirurgie : information sur la convalescence, en cas de chirurgie cardiaque. • Pharmacothérapie : nécessité de fournir au client de l’information de vive voix et par écrit, étant donné la complexité de certains schémas thérapeutiques. • Précharge : rôle des diurétiques, nécessité d’accroître la diurèse et de maîtriser le volume liquidien.

• Postcharge : objectif du traitement destiné à réduire le travail du cœur (vasodilatateur ou IECA). • Fréquence cardiaque : il faut préciser au client que l’utilisation de la digoxine (LanoxinMD, ToloxinMD) vise à maîtriser la F.C. en cas de FA, une forme d’arythmie qui survient couramment chez les clients atteints d’insufsance cardiaque. • Contractilité : il est à noter qu’à part la digoxine, aucun inotrope administré P.O. n’a été approuvé par la Food and Drug Administration américaine. • Anticoagulathérapie : il est possible de prescrire un anticoagulant (warfarine [CoumadinMD]) en présence d’une FA ou en cas de port d’une valve mécanique ; il y a lieu de souligner alors le risque d’hémorragie, la nécessité de respecter les doses prescrites, l’importance du temps de prothrombine et du RNI, ainsi que le risque d’interaction médicamentaliments. • Soins de suivi après la sortie de l’hôpital. • Liste des signes et des symptômes à signaler à un professionnel de la santé.

Pratique fondée sur des résultats probants ENCADRÉ 14.29

Valvulopathie

RECOMMANDATIONS RELATIVES À LA DÉTECTION ET À LA SURVEILLANCE DES VALVULOPATHIES PAR ÉCHOCARDIOGRAPHIE

• L’échocardiographie est un examen paraclinique non effractif effectué pour l’établissement du diagnostic de valvulopathie et les suivis échographiques périodiques. RECOMMANDATIONS RELATIVES À LA STÉNOSE MITRALE

• L’échocardiographie est le premier examen paraclinique auquel il faut avoir recours pour diagnostiquer une sténose mitrale. • L’anticoagulothérapie est indiquée en présence d’une sténose mitrale et d’une FA (paroxystique, persistante ou permanente) concomitantes ainsi que pour les personnes atteintes de sténose mitrale dont le rythme sinusal est normal et qui ont des antécédents d’embolie ou de thrombose dans l’oreillette gauche. • Un cathétérisme cardiaque est effectué si les résultats des examens non effractifs ne sont pas concluants. • La valvuloplastie mitrale (traitement de prédilection) et le remplacement de la valve mitrale sont indiqués en présence d’une sténose mitrale symptomatique (classe III ou IV de la NYHA) modérée ou sévère lorsque la dilatation par cathéter à ballonnet est contre-indiquée.

444

Partie 2

Système cardiovasculaire

RECOMMANDATIONS RELATIVES À LA RÉGURGITATION MITRALE

• L’échocardiographie est le premier examen paraclinique auquel il faut avoir recours pour diagnostiquer une régurgitation mitrale. • Un cathétérisme cardiaque est effectué si les résultats des examens non effractifs ne sont pas concluants ou s’il faut mesurer des paramètres hémodynamiques additionnels. • Dans la plupart des cas de régurgitation mitrale chronique, le traitement chirurgical de prédilection est la valvuloplastie (par rapport au remplacement de la valve mitrale). RECOMMANDATIONS RELATIVES À LA STÉNOSE AORTIQUE

• L’échocardiographie est le premier examen paraclinique à effectuer pour diagnostiquer une sténose aortique. • Si la présence d’une maladie coronarienne est soupçonnée, il faut réaliser une coronarographie avant de procéder au remplacement de la valve aortique. • Le remplacement de la valve aortique est recommandé en présence d’une sténose aortique sévère et symptomatique ; il peut être associé à un pontage aortocoronarien en présence d’une maladie coronarienne concomitante.

ENCADRÉ 14.29

Valvulopathie (suite)

RECOMMANDATIONS RELATIVES À LA RÉGURGITATION AORTIQUE

• L’échocardiographie est le premier examen paraclinique auquel il faut avoir recours pour diagnostiquer une régurgitation aortique. • Un cathétérisme cardiaque est effectué si les résultats des examens non effractifs ne sont pas concluants. • Le remplacement de la valve aortique est indiqué en présence d’une régurgitation aortique sévère symptomatique, quel que soit l’état de la fonction systolique ventriculaire gauche.

• Le remplacement de la valve aortique est indiqué en présence d’une régur­ gitation aortique sévère asymptomatique associée à une dysfonction sys­ tolique ventriculaire gauche (F.E. inférieure à 50 %) ; il peut être associé à un pontage aortocoronarien en présence d’une maladie coronarienne concomitante.

Sources : Bonow, Carabello, Chatterjee et al. (2006b) ; Nishimura, Carabello, Faxon et al. (2008)

14.9

Maladies athéroscléreuses de l’aorte

La présente section porte sur deux types d’atteinte aortique, l’anévrisme de l’aorte et la dissection aortique, qui sont souvent rencontrés en présence d’athérosclérose et d’hypertension artérielle. L’anévrisme de l’aorte est une dilatation localisée de la paroi aortique qui entraîne une déformation de l’aorte et une perturbation du ux sanguin qui la traverse. Il existe deux types d’anévrisme FIGURE 14.23A et 14.23B. Les anévrismes de l’aorte sont surtout diagnostiqués chez les personnes âgées. La fréquence de l’anévrisme de l’aorte abdominale est quatre fois plus élevée que celle de l’anévrisme de l’aorte thoracique. Une dissection aortique (ou anévrisme disséquant de l’aorte) consiste en la formation d’une fausse lumière dans la paroi aortique qui permet au sang de circuler entre les couches de celle-ci et qui communique avec la lumière aortique par une déchirure de l’intima FIGURE 14.23C.

14.9.1

Anévrisme de l’aorte La prise en charge d’un anévrisme de moins de 4 cm de diamètre peut être effectuée en consultation externe et repose sur une surveillance régulière de

14

Étiologie

Près de 90 % des personnes ayant un anévrisme de l’aorte ont des antécédents d’hypertension. Les autres causes de l’anévrisme de l’aorte sont les suivantes : lésions athéroscléreuses de l’aorte thoracique et de l’aorte abdominale, trauma contondant, syndrome de Marfan, grossesse ainsi que blessure ou dissection.

14.9.2

Manifestations cliniques et examens paracliniques

L’anévrisme de l’aorte abdominale n’est pas symptomatique dans tous les cas. Se présentant sous la forme d’une masse palpable, pulsatile, située dans la région ombilicale à gauche de la ligne médiane, il peut être décelé au cours d’un examen de routine de l’abdomen. L’anévrisme de l’aorte thoracique, lui, peut être mis en évidence au moment d’une radiographie thoracique de routine. Enn, la dissection aortique est généralement diagnostiquée en situation d’urgence à la suite de l’apparition d’une douleur aiguë.

FIGURE 14.23 Les quatre types de lésions vasculaires. A Anévrisme fusiforme : dilatation de tout un segment de l’artère, qui prend la forme d’un fuseau ou d’un bulbe ; ce type d’anévrisme est causé par l’athéro­ sclérose et touche plus fréquemment l’aorte abdominale. B Ané­ vrisme sacculaire (ou sacciforme) : lésion unilatérale en forme de sac qui touche habituellement l’aorte ascendante. C Dissection : lésion secondaire à une déchirure de l’intima qui favorise l’inl­ tra tion du sang entre l’intima et la média. D Pseudoanévrisme : lésion secondaire à une manoeuvre effractive, comme celui causé au point d’insertion de l’introducteur d’un cathéter artériel.

Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

445

15 Le chapitre 15, Approche thérapeutique du système cardiovasculaire, décrit la réparation de l’anévrisme de l’aorte et la mise en place d’une endoprothèse.

la P.A. et de fréquentes échographies visant à mettre en évidence toute variation de la taille de l’anévrisme (Bonow et al., 2012). Elle vise aussi la perte de poids, l’abandon du tabac et la maîtrise de l’hypertension, s’il y a lieu. En revanche, un anévrisme de l’aorte dont le diamètre est supérieur à 5 cm suggère une évaluation en prévision d’une intervention (correction chirurgicale ou mise en place d’une endoprothèse [stent] aortique) visant à éliminer le risque de rupture 15 .

Dissection aortique Les dissections aortiques sont classées en fonction du siège de la brèche pariétale. Deux systèmes de classication sont utilisés dans la pratique clinique : un système littéral (classes A et B) et un système numérique (classes I, II et III) FIGURE 14.24. Dans la classication DeBakey, la dissection aortique de type I prend naissance dans l’aorte ascendante et s’étend généralement jusqu’à la bifurcation aorto-illiaque ; la dissection de type II touche l’aorte ascendante seulement ; la dissection de type III commence dans l’aorte descendante, distale à l’artère sous-clavière gauche. Quant à la classication de Standford, les dissections de type A sont celles touchant l’aorte ascendante, tandis que celles de type B n’affectent pas l’aorte ascendante (Braverman, 2010). Le tableau clinique classique de la dissection aortique consiste en l’apparition soudaine d’une

FIGURE 14.24 Dissection aortique. A Clivage des couches formant la paroi aortique. B Classication des dissections aortiques selon le siège de la lésion.

446

Partie 2

Système cardiovasculaire

douleur vive et intense associée à une sensation de déchirure, qui siège au début dans la poitrine, l’abdomen ou le dos, puis qui irradie dans le dos ou vers les membres inférieurs (distalement) à mesure que s’étend la déchirure (dissection). Dans de nombreux cas, c’est l’hypertension qui est le symptôme avant-coureur, et la prise en charge est axée sur la maîtrise de la P.A. et un traitement chirurgical précoce. Le taux de mortalité opératoire est élevé lorsque le client est en état de choc et qu’il présente des signes d’hypoperfusion tissulaire (Moll, Powell, Fraedrich et al., 2011). Selon les archives de l’International Registry of Aortic Dissection, la fréquence de la dissection aortique aiguë est plus élevée chez les hommes (72 %) que chez les femmes (32 %). Cela dit, comme les symptômes apparaissent plus tard chez les femmes et que celles-ci attendent plus longtemps pour se faire traiter, le taux de mortalité hospitalière associé à cette affection est plus élevé chez elles que chez les hommes. De même, le taux de mortalité est deux fois plus élevé dans une population de femmes que dans une population d’hommes du même âge (Grootenboer, van Sambeek, Arends et al., 2010). En outre, le risque de rupture d’anévrisme et d’une issue défavorable après une telle complication est plus élevé chez les femmes que chez les hommes (Grootenboer et al., 2010 ; Moll et al., 2011 ; Norman & Powell, 2007). Par ailleurs, il faut préciser que la morbimortalité associée à la dissection aortique augmente avec l’âge (Grootenboer et al., 2010 ; Moll et al., 2011). Une hypertension grave, des pouls périphériques lants, une ischémie des membres ou l’apparition d’un soufe évocateur d’une régurgitation aortique sont autant de signes cardiovasculaires avantcoureurs de dissection aortique. Les anomalies neurologiques aiguës qui sont le plus souvent observées sont l’altération de l’état mental et le coma (Hiratzka, Bakris, Beckman et al., 2010). La douleur engendrée par la dissection de l’aorte ascendante siège au centre de la poitrine ou dans le dos, dans la région interscapulaire, alors que la dissection de l’aorte descendante se manifeste habituellement par une douleur qui irradie vers le bas du dos, dans l’abdomen ou dans les jambes. S’il est vrai qu’il est possible d’estimer le siège de la dissection en se basant sur le siège de la douleur, les examens paracliniques n’en demeurent pas moins importants. Les deux examens paracliniques de première intention les plus utiles sont l’ETT et la tomodensitométrie (TDM), car ils permettent tous deux de visualiser rapidement les structures intrathoraciques. La radiographie thoracique ne s’avère utile qu’en cas d’élargissement du médiastin. Les observations diagnostiques qui indiquent qu’un client est à haut risque sont l’élargissement du médiastin et la dilatation excessive de l’aorte. L’examen paraclinique effractif qui permet de poser un diagnostic formel de dissection aortique est l’aortographie (angiographie aortique avec injection d’un produit de contraste radio-opaque).

14.9.3

Traitements médicaux

Les traitements médicaux de l’anévrisme de l’aorte dépendent des symptômes observés et des paramètres hémodynamiques. Ainsi, si l’état du client est stable, les traitements consistent essentiellement à maîtriser l’hypertension et à expliquer au client la nécessité d’effectuer une correction chirurgicale avant que le diamètre de l’anévrisme dépasse 5 cm. En revanche, si le client est atteint d’une dissection aortique aiguë, il s’agit de lui administrer des antihypertenseurs par voie I.V. an de maîtriser immédiatement l’hypertension ainsi que des analgésiques narcotiques an de soulager la douleur (Chaikof et al., 2009 ; Feldman, Shah & Elefteriades, 2010). L’évolution de la dissection est évaluée en se basant sur les symptômes signalés par le client (aggravation de la douleur ressentie ou apparition d’une douleur). Chez les clients qui sont en hypotension ou en état de choc cardiogénique, des mesures visant le maintien de la P.A. sont entreprises an de préserver la perfusion tissulaire. Dans de tels cas, il faut parfois opérer en urgence. En général, la chirurgie s’impose lorsque la dissection touche l’aorte ascendante, soit les dissections de type A ou de types I et II FIGURE 14.24 ; elle vise alors à prévenir le décès en raison d’une tamponnade cardiaque. L’intervention consiste en la résection de l’anévrisme, suivie de la pose d’une endoprothèse et du rétablissement du ux sanguin dans les principales branches de l’aorte. Si la dissection s’étend jusqu’à la valve aortique, il faut également la remplacer. Les dissections qui touchent l’aorte descendante, c’est-à-dire celles de type B ou de type III, ne nécessitent pas toujours un traitement chirurgical.

Soins et traitements inrmiers Les problèmes découlant de la situation de santé d’un client ayant un anévrisme de l’aorte ou une dissection aortique sont présentés ci-dessous ENCADRÉ 14.30 A . Quant aux pratiques inrmières suggérées, elles visent à maîtriser l’hypertension, à soulager la

douleur et à assurer l’enseignement au client et à ses proches.

Traiter l’hypertension L’inrmière évalue la fonction cardiovasculaire toutes les heures : surveillance de la P.A. dans les deux bras, prise des pouls périphériques bilatéraux, recherche d’un soufe aortique à l’auscultation et surveillance de l’ECG à la recherche d’anomalies traduisant une ischémie ou une arythmie. En général, la mise en place d’un cathéter artériel s’avère nécessaire, tout comme l’administration d’antihypertenseurs puissants comme le labétalol (TrandateMD) qui exerce à la fois une activité bêtabloquante (diminution de la F.C., du D.C. et de la P.A.) et une activité alphabloquante périphérique (vasodilatation des artères et diminution de la P.A.).

Gérer la douleur La douleur aiguë est un signe classique de dissection aortique. Des analgésiques opioïdes et des sédatifs sont employés pour la soulager, atténuer l’anxiété et améliorer le bien-être. Toutefois, comme le soulagement procuré par ces médicaments peut masquer la douleur provoquée par une extension de la dissection, il faut veiller à les utiliser judicieusement. Par ailleurs, l’inrmière évalue l’état neurovasculaire du client toutes les heures. Ses notes doivent faire état de la présence et de la topographie de la douleur, de la pâleur, des paresthésies et de la paralysie, ainsi que de la mobilité des membres.

Informer le client et ses proches Durant la phase aiguë, l’enseignement se limite à une description du milieu des soins critiques et à des explications sur l’importance de la maîtrise de la P.A. Si la personne doit subir une intervention (aortographie, TDM ou chirurgie), l’inrmière en soins critiques aide le médecin à lui expliquer en quoi consiste cette dernière ENCADRÉ 14.31. Les recommandations relatives à la prévention et au traitement des anévrismes et des dissections de l’aorte d’origine athéroscléreuse sont présentées dans l’ENCADRÉ 14.32.

14

A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux problèmes découlant d’un anévrisme de l’aorte ou d’une dissection aortique sont décrits, selon le problème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers.

Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 14.30

Anévrisme de l’aorte et dissection aortique

• Anxiété liée à une menace contre l’intégrité biologique, psychologique ou sociale PSTI A.6 • Décit de compréhension lié à une absence d’exposition préalable à l’information PSTI A.8 • Diminution du débit cardiaque liée à des altérations de la précharge PSTI A.12 • Douleur aiguë liée à la transmission et à la perception d’impulsions cutanées, viscérales, musculaires ou ischémiques PSTI A.14

• Intolérance à l’activité liée à un dysfonctionnement cardiopulmonaire PSTI A.21 • Risque d’hypoperfusion des tissus cardiaques PSTI A.27

• Risque d’hypoperfusion des tissus périphériques PSTI A.28

• Risque d’hypoperfusion rénale • Risque d’infection

PSTI A.30

PSTI A.31

Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

447

Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 14.31

Anévrisme de l’aorte et dissection aortique

L’inrmière aborde les sujets suivants. • Physiopathologie des maladies athéroscléreuses de l’aorte : anévrisme de l’aorte et dissection aortique. • Maîtrise de l’hypertension : l’hypertension accroît le risque de rupture d’anévrisme et de dissection aortique. • Soulagement de la douleur : utilisation d’une échelle d’évaluation de la douleur allant de 0 à 10 ; information sur la possibilité de recevoir des analgésiques en cas de douleur aiguë. • Enseignement donné en prévision d’une aortographie, d’un examen de TDM ou d’une ETO. • Enseignement préopératoire donné en prévision d’un traitement chirurgical. • Correction des facteurs de risque : au décours d’une dissection aortique aiguë ou d’un anévrisme de l’aorte provoqués par l’athérosclérose, il convient de

dresser le prol de risque du client. Il faut alors discuter avec lui des stratégies suivantes : réduction de la consommation quotidienne de matières grasses (cible : moins de 30 % des calories consommées au total) ; réduction du taux de cholestérol total (cible : moins de 5,20 mmol/L) et d’un taux de C-LDL (cible : inférieure à 2,0 mmol/L) ; abandon du tabagisme ; réduction de la consommation de sodium ; maîtrise de l’hypertension ; traitement du diabète (si le client est diabétique) ; intensication du degré d’activité physique ; atteinte et maintien d’un poids idéal. • Liste des signes et des symptômes à signaler à un professionnel de la santé : douleur, signes et symptômes d’infection. • Soins de suivi après l’hospitalisation.

Pratique fondée sur des résultats probants ENCADRÉ 14.32

Anévrisme de l’aorte et dissection aortique

RECOMMANDATIONS RELATIVES À LA PRÉVENTION DES ANÉVRISMES DE L’AORTE ET DES DISSECTIONS AORTIQUES CAUSÉS PAR L’ATHÉROSCLÉROSE

• L’hypertension est l’un des principaux facteurs de risque d’atteinte aortique. Aucune recommandation portant précisément sur la maîtrise de la P.A. en présence d’une atteinte aortique n’a été formulée à ce jour. Cela dit, une P.A. cible inférieure à 130/80 mm Hg correspond aux recommandations formulées pour les autres maladies athéroscléreuses (maladie coronarienne et maladie vasculaire cérébrale). • Le tabagisme constitue également un facteur de risque important d’atteinte aortique. Par conséquent, l’abandon du tabac est indispensable. • Il a été démontré que l’emploi systématique des statines diminue le taux de rupture d’anévrisme et peut se révéler efcace pour ralentir l’évolution des anévrismes de l’aorte abdominale. • La dissection aortique peut aussi se produire comme complication d’un trauma thoracique fermé provoqué par un accident de la route survenu à grande vitesse. RECOMMANDATIONS RELATIVES AU TRAITEMENT DE LA DISSECTION AORTIQUE

• La personne doit être hospitalisée à l’unité de soins critiques an de surveiller sa F.C. et sa P.A. • Un bêtabloquant (esmolol [BreviblocMD]) ou un agent ayant une activité bêtabloquante et alphabloquante (labétalol [TrandateMD]) est administré par voie I.V. an d’abaisser la P.A. systolique. Il est recommandé d’employer des bêtabloquants, car ces agents réduisent la force avec laquelle le sang est éjecté hors du ventricule et projeté contre la paroi aortique fragilisée. • Un vasodilatateur (nitroprussiate de sodium [NiprideMD]) par voie I.V. peut être ajouté au traitement bêtabloquant si ce dernier ne permet pas à lui seul d’abaisser sufsamment la P.A. systolique. • L’intubation et la ventilation mécanique sont recommandées en présence d’une grande instabilité hémodynamique. • Il est recommandé de soulager la douleur et d’induire une sédation.

• Le diagnostic de la dissection aortique s’appuie sur les signes cliniques de dissection aortique et sur la détermination du siège de la brèche pariétale et de la fausse lumière. La TDM est l’examen paraclinique qui est le plus souvent réalisé en situation d’urgence. En revanche, lorsque la dissection aortique est stable, une IRM est généralement effectuée. Il est également possible de réaliser une ETT suivie d’une ETO. • Les recommandations relatives au traitement de la dissection aortique dépendent de la classe à laquelle appartient cette dernière. • Il faut réséquer les dissections de type A (type I et type II), soit celles qui touchent l’arche aortique, an de prévenir une rupture de l’aorte ou une tamponnade cardiaque. • C’est le traitement médical qui est généralement recommandé pour les dissections aortiques de type B (type III). La chirurgie et le traitement endovasculaire ne sont recommandés qu’en cas de douleur thoracique persistante, d’élargissement de l’aorte, d’hématome périaortique ou d’hématome médiastinal. • La dissection aortique de type A est un diagnostic à haut risque associé à un taux de mortalité hospitalière global de 25 %. Les personnes atteintes d’une dissection aortique de type A qui se présentent à l’hôpital en hypotension sont exposées à un risque élevé de complications. RECOMMANDATIONS RELATIVES AU TRAITEMENT NON URGENT DE L’ANÉVRISME DE L’AORTE ABDOMINALE

• L’anévrisme et la dissection de l’aorte abdominale surviennent rarement avant la soixantaine. • D’après les données probantes actuellement disponibles, le diamètre optimal à partir duquel le traitement chirurgical est indiqué chez le sujet masculin moyen est de 5,5 cm. Chez la femme, les experts en chirurgie vasculaire recommandent de prévoir une chirurgie non urgente lorsque le diamètre de l’anévrisme est de 4,5 à 5 cm. Outre le sexe, il faut également tenir compte des particularités anatomiques, de l’âge et de la taille de la personne. • D’ici à ce que les résultats des études à long terme en cours soient disponibles, le médecin choisira entre le traitement endovasculaire et la laparotomie en s’appuyant sur ses préférences et sur celles du client.

Sources : Chaikof, Brewster, Dalman et al. (2009) ; Feldman, Shah & Elefteriades (2010) ; Grootenboer, van Sambeek, Arends et al. (2010) ; Hiratzka, Bakris, Beckman et al. (2010) ; Moll, Powell, Fraedrich et al. (2011)

448

Partie 2

Système cardiovasculaire

14.10

Artériopathie périphérique

La maladie vasculaire périphérique (MVP) englobe deux entités cliniques : la maladie veineuse périphé­ rique et l’artériopathie périphérique (AP), ou maladie artérielle périphérique. La maladie veineuse péri­ phérique est une affection chronique traitée en consultation externe et qui ne nécessite pas d’hospi­ talisation aux soins critiques. En revanche, il peut être nécessaire d’hospitaliser une personne atteinte d’une AP dans une unité de soins critiques en cas de thrombose aiguë ou au décours d’une chirurgie vasculaire. L’AP peut toucher n’importe quelle artère périphérique. Elle est particulièrement dou­ loureuse lorsque ce sont les artères irriguant les membres inférieurs qui sont touchées. Les sections qui suivent portent uniquement sur l’AP.

14.10.1 Étiologie Chez les personnes âgées, c’est souvent l’athéros­ clérose qui est la cause des artériopathies oblité­ rantes chroniques. L’AP touche moins de 4 % des personnes de moins de 40 ans, mais elle s’observe chez près de 22 % des personnes de plus de 70 ans (Hirsch, Haskal, Hertzer et al., 2006 ; Olin, Allie, Belkin et al., 2010). Les facteurs de risque d’AP sont les mêmes que ceux de la maladie coronarienne. En fait, chez la plupart des personnes qui reçoivent un diagnostic d’AP, au moins un facteur de risque qui les prédispose à la maladie coronarienne est recensé (Hirsch et al., 2006 ; Olin et al., 2010). Le diabète, le tabagisme, l’hypertension, l’hyperlipidémie et le sexe masculin sont autant de facteurs qui augmentent le risque d’occlusion des artères périphériques (Hirsch et al., 2006 ; Olin et al., 2010 ; Tendera et al., 2011). Comme c’est le cas pour la maladie coronarienne, la présence d’une insufsance rénale concomitante accroît l’incidence de l’AP (Hirsch et al., 2006).

14.10.2 Physiopathologie Les artères des membres inférieurs les plus fréquem­ ment touchées sont l’artère fémorale supercielle et l’artère poplitée, suivies de l’aorte distale et des artères iliaques.

14.10.3 Manifestations cliniques et examens paracliniques Indice tibiobrachial L’indice tibiobrachial (ITB) est un examen non effrac­ tif qui permet d’estimer la gravité de l’atteinte arté­ rielle dans les membres inférieurs en comparant la P.A. systolique mesurée dans la jambe (juste au­ dessus de la cheville) à celle mesurée dans le bras. Plus précisément, un brassard pneumatique est uti­ lisé pour comprimer la jambe, puis la P.A. systolique est mesurée à l’endroit où les pouls tibial postérieur et pédieux sont palpés (Hirsch et al., 2006 ; McDermott, Ferrucci, Guralnik et al., 2010 ; Olin

et al., 2010). La P.A. peut être mesurée par la méthode palpatoire ou par la méthode auscultatoire à l’aide d’une sonde doppler portative de 5 à 7 mégahertz (MHz). L’ITB est égal au rapport de la P.A. systolique à la cheville sur la P.A. systolique au bras (Hirsch et al., 2006 ; McDermott et al., 2010 ; Olin et al., 2010). Normalement, il varie de 0,9 à 1 (artères périphéri­ ques normales). Une AP légère est diagnostiquée lorsque l’ITB varie de 0,71 à 0,9 ; il est question d’une AP modérée lorsqu’il varie de 0,41 à 0,7 et d’une AP grave lorsqu’il est égal ou inférieur à 0,4 (Hirsch et al., 2006). En général, plus l’ITB est faible, plus les symptômes d’ischémie périphérique sont marqués.

Claudication intermittente Dans le cas de l’AP, l’oblitération d’une artère péri­ phérique entraîne une diminution du débit sanguin en aval qui provoque une ischémie musculaire se manifestant par une crampe douloureuse persistante appelée claudication intermittente. Déclenchée par la marche, la claudication intermittente est bien sou­ vent le symptôme avant­coureur de l’AP. Elle cède au repos, et sa fréquence et son intensité peuvent demeurer stables pendant de nombreuses années. Les symptômes d’AP ne commencent à se manifester que lorsque la lumière artérielle a diminué de plus de 75 %. Comme c’est le cas pour les autres maladies athéroscléreuses, l’AP demeure généralement silen­ cieuse et ne se manifeste que lorsqu’elle est à un stade avancé. C’est donc dire qu’un médecin qui se e uniquement aux antécédents de douleurs aux jambes pour diagnostiquer l’AP risque de sous­ estimer considérablement la possibilité d’une telle affection lorsqu’elle en est à ses débuts. En effet, seulement 10 % des personnes atteintes d’AP mani­ festent des symptômes classiques de claudication intermittente (douleur à la jambe associée à l’AP). Plus de 50 % des clients atteints d’AP sont asymp­ tomatiques, et les autres 40 % présentent des symptômes autres que la claudication intermittente qui atteignent les membres inférieurs (Olin et al., 2010). L’ITB peut être utilisé comme outil de dépis­ tage de l’AP avant l’apparition des symptômes (Hirsch et al., 2006 ; Olin et al., 2010). Il convient alors de discuter avec le client des mesures de pré­ vention qui s’imposent.

14

Douleur au repos Au fur et à mesure que l’AP évolue, la douleur peut également se manifester au repos. Dans ce cas, comme la viabilité du membre touché est menacée, il est nécessaire de lever immédiatement l’occlusion en cause par voie chirurgicale ou par cathétérisme interventionnel afin de rétablir la circulation sanguine.

Occlusion artérielle aiguë Une occlusion artérielle (thrombose) aiguë se mani­ feste par les symptômes suivants : apparition soudaine d’une douleur vive, abolition des pouls périphériques et collapsus des veines superficielles, ainsi que Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

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froideur, pâleur et altération des fonctions motrices et sensorielles du membre touché. Comme c’est le cas pour la douleur au repos, une occlusion artérielle aiguë commande une intervention chirurgicale immédiate visant la levée de l’obstacle en cause.

Signes d’atrophie Les signes cutanés associés à l’AP comprennent l’hyperkératose (épaississement) des ongles et la sécheresse de la peau. Il y a généralement une absence de pilosité sur la jambe, le pied et les orteils. Il est également possible d’observer une ligne de démarcation (différence de température et de coloration de la peau) entre les régions qui sont bien irriguées et celles qui sont ischémiques, ainsi qu’une atrophie des muscles ou des tissus mous. Enn, à mesure que l’AP évolue, des ulcérations cutanées ou une gangrène peuvent apparaître.

14.10.4 Traitements médicaux Le traitement médical de l’AP consiste à maîtriser ou à éliminer les facteurs de risque, à prodiguer au client des soins des pieds efcaces et à lui proposer des modications de son mode de vie destinées à favoriser le repos et à soulager la douleur. La pharmacothérapie repose sur l’utilisation d’anticoagulants, de vasodilatateurs et d’antiplaquettaires. Si ces traitements se révèlent inefcaces, l’angioplastie transluminale percutanée, la pose d’une endoprothèse vasculaire ou le pontage peuvent être indiqués. L’angioplastie transluminale percutanée et la mise en place d’une endoprothèse ne se révèlent efcaces que si la lésion (occlusion) est discrète et localisée. En revanche, lorsque l’AP est diffuse, un pontage est habituellement pratiqué. En présence d’une gangrène (nécrose), il faut procéder à l’amputation partielle ou totale du membre touché. A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux problèmes découlant d’une artériopathie périphérique sont décrits, selon le problème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers.

Soins et traitements inrmiers Les soins et traitements inrmiers prodigués aux personnes atteintes d’une AP englobent divers problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 14.33 A . L’inrmière évalue la qualité des pouls périphériques, intervient de façon à

maintenir l’intégrité de la peau et à soulager la douleur, et assure l’enseignement sur les maladies vasculaires périphériques au client et à ses proches.

Vérier les pouls artériels La palpation des pouls périphériques, l’examen de la coloration de la peau et la recherche d’une variation de la température du membre susceptible d’être atteint sont des étapes cruciales de l’évaluation d’un membre ischémique. En général, les pouls artériels sont affaiblis, intermittents (spasme vasculaire) ou imperceptibles en aval de l’occlusion artérielle. Il faut savoir que l’incidence des MVP (artériopathies périphériques et maladies veineuses périphériques) est beaucoup plus élevée chez les personnes diabétiques que dans la population générale. Dans la plupart des hôpitaux, une échelle normalisée est utilisée pour documenter les notes inrmières en lien avec la prise de pouls. Lorsque le pouls est imperceptible, l’inrmière peut avoir recours au doppler pour évaluer le ot sanguin.

Préserver l’intégrité de la peau L’inrmière prend soin de prévenir toute lésion du membre touché, notamment les lésions de pression, car leur guérison est souvent ralentie en raison de l’AP (ralentissement d’un débit sanguin artériel) ou du diabète. Pour prévenir les lésions aux pieds, l’inrmière peut insérer du coton ou de la laine entre les orteils de la personne, ou placer un arceau de lit sous le drap. En tout état de cause, en cas d’ischémie aiguë, l’ablation du thrombus est le seul traitement susceptible de préserver les tissus ischémiques.

Gérer la douleur L’expression employée pour désigner la douleur qui survient après l’effort chez les personnes atteintes d’AP est la claudication intermittente. Siégeant dans les jambes, cette douleur cède aisément au repos. Cela dit, l’apparition d’une douleur au repos (en l’absence d’effort) est un signe avant-coureur d’anoxie. La douleur provoquée par une ischémie aiguë est extrême ; de puissants analgésiques sont utilisés pour la soulager. La levée de l’occlusion artérielle est la seule intervention susceptible d’éliminer la douleur.

Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 14.33

Artériopathie périphérique

• Anxiété liée à une menace contre l’intégrité biologique, psychologique ou sociale PSTI A.6 • Décit de compréhension lié à une absence d’exposition préalable à l’information PSTI A.8 • Douleur aiguë liée à la transmission et à la perception d’im­ pulsions cutanées, viscérales, musculaires ou ischémiques PSTI A.14

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Partie 2

Système cardiovasculaire

• Intolérance à l’activité liée à une immobilité prolongée ou à un déconditionnement PSTI A.21 • Risque d’hypoperfusion des tissus périphériques PSTI A.28

• Sentiment d’impuissance lié à une perception de manque de contrôle sur la situation actuelle ou sur l’aggravation de la maladie PSTI A.32

Informer le client et ses proches L’enseignement porte notamment sur la correction des facteurs de risque, qui consiste en l’adoption de modications du mode de vie semblables à celles recommandées en présence d’une maladie coronarienne, soit l’abandon du tabac, la pratique d’activités physiques, le maintien d’un poids idéal, l’inspection régulière des jambes et des pieds, les soins des pieds, la prévention des traumas des pieds et la prise des médicaments prescrits. Nombreux sont les clients atteints d’AP qui sous-estiment le risque d’AVC ou d’IDM aigu auquel ils sont exposés et qui ne comprennent pas que les facteurs de risque d’AP

sont les mêmes que ceux des autres maladies athéroscléreuses cardiovasculaires (Hirsch et al., 2006 ; Olin et al., 2010 ; Tendera et al., 2011). La marche est fortement recommandée pour le client atteint d’AP, car il s’agit d’un moyen efcace d’accroître le débit sanguin dans les membres inférieurs (Garg, Tian, Criqui et al., 2006 ; Murphy, Cutlip, Regensteiner et al., 2011 ; Olin et al., 2010). S’il est diabétique, le plan d’enseignement comprendra une section sur la prise en charge du diabète. Les principaux points à aborder dans le cadre de l’enseignement au client et à ses proches sont répertoriés dans l’ENCADRÉ 14.34. Les recommandations liées à l’AP sont listés dans l’ENCADRÉ 14.35.

Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 14.34

Artériopathie périphérique

L’inrmière aborde les sujets suivants. • Physiopathologie de l’AP. • Inspection et soins quotidiens des pieds et des jambes. • Prévention des traumas des pieds et des jambes. • Augmentation progressive de la distance que peut parcourir la personne à pied. • Correction des facteurs de risque : au décours d’un épisode aigu d’AP causée par l’athérosclérose, il convient d’établir le prol de risque du client. Il faut alors discuter avec lui des stratégies suivantes : réduction de la consommation quotidienne de matières grasses (cible : moins de 30 % des calories consommées au total) ; réduction du taux de cholestérol total (cible : moins de 5,20 mmol/L) et d’un taux de C-LDL (cible: inférieure à 2,0 mmol/L) ; abandon du tabac ; réduction de la consommation de sodium ; maîtrise de l’hypertension ; traitement du diabète (si le client est diabétique) ; intensication du degré d’activité physique ; atteinte et maintien d’un poids idéal. • Enseignement donné en prévision d’une angiographie, d’une angioplastie percutanée ou de la mise en place d’une endoprothèse dans les membres inférieurs.

14 • Risques et bienfaits associés au traitement brinolytique de l’occlusion artérielle périphérique aiguë. • Enseignement préopératoire donné en prévision d’une chirurgie de revascularisation. • Enseignement relatif à la réadaptation, si l’amputation est indiquée. • Pharmacothérapie. • Traitement antithrombotique : en général, de l’acide acétylsalicylique est administré pour atténuer l’agrégation plaquettaire. • Traitement hypocholestérolémiant (agents destinés à réduire le taux de C-LDL) : inhibiteurs de la 3-hydroxy3-méthylglutaryl-coenzyme A (HMG-CoA) réductase (couramment appelés statines). • Traitement antihypertenseur : présentation des agents antihypertenseurs et conseils sur l’autosurveillance de la P.A. • Liste des signes et des symptômes à signaler à un professionnel de la santé : douleur (thorax ou jambes), traumas des jambes ou des pieds. • Soins de suivi après l’hospitalisation.

Pratique fondée sur des résultats probants ENCADRÉ 14.35

Artériopathie périphérique

La maladie artérielle périphérique affecte approximativement 800 000 Canadiens (Lovell, Harris, Forbes et al., 2009). Un groupe interdisciplinaire et international de médecins a résumé les données cliniques probantes disponibles en vue de l’élaboration de lignes directrices relatives à l’artériopathie périphérique (AP). RECOMMANDATIONS VISANT À MIEUX FAIRE CONNAÎTRE L’AP ET SES CONSÉQUENCES

• Les personnes âgées, les fumeurs et les personnes diabétiques sont les plus fortement prédisposés à l’AP. Le dépistage de l’AP chez les personnes asymptomatiques à haut risque révèle que de 30 à 50 % d’entre elles ignorent qu’elles souffrent d’AP.

• Les autres facteurs de risque d’AP sont les suivants : hypertension, hyperlipidémie, sexe masculin, taux de CRP élevé, taux plasmatique de brinogène élevé, glycémie élevée, antécédents d’IDM, insufsance cardiaque et antécédents d’accident ischémique transitoire ou d’AVC. • Comparativement aux personnes exemptes d’AP, les personnes qui ont une AP symptomatique sont de quatre à cinq fois plus susceptibles de subir un AVC et de deux à six fois plus susceptibles de succomber à une maladie coronarienne. • Comparativement aux personnes exemptes d’AP, les personnes qui ont une AP symptomatique sont de 20 à 60 % plus susceptibles de subir un IDM. • La majorité des clients ne savent pas qu’il y a un lien entre l’AP et les maladies athéroscléreuses du cœur et du cerveau.

Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

451

ENCADRÉ 14.35

Artériopathie périphérique (suite)

RECOMMANDATIONS VISANT À MIEUX DÉPISTER LES CLIENTS QUI ONT UNE AP SYMPTOMATIQUE

• Comme l’AP est silencieuse à ses débuts, il est recommandé de procéder au dépistage de cette maladie chez les clients à haut risque au moyen de l’ITB. (Se reporter à la section sur la mesure de l’ITB.) • Lorsque c’est l’apparition d’une claudication intermittente (douleur déclenchée par la marche) qui amène à poser un diagnostic d’AP, c’est que la maladie est à un stade avancé. RECOMMANDATIONS RELATIVES À LA CORRECTION DES FACTEURS DE RISQUE ASSOCIÉS À L’AP

• Les fumeurs doivent renoncer au tabac. Il va sans dire que c’est là un pari difcile à relever. Le counseling, la mise en place d’un suivi étroit et la pharmacothérapie antitabagique (traitement de remplacement de la nicotine, bupropion) ont été associés respectivement à des taux de réussite après 1 an de 5 %, 16 % et 30 %.

• En présence d’une hyperlipidémie, il est essentiel de normaliser le bilan lipi­ dique (cible pour le taux sérique de cholestérol total : moins de 5,20 mmol/L ; cible pour le C­LDL : moins de 2 mmol/L). • À ce jour, aucune étude n’a été menée sur les effets de la maîtrise de l’hyper­ tension et du diabète sur la fréquence de l’AP. Cela dit, d’après une extrapo­ lation des données tirées de la littérature en cardiologie, les chercheurs recommandent d’abaisser la P.A. sous la barre des 130/80 mm Hg, de main­ tenir une glycémie normale de 3,9 à 5,6 mmol/L et un taux d’HbA1c ≤ 6,5 %. • Il est recommandé d’instaurer un traitement par l’acide acétylsalicylique à faible dose ou par un autre antiplaquettaire. • Les exercices de réadaptation physique sont recommandés, notamment la marche quotidienne. Ils ont pour but d’accroître la distance que peut parcourir la personne avant l’apparition de la claudication intermittente.

Sources : Adapté de alonso-Coello, Bellmunt, McGorrian et al. (2012) ; Cheng, Woo, Booth et al. (2013) ; Hirsch, Haskal, Hertzer et al. (2006)

14.11

Maladie de l’artère carotide

La bifurcation carotidienne est fréquemment le siège de la formation de plaques d’athérome FIGURE 14.25. Comme ce sont les artères carotides qui irriguent le cerveau, les symptômes avant-coureurs d’une thrombose carotidienne sont d’ordre neurologique. Non seulement les maladies de l’artère carotide (ou sténose carotidienne) se traitent bien, mais en plus, leur traitement peut prévenir la survenue d’un AVC. Le cerveau est irrigué par deux systèmes artériels distincts, les artères vertébrales et les artères carotides internes, dont les branches s’anastomosent pour former le cercle artériel du cerveau (ou polygone de Willis). La diminution progressive de l’apport sanguin à une région du cerveau favorise l’apparition et le maintien d’une circulation collatérale destinée à irriguer cette dernière adéquatement. Cependant, une interruption brutale de l’irrigation sanguine d’une région du cerveau qui persiste au-delà de quatre à six minutes provoque l’ischémie de cette dernière et, dans bien des cas, l’apparition de lésions permanentes.

conséquent, il est essentiel de renseigner une personne atteinte de l’une ou l’autre de ces affections sur les autres maladies causées par l’athérosclérose. L’hypertension non maîtrisée (P.A. systolique supérieure à 160 mm Hg), le tabagisme, le diabète non

14.11.1 Étiologie L’athérosclérose est la principale cause de la maladie de l’artère carotide (Meschia, Brott, Hobson et al., 2007 ; Tendera et al., 2011). Dans de rares cas, cette dernière peut être secondaire à une dysplasie bromusculaire, à une radiothérapie ou à une artérite. Les facteurs de risque de maladie de l’artère carotide et d’AVC causés par l’athérosclérose sont les mêmes que ceux de la maladie coronarienne et de l’AP. Par

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Partie 2

Système cardiovasculaire

FIGURE 14.25 Artères carotides commune, interne et externe. Les plaques d’athérome se forment dans l’artère carotide commune, à la hauteur de la bifurcation donnant naissance aux artères carotides interne et externe. L’athérosclérose peut toucher l’artère carotide commune, mais aussi les artères interne et externe.

maîtrisé et l’hyperlipidémie sont tous des facteurs de risque de la maladie de l’artère carotide (AlonsoCoello, Bellmunt, McGorrian et al., 2012 ; Goldstein, Bushnell, Adams et al., 2011). Les femmes ménopausées qui suivent une HTS sont exposées, elles aussi, à un risque accru d’AVC (Goldstein et al., 2011). L’incidence de la sténose carotidienne augmente avec l’âge. Une sténose carotidienne causant un rétrécissement de plus de 50 % de la lumière artérielle est observée chez 22 à 28 % des personnes de plus de 50 ans ; après 55 ans, le risque d’AVC double avec chaque décennie qui passe. La présence d’une maladie coronarienne concomitante augmente également l’incidence de l’AVC (risque relatif de 1,73 chez l’homme et de 1,55 chez la femme) (Goldstein et al., 2011). Les deux principaux mécanismes qui donnent lieu à des symptômes ischémiques cérébraux sont l’embolisation et la thrombose. L’ulcération d’une plaque d’athérome entraîne l’adhésion de plaquettes et de dépôts de brine à celle-ci, un processus qui aboutit à la formation d’un thrombus qui peut se détacher et migrer jusqu’au cerveau (auquel cas il se nomme embolie) avec des dépôts de cholestérol. Les segments sténosés des artères carotides sont sujets aux thromboses, car le débit sanguin y est considérablement ralenti par les plaques qui y font saillie. Le doppler est une méthode d’exploration non effractive des artères carotides. Si la présence d’un AVC est soupçonnée, il convient d’effectuer un examen de TDM de la tête de toute urgence pour confirmer le diagnostic (Meschia et al., 2007 ; Tendera et al., 2011). La maladie de l’artère carotide peut demeurer silencieuse pendant de nombreuses années. Ses manifestations, qui apparaissent dès qu’un thrombus carotidien se détache et se transforme en embolie, sont d’ordre neurologique : hémiparésie, dysphasie, dysarthrie, aphasie totale, diplopie, vertiges, syncope, confusion et cécité monoculaire. Lorsque ces symptômes neurologiques sont de courte durée et qu’ils disparaissent complètement, il s’agit d’un accident ischémique transitoire. Cependant, lorsqu’ils persistent, il s’agit alors d’un AVC ischémique (Alexandrov, 2008). Chez une personne qui vient de subir un accident ischémique transitoire, le risque d’AVC augmente de plus de 10 % au cours des 22 jours qui suivent l’accident, puis il atteint pas moins de 17 % au cours des 90 jours qui suivent l’accident (Goldstein et al., 2011 ; Roger et al., 2012) 23 .

14.11.2 Traitements médicaux Les traitements médicaux consistent essentiellement à réduire les facteurs de risque modiables des maladies athéroscléreuses, soit à corriger l’hypertension, à cesser de fumer, à consulter un médecin en cas d’anomalies cardiaques traitables comme la FA, à perdre du poids et à abaisser son taux de cholestérol total (cible : moins de 5,20 mmol/L). En cas de FA, il faut prescrire un traitement antithrombotique (warfarine ou antiantiplaquettaire, comme l’acide

acétylsalicylique) au client après l’avoir soumis à une évaluation personnalisée complète au cours de laquelle sont mis en balance le risque relatif d’embolie et le risque de complications hémorragiques (Goldstein et al., 2011 ; Kiernan, Yan & Jaff, 2009). En revanche, la prise en charge des clients dont la sténose carotidienne est silencieuse pose un dilemme. En effet, il y a lieu, dans ce cas, de mettre en relation le risque d’AVC et les risques liés à la chirurgie ; autrement dit, il faut évaluer le risque accru d’AVC peropératoire. Selon les lignes directrices actuelles, pour les clients dont la sténose carotidienne est supérieure à 60 %, l’endartériectomie carotidienne se révèle bénéque lorsqu’elle est pratiquée par un chirurgien expérimenté (taux de morbimortalité opératoire inférieur à 3 %) (Goldstein et al., 2011). La mise en place d’une endoprothèse dans l’artère carotide s’avère tout aussi efficace lorsqu’elle est conée à un médecin expérimenté (Adams, Albers, Alberts et al., 2008 ; Goldstein et al., 2011 ; Gurm, Yadav, Fayad et al., 2008 ; Hopkins, Myla, Grube et al., 2008 ; Iyer, White, Hopkins et al., 2008 ; Mantese, Timaran, Chiu et al., 2010 ; Mas, Chatellier, Beyssen et al., 2006). Les clients qui souffrent d’une maladie de l’artère carotide doivent être informés des risques associés aux interventions qu’ils doivent subir et du risque d’événement vasculaire cérébral, tel que l’AVC, auquel ils sont exposés.

14

Soins et traitements inrmiers Les soins et traitements inrmiers consistent avant tout à vérier que le cerveau est bien irrigué (évaluation de l’état de conscience, du niveau d’orientation et du réexe photomoteur, ainsi que mesure du diamètre pupillaire et des signes vitaux, y compris la fréquence respiratoire) et à déceler des signes évocateurs d’une atteinte des nerfs crâniens (troubles de la déglutition, abolition du réexe nauséeux, troubles de la parole et asymétrie du visage). Il existe des échelles d’évaluation des AVC dont la NIH stroke scale qui peut être utilisée pour prévoir l’issue clinique au moment de l’évaluation initiale et des évaluations de suivi des symptômes d’AIT ou d’AVC (Alexandrov, 2008). L’inrmière explique au client et à ses proches les causes de l’accident subi et leur fournit de l’information sur la prévention des événements vasculaires cérébraux. La prise en charge de la maladie de l’artère carotide englobe plusieurs problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 14.36 A . L’examen neurologique d’une personne atteinte d’une maladie de l’artère carotide permet de vérier que la personne n’a pas subi d’AIT ou d’AVC. Il comprend deux parties : 1) l’évaluation de l’état de conscience, de la vigilance et de l’irrigation du cerveau ; 2) l’évaluation fonctionnelle des nerfs crâniens. Pour vérier l’état de conscience du client, l’inrmière demande notamment à ce dernier de lui donner l’heure, de lui dire où il se trouve et elle Chapitre 14

23 Le chapitre 23, Troubles neurologiques et approche thérapeutique, fournit un complément d’information sur la prise en charge neurologique des clients qui ont subi un accident vasculaire cérébral.

A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux problèmes découlant d’une maladie de l’artère carotide sont détaillés, selon le problème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers.

Troubles cardiovasculaires

453

Informer le client et ses proches

Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 14.36

Maladie de l’artère carotide

• Anxiété liée à une menace contre l’intégrité biologique, psychologique ou sociale PSTI A.6 • Décit de compréhension lié à une absence d’exposition préalable à l’information PSTI A.8 • Douleur aiguë liée à la transmission et à la perception d’impulsions cutanées, viscérales, musculaires ou ischémiques PSTI A.14 • Risque d’hypoperfusion cérébrale PSTI A.26

22 L’évaluation de l’état de conscience et celle des nerfs crâniens sont détaillées dans le chapitre 22, Évaluation clinique du système nerveux et examens paracliniques.

l’interroge sur les motifs de son hospitalisation. L’évaluation du degré de vigilance repose aussi sur sa capacité à répondre à ces questions. L’inrmière vérie également si la personne est capable de mouvoir ses quatre membres lorsqu’elle lui en donne l’ordre. Enn, pour évaluer certains nerfs crâniens, elle lui demande de faire la grimace (le visage devrait être symétrique), de tirer la langue (celle-ci ne devrait pas dévier par rapport à la ligne médiane), de déglutir et de parler (ce que la personne devrait pouvoir faire sans peine) 22 .

Toute personne hospitalisée aux soins critiques qui est atteinte d’une maladie de l’artère carotide, mais qui n’a pas d’antécédents d’événement vasculaire cérébral, doit recevoir un enseignement à visée préventive. Il est essentiel de lui expliquer les mécanismes liés à la maladie de l’artère carotide qui aboutissent à un AVC. Souvent, un AVC est provoqué par l’occlusion d’une artère irriguant le cerveau par un thrombus qui s’est formé dans une oreillette durant un épisode de FA ou dans une artère carotide. En se détachant, il forme une embolie dans cette artère. La formation d’un thrombus dans la paroi d’une artère carotide sténosée réduit le débit sanguin qui s’écoule dans celle-ci et engendre de ce fait une hypoperfusion généralisée du cerveau. Nombreuses sont les personnes atteintes d’une maladie de l’artère carotide qui souffrent aussi d’une maladie coronarienne ou d’AP, et de diabète ou d’hypertension (Goldstein et al., 2011 ; Tendera et al., 2011). Les principaux sujets à aborder dans le cadre de l’enseignement au client sont énumérés dans l’ENCADRÉ 14.37. Les recommandations relatives à la prévention de la maladie de l’artère carotide sont présentées dans l’ENCADRÉ 14.38.

Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 14.37

Maladie de l’artère carotide

L’inrmière aborde les sujets suivants. • Physiopathologie de la maladie de l’artère carotide causée par l’athérosclérose. • Physiopathologie de l’AVC (provoqué par des embolies qui se sont formées depuis les artères carotides). • Signes avant-coureurs de l’AVC. • Correction des facteurs de risque : au décours d’un événement aigu lié à une maladie de l’artère carotide causée par l’athérosclérose, il convient d’établir le prol de risque du client. Il faut alors discuter avec lui des stratégies

suivantes : réduction de la consommation quotidienne de matières grasses (cible : moins de 30 % des calories consommées au total) ; réduction du taux de cholestérol total (cible : moins de 5,20 mmol/L) et d’un taux de C-LDL (cible : inférieure à 2,0 mmol/L) ; abandon du tabac ; réduction de la consommation de sodium ; maîtrise de l’hypertension ; maîtrise de la glycémie (si le client est diabétique) ; intensication du degré d’activité physique ; atteinte et maintien d’un poids idéal. • Liste des signes et des symptômes à signaler à un professionnel de la santé. • Soins de suivi après l’hospitalisation.

Pratique fondée sur des résultats probants ENCADRÉ 14.38

Maladie de l’artère carotide

RECOMMANDATIONS POUR LA PRÉVENTION DES MALADIES DE L’ARTÈRE CAROTIDE

• Les fumeurs doivent arrêter de fumer et éviter de s’exposer à la fumée secondaire. Le tabagisme double le risque d’AVC. • Atteindre une P.A. normale, de préférence inférieure à 140/90 mm Hg, pour les personnes à risque élevé d’AVC. Des antihypertenseurs P.O. sont prescrits si la valeur cible de la P.A. ne peut être atteinte par l’alimentation et l’exercice seulement. La diminution de la P.A. réduit considérablement l’incidence des AVC.

454

Partie 2

Système cardiovasculaire

• Éviter l’hypotension artérielle chez les clients qui ont une sténose carotidienne avancée. • Atteindre et maintenir un poids normal. Le rapport taille-poids cible correspond à un IMC compris entre 18,5 et 24,9 kg/m2. L’obésité est caractérisée par un IMC supérieur à 30 kg/m2 ou par un tour de taille qui dépasse 102 cm pour les hommes et 88 cm pour les femmes. • Vérier les taux de lipides sériques et atteindre un prol lipidique normal. De nombreux clients se voient prescrire des médicaments hypolipémiants en vue des objectifs suivants : – atteindre un taux de cholestérol inférieur à 5,20 mmol/L ;

ENCADRÉ 14.38

Maladie de l’artère carotide (suite)

– atteindre un taux de C-LDL inférieur à 2 mmol/L si le client présente des facteurs de risque de maladie cardiovasculaire (tous les clients atteints d’une maladie de l’artère carotide sont susceptibles d’appartenir à cette catégorie), un diabète ou une néphropathie ; – atteindre des taux de triglycérides inférieurs à 1,70 mmol/L. • Atteindre une glycémie à jeun normale comprise entre 3,9 et 5,6 mmol/L. Si le client est diabétique, son taux d’HbA1C doit être proche de la normale ou inférieur à 6,5 %. • Instaurer une alimentation saine. Consommer moins de gras saturés et plus de fruits et de légumes. Incorporer des acides gras oméga-3 dans le schéma thérapeutique pour réduire les taux élevés de triglycérides. • Il est essentiel de faire régulièrement de l’exercice, au moins 150 minutes d’activité physique d’intensité modérée à élevée par séance d’au moins 10 minutes, et ce, chaque semaine (Société canadienne de physiologie de l’exercice, 2013). MÉDICAMENTS RECOMMANDÉS

• Aspirine (75 à 325 mg P.O. die) ou autres inhibiteurs des plaquettes. L’association d’acide acétylsalicylique et de dipyridamole à libération prolongée (AggrenoxMD) ainsi que le clopidogrel (PlavixMD) en monothérapie sont des options acceptables comme traitement antiplaquettaire initial.

• La classe thérapeutique des statines est recommandée pour diminuer de façon énergique les taux de lipides. • Les antihypertenseurs sont prescrits pour ramener la P.A. dans l’intervalle normal. INTERVENTIONS RECOMMANDÉES EN CAS DE MALADIE DE L’ARTÈRE CAROTIDE Personnes asymptomatiques

• Le traitement médical sans revascularisation est recommandé pour la sténose carotidienne de faible grade, dénie par un rétrécissement de l’artère carotide de moins de 60 % chez les clients asymptomatiques. • L’endartériectomie carotidienne et le traitement médical optimal sont recommandés en cas de sténose carotidienne supérieure à 60 % chez les clients asymptomatiques pour lesquels le risque opératoire est faible. Personnes symptomatiques

• Le traitement médical sans revascularisation est recommandé pour les sténoses carotidiennes de faible grade, dénies par une artère carotide rétrécie à moins de 50 %, chez les clients symptomatiques. • L’endartériectomie carotidienne et le traitement médical optimal sont recommandés pour une sténose carotidienne de plus de 50 % chez des clients symptomatiques.

14

Sources : Adapté de Adams, Albers, Alberts et al. (2008) ; Anderson, Grégoire, Hegele et al. (2013) ; Cheng, Woo, Booth et al. (2013) ; Goldstein, Bushnell, Adams et al. (2011) ; Hobson, Mackey, Ascher et al. (2008) ; Société canadienne de physiologie de l’exercice (2013)

14.12

Maladie thromboembolique veineuse

La maladie thromboembolique veineuse (MTEV) englobe deux affections connexes : la thrombose veineuse profonde (TVP) et l’embolie pulmonaire (EP). La TVP est caractérisée par la formation d’un thrombus (caillot sanguin) dans une grosse veine de la jambe ou du bassin et, dans de rares cas, dans une grosse veine du bras. Elle s’accompagne souvent d’une inammation, et donc d’une douleur, d’une sensibilité et d’une rougeur en regard du siège du thrombus. Ce dernier risque de migrer dans la circulation veineuse (MTEV) jusqu’à ce qu’il atteigne le lit vasculaire pulmonaire où il est susceptible de provoquer une EP, une hypertension pulmonaire, voire la mort (Geerts, Bergqvist, Pineo et al., 2008 ; Kearon, Akl, Comerota et al., 2012).

14.12.1 Étiologie La thrombose veineuse est une maladie multifactorielle qui survient chez 1,5 personne sur 1 000 chaque année (Bonow et al., 2012). Les personnes hospitalisées aux soins critiques sont exposées à des facteurs de risque additionnels de MTEV : interventions effractives, immobilité et inammation vasculaire. Les facteurs suivants prédisposent également à la MTEV : vieillissement, obésité, trauma, lésions

de la moelle épinière, cancer évolutif, chirurgie lourde, grossesse, antécédents familiaux, insufsance cardiaque et septicémie (Wakeeld, Myers, Henke et al., 2008). Chez les femmes, l’incidence de la MTEV est semblable à celle observée chez les hommes ; cela dit, le risque de MTEV est accru chez celles qui suivent une HTS ou qui prennent la pilule contraceptive. Les troubles de la coagulation et les états d’hypercoagulabilité héréditaires, qui sont désignés collectivement par l’expression thrombophilie héréditaire, prédisposent les personnes qui en sont atteintes aux thromboses et les exposent à un risque accru de TVP (Chan & Shorr, 2010 ; Heit, 2008 ; Tapson, 2008). Pour les personnes hospitalisées aux soins critiques, l’incidence de la TVP varie de 28 à 32 %, et elle varie de 60 à 70 % dans les sous-groupes ayant subi un trauma ou un AVC (Chan & Shorr, 2010). Les trois principaux facteurs qui prédisposent à la MTEV forment ce qui est habituellement nommé la triade de Virchow : 1) stase veineuse ; 2) lésions endothéliales ; 3) état d’hypercoagulabilité. Selon les théories élaborées sur le rôle joué par l’inammation, cette dernière viendrait s’ajouter à ce prol de risque triple (Chan & Shorr, 2010 ; Tapson, 2008). Habituellement, pour qu’une thrombose survienne, il faut qu’au moins deux éléments de la triade de Virchow soient présents. En général, au moins un facteur de risque de thrombose veineuse est présent chez les personnes hospitalisées aux soins critiques. Il est à noter que l’incidence de la MTEV aiguë est Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

455

19 1 Le chapitre 19, Troubles respiratoires, décrit l’étiologie, les manifestations cliniques et les examens paracliniques, de même que les traitements médicaux et les soins inrmiers qui concernent l’embolie pulmonaire. 19 2 Dans le chapitre 19, Troubles respiratoires, les manifestations cliniques ainsi que les examens paracliniques conrmant le diagnostic d’embolie pulmonaire sont présentés.

environ 100 fois plus élevée chez les personnes hospitalisées que dans la population générale (Heit, 2008). En outre, l’incidence de la TVP augmente avec l’âge et accroît considérablement le risque d’EP mortelle 19 1 .

14.12.2 Manifestations cliniques et examens paracliniques Survenant parfois de façon insidieuse, la TVP demeure silencieuse dans de nombreux cas. La douleur qui y est parfois associée est décrite comme une douleur persistante ou des élancements qui sont exacerbés par la marche. La présence du signe de Homans (douleur dans le mollet à la dorsiexion du pied) vient alimenter les soupçons de TVP ; toutefois, ce signe n’est pas un marqueur able de cette maladie. Lorsque la TVP touche une veine du bras, celui-ci ene complètement. Parmi les autres manifestations cliniques de la TVP gurent une rougeur s’accompagnant d’un œdème du membre touché, une hausse de la température de la peau, une dilatation des veines supercielles ainsi que l’apparition d’une peau marbrée et d’une cyanose qui dénotent une stase veineuse. Chez les personnes hospitalisées aux soins critiques, les symptômes de la TVP peuvent souvent passer inaperçus en raison de l’intubation, de la sédation et de l’altération de la conscience (Chan & Shorr, 2010).

Échographie veineuse et dosage des D-dimères Lorsque la présence d’une TVP est soupçonnée, une échographie veineuse est généralement réalisée pour évaluer le degré d’occlusion de la veine touchée (Moll, 2008). Cet examen non effractif permet à lui seul de conrmer la présence d’une TVP lorsque le thrombus est volumineux et que la veine peut être visualisée aisément. En revanche, lorsque les résultats obtenus ne sont pas concluants, il est possible d’avoir recours au dosage des D-dimères pour conrmer le diagnostic. Cet examen consiste à mesurer le taux de D-dimères (produits spéciques de dégradation de la brine) dans le sérum. S’il est vrai que ce dernier est un marqueur thrombotique doté d’une grande sensibilité, il reste que sa spécicité est faible. En effet, un taux élevé de D-dimères dénote effectivement la présence de thrombus, mais ne donne aucun indice sur la localisation de ces derniers. Il faut alors recourir à l’échographie pour déterminer le siège de la TVP. En somme, l’association de l’échographie veineuse et du dosage des D-dimères se révèle être une démarche diagnostique utile et très efcace (Moll, 2008 ; Tapson, 2008). Lorsque le taux de D-dimères est normal, la possibilité d’une TVP (ou d’un autre type de thrombose) peut généralement être écartée.

Diagnostic d’embolie pulmonaire L’embolie pulmonaire (EP) peut être suspectée en présence d’une MTEV. Il est alors pertinent de

456

Partie 2

Système cardiovasculaire

surveiller les manifestations cliniques de l’EP. Pour ce faire, plusieurs examens paracliniques peuvent être utilisés, notamment l’analyse des gaz sanguins artériels, le dosage des D-dimères, l’ECG, la radiographie thoracique et l’échocardiographie 19 2 . Cependant, en l’absence d’affections concomitantes, la scintigraphie ventilation-perfusion suft généralement pour poser le diagnostic d’EP. D’ailleurs, lorsque les résultats de cet examen sont normaux, la possibilité d’une EP aiguë peut être écartée sans l’ombre d’un doute (Moll, 2008).

14.12.3 Traitements médicaux Prévention de la maladie thromboembolique veineuse Chez les personnes en bonne santé, la marche suft à elle seule à faciliter le retour veineux et à prévenir la stase veineuse, laquelle favorise les thromboses. Il est toutefois nécessaire d’instaurer une thromboprophylaxie pour les personnes qui sont dans un état critique et qui sont exposées à un risque élevé de MTEV (Chan & Shorr, 2010). Il s’agit d’une thromboprophylaxie anticoagulante à l’aide d’HNF à faible dose ou à dose ajustée, d’héparine de bas poids moléculaire ou d’anticoagulants oraux (Piazza & Goldhaber, 2006 ; Soins de santé plus sécuritaires maintenant ! [SSPSM], 2008) TABLEAU 14.16. La warfarine est habituellement utilisée dans le traitement de la thrombose veineuse, de l’EP et de la FA. L’utilisation de la compression pneumatique intermittente est également une méthode prophylactique efcace pour les clients à faible risque (McLeod & Geerts, 2011). Pour les personnes qui sont dans un état critique et qui sont immobilisées malgré elles en raison de la gravité de leur état, l’utilisation concomitante de la compression pneumatique intermittente et d’une prophylaxie pharmacologique est fréquemment recommandée, notamment pour le client à risque très élevé. Enn, l’échographie des membres inférieurs pour le client séjournant aux soins intensifs peut être préconisée pour détecter les clients qui souffrent d’une MTEV.

Soins et traitements prodigués après l’établissement d’un diagnostic de maladie thromboembolique veineuse Au début, le traitement passe par l’alitement, la surélévation du membre touché et l’administration d’une anticoagulothérapie. Il comprend aussi l’administration d’analgésiques destinés à atténuer la gêne ressentie par la personne.

Anticoagulothérapie L’anticoagulothérapie vise à prévenir la survenue d’autres épisodes de thrombose. Avant d’instaurer un tel traitement, il convient de discuter des risques et des bienfaits auxquels il est associé avec le client et ses proches. Durant un épisode aigu de MTEV, le traitement consiste en l’administration d’héparine par voie I.V. ou d’une héparine de bas poids moléculaire par

Pharmacothérapie TABLEAU 14.16

Prophylaxie de la maladie thromboembolique veineuse POSOLOGIEa

INDICATIONSb

5 000 unités, S.C., b.i.d. ou t.i.d.

Chirurgie générale, chirurgie orthopédique, chirurgie thoracique, neurochirurgie

Daltéparine (FragminMD)

2 500 ou 5 000 unités, S.C., die

Chirurgie générale, chirurgie orthopédique

Énoxaparine (LovenoxMD)

30 ou 40 mg, S.C., die

Chirurgie générale, chirurgie oncologique, chirurgie orthopédique, neurochirurgie

Nadroparine (FraxiparineMD)

2 850 unités, S.C., die

Chirurgie générale, chirurgie orthopédique

Tinzaparine (InnohepMD)

3 500 unités, S.C., die

Chirurgie générale, chirurgie orthopédique,

MÉDICAMENT

Héparine non fractionnée Héparine sodique Héparine de bas poids moléculaire

Antithrombotique synthétique Fondaparinux (ArixtraMD)

14 2,5 mg, S.C., die

Chirurgie générale, chirurgie orthopédique

Dabigatran (PradaxMD)

220 mg, P.O., die

Chirurgie orthopédique

Rivaroxaban (XareltoMD)

10 mg, P.O., die

Chirurgie orthopédique

Apixaban (EliquisMD)

2,5 mg, P.O., b.i.d.

Chirurgie orthopédique

Anticoagulants oraux

a Les

posologies diffèrent selon l’intervention (médicale ou chirurgicale) et selon l’état clinique du client.

b Les

usagers médicaux admis alités peuvent recevoir une thromboprophylaxie à base d’anticoagulants en injection ou de façon méc anique. Sources : Adapté de Falck-Ytter, Francis, Johanson et al. (2012) ; Gould, Garcia, Wren et al. (2012) ; Piazza & Goldhaber (2006) ; Soins de santé plus sécuritaires maintenant ! (2008)

voie S.C. Par la suite, un anticoagulant oral comme la warfarine peut être administré. Pour prévenir une récurrence de la MTEV, un antiplaquettaire comme l’acide acétylsalicylique est ajouté au plan thérapeutique. Cependant, les antiagrégants plaquettaires ne permettent pas à eux seuls de prévenir la MTEV (Geerts et al., 2008 ; Kearon et al., 2012). Pour l’anticoagulothérapie P.O., il est également possible d’opter pour le rivaroxaban (inhibiteur direct du facteur Xa) (XareltoMD) (Geerts et al., 2008). Les antithrombotiques mentionnés ci-dessus permettent de prévenir la formation de nouveaux thrombus, mais ils ne provoquent pas la lyse des thrombus existants. En principe, la thrombolyse est réservée au traitement des EP massives. Par ailleurs, il faut évaluer soigneusement le risque d’hémorragie chez les clients qui suivent une anticoagulothérapie en les soumettant fréquemment à des examens hématologiques (TCA ou RNI). De plus, il convient de procéder à la recherche de sang occulte dans les selles et l’urine, et d’inspecter les gencives à la recherche d’un saignement. Enn, il faut pratiquer toute aspiration endotrachéale avec précaution et vérier s’il y a du sang dans les sécrétions aspirées. Une fois que le client est sur pied, il faut lui recommander le port de bas de contention élastiques taillés sur mesure (Kearon et al., 2012).

Si le client se plaint d’être en proie à une dyspnée ou à des douleurs thoraciques, ou si l’inrmière observe de tels symptômes, elle l’examine immédiatement an d’évaluer le risque d’EP. L’anticoagulothérapie est indiquée dans la plupart des cas ; toutefois, en cas de risque d’EP (cancer, troubles hémorragiques ou lésion de la moelle épinière), il est parfois nécessaire d’opter pour un traitement chirurgical prophylactique (embolectomie veineuse ou insertion percutanée d’un ltre dans la veine cave inférieure) (Tapson, 2008).

Soins et traitements inrmiers Les soins et traitements inrmiers consistent principalement à prévenir la TVP chez le client en situation critique de santé ENCADRÉ 14.39 . Les interventions inrmières réalisées auprès des personnes atteintes de TVP sont les suivantes : mise au repos du membre touché, prévention des complications de la MTEV et surveillance de l’anticoagulothérapie. Les soins et traitements inrmiers prodigués aux personnes atteintes d’une MTEV englobent plusieurs problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 14.40 A . Chapitre 14

A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux problèmes découlant d’une maladie thromboembolique veineuse sont expliqués, selon le problème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers.

Troubles cardiovasculaires

457

Pratique fondée sur des résultats probants ENCADRÉ 14.39

Prévenir la maladie thromboembolique veineuse

Les lignes directrices suivantes sont les recommandations de l’American Association of Critical-Care Nurses et de la campagne canadienne pour des Soins de santé plus sécuritaires maintenant ! Elles sont issues du guide pratique sur la prévention de la maladie thromboembolique veineuse : • Évaluer chaque client au moment de son admission à l’unité des soins critiques pour dépister les facteurs de risque de MTEV et prévoir les prescriptions pour la prophylaxie de la MTEV fondée sur l’évaluation du risque. • L’admissibilité clinique et les schémas thérapeutiques pour la prophylaxie de la MTEV sont : – pour le client à risque modéré (client malade ou postopératoire), administration d’HNF à faible dose, d’héparine de bas poids moléculaire ou de fondaparinux (ArixtraMD) ; – pour le client à risque élevé (en cas de trauma majeur, de lésions de la moelle épinière ou de chirurgie orthopédique), administration d’héparine de bas poids moléculaire, de fondaparinux ou d’un antagoniste de la vitamine K (p. ex., la warfarine [CoumadinMD]) P.O. ;

– pour le client à risque élevé de saignements, utilisation de la prophylaxie mécanique, soit les bas de contention élastiques ou les dispositifs de compression pneumatique intermittente ; – la combinaison des traitements prophylactiques pharmacologique et mécanique peut être envisagée. • Effectuer une révision quotidienne, avec le médecin et durant les tournées interdisciplinaires, des facteurs de risque de MTEV de chaque client, y compris le statut clinique, la nécessité d’un cathéter veineux central, le statut actuel de la prophylaxie de la MTEV, le risque de saignements et la réponse au traitement. • Optimiser la mobilité du client et prendre des mesures pour réduire la durée d’immobilisation du client en raison des effets du traitement (p. ex., la douleur, la sédation, le blocage neuromusculaire, la ventilation mécanique). • S’assurer que les dispositifs de prophylaxie mécanique sont ajustés adéquatement et utilisés en tout temps, sauf lorsqu’ils sont retirés pour le nettoyage ou l’inspection de la peau.

Sources : Adapté de American Association of Critical-Care Nurses (2010) ; Soins de santé plus sécuritaires maintenant ! (2008)

Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 14.40

Maladie thromboembolique veineuse

• Anxiété liée à une menace contre l’intégrité biologique, psychologique ou sociale PSTI A.6 • Décit de compréhension lié à une absence d’exposition préalable à l’information PSTI A.8 • Douleur aiguë liée à la transmission et à la perception d’impulsions cutanées, viscérales, musculaires ou ischémiques PSTI A.14

Permettre l’activité physique Avant, certains croyaient qu’il fallait limiter le degré d’activité physique des personnes atteintes de TVP an de prévenir la migration des thrombus. Selon de récentes études qui vont dans le même sens que la dernière mise à jour des lignes directrices sur le traitement, durant la phase aiguë, dès qu’une anticoagulothérapie a été instaurée, il n’est pas nécessaire de limiter les autosoins et il faut encourager la personne à recommencer progressivement à marcher (Kearon et al., 2012). Par contre, si l’œdème et la douleur sont importants, certaines restrictions peuvent s’appliquer. L’inrmière peut également faire des exercices de mobilisation sollicitant les membres qui ne sont pas touchés par la TVP. Elle lui demande de ne pas plier les genoux et de ne pas

458

Partie 2

Système cardiovasculaire

• Intolérance à l’activité liée à une immobilité prolongée ou à un déconditionnement PSTI A.21 • Sentiment d’impuissance lié à une perception de manque de contrôle sur la situation actuelle ou sur l’aggravation de la maladie PSTI A.32

engager ses hanches, car ces mouvements entravent le retour veineux. Il est recommandé de lui prescrire des bas de contention élastiques taillés sur mesure. Le temps qui doit s’écouler avant que la personne qui a subi un épisode de TVP puisse reprendre des activités normales (p. ex., la marche) en toute sécurité n’est pas xé de façon précise. Habituellement, elle y est autorisée dès que les symptômes ont cédé et qu’un doppler a conrmé l’absence de signes de TVP dans le membre touché. Là encore, les stratégies de prévention sont indispensables, car la personne n’est pas à l’abri d’une récurrence de la TVP. En général, celles qui sont les plus efcaces consistent à favoriser le lever précoce après la chirurgie ou d’autres types d’intervention et à éviter l’alitement.

Réduire le risque d’embolie pulmonaire Il faut surveiller de près les personnes atteintes de MTEV en demeurant à l’affût du moindre signe d’embolie pulmonaire (EP) et leur demander de signaler immédiatement les symptômes suivants : douleur thoracique, dyspnée, hémoptysie et tachypnée. Les facteurs de risque de MTEV sont presque identiques à ceux de l’EP. Le port d’un dispositif de compression pneumatique externe, le port de bas de contention élastiques et l’administration d’héparine à faible dose pour les personnes immobilisées en raison de leur état clinique sont souvent utilisés (Geerts et al., 2008 ; Kearon et al., 2012 ; Tapson, 2008) 19 .

la stase veineuse et de stimuler la circulation sanguine. Si le client suit une anticoagulothérapie, l’inrmière discutera avec lui des risques et des bienfaits associés à un tel traitement, ainsi que des risques de MTEV et d’EP. De plus, elle lui demande de lui signaler l’apparition de douleurs thoraciques, d’une dyspnée (essoufflement) ou d’une dé tresse respiratoire ENCADRÉ 14.41. Pour qu’une personne hospitalisée aux soins critiques qui est prédisposée à la MTEV reçoive des soins efcaces, elle doit être conée à une équipe interdisciplinaire de professionnels de la santé qui sont au fait des dernières recommandations cliniques ENCADRÉ 14.42.

19 Les soins et traitements de l’embolie pulmonaire sont décrits dans le chapitre 19, Troubles respiratoires.

Surveiller la coagulation La surveillance de la coagulation consiste à effectuer tous les jours des examens hématologiques : TCA si la personne reçoit de l’héparine par voie I.V. et RNI si elle prend de la warfarine (Hirsch et al., 2006). Dans les lignes directrices de pratique clinique de l’American College of Clinical Pharmacology, les recommandations relatives à la surveillance systématique de la coagulation dans le cadre du traitement par une héparine de bas poids moléculaire se limitent à la mesure du taux d’anti-Xa chez les femmes enceintes ; cela dit, il se pourrait qu’elles soient un jour élargies à toutes les personnes qui suivent un tel traitement (Hirsch et al., 2006). L’inrmière demeure à l’affût des signes d’hémorragie et traite tout symptôme sans tarder. Si le client est dans un état critique, elle surveille quotidiennement son taux d’hémoglobine et son hématocrite, et elle procède à la recherche de sang occulte dans ses selles. Puisque la thrombocytopénie induite par l’héparine peut survenir de 5 à 14 jours après le début du traitement à l’héparine, les plaquettes doivent également être surveillées, notamment en présence d’une baisse des plaquettes sous la barre des 100 x 109/L ou de 50 % par rapport à la valeur initiale (Bonow et al., 2012). Il convient aussi de réduire au minimum le risque de blessures évitables. Enfin, si le client est conscient, il faut lui conseiller d’utiliser une brosse à dents souple et un rasoir électrique, s’il y a lieu.

Informer le client et ses proches L’enseignement donné à toute personne qui est immobilisée aux soins critiques fait une large place à la prévention de la MTEV, quelle que soit la durée de l’immobilisation, et porte notamment sur la thromboprophylaxie axée sur l’activité physique, comme le lever précoce après une chirurgie majeure, le port d’un dispositif de compression pneumatique externe (jambières pneumatiques) et l’administration d’héparine à faible dose. L’enseignement donné aux personnes qui ont reçu un diagnostic de TVP porte avant tout sur la nécessité de reconnaître les symptômes qu’il faut signaler à un professionnel de la santé, sur la prévention des traumas du membre et sur la surélévation de ce dernier an de diminuer

Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 14.41

Maladie thromboembolique veineuse

L’inrmière aborde les sujets suivants. • Physiopathologie de la TVP. • Risque d’EP : nécessité de porter des bas de contention élastiques ou des dispo­ sitifs de compression pneu matique ; nécessité d’éviter les traumas des jambes et de signaler l’apparition de douleurs thora ciques, d’un essoufement

14

ou d’une augmentation de la fréquence respiratoire. • Pharmacothérapie : anticoagulants (hépa­ rine ou warfarine [CoumadinMD]) pour pré­ venir la formation d’autres thrombus au même endroit ; acide acétylsalicylique pour diminuer l’agrégation plaquettaire.

Pratique fondée sur des résultats probants ENCADRÉ 14.42

Maladie thromboembolique veineuse

RÉSUMÉ DES RECOMMANDATIONS RELATIVES À LA PRÉVENTION DE LA MTEV FONDÉES SUR DES RÉSULTATS PROBANTS

Les recommandations suivantes sont étayées par des données probantes : • Chez les clients qui sont fortement prédisposés à la MTEV, il faut associer thromboprophylaxie médicamenteuse et thromboprophylaxie mécanique. – Il faut évaluer le risque de MTEV auquel est exposé tout client admis aux soins critiques. – La plupart des clients qui sont dans un état critique doivent recevoir une thromboprophylaxie. – La thromboprophylaxie ne doit en aucun cas se limiter à l’administration d’acide acétylsalicylique. • Thromboprophylaxie médicamenteuse : HNF à faible dose ou héparine de bas poids molé­ culaire par voie S.C., ou encore fondapa­ rinux ArixtraMD ou rivaroxaban XareltoMD.

• Lorsqu’un agoniste de la vitamine K (warfarine [CoumadinMD]) est utilisé, il faut cibler un RNI de 2,5 (intervalle cible : 2­3). • Thromboprophylaxie mécanique : port de bas de contention élastiques ou de dispositifs de compression pneumatique intermittente. • Parmi les clients fortement prédisposés à la MTEV gurent ceux qui subissent une chirur­ gie urologique par laparotomie, une chirurgie gynécologique ou une arthroplastie totale de la hanche ou du genou ; tous les clients qui ont subi un trauma et qui présentent au moins un facteur de risque de MTEV ; les clients hospitalisés recevant des soins mé­ dicaux qui ont une insufsance cardiaque ou respiratoire aiguë ; et les clients alités qui présentent au moins un facteur de risque de MTEV.

Source : Kearon, Akl, Comerota et al. (2012)

Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

459

14.13

Urgences hypertensives aiguës

Jadis appelées crises hypertensives ou hypertension maligne, les urgences hypertensives aiguës sont relativement rares : elles surviennent chez moins de 1 % des clients hypertendus. Cependant, elles engagent le pronostic vital, et il est essentiel de les diagnostiquer et de les traiter immédiatement an de réduire au minimum le risque de morbidité et de mortalité. Grâce aux nombreuses classes d’antihypertenseurs actuellement sur le marché, il est possible de les traiter efficacement aux soins critiques. Les urgences hypertensives aiguës engagent donc le pronostic vital, car elles s’accompagnent d’un risque de souffrance viscérale. Les organes cibles sont le cœur (IDM aigu), le cerveau (AVC) et les reins (insufsance rénale). Il est donc essentiel de les diagnostiquer et de les traiter immédiatement an de réduire au minimum le risque de morbidité et de mortalité.

14.13.1 Étiologie Les urgences hypertensives aiguës peuvent survenir chez des personnes qui n’ont pas d’antécédents d’hypertension ; chez les personnes hypertendues, elles peuvent être déclenchées par un traitement inadéquat ou par la non-adhésion au traitement. Chez les personnes qui n’ont pas d’antécédents d’hypertension, les facteurs étiologiques des urgences hypertensives aiguës sont les suivants : • Insufsance rénale aiguë ; • Événements aigus touchant le SNC : une hypertension accompagne souvent les hémorragies sous-arachnoïdiennes, les hémorragies intracrâniennes et les AVC ; • Dissection aortique aiguë : la dissection est souvent précédée d’une hypertension ; • Éclampsie : vasoconstriction artérielle importante qui accroît la P.A. et diminue l’apport sanguin au placenta ; • Phéochromocytome : tumeur surrénalienne dont les cellules sécrètent de l’adrénaline, de la noradrénaline ainsi que des catécholamines, lesquelles provoquent une élévation de la P.A. • Hypertension liée à l’usage de drogues illicites, en particulier la cocaïne et les amphétamines ; • Interactions médicament-aliments : réaction hypertensive à la consommation d’aliments ou de boissons contenant de la tyramine (fromages vieillis, bière) ou au traitement par un inhibiteur de la monoamine-oxydase, ce qui est rare de nos jours, car des classes d’antidépresseurs autres que les inhibiteurs de la monoamine-oxydase sont utilisées dans la plupart des cas.

460

Partie 2

Système cardiovasculaire

14.13.2 Physiopathologie Bien souvent, le facteur déclenchant des urgences hypertensives aiguës n’est pas connu. La plupart du temps, ces élévations soudaines de la P.A. surviennent chez des personnes hypertendues et sont liées à l’hypertension sous-jacente. Les manifestations cliniques des urgences hypertensives aiguës sont présentées dans le TABLEAU 14.17.

14.13.3 Manifestations cliniques et examens paracliniques Les urgences hypertensives aiguës peuvent se manifester par n’importe lequel des symptômes suivants (selon l’organe cible) : • Retentissement sur le SNC, se traduisant par des céphalées, une vision brouillée, une altération de l’état de conscience ou un coma ; • Retentissement cardiovasculaire, se traduisant par des douleurs thoraciques liées à un SCA ou à une dissection aortique ; • Insufsance rénale aiguë, se traduisant par un arrêt brutal de la diurèse (anurie) ; • Hypersécrétion de catécholamines. L’aggravation des symptômes peut dénoter une encéphalopathie hypertensive. Les examens paracliniques indiqués sont la mesure de la P.A. aux deux bras. D’ailleurs, la surveillance étroite de la P.A. est habituellement faite à l’aide d’un cathéter artériel). Il faut également effectuer un ECG à la recherche de signes d’IDM aigu ou d’hypertrophie ventriculaire gauche.

14.13.4 Traitements médicaux Urgences hypertensives aiguës Les urgences hypertensives aiguës se caractérisent par une augmentation aiguë de la P.A.D. au-delà de 130 mm Hg, accompagnée de complications comme une dysfonction imminente ou évolutive d’un organe cible (Hypertension Canada, 2014). Les urgences hypertensives aiguës avec risque de dommages à un organe cible exigent l’hospitalisation du client à l’unité de soins critiques de manière à pouvoir lui administrer un traitement antihypertensif par voie I.V. et pour surveiller continuellement sa P.A. par cathéter artériel. Plusieurs médicaments appartenant à diverses classes thérapeutiques peuvent être administrés par voie I.V. pour diminuer rapidement la P.A. Idéalement, les médicaments doivent être adaptés au cas précis. Le nitroprussiate de sodium est souvent le premier médicament administré pour faire baisser la P.A. en cas d’urgence hypertensive aiguë. Son utilité vient du fait que sa demi-vie est de quelques secondes. Il ne convient pas à une utilisation à long terme en raison de la formation de métabolites dotés d’une

TABLEAU 14.17

Urgence hypertensive aiguë

SYMPTÔMES

CAUSES POSSIBLES

Retentissement cardiovasculaire Douleurs thoraciques

Angine instable, IDM, dissection aortique

Insufsance cardiaque aiguë

IDM, hypertension grave

Hypertension secondaire à une chirurgie vasculaire

Résection d’un anévrisme aortique, endartériectomie carotidienne, pontage aortocoronarien

Retentissement sur le système nerveux central Œdème papillaire

Élévation de la pression intracrânienne (masse intracrânienne), hypertension maligne (toutes causes confondues)

Céphalées, agitation, léthargie, confusion

Encéphalopathie hypertensive (toutes causes confondues), hémorragie sous-arachnoïdienne, AVC

Coma

AVC, encéphalopathie hypertensive à un stade avancé, trauma, tumeur

Convulsions

Encéphalopathie hypertensive à un stade avancé, tumeur du SNC, éclampsie, AVC (peu fréquent)

Décit neurologique focal

AVC, tumeur du SNC, encéphalopathie hypertensive

Insufsance rénale aiguë

Hypertension maligne, vasculite, sclérodermie, glomérulonéphrite

Hypersécrétion de catécholamines

Phéochromocytome, interaction des inhibiteurs de la monoamine-oxydase avec certains médicaments et certains aliments, arrêt brutal d’un traitement antihypertenseur par la clonidine (CatapresMD, DixaritMD) ou d’un bêtabloquant

toxicité comparable à celle du cyanure (Feldstein, 2007 ; Marik & Varon, 2007 ; Papadopoulos et al., 2010 ; van den Born, Beutler, Gaillard et al., 2011). Les bêtabloquants à courte durée d’action efcace sont le labétalol et l’esmolol (BréviblocMD). Les bêtabloquants sont particulièrement bénéques en cas de dissection aortique. L’administration I.V. d’énalapril (VasotecMD), un IECA, réduit la P.A. des clients atteints d’insufsance cardiaque. La NTG est un vasodilatateur prescrit aux clients souffrant d’hypertension et d’une douleur thoracique. Les clients atteints de dysfonction rénale peuvent recevoir du fénoldopam (non commercialisé au Canada), un antagoniste des récepteurs de la dopamine pour diminuer la P.A. et augmenter le débit sanguin vers les reins (Feldstein, 2007 ; Papadopoulos et al., 2010 ; Slama & Modeliar, 2006). L’hydralazine (Apresoline MD) est l’agent I.V. de choix en cas d’éclampsie, car elle ne traverse pas la barrière placentaire. La nicardipine (CardeneMD), un bloqueur des canaux calciques, et le labétalol, un antagoniste mixte alpha-bêta, sont moins susceptibles de diminuer le débit sanguin cérébral ; ils ont été employés

14

pour traiter des clients dont le SNC était atteint (Feldstein, 2007 ; Marik & Varon, 2007 ; Papadopoulos et al., 2010). La phentolamine (RogitineMD), un antagoniste alpha, est utilisée pour les clients présentant une poussée paroxystique liée à un phéochromocytome (Elliott, 2006 ; Feldstein, 2007). Des combinaisons des agents susmentionnés sont parfois plus efcaces dans la maîtrise de l’hypertension. Le furosémide (LasixMD), un diurétique administré par voie I.V., est protable aux clients qui font de la rétention liquidienne (Papadopoulos et al., 2010 ; Slama & Modeliar, 2006 ; van den Born et al., 2011). Les objectifs initiaux du traitement des urgences hypertensives aiguës permettent de réduire la pression artérielle moyenne d’un maximum de 20 à 25 % pendant une période de plusieurs minutes à quelques heures (Slama & Modeliar, 2006 ; Varon, 2008). La variabilité dépend de l’organe cible af fecté. Lorsque le cerveau est l’organe cible, l’hypoperfusion cérébrale peut se produire si la P.A. diminue trop rapidement. Les lignes directrices liées au traitement d’un AVC ne préconisent pas de réduire brusquement la P.A. Si cette dernière est trop élevée, l’objectif est de la réduire la P.A.

Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

461

15 Les médicaments vasodilatateurs et les agents précis utilisés sont décrits plus en détail dans le chapitre 15, Approche thérapeutique du système cardiovasculaire.

de 25 % tout au plus (Tulman, Stawicki, Papadimos et al., 2012). La P.A. baisse spontanément pendant les 10 premiers jours suivant un AVC (Slama & Modeliar, 2006). Pour le client atteint d’une coronaropathie et victime d’une urgence hypertensive aiguës, il est absolument nécessaire de maintenir une P.A.D. adéquate pour permettre le remplissage de l’artère coronaire (Elliott, 2006 ; Papadopoulos et al., 2010). Si le traitement vasodilatateur réduit excessivement la pression diastolique – pendant le remplissage de l’artère coronaire –, une ischémie du myocarde peut s’ensuivre (Chobanian et al., 2003). Pour savoir jusqu’à quel point il faut diminuer la P.A. dans une situation d’urgence hypertensive aiguë, il ne suft pas de lire les valeurs afchées sur le moniteur relié au cathéter artériel du client ; en effet, il faut évaluer la pathologie sous-jacente et apprécier les exigences physiologiques de l’organe cible affecté 15 .

Soins et traitements inrmiers A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux problèmes qui découlent des urgences hypertensives aiguës sont détaillés, selon le problème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers.

Les soins et traitements inrmiers prodigués aux personnes qui ont une urgence hypertensive aiguë visent essentiellement à ramener la P.A. dans l’intervalle cible en évitant toute complication liée au traitement. Dès que l’hypertension est maîtrisée, il appartient à l’inrmière de déceler les facteurs étiologiques de cette crise qui met en jeu le pronostic vital. Les urgences hypertensives aiguës sont associées à plusieurs problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 14.43 A . Durant la phase aiguë, l’inrmière surveille étroitement la personne à la recherche de manifestations cliniques d’une atteinte neurologique, cardiaque ou rénale (Slama & Modeliar, 2006). L’atteinte neurologique peut se manifester par de la confusion, une

stupeur, des convulsions, un coma ou un AVC. Quant à l’atteinte cardiaque, elle peut se manifester par une dissection aortique, une ischémie myocardique ou une arythmie. Enn, comme les signes d’atteinte rénale (insufsance rénale aiguë) n’apparaissent pas immédiatement, il faut surveiller la diurèse, le taux sanguin d’urée et la créatininémie pendant plusieurs jours pour déterminer si l’urgence hypertensive aiguë a eu des répercussions sur les reins. Si la personne prend des antihypertenseurs à courte durée d’action par voie I.V., l’inrmière surveille étroitement sa P.A. Si un antihypertenseur puissant comme le nitroprussiate de sodium ou le labétalol lui est prescrit, la mise en place d’un cathéter artériel s’avère nécessaire, de même que l’utilisation d’une pompe à perfusion pour l’administration de ces médicaments (Chobanian et al., 2003).

Informer le client et ses proches Durant la phase aiguë d’une urgence hypertensive aiguë, l’inrmière se contente d’expliquer à la personne pourquoi il est nécessaire de surveiller sa P.A. et à quoi servent les appareils et les instruments utilisés aux soins critiques. Dès que l’urgence hypertensive aiguë a été traitée, l’enseignement doit porter essentiellement sur les modications que la personne doit apporter à son mode de vie an de corriger ses facteurs de risque. L’inrmière insiste notamment sur le fait que l’hypertension est un facteur de risque de maladie athéroscléreuse du cœur, du cerveau et du système artériel périphérique. Le risque cardiovasculaire associé à l’hypertension est expliqué en détail au début du présent chapitre. Les principaux sujets à aborder avec le client sont énumérés dans l’ENCADRÉ 14.44, et les modalités de la prise en charge des urgen ces hypertensives aigües sont présentées dans l’ENCADRÉ 14.45.

Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 14.43

• • • •

462

Partie 2

Urgences hypertensives aiguës

Anxiété liée à une menace contre l’intégrité biologique, psychologique ou sociale Décit de compréhension lié à une absence d’exposition préalable à l’information Risque d’hypoperfusion cérébrale PSTI A.26 Risque d’hypoperfusion des tissus périphériques PSTI A.28

Système cardiovasculaire

PSTI A.6 PSTI A.8

Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 14.44

Urgences hypertensives aiguës

L’inrmière aborde les sujets suivants. • Physiopathologie des urgences hypertensives aiguës. • Pressions artérielles normales et anormales. • Automonitorage de la P.A. à domicile. • Lien entre l’hypertension et d’autres maladies athérosclé­ reuses comme les coronaropathies, les artériopathies péri­ phériques (AP) et les maladies vasculaires cérébrales. • Signes avant­coureurs d’une « crise cardiaque » ou d’un IDM. • Signes avant­coureurs d’une « attaque cérébrale » ou d’un AVC. • Signes avant­coureurs d’une claudication intermittente ou d’une AP. • Modication des facteurs de risque : après un épisode aigu, si la cause de la maladie de l’artère carotide est une athéro­ sclérose, un prol individuel de modication des facteurs

de risque (pour chaque client) doit être mis au point ; il faut alors discuter avec lui des stratégies suivantes : réduction de la consommation quotidienne de matières grasses (cible : moins de 30 % des calories consommées au total) ; réduc­ tion du taux de cholestérol total et du taux de C­LDL (cible : moins de 2 mmol/L) ; abandon du tabagisme ; réduction de la consommation de sodium ; maîtrise de l’hypertension ; traitement du diabète (si le client est diabétique) ; intensi­ cation du degré d’activité physique ; atteinte et maintien d’un poids idéal. • Médicaments : antihypertenseurs, justication et effets secondaires. • Liste des signes et des symptômes à signaler à un profes­ sionnel de la santé. • Soins de suivi après la sortie de l’hôpital.

14

Pratique fondée sur des résultats probants ENCADRÉ 14.45

Urgences hypertensives aiguës

DÉFINITION

Une urgence hypertensive aiguë est une élévation excessive de la P.A. diastolique (P.A.D. supérieure à 130 mm Hg) compliquée par un risque d’atteinte organique ou un retentissement organique graduel. RECOMMANDATIONS

• Il est recommandé de repérer rapidement les cas d’urgence hypertensive aiguë au service de l’urgence et de les trans­ férer à l’unité des soins critiques. • Les urgences hypertensives aiguës commandent une surveil­ lance continue de la P.A. • Le recours à des antihypertenseurs par voie I.V. est recom­ mandé pour abaisser la P.A. (il ne s’agit pas nécessairement de la ramener à la normale) an de prévenir ou de limiter le retentissement organique. • L’objectif thérapeutique initial est de réduire la P.A. de 25 % tout au plus. Il s’agit, par exemple, de ramener la P.A. sys­ tolique à 160 mm Hg et la P.A. diastolique à une valeur comprise entre 100 et 110 mm Hg dans les 2 à 6 heures qui suivent l’hospitalisation (Tulman, Stawicki, Papadimos et al., 2012). • Il est recommandé d’abaisser la P.A. progressivement an de prévenir une ischémie cérébrale, coronarienne ou rénale. • Il est déconseillé de traiter une urgence hypertensive aiguë par un médicament susceptible de faire chuter rapidement la P.A. C’est pour cette raison que l’utilisation de la nifédi­ pine (AdalatMD) à courte durée d’action (par voie sublinguale ou I.V.) n’est pas approuvée.

• Il faut continuer d’abaisser graduellement la P.A. au cours des 24 à 48 heures qui suivent l’hospitalisation. SITUATION PARTICULIÈRE : HYPERTENSION ET AVC ISCHÉMIQUE AIGU

• La stratégie qui consiste à abaisser rapidement la P.A. chez les personnes qui sont hospitalisées à la suite d’un AVC ischémique n’est pas étayée par des données cliniques probantes. • En présence d’AVC, une baisse excessive de la P.A. doit être évitée an de ne pas exacerber l’ischémie cérébrale. Par contre, les cibles de traitement visées en cas d’hypertension et d’AVC dépendent du traitement de la thrombolyse. • Si le client n’est pas admissible à la thrombolyse, le traitement de l’hypertension artérielle en aigu ne devrait pas être envisagé systématiquement. Il faut alors viser la réduction de la P.A. d’environ 15 % en présence d’une P.A.S. supérieure à 220 mm Hg ou d’une P.A.D. supérieure à 120 mm Hg. La P.A. ne doit pas être diminuée de plus de 25 % au cours des 24 premières heures, et la baisse de la P.A. se fera graduellement par la suite. • Pour le client admissible à la thrombolyse, la P.A. de­ vrait être traitée en même temps (Canadian Stroke Strategy, 2013). • Dans tous les cas, il faut surveiller étroitement le client à la recherche de signes de détérioration de sa fonction neurologique liée à l’abaissement de la P.A.

Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

463

ENCADRÉ 14.45

Urgences hypertensives aiguës (suite)

SITUATION PARTICULIÈRE : HYPERTENSION ET DISSECTION AORTIQUE

• En cas de dissection aortique, il faut ramener la P.A. sys­ tolique sous la barre des 100 à 120 mm Hg, à condition qu’une telle valeur soit tolérée (Bonow et al., 2012) PRESSION CIBLE

• Dans tous les cas, le traitement a pour objectif d’atteindre une P.A. inférieure ou égale à 140/90 mm Hg avant la n

de l’hospitalisation. Il faudra administrer à certains clients un traitement antihypertenseur P.O. pour qu’ils puissent atteindre cette cible. • En cas d’hypertension et de diabète, la P.A. cible est inférieure ou égale à 130/80 mm Hg. Presque tous les clients atteints de telles affections devront prendre des antihypertenseurs P.O. pour atteindre cette cible, et bon nombre d’entre eux devront prendre pas moins de deux agents de cette classe.

Source : Chobanian, Bakris, Black et al. (2003) ; Programme éducatif canadien sur l’hypertension artérielle (2014)

À RETENIR • Le nombre de personnes atteintes de maladies cardiovasculaires au Canada continue d’augmenter.

pressions pulmonaires, entraînant une insufsance cardiaque droite et, nalement, un décès.

• Des recherches et des progrès cliniques considérables ont permis de clarier le diagnostic et la prise en charge de nombreuses pathologies cardiaques.

• Les traitements médicaux sont axés sur la pharmacothérapie et la prévention des complications.

• L’athérosclérose fournit un lien commun entre les coronaropathies, les maladies aortiques athéroscléreuses, les artériopathies périphériques et les maladies de l’artère carotidienne. Les stratégies d’approche et de prise en charge des facteurs de risque sont les mêmes pour toutes ces maladies. • L’infarctus du myocarde (IDM) aigu, l’anévrisme de l’aorte, la dissection aortique et l’accident vasculaire cérébral (AVC) embolique représentent les manifestations aiguës de l’évolution chronique de ces maladies. • L’insufsance cardiaque est une conséquence de lésions du muscle cardiaque résultant d’un IDM, d’une cardiomyopathie, d’une valvulopathie ou de l’hypertension. • L’hypertension pulmonaire est une augmentation progressive et persistante des

464

Partie 2

Système cardiovasculaire

• Les soins et les traitements inrmiers incluent la prise en charge des symptômes, l’enseignement au client sur la pharmacothérapie ou les soins du point d’accès intraveineux (I.V.) et la mise en place de systèmes de soutien élargis. • L’endocardite est une infection de l’endocarde, des valves cardiaques ou des deux. • La pharmacothérapie exige un traitement antibiotique I.V. prolongé. Certains clients doivent subir une excision de la valve atteinte pour éradiquer l’infection. • Les soins et les traitements infirmiers incluent la surveillance de l’aggravation des symptômes ainsi que l’enseignement au client concernant la nécessité d’un traitement médicamenteux à long terme et les soins du point d’accès I.V. • Les valvulopathies sont des anomalies structurales et fonctionnelles des valves cardiaques.

• Les traitements médicaux incluent une pharmacothérapie pour maîtriser les symptômes et des interventions chirurgicales pour réparer ou remplacer les valves atteintes. • Les soins et les traitements inrmiers incluent l’ajustement des médicaments pour améliorer le débit sanguin à travers les valves atteintes, la surveillance des symptômes du client et de ses réponses au traitement ainsi que la planification des activités de soins du client pour prévenir la fatigue. • Les maladies aortiques résultent généralement d’une athérosclérose évolutive et de l’hypertension. Cela inclut l’anévrisme et la dilatation locale de la paroi, ainsi que la dissection aortique dans laquelle les couches vasculaires sont séparées par du sang. • Les traitements médicaux dépendent des symptômes et des paramètres hémodynamiques. Une chirurgie correctrice s’impose en cas d’anévrisme de plus de 5 cm de largeur. Une dissection aiguë exige une maîtrise immédiate de l’hypertension et de la douleur, et une correction chirurgicale si la dissection touche l’aorte ascendante.

• Les soins et les traitements inrmiers consistent à surveiller les changements de l’état cardiovasculaire, à administrer des médicaments pour réduire de façon substantielle la pression artérielle (P.A.) et à soulager la douleur. • Les artériopathies périphériques incluent les maladies veineuses chroniques et les changements artériels aigus. • Les traitements médicaux visent à maîtriser ou à éliminer les facteurs de risque, à offrir une prise en charge pharmacologique incluant des vasodilatateurs, des anticoagulants et des antiplaquettaires ; ils comprennent des interventions chirurgicales faisant intervenir une an gioplastie, la mise en place d’une endoprothèse ou un pontage vasculaire. • Les soins inrmiers incluent l’évaluation des pouls, le maintien de l’intégrité cutanée et le soulagement de la douleur.

• Les maladies de l’artère carotide entraînent l’obstruction du principal système d’irrigation artériel vers le cerveau. • Les traitements médicaux consistent à limiter les risques et, lorsque l’obstruction est supérieure à 60 %, à effectuer une endartériectomie chirurgicale. • Les soins et les traitements inrmiers incluent la surveillance de l’évaluation neurologique ainsi que l’enseignement au client et à sa famille au sujet des symptômes d’un AVC. • La maladie thromboembolique veineuse (TVP) inclut aussi bien la thromboembolie périphérique que l’embolie pulmonaire (EP) avec formation d’un caillot et obstruction des gros vaisseaux. • Les traitements médicaux concernent surtout la prévention et les traitements anticoagulants.

• Les soins et les traitements inrmiers visent la prévention, l’aide à la reprise des activités dès que possible chez les clients gravement malades et le monitorage des effets de l’anticoagulation. • L’urgence hypertensive aiguë se dénit par une augmentation aiguë de la pression artérielle diastolique (P.A.D.) au-delà de 130 mm Hg et peut inclure des symptômes d’atteinte du système nerveux central (SNC) ou du système cardiovasculaire, une insufsance rénale aiguë ou un excès de catécholamines. • Les traitements médicaux consistent à employer les médicaments adéquats pour réduire initialement la pression artérielle d’un maximum de 20 à 25% en plusieurs heures. • Les soins et les traitements inrmiers sont axés sur le monitorage étroit des symptômes grâce à l’utilisation judicieuse des médicaments antihypertenseurs.

Chapitre 14

Troubles cardiovasculaires

465

chapitre

15

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire Écrit par : Joni L. Dirks, MS, RN-BC, CCRN Julie M. Waters, MS, RN, CCRN Adapté par : Mireille Villeneuve, inf., M. Sc., IPSC

L

e nombre de personnes atteintes de problèmes cardiovasculaires a certes diminué de façon importante au cours de la dernière décennie (de plus de 40 %), mais les problèmes cardiovasculaires ont été responsables d’environ 30 % des décès au pays en 2008 (Statis­ tique Canada, 2011). Ainsi, les troubles cardiovasculaires constituent la principale cause d’hos­ pitalisation au Canada et engendrent des coûts ayant un impact considérable sur l’économie canadienne (Agence de la santé publique du Canada, 2009). Les dés sont majeurs puisque les clients atteints de problèmes cardiovasculaires sont souvent âgés, cumulent généralement plus de un facteur de risque et peuvent être atteints de plusieurs comorbidités associées. L’hypertension artérielle, la dyslipidémie, le tabagisme, le diabète et l’obésité en sont quelques exemples. Bien que la pierre angulaire des soins inrmiers se situe dans la prévention, les troubles cardiovasculaires touchent plusieurs personnes, et celles­ci doivent être traitées de façon opti­ male. Les avancées technologiques sont remarquables et visent l’amélioration constante de la qualité des soins et de la sécurité des clients. L’inrmière en soins critiques a une connaissance appropriée des troubles cardiovasculaires et sait comment utiliser la technologie, tout en en comprenant le contexte d’application. Il s’agit d’assurer la surveillance des clients, d’offrir des soins sécuritaires et d’être en mesure de donner de l’enseignement aux clients et à leurs proches, de les rassurer et de répondre à leurs questions.

15.1

Stimulateurs cardiaques

Les stimulateurs cardiaques sont des dispositifs électroniques utilisés pour stimuler le rythme cardiaque lorsque l’activité électrique intrinsèque du cœur ne parvient pas à générer une fréquence de battements sufsante pour soutenir le débit cardiaque (D.C.). Ces dispositifs peuvent être employés de façon temporaire, à titre de soins de soutien ou de prophylaxie, jusqu’à la résolution du problème responsable du trouble de la conduction ou du rythme. Leur implantation permanente est également possible si l’état du client persiste en dépit d’un traitement adéquat. L’utilisation de stimulateurs cardiaques permanents comme dispositifs de traitement s’est répandue de façon importante au cours de la dernière décennie (Kalahasty & Ellenbogen, 2009). Le présent chapitre traite plus en détail des stimulateurs cardiaques temporaires, puisqu’il est de la responsabilité de l’inrmière en soins critiques de prévenir, d’évaluer et de prendre en charge les défaillances de ce type d’appareil. Par ailleurs, les stimulateurs cardiaques permanents font l’objet d’un bref exposé, et les similarités avec les stimulateurs temporaires sont mentionnées au besoin.

15.1.1

Stimulateurs cardiaques temporaires

Indications Le stimulateur cardiaque temporaire est indiqué lorsque la cause de la perturbation du rythme cardiaque est aiguë et réversible ENCADRÉ 15.1. Le rythme cardiaque peut être perturbé pour plusieurs raisons, notamment dans les cas d’ischémie myocardique, d’infarctus du myocarde (IDM), de déséquilibres électrolytiques ou de chirurgie cardiaque. Bien qu’elle soit généralement utilisée sur une courte période, la stimulation temporaire apporte des bénéces similaires à ceux d’un stimulateur permanent (Olshansky, 2013).

Après une chirurgie cardiaque, la stimulation temporaire est parfois choisie an d’améliorer le D.C. ou de pallier un problème du système de conduction électrique. Généralement, les troubles de la conduction qui surviennent après une chirurgie valvulaire peuvent être pris en charge efcacement par une stimulation temporaire.

Indications à visée diagnostique Les indications de la stimulation temporaire à des ns diagnostiques sont en constante évolution. Des chercheurs réalisent des études électrophysiologiques (EEP) dans les laboratoires de cathétérisme cardiaque équipés de matériel de stimulation spécialisé. Durant une EEP, des sondes munies d’électrodes de stimulation sont utilisées pour diagnostiquer le risque d’arythmie cardiaque chez un client (Bosen, 2010). Les électrodes permettent d’induire une arythmie chez le client ayant une tachyarythmie symptomatique récurrente afin qu’un médecin évalue les causes liées au déclenchement de l’arythmie. D’ailleurs, lorsque la tachyarythmie est réfractaire au traitement antiarythmique traditionnel, l’ablation par radiofréquence du tissu responsable peut être réalisée efcacement et en toute sécurité au laboratoire d’électrophysiologie. Après que le foyer d’origine de l’arythmie a été localisé par cartographie, de courtes rafales de courants de radiofréquence sont acheminées par cathéter de façon à détruire le tissu ciblé par la chaleur. Il a été démontré que l’ablation constitue un traitement efcace chez le client atteint de tachycardie supraventriculaire (TSV) symptomatique par réentrée ou due à une voie de conduction accessoire, tel le syndrome de Wolff-Parkinson-White (Colucci, Silver & Shubrook, 2010 ; Mainigi, Almutik, Figueredo

ENCADRÉ 15.1

Indications thérapeutiques L’objectif du traitement dans le cas d’une bradyarythmie est d’accroître la fréquence ventriculaire et, par le fait même, le D.C. La stimulation temporaire peut être utilisée dans le traitement de la bradycardie symptomatique ou du bloc AV progressif qui survient à la suite d’une ischémie myocardique, d’un surdosage médicamenteux ou de la prise d’une substance toxique illicite. La stimulation antitachycardique peut également être employée pour ralentir une fréquence ventriculaire ou supraventriculaire rapide. Cette stimulation rapide du cœur (c.-à-d. la stimulation antitachycardique) vise à réduire une fréquence cardiaque excessive (notamment en raison d’un foyer arythmogène ectopique) en permettant au stimulateur naturel du cœur de reprendre le contrôle de la fréquence cardiaque.

15

Indications pour la stimulation cardiaque temporaire

Bradyarythmies • Bloc auriculoventriculaire (AV) de deuxième degré (type II) ou de troisième degré • Bradycardie sinusale et arrêt sinusal • Maladie du nœud sinusal (ou maladie du sinus)

Défaillance du stimulateur cardiaque permanent Soutien du D.C. après une chirurgie cardiaque Examen paraclinique • Étude électrophysio­ logique (EEP)

Tachyarythmies • Tachyarythmie supraventriculaire • Tachyarythmie ventriculaire Source : Adapté de Olshansky (2013) Chapitre 15

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

467

et al., 2012). L’ablation par cathéter peut également être utilisée comme stratégie thérapeutique chez certains clients atteints de brillation auriculaire (FA) (Wann, Curtis, January et al., 2011). Les électrogrammes intracardiaques – enregistrements de l’activité électrique du cœur obtenus grâce aux électrodes de stimulation – peuvent fournir des renseignements utiles pour poser le diagnostic. L’auriculogramme est un enregistrement amplié de l’activité auriculaire obtenu au moyen d’une électrode de stimulation auriculaire ou d’une électrode œsophagienne insérée dans une capsule et d’un électrocardiographe standard. Il peut aussi être effectué après une chirurgie cardiaque pour faciliter le diagnostic d’arythmie supraventriculaire lorsqu’un l épicardique auriculaire temporaire a été installé (Preuss & Wiegand, 2011).

Systèmes de stimulation cardiaque Un système de stimulation cardiaque consiste en un simple circuit électrique composé d’un générateur d’impulsions et d’une sonde de stimulation (l électrique isolé) munie d’électrodes.

Générateurs d’impulsions Le générateur d’impulsions est conçu pour percevoir l’activité électrique spontanée du client et pour produire un courant électrique qui se propage le long de la sonde de stimulation placée en contact direct avec le cœur. Dès que le générateur détecte l’absence de dépolarisation spontanée du cœur, le générateur produit une impulsion qui se rend jusqu’au tissu myocardique. Dès lors, le courant cherche à revenir au générateur d’impulsions an de compléter le cycle. Dans le cas d’un générateur d’impulsions temporaire, la source d’énergie est une pile alcaline standard de neuf volts insérée dans le générateur. Dans les stimulateurs cardiaques permanents implantés, il s’agit généralement d’une pile au lithium à longue durée de vie (non rechargeable).

Sondes de stimulation La sonde de stimulation peut être bipolaire ou unipolaire. Dans le cas d’un système bipolaire, deux électrodes (positive et négative) forment une seule sonde qui peut être insérée dans l’oreillette ou dans le ventricule. Ces électrodes sont rattachées aux bornes correspondantes du générateur d’impulsions (positive et négative) par un câble de raccordement. L’électrode distale, ou négative, est située à l’extrémité de la sonde de stimulation et se trouve en contact direct avec le cœur. Quant à l’électrode positive, elle est positionnée à environ 1 cm au-dessus de l’électrode négative. Ainsi, en l’absence d’une activité électrique spontanée du cœur, le générateur d’impulsions envoie un courant qui est acheminé par la sonde de stimulation jusqu’au tissu cardiaque FIGURE 15.1. Une sonde épicardique est souvent utilisée pour la stimulation temporaire après une chirurgie cardiaque. La sonde épicardique bipolaire, qui comporte deux ls isolés distincts (une électrode négative et

468

Partie 2

Système cardiovasculaire

une autre positive), est insérée dans la cavité du cœur à la n de la chirurgie. Habituellement, une sonde sert à la stimulation auriculaire et une autre à la stimulation ventriculaire. Les deux électrodes de chaque sonde sont en contact direct avec le tissu myocardique, de telle sorte que l’une ou l’autre peut être utilisée comme électrode négative. Dans le cas d’un stimulateur endoveineux, la sonde est insérée dans le ventricule droit. Lorsque la sonde est unipolaire (épicardique ou endoveineuse), une seule électrode (négative) se trouve en contact direct avec le myocarde, et le générateur d’impulsions constitue l’électrode positive. Bien qu’elle soit encore utilisée aujourd’hui avec des stimulateurs cardiaques permanents, la sonde de stimulation unipolaire est moins fréquemment employée avec des stimulateurs cardiaques temporaires. Dans le cas d’un stimulateur cardiaque permanent, l’électrode positive peut correspondre au boîtier métallique du générateur d’impulsions implanté sous la peau FIGURE 15.2. Dans le cas d’une sonde épicardique unipolaire temporaire, l’électrode positive est formée par un bout de l d’acier chirurgical suturé dans le tissu sous-cutané du thorax. En raison de la distance relativement importante entre les électrodes négative et positive du système de stimulation unipolaire, le champ balayé par celuici est plus étendu ; sa capacité de détection s’avère donc supérieure à celle du système bipolaire. Toutefois, cette même caractéristique rend le système unipolaire plus susceptible de détecter les signaux parasites tels que les artéfacts électriques créés par les contractions musculaires normales (c.-à-d. les myopotentiels) ou par les interférences électromagnétiques (IEM), ce qui peut entraîner une inhibition inadéquate des impulsions du stimulateur. Ce problème devient plus préoccupant dans le cas des stimulateurs permanents, où le boîtier du générateur d’impulsions peut faire partie du circuit électrique. Comme le boîtier est situé près d’une masse musculaire importante, le mouvement du haut du corps peut entraîner la détection erronée de myopotentiels (Stone, Salter & Fisher et al., 2011).

Voies de stimulation Plusieurs voies de stimulation sont possibles pour les stimulateurs cardiaques temporaires ENCADRÉ 15.2. Les stimulateurs permanents utilisent habituellement la voie endoveineuse, mais lorsqu’une thoracotomie est indiquée, comme dans le cas d’une chirurgie cardiaque, le médecin peut choisir d’insérer une sonde de stimulation épicardique permanente. La stimulation cardiaque transcutanée utilise deux grandes électrodes cutanées qui sont collées sur la peau. Le placement des électrodes est généralement antéropostérieur, c’est-à-dire que l’une est placée sur le thorax (à l’apex) et l’autre, sur le dos (vis-à-vis de l’apex). Toutefois, une électrode peut également être placée au niveau pectoral droit et l’autre, à l’apex. Dans les deux cas, les électrodes sont reliées à un générateur d’impulsions externe. Il s’agit d’une intervention non

15

FIGURE 15.1 Composantes d’une sonde endoveineuse bipolaire temporaire. A Générateur d’impulsions temporaire monochambre. B Câble de raccordement. C Sonde de stimulation. D Gros plan de l’extrémité de la sonde de stimulation.

technologie de transmission des stimulus et la mise au point de coussinets d’électrodes de grande taille qui aident à disperser l’énergie ont contribué à réduire la douleur associée à la stimulation des muscles et des nerfs cutanés. Le client pourrait néanmoins ressentir une douleur pouvant nécessiter une analgésie, particulièrement lorsqu’un degré d’énergie plus élevé est requis pour entraîner une contraction myocardique. Cette voie de stimulation est généralement utilisée pour le traitement à court terme, jusqu’à la résolution du problème ou jusqu’à ce qu’une autre voie de stimulation puisse être mise en place.

ENCADRÉ 15.2 FIGURE 15.2 Composantes d’un système de stimulation unipolaire permanent.

effractive rapide que l’inrmière peut effectuer en situation d’urgence et qui est recommandée dans l’algorithme de la technique spécialisée de réanimation cardiorespiratoire pour le traitement de la bradycardie symptomatique qui ne répond pas à l’atropine (Neumar, Otto, Link et al., 2010). L’amélioration de la

Voies de stimulation temporaire

TRANSCUTANÉE En cas d’urgence, la stimulation cardiaque est obtenue en dépolarisant le cœur à travers le thorax en utilisant deux grandes électrodes cutanées. ÉPICARDIQUE Des électrodes de stimulation sont insérées dans l’épicarde au cours d’une chirurgie cardiaque. ENDOVEINEUSE Une électrode de stimulation est insérée dans une veine (généralement la veine jugulaire interne) jusqu’au ventricule droit.

Chapitre 15

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

469

13 Les cathéters Swan Ganz, parfois utilisés pour le monitorage de la pression artérielle pulmonaire, sont décrits dans le chapitre 13, Examens paracliniques du système cardiovasculaire.

L’insertion de sondes de stimulation épicardiques temporaires constitue désormais une intervention couramment pratiquée pendant la plupart des chirurgies cardiaques. Des sondes de stimulation ventriculaire et, dans de nombreux cas, auriculaire, sont insérées dans l’épicarde à la n de la chirurgie. Les ls de raccordement de ces sondes sont sorties à l’extérieur du corps avant la fermeture de l’incision. Si les deux cavités cardiaques comportent des sondes de stimulation, celles-ci émergeront au niveau sous-costal, à la droite du sternum dans le cas de la sonde auriculaire, et à la gauche du sternum s’il s’agit d’une la sonde ventriculaire. Ces sondes pourront être retirées quelques jours après la chirurgie en exerçant une légère traction à la surface de la peau, avec un risque minime de saignement (Mishra, Lenguel, Lakshmanan et al., 2010). La stimulation endoveineuse temporaire consiste à introduire une sonde de stimulation dans une veine, souvent la veine jugulaire interne ou sousclavière, jusqu’au ventricule droit (V.D.). La visualisation directe par radioscopie peut faciliter l’insertion. Dans certains cas, la sonde de stimulation est insérée dans un cathéter artériel pulmonaire, ou cathéter Swan Ganz, en utilisant une voie d’accès qui débouche au V.D. 13 .

Codication à cinq lettres Dans les années 1960, la terminologie concernant les stimulateurs cardiaques se limitait à la stimulation à fréquence xe et à la stimulation à la demande. Quant à la stimulation AV séquentielle, elle a été introduite au début des années 1970 ENCADRÉ 15.3. Ces termes sont toujours utiles pour comprendre le fonctionnement des stimulateurs cardiaques, mais l’évolution continuelle des fonctions des générateurs d’impulsions a rendu nécessaire la mise au point d’un système de classification plus précis. En 1974, l’Inter-Society Commission for Heart Disease a adopté un code de trois lettres pour décrire les divers modes de stimulation disponibles. Depuis, ce code a fait l’objet de plusieurs révisions, dont l’ajout de deux autres lettres correspondant aux caractéristiques de programmation et de stimulation multisites, pour reéter la mise au point des appareils

ENCADRÉ 15.3

Terminologie concernant les stimulateurs cardiaques

STIMULATION À FRÉQUENCE FIXE (ASYNCHRONE) Stimulation cardiaque à une fréquence xe déterminée qui survient sans détection, même dans le cas d’une dépolarisation myocardique spontanée. STIMULATION À LA DEMANDE (SYNCHRONE) Stimulation cardiaque uniquement lorsque la fréquence intrinsèque du cœur est inférieure à

470

Partie 2

la fréquence prédéterminée ; la stimulation est inhibée ou déclenchée par la détection de l’activité intrinsèque. STIMULATION AURICULOVENTRICULAIRE SÉQUENTIELLE (DOUBLE CHAMBRE) Stimulation de l’oreillette et du ventricule selon la séquence physiologique, avec un délai sufsant entre les deux stimulations pour permettre un remplissage ventriculaire adéquat.

Système cardiovasculaire

asservis ou qui offrent une stimulation à plus de un site à l’intérieur des oreillettes ou des ventricules. Le TABLEAU 15.1 décrit le code de cinq lettres généralement utilisé, qui inclut les trois lettres du code original (Bernstein, Daubert, Fletcher et al., 2002). Les trois lettres du code original correspondaient chacune à une catégorie. La première lettre désigne la cavité cardiaque stimulée. La deuxième lettre désigne la cavité où l’information est détectée, et la troisième lettre indique le mode de réponse du stimulateur à l’information détectée. Ces trois lettres sont utilisées pour décrire le mode de stimulation. Par exemple, en mode VVI, l’appareil stimule le ventricule lorsque le stimulateur ne détecte pas une dépolarisation ventriculaire intrinsèque ; toutefois, la détection d’une dépolarisation ventriculaire spontanée inhibe la stimulation du ventricule. En mode VOO, l’appareil stimule le ventricule à une fréquence xe et n’effectue aucune détection. En mode DDD, les sondes auriculaires et ventriculaires sont utilisées pour la stimulation et la détection. La stimulation est inhibée en réponse à l’activité détectée ; la détection d’une onde P dans l’oreillette inhibe l’onde de stimulation auriculaire, et la détection d’une onde R dans le ventricule inhibe l’onde de stimulation ventriculaire. La détection d’une onde P peut également déclencher la stimulation ventriculaire en cas de défaillance de la conduction normale par le nœud AV. Le TABLEAU 15.2 donne d’autres exemples de modes de stimulation temporaire. La stimulation physiologique a été traditionnellement utilisée pour décrire les modes selon lesquels la relation physiologique, ou séquentielle, entre la stimulation et la contraction des oreillettes et des ventricules est maintenue. La synchronisation AV augmente le volume dans le ventricule avant la contraction et aide à améliorer le D.C. Pour ce faire, la stimulation auriculaire peut être utilisée chez le client dont le système de conduction est intact, et la stimulation double chambre, en cas de défaillance de la conduction AV (c.-à-d. en cas de bloc AV). Plus récemment, la stimulation physiologique a évolué pour inclure également le maintien du synchronisme ventriculaire. Les stratégies pour atteindre cet objectif consistent à minimiser l’utilisation de la stimulation ventriculaire et à stimuler simultanément les ventricules droit et gauche (Kalahasty & Ellenbogen, 2009).

Réglages du stimulateur cardiaque Les réglages d’un stimulateur cardiaque temporaire doivent être bien compris an que la stimulation puisse être instaurée rapidement en cas d’urgence et que les problèmes liés à l’utilisation du stimulateur soient facilement résolus. Ces réglages sont principalement liés à la fréquence de stimulation, à la sensibilité de détection d’un inux spontané et à la puissance de stimulation.

Réglage de la fréquence Le réglage de la fréquence permet de déterminer le nombre d’impulsions transmises au cœur par minute

TABLEAU 15.1

Code international NASPE/BPEG

POSITION I : CAVITÉ(S) STIMULÉE(S)

POSITION II : SITE(S) DE DÉTECTION

POSITION III : MODE DE RÉPONSE

POSITION IV : FRÉQUENCE ADAPTABLE

POSITION V : STIMULATION MULTISITE

0 5 Aucune

0 5 Aucun

0 5 Aucun

0 5 Aucune

0 5 Aucune

A 5 Auriculaire

A 5 Auriculaire

T 5 Déclenché

R 5 Fréquence adaptable

A 5 Auriculaire

V 5 Ventriculaire

V 5 Ventriculaire

I 5 Inhibé

V 5 Ventriculaire

D 5 Double (A 1 V)

D 5 Double (A 1 V)

D 5 Double (T 1 I)

D 5 Double (A 1 V)

BPEG: British Pacing and Electrophysiology Group ; NASPE: North American Society of Pacing and Electrophysiology. Source : Adapté de Bernstein et al. (2002)

TABLEAU 15.2

Exemples de modes de stimulation temporaire

MODE DE STIMULATION

DESCRIPTION

15

Asynchrone AOO

Stimulation auriculaire, aucune détection

VOO

Stimulation ventriculaire, aucune détection

DOO

Stimulation auriculaire et ventriculaire, aucune détection

Synchrone AAI

Stimulation auriculaire, détection auriculaire, inhibition de la réponse aux ondes P détectées

VVI

Stimulation ventriculaire, détection ventriculaire, inhibition de la réponse aux complexes QRS détectés

DVI

Stimulation auriculaire et ventriculaire, détection ventriculaire ; inhibition de la stimulation auriculaire et ventriculaire en cas de détection de complexes QRS

DDD

Stimulation et détection auriculaires et ventriculaires ; réponses déclenchées ou inhibées par la détection d’une onde P ou d’une onde R

FIGURE 15.3. Ce nombre varie en fonction des besoins

physiologiques du client, mais il se situe généralement de 60 à 80 battements/minute (batt./min). Certains générateurs d’impulsions disposent de réglages particuliers pour la stimulation rapide qui permettent d’atteindre des fréquences allant jusqu’à 800 impulsions par minute. Ce réglage est habituellement utilisé pour convertir différentes tachyarythmies (p. ex., un utter auriculaire) en rythme sinusal (Bojar, 2011).

Réglage de la sensibilité Le réglage de la sensibilité sert à ajuster le stimulateur an qu’il décèle l’activité électrique intrinsèque du cœur. La sensibilité, ou seuil de perception, est mesurée en millivolts (mV) et détermine l’amplitude des signaux intracardiaques reconnus par le générateur. Si la sensibilité est réglée aux valeurs les plus basses (et donc les plus sensibles), par exemple à 0,5 mV, le stimulateur peut réagir aux signaux électriques cardiaques de faible puissance. Le seuil de perception est alors élevé. En revanche,

le réglage de la sensibilité aux valeurs les plus élevées (soit les moins sensibles, p. ex., 20 mV), ou mode asynchrone, fait en sorte que le stimulateur ne sera pas en mesure de détecter l’activité électrique intrinsèque et fonctionnera alors à une fréquence xe. Le seuil de perception se trouve donc diminué. Un indicateur de sensibilité (souvent une lumière) sur le générateur d’impulsions clignote chaque fois qu’une activité électrique intrinsèque est décelée (Kenny, 2005). Les générateurs d’impulsions peuvent être conçus pour détecter l’activité auriculaire ou ventriculaire, ou les deux.

Réglage de la puissance La puissance de stimulation détermine l’intensité du courant électrique, mesurée en milliampères (mA), qui sera transmis au cœur pour déclencher la dépolarisation. Le seuil de stimulation, qui correspond au point où la dépolarisation survient, est révélé par la réponse du myocarde à la stimulation (c.-à-d., la capture). Il peut être déterminé en augmentant graduellement la Chapitre 15

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

471

est généralement plus élevé. Pour éviter toute perte de stimulation, la puissance est généralement xée au double du seuil observé, parce que celui-ci a tendance à uctuer au l du temps. En fait, la formation de brose entre les ls et le myocarde, l’hyperkaliémie et l’ischémie myocardique sont des causes susceptibles de modier le seuil de stimulation, et elles s’avèrent fréquentes (Lemmer & Vlahakes, 2010). L’ENCADRÉ 15.4 explique comment mesurer et régler la sensibilité et la puissance d’un stimulateur cardiaque temporaire monochambre. Dans le cas d’un stimulateur double chambre, des réglages distincts sont utilisés pour déterminer les paramètres auriculaires et ventriculaires.

Autres réglages pour les stimulateurs double chambre

FIGURE 15.3 Générateurs d’impulsion temporaires. A Générateur d’impulsions double chambre. B Générateur d’impulsion monochambre.

puissance de stimulation jusqu’à la capture du rythme dans une proportion de 1:1. Bien que le seuil de stimulation nécessaire soit d’environ 1 mA lorsque l’électrode de stimulation est correctement positionnée, il

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 15.4

Régler un stimulateur cardiaque temporaire monochambre

OUVERTURE SÉCURITAIRE DU STIMULATEUR CARDIAQUE

MESURE DU SEUIL DE STIMULATION (OU PUISSANCE)

• Si le stimulateur est fermé, débrancher les pôles avant de l’ouvrir. • Régler le seuil de stimulation au minimum (0,1 mA). • Régler le seuil de perception au maximum (0,5 mV). • Rebrancher les pôles.

• Régler la fréquence du stimulateur à 10 battements de plus que la F.C. du client. • Observer le moniteur et augmenter graduellement l’intensité du courant électrique (mA). • Lorsque la capture du rythme est effective à 1:1, régler la puissance de stimulation au double de la valeur obtenue (mA).

MESURE DU SEUIL DE PERCEPTION (OU SENSIBILITÉ)

• Régler la fréquence du stimulateur à 10 battements de moins que la fréquence cardiaque (F.C.) du client. • Diminuer le seuil jusqu’à la disparition du voyant lumineux sur le boîtier, puis augmen­ ter légèrement le seuil, observer la présence du voyant lumineux et diviser la valeur obte­ nue (mV) par deux.

472

Partie 2

SÉCURITÉ DU RECOURS À STIMULATEUR CARDIAQUE TEMPORAIRE

• Régler la fréquence selon la situation clinique du client. • Assurer la sécurité du système. • Garder une pile de rechange à proximité. • Maintenir le générateur à vue.

Système cardiovasculaire

Le réglage de l’intervalle entre les stimulations auriculaire et ventriculaire (possible uniquement avec les stimulateurs double chambre) permet d’ajuster le délai entre la stimulation de l’oreillette et celle du ventricule. Cet intervalle est comparable à l’intervalle PR observé à l’ECG. Un réglage adéquat de cet intervalle entre 150 et 250 millisecondes (ms) préserve le synchronisme AV et permet d’obtenir un volume d’éjection systolique maximal et un meilleur D.C. Les stimulateurs temporaires à double chambre offrent aussi d’autres réglages pour l’utilisation en mode DDD. Outre la fréquence de base qui correspond à la fréquence minimale programmée des impulsions, la fréquence limite supérieure correspond à la fréquence ventriculaire la plus rapide du stimulateur cardiaque en réponse à l’activité auriculaire détectée. Ce réglage est nécessaire pour empêcher la stimulation cardiaque en réponse à une tachycardie auriculaire. Par ailleurs, le paramètre de la durée de l’impulsion, qui peut être réglé de 0,05 à 2 ms, contrôle le laps de temps pendant lequel l’impulsion est transmise au cœur. De plus, la période réfractaire auriculaire, qui peut être programmée entre 150 et 500 ms, correspond à la durée pendant laquelle, après la détection ou la stimulation d’une activité ventriculaire, le stimulateur ne pourra réagir à une autre activité auriculaire. Enn, la plupart des appareils sont munis d’un bouton d’urgence permettant de déclencher rapidement une stimulation asynchrone (DOO) en cas d’urgence. Sur tous les modèles de stimulateurs cardiaques temporaires, le bouton marche/arrêt est doté d’un dispositif de sécurité qui prévient l’interruption accidentelle de la stimulation. De plus, les générateurs sont habituellement dotés d’un dispositif de verrouillage qui empêche les changements involontaires des réglages sélectionnés.

Ondes de stimulation Chaque client porteur d’un stimulateur cardiaque temporaire doit faire l’objet d’une surveillance continue par monitorage cardiaque ou par télémétrie. Le spicule de stimulation correspond à l’onde de stimulation observée sur le tracé ECG lorsque le stimulateur émet une impulsion. Durant la stimulation

15

FIGURE 15.4 Exemples de stimulation. A Stimulation auriculaire. B Stimulation ventriculaire. C Stimulation double chambre. Chaque astérisque représente une impulsion du stimulateur.

auriculaire, une onde P est visible après le spicule FIGURE 15.4A. De même, pendant la stimulation ventriculaire, un complexe QRS (généralement élargi) est observable après l’artéfact de stimulation FIGURE 15.4B. Dans le cas des stimulateurs double chambre, un spicule précède l’onde P et le complexe QRS FIGURE 15.4C. Il est intéressant de noter que tous les battements stimulés ne se ressemblent pas. Par exemple, le spicule produit par une électrode de stimulation unipolaire est plus profond que celui généré par une sonde bipolaire FIGURE 15.5. Le complexe QRS des battements stimulés apparaît différemment à l’ECG, selon l’emplacement de l’électrode de stimulation. Si cette dernière est placée dans le V.D., un aspect bloc de branche gauche est observé à l’ECG, alors qu’on note un aspect bloc de branche droit si le ventricule gauche (V.G.) est stimulé, notamment avec un stimulateur cardiaque permanent.

Défaillances du stimulateur cardiaque La plupart des défaillances des stimulateurs cardiaques peuvent être classées comme des anomalies de stimulation ou de détection.

Anomalies de stimulation Les problèmes de stimulation peuvent comprendre un échec du stimulateur à transmettre l’impulsion, une fréquence inadéquate de stimulation ou une impulsion qui ne parvient pas à dépolariser le cœur.

Si l’impulsion n’est pas transmise par le stimulateur, le spicule de stimulation disparaît, même si la F.C. intrinsèque du client est inférieure à la fréquence réglée sur le stimulateur FIGURE 15.6. Ce phénomène peut survenir de façon intermittente ou continue et peut être attribué à une défaillance du générateur d’impulsions ou de sa pile, à une connexion lâche entre certaines des composantes du système de stimulation, à un bris du l conducteur ou à l’inhibition de la stimulation résultant d’une IEM. Le resserrement des connexions, le remplacement de la pile ou du générateur d’impulsions ou encore l’éloignement de la source d’IEM pourraient rétablir le bon fonctionnement du stimulateur. Une fréquence de stimulation inadéquate peut parfois être observée. Par exemple, lorsque la pile d’un stimulateur permanent est presque épuisée, la fréquence de stimulation diminue graduellement. Une fréquence de stimulation inadéquate peut entraîner une tachycardie causée par le stimulateur cardiaque. Ce phénomène survient habituellement lorsque des signaux parasites sont détectés par un stimulateur double chambre dont le mode de réponse est déclenché, par exemple en mode DDD. La tachycardie peut être maîtrisée en plaçant un aimant au-dessus du générateur an de suspendre temporairement la détection (Crossley, Poole, Rozner et al., 2011). Si l’impulsion est émise par le stimulateur, mais qu’elle n’entraîne pas une dépolarisation du Chapitre 15

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

473

FIGURE 15.5 Stimulation bipolaire et unipolaire. A Spicule de stimulation bipolaire. B Spicule de stimulation unipolaire.

FIGURE 15.6 Défaillance du stimulateur cardiaque : échec de détection et de stimulation. A Client porteur d’un stimulateur endoveineux étendu sur le côté gauche. Échec immédiat de détection et de stimulation lié au déplacement de la sonde (c.-à-d. absence de spicules de stimulation à l’électrocardiogramme). La fréquence cardiaque du client est extrêmement faible en l’absence de soutien par le stimulateur. B Lorsque l’inrmière tourne le client sur le côté droit, l’électrode endoveineuse se déplace et entre en contact avec la paroi du ventricule droit, ce qui résout le problème de détection.

11 Les périodes réfractaires (effective et relative) du système de conduction sont dénies dans le chapitre 11, Anatomie et physiologie du système cardiovasculaire.

474

Partie 2

myocarde, un spicule de stimulation sera observé à l’ECG, mais ne sera pas suivi comme prévu par une onde P ou un complexe QRS, en fonction de la cavité cardiaque stimulée FIGURE 15.7. Cette perte de capture est le plus souvent attribuable au déplacement de l’électrode de stimulation ou à une augmentation de la valeur seuil de la décharge électrique nécessaire pour entraîner la dépolarisation du myocarde à la suite d’un traitement médicamenteux, d’un trouble métabolique, d’un déséquilibre électrolytique, d’une brose ou d’une ischémie myocardique au site de positionnement de l’électrode. Dans de nombreux cas, l’augmentation de la puissance de stimulation (en mA) rétablit la capture. Dans le cas des sondes endoveineuses, le fait de tourner le client sur le côté gauche ou sur le côté droit peut améliorer le contact de l’électrode et rétablir la capture.

Système cardiovasculaire

Anomalies de détection Les anomalies de détection comprennent la sousdétection et la surdétection. | Sous-détection | La sous-détection correspond à l’incapacité du stimulateur cardiaque à détecter les dépolarisations spontanées du myocarde. Une sousdétection entraîne la compétition entre les complexes stimulés et la F.C. intrinsèque du client, d’où l’apparition de spicules inopportuns. Ce dysfonctionnement se manifeste à l’ECG par des spicules de stimulation observés après un complexe spontané ou sans lien avec les complexes spontanés FIGURE 15.8. La sousdétection peut entraîner la transmission d’impulsions pendant une période réfractaire relative du cycle de dépolarisation cardiaque 11 . Une stimulation ventriculaire transmise durant la pente

FIGURE 15.7 Défaillance du stimulateur cardiaque : échec de capture. Stimulation auriculaire et capture observées après les ondes de stimulation 1, 3, 5 et 7. Les autres décharges du stimulateur ne sont pas capturées par le tissu, ce qui entraîne la perte de l’onde P, l’absence de conduction aux ventricules et d’onde de pression artérielle. Chaque astérisque correspond à une impulsion du stimulateur.

15

FIGURE 15.8 Défaillance du stimulateur cardiaque : sous-détection. Après les deux premiers battements stimulés, une série de battements intrinsèques est observée ; le stimulateur ne détecte pas ces complexes QRS intrinsèques. Les impulsions ne sont pas capturées par le ventricule, car elles surviennent durant la période réfractaire du cycle cardiaque. Chaque astérisque correspond à une impulsion du stimulateur. En particulier, les troisième et quatrième spicules sont inappropriés.

descendante de l’onde T (phénomène R/T) constitue un réel danger, car elle peut provoquer une arythmie fatale. L’inrmière détermine rapidement la cause et la corrige par des mesures appropriées. Souvent, la cause est un manque de détection due à une amplitude (hauteur) inadéquate des ondes P ou R. Lorsque c’est le cas, la situation peut rapidement être corrigée en augmentant la sensibilité, c’est-à-dire en la réglant aux valeurs les plus faibles. D’autres causes possibles comprennent la sélection d’un mode inapproprié (asynchrone), le déplacement ou le bris de l’électrode, une connexion lâche et une défaillance du générateur d’impulsions. | Surdétection | La surdétection est observée lorsque des signaux électriques parasites sont détectés et qu’ils occasionnent une inhibition des stimulations. La source de ces signaux électriques peut aller d’ondes T pointues hautes et étroites à une IEM dans l’environnement de soins critiques. Comme la plupart des générateurs d’impulsions temporaires sont programmés pour une stimulation à la demande, une surdétection se traduit par des pauses inexpliquées

à l’ECG lorsque des signaux parasites sont détectés et qu’ils inhibent la stimulation. Dans la plupart des cas, la diminution de la sensibilité (en allant vers 20 mV) met n à ces pauses. Dans le cas des stimulateurs permanents, un aimant peut être placé audessus du générateur an de rétablir la stimulation dans un mode asynchrone, jusqu’à ce que les changements adéquats puissent être apportés aux réglages du générateur.

Traitements médicaux Le médecin détermine la voie de stimulation en fonction de l’état clinique du client. La stimulation transcutanée est généralement utilisée dans les situations d’urgence, jusqu’à ce qu’une sonde endoveineuse puisse être installée. Si le client doit subir une chirurgie cardiaque, des sondes épicardiques peuvent être mises en place à la n de l’intervention. Le médecin place la ou les sondes épicardiques ou endoveineuses et les repositionne au besoin. Le positionnement choisi pour les électrodes peut limiter les modes de stimulation parmi lesquels le médecin Chapitre 15

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

475

pourra choisir ultérieurement. Par exemple, pour une stimulation double chambre, des sondes doivent être placées dans le ventricule et l’oreillette. Toutefois, en cas d’urgence, l’intervention vise à assurer la stimulation ventriculaire, et la mise en place d’une sonde auriculaire pourrait ne pas être possible. Après la mise en place des sondes, il convient de régler la sensibilité et la puissance du stimulateur, d’en choisir la fréquence et le mode de stimulation et d’évaluer la réponse du client à la stimulation.

Soins et traitements inrmiers Les responsabilités de l’inrmière quant aux soins à prodiguer à un client ayant un stimulateur temporaire sont associées à diverses analyses et interprétations des données et peuvent être réparties en quatre principaux groupes : 1) évaluation et prévention des défaillances du stimulateur cardiaque ; 2) protection contre les microchocs ; 3) prévention des complications telles que les infections ; 4) enseignement au client et à ses proches. L’inrmière maîtrise bien les modes de fonctionnement de plus en plus perfectionnés des stimulateurs temporaires ou permanents. Elle est informée des derniers progrès technologiques an de pouvoir interpréter correctement le fonctionnement du stimulateur et ainsi prodiguer en toute sécurité des soins efcaces au porteur d’un tel dispositif.

Prévenir les défaillances du stimulateur cardiaque temporaire Une surveillance continue par monitorage cardiaque est essentielle pour repérer rapidement les défaillances du stimulateur cardiaque temporaire et y remédier adéquatement. La sonde de stimulation temporaire et le câble de raccordement doivent être bien xés au corps du client avec du ruban adhésif an de prévenir le déplacement accidentel de l’électrode, ce qui pourrait se traduire par un échec de la stimulation ou de la détection. En soins critiques, il est relativement rare qu’un client soit sufsamment autonome pour se déplacer ; toutefois, pour un client mobile, le générateur d’impulsions externe peut être porté à la taille à l’aide d’une courroie ou placé dans un sac de transport. Si le client doit demeurer alité, le générateur d’impulsions peut être suspendu à l’aide d’un ruban extrafort à un support pour perfusion intraveineuse (I.V.) xé au plafond. De cette façon, on évite que des tensions soient exercées sur la sonde lorsque le client est déplacé (dans la mesure où la longueur du câble de raccordement est sufsante) et l’on empêche une chute accidentelle du générateur d’impulsions. L’inrmière vérie à chaque début de quart de travail que les connexions entre les ls et le générateur d’impulsions sont bien xées. Des piles et des générateurs d’impulsions de remplacement doivent toujours être disponibles dans l’unité, et une pile de rechange doit toujours se trouver à proximité du

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Partie 2

Système cardiovasculaire

générateur, au chevet du client. Même si la durée de vie escomptée de la pile est de un mois, la prudence exige de la remplacer après qu’un stimulateur a fonctionné continuellement pendant plusieurs jours. Les générateurs plus récents émettent un avertissement de pile faible 24 heures avant que celle-ci soit complètement épuisée an de prévenir toute interruption accidentelle de la stimulation. Il est important de connaître toutes les sources d’IEM dans l’environnement de soins critiques qui pourraient interférer avec le fonctionnement du stimulateur cardiaque. Les sources d’IEM dans le milieu clinique comprennent l’électrocautérisation, le courant électrique utilisé pour la cardioversion ou la débrillation, la radiothérapie, les appareils d’imagerie par résonance magnétique, les neurostimulateurs transcutanés, la lithotritie par onde de choc électrohydraulique dans le traitement des lithiases rénales et l’ablation d’arythmie par radiofréquence (Dyrda & Khairy, 2008, Fondation des maladies du cœur, 2012). Dans la plupart des cas, si une IEM est soupçonnée d’avoir causé une défaillance du stimulateur, le passage au mode asynchrone (fréquence xe) peut maintenir la stimulation jusqu’à ce que la source d’IEM soit éloignée.

Protéger le stimulateur contre les microchocs Comme les électrodes de stimulation forment une voie directe de faible résistance vers le cœur, l’inrmière prend des précautions particulières lorsqu’elle manipule les composantes externes du système de stimulation, afin d’éviter la conduction d’un courant vagabond en provenance d’un autre appareil. Même s’il est de faible puissance, un courant vagabond transmis par la sonde de stimulation peut déclencher une arythmie fatale. Le risque de microchocs peut être réduit par le port de gants au moment de manipuler les sondes de stimulation et par l’isolement adéquat de l’extrémité des sondes lorsque celles-ci ne sont pas utilisées (Baas, Beery & Hickey, 1997) ENCADRÉ 15.5.

Prévenir le risque d’infection L’infection au site d’insertion de la sonde est une complication rare, mais grave associée aux stimulateurs cardiaques temporaires. Il faut inspecter le site d’insertion an de déceler tout écoulement purulent, érythème, chaleur ou œdème, et l’inrmière surveille l’apparition de signes d’une infection généralisée. Les soins apportés au site d’insertion doivent suivre les règles et les modalités prescrites par l’établissement. Même si la plupart des infections demeurent localisées, une endocardite peut survenir lorsque des sondes endocardiques sont mises en place. Une complication moins courante associée à la stimulation endoveineuse est la perforation du myocarde, qui peut entraîner une tamponnade cardiaque.

Informer le client et ses proches L’enseignement au client porteur d’un stimulateur temporaire met l’accent sur la prévention des complications ENCADRÉ 15.6. Il faut avertir le client de ne pas

manipuler toute portion exposée des ls de raccord et qu’il doit aviser l’inrmière si le pansement recouvrant le site d’insertion est souillé, mouillé ou déplacé. Il convient également de l’avertir de ne pas utiliser d’appareils électriques en provenance de la maison qui pourraient interférer avec le fonctionnement du stimulateur cardiaque. Il faut demander au client ayant un stimulateur endoveineux temporaire de limiter ses mouvements dans la région du site d’insertion de la sonde pour éviter que celle-ci se déplace.

15.1.2

Stimulateurs cardiaques permanents

En 2005, près de 18 000 stimulateurs cardiaques permanents ont été implantés au Canada. Compte tenu des avancées technologiques en matière de stimulateurs cardiaques, il est possible d’estimer qu’en 2012, ce nombre atteignait environ 25 000 (Agence de la santé publique du Canada, 2009). Il est donc fort probable que l’inrmière en soins critiques rencontre des clients porteurs de tels dispositifs dans sa pratique clinique (Roger, Go, Lloyd-Jones et al., 2012). L’implantation d’un stimulateur cardiaque permanent requiert généralement une hospitalisation de moins de 24 heures. Le séjour au centre hospitalier peut être prolongé en cas de complications sérieuses telles qu’un IDM ou un choc cardiogénique.

Indications À l’origine, les stimulateurs cardiaques permanents ont été conçus pour assurer une fréquence ventriculaire adéquate chez le client atteint de bradycardie symptomatique. Aujourd’hui, l’objectif de l’approche thérapeutique par stimulateur cardiaque est de simuler, dans la mesure du possible, la dépolarisation et la conduction cardiaques physiologiques normales. Des générateurs haut de gamme permettent une stimulation à fréquence asservie, en produisant une réponse en fonction de l’activité auriculaire détectée (DDD) ou d’une variété de capteurs physiologiques (p. ex., les mouvements du corps ou la ventilation minute). Dans les cas de dysfonctionnement du nœud sinoauriculaire ne permettant pas d’accroître la F.C., les stimulateurs à fréquence asservie peuvent améliorer la capacité d’effort et la qualité de vie du client (Kaszala & Ellenbogen, 2010). Le TABLEAU 15.3 décrit les types de stimulateurs à fréquence asservie utilisés en pratique clinique. Le concept de stimulation physiologique continue à évoluer, puisque des études ont montré que la stimulation de l’apex du V.D. – même en mode double chambre – peut favoriser l’insufsance cardiaque chez le client ayant un stimulateur permanent (Kalahasty & Ellenbogen, 2009). Cette constatation a motivé la poursuite des recherches an de découvrir d’autres modes et d’autres sites de stimulation possibles pour maximiser la conduction AV intrinsèque et minimiser la stimulation ventriculaire (Tops, Schalij & Bax, 2009).

Gestion des risques liés aux soins ENCADRÉ 15.5

Prévenir les microchocs

• Porter des gants pendant la manipulation des sondes de stimulation. • Vérier toutes les connexions entre le générateur d’impulsions, le câble de raccordement et les sondes de stimulation. • Isoler l’extrémité des ls à l’aide de matériel non conducteur lorsqu’ils ne sont pas bran­ chés au générateur.

• S’assurer que l’équipement de stimulation et le pansement demeurent secs. • S’assurer que tout l’équipement électrique est correctement mis à la terre. • Utiliser des rasoirs alimentés par piles.

Source : Adapté de Baas et al. (1997)

Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 15.6

Stimulateur cardiaque temporaire

L’inrmière aborde les sujets suivants : • description du traitement par stimulateur cardiaque ; • précautions en lien avec le système de stimulation ; • minimisation de la manipulation des ls et des câbles ; • signalement à l’inrmière si le pansement se mouille ou se desserre ;

15

• restriction des activités (minimiser les mouvements du membre supérieur où est introduite la sonde endoveineuse) ; • mesures de sécurité électrique (ne pas utiliser de rasoir électrique) ; • symptômes à signaler (étourdissements).

Les progrès technologiques réalisés dans le domaine de l’informatique ont eu des retombées importantes pour les stimulateurs permanents. Les microprocesseurs ont permis la conception de générateurs de plus en plus petits, malgré l’ajout de caractéristiques très complexes. Les générateurs d’aujourd’hui sont plus petits, plus écoénergétiques et plus ables que les anciens modèles. Une autre amélioration est la commercialisation d’un stimulateur cardiaque compatible avec l’imagerie par résonance magnétique (Mitka, 2011) FIGURE 15.9. L’utilisation des stimulateurs cardiaques permanents pour le traitement non pharmacologique de troubles tels que l’insufsance cardiaque et la FA est de plus en plus répandue (Epstein et al., 2013).

Traitement par resynchronisation cardiaque Environ 40 % des clients atteints d’insufsance cardiaque grave présentent des retards de conduction ventriculaire (durée prolongée du complexe QRS ou bloc de branche gauche) (Réseau québécois de cardiologie tertiaire, 2006). Il a été démontré que ces retards de conduction créent un asynchronisme entre les contractions du V.D. et du V.G. Les conséquences hémodynamiques de cette asynchronie comprennent un remplissage ventriculaire inadéquat et une diminution de la fraction d’éjection, du D.C. et de la pression artérielle moyenne Chapitre 15

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

477

TABLEAU 15.3

Modes de stimulation des stimulateurs cardiaques permanents

GÉNÉRATEUR D’IMPULSION

DESCRIPTION

AAIR

Mode AAI plus stimulation à fréquence asservie ; utilisé pour le client atteint de bradycardie symptomatique chez qui la stimulation auriculaire est possible et la conduction AV, intacte

VVIR

Mode VVI plus stimulation à fréquence asservie ; utilisé pour le client chez qui la stimulation auriculaire est impossible en raison d’une FA chronique ou d’une autre arythmie auriculaire

DDDR

Mode DDD plus stimulation à fréquence asservie ; utilisé pour le client atteint de brady­ cardie symptomatique chez qui la stimulation auriculaire est possible, mais chez qui la conduction AV est incertaine ou pourrait le devenir

Suppression de la brillation auriculaire

FIGURE 15.9 Stimulateur cardiaque permanent.

(Hunt, Abraham, Chin et al., 2009). Le traitement par resynchronisation cardiaque (TRC) consiste en la stimulation auriculaire combinée à la stimulation du V.D. et du V.G. (stimulation biventriculaire), en vue d’optimiser l’activité mécanique auriculaire et ventriculaire. Le resynchroniseur cardiaque utilise trois électrodes de stimulation, l’une dans l’oreillette droite, une autre dans le V.D. et une électrode transveineuse spécialement conçue et insérée par le sinus coronaire pour stimuler le V.G. (Ho & Mahajam, 2010). Comme de nombreux clients atteints d’insuffisance cardiaque sont également à risque de mort subite d’origine cardiaque, la stimulation biventriculaire s’avère possible avec certains débrillateurs cardioverteurs implantables (DCI). D’après diverses études cliniques, le TRC réduit les symptômes, améliore l’état fonctionnel et diminue la mortalité des clients atteints d’insufsance cardiaque modérée ou grave (Ho & Mahajam, 2010). Des recherches indiquent que le TRC pourrait également prévenir la progression de l’insufsance cardiaque chez les clients dont les symptômes sont moins importants (Al-Majed, Mc Alister, Bakal et al., 2011).

478

Partie 2

Système cardiovasculaire

La brillation auriculaire (FA) est la forme d’arythmie la plus répandue. Elle touche approximativement 1 ou 2 % de la population. Puisque la prévalence de la FA augmente avec l’âge, il est à prévoir que sa fréquence augmentera au cours des prochaines années compte tenu du vieillissement de la population canadienne (Go, Hylek, Phillips et al., 2001 ; Stewart, Hart, Dole et al., 2001). La stimulation auriculaire est l’un des traitements préventifs qui ont été proposés pour prendre en charge ce trouble du rythme chez certains clients. Il a été démontré que la stimulation auriculaire chez les clients atteints de bradycardie diminue la récurrence de la FA (Verlato, Botto, Massa et al., 2011), particulièrement en comparaison de la stimulation ventriculaire. Les modes utilisant la stimulation auriculaire qui favorisent la conduction intrinsèque et minimisent les épisodes de stimulation ventriculaire sont les plus efcaces (Kalahasty & Ellenbogen, 2009). La plupart des stimulateurs cardiaques peuvent être programmés pour passer au mode sans détection des ondes P en cas de détection d’une fréquence auriculaire rapide (Kaszala, Huizar & Ellenbogen, 2008). Il faudra procéder à des études approfondies au sujet des stratégies à adopter dans les cas de FA paroxystique, à savoir la stimulation des deux oreillettes (stimulation biauriculaire) et la stimulation auriculaire transitoire à une fréquence supérieure au rythme sinusal intrinsèque du client (Kalahasty & Ellenbogen, 2009).

Traitements médicaux Les stimulateurs cardiaques permanents peuvent être implantés alors que le client est sous anesthésie locale en salle d’opération ou au laboratoire de cathétérisme cardiaque. Les sondes endoveineuses sont habituellement introduites dans la veine sousclavière ou dans la veine céphalique et mises en place dans l’oreillette droite ou le V.D., ou les deux, sous guidage uoroscopique. An de déterminer si le positionnement de la sonde est satisfaisant, les seuils de sensibilité et de stimulation sont vériés à l’aide du système d’analyse du stimulateur. Les sondes sont ensuite rattachées au générateur, qui est inséré dans une loge créée chirurgicalement dans le tissu sous-cutané, sous la clavicule.

Soins et traitements inrmiers Les soins et les traitements inrmiers à prodiguer au client après l’implantation d’un stimulateur cardiaque permanent comprennent la surveillance de l’apparition de complications liées à l’insertion du stimulateur et de la survenue de défaillances du stimulateur. Les complications postopératoires sont rares, mais comprennent la tamponnade cardiaque, le pneumothorax, l’hématome, le déplacement de la sonde et l’infection (Baddour, Epstein, Erickson et al., 2010 ; Kaszala et al., 2008). La démarche pour prévenir les défaillances des stimulateurs permanents est la même que celle décrite précédemment pour les stimulateurs temporaires. Pour évaluer le fonctionnement du stimulateur, l’inrmière connaît tout au moins le mode de programmation pour la stimulation et le réglage de la fréquence le plus bas. Dans le cas des stimulateurs permanents, les réglages sont ajustés par le médecin de façon non effractive à l’aide d’un programmateur spécialisé utilisant des champs magnétiques pulsés ou des signaux de radiofréquence. Si l’inrmière soupçonne une défaillance du stimulateur cardiaque, il faut procéder à un ECG et aviser le médecin an que ses réglages puissent être reprogrammés au besoin. Si le client présente des symptômes d’une diminution du D.C. (p. ex., les extrémités froides, une hypotension artérielle, une diminution de la diurèse), il peut avoir recours temporairement à la stimulation transcutanée. L’inrmière en soins critiques pourrait également avoir à assurer le suivi du client porteur d’un stimulateur cardiaque permanent après son congé du centre hospitalier. Certaines unités sont dotées d’un équipement de suivi téléphonique à distance qui permet au client de transmettre les données par téléphone à partir d’un appareil de surveillance à son domicile. La transmission de l’ECG du client peut permettre de conrmer le bon fonctionnement du stimulateur (capture et détection) et d’évaluer la charge de la pile. Les technologies plus récentes qui utilisent un système de télésurveillance par Internet offrent des avantages importants et pourraient bientôt remplacer la transmission téléphonique à distance de l’ECG standard (Crossley, Chen, Choucair et al., 2009).

15.2

Débrillateurs cardioverteurs implantables

Un débrillateur cardioverteur implantable (DCI), ou cardioverteur débrillateur implantable, est un dispositif électronique utilisé dans le traitement des tachyarythmies. Le DCI permet de repérer les arythmies ventriculaires potentiellement fatales et d’y mettre n.

15.2.1

Indications

À l’origine, les DCI n’étaient recommandés que chez les clients ayant survécu à un arrêt cardiaque attribuable à une brillation ventriculaire (FV) ou à une tachycardie ventriculaire (TV). Les études cliniques ayant montré que les DCI permettaient d’améliorer la survie, comparativement au traitement par des agents antiarythmiques, leur utilisation s’est étendue pour inclure la prévention primaire de la mort subite d’origine cardiaque (Thompson, 2009). Les lignes directrices sur l’insuffisance cardiaque recommandent l’implantation d’un DCI chez les clients à risque élevé (c.-à-d. ceux dont la fraction d’éjection ventriculaire gauche est inférieure à 35 %), même en l’absence de signe de TV ou de FV à l’EEP (Aronow, 2010). Cette diversication de l’utilisation de ces débrillateurs s’est traduite par l’implantation de 1 509 DCI en 2006 au Québec, et ce nombre connaît une augmentation en raison de l’offre élargie des technologies médicales à un plus grand nombre de personnes atteintes (Réseau québécois de cardiologie tertiaire, 2006).

15.2.2

15

Systèmes de type DCI

Un système de type DCI comprend des électrodes et un générateur d’impulsions, comme un stimulateur cardiaque, mais avec quelques différences importantes. En plus d’assurer la détection et la stimulation, les électrodes du DCI sont dotées de bobines de débrillation intégrées qui permettent d’administrer les décharges électriques. Le générateur est plus volumineux en raison d’une pile plus performante, d’un condensateur à haute tension ainsi que d’un microprocesseur (Turakhia, 2010). Le générateur est implanté sous la peau au cours d’une chirurgie, dans la région pectorale de la partie supérieure du thorax FIGURE 15.10. Les premiers modèles de générateurs permettaient la débrillation ou la cardioversion uniquement dans les cas d’arythmies fatales. Les nouveaux modèles permettent un traitement par palier, et ils offrent différentes options de programmation pour la stimulation antitachycardique et antibradycardique, la cardioversion à faible énergie et la débrillation à haute énergie. Dans le traitement par palier, la stimulation antitachycardique est utilisée en premier recours dans certains cas de TV. Si la stimulation permet de remédier à la TV, le générateur n’émettra pas de décharge électrique, et le client pourrait même ne pas réaliser que le DCI a maîtrisé un épisode d’arythmie. Si la série de stimulations programmées ne permet pas de remédier à la TV, le DCI passera en mode cardioversion pour rétablir le rythme. Si l’arythmie dégénère en FV, le DCI est programmé pour procéder à la débrillation en utilisant un courant d’intensité plus élevée. Par contre, si l’arythmie se résorbe spontanément, aucune décharge ne sera émise. Occasionnellement, l’activité électrique peut se transformer en asystolie ou Chapitre 15

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

479

15.2.3

Mise en place des DCI

Les fonctions programmables des DCI ont évolué, et la technique de mise en place a fait de même. À l’origine, tous les DCI étaient implantés au cours d’une chirurgie cardiaque ou d’une thoracotomie, et les timbres-électrodes étaient xés directement sur le cœur. Aujourd’hui, l’utilisation de générateurs de plus petite taille et d’électrodes endoveineuses élimine la nécessité d’une opération lourde. Les électrodes endoveineuses sont introduites dans la veine sous-clavière et acheminées au cœur droit, où elles sont en contact avec l’endocarde. Pour améliorer l’efcacité de la débrillation, un timbre sous-cutané additionnel peut être placé avec certains modèles. Un tunnel sous-cutané est créé an de relier les électrodes endocardiques au générateur, ce qui évite la thoracotomie. Les complications liées à l’intervention demeurent rares, mais elles comprennent notamment un hématome, un pneumothorax ou un déplacement de l’électrode (Curtis, Luebbert, Wang et al., 2010).

15.2.4

FIGURE 15.10

Mise en place d’un débrillateur cardioverteur implantable (DCI) avec électrode transveineuse. A Le générateur est placé dans une cavité sous-cutanée créée dans la région pectorale. L’électrode (ou les électrodes) insérée dans l’oreillette et le ventricule droits assure les fonctions de stimulation, de cardioversion et de débrillation. B Exemple de DCI double chambre (Medtronic GemMD II DR) permettant le traitement par palier et la stimulation. C Le traitement par palier consiste à utiliser une intensité d’énergie croissante pour mettre n à une arythmie ventriculaire.

en un rythme idioventriculaire lent ; dans de tels cas, la stimulation antibradycardique est activée. Les progrès réalisés dans le domaine des DCI ont donné naissance à des dispositifs double chambre munis d’électrodes auriculaire et ventriculaire. L’utilisation d’une électrode auriculaire permet une stimulation double chambre qui optimise le rendement hémodynamique et une détection auriculaire qui distingue avec plus de précision la TV de la tachycardie auriculaire, ce qui diminue la fréquence des décharges inappropriées. Les DCI peuvent également être munis de trois électrodes (soit dans une oreillette et deux ventricules) an qu’un seul appareil permette le TRC et la débrillation. D’autres avancées effectuées dans le domaine des DCI comprennent l’amélioration des fonctions de diagnostic et de télésurveillance, qu’il s’agisse de la capacité à fournir des électrogrammes en temps réel au moyen des électrodes du DCI ou à interroger le DCI à distance par téléphone ou par Internet (Turakhia, 2010).

480

Partie 2

Système cardiovasculaire

Traitements médicaux

Les traitements médicaux chez le client ayant un DCI commencent avant l’implantation du dispositif par une évaluation approfondie de l’arythmie et de la fonction cardiaque sous-jacente. Différents examens non effractifs permettent de cibler le client à risque de mort subite d’origine cardiaque, dont l’ECG et l’échocardiographie. En général, le client reconnu comme étant à risque de mort subite d’origine cardiaque passe une EEP an d’établir l’origine de l’arythmie et l’effet des agents antiarythmiques sur la suppression de l’arythmie ou sur la modication de sa fréquence. Une évaluation plus approfondie de l’état cardiaque est réalisée an de déterminer si des interventions additionnelles (p. ex., une revascularisation, un traitement par resynchronisation cardiaque) sont indiquées pour améliorer la fonction cardiaque. Un cathétérisme cardiaque, une épreuve d’effort et une échocardiographie peuvent alors être effectués. Les décisions quant à l’approche pour l’implantation (p. ex., une thoracotomie ou non au moment de la chirurgie) et au type de traitement requis (p. ex., une stimulation antitachycardique, une cardioversion, une débrillation) seront fondées sur cette évaluation. Un électrophysiologiste ou un cardiologue effectue la programmation initiale du dispositif au moment de l’implantation. Le seuil de débrillation du DCI est alors évalué an de vérier l’intégrité du dispositif. Pour ce faire, un épisode d’arythmie est provoqué, et l’on évalue la capacité du DCI à y mettre n. Après que le fonctionnement adéquat du DCI a été établi, un suivi en consultation externe est réalisé an de surveiller, entres autres, le nombre de décharges électriques émises et la durée de vie de la pile.

Soins et traitements inrmiers Si le DCI a été mis en place au moment d’une chirurgie cardiaque, les soins et les traitements inrmiers après l’intervention sont comparables à ceux prodigués à un client ayant subi une chirurgie cardiaque, décrits dans la cinquième section de ce chapitre. Si une électrode endocardique a été implantée sans chirurgie cardiaque, les soins et les traitements inrmiers sont moindres, et le séjour au centre hospitalier est de 24 heures en moyenne.

Évaluer l’arythmie et prévenir les complications Les soins et les traitements inrmiers pour le client ayant un DCI comprennent l’évaluation de l’arythmie et la surveillance des complications liées à l’implantation. Dans le cas d’une arythmie ventriculaire, il est important de connaître le type de DCI implanté et le fonctionnement du dispositif et de savoir si le DCI est activé (c.-à-d. s’il est en marche). Si un rythme traitable par choc est détecté, l’inrmière est prête à procéder à la débrillation lorsque le dispositif implanté échoue à maîtriser l’épisode. Comme pour tout stimulateur cardiaque, lorsqu’un débrillateur externe est utilisé, les palettes ou les électrodes ne doivent pas être appliquées directement au-dessus du générateur du DCI, dans la mesure où la débrillation n’est pas retardée par cette précaution (Link, Atkins, Passman et al., 2010). Dans le cas de décharges récurrentes, les causes sous-jacentes doivent être évaluées, telles qu’un déséquilibre électrolytique, une ischémie ou une aggravation de l’insufsance cardiaque (Turakhia, 2010). La plupart des clients continuent à prendre des agents antiarythmiques pour diminuer le nombre de décharges reçues et pour ralentir la F.C. Les complications associées aux DCI permanents comprennent l’infection au site d’implantation, le bris des électrodes et la détection de tachyarythmies supraventriculaires entraînant l’administration de décharges non nécessaires. Dans le cas de décharges inappropriées liées à la détection de tachyarythmie supraventriculaire, il importe d’aviser immédiatement le médecin an qu’il procède à la vérication et à la reprogrammation du DCI, si nécessaire.

Informer le client et ses proches Il est essentiel de renseigner le client et ses proches au sujet du dispositif an de faciliter l’adaptation psychologique à celui-ci ENCADRÉ 15.7. L’enseignement à donner au client avant l’implantation du DCI comprend l’information au sujet du fonctionnement du dispositif et de l’intervention durant laquelle il sera implanté. Après l’implantation, l’enseignement est axé sur différents aspects de la vie avec un DCI. Le client doit être informé du suivi prévu pour le dispositif et recevoir des directives sur ce qu’il convient de faire si le DCI émet une décharge. De nombreux établissements obtiennent de bons résultats en offrant à

Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 15.7

Débrillateur cardioverteur implantable

L’inrmière aborde les sujets suivants : • physiopathologie du processus sous-jacent de la maladie, y compris de la mort subite d’origine cardiaque, de l’arythmie ventriculaire et de la maladie cardiaque ; • information au sujet du mode de fonctionnement programmé du DCI ; • préparation physique et psychologique avant la procédure ; • importance de poursuivre le traitement par les antiarythmiques et les médicaments contre l’insufsance cardiaque ;

• restrictions des activités en lien avec la conduite automobile et l’évitement des champs magnétiques puissants ; • signes et symptômes de défaillances du DCI ; • présentation immédiate à l’urgence en cas d’émission d’une décharge par le DCI ; • suivis prévus par le professionnel de la santé ; • formation en réanimation cardiorespiratoire aux membres de la famille ; • carte du porteur de DCI.

cette clientèle de participer à des groupes de soutien familial. Finalement, comme les DCI constituent un traitement d’appoint plutôt qu’une façon de guérir l’insufsance cardiaque, le client doit comprendre l’importance de continuer à modier ses habitudes de vie liées aux facteurs de risque et à prendre les médicaments prescrits.

15.3

15

Traitement brinolytique

Le traitement brinolytique est une intervention clinique importante pour le client ayant subi un infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST (STEMI). Avant la commercialisation des agents brinolytiques, le traitement médical des IDM aigus visait à diminuer la demande en oxygène du myocarde an de minimiser la nécrose de celui-ci et de préserver la fonction ventriculaire. Les efforts actuels pour limiter la taille de l’infarctus visent plutôt à revasculariser le myocarde compromis dans un délai raisonnable en restaurant le débit sanguin dans le vaisseau responsable de l’infarctus (théorie de l’artère ouverte). Deux options sont possibles pour déboucher l’artère : les agents brinolytiques et l’intervention mécanique (par cathétérisme cardiaque). Même s’il a été démontré qu’une intervention mécanique par cathéter entraîne de meilleurs résultats lorsqu’elle est réalisée rapidement, seulement 15 centres hospitaliers sont en mesure de l’offrir au Québec (Institut national d’excellence en santé et services sociaux [INESSS], 2008). Cependant, la plupart des centres hospitaliers dépourvus de salles de cathétérisme cardiaque se situent dans un rayon de 60 à 100 km d’un centre qui en a une. Aussi, lorsque les délais le permettent, le client y est transféré an de subir une intervention coronarienne percutanée (ICP). Pour cette raison, le traitement

Chapitre 15

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

481

par ICP, décrit dans la quatrième section de ce chapitre, est l’option thérapeutique pour plus de la moitié des clients subissant un STEMI (INESSS, 2008).

15.3.1

14 Les recommandations pour les interventions d’urgence, dont le traitement brinoly­ tique, en cas de STEMI sont décrites dans le chapitre 14, Troubles cardiovasculaires.

Indications

L’utilisation du traitement brinolytique se fonde sur la théorie que l’événement significatif dans les STEMI est la rupture d’une plaque athéromateuse entraînant la formation d’un thrombus. Le thrombus, qui est composé d’un agrégat de plaquettes et de laments de brines, provoque l’obstruction aiguë de l’artère coronaire et prive le myocarde de l’oxygène qui était auparavant acheminé par cette artère. L’administration d’un agent brinolytique permet la lyse de ce thrombus, ce qui se traduit par la reperfusion, ou la perméabilisation, de l’artère coronaire obstruée et la restauration du débit sanguin vers le tissu atteint. En plus de restaurer la perfusion, des mesures d’appoint (anticoagulants et traitement antiplaquettaire) sont prises an de prévenir la formation de nouveaux caillots et de nouvelles occlusions FIGURE 15.11.

15.3.2

Critères d’admission

À partir des lignes directrices de l’American College of Cardiology/American Heart Association (ACC/ AHA), certains critères ont été établis pour déterminer la clientèle la plus susceptible de bénécier de l’administration d’un traitement brinolytique (O’Gara, Kushner, Aschein et al., 2013) ENCADRÉ 15.8. Les clients dont la douleur à la poitrine est récente (moins de 12 heures) et qui présentent un sus-décalage persistant du segment ST (plus de 0,1 mV dans deux dérivations précordiales contiguës ou deux dérivations périphériques adjacentes, ou plus) sont considérés comme de bons candidats pour le traitement brinolytique (O’Gara et al., 2013). Les clients qui présentent un bloc de branche gauche susceptible de fausser l’interprétation du segment ST et des antécédents suggérant un IDM aigu sont également considérés comme de bons candidats pour ce traitement 14 . L’objectif est d’administrer l’agent brinolytique dans les 30 minutes qui suivent l’arrivée du client, puisqu’une reperfusion rapide est associée à de meilleurs résultats (O’Gara et al., 2013).

FIGURE 15.11

Formation d’un thrombus et mécanisme d’action des médicaments utilisés dans le traitement de l’infarctus aigu du myocarde. A Site d’action des antiplaquettaires tels que l’acide acétylsalicylique (AspirinMD), les thiénopyridines et les inhibiteurs de la glycoprotéine IIb/IIIa. B L’héparine se lie à l’antithrombine III et à la thrombine pour former un complexe inactif. C Les agents brinolytiques transforment le plasminogène en plasmine, enzyme responsable de la dégradation des caillots de brine.

482

Partie 2

Système cardiovasculaire

Les critères d’exclusion sont habituellement fondés sur le risque accru de saignements liés à l’utilisation des brinolytiques. Les clients ayant des caillots stables qui pourraient être brisés par un traitement brinolytique (p. ex., en cas d’accident vasculaire cérébral (AVC) hémorragique, d’une chirurgie importante récente, d’une dissection aortique suspectée, d’une néoplasie intracrânienne ou d’un trauma craniocérébral ou facial) ne sont généralement pas de bons candidats pour un tel traitement. De plus, le traitement brinolytique n’est pas indiqué chez les clients atteints d’un angor instable ou ayant subi un IDM sans sus-décalage du segment ST (non–ST-elevation myocardial infarction [NSTEMI]) (Wright, Anderson, Adams et al., 2011). Ces troubles seraient attribuables à la rupture d’une plaque et à la formation d’un thrombus qui n’obstrue que partiellement le vaisseau. La brinolyse détruit le caillot et libère la thrombine, ce qui, paradoxalement, pourrait accroître le matériel disponible pour la formation d’un nouveau thrombus (Yiadom, 2011). Ces clients doivent plutôt être traités par des antiplaquettaires oraux (p. ex., l’acide acétylsalicylique [AspirinMD], le clopidogrel [PlavixMD], par des antithrombotiques (p. ex., l’héparine) et par des inhibiteurs de la glycoprotéine IIb/IIIa.

15.3.3

Agents brinolytiques

Deux agents brinolytiques, l’alteplase (ActivaseMD) et le tenecteplase (TNKaseMD), sont offerts pour le traitement par voie I.V. du STEMI au Canada TABLEAU 15.4. Ils stimulent la lyse du caillot en transformant le plasminogène inactif en plasmine, enzyme responsable de la dégradation de la brine FIGURE 15.11. Les agents brinolytiques de première génération (p. ex., la streptokinase, l’urokinase) exerçaient leur principal effet sur le plasminogène circulant. Cependant, l’alteplase et le tenecteplase agissent principalement sur le plasminogène lié au thrombus, plutôt que sur le plasminogène

ENCADRÉ 15.8

Critères de sélection pour le traitement brinolytique

• Pas plus de 12 heures entre l’apparition de la douleur à la poitrine et de préférence dans les 30 minutes suivant le diagnostic de STEMI • Arrivée à l’hôpital trois heures ou moins après le début des symptômes et délai de plus de une heure pour l’ICP

• Sus-décalage du segment ST à l’ECG ou bloc de branche gauche d’apparition récente • Absence de contre-indication qui pourrait prédisposer le client à une hémorragie

Source : Adapté de O’Gara et al. (2013)

circulant, et sont donc considérés comme sélectifs à l’égard du plasminogène lié au thrombus. Comme le client ayant subi une rupture de plaque est toujours à risque de formation d’un caillot et de réocclusion, le traitement brinolytique est administré en association avec des anticoagulants et des antiplaquettaires. Les lignes directrices recommandent d’administrer un traitement anticoagulant pendant au moins 48 heures après la reperfusion. L’héparine non fractionnée (HNF) est généralement utilisée, mais l’héparine de bas poids (ou faible poids) moléculaire et le fondaparinux (ArixtraMD) sont d’autres options acceptables (Loomba & Arora, 2009). L’administration d’un traitement antiplaquettaire tel que le clopidogrel est recommandée pendant au moins 14 jours et jusqu’à 1 an, et la prise d’acide acétylsalicylique doit être maintenue indéniment (O’Gara et al., 2013).

15

Alteplase L’activateur tissulaire du plasminogène (t-PA), ou alteplase, est une enzyme naturelle (c.-à-d. non antigénique) qui cible les caillots et dont la demi-vie est très courte (trois ou quatre minutes). Il transforme le plasminogène en plasmine après s’être lié à la fibrine du thrombus. Cette activité propre aux

Pharmacothérapie TABLEAU 15.4

Agents brinolytiques utilisés pour le traitement du STEMI

MÉDICAMENT

POSOLOGIE

MÉCANISME D’ACTION

SURVEILLANCE INFIRMIÈRE

Alteplase (ou activateur tissulaire du plasminogène) (t-PA) (ActivaseMD)

• Perfusion I.V. de 100 mg en 90 min, dont les premiers 15 mg administrés sous forme de bolus en 2 min • Dose ajustée en fonction du poids pour le client ≤ 67 kg

Se lient à la brine du thrombus et favorisent la transformation du plasminogène en plasmine

• Administrer conjointement avec des anticoagulants, et ce, pour un minimum de 48 h après la reperfusion. • Administrer le clopidogrel (PlavixMD) dès le début du traitement, puis quotidiennement par la suite, et ce, pour une durée variant de 14 jours à 1 an. • Administrer l’acide acétylsalicylique (AspirinMD) dès le début du traitement, puis quotidiennement par la suite, et ce, indéniment.

Tenecteplase (TNKaseMD)

• Bolus I.V. unique de 30-50 mg, en fonction du poids corporel

Sources : Adapté de Association des pharmaciens du Canada (APhC) (2013) ; O’Gara et al. (2013) Chapitre 15

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

483

caillots se traduit par une augmentation de la concentration et de l’activité de la plasmine au site du thrombus, là où elle est requise. Différents schémas d’administration par voie I.V. ont été proposés et évalués en contexte clinique, mais la perfusion accélérée du t-PA est considérée comme la façon la plus efcace de rétablir rapidement la perméabilité du vaisseau obstrué (Kumar & Cannon, 2009).

Tenecteplase Le tenecteplase est l’agent brinolytique le plus récent. Il s’agit d’une variante de l’alteplase issue du génie génétique ; sa clairance plasmatique est plus lente, et sa spécicité à l’égard de la brine est supérieure. Les études ont montré que le tenecteplase se révèle aussi efcace que l’alteplase et que la fréquence des complications hémorragiques demeure comparable avec les deux médicaments (Antman & Morrow, 2011). Le tenecteplase est administré par injection I.V. sous forme de bolus unique, ce qui permet un traitement plus rapide autant au centre hospitalier qu’à l’extérieur de celui-ci. Même si la dose doit être réglée en fonction du poids corporel, ce qui peut constituer un inconvénient de ce médicament, le tenecteplase est couramment utilisé au Canada (APhC, 2013).

15.3.4

Agents antiplaquettaires

Alors que les agents brinolytiques ciblent la brine des thrombus, d’autres traitements s’attaquent aux plaquettes qui forment le caillot FIGURE 15.11. Les antiplaquettaires par voie orale (P.O.) (acide acétylsalicylique ou clopidogrel) sont administrés conjointement aux brinolytiques. Des études cliniques ont évalué l’efcacité d’un traitement associant des antiplaquettaires par voie I.V. (inhibiteurs de la glycoprotéine IIb/IIIa) et une dose plus faible d’un brinolytique. Ce traitement d’association a procuré des taux de reperfusion comparables à ceux obtenus avec un brinolytique seul, mais a été lié à un risque accru d’hémorragie (Kumar & Cannon, 2009). Une hypothèse a été émise selon laquelle les résultats pourraient être améliorés par la mise en place d’une stratégie pour l’administration de brinolytiques ou d’inhibiteurs de la glycoprotéine IIb/IIIa, ou des deux, au client qui doit être transporté vers un autre établissement en vue d’une intervention percutanée. Bien qu’elle soit prometteuse en théorie, cette approche « à contrecourant » de la revascularisation pourrait accroître le risque de complications hémorragiques chez certains clients (Bogaty, Filion & Brophy, 2011 ; The TIMI Study Group, 1985).

15.3.5

Résultats escomptés et signes de reperfusion

Les bienfaits du traitement brinolytique sont en corrélation avec le degré de restauration du débit sanguin normal dans l’artère obstruée. La perméabilité de l’artère coronaire est dénie par les différents scores de perfusion observés à l’angiographie qui ont été établis par le groupe de l’étude TIMI

484

Partie 2

Système cardiovasculaire

(Thrombolysis in Myocardial Infarction) en 1985 (The TIMI Study Group, 1985) TABLEAU 15.5 . L’obtention d’un score TIMI 3 est associée aux meilleures probabilités de survie à long terme. Les études montrent également qu’une restauration rapide d’un débit sanguin normal, dans les 90 minutes suivant le traitement, se traduit par une amélioration de la fonction du V.G. et par une réduction de la mortalité. Il a été démontré que les agents brinolytiques ciblant la brine – alteplase et tenecteplase – permettent l’obtention d’un score TIMI 3 chez 60 % des clients après 90 minutes (O’Connor, Brady, Brooks et al., 2010). Plusieurs signes peuvent être observés lorsque le traitement réussit à reperfuser une artère qui était auparavant complètement obstruée par un thrombus ENCADRÉ 15.9. Si la reconnaissance, de manière non effractive, de ces signes de la reperméabilisation est importante pour évaluer la réponse d’un client au traitement brinolytique, ils sont moins ables que l’angiographie pour déterminer le succès du traitement.

Douleur et arythmies de reperfusion L’une des manifestations possibles de la reperfusion est la disparition soudaine de la douleur à la poitrine au moment du rétablissement du débit sanguin à la suite d’une ischémie myocardique. Un autre indicateur possible de la reperfusion est l’apparition de diverses arythmies. En effet, plusieurs arythmies peuvent alors survenir (extrasystole ventriculaire [ESV], bradycardie, bloc AV, TV) ; cependant, il a été démontré qu’un rythme idioventriculaire accéléré constitue le meilleur indicateur d’une reperfusion (Antman & Morrow, 2011). Les arythmies de reperfusion ne durent pas et se résorbent généralement spontanément, et un traitement antiarythmique n’est habituellement pas nécessaire. Toutefois, une surveillance attentive de l’ECG du client demeure essentielle, puisqu’un état stable peut dégénérer rapidement, et l’arythmie peut exiger une intervention d’urgence.

Segment ST Un autre signe de la reperméabilisation, observé de manière non effractive, est le retour rapide du segment ST à la ligne isoélectrique qui révèle la restauration du débit sanguin dans le tissu myocardique auparavant ischémique. Il convient de choisir pour

ENCADRÉ 15.9

Signes non effractifs de reperfusion

• Disparition des symptômes • Stabilité hémodynamique et électrique • Résolution d’au moins 50 % du sus-décalage du segment ST à l’ECG de 60 à 90 minutes après la thrombolyse Source : Adapté de Béliveau (2005)

le suivi une dérivation qui montre clairement le susdécalage du segment ST avant le début du traitement (American Association of Critical Care Nurses [AACN], 2009) 13 1 . L’incapacité à obtenir une résolution de 50 % du sus-décalage du segment ST dans les 60 minutes qui suivent l’administration du médicament est généralement considérée comme un échec du traitement brinolytique (Antman & Morrow, 2011).

TABLEAU 15.5

Débit dans l’artère obstruée selon l’étude thrombolysis in myocardial infarction trial

GRADE

DÉBIT DANS L’ARTÈRE OBSTRUÉE

TIMI 3

Débit normal ou vif dans l’artère coronaire

TIMI 2

Débit partiel, plus lent que dans les vaisseaux normaux

Biomarqueurs cardiaques

TIMI 1

Débit lent avec remplissage en aval incomplet

Des mesures répétées des biomarqueurs sériques peuvent servir à conrmer la réussite de la reperfusion après un traitement brinolytique. Les taux de CK, CK-MB et de troponine cardiaques augmentent rapidement, puis diminuent de façon marquée après la reperfusion du myocarde ischémié. Ce phénomène d’élimination serait le résultat de la réadmission rapide de substances libérées par les cellules myocardiques lésées dans la circulation après la restauration du débit sanguin 13 2 .

TIMI 0

Aucun débit au-delà du point d’occlusion

Sténose coronarienne résiduelle Le traitement brinolytique est une stratégie efcace établie pour la revascularisation des artères coronariennes obstruées dans le cas d’un STEMI. Il limite la taille de l’infarctus, préserve le myocarde et réduit signicativement la morbidité et la mortalité associées au choc cardiogénique et à la FV. Toutefois, une sténose coronarienne résiduelle est attribuable au processus athéromateux, même après une brinolyse réussie. La prévention subséquente de la réocclusion est essentielle pour préserver la fonction du myocarde et empêcher le risque de complications ultérieures. Le traitement fibrinolytique constitue donc une mesure d’urgence reconnue pour rétablir la perméabilité jusqu’à ce qu’un traitement dénitif puisse être instauré pour réduire efcacement le degré de sténose (cathétérisme thérapeutique) ou pour contourner l’occlusion (pontage aortocoronarien [PAC]).

Soins et traitements inrmiers Les soins et les traitements inrmiers pour le client qui reçoit un traitement brinolytique commencent par le ciblage des candidats potentiels. Pour ce faire, l’inrmière en présence d’un client qui présente des symptômes d’IDM doit, entre autres, aviser le médecin dans les plus brefs délais, demander un ECG, installer le client dans une position confortable, administrer de l’oxygène si nécessaire et prendre les signes vitaux. Par la suite, si la décision médicale d’entreprendre un traitement brinolytique est prise, l’inrmière prépare le client en installant deux voies veineuses, en obtenant les valeurs de laboratoire initiales et en mesurant ses signes vitaux.

Évaluer et prévenir les complications Tout au long de l’administration de l’agent brinolytique, l’évaluation du client se poursuit an de repérer

Source : Adapté de The TIMI Study Group (1985)

les indicateurs cliniques de la reperfusion et des complications liées au traitement. Plusieurs problèmes peuvent découler d’un traitement brinolytique, et l’inrmière sait les détecter ENCADRÉ 15.10 A . La complication la plus courante liée à la thrombolyse est l’hémorragie, attribuable au traitement brinolytique ou à l’administration systématique d’anticoagulants dans le but de réduire le risque d’une nouvelle thrombose. L’inrmière surveille continuellement le client pour déceler l’apparition de manifestations cliniques d’une hémorragie ENCADRÉ 15.11. Un saignement gingival léger et un suintement au site de ponction veineuse demeurent courants et ne sont pas une source de préoccupation. En cas d’hémorragie grave (p. ex, une hémorragie interne ou intracrânienne), l’administration de tous les agents brinolytiques et antithrombotiques doit être interrompue et remplacée par des solutés de remplissage ou par des facteurs de coagulation, ou les deux. En plus d’une évaluation adéquate du client en vue de déceler les signes d’hémorragie, les soins et les traitements inrmiers comprennent des mesures préventives pour réduire le risque d’hémorragie. Par exemple, il convient d’éviter de bouger le client, de ne pas lui donner d’injections dans la mesure du possible et d’appliquer une pression additionnelle au site de ponction veineuse ou artérielle an d’assurer l’hémostase. La perfusion I.V. est installée avant le début du traitement brinolytique, et un

13 1 Les biomarqueurs cardia­ ques sont décrits dans le chapitre 13, Examens paracliniques du système cardiovasculaire.

13 2 Le monitorage continu du segment ST est expli­ qué dans le chapitre 13, Examens paracliniques du système cardiovasculaire.

A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux problèmes qui peuvent découler d’un traitement brinolytique sont détaillés, selon le problème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers.

Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 15.10

Traitement brinolytique

• Anxiété liée à une menace contre l’intégrité biologique, psychologique ou sociale PSTI A.6

• Décit de compréhension lié à une absence d’exposition préalable à l’information PSTI A.8

• Douleur aiguë liée à la transmission et à la perception d’impulsions cutanées, viscérales, musculaires ou ischémiques PSTI A.14

• Risque d’hypoperfusion des tissus cardiaques PSTI A.27

• Décit de volume liquidien lié à une perte relative ou absolue PSTI A.9

Chapitre 15

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

485

15

ENCADRÉ 15.11

Signes d’une hémostase inadéquate liée au traitement brinolytique

• Hémorragie ou hématome au site de perfusion • Hématurie, hématémèse, hémoptysie, méléna, épistaxis • Saignement gingival important • Ecchymoses ou pétéchies (hémorragies localisées)

• Ecchymoses au anc et client se plaignant d’une lombalgie (suggérant une hémorragie rétropéritonéale) • Modication de l’état neurologique (hémorragie intracrânienne) • Détérioration des signes vitaux, diminution de l’hématocrite (hémorragie interne)

Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 15.12

Traitement brinolytique

L’inrmière aborde les sujets suivants : • physiopathologie de l’athérosclérose ; • prise en charge des facteurs de risque ; • description des agents brinolytiques et de leur mécanisme d’action ; • risques de saignement et mesures pour réduire les saignements et les ecchymoses associés au traite ment brinolytique ; • reconnaissance des symptômes ischémiques récurrents et mesures à prendre ; • information concernant les médicaments prescrits (antiplaquettaires, anticoagulants).

coronarienne percutanée (ICP). Les ICP comprennent l’angioplastie coronarienne transluminale percutanée (ACTP) (souvent appelée angioplastie par ballonnet ou simplement angioplastie), l’athérectomie et la pose d’endoprothèses. Les progrès technologiques qu’ont connus les dispositifs ainsi que l’efcacité accrue des anticoagulants et des antiplaquettaires ont contribué à réduire la fréquence des complications et à améliorer l’issue de ces interventions (St. Laurent, 2011). Le client qui doit subir une ICP planiée quitte généralement le centre hospitalier la journée même de l’intervention ou le lendemain. Dans le cas d’une ICP d’urgence associée à un IDM, il y demeure quelques jours, en fonction des investigations cardiovasculaires requises. L’ACTP a tout d’abord été introduite au Canada au début des années 1980 comme solution de rechange à la revascularisation coronarienne chirurgicale. Elle permettait d’éviter plusieurs des risques associés à la chirurgie cardiaque (anesthésie générale, sternotomie, circulation extracorporelle et ventilation mécanique), mais son succès était assombri par les complications liées à l’intervention (occlusion aiguë) et à la resténose, c’est-à-dire le rétrécissement du vaisseau après l’intervention. La recherche dans ce domaine s’est poursuivie, et un nombre grandissant de dispositifs ont été mis au point pour remédier aux limites de l’angioplastie traditionnelle.

15.4.1 dispositif de prélèvement intermittent devrait être utilisé pour obtenir des prélèvements de sang durant le traitement.

Informer le client et ses proches L’enseignement au client qui reçoit un traitement brinolytique comprend de l’information au sujet du mécanisme d’action des agents brinolytiques et de l’importance des précautions à respecter pour minimiser les saignements ENCADRÉ 15.12. Par exemple, l’inrmière recommande au client d’éviter de se brosser les dents vigoureusement et de s’abstenir d’utiliser des rasoirs à lames. Elle le renseigne sur la prise en charge continue des facteurs de risque en vue de prévenir l’athérosclérose et la maladie coronarienne.

15.4

Interventions par cathétérisme cardiaque

Au cours des trois dernières décennies, l’utilisation de cathéters pour rétablir la lumière dans une artère coronaire obstruée ou rétrécie par une maladie coronarienne a considérablement évolué. Ces interventions sont regroupées sous l’appellation intervention

486

Partie 2

Système cardiovasculaire

Indications

Les indications pour les interventions par cathétérisme se sont multipliées depuis la première ACTP. Alors que seuls les clients dont la maladie coronarienne ne touchait qu’un vaisseau étaient auparavant considérés comme candidats à l’ACTP, désormais, les clients dont la maladie coronarienne touche de multiples vaisseaux, et même ceux qui ont déjà subi une greffe de veine saphène, une greffe de l’artère thoracique interne ou ceux ayant reçu un traitement brinolytique en raison d’un IDM aigu, peuvent être candidats au cathétérisme. Auparavant considérées comme des interventions de sauvetage pour réduire une sténose grave qui persistait après un traitement brinolytique, les ICP sont devenues le traitement de choix pour l’approche thérapeutique initiale de l’IDM aigu (ICP primaire) (Loomba & Arora, 2009). L’expérience des hémodynamiciens et l’amélioration de la technologie ont également modié les limites passées concernant les caractéristiques et le site de la lésion athérosclérotique. Les sténoses distales, celles avec calcications modérées, ainsi que les sténoses de la bifurcation carotidienne sont vues comme des indications pour l’ICP. Les lésions de l’artère coronaire gauche principale, même si elles sont considérées comme à risque élevé, peuvent être traitées avec succès dans certains cas. Il est désormais possible de traverser une obstruction et de dilater un vaisseau totalement bouché (Galla & Whitlow, 2010). L’expérience clinique a permis de dénir plus clairement la morphologie des lésions (forme, taille, site, degré de calcication), et celle-ci

est utilisée pour guider le choix d’une intervention par cathéter 14 .

15.4.2

Services chirurgicaux de secours

À l’origine, la plupart des établissements exigeaient que le client sur le point de subir une ICP soit candidat à l’ACTP. Des complications telles que la dissection de l’intima avec occlusion subite du vaisseau étaient susceptibles de survenir durant l’intervention, exigeant l’exécution d’une ACTP d’urgence. Aujourd’hui, la plupart des dissections sont traitées efcacement par la mise en place d’une endoprothèse, et moins de 1 % des clients ont besoin d’un pontage d’urgence. Néanmoins, la disponibilité de services de chirurgie cardiaque sur place est toujours recommandée. Une exception à cette recommandation concerne les établissements qui offrent une ICP pour le traitement des STEMI seulement. Dans ce cas, un plan pour le transfert d’urgence à un centre de chirurgie peut être utilisé, en remplacement de services chirurgicaux sur place (Levine, Bates, Blankenship et al., 2011). Les exigences en lien avec les services chirurgicaux de secours pourraient progressivement se relâcher, puisque des études montrent des résultats équivalents pour les ICP non urgentes, qu’elles soient ou non réalisées dans des centres hospitaliers offrant des services de chirurgie sur place (Aversano, Lemmon & Liu, 2012 ; Singh, Holmes, Dehmer et al., 2011).

15.4.3

Description des interventions

Angioplastie coronarienne transluminale percutanée L’angioplastie coronarienne transluminale percutanée (ACTP) utilise un cathéter muni d’un ballonnet à son extrémité. Lorsqu’il atteint la lésion athéromateuse, le ballonnet est goné de façon intermittente an de dilater la zone sténosée et d’y améliorer le débit sanguin FIGURE 15.12. La pression élevée causée par le gonement du ballonnet étire la paroi du vaisseau, brise la plaque et agrandit la lumière du vaisseau. Lorsque le ballonnet est dégoné, le vaisseau présente un certain degré de retour élastique, qui aboutit à une sténose résiduelle d’environ 30 %. Une angioplastie est considérée comme réussie si la sténose est réduite à moins de 50 % du diamètre de la lumière du vaisseau (Pompa & Bhatt, 2011). Même si l’ACTP a un taux de succès initial relativement élevé, cette technique présente d’importantes limites, dont le risque de blocage aigu du vaisseau et la fréquence élevée de resténose. À ses débuts, l’ACTP entraînait une occlusion aiguë plus fréquente qu’aujourd’hui en raison d’une dissection de la paroi du vaisseau et de la formation d’un thrombus ou de spasmes vasculaires consécutifs. Une resténose survenait chez plus du tiers des clients ayant subi une ACTP dans les six mois suivant l’intervention ; elle était diagnostiquée au moment où les clients présentaient une

FIGURE 15.12 Utilisation de l’angioplastie coronarienne transluminale percutanée pour la dilatation d’un vaisseau sténosé, obstrué par l’athérosclérose.

récidive des symptômes d’angor (St. Laurent, 2011). Les études ont montré que la resténose était inuencée par le diamètre nal de la lumière obtenu grâce à l’intervention, par l’importance du retour élastique de la paroi vasculaire à la suite du gonement du ballonnet et par le degré d’hyperplasie de l’intima attribuable à la cicatrisation du vaisseau dans la zone traitée. Des pathologies telles que des antécédents de diabète ou d’angor instable augmentaient également le risque de resténose (Garg & Serruys, 2010). Les dispositifs utilisés aujourd’hui pour l’ICP sont mieux conçus. Des cathéters à prol bas ont été mis au point an de pouvoir être acheminés dans des vaisseaux tortueux, et des ballonnets rigides ont été conçus an de prévenir la surdistension du vaisseau (Pompa & Bhatt, 2011). Une autre amélioration est celle du ballonnet de coupe – un dispositif qui permet de faire des incisions dans la plaque avant que le ballonnet soit goné. Malgré ces avancées, l’ACTP est rarement utilisée seule, sauf pour le traitement des lésions dans des artères coronaires de très petit calibre (Pompa & Bhatt, 2011). Néanmoins, l’ACTP demeure une technique d’appoint essentielle dans l’ICP pour dilater les vaisseaux et implanter les endoprothèses dans les artères coronaires.

14 La physiopathologie des maladies coronariennes est décrite dans le chapitre 14, Troubles cardiovasculaires.

15

Athérectomie L’athérectomie consiste à exciser et à retirer la plaque athéromateuse par meulage, coupe ou fraisage. Deux cathéters spécialisés sont utilisés pour l’intervention coronarienne : l’athérectomie coronaire directionnelle et l’ablation rotative (Rotablator). À l’origine, on croyait que le retrait de la plaque athéromateuse (plutôt que sa compression) permettrait de diminuer la fréquence de resténose. Malgré l’amélioration signicative du succès initial de l’intervention, le taux de resténose n’a pas été réduit de façon importante par l’athérectomie. Cette technique est utile pour retirer la plaque des lésions breuses ou calciées, ce qui aide à accroître la compliance de la paroi des vaisseaux et facilite l’angioplastie et la mise en place de l’endoprothèse. Les dispositifs d’athérectomie sont maintenant utilisés dans moins de 5 % des ICP (Pompa & Bhatt, 2011). Chapitre 15

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

487

Athérectomie coronaire directionnelle

Ablation rotative (Rotablator)

Le cathéter utilisé pour l’athérectomie coronaire directionnelle comporte une lame rotative et un réservoir FIGURE 15.13A. D’un côté se trouve une chambre cylindrique fenêtrée et, de l’autre, un ballonnet à faible gonement. Le cathéter est positionné au site de la lésion, et le ballonnet est goné, forçant l’entrée de la plaque athéromateuse dans la fenêtre de la chambre. La lame de coupe est ensuite utilisée pour retirer la plaque faisant saillie, laquelle se trouve recueillie dans la chambre. La capacité de rotation du cathéter dans différentes directions à l’intérieur du vaisseau est à l’origine du nom de la technique. Comme l’athérectomie coronaire directionnelle extrait des sections de la plaque athéromateuse qui peuvent ensuite être étudiées au microscope (comme un échantillon prélevé par biopsie), elle a beaucoup contribué à la compréhension de l’athérosclérose et de la resténose.

Le dispositif Rotablator consiste en une fraise rotative à haute vitesse recouverte de cristaux de diamant qui percent la plaque et la pulvérisent en nes particules FIGURE 15.13B. Ces dernières sont transportées dans la circulation sanguine et éliminées par le système réticuloendothélial. C’est le dispositif utilisé le plus fréquemment pour réduire les lésions fortement calciées qui ne peuvent être dilatées par angioplastie ou qui empêchent la mise en place d’une endoprothèse coronarienne. L’athérectomie rotative peut également être employée dans les cas d’occlusion totale chronique ou de lésions de bifurcation calciées (Pompa & Bhatt, 2011).

Endoprothèses coronariennes Les endoprothèses coronariennes (ou tuteurs) représentent l’une des percées majeures dans le domaine de la cardiologie d’intervention. Une endoprothèse est une structure métallique insérée dans l’artère coronaire à l’aide d’un l-guide et déployée dans le vaisseau au site de la lésion. Au départ, les endoprothèses métalliques nues étaient utilisées pour traiter les occlusions aiguës ou imminentes après l’échec d’une ACTP. L’endoprothèse servait d’échafaudage pour xer les feuillets décollés contre la paroi du vaisseau en cas de dissection aortique et pour minimiser le retour élastique. Les études subséquentes ayant conrmé les bienfaits cliniques des endoprothèses, la pose d’endoprothèses coronariennes est devenue la principale chirurgie non urgente pratiquée en cas de maladie coronarienne. À l’origine, les endoprothèses étaient réservées aux vaisseaux de gros calibre (supérieurs à 3 mm) présentant des lésions proximales discrètes. L’amélioration de la conception des endoprothèses et de la technique des hémodynamiciens permet désormais de les utiliser dans les vaisseaux de plus petit calibre où la maladie est diffuse, dans les vaisseaux qui présentent des lésions de bifurcation, ainsi que dans les vaisseaux obstrués par un thrombus. De multiples endoprothèses peuvent être implantées en séquence dans un vaisseau an de couvrir l’ensemble d’une lésion. La pose d’endoprothèses pendant une ICP est couramment réalisée (Pompa & Bhatt, 2011). De nombreuses endoprothèses sont disponibles. Elles se composent de différents métaux (acier inoxydable, titane, alliage chrome-cobalt) et se présentent sous diverses formes (p. ex., une structure maillée, en serpentin). La plupart des endoprothèses peuvent être dilatées à l’aide d’un ballonnet FIGURE 15.14.

Prévention de la thrombose de l’endoprothèse

FIGURE 15.13 Dispositifs d’athérectomie. A Cathéter pour l’athérectomie coronaire directionnelle. B Cathéter pour l’athérectomie (ablation) rotative.

488

Partie 2

Système cardiovasculaire

L’incidence élevée des thromboses subaiguës de l’endoprothèse a restreint l’utilisation initiale de ce dispositif. La thrombose avait tendance à survenir dans les 2 à 14 jours suivant la mise en place de l’endoprothèse, et elle entraînait un IDM dans la plupart des cas (St. Laurent, 2011). Les recherches subséquentes ont permis de démontrer que la thrombose de l’endoprothèse était attribuable en partie à une expansion inadéquate de l’endoprothèse dans le vaisseau et que

ce problème pouvait être résolu en utilisant un ballonnet goné à une pression élevée au moment du déploiement de l’endoprothèse. De plus, le traitement antiplaquettaire s’est avéré plus important que le traitement anticoagulant pour prévenir la thrombose de l’endoprothèse (St. Laurent, 2011). Comme l’activation plaquettaire est un processus complexe dans lequel interviennent différents facteurs, il a été démontré qu’un traitement d’association alliant deux agents ou plus représente l’approche la plus efcace (Devabhakthuni & Seybert, 2011). Plus généralement, les normes de soins pour l’ICP recommandent fréquemment une bithérapie antiplaquettaire par l’acide acétylsalicylique (à vie) et une thiénopyridine (pendant 1 à 12 mois selon le type d’endoprothèse installée) TABLEAU 15.6. Ces agents oraux sont administrés avant l’intervention et maintenus après le congé du client (Kim, Giugliano & Jang, 2011a). Le clopidogrel, une thiénopyridine de deuxième génération, a fait l’objet de nombreuses études, mais pourrait être inefcace chez jusqu’à 26 % des clients (St. Laurent, 2011). Le prasugrel (EfentMD) est une thiénopyridine de troisième génération qui offre un début d’action plus rapide, des taux élevés d’inhibition plaquettaire et une fréquence inférieure de résistance (Fletcher & Thalinger, 2010). Santé Canada a également approuvé un autre antiplaquettaire, le ticagrélor (BrilintaMD). Les avantages de cet agent, comparativement au clopidogrel et au prasugrel, sont sa courte demi-vie et son effet antiplaquettaire réversible. Ses inconvénients comprennent sa posologie biquotidienne et son coût plus élevé (Jneid, Anderson, Wright et al., 2012). De fait, les derniers antiplaquettaires coûtent plus cher que le clopidogrel (Wang, Wang, Wang et al., 2013). Des antiplaquettaires plus puissants administrés par voie I.V., les inhibiteurs de la glycoprotéine IIb/ IIIa, peuvent également être utilisés durant l’ICP, particulièrement chez le client à risque élevé de thrombose de l’endoprothèse (Kim et al., 2011a) TABLEAU 15.7. Ces médicaments agissent sur les récepteurs de la glycoprotéine IIb/IIIa présents sur la membrane des plaquettes, de façon à inhiber la phase nale de l’agrégation plaquettaire et à prévenir la liaison entre les plaquettes et le brinogène. L’abciximab (ReoProMD) a été le premier inhibiteur de la glycoprotéine IIb/IIIa approuvé par Santé Canada pour le traitement d’appoint de l’ACTP, en vue de prévenir l’occlusion subite des artères chez le client à risque élevé. Deux autres agents de la même classe, l’eptibatide (IntegrilinMD) et le tiroban (AggrastatMD), ont ensuite été homologués.

Prévention de la resténose Il a été démontré que les endoprothèses métalliques nues diminuent le risque de resténose, comparativement à l’ACTP seule, probablement parce qu’elles permettent une amélioration supérieure de la lumière vasculaire au moment de l’intervention (Pompa & Bhatt, 2011). Les endoprothèses ne se sont toutefois pas avérées être un moyen de remédier pleinement à la resténose. Celle-ci est alors

15

FIGURE 15.14 Endoprothèse coronarienne avec gonement par ballonnet.

causée par une hyperplasie de l’intima et se manifeste de façon diffuse dans l’endoprothèse, sous forme de lésions discrètes à l’intérieur de sa structure ou à ses limites. Une intervention s’impose dans les 6 mois qui suivent l’implantation d’une endoprothèse métallique nue dans environ 20 % des cas de resténose (Garg & Serruys, 2010). Les facteurs qui augmentent le risque de resténose après la pose d’une endoprothèse sont énumérés dans l’ENCADRÉ 15.13 . | Endoprothèses à élution médicamenteuse | Des endoprothèses à élution médicamenteuse (EEM) ont été mises au point an de réduire la resténose. Ces endoprothèses sont recouvertes d’un polymère imprégné de médicaments, lesquels sont lentement libérés dans l’endothélium au site de l’endoprothèse an d’inhiber la prolifération cellulaire. Santé Canada a approuvé des EEM enduites de sirolimus (RapamuneMD, RapamycineMD) (médicament immunosuppresseur utilisé Chapitre 15

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

489

Pharmacothérapie TABLEAU 15.6

Agents antiplaquettaires oraux

MÉDICAMENT

POSOLOGIE

MÉCANISME D’ACTION

SURVEILLANCE INFIRMIÈRE

Acide acétylsalicylique (AspirinMD)

• 81-325 mg/jour

Inhibe la synthèse de la thromboxane A2, d’où l’inhibition irréversible de l’activation plaquettaire.

• Administrer la dose inférieure recommandée en association avec d’autres antithrombotiques.

Clopidogrel (PlavixMD)

• Dose de charge de 300-600 mg • Dose d’entretien de 75 mg/jour

Inhibe de façon irréversible les récepteurs plaquettaires P2Y12 de l’adénosine diphosphate (ADP) an de prévenir l’activation plaquettaire.

• Tenir compte du début d’action : 2-4 h. • Interrompre le traitement de 5 à 7 jours avant une chirurgie non urgente an de réduire le risque d’hémorragie. • Noter que certains clients peuvent présenter une résistance génétique au clopidogrel, entraînant une inhibition plaquettaire inadéquate.

Prasugrel (EfentMD)

• Dose de charge de 60 mg • Dose d’entretien de 10 mg/jour

Inhibe de façon irréversible les récepteurs plaquettaires P2Y12 de l’ADP an de prévenir l’activation plaquettaire.

• Tenir compte du début d’action : 15-30 min. • Interrompre le traitement de 5 à 7 jours avant une chirurgie non urgente an de réduire le risque d’hémorragie. • Connaître les contre-indications : non recommandé chez le client ayant des antécédents d’accident ischémique transitoire ou d’AVC et chez le client > 75 ans.

Ticagrélor (BrilintaMD)

• Dose de charge de 180 mg • Dose d’entretien de 90 mg deux fois/jour

Inhibe de façon réversible les récepteurs plaquettaires P2Y12 de l’ADP an de prévenir l’activation plaquettaire.

• Tenir compte du début d’action : 30 min. • Interrompre le traitement 5 jours avant une chirurgie non urgente an de réduire le risque d’hémorragie. • Connaître les contre-indications : non recommandé chez le client ayant des antécédents d’hémorragie intracrânienne ou d’insufsance hépatique grave. • Connaître les interactions : l’administration concomitante d’une dose d’entretien d’acide acétylsalicylique (AspirinMD) > 100 mg réduit l’efcacité du ticagrélor.

Sources : Adapté de Bell, Roussin, Cartier et al. (2011) ; O’Gara et al. (2013) ; Wang et al. (2013)

pour prévenir le rejet d’un organe transplanté) et de paclitaxel (anticancéreux) (Garg & Serruys, 2010). Les études ont démontré que les EEM réduisent à moins de 10 % la fréquence de resténose chez les clients dont les lésions ont un diamètre inférieur à 3 mm et une longueur de 20 mm ou plus (James, Stenestrand, Lindbäck et al., 2009). Ce type d’endoprothèses est rapidement devenu prédominant et a été utilisé dans une grande partie des interventions. Des études ultérieures ont toutefois montré que les endoprothèses métalliques nues et les EEM offrent une efcacité à long terme comparable (thrombose de l’endoprothèse, IDM ou décès) et ont soulevé des inquiétudes quant au risque de thrombose tardive de l’endoprothèse (après plus de un an) avec les EEM (St. Laurent, 2011). Ces dernières sont désormais utilisées dans environ 75 % des interventions (Garg & Serruys, 2010). Comme les EEM retardent l’endothélialisation, la bithérapie antiplaquettaire doit être poursuivie plus longtemps (12 mois) an de prévenir la thrombose de l’endoprothèse. Les EEM sont également plus coûteuses que les endoprothèses métalliques nues. Le TABLEAU 15.8 offre une comparaison des deux types d’endoprothèses.

490

Partie 2

Système cardiovasculaire

| Recherches | Les EEM offertes sont généralement recouvertes de polymères permanents qui subsistent après la libération du médicament. Ces polymères causeraient de l’inammation et pourraient nuire à l’endothélialisation (Garg & Serruys, 2010). Les recherches portant sur les endoprothèses visent à mettre au point des polymères qui se dissoudraient après la libération du médicament, de façon à laisser une endoprothèse métallique nue dans le vaisseau. Un autre domaine de recherche concerne les endoprothèses biodégradables, qui permettraient de maintenir le vaisseau ouvert pendant sa guérison, puis qui se dissoudraient une fois le vaisseau cicatrisé. Ces deux approches réduiraient la nécessité d’un traitement antiplaquettaire à long terme (St. Laurent, 2011).

15.4.4

Procédure

Une ICP est réalisée au laboratoire de cathétérisme cardiaque sous uoroscopie. Le client reçoit généralement un traitement antiplaquettaire (une thiénopyridine et de l’acide acétylsalicylique) avant le début de l’intervention. Cette médication est entreprise

Pharmacothérapie TABLEAU 15.7

Agents antiplaquettaires intraveineux

MÉDICAMENT

POSOLOGIE

MÉCANISME D’ACTION

SURVEILLANCE INFIRMIÈRE

Abciximab (ReoProMD)

• Syndrome coronarien aigu (SCA) : bolus I.V. de 0,25 mg/kg, suivi par une perfusion I.V. continue de 0,125 mcg/kg/min (max : 10 mcg/min) jusqu’à l’ICP et pendant au plus 24 h • ICP : bolus I.V. de 0,25 mg/kg, suivi par une perfusion I.V. de 0,125 mcg/kg/min (max : 10 mcg/min) × 12 h

Inhibe les récepteurs de la GP IIb/IIIa responsables de l’agrégation plaquettaire.

• Ne pas administrer si une ICP n’est pas planiée. • Administrer en association avec l’acide acétylsalicylique (AspirinMD) et les anticoagulants. • Considérer que la fonction plaquettaire peut être perturbée jusqu’à 48 h après la perfusion.

Eptibatide (IntegrilinMD)

• SCA : bolus I.V. de 180 mcg/kg, suivi par une perfusion I.V. continue de 2 mcg/kg/min pendant au plus 72 h • ICP : bolus I.V. de 180 mcg/kg immédiatement avant l’ICP (répétition après 10 min) suivi par une perfusion I.V. continue de 2 mcg/kg/min pendant 12 à 24 h

Se lie de façon réversible aux récepteurs plaquettaires de la GP IIb/IIIa et inhibe l’agrégation plaquettaire.

• Au besoin, administrer en association avec l’acide acétylsalicylique (AspirinMD) et les anticoagulants. • Considérer que la fonction plaquettaire est rétablie aux valeurs initiales en l’espace de 6 à 8 h. • Diminuer la dose recommandée chez le client atteint d’insufsance rénale. • Connaître les contre-indications : non recommandé chez le client atteint d’insufsance rénale grave.

• SCA : bolus I.V. de 0,4 mcg/kg/min pendant 30 min, suivi par une perfusion I.V. de 0,1 mcg/kg/min pendant 48 à 108 h (Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec [IUCPQ], 2012) • ICP : bolus de 25 mcg/kg suivi par une perfusion I.V. de 0,15 mcg/kg/min pendant au plus 18 h

Se lie de façon réversible aux récepteurs plaquettaires de la GP IIb/IIIa et inhibe l’agrégation plaquettaire.

Tiroban (AggrastatMD)

• Administrer en association avec l’héparine chez le client subissant une ICP. • Considérer que la fonction plaquettaire est rétablie aux valeurs initiales en l’espace de 4 à 8 h. • Diminuer la dose recommandée chez le client atteint d’insufsance rénale.

Sources : Adapté de O’Gara et al. (2013) ; Wright et al. (2011)

minimalement la veille de la procédure si elle est élective et le plus rapidement possible en cas d’urgence. On omet le clopidogrel si le risque de chirurgie cardiaque s’avère élevé ou qu’une dilatation n’est pas prévue (Béliveau, 2005). Un introducteur, ou gaine, de cathéter est inséré sous la peau dans l’artère fémorale. L’abord peut aussi être réalisé par l’artère radiale ou brachiale. Dans certains cas, un introducteur veineux est inséré et utilisé pour réaliser un cathétérisme cardiaque droit ou pour mettre en place une sonde de stimulation, ou les deux. Une sonde de stimulation peut être indiquée si une dilatation de l’artère coronaire droite ou de l’artère circonexe est prévue, puisque l’apport sanguin au système de conduction du cœur pourrait être interrompu et qu’une stimulation d’urgence pourrait s’avérer nécessaire. Le client reçoit systématiquement un anticoagulant an de prévenir la formation de caillots à l’intérieur ou autour des cathéters. L’HNF constitue le traitement traditionnel ; elle est d’abord administrée sous forme de bolus I.V. calculé en fonction du poids, puis la dose

ENCADRÉ 15.13

Facteurs de risque de resténose après la mise en place d’une endoprothèse

Facteurs propres au client

• Diabète Facteurs anatomiques

• Vaisseau de petit diamètre (< 3 mm) • Lésions complexes, ramiées • Greffon avec veine saphène

• Lésions étendues (> 20 mm) Source : Adapté de Tolpol & Teirstein (2012)

est ajustée de façon à atteindre le temps de coagulation activée ciblé. D’autres anticoagulants peuvent être administrés en fonction des préférences du médecin ou si le client ne tolère pas l’héparine. En effet, il a été démontré que plusieurs médicaments réduisent le risque de complications hémorragiques, comparativement à l’HNF (Kim, Giugliano & Jang, 2011b) TABLEAU 15.9. Chapitre 15

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

491

15

Une sonde-guide spéciale, conçue pour accéder à l’orice de l’artère coronaire, est insérée dans l’introducteur artériel et avancée de façon rétrograde dans l’aorte. De la nitroglycérine (TridilMD) ou des bloqueurs des canaux calciques peuvent être administrés à ce stade pour prévenir le spasme des artères coronaires et pour maximiser la vasodilatation coronarienne durant l’intervention. Un l-guide est alors glissé dans l’artère coronaire et à travers l’athérome obstructif. Le cathéter à ballonnet est acheminé sur ce l-guide et positionné au niveau de la lésion. Le ballonnet est goné et dégoné à plusieurs reprises jusqu’à ce qu’une dilatation soit observée à l’angiogramme coronarien (ou coronarographie) FIGURE 15.15. Dans le cas des lésions qui ne répondent pas bien à l’angioplastie, un dispositif d’athérectomie peut être utilisé pour retirer la plaque. Dans la plupart des interventions, la dilatation du vaisseau est suivie par le déploiement d’une endoprothèse coronarienne. L’endoprothèse est positionnée au site visé, puis déployée. On retire le cathéter, et l’endoprothèse est laissée en place. Certains médecins procèdent à une échographie intravasculaire an d’évaluer le diamètre de la lumière du vaisseau après le déploiement de l’endoprothèse, ce qui leur permet de s’assurer du déploiement optimal de celle-ci (Levine et al., 2011). L’échographie offre une meilleure estimation de la plaque résiduelle que l’angiographie, puisque le produit de contraste utilisé pour l’angiographie peut recouvrir le treillis de l’endoprothèse et donner l’apparence d’une lumière de diamètre élevé, même lorsque l’endoprothèse n’est pas complètement déployée. Après l’intervention, le client est transféré à l’unité de soins intensifs coronariens ou dans une unité régulière pour recevoir des soins appropriés à son état de santé et faire l’objet d’une observation. L’administration d’héparine ou d’autres anticoagulants est habituellement interrompue immédiatement après l’intervention, an de faciliter le retrait rapide des gaines. Celles-ci sont retirées lorsque le TCA

revient à la normale chez le client ayant reçu de l’héparine ou plus rapidement si d’autres anticoagulants ou un dispositif de fermeture vasculaire ont été utilisés. S’il y a eu administration d’inhibiteurs de la glycoprotéine IIb/IIIa durant l’intervention, celle-ci peut être poursuivie pendant 12 à 24 heures, selon l’agent utilisé. Une bithérapie antiplaquettaire par l’acide acétylsalicylique et une thiénopyridine (clopidogrel, prasugrel ou ticagrélor) est habituellement prescrite à la sortie du client du centre hospitalier. Les recommandations concernant l’administration d’une thiénopyridine varient en fonction du type d’endoprothèses utilisé TABLEAU 15.8. L’acide acétylsalicylique doit, quant à lui, être administré indéniment.

15.4.5

Complications

Complications aiguës La fréquence des complications cardiaques graves après une ICP, y compris de spasmes coronariens, de dissections de l’artère coronaire et de thromboses coronariennes aiguës, a diminué signicativement grâce aux progrès technologiques réalisés. Les endoprothèses ont démontré leur efcacité dans la réparation des dissections de l’artère coronaire, ce qui a réduit la nécessité des pontages d’urgence. La thrombose aiguë a diminué parallèlement à l’utilisation de la bithérapie antiplaquettaire. Les saignements et la formation d’hématomes au site de canulation vasculaire, la réduction du débit sanguin à l’extrémité concernée et le saignement rétropéritonéal au site de l’abord fémoral sont peu fréquents, mais associés à une augmentation de la morbidité et de la durée de l’hospitalisation (Dauerman, Rao, Resnic et al., 2011). D’autres complications susceptibles de survenir immédiatement après une ICP comprennent une insufsance rénale induite par la solution de contraste, une arythmie et une réponse vasovagale (hypotension, bradycardie et diaphorèse) durant la manipulation ou le retrait des gaines de cathéter.

Complications tardives TABLEAU 15.8

Comparaison des endoprothèses métalliques nues et des endoprothèses à élution médicamenteuse

CARACTÉRISTIQUES

ENDOPROTHÈSE MÉTALLIQUE NUE

ENDOPROTHÈSE À ÉLUTION MÉDICAMENTEUSE

Caractéristiques recommandées pour les lésions

• Lésions courtes < 20 mm • Vaisseau de gros calibre > 3 mm

• Lésions étendues > 20 mm • Vaisseau de petit calibre < 3,5 mm

Taux de resténose (à six mois)

• De 15 à 20 %

• De 5 à 10 %

Durée de la bithérapie antiplaquettaire

• Au moins 1 mois chez le client n’ayant pas subi de SCA ; au moins 12 mois à la mise en place d’une endoprothèse en raison d’un SCA

• Au moins 12 mois, peu importe que le client ait ou non subi un SCA, et plus longtemps si le traitement est toléré

492

Partie 2

Système cardiovasculaire

La resténose à la suite d’une ICP demeure problématique, même si la fréquence est beaucoup plus faible avec les EEM qu’avec l’angioplastie utilisée seule. Les clients à risque élevé sont ceux qui présentent des lésions complexes ou une maladie touchant plusieurs vaisseaux ou ceux atteints de diabète (Garg & Serruys, 2010). Les options de traitement pour la resténose après la pose d’une endoprothèse comprennent la dilatation par ballonnet, la réduction de la plaque à l’aide d’un dispositif d’athérectomie, l’implantation d’une autre EEM ou encore la curiethérapie (soit l’administration intracoronarienne localisée de radiations par cathéters spécialisés). Comme la guérison au site de l’endoprothèse est retardée chez le client qui reçoit une EEM, une thrombose tardive reste possible. Celle-ci, quoique rare, est associée à un taux de mortalité élevé. L’interruption prématurée du traitement antiplaquettaire est le facteur prédictif

Pharmacothérapie TABLEAU 15.9

Anticoagulants

MÉDICAMENT

POSOLOGIE

MÉCANISME D’ACTION

SURVEILLANCE INFIRMIÈRE

• Bolus I.V. initial de 60 unités/kg (dose maximale de 4 000 unités), suivi par une perfusion I.V. de 12 unités/kg/h • Remarque : la posologie peut varier selon le protocole de l’établissement de santé.

Amélioration de l’activité de l’antithrombine III, un anticoagulant naturel, de façon à prévenir la formation de caillots

• Évaluer l’efcacité du traitement grâce au temps de céphaline activée (TCA). • Noter que la réponse est variable en raison de la liaison aux protéines plasmatiques. • Tenir compte du risque de thrombocytopénie induite par l’héparine (TIH). • Au besoin, renverser les effets par l’administration de sulfate de protamine. • Ne pas administrer au client recevant un traitement par l’énoxaparine par voie sous-cutanée (S.C).

Amélioration de l’activité de l’antithrombine III

• Administrer dans les 30 min suivant le début du traitement brinolytique. • Noter que la réponse est plus prévisible qu’avec l’héparine, car l’énoxaparine ne se lie pas majoritairement aux protéines. • Noter que le risque de TIH est moins important qu’avec l’HNF. • Noter que la surveillance du TCA n’est pas requise.

Héparine non fractionnée Héparine sodique

Héparine de bas poids moléculaire Énoxaparine (LovenoxMD)

• Bolus I.V. de 30 mg, suivi par 1 mg/kg par voie S.C. toutes les 12 h • Pour le client recevant déjà ce médicament par voie S.C., un bolus additionnel de 0,3 mg/kg est administré si la dernière dose remonte à > 8 h avant l’ICP.

Inhibiteurs directs de la thrombine Bivalirudine (AngiomaxMD)

• Bolus I.V. de 0,75 mg/kg, suivi par une perfusion I.V. de 1,75 mg/kg/h durant l’ICP • Si la perfusion est maintenue > 4 h, le taux est réduit à 0,25 mg/kg/h.

Inhibition directe de la thrombine

• Administrer en monothérapie ou en association avec des inhibiteurs de la glycoprotéine IIb/IIIa. • Noter que la prolongation du TCA est proportionnelle à la dose. • Surveiller le retour du temps de coagulation aux valeurs initiales, qui survient dans l’heure suivant l’arrêt de la perfusion. • Utiliser en remplacement de l’HNF chez le client présentant une TIH. • Réduire la dose chez le client atteint d’insufsance rénale. • Noter qu’aucun agent n’est disponible pour inhiber l’effet.

Argatroban (ArgatrobanMD)

• Bolus I.V. de 100 mcg/kg durant 1 min, suivi par une perfusion I.V. de 1 mcg/kg/min (dose faible) ou de 3 mcg/kg/min (dose élevée)

Inhibition directe de la thrombine

• Surveiller le TCA durant une perfusion prolongée. • Éviter toute interruption abrupte, qui peut entraîner un état d’hypercoagulation de rebond. • Utiliser en remplacement de l’HNF chez le client présentant une TIH.

• Dose de 2,5 mg 1fois/jour par voie S.C. • En cas d’IDM avec élévation du segment ST, la première dose est administrée par voie I.V.

Inhibition sélective du facteur Xa

• Au besoin, administrer conjointement aux brinolytiques. • En cas d’ICP, administrer avec un autre anticoagulant (p. ex., l’HFN) an de prévenir la thrombose sur cathéter. • Noter la demi-vie prolongée (> 17 h). • Connaître les contre-indications : non recommandé chez le client atteint d’insufsance rénale.

Inhibiteur du facteur Xa Fondaparinux (ArixtraMD)

Sources : Adapté de O’Gara et al. (2013) ; Wright et al. (2011)

Chapitre 15

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

493

15

FIGURE 15.15

A Coronarographie (angiogramme coronarien) d’une occlusion totale proximale aiguë de l’artère coronaire droite. Le client a éprouvé une douleur rétrosternale subite alors qu’il était à la maison et a été admis d’urgence au laboratoire de cathétérisme cardiaque. B Même vaisseau que sur l’image A , mais après une athérectomie coronaire réussie et un traitement brinolytique intracoronarien en vue de déboucher l’artère obstruée.

La douleur rétrosternale a disparu après l’intervention.

le plus important de thrombose tardive de l’endoprothèse, particulièrement avec les EEM (Garg & Serruys, 2010).

Soins et traitements inrmiers

A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux pro­ blèmes qui peuvent décou­ ler d’une ICP sont détaillés, selon le problème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers.

Les soins et les traitements inrmiers après une ICP misent sur l’évaluation adéquate de l’état du client et sur une intervention rapide. Ils peuvent porter sur divers problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 15.14 A . L’inrmière au chevet du client occupe une position unique pour surveiller continuellement l’apparition des manifestations cliniques de troubles potentiels et pour prendre rapidement les mesures qui s’imposent an de minimiser les effets délétères des complications liées au cathétérisme.

Évaluer et intervenir en cas d’angor Il est essentiel que l’inrmière surveille l’apparition d’un angor récurrent ou de sus-décalages du segment ST à l’ECG, qui sont des indicateurs cliniques d’une ischémie myocardique. Il convient de sélectionner, pour la surveillance, des dérivations qui reéteront une ischémie dans les vaisseaux traités durant l’intervention. Au cours d’une intervention en cardiologie, un angor constitue un événement escompté au moment du gonement du ballonnet ou des manipulations dans l’artère coronaire. L’angor qui survient en cours d’intervention est causé par l’interruption temporaire du débit sanguin dans l’artère concernée, interruption qui devrait disparaître au moment du

494

Partie 2

Système cardiovasculaire

dégonement ou du retrait du ballonnet ou de l’administration de nitroglycérine, ou de toutes ces mesures. L’angor qui apparaît après une intervention coronarienne peut être dû à un vasospasme coronarien transitoire ou il peut signaler une complication plus grave (une thrombose aiguë). Dans un cas comme dans l’autre, l’inrmière évalue rapidement la présence de manifestations d’une ischémie myocardique (p. ex., des modications électriques à l’ECG, une douleur rétrosternale) et instaure les interventions cliniques indiquées, comme expliqué dans la troisième section de ce chapitre. Le médecin prescrit habituellement l’ajustement de la dose de nitroglycérine I.V. an de soulager la douleur à la poitrine. Le maintien de l’angor malgré un traitement vasodilatateur optimal écarte généralement le vasospasme coronarien transitoire comme cause de la douleur ischémique, et le retour au laboratoire de cathétérisme cardiaque doit être envisagé.

Prévenir une atteinte rénale aiguë induite par la solution de contraste Le client qui doit subir une ICP est exposé à de fortes quantités de produit de contraste et donc à ses effets toxiques sur la fonction rénale. Des mesures prophylactiques peuvent être instituées avant l’intervention, particulièrement chez le client qui présente déjà des signes d’insufsance rénale. Pour ce faire, l’inrmière peut procéder à une réhydratation I.V. ou administrer une perfusion de bicarbonate de sodium sous ordonnance médicale ou collective selon les milieux (Dirkes, 2011). Même si, selon une étude initiale, l’administration de N-acétylcystéine (MucomystMD)

Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 15.14

Interventions coronariennes percutanées

• Anxiété liée à une menace contre l’intégrité biologique, psychologique ou sociale PSTI A.6 • Décit de compréhension lié à une absence d’exposition préalable à l’information PSTI A.8 • Douleur aiguë liée à la transmission et à la perception d’impulsions cutanées, viscérales, musculaires ou ischémiques PSTI A.14

pouvait s’avérer bénéque, les lignes directrices ne recommandent pas l’utilisation de ce médicament pour la prévention d’une insufsance rénale aiguë induite par une solution de contraste (Levine et al., 2011). Après l’ICP, l’hydratation est importante pour maintenir un débit adéquat dans les reins. Des liquides sont administrés par voie I.V., et le client est incité à s’hydrater par voie P.O., en fonction de sa tolérance.

Assurer les soins au site de ponction vasculaire Un saignement ou un hématome peuvent survenir au site d’insertion du cathéter alors que la gaine est encore en place ou après son retrait, en raison des effets des anticoagulants. L’inrmière observe l’apparition d’un saignement ou d’un gonement au site de ponction, ainsi que les modications des signes vitaux (hypotension, tachycardie) qui pourraient révéler une hémorragie. Lorsqu’une voie fémorale a été utilisée, l’inrmière vérie également la présence d’une dorsalgie, qui pourrait indiquer un saignement rétropéritonéal au site de ponction artérielle interne. Comme une ischémie périphérique peut aussi survenir à la suite de la canulation, l’inrmière évalue fréquemment si la circulation est sufsante dans l’extrémité du membre concerné ENCADRÉ 15.15. Elle avise le client de ne pas plier le membre et de bouger le moins possible. D’autres restrictions des activités peuvent s’appliquer en fonction du diamètre et de l’emplacement de la gaine, du type d’anticoagulants prescrits, des méthodes utilisées pour obtenir l’hémostase et des protocoles de l’établissement. Dans le cas d’un abord radial ou brachial, il peut être utile de mettre une attelle pour empêcher la exion du bras ou du poignet et de surélever le membre avec un oreiller an de prévenir l’œdème. L’hémostase est alors atteinte à l’aide d’un bracelet compressif. Dans le cas d’un abord fémoral, la tête du lit ne doit pas être relevée de plus de 30° alors que la gaine est en place (pour éviter qu’elle se déplace) et pendant un certain temps après son retrait (pour prévenir les saignements). Après le retrait de la gaine, il faut exercer une pression directement sur le site de ponction pendant 15 à 30 minutes jusqu’à l’obtention de l’hémostase. Si la

• Intolérance à l’activité liée à une immobilité prolongée ou à un déconditionnement PSTI A.21 • Risque d’hypoperfusion des tissus cardiaques PSTI A.27

• Risque d’hypoperfusion des tissus périphériques PSTI A.28

Gestion des risques liés aux soins ENCADRÉ 15.15

Prévenir l’ischémie périphérique

• Maintenir la tête du lit inclinée à  30°. • Maintenir droite l’extrémité où la canule est insérée (utiliser un immobilisateur ou une attelle au besoin). • Surveiller régulièrement la perfusion distale (force du pouls, temps de remplissage capillaire). • Évaluer les signes neurovasculaires, soit la couleur, la sensation, la mobilité et la température dans l’extrémité du membre touché.

pression n’est pas sufsante ou si le client présente un risque élevé de saignement, un dispositif de compression permet d’appliquer une pression continue pendant une ou deux heures et d’obtenir ainsi une hémostase adéquate. Le client doit demeurer allongé de deux à six heures après le retrait de la gaine, et il peut généralement recommencer à marcher par la suite ou plus rapidement si un système d’obturation vasculaire est utilisé (Shoulders-Odom, 2008). Différents dispositifs ont été commercialisés pour faciliter une hémostase adéquate de l’accès fémoral après le retrait de la gaine de cathéter. Les systèmes d’obturation actifs consistent en des sutures mécaniques, des bouchons de collagène ou des pinces métalliques pour refermer l’accès vasculaire après le retrait de la gaine. Ces systèmes permettent de réduire le temps nécessaire à l’obtention de l’hémostase (moins de cinq minutes) indépendamment du degré d’anticoagulation du client, de permettre à celui-ci de recommencer à marcher plus rapidement et d’améliorer son confort (Dauerman et al., 2011). Le système d’obturation par suture Perclose avec aiguille est utilisé pour refermer l’artère après l’intervention FIGURE 15.16. Angio-Seal est un dispositif hémostatique vasculaire qui consiste en un bouchon de collagène permettant de sceller le site de ponction artérielle. Une pression légère est exercée sur le site de ponction pendant environ cinq minutes jusqu’à l’obtention de l’hémostase. Le dispositif de fermeture vasculaire StarClose consiste en un petit clip circonférentiel en nitinol (alliage de nickel et de titane) Chapitre 15

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

495

15

FIGURE 15.16 Exemple de dispositif de chirurgie vasculaire percutanée utilisé pour refermer l’artère fémorale après un cathétérisme cardiaque. A Insertion du dispositif dans l’artère fémorale. B Après l’intervention, retrait du dispositif vers le haut de façon que les aiguilles puissent refermer l’artère. C Artère suturée sécurisée à l’aide d’un pousse-nœud.

appliqué à la surface du vaisseau pour refermer l’artère fémorale à la n de l’intervention. Le TABLEAU 15.10 offre une comparaison des systèmes d’obturation vasculaire. Les complications rapportées et les coûts accrus ont limité l’utilisation des systèmes actifs d’obturation (Biancari, D’Andrea, Di Marco et al., 2010 ; Dauerman et al., 2011). Pour éviter ces complications, divers produits ont été mis au point pour améliorer la compression manuelle et réduire le délai nécessaire à l’obtention de l’hémostase. Certains de ces dispositifs misent sur l’utilisation de compresses pour l’administration de prothrombotiques, tandis que d’autres permettent d’augmenter la pression

496

Partie 2

Système cardiovasculaire

appliquée au site de ponction. Ces dispositifs ne procurent pas une obturation immédiate, mais ils diminuent le délai avant que le client puisse recommencer à marcher (Dauerman et al., 2011).

Informer le client et ses proches L’angioplastie, l’athérectomie ainsi que la pose d’endoprothèses non urgente exigent en général une hospitalisation de moins de 24 heures. Il convient de renseigner le client et ses proches sur le traitement et la modication des facteurs de risque ENCADRÉ 15.16. En raison de la brève durée de l’hospitalisation, l’inrmière n’a souvent que le temps de préciser les facteurs de risque en cause et de transmettre les

TABLEAU 15.10

Dispositifs d’obturation vasculaire

TECHNOLOGIES ET EXEMPLES

DESCRIPTION

COMMENTAIRES

• Compresse renfermant des produits qui favorisent la coagulation, à appliquer directement sur le site de ponction, conjointement à une compression manuelle.

• Ce système est moins coûteux que les dispositifs actifs d’obturation. • Aucun corps étranger n’est laissé dans l’organisme du client.

• Fils de sutures sortis par la gaine et utilisés pour fermer le site de l’artériotomie.

• Ce dispositif permet un nouvel accès immédiat par le site de ponction au besoin FIGURE 15.16. • L’échec du dispositif pourrait nécessiter une chirurgie réparatrice.

Compresse • Clo-Sur P.A.D.

Suture • Perclose A-T • ProGlide

Bouchon ou produit de scellement • Angio-Seal • Mynx

• Produit de scellement procoagulant tel que le collagène ou la thrombine utilisé pour refermer l’artère. • Angio-Seal comporte également une suture intravasculaire an de retenir en place le bouchon de collagène. • Système Mynx utilise un cathéter à ballonnet pour injecter le produit de scellement par le site de ponction.

• Le nouvel abord doit être situé 1 cm au-dessus de l’abord artériel précédent an d’éviter de déloger le produit de scellement. • L’expulsion du produit de scellement dans le vaisseau pourrait compromettre la lumière artérielle. • Les composantes sont absorbées en l’espace de 30 à 90 jours, selon le produit de scellement utilisé.

• Agrafe ou clip circonférentiel déployé au site de l’artériotomie pour refermer le vaisseau.

• Le clip extravasculaire ne compromet pas la lumière artérielle.

Clip ou agrafe • StarClose

Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 15.16

Interventions coronariennes percutanées

L’inrmière aborde les sujets suivants : • physiopathologie de l’athérosclérose ; • modication des facteurs de risque (alimentation, exercice, abandon du tabagisme, perte de poids) ; • information au sujet des médicaments prescrits (p. ex., les antiplaquettaires, les antihypertenseurs, les dérivés nitrés, les bloqueurs des canaux calciques, les hypolipidémiants) ; • symptômes à signaler au professionnel de la santé (douleur à la poitrine, essoufement, saignement ou écoulement au site de ponction) • rendez-vous pour le suivi.

directives de base. Le client est alors dirigé vers un centre de réadaptation cardiaque de sa région pour le suivi, où il recevra plus d’information pour lui permettre de mieux comprendre la modication de ses facteurs de risque et de mieux observer les directives concernant son traitement. L’inrmière s’assure de donner au client et à ses proches toute l’information nécessaire sur les

médicaments prescrits et sur l’importance d’adhérer au traitement. À son retour chez lui, le client doit prendre des antiplaquettaires et des médicaments à titre de prévention secondaire, comme des hypolipidémiants et des antihypertenseurs. Il se peut que le médecin lui ait prescrit un nitrate, tel l’isosorbide mononitrate (ImdurMD), pour favoriser la vasodilatation ou, en présence de symptômes angiospastiques, des bloqueurs des canaux calciques. Il est essentiel que le client saisisse bien la raison d’être du traitement et les effets indésirables possibles de chaque médicament. Le client doit également comprendre l’importance de ne pas interrompre le traitement antiplaquettaire ; des décès ont été rapportés lorsque les clients cessent le traitement avant de subir une intervention non urgente (Devabhakthuni & Seybert, 2011). Il est important de donner de la documentation écrite au client et de lui fournir un numéro de téléphone à composer en cas de problème.

15.4.6

Correction valvulaire percutanée

Valvuloplastie par ballonnet La technologie d’intervention percutanée par cathéter a été adaptée pour permettre des interventions chirurgicales minimalement effractives en cas de sténose valvulaire cardiaque. Selon les lignes directrices, la valvuloplastie aortique par ballonnet n’est Chapitre 15

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

497

15

recommandée que chez l’adulte, dans l’attente d’une chirurgie, afchant une instabilité hémodynamique et chez qui le remplacement de la valve aortique présente un risque élevé ; elle est aussi indiquée chez le client ayant une sténose aortique, mais qui n’est pas candidat à la chirurgie (Bonow, Carabello, Chatterjee et al., 2006). La valvuloplastie aortique par ballonnet joue un rôle limité chez l’adulte, puisque la resténose et la détérioration clinique surviennent en général en l’espace de 6 à 12 mois et qu’il n’y a pas de différence notable quant à la survie à long terme entre cette approche et un traitement médical seul (Holmes, Mack, Kaul et al., 2012 ; Rosengart, Feldman, Borger et al., 2008). La valvuloplastie par ballonnet est réalisée en laboratoire de cathétérisme cardiaque, en plaçant un ballonnet au niveau de la valve sténosée et en le gonant pour réduire la sténose (McRae, Rodger & Bailey, 2009). Cette intervention peut donner lieu à un ux de régurgitation, particulièrement dans le cas d’une valvuloplastie mitrale. Si le ux de régurgitation est important, il pourrait s’avérer nécessaire de procéder à un remplacement d’urgence de la valve. Les risques associés à la valvuloplastie par ballonnet sont comparables à ceux liés à la plupart des interventions par cathétérisme ; elles comprennent la perforation myocardique, les événements thromboemboliques, l’arythmie et les complications vasculaires causées par la gaine du cathéter. Les soins et les traitements inrmiers post opératoires sont semblables à ceux requis après les autres cathétérismes cardiaques percutanés.

Remplacement valvulaire aortique par cathéter

14 La physiopathologie des valvulopathies est décrite dans le chapitre 14, Troubles cardiovasculaires.

498

Partie 2

Le remplacement valvulaire aortique par cathéter (TAVI : transcatheter aortic valve implantation) est un traitement destiné au client atteint d’une sténose aortique grave, mais dont la chirurgie présente des risques extrêmement élevés, ou qui est inopérable en raison de troubles comorbides (Holmes et al., 2012). Le TAVI peut être réalisé sous anesthésie générale ou rachidienne en laboratoire de cathétérisme cardiaque ou en salle d’opération hybride. Les deux techniques d’implantation les plus fréquemment utilisées sont l’approche transfémorale et l’approche transapicale (Réseau québécois de cardiologie tertiaire, 2010). Les valves aortiques mises en place par cathéter sont des bioprothèses cardiaques placées sur une endoprothèse ou une autre structure, laquelle est ensuite déployée pour ancrer la valve dans l’anneau aortique, sans aucune suture requise (McRae, 2009). Différentes approches sont utilisées pour déployer le dispositif, mais une fois que celui-ci se trouve en place, une solution de contraste est utilisée pour vérier le bon positionnement de la valve dans l’anneau aortique (McRae, 2009). Même s’il a été démontré que le TAVI offre d’excellents résultats cliniques chez le client à risque élevé, les complications sont relativement courantes en raison de la complexité de l’intervention et des

Système cardiovasculaire

comorbidités. Les complications les plus fréquentes du TAVI sont de nature vasculaire, particulièrement avec l’approche transfémorale, en raison de l’utilisation de gaines de calibre élevée et d’une athérosclérose importante (Holmes et al., 2012). Le risque d’AVC ischémiques précoces (dans les 30 jours suivant l’intervention) et la nécessité d’implanter un stimulateur cardiaque permanent après l’intervention demeurent une préoccupation importante (Kempfert, Rastan, Holzhey et al., 2011 ; Makkar, Fontana, Jilaihawi et al., 2012 ; Pruit et al., 2011). Les facteurs qui inuencent la régurgitation valvulaire comprennent le rapport entre la taille de la valve et celle de l’anneau, le positionnement de la valve et la calcication de la valve native. Tous ces facteurs peuvent contribuer à une régurgitation aortique paravalvulaire légère ou grave (Kodali, Williams, Smith et al., 2012). L’évaluation postopératoire comprend la surveillance de l’équilibre hémodynamique et hydrique, l’observation des signes d’AVC et d’insufsance rénale, ainsi que l’évaluation des troubles du rythme qui pourraient nécessiter une stimulation cardiaque de secours ou une intervention médicale. Comme le TAVI s’adresse généralement au client atteint de multiples troubles comorbides, l’inrmière veille à prévenir les complications associées à ces différents troubles (McRae et al., 2009).

15.5

Chirurgie cardiaque

Les traitements à prodiguer au client qui subit une chirurgie cardiaque sont complexes. Cette section énumère d’abord les techniques de base de chirurgie cardiaque et les principes de la dérivation cardiopulmonaire (DCP), puis les points saillants des traitements médicaux et des soins inrmiers postopératoires à prodiguer à l’adulte devant subir un remplacement valvulaire ou une revascularisation coronarienne sont présentés.

15.5.1

Chirurgie valvulaire

La valvulopathie entraîne divers troubles hémodynamiques qui répondent habituellement au traitement médicamenteux, dans la mesure où le client ne présente aucun symptôme. Le médecin hésite généralement à procéder à une intervention chirurgicale au début de la maladie en raison des risques liés à la chirurgie et des complications à long terme associées à la mise en place d’une prothèse valvulaire. Il convient toutefois de soupeser également le risque de détérioration irréversible de la fonction V.G. qui peut apparaître durant la phase de compensation asymptomatique 14 . Le traitement chirurgical de la valvulopathie aortique consiste principalement à remplacer la valve aortique, même si une réparation est possible dans certains cas de régurgitation valvulaire (Bonow et al., 2006). Trois interventions chirurgicales sont possibles pour traiter la maladie mitrale : 1) la commissurotomie ;

2) la plastie valvulaire ; 3) le remplacement de la valve. La commissurotomie est réalisée en cas de sténose mitrale ; le chirurgien sépare les feuillets fusionnés, et les dépôts de calcium sont éliminés pour accroître la mobilité valvulaire. La réparation des feuillets endommagés peut être effectuée en prélevant du tissu péricardique. En cas de régurgitation mitrale, la plastie valvulaire, ou réparation de la valve, peut comprendre le remodelage des feuillets et l’utilisation d’un anneau pour réduire le diamètre de l’anneau mitral dilaté, ce qui améliore la coaptation des feuillets (annuloplastie). Même si cette intervention s’avère plus exigeante sur le plan technique, la réparation de la valve est préférée à son remplacement, car elle évite les complications inhérentes aux prothèses valvulaires : risque d’événements thromboemboliques et nécessité d’un traitement à long terme par des anticoagulants (Piaschyk, Cyr, Wetzel et al., 2011). La valve mitrale sera remplacée si sa reconstruction se révèle impossible. Les prothèses valvulaires comportent un orice par lequel le sang circule et un dispositif d’obturation qui s’ouvre et se ferme. Les deux catégories de prothèses valvulaires sont les valves mécaniques et les valves biologiques ou tissulaires FIGURE 15.17 et ENCADRÉ 15.17. Les valves mécaniques se composent d’alliages de métaux, de carbone pyrolytique, de Dacron MD et de TeonMD, et elles sont dotées de dispositifs d’obturation rigides. Leur fabrication les rend extrêmement durables, mais tout client porteur d’une valve mécanique doit recevoir un traitement anticoagulant an de réduire le risque de maladie thromboembolique. Les valves biologiques sont composées de tissus cardiaques humains ou animaux et comportent des mécanismes d’obturation exibles. En raison de leur faible thrombogénicité, les valves tissulaires n’exigent pas la prise d’un traitement anticoagulant à long terme par le client. Cependant, le risque thromboembolique est augmenté pendant les trois mois qui suivent leur implantation. Aussi, en cas de remplacement valvulaire biologique, notamment de valves mitrales, le client devrait suivre un traitement anticoagulant avec de la warfarine sodique (CoumadinMD) pendant trois mois. Il faut savoir que la plupart des centres hospitaliers utilisent plutôt l’acide acétylsalicylique en cas de remplacement aortique biologique (Bonow, Carabello, Chatterjee et al., 2008). La durabilité des valves biologiques est limitée par leur tendance à la calcication précoce. La première valve mécanique était à bille et à cage. La valve de Starr-Edwards n’est plus utilisée aujourd’hui, mais quelques clients peuvent en être porteurs. Les valves subséquentes utilisent un disque pivotant pour l’obturation du débit sanguin. La valve à disque pivotant de Björk-Shiley a été retirée du marché au Canada en raison d’une défaillance mécanique, mais certains clients porteurs de cette valve sont toujours vivants. La plupart des valves utilisées actuellement sont à double ailette. La première valve de cette catégorie a été mise en marché

15

FIGURE 15.17

Exemples de prothèses valvulaires cardiaques. Les valves A , B et C illustrent des valves utilisées dans la pratique clinique tandis que la valve D , à bille et à cage, ne l’est plus.

ENCADRÉ 15.17

Classication des prothèses valvulaires cardiaques

VALVES MÉCANIQUES



VALVES BIOLOGIQUES OU TISSULAIRES (BIOPROTHÈSES)

• Hétérogreffes porcines : valve aortique porcine suturée sur une endoprothèse semi-exible et traitée par la glutaraldéhyde – Epic St-JudeMD – Freedom Solo SorinMD – FreeStyle StentlessMD (Medtronic) – HancockMD – MagnaMD (fréquemment utilisée) – MosaïcMD – TrifectaMD – Toronto StentlessMD (St. Jude) • Homogreffe : valve cardiaque humaine (aortique ou pulmonaire) prélevée d’un don de cœur et cryoconservée et suturée ou non sur un anneau de soutien

– – •

– – – –

Chapitre 15

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

499

par St. Jude Medical en 1977. L’un des principaux objectifs de la recherche sur les valves mécaniques est de concevoir une valve qui permettrait d’atténuer les causes de thrombose, soit la rugosité de la surface, la turbulence de la circulation et la stagnation du sang au pivot des valves. Le choix d’une prothèse valvulaire repose sur de nombreux facteurs. Par exemple, en raison de leur durabilité supérieure, les valves mécaniques pourraient être préférées chez un client jeune ayant une espérance de vie prolongée. Inversement, les bioprothèses (valves tissulaires) pourraient être choisies pour un adulte plus âgé ; la durée de vie de la valve est inférieure, mais l’espérance de vie plus courte du client âgé atténue cet inconvénient (Bonow et al., 2006). Dans les cas où l’anticoagulothérapie est contre-indiquée et où l’adhésion au traitement pourrait manquer de constance, il est possible d’opter pour une valve tissulaire (Huang & Rahimtoola, 2011). Des considérations techniques telles que la taille de l’anneau (ou celle de l’anneau anatomique où la valve sera insérée) peuvent également inuencer le choix de la valve ; par exemple, une bioprothèse pourrait être trop grande pour un petit anneau aortique.

15.5.2

Pontage

Depuis son introduction il y a près de 50 ans, le pontage aortocoronarien (PAC) a démontré son innocuité et son efcacité à soulager les symptômes d’angor et à améliorer la survie chez la plupart des clients. Même si des progrès importants ont donné jour à des techniques moins effractives et à une amélioration de la pharmacothérapie, le PAC joue toujours un rôle important dans le traitement des maladies coronariennes. Les bienfaits quant à la survie consécutive au PAC, comparativement au traitement médical, ont été établis chez certains clients atteints d’angor stable. Le PAC s’est avéré plus efcace à prolonger la survie et à soulager les symptômes d’angor que le traitement médical chez les clients atteints d’une maladie coronarienne principale gauche ou tritronculaire (Hillis, Smith, Anderson et al., 2011). Cependant, le traitement médical demeure recommandé si l’ischémie est prévenue par la prise d’antiangineux bien tolérés par le client (Hillis et al., 2011). La revascularisation chirurgicale s’est avérée plus efcace que l’ICP chez les clients atteints d’une maladie coronarienne principale gauche ou touchant de multiples vaisseaux (Cohen, Van Hout, Serruys et al., 2011 ; Weintraub, Grau-Sepulveda, Weiss et al., 2012). Le pontage pourrait permettre une revascularisation plus complète, puisqu’il peut être utilisé dans le cas de vaisseaux pour lesquels une approche percutanée est impossible, par exemple les vaisseaux totalement obstrués ou excessivement tortueux. La revascularisation du myocarde consiste en l’utilisation d’un conduit ou d’un canal servant de pont pour contourner l’artère coronaire obstruée. Le chirurgien doit évaluer le vaisseau qui offrira la perméabilité optimale pour la greffe et les

500

Partie 2

Système cardiovasculaire

meilleurs résultats à long terme pour le client. La longue veine saphène est la plus souvent utilisée pour le PAC. La greffe de la veine saphène consiste en l’anastomose proximale et distale de la portion prélevée de la veine saphène, au niveau de l’aorte et en amont de l’obstruction dans l’artère coronaire FIGURE 15.18. La technique de prélèvement joue un rôle crucial dans la perméabilité à long terme de la veine saphène ; la veine peut être prélevée par incision chirurgicale ou, plus couramment désormais, par endoscopie. Le prélèvement endoscopique de la veine saphène est associé à une hospitalisation moins longue et à une satisfaction accrue du client, mais elle comporte un risque d’échec précoce de la greffe (Lopes, Haey, Allen et al., 2009). Les greffes de veines ont toujours été associées à un taux élevé d’athérosclérose, ce qui limite leur perméabilité à long terme. Toutefois, des études suggèrent que les greffes de la veine saphène sont associées à un taux de perméabilité après 5 ans de plus de 80 %, grâce à l’amélioration des techniques de prélèvement et aux stratégies thérapeutiques telles que la prise de statines et d’antiplaquettaires, ainsi que l’abandon du tabagisme (Buxton, Hayward, Newcob et al., 2009 ; Hayward, Gordon, Hare et al., 2010). Traditionnellement, les greffons artériels sont liés à de meilleurs taux de perméabilité que les greffons veineux, en raison de leur capacité à résister à la formation des plaques athéromateuses. La revascularisation artérielle complète est recommandée chez le client en santé âgé de moins de 60 ans, et elle peut également constituer une solution raisonnable lorsque les vaisseaux cibles du système coronaire droit présentent un degré élevé de sténose (Hillis et al., 2011). L’artère mammaire interne (AMI), qui demeure habituellement xée à son point d’origine sur l’artère sous-clavière, est alors descendue en vue d’une anastomose avec l’extrémité distale de l’artère coronaire FIGURE 15.19. L’AMI démontre une excellente perméabilité à long terme, avec des taux estimés de 85 à 92 % après 15 ans (Bello, Peng & Sarkar, 2011). L’AMI droite ou gauche peut être utilisée comme pont en cas de pontage mammocoronarien. L’AMI est le vaisseau de choix recommandé pour la revascularisation par pontage ; la pratique standard veut que l’AMI gauche soit rattachée à l’artère irriguant le plus vaste territoire myocardique (le plus souvent l’artère interventriculaire antérieure) (Bello et al., 2011). Il faut noter qu’en cas de pontage d’urgence, il pourrait être impossible d’utiliser l’AMI en raison du délai additionnel requis pour mobiliser l’artère et de l’incapacité à induire la cardioplégie par ce vaisseau. Les bienfaits possibles de la perméabilité à long terme associée aux greffons artériels ont ravivé l’intérêt pour l’utilisation des greffes de l’artère radiale. D’abord employées pour la revascularisation du myocarde dans les années 1970, les greffes de l’artère radiale ont été abandonnées en raison du risque

FIGURE 15.18 Greffe de la veine saphène.

élevé d’occlusions précoces du greffon et de vasospasmes. De meilleurs taux de perméabilité sont constatés grâce à l’amélioration des techniques de prélèvement, d’une meilleure connaissance de la circulation sanguine concurrente et de l’utilisation peropératoire de vasodilatateurs (Sabik & Blackstone, 2008). Même si l’administration postopératoire de bloqueurs des canaux calciques en vue de prévenir les vasospasmes de l’artère ne fait pas l’unanimité, de nombreux clients continuent à en recevoir (Kobayashi, 2009). Le TABLEAU 15.11 offre une comparaison des vaisseaux utilisés pour la revascularisation du myocarde.

15.5.3

15

après une chirurgie pourrait être attribuable à une nécrose ou à une ischémie myocardiques peropératoires, des efforts ont été déployés pour améliorer la protection du myocarde durant le pontage. L’arrêt rapide du cœur pendant la diastole, obtenu par l’injection d’une solution de cardioplégie (arrêt de l’activité cardiaque) froide à base de potassium dans les

Dérivation cardiopulmonaire

Un PAC peut être réalisé avec un système de dérivation cardiopulmonaire (DCP) pour la circulation extracorporelle ou sans circulation extracorporelle. Dans le deuxième cas, il s’agit d’un PAC à cœur battant. La DCP est un moyen mécanique d’assurer la circulation et l’oxygénation du sang tout en détournant la majeure partie de la circulation du cœur et des poumons durant l’intervention chirurgicale cardiaque. Le circuit extracorporel est composé de canules qui drainent le sang veineux, d’un oxygénateur qui oxygène le sang et d’une tête de pompe qui propulse le sang artérialisé dans l’aorte ascendante – laquelle a été obturée par clampage pour prévenir le reux de sang dans le cœur. Le client reçoit systématiquement de l’héparine avant le début du pontage an de prévenir la formation de caillots dans le circuit de dérivation. À l’arrêt de la DCP, du sulfate de protamine est administré pour annuler les effets de l’héparine. En réponse aux observations selon lesquelles le syndrome de bas débit cardiaque souvent observé

FIGURE 15.19 Greffe de l’artère mammaire interne.

Chapitre 15

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

501

TABLEAU 15.11

Vaisseaux utilisables pour un pontage

TYPE DE GREFFON

AVANTAGES

INCONVÉNIENTS

Veine saphène

• Prélèvement facile • Longueur permettant plusieurs greffons • Aucune limite anatomique pour le site des greffes

• Perméabilité à long terme encore non déterminée • Au moins deux sites d’anasto­ mose requis

AMI

• Taux de perméabilité éprouvé • Un seul site d’anastomose requis

• Dissection importante • Non accessible pour un pontage d’urgence • Associée à un inconfort de la paroi de la cage thoracique après l’intervention • Restrictions anatomiques au pontage de certaines régions du cœur

Artère radiale

• Taux de perméabilité amélioré • Prélèvement facile

• Circulation collatérale adéquate requise vers la main par l’artère cubitale • Association possible avec un taux accru de vasospasmes • Deux sites d’anastomose requis

artères coronaires, constitue la méthode de choix pour la protection du myocarde peropératoire. La solution de cardioplégie est utilisée pour provoquer l’arrêt cardiaque, ce qui permet au chirurgien d’opérer pendant que le cœur est arrêté. Des solutions de cardioplégie froides et chaudes ont été mises à l’essai, et aucune différence signicative qui permettrait de favoriser l’une aux dépens de l’autre n’a été observée entre les deux jusqu’à présent (South, 2011). Peu importe le type de solution de cardioplégie utilisée, celle-ci doit être reperfusée à intervalles réguliers durant le pontage pour maintenir l’arrêt cardiaque et pour minimiser les besoins en oxygène du myocarde. L’hypothermie systématique durant le pontage peut réduire de 50 % les besoins en oxygène des tissus, ce qui procure une protection additionnelle contre les lésions ischémiques aux organes majeurs. L’abaissement de la température corporelle entre 32 et 34 °C (Bojar, 2011) est obtenu en intégrant un échangeur de chaleur à la pompe. Le sang est ramené à la température corporelle normale avant la n de la chirurgie. La technique d’hémodilution est également utilisée pour accroître l’oxygénation tissulaire en améliorant le débit sanguin dans la microcirculation générale et pulmonaire durant le pontage. L’hémodilution consiste en la dilution du sang autologue (le sang du client) au moyen de la solution cristalloïde isotonique utilisée pour amorcer la pompe. Elle améliore la perfusion capillaire, puisque la réduction de la viscosité (épaisseur) du sang diminue les résistances

502

Partie 2

Système cardiovasculaire

à la circulation dans les capillaires et le risque de formation d’un microthrombus. À la n de la DCP, le volume important de sang qui se trouve dans le circuit de dérivation peut être prélevé et utilisé comme volume de remplacement initial postopératoire. De nombreux effets physiologiques peuvent résulter de la DCP TABLEAU 15.12. La connaissance de ces effets physiologiques permet à l’inrmière d’anticiper les problèmes et d’intervenir efcacement durant la période postopératoire. Certains chirurgiens peuvent opter pour le PAC à cœur battant pour éviter les complications possibles associées à la DCP et au clampage de l’aorte. Plusieurs techniques sont utilisées pour stabiliser le champ opératoire durant un PAC à cœur battant. Des dispositifs d’immobilisation qui utilisent la compression ou l’aspiration ont été mis au point an de stabiliser le mouvement de la paroi cardiaque au site de l’anastomose. Dans certains cas, des médicaments qui diminuent temporairement la F.C. (p. ex., le diltiazem [CardizemMD], l’esmolol [BreviblocMD] ou le métoprolol [LopresorMD]) ou qui causent une asystolie transitoire (p. ex., l’adénosine [AdenocardMD]) peuvent aussi être administrés pour limiter encore plus la contractilité cardiaque. En cas de PAC à cœur battant, le client reçoit de l’héparine, mais à des doses inférieures à celles utilisées dans la DCP. Comme la pompe n’est pas munie d’un échangeur de chaleur, la température corporelle du client pourrait être moindre après l’intervention, ce qui risque de potentialiser les saignements (Martin & Turkelson, 2006). Même si le PAC à cœur battant a été mis au point pour réduire les complications associées à la DCP, les résultats obtenus sont variables. Il a été démontré que l’utilisation du PAC à cœur battant réduit la fréquence de transfusions, de réopération en raison d’un saignement périopératoire, de complications respiratoires et d’insufsance rénale aiguë (Lamy, Deveraux, Prabhakaran et al., 2012). Toutefois, le PAC traditionnel semble offrir une revascularisation plus complète et une meilleure perméabilité de la greffe (Shroyer, Grover, Hattler et al., 2009). Les bienfaits neurologiques perçus du PAC à cœur battant ne semblent pas avoir été conrmés puisqu’aucune différence n’a été constatée entre les groupes en ce qui concerne les résultats neuropsychologiques (Shroyer et al., 2009). Le PAC à cœur battant pourrait s’avérer bénéque chez le client atteint de troubles comorbides majeurs ou chez celui qui présente des contre-indications à la DCP.

15.5.4

Traitements médicaux et soins inrmiers

Les soins et les traitements que l’inrmière et le médecin prodiguent au client après une chirurgie cardiaque se recoupent souvent. Le médecin prescrit les interventions thérapeutiques et détermine des paramètres hémodynamiques précis à respecter pour chaque client. L’inrmière intervient ensuite an de maintenir les paramètres hémodynamiques du client dans les

TABLEAU 15.12

Effets physiologiques de la dérivation cardiopulmonaire

EFFETS

CAUSES

Décit hydrique intravasculaire (hypotension)

• Formation d’un troisième espace • Diurèse postopératoire • Vasodilatation soudaine (effet des médicaments ou du réchauffement corporel)

Formation d’un troisième espace (gain de poids, œdème)

• ↓ concentration plasmatique en protéines • ↓ perméabilité capillaire

Dépression myocardique (réduction du D.C.)

• • • • •

Coagulopathie (saignement)

• Héparinisation générale • Lésions mécaniques aux plaquettes • Faible libération par le foie des facteurs de coagulation, attribuable à l’hypothermie

Dysfonction pulmonaire (mécanismes pulmonaires et échanges gazeux défaillants)

• ↓ production de surfactant • Microembolie pulmonaire • Accumulation de liquide interstitiel dans les poumons

Hémolyse (hémoglobinurie)

• Globules rouges abîmés par le passage dans la pompe

Hyperglycémie (forte concentration sérique de glucose)

• ↓ libération d’insuline • Stimulation de la glycogénolyse

Hypokaliémie (faible concentration sérique de potassium)

• Déplacements intracellulaires durant la dérivation et la diurèse postopératoire

Hypomagnésémie (faible concentration sérique de magnésium)

• Diurèse postopératoire attribuable à l’hémodilution

Troubles neurologiques (diminution de l’état de conscience, décits moteurs ou sensoriels)

• Perfusion cérébrale inadéquate • Microembolie cérébrale (air, fragments de plaques, globules graisseux)

Hypertension (élévation transitoire de la pression artérielle [P.A.])

• Libération de catécholamine et hypothermie généralisée causant la vasoconstriction

valeurs ciblées. Par exemple, le médecin peut demander que la P.A., les pressions de remplissage, le D.C. et les résistances vasculaires systémique et pulmonaire soient maintenus dans des plages de valeur précises, en utilisant des perfusions d’agents inotropes, de vasodilatateurs et de solutés de remplissage. Dans la plupart des établissements, des protocoles standards sont utilisés an que l’inrmière puisse facilement détecter les problèmes découlant d’une chirurgie cardiaque et être en mesure de prodiguer les soins requis au client. L’ENCADRÉ 15.18 liste les problèmes qui peuvent résulter d’une chirurgie cardiaque A .

Assurer le soutien cardiovasculaire Un soutien cardiovasculaire postopératoire est souvent indiqué en raison du syndrome de bas débit cardiaque attribuable à une maladie cardiaque préexistante, à une utilisation prolongée de la pompe de DCP, à une protection inadéquate du myocarde ou à une combinaison de ces facteurs. Le D.C. peut

Hypothermie ↓ résistance vasculaire systémique (RVS) Utilisation prolongée de la pompe de DCP Maladie cardiaque préexistante Protection myocardique inadéquate

15

être optimisé en ajustant la F.C., la précharge, la postcharge et la contractilité.

Stabiliser la fréquence cardiaque Chez le client dont le D.C. est faible, la F.C. peut être régularisée par une stimulation temporaire ou par un traitement médicamenteux. Une stimulation épicardique temporaire de l’oreillette ou du ventricule, ou des deux, est généralement amorcée lorsque la F.C. chute en deçà de 60 batt./min et que le client est hypotensif. Une stimulation de soutien se situe généralement entre 80 et 100 batt./min. Si le client n’a pas de l épicardique et qu’il présente une instabilité hémodynamique, une stimulation transcutanée peut être nécessaire. Dans les cas de tachycardie sinusale, l’administration d’un bêtabloquant I.V. (p. ex., l’esmolol, le métoprolol) ou d’un bloqueur des canaux calciques (p. ex., le diltiazem) peut contribuer à ralentir la F.C. pendant la période postopératoire. Les déséquilibres électrolytiques tels que l’hypokaliémie, l’hypomagnésémie, l’hypocalcémie et l’hypercalcémie doivent Chapitre 15

A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux problèmes qui peuvent découler d’une chirurgie cardiaque sont détaillés, selon le problème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers.

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

503

Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 15.18

Chirurgie cardiaque

• Altération des échanges gazeux liée à un déséquilibre ventilation-perfusion ou à un shunt intrapulmonaire PSTI A.5

• Anxiété liée à une menace contre l’intégrité biologique, psychologique ou sociale PSTI A.6 • Décit de compréhension lié à une absence d’exposition préalable à l’information PSTI A.8 • Dégagement inefcace des voies respiratoires lié à la présence excessive de sécrétions ou à une viscosité anormale du mucus PSTI A.10 • Diminution du débit cardiaque liée à des altérations de la précharge PSTI A.12 • Diminution du débit cardiaque liée à des altérations de la postcharge PSTI A.12

être surveillés étroitement et corrigés an de prévenir les arythmies postopératoires. Une FA survient chez approximativement un tiers des clients après une chirurgie cardiaque, l’occurrence étant la plus élevée au cours des deux à quatre jours suivant la chirurgie (Mitchell & CCS Atrial Fibrillation Guidelines Committee, 2011). Ce trouble du rythme peut induire une instabilité hémodynamique, prolonger l’hospitalisation et accroître le risque d’AVC. L’administration de bêtabloquants à titre prophylactique est recommandée pour diminuer le risque de FA et de ses séquelles cliniques ; l’amiodarone (CordaroneMD) constitue une solution de rechange si les bêtabloquants sont contre-indiqués ou inefcaces (Bojar, 2011 ; Hillis et al., 2011 ; Mitchell & CCS Atrial Fibrillation Guidelines Committee, 2011).

Augmenter la précharge Chez la plupart des clients, un faible D.C. postopératoire est attribuable à une réduction de la précharge. Le plus souvent, celle-ci découle de l’hypovolémie causée par les saignements et les échanges hydriques dus à une réponse inammatoire généralisée (MullenFortino, O’Brien & Jones, 2009). Pour augmenter la précharge, un soluté de remplissage peut être administré sous forme de cristalloïde, de colloïde ou de culot globulaire. Traditionnellement, la précharge était évaluée en mesurant la pression de façon intermittente à l’aide des cathéters placés dans l’oreillette droite ou l’artère pulmonaire. Un nombre grandissant de données suggère que les indices statiques tels que la pression veineuse centrale et la pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO) sont très peu liés au volume intravasculaire et ne se révèlent pas utiles pour déterminer la réponse du client au soluté de remplissage (Bridges, 2008 ; Kupchik & Bridges, 2012). Les mesures dynamiques de la modication de la précharge (c.-à-d. la variation de la P.A. et celle de la pression systolique) se sont avérées plus précises

504

Partie 2

Système cardiovasculaire

• Diminution du débit cardiaque liée à des altérations de la contractilité myocardique PSTI A.12 • Diminution du débit cardiaque liée à des modications de la fréquence ou du rythme cardiaques PSTI A.12 • Douleur aiguë liée à la transmission et à la perception d’impulsions cutanées, viscérales, musculaires ou ischémiques PSTI A.14 • Habitudes de sommeil perturbées liées à un sommeil fragmenté PSTI A.17 • Intolérance à l’activité liée à un dysfonctionnement cardiopulmonaire PSTI A.21 • Risque d’infection PSTI A.31

pour prédire une augmentation du D.C. en réponse à l’administration d’un soluté de remplissage chez le client ayant subi un PAC (Kramer, Zygun, Hawes et al., 2004). En effet, la précharge s’explique par la loi de Frank-Starling et est directement liée au volume de remplissage. Ainsi, plus le volume de remplissage ventriculaire est grand, plus la force de contraction est grande et plus le volume d’éjection systolique est important, ce qui entraîne une augmentation de la P.A.

Diminuer ou réguler la postcharge De nombreux clients ayant subi une chirurgie présentent une hypertension postopératoire (Plante & Rowbottom, 2012). Dans le cas d’une chirurgie cardiaque, l’hypertension, même transitoire, peut occasionner ou exacerber les saignements provenant du drain thoracique introduit dans le médiastin. La RVS (postcharge) résultant de la vasoconstriction intense peut accroître la charge de travail du V.G. Un traitement vasodilatateur au moyen de nitroglycérine ou de nitroprussiate de sodium (NiprideMD) par voie I.V. est souvent utilisé pour réduire la postcharge, maîtriser l’hypertension et améliorer le D.C. De plus, l’augmentation de la postcharge peut être attribuable en partie à l’effet vasoconstricteur périphérique de l’hypothermie, effet qui peut être pris en charge par un réchauffement prudent du client. Inversement, un pourcentage important de clients font de l’hypotension après une DCP, et ce, en raison de la vasodilatation périphérique. Cet effet serait attribuable, en partie, à la réponse inammatoire généralisée à la DCP (Bojar, 2011). Le traitement de l’hypotension consécutive à une chirurgie cardiaque comprend habituellement le remplissage vasculaire et l’administration de vasopresseurs, tels que la phényléphrine, ou de noradrénaline (LevophedMD) en vue de susciter la constriction des vaisseaux périphériques et de maintenir une pression artérielle moyenne adéquate.

Accroître la contractilité Si la modication de la F.C., de la précharge et de la postcharge échouent à améliorer le D.C. de façon notable, la contractilité peut être accrue par des agents inotropes positifs, présentés dans la huitième section de ce chapitre, ou par un ballon de contrepulsion intra-aortique (BIA) augmentant la circulation, décrit dans la sixième section de chapitre.

Réguler la température L’hypothermie peut contribuer à la baisse de contractilité du myocarde, à la vasoconstriction et à l’arythmie ventriculaire chez un client ayant subi une chirurgie cardiaque. Elle peut aussi concourir aux saignements postopératoires, puisque la baisse de température ralentit l’action des facteurs de coagulation. De plus, elle prédispose le client aux arythmies auriculaires et ventriculaires et à l’apparition précipitée de frissons, lesquels augmenteraient la consommation d’oxygène et la production de dioxyde de carbone (Bojar, 2011). Après la chirurgie, le client peut être réchauffé à l’aide de couvertures chaudes ou d’un système de réchauffement à air pulsé. Il faut éviter une augmentation excessive de la température ; l’objectif est de maintenir une température corporelle cible entre 36 et 37 °C.

Maîtriser les saignements Les saignements postopératoires provenant du drain thoracique introduit dans le médiastin peuvent être causés par une hémostase inadéquate, par la rupture d’une suture ou par une coagulopathie associée à la DCP ou à l’hypothermie. Les saignements sont plus susceptibles de survenir dans le cas d’une greffe de l’AMI, en raison de la dissection étendue qui doit être réalisée dans la paroi thoracique pour prélever l’AMI. L’acide aminocaproïque (AmicarMD), l’acide tranexamique (CyklokapronMD) et l’aprotinine (Trasylol MD ) peuvent être utilisés à titre préventif pour réduire les pertes sanguines périopératoires et le besoin de transfusion sanguine chez le client qui subit un PAC nécessitant une circulation extracorporelle (Hutton, Joseph, Fergusson et al., 2012 ; Ortmann, Besser & Klein, 2013 ; Taneja, Fernandes, Marwaha et al., 2008). En cas de saignements importants durant la période postopératoire, des facteurs de coagulation (p. ex., de plasma frais congelé, des plaquettes), de l’acétate de desmopressine (DDAVPMD) ou du sulfate de protamine peuvent être administrés TABLEAU 15.13. La quantité de sang perdu jugée importante est variable selon les directives des établissements et des chirurgiens, mais des pertes approximatives de 100 à 150 ml/h sont signicatives. La thromboélastographie permet désormais de déterminer l’étape du processus de coagulation qui fait défaut et ainsi de choisir les facteurs ou les médicaments adéquats. Les dispositifs d’autotransfusion, qui facilitent la collecte et la reperfusion des pertes sanguines dans le médiastin, étaient couramment utilisés par le passé dans certains établissements. L’autotransfusion

systématique du sang médiastinal n’est plus recommandée, car elle peut exacerber les saignements en activant la voie de coagulation extrinsèque et augmenter le risque d’infection (Ferraris, Ferraris, Saha et al., 2007). L’utilisation de la pression expiratoire positive et de la ventilation mécanique peut être utile pour maîtriser les saignements excessifs dans certains cas, en augmentant sufsamment la pression intrathoracique pour comprimer les vaisseaux sanguins médiastinaux qui suintent (Ferraris et al., 2007). Le réchauffement du client remédie à la diminution de la fabrication et de la libération des facteurs de coagulation qu’entraîne l’hypothermie. Toutefois, un saignement médiastinal persistant – habituellement supérieur à 500 ml en 1 heure ou à 300 ml/h pendant 2 heures consécutives malgré la normalisation des résultats des examens de coagulation (Lemmer & Vlahakes, 2010) – constitue une indication pour une nouvelle exploration du site chirurgical. Des stratégies de conservation du sang doivent être mises en place pour limiter le nombre de transfusions, puisque l’administration de culots globulaires a été associée de façon indépendante à un accroissement des complications et de la mortalité (Hillis et al., 2011 ; Napolitano, Kurek, Luchette et al., 2009). Le moment où il convient d’administrer un concentré de globules rouges n’est pas connu ; certains recommandent de procéder à la transfusion lorsque le taux d’hémoglobine chute en deçà de 70 g/L, tandis que d’autres suggèrent de fonder la décision sur l’état clinique du client (Ferraris et al., 2007 ; Napolitano et al., 2009).

15

Maintenir la perméabilité du drain thoracique La traite du drain thoracique en vue de maintenir la perméabilité du drain n’est pas recommandée, en raison de la forte pression négative occasionnée par les méthodes de traite habituellement utilisées. Le fait de traire le drain pourrait provoquer des lésions tissulaires contribuant aux saignements. Il faut soupeser rigoureusement ce risque et les dangers réels d’une tamponnade cardiaque si le sang autour du cœur n’est pas efcacement drainé. Toutefois, le pétrissage du drain thoracique est recommandé dans le cadre des soins postopératoires courants, puisqu’il génère une pression négative moins importante et qu’il diminue le risque de saignements.

Surveiller la tamponnade cardiaque La tamponnade cardiaque, une complication potentiellement fatale, peut survenir après la chirurgie si du sang s’accumule dans le médiastin, nuisant ainsi à la capacité de pompage du cœur. Les signes de tamponnade comprennent des pressions de remplissage élevées et égalisées (p. ex., la PVC, la pression artérielle pulmonaire diastolique et la PAPO), une diminution du D.C., une réduction de la P.A., une tachycardie, une distension jugulaire, un pouls paradoxal, des bruits cardiaques assourdis, l’arrêt subit de l’écoulement par Chapitre 15

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

505

Pharmacothérapie TABLEAU 15.13

Médicaments utilisés pour le traitement des saignements postopératoires

MÉDICAMENT

POSOLOGIE

MÉCANISME D’ACTION

EFFETS INDÉSIRABLES

Acétate de desmopressine (DDAVPMD)

0,3 mcg/kg I.V. (diluer la dose dans 50 ml de NaCl) ; perfuser en 20-30 min

Améliore la fonction plaquettaire en augmentant le taux de facteur VIII

Hypotension, maux de tête, rougeur du visage, tachycardie

Sulfate de protamine

25-50 mg I.V. : administrer lentement en 10 min ; répéter au besoin 15 min plus tard

Neutralise l’effet anticoagulant de l’héparine

Bradycardie, hypotension et réactions allergiques

Sources : Adapté de APhC (2013) ; IUCPQ (2012)

les drains thoraciques et une augmentation de la taille de la silhouette cardiaque à la radiographie. Un échocardiogramme peut être réalisé au chevet du client an de conrmer la tamponnade. Les interventions en cas de tamponnade comprennent la sternotomie d’urgence à l’unité de soins critiques ou le retour à la salle d’opération pour évacuer le sang ou le caillot, ou les deux, par chirurgie.

Assurer les soins respiratoires

41 La surveillance de la fonction respiratoire au réveil de l’anesthésie est décrite dans le chapitre 41, Client en périanesthésie. 9 L’utilisation conjointe d’échelles d’évaluation de la sédation, de la dou­ leur ainsi que du délirium favorise la détection et le traitement précoces du délirium, comme expliqué dans le chapitre 9, Évalua­ tion et approche thérapeu­ tique de la sédation, de l’agitation et du délirium.

506

Partie 2

La ventilation mécanique est utilisée a priori pour assurer une ventilation et une oxygénation alvéolaires adéquates après l’opération. Des protocoles favorisant l’extubation précoce (moins de six heures après la chirurgie) ont été mis en place dans la plupart des établissements et se sont avérés efcaces pour réduire les complications pulmonaires après une chirurgie cardiaque (Camp, Stamou, Stiegel et al., 2009). L’extubation précoce nécessite une approche interdisciplinaire regroupant anesthésistes, chirurgiens, inrmières et inhalothérapeutes. Les candidats potentiels doivent être ciblés avant la chirurgie de façon que les anesthésiques utilisés permettent l’extubation précoce 41 . Après la chirurgie, l’inrmière évalue les paramètres suivants : la stabilité hémodynamique, la maîtrise adéquate des saignements, la normothermie, ainsi que la capacité du client à suivre des consignes. Lorsque ces critères sont respectés, la plupart des établissements disposent d’un protocole de sevrage à suivre et qui comporte souvent une ventilation spontanée en pression positive continue an d’évaluer si le client est apte à être extubé. Il peut s’avérer nécessaire de prolonger la ventilation mécanique chez le client qui présente une instabilité hémodynamique ou des complications peropératoires ou chez celui qui est atteint d’une maladie pulmonaire sous-jacente. Après l’extubation, un supplément d’oxygène est administré, et le client reçoit des médicaments pour atténuer la douleur au site de l’incision, ce qui facilite l’hygiène pulmonaire et le retour rapide de la mobilité, lequel aide à prévenir les complications postopératoires (Mullen-Fortino et al., 2009).

Système cardiovasculaire

Prévenir les complications neurologiques Le dysfonctionnement neurologique souvent observé chez le client ayant subi une chirurgie cardiaque est causé par une diminution de la perfusion cérébrale, une microembolie cérébrale, une hypoxie ou une réponse inammatoire généralisée. Il peut aller d’une altération cognitive subtile à des signes d’AVC aigu. Il semblait auparavant que le dysfonctionnement neurologique était principalement attribuable à la DCP, mais des données démontrent l’absence de différence, quant aux résultats neuropsychologiques, entre le PAC avec ou sans circulation extracorporelle. Le déclin cognitif pourrait donc être plus inuencé par des facteurs propres au client tels que le degré de maladie vasculaire préexistante ou le diabète (Selnes, 2008 ; Shroyer et al., 2009 ; South, 2011). Le risque de délirium est accru chez les clients qui subissent une chirurgie cardiaque, particulièrement chez les personnes âgées ; le délirium est associé à une augmentation de la mortalité et à une diminution de la qualité de vie et de la fonction cognitive (Koster, 2012). L’inrmière joue un rôle crucial dans la prévention et la reconnaissance du délirium 9 . Les interventions non pharmacologiques comprennent la réorientation du client, le recours à des aides visuelles et auditives, la mobilisation rapide, la promotion du sommeil et une utilisation judicieuse des médicaments reconnus pour potentialiser le délirium (Allen & Alexander, 2012). Le traitement du délirium peut exiger l’emploi de médicaments incluant des antipsychotiques tels que l’halopéridol (HaldolMD) ou des antipsychotiques de deuxième génération comme la quétiapine (SeroquelMD) (Sockalingam, Pareken, Bogoch et al., 2005). La libéralisation des politiques de visites pour permettre aux membres de la famille de demeurer plus longtemps au chevet du client est aussi fortement souhaitable.

Prévenir les infections Une èvre postopératoire est relativement courante après une DCP. Toutefois, des examens doivent être réalisés en cas d’une élévation persistante de la température au-delà de 38,5 °C. L’infection de la plaie

sternale, la médiastinite et l’endocardite infectieuse sont les complications infectieuses les plus néfastes, mais l’infection d’une plaie à la jambe, la pneumonie et l’infection des voies urinaires peuvent également survenir. La fréquence d’infection est plus élevée chez les clients atteints de diabète, de maladies chroniques ou d’obésité et chez ceux qui souffrent de malnutrition ou qui ont subi une chirurgie prolongée ou d’urgence. L’utilisation d’une perfusion continue d’insuline an de maintenir la glycémie à des valeurs inférieures ou égales à 10 millimoles par litre (mmol/L), tout en évitant l’hypoglycémie, peut réduire le risque de manifestations indésirables, y compris l’infection profonde de la plaie sternale (Hillis et al., 2011).

Prévenir l’insufsance rénale aiguë Une insufsance rénale aiguë apparaît chez près du tiers des clients après une chirurgie cardiaque, et elle est souvent attribuable à une combinaison de processus ischémiques (Karkouti, Wijey Sundera, Yau et al., 2009). Un dysfonctionnement rénal pendant la période postopératoire nécessite une surveillance régulière du débit urinaire et des taux sériques de créatinine. En raison de la rétention hydrique, une diurèse est souvent nécessaire pour permettre d’évacuer les uides de l’espace interstitiel vers l’espace intravasculaire ; elle peut être obtenue par l’administration de médicaments diurétiques ou elle survient parfois naturellement. La diurèse peut entraîner une hypokaliémie ; il convient donc de surveiller étroitement les taux de potassium et de les ajuster au besoin.

Informer le client et ses proches L’enseignement au client comprend de l’information au sujet de l’intervention chirurgicale, la prise en charge des facteurs de risque et la prévention de l’athérosclérose. Le client qui a subi une chirurgie valvulaire pourrait avoir besoin de recevoir de l’information additionnelle concernant la nécessité d’une antibiothérapie prophylactique avant une intervention effractive, telle qu’une procédure dentaire, ainsi que des directives précises au sujet du traitement anticoagulant ENCADRÉ 15.19.

15.5.5

Lignes directrices pour le pontage aortocoronarien

L’American College of Cardiology et l’American Heart Association ont rédigé des lignes directrices de pratique clinique pour le PAC (Hillis et al., 2011). Ainsi, la prise de décisions cliniques s’appuie sur les résultats de plusieurs études ENCADRÉ 15.20.

15.5.6

Progrès techniques

Chirurgie cardiaque minimalement effractive Grâce à l’évolution constante des techniques, plus d’options s’offrent maintenant au client qui doit subir une chirurgie cardiaque. En général, les chirurgies évoluent vers des approches minimalement

Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 15.19

Chirurgie cardiaque

L’inrmière aborde les sujets suivants : • physiopathologie de la maladie (maladie coronarienne ou valvulaire) ; • modication des facteurs de risque pour prévenir une maladie coronarienne ou valvulaire (abandon du tabagisme, exercice régulier, perte de poids) ; • soins postopératoires au site de l’incision ; • restrictions quant aux activités (ne pas soulever, pousser ou tirer des charges de plus de 10 kg pendant 6 à 8 semaines en cas de chirurgie avec sternotomie ; ne pas conduire pendant 6 à 8 semaines) ; • reprise progressive de l’exercice après la chirurgie ; • alimentation recommandée après la chirurgie ;

• information concernant les médicaments prescrits (y compris au sujet des analgé­ siques prescrits) ; • modications de l’humeur anticipées après la chirurgie ; • rendez­vous de suivi avec le médecin de famille, le cardiologue et le chirurgien cardiaque ; • information additionnelle au client ayant une atteinte valvulaire ; • symptômes de l’endocardite ; • prophylaxie par antibiotiques avant une intervention effractive, par exemple chez le dentiste ; • information concernant le traitement anticoagulant et le suivi.

15

effractives (mini-thoracotomie et très petite incision) ainsi que vers des approches percutanées. Dans le pontage aortocoronarien direct à effraction minimale, une petite incision sur la paroi antérieure gauche de la cage thoracique est réalisée pour prélever directement l’AMI gauche, qui est ensuite anastomosée à l’artère interventriculaire antérieure gauche. La fréquence des interventions réparatrices de la valve mitrale réalisées en utilisant une approche minimalement effractive augmente elle aussi de façon constante, que l’approche choisie soit directe ou robotisée (Ad, Barnett, Speir et al., 2008). La mise au point de techniques chirurgicales robotisées permet désormais aux chirurgiens d’observer une image rehaussée par ordinateur tout en manipulant les instruments à l’aide d’un bras robotisé, en utilisant uniquement une voie d’abord totalement endoscopique. Un PAC par voie totalement endoscopique peut être réalisé alors que le cœur bat ou non. Le PAC assisté par robot répond à des normes d’innocuité acceptables et permet au client de reprendre rapidement ses activités courantes (Bonatti et al., 2011). Cette technique n’est utilisée pour l’instant que dans quelques centres spécialisés et par des chirurgiens cardiaques hautement expérimentés dans le domaine. La revascularisation coronarienne hybride combine les interventions par cathéter et les interventions chirurgicales pour traiter la maladie coronarienne, avec pour objectif de tirer profit des bienfaits de chaque approche. Plus couramment, la greffe de l’AMI gauche avec anastomone sur l’artère interventriculaire antérieure gauche est réalisée de façon chirurgicale, conjointement à une ICP sur un ou deux vaisseaux cibles additionnels (Bonatti, Lehr, Vesely et al., 2010). En général, cette intervention serait écartée chez les clients dont l’état hémodynamique est Chapitre 15

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

507

instable ou chez ceux présentant un choc cardiogénique (Bonatti et al., 2010). Les salles d’opération hybrides étant de plus en plus nombreuses, un nombre grandissant de ces interventions pourront être réalisées de façon simultanée, ce qui évitera à l’équipe de chirurgie d’avoir à décider s’il convient d’effectuer d’abord la chirurgie ou l’ICP.

Traitement chirurgical de l’arythmie cardiaque L’intervention de Maze est une intervention chirurgicale destinée au client atteint de FA non maîtrisée par un traitement médicamenteux. Comme il s’agit d’une chirurgie à thorax ouvert, elle est habituellement réalisée chez le client qui a besoin d’une

Pratique fondée sur des résultats probants ENCADRÉ 15.20

Pontage aortocoronarien

DONNÉES PROBANTES DE NIVEAU ÉLEVÉ

Indications du PAC • PAC d’urgence chez les clients ayant subi un IDM aigu, lorsque l’ICP primaire a échoué ou ne peut être réalisée, lorsque l’anatomie des coronaires convient au PAC et qu’il y a présence d’une ischémie persistante ou d’une instabilité hémodynamique réfractaire au traitement non chirurgical, ou des deux. • PAC d’urgence chez les clients devant subir une correction chirurgicale à la suite d’une complication mécanique causée par un IDM, chez ceux ayant subi un choc cardiogénique ou chez ceux atteints d’une arythmie ventriculaire potentiellement fatale en présence d’une sténose de l’artère coronaire gauche ou d’une maladie coronarienne tritronculaire. • PAC chez les clients subissant une chirurgie cardiaque non coronarienne, si sténose ≥ 50 % de l’artère coronaire gauche ou sténose ≥ 70 % d’autres artères coronaires majeures. • PAC en cas de sténose importante (≥ 50 %) de l’artère coronaire gauche. • PAC en cas de sténose importante (≥ 70 %) de 3 artères coronaires majeures ou de l’artère interventriculaire antérieure proximale plus 1 autre artère coronaire majeure. • PAC ou ICP en cas de sténose importante (≥ 70 %) dans au moins 1 artère coronaire, avec angor inacceptable malgré un traitement médicamenteux conforme aux lignes directrices. • Les clients subissant un PAC qui présentent une sténose aortique au moins modérée doivent faire l’objet d’un remplacement valvulaire aortique. • Les clients qui subissent un PAC, qui présentent une insufsance mitrale ischémique grave et chez qui la revascularisation est peu susceptible de résoudre le problème doivent faire l’objet d’un remplacement ou d’une correction de la valve mitrale. Périanesthésie • Les soins en lien avec l’anesthésie doivent viser l’extubation rapide après l’intervention et le rétablissement accéléré chez les clients à risque faible à modéré. Choix du vaisseau pour le pontage • Si possible, l’AMI gauche doit être utilisée pour le pontage de l’artère interventriculaire antérieure gauche. Traitement antiplaquettaire • L’acide acétylsalicylique (AspirinMD) doit être administré avant l’intervention. En cas contraire, son administration doit être instaurée dans les six heures suivant l’intervention et poursuivie indéniment. • Dans les cas non urgents, le clopidogrel (PlavixMD) et le ticagrélor (BrilintaMD) doivent être interrompus de trois à cinq jours avant la chirurgie, et le prasu­ grel (EfentMD), au moins sept jours avant celle­ci (Fitchett, Mazer, Eikelboom et al., 2013).

508

Partie 2

Système cardiovasculaire

Traitement de la dyslipidémie • Tous les clients doivent recevoir un traitement par une statine, à moins de contre­indication. Traitement de la glycémie • Perfusion I.V. continue d’insuline an de maintenir une glycémie ≤ 10 mmol/L tôt après l’intervention tout en évitant l’hypoglycémie, an de réduire les effets indésirables. Traitement de l’arythmie • Des bêtabloquants doivent être administrés pendant au moins 24 heures avant le PAC, et dès que possible après la chirurgie. Ils doivent être pres­ crits au client au moment de son congé du centre hospitalier, à moins de contre­indication, an de réduire le risque et les séquelles cliniques de la FA. Administration des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) et des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine (ARA) • Le traitement par les IECA et les ARA doit être instauré ou repris après l’intervention et poursuivi indéniment chez les clients ayant une fraction d’éjection du ventricule gauche ≤ 40 % ou atteints d’hypertension, de diabète ou d’insufsance rénale chronique. Abandon du tabagisme • Il faut bien renseigner tous les fumeurs et leur offrir un traitement contre le tabagisme durant leur hospitalisation en raison du PAC. Réadaptation cardiaque • La réadaptation cardiaque doit être offerte à tous les clients admissibles après le PAC. Réduction du risque d’infection • Des antibiotiques doivent être administrés avant l’intervention à tous les clients an de réduire le risque d’infection postopératoire. Saignements/transfusions • Il convient de déployer des mesures visant à éviter les saignements (p. ex., la surveillance de la P.A., le soulagement de la douleur, le contrôle de l’hypo­ thermie et des frissons), et ce, an de réduire la nécessité de recourir aux transfusions sanguines. DONNÉES PROBANTES DE NIVEAU MODÉRÉ

Indications du PAC • PAC d’urgence après l’échec d’une ICP an de retirer un corps étranger d’une région anatomique vitale ou en cas de déséquilibre hémodynamique chez les clients dont la coagulation est défaillante et n’ayant pas subi de sternotomie au préalable.

ENCADRÉ 15.20

Pontage aortocoronarien (suite)

• PAC en cas de sténose importante (≥ 70 %) dans 2 artères coronaires majeures, avec ischémie myocardique étendue ou dans des vaisseaux cibles irriguant une portion étendue de myocarde viable. • PAC en cas de maladie coronarienne tritronculaire complexe (score SYNTAX > 22) avec ou sans atteinte de l’artère interventriculaire antérieure gauche proximale, chez des clients qui sont de bons candidats au PAC. • PAC privilégié à l’ICP pour améliorer la survie chez les clients dont la maladie coronarienne touche plusieurs vaisseaux et qui sont atteints de diabète, particulièrement si l’anastomose du greffon de l’AMI gauche et de l’artère interventriculaire antérieure gauche est possible. • Les clients qui subissent un PAC, qui présentent une insufsance mitrale ischémique modérée et chez qui la revascularisation est peu susceptible de résoudre le problème doivent faire l’objet d’un remplacement ou d’une correction de la valve mitrale. Traitement antiplaquettaire • Le clopidogrel (PlavixMD) à 75 mg/jour est une solution de rechange raisonnable si l’acide acétylsalicylique (AspirinMD) est contre-indiqué. Administration de bêtabloquants • L’administration de bêtabloquants avant l’intervention, particulièrement chez les clients dont la fraction d’éjection > 30 %, peut réduire le risque de mortalité au centre hospitalier. • Les bêtabloquants peuvent réduire le risque d’ischémie myocardique périopératoire.

Changements psychologiques • La thérapie cognitivo-comportementale ou des soins en interdisciplina rité peuvent être bénéfiques aux clients atteints de trouble dépressif après un PAC, afin de réduire les signes cliniques de ce trouble (p. ex., une perte de plaisir dans les activités habituellement agréables, une perturbation du sommeil ou de l’appétit, de l’anxiété et des pensées négatives). Protections myocardiques additionnelles • L’insertion d’un BIA est raisonnable pour réduire le taux de mortalité chez les clients qui ont subi un PAC et qui sont considérés comme à risque élevé (p. ex., si la fraction d’éjection du ventricule gauche < 30 % ou dans le cas d’une maladie coronarienne touchant l’artère coronaire gauche). • L’évaluation des biomarqueurs cardiaques au cours des 24 heures suivant le PAC peut être envisagée. Approche thérapeutique de l’arythmie • Chez les clients qui ne tolèrent pas les bêtabloquants, l’amiodarone (CordaroneMD) constitue une solution de rechange pour réduire le risque de FA postopératoire. • La digoxine (LanoxinMD, ToloxinMD) et les bloqueurs des canaux calciques n’appartenant pas à la classe des dihydropyridines peuvent être utiles pour maîtriser la fréquence ventriculaire en cas de FA, mais ils ne sont pas indiqués en prophylaxie.

15

Source : Adapté de Hillis et al. (2011)

chirurgie cardiaque pour une autre raison, comme pour un PAC ou un remplacement valvulaire. Une série d’incisions est pratiquée sur le tissu auriculaire an de créer un labyrinthe électrique qui coupe le circuit arythmogène et qui dirige l’impulsion sinusale vers le nœud AV. Cette intervention comporte également l’isolement chirurgical des veines pulmonaires, qui seraient responsables du déclenchement de la FA (Wyse, 2013), et le retrait des appendices auriculaires droit et gauche. L’objectif du traitement est non seulement de prévenir la récidive de la tachyarythmie auriculaire, mais aussi de rétablir le rythme sinusal et le synchronisme AV, lorsque c’est possible. Si le nœud sinoauriculaire ne fonctionne plus, un stimulateur peut être implanté an de rétablir le rythme AV. À l’origine, les cicatrices étaient pratiquées selon la technique d’incision et de suture, mais la mise au point de cathéters spécialisés d’ablation permet désormais la création d’incisions grâce à des sources d’énergie telles que les courants de radiofréquence, l’énergie micro-ondes, la cryoablation, le laser et les ultrasons focalisés de haute intensité (Calkins, Brugada, Packer et al., 2007). L’intervention de Maze est devenue la norme de référence dans le traitement chirurgical de la FA (Calkins et al., 2007). Les modications apportées à l’intervention ont mené à des approches par thorascopie moins effractives effectuées à cœur battant. Le client devra faire l’objet d’un suivi, puisque la FA est courante dans les mois qui suivent

l’intervention, jusqu’à ce que le tissu cicatriciel soit complètement formé. Même s’il est difcile de prédire les techniques vers lesquelles évoluera le traitement chirurgical de la maladie cardiaque, l’inrmière en soins critiques est prête à prodiguer des soins complexes au client. Des connaissances approfondies et d’excellentes aptitudes d’évaluation sont des conditions préalables pour bien anticiper les problèmes et les interventions requises en vue de stabiliser le client et de prévenir la survenue de complications potentiellement fatales.

15.6

Dispositifs d’assistance circulatoire mécanique

Les dispositifs d’assistance circulatoire mécanique sont utilisés dans le traitement de l’insufsance cardiaque lorsque l’approche pharmacologique classique est inefficace. Ils visent principalement à réduire la charge de travail du myocarde et à maintenir une perfusion adéquate des organes vitaux. Dans le cas d’une insufsance cardiaque aiguë réversible, une assistance ventriculaire de courte durée est utilisée pour accorder au myocarde le temps de se rétablir. Si l’état est irréversible, un dispositif d’assistance mécanique peut être employé dans l’attente d’une transplantation cardiaque chez le client candidat à une telle intervention ou comme Chapitre 15

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

509

traitement permanent chez celui qui ne dispose d’aucune autre option chirurgicale.

15.6.1

Ballon de contrepulsion intra-aortique

Le ballon de contrepulsion intra-aortique (BIA) est le dispositif d’assistance circulatoire mécanique temporaire le plus couramment utilisé pour pallier une circulation défaillante ENCADRÉ 15.21. La sonde à BIA comporte un unique ballon de polyuréthane de forme allongée, enroulé autour de l’extrémité distale d’une sonde vasculaire et positionné dans l’aorte thoracique descendante, à un point distal situé juste à côté de l’embouchure de l’artère sous-clavière gauche. Lorsqu’il est relié à la console d’assistance au chevet du client et bien synchronisé avec le cycle cardiaque du client, le BIA se gone durant la diastole et se dégone juste avant la systole. Ses effets thérapeutiques sont fondés sur des principes hémodynamiques consistant en une augmentation de la pression diastolique et en une réduction de la postcharge ENCADRÉ 15.22. Au départ, lorsque le ballon est goné à la diastole, au moment de la fermeture de la valve aortique, le sang dans la crosse de l’aorte au-dessus du ballon

ENCADRÉ 15.21

Indications pour le traitement par ballon de contrepulsion intra-aortique

• • • •

Échec du sevrage à la DCP Angor instable réfractaire aux médicaments Angor récurrent après un IDM aigu Soutien hémodynamique en cas d’ICP et de PAC chez un client à risque élevé • Complications d’un IDM aigu – Choc cardiogénique – Dysfonctionnement ou rupture d’un muscle papillaire avec régurgitation mitrale – Rupture de la cloison interventriculaire

• Arythmie ventriculaire réfractaire • Choc septique • Attente d’un traitement permanent (p. ex., une transplantation cardiaque ou un dispositif d’assistance ventriculaire)

est déplacé de façon rétrograde (vers l’arrière) vers l’anneau aortique, ce qui augmente le ux diastolique dans l’artère coronaire et accroît l’apport en oxygène au myocarde FIGURE 15.20A. Le sang se trouvant en dessous du ballon dans l’aorte est propulsé vers l’avant, vers le système vasculaire périphérique, ce qui peut améliorer la perfusion générale. Le ballon est ensuite dégoné, juste avant l’ouverture de la valve aortique, ce qui crée un vide dans l’aorte vers lequel le sang circule librement au moment de l’éjection ventriculaire FIGURE 15.20B. Cette réduction de la résistance à l’éjection ventriculaire gauche, ou diminution de la postcharge, facilite la vidange du ventricule et abaisse la demande en oxygène du myocarde. L’effet physiologique global du traitement par le BIA consiste en une amélioration de l’équilibre entre l’apport et la demande en oxygène du myocarde. Les contreindications au BIA comprennent l’anévrisme de l’aorte, une insufsance aortique notable et une maladie vasculaire périphérique grave (Kale & Fang, 2008 ; Trost & Hillis, 2006).

Traitements médicaux Le BIA peut être inséré en salle d’opération, au laboratoire de cathétérisme cardiaque ou à l’unité de soins critiques. La sonde est habituellement insérée par voie percutanée dans l’artère fémorale puis guidée jusqu’à sa position nale dans l’aorte thoracique descendante. Le médecin peut insérer le ballon après avoir mis en place un introducteur ou l’insérer sans utiliser d’introducteur an de minimiser l’occlusion du vaisseau créée par la sonde. S’il s’avère impossible de mettre la sonde en place par voie percutanée, elle peut être placée par incision chirurgicale ou par une approche thoracique directe. Après son insertion, le ballon est relié à la console, puis rempli du volume d’hélium prescrit, et le pompage est ensuite amorcé. Si le ballon ne parvient pas à se déployer complètement pendant le remplissage, le médecin peut procéder manuellement au gonage et au dégonage rapide du ballon à l’aide d’une seringue.

Source : Adapté de Laham & Aroesty (2013)

Soins et traitements inrmiers ENCADRÉ 15.22

Effets physiologiques du ballon de contrepulsion intra-aortique

AUGMENTATION

• • • •

Débit sanguin coronarien D.C. Débit urinaire Lucidité

DIMINUTION

• Signes d’ischémie myocardique : angor, modication du segment ST, arythmie ventriculaire • Demande en oxygène du myocarde • Congestion pulmonaire • F.C.

• Précharge • Postcharge

510

Partie 2

Système cardiovasculaire

La prise en charge de la console et de sa minuterie est effectuée par l’inrmière qui prend soin du client. Divers facteurs peuvent inuer sur l’efcacité du traitement par BIA, dont la position du ballon dans l’aorte, le volume déplacé par le ballon, la synchronisation du gonage et du dégonage du ballon, la qualité du signal, la fonction cardiaque du client et les variables hémodynamiques telles que le volume de sang circulant, la P.A. et les résistances vasculaires (Hanlon-Pena & Quaal, 2011b ; Kale & Fang, 2008). L’inrmière est consciente de ces facteurs an d’être en mesure d’évaluer efcacement le fonctionnement du BIA et d’assurer son rendement optimal.

FIGURE 15.20 Mécanismes d’action du ballon de contrepulsion intra-aortique. A Le gonage du ballon au moment de la diastole augmente le débit sanguin coronarien. B Le dégonage du ballon juste avant la systole diminue la postcharge.

Positionner la sonde à ballon La sonde à ballon doit être maintenue en position an d’optimiser l’efcacité du traitement et de minimiser les complications possibles. Le ballon peut se déplacer de façon proximale et obstruer l’artère sousclavière gauche ou les carotides, ou de façon distale et ainsi compromettre la circulation rénale et mésentérique. Une évaluation attentive du pouls radial gauche, de l’état de conscience, du débit urinaire et des symptômes gastro-intestinaux est essentielle. Pour prévenir un déplacement accidentel du dispositif, l’inrmière s’assure que la sonde à BIA est xée à la peau du client, que celui-ci demeure alité en tout temps avec la tête du lit élevée à un maximum de 30° et qu’il évite toute exion de la hanche concernée.

Surveiller la synchronisation du traitement La synchronisation du traitement par BIA est essentielle à l’obtention de bienfaits hémodynamiques optimaux (Hanlon-Pena & Quaal, 2011a). Même si la synchronisation de ces systèmes est désormais automatique, l’inrmière sait comment la programmer, elle comprend la méthode utilisée et évalue ses effets. Les tracés de l’ECG et de la P.A. sont constamment surveillés an de vérier la synchronisation et l’effet de contrepulsion du ballon FIGURE 15.21. Pour que la contrepulsion soit déclenchée, la pompe doit recevoir un signal qui lui permet de reconnaître le début et la n du cycle cardiaque. Le signal déclencheur peut être l’onde R de l’ECG, la branche ascendante de l’onde de pression artérielle ou l’onde de stimulation du stimulateur cardiaque (Trost & Hillis, 2006).

Surveiller les arythmies Comme une arythmie peut nuire au synchronisme du gonage et du dégonage du ballon, les troubles du rythme doivent être détectés et traités rapidement. Les BIA disposent de fonctions de synchronisation automatique qui utilisent des algorithmes internes pour régler le gonage et le dégonage en

15

FIGURE 15.21 Synchronisation et effet de la contrepulsion par ballon. Le gonage du ballon est synchronisé avec l’onde dicrotique de l’onde de pression artérielle, ce qui entraîne une élévation de la pression diastolique. Le gonage est maintenu pendant la diastole an d’accroître la perfusion coronarienne. Le ballon est dégoné juste avant la prochaine systole, ce qui réduit la pression systolique et la postcharge.

réponse aux changements de la fréquence ou du rythme cardiaques du client. Certaines sondes sont également dotées d’un capteur à bre optique pour améliorer la qualité de l’onde de P.A., qui permet des ajustements battement par battement rendant encore plus précise la synchronisation (Sakar & Kini, 2010).

Prévenir les complications vasculaires L’une des complications de l’assistance par BIA est l’ischémie des membres inférieurs causée par l’occlusion de l’artère fémorale due à la sonde ellemême ou par l’embolie résultant de la formation d’un thrombus au niveau du ballon. Même si les complications ischémiques ont diminué depuis la pratique de techniques d’insertion sans introducteur et l’insertion de sondes à ballon de plus petit calibre (7,5 Fr versus 9,5 Fr), l’évaluation de la circulation périphérique demeure une partie importante des soins inrmiers ENCADRÉ 15.15. Il faut vérier Chapitre 15

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

511

fréquemment les signes neurovasculaires du membre inférieur où la sonde du BIA est canulée, c’est-à-dire la présence et la qualité des pouls périphériques en position distale par rapport au site d’insertion de la sonde, la sensibilité des membres inférieurs, de même que la coloration, la température et le remplissage capillaire de l’extrémité concernée. Les signes de diminution de la perfusion doivent être signalés immédiatement. Un anticoagulant (p. ex., une perfusion d’héparine) peut être prescrit pour réduire le risque de thrombose. D’autres complications vasculaires associées au BIA comprennent la dissection aortique aiguë et la formation de pseudoanévrismes au site d’insertion de la sonde.

Prévenir la perforation du ballon Une autre complication possible du traitement par BIA est la perforation du ballon. Celle-ci survient au cours du contact répété entre la membrane du ballon et la plaque calciée dans l’aorte au moment du gonage et du dégonage du ballon. L’inrmière exerce une surveillance an de déceler des signes de fuite du ballon, qu’il s’agisse de l’alarme de fuite de gaz sur la console de la pompe ou de la présence de sang dans la tubulure du dispositif. Si une fuite est détectée, le pompage est interrompu, et l’inrmière avise immédiatement le médecin pour que le ballon puisse être retiré. Si celuici n’est pas retiré rapidement ou que le pompage est maintenu après la perforation, le BIA pourrait se retrouver emprisonné au fur et à mesure que le sang coagule dans la sonde, créant ainsi une masse. Le cas échéant, il faut le retirer chirurgicalement.

Prévenir les autres complications Le client est tourné en bloc toutes les deux heures sur un côté puis sur l’autre, an de maintenir l’intégrité de la peau et de prévenir l’atélectasie. Comme une thrombocytopénie peut survenir en raison de la destruction des plaquettes par l’effet de pompage du ballon, l’inrmière surveille étroitement le nombre de plaquettes, et elle demeure à l’affût des signes de saignements. Puisque l’infection au site d’insertion demeure une complication possible, le pansement est changé conformément aux politiques de l’établissement au sujet des interventions effractives.

Répondre aux besoins psychologiques du client Les besoins psychologiques du client doivent être pris en considération pendant le traitement par BIA. Fréquent, le manque de sommeil est en partie lié aux soins inrmiers, qui doivent être continuellement prodigués au client, et au bruit dans l’unité, y compris aux sons émis par le dispositif de pompage du ballon. Il est courant d’observer de l’anxiété liée à la crainte de ne pas se rétablir et à la perte d’autonomie attribuable à l’immobilité forcée. L’inrmière peut soutenir le client en le rassurant de façon régulière, en permettant à la famille des heures de visites prolongées ou en offrant au client des analgésiques an d’assurer son confort. De plus, si l’anxiété et le

512

Partie 2

Système cardiovasculaire

Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 15.23

Ballon de contrepulsion intra-aortique

L’inrmière aborde les sujets suivants : • description du BIA et de son fonctionnement ; • restrictions des activités (minimiser le mouvement des jambes) ; • symptômes à signaler au professionnel de la santé (douleur au dos, à la jambe ou à la poitrine).

manque de sommeil empêchent l’évolution favorable de la guérison du client, une consultation avec un psychiatre peut être envisagée.

Informer le client et ses proches L’ENCADRÉ 15.23 présente l’enseignement à prodiguer au client chez qui un BIA est utilisé. De plus, de nombreux fabricants de ce dispositif offrent des brochures d’information utiles à l’intention du client et de ses proches.

Sevrage Le sevrage du traitement par BIA est envisagé lorsque la stabilité hémodynamique se trouve rétablie en l’absence d’un soutien pharmacologique (ou en présence d’un soutien minime). Une façon de procéder au sevrage consiste à ralentir lentement la fréquence de pompage, en passant d’un gonement à chaque battement à un gonement tous les trois battements, selon la tolérance du client. Une autre méthode de sevrage moins courante consiste à réduire graduellement le volume du ballon. Pour prévenir la formation d’un thrombus à la surface du ballon, un ratio minimum de pompage (ou un volume minimum) du BIA doit être maintenu jusqu’au retrait du ballon.

15.6.2

Dispositifs d’assistance ventriculaire

Le dispositif d’assistance ventriculaire (DAV) est conçu pour soutenir ou remplacer un cœur qui ne parvient plus à assurer sa fonction de pompage. En recourant à une pompe pour détourner la totalité ou une partie de la circulation générale du ventricule défaillant, la charge de travail du cœur est réduite tout en maintenant une perfusion adéquate des organes cibles. Les DAV peuvent offrir une assistance au V.D. ou au V.G., ou aux deux (Kale & Fang, 2008).

Indications des dispositifs d’assistance ventriculaire Les DAV sont indiqués dans trois types de situations cliniques. La première catégorie regroupe les clients qui, malgré un traitement médicamenteux optimal,

continuent à présenter une insufsance cardiaque persistante, mais chez qui une fonction cardiaque normale est susceptible d’être rétablie si le cœur bénécie d’un temps de repos. Les clients qui se qualient pour un tel pont à la récupération comprennent ceux qui présentent un dysfonctionnement aigu du myocarde à la suite d’une chirurgie, ceux en choc cardiogénique réfractaire après un IDM aigu ou ceux atteints d’une myocardite virale aiguë. La deuxième catégorie, lorsque le DAV est utilisé comme pont à la transplantation, regroupe les clients atteints d’insufsance cardiaque chronique décompensée et ayant besoin d’un soutien circulatoire jusqu’à ce que puisse être réalisée une transplantation cardiaque. Dans la troisième catégorie, le DAV constitue un traitement palliatif. Elle regroupe les clients atteints d’insufsance cardiaque grave qui ne sont pas candidats à la transplantation cardiaque et chez qui toutes les autres options médicales ont échoué.

Fonctionnement des dispositifs d’assistance ventriculaire Plusieurs DAV ont été approuvés par Santé Canada pour le pont à la transplantation ou pour le traitement palliatif, et d’autres dispositifs font présentement

l’objet d’études cliniques. Tous comportent une pompe, des tubes, un système de contrôle et une source d’énergie. Certains dispositifs propulsent le sang de façon à créer un écoulement pulsatoire, mais la plupart des systèmes génèrent désormais un ux continu et donc non pulsatile. Un DAV percutané permet un soutien rapide, à court terme et minimalement effractif pour le client en choc cardiogénique, jusqu’à son rétablissement ou jusqu’à ce qu’un dispositif à long terme puisse être mis en place (Basra, Loyalka & Kar, 2011). Comme aucun des systèmes offerts ne représente la solution par excellence, le choix du dispositif doit être fondé sur les caractéristiques individuelles des DAV et sur les préférences de l’établissement TABLEAU 15.14. Les dispositifs d’assistance ventriculaire gauche (DAVG) sont utilisés plus couramment, car l’insufsance ventriculaire gauche est plus fréquente que l’insufsance ventriculaire droite FIGURE 15.22. Une assistance biventriculaire peut être requise durant la phase aiguë, puisque l’insufsance ventriculaire droite suit souvent l’insuffisance ventriculaire gauche (Puhlman, 2012). Pour une assistance ventriculaire gauche, une canule d’entrée détournant le sang du cœur vers le DAVG est placée dans

15

TABLEAU 15.14

Dispositifs d’assistance ventriculaire disponibles au Canada

TYPE

INDICATIONS

DESCRIPTION

• CentriMag

• Assistance biventriculaire ou univentriculaire à court terme

• Pompe à ux continu produisant un débit sanguin de 0-10 L/min • Débit sanguin produit par la rotation d’une pompe à suspension magnétique, ce qui élimine le contact entre les composantes • Dispositif placé au cours d’une intervention à thorax ouvert ou par voie percutanée

• Impella LP 2,5 • Impella LP 5,0

• Assistance ventriculaire gauche à court terme

• Pompe à ux continu avec sonde insérée par voie percutanée produisant un débit de 2,5 L/min ou de 5 L/min avec le modèle nécessitant une incision chirurgicale en vue de l’implantation • Sonde insérée par voie rétrograde dans la valve sigmoïde de façon à tirer le sang du V.G. et à le pousser dans l’aorte ascendante

• TandemHeart

• Assistance ventriculaire droite ou gauche à court terme

• Dispositif inséré par voie percutanée qui fournit un débit continu allant jusqu’à 5 L/min • DAVG : débit entrant dans une sonde positionnée dans l’oreillette gauche (par voie transseptale) et débit sortant par l’artère fémorale • DAVD : débit entrant par une sonde positionnée dans l’oreillette droite et débit sortant par l’artère pulmonaire • Dispositif permettant le transport dans un centre de soins de longue durée

• HeartWare

• Assistance ventriculaire gauche à long terme, comme pont à la transplantation ou traitement palliatif

• Pompe rotative centrifuge à ux continu produisant un débit non pulsatile • Petite taille permettant le positionnement au-dessus du diaphragme dans l’espace péricardique • Aucun point de contact mécanique dans la pompe, ce qui réduit les lésions aux globules rouges

• HeartMate II

• Assistance ventriculaire gauche à long terme • Approuvé comme pont à la transplantation ou comme traitement palliatif

• Pompe rotative électrique produisant un ux non pulsatile • Petite taille permettant l’implantation chez le client dont la surface corporelle est 1,5 m2 • Traitement anticoagulant et antiplaquettaire requis

Court terme

Long terme

Chapitre 15

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

513

FIGURE 15.22 Diagramme d’un dispositif d’assistance ventriculaire gauche (DAVG).

l’oreillette gauche ou l’apex du V.G., et une canule de sortie est reliée à l’aorte ascendante ou à l’artère fémorale FIGURE 15.23. Dans le cas des dispositifs d’assistance ventriculaire droite (DAVD), la canule d’entrée est placée du côté droit, et la canule de sortie est reliée à l’artère pulmonaire. En cas d’insufsance biventriculaire, il est également possible de recourir au cœur articiel total comme pont à la transplantation ou comme traitement palliatif (Mitter & Sheinberg, 2010). Les différents dispositifs assurent un débit de 1 à 10 L/min nécessaire au maintien d’un D.C. adéquat tout en diminuant la charge de travail ventriculaire.

FIGURE 15.23 Diagramme du dispositif d’assistance ventriculaire Impella. Le sang pénètre dans la sonde à partir du ventricule gauche, puis est acheminé vers l’aorte ascendante.

Soins et traitements inrmiers L’analyse et l’interprétation des données ainsi que les soins et les traitements inrmiers à prodiguer dans le cas d’un client ayant un DAV comprennent la surveillance des changements hémodynamiques et des complications liées au dispositif. Les interventions utilisées pour optimiser le D.C. (ajustement de la F.C., de la précharge, de la postcharge et de la contractilité) chez le client ayant subi une chirurgie cardiaque s’appliquent aussi à celui ayant un DAV. Des volumes de remplissage adéquats sont essentiels pour maintenir le débit de la pompe. Une réduction de la postcharge peut s’avérer nécessaire pour améliorer le débit ventriculaire non assisté en cas d’assistance univentriculaire. Les complications observées couramment avec tous les types de DAV comprennent les saignements, les infections, les maladies thromboemboliques et la défaillance du dispositif, même si la fréquence des complications varie selon les modèles (Mitter & Sheinberg, 2010). Les complications associées plus précisément aux DAV à ux continu sont les malformations artérioveineuses et une insufsance progressive de la valve pulmonaire (Atluri, Acker & Jessup, 2011).

Reconnaître les défaillances du dispositif Même si les défaillances du dispositif sont de plus en plus rares, elles peuvent mettre la vie du client en danger en raison de la nature de ce traitement.

514

Partie 2

Système cardiovasculaire

La conception des DAV varie considérablement, et chaque appareil dispose de ses propres méthodes de dépannage en cas de défaillance. L’inrmière sait reconnaître les signes d’un dysfonctionnement du dispositif, de même que les caractéristiques propres au client (volume de remplissage, arythmie, insufsance V.D.) pouvant nuire au fonctionnement du DAV.

Administrer le traitement anticoagulant La majorité des clients porteurs de DAV doivent recevoir un traitement anticoagulant. Le type de DAV et le protocole de l’établissement en déterminent sa nécessité. Si le client doit recevoir de l’héparine I.V., l’inrmière est responsable de maintenir des temps de coagulation en fonction du protocole et des valeurs ciblées par le chirurgien, ainsi que de surveiller les complications hémorragiques. Ces valeurs varient selon le DAV en place et les caractéristiques du client. Un saignement persistant pourrait nécessiter l’interruption de la perfusion d’héparine et l’administration de plasma frais congelé et de plaquettes. Si le client ne reçoit pas d’anticoagulant, le risque de thrombus susceptible d’obstruer les canules du DAV augmente, tout comme le risque d’embolie.

Prévenir les infections Le client ayant un DAV court un risque considérable d’infection localisée et de septicémie. Ce risque est

attribuable à la présence de sondes effractives et d’un DAV implanté chirurgicalement. L’utilisation de techniques aseptiques rigoureuses au moment de la manipulation des canules et de tous les changements de pansements prévient l’infection. Les soins à apporter aux sites varient en fonction des protocoles de l’établissement et du type de DAV utilisé. L’inrmière surveille les signes d’infection chez le client, en mesurant sa température, en inspectant les sites d’insertion et d’incision, et en obtenant quotidiennement le nombre de leucocytes. Si elle soupçonne une infection, des analyses de sang, d’urine et d’expectorations sont réalisées an de déterminer l’antibiothérapie appropriée.

Surveiller les modications hémodynamiques avec les DAV à ux continu Comme les DAV à ux continu maintiennent la circulation tout au long du cycle cardiaque, le client présentera une baisse de la pression du pouls artériel, ce qui pourrait engendrer une onde de pression plate (Myers, 2012). C’est pourquoi une absence de pouls est parfois observée chez le client porteur d’un DAV. Dans ce cas, la saturométrie, ou oxymétrie de pouls, n’est pas toujours able, et les appareils de surveillance automatique de la P.A. pourraient ou non offrir un résultat. Il faut souvent recourir à un doppler pour mesurer manuellement la P.A. (Chistensen, 2012). L’inrmière se e fréquemment aux observations de base telles que la circulation, l’état de conscience (y compris l’orientation dans le temps, l’espace et les lieux) et le débit urinaire pour déterminer si le client bénécie d’une assistance adéquate.

Informer le client et ses proches Comme le choc cardiogénique survient brutalement, l’inrmière peut difcilement préparer le client et ses proches à l’insertion d’un DAV. Toutefois, elle leur explique les raisons pour lesquelles le DAV est employé et fournit l’information nécessaire pour assurer une compréhension juste de la situation ENCADRÉ 15.24. Par ailleurs, le nombre de clients qui retournent à la maison avec un DAV continue d’augmenter. Il faut renseigner ces clients et leurs proches sur les soins à apporter à l’appareil et leur rappeler les composantes de l’approche thérapeutique de l’insufsance cardiaque.

Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 15.24

Dispositif d’assistance ventriculaire

L’inrmière aborde les sujets suivants : • description du DAV et de son fonctionnement ; • restrictions des activités pendant l’utilisation du DAV ; • symptômes à signaler au professionnel de la santé.

15.7

Chirurgie vasculaire

La chirurgie vasculaire peut être réalisée pour traiter une maladie artérielle occlusive ou pour corriger une anomalie structurale telle qu’un anévrisme. Grâce à l’évolution de la technologie endovasculaire, de nombreux clients atteints d’un trouble vasculaire peuvent désormais être traités efcacement par voie percutanée. Le choix entre une chirurgie ouverte ou une intervention endovasculaire repose sur différents facteurs, dont le type et le site de la lésion vasculaire, l’espérance de vie, les troubles comorbides, les préférences du client et l’habileté du chirurgien. Comme l’athérosclérose est une maladie diffuse qui touche autant les vaisseaux périphériques que les artères coronaires, la chirurgie vasculaire artérielle est associée à un risque élevé d’événements cardiaques périopératoires pour le client. Les soins que prodigue l’inrmière au client ayant subi une chirurgie vasculaire comportent non seulement la surveillance des complications chirurgicales telles que l’hématome ou la réocclusion, mais aussi la reconnaissance rapide et le traitement adéquat de l’aggravation d’une maladie rénale, pulmonaire ou cardiaque préexistante que l’intervention aurait pu causer.

15.7.1

15

Endartériectomie de la carotide

L’endartériectomie de la carotide (EAC) peut être bénéque chez les clients symptomatiques et asymptomatiques qui présentent une sténose de plus de 50 à 70 % (Brott, Halperin, Abbara et al., 2011). Cette intervention est réalisée par une incision au cou permettant de visualiser la ou les carotides. Ainsi, le médecin retire la plaque, puis il ferme le vaisseau, soit directement, soit par un greffon de veine saphène ou de matériel prothétique. Un drain de type JacksonPrattMD peut être placé à la n de l’intervention pour minimiser le risque de formation d’un hématome. Les complications de l’EAC comprennent l’IDM périopératoire, l’ischémie ou l’AVC, les saignements et les lésions aux nerfs crâniens.

Soins et traitements inrmiers Le client doit faire l’objet d’une surveillance intensive par l’inrmière dans les 12 à 24 heures qui suivent l’EAC. Les complications sont rares, mais peuvent être fatales, et elles exigent une intervention rapide. L’inrmière avise rapidement le chirurgien de toute modication signicative de l’état neurologique ou hémodynamique du client.

Procéder à l’évaluation neurologique Des évaluations neurologiques fréquentes sont réalisées lorsque l’effet de l’anesthésie se dissipe et que le client se réveille, puis au minimum toutes les heures pendant les 12 premières heures. Chapitre 15

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

515

Ces évaluations doivent porter sur l’état de conscience, l’orientation, la réponse pupillaire, la fonction motrice et les différentes fonctions des nerfs crâniens (p. ex., la déglutition ou le réexe pharyngé, l’enrouement, le mouvement de la langue et l’affaissement du visage). Une compression, une traction ou un sectionnement accidentel peuvent causer des lésions nerveuses au site opératoire ou à proximité. Les lésions les plus courantes sont celles causées aux nerfs hypoglosse et laryngé. La plupart des dysfonctionnements des nerfs crâniens disparaissent rapidement (Perkins, Lanzino & Brott, 2010).

Surveiller les saignements L’inrmière surveille les saignements en vériant la présence d’un gonement ou d’un écoulement dans le pansement et en mesurant le volume évacué par le drain installé dans la région cervicale, le cas échéant. Comme la formation interne d’un hématome pourrait exercer une compression sur la trachée, il convient d’être à l’affût de l’apparition de signes d’obstruction des voies aériennes. En plus de surveiller la fréquence respiratoire et la saturation en oxygène, l’inrmière évalue l’apparition d’une déviation de la trachée et des symptômes d’obstruction des voies respiratoires supérieures tels qu’un stridor ou une respiration sifante. Un petit hématome veineux peut être éliminé par pression manuelle, mais les hématomes artériels plus importants qui évoluent rapidement nécessitent le retour d’urgence à la salle d’opération pour une nouvelle exploration et l’évacuation de l’hématome.

Assurer la surveillance cardiovasculaire La surveillance continue par monitoring cardiaque avec analyse du segment ST contribue à détecter une ischémie myocardique après l’EAC. La bradycardie est courante en raison de la stimulation des barorécepteurs durant l’intervention, mais elle est généralement tolérée sur le plan hémodynamique dans la mesure où la P.A. du client demeure adéquate. La manipulation du bulbe carotidien durant la chirurgie produit souvent une instabilité hémodynamique immédiatement après l’intervention. Une canule artérielle est habituellement mise en place an de détecter et de traiter rapidement l’hypotension ou l’hypertension. Une surveillance adéquate de la P.A. après l’opération est capitale. L’hypertension augmente le risque de saignements au site de la suture et est généralement traitée par des vasodilatateurs à courte durée d’action tels que le nitroprussiate de sodium et la nitroglycérine (Mohler & Fairman, 2013). Une hypotension relative en comparaison des valeurs initiales du client entraîne une perfusion cérébrale inadéquate et un risque de décits neurologiques ; des vasopresseurs tels que le labétalol (TrandateMD) peuvent donc être utilisés pour maintenir une P.A. adéquate.

516

Partie 2

Système cardiovasculaire

15.7.2

Endoprothèses carotidiennes

Même si l’EAC est la norme de référence pour le traitement du client ayant une sténose importante de l’artère carotide, les endoprothèses carotidiennes sont de plus en plus utilisées comme solution de rechange dans les cas où la chirurgie comporte un risque élevé (Oran & Oran, 2010). L’installation de l’endoprothèse est réalisée sous anesthésie locale avec des canules percutanées comparables à celles utilisées pour la pose d’endoprothèses coronariennes. L’utilisation de dispositifs de protection contre les embolies permettant de capturer et de retirer les particules générées durant l’intervention améliore les résultats neurologiques (Perkins et al., 2010). Une étude multicentrique a démontré des résultats équivalents à la suite des deux types d’intervention, ainsi qu’une fréquence moins élevée d’AVC mineurs avec l’EAC et un risque inférieur d’IDM avec l’endoprothèse carotidienne (Binning, Khalessi & Hopkins, 2010). Les soins inrmiers à prodiguer au client après la mise en place d’une endoprothèse carotidienne sont comparables à ceux qui suivent une EAC. En règle générale, le client demeure à l’unité des soins critiques la nuit suivant l’intervention an que l’équipe de soins puisse procéder à des évaluations neurologiques fréquentes et traiter toute instabilité hémodynamique (Oran & Oran, 2010). L’apparition de complications possibles liées à l’introducteur utilisé pour établir la voie d’accès vasculaire est également surveillée.

15.7.3

Réparation d’un anévrisme de l’aorte abdominale

Un anévrisme de l’aorte abdominale est habituellement réparé lorsqu’il a un diamètre de 5 cm ou plus, qu’il occasionne des symptômes ou qu’il évolue rapidement. Cette intervention découle du risque élevé de mortalité en cas de rupture de l’anévrisme. La réparation consiste à mettre en place une greffe prothétique visant à soutenir la portion du vaisseau affaiblie par l’anévrisme. Pour ce faire, il est possible de procéder par chirurgie ouverte ou par une approche endovasculaire moins effractive.

Réparation chirurgicale La chirurgie est réalisée sous anesthésie générale. Une voie d’accès est pratiquée par incision abdominale médiane ou par incision sur le anc (approche rétropéritonéale). Le clampage de l’aorte de part et d’autre de la zone dilatée isole l’anévrisme. La portion touchée par l’anévrisme est remplacée par une greffe prothétique, puis la poche anévrysmale est refermée sur la prothèse. Les complications postopératoires comprennent l’ischémie ou l’IDM, les saignements, une insufsance rénale aiguë et une embolisation distale (Chadi, Rowe, Vogt et al., 2012). Dans de rares cas, une ischémie de la moelle épinière ou du côlon peut survenir en raison de l’interruption du ux sanguin pendant le clampage

de l’aorte ou une embolisation. Après la chirurgie, le client doit demeurer à l’unité de soins critiques pendant 24 à 48 heures, et son séjour au centre hospitalier sera d’une durée approximative de 5 à 9 jours.

telles qu’une endofuite et une migration de la greffe peuvent survenir et nécessiter une nouvelle intervention (Rooke, Hirsch, Misra et al., 2011).

15.7.4 Soins et traitements inrmiers L’inrmière évalue fréquemment les signes vitaux et la perfusion périphérique durant tout le séjour du client à l’unité de soins intensifs. La surveillance postopératoire est similaire chez toute personne ayant subi une intervention chirurgicale vasculaire. Ainsi, les principales complications à surveiller sont l’ischémie myocardique, l’hypertension et l’hypotension. Les interventions sont alors les mêmes qu’en cas d’EAC. L’inrmière surveille le débit urinaire toutes les heures an d’évaluer la fonction rénale. Si le débit urinaire est de moins de 0,5 ml/kg/h, des diurétiques peuvent être utilisés après correction de l’hypovolémie. Le pansement est vérié an de surveiller l’apparition de saignements, et les signes possibles d’hémorragie interne au site de la greffe (hypotension, signalement d’une douleur au dos) sont évalués par la mesure répétée des taux d’hématocrite. L’assistance respiratoire peut rapidement être interrompue chez un client qui ne présentait aucun trouble pulmonaire avant la chirurgie, et de l’oxygène d’appoint sera administré au besoin pour maintenir la saturation en oxygène dans les valeurs normales.

Greffe d’endoprothèse endovasculaire La mise en place endoluminale d’une greffe d’endoprothèse est une approche moins effractive pour réparer un anévrisme de l’aorte abdominale. Dans cette intervention, une greffe vasculaire sans suture est implantée dans l’aorte abdominale par artériotomie fémorale. L’endoprothèse isole la paroi de l’anévrisme de la pression sanguine à l’intérieur du vaisseau, ce qui arrête l’évolution de l’anévrisme et empêche sa rupture (Greenhalgh, Brown, Powell et al., 2010). Cette intervention, liée à une perte de sang minime, peut être réalisée sous anesthésie péridurale ; de plus, le séjour au centre hospitalier est plus court. Cette approche, qui était offerte à l’origine au client considéré comme inopérable en raison de troubles comorbides, est désormais privilégiée dans la majorité des cas non urgents (Chadi et al., 2012). Même si la mortalité et la morbidité liées à l’intervention sont moins grandes avec les endoprothèses endovasculaires, les études à répartition aléatoire n’ont montré aucune différence signicative quant à la survie à long terme entre la chirurgie ouverte et les interventions endovasculaires chez les clients atteints d’un anévrisme de l’aorte abdominale (Jackson, Chang & Freischlag, 2012). De plus, un suivi est essentiel après la mise en place de l’endoprothèse, puisque des complications tardives

Interventions vasculaires périphériques

L’artériosclérose oblitérante est un trouble dans lequel l’athérosclérose entraîne une obstruction progressive des artères de moyen et de grand calibre. Ces lésions surviennent souvent aux bifurcations de l’aorte abdominale ainsi qu’à l’artère iliaque, à l’artère fémorale, à l’artère poplitée, à l’artère tibiale et à l’artère péronière. La progression de la maladie artérielle périphérique peut entraîner une ischémie grave des membres. Le premier symptôme peut être une claudication intermittente. En l’absence de traitement, une douleur au repos, une ulcération ou même de la gangrène peuvent être observées. Le traitement initial consiste à modier le mode de vie (abandon du tabagisme, programme d’exercices, maîtrise adéquate du diabète, traitement efcace de l’hypertension et prise en charge de la dyslipidémie). Le traitement pharmacologique par des antiplaquettaires ou des antithrombotiques peut être envisagé. En cas d’échec de ces stratégies, une revascularisation par pontage chirurgical ou par intervention percutanée (angioplastie, athérectomie ou mise en place d’une endoprothèse) sera prise en considération. Peu importe le type d’intervention choisi, le ux sanguin est toujours rétabli en priorité – en corrigeant le trouble vasculaire qui compromet le débit dans les vaisseaux fémoraux. Si les symptômes persistent, la correction des lésions dans la partie inférieure des jambes est effectuée (Weinberg, Lau, Roseneld et al., 2011). Comme de nombreuses options chirurgicales et endovasculaires sont possibles pour le traitement de la maladie artérielle périphérique, le choix d’un traitement peut s’avérer compliqué. Les risques liés à l’intervention et les bienfaits escomptés, y compris la perméabilité à long terme et les options de traitements ultérieures en cas de besoin, doivent être soupesés. Des lignes directrices consensuelles ont été publiées et comprennent des recommandations pour le traitement fondées sur la morphologie de la lésion, mais elles continuent à évoluer parallèlement à la progression de la technologie et de l’expertise des chirurgiens (Norgren, Hiatt, Dormandey et al., 2007).

15

Revascularisation chirurgicale La revascularisation chirurgicale utilise un greffon pour contourner la portion lésée d’un vaisseau et ainsi améliorer le débit sanguin distal. Les interventions de revascularisation sont généralement réalisées sous anesthésie générale, mais parfois sous anesthésie locale. Les greffons utilisés pour la dérivation vasculaire périphérique comprennent les greffons veineux (veine saphène inversée, veine du

Chapitre 15

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

517

FIGURE 15.24 Interventions de dérivation artérielle périphérique. Interventions sur les vaisseaux d’arrivée : A Dérivation aorto-iliaque B Dérivation aorto-bifémorale. Interventions sur les vaisseaux de sortie : C Dérivation fémoro-poplitéale D Dérivation fémoro-tibiale.

bras ou veine ombilicale humaine) et les greffons synthétiques FIGURE 15.24 . Comme dans le cas du PAC, le type de conduit utilisé inuence la perméabilité de la greffe. Les greffons synthétiques sont efcaces pour les vaisseaux de plus gros calibre (où le débit est élevé), tandis que les veines sont préférées pour les plus petits vaisseaux en raison de leur meilleure perméabilité (Kapadia, Popowich, Kibbe et al., 2008).

Interventions percutanées Les interventions percutanées utilisées pour les artères coronaires – angioplastie, athérectomie et mise en place d’endoprothèse – peuvent également servir à traiter l’occlusion ou le rétrécissement d’un vaisseau périphérique. Le perfectionnement de la conception

518

Partie 2

Système cardiovasculaire

des cathéters et la mise au point d’endoprothèses intravasculaires se traduisent par une augmentation considérable du nombre d’interventions endovasculaires pratiquées en cas de maladie artérielle périphérique. Ces dispositifs ne se limitent plus au traitement des sténoses localisées ou à des clients pour qui la chirurgie n’est pas une option ; ils sont désormais régulièrement utilisés comme traitement de premier recours. L’athérectomie est plus souvent réalisée, puisque le diamètre des vaisseaux périphériques permet de recevoir plus facilement les cathéters de gros calibre nécessaires pour ces interventions. Les endoprothèses intravasculaires peuvent être utilisées en association avec l’angioplastie transluminale percutanée, selon la morphologie et l’emplacement de la lésion. Les mouvements mécaniques des jambes peuvent accroître le risque de rupture de l’endoprothèse ou de mauvaise endothélialisation, ce qui limite le recours à ces dispositifs dans certaines régions anatomiques (Gandhi, Sakhuja & Slovut, 2011). Les complications des interventions de revascularisation comprennent la formation d’un hématome au site de l’artériotomie, la formation d’un pseudo-anévrisme, l’embolisation distale et l’occlusion thrombotique. Une occlusion aiguë d’une artère périphérique peut survenir à la suite d’une thrombose localisée, d’une embolie, d’un trauma ou d’une compression. En l’absence de traitement, l’ischémie qui résulte de cette occlusion peut nécessiter l’amputation du membre concerné. Les interventions par cathéter qui peuvent être réalisées pour ouvrir une artère gravement obstruée comprennent l’injection intraartérielle d’agents brinolytiques et l’utilisation de dispositifs de thrombectomie pour fragmenter et retirer le caillot. Si ces interventions échouent, une revascularisation peut être effectuée (Jaffrey, Thornton & White, 2011). Dans le cas d’une ischémie liée à une menace d’amputation, la correction chirurgicale est plus durable et demeure recommandée chez le client dont l’espérance de vie excède deux ans (Rooke et al., 2011).

Soins et traitements inrmiers Durant la période qui suit immédiatement l’intervention, les soins inrmiers visent principalement à s’assurer que la perfusion du membre concerné est adéquate et à repérer les complications. Il faut vérier le pouls fréquemment et aviser le médecin de toute diminution de la puissance du signal doppler. Une P.A. adéquate est essentielle pour maintenir la perfusion au site de la greffe ou dans le vaisseau réparé. Comme la perfusion distale est compromise chez ces clients, l’inrmière prend des précautions pour prévenir les lésions de pression (p. ex., des changements de position fréquents, un repose-pieds). Si la réparation réalisée se situe en amont des artères rénales, la fonction rénale pourrait être compromise en raison de l’interruption du débit sanguin rénal pendant

l’intervention. Le débit urinaire doit donc être évalué toutes les heures, et si ce dernier est inférieur à 0,5 ml/ kg/h, l’inrmière avise le médecin an qu’il puisse ajuster l’apport de volume ou l’administration de diurétiques au besoin. Comme les clients atteints d’une maladie vasculaire périphérique sont à risque élevé d’événements cardiaques, le segment ST doit être analysé de façon à déceler les épisodes d’ischémie myocardique pendant la période périopératoire.

15.8

Pharmacothérapie cardiovasculaire

De nombreux médicaments peuvent être utilisés pour le traitement d’un trouble cardiovasculaire grave. L’inrmière en soins critiques est chargée de les préparer et de les administrer et doit souvent ajuster la dose en fonction de la réponse hémodynamique du client et des effets indésirables. Les médicaments utilisés pour traiter la maladie cardiovasculaire évoluent et se multiplient rapidement au fur et à mesure que la compréhension de la physiopathologie des troubles cardiaques s’approfondit et que de nouvelles préparations sont mises au point par les compagnies pharmaceutiques. L’inrmière en soins critiques dispose de connaissances générales des mécanismes d’action des diverses classes de médicaments, et elle les applique aux nouveaux médicaments d’une même classe. Les médicaments couramment utilisés pour soutenir la fonction cardiovasculaire dans le contexte des soins critiques sont présentés dans ce chapitre. L’accent est mis sur les médicaments I.V. utilisés pour les soins aigus plutôt que sur les médicaments indiqués pour le traitement chronique des troubles cardiovasculaires.

15.8.1

ou de réduire la période d’inexcitabilité de la cellule et d’augmenter ou de réduire le risque d’inux prématurés par des foyers ectopiques 11 . Les antiarythmiques de classe I abaissent également l’automaticité en ralentissant la dépolarisation spontanée des cellules du nœud sinusal durant la phase de repos (phase 4). Les antiarythmiques de la classe I peuvent être répartis en trois sous-groupes selon leur puissance en tant qu’inhibiteur des canaux sodiques et de leur effet sur la repolarisation (phase 3). Les agents de la classe IA – quinidine (QuinidineMD) et procaïnamide (PronestylMD) – bloquent les canaux sodiques rapides et la repolarisation en phase 3, ce qui prolonge la durée du potentiel d’action. Du point de vue clinique, il peut s’ensuivre une augmentation mesurable de la durée du complexe QRS et un prolongement de l’intervalle QT. Tous les agents de la classe IA peuvent diminuer la contractilité du myocarde. Les médicaments de la classe IB n’ont qu’un effet modéré sur les canaux sodiques et accélèrent la repolarisation en phase 3 de façon à réduire la durée du potentiel d’action ; la lidocaïne (XylocaïneMD, XylocardMD) et la mexilétine (MexilétineMD) appartiennent à ce sous-groupe. Les agents de la classe IC sont les bloqueurs des canaux sodiques les plus puissants et exercent peu d’effet sur la repolarisation. Ils allongent l’intervalle PR et le complexe QRS. La flécaïnide (Tambocor MD) et la propafénone (RythmolMD) font partie de ce sous-groupe. Les

11 Les phases du potentiel d’action et les périodes réfractaires absolue et effective sont décrites dans le chapitre 11, Ana­ tomie et physiologie du système cardiovasculaire.

15

Antiarythmiques

Les antiarythmiques regroupent des médicaments utilisés pour interrompre ou prévenir divers troubles du rythme cardiaque. Ces médicaments sont généralement classés en fonction de leur principal effet sur le potentiel d’action des cellules cardiaques FIGURE 15.25. La classication de Vaughan-Williams est la plus couramment utilisée (Beaulieu & Lambert, 2011) TABLEAU 15.15. La classication des nouveaux agents s’avère plus difcile, puisque certains d’entre eux possèdent des caractéristiques propres à plusieurs classes et que d’autres ne présentent aucune des caractéristiques décrites dans ce système de classication.

Classe I Les agents de la classe I sont des bloqueurs des canaux sodiques qui diminuent le ux entrant d’ions sodium par les canaux « rapides » durant la phase de dépolarisation (phase 0). Les périodes réfractaires absolue et effective peuvent être prolongées ou raccourcies selon la classe de l’antiarythmique (1A, 1B ou 1C), ce qui a respectivement pour effet d’augmenter

FIGURE 15.25 Phases de potentiel d’action cardiaque et périodes réfrac ­ taires du cœur. Phase 0 : Dépolarisation avec ux entrant rapide d’ions sodium. Phase 1 : Brève repolarisation par­ tielle. Phase 2 : Plateau avec ux entrant lent d’ions sodium et calcium. Phase 3 : Repolarisation rapide avec ux sortant continu d’ions potassium. Phase 4 : Phase de repos avec res­ tauration de l’équilibre ionique par les pompes à sodium et à potassium.

Chapitre 15

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

519

résultats de l’étude CAST (Cardiac Arrhythmia Suppression Trial) ont révélé que le traitement par la écaïnide pourrait être associé à une augmentation de la mortalité ; l’utilisation de ce médicament dans la pratique clinique a donc diminué (Jaffrey et al., 2011).

Classe II Les agents de la classe II sont des bêtabloquants. Ils inhibent l’arythmie médiée par le système nerveux sympathique en faisant concurrence aux catécholamines endogènes pour occuper les récepteurs disponibles. La dépolarisation spontanée durant la phase de repos (phase 4) est donc affaiblie, et la conduction AV se trouve ralentie. Les antiarythmiques de cette classe peuvent être répartis en deux sous-groupes : les agents cardiosélectifs (ceux qui bloquent uniquement les récepteurs bêta-1) et les agents non cardiosélectifs (qui bloquent les récepteurs bêta-1 et bêta-2). En connaissant les effets de la stimulation des récepteurs adrénergiques, l’inrmière peut prévoir la réponse au traitement par les bêtabloquants et anticiper les effets indésirables possibles de ces médicaments TABLEAU 15.16. Par exemple, un bronchospasme peut être déclenché par des bêtabloquants non cardiosélectifs chez un client atteint de maladie pulmonaire obstructive chronique en raison du blocage des récepteurs bêta-2 dans les poumons. Les bêtabloquants

exercent également un effet inotrope négatif et doivent être utilisés avec prudence chez le client atteint de dysfonction V.G. Même si de nombreux bêtabloquants sont commercialisés, seuls l’esmolol, le métoprolol et le propranolol (InderalMD) sont offerts en présentation I.V. pour le traitement de l’arythmie aiguë. Parmi ces derniers, l’esmolol offre des avantages notables chez le client gravement malade en raison de sa courte demi-vie (environ neuf minutes). Il est utilisé pour le traitement de la TSV telle que la FA et le utter auriculaire.

Classe III Les agents de la classe III comprennent l’amiodarone, le dronédarone (MultaqMD), l’ibutilide (CorvertMD) et le sotalol (SotacorMD). Ces agents ralentissent considérablement la repolarisation en phase 3, ce qui allonge les périodes réfractaires absolue et effective ainsi que la durée du potentiel d’action. Même si leurs effets sur ce dernier sont comparables, le mécanisme d’action et les effets indésirables de ces médicaments diffèrent beaucoup. Le sotalol est approuvé pour une administration par voie P.O. seulement. À l’origine, l’amiodarone par voie I.V. était approuvée pour le traitement de l’arythmie ventriculaire grave réfractaire aux autres médicaments. En raison de son efcacité, elle est désormais utilisée dans l’arythmie ventriculaire et auriculaire (Roberts, 2010). L’ibutilide est un

Pharmacothérapie TABLEAU 15.15

Classication des antiarythmiques

CLASSE

MÉDICAMENT

MÉCANISME D’ACTION

IA

• Quinidine (QuinidineMD) • Procaïnamide (PronestylMD)

Bloquent les canaux sodiques (stabilisent la membrane cellulaire) et retardent la repolarisation, ce qui allonge la durée du potentiel d’action.

IB

• Lidocaïne (XylocaïneMD, XylocardMD) • Mexilétine (MexilétineMD)

Bloquent les canaux sodiques (stabilisent la membrane cellulaire) et accélèrent la repolarisation, ce qui raccourcit la durée du potentiel d’action.

IC

• Flécaïnide (TambocorMD) • Propafénone (RythmolMD)

Bloquent les canaux sodiques (stabilisent la membrane cellulaire) et ralentissent la conduction dans le système de His-Purkinje, ce qui prolonge la durée du complexe QRS.

II

• Esmolol (BreviblocMD) • Métoprolol (BétalocMD, LopresorMD) • Propranolol (InderalMD)

Bloquent les bêtarécepteurs.

III

• Amiodarone (CordaroneMD) • Dofétilide (TykosynMD) (qui doit être prescrit par un électrophysiologiste) • Dronédarone (MultaqMD) • Ibutilide (CorvertMD) • Sotalol (SotacorMD)

Ralentissent la repolarisation et prolongent la durée du potentiel d’action.

IV

• Diltiazem (CardizemMD) • Vérapamil (IsoptinMD)

Bloquent les canaux calciques.

520

Partie 2

Système cardiovasculaire

antiarythmique utilisé à court terme pour la conversion rapide du utter auriculaire ou de la FA aiguë en rythme sinusal. Son administration se fait en perfusion de 10 minutes sous surveillance clinique attentive. L’effet indésirable le plus grave de l’ibutilide est sa capacité à induire une arythmie potentiellement fatale, particulièrement une torsade de pointes (Gutierrez & Blanchard, 2011).

TABLEAU 15.16

Effets de la stimulation des récepteurs adrénergiques

RÉCEPTEUR

SITE

RÉPONSE À LA STIMULATION

Alpha (α)

Vaisseaux de la peau, des muscles, des reins et des intestins

• Vasoconstriction des artérioles périphériques

Bêta-1 (β1)

Tissu cardiaque

• ↑ F.C. • ↑ conduction • ↑ contractilité

Bêta-2 (β2)

Muscle lisse bronchique et vasculaire

• Vasodilatation des artérioles périphériques • Bronchodilatation

Classe IV Les agents de la classe IV sont les bloqueurs des canaux calciques qui inhibent le ux entrant d’ions calcium par les canaux calciques lents durant la phase de plateau (phase 2). Cet effet survient principalement dans les tissus où les canaux calciques lents sont prédominants, soit le nœud sinusal, le nœud AV et le tissu auriculaire. Le vérapamil (IsoptinMD) a été le premier médicament de cette catégorie offert en présentation I.V. Il diminue la conduction des nœuds AV et sinusal et est efcace pour remédier à la TSV causée par la réentrée par le nœud AV. Le diltiazem, désormais aussi offert sous forme I.V., serait aussi efficace que le vérapamil dans le traitement de l’arythmie supraventriculaire, tout en occasionnant moins d’effets indésirables hypotensifs. Comme les voies accessoires ne sont pas touchées par le blocage des canaux calciques, ces deux agents doivent être évités dans le traitement de la FA ou du utter auriculaire chez le client atteint du syndrome de WolffParkinson-White (Neumar et al., 2010).

Antiarythmiques non classés L’adénosine est un antiarythmique qui n’est pas classé dans le système de Vaughan-Williams. Il s’agit d’une substance produite par l’organisme ; elle est l’un des constituants de l’adénosine triphosphate. Administrée sous forme de bolus I.V., l’adénosine ralentit la conduction dans le nœud AV, causant ainsi un bloc AV transitoire. Elle est utilisée dans la pratique clinique pour convertir la TSV et faciliter le diagnostic différentiel des arythmies rapides. En raison de sa demi-vie très brève, son administration se fait sous forme de bolus I.V., suivi d’une purge de solution saline. Le bolus est idéalement administré par voie centrale, de façon que le médicament atteigne le cœur avant d’être métabolisé (Neumar et al., 2010). Les effets indésirables sont transitoires, puisque l’adénosine est rapidement absorbée par les cellules et éliminée de l’organisme en l’espace de 10 secondes. Le magnésium est une autre substance non classée dans le système de Vaughan-Williams. Même si son effet antiarythmique n’est pas complètement élucidé, les études cliniques suggèrent qu’il pourrait réduire la fréquence des arythmies ventriculaires (notamment la torsade de pointes) et supraventriculaires chez certains clients. Le magnésium constitue le traitement de choix chez le client qui présente une torsade de pointes. Pour le traitement aigu, il convient d’administrer de 1 à 2 g de magnésium pendant 1 à 2 minutes. Dans les cas d’hypomagnésémie

conrmée, le bolus peut être suivi d’une perfusion pendant 24 heures, dont la dose peut varier de 2 à 8 g selon le décit en magnésium (Neumar et al., 2010 ; IUCPQ, 2012). 15

Effets indésirables Les antiarythmiques sont associés à un risque d’effets indésirables graves, dont certains peuvent être fatals TABLEAU 15.17. La complication la plus grave est le risque d’effet proarythmique, qui peut aggraver l’arythmie sous-jacente ou créer une nouvelle arythmie. Comme l’apparition d’une proarythmie est imprévisible, l’inrmière joue un rôle important dans l’analyse des changements à l’ECG, le suivi des concentrations sériques des médicaments et l’évaluation des symptômes présentés par le client. Les antiarythmiques peuvent également modier la quantité d’énergie nécessaire pour la débrillation ou la stimulation. Par exemple, l’élévation de la dose d’un antiarythmique peut augmenter la puissance de stimulation (mA) nécessaire pour dépolariser le myocarde.

Traitement de la brillation auriculaire Plus de 350 000 personnes au Canada sont atteintes de brillation auriculaire (FA) (Fondation des maladies du cœur, 2013). Les objectifs du traitement pharmacologique de la FA sont, entre autres, de rétablir et de maintenir le rythme sinusal, de ralentir la réponse ventriculaire rapide pendant les épisodes de FA et de prévenir le risque de maladie thromboembolique TABLEAU 15.18. Certaines études cliniques ont suggéré que la maîtrise de la F.C. offre des résultats comparables à ceux de la restauration du rythme sinusal quant à la réduction de la mortalité, tout en étant associée à une fréquence moins importante d’effets indésirables liés aux médicaments (Gutierrez & Blanchard, 2011). En 2010 et 2012 respectivement, Santé Canada a approuvé deux anticoagulants pour la prévention des embolies chez le client atteint de FA non valvulaire. Le dabigatran (PradaxaMD) est un inhibiteur direct de la thrombine, et le rivaroxaban (Xarelto MD ) est un inhibiteur du facteur Xa. Comparativement à la warfarine, ces médicaments

Chapitre 15

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

521

ont l’avantage d’entraîner moins d’interactions médicamenteuses et de ne pas nécessiter un suivi systématique (Furie, Goldstein, Albers et al., 2012). Ils suscitent toutefois des préoccupations en lien avec le risque d’hémorragie potentiellement fatale, puisqu’aucun antidote n’est disponible contre ces deux produits. De plus, une méta-analyse a montré que le dabigatran est associé à un accroissement de l’incidence des IDM (Uchino & Hernandez, 2012).

15.8.2

Médicaments inotropes

Des médicaments visant à améliorer la contractilité myocardique (inotropes positifs) sont administrés au client gravement malade dont la fonction cardiaque est compromise. Les médicaments inotropes disponibles en pratique clinique comprennent les glucosides cardiotoniques, les agents sympathomimétiques et les inhibiteurs de la phosphodiestérase.

Pharmacothérapie TABLEAU 15.17

Agents antiarythmiques

MÉDICAMENT

POSOLOGIE

MÉCANISME D’ACTION

EFFETS INDÉSIRABLES

Adénosine (AdenocardMD)

• Bolus I.V. de 6 mg • En cas d’échec, bolus I.V. de 12 mg en 1-2 secondes • Bolus suivi par l’administration I.V. de 10 ml d’une solution de rinçage (saline ou aqueuse de dextrose 5 %)

• Blocage du nœud AV pour interrompre la TSV ou la TSV paroxystique

• Transitoires : bouffées vasomotrices, dyspnée, hypotension

Amiodarone (CordaroneMD)

• Arrêt de la TV/FV : bolus I.V. de 300 mg ; pouvant être suivi par un bolus de 150 mg pendant 3-5 min (dose maximale : 2,2 g/24 h) • TV pulsatile, FA, utter auriculaire : bolus I.V. de 150 mg (dilution requise) pendant 10 min, suivi par 360 mg (dilution requise) pendant 6 h (1 mg/min) ; perfusion d’entretien de 0,5 mg/min

• Traitement de l’arythmie auriculaire (FA, utter auriculaire, TSV) et ventriculaire (ESV, TV, FV)

• Hypotension, résultats anormaux aux examens de la fonction hépatique

Digoxine (LanoxinMD, ToloxinMD)

• Bolus I.V. ou dose de charge P.O. de 0,5-1 mg en doses fractionnées suivis par une perfusion I.V ou une dose d’entretien P.O. de 0,125-0,375 mg/jour • Dose réduite en cas d’insufsance rénale

• Conversion ou maîtrise de la F.C. (ou les deux) dans la TSV, la FA et le utter auriculaire

• Bloc cardiaque, bradycardie • Toxicité : symptômes liés au système nerveux central et symptômes gastro-intestinaux

Diltiazem (CardizemMD)

• Bolus I.V. de 0,25 mg/kg pendant 2 min, suivi par une perfusion I.V. de 5-15 mg/h

• Conversion ou maîtrise de la F.C. (ou les deux) dans la TSV, la FA et le utter auriculaire

• Bloc AV, bradycardie, hypotension

Esmolol (BreviblocMD)

• Bolus I.V. de 500 mcg/kg pendant 1 min, suivi par une perfusion I.V. de 50 mcg/kg/min pendant 4 min ; répéter toutes les 5 min, en augmentant la dose par palier de 25-50 mcg/kg/min jusqu’à un maximum de 200 mcg/kg/min

• Conversion ou maîtrise de la F.C. (ou les deux) dans la TSV, la FA et le utter auriculaire • Également, réduction de la tachycardie sinusale

• Bradycardie, hypotension, insufsance cardiaque

Ibutilide (CorvertMD)

• Perfusion I.V. de 0,010-0,025 mg/kg pendant 10 min (pouvant être répétée 1 fois) ou de 1 mg dilué dans 50 ml pendant 10 min (pouvant être répétée 1 fois)

• Conversion de la FA et du utter auriculaire

• Effets indésirables minimes, à l’exception de rares cas de TV polymorphique (torsade de pointes)

Lidocaïne (XylocaïneMD, XylocardMD)

• Bolus I.V. de 1-1,5 mg/kg, suivi par une perfusion I.V. continue de 1-4 mg/min

• Traitement de l’arythmie ventriculaire (ESV, TV, FV)

• Nausées et vomissements, toxicité (système nerveux central) en cas de doses répétées

Procaïnamide (PronestylMD)

• Bolus I.V. de 12-17 mg/kg à une vitesse de 20 mg/min, suivie par une perfusion I.V. de 1-4 mg/min

• Traitement de l’arythmie auriculaire (FA, TSV) et ventriculaire (ESV, TV)

• Hypotension, effets gastrointestinaux • Allongement du complexe QRS et de l’intervalle QT

Propranolol (InderalMD)

• Bolus I.V. de 1-3 mg q.5 min, sans dépasser 0,1 mg/kg

• Conversion ou maîtrise de la F.C. (ou les deux) dans la TSV

• Bloc cardiaque, bradycardie, insufsance cardiaque

Vérapamil (IsoptinMD)

• Bolus I.V. de 2,5-10 mg, pouvant être répété après 15-30 min • Perfusion I.V. possible de 2,5-10 mg/h

• Conversion ou maîtrise de la F.C. (ou les deux) dans la TSV

• Bradycardie, hypotension, insufsance cardiaque

Source : Adapté de IUCPQ (2012)

522

Partie 2

Système cardiovasculaire

Ces médicaments augmentent la contractilité myocardique, ce qui permet d’améliorer le D.C. et la vidange des ventricules, ainsi que de diminuer les pressions de remplissage.

Glucosides cardiotoniques Les glucosides cardiotoniques comprennent la digitale et ses dérivés (p. ex., la digoxine). Leur début d’action lent et leur risque de toxicité les rendent plus

Pharmacothérapie TABLEAU 15.18

Médicaments utilisés dans la brillation auriculaire

MÉDICAMENTS

SURVEILLANCE INFIRMIÈRE

Conversion ou maintien du rythme sinusal Antiarythmiques de classe IA • Quinidine (QuinidineMD) • Procaïnamide (PronestylMD)

• Obtenir la maîtrise du rythme sinusal avant le début du traitement. • Tenir compte des effets indésirables (p. ex., l’allongement de l’intervalle QT et la torsade de pointes).

Antiarythmiques de classe IC • Flécaïnide (TambocorMD) • Propafénone (RythmolMD)

• Éviter les agents de classe IC chez le client ayant une maladie coronarienne ou ayant déjà subi un IDM, car ils sont proarythmiques dans de tels cas.

15

Antiarythmiques de classe III • • • • •

Amiodarone (CordaroneMD) Dofétilide (TikosynMD) Dronédarone (MultaqMD) Ibutilide (CorvertMD) Sotalol (SotacorMD)

• Tenir compte des propriétés bêtabloquantes de l’amiodarone et du sotalol, qui peuvent aider à maîtriser le rythme sinusal. • Noter que la prescription du dofétilide par un électrophysiologiste est requise. • Noter que l’ibutilide est un agent I.V. utilisé uniquement pour la conversion.

Maîtrise de la fréquence ventriculaire Bêtabloquants (antiarythmiques de classe II) • Esmolol (BreviblocMD) • Métoprolol (LopresorMD) • Propranolol (InderalMD)

• Noter que les bêtabloquants offrent une bonne maîtrise de la F.C. à l’effort. • Au besoin, utiliser l’esmolol par voie I.V. dans un contexte de soins aigus pour maîtriser la fréquence ventriculaire. • Administrer les agents par voie P.O. pour le traitement d’entretien.

Bloqueurs des canaux calciques (antiarythmiques de classe IV) • Diltiazem (CardizemMD) • Vérapamil (IsoptinMD)

• Utiliser les bloqueurs des canaux calciques par voie I.V. en cas d’urgence, suivis par des agents administrés par voie P.O. comme traitement d’entretien.

Dérivés digitaliques • Digoxine (LanoxinMD, ToloxinMD)

• Utiliser au besoin la digoxine en association avec d’autres médicaments, car elle ne maîtrise pas efcacement la F.C. à l’effor t.

Prévention de la maladie thromboembolique Anticoagulants • • • • •

Apixaban (EliquisMD) Dabigatran (PradaxaMD) Héparine Rivaroxaban (XareltoMD) Warfarine (CoumadinMD)

• Noter que le dabigatran est un inhibiteur direct de la thrombine par voie P.O., approuvé pour la réduction du risque de maladie thromboembolique chez le client atteint de FA non valvulaire. Ce médicament ne nécessite pas une surveillance systématique de la coagulation. • Noter que l’apixaban et le rivaroxaban sont des inhibiteurs du facteur Xa approuvés pour la réduction du risque de maladie thromboembolique chez le client atteint de FA non valvulaire. Ces médicaments ne nécessitent pas une surveillance systématique de la coagulation. • Au besoin, administrer l’héparine en cas d’urgence avant la cardioversion. • Utiliser la warfarine à long terme, sous surveillance, jusqu’à l’atteinte d’un rapport international normalisé de 2-3.

Antiplaquettaires • Acide acétylsalicylique (AspirinMD)

• Utiliser l’acide acétylsalicylique si la warfarine est contre-indiquée ou chez le client à faible risque < 65 ans.

Source : Adapté de Skanes, Healy Cairns et al. (2012)

Chapitre 15

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

523

adéquats pour la prise en charge de l’insufsance cardiaque chronique. Cependant, puisque la digoxine ralentit le rythme sinusal et la conduction AV, elle peut être administrée par voie I.V. dans un contexte de soins aigus pour maîtriser l’arythmie supraventriculaire.

Agents sympathomimétiques Les agents sympathomimétiques stimulent les récepteurs adrénergiques, simulant ainsi les effets de la stimulation nerveuse sympathique. Les catécholamines produites naturellement (adrénaline, dopamine et noradrénaline) et les catécholamines synthétiques (dobutamine et isoprotérénol [IsuprelMD]) appartiennent à cette catégorie. Les effets cardiovasculaires de ces médicaments, qui varient en fonction de la sélectivité des agents à l’égard des récepteurs auxquels ils se lient, sont souvent liés à la dose TABLEAU 15.19. La dopamine est l’un des médicaments les plus couramment utilisés dans le contexte des soins critiques. C’est un précurseur chimique de la noradrénaline qui, en plus de stimuler les récepteurs alpha et bêta, peut activer les récepteurs dopaminergiques des vaisseaux sanguins des reins et du mésentère. Les effets de la dopamine varient en fonction des

doses administrées, même s’il y a un certain recoupement des effets (Hollenberg, 2011). Aux doses les plus faibles de 1 à 2 mcg/kg/min, la dopamine stimule les récepteurs dopaminergiques, ce qui provoque une vasodilatation rénale et mésentérique. Il en résulte une augmentation de la perfusion rénale qui accroît le débit urinaire. Toutefois, il est clair que cet accroissement du débit urinaire ne prévient pas le développement d’une insufsance rénale aiguë. Des doses modérées entraînent la stimulation des récepteurs bêta-1, ce qui augmente la contractilité myocardique et améliore le D.C. Aux doses supérieures à 10 mcg/kg/min, la dopamine stimule principalement les récepteurs alpha, ce qui provoque une vasoconstriction qui annule souvent les effets bêtaadrénergiques et dopaminergiques. La dobutamine (DobutrexMD) est une catécholamine synthétique qui exerce principalement des effets bêta-1 adrénergiques. Elle entraîne également une certaine stimulation des récepteurs bêta-2, ce qui se traduit par une légère vasodilatation. La dobutamine est aussi efcace que la dopamine pour accroître la contractilité myocardique et s’avère utile pour le traitement de l’insufsance cardiaque, particulièrement chez le client hypotendu qui ne tolère pas un

Pharmacothérapie TABLEAU 15.19

Effets physiologiques des agents sympathomimétiques

TRAITEMENT

RÉCEPTEURS ACTIVÉS

EFFETS CARDIOVASCULAIRES

Médicament

Posologie

Alpha

Bêta-1

Bêta-2

Dopa

D.C.

F.C.

RVS

Adrénaline

< 2 mcg/min

0



↑↑

0

0/↑

0/↑



2-8 mcg/min

↑↑

↑↑↑

↑↑

0

↑↑↑

↑↑



9-20 mcg/min

↑↑↑

↑↑↑

↑↑

0

↑↑

↑↑

↑↑↑

Dobutamine (DobutrexMD)

< 5 mcg/kg/min

0

↑↑↑



0

↑↑



↓↓

5-20 mcg/kg/min

0

↑↑↑

↑↑

0

↑↑↑

↑↑

↓↓

Dopamine

< 3 mcg/kg/min

0





↑↑↑

0/↑

0/↑

0

3-10 mcg/kg/min

↑↑

↑↑↑



↑↑↑

↑↑↑





11-20 mcg/kg/min

↑↑↑

↑↑↑



↑↑

↑↑

↑↑

↑↑↑

Isoprotérénol (IsuprelMD)

1-7 mcg/min

0

↑↑↑

↑↑↑

0

↑↑↑

↑↑↑

↓↓↓

Noradrénaline (LevophedMD)

< 2 mcg/min

↑↑↑

↑↑

0

0



0/↑

↑↑↑

2-16 mcg/min

↑↑↑↑

↑↑

0

0





↑↑↑↑

Phényléphrine (NeoSynephrineMD)

10-100 mcg/min

↑↑↑↑

0

0

0

0



↑↑↑

0 : aucun effet ; ↑ : augmentation (le nombre de èches reète l’intensité de l’effet) ; ↓ : diminution (le nombre de èches reète l’intensité de l’effet). Source : Adapté de Furger, LeBlanc, Parent et al. (2012)

524

Partie 2

Système cardiovasculaire

traitement vasodilatateur. La dose habituelle varie de 2,5 à 20 mcg/kg/min, et elle est ajustée en fonction des paramètres hémodynamiques. L’adrénaline est produite par les glandes surrénales en réponse au stress. Cet agent stimule les récepteurs alpha et bêta en fonction de la dose administrée. Aux doses de 1 à 2 mg/min, l’adrénaline se lie aux récepteurs bêta et augmente la F.C., la conduction cardiaque, la contractilité et la vasodilatation, ce qui accroît le D.C. Lorsque la dose est augmentée, les récepteurs alpha sont stimulés, ce qui entraîne une augmentation des résistances vasculaires et de la P.A. À ces doses, l’inuence de l’adrénaline sur le D.C. dépend de la capacité du cœur à faire face à une postcharge accrue. L’adrénaline accélère le rythme sinusal et peut déclencher une arythmie ventriculaire en cas de cardiopathie ischémique. D’autres effets indésirables comprennent l’agitation, l’angor et les céphalées. La noradrénaline est comparable à l’adrénaline dans la mesure où elle permet de stimuler les récepteurs bêta et alpha. Toutefois, contrairement à l’adrénaline, elle n’agit pas sur les récepteurs bêta-2. Lorsqu’elle est perfusée à une faible vitesse, les récepteurs bêta-1 sont activés, ce qui augmente la contractilité et le D.C. À fortes doses, les effets inotropes sont limités par la vasoconstriction marquée induite par les récepteurs alpha. En pratique clinique, la noradrénaline est surtout utilisée comme vasopresseur pour augmenter la P.A. chez le client en état de choc. L’isoprotérénol est un stimulant des récepteurs bêta qui ne produit aucun effet alpha-adrénergique. Il entraîne une augmentation considérable de la F.C., de la conduction et de la contractilité en stimulant les récepteurs bêta-1 et produit une vasodilatation en stimulant les récepteurs bêta-2. L’isoprotérénol provoque également la vasodilatation des artères pulmonaires et une bronchodilatation. Il accroît signicativement l’automaticité des cellules cardiaques et déclenche fréquemment des arythmies, telles que des extrasystoles ventriculaires et même une TV. Ces effets limitent son utilité chez la plupart des clients, et il est rarement utilisé.

Inhibiteurs de la phosphodiestérase Les inhibiteurs de la phosphodiestérase sont des agents inotropes qui agissent également comme de puissants vasodilatateurs (inodilatateurs). Les médicaments de cette classe inhibent l’enzyme phosphodiestérase, ce qui augmente les concentrations d’adénosine monophosphate cyclique et de calcium intracellulaire. L’amrinone (InocorMD) et la milrinone (PrimacorMD) ont été les premiers agents de cette classe approuvés au Canada. Une augmentation du D.C. est obtenue grâce à l’accroissement de la contractilité (effets inotropes) et à la diminution de la postcharge (effets vasodilatateurs). L’amrinone n’est plus disponible au Canada, car elle peut causer une thrombocytopénie. La milrinone est associée à une fréquence moins élevée de thrombocytopénie,

mais elle peut induire des arythmies auriculaire et ventriculaire (extrasystole ventriculaire, TV) chez un nombre important de clients (Coons, McGraw & Murali, 2011).

15.8.3

Médicaments vasodilatateurs

Les vasodilatateurs sont des médicaments qui améliorent le rendement cardiaque en dilatant à divers degrés les artères ou les veines, ou les deux TABLEAU 15.20. L’objectif du traitement vasodilatateur peut être la réduction de la précharge ou de la postcharge, ou des deux. La réduction de la postcharge est obtenue par la vasodilatation des vaisseaux artériels et veineux. Il en résulte une diminution de la résistance à l’éjection V.G. susceptible d’améliorer le D.C. sans accroître la demande en oxygène du myocarde. La réduction de la précharge est obtenue par la dilatation des veines, d’où une augmentation de leur capacité. Il s’ensuit une diminution des pressions de remplissage pour le cœur défaillant. 15

Bloquants musculaires à action directe Les vasodilatateurs à action directe comprennent le nitroprussiate de sodium, la nitroglycérine et l’hydralazine. Ces médicaments entraînent le relâchement des muscles lisses vasculaires en activant l’oxyde nitrique, ce qui diminue la RVS. La vasodilatation périphérique peut causer une hypotension, et la vasodilatation cérébrale, des céphalées. Des mécanismes de compensation peuvent être déclenchés en réponse à une baisse de la P.A., dont une activation des barorécepteurs qui entraîne une tachycardie réexe et une activation du système rénineangiotensine-aldostérone (SRAA), qui provoque une rétention sodique et hydrique 14 . Le nitroprussiate de sodium produit une vasodilatation rapide et puissante des veines et des artères qui est particulièrement efcace pour abaisser rapidement la P.A. en cas de crise hypertensive ou pendant la période périopératoire. Ce médicament s’avère également efcace pour réduire la postcharge dans les cas d’insufsance cardiaque grave. Le nitroprussiate de sodium est administré par perfusion I.V. continue, dont la dose est ajustée an de maintenir la P.A. et la RVS souhaitées. Une administration prolongée peut entraîner une toxicité par le thiocyanate, qui se manifeste par des nausées, de la confusion et des acouphènes (Hays & Wilkerson, 2010). La nitroglycérine I.V. provoque une vasodilatation veineuse et artérielle, mais son effet veineux est plus prononcé. Elle est utilisée dans le contexte des soins critiques pour le traitement de l’insufsance cardiaque aiguë, car elle permet de réduire les pressions de remplissage, de soulager la congestion pulmonaire et de diminuer la charge de travail du cœur ainsi que sa consommation en oxygène. La nitroglycérine dilate les artères coronaires et constitue un traitement d’appoint utile dans l’angor instable et l’IDM aigu. La dose initiale de la perfusion est de 5 mcg/min, et elle peut Chapitre 15

14 Le rôle du SRAA dans l’in­ sufsance cardiaque est décrit dans le chapitre 14, Troubles cardiovasculaires.

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

525

Pharmacothérapie TABLEAU 15.20

Principaux médicaments vasodilatateurs

MÉDICAMENT

POSOLOGIE

MÉCANISME D’ACTION

EFFETS INDÉSIRABLES

Nitroprussiate de sodium (NiprideMD)

Perfusion I.V. de 0,25-6 mcg/kg/min

Dilatation artérielle importante et dilatation veineuse modérée

Hypotension, insufsance rénale, tachycardie réexe, toxicité par le thiocyanate en cas de perfusion prolongée

Nitroglycérine (TridilMD)

Perfusion I.V. de 5-300 mcg/min

Dilatation veineuse importante et dilatation artérielle aux doses les plus élevées

Céphalées, hypotension, tachycardie réexe

Dilatation modérée des veines et des artères

Élévation des enzymes hépatiques, hypotension

Bloquants musculaires à action directe

Inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine Énalaprilate (VasotecMD)

Bolus I.V. de 0,625 mg pendant 5 min, puis q.6 h

Antagonistes des récepteurs alpha-adrénergiques Labétalol (TrandateMD)

Bolus I.V. de 20-80 mg toutes les 10 min, puis perfusion I.V. de 1-2 mg/min

Dilatation modérée des veines et des artères

Bloc AV, bronchospasme, hypotension orthostatique

Phentolamine (RogitineMD)

Bolus I.V. lent de 1-5 mg q.6 h

Dilatation modérée des veines et des artères

Hypotension, tachycardie

Source : Adapté de IUCPQ (2012)

être augmentée jusqu’à l’obtention de l’effet clinique recherché : réduction ou élimination de la douleur thoracique, diminution de la PAPO ou abaissement de la P.A. Les effets indésirables les plus courants de ce médicament sont l’hypotension, la tachycardie réexe et les céphalées. La nitroglycérine devient moins efficace en cas de perfusion prolongée, puisqu’une tolérance apparaît en l’espace de 24 à 48 heures (Hays & Wilkerson, 2010). L’hydralazine (ApresolineMD) est un vasodilatateur artériel puissant. Elle n’est pas administrée en perfusion continue, mais plutôt en bolus I.V. lent de 5 à 10 mg toutes les 4 à 8 heures ou en dose de charge P.O. de 10 à 50 mg, 4 fois par jour. À l’occasion, l’hydralazine est administrée comme agent intermédiaire dans la transition entre le sevrage d’une perfusion continue et l’instauration d’un traitement antihypertensif par voie P.O. Le principal effet indésirable est la tachycardie réexe médiée par le système nerveux sympathique. L’hydralazine représente le traitement de choix pour l’éclampsie et la prééclampsie, puisque seules de faibles quantités parviennent à traverser la barrière placentaire (Hays & Wilkerson, 2010).

Bloqueurs des canaux calciques Les bloqueurs des canaux calciques réduisent le ux entrant d’ions calcium dans les vaisseaux résistifs artériels et agissent dans les artères périphériques et coronaires. En contexte de soins critiques, ils sont principalement utilisés comme antiarythmiques ou pour traiter l’hypertension. Ils regroupent des médicaments de structure chimique diverse, exerçant différents effets pharmacologiques TABLEAU 15.21.

526

Partie 2

Système cardiovasculaire

La nifédipine est une dihydropyridine. Ce bloqueur des canaux calciques est principalement utilisé comme vasodilatateur artériel. La nifédipine est offerte uniquement en présentation P.O. Comme toute dihydropyridine, elle ne doit pas être utilisée comme antiarythmiques ou pour réduire rapidement la pression sanguine ; en effet, des AVC se sont produits avec l’utilisation de formulations à libération immédiate (APhC, 2013 ; Rodriguez, Kumar & DeCaro, 2010). Le diltiazem est un bloqueur des canaux calciques qui appartient au sous-groupe des benzothiazépines. Le vérapamil fait partie du sous-groupe des phénylalkylamines. Ces bloqueurs des canaux calciques appartiennent à deux sous-groupes différents en raison de leur mécanisme d’action divergent. Ils entraînent une dilatation des artères coronaires, mais exercent peu d’effet sur les vaisseaux périphériques. Ils sont utilisés dans le traitement de l’angor, particulièrement en présence d’une composante angiospastique, et comme antiarythmiques dans le traitement de la tachycardie supraventriculaire.

Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) entraînent une vasodilatation en bloquant la conversion de l’angiotensine I en angiotensine II. Comme l’angiotensine est un vasoconstricteur puissant, le fait de limiter sa production diminue la RVS. Contrairement aux vasodilatateurs à action directe et à la nifédipine, les IECA n’entraînent pas de tachycardie réexe ni de rétention sodique ou hydrique. Toutefois, ces médicaments

Pharmacothérapie TABLEAU 15.21

Classication des bloqueurs des canaux calciques

MÉDICAMENT

POSOLOGIE

INDICATIONS

EFFETS INDÉSIRABLES

Amlodipine (NorvascMD)

• P.O. : 2,5-10 mg 1 fois/jour (die)

• Angor, hypertension

Céphalées, hypotension, œdème des membres inférieurs

Félodipine (PlendilMD, RenedilMD)

• P.O. : 2,5-10 mg die

• Hypertension

Céphalées, hypotension

Nifédipine (Adalat XLMD)

• P.O. : 20-120 mg die (formule à libération prolongée)

• Hypertension

Céphalées, hypotension, tachycardie réexe (surtout si courte action)

• Bolus I.V. de 0,25 mg/kg pendant 2 min, suivi par une perfusion de 5-15 mg/h • P.O. : 120-360 mg die (formule à libération contrôlée)

• I.V. : Angor, utter auriculaire, FA, TSV • P.O. : hypertension

Bloc AV, bradycardie, hypotension

Dihydropyridines

Benzothiazépines Diltiazem (CardizemMD, TiazacMD)

15

Phénylalkylamines Vérapamil (IsoptinMD)

• Bolus I.V. de 2,5-10 mg pouvant être répété après 15-30 min • P.O. : 80-160 mg, 3 fois/jour • Formule à libération prolongée (SR) : 120-240 mg die P.O.

• I.V. : utter auriculaire, TSV paroxystique • P.O. : hypertension

Bradycardie, constipation (en cas d’administration P.O.), hypotension, insufsance cardiaque

Source : Adapté de Campbell, Gibson & Tsuyuki (2006)

peuvent causer une chute marquée de la P.A., particulièrement chez le client qui présente une hypovolémie. La P.A. doit donc être surveillée attentivement, surtout en début de traitement. Les IECA sont utilisés chez le client atteint d’insufsance cardiaque en vue de diminuer la PAPO (précharge) et la RVS (postcharge). La plupart de ces agents sont uniquement offerts en présentation P.O. L’énalaprilate est disponible en présentation I.V. et peut être utilisé pour réduire la postcharge dans les situations d’urgence.

Antagonistes des récepteurs alpha-adrénergiques Les antagonistes des récepteurs adrénergiques (ou alphabloquants) périphériques inhibent les récepteurs alpha des artères et des veines, ce qui entraîne une vasodilatation. L’hypotension orthostatique est un effet indésirable courant et peut occasionner une syncope. Le traitement à long terme peut également être compliqué par une rétention d’eau et de uides. Le labétalol, un alphabloquant périphérique combiné à un bêtabloquant cardiosélectif, est utilisé dans le traitement de l’AVC aigu et des crises hypertensives (Falk, 2011). Comme l’inhibition des récepteurs bêta-1 permet de diminuer la P.A. sans entraîner un risque de tachycardie réexe et d’augmentation du D.C., le labétalol est également utile dans le traitement de la dissection aortique aiguë (Rodriguez et al., 2010).

La phentolamine (RogitineMD) est un alphabloquant périphérique non sélectif qui abaisse la P.A. au moyen de la vasodilatation artérielle. Elle est administrée en bolus I.V. lent de 1 à 5 mg toutes les 6 heures pour réduire la P.A. Il est préférable de la diluer avec une solution saline (5-10 mg/10 ml) ou avec de l’eau stérile pour injection (5 mg avec 1 ml). Il est également possible de l’administrer en perfusion, en diluant 5-10 mg dans 500 ml de solution saline (Hôpital d’Ottawa, 2006). La phentolamine est utilisée uniquement dans des circonstances très précises, soit l’hypertension induite par les catécholamines ou les toxicités liées aux substances illégales (p. ex., la cocaïne). Elle constitue le médicament de choix pour maîtriser la P.A. et la sudation attribuables à un phéochromocytome, une tumeur sécrétant de l’adrénaline qui est sécrétée dans la médullosurrénale (Hays & Wilkerson, 2010). La phentolamine est également employée pour traiter l’extravasation de dopamine ou d’autres vasopresseurs dans les tissus périphériques. Dans cette indication, une dose de 5 à 10 mg est diluée dans 10 ml de solution saline et administrée par voie intradermique dans l’épanchement dès que possible.

15.8.4

Vasopresseurs

Les vasopresseurs sont des agents sympathomimétiques qui induisent une vasoconstriction périphérique en stimulant les récepteurs alpha TABLEAU 15.16. Il en résulte une augmentation de la RVS et de la P.A. Chapitre 15

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

527

14 L’insufsance cardiaque, ainsi que les traitements médicaux et les soins inr­ miers appropriés sont dé­ taillés dans le chapitre 14, Troubles cardiovasculaires.

Certains de ces médicaments (adrénaline et noradrénaline) stimulent également les récepteurs bêta. Ces vasopresseurs ne sont pas couramment utilisés dans le traitement du client atteint d’une insufsance cardiaque aigüe, parce que l’augmentation considérable de la postcharge est éprouvante pour un cœur défaillant. Le traitement d’une décompensation cardiaque aiguë vise en premier à diminuer la précharge et la postcharge. À l’occasion, les vasopresseurs peuvent être utilisés pour maintenir la perfusion des organes en cas d’état de choc. Par exemple, la phényléphrine (Neo-SynephrineMD) ou la noradrénaline (LevophedMD) peuvent être administrées en perfusion I.V. continue pour maintenir la perfusion des organes en augmentant la RVS dans les cas de septicémie grave ou de choc septique. La vasopressine, aussi appelée hormone antidiurétique, est souvent utilisée dans le contexte des soins critiques en raison de ses effets vasoconstricteurs. À des doses élevées, la vasopressine stimule directement les récepteurs V1 des muscles lisses vasculaires, ce qui entraîne la vasoconstriction des capillaires et des petites artérioles. Les lignes directrices de l’hormone antidiurétique pour les soins avancés en réanimation cardiorespiratoire recommandent l’administration d’une dose unique de 40 unités par voie I.V. pour le traitement de premier recours de la FV, de la TV sans pouls, de l’asystolie ou d’une activité électrique sans pouls (Neumar et al., 2010). Dans le cas d’un choc septique, des concentrations de vasopressine inférieures à celles auxquelles on pouvait s’attendre dans un état de choc ont été signalées. Une perfusion continue de

vasopressine de 0,03 unité/min peut être ajoutée à la perfusion de noradrénaline dans le cas d’un choc réfractaire, conformément aux lignes directrices associées aux cas de sepsie (Hollenberg, 2011). L’inrmière surveille les effets indésirables causés par l’action antidiurétique, telle l’insuffisance cardiaque, ainsi que le risque accru d’ischémie myocardique, splénique ou périphérique. La vasopressine doit être perfusée à l’aide d’un cathéter central an d’éviter le risque d’extravasation périphérique et la nécrose tissulaire qui pourrait en résulter. Il est recommandé d’utiliser une canule artérielle dans les états de choc an de surveiller la P.A.

15.8.5

Autres médicaments pour l’insufsance cardiaque

Plus de 500 000 Canadiens sont touchés par l’insufsance cardiaque, ce qui en fait un problème de santé chronique majeur (Fondation des maladies du cœur, 2013). Le traitement de l’insufsance cardiaque vise à soulager les symptômes, à ralentir la progression de la maladie et à améliorer la survie 14 . Les résultats de différentes études cliniques contrôlées à répartition aléatoire ont permis la rédaction de lignes directrices pour le traitement pharmacologique de l’insufsance cardiaque (Hunt et al., 2009). Le TABLEAU 15.22 dresse la liste des médicaments recommandés pour le traitement de l’insufsance cardiaque. Les médicaments qui aggravent l’insufsance cardiaque doivent être évités, notamment la plupart des antiarythmiques, les bloqueurs des canaux calciques et les antiinammatoires non stéroïdiens (Hunt et al., 2009).

Pharmacothérapie TABLEAU 15.22

Médicaments utilisés pour l’insufsance cardiaque

MÉDICAMENTS

MÉCANISME D’ACTION

EFFICACITÉ CLINIQUE

SURVEILLANCE INFIRMIÈRE

• ↓ précharge • ↓ postcharge • Prévention du remodelage ventriculaire

• Noter que ces agents offrent un effet équivalent dans le traitement de l’insufsance cardiaque. • Surveiller étroitement la survenue d’une hypotension au début du traitement. • Tenir compte de la contre­ indication possible si le taux de créatinine est élevé (insufsance rénale).

Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine • • • • • • • • •

528

Partie 2

Captopril (CapotenMD) Cilazapril (InhibaceMD) Énalaprilate (VasotecMD) Fosinopril (MonoprilMD) Lisinopril (PrinivilMD, ZestrilMD) Perindopril (CoversylMD) Quinapril (AccuprilMD) Ramipril (AltaceMD) Trandolapril (MavikMD)

Système cardiovasculaire

• Interfèrent avec le SRAA en prévenant la conver­ sion de l’angiotensine I en angiotensine II.

TABLEAU 15.22

Médicaments utilisés pour l’insufsance cardiaque (suite)

MÉDICAMENTS

MÉCANISME D’ACTION

EFFICACITÉ CLINIQUE

SURVEILLANCE INFIRMIÈRE

• Interfèrent avec le SRAA en bloquant les effets de l’angiotensine II au site des récepteurs de l’angiotensine II.

• ↓ précharge • ↓ postcharge • Prévention du remodelage ventriculaire

• Utiliser comme traitement de premier recours ou comme solution de rechange chez le client qui ne tolère pas les IECA en raison de leurs effets indésirables (p. ex., une toux grave). • Utiliser en association avec un IECA en cas de dysfonction systolique et surveiller les concentrations sériques de potassium et la fonction rénale.

• Contrecarrent la réponse du système nerveux sym­ pathique activée dans l’in­ sufsance cardiaque en bloquant les récepteurs. • Le métoprolol et le bisoprolol sont des bêtabloquants cardiosélectifs, tandis que le carvédilol bloque les récepteurs alpha et bêta.

• Ralentissement de la F.C. • Prévention de l’arythmie • ↓ P.A. • Prévention du remodelage ventriculaire

• Ne pas instaurer un traitement par ces agents pendant la phase décompensée de l’insufsance cardiaque. • Utiliser avec prudence chez le client qui présente une affec­ tion respiratoire réactionnelle, un diabète mal maîtrisé, une bradyarythmie ou un bloc cardiaque. • Augmenter graduellement la dose de carvédilol, tout en surveillant l’apparition de symptômes causés par la vasodilatation, dont les étourdissements et l’hypotension.

• Contrecarrent les effets de l’aldostérone, dont la réten­ tion sodique et hydrique.

• ↓ précharge • ↓ hypertrophie myocardique

• Tenir compte de la contre­ indication possible si le taux de créatinine est élevé (insuf­ sance rénale). • Tenir compte de l’augmenta­ tion possible des taux sériques de potassium.

• Agissent sur la pompe à sodium, à potassium­ adénosine triphosphatase dans les cellules myocardi­ ques de façon à augmenter l’intensité des contractions.

• ↑ contractilité • ↑ D.C. • Prévention de l’arythmie auriculaire

• Tenir compte de l’augmenta­ tion possible des taux sériques de potassium. • Tenir compte du risque de toxicité augmenté par l’hypokaliémie.

Antagonistes des récepteurs de l’angiotensine (ARA) • Candésartan (AtacandMD) • Valsartan (DiovanMD)

Bêtabloquants • Bisoprolol (MonocorMD) • Carvédilol (CoregMD) • Métoprolol (LopresorMD)

15

Antagonistes de l’aldostérone • Éplérénone (InspraMD) • Spironolactone (AldactoneMD)

Inotrope • Digoxine (LanoxinMD)

Source : Adapté de Denus & White (2011)

Chapitre 15

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

529

ÉTUDE DE CAS Cliente ayant subi un infarctus aigu du myocarde

SOLUTIONNAIRE

http://mabibliotheque. cheneliere.ca

Mise en contexte Elena Goudiaby est une femme âgée de 54 ans d’origine afro-américaine qui souffre d’indigestion intermittente depuis un mois. Elle a des antécédents d’hypertension artérielle, de dyslipidémie et de tabagisme actif. Elle se présente à l’urgence ce matin, car ses douleurs épigastriques sont de plus en plus fréquentes et ne cessent pas malgré le repos et la prise d’antiacides. Dès son arrivée à l’urgence, elle est installée en salle d’observation an de procéder à l’investigation de ses malaises. Un monitorage cardiaque et de l’oxygène sont installés au chevet de la cliente. Subitement, madame Goudiaby se met à transpirer abondamment, se plaint de nausées et d’une douleur épigastrique sous forme de serrement à 10/10.

Manifestations cliniques L’inrmière se rend immédiatement au chevet de madame Goudiaby pour évaluer son état. La cliente rapporte que la douleur irradie maintenant au cou et au dos. Elle est légèrement essoufée et a des vomissements.

Collecte des données objectives Un ECG est réalisé et démontre un sus-décalage du segment ST dans les dérivations II, III et aVF. Les signes vitaux sont les suivants : P.A. à 160/90 mm Hg, F.C. à 98 batt./min (rythme sinusal), F.R. à 18 R/min, T° à 37 °C, SaO2 à 94 %.

Diagnostic médical Madame Goudiaby reçoit un diagnostic de STEMI inférieur.

Questions 1. Quels sont les principaux résultats escomptés pour cette cliente ? 2. Quels problèmes prioritaires ou risques doivent être contrôlés pour obtenir ces résultats ? 3. Quelles interventions doivent être mises en œuvre pour surveiller, prévenir, gérer ou éliminer les problèmes et les risques désignés ? 4. Quelles interventions devraient être mises en œuvre pour optimiser le fonctionnement, la sécurité et le bien-être de la cliente ? 5. Quels besoins d’enseignement prévoyez-vous cette cliente ? 6. Quels facteurs liés à la culture et à l’âge de la cliente peuvent inuer sur le plan de soins et de traitements ?

À RETENIR • Les stimulateurs cardiaques sont des dispositifs électroniques qui peuvent être utilisés pour stimuler le rythme cardiaque lorsque l’activité électrique intrinsèque du cœur ne parvient pas à générer une fréquence sufsante pour soutenir le débit cardiaque (D.C.).

• Les responsabilités de l’infirmière à l’égard du client porteur d’un stimulateur sont d’évaluer et de prévenir les défaillances du stimulateur, de protéger le client contre les microchocs, de surveiller l’apparition de complications et de renseigner le client.

• L’objectif des stimulateurs cardiaques, qu’ils soient temporaires ou permanents, est de simuler une conduction et une dépolarisation cardiaque physiologiques normales.

• Un débrillateur cardioverteur implantable (DCI) est un dispositif électronique utilisé pour mettre n à une arythmie potentiellement fatale, grâce à la stimulation, à la cardioversion ou à la débrillation.

530

Partie 2

Système cardiovasculaire

• Les soins et les traitements inrmiers au client ayant un DCI consistent à évaluer la présence d’une arythmie, à surveiller l’apparition de complications et à renseigner le client. • Le traitement brinolytique est utilisé pour restaurer le débit sanguin dans une artère coronaire obstruée chez le client qui subit un infarctus du myocarde (IDM) aigu avec sus-décalage du segment ST (STEMI).

• Les soins inrmiers en lien avec le traitement brinolytique consistent à cibler les candidats à un tel traitement, à administrer l’agent brinolytique, à évaluer les signes de reperfusion et à surveiller l’apparition de complications hémorragiques. • Les interventions coronariennes percutanées (ICP) sont des procédures au cours desquelles des cathéters sont utilisés pour ouvrir des artères coronaires partiellement ou complètement obstruées ; elles regroupent l’angioplastie coronarienne transluminale percutanée (ACTP) (ou angioplastie par ballonnet), l’athérectomie et la pose d’endoprothèses. • Le traitement antiplaquettaire est considéré comme un complément essentiel à l’ICP, an d’aider à maintenir la perméabilité des vaisseaux autant au cours de l’intervention que par la suite. • Les complications associées à l’ICP comprennent la thrombose, la dissection et les spasmes des artères coronaires, une insufsance rénale induite par les solutions de contraste et des saignements au site de l’accès vasculaire. • La plastie valvulaire percutanée constitue une solution de rechange à la chirurgie chez le client à risque élevé. • Le pontage aortocoronarien (PAC) permet de revasculariser le myocarde en utilisant un conduit pour contourner l’artère coronaire obstruée. • La chirurgie valvulaire est utilisée pour réparer une valve cardiaque ou pour la remplacer par une valve mécanique ou biologique. • La dérivation cardiopulmonaire (DCP) est un circuit extracorporel utilisé pour la circulation et l’oxygénation du sang d’un client pendant une intervention chirurgicale cardiaque. • Les complications associées à la DCP comprennent un décit hydrique intravasculaire, une dépression myocardique,

une coagulopathie, un dysfonctionnement pulmonaire, une hémolyse, une hyperglycémie, un déséquilibre électrolytique, des troubles neurologiques et une hypertension.

• La chirurgie vasculaire peut être utilisée pour le traitement de la maladie artérielle occlusive ou pour la correction d’une anomalie structurale telle qu’un anévrisme.

• Les soins et les traitements inrmiers à prodiguer au client après une chirurgie cardiaque comprennent l’optimisation de la fonction cardiaque (fréquence cardiaque [F.C.], précharge, postcharge et contractilité), la régulation de la température, la maîtrise des saignements et le suivi des complications.

• De nombreux clients atteints d’une maladie vasculaire peuvent désormais être traités efficacement par une intervention percutanée (angioplastie, athérectomie, mise en place d’endoprothèses vasculaires) plutôt que par une chirurgie ouverte.

• Les dispositifs d’assistance circulatoire mécanique sont utilisés dans le traitement de l’insufsance cardiaque an de diminuer la charge de travail du myocarde et de maintenir une perfusion adéquate des organes vitaux. • Le ballon de contrepulsion intra-aortique (BIA) est indiqué en cas d’échec du sevrage à la DCP, d’angor récurrent ou instable, de complications d’un IDM aigu et de choc septique, ainsi que pour le soutien hémodynamique au cours d’une intervention à risque élevé et dans l’attente d’un traitement permanent. • Les responsabilités de l’inrmière en ce qui a trait au client ayant un BIA consistent à surveiller et à prévenir les complications, à assurer une synchronisation adéquate, à évaluer les modifications hémodynamiques et à renseigner le client. • Les dispositifs d’assistance ventriculaire (DAV) peuvent être utilisés comme solution temporaire pour le pont à la récupération ou à la transplantation, ou comme solution permanente pour le traitement dénitif. • Les soins et les traitements inrmiers à prodiguer au client ayant un DAV consistent à surveiller les changements hémodynamiques, la survenue de complications liées à une défaillance du dispositif ainsi que l’apparition de saignements, d’infection et de maladie thromboembolique.

Chapitre 15

• Les soins inrmiers associés à une maladie vasculaire consistent à surveiller l’apparition de complications vasculaires telles qu’un hématome ou une réocclusion, ainsi qu’à reconnaître et à traiter rapidement les complications liées aux comorbidités telles que la maladie cardiaque, rénale ou pulmonaire. • De nombreux médicaments sont utilisés dans le traitement des clients gravement malades, et l’inrmière est responsable d’administrer ces médicaments, d’ajuster leur dose et de surveiller les effets indésirables. • Les antiarythmiques sont utilisés pour interrompre ou prévenir les anomalies du rythme cardiaque, et ils sont classés en fonction de leur principal effet sur le potentiel d’action des cellules cardiaques. • Les agents inotropes augmentent la contractilité du myocarde, ce qui améliore le D.C. et la vidange des ventricules et diminue les pressions de remplissage. • Les vasodilatateurs exercent divers effets sur la dilatation artérielle et veineuse et peuvent être utilisés pour réduire la précharge ou la postcharge, ou les deux. • Les vasopresseurs entraînent une vasoconstriction périphérique, ce qui augmente la résistance vasculaire périphérique (RVS) et la pression artérielle (P.A.). • Le traitement pharmacologique de l’insufsance cardiaque vise à soulager les symptômes, à ralentir la progression de la maladie et à améliorer la survie.

Approche thérapeutique du système cardiovasculaire

531

PARTIE

3 Système respiratoire CHAPITRE 16

Anatomie et physiologie du système respiratoire           534 CHAPITRE 17

Évaluation clinique du système respiratoire           556 CHAPITRE 18

Examens paracliniques du système respiratoire           572 CHAPITRE 19

Troubles respiratoires             588 CHAPITRE 20

Approche thérapeutique du système respiratoire           630

chapitre

16

Anatomie et physiologie du système respiratoire

Écrit par : Kathleen M. Stacy, PhD, RN, CNS, CCRN, PCCN, CCNS Adapté par : Christelle Goulet D’Onofrio, inf., M. Sc., IPSPL, Ph. D. (c)

L

e système respiratoire comporte le thorax, les voies aériennes de conduction, les unités respiratoires ainsi que le système sanguin et lymphatique des poumons. Les principales fonctions du système respiratoire sont la ventilation et la respiration. La ventilation est le mouvement de va-et-vient de l’air dans les poumons, qui se mesure par la fréquence et l’amplitude respiratoires. La respiration externe est le processus d’échanges gazeux qui permet à l’oxygène d’atteindre la circulation sanguine et au dioxyde de carbone (gaz carbonique) d’être éliminé dans l’air atmosphérique. La respiration interne correspond à la diffusion des gaz dans les cellules des tissus périphériques. Les structures anatomiques qui constituent le système respiratoire sont intimement liées à sa fonction ; leurs malformations peuvent donc se traduire par des troubles pulmonaires. En soins critiques, une connaissance appropriée de l’anatomie et de la physiologie normale du système respiratoire est nécessaire pour prendre soin du client atteint d’une dysfonction pulmonaire.

16.1

Anatomie

16.1.1

Thorax

Le thorax loge les principaux organes de la respiration. Il comprend la cage thoracique, les poumons, les plèvres et les muscles responsables de la ventilation (ou muscles respiratoires). Ensemble, ces structures forment la pompe ventilatoire et effectuent l’effort respiratoire.

Cage thoracique La cage thoracique est une structure conique rigide, mais exible. Elle est légèrement rigide an de protéger les structures sous-jacentes, tout en étant assez exible pour permettre l’inspiration et l’expiration. La cage thoracique est composée de 12 vertèbres thoraciques, qui comptent chacune une paire de côtes. Sur la face postérieure, chaque côte est xée à sa propre vertèbre, mais sur la face antérieure, le point d’ancrage de chacune varie FIGURE 16.1. Les sept

16

FIGURE 16.1 Structures osseuses de la cage thoracique. Ces structures forment une cage protectrice et expansible autour des poumons et du cœur. A Vue antérieure. B Vue postérieure. S : supérieur ; G : gauche ; I : inférieur ; D : droit.

Chapitre 16

Anatomie et physiologie du système respiratoire

535

premières paires de côtes sont directement attachées au sternum. La deuxième paire de côtes est xée au sternum vis-à-vis l’angle de Louis, un angle saillant pouvant être palpé sous la fourchette sternale. Les 8e, 9e et 10e paires de côtes sont rattachées par du cartilage aux côtes sus-jacentes. Les 11e et 12e paires de côtes ne sont pas attachées à la face antérieure du thorax ; c’est pourquoi elles sont parfois appelées côtes ottantes (Hicks, 2013).

sont séparées par un espace étanche, qui contient une mince couche de liquide lubriant. Ce liquide pleural permet aux feuillets viscéral et pariétal de glisser l’un contre l’autre durant l’inspiration et l’expiration (Brashers, 2010 ; Hicks, 2013). La cavité pleurale a la capacité de retenir beaucoup plus de liquide que son volume normal, qui est de quelques millilitres (Hicks, 2013).

Poumons

La pression qui existe dans la cavité pleurale est la pression intrapleurale. Elle diffère de la pression intrapulmonaire (pression à l’intérieur des poumons) et de la pression atmosphérique (Murali, Park & Leslie, 2010). Dans des conditions normales, la pression intrapleurale est inférieure à la pression intrapulmonaire et à la pression atmosphérique, variant habituellement entre 24 (expiration) et 210 cm H2O (inspiration) (Brashers, 2010). Une inspiration profonde peut générer des pressions intrapleurales de 212 à 218 cm H2O. Cette pression intrapleurale négative résulte des forces internes de la paroi thoracique qui exercent une pression en tirant la plèvre pariétale vers l’extérieur, loin de la plèvre viscérale, alors que les bres élastiques dans les poumons exercent une pression qui tire la plèvre viscérale vers l’intérieur, loin de la plèvre pariétale. La plèvre pariétale, rattachée à la paroi thoracique, est tirée vers l’extérieur grâce aux fibres élastiques des muscles intercostaux qui exercent une pression vers l’extérieur sur les côtes. Ces bres sont dans un état de relâchement lorsque la cage thoracique est entièrement déployée, comme pendant l’inspiration profonde. La plèvre viscérale est accolée aux poumons et tirée vers l’intérieur par les bres élastiques responsables de la rétraction, qui exercent une pression pour affaisser les poumons. Le tiraillement constant des deux feuillets pleuraux en directions opposées amène la pression dans la cavité pleurale à être subatmosphérique (Murali, Park & Leslie, 2010). La pression négative dans la cavité pleurale, qui entoure les poumons, les maintient gonés, puisqu’elle est toujours inférieure à la pression intrapulmonaire. Si la pression atmosphérique entre dans la cavité pleurale, une partie ou l’ensemble d’un poumon s’affaissera, entraînant un pneumothorax (Albertine, 2010).

Les poumons sont des organes de forme conique qui ont un volume total d’environ 3,5 à 8,5 L. La portion supérieure est l’apex et la portion inférieure, la base. Le segment apical de chaque poumon dépasse de quelques centimètres au-dessus de la clavicule FIGURE 16.1. Chaque poumon est fermement rattaché à la cage thoracique par le hile et par les ligaments pulmonaires (Albertine, 2010).

Lobes et segments Les poumons sont divisés en lobes et en segments, les lobes étant séparés par les scissures tapissées par la plèvre viscérale FIGURE 16.2. Le poumon droit, qui est plus volumineux et plus lourd que le poumon gauche, se divise en trois lobes : 1) supérieur ; 2) moyen ; 3) inférieur. Le poumon gauche ne comporte que deux lobes : le lobe supérieur et le lobe inférieur (Albertine, 2010). Une portion du poumon gauche, la lingula, correspond anatomiquement au lobe moyen droit. La scissure horizontale sépare le lobe supérieur droit du lobe moyen droit. La scissure oblique constitue la frontière entre les lobes supérieur et moyen droits du lobe inférieur. Du côté gauche, la scissure oblique sépare le lobe supérieur du lobe inférieur. Les lobes sont divisés en 18 segments, chacun ayant sa propre bronche qui est une ramication de la bronche lobaire. Le poumon droit comporte 10 segments, et le poumon gauche en compte 8 (Hicks, 2013).

Médiastin La région située entre les poumons, le médiastin, renferme le cœur, les gros vaisseaux, les tissus lymphatiques et l’œsophage. Une portion de la région médiastinale contient la racine des poumons, ou hile, dans laquelle les plèvres viscérales et pariétales forment une gaine autour de la bronche principale, des principaux vaisseaux sanguins et des nerfs qui entrent dans les poumons et qui en sortent (Albertine, 2010).

Plèvres La plèvre est une membrane mince qui recouvre l’extérieur des poumons et l’intérieur de la paroi thoracique. La plèvre viscérale adhère aux poumons, s’étendant dans le hile pulmonaire et les principales scissures. La plèvre pariétale borde la surface interne de la paroi thoracique et du médiastin (Albertine, 2010). Les deux surfaces pleurales

536

Partie 3

Système respiratoire

Pression intrapleurale

Muscles respiratoires Les muscles respiratoires sont gouvernés par l’activité régulatrice du système nerveux central (SNC) (décrite dans la deuxième section de ce chapitre) qui transmet des messages aux muscles pour stimuler leur contraction et leur relâchement. Cette activité musculaire régit l’inspiration et l’expiration. Les muscles qui augmentent l’amplitude de la cage thoracique sont les muscles de l’inspiration ; ceux qui réduisent cette amplitude sont les muscles de l’expiration (Maish, 2010) FIGURE 16.3.

16

FIGURE 16.2 Lobes et segments des poumons. A Vue antérieure des poumons, des bronches et de la trachée. B Diagramme élargi illustrant les segments bronchopulmonaires. S : supérieur ; G : gauche ; I : inférieur ; D : droit.

Muscles de l’inspiration Le diaphragme, principal muscle de l’inspiration, est un septum bromusculaire en forme de dôme qui sépare les cavités thoracique et abdominale. Il est rattaché au sternum, aux côtes et aux vertèbres. Lorsque la respiration est eupnéique, le diaphragme module environ 80 % de celle-ci. À l’inspiration, il se contracte et s’aplatit, ce qui pousse les viscères

vers le bas et entraîne une distension de l’abdomen. La contraction du diaphragme augmente l’amplitude de la cage thoracique dans une certaine mesure (Benditt & McCool, 2010 ; Hicks, 2013 ; Maish, 2010). L’action du diaphragme est gouvernée par le bulbe rachidien, qui envoie des inux par l’entremise du nerf phrénique. Celui-ci est issu du plexus cervical au niveau du quatrième nerf cervical, avec

Chapitre 16

Anatomie et physiologie du système respiratoire

537

Muscles accessoires Les muscles accessoires de la respiration sont ceux qui augmentent l’expansion du thorax pendant l’exercice, mais qui sont inactifs durant la respiration eupnéique. Ces muscles incluent notamment les muscles scalènes et sternocléidomastoïdiens, ainsi que d’autres muscles du thorax et du dos, comme le trapèze et le grand pectoral (Benditt & McCool, 2010 ; Hicks, 2013 ; Maish, 2010).

16.1.2

Voies aériennes de conduction

Les voies aériennes de conduction comportent les voies respiratoires supérieures, la trachée et l’arbre bronchique. Les voies aériennes de conduction réchauffent et humidient l’air inspiré, agissent comme mécanisme protecteur en empêchant l’entrée de corps étrangers dans les zones d’échange gazeux, et elles servent de passage à l’air qui entre et sort des zones d’échange gazeux dans les poumons (Brashers, 2010 ; Hicks, 2013).

Voies respiratoires supérieures

FIGURE 16.3 Muscles respiratoires.

des contributions secondaires par les troisième et cinquième nerfs cervicaux. Pour cette raison et parce que le diaphragme module la majeure partie de l’inspiration, un trauma impliquant les nerfs cervicaux C3 à C5 entraîne une dysfonction respiratoire (Maish, 2010). Parmi les autres muscles de l’inspiration gurent ceux qui soulèvent la cage thoracique. Les plus importants sont les muscles intercostaux externes, qui tirent les côtes vers le haut pour agrandir la cage thoracique. Les muscles scalènes, dentelés antérieurs et sternocléidomastoïdiens contribuent également à soulever les deux premières côtes et le sternum (Benditt & McCool, 2010 ; Hicks, 2013 ; Maish, 2010).

Muscles de l’expiration Dans un poumon sain, l’expiration est un phénomène passif, mobilisant très peu d’énergie. Durant la phase expiratoire, le diaphragme se détend et se soulève vers les poumons. La rétraction élastique intrinsèque des poumons contribue à l’expiration. Puisqu’il s’agit d’un acte passif, il n’y a pas de muscles expiratoires autres que les muscles intercostaux internes qui aident au mouvement vers l’intérieur des côtes. Durant l’exercice, toutefois, l’expiration devient un acte plus actif, sollicitant les muscles accessoires de la respiration. Plusieurs muscles de l’abdomen participeraient également à l’expiration active (Maish, 2010 ; Murali et al., 2010).

538

Partie 3

Système respiratoire

Les voies respiratoires supérieures comprennent les cavités nasales et orales, le pharynx et le larynx FIGURE 16.4. Leur principale contribution à la respiration est le conditionnement de l’air inspiré, un processus qui réchauffe, humidie et ltre l’air de certains irritants. Le réchauffement et l’humidication de l’air, qui sont essentiels pour prévenir l’irritation des voies respiratoires inférieures, se font principalement dans le nez par l’entremise d’un réseau vasculaire dense qui borde les fosses nasales. L’air est nettoyé par des poils drus qui tapissent les fosses nasales et qui ltrent les grosses particules inhalées (Brashers, 2010 ; Hicks, 2013).

Épiglotte L’épiglotte est située dans les voies respiratoires supérieures. Elle protège les voies respiratoires inférieures en fermant la trachée durant la déglutition an que la nourriture passe par l’œsophage. L’épiglotte est un mince cartilage élastique en forme de feuille, situé directement derrière la racine de la langue et rattaché au cartilage thyroïde FIGURE 16.4. Elle s’ouvre grand lors de l’inspiration, permettant à l’air de passer par la trachée pour se rendre dans les voies respiratoires inférieures (Hicks, 2013).

Trachée La trachée est un tube creux d’environ 11 cm de long et de 2,5 cm de diamètre FIGURE 16.5. Elle commence au cartilage cricoïde et se termine à la bifurcation trachéale (carina trachéale) qui donne naissance aux deux bronches principales. La carina trachéale, ou carène, se situe approximativement au niveau de l’arc aortique, soit de la cinquième vertèbre thoracique (Minnich & Mathisen, 2007) ou juste sous l’angle de Louis (Hicks, 2013). La trachée est constituée de muscles lisses et est supportée sur la face antérieure par 16 à 20 anneaux

16

FIGURE 16.4 Voies respiratoires supérieures. Dans cette coupe mi-sagittale des voies respiratoires supérieures, le septum nasal a été retiré pour mettre en évidence les cornets nasaux de la paroi latérale de la cavité nasale. Les trois parties du pharynx (nasopharynx, oropharynx et laryngopharynx) sont également visibles. S : supérieur ; P : postérieur ; I : inférieur ; A : antérieur.

cartilagineux en forme de fer à cheval. Ces anneaux préviennent le collapsus trachéal en présence d’une bronchoconstriction et d’une toux forte. La paroi postérieure de la trachée est accolée à la paroi antérieure de l’œsophage. Dénuée de support cartilagineux, cette paroi est composée uniquement de tissu musculaire qui est séparé de la paroi œsophagienne antérieure par du tissu conjonctif lâche (Hicks, 2013).

Arbre bronchique Les deux bronches principales ont une structure différente FIGURE 16.5. La bronche gauche est légèrement plus étroite que la bronche droite et, en raison de sa position au-dessus du cœur, elle se projette vers le poumon gauche à un angle d’environ 45 à 55° de la ligne médiane. La bronche droite est plus large et emprunte un angle de 20 à 30° par rapport à la ligne médiane. En raison de cette angulation et des forces de la gravité, c’est le site le plus courant d’aspiration

des corps étrangers. Ainsi, ces derniers peuvent passer par la bronche principale droite et atteindre le lobe inférieur du poumon droit (Albertine, 2010 ; Brashers, 2010).

Bronches Chaque branche de l’arbre trachéobronchique produit une nouvelle génération de bronches FIGURE 16.6. Les bronches principales constituent la première génération ; la branche suivante, soit les cinq bronches lobaires, est la deuxième génération. La troisième génération inclut les 18 bronches segmentaires. Celles de la quatrième à la neuvième génération environ sont composées de petites bronches, commençant par les bronches sous-segmentaires. Une diminution du diamètre de ces bronches est notée. Toutefois, puisque le nombre de bronches augmente avec chaque génération, la surface transversale totale croît également. Cette importante augmentation de la surface transversale du poumon est importante, car elle favorise la Chapitre 16

Anatomie et physiologie du système respiratoire

539

ventilation malgré une réduction de la lumière des voies aériennes (Hicks, 2013).

Bronchioles Les bronchioles représentent la subdivision nale des voies aériennes de conduction. Elles ont un diamètre de moins de 1 mm, et leurs parois sont dénuées de tissu conjonctif et de cartilage. Elles sont plutôt composées de muscles lisses (Albertine, 2010). Lorsque les muscles lisses se contractent, ces voies aériennes peuvent se fermer complètement en raison du manque de support structurel. Les bronchio les terminales forment la dernière branche des voies aériennes de conduction, à partir de laquelle les zones d’échange gazeux commencent. Au total, plus de 32 000 bronchioles terminales sont dénombrées (Hicks, 2013).

Mécanismes de défense des voies aériennes de conduction

FIGURE 16.5

A Coupe transversale d’une partie de la trachée, qui comprend l’élément cartilagineux en forme de fer à cheval. B Vue antérieure de la trachée et des bronches principales.

FIGURE 16.6 Voies aériennes de conduction et unités respiratoires. À noter, les ramications qui se multiplient au l des générations.

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Partie 3

Système respiratoire

Le principal mécanisme de défense dans les voies aériennes de conduction est l’escalier muculociliaire, ou tapis muqueux, constitué d’une combinaison de mucus et de cils. Le mucus, qui otte sur les cils, piège les particules étrangères FIGURE 16.7. Le mouvement ciliaire fait ensuite remonter le tapis muqueux et toute particule piégée vers le pharynx à une vitesse moyenne de 1 mm/min dans les petites bronchioles et de 12 mm/min dans les voies aériennes plus larges et la trachée. Après avoir atteint le pharynx, le mucus est avalé ou expulsé. Les glandes submuqueuses des voies aériennes produisent environ 100 ml de mucus par jour qui, mis à part une dizaine de millilitres, est complètement résorbé par la paroi bronchique. L’escalier mucociliaire est tellement efcace que presque aucune particule plus grosse que trois microns (μ) n’atteint les alvéoles (Antunes & Cohen, 2007). Le réexe tussigène est un autre mécanisme protecteur des voies aériennes de conduction. Des quantités excessives de particules étrangères dans la trachée et les bronches peuvent déclencher la toux.

FIGURE 16.7 Micrographie électronique de la surface luminale et des cils d’une bronchiole chez un homme adulte en bonne santé (× 2 000).

Une fois amorcée, l’expulsion rapide de l’air force le dégagement de toute particule étrangère (Amin & Belafsky, 2010).

16.1.3

Unités respiratoires

Les unités respiratoires comportent les bronchioles respiratoires et les alvéoles. Elles sont également appelées unités respiratoires terminales ou acini. L’échange gazeux se produit dans ces régions pulmonaires (ou zone respiratoire).

Bronchioles respiratoires Chaque bronchiole terminale donne naissance à deux bronchioles respiratoires, chacune d’elles se divisant de deux à quatre fois (Albertine, 2010). Les bronchioles respiratoires forment la zone de transition des poumons, agissant comme voies aériennes de conduction et unités d’échange gazeux. Alors que l’air se déplace dans les bronchioles respiratoires, les sacs alvéolaires à leur surface permettent les échanges gazeux (Hicks, 2013) FIGURE 16.6.

FIGURE 16.8 Détail d’une surface alvéolaire composée principalement de cellules épithéliales alvéolaires de type I (échelle : largeur de l’image de 1 cm = 3,46 μ ).

16

Alvéoles Chaque bronchiole respiratoire donne naissance à plusieurs conduits alvéolaires qui se terminent par des grappes constituées de 10 à 16 alvéoles FIGURE 16.6. Chaque unité respiratoire terminale se compose d’environ 100 conduits alvéolaires et de 2 000 alvéoles (Albertine, 2010). L’alvéole est le principal site des échanges gazeux et le point terminal de l’appareil respiratoire. Les deux poumons contiennent quelque 300 millions d’alvéoles. Cellesci sont composées de plusieurs types de cellules, incluant les cellules épithéliales alvéolaires de type I et II, ainsi que les macrophages alvéolaires (Brashers, 2010 ; Hicks, 2013).

Cellules épithéliales alvéolaires de type I Les cellules épithéliales alvéolaires de type I couvrent environ 90 % de la surface alvéolaire totale des poumons FIGURE 16.8. Elles sont les principales cellules structurelles de la paroi alvéolaire et jouent un rôle majeur dans le maintien de la membrane alvéolo capillaire et des échanges gazeux. La membrane alvéolo capillaire agit comme une barrière airsang. Les cellules de type I sont extrêmement vulnérables aux lésions et deviennent enflammées lorsqu’elles sont exposées à des toxines inhalées (Hicks, 2013).

| Conduits aériens collatéraux | Divers conduits aé riens collatéraux sont situés dans les régions inférieures des poumons. Dans les parois des cellules de type I se trouvent les pores de Kohn FIGURE 16.9, qui permettent le mouvement collatéral de l’air entre les alvéoles. Les canaux de Lambert, quant à eux, sont des voies aériennes collatérales qui existent entre les alvéoles et les bronchioles respiratoires et terminales. Ils sont particulièrement bénéques lorsqu’une bronchiole respiratoire est bloquée ou affaissée, car ils permettent au gaz

FIGURE 16.9 Micrographie électronique de la surface d’une alvéole humaine illustrant les pores de Kohn (P) et un macrophage (èche) (× 1 500).

de passer dans les alvéoles du côté distal du blocage. Les conduits aériens collatéraux sont très importants dans toute pathologie pulmonaire résultant d’une obstruction du débit aérien dans une portion des poumons. En outre, ces pores et ces canaux permettent aussi le mouvement des microorganismes dans le tissu pulmonaire (Albertine, 2010 ; Hicks, 2013).

Cellules épithéliales alvéolaires de type II Les cellules épithéliales alvéolaires de type II sont beaucoup plus nombreuses que les cellules de type I, mais en raison de leur taille minuscule, elles ne représentent qu’une faible portion de la paroi alvéolaire totale. Si une lésion se produit sur cette dernière, les cellules de type II se divisent rapidement pour border la surface ; elles se Chapitre 16

Anatomie et physiologie du système respiratoire

541

transformeront ensuite en cellules de type I. Les fonctions les plus importantes des cellules de type II sont leur capacité à produire, à emmagasiner et à sécréter le surfactant pulmonaire (Brashers, 2010 ; Hicks, 2013).

à l’activité antimicrobienne, qui inclut la sécrétion de peroxyde d’hydrogène, de lysozyme et d’autres substances qui détruisent les micro-organismes (Albertine, 2010 ; Brashers, 2010).

| Surfactant pulmonaire | Le surfactant pulmonaire est un phospholipide composé d’acides gras liés à la lécithine. Comme d’autres surfactants, notamment les détergents et les savons, le surfactant pulmonaire abaisse la tension supercielle à l’intérieur des alvéoles. Dans le cas des détergents et des savons, cette diminution de la tension supercielle nettoie les vêtements, alors que dans les poumons, elle stabilise les alvéoles, accroît la compliance pulmonaire et facilite la respiration. Lorsqu’une pneumopathie altère la synthèse normale et l’emmagasinage de surfactant, les poumons se distendent plus difcilement, ce qui rend la respiration plus laborieuse. Une perte importante de surfactant entraîne une instabilité et un affaissement alvéolaires, ainsi qu’une altération des échanges gazeux (Enhorning, 2008).

16.1.4

Mécanismes de défense des unités respiratoires : macrophages alvéolaires Les macrophages alvéolaires sont des monocytes provenant de la moelle osseuse qui sont libérés dans la circulation sanguine (Brashers, 2010 ; Hicks, 2013) FIGURES 16.9 et 16.10. En entrant dans la circulation capillaire pulmonaire, les monocytes franchissent la paroi de la membrane capillaire jusque dans l’espace interstitiel pour ensuite pénétrer dans les alvéoles. À l’intérieur de celles-ci, les monocytes se transforment en macrophages et assument un rôle phagocytaire. Ils se déplacent d’alvéole en alvéole par les pores de Kohn, gardant ainsi les alvéoles propres et stériles grâce à la phagocytose et

FIGURE 16.10 Micrographie électronique d’un poumon humain sain illustrant un macrophage alvéolaire (Ma) xé à l’épithélium en partie par des lopodes (FP) et formant une membrane ondulante (O) dans la direction du mouvement vers l’avant à la gauche. Plusieurs capillaires (C) sont apparents, et une cellule épithéliale alvéolaire de type II (EP2) peut être observée à l’arrière-plan (agrandissement original × 3 700).

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Partie 3

Système respiratoire

Système sanguin et lymphatique pulmonaire

Le système sanguin et lymphatique des poumons se compose de deux systèmes vasculaires et d’un système lymphatique. La circulation pulmonaire est le système vasculaire qui forme le réseau d’échanges gazeux entourant les alvéoles. La circulation bronchique, quant à elle, constitue le système vasculaire qui assure l’irrigation de l’arbre trachéobronchique (Hicks, 2013).

Circulation pulmonaire Le système circulatoire pulmonaire commence au niveau de l’artère pulmonaire, qui reçoit le sang veineux en provenance du ventricule droit du cœur. L’artère pulmonaire se divise ensuite en branches gauche et droite et continue de se ramier jusqu’à ce qu’elle forme les capillaires qui entourent les alvéoles FIGURE 16.11. Après l’échange gazeux, le sang est retourné au côté gauche du cœur par les veines pulmonaires (Albertine, 2010 ; Hicks, 2013).

Pressions artérielles pulmonaires La circulation pulmonaire est de loin le lit vasculaire le plus étendu dans l’organisme, et elle est la seule à recevoir le débit cardiaque total. Tout comme la grande circulation, la circulation pulmonaire (ou

FIGURE 16.11 Unité respiratoire terminale et unité de perfusion du poumon.

petite circulation) a une pression artérielle (P.A.) systolique et diastolique. Cependant, en raison de l’absence relative de muscles lisses dans les vaisseaux de la circulation pulmonaire, les pressions sont beaucoup moins élevées que celles de la grande circulation (Brashers, 2010 ; Hicks, 2013). La pression artérielle systolique (P.A.S.) pulmonaire varie de 15 à 25 mm Hg, la pression artérielle diastolique (P.A.D.) pulmonaire oscille entre 8 et 15 mm Hg, et la pression artérielle moyenne (P.A.M.) pulmonaire varie de 10 à 20 mm Hg (Polanco & Pinsky, 2006). En raison des P.A. pulmonaires faibles, l’épaisseur de la paroi ventriculaire droite représente seulement un tiers environ de celle de la paroi ventriculaire gauche. Cependant, tout comme dans la grande circulation, une pression trop élevée peut se présenter dans la circulation pulmonaire ; il s’agit de l’hypertension pulmonaire (Gayat & Mebazaa, 2011) ENCADRÉ 16.1.

Membrane alvéolo capillaire Les vaisseaux de la membrane alvéolo capillaire forment un réseau si dense autour de chaque alvéole qu’ils font en sorte qu’une couche presque ininterrompue de sang couvre l’alvéole (Albertine, 2010). Le diamètre interne de chaque segment capillaire est juste assez grand pour permettre aux globules rouges de s’y glisser l’un derrière l’autre, de sorte que leur membrane cellulaire touche la paroi capillaire (Brashers, 2010) FIGURE 16.12. Ainsi, l’oxygène et le dioxyde de carbone n’ont pas à passer par des quantités importantes de plasma lorsqu’ils entrent dans des alvéoles, les traversent, puis en sortent, ce qui fait de la membrane alvéolo capillaire un véhicule hautement efcace pour les échanges gazeux. Chaque globule rouge passe environ trois quarts de seconde dans le réseau alvéolo capillaire et est exposé au gaz alvéolaire de deux ou trois alvéoles (Hicks, 2013). Durant cette brève période, l’hémoglobine passe de son taux de saturation normale du sang veineux d’environ 75 % à un taux de saturation de près de 100%. (Brashers, 2010). Il a été démontré que les taux d’hémoglobine atteignent des valeurs normales

ENCADRÉ 16.1

FIGURE 16.12 Micrographie électronique d’un globule rouge dans un capillaire. À noter que le diamètre du globule rouge et celui du capillaire sont similaires. Dans plusieurs cas, les globules rouges circulent dans des capillaires encore plus petits, pouvant souvent représenter la moitié du diamètre du globule rouge. Cela est possible parce que les cellules sont exibles, principalement en raison de leur forme de disque biconcave.

16

après une exposition au gaz alvéolaire de un quart de seconde seulement ; en présence de troubles comme la tachycardie, dans laquelle les globules rouges passent moins de temps dans le réseau capillaire pulmonaire, l’oxygénation normale peut donc encore se produire (Brashers, 2010). La membrane alvéolo capillaire est de moins de 0,5 μ d’épaisseur (Wagner, Dantzker & Dueck, 2010). Elle se compose de plusieurs couches de cellules : l’épithélium alvéolaire, la membrane basale alvéolaire, l’espace interstitiel, la membrane basale

Hypertension pulmonaire

L’hypertension pulmonaire est dénie comme une pression accrue (P.A.S. pulmonaire supérieure à 35 mm Hg et P.A.M. pulmonaire inférieure à 25 mm Hg au repos ou inférieure à 30 mm Hg à l’effort) dans le système artériel pulmonaire. L’hypertension pulmonaire survient lorsque la surface transversale du lit pulmonaire diminue à la suite d’une vasoconstriction ou de modications structurelles dans le lit vasculaire. Ces modications peuvent résulter de divers états physiopathologiques, y compris une résistance au drainage veineux pulmonaire (p. ex., une sténose mitrale), un débit sanguin pulmonaire accru (p. ex., une communication interventriculaire ou interauriculaire), une obstruction au débit sanguin dans les grosses artères pulmonaires

(p. ex., une embolie pulmonaire) ou dans les petits vaisseaux sanguins pulmonaires (p. ex., la collagénose avec manifestations vasculaires) et une vasoconstriction hypoxique. L’hypertension pulmonaire résultant d’une vasoconstriction hypoxique, bien que causée en partie par un vasospasme, est fréquemment liée à des altérations de la structure des vaisseaux sanguins de la circulation pulmonaire, ce qui entraîne un épaississement de la média et une réduction de la lumière vasculaire. L’hypertension pulmonaire augmente la postcharge du ventricule droit et, lorsqu’elle est chronique, peut entraîner une hypertrophie ventriculaire droite (cœur pulmonaire) et une insufsance ventriculaire droite.

Chapitre 16

Anatomie et physiologie du système respiratoire

543

provenant de la circulation bronchique avec le sang oxygéné de l’oreillette gauche diminue la saturation du sang contenu dans l’oreillette gauche à une valeur se situant entre 96 et 99 %. Ainsi, alors qu’une personne respire l’air ambiant, la SaO2 est inférieure à 100 %. L’arrivée de sang veineux dans l’oreillette gauche est appelée shunt anatomique. Les veines de Thebesian, qui drainent la circulation coronarienne droite, sont également responsables de l’ajout du sang veineux dans l’oreillette gauche. Ces deux systèmes constituent le shunt anatomique normal, qui représente environ de 3 à 5 % du débit cardiaque total (Misasi & Keyes, 1996).

Circulation lymphatique

FIGURE 16.13 Couches de la membrane alvéolo capillaire.

capillaire et l’endothélium capillaire FIGURE 16.13. L’oxygène (O2) et le dioxyde de carbone (CO2) traversent facilement ces couches, qui ne présentent aucune barrière à la diffusion puisque la membrane alvéolo capillaire est très mince (Brashers, 2010).

Circulation bronchique La circulation bronchique, également appelée circulation sanguine générale aux poumons, est le système qui perfuse l’arbre trachéobronchique, la plèvre viscérale, les tissus interstitiel et conjonctif, certaines artères et veines, les ganglions et les nerfs à l’intérieur de la cavité thoracique. Les artères bronchiques qui perfusent ces structures du côté gauche du thorax naissent de l’aorte, et celles qui perfusent les structures du côté droit naissent de l’artère intercostale, de l’artère sous-clavière ou de l’artère mammaire interne. Après avoir perfusé les structures pulmonaires, la plus grande partie du sang veineux retourne au côté droit du cœur ; toutefois, une partie du sang veineux de la circulation bronchique retourne directement dans les veines pulmonaires et l’oreillette gauche (Charan, Thompson & Carvalho, 2007).

Shunt anatomique L’oreillette gauche contient normalement du sang chargé d’oxygène avec un taux de saturation d’hémoglobine de 100 %. Le mélange de sang veineux

544

Partie 3

Système respiratoire

Les poumons sont plus riches en tissu lymphatique que tout autre organe, peut-être en raison de leur exposition constante à l’environnement externe. Les vaisseaux lymphatiques longent la majorité du réseau vasculaire pulmonaire et de l’arbre trachéobronchique jusqu’aux bronchioles terminales. Ils se trouvent également dans le tissu conjonctif du parenchyme pulmonaire et dans les membranes pleurales. Ces vaisseaux se vident dans les ganglions primaires situés au niveau du hile des poumons. Le système lymphatique des poumons a deux fonctions. Puisqu’il fait partie du système immunitaire, il est responsable de débarrasser les poumons des particules étrangères et des débris cellulaires, en plus de produire les réponses immunitaires. Il est également responsable de retirer le liquide interstitiel des poumons et de garder libres les alvéoles, an d’éviter la surcharge pulmonaire (Brashers, 2010 ; Hicks, 2013).

16.2

Physiologie

16.2.1

Ventilation

L’air entre dans les poumons et en sort en raison de la différence entre la pression intrapulmonaire et la pression atmosphérique. Le mouvement d’entrée d’air dans les poumons est appelé inspiration FIGURE 16.14, et le mouvement de sortie d’air se nomme expiration FIGURE 16.15. Sous la commande du SNC, les muscles de la ventilation se contractent, le thorax et les poumons prennent de l’expansion, et la pression intrapulmonaire diminue. Lorsque la pression intrapulmonaire chute en deçà de la pression atmosphérique, l’air entre dans les poumons ; il s’agit du processus d’inspiration. À la n de l’inspiration, les muscles de la ventilation se relâchent, le thorax se contracte et les poumons se compriment, ce qui augmente la pression intrapulmonaire. Lorsque cette dernière monte au-dessus de la pression atmosphérique, l’air sort des poumons ; il s’agit de l’expiration (Chatburn & Daoud, 2013 ; Murali et al., 2010).

16

FIGURE 16.14 Mécanisme de l’inspiration. Le diaphragme, les petits muscles pectoraux et les muscles intercostaux externes, qui soulèvent le thorax, jouent un rôle dans l’augmentation du volume thoracique, ce qui diminue la pression dans les poumons et provoque une entrée d’air. S : supérieur ; A : antérieur ; I : inférieur ; P : postérieur.

Effort respiratoire L’effort respiratoire est l’effort déployé pour surmonter les propriétés élastiques et de résistance des poumons. Les propriétés élastiques sont déterminées par la rétraction des poumons, la rétraction de la paroi thoracique et la tension supercielle des alvéoles. Les propriétés de résistance sont déterminées par la résistance des voies aériennes (Ayas, McCool, Gove et al., 2010 ; Chatburn & Daoud, 2013 ; Hicks, 2013). Normalement, l’effort respiratoire survient durant l’inspiration. Cependant, l’expiration peut exiger un effort lorsque la rétraction des poumons, la rétraction de la paroi thoracique et la tension supercielle des alvéoles sont anormales (Chatburn & Daoud, 2013 ; Murali et al., 2010). Lorsque la respiration est eupnéique, 1 ou 2 % de la consommation basale d’oxygène seulement sont

requis par le système pulmonaire (Ayas et al., 2010). Au cours d’un effort physique intense, la quantité d’énergie requise par le système pulmonaire peut devenir progressivement plus importante. L’effort respiratoire peut être un facteur qui limite l’exercice chez le client atteint d’une pneumopathie. Les pathologies pulmonaires peuvent modier de façon draconienne les besoins énergétiques pour la ventilation. En effet, les maladies pulmonaires qui réduisent la compliance des poumons (p. ex., l’atélectasie, l’œdème pulmonaire) et celle de la paroi thoracique (p. ex., la cyphoscoliose), qui augmentent la résistance des voies aériennes (p. ex., la bronchite, l’asthme) ou qui diminuent la rétraction pulmonaire (p. ex., l’emphysème) peuvent accroître l’effort respiratoire dans une telle mesure qu’un tiers ou plus de l’énergie corporelle totale est utilisée pour la ventilation (Chatburn & Daoud, 2013 ; Murali et al., 2010) ENCADRÉ 16.2. Chapitre 16

Anatomie et physiologie du système respiratoire

545

FIGURE 16.15 Mécanisme de l’expiration. Le relâchement du diaphragme couplé à la contraction des muscles qui abaissent le thorax (intercostaux internes) réduit le volume thoracique, ce qui augmente la pression dans les poumons et entraîne une sortie d’air. S : supérieur ; A : antérieur ; I : inférieur ; P : postérieur.

ENCADRÉ 16.2

Altération de la ventilation par les pneumopathies

L’action musculaire normale du diaphragme, la exibilité de la cage thoracique, l’élasticité des poumons et le diamètre des voies aériennes jouent un rôle déterminant pour favo­ riser l’inspiration et l’expiration. Toute interférence dans ces actions entrave la ventilation normale. Les pneumopa­ thies sont dites obstructives ou restrictives, selon la façon dont la cause sous­jacente altère la ventilation normale. Les pneumopathies restrictives, qui limitent le mouvement des poumons ou de la paroi thoracique, incluent la brose pulmonaire interstitielle diffuse, l’atélectasie, la cyphosco­ liose et une douleur importante dans la région de la paroi thoracique. Ces états pathologiques peuvent être aigus ou chroniques. Puisqu’ils restreignent l’expansion des poumons ou de la paroi thoracique, ou des deux, les clients ont des

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Partie 3

Système respiratoire

volumes courants plus petits, mais une fréquence respira­ toire (F.R.) accrue pour maintenir la ventilation minute. Les pneumopathies obstructives entravent le débit aérien normal. Les exemples classiques de pneumopathies obs­ tructives sont l’emphysème, dans lequel le débit aérien est réduit en raison d’une diminution de la rétraction des poumons, et l’asthme, où le débit aérien se trouve dimi­ nué en conséquence d’un rétrécissement diffus des voies aériennes. Dans le cas de l’emphysème, les poumons se gonent facilement, mais à cause de l’absence de rétraction élastique normale, ils ne se compriment pas pour permettre une expiration adéquate. Les clients atteints d’emphysème peuvent donc avoir peu de difculté à inspirer, mais beau­ coup de difculté à expirer.

Volumes et capacités pulmonaires La ventilation pulmonaire peut être décrite en termes de volumes et de capacités FIGURE 16.16. Le volume courant est la quantité d’air inhalé et expiré à chaque respiration. Il s’établit à environ 500 ml d’air. Le volume de réserve inspiratoire est la quantité maximale d’air qui peut être inspirée au-delà du volume courant normal, c’est-à-dire en forçant à la n d’une inspiration normale. Il se situe à environ 1 900 ml chez la femme et à 3 100 ml chez l’homme. Le volume de réserve expiratoire est la quantité maximale d’air qui peut être expirée audelà du volume courant normal, c’est-à-dire en forçant à la n d’une expiration normale. Il se situe à environ 700 ml chez la femme et à 1 200 ml chez l’homme. Le volume résiduel est la quantité d’air qui reste dans les poumons après une expiration forcée. Il s’établit à environ 1 100 ml chez la femme et à 1 200 ml chez l’homme (McKinley, O’Loughlin & Bidle, 2014). La capacité inspiratoire, ou capacité totale d’inspiration, est la somme du volume courant et du volume de réserve inspiratoire. La capacité résiduelle fonctionnelle, soit la quantité d’air qui reste dans les poumons à la n d’une expiration normale, est la somme du volume de réserve expiratoire et du volume résiduel. La capacité vitale (CV), ou mesure de la puissance respiratoire, est la somme du volume

courant, du volume de réserve inspiratoire et du volume de réserve expiratoire. La capacité pulmonaire totale est la somme des quatre volumes, et elle représente la quantité maximale d’air que peuvent contenir les poumons (Brashers, 2010 ; Chatburn & Daoud, 2013 ; McKinley et al., 2014). La ventilation pulmonaire, qui renvoie à la quantité d’air passant de l’atmosphère aux poumons en une minute, peut être calculée en multipliant le volume courant par la fréquence respiratoire (F.R.). Puisque la F.R. moyenne s’établit à 12 respirations par minute, la ventilation pulmonaire est d’environ 6 000 ml/min (McKinley et al., 2014).

Espace mort total La portion de la ventilation pulmonaire qui participe à l’échange gazeux est appelée ventilation alvéolaire. Cependant, une portion de la ventilation pulmonaire ne contribue jamais aux échanges gazeux. Les zones des poumons qui sont ventilées, mais où aucun échange gazeux ne se produit sont appelées régions d’espace mort anatomique. Il s’agit des voies aériennes de conduction, et on les nomme ainsi puisqu’elles sont ventilées, mais non perfusées : elles ne peuvent donc participer aux échanges gazeux. La ventilation alvéolaire correspond donc à la différence entre le volume courant et le volume contenu dans l’espace mort anatomique, multipliée par la F.R. (McKinley et al., 2014).

16

FIGURE 16.16 Volumes et capacités pulmonaires chez un homme adulte en bonne santé. À noter que l’ensemble des mesures des volumes et capacités pulmonaires est inférieure d’environ 25 % chez les femmes. CPT : capacité pulmonaire totale ; VC : volume courant ; CRF : capacité résiduelle fonctionnelle ; CI : capacité inspiratoire ; VRI : volume de réserve inspiratoire ; VRE : volume de réserve expiratoire ; VR : volume résiduel ; CV : capacité vitale.

Chapitre 16

Anatomie et physiologie du système respiratoire

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ALERTE CLINIQUE

Si un client présente une res­ piration tachypnéique et à petit volume, l’air dans les alvéoles est insufsamment renouvelé à chaque inspira­ tion puisqu’une grande pro­ portion du volume courant demeure dans l’espace mort anatomique et ne se rend pas jusqu’aux alvéoles.

De plus, il se peut que certaines alvéoles ne soient pas perfusées (p. ex., si une artère pulmonaire est bloquée). Une certaine portion de la ventilation se rend alors dans ces alvéoles non perfusées, mais, en l’absence de perfusion, l’échange gazeux ne peut se produire, et la ventilation devient inutile. Ces alvéoles non perfusées constituent l’espace mort alvéolaire, qui est un état pathologique. L’espace mort anatomique et l’espace mort alvéolaire composent l’espace mort total (qui est physiologique) (Brashers, 2010 ; Chatburn & Daoud, 2013 ; Misasi & Keyes, 1996). La ventilation alvéolaire est inférieure à la ventilation pulmonaire, car une partie de l’air inspiré reste dans l’espace mort anatomique. La ventilation alvéolaire est plus importante au cours de respirations profondes qu’en respirations supercielles et rapides. Plus la respiration est profonde, plus la quantité d’air qui traverse l’espace mort sans y rester est importante, de sorte que le volume disponible pour les échanges gazeux l’est aussi. Au cours de deux respirations rapides, la quantité d’air qui demeure dans l’espace mort est également multipliée par deux, comparativement à une respiration profonde (McKinley et al., 2014) .

Régulation de la ventilation La régulation de la ventilation par le cerveau est complexe et non entièrement élucidée. La ventilation est régulée par une triade comprenant un contrôleur (situé dans le SNC), un groupe d’effecteurs (muscles de la ventilation) ainsi que divers capteurs qui incluent les chimiorécepteurs (centraux et périphériques) et les mécanorécepteurs (situés dans la paroi thoracique et les poumons). Les bres nerveuses efférentes transmettent les inux du contrôleur aux effecteurs, alors que les bres nerveuses afférentes transportent les inux des divers capteurs au contrôleur (Corne & Bshouty, 2005) FIGURE 16.17.

Contrôleur Le SNC abrite le contrôleur de la ventilation. Celui-ci n’est pas situé dans une région précise ; il se trouve plutôt dans plusieurs régions qui travaillent ensemble pour coordonner la ventilation. Le tronc cérébral régule la ventilation automatique, le cortex cérébral module la ventilation volontaire, et les neurones de la moelle épinière traitent l’information provenant du cerveau et des récepteurs périphériques, leur permettant ainsi d’envoyer l’information nale aux muscles respiratoires (Corne & Bshouty, 2005).

| Tronc cérébral | Dans le tronc cérébral, le bulbe rachidien et le pont (ou protubérance annulaire) participent à la ventilation. Quatre groupes de neurones prendraient part à la régulation de l’inspiration et de l’expiration. Le groupe respiratoire dorsal, situé dans le bulbe rachidien, est responsable du rythme basal de la ventilation. On croit que les cellules de cette région activent et déclenchent l’inspiration. Le centre pneumotaxique logé dans le pont est responsable de limiter l’inspiration et de déclencher l’expiration. Cette réponse facilite également le

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Partie 3

Système respiratoire

contrôle de la fréquence et du rythme de la respiration. Le groupe respiratoire ventral, situé dans le bulbe rachidien, est responsable de l’inspiration et de l’expiration durant les périodes de ventilation accrue. Le centre apneustique, dans le pont inférieur, agirait avec le centre pneumotaxique pour réguler la profondeur de l’inspiration (Corne & Bshouty, 2005).

| Cortex cérébral | Le cortex cérébral permet à la ventilation volontaire de contourner les contrôles automatiques du bulbe rachidien et du pont. Le contrôle volontaire de la ventilation est plus important lorsque le client pleure, rit, chante et parle. Dans ces cas, le contrôle volontaire peut contourner le contrôle automatique, qui répond principalement aux stimulus chimiques et aux changements dans l’ination pulmonaire (Brashers, 2010 ; Corne & Bshouty, 2005).

Effecteurs Les effecteurs de la ventilation sont les muscles de la ventilation FIGURE 16.3. Il est important de retenir qu’ils agissent de façon coordonnée dans leur fonction de contrôle de la ventilation. Le SNC gouverne cette fonction (Corne & Bshouty, 2005).

Capteurs Les principaux capteurs de régulation de la ventilation sont les chimiorécepteurs (chémorécepteurs) centraux et périphériques FIGURE 16.17. Ces chimiorécepteurs répondent aux changements dans la composition chimique du sang ou des autres liquides les entourant. Les autres capteurs qui se trouvent dans les poumons comprennent les récepteurs sensibles à l’irritation, les récepteurs sensibles à la distension pulmonaire et les récepteurs juxtacapillaires (Brashers, 2010 ; Corne & Bshouty, 2005).

| Chimiorécepteurs centraux | Les chimiorécepteurs centraux sont situés dans la région chimiosensible près de la surface ventrale du bulbe rachidien FIGURE 16.17. Ces chimiorécepteurs baignent dans le liquide extracellulaire cérébral et réagissent principalement aux changements dans la concentration en ions hydrogène de ce milieu. La ventilation augmente avec la hausse de la concentration en ions hydrogène et diminue avec la baisse de celle-ci. Une hausse de la pression partielle du dioxyde de carbone dans le sang artériel (PaCO2) entraîne le mouvement du dioxyde de carbone à travers la barrière hématoencéphalique jusque dans le liquide cérébrospinal (liquide céphalorachidien) (LCS), stimulant le mouvement des ions hydrogène dans le liquide extracellulaire du cerveau. Ces ions hydrogène stimulent ensuite les chimiorécepteurs centraux, augmentant ainsi la ventilation. L’augmentation de la ventilation entraîne l’expiration de l’excès de dioxyde de carbone la chute de la PaCO2 et le retour à la normale de la ventilation. Les chimiorécepteurs centraux ne réagissent pas aux changements dans la pression partielle d’oxygène dans le sang artériel (PaO2) (Corne & Bshouty, 2005).

16

FIGURE 16.17 Système de contrôle respiratoire. S : supérieur ; G : gauche ; I : inférieur ; D : droit.

| Chimiorécepteurs périphériques | Les chimiorécepteurs périphériques sont situés au-dessus et en dessous de la crosse de l’aorte et dans l’angle de la bifurcation des artères carotides FIGURE 16.17. L’action la plus importante des chimiorécepteurs périphériques est leur réponse aux changements de la PaO2 puisqu’ils

sont les principaux récepteurs qui augmentent la ventilation en réponse à l’hypoxémie artérielle. L’hyperventilation immédiate, l’un des principaux mécanismes compensatoires en réponse à l’hypoxémie, est gouvernée par ces chimiorécepteurs. Ceux-ci réagissent également aux changements dans la PaCO2 et Chapitre 16

Anatomie et physiologie du système respiratoire

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à la concentration en ions hydrogène. Une hausse de l’une ou de l’autre entraîne une augmentation de la ventilation. Les études indiquent que les chimiorécepteurs périphériques sont probablement plus impliqués dans la réponse à court terme au dioxyde de carbone alors que les chimiorécepteurs centraux sont responsables de la réponse à long terme à ce gaz (Corne & Bshouty, 2005).

| Autres récepteurs | Les récepteurs sensibles à l’irritation se trouvent entre les cellules épithéliales des voies aériennes et stimulent la bronchoconstriction et l’hyperpnée en réponse aux irritants inhalés. Les récepteurs sensibles à la distension pulmonaire, qui sont situés dans les voies aériennes, sont stimulés par les changements dans le volume pulmonaire. Ils inhibent l’inspiration et protégeraient les poumons contre l’hyperination (réexe de HeringBreuer). Les récepteurs juxtacapillaires se situent dans les parois alvéolaires près des capillaires. Ils sont stimulés par l’engorgement des capillaires pulmonaires et par une augmentation du volume

FIGURE 16.18 Processus de la respiration. PO2 : pression partielle d’oxygène ; PCO2 : pression partielle de dioxyde de carbone ; PH2O : pression partielle de l’eau ; PN2 : pression partielle de l’azote ; CO2 : dioxyde de carbone ; O2 : oxygène.

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Partie 3

Système respiratoire

du liquide interstitiel. La stimulation des récepteurs juxtacapillaires causerait une respiration rapide et supercielle (Eckert, Jordan, Merchia et al., 2007).

16.2.2

Respiration

La respiration renvoie au mouvement de l’oxygène et du dioxyde de carbone à travers les membranes. L’échange gazeux qui se produit dans les poumons par la membrane alvéolo capillaire s’appelle respiration externe. La diffusion des gaz qui entrent dans les cellules des tissus périphériques et qui en sortent est appelée respiration interne (Brashers, 2010).

Diffusion L’oxygène et le dioxyde de carbone circulent dans l’organisme par la diffusion. Celle-ci déplace les molécules d’un milieu de forte concentration à un milieu de faible concentration. La différence entre les concentrations de gaz est appelée pression motrice. Plus la pression motrice du gaz est grande à travers la membrane, plus élevé est le taux de diffusion (Brashers, 2010). Dans les poumons, la diffusion se produit en raison de la différence de pression motrice entre les capillaires pulmonaires et les alvéoles. L’oxygène est présent en forte concentration dans les alvéoles et exerce une pression motrice plus élevée que dans les capillaires pulmonaires. Par conséquent, l’oxygène se déplace par diffusion des alvéoles jusque dans les capillaires pulmonaires. Le dioxyde de carbone se trouve en concentration plus élevée et exerce une pression motrice plus forte dans les capillaires pulmonaires que dans les alvéoles ; par conséquent, il se diffuse hors des capillaires jusque dans les alvéoles, où il est expiré FIGURE 16.18. La pression motrice de l’oxygène est plus faible à des altitudes élevées parce que les concentrations en oxygène sont moindres (Moore, Charles & Julian, 2011), et elle s’accroît lorsqu’une oxygénothérapie est administrée (Hirsch, 2013). Outre les pressions motrices des gaz, plusieurs autres facteurs inuent sur le taux de diffusion, notamment l’épaisseur de la membrane alvéolo capillaire (Brashers, 2010), la supercie de la membrane (Hébert, Van der Linden, Biro et al., 2004) et le coefcient de diffusion du gaz (Hirsch, 2013). Une augmentation de l’épaisseur de la membrane alvéolo capillaire (p. ex., un œdème pulmonaire, une brose) (Brashers, 2010) ou une diminution de la supercie de la membrane (p. ex., une pneumonectomie, une lobectomie, une embolie pulmonaire, de l’emphysème) (Hébert et al., 2004) réduit le taux de diffusion. Le coefcient de diffusion de chaque gaz est déterminé par sa solubilité. Plus le coefcient de diffusion est élevé, plus le gaz se diffuse rapidement. Le dioxyde de carbone a un coefcient de diffusion beaucoup plus élevé que celui de l’oxygène, et il se diffuse 20 fois plus rapidement que celui-ci (Hirsch, 2013).

16.2.3

Rapports ventilation/perfusion

La ventilation (V) et la perfusion (Q) devraient être de niveau similaire dans la membrane alvéolo capillaire pour permettre un échange gazeux optimal, mais en raison des variations régionales normales dans la distribution de la ventilation et de la perfusion, ce n’est pas le cas. En temps normal, la ventilation alvéolaire est approximativement de 4 L/min, et la perfusion capillaire pulmonaire est environ de 5 L/min, ce qui correspond au débit cardiaque. Le rapport normal ventilation/perfusion (V/Q) est 4:5, ou 0,8 (Hirsch, 2013 ; Misasi & Keyes, 1996).

Distribution de la ventilation La distribution de la ventilation dans les poumons n’est pas égale en raison de divers facteurs, dont la conguration du thorax et les effets de la gravité sur la pression intrapleurale. Le thorax a une expansion pulmonaire plus grande à la base qu’à l’apex ; cela permet une plus grande ventilation à la base et limite la ventilation à l’apex. La gravité produit également des variations régionales dans la pression intrapleurale. Au repos, la pression intrapleurale négative est plus élevée à l’apex qu’à la base, et les alvéoles dans l’apex des poumons sont plus volumineuses et conservent plus d’air à la fin de l’expiration. Parce que les alvéoles sont plus volumineuses, elles sont moins souples et plus dif ciles à goner. À l’inhalation, les alvéoles de la base prennent plus d’expansion parce qu’elles ont moins de pression à surmonter (Brashers, 2010 ; Chatburn & Daoud, 2013 ; Misasi & Keyes, 1996). En position debout, la base du poumon est le siège d’environ quatre fois plus de ventilation que l’apex (Chatburn & Daoud, 2013). En position couchée, la gravité produit les mêmes effets dans les zones des poumons dépendantes de la gravité, soit les régions postérieures (Brashers, 2010 ; Chatburn & Daoud, 2013 ; Misasi & Keyes, 1996).

16 FIGURE 16.19

Effets de la gravité et de la pression alvéolaire sur la perfusion pulmonaire. À noter, les trois zones pulmonaires. Dans la zone I, la pression alvéolaire (PA) est plus élevée que la pression artérielle (P.A.) et veineuse (PV), et il n’y a aucune perfusion. Dans la zone II, la P.A. excède la PA, mais celle-ci excède la (P V). La perfusion se produit dans cette zone, mais la PA comprime les veinules (terminaisons veineuses des capillaires). Dans la zone III, les pressions artérielle et veineuse sont plus élevées que la PA, et la perfusion fluctue en fonction de la différence entre les pressions artérielle et veineuse.

subit une perfusion constante (Brashers, 2010 ; Misasi & Keyes, 1996) FIGURE 16.19.

Distribution de la perfusion

Déséquilibre du rapport ventilation/perfusion

La distribution de la perfusion dans les poumons est liée à la gravité et aux pressions intra-alvéolaires. En raison des effets de la gravité, la pression dans les capillaires des poumons est plus élevée à la base qu’à l’apex. Cela favorise la perfusion préférentielle des régions pulmonaires dépendantes de la gravité. Les pressions intra-alvéolaires varient également dans les différentes régions des poumons ; la pression la plus élevée se trouve dans l’apex des poumons, et la pression la plus faible, dans la base. Dans certaines régions des poumons, la pression intra-alvéolaire a le potentiel d’excéder la pression hydrostatique capillaire, entraînant une absence de perfusion dans ces régions. D’après ce concept, le poumon peut être divisé en trois zones. La zone 1 est la portion du poumon qui a le potentiel de ne pas être perfusée. La zone 2 représente la portion moyenne du poumon, qui est perfusée à divers degrés. La zone 3 est la région dépendante de la gravité du poumon, qui

Divers facteurs peuvent inuer sur l’équilibre (couplage) de la ventilation et de la perfusion dans les poumons, et leur rapport peut être considéré comme un continuum FIGURE 16.20. À un bout du continuum, l’alvéole est ventilée, mais n’est pas du tout perfusée : elle est donc incapable de participer à l’échange gazeux. Cette situation est appelée espace mort alvéolaire. À l’autre extrémité du continuum, l’alvéole est perfusée, mais n’est pas du tout ventilée : elle est donc incapable de participer à l’échange gazeux. Cette situation est appelée shunt intrapulmonaire. Dans ce cas, le sang non oxygéné est retourné au côté gauche du cœur (Hirsch, 2013). Entre ces deux extrêmes, il existe un nombre inni de déséquilibres du rapport ventilation/perfusion. Les situations dans lesquelles la ventilation excède la perfusion (V/Q > 0,8) sont dites productrices d’espace mort, alors que les situations où la perfusion excède la ventilation (V/Q < 0,8) sont dites Chapitre 16

Anatomie et physiologie du système respiratoire

551

la plupart des vaisseaux sanguins se dilatent en réponse à l’hypoxie, les vaisseaux pulmonaires se contractent lorsque la PaO 2 est inférieure à 60 mm Hg. Cet événement, appelé vasoconstriction hypoxique, survient habituellement lorsqu’une portion des capillaires pulmonaires perfuse des alvéoles non ventilées ou sous-ventilées. Il s’agirait d’une réponse compensatoire vi sant à limiter le retour du sang non oxygéné au côté du cœur. Si la réponse est prolongée et généralisée dans l’ensemble des poumons, il en résultera une hypertension pulmonaire (Brashers, 2010) ENCADRÉ 16.1 .

16.2.4

FIGURE 16.20 Continuum des rapports ventilation/perfusion. A Shunt intrapulmonaire : les alvéoles sont perfusées mais non ventilées. B Le déséquilibre V/Q est une situation productrice de shunt. C Rapport V/Q normal : les alvéoles sont perfusées et ventilées. D Le déséquilibre V/Q est une situation productrice d’espace mort. E Espace mort alvéolaire : les alvéoles sont ventilées mais non perfusées.

productrices de shunt. Bien qu’un déséquilibre mineur de la ventilation n’influe pas de façon majeure sur l’échange gazeux, des modications importantes du rapport V/Q entraînent une hypoxémie (Hirsch, 2013 ; Misasi & Keyes, 1996).

Vasoconstriction hypoxique La distribution de la perfusion est modiée par la quantité d’oxygène dans les alvéoles. Bien que

Transport gazeux

Le transport gazeux renvoie au mouvement de l’oxygène et du dioxyde de carbone qui entrent dans les cellules tissulaires périphériques et qui en sortent. Le véhicule de transport est la circulation sanguine, qui se fait sous l’action de pompage du cœur (débit cardiaque). À l’échelle tissulaire, l’oxygène et le dioxyde de carbone entrent dans la cellule et en sortent par le processus de diffusion. L’oxygène se diffuse dans la cellule en raison du gradient de pression qui existe entre l’oxygène contenu dans le capillaire et celui contenu dans la cellule FIGURE 16.21A. Le dioxyde de carbone se diffuse dans le capillaire en raison du gradient de pression qui existe entre le dioxyde de carbone contenu dans la cellule et celui contenu dans le capillaire (Brashers, 2010) FIGURE 16.21B.

Contenu artériel en oxygène L’oxygène est transporté aux tissus par le sang de deux façons. Il est dissous dans le plasma (PaO2) ou se lie aux molécules d’hémoglobine (SaO2). La majorité de l’oxygène est transportée par l’hémoglobine ; la portion de l’oxygène dissoute dans le plasma est égale à environ 3 % de l’oxygène total qui se trouve dans le sang (Berry & Pinard, 2002). La pression exercée par l’oxygène dissous dans le plasma est importante, car cet oxygène traverse la membrane capillaire pour atteindre d’abord les cellules, et il sert de transport pour décharger l’oxygène de la molécule d’hémoglobine. Effectivement, l’oxygène dissous quitte le plasma et se diffuse dans les cellules : les molécules d’oxygène se détachent donc de la molécule d’hémoglobine, se dissolvent dans le plasma et se diffusent dans les cellules (Moore et al., 2011). Pour que ce processus s’amorce, un gradient de pression doit exister entre le taux d’oxygène dans le capillaire et le taux d’oxygène dans la cellule.

Formule de la concentration de l’oxygène

FIGURE 16.21 Respiration interne. A Diffusion de l’oxygène d’un capillaire tissulaire dans une cellule tissulaire. B Diffusion du dioxyde de carbone d’une cellule tissulaire dans un capillaire tissulaire.

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Partie 3

Système respiratoire

La quantité d’oxygène dans le sang artériel peut être calculée en utilisant la formule de concentration de l’oxygène dans le sang artériel, ou contenu artériel en oxygène (CaO2). La quantité d’oxygène dans le sang veineux peut être calculée au moyen de la formule de concentration de l’oxygène dans le sang

veineux, ou contenu veineux en oxygène (CvO2) (Berry & Pinard, 2002) B .

Courbe de dissociation de l’oxyhémoglobine Le rapport entre l’oxygène dissous et l’oxygène lié à l’hémoglobine est décrit par la courbe de dissociation de l’oxyhémoglobine FIGURE 16.22. La forme sigmoïde de cette courbe illustre plusieurs points importants à propos du rapport entre les deux moyens de transport de l’oxygène. La portion inférieure prononcée de la courbe, aux niveaux de PaO2 de 10 à 60 mm Hg, démontre que les tissus périphériques peuvent retirer de grandes quantités d’oxygène de la molécule d’hémoglobine en ne produisant qu’un léger changement de la PaO2, préservant ainsi le gradient pour la décharge continue de l’hémoglobine (Berry & Pinard, 2002 ; Moore et al., 2011). La région où les niveaux de PaO2 sont de 60 à 100 mm Hg s’appelle le plateau supérieur de la courbe. Cette portion montre que la saturation de l’hémoglobine demeure élevée même si la PaO2 diminue. Par exemple, chez une personne en bonne santé, une PaO2 de 60 mm Hg est associée à un taux de SaO2 de 89 %, alors qu’une PaO2 de 100 mm Hg est liée à un taux de SaO2 de 98 %. La chute importante de la PaO2 (de 100 à 60 mm Hg) entraîne seulement une légère diminution de la SaO2 (de 98 à 89 %) (Berry & Pinard, 2002 ; Hirsch, 2013).

| Déplacements de la courbe de dissociation de l’oxy­ hémoglobine | Dans des circonstances normales, l’hémoglobine a une afnité constante et prévisible pour l’oxygène. Ainsi, la combinaison de l’oxygène et de l’hémoglobine est responsable de la position de la courbe de dissociation de l’oxyhémoglobine, dans laquelle une PaO2 donnée entraîne une SaO2 prévisible (Berry & Pinard, 2002 ; Moore et al., 2011). Il arrive que certains événements altèrent l’afnité de l’hémoglobine pour l’oxygène. Ces événements incluent des changements dans le pH, la PaCO2, la température et les taux de 2,3-diphosphoglycérate (2,3-DPG) ENCADRÉ 16.3. Lorsque cette afnité est altérée, la position de la courbe de dissociation de l’oxyhémoglobine se déplace FIGURE 16.22. Les déplacements de la courbe signient qu’il y a un changement dans la façon dont l’oxygène est capté par la molécule d’hémoglobine à l’échelle alvéolaire et dans la manière dont l’oxygène est libéré dans les tissus (Berry & Pinard, 2002 ; Hirsch, 2013). Déplacement vers la droite Lorsque la courbe se déplace vers la droite FIGURE 16.22, le taux de SaO2 est plus faible pour toute PaO2 donnée, c’est-à-dire que l’hémoglobine a moins d’afnité pour l’oxygène. Bien que le taux de SaO2 soit plus faible que prévu, un décalage vers la droite accroît l’apport en oxygène aux tissus, parce que l’hémoglobine libère plus d’oxygène. Les facteurs qui causent ce changement dans l’afnité oxygène-hémoglobine et qui déplacent la courbe vers la droite comprennent la èvre, une augmentation de la PaCO2, une acidose et une augmentation des taux de 2,3-DPG (Berry & Pinard, 2002 ; Hirsch, 2013).

16

FIGURE 16.22 Courbe de dissociation de l’oxyhémoglobine. A La courbe est déplacée vers la gauche en raison de l’afnité accrue de l’hémoglobine pour l’oxygène. B Courbe standard de dissociation de l’oxyhémoglobine. C La courbe est déplacée vers la droite en raison de l’afnité réduite de l’hémoglobine pour l’oxygène.

Déplacement vers la gauche Lorsque la courbe est déplacée vers la gauche FIGURE 16.22, le contraire se produit. La SaO2 est plus élevée pour toute PaO2 donnée parce que l’hémoglobine a une afnité accrue pour l’oxygène. Bien que le taux de SaO2 soit plus élevé, l’oxygénation des tissus est entravée, car l’hémoglobine ne libère pas l’oxygène aussi facilement. L’hypothermie, l’alcalémie, une diminution de la PaCO2 et une diminution des taux de 2,3-DPG sont des facteurs qui contribuent à cet effet (Berry & Pinard, 2002 ; Hirsch, 2013). Chapitre 16

B Les formules physiologiques pulmonaires sont présentées dans l’annexe B, Formules physiologiques pour les soins critiques.

Anatomie et physiologie du système respiratoire

553

ENCADRÉ 16.3

Caractéristiques du 2,3-diphosphoglycérate

Le 2,3-DPG, un phosphate organique qui se trouve principalement dans les globules rouges, a la capacité d’altérer l’afnité de l’hémoglobine pour l’oxygène. Lorsque le taux de 2,3-DPG augmente dans les globules rouges, l’afnité de l’hémoglobine est réduite (déplacement de la courbe de dissociation de l’oxyhémoglobine vers la droite), libérant plus d’oxygène pour les tissus. Une hausse de la synthèse de 2,3-DPG est une composante importante des réponses adaptatives chez les personnes en bonne santé en présence d’un besoin aigu d’oxygénation accrue des tissus. L’hypoxie tissulaire stimule la production de 2,3-DPG, et des quantités accrues ont été décelées chez les clients atteints d’une anémie, d’un shunt droit-gauche ou d’une insufsance cardiaque aiguë, ainsi que chez les personnes vivant en haute altitude.

Anomalies de l’hémoglobine L’hémoglobine transporte environ 97 % de la quantité totale d’oxygène dans la circulation sanguine. Cette grande capacité de transport exige que la quantité et la structure moléculaire de l’hémoglobine soient normales. La plupart des anomalies de l’hémoglobine entravent la capacité de transport de l’oxygène. L’anomalie la plus courante est une diminution de la quantité d’hémoglobine (anémie). Cette situation peut être aiguë ou chronique. Une structure anormale de l’hémoglobine peut également entraîner des problèmes, comme l’hémoglobine S, qui est responsable de la drépanocytose. L’hémoglobine S a moins d’afnité pour l’oxygène que l’hémoglobine normale. L’hémoglobine normale peut devenir anormale dans certaines conditions. La méthémoglobine et la carboxyhémoglobine en sont deux exemples. La méthémoglobine apparaît lorsque les atomes de fer dans la molécule d’hémoglobine sont oxydés de l’état ferreux à l’état ferrique. La méthémoglobine ne transporte pas l’oxygène. La

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Partie 3

Système respiratoire

Une diminution de la quantité du 2,3-DPG est nuisible à l’oxygénation des tissus, car elle accroît l’afnité de l’hémoglobine pour l’oxygène (déplacement de la courbe de dissociation de l’oxyhémoglobine vers la gauche). Une baisse des taux de 2,3-DPG survient dans l’hypophosphatémie, le choc septique et l’administration de sang transfusé. Le sang préservé dans l’acide de citrate et de dextrose perd la majorité de son 2,3-DPG qui est présent dans les globules rouges en l’espace de quelques jours. Le sang préservé dans le citrate, le phosphate et le dextrose conserve ses taux de 2,3-DPG pendant plusieurs semaines. La transfusion de sang ayant un faible taux de 2,3-DPG ne peut pas être bénéque pour l’oxygénation des tissus jusqu’à ce que le taux de 2,3-DPG soit restauré, ce qui peut prendre de 18 à 24 heures.

carboxyhémoglobine survient lorsque le monoxyde de carbone se combine à l’hémoglobine. Le monoxyde de carbone utilise le même site de xation que l’oxygène et a une afnité beaucoup plus grande pour l’hémoglobine (Hirsch, 2013).

Concentration en dioxyde de carbone Le dioxyde de carbone un des produits naux du métabolisme cellulaire aérobique, est produit continuellement dans les cellules. Sur le chemin qui mène des cellules aux poumons, le dioxyde de carbone est véhiculé dans le plasma et les érythrocytes. Il est transporté, physiquement dissous – ce qui donne la PaCO2 (5 %) –, lié aux protéines sanguines (y compris l’hémoglobine) sous la forme de composés de carbaminohémoglobine (de 5 à 1 %) et combiné à l’eau pour former l’acide carbonique (de 80 à 90 %), dont une partie se dissocie en ions hydrogène et en bicarbonate. Dans les poumons, ces méthodes de transport du dioxyde de carbone sont renversées ; le dioxyde de carbone quitte le plasma et les érythrocytes pour être expiré.

À RETENIR • Le système respiratoire comporte le thorax, les voies aériennes de conduction, les unités respiratoires ainsi que le système sanguin et lymphatique des poumons.

• Les unités respiratoires comportent les bronchioles respiratoires et les alvéoles ; leur principale fonction est l’échange gazeux.

• Le thorax comporte la cage thoracique, les poumons, les plèvres et les muscles respiratoires ; sa principale fonction est de former la pompe ventilatoire et d’effectuer l’effort respiratoire.

• La circulation pulmonaire est le système vasculaire qui forme le réseau d’échanges gazeux entourant les alvéoles. La circulation bronchique est le système vasculaire qui assure la perfusion de l’arbre trachéobronchique.

• Les voies aériennes de conduction comportent les voies respiratoires supérieures, la trachée et l’arbre bronchique ; leurs principales fonctions sont de réchauffer et d’humidier l’air inspiré, d’empêcher l’entrée de corps étrangers dans les zones d’échange gazeux et de servir de passage à l’air qui entre dans les zones d’échange gazeux dans les poumons et qui en sort.

• Le système lymphatique est responsable de débarrasser les poumons des particules étrangères et des débris cellulaires, en plus de produire les réponses immunitaires humorale et à médiation cellulaire. Il est également responsable de retirer le liquide interstitiel des poumons et de garder les alvéoles libres an d’éviter la surcharge pulmonaire.

Chapitre 16

• La ventilation et la respiration sont les principales fonctions du système respiratoire. • La ventilation est le mouvement d’entrée (inspiration) et de sortie (expiration) de l’air dans les poumons. • La respiration est le processus d’échanges gazeux. La respiration externe se produit dans les poumons par la membrane alvéolo capillaire tandis que la respiration interne est la diffusion des gaz qui entrent dans les cellules des tissus périphériques et qui en sortent. • L’effort respiratoire est l’effort déployé pour surmonter les propriétés élastiques et de résistance des poumons.

Anatomie et physiologie du système respiratoire

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chapitre

17

Évaluation clinique du système respiratoire

Écrit par : Kathleen M. Stacy, PhD, RN, CNS, CCRN, PCCN, CCNS Adapté par : Christelle Goulet D’Onofrio, inf., M. Sc., IPSPL, Ph. D. (c)

L

’évaluation du client atteint d’un dysfonctionnement respiratoire est un processus systématique qui englobe l’entrevue et l’examen physique. L’entrevue inclut un questionnaire sur la chronologie de la maladie, ou histoire de santé.

L’objectif de cette évaluation est double : premièrement, il s’agit de reconnaître les changements dans l’état respiratoire du client qui nécessitent une intervention inrmière ou médicale et, deuxièmement, il faut déterminer de quelle manière le dysfonctionnement respiratoire nuit aux autosoins du client. Le processus d’évaluation peut être bref ou englober une entrevue et un examen détaillés, selon la nature et l’urgence de l’état de santé du client. Quel que soit le contexte clinique, l’inr­ mière conçoit et suit un modèle séquentiel d’évaluation an de ne pas omettre des parties de l’examen. Les résultats de l’évaluation servent de fondement à la planication des soins et à l’élaboration du plan de soins et de traitements inrmiers (PSTI).

17.1

Entrevue

Une entrevue détaillée et précise avec le client constitue une partie essentielle du processus d’évaluation. L’objectif global de l’entrevue avec le client est de repérer les principales manifestations cliniques qui aideront à établir la cause sous-jacente des symptômes. Cette information aide ensuite à concevoir un plan de soins et de traitements approprié. L’entrevue détermine et oriente l’ensemble de l’évaluation. Le tableau clinique initial du client dénit la rapidité et la direction de l’entrevue. En présence d’un client en détresse aiguë, l’inrmière ne pose que

quelques questions sur le symptôme principal du client et sur les facteurs déclenchants. Chez un client atteint d’un trouble respiratoire, les symptômes couramment observés comprennent la douleur thoracique, la dyspnée, les expectorations purulentes ou abondantes, la fatigue, l’hémoptysie, l’œdème, les palpitations, la respiration sifflante et la toux. L’inrmière s’enquiert sur le siège, l’apparition, la durée et les caractéristiques des symptômes, le contexte, les facteurs aggravants ou atténuants, les symptômes connexes et les mesures prises pour soulager les symptômes ENCADRÉ 17.1 8 . Si la toux est productive, le client devrait être questionné sur la couleur, la quantité, l’odeur et la consistance des expectorations (Kallet, 2013 ; Simpson, 2006). En cas

8 Des échelles d’évaluation objective de la douleur sont présentées dans le chapitre 8, Gestion de la douleur.

Collecte des données ENCADRÉ 17.1

Symptômes respiratoires courants évalués selon l’outil PQRSTU

L’inrmière questionne le client an de documenter les caractéristiques de chacun des symptômes qu’il présente. TOUX

P : Provoquer/pallier/aggraver • Facteurs déclencheurs (p. ex., l’activité, l’anxiété, la position de décubitus dorsal, le fait de fumer une cigarette) • Mesures prises pour traiter les symptômes (p. ex., des médicaments prescrits ou offerts en vente libre [incluant les produits naturels], des vaporisateurs), efcacité des traitements tentés • Facteur aggravants (p. ex., l’activité, le fait de parler, la respiration profonde, le tabagisme actif ou non, la température) Q : Qualité/quantité • Toux sèche ou grasse • Toux congestive, émétique, quinteuse, râpeuse ou rauque • Toux productive ou non productive – En cas de toux productive, description des expectorations : abondance ou non, apparence, couleur (p. ex., claire, mucoïde, purulente, teintée de sang, hémoptysique), écume, fréquence de production, odeur nauséabonde R : Région/irradiation • Région touchée par la toux (Cloutier, 2010) • Présence ou absence d’irradiation (Cloutier, 2010) S : Symptômes et signes associés/sévérité • Anxiété, stress ou panique • Douleurs thoraciques ou oppression thoracique à la respiration • Essoufement • Fatigue • Fièvre • Haut-le-cœur ou suffocation • Perturbation du sommeil ou de la conversation • Respiration bruyante ou enrouement • Symptômes associés aux voies respiratoires supérieures (p. ex., la congestion, un mal de gorge, une production accrue de mucus)

T : Temps/durée • Toux soudaine ou graduelle • Toux épisodique ou continue • Toux exacerbée à un moment précis de la journée (p. ex., la nuit) • Toux paroxysmale • Changements au l du temps (impression d’amélioration ou de détérioration de la condition)

17

U : (Understanding) Compréhension et signication pour le client • Inuence sur les émotions • Perception du client (de quel problème croit-il qu’il s’agit ?) DYSPNÉE À L’EFFORT

P : Provoquer/pallier/aggraver • Effet de l’activité selon son intensité (p. ex., une augmentation au cours d’une activité physique ou pendant les repas, une aggravation à l’inspiration ou à l’expiration) • Effet d’autres facteurs (p. ex., l’exposition à un irritant dans l’environnement, la position – amélioration ou non en position assise ou avec la tête relevée –, une quantication de l’orthopnée, la saison) • Mesures prises pour traiter les symptômes (p. ex., des médicaments prescrits ou offerts en vente libre [incluant les produits naturels], l’oxygénothérapie), efcacité des traitements tentés Q : Qualité/quantité • Dyspnée intense ou non • Dyspnée constante ou intermittente R : Région/irradiation • Siège exact dans l’arbre respiratoire de la douleur ou de l’inconfort • Présence ou absence d’irradiation S : Symptômes et signes associés/sévérité • Anxiété • Cyanose • Diaphorèse • Douleur rétrosternale ou autre malaise liée à l’angine • Difculté à inspirer ou à expirer

Chapitre 17

Évaluation clinique du système respiratoire

557

ENCADRÉ 17.1

Symptômes respiratoires courants évalués selon l’outil PQRSTU (suite)

• • • •

Étourdissements Fatigue Haut-le-cœur Limitation de l’activité (p. ex., une gêne dans les activités de la vie quotidienne ou domestique) • Œdème des chevilles • Palpitations • Toux T : Temps/durée • Symptôme soudain ou graduel • Premier épisode ou épisode récurrent • Moment d’apparition dans la journée (exacerbation diurne ou nocturne) U : (Understanding) Compréhension et signication pour le client • Inuence sur les émotions • Perception du client (de quel problème croit-il qu’il s’agit ?) DOULEUR THORACIQUE

P : Provoquer/pallier/aggraver • Facteurs déclencheurs (p. ex., l’effort, une émotion, le froid, une infection des voies respiratoires inférieures, une relation sexuelle, un trauma, la toux) • Facteurs de diminution (p. ex., une posture particulière, le repos) • Mesures prises pour traiter les symptômes (p. ex., l’application de chaleur, l’adoption d’une posture antalgique ou la prise d’analgésiques), efcacité des traitements tentés

Q : Qualité/quantité • Type de douleur : pression, point, serrement, brûlure, coup de couteau R : Région/irradiation • Siège exact de la douleur • Douleur irradiant vers le cou, les bras, la mâchoire, les épaules, le dos, la région épigastrique S : Symptômes et signes associés/sévérité • Anxiété • Diaphorèse importante • Dyspnée • Expansion thoracique inégale • Fièvre • Nausées et vomissements • Palpitations ou pâleur • Respiration supercielle • Toux T : Temps/durée • Douleur graduelle ou soudaine • Premier épisode ou épisode récurrent U : (Understanding) Compréhension et signication pour le client • Inuence sur les émotions • Perception du client (de quel problème croit-il qu’il s’agit ?)

Source : Adapté de Jarvis (2009)

Collecte des données TABLEAU 17.1

Échelle de la dyspnée du Conseil de recherches médicales

ÉCHELLE

DESCRIPTION

1

Le client ne s’essoufe pas, sauf en cas d’effort vigoureux.

2

Le client manque de soufe lorsqu’il marche rapidement sur une surface plane ou qu’il monte une pente légère.

3

Le client marche plus lentement que les personnes du même âge sur une surface plane parce qu’il manque de soufe ou il s’arrête pour reprendre son soufe lorsqu’il marche à son rythme sur une surface plane.

4

Le client s’arrête pour reprendre son soufe après avoir marché environ 100 m ou après avoir marché quelques minutes sur une surface plane.

5

Le client est trop essoufé pour quitter la maison ou s’essoufe lorsqu’il s’habille ou se déshabille.

Source : Adapté de Société canadienne de thoracologie (2008)

de dyspnée, l’inrmière peut recourir à une échelle d’évaluation spécique telle que l’échelle de la dyspnée du Conseil de recherches médicales (Société canadienne de thoracologie, 2008) TABLEAU 17.1. Chez un client qui n’est pas dans un état de détresse manifeste, l’entrevue aborde cinq points :

558

Partie 3

Système respiratoire

1) l’histoire de la maladie actuelle ; 2) le survol de l’état respiratoire général ; 3) l’évaluation de l’état de santé général ; 4) la revue des antécédents familiaux et sociaux ; 5) la description des symptômes actuels (Baid, 2006) ENCADRÉ17.2.

17.2

Examen physique

Quatre techniques sont employées dans l’examen physique : 1) l’inspection ; 2) la palpation ; 3) la percussion ; 4) l’auscultation. L’inspection est le processus qui consiste à observer attentivement le client. Lorsqu’elle effectue la palpation, l’inrmière touche le client pour déterminer la taille, la forme, la texture et la température de la surface corporelle ou des structures sous-jacentes, ainsi que la présence d’une masse. La percussion vise à produire des ondes sonores à la surface du corps an de dépister toute densité anormale dans les régions qui se trouvent en dessous. L’auscultation consiste à effectuer une écoute attentive avec un stéthoscope pour déterminer les caractéristiques des fonctions corporelles (Fitzgerald, 1991 ; Stiesmeyer, 1993). L’inrmière informe le médecin de tout changement et de tout élément anormal observés au cours de l’examen physique an de favoriser le traitement adéquat du client.

Collecte des données ENCADRÉ 17.2

Histoire de santé : antécédents respiratoires courants évalués selon l’outil AMPLE

L’inrmière recueille les antécédents du client. A : ALLERGIES/RÉACTIONS

• Allergies connues • Type de réaction allergique (anaphylactique ou non) M : MÉDICATION (OU PRODUITS NATURELS OU AUTRES SUBSTANCES)

• Traitement médicamenteux actuel, prescrit ou non (p. ex., des antibiotiques, des corticostéroïdes, des bronchodilatateurs, des immunisations telles que le vaccin antipneumococcique [PneumovaxMD] ou la vaccination antigrippale annuelle) • Prise de produits naturels, vitamines • Tabagisme (actuel ou antérieur) : type de tabac (p. ex., des cigarettes, des cigares, des pipes ou du tabac sans fumée), durée et quantité (début du tabagisme, inhalation de la fumée, quantité utilisée actuellement et par le passé), paquets-années (nombre de paquets consommés par jour multiplié par le nombre d’années de tabagisme), efforts pour cesser de fumer (tentatives antérieures et intérêt actuel) • Consommation d’alcool ou de drogues, ainsi que de caféine : type d’alcool ou de drogue (p. ex., des spiritueux, de la marijuana, de la cocaïne), durée et quantité (début de la consommation, quantité utilisée actuellement et par le passé), efforts pour cesser la consommation (tentatives antérieures et intérêt actuel), besoin d’une consommation le matin, commentaires de l’entourage sur la consommation P : PASSÉ MÉDICAL

• Immunisations • Maladies respiratoires infectieuses infantiles (p. ex., une amygdalite, l’asthme, la brose kystique, une infection streptococcique de la gorge, les oreillons) • Maladies respiratoires à l’âge adulte – Diagnostics antérieurs de troubles respiratoires (dates des hospitalisations et utilisation d’une antibiothérapie) – Maladie pulmonaire chronique : date, traitement et adhésion au traitement (p. ex., l’asthme, la bronchectasie, la bronchite, l’emphysème, la sinusite, la tuberculose)

• Autres maladies chroniques : cardiovasculaires, immunitaires, musculosquelettiques, neurologiques, néoplasiques (p. ex., des antécédents de rhinorrhée, de l’épistaxis, une diminution des défenses immunitaires, une obstruction de l’une ou des deux narines, la respiration par la bouche souvent nécessaire [particulièrement la nuit] en raison de la congestion nasale, des troubles respiratoires du sommeil [apnée obstructive du sommeil, apnée centrale du sommeil] ) • Examens paracliniques antérieurs (p. ex., des examens de la fonction respiratoire, une radiographie du thorax, une spirométrie [volume expiratoire maximal à la première seconde], des tests d’allergie, des tests à la tuberculine ou des tests de dépistage d’infection fongique) • Antécédents chirurgicaux (p. ex., une chirurgie ou une blessure nasale, une chirurgie thoracique, un trauma thoracique) • Antécédents familiaux (p. ex., des allergies, l’asthme, des affections malignes, une dermatite atopique, l’emphysème, l’exposition à la fumée secondaire [tabagisme passif], la brose kystique, la tuberculose) L : (LAST MEAL) DERNIER REPAS

• Moment du dernier repas • Composition du repas Note : il est pertinent de poser ces questions an de savoir si le client s’alimente bien, car celui-ci pourrait être incommodé au point de ne plus s’alimenter, et de déterminer s’il est à jeun en prévision de certaines interventions (p. ex., l’intubation endotrachéale).

17

E : ÉVÉNEMENTS/ENVIRONNEMENT

• Environnement de travail : nature du travail, dangers environnementaux (produits chimiques, vapeurs, poussière, irritants pulmonaires ou allergènes), usage de dispositifs de protection • Environnement familial : lieu, allergènes possibles (animaux, acariens, dangers environnementaux, plantes vertes, plantes et arbres à l’extérieur de la maison), escaliers, utilisation d’un appareil d’air conditionné ou d’un humidicateur, type de chauffage, ventilation

Source : Adapté de Ordre des inrmières et des inrmiers du Québec (OIIQ) (2007)

17.2.1

Inspection

L’inspection du client devrait comporter trois étapes : 1) l’évaluation de l’effort respiratoire ; 2) l’observation de la langue et de la région sublinguale ; 3) l’évaluation de la conguration de la cage thoracique. Si possible, le client doit être en position assise, les bras placés le long du corps (Reinke, 2008). L’inspection commence habituellement dans le cadre de l’entrevue (Simpson, 2006).

Effort respiratoire L’évaluation de l’effort respiratoire comporte des observations de la fréquence, de l’amplitude, du rythme, de la symétrie et de la qualité des mouvements ventilatoires (Jarvis, 2009 ; Simpson, 2006). La respiration normale au repos est sans effort, régulière, et sa fréquence est de 12 à 20 respirations par minute (R/min) chez l’adulte (Reinke, 2008). Il y a un certain nombre de rythmes respiratoires anormaux FIGURE 17.1. Parmi les anomalies les plus

courantes chez les clients atteints d’un trouble respiratoire gurent la tachypnée, l’hyperventilation et la rétention d’air. La tachypnée est caractérisée par une fréquence accélérée et par une diminution de l’amplitude des mouvements respiratoires. L’hyperventilation se manifeste par une augmentation de la fréquence et de l’amplitude de la respiration. Les clients atteints d’une maladie pulmonaire obstructive chronique éprouvent souvent une obstruction respiratoire, ou rétention d’air. À mesure que le client respire, l’air reste emprisonné dans les poumons, et la ventilation devient de plus en plus supercielle jusqu’à ce que le client expire activement et avec force (Seidel, Ball, Dains et al., 2011).

Langue et région sublinguale La langue et la région sublinguale doivent être examinées pour repérer une coloration bleuâtre, grise ou mauve foncée ou une décoloration dénotant la présence d’une cyanose centrale. La cyanose centrale Chapitre 17

Évaluation clinique du système respiratoire

559

FIGURE 17.1 Rythmes respiratoires.

18 La mesure de la saturation artérielle en oxygène est décrite dans le chapitre 18, Examens paracliniques du système respiratoire.

est un signe tardif d’hypoxémie ou d’une oxygénation inadéquate du sang et peut être mortelle. Elle survient lorsque les taux d’hémoglobine réduite (hémoglobine désoxygénée) excèdent 50 g/L. Les doigts et les orteils peuvent également présenter une décoloration, indiquant alors la présence d’une cyanose périphérique (Higginson & Jones, 2009). Ces symptômes peuvent aussi apparaître lorsque le taux de saturation en oxygène du sang artériel (SaO2) est inférieur à 90 % (Brashers, 2010) 18 .

Conguration de la cage thoracique L’évaluation de la conguration de la cage thoracique du client comporte l’observation de la taille et de la forme de celle-ci. Normalement, le ratio entre les diamètres antéropostérieur et latéral varie de 1:2 à 5:7 (Finesilver, 2003 ; Kallet, 2013 ; Simpson, 2006) FIGURE 17.2A. Une augmentation du diamètre antéropostérieur évoque une maladie pulmonaire obstructive chronique (Finesilver, 2003 ; Kallet, 2013 ; Simpson, 2006). La forme de la cage thoracique doit être inspectée pour déceler toute déviation structurale. Parmi les anomalies les plus souvent observées gurent le thorax en entonnoir, le thorax en carène (ou bréchet), le thorax en tonneau et les déformations vertébrales. En présence d’un thorax en entonnoir, le sternum et les

560

Partie 3

Système respiratoire

FIGURE 17.2 Conguration de la cage thoracique. A Conguration normale. B Diamètre antéropostérieur accru. À noter, la diminution de l’angle costal.

côtes sont repoussés vers l’arrière, ce qui forme un creux ou une dépression au niveau de la poitrine. Cela entraîne une diminution du diamètre antéropostérieur de la cage thoracique et peut nuire à la fonction respiratoire. Dans le cas d’un thorax en carène, le sternum est repoussé vers l’avant, causant une augmentation du diamètre antéropostérieur de la cage thoracique. Le thorax en tonneau entraîne également une augmentation du diamètre antéropostérieur de la cage thoracique et est caractérisé par un déplacement du sternum vers l’avant et par une projection des côtes vers l’extérieur (Bates & Bickley, 2010 ; Jarvis, 2009) FIGURE 17.2B. Les déformations vertébrales, telles que la cyphose, la lordose et la scoliose, peuvent également être présentes et entraver la fonction respiratoire (Schraufnagel & Murray, 2010).

Éléments additionnels de l’inspection L’évaluation minutieuse comporte d’autres éléments, notamment la position du client, la sollicitation des muscles accessoires de la respiration, la présence de rétractions intercostales, ou tirage intercostal, l’asymétrie des mouvements thoraciques, la dilatation des narines, soit le battement des ailes du nez, et l’interruption d’une phrase pour respirer (Finesilver, 2003 ; Kallet, 2013 ; Simpson, 2006). L’inrmière tient compte de la présence d’éléments iatrogènes, comme un drain thoracique, un cathéter veineux central, un tube pharyngé ou un tube nasogastrique, car ils peuvent inuer sur les résultats de l’évaluation.

17.2.2

FIGURE 17.3 Évaluation de la position de la trachée.

respiratoires. L’inrmière pose ses mains sur la face antérolatérale du thorax en plaçant ses pouces à la lisière du rebord costal, pointant vers l’appendice xiphoïde ; ou alors, elle les pose sur la face postérolatérale du thorax an de créer un pli cutané avec le rachis, de chaque côté de la colonne au niveau de la dixième côte (Bickley & Szilagyi, 2009 ; Jarvis, 2009) FIGURE 17.4 . Elle demande au client de prendre quelques respirations normales, puis de respirer profondément à quelques reprises. L’inrmière évalue l’égalité du mouvement thoracique, ce qui signie que l’expansion thoracique est symétrique. L’asymétrie est un signe d’anomalie,

17

Palpation

La palpation du client comporte trois étapes : 1) la conrmation de la position de la trachée ; 2) l’évaluation de l’expansion thoracique ; 3) l’évaluation des frémissements tactiles. Le thorax doit être évalué pour déceler la présence de zones sensibles, de masses ou de déformations osseuses. Les faces antérieure, postérieure et latérales du thorax doivent être évaluées de façon systématique (Simpson, 2006).

Position de la trachée La conrmation de la position de la trachée permet de vérier qu’elle se situe bien en position médiane. Pour ce faire, l’inrmière place ses doigts dans l’espace sus-sternal et les glisse vers le haut (Seidel et al., 2011) FIGURE 17.3. Une déviation trachéale d’un côté ou de l’autre peut être le signe d’un pneumothorax, d’une pneumonie unilatérale, d’une brose pulmonaire diffuse, d’un épanchement pleural important ou d’une atélectasie grave. En cas d’atélectasie, la trachée est déviée vers le côté atteint, tandis qu’elle est déviée vers le côté sain en cas de pneumothorax (Schraufnagel & Murray, 2010).

Expansion thoracique L’évaluation de l’expansion thoracique vise à mesurer l’amplitude et la symétrie des mouvements

FIGURE 17.4 Évaluation de l’expansion thoracique. A Position des mains pour la palpation de l’expansion thoracique postérieure. B Durant l’inspiration, le mouvement de l’expansion thoracique sépare les pouces de l’inrmière.

Chapitre 17

Évaluation clinique du système respiratoire

561

comme un pneumothorax, une pneumonie ou un autre trouble nuisant à l’ination des poumons. L’amplitude des mouvements thoraciques est déterminée pour conrmer le degré d’expansion des poumons. Les pouces de l’inrmière doivent s’écarter de 3 à 5 cm durant l’inspiration profonde (Kallet, 2013 ; Seidel et al., 2011). En présence d’une hyperination, l’expansion des poumons est inférieure à la normale (Kallet, 2013 ; Seidel et al., 2011).

17.2.3

Frémissements tactiles

L’évaluation de la structure pulmonaire sous-jacente vise à déterminer la quantité d’air, de liquide ou de solides dans les poumons. L’inrmière effectue la percussion en plaçant le majeur de sa main non dominante sur la cage thoracique du client. Elle percute ensuite la portion distale, entre la dernière jointure et le lit de l’ongle, avec le majeur de la main dominante. La percussion s’effectue dans les espaces intercostaux et non pas sur les structures osseuses ou cartilagineuses (Jarvis, 2009). L’inrmière déplace ses mains systématiquement et de chaque côté du thorax pour comparer les régions similaires jusqu’à ce que les faces antérieure, postérieure et latérales aient été évaluées FIGURE 17.6. Cinq bruits sont révélés à la percussion : 1) la sonorité (ou résonance) ; 2) l’hypersonorité ; 3) le tympanisme ; 4) la matité ; 5) la matité franche. Ces bruits se distinguent en intensité, tonalité, durée et qualité. Le TABLEAU 17.2 décrit les différents bruits de percussion et les affections connexes (Reinke, 2008 ; Schraufnagel & Murray, 2010).

L’évaluation des frémissements tactiles, ou vibrations vocales, vise à découvrir, à décrire et à localiser toute zone de frémissements forts ou faibles. Les frémissements renvoient à la perception tactile des vibrations à travers le thorax lorsque le client parle. Pour percevoir les frémissements, l’inrmière place ses doigts de chaque côté de la cage thoracique et demande au client de répéter « trente-trois » FIGURE 17.5. Elle déplace ses mains systématiquement sur toutes les zones du thorax pour évaluer les faces antérieure, postérieure et latérales an d’en comparer la symétrie (Schraufnagel & Murray, 2010 ; Seidel et al., 2011). Si l’inrmière utilise une seule main, elle la déplace sur la zone correspondante de l’autre côté du thorax jusqu’à ce que toutes les zones aient été évaluées (Seidel et al., 2011). Les frémissements varient d’un client à l’autre et dépendent du ton et de l’intensité de la voix. Les frémissements peuvent être normaux, faibles ou forts. En présence de frémissements normaux, les vibrations sont perçues au niveau de la trachée, mais ils deviennent à peine perceptibles en périphérie (Simpson, 2006). Des frémissements faibles dénotent une interférence dans la transmission des vibrations, comme dans les cas d’épanchement pleural, de pneumothorax, d’obstruction bronchique, d’épaississement pleural et d’emphysème. Les frémissements forts signalent une augmentation de la transmission des vibrations, notamment en présence d’une pneumonie, d’un cancer des poumons et d’une brose pulmonaire (Kallet, 2013).

FIGURE 17.5 Évaluation des frémissements tactiles ; application simultanée des doigts des mains pour comparer les deux côtés.

562

Partie 3

Système respiratoire

Percussion

La percussion du thorax comprend deux étapes : 1) l’évaluation de la structure pulmonaire sousjacente ; 2) l’évaluation de l’excursion diaphragmatique. Bien que cette technique ne soit pas souvent utilisée dans les milieux de soins critiques, la percussion est une manœuvre utile pour conrmer des anomalies soupçonnées.

Structure pulmonaire sous-jacente

Excursion diaphragmatique L’évaluation de l’excursion diaphragmatique, ou mouvement diaphragmatique, s’effectue en mesurant la différence dans la hauteur du diaphragme à l’inspiration et à l’expiration. L’inrmière demande au client d’inspirer et de retenir son soufe. Elle percute la face postérieure du thorax vers le bas, au niveau des espaces intercostaux, jusqu’à l’obtention d’une

FIGURE 17.6 Évaluation des structures pulmonaires sous-jacentes.

matité produite par le diaphragme, puis elle marque l’endroit. Elle demande ensuite au client de respirer à quelques reprises, puis d’expirer complètement et de bloquer sa respiration. L’inrmière percute de nouveau la face postérieure du thorax, puis localise et marque la nouvelle zone de matité au­dessus du diaphragme. Elle mesure la différence entre les deux points FIGURE 17.7. L’excursion diaphragmatique normale est de 3 à 5 cm (Seidel et al., 2011). Elle est réduite en présence de troubles ou d’états comme l’ascite, une grossesse, une hépatomégalie et un emphysème. Elle s’accroît en cas de troubles qui soulèvent le diaphragme, comme l’atélectasie ou la paralysie (Schraufnagel & Murray, 2010).

17.2.4

TABLEAU 17.2

BRUIT

DESCRIPTION

AFFECTION POSSIBLE

Sonorité (ou résonance)

• • • •

• Poumon normal ; aucune affection • Bronchite

Hypersonorité

• Intensité : très élevée • Tonalité : très faible • Durée : longue • Qualité : reten­ tissante

• Asthme • Emphysème • Pneumothorax

Tympanisme

• Intensité : élevée • Tonalité : très faible • Durée : moyenne • Qualité : tambour

• Bulles d’emphysème • Pneumothorax important

Matité

• Intensité : moyenne • Tonalité : moyen­ nement élevée • Durée : moyenne • Qualité : sourde

• Atélectasie • Épanchement pleural • Œdème pulmonaire • Masse pulmonaire • Pneumonie

Matité franche

• • • •

• Atélectasie importante • Pneumonectomie (ou pneumectomie)

Auscultation

L’auscultation du client comporte trois étapes : 1) l’évaluation des bruits respiratoires normaux ; 2) la détection des bruits respiratoires anormaux ; 3) l’éva­ luation des bruits de la voix, c’est­à­dire de la résonance vocale. L’auscultation exige que l’environ­ nement soit silencieux et que le client soit correcte­ ment positionné, avec le torse nu (Wilkins, Hodgkin & Lopez, 2004). Les bruits respiratoires sont plus perceptibles lorsque le client est en position assise (Kallet, 2013).

Bruits respiratoires normaux L’évaluation des bruits respiratoires normaux vise à détecter le mouvement de l’air dans l’appareil res­ piratoire et la présence de bruits anormaux. L’inrmière place le diaphragme du stéthoscope sur la cage thoracique du client et lui demande d’inspi­ rer et d’expirer lentement par la bouche (Simpson, 2006). Les phases inspiratoire et expiratoire doivent être évaluées. L’auscultation doit être effectuée dans

Bruits de percussion et affections connexes

Intensité : élevée Tonalité : faible Durée : longue Qualité : creuse

Intensité : faible Tonalité : élevée Durée : courte Qualité : extrê­ mement sourde

17

une séquence systématique : de chaque côté, de haut en bas ainsi que sur les faces postérieure, latérales et antérieure (Kallet, 2013) FIGURE 17.8. Les bruits res­ piratoires normaux varient en fonction de leur siège. Il y a trois catégories de bruits : 1) vésiculaires ; 2) bron­ chovésiculaires ; 3) bronchiques. La FIGURE 17.9 décrit les caractéristiques des bruits respiratoires normaux (Kallet, 2013 ; Simpson, 2006 ; Wilkins et al., 2004).

Bruits respiratoires anormaux

FIGURE 17.7 Mesure de l’excursion diaphragmatique ou mouvement diaphragmatique. La distance d’excursion est habituellement de 3 à 5 cm.

La détection des bruits respiratoires anormaux se fait après la délimitation exacte des bruits respiratoires normaux. Il existe quatre catégories de bruits res­ piratoires anormaux : 1) les bruits respiratoires ab­ sents ; 2) les bruits respiratoires atténués ; 3) les bruits bronchiques projetés ; 4) les bruits adventices. Le TABLEAU 17.3 décrit les divers bruits respiratoires anormaux et les affections connexes (Kallet, 2013 ; Simpson, 2006 ; Wilkins et al., 2004). Chapitre 17

Évaluation clinique du système respiratoire

563

FIGURE 17.8 Séquence d’auscultation. A Postérieure. B Latérale. C Antérieure.

ALERTE CLINIQUE

Les signes du syndrome de détresse respiratoire aiguë sont les suivants : agitation ; tachypnée ; tachycardie ; cyanose centrale ou péri­ phérique ; battement des ailes du nez ; utilisation des muscles accessoires de la respiration ; tirage sous­ sternal et intercostal, di­ mi nution du remplissage capillaire (plus de trois secondes) et respiration audible (p. ex., un stridor).

564

Partie 3

FIGURE 17.9

Caractéristiques des bruits respiratoires normaux.

Système respiratoire

Un bruit respiratoire absent ou atténué indique qu’il y a peu ou pas d’écoulement d’air dans une partie du poumon, une partie d’un lobe ou le poumon en entier (Wilkins et al., 2004). Les bruits bronchiques projetés sont des bruits bronchiques normaux perçus dans les régions pulmonaires périphériques plutôt qu’au niveau de la trachée. Cet état indique habituellement la présence de liquide ou d’exsudats dans les alvéoles (Wilkins et al., 2004). Les bruits adventices sont des sons surajoutés entendus en plus des autres bruits mentionnés précédemment. Ils sont de deux types : discontinus et continus. Les crépitants, aussi appelés râles, sont des bruits de crépitement ou d’éclatement, brefs et discrets, produits par la présence de liquide dans les bronchioles ou dans les alvéoles, ou par l’ouverture soudaine de voies aériennes affaissées durant l’inspiration. Ils peuvent être entendus à l’inspiration

et à l’expiration, et la toux peut les faire disparaître (Kallet, 2013 ; Simpson, 2006 ; Wilkins et al., 2004). Les crépitants peuvent avoir une tonalité ne, moyenne ou grande (Kallet, 2013 ; Reinke, 2008). Le frottement pleural est un bruit râpeux bruyant, sec et grinçant produit par le frottement des feuillets irrités de la plèvre. Il est perçu plus facilement dans la région antérolatérale inférieure du thorax durant l’inspiration et l’expiration. Le frottement pleural est causé par l’inammation de la plèvre (Kallet, 2013 ; Simpson, 2006). Les ronchi sont des bruits continus, de basse tonalité et produits par l’écoulement de l’air sur les sécrétions dans les voies aériennes principales ou par le rétrécissement de ces mêmes voies. Ils sont perceptibles principalement à l’expiration. La toux peut les faire disparaître. Les ronchi peuvent être qualiés de mousseux, de gutturaux ou de sonores (selon les caractéristiques du bruit) (Wilkins et al., 2004). Les sibilances sont des sifements de tonalité aiguë et grinçants produits par l’écoulement de l’air dans les bronchioles rétrécies. Ils sont perçus principalement à l’expiration, mais peuvent être entendus tout au long du cycle respiratoire. Les sibilances peuvent être légères, modérées ou graves (Wilkins et al., 2004).

Bruits de la voix (résonance vocale) L’évaluation des bruits de la voix, ou résonance vocale, est particulièrement utile pour déceler une consolidation ou une compression pulmonaire. Il y a trois types de bruits anormaux de la voix : 1) la bronchophonie ; 2) la pectoriloquie aphone ; 3) l’égophonie. En présence d’une bronchophonie, les bruits de la voix à l’auscultation sont plus intenses et plus nets que d’habitude. Normalement, les mots demeurent étouffés lorsqu’ils sont entendus par le stéthoscope. Pour évaluer la bronchophonie, l’inrmière place le diaphragme du stéthoscope sur la face postérieure du thorax et demande au client de dire « trentetrois ». Une bronchophonie est présente si le son entendu s’avère clair, distinct et fort. La pectoriloquie aphone se décrit par une transmission inhabituellement claire des mots chuchotés à l’auscultation. Normalement, le chuchotement est inaudible au stéthoscope. L’inrmière pose le stéthoscope sur la face postérieure du thorax du client et lui demande de murmurer « un, deux, trois ». Une pectoriloquie aphone se manifeste lorsque le son entendu est clair et distinct. Dans l’égophonie, les bruits de la voix augmentent d’intensité et ont une qualité chevrotante à l’auscultation. L’inrmière pose le stéthoscope sur la face postérieure du thorax du client et lui demande de répéter les sons « éé-éé-éé-éé ». Normalement, le bruit entendu sera « ééééééééé ». On parle d’égophonie lorsque le client émet les sons « éé-éé-éé-éé » et que l’inrmière entend à la place un long bêlement « aiaiaiai » (Finesilver, 2003 ; Jarvis, 2009 ; Simpson, 2006 ; Wilkins et al., 2004).

TABLEAU 17.3

BRUIT ANORMAL

Bruits respiratoires anormaux et affections connexes DESCRIPTION

AFFECTIONS POSSIBLES

Bruits respiratoires absents, atténués ou bruits bronchiques projetés

Bruits respiratoires absents

Aucun écoulement d’air dans une portion du poumon

• • • • • • •

Atélectasie importante Bulles d’emphysème Épanchement pleural Masse pulmonaire Obstruction bronchique complète Pneumonectomie (ou pneumectomie) Pneumothorax

Bruits respiratoires atténués

Peu d’écoulement d’air dans une portion du poumon

• • • • •

Atélectasie Emphysème Épanchement pleural Fibrose pulmonaire Pleurésie

Bruits bronchiques projetés

Bruits bronchiques entendus dans les zones pulmonaires périphériques

• • • • •

Atélectasie avec sécrétions Épanchement pleural Masse pulmonaire avec exsudats Œdème pulmonaire Pneumonie

Atélectasie Bronchiectasie Fibrose pulmonaire Œdème pulmonaire Pneumonie

Bruits adventices Bruits adventices discontinus (sons discrets)

Crépitants (râles)

Bruits de crépitement ou d’éclatement discrets et brefs

• • • • •

Frottement pleural

Son superciel rude, de basse intensité et comparable au frottement de deux pièces de cuir

• Épanchement pleural • Pleurésie

Bruits adventices continus (sons musicaux prolongés)

Ronchi

Bruits continus, de basse tonalité ; ronement musical ; son de gémissement

• • • •

Sibilances

Sifements de tonalité aiguë et grinçants

• Asthme • Bronchospasme

Stridor

Bruit principalement inspiratoire, fort, rauque, de haute tonalité et entendu sans stéthoscope (Jarvis, 2009)

• Situation urgente pouvant mettre la vie du client en danger (Jarvis, 2009) • Croup • Épiglottite aiguë • Inhalation d’un corps étranger

17.3

Asthme Bronchite Bronchospasme Pneumonie

Résultats d’évaluation d’affections courantes

Le TABLEAU 17.4 présente diverses affections pulmonaires courantes et les résultats d’évaluation connexes . Chapitre 17

Évaluation clinique du système respiratoire

565

17

Collecte des données TABLEAU 17.4

Résultats d’évaluation fréquemment associés à des affections pulmonaires courantes

AFFECTION*

PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES

DESCRIPTION

Poumon normal

• Inspiration > Expiration

L’arbre trachéobronchique et les alvéoles sont libres ; les plèvres sont minces et rapprochées ; la cage thoracique est mobile.

• Tonalité : faible • Intensité : faible • Bruits adventices : aucun

• Inspiration = Expiration

Asthme

• Tonalité : moyenne • Intensité : faible • Bruits adventices : sibilances expiratoires

Inspiration > Expiration

Atélectasie

• Sur la zone atélectasique : – Tonalité : faible ou absente – Intensité : faible ou absente – Bruits adventices : crépitants ns de tonalité aiguë durant la portion terminale de l’inspiration • Sur la zone consolidée du poumon : bruits bronchiques, crépitants et sibilances • Inspiration > Expiration

Bronchiectasie

• Tonalité : faible • Intensité : faible • Bruits adventices : crépitants (peuvent parfois disparaître)

566

Partie 3

Système respiratoire

L’asthme est caractérisé par des épisodes intermittents d’obstruction des voies aériennes causée par un bronchospasme, des sécrétions bronchiques excessives ou un œdème de la muqueuse bronchique ; la résistance bronchique qui en résulte, surtout durant l’expiration, produit des symptômes de respiration sifante, de dys­ pnée et d’oppression thoracique.

L’atélectasie est l’affaissement des alvéoles ; les données objectives reètent la présence d’un petit poumon sans air ; cet état est causé par l’obstruction complète d’une bronche par une tumeur, des sécrétions épaisses, l’aspiration d’un corps étranger ou par la compression du poumon.

La bronchiectasie est une dilatation anormale des bronches ou des bronchioles, ou des deux.

INSPECTION

PALPATION

PERCUSSION

AUSCULTATION

• Respirations : 12-20 R/min et régulières • Bonne symétrie du mouvement thoracique et diaphragmatique • Diamètre antéropostérieur < diamètre transversal

• Trachée : position médiane • Expansion : adéquate, symétrique • Frémissements tactiles : modérés et symétriques • Absence de lésion ou de sensibilité

• Sonorité • Excursion diaphragmatique : 3-5 cm

• Bruits respiratoires : vésiculaires • Bruits adventices : aucun, sauf quelques crépitants transitoires à la base des poumons • Résonance vocale : étouffée

• ↑ fréquence respiratoire • Rétention d’air avec sibilances audibles • Cyanose • Sollicitation des muscles accessoires de la respiration

• Frémissements tactiles : réduits

• Hypersonorité

• Bruits respiratoires : distants • Bruits adventices : sibilances • Résonance vocale : atténuée

• Toux • Respiration supercielle, rapide • Mouvement thoracique réduit du côté atteint • Rétraction du côté atteint, les côtes étant rapprochées

• Trachée : déviée vers le côté atteint • Expansion : réduite du côté atteint • Frémissements tactiles : réduits ou absents

• Matité ou matité franche : au niveau du poumon affaissé • Hypersonorité sur le restant de l’hémithorax atteint

• Bruits respiratoires : absents ou atténués • Bruits adventices : des crépitants ns, de tonalité aiguë peuvent être entendus durant la portion terminale de l’inspiration • Résonance vocale : intensité variable, habituellement réduite ou absente dans la zone atteinte

• Toux avec expectorations purulentes • Si légère, les respirations sont normales • Si grave, tachypnée • Expansion réduite du côté atteint

• Trachée : en position médiane ou déviée vers le côté atteint • Expansion : réduite du côté atteint • Frémissements tactiles : accrus

• Sonorité ou matité

• Bruits respiratoires : habituellement vésiculaires • Bruits adventices : crépitants • Résonance vocale : habituellement étouffée

17

Chapitre 17

Évaluation clinique du système respiratoire

567

TABLEAU 17.4

Résultats d’évaluation fréquemment associés à des affections pulmonaires courantes (suite)

AFFECTION*

PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES

DESCRIPTION

Bronchite aiguë

• Inspiration ≥ Expiration

La bronchite aiguë est une inammation de l’arbre bronchique, caractérisée par une obstruction bronchique partielle et par des sécrétions ou des bronchoconstrictions ; elle occasionne l’affaissement anormal de portions du poumon.

• Tonalité : faible • Intensité : faible • Bruits adventices : crépitants localisés, sibilances expiratoires, ronchi

Emphysème

Inspiration = Expiration

L’emphysème est une hyperination permanente du poumon au-delà des bronchioles terminales avec destruction des parois alvéolaires ; la résistance bronchique est accrue, surtout durant l’expiration.

• Tonalité : faible ou très faible • Intensité : faible ou très faible • Bruits adventices : ronchi occasionnels ou sibilances, ou les deux ; crépitants inspiratoires ns

Épanchement et épaississement pleural

• Inspiration > Expiration

• Tonalité : faible ou absente • Intensité : faible ou absente • Bruits adventices : frottement pleural occasionnel

Fibrose pulmonaire diffuse

• Inspiration = Expiration

• Tonalité : faible ou absente • Intensité : faible ou absente • Bruits adventices : crépitants

Œdème aigu pulmonaire (Jarvis, 2009 ; Lewis, Dirksen, Heitkemper et al., 2011)

• Inspiration > Expiration

• Sur la zone atélectasique : – Tonalité : faible ou absente – Intensité : faible ou absente – Bruits adventices : crépitants ns de tonalité aiguë durant la portion terminale de l’inspiration

568

Partie 3

Système respiratoire

L’épanchement pleural désigne la présence de liquide dans la cavité pleurale ; si l’épanchement pleural est prolongé, du tissu breux peut également s’accumuler dans la cavité pleurale ; le tableau clinique dépend de la quantité de liquide ou de brose et de la rapidité de l’évolution ; le liquide tend à se répandre dans la plupart des zones dépendantes du thorax, avec compression du poumon adjacent.

La brose pulmonaire se caractérise par la présence d’une quantité excessive de tissus conjonctifs dans les poumons ; par conséquent, les poumons sont plus petits que la normale et moins souples ; les lobes inférieurs sont habituellement les plus touchés.

Un œdème aigu pulmonaire secondaire à une congestion cardiaque est la conséquence de la réduction de la contractilité du myocarde, ce qui entraîne une augmentation du sang dans les capillaires pulmonaires. Les sacs alvéolaires s’affaissent, et les capillaires se gorgent de sang. Il y a alors une noyade alvéolaire. La muqueuse bronchique peut également être œdématiée.

INSPECTION

PALPATION

PERCUSSION

AUSCULTATION

• Toux rauque avec expectorations mucoïdes • Si grave : tachypnée et cyanose

• Frémissements tactiles : normaux ou accrus

• Sonorité

• Bruits respiratoires : vésiculaires • Bruits adventices : crépitants localisés, sibilances localisées, ronchi • Résonance vocale : modérée

• • • •

• Expansion : limitée • Frémissements tactiles : réduits

• Sonorité ou hypersonorité • Excursion diaphragmatique : réduite

• Bruits respiratoires : intensité réduite ; expiration souvent prolongée • Bruits adventices : sibilances occasionnelles, crépitants en n d’inspiration fréquents • Résonance vocale : étouffée ou atténuée

Dyspnée à l’effort Tachypnée Thorax en tonneau Sollicitation des muscles accessoires à la respiration

17 • Dyspnée • Tachypnée • Diminution des espaces intercostaux du côté atteint

• Trachée : déviée vers le côté sain • Expansion : réduite du côté atteint • Frémissements tactiles : réduits ou absents

• Matité ou matité franche • Aucune excursion diaphragmatique du côté atteint

• Bruits respiratoires : atténués ou absents • Bruits adventices : un frottement pleural peut parfois être présent • Résonance vocale : étouffée ou absente ; si le liquide comprime le poumon, des bruits bronchiques peuvent être entendus au niveau de la compression ; une bronchophonie, une égophonie et une pectoriloquie aphone peuvent être présentes

• • • •

• Trachée : déviée vers le côté le plus touché

• Sonorité ou matité

• Bruits respiratoires : atténués ou absents, bronchovésiculaires ou bronchiques • Bruits adventices : crépitants à l’inspiration • Résonance vocale : accrue, une pectoriloquie aphone peut être présente

• Frémissements tactiles normaux

• Sonorité à matité

• Bruits vésiculaires audibles • Bruits surajoutés : crépitants ns aux bases pulmonaires • Résonance vocale normale

• • • • •

Dyspnée à l’effort Tachypnée Expansion thoracique réduite Cyanose

Dyspnée à l’effort Dyspnée paroxystique nocturne Orthopnée ↑ fréquence respiratoire Œdème des membres inférieurs (qui prend le godet) • Pâleur

Chapitre 17

Évaluation clinique du système respiratoire

569

TABLEAU 17.4

Résultats d’évaluation fréquemment associés à des affections pulmonaires courantes (suite)

AFFECTION*

PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES

DESCRIPTION

Pneumonie avec consolidation

• Inspiration = Expiration

La pneumonie avec consolidation survient lorsque l’air alvéolaire est remplacé par du liquide ou par du tissu ; les signes physiques dépendent de la quantité de tissu parenchy­ mateux présent.

• Tonalité : aiguë • Intensité : forte • Bruits adventices : crépitants inspiratoires durant le tiers terminal de l’inspiration

• Inspiration > Expiration

Pneumothorax

• Tonalité : faible ou absente • Intensité : faible ou absente • Bruits adventices : aucun

Le pneumothorax se caractérise par la présence d’air dans la cavité pleurale. 1. Fermé : aucune communication entre l’air dans la cavité pleurale et l’air dans le poumon. 2. Ouvert : communication libre entre l’air dans la cavité pleurale et l’air dans le poumon ; la pression de l’air dans la cavité pleurale équivaut à la pression atmosphérique. 3. Sous tension : l’air dans la cavité pleurale communique avec l’air dans les poumons seulement à l’inspiration ; la pression de l’air dans la cavité pleurale est alors supérieure à la pression atmosphérique. Les signes physiques dépendent du degré de l’affaissement pulmonaire et de la présence ou de l’absence d’un épanchement pleural.

* Remarque : bien que certaines affections soient bilatérales, un poumon malade et un poumon normal sont illustrés pour chaque affection an de fournir un contraste. Pour chaque illustration d’une affection, le poumon malade est à gauche et le poumon normal, à droite. Source : Adapté de Barkauskas (2002)

570

Partie 3

Système respiratoire

INSPECTION

PALPATION

PERCUSSION

AUSCULTATION

• Tachypnée • Défense musculaire et mouvement réduit du côté atteint

• Expansion : limitée du côté atteint • Frémissements tactiles : habituel­ lement accrus, mais peuvent être faibles si une bronche menant à la zone atteinte est obstruée

• Matité ou matité franche

• Bruits respiratoires : intensité accrue ; bruits bronchovésiculaires ou bronchiques au niveau de la région atteinte • Bruits adventices : crépitants inspiratoires durant le tiers terminal de l’inspiration • Résonance vocale : accrue • Présence d’une bronchophonie, d’une égophonie, d’une pectorilo­ quie aphone

• Si important, tachypnée • Expansion pulmonaire limitée du côté atteint • Cyanose • Saillie dans les espaces intercostaux du côté atteint

• Trachée : déviée vers le côté sain • Expansion : réduite du côté atteint • Frémissements tactiles : absents

• Hypersonorité • Excursion diaphragmatique réduite

• Bruits respiratoires : habituellement atténués ou absents ; si pneumo­ thorax ouvert, qualité faible • Bruits adventices : aucun • Résonance vocale : atténuée ou absente

17

À RETENIR • Une revue de la pathologie et des symptômes actuels du client, y compris la présence ou l’absence de dyspnée, d’une douleur thoracique et d’une toux, est une partie essentielle de l’entrevue avec le client. • Si l’état du client le permet, l’inrmière obtient des renseignements additionnels sur son état respiratoire, son état de santé général, ses antécédents personnels, familiaux, chirurgicaux et sociaux, ainsi que sur ses habitudes de vie, notamment l’usage du tabac, le milieu de travail et le milieu de vie.

• L’inspection doit porter sur l’effort respiratoire, la langue et la région sublinguale, ainsi que sur la conguration de la cage thoracique. • La palpation doit porter sur la position de la trachée, l’expansion thoracique et les frémissements (normaux, réduits, accrus). • La percussion doit porter sur la structure pulmonaire sous-jacente et sur l’excursion diaphragmatique.

bronchiques), de bruits respiratoires anormaux (bruits respiratoires atténués ou absents, bruits bronchiques projetés et bruits adventices) et de bruits de la voix (bronchophonie, pectoriloquie aphone et égophonie). • L’auscultation est effectuée dans une séquence systématique : de chaque côté, de haut en bas et sur les faces postérieure, latérales et antérieure du thorax.

• L’auscultation doit porter sur la présence ou l’absence de bruits respiratoires normaux (vésiculaires, bronchovésiculaires,

Chapitre 17

Évaluation clinique du système respiratoire

571

chapitre

18

Examens paracliniques du système respiratoire

Écrit par : Jeanne M. Maiden, PhD, RN, CNS-BC Adapté par : Josyane Pinard, inf., B. Sc.

E

n vue de compléter l’évaluation de l’état du client atteint d’un trouble respiratoire grave, l’inrmière passe en revue les analyses de laboratoire et les examens para­ cliniques subis par le client. Pour ce faire, elle effectue, en collaboration avec le médecin et l’inhalothérapeute, la collecte et l’analyse des données an de déterminer les interventions appropriées. S’il existe de nombreux examens pour évaluer la fonction respiratoire, leur application auprès du client en situation critique de santé demeure limi­ tée. Le présent chapitre décrit uniquement les examens utilisés dans le cadre des soins critiques. Les dispositifs de monitorage au chevet du client sont également abordés.

18.1

Analyses de laboratoire

L’un des éléments clés qui permettent à l’inrmière d’évaluer l’état respiratoire d’un client réside dans l’interprétation des gaz sanguins artériels (GSA). Grâce à une connaissance approfondie des paramètres impliqués dans le maintien de l’oxygénation et de l’équilibre acidobasique, l’inrmière peut reconnaître plusieurs phénomènes physiologiques contribuant à l’état de santé du client 16 .

18.1.1

Gazométrie du sang artériel

L’interprétation de la gazométrie du sang artériel s’avère parfois complexe, notamment lorsque l’inrmière est tenue de la faire rapidement et précisément. Cette analyse permet de déterminer l’état d’oxygénation et le statut acidobasique, c’est-à-dire l’équilibre du pH sanguin du client (Wilson, 2010). Le fait de suivre une démarche systématique d’interprétation permet de s’assurer de la précision de l’analyse de la gazométrie dans chaque cas.

Étapes d’interprétation Le TABLEAU 18.1 présente la méthode à utiliser chaque fois qu’il est nécessaire d’interpréter la gazométrie du sang artériel d’un client.

Première étape L’inrmière vérie la valeur de la PaO2 du client et répond à la question suivante : la PaO2 indique-t-elle une hypoxémie ? La PaO2 est une mesure de la pression partielle (P) d’oxygène (O2) dissous dans le plasma sanguin artériel (a). Elle s’exprime en millimètres de mercure (mm Hg) et représente environ 3 % de tout l’oxygène qui se trouve dans le sang (Hirsch, 2013b). Les valeurs normales de la PaO2 chez les personnes respirant l’air ambiant au niveau de la mer s’étendent de 80 à 100 mm Hg. Toutefois, des variations sont observées chez les nourrissons et les aînés de 60 ans ou plus, selon leur âge. Les valeurs normales chez les nourrissons respirant l’air ambiant se situent entre 50 et 70 mm Hg (Goldsmith & Karotkin, 2011). Quant aux valeurs normales chez les personnes âgées de 60 ans ou plus, elles diminuent avec l’âge selon les modications qui surviennent dans l’équilibre (ou le couplage) ventilation/perfusion des poumons vieillissants (Hirsch, 2013b ; Meiner, 2011). La PaO2 adéquate d’une personne âgée peut être établie comme suit : 80 mm Hg (la plus faible valeur normale) moins 1 mm Hg pour chaque année d’âge après 60 ans. Ainsi, la PaO 2 d’une personne de 65 ans peut être de seulement 75 mm Hg (80 mm Hg − 5 mm Hg = 75 mm Hg) et se situer néanmoins dans les valeurs normales. Dans le cas d’une personne de 80 ans, la valeur minimale acceptable de la PaO 2 est de 60 mm Hg (80 mm Hg − 20 mm Hg = 60 mm Hg).

L’analyse de la valeur de la PaO2 doit précéder celle de toute autre composante des GSA. Les résultats des tests relatifs à la PaO2 peuvent être rapidement analysés. Si la PaO2 est supérieure à la valeur minimale calculée en fonction de l’âge du client, cela signie qu’elle est normale. Une PaO2 inférieure à la valeur minimale prévue révèle une hypoxémie, ce qui signie que la quantité d’oxygène dissous dans le plasma se situe sous la normale (Hirsch, 2013b). À tout âge, une PaO2 inférieure à 40 mm Hg met en danger la vie de la personne et nécessite une intervention immédiate (Hirsch, 2013b). Elle altère gravement l’oxygénation des tissus et rend nécessaire l’administration immédiate d’oxygène supplémentaire ou la mise en place d’une ventilation mécanique.

16 Le transport de l’oxygène et du dioxyde de carbone dans le sang est détaillé dans le chapitre 16, Anatomie et physiologie du système respiratoire.

Deuxième étape L’inrmière vérie le pH du client et répond à la question suivante : le pH se situe-t-il du côté acide ou du côté alcalin par rapport à la valeur de 7,4 ?

Collecte des données TABLEAU 18.1

Étapes de l’interprétation de la gazométrie du sang artériel

ÉTAPE

VALEURS NORMALES

INTERPRÉTATION

18

1

Évaluation de la pression partielle d’oxygène dans le sang artériel (PaO2)

80-100 mm Hg

• Mesure la pression partielle d’oxygène (O2) dissout dans le sang artériel. • < 40 mm Hg : hypoxémie critique

2

Évaluation du pH sanguin

± 7,4

• Détermine la tendance du pH sanguin. • < 7,35 : acidémie • > 7,45 : alcalémie

3

Évaluation de la pression partielle de dioxyde de carbone dans le sang artériel (PaCO2)

35-45 mm Hg

• Reète la capacité du client à expulser le dioxyde de carbone (CO2) par la ventilation. • < 35 mm Hg : alcalémie (hyperventilation alvéolaire) • > 45 mm Hg : acidémie (hypoventilation alvéolaire)

4

Évaluation du taux de bicarbonate sanguin (HCO3–)

22-26 mmol/L

• < 22 mmol/L : acidémie • > 26 mmol/L : alcalémie

5

Seconde évaluation du pH sanguin, pour déterminer s’il correspond à un état compensé ou non compensé

7,35-7,45

• Lorsque le pH est anormal, le client présente un état qualié de non compensé ou de partiellement compensé. • Au contraire, si le pH est normal, mais que les valeurs de PaCO2 ou de HCO3– sont anormales, il est question d’un état compensé.

Chapitre 18

Examens paracliniques du système respiratoire

573

B L’équation de HendersonHasselbalch est présentée dans l’annexe B, Formules physiologiques pour les soins critiques.

Le pH représente la concentration en ions hydrogène (H+) du plasma. Il est calculé à partir de la valeur de la PaCO2 et du taux de HCO3 dans le plasma. La formule utilisée à cette fin est l’équation de Henderson-Hasselbalch (Beach, 2013) B . Le pH normal du sang artériel est de 7,35 à 7,45 ; la moyenne est de 7,4. Si le pH est inférieur à 7,4, il se trouve alors du côté acide de la moyenne. Un pH inférieur à 7,35 est qualié d’acidémie et reète un état général nommé acidose. Si le pH est supérieur à 7,4, il se situe plutôt du côté alcalin de la moyenne. Un pH supérieur à 7,45 est qualié d’alcalémie et reète un état général nommé alcalose FIGURE 18.1 (Beach, 2013 ; Hirsch, 2013b ; Noble, 2009).

Troisième étape L’inrmière vérie la valeur de PaCO2 du client et répond à la question suivante : la PaCO 2 indiquet-elle une acidose respiratoire, une alcalose respiratoire ou un état respiratoire normal ? La PaCO2 est une mesure de la pression partielle (P) du dioxyde de carbone (CO2) dissous dans le plasma sanguin artériel (a) et est exprimée en millimètres de mercure (mm Hg). Elle constitue la composante acidobasique qui reète l’efcacité de la ventilation (Beach, 2013). En d’autres termes, la valeur de la PaCO2 indique si la ventilation du client est sufsamment bonne pour débarrasser l’organisme du dioxyde de carbone produit par le métabolisme. Les valeurs normales de la PaCO2 s’étendent de 35 à 45 mm Hg et demeurent les mêmes, quel que soit l’âge du client. Une valeur de PaCO 2 supérieure à 45 mm Hg indique, a priori, une acidose respiratoire, causée par une hypoventilation alvéolaire. L’hypoventilation peut résulter, entre autres, d’une maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC), d’une sursédation, d’un trauma à la tête, d’une anesthésie, d’une surdose de médicaments, d’une maladie neuromusculaire ou de la ventilation mécanique (Ruholl, 2006). Il est question d’insufsance respiratoire lorsque la valeur

de PaCO2 dépasse 50 mm Hg. L’insufsance respiratoire est qualiée d’aiguë lorsque la PaCO2 est supérieure à 50 mm Hg et que le pH est inférieur à 7,30. Elle est dite aiguë parce que le pH est anormal et que l’organisme n’a pas assez de temps pour le ramener à l’intérieur des valeurs normales (Aboussouan, 2013 ; Hirsch, 2013b). Une valeur de PaCO2 inférieure à 35 mm Hg caractérise, a priori, l’alcalose respiratoire, causée par une hyperventilation alvéolaire. L’hyperventilation peut résulter d’une hypoxie, de l’anxiété, d’une embolie pulmonaire, d’une grossesse, de la ventilation mécanique, ou encore de l’action d’un mécanisme compensatoire dans le cas d’une acidose métabolique (Beach, 2013).

Quatrième étape

L’inrmière vérie le taux de HCO3 du client et répond à la question suivante : le taux de HCO3 indique-t-il une acidose métabolique, une alcalose métabolique ou un état métabolique normal ? Le bicarbonate est la composante acidobasique qui reète la fonction rénale et qui agit à titre de système tampon dans l’organisme. Ce sont les mécanismes rénaux qui abaissent ou élèvent le taux de bicarbonate dans le plasma. Les valeurs normales du HCO3 s’étendent de 22 à 26 mmol/L (mEq/L) (Beach, 2013 ; Noble, 2009). Un taux de HCO3 inférieur à 22 mmol/L caractérise, a priori, l’acidose métabolique, qui peut résulter d’une acidocétose, d’une acidose lactique, d’une insuffisance rénale ou d’une diarrhée. Il s’agit de conditions caractérisées par une accumulation d’ions H ou par une perte excessive de HCO3. Un taux de HCO3 supérieur à 26 mmol/L caractérise, a priori, l’alcalose métabolique, qui peut résulter d’une perte de liquide dans le tube digestif supérieur (vomissements ou drainage abondant du tube nasogastrique), d’une thérapie diurétique, d’une hypokaliémie grave, de l’administration de substances alcalines ou d’une stéroïdothérapie (Beach, 2013 ; Noble, 2009 ; Ruholl, 2006).

Cinquième étape

FIGURE 18.1 Interprétation des gaz sanguins artériels (GSA).

574

Partie 3

Système respiratoire

L’inrmière vérie de nouveau le pH du client et répond à la question suivante : le pH indique-t-il un état compensé ou non compensé ? Si le pH est anormal (inférieur à 7,35 ou supérieur à 7,45), la valeur de la PaCO2, le taux de HCO3 ou les deux seront également anormaux. Il s’agit là d’un état non compensé, car l’organisme n’a pas eu sufsamment de temps pour ramener le pH à l’intérieur des valeurs normales (Beach, 2013, Noble, 2009 ; Ruholl, 2006 ; Sood, Paul & Puri, 2010). Le TABLEAU 18.2 donne deux exemples de gazométrie du sang artériel non compensée. Trois systèmes principaux jouent un rôle dans la régulation de l’équilibre acidobasique de l’organisme et permettent de compenser le déséquilibre du pH sanguin : 1) les systèmes tampons ; 2) le système respiratoire ; 3) le système rénal (Ruholl, 2006). Les systèmes tampons actionnent des mécanismes pour assurer la stabilité du pH dans les liquides organiques. Lorsqu’un débalancement survient,

Collecte des données TABLEAU 18.2

PARAMÈTRE

Valeurs de la gazométrie du sang artériel non compensée RÉSULTAT

Exemple 1 : Acidose respiratoire non compensée PaO2

90 mm Hg

pH

7,25

PaCO2

50 mm Hg

HCO3

22 mmol/L

Exemple 2 : Acidose métabolique non compensée PaO2

90 mm Hg

pH

7,25

PaCO2

40 mm Hg

HCO3

17 mmol/L

ces mécanismes permettent de compenser le changement de pH et d’assurer son retour à la normale. Le principal système tampon est le système acidobasique qui permet de faire face rapidement aux variations excessives du pH (Khanna & Kurtzman, 2001). Le système respiratoire, étant sensible aux variations de la PaCO2, permet d’expulser ou de retenir le dioxyde de carbone an de corriger le pH sanguin (McKinley, Loughlin & Bidle, 2014). La PaO2 et la PaCO2 sont fortement inuencées par la ventilation (soit la fréquence et l’amplitude respiratoires). Ainsi, l’augmentation de la ventilation permet d’expulser plus de dioxyde de carbone et de compenser l’acidose métabolique, tandis que sa diminution permet de le retenir an de compenser l’alcalose métabolique (Epstein & Singh 2001, Foster, Vaziri & Sassoon, 2001). Le système rénal excrète les ions d’hydrogène (H+) et retient les ions HCO3 pour compenser l’acidose respiratoire. Au contraire, pour pallier l’alcalose respiratoire, il peut également retenir les ions H et excréter les ions HCO3 (Khanna & Kurtzman, 2006). Seuls les reins ont la capacité de réguler les concentrations sanguines des substances alcalines. De plus, ils peuvent renouveler les réserves chimiques des ions HCO3 consommés et des ions H+. Ces ions HCO3 se lient aux ions H+ pour former l’acide carbonique qui est expulsé en dioxyde de carbone et en eau (H2O) (McKinley et al., 2014). Les mécanismes rénaux agissent plus lentement que les mécanismes tampons et respiratoires, mais ils compensent les déséquilibres acidobasiques et ils permettent de pallier les uctuations quotidiennes de l’apport alimentaire, du métabolisme et des états pathologiques (McKinley et al., 2014).

Deux phénomènes importants doivent être différenciés dans la régulation acidobasique de l’organisme : le trouble à l’origine du déséquilibre acidobasique et son mécanisme compensatoire. Il s’avère parfois difcile de distinguer le trouble initial de la réponse compensatoire. Le trouble initial désigne l’anomalie qui a causé la modication initiale du pH. Tout d’abord, l’inrmière reconnaît le trouble initial en interprétant la gazométrie du sang artériel. Puis, elle analyse en détail les valeurs de la gazométrie et réévalue le pH sanguin, an de repérer la présence de mécanismes de compensation. Un état d’acidose ou d’alcalose est déterminé selon le pH (Beach, 2013 ; Sood et al., 2010). Puisque le dioxyde de carbone constitue la composante acide dans la régulation du pH sanguin, ces deux valeurs seront inversement proportionnelles, c’est-à-dire que plus le taux de CO2 augmente, plus le pH diminue ; à l’inverse, plus le taux de CO2 diminue, plus le pH augmente (Ruholl, 2006). Puisque les ions HCO3 représentent la composante basique du pH sanguin, la relation est décrite comme étant proportionnelle, c’est-à-dire que plus les taux de HCO3 augmentent, plus le pH augmente, et inversement (Ruholl, 2006). Une compensation partielle peut être présente ; elle est mise en évidence par des valeurs de pH, de PaCO2 et de HCO3 anormales, qui indiquent que l’organisme s’efforce de ramener le pH à l’intérieur des valeurs normales (Beach, 2013 ; Sood et al., 2010). Par exemple, chez un client atteint d’une insufsance respiratoire avec augmentation de dioxyde de carbone, le pH aura tendance à s’acidier, donc à diminuer. Pour faire face à ce débalancement, la composante basique du pH, c’est-à-dire les ions HCO3, s’élèvera an de ramener le pH vers l’équilibre. Le trouble initial est donc l’acidose respiratoire, partiellement compensée par l’augmentation de HCO3. Le TABLEAU 18.3 donne deux exemples de gazométrie du sang artériel compensée. Le TABLEAU 18.4 présente les interprétations possibles de la gazométrie du sang artériel selon divers troubles de l’équilibre acidobasique (Beach, 2013 ; Noble, 2009 ; Sood et al., 2010). Le TABLEAU 18.5 résume les causes possibles des anomalies acidobasiques (Beach, 2013, Noble, 2009 ; Sood et al., 2010). Outre les paramètres précédemment analysés, d’autres facteurs doivent être pris en compte à l’examen de la gazométrie du sang artériel d’un client, particulièrement le gaz sanguin veineux. Il permet d’observer la capacité des cellules à capter l’oxygène et à libérer le dioxyde de carbone. Il arrive parfois que les cellules soient incapables d’utiliser l’oxygène, bien que celui-ci soit présent en quantité sufsante dans le sang artériel. L’analyse conjointe des gaz sanguins artériels et veineux permet donc d’évaluer l’oxygénation fournie aux cellules et les échanges gazeux dans les tissus (Walley, 2011). Les autres valeurs à considérer conjointement avec l’analyse des GSA incluent, entre autres, l’excès ou le décit de bases, la saturation en oxygène ainsi que le contenu artériel en oxygène. Chapitre 18

Examens paracliniques du système respiratoire

18

575

Excès ou décit de bases L’excès ou le décit de bases reètent la contribution des tampons (HCO3, hémoglobine [Hb], phosphates et protéines plasmatiques) à l’équilibre acidobasique et s’expriment en millimoles par litre (mmol/L) au-dessus ou au-dessous des valeurs normales, qui s’étendent de – 2 mmol/L à + 2 mmol/L. Un taux de bases négatif est qualié de décit de bases, ce qui correspond à une acidose métabolique, tandis qu’un taux de bases positif est qualié d’excès de bases, ce qui correspond à une alcalose métabolique (Beach, 2013 ; Hirsch, 2013b ; Sodd et al., 2010).

Collecte des données TABLEAU 18.3

PARAMÈTRE

Valeurs de la gazométrie du sang artériel compensée RÉSULTAT

INTERPRÉTATION

Exemple 1 : Acidose respiratoire compensée avec alcalose métabolique PaO2

90 mm Hg

16

Saturation en oxygène

pH

7,37

Le shunt anatomique est décrit dans le chapitre 16, Anatomie et physiologie du système respiratoire.

La saturation en oxygène est une mesure de la quantité d’oxygène liée à l’hémoglobine, comparativement à la capacité maximale de l’hémoglobine à lier l’oxygène. Elle peut être évaluée en tant que

PaCO2

60 mm Hg

HCO3

38 mmol/L

L’acidose est considé­ rée comme le trouble principal, et l’alcalose, comme la réponse com­ pensatoire, parce que le pH est du côté acide par rapport à la norme de 7,4.

Collecte des données

Exemple 2 : Alcalose métabolique compensée avec acidose respiratoire

TABLEAU 18.4

PaO2

90 mm Hg

pH

7,42

PaCO2

48 mm Hg

HCO3

35 mmol/L

Interprétation de la gazométrie du sang artériel

ANOMALIE

pH

PaCO2

HCO3

Acidose respiratoire Non compensée

< 7,35

> 45 mm Hg

22­26 mmol/L

Partiellement compensée

< 7,35

> 45 mm Hg

> 26 mmol/L

Compensée

7,35­7,39

> 45 mm Hg

> 26 mmol/L

Alcalose respiratoire Non compensée

> 7,45

< 35 mm Hg

22­26 mmol/L

Partiellement compensée

> 7,45

< 35 mm Hg

< 22 mmol/L

Compensée

7,41­7,45

< 35 mm Hg

< 22 mmol/L

Non compensée

< 7,35

35­45 mm Hg

< 22 mmol/L

Partiellement compensée

< 7,35

< 35 mm Hg

< 22 mmol/L

Compensée

7,35­7,39

< 35 mm Hg

< 22 mmol/L

Non compensée

> 7,45

35­45 mm Hg

> 26 mmol/L

Partiellement compensée

> 7,45

> 45 mm Hg

> 26 mmol/L

Compensée

7,41­7,45

> 45 mm Hg

> 26 mmol/L

Acidose respiratoire et métabolique combinée (ou mixte)

< 7,35

> 45 mm Hg

< 22 mmol/L

Alcalose respiratoire et métabolique combinée (ou mixte)

> 7,45

< 35 mm Hg

> 26 mmol/L

Acidose métabolique

Alcalose métabolique

Troubles combinés (ou mixtes)

576

Partie 3

Système respiratoire

L’alcalose est considé­ rée comme le trouble principal, et l’acidose, comme la réponse com­ pensatoire, parce que le pH est du côté alcalin par rapport à la norme de 7,4.

composante des GSA : il s’agit de la saturation du sang artériel en oxygène (SaO2). Elle peut aussi être mesurée de façon non effractive au moyen d’un saturomètre, comme expliqué dans la troisième section de ce chapitre : il s’agit alors de la saturation pulsatile en oxygène (SpO2) (Schultz, 2011 ; Siobal, 2013). La saturation en oxygène s’exprime sous la forme d’un pourcentage ou d’une fraction décimale, dont les valeurs normales sont supérieures à 95 % lorsque le client respire l’air ambiant. Normalement, le degré de saturation ne peut pas atteindre 100 % (à l’air ambiant) en raison d’un shunt anatomique (Hirsch, 2013b) 16 . Toutefois, lorsque de l’oxygène supplémentaire est administré, la saturation en oxygène peut s’approcher si près de 100 % que cette valeur sera alors observée. L’évaluation adéquate du degré de saturation en oxygène est cruciale. Par exemple, une valeur de SaO2 de 97 % signie que 97 % de l’hémoglobine disponible est liée à de l’oxygène. Le terme disponible est essentiel dans le cadre de l’évaluation de la valeur de SaO2, parce que le taux d’hémoglobine disponible ne se situe pas toujours à l’intérieur des limites normales. Une saturation de 97 % associée à 100 g/L d’hémoglobine n’apporte pas autant d’oxygène aux tissus qu’une saturation de 97 % associée à 150 g/L d’hémoglobine. Le fait d’évaluer

TABLEAU 18.5

Principales causes des troubles acidobasiques

TROUBLE

CAUSES POSSIBLES

Acidose respiratoire (hypoventilation)

• Dépression du système nerveux central – Analgésiques opioïdes – Anesthésiques – Sédatifs • Maladie neuromusculaire – Myasthénie grave – Poliomyélite – Syndrome de GuillainBarré • MPOC • Obstruction aiguë des voies respiratoires • Trauma – Encéphale – Moelle épinière – Paroi de la cage thoracique • Ventilation mécanique

Alcalose respiratoire (hyperventilation)

• • • • • •

Acidose métabolique

• • • • • • •

Alcalose métabolique

Anxiété, panique Douleur Embolie pulmonaire Hypoxie Stimulants Ventilation mécanique

Acidocétose Acidose lactique Acidose tubulorénale Diarrhée Fistule pancréatique Iléostomie Ingestion d’acides (méthanol, salicylates, éthylèneglycol) • Insufsance rénale (urémie) • Rhabdomyolyse • Urétérosigmoïdoscopie • Administration de bicarbonate de sodium • Drainage gastro-intestinal • Hypochlorémie • Hypokaliémie • Hypovolémie • Stéroïdothérapie • Thérapie diurétique • Vomissements

Sources : Adapté de Beach (2013) ; Noble (2009) ; Sood et al. (2010)

seulement la valeur de SaO2 et de constater qu’elle se situe à l’intérieur des limites normales ne garantit pas que l’état d’oxygénation du client soit normal. Le taux d’hémoglobine doit aussi être évalué avant qu’une décision sur l’état d’oxygénation du client ne puisse être prise (Hirsch, 2013b ; Schultz, 2011 ; Siobal, 2013). Ainsi, le taux d’oxygène dissous dans le sang artériel, ou PaO2, doit être évalué conjointement avec la saturation en oxygène. Le rapport entre l’oxygène dissous et l’oxygène lié à l’hémoglobine (SaO2) est décrit par la courbe de dissociation de l’oxyhémoglobine 16 .

16 La courbe de dissocia­ tion de l’oxyhémoglobine est présentée dans le cha­ pitre 16, Anatomie et physiolo­ gie du système respiratoire.

Contenu artériel en oxygène Le contenu artériel en oxygène (CaO2) est une mesure de la quantité totale d’oxygène transporté dans le sang, incluant l’oxygène dissous dans le plasma (que mesure la PaO2) et l’oxygène lié aux molécules d’hémoglobine (que mesure la SaO2). Le CaO2 s’exprime en millilitres d’oxygène transporté par 100 ml de sang. La valeur normale est de 20 ml d’oxygène par 100 ml de sang. Pour calculer le CaO2, il faut utiliser la PaO2, la SaO2 et le taux d’hémoglobine (exprimé en g/dl) B . Toute modication de l’un de ces paramètres a une incidence sur le CaO2 (Hirsch, 2013b). Les deux cas présentés dans le TABLEAU 18.6 illustrent l’importance d’évaluer le CaO2. Dans le deuxième cas, les paramètres relatifs à la gazométrie du sang artériel qui servent le plus souvent à l’évaluation de l’état d’oxygénation, soit la PaO2 et la SaO2, sont tous les deux normaux. Le fait d’évaluer seulement la PaO2 et la SaO2 aboutirait à la conclusion incorrecte que l’état d’oxygénation du client B est normal. Par contre, la prise en considération du taux d’hémoglobine et du CaO2 révèle que l’oxygénation du sang de ce client B est nettement anormale.

18.1.2

B La formule pour calculer le contenu artériel en oxy­ gène est présentée dans l’annexe B, Formules phy­ siologiques pour les soins critiques.

18

Équation de shunt classique et indices de tension en oxygène

L’efcacité de l’oxygénation peut être évaluée en mesurant le degré de shunt intrapulmonaire présent en tout temps chez un client, au moyen de l’équation de shunt classique et des indices de tension en oxygène. Le shunt intrapulmonaire désigne une situation où le sang circule dans les capillaires

Collecte des données TABLEAU 18.6

Évaluation de l’état d’oxygénation

CLIENT

PaO2

SaO2

Hb

CaO2

A

100 mm Hg

97 %

15 g/dl

19,8 ml/100 ml

B

100 mm Hg

97 %

100 g/dl 13,3 ml/100 ml

Chapitre 18

Examens paracliniques du système respiratoire

577

pulmonaires sans être oxygéné. Cela survient lorsque les alvéoles, perusées, ne sont pas bien ventilées ou sont non onctionnelles (Hirsch, 2013b). Le shunt intrapulmonaire est déterminé par le rapport ventilation/perusion (V/Q). La valeur normale de ce rapport est en moyenne de 0,8 ; une valeur inérieure à celle-ci indique que l’alvéole est perusée, mais n’est pas sufsamment ventilée (Hirsch, 2013b). La détermination directe du shunt intrapulmonaire nécessite le recours à l’équation de shunt classique (Qs/Qt) ; celle-ci exige le recours à une méthode eractive et incommodante puisqu’elle implique l’utilisation d’un cathéter artériel pulmonaire, ou cathéter Swan-Ganz B1 . La valeur normale de cette équation est de 5 % et moins. Une valeur supérieure à 10 % est considérée comme anormale et révèle la présence d’un trouble responsable d’un shunt. Une valeur supérieure à 30 % représente une situation grave qui peut mettre en danger la vie du client, si bien qu’une intervention pulmonaire devient alors nécessaire (Burns, 2011 ; Hirsch, 2013b ; Pierce, 2007). Il arrive que le shunt intrapulmonaire soit évalué à l’aide des indices de tension en oxygène. Un de leurs avantages réside dans leur acilité d’utilisation, mais ils sont moins fables dans le cas de clients en situation critique de santé (Burns, 2011 ; Hirsch, 2013b). Le shunt intrapulmonaire peut être estimé en calculant la diérence entre la quantité d’oxygène présent dans les alvéoles et dans la circulation artérielle. Normalement, les valeurs alvéolaires (A) et artérielles (a) de la pression partielle d’oxygène, soient la PaO2 et la PaO2, sont approximativement égales. Par contre, des valeurs inégales indiquent que du sang veineux circule sans participer aux échanges gazeux dans des alvéoles altérées et regagne le côté gauche du cœur sans avoir été oxygéné (Burns, 2011 ; Hirsch, 2013b). Les indices de tension en oxygène les plus courants qui servent à l’estimation du shunt intrapulmonaire sont le rapport PaO2/FiO2, le rapport PaO2/PaO2 et le gradient alvéolaire-artériel, ou gradient a-a (P[a − a]O2).

B1 L’équation de shunt clas­ sique est présentée dans l’annexe B, Formules phy­ siologiques pour les soins critiques. B2 Le calcul de la pression par­ tielle d’oxygène alvéolaire (PaO2) est expliqué dans l’annexe B, Formules phy­ siologiques pour les soins critiques.

B3 Le calcul du gradient alvéolaire­artériel est présenté dans l’annexe B, Formules physiologiques pour les soins critiques.

B4

Rapport PaO2 /FiO2

L’équation du volume de l’espace mort est présentée dans l’annexe B, Formules physiologiques pour les soins critiques.

Sur le plan clinique, le rapport PaO2/FiO2 constitue la ormule la plus acile à calculer et la plus utilisée. La PaO2 est obtenue par la gazométrie du sang artériel. La FiO2 mesure la raction d’oxygène inspiré.

Collecte des données TABLEAU 18.7 FiO2

PaO2

Calcul du shunt intrapulmonaire PaO2

PaO2 /FiO2

PaO2 /PaO2 A/A

GRADIENT a-a

21 %

40 mm Hg

97 mm Hg

190

41 %

57 mm Hg

50 %

80 mm Hg

300 mm Hg

160

27 %

220 mm Hg

100 %

150 mm Hg

610 mm Hg

150

25 %

460 mm Hg

Source : Adapté de Murray & Nadel (1988)

578

Partie 3

Système respiratoire

Normalement, le rapport PaO2/FiO2 est supérieur à 300 ; plus sa valeur est aible, plus la onction pulmonaire est altérée (Burns, 2011 ; Hirsch, 2013b ; Siobal, 2013). Autrement dit, une valeur inérieure à 300 correspond à une altération des échanges gazeux, et une valeur inérieure à 200, au syndrome de détresse respiratoire aiguë (Rice, Wheeler, Bernard et al., 2007).

Rapport PaO2 /PaO2 Le rapport PaO2/PaO2 (c’est-à dire le rapport oxygène artériel/oxygène alvéolaire) est normalement supérieur à 60 %. La ormule a pour inconvénient de nécessiter le calcul de la PaO2 B 2 , mais elle ore l’avantage de ne pas être inuencée par des modifcations de la FiO2, tant que l’état sous-jacent des poumons demeure stable (Burns, 2011 ; Hirsch, 2013b).

Gradient alvéolaire-artériel Le gradient a-a (P[a − a]O2) est normalement inérieur à 20 mm Hg dans l’air ambiant chez les clients âgés de moins de 60 ans. Cette estimation du shunt intrapulmonaire est la moins fable sur le plan clinique, mais elle sert souvent dans le cadre de la prise de décisions cliniques B 3 . Un des principaux désavantages de cette ormule réside dans le ait qu’elle est ortement inuencée par la quantité d’oxygène que le client reçoit (Burns, 2011 ; Hirsch, 2013b ; Kacmarek & Volsko, 2013 ; Pierce, 2007). Les déterminations en série des estimations du shunt intrapulmonaire procurent aux proessionnels de la santé des données objectives servant de ondement à la prise de décisions cliniques (Burns, 2011 ; Hirsch, 2013b ; Pierce, 2007). Le TABLEAU 18.7 illustre une modifcation du shunt intrapulmonaire chez le client hypoxémique calculée au moyen des indices de tension en oxygène, et ce, dans le but d’estimer la gravité du shunt.

18.1.3

Équation du volume de l’espace mort

L’efcacité de la ventilation peut être mesurée à l’aide de l’équation du volume de l’espace mort (VD/VC) B 4 . L’espace mort représente une zone où les alvéoles sont ventilées, mais non perusées. L’équation du volume de l’espace mort donne la raction du volume courant qui ne participe pas aux échanges gazeux. Une valeur supérieure à 0,6 est considérée comme anormale et révèle la présence d’un trouble produisant de l’espace mort, par exemple un emphysème. Dans ce cas, les bulles pulmonaires créées par la rétention d’air dans les poumons ne sont pas entourées de capillaires et ne participent pas aux échanges gazeux ; il y a un déséquilibre entre la ventilation et la perusion (Lewis, Dirksen, Heitkemper et al., 2011). L’emploi de cette équation comporte touteois deux contraintes principales : d’une part, elle nécessite la mesure du dioxyde de carbone expiré ; d’autre part, l’eort de respiration du client doit demeurer stable durant la mesure (Pierce, 2007 ; Vines, 2010).

18.1.4

Examen des expectorations

Une analyse attentive de spécimens d’expectorations revêt une importance cruciale pour la détection et le traitement rapides d’une infection pulmonaire. La phase la plus difcile de l’examen des expectorations se situe dans la collecte adéquate des spécimens. Pour réussir la collecte d’un bon échantillon d’expectorations chez un client non intubé, il faut qu’il soit conscient, coopératif et sufsamment hydraté (Pierce, 2007). Si le client éprouve de la difculté à produire des expectorations, l’administration d’une solution saline nébulisée et réchauffée peut faciliter la libération de sécrétions à cette n (Pierce, 2007). Associée à la nébulisation, une percussion thoracique améliore le drainage et le taux de succès. La collecte d’un spécimen d’expectorations effectuée le matin donne des résultats optimaux, puisque le volume des sécrétions présentes est plus élevé en raison de leur accumulation durant la nuit précédente. Il est recommandé de brosser les dents et de rincer les voies aériennes oropharyngées du client, an de réduire les risques de contamination avant la collecte d’un échantillon (Fink & Arzu, 2013 ; Pierce, 2007). De nombreux clients gravement malades ne peuvent tousser sufsamment, de sorte qu’il faut recourir à d’autres moyens pour procéder à la collecte des expectorations. Ces autres moyens comprennent l’aspiration trachéobronchique, l’aspiration endotrachéale et la bronchobroscopie avec un cathéter protecteur à brosse. Étant donné que chacun de ces moyens présente des avantages et des inconvénients spéciques, c’est l’état clinique du client qui détermine la technique appropriée à utiliser (Pierce, 2007). Beaucoup de clients hospitalisés aux soins critiques ont déjà un tube endotrachéal ou une canule de trachéotomie installé dans les voies aériennes. La collecte de spécimens d’expectorations auprès de ces clients exige de porter une attention accrue à la technique employée ENCADRÉ 18.1. Il faut effectuer un prélèvement en profondeur an d’éviter la collecte de spécimens contenant des éléments de la ore résidente des voies aériennes supérieures qui se seraient déplacés vers le bas du tube ou de la canule. La colonisation des voies aériennes inférieures par la ore des voies aériennes supérieures peut se produire dans les 48 heures suivant l’intubation (Hirsch, 2013a). Après la collecte du spécimen d’expectorations, l’inhalothérapeute ou l’inrmière ainsi qu’un technicien en laboratoire l’examinent pour en déterminer le volume, les propriétés physiques, la mucopurulence et la couleur. Ensuite, un technicien en laboratoire effectue un examen microscopique pour établir la source du spécimen. Si l’existence d’une infection bactérienne est soupçonnée, le technicien de laboratoire procède à une coloration de Gram, puis à des évaluations de culture et de sensibilité (Fink & Arzu, 2013 ; Hirsch, 2013a ; Pierce, 2007).

Collecte des données ENCADRÉ 18.1

Méthode de collecte de spécimens d’expectorations trachéales ou endotrachéales

1. Enlever toutes les sécrétions locales présentes dans le tube endotrachéal ou la canule de trachéotomie, tout en évitant une pénétra­ tion profonde dans les voies aériennes. 2. Fixer le contenant collecteur jetable stérile (spécimen trap) à un cathéter d’aspiration stérilisé et faire descendre le cathéter dans la trachée, en évitant tout contact avec le tube endotrachéal ou la canule de trachéotomie FIGURE 18.2. 3. Une fois le cathéter bien mis en place, effectuer l’aspiration jusqu’à ce que des sécrétions s’accumulent dans le contenant collecteur jetable stérile. Lorsque la quantité de sécrétions accumulées est sufsante, cesser l’aspiration et retirer le cathéter.

4. Ne pas effectuer d’aspiration pendant le retrait du cathéter, sans quoi l’échantillon risque d’être contaminé par des expec­ torations provenant des voies aériennes supérieures. Ne pas asperger le cathéter d’eau stérilisée lorsque le contenant col­ lecteur est en place, sans quoi l’échan­ tillon serait dilué. 5. Si le cathéter devient bouché par des sécrétions, placer le cathéter d’aspiration et le contenant collecteur dans un autre contenant stérilisé et envoyer le tout au laboratoire. Le spécimen doit être trans­ porté immédiatement ou réfrigéré en cas de délai.

18

FIGURE 18.2

Contenant collecteur jetable stérile (spécimen trap).

18.2

Examens paracliniques

Des examens paracliniques complémentaires permettent l’évaluation plus complète de la fonction respiratoire et le diagnostic de certaines affections. Ils peuvent être utilisés à des ns diagnostiques ou curatives. Le rôle de l’inrmière est de connaître et d’expliquer la procédure au client ainsi que de s’assurer de son confort et de sa sécurité avant, pendant et après l’examen. Chapitre 18

Examens paracliniques du système respiratoire

579

18.2.1

Bronchobroscopie

La bronchobroscopie est un examen relativement sûr, réalisé au chevet du client, qui sert surtout d’outil diagnostique et thérapeutique FIGURE 18.3. Les indications diagnostiques comprennent une brûlure pulmonaire grave par inhalation, l’hémoptysie, une lésion pulmonaire consécutive à une aspiration, une lésion pulmonaire consécutive à un trauma thoracique, l’obstruction aiguë des voies aériennes supérieures et une pneumonie infectieuse. Quant aux indications thérapeutiques, elles englobent l’aspiration de corps étrangers, l’atélectasie, des difcultés d’intubation, l’enlèvement de sécrétions obstructives et la résection de petites croissances bénignes présentes dans les voies aériennes (Altobelli, 2013 ; Murgu, Pecson, Colt et al., 2011 ; Pierce, 2007). Avant la bronchobroscopie, il faut avoir en main le dossier médical complet du client et procéder à un examen exhaustif, y compris une radiographie thoracique (Altobelli, 2013 ; Pierce, 2007). L’évaluation du client en prévision de l’intervention comporte des études de coagulation (temps de prothrombine, temps de thromboplastine partielle et numération plaquettaire) et la gazométrie du sang artériel (Altobelli, 2013 ; Pierce, 2007). Le client doit être à jeun au cours des six à huit heures qui précèdent la bronchobroscopie, an de réduire le risque d’aspiration. Un client hypoxémique doit recevoir de l’oxygène supplémentaire durant l’examen (Altobelli, 2013 ; Pierce, 2007). Bien qu’il soit possible de recourir uniquement à un anesthésiant topique, un analgésique ou un sédatif intraveineux ou encore une combinaison des deux sont habituellement administrés. Ainsi, un analgésique opioïde et une benzodiazépine, pour ses effets sédatifs, peuvent être administrés par voie intraveineuse pendant la bronchofibroscopie (Altobelli, 2013 ; Murgu et al., 2011 ; Pierce, 2007).

FIGURE 18.3 Bronchobroscopie. A Cathéter à ballonnet transbronchoscopique et bronchobroscope souple. B Le cathéter est inséré dans une petite voie aérienne, et le ballonnet est goné avec 1,5 à 2 ml d’air pour occlure cette voie aérienne. Le lavage bronchoalvéolaire est effectué par injection (jusqu’à 30 ml) et retrait d’une solution saline stérilisée, en procédant à une aspiration douce après chaque instillation. Les spécimens recueillis sont envoyés au laboratoire à des ns d’analyse.

580

Partie 3

Système respiratoire

Également, l’atropine, un anticholinergique, et la codéine intramusculaire peuvent être administrées avant l’intervention à des fins diagnostiques. L’atropine atténue la réponse vasovagale et réduit les sécrétions, tandis que la codéine amoindrit le réexe tussigène. La bronchobroscopie peut aussi être effectuée à des ns thérapeutiques pour enlever les sécrétions, particulièrement lorsque les réexes tussigènes du client sont atténués, ce qui peut entraver le dégagement des sécrétions (Altobelli, 2013 ; Murgu et al., 2011 ; Pierce, 2007). Le maintien des voies aériennes dégagées est essentiel pour la prévention des complications. Les complications peuvent découler de la bronchobroscopie elle-même, de l’anesthésiant employé ou d’une intervention associée. Parmi les complications mineures gurent les laryngospasmes, les bronchospasmes, l’épistaxis, la èvre, les vomissements, l’altération de la mécanique pulmonaire et l’instabilité hémodynamique. Quant aux complications majeures possibles, elles comprennent l’anaphylaxie, l’infection, l’hypotension grave, les troubles du rythme cardiaque, le pneumothorax, l’hémorragie, l’insufsance respiratoire, l’hypoxémie et l’arrêt cardiorespiratoire (Altobelli, 2013 ; Murgu et al., 2011 ; Pierce, 2007).

18.2.2

Thoracentèse

La thoracentèse est une intervention simple et généralement non complexe qui a lieu au chevet du client pour enlever du liquide ou de l’air présents dans l’espace pleural FIGURE 18.4. Elle sert surtout à des ns diagnostiques, mais elle est parfois employée dans un but thérapeutique pour le drainage de l’épanchement pleural ou de l’empyème (Josephson, Nordenskjold, Larsson et al., 2009 ; Kasmani, Irani, Okoli et al., 2010). S’il n’existe aucune contreindication absolue à la thoracentèse, certains facteurs de risque peuvent néanmoins restreindre son utilisation uniquement dans des situations d’urgence. Ces facteurs de risque comprennent une instabilité hémodynamique, des troubles de la coagulation, une ventilation mécanique, la présence d’un ballon de contrepulsion intra-aortique et la non-coopération du client. Dans la plupart des situations cliniques, la thoracentèse diagnostique peut être retardée jusqu’à l’élimination de ces facteurs de risque (Kasmani et al., 2010). La préparation à la thoracentèse comprend l’explication de la procédure au client. Les examens de coagulation et une formule sanguine complète sont réalisés d’emblée, et l’inrmière évalue les signes vitaux avant, pendant et après l’intervention, en particulier la SaO2 et la fréquence respiratoire (F.R.) (Wilson, 2010). Le client est placé en position assise, incliné vers l’avant, les jambes sur le côté du lit, les bras et les mains appuyés sur une table de lit. Si l’état du client l’empêche de s’asseoir, il peut être placé en position couchée sur le côté, le dos aligné sur le bord du lit et le côté atteint vers le haut (Josephson

symptômes impose l’arrêt de la thoracentèse (Strange, 2013).

18.2.3

FIGURE 18.4 Thoracentèse. L’aiguille pénètre dans le liquide remplissant l’espace pleural an d’en prélever une certaine quantité.

et al., 2009 ; Kasmani et al., 2010 ; Strange, 2013 ; Wilson, 2010). Il faut dire au client de ne pas bouger ni tousser pendant l’intervention (Strange, 2013). Durant la thoracentèse, le site d’insertion de l’aiguille est généralement déterminé à la lumière de la radiographie thoracique précédente, de la tomographie assistée par ordinateur ou de la percussion thoracique manuelle. Un anesthésiant local est utilisé pour réduire au minimum la douleur et l’inconfort du client pendant l’insertion de l’aiguille de la thoracentèse (Siobal, 2013). Après l’examen, le client doit demeurer couché sur le côté non atteint pendant une heure an de favoriser l’expansion du poumon. La surveillance des signes vitaux doit être réalisée jusqu’à la stabilisation de l’état du client, et l’inrmière surveille le site de la ponction an de déceler tout écoulement ou signe de saignement (Wilson, 2010). Les complications associées à la thoracentèse comprennent la douleur, le pneumothorax et l’œdème pulmonaire de réexpansion. Un pneumothorax peut se produire à la suite d’une entrée d’air dans l’espace pleural, d’une perforation du poumon ou d’une rupture de la plèvre viscérale (Josephson et al., 2009 ; Kasmani et al., 2010 ; Strange, 2013). L’œdème pulmonaire de réexpansion peut survenir après le prélèvement d’une grande quantité du liquide d’épanchement (environ de 1 000 à 1 500 ml) présent dans l’espace pleural. L’enlèvement de ce liquide fait augmenter la pression négative intrapleurale, ce qui peut causer un œdème si le poumon ne se redilate pas pour combler l’espace. Le client subit alors une grave quinte de toux et une dyspnée. L’apparition de ces

Explorations fonctionnelles respiratoires

Bien que les explorations fonctionnelles respiratoires (ou tests de la fonction respiratoire) soient davantage réalisés par l’inhalothérapeute que par l’inrmière, les données qu’ils procurent permettent à cette dernière de bien comprendre l’état clinique du client et d’orienter ses interventions. Ces examens sont conçus pour quantier la fonction respiratoire et forment une composante essentielle d’une évaluation pulmonaire exhaustive. Ils sont employés à des ns diverses, y compris l’évaluation préopératoire, l’évaluation de la mécanique pulmonaire, le diagnostic, le suivi de maladies pulmonaires et le monitorage thérapeutique. Les résultats sont individualisés selon l’âge, le sexe et la corpulence du client (Douce, 2013). Une exploration fonctionnelle respiratoire complète évalue quatre composantes : 1) les volumes et capacités pulmonaires ; 2) la mécanique de la respiration ; 3) la diffusion ; 4) la gazométrie du sang artériel. La durée d’une exploration fonctionnelle respiratoire complète peut atteindre deux heures. En raison de la gravité de la situation de santé du client hospitalisé à l’unité de soins critiques, il est plutôt rare que l’intervention couvre les quatre composantes. Le plus souvent, les mesures de la fonction respiratoire chez le client en situation critique de santé se limitent aux composantes qui fournissent au médecin l’information nécessaire concernant le besoin ou la capacité du client à se sevrer de la ventilation mécanique. La présente section couvre les composantes évaluées le plus souvent au chevet des clients en situation critique de santé. Les mesures des volumes et des capacités pulmonaires, décrites dans le TABLEAU 18.8, offrent de l’information utile à propos des origines d’une maladie. Quatre volumes pulmonaires et quatre capacités pulmonaires peuvent être mesurés. Au chevet du client, ces mesures se limitent à celles du volume courant et de la capacité vitale (CV) 16 . Une CV allant de 10 à 15 ml/kg représente généralement une valeur minimalement acceptée pour le sevrage de la ventilation mécanique, si la F.R. est inférieure à 24 respirations par minute (R/min) (Douce, 2013 ; Pierce, 2007 ; Siner & Manthous, 2007). L’évaluation de la mécanique respiratoire comprend la mesure du débit des gaz, de la compliance pulmonaire, de la force des muscles respiratoires et de la résistance des tissus. À l’unité de soins critiques, la compliance dynamique et la compliance statique sont mesurées au chevet du client B . La compliance est une mesure de la capacité de dilatation des poumons (soit leur degré de facilité à prendre de l’expansion). La compliance dynamique est mesurée durant le cycle de respiration. Une valeur allant de 46 à 66 ml/cm H2O est normale. La mesure de la compliance dynamique ne permet pas Chapitre 18

18

16 Le calcul de chaque volume ou capacité pulmonaire est expliqué dans le chapitre 16, Anatomie et physiologie du système respiratoire.

B Le calcul des compliances dynamique et statique est expliqué dans l’annexe B, Formules physiologiques pour les soins critiques.

Examens paracliniques du système respiratoire

581

TABLEAU 18.8

Volumes et capacités pulmonaires

VOLUME OU CAPACITÉ

DÉFINITION

VALEURS NORMALES

Volume courant (VC)

Volume d’air inspiré après une inspiration normale au repos

• 500 ml

Volume de réserve inspiratoire (VRI)

Quantité additionnelle d’air qui peut être inspirée après une inspiration normale au repos

• 1 900 ml chez la femme • 3 100 ml chez l’homme

Capacité inspiratoire (CI)

Capacité totale d’inspiration

• 2 400 ml chez la femme • 3 600 ml chez l’homme

Volume de réserve expiratoire (VRE)

Quantité additionnelle d’air qui peut être expiré après une expiration normale au repos (au-delà du volume courant)

• 700 ml chez la femme • 1 200 ml chez l’homme

Capacité vitale (CV)

Capacité totale d’expiration

• 3 100 ml chez la femme • 4 800 ml chez l’homme

Volume résiduel (VR)

Quantité d’air qui demeure dans le poumon après une expiration forcée

• 1 100 ml chez la femme • 1 200 ml chez l’homme

Capacité résiduelle fonctionnelle (CRF)

Quantité d’air qui demeure dans le poumon après une expiration normale

• 1 800 ml chez la femme • 2 400 ml chez l’homme

Capacité pulmonaire totale (CPT)

Volume maximal d’air dans le poumon après une inspiration maximale, soit la somme des quatre volumes pulmonaires

• 4 200 ml chez la femme • 6 000 ml chez l’homme

Source : Adapté de McKinley et al. (2014)

Collecte des données TABLEAU 18.9

Explorations fonctionnelles respiratoires réalisées au chevet du client

EXAMEN

DESCRIPTION

Fréquence respiratoire (F.R.)

Nombre de respirations par minute

Volume courant (VC)

Volume d’air inspiré après une inspiration normale au repos

Ventilation-minute (VE)

Volume d’air expiré par minute : VE = VC × F.R.

Ventilation volontaire maximale (VVM)

Quantité maximale d’air qui peut entrer dans les poumons et en sortir en une minute

Capacité vitale forcée (CVF)

Quantité maximale d’air qui peut être expiré des poumons avec force après une inspiration maximale

Pression inspiratoire maximale (P.I.M.)

Pression négative maximale produite à l’inspiration

Pression expiratoire maximale (P.E.M.)

Pression positive maximale produite à l’expiration

Débit expiratoire de pointe (DEP)

Débit d’air maximal obtenu durant une expiration forcée

Débit expiratoire maximal au point médian de la capacité vitale (DEM25 %–75 %)

Mesure du débit d’air moyen durant la moitié médiane de l’expiration

Volume expiratoire maximal à la première seconde (VEMS1)

Volume d’air expiré durant la première seconde d’une expiration forcée

582

Partie 3

Système respiratoire

de faire la distinction entre les forces de résistance. Les conditions qui font augmenter la résistance modient donc la valeur de la compliance dynamique. Celle-ci diminue en fonction de toute baisse de la compliance pulmonaire ou de toute hausse de la résistance des voies aériennes, comme dans le cas de bronchospasmes et d’une accumulation de sécrétions. Pour sa part, la compliance statique est mesurée dans des conditions sans débit, c’est-à-dire en l’absence de forces de résistance, au temps mort inspiratoire, à la n de l’inspiration et avant l’expiration. La compliance statique diminue en fonction de toute baisse de la compliance pulmonaire, comme dans le cas d’un pneumothorax, d’une atélectasie, d’une pneumonie, d’un œdème pulmonaire ou de restrictions touchant la cage thoracique. Sa valeur est normalement de 57 à 85 ml/cm H2O (Douce, 2013 ; Pierce, 2007). La force inspiratoire s’évalue grâce à la mesure de la pression inspiratoire maximale (P.I.M.) et de la pression inspiratoire négative (P.I.N.). Ces deux pressions devraient avoir une valeur négative qui se situe entre 20 et 25 cm H2O. L’examen est également appelé effort inspiratoire négatif, pression inspiratoire de pointe ou force inspiratoire de pointe. L’évaluation de la P.I.M. et de la P.I.N. n’est possible que si le client est coopératif, et les valeurs obtenues donnent une information utile sur la capacité de respiration spontanée. La pression expiratoire maximale (P.E.M.) est mesurée pour vérier la capacité de tousser chez le client éprouvant un dysfonctionnement neuromusculaire. Il existe d’autres moyens courants d’évaluer la force des muscles respiratoires : la ventilation volontaire maximale (VVM), la ventilation-minute (VE) et le mode de respiration (Douce, 2013 ; Pierce, 2007). Les explorations fonctionnelles respiratoires dynamiques sont conçues pour évaluer le fonctionnement des muscles respiratoires, du thorax et des poumons. Il s’agit d’analyses de respiration minutées qui servent à évaluer le degré d’insufsance respiratoire et qui portent sur la capacité vitale forcée (CVF), le débit expiratoire de pointe (DEB), le volume expiratoire maximal à la première seconde (VEMS1) et le rapport entre le ce dernier et la capacité vitale forcée (VEMS1/CVF). Le débit expiratoire maximal (DEM25%–75%) est le débit expiratoire maximal au point médian de la CV, et il donne un bon aperçu de la résistance des voies aériennes. Lorsque ces analyses sont effectuées au chevet du client, elles nécessitent le recours à la spirométrie pour la mesure du volume. Les examens peuvent être effectués auprès de clients intubés ou non. Dans le cas d’un client intubé, le spiromètre est xé à l’extrémité du tube endotrachéal. Dans le cas d’un client non intubé, l’inrmière peut lui poser une pince nasale et lui demander de respirer dans un tube de spiromètre. Le client est assis sur le côté du lit, si possible (Douce, 2013 ; Pierce, 2007 ; Siner & Manthous, 2007). Le TABLEAU 18.9 donne une description de chacun de ces paramètres.

18.2.4

Scintigraphie de ventilation-perfusion

Une scintigraphie de ventilation-perfusion s’avère indiquée lorsqu’une grave altération du rapport ventilation-perfusion normal est présumée. Cet examen est demandé le plus souvent dans le but de diagnostiquer une embolie pulmonaire soupçonnée et d’en assurer le suivi. La scintigraphie de ventilationperfusion permet d’établir ce diagnostic avec un degré de précision d’environ 90 %. La comparaison entre la scintigraphie de perfusion et les résultats de l’examen clinique peut encore hausser quelque peu ce pourcentage (Tonelli et al., 2013). La scintigraphie de ventilation-perfusion consiste en une scintigraphie de ventilation associée à une scintigraphie de perfusion. Pour effectuer la scintigraphie de ventilation, l’inrmière ou le technicien en radiologie demande au client d’inhaler un mélange d’air et de gaz radiomarqué à l’aide d’un masque. Pour réaliser la scintigraphie de perfusion, l’inrmière ou le technicien en radiologie injecte d’abord au client un radio-isotope par voie intraveineuse. Des caméras à scintillations enregistrent les images de rayonnement gamma que produit l’isotope à mesure qu’il est inhalé ou perfusé dans le poumon. Lorsque se produit une obstruction dans le passage de l’isotope à l’intérieur d’une région du poumon, la radioactivité amoindrie se reète dans l’image de cette région que renvoie la caméra (Tonelli et al., 2013). Puisque le degré de précision des résultats pour la prédiction d’une embolie pulmonaire est inférieur à 100 %, la plupart des scintigraphies de ventilationperfusion donnent lieu à plusieurs interprétations possibles. La présence d’anomalies radiologiques et d’un déséquilibre entre la perfusion et la ventilation permet de déterminer les probabilités d’être en présence d’une embolie pulmonaire (Gandara & Wells, 2010, Magaña, Bercovitch & Fedullo, 2011 ; Tonelli et al., 2013).

18.2.5

Radiographie thoracique

La radiographie thoracique est un important examen paraclinique pour tout client en situation critique de santé. Elle facilite le diagnostic de divers troubles et de complications et contribue à l’évaluation du traitement approprié (Specht & Stoller, 2013). Elle permet de déterminer la présence d’inltrats, de liquide, de tumeurs et d’autres anormalités (p. ex., un pneumothorax) grâce à la densité. La radiographie peut être faite de façon antéropostérieure ou postéroantérieure et latérale. Elle peut être réalisée directement en radiologie, mais est généralement effectuée au chevet du client en soins critiques. Il faut s’assurer que le thorax du client est entièrement couvert par la plaque radiologique et que celui-ci ne porte aucun objet métallique (Specht & Stoller, 2013). Au moment d’interpréter une radiographie thoracique, il faut utiliser une méthode systématique pour la regarder ENCADRÉ 18.2. Les parties du lm radiographique faisant l’objet d’une évaluation

Collecte des données ENCADRÉ 18.2

Étapes de l’interprétation d’une radiographie thoracique

PREMIÈRE ÉTAPE

Examiner les différentes densités (noire, grise et blanche) et répondre à la question : qu’est-ce qui est de l’air, du liquide, du tissu et de l’os ?

les mêmes des deux côtés ou y a-t-il des différences physiologiques ou physiopathologiques ? QUATRIÈME ÉTAPE

Examiner la forme de chaque densité et répondre à la question : quelle est la structure anatomique normale ?

Examiner toutes les structures (os, médiastin, diaphragme, espace pleural et tissu pulmonaire) et répondre à la question : y a-t-il des anomalies quelconques ?

TROISIÈME ÉTAPE

CINQUIÈME ÉTAPE

Examiner le côté droit et le côté gauche et répondre à la question : les résultats sont-ils

Examiner tous les cathéters et tubulures et répondre à la question : sont-ils au bon endroit ?

DEUXIÈME ÉTAPE

comprennent les os, le médiastin, le diaphragme, l’espace pleural et le tissu pulmonaire. Le positionnement des cathéters et des tubulures est également vérié. La FIGURE 18.5 offre un exemple d’une radiographie thoracique normale.

18

Os Les clavicules, les côtes, les vertèbres thoraciques et cervicales ainsi que les omoplates sont évaluées. Les clavicules doivent être symétriques, et la distance entre deux côtes consécutives doit toujours demeurer la même. La largeur des disques intervertébraux doit être visible, ce qui indique que le lm enregistré à l’inspiration a été adéquatement exposé (Specht & Stoller, 2013). Les vertèbres thoraciques et cervicales doivent être droites et ne montrer aucun signe d’incurvation. Les omoplates apparaissent généralement comme des régions de densité accrue dans les champs pulmonaires supérieurs. Il ne doit y avoir aucune trace de fracture, de calcication et de lésions (densité accrue) ou de déminéralisation (densité amoindrie) (Hagberg, 2007 ; Specht & Stoller, 2013).

Médiastin Les structures examinées dans la région du médiastin sont l’arc aortique et la trachée. La trachée doit être située dans la ligne médiane et présenter une légère déviation vers la droite en approchant de la carène (Specht & Stoller, 2013). Un déplacement des structures du médiastin peut se produire par suite d’une atélectasie et de l’enlèvement d’une partie ou de la totalité d’un poumon (vers la partie atteinte), d’un pneumothorax (à l’écart de la région atteinte), d’un épanchement pleural ou de tumeurs (Hagberg, 2007 ; Specht & Stoller, 2013).

Diaphragme Le diaphragme doit être clairement visible et laisser voir des angles costophréniques prononcés à la jonction de la paroi thoracique et des bords amincis du Chapitre 18

Examens paracliniques du système respiratoire

583

FIGURE 18.5 Emplacement des structures dans une radiographie thoracique normale.

diaphragme (Hagberg, 2007 ; Specht & Stoller, 2013). Le niveau du diaphragme (durant une inspiration profonde) doit apparaître à la 10e ou à la 11e côte (Hagberg, 2007 ; Specht & Stoller, 2013), et le côté droit doit être de 1 à 2 cm plus élevé que le côté gauche (Specht & Stoller, 2013). Une bulle d’air gastrique est parfois observée sous le côté gauche du diaphragme (Hagberg, 2007 ; Specht & Stoller, 2013). Celui-ci peut être élevé dans des cas de grossesse, d’obésité, d’accumulation d’air ou de liquide dans l’espace péritonéal ou d’obstruction intestinale (Specht & Stoller, 2013). Un hémidiaphragme élevé est associé à diverses causes, dont une lésion du nerf phrénique, une chirurgie antérieure du thorax, un abcès sous-phrénique, un trauma, un accident vasculaire cérébral, une tumeur, une pneumonie ou une radiothérapie (Specht & Stoller, 2013). L’aplatissement du diaphragme peut être un signe de la présence d’un volume d’air accru dans les poumons, comme dans le cas d’une MPOC ou d’un épanchement pleural (Hagberg, 2007 ; Specht & Stoller, 2013). L’oblitération, ou « émoussement », de l’angle costophrénique peut survenir à la suite d’un épanchement pleural, d’une atélectasie ou d’un pneumothorax (Hagberg, 2007 ; Specht & Stoller, 2013).

Espace pleural Le repérage de l’espace pleural dans une radiographie thoracique représente un résultat anormal. Il n’est pas visible à moins que de l’air (pneumothorax) ou du liquide (épanchement pleural) n’y

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Partie 3

Système respiratoire

pénètre. À mesure que le liquide inltré s’accumule dans l’espace pleural, il entoure le poumon et nit par exercer une pression sur lui. Après un épanchement pleural, l’émoussement de l’angle costophrénique peut être visible d’abord, suivi d’un aplatissement du diaphragme et de l’obscurcissement des bords du cœur à mesure que l’effusion s’accroît (Hagberg, 2007). Dans le cas d’un pneumothorax, les bords pleuraux deviennent visibles à l’examen attentif et à la comparaison des images des côtes apparaissant sur le lm. Une ligne mince apparaît exactement en parallèle de la paroi thoracique, ce qui indique les endroits où les marques pulmonaires se sont écartées de la paroi thoracique (Hagberg, 2007 ; Specht & Stoller, 2013). Le poumon affaissé prend la forme d’une région de densité accrue qui est séparée par une région de radiotransparence (opacité).

Tissu pulmonaire Il faut examiner le tissu pulmonaire pour détecter toute région de densité ou de radiotransparence accrues qui indiquerait une anomalie. La densité accrue peut résulter de l’accumulation de liquide dans les poumons (eau, pus, sang, liquide d’œdème) ou de l’affaissement du tissu pulmonaire (à la suite d’une atélectasie ou d’un pneumothorax). Une radiotransparence accrue a pour cause un plus grand volume d’air dans les poumons, comme dans le cas de la MPOC (Hagberg, 2007 ; Specht & Stoller, 2013). Chez certains clients, une ligne mince est parfois

observable du côté droit, à peu près à la hauteur de la sixième côte dans le champ pulmonaire médian. Il s’agit là d’une observation normale représentant la scissure horizontale, qui sépare le lobe supérieur droit du lobe médian droit (Hagberg, 2007 ; Specht & Stoller, 2013).

Cathéters et tubulures La radiographie thoracique sert également à l’évaluation de la mise en place appropriée de tous les cathéters et tubulures. Lorsqu’ils sont correctement placés, un tube endotrachéal se trouve de 2 à 3 cm au-dessus de la carène, et une sonde nasogastrique s’étend sur toute la longueur de l’œsophage, son extrémité atteignant l’estomac (Specht & Stoller, 2013). L’origine d’un cathéter veineux central est visible sous la forme d’une mince ligne radioopaque continue à la hauteur de la mâchoire qui se rend vers la veine cave supérieure, si le cathéter est inséré dans la veine jugulaire interne, tandis que l’origine se situe dans la région claviculaire lorsque la veine sous-clavière est empruntée. Par ailleurs, un cathéter artériel pulmonaire, ou cathéter SwanGanz, peut également être visible s’il a été installé. Ce dernier passe par l’oreillette droite et le ventricule droit avant d’atteindre l’artère pulmonaire (Hagberg, 2007 ; Specht & Stoller, 2013). Parmi les autres éléments susceptibles d’être présents gurent des sondes de stimulateur cardiaque temporaire ou permanent, un stimulateur cardiaque permanent, un débrillateur cardioverteur implantable, un cathéter veineux central inséré par voie périphérique, des drains thoraciques (pleuraux ou médiastinaux), des électrodes électrocardiographiques et des agrafes et marqueurs chirurgicaux (Hagberg, 2007 ; Specht & Stoller, 2013).

Soins et traitements inrmiers Les soins et traitements inrmiers prodigués à un client subissant un examen paraclinique comportent diverses interventions, dont la préparation psychologique et physique du client et de ses proches à l’examen, la surveillance des réactions du client à l’examen et son évaluation après celuici. La préparation du client et de ses proches comprend les explications à leur donner au sujet de l’examen, les réponses à leurs questions et le positionnement du client en vue de cet examen. La surveillance des réactions du client à l’examen englobe l’observation du client pour repérer tout signe de douleur, d’anxiété ou de détresse respiratoire, ainsi que le monitorage des signes vitaux, des bruits respiratoires et de la SaO2. L’évaluation du client après l’examen comprend l’observation de toute complication issue de ce dernier et l’administration de médicaments an de soulager tout inconfort.

18.3

Monitorage au chevet du client

An de réaliser l’évaluation et la surveillance clinique du client, l’inrmière utilise les données monitorées au chevet de celui-ci, ce qui inclut la capnographie ainsi que la saturométrie, ou oxymétrie de pouls.

18.3.1

Capnographie

La capnographie est la mesure du dioxyde de carbone expiré ; elle porte aussi le nom de capnométrie télé-expiratoire. Normalement, les concentrations alvéolaire et artérielle de dioxyde de carbone sont égales en présence de relations ventilation-perfusion normales. Chez un client manifestant une stabilité hémodynamique, la pression de dioxyde de carbone en n d’expiration (PetCO2) peut servir à l’estimation de la PaCO2, puisque les valeurs de PetCO2 sont de 1 à 5 mm Hg inférieures à celles de la PaCO2. Cependant, le médecin doit d’abord établir l’existence d’une relation ventilation-perfusion normale avant que la corrélation de la PetCO2 et de la PaCO2 ne puisse être tenue pour acquise (Adams, 2013 ; Pierce, 2007). Les causes d’une PetCO2 accrue comprennent des situations où la production de dioxyde de carbone est plus élevée, comme une hyperthermie, une septicémie et une convulsion épileptique, ou dans lesquelles la ventilation alvéolaire est amoindrie, par exemple une dépression respiratoire. Les causes d’une PetCO2 moins élevée comprennent des situations où la production de dioxyde de carbone est plus faible, comme une hypothermie, un arrêt cardiaque et une embolie pulmonaire, ou dans lesquelles la ventilation alvéolaire est plus prononcée, par exemple une hyperventilation (Adams, 2013 ; Pierce, 2007). Dans le domaine des soins critiques, la capnographie continue sert à l’évaluation et au monitorage de l’état ventilatoire du client dans diverses situations, dont le sevrage de la ventilation mécanique et la sédation en cours d’intervention. L’évaluation de l’espace mort peut être effectuée avec la capnométrie télé-expiratoire, à partir du degré de différence entre la PaCO2 et la PetCO2. Plus l’altération pulmonaire est grave, plus la disparité entre ces deux mesures augmente, comme l’indique un gradient plus élevé. Un gradient supérieur à 5 mm Hg peut être observé dans le cas d’unités alvéolocapillaires sous-perfusées (situations produisant de l’espace mort) et d’unités alvéolocapillaires non perfusées (espace mort alvéolaire). Une hausse de la ventilation de l’espace mort résulte d’une baisse du débit sanguin pulmonaire ou d’une maladie affectant le débit cardiaque et les poumons. Il s’ensuit une anomalie du transfert de dioxyde de carbone entre le sang et le poumon, qui engendre une valeur de PetCO2 inférieure à celle de la PaCO2, en raison du mélange du dioxyde de carbone entre les unités perfusées et les Chapitre 18

Examens paracliniques du système respiratoire

18

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unités non perfusées. Il en découle nalement une hausse ou un élargissement du gradient PaCO 2/ PetCO2 (Adams, 2013 ; Pierce, 2007). La mesure non effractive de la PetCO2 permet également d’évaluer le caractère adéquat de la réanimation cardiorespiratoire et de la mise en place du tube endotrachéal ou de la canule de trachéotomie. Une baisse du débit sanguin pulmonaire est associée à de plus faibles valeurs de PetCO2, que reète, sur le plan clinique, une baisse du débit cardiaque, comme dans le cas de la réanimation cardiores piratoire (Adams, 2013 ; Pierce, 2007). Durant l’in tubation endotrachéale, une PetCO 2 basse indique que le tube se trouve dans l’estomac, puisque la quantité de dioxyde de carbone dans l’œsophage devrait être peu élevée (Adams, 2013 ; Pierce, 2007). Il y a deux types de capnographie : non aspirative et aspirative. Toutes deux peuvent être utilisées chez les clients intubés, mais les capnographies aspirative et aspirative de type microstream (capnographie qui permet d’obtenir des valeurs plus précises avec un volume moins important) peuvent également être employées chez des clients non intubés, ce qui élargit l’application de la capnométrie télé-expiratoire. La capnographie non aspirative mesure directement le taux de dioxyde de carbone au moyen d’un capteur situé dans le port d’expiration de la tubulure du respirateur. Durant l’expiration, du gaz passe devant le capteur, et l’information recueillie est transférée par un câble électrique jusqu’au dispositif d’afchage. Celui-ci produit une onde, nommée capnogramme FIGURE 18.6, ainsi qu’un enregistrement numérique (PetCO2). Les désavantages de ce type de capnographie incluent le poids du capteur sur la tubulure du respirateur et une éventuelle obstruction du capteur par des sécrétions et de la condensation. Dans la capnographie aspirative, le dioxyde de carbone est constamment aspiré dans un port latéral de la tubulure du respirateur ou dans une canule nasale, puis il est mesuré et analysé par une unité latérale. Les désavantages de ce type de capnographie comprennent l’obstruction du tube d’échantillonnage par des sécrétions et un long temps de réponse. La capnographie proximale est une version améliorée de la capnographie aspirative qui apporte

FIGURE 18.6 Résultats normaux d’un capnogramme. A → B indique la ligne de base ; B → C, la pente ascendante expiratoire ; C → D, le plateau alvéolaire ; D, la pression partielle de dioxyde de carbone en n d’expiration (PetCO2) ; D → E, la pente descendante inspiratoire.

586

Partie 3

Système respiratoire

le gaz à une courte distance des voies aériennes, jusqu’à l’endroit où se trouve le capteur, ce qui réduit ainsi l’encombrement près des voies aériennes. La capnographie et l’analyse de la PetCO 2 offrent de nombreuses applications dans le domaine des soins critiques, mais l’inrmière ne suppose jamais que les valeurs de la PetCO 2 reètent les valeurs artérielles de la PaCO 2 sans une analyse de la morphologie de l’onde. Toute modication de la morphologie de l’onde peut indiquer un changement de l’état pulmonaire du client et impose une nouvelle évaluation car cela peut révéler la perte de respirations efcaces (Adams, 2013 ; Pierce, 2007).

18.3.2

Saturométrie

La saturométrie, ou oxymétrie de pouls, est une méthode non effractive de vérication de la saturation pulsatile en oxygène (SpO2). Elle est indiquée dans toute situation où l’état d’oxygénation du client nécessite une observation constante. Elle s’effectue au moyen d’un microprocesseur et d’un capteur qui se xe au front, au doigt, à l’oreille, à l’orteil ou au nez du client. Le capteur comporte deux diodes électroluminescentes et un photodétecteur FIGURE 18.7. Les diodes transmettent de la lumière rouge et infrarouge, par le réseau vasculaire artériel pulsatoire, jusqu’au photodétecteur situé de l’autre côté. Le pourcentage de saturation en oxygène est déterminé par la différence de captation de la lumière rouge et de la lumière infrarouge, qui résulte de la différence de couleur entre l’hémoglobine liée à l’oxygène (rouge vif) et l’hémoglobine non liée à l’oxygène (rouge foncé). Le photodétecteur transforme les signaux lumineux en un signal électrique envoyé au microprocesseur, qui le convertit alors en une mesure numérique. Le saturomètre, ou sphygmo-oxymètre, est considéré comme très précis : les mesures varient de moins de 4 à 5 % en présence d’une saturation supérieure à 70 %. Toutefois, plusieurs facteurs physiologiques et techniques limitent le recours à ce système de monitorage (Pierce, 2007 ; Siobal, 2013).

Limitations physiologiques Les limitations physiologiques de la saturométrie comprennent des taux élevés d’hémoglobine anormale, la présence de colorants vasculaires et une faible perfusion des tissus. Le saturomètre ne peut pas distinguer une hémoglobine normale d’une hémoglobine anormale. Un taux élevé d’hémoglobine anormale fait faussement augmenter la SpO2. Des colorants vasculaires, tels que du bleu de méthylène, du carmin d’indigo, du vert d’indocyanine et de la uorescéine, interfèrent avec la saturométrie et peuvent engendrer des mesures faussement basses. Une faible perfusion des tissus dans la région où se trouve le capteur entraîne une perte d’écoulement pulsatoire et une défaillance du signal (Pierce, 2007 ; Siobal, 2013). Chez le client dont la situation de santé est critique, la saturométrie n’est able que

Limitations techniques

FIGURE 18.7 Capteur digital du saturomètre (sphygmo-oxymètre).

pour le monitorage de son état d’oxygénation. Elle ne constitue pas un moyen sûr de monitorage de sa condition générale. La capacité d’un saturomètre à détecter l’hypoventilation est adéquate seulement lorsque le client respire l’air ambiant (Siobal, 2013). Puisque la plupart des clients hospitalisés aux soins critiques ont besoin d’un type quelconque d’oxygénothérapie, la saturométrie n’offre pas un moyen able de détecter l’hypercapnie et ne doit donc pas être utilisée à cette n.

Les limitations techniques de la saturométrie comprennent la présence de sources lumineuses brillantes, un mouvement excessif et une mise en place incorrecte du capteur. Le vernis à ongles peut aussi fausser les résultats ; il est donc nécessaire de le retirer. Des sources lumineuses brillantes peuvent entraver le fonctionnement du photodétecteur et produire des résultats inexacts. Le capteur doit être recouvert an de limiter l’interférence optique. Un mouvement excessif est susceptible d’imiter les pulsations artérielles et de donner lieu à de fausses mesures. La mise en place incorrecte du capteur peut entraîner des résultats inexacts, car une partie de la lumière peut parvenir au photodétecteur sans avoir traversé le sang (shunt optique) (Pierce, 2007 ; Siobal, 2013). Les interventions qui remédient à ces problèmes comprennent l’emploi d’un capteur approprié au bon endroit (p. ex., ne pas utiliser un capteur digital pour l’oreille), l’application du capteur selon les consignes du fabriquant et une perfusion adéquate de la région où est placé le saturomètre (Siobal, 2013 ; Tonelli et al., 2013).

À RETENIR • L’interprétation des valeurs de gazométrie du sang artériel s’appuie sur l’examen de la pression partielle d’oxygène dans le sang artériel (PaO2) (valeurs normales : de 80 à 100 mm Hg), du pH (valeurs normales : de 7,35 à 7,45), de la pression partielle du dioxyde de carbone dans le sang artériel (PaCO 2) (valeurs normales : de 35 à 45 mm Hg) et du bicarbonate (HCO 3) (valeurs normales : de 22 à 26 mmol/L). • L’efficacité de l’oxygénation s’évalue grâce à la mesure du degré de shunt intrapulmonaire, effectuée au moyen de l’équation de shunt classique et des indices de tension d’oxygène (le rapport PaO2/FiO2, le rapport PaO2/PaO2 et le gradient alvéolaire-artériel [a-a]).

• Les spécimens d’expectorations jouent un rôle crucial dans la détection et le traitement rapides des infections pulmonaires. • La bronchobroscopie et la thoracentèse sont souvent utilisées pour des examens paracliniques et des interventions thérapeutiques. • Les explorations fonctionnelles respiratoires servent à des ns d’évaluation préopératoire, d’évaluation de la mécanique pulmonaire, de diagnostic et de suivi des maladies pulmonaires ainsi que de monitorage thérapeutique. • La scintigraphie de ventilation-perfusion est appropriée lorsqu’une grave altération du rapport normal ventilation-perfusion

Chapitre 18

est présumée, comme dans le cas d’une embolie pulmonaire. • Une radiographie thoracique facilite le diagnostic de divers troubles pulmonaires et contribue à la détermination des traitements adéquats. • La capnographie est un moyen non effractif de vérier l’état ventilatoire du client grâce à la mesure du dioxyde de carbone expiré. • La saturométrie, aussi appelée oxymétrie de pouls, est un moyen non effractif de vérier l’état d’oxygénation du client grâce à la mesure de la saturation pulsatile en oxygène (SpO2).

Examens paracliniques du système respiratoire

587

chapitre

19

Troubles respiratoires

Écrit par : Kathleen M. Stacy, PhD, RN, CNS, CCRN, PCCN, CCNS Adapté par : Catherine Villemure, inf., B. Sc. Nathalie Thiffault, inf., M. Sc.

P

armi l’ensemble des troubles respiratoires, quelques-uns peuvent mettre la vie du client en danger et requérir les interventions de l’inrmière en soins critiques. Le présent chapitre traite de l’insufsance respiratoire aiguë, du syndrome de détresse respiratoire aiguë, des pneumonies, de l’embolie pulmonaire, du status asthmaticus, des fuites aériennes pulmonaires et de la dépendance à la ventilation mécanique à long terme. Il en aborde l’étiologie, le processus physiopathologique, les traitements classiques, ainsi que les interventions inrmières et interdisciplinaires courantes. Comprendre la physiopathologie d’un trouble, les éléments à évaluer, ainsi que les lignes directrices des traitements possibles permettent à l’inrmière œuvrant en soins critiques d’anticiper et de planier avec plus d’exactitude les complications potentielles ainsi que ses interventions auprès du client.

19.1

Insufsance respiratoire aiguë

L’insufsance respiratoire aiguë est un état clinique dans lequel le système respiratoire ne parvient pas à maintenir des échanges gazeux adéquats (Aboussouan, 2013 ; Mac Sweeney, McAuley & Matthay, 2011). Il s’agit du type de défaillance organique le plus souvent observé à l’unité de soins critiques : elle se manifeste chez environ 56 % des clients y séjournant (Mac Sweeney et al., 2011). Le taux de mortalité en milieu hospitalier associé à l’insufsance respiratoire aiguë se situe entre 30 et 40 %, et plus du tiers des clients atteints y succombent avant d’obtenir leur congé des soins intensifs (Chelluri & Pousman, 2011 ; Linderman & Janssen, 2008). Cette défaillance organique résulte d’une altération du fonctionnement du système respiratoire (Aboussouan, 2013). Son apparition est habituellement secondaire à une affection sous-jacente ayant altéré la fonction respiratoire normale, et elle entraîne une diminution de la ventilation, de la force musculaire, de l’élasticité de la paroi thoracique et de la capacité des poumons à maintenir les échanges gazeux, ainsi qu’une augmentation de la résistance des voies respiratoires ou des besoins métaboliques en oxygène (Curtis & Hudson, 1994 ; Mac Sweeney et al., 2011). L’insufsance respiratoire aiguë se classe en deux catégories en fonction des gaz sanguins artériels (GSA) : l’insufsance respiratoire normocapnique hypoxémique (type I) et l’insufsance respiratoire hypercapnique hypoxémique (type II). Dans l’insufsance respiratoire de type I, le client présente une pression partielle d’oxygène (PaO2) faible et une pression partielle du dioxyde de carbone (PaCO2) normale, alors que dans l’insufsance respiratoire de type II, la PaO2 est faible, et la PaCO2 est élevée (Aboussouan, 2013).

19.1.1

Étiologie

L’insufsance respiratoire aiguë peut être d’origine extrapulmonaire ou intrapulmonaire TABLEAU 19.1. Les causes extrapulmonaires incluent les affections touchant le système nerveux central (SNC), la moelle épinière, le système neuromusculaire, le thorax, la plèvre et les voies aériennes supérieures. Les causes intrapulmonaires sont associées aux affections touchant les unités respiratoires, la circulation pulmonaire et la membrane alvéolo capillaire (Mac Sweeney et al., 2011 ; Raju & Manthous, 2000).

19.1.2

Mac Sweeney et al., 2011). L’insufsance respiratoire de type I résulte habituellement d’un déséquilibre V/Q et d’un shunt intrapulmonaire, alors que l’insufsance respiratoire de type II découle généralement d’une hypoventilation alvéolaire, qui peut être accompagnée ou non d’un déséquilibre V/Q et d’un shunt intrapulmonaire (Aboussouan, 2013).

Déséquilibre du rapport ventilation-perfusion Le déséquilibre du rapport ventilation-perfusion (V/Q) survient lorsque la ventilation et le débit sanguin sont perturbés dans diverses régions du poumon

TABLEAU 19.1 RÉGION ATTEINTE

AFFECTIONS SOUS-JACENTES POSSIBLES*

Extrapulmonaire SNC

• • • •

Dépression respiratoire postopératoire relative à l’anesthésie Intoxication médicamenteuse Syndrome d’hypoventilation alvéolaire centrale Trauma craniocérébral

Moelle épinière

• • • •

Poliomyélite Sclérose latérale amyotrophique Syndrome de Guillain-Barré Trauma ou lésion médullaire

Système neuromusculaire

• • • • •

Antibiotiques aux propriétés de bloquants neuromusculaires Dystrophie musculaire Intoxication aux organophosphorés Myasthénie Sclérose en plaques

Thorax

• Obésité morbide • Trauma thoracique

Plèvre

• Épanchement pleural • Pneumothorax

Voies aériennes de conduction

• Apnée du sommeil • Épiglottite • Obstruction de la trachée

19

Intrapulmonaire Unités respiratoires

• • • • •

Circulation pulmonaire

• Embolie pulmonaire (EP)

Membrane alvéolo capillaire

• Inhalation de gaz toxiques • Quasi-noyade • Syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA)

Physiopathologie

L’hypoxémie résultant d’une altération des échanges gazeux est caractéristique de l’insufsance respiratoire aiguë. Une hypercapnie peut également être présente, selon l’affection sous-jacente. Les principales causes de l’hypoxémie sont le déséquilibre de la ventilation-perfusion (V/Q), le shunt intrapulmonaire et l’hypoventilation alvéolaire (Aboussouan, 2013 ; Del Sorbo, Martin, Ranieri et al., 2010 ;

Causes possibles de l’insufsance respiratoire aiguë

Asthme Bronchiolite Fibrose kystique Maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) Pneumonie

* Liste non exhaustive. Sources : Adapté de Chelluri & Pousman (2011) ; Mac Sweeney et al. (2011) ; Raju & Manthous (2000) Chapitre 19

Troubles respiratoires

589

au-delà de la normalité. Un déséquilibre V/Q est dit producteur de shunt lorsque le sang passe à travers des alvéoles hypoventilées par rapport à leur débit de perfusion, laissant ces régions avec une quantité d’oxygène dans le sang inférieure à la normale. Ce type de déséquilibre V/Q est la cause la plus courante de l’hypoxémie et résulte habituellement d’alvéoles partiellement affaissées ou remplies de liquide (Aboussouan, 2013 ; Del Sorbo et al., 2010 ; Mac Sweeney et al., 2011).

Shunt intrapulmonaire 16 Les facteurs d’un déséqui­ libre du rapport V/Q, dont le shunt intrapulmonaire, sont décrits plus en détail dans le chapitre 16, Ana­ tomie et physiologie du système respiratoire.

Le shunt intrapulmonaire est une forme extrême de déséquilibre V/Q où le sang veineux atteint le système artériel sans participer aux échanges gazeux 16 . Le mélange de sang non oxygéné et de sang oxygéné abaisse la concentration moyenne d’oxygène (O2) dans le sang. Le shunt intrapulmonaire survient lorsqu’une portion du poumon qui n’est pas ventilée demeure perfusée. Cela peut résulter d’un affaissement alvéolaire secondaire à l’atélectasie ou d’une inltration alvéolaire de pus, de sang ou de liquide (Aboussouan, 2013 ; Del Sorbo et al., 2010 ; Mac Sweeney et al., 2011). Si elle poursuit sa progression, l’hypoxémie peut causer un décit en oxygène à l’échelle cellulaire. À mesure que la demande en oxygène des tissus se maintient, mais que l’apport diminue, un déséquilibre entre l’offre et la demande en oxygène survient, et l’hypoxie tissulaire se développe. Une diminution de l’apport en oxygène aux cellules contribue à une perturbation de la perfusion tissulaire, puis à l’apparition d’une acidose lactique

voire d’un syndrome de défaillance multiorganique (Loiacono & Shapiro, 2010).

Hypoventilation alvéolaire L’hypoventilation alvéolaire survient lorsque la quantité d’oxygène transportée aux alvéoles est insufsante pour répondre aux besoins métaboliques de l’organisme (Raju & Manthous, 2000). Cela peut résulter d’une augmentation des besoins métaboliques en oxygène ou d’une diminution de la ventilation (Curtis & Hudson, 1994 ; Hart, 2008). L’hypoxémie causée par une hypoventilation alvéolaire est associée à une hypercapnie, et des troubles extrapulmonaires sont souvent en cause (Aboussouan, 2013 ; Del Sorbo et al., 2010 ; Mac Sweeney et al., 2011).

19.1.3

Manifestations cliniques et examens paracliniques

Le client atteint d’insufsance respiratoire aiguë peut présenter diverses manifestations, selon l’affection sous-jacente et l’importance de l’hypoxie tissulaire. Les manifestations couramment observées chez ces clients sont habituellement liées à l’apparition d’une hypoxémie, d’une hypercapnie et d’une acidose (Sigillito & DeBlieux, 2003) FIGURE 19.1. Puisque les symptômes cliniques sont variés, il est impossible de s’y er pour prédire le degré de l’hypoxémie ou de l’hypercapnie (Aboussouan, 2013) ou la gravité de l’insufsance respiratoire. La meilleure façon d’établir le diagnostic et de suivre l’évolution de l’insufsance respiratoire est d’analyser les GSA, qui conrment le taux de la PaO2,

FIGURE 19.1 Manifestations possibles de l’insufsance respiratoire activées par la stimulation subcorticale.

590

Partie 3

Système respiratoire

de la PaCO2 et du pH sanguin. L’insufsance respiratoire aiguë est généralement considérée comme étant présente lorsque la PaO2 est inférieure à 60 mm Hg. Si le client manifeste également une hypercapnie, la PaCO2 sera supérieure à 45 mm Hg. Chez les clients ayant une PaCO2 chroniquement élevée, ces critères doivent être élargis pour inclure un pH inférieur à 7,35 (Sigillito & DeBlieux, 2003). Divers examens complémentaires sont réalisés selon l’affection sous-jacente, incluant la bronchoscopie pour l’évaluation des voies respiratoires ou le prélèvement de sécrétions endobronchiques, la radiographie thoracique, l’échographie thoracique, la tomodensitométrie (TDM) thoracique et les explorations fonctionnelles respiratoires (Dakin & Grifths 2002) 18 .

augmenté, un pH initial inférieur à 7,25 ou encore une incapacité à maintenir la perméabilité de ses voies respiratoires nécessitera fort probablement une assistance respiratoire complète par la ventilation mécanique effractive (Chelluri & Pousman, 2011 ; Soo Hoo, Hakimian & Santiago, 2000). La sélection du mode et le réglage de la ventilation dépendent de la condition du client, de la gravité de l’insufsance respiratoire et de sa masse corporelle. Habituellement, le client est d’abord traité par une ventilation en mode assisté contrôlé, an de diminuer l’effort respiratoire. Chez le client atteint d’hypercapnie chronique, le réglage doit être fait pour maintenir les valeurs cibles des GSA selon les paramètres visés après l’extubation (Ward & Dushay, 2008).

19.1.4

Les médicaments visant à faciliter la dilatation des voies respiratoires peuvent également être bénéques dans le traitement du client atteint d’insufsance respiratoire aiguë. Les bronchodilatateurs, comme les bêta-agonistes et les anticholinergiques, favorisent la relaxation des muscles lisses et sont particulièrement bénéques chez le client dont le débit ventilatoire est diminué. Les méthylxanthines, comme l’aminophylline, ne sont plus recommandées systématiquement en raison de leurs effets indésirables. Les corticostéroïdes sont souvent administrés pour réduire l’inammation des voies respiratoires et accroître les effets des bêta-agonistes. Les mucolytiques et les expectorants ne sont plus utilisés d’emblée puisqu’ils n’ont pas démontré de bienfaits chez les clients atteints d’insufsance respiratoire aiguë (Make & Belfer, 2011). La sédation est nécessaire chez de nombreux clients an de maintenir une ventilation adéquate. Elle peut être utilisée pour réconforter le client et réduire l’effort respiratoire, particulièrement s’il lutte contre le respirateur. Des analgésiques devraient être administrés pour soulager la douleur (Barr, Fraser, Puntillo et al., 2013 ; Luer, 2007 ; Sessler & Varney, 2008). Chez certains clients, la sédation ne réduit pas sufsamment les efforts respiratoires spontanés pour permettre une ventilation adéquate. Dans les cas d’hypoxie réfractaire grave, la paralysie neuromusculaire peut être nécessaire pour atteindre une ventilation optimale. Elle peut également s’avérer essentielle pour réduire la consommation d’oxygène chez le client dont l’état se trouve gravement compromis (Luer, 2007) 20 2 .

Traitements médicaux

Les traitements médicaux du client atteint d’insufsance respiratoire aiguë visent à soigner l’affection sous-jacente, à promouvoir des échanges gazeux adéquats, à corriger l’acidose, à instaurer un soutien nutritionnel et à prévenir les complications. Les interventions médicales visant à favoriser les échanges gazeux ont pour but d’améliorer l’oxygénation et la ventilation (Mac Sweeney et al., 2011).

Promotion des échanges gazeux Amélioration de l’oxygénation Les mesures visant à améliorer l’oxygénation comprennent l’oxygénothérapie par un système à bas débit ou à haut débit (Chelluri & Pousman, 2011 ; Hart, 2008 ; Misasi & Keyes, 1996) et l’utilisation de la ventilation à pression positive (Kernick & Magarey, 2010). L’objectif de l’oxygénothérapie est de corriger l’hypoxémie, et, bien que le taux absolu d’hypoxémie varie d’un client à l’autre, la plupart des stratégies thérapeutiques visent à garder la saturation du sang artériel en oxygène (SaO2) à un taux supérieur à 90 % (Chelluri & Pousman, 2011 ; Sigillito & DeBlieux, 2003). Il s’agit de répondre aux besoins des tissus sans produire d’hypercapnie ni d’oxygénotoxicité (Sigillito & DeBlieux, 2003). L’oxygénothérapie s’avère efcace pour traiter l’hypoxémie liée à l’hypoventilation alvéolaire et au déséquilibre V/Q, mais en présence d’un shunt intrapulmonaire, l’oxygénothérapie seule demeure inefcace (Aboussouan, 2013 ; Misasi & Keyes, 1996). Dans cette situation, la ventilation à pression positive est nécessaire pour ouvrir les alvéoles affaissées et faciliter leur participation aux échanges gazeux (Chelluri & Pousman, 2011 ; Soo Hoo, 2010) 20 1 .

Amélioration de la ventilation Les interventions pour améliorer la ventilation incluent l’utilisation d’une ventilation mécanique non effractive ou effractive. Selon l’affection médicale sous-jacente et la gravité de l’insufsance respiratoire aiguë, le client peut être traité initialement avec la ventilation non effractive (Soo Hoo, 2010). Toutefois, le client présentant un travail respiratoire

18 La gazométrie du sang artériel et les examens complémentaires sont l’objet du chapitre 18, Examens paracliniques du système respiratoire.

Pharmacothérapie

19

20 2 La pharmacothérapie du système respiratoire est décrite plus en détail dans le chapitre 20, Approche thérapeutique du système respiratoire.

Correction de l’acidose L’acidose peut survenir pour différentes raisons. L’hypoxémie perturbe la perfusion tissulaire, ce qui entraîne l’utilisation d’un métabolisme anaérobique et la production d’acide lactique, puis le développement d’une acidose métabolique. La perturbation de la ventilation mène à une accumulation de dioxyde de carbone et à l’apparition d’une acidose respiratoire. Une fois le client adéquatement oxygéné et ventilé, celle-ci devrait se résorber. L’utilisation de bicarbonates de sodium pour corriger l’acidose s’est révélée procurer des bienfaits minimes et n’est donc Chapitre 19

20 1 L’oxygénothérapie et les divers modes de ventilation mécanique, incluant la ven­ tilation à pression positive, sont expliqués dans le cha­ pitre 20, Approche thérapeu­ tique du système respiratoire.

Troubles respiratoires

591

plus recommandée comme traitement de première intention. Le bicarbonate déplace la courbe de dissociation de l’oxyhémoglobine vers la gauche et peut aggraver l’hypoxie tissulaire. Les bicarbonates de sodium peuvent être utilisés en cas d’acidose grave (pH inférieur à 7,1) réfractaire au traitement classique et causant des arythmies ou une instabilité hémodynamique (Kraut & Madias, 2010).

Soutien nutritionnel

29 1 La physiopathologie des ulcères de stress est expli­ quée dans le chapitre 29, Troubles gastro-intestinaux et approche thérapeutique. A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux pro­ blèmes découlant d’une insufsance respiratoire aiguë sont décrits, selon le problème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers. 26 Le rétablissement liquidien est décrit dans le chapitre 26, Troubles rénaux et approche thérapeutique. 29 2 Le soulagement des symp­ tômes gastro­intestinaux est expliqué dans le chapitre 29, Troubles gastro-intestinaux et approche thérapeutique.

L’instauration du soutien nutritionnel est de la plus haute importance dans le traitement du client atteint d’insufsance respiratoire aiguë. Les objectifs du soutien nutritionnel sont d’améliorer l’état du client et de répondre à ses besoins métaboliques, tout en évitant la suralimentation et en prévenant les complications associées (Martindale, McClave, Vanek et al., 2009). Lorsqu’un soutien nutritionnel adéquat n’est pas fourni, le client devient à risque de malnutrition. La malnutrition et la suralimentation peuvent entraver le fonctionnement du système respiratoire, ce qui ne fait que perpétuer l’insufsance respiratoire. La malnutrition diminue la capacité ventilatoire et la force musculaire, alors que la suralimentation augmente la production de dioxyde de carbone, et donc la demande ventilatoire, entraînant une fatigue musculaire respiratoire (Parrish, Krenitsky & Willcutts, 2007). La voie entérale est la méthode privilégiée pour offrir un soutien nutritionnel. Si le client ne tolère pas l’alimentation entérale ou ne peut recevoir sufsamment de nutriments par voie orale (P.O.), il faut alors envisager la nutrition parentérale. Puisque la voie parentérale demeure associée à un taux plus élevé de complications, l’objectif est de passer à l’alimentation entérale dès que le client peut la tolérer (Martindale et al., 2009 ; Parrish et al., 2007). Le soutien nutritionnel devrait être instauré avant le troisième jour de la ventilation mécanique chez le client bien nourri et dans les 24 premières heures chez le client en situation de dénutrition (Martindale et al., 2009 ; Parrish et al., 2007) 7 .

7

Prévention des complications

Les soins et les traitements inrmiers liés à la nutrition entérale ou parentérale sont abordés dans le chapitre 7, Altérations et gestion de l’état nutritionnel.

Le client atteint d’insufsance respiratoire aiguë peut connaître diverses complications, dont une encéphalopathie anoxique-ischémique (Gunther, Morandi & Ely, 2008), des arythmies cardiaques (Frazier, 2008), une maladie thromboembolique veineuse (McLeod & Geerts, 2011) et des saignements gastro-intestinaux (Ali & Harty, 2009). De plus, le client est à risque de complications associées à l’intubation, à la ventilation mécanique, à la nutrition entérale et parentérale, ainsi qu’à l’utilisation d’une canule artérielle périphérique. L’encéphalopathie anoxique-ischémique est secondaire à l’hypoxémie, à l’hypercapnie et à l’acidose (Gunther et al., 2008). Les arythmies sont précipitées par l’hypoxémie, l’acidose, les déséquilibres électrolytiques et l’administration de bêta-agonistes (Frazier, 2008). Le maintien de l’oxygénation, la normalisation des électrolytes et le monitorage des concentrations sériques des médicaments favorisent la prévention et le traitement de l’encéphalopathie et

592

Partie 3

Système respiratoire

des arythmies (Gunther et al., 2008 ; Frazier, 2008). La thromboembolie veineuse est provoquée par une stase veineuse résultant de l’immobilité ; il est possible de la prévenir en utilisant des bas antiemboliques, des dispositifs de compression pneumatique intermittente et en administrant de l’héparine non fractionnée à faible dose ou de l’héparine de bas poids moléculaire (ou héparine de faible poids moléculaire) (McLeod, Geerts, 2011). Enn, les ulcères de stress exposent le client gravement malade à un risque de saignements gastro-intestinaux. Certaines hypothèses avancent que la diminution de l’irrigation sanguine de la muqueuse gastrique et l’ischémie subséquente provoqueraient des ulcères de stress 29 1 . Les médiateurs inammatoires libérés par la suite détermineraient la gravité de l’atteinte (Hurt, Frazier, McClave et al., 2012). La prophylaxie de l’hémorragie digestive de stress est assurée par l’administration d’antagonistes des récepteurs H2 de l’histamine (p. ex., ranitidine [ZantacMD]), de médicaments cytoprotecteurs ou d’inhibiteurs de pompes à protons (p. ex., le pantoprazole [PantolocMD]) (Ali & Harty, 2009).

Soins et traitements inrmiers Les soins et les traitements inrmiers du client atteint d’insufsance respiratoire aiguë visent à prendre en charge divers problèmes découlant de sa situation de santé ENCADRÉ 19.1 A . Les soins inrmiers sont adaptés selon la cause de l’insufsance respiratoire, quoique certaines interventions courantes soient communes FIGURE 19.2 26 et 292 . L’inrmière, en collaboration avec le médecin et l’inhalothérapeute, joue un rôle important pour optimiser l’oxygénation et la ventilation, veiller au confort et au soutien émotionnel du client, surveiller les complications potentielles et renseigner le client et ses proches ENCADRÉ 19.2.

Optimiser l’oxygénation et la ventilation Les interventions inrmières visant à optimiser l’oxygénation et la ventilation comprennent le positionnement du client, la prévention de la désaturation et l’élimination des sécrétions.

Positionner le client Le positionnement du client atteint d’insufsance respiratoire aiguë dépend du type de lésion pulmonaire et de la cause initiale de l’hypoxémie. Chez les clients présentant un déséquilibre V/Q, le positionnement est utilisé pour faciliter un meilleur équilibre de la ventilation et de la perfusion et, ainsi, optimiser les échanges gazeux (Clini & Ambrosino, 2005 ; Wong, 1999). Puisque la gravité inue sur la ventilation et sur la perfusion des poumons, les échanges gazeux optimaux se produisent dans les régions dépendantes de celle-ci (Clini & Ambrosino, 2005 ; Misasi & Keyes, 1996 ; Wong, 1999). L’objectif du positionnement est donc de placer la région pulmonaire la moins touchée dans la position la plus favorable aux échanges. Le client atteint d’une pneumopathie unilatérale devrait

Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 19.1

Insufsance respiratoire aiguë

• Altération de l’état mental liée à une surcharge senso­ rielle, à une privation sensorielle ou à une perturbation du sommeil PSTI A.1 • Altération de la ventilation spontanée liée à la fatigue des muscles respiratoires ou à des facteurs métaboliques PSTI A.4

• Altération des échanges gazeux liée à un déséquilibre ventilation­perfusion ou à un shunt intrapulmonaire PSTI A.5

• Altération des échanges gazeux liée à une hypoventilation alvéolaire PSTI A.5 • Anxiété liée à une menace contre l’intégrité biologique, psychologique ou sociale PSTI A.6 • Décit de compréhension lié à une absence d’exposition préalable à l’information PSTI A.8

être positionné de sorte que le poumon sain soit dépendant de la gravité, an de recevoir un plus grand débit sanguin (Cohn & DuBose, 2010 ; Johnson & Meyenburg, 2009 ; Wong, 1999). En cas de pneumopathie diffuse, il peut être bénéque de positionner le client de façon que le poumon droit se situe vers le bas, car il est plus volumineux et mieux perfusé que le poumon gauche (Johnson & Meyenburg, 2009 ; Lasater-Erhard, 1995). Pour le client présentant une hypoventilation alvéolaire, l’objectif du positionnement est de faciliter la ventilation. Le client bénécie alors d’être placé en position assise ou semi-assise plutôt qu’en décubitus dorsal (Cosenza & Norton, 1986 ; Lawrence & Fulbrook, 2011). De plus, la position semi-assise est associée à une diminution du risque d’aspiration et limite le développement de la pneumonie nosocomiale (Lawrence & Fulbrook, 2011). La mobilisation fréquente (minimalement toutes les deux heures) est salutaire pour l’optimisation du prol ventilatoire et de l’équilibre V/Q (Krishnagopalan, Johnson, Low et al., 2002).

Prévenir la désaturation Diverses interventions peuvent contribuer à prévenir la désaturation chez le client, notamment limiter les stimulations, hyperoxygéner avant l’aspiration endotrachéale, fournir un repos et un temps de récupération adéquat entre les divers soins et minimiser la consommation d’oxygène. Les interventions contribuant à minimiser cette consommation comprennent la limitation de l’activité physique, l’administration de sédatifs pour maîtriser l’anxiété et d’analgésiques pour soulager la douleur, ainsi que la mise en place de mesures pour atténuer la èvre (Cosenza & Norton, 1986 ; Weingart & Levitan, 2012). Une surveillance constante de la saturométrie est nécessaire pour déceler les signes de désaturation 18 .

Favoriser la mobilisation des sécrétions Les exercices de respiration profonde permettent de mobiliser les sécrétions. Pour ce faire, le thorax doit

• Déséquilibre nutritionnel lié à un manque de nutriments exogènes et à une augmentation de la demande métabolique PSTI A.11 • Respiration inefcace liée à la fatigue musculosquelettique ou à une altération neuromusculaire PSTI A.23 • Perturbation de l’image de soi découlant d’une dépendance envers de l’équipement d’assistance fonctionnelle PSTI A.24

• Risque d’aspiration PSTI A.25 • Risque d’infection PSTI A.31 • Stratégies d’adaptation familiales perturbées par la situation critique de santé d’un proche malade PSTI A.33

être maintenu aligné, et il faut élever la tête du lit de 30 à 45°. Cette position favorise la descente du diaphragme et l’action des muscles intercostaux. Une fois le client extubé, la respiration profonde et la spirométrie d’incitation devraient être amorcées dès que possible. La respiration est dite profonde lorsque le client prend une grande inspiration et la retient au moins trois secondes. La spirométrie d’incitation, pour sa part, consiste à prendre au moins 10 respirations profondes et efcaces toutes les heures au moyen du spiromètre. Ces actions aident à prévenir l’atélectasie et à expandre le tissu pulmonaire affaissé. L’inrmière ausculte le thorax durant l’inspiration, an de s’assurer que les bases pulmonaires sont bien ventilées, et elle aide le client à comprendre la profondeur de respiration nécessaire pour obtenir un effet optimal. Les interventions visant à éliminer les sécrétions comprennent une hydratation systémique adéquate, l’humidication de l’oxygène, la toux et l’aspiration endotrachéale.

19

18 La saturométrie, ou oxymé­ trie de pouls, une méthode non effractive de vérication de la saturation pulsatile en oxygène, est décrite dans le chapitre 18, Examens paracli­ niques du système respiratoire.

Interventions interdisciplinaires ENCADRÉ 19.2

• • • • •

Insufsance respiratoire aiguë

Repérer et traiter la cause sous­jacente. Administrer l’oxygénothérapie. Pratiquer l’intubation. Amorcer la ventilation mécanique. Administrer la médication : – bronchodilatateurs ; – corticostéroïdes ; – sédatifs ; – analgésiques. • Positionner le client pour optimiser l’équi­ libre (ou couplage) du rapport V/Q. • Effectuer l’aspiration endotrachéale au besoin.

• Fournir du repos et un temps de récu­ pération adéquat entre les diverses interventions. • Corriger l’acidose. • Entreprendre le soutien nutritionnel. • Assurer la surveillance pour repérer les complications : – encéphalopathie ; – arythmies cardiaques ; – maladie thromboembolique veineuse ; – saignements gastro­intestinaux. • Veiller au confort et au soutien émotionnel du client et de ses proches. Chapitre 19

Troubles respiratoires

593

FIGURE 19.2 Approche thérapeutique de l’insufsance respiratoire aiguë.

594

Partie 3

Système respiratoire

Le drainage postural et la thérapie par percussion et vibration n’ont pas démontré d’effets bénéques chez le client en situation critique de santé (McCool & Rosen, 2006 ; Stiller, 2000) ; ils ne sont donc pas abordés dans le présent chapitre.

Informer le client et ses proches Dès le début de l’hospitalisation, l’inrmière renseigne celui-ci et ses proches sur l’insufsance respiratoire aiguë, ses causes et ses traitements. À mesure que se rapproche le congé du client du centre hospitalier, l’enseignement devrait porter sur les interventions nécessaires pour prévenir les récidives ENCADRÉ 19.3. L’inrmière souligne l’importance de participer à un programme de réadaptation pulmonaire, en collaboration avec le service d’inhalothérapie. Si le client est fumeur, il doit être encouragé à cesser de fumer et être orienté vers un programme d’abandon du tabac ENCADRÉ 19.4 . L’Ordre des inrmières et des inrmiers du Québec, en collaboration avec cinq autres ordres professionnels et

Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 19.3

Insufsance respiratoire aiguë

L’inrmière aborde les sujets suivants : • physiopathologie de l’insufsance respiratoire aiguë ; • étiologie propre au client ; • modication des facteurs de risque ; • importance de l’adhésion au traitement ; • techniques de respiration (p. ex., la respiration avec les lèvres pincées, la respiration diaphragmatique) ; • techniques de conservation d’énergie ; • mesures de prévention des infections pulmonaires (p. ex., une alimentation adéquate, l’hygiène des mains, l’immunisation contre Streptococcus pneumoniae et les virus de la grippe) ; • signes et symptômes d’infections pulmonaires (p. ex., un changement de l’apparence des expectorations, un essoufement, de la èvre) ; • techniques d’amélioration de la toux (p. ex., la toux saccadée, la toux soufée, la toux en n d’expiration, la technique d’expiration forcée).

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 19.4

Appliquer les lignes directrices canadiennes sur le renoncement au tabagisme

DEMANDER

• Tous les professionnels de la santé devraient mettre régulièrement à jour le statut tabagique de chaque client. CONSEILLER



• Les professionnels de la santé devraient clairement conseiller aux clients de renoncer au tabagisme. ÉVALUER

• Les professionnels de la santé devraient évaluer la volonté des clients d’amor­ cer un traitement pour renoncer au tabagisme. AIDER

• Toute personne qui exprime la volonté d’amorcer un traitement pour renoncer au tabagisme devrait bénécier d’un soutien. • Des interventions minimales, de une à trois minutes, se révèlent efcaces et devraient être offertes à toute personne qui fume. Cependant, il existe une forte relation dose­réponse entre la durée de la séance et la réussite du traitement, de sorte qu’il est préférable de procéder à des interventions intensives, si possible. • Le counseling, offert dans une variété ou une combinaison de formats (individuel, en groupe, par une ligne d’aide ou un site Internet, par auto­ assistance) est efcace et devrait être utilisé pour aider les clients qui expriment la volonté de renoncer au tabagisme. Entre autres, au Québec, le 1­866­JARRETE est disponible du lundi au vendredi de 8 h à 21 h. • Comme de multiples séances de counseling augmentent les chances d’abs­ tinence à long terme, les professionnels de la santé devraient offrir au moins quatre séances de counseling, si possible. • La combinaison counseling et pharmacothérapie se révélant plus efcace que l’une ou l’autre méthode utilisée seule, cette combinaison devrait être offerte aux clients qui tentent de renoncer au tabagisme, si possible, c’est­à­dire

• • •

19

excepté en cas de contre­indication médicale ou auprès de populations où l’innocuité des médicaments n’a pas été démontrée (adolescents, femmes enceintes, fumeurs légers et utilisateurs de tabac sans fumée). Six médicaments de première intention (quatre produits à la nicotine et deux produits sans nicotine) sont associés à une augmentation des taux d’abandon à long terme : 1) bupropion à libération prolongée (Bupropion SRMD, ZybanMD) ; 2) gomme de nicotine (NicoretteMD, ThriveMD) ; 3) inhalateur de nicotine (NicoretteMD) ; 4) pastilles de nicotine (NicoretteMD, ThriveMD) ; 5) timbres de nicotine (HabitrolMD, NicodermMD) ; 6) varénicline (ChampixMD). Les professionnels de la santé peuvent également envisager la combinaison de médicaments. Le recours à une technique d’entretien motivationnel est encouragé an de renforcer la volonté du client à renoncer au tabagisme. Deux types de counseling et de thérapies comportementales obtiennent des taux nettement plus élevés de renoncement au tabagisme et devraient faire partie du traitement : 1) prodiguer des services de counseling pratique portant sur les habiletés à résoudre des problèmes ; 2) offrir un soutien pendant le traitement.

ORGANISER

• Les professionnels de la santé devraient effectuer un suivi régulier de l’évo­ lution de la démarche de renoncement, offrir un soutien et modier le traite­ ment, au besoin. • Les professionnels de la santé sont aussi encouragés à orienter les clients vers les ressources pertinentes existantes. • La Régie de l’assurance maladie du Québec assure une couverture pour certains médicaments antitabac lorsqu’ils sont obtenus sur prescription médicale. Les produits couverts sont les timbres cutanés, les gommes et pastilles de nicotine, ainsi que deux types de comprimés, soit le buproprion et la varénicline. La Régie ne couvre que 12 semaines de médication par période de 12 mois, mais une prolongation de 12 semaines est autorisée pour les personnes ayant cessé de fumer à la 12e semaine (gouvernement du Québec, 2013).

Sources : Adapté de CAN-ADAPTT (2011) ; Fiore, Jaén, Baker et al. (2008) Chapitre 19

Troubles respiratoires

595

Plusieurs ressources peuvent compléter l’enseignement de l’inrmière sur le tabagisme, dont le programme J’Arrête (www.jarrete.qc.ca) ainsi que le Conseil québécois sur le tabac et la santé (http://cqts.qc.ca).

l’Institut national de santé publique Québec (INSPQ), s’est clairement engagé dans la lutte antitabagique, et ce, an de mobiliser et d’optimiser les interventions de counseling des professionnels de la santé (INSPQ, 2011).

19.2

Syndrome de détresse respiratoire aiguë

Le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) est un processus systémique considéré comme la manifestation pulmonaire du syndrome de défaillance multiorganique (Krau, 2007). Le SDRA est caractérisé par un œdème pulmonaire non cardiogénique et une atteinte de la membrane alvéolo capillaire, causées par des lésions du réseau vasculaire pulmonaire ou des voies respiratoires (Crouser, Exline & Fahy, 2013). Le taux de mortalité associé au SDRA serait de 34 à 58 % (Blank & Napolitano, 2011). De nombreux critères diagnostiques ont été utilisés pour reconnaître le SDRA. En 2012, un groupe d’experts (ARDS Denition Task Force) a formulé la dénition de Berlin. Celle-ci élimine l’expression lésion pulmonaire aiguë (acute lung injury) et propose trois catégories distinctes (légère, modérée et grave) du SDRA selon la gravité de l’hypoxémie TABLEAU 19.2.

TABLEAU 19.2

19.2.1

Étiologie

Plusieurs conditions cliniques se trouvent associées au développement du SDRA. Elles sont classées comme directes ou indirectes, selon le siège principal des lésions (Crouser et al., 2013 ; George, 2008) ENCADRÉ 19.5. Les lésions dites directes sont celles où l’épithélium pulmonaire est directement atteint. Les lésions dites indirectes surviennent lorsque l’agression se développe ailleurs dans le corps et que les médiateurs inammatoires sont véhiculés par la circulation sanguine jusque dans les poumons. La sepsie, l’aspiration du contenu gastrique, la pneumonie diffuse et les traumas ont été reconnus comme des facteurs de risque majeurs pour le développement du SDRA (Blank & Napolitano, 2011).

19.2.2

Physiopathologie

1) L’évolution du SDRA peut être décrite en trois phases : 1) exsudative ; 2) broproliférative ; 3) résolutive. Le SDRA apparaît avec la stimulation du système inammatoire-immunitaire, résultant d’une lésion directe ou indirecte. Les médiateurs inammatoires sont libérés au siège de la lésion, entraînant l’activation et l’accumulation de neutrophiles, de macrophages et de plaquettes dans les capillaires pulmonaires. Ces médiateurs cellulaires déclenchent la libération de médiateurs humoraux qui endommagent la membrane alvéolo capillaire (George, 2008) FIGURE 19.3.

Phase exsudative La phase exsudative, ou phase aiguë, survient dans les 72 heures suivant l’agression initiale. Après leur

Dénition de Berlin du syndrome de détresse respiratoire aiguë

CRITÈRE DIAGNOSTIQUE

OBSERVATIONS

Évaluation Apparition

• En l’espace d’une semaine à la suite d’un trouble clinique OU • À l’apparition ou à la détérioration de symptômes respiratoires

Imagerie thoraciquea

• Opacités bilatérales non entièrement expliquées par des épanchements, par un affaissement lobaire ou pulmonaire ou par des nodules

Origine de l’œdème

• Détresse respiratoire non entièrement expliquée par l’insufsance cardiaque ou la surcharge liquidienne • Évaluation objective (p. ex., une échocardiographie) requise pour exclure un œdème hydrostatique en l’absence de facteurs de risque

Classication Degré de gravité

Léger

Modéré

Sévère

Oxygénationb

200 < PaO2/FiO2 ≤ 300 avec PEP ou CPAP ≥ 5 cm H2Oc

100 < PaO2/FiO2 ≤ 200 avec PEP ≥ 5 cm H2O

PaO2/FiO2 ≤ 100 avec PEP ≥ 5 cm H2O

PaO2 : pression partielle d’oxygène dans le sang artériel ; FiO 2 : fraction d’oxygène inspiré ; PEP : pression expiratoire positive ; CPAP : ventilation spontanée en pression positive continue ; H2O : eau. a

Radiographie pulmonaire ou tomodensitométrie thoracique. Si l’altitude est supérieure à 1 000 m, une conversion devrait être faite selon le rapport : PaO 2/FiO2 × (pression barométrique/760). c La ventilation non effractive peut être utilisée en cas de SDRA léger. Source : Adapté de Ferguson, Fan, Camporota et al. (2012) b

596

Partie 3

Système respiratoire

libération, les médiateurs endommagent les capillaires pulmonaires, ce qui augmente leur perméabilité et, par le fait même, entraîne une fuite de liquide chargé en protéines, cellules sanguines, brine et médiateurs cellulaires et humoraux activés dans l’interstitium pulmonaire. Les lésions aux capillaires pulmonaires génèrent également la formation de microthombi et l’élévation des pressions de l’artère pulmonaire. À mesure que le liquide inltre l’espace interstitiel pulmonaire, les vaisseaux lymphatiques deviennent engorgés et sont incapables de drainer le liquide accumulé, ce qui provoque un œdème interstitiel. Le liquide fait ensuite irruption dans les alvéoles à travers l’espace interstitiel, produisant un œdème alvéolaire. L’œdème interstitiel pulmonaire cause également la compression des alvéoles et des unités respiratoires. L’œdème alvéolaire entraîne l’hyperplasie des cellules épithéliales alvéolaires de type I et l’inondation des alvéoles. Les protéines et la brine contenues dans le liquide œdématique provoquent la formation de membranes hyalines sur les alvéoles. Éventuellement, les cellules endothéliales alvéolaires de type II sont

ENCADRÉ 19.5

Facteurs de risque du syndrome de détresse respiratoire aiguë

LÉSION DIRECTE

LÉSION INDIRECTE

• • • • • • •

• • • •

Aspiration Contusion pulmonaire Inhalation toxique Irradiation transthoracique Oxygénotoxicité Pneumonie Quasi-noyade

• • • •

Sepsie Circulation extracorporelle Coagulation intravasculaire disséminée Embolie – gazeuse, graisseuse, liquide amniotique États de choc Hypertransfusion Pancréatite aiguë nécrosante Trauma non thoracique

Source : Adapté de Crouser et al. (2013)

également endommagées, réduisant ainsi la production de surfactant. Les lésions aux cellules épithéliales alvéolaires et la réduction du surfactant contribuent à

19

FIGURE 19.3 Physiopathologie du syndrome de détresse respiratoire aiguë.

Chapitre 19

Troubles respiratoires

597

l’affaissement alvéolaire (George, 2008 ; Tsushima, King, Aggarwal et al., 2010). L’hypoxémie est due au shunt intrapulmonaire et au déséquilibre du rapport V/Q, secondaires à une compression, à un affaissement et à l’inltration des alvéoles et des unités respiratoires. L’effort respiratoire résulte d’une augmentation de la résistance des voies respiratoires, d’une diminution de la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF) et d’une réduction de la compliance pulmonaire, secondaires à l’atélectasie et à la compression des unités respiratoires. L’hypoxémie et l’effort respiratoire augmenté entraînent une fatigue et l’apparition d’une hypoventilation alvéolaire. L’hypertension pulmonaire est attribuable aux lésions des capillaires pulmonaires, à la formation de microthrombi et à une vasoconstriction hypoxique, menant ainsi à l’augmentation de l’espace mort alvéolaire et de la postcharge du ventricule droit. L’hypoventilation alvéolaire et l’augmentation de l’espace mort alvéolaire aggravent l’hypoxémie. La postcharge du ventricule droit s’accroît, menant à une dysfonction ventriculaire droite et à une diminution du débit cardiaque (George, 2008).

Phase broproliférative

Traitements médicaux

Les traitements du SDRA nécessitent une approche à volets multiples FIGURE 19.4. Cette stratégie inclut le traitement de la cause sous-jacente, l’amélioration des échanges gazeux, le soutien de l’oxygénation et de la perfusion tissulaires et la prévention des complications. Compte tenu de la gravité de l’hypoxémie, le client est intubé et ventilé mécaniquement pour promouvoir des échanges gazeux adéquats (Putensen, Theuekauf, Zinserling et al., 2009).

Phase de résolution

Ventilation mécanique

19.2.3

Manifestations cliniques et examens paracliniques

Au début, le client atteint d’un SDRA peut présenter diverses manifestations cliniques, selon l’événement déclencheur. À mesure que la maladie évolue, les signes et symptômes du client peuvent être associés à une phase précise du SDRA TABLEAU 19.3. Durant la phase exsudative, le client présente une tachypnée, une nervosité, une appréhension et une utilisation modérée des muscles accessoires. Durant la phase broproliférative, les signes et symptômes du Partie 3

19.2.4

Cette phase s’amorce par une guérison désorganisée et débute à l’échelle pulmonaire. Une granulation cellulaire et un dépôt de collagène se produisent dans la membrane alvéolo capillaire. Les alvéoles deviennent hyperplasiées et prennent une forme irrégulière (brotique), tandis que les capillaires pulmonaires deviennent cicatrisés et oblitérés. Cela diminue la compliance pulmonaire et aggrave l’hypertension pulmonaire et l’hypoxémie (George, 2008 ; Tsushima et al., 2010).

La guérison se déroule sur plusieurs semaines à mesure que le remodelage structurel et vasculaire a lieu pour rétablir la membrane alvéolo capillaire. Les membranes hyalines sont éliminées, et le liquide intra-alvéolaire est transporté hors des alvéoles jusque dans l’espace interstitiel. Les cellules épithéliales alvéolaires de type II se multiplient, et certaines se différencient en cellules épithéliales alvéolaires de type I, facilitant la restauration des alvéoles. Les macrophages alvéolaires éliminent les débris cellulaires (George, 2008 ; Tsushima et al., 2010).

598

client évoluent vers l’agitation, la dyspnée, la fatigue, l’utilisation excessive des muscles accessoires et l’apparition de crépitants ns (Mackay & Al-Haddad, 2009 ; Ragaller & Richter, 2010). Les GSA révèlent une faible PaO2, malgré l’augmentation de l’oxygénothérapie (hypoxémie réfractaire) (Ragaller & Richter, 2010). Initialement, la PaCO2 est faible en raison de l’hyperventilation compensatoire, mais éventuellement elle augmente lorsque le client se fatigue. Le pH est élevé initialement, mais il diminue à mesure que l’acidose respiratoire se développe (Mackay & Al-Haddad, 2009 ; Ragaller & Richter, 2010). La radiographie thoracique peut d’abord se révéler normale, car les changements pulmonaires ne sont pas nécessairement apparents dans les 24 premières heures. À mesure que l’œdème pulmonaire devient visible, des inltrats interstitiels et alvéolaires diffus et irréguliers apparaissent. Cela évolue vers une consolidation multifocale des poumons, qui prend l’apparence d’un voile blanc sur la radiographie (Ragaller & Richter, 2010).

Système respiratoire

Amélioration des échanges gazeux Traditionnellement, la ventilation du client atteint du SDRA était réglée en mode volume, incluant la ventilation assistée contrôlée (VAC) ou la ventilation assistée contrôlée intermittente (VACI), avec des volumes courants ajustés de 10 à 15 ml/kg. Cependant, cette approche pourrait provoquer plus de lésions pulmonaires (Putensen et al., 2009). En effet, l’ouverture et la fermeture répétées des alvéoles entraînent des lésions aux unités pulmonaires (atélectraumatisme), inhibant la production du surfactant et augmentant l’inammation (biotraumatisme), ce qui libère des médiateurs inammatoires et augmente la perméabilité de la membrane capillaire des poumons. De plus, une pression excessive (barotraumatisme) ou un volume excessif (volutraumatisme) dans les alvéoles crée un stress extrême sur les parois alvéolaires et cause des lésions de la membrane alvéolo capillaire, entraînant une fuite d’air dans les espaces avoisinants (Putensen et al., 2009). Ainsi, plusieurs autres approches ont été élaborées pour faciliter la ventilation mécanique du client atteint du SDRA.

| Ventilation à faible volume courant | La ventilation à faible volume courant utilise des volumes courants

Collecte des données TABLEAU 19.3

Examen clinique du client atteint du syndrome de détresse respiratoire aiguë

PHYSIOLOGIE

SIGNES ET SYMPTÔMES

Phase exsudative • • • •

Hémorragie parenchymateuse Œdème interstitiel ou alvéolaire Compression des bronchioles terminales Destruction des cellules alvéolaires de type I et II

• • • • • • •

Nervosité, appréhension, tachypnée Alcalose respiratoire PaO2 normale Radiographie thoracique normale Examen thoracique : utilisation modérée des muscles accessoires, poumons clairs Pression artérielle pulmonaire élevée Pression artérielle pulmonaire d’occlusion normale ou faible

• • • • • • • • • • • • •

Pression artérielle pulmonaire élevée ↑ travail du ventricule droit Utilisation accrue des muscles accessoires Crépitants ns ↑ agitation relativement à l’hypoxie Radiographie thoracique : inltrats interstitiels ou alvéolaires ; diaphragme élevé Hypoventilation ; hypercapnie ↓ saturation du sang veineux en oxygène Élargissement du gradient alvéolaire-artériel Effort respiratoire augmenté Aggravation de l’hypercapnie et de l’hypoxémie Acidose lactique liée au métabolisme anaérobique Altération de la perfusion : – ↑ fréquence cardiaque – ↓ pression artérielle – changement de la température et de la couleur de la peau (cyanosée) – ↓ remplissage capillaire – dysfonction des organes : › cerveau : altération de la lucidité, agitation, hallucinations › cœur : ↓ débit cardiaque → angine, arythmies, infarctus du myocarde, dysfonction du muscle papillaire, insufsance cardiaque › reins : ↓ diurèse ou du taux de ltration glomérulaire › peau : marbrée, ischémique › foie : ↑ taux d’aspartate aminotransférase, de bilirubine, de phosphatase alcaline, du rapport normalisé international (RNI)/temps de céphaline activée (TCA) ; ↓ taux d’albumine

Phase broproliférative • • • • •

Prolifération des cellules alvéolaires de type II Altération des échanges gazeux ↑ pression inspiratoire maximale ↓ compliance (statique et dynamique) Hypoxémie réfractaire : – atélectasie intra-alvéolaire – ↑ shunt – ↓ diffusion – CRF • Fibrose interstitielle • ↑ ventilation de l’espace mort

19

Source : Adapté de Phillips (1999)

plus faibles (6 ml/kg) pour ventiler le client, et ce, an de limiter les effets du barotraumatisme et du volutraumatisme. L’objectif est de fournir le volume courant maximal tout en maintenant une pression de plateau en n d’inspiration inférieure à 30 cm H2O. Pour permettre l’élimination adéquate du dioxyde de carbone, la fréquence respiratoire est augmentée entre 20 et 30 respirations par minute (Haas, 2011 ; Putensen et al., 2009). | Ventilation à faible volume courant avec hypercapnie permissive | L’hypercapnie permissive utilise une ventilation à faible volume courant conjointement à des fréquences respiratoires normales, et ce, pour tenter de limiter les effets de l’atélectraumatisme

et du biotraumatisme. Cette stratégie permet une hausse de la concentration de dioxyde de carbone, et le client devient hypercapnique. Normalement, pour maintenir la normocapnie, la fréquence respiratoire du client devrait être augmentée pour compenser le faible volume courant. Cependant, en cas de SDRA, augmenter la fréquence respiratoire peut aggraver les lésions alvéolaires. Les valeurs cibles à atteindre pour la PaCO2 et le pH demeurent controversées. Un pH moyen de 7,20 ainsi qu’une PaCO2 maximale moyenne de 67 mm Hg semblent être bien tolérés (Hickling, Walsh, Henderson et al., 1994). Toutefois, cette stratégie thérapeutique doit être individualisée et adaptée selon la réponse clinique du client (Contreras, Chapitre 19

Troubles respiratoires

599

FIGURE 19.4 Gradation des traitements selon le degré de gravité du syndrome de détresse respiratoire aiguë. VOHF : ventilation par oscillation à haute fréquence ; ECCO2R : épuration extracorporelle du dioxyde de carbone (extracorporeal carbon dioxide removal) ; ECMO : oxygénation par membrane extracorporelle (extracorporeal membrane oxygenation).

Hasset, Laffey et al., 2010). L’acidose grave (pH < 7,20) peut avoir des effets délétères sur la fonction cardiovasculaire, particulièrement en diminuant la contractilité myocardique ; c’est pourquoi une surveillance accrue demeure nécessaire, et l’augmentation de la PaCO2 doit être étalée sur plusieurs heures (Shelledy, 2009). Pour maintenir le pH, l’administration intraveineuse (I.V.) de bicarbonate de sodium est utilisée ; ou l’on envisage l’augmentation de la fréquence respiratoire ou du volume courant, ou des deux. L’hypercapnie permissive est contre-indiquée chez les clients présentant une élévation de la pression intracrânienne, une hypertension pulmonaire, des convulsions et une insufsance cardiaque (Yilmaz & Gajic, 2008). 20 1 Les modes de ventilation, incluant la ventilation en mode VCRP, sont décrits dans le chapitre 20, Ap­ proche thérapeutique du système respiratoire. 20 2 Les principes thérapeutiques et les complications de l’oxy­ génothérapie sont détaillés dans le chapitre 20, Approche thérapeutique du système respiratoire.

| Ventilation en mode volume contrôlé et régulation de pression | Dans la ventilation en mode volume contrôlé et régulation de pression (VCRP), chaque respiration est insufée ou assistée selon une pression inspiratoire prédéterminée. Ainsi, le volume courant que reçoit le client varie d’une respiration à l’autre 20 1 . La ventilation en mode VCRP est utilisée pour limiter et contrôler la pression dans les poumons et diminuer le risque d’un volutraumatisme. L’objectif est de maintenir la pression de plateau en n d’inspiration inférieure à 30 cm H2O. L’une des complications de ce mode de ventilation est le fait qu’à mesure que les poumons deviennent rigides, il s’avère de plus en plus difcile de maintenir un volume courant adéquat, et une hypercapnie grave peut survenir (Haas, 2011 ; Putensen et al., 2009). | Ventilation à rapport inversé | La ventilation à pression contrôlée et à rapport I/E inversé, aussi appelée ventilation à rapport inversé (VRI), peut également être utilisée pour le traitement du SDRA. La VRI prolonge la phase inspiratoire (I) et raccourcit la phase

600

Partie 3

Système respiratoire

expiratoire (E), renversant ainsi le rapport naturel I:E. L’objectif de la VRI est de conserver une pression aérienne moyenne constante tout au long du cycle respiratoire, ce qui maintient l’ouverture des alvéoles et favorise les échanges gazeux. Elle augmente également la CRF et diminue l’effort respiratoire. De plus, puisque la respiration est étendue sur une longue période de temps, la pression inspiratoire maximale dans les poumons est réduite. Un désavantage majeur de la VRI est le développement d’une auto-pression expiratoire positive (auto-PEP). À mesure que la phase expiratoire de ventilation est raccourcie, l’air se trouve emprisonné dans les voies respiratoires inférieures, créant une PEP non intentionnelle (ou autoPEP), qui peut compromettre l’hémodynamie et nuire aux échanges gazeux. Les clients sous VRI nécessitent habituellement une sédation profonde avec blocage neuromusculaire pour les empêcher de lutter contre le respirateur (Haas, 2011 ; Putensen et al., 2009).

| Ventilation par oscillation à haute fréquence | La ventilation par oscillation à haute fréquence (VOHF) peut être utilisée chez le client qui demeure gravement hypoxémique malgré les traitements susmentionnés. L’objectif de cette méthode de ventilation est similaire à celui de la VRI, c’est-à-dire qu’elle utilise une pression constante pour promouvoir le recrutement alvéolaire tout en évitant la surdistension des alvéoles. La VOHF utilise une pompe à piston pour procurer des volumes courants très faibles à des fréquences/oscillations très élevées (de 300 à 900 respirations par minute) (Ali & Ferguson, 2011).

Oxygénothérapie avec pression expiratoire positive L’oxygène est administré selon la concentration minimale nécessaire pour soutenir l’oxygénation tissulaire. Cependant, l’exposition continue à des concentrations élevées d’oxygène peut entraîner une oxygénotoxicité, laquelle perpétue le problème initial. L’oxygénothérapie a pour objectif de maintenir la SaO2 à 90 % ou plus au moyen de la concentration la plus faible d’oxygène – préférablement une fraction d’oxygène inspiré (FiO2) de moins de 50 % (Crouser et al., 2013) 20 2 . Parce que l’hypoxémie qui se développe en cas de SDRA est souvent réfractaire à l’oxygénothérapie, il est nécessaire de faciliter l’oxygénation avec une PEP. L’objectif de la PEP chez le client atteint d’un SDRA est d’améliorer l’oxygénation tout en réduisant la FiO2 à des taux non toxiques. La PEP a plusieurs effets positifs sur le plan pulmonaire, y compris l’ouverture des alvéoles affaissées, la stabilisation des inltrats dans les alvéoles et l’augmentation de la CRF. Par conséquent, la PEP diminue le shunt intrapulmonaire et augmente la compliance. Elle a cependant plusieurs effets négatifs, notamment : 1) la diminution du débit cardiaque chez les clients hypovolémiques, résultant de la réduction du retour veineux secondaire à l’augmentation de la pression intrathoracique ; 2) les barotraumatismes, entraînant la fuite d’air dans les espaces avoisinants à la suite de la rupture alvéolaire. La

quantité de PEP requise est déterminée en évaluant la SaO2 et le taux de dioxyde de carbone. Dans la plupart des cas, une PEP de 10 à 15 cm H2O s’avère adéquate. Si la PEP est trop élevée, elle peut entraîner une surdistention des alvéoles, laquelle peut entraver le débit sanguin aux capillaires pulmonaires, diminuer la production de surfactant et aggraver le shunt pulmonaire. Si la PEP est trop faible, elle permet aux alvéoles de s’affaisser durant l’expiration, ce qui peut être encore plus dommageable pour celles-ci (Putensen et al., 2009).

Assistance respiratoire extracorporelle L’assistance respiratoire extracorporelle désigne des techniques de dernier recours dans le traitement du SDRA grave alors que le traitement classique, soit la ventilation mécanique, a échoué. Ces méthodes permettent aux poumons de se reposer en facilitant l’extraction du dioxyde de carbone et en infusant de l’oxygène au moyen d’un poumon articiel ou d’un oxygénateur à membrane/bre. Trois techniques emploient ce type de technologie : 1) l’oxygénation par membrane extracorporelle, ou ECMO (extracorporeal membrane oxygenation) ; 2) l’épuration extracorporelle du dioxyde de carbone (NovaLungMD), ou ECCO2R (extracorporeal carbon dioxide removal ) ; 3) l’oxygénation intravasculaire, ou IVOX (intravascular oxygenation). L’ECMO se compare à la circulation extracorporelle, c’est-à-dire que le sang est extrait du corps et pompé dans un oxygénateur à membrane, où le dioxyde de carbone est retiré et où l’oxygène est infusé ; puis le sang retourne dans le corps du client. L’ECCO2R constitue une variation de l’ECMO dont l’objectif principal est l’extraction du dioxyde de carbone. L’IVOX, pour sa part, facilite l’oxygénation et la ventilation à l’aide d’un oxygénateur à bre implanté dans la veine cave inférieure. Toutes ces techniques entraînent des risques de saignements graves, et aucune d’entre elles n’a pu démontrer d’amélioration signicative de l’état des clients (Lynch, Haves & Zwischenberger, 2011 ; Park, Napolitano & Bartlett, 2011). Elles ne sont donc utilisées qu’en dernier recours.

Soutien de la perfusion tissulaire Une perfusion tissulaire adéquate résulte d’un apport sufsant en oxygène aux tissus, lequel dépend du débit cardiaque, de la saturation artérielle en oxygène (SaO2) et de l’hémoglobine nécessaire au transport de l’oxygène. Le débit cardiaque est déterminé par la fréquence cardiaque, la précharge, la postcharge et la contractilité cardiaque. Divers solutés et médicaments sont utilisés pour contrôler ce paramètre. D’autres approches de la gestion liquidienne incluent le maintien d’un très faible volume intravasculaire (pression artérielle pulmonaire d’occlusion de 5 à 8 mm Hg) à l’aide d’une restriction hydrique et de l’administration de diurétiques, tout en appuyant le débit cardiaque au moyen de médicaments vasoactifs et inotropes. L’objectif est de réduire la surcharge pulmonaire (Liu & Matthay, 2008).

Soins et traitements inrmiers Les soins et les traitements inrmiers du client atteint du SDRA visent à prendre en charge divers problèmes découlant de sa situation de santé ENCADRÉ 19.6 A . Il s’agit d’optimiser l’oxygénation et la ventilation, de veiller au confort et au soutien émotionnel du client et de rester à l’affût des complications. Pour ce faire, l’inrmière travaille avec l’équipe interdisciplinaire ENCADRÉ 19.7. Les interventions inrmières visant à optimiser l’oxygénation et la ventilation incluent le positionnement du client, la prévention de la désaturation et l’élimination des sécrétions, comme expliqué dans la première section de ce chapitre. Auprès du client atteint du SDRA, le positionnement en décubitus ventral peut constituer une autre intervention inrmière. La position ventrale améliorerait l’oxygénation chez le client atteint du SDRA (Guérin, Reignier, Richard et al., 2013), probablement parce que les lésions sont plus importantes dans les régions pulmonaires dépendantes de la gravité 20 . Ainsi, la

A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux problèmes découlant d’un SDRA sont détaillés, selon le problème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers.

20 Les indications, contreindications et applications de la position ventrale sont détaillées dans le chapitre 20, Approche thérapeutique du système respiratoire.

Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 19.6

Syndrome de détresse respiratoire aiguë

• Altération des échanges gazeux liée à un déséquilibre ventilation-perfusion ou à un shunt intrapulmonaire PSTI A.5

• Anxiété liée à une menace contre l’intégrité biologique, psychologique ou sociale PSTI A.6 • Déséquilibre nutritionnel lié à un manque de nutriments exogènes et à une augmentation de la demande métabolique PSTI A.11

• Diminution du débit cardiaque liée à des altérations de la précharge PSTI A.12 • Perturbation de l’image de soi découlant d’une dépendance envers de l’équipement d’assistance fonctionnelle PSTI A.24

• Risque d’aspiration

PSTI A.25

• Risque d’infection PSTI A.31 • Stratégies d’adaptation familiales perturbées par la situation critique de santé d’un proche malade PSTI A.33

Chapitre 19

Troubles respiratoires

601

19

Interventions interdisciplinaires ENCADRÉ 19.7

Syndrome de détresse respiratoire aiguë

• Administrer l’oxygénothérapie. • Pratiquer l’intubation du client. • Amorcer la ventilation mécanique : – hypercapnie permissive ; – ventilation en mode VCRP ; – VRI. • Utiliser la PEP. • Administrer la médication : – bronchodilatateurs ; – sédatifs ; – analgésiques ; – bloquants neuromusculaires. • Maximiser le débit cardiaque : – précharge ; – postcharge ; – contractilité. • Positionner le client en décubitus ventral.

20 Les facteurs de risque de la pneumonie acquise sous ventilation sont pré­ sentés dans le chapitre 20, Approche thérapeutique du système respiratoire.

• Effectuer l’aspiration endotrachéale au besoin. • Fournir un repos et un temps de récupéra­ tion adéquat entre les diverses interventions. • Entreprendre le soutien nutritionnel. • Assurer la surveillance pour repérer les complications : – encéphalopathie ; – arythmies cardiaques ; – maladie thromboembolique veineuse ; – saignements gastro­intestinaux ; – atélectraumatisme ; – biotraumatisme ; – volutraumatisme ; – barotraumatisme ; – oxygénotoxicité. • Veiller au confort et au soutien émotionnel du client et de ses proches.

position ventrale améliore la perfusion dans les parties moins lésées des poumons, ce qui favorise l’équilibre V/Q et diminue le shunt intrapulmonaire. La position ventrale semble être plus efcace lorsqu’elle est appliquée durant les phases précoces du SDRA (Alsaghir & Martin, 2008).

19.3

Pneumonie infectieuse

La pneumonie est une inammation aiguë du parenchyme pulmonaire causée par un agent infectieux qui mène à une consolidation alvéolaire. La pneumonie se subdivise en pneumonie acquise en communauté, pneumonie nosocomiale ou pneumonie associée aux soins de santé (Agence de la santé publique du Canada [ASPC], 2012a ; American Thoracic Society & Infectious Diseases Society of America, 2005). La pneumonie est dite acquise en communauté lorsqu’elle se développe hors du milieu hospitalier ou qu’elle débute dans les 48 premières heures de l’admission à l’établissement (Nair & Niederman, 2011). La pneumonie acquise en communauté grave nécessite l’admission du client à l’unité de soins critiques et représente environ 22 % de tous les cas de pneumonie, l’âge avancé étant un facteur de risque majeur. Le taux de mortalité de ce type de pneumonie atteint approximativement 18 à 56 % (Sligl, Eurich, Marrie et al., 2010). La pneumonie est dite nosocomiale lorsqu’elle survient au centre hospitalier plus de 48 heures après l’admission du client (American Thoracic Society & Infectious Diseases Society of America, 2005 ; ASPC, 2012a ). La pneumonie acquise

602

Partie 3

Système respiratoire

sous ventilation est une sous-catégorie de la pneumonie nosocomiale ; elle est l’infection la plus souvent contractée à l’unité de soins critiques (Shorr, Chan & Ziberberg et al., 2011) 20 . La pneumonie est dite associée aux soins de santé lorsqu’elle est acquise dans des milieux de soins de santé autres que le milieu hospitalier traditionnel (ASPC, 2012a ; Labelle & Kollef, 2011).

19.3.1

Étiologie

Plusieurs micro-organismes pathogènes peuvent être responsables du développement d’une pneumonie. Ils varient selon la classication de l’infection, c’est-à-dire le milieu où l’agent pathogène a été contracté, ainsi que selon les facteurs de risque présents chez l’hôte. La sensibilité du client envers le micro-organisme infectieux, sa condition médicale et les traitements associés, ainsi que les comorbidités peuvent le rendre plus vulnérable à contracter certains types de pneumonie.

Pneumonie acquise en communauté Les agents pathogènes qui peuvent causer une pneumonie acquise en communauté incluent S. pneumoniae, Legionella spp., Haemophilus influenzae, Moraxella catarrhalis, Staphylococcus aureus, Mycoplasma pneumoniae, les virus respiratoires, Chlamydia pneumoniae et Pseudomonas aeruginosa (Nair & Niederman, 2011). Un certain nombre de facteurs augmentent le risque de voir se développer une pneumonie acquise en communauté, dont l’alcoolisme et plusieurs comorbidités telles que la MPOC, le diabète, les tumeurs malignes et les coronaropathies. Des troubles de déglutition et l’altération de l’état mental contribuent également à l’apparition de la pneumonie acquise en communauté, parce qu’ils entraînent une exposition accrue à divers agents pathogènes en raison de l’aspiration chronique de sécrétions oropharyngées (Nair & Niederman, 2011).

Pneumonie nosocomiale Les agents pathogènes pouvant causer la pneumonie nosocomiale incluent Escherichia coli, H. inuenzae, S. aureus sensible à la méthicilline, S. pneumoniae, P. aeruginosa, Acinetobacter baumannii, S. aureus résistant à la méthicilline (SARM), Klebsiella spp. et Enterobacter spp. Le S. aureus et le P. aeruginosa sont deux des agents pathogènes les plus souvent associés à la pneumonie nosocomiale. Les facteurs prédisposants peuvent être liés à l’hôte, aux traitements et à la prévention des infections (Kieninger & Lipsett, 2009) ENCADRÉ 19.8.

Pneumonie associée aux soins de santé Les agents pathogènes qui peuvent causer la pneumonie associée aux soins de santé sont semblables à ceux responsables de la pneumonie acquise en communauté et de la pneumonie nosocomiale, P. aeruginosa et SARM étant les plus courants au Canada (ASPC, 2012a ; Labelle & Kollef, 2011). Les facteurs de risque de ce type de pneumonie

ENCADRÉ 19.8

Facteurs prédisposants de la pneumonie nosocomiale

FACTEURS LIÉS À L’HÔTE

• • • • • • • • • •

Affaiblissement du système immunitaire Âge avancé Altération de l’état de conscience Atteinte hémodynamique Dénutrition Gravité de la maladie initiale MPOC Plaque dentaire Tabagisme Trauma

• • • •

• • • • •

Bronchoscopie Chirurgie abdominale haute Chirurgie thoracique Élévation du pH gastrique secondaire à l’administration d’antagonistes des récepteurs H2 de l’histamine, d’inhibi­ teurs de la pompe à protons et d’alimentation entérale Extubation accidentelle Intubation endotrachéale Positionnement inadéquat Tube nasogastrique Ventilation mécanique

FACTEURS LIÉS AU TRAITEMENT

FACTEURS LIÉS À LA PRÉVENTION DES INFECTIONS

• Antibiothérapie antérieure

• Hygiène des mains inadéquate

Source : Adapté de Kieninger & Lipsett (2009)

incluent l’immunodécience, l’hospitalisation antérieure (hospitalisation d’au moins 2 jours au cours des 90 jours précédents), l’antibiothérapie I.V., les traitements de chimiothérapie, les soins des plaies et la consultation au centre hospitalier ou en clinique d’hémodialyse au cours des 30 jours précédents, ainsi que le fait de résider dans un établissement de soins de longue durée ou avec un membre de la famille atteint d’une infection multirésistante. Le client présente aussi un risque accru de contracter des infections à agents pathogènes multirésistants (Kollef, Morrow, Baughman et al., 2008).

19.3.2

Physiopathologie

Le développement d’une pneumonie peut être dû à une altération des mécanismes de défense de l’organisme chez l’hôte, à un micro-organisme pathogène particulièrement virulent ou à une contamination effractive massive FIGURE 19.5. Le TABLEAU 19.4 présente les facteurs qui précipitent la pneumonie. L’invasion bactérienne des voies respiratoires inférieures se produit par l’inhalation de particules infectieuses dans l’air, l’aspiration d’organismes colonisant l’oropharynx, la migration d’organismes aux sites adjacents de la colonisation, l’introduction directe d’organismes dans les voies respiratoires inférieures, la propagation de l’infection à partir des structures adjacentes aux poumons ou depuis la circulation sanguine, ainsi que par la réactivation d’une infection latente (habituellement dans la cadre d’une immunosuppression). Le mécanisme le plus courant semble être l’aspiration d’organismes dans l’oropharynx (Mandell, Wunderink, Anzuelo et al., 2007). La colonisation de l’oropharynx par des agents infectieux est notamment un facteur contributif majeur du développement de la pneumonie nosocomiale. Normalement, la ore résidente de l’oropharynx,

c’est-à-dire celle habituellement présente chez le sujet en santé, est stable et peut être anaérobique ou aérobique. En présence de stress, comme dans le cas de maladie, de chirurgie ou d’infection, les organismes pathogènes remplacent la ore résidente normale. Une antibiothérapie antérieure perturbe également la ore résidente, favorisant la colonisation par des organismes pathologiques. Les agents pathogènes sont alors capables d’envahir les voies respiratoires inférieures normalement stériles (Kieninger & Lipsett, 2009). Une perturbation du réexe nauséeux et de la toux, l’altération de l’état de conscience, une déglutition anormale et l’intubation endotrachéale prédisposent le client à l’aspiration, à la colonisation des poumons et à l’infection subséquente. Les antagonistes des récepteurs H2 de l’histamine, les antiacides et l’alimentation entérale contribuent à ce problème, car ils augmentent le pH gastrique et favorisent la prolifération bactérienne. Le tube nasogastrique agit comme un guide, facilitant le mouvement des bactéries de l’estomac au pharynx, où celles-ci peuvent être aspirées (Kieninger & Lipsett, 2009). L’infection engendre une inammation pulmonaire avec ou sans exsudat important. Il s’ensuit une hausse de la perméabilité capillaire, entraînant une augmentation du liquide interstitiel et alvéolaire. Il se produit un déséquilibre du rapport V/Q et un shunt intrapulmonaire, occasionnant une hypoxémie à mesure que la consolidation pulmonaire évolue. L’absence de traitement de la pneumonie peut causer une insufsance respiratoire aiguë et l’amorce de la réponse immunitaire inammatoire. De plus, un épanchement pleural peut survenir, lequel résulte de la réponse vasculaire à l’inammation, alors qu’il y a eu augmentation de la perméabilité capillaire et que le liquide des capillaires pulmonaires diffuse dans l’espace pleural (MiskovichRiddle & Keresztes, 2006). Chapitre 19

Troubles respiratoires

19

603

FIGURE 19.5 Physiopathologie de la pneumonie.

TABLEAU 19.4

604

Partie 3

Facteurs précipitants de la pneumonie

FACTEUR PRÉCIPITANT

CAUSES

Affaiblissement des réexes de l’épiglotte et de la toux

Anesthésie, inconscience, neuropathie, tubes endotrachéaux et trachéaux, vieillissement

Anomalie des macrophages alvéolaires

Acidose métabolique, antécédents de tabagisme, consommation d’alcool, hypoxémie, hypoxie, infections virales, vieillissement

Anomalie de la phagocytose et de la réponse humorale

Chimiothérapie, immunodécience, neutropénie

Atélectasie

Anesthésie générale, immobilisation, obstruction par des corps étrangers, respiration supercielle, trauma, tumeur

↑ sécrétions

Anesthésie générale, bronchiectasie, infections virales, intubation endotrachéale, MPOC, tabagisme

↓ activité ciliaire

Antécédents de tabagisme, hypoventilation, infections virales, inhalation de fumée, intubation, MPOC, oxygénotoxicité, vieillissement

↓ ux lymphatique

Insufsance cardiaque, tumeur

Inltration alvéolaire

Aspiration, insufsance cardiaque, trauma

Système respiratoire

19.3.3

Manifestations cliniques et examens paracliniques

Les manifestations cliniques de la pneumonie varient en fonction de l’agent pathogène en cause. Le client peut d’abord présenter divers signes et symptômes, comme la dyspnée, la èvre et la toux (productive et non productive). Il peut aussi y avoir des crépitants à l’auscultation et une matité à la percussion (Shorr et al., 2011). Le client atteint d’une pneumonie acquise en communauté grave peut même présenter des symptômes de confusion et de désorientation, de tachypnée, d’hypoxémie, d’urémie, de leucopénie, de thrombocytopénie, d’hypothermie et d’hypotension (Mandell et al., 2007). La radiographie thoracique est utilisée pour évaluer le client chez qui l’on soupçonne une pneumonie. Le diagnostic est établi en présence d’un inltrat pulmonaire nouveau. Le prol radiographique des inltrats varie en fonction du micro-organisme infectieux (Nair & Niederman, 2011). Une coloration de Gram et une culture d’expectorations sont réalisées pour faciliter l’identication de l’agent pathogène, mais dans 50 % des cas, l’agent en cause ne peut être reconnu (Nair & Niederman, 2011). Une bronchoscopie diagnostique peut s’avérer nécessaire, particulièrement si le diagnostic n’est pas conrmé ou si le traitement en cours demeure inefcace (Kieninger & Lipsett, 2009). De plus, une formule sanguine complète, incluant une formule leucocytaire, des analyses chimiques sériques, des hémocultures et une analyse des GSA sont effectués (Nair & Niederman, 2011).

19.3.4

Traitements médicaux

Les traitements médicaux du client atteint d’une pneumonie devraient inclure une antibiothérapie, une oxygénothérapie pour l’hypoxémie, une ventilation mécanique en présence d’insufsance respiratoire aiguë (p. ex., la ventilation pulmonaire indépendante), l’administration de solutés pour assurer l’hydratation, un soutien nutritionnel et un traitement des comorbidités et des complications. Pour les clients éprouvant des difcultés à mobiliser leurs sécrétions, une bronchoscopie thérapeutique peut être nécessaire (Miskovich-Riddle & Keresztes, 2006).

utilisés pour guider le choix de l’antibiothérapie. Les antibiotiques choisis doivent offrir un large spectre d’activité contre les agents pathogènes fréquemment retrouvés en milieu hospitalier ou communautaire. L’absence de réponse au traitement peut indiquer que l’antibiothérapie choisie ne couvre pas les micro-organismes en cause ou encore qu’une nouvelle source d’infection s’est développée (Kieninger & Lipsett, 2009 ; Nair & Niederman, 2011). Les lignes directrices quant au moment propice pour commencer l’antibiothérapie recommandent l’administration d’une première dose aussitôt que la pneumonie acquise en communauté est diagnostiquée, et avant que le client ne quitte l’urgence ou la clinique de consultation. L’administration précoce d’une première dose d’antibiotique dans les six heures de l’hospitalisation a fait l’objet de plusieurs débats. Cependant, ces directives ont été retirées en 2012, à la suite du constat d’une surutilisation des antibiotiques, liée à la difculté de distinguer hâtivement une pneumonie acquise en communauté d’une EP, d’une insufsance cardiaque congestive ou d’une autre affection pulmonaire (File, 2013 ; Moran, Rothman, Volturo et al., 2013 ; Pines, 2008).

Ventilation pulmonaire indépendante

19

Chez le client atteint d’une pneumonie unilatérale ou d’une pneumonie gravement asymétrique, ce mode alternatif de ventilation mécanique peut être nécessaire pour faciliter l’oxygénation. À mesure que les alvéoles du poumon touché sont envahies de pus, le poumon se distend plus difcilement et devient plus difcile à ventiler. Cela entraîne un déplacement de la ventilation vers le poumon sain sans déplacement concomitant de la perfusion et provoque donc une augmentation du déséquilibre V/Q. La ventilation pulmonaire indépendante permet à chaque poumon d’être ventilé séparément, contrôlant ainsi le débit, le volume et la pression que chacun reçoit. Une sonde endotrachéale à double lumière est insérée, et chaque tube est attaché à un respirateur différent. Le respirateur est ensuite réglé en fonction des besoins de chaque poumon pour favoriser une oxygénation et une ventilation optimales (Anantham, Jagadesan & Tiew, 2005).

Antibiothérapie L’objectif consiste à administrer une antibiothérapie spécique, mais ce n’est pas toujours possible en raison des difcultés à identier le micro-organisme causal. Compte tenu de l’état critique du client, le temps nécessaire pour obtenir les résultats des cultures devrait être évalué parallèlement à l’urgence d’entreprendre un traitement. Le traitement empirique est donc devenu une approche généralement acceptable. Ainsi, le choix de l’antibiothérapie se fonde sur le micro-organisme le plus susceptible d’être en cause, tout en évitant la toxicité, la surinfection et les coûts inutiles. S’ils sont disponibles, les résultats de la coloration de Gram devraient être

Soins et traitements inrmiers Les soins et les traitements inrmiers du client atteint de pneumonie infectieuse visent à prendre en charge divers problèmes découlant de sa situation de santé ENCADRÉ 19.9 A . Il s’agit d’optimiser l’oxygénation et la ventilation, de prévenir la propagation de l’infection, de veiller au confort et au soutien émotionnel du client et de rester à l’affût des complications. La réponse du client à l’antibiothérapie devrait être surveillée pour dépister tout effet indésirable. L’inrmière collabore avec le médecin et l’inhalothérapeute ENCADRÉ 19.10. Chapitre 19

A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux problèmes découlant d’une pneumonie infectieuse sont détaillés, selon le problème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers.

Troubles respiratoires

605

Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 19.9

Pneumonie infectieuse

• Altération des échanges gazeux liée à un déséquilibre ventilation-perfusion ou à un shunt intrapulmonaire PSTI A.5

• Anxiété liée à une menace contre l’intégrité biologique, psychologique ou sociale PSTI A.6 • Dégagement inefcace des voies respiratoires lié à la présence excessive de sécrétions ou à une viscosité anormale du mucus PSTI A.10 • Déséquilibre nutritionnel lié à un manque de nutriments exogènes et à une augmentation de la demande métabolique PSTI A.11

• Risque d’aspiration PSTI A.25 • Risque d’infection PSTI A.31 • Sentiment d’impuissance lié à une perception de manque de contrôle sur la situation actuelle ou sur l’aggravation de la maladie PSTI A.32 • Stratégies d’adaptation familiales perturbées par la situation critique de santé d’un proche malade PSTI A.33

Interventions interdisciplinaires ENCADRÉ 19.10

Pneumonie infectieuse

• Administrer l’oxygénothérapie. • Amorcer la ventilation mécanique au besoin. • Administrer la médication : – antibiotiques ; – bronchodilatateurs. • Positionner le client an d’optimiser l’équilibre du rapport V/Q.

• Aspirer au besoin. • Fournir du repos et un temps de récupération adéquats entre les diverses interventions. • Assurer la surveillance pour repérer les complications : – insufsance respiratoire aiguë. • Veiller au confort et au soutien émotionnel du client et de ses proches.

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 19.11

Suivre les lignes directrices concernant l’hygiène des mains

L’ASPC a publié en 2012 un guide en prévention et contrôle des maladies infectieuses, Pratiques en matière d’hygiène des mains dans les milieux de soins (ASPC, 2012b), dont voici les principales recommandations. • Se laver les mains avec du savon et de l’eau lorsqu’elles sont visiblement sales ou contaminées par du sang ou d’autres liquides organiques, après avoir soigné un client placé en isolement infectieux. • Pour se laver les mains efcacement avec du savon et de l’eau, la technique recommandée est d’abord de retrousser les manches longues et de remonter la montre le long du bras. Puis, se mouiller les mains avec de l’eau tempérée et appliquer sufsamment de savon pour pouvoir savonner toutes les surfaces des mains et des doigts. Frotter ensuite vigoureusement les mains pendant 15 à 30 secondes, en s’assurant de couvrir la paume et le dos de chaque main en entrecroisant les doigts et les pouces. Rincer les mains en les tenant vers le bas avec de l’eau courante et bien les sécher en tapotant avec une serviette jetable. Utiliser la serviette de papier pour fermer le robinet. Appliquer régulièrement des produits hydratants pour la peau an de diminuer les risques de dermatite. • Si les mains ne sont pas visiblement sales, utiliser un désinfectant pour les mains à base d’alcool pour la décontamination régulière des mains. • Pour décontaminer les mains au moyen d’un désinfectant à base d’alcool, d’abord retrousser les manches longues et remonter la montre le long du bras.

• • • • •

• •



Appliquer la quantité de produit recommandée par le fabricant dans la paume d’une main et frotter les mains ensemble, en s’assurant de couvrir toutes les surfaces des mains et des doigts, jusqu’à ce que les mains soient sèches (ne pas appliquer sur des mains mouillées, car l’alcool s’en trouverait dilué). Décontaminer les mains avant et après le contact direct avec les clients. Décontaminer les mains avant et après avoir mis des gants. Porter des gants lorsqu’il peut y avoir contact avec du sang ou des matériels potentiellement infectieux, des muqueuses ou de la peau non intacte. Changer de gants durant les soins des clients avant de passer d’une région contaminée du corps à une région propre. Retirer les gants après avoir prodigué des soins au client. Ne pas porter la même paire de gants pour prodiguer des soins à plus de un client et utiliser des gants jetables. Décontaminer les mains après le contact avec des objets inanimés (y compris de l’équipement médical). Éviter de porter des ongles articiels, des décorations ou des rallonges d’ongles pour prodiguer des soins aux clients ou pour travailler avec des matériaux stériles. Les ongles naturels devraient être gardés courts.

Sources : Adapté de ASPC (2012) ; Boyce, Pittet, Healthcare Infection Control Practices Advisory Committee et al. (2002)

606

Partie 3

Système respiratoire

Optimiser l’oxygénation et la ventilation Les interventions inrmières visant à optimiser l’oxygénation et la ventilation comprennent le positionnement du client, la prévention de la désaturation et l’élimination des sécrétions, comme expliqué dans la première section de ce chapitre.

poumons seront moindres, mais le pH élevé peut avoir favorisé la prolifération bactérienne dans l’estomac (Marik, 2011 ; Paintal & Kuschner, 2007). Lorsque le contenu gastrique chargé de bactéries est aspiré dans les poumons, une pneumonie bactérienne envahissante peut se développer (Marik, 2011).

Prévenir la propagation de l’infection

19.4.2

La prévention devrait être axée sur l’éradication des agents pathogènes dans l’environnement et sur l’interruption de la propagation des microorganismes d’une personne à l’autre. Des progrès importants ont été réalisés par rapport au retrait des contaminants dans l’environnement de soins grâce à la désinfection adéquate des dispositifs respiratoires et à l’utilisation accrue de matériel jetable. Les autres sources potentielles d’agents pathogènes sont les dispositifs d’aspiration et les cathéters vésicaux. Ces instruments effractifs doivent être adéquatement aseptisés (Kieninger & Lipsett, 2009). Une hygiène adéquate des mains est la mesure la plus importante pour prévenir la propagation des bactéries d’une personne à l’autre ENCADRÉ 19.11. L’hygiène des mains devrait être effectuée avant et après avoir touché un client et son environnement, avant de réaliser une intervention et après l’exposition à tout liquide corporel (Kendall, Landers, Kirk et al., 2012). De plus, des soins buccodentaires méticuleux, dont l’aspiration des sécrétions autour du ballonnet des tubes endotrachéaux, sont cruciaux pour diminuer la colonisation bactérienne de l’oropharynx (Kieninger & Lipsett, 2009) 20 .

Le type de lésions pulmonaires qui se développe après l’aspiration est déterminé par certains facteurs, dont les caractéristiques des substances aspirées et l’état des mécanismes de défense respiratoire du client.

19.4

Pneumonie d’aspiration

La présence de substances anormales dans les voies respiratoires et les alvéoles à la suite d’une aspiration est appelée pneumonie d’aspiration. L’aspiration de substances toxiques dans les poumons peut être associée ou non à une infection, mais des lésions pulmonaires peuvent en résulter étant donné le caractère chimique, mécanique ou bactérien des produits aspirés (Paintal & Kuschner, 2007).

19.4.1

Étiologie

Un certain nombre de facteurs mettant le client à risque d’aspiration ont été déterminés TABLEAU 19.5. Le contenu gastrique et les bactéries oropharyngées sont les substances aspirées les plus courantes chez le client en situation critique de santé (Paintal & Kuschner, 2007 ; Raghavendran, Nemzek, Napolitano et al., 2011). Les effets du contenu gastrique dans les poumons varient en fonction du pH du liquide. Si le pH est inférieur à 2,5, le client sera atteint d’une pneumonie chimique grave entraînant une hypoxémie. Si le pH est supérieur à 2,5, les lésions immédiates aux

Physiopathologie

Aspiration de liquide très acide L’aspiration de liquide gastrique très acide (pH inférieur à 2,5) entraîne presque immédiatement l’apparition d’un bronchospasme et d’une atélectasie. Au cours des quatre heures suivantes, des lésions trachéales, une bronchite, une bronchiolite, une dégradation de la membrane alvéolo capillaire, un œdème interstitiel, une congestion alvéolaire et une hémorragie surviennent (Raghavendran et al., 2011). Une hypoxémie grave se développe à la suite d’un déséquilibre du rapport V/Q et d’un shunt intrapulmonaire. À mesure que la maladie évolue, des débris nécrotiques et de la brine remplissent les alvéoles, des membranes hyalines se forment, et une vasoconstriction hypoxique survient, entraînant une élévation de la pression artérielle pulmonaire (Marik, 2011 ; Raghavendran et al., 2011). L’évolution clinique suit l’un des trois prols suivants : 1) amélioration rapide en l’espace d’une semaine ; 2) amélioration initiale suivie d’une détérioration et du développement d’un SDRA ou d’une pneumonie ; 3) décès rapide à la suite d’une insuffisance respiratoire aiguë (Raghavendran et al., 2011).

19

20 Les soins buccodentaires sont détaillés dans le cha­ pitre 20, Approche théra­ peutique du système respiratoire.

Aspiration de particules alimentaires très acides L’aspiration de particules alimentaires non obstructives très acides (pH inférieur à 2,5) peut produire la réaction pulmonaire la plus grave en raison de lésions pulmonaires importantes. Il survient une hypoxémie, une hypercapnie et une acidose (Marik, 2011 ; Raghavendran et al., 2011).

Aspiration de liquide moins acide Les conséquences de l’aspiration de contenu gastrique liquide moins acide (pH supérieur à 2,5) sont initialement semblables à celles de l’aspiration de liquide très acide, bien que des lésions anatomiques minimes se produisent. Le déséquilibre V/Q et le shunt intrapulmonaire commencent habituellement à se renverser en l’espace de 4 heures, et l’hypoxémie est résolue en moins de 24 heures (Marik, 2011 ; Raghavendran et al., 2011). Chapitre 19

Troubles respiratoires

607

TABLEAU 19.5

Facteurs prédisposants de la pneumonie d’aspiration

FACTEUR DE RISQUE

EXPLICATIONS

Diminution de l’état de conscience, en raison d’affections du SNC ou de l’utilisation de sédatifs

• • • •

Décubitus dorsal

• ↑ probabilité de reux gastro-œsophagien

Présence d’un tube nasogastrique

• Perturbation de la fermeture du sphincter œsophagien inférieur • Formation possible d’un biolm sur le tube, ce qui prédispose à l’aspiration de micro-organismes pathogènes

Vomissements

• Entrée soudaine et forcée du contenu gastrique dans l’oropharynx prédisposant à l’aspiration ainsi qu’au déplacement de la sonde alimentaire dans l’œsophage

Sonde alimentaire positionnée dans l’œsophage

• Reux du contenu de la sonde alimentaire dans l’oropharynx

Intubation trachéale

• Réduction des mécanismes de défense des voies respiratoires supérieures liée à la toux inefcace, à la désensibilisation de l’oropharynx et du larynx, à l’atrophie diffuse des muscles laryngés et à la compression œsophagienne par le ballonnet

Ventilation mécanique

• Pression abdominale positive prédisposant à l’aspiration du contenu gastrique, probablement par l’augmentation du reux gastro-œsophagien

Accumulation de sécrétions pharyngées au-dessus du ballonnet endotrachéal

• Possibilité de fuites des sécrétions pharyngées autour du ballonnet vers les voies respiratoires inférieures, particulièrement lorsque le ballonnet est dégoné

Gonement inadéquat du ballonnet des dispositifs trachéaux

• Pression faible persistante du ballonnet (p. ex., 20 cm H2O) prédisposant à l’aspiration de sécrétions oropharyngées et au reux du contenu gastrique

Alimentation entérale gastrique alors que la vidange de l’estomac est réduite de façon importante

• Accumulation du gavage et des sécrétions gastro-intestinales prédisposant au reux gastro-œsophagien et à l’aspiration

Volumes gastriques résiduels élevés

• Prédisposition au reux gastro-œsophagien et à l’aspiration

Alimentation par bolus

• Quantité de gavage pouvant excéder la tolérance du client qui a des réexes nauséeux et de toux réduits

Hygiène buccodentaire déciente

• Sécrétions oropharyngées colonisées pouvant être aspirées dans les voies respiratoires

Âge avancé

• Capacité de déglutition réduite et fréquence accrue des troubles neurologiques, ce qui augmente les risques d’aspiration (forte association entre l’âge avancé et la probabilité de voir se développer une pneumonie d’aspiration)

Hyperglycémie

• Hyperglycémie, même légère, pouvant causer un retard de la vidange gastrique en perturbant les contractions postprandiales

↓ capacité à protéger les voies respiratoires des sécrétions oropharyngées et du contenu gastrique régurgité ↓ réexes nauséeux et de toux à mesure que l’état de conscience diminue Ralentissement de la vidange gastrique ↓ tonus du sphincter œsophagien inférieur

Source : Adapté de Metheny (2006)

608

Partie 3

Aspiration de particules alimentaires moins acides

19.4.3

L’aspiration de particules alimentaires non obstructives moins acides (pH supérieur à 2,5) a des conséquences initialement similaires à celles de l’aspiration de particules très acides, avec le développement d’un œdème et d’une hémorragie importants. Au cours des cinq jours suivant la réaction initiale se manifeste une réponse inammatoire granulomateuse autour des particules alimentaires (Raghavendran et al., 2011). En plus de l’hypoxémie, une hypercapnie et une acidose surviennent en raison de l’hypoventilation (Marik, 2011 ; Paintal & Kuschner, 2007).

Sur le plan clinique, le client manifeste des signes de détresse respiratoire aiguë, et le contenu gastrique peut être visible dans l’oropharynx. Le client peut présenter un essoufement, une toux, une respiration sifante, une cyanose et des signes d’hypoxémie. La tachypnée, l’hypotension, la èvre et les crépitants sont également présents. Des quantités importantes d’expectorations sont produites à mesure que l’œdème alvéolaire évolue (Marik, 2011 ; Paintal & Kuschner, 2007).

Système respiratoire

Manifestations cliniques et examens paracliniques

Les GSA reètent une hypoxémie grave. Des changements à la radiographie thoracique sont visibles de 12 à 24 heures après l’aspiration initiale, sans prol distinct permettant d’établir un diagnostic. Des inltrats semblent apparaître selon diverses distributions, en fonction de la position du client durant l’aspiration et du volume aspiré. Si l’infection bactérienne s’établit, il s’ensuit une leucocytose et des cultures d’expectorations positives (Marik, 2011).

19.4.4

Traitements médicaux

Les traitements médicaux du client atteint d’une pneumonie d’aspiration incluent le traitement d’urgence et le traitement de suivi. En cas d’aspiration avec témoin, un traitement d’urgence doit être instauré an de dégager les voies respiratoires et de minimiser les lésions pulmonaires. La tête du client devrait être tournée sur le côté, et la cavité orale et les voies respiratoires supérieures doivent être aspirées immédiatement pour enlever le contenu gastrique (Marik, 2011 ; Raghavendran et al., 2011). La visualisation directe par bronchoscopie s’avère indiquée pour retirer les grosses particules ou pour conrmer une aspiration sans témoin. Le lavage bronchoalvéolaire n’est pas recommandé parce que cette pratique dissémine les substances aspirées dans les poumons et augmente les lésions (Raghavendran et al., 2011). Après le dégagement des voies respiratoires, l’attention sera dirigée vers le soutien de l’oxygénation et des paramètres hémodynamiques. L’hypoxémie devrait être corrigée au moyen de l’oxygénothérapie ou de la ventilation mécanique avec PEP, au besoin (Marik, 2011 ; Raghavendran et al., 2011). Les changements hémodynamiques résultent du déplacement des liquides dans les poumons qui surviennent après des aspirations majeures. Le monitorage du volume intravasculaire demeure essentiel, et un remplacement liquidien adéquat doit être instauré pour maintenir l’hémodynamie et un débit urinaire sufsant (Marik, 2011 ; Raghavendran et al., 2011). L’antibiothérapie empirique n’est habituellement pas indiquée après l’aspiration du contenu gastrique. Cependant, si une pneumonie acquise sous ventilation

est soupçonnée ou si l’aspiration s’est produite en présence d’une obstruction de l’intestin grêle ou d’un contenu gastrique colonisé, il faut envisager une antibiothérapie (Raghavendran et al., 2011). Les corticostéroïdes ne se sont pas révélés efcaces dans le traitement de la pneumonie d’aspiration et ne sont donc pas recommandés (Marik, 2011 ; Raghavendran et al., 2011).

Soins et traitements inrmiers Les soins et les traitements inrmiers du client atteint d’une pneumonie d’aspiration visent à prendre en charge divers problèmes découlant de sa situation de santé ENCADRÉ 19.12 A . Les interventions inrmières consistent à optimiser l’oxygénation et la ventilation, à prévenir les aspirations subséquentes, à veiller au confort et au soutien émotionnel du client et à rester à l’affût des complications. Elles sont réalisées en interdisciplinarité ENCADRÉ 19.13.

A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux pro­ blèmes découlant d’une pneumonie d’aspiration sont décrits, selon le pro­ blème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers.

Optimiser l’oxygénation et la ventilation Les interventions inrmières visant à optimiser l’oxygénation et la ventilation incluent le positionnement du client, la prévention de la désaturation et l’élimination des sécrétions, comme expliqué dans la première section de ce chapitre.

19

Prévenir l’aspiration L’une des interventions les plus importantes pour prévenir l’aspiration vise à reconnaître le client à risque d’aspiration TABLEAU 19.5. Les mesures de prévention à prendre consistent à conrmer le positionnement de la sonde d’alimentation, à surveiller les signes et symptômes de l’intolérance à l’alimentation entérale, à élever la tête du lit d’au moins 30 à 45°, à alimenter le client au moyen d’une sonde d’alimentation de petit calibre ou par gastrostomie, à éviter l’utilisation d’un tube nasogastrique de gros calibre, à assurer le gonement adéquat du ballonnet du tube endotrachéal et à aspirer fréquemment l’oropharynx chez le client intubé an de prévenir l’accumulation

Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 19.12

Pneumonie d’aspiration

• Altération des échanges gazeux liée à un déséquilibre ventilation-perfusion ou à un shunt intrapulmonaire PSTI A.5

• Anxiété liée à une menace contre l’intégrité biologique, psychologique ou sociale PSTI A.6 • Dégagement inefcace des voies respiratoires lié à la présence excessive de sécrétions ou à une viscosité anormale du mucus PSTI A.10

• Risque d’aspiration PSTI A.25 • Risque d’infection PSTI A.31 • Stratégies d’adaptation familiales perturbées par la situation critique de santé d’un proche malade PSTI A.33 • Stratégies d’adaptation inefcaces à l’égard d’une situation de crise et liées à la vulnérabilité personnelle PSTI A.34

Chapitre 19

Troubles respiratoires

609

Interventions interdisciplinaires ENCADRÉ 19.13

• • • • • •

Pneumonie d’aspiration

Administrer l’oxygénothérapie. Dégager les voies respiratoires du client. Élever la tête du lit de 30 à 45°. Positionner le client en décubitus latéral droit. Aspirer la région oropharyngée. Amorcer la ventilation mécanique au besoin.

• Assurer la surveillance pour repérer les complications : – pneumonie ; – insufsance respiratoire aiguë ; – SDRA. • Veiller au confort et au soutien émotionnel du client et de ses proches.

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 19.14

Appliquer les lignes directrices pour la prévention de l’aspiration

Les lignes directrices de pratique clinique suivantes sont pré­ conisées par la campagne canadienne Soins de santé plus sécuritaires maintenant! et recommandées par l’American Association of Critical­Care Nurses (AACN) pour prévenir la pneumonie d’aspiration. • Maintenir l’élévation de la tête du lit à angle de 30 à 45, à moins de contre­indications. • Limiter l’utilisation de sédatifs autant que possible. • Chez le client recevant une nutrition entérale, mesurer les résidus gastriques toutes les quatre heures, an de déceler les signes d’intolérance.

• Chez le client alimenté par sonde, évaluer l’emplacement de la sonde d’alimentation toutes les quatre heures. • Chez le client alimenté par sonde, éviter l’alimentation par bolus en présence d’un risque élevé d’aspiration. • Collaborer avec l’équipe de dysphagie pour évaluer la déglutition avant la reprise de l’alimentation normale chez le client ayant été récemment extubé et ayant subi une intubation prolongée. • Maintenir les pressions du ballonnet endotrachéal à un niveau approprié et aspirer les sécrétions au­dessus du ballonnet avant de le dégoner.

Sources : Adapté de AACN (2011) ; Institut canadien pour la sécurité des patients (2012).

de sécrétions pharyngées ENCADRÉ 19.14. Chez les clients à risque d’aspiration ou ayant une intolérance à la nutrition gastrique, la sonde d’alimentation devrait être placée dans l’intestin grêle (Mizock, 2007).

19.5

Embolie pulmonaire

Une embolie pulmonaire (EP) survient lorsqu’un caillot (embole thrombotique ou thrombus) ou une autre substance (embole non thrombotique) se loge dans le système artériel pulmonaire. La plupart des EP ont comme origine une thrombose veineuse profonde (TVP). Dans ce cas, l’EP est appelée maladie thromboembolique veineuse. Elle peut provenir des veines profondes des jambes, particulièrement des veines iliaques, fémorales et poplitées (Adams & Awsare, 2011) FIGURE 19.6. D’autres sources incluent le ventricule droit, les membres supérieurs et les veines pelviennes. Quant aux embolies non thrombotiques, elles ont diverses origines : air et corps étrangers, liquide amniotique, tissus graisseux, tumeurs.

610

Partie 3

Système respiratoire

19.5.1

Étiologie

Divers facteurs prédisposants et précipitants augmentent le risque de maladie thromboembolique veineuse et, par conséquent, d’EP ENCADRÉ 19.15. Parmi les facteurs prédisposants, c’est-à-dire l’hypercoagulabilité, les lésions de l’endothélium vasculaire et la stase veineuse (triade de Virchow), les lésions endothéliales semblent être les plus importantes (Adams & Awsare, 2011).

19.5.2

Physiopathologie

Une EP massive survient à la suite de l’obstruction d’une artère lobaire ou principale, entraînant l’occlusion de plus de 40 % du lit vasculaire pulmonaire. L’obstruction du système artériel pulmonaire a des conséquences autant respiratoires qu’hémodynamiques (Carlbom & Davidson, 2007). Les effets sur le système respiratoire sont l’augmentation de l’espace mort alvéolaire, la bronchoconstriction et le shunt compensatoire (Dweik & Arroliga, 2013). Les effets hémodynamiques incluent une augmentation de la résistance vasculaire pulmonaire et une surcharge ventriculaire droite (Tapson, 2008 ; Wood, 2011).

19 FIGURE 19.6 Physiopathologie de la maladie thromboembolique veineuse. La maladie thromboembolique veineuse provient habituellement des veines profondes des jambes, le plus souvent des veines du mollet. Les thrombus veineux arrivent essentiellement des valvules veineuses ou des régions de stase veineuse potentielle. Si un caillot se propage à la veine du genou ou au-dessus, ou s’il provient d’au-dessus du genou, le risque d’embolie s’accroît. Les maladies thromboemboliques veineuses passent par le côté droit du cœur pour atteindre les poumons. OD : oreillette droite ; OG : oreillette gauche ; VG : ventricule gauche ; VD : ventricule droit.

ENCADRÉ 19.15

Facteurs de risque de la maladie thromboembolique veineuse

FACTEURS PRÉDISPOSANTS

• Hypercoagulabilité : – Polycythémie • Lésion de l’endothélium vasculaire : – Athérosclérose – Incision – Infection – Lésion d’un vaisseau local • Stase veineuse : – Diminution du débit cardiaque – Fibrillation auriculaire – Immobilité FACTEURS PRÉCIPITANTS

• Antécédant d’EP • Cancer : – Estomac – Ovaires – Pancréas – Voies biliaires

• Chirurgie : – Abdominale – Orthopédique – Vasculaire • État gynécologique : – Anovulants – Grossesse – Œstrogénothérapie substitutive – Postpartum • Lésions ou brûlures : – Bassin – Hanches – Membres inférieurs • Maladie cardiovasculaire : – Cœur pulmonaire – Infarctus du myocarde (ventricule droit) – Insufsance cardiaque – Cardiomyopathie

Source : Adapté de Geerts, Bergqvist, Pineo et al. (2008) Chapitre 19

Troubles respiratoires

611

Augmentation de l’espace mort L’augmentation de l’espace mort alvéolaire survient lorsqu’une région du poumon est ventilée, sans être perfusée. La ventilation dans cette région ne participe donc pas à l’échange gazeux, ce qui mène à une augmentation de l’effort respiratoire. Pour limiter la ventilation de l’espace mort alvéolaire, une bronchoconstriction localisée se produit (Wood, 2011).

Bronchoconstriction La bronchoconstriction résulte de l’hypocapnie alvéolaire, de l’hypoxie et de la libération de médiateurs chimiques. L’hypocapnie alvéolaire est due à une diminution du dioxyde de carbone dans la région atteinte et mène à la constriction des voies respiratoires locales, à l’augmentation de la résistance et à la redistribution de la ventilation aux régions perfusées des poumons. Divers médiateurs sont libérés au site de lésions, soit du thrombus luimême ou encore du tissu pulmonaire avoisinant, ce qui accroît la constriction des voies respiratoires. La bronchoconstriction favorise le développement de l’atélectasie (Wood, 2011).

Shunt compensatoire En cas d’EP, un shunt compensatoire se développe puisque les régions pulmonaires saines doivent recevoir le débit cardiaque entier. Cela crée une situation dans laquelle la perfusion excède la ventilation, et le sang est retourné au côté gauche du cœur sans participer aux échanges gazeux, menant à l’hypoxémie (Wood, 2011).

Conséquences hémodynamiques La principale conséquence hémodynamique de l’EP est l’apparition de l’hypertension pulmonaire, qui survient à la suite d’une obstruction mécanique de plus de 50 % du lit vasculaire. En outre, les médiateurs chimiques libérés dans la région atteinte et le développement de l’hypoxie entraînent une vasoconstriction pulmonaire, qui exacerbe l’hypertension pulmonaire. À mesure que la résistance vasculaire pulmonaire s’intensie, la charge de travail du ventricule droit augmente aussi, comme en témoigne la hausse de la pression artérielle pulmonaire. Il en résulte donc une insufsance du ventricule droit, qui peut mener à une diminution de la précharge du ventricule gauche, du débit cardiaque et de la pression artérielle, puis, éventuellement, au choc (Carlbom & Davidson, 2007 ; Wood, 2011).

19.5.3

Manifestations cliniques et examens paracliniques

Le client atteint d’EP peut présenter divers signes et symptômes, les plus courants étant la tachycardie et la tachypnée. Parmi les autres manifestations, notons la dyspnée, l’appréhension, l’augmentation de la composante pulmonaire du deuxième bruit cardiaque, la èvre, les crépitants, la douleur thoracique pleurétique, la toux, les signes de TVP et

612

Partie 3

Système respiratoire

l’hémoptysie (Carlbom & Davidson, 2007). La syncope et l’instabilité hémodynamique peuvent survenir à la suite d’une insufsance ventriculaire droite (Tapson, 2008). Les examens paracliniques pouvant être réalisés comprennent les GSA, le dosage des D-dimères, l’électrocardiogramme (ECG), la radiographie thoracique et l’échocardiographie. Les GSA peuvent mettre en évidence une faible PaO2 indiquant une hypoxémie, une faible PaCO2 traduisant une hypocapnie et un pH élevé révélant une alcalose respiratoire. L’hypocapnie entraînant l’alcalose respiratoire est causée par la tachypnée (Dweik & Arroliga, 2013). Une élévation des D-dimères peut se produire en présence d’EP, mais il s’agit d’un examen non spécifique qui peut refléter d’autres affections. Cependant, un taux normal de D-dimère n’est pas observé dans l’EP et peut donc permettre d’en écarter le diagnostic (Carlbom & Davidson, 2007). L’anomalie à l’ECG la plus souvent notée chez le client atteint d’une EP est la tachycardie sinusale (Adams & Awsare, 2011). L’ECG couramment associé à une EP, c’est-à-dire une onde S en DI et une onde Q avec onde T inversée en DIII, est observé chez moins de 20 % des clients (Tapson, 2008). D’autres résultats liés à l’EP incluent un bloc de branche droit, une brillation auriculaire de novo, une inversion de l’onde T dans les dérivations antérieures ou inférieures et des modications du segment ST (Wood, 2011). Les résultats de la radiographie thoracique peuvent être normaux ou anormaux et n’ont que peu de valeur pour conrmer la présence d’une EP. Les résultats anormaux comprennent la cardiomégalie, l’épanchement pleural, l’élévation hémidiaphragmatique, l’élargissement de la branche descendante de l’artère pulmonaire droite (signe de Palla), une densité cunéiforme au-dessus du diaphragme (bosse de Hampton) et la présence d’atélectasie (Dweik & Arroliga, 2013). L’échocardiographie, transthoracique ou transœsophagienne est également utile pour reconnaître une EP, car elle permet de visualiser toute embolie dans les artères pulmonaires centrales. De plus, elle peut servir à évaluer les conséquences hémodynamiques du côté droit du cœur (Carlbom, Davidson, 2007). Distinguer une EP d’autres affections peut s’avérer difcile, car plusieurs de ses manifestations cliniques sont également celles d’autres troubles (Adams & Awsare, 2011). Par conséquent, divers autres examens peuvent être nécessaires, à savoir la scintigraphie V/Q, l’angiographie pulmonaire et l’évaluation de TVP (Carlbom & Davidson, 2007 ; Dweik & Arroliga, 2013 ; Wood, 2011). La TDM est également utilisée pour diagnostiquer l’EP (Dweik & Arroliga, 2013 ; Wood, 2011). Le diagnostic dénitif d’EP nécessite la conrmation par une scintigraphie V/Q à forte probabilité, une anormalité à l’angiogramme pulmonaire ou à la TDM, ou encore un fort soupçon clinique lié à des résultats anormaux à l’évaluation de TVP des membres inférieurs (Dweik & Arroliga, 2013).

19.5.4

Traitements médicaux

Les traitements médicaux de l’EP visent à prévenir les récidives, à faciliter la dissolution ou le retrait des caillots, à renverser les effets de l’hypertension pulmonaire, à promouvoir les échanges gazeux et à prévenir les complications. Les interventions ayant pour but de promouvoir les échanges gazeux incluent l’oxygénothérapie, l’intubation et la ventilation mécanique (Carlbom & Davidson, 2007).

Prévention des récidives Les interventions pour prévenir les récidives d’EP comprennent l’administration I.V. d’héparine non fractionnée, l’administration sous-cutanée (S.C.) d’héparine de bas poids moléculaire, l’administration S.C. de fondaparinux (ArixtraMD) ou la prise P.O.

de warfarine (Coumadin MD) ou de rivaroxaban (XareltoMD) (Kearon, Akl, Comerota et al., 2012 ; Tapson, 2008) TABLEAU 19.6. L’héparine est administrée pour prévenir la formation de caillots potentiels, mais n’a aucun effet sur le thrombus existant. Son dosage doit être ajusté pour maintenir le TCA dans une plage de deux ou trois fois la limite normale supérieure (Tapson, 2008). La warfarine devrait être administrée en même temps, et lorsque le RNI atteint 2 pendant deux jours consécutifs, l’héparine devrait être interrompue. Le RNI devrait être maintenu entre 2 et 3. Le client doit continuer à prendre la warfarine pendant 3 à 12 mois, en fonction de son risque de maladie thromboembolique (Tapson, 2008). Le rivaroxaban, un anticoagulant oral, est indiqué dans le traitement de la thrombose pour une durée de trois à six mois, selon la présence ou non d’un

Pharmacothérapie TABLEAU 19.6

Prévention des récidives de thrombose en cas d’embolie pulmonaire

MÉDICAMENT a

POSOLOGIE

SURVEILLANCE INFIRMIÈRE

Héparine standard ou non fractionnée Héparine

• Protocole d’héparine I.V. en continue, la dose étant ajustée pour que le TCA atteigne un intervalle thérapeutique cible de 1,5 à 2,5 fois le temps du témoin • Exemples : 1) bolus I.V de 5 000 unités, puis perfusion I.V. de 1 300 unités/h ; 2) bolus I.V. de 80 unités/kg puis perfusion I.V. de 18 unités/kg/h

Administrer dans l’attente d’une anticoagulothérapie P.O. efcace avec la warfarine (minimum de cinq jours).

Daltéparine (FragminMD)b

• 200 unités/kg S.C. une fois par jour (die) ou 100 unités/kg S.C. q.12 h

Administrer dans l’attente d’une anticoagulothérapie P.O. efcace avec la warfarine (minimum de cinq jours).

Énoxaparine (LovenoxMD)

• 1,5 mg/kg S.C. die ou 1 mg/kg S.C. q.12 h • Ajustement nécessaire en cas d’insufsance rénale

Nadroparine (FraxiparineMD)

• 171 unités/kg S.C. die ou 86 unités/kg S.C. q.12 h si le client est plus à risque de saignement

Tinzaparine (InnohepMD)

• 175 unités/kg S.C. die

Héparine de bas poids moléculaire

Inhibiteur du facteur Xa Fondaparinux (ArixtraMD)

• 5 mg S.C. die si poids corporel < 50 kg • 7,5 mg S.C. die si 50 ≤ poids corporel ≤ 100 kg • 10 mg S.C. die si poids corporel >100 kg

Poursuivre pendant au moins cinq jours et jusqu’à ce qu’un effet anticoagulant P.O. thérapeutique soit établi (2,0 ≤ RNI ≤ 3,0).

Warfarine (CoumadinMD)

• P.O. die • Dose ajustée selon le RNI

Maintenir un RNI entre 2,0 et 3,0.

Rivaroxaban (XareltoMD)

• 15 mg P.O. deux fois par jour (b.i.d.) × 3 sem. puis 20 mg die

Anticoagulants oraux

a

Le dabigatran n’est pas indiqué pour le traitement de la thrombose, mais plutôt en cas de brillation auriculaire ou en préve ntion de la thrombose postopératoire. L’apixaban est recommandé pour la prévention de l’accident vasculaire cérébral, de la thrombose ou en cas de brillation auriculaire, mais pas pour le traitem ent de la thrombose comme telle. b La daltéparine est indiquée dans le traitement de la TVP aiguë et non de l’EP. Sources : Adapté de Association des pharmaciens du Canada (APhC) (2013) ; Kearon et al. (2012) Chapitre 19

Troubles respiratoires

613

19

facteur de risque temporaire (Association des pharmaciens du Canada [APhC], 2013). L’interruption de la veine cave inférieure est réservée aux clients chez qui l’anticoagulation est contreindiquée. L’intervention fait appel à la pose d’un filtre veineux percutané (p. ex., un filtre de Greeneld) dans la veine cave, habituellement en dessous des artères rénales. Le ltre prévient la migration des embolies thrombotiques vers les poumons (Fairfax & Sing, 2011).

Dissolution ou retrait des caillots 14 La prévention de la maladie thromboembolique veineuse est abordée plus en détail dans le chapitre 14, Troubles cardiovasculaires.

A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux pro­ blèmes découlant d’une EP sont détaillés, selon le pro­ blème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traite­ ments inrmiers.

L’administration d’agents brinolytiques dans le traitement de l’EP a un succès limité. Le traitement fibrinolytique est réservé aux clients atteints d’une EP massive et présentant une instabilité hémodynamique concomitante. L’activateur tissulaire du plasminogène recombinant (t-PA), ou alteplase, (Activase MD) ou la streptokinase peuvent être utilisés. La fenêtre thérapeutique pour utiliser le traitement brinolytique est de 14 jours, bien que la plupart des bienfaits soient habituellement obtenus lorsque ces médicaments sont administrés dans les 48 premières heures (Kearon et al., 2008). Si le traitement brinolytique se révèle contreindiqué, une embolectomie pulmonaire peut être réalisée pour retirer le caillot. Généralement, le chirurgien la réalise de façon effractive alors que le client est soumis à une circulation extracorporelle. L’embolectomie par cathéter constitue une solution de rechange à l’embolectomie chirurgicale, lorsque celle-ci n’est pas disponible ou s’avère contre-indiquée. Elle semble plus efcace lorsqu’elle est réalisée dans les cinq jours suivant l’EP (Samoukovic, Malas, deVarennes et al., 2010).

Renversement de l’hypertension pulmonaire Pour renverser les effets hémodynamiques de l’hypertension pulmonaire, des mesures additionnelles peuvent être prises, entre autres, l’administration d’inotropes et de solutés. Les solutés doivent être administrés pour augmenter la précharge ventriculaire droite, ce qui étire le ventricule droit et accroît la

contractilité (loi de Starling), surmontant ainsi l’élévation des pressions artérielles pulmonaires. Les inotropes peuvent également être utilisés pour augmenter la contractilité an de favoriser l’augmentation du débit cardiaque (Tapson, 2008 ; Wood, 2011).

Soins et traitements inrmiers La prévention de l’EP devrait être un objectif majeur des soins et traitements inrmiers, car la majorité des clients en situation critique de santé en sont à risque. Les interventions inrmières auprès de tout client en situation critique de santé visent à prévenir le développement d’une maladie thromboembolique veineuse, qui est une complication majeure de l’immobilité et l’une des causes principales de l’EP 14 . Ces mesures comprennent l’utilisation de dispositifs de compression pneumatique intermittente, les exercices d’amplitude active ou passive impliquant l’extension des pieds, l’hydratation adéquate et la mobilisation progressive (McLeod & Geerts, 2011). Les soins et les traitements inrmiers du client atteint d’EP visent à prendre en charge divers problèmes qui découlent de sa situation de santé ENCADRÉ 19.16 A . Les interventions inrmières consistent à optimiser l’oxygénation et la ventilation, à dépister les saignements, à veiller au confort et au soutien émotionnel du client, à rester à l’affût des complications et à renseigner le client et sa famille. Elles sont réalisées en interdisciplinarité ENCADRÉ 19.17.

Optimiser l’oxygénation et la ventilation Les interventions inrmières visant à optimiser l’oxygénation et la ventilation incluent le positionnement du client, la prévention de la désaturation et l’élimination des sécrétions, comme expliqué dans la première section de ce chapitre.

Dépister les signes de saignements La surveillance du client qui reçoit des anticoagulants ou des brinolytiques est importante an de dépister les signes de saignements. Les gencives, la

Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 19.16

Embolie pulmonaire

• Altération des échanges gazeux liée à un déséquilibre ventilation-perfusion ou à un shunt intrapulmonaire PSTI A.5

• Anxiété liée à une menace contre l’intégrité biologique, psychologique ou sociale PSTI A.6 • Décit de compréhension lié à une absence d’exposition préalable à l’information PSTI A.8 • Douleur aiguë liée à la transmission et à la perception

614

Partie 3

Système respiratoire

d’impulsions cutanées, viscérales, musculaires ou ischémiques PSTI A.14 • Risque d’aspiration PSTI A.25 • Stratégies d’adaptation familiales perturbées par la situation critique de santé d’un proche malade PSTI A.33 • Stratégies d’adaptation inefcaces à l’égard d’une situation de crise et liées à la vulnérabilité personnelle PSTI A.34

peau, l’urine, les fèces (selles) et les liquides gastriques du client devraient être examinés pour déceler les signes de saignements clairs ou occultes. De plus, les dosages du RNI et du TCA sont cruciaux pour ajuster le traitement anticoagulant.

Informer le client et ses proches Dès le début de l’hospitalisation du client, l’inrmière renseigne celui-ci et ses proches sur l’EP, ses causes et ses traitements ENCADRÉ 19.18. À mesure que se rapproche le congé du client du centre hospitalier, l’enseignement devrait porter sur les interventions nécessaires pour prévenir les récidives de TVP et d’embolies associées, les signes et symptômes de la TVP, les complications de l’anticoagulothérapie, ainsi que les mesures pour prévenir et dépister les saignements. Si le client est fumeur, il doit être encouragé à cesser de fumer, et l’inrmière l’oriente vers un programme d’abandon du tabac.

Interventions interdisciplinaires ENCADRÉ 19.17

• • • •

Administrer l’oxygénothérapie. Pratiquer l’intubation. Amorcer la ventilation mécanique. Administrer la médication : – brinolytiques ; – anticoagulants ; – bronchodilatateurs ; – inotropes ; – sédatifs ; – analgésiques.

Status asthmaticus

L’asthme est une MPOC caractérisée par l’obstruction partielle et réversible des voies respiratoires, l’inammation et l’hyperréactivité à divers stimulus (Fanta, 2009). Le status asthmaticus est une crise d’asthme grave qui ne répond pas au traitement classique, c’est-à-dire au moyen de bronchodilatateurs, et qui évolue vers une insufsance respiratoire aiguë (Holgate, 2006 ; Sims, 2006).

19.6.1

Étiologie

L’élément déclencheur de la crise est habituellement une infection des voies respiratoires supérieures, l’exposition à un allergène ou la diminution du traitement anti-inammatoire. D’autres facteurs en cause peuvent être la surutilisation des bronchodilatateurs, les polluants environnementaux, le manque d’accès aux soins de santé, la détection tardive d’une détérioration de l’état respiratoire et la non-adhésion au plan de traitement (Holgate, 2006).

19.6.2

Physiopathologie

La crise asthmatique est déclenchée après l’exposition au facteur déclencheur (p. ex., un irritant), qui entraîne l’amorce d’une réponse immunitaire inammatoire dans les voies respiratoires. Il s’ensuit un bronchospasme ainsi qu’une augmentation de la perméabilité vasculaire et de la production de mucus. L’œdème des muqueuses et la présence de mucus épais et tenace augmentent davantage la réactivité du système respiratoire. La combinaison du bronchospasme, de l’inammation des voies aériennes et de l’hyperréactivité entraîne un rétrécissement et une obstruction des voies respiratoires. Ces changements ont des effets importants sur les systèmes respiratoire et cardiovasculaire (Holgate, 2006).

• Administrer des solutés. • Positionner le client an d’optimiser l’équilibre du rapport V/Q. • Assurer la surveillance pour repérer les complications : – saignements ; – SDRA. • Veiller au confort et au soutien émotionnel du client et de ses proches.

Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 19.18

19.6

Embolie pulmonaire

Embolie pulmonaire

L’inrmière aborde les sujets suivants : • physiopathologie de l’EP ; • étiologie propre au client ; • modication des facteurs précipitants ; • mesures pour prévenir la TVP (p. ex., éviter de porter des vêtements serrés, de croiser les jambes et de rester assis ou debout de façon prolongée ; élever les jambes en position assise ; faire de l’activité physique) ; • signes et symptômes de la TVP (p. ex., une rougeur, de l’œdème, une douleur aiguë ou profonde dans les jambes) ; • importance de l’adhésion au traitement ; • signes et symptômes des complications de l’anticoagulothérapie (p. ex., des ecchymoses excessives, une décoloration de la peau, des changements de couleur de l’urine ou des selles) ; • mesures pour prévenir les saignements (p. ex., utiliser une brosse à dents à poils souples, se raser avec précaution).

Effets respiratoires À mesure que le diamètre des voies respiratoires diminue, leur résistance augmente, entraînant une hausse du volume résiduel, une hyperination des poumons, un effort respiratoire accru et une distribution anormale de la ventilation. Il se produit un déséquilibre du rapport V/Q, qui occasionne une hypoxémie. L’espace mort alvéolaire augmente également avec la vasoconstriction hypoxique, entraînant une hypercapnie (Holgate, 2006).

Effets cardiovasculaires L’effort inspiratoire augmente an de ventiler les poumons surdistendus, ce qui entraîne une importante hausse de la pression négative intrapleurale, menant à une augmentation du retour veineux et à une accumulation de sang dans le ventricule droit. La distension ventriculaire droite déplace le septum intraventriculaire, ce qui empiète sur le ventricule gauche. De plus, ce dernier doit travailler Chapitre 19

L’Association pulmonaire du Canada offre plus de renseignements sur l’EP : www.poumon.ca/diseasesmaladies/a-z/embolusembolie/index_f.php.

La MPOC est présentée en détail dans le chapitre 36 du manuel de Lewis, S.L., Dirksen, S.R., Heitkemper, M., et al. (2011). Soins inrmiers : Médecine – Chirurgie. Montréal : Chenelière Éducation.

Troubles respiratoires

615

19

plus fort pour éjecter le sang depuis une pression thoracique signicativement négative vers une pression systémique élevée. Cela entraîne une diminution du débit cardiaque et une chute de la pression systolique à l’inspiration (pouls paradoxal) (Holgate, 2006).

19.6.3

Manifestations cliniques et examens paracliniques

Au début, le client peut présenter une toux, une respiration sifante et une dyspnée. À mesure que la crise progresse, il est aux prises avec une tachypnée, une tachycardie et une diaphorèse ; il fait une utilisation accrue des muscles accessoires, et son pouls paradoxal excède 25 mm Hg. L’altération de l’état de conscience, l’incapacité à parler, la diminution ou l’absence de bruits respiratoires ainsi que l’incapacité de se reposer en décubitus dorsal annoncent l’apparition de l’insuffisance respiratoire aiguë (Fanta, 2009 ; Sims, 2006). Les GSA initiaux indiquent une hypocapnie et une alcalose respiratoire liées à l’hyperventilation. À mesure que la crise évolue et que le client se fatigue, l’hypoxémie et l’hypercapnie se développent (Sims, 2006). Une acidose lactique peut également survenir à la suite d’une surproduction de lactate par les muscles respiratoires, ce qui entraîne le développement d’une acidose mixte (respiratoire et métabolique) (Cairns, 2006). Une détérioration de la fonction respiratoire malgré un traitement agressif par des bronchodilatateurs permet d’établir le diagnostic de status asthmaticus et indique le besoin potentiel d’intubation. Un débit expiratoire de pointe de 40 % inférieur à la valeur prédite ou encore un volume expiratoire maximal par seconde (volume maximal de gaz expiré pendant la première seconde d’une expiration forcée) de 20 % inférieur à la valeur prédite indiquent une obstruction importante des voies respiratoires : la nécessité du recours à la ventilation mécanique peut être imminente (Restrepo & Peters, 2008).

19.6.4

Traitements médicaux

Les traitements médicaux du client atteint de status asthmaticus visent à soutenir l’oxygénation et la ventilation. Les bronchodilatateurs, les corticostéroïdes, l’oxygénothérapie, ainsi que l’intubation et la ventilation mécanique sont les pierres angulaires du traitement (Sims, 2006).

Pharmacothérapie Bronchodilatateurs Les bêta-2 agonistes, comme le salbutamol (VentolinMD) et la terbutaline (BricanylMD), et les anticholinergiques, comme l’ipratropium (AtroventMD), sont les bronchodilatateurs de choix dans le traitement du status asthmaticus. Les bêta-2 agonistes favorisent la bronchodilatation et peuvent être

616

Partie 3

Système respiratoire

administrés en nébulisation ou par aérosol-doseur. Habituellement, des doses plus élevées et plus fréquentes que celles utilisées pour le traitement de maintien sont administrées, et la dose du médicament est ajustée en fonction de la réponse du client. Les anticholinergiques, qui inhibent la bronchoconstriction, ne sont pas très efcaces en monothérapie, mais administrés de façon concomitante avec les bêta-2 agonistes, ils exercent un effet synergique et produisent une amélioration plus importante de la fonction respiratoire. L’usage systématique des xanthines n’est pas recommandé pour traiter le status asthmaticus, car elles n’ont pas démontré sufsamment de bienfaits thérapeutiques (Holgate, 2006 ; Restrepo & Peters, 2008). Diverses études ont évalué l’effet bronchodilatateur du magnésium. Bien qu’il ait été démontré que l’efcacité bronchodilatatrice du magnésium soit inférieure à celle des bêta-2 agonistes, le magnésium peut être bénéque chez les clients ne répondant pas au traitement classique. Un bolus I.V. de 1 à 4 g de sulfate de magnésium, administré sur une période de 10 à 40 minutes, a produit des effets favorables (Holgate, 2006 ; Restrepo & Peters, 2008 ; Sims, 2006). D’autres études ont évalué les effets des inhibiteurs des leucotriènes comme le zafirlukast (AccolateMD) et le montélukast (SingulairMD) dans le traitement du status asthmaticus. Les leucotriènes sont des médiateurs inammatoires qui causent une bronchoconstriction et une inammation des voies respiratoires. Les travaux de recherche semblent indiquer que ces médicaments peuvent être bénéques comme bronchodilatateurs chez le client réfractaire aux bêta-2 agonistes (Restrepo & Peters, 2008).

Corticostéroïdes à action systémique Les corticostéroïdes I.V., comme le méthylprednisolone (Solu-MedrolMD), ou oraux, comme la prednisone, sont également utilisés pour traiter le status asthmaticus. Leurs effets anti-inammatoires limitent l’œdème des muqueuses, diminuent la production de mucus et potentialisent l’action des bêta-2 agonistes. Les effets des corticostéroïdes apparaissent en l’espace de six à huit heures (Sims, 2006). L’usage des corticostéroïdes en inhalation pour le traitement du status asthmaticus demeure incertain pour le moment (Holgate, 2006 ; Sims, 2006). Des études préliminaires indiquent qu’ils peuvent être bénéques auprès de certaines clientèles (Sims, 2006).

Oxygénothérapie Le traitement initial de l’hypoxémie est l’oxygénothérapie. Une oxygénothérapie à débit élevé est administrée pour maintenir la saturation pulsatile en oxygène (SpO2) au-dessus de 92 % (Holgate, 2006). L’héliox, un mélange d’hélium et d’oxygène, est une autre thérapie qui fait l’objet d’études. L’héliox a une plus faible densité et une viscosité plus élevée que le mélange d’oxygène et d’air. Il réduirait l’effort respiratoire et améliorerait les

échanges gazeux, car il atteint plus facilement les régions présentant une constriction. Des études ont démontré que l’héliox diminue l’emprisonnement d’air et de dioxyde de carbone et qu’il aide à corriger l’acidose respiratoire (Holgate, 2006).

Intubation et ventilation mécanique Les indications pour la ventilation mécanique comprennent l’altération de l’état de conscience, l’échec du traitement bronchodilatateur, l’épuisement et l’arrêt cardiaque ou respiratoire (Cairns, 2006 ; Holgate, 2006 ; Restrepo & Peters, 2008). Un tube endotrachéal de gros calibre (8 mm) devrait être utilisé pour diminuer la résistance des voies aériennes et faciliter l’aspiration des sécrétions. Il peut être très difcile de ventiler le client atteint de status asthmaticus. Il faut éviter les pressions d’insufation élevées, car elles peuvent entraîner un barotraumatisme. L’utilisation de la PEP doit être surveillée étroitement, car une hyperination alvéolaire (auto-PEP) est susceptible de se développer. L’asynchronie client-respirateur peut également représenter un problème majeur. La sédation et la paralysie neuromusculaire peuvent devenir nécessaires pour permettre une ventilation adéquate du client (Cairns, 2006 ; Holgate, 2006).

Optimiser l’oxygénation et la ventilation Les interventions inrmières visant à optimiser l’oxygénation et la ventilation incluent le positionnement du client, la prévention de la désaturation et l’élimination des sécrétions. Elles sont décrites dans la première section de ce chapitre.

Informer le client et ses proches Dès le début de l’hospitalisation du client, l’inrmière renseigne celui-ci et ses proches sur l’asthme, sur les facteurs déclencheurs et sur le traitement ENCADRÉ 19.21. À mesure que se rapproche le congé du client du centre hospitalier, l’enseignement devrait porter sur les interventions nécessaires pour prévenir la récidive du status asthmaticus, sur les signes précurseurs du bronchospasme, l’utilisation adéquate d’un inhalateur et d’un débitmètre de pointe, les mesures pour prévenir les infections pulmonaires ainsi que les signes et les symptômes d’une infection respiratoire. Si le client est fumeur, il doit être encouragé à cesser de fumer et orienté vers un programme d’abandon du tabac. De plus, il faut souligner l’importance de participer à un programme de réadaptation pulmonaire.

Plusieurs organismes peuvent compléter l’enseignement de l’inrmière sur l’asthme, dont Asthme et Allergies Québec (www.asthmeallergies.com), et le CHU Sainte-Justine (www.chu-sainte-justine.org/ cliniques/ua.aspx ?item=93600).

A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux pro­ blèmes qui découlent d’un status asthmaticus sont décrits, selon le problème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers.

19

Interventions interdisciplinaires

Soins et traitements inrmiers Les soins et les traitements inrmiers du client atteint du status asthmaticus visent à prendre en charge divers problèmes découlant de sa situation de santé ENCADRÉ 19.19 A . Il s’agit d’optimiser l’oxygénation et la ventilation, de veiller au confort et au soutien émotionnel du client, de rester à l’affût des complications et de renseigner le client et ses proches. Pour ce faire, l’inrmière collabore avec le médecin et l’inhalothérapeute ENCADRÉ 19.20.

ENCADRÉ 19.20

Status asthmaticus

• Administrer la médication : – bronchodilatateurs ; – corticostéroïdes ; – sédatifs. • Administrer l’oxygénothérapie. • Pratiquer l’intubation. • Amorcer la ventilation mécanique.

• Assurer la surveillance pour repérer les complications : – insufsance respiratoire aiguë. • Veiller au confort et au soutien émotionnel du client et de ses proches.

Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 19.19

Status asthmaticus

• Altération des échanges gazeux liée à une hypoventilation alvéolaire PSTI A.5 • Altération des échanges gazeux liée à un déséquilibre ventilation-perfusion ou à un shunt intrapulmonaire PSTI A.5

• Anxiété liée à une menace contre l’intégrité biologique, psychologique ou sociale PSTI A.6 • Décit de compréhension lié à une absence d’exposition préalable à l’information PSTI A.8 • Dégagement inefcace des voies respiratoires lié à la

présence excessive de sécrétions ou à une viscosité anormale du mucus PSTI A.10 • Respiration inefcace liée à la fatigue musculosquelettique ou à une altération neuromusculaire PSTI A.23 • Perturbation de l’image de soi découlant d’une dépendance envers de l’équipement d’assistance fonctionnelle PSTI A.24

• Risque d’infection PSTI A.31 • Stratégies d’adaptation familiales perturbées par la situation critique de santé d’un proche malade PSTI A.33

Chapitre 19

Troubles respiratoires

617

Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 19.21

Status asthmaticus

L’inrmière aborde les sujets suivants : • physiopathologie du status asthmaticus ; • étiologie propre au client ; • signes précurseurs du bronchospasme (chute de 20 % du débit expiratoire de pointe en deçà de la valeur prédite ou de la valeur personnelle optimale, augmentation de la toux, essouf­ ement, oppression thoracique, respiration sifante) ; • traitement des crises ; • importance de l’adhésion au traitement et de l’évitement de la médication offerte en vente libre ; • utilisation adéquate d’un inhalateur (avec ou sans aérochambre) ; • utilisation adéquate d’un débitmètre de pointe ; • élimination des agents déclencheurs environnementaux (p. ex., le pollen, la poussière, les moisissures, les squames de chats et de chiens, l’air froid ou sec, les odeurs fortes, les aérosols domestiques, la fumée de tabac, la pollution atmosphérique) ; • mesures pour prévenir les infections respiratoires (p. ex., une alimentation et une hygiène des mains adéquates, l’immunisation contre S. pneumoniae et les virus de la grippe) ; • signes et symptômes de l’infection respiratoire (p. ex., un changement de couleur des expectorations, un essoufement, de la èvre) ; • importance de participer à un programme de réadaptation pulmonaire.

s’agir d’un trauma contondant de la paroi thoracique (pneumothorax traumatique fermé), secondaire à des interventions diagnostiques ou thérapeutiques (pneumothorax traumatique iatrogène), lié à des maladies du système respiratoire (pneumothorax spontané secondaire) ou à une rupture de bulles sous-pleurales (pneumothorax spontané primaire) (Strange, 2013 ; van Berkel et al., 2010). La rupture alvéolaire résulte d’un changement des gradients de pression entre les alvéoles et l’espace interstitiel avoisinant. Une hausse de la pression alvéolaire ou une baisse de la pression interstitielle peut mener à une surdistention et à une rupture des alvéoles, ainsi qu’à la fuite d’air dans l’espace interstitiel. La ventilation mécanique est l’une des causes les plus courantes du barotraumatisme (Flanders & Gunn, 2011).

19.7.2

Physiopathologie

La physiopathologie des pneumothorax et des barotraumatismes est différente, tout comme leurs conséquences chez le client. Leurs effets respectifs sur la fonction respiratoire et leurs répercussions systémiques sont décrits ci-après.

Pneumothorax

19.7

Fuites aériennes pulmonaires

Les fuites aériennes pulmonaires sont des affections qui entraînent une accumulation d’air extra-alvéolaire. Ces affections sont couramment divisées en deux catégories : les pneumothorax (Strange, 2013 ; van Berkel, Kuo, Meyers et al., 2010) et les barotraumatismes (Flanders & Gunn, 2011). Le pneumothorax survient avec l’accumulation d’air ou d’autres gaz dans l’espace pleural (Strange, 2013 ; van Berkel et al., 2010). Le barotraumatisme résulte d’une pression excessive dans les alvéoles qui entraîne un stress important sur la paroi alvéolaire et une lésion de la membrane alvéolo capillaire, causant la fuite de l’air dans l’espace interstitiel (Flanders & Gunn, 2011).

19.7.1

Étiologie

Les deux principales causes des fuites aériennes pulmonaires sont : 1) la rupture de la plèvre pariétale ou viscérale, qui permet l’entrée de l’air dans l’espace pleural (pneumothorax) (Strange, 2013 ; van Berkel et al., 2010) ; 2) la rupture des alvéoles, qui permet l’entrée de l’air dans l’espace interstitiel (barotraumatisme) (Flanders & Gunn, 2011) TABLEAU 19.7. La rupture de la plèvre pariétale survient à la suite d’un trauma pénétrant de la paroi thoracique, qui permet à l’air atmosphérique d’entrer dans l’espace pleural (pneumothorax traumatique ouvert) (Strange, 2013 ; van Berkel et al., 2010). La rupture de la plèvre viscérale survient à la suite de l’entrée de l’air des poumons dans l’espace pleural. Dans ce cas, il peut

618

Partie 3

Système respiratoire

Indépendamment de la cause, l’entrée d’air dans l’espace pleural comprime le poumon atteint. À mesure que le poumon s’affaisse, les alvéoles deviennent sous-ventilées, entraînant un déséquilibre du rapport V/Q et un shunt intrapulmonaire. Si le pneumothorax est important, une hypoxémie s’ensuit, et une insufsance respiratoire aiguë se développe rapidement. Une augmentation importante de la pression intrathoracique peut mener à un déplacement du médiastin, à une compression des gros vaisseaux et à diminution du débit cardiaque (Strange, 2013 ; van Berkel et al., 2010).

Barotraumatisme Après avoir pénétré dans l’espace interstitiel, l’air traverse le tissu interstitiel pulmonaire (emphysème interstitiel pulmonaire), sort par le hile et entre dans le médiastin (pneumomédiastin), l’espace pleural (pneumothorax), les tissus sous-cutanés (emphysème sous-cutané), le péricarde (pneumopéricarde), le péritoine (pneumopéritoine) et le rétropéritoine (pneumorétropéritoine) (Flanders & Gunn, 2011). À l’exception du pneumothorax, les conséquences sont habituellement assez bénignes. Cependant, le pneumomédiastin a été associé à une diminution du retour veineux et à une obstruction des voies respiratoires supérieures (Takada, Matsumoto, Hirmatsu et al., 2008), tandis que le pneumopéricarde a été associé à une tamponnade cardiaque (Haan & Scalea, 2006).

19.7.3

Manifestations cliniques et examens paracliniques

Les manifestations cliniques du pneumothorax dépendent du degré d’affaissement pulmonaire. Si le pneumothorax est important, une diminution de

TABLEAU 19.7

Fuites aériennes pulmonaires

TYPE

DESCRIPTION

Pneumothorax Spontané Primaire

Rupture de la plèvre viscérale permettant à l’air des poumons d’entrer dans l’espace pleural et qui survient spontanément chez le client non atteint d’une pneumopathie sous-jacente

Secondaire

Rupture de la plèvre viscérale permettant à l’air des poumons d’entrer dans l’espace pleural et qui survient spontanément chez le client atteint d’une pneumopathie sous-jacente

Traumatique Ouvert

Lacération de la plèvre pariétale permettant à l’air atmosphérique d’entrer dans l’espace pleural et qui survient à la suite d’un trauma thoracique pénétrant

Fermé

Lacération de la plèvre viscérale permettant à l’air des poumons d’entrer dans l’espace pleural et qui survient à la suite d’un trauma thoracique contondant

Iatrogène

Lacération de la plèvre viscérale permettant à l’air des poumons d’entrer dans l’espace pleural et qui survient à la suite d’interventions thérapeutiques ou diagnostiques (p. ex., une aspiration à l’aiguille, l’insertion d’un cathéter veineux central, une thoracocentèse)

Sous tension

Fuite qui survient lorsque l’air s’accumule dans l’espace pleural et y reste emprisonné ; à mesure que la pression augmente dan s l’espace pleural, le poumon s’affaisse, et le médiastin se déplace vers le côté non atteint ; peut résulter d’un pneumothorax spontané o u traumatique

Barotraumatisme ou volutraumatisme Emphysème interstitiel pulmonaire

Air dans l’espace interstitiel pulmonaire

Emphysème sous-cutané

Air dans les tissus sous-cutanés

Pneumomédiastin

Air dans l’espace médiastinal

Pneumopéricarde

Air dans l’espace péricardique

Pneumopéritoine

Air dans l’espace péritonéal

Pneumorétropéritoine

Air dans l’espace rétropéritonéal

l’amplitude respiratoire du côté atteint et une proéminence des muscles intercostaux peuvent être observées. La trachée peut se déplacer à l’opposé du côté touché. La percussion révèle une hypersonorité accompagnée de bruits respiratoires atténués ou absents à l’auscultation au-dessus de la région atteinte. L’analyse des GSA met en évidence une hypoxémie et une hypercapnie (Strange, 2013 ; van Berkel et al., 2010). Une radiographie thoracique conrme le pneumothorax, avec une augmentation de la translucidité apparente du côté touché (Specht & Stoller 2013 ; van Berkel et al., 2010) FIGURE 19.7. Les manifestations cliniques du barotraumatisme sont beaucoup plus subtiles. L’emphysème souscutané se manifeste par des crépitements à la palpation, habituellement autour du visage, du cou et du haut de la poitrine (van Berkel et al., 2010). Les douleurs rétrosternales en coup de poignard au moment des changements de position et à l’inspiration profonde sont les symptômes les plus souvent rapportés du pneumomédiastin (Takada et al., 2008). Une crépitation auscultatoire synchronisée avec les bruits

19

cardiaques est pathognomonique du pneumomédiastin et peut être entendue au-dessus de l’apex du cœur (signe de Hamman) (Takada et al., 2008). Un son de frottement peut être audible dans le cas d’un pneumopéricarde (Haan & Scalea, 2006). Le barotraumatisme se conrme également par radiographie. L’air extra-alvéolaire, mis en évidence par une translucidité accrue, est présent dans la région atteinte (p. ex., la poitrine, l’abdomen) (Jones, 2007).

19.7.4

Traitements médicaux

Les traitements médicaux des fuites aériennes pulmonaires diffèrent selon la gravité de l’affection. Habituellement, seul le pneumothorax nécessite un traitement et, là encore, cela dépend de son importance. Un pneumothorax de moins de 15 % ne nécessite généralement pas de traitement autre qu’une oxygénothérapie, à moins que des complications surviennent ou qu’une pneumopathie ou une lésion sous-jacente soit présente (Strange, 2013 ; van Berkel et al., 2010). Chapitre 19

Troubles respiratoires

619

FIGURE 19.7 Pneumothorax sous tension du côté gauche. À noter, le déplacement du cœur et du médiastin vers la droite.

chambre scellée sous eau est remplie avec la quantité d’eau stérile fournie par le fabricant, et la chambre de contrôle de l’aspiration est réglée jusqu’au niveau prescrit d’aspiration. La chambre scellée sous eau agit comme une valve à sens unique, permettant à l’air de s’échapper du thorax sans y entrer. Après l’insertion des drains thoraciques, la chambre de contrôle de l’aspiration est attachée à un dispositif de succion mural, qui est ajusté jusqu’à ce que le niveau d’aspiration souhaité soit atteint (généralement 20 cm H2O). Tout liquide drainé du thorax est recueilli dans la chambre de collecte. Les points de connexion du tube de drainage sont scellés avec du ruban adhésif, et un pansement occlusif est appliqué au site d’insertion du drain thoracique. Après la mise en place du cathéter et du dispositif de drainage, une radiographie thoracique devrait être effectuée pour conrmer la réexpansion du poumon (Durai, Hogue & Davies, 2010 ; van Berkel et al., 2010). Une intervention chirurgicale peut s’avérer nécessaire chez les clients présentant une fuite aérienne persistante ou dont le poumon ne reprend pas son expansion dans un délai de trois à cinq jours. L’intervention privilégiée est la chirurgie vidéoendoscopique thoracique (Yarmus & Feller-Kopman, 2012).

Traitement d’urgence du pneumothorax Traitement classique du pneumothorax Un pneumothorax plus important que 15 % nécessite une intervention pour évacuer l’air de l’espace pleural et faciliter la réexpansion du poumon affaissé (van Berkel et al., 2010 ; Yarmus & Feller-Kopman, 2012). Les interventions comprennent l’aspiration de l’air au moyen d’une aiguille et la mise en place d’un drain thoracique de petit calibre (de 12 à 20 Fr) ou de gros calibre (de 24 à 40 Fr). Les drains thoraciques sont insérés dans l’espace pleural pour évacuer le liquide ou l’air, rétablir la pression négative intrapleurale et assurer la réexpansion du poumon affaissé (van Berkel et al., 2010 ; Yarmus & FellerKopman, 2012). La mise en place d’un drain de petit calibre est généralement favorisée, puisque les plus petits drains sont plus confortables pour le client et aussi efcaces que les plus gros. Chez le client ventilé mécaniquement atteint d’un pneumothorax secondaire à un barotraumatisme, les drains thoraciques de gros calibre sont privilégiés (Light, 2011). Le drain thoracique est habituellement inséré dans le quatrième ou le cinquième espace intercostal sur la ligne médioaxillaire. Une fois le drain inséré, il est attaché à une valve de Heimlich ou à un système de drainage. La valve de Heimlich est une petite valve à sens unique qui permet d’évacuer l’air de l’espace pleural, mais qui empêche l’air d’y entrer FIGURE 19.8. Elle peut être utilisée seule ou rattachée à un sac de drainage (van Berkel et al., 2010). Un système de drainage à dépression d’eau (p. ex., Pleur-EvacMD) est un dispositif en plastique jetable qui comporte trois compartiments : 1) la chambre scellée sous eau ; 2) la chambre de contrôle de l’aspiration ; 3) la chambre de collecte. Habituellement, la

620

Partie 3

Système respiratoire

Le pneumothorax sous tension et le pneumopéricarde sous tension sont deux affections qui nécessitent une prise en charge immédiate ainsi qu’une intervention d’urgence.

Pneumothorax sous tension Un pneumothorax sous tension se développe lorsque l’air pénètre dans l’espace pleural à l’inspiration sans pouvoir s’en échapper à l’expiration. À mesure que la pression dans l’espace pleural augmente, elle entraîne un affaissement du poumon et un déplacement du médiastin et de la trachée vers le côté sain FIGURE 19.7. L’effet est une diminution du retour veineux et une compression du poumon non atteint. Les signes cliniques sont une diminution des bruits respiratoires, une hypersonorité à la percussion, une tachycardie et une hypotension. Le traitement comprend l’oxygénothérapie et la décompression du pneumothorax. Pour ce faire, le médecin insère une aiguille ou un cathéter de gros calibre dans le deuxième espace intercostal à la ligne médioclaviculaire du côté atteint, ce qui abaisse la pression dans le thorax. L’aiguille doit rester en place jusqu’à ce que le client soit stabilisé et qu’un drain thoracique soit inséré (Strange, 2013 ; Yarmus & Feller-Kopman, 2012).

FIGURE 19.8 Valve de Heimlich.

Pneumopéricarde sous tension Un pneumopéricarde sous tension se développe lorsque l’air pénètre dans l’espace péricardique et qu’il ne peut s’en échapper. À mesure que la pression augmente dans le péricarde, elle entraîne une compression du cœur et le développement d’une tamponnade cardiaque. Une péricardiocentèse devrait être réalisée immédiatement pour libérer la pression dans l’enveloppe péricardiaque (Haan & Scalea, 2006).

Soins et traitements inrmiers Les soins et les traitements inrmiers du client présentant des fuites aériennes pulmonaires visent à prendre en charge divers problèmes découlant de sa situation de santé ENCADRÉ 19.22 A . Il s’agit d’optimiser l’oxygénation et la ventilation, de maintenir le système de drainage, de veiller au confort et au soutien du client et de rester à l’affût des complications. L’inrmière travaille avec l’équipe interdisciplinaire ENCADRÉ 19.23.

Optimiser l’oxygénation et la ventilation Les interventions inrmières visant à optimiser l’oxygénation et la ventilation incluent le positionnement du client, la prévention de la désaturation et l’élimination des sécrétions. Elles sont détaillées dans la première section de ce chapitre.

Maintenir le système de drainage Pour assurer le maintien du système de drainage, une attention particulière doit être portée au niveau d’aspiration appliqué et à la perméabilité des tubes de drainage 20 . Il faut éviter les entortillements et les longues boucles de tubes, car ils peuvent entraver le drainage et l’évacuation de l’air, ce qui peut limiter la réexpansion pulmonaire rapide ou encore entraîner un pneumothorax sous tension. Le liquide drainé devient également un excellent milieu pour la prolifération bactérienne. La chambre scellée sous eau doit régulièrement être inspectée pour dépister le bullage inattendu causé par une fuite d’air dans le système (Durai et al., 2010).

La source d’un bullage doit être repérée. Pour déterminer si la source provient du système ou du client, il faut systématiquement effectuer un bref clampage du tube de drainage. L’inrmière place une clampe rembourrée sur le tube de drainage le plus près possible du pansement occlusif. Si le bullage d’air cesse, la fuite d’air est localisée entre le client et la clampe. La fuite peut se trouver dans le corps du client ou au site d’insertion. Il faut alors retirer la clampe et exposer le site d’insertion du drain thoracique. Le drain doit être inspecté à l’endroit où il est inséré dans le thorax pour s’assurer que tous les œillets se trouvent dans le thorax. Si l’orice de l’œillet se trouve à l’extérieur du corps, il peut être une source de fuite d’air et doit être bouché, ce qui nécessite l’attention du médecin. Après avoir éliminé le site d’insertion comme source de la fuite d’air, le pansement doit être réappliqué an de couvrir complètement et sécuritairement le site. Si le bullage d’air ne cesse pas lorsque le drain thoracique est clampé, la fuite doit être située entre la clampe et le collecteur. La fuite peut être décelée en relâchant la clampe et en descendant le tube de quelques pouces à la fois jusqu’à ce que le bullage cesse. Lorsque le siège de la fuite a été localisé, il peut être scellé avec du ruban adhésif, ou le système peut être remplacé (Durai et al., 2010). Un pansement occlusif stérile et une bouteille d’eau stérile devraient être placés au chevet du client en tout temps. Si le système de drainage thoracique est interrompu par inadvertance, quelques centimètres du tube doivent être placés dans la bouteille d’eau pendant que le système de drainage est rétabli. L’inrmière applique un pansement occlusif stérile sur la paroi thoracique si le drain est accidentellement retiré. L’instauration immédiate de ces techniques prévient ou réduit la formation d’un pneumothorax et de complications plus importantes. Pendant toute la durée du drainage thoracique, le client doit être évalué régulièrement pour conrmer la réexpansion du poumon et repérer les complications. L’infirmière évalue le thorax et les poumons, en portant une attention particulière à toute déviation trachéale, à une asymétrie du mouvement thoracique, à la présence d’emphysème

A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux pro­ blèmes découlant de fuites aériennes pulmonaires sont détaillés, selon le problème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers.

19

20 Le maintien ainsi que la surveillance du système de drainage thoracique sont détaillés dans le chapitre 20, Approche thérapeutique du système respiratoire.

Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 19.22

Fuites aériennes pulmonaires

• Altération des échanges gazeux liée à un déséquilibre ventilation-perfusion ou à un shunt intrapulmonaire PSTI A.5

• Anxiété liée à une menace contre l’intégrité biologique, psychologique ou sociale PSTI A.6 • Douleur aiguë liée à la transmission et à la perception d’impulsions cutanées, viscérales, musculaires ou ischémiques PSTI A.14

• Respiration inefcace liée à une diminution de l’expansion pulmonaire PSTI A.23 • Perturbation de l’image de soi découlant d’un changement dans la structure, les fonctions ou l’apparence du corps PSTI A.24

• Stratégies d’adaptation familiales perturbées par la situation critique de santé d’un proche malade PSTI A.33

Chapitre 19

Troubles respiratoires

621

Interventions interdisciplinaires ENCADRÉ 19.23

• • • •

Fuites aériennes pulmonaires

Administrer l’oxygénothérapie. Pratiquer l’intubation au besoin. Amorcer la ventilation mécanique au besoin. Évacuer l’air de l’espace pleural : – cathéter percutané attaché à une valve de Heimlich ; – drain thoracique relié à un système de drainage.

• Assurer la surveillance pour repérer les complications : – insufsance respiratoire aiguë. • Maintenir le système de drainage thoracique. • Veiller au confort et au soutien émotionnel du client et de ses proches.

sous-cutané, aux caractéristiques de la respiration, à la qualité des bruits pulmonaires et à la présence d’un tympanisme à la percussion, qui sont indicatifs d’un pneumothorax.

19.8 A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux pro­ blèmes découlant d’une DVMLT sont détaillés, selon le problème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers.

Dépendance à la ventilation mécanique à long terme

La dépendance à la ventilation mécanique à long terme (DVMLT), ou ventilation mécanique prolongée, est un trouble secondaire qui survient lorsqu’un client nécessite une ventilation mécanique plus longtemps que prévu en raison d’un trouble sous-jacent (Boles, Bion, Connors et al., 2007 ; Knebel, Shekleton, Burns et al., 1994 ; MacIntyre, 2012). Elle résulte de troubles médicaux complexes qui ne permettent pas le sevrage normal de la ventilation mécanique dans les délais habituels. En 2005, le groupe de consensus de la National Association for Medical Direction of Respiratory Care a recommandé que la DVMLT soit dénie comme le besoin d’une ventilation mécanique plus de 20 jours consécutifs, et ce, à raison de 6 heures par jour ou plus (MacIntyre, Epstein, Carson et al., 2005). Plusieurs groupes de recherche ont adopté cette dénition pour l’élaboration de leurs protocoles (Boles et al., 2007 ; Carson, Garrett, Hanson et al., 2008 ; Crocker 2009 ; El-Khativ & Bou-Khalil, 2008 ; Jubran, Grant, Duffner et al., 2013 ; Lone & Walsh, 2011).

19.8.1

Étiologie et physiopathologie

Divers facteurs physiologiques et psychologiques contribuent au développement de la DVMLT. Les facteurs physiologiques incluent les affections entraînant une diminution des échanges gazeux, une augmentation de l’effort respiratoire, une augmentation de la demande ventilatoire, une diminution du réexe respiratoire et une augmentation de la fatigue des muscles respiratoires (Caroleo, Agnello, Abdallah et al., 2007 ; MacIntyre, 2012) ENCADRÉ 19.24. Les facteurs psychologiques comprennent les perturbations entraînant une perte de contrôle du rythme

622

Partie 3

Système respiratoire

respiratoire, un manque de motivation et de conance, ainsi que le délirium (Boles et al., 2007 ; El-Khativ & Bou-Khalil, 2008 ; MacIntyre, 1995) ENCADRÉ 19.25. Le développement d’une DVMLT est également inuencé par la gravité et la durée de l’affection actuelle du client ainsi que de tout problème de santé chronique sous-jacent (Burns, 2007), les clients atteints de MPOC étant tout particulièrement à risque (Ram, Picot, Lightowler et al., 2004).

19.8.2

Traitements médicaux et soins inrmiers

L’objectif des traitements médicaux et des soins inrmiers du client ayant une DVMLT est la réussite du sevrage. Pour ce faire, le Third National Study Group on Weaning from Mechanical Ventilation, parrainé par l’AACN, a proposé le modèle du continuum de sevrage, qui divise le sevrage en trois étapes : 1) présevrage ; 2) sevrage ; 3) postsevrage (Knebel, Shekleton, Burns et al., 1998). L’inrmière est appelée à reconnaître et à signaler les problèmes pouvant découler de la dépendance ou du sevrage de la ventilation mécanique à long terme ENCADRÉ 19.26 A .

Présevrage En cas de DVMLT, l’étape de présevrage consiste à maîtriser le trouble sous-jacent ayant nécessité l’assistance ventilatoire et à prévenir les facteurs de risque physiologiques et psychologiques qui peuvent nuire au sevrage. Avant d’effectuer toute tentative de sevrage, l’équipe soignante évalue le client pour déterminer s’il est prêt à être sevré, puis elle détermine l’approche et la méthode à adopter (Burns, 2007 ; MacIntyre, 1995, 2012).

Préparer le client au sevrage Avant d’amorcer le processus de sevrage, le client devrait être prêt sur les plans physiologique et psychologique, et les facteurs de risque, pris en charge. Il est pertinent d’établir un moyen de communication avec le client. Un traitement médical agressif devrait être mis en place pour prévenir et traiter le déséquilibre du rapport V/Q, le shunt intrapulmonaire, l’anémie, l’insufsance cardiaque, la diminution de la compliance pulmonaire, l’augmentation de la résistance des voies respiratoires, les troubles acidobasiques, l’hypothyroïdie, la distension abdominale et les déséquilibres électrolytiques. Par ailleurs, l’équipe peut tenter des interventions en vue de diminuer l’effort respiratoire, comme remplacer la sonde endotrachéale de petit calibre par un tube de plus gros calibre ou par une trachéotomie, aspirer les sécrétions des voies respiratoires, administrer des bronchodilatateurs, optimiser les réglages du respirateur et la sensibilité du déclencheur et positionner adéquatement le client avec la tête du lit élevée d’au moins 30°. Il faut aussi instaurer une alimentation entérale ou parentérale et optimiser l’état nutritionnel du client. La physiothérapie devrait être amorcée pour le client

ENCADRÉ 19.24

Facteurs physiologiques contribuant à la dépendance à la ventilation mécanique à long terme

ALTÉRATION DES ÉCHANGES GAZEUX

• • • • •

Déséquilibre du rapport V/Q Shunt intrapulmonaire Hypoventilation alvéolaire Anémie Défaillance cardiaque

AUGMENTATION DE L’EFFORT RESPIRATOIRE

• • • • • • •

↓ compliance pulmonaire ↑ résistance aérienne Utilisation d’un tube endotrachéal de petit calibre ↓ sensibilité ventilatoire Positionnement inadéquat Distension abdominale Dyspnée

AUGMENTATION DE LA DEMANDE VENTILATOIRE

• ↑ espace mort pulmonaire • ↑ demandes métaboliques • Mode/réglage inadéquat du respirateur

• Acidose métabolique • Suralimentation DIMINUTION DU RÉFLEXE RESPIRATOIRE

• • • •

Alcalose respiratoire Alcalose métabolique Hypothyroïdie Sédation

AUGMENTATION DE LA FATIGUE DES MUSCLES RESPIRATOIRES

• • • • • • • • •

↑ effort respiratoire ↑ demande ventilatoire Malnutrition Hypokaliémie Hypomagnésémie Hypophosphatémie Hypothyroïdie Polyneuromyopathie des soins intensifs Repos musculaire inadéquat

Sources : Adapté de Caroleo et al. (2007) ; El-Khativ & Bou-Khalil (2008)

19 atteint d’une polyneuromyopathie des soins intensifs, car une meilleure mobilité facilite le sevrage. Des sédatifs peuvent être administrés pour maîtriser l’anxiété, mais il est important d’éviter la dépression respiratoire (El-Khatib & Bou-Khalil, 2008).

Évaluer l’état de préparation du client au sevrage Bien que diverses méthodes d’évaluation de l’état de préparation au sevrage aient été mises au point, aucune ne s’est démontrée très exacte pour prédire le succès du sevrage chez le client présentant une DVMLT. La présence d’une dysfonction ventriculaire gauche, d’un déséquilibre hydrique et d’une carence nutritionnelle peut prolonger la durée de la ventilation mécanique (Boles et al., 2007 ; El-Khativ & Bou-Khalil, 2008). Puisque de nombreuses variables peuvent inuencer la capacité de sevrage du client, toute évaluation de l’état de préparation au sevrage devrait en tenir compte. Ainsi, la fonction cardiaque, les échanges gazeux, les mécaniques pulmonaires, l’état nutritionnel, l’équilibre hydroélectrolytique et la motivation devraient être pris en considération lorsque le sevrage de la ventilation mécanique est envisagé. Cette évaluation devrait être constante pour reéter la nature dynamique du processus (Cox & Carson, 2009).

Opter pour une approche interdisciplinaire Bien que le sevrage du client nécessitant une ventilation à court terme soit un processus habituellement accompli par une infirmière et un inhalothérapeute, celui du client présentant une DVMLT est un

ENCADRÉ 19.25

Facteurs psychologiques contribuant à la dépendance à la ventilation mécanique à long terme

PERTE DE CONTRÔLE DU RYTHME RESPIRATOIRE

• • • • •

Anxiété Asynchronie ventilatoire Douleur Dyspnée Manque de conance en la capacité à respirer • Peur MANQUE DE MOTIVATION ET DE CONFIANCE

• Communication inadéquate

• • • • •

Dépersonnalisation Dépression Désespoir Impuissance Manque de conance en l’équipe de soins

DÉLIRIUM

• • • • •

Douleur Médication Privation de sommeil Privation sensorielle Surcharge sensorielle

Sources : Adapté de Boles et al. (2007) ; El-Khativ & Bou-Khalil (2008) ; MacIntyre (1995)

processus plus complexe, qui requiert généralement une approche interdisciplinaire 20 . L’équipe interdisciplinaire, travaillant en collaboration, améliore les résultats et réduit le temps de sevrage. Elle devrait être composée des membres suivants : médecin, inrmière, inhalothérapeute, nutritionniste, physiothérapeute et inrmière clinicienne spécialisée. D’autres membres, si possible, devraient aussi intervenir : ergothérapeute, orthophoniste, inrmière de liaison et travailleur social. En travaillant ensemble, les membres de Chapitre 19

20 Le sevrage de la ventila­ tion mécanique à court terme est présenté dans le chapitre 20, Approche thérapeutique du système respiratoire.

Troubles respiratoires

623

Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 19.26

Dépendance à la ventilation mécanique à long terme

• Altération de l’état mental liée à une surcharge senso­ rielle, à une privation sensorielle ou à une perturbation du sommeil PSTI A.1 • Altération de la ventilation spontanée liée à la fatigue des muscles respiratoires ou à des facteurs métaboliques PSTI A.4

• Déséquilibre nutritionnel lié à un manque de nutriments exogènes et à une augmentation de la demande métabolique PSTI A.11 • Intolérance au sevrage de la ventilation mécanique liée à des facteurs physiques, psychosociaux ou situationnels PSTI A.22

l’équipe mettent au point un plan de soins complet, efcace, constant, évolutif et rentable (White, Currey & Botti et al., 2011) TABLEAU 19.8. Par la suite, les protocoles de sevrage gérés par une inrmière et un inhalothérapeute sont efcaces (Girard & Ely, 2008).

Déterminer la méthode de sevrage Diverses méthodes de sevrage sont disponibles, mais aucune ne s’est révélée supérieure aux autres. Ces méthodes comprennent le tube en T, la ventilation spontanée avec pression positive continue (CPAP), la ventilation spontanée avec aide inspiratoire et la VACI. Chaque méthode de sevrage est souvent utilisée en association avec d’autres méthodes (Burns, 2007 ; Caroleo et al., 2007).

Sevrage En cas de DVMLT, le processus de sevrage consiste à mettre en œuvre la méthode et à minimiser les facteurs de risque physiologiques et psychologiques (Boles et al., 2007 ; Caroleo et al., 2007 ; MacIntyre, 1995). Il est important que le client ne s’épuise pas durant cette phase, car l’épuisement peut entraver le processus de sevrage (El-Khatib & Bou-Khalil, 2008). Au cours de celui-ci, le client est évalué selon sa progression et pour dépister les signes d’intolérance au sevrage (Burns, 2007).

Amorcer le sevrage Le sevrage devrait être amorcé le matin alors que le client est reposé. Auparavant, l’inrmière explique son fonctionnement au client, décrit les sensations auxquelles il peut s’attendre et le rassure sur le fait qu’il sera étroitement surveillé et retourné au mode et aux réglages initiaux en cas de difcultés (Burns, 2007). Cette information devrait être renforcée avec chaque essai de sevrage. La présence de la famille durant l’essai de sevrage serait bénéque et liée à la prolongation des essais (Happ, Swigart, Tate et al., 2007).

624

Partie 3

Système respiratoire

• Perturbation de l’image de soi découlant d’une dépen­ dance envers de l’équipement d’assistance fonctionnelle PSTI A.24

• Risque d’aspiration PSTI A.25 • Risque d’infection PSTI A.31 • Sentiment d’impuissance lié à une perception de manque de contrôle sur la situation actuelle ou sur l’aggravation de la maladie PSTI A.32 • Stratégies d’adaptation familiales perturbées par la situa­ tion critique de santé d’un proche malade PSTI A.33 • Syndrome d’inadaptation lié au congé de l’unité de soins critiques PSTI A.35

Le sevrage par tube en T ou par CPAP est effectué en plaçant le client sur un tube en T ou en réglant le respirateur en mode ventilation spontanée avec pression positive continue, et ce, pour un temps précis – ou essai de sevrage – et pour un nombre de fois déterminé par jour. Une fois l’essai de sevrage terminé, le client est placé en mode assisté contrôlé ou en mode similaire, et l’équipe de soins le laisse se reposer pour prévenir la fatigue des muscles respiratoires. Le temps et la fréquence de sevrage sont graduellement augmentés jusqu’à ce que le client soit capable de respirer spontanément pendant 24 heures. Si la ventilation spontanée avec aide inspiratoire est utilisée en combinaison avec la pression positive continue, elle est initialement réglée pour fournir au client un volume courant de 10 à 12 ml/kg, puis graduellement diminuée jusqu’à ce qu’un niveau de pression de 6 à 8 cm H2O soit atteint. Le sevrage par la VACI et par la ventilation spontanée avec aide inspiratoire est réalisé en diminuant graduellement le nombre de respirations ou le niveau de pression que le client reçoit, jusqu’à ce qu’il soit capable de respirer spontanément pendant 24 heures (Burns, 2007).

Évaluer la progression du sevrage La progression du sevrage peut être évaluée par diverses méthodes. Lorsque la méthode de sevrage consiste à retirer le respirateur, comme le tube en T ou la pression positive continue, l’évaluation peut être réalisée en mesurant le temps pendant lequel le client n’est pas sous ventilation mécanique. Si la durée augmente constamment, le sevrage progresse. Lorsque la méthode de sevrage vise à réduire progressivement le soutien ventilatoire, comme la VACI ou la ventilation spontanée avec aide inspiratoire, l’évaluation peut être effectuée en mesurant la fréquence des ventilations procurées par le respirateur. Si la proportion de ventilation procurée par le

Interventions interdisciplinaires TABLEAU 19.8

Suivi systématique du client en cas de dépendance à la ventilation mécanique à long terme*

SEVRAGE PHASE DE SEVRAGE

POSTSEVRAGE PROLONGATION DE LA PHASE DE SEVRAGE

EXTUBATION OU DÉCANULATION

RELOCALISATION AVEC VENTILATION MÉCANIQUE

SEVRAGE FINAL

• Suivi assuré par l’inhalothérapeute

• Suivi assuré par l’inrmière de liaison

• Soutien de l’inter­ venant spirituel au besoin

• Enseignement au client complété • Extubation ou décanu­ lation sans difculté • Utilisation d’un bouchon de trachéotomie avant la décanulation • Congé minimale­ ment 72 h après la décanulation • Congé sans délai • Absence de complications

• Transfert ou congé sans délai • Absence de complications

• Rencontre avec les proches • Dyspnée maîtrisée • Interruption des traite­ ments de maintien des fonctions vitales sans problème

• Amorce ou renforcement de l’enseignement sur la prise en charge de l’affec­ tion sous­jacente • Explication de la planica­ tion du congé au client et à ses proches

• Orientation du client et de ses proches quant à l’environnement, aux interventions et à l’équipement • Explication du plan de transfert au client et à ses proches

• Explication du sevrage nal au client et à ses proches

Information générale • • • • •

Date : Critère : Ventilation > 3 jours : O/N État médical stable : O/N Échec de la tentative initiale de sevrage : O/N

Consultations • Évaluation par l’équipe de sevrage • Évaluation par le pneumologue/intensiviste

• Réunions hebdomadaires de l’équipe de sevrage • Évaluation psychiatrique envisagée au besoin

Résultats escomptés (à réviser chaque semaine au moment de la pesée) • Préévaluation du sevrage de la ventilation mécanique à long terme réalisée • Rencontre initiale avec les proches • Peau intacte • Anxiété maîtrisée • Repos à des périodes régulières • Séance au fauteuil tous les jours • Participation du client à la physiothérapie tous les jours • Participation du client à l’ergothérapie 3 fois/sem. • Besoins de nutrition entérale comblés • Transfert à l’unité de ventilation à long terme • Sevrage du tube en T ou de la trachéotomie complété < 21 jours après l’intubation • Absence de complications

• Rencontre de suivi avec les proches • Peau demeurant intacte • Anxiété maîtrisée • Repos de 6 h la nuit • Séance au fauteuil b.i.d. • Participation du client à la physiothérapie b.i.d. • Utilisation d’une valve Passy­Muir pendant 60 min • Participation du client à l’ergothérapie tous les jours (du lundi au vendredi [L­V]) • Évaluation de la déglutition avant l’alimentation orale • Besoins pour la nutrition entérale comblés • Transfert à l’unité de soins régulière • Sevrage du tube en T • Absence de complications

Enseignement au client et à ses proches • Orientation du client et de ses proches quant à l’envi­ ronnement, aux interven­ tions et à l’équipement • Explication du plan de sevrage au client et à ses proches

• Orientation du client et de ses proches quant à l’envi­ ronnement, aux interven­ tions et à l’équipement • Explication du plan de sevrage au client et à ses proches

Chapitre 19

Troubles respiratoires

625

19

TABLEAU 19.8

Suivi systématique du client en cas de dépendance à la ventilation mécanique à long terme* (suite)

SEVRAGE

POSTSEVRAGE

PHASE DE SEVRAGE

PROLONGATION DE LA PHASE DE SEVRAGE

EXTUBATION OU DÉCANULATION

RELOCALISATION AVEC VENTILATION MÉCANIQUE

SEVRAGE FINAL

• Comme prescrites • SV pendant le sevrage et q.4-8 h • Niveau de sédation q.4-8 h • Ausculation pulmonaire

• Comme prescrites • Monitorage ECG cessé • Contrôle ponctuel de la SpO2 les matins • SV q.4-8 h

• Comme prescrites • Monitorage ECG cessé • Surveillance continue de la SpO2 • SV q.8 h

• Cessation du monitorage ECG • Cessation des autres examens paracliniques • Cessation de la surveillance continue de la SpO2 • Cessation de la mesure des SV de routine

Surveillances • Comme prescrites • Monitorage ECG • Surveillance continue de la SpO2 • Signes vitaux (SV) pendant le sevrage et q.2-4 h • Niveau de sédation q.2-4 h et PRN • Ausculation pulmonaire

Pharmacothérapie : objectifs généraux • • • • • •

Gestion de l’anxiété Soulagement de la dyspnée Soulagement de la douleur Gestion du sommeil Prophylaxie des ulcères de stress Prophylaxie de la TVP

• Cessation de la gestion de l’anxiété, de la gestion du sommeil, de la prophylaxie des ulcères de stress et de la prophylaxie de la TVP

Pharmacothérapie : traitements spéciques • Bronchodilatateurs selon prescription • Médicaments additionnels selon prescription

• Traitement antidépresseur

• Traitement antidépresseur

• Traitement antidépresseur

• Soulagement de la douleur • Soulagement de la dyspnée

• Poursuite de la ventilation mécanique • Mise en place de la trachéotomie • Poursuite des tentatives de sevrage avec un tube en T • Surveillance de l’intolérance au sevrage • Surveillance des problèmes liés au tube ou au ballonnet • Surveillance des sécrétions et aspiration au besoin

• Cessation de la ventilation mécanique • Extubation ou essai avec un bouchon de trachéotomie puis décanulation • Surveillance de la détresse respiratoire • Surveillance des problèmes liés au tube ou au ballonnet • Surveillance des sécrétions et aspiration au besoin

• Mise en place d’un respirateur à domicile • Trachéotomie • Poursuite des tentatives de sevrage jusqu’au transfert • Surveillance de l’intolérance au sevrage • Surveillance des problèmes liés au tube ou au ballonnet • Surveillance des sécrétions et aspiration au besoin

• Cessation de la ventilation mécanique • Trachéotomie • Cessation des tentatives de sevrage

Thérapie respiratoire • Poursuite de la ventilation mécanique • Maintien du tube endotrachéal • Amorce ou poursuite des tentatives de sevrage visant l’extubation ou la trachéotomie • Surveillance de l’intolérance au sevrage • Surveillance des problèmes liés au tube ou au ballonnet • Surveillance des sécrétions et aspiration au besoin

Positionnement, mobilisation et repos • Mobilisation du client an de prévenir les lésions de pression ou thérapie de rotation latérale • Maintien de la tête de lit à 30-45°

626

Partie 3

Système respiratoire

TABLEAU 19.8

Suivi systématique du client en cas de dépendance à la ventilation mécanique à long terme* (suite)

SEVRAGE

POSTSEVRAGE

PHASE DE SEVRAGE

PROLONGATION DE LA PHASE DE SEVRAGE

EXTUBATION OU DÉCANULATION

RELOCALISATION AVEC VENTILATION MÉCANIQUE

SEVRAGE FINAL

• Périodes de sommeil régulières assurées • Amorce de la mobilité passive q.4 h lorsque le client est réveillé • Jambes pendantes ou client assis au fauteuil tous les jours

• Sommeil 6-8 h/nuit • Client assis au fauteuil 2-3 fois/jour • Client marchant avec l’aide du physiothérapeute ou de l’inhalothérapeute

• Sommeil 6-8 h/nuit • Cessation de la mobilité passive • Client assis au fauteuil 2-3 fois/jour • Mobilisation et marche progressives

• Sommeil 6-8 h/nuit • Poursuite de la mobilité passive q.4 h lorsque le client est réveillé • Client assis au fauteuil 2-3 fois/jour • Mobilisation et marche progressives

• Repos complet au lit • Cessation de toutes les activités

• Réévaluation par le physiothérapeute • ↑ traitement b.i.d. (au besoin) • Renforcement et équilibre assurés • Transfert ou entraînement à la marche

• Réévaluation par le physiothérapeute • ↑ traitement à 3 h/jour si le client va en réadaptation • Renforcement et équilibre assurés • Transfert ou entraînement à la marche

• Réévaluation par le physiothérapeute • Poursuite du plan de physiothérapie

• Cessation du traitement

• Évaluation par l’orthophoniste pour valve Passy-Muir et déglutition • Amorce ou ↑ valve PassyMuir à au moins 60 min

• Réévaluation par l’orthophoniste pour la déglutition • Amorce de la thérapie de déglutition si risque d’aspiration

• Réévaluation par l’orthophoniste • Poursuite du plan d’orthophonie

• Cessation du traitement orthophonique

• Réévaluation par l’ergothérapeute • ↑ traitement die (L-V) • Hygiène, toilette et position assise • Renforcement des membres supérieurs

• Réévaluation par l’ergothérapeute • Poursuite du traitement die (L-V) • Entraînement du client à s’habiller et se laver • Entraînement du client à se lever pour les activités quotidiennes

• Réévaluation par l’ergothérapeute • Poursuite du plan d’ergothérapie

• Cessation de l’ergothérapie

• Réévaluation par la nutritionniste • Poursuite de l’alimentation entérale ou amorce de l’alimentation orale s’il n’y a pas de risque d’aspiration • Mesure des I/E chaque jour • Pesée du client 1 fois/sem. • Mise en place d’une gastrostomie • Installation d’un cathéter central périphérique

• Réévaluation par la nutritionniste • Progression de l’alimentation orale uniquement s’il n’y a pas de risque d’aspiration • Mesure des I/E chaque jour • Pesée du client 1 fois/sem. • Cessation de la sonde d’alimentation et de l’accès I.V. lorsqu’ils ne sont plus nécessaires

• Réévaluation par la nutritionniste • Poursuite du plan de nutrition • Maintien de la gastrostomie • Maintien du cathéter central périphérique

• Cessation du soutien nutritionnel • Cessation du dosage des I/E • Cessation de la pesée

Physiothérapie • Évaluation par le physiothérapeute • Amorce ou poursuite du traitement die • Renforcement et équilibre assurés

Orthophonie

19

Ergothérapie • Évaluation par l’ergothérapeute • Amorce ou poursuite de l’ergothérapie 3 fois/sem. • Amorce de l’hygiène et de la toilette personnelles

Soutien nutritionnel • Évaluation par la nutritionniste • Amorce ou poursuite du soutien nutritionnel à l’alimentation entérale • Mesure des ingesta et excreta (I/E) chaque jour • Pesée du client 1 fois/sem. • Insertion d’une sonde d’alimentation de petit calibre • Maintien de l’accès I.V.

Chapitre 19

Troubles respiratoires

627

TABLEAU 19.8

Suivi systématique du client en cas de dépendance à la ventilation mécanique à long terme* (suite)

SEVRAGE

POSTSEVRAGE

PHASE DE SEVRAGE

PROLONGATION DE LA PHASE DE SEVRAGE

EXTUBATION OU DÉCANULATION

RELOCALISATION AVEC VENTILATION MÉCANIQUE

SEVRAGE FINAL

• Réévaluation par le TS • Maintien de la commu­ nication avec les proches • Soutien aux proches • Rencontre de suivi avec les proches

• Réévaluation par le TS • Maintien de la commu­ nication avec les proches • Rencontres avec les proches au besoin

• • • •

• Cessation du plan du TS

• Réévaluation par l’inrmière de liaison • Transfert à l’unité de soins régulière minimalement 72 h après le sevrage du respirateur

• Réévaluation par l’inrmière de liaison • Congé vers l’établisse­ ment de soins de longue durée ou de réadaptation, ou à la maison (avec soins à domicile) minimalement 72 h après le sevrage de la trachéotomie

• Réévaluation par l’inrmière de liaison • Planication du moyen de transport • Congé et transfert vers un établissement prenant en charge la ventilation mécanique

Soutien des services sociaux • Évaluation par le travailleur social (TS) • Détermination des sources de soutien et du niveau de fonctionnement antérieur • Soutien aux proches • Rencontres initiales avec les proches

Réévaluation par le TS Poursuite du plan du TS Soutien aux proches Rencontre avec les proches au sujet du transfert

Planication du congé • Évaluation par l’inrmière de liaison • Clarication des questions du client et de ses proches • Transfert à l’unité de ventilation à long terme

* Ce processus clinique est un outil pour aider les professionnels de la santé à obtenir des résultats de qualité en prodiguant des soins appropriés et adaptés. Il ne vise pas à établir des normes de soins, à remplacer le jugement clinique du médecin et de l’inrmière, à établir un protocole pour tous les clients ou à exclure les traitements de rechange.

respirateur diminue constamment, le sevrage progresse (Burns, 2007).

Déceler toute intolérance au sevrage

20 Les indicateurs de l’into­ lérance au sevrage sont détaillés dans le chapitre 20, Approche thérapeutique du système respiratoire.

Une fois que le processus de sevrage est amorcé, il faut continuellement surveiller le client pour déceler les signes d’intolérance. Ces signes indiquent s’il faut remettre le client sous respirateur ou reprendre les réglages précédents. Les indicateurs couramment évalués sont la dyspnée, l’utilisation des muscles accessoires, la nervosité, l’anxiété, le changement de l’expression faciale, les changements de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle, une respiration rapide et supercielle et l’inconfort (Cox & Carson, 2009) 20 .

Recourir aux thérapies de facilitation Des thérapies additionnelles peuvent s’avérer nécessaires pour faciliter le sevrage chez le client qui éprouve des difcultés avec ce processus. Il s’agit de l’entraînement des muscles respiratoires et de la rétroaction biologique (biofeedback). L’entraînement des muscles inspiratoires est utilisé pour accroître la force et l’endurance des muscles respiratoires. La rétroaction biologique peut être employée pour favoriser la relaxation et aider au traitement de la dyspnée et de l’anxiété (Burns, 2007).

628

Partie 3

Système respiratoire

Postsevrage Deux issues sont possibles pour le client atteint de DVMLT : le sevrage complet et le sevrage incomplet (Burns, 2007).

Reconnaître le sevrage complet Le sevrage est jugé complet lorsque le client peut respirer spontanément pendant 24 heures sans ventilation mécanique. Le client peut alors être extubé ou décanulé à tout moment, mais cela n’est pas nécessaire pour que le sevrage soit considéré comme étant réussi (Knebel et al., 1998).

Reconnaître le sevrage incomplet Le sevrage est jugé incomplet lorsque le client a atteint un plateau (cinq jours au même niveau de ventilation mécanique sans changement) dans le processus malgré la gestion des facteurs physiologiques et psychologiques qui entravent le sevrage. Ainsi, le client est incapable de respirer spontanément pendant 24 heures sans ventilation mécanique complète ou partielle. Dans ce cas, il pourrait être transféré dans une unité de soins intermédiaires prenant en charge la ventilation ou retourné à domicile avec un respirateur, et il doit alors bénécier de soins inrmiers de suivi (Knebel et al., 1998 ; Pruitt, 2006).

À RETENIR • L’insufsance respiratoire aiguë est un état clinique dans lequel le système pulmonaire ne parvient pas à maintenir des échanges gazeux adéquats ; elle résulte d’un dysfonctionnement du système respiratoire. • L’hypoxémie est la principale caractéristique de l’insufsance respiratoire aiguë et résulte d’une altération des échanges gazeux due au déséquilibre du rapport ventilation-perfusion (V/Q), au shunt intrapulmonaire et à l’hypoventilation alvéolaire. • Les traitements médicaux de l’insufsance respiratoire aiguë visent à traiter l’affection sous-jacente, à promouvoir des échanges gazeux adéquats, à corriger l’acidose, à amorcer un soutien nutritionnel et à prévenir les complications (c.-à-d. encéphalopathie ischémique anoxique, arythmies cardiaques, maladie thromboembolique veineuse et saignements gastro-intestinaux). • Les interventions inrmières associées à l’insufsance respiratoire aiguë ont pour buts d’optimiser l’oxygénation et la ventilation (positionnement du client, prévention de la désaturation et élimination des sécrétions), de veiller au confort et au soutien émotionnel du client, de rester à l’affût des complications et de renseigner le client et ses proches. • Le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) est caractérisé par un œdème pulmonaire non cardiogénique et une perturbation de la membrane alvéolo capillaire, résultant d’une lésion au réseau vasculaire pulmonaire ou aux voies respiratoires. L’hypoxémie réfractaire est la principale caractéristique du SDRA. • Les traitements médicaux du SDRA visent le traitement de la cause sous-jacente, la promotion des échanges gazeux, le soutien ventilatoire avec pression expiratoire positive PEP, le soutien de l’oxygénation tissulaire et la prévention des complications. Les interventions inrmières ont pour objectifs d’optimiser l’oxygénation et la ventilation, de veiller au confort et au soutien émotionnel du client et de rester à l’affût des complications.

• La pneumonie infectieuse est une inammation aiguë du parenchyme pulmonaire causée par un agent infectieux qui mène à une consolidation alvéolaire. Elle peut être classée comme une pneumonie acquise en communauté, une pneumonie nosocomiale ou une pneumonie associée aux soins de santé. • Les traitements médicaux de la pneumonie infectieuse comprennent l’antibiothérapie, l’oxygénothérapie, la ventilation mécanique, la gestion des solutés, le soutien nutritionnel et le traitement des complications. Les interventions inrmières visent à optimiser l’oxygénation et la ventilation, à prévenir la propagation de l’infection, à veiller au confort et au soutien émotionnel du client et à rester à l’affût des complications. • La pneumonie d’aspiration résulte de la présence de substances toxiques dans les voies respiratoires et les alvéoles, entraînant des lésions pulmonaires. • Les traitements médicaux de la pneumonie d’aspiration visent à éliminer la substance toxique des voies respiratoires, à soutenir l’oxygénation et à maintenir les paramètres hémodynamiques. Les interventions inrmières ont pour buts d’optimiser l’oxygénation et la ventilation, de prévenir les aspirations subséquentes, de veiller au confort et au soutien émotionnel du client et de rester à l’affût des complications. • Une embolie pulmonaire (EP) survient lorsqu’un caillot (embole thrombotique) ou une autre substance (embole non thrombotique) se loge dans le système artériel pulmonaire, perturbant le débit sanguin dans une région des poumons. • Les traitements médicaux visent à prévenir la récidive d’EP, à faciliter la dissolution ou le retrait des caillots, à renverser les effets de l’hypertension pulmonaire, à promouvoir les échanges gazeux et à prévenir les complications. Les interventions inrmières visent à optimiser l’oxygénation et la ventilation, à dépister les saignements, à veiller au confort et au soutien émotionnel du client, à rester à l’affût des complications et à renseigner le client et ses proches.

• Le status asthmaticus est une crise d’asthme grave qui ne répond pas au traitement classique par bronchodilatateurs, ce qui peut entraîner une insufsance respiratoire. • Les traitements médicaux du status asthmaticus visent à soutenir l’oxygénation (au moyen des bronchodilatateurs, des corticostéroïdes et de l’oxygénothérapie) et la ventilation. Les interventions inrmières ont pour objectifs d’optimiser l’oxygénation et la ventilation, de veiller au confort et au soutien émotionnel du client, de rester à l’affût des complications et de renseigner le client et ses proches. • Les fuites aériennes pulmonaires comprennent les affections qui entraînent une accumulation extra-alvéolaire d’air. Elles sont classées en deux catégories : pneumothorax ; barotraumatisme ou volutraumatisme. • Le pneumothorax sous tension et le pneumopéricarde sous tension sont deux affections qui nécessitent une prise en charge immédiate et une intervention d’urgence. Les interventions inrmières visent à optimiser l’oxygénation et la ventilation, à maintenir le système de drainage, à veiller au confort et au soutien du client et à rester à l’affût des complications. • La dépendance à la ventilation mécanique à long terme (DVMLT) est un trouble secondaire qui survient lorsqu’un client nécessite une ventilation mécanique plus longtemps que prévu en raison d’un trouble sous-jacent. • Le sevrage peut être divisé en trois étapes : présevrage, sevrage et postsevrage. • L’étape de présevrage consiste à maîtriser le trouble sous-jacent ayant nécessité l’assistance ventilatoire et à prévenir les facteurs physiologiques et psychologiques qui peuvent nuire au sevrage. • Le sevrage consiste à mettre en œuvre la méthode de sevrage choisie et à minimiser les facteurs physiologiques et psychologiques qui peuvent nuire à celui-ci. • Le sevrage est jugé réussi lorsque le client peut respirer spontanément pendant 24 heures sans ventilation mécanique.

Chapitre 19

Troubles respiratoires

629

chapitre

20

Approche thérapeutique du système respiratoire

Écrit par : Kathleen M. Stacy, PhD, RN, CNS, CCRN, PCCN, CCNS Adapté par : Catherine Villemure, inf., B. Sc. Nathalie Thiffault, inf., M. Sc.

D

epuis 2002 au Québec, la Loi modiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé (projet de loi no 90, 2002, c. 33) balise les champs d’intervention des divers professionnels de la santé. L’approche interdisciplinaire est favorisée an de permettre une meilleure prise en charge des situations de santé complexes ou critiques. L’instabilité hémodynamique (c’est-à-dire la difculté à assurer l’oxygénation de l’organisme en vue de répondre aux besoins métaboliques) et l’état de santé précaire des clients hospitalisés dans les unités de soins critiques requièrent fréquemment le recours à l’oxygénothérapie ou à un soutien ventilatoire. Bien que ce volet soit en grande partie pris en charge par les inhalothérapeutes, spécialistes de la fonction respiratoire, l’inrmière se doit de comprendre les fondements justiant les choix thérapeutiques, et ce, an d’assurer la meilleure collaboration possible entre les professionnels de la santé. Elle connaît aussi les différentes interventions, les surveillances requises et les complications potentielles, an d’exercer un jugement clinique adéquat et de prendre pleinement part aux discussions interdisciplinaires. Le présent chapitre décrit les divers aspects du traitement de la fonction respiratoire incluant l’oxygénothérapie, l’intubation endotrachéale et la trachéotomie, la ventilation

effractive et non effractive, les thérapies de position, la chirurgie thoracique, ainsi que la pharmacothérapie associée à la prise en charge du système respiratoire. L’inrmière en soins critiques qui a une connaissance approfondie du système respiratoire est mieux outillée pour offrir des soins complets au client, grâce à sa compréhension de tous les systèmes de l’organisme et de leurs interactions. De fait, le corps humain, dans toute sa complexité, est oxygéno-dépendant, et il ne peut retrouver une stabilité hémodynamique en l’absence d’une fonction pulmonaire adéquate.

20.1

Oxygénothérapie

Le fonctionnement normal des cellules repose sur leur approvisionnement adéquat en oxygène (O2), an que soient satisfaits leurs besoins métaboliques. L’oxygénothérapie a pour objectif d’assurer une concentration sufsante de l’oxygène inhalé pour permettre une oxygénation optimale du sang artériel. Il en résulte alors une oxygénation appropriée des cellules, dans la mesure où le débit cardiaque et la concentration de l’hémoglobine sont adéquats (Henderson, 2008 ; O’Driscoll, Howard, Davison et al., 2008) 16 .

20.1.1

Principes thérapeutiques

L’oxygène est un gaz atmosphérique qui doit également être considéré comme un médicament, car comme la plupart des autres médicaments, il peut avoir des effets indésirables tout autant que des effets bénéques. Il représente l’un des médicaments les plus couramment utilisés et doit être administré de façon justiée et sécuritaire. Il est généralement prescrit en litres par minute (L/min), selon une concentration exprimée en pourcentage (p. ex., 40 %) ou en fraction d’oxygène inspiré (FiO2) (p. ex., 0,4). L’hypoxémie constitue la principale cause d’un recours à l’oxygénothérapie (Heuer, 2013). Le volume d’oxygène administré est déterminé en fonction des mécanismes physiopathologiques dont résulte l’état d’oxygénation de la personne affectée. Dans la plupart des cas, le volume requis doit assurer une pression partielle d’oxygène dans le sang artériel (PaO2) supérieure à 60 mm Hg ou une saturation du sang artériel en oxygène (SaO2) supérieure à 90 % au repos et à l’effort (O’Driscoll et al., 2008). La concentration d’oxygène à donner à un client relève donc d’un jugement clinique fondé sur les nombreux facteurs inuençant l’apport en oxygène tels que la concentration de l’hémoglobine, la SaO2, la PaO2 et le débit cardiaque (Henderson, 2008 ; Meyers & Weingart, 2007 ; O’Driscoll et al., 2008). Une fois l’oxygénothérapie amorcée, les membres de l’équipe soignante, particulièrement l’inrmière ou l’inhalothérapeute, évaluent constamment le degré d’oxygénation du client ainsi que les facteurs susceptibles de le modier. L’état d’oxygénation doit être mesuré plusieurs fois par jour, jusqu’à ce que le taux d’oxygène visé soit atteint et stabilisé. Si l’effet

recherché en réponse au volume d’oxygène administré n’est pas observé, il faut régler l’apport en oxygène supplémentaire en conséquence, et l’état du client doit être réévalué. Il importe de recourir à cette méthode dose-effet an que soit administré le plus faible volume d’oxygène possible procurant un taux satisfaisant de PaO2 ou de SaO2 (Heuer, 2013 ; O’Driscoll et al., 2008).

20.1.2

Le site Internet de l’Ordre professionnel des inhalo­ thérapeutes du Québec présente les activités ré­ servées de l’inhalothéra­ peute : www.opiq.qc.ca.

Modes d’administration

L’oxygénothérapie s’administre au moyen de nombreux dispositifs, qui se répartissent entre systèmes à bas débit, systèmes réservoirs et systèmes à haut débit (Heuer, 2013) TABLEAU 20.1. Les problèmes courants occasionnés par ces dispositifs sont, entre autres, les fuites et les obstructions, le déplacement de certaines composantes du dispositif et les irritations cutanées.

16 Le transport de l’oxygène, dissous dans le plasma ou lié à l’hémoglobine, est expliqué dans le chapitre 16, Anatomie et physiologie du système respiratoire.

Systèmes à bas débit Un système à bas débit transmet de l’oxygène directement dans les voies respiratoires du client, selon un débit de 6 L/min ou moins. Ce débit est inférieur au volume inspiratoire requis pour le client, et il en résulte une variation de la FiO2, car l’oxygène supplémentaire administré se mélange avec l’air ambiant. La fréquence et l’amplitude respiratoires du client modient la FiO2 d’un système à bas débit : les uctuations de la ventilation ont pour effet de faire varier le volume des gaz de l’air ambiant se mélangeant au débit constant de l’oxygène. La lunette nasale est un exemple de système à bas débit (Heuer, 2013).

Systèmes réservoirs Un système réservoir comporte un dispositif servant à recueillir et à entreposer l’oxygène entre les respirations. Lorsque le débit inspiratoire du client excède celui de l’oxygène procuré par le système d’approvisionnement, le client est capable de puiser dans le réservoir pour satisfaire ses besoins en matière de volume inspiré. Par rapport à un système à bas débit, le système réservoir permet de maintenir la FiO2 plus constante, donc plus élevée. Parmi les différents types de systèmes réservoirs gurent le masque facial simple, le masque à réinspiration partielle et le masque sans réinspiration (Heuer, 2013). Chapitre 20

Approche thérapeutique du système respiratoire

631

20

TABLEAU 20.1

Systèmes d’oxygénothérapie

DISPOSITIF

DÉBIT (L/min)

GAMME DE FiO2 (%)

STABILITÉ DE FiO2

AVANTAGES

INCONVÉNIENTS

UTILISATION OPTIMALE

Lunette nasale

1-6 (adulte) ; 0,25-2 (nouveauné et nourrisson)

24-44

Variable

Employé chez les adultes, les enfants et les nourrrissons ; application facile ; jetable, peu coûteux ; bien toléré

Instable, se déloge facilement ; inconfortable à haut débit (> 5 L/min) ; cause d’assèchement ou de saignement ; des polypes ou une déviation de la cloison nasale peuvent limiter le débit

Client en état stable nécessitant une faible concentration d’O2 ; client soigné à domicile et nécessitant une thérapie à long terme

Cathéter nasal

0,25-6

22-44

Variable

Utilisable pour les adultes, les enfants et les nourrissons ; stable ; jetable, peu coûteux

Insertion difcile ; un haut débit accroît la contrepression ; doit être changé régulièrement ; des polypes ou une déviation de la cloison nasale peuvent entraver l’insertion ; peut causer une déglutition d’air ou une aspiration, peut stimuler le réexe nauséeux

Cas où la lunette nasale est difcile d’utilisation (bronchoscopie) ; soins à long terme pour les nourrissons

Masque facial simple

5-8

40-60

Variable

Employé chez les adultes, les enfants et les nourrissons ; application facile et rapide ; jetable ; peu coûteux

Inconfortable ; doit être enlevé pour les repas ; présence de chaleur produite autour du nez et de la bouche ; risque d’aspiration en cas de vomissements chez le client inconscient

Cas d’urgence, thérapie à court terme nécessitant une FiO2 modérée

Masque à réinspiration partielle ou sans réinspiration (masque à oxygène à haute concentration)

10-15 (prévient l’affaissement du sac à l’inspiration)

60-100

Variable

Identiques à ceux du masque facial simple ; FiO2 modérée à élevée

Identiques à ceux du masque facial simple ; risque de suffocation

Cas d’urgence, thérapie à court terme nécessitant une FiO2 de modérée à élevée

Masque facial Venturi (VentimaskMD)

2-15

24-60 (selon le choix d’adaptateur)

Fixe

Application facile ; jetable ; peu coûteux ; FiO2 stable et précise

Utilisation pour adultes seulement ; inconfortable et bruyant ; doit être enlevé pour les repas ; FiO2 > 40 % non assurée ; FiO2 variable selon la contrepression

Client à l’état instable qui nécessite une FiO2 précise et constante ; dispositif permettant aussi d’administrer une faible concentration de FiO2 et approprié pour les clients atteints de maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC)

Système de lunette nasale à haut débit

6-40

21-100

Variable ou xe, selon le système et le débit à l’entrée

Large gamme de FiO2 et d’humidité absolue ou relative ; utilisation pour les adultes, les enfants et surtout les nourrissons

FiO2 non assurée, selon le débit à l’entrée et la fréquence respiratoire (F.R.) du client ; risque d’infection

Client de tout âge ayant une ventilation-minute (VE) élevée ou variable qui a besoin d’O2 complémentaire, d’une pression positive ou d’humidité

Systèmes à bas débit

Systèmes réservoirs

Système à haut débit

632

Partie 3

Système respiratoire

TABLEAU 20.1

Systèmes d’oxygénothérapie (suite)

DISPOSITIF

DÉBIT (L/min)

GAMME DE FiO2 (%)

STABILITÉ DE FiO2

AVANTAGES

INCONVÉNIENTS

UTILISATION OPTIMALE

Tente faciale

5­10

28­98 (selon le réglage du nébuliseur)

Variable

Employé chez les adultes, les enfants et les nourrissons ; peu coûteux ; appli­ cation facile ; FiO2 de modérée à élevée avec humidication

Dispositif volumineux et encombrant

Surtout utilisé en salle de réveil et en unité néona­ tale, thérapie à court terme nécessitant une FiO2 modé­ rée à élevée et une humidi­ cation de l’air

Collier trachéal

5­10

28­98 (selon le réglage du nébuliseur)

Variable

Peu coûteux ; appli­ cation facile ; FiO2 de modérée à élevée avec humidication

Se déloge facilement ; risque de suffocation

Client trachéotomisé en sevrage de ventilation mécanique

Tube en T

5­10

28­98 (selon le réglage du nébuliseur)

Variable

Peu coûteux ; appli­ cation facile ; FiO2 de modérée à élevée avec humidication

Se déloge facilement

Utilisé pour le sevrage de ventilation mécanique

Source : Adapté de Chulay & Burns (2006)

Systèmes à haut débit

Oxygénotoxicité

Dans un système à haut débit, l’oxygène donné pénètre dans les voies respiratoires du client en quantité sufsante pour satisfaire tous ses besoins en matière de volume inspiré. Le débit ventilatoire du client n’a aucune incidence sur le fonctionnement d’un tel système. Tout système à haut débit est doté d’un dispositif à entraînement d’air ou d’un dispositif qui mélange l’air et l’oxygène an de produire la FiO2 voulue. Un masque facial Venturi (VentimaskMD) est un type de système à haut débit qui apporte un volume d’oxygène précis selon la tranche inférieure de la gamme de FiO2 (Heuer, 2013). La lunette nasale à haut débit est un autre exemple de système à haut débit ; de l’oxygène réchauffé et humidié est donné au client au moyen d’une lunette nasale munie d’un dispositif mélangeur . Il a été démontré que ce système améliore l’oxygénation et la ventilation et qu’il réduit l’effort de respiration du client atteint d’une insufsance respiratoire aiguë. De plus, il amoindrit l’inconfort et est mieux toléré que les thérapies similaires (Kernick & Magarey, 2010).

Le poumon humain est bien adapté à une concentration atmosphérique en oxygène de 21 % et peut tolérer, jusqu’à un certain point, une concentration plus élevée. Cependant, l’administration trop prolongée d’oxygène à concentration élevée risque d’engendrer des effets nocifs et une oxygénotoxicité (White, 2001). L’oxygénotoxicité est l’effet le plus nocif de l’administration d’oxygène à concentration élevée. Elle peut se produire chez tout client recevant une concentration en oxygène supérieure à 50 % pendant plus de 24 heures. La clientèle la plus à risque est celle nécessitant une intubation ou une ventilation mécanique (Heuer, 2013). L’hyperoxie, qui résulte de l’administration d’une concentration d’oxygène supérieure à la normale, entraîne une surabondance de radicaux libres d’oxygène. Ces métabolites toxiques issus du métabolisme de l’oxygène sont responsables d’une altération de la membrane alvéolocapillaire. En situation normale, des enzymes neutralisent ces radicaux libres et les empêchent de causer tout dommage. Cependant, dans le cas de l’administration d’une forte concentration d’oxygène, la formation de radicaux libres dépasse la capacité de neutralisation des enzymes présentes. Il en résulte une altération du parenchyme et de la vascularisation pulmonaire, ce qui entraîne l’apparition d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) (O’Driscoll et al., 2008 ; White, 2001).

20.1.3

Complications liées à l’oxygénothérapie

À l’instar de la plupart des traitements, l’administration d’oxygène peut entraîner des effets indésirables et des complications.

Chapitre 20

20

ALERTE CLINIQUE

Les milieux d’humidité chaude sont propices à la prolifération bactérienne. An d’éviter les infections nosocomiales liées à l’uti­ lisation d’humidicateurs et de nébulisateurs, l’inr­ mière utilise de l’eau stérile, nettoie les dispositifs d’utili­ sation intermittente à l’eau savonneuse après chaque traitement et remplace quo­ tidiennement l’appareillage d’utilisation continue (Allan, Cunniffe, Edwards et al., 2005).

Approche thérapeutique du système respiratoire

633

Diverses manifestations cliniques sont associées à l’oxygénotoxicité. Le symptôme initial prend la forme d’une douleur thoracique rétrosternale exacerbée par une respiration profonde. Surviennent ensuite une toux sèche et une irritation de la trachée, puis une douleur pleurétique nette à l’inspiration et, enn, une dyspnée. Parmi les effets sur les voies respiratoires supérieures qui en découlent gurent une sensation de congestion nasale, une irritation de la gorge et des malaises aux oreilles et aux yeux. Une radiographie des poumons et une exploration fonctionnelle respiratoire ne révèlent aucune anomalie avant que les symptômes ne deviennent graves. Le rétablissement d’une concentration normale en oxygène entraîne la disparition rapide et totale des symptômes (White, 2001).

Rétention du dioxyde de carbone

18 La mesure de la saturomé­ trie à l’aide d’un saturomètre, ou sphygmo­oxymètre, est décrite dans le chapitre 18, Examens paracliniques du système respiratoire.

634

Partie 3

Chez le client atteint d’une MPOC, l’administration d’oxygène en concentration élevée peut causer une rétention du dioxyde de carbone (CO2). Plusieurs théories peuvent expliquer le phénomène. La première théorie mentionne que le stimulus normal de la respiration (soit la hausse du taux de dioxyde de carbone) est inhibé chez les clients atteints d’une MPOC et que la diminution du taux d’oxygène devient alors le stimulus de la respiration. Lorsqu’on remédie à l’hypoxémie par l’administration d’oxygène, la respiration n’est plus stimulée ; il s’ensuit une hypoventilation et donc une hausse plus importante de la pression partielle du dioxyde de carbone dans le sang artériel (PaCO2) (Heuer, 2013 ; O’Driscoll et al., 2008). Selon une deuxième théorie, l’administration d’oxygène empêche la vasoconstriction pulmonaire, qui est une réaction compensatoire à l’hypoxie. Il en découle une irrigation accrue des alvéoles hypoventilées et le développement d’un shunt intrapulmonaire, de sorte que le déséquilibre ventilation-perfusion (V/Q) ainsi que la rétention de dioxyde de carbone augmentent (Heuer, 2013 ; O’Driscoll et al., 2008). D’après une troisième théorie, la hausse du dioxyde de carbone est liée au rapport entre l’hémoglobine désoxygénée et l’hémoglobine oxygénée compte tenu de l’effet Haldane. Cet effet veut que le sang désoxygéné ait une capacité augmentée à transporter du dioxyde de carbone. Inversement, le sang oxygéné a une afnité réduite pour celui-ci. Ainsi, l’hémo globine désoxygénée transporte plus de dioxyde de carbone que ne le fait l’hémoglobine oxygénée. L’administration d’oxygène élève la proportion d’hémoglobine oxygénée, de sorte que la libération de dioxyde de carbone est augmentée dans les alvéoles pulmonaires malgré une compensation respiratoire inefcace (White, 2001). Dans tous les cas, en raison du risque d’accumulation de ce gaz, il faut veiller à administrer de l’oxygène à bas débit au client atteint d’une hypercapnie chronique (Heuer, 2013).

Système respiratoire

Atélectasie de dénitrogénation Une concentration élevée en oxygène peut causer un autre effet nuisible : l’atélectasie de dénitrogénation. L’air ambiant est composé, dans des conditions atmosphériques normales, de 21 % d’oxygène, de 78 % d’azote et de 1 % d’autres gaz (dont du dioxyde de carbone). L’azote, qui constitue la composante majeure de l’air ambiant, n’est pas absorbé par les capillaires pulmonaires et remplit normalement les alvéoles, contribuant ainsi à les maintenir ouvertes (volume résiduel). L’inhalation d’oxygène en concentration élevée remplace l’azote dans les alvéoles. Alors, celles-ci se contractent et s’affaissent, parce que l’oxygène est absorbé dans la circulation sanguine plus rapidement qu’il ne peut être remplacé dans les alvéoles, notamment dans les parties des poumons qui sont minimalement ventilées (Heuer, 2013 ; O’Driscoll et al., 2008).

Soins et traitements inrmiers L’ENCADRÉ 20.1 décrit les soins et les traitements inrmiers prodigués au client qui reçoit de l’oxygène. Les principales pratiques inrmières suggérées comprennent la nécessité de s’assurer que l’oxygène est administré comme prescrit et l’observation des complications potentielles de la thérapie. Il est important de conrmer que le dispositif d’oxygénothérapie est correctement mis en place et de le remplacer s’il a été retiré. Durant les repas, il faut remplacer un masque à oxygène par une lunette nasale si le client est capable de le tolérer. Le client sous oxygénothérapie doit également être transporté avec l’oxygène. De plus, la saturation en oxygène doit être périodiquement vériée au moyen d’un saturomètre, aussi nommé sphygmooxymètre 18 .

20.2

Dégagement et ouverture des voies respiratoires

Les canules pharyngées permettent de dégager les voies respiratoires et de maintenir leur perméabilité. Les tubes endotrachéaux, les canules de trachéotomie et les masques laryngés sont utilisés à des fins d’assistance respiratoire et maintiennent également la perméabilité des voies respiratoires.

20.2.1

Canules pharyngées

Les canules pharyngées servent à maintenir la perméabilité des voies respiratoires en empêchant la langue d’obstruer la partie supérieure de ces voies. Il existe deux types de canules : la canule oropharyngée et la canule nasopharyngée. Les complications

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 20.1

Assurer l’oxygénothérapie

OBJECTIF

• Administrer l’oxygène et évaluer son efcacité. INTERVENTIONS

En période d’initiation • Mettre en place l’équipement d’oxygénation et administrer l’oxygène au moyen d’un dispositif chauffé et humidié, selon la prescription. • Maintenir la perméabilité des voies respiratoires et aspirer les sécrétions buccales, nasales et trachéales, au besoin. • Évaluer l’efcacité de l’oxygénothérapie (p. ex., mesurer la saturométrie et la gazométrie du sang artériel). • Évaluer la présence de signes d’hypoventilation, d’oxygéno­ toxicité et d’atélectasie de dénitrogénation. • Évaluer l’intégrité de la peau et prévenir l’apparition d’irritation cutanée résultant de la friction avec le dispositif d’oxygénation. • Veiller au repositionnement du masque à oxygène ou de la lunette nasale en cas de retrait involontaire du dispositif. En période de maintien • Encourager la cessation tabagique. • Évaluer périodiquement le dispositif de distribution d’oxygène pour assurer le maintien de la concentration prescrite.

• Enseigner au client l’importance de laisser en place le dispositif de distribution d’oxygène. • Évaluer la capacité du client à tolérer le retrait du masque durant les repas et le remplacer par des lunettes nasales. • Évaluer si le client éprouve de l’anxiété envers la nécessité d’une oxygénothérapie. • Assurer l’apport d’oxygène pendant le transport du client.

Au départ de l’unité • Effectuer l’enseignement nécessaire au client et à ses proches à propos de l’emploi d’oxygène à domicile. • Favoriser l’emploi de dispositifs d’oxygénation qui facili­ tent la mobilité et le confort, puis donner les explications pertinentes au client. • Favoriser le confort du client en ayant recours à un autre dispositif d’apport en oxygène au besoin. • Aviser le client qu’il doit obtenir une prescription d’oxygène complémentaire avant tout déplacement en avion ou tout séjour en altitude, si applicable. • Recommander au client de consulter d’autres professionnels de la santé au sujet du recours à l’oxygène complémentaire durant une activité, le sommeil ou les deux. 20

Source : Adapté de Bulechek, Butcher & Dochterman (2013)

liées à l’emploi de ces dispositifs comprennent une lésion de la cavité buccale ou de la cavité nasale, une obstruction des voies respiratoires, un laryngospasme, des nausées et des vomissements (Barnes, 2013 ; Pierce, 2007a).

Canule oropharyngée La canule oropharyngée, faite de plastique, est disponible en tailles variées. Pour déterminer la taille appropriée, l’inrmière, ou l’inhalothérapeute, place la canule sur le côté du visage du client et s’assure qu’elle s’étend des commissures des lèvres jusqu’à l’angle de la mandibule. Si le dispositif n’a pas la taille adéquate, il risque d’obstruer les voies respiratoires (Barnes, 2013 ; Pierce, 2007a). La technique pour mettre en place une canule oropharyngée consiste à ouvrir d’une main la bouche du client, à placer la canule à l’envers, soit la concavité vers la lèvre supérieure, puis à l’insérer délicatement jusqu’à ce que l’extrémité touche le palais, pour ensuite retourner la canule de 180° et poursuivre l’insertion jusqu’à ce que la collerette s’appuie sur les lèvres (Chuley & Burns, 2006) FIGURE 20.1. Lorsque la canule est bien placée, son extrémité repose au-dessus de l’épiglotte, à la base de la langue. La canule oropharyngée ne doit être utilisée que pour un client inconscient dont le réexe nauséeux est altéré ou absent (Barnes, 2013 ; Pierce, 2007a).

FIGURE 20.1 Canules oropharyngées. A Canule de Guedel. B Canule de Berman. C Canule mise en place.

Canule nasopharyngée La canule nasopharyngée, généralement faite de plastique ou de caoutchouc, est disponible en tailles variées. Pour déterminer la taille adéquate, l’inrmière place une canule sur le côté du visage du client et s’assure qu’elle couvre la pointe du nez jusqu’au lobe de l’oreille (Barnes, 2013 ; Pierce, 2007a). Au moment de la mise en place du dispositif, elle le lubrie et l’insère ensuite à mi-longueur par une Chapitre 20

Approche thérapeutique du système respiratoire

635

narine jusqu’à la partie postérieure du pharynx, en dirigeant la pointe biseautée vers la cloison nasale (Pierce, 2007a). Lorsque la canule est bien mise en place, son extrémité repose au-dessus de l’épiglotte, à la base de la langue (Barnes, 2013 ; Pierce, 2007a).

20.2.2

L’Association québécoise des établissements en soins de santé et de services sociaux (AQESSS) (2011) présente les divers dispositifs d’intubation utilisés en milieux de soins critiques parmi ses méthodes de soins informatisées : Intu­ bation endotrachéale : cadre de référence et généralités.

TABLEAU 20.2

Tube endotrachéal

Le tube endotrachéal est le type de tube le plus couramment utilisé à des ns d’assistance respiratoire à court terme. Le recours à une intubation endotrachéale est indiqué pour maintenir la perméabilité des voies aériennes, les protéger contre l’aspiration, appliquer une ventilation à pression positive, faciliter l’aspiration des sécrétions et administrer une forte concentration d’oxygène (McCorstin, Cottrell, Rose et al., 2008). Le tube endotrachéal peut être mis en place par la voie orotrachéale ou nasotrachéale (St John & Seckel, 2007 ; Walz, Zayaruzny & Heard, 2007). Dans la plupart des cas d’intubation urgente, la voie orotrachéale est privilégiée parce que la procédure s’avère plus simple et permet l’emploi d’un tube endotrachéal de plus grand diamètre (Altobelli, 2013 ; St John & Seckel, 2007). Pour sa part, l’intubation nasotrachéale procure un confort accru à long terme et est préférable chez le client ayant subi une fracture de la mâchoire (Altobelli, 2013 ; Chethan & Hughes, 2008 ; Walz et al., 2007). Le TABLEAU 20.2 décrit, entre autres, les avantages respectifs de l’intubation orotrachéale et de l’intubation nasotrachéale. Les tubes endotrachéaux sont disponibles en tailles variées, selon leur diamètre intérieur ; chez l’adulte, les tubes utilisés ont habituellement un diamètre de 7 à 9 mm (Chulay & Burns, 2006). Ils comportent un marqueur radio-opaque sur toute leur longueur et à l’extrémité distale du tube se trouve un ballonnet gonable. En raison du grand nombre de complications potentielles, il est préférable d’utiliser un ballonnet plus volumineux et à basse pression. Un adaptateur de 15 mm est xé à

l’autre extrémité du tube ; il facilite le raccordement du tube à un ballon-masque, à un tube en T ou à un respirateur (Colice, 1991) FIGURE 20.2.

Intubation à séquence rapide L’intubation à séquence rapide est un procédé en sept étapes souvent utilisé pour intuber un client en situation critique de santé telle que la défaillance respiratoire aigüe. Cette technique d’intubation serait plus sûre pour le client, puisqu’elle amoindrit le risque d’aspiration (Mace, 2008). L’intubation à séquence rapide n’est toutefois pas indiquée chez les clients comateux ou en arrêt cardiaque.

Première étape : préparation Avant l’intubation, l’inrmière rassemble le matériel nécessaire et le dispose de manière à faciliter le bon déroulement de la procédure. Le matériel disponible rapidement doit comprendre les médicaments, un système de succion avec cathéters rigides et tubes de succion, un ballon-masque relié à de l’oxygène 100 %, un laryngoscope et des lames assorties, des tubes endotrachéaux de tailles variées et un mandrin. Avant d’amorcer la procédure, l’inrmière examine tout le matériel pour s’assurer qu’il est en bon état. Le client doit être préparé en vue de la procédure, si possible, par la mise en place d’un cathéter intraveineux (I.V.),

FIGURE 20.2 Tube endotrachéal.

Avantages de l’intubation orotrachéale, de l’intubation nasotrachéale, de la trachéotomie et du masque laryngé

INTUBATION OROTRACHÉALE

INTUBATION NASOTRACHÉALE

TRACHÉOTOMIE

MASQUE LARYNGÉ

• Est d’accès facile. • Évite les complications touchant le nez et les sinus. • Permet l’emploi d’un tube de plus grand diamètre, ce qui facilite : – la respiration ; – l’aspiration ; – la bronchobroscopie.

• La mise en place est sûre et stable. • Réduit le risque d’extubation involontaire. • Est bien toléré par le client. • Facilite la déglutition et les soins buccodentaires. • Facilite la communication. • Évite le recours à une pièce de morsure.

• • • •

• La mise en place est simple et rapide. • Évite les complications touchant le nez, les sinus et la trachée. • Est bien toléré par le client.

636

Partie 3

Système respiratoire

La mise en place est sûre et stable. Réduit le risque d’extubation involontaire. Est bien tolérée par le client. Permet la déglutition, la parole et les soins buccodentaires. • Évite les complications touchant les voies respiratoires supérieures. • Permet l’emploi d’un tube de plus grand diamètre, ce qui facilite : – la respiration ; – l’aspiration ; – la bronchobroscopie.

et l’inrmière vérie son taux d’oxygénation à l’aide d’un saturomètre (Mace, 2008).

Deuxième étape : préoxygénation Une fois la préparation terminée, le client est préoxygéné avec de l’oxygène 100 % pendant 3 à 5 minutes à l’aide d’un masque bien ajusté. Il s’agit ici d’éviter une ventilation à pression positive, si possible, car cette intervention accroît la probabilité d’une distension gastrique et le risque d’aspiration (Mace, 2008). Si le client est incapable de maintenir une respiration spontanée adéquate, il faut alors lui apporter une assistance respiratoire au moyen d’un ballon-masque.

Troisième étape : prétraitement Pendant la préoxygénation, le client reçoit en prétraitement des médicaments d’appoint pour faire diminuer la réaction physiologique à l’intubation. Ces médicaments comprennent la lidocaïne parentérale (LidocaïneMD), le fentanyl (FentanylMD) et l’atropine (AtropineMD). Une très faible dose d’un agent paralysant, comme le rocuronium (ZemuronMD), peut être administrée an de prévenir des fasciculations. L’emploi de ces médicaments est fonction de l’état général du client. Si possible, le prétraitement doit être effectué trois minutes avant l’étape suivante (Mace, 2008).

Quatrième étape : paralysie et induction Ensuite, l’inrmière, sous ordonnance médicale, administre en « séquence rapide » un agent sédatif et un agent paralysant pour produire l’induction et la paralysie. Divers agents sédatifs, dont la kétamine (KetalarMD), le midazolam (VersedMD), le propofol (DiprivanMD) et l’étomidate (AmidateMD), facilitent une perte rapide de conscience. La posologie d’induction concernant ces médicaments est souvent légèrement plus prononcée que la posologie habituelle de sédation. Les deux agents bloquants neuromusculaires les plus fréquemment administrés pour faciliter la décontraction des muscles squelettiques sont la succinylcholine (QuelicinMD) et le rocuronium (Mace, 2008).

Cinquième étape : protection et positionnement Il s’agit de placer le client en position d’intubation : le cou échi et la tête légèrement vers l’arrière. L’inrmière ou l’inhalothérapeute procède à une aspiration de la cavité buccale et du pharynx et enlève tout appareil dentaire, s’il y a lieu (Mace, 2008). La compression du cartilage cricoïde, autrefois utilisée pour prévenir le vomissement et l’aspiration subséquente du contenu gastrique, n’est plus recommandée de façon systématique (Field, Hazinski, Sayre et al., 2010).

Sixième étape : mise en place du tube endotrachéal Ensuite, le médecin insère le tube endotrachéal dans la trachée et s’assure qu’il est bien en place (Mace, 2008) FIGURE 20.3. Chaque tentative d’intubation ne doit pas durer plus de 30 secondes an de prévenir une hypoxémie. Après l’insertion du tube, l’inrmière vérie les bruits respiratoires bilatéraux, les bruits audessus de l’épigastre ainsi que le mouvement

thoracique du client. L’absence de bruits respiratoires bilatéraux et la présence de bruits à l’épigastre sont des signes d’intubation gastrique, tandis que la présence de bruits respiratoires d’un seul côté indique une intubation dans une bronche principale. La surveillance continue du dioxyde de carbone expiré et l’évaluation de la courbe de capnographie sont recommandées pour conrmer et surveiller l’emplacement approprié du tube. Un capnomètre, ou détecteur de CO2 expiré (qualitatif), jetable peut être utilisé en second recours (Neumar et al., 2010). La surveillance continue de la saturométrie permet également d’évaluer l’oxygénation du client (Neumar, Otto, Link et al., 2010). Puis, l’équipe soignante s’assure que le ballonnet est bien goné, et le tube, bien xé. Enn, le technologue en imagerie médicale effectue une radiographie pulmonaire pour conrmer l’emplacement du tube endotrachéal (Altobelli, 2013 ; Walz et al., 2007). L’extrémité du tube doit être environ de 3 à 4 cm au-dessus de la carène lorsque la tête du client se trouve en position neutre (St John & Seckel, 2007).

Septième étape : interventions à la suite de l’intubation Après l’ajustement nal de la position, le degré d’insertion (indiqué en centimètres sur le côté du tube) aux dents, ou à la commissure des lèvres, est pris en note. L’inrmière xe ensuite le tube au visage du client à l’aide d’un ruban gommé ou d’un porte-tube commercial FIGURE 20.4. La xation du tube le stabilise et en prévient le déplacement et le délogement (Kabrhel, Thomsen, Setnik et al., 2007 ; St John & Seckel, 2007 ; Walz et al., 2007). En présence d’un client à risque d’hypertension intracrânienne, le tube est xé de manière à ne pas entourer sa tête.

FIGURE 20.3 Insertion d’un tube endotrachéal lorsque le laryngoscope est en place. A Le tube est inséré en plaçant initialement l’extrémité contre la muqueuse vestibulaire droite, de façon que les cordes vocales demeurent clairement visibles en tout temps. Lorsque le tube s’enfonce, le médecin observe attentivement son passage au-delà des cordes vocales. B Le tube est bien en place lorsque l’extrémité se trouve de 2 à 3 cm au-delà des cordes vocales.

Complications Diverses complications peuvent survenir durant l’intubation, dont un trauma nasal ou oral, un trauma pharyngé ou hypopharyngé, des vomissements avec aspiration ou un arrêt cardiaque (Kabrhel et al., 2007). La rupture trachéale constitue une complication rare et souvent fatale qui est associée à une intubation urgente (Miñambres, Burón, Ballesteros et al., 2009). Il peut également survenir une hypoxémie ou une hypercapnie, entraînant une bradycardie, une tachycardie, des arythmies, une hypertension ou une hypotension (Chethan & Hughes, 2008 ; Kabrhel et al., 2007 ; McCorstin et al., 2008). Plusieurs complications peuvent surgir après la mise en place du tube endotrachéal, dont une obstruction ou un déplacement du tube, une ulcération ou une inammation nasale ou buccale, une sinusite ou une otite, une lésion laryngée ou trachéale. D’autres complications peuvent apparaître quelques jours ou quelques semaines après le FIGURE 20.4 retrait du tube endotrachéal, tels une sténose laryngée ou trachéale ou un Porte-tube commercial – Fixation de tube abcès au cricoïde TABLEAU 20.3. Ces endotrachéal par voie orale Anchor Fast. Chapitre 20

Approche thérapeutique du système respiratoire

637

20

TABLEAU 20.3

Complications liées à la mise en place d’un tube endotrachéal

CAUSES POSSIBLES

PRÉVENTION

TRAITEMENT

• • • •

• Remplacer le tube.

Obstruction du tube • • • • • • •

Corps étranger Déformation du tube durant sa remise en place Herniation causée par le ballonnet Lubriant, sang ou sécrétions séchés Morsure du tube par le client Tissu tumoral Trauma

Placer une pièce de morsure. Sédationner le client au besoin. Aspirer au besoin. Humidier les gaz inhalés.

Déplacement du tube • • • •

Autoextubation Mouvement de la tête du client Mouvement du tube causé par la langue du client Traction exercée sur le tube par la tubulure du respirateur

• • • •

Fixer le tube sur la lèvre supérieure. Appliquer les mesures de prévention du délirium. Sédationner le client au besoin. Limiter à 5 cm le dépassement du tube au-delà de la lèvre. • Soutenir la tubulure du respirateur.

• Réintuber le client.

• Éviter l’intubation nasale. • Protéger les narines du tube pendant la xation.

• Enlever tous les tubes des voies nasales. • Administrer une antibiothérapie (en cas de sinusite).

• Goner le ballonnet avec le volume minimal d’air nécessaire. • Évaluer la pression du ballonnet toutes les huit heures (au moyen d’un manomètre).

• Éloigner de la stule le ballonnet du tube. • Effectuer une gastrostomie pour une alimentation entérale. • Placer une sonde œsophagienne près de la stule pour l’aspiration des sécrétions.

• Goner le ballonnet avec le volume minimal d’air nécessaire. • Évaluer la pression du ballonnet toutes les huit heures (au moyen d’un manomètre). • Utiliser un tube de taille appropriée.

• Surveiller : peut se résorber spontanément. • Intervenir chirurgicalement au besoin.

• Goner le ballonnet avec le volume minimal d’air nécessaire. • Évaluer la pression du ballonnet toutes les huit heures (au moyen d’un manomètre). • Aspirer fréquemment au-dessus du ballonnet.

• Effectuer une trachéotomie. • Placer une endoprothèse laryngée. • Corriger chirurgicalement.

• Goner le ballonnet avec le volume minimal d’air nécessaire. • Évaluer la pression du ballonnet toutes les huit heures (au moyen d’un manomètre). • Aspirer fréquemment au-dessus du ballonnet.

• Effectuer une incision et un drainage dans la région. • Administrer une antibiothérapie.

Lésion nasale et sinusite • Nécrose des narines par barotraumatisme • Obstruction du drainage des sinus paranasaux Fistule trachéo-œsophagienne • Nécrose de la paroi trachéale postérieure par barotraumatisme, lié au surgonement du ballonnet ou à la rigidité de la sonde nasogastrique

Lésions des muqueuses • Pression à l’interface du tube et des muqueuses

Sténose laryngée ou trachéale • Lésion locale causée par l’extrémité du tube ou le ballonnet, qui entraîne la formation de tissu cicatriciel et le rétrécissement des voies aériennes

Abcès au cricoïde • Lésion des muqueuses compliquée d’une infection bactérienne

Source : Adapté de Feller-Kopman (2003)

638

Partie 3

Système respiratoire

complications rendent généralement nécessaire une intervention chirurgicale (Feller-Kopman, 2003 ; Gaissert & Burns, 2010).

20.2.3

Trachéotomie

La trachéotomie est le moyen privilégié d’assistance respiratoire pour un client qui nécessite une intubation prolongée. Bien qu’aucun moment idéal pour recourir à ce moyen n’ait encore été déterminé, il est couramment reconnu que si un client a été intubé ou qu’il doit l’être pendant plus de 7 à 10 jours, une trachéotomie devrait être effectuée (Durbin, 2010). Elle est aussi indiquée dans plusieurs autres situations, comme une obstruction des voies aériennes supérieures en raison d’un trauma, la présence d’une tumeur ou d’une tuméfaction ou encore le besoin de faciliter le dégagement des voies aériennes en raison d’une blessure à la moelle épinière, d’une maladie neuromusculaire ou d’un grave affaiblissement (Morris & A, 2010 ; St John & Malen, 2004). Une trachéotomie constitue le meilleur moyen d’offrir une assistance respiratoire prolongée, parce qu’elle prévient les complications orales, nasales, pharyngées et laryngées associées à l’utilisation d’un tube endotrachéal. Une canule trachéale est plus courte, a un plus grand diamètre et est moins incurvée qu’un tube endotrachéal ; de plus, elle oppose moins de résistance au passage de l’air et

facilite davantage la respiration du client intubé. Parmi les autres avantages de la trachéotomie gurent également l’aspiration simpliée des sécrétions, une meilleure adaptation et un plus grand confort du client. Il y a aussi la possibilité pour ce dernier de manger et de parler, selon le cas, et le sevrage de la ventilation mécanique s’avère plus facile (Altobelli, 2013 ; Morris & A, 2010). Le TABLEAU 20.2 énumère, entre autres, des avantages propres à la trachéotomie. Les canules trachéales sont faites de plastique ou de métal et comportent une ou deux lumières. Une canule à une lumière comprend la canule ellemême, un ballonnet intégré, raccordé à un ballonnet témoin en vue de son gonflement, et un mandrin, utilisé pendant l’insertion de la canule. Pour sa part, une canule à deux lumières est formée de la canule elle-même (canule externe), d’un ballonnet intégré, d’un mandrin et d’une canule interne amovible – jetable ou à nettoyer avant sa réinsertion – à remplacer après utilisation par une nouvelle canule interne stérilisée FIGURE 20.5. La canule interne est facile à enlever en cas d’obstruction, ce qui rend l’ensemble sûr pour les clients ayant d’importants problèmes de sécrétion. Une canule à une lumière a un diamètre interne plus grand qui favorise le passage de l’air et en réduit la résistance, si bien que le client peut respirer plus facilement. La canule trachéale en plastique est également munie d’un adaptateur de 15 mm à son

20

FIGURE 20.5 Canules de trachéotomie. A Canule de trachéotomie, avec ballonnet goné et canule interne jetable. B Canule de trachéotomie fenestrée avec ballonnet goné et canule interne.

Chapitre 20

Approche thérapeutique du système respiratoire

639

extrémité, servant à xer le respirateur (Morris & A, 2010 ; St John & Malen, 2004).

Mise en place La trachéotomie peut être mise en place par approche chirurgicale ou par procédure percutanée. La première est généralement effectuée en salle d’opération, sous anesthésie générale, tandis que la deuxième est faite au chevet du client, sous anesthésie locale (Cabrini, Monti, Landoni et al., 2012 ; Morris & A, 2010).

Complications Diverses complications peuvent survenir durant la trachéotomie, dont une mauvaise installation de la canule trachéale, une hémorragie, une lésion du nerf laryngé, un pneumothorax, un pneumomédiastin ou un arrêt cardiaque (Feller-Kopman, 2003 ; Morris & A, 2010 ; Vallamkondu & Visvanathan, 2011). Plusieurs complications sont également possibles après l’installation de la trachéotomie, dont une infection du site chirurgical, une hémorragie, une trachéomalacie, une stule trachéo-œsophagienne,

TABLEAU 20.4

une stule du tronc artériel brachiocéphalique ou encore une obstruction ou un déplacement de la canule (Morris & Afifi, 2010 ; Vallamkondu & Visvanathan, 2011). Certaines complications apparaissent parfois quelques jours ou quelques semaines après le retrait de la trachéotomie telles qu’une sténose trachéale ou une fistule trachéocutanée TABLEAU 20.4. En cas de complications tardives, il faut généralement procéder à une intervention chirurgicale (Morris & A, 2010).

20.2.4

Masque laryngé

Le masque laryngé est utilisé au cours de chirurgies électives courtes, an de maintenir un contrôle adéquat des voies respiratoires, sans toutefois avoir recours à l’intubation endotrachéale ou à la trachéotomie. Son utilisation est simple, rapide et nécessite moins d’agents analgésiques que l’intubation classique ou la trachéotomie TABLEAU 20.2. Cependant, le masque laryngé ne prévient pas l’aspiration et ne peut être utilisé à long terme (Chethan & Hughes, 2008).

Complications liées aux canules de trachéotomie

CAUSES POSSIBLES

PRÉVENTION

TRAITEMENT

• • • • •

• Comprimer légèrement le site. • Intervenir chirurgicalement.

Hémorragie • Lésion d’un vaisseau causée par la canule • Rupture d’un vaisseau après la chirurgie

Utiliser une canule de taille appropriée. Traiter l’infection locale, le cas échéant. Aspirer doucement. Humidier les gaz inhalés. Ne pas pratiquer l’ouverture trachéale plus bas que le troisième cartilage trachéal.

Infection du site chirurgical • Colonisation du site chirurgical d’origine nosocomiale

• Effectuer les soins de trachéotomie régulièrement.

• Retirer la canule, si nécessaire. • Effectuer des soins de plaie rigoureux et un débridement au besoin. • Administrer une antibiothérapie.

• Éviter les sutures ou les pansements compressifs sur une plaie à proximité de la canule.

• Retirer toute suture ou tout pansement compressif, s’il y a lieu.

• Aspirer, au besoin. • Humidier les gaz inhalés. • Utiliser un dispositif muni d’une canule interne amovible. • Placer la canule de sorte que l’ouverture n’exerce aucune pression sur la paroi trachéale.

• Retirer ou remplacer la canule interne. • Remplacer la trachéotomie.

Emphysème sous-cutané • Toux, alors que la plaie est suturée ou qu’un pansement compressif est en place • Ventilation à pression positive Obstruction de la canule • Corps étranger • Fausse route dans des tissus mous • Obstruction de l’ouverture de la canule contre la paroi trachéale • Sécrétions ou sang séché • Tissu tumoral

640

Partie 3

Système respiratoire

TABLEAU 20.4

Complications liées aux canules de trachéotomie (suite)

CAUSES POSSIBLES

PRÉVENTION

TRAITEMENT

• Utiliser un porte-tube commercial. • Utiliser une canule munie d’une collerette ajustable pour le cou, au besoin. • Soutenir les tubes de ventilation. • Appliquer les mesures de prévention du délirium.

• Couvrir la stomie et ventiler manuellement le client par la bouche. • Remplacer la trachéotomie.

• Goner le ballonnet avec le volume d’air minimal nécessaire. • Évaluer la pression du ballonnet toutes les huit heures (utiliser un manomètre au besoin).

• Intervenir chirurgicalement.

• Goner le ballonnet avec le volume d’air minimal nécessaire. • Évaluer la pression du ballonnet toutes les huit heures (utiliser un manomètre au besoin).

• Intervenir chirurgicalement.

• Ne pas pratiquer l’ouverture trachéale plus bas que le troisième cartilage trachéal.

• Surgoner le ballonnet pour arrêter le saignement. • Enlever la canule, la remplacer par un tube endotrachéal et appliquer une pression sur le sternum avec les doigts au travers de la stomie. • Intervenir chirurgicalement.

Déplacement de la canule • Mouvement du client • Toux • Traction exercée par les tubes de ventilation

Sténose trachéale • Lésion locale causée par l’extrémité de la canule ou le ballonnet, entraînant la formation de tissu cicatriciel et le rétrécissement des voies aériennes Fistule trachéo-œsophagienne • Nécrose de la paroi trachéale postérieure par barotraumatisme, résultant du surgonement du ballonnet ou de la rigidité de la sonde nasogastrique Fistule du tronc artériel brachio-céphalique • Déplacement de la trachéotomie vers le bas, causée par une traction exercée sur la canule • Position de la trachéotomie au-dessous du quatrième cartilage trachéal • Pression directe exercée par la canule sur le tronc artériel brachiocéphalique • Variance anatomique du tronc artériel brachiocéphalique Fistule trachéocutanée • Fermeture incomplète de la stomie après le retrait de la canule

• Aucune prévention

• Intervenir chirurgicalement.

Source : Adapté de Morris & A (2011)

Soins et traitements inrmiers Les soins et les traitements inrmiers au client sous intubation endotrachéale ou sous trachéotomie doivent inclure des mesures supplémentaires pour prendre en charge les effets de l’intubation sur l’organisme et plus particulièrement sur le système respiratoire ENCADRÉ 20.2. Ainsi, les interventions inrmières chez un client intubé comprennent l’établissement d’un moyen de communication avec le client, l’humidication de l’air, la surveillance du bon fonctionnement du ballonnet, les soins buccodentaires, l’aspiration endotrachéale au besoin, un apport nutrionnel adéquat (Heyland, Dhaliwal, Drover et al., 2003) 7 , ainsi que le confort du client et le soulagement la douleur (Barr, Fraser, Puntillo et al., 2013) 8 .

La sécurité du client ayant un tube endotrachéal ou une trachéotomie revêt une importance cruciale dans le cadre des soins qui lui sont donnés, puisque le retrait du tube peut causer une obstruction des voies aériennes du client. En cas de décanulation ou d’extubation accidentelles, les voies aériennes doivent être dégagées en inclinant la tête du client vers l’arrière et en surélevant le menton, puis maintenues ouvertes à l’aide d’une canule oropharyngée ou nasopharyngée. Si le client ne respire plus, l’inrmière ou l’inhalothérapeute pratique une ventilation manuelle au moyen d’un ballon-masque, en insufant une concentration d’oxygène à 100 %. Dans le cas d’une trachéotomie, l’ouverture doit être recouverte pour empêcher l’air de s’en échapper. Si la trachéotomie demeure ouverte, il faut alors songer à ventiler le client par la stomie plutôt que par la bouche. Chapitre 20

7 Le soutien nutritionnel du client en situation critique de santé est l’objet du cha­ pitre 7, Altérations et gestion de l’état nutritionnel.

8 Des techniques de soulage­ ment de la douleur sont pré­ sentées dans le chapitre 8, Gestion de la douleur.

Approche thérapeutique du système respiratoire

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20

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 20.2

Surveiller le fonctionnement des tubes endotrachéaux et des canules trachéales

OBJECTIF

• Surveiller l’intubation endotrachéale ou la trachéotomie et prévenir les complications associées en collaboration avec l’inhalothérapeute. INTERVENTIONS

Interventions générales • Appliquer les précautions universelles : maintenir l’hygiène des mains et utiliser l’équipement de protection individuelle (gants, lunettes de protec­ tion et masque), selon le cas. • Élever la tête du lit de 30° ou plus et aider le client à prendre la position assise dans un fauteuil durant les repas, selon le cas. • Valider la position du tube ou de la canule à l’examen radiographique pulmonaire, au besoin. • Noter l’emplacement de référence du tube endotrachéal à la commissure des lèvres an de déceler tout déplacement possible. • Assurer une humidication à 100 % du gaz, de l’oxygène ou de l’air inspiré. • Évaluer la pression du ballonnet durant l’expiration toutes les quatre à huit heures, ainsi qu’après toute anesthésie générale ou manipulation du tube endotrachéal ou de la canule de trachéotomie. • Maintenir la pression du ballonnet entre 20 et 25 mm Hg (27 et 33 cm d’eau [H2O]), selon la technique du volume occlusif minimal ou de la fuite minimale, durant la ventilation mécanique ainsi que pendant et après les repas, en cas de trachéotomie. • Prodiguer des soins de trachéotomie, de façon stérile, toutes les quatre à huit heures, selon le cas : nettoyer ou remplacer la canule interne, nettoyer et assécher la peau entourant la stomie et changer les attaches de la collerette. • Prodiguer les soins buccodentaires selon le protocole en place (brosse à dents, tampons, hydratant pour la bouche et les lèvres). • Aspirer l’oropharyx et les sécrétions présentes dans le haut du ballonnet du tube ou de la canule avant de dégoner ce dernier. • Mettre en place une canule oropharyngée ou une pièce de morsure pour prévenir toute occlusion du tube endotrachéal par morsure, au besoin.

• Réduire au minimum l’appui et la traction exercés sur le tube endotrachéal en soutenant la tubulure de ventilation au moyen de supports exibles et en les soutenant durant la mobilisation, l’aspiration ainsi que la mani­ pulation du respirateur. • Prévenir l’extubation accidentelle (évaluer l’état mental du client, xer le tube endotrachéal solidement, administrer un sédatif et un agent paralysant mus­ culaire sur ordonnance médicale, utiliser les mesures de contention après l’échec de mesures autres et selon le niveau de risque), selon le cas. • Conserver au chevet un ballon­masque, ainsi qu’un équipement d’intubation supplémentaire et un mandrin, en cas de trachéotomie, à un endroit facile­ ment accessible. • Protéger la trachéotomie contre l’eau. • Entreprendre des exercices de réadaptation respiratoire avec le client, en collaboration avec l’équipe interdisciplinaire.

Surveillance • Ausculter les plages pulmonaires bilatérales après l’insertion et le change­ ment des attaches endotrachéales ou des attaches de trachéotomie. • Inspecter l’intégrité de la peau et de la muqueuse buccale quotidiennement, chan­ ger l’attache du tube endotrachéal, puis le replacer de l’autre côté de la bouche. • Examiner le pourtour de la stomie à la recherche de signes d’écoulement, de rougeur, d’irritation et de saignement. • Rechercher la présence d’emphysème sous­cutané en examinant et en palpant la peau autour de la stomie toutes les huit heures. • Évaluer le besoin d’aspiration endotrachéale et procéder de façon stérile si cela est nécessaire. • Prévenir une obstruction potentielle en évaluant la baisse du volume expiratoire et la hausse de la pression inspiratoire. • Surveiller la présence de crépitants et de ronchis à l’auscultation pulmonaire. • Évaluer la couleur, la quantité et la consistance des sécrétions. • Vérier et assurer l’hydratation adéquate du client par l’administration entérale ou I.V. de uide. • Évaluer et soulager la douleur ou l’anxiété, an de favoriser le confort du client.

Source : Adapté de Bulechek et al. (2013)

Établir un moyen de communication avec le client L’une des principales sources de stress pour le client intubé ou sous trachéotomie réside dans les problèmes de communication, incluant l’incapacité de parler, des explications insufsantes, une compréhension inadéquate, la crainte d’être incapable de communiquer et des difcultés liées aux méthodes de communication (Jenabzadeh & Chlan, 2011). À l’occasion d’une étude portant sur la perception, par les clients, de l’inconfort causé par le tube endotrachéal, 46 % d’entre eux ont afrmé qu’ils se souvenaient d’avoir été intubés pendant leur séjour à l’unité de soins intensifs. La majorité de ces clients ont indiqué que l’inconfort associé à la présence du tube endotrachéal et à l’incapacité de parler avait été très stressant. De plus, certains clients éprouvaient encore, de quelques jours à quelques mois plus tard, des problèmes découlant d’un enrouement, d’un mal

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Système respiratoire

de gorge et d’une modication de la voix (Samuelson, 2011). L’inrmière adapte donc la communication au besoin du client intubé ou sous trachéotomie et lui prodigue l’enseignement nécessaire.

S’adapter aux besoins du client Différentes interventions améliorent la capacité de communiquer du client intubé ou sous trachéotomie, qu’il s’agisse d’établir un environnement favorisant la communication, d’évaluer en détail la capacité de communiquer du client, de prévoir ses besoins, d’enseigner au client et à ses proches une façon de communiquer clairement, de varier les moyens de communication et de veiller à ce que le client porte ses verres correcteurs ou ses prothèses auditives (Grossbach, Chlan & Tracy, 2011). Les moyens favorisant la communication pour le client comprennent l’utilisation du langage verbal et non verbal, ainsi que le recours à divers

dispositifs pour assister le client nécessitant une ventilation mécanique à court terme ou à long terme. Le langage des signes, les gestes, les expressions faciales, le clignement des yeux, ainsi que le fait de lire sur les lèvres et de pointer des objets du doigt gurent parmi les moyens de communication non verbale. En collaboration avec le service d’ergothérapie ou d’orthophonie, certains dispositifs simples peuvent également être utilisés : papier et crayon, tableau effaçable, images, lettres et symboles magnétiques ou encore tableau de pictogrammes. Quant aux dispositifs plus élaborés, il peut s’agir de l’ordinateur, de la tablette électronique, de la canule de trachéotomie fenestrée permettant la phonation, ainsi que de l’électropharynx. Quel que soit le moyen choisi, il est important d’enseigner au client la façon de bien l’utiliser (Grossbach et al., 2011 ; St John & Seckel, 2007).

Utiliser la valve de phonation Passy-MuirMD La valve de phonation Passy-MuirMD est l’un des dispositifs employés pour faciliter la communication verbale du client avec trachéotomie sous ventilation mécanique. Cette valve unidirectionnelle s’ouvre pendant une inspiration et laisse l’air se rendre aux poumons en passant par la canule trachéale. Elle se ferme à l’expiration, ce qui pousse l’air sur les cordes vocales et hors de la bouche, permettant au client de parler FIGURE 20.6. Avant que la valve ne soit apposée sur la trachéotomie, le ballonnet doit être dégoné, an que l’air puisse passer autour de la canule, et le volume courant (VC) du respirateur doit être accru, an de compenser la fuite d’air. En plus de favoriser la communication, la valve de phonation Passy-MuirMD peut aider le client en ventilation mécanique à réapprendre les rythmes de respiration normaux. Elle est cependant contre-indiquée chez les clients à risque d’aspiration, présentant des sécrétions excessives ou ayant une faible compliance pulmonaire (Grossbach et al., 2011).

Assurer l’humidication L’humidication de l’air est normalement assurée par la couche muqueuse des voies respiratoires supérieures. Lorsque l’air contourne cette couche, comme c’est le cas pour l’intubation endotrachéale, la trachéotomie, mais aussi le recours à de l’oxygénothérapie, l’humidication doit être effectuée par des moyens externes. Divers dispositifs d’humidication ajoutent de l’eau aux gaz inhalés an de prévenir l’assèchement et l’irritation des voies respiratoires, d’empêcher une perte indue d’eau et de faciliter l’aspiration des sécrétions (Fink & Ari, 2013 ; Züchner, 2006). Le dispositif d’humidication utilisé doit procurer un gaz inspiré conditionné (chauffé) à la température du corps et saturé en vapeur d’eau (Schulze, 2007).

Utiliser adéquatement le ballonnet Il est essentiel d’utiliser de façon adéquate le ballonnet d’un tube endotrachéal ou d’une canule

trachéale, car il constitue l’une des causes importantes des complications liées à l’intubation endotrachéale ou à la trachéotomie. An de prévenir les complications découlant de la conception même du ballonnet, il est préférable d’utiliser, en pratique clinique, des tubes ou des canules à ballonnet à basse pression et à grand volume (Colice, 1991 ; Wright & VanDahm, 2003). Même avec ces tubes ou canules, la pression du ballonnet qui peut être produite est sufsamment élevée pour provoquer une lésion ou une ischémie trachéale. L’emploi FIGURE 20.6 des techniques appropriées de gonMécanisme de fonctionnement de la valve ement du ballonnet et la véride phonation Passy-MuirMD. cation de la pression de celui-ci constituent des éléments cruciaux des soins à donner aux clients intubés (St John & Seckel, 2007 ; Wright & VanDahm, 2003).

Recourir aux techniques de gonement du ballonnet Il existe deux techniques de gonement du ballonnet : la technique de la fuite minimale et la technique du volume occlusif minimal. La technique de la fuite minimale consiste à injecter de l’air dans le ballonnet jusqu’à ce qu’il n’y ait aucune fuite audible, puis à laisser sortir l’air jusqu’à ce qu’une petite fuite soit audible à l’inspiration. Parmi les problèmes découlant de cette technique gurent la difculté à maintenir la pression expiratoire positive (PEP) ainsi que l’aspiration des sécrétions présentes autour du ballonnet. Quant à la technique du volume occlusif minimal, elle consiste à injecter de l’air dans le ballonnet jusqu’à ce qu’aucune fuite ne soit audible à l’inspiration maximale. Cette technique produit une pression du ballonnet plus élevée que celle que procure la technique de la fuite minimale. Le choix de la technique la plus appropriée est fondé sur les besoins propres à chaque client. Si le client nécessite une grande étanchéité pour recevoir une ventilation adéquate ou s’il présente un grand risque d’aspiration, la technique du volume occlusif minimal doit être privilégiée. En l’absence de ces contraintes, la technique de la fuite minimale est généralement préférée (Altobelli, 2013 ; St John & Seckel, 2007 ; Wright & VanDahm, 2003).

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Évaluer la pression du ballonnet La pression du ballonnet doit être évaluée au moins une fois durant chaque quart de travail à l’aide d’un manomètre de pression de ballonnet FIGURE 20.7. Il est important de la maintenir entre 20 et 25 mm Hg (27 et 33 cm H2O), car une pression supérieure ralentit le débit sanguin vers les Chapitre 20

FIGURE 20.7 Manomètre anéroïde servant à goner et à mesurer la pression du ballonnet.

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capillaires de la paroi trachéale, tandis qu’une pression inférieure accentue le risque d’aspiration. L’inrmière ou l’inhalothérapeute rapporte au médecin toute pression excédant 25 mm Hg (33 cm H2O). Le ballonnet n’est habituellement pas dégoné an d’éviter l’augmentation du risque d’aspiration (St John & Seckel, 2007 ; Wright & VanDahm, 2003). La palpation en vue d’estimer la pression du ballonnet n’est pas une pratique recommandée et ne devrait pas être utilisée (Stewart, Secrest, Norwood et al., 2003).

Assurer l’entretien des canules trachéales à ballonnet de mousse L’une des canules trachéales offertes sur le marché comporte un ballonnet fait de mousse qui se gone lui-même. Il est dégoné durant l’insertion, après laquelle l’orice de commande est ouvert à la pression atmosphérique (l’air ambiant), et le ballonnet se gone lui-même. Après son gonement, le ballonnet de mousse épouse la taille et la forme de la trachée du client, ce qui réduit la pression s’exerçant sur la paroi trachéale. La tubulure de gonement peut demeurer ouverte à la pression atmosphérique ou rattachée à la tubulure du respirateur, de sorte que le ballonnet peut se goner et se dégoner selon le cycle du respirateur. Les mesures d’entretien usuelles d’une canule de trachéotomie à ballonnet de mousse comprennent l’aspiration de la tubulure de gonement, effectuée toutes les huit heures, an de mesurer le volume du ballonnet, d’y éliminer toute condensation et d’en évaluer l’état général. Pour enlever le ballonnet, il faut d’abord le dégoner, ce qui peut entraîner des complications si la gaine de plastique recouvrant la mousse est perforée. En cas de perforation, le ballonnet de mousse peut ne pas se dégoner, puisque l’air ne peut pas être entièrement aspiré (Morris & A, 2010).

Aspirer les sécrétions pharyngées Le ballonnet peut être en cause dans l’apparition d’une pneumonie acquise sous ventilation (PAV). Des uides peuvent s’écouler autour du ballonnet ou pénétrer dans le tube et causer une microaspiration. Des sécrétions buccales chargées de bactéries dégouttent dans le larynx et s’accumulent au-dessus du ballonnet du tube endotrachéal. Appelées sécrétions pharyngées, ou subglottiques, elles sont ensuite susceptibles de s’écouler dans les voies respiratoires inférieures en suivant les plis longitudinaux qui se développent dans le ballonnet ayant épousé la forme des voies respiratoires, soit parce que le ballonnet est insufsamment goné et ne comble pas tout l’espace des voies respiratoires, soit à la suite FIGURE 20.8 d’un déplacement accidentel du tube endotrachéal dans les voies Tube endotrachéal et canule de trachéotomie comportant respiratoires. un orice d’aspiration pharyngée.

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Pour prévenir les complications, il importe de recourir aux techniques établies concernant le gonement du ballonnet, d’en évaluer la pression, d’employer une méthode adéquate de stabilisation du tube et de pratiquer les soins buccodentaires décrits dans la sous-section suivante (Hamilton & Grap, 2012). Pour aspirer les sécrétions pharyngées, l’inrmière effectue une aspiration oropharyngée profonde au moins toutes les 12 heures et avant le dégonement du ballonnet ou le déplacement du tube (Browne, Evans, Christmas et al., 2011). Des tubes spécialisés permettent l’aspiration continue des sécrétions pharyngées. Ils sont dotés d’une lumière supplémentaire et comportent un orice audessus du ballonnet, qui est relié au dispositif d’aspiration continue (de –20 à –30 cm H2O) (St John & Seckel, 2007) FIGURE 20.8. L’emploi de ces tubes est recommandé pour des clients nécessitant une intubation de plus de 72 heures (Muscedere et al., 2008), et contribuent à prévenir la PAV (Institut canadien pour la sécurité des patients [ICSP], 2012). Ces tubes présentent toutefois un inconvénient : la lumière d’aspiration est à risque d’obstruction. À titre de prévention, l’inrmière injecte donc aux quatre heures un peu d’air dans l’orice d’aspiration.

Procéder aux soins buccodentaires Le lien existant entre une mauvaise hygiène buccodentaire et l’apparition d’infections comme la pneumonie nosocomiale est depuis longtemps démontré. Ces infections sont appelées infections orales à distance (Blot, Vandijck & Labeau, 2008). Leur relation avec une mauvaise hygiène buccodentaire serait d’autant plus évidente chez la clientèle hospitalisée en soins critiques. En effet, s’il est vrai que des bactéries sont normalement présentes dans la cavité buccodentaire d’un client, elles deviennent toutefois plus nombreuses et plus résistantes chez un client en situation critique de santé. Divers mécanismes peuvent contribuer à altérer la santé buccodentaire d’un client vulnérable en contexte de soins critiques (Blot et al., 2008 ; Feider, 2007 ; Raghavendran, Mylotte & Scannapieco, 2007 ; Tanguay, 2012). L’accumulation de la plaque dentaire ou la formation de biolms, la diminution de la salivation, la modication de la ore buccale, l’altération de l’intégrité des muqueuses et, enn, la mise en place d’un tube endotrachéal chez les clients qui nécessitent une assistance ventilatoire effractive sont autant de causes possibles (Blot et al., 2008 ; Raghavendran et al., 2007 ; Stonecypher, 2010 ; Tanguay, 2012). La colonisation buccodentaire, sans être le seul élément en cause, serait considérée comme l’un des facteurs de risque les plus critiques de la pneumonie nosocomiale et tout particulièrement de la PAV (Koeman, van der Ven, Hak et al., 2006). De plus, 86 % de pneumonies nosocomiales qui surviennent en soins critiques sont des pneumonies acquises sous ventilation (Scannapieco, 2006). Ainsi, de bons soins buccodentaires sont susceptibles d’abaisser la prévalence de la PAV (Browne et al., 2011 ; Stonecypher, 2010). Cependant, des

études ont révélé que les soins buccodentaires en contexte de soins critiques ne constituaient pas toujours une intervention prioritaire pour de nombreuses infirmières (Binkley, Furr, Carrico et al., 2004). Néanmoins, la prise de conscience de la pertinence de ces soins est de plus en plus observée (Tanguay, 2012). Des études sont encore nécessaires à l’élaboration d’un protocole systématique de soins buccodentaires. L’information disponible dans les écrits scientiques permettant de s’appuyer sur des guides de pratique ou sur des lignes directrices claires est limitée par un faible nombre d’essais cliniques randomisés et de méta-analyses. De plus, les produits offerts sont très divers, et la fréquence d’intervention recommandée demeure variable (Tanguay, 2012). D’autres travaux de recherche doivent donc être conduits en ce sens (Garcia, 2005 ; ICSP, 2011 ; Tanguay, 2012). Les principales recommandations pour la pratique des soins buccodentaires sont présentées dans l’ENCADRÉ 20.3.

Effectuer au besoin l’aspiration endotrachéale L’aspiration peut être nécessaire pour maintenir perméables les voies respiratoires d’un client ayant

un tube endotrachéal ou une canule trachéale. L’aspiration endotrachéale est une intervention aseptique qui doit être effectuée seulement si elle s’impose pour le bien-être du client, et non sur une base régulière (American Association for Respiratory Care [AARC], 2010 ; Pedersen, Rosendahl-Nielson, Hjermind et al., 2009 ; St John & Seckel, 2007). Les situations justiant une aspiration comprennent la toux, la présence de sécrétions dans les voies respiratoires, la détresse respiratoire, la présence de ronchis à l’auscultation, une hausse de la pression maximale des voies aériennes sur le respirateur et une baisse de la saturation en oxygène (Altobelli, 2013).

Connaître les complications liées à l’aspiration Certaines complications sont associées à l’aspiration endotrachéale, dont l’hypoxémie, l’atélectasie, les bronchospasmes, les arythmies, la hausse de la pression intracrânienne (PIC) et un trauma des voies aériennes (AARC, 2010 ; St John & Seckel, 2007). Une hypoxémie peut résulter du débranchement de la source d’oxygène approvisionnant le client ou de l’aspiration de l’oxygène des voies aériennes de celui-ci au moment de l’intervention. Il est estimé

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 20.3

Procéder aux soins buccodentaires

1. Réaliser une évaluation de la condition buccodentaire au moment de l’admission du client à l’unité de soins critiques et, par la suite, à chaque quart de travail tout au long de l’hospitalisation. Cette intervention permet de noter tout changement par rapport à l’état du client à son arrivée (Garcia, 2005 ; Halm & Armola, 2009). Pour ce faire, des outils standardisés sont disponibles dans les écrits, mais la plupart n’ont pas été validés en français (Ames, Sulima, Yates et al., 2011 ; Beck, 1979 ; Henrikson, Ambjørnsen, & Axéll, 1999). 2. Brosser les dents du client intubé ou trachéotomisé pendant une à deux minutes avec une brosse à dents pédiatrique à soies souples et un dentifrice non moussant an de retirer, par effet mécanique, la plaque dentaire ou les biolms sur les dents, la langue et les muqueuses buccales (American Association of Critical-Care Nurses [AACN], 2007 ; Browne et al., 2011 ; Munro, Grap, Jones et al., 2009). Le brossage a également pour effet de stimuler la circulation sanguine et de favoriser le maintien de l’intégrité des tissus (Ames et al., 2011). À noter qu’il est important de bien rincer la bouche après le brossage à l’aide de la succion buccale et de l’eau an de retirer toute trace de dentifrice et d’éviter ainsi les risques d’irritation des muqueuses (Berry & Davidson, 2006). 3. Débrider, au besoin, les croûtes et les débris présents sur les muqueuses ou sur la langue au moyen d’un bâton-éponge et d’eau ou encore avec une solution mucolytique telle que le peroxyde d’hydrogène ou le bicarbonate de sodium (Munro & Grap, 2004 ; O’Reilly, 2003). Ces solutions doivent toutefois être utilisées avec précaution ; il faut prendre soin de les diluer au préalable, car elles pourraient causer des brûlures supercielles (Abidia, 2007). 4. Décontaminer la cavité buccodentaire au moyen d’un agent antiseptique tel que le gluconate de chlorhexidine 0,12 %. À la suite du brossage, la décontamination consiste à appliquer 15 ml de la solution de chlorhexidine au moyen d’un bâton-éponge pendant 30 secondes 2 fois par jour en prenant soin de badigeonner toutes les surfaces de la bouche (dents, langue, muqueuses,

20 palais) (AACN, 2007 ; Houston, Hougland, Anderson et al., 2002). Bien qu’elle ne soit pas systématiquement recommandée dans les protocoles de soins buccodentaires, il a été démontré que cette intervention réduit la colonisation bactérienne buccale et amoindrit la prévalence de la PAV, notamment chez les clients ayant subi un trauma ou une chirurgie cardiaque (AACN, 2007 ; Fourrier, Dubois, Pronnier et al., 2005 ; Grap, Munro, Elswick et al., 2009 ; Grap, Munro, Hamilton et al., 2011 ; Hagler & Traver, 1994 ; Munro et al., 2009 ; Tanguay, 2012). Au Québec, de nombreux établissements hospitaliers ont déjà inclus à leur protocole de soins buccodentaires chez la clientèle intubée l’utilisation de la solution de gluconate de chlorhexidine considérant que ses effets antiseptiques et décontaminants ne pourront que renforcer l’effet mécanique du brossage des dents an de réduire la colonisation de la plaque dentaire. Il faut toutefois demeurer prudent avec son utilisation puisqu’un usage abusif pourrait mener à l’assèchement et à l’irritation de la muqueuse buccale (Tanguay, 2012). 5. Hydrater les muqueuses buccales avec de l’eau à l’aide d’un bâton-éponge toutes les deux à quatre heures (AACN, 2007 ; Berry & Davidson, 2006). L’hydratation des muqueuses revêt une importance particulière, car la diminution du ot salivaire chez les clients intubés cause une xérostomie grave, d’autant plus que la position du tube endotrachéal contribue à l’ouverture de la bouche en continu, ce qui aggrave l’assèchement (Denessen, Van der Ven, Vlasveld et al., 2003 ; Tanguay, 2012). 6. Utiliser, au besoin, un substitut salivaire an de corriger la xérostomie grave observée chez certains clients. Un substitut salivaire constitue un important agent hydratant de la muqueuse buccale (Berry & Davidson, 2006). 7. Hydrater les lèvres au moyen d’un baume à lèvres à toutes les deux à quatre heures (AACN, 2007 ; Berry & Davidson, 2006). Laissées sans soins, les lèvres risquent de devenir rapidement asséchées et ssurées. Par souci de confort pour les clients, mais aussi an d’éviter qu’elles deviennent un site de colonisation de micro-organismes, les lèvres doivent toujours être bien hydratées.

Chapitre 20

Approche thérapeutique du système respiratoire

645

qu’une atélectasie peut se produire si la taille du cathéter d’aspiration est supérieure à la moitié du diamètre du tube endotrachéal. Une pression négative excessive apparaît alors pendant l’aspiration, ce qui favorise l’affaissement des voies aériennes distales. Des bronchospasmes peuvent résulter de la stimulation des voies aériennes par le cathéter d’aspiration. Les arythmies cardiaques, et notamment les bradycardies, sont attribuables à une stimulation vagale. L’augmentation de la PIC peut être causée, entre autres, par la FIGURE 20.9 stimulation du réexe de toux durant l’aspiration endotraSystème d’aspiration trachéale en circuit fermé. chéale. (Bilotta, Branca, Cuzzone et al., 2008). Une lésion des voies aériennes peut survenir à la suite de l’impact du cathéter sur les muqueuses ou encore de l’application d’une pression négative excessive (AARC, 2010 ; Altobelli, 2013 ; St John & Seckel, 2007).

Appliquer le protocole d’aspiration Différents protocoles relatifs à l’aspiration ont été mis au point. Plusieurs pratiques se sont avérées utiles pour limiter les complications liées à cette intervention. Pour amoindrir les risques d’hypoxémie, l’inrmière ou l’inhalothérapeute administre trois ventilations d’hyperoxygénation (à 100 % de FiO2) au client à l’aide du respirateur avant le début de l’intervention et après chaque passage du cathéter d’aspiration (Grap et al., 1996 ; Pedersen et al., 2009 ; St John & Seckel, 2007). Si le client manifeste des signes de désaturation, une hyperventilation (ventilations à 150 % du VC) doit être ajoutée à l’intervention (St John & Seckel, 2007). L’atélectasie peut être évitée grâce à l’utilisation d’un cathéter ayant un diamètre extérieur inférieur à la moitié du diamètre intérieur du tube endotrachéal (Pedersen et al., 2009 ; St John & Seckel, 2007). Le recours à une succion ne dépassant pas 120 mm Hg amoindrit les risques d’hypoxémie, d’atélectasie et de lésion des voies aériennes (St John & Seckel, 2007). De même, le fait de limiter chaque aspiration à une durée allant de 10 à 15 secondes (AARC, 2010 ; Pedersen et al., 2009 ; St John & Seckel, 2007) et de limiter le nombre d’aspirations consécutives à un maximum de 3 (Stone, 1990) atténue les risques d’hypoxémie, de lésion des voies aériennes, d’arythmies cardiaques et d’hypertension intracrânienne. De plus, l’instillation endotrachéale de lidocaïne (XylocaïneMD) préalablement à l’aspiration peut contribuer à limiter le réexe de toux responsable de l’augmentation de la PIC (Bilotta et al., 2008). Il a été démontré que procéder à une aspiration intermittente (plutôt que continue) n’est pas préférable

646

Partie 3

Système respiratoire

(Czarnik, Stone, Everhart et al., 1991 ; Pedersen et al., 2009). En outre, l’instillation systématique d’une solution physiologique saline en vue d’aspirer les sécrétions ne s’est pas révélée avantageuse (AARC, 2010 ; Pedersen et al., 2009 ; Raymond, 1995) et pourrait même contribuer au déclenchement d’une hypoxémie ainsi qu’à une colonisation des voies aériennes inférieures, causant une PAV (Hagler & Traver, 1994 ; Kinloch, 1999 ; St John & Seckel, 2007).

Recourir au système d’aspiration trachéale en circuit fermé Le système d’aspiration trachéale en circuit fermé est un dispositif qui facilite l’aspiration des sécrétions d’un client sous ventilation mécanique FIGURE 20.9. Ce dispositif comprend un cathéter d’aspiration dans un manchon de plastique qui se rattache directement à la tubulure de ventilation. Il permet de procéder à l’aspiration pendant que le client demeure sous ventilation. Le système d’aspiration trachéale en circuit fermé offre plusieurs avantages : le maintien de l’oxygénation et de la PEP durant l’aspiration, la réduction des complications liées à l’hypoxémie et la protection du personnel soignant contre les sécrétions du client. Le système d’aspiration trachéale en circuit fermé est pratique, puisque son utilisation ne mobilise qu’une seule personne (Altobelli, 2013). Il importe néanmoins de prévenir quelques problèmes liés à l’emploi de ce système, comme l’autocontamination, l’aspiration inadéquate des sécrétions et un risque accru d’extubation accidentelle découlant du poids supplémentaire que le système exerce sur la tubulure de ventilation. Il a été démontré qu’aucun risque d’autocontamination n’apparaît si le cathéter est bien rincé avec la solution saline après chaque utilisation. Une incertitude demeure quant à savoir si l’aspiration inadéquate des sécrétions cause ou non un problème, et d’autres travaux de recherche sont nécessaires pour répondre à cette question (Altobelli, 2013). Si les recommandations concernant le changement du cathéter varient, une étude a révélé que celuici peut n’être changé qu’au besoin sans qu’augmente la prévalence de PAV (Jelic, Cunningham & Factor, 2008). Cependant, une étude a indiqué que l’aspiration endotrachéale au moyen d’un système d’aspiration en circuit fermé entraînait une fuite massive de sécrétions autour du ballonnet du tube trachéal, en raison d’une baisse marquée de la pression dans les voies aériennes (Dave, Frotzier, Madjdpour et al., 2011).

Procéder à l’extubation ou à la décanulation L’extubation consiste à retirer le tube endotrachéal. Il s’agit d’une procédure simple qui peut être effectuée au chevet du client ENCADRÉ 20.4 (Altobelli, 2013 ; St John & Seckel, 2007). Avant le dégonement du ballonnet en vue de l’extubation, il est très important de s’assurer qu’il n’y a plus de sécrétions pharyngées. Les complications liées à l’extubation comprennent l’irritation de la gorge, le stridor, l’enrouement,

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 20.4

Procéder à l’extubation endotrachéale

OBJECTIF • Procéder à l’extubation endotrachéale au chevet du client. INTERVENTIONS • Expliquer la procédure au client. • Positionner le client pour optimiser le fonctionnement des muscles respiratoires, en élevant généralement sa tête de lit à 75°. • Aspirer les sécrétions buccales et pharyngées. • Hyperoxygéner le client et effectuer l’aspiration endotrachéale.

• Dégoner le ballonnet et retirer le tube endotrachéal. • Administrer de l’oxygène, selon les directives. • Encourager le client à tousser, à cracher les expectorations et à respirer profondément. • Effectuer l’aspiration des voies aériennes, au besoin. • Évaluer la présence d’une détresse respiratoire. • Évaluer les signes d’obstruction des voies aériennes. • Évaluer les signes vitaux. • Évaluer la capacité du client à déglutir et à parler. • Encourager le client à reposer sa voix pendant quatre à huit heures, selon le cas.

Source : Adapté de Bulechek et al. (2013)

l’odynophagie, l’immobilité des cordes vocales, l’aspiration pulmonaire et la toux (Feller-Kopman, 2003). La décanulation consiste à retirer la canule trachéale. Il s’agit également d’une procédure simple qui s’effectue au chevet du client. Après la décanulation, l’inrmière recouvre généralement la stomie d’un pansement sec et, dans la plupart des cas, celleci se referme en quelques jours (Altobelli, 2013 ; St John & Seckel, 2007). La difculté à retirer la canule trachéale en raison de l’étroitesse de la stomie constitue habituellement la seule complication liée à la décanulation (Feller-Kopman, 2003).

20.3

Ventilation mécanique effractive

La ventilation mécanique désigne l’utilisation d’un appareillage destiné à faciliter le transport de l’oxygène et du dioxyde de carbone entre l’atmosphère et les alvéoles, dans le but d’améliorer les échanges gazeux pulmonaires.

20.3.1

Indications

La ventilation mécanique effractive, ou ventilation mécanique invasive, est indiquée pour des motifs physiologiques et cliniques. Les motifs physiologiques comprennent le soutien apporté aux échanges gazeux (ventilation alvéolaire et oxygénation artérielle), l’augmentation du volume pulmonaire courant (expansion des poumons en n d’expiration et augmentation de la capacité résiduelle fonctionnelle) et la réduction de l’effort respiratoire. Quant aux motifs cliniques, il s’agit de la correction de l’hypoxémie et de l’acidose respiratoire aiguë, du soulagement de la détresse respiratoire, de la prévention ou de la diminution de l’atélectasie et de la fatigue musculaire respiratoire, du soutien respiratoire

pendant la sédation et du blocage neuromusculaire, de la diminution de la consommation d’oxygène, de la réduction de la PIC et de la stabilisation de la paroi thoracique (Archambault & St-Onge, 2012 ; Kracz, Vitkus, Papadakos et al., 2012).

20.3.2

Fonctionnement

Types de respirateur

20

Les deux principaux types de respirateurs disponibles sont le respirateur à pression positive et le respirateur à pression négative. Appliqué extérieurement au client, le respirateur à pression négative abaisse la pression atmosphérique entourant le thorax pour déclencher l’inspiration. Il ne sert généralement pas dans un cadre de soins critiques. Le respirateur à pression positive comporte un mécanisme d’entraînement mécanique qui pousse l’air dans les poumons du client au moyen d’un tube endotrachéal ou d’une canule de trachéotomie (Chatburn & Volsko, 2013).

Mécanique du respirateur Le respirateur doit accomplir un travail en quatre phases pour ventiler adéquatement le client : 1) le passage de l’expiration à l’inspiration ; 2) l’inspiration ; 3) le passage de l’inspiration à l’expiration ; 4) l’expiration. Son fonctionnement s’appuie sur quatre variables pour amorcer, poursuivre et terminer chacune de ces phases, lesquelles sont paramétrées en fonction du volume, de la pression, du débit et du temps (Cairo, 2012 ; Kracz et al., 2012 ; MacIntyre & Branson, 2009 ; Pierce, 2007a).

Seuil de déclenchement La variable qui amorce le passage de l’expiration à l’inspiration est le seuil de déclenchement (trigger). Les respirations peuvent être déclenchées par pression ou par débit, selon le réglage de sensibilité du respirateur et l’effort inspiratoire du client. Elles peuvent aussi être déclenchées en fonction du temps, selon le réglage du taux de respirations/minute (R/min) du respirateur (p. ex., un taux de 10 R/min Chapitre 20

Approche thérapeutique du système respiratoire

647

correspond à 1 respiration toutes les 6 secondes). Une respiration amorcée par le client est dite déclenchée ou assistée par le client, tandis qu’une respiration amorcée par le respirateur est dite à déclenchement mécanique ou à commande mécanique (Cairo, 2012). La respiration déclenchée par débit et la respiration déclenchée par pression sont des respirations assistées par le client respectivement engendrées par une baisse de débit ou une baisse de pression dans le circuit respiratoire. Le déclenchement par débit varie selon le réglage de la sensibilité au débit du respirateur à l’expiration, tandis que le déclenchement par pression varie selon le réglage de la sensibilité à la pression de l’effort inspiratoire. Une respiration déclenchée en fonction du temps est une respiration à commande mécanique amorcée par le respirateur après l’écoulement d’une période de temps prédéterminée. Elle est commandée par le réglage du taux de respirations/minute. De nombreux respirateurs offrent une combinaison des différents types de seuil de déclenchement. Par exemple, une respiration peut être déclenchée en fonction du temps et par débit, selon la capacité du client à interagir avec le respirateur et à amorcer une respiration (Cairo, 2012 ; Chatburn & Volsko, 2013 ; Pierce, 2007a).

Limite La variable qui maintient l’inspiration est appelée limite ou cible. L’inspiration peut être limitée par la pression, le débit ou le volume. Dans le cas d’une inspiration limitée par la pression, une pression prédéterminée est atteinte et maintenue durant l’inspiration. Dans le cas d’une inspiration limitée par le débit, un débit prédéterminé est atteint avant la n de l’inspiration. Dans le cas d’une inspiration limitée par le volume, un volume prédéterminé est transmis durant l’inspiration. La limite est une variable qui ne met pas n à l’inspiration ; elle ne fait que la maintenir (Cairo, 2012 ; Chatburn & Volsko, 2013 ; Pierce, 2007a).

Cycle La variable qui met n à l’inspiration est le cycle. La classication des respirateurs à pression positive repose sur cette variable : il existe des respirateurs à cycle de volume, à cycle de pression, à cycle de débit et à cycle de temps. Un respirateur à cycle de volume est conçu pour insufer un volume d’air prédéterminé. Un respirateur à cycle de pression insufe de l’air jusqu’à ce que la pression dans les voies aériennes du client atteigne une valeur prédéterminée. Un respirateur à cycle de débit insufe de l’air jusqu’à ce qu’un débit inspiratoire soit atteint. Un respirateur à cycle de temps insufe de l’air durant un intervalle de temps prédéterminé (Cairo, 2012 ; Chatburn & Volsko, 2013 ; Pierce, 2007a).

Ligne de base La variable contrôlée durant l’expiration est la ligne de base. La pression est habituellement utilisée pour ajuster cette variable. Le client expire jusqu’à une certaine pression de base qui se trouve réglée sur le

648

Partie 3

Système respiratoire

respirateur. Le réglage peut être xé à la pression atmosphérique (c.-à-d. zéro) ou être supérieur à la pression atmosphérique (c’est-à-dire la PEP) (Cairo, 2012 ; Chatburn & Volsko, 2013 ; Pierce, 2007a).

Modes de ventilation Les modes de ventilation désignent les façons dont le respirateur est programmé pour ventiler le client. Le choix d’un mode de ventilation précis détermine dans quelle mesure le client participera à son propre régime ventilatoire. Le choix est fait en fonction de la situation du client et des objectifs du traitement, et la combinaison des variables de phase choisies détermine le mode. De nombreux modes sont disponibles, et il existe plusieurs combinaisons (Kracz et al., 2012 ; MacIntyre & Branson, 2009 ; Pierce, 2007a) TABLEAU 20.5 et FIGURE 20.10. Puisque certaines fonctions varient d’une compagnie à l’autre selon le type de respirateur, ce ne sont donc pas tous les modes qui sont disponibles pour tous les respirateurs (Cairo, 2012).

Réglages du respirateur Les réglages du respirateur permettent de conformer ses paramètres aux besoins individuels du client et de choisir le mode de ventilation désiré TABLEAU 20.6. Chaque respirateur est doté d’un système de surveillance du client qui permet d’évaluer, de vérier et d’afcher tous les aspects de son régime ventilatoire (Chatburn & Volsko, 2013 ; Kacmarek, 2013 ; Kracz et al., 2012).

20.3.3

Complications

La ventilation mécanique effractive parvient souvent à sauver des vies, même si, tout comme la majorité des interventions, elle peut engendrer des complications. Il est possible de prévenir certaines d’entre elles, tandis que d’autres peuvent être réduites au minimum sans toutefois être éradiquées. Parmi les complications physiologiques associées à la ventilation mécanique gurent les lésions pulmonaires induites par le respirateur, les atteintes cardiovasculaires, les troubles gastro-intestinaux, la désynchronisation clientrespirateur, la PAV et la maladie thromboembolique veineuse.

Lésions pulmonaires induites par le respirateur La ventilation mécanique effractive peut causer des lésions pulmonaires de deux types : des fuites d’air pulmonaires et des biotraumatismes (Gattinoni, Protti, Caironi et al., 2010 ; MacIntyre & Branson, 2009). Les fuites d’air pulmonaires liées à la ventilation mécanique résultent d’une pression excessive dans les alvéoles (barotraumatisme), d’un volume excessif des alvéoles (volutraumatisme) ou encore d’un cisaillement attribuable à une ouverture ainsi qu’ à une fermeture répétées des alvéoles (atélectraumatisme) (MacIntyre & Branson, 2009 ; Sarge & Talmor, 2009). Un barotraumatisme, un volutraumatisme ou un atélectraumatisme peuvent entraîner une inflammation excessive de la paroi alvéolaire.

TABLEAU 20.5

Modes de ventilation mécanique

MÉCANIQUE

INDICATIONS

SURVEILLANCE

Modes spontanés Ventilation spontanée avec pression positive continue (continuous positive airway pressure) (CPAP) • Une pression positive est appliquée durant les respirations spontanées. • Le client contrôle le taux, le débit d’inspiration et le VC.

• Est un mode de respiration spontanée, surtout utilisé en ventilation non effractive. • Sert à élever la capacité résiduelle fonctionnelle du client et à améliorer l’oxygénation, grâce à l’ouverture des alvéoles affaissées en n d’expiration. • Est également utilisée pour le sevrage du respirateur (dernière étape).

• Il est important d’évaluer la présence ou non d’une hypoventilation causant une hypercapnie chez le client. • Ses effets indésirables comprennent une diminu­ tion du débit cardiaque, une hausse de la PIC et un volutraumatisme. • Aucune respiration n’est produite par le respira­ teur, sauf si elle est utilisée en association avec la ventilation assistée contrôlée (VAC) ou la ven­ tilation assistée contrôlée intermittente (VACI).

Ventilation à pression positive variable (bi-level positive airway pressure) (BiPAP) • Deux niveaux distincts de ventilation spontanée avec pression positive continue (inspiration et expiration) sont appliqués pendant des périodes de temps xes, ce qui permet une respiration spontanée aux deux niveaux.

• Est un mode de respiration spontanée, servant au maintien du recrutement alvéolaire sans imposer une pression d’inspiration de pointe supplémentaire, qui serait susceptible de causer un barotraumatisme.

• Il est important d’évaluer la présence ou non d’une hypoventilation causant une hypercapnie chez le client.

Ventilation spontanée (VS) avec aide inspiratoire (AI) ou pression assistée • Une pression positive prédéterminée sert à soutenir les efforts inspiratoires du client. • Le client contrôle le taux, le débit d’inspiration et le VC.

• Est un mode de respiration spontanée. • Est le principal mode de ventilation utilisé pour les clients ayant un rythme respiratoire stable, an de surmonter toute résistance mécanique imposée (p. ex., un tube endotrachéal). • Est également utilisé avec la VACI en appui aux respirations spontanées.

• Ses avantages comprennent une diminution de l’effort respiratoire du client et une meilleure synchronisation client­respirateur. • Il est important d’évaluer la présence ou non d’une hypoventilation causant une hypercapnie chez le client.

• Est le principal mode de ventilation pour plusieurs situations cliniques. • Sert aussi de mode de sevrage. • VACI de pression utilisée pour les clients qui pré­ sentent une compliance pulmonaire diminuée ou une résistance des voies aériennes élevée, lorsqu’il est nécessaire de maintenir les efforts spontanés du client. (Lorsque la pression néga­ tive générée par la respiration spontanée du client atteint un seuil prédéterminé, la respira­ tion assistée est déclenchée.)

• La VACI peut accentuer l’effort respiratoire et la fatigue des muscles respiratoires. • Il est important d’évaluer la présence ou non d’une hypercapnie, secondaire à une hypoventilation, chez les clients, notamment dans le cas de la VACI de pression.

Modes spontanés et contrôlés Ventilation assistée contrôlée intermittente (VACI) • Elle est également appelée ventilation (de volume ou de pression) obligatoire intermit­ tente spontanée (VOIS). • L’air est insufé en fonction d’un VC ou d’une pression (selon la variable de cycle choisie) et à un taux de R/min prédéterminé, tout en permettant une respiration spontanée. • Les respirations générées par le respirateur sont synchronisées avec l’effort respiratoire du client.

Neuro-asservissement de la ventilation assistée (neurally adjusted ventilatory assist) (NAVA) • Ce mode de soutien ventilatoire partiel fait appel à l’activité électrique du diaphragme pour contrôler l’interaction client­respirateur. • L’assistance ventilatoire produit une respiration assistée proportionnelle à l’effort respiratoire du client et synchronisée avec cet effort, ce qui diminue l’asynchronisme client­respirateur.

• Permettrait de diminuer le nombre de périodes d’éveil, le nombre de périodes d’apnée du sommeil et le nombre d’asynchronies avec le respirateur, tout en augmentant les proportions de sommeil lent et paradoxal au cours de la nuit (Delisle, Terzi, Ouellet et al., 2013 ; Kacmarek, 2011).

Chapitre 20

• Le mode NAVA nécessite l’utilisation d’une sonde gastrique munie d’un capteur qui mesure le signal électrique du diaphragme.

Approche thérapeutique du système respiratoire

649

20

TABLEAU 20.5

Modes de ventilation mécanique (suite)

MÉCANIQUE

INDICATIONS

SURVEILLANCE

Modes contrôlés Ventilation assistée contrôlée (VAC) (de volume ou de pression) • Elle est également appelée ventilation obliga­ toire continue. • L’air est insufé en fonction d’une pression ou d’un VC prédéterminés (selon la variable de cycle choisie) en réponse aux efforts ins­ piratoires du client. • Elle déclenche la respiration après une durée prédéterminée s’il n’y a pas eu d’amorce (effort inspiratoire) de la part du client.

• Est le principal mode de ventilation utilisé chez les clients qui présentent une ventilation spontanée et dont les muscles respiratoires sont faibles. • Est également utilisée pour les clients qui présen­ tent une compliance pulmonaire diminuée ou une résistance des voies aériennes accrue, notamment lorsqu’il y a un risque de volutraumatisme.

• Une hyperventilation peut survenir chez les clients ayant une F.R. élevée. • Une sédation peut être nécessaire an de limiter le nombre de respirations spontanées. • Il est important d’évaluer la présence ou non d’un volutraumatisme ou d’une hypercapnie chez les clients bénéciant d’une VAC de pression.

Ventilation à volume contrôlé et à régulation de pression (VCRP) • Elle constitue une variante de la VAC qui associe le volume et la pression. • Un VC prédéterminé est insufé à la plus faible pression possible des voies aériennes. • La pression des voies aériennes ne dépas­ sera pas la limite de pression maximale prédéterminée.

• Est utilisée pour les clients dont la mécanique pulmonaire (résistance des voies aériennes et compliance pulmonaire) change rapidement, car elle limite les complications possibles.

• Même que pour la VAC à pression contrôlée.

Ventilation à pression contrôlée et à rapport I/E inversé (VPCRI) • Il s’agit d’un mode de VAC par pression dans lequel le rapport entre la durée des phases inspiratoire et expiratoire (I/E) est supérieur à 1:1.

• Est utilisée pour les clients dont l’hypoxémie résiste à une pression expiratoire positive ; l’allongement du temps d’inspiration accroît la capacité résiduelle fonctionnelle et améliore l’oxygénation par l’ouver­ ture des alvéoles affaissées, alors que la réduction du temps d’expiration induit une autopression expiratoire positive, ce qui empêche un nouvel affaissement des alvéoles.

• Une sédation ou une paralysie pharmacologique, ou les deux, peuvent être nécessaires en raison de l’inconfort. • Une hausse de la pression intrathoracique peut causer une auto­PEP excessive (accumulation d’air dans le poumon, dont la sortie est limitée) et une baisse du débit cardiaque.

• Est utilisée pour les clients ayant une maladie pulmonaire unilatérale, une stule broncho­ pleurale ou une maladie pulmonaire bilaté­ rale asymétrique.

• L’usage d’un tube endotrachéal à deux lumières, de deux respirateurs, d’une sédation ou d’une paralysie pharmacologique, ou de tous ces moyens, est nécessaire.

• Sont utilisées lorsque la ventilation mécanique classique compromet la stabilité hémodyna­ mique, pour les clients ayant une stule bron­ chopleurale, durant des interventions à court terme et dans le cas de maladies engendrant un risque de volutraumatisme.

• Une sédation avec ou sans paralysie pharmacolo­ gique est nécessaire. • Une humidication inadéquate peut compromettre la perméabilité des voies aériennes. L’évaluation des bruits respiratoires est difcile. • La ventilation percussive nécessite l’utilisation d’une valve endotrachéale spécialisée : le phasitron (Courey & Hyzy, 2013, Salim & Martin, 2005).

Ventilation pulmonaire indépendante (VPI) • Chaque poumon est ventilé séparément.

Modes à haute fréquence • Ventilation à haute fréquence (VHF) : un petit volume d’air est insufé à des fréquences variant de 3 à 10 hertz (Hz) (1 Hz = 1 respiration/seconde soit 60 R/min). • Jet-ventilation à haute fréquence : produit 100­600 R/min. • Ventilation percussive à haute fréquence : produit de 200 à 900 R/min (Courey & Hyzy, 2013, Salim & Martin, 2005). • Ventilation par oscillation à haute fréquence : produit jusqu’à 900 R/min.

650

Partie 3

Système respiratoire

FIGURE 20.10

Modes de ventilation mécanique et combinaisons possibles.

TABLEAU 20.6

Modes ventilatoires.

Paramètres variables.

Paramètres de ventilation

PARAMÈTRE

DESCRIPTION

RÉGLAGES COURANTS

F.R.

Nombre de respirations par minute produites par le respirateur

6-20 R/min

VC

Volume d’air insufé au client à chaque inspiration du respirateur

6-10 ml/kg 4-8 ml/kg dans le cas du SDRA

FiO2

Fraction de l’oxygène inspiré qui est insufée au client

Peut être xée entre 21 et 100 % et réglée pour maintenir une PaO 2 > 60 mm Hg ou une saturation pulsatile en oxygène (SpO2) > 92 %

PEP

Pression positive appliquée par le respirateur en n d’expiration

3-5 cm H2O 10-15 cm H2O dans certains cas de SDRA

AI ou pression assistée

Pression positive servant à contrer la pression provoquée par le tube et à soutenir les efforts d’inspiration du client

5-10 cm H2O

Temps et débit d’inspiration

Vitesse à laquelle le VC est insufé

Temps : 0,8-1,2 sec. Débit : 40-80 L/min

Rapport I/E

Rapport entre la durée d’inspiration et la durée d’expiration

De 1 :2 à 1 :1,5, sauf en cas de ventilation à rapport inversé

Sensibilité

Détermine l’ampleur de l’effort que le client doit fournir pour déclencher une respiration du respirateur ; elle peut être établie selon un déclenchement par pression ou un déclenchement par débit

Déclenchement par pression : 0,5-1,5 cm H2O sous la pression de base Déclenchement par débit : 1-3 L/min sous le débit de base

Limite de haute pression

Règle la pression maximale que peut produire le respirateur pour insufer le VC ; lorsque la limite de pression est atteinte, le respirateur fait cesser l’inspiration et rejette le volume non insufé dans l’atmosphère

10-20 cm H2O au-dessus de la pression d’inspiration maximale

Chapitre 20

Approche thérapeutique du système respiratoire

20

651

19 La physiopathologie et le traitement de la pneumo­ nie sont détaillés dans le chapitre 19, Troubles respiratoires.

Ils peuvent également endommager la membrane alvéolocapillaire, ce qui cause une fuite d’air dans les espaces environnants. Cet air se diffuse ensuite par le hile pulmonaire et entre dans le médiastin (pneumomédiastin), l’espace pleural (pneumothorax), les tissus sous-cutanés (emphysème sous-cutané), le péricarde (pneumopéricarde), le péritoine (pneumopéritoine) ou le rétropéritoine (pneumorétropéritoine). Les troubles qui en résultent varient beaucoup : certains sont assez bénins, alors que d’autres s’avèrent parfois mortels. Les plus graves de ces troubles sont le pneumothorax sous tension ou le pneumopéricarde, qui causent une tamponnade cardiaque (MacIntyre & Branson, 2009 ; Wahla & Khan, 2012). Un barotraumatisme, un volutraumatisme et un atélectraumatisme sont également susceptibles de libérer des médiateurs cellulaires et de déclencher une réaction immunitaire inammatoire. Ce type de lésion induite par un respirateur est qualié de biotraumatisme (MacIntyre & Branson, 2009 ; Sarge & Talmor, 2008). Un biotraumatisme peut entraîner l’apparition du SDRA (Oeckler & Hubmayr, 2008). Pour limiter le risque de lésion induite par un respirateur, la pression de plateau (la pression nécessaire pour goner les alvéoles) doit être maintenue à moins de 32 cm H2O, la PEP doit être utilisée pour éviter un affaissement et une réouverture alvéolaire en n d’expiration, et le VC doit être xé de 6 à 10 ml/kg (Gattinoni et al., 2010 ; Sarge & Talmor, 2008).

correctement goné. De plus, l’immobilité et l’administration d’agents paralysants, d’analgésiques et de sédatifs sont parfois des sources d’hypokinésie gastro-intestinale et de constipation (Pierce, 2007a).

Atteintes cardiovasculaires

Pneumonie acquise sous ventilation

Une ventilation à pression positive accroît la pression intrathoracique, ce qui réduit le retour veineux au cœur droit. Un retour veineux diminué abaisse la précharge, ce qui peut faire chuter le débit cardiaque chez le client hypovolémique et ensuite engendrer un dysfonctionnement hépatique et rénal. Cependant, en cas de dysfonction ventriculaire gauche et lorsque le volume sanguin est satisfaisant, il est possible que la pression positive puisse augmenter le débit cardiaque en diminuant la postcharge, en réduisant la demande métabolique et en favorisant l’oxygénation (Bersten, Holt, Vedig, 1991 ; Marino, 2007). La ventilation à pression positive altère également le retour veineux cérébral. Chez les clients à l’autorégulation altérée, une ventilation à pression positive peut provoquer une hausse de la PIC (Frazier, 2008 ; MacIntyre & Branson, 2009).

La pneumonie acquise sous ventilation (PAV) est un type de pneumonie nosocomiale qui apparaît de 48 à 72 heures après une intubation endotrachéale (Rebmann & Green, 2010) 19 . La mise en place d’un tube endotrachéal engendre un grand risque d’apparition d’une pneumonie, parce que le tube court-circuite ou altère plusieurs mécanismes de défense normaux des poumons. La contamination des voies aériennes inférieures survient moins de 24 heures après la mise en place d’un tube endotrachéal, et ce, en raison de divers facteurs qui favorisent directement et indirectement la colonisation des voies aériennes de conduction FIGURE 20.11. L’adoption de mesures thérapeutiques, comme la mise en place d’une sonde nasogastrique et l’alcalinisation du contenu gastrique au moyen d’une alimentation entérale ou de médicaments, favorise l’apparition d’une PAV. La présence d’une sonde nasogastrique agit comme une mèche pour le contenu gastrique, alors que l’alimentation entérale, les antiacides, les inhibiteurs d’histamine et les inhibiteurs de la pompe à protons font augmenter le pH de l’estomac et favorisent la croissance des bactéries, qui peuvent alors être aspirées (Kieninger & Lipsett, 2009 ; Rebmann & Green, 2010). Un biolm se forme lorsque des bactéries se xent sur la lumière interne du tube endotrachéal et sécrètent une substance exopolysaccharide. Cette substance forme ensuite un substrat gélatineux qui aide les bactéries à se multiplier sur une surface inorganique (Ramirez, Bassi &

Troubles gastro-intestinaux Certains troubles gastro-intestinaux peuvent résulter d’une ventilation à pression positive. Une distension gastrique se produit lorsque de l’air fuit autour du ballonnet du tube endotrachéal ou de la canule trachéale et vainc la résistance du sphincter œsophagien inférieur (Pierce, 2007a). Un vomissement peut résulter d’une stimulation du réexe nauséeux causée par le tube endotrachéal (Feller-Kopman, 2003). Pour prévenir ces troubles, l’inrmière met en place une sonde nasogastrique et s’assure que le ballonnet du tube endotrachéal ou de la canule trachéale est

652

Partie 3

Système respiratoire

Désynchronisation client-respirateur Puisque l’établissement d’une pression négative dans la poitrine amorce normalement le régime de ventilation, l’application d’une pression positive peut causer des difcultés respiratoires au client ventilé mécaniquement. Pour que soit optimisée l’assistance ventilatoire, le client doit respirer en synchronisation avec l’appareil. Cependant, le mode de ventilation choisi, les réglages et le type de circuit ventilatoire utilisé peuvent accentuer l’effort respiratoire et rompre la synchronisation entre la respiration et le fonctionnement du respirateur. La désynchronisation client-respirateur est susceptible de diminuer l’efcacité de la ventilation mécanique, ainsi que de favoriser l’apparition d’une auto-PEP et d’une détresse psychologique. Le client dont la respiration n’est pas synchronisée avec le respirateur semble alors lutter contre celui-ci. Pour prévenir un tel problème, il faut régler le respirateur pour qu’il facilite le rythme de respiration spontané du client. Si c’est impossible, il pourrait s’avérer nécessaire de procéder à la sédation du client, avec ou sans blocage neuromusculaire (Grossbach et al., 2011 ; Unroe & MacIntyre, 2010).

FIGURE 20.11 Pathogénèse de la pneumonie acquise sous ventilation.

Torres, 2012). L’emploi de dispositifs thérapeutiques respiratoires (respirateurs, nébuliseurs, appareils respiratoires à pression positive intermittente) peut également accentuer le risque de pneumonie. La gravité de la maladie du client et la présence d’un SDRA ou d’un état de malnutrition font fortement augmenter le risque d’infection. La prévention de la PAV revêt une importance cruciale. En 2012, le programme canadien Des soins de santé plus sécuritaires maintenant (SSPSM) a mis au point, en partenariat avec la faculté de la Collaboration canadienne des soins intensifs, un guide de pratiques exemplaires pour la prévention de la PAV. Cinq interventions sont recommandées. Mises en œuvre ensemble et avec constance, elles se sont avérées efcaces pour les clients. Ces interventions sont les suivantes : 1) élévation de la tête du lit ; 2) interruption quotidienne de la sédation associée à une évaluation de la disposition au sevrage de la ventilation mécanique ; 3) initiation précoce de l’alimentation entérale ; 4) utilisation de tubes endotrachéaux permettant l’aspiration continue des sécrétions pharyngées (expliquée dans la deuxième section de ce chapitre) ; 5) soins buccodentaires et décontamination orale (également décrits dans la section précédente) (ICSP, 2012).

Position semi-Fowler La position du client sous ventilation mécanique est très importante. L’élévation de la tête du lit selon un angle de 30 à 45° réduit la prévalence du reux gastro-œsophagien et donc l’aspiration pulmonaire, diminuant ainsi la prévalence de la PAV. Ce positionnement doit être appliqué de façon systématique, sauf en présence de contre-indication (instabilité hémodynamique, présence d’un ballon

de contrepulsion intra-aortique, ordonnance médicale contraire). Cette intervention accroît cependant le risque de cisaillement de la peau sur le coccyx, et une surveillance particulière doit être apportée à la prévention des lésions de pression (ICSP 2012 ; Johnson & Meyenburg, 2009 ; Ni ël-Weise, Gastmeier, Kola et al., 2011).

20

Interruption quotidienne de la sédation De nombreux clients sous ventilation mécanique ont besoin d’une sédation pour atténuer les symptômes d’anxiété et de stress associés à une situation critique de santé. Il a toutefois été démontré que le recours prolongé à la sédation contribue à l’apparition de complications, dont une sursédation, une ventilation mécanique prolongée – associée au développement de la PAV – et le délirium. C’est précisément pour réduire la prévalence de ces complications qu’a été proposée l’interruption quotidienne de la sédation, qui vise à évaluer l’état du client et la nécessité de poursuivre la ventilation mécanique 9 . Cette intervention n’est cependant pas applicable pour tous les clients ; les contre-indications à cet égard comprennent l’instabilité hémodynamique, une PIC élevée, une agitation constante, des convulsions épileptiques, le sevrage de l’alcool et l’administration d’agents bloquants neuromusculaires. Si le client est capable de tolérer l’absence de sédation pendant plus de quatre heures (la durée varie selon le protocole utilisé), alors la sédation est cessée. Parmi les signes d’intolérance gurent l’agitation continue, l’augmentation de la F.R., la diminution de la saturation en oxygène, les arythmies cardiaques et les signes de détresse respiratoire (Berry & Zecca, 2012). Chapitre 20

9 L’arrêt quotidien de la sédation est expliqué plus en détail dans le chapitre 9, Évaluation et approche thérapeutique de la sédation, de l’agita­ tion et du délirium.

Approche thérapeutique du système respiratoire

653

Début précoce de l’alimentation entérale L’amorce de l’alimentation entérale dans les 24 à 48 heures suivant l’admission à l’unité de soins critiques est également l’une des pratiques cliniques recommandées par le programme SSPSM. En effet, il a été démontré qu’un soutien nutritionnel précoce aide à maintenir l’intégrité intestinale et à moduler la réponse immunitaire systémique. Une diminution des complications, de la durée d’hospitalisation et du taux de mortalité a aussi été démontrée en comparaison à un début tardif de l’alimentation entérale (ICSP, 2012).

Autres mesures de prévention de la pneumonie acquise sous ventilation B Les formules pour calculer la compliance pulmonaire statique et dynamique sont présentées dans l’annexe B, Formules physiologiques pour les soins critiques.

9 La pharmacothérapie de la sédation est détaillée dans le chapitre 9, Évaluation et approche thérapeutique de la sédation, de l’agitation et du délirium.

Des études ont démontré que l’emploi d’un tube endotrachéal muni d’un ballonnet de polyuréthane peut amoindrir la prévalence de la pneumonie acquise sous ventilation (PAV). Un tube endotrachéal traditionnel est muni d’un ballonnet de grand volume à basse pression et en polyvinyle. Des replis se forment dans le ballonnet pendant son gonement, ce qui engendre des fuites de uide et d’air autour du ballonnet et dans les poumons. C’est pourquoi l’aspiration des sécrétions pharyngées et les soins buccodentaires sont si importants, comme décrits dans la section précédente. Un ballonnet en polyuréthane est beaucoup plus mince qu’un ballonnet traditionnel en polyvinyle et ne forme pas de replis pendant son gonement. Il ne cause aucune fuite de uide dans les poumons non plus (Lorente, Lecuona, Jiménez et al., 2007 ; Ramirez et al., 2012). De plus, certaines observations laissent penser que la forme du ballonnet a une certaine importance à cet égard. Il semble qu’un ballonnet fuselé prévient mieux les fuites de uide, comparativement au ballonnet cylindrique accompagnant la plupart des tubes (Blot, Rello & Vogelaers et al., 2011). Une autre étude a révélé que l’utilisation d’un tube endotrachéal recouvert d’une couche d’argent réduit de beaucoup la prévalence de la PAV et en retarde l’apparition, comparativement au tube endotrachéal courant. La réduction de cette prévalence résulte de la prévention de la colonisation bactérienne et de la formation d’un biolm (Kollef, Afessa, Anzueto et al., 2008).

Maladie thromboembolique veineuse 6 Les soins et les traitements inrmiers visant à prévenir et à soulager les perturba­ tions du sommeil sont l’ob­ jet du chapitre 6, Altérations et gestion du sommeil.

654

Partie 3

La prophylaxie de la maladie thromboembolique veineuse est une intervention de prévention recommandée en milieu de soins critiques (ICSP, 2012). En effet, l’incidence y est plus élevée puisque la clientèle qui y séjourne est majoritairement sédentaire et alitée, et ce, d’autant plus en cas de ventilation mécanique. Ainsi, il a été démontré qu’une prophylaxie pharmacologique est une pratique exemplaire à adopter chez les clients sous ventilation. Dans le cas d’une contre-indication à cette approche, l’utilisation de moyens mécaniques, comme les dispositifs de compression séquentielle, peut aussi être envisagée (Adriance & Murphy, 2013 ; ICSP, 2012).

Système respiratoire

Soins et traitements inrmiers L’évaluation régulière de l’état du client, effectuée en collaboration avec l’inhalothérapeute, comprend la détection des complications liées à la situation de santé du client et à la ventilation mécanique. L’ENCADRÉ 20.5 résume les soins et les traitements inrmiers à donner au client bénéciant d’une ventilation mécanique effractive.

Évaluer le client L’inrmière effectue une évaluation globale du client sous ventilation mécanique effractive et met l’accent sur le système respiratoire, le positionnement du tube endotrachéal ou de la trachéotomie, ainsi que sur la détection d’emphysème sous-cutané ou de désynchronisation par rapport au respirateur. Selon l’état du client, il peut être nécessaire de procéder, à son chevet, à une évaluation de la capacité vitale, de la VE et des valeurs des GSA, ainsi qu’à d’autres explorations fonctionnelles respiratoires. Le recours au saturomètre facilite l’évaluation continue et non effractive de l’oxygénation, alors que l’emploi de la capnographie favorise une évaluation continue et non effractive de la ventilation. La compliance statique (élasticité) et dynamique (résistance des voies aériennes) doit aussi être évaluée an de repérer les modications de la compliance pulmonaire (Bekos & Marini, 2007) B .

Soulager les symptômes Le client nécessitant une ventilation mécanique est susceptible de manifester divers symptômes perturbateurs tels que l’anxiété, la confusion et l’agitation, de la douleur, un essoufement, ainsi que des troubles du sommeil. Ces symptômes peuvent être soulagés au moyen de sédatifs et d’analgésiques (Barr et al., 2013) 9 . Néanmoins, comme mentionné précédemment, de telles médications entraînent parfois une prolongation de la ventilation mécanique et des manifestations de délirium. Il a été démontré que des interventions non pharmacologiques sont bénéques pour le client. Ces interventions consistent à créer des conditions propices au rétablissement, à faciliter le sommeil et à atténuer l’anxiété (p. ex., l’imagerie mentale dirigée, la musicothérapie, la présence de l’inrmière, d’un membre de la famille ou d’une personne signicative) 6 . Les interventions inrmières qui créent des conditions propices au rétablissement consistent à réduire au minimum le niveau de bruit, à donner au client un accès à l’éclairage naturel, à établir un moyen de communication efcace avec le client et à lui expliquer régulièrement ce qui se passe autour de lui (Tracy & Chlan, 2011). Orienter le client vers un spécialiste, s’il est disponible, offrant une approche parallèle et complémentaire, telle que la massothérapie (Richards, Gibson & Overton-McCoy, 2000) ou l’acupuncture (Cohen, Abraham & Dasta, 2002), est également approprié.

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 20.5

Intervenir auprès du client sous ventilation mécanique effractive

OBJECTIF

• Soutenir le client sous ventilation mécanique endotrachéale, en collaboration avec l’inhalothérapeute. INTERVENTIONS

Amorce de la ventilation • Évaluer le risque d’insufsance respiratoire et déterminer le besoin de ven­ tilation mécanique (fatigue des muscles respiratoires, dysfonctionnement neurologique consécutif à un trauma, anesthésie, surdose médicamen­ teuse, acidose respiratoire réfractaire). • Expliquer au client et à ses proches la raison de l’emploi d’un respirateur ainsi que les sensations probables découlant de son utilisation. • Assurer la mise en place et la mise en service du respirateur. • Collaborer avec le médecin et l’inhalothérapeute pour le choix du mode de ventilation, ainsi que pour l’utilisation d’une aide inspiratoire ou d’une PEP, dans le but de réduire au minimum l’hypoventilation alvéolaire, si applicable. Interventions en cours de traitement • Évaluer la présence de facteurs augmentant la consommation d’oxygène (p. ex., des convulsions, de la douleur, de la èvre, des soins et des traite­ ments de base, des tremblements), qui peuvent contrecarrer les effets de la ventilation mécanique et causer une désaturation en oxygène. • Évaluer la présence de facteurs augmentant l’effort respiratoire du client ou du respirateur (p. ex., des ascites massives, une condensation dans la tubulure du respirateur, des ltres obstrués, une grossesse, une morsure du tube endotrachéal, l’obésité morbide, la tête du lit abaissée). • Évaluer la présence de symptômes indiquant un effort de respiration accentué (p. ex., une diaphorèse, une fréquence cardiaque (F.C.) ou respiratoire plus éle­ vée, une modication de l’état mental, une pression artérielle [P.A.] plus élevée). • Évaluer les mesures de pression du respirateur (apparition d’une baisse du volume expiré et d’une hausse de la pression inspiratoire), la synchronisation client­respirateur et les bruits respiratoires du client. • Évaluer la présence d’effets indésirables de la ventilation mécanique (p. ex., un barotraumatisme, un déplacement de la trachée, une diminution du débit cardiaque, une distension gastrique, un emphysème sous­cutané, une infec­ tion, un volutraumatisme). Prévention des complications • Positionner le client de façon à faciliter l’équilibre, ou le couplage, V/Q (poumon sain vers le bas), si applicable. • Favoriser un apport alimentaire et liquidien adéquat. • Procurer les soins buccodentaires courants selon le protocole en vigueur et évaluer la présence de dommages muqueux dans les tissus buccaux, nasaux, trachéaux ou laryngés résultant de la pression exercée par le tube endotrachéal ou le ballonnet. • Collaborer régulièrement avec le médecin et l’inhalothérapeute pour coor­ donner les soins prodigués, encourager la réadaptation respiratoire et aider le client à tolérer la thérapie.

• Enseigner au client un moyen de communication (p. ex., l’utilisation de papier et d’un crayon, de pictogrammes). • Employer des techniques de relaxation, selon le cas.

Modication de paramètres ventilatoires • Évaluer l’efcacité de la ventilation mécanique et les progrès du client à la lumière des réglages actuels du respirateur et effectuer les changements appropriés, selon les ordonnances, puis consigner l’information dans les notes au dossier. • Évaluer les effets des changements de paramètres sur l’oxygénation : gaz sanguins artériels (GSA), SaO2, saturation du sang veineux en oxygène, dioxyde de carbone de n d’expiration, réaction du client. • Noter au dossier les réactions du client à l’égard de la ventilation mécanique et les changements de paramètres (observation des mouvements thoraciques, auscultation pulmonaire, modications des GSA). Gestion des sécrétions • Effectuer une aspiration endotrachéale, selon une technique aseptique, après la détection de bruits respiratoires surajoutés, d’une hausse de la pression inspiratoire ou des deux. • Veiller à désactiver les alarmes du respirateur durant l’aspiration pour réduire la fréquence des fausses alarmes. • Évaluer la quantité, la couleur et la consistance des sécrétions endotrachéales et consigner les observations dans les notes au dossier. Entretien du respirateur • Utiliser des porte­tubes commerciaux, plutôt que du ruban gommé ou des cordes, pour xer le tube endotrachéal, an de prévenir une extubation involontaire. • S’assurer que les alarmes du respirateur sont activées. • Vérier régulièrement les réglages du respirateur, y compris la température et l’humidication de l’air inspiré, ainsi que tous les raccords. • S’assurer du changement des circuits du respirateur toutes les 24 heures et éliminer régulièrement la condensation d’eau de la tubulure. • S’assurer de la présence en tout temps de l’équipement d’urgence au chevet du client (ballon de réanimation manuelle relié à l’oxygène, masques, équipement ou matériel d’aspiration), y compris les dispositifs prévus en cas de panne d’électricité. Sevrage et extubation • Évaluer régulièrement les critères de sevrage (critères hémodynamiques et cérébraux, stabilité métabolique, résolution du problème à l’origine de l’intubation, capacité de maintenir la perméabilité des voies aériennes, capacité de déployer l’effort respiratoire). • Évaluer le degré du shunt, la capacité vitale, le rapport volume de l’espace mort/volume courant, VE, la force inspiratoire et le volume expiratoire maximal à la première seconde en vue du sevrage de la ventilation mécanique, selon le protocole d’action. • Évaluer la présence de complications à la suite de l’extubation (stridor, tumé­ faction glottique, laryngospasme, sténose trachéale).

Source : Adapté de Bulechek et al. (2013)

Intervenir selon l’acronyme AINÉES L’Approche adaptée à la personne âgée en milieu hospitalier (AAPA) s’adresse notamment à la

clientèle gériatrique, de plus en plus présente en milieux de soins critiques (ministère de la Santé et des Services sociaux [MSSS], 2011). De fait, il est primordial que l’inrmière adapte son approche et Chapitre 20

Approche thérapeutique du système respiratoire

655

20

son évaluation clinique. L’AAPA propose un acronyme permettant de cibler les besoins prioritaires et de prévenir les problèmes du client, AINÉES, pour Automonie et mobilité, Intégrité de la peau, Nutrition et hydratation, Élimination, État cognitif et comportement, ainsi que Sommeil. Sept énoncés permettent de standardiser la pratique et d’améliorer la communication au sein de l’équipe interdisciplinaire (MSSS, 2011) ENCADRÉ 20.6.

Surveiller le respirateur Habituellement prise en charge par l’inhalothérapeute, l’évaluation du respirateur comprend une vérication de tous les réglages et des alarmes. Il est cependant important pour l’inrmière de bien comprendre le fonctionnement des alarmes et des problèmes qui leur sont associés TABLEAU 20.7. La pression inspiratoire maximale, le VC expiré ainsi que les GSA doivent aussi être évalués.

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 20.6

Offrir des soins centrés sur le client selon l’AAPA – AINÉES

A : AUTONOMIE ET MOBILITÉ

• Prévenir la constipation et favoriser l’élimination.

• Prévenir le syndrome d’immobilité et le déclin de l’autonomie fonctionnelle. • Favoriser la mobilisation précoce et sécuritaire.

E : ÉTAT COGNITIF ET COMPORTEMENT

I : INTÉGRITÉ DE LA PEAU

• Prévenir les lésions de pression et l’altération des téguments. N : NUTRITION ET HYDRATATION

• Prévenir la dénutrition et la déshydratation par une alimentation précoce. • Adapter les aliments en fonction des troubles dysphagiques. É : ÉLIMINATION

• Prévenir l’incontinence et adapter l’environnement de façon sécuritaire.

• Prévenir le délirium : orienter régulièrement le client en mentionnant le jour, la date, l’endroit ; évoquer des événements dans l’actualité ; nommer les per­ sonnes soignantes ; attirer l’attention sur l’horloge et le calendrier dans la chambre ; évaluer la néces­ sité de recourir à une prothèse auditive ou à des verres correcteurs. • Évaluer et soulager la douleur selon une échelle objective. S : SOMMEIL

• Favoriser le sommeil en limitant les stimulus sonores. • Favoriser une distinction jour­nuit en minimisant la luminosité et les interruptions de sommeil.

Source : Ministère de la Santé et des Services Sociaux (MSSS) (2011)

Gestion des risques liés aux soins TABLEAU 20.7

Repérer les défaillances des alarmes du respirateur

PROBLÈME

CAUSES

INTERVENTIONS

VC expiré faible

Baisse de la compliance pulmonaire ; ballonnet insufsamment goné ; cessation de toute respiration spontanée par le client ; fuite dans le drain thoracique ; fuite dans le système qui empêche l’administration du VC ; réglages inappropriés ; sécrétions dans les voies aériennes ; spiromètre débranché ou dysfonctionnel ; toute situation déclenchant l’alarme de haute pression ou de basse pression

Vérier et corriger les réglages ; évaluer l’état du client et la F.R. ; vérier tous les raccords pour repérer toute fuite ; évaluer le besoin d’aspiration endotra­ chéale et procéder si nécessaire ; mesurer la pression du ballonnet ; calibrer le spiromètre.

Pression inspiratoire basse

Changement de position ; débits de pointe trop faibles ; déplacement du tube endotrachéal dans le pharynx ou l’œsophage ; diminution de la résistance des voies aériennes résultant d’une diminution des sécrétions ou des bronchospasmes ; faible VC ; stule trachéo­ œsophagienne ; fuite ou gonage inadéquat du ballonnet ; guéri­ son du SDRA ; hausse de la compliance pulmonaire résultant d’une atélectasie amoindrie ; réduction de l’œdème pulmonaire ; réglages inappropriés ; tubulure non xée ou fuite autour du tube endotrachéal

Vérier et corriger les réglages de l’alarme ; rexer la tubulure ; modier la pression du ballonnet ; régler l’humidicateur ; évaluer le drain thoracique ; régler le débit de pointe pour satisfaire ou excéder la demande du client et corriger en fonction du VC du client ; repla­ cer ou remplacer le tube endotrachéal.

Volume minute expiré faible

Diminution de la compliance pulmonaire ; diminution de la F.R. spontanée secondaire à la prise des médicaments, au sommeil, à l’hypocapnie, à l’alcalose, à la fatigue ou à un changement de l’état neurologique ; dysfonctionnement du spiromètre ; fuite dans le sys­ tème ; réglages inappropriés ; sécrétions dans les voies aériennes

Vérier et corriger les réglages ; évaluer la F.R., l’état mental et l’effort de respiration du client ; évaluer le système pour repérer toute fuite ; évaluer le besoin d’aspiration endotrachéale et procéder si nécessaire ; repérer tout changement de l’état pathologique du client ; calibrer le spiromètre.

656

Partie 3

Système respiratoire

TABLEAU 20.7

Repérer les défaillances des alarmes du respirateur (suite)

PROBLÈME

CAUSES

INTERVENTIONS

PEP/CPAP faible

Baisse des débits expiratoires du respirateur ; fuite ; hausse des débits inspiratoires du client ; réglages inappropriés

Vérier et corriger les réglages ; repérer toute fuite dans le système ; dans l’incapacité de résoudre le problème, élever les réglages de la PEP.

F.R. élevée

Acidose ; administration de médicaments ; anxiété ; choc ; crainte ; douleur ; hausse de la demande métabolique ; hypercapnie ; hypoxie

Analyser les GSA ; évaluer l’état du client ; calmer et rassurer le client.

Limite de haute pression

Affaissement du circuit du client ; diminution de la compliance pul­ monaire résultant d’un pneumothorax sous tension, d’un change­ ment de position du client, d’un SDRA, d’un œdème pulmonaire, d’une atélectasie, d’une pneumonie ou d’une distension abdomi­ nale ; eau provenant de l’humidicateur présente dans la tubulure du respirateur ; hausse de la résistance des voies aériennes résultant de bronchospasmes, de sécrétions dans les voies aériennes, de bou­ chons et de la toux ; herniation causée par le ballonnet ; intubation dans la bronche principale droite ou contre la carène ; obstruction des voies aériennes résultant de la résistance du client au respirateur (il retient sa respiration pendant que le respirateur administre le VC) ; pli (ou obstruction mécanique) de la tubulure ; réglages inappropriés

Vérier et corriger les réglages des alarmes ; dé­ sobstruer ou déplier la tubulure ; enlever l’eau dans la tubulure ; évaluer les bruits respiratoires ; rassurer le client et lui administrer un sédatif au besoin ; ana­ lyser les GSA en cas d’hypoxémie ; repérer toute dis­ tension abdominale qui exercerait une pression sur le diaphragme ; évaluer la pression du ballonnet ; obtenir une radiographie pulmonaire pour valider la position du tube endotrachéal et la présence d’un pneumothorax ou d’une pneumonie ; replacer le tube endotrachéal ; administrer des bronchodilatateurs.

Entrée d’O2 à basse pression

Filtre d’apport d’O2 encrassé ; O2 non relié au respirateur ; réglage inapproprié de l’alarme d’O2

Vérier et corriger le réglage de l’alarme ; rebrancher ou brancher la canalisation d’O2 à une source d’O2 appropriée.

Rapport I/E élevé (temps d’ins­ piration > temps d’expiration)

Phase inspiratoire trop longue lorsque la fréquence est élevée ; réglage d’un débit de pointe trop faible lorsque la fréquence est trop élevée ; sensibilité trop élevée

Modier le temps d’inspiration ou régler le débit de pointe ; évaluer la phase inspiratoire ou la maintenir ; vérier la sensibilité du respirateur.

Température anormale

Capteur détectant une circulation d’air extérieure (en provenance du système de chauffage, d’une porte ou d’une fenêtre ouverte, d’un climatiseur) ; dysfonctionnement du capteur ; niveaux d’eau incorrects ; surchauffe résultant d’un débit d’air trop faible ou nul

Évaluer ou remplacer le capteur ; valider le débit d’air ; protéger le capteur contre une source extérieure qui fausserait les mesures ; vérier les niveaux d’eau.

Source : Adapté de Flynn & Bruce (1993)

Garantir la sécurité du client Plusieurs mesures doivent être prises pour préserver le bon fonctionnement du système de ventilation. Elles consistent à garder au chevet du client un ballonmasque fonctionnel raccordé à l’oxygène, à s’assurer que la tubulure du respirateur est exempte d’eau, à placer cette tubulure de façon à éviter toute obstruction mécanique, à maintenir la perméabilité de la tubulure et des raccords du respirateur, à changer la tubulure du respirateur conformément à la politique du centre hospitalier et à vérier la température de l’air inspiré. Si le respirateur ne fonctionne plus adéquatement, il faut le retirer et ventiler le client manuellement au moyen du ballon-masque. Les alarmes doivent être sufsamment audibles, compte tenu des distances et des bruits ambiants au sein de l’unité. L’utilisation de mesures de contention physique devrait faire l’objet d’une évaluation clinique rigoureuse et demeurer une manœuvre exceptionnelle pour prévenir l’extubation accidentelle 3 . Toutes les méthodes alternatives doivent être envisagées avant de recourir à une forme de contention. Les options possibles sont, entre autres, l’intégration des proches au milieu de soins pour un accompagnement constant, l’assignation d’un lit

permettant une surveillance visuelle continue, l’utilisation d’une xation rigide pour le tube endotrachéal, ainsi que le camouage des tubulures et des équipements (Bray, Hill, Robson et al., 2004 ; Parenteau, 2011). Néanmoins, si les contentions doivent être mises en place, l’inrmière se doit d’évaluer de façon continue la nécessité d’en poursuivre l’utilisation (Parenteau, 2011 ; Parenteau, Houle & Cloutier, 2010). Enn, l’ ENCADRÉ 20.7 présente les mesures à prendre pendant le transport du client.

20.3.4

Sevrage

Le sevrage désigne l’abandon graduel du respirateur et le rétablissement de la respiration spontanée. Il doit s’amorcer uniquement après la résolution du problème initial ayant nécessité le recours à la ventilation mécanique et après la stabilisation de l’état du client. D’autres facteurs doivent aussi être pris en compte avant le sevrage : la durée de la ventilation mécanique, le manque de sommeil et l’état nutritionnel. Les principaux facteurs ayant une incidence sur la possibilité de sevrage du client comprennent la capacité des poumons à participer à la ventilation et Chapitre 20

3 Les principes encadrant l’utilisation des mesures de contention sont énumérés dans le chapitre 3, Enjeux juridiques.

Approche thérapeutique du système respiratoire

657

20

Gestion des risques liés aux soins ENCADRÉ 20.7

Assurer le transport intrahospitalier des clients en situation critique de santé

COMMUNICATION ET COORDINATION PRÉALABLES AU TRANSFERT

• Conrmer que l’unité d’accueil est prête à recevoir le client. • Assurer le transfert d’une inrmière à une autre (lorsque la responsabilité des soins au client est transférée à une inrmière de l’unité d’accueil). • Aviser l’inhalothérapeute et les autres membres de l’équipe soignante du moment du transport et demander la préparation d’équipement, au besoin. • Vérier la présence d’un respirateur à l’unité d’accueil (pour les clients bénéciant d’une ventilation mécanique). PERSONNEL DE TRANSFERT

• Au moins deux personnes doivent accompagner les clients en situation critique de santé (dont l’une doit être une inrmière en soins critiques). • Les clients instables devraient être accompagnés d’un médecin. ÉQUIPEMENT DE TRANSFERT

• Moniteur de P.A. non effractif automatisé ou sphygmomanomètre manuel

• Saturomètre • Moniteur cardiaque avec débrillateur • Médication de réanimation de base (un chariot d’urgence devrait déjà être disponible à l’unité d’accueil) • Sédatifs et analgésiques opioïdes supplémentaires • Médication et solutions I.V. supplémentaires • Dispositif d’oxygénothérapie raccordé à une source d’oxygène et comportant une réserve d’au moins 30 minutes, un ballon-masque ou respirateur de transport (pour les clients nécessitant une ventilation mécanique) • Respirateur de transport muni d’alarmes et d’une batterie de secours, si requis SURVEILLANCE DURANT LE TRANSPORT

• Électrocardiogramme en continu • Saturométrie en continu • Mesure régulière de la P.A., du pouls et de la F.R.

Source : Adapté de Warren, Fromm, Orr, et al. (2004)

19 Le sevrage de la ventilation mécanique à long terme est détaillé dans le chapitre 19, Troubles respiratoires.

à la respiration, le rendement cardiovasculaire et la disposition psychologique (Kacmarek, 2013a). La présente section met l’accent sur le sevrage du client ayant bénécié d’une ventilation mécanique à court terme (trois jours ou moins) 19 .

Disposition au sevrage L’état du client doit être évalué chaque jour an de juger de sa disposition au sevrage. L’évaluation doit tenir compte du niveau de conscience, de la stabilité physiologique et hémodynamique, de l’état adéquat d’oxygénation et de ventilation, ainsi que de la capacité de respiration spontanée, dont le rythme, la fréquence et l’amplitude respiratoires (Kacmarek, 2013a). Le TABLEAU 20.8 présente les paramètres courants généralement évalués. L’indice de respiration supercielle rapide permet d’estimer le succès du

sevrage. Pour calculer cet indice, la F.R. et la VE du client sont mesurées pendant une minute au cours de sa respiration spontanée. La F.R. est ensuite divisée par le VC (exprimé en litres) ; un indice inférieur à 105 est considéré comme favorable au succès du sevrage. Si le client reçoit une sédation, la médication doit être interrompue au moins une heure avant la mesure de l’indice. Si le client satisfait aux critères relatifs à la disposition au sevrage et que son indice de respiration articielle rapide est inférieur à 105, un essai de respiration spontanée peut être tenté (MacIntyre, 2007). Une étude a démontré que la mise en œuvre d’un programme de sevrage comportant des essais quotidiens de respiration spontanée a eu une incidence positive sur les taux d’extubation et aucun effet sur les taux de réintubation (Robertson, Sona, Green et al., 2008) FIGURE 20.12.

Collecte des données TABLEAU 20.8

Paramètres de sevrage traditionnels VALEURS PROPICES AU SEVRAGE

VALEURS NORMALES

< – 20

< – 50

Capacité vitale (ml/kg)

> 10

> 65-75

VC (ml/kg)

>5

> 5-7

F.R. (R/min)

< 32

12-20

VE (L/min)

> 10

> 10

Indice de respiration articielle rapide (F.R./VC)

< 105

< 40

PARAMÈTRE

Force inspiratoire négative (cm H2O)

Source : Adapté de Casserly & Rounds (2010)

658

Partie 3

Système respiratoire

20

FIGURE 20.12

Algorithme servant à déterminer si un client est prêt au sevrage de la ventilation mécanique et à l’extubation. ECG : électrocardiogramme ; F.C. : fréquence cardiaque ; FiO2 : fraction d’oxygène insipirée ; PEP : pression expiratoire positive ; P/F : rapport PaO2 /FiO2 ; AI : aide inspiratoire ; F.R. : fréquence respiratoire ; P.A.S. : pression artérielle systolique SpO2 : saturation pulsatile en oxygène ; batt./min : battements par minute ; ER : effort respiratoire.

Une fois que l’état de disposition au sevrage du client a été établi, l’inrmière et l’inhalothérapeute préparent celui-ci en vue de l’essai de sevrage. Ils redressent le client pour faciliter sa respiration et procèdent à l’aspiration des sécrétions dans les voies aériennes pour en assurer la perméabilité. Ils expliquent au client la procédure suivie, puis le rassurent. L’inrmière évalue l’état du client immédiatement avant le début de l’essai et fréquemment durant la période de sevrage, an d’observer tout signe d’intolérance au sevrage (Burns, 2007 ; Kacmarek, 2013a ; MacIntyre, 2007 ; Siner & Manthous, 2007) ENCADRÉ 20.8.

Méthodes de sevrage Différentes méthodes permettent le sevrage d’un client ayant bénécié d’une ventilation mécanique. La méthode est choisie en fonction du client, de son état respiratoire et de la durée de la ventilation mécanique. Les trois principales méthodes de sevrage sont : 1) les essais avec un tube en T : 2) la VACI : 3) la ventilation spontanée avec aide inspiratoire (Burns, 2007 ; Caroleo, Agnello, Abdallah et al., 2007 ; Kacmarek, 2013a). Quelle que soit la méthode choisie, des travaux de recherche ont démontré que

Collecte des données ENCADRÉ 20.8

Indicateurs d’intolérance au sevrage

• Altération de l’état de conscience • Anxiété ou agitation grave non apaisée par le réconfort • Diaphorèse • Manifestations de dyspnée, de fatigue ou de douleur • F.R. > 30 R/min ou < 10 R/min • ↑ F.R. de 10 R/min • VC spontané < 250 ml • ↑ PaCO2 de 5 à 8 mm Hg, pH < 7,30 ou les deux • SpO2 < 90 %

• Utilisation des muscles accessoires/tirage • Mouvement paradoxal de la paroi thora­ cique ou asynchronie thoracoabdominale • Variation de la P.A. systolique > 20 mm Hg • P.A. diastolique > 100 mm Hg • ↑ F.C. > 20 batt./min • Nombre d’extrasystoles ventriculaires > 6/min, bigéminisme ou accès de tachycardie ventriculaire non soutenue • Modications du segment ST (généralement un sus­décalage)

Sources : Adapté de Burns (2007) ; Kacmarek (2013a) ; MacIntyre (2007) ; Siner & Manthous (2007)

l’adoption d’une approche standardisée réduit la durée du sevrage et du séjour à l’unité de soins critiques (Blackwood, Alderdice, Burns et al., 2011). Chapitre 20

Approche thérapeutique du système respiratoire

659

Essais avec un tube en T Un essai de sevrage avec un tube en T consiste à faire alterner des périodes de ventilation mécanique (généralement une VAC) et des périodes de respiration spontanée. Pour amorcer l’essai, le respirateur qu’utilisait le client est retiré, et ce dernier respire spontanément à l’aide d’un système de distribution d’oxygène muni d’un tube en T. Après un temps prédéterminé, l’inhalothérapeute relie de nouveau le client au respirateur. L’objectif consiste à allonger graduellement la période de temps passée sans respirateur. Durant le sevrage, l’inrmière et l’inhalothérapeute observent de près le client pour détecter tout signe de fatigue des muscles respiratoires (Burns, 2007 ; Caroleo et al., 2007 ; Kacmarek, 2013a). Une CPAP peut être ajoutée an de prévenir l’atélectasie et d’améliorer l’oxygénation (Burns, 2007 ; Caroleo et al., 2007).

Essais de ventilation assistée contrôlée intermittente L’objectif d’un sevrage par ventilation assistée contrôlée intermittente (VACI) réside dans la réalisation d’une transition graduelle allant de la ventilation assistée à la respiration spontanée. Pour amorcer cette méthode de sevrage, l’inhalothérapeute règle le respirateur en mode de VACI et diminue lentement la fréquence de base, généralement de une à trois respirations à la fois, jusqu’à l’atteinte d’une fréquence de base nulle ou presque nulle. Un échantillon de GSA est habituellement prélevé 30 minutes après l’essai. Cette méthode de sevrage accentue parfois l’effort respiratoire, et l’inrmière évalue donc attentivement le client pour détecter tout signe de fatigue des muscles respiratoires (Burns, 2007 ; Caroleo et al., 2007 ; Kacmarek, 2013a).

Essais de ventilation spontanée avec aide inspiratoire Le sevrage par ventilation spontanée avec aide inspiratoire consiste à relier le client au mode de pression assistée et à régler l’aide inspiratoire de façon que le client atteigne un VC spontané allant de 10 à 12 ml/kg. La ventilation spontanée avec aide inspiratoire augmente les respirations spontanées du client grâce à la pression positive ajoutée durant l’inspiration (aide inspiratoire). Dans le cadre de cette méthode de sevrage, l’inhalothérapeute abaisse de façon graduelle l’aide inspiratoire par tranches de 3 à 6 cm H2O, de manière à maintenir un VC entre 10 et 15 ml/kg, jusqu’à l’atteinte d’un niveau de 5 cm H2O. Si le client est capable de maintenir une respiration spontanée adéquate à ce niveau, l’extubation peut être envisagée. La ventilation spontanée avec aide inspiratoire peut également être utilisée conjointement avec la VACI, an de surmonter la résistance du système de ventilation (Burns, 2007 ; Caroleo et al., 2007 ; Kacmarek, 2013a).

660

Partie 3

Système respiratoire

20.3.5

Assistance respiratoire extracorporelle

L’assistance respiratoire extracorporelle vise à soutenir articiellement les échanges gazeux alors que les traitements de ventilation mécanique classiques ont échoué (Antonelli, Bonten, Chatre et al., 2012 ; Hayes, Tobias, Kukreja et al., 2013 ; Manzon, Barbot, Moronval et al., 2009). Les deux principaux types d’assistance respiratoire extracorporelle sont l’oxygénation par membrane extracorporelle ou ECMO (extra corporeal membrane oxygenation) et l’épuration extracorporelle de dioxyde de carbone ou ECCO2R (extracorporeal carbon dioxide removal). Toutes deux utilisent une dérivation de la circulation sanguine, qui peut être de type veinoveineux ou veinoartériel selon la thérapie choisie (Hayes et al., 2013 ; Lund & Federspiel, 2013 ; Manzon et al., 2009). L’utilisation de ces modalités thérapeutiques demeure controversée, mais des études ont démontré une diminution du taux de mortalité chez les clients atteints de SDRA et traités par l’ECMO plutôt que par la ventilation mécanique classique (Davies, Jones, Bailey et al., 2009 ; Peek, Mugford, Tiruvoipati et al., 2009 ; Zangrillo, Landoni, Biondi-Zoccai et al., 2013). Les surveillances liées à l’assistance respiratoire extracorporelle s’avèrent complexes et nécessitent une formation spécialisée, car les complications sont nombreuses et potentiellement fatales (Hayes et al., 2013 ; Manzon et al., 2009).

20.4

Ventilation mécanique non effractive

La ventilation non effractive (VNE), ou ventilation non invasive, est une méthode de ventilation qui fait appel à un masque, plutôt qu’à un tube endotrachéal, pour le traitement thérapeutique. Les avantages de ce type de ventilation par rapport à la ventilation effractive comprennent une diminution de la fréquence de la pneumonie nosocomiale, un meilleur confort et un caractère non effractif, ce qui facilite son application et son retrait. La VNE est habituellement essayée en priorité par rapport à l’intubation endotrachéale, et ce, chez le client dont la condition médicale le permet (Carron, Freo, BaHammam et al., 2013). Elle est néanmoins moins fréquente en contexte de soins critiques.

20.4.1

Indications, contre-indications et fonctionnement

La VNE est appropriée dans les cas de défaillance respiratoire aiguë de type I ou de type II, d’œdème pulmonaire cardiogénique et lorsque l’intubation est impossible (Keenan, Sinuff, Burns et al., 2011). De plus, la VNE a été démontrée efcace pour diminuer les taux d’intubation endotrachéale et de mortalité

lorsqu’elle est utilisée en traitement de première intention chez les clients atteints d’une MPOC (Keenan et al., 2011 ; Ram, Picot, Lightowler et al., 2004). Les contre-indications relatives à la VNE comprennent l’instabilité hémodynamique, les arythmies, l’apnée, le manque de coopération du client, l’intolérance au masque, une chirurgie récente des voies respiratoires supérieures ou de l’œsophage et l’incapacité de maintenir l’ouverture des voies aériennes, d’éliminer les sécrétions ou d’ajuster le masque (McNeill & Glossop, 2012). La VNE peut être effectuée au moyen d’un masque nasal, facial ou complet et d’un respirateur, ou encore à l’aide d’une machine BiPAP FIGURE 20.13. Une étude a révélé qu’un masque complet est mieux toléré qu’un masque nasal (Holanda, Reis, Winkeler et al., 2009). La VNE fait appel à une combinaison d’aide inspiratoire et de PEP fournie par un respirateur, ou encore à une pression inspiratoire positive et à une PEP fournie par une machine BiPAP, pour faciliter la ventilation d’un client qui respire spontanément. À l’inspiration, le client reçoit une aide inspiratoire ou une pression inspiratoire positive pour accroître le VC et la VE, ce qui entraîne une hausse de la ventilation alvéolaire, une baisse de la PaCO2, un soulagement de la dyspnée et une diminution de l’effort des muscles accessoires. À l’expiration, le client reçoit une PEP pour accroître sa capacité résiduelle fonctionnelle, ce qui se traduit par une hausse de la PaO2. De l’oxygène supplémentaire humidié est administré pour maintenir une PaO2 cliniquement acceptable et, au besoin, des respirations assistées contrôlées sont ajoutées (Kracz et al., 2012).

Soins et traitements inrmiers L’évaluation de l’état du client comprend la surveillance des complications secondaires à la situation de santé du client ou au dispositif de ventilation assistée, ou aux deux. Comme dans le cas de la ventilation mécanique effractive, le client doit être étroitement surveillé ENCADRÉ 20.9. L’inrmière évalue constamment la fonction respiratoire (fréquence, rythme, amplitude), l’utilisation des muscles accessoires et l’état d’oxygénation pour s’assurer que le client tolère bien cette méthode de ventilation. Aussi, elle évalue la saturométrie de façon continue (Pierce, 2007b ; Williams, 2013). L’élément clé qui assure une VNE adéquate est l’ajustement approprié du masque. Un masque déplacé peut faire reculer la mâchoire inférieure du client et obstruer ses voies aériennes. Il est possible de recourir à un masque nasal, facial ou complet, selon les besoins du client. Le bon ajustement du masque réduit au minimum les fuites d’air et l’inconfort du client. Des pellicules transparentes placées sur des points de pression du visage peuvent

FIGURE 20.13 Dispositif BiPAP avec masque nasal.

contribuer à limiter les fuites d’air et à prévenir les lésions cutanées du visage causées par le masque. La machine BiPAP parvient aussi à compenser les fuites d’air (Pierce, 2007b). Au moment de positionner le client, la tête du lit doit être élevée à 45° (position semi-Fowler) pour réduire au minimum le risque d’aspiration et faciliter la respiration. L’insufation d’air dans l’estomac est une complication issue de ce mode de thérapie et expose le client à un risque d’aspiration. L’inrmière surveille attentivement l’état du client pour détecter l’apparition d’une distension gastrique et insère une sonde nasogastrique pour la décompression, selon l’ordonnance médicale. Il arrive souvent que les clients soient très anxieux et présentent une dyspnée grave avant le début de la VNE. Après l’établissement d’une ventilation adéquate, l’anxiété et la dyspnée sont généralement assez apaisées. Une forte sédation devrait être évitée, mais, si elle s’avérait nécessaire, elle indiquerait la nécessité de recourir à l’intubation et à la ventilation mécanique effractive. Il est important de passer 30 minutes avec le client après le début de la VNE, parce qu’il doit être rassuré et apprendre à respirer avec la machine (Holanda et al., 2009 ; Pierce, 2007b). Le client qui a besoin d’une VNE à l’aide d’un masque facial devrait être au repos, mais ne devrait pas être immobilisé en cours de traitement. Il doit être capable d’enlever le masque s’il a besoin de vomir ou si le dispositif se déplace. Les mesures de contention physique ne devraient jamais être utilisées dans ce contexte.

20.5

20

Thérapie de position

La thérapie de position peut faciliter l’équilibre V/Q en redistribuant l’oxygène et la circulation sanguine dans les poumons, ce qui améliore les échanges

Chapitre 20

Approche thérapeutique du système respiratoire

661

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 20.9

Intervenir auprès du client sous ventilation mécanique non effractive

OBJECTIF

• Apporter du soutien au client sous VNE, en collaboration avec l’inhalothérapeute. INTERVENTIONS

Amorce de la ventilation • Évaluer la nécessité d’un recours à une VNE (asthme, exacerbation aiguë d’une MPOC, insufsance respiratoire aiguë attribuable à une pneumonie acquise en communauté, œdème pulmonaire cardiogénique ou non cardiogénique, troubles respiratoires du sommeil). • Évaluer la présence de contre-indications à une VNE (acidose respiratoire grave, altération de l’état de conscience, angine instable, arrêt cardiovasculaire ou respiratoire, hypoxémie réfractaire, incapacité de coopérer, infarctus aigu du myocarde, instabilité hémodynamique, obésité morbide, problèmes liés à la mise en place ou à la xation de l’équipement non effractif, sécrétions épaisses ou saignement, trauma facial). • Expliquer au client et à ses proches les raisons du recours à la VNE, ainsi que les sensations probables en découlant. • Collaborer avec le médecin et l’inhalothérapeute pour le choix d’un type de VNE, ainsi qu’avec le client pour le choix du dispositif de ventilation (masque nasal ou facial ou complet). • Installer le client en position semi-Fowler. • En collaboration avec l’inhalothérapeute, mettre en place le dispositif de VNE en s’assurant qu’il est bien ajusté et en prévenant toute fuite d’air importante, puis programmer et activer le respirateur. Interventions en cours de traitement • Assurer une surveillance continue du client au cours des 30 minutes suivant le début de la thérapie, an d’évaluer sa tolérance. • Évaluer la présence de facteurs qui augmentent la consommation d’oxygène (p. ex., une douleur, de la èvre, des soins et des traitements de base, des tremblements) et qui peuvent altérer le fonctionnement de la ventilation mécanique et causer une désaturation en oxygène. • Évaluer la présence de symptômes qui indiquent une augmentation de l’effort respiratoire (p. ex., une altération de l’état mental, une diaphorèse, une augmentation de la fréquence cardiaque ou respiratoire, une hausse de la P.A.). • Évaluer toute diminution du volume expiré et toute augmentation de la pression inspiratoire, la synchronisation client-respirateur et les bruits respiratoires du client. • Évaluer la quantité, la couleur et la consistance des expectorations et consigner l’information dans les notes au dossier.

Prévention des complications • Prévoir des périodes de repos quotidiennes (de 15 à 30 minutes toutes les 4 à 6 heures). • Favoriser un apport liquidien et alimentaire adéquat. • Prévenir les lésions cutanées en appliquant une protection au visage. • Évaluer l’intégrité des muqueuses buccales et nasales en prodiguant des soins buccaux réguliers à l’aide de tampons humides et doux, d’un agent antiseptique et d’une succion douce. • Évaluer la présence d’effets indésirables (p. ex., une altération de la peau, de l’anxiété, la claustrophobie, une distension gastrique, de la dyspnée, une irritation des yeux, une obstruction des voies aériennes provenant d’un déplacement de la mâchoire causé par le masque). • Collaborer régulièrement avec le médecin et l’inhalothérapeute pour coordonner les soins prodigués, encourager la réadaptation respiratoire et aider le client à tolérer la thérapie. • Prodiguer des soins qui soulagent la détresse du client (positionnement ; traitement des effets indésirables comme la rhinite, la gorge sèche ou l’épistaxis ; sédation légère ou analgésie ; techniques de relaxation) et offrir au client un moyen efcace de communication (p. ex., l’utilisation de papier et de crayon, de pictogrammes). Modication de paramètres ventilatoires • Évaluer l’amélioration de l’état du client avec les réglages actuels du respirateur et effectuer les modications appropriées, conformément à l’ordonnance médicale. • Noter au dossier les modications apportées au respirateur et les réponses du client à la ventilation (observation du mouvement thoracique, auscultation, changements dans les radiographies, changements dans les GSA). Entretien du respirateur • S’assurer que les alarmes du respirateur sont activées. • Vérier régulièrement les réglages du respirateur, y compris la température et l’humidication de l’air inspiré, ainsi que tous les raccords. • Veiller à l’évacuation de la condensation d’eau dans les circuits du respirateur et assurer leur remplacement toutes les 24 heures. • S’assurer de la présence de l’équipement d’urgence au chevet du client (ballon-masque raccordé à l’oxygène, équipement ou accessoires d’aspiration) en tout temps, y compris le matériel de secours en cas de panne d’électricité. Sevrage • Évaluer régulièrement les critères de sevrage (disparition des facteurs justiant la ventilation, capacité à maintenir un effort respiratoire adéquat).

Source : Adapté de Bulechek et al. (2013)

gazeux. Fondée sur la notion selon laquelle un plus grand débit sanguin circule dans les parties des poumons dépendantes de la gravité, la thérapie de position place la partie la moins endommagée des poumons en position inclinée vers le bas. Les parties les moins endommagées des poumons sont alors mieux perfusées, ce qui réduit le déséquilibre V/Q (Johnson et Meyenburg, 2009). La position ventrale et la thérapie de rotation sont deux thérapies de position.

662

Partie 3

Système respiratoire

20.5.1

Position ventrale

La position ventrale est une modalité thérapeutique qui vise à améliorer l’oxygénation des clients atteints du SDRA (Dickinson, Park, Napolitano et al., 2011 ; Dirkes, Dickinson, Harvey et al., 2012 ; Guérin, Reignier, Richard et al., 2013). Il s’agit de retourner complètement le client sur son abdomen, en position couchée. Si diverses théories ont été proposées pour expliquer en quoi la position ventrale améliore l’oxygénation, la meilleure

explication découle sans doute du fait que le SDRA cause les dommages les plus importants aux régions pulmonaires dépendantes de la gravité. Initialement, le SDRA semblait être une maladie homogène et diffuse qui touchait en parts égales toutes les régions des poumons, mais les bases pulmonaires sont en réalité plus gravement endommagées que les parties supérieures (Dushianthan, Grocott, Postle et al., 2011). Placer le client en position ventrale augmente la perfusion vers les régions les moins endommagées des poumons et améliore l’équilibre V/Q, ce qui réduit le shunt intrapulmonaire. La position ventrale peut aussi faciliter la mobilisation des sécrétions et prévient les lésions de pression (Dushianthan et al., 2011). La position ventrale est contre-indiquée chez les clients qui présentent une hypertension intracrânienne, une instabilité hémodynamique, une blessure médullaire ou qui ont subi une chirurgie abdominale. Les clients incapables de tolérer la position ventrale ne sont pas non plus de bons candidats pour ce type de thérapie (Dickinson et al., 2011 ; Dirkes et al., 2012). Aucune norme n’a été établie quant à la durée du maintien du client en position ventrale. Une recension des écrits a révélé une grande variation de cette durée, qui va de 30 minutes à 40 heures (Dickinson et al., 2011). Un positionnement ventral d’une durée minimale de 16 heures chez les clients atteints de SDRA réduirait considérablement les taux de mortalité et d’arrêt cardiaque par rapport au positionnement traditionnel en décubitus dorsal (Guérin et al., 2013). La thérapie est considérée comme fructueuse si l’augmentation de la PaO2 du client est supérieure à 10 mm Hg dans les 30 premières minutes suivant l’installation en position ventrale (Wright & Flynn, 2011). L’horaire de positionnement (période de temps passée dans la position ventrale et fréquence des retournements) est généralement établi selon la tolérance du client envers la procédure, l’efcacité de la thérapie pour l’augmentation de la PaO2 du client et la capacité de celui-ci à maintenir cette élévation de PaO2 après le retour en décubitus dorsal. Le recours à la position ventrale cesse lorsque le client ne manifeste plus aucune réponse au changement de position (Wright & Flynn, 2011). La plus importante limitation à l’utilisation de la position ventrale réside dans la mécanique même du retournement du client. Diverses méthodes ont été analysées à cet égard, y compris le retournement manuel du client et l’utilisation d’oreillers pour le soutenir, ainsi que l’emploi d’un lit spécialisé (Dickinson et al., 2011 ; Dirkes et al., 2012). Quelle que soit la méthode utilisée, l’expansion abdominale doit être conservée an de faciliter la descente diaphragmatique. Avant de le retourner en position ventrale, l’inrmière explique la procédure au client et à ses proches, puis lubrifie les yeux du client, les recouvre de

bandelettes et xe bien les tubes et les drains. Une équipe est mise sur pied pour appliquer la procédure de retournement, et un des membres se place à la tête du lit pour maintenir en place le tube endotrachéal du client. Les complications susceptibles de survenir comprennent le délogement ou l’obstruction des tubes et des drains, l’instabilité hémodynamique, l’œdème facial massif, l’aspiration et les ulcérations cornéennes (Dickinson et al., 2011 ; Dirkes et al., 2012).

20.5.2

Thérapie de rotation

Un lit à retournement automatisé peut être utilisé en soins critiques pour procéder à la thérapie de rotation, à savoir la thérapie cinétique ou la thérapie de rotation latérale continue. Le client est constamment pivoté d’un côté à l’autre selon une rotation de 40° ou plus (thérapie cinétique) ou de moins de 40° (thérapie de rotation latérale continue) (Goldhill, Imhoff, McLean et al., 2007). Deux types de lit sont utilisés dans le cadre de la thérapie de rotation : un lit oscillant, dont le matelas se gone et se dégone pour produire la rotation, et un lit cinétique, dont toute la plateforme pivote (Stiller, 2000). La thérapie de rotation améliorerait l’oxygénation, grâce à un meilleur équilibre V/Q, et préviendrait les complications pulmonaires associées à l’alitement et à la ventilation mécanique (Ahrens, Kollef, Stewart et al., 2004 ; Ranee, 2005). Les méta-analyses suggèrent que la thérapie de rotation réduit l’incidence de la PAV, mais n’a pas d’effet sur la durée de la ventilation mécanique, du séjour à l’unité de soins critiques ni sur les taux de mortalité en milieu hospitalier (Goldhill et al., 2007). Cependant, pour que la thérapie cinétique procure des bienfaits, la rotation doit être vigoureuse, et il faut retourner le client d’au moins 40° par côté, selon un arc total d’au moins 80°, pendant un minimum de 18 heures par jour (Ahrens et al., 2004 ; Collard, 2003). Elle réduit également la prévalence de la microatélectasie chez les clients ayant subi des traitements médicaux ou un trauma (Ahrens et al., 2004). Parmi les complications découlant de la thérapie de rotation gurent le délogement et l’obstruction des tubes, des drains et des cathéters, l’instabilité hémodynamique et les lésions de pression. Contrairement au repositionnement manuel, la rotation latérale seule ne permet pas de prévenir les lésions de pression (Powers & Daniels, 2004). La mobilisation manuelle, en effet, déplace les points d’appui, ce qui modie la pression entre le corps du client et la surface du matelas, permettant ainsi la reperfusion et l’aération de la peau. Une étude a révélé que des clients ayant bénécié d’une thérapie de rotation avaient subi des lésions de pression au sacrum, à l’occiput et aux talons (Russell & Logsdon, 2003). An de prévenir ces complications, le client doit être positionné selon un angle de 30° par rapport à la surface du matelas, quel que soit le degré du pivotement.

Chapitre 20

Approche thérapeutique du système respiratoire

20

663

20.6

La physiopathologie et les traitements du cancer du poumon sont expliqués dans le chapitre 35 du manuel de Lewis, S.L., Dirksen, S.R., Heitkemper, M., et al. (2011). Soins inrmiers – Médecine chirurgie. Montréal : Chenelière Éducation.

Chirurgie thoracique

La chirurgie thoracique comporte l’ouverture de la cavité thoracique (thoracotomie), des organes de la respiration ou des deux. Les indications pour une chirurgie thoracique comprennent la présence d’une tumeur ou d’un abcès ainsi que la réparation de l’œsophage et des vaisseaux thoraciques (Blanchard, 2011) TABLEAU 20.9. La présente section porte uniquement sur les interventions chirurgicales impliquant l’ablation de tissus pulmonaires.

20.6.1

Évaluation préopératoire

Avant la chirurgie, en collaboration avec l’inrmière, le chirurgien procède à une évaluation complète de l’état du client, an de déterminer si la chirurgie constitue le traitement approprié et s’il est possible d’enlever des tissus pulmonaires sans compromettre la fonction respiratoire. Cette évaluation s’avère particulièrement importante lorsqu’une lobectomie ou une pneumonectomie est envisagée. Dans le cas où une résection sera effectuée pour le traitement d’une tumeur, l’évaluation préopératoire inclut une évaluation clinique du client ainsi que du type et de l’ampleur de la tumeur (Banki, 2010). L’évaluation clinique du client doit être axée sur la fonction cardiorespiratoire. Elle comprend notamment des examens de la fonction respiratoire visant à déterminer la capacité du client à s’adapter à la perte d’une partie

TABLEAU 20.9

664

Partie 3

de ses tissus pulmonaires. Il importe également d’évaluer la fonction cardiaque. Parmi les contreindications relatives à la chirurgie thoracique gurent les arythmies non maîtrisées, l’infarctus aigu du myocarde, une insufsance cardiaque chronique et une angine instable (Sweitzer & Smetana, 2009 ; von Groote-Bidlingmaier, Koegelenberg & Bolliger, 2011).

20.6.2

Enjeux chirurgicaux

Le type et le site de la chirurgie déterminent le genre d’intervention chirurgicale requise. L’intervention la plus courante est la thoracotomie postérolatérale, qui permet la mise à nu du poumon et du médiastin. La thoracotomie antérolatérale et la sternotomie médiane sont d’autres interventions possibles (Blanchard, 2011) FIGURE 20.14. Il faut soigneusement éviter tout écoulement de sang ou de sécrétions dans le poumon sain durant la chirurgie, an de prévenir le risque d’hypoxémie et de dysfonctionnement cardiaque. Le tube endotrachéal à deux lumières sert, au cours de la chirurgie, à protéger le poumon sain contre les sécrétions et les fragments de tumeur nécrotique. Pour réduire le risque d’hypoxémie pendant la chirurgie, l’anesthésiste et l’inhalothérapeute s’assurent de maintenir une PEP de 5 à 10 cm H 2O dans le poumon opéré. En outre, ce dernier est ventilé par intermittence tout au long de la chirurgie (Della Rocca & Coccia, 2011).

Chirurgies thoraciques

INTERVENTION

DESCRIPTION

INDICATIONS

Pneumonectomie

Ablation de tout le poumon avec ou sans résection des ganglions lymphatiques du médiastin

• • • • • •

Abcès pulmonaires multiples Bronchectasie unilatérale étendue Fistule bronchopleurale Hémoptysie massive Lésions malignes Tuberculose unilatérale

Lobectomie

Résection de un ou de plusieurs lobes du poumon

• • • • •

Bronchectasie Kystes ou abcès pulmonaires Lésions connées à un seul lobe Trauma Tuberculose pulmonaire

Exérèse segmentaire

Résection d’une partie bronchovasculaire du lobe pulmonaire

• Bronchectasie • Bulles ou kystes congénitaux • Petites lésions périphériques

Système respiratoire

TABLEAU 20.9

Chirurgies thoraciques (suite)

INTERVENTION

DESCRIPTION

INDICATIONS

Résection atypique ou cunéiforme

Ablation d’une section isolée du paren­ chyme pulmonaire

• Bulles pulmonaires • Granulomes périphériques • Petites lésions périphériques (sans atteinte des ganglions lymphatiques)

Reconstruction bronchoplastique

Résection du tissu pulmonaire et des bronches avec réanastomose des bronches

• Petites lésions touchant la carène ou les bronches principales, sans trace de métastases • Possibilité de combinaison avec une lobectomie

Réduction volumique pulmonaire chirurgicale

Résection des parties les plus endom­ magées du tissu pulmonaire, pour une expansion thoracique plus normale

• Emphysème diffus

Bullectomie

Résection d’une bulle géante (un espace d’air d’un diamètre > 1 cm, qui s’est formé par suite d’une destruction du tissu pulmonaire)

• Emphysème diffus avec bulles géantes qui compriment le tissu environnant

Biopsie pulmonaire ouverte

Résection d’une petite partie du poumon pour une biopsie

• Ablation de petites lésions • Échec de la biopsie pulmonaire fermée

Décortication chirurgicale

Résection d’une membrane breuse de la surface pleurale du poumon

• Fibrothorax secondaire à un hémothorax ou à un empyème

Drainage d’empyème

Drainage du pus dans l’espace pleural

• Infections aiguës et chroniques

Résection partielle d’une côte

Ablation de une ou de plusieurs côtes pour favoriser la guérison du tissu pulmonaire sous­jacent

• Infections empyémiques chroniques

Chirurgie vidéoendoscopique thoracique

Endoscopie effectuée au moyen de petites incisions dans le thorax

• Biopsie des lésions pulmonaires, pleurales ou médiastinales • Bullectomie • Évacuation d’emphysème, d’hémo­ thorax, d’épanchement pleural ou d’épanchement péricardique • Évaluation de l’état pulmonaire, pleural, mediastinal ou péricardique • Fermeture de stules bronchopleurales • Lyse d’adhérences • Pleurocenthèse • Pneumothorax spontané récurrent • Sympathectomie

20.6.3

Complications

Plusieurs complications peuvent être associées à une résection pulmonaire, dont une défaillance respiratoire aiguë, une stule bronchopleurale, une hémorragie, des troubles cardiovasculaires et une déviation médiastinale.

Défaillance respiratoire aiguë Durant la période postopératoire, une défaillance respiratoire aiguë peut résulter d’une atélectasie ou d’une pneumonie. L’atélectasie peut être secondaire à l’anesthésie, à l’intervention chirurgicale, à l’immobilisation et à la douleur 19 . Dans les deux cas, Chapitre 20

20

19 La physiopathologie et les traitements propres à la défaillance respiratoire aiguë et à la pneumonie sont détaillés dans le chapitre 19, Troubles respiratoires.

Approche thérapeutique du système respiratoire

665

FIGURE 20.14 Positions en vue d’une thoracotomie. A Position latérale pour une incision postérolatérale. B Position semilatérale pour une incision axillaire ou antérolatérale.

666

Partie 3

le traitement devrait viser à résoudre les problèmes sous-jacents et à favoriser les échanges gazeux. Un apport d’oxygène supplémentaire et une ventilation mécanique avec une PEP peuvent s’avérer nécessaires (Sachdev & Napolitano, 2012).

de l’espace résiduel (Brenner & Addona, 1995). Le cas échéant, le client doit alors être placé de façon que le côté opéré soit orienté vers le bas (le poumon sain vers le haut), et un drain thoracique doit être inséré pour drainer l’espace résiduel (Blanchard, 2011).

Fistule bronchopleurale

Hémorragie

L’apparition d’une stule bronchopleurale postopératoire est une importante cause de mortalité après une résection pulmonaire. Elle survient lorsque la suture ne parvient pas à assurer l’occlusion du tronc bronchique et qu’une ouverture se forme dans l’espace pleural (Shekar, Foot, Fraser et al., 2010). Elle peut être secondaire à une fermeture imparfaite du tronc, à une perforation bronchique (p. ex., causée par un cathéter d’aspiration), à une pression élevée dans les voies aériennes (p. ex., causée par la ventilation mécanique) ou à une infection (Brenner & Addona, 1995 ; Kopec, Irwin, Umali-Torres et al., 1998). Au cours de l’intervention, le chirurgien veille attentivement à isoler et à fermer les bronches en vue d’assurer une occlusion durable et la cicatrisation complète du tronc (Blanchard, 2011). De plus, une extubation rapide est privilégiée an d’éliminer la possibilité d’une perforation du tronc et d’une hausse de la pression dans les voies aériennes (Kopec et al., 1998). Les manifestations cliniques d’une stule bronchopleurale comprennent une dyspnée et des expectorations sérosanguinolentes. Une chirurgie immédiate est généralement nécessaire pour colmater la fuite et prévenir l’inondation du poumon sain par le liquide issu

Une hémorragie est une complication hâtive et potentiellement fatale qui peut se produire après une résection pulmonaire. Elle résulte du saignement d’une artère bronchique ou intercostale ou encore de la faiblesse d’une suture ou d’une agrafe autour d’un vaisseau pulmonaire (Kopec et al., 1998). Un drainage thoracique abondant peut indiquer un saignement excessif. Durant la période postopératoire immédiate, le drainage thoracique doit être mesuré toutes les 15 minutes, mais cette fréquence devrait être réduite lorsque l’état du client se stabilise graduellement. Si la perte par drainage thoracique excède 100 ml/h, si du sang clair est observé ou si une augmentation soudaine du drainage se produit, une hémorragie est alors probable. Il devient alors impératif que l’inrmière en avise le médecin an qu’une réparation chirurgicale du vaisseau lésé soit effectuée.

Système respiratoire

Troubles cardiovasculaires Les complications cardiovasculaires secondaires à une chirurgie thoracique comprennent les arythmies cardiaques et l’œdème pulmonaire. La résection d’une grande partie d’un poumon ou une pneumonectomie totale peuvent être suivies d’une hausse

de la pression veineuse centrale. À la suite de la perte d’un poumon, le ventricule droit doit propulser son même volume d’éjection systolique dans un réseau vasculaire qui a été réduit de 50 %. Un système de pression plus élevée se forme alors, ce qui accroît l’effort du ventricule droit et précipite l’insufsance cardiaque droite. Selon les antécédents et l’état de la fonction cardiaque du client, une défaillance des deux ventricules est susceptible de survenir. Les mesures visant à soutenir la fonction cardiaque et à éviter un volume intravasculaire excessif comprennent l’optimisation de la précharge, de la postcharge et de la contractilité au moyen d’agents vasoactifs (Kopec et al., 1998).

complications. An d’optimiser l’oxygénation et la ventilation, l’inrmière assure le bon positionnement du client, prévient la désaturation durant les interventions et favorise la mobilisation des sécrétions.

Déviation médiastinale

Au moment de positionner le client, l’inrmière prend en considération le site de l’incision chirurgicale et le type de chirurgie effectuée. Après une lobectomie, le client doit être retourné vers le côté non opéré, et ce, an de faciliter l’équilibre V/Q. Lorsque le poumon sain est incliné vers le bas et que la circulation sanguine est plus prononcée vers la région mieux ventilée, l’équilibre V/Q s’avère meilleur. Un déséquilibre V/Q se produit lorsque le poumon atteint est positionné vers le bas, en raison de l’accentuation de la circulation sanguine vers une région moins bien ventilée, comme expliqué dans la cinquième section de ce chapitre. Le client doit être fréquemment retourné pour favoriser la mobilisation des sécrétions, mais son poumon atteint doit être incliné le moins possible vers le bas. Le client ayant subi une pneumonectomie doit être placé en décubitus dorsal ou du côté opéré durant la période initiale. Le retournement vers le côté opéré favorise la fermeture de l’incision et facilite les exercices de respiration profonde. Incliner légèrement le client vers le côté non touché constitue une possibilité, mais le chirurgien doit alors indiquer le moment où le positionnement libre d’un côté à l’autre est sans risque (Brenner & Addona, 1995). Quand il est assis au bord du lit ou lorsqu’il marche, le client doit être incité à maintenir le thorax bien droit pendant qu’il respire profondément. Cette position est la plus propice à la descente diaphragmatique et à l’action des muscles intercostaux. La position assise ou debout améliore la ventilation des

La déviation médiastinale secondaire à une chirurgie thoracique est une complication rare et potentiellement fatale. Elle peut survenir en période postopératoire immédiate, mais aussi plus tardivement, jusqu’à deux semaines après la chirurgie. Il s’agit en fait d’une déviation du médiastin vers le poumon sain, sous l’inuence de la pression exercée par l’accumulation de liquide ou d’air dans l’espace pleural vide. Les symptômes sont une dyspnée et une fatigue soudaines, liées à la diminution du débit cardiaque. Une intervention médicale est nécessaire et consiste en une thoracocentèse et en l’installation d’un drain thoracique, ce qui soulage rapidement les symptômes (Ilan, Papiashvili, Zuckermann et al., 2007).

Soins et traitements inrmiers Les soins et les traitements inrmiers postopératoires prodigués en cas de chirurgie thoracique font appel au jugement clinique de l’inrmière, an de déceler les problèmes susceptibles de découler de la situation de santé ENCADRÉ 20.10 A . Les interventions inrmières comprennent l’optimisation de l’oxygénation et de la ventilation, la prévention de l’atélectasie, la surveillance des drains thoraciques, le soutien au client pour qu’il retrouve un niveau d’activité normal, l’apport d’un réconfort et d’un soutien émotif et le maintien de la surveillance en cas de

Prévenir l’atélectasie Les interventions inrmières pour prévenir l’atélectasie comprennent le positionnement adéquat et la mobilisation précoce du client, les exercices de respiration profonde, la spirométrie et le soulagement de la douleur. L’objectif est de favoriser une ventilation pulmonaire maximale et de prévenir l’hypoventilation.

Promouvoir le positionnement adéquat et la mobilisation précoce du client

20

A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux problèmes découlant d’une chirurgie thoracique sont décrits, selon le problème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers.

Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 20.10

Chirurgie thoracique

• Altération de la ventilation spontanée liée à la fatigue des muscles respiratoires ou à des facteurs métaboliques PSTI A.4

• Altération des échanges gazeux liée à un déséquilibre ventilation-perfusion ou à un shunt intrapulmonaire PSTI A.5

• Altération des échanges gazeux liée à une hypoventilation alvéolaire PSTI A.5 • Anxiété liée à une menace contre l’intégrité biologique, psychologique ou sociale PSTI A.6

• Douleur aiguë liée à la transmission et à la perception d’impulsions cutanées, viscérales, musculaires ou ischémiques PSTI A.14 • Perturbation de l’image de soi découlant d’un changement dans la structure, les fonctions ou l’apparence du corps PSTI A.24

• Stratégies d’adaptation familiales perturbées par la situation critique de santé d’un proche malade PSTI A.33

Chapitre 20

Approche thérapeutique du système respiratoire

667

parties du poumon inclinées vers le bas en décubitus dorsal, ce qui favorise une inspiration maximale et améliore les échanges gazeux. La marche est essentielle au rétablissement de la fonction respiratoire, et il faut l’amorcer le plus rapidement possible.

Favoriser la respiration profonde et la spirométrie Les clients ayant subi une thoracotomie doivent pratiquer régulièrement la respiration profonde et la spirométrie. La respiration profonde consiste à prendre une inspiration profonde et à la retenir pendant environ trois secondes ou plus. Quant à la spirométrie, il s’agit pour le client d’effectuer au moins 10 respirations profondes et efcaces par heure au moyen d’un spiromètre. Ces activités contribuent à l’expansion du tissu pulmonaire affaissé et ainsi à la guérison rapide du pneumothorax chez les clients ayant subi une résection pulmonaire partielle. L’infirmière ausculte les poumons du client durant l’inspiration pour s’assurer que les sections inclinées vers le bas sont correctement ventilées et pour aider le client à bien comprendre la profondeur de respiration nécessaire pour en tirer un effet optimal. Le fait de tousser, qui est indiqué seulement lorsque des sécrétions sont présentes, facilite la mobilisation et l’expectoration de celles-ci (Hirsch, 2013).

Soulager la douleur

8 L’évaluation de la douleur est l’objet du chapitre 8, Gestion de la douleur.

La douleur éprouvée après une chirurgie thoracique constitue parfois un problème important. Elle peut accroître l’effort fourni par le cœur, précipiter l’hypoventilation et inhiber la mobilité des sécrétions. Les manifestations cliniques de la douleur comprennent la tachypnée, la tachycardie, l’augmentation de la P.A., le grimacement, la protection de l’incision, l’hypoventilation, les gémissements et l’agitation 8 . Plusieurs traitements pour le soulagement de la douleur après une chirurgie thoracique sont envisageables, dont les deux plus courants sont l’administration parentérale ou épidurale d’analgésiques opioïdes. Des opioïdes peuvent être administrés par perfusion I.V. ou suivant la méthode d’analgésie contrôlée par le patient. De plus, il faut aider le client à protéger l’incision avec un oreiller ou une couverture lorsqu’il respire profondément ou qu’il tousse. La protection de la plaie stabilise la région incisée et apaise la douleur pendant les déplacements, la respiration profonde ou la toux (Sachdev & Napolitano, 2012).

Maintenir le système de drainage thoracique Un drain thoracique est mis en place après la plupart des chirurgies thoraciques an d’expulser l’air et le liquide. Le liquide drainé paraît initialement sanguinolent et devient ensuite sérosanguinolent puis séreux deux ou trois jours après la chirurgie. Le drainage recueille de 100 à 300 ml environ durant les 2 premières heures après la chirurgie, puis moins de 50 ml/h au cours des quelques heures suivantes.

668

Partie 3

Système respiratoire

Le drain thoracique peut être placé sous succion ou en drainage libre. La compression des tubulures à des ns de nettoyage n’est pas recommandée, car il pourrait en résulter une pression négative excessive dans la poitrine. Si des caillots sanguins sont présents dans la tubulure de drainage ou si une obstruction survient, la traite du tube collecteur ne peut être effectuée que sous prescription médicale (Cerfolio, 2002). L’inrmière procède à la détection des fuites d’air durant l’auscultation des poumons. Dans la phase initiale, une fuite d’air dans la partie atteinte est fréquemment audible, car la plèvre ne s’est pas encore refermée de façon étanche. Au l de la cicatrisation, cette fuite devrait cesser. L’amplication d’une fuite d’air ou la détection d’une nouvelle fuite imposent un examen du système de drainage thoracique, an de déterminer si de l’air s’inltre dans le système en provenance de l’extérieur ou si la fuite provient de l’incision. L’amplification d’une fuite d’air qui n’est pas liée au système de drainage thoracique indique peut-être une altération des sutures (Kopec et al., 1998).

Assister le client dans le retour à un niveau d’activité normal Quelques jours après la chirurgie, des exercices d’amplitude de mouvement pour l’épaule située du côté atteint doivent être entrepris. Le client protège fréquemment le côté touché et évite les mouvements d’épaule en raison de la douleur. L’immobilité peut engendrer une raideur dans l’articulation de l’épaule. Cette raideur est qualiée d’épaule bloquée et peut nécessiter le recours à la physiothérapie an de redonner à l’articulation une amplitude de mouvement satisfaisante (Brenner & Addona, 1995). Habituellement, le client est en mesure de s’asseoir sur une chaise au lendemain de la chirurgie. L’inrmière amène le client à hausser systématiquement son niveau d’activité, tout en observant attentivement sa tolérance à l’effort. Grâce à une fonction respiratoire adéquate avant la chirurgie et à une intervention chirurgicale conçue pour préserver cette fonction respiratoire, un retour complet au niveau d’activité antérieur est possible. Ce retour s’étend parfois sur une période de six mois à un an, selon le tissu ayant subi la résection et l’état général du client (Blanchard, 2011).

20.7

Pharmacothérapie

Plusieurs agents pharmacologiques sont utilisés dans le traitement du client en situation critique de santé et atteint d’un dysfonctionnement respiratoire TABLEAU 20.10.

Pharmacothérapie TABLEAU 20.10

Troubles respiratoires

MÉDICAMENT

POSOLOGIE

INDICATIONS

SURVEILLANCE INFIRMIÈRE

• Relâchement des muscles lisses bronchiques et dilatation des voies aériennes en vue de traiter et de prévenir les bronchospasmes

• Remarque : environ 10 % de la dose administrée atteint le site d’action dans les poumons. • Surveiller les effets indésirables possibles : ↑ taux de glucose sérique, ↓ taux de potassium sérique, tremblements des muscles squelettiques. • Surveiller les effets indésirables possibles en cas d’administration d’une dose plus élevée : ↑ P.A., angine, arythmies, palpitations, tachycardie. • Surveiller l’efcacité du traitement, qui se manifeste par l’atténuation des bruits respiratoires et de la dyspnée.

• Blocage de la constriction des muscles lisses bronchiques et réduction de la production de mucus

• Surveiller les effets indésirables, bien qu’il y en ait peu, car l’absorption systémique est très faible.

• Réduction de l’inammation des voies aériennes et potentialisation de l’efcacité des ß-agonistes

• Surveiller la suppression de la réponse inammatoire et la capacité limitée à combattre les infections. • Prévenir la candidose buccale, un effet indésirable possible, en enseignant au client de se rincer la bouche après l’administration.

• Solution 20 % pour nébuliseur : 3-5 ml t.i.d.-q.i.d. • Solution 10-20 % pour instillation directe : 1-2 ml q.h

• Réduction de la viscosité et de l’élasticité du mucus en brisant ses liaisons disulfure

• Administrer au besoin avec un bronchodilatateur, car l’acétylcystéine peut causer des bronchospasmes et inhiber la fonction ciliaire. • Surveiller l’efcacité du traitement, qui se manifeste par l’apparition d’une bronchorrhée et d’une toux.

• Bolus I.V. initial : 6 mg/kg • Perfusion I.V. : 0,5-1 mg/kg/h

• Dilatation des muscles lisses bronchiques et réduction de la fatigue des muscles diaphragmatiques

• Administrer la dose initiale sur 30 min. • Doser les taux sériques : la concentration thérapeutique acceptée est de 55-110 µmol/L.

Bronchodilatateurs et adjuvants Bêta-agonistes Adrénaline (AdrenalinMD)

• Solution 1 % pour nébuliseur : 2,5-5 mg (0,25-0,5 ml) q.i.d.

Albutérol (ou salbutamol) (VentolinMD)

• Solution pour nébuliseur : 2,5-5 mg q.4-8 h • Aérosol-doseur de 100 mcg/inhalation : 2 inhalations t.i.d.-q.i.d.

Terbutaline (BricanylMD)

• Aérosol-doseur de 500 mcg/inhalation : 1-2 inhalations q.4 h

Agent anticholinergique Ipratropium (AtroventMD)

• Aérosol-doseur de 20 mcg/inhalation : 2-4 inhalations t.i.d.-q.i.d.

Corticostéroïdes en inhalation Béclométhasone (QvarMD)

• Aérosol-doseur de 50-100 mcg/inhalation : 2 inhalations b.i.d.

Budesonide (PulmicortMD)

• Aérosol-doseur de 100, 200 ou 400 mcg/inhalation : 400-2 400 mcg b.i.d. • Solutions pour nébuliseur de 0,125, 0,25 ou 0,5 mg/ml : 0,125 mg à 2 mg b.i.d.

Ciclésonide (AlvescoMD)

• Aérosol-doseur de 100-200 mcg/inhalation : 100-200 mcg b.i.d.

Fluticasone (FloventMD)

• Aérosol-doseur de 50, 100, 250 ou 500 mcg/inhalation : 250-1 000 mcg b.i.d.

Mucolytique Acétylcystéine (MucomystMD)

Xanthines Aminophylline (AminophyllineMD)

Chapitre 20

Approche thérapeutique du système respiratoire

669

20

TABLEAU 20.10

Troubles respiratoires (suite)

MÉDICAMENT

POSOLOGIE

INDICATIONS

Théophylline

• Bolus I.V. initial : 5 mg/kg • Perfusion I.V. : 0,4-0,8 mg/kg/h • Administration P.O. : 400-600 mg die

SURVEILLANCE INFIRMIÈRE

• Valider la compatibilité lorsqu’administrée comme dérivé, car l’aminophylline est très peu compatible avec d’autres médicaments. • Administrer avec prudence au client atteint d’une maladie cardiaque, rénale ou hépatique. • Surveiller les signes de toxicité : arythmies, céphalées, confusion, convulsions épileptiques, excitation du système nerveux central, hyperglycémie, hypotension, irritabilité, nausées.

Agents bloquants neuromusculaires Atracurium (Bésylate d’atracuriumMD)

• Bolus I.V. initial : 0,30-0,50 mg/kg • Perfusion I.V. : 4-12 mcg/kg/min

Cisatracurium (NimbexMD)

• Bolus I.V. initial : 0,15-0,2 mg/kg • Perfusion I.V. : 0,5-10,2 mcg/kg/min

Pancuronium (Bromure de pancuroniumMD)

• Bolus I.V. initial : 0,06-0,1 mg/kg • Perfusion I.V. : 0,02-0,04 mg/kg/h

Rocuronium (ZemuronMD)

• Bolus I.V. initial : 0,6 mg/kg • Perfusion IV : 0,3-0,6 mg/kg/h

Succinylcholine (QuelicinMD)

• Bolus I.V. initial : 0,6 mg/kg • Perfusion I.V. : 2,5-4,3 mg/min

• Paralysie du client pendant l’intubation à séquence rapide • Demande en O2 et évitement de la désynchronisation du respirateur en cas de perfusion I.V. continue

• Surveiller les réactions indésirables possibles de type anaphylactique ou anaphylactoïde, y compris les décès associés à l’emploi d’un agent bloquant neuromusculaire. • Administrer des agents sédatifs et analgésiques avant et pendant l’utilisation d’un agent bloquant neuromusculaire, car ils n’ont aucune propriété sédative ou analgésique. • Évaluer le degré de paralysie q.4 h au moyen d’un stimulateur des nerfs périphériques. • Protéger le client contre l’environnement, car il est incapable de réagir. • Surveiller le blocage musculaire prolongé, possible après l’interruption de l’administration de l’agent bloquant neuromusculaire.

Sources : Adapté de Association des pharmaciens du Canada (APhC) (2013) ; Canadian Pharmacists Association (CPhA) (2007) ; Hôpital d’Ottawa (2006) ; Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec (IUCPQ) (2012) ; Lacy, Armstrong, Goldman et al. (2009) ; Lehne (2013) ; MD Consult (2012)

20.7.1

Bronchodilatateurs et adjuvants

L’administration de médicaments qui facilitent l’élimination des sécrétions et dilatent les voies aériennes améliore nettement le traitement des troubles respiratoires. Les bêta-agonistes et les agents anticholinergiques contribuent à détendre les muscles lisses et sont particulièrement bénéques pour les clients qui éprouvent des difcultés respiratoires. Des corticostéroïdes sont souvent administrés en association avec des bêta-agonistes an d’en potentialiser les effets et de diminuer l’inammation des voies aériennes. Des agents mucolytiques sont administrés an de favoriser la liquéfaction des sécrétions et d’en faciliter ainsi l’aspiration (Grimes, Manning, Patel et al., 2007 ; Hanania & Sharafkhaneh, 2007). Les xanthines sont également des relaxants des muscles lisses contribuant à la bronchodilatation, mais ne sont habituellement pas utilisées en première intention compte tenu des dosages

670

Partie 3

Système respiratoire

fréquents requis et des risques de toxicité liés à la fenêtre thérapeutique étroite (Lehne, 2013).

20.7.2

Bloquants neuromusculaires

Indications Chez de nombreux clients, la sédation est nécessaire pour les aider à maintenir une ventilation mécanique adéquate. Elle sert à apaiser le client et à diminuer les efforts respiratoires, notamment si celui-ci lutte contre le respirateur alors qu’un contrôle externe de la respiration est requis par son état de santé. Cependant, chez certains clients, la sédation ne réduit pas sufsamment les efforts de respiration spontanée pour procurer une ventilation adéquate, si bien qu’il peut en résulter une désynchronisation client-respirateur. Le recours à une paralysie neuromusculaire s’avère parfois nécessaire pour optimiser la ventilation, ainsi que pour abaisser la consommation d’oxygène d’un client en situation critique de santé (Bennett & Hurford, 2011).

Soins et traitements inrmiers Les soins et les traitements inrmiers prodigués au client recevant un agent bloquant neuromusculaire doivent inclure des interventions spéciques.

Prévenir les complications Puisque les bloquants neuromusculaires font uniquement cesser les mouvements des muscles squelettiques et ne suppriment pas la douleur ni l’état de conscience, ils doivent être administrés en association avec un sédatif ou un agent anxiolytique. Un analgésique est administré si le client est atteint d’un trouble douloureux ou s’il subit une chirurgie douloureuse. Il est crucial d’offrir au client une réorientation et des explications sur toutes les interventions prévues, car il entend encore ce qui se dit autour de lui, même s’il ne peut bouger ni ne voit rien. Le client risque aussi fortement de subir les complications de l’immobilité, de sorte que des interventions liées à la prévention des altérations de la peau, de l’atélectasie et de la thrombose veineuse profonde se doivent d’être mises en œuvre. La sécurité du client est un autre motif de préoccupation, puisqu’il ne peut réagir à son environnement. Il faut prendre des précautions particulières en tout temps pour protéger le client des variations de température et des blessures liées à un mauvais positionnement (Loyola & Dreher, 2003).

moins de 75 %, 3 secousses correspondent à un blocage d’environ 75 %, 2 secousses révèlent un blocage d’environ 80 %, 1 secousse traduit un blocage d’environ 90 % et 0 secousse indique un blocage de 100 %. En général, l’agent bloquant neuromusculaire est titré pour maintenir un blocage de 80 % (deux secousses). L’objectif consiste à administrer la plus petite dose possible de l’agent paralysant, an d’éviter une faiblesse prolongée après la n du traitement (Loyola & Dreher, 2003). Le recours au stimulateur des nerfs périphériques pour évaluer le degré de paralysie n’est pas exempt de problèmes. Un mauvais contact cutané, un positionnement inadéquat des électrodes, un œdème à l’extrémité examinée et un mauvais fonctionnement de l’appareil peuvent tous causer une surestimation du degré de blocage. Parfois, le client semble répondre par zéro secousse au train de quatre, mais la présence de mouvements musculaires est observable. Encore plus problématique est la sous-estimation du degré de blocage. Une stimulation directe du muscle ou le fait de confondre les réactions des doigts avec celles du pouce peuvent entraîner une réponse fausse positive aux secousses. Il peut en résulter l’administration non nécessaire de doses supplémentaires de l’agent paralysant. Il est impératif que la réponse du client aux secousses soit corrélée à des observations cliniques de ses mouvements (Loyola & Dreher, 2003).

20

Évaluer le degré de paralysie L’emploi à long terme d’agents bloquants neuromusculaires peut entraîner un blocage neuromusculaire prolongé et une faiblesse des muscles squelettiques. Pour éviter cette complication, l’inrmière évalue le degré de paralysie du client à l’aide d’un stimulateur des nerfs périphériques. Celui-ci envoie une impulsion électrique à un nerf prédéterminé (cubital, facial, tibial postérieur ou péronier) au moyen d’électrodes (en aiguille, en boule ou prégéliées), puis l’inrmière observe la réponse an d’évaluer le degré de paralysie (Loyola & Dreher, 2003). L’impulsion peut être une secousse unique, un compte post-tétanique, une stimulation à double bouffée (SDB), ou DBS (double-burst stimulation), ou une stimulation par train de quatre (TDQ), ou TOF (train-of-four). Dans la plupart des cas, c’est le nerf cubital qui est choisi, et les électrodes prégéliées sont placées à une distance de 5 à 7 cm du début du poignet FIGURE 20.15. La stimulation par train de quatre, qui envoie quatre impulsions électriques consécutives, est la plus couramment utilisée. Lorsque le nerf cubital reçoit une impulsion du train de quatre, la réponse prévue est de quatre secousses (adduction) du pouce vers l’intérieur de la paume de la main. Le nombre de secousses est corrélé au degré de paralysie : 4 secousses indiquent un blocage de

FIGURE 20.15

Stimulateur des nerfs périphériques. À noter, le positionnement des électrodes sur le nerf cubital. PNS : stimulateur des nerfs périphériques ; SDB : stimulation à double bouffée ou DBS (double-burst stimulation ) ; TDQ : train de quatre ou TOF (train-of-four ).

Chapitre 20

Approche thérapeutique du système respiratoire

671

ÉTUDE DE CAS Client atteint de défaillance respiratoire aiguë

SOLUTIONNAIRE

http://mabibliotheque. cheneliere.ca

Mise en contexte Maurice Bellavance, un homme âgé de 63 ans, est cliniquement obèse. Il est atteint depuis longtemps d’une MPOC, associée à sa consommation de 2 paquets de cigarettes par jour depuis 40 ans. Au cours de la dernière semaine, monsieur Bellavance a été aux prises avec un syndrome pseudo-grippal se caractérisant par de la èvre, des frissons, des malaises, de l’anorexie, de la diarrhée, des nausées, des vomissements et une toux productive accompagnée d’expectorations purulentes, brunâtres et visqueuses.

Manifestations cliniques Monsieur Bellavance est admis à l’unité des soins intermédiaires de l’urgence pour traiter une défaillance respiratoire aiguë. Il est assis sur son lit, incliné vers l’avant, les coudes appuyés sur la table de chevet. Le client respire par la bouche en prenant des respirations supercielles rapides et en se servant des muscles accessoires de la respiration. À l’inspiration, ses narines s’élargissent, et ses muscles accessoires se rétractent. À l’expiration, monsieur Bellavance garde la bouche à demi-fermée, et ses muscles intercostaux se gonent. Il semble anxieux, irritable et ne peut prononcer qu’un ou deux mots à peine audibles entre ses respirations. L’auscultation des plages postérieures révèle des crépitants bilatéraux aux bases pulmonaires.

Collecte des données objectives La radiographie des poumons effectuée après son admission indique la présence d’inltrats dans les lobes inférieurs droit et gauche. La coloration de Gram des expectorations de monsieur Bellavance montre de nombreux diplocoques Gram positifs. Ses signes vitaux à l’évaluation initiale afchent les valeurs suivantes : P.A. à 110/60 mm Hg, F.C. à 108 batt./min (tachycardie sinusale), F.R. à 30 R/min et T° à 38,5 °C. Les GSA prélevés à l’arrivée, avec un masque facial Venturi 28 %, sont les suivants : PaO2 à 58 mm Hg, pH à 7,31, PaCO2 à 52 mm Hg, taux de HCO-3 à 28 mmol/L et SaO2 à 88 %.

Diagnostic médical Monsieur Bellavance reçoit un diagnostic de pneumonie à pneumocoque acquise en communauté.

Questions 1. Quels sont les principaux résultats escomptés pour ce client ? 2. Quels problèmes prioritaires ou risques doivent être contrôlés et inscrits au plan thérapeutique inrmier (PTI) pour obtenir ces résultats ? 3. Quelles interventions doivent être mises en œuvre et inscrites au PTI pour surveiller, prévenir, gérer ou éliminer les problèmes et les risques désignés ? 4. Quelles interventions devraient être mises en œuvre pour optimiser le fonctionnement, la sécurité et le bien-être du client ? 5. Quels besoins d’enseignement prévoyez-vous pour ce client ? 6. Quels facteurs liés à la culture et à l’âge du client peuvent inuer sur le plan de soins et de traitements ?

À RETENIR • L’oxygène est un médicament dont la principale indication est le traitement de l’hypoxémie. • L’oxygène peut être administré par différents moyens, comme un système à bas débit, un système réservoir et un système à haut débit.

672

Partie 3

Système respiratoire

• Les complications liées à l’oxygénothérapie comprennent l’oxygénotoxicité, la rétention de dioxyde de carbone et l’atélectasie de dénitrogénation. • Une canule pharyngée (oropharyngée ou nasopharyngée) sert à maintenir la perméabilité des voies aériennes en

empêchant la langue d’obstruer les voies aériennes supérieures. • Un tube endotrachéal (oropharyngé ou nasopharyngé) sert à maintenir la perméabilité des voies aériennes, à les protéger contre l’aspiration, à faciliter l’accès pour une ventilation effractive à pression

positive et à favoriser l’aspiration des sécrétions.

chronisation client-respirateur et la pneumonie acquise sous ventilation (PAV).

• Les complications liées à l’emploi d’un tube endotrachéal incluent l’obstruction ou le déplacement du tube, la sinusite et les lésions nasales, la stule trachéoœsophagienne, des lésions des muqueuses, la sténose laryngée ou trachéale et un abcès sur le cricoïde.

• Les moyens de prévenir la PAV comprennent l’élévation de la tête du lit, les interruptions quotidiennes de la sédation et l’évaluation du moment propice à l’extubation, le début précoce d’un soutien alimentaire entéral, l’aspiration des sécrétions pharyngées et les soins buccaux réguliers avec la chlorhexidine.

• Une trachéotomie est la meilleure option lorsqu’une ventilation mécanique est requise à long terme. • Les complications liées à l’emploi d’une canule trachéale incluent l’hémorragie, l’infection du site, l’emphysème souscutané, l’obstruction ou le déplacement du tube, la sténose trachéale, la stule trachéo-œsophagienne, la stule du tronc artériel brachiocéphalique et la stule trachéocutanée. • La pression du ballonnet doit être vériée durant chaque quart de travail à l’aide d’un manomètre et être maintenue entre 20 et 25 mm Hg (27 et 33 cm H2O). • L’humidication de l’air est requise avec l’utilisation de tous les tubes endotrachéaux et les canules trachéales. • Les complications associées à l’aspiration peuvent être évitées si l’hyperoxygénation est entreprise avant le début de l’intervention, si chaque aspiration ne dure pas plus de 10 à 15 secondes et si l’installation d’une solution saline n’est pas systématique. • Les soins buccaux consistent à brosser les dents du client avec une brosse à dents douce pour réduire la plaque, à frotter la langue et les gencives du client avec un tampon de mousse pour stimuler les tissus et à effectuer une aspiration oropharyngée profonde pour enlever toutes les sécrétions accumulées au-dessus du ballonnet. • Lorsque l’intubation endotrachéale et l’assistance ventilatoire ne sont plus nécessaires, le tube doit être enlevé. • Les motifs du recours à la ventilation mécanique comprennent le soutien aux échanges gazeux cardiopulmonaires (ventilation alvéolaire et oxygénation artérielle), l’augmentation du volume pulmonaire (expansion pulmonaire en n d’expiration et capacité résiduelle fonctionnelle) et la diminution de l’effort de respiration. • Les complications associées à la ventilation mécanique comprennent les lésions pulmonaires causées par le respirateur, l’altération de la fonction cardiovasculaire, les troubles gastro-intestinaux, la désyn-

• Le sevrage désigne l’arrêt graduel du recours au respirateur et le rétablissement de la respiration spontanée ; il doit être amorcé seulement après la résolution du problème à l’origine de l’utilisation de la ventilation mécanique et lorsque l’état du client a été stabilisé. • La ventilation non effractive (VNE) fait appel à un masque, plutôt qu’à un tube endotrachéal, pour administrer une ventilation à pression positive et est indiquée dans les cas d’insufsance respiratoire aiguë de type I ou de type II et d’œdème pulmonaire cardiogénique, ainsi que dans d’autres situations où l’intubation est impossible. • La fréquence respiratoire (F.R.), l’utilisation des muscles accessoires et l’état d’oxygénation sont constamment évalués pour s’assurer que le client tolère bien la VNE. • Fondée sur la notion selon laquelle un plus grand débit sanguin circule dans les parties des poumons dépendantes de la gravité, la thérapie de position place la partie la moins endommagée des poumons en position inclinée vers le bas dans le but de favoriser un meilleur équilibre ventilation-perfusion (V/Q). • La position ventrale consiste à retourner complètement le client sur son abdomen ; elle contribue à l’amélioration de l’oxygénation dans les cas de syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA). • La thérapie cinétique (le retournement continu du client d’un côté à l’autre selon une rotation de 40° ou plus) et la thérapie de rotation latérale continue (le retournement continu du client selon une rotation inférieure à 40°) constituent deux types de thérapie de rotation. • La thérapie de rotation vise à améliorer l’oxygénation grâce à un meilleur équilibre V/Q et à prévenir les complications pulmonaires associées à l’alitement et à la ventilation mécanique. • L’expression chirurgie thoracique renvoie à diverses interventions chirurgicales Chapitre 20

qui comportent l’ouverture de la cage thoracique (thoracotomie), des organes de la respiration, ou des deux ; les motifs du recours à la chirurgie thoracique vont de l’exérèse des tumeurs et des abcès à la réparation de l’œsophage et des vaisseaux thoraciques. • Avant la chirurgie, il faut procéder à une évaluation complète du client afin de déterminer si la chirurgie constitue le traitement approprié et si des tissus pulmonaires peuvent être enlevés sans compromettre la fonction respiratoire. • L’intervention la plus courante est la thoracotomie postérolatérale, qui donne accès aux poumons et au médiastin. • Les complications liées à une résection du poumon comprennent l’insufsance respiratoire aiguë, la stule bronchopleurale, l’hémorragie, les troubles cardiovasculaires et la déviation médiastinale. • Les interventions inrmières postchirurgicales comprennent l’optimisation de l’oxygénation et de la ventilation, la prévention de l’atélectasie, la surveillance des drains thoraciques, le soutien au client pour qu’il retrouve un niveau d’activité normal, l’apport d’un réconfort et d’un soutien émotif et la détection des complications possibles. • Les bronchodilatateurs, tels que les bêtaagonistes et les agents anticholinergiques, favorisent la détente des muscles lisses et sont particulièrement bénéques pour les clients ayant une difculté respiratoire. • Des corticostéroïdes sont souvent utilisés en association avec des bêta-agonistes pour potentialiser leurs effets et diminuer l’inammation des voies aériennes. • Les agents mucolytiques sont administrés pour liquéer les sécrétions, ce qui facilite leur élimination. • La sédation est nécessaire pour de nombreux clients an de les aider à maintenir une ventilation adéquate ; elle peut servir à apaiser le client et à diminuer les efforts respiratoires, notamment lorsque le client lutte contre le respirateur. • Le blocage neuromusculaire s’avère parfois nécessaire pour optimiser la ventilation et réduire la consommation d’oxygène chez le client en situation critique de santé. • Pour éviter un blocage neuromusculaire prolongé, l’inrmière évalue régulièrement le degré de paralysie du client au moyen d’un stimulateur des nerfs périphériques.

Approche thérapeutique du système respiratoire

673

PARTIE

4 Système nerveux CHAPITRE 21

Anatomie et physiologie du système nerveux . . . . . . . . . . . . . . 676 CHAPITRE 22

Évaluation clinique du système nerveux et examens paracliniques . . . . . . . . . . . 710 CHAPITRE 23

Troubles neurologiques et approche thérapeutique . . . . . . . . 740

chapitre

21

Anatomie et physiologie du système nerveux

Écrit par : Kathleen M. Stacy, PhD, RN, CNS, CCRN, PCCN, CCNS Adapté par : Géraldine Martorella, inf., Ph. D.

L

e système nerveux constitue le « centre de commandement » du corps humain. Il dirige tous les autres systèmes et procure aux humains la capacité unique de rééchir, de res­ sentir, de comprendre de l’information complexe et d’intégrer de nombreux stimulus. En tant que récepteur de toute information sensorielle à analyser, le système nerveux génère les réactions intellectuelles et motrices visant à maintenir l’intégrité des structures vitales. L’inr­ mière en soins critiques acquiert une bonne connaissance de l’anatomie et de la physiologie de ce système complexe, parce qu’il sert de base au fonctionnement des autres systèmes. Ce chapitre traite des divisions et des fonctions anatomiques du système nerveux central (SNC), y compris la microstructure cellulaire, l’organisation de la transmission de l’information et les mécanismes destinés au maintien de l’intégrité structurelle et physiologique. Les nerfs crâniens, qui font partie du système nerveux périphérique (SNP), y sont aussi présentés.

21.1

Divisions du système nerveux

Le système nerveux est le système le plus organisé du corps, et toutes ses parties fonctionnent comme une unité inséparable. Il est habituellement présenté selon les divisions anatomiques ou physiologiques de ses structures.

21.1.1

Divisions anatomiques

Le SNC est formé de l’encéphale et de la moelle épinière. Le SNP comprend 12 paires de nerfs crâniens, 31 paires de nerfs rachidiens et tous les autres nerfs ayant diverses fonctions dans le corps (FitzGerald, Gruener & Mtui, 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013).

21.1.2

Divisions physiologiques

Le système nerveux somatique, ou volontaire, est composé de bres qui lient le SNC aux muscles du squelette et à la peau. Le système nerveux autonome (SNA), ou involontaire, est composé de bres qui lient le SNC aux muscles lisses, au myocarde (ou muscle cardiaque), aux organes internes et aux glandes. Il comprend le système sympathique et le système parasympathique (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013). La plupart des activités du système nerveux émanent des récepteurs sensoriels comme les récepteurs visuels, auditifs ou tactiles. Cette information sensorielle est transmise au SNC par les bres afférentes (bres sensitives). Les bres efférentes (bres motrices) transmettent la réaction du SNC à la périphérie pour produire une réaction motrice comme la contraction des muscles du squelette et des muscles lisses ou la sécrétion des glandes endocrines. L’étude de la microstructure du système nerveux, à l’échelle cellulaire, aide à mieux comprendre la macrostructure du système nerveux (FitzGerald et al., 2007 ; Hall, 2011 ; Koeppen & Stanton, 2010 ; Patton & Thibodeau, 2013).

21.2

Microstructure du système nerveux

Le système nerveux est formé de deux types de cellules : les cellules gliales et les neurones. Les cellules gliales représentent une ressource structurale essentielle au système nerveux. Elles soutiennent, nourrissent et protègent les neurones et participent à la réparation neuronale (FitzGerald et al., 2007 ; Hall, 2011 ; Koeppen & Stanton, 2010 ; Patton & Thibodeau, 2013). Les neurones sont les cellules responsables de la plupart des fonctions particulières du système nerveux, comme la réception de l’information, l’intégration et la transmission de l’inux nerveux aux cellules réceptrices.

21.2.1

Cellules gliales

Le système nerveux contient de 6 à 10 fois plus de cellules gliales que de neurones. Il existe six types de cellules gliales. Quatre types se trouvent dans le SNC : 1) les astrocytes ; 2) les oligodendrocytes ; 3) les épendymocytes ; 4) les microgliocytes. Les deux autres types se trouvent dans le SNP : 5) les cellules de Schwann ; 6) les cellules satellites. Ces cellules fournissent soutien, nourriture et protection au neurone (FitzGerald et al., 2007 ; Hall, 2011 ; Koeppen & Stanton, 2010 ; Patton & Thibodeau, 2013) TABLEAU 21.1 . Elles conservent la capacité de se diviser. Cependant, cette mitose peut s’effectuer de façon anormale et, par conséquent, constituer la principale source de tumeurs du SNC (Hall, 2011 ; Koeppen & Stanton, 2010).

21.2.2

Neurones

Les neurones constituent l’unité fonctionnelle de base du SNC et sont responsables de l’intégration des données et de la transmission des influx, qui s’avèrent des tâches très spécialisées. Le SNC est formé de plus de 10 milliards de neurones (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013). L’apparence cellulaire des neurones varie, mais chaque cellule contient trois éléments de base : 1) le corps cellulaire ; 2) les dendrites ; 3) un axone FIGURE 21.1. La classication des neurones se base sur des caractéristiques structurales. Il existe trois types de structures : 1) unipolaire lorsque le corps cellulaire se prolonge pour se diviser en une branche centrale (un axone) et une branche périphérique (une dendrite) ; 2) bipolaire lorsque le corps cellulaire a deux prolongements (un axone et une dendrite) ; 3) multipolaire lorsque le corps cellulaire se prolonge en un axone et plusieurs dendrites. Le corps cellulaire (soma) gouverne l’activité métabolique du neurone et contient les organites (p. ex., le noyau, la mitochondrie, le réticulum endoplasmique, l’appareil de Golgi et les liposomes), qui sont nécessaires au métabolisme et à l’entretien cellulaires (FitzGerald et al., 2007 ; Koeppen & Stanton, 2010 ; Patton & Thibodeau, 2013). Comparativement aux autres corps cellulaires, la membrane du neurone est unique. Elle contient TABLEAU 21.1

21

Types de cellules gliales du système nerveux central

TYPE DE CELLULE

FONCTION

Astrocyte

Approvisionne en nutriments la structure neuronale et le cadre de soutien des neurones et des capillaires ; fait partie de la barrière hématoencéphalique.

Oligodendrocyte

Forme la gaine de myéline dans le SNC.

Épendymocyte

Tapisse le système ventriculaire ; forme le plexus choroïde, qui produit le liquide cérébrospinal (liquide céphalorachidien) (LCS).

Microgliocyte

Se trouve surtout dans la substance blanche ; phagocyte les déchets des neurones endommagés.

Chapitre 21

Anatomie et physiologie du système nerveux

677

FIGURE 21.1

Neurone (l’élément de base du système nerveux) et synapse chimique.

11 Le système de conduction de l’inux électrique de la physiologie cardiaque est décrit dans le chapitre 11, Anatomie et physiologie du système cardiovasculaire.

678

Partie 4

des protéines, est formée d’une bicouche phospholipide et comporte des pores spécialisés qui agissent comme des canaux ou des pompes permettant aux ions de passer à travers une membrane plasmique autrement imperméable (Hall, 2011). Le corps cellulaire neuronal est l’unité de soutien vitale du neurone. Les demandes métaboliques de cette unité spécialisée nécessitent une perfusion ininterrompue de glucose et d’oxygène pour maintenir le neurone en vie et assurer son fonctionnement optimal. Jusqu’à tout récemment, la régénération neuronale du SNC semblait impossible, mais les recherches ont conrmé que les neurones sont plus plastiques qu’on ne le croyait, même si les taux de plasticité ou de restauration de la fonction neuronale dépendent de facteurs qui demeurent en grande

Système nerveux

partie inconnus (Chopp, Li & Zhang, 2008 ; Fouad & Tse, 2008 ; Nudo, 2011). À l’intérieur de l’encéphale et de la moelle épinière, les corps cellulaires neuronaux forment les régions de la substance grise. Les ganglions sont les corps cellulaires du SNP qui se trouvent près des neurones du SNC et qui travaillent en étroite collaboration avec ceux-ci (FitzGerald et al., 2007 ; Hall, 2011 ; Koeppen & Stanton, 2010 ; Patton & Thibodeau, 2013). Les dendrites, qui forment la partie réceptive du neurone, sont de courts prolongements lamenteux du corps cellulaire. Chaque neurone peut avoir plusieurs dendrites qui reçoivent les inux du corps cellulaire (FitzGerald et al., 2007 ; Nudo, 2011 ; Patton & Thibodeau, 2013). L’axone est la partie du neurone responsable de la transmission des inux du corps cellulaire aux autres neurones, aux cellules musculaires, aux glandes endocrines ou à tout autre organe récepteur. Les neurones ne contiennent qu’un axone, dont la longueur peut être microscopique ou, dans certains cas, atteindre plus de un mètre. Certains axones sont protégés par une gaine de myéline, une substance grasse de coloration blanchâtre composée de phospholipides qui sont formés par les cellules de Schwann dans le SNP et par les oligodendrocytes dans le SNC. La superposition des gaines de myéline forme un neurilemme, qui protège les axones neuronaux et constituent un isolant pour la conduction des inux nerveux (Aggarwal, Yurlova & Simons, 2011 ; FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013). Les bres entourées d’une gaine sont appelées bres myélinisées ; celles dépourvues d’une gaine de myéline se nomment bres amyélinisées. La substance blanche du SNC est exclusivement composée de bres nerveuses myélinisées (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013). Les bres myélinisées utilisent un procédé appelé conduction saltatoire (par sauts) pour appuyer la transmission axonale rapide des inux nerveux (Aggarwal et al., 2011 ; Hall, 2011 ; Koeppen & Stanton, 2010). Du point de vue de la structure, les axones qui participent à cette forme de transmission d’inux sont recouverts d’une gaine de myéline non continue, interrompue par des segments découverts de deux micromètres appelés nœuds de Ranvier. Ces nœuds sont remplis de canaux sodiques, ce qui les rend extrêmement sensibles à la dépolarisation de la membrane. Comme les segments de l’axone recouverts de myéline sont imperméables aux inux de sodium, les inux se transmettent le long de l’axone au nœud de Ranvier suivant. La conduction saltatoire peut faire augmenter par 100 la vitesse de la transmission, laquelle peut atteindre jusqu’à 120 mètres par seconde (Hall, 2011 ; Patton & Thibodeau, 2013). La fonction neuronale s’exerce par des cycles de dépolarisation-polarisation, comme pour la physiologie cardiaque 11 . Toutefois, ce qui rend le système nerveux exceptionnel, c’est sa capacité à suivre le cycle dépolarisation-polarisation jusqu’à concurrence de 1 000 fois par seconde pour assurer la

réception, l’intégration et la transmission optimales de l’information dans tout le corps (Koeppen & Stanton, 2010). Le mouvement des ions dans la membrane neuronale produit des potentiels d’action électrique FIGURE 21.2. Le potentiel de repos de la membrane (PRM) neuronale s’établit à –65 millivolts (mV) et se rapproche du potentiel d’équilibre pour le potassium ; à la dépolarisation, les canaux sodiques s’ouvrent, et le potentiel d’équilibre se déplace en direction positive (Hall, 2011 ; Koeppen & Stanton, 2010 ; Patton & Thibodeau, 2013). Les mécanismes du mouvement ionique comportent deux catégories de canaux : les canaux à fonction passive (ou canaux de fuite) qui sont toujours ouverts et les canaux à fonctionnement commandé ; ceux-ci confèrent aux neurones leur excitabilité électrique et sont davantage examinés dans ce chapitre. Il y a deux types de canaux ioniques à fonctionnement commandé : le canal ionique voltagedépendant (ou tensiodépendant) et le canal ionique ligand-dépendant. De nombreux agents pharmaceutiques et thérapeutiques utilisés actuellement agissent sur ces mécanismes de transport ionique.

FIGURE 21.2

Un récepteur ionotrope sensible aux neurotransmetteurs excitateurs. La liaison du neurotransmetteur (le rouge, dans cet exemple, représente du glutamate) a ouvert le pore d’un canal ionique « mixte » Na+/K+ (cations). Un inux important d’ions sodium a dépolarisé la membrane, comme le montre le potentiel postsynaptique excitateur (PPSE). B Un récepteur ionotrope sensible aux neurotransmetteurs inhibiteurs (en bleu, représentant un récepteur GABA de type A) a ouvert le pore d’un canal de chlorure. La conductance du chlorure (anion) vers l’intérieur s’est accrue, et le potentiel postsynaptique inhibiteur (PPSI) ramène le potentiel de la membrane à son état au repos. K+ : ion potassium ; Na+ : ion sodium ; Cl− : ion chlorure ; SE : synapse excitatrice ; SI : synapse inhibitrice ; GABA : acide gamma-aminobutyrique ; ms : milliseconde. A

Les canaux ioniques voltage-dépendants s’activent au contact des mouvements du potentiel électrique transmembranaire, ce qui favorise l’entrée de sodium et de calcium, ainsi que la sortie de potassium. Ces canaux sont les principaux moteurs des potentiels d’action cellulaire (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013). Les canaux ioniques ligand-dépendants répondent quant à eux à un stimulus chimique. Ils servent principalement à réduire la réaction d’un neurone postsynaptique à la synapse et seront abordés ulté rieurement dans ce chapitre (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013). Les potentiels d’action s’amorcent avec l’entrée du sodium, qui produit une région focale de dépolarisation à un certain niveau s’établissant entre –55 et –35 mV. Après l’atteinte de ce seuil critique, un grand nombre de canaux sodiques s’ouvrent, donnant lieu à une grande et rapide dépolarisation localisée de la membrane plasmique. L’entrée rapide de sodium (phase ascendante) fait augmenter le potentiel de membrane, qui atteint entre 70 et 90 mV. Lorsque le potentiel de membrane change localement, il stimule les régions voisines du neurone à amorcer la dépolarisation sur un mode d’autopropagation jusqu’à ce que la dépolarisation soit terminée. Après moins d’une milliseconde d’ouverture, les canaux sodiques se ferment et deviennent inactifs (FitzGerald et al., 2007 ; Hall, 2011 ; Koeppen & Stanton, 2010 ; Patton & Thibodeau, 2013). La dépolarisation entraîne l’ouverture des canaux sodiques, ce qui permet à cet ion de sortir dans la zone extracellulaire et d’amorcer la repolarisation. La sortie de potassium déclenche le retour de la membrane cellulaire au potentiel d’équilibre du potassium à 75 mV environ, ce qui permet au potassium de rentrer dans la cellule, tout en maintenant une plus grande polarité que le PRM pour que la cellule soit réfractaire à un autre stimulus de dépolarisation. Les pompes cellulaires qui dépendent d’un approvisionnement régulier en adénosine triphosphate sont aussi activées pour retirer le sodium et rétablir le PRM de –65 mV, permettant ainsi au cycle de recommencer depuis le début (FitzGerald et al., 2007 ; Hall, 2011 ; Koeppen & Stanton, 2010 ; Patton & Thibodeau, 2013). Après avoir atteint la terminaison axonale, le potentiel d’action amorce une cascade d’événements qui favorisent la communication interneuronale (ou synapse). Il existe deux types de synapse : électrique et chimique. Dans une synapse électrique, des jonctions communicantes formées de ponts étroits (3,5 nanomètres [nm]) permettent au cytoplasme et aux métabolites intracellulaires de passer essentiellement en continu entre les neurones, facilitant ainsi la transmission de l’impulsion d’un neurone au suivant (FitzGerald et al., 2007 ; Hall, 2011 ; Patton & Thibodeau, 2013). Dans une synapse chimique, qui se produit dans la plupart des événements synaptiques, il n’existe pas de pont Chapitre 21

Anatomie et physiologie du système nerveux

21

679

physique entre les neurones. Une fente synaptique de 20 à 40 nm empêche plutôt la transmission directe du potentiel d’action d’un neurone à un autre. Lorsque la vague de dépolarisation atteint la terminaison présynaptique, elle signale la libération des neurotransmetteurs dans la fente synaptique (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013). Les deux classications des neurotransmetteurs sont les transmetteurs à petite molécule et les neuropeptides. Les transmetteurs à petite molécule comprennent par exemple l’acétylcholine, la dopamine, la noradrénaline, l’adrénaline, la sérotonine, l’histamine, le GABA, la glycine et le glutamate. Les neuropeptides comprennent des substances comme les hormones hypothalamiques et les hormones neurohypophysaires (ou pituitaires). Ce chapitre porte principalement sur les transmetteurs à petite molécule, qui sont emmagasinés dans des vésicules à l’intérieur de la terminaison axonale et libérés dans la synapse au moyen d’un procédé appelé exocytose. L’exocytose est stimulée par l’arrivée du potentiel d’action dans la terminaison axonale et entraîne la libération des neurotransmetteurs dans la fente synaptique, où ces molécules se répandent rapidement pour interagir avec les récepteurs postsynaptiques (FitzGerald et al., 2007 ; Hall, 2011 ; Patton & Thibodeau, 2013). Les canaux ioniques ligand-dépendants sont activés par la liaison des agonistes avec les récepteurs sur le neurone postsynaptique. Les ions qui passent dans les canaux ioniques ligand-dépendants favorisent une réaction d’excitation ou d’inhibition dans les neurones postsynaptiques. Les récepteurs glutamatergiques (N-Méthyl-D-aspartate, l’acide alphaamino-3-hydroxyl-5-methyl-4-isoxazolepropionic et la kaïnite) sont des exemples de récepteurs excitateurs associés aux canaux ioniques liganddépendants et sont surtout sensibles aux ions sodium, potassium et calcium. Les récepteurs de GABA, les récepteurs de glycine et les récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine sont des exemples de récepteurs inhibiteurs associés aux canaux ioniques ligand-dépendants. La plupart des récepteurs de GABA se trouvent dans l’encéphale, où le GABA agit comme principal neurotransmetteur inhibiteur, tandis que la glycine sert de principal neurotransmetteur inhibiteur postsynaptique dans la moelle épinière. Les canaux de GABA et de glycine sont sensibles aux ions de chlorure, lesquels inhibent l’excitabilité neuronale en favorisant la repolarisation du potentiel d’équilibre du chlorure (–60 mV) et en court-circuitant les potentiels excitateurs (effet de shunt) entrants en étant sensibles aux anions et en fermant la membrane au passage des cations excitateurs. En d’autres termes, à la libération de neurotransmetteurs inhibiteurs, la charge d’un neurone devient plus négative, et la résistance à la dépolarisation augmente (Patton & Thibodeau, 2013). Les récepteurs métabotropiques contribuent à la transmission de l’impulsion en favorisant l’effet soutenu de l’excitation ou de l’inhibition postsynaptique.

680

Partie 4

Système nerveux

Les récepteurs de catécholamine, les récepteurs de neuropeptides et les récepteurs muscariniques en sont des exemples (Hall, 2011 ; Patton & Thibodeau, 2013). La réaction synaptique se termine le plus souvent par un recaptage, par lequel les protéines de transport, qui sont intégrées dans les membranes des neurones et des cellules gliales, font reculer les molécules neurotransmettrices de la fente synaptique au compartiment intracellulaire pour permettre la réorganisation de la vésicule. Les neurotransmetteurs peuvent aussi subir une dégradation enzymatique visant le stockage de composantes servant à la fabrication d’autres neurotransmetteurs. Les neurotransmetteurs restants se diffusent librement hors de la fente synaptique (FitzGerald et al., 2007 ; Hall, 2011 ; Patton & Thibodeau, 2013). La réaction à la synapse dans le neurone postsynaptique est un potentiel excitateur ou inhibiteur. Les potentiels de membrane ne sont pas sufsamment solides par eux-mêmes pour produire un potentiel d’action complet dans le neurone postsynaptique ; ils sont plutôt affaiblis ou intégrés par le corps cellulaire neuronal dans le processus de transmission de l’information (Aggarwal et al., 2011). Au moment du bombardement du neurone postsynaptique par les potentiels excitateurs, ceux-ci peuvent s’accumuler (sommation) pour parvenir à stimuler un potentiel d’action (FitzGerald et al., 2007 ; Hall, 2011 ; Koeppen & Stanton, 2010 ; Patton & Thibodeau, 2013). La FIGURE 21.3 présente des exemples de mécanismes induits par la maladie ou chimiquement qui modient la transmission neuronale.

21.3

Système nerveux central

Le système nerveux central (SNC) est composé de l’encéphale et de la moelle épinière. Jouant le rôle d’unité de contrôle pour tous les systèmes et appareils de l’organisme, le très délicat SNC nécessite beaucoup de protection pour maintenir son fonctionnement normal. Cette section traite de l’anatomie et de la physiologie de l’encéphale et de la moelle épinière, dont la connaissance aide l’inrmière en soins critiques à comprendre les changements physiopathologiques qui ont un effet sur les résultats de l’examen clinique.

21.3.1

Mécanismes de protection du crâne

Structures osseuses Les structures osseuses entourant le SNC sont les protections les plus externes sous la peau FIGURE 21.4. Le crâne entoure l’encéphale et est composé de huit os plats irréguliers ; ils se soudent entre eux par des sutures au cours de la petite enfance (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013). Le crâne protège l’encéphale de toute force directe ainsi que de tout trauma superciel, bien qu’une

FIGURE 21.3 Mécanismes physiopathologiques modiant la transmission neuronale.

force excessive puisse fracturer le crâne, détruire ce mécanisme de protection et faire entrer des fragments osseux dans le tissu cérébral fragile (Mohindra, Singh & Savardekar, 2012). La face comporte 14 os. Vues de l’intérieur, les surfaces supérieures du crâne forment un mur intérieur lisse, tandis que la base du crâne contient des crêtes et des plis à arêtes vives (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013). Un trauma à la tête occasionne souvent une fracture de la base du crâne, car la force gravitationnelle fait descendre l’énergie vers la base de celui-ci. Le crâne est une structure osseuse solide xe présentant une grande ouverture à la base appelée trou occipital ou foramen magnum par laquelle le tronc cérébral sort et se rattache à la moelle épinière. Plusieurs autres petites ouvertures à la base du crâne permettent l’entrée et la sortie des vaisseaux sanguins et des bres nerveuses (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013).

Méninges Les méninges, situées directement sous les os du crâne, constituent un autre mécanisme de protection pour le SNC. Les méninges sont composées de trois couches : 1) la dure-mère ; 2) l’arachnoïde ; 3) la piemère (FitzGerald et al., 2007 ; Patel & Kirmi, 2009 ; Patton & Thibodeau, 2013) FIGURE 21.5.

21

Dure-mère La couche la plus extérieure des méninges, directement accolée à la face interne du crâne, est appelée dure-mère. Elle est formée d’une double couche de tissu breux soutenant le SNC, les nerfs et les structures vasculaires (Koeppen & Stanton, 2010 ; Patton & Thibodeau, 2013). Entre les deux feuillets de la dure-mère se trouvent les sinus veineux qui acheminent le sang des veines intracrâniennes et méningées vers les veines jugulaires internes (Patel & Kirmi, 2009). Quatre prolongements de la dure-mère soutiennent et séparent des zones précises de l’encéphale : 1) la faux du cerveau ; 2) la tente du cervelet ; 3) la faux du cervelet ; 4) le diaphragme de la selle ou tente de l’hypophyse. La faux du cerveau divise horizontalement les hémisphères droit et gauche de l’encéphale au moyen de ssures longitudinales qui vont du lobe frontal au lobe occipital. La tente du cervelet, comme son nom l’indique, forme une tente entre les lobes occipitaux et le cervelet, et elle sépare les hémisphères cérébraux du tronc cérébral et du cervelet. Les structures à l’intérieur de l’encéphale qui sont situées au-dessus de la tente du cervelet sont dites sus-tentorielles, tandis que celles qui se trouvent sous la tente du cervelet sont dites soustentorielles, et elles forment la région de l’encéphale Chapitre 21

Anatomie et physiologie du système nerveux

681

FIGURE 21.4 Os du crâne et de la face. A Vue antérieure du crâne. B Vue du crâne du côté droit. C Plancher de la cavité crânienne vu de haut.

682

Partie 4

Système nerveux

appelée fosse postérieure. La faux du cervelet divise les deux lobes latéraux du cervelet, et le diaphragme de la selle forme un toit au-dessus de la selle turcique, qui abrite l’hypophyse (ou glande pituitaire) (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013). L’artère méningée moyenne est le principal vaisseau de distribution du sang dans la dure-mère. Cette artère se trouve sur la surface de la dure-mère dans l’espace épidural et dans les sillons formés à l’intérieur de l’os pariétal. L’atteinte traumatique de l’os pariétal peut causer un déchirement de l’artère méningée moyenne et l’apparition d’un hématome épidural (Dainer & Smirniotopoulos, 2008). Il peut y avoir un espace entre la dure-mère et l’arachnoïde. Cette zone contient un grand nombre de petites veines qui peuvent se briser et se déchirer en cas de blessure traumatique à la tête et entraîner la formation d’un hématome sous-dural (Dainer & Smirniotopoulos, 2008).

Arachnoïde L’arachnoïde est une membrane fragile et délicate qui entoure lâchement l’encéphale. De nes bres de tissu conjonctif appelées trabécules arachnoïdiennes relient l’arachnoïde à la pie-mère, créant une structure spongieuse et lamenteuse nommée espace sous-arachnoïdien (Patel & Kirmi, 2009). Le LCS circule librement dans cet espace. Les grandes artères de l’encéphale y trouvent aussi leur origine, avant de se séparer en branches circulatoires antérieure et postérieure (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013 ; Sakka, Coll & Chazal, 2011). S’il y a rupture d’une artère dans l’espace sous-arachnoïdien, le sang se mélange avec le LCS, et cela produit une hémorragie sous-arachnoïdienne (Dainer & Smirniotopoulos, 2008). À la base de l’encéphale, des régions élargies de l’espace sous-arachnoïdien forment des citernes, qui sont des espaces remplis de LCS. La plus grande de ces citernes, la citerne cérébellomédullaire, se trouve entre le bulbe rachidien et le cervelet, et elle communique avec le quatrième ventricule (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013). Des excroissances de la membrane arachnoïdienne, appelées villosités ou granulations arachnoïdiennes, avancent en saillie dans le sinus longitudinal supérieur et le sinus veineux latéral. L’absorption du LCS par les villosités arachnoïdiennes permet au liquide d’être évacué par la circulation veineuse cérébrale (FitzGerald et al., 2007 ; Hall, 2011 ; Patton & Thibodeau, 2013). Les villosités arachnoïdiennes sont à risque d’être obstruées par le sang d’une hémorragie méningée, ce qui donnerait lieu à une hydrocéphalie non communicante (Rekate, 2011).

FIGURE 21.5 Méninges (coupe frontale à partir du sinus longitudinal supérieur).

les ventricules latéraux et les troisième et quatrième ventricules forment une partie du plexus choroïde qui est responsable de la production du LCS (Koeppen & Stanton, 2010 ; Patton & Thibodeau, 2013).

Système ventriculaire Le système ventriculaire, où est produit et stocké le LCS qui alimente l’espace sous-archnoïdien, est composé de quatre cavités interreliées, tapissées d’épendymocytes, un type de cellule névroglique FIGURE 21.6. Ce système comprend tout d’abord deux

21

Pie-mère La pie-mère adhère directement au tissu cérébral. Riche en petits vaisseaux sanguins qui fournissent une grande quantité de sang artériel au SNC, cette membrane suit de près tous les plis et toutes les circonvolutions (gyrus) de la surface de l’encéphale. Les excroissances ou plis de la pie-mère dans

FIGURE 21.6 Système ventriculaire. A Système ventriculaire isolé. B Système ventriculaire in situ.

Chapitre 21

Anatomie et physiologie du système nerveux

683

grands ventricules latéraux situés chacun dans un hémisphère du cortex cérébral. S’étendant des lobes frontaux au lobe occipital, les ventricules latéraux ont un corps, un atrium et des cornes frontale, temporale et occipitale (FitzGerald et al., 2007 ; Koeppen & Stanton, 2010 ; Patton & Thibodeau, 2013 ; Sakka et al., 2011). Lorsqu’il est nécessaire de procéder à la canulation du système ventriculaire pour surveiller la pression intracrânienne ou pour installer une dérivation interne (shunt) ou externe an de drainer le LCS, on choisit généralement de le faire par la corne frontale du ventricule latéral de l’hémisphère non dominant (mineur) de l’encéphale, généralement à droite. L’hémisphère dominant est en principe celui où prédominent les fonctions du langage, qui sont situées à gauche chez la majorité des gens (American Association of Neuroscience Nurses, 2011 ; Bergsneider, Miller, Vespa et al., 2008). Le trou de Monro (ou foramen interventriculaire) relie les deux ventricules latéraux à une cavité centrale, le troisième ventricule. Situées directement au-dessus du mésencéphale, les parois du troisième ventricule sont en partie formées du thalamus. L’aqueduc de Sylvius (ou aqueduc cérébral) est le canal qui relie le troisième ventricule au quatrième, lequel se trouve entre le tronc cérébral et le cervelet. À la base du quatrième ventricule, deux ouvertures – le trou de Luschka (ou ouverture latérale du quatrième ventricule) et le trou de Magendie (ou ouverture médiane du quatrième ventricule) – communiquent avec l’espace sous-arachnoïdien (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013). Le blocage du ux du LCS dans le système ventriculaire obstrue la circulation normale de ce liquide et cause la dilatation des ventricules, provoquant une hydrocéphalie non communicante (Rekate, 2011).

Liquide cérébrospinal Le liquide cérébrospinal (LCS) remplit le système ventriculaire et entoure l’encéphale et la moelle épinière dans l’espace sous-arachnoïdien. Il assure une protection supplémentaire au SNC en agissant TABLEAU 21.2

Valeurs normales du liquide cérébrospinal

PROPRIÉTÉ

VALEURS

pH

7,35-7,45

Poids précis

1,007 g/ml

Apparence

Clair et inodore

Cellules

0 globule blanc/mm3 ; 0 globule rouge/mm3 ; 0-10 lymphocytes/mm3

Glucose

50-75 mg/dl (deux tiers de la valeur glycémique)

Protéine

5-25 mg/dl

Volume

135-150 ml

Pression

70-200 mm H2O (ponction lombaire) ; 3-15 mm Hg (ventriculaire)

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Partie 4

Système nerveux

comme un amortisseur de choc s’il y a un impact traumatique à la tête. Ce liquide est normalement clair, incolore et inodore. Il est sécrété par les plexus choroïdes du système ventriculaire et, en petites quantités, par les capillaires de la pie-mère. Considéré comme un ltrat du sang, le LCS possède des propriétés uniques (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013 ; Sakka et al., 2011) TABLEAU 21.2. La production du LCS se fait au rythme approximatif de 20 ml à l’heure ou 500 ml par jour. Avec un volume constant en circulation de 135 à 150 ml, le LCS doit se résorber régulièrement pour prévenir la formation d’une hydrocéphalie. L’augmentation de pression hydrostatique entraîne sa résorption par les villosités arachnoïdiennes, ce qui maintient le volume de LCS dans les limites normales. Le LCS amorce sa circulation dans les ventricules latéraux, passe dans le troisième ventricule par le trou de Monro puis dans l’aqueduc de Sylvius pour atteindre le quatrième ventricule, et il sort du trou de Magendie (ou ouverture médiane du quatrième ventricule) et du trou de Luschka (ou ouverture latérale du quatrième ventricule) pour atteindre l’espace sous-arachnoïdien entourant l’encéphale et la moelle épinière (FitzGerald et al., 2007 ; Koeppen & Stanton, 2010 ; Patton & Thibodeau, 2013 ; Sakka et al., 2011) FIGURE 21.7.

Barrière hématoencéphalique La barrière hématoencéphalique est un mécanisme physiologique qui aide à maintenir l’équilibre métabolique délicat du SNC. Cette barrière régularise le transport des nutriments, des ions, de l’eau et des produits de déchet par sa perméabilité sélective (FitzGerald et al., 2007 ; Mahringer, Ott, Reimold et al., 2011 ; Patton & Thibodeau, 2013). Cette barrière a pour tâche de stabiliser l’environnement physique et chimique entourant les neurones du SNC. Beaucoup de substances, tels les métabolites et les composés toxiques, ne peuvent pas traverser la barrière hématoencéphalique. D’autres substances, comme les antibiotiques, la traversent lentement et se retrouvent donc dans l’encéphale en moins grandes concentrations qu’ailleurs dans le corps (Mahringer et al., 2011). La barrière hématoencéphalique fonctionne selon le concept de jonctions serrées entre les cellules adjacentes, et elle est formée de trois barrières distinctes (Koeppen & Stanton, 2010 ; Patton & Thibodeau, 2013). L’endothélium vasculaire est formé de jonctions serrées entre les cellules endothéliales des vaisseaux sanguins cérébraux. La barrière sang-LCS est composée de jonctions serrées entre les cellules épithéliales du plexus choroïde. La barrière arachnoïdienne consiste en des jonctions serrées entre les cellules qui forment la couche la plus externe de l’arachnoïde. Grâce à sa perméabilité sélective, la barrière hématoencéphalique ne laisse pas entrer les composés toxiques ou dangereux, et elle protège ainsi la fonction neuronale (Bednarczyk & Lukasiuk, 2011).

FIGURE 21.7 Circulation du liquide cérébrospinal (LCS). Le LCS, qui est produit au moyen de la ltration du sang artériel par le plexus choroïde de chaque ventricule, circule par gravité dans les ventricules latéraux, le trou de Monro, le troisième ventricule, l’aqueduc de Sylvius, le quatrième ventricule. Dans le quatrième ventricule, le LCS passe par le trou de Magendie, les trous de Luschka, devient extracérébral et pénètre l’espace sous-arachnoïdien. Le LCS est ensuite réabsorbé dans le sang veineux par les villosités arachnoïdiennes. S : supérieur ; P : postérieur ; I : inférieur ; A : antérieur.

Le passage des substances à travers la barrière hématoencéphalique dépend de la taille des particules, de la liposolubilité et du potentiel d’adhésion des protéines. La majorité des médicaments ou des composés qui sont liposubles et stables au pH du corps traversent rapidement la barrière hématoencéphalique. Celle-ci est également très perméable à l’eau, à l’oxygène, au dioxyde de carbone et au glucose (Bednarczyk & Lukasiuk, 2011). La barrière hématoencéphalique n’existe que dans certaines zones du SNC. Les régions où elle est absente – la région pinéale, l’hypothalamus basal et le plancher du quatrième ventricule – doivent être en contact avec le plasma pour reconnaître les changements dans la concentration de glucose et de dioxyde de carbone, ainsi que les modications dans l’osmolalité du sérum (Patton & Thibodeau, 2013). Les mécanismes de rétroaction mis en marche par l’hypothalamus en réaction à ces changements régularisent l’environnement interne du reste du corps (Hall, 2011). Les perturbations ou les modications de la perméabilité de la barrière hématoencéphalique résultant d’une blessure au tissu cérébral par suite d’un trauma, d’une agression toxique ou d’une blessure ischémique peuvent avoir des conséquences cliniques sérieuses. Une irradiation cérébrale peut aussi

21

modier la perméabilité de cette barrière ; toutefois, les agents chimiothérapeutiques administrés par voie intraveineuse ont peu d’effet sur sa perméabilité (Palmer, 2010).

21.3.2

Cerveau

Le cerveau forme la plus grande partie de l’encéphale, et il compte pour 80 % de son poids. Il est composé de deux hémisphères cérébraux (droit et gauche), séparés par le sillon interhémisphérique (ou ssure longitudinale) et reliés à la base par le corps calleux (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013 ; Rhoton, 2007) FIGURE 21.8B. La partie la plus extérieure du cerveau, appelée cortex cérébral, est formée de substance grise, qui est composée de corps cellulaires neuronaux. Directement sous le cortex cérébral se trouve la substance blanche, formée d’axones myélinisés qui communiquent les impulsions du cortex cérébral aux autres régions de l’encéphale. Les faisceaux de la substance blanche se composent de trois types de bres : 1) les bres commissurales (transversales) ; 2) les bres de projection ; 3) les bres d’association (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013 ; Rhoton, 2007). Les bres commissurales sont des faisceaux qui communiquent Chapitre 21

Anatomie et physiologie du système nerveux

685

FIGURE 21.8 Hémisphères cérébraux selon la classication de Brodmann. A Hémisphère gauche du cerveau, vue latérale. B Aires fonctionnelles du cortex cérébral, vue sagittale médiane. C Aires fonctionnelles du cortex cérébral (vue latérale).

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Partie 4

Système nerveux

entre les deux hémisphères cérébraux, et le corps calleux est le plus grand faisceau commissural. Les bres de projection communiquent entre le cortex cérébral et les régions inférieures de l’encéphale et de la moelle épinière. Les bres d’association com­ muniquent entre les diverses régions du même hémisphère (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013 ; Rhoton, 2007). Les hémisphères cérébraux se divisent en lobes frontal, pariétal, temporal et occipital FIGURE 21.8A. Le rhinencéphale est souvent désigné comme le cin­ quième lobe du cortex cérébral. Logé profondément au centre du cerveau et associé sur le plan anato­ mique au lobe temporal, il est parfois appelé lobe limbique (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013 ; Rhoton, 2007). Les principales fonctions du cortex cérébral sont les fonctions sensorielle, motrice et intellectuelle (cognitive) qui rendent cette zone de l’encéphale vitale au fonctionnement normal des humains et leur procurent des capacités qui en font une espèce unique (Hall, 2011 ; Koeppen & Stanton, 2010 ; Rhoton, 2007). Le système de classement de Brodmann de l’architecture du cortex cérébral dénit plus de 100 zones uniques et est utile pour situer les fonctions corticales dans l’encéphale FIGURE 21.8C (Koeppen & Stanton, 2010). La présente section porte sur les zones définies dans la classification de Brodmann qui font généralement l’objet d’une éva­ luation dans les cas de pathologie neurologique particulière.

Lobe frontal Le lobe frontal se trouve sous l’os frontal du crâne et est séparé postérieurement du lobe pariétal par le sillon central (ou scissure de Rolando) et inférieure­ ment du lobe temporal par le sillon latéral (ou scis­ sure de Sylvius) FIGURE 21.8A. Les principales fonctions du lobe frontal sont la motricité volontaire, la fonction cognitive (orientation, mémoire, intui­ tion, jugement, arithmétique et abstraction) et l’ex­ pression du langage (orale et écrite) (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013 ; Rhoton, 2007). Les aires préfrontales, qui se trouvent immédia­ tement derrière l’os frontal formant le front, sont responsables de la cognition (Hall, 2011 ; Koeppen & Stanton, 2010) FIGURE 21.8C. Ces aires travaillent de concert avec les autres zones de l’encéphale an d’évaluer intellectuellement l’information ou les sti­ mulus de l’environnement et pour y réagir. Elles ajoutent à l’intellect des réactions émotives apprises socialement au cours de l’enfance et du jeune âge adulte et participent au déclenchement des réactions automatiques du système nerveux, comme la tachy­ cardie, en réponse à des besoins situationnels (Hall, 2011 ; Koeppen & Stanton, 2010). En raison de son emplacement, l’aire associative antérieure est vulné­ rable à une lésion traumatique, laquelle entraîne souvent de profonds changements dans la capa­ cité cognitive et les réactions sociales aux stimulus de l’environnement (Stuss, 2011).

L’aire 4 du système de Brodmann représente l’aire de motricité du cortex frontal, qui se compose des neurones associés aux fonctions de motricité vo­ lontaire (pyramidale) FIGURE 21.8C . Comme les voies motrices volontaires traversent de l’autre côté du tronc cérébral en descendant vers le SNP, l’aire de motricité droite représente la fonction motrice volontaire du côté gauche du corps, et vice versa (Hall, 2011 ; Koeppen & Stanton, 2010). L’homunculus est une représentation schématique de la distribution de la fonction motrice volontaire dans l’aire 4 et a l’apparence d’un homme ayant la tête en bas FIGURE 21.9B. Dans l’homunculus, la taille des parties du corps illustrées est proportion­ nelle à la dextérité réellement associée à chacune de ces parties. La surface du tronc occupe donc rela­ tivement peu d’espace, tandis que de plus petites surfaces corporelles, telles que le pouce et la langue, qui nécessitent beaucoup de dextérité et de motricité ne, occupent une grande partie de l’aire de motri­ cité (Koeppen & Stanton, 2010). Tout dommage causé à l’aire de motricité a pour effet de compro­ mettre la fonction motrice du côté opposé du corps (Samara & Tsangaris, 2011). L’aire motrice du langage (aires 44 et 45 de Brodmann, anciennement aire de Broca) se trouve dans le gyrus frontal inférieur près de l’aire motrice du visage FIGURE 21.8C. L’aire motrice du langage est le plus souvent située du côté gauche du lobe frontal, mais se trouve parfois dans l’hémisphère fron­ tal droit. Cette aire est responsable de l’expression du langage, soit l’élaboration de la communication orale et écrite (Fadiga, Craighero & D’Ausilio, 2009 ; Hall, 2011 ; Koeppen & Stanton, 2010). Un dommage subi dans cette aire peut occasionner une incapacité allant de la difculté à trouver ses mots à une aphasie d’expression (aphasie de Broca) ou aphasie non uente, où la communication orale et écrite est très touchée, mais où la réception et la compréhension du langage verbal peuvent demeurer intactes (Fadiga et al., 2009 ; Samara & Tsangaris, 2011).

21

Lobe pariétal Le lobe pariétal se trouve directement derrière le lobe frontal, du côté opposé de la scissure de Rolando. Le sillon pariéto­occipital constitue la bordure posté­ rieure du lobe pariétal, et il le sépare du lobe occipital FIGURE 21.8A. Les lobes pariétaux jouent un rôle pré­ dominant dans les fonctions sensorielles, comme l’intégration de l’information sensorielle, la conscience des parties du corps (proprioception), l’interprétation du toucher, de la pression et de la douleur, ainsi que la reconnaissance de la taille, de la forme et de la texture des objets (Patton & Thibodeau, 2013). Le lobe pariétal contient une aire sensorielle (aires 1, 2 et 3 de Brodmann) qui se trouve à l’opposé de l’aire motrice du lobe frontal FIGURE 21.8C. Comme l’homunculus de l’aire motrice, un homunculus sen­ soriel recrée une caricature d’un homme ayant la tête en bas représentant les aires où se font la réception et l’analyse initiale de l’information sensorielle Chapitre 21

Anatomie et physiologie du système nerveux

687

provenant des différentes parties du corps FIGURE 21.9A. Les zones du corps qui ont de plus grands besoins sensoriels occupent les plus grandes surfaces de l’aire sensorielle, qui est responsable des sensations profondes ou intenses et des sensations cutanées comme le toucher, la pression et la vibration. Une blessure dans ces aires peut entraîner une perte de sensation tactile du côté opposé du corps.

L’aire somatosensorielle d’association du lobe pariétal facilite l’évaluation plus poussée des stimulus sensoriels, en favorisant la capacité d’établir la taille, la forme, la texture, l’emplacement des stimulus, la température, la vibration et la fonction des objets familiers uniquement par discrimination tactile FIGURE 21.8C. Les aspects interprétatifs de la réaction du lobe pariétal aux stimulus comprennent la conscience des parties du corps, l’orientation perceptuelle dans l’espace et la reconnaissance des relations spatiales dans l’environnement (Patton & Thibodeau, 2013). Toute blessure survenue dans ces aires peut entraîner de la négligence ou de l’inattention pour les parties du corps correspondantes (Bergsneider et al., 2008 ; Patel & Kirmi, 2009). L’aire de compréhension du langage (aire 22 de Brodmann) se trouve en partie dans le lobe pariétal et en partie dans le lobe temporal, plus souvent du côté gauche du cortex cérébral FIGURE 21.8C. Cette aire est associée à la réception du langage écrit et verbal, et elle comporte de nombreux liens complexes avec d’autres aires de l’encéphale associées aux fonctions auditive et visuelle, à l’évaluation cognitive et à l’expression du langage (Patton & Thibodeau, 2013). Une blessure dans cette aire de l’encéphale peut occasionner une incapacité allant d’une dysfonction mineure du langage dans son versant réceptif à une aphasie de compréhension ou à une aphasie uente, où la capacité d’expression du langage reste, mais avec un contenu illogique ou prenant la forme d’une logorrhée à débit rapide. Une blessure à l’encéphale qui touche les aires importantes pour la réception, la compréhension ou l’expression du langage peut donner lieu à une aphasie globale et limiter grandement la communication verbale et écrite (Bergsneider et al., 2008 ; Patel & Kirmi, 2009).

Lobe temporal

FIGURE 21.9

Aires somatosensorielles primaires. B Aires somatomotrices primaires. S : supérieur ; L : latéral ; I : inférieur ; M : médial. A

688

Partie 4

Système nerveux

Le lobe temporal loge sous l’os temporal dans la section latérale du crâne FIGURE 21.8A. L’extrémité inférieure antérieure de ce lobe est située dans l’aile de l’os sphénoïde. À la suite d’un fort coup à la tête, le lobe temporal sera facilement contusionné et lacéré au contact de cette surface dure et irrégulière. Séparé des lobes frontal et pariétal par la scissure de Sylvius, ce lobe constitue une zone importante pour les fonctions de l’audition, de la parole, du comportement et de la mémoire (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013 ; Rhoton, 2007). Les aires auditives primaires (aires 41 et 42 de Brodmann) reçoivent les inux sonores et aident à déterminer la source des sons et leur signication (Hall, 2011 ; Koeppen & Stanton, 2010) FIGURE 21.8C. Une blessure à ces aires peut entraîner une perte de perception auditive (Gainotti, 2011). Les centres auditifs situés dans le lobe temporal sont étroitement liés à l’aire de compréhension du langage (Hall, 2011). La partie supérieure du lobe temporal, où se rejoignent les lobes frontal, pariétal et temporal,

constitue une aire d’interprétation essentielle, où les aires auditive, visuelle et somatique d’association intègrent les pensées élaborées et la mémoire (Hall, 2011 ; Koeppen & Stanton, 2010). Les atteintes touchant cette région du lobe temporal causent des hallucinations auditives, visuelles et sensorielles (Ono & Galanopoulou, 2012).

Lobe occipital Le lobe occipital constitue la face la plus postérieure du cortex cérébral et est associé à l’interprétation des stimulus visuels FIGURE 21.8A (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013 ; Rhoton, 2007). Le cortex visuel primaire reçoit des inux des projections du nerf optique (deuxième nerf crânien) FIGURE 21.8C . Ces inux sont ensuite transmis aux aires visuelles d’association (aires 18 et 19 de Brodmann) à des ns d’interprétation et d’intégration (Hall, 2011 ; Koeppen & Stanton, 2010) FIGURE 21.8C. Une blessure aux lobes occipitaux peut causer une cécité corticale, où la personne perd la capacité de recevoir et d’interpréter les stimulus visuels malgré des structures de l’œil demeurées intactes (Flanagan, 2009).

Lobe limbique Le rhinencéphale, ou lobe ou système limbique, est situé dans la région médiane et profonde du lobe temporal. L’hippocampe et le noyau amygdalien forment le cœur du système limbique (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013 ; Rhoton, 2007). Contrairement aux animaux, pour lesquels ce lobe intègre les comportements de survie, les humains ont un lobe limbique peu développé. Leur lobe frontal surspécialisé leur procure des capacités cognitives perfectionnées qui entrent en jeu dans les stratégies de protection qu’ils adoptent dans leur vie quotidienne. Les fonctions du lobe limbique se rattachent principalement à l’autoconservation et comportent entre autres le souvenir d’événements plaisants et déplaisants ou potentiellement dangereux, l’interprétation de l’odeur, la modulation des processus viscéraux (p. ex., la fréquence cardiaque, la respiration) associés aux émotions. Lorsqu’une blessure à l’aire associative antérieure entraîne un trouble cognitif, le système limbique peut exercer un plus grand contrôle pour répondre aux besoins d’autoconservation. Malheureusement, les comportements qui en résultent, tels que la désinhibition – qui peut s’illustrer par des familiarités, des remarques à caractère sexuel, des comportements impudiques ou encore de l’irritabilité –, sont souvent considérés comme socialement inadaptés (Roxo, 2011). Les personnes victimes de traumas craniocérébraux vivent souvent des difcultés de réinsertion sociale et professionnelle à cause de ces troubles neuropsychologiques (Vallat-Azouvi & Chardin-Lafont, 2012).

21.3.3

Capsule interne

Sur leur chemin vers le tronc cérébral et la moelle épinière, les bres venant de chacune des moitiés du cerveau convergent dans l’aire connue sous le nom de capsule interne. Celle-ci contient des bres afférentes et efférentes FIGURE 21.10. Les impulsions (sensorielles) afférentes destinées au cortex passent par la capsule interne en suivant le chemin suivant : du tronc cérébral au thalamus, puis de la capsule interne au cortex cérébral. Les bres (motrices) efférentes qui quittent le cortex passent aussi par la capsule interne, avant de se diriger vers le SNP (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013). Une blessure touchant une partie de la capsule interne peut entraîner une perte sensorielle ou une perte motrice pure, ou les deux, du côté opposé du corps avec préservation de la fonction corticale (Hiraga, 2011).

21.3.4

Noyaux gris centraux

Les noyaux gris centraux participent à la régulation de la fonction motrice (involontaire) extrapyramidale (FitzGerald et al., 2007 ; Hall, 2011 ; Koeppen & Stanton, 2010 ; Patton & Thibodeau, 2013). Situés dans la profondeur de la substance blanche des hémisphères cérébraux, ils sont composés de quatre noyaux : 1) le corps strié (noyau caudé et putamen) ; 2) le pallidum ; 3) la substance noire ; 4) le noyau sous-thalamique (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013) FIGURE 21.10. Chez l’adulte, les

21

FIGURE 21.10 Plan frontal de la branche antérieure de la capsule interne.

Chapitre 21

Anatomie et physiologie du système nerveux

689

noyaux gris centraux sont des amas de corps cellulaires. Grâce à l’embryologie, il est possible de distinguer l’origine anatomique des structures cérébrales. Les noyaux gris centraux sont considérés comme une structure télencéphalique ou cérébrale, alors que le thalamus est considéré comme une structure diencéphale (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013). Bien que les noyaux gris centraux jouent un grand rôle dans la régulation de la fonction motrice volontaire, ils ne transmettent aucune information directe aux faisceaux moteurs de la moelle épinière. L’information reçue du cortex cérébral stimule plutôt la production d’inux par les noyaux gris centraux, transmis au tronc cérébral et au thalamus pour être ensuite retransmis au cortex frontal (Hall, 2011 ; Rothwell, 2011). Les noyaux gris centraux intègrent les mouvements et les ajustements posturaux associés au mouvement moteur volontaire, et ils suppriment le tonus musculaire squelettique au besoin pour produire une fonction motrice lisse et uide (Hall, 2011). Un dysfonctionnement de ces noyaux peut donner lieu à des tremblements ou à d’autres mouvements involontaires, à une rigidité et à un tonus musculaire accru, ainsi qu’à une lenteur dans les mouvements, sans présence de paralysie (Rothwell, 2011).

21.3.5 30 L’hypophyse et ses fonc­ tions sont décrites dans le chapitre 30, Anatomie et physiologie du système endocrinien.

Diencéphale

Le diencéphale se trouve sous le cortex cérébral et est composé de deux structures : le thalamus et l’hypothalamus (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013) FIGURE 21.11. Bien qu’elle épouse la structure de l’hypothalamus, l’hypophyse est considérée comme un organe du système endocrinien et ne fait pas partie du SNC 30 .

Thalamus Le thalamus est en fait composé de deux masses ovoïdes de substance grise liées, et il forme les parois latérales du troisième ventricule FIGURE 21.11. Les deux thalamus servent de station de relais et de contrôleur d’accès pour les stimulus moteurs et sensoriels en empêchant ou en favorisant la transmission des impulsions en fonction des besoins comportementaux de la personne. Plus de 50 noyaux soutiennent la fonction thalamique et se divisent en noyaux relais spéciques et en noyaux non spéciques (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013). Les noyaux relais ont une relation ou une trajectoire précise à l’intérieur du cortex cérébral, tandis que les noyaux non spéciques sont présumés servir d’intermédiaire dans la réponse corticale (Hall, 2011 ; Koeppen & Stanton, 2010). Une blessure causée au thalamus peut entraîner un dysfonctionnement sensoriel ou moteur, ou les deux, en cas d’interruption de la voie des inux nerveux (Amici, 2012).

Hypothalamus L’hypothalamus se trouve sous le thalamus et est relié à l’hypophyse par la tige pituitaire (ou

690

Partie 4

Système nerveux

hypophysaire) (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013) FIGURE 21.11. Plusieurs régions de l’encéphale jouent un rôle dans la gestion des émotions, y compris les associations de l’amygdale et du système limbique avec l’aire associative antérieure, mais pour assurer l’homéostasie, ces systèmes travaillent tous par l’intermédiaire de l’hypothalamus pour coordonner les réactions comportementales aux émotions. L’hypothalamus maintient l’homéostasie interne grâce à sa capacité de stimuler la réaction du SNA et du système endocrinien en fonction des besoins corporels, ce qui lui fait jouer un rôle majeur dans la régulation de la température, de l’alimentation et de l’hydratation, ainsi que dans la modulation du SNA, soit la régulation des systèmes sympathique et parasympathique (Hall, 2011 ; Koeppen & Stanton, 2010).

21.3.6

Cervelet

Le cervelet est séparé du cerveau par le repli dural appelé tente du cervelet FIGURE 21.12. Le cervelet, qui compte pour un cinquième de la taille de l’encéphale, comprend deux hémisphères latéraux reliés par le vermis. Il se compose d’une couche extérieure de substance grise et, sous cette couche, d’un noyau de faisceaux de substance blanche (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013). Les impulsions cérébelleuses sont communiquées aux voies motrices descendantes an d’intégrer l’orientation spatiale et l’équilibre dans la posture et le tonus musculaire, et elles assurent ainsi la synchronisation des mouvements qui maintient l’équilibre global et la coordination motrice (Hall, 2011 ; Koeppen & Stanton, 2010) FIGURE 21.12. Le cervelet gouverne et ajuste l’activité motrice en même temps que le mouvement se fait, ce qui permet d’avoir un grand contrôle sur la fonction motrice fine (Hall, 2011 ; Koeppen & Stanton, 2010 ; Timmann, Drepper, Frings et al., 2010). Il est bombardé d’informations sur le but du mouvement et l’écart entre le mouvement réel et le mouvement projeté. Les axones qui se projettent dans le cervelet sont 40 fois plus nombreux que ceux qui quittent le cervelet pour assurer la réception adéquate de l’information motrice (Timmann et al., 2010). Une blessure au cervelet produit une ataxie, qui se dénit comme un maintien de la force motrice avec un manque de maîtrise de la fonction motrice ne (incoordination) (Bastian, 2011).

21.3.7

Tronc cérébral

Le tronc cérébral se subdivise principalement en trois parties : 1) le mésencéphale ; 2) le pont (protubérance annulaire) ; 3) le bulbe rachidien. Il est rempli de voies sensorielles et motrices qui relient la moelle épinière et l’encéphale et contient un certain nombre de centres qui régularisent les mécanismes vitaux dans le corps (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013).

21 FIGURE 21.11

Diencéphale et ses limites.

FIGURE 21.12 Principaux nerfs efférents du cervelet. Les èches indiquent la direction de l’inux nerveux.

Chapitre 21

Anatomie et physiologie du système nerveux

691

Mésencéphale Le mésencéphale forme la jonction entre le pont et le diencéphale. Les corps cellulaires des troisième et quatrième nerfs crâniens prennent naissance dans le mésencéphale TABLEAU 21.3. Celui-ci est divisé par un plan sagittal en deux pédoncules cérébraux et, du point de vue anatomique, il constitue l’emplacement de l’aqueduc de Sylvius (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013) FIGURE 21.13. Le mésencéphale a pour principale fonction de transmettre les stimulus en direction et en provenance de l’encéphale par les voies sensorielles ascendantes et les voies motrices descendantes (Hall, 2011 ; Koeppen & Stanton, 2010).

Pont Situé sous le bulbe rachidien, le pont (protubérance annulaire) transmet l’information en direction et en provenance de l’encéphale par les voies sensorielles et motrices. Les faces postérieures du pont forment la surface supérieure du quatrième ventricule (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013) FIGURE 21.13. Deux centres de contrôle respiratoire se trouvent dans le pont : le centre apneustique et le centre pneumotaxique. Le centre apneustique contrôle la durée de l’inspiration et de l’expiration, tandis que le centre pneumotaxique gouverne la fréquence respiratoire (Hall, 2011 ; Koeppen & Stanton, 2010). Les corps cellulaires du cinquième nerf crânien (trijumeau), du sixième nerf crânien (abducteur), du septième nerf crânien (facial) et du huitième nerf crânien (acoustique) se trouvent dans le pont (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013) TABLEAU 21.3. La bandelette longitudinale postérieure d’association est un important faisceau situé dans le pont qui lie les troisième, quatrième et sixième nerfs crâniens avec la partie vestibulaire du nerf acoustique et la formation réticulée paramédiane pontique, permettant ainsi le mouvement approprié des yeux en réaction au bruit, au mouvement, à la position et à l’éveil. L’évaluation de l’intégrité structurale du tronc cérébral s’effectue entre autres par la stimulation de la bandelette longitudinale postérieure d’association au moyen du test oculocalorique (Hall, 2011 ; Koeppen & Stanton, 2010).

Bulbe rachidien

FIGURE 21.13 Tronc cérébral et diencéphale. A Face antérieure. B Face postérieure (légèrement latérale). S : supérieur ; D : droit ; I : inférieur ; G : gauche.

692

Partie 4

Système nerveux

Le bulbe rachidien constitue la dernière section du tronc cérébral, et il se trouve entre le pont et la moelle épinière FIGURE 21.13 . Une décussation (entrecroisement) des bres motrices volontaires se produit dans les pyramides de la substance médullaire et explique le nom de fonction pyramidale donné à la fonction motrice volontaire ENCADRÉ 21.1. Sous le point de décussation, les stimulus du côté droit de l’encéphale gouvernent le mouvement du côté gauche du corps, et vice versa (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013).

TABLEAU 21.3

Nerfs crâniens : origine, trajet et fonction

NERF CRÂNIEN

ORIGINE ET TRAJET

FONCTIONS

Nerf I ou nerf olfactif Sensoriel

• Il se trouve dans la muqueuse de la cavité nasale ; seuls les nerfs crâniens qui ont un corps cellulaire sont situés dans la structure périphérique (muqueuse nasale). Le nerf passe dans la lame criblée de l’ethmoïde et se rend jusqu’aux bulbes olfactifs situés au plancher du lobe frontal. L’interprétation nale se fait dans le lobe temporal.

• Olfaction • Le système fait toutefois plus que recevoir et interpréter les odeurs ; la perception des odeurs sensibilise aussi d’autres systèmes corporels et réactions comme la salivation, le péristaltisme et même le désir sexuel. La perte du sens de l’odorat s’appelle anosmie.

Nerf II ou nerf optique Sensoriel

• Les cellules ganglionnaires de la rétine convergent vers le disque du nerf optique et forment le nerf optique. Les bres nerveuses se rendent au chiasma optique, qui se trouve au-dessus de l’hypophyse. • Les deux faisceaux se rendent au corps genouillé (ou géniculé) interne près du thalamus, puis à la station terminale pour être interprétés dans le lobe occipital.

• Vision

21

Nerf III ou nerf oculaire commun

• Il naît dans le mésencéphale et émerge du tronc cérébral à la hauteur de la partie supérieure du pont.

• Mouvement extraoculaire des yeux

Moteur

• Les bres motrices vont au muscle droit supérieur, au muscle droit interne, au muscle droit inférieur et au muscle petit oblique pour les mouvements oculaires et le muscle releveur de la paupière.

• Relèvement de la paupière

Chapitre 21

Anatomie et physiologie du système nerveux

693

TABLEAU 21.3

Nerfs crâniens : origine, trajet et fonction (suite)

NERF CRÂNIEN

ORIGINE ET TRAJET

FONCTIONS

Parasympathique

• Les bres parasympathiques se rendent aux muscles ciliaires et à l’iris de l’œil.

• Constriction de la pupille de l’œil ; changement de forme du cristallin.

Nerf IV ou nerf trochléaire Moteur

• Il naît dans le mésencéphale près du nerf oculaire commun et émerge dans la partie supérieure du pont près du pédoncule cérébral ; les bres motrices atteignent le grand oblique du globe oculaire.

• Mouvement extraoculaire des yeux

Nerf V ou nerf trijumeau Sensoriel

• Il naît dans le quatrième ventricule et émerge aux parties latérales du pont ; il se subdivise en trois branches : 1) le nerf ophtalmique ; 2) le nerf maxillaire ; 3) le nerf mandibulaire.

• Branche ophtalmique : sensation dans la cornée, le corps ciliaire, l’iris, la glande lacrymale, la conjonctive, les muqueuses nasales, les paupières, les sourcils, le front et le nez • Branche maxillaire : sensation dans la peau des joues, la paupière inférieure, le côté du nez et le maxillaire, les dents, la muqueuse de la bouche, la fosse ptérygopalatine et le sinus maxillaire • Branche mandibulaire : sensation dans la peau de la lèvre inférieure, le menton, l’oreille, la muqueuse, les dents du maxillaire inférieur et la langue

694

Partie 4

Système nerveux

TABLEAU 21.3

Nerfs crâniens : origine, trajet et fonction (suite)

NERF CRÂNIEN

ORIGINE ET TRAJET

FONCTIONS

Moteur

• Il se rend au muscle temporal, au masséter, à la ptérygoïde, à la partie antérieure des muscles digastriques (pour la mastication) ainsi qu’au muscle tenseur du tympan et au muscle tenseur du voile du palais (pour serrer la mâchoire).

• Action sur les muscles pour permettre de mâcher (mastication) et d’ouvrir la mâchoire

Nerf VI ou nerf oculaire externe Moteur

• Il va de la partie postérieure du pont au muscle droit externe de l’œil pour le mouvement des yeux.

• Mouvement extraoculaire des yeux ; rotation du globe oculaire vers l’extérieur

21

Nerf VII ou nerf facial Sensoriel

• Il va de la partie inférieure du pont jusqu’aux deux tiers antérieurs de la langue et du palais mou.

• Goût dans les deux tiers antérieurs de la langue ; sensation dans le palais mou

Moteur

• Il va du pont aux muscles du front, des paupières, des joues, des lèvres, des oreilles, du nez et du cou.

• Mouvement des muscles faciaux pour produire les expressions faciales, fermer les yeux

Parasympathique

• Il va du pont à la glande salivaire et aux glandes lacrymales.

• Sécrétion de la salive et des larmes

Nerf VIII ou nerf auditif Sensoriel

• Le nerf se divise en deux. • Le nerf cochléaire naît dans le ganglion spinal de la cochlée avec des bres périphériques jusqu’à l’organe de Corti dans l’oreille interne. Il se rend au pont, et les impulsions sont transmises au lobe temporal. • Le nerf vestibulaire a son origine dans les organes otolithiques des canaux semi-circulaires dans l’oreille interne et dans le ganglion de Scarpa. Il se termine dans le pont, avec certaines bres qui continuent jusqu’au cervelet. C’est le seul nerf crânien qui naît entièrement dans un os, le rocher, soit la partie pétreuse de l’os temporal.

• Audition

• Il prend naissance dans le tiers postérieur de la langue pour la sensation du goût et les sensations dans le palais mou, les amygdales et l’ouverture de la bouche à l’arrière du pharynx buccal (gosier). Les bres se rendent jusqu’au bulbe rachidien puis au lobe temporal pour le goût et au cortex sensoriel pour les autres sensations.

• Goût dans le tiers postérieur de la langue ; sensation au fond de la gorge ; sa stimulation déclenche le réexe nauséeux

Nerf IX ou nerf glosso­ pharyngien Sensoriel

Chapitre 21

• Équilibre

Anatomie et physiologie du système nerveux

695

TABLEAU 21.3

Nerfs crâniens : origine, trajet et fonction (suite)

NERF CRÂNIEN

ORIGINE ET TRAJET

FONCTIONS

Moteur

• Il va du bulbe rachidien aux muscles constricteurs du pharynx et aux muscles stylopharyngiens.

• Muscles volontaires pour la déglutition et la phonation

Parasympathique

• Il va du bulbe rachidien à la glande parotide en passant les ganglions otiques.

• Glandes salivaires sécrétoires ; réexe sinocarotidien

Nerf X ou nerf vague Sensoriel

• Des bres sensorielles dans la région postérieure de l’oreille et dans la paroi postérieure de l’oreille interne se rendent au bulbe rachidien puis au cortex sensoriel.

• Sensation derrière l’oreille et dans une partie du méat de l’oreille externe

Moteur

• Les bres vont du bulbe rachidien par le trou jugulé postérieur avec le nerf glossopharyngien puis se rendent jusqu’au pharynx, au larynx, à l’œsophage, aux bronches, aux poumons, au cœur, à l’estomac, à l’intestin grêle, au foie, au pancréas et aux reins.

• Muscles volontaires pour la phonation et la déglutition ; activité involontaire des muscles lisses du cœur, des poumons et du tube digestif

Parasympathique

• Il va du bulbe rachidien au larynx, à la trachée, aux poumons, à l’aorte, à l’œsophage, à l’estomac, à l’intestin grêle et à la vésicule biliaire.

• Réexe sino-carotidien ; activité autonome des voies respiratoires et du tube digestif, y compris le péristaltisme et la sécrétion des organes

Nerf XI ou nerf spinal (ou accessoire) Moteur

• Le nerf a deux racines : crânienne et spinale. Le nerf provenant de la partie crânienne monte de plusieurs radicelles sur le côté du bulbe rachidien, passe sous le nerf vague et est rejoint par le nerf de la partie spinale provenant des cellules motrices dans la moelle épinière cervicale. Certaines bres se rendent jusqu’au nerf vague pour alimenter en impulsion motrice le pharynx, le larynx, la luette et le palais. Une grande partie se rend au muscle sternocléidomastoïdien et au trapèze et se divise pour atteindre les nerfs spinaux C2-C4.

• Certaines bres pour la déglutition et la phonation ; tourner la tête et hausser les épaules

Nerf XII ou nerf grand hypoglosse Moteur

• Il sort du bulbe rachidien puis se rend aux muscles de la langue.

• Mouvement de la langue nécessaire pour la déglutition et la phonation

ENCADRÉ 21.1

Décussation des bres motrices volontaires

FIGURE A La main droite du sujet s’apprête à cliquer la souris pendant que les yeux regardent ailleurs. La coupe frontale présente les structures clés. D : droite ; G : gauche.

696

Partie 4

Système nerveux

ENCADRÉ 21.1

Décussation des bres motrices volontaires (suite)

FIGURE B

Nerfs afférents. Le lobe pariétal gauche établit une projection de la main droite par rapport à la souris à l’aide de l’information envoyée par la peau et les tissus profonds au cortex somatosensoriel gauche (gyrus postcentral). L’information est transmise par trois groupes successifs de neurones provenant de la peau et par un autre groupe de trois provenant des tissus profonds. Dans les deux cas, le premier groupe se compose de neurones de premier ordre ou de neurones afférents primaires. Ces neurones sont dits unipolaires parce que chaque axone émerge d’un seul point (ou pôle) du corps cellulaire et se divise en T an d’assurer la conduction des tissus au SNC. Les neurones afférents primaires se terminent en formant des connexions appelées synapses sur les cellules multipolaires (ayant plus ou moins la forme d’une étoile) du groupe de neurones de second ordre (secondaires). Les axones des neurones de se­ cond ordre se projettent dans la ligne médiane avant de remonter pour se terminer sur les neurones multipolaires de troisième ordre (tertiaires) qui se pro­ jettent sur le gyrus postcentral. Les neurones afférents primaires activés au contact avec la peau de la main (S1) se terminent dans la corne postérieure de la substance grise de la moelle épinière. Les neurones afférents cutanés de second ordre (S2) traversent la ligne médiane dans la commissure blanche antérieure et montent au thalamus dans le faisceau spinothalamique (FST) pour être retransmis par les neurones de troisième ordre dans la région du cortex sensoriel correspondant aux mains. Les organes sensoriels les plus importants dans les tissus profonds sont les fuseaux neuromusculaires qui sont contenus dans les muscles squelettiques. Les neurones afférents primaires qui alimentent les fuseaux neuromusculaires des muscles intrinsèques à la main appartiennent à de larges neurones unipolaires dont les axones (appelés M1) remontent ipsilatéralement (du même côté de la moelle épinière) dans le funicule postérieur. Ils font synapse dans le bulbe rachidien. Les neurones de second ordre multipolaires envoient leurs axones à travers la ligne médiane pour la décussation sensorielle. Les axones montent (M2) par le pont et le mésencéphale avant de faire synapse dans les neurones de troisième ordre (M3) se projetant du thalamus au cortex sensoriel. VCP : Voie cordonale postérieure (ou lemniscale).

Chapitre 21

Anatomie et physiologie du système nerveux

21

697

ENCADRÉ 21.1

Décussation des bres motrices volontaires (suite)

FIGURE C

Contrôle cérébelleux. Avant que l’encéphale n’envoie l’instruction de cliquer la souris, il doit recevoir de l’information sur l’état actuel de contraction des muscles. Cette information est envoyée en continu des muscles à l’hémisphère du cervelet du même côté. Comme l’indique le diagramme, les neurones M1 sont des neurones sensoriels bifonctionnels. À leur point d’entrée dans le funicule postérieur, ils se divisent en deux branches et cèdent une de ces branches, ici appelée C1, à un neurone spinocérébelleux qui projette (C2) au cervelet ipsilatéral. De là, un neurone thalamique du cervelet (C3) est montré se projetant au travers de la ligne médiane dans le thalamus controlatéral, où un autre neurone (C4) transmet l’information à l’aire de la main du cortex moteur dans le gyrus précentral. FP : Faisceau pyramidal. FIGURE D

Réaction motrice. Les neurones multipolaires dans le cortex moteur gauche bombardent d’impulsions les neurones moteurs supérieurs qui forment le faisceau pyramidal (FP), qui traverse de l’autre côté dans la décussation motrice. Les synapses des bres transversales du pont (FTP) sur les neurones moteurs inférieurs se projettent à partir de la corne antérieure de la matière grise de la moelle épinière pour activer les muscles échisseurs de l’index et les muscles stabilisateurs locaux. Il est à noter qu’une copie du message sortant est envoyée à l’hémisphère cérébelleux droit du pont au moyen de bres transversales (FTP) ayant pour origine des neurones multipolaires situés du côté gauche du pont.

Les centres de contrôle des fonctions involontaires, comme la déglutition, le vomissement, le hoquet, la toux, la fréquence cardiaque, la vasoconstriction artérielle et la respiration, se trouvent dans le bulbe rachidien. Le centre respiratoire médullaire travaille de concert avec les centres apneustique et pneumotaxique du pont et est responsable du rythme de la respiration (Hall, 2011 ; Koeppen & Stanton, 2010). Les corps cellulaires du neuvième nerf crânien (nerf glossopharyngien), du dixième nerf crânien (nerf pneumogastrique),

698

Partie 4

Système nerveux

du onzième nerf crânien (nerf spinal) ainsi que du douzième nerf crânien (nerf grand hypoglosse) sont situés dans le bulbe rachidien (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013) FIGURE 21.13 et TABLEAU 21.3.

Formation réticulée La formation réticulée du tronc cérébral se trouve au cœur de celui-ci ; elle participe à la modulation des sensations, des mouvements, de la conscience, des comportements introspectifs et des activités des nerfs

crâniens émanant du tronc cérébral (du troisième au douzième nerf). La formation réticulée s’étend du bord supérieur du pont au diencéphale (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013). Le système réticulé activateur (SRA) ascendant a pour responsabilité d’augmenter l’état de veille, la vigilance et la réactivité des neurones corticaux et thalamiques aux stimulus sensoriels (Amici, 2012). Dans le thalamus, le SRA ascendant active les noyaux relais et les noyaux non spéciques an d’augmenter la distribution des stimulus sensoriels dans le cortex cérébral (Hall, 2011 ; Koeppen & Stanton, 2010). Il travaille également par l’activation de l’hypothalamus, qui entraîne une stimulation corticale diffuse et une stimulation automatique (Patton & Thibodeau, 2013). Un dommage aux voies thalamiques ou hypothalamiques du SRA ascendant produit une altération de l’état de conscience (Young, 2009).

21.3.8

Circulation artérielle

L’encéphale représente 2 % du poids du corps, mais il utilise 20 % du total du débit cardiaque au repos (Hall, 2011). Il nécessite un débit sanguin d’environ 750 ml par minute et peut utiliser jusqu’à 45 % de l’oxygène du sang artériel pour satisfaire les besoins métaboliques normaux (Hall, 2011). Il ne dispose d’aucune réserve en oxygène et en glucose, ce qui rend critique toute réduction de ces substances à la fonction cellulaire normale (Hall, 2011). Deux paires d’artères, les artères carotides internes et les artères vertébrales, amènent le sang à l’encéphale. Elles se séparent sur le plan anatomique entre les artères cérébrales antérieures et postérieures qui se lient à la base de l’encéphale pour former le polygone de Willis (ou cercle artériel) (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013) FIGURE 21.14. La

FIGURE 21.14 Polygone de Willis. ACA : artère cérébrale antérieure ; ACI : artère carotide interne ; ACM : artère cérébrale moyenne (artère sylvienne) ; ACP : artère cérébrale postérieure.

connaissance de la vascularisation artérielle du cerveau en corrélation avec la fonction neurologique est essentielle aux soins inrmiers critiques en neurosciences, surtout en ce qui a trait aux soins prodigués aux clients qui ont fait un accident vasculaire cérébral.

Circulation antérieure La circulation antérieure de l’encéphale est alimentée par les artères carotides internes droite et gauche et par leurs branches FIGURE 21.15. L’artère carotide commune est issue, à gauche, de la crosse de l’aorte et, à droite, du tronc artériel brachiocéphalique. Au niveau de la jonction cricothyroïdienne, l’artère carotide commune se subdivise pour former les artères carotides interne et externe. L’artère carotide externe irrigue le visage, le cuir chevelu et le crâne, et elle comprend l’artère méningée moyenne, située entre le crâne et la dure-mère (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013). L’artère carotide interne poursuit son trajet vers le haut en passant dans le siphon carotidien et entre à la base du crâne par le rocher de l’os temporal (partie inférieure située sur le côté du crâne). À la base de l’encéphale, l’artère carotide interne se subdivise en artères cérébrales moyennes (ACM) droite et gauche ; en artères cérébrales antérieures (ACA) droite et

21

FIGURE 21.15 Vue d’en bas des hémisphères cérébraux, montrant les branches corticales et les territoires des trois artères cérébrales.

Chapitre 21

Anatomie et physiologie du système nerveux

699

gauche, qui sont reliées à l’artère communicante antérieure (ACoA) ; et en deux artères communicantes postérieures (ACoP). La circulation antérieure fournit 80 % du ux sanguin aux hémisphères cérébraux, ce qui répond aux besoins des lobes frontaux et d’une grande partie de ceux des lobes pariétaux et temporaux, et elle approvisionne les structures souscorticales qui se trouvent sous le tronc cérébral. L’artère carotide interne devient l’artère ophtalmique à la hauteur du siphon avant de bifurquer en artères cérébrales moyenne et antérieure. L’artère ophtalmique apporte le sang au nerf optique et aux yeux, et elle peut modier son trajet pour augmenter le volume sanguin artériel de la circulation antérieure en cas d’occlusion de l’artère carotide interne (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013).

Circulation postérieure La circulation postérieure s’amorce avec les deux artères vertébrales, qui naissent des artères sousclavières et traversent postérieurement, par de petites ouvertures, les processus latéraux des vertèbres cervicales FIGURE 21.16. Elles entrent dans le crâne par le trou occipital et au niveau du pont, où les deux artères vertébrales s’unissent pour former le tronc basilaire. La partie terminale des artères vertébrales donne lieu à deux branches artérielles importantes avant leur fusion en tronc basilaire : les artères

FIGURE 21.16 Distribution artérielle postérieure.

700

Partie 4

Système nerveux

cérébelleuses postéro-inférieures (ACPI). Deux branches sous-tentorielles importantes du tronc basilaire comprennent les artères cérébelleuses antéroinférieures (ACAI) et les artères cérébelleuses antérosupérieures (ACAS) qui, avec les ACPI, irriguent le cervelet. Le tronc basilaire distal donne naissance aux deux artères cérébrales postérieures (ACP), lesquelles émergent de la région sustentorielle pour irriguer les faces postérieures du cortex cérébral (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013).

Polygone de Willis Le polygone (hexagone) de Willis est un système vasculaire unique à la circulation dans l’encéphale FIGURE 21.14. Situé dans le chiasma optique de l’espace sous-arachnoïdien, le polygone est irrigué par des branches de l’artère carotide et le tronc basilaire. La circulation antérieure entre les deux ACA passe par les ACoA et est liée à la circulation postérieure par les deux ACoP (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013). Environ 50 % de la population possède un polygone de Willis complet ou parfait (Eftekhar, Dadmehr, Ansari et al., 2006). Chez les autres se trouvent souvent des segments atrétiques (petits et non fonctionnels ou hypoplasiques) dans la première branche des ACA, appelée A1 ; dans la première branche des ACP, appelée P1 ; et dans les

ACoP. Lorsqu’il est complet, le polygone de Willis peut recevoir un certain débit sanguin collatéral en cas d’occlusion artérielle, mais ce débit est souvent insufsant (Rhee, Schaufele & Abdu, 2007).

21.3.9

Circulation veineuse

Le drainage veineux se fait par les sinus veineux, qui sont nombreux dans la membrane à doubles feuillets de la dure-mère FIGURE 21.17. Les capillaires se drainent dans des veinules, lesquelles se rendent jusqu’aux veines cérébrales et se vident ultimement dans les sinus situés dans tout le crâne. Le sang de ces sinus se déverse dans les veines jugulaires internes FIGURE 21.18. Les veines cérébrales ont des parois plus minces que les veines de la circulation générale et n’ont pas de couche musculaire ni de valve (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013).

21.3.10 Moelle épinière La moelle épinière est une division du SNC. Comme l’encéphale, elle se compose de substance grise et de substance blanche, mais sa substance grise est située à l’intérieur, et la substance blanche forme la couche externe. Elle commence sous le bulbe rachidien, au niveau du trou occipital, et se nit en pointe dans le cône terminal, qui se trouve à la hauteur de

FIGURE 21.17 Sinus veineux duraux.

21

FIGURE 21.18 Circulation veineuse.

Chapitre 21

Anatomie et physiologie du système nerveux

701

la première ou de la deuxième vertèbre lombaire. Par le trou de conjugaison de la moelle épinière sortent 31 paires de nerfs rachidiens. Parce que la moelle épinière se termine à la vertèbre L1 et que les dernières racines nerveuses ne sortent pas avant le coccyx, de longs faisceaux de cordons nerveux, appelés queue de cheval, se prolongent sous le cône médullaire vers le trou de conjugaison qui leur est associé pour sortir du canal rachidien (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013) FIGURE 21.19.

21.3.11 Mécanismes de protection de la moelle épinière Des mécanismes de protection semblables à ceux de l’encéphale assurent la protection de la moelle épinière (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013).

Structures osseuses La colonne vertébrale est la structure osseuse qui enrobe la moelle épinière. Composée de 33 vertèbres et de 24 disques intervertébraux, sa structure est maintenue en place par des ligaments et des tendons. Elle soutient et protège la moelle épinière et lui procure la exibilité nécessaire aux mouvements. Les vertèbres sont divisées en sections en fonction de leur localisation FIGURE 21.20. Il y a 7 vertèbres cervicales, 12 vertèbres thoraciques, 5 vertèbres

lombaires, 5 vertèbres sacrées (fusionnées en une seule) et 4 vertèbres coccygiennes (fusionnées en une seule) (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013). Leur apparence varie, mais les vertèbres ont toute la même structure de base, soit un corps vertébral lié aux processus transverses par deux pédicules. Deux lames relient les processus transverses au segment postérieur des vertèbres, le processus épineux, pour former un anneau. Au centre du trou rachidien se trouve le canal qui abrite la moelle épinière (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013).

Disque intervertébral Un disque intervertébral sépare les corps vertébraux. Ces structures brocartilagineuses se trouvent entre chaque corps vertébral, de la première vertèbre cervicale au début du sacrum. Les disques intervertébraux se composent de deux couches. Le noyau central, appelé noyau gélatineux, est une matière gélatineuse qui sert d’amortisseur en cas de choc. L’anneau fibreux du disque intervertébral, une couche extérieure épaisse et dure, entoure le noyau gélatineux (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013). La compression d’un nerf rachidien par le déplacement de la position anatomique normale d’un disque intervertébral est appelée hernie discale (Rhee et al., 2007).

FIGURE 21.19 Moelle épinière dans le canal rachidien et nerfs rachidiens associés. A Vue postérieure in situ. B Vue antérieure. C Vue latérale. D Queue de cheval.

702

Partie 4

Système nerveux

21

FIGURE 21.20

Vertèbres.

Méninges

21.3.12 Nerfs rachidiens

Les méninges de la moelle épinière ressemblent à celles du crâne FIGURE 21.21. La dure-mère spinale est le prolongement de la dure-mère intracrânienne, et elle enveloppe la moelle, les racines nerveuses et les nerfs rachidiens jusqu’à leur sortie de la colonne vertébrale. La dure-mère s’étend jusqu’à la S2, même si la moelle épinière se termine elle-même à la L1 ou à la L2 (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013). L’arachnoïde présente la même structure lamenteuse et dans le crâne. Le LCS y circule aussi dans les villosités arachnoïdiennes. Comme la moelle épinière se termine à la L2 et que l’arachnoïde continue jusqu’à la S2, un volume du LCS se trouve dans la citerne lombaire, qui constitue le site de choix pour une ponction lombaire. La pie-mère accolée à la moelle épinière se termine à L1. Elle est plus épaisse, plus ferme et moins vasculaire que celle du crâne (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013).

Les 31 paires de nerfs rachidiens comprennent : 8 nerfs cervicaux, 12 nerfs thoraciques, 5 nerfs lombaires, 5 nerfs sacrés et 1 nerf coccygien FIGURE 21.19. Dans la région cervicale, les sept premières paires de nerfs sortent de la moelle épinière au-dessus de la vertèbre correspondante. La paire de nerfs C8 sort de la moelle épinière sous la vertèbre C7. À partir de là, tous les nerfs thoraciques, lombaires et sacrés sortent sous la vertèbre correspondante (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013). En d’autres termes, les segments de la moelle épinière associés à chaque nerf rachidien et la vertèbre correspondante ne sont pas directement alignés. Le nerf rachidien possède deux racines : la racine dorsale et la racine ventrale. La racine dorsale est une voie afférente qui transmet l’inux nerveux du corps à la moelle épinière. La racine ventrale est une voie efférente qui transmet l’information motrice de la moelle épinière au corps. Les racines dorsale et

Chapitre 21

Anatomie et physiologie du système nerveux

703

de l’innervation par les bres sensitives dans le corps (Patton & Thibodeau, 2013) FIGURE 21.22.

Coupe transversale de la moelle épinière La moelle épinière est formée de substance grise et de substance blanche. La substance grise centrale, qui a la forme d’un H, est composée de corps cellulaires, de petites bres de projection et de cellules gliales de soutien. La substance grise de la moelle épinière a été divisée en régions, en fonction du type et de l’emplacement des corps cellulaires. Les trois divisions principales sont les suivantes : 1) la corne antérieure ; 2) la corne latérale ; 3) la corne postérieure. La corne antérieure contient des neurones moteurs et constitue la dernière jonction de l’information motrice avant sa sortie du SNC. La corne latérale contient des bres préganglionnaires du SNA : les bres sympathiques T1 à L2 et les bres parasympathiques S2 à S4. La corne postérieure contient des neurones sensitifs et devient le point d’entrée pour les inux afférents au SNC (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013). La substance blanche, qui entoure la substance grise, contient les faisceaux (ou tractus) ascendants et descendants myélinisés, qui transmettent l’information en direction et en provenance de l’encéphale. Les voies motrices contiennent trois faisceaux chacune. La voie pyramidale (motricité volontaire) renferme les faisceaux géniculé (corticobulbaire), pyramidal croisé et pyramidal direct. La voie extrapyramidale (motricité involontaire) contient les faisceaux rubrospinal, vestibulospinal et réticulospinal. Les voies sensitives comprennent les faisceaux gracile et cunéiforme pour la voie lemniscale (tact n), le faisceau spinothalamique pour la voie extralemniscale (tact grossier, messages thermiques et douloureux) et les faisceaux spinocérébelleux antérieur, latéral et postérieur pour la proprioception involontaire FIGURE 21.23. Le préxe du nom d’un faisceau indique son origine et le sufxe, sa destination, ce qui facilite l’identication des faisceaux sensitifs et moteurs (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013). Les faisceaux sensitifs ont le préxe « spino », et les faisceaux moteurs se terminent par le sufxe « spinal » TABLEAU 21.4 et TABLEAU 21.5. La complexité de la moelle épinière dépasse l’objet de ce chapitre, qui se limite aux faisceaux les plus importants du point de vue clinique et qui sont faciles à évaluer en contexte clinique. FIGURE 21.21 Enveloppes de la moelle épinière. La dure-mère est présentée en mauve ; elle couvre les racines et les nerfs rachidiens. L’arachnoïde est illustrée en rose et la pie-mère, en orange. S : supérieur ; D : droit ; I : inférieur ; G : gauche ; A : antérieur ; P : postérieur.

ventrale fusionnent à leur sortie du trou rachidien et deviennent un nerf rachidien (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013) FIGURE 21.20. Les dermatomes permettent d’illustrer la distribution des éléments sensitifs de chaque nerf rachidien. Un diagramme des dermatomes facilite la reconnaissance

704

Partie 4

Système nerveux

21.3.13 Circulation médullaire La moelle épinière reçoit le sang artériel de deux réseaux anastomosés : un réseau longitudinal formé des trois artères spinales (une artère spinale antérieure et deux artères spinales postérieures) et un réseau périmédullaire (artères médullaires segmentaires et radiculomédullaires) qui rejoint ces artères à différents niveaux sur leur trajet. Les artères spinales proviennent des branches des artères vertébrales et ne suffiraient pas, à elles seules, à irriguer la moelle épinière.

21

FIGURE 21.22

Distribution des dermatomes des nerfs rachidiens. A Vue de face. B Vue de dos. C Vue de côté. Le médaillon montre les segments de la moelle épinière liés aux nerfs rachidiens qui sont associés aux dermatomes présentés. C : segments cervicaux et nerfs rachidiens ; L : segments lombaires et nerfs rachidiens ; S : segments sacrés et nerfs rachidiens ; T : segments thoraciques et nerfs rachidiens.

FIGURE 21.23 Faisceaux spinaux de la substance blanche.

Chapitre 21

Anatomie et physiologie du système nerveux

705

TABLEAU 21.4

Principaux faisceaux ascendants de la moelle épinière

NOM

FONCTION

EMPLACEMENT

ORIGINEa

TERMINAISONb

Spinothalamique latéral

Douleur, température et toucher grossier du côté opposé

Colonnes latérales de la substance blanche

Colonne postérieure de la substance grise du côté opposé

Thalamus

Spinothalamique antérieur

Toucher grossier et pression

Colonnes antérieures de la substance blanche

Colonne postérieure de la substance grise du côté opposé

Thalamus

Faisceau cunéiforme et faisceau de Groll

Toucher discriminant et sensations de pression, vibration, stéréognosie et discrimination spatiale ; cinesthésie consciente

Colonnes postérieures de la substance blanche

Ganglions spinaux du même côté

Bulbe rachidien

Spinocérébelleux antérieur et postérieur

Cinesthésie inconsciente

Colonnes latérales de la substance blanche

Colonne antérieure ou postérieure de la substance grise

Cervelet

Spinotectal

Toucher lié aux réexes visuels

Colonnes latérales de la substance blanche

Colonnes postérieures de la substance grise

Tubercule quadrijumeau antérieur (mésencéphale)

a Emplacement des corps cellulaires des neurones d’où les axones du faisceau émergent. b Structure dans laquelle les axones du faisceau se terminent. Source : Patton & Thibodeau (2013)

TABLEAU 21.5

Principaux faisceaux descendants de la moelle épinière

NOM

FONCTION

EMPLACEMENT

ORIGINEa

TERMINAISONb

Pyramidal croisé

Mouvement volontaire, contraction d’un muscle ou d’un petit groupe de muscles, particulièrement ceux qui font bouger les mains, les doigts, les pieds et les orteils du côté opposé

Colonnes latérales de la substance blanche

Aires motrices ou cortex cérébral du côté opposé de l’emplacement du faisceau dans la moelle épinière

Colonnes latérales ou antérieures de la substance grise

Pyramidal direct

Même fonction que le faisceau pyramidal croisé avec une projection bilatérale

Colonnes antérieures de la substance blanche

Cortex moteur, mais du même côté que l’emplacement dans la moelle épinière

Colonnes latérales ou antérieures de la substance grise

Réticulospinal

Maintien de la posture pendant le mouvement

Colonnes antérieures de la substance blanche

Formation réticulée (mésencéphale, pont, bulbe rachidien)

Colonnes antérieures de la substance grise

Rubrospinal

Coordination du mouvement corporel et de la posture

Colonnes latérales de la substance blanche

Noyau rouge (mésencéphale)

Colonnes antérieures de la substance grise

Tectospinal

Mouvement de la tête et du cou pendant les réexes visuels

Colonnes antérieures de la substance blanche

Tubercules quadrijumeaux antérieurs (mésencéphale)

Bulbe rachidien et colonnes antérieures de la substance grise

Vestibulospinal

Coordination de la posture ou de l’équilibre

Colonnes antérieures de la substance blanche

Noyau vestibulaire (pont, bulbe rachidien)

Colonnes antérieures de la substance grise

a Emplacement des corps cellulaires des neurones d’où les axones du faisceau émergent. b Structure dans laquelle les axones du faisceau se terminent.

La majeure partie de cette irrigation se fait à travers le réseau périmédullaire entourant les racines des nerfs spinaux et composé des branches terminales des artères médullaires segmentaires et radiculomédullaires. Les artères médullaires segmentaires, dont la plus importante est l’artère d’Adamkiewicz, ainsi que les artères radiculomédullaires prennent naissance

706

Partie 4

Système nerveux

des branches spinales des artères cervicales, intercostales, lombaires et sacrées. Les artères radiculomédullaires, plus petites, n’atteignent pas toujours les artères spinales et peuvent être remplacées sur leur trajet par des artères médullaires segmentaires (FitzGerald et al., 2007 ; Patton & Thibodeau, 2013 ; Saliou, Théaudin, Vincent et al., 2011) FIGURE 21.24.

21

FIGURE 21.24A

A

Artères qui irriguent la moelle épinière. Vue antérieure de la moelle épinière (toutes les artères ne gurent pas sur l’illustration). Chapitre 21

Anatomie et physiologie du système nerveux

707

Ainsi, l’irrigation artérielle de la moelle épinière est segmentée, ce qui rend vulnérables les parties de la moelle qui reçoivent du sang de deux sources distinctes ayant un débit sanguin réduit. Les zones les plus vulnérables sont de C2 à C3,

FIGURE 21.24B

A

Irrigation segmentaire de la moelle épinière. B Réseau coronaire périmédullaire.

708

Partie 4

Système nerveux

de T1 à T4 et de L1 à L2. Un ux sanguin diminué peut parfois être observé après une opération chirurgicale ayant comporté le clampage de l’aorte, ce qui peut donner lieu à un infarctus de la moelle épinière (Setacci, 2010).

À RETENIR • Le tissu nerveux se compose de neurones et de cellules gliales. • Le système nerveux central (SNC) est formé de l’encéphale et de la moelle épinière. • Le système nerveux somatique est constitué de bres qui lient le SNC aux structures des muscles squelettiques et de la peau. • Le système nerveux autonome (sympathique et parasympathique) (SNA) est constitué de bres qui lient le SNC aux muscles lisses, au muscle cardiaque, aux organes internes et aux glandes. • L’encéphale est contenu dans la boîte crânienne, et la moelle épinière, dans la colonne vertébrale, et les deux sont protégés par les méninges (dure-mère, arachnoïde et pie-mère). • Le liquide cérébrospinal (LCS) remplit le système ventriculaire et entoure l’encéphale et la moelle épinière dans l’espace sous-arachnoïdien. • Deux paires d’artères (artères carotides internes et artères vertébrales) irriguent l’encéphale, assurant les circulations antérieure (artère cérébrale antérieure et artère communicante antérieure droites et gauches) et postérieure (artère communicante postérieure droite et gauche) qui s’unissent à la base de l’encéphale pour former le polygone de Willis.

• Le système nerveux périphérique comprend les nerfs crâniens, les nerfs rachidiens et tous les autres nerfs assurant diverses fonctions dans le corps. • Les neurones exécutent le travail fonctionnel du système nerveux, comme la réception de l’information, l’intégration et la transmission des inux nerveux aux cellules réceptrices.

dans l’aqueduc cérébral pour atteindre le quatrième ventricule, et il sort du trou de Magendie et du trou de Luschka pour atteindre l’espace sous-arachnoïdien entourant l’encéphale et la moelle épinière. • Les fonctions principales du cortex cérébral sont les fonctions sensorielles, motrices et cognitives.

• Les cellules gliales (astrocytes, oligodendrocytes, épendymocytes et microgliocytes) servent d’infrastructure de soutien au système nerveux en veillant à la protection, au soutien structurel et à la régénération des neurones.

• Les fonctions principales du cervelet sont l’équilibre et la coordination motrice.

• La plupart des activités du système nerveux ont leur origine dans les récepteurs sensoriels comme les récepteurs visuels, auditifs ou tactiles, et elles sont transmises au SNC par les bres afférentes (bres sensitives).

• L’aire de motricité du cerveau gouverne le mouvement moteur volontaire, et ses faisceaux passent du côté opposé en descendant vers le tronc cérébral. Ainsi, le faisceau moteur droit contrôle le côté gauche du corps, et vice versa.

• Les fibres efférentes (fibres motrices) transmettent la réaction du SNC à la périphérie pour produire une réaction motrice, comme la contraction des muscles squelettiques, la contraction des muscles lisses ou la sécrétion des glandes endocrines.

• L’aire motrice du langage se trouve dans le lobe frontal gauche et est responsable de l’expression du langage écrit et oral. Une lésion dans cette aire peut causer une aphasie d’expression.

• Le LCS amorce sa circulation dans les ventricules latéraux, passe par le trou de Monro dans le troisième ventricule puis

Chapitre 21

• La fonction principale du tronc cérébral (mésencéphale, pont et bulbe rachidien) consiste en la régulation de fonctions vitales comme la respiration.

• L’aire de compréhension du langage se trouve dans le lobe pariétal gauche et est responsable de la réception du langage écrit et oral. Une lésion dans cette aire peut causer une aphasie de compréhension.

Anatomie et physiologie du système nerveux

709

chapitre

22

Évaluation clinique du système nerveux et examens paracliniques

Écrit par : Darlene M. Burke, MS, MA, RN Adapté par : Géraldine Martorella, inf., Ph. D.

L

’évaluation initiale du client en situation critique de santé ayant un trouble neuro­ logique comprend l’entrevue, un examen physique détaillé et l’analyse des résultats de tests de laboratoire. Les principaux éléments évalués sont l’état de conscience, la fonction pupillaire et les mouvements oculaires, la fonction motrice, les réexes, la fonc­ tion respiratoire et les signes vitaux. De nombreux examens paracliniques effractifs et non effractifs peuvent aussi aider à diagnostiquer le trouble du client. Ces examens compren ­ nent notamment les radiographies du crâne et de la colonne vertébrale, la tomodensito­ métrie, l’imagerie par résonance magnétique, l’angiographie cérébrale et la myélographie. Ce chapitre traite de l’évaluation clinique, des analyses de laboratoire et des examens para­ cliniques du client en situation critique de santé atteint d’un trouble neurologique.

22.1

Manifestations cliniques

Une évaluation clinique approfondie du client en situation critique de santé atteint d’un trouble neurologique est essentielle au diagnostic et au traitement précoces de ce trouble, et elle sert de point de comparaison pour l’évaluation continue du client. Tout changement dans les résultats de l’évaluation neurologique doit être signalé rapidement. Le dépistage précoce d’une détérioration neurologique est indispensable à la prévention d’une lésion cérébrale secondaire (McGlinsey & Kirk, 2012). D’autres troubles de santé ainsi que des médicaments peuvent inuer sur les manifestations cliniques et doivent être pris en considération en cas de résultats anormaux notés au moment de l’évaluation neurologique.

22.2

Entrevue

Une entrevue portant sur des événements détaillés de santé antérieurs à l’hospitalisation est nécessaire à toute évaluation neurologique. Le tableau clinique initial du client dénit la rapidité et la direction de l’entrevue. En présence d’un client en situation de détresse aiguë, l’inrmière limite celleci à quelques questions sur le symptôme principal du client et sur les facteurs qui l’ont déclenché. Une entrevue adéquate comprend de l’information

sur les manifestations cliniques, les plaintes connexes, les facteurs précipitants, l’évolution de la situation et les antécédents familiaux (Daroff, Gerald, Fenichel et al., 2012). Les outils mnémotechniques PQRSTU et AMPLE facilitent la collecte de données pour compléter l’entrevue et l’histoire de santé du client ayant un trouble neurologique ENCADRÉS 22.1 et 22.2. Le client doit être en mesure de donner une description et une chronologie détaillées des événements. S’il est incapable de le faire, il faut communiquer le plus rapidement possible avec des membres de sa famille ou des proches qui sont en contact quotidien avec lui. L’entrevue et l’histoire de santé du client fournissent aux professionnels de la santé des données précieuses qui les orientent vers des éléments particuliers des manifestations cliniques du client (Barker, 2008).

22.3

Examen physique

L’évaluation neurologique du client en situation critique porte sur ces éléments principaux : l’état de conscience ; la fonction pupillaire et les mouvements oculaires ; la fonction motrice ; les réexes ; la fonction respiratoire et les signes vitaux. Un examen neurologique complet doit inclure l’évaluation de tous ces éléments (Bader & Littlejohns, 2010 ; Barker, 2008). 22

Collecte des données ENCADRÉ 22.1

Symptômes neurologiques courants évalués selon l’outil PQRSTU

L’inrmière questionne le client an de documenter les caractéristiques de chacun des symptômes qu’il présente.

engourdissements s’étendent de la jambe jusqu’au-dessus du pied ; les engourdissements des pieds ont évolué jusqu’à la taille.)

P : PROVOQUER/PALLIER/AGGRAVER

S : SYMPTÔMES ET SIGNES ASSOCIÉS/SÉVÉRITÉ

• Par exemple : Qu’est-ce qui provoque, aggrave, ou diminue le symptôme ? (Exemples de réponses : engourdissement dans la position accroupie ou lorsque les jambes sont croisées ; engourdissement des mains la nuit et le jour pendant la conduite automobile.)

• Par exemple : Ressentez-vous d’autres malaises ? Cela vous empêche-t-il d’accomplir vos activités quotidiennes ? Sur une échelle de 0 à 10, 10 étant la pire intensité ressentie, de quelle intensité sont vos céphalées qui accompagnent les engourdissements ? (Voir liste dans « Q » pour suggestion de symptômes associés.)

Q : QUALITÉ/QUANTITÉ

• Par exemple : Pouvez-vous me décrire vos étourdissements ? Votre sensation de picotement ? Sur une échelle de 0 à 10, 10 étant le pire engourdissement ressenti, à combien évaluez-vous vos engourdissements ? • Les symptômes suivants sont fréquemment à l’origine de consultation en neurologie : évanouissement ; étourdissements ; voiles noirs ; convulsions ; céphalée ; perte de mémoire ; faiblesse ; paralysie ; tremblements ou autres mouvements involontaires ; douleur ; engourdissement ; picotements ; troubles d’élocution ; troubles de vision. R : RÉGION/IRRADIATION

T : TEMPS/DURÉE

• Par exemple : À quel moment ces troubles de mémoire ont-ils débuté ? Sont-ils constants dans la journée ? Ont-ils évolué depuis leur apparition ? (Exemples de réponses : moment d’apparition ; fréquence ; durée ; évolution dans la journée.) U : (UNDERSTANDING) COMPRÉHENSION ET SIGNIFICATION POUR LE CLIENT

• Par exemple : D’après vous, quelle est la cause de ces troubles de mémoire ? De quelle façon ont-ils modié votre vie quotidienne ? Comment voyezvous cela ?

• Par exemple : Quelles sont les régions corporelles touchées par vos engourdissements ? Y a-t-il un autre endroit engourdi ? (Exemples de réponses : les

Chapitre 22

Évaluation clinique du système nerveux et examens paracliniques

711

Collecte des données ENCADRÉ 22.2

Histoire de santé : antécédents neurologiques courants évalués selon l’outil AMPLE

A : ALLERGIES/RÉACTIONS

• Souffrez-vous d’allergies ? Comment se manifestent-elles (p. ex., des allergies saisonnières ou aux médicaments, aux aliments [chocolat, vin, fromage, etc.]) ? M : MÉDICATION (OU PRODUITS NATURELS OU AUTRES SUBSTANCES)

• Prenez-vous des médicaments, des produits naturels ou d’autres substances (p. ex., alcool, drogues, tabac ; sédatifs, tranquillisants ; anticonvulsifs ; psychotropes ; anticoagulants ; antibiotiques ; bloqueurs des canaux calciques ; bêtabloquants ; nitrates ; contraceptifs oraux) ? P : PASSÉ MÉDICAL

• Avez-vous déjà été hospitalisé ? Pour quelles raisons ? Un membre de votre famille a-t-il déjà consulté un professionnel de la santé pour des problèmes semblables ? • Avez-vous eu des problèmes de santé lorsque vous étiez enfant ? Éprouviezvous des difcultés d’apprentissage ?

Enfant • Y a-t-il eu des lésions liées à l’accouchement à votre naissance ? • Souffrez-vous d’anomalies congénitales ? • Avez-vous déjà souffert d’encéphalite, de méningite, d’énurésie nocturne, d’évanouissement, de convulsions, de trauma ? Adulte • Avez-vous d’autres problèmes de santé (p. ex., diabète ; hypertension ; maladie cardiovasculaire, pulmonaire, rénale, hépatique ou endocrinienne ; tuberculose ; infection tropicale ; sinusite ; troubles visuels ; tumeurs ; troubles psychiatriques) ? • Vous est-il arrivé d’avoir des problèmes d’équilibre ? • Un professionnel de la santé vous a-t-il déjà fait des mises en garde concernant un problème de santé ?

22.3.1

Histoire chirurgicale • Avez-vous déjà subi une chirurgie ? De quel type (p. ex., chirurgie neurologique, oto-rhino-laryngologique, dentaire, oculaire) ? Histoire traumatique • Avez-vous déjà subi un accident (p. ex., accident de véhicule motorisé ; chutes ; coups sur la tête, le cou ou le dos) ? • Vous êtes-vous blessé récemment ou dans les dernières semaines ? Histoire de santé • Dans votre famille, y a-t-il des antécédents de maladie (p. ex., accident vasculaire cérébral [AVC] [malformation artérioveineuse, anévrisme] ; diabète de type 1 ou 2 ; hypertension ; convulsions ; tumeurs ; céphalées ; troubles émotionnels ; dépression) ? L : (LAST MEAL) DERNIER REPAS

• Quand avez-vous mangé la dernière fois ? Qu’avez-vous mangé récemment ? • Certains examens neurologiques doivent être effectués lorsque le client est à jeun. • Le client pourrait avoir ingéré récemment des aliments pouvant contenir des substances causant des symptômes neurologiques, par exemple des amines ou du glutamate monosodique. E : ÉVÉNEMENTS/ENVIRONNEMENT

• Y a-t-il eu des changements dans votre vie récemment (p. ex., acquisition d’animaux de compagnie ; voyages ; conditions de vie, conditions de travail ; exposition à des toxines, à des produits chimiques ou à des vapeurs ; tâches professionnelles ; habitudes de vie et promotion de la santé, alimentation, sommeil, élimination et exercice ; tempérament général) ?

État de conscience

L’évaluation de l’état de conscience est primordiale dans l’examen neurologique. Dans la plupart des cas, l’état de conscience d’un client se détériore avant que tout autre changement neurologique ne soit noté. Cette détérioration est généralement subtile et doit être surveillée attentivement. L’évaluation de l’état de conscience porte sur deux éléments : le degré d’éveil ou de vigilance et le contenu de la conscience (perception et pensées) (Barker, 2008 ; Koita, Riggio, Jagoda et al., 2010). Bien qu’il n’existe pas de dénition universelle des divers états de conscience, les catégories présentées dans le TABLEAU 22.1 sont généralement utilisées pour décrire celui du client (Bader & Littlejohns, 2010 ; Barker, 2008 ; Seidel, Ball, Dains et al., 2011).

Évaluation de l’éveil L’éveil dépend du système d’activation réticulaire et de sa connexion avec le thalamus et le cortex

712

Partie 4

Système nerveux

cérébral. Il s’agit de la manifestation la plus primaire de la conscience. Pour l’évaluer, les observations sont axées sur la capacité du client à répondre à des stimulus verbaux ou physiques d’une manière appropriée (Koita et al., 2010). An de stimuler le client, l’inrmière commencera par un stimulus verbal prononcé sur un ton normal. Si le client ne réagit pas, l’inrmière augmentera le stimulus en lui parlant plus fort. S’il ne réagit toujours pas, elle augmentera encore le stimulus en secouant le client. Si ces tentatives de stimulation échouent, il faut avoir recours à des stimulus douloureux. Pour évaluer l’éveil, des techniques de stimulation centrale doivent être utilisées (Barker, 2008) ENCADRÉ 22.3.

Évaluation du contenu de la conscience Le contenu de la conscience témoigne d’un fonctionnement neurologique supérieur. L’évaluation de la conscience est axée sur l’orientation du client. Celuici doit donner des réponses appropriées à diverses

questions concernant son orientation par rapport aux personnes, à l’espace, au temps et au contexte (Koita et al., 2010). Des changements dans les réponses du client qui indiquent des degrés croissants de con­ fusion et de désorientation peuvent être le premier signe d’une détérioration neurologique (Barker, 2008 ; Daroff et al., 2012).

Échelle de coma de Glasgow L’outil d’évaluation de l’état de conscience le plus reconnu est l’échelle de coma de Glasgow (Glasgow Coma Scale [GCS]) (Teasdale & Jennett, 1974). Cette échelle de notation est basée sur trois critères : 1) l’ouverture des yeux ; 2) la meilleure réponse ver­ bale ; 3) la meilleure réponse motrice. L’inrmière note la meilleure réponse obtenue pour chaque cri­ tère TABLEAU 22.2. Le score le plus élevé sur la GCS est 15, et le plus faible est 3. Un score de 7 ou moins indique généra­ lement un état comateux. À l’origine, ce système de notation a été conçu pour uniformiser l’évaluation de la gravité d’une lésion neurologique par tous les professionnels de la santé. Récemment, l’utilité de cette échelle a toutefois été remise en question, notamment en raison de la abilité variable d’un évaluateur à l’autre, causée par des façons de procé­ der ou d’évaluer propre à chacun (Green, 2011). Plusieurs éléments doivent être considérés au moment de l’utilisation de la GCS pour l’évaluation neurologique continue d’un client. Cette échelle fournit des données sur l’état de conscience seule­ ment et ne devrait jamais être considérée comme un examen neurologique complet. De plus, il ne s’agit pas d’un outil précis pour décrire une altération de la conscience. En contexte de soins critiques, l’utili­ sation de la GCS peut être entravée par un œdème palpébral bilatéral, une intubation endotrachéale, la sédation ou toute autre condition. L’inrmière attri­ bue un score de 1 et explique alors dans ses notes d’évolution tout facteur empêchant l’utilisation opti­ male de cette échelle pour effectuer l’évaluation neurologique.

22.3.2

Fonction pupillaire et évaluation des mouvements oculaires

L’évaluation de la fonction pupillaire porte sur les éléments suivants : le diamètre et la forme de la pupille, la réaction de la pupille à la lumière (réexe photomoteur) ainsi que l’accommodation. L’acronyme PERRLA est utilisé pour l’évaluation et la documentation de la fonction pupillaire dans les notes d’évolution. Il signie : Pupilles Égales Rondes Réactives à la Lumière et à l’Accommoda­ tion (Jarvis, 2009). L’évaluation des nerfs crâniens est aussi effectuée grâce à l’évaluation des mouve­ ments oculaires qui est intégrée à celle de la fonc­ tion pupillaire. La fonction pupillaire est une extension du système nerveux autonome. Le contrôle parasympathique de

TABLEAU 22.1

États de conscience

Alerte

Le client répond immédiatement à un stimulus externe minimal.

Désorienté

Le client est désorienté par rapport au temps et à l’espace, mais il peut être orienté par rapport aux gens ; son jugement et ses prises de décision sont décients, et sa capacité d’attention est réduite.

Délirant

Le client est désorienté par rapport au temps, à l’espace et aux gens. Il a une perte de contact avec la réalité et a souvent des hallucinations auditives ou visuelles.

Léthargique

Le client montre un état de somnolence ou d’inaction et a besoin d’un stimulus accru pour être réveillé.

Obnubilé

Le client est indifférent aux stimulus externes, et son interaction verbale est minimale.

Stuporeux

Le client n’est stimulé que par des stimulus externes vigoureux et continus. Sa réponse motrice est généralement le retrait ou la localisation du stimulus.

Comateux

Le client ne manifeste aucune réponse neurale volontaire à une stimulation vigoureuse.

Source : Adapté de Barker (2008)

Collecte des données ENCADRÉ 22.3

Techniques de stimulation pour l’évaluation neurologique

22

STIMULATION CENTRALE (ÉVALUATION DE L’ÉVEIL)

STIMULATION PÉRIPHÉRIQUE (ÉVALUATION DE LA FONCTION MOTRICE)

• Pincement du trapèze : pincer le muscle du trapèze du client entre le pouce, l’index et le majeur. • Friction du sternum : presser fermement le sternum du client avec les jointures en frottant.

• Pression sur la base de l’ongle : presser fermement la base de l’ongle du client avec un objet tel qu’un crayon. • Pincement de la face intérieure du bras ou de la jambe : pincer fermement une petite partie de la peau du client sur la face intérieure sensible du bras ou de la jambe.

la pupille se fait par l’innervation du nerf oculomoteur (nerf crânien III), qui émerge du tronc cérébral dans la région du mésencéphale. Quand les bres parasympa­ thiques sont stimulées, la pupille se contracte. Le contrôle sympathique provient de l’hypothalamus, et il traverse tout le tronc cérébral. Quand les bres sym­ pathiques sont stimulées, la pupille se dilate. Les changements pupillaires sont un précieux outil d’évaluation en raison de l’emplacement des voies nerveuses. Le nerf oculomoteur est situé à la jonction du mésencéphale et du foramen ovale de Pacchioni. Toute pression accrue exerçant une force sur ce dernier comprime le nerf oculomo­ teur. Cette compression entraîne la dilatation de la pupille (mydriase) et son absence de réactivité. Une atteinte du tronc cérébral provoque l’interruption des Chapitre 22

Évaluation clinique du système nerveux et examens paracliniques

713

Collecte des données TABLEAU 22.2

Échelle de coma de Glasgow

CATÉGORIE DE RÉPONSE

STIMULUS APPROPRIÉ

RÉPONSE

SCORE

Ouverture des yeux

• Approche du chevet • Commande verbale • Douleur

Ouverture spontanée des yeux

4

Ouverture des yeux à l’appel ou sur commande

3

Absence d’ouverture des yeux après les stimulus mentionnés ci-dessus, mais ouverture en réaction à la douleur

2

Pas d’ouverture des yeux, quel que soit le stimulus

1

Orientation appropriée ; conversation ; orientation dans les trois sphères (lieu, temps, personnes)

5

Confusion ; conversation trahissant cependant une certaine désorientation dans au moins une des sphères (personnes, lieu, temps)

4

Usage inapproprié ou désordonné des mots (p. ex., des jurons), absence de conversation soutenue

3

Mots incompréhensibles et sons (p. ex., des gémissements)

2

Absence d’émission de sons, même après des stimulus douloureux

1

Obéissance à la commande

6

Localisation de la douleur, non-obéissance à la commande, mais tentative d’élimination du stimulus douloureux

5

Retrait réexe par exion du bras en réponse à la douleur sans posture anormale en exion

4

Flexion anormale, exion du bras au niveau du coude et pronation (décortication)

3

Extension anormale du bras au coude, généralement accompagnée d’une adduction et d’une rotation interne du bras à l’épaule (décérébration)

2

Absence de réponse

1

Meilleure réponse verbale

Meilleure réponse motrice

• Questions verbales en état d’éveil maximal

• Commande verbale (p. ex., levez le bras, montrez-moi deux doigts) • Douleur centrale par frottement sternal ou par coincement des trapèzes • Douleur périphérique (p. ex., l’application d’une pression à la base de l’ongle)

Source : Adapté de Teasdale & Jennett (1974)

inux nerveux sympathiques. En cas de perte de contrôle du système sympathique, les pupilles se con­ tractent en un minuscule point (myosis) et devien­ nent non réactives. Le contrôle des mouvements oculaires est pos­ sible grâce à l’interaction de trois nerfs crâniens, soit le nerf oculomoteur (III), le nerf trochléaire (IV) et le nerf moteur oculaire externe (VI). La trajectoire de ces nerfs crâniens se rejoint dans la voie internu­ cléaire du faisceau longitudinal médian situé dans le tronc cérébral, ce qui permet la coordination inté­ grée des mouvements oculaires avec le nerf vestibu­ laire (VIII) et la formation réticulée (Rucker, 2012).

714

Partie 4

Système nerveux

Estimation de la taille et de la forme de la pupille Le diamètre des pupilles doit être mesuré en milli­ mètres (mm) an d’obtenir une description objective. Un pupillomètre peut parfois être utilisé. La plupart des gens ont des pupilles symétriques, d’un diamètre de 2 à 5 mm. Une anisocorie est une différence de dia­ mètre entre les deux pupilles. Une différence de 1 mm est considérée comme normale. Elle est observée chez environ 17 % des êtres humains (Adoni & McNett, 2007). Une asymétrie plus grande peut indi­ quer un trouble neurologique important, surtout si

le client ne montrait pas cette différence auparavant. Cela peut traduire un danger imminent de hernie cérébrale et doit être signalé immédiatement. Puisque le nerf oculomoteur est situé au foramen ovale de Pacchioni, la taille et la réactivité des pupilles jouent un rôle clé dans l’évaluation objective des changements de la pression intracrânienne (PIC) et des syndromes de hernie (ou engagement cérébral) 23 . En plus de la compression du nerf oculomoteur, d’autres facteurs entraînent des changements de la taille des pupilles. La dilatation des pupilles peut être causée par l’instillation d’agents cycloplégiques tels que l’atropine ou la scopolamine (HyoscineMD) ou par une réaction à un stress intense. Une contraction extrême des pupilles peut indiquer une surdose d’opioïdes, une compression du tronc cérébral inférieur ou des dommages bilatéraux au pont (Adoni & McNett, 2007 ; Bishop, 1991). L’évaluation des pupilles porte aussi sur leur forme. Les pupilles sont normalement rondes, mais elles peuvent avoir une forme irrégulière ou ovale chez un client qui a subi une chirurgie oculaire. Leur forme peut aussi être ovale aux stades initiaux de la compression du nerf oculomoteur à cause d’une PIC élevée (Adoni & McNett, 2007 ; Barker, 2008).

Évaluation de la réaction pupillaire à la lumière Le réexe pupillaire à la lumière dépend du fonctionnement du nerf optique (nerf crânien II) et du

nerf oculomoteur (Adoni & McNett, 2007 ; Seidel et al., 2011) FIGURE 22.1. Pour évaluer ce réexe, l’inrmière dirige un étroit faisceau de lumière vive dans la pupille à partir du canthus externe de l’œil. Une lumière dirigée directement dans la pupille causera un éclat ou un reet qui peut empêcher l’inrmière de bien voir. La réaction pupillaire à la lumière est décrite comme étant rapide, lente ou absente (pupille xe) (Barker, 2008). Le réexe photomoteur direct et le réflexe photomoteur consensuel de chaque pupille doivent être évalués. Le réflexe consensuel est la contraction d’une pupille en réponse à une lumière dirigée dans l’œil opposé. Ce réexe résulte du croisement des bres nerveuses au chiasma optique (Barker, 2008). L’évaluation de la réaction consensuelle est nécessaire pour exclure le dysfonctionnement du nerf optique comme cause possible d’absence de réexe photomoteur direct à la lumière. Enn, le fonctionnement du nerf oculomoteur est aussi vérié par l’évaluation du réexe d’accommodation (convergence). L’inrmière observe normalement une constriction symétrique des pupilles lorsque la personne regarde un objet rapproché à moins de 10 cm. Puisque le nerf optique est la voie afférente du réexe photomoteur, une lumière dirigée dans un œil aveugle ne provoque pas de réexe photomoteur direct ni de réexe consensuel dans l’œil opposé. Un réexe consensuel dans l’œil aveugle provoqué par une lumière dirigée dans l’œil opposé montre que le

23 Les différents types de syndromes de hernies sont abordés dans le chapitre 23, Troubles neurologiques et approche thérapeutique.

22

FIGURE 22.1 Dysfonctionnements et réponses pupillaires anormales.

Chapitre 22

Évaluation clinique du système nerveux et examens paracliniques

715

nerf oculomoteur est intact. La compression du nerf oculomoteur par une hernie transtentorielle affecte le réexe photomoteur direct et le réexe consensuel de la pupille touchée (Adoni & McNett, 2007 ; Bader & Littlejohns, 2010 ; Barker, 2008 ; Rucker, 2012).

Évaluation des mouvements oculaires

FIGURE 22.2 Mouvements des muscles extraoculaires et leurs nerfs crâniens.

FIGURE 22.3 Réexe oculocéphalique (phénomène des yeux de poupée). A Normal. B Anormal. C Absent.

716

Partie 4

Système nerveux

Chez le client conscient, le fonctionnement des trois nerfs crâniens de l’œil et l’innervation du faisceau longitudinal médian peut être évalué en demandant au client de suivre un doigt sur toute l’amplitude du mouvement de l’œil. Si le mouvement des yeux est coordonné dans les six champs, les muscles extra­ oculaires sont intacts (Barker, 2008 ; Rucker, 2012) FIGURE 22.2. Chez le client inconscient, la fonction oculaire et l’innervation du faisceau longitudinal médian sont évaluées en provoquant le réexe oculocéphalique ou phénomène des yeux de poupée. Si le client est inconscient en raison d’un trauma, l’inrmière s’as­ sure de l’absence de lésion cervicale avant d’effectuer cet examen. Pour évaluer le réexe oculocéphalique, l’inrmière tient les paupières du client ouvertes et lui tourne rapidement la tête d’un côté tout en obser­ vant le mouvement des yeux, puis elle lui tourne rapidement la tête de l’autre côté en observant de nouveau le mouvement des yeux. Si le mouvement des yeux est à l’opposé de celui de la tête, le réexe oculocéphalique est présent, et l’arc réexe oculo­ céphalique est intact FIGURE 22.3A. Un réexe ocu­ locéphalique anormal est présent quand les yeux errent ou se déplacent dans des directions opposées l’un par rapport à l’autre FIGURE 22.3B. Cela indique un certain degré de lésion du tronc cérébral (Bader & Littlejohns, 2010 ; Barker, 2008 ; Rucker, 2012). Si le réexe oculocéphalique est absent, cela indique que l’arc et le tronc cérébral ont subi une lésion impor­ tante. L’absence de réponse s’observe lorsque les pupilles demeurent xes au centre des yeux lorsque l’inrmière bouge la tête du client FIGURE 22.3C. Ce réexe peut aussi être absent dans le cas d’un coma métabolique grave. Le réexe oculovestibulaire ou oculocalorique est évalué par l’épreuve oculocalorique. Ce test engendre une stimulation extrêmement doulou­ reuse qui peut provoquer une rigidité de décorti­ cation ou de décérébration chez le client comateux et des nausées, des vomissements ou des étourdis­ sements chez le client conscient (Barker, 2008 ; Bishop, 1991 ; Rucker, 2012). Pour cette raison, il est le plus souvent utilisé comme l’une des der­ nières évaluations des manifestations cliniques de l’activité du tronc cérébral, et rarement auprès de clients conscients. Après avoir conrmé que le tympan du client est intact, sa tête de lit est élevée à un angle de 30°, et le médecin injecte de 20 à 100 ml d’eau glacée dans le conduit auditif externe. La réponse oculaire normale chez le client conscient qui a une fonction corticale intacte est un nystagmus rapide qui dévie vers le côté opposé à l’oreille irriguée et qui dure de 30 à 120 secondes

(Barker, 2008 ; Berger, 2012). Cette réponse indique l’intégrité du tronc cérébral. Chez le client comateux ayant subi un dommage cérébral, la réponse attendue est une déviation lente de l’œil vers le côté irrigué. Un mouvement oculaire non coordonné indique une lésion importante du tronc cérébral. L’absence de réponse indique le nonfonctionnement du tronc cérébral et peut être considérée comme un critère positif de décès neurologique FIGURE 22.4. Le réexe oculovestibulaire peut être temporairement absent chez le client atteint d’une encéphalopathie métabolique réversible (Green, 2011).

22.3.3

Fonction motrice

L’évaluation de la fonction motrice est axée sur le tonus, la taille et la force des muscles. Chaque côté du corps doit être évalué individuellement et ensuite comparé à l’autre (Barker, 2008 ; Berger, 2012).

Évaluation du tonus et de la taille des muscles Il faut d’abord examiner la taille et la forme des muscles. La présence d’une atrophie doit être notée. Le tonus musculaire est évalué par l’opposition au mouvement passif. L’inrmière demande au client de détendre l’extrémité examinée pendant qu’elle effectue des mouvements passifs pour déterminer l’amplitude du mouvement et qu’elle évalue le degré de résistance. Le tonus musculaire est évalué en fonction de la accidité (aucune résistance), de l’hypotonie (faible résistance), de l’hypertonie (résistance accrue), de l’hypertonie spastique (spasticité) ou de la rigidité (Seidel et al., 2011).

Estimation de la force musculaire Pour évaluer la force musculaire du client, il faut lui faire effectuer un ensemble de mouvements opposés à une résistance. L’inrmière note ensuite la force du mouvement sur une échelle de 0 à 6 ENCADRÉ 22.4. Le client doit ensuite étendre ses deux bras vers l’avant, paumes vers le haut, et maintenir cette

Collecte des données ENCADRÉ 22.4

Échelle de la force musculaire

• 0/5 – Absence de mouvement ou de contraction musculaire • 1/5 – Très faible contraction • 2/5 – Mouvement actif sur un plan horizontal (absence de gravité)

• 3/5 – Mouvement actif contre la gravité • 4/5 – Mouvement actif contre une certaine résistance • 5/5 – Mouvement actif contre une pleine résistance

position en gardant les yeux fermés. Si un côté est plus faible, le bras de ce côté descendra, et la main se tournera vers le bas (pronation). Pour évaluer les membres inférieurs, l’inrmière demande au client de pousser et de tirer les pieds contre une résistance ou d’élever les jambes (Seidel et al., 2011).

Réponses motrices anormales La stimulation périphérique est utilisée pour évaluer la fonction motrice (Bader & Littlejohns, 2010 ; Barker, 2008). Si le client est incapable de comprendre et de suivre un ordre simple, l’inrmière applique un stimulus à chaque extrémité séparément pour permettre l’évaluation du fonctionnement individuel de chaque membre. Les réponses motrices provoquées par des stimulus douloureux sont interprétées différemment de celles provoquées par un mouvement volontaire (Barker, 2008). Le TABLEAU 22.3 montre une classication de ces réponses. Une exion anormale est aussi appelée rigidité de décortication FIGURE 22.5A. En réponse à un stimulus douloureux, les extrémités supérieures (bras, poignets et doigts) se placent en exion, et le bras, en adduction. Les extrémités inférieures se placent en extension, avec rotation interne et exion plantaire. Une exion anormale se produit en cas de lésion au-dessus du mésencéphale. Une extension anormale est aussi appelée rigidité de décérébration FIGURE 22.5B : quand le client est stimulé, ses dents se serrent, et ses bras présentent une extension

22

FIGURE 22.4 Réexe oculovestibulaire (épreuve calorique) chez le client comateux avec lésion cérébrale connue. A Réponse attendue. B Réponse anormale. C Réponse absente.

Chapitre 22

Évaluation clinique du système nerveux et examens paracliniques

717

Collecte des données TABLEAU 22.3

Classication des réponses motrices anormales

Activité spontanée

Réponse qui se produit indépendamment d’un stimulus externe et qui peut ne pas se produire sur demande.

Localisation

Réponse réexe qui se produit lorsque le client, en réaction à un stimulus inconfortable (p. ex., un tube endotrachéal, un tube nasogastrique, un soluté, un pansement), tente de retirer le stimulus.

Retrait

Réponse qui se produit quand le membre qui reçoit le stimulus douloureux réagit en se échissant avec un mouvement normal, dans une tentative de se soustraire au stimulus.

Décortication

Réponse de exion anormale qui peut se produire spontanément ou en réaction à un stimulus (FIGURE 22.5 A et C).

Décérébration

Réponse d’extension anormale qui peut se produire spontanément ou en réaction à un stimulus (FIGURE 22.5 B et C).

Flaccidité

Aucune réponse à un stimulus douloureux.

rigide, se rapprochent du corps (adduction) et se tournent vers l’extérieur (hyperpronation). Ses jambes sont en extension rigide, et il y a une exion plantaire du pied. Une extension anormale se produit en cas de lésion de la région du tronc cérébral (Berger, 2012). Parce que la exion et l’extension anormales ont la même apparence aux extrémités inférieures, il faut observer les extrémités supérieures pour discriminer la présence de mouvements anormaux. Le client peut montrer une exion anormale d’un côté du corps et une extension de l’autre (Bader & Littlejohns, 2010 ; Barker, 2008) FIGURE 22.5C. Des études montrent qu’un client qui présente une exion anormale a un meilleur pronostic que celui qui manifeste une extension anormale (Berger, 2012). L’apparition d’une rigidité nouvelle ou un changement d’une exion anormale à une extension anormale doit être immédiatement signalé au médecin.

22.3.4

Évaluation des réexes

Les réexes ostéotendineux (ROT) sont généralement évalués par un médecin au cours d’un examen neurologique complet. Cela se fait en frappant légèrement le tendon approprié avec un marteau à réexes. Pour obtenir des résultats exacts, le muscle doit être détendu, et l’articulation doit se trouver en position neutre (Koita et al., 2010). Les cinq réexes évalués sont les suivants : 1) l’achilléen (cheville) ; 2) le rotulien ou patellaire (genou) ; 3) le bicipital ; 4) le tricipital ou olécranien ; 5) le styloradial ou supinateur. Les ROT sont notés sur une échelle de 0 (absence) à 4 (hyperactivité). Une notation de 2 est normale FIGURE 22.6. L’hyperréexie est liée à des lésions des motoneurones supérieurs, et l’aréexie est associée à des lésions des motoneurones inférieurs (Seidel et al., 2011).

718

Partie 4

Système nerveux

FIGURE 22.5 Réponses motrices anormales. A Rigidité de décortication. B Rigidité de décérébration. C Rigidité de décortication du côté droit et rigidité de décérébration du côté gauche du corps.

Les réexes superciels se révèlent normaux s’ils sont présents et anormaux en leur absence. Ils sont évalués en stimulant les récepteurs cutanés de la peau, de la cornée ou d’une muqueuse. Un efeurement, un grattement ou un toucher peuvent servir de stimulus TABLEAU 22.4. La présence de réexes pathologiques constitue un résultat neurologique anormal (McGee, 2012). Le réexe de préhension est présent quand la stimulation tactile de la paume de la main produit une réponse de préhension qui n’est pas un geste volontaire conscient. Le réexe de préhension est un réexe primitif qui disparaît normalement au cours du développement de l’enfant. La présence de ce réexe chez l’adulte indique une atteinte corticale. Le réexe de Babinski est un signe pathologique chez toute personne âgée de plus de deux ans. Ce réexe se vérie en frottant lentement un côté de la plante du pied. Une extension soutenue du gros orteil indique la présence du signe de Babinski (ou un Babinski positif). Cette réponse est parfois accompagnée de l’étalement des quatre autres orteils. La exion de tous les orteils en réponse au même stimulus est normale et indique l’absence du signe de Babinski FIGURE 22.7. La présence de ce signe est un résultat neurologique important, car il indique une lésion des motoneurones supérieurs du cerveau, du tronc cérébral ou de la moelle épinière (McGee, 2012). Une telle lésion peut être causée par une maladie dégénérative, néoplasique, inammatoire,

FIGURE 22.6 Les réexes du client sont notés en inscrivant les résultats à l’endroit approprié de la gure.

vasculaire ou elle peut être post-traumatique. Le signe de Babinski peut aussi apparaître (positif) au cours d’une hernie transtentorielle (Barker, 2008).

22.3.5

TABLEAU 22.4

Réexes superciels

RÉFLEXE

NERFS STIMULÉS

RÉACTION NORMALE

Cornéen*

V et VII

Fermeture rapide des paupières quand la cornée est touchée avec un bout de coton, le coin d’un mouchoir ou au contact d’une goutte de solution physiologique

Pharyngé*

IX et X

Réaction de haut-le-cœur à une stimulation pharyngienne

Abdominal

Épigastriques (thoraciques [T6-T9]) ; mi-abdominaux (T9-T11) ; hypogastriques (T11-L1)

Contraction du muscle abdominal après stimulation, avec mouvement bref et rapide du nombril en direction du stimulus

Crémastérien

L1, L2

Élévation du testicule ou de la grande lèvre après stimulation de la face interne de la cuisse

Bulboanal ou bulbocaverneux/ clitoridoanal

S3

Contraction des muscles et du sphincter anal à la stimulation (toucher rectal)

Anal ou cutané anal

S5

Contraction sphinctérienne rapide et brève à l’efeurement de la marge anale ou à la toux

Cutané plantaire (signe de Babinski)

L5, S1

Flexion des orteils à la stimulation de la plante du pied (Babinski négatif)

* Ces réexes sont évalués en même temps que les mouvements oculaires. Sources : Adapté de Bader & Littlejohns (2010) ; Barker (2008) ; Seidel et al. (2011)

22

Fonction respiratoire

L’évaluation de la fonction respiratoire porte sur deux éléments : la perméabilité des voies respiratoires et le prol respiratoire. La respiration est une fonction hautement intégrée qui reçoit des inux du cerveau, du tronc cérébral et des mécanismes métaboliques. Dans les manifestations cliniques, il existe des corrélations entre l’altération de l’état de conscience, le degré de lésion du cerveau ou du tronc cérébral et la respiration du client. Sous l’inuence du cortex cérébral et du diencéphale, trois centres du tronc cérébral gouvernent la respiration. Le centre inférieur, appelé centre respiratoire médullaire, envoie des impulsions au nerf vague pour innerver les muscles inspiratoires et expiratoires. Les centres apneustique et pneumotaxique du pont commandent la durée de l’inspiration et de l’expiration ainsi que la fréquence respiratoire (Bader & Littlejohns, 2010 ; Barker, 2008 ; Berger, 2012).

Évaluation de la perméabilité des voies respiratoires L’évaluation de la fonction respiratoire du client qui est atteint d’une décience neurologique doit comprendre celle de la perméabilité des voies

FIGURE 22.7 Signe de Babinski. A Test : avec une pointe arrondie, frotter la plante du pied comme sur la gure. B La exion des orteils vers la plante du pied est une réponse normale (absence du réexe de Babinski ou Babinski négatif). C L’extension du gros orteil vers le dessus du pied et l’étalement des autres orteils est une réponse anormale (présence du réexe de Babinski ou Babinski positif).

Chapitre 22

Évaluation clinique du système nerveux et examens paracliniques

719

respiratoires, de la capacité de dégagement des voies respiratoires et du contrôle des sécrétions. Les réexes de la toux, pharyngé (nauséeux) et de déglutition responsables de la protection des voies respiratoires peuvent être absents ou réduits (Haddad & Arabi, 2012).

Observation du prol respiratoire

23 Le chapitre 23, Troubles neurologiques et approche thérapeutique, aborde de façon plus détaillée l’hyper­ tension intracrânienne.

Des changements dans le prol respiratoire aident à déterminer le degré de dysfonctionnement ou de lésion du tronc cérébral FIGURE 22.8. L’évaluation de la fonction respiratoire doit entre autres porter sur l’efcacité des échanges gazeux à maintenir des concentrations adéquates d’oxygène et de dioxyde de carbone dans le sang. L’hypoventilation est courante chez le client ayant une altération de l’état de conscience. Des modications des contenus artériels en oxygène ou en dioxyde de carbone (pression partielle de l’oxygène dans le sang artériel [PaO2] et pression partielle du dioxyde de carbone dans le sang artériel [PaCO2]) peuvent aggraver le dysfonctionnement neurologique. La PIC augmente avec l’hypoxémie ou l’hypercapnie (Bader & Littlejohns, 2010 ; Barker, 2008 ; Berger, 2012) 23 .

22.3.6

Signes vitaux

En plus d’agir directement sur la fonction respiratoire, le cerveau et le tronc cérébral inuent sur les fonctions circulatoire et thermique du corps. Des changements de signes vitaux de cette fonction peuvent aussi indiquer une détérioration de l’état neurologique du client (Bader & Littlejohns, 2010 ; Barker, 2008). L’évaluation et la surveillance de la fonction circulatoire reposent principalement sur la mesure de la pression artérielle (P.A.) et de la fréquence et du rythme cardiaques. Le réflexe de Cushing constitue un signe tardif et une urgence médicale puisqu’il indique un risque imminent de hernie cérébrale (engagement).

Évaluation de la pression artérielle L’hypertension systémique est une manifestation courante d’une lésion intracrânienne. Tout type de lésion intracrânienne entraîne fréquemment la perte de l’autorégulation cérébrale, qui régule le débit sanguin cérébral (DSC). Après une lésion cérébrale, le corps est généralement dans un état hyperdynamique (fréquence cardiaque, P.A. et débit cardiaque accrus) en raison d’une réaction compensatoire. Avec la perte de l’autorégulation causée par l’élévation de la P.A., le DSC et le volume sanguin cérébral augmentent ; la PIC s’élève donc. La maîtrise de l’hypertension systémique est nécessaire pour arrêter ce cycle, mais il faut faire preuve de prudence. La P.A. moyenne doit être sufsante pour produire un DSC adéquat en présence d’une PIC élevée. Il faut aussi prêter attention à la pression différentielle, qui peut augmenter aux derniers stades de l’hypertension intracrânienne (HIC) (Haddad & Arabi, 2012 ; Saiki, 2009).

Observation de la fréquence et du rythme cardiaques Le bulbe rachidien et le nerf vague transmettent les inux du système nerveux parasympathique au cœur. Lorsqu’il est stimulé, ce système du tronc cérébral inférieur provoque une bradycardie. La stimulation sympathique augmente la fréquence et la contractilité cardiaques. Divers troubles cérébraux et des variations soudaines de la PIC peuvent causer une bradycardie, des contractions ventriculaires prématurées (ou extrasystoles ventriculaires), des changements de l’intervalle QT et des lésions du myocarde (Samuels, 2007).

Réexe de Cushing

FIGURE 22.8

Prol respiratoire anormal fréquemment associé au coma.

720

Partie 4

Système nerveux

Le réexe de Cushing ou phénomène de Cushing, engendré par la triade de Cushing, est un ensemble de trois manifestations cliniques (l’hypertension systolique, la bradycardie et la respiration anormale) causées par une pression exercée sur le bulbe rachidien du tronc cérébral. Ces signes peuvent se manifester en réaction à une HIC prolongée et incontrôlée ou encore à un syndrome d’engagement

cérébral (hernie), ce qui constitue une urgence médicale. Il faut porter une attention particulière à la modication de chaque élément de cette triade et intervenir en conséquence (Fodstad, 2006). Il est également important de considérer que ce réexe pourrait camouer des signes d’hypovolémie tels qu’une P.A. basse ou de la tachycardie (Tang & Stiver, 2012). L’apparition du réexe de Cushing est un signe tardif d’une grave détérioration neurologique, mais il n’est présent que chez le tiers des clients. De plus, les changements respiratoires sont difciles, voire impossibles à observer lorsque celui-ci est sous ventilation mécanique et en coma barbiturique (Arrigo & Huber, 2013).

Température corporelle Bien que la surveillance de la température puisse paraître secondaire dans ce contexte, il est important de se rappeler que si l’HIC affecte l’hypothalamus, un changement de la température, par exemple une hyperthermie, peut également être observée. L’hyperthermie augmente le métabolisme et la consommation d’oxygène. Des interventions devront être mises en œuvre pour favoriser le retour d’une température normale an d’éviter des lésions neurologiques secondaires (Mrozek, Vardon & Geeraerts, 2012).

22.3.7

Évaluation neurologique rapide

Une évaluation neurologique doit être structurée, approfondie et simple pour que l’inrmière puisse l’effectuer correctement et facilement n’importe où, que cela soit à l’unité de soins critiques, pendant un transfert ou un examen (Barker, 2008). Une évaluation neurologique complète doit couvrir tous les principaux éléments du contrôle neurologique. Toute anomalie observée peut être ensuite étudiée plus précisément et plus rapidement. Les résultats doivent être analysés en fonction de ceux des examens précédents. Une étape essentielle de l’évaluation est la transmission des données entre les inrmières qui soignent le client au moment effectué entre chaque quart de travail. Il est habituellement recommandé que l’inrmière qui termine sa période de travail effectue une évaluation neurologique avec celle qui lui succède. Cela optimise la abilité de l’évaluation et, par conséquent, la sécurité du client, en plus d’augmenter la satisfaction des familles et même des inrmières (Tidwell, Edwards, Snider et al., 2011).

Client conscient L’ENCADRÉ 22.5 montre un exemple d’évaluation neurologique rapide du client conscient atteint d’une décience neurologique connue ou potentielle qui peut être effectuée pendant le changement d’équipe soignante. Cette évaluation initiale dure généralement moins de quatre minutes. Si une nouvelle décience neurologique ou si un changement sont

observés par rapport à la dernière évaluation, une attention particulière devra être portée à cette anomalie.

Client inconscient Au moment de l’évaluation du client inconscient, il importe de chercher à le stimuler le plus possible avant d’entreprendre l’évaluation neurologique ENCADRÉS 22.3 et 22.6. À cette n, l’inrmière peut appeler le client par son nom, effectuer un frottement sternal ou lui secouer une épaule. Comme pour le client conscient, toute anomalie ou tout changement par rapport à l’évaluation précédente doit être examiné plus en détail. Cette évaluation dure trois ou quatre minutes.

Interventions interdisciplinaires ENCADRÉ 22.5

Évaluation neurologique rapide du client conscient

Ce guide peut être utilisé à l’occasion du changement de personnel pour évaluer le client en situation critique qui est conscient et qui a un trouble neurologique. 1. État de conscience : au moment de l’éva­ luation à l’aide de la GCS, éviter les ques­ tions évidentes et surutilisées sur le nom, la date et l’endroit et se concentrer sur les événements récents et passés tels que le nom du conjoint ou de la conjointe, l’adresse du domicile et les aliments mangés au dernier repas. L’inrmière doit connaître les réponses à toutes les questions posées.

2. Nerfs crâniens : évaluer la fonction pupillaire et les mouvements oculaires. 3. Fonction motrice : évaluer le mouvement et la force des extrémités supérieures et inférieures. 4. Réexes : évaluer les ROT et les réexes superciels. 5. Signes vitaux : observer les modications de la P.A., de la fréquence ou du rythme cardiaque, de la respiration ou de la température. 6. Changement de l’état : demander au client s’il perçoit une différence quelconque de son état entre cet examen et le précédent.

Interventions interdisciplinaires ENCADRÉ 22.6

Évaluation neurologique rapide du client inconscient

Ce guide peut être utilisé à l’occasion du changement de personnel pour évaluer le client en situation critique qui est incons­ cient et qui a un trouble neurologique. 1. État de conscience : évaluer l’état de conscience avec la GCS. 2. Nerfs crâniens : évaluer la fonction pupillaire (PERRLA) en portant une attention particulière à la taille des pupilles, à leur réactivité et à leur forme l’une par rapport à l’autre. Évaluer également les mouvements oculaires. 3. Fonction motrice : évaluer chaque extrémité individuellement au moyen d’une échelle de

Chapitre 22

notation prédéterminée du mouvement moteur. 4. Réexes : évaluer les ROT et les réexes superciels. 5. Respiration : Si le client n’est pas sous ventilation mécanique, observer s’il montre des signes de détérioration de la fonction respiratoire. 6. Signes vitaux : inclure une comparaison des signes vitaux avant et après l’évalua­ tion, en portant une attention particulière aux pressions artérielle et intracrânienne, si ces paramètres font l’objet d’un monitorage.

Évaluation clinique du système nerveux et examens paracliniques

721

22

22.3.8

Changements neurologiques causés par l’hypertension intracrânienne

L’évaluation du client visant à déceler des signes d’HIC est une importante responsabilité de l’inrmière en soins critiques. Une PIC accrue peut être décelée par des changements de l’état de conscience, de la réaction pupillaire, de la réaction motrice, des signes vitaux et de la respiration (Berger, 2012 ; Yuh & Dillon, 2010) FIGURE 22.9.

22.4

Examens paracliniques

Les soins et les traitements inrmiers d’un client qui subit des examens paracliniques neurologiques comprennent diverses interventions. Les interventions inrmières sont faites en collaboration avec d’autres professionnels de la santé tels que les inhalothérapeutes et sont axées sur la préparation psychologique et physique du client à l’examen, sur

FIGURE 22.9

Corrélations cliniques des phases de compensation et de décompensation de l’hypertension intracrânienne.

722

Partie 4

Système nerveux

la surveillance de ses réactions à celui-ci et sur son évaluation après l’examen. La préparation consiste à vérier si le client a des allergies aux produits de contraste, à informer le client sur l’examen, à répondre à ses questions et à le transporter ainsi qu’à l’installer pour l’examen. Pendant celui-ci, l’inrmière reste présente et doit surveiller les signes d’altération de l’état de conscience, de douleur, d’anxiété du client ainsi que ses signes vitaux. Après l’examen, elle doit vérier s’il y a des complications et administrer des médicaments pour soulager tout malaise lié à l’examen. Tout signe d’augmentation de la PIC doit être immédiatement signalé au médecin, et des mesures d’urgence visant à maintenir l’hémodynamie doivent être entreprises.

22.4.1

Examens radiologiques

Cette section traite des examens radiologiques les plus couramment utilisés pour le diagnostic du client en situation critique de santé qui est atteint d’un trouble neurologique.

Radiographies du crâne et de la colonne vertébrale Les radiographies du crâne et de la colonne vertébrale visent à révéler des fractures, des anomalies ou des tumeurs. En traumatologie, la radiographie crânienne joue un rôle moins important depuis l’arrivée de la TDM. Si le client doit subir une TDM pendant l’évaluation initiale, une radiographie crânienne n’est pas nécessaire (Saunders, 2008). Les radiographies du crâne et de la colonne vertébrale sont des examens assez peu douloureux. En général, une seule vue latérale du crâne suft, mais parfois une série complète de radiographies est nécessaire. Une telle série de radiographies comprend quatre vues : 1) latérale ; 2) postéroantérieure ; 3) semi-axiale (Towne) ; 4) submentoverticale (pour visualiser la base du crâne) (Saunders, 2008). Une série de radiographies de la colonne cervicale comprend quatre vues : 1) atlas et axis ; 2) antéropostérieure ; 3) latérale ; 4) oblique. Une série de radiographies des colonnes dorsale et lombaire comprend deux vues : 1) antéropostérieure ; 2) latérale (Saunders, 2008). Le positionnement adéquat du client est essentiel, particulièrement pour les radiographies de la colonne vertébrale. Les soins inrmiers incluent le positionnement du client de façon à obtenir des radiographies adéquates et le maintien rigoureux de l’alignement de la tête (p. ex., par la pose d’un collet cervical) jusqu’à ce que des radiographies latérales conrment l’intégrité des structures cervicales. Dans toute situation où le client est admis à l’unité de soins critiques en raison d’une lésion traumatique, particulièrement un trauma craniocérébral (TCC), la colonne cervicale doit être traitée comme si elle était instable jusqu’à preuve du contraire (Chernecky & Berger, 2008) 33 .

Tomodensitométrie La tomodensitométrie (TDM) fournit au médecin une vue mathématiquement reconstituée de multiples coupes de la tête et du corps. Cette technique consiste à balayer la partie examinée avec un faisceau de rayons X et à mesurer la densité des substances traversées par ces rayons. Une substance très dense apparaît blanche sur le lm, et une substance très peu dense est noire. Sur une TDM normale de la tête, les os sont blancs, le sang apparaît blanc grisâtre, les tissus cérébraux présentent un dégradé de gris, le liquide cérébrospinal (liquide céphalorachidien) (LCS) est noir pâle, et l’air est noir (Cogbill & Ziegelbein, 2011) FIGURE 22.10. La TDM est une technique rapide, pratique et non effractive de visualisation des structures, et elle constitue l’examen paraclinique idéal pour diagnostiquer un trauma craniocérébral aigu. Des TDM en série peuvent être réalisées pour vérier une éventuelle déviation de la ligne médiane du cerveau et une augmentation de la PIC (Ajtai, Lindzen, Masdeu et al., 2012). La TDM est également utilisée pour le

FIGURE 22.10 Tomodensitogramme de l’encéphale montrant une hémorragie intracérébrale. Chez ce client atteint d’hypertension et de céphalée aiguë grave, le tomodensitogramme non contrasté montre une grande surface de sang frais dans la région du thalamus droit. Du sang est également visible dans les cornes antérieure et postérieure des ventricules latéraux. Puisque le sang est plus dense que le liquide cérébrospinal (LCS), il apparaît plus pâle.

diagnostic des lésions, des hémorragies et des anomalies vasculaires étendues ainsi que de l’œdème cérébral, de l’hydrocéphalie et des migraines. C’est la méthode idéale pour diagnostiquer l’hémorragie sous-arachnoïdienne et pour distinguer l’hémorragie cérébrale de l’infarctus cérébral (Ajtai et al., 2012 ; Cogbill & Ziegelbein, 2011). Cette technique peut être effectuée avec ou sans produit de contraste. La TDM sans produit de contraste n’est pas effractive, ne nécessite pas de prémédication et permet d’analyser et de localiser efcacement les structures normales du cerveau. Elle est appropriée en cas de trauma an de visualiser la région intracrânienne et vérier la présence d’une hémorragie, d’œdème cérébral ou d’un changement des structures. Elle est également indiquée pour le diagnostic de l’hydrocéphalie (Ajtai et al., 2012). Une substance de contraste injectée par voie intraveineuse (I.V.) met en évidence les régions vasculaires et permet de détecter les lésions vasculaires ou de mieux dénir des lésions décelées à l’occasion d’une TDM sans contraste. L’utilisation d’un produit de contraste est indiquée par la lettre C sur la radiographie (Cogbill & Ziegelbein, 2011).

33 Le chapitre 33, Trauma, décrit les précautions prises par l’inrmière qui prend en charge les soins d’un client présentant des lésions traumatiques.

Soins et traitements inrmiers Les soins et les traitements inrmiers du client qui subit une TDM comportent quatre éléments : 1) la vérication des allergies au produit de contraste, s’il y a lieu ; 2) la vérication des analyses de la fonction

Chapitre 22

Évaluation clinique du système nerveux et examens paracliniques

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22

rénale (plusieurs produits sont néphrotoxiques) ; 3) l’observation de la tolérance du client à l’examen ; 4) l’observation de la réaction du client à la substance utilisée comme produit de contraste. En raison du déplacement et du positionnement qu’ils exigent, le transport et l’examen tomodensitométrique d’un client en situation critique atteint ou pouvant être atteint d’HIC peuvent entraîner la détérioration de son état. La présence de l’inrmière auprès du client est requise durant l’examen an qu’elle observe attentivement son état neurologique, ses signes vitaux et sa PIC, si celle-ci est monitorée (Chernecky & Berger, 2008). Si le client doit se faire administrer un produit de contraste en prévision d’une TDM, il faut l’interroger préalablement, si possible, sur son allergie possible aux produits iodés. Pendant l’administration du produit et au cours des 10 à 30 minutes qui suivent, il faut observer attentivement le client an de déceler toute réaction anaphylactique. Moins de 1 % des clients subissant une TDM avec contraste ont une réaction anaphylactique, allant jusqu’au choc ou à

l’arrêt cardiaque. Chez les clients allergiques connus, des antihistaminiques peuvent être administrés avant l’examen. Les corticoïdes peuvent compléter le traitement au besoin. Une autre complication possible de l’administration du produit de contraste est l’insuffisance rénale aiguë. Certaines mesures peuvent réduire l’incidence et la gravité de l’insufsance rénale après une TDM avec contraste : une hydratation adéquate avant et après l’examen (Saunders, 2008) ; l’administration d’acétylcystéine (MucomystMD) avant la procédure pourrait également être effectuée (Wu, Hsiang, Wong et al., 2013).

Imagerie par résonance magnétique L’imagerie par résonance magnétique (IRM) a remplacé la TDM comme examen paraclinique de choix pour diagnostiquer de nombreuses maladies. L’IRM produit des images plus détaillées que la TDM et offre divers angles de vue (sagittal, coronal, axial et oblique) que la résonnance magnétique n’offre pas. Elle n’utilise aucun rayonnement ionisant. Pour subir une IRM, le client est placé dans un champ magnétique qui stimule le noyau des atomes de son corps. L’introduction d’ondes de radiofréquence cause la résonance du noyau, qui est émise quand celui-ci se trouve en phase de relaxation. Un ordinateur construit ensuite une image des tissus FIGURE 22.11. Un produit de contraste non iodé administré par voie I.V. améliore l’image en inuant sur l’environnement magnétique et sur l’intensité du signal (Cogbill & Ziegelbein, 2011 ; Saunders, 2008). L’IRM permet de déceler de petites tumeurs, dont la densité des tissus diffère de celle des tissus environnants, plus que toute autre méthode radiographique. L’IRM peut aussi montrer de petites hémorragies profondes dans le cerveau qui ne sont pas visibles sur un tomodensitogramme. Elle peut détecter des régions d’un infarctus cérébral quelques heures après l’événement ainsi que des zones de démyélinisation chez le client atteint de sclérose en plaques. L’IRM avec produit de contraste (p. ex., le gadolinium) est l’examen idéal pour la détection de maladies infectieuses et inammatoires du système nerveux central (SNC), de tumeurs malignes et de lésions métastatiques, pour l’imagerie de la colonne cervicale et pour l’évaluation postopératoire de la récurrence tumorale. Il s’agit aussi l’examen paraclinique de choix pour l’évaluation d’une lésion de la moelle épinière (Ajtai et al., 2012).

Soins et traitements inrmiers

FIGURE 22.11 Images obtenues par résonance magnétique de l’anatomie normale de l’encéphale. A Projection coronale. B Projection sagittale.

724

Partie 4

Système nerveux

Les soins et les traitements inrmiers du client qui subit une IRM sont axés sur la tolérance de celui-ci à l’examen. Les préoccupations liées au transport du client ayant des troubles neurologiques sont les mêmes pour l’IRM que pour la TDM. L’enseignement

au client et sa préparation sont essentiels au succès de l’IRM. Cet examen est long, et il exige que le client reste immobile dans un espace étroit et clos. De nombreuses personnes sont atteintes d’anxiété, de panique et de claustrophobie pendant cet examen. Il peut être nécessaire d’administrer une légère sédation ou de placer un bandeau sur les yeux. Le client ayant un trouble neurologique peut être incapable de comprendre des instructions. Dans ce cas, la sédation, possiblement combinée à un bloquant neuromusculaire, est nécessaire. Tout métal doit être retiré du corps ou des vêtements de la personne puisque cet examen est effectué dans un fort champ magnétique. On croyait auparavant que l’IRM ne pouvait être réalisée en présence de matériaux métalliques tels que les obturations dentaires, les prothèses et les agrafes ou les attaches internes. Des études ainsi que des changements des métaux utilisés dans de nombreuses interventions chirurgicales ont permis de rendre cet examen plus sûr. Toute question sur un dispositif ou un métal particulier doit être posée au neuroradiologue avant l’examen. L’IRM est considérée comme assez sûre et non effractive, mais tous les risques associés à cette méthode ne sont pas connus (Chernecky & Berger, 2008).

Angiographie cérébrale La présente section traite des examens angiographiques les plus couramment utilisés pour le diagnostic du client en situation critique atteint d’un trouble neurologique.

Angiographie courante L’angiographie conventionnelle consiste à injecter un produit de contraste opaque aux rayonnements dans les vaisseaux sanguins intracrâniens ou extracrâniens FIGURE 22.12. Grâce à une série de radiographies, cette technique permet de suivre le ux

sanguin de la circulation artérielle, du lit capillaire et de la circulation veineuse. L’angiographie cérébrale, aussi appelée artériographie cérébrale, permet de visualiser la lumière des vaisseaux et de recueillir des données sur le dégagement, la taille (rétrécissement ou dilatation), les irrégularités ou l’occlusion des vaisseaux. Cette technique est utilisée pour le diagnostic de l’anévrisme cérébral, du vasospasme, d’une malformation artérioveineuse, d’une maladie de l’artère carotide (sténose) et de certaines tumeurs vasculaires. Elle est aussi employée pour l’examen des vaisseaux cérébraux d’une personne qui a subi un accident vasculaire cérébral (AVC). L’information obtenue grâce à l’angiographie aide le chirurgien à choisir un type de chirurgie ou guide le choix d’autres soins et traitements médicaux (McInnis, Parsons & Krau, 2010). L’examen se fait en insérant un cathéter dans l’artère fémorale et en le faisant remonter jusque dans l’aorte et au début de la circulation cérébrale. Les autres sites possibles d’injection sont l’insertion directe dans la carotide ou dans l’artère verté brale ou l’insertion d’un cathéter dans l’artère brachiale, axillaire ou sous-clavière. L’angiographie permet d’obtenir des vues d’un ou de plusieurs vaisseaux. L’angiographie des quatre vaisseaux nécessite des injections dans les quatre axes artériels : les artères carotides internes droite et gauche et les artères vertébrales droite et gauche. Si la région atteinte est déjà connue, l’examen d’un seul vaisseau peut sufre, par exemple pour le suivi de l’évaluation d’une chirurgie vasculaire intracrânienne. Si une maladie de l’artère carotide constitue un diagnostic possible, l’examen angiographique peut inclure des vues de la crosse aortique et des artères carotides externe et interne (Saunders, 2008). Après la mise en place du cathéter, le produit de contraste est injecté. Une série de radiographies sont prises rapidement à mesure que le produit avance dans la circulation cérébrale. Une injection du produit de contraste est faite pour chaque vaisseau étudié (McInnis et al., 2010).

22

Soins et traitements inrmiers

FIGURE 22.12 Angiographie cérébrale.

De nombreux soins et traitements inrmiers sont liés à cet examen effractif. L’angiographie cérébrale est contre-indiquée en cas d’insufsance rénale, de saignement actif et d’instabilité cardiaque. Le client doit être évalué à ces ns avant l’examen. Comme dans le cas de la TDM avec produit de contraste, l’inrmière vérie la sensibilité possible du client au produit iodé avant l’angiographie. Certains milieux cliniques peuvent exiger que le client n’ingère rien par voie orale pendant au moins quatre heures avant l’examen. Cependant, cette pratique tend à disparaître, et une bonne hydratation est même conseillée avant l’examen.

Chapitre 22

Évaluation clinique du système nerveux et examens paracliniques

725

Cette recommandation est maintenue lorsqu’une anesthésie générale s’avère possible. Des études démontrent que les clients qui ne sont pas à jeun ne courent pas plus de risques de vomissements ou d’aspiration que les clients à jeun (Kwon, Oh, Park et al., 2011 ; Lee, Ok, Abdelaziz Elsayed et al., 2012). Un sédatif est administré immédiatement avant l’examen. Les désagréments de l’angiographie sont notamment la nécessité d’être couché sur une table froide et dure et la possibilité de douleur pendant la préparation et l’insertion du cathéter dans l’aine. L’injection du produit de contraste cause souvent une sensation de chaleur ou de brûlure, surtout si elle est faite dans l’artère carotide externe. En avertissant le client de cette sensation possible, l’inrmière lui évitera l’effet de surprise (Chernecky & Berger, 2008). L’évaluation qui est effectuée après l’examen comprend la mesure des signes vitaux, l’évaluation neurologique, l’observation du site d’insertion ainsi que l’évaluation de l’intégrité neurovasculaire distale au site d’insertion toutes les 15 minutes pendant la première heure. Toute anomalie doit être signalée immédiatement. Le client doit rester alité pendant une période de 8 à 12 heures (Chernecky & Berger, 2008).

Éviter les complications Les complications liées à l’angiographie cérébrale sont les suivantes : l’embolie cérébrale causée par un segment de plaque d’athérosclérose déplacé par le cathéter dans le vaisseau sanguin ; une hémorragie ou un hématome au site d’insertion ; le vasospasme conséquent à l’irritation causée par le cathéter ; une thrombose à l’extrémité distale du site d’injection ; une réaction allergique ou indésirable secondaire à la substance de contraste, notamment une défaillance rénale (Saunders, 2008).

Informer le client et ses proches L’enseignement est une étape essentielle de la préparation du client. Une bonne compréhension par le client du rôle de cet examen dans le diagnostic ainsi que de sa procédure atténue la peur de l’inconnu et assure sa coopération pour cet examen qui est généralement désagréable (Chernecky & Berger, 2008). Il faut informer le client des précautions à prendre après l’angiographie. À la suite de celle-ci, une hydratation adéquate est nécessaire pour aider les reins à éliminer la grande quantité de produit de contraste. Une hydratation insufsante peut entraîner une défaillance rénale et possiblement une oligurie. Si le client ne peut tolérer des liquides par voie orale, un accès I.V. doit être installé avant l’examen.

Angiographie par soustraction numérique L’angiographie par soustraction numérique (ASN) élimine les ombres et les distorsions causées par les os ou d’autres matières qui bloquent parfois la vue des vaisseaux cérébraux (Saunders, 2008). Les radiographies prises avant et après une injection I.V. ou

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Partie 4

Système nerveux

intra-artérielle d’un produit de contraste sont superposées, et toutes les images qui correspondent sont soustraites par l’ordinateur. Il ne reste que les vaisseaux cérébraux mis en évidence par le produit (McInnis, 2010). L’ASN intra-artérielle bidimensionnelle est particulièrement utile pour détecter des ruptures d’anévrismes intracrâniens ; la technique tridimensionnelle montre encore plus précisément l’anatomie de l’anévrisme (Ahn & Kim, 2010). De plus, l’ASN présente un avantage par rapport à l’artériographie conventionnelle : elle nécessite beaucoup moins de produit de contraste. Le principal inconvénient de cette technique est que le client doit rester immobile pendant toute la durée de l’examen. Même la déglutition perturbe considérablement la prise d’images. Les complications ainsi que les soins et les traitements inrmiers liés à l’ASN sont semblables à ceux décrits pour l’angiographie cérébrale (Chernecky & Berger, 2008).

Angiographie par résonance magnétique L’angiographie par résonance magnétique (ARM) est une technique non effractive de visualisation du système cérébrovasculaire (Ajtai et al., 2012). Elle utilise l’IRM pour évaluer le DSC et fournit de l’information détaillée sur les vaisseaux cérébraux. L’ARM des artères carotides est un examen complémentaire reconnu de l’échographie préopératoire. Elle aide à déterminer la région de tissu récupérable (pénombre) après un AVC aigu et un trauma craniocérébral (Ajtai et al., 2012). Une ARM avec produit de contraste permet d’obtenir une image de meilleure résolution comportant moins d’artéfacts. Le produit de contraste le plus utilisé est le gadolinium, une substance potentiellement néphrotoxique qui est injectée par voie I.V. (Cogbill & Ziegelbein, 2011). Chez les personnes ayant des facteurs de risque de néphropathie chronique, le débit de ltration glomérulaire devra être calculé. Si le client est effectivement atteint de néphropathie chronique, il faudra évaluer s’il est nécessaire d’employer le produit et, si oui, en utiliser la plus petite dose possible. Le risque varie en fonction du type d’agent, de la dose, ainsi que de la gravité du dysfonctionnement rénal. Il est à noter que les risques sont très faibles dans le cas d’une néphropathie de stade 3. De plus, l’hémodialyse est reconnue pour nettoyer adéquatement les agents de contraste contenant du gadolinium (Association canadienne des radiologistes, 2009).

Angiographie par tomodensitométrie L’angiographie par TDM est une technique qui utilise la tomodensitométrie hélicoïdale à haute vitesse et un produit de contraste pour visualiser le système cérébrovasculaire. Elle est utilisée pour évaluer la sténose des artères carotides et les anévrismes cérébraux. Il s’agit d’un substitut de plus en plus reconnu de l’angiographie cérébrale conventionnelle. L’inconvénient de cette technique est qu’elle requiert de fortes doses de produit de contraste et de rayonnement (Ledezma & Wintermark, 2009).

Myélographie La myélographie est un examen radiographique de la moelle épinière et de la colonne vertébrale qui est effectué après l’injection d’un produit de contraste dans l’espace sous-arachnoïdien de la région lombaire, entre les vertèbres L2 et L3 ou L3 et L4, ou dans la région sous-occipitale. Cette technique permet de visualiser le canal rachidien, l’espace sousarachnoïdien autour de la moelle épinière et les racines des nerfs rachidiens FIGURE 22.13. De façon générale, l’IRM a remplacé la myélographie, mais cette dernière peut être nécessaire pour le client en phase postopératoire qui porte du matériel métallique. Les risques possibles de la myélographie sont l’injection du produit de contraste hors de l’espace sous-arachnoïdien, l’arachnoïdite conséquente à l’irritation des membranes arachnoïdes et une réaction allergique. Les autres réactions secondaires possibles sont la confusion, des hallucinations, la céphalée, l’épilepsie tonicoclonique, des douleurs thoraciques et des arythmies (Stevens, Rich & Dixon, 2008). Les soins nécessaires après l’examen consistent notamment à garder la tête du client élevée à 45° pendant 8 heures, à surveiller son état neurologique et à encourager l’hydratation par voie orale (Chernecky & Berger, 2008).

22.4.2

Imagerie du débit sanguin cérébral et du métabolisme cérébral

La mesure du débit sanguin cérébral (DSC) fournit des données précieuses pour les soins et les traitements du client en situation critique atteint de troubles neurologiques (Kim, Durduran, Frangos et al., 2010). Le DSC moyen de l’être humain est de 55 ml/100 g de cerveau par minute, mais les valeurs réelles peuvent grandement varier entre les matières grise et blanche. Le seuil ischémique du DSC est d’environ 18 ml/100 g/min, et le seuil d’une lésion irréversible est généralement considéré comme étant de 10 ml/100 g/min (Noble, 2010). Le DSC dépend de la P.A. moyenne, de la PIC, de la PaO2 et de la PaCO2 (Barazangin & Hemphill, 2008). Les mesures de DSC et de pression de perfusion cérébrale (PPC) ne renseignent toutefois pas sur les besoins métaboliques du cerveau en oxygène (O2). Le besoin des neurones en O2 dépend du taux métabolique. La vitesse à laquelle le cerveau consomme de l’O2 est appelé taux métabolique cérébral d’oxygène (CMRO2), dont la valeur normale est de 3,4 ml/100 g/min. La mesure du CMRO2 est utile à l’évaluation de la vitalité et du fonctionnement du cerveau, et elle constitue un meilleur indicateur de la gravité d’une lésion que le DSC seul au moment d’une hypoxie-ischémie (Jain, Langham & Wehrli, 2010). La section ci-après traite des examens par imagerie les plus utilisés pour l’évaluation du DSC et du métabolisme cérébral du client en situation critique atteint d’un trouble neurologique.

22

FIGURE 22.13

A Injection lombaire. B Injection sous-occipitale.

Tomodensitométrie de perfusion La tomodensitométrie (TDM) de perfusion permet une évaluation rapide de la perfusion cérébrale. Elle consiste à balayer le cerveau avec des rayons X comme dans une TDM normale. Toutefois, en plus de révéler la structure des tissus cérébraux, la TDM de perfusion mesure le DSC, le volume sanguin cérébral et le temps moyen de transit. À cette n, le client subit plusieurs balayages à des intervalles rapprochés avant, pendant et après l’injection I.V. d’un produit de contraste iodé qui absorbe les rayons X. La TDM de perfusion est utile au diagnostic de Chapitre 22

Évaluation clinique du système nerveux et examens paracliniques

727

l’ischémie cérébrale et de l’infarctus cérébral liés à l’AVC. Elle sert aussi à l’évaluation de l’ischémie cérébrale liée au vasospasme survenant après une hémorragie sous-arachnoïdienne (Hoeffner, Case, Jain et al., 2008).

Tomodensitométrie au xénon La tomodensitométrie (TDM) au xénon est utilisée pour l’examen du DSC régional. Un examen radiographique informatisé du cerveau est effectué pendant que le client respire du xénon, un gaz incolore et inodore, administré à un débit soigneusement réglé. Cette technique offre des mesures plus précises du DSC que d’autres techniques telles que la tomographie par émission de positrons (TEP). La TDM au xénon est utilisée pour l’évaluation d’une grande variété de troubles et s’avère particulièrement utile pour celle de maladies vasculaires cérébrales et du métabolisme du cerveau. Elle est parfois utilisée pour déterminer le décès neurologique (Carlson, Brown, Zager et al., 2011).

Imagerie par résonance magnétique de perfusion L’imagerie par résonance magnétique (IRM) de perfusion fournit une mesure relative ou une mesure absolue, ou les deux mesures, des paramètres de microvascularisation cérébrale, soit le volume sanguin régional, le temps moyen de transit et le débit sanguin régional. Les deux méthodes les plus communes d’imagerie de perfusion sont : l’IRM dynamique de contraste de sensibilité, qui détecte le premier passage d’un produit de contraste tel que le gadolinium ; l’IRM par marquage des spins artériels (arterial spin labelling) (ASL), qui utilise l’eau du sang artériel marquée magnétiquement comme traceur diffusible du ux sanguin (Van Boven, Harrington, Hackney et al., 2009). Les principales applications de l’IRM de perfusion de premier passage sont la détection des maladies vasculaires (accident ischémique cérébral, vasospasme) et des tumeurs. Les progrès réalisés dans les séquences de perfusion et les champs de très forte intensité devraient permettre l’amélioration de la technique de marquage de spins (Hoa, 2012) et son arrivée prochaine dans les milieux cliniques (Raoult, Gauvrit, Petr et al., 2011).

Tomographie par émission La section ci-dessous traite de deux examens de médecine nucléaire qui peuvent être utilisés pour évaluer le client en situation critique atteint d’un trouble neurologique.

Tomographie par émission de positrons Une tomographie par émission de positons (TEP) est un examen nucléaire qui utilise la TDM pour produire une image tridimensionnelle des changements biochimiques détaillés des tissus cérébraux pendant un suivi de l’activité métabolique du cerveau

728

Partie 4

Système nerveux

(Miletich, 2009). Cette technique consiste à injecter au client de l’eau marquée à l’oxygène-15 (15O). La caméra TEP mesure la quantité de traceur radioactif qui circule dans le cerveau, ce qui permet de mesurer le DCS, la fraction d’oxygène extraite du sang artériel par le tissu cérébral et le CMRO2 (Derdeyn, 2007). La quantité de rayonnement est très faible, soit de une à trois fois l’exposition normale annuelle d’un être humain à la radioactivité naturelle. Pendant l’examen, le client doit rester allongé et immobile. L’inrmière peut tenter de trouver avec lui des stratégies de relaxation (p. ex., méditer, rééchir, se rappeler des souvenirs) (Chernecky & Berger, 2008). La TEP cérébrale est un examen de longue durée pendant lequel l’état physiologique du client doit rester stable (Adamczyk & Liebeskind, 2012).

Tomographie par émission de photon unique Un autre examen de médecine nucléaire qui utilise la TDM et un traceur radioactif pour produire une mesure tridimensionnelle du DSC régional est la tomographie par émission de photon unique (TEPU). Cet examen diffère de la TEP en ce que le traceur reste dans le sang plutôt que d’être absorbé par les tissus environnants, ce qui limite la prise d’images aux régions de circulation sanguine. La TEPU coûte moins cher et est plus facilement accessible que la TEP, qui offre toutefois une meilleure résolution. Cette technique est principalement utilisée pour la détection des maladies vasculaires cérébrales, des convulsions et des tumeurs (Zukotynski et al., 2012).

22.4.3

Examens électrophysiologiques

La section ci-dessous présente deux des examens électrophysiologiques fréquemment utilisés pour le diagnostic et les soins et traitements du client en situation critique de santé atteint d’un trouble neurologique.

Électroencéphalographie L’électroencéphalographie (EEG) enregistre les impulsions électriques générées par le cerveau, qui sont communément appelées ondes cérébrales. La connaissance des indications de cet examen paraclinique ainsi que de ses limites permet à l’inrmière de bien accompagner son client atteint d’un trouble neurologique. Le but de l’EEG est de détecter et de localiser l’activité corticale électrique anormale. Cette activité anormale peut être observée par un ralentissement dans les régions de lésion ou d’infarctus, ou par la survenue brutale d’ondes lentes observées dans les tissus irrités. Les indications de l’EEG sont notamment la détection d’activités convulsives présumées, d’infarctus cérébral, d’encéphalopathies métaboliques, le suivi de maladie infectieuse et de traumas craniocérébraux importants (Chernecky & Berger, 2008 ; Emercon & Pedley, 2012). Des électrodes non effractives sont placées sur la tête du client, et les impulsions électriques détectées sont transmises à un appareil qui enregistre les

données sous forme d’ondes. Six types d’ondes ou de rythmes peuvent être observés TABLEAU 22.5. Le ralentissement intermittent avec des ondes triphasiques indique une encéphalopathie métabolique. Un ralentissement continu et généralisé des ondes delta ou thêta est lié à des dommages anoxiques. Le coma alpha, qui désigne la combinaison d’ondes alpha qui ne changent pas lors d’une stimulation et d’un état comateux, est lié à un mauvais pronostic (Andraus & Alves-Leon, 2011). Les autres anomalies électroencéphalographiques liées à un mauvais pronostic sont la suppression des poussées (poussées occasionnelles d’activité généralisée entrecoupées d’inactivité ou d’une importante diminution de la tension électrique) et des oscillations périodiques (ondes abruptes généralisées à intervalles fixes de une à deux par seconde). L’absence d’activité électrique sur le tracé de l’EEG, ou silence électrocérébral, peut se produire de façon transitoire tout de suite après une réanimation cardiorespiratoire, une hypothermie grave et la prise d’une dose excessive de dépresseur du SNC. L’EEG présente d’importantes limites. Elle n’enregistre que l’activité électrique de grandes régions du cortex. La précision de l’EEG dépend du lieu de l’activité électrophysiologique. Des résultats anormaux à l’examen ne permettent pas de déterminer une cause particulière. Diverses conditions produisent des variations électroencéphalographiques semblables. Les résultats d’EEG peuvent être normaux même si le client est atteint d’une maladie importante (Emercon & Pedley, 2012). Au moment de la préparation pour une EEG, l’inrmière mentionne au client qu’il s’agit d’un examen non effractif. Pendant celui-ci, le client peut être invité à effectuer certaines tâches telles que cligner des yeux, fermer les yeux ou déglutir. Occasionnellement, l’examen peut être effectué pendant le sommeil ou après une période de manque de sommeil (Chernecky & Berger, 2008).

Potentiels évoqués Les potentiels évoqués sont des impulsions électriques cérébrales générées en réponse à un stimulus sensoriel. Les impulsions sont enregistrées pendant leur déplacement dans le tronc cérébral et le cortex cérébral. La mesure des potentiels évoqués est une méthode perfectionnée d’observation de l’état des voies sensorielles qui entrent dans le SNC, traversent le tronc cérébral et atteignent le cortex cérébral. L’examen des potentiels évoqués est utilisé pour poser un diagnostic de coma et pour conrmer la présence et l’étendue de lésions du tronc cérébral ou de la moelle épinière du client ayant subi des lésions traumatiques. L’évaluation des potentiels évoqués est utile pendant un coma provoqué à des ns thérapeutiques, par exemple le coma barbiturique, dans la mesure où ces voies sensorielles ne sont pas touchées par l’effet dépressif de tels médicaments. Les

TABLEAU 22.5

Types d’ondes cérébrales électriques

ONDE

DURÉE

DESCRIPTION

Delta

De 1 à 4 cycles/sec.

Normale ; observée aux stades 3 et 4 du sommeil lent

Alpha

De 8 à 13 cycles/sec.

Normale ; état de détente avec les yeux fermés ; souvent observée avec les élec­ trodes occipitales

Thêta

De 4 à 7 cycles/sec.

Moins commune chez l’adulte que chez l’enfant ; caractéristique du coma causé par une lésion cérébrale

Bêta

De 12 à 40 cycles/sec.

Onde rapide indiquant une activité mentale ou physique

Fuseau du sommeil

De 12 à 14 cycles/sec.

Observé au stade 2 du sommeil lent, mais pas pendant le sommeil paradoxal

Ondes abruptes et lentes

Variable

Observées dans les tissus cérébraux irritables (p. ex., dans le cas de convulsions)

potentiels évoqués sont surveillés pendant une chirurgie de la colonne vertébrale et la dissection d’une tumeur cérébrale (Emercon & Pedley, 2012). Les quatre types de tests de potentiel évoqué sont : 1) le potentiel évoqué visuel ; 2) le potentiel évoqué auditif ; 3) le potentiel évoqué somesthésique ; 4) le potentiel évoqué moteur. Le potentiel évoqué visuel consiste à surveiller les voies visuelles dans le tronc cérébral et le cortex cérébral en réponse à une forme géométrique changeante sur un écran ou à une lumière clignotante émise par un masque placé sur les yeux (Emercon & Pedley, 2012). Le potentiel évoqué auditif consiste à surveiller les voies auditives dans le tronc cérébral et le cortex cérébral en réponse à un cliquetis rythmique transmis par des écouteurs placés sur les oreilles du client. Ce test est utile pour évaluer l’intégrité du tronc cérébral dans l’unité de soins critiques quand l’évaluation des nerfs crâniens ne peut être effectuée ou n’est pas concluante (Emercon & Pedley, 2012). Le potentiel évoqué somesthésique consiste à surveiller les voies sensorielles à partir des extrémités en remontant la moelle épinière et le tronc cérébral jusqu’au cortex. Cela se fait en administrant une petite décharge électrique à une racine nerveuse périphérique telle que le nerf ulnaire (cubital) ou radial. Le potentiel évoqué somesthésique peut servir à évaluer le fonctionnement cortical après un arrêt cardiaque ou un trauma craniocérébral. Il est aussi couramment utilisé pendant les chirurgies de la colonne vertébrale (Emercon & Pedley, 2012). Le potentiel évoqué moteur évalue l’intégrité fonctionnelle des voies motrices descendantes. Le cortex moteur est stimulé par une décharge électrique directe à haute tension administrée à travers le cuir chevelu ou par un champ magnétique qui induit un courant électrique dans le cerveau.

Chapitre 22

Évaluation clinique du système nerveux et examens paracliniques

22

729

La stimulation électrique est une intervention douloureuse, et elle doit être réservée aux clients qui sont sous anesthésie. La stimulation magnétique est indolore (Emercon & Pedley, 2012).

22.5

Analyses du liquide cérébrospinal

La principale analyse de laboratoire effectuée pour le client atteint d’un trouble neurologique est l’ana lyse du liquide cérébrospinal (LCS) prélevé par une

ponction lombaire ou une ventriculostomie (Bader & Littlejohns, 2010 ; Barker, 2008). Le principal objectif d’une ponction lombaire est de prélever du LCS en vue d’une analyse. Elle permet aussi d’obtenir la pression d’ouverture du LCS. Celui-ci est habituellement limpide et incolore. Les échantillons de ce liquide sont examinés an de détecter la présence de sang ou d’une infection et sont ensuite envoyés au laboratoire TABLEAU 22.6 (Welch & Hasbun, 2010). Une ponction lombaire consiste à introduire une aiguille creuse de calibre 20 à 22 dans l’espace sousarachnoïdien entre L3 et L4 ou entre L4 et L5, sous

Collecte des données TABLEAU 22.6

Analyse du liquide cérébrospinal

CARACTÉRISTIQUE

RÉSULTATS NORMAUX

RÉSULTATS ANORMAUX

CAUSES POSSIBLES ET COMMENTAIRES

Pression

< 200 mm H2O

< 60 mm H2O

• • • • •

Mauvaise position de l’aiguille Déshydratation Blocage spinal le long de l’espace sous-arachnoïdien Blocage du trou occipital Hydrocéphalie

> 200 mm H2O

• • • • • • •

Tension musculaire Compression abdominale Tumeur cérébrale Hématome sous-dural Abcès cérébral Kyste cérébral Œdème cérébral

Trouble ou turbide

• Trouble en raison de la présence de micro-organismes et de médiateurs de réaction inammatoire ou immunitaire (p. ex., des globules blancs) • Turbide en raison d’un nombre élevé de globules rouges

Jaune (xantochromique)

• Dégradation des globules rouges et pigments de globules rouges, nombre élevé de protéines

Noirâtre

• Globules rouges

Couleur

Claire, incolore

Sang

Aucun

Globules rouges : teinté de sang Beaucoup de sang

• Lésion traumatique bénigne liée à la ponction : sang dans le premier échantillon • Possibilité d’hémorragie intraspinale : sang dans tous les échantillons

Volume

150 ml



• Hydrocéphalie

Densité

1,007



• Infection, présence de cellules ou de protéines

Globules blancs

De 0 à 5 globules/mm3

< 500 globules/mm3

• Infection bactérienne ou virale des méninges, neurosyphilis, méningite tuberculeuse, hémorragie sous-arachnoïdienne, infarctus, abcès, lésions métastatiques

> 500 globules/mm3

• Infection purulente

< 2,5 mmol/L

• Méningite bactérienne, tuberculose, parasite, carcinome fongique, hémorragie sous-arachnoïdienne

> 4,5 mmol/L

• Peut ne pas avoir d’importance neurologique

Glucose

730

De 2,5 à 4,5 mmol/L ou de 60 à 70 % de glucose sanguin

Partie 4

Système nerveux

TABLEAU 22.6

Analyse du liquide cérébrospinal (suite)

CARACTÉRISTIQUE

RÉSULTATS NORMAUX

RÉSULTATS ANORMAUX

CAUSES POSSIBLES ET COMMENTAIRES

Chlorure

De 120 à 130 mmol/L

< 110 mmol/L

• Infection des méninges, méningite tuberculeuse, hypochlorémie

> 140 mmol/L

• Peut ne pas avoir d’importance neurologique ; corrélation avec les concentrations sanguines de chlorure ; fait seulement sur demande

Culture et sensibilité

Aucun organisme présent

Neisseria ou Streptococcus

• Identication nécessaire du micro-organisme pour ajuster l’antibiothérapie ; une coloration de Gram peut nécessiter plusieurs semaines

Sérologie pour la syphilis

Négative

Positive

• Syphilis

Protéines*

De 15 à 50 mg/dl

> 60 mg/dl

• Méningite bactérienne, tumeurs cérébrales (bénignes et malignes), blocage spinal complet, sclérose latérale amyotrophique, syndrome de Guillain-Barré, hémorragie sous-arachnoïdienne, infarctus cérébral, trauma craniocérébral, maladies dégénératives du SNC, hernie discale, diabète avec polyneuropathie

< 10 mg/dl

• Peut ne pas avoir d’importance neurologique

Osmolalité

295 Osm/L

Accrue

• Présence de protéines, globules blancs, micro-organismes, globules rouges

Lactate

De 10 à 20 mg/dl

Accru

• Infection bactérienne, activité convulsive, méningite fongique, trauma craniocérébral, coma d’origine toxique ou métabolique

* La présence de sang dans le LCS fera augmenter la concentration en protéines. Source : Adapté de Barker (2008)

l’extrémité inférieure de la moelle épinière, qui est généralement située à L1 ou L2 FIGURE 22.13A. Le client peut être placé en décubitus latéral, avec les genoux pliés et la tête rentrée, ou en position assise, appuyé sur la table de chevet ou un autre support. Avant de commencer l’intervention, il faut vérier si le prol de coagulation du client présente des anomalies (Shlamovitz, 2010). Deux éléments peuvent mettre la vie du client en danger au cours d’une ponction lombaire : la hernie possible du tronc cérébral si la PIC est élevée ; l’arrêt respiratoire résultant d’une détérioration neurologique. Pendant cette intervention, l’inrmière surveille l’état neurologique et respiratoire du client. Si celui-ci n’est pas alerte et coopératif, l’inrmière peut devoir l’aider à maintenir la position nécessaire pour la ponction lombaire. Des études scientiques ont réfuté la pertinence de la pratique de longue date consistant à garder le client couché au lit pendant plusieurs heures après une ponction lombaire an de prévenir la céphalée (Johnson & Sexton, 2013 ; Shlamovitz, 2010). La ponction sous-occipitale, qui consiste à introduire une aiguille dans la grande citerne entre C1 et C2, est une autre méthode utilisée pour accéder à l’espace sous-arachnoïdien FIGURE 22.13B. Cette ponction présente un peu plus de risques que la ponction lombaire, cependant elle s’impose si l’espace lombaire n’est pas accessible en raison de la présence de tissu cicatriciel ou d’un autre type de barrière physique ou si l’accès au LCS est entièrement bloqué à un endroit de la colonne vertébrale (Euerle, 2010).

22.6

Monitorage au chevet 22

La surveillance des lésions secondaires est un élément fondamental des soins du client en situation critique ayant un trouble neurologique. En utilisant plus de une technique de monitorage, l’inrmière est plus susceptible de déceler un changement physiologique cérébral et de déterminer l’intervention la plus appropriée (Haddad & Arabi, 2012 ; Kitchener, Hashem & Wahba, 2012). La section suivante traite des techniques combinées communes et récentes utilisées pour surveiller la PIC, la PPC, le DSC, l’oxygénation du cerveau, le métabolisme cérébral et le fonctionnement du cerveau.

22.6.1

Monitorage de la pression intracrânienne

En cas d’hypertension intracrânienne (HIC) présumée, un dispositif peut être placé dans le crâne du client pour quantier la PIC et possiblement drainer le LCS en excès. Dans des conditions physiologiques normales, la PIC moyenne est inférieure à 15 mm Hg (Balasteri Czosnyka, Hutchinson et al., 2006). Une augmentation de la PIC peut réduire le débit sanguin dans le cerveau et causer des lésions cérébrales secondaires. Une PIC persistante audessus de 20 mm Hg est le principal facteur responsable de décès chez les victimes de traumas craniocérébraux graves (Balasteri et al., 2006 ; Narotam, Morrison & Nathoo, 2009). Chapitre 22

Évaluation clinique du système nerveux et examens paracliniques

731

Types de cathéters Il existe divers cathéters de monitorage de la PIC. Ils peuvent être classés en deux catégories : ceux qui permettent le drainage ; ceux qui ne permettent pas le drainage. Les cathéters de drainage sont reliés à un transducteur externe qui permet le monitorage de la PIC. Les cathéters qui ne permettent pas le drainage sont de deux types : les cathéters à bre optique (un détecteur optique permet la mesure de la PIC) ; les cathéters à microcapteur (une micropuce située au bout du cathéter permet la mesure de la PIC) (Chin, 2012).

Sites de monitorage Les cinq sites de monitorage de la PIC sont : 1) ventriculaire ; 2) sous-arachnoïdien ; 3) épidural (extradural) ; 4) sous-dural ; 5) intraparenchyme FIGURE 22.14. Chaque site présente des avantages et des inconvénients relatifs au monitorage de la PIC TABLEAU 22.7.

FIGURE 22.14 Sites de monitorage de la pression intracrânienne.

Collecte des données TABLEAU 22.7

Avantages, inconvénients et interventions inrmières liés aux techniques de monitorage de la pression intracrânienne

INTERVENTIONS INFIRMIÈRES GÉNÉRALES

• Administrer les sédatifs ou les analgésiques appropriés pour atténuer la douleur pendant l’insertion du cathéter et pour réduire ensuite le risque de déplacement du cathéter par les mouvements du client. • Effectuer l’évaluation initiale (données de base) et les évaluations neurologiques continues. • Mesurer la température du client au moins toutes les quatre heures. • Surveiller la qualité des ondes de la PIC, les mesures de PIC et de PPC et les réponses aux stimulations. • Surveiller la présence de sang, d’écoulement, d’œdème et de fuite de LCS au site d’insertion. (Seul le cathéter ou capteur sous-dural ou péridural ne présente pas de risque de fuite du LCS au site d’insertion.) • Informer le médecin si la PIC ou la PPC ne présentent pas les paramètres attendus. • Donner l’enseignement approprié aux proches du client. DISPOSITIF DE MONITORAGE

AVANTAGES

INCONVÉNIENTS

INTERVENTIONS INFIRMIÈRES SPÉCIFIQUES

Cathéter intraventriculaire (ventriculostomie)

• Permet une mesure précise de la PIC. • Offre un accès au LCS pour un drainage ou un prélèvement. • Offre un accès pour l’instillation d’un produit de contraste. • Permet une évaluation able des compliances intracrâniennes (relations volume-pression).

• Crée un site potentiel d’infection. • Constitue la plus effractive des techniques de monitorage de la PIC. • Le transducteur nécessite des recalibrations fréquentes (p. ex., au moment des changements de position). • Le cathéter peut être obstrué par un caillot de sang ou par des débris de tissus. • L’insertion est difcile si les ventricules sont petits, comprimés ou déplacés. • Comporte des risques de fuite du LCS autour du site d’insertion.

• Drainer le LCS, selon les indications de traitement d’une élévation de la PIC. • Noter les caractéristiques, la quantité et la turbidité du LCS drainé. • Informer le médecin si le LCS drainé ne présente pas les paramètres attendus. • Vérier la présence de bulles d’air dans le système et la tubulure et les purger au besoin. • Régler l’appareil à zéro ou le calibrer conformément au protocole de l’hôpital ou de l’unité de soins. • Niveler le transducteur au niveau du foramen interventriculaire (trou de Monro). (Pour toutes les mesures de PIC, le transducteur doit être à un niveau constant par rapport aux repères externes.) (Les repères externes incluent le tragus de l’oreille et le conduit auditif externe du client.)

732

Partie 4

Système nerveux

TABLEAU 22.7

Avantages, inconvénients et interventions inrmières liés aux techniques de monitorage de la pression intracrânienne (suite)

DISPOSITIF DE MONITORAGE

AVANTAGES

INCONVÉNIENTS

INTERVENTIONS INFIRMIÈRES SPÉCIFIQUES

Boulon dans l’espace sous-arachnoïdien

• Présente des taux d’infection plus faible que la ventriculostomie. • Peut être utilisé si les ventricules sont petits ou affaissés. • Ne nécessite pas de pénétration dans les tissus cérébraux. • S’insère rapidement et facilement.

• Peut atténuer les ondes si présence d’œdème cérébral, de débris sanguins ou tissulaires. • Est moins précis à des PIC élevées. • Nécessite des recalibrations fréquentes. • N’offre pas d’accès pour le prélèvement du LCS.

• Régler l’appareil à zéro ou le calibrer conformément au protocole de l’hôpital ou de l’unité de soins. • Niveler le transducteur au niveau du foramen interventriculaire (trou de Monro). (Pour toutes les mesures de PIC, le transducteur doit être à un niveau constant par rapport aux repères externes.) (Les repères externes incluent le tragus de l’oreille et le conduit auditif externe du client.)

Cathéter ou capteur sous-dural ou péridural

• Est le moins effractif. • Présente un risque réduit d’infection. • Se met en place facilement et rapidement.

• Une augmentation de la déviation initiale indique une diminution possible de la abilité ou de la précision. • N’offre pas d’accès pour le drainage ou le prélèvement du LCS.

• Surveiller les déviations des ondes de la PIC au cours du temps.

Transducteur de pression à bre optique

• Peut être placé dans l’espace sous-dural ou sous-arachnoïdien, dans un ventricule ou, le plus souvent, directement dans le tissu cérébral. • Se transporte facilement. • Doit être réglé à zéro une seule fois (pendant l’insertion). • A une déviation des conditions initiales pouvant atteindre 1 mm Hg par jour. • Présente un risque réduit d’infection quand il ne pénètre pas le tissu cérébral. • Génère des ondes de la PIC de bonne qualité (moins d’artéfacts que d’autres appareils). • Le niveau du transducteur n’a pas besoin d’être ajusté quand le client change de position.

• Ne fournit pas d’accès pour le prélèvement ou le drainage du LCS. • Ne peut être recalibré après l’insertion. • La sonde doit être remplacée périodiquement. • Est fragile et facile à endommager.

• Surveiller les déviations des ondes de la PIC au cours du temps.

22

Source : Adapté de Arbour (2004)

Le choix du type d’appareil et du site dépend de la ma­ ladie ou du trouble présumé et de la préférence du médecin (American Association of Neuroscience Nurses [AANN], 2011 ; Arbour, 2004 ; Haddad & Arabi, 2012).

N’importe lequel des cathéters décrits précédem­ ment peut être utilisé dans l’espace intraventri­ culaire (Brain Trauma Foundation, American Association of Neurological Surgeons, Congress of Neurological Surgeons et al., 2007a).

Ventriculaire

Sous-arachnoïdien

Le monitorage de la PIC se fait en effectuant une ventriculostomie, qui consiste à insérer un petit cathéter dans le système ventriculaire. Le client doit être sous anesthésie locale. Le cathéter est inséré par un trou de trépan et généralement placé dans la corne antérieure du ventricule latéral. Si possible, la ventriculostomie doit être faite dans l’hémisphère non dominant (AANN, 2011).

Le monitorage de la PIC se fait en insérant un petit boulon creux muni d’un capteur au bout dans l’espace sous­arachnoïdien. Le client doit être sous anesthésie locale. Le boulon est inséré par un trou de trépan et est généralement placé à l’avant du crâne derrière la lisière des cheveux. Ce dispositif est plus facile à insé­ rer que le cathéter de ventriculostomie (Arbour, 2004 ; Brain Trauma Foundation et al., 2007a).

Chapitre 22

Évaluation clinique du système nerveux et examens paracliniques

733

Épidural Le monitorage de la PIC se fait en insérant un petit capteur à bre optique dans l’espace épidural. Le client doit être sous anesthésie locale. Le capteur est inséré par un trou de trépan. Le médecin gratte la dure-mère de la face interne du crâne avant d’insérer le capteur épidural (Arbour, 2004 ; Brain Trauma Foundation et al., 2007a).

FIGURE 22.15 Ondes d’une pression intracrânienne normale.

Sous-dural Le monitorage de la PIC se fait en insérant un cathéter à bre optique ou à microcapteur dans l’espace sous-dural. Il est inséré par un trou de trépan. Le client doit être sous anesthésie locale (Arbour, 2004 ; Brain Trauma Foundation et al., 2007a).

Intraparenchyme Le monitorage de la PIC se fait en insérant un cathéter à bre optique ou à microcapteur dans les tissus parenchymateux. Après avoir placé un boulon dans l’espace sous-arachnoïdien (décrit précédemment), un trou est percé dans la dure-mère, et le cathéter est inséré à environ 1 cm de profondeur dans la matière blanche du cerveau (Arbour, 2004 ; Brain Trauma Foundation et al., 2007a). L’espace intraventriculaire est considéré comme le site idéal de monitorage de la PIC, puisque c’est la plus exacte des méthodes (AANN, 2011). Toutefois, une étude récente a montré qu’un cathéter intraparenchymateux était préférable à un cathéter intraventriculaire, sauf si un drainage du LCS est nécessaire. Le cathéter intraparenchymateux réduit le temps de monitorage, la durée de l’hospitalisation et les complications liées au dispositif de monitorage (Kasotakis, Michailidou, Bramos et al., 2012). Les interventions inrmières requises avec chaque type de dispositif sont présentées au TABLEAU 22.7.

Ondes de la pression intracrânienne Les ondes de la pression intracrânienne (PIC) sont observées en continu et en temps réel sur un moniteur de pression et correspondent aux battements cardiaques. Les ondes proviennent surtout des pulsations des principales artères intracrâniennes, mais aussi des pulsations veineuses rétrogrades (AANN, 2011).

FIGURE 22.16 Ondes d’une pression intracrânienne anormale.

pression diminue généralement graduellement jusqu’à la position diastolique à moins que des pulsations veineuses rétrogrades ajoutent quelques pics (AANN, 2011 ; Bhatia & Gupta, 2007 ; Rangel-Castillo & Robertson, 2006). Les ondes de pression A, B et C ne sont pas de vraies ondes FIGURE 22.17. Ce sont plutôt les représentations graphiques des tendances de la PIC au cours du temps. Ces ondes reètent les modications spontanées de la PIC liées à la respiration, à la P.A. systémique et à l’état neurologique en détérioration.

Ondes A Aussi appelées ondes de plateau en raison de leur forme distinctive, les ondes A sont les plus importantes des trois du point de vue clinique. Elles se produisent généralement quand la PIC de base est déjà élevée (supérieure à 20 mm Hg) et se caractérisent par des augmentations marquées de 30 à 69 mm Hg de la PIC, qui se maintiennent pendant une période de 2 à 20 minutes puis redescendent aux valeurs de base. L’origine des ondes A n’est pas

Ondes de la pression intracrânienne normale Les ondes de la PIC normale présentent trois pointes dénies ou plus FIGURE 22.15. La première pointe (P1) est appelée onde de percussion. Il s’agit d’une onde abrupte d’amplitude assez constante qui provient des pulsations des plexus choroïdes. La deuxième pointe (P2), appelée onde reux ou raz-de-marée, a une forme et une amplitude plus variables et se termine par une incisure catacrote. La pointe P2 de l’onde pulsatile est liée à l’état de compliance intracrânienne réduite. Quand P2 est égale à P1 ou est plus grande que P1, la compliance est réduite FIGURE 22.16. Immédiatement après l’incisure catacrote se trouve la troisième pointe (P3), appelée onde dicrote. Après l’onde dicrote, la

734

Partie 4

Système nerveux

FIGURE 22.17 Ondes de la pression intracrânienne. Diagramme composite des ondes A (de plateau), des ondes B (en dents de scie) et des ondes C (petites ondes rythmiques).

connue, mais elles peuvent résulter de la vasodilatation et d’un DSC accru, d’un ux veineux réduit (et ainsi à un volume sanguin cérébral accru), de uctuations de la PaCO2 (et ainsi de changements du volume sanguin cérébral) ou d’une absorption réduite du LCS. Les ondes B précèdent généralement les ondes A. Les ondes de plateau sont considérées comme importantes en raison de la PPC réduite associée à la PIC. Ces ondes sont observées dans le cas d’une PIC se situant entre 50 et 100 mm Hg, et elles peuvent être accompagnées de signes transitoires d’HIC tels qu’un état de conscience réduit, la bradycardie, des changements pupillaires ou des changements respiratoires. Des recherches indiquent que des augmentations prolongées de la PIC combinées à des ondes de plateau peuvent entraîner des dommages cellulaires transitoires et permanents causés par l’ischémie (AANN, 2011 ; Bader & Littlejohns).

Ondes B Les ondes B sont des oscillations abruptes, rythmiques et en dents de scie qui se produisent à une fréquence de 30 secondes à 2 minutes et qui peuvent faire monter la PIC de 5 à 70 mm Hg. Il s’agit d’un phénomène physiologique normal susceptible de se produire chez n’importe quelle personne, mais qui peut être amplié chez le client ayant une faible compliance intracrânienne. Les ondes B semblent reéter les uctuations du volume sanguin cérébral (AANN, 2011 ; Bader & Littlejohns, 2010).

Ondes C Les ondes C sont de petites ondes rythmiques qui se produisent toutes les quatre à huit minutes à une PIC normale. Elles sont liées à des uctuations normales de la respiration et de la P.A. systémique (AANN, 2011 ; Bader & Littlejohns, 2010).

Pupillométrie La mesure quantitative et la classication de la réactivité pupillaire à l’aide d’un pupillomètre portatif et de l’indice neurologique des pupilles (Neurological Pupil index [NPi]) est une nouvelle technique permettant d’établir les tendances d’une PIC accrue du client atteint d’une lésion cérébrale traumatique grave, d’une hémorragie sous-arachnoïdienne anévrismale ou d’une hémorragie intracérébrale. Le pupillomètre est un appareil portatif à infrarouge qui mesure et analyse automatiquement la dynamique de la pupille pendant une période de trois secondes (Cecil, Chem, Callaway et al., 2011). Un appui-tête amovible permet un positionnement approprié et constant du pupillomètre devant les yeux. Cet appareil a été conçu pour réduire au minimum la variabilité de l’évaluation pupillaire entre les observateurs (Chen, Gombart, Rogers et al., 2011). Le NPi classe la réactivité de la pupille à l’aide d’un algorithme. La pupillométrie et le NPi ont permis d’établir une relation inverse entre une réactivité pupillaire réduite et une PIC accrue (Chen et al., 2011).

22.6.2

Monitorage de la pression de perfusion cérébrale

La mesure de la PIC permet d’estimer la pression de perfusion cérébrale (PPC). Celle-ci se dénit comme le gradient de P.A. dans le cerveau, et elle correspond à la différence entre la pression artérielle moyenne (P.A.M.) d’entrée et la PIC opposée sur les artères : (PPC = P.A.M. – PIC). Depuis une vingtaine d’années, les méthodes de traitement sont axées sur le maintien de la PPC au-dessus de 70 mm Hg an de fournir un apport sanguin adéquat au cerveau et d’éviter ainsi l’ischémie cérébrale secondaire (Hemphill, Andrews & Georgia, 2011). Des études ont toutefois montré que la valeur seuil de la PPC peut varier d’un client à l’autre, selon le degré d’autorégulation et de compliance intracrânienne (Naval, Stevens, Mirski et al., 2006). En 2007, la Brain Trauma Foundation recommandait une PPC de 50 à 70 mm Hg et la prise en compte de l’état d’autorégulation cérébral dans le choix de la PPC visée pour un client atteint d’un trauma craniocérébral (AANN, 2008 ; Brain Trauma Foundation et al., 2007b). Pour toutes les autres atteintes neurologiques, le seuil de PPC supérieur à 70 mm Hg prévaut.

22.6.3

Surveillance du débit sanguin cérébral

Examens doppler Examen doppler transcrânien

22

L’examen doppler transcrânien (DTC), ou échodoppler transcrânien, surveille la vitesse du débit sanguin cérébral (DSC) à travers des fenêtres osseuses (régions amincies) du crâne. Les trois régions communément utilisées sont : 1) l’os temporal (transtemporal) ; 2) l’œil (transorbitaire) ; 3) le trou occipital (transoccipital). Selon l’angle de la sonde doppler, la vitesse du ux peut être mesurée dans les artères cérébrales antérieures, moyennes ou postérieures et dans les artères vertébrales et basilaires. Il existe de nombreuses applications cliniques du DTC (KassabMajid, Farooq et al., 2007). Les examens DTC sont souvent utilisés en soins critiques après une rupture d’anévrisme intracrânien quand on craint la formation d’un vasospasme. Cette technique non effractive qui se pratique avec un appareil portatif permet un monitorage fréquent de la vitesse du ux et ainsi du diamètre vasculaire au chevet du client. L’utilisation d’examens DTC en série pour la détection du vasospasme cérébral réduit grandement le besoin d’angiographies cérébrales pour vérier et surveiller le vasospasme qui peut survenir après une hémorragie sous-arachnoïdienne (Kassab et al., 2007). Le DTC est aussi utilisé pour la détection des lésions intracrâniennes après un AVC, pour l’évaluation des variations de vitesse du ux pendant l’endartériectomie carotide et pour la détection des changements du DSC liés à une PIC accrue. Chapitre 22

Évaluation clinique du système nerveux et examens paracliniques

735

Les limites du DTC doivent être bien comprises. Sa précision dépend de l’opérateur. Une position et un angle adéquats de la sonde sont essentiels. Certaines personnes ont des os temporaux trop épais pour permettre la pénétration des ultrasons. Un DTC normal ne permet pas d’exclure complètement la présence d’un vasospasme puisque celui-ci peut ne pas être évident dans le vaisseau examiné. Les résultats de DTC doivent toujours être évalués parallèlement à ceux de l’évaluation clinique (Kassab et al., 2007). Pendant le DTC, le client ressent une légère pression à l’emplacement du transducteur, mais il n’éprouve aucune douleur. Il doit rester immobile pendant l’examen, d’une durée de 15 à 90 minutes (Kassab et al., 2007). Le DTC couleur est une technique d’échographie non effractive qui permet la visualisation des structures intracrâniennes et des artères basales du cerveau ainsi que la mesure de la vitesse du ux sanguin dans les artères. L’examen couleur permet d’obtenir des données plus ables que le DTC. Il s’agit d’un outil de plus en plus able de détection du rétrécissement ou de l’occlusion des artères cérébrales, de dépistage du vasospasme et de surveillance des changements de la dynamique intracrânienne. Il permet également de détecter les malformations artérioveineuses (Krejza, 2004).

Examen doppler carotidien L’examen doppler carotidien (ou doppler carotidien), bien qu’il ne permette pas une mesure absolue du DSC, utilise une technique non effractive de collecte de données sur la vitesse du ux sanguin dans les artères carotides. Le doppler carotidien est utilisé pour le dépistage du rétrécissement endoluminal des artères carotides commune et interne causé par les plaques d’athérosclérose. Il consiste à placer une sonde doppler sur la paroi externe des vaisseaux et à envoyer des ondes sonores à haute fréquence (des ultrasons) pour calculer la vitesse du ux sanguin. Quand le diamètre d’un vaisseau change, la vitesse du ux sanguin dans ce vaisseau change également. Plus le vaisseau est étroit, plus le ux est rapide. Le doppler carotidien constitue une technique non effractive, assez peu coûteuse et indolore (Chernecky & Berger, 2008). Si une variation de la vitesse du ux pouvant indiquer une occlusion du vaisseau est détectée, le degré de rétrécissement du vaisseau peut être vérié avec l’angiographie par TDM ou l’ARM. Au besoin, une angiographie cérébrale est effectuée pour conrmer des résultats ambigus ou équivoques (Adamczyk & Liebeskind, 2012).

736

Partie 4

monitorage, indicateur de la viabilité des tissus (Cecil et al., 2011). Cette méthode consiste à placer une microsonde à 20 ou 25 mm sous la surface corticale par un petit trou de trépan et à la xer avec un boulon en métal. Quand la sonde est en place, l’inrmière la relie à un câble ombilical et à un moniteur pour commencer la calibration (Cecil et al., 2011). La microsonde comprend une thermistance distale chauffée et une thermistance proximale. La thermistance distale mesure le débit sanguin par l’intermédiaire du transfert de chaleur aux capillaires. Un microprocesseur convertit alors cette information en une mesure de DSC exprimée en ml/100 g/min, représentée comme la valeur K sur le moniteur. En général, les valeurs moyennes se situent entre 18 et 25 ml/100 g/min (Vajkoczy, Czabanka, Schomacher et al., 2012). Il est toutefois important de noter que les valeurs de DSC mesurées par cette technologie varient en fonction de la position de la sonde (Vajkoczy et al., 2012). Un autre facteur important à prendre en considération dans l’utilisation de la débitmétrie par conductivité thermique est que le moniteur fournit seulement les paramètres de DSC dans une gamme de températures variant de 25 à 39,5 °C (Cecil et al., 2011). Par conséquent, il faut envisager le refroidissement de la température corporelle du client si elle est supérieure à 38,5 °C (Cecil et al., 2011). Un autre facteur à considérer au moment de l’utilisation de cette technique est que la sonde peut être vue sur une TDM ou une radiographie et qu’elle n’est pas compatible avec l’IRM. De plus, puisque le moniteur de débitmétrie par conductivité thermique n’est pas alimenté par pile, la sonde doit être débranchée du câble ombilical et xée sur la tête du client avant le transport de ce dernier. De plus, si la sonde est utilisée avec un cathéter à microdialyse, les deux cathéters doivent être distants de 2 mm pour fournir des résultats précis (Cecil et al., 2011).

Débitmétrie doppler laser Une autre méthode récente utilisée pour la surveillance du DSC est la débitmétrie doppler laser. Une sonde est insérée directement dans le parenchyme cérébral an de détecter les mesures de densité du sang en circulation et de fournir ainsi les variations momentanées du pourcentage du DSC régional. Cette technique ne fournit pas de valeurs quantitatives absolues du DSC, mais plutôt le changement relatif, ce qui limite son utilité pour le monitorage neurologique (Barazangi & Hemphill, 2008).

Débitmétrie par conductivité thermique

22.6.4

La débitmétrie par conductivité thermique est une méthode relativement nouvelle de monitorage continu du DSC en temps réel. La conductivité thermique permet une mesure quantitative du DSC focal, qui est considéré comme un important paramètre de

Les méthodes suivantes peuvent être utilisées dans l’unité de soins critiques pour le monitorage de l’oxygénation cérébrale et de l’état métabolique cérébral du client.

Système nerveux

Monitorage de l’oxygénation et du métabolisme cérébraux

Saturation veineuse jugulaire en oxygène La saturation veineuse jugulaire en oxygène (SvjO2) est un indicateur de l’extraction globale d’O2 par le cerveau. La désaturation veineuse jugulaire peut indiquer une diminution de l’apport en O2 au cerveau (p. ex., une hypoxie, de l’hypotension, une augmentation de la PIC, etc.) ou une augmentation de l’extraction d’O2 par le cerveau (p. ex., une sepsie, de la èvre, de la douleur, des convulsions, etc.) (Bhatia & Gupta, 2007). Tout trouble qui augmente la CMRO2 ou qui diminue l’apport d’oxygène peut réduire la SvjO2. Inversement, un trouble qui diminue la CMRO2 ou qui augmente l’apport d’oxygène peut accroître la SvjO2 (Slazinski, 2011 ; Smith, 2007). La mesure de la SvjO2 se fait en insérant un cathéter à bre optique par voie rétrograde dans la veine jugulaire interne jusqu’au bulbe supérieur de la jugulaire et en le connectant à un moniteur de chevet. La valeur normale se situe entre 55 et 75 %. Une SvjO2 inférieure à 45 % indique une hypoxie cérébrale grave. Le client qui afche une valeur supérieure à 75 % est considéré comme hyperémique, ce qui signie que le DSC a dû augmenter de façon importante pour combler les besoins métaboliques (Kitchener et al., 2012). La SvjO2 augmente également quand les neurones sont tellement lésés qu’ils deviennent incapables d’extraire de l’oxygène. Le monitorage de la SvjO2 est une mesure générale complémentaire au monitorage de la pression partielle d’oxygène dans les tissus cérébraux (PbtO 2) (Hemphill et al., 2011). Le monitorage de la SvjO 2 comporte plusieurs limites, la plus importante étant que cet indicateur ne reète pas les insufsances métaboliques aux foyers des lésions cérébrales et, par conséquent, peut ne pas détecter des régions d’ischémie (Kitchener et al., 2012). Une autre limite de cette technique est que les mesures de SvjO2 sont perturbées par la position et le mouvement de la tête du client (Slazinski, 2011). Les mesures peuvent être inexactes en cas de mauvais positionnement du cathéter, de contamination par du sang extracérébral (une aspiration trop rapide lors du prélèvement amène l’aspiration de sang ne provenant pas du cerveau), de contact entre le cathéter et la paroi du vaisseau sanguin ou de thrombose près de l’extrémité du cathéter (Kitchener et al., 2012).

distinction entre les variations intracrâniennes et extracrâniennes du ux sanguin et la difculté d’interprétation des données recueillies (Kitchener et al., 2012 ; Murkin & Arango, 2009).

Pression d’oxygène dans les tissus cérébraux Le monitorage de la PbtO2 (ou pression tissulaire partielle en oxygène [PtiO2]) est un indicateur able et précis de l’oxygénation cérébrale. La PbtO2 utilise un appareil semblable à celui employé pour l’oxymétrie pulsée et qui permet une surveillance continue de l’oxygénation des tissus ciblés et, particulièrement, des régions à risque élevé d’ischémie (Bader, 2006 ; Kitchener et al., 2012). Cet appareil comprend une sonde placée à l’extrémité d’un cathéter qui est inséré dans le parenchyme cérébral et connecté à un moniteur de chevet FIGURE 22.18. La sonde peut être insérée dans la partie endommagée du cerveau pour mesurer l’oxygénation régionale ou dans la partie non endommagée pour mesurer l’oxygénation globale. L’insertion du cathéter peut causer un saignement et la formation d’un hématome (Wartenberg, Schmidt & Mayer, 2007). Il n’existe pas de consensus sur les valeurs normales de PbtO2, puisque les valeurs varient légèrement d’un appareil à l’autre selon le fabricant, mais l’on sait que la probabilité de décès augmente avec des périodes prolongées de PbtO2 inférieure à 15 mmHg ainsi qu’avec tout épisode de PbtO 2 inférieure à 6 mm Hg (Cecil et al., 2011). Pour le client ayant un trauma craniocérébral, le but du traitement est de maintenir la PbtO2 à plus de 20 mm Hg. Les facteurs qui réduisent la PbtO2 sont notamment l’hypoxie systémique, l’hypocapnie,

22

Spectroscopie proche infrarouge La SvjO 2 est représentative de l’oxygénation cérébrale globale, tandis que la spectroscopie proche infrarouge (near infrared spectroscopy [NIRS)] est une nouvelle technique de diagnostic au chevet, semblable à l’oxymétrie pulsée, qui mesure l’oxygénation cérébrale régionale. L’avantage le plus important de cette technique est qu’elle permet une mesure non effractive du CMRO 2. Ses principales limites incluent l’incapacité à faire la

FIGURE 22.18 Le LICOX est un appareil qui mesure la pression partielle d’oxygène dans les tissus cérébraux (PbtO2), la température des tissus cérébraux et la pression intracrânienne (PIC) grâce à un cathéter inséré à travers une vis intracrânienne.

Chapitre 22

Évaluation clinique du système nerveux et examens paracliniques

737

l’hypovolémie, l’hypotension artérielle, une faible concentration d’hémoglobine, l’HIC et l’hyperthermie (Wartenberg et al., 2007). Le traitement est axé sur la cause sous-jacente.

Microdialyse cérébrale La microdialyse cérébrale est une méthode de monitorage neurologique qui mesure la concentration de marqueurs métaboliques dans le parenchyme cérébral an de détecter les changements neurochimiques indicateurs de lésions cérébrales primaires et secondaires (Barazangi & Hemphill, 2008). La microdialyse cérébrale consiste à placer un petit cathéter inséré dans une vis dans le parenchyme cérébral, soit au cours d’une chirurgie, soit par un trou de trépan. Ce cathéter de microdialyse comprend une membrane distale semi-perméable de 10 mm (Cecil et al., 2011). Un liquide isotonique par rapport à l’interstitium tissulaire est pompé dans le cathéter, qui agit comme un capillaire sanguin articiel. C’est donc par la diffusion que les marqueurs métaboliques que sont le glucose, le pyruvate, le lactate, le glutamate et le glycérol sont recueillis du liquide interstitiel et analysés toutes les heures (Barazangi & Hemphill, 2008). Le lactate et le pyruvate sont des métabolites ischémiques, et le rapport entre les deux est le meilleur biomarqueur précoce d’une lésion ischémique secondaire (Cecil et al., 2011). Un rapport lactate-pyruvate supérieur à 40 indique une crise métabolique cérébrale (Hemphill et al., 2011). Le glycérol, un marqueur des dommages de la membrane cellulaire, et le glutamate, un acide aminé excitateur, fournissent une preuve additionnelle de la formation d’une lésion cérébrale

(Hemphill et al., 2011). Malgré son utilisation accrue dans la surveillance clinique du client ayant une lésion cérébrale traumatique, la microdialyse cérébrale est encore généralement considérée comme un outil de recherche (Noble, 2010).

22.6.5

Monitorage électro­ encéphalographique continu

L’électroencéphalographie continue (EEGc) dans l’unité de soins critiques est de plus en plus reconnue comme un important outil de diagnostic et de pronostic (Vulliemoz, Perrig, Pellise et al., 2009). Elle fournit une information dynamique sur la fonction corticale, ce qui permet la détection précoce de changements de l’état neurologique. Cela est particulièrement utile quand les options de l’examen clinique sont limitées en raison de leur disponibilité ou de la condition du client. Les principales applications de l’EEGc sont le monitorage des convulsions et de l’ischémie, l’orientation du traitement des convulsions et de l’ischémie (particulièrement le vasospasme), l’ajustement des doses de sédatifs pour le client paralysé ou désorienté et la consignation des tendances de la fonction corticale et du pronostic (Young, 2009). Les désavantages de l’EEGc sont qu’elle est coûteuse et exigeante en main-d’œuvre, que son interprétation doit être faite par des experts et qu’elle est sensible aux artéfacts provenant de l’environnement de l’unité de soins critiques (Young, 2009 ; Wijdicks & Rabinstein, 2011). D’autres travaux de recherche sur l’EEGc sont nécessaires pour déterminer le potentiel de réduction de ses coûts et son impact sur les résultats cliniques obtenus chez les clients.

À RETENIR • L’entrevue et l’histoire de santé neurologique effectuées à l’aide des méthodes PQRSTU et AMPLE incluent des données sur les manifestations cliniques, les plaintes connexes, les facteurs déclencheurs, l’évolution des symptômes, les antécédents familiaux et les événements ayant précédé l’apparition des symptômes. • Les six principaux éléments qu’il faut évaluer au cours de l’examen neurologique sont : l’état de conscience ; la fonction pupillaire (nerfs crâniens) et les mouvements oculaires ; la fonction motrice ;

738

Partie 4

Système nerveux

les réexes ; la fonction respiratoire ; les signes vitaux. • L’évaluation de l’état de conscience est axée sur le degré d’éveil et de vigilance.

• L’évaluation des réexes ostéotendineux (ROT) est généralement faite par un médecin au cours d’un examen neurologique complet.

• L’évaluation de la fonction pupillaire est axée sur la taille et la forme des pupilles, et la réaction pupillaire à la lumière (PERRLA). Les mouvements oculaires fournissent d’autres données sur les nerfs crâniens.

• L’évaluation de la fonction respiratoire est axée sur le prol respiratoire et sur la perméabilité des voies respiratoires.

• L’évaluation de la fonction motrice est axée sur la taille, le tonus et la force des muscles.

• Une pression intracrânienne (PIC) croissante peut être décelée par des changements de l’état de conscience, de la

• L’évaluation des signes vitaux est axée sur la pression artérielle (P.A.) et sur la fréquence cardiaque.

réaction pupillaire, de la réponse motrice, des signes vitaux et de la respiration. • Des examens radiologiques sont généralement effectués pour déceler des anomalies du cerveau, de la moelle épinière ainsi que des os et tissus environnants. Ces examens comprennent notamment les radiographies du crâne et de la colonne vertébrale, la tomodensitométrie (TDM), l’imagerie par résonance magnétique (IRM), l’angiographie cérébrale et la myélographie. • L’imagerie du débit sanguin cérébral (DSC) et du métabolisme cérébral peut aider à dénir la cause et l’étendue d’une lésion cérébrale, à déterminer les traitements appropriés et à prévoir les résultats. Ces examens incluent la TDM de perfusion, la TDM au xénon, l’IRM de perfusion, l’échographie-doppler de la carotide, la tomographie par émission de positrons (TEP) et la tomographie par émission de photon unique (TEPU).

• Des examens électrophysiologiques sont généralement effectués pour évaluer les impulsions électriques du cerveau. Ces examens sont notamment l’électroencéphalographie (EEG), le potentiel évo qué visuel, le potentiel évoqué auditif, le potentiel évoqué somesthésique et le potentiel évoqué moteur.

le cerveau dépend d’un flux sanguin continu. Les techniques de monitorage du DSC sont le doppler transcrânien (DTC), le doppler transcrânien couleur, la débimétrie par conductivité thermique et la débimétrie doppler laser.

• Le monitorage de la PIC est effectué quand on soupçonne une hypertension intracrânienne (HIC). La mesure de la PIC permet d’estimer la pression de perfusion cérébrale (PPC), qui désigne le gradient de pression sanguine dans le cerveau.

• Les mesures de l’oxygénation cérébrale et du métabolisme cérébral fournissent des données sur la lésion cérébrale aiguë et sur les traitements possibles de la lésion cérébrale secondaire. Les techniques de monitorage de l’oxygénation cérébrale ou du métabolisme cérébral, ou des deux, sont notamment la saturation veineuse jugulaire en oxygène (SvjO2), la spectroscopie proche infrarouge (NIRS), la pression partielle d’oxygène dans les tissus cérébraux (PbtO2) et la microdialyse cérébrale.

• La surveillance du DSC joue un rôle important en soins neurologiques parce que l’apport de glucose et d’oxygène dans

• L’électroencéphalographie continue (EEGc) est utilisée pour détecter les convulsions épileptiques et l’ischémie cérébrale.

• L’analyse du liquide cérébrospinal (LCS) est effectuée (par ponction lombaire ou par ventriculostomie) pour vérier la présence de sang ou d’une infection dans l’espace sous-arachnoïdien.

Chapitre 22

Évaluation clinique du système nerveux et examens paracliniques

739

chapitre

23

Troubles neurologiques et approche thérapeutique

Écrit par : Lourdes Januszewicz, MSN, RN, CNS, CCRN Barbara Buesch, MSN, RN, CNS Adapté par : Géraldine Martorella, inf., Ph. D.

A

n de planier ses interventions de façon judicieuse, l’inrmière en soins critiques doit comprendre la physiopathologie des troubles neurologiques, reconnaître leurs causes et leurs manifestations, déterminer les éléments d’une collecte de données ciblée et bien connaître les traitements médicaux. Les troubles neurologiques intracrâniens en soins critiques sont causés par des traumas craniocérébraux des affections inammatoires (p. ex., une intoxication, une infection bactérienne ou virale) ou des troubles ischémiques ou hémorragiques (p. ex., l’accident vasculaire cérébral. Ces troubles peuvent engendrer une longue réadaptation pour la personne qui peut se retrouver aux prises avec des séquelles chroniques physiques, sensorielles et cognitives importantes. Les dés de l’inrmière lorsque la personne est en phase critique seront principalement le maintien d’une pression intracrâ­ nienne normale et de la perfusion optimale du tissu cérébral an de prévenir des lésions secondaires, ainsi que les soins à prodiguer durant la période de coma, très fréquente dans le cas de troubles neurologiques aigus.

23.1

Troubles neurologiques

23.1.1

Coma

L’état de conscience normal nécessite deux éléments, soit l’éveil (vigilance) et la conscience. La conscience implique la cognition (fonctions mentales et intellectuelles) et l’affect (humeur ou émotions), que l’infirmière évalue en observant l’interaction du client avec l’environnement (Barker, 2008a). Les modications de l’état de conscience peuvent être causées par des déficiences de la conscience ou de l’éveil, ou des deux (Hoesch et al., 2008). Il existe quatre troubles distincts de l’état de conscience : 1) le coma ; 2) l’état végétatif ; 3) l’état de conscience minimal ; 4) le syndrome d’enfermement. Le coma se caractérise par l’absence de l’éveil (vigilance) et de la conscience, tandis que l’état végétatif se distingue par la présence de l’éveil en l’absence de conscience. Dans l’état de conscience minimal, il y a éveil, et la conscience est fortement réduite, mais pas absente. Le syndrome d’enfermement se caractérise par la présence de l’éveil et de la conscience, mais aussi par une tétraplégie et une incapacité à communiquer verbalement. Le client semble donc inconscient (Gawryluk, D’Arcy, Connoly et al., 2010) 22 . Le coma est malheureusement très commun dans les unités de soins critiques. Il représente l’état d’inconscience le plus profond où il n’y a ni éveil ni conscience (Barker, 2008a ; Hoesch, Koenig, Geocadin et al., 2008). Le client ne peut être réveillé, et il ne montre aucune réaction volontaire à son environnement (Rosenberg, 2009). Le coma constitue un symptôme plutôt qu’une maladie, et il est toujours secondaire à un processus pathologique sous-jacent (Barker, 2008a ; Hoesch et al., 2008). Son incidence est difcile à établir, car une grande va riété d’affections peuvent le provoquer (Barker, 2008a ; Hoesch et al., 2008).

Étiologie Les causes du coma peuvent être divisées en deux catégories générales, soit structurales et métaboliques. Les causes structurales du coma incluent les accidents vasculaires cérébraux (AVC) ischémiques, les hémorragies intracérébrales, les traumas et les tumeurs cérébrales (Hocker & Rabinstein, 2012). Parmi les causes métaboliques gurent notamment les surdoses de drogues ou de médicaments, les maladies infectieuses, les troubles endocriniens et les empoisonnements (Hocker & Rabinstein, 2012). Le coma requiert des soins immédiats ; il est responsable d’une forte proportion des admissions dans tous les services hospitaliers (Ropper, 2012). L’ENCADRÉ 23.1 présente une liste des causes possibles du coma.

Physiopathologie L’état de conscience comprend l’éveil (vigilance) et la conscience. Le client qui est dans le coma ne présente

ENCADRÉ 23.1

Causes possibles du coma

STRUCTURALES

• • • • • • • • • • • •

AVC ischémique Contusion cérébrale Hématome épidural Hématome sous-dural Hémorragie de la fosse cérébrale postérieure Hémorragie intracérébrale Hémorragie sous-arachnoïdienne Hémorragie sus-tentorielle Hydrocéphalie Lésion axonale diffuse Trauma craniocérébral Tumeur

MÉTABOLIQUES

• Alcool • Empoisonnement

• • • • • • • • • • • • • • • • •

Encéphalite Encéphalopathie hépatique Encéphalopathie hypertensive Encéphalopathie hypoxique Encéphalopathie métabolique État hyperosmolaire Hypercalcémie Hyperglycémie Hypoglycémie Hyponatrémie Infection Intoxication Maladie métabolique Méningite Myxœdème Surdose d’opioïdes Urémie

aucune de ces fonctions. La fonction autonome de l’éveil dépend des bres ascendantes du système réticulé activateur (SRA) situées dans le pont, l’hypothalamus et le thalamus, alors que la conscience dépend des neurones du cortex cérébral. Un dysfonctionnement diffus des deux hémisphères cérébraux autant qu’un dysfonctionnement diffus ou localisé du SRA peuvent provoquer un coma (Barker, 2008a ; Bleck, 2007 ; Ropper, 2012). Le coma de cause structurale résulte généralement d’une compression ou d’un dysfonctionnement localisé des fibres ascendantes du SRA (p. ex., en raison d’un trauma craniocérébral, d’une hémorragie ou d’une tumeur), tandis que la plupart des causes métaboliques entraînent un dysfonctionnement diffus touchant les deux hémisphères cérébraux (Berger, 2012). Par exemple, la destruction bilatérale de grandes régions des hémisphères cérébraux peut être causée par des convulsions ou par des agents viraux. Des substances ou des médicaments toxiques, des toxines ou des anomalies métaboliques peuvent aussi diminuer les fonctions cérébrales (Bleck, 2007 ; Hocker & Rabinstein, 2012).

22 Le chapitre 22, Évaluation clinique du système nerveux et examens paracliniques, décrit les différents états de conscience et les comporte­ ments qui y sont associés.

23

Manifestations cliniques et examens paracliniques Le diagnostic clinique de l’état comateux est facile à établir par l’évaluation de l’état de conscience. Néanmoins, la détermination de la nature et de la cause du coma nécessite une histoire de santé détaillée et un examen physique complet, mais parfois, la cause du coma n’est jamais clairement déterminée. L’histoire de santé est essentielle parce que les événements ayant immédiatement précédé le changement de l’état de conscience fournissent souvent des indices précieux sur l’origine du coma. Quand il y a Chapitre 23

Troubles neurologiques et approche thérapeutique

741

22 Les différents types de réponses pupillaires anor­ males sont illustrés dans le chapitre 22, Évaluation clinique du système nerveux et examens paracliniques.

742

Partie 4

peu de données disponibles et que le coma est profond, la réaction du client à un traitement d’urgence peut fournir des indices sur la cause sous-jacente. Par exemple, si le client répond positivement à l’administration de naloxone, il se peut qu’il ait ingéré un opiacé (Ropper, 2012). Une série d’examens neurologiques détaillés s’avère essentielle dans tous les cas de coma. La taille des pupilles et leur réaction à la lumière (normale, lente ou absente), les mouvements oculaires (normaux, asymétriques ou absents), la réponse motrice à la douleur (normale, rigidité de décortication, rigidité de décérébration ou accidité) et le prol respiratoire fournissent des indices importants qui aident à déterminer si la cause du coma est structurale ou métabolique (Barker, 2008a ; Ropper, 2012). L’état de conscience et les réponses pupillaires sont contrôlés par des régions adjacentes du tronc cérébral. Les systèmes nerveux sympathique et parasympathique gouvernent respectivement la dilatation et la contraction des pupilles. Ainsi, des changements des réponses pupillaires peuvent aider à localiser une lésion 22 . Par exemple, si le mésencéphale est atteint, les pupilles seront légèrement dilatées et ne réagiront pas à la lumière. Si une lésion comprime le troisième nerf crânien, la pupille située du côté de l’atteinte neurologique sera xe et dilatée. Si la cause du coma est d’origine métabolique, les réponses pupillaires demeurent généralement intactes. Les réponses pupillaires à la lumière permettent souvent de distinguer les causes structurales des causes métaboliques du coma (Barker, 2008a ; Bleck, 2007 ; Boss, 2010a ; Ropper, 2012). Les régions du tronc cérébral qui sont adjacentes aux régions responsables de l’état de conscience contrôlent aussi les mouvements oculaires. Le maintien du mouvement coordonné des yeux requiert la préservation des connexions internucléaires des nerfs crâniens III, IV et VI par l’intermédiaire du faisceau longitudinal médial (Berger, 2012). Comme pour les réponses pupillaires, des lésions structurales de ces voies causent un dysfonctionnement oculomoteur tel que des mouvements oculaires disconjugués (chaque œil bouge de façon indépendante). Les déciences oculomotrices ont généralement une cause structurale (Barker, 2008a ; Boss, 2010a ; Hocker & Rabinstein, 2012). Les déciences motrices localisées ou asymétriques indiquent généralement des lésions structurales (Barker, 2008a ; Hocker & Rabinstein, 2012). Des mouvements moteurs anormaux peuvent aussi aider à situer une lésion. La rigidité de décortication (exion anormale) peut être observée dans le cas d’une lésion au diencéphale, tandis que la rigidité de décérébration (extension anormale) s’observe lorsqu’il y a atteinte au mésencéphale et au pont. La paralysie asque est rarement causée par un trouble cérébral, mais elle peut être observée dans le cas d’une lésion médullaire (Boss, 2010a). Une respiration anormale peut aussi aider à distinguer les causes structurales des causes métaboliques

Système nerveux

du coma. La respiration de Cheyne-Stokes est observée chez le client ayant un dysfonctionnement cortical diffus ou un trouble métabolique. L’hyperventilation neurogène centrale, ou respiration de Kussmaul, se produit en cas d’acidose métabolique ou de lésion au mésencéphale et au pont supérieur. Une respiration apneustique peut se produire en cas de lésion du pont, d’hypoglycémie et d’anoxie. Une respiration ataxique se produit dans le cas d’une atteinte du bulbe rachidien. Une respiration agonique s’observe s’il y a défaillance des centres respiratoires du bulbe rachidien (Boss, 2010a ; Ropper, 2012). En plus de l’examen physique, des analyses de laboratoire et des examens paracliniques sont effectués. En général, les causes structurales du coma sont facilement visibles sur les images obtenues par tomodensitométrie (TDM) ou par imagerie par résonance magnétique (IRM) (Berger, 2012 ; Rosenberg, 2009). Les analyses de laboratoire sont utilisées pour déceler des anomalies métaboliques ou endocriniennes (Bleck, 2007). De plus, les potentiels évoqués aident à poser un diagnostic différentiel entre les troubles de la conscience et à établir un pronostic.

Traitements médicaux Les traitements médicaux auprès du client comateux visent à déterminer et à traiter la cause sousjacente du coma. Initialement, des mesures d’urgence sont prises pour maintenir les fonctions vitales et éviter toute détérioration neurologique ultérieure. Le dégagement des voies respiratoires et la ventilation mécanique sont souvent nécessaires. Comme l’encéphalopathie, l’hypoglycémie et la surdose de substances sont des causes métaboliques fréquentes d’une diminution de l’état de conscience, l’administration de thiamine (vitamine B 1) (au moins 100 mg), de glucose et d’un antagoniste des opioïdes est suggérée quand la cause du coma demeure nébuleuse (Barker, 2008a ; Ropper, 2012). La thiamine est administrée avant le glucose an d’éviter l’aggravation d’une éventuelle encéphalopathie de Gayet-Wernicke. Cette affection, qui peut évoluer vers le coma, est due à une carence en thiamine pouvant être précipitée par un apport de glucose (Barker, 2008a). Si le client reste dans le coma après un traitement d’urgence, des mesures de soutien sont nécessaires pour maintenir ses fonctions physiologiques et prévenir les complications. L’intubation permettant d’assurer une protection continue des voies respiratoires et le soutien nutritionnel deviennent essentiels. Le maintien de l’équilibre hydroélectrolytique s’avère souvent complexe en raison des changements du système neurohormonal. Dans certains cas, un traitement anticonvulsif peut être nécessaire pour prévenir des dommages ischémiques ultérieurs au cerveau (Barker, 2008a ; Hocker & Rabinstein, 2012 ; Ropper, 2012). Les soins et les traitements à prodiguer sont discutés en partenariat entre les professionnels de la santé et les proches du client. Ceux-ci doivent être

informés de la cause probable du coma ainsi que du pronostic de rétablissement fonctionnel. Le pronostic dépend de la cause du coma et de la durée de la période d’inconscience. Mais dans la plupart des cas, il est très difcile à établir de façon précise en se basant sur des résultats probants, car la notion de rétablissement varie beaucoup d’une étude à l’autre. De nombreux travaux de recherche ont été consa­ crés à la détermination d’indicateurs de pronostic du client qui se trouve dans le coma après un arrêt cardiorespiratoire. Une méta­analyse a montré que les facteurs prédictifs d’un mauvais pronostic après un arrêt cardiaque étaient une absence de réponse cornéenne ou pupillaire après 24 heures et une absence de toute réponse motrice après 72 heures. Toutefois, peu importe la cause ou la durée du coma, les résultats individuels ne peuvent être prédits avec une précision absolue (Bruno, Vanhaudenhuyse, Thibaut et al., 2011). Des travaux de recherche effectués sur l’hypother­ mie provoquée (hypothermie thérapeutique) chez des clients ayant subi un arrêt cardiaque ont montré que l’hypothermie améliorait les résultats neurologiques et les taux de survie grâce à une baisse du métabolisme cérébral, à une diminution de la réponse immune et inammatoire locale et à une protection de la barrière hématoencéphalique (Delhaye, Mahmoudi, Waksman et al., 2012 ; Weng & Sun, 2012). Il est à noter que lorsque le client a subi un trauma craniocérébral (TCC), ce traitement n’est pas systématiquement recommandé (Bratton, Chesnut, Ghajar et al., 2007). Des lignes directrices internationales ont été élaborées pour encadrer cette pratique (Nolan, Morley, Vanden Hoek et al., 2003). Cependant, 10 ans plus tard, une étude menée auprès d’une très grande cohorte de clients a démontré que son utilisation demeure faible et varie en fonction de l’âge de ceux­ci et du milieu clinique (Mikkelsen, Christie, Abella et al., 2013). De plus, près de la moitié des clients n’attei­ gnaient pas la température recommandée. Après un arrêt cardiaque, l’hypothermie provo­ quée consiste à refroidir le corps du client resté coma­ teux après le rétablissement de la circulation spontanée à une température de 32 à 34 °C pendant une période d’au plus 24 heures (Nolan et al., 2003). La méthode de refroidissement la plus utilisée est la perfusion de solutés refroidis. La curarisation est uti­ lisée an de supprimer le frisson et d’assurer le main­ tien de l’hypothermie. Certaines interventions effractives telles que l’intubation et la ventilation mécanique, l’insertion d’une tubulure centrale ou d’un cathéter artériel pulmonaire de type Swan­Ganz doivent être effectuées avant que la température des­ cende au­dessous de 35 °C an d’éviter des com­ plications graves telles que la rupture de l’artère pulmonaire. Il est recommandé d’utiliser deux mé­ thodes de surveillance de la température. La méthode la plus précise est la mesure de la tempéra­ ture au moyen d’un cathéter artériel pulmonaire. Certaines sondes munies de thermistance peuvent être aussi utilisées (p. ex., une sonde vésicale). Parmi

les méthodes non effractives, les méthodes les plus précises semblent être la thermométrie buccale et la thermométrie à infrarouge de l’artère temporale (Lawson, Bridge, Ballou et al., 2007). L’hypothermie thérapeutique est interrompue lorsque l’état hémody­ namique du client devient instable. Durant la phase de réchauffement, qui peut durer plus de 16 heures, il est important de poursuivre l’administration de la sédation, de l’analgésie ou encore des bloqueurs neuromusculaires jusqu’à l’atteinte d’une tempé­ rature de 36 °C.

Soins et traitements inrmiers Les soins et les traitements inrmiers du client coma­ teux portent sur les divers problèmes découlant de sa situation de santé ENCADRÉ 23.2 A . Ils dépendent de la cause précise du coma, bien que certaines interventions communes soient effectuées. Le client comateux dépend complètement des pro­ fessionnels de la santé. Les interventions inrmières sont axées sur la surveillance des changements de l’état neurologique et des indices de la cause du coma, le maintien des fonctions corporelles, la sur­ veillance des complications, la préservation du confort, la gestion de la douleur, le soutien émotion­ nel des proches et la mise en place de mesures de réadaptation, en collaboration avec l’équipe inter­ disciplinaire (Barker, 2008a). Les mesures de maintien des fonctions corporelles consistent notamment à favoriser l’hygiène pulmo­ naire, à maintenir l’intégrité cutanée, à commencer des exercices d’amplitude articulaire, à promouvoir les fonctions intestinale et vésicale et à offrir un sou­ tien nutritionnel adéquat (Barker, 2008a). L’inrmière veille également à protéger les yeux et à maintenir l’hygiène buccale du client inconscient ENCADRÉ 23.3.

A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux pro­ blèmes qui pouvant découler d’un coma sont détaillés, selon le problème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers.

23

Prodiguer des soins oculaires Le réexe de clignement des yeux du client coma­ teux est souvent réduit ou absent. Les paupières peuvent être asques ; leur fermeture peut dépendre de la position du corps, et leur fermeture complète

Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 23.2

Coma

• Dégagement inefcace des voies respira­ toires lié à la présence excessive de sécré­ tions ou à une viscosité anormale du mucus PSTI A.10

• Déséquilibre nutritionnel lié à un manque de nutriments exogènes et à une aug­ mentation de la demande métabolique PSTI A.11

Chapitre 23

• Respiration inefcace liée à une diminution de l’expansion pulmonaire PSTI A.23 • Risque d’aspiration PSTI A.25 • Risque d’infection PSTI A.31 • Stratégies d’adaptation familiales pertur­ bées par la situation critique de santé d’un proche malade PSTI A.33

Troubles neurologiques et approche thérapeutique

743

Pratique fondée sur des résultats probants ENCADRÉ 23.3

• • • • • • • •

Coma

Déterminer et traiter la cause initiale du coma. Dégager les voies respiratoires. Fournir une ventilation mécanique au besoin. Maintenir la circulation au besoin. Commencer un soutien nutritionnel. Fournir des soins oculaires. Protéger l’intégrité cutanée. Commencer des exercices d’amplitude articulaire.

• Surveiller les complications : – infections ; – changements métaboliques ; – arythmies cardiaques ; – èvre. • Offrir des mesures de soulagement de la douleur. • Offrir un soutien émotionnel aux proches. • Planier le programme de réadaptation.

peut être gênée par l’œdème. La perte de ces mécanismes de protection cause l’assèchement et l’ulcération de la cornée, ce qui peut entraîner des cicatrices permanentes et la cécité (Barker, 2008a). Des soins doivent être donnés de façon systématique an de prévenir ces complications (Azfar, Kahn, Alzeer et al., 2013). L’instillation de gouttes oculaires hydratantes et lubriantes d’une solution physiologique salée ou de méthylcellulose et le bandage des paupières en position fermée sont deux interventions couramment utilisées pour protéger les yeux. Une autre technique, qui semble prévenir plus efcacement la dégradation épithéliale de la cornée, consiste à instiller des gouttes de solution salée toutes les deux heures et à couvrir les yeux d’une pellicule de polyéthylène xée autour des orbites et des sourcils. Cette pellicule crée une chambre humide autour de la cornée, et elle permet de garder les yeux humides et fermés. Cette technique prévient aussi les dommages oculaires causés par le ruban adhésif ou le pansement placé directement sur la peau délicate des paupières (Azfar et al., 2013 ; Marshall, Elliot, Rolls et al., 2008 ; Rosenberg & Eisen, 2008).

Prodiguer des soins buccaux Les clients hospitalisés aux soins critiques, comateux ou pas, sont à risque de pneumonie, particulièrement lorsqu’ils nécessitent une ventilation mécanique. La colonisation de l’oropharynx est un facteur de risque important dans le développement d’une pneumonie nosocomiale. La plaque dentaire est un milieu très propice à la prolifération de bactéries (American Association of Critical-Care Nurses [AACN], 2010). Il est donc important d’implanter des soins buccaux de façon systématique (AACN, 2010 ; Berry, Davidson, Nicholson et al., 2011). Malgré les résultats probants et les recommandations, les soins buccaux ne sont pas toujours optimaux dans les milieux de soins critiques (Feider, Mitchell & Bridges, 2010). Il est recommandé de brosser les dents, les gencives et la langue pendant trois ou quatre minutes au moins deux fois par jour avec une brosse à dents pédiatrique, ou une brosse à dents souple pour

744

Partie 4

Système nerveux

adultes, ou encore avec une éponge s’il y a des contreindications (p. ex., un risque de saignement). L’emploi d’un grattoir pour la langue pourrait même être considéré (Prendergast, Jakobsson, Renvert et al., 2012). L’utilisation de la succion orale de façon intermittente aide à optimiser l’hygiène buccale. Il faut aussi assurer une hydratation adéquate de la muqueuse buccale et des lèvres toutes les deux à quatre heures. Il n’y a pas de consensus quant à la solution de rinçage à utiliser. L’eau du robinet est à éviter, et l’utilisation d’une solution de chlorhexidine requiert plus d’études pour recommander son emploi systématique (Berry et al., 2011). Une solution physiologique est donc généralement préconisée, car elle est neutre et stérile. Les soins devraient se terminer par l’application d’un lubriant sur les lèvres telle la gelée de pétrole (VaselineMD).

23.1.2

Accident vasculaire cérébral

L’accident vasculaire cérébral (AVC) est l’apparition soudaine d’un trouble neurologique aigu qui persiste plus de 24 heures et qui est causé par l’interruption de la circulation sanguine dans le cerveau. L’AVC représente la troisième cause de mortalité au Canada. Six pour cent de tous les décès au Canada sont attribuables aux AVC (Statistique Canada, 2011). Chaque année, environ 14 000 Canadiens succombent des suites d’un AVC (Statistique Canada, 2011), et les femmes sont les plus touchées (Statistique Canada, 2011). Environ 315 000 Canadiens vivent avec les séquelles d’un AVC (Agence de la santé publique du Canada [ASPC], 2011). Les AVC se divisent en accidents ischémiques et en accidents hémorragiques. Les AVC hémorragiques se subdivisent en hémorragies intracérébrales et en hémorragies sous-arachnoïdiennes, et représentent environ 20 % des AVC (Statistique Canada, 2011). Bien qu’ils soient moins communs, les AVC hémorragiques causent plus de décès que les AVC ischémiques. De 8 à 12 % des AVC ischémiques et environ 38 % des AVC hémorragiques provoquent la mort en moins de 30 jours (Roger, Go, Lloyd-Jones et al., 2012). En 2000, les AVC ont coûté à l’économie canadienne près de 3,6 milliards de dollars annuellement en services médicaux, en coûts d’hospitalisation, en perte de salaire et de productivité (ASPC, 2009). Chaque année, les personnes qui ont subi un AVC passent plus de 639 000 jours dans des centres hospitaliers canadiens et 4,5 millions de jours dans les établissements de soins de longue durée (Réseau canadien contre les accidents cérébrovasculaires [RCCAVC], 2011). L’ajout des soins d’urgence de l’AVC dans les directives de l’American Heart Association (AHA) et la description de mesures élémentaires et avancées de maintien des fonctions vitales au sein des recommandations canadiennes pour les pratiques optimales de soins de l’AVC illustrent la préoccupation envers l’incidence et la prise en charge précoce de

l’AVC (Lindsay, Gubitz, Bayley et al., 2010 ; Jauch, Saver, Adams et al., 2013). Au Canada, deux tiers des victimes d’un AVC arrivent en ambulance dans un service d’urgences, ce qui signie qu’un tiers des personnes subissant un AVC ne bénécient pas des protocoles d’urgence (Fondation des maladies du cœur et de l’AVC, 2013). Les principaux programmes d’éducation du public et de dépistage de l’AVC, l’établissement de centres de l’AVC et les algorithmes de gestion de l’AVC sont fondés sur les approches qui ont eu des retombées positives pour la prise en charge et le traitement des maladies coronariennes.

Accident vasculaire cérébral ischémique L’accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique est causé par l’interruption de la circulation sanguine dans une ou plusieurs régions du cerveau. Il est dit soit thrombotique, soit embolique. Une thrombose peut se produire dans les gros ou les petits vaisseaux cérébraux. Les sources emboligènes sont le cœur et les plaques d’athérosclérose. Dans 30 % des cas, la cause initiale de l’AVC ischémique reste inconnue (AVC cryptogène) (American Association of Neuroscience Nurses [AANN], 2009b). Quelques cas isolés d’AVC ischémiques causés par la dissection de l’artère vertébrale ont aussi été rapportés après une manipulation chiropratique de la colonne cervicale (Murphy, 2010). Les AVC ischémiques sont généralement évitables puisque leur pathogenèse est identique à celle de la maladie coronarienne. Le plus important facteur de risque de l’AVC ischémique est d’ailleurs l’hypertension (AANN, 2009b ; Biller, Love & Schneck, 2012). Les autres facteurs de risque sont la dyslipidémie, le diabète, le tabagisme et l’athérosclérose carotidienne (Roger et al., 2012 ; Romano & Sacco, 2008).

Étiologie Un AVC embolique se produit quand un embole provenant du cœur ou de la circulation systémique se déplace à un niveau distal et se loge dans un petit vaisseau, où il bloque la circulation sanguine en aval. Au moins 20 % des AVC ischémiques sont attribuables à une embolie cardiaque (AANN, 2009b). La cause la plus courante d’embolie cardiaque est la brillation auriculaire. Elle est responsable d’environ 50 % de toutes les embolies cardiaques (Babarro, Rego & González-Juanatey, 2009). Les autres sources d’embolie cardiaque sont la sténose mitrale, les valves mécaniques, le myxome auriculaire, l’endocardite et l’infarctus récent du myocarde (Biller et al., 2012).

Physiopathologie L’AVC ischémique est une atteinte cérébrale hémodynamique. Quand la circulation sanguine du cerveau est trop réduite pour permettre la viabilité des neurones, il se produit un accident ischémique. Dans le cas d’un AVC localisé, une région d’hypoperfusion tissulaire, la pénombre ischémique, entoure un noyau de cellules ischémiques. La pénombre ischémique peut être récupérée par le retour de la circulation sanguine. Toutefois, une anoxie soutenue démarre

une chaîne d’événements biochimiques conduisant à l’apoptose (ou mort cellulaire) (Boss, 2010b). Le phénomène de l’AVC ischémique localisé est identique à celui de l’infarctus du myocarde, ce qui explique l’utilisation du terme « attaque cérébrale » dans les stratégies de sensibilisation du public. Souvent, des antécédents d’accident ischémique transitoire (AIT) sont un avertissement d’un AVC imminent. L’AIT se reconnaît à l’apparition de brefs épisodes de symptômes neurologiques (signes avantcoureurs), semblables à ceux d’un AVC ischémique, durant moins de 24 heures. Aussi appelé mini AVC, l’AIT est provoqué par une interruption temporaire de la circulation vers le cerveau. Comme les symptômes disparaissent en quelques minutes ou quelques heures, il peut sembler sans conséquences, mais constitue pourtant une urgence médicale. En Alberta, une ligne d’urgence a été mise sur pied an de prévenir les AVC en cas d’AIT (Fondation des maladies du cœur et de l’AVC, 2009). L’étendue de l’AVC dépend de la taille du vaisseau obstrué et de l’endroit où il est situé ainsi que de la disponibilité d’une circulation sanguine collatérale. L’ischémie diffuse se produit quand une hypotension grave ou un arrêt cardiorespiratoire provoque une chute transitoire de la circulation sanguine dans toutes les régions du cerveau (Boss, 2010b). De 10 à 20 % des clients qui subissent un AVC ischémique sont aussi atteints d’un œdème cérébral assez important pour causer une détérioration clinique et entraîner une hypertension intracrânienne (HIC). L’œdème résulte d’une perte de la fonction métabolique normale des cellules en raison de la diminution de l’apport en oxygène, et il atteint un pic au quatrième jour (AANN, 2009b). Ce processus peut aller jusqu’à entraîner la mort au cours de la semaine suivant l’AVC (Seder & Mayer, 2009). Les deux principales complications neurologiques aiguës de l’AVC ischémique sont une hémorragie secondaire au site de l’AVC, appelée conversion ou transformation hémorragique, et des convulsions (Seder & Mayer, 2009 ; Szaarski, Rackley, Kleindorfer et al., 2008). Une apparition soudaine indique une embolie (AANN, 2009b ; Biller et al.,2012).

Les Recommandations cana­ diennes pour les pratiques optimales de soins de l’AVC, une initiative conjointe du RCCAVC et de la Fondation des maladies du cœur du Canada, regroupent les lignes directrices touchant tout le continuum de soins, de la sensibilisation du public à la réintégration des personnes dans la communauté.

23

Manifestations cliniques et examens paracliniques Le signe caractéristique d’un AVC ischémique est l’apparition soudaine de plusieurs signes neurologiques localisés (focaux) qui persistent plus de 24 heures (AANN, 2009b). L’ENCADRÉ 23.4 présente les symptômes neurologiques communs d’un AVC ischémique. L’hémiparésie, l’aphasie et l’hémianopsie sont les plus fréquents. Les altérations de l’état de conscience peuvent se manifester par de la confusion et de l’agitation. Une diminution majeure de l’état de conscience (stupeur, coma) se produit généralement seulement en cas d’atteinte du tronc cérébral ou du cervelet, de convulsions, d’hypoxie, d’hémorragie ou d’HIC (Barker, 2008a). La fréquence rapportée de convulsions chez les clients ayant subi un AVC ischémique est de 3 à 8 %, et les convulsions Chapitre 23

Troubles neurologiques et approche thérapeutique

745

ENCADRÉ 23.4

Anomalies neurologiques causées par l’AVC ischémique aigu

HÉMISPHÈRE GAUCHE (DOMINANT)

Aphasie, difculté de lecture, d’écriture ou de calcul, hémiparésie droite, perte sensorielle droite, décience du champ visuel droit, mau­ vaise coordination de l’œil droit, dysarthrie HÉMISPHÈRE DROIT (NON DOMINANT)

Négligence de l’espace visuel gauche, dé­ cience du champ visuel gauche, hémiparésie gauche, héminégligence gauche, perte senso­ rielle gauche, mauvaise coordination de l’œil gauche, dysarthrie, désorientation spatiale TRONC CÉRÉBRAL, CERVELET ET HÉMISPHÈRE POSTÉRIEUR

Perte motrice ou sensorielle dans les quatre membres, syndromes alternes, ataxie des

membres ou de la démarche, dysarthrie, regard disconjugué, nystagmus, amnésie, déciences bilatérales du champ visuel PETIT HÉMISPHÈRE SOUS-CORTICAL OU TRONC CÉRÉBRAL (DÉFICIT MOTEUR PUR)

Faiblesse du visage ou des membres d’un côté du corps sans anomalie des fonctions cérébrales supérieures, des sensations ou de la vision PETIT HÉMISPHÈRE SOUS-CORTICAL OU TRONC CÉRÉBRAL (DÉFICIT SENSORIEL PUR)

Sensation réduite au visage et aux membres d’un côté du corps sans anomalie des fonc­ tions cérébrales supérieures, de la fonction motrice ou de la vision

Source : Adapté de Summers, Leonard, Wentworth et al. (2009)

Une copie de l’échelle NIHSS avec les instructions complètes d’utilisation est présentée à l’adresse Internet suivante : www.ninds.nih.gov/disorders/ stroke/strokescales.htm.

Pour en savoir plus sur la Canadian Neurological Scale, il est possible de consulter le site Web de la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC au www.heartandstroke.on.ca/ site/c.pvI3IeNWJwE/ b.5385163/k.5CDC/HCP__ Canadian_Neurological_ Scale_CNS.htm.

746

Partie 4

se produisent généralement moins de 24 heures après l’atteinte (Szaarski et al., 2008). L’échelle NIHSS (National Institutes of Health Stroke Scale) est souvent utilisée comme point de départ de l’examen neurologique dirigé. Il faut noter qu’elle n’a pas été validée en français. Les résultats de cette échelle varient de 0 à 42 points, 42 représentant l’atteinte neurologique la plus grave. Une variation de quatre points indique un changement neurologique important. Les composantes de l’échelle NIHSS sont l’évaluation de l’état de conscience (éveil, cognition, réponse à une commande simple), des mouvements oculaires, des champs visuels, de la motricité du visage, des bras et des jambes, de la sensibilité, de l’ataxie des membres, et de l’élocution (AANN, 2009b). Au Canada, la Canadian Neurological Scale (CNS), qui n’est pas validée en français, est utilisée pour évaluer le statut neurologique des clients conscients ayant subi un AVC. Elle évalue les éléments suivants : l’état de conscience, l’orientation, l’élocution et la fonction motrice. Chaque élément constitue un score, et un résultat total est calculé de 1,5 à 11,5. La conrmation du diagnostic d’AVC ischémique est la première étape de l’évaluation initiale de ces clients. Il est vital de distinguer cet AVC de l’hémorragie intracrânienne. Une TDM sans produit de contraste constitue la méthode idéale à cette n, et elle est considérée comme l’examen paraclinique initial le plus important. En plus de permettre d’exclure l’hémorragie intracrânienne, la TDM peut aider à déceler des complications neurologiques précoces et la cause de l’atteinte (AANN, 2009b). L’IRM peut montrer un infarctus des tissus cérébraux plus tôt que la TDM, mais elle est moins utile pour le diagnostic différentiel en situation d’urgence (Alexandrov, 2009).

Système nerveux

En raison de la forte corrélation entre l’AVC ischémique et la maladie cardiaque, l’électrocardiographie (ECG), la radiographie thoracique et le monitorage cardiaque continu sont suggérés pour détecter une cause cardiaque ou une affection coexistante. L’échographie cardiaque aide à déceler une embolie cardiaque quand elle est motivée par un indice de suspicion sufsant (Barker, 2008a). Des analyses sanguines de fonction hématologique, des concentrations d’électrolytes et de glucose ainsi que des fonctions rénale et hépatique sont aussi recommandées. Une gazométrie du sang artériel (GSA) est effectuée si l’on soupçonne une hypoxie ; une électroencéphalographie (EEG) est réalisée si des convulsions sont suspectées. Une ponction lombaire doit être effectuée seulement s’il y a des possibilités d’hémorragie sousarachnoïdienne et si la TDM est normale (Barker, 2008a).

Traitements médicaux Les soins d’urgence du client ayant un AVC ischémique sont initialement le dégagement des voies respiratoires et la ventilation mécanique an de maintenir une oxygénation tissulaire adéquate (Seder & Mayer, 2009). Depuis 1996, des changements majeurs ont eu lieu dans les traitements médicaux de l’AVC ischémique. Le traitement brinolytique avec activateur tissulaire du plasminogène (t-PA) est recommandé dans les trois heures à quatre heures et demie suivant un AVC ischémique, pour les personnes répondant aux critères recommandés (Jauch et al., 2013). L’ENCADRÉ 23.5 présente les caractéristiques du client pour qui la brinolyse devrait être envisagée. Le diagnostic doit être conrmé par une TDM avant l’administration du t-PA. Dix pour cent de la dose totale est administrée sous forme de bolus intraveineux (I.V.) initial (pendant une minute), et les 90 % qui restent sont administrés par perfusion I.V. au cours d’une période de 60 minutes (Jauch et al., 2013). Le traitement brinolytique vise à dissoudre le caillot et à irriguer à nouveau le cerveau an de renverser ou de minimiser les effets de l’AVC ischémique. Le saignement, particulièrement l’hémorragie intracrânienne, représente le plus important risque et la principale complication de la fibrinolyse. L’utilisation d’agents anticoagulants (héparine, warfarine) ou antiplaquettaires (p. ex., AspirinMD, clopidrogel) n’est pas recommandée après le traitement de l’AVC ischémique au t-PA, contrairement à ce qui est préconisé dans les protocoles de traitement brinolytique de l’infarctus aigu du myocarde, et ce, pendant au moins 24 heures après le traitement (AANN, 2009b ; Albers, Amarenco, Easton et al., 2008). Les principaux obstacles à l’application efcace du traitement brinolytique pour un AVC ischémique sont les retards préhospitaliers et hospitaliers (Ahasan, Hossain, Das et al., 2013). Pour réduire ces retards, il faut éduquer le public sur les symptômes de l’AVC et sur l’importance de joindre rapidement les services paramédicaux préhospitaliers (911).

ENCADRÉ 23.5

Critères d’inclusion et d’exclusion du client ayant subi un AVC ischémique et pouvant être traité avec le t-PA

Diagnostic d’AVC ischémique causant une décience neurologique mesurable chez un adulte âgé de 18 à 80 ans* • Apparition des symptômes il y a moins de quatre heures et demie* • Les signes neurologiques ne doivent pas disparaître spontanément. • Les signes neurologiques ne doivent pas être mineurs et isolés. • Il faut faire preuve de prudence dans le traitement d’un client ayant des décits majeurs. • Les symptômes d’AVC ne doivent pas indiquer une hémorragie sousarachnoïdienne. • Le client n’a pas subi de TCC ou d’AVC dans les trois mois précédents. • Le client n’a pas eu d’infarctus du myocarde dans les trois mois précédents. • Le client n’a pas eu d’hémorragie du tube digestif ou des voies urinaires dans les 21 jours précédents. • Le client n’a pas subi de chirurgie majeure dans les 14 jours précédents. • Le client n’a pas subi de ponction artérielle à un endroit non compressible dans les sept jours précédents. • Le client n’a pas d’antécédents d’hémorragie intracrânienne.

• La pression artérielle (P.A.) ne doit pas être élevée (pression systolique [P.A.S.] < 185 mm Hg et pression diastolique [P.A.D.] < 110 mm Hg). • Il n’y a pas de signe de saignement actif ou de trauma aigu à l’examen. • Le client ne prend pas d’anticoagulant oral ou, s’il en prend, le rapport normalisé international (RNI) doit être de 1,7 ou moins, et le temps de prothrombine (TP) de 15 secondes ou moins. • Si le client a reçu de l’héparine dans les 48 heures précédentes, le temps de céphaline activée (TCA) doit être normal. • La numération plaquettaire est de 100 000 mm3 ou plus. • La glycémie est de 2,7 mmol/L ou plus. • Le client ne présente pas de convulsions, ni de décit résiduel postictal. • La TDM ne montre pas de nécrose multilobaire (hypodensité < 1/3 de l’hémisphère cérébral). • La cliente n’est pas enceinte. • Le client ou ses proches comprennent les risques potentiels et les avantages de ce traitement.

* Si la personne a plus de 80 ans et ne présente pas les critères d’exclusion, le délai maximal est de trois heures. Source : Adapté de Jauch et al. (2013)

L’hypertension artérielle est souvent présente au début de l’AVC en tant que réaction compensatoire, et, dans la plupart des cas, le traitement ne doit pas viser la diminution de la P.A. TABLEAU 23.1. Dans le cas d’un traitement brinolytique, la P.A. doit être maintenue à moins de 185/110 mm Hg pour prévenir une hémorragie intracrânienne. L’administration I.V. de labétalol (Trandate MD) ou de nicardipine (CardeneMD) permet de maîtriser la P.A. Si ces agents ne sont pas efcaces, le nitroprussiate de sodium (NiprideMD), l’hydralazine (ApresolineMD) ou l’énalaprilat (Vasotec MD) offrent d’autres possibilités (AANN, 2009b ; Jauch et al., 2013). Mais pour le client qui n’a pas reçu de traitement brinolytique, un traitement antihypertenseur est envisagé seulement si la P.A.D. est supérieure à 120 mm Hg ou si la P.A.S. est supérieure à 220 mm Hg (AANN, 2009b ; Albers et al., 2008) Les traitements médicaux comprennent aussi la détection et le traitement des complications aiguës telles que l’œdème cérébral ou les convulsions. La prophylaxie de ces complications n’est toutefois pas recommandée. Le traitement préventif de la thrombose veineuse profonde (TVP) devrait être envisagé pour réduire le risque d’embolie pulmonaire (AANN, 2009b). La température corporelle et la glycémie doivent être normalisées (AANN, 2009b ; Seder & Mayer, 2009). Une étude a montré que le pronostic fonctionnel du client ayant subi un AVC ischémique peut être amélioré par la gestion des troubles de déglutition, la mise en place d’un traitement préventif de la TVP et le traitement de l’hypoxémie (Bravata, Wells, Lo et al., 2010). La décompression chirurgicale est recommandée si une lésion cérébelleuse comprime le tronc cérébral (Seder & Mayer, 2009).

La FIGURE 23.1 résume l’approche thérapeutique de l’AVC.

Hémorragie sous-arachnoïdienne L’hémorragie sous-arachnoïdienne est un saignement qui se situe dans l’espace sous-arachnoïdien, généralement causé par une rupture d’anévrisme cérébral ou plus rarement de malformation artérioveineuse (MAV) (Seder & Mayer, 2009). La rupture d’un anévrisme cérébral est la cause d’environ 85 % des cas d’hémorragie sous-arachnoïdienne spontanée (Anderson, 2009). Des anévrismes intracrâniens non rompus sont normalement présents chez 3 % des personnes n’ayant aucun antécédent de trouble cérébral (Vlak, Algra, Brandenburg et al., 2011). Grâce à l’amélioration des techniques d’imagerie, un nombre accru de ces anévrismes est décelé. L’angiographie par tomodensitométrie et l’angiographie par résonance magnétique permettent de détecter jusqu’à 95 % de tous les anévrismes. Parmi les personnes âgées de 40 ans et moins, les hommes sont plus susceptibles que les femmes d’avoir une hémorragie sous-arachnoïdienne, tandis que chez les plus de 40 ans, c’est l’inverse. Le taux de mortalité liée à l’hémorragie sous-arachnoïdienne anévrismale est de 25 à 50 %, la plupart des clients décédant le premier jour après l’atteinte (Anderson, 2009). L’hémorragie causée par une rupture de MAV offre de meilleures chances de survie ; le taux de mortalité liée à cette hémorragie est de 10 à 15 % (Venti, 2012). Les facteurs de risque connus d’hémorragie sousarachnoïdienne sont entre autres l’hypertension, le tabagisme et la consommation d’alcool ou de stimulants (Pillai, Delaune, Nanda et al., 2008). Chapitre 23

Troubles neurologiques et approche thérapeutique

23

747

Pharmacothérapie TABLEAU 23.1

Gestion de la pression artérielle dans le cas d’un AVC ischémique selon les directives de l’American Stroke Association TRAITEMENT

PRESSION ARTÉRIELLEa

Si un traitement thrombolytique est exclu P.A.D. > 140 mm Hg

Nitroprussiate de sodium (NiprideMD) (0,5 mcg/kg/min) ; viser une réduction de 10 à 20 % de la P.A.D.

P.A.S. > 220 mm Hg, P.A.D. = 121-140 mm Hg ou pression artérielle moyenne (P.A.M.)b > 130 mm Hg

De 10 à 20 mg de labétalolc (TrandateMD) administré par bolus I.V. en 1 ou 2 min ; peut être répétée ou doublée toutes les 10 min jusqu’à une dose maximale de 300 mg.

P.A.S. < 220 mm Hg, P.A.D. = 120 mm Hg ou P.A.M.b < 130 mm Hg

Le traitement antihypertenseur d’urgence est suspendu en l’absence de dissection aortique, d’infarctus aigu du myocarde, d’insufsance cardiaque congestive grave ou d’encéphalopathie hypertensive.

S’il y a traitement thrombolytique Avant le traitement P.A.S. > 185 mm Hg ou P.A.D. > 110 mm Hg

Nitroglycérine I.V. (titrer selon la P.A.) ou 1 ou 2 doses de 10 à 20 mg de labétalolc par bolus I.V. Si la P.A. ne diminue pas ou ne se maintient pas à < 185/110 mm Hg, le client ne doit pas être traité avec une thrombolyse (t-PA).

Pendant et après le traitement Surveiller la P.A.

La P.A. est vériée toutes les 15 min pendant 2 h, puis toutes les 30 min pendant 6 h et ensuite chaque heure pendant 16 h.

P.A.D. > 140 mm Hg

Nitroprussiate de sodium (0,5 mcg/kg/min)

P.A.S. > 230 mm Hg ou P.A.D. = 121-140 mm Hg

Administrer 10 mg de labétalolc par bolus I.V. en 1 ou 2 min. Peut être répété ou doublé toutes les 10 min jusqu’à une dose maximale de 300 mg ou donner un bolus I.V. initial de labétalol, puis commencer une perfusion de labétalol de 2 à 8 mg/min. Si la P.A. n’est pas maîtrisée par le labétalol, envisager le nitroprussiate de sodium.

P.A.S. = 180-230 mm Hg ou P.A.D. = 105-120 mm Hg

Administrer 10 mg de labétalolc par bolus I.V. Peut être répété ou doublé toutes les 10 à 20 min jusqu’à une dose maximale de 300 mg ou donner un bolus I.V. initial de labétalol, puis commencer une perfusion de 2 à 8 mg/min.

a

Une P.A. de base doit être établie par au moins trois mesures répétées toutes les cinq minutes, avant de commencer tout traitement. Estimée comme étant le tiers de la somme de la P.A.S. et du double de la P.A.D., soit : (P.A.S. + [2 × P.A.D.])/3. c Le labétalol ne doit pas être administré au client atteint d’asthme, d’insufsance cardiaque ou d’anomalies graves de la conduction cardiaque. Pour l’hypertension réfractaire, un traitement avec du nitroprussiate de sodium ou de l’énalapril peut être considéré. Sources : Adapté de Jauch et al. (2013) ; Summers et al. (2009) b

Étiologie Un anévrisme est une poche qui se forme dans la paroi d’un vaisseau sanguin en raison de l’affaiblissement de la paroi (Anderson, 2009) TABLEAU 23.2. Quatre-vingt-dix pour cent des anévrismes sont congénitaux, et leur cause est inconnue. Les 10 % qui restent peuvent résulter d’une cause indéterminée, d’une lésion traumatique (qui étire et déchire la couche musculaire intermédiaire de l’artère) ou d’un agent infectieux qui se loge contre une paroi vasculaire et érode la couche musculaire (Pillai et al., 2008). Des anévrismes multiples se produisent dans environ 30 % des cas. Ils sont souvent bilatéraux et situés au même endroit de chaque côté du système vasculaire cérébral (Lindsay et al., 2010). La rupture d’une MAV est responsable d’environ 6 % de toutes les hémorragies sous-arachnoïdiennes (Lindsay, Bone & Fuller, 2010). Une MAV est une masse de veines et d’artères entremêlées qui

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Partie 4

Système nerveux

contourne les réseaux capillaires locaux et envoie le sang directement du côté artériel au côté veineux. Il peut s’agir d’une petite masse localisée ou d’une grande masse diffuse qui occupe presque un hémisphère complet (Pillai et al., 2008). Une MAV est toujours congénitale, mais sa cause embryonnaire exacte demeure inconnue. Une telle malformation peut aussi se trouver dans la moelle épinière ainsi que dans les reins, le tube digestif et la peau (Lindsay et al., 2010). Si l’hémorragie sous-arachnoïdienne résultant d’un anévrisme touche plutôt la population d’âge moyen, celle causée par une MAV se produit généralement entre la vingtaine et la quarantaine (Lindsay et al., 2010 ; Pillai et al., 2008).

Physiopathologie Les deux causes les plus communes d’hémorragie sous-arachnoïdienne, soit l’anévrisme cérébral et la MAV, ont des physiopathologies distinctes.

23

FIGURE 23.1 Approche thérapeutique de l’accident vasculaire cérébral.

Chapitre 23

Troubles neurologiques et approche thérapeutique

749

TABLEAU 23.2

Classication des anévrismes selon le type, la forme, l’endroit et les caractéristiques communes

TYPE D’ANÉVRISME

CARACTÉRISTIQUES

Ampullaire ou sacciforme

Type le plus commun, généralement congénital, qui apparaît à une bifurcation dans la circulation antérieure, à la base du cerveau principalement ou du polygone de Willis et de ses embranchements. Il croît de la base de la paroi artérielle avec un col ou une tige et il contient du sang. Son mince dôme est généralement le site de rupture.

Géant ou fusiforme

Peut avoir une forme irrégulière, une taille de plus de 2,5 cm et être athérosclérotique. Il touche principalement la carotide interne ou l’artère vertébrobasilaire ; se rompt rarement ; n’a pas de tige ; peut former une masse intracrânienne ; est difcile à traiter.

Mycotique*

Forme rare qui découle généralement d’une embolie septique causée par une endocardite bactérienne. Il affaiblit la paroi vasculaire et entraîne la dilatation des branches distales des artères cérébrales moyennes.

Disséquant

Peut être causé par un TCC ou par une procédure médicale effractive (p. ex., une angiographie), la syphilis, l’artériosclérose. Le sang est poussé entre les couches de la paroi artérielle, et l’intima (tunique interne) est écartée de la couche médiane, ce qui permet l’accumulation du sang entre les deux parois.

Traumatique

Parfois appelé pseudo-anévrisme ; il peut se résorber après le trauma.

Charcot-Bouchard

Petit anévrisme qui peut être observé dans la région des ganglions de la base ou du tronc cérébral des personnes ayant des antécédents d’hypertension. L’apparition d’hématome dans les noyaux gris centraux peut être observée par examen radiologique. L’hypertension chronique cause la nécrose brinoïde dans les artères pénétrantes et sous-corticales, ce qui affaiblit les parois artérielles et entraîne la formation de petites poches anévrismales.

* L’anévrisme mycotique tire son nom de sa forme de champignon, et non de la cause de l’infection, qui peut être fongique, virale ou bactérienne.

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Système nerveux

| Anévrisme cérébral | Quand une personne ayant un anévrisme cérébral congénital vieillit et que sa P.A. augmente, cela exerce une contrainte accrue sur la paroi vasculaire mince et peu développée de l’anévrisme. La paroi gone, ce qui donne à celui-ci une forme de baie ou de sac. L’anévrisme est retenu sur le vaisseau par un col ou une tige. Ces anévrismes sont généralement petits, leur diamètre variant de 2 à 7 mm, et ils se situent majoritairement à la base du polygone de Willis (Venti, 2012). La FIGURE 23.2 illustre leur répartition générale entre les vaisseaux. La plupart des anévrismes cérébraux se forment à la bifurcation des vaisseaux sanguins (AANN, 2009a ; Anderson, 2009 ; Venti, 2012). L’anévrisme revêt une importance clinique quand la paroi vasculaire devient si mince qu’elle se rompt, ce qui envoie du sang artériel à haute pression dans l’espace sous-arachnoïdien. Pendant une brève période après la rupture de l’anévrisme, il semble que la pression intracrânienne (PIC) approche la P.A.M., et l’irrigation sanguine cérébrale diminue (AANN, 2009a). Dans d’autres situations, l’anévrisme intact grossit et exerce une pression sur les structures environnantes. Cela est particulièrement vrai dans le cas des anévrismes de l’artère communicante postérieure, car ils exercent une pression sur le nerf oculomoteur (nerf crânien III), ce qui entraîne la dilatation pupillaire homolatérale et la ptose (Lindsay et al., 2010). | Malformation artérioveineuse | Les caractéristiques physiopathologiques d’une malformation artérioveineuse (MAV) sont liées à la taille de la malformation et à l’endroit où elle se situe. Une MAV est alimentée par une ou plusieurs artères cérébrales, appelées artères nourricières. Celles-ci grossissent généralement avec le temps, ce qui accroît le volume de sang détourné par la malformation et augmente l’effet général de la masse. De grandes veines de drainage dilatées et tortueuses se forment en raison du débit artériel accru qui arrive à une pression plus élevée que la normale. Normalement, la P.A.M. est de 70 à 80 mm Hg dans les artères, de 35 à 45 mm Hg dans les artérioles et de 35 mm Hg dans les capillaires, et elle descend à 10 mm Hg quand elle arrive du côté veineux. Avec une MAV, l’absence de transition permet au sang d’arriver dans le système veineux à une pression moyenne de 35 à 45 mm Hg. Contrairement aux artères, les veines ne possèdent pas de couche musculaire ; elles deviennent donc extrêmement engorgées et se rompent facilement. Certains clients qui ont des MAV présentent aussi une atrophie cérébrale. Celle-ci résulte d’une hypoxémie chronique causée par la MAV qui détourne le sang de la circulation cérébrale normale (Bader & Littlejohns, 2010).

Manifestations cliniques et examens paracliniques L’hémorragie sous-arachnoïdienne provoque typiquement une douleur intense et soudaine que le client décrit comme le « pire mal de tête de sa vie ». Cette céphalée peut être accompagnée d’une brève perte de conscience, de nausées, de vomissements, de décits

neurologiques localisés et d’une raideur de la nuque (AANN, 2009a ; Anderson, 2009 ; Lindsay et al., 2010 ; Pillai et al., 2008 ; Venti, 2012). L’hémorragie sous­ arachnoïdienne peut entraîner le coma ou la mort. L’histoire de santé du client peut révéler une ou plusieurs incidences de céphalée soudaine avec des vomissements dans les semaines ayant précédé une hémorragie sous­arachnoïdienne. Cela indique de petites fuites de sang s’écoulant d’un anévrisme vers l’espace sous­arachnoïdien. La présence de sang irrite les méninges, particulièrement la membrane arachnoïdienne, ce qui provoque la céphalée, la rai­ deur de la nuque et la photophobie. À moins de dé­ cience neurologique invalidante (p. ex., la paralysie du troisième nerf crânien), ces « fuites d’avertisse­ ment » sont rarement diagnostiquées parce que le client n’est pas dans un état assez grave pour consul­ ter un médecin (AANN, 2009a). Dans le cas contraire, l’anévrisme peut alors être traité par chirurgie avant de causer des dommages. L’histoire de santé peut aussi inclure des symptômes de MAV non rompue, soit des céphalées avec étourdissements, une syn­ cope ou des déciences neurologiques passagères récurrentes (Lindsay et al., 2010). Le diagnostic d’hémorragie sous­arachnoïdienne est fondé sur le tableau clinique ainsi que sur les résultats de TDM et de ponction lombaire. La TDM sans produit de contraste est essentielle au diagnostic dénitif d’hémorragie sous­arachnoïdienne (AANN, 2009a ; Bader & Littlejohns, 2010 ; Benderson, Connolly, Batjer et al., 2009 ; Lindsay et al., 2010 ; Pillai et al., 2008). Dans 95 % des cas, la TDM montre la présence de sang dans l’espace sous­arachnoïdien si elle est effectuée dans les 48 heures suivant l’hé­ morragie (AANN, 2009a ; Anderson, 2009). En se fondant sur l’apparence de l’hémorragie sous­ arachnoïdienne et sur l’endroit où elle se situe sur la TDM, la cause de l’hémorragie peut être diagnosti­ quée : soit un anévrisme soit une MAV. L’IRM n’est pas régulièrement utilisée dans ce contexte, mais elle per­ met de détecter les régions de caillots hémorragiques et l’endroit possible du saignement (AANN, 2009a). Si les résultats initiaux de TDM sont négatifs, une ponction lombaire est effectuée pour prélever du liquide cérébrospinal (LCS) à des ns d’analyse. Après une hémorragie sous­arachnoïdienne, le LCS, qui circule dans l’espace sous­arachnoïdien, contient du sang. Une concentration de globules rouges supérieure à 1 000 globules/mm dans le LCS constitue un critère diagnostique d’hémorragie sous­ arachnoïdienne (Gawryluk et al., 2010). Si la ponc­ tion lombaire est effectuée plus de cinq jours après l’hémorragie sous­arachnoïdienne, le LCS est xan­ thochromique (ambre foncé) parce que les produits du sang se sont dégradés (Bader & Littlejohns, 2010). Quand l’hémorragie sous­arachnoïdienne est conrmée, une angiographie cérébrale s’impose pour déterminer la cause exacte de l’hémorragie. Si celle­ci résulte de la rupture d’un anévrisme cérébral, l’angiographie s’avère essentielle pour déterminer l’endroit exact de l’anévrisme, en

FIGURE 23.2 Endroits où les anévrismes sacciformes sont communs. Sur la gure, la taille de l’anévrisme est proportionnelle à la fréquence de l’occurrence aux divers endroits.

préparation d’une chirurgie de résection (Bader & Littlejohns, 2010 ; Benderson et al., 2009 ; Lindsay et al., 2010). Quand l’anévrisme a été localisé, il faut déterminer son grade sur l’échelle de classi­ cation de Hunt et Hess. Cette échelle permet de classer la gravité des déciences neurologiques causées par l’hémorragie (Hunt & Hess, 1968) ENCADRÉ 23.6. L’échelle de la World Federation of Neurosurgical Societies Classication (Teasdale, Drake, Hunt et al., 1988) peut aussi être utilisée. Si l’hémorragie résulte de la rupture d’une MAV, une angiographie est nécessaire pour localiser les artères nourricières et les veines de drainage de la malformation (Pillai et al., 2008).

23

Traitements médicaux L’hémorragie sous­arachnoïdienne constitue une urgence médicale, et le temps compte. Un diagnostic rapide est crucial an de préserver la fonction neuro­ logique. Le traitement initial doit toujours viser à maintenir les fonctions vitales. Le dégagement des voies respiratoires et la ventilation mécanique peuvent être nécessaires (Seder & Mayer, 2009). Si l’état de conscience du client est réduit, une ventriculostomie de drainage peut être effectuée pour contrôler la PIC (AANN, 2009a ; Benderson et al., 2009). Certaines données mont rent que seulement 19 % des décès attribuables à une hémorragie sous­ arachnoïdienne anévrismale résultent des effets directs de l’hémorragie initiale (Solenski, Haley, Kassell et al., 1995). Les principales causes neurologiques de mortalité sont la reprise du sai­ gnement et le vasospasme cérébral, et les causes Chapitre 23

Troubles neurologiques et approche thérapeutique

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ENCADRÉ 23.6

Classication de Hunt et Hess de l’hémorragie sous-arachnoïdienne

• Grade I : céphalée asymptomatique ou faible et légère raideur de la nuque • Grade II : céphalée de modérée à grave, raideur de la nuque, mais pas de décit neurologique autre qu’une paralysie du nerf crânien • Grade III : somnolence, confusion ou légère décience localisée

• Grade IV : stupeur, hémiparésie de modérée à grave, rigidité de décérébration précoce possible et perturbations du système nerveux autonome • Grade V : coma profond, rigidité de décérébration, apparence moribonde

Source : Adapté de Hunt & Hess (1968)

non neurologiques sont le syndrome de réponse inammatoire systémique et le dysfonctionnement secondaire d’un organe (Claassen, Vu, Kreiter et al., 2004). Après l’intervention initiale de maintien des fonctions physiologiques vitales, les traitements médicaux de l’hémorragie sous-arachnoïdienne visent principalement la prévention et le traitement de ses complications, qui peuvent entraîner des dommages neurologiques secondaires et la mort (AANN, 2009a).

| Reprise du saignement | La reprise du saignement désigne une deuxième hémorragie de l’anévrisme non réparé ou, moins communément, d’une MAV (Anderson, 2009). L’incidence de la reprise du saignement dans les 24 heures suivant le premier saignement est de 4 % et de 1 ou 2 % par jour dans le mois suivant. Le taux de mortalité lié à la reprise du saignement anévrismal est d’environ 70 % (Lindsay et al., 2010 ; Pillai et al., 2008). Les mesures classiques de prévention de la reprise du saignement consistent à maîtriser la P.A. et à prévenir l’hémorragie sous-arachnoïdienne. Une élévation de la P.A. est une réaction compensatoire normale pour maintenir une irrigation sanguine adéquate dans le cerveau après une atteinte neurologique. En se fondant sur l’hypothèse que l’hypertension contribue à la reprise du saignement,

du nitroprussiate de sodium, du métoprolol (LopresorMD) ou de l’hydralazine sera prescrit pour maintenir une P.A.S. maximale de 140 mm Hg (AANN, 2009a). Il faut établir des directives personnalisées fondées sur le tableau clinique du client et sur ses valeurs préexistantes. Des données indiquent que la reprise du saignement dépend plus des variations de la P.A. que des valeurs absolues et que la maîtrise de la P.A. ne réduit pas l’incidence de la reprise du saignement (Benderson et al., 2009).

| Réparation chirurgicale de l’anévrisme | Le traitement dénitif pour empêcher la reprise du saignement est la ligature chirurgicale (clipping ou clippage) ou l’insertion d’une spirale endovasculaire, appelée stent, avec oblitération complète de l’anévrisme (AANN, 2009a ; Lindsay et al., 2010). Une réparation chirurgicale précoce de l’anévrisme (dans les 48 heures suivant une rupture) élimine le risque de reprise du saignement et permet un traitement postopératoire plus dynamique du vasospasme (AANN, 2009a ; Lindsay et al., 2010). Une intervention hâtive permet aussi au neurochirurgien d’éliminer le surplus de sang et de caillots des citernes basales (réservoirs de LCS à la base de l’encéphale et du polygone de Willis) pour réduire le risque de vasospasme (Claassen et al., 2004). Un examen attentif du tableau clinique du client est nécessaire pour déterminer le moment optimal de la chirurgie. L’intervention chirurgicale consiste à effectuer une craniotomie an d’exposer et d’isoler la région de l’anévrisme. Le chirurgien place un clip sur le col de l’anévrisme pour obturer la zone de faiblesse FIGURE 23.3. Il arrive fréquemment qu’un caillot se détache de l’anévrisme exposé, particulièrement au cours d’une chirurgie précoce. Il s’ensuit une hémorragie étendue dans le champ de la craniotomie, qui cause souvent des déciences neurologiques accrues. Des déciences peuvent aussi découler des manipulations chirurgicales faites pour accéder à l’anévrisme (AANN, 2009a). Excision chirurgicale d’une malformation artérioveineuse Le traitement classique d’une malformation

FIGURE 23.3 Ligature d’un anévrisme de l’artère communicante postérieure. A La courbe pleine montre l’incision cutanée typique, et la ligne pointillée montre le champ de la craniotomie. B Application du clip sur l’anévrisme.

752

Partie 4

Système nerveux

artérioveineuse (MAV) consiste à exciser chirurgicalement la malformation ou à soulager ses symptômes tels que les convulsions et les céphalées. La décision d’effectuer une excision chirurgicale dépend de l’endroit et de la taille de la MAV. Certaines malformations sont situées si profondément dans les structures encéphaliques (thalamus ou mésencéphale) que toute tentative d’excision causerait de graves déficiences neurologiques. Des antécédents d’hémorragie ainsi que l’âge et l’état général du client sont aussi pris en considération dans la décision d’effectuer ou non une intervention chirurgicale (AANN, 2009a). L’excision chirurgicale d’une grande MAV comporte un risque de saignement de reperfusion. Quand les artères nourricières de la MAV sont ligaturées, le sang artériel qui s’écoulait normalement dans la malformation est dévié dans la circulation environnante. Dans de nombreux cas, le tissu environnant est en ischémie chronique, et les vaisseaux artériels alimentant ces régions sont dilatés au maximum. Quand le volume et la pression du sang commencent à augmenter dans ces artères dilatées, du sang peut s’en échapper. Le saignement de reperfusion en salle opératoire indique que le sang artériel ne peut plus être dévié de la MAV sans risque d’hémorragie intracrânienne grave. En phase postopératoire, une faible P.A. est maintenue pour prévenir un saignement de reperfusion ultérieur. Pour les grandes MAV, une chirurgie en 2 à 4 étapes réparties sur une période de 6 à 12 mois peut s’avérer nécessaire (AANN, 2009a). Embolisation L’embolisation est utilisée pour occlure un anévrisme cérébral ou une MAV inaccessible par chirurgie en raison de sa taille, de son emplacement ou de l’état instable du client. L’embolisation fait appel à plusieurs techniques récentes de neuroradiologie interventionnelle. Toutes ces techniques utilisent une méthode transfémorale percutanée d’une manière semblable à l’angiographie. Sous uoroscopie, le cathéter est inséré jusqu’à l’artère carotide interne. Des microcathéters spéciaux sont ensuite utilisés dans la région de l’anomalie vasculaire pour mettre en place le matériel d’embolisation dans le vaisseau. Différentes techniques d’embolisation sont possibles, selon la nature du trouble (Pillai et al., 2008). Une de ces techniques d’embolisation consiste à introduire de petites billes de silicone polymérique (silastic) ou de la colle dans les vaisseaux qui alimentent une MAV. La circulation sanguine transporte le matériel à l’endroit voulu, et l’embolisation est terminée. Cette procédure peut être utilisée en combinaison avec la chirurgie. L’embolisation des vaisseaux nourriciers s’effectue en une à trois séances pour réduire la taille de la lésion avant d’effectuer la craniotomie permettant l’excision totale. Le principal risque de cette procédure est de loger la substance d’embolisation dans un vaisseau qui alimente le tissu normal, ce qui crée un accident embolique provoquant l’apparition immédiate de symptômes neurologiques (Pillai et al., 2008).

Une deuxième technique d’embolisation consiste à placer plusieurs spirales détachables (stents) dans un anévrisme an de produire un thrombus endovasculaire FIGURE 23.4. L’avantage de cette technique est qu’un potentiel électrique crée une charge positive sur la spirale, ce qui induit naturellement une électrothrombose. Les complications sont notamment l’accident embolique, la migration de la spirale, la surproduction de caillots, l’occlusion partielle, la rupture du vaisseau pendant l’intervention, voire la mort (Pillai et al., 2008). | Vasospasme cérébral | La présence ou l’absence d’un vasospasme cérébral inue considérablement sur le résultat de l’hémorragie sous-arachnoïdienne anévrismale. Cette complication ne survient pas avec une hémorragie sous-arachnoïdienne causée par une rupture de MAV. Le vasospasme cérébral est un rétrécissement de la lumière des artères cérébrales, possiblement causé par la présence de caillots sanguins sous-arachnoïdiens qui recouvrent la surface externe des vaisseaux sanguins. Puisque les anévrismes se forment généralement au polygone de Willis, le vasospasme entraîne une diminution de la lumière des principaux vaisseaux qui alimentent la circulation cérébrale. Selon les vaisseaux artériels touchés,

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FIGURE 23.4

Occlusion endovasculaire d’un anévrisme de l’artère communicante postérieure. A Insertion du microcathéter dans l’anévrisme par l’artère fémorale droite, l’aorte et l’artère carotide gauche. B Occlusion de l’anévrisme avec une spirale (stent ). Chapitre 23

Troubles neurologiques et approche thérapeutique

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le débit artériel est réduit dans de grandes régions des hémisphères cérébraux (Pillai et al., 2008). La physiopathologie du vasospasme cérébral n’est pas encore parfaitement connue. Les produits de dégradation du sang et la réponse inammatoire sont les pistes les plus envisagées. L’oxyhémoglobine agirait de façon directe sur la paroi artérielle et de façon indirecte en provoquant la libération d’agents vasoconstricteurs tels que l’endothéline. Les médiateurs de l’inammation permettraient à de nombreuses substances vasoactives de pénétrer dans les vaisseaux (Crowley, Medel, Kassel et al., 2008). Il est estimé qu’un vasospasme se développe chez environ 70 % de tous les clients ayant une hémorragie sous-arachnoïdienne (Keyrouz & Diringer, 2007). Environ un tiers de ces clients sont atteints d’un vasospasme symptomatique, qui entraîne un accident ischémique ou la mort dans au plus 23 % des cas, malgré un traitement maximal (Keyrouz & Diringer, 2007). Le vasospasme apparaît généralement entre le troisième et le douzième jour après l’hémorragie initiale (Seder & Mayer, 2009) et se résorbe en 2 à 4 semaines (Athar & Levine, 2012). Certains traitements expérimentaux sont en cours d’évaluation (p. ex., les statines). Actuellement, trois traitements sont communément utilisés : 1) la thérapie « triple H » hypertensive, hypervolémique et hémodilutive (HHH) ; 2) la nimodipine orale ; 3) l’angioplastie cérébrale transluminale (Athar et al., 2012 ; Benderson et al., 2009 ; Keyrouz & Diringer, 2007). Thérapie hypertensive, hypervolémique et hémo­ dilutive La thérapie hypertensive, hypervolémique et hémodilutive (HHH) consiste à faire augmenter la P.A. et le débit cardiaque (D.C.) du client avec des médicaments vasoactifs et à diluer le sang avec des solutions de remplissage vasculaire. L’hypertension induite est le seul aspect de la thérapie HHH qui soit véritablement appuyé par des résultats probants pour traiter le vasospasme cérébral (Athar et al., 2012). Son mécanisme d’action semble indépendant du statut volémique. La P.A.S. est maintenue à une valeur de 150 ou 160 mm Hg par des vasopresseurs. Cette augmentation de volume et de pression pousse le sang dans la région vasospastique où la pression est élevée, ce qui permet l’irrigation des régions atteintes et diminue l’ischémie, une conséquence du vasospasme cérébral. Le désavantage évident de l’hypertension provoquée est le risque de reprise du saignement d’un anévrisme non réparé. Il est préférable d’effectuer la réparation chirurgicale de l’anévrisme avant d’entreprendre la thérapie HHH. L’hémodilution, par la perfusion de grands volumes de solutés, facilite la circulation vers la région atteinte en réduisant la viscosité du sang. Cependant, son utilité est controversée puisque la dilution diminue simultanément le transport d’oxygène vers le cerveau (Athar et al., 2012). Il n’a pas été établi que la transfusion sanguine améliore les résultats, et elle comporte d’autres risques de complications. Ainsi, ni l’hémodilution ni la transfusion sanguine ne sont actuellement recommandées pour le traitement classique du vasospasme (Athar et al., 2012).

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Partie 4

Système nerveux

La thérapie HHH comporte des risques de provoquer l’œdème cérébral, une PIC élevée, une insufsance cardiaque et des déséquilibres électrolytiques. Un monitorage attentif de l’état neurologique, des paramètres hémodynamiques, de la PIC et des électrolytes sériques du client est nécessaire (AANN, 2009a). Nimodipine La nimodipine (NimotopMD) est fortement recommandée pour réduire les conséquences négatives du vasospasme, bien qu’elle ne prévienne pas ou ne traite pas le vasospasme en tant que tel (Athar et al., 2012). Le mécanisme qui sous-tend le bénéce clinique n’est pas clair, mais des effets positifs constants sont observés à court terme, sans avoir de retombées évidentes sur l’incidence ou la gravité du vasopasme (Athar et al., 2012 ; Benderson et al., 2009 ; Keyrouz & Diringer, 2007). La nimodipine est un bloquant des canaux calciques de type dihydropyridine. Il exerce une action plus marquée sur la circulation cérébrale que sur la circulation périphérique. Une dose de 60 mg de nimodipine est donnée par voie orale (P.O.) toutes les 4 heures pendant 21 jours (Athar et al., 2012). La nimodipine peut provoquer de l’hypotension, particulièrement si elle est administrée avec d’autres agents hypotenseurs (Keyrouz & Diringer, 2007). Angioplastie cérébrale L’angioplastie cérébrale est utilisée quand le traitement classique du vasospasme cérébral a échoué (Benderson et al., 2009 ; Keyrouz & Diringer, 2007). Elle permet d’augmenter le débit sanguin cérébral (DSC), mais son impact thérapeutique à long terme demeure ou (Athar et al., 2012). Elle est effectuée seulement quand la TDM ou l’IRM montre qu’il n’y a pas eu d’infarctus. Cette intervention est pratiquée par un neuroradiologue auprès d’un client sous anesthésie locale, générale ou neuroleptique. La technique de l’angioplastie cérébrale est très semblable à celle utilisée pour les coronaires. Elle comporte certains risques, notamment la perforation ou la rupture de l’intima, la thrombose ou l’embolie artérielle cérébrale, la récurrence de la sténose et un vasospasme grave et diffus qui ne réagit pas au traitement. Elle peut aussi entraîner une hémorragie dans la région du site d’insertion fémorale. Les segments proximaux des vaisseaux cérébraux sont ainsi privilégiés an de diminuer le risque de complications (Athar et al., 2012).

| Hyponatrémie | L’hyponatrémie se développe dans 10 à 43 % des cas d’hémorragie sous-arachnoïdienne en raison du syndrome de perte de sel d’origine cérébrale ou cerebral saltwasting syndrome (CSWS). Elle se produit généralement en même temps que le vasospasme, plusieurs jours après l’hémorragie initiale (Venti, 2012). Le Stroke Council de l’AHA déconseille fortement la restriction liquidienne dans ce contexte et recommande plutôt le remplissage sodique avec des liquides isotoniques (Benderson et al., 2009). | Hydrocéphalie | L’hydrocéphalie est une complication tardive qui touche environ 25 % des clients ayant subi une hémorragie sous-arachnoïdienne (Pillai et al., 2008). Le sang qui a circulé dans l’espace sous-arachnoïdien et qui a été absorbé par

les villosités arachnoïdiennes peut former des caillots, obstruer ces dernières et réduire le taux de réabsorption du LCS. Avec le temps, l’accumulation de LCS dans l’espace sous-arachnoïdien produit une hydrocéphalie communicante. Le traitement consiste à placer un drain dans un ventricule cérébral pour en retirer le LCS. Ce drainage peut se faire de façon temporaire par une ventriculostomie ou de façon permanente par une dérivation ventriculopéritonéale (Adams, Acker, Alberts et al. , 2002 ; Benderson et al., 2009 ; Lindsay et al., 2010).

Hémorragie intracérébrale L’hémorragie intracérébrale est un saignement qui se produit directement dans le tissu cérébral (Rincon & Mayer, 2008). Une telle hémorragie détruit le tissu cérébral, cause de l’œdème cérébral et fait augmenter la PIC. Le saignement intracérébral provient généralement d’une petite artère, mais il peut aussi être causé par la rupture d’une MAV ou d’un anévrisme. La cause la plus importante d’hémorragie intracérébrale spontanée est l’hypertension. La section suivante traite de l’hémorragie intracérébrale hypertensive spontanée (Hsieh, Awad, Getch et al., 2006). L’hémorragie intracérébrale spontanée est responsable d’au moins 10 % de toutes les admissions à la suite d’un AVC (Rincon & Mayer, 2008). La probabilité de décès ou de séquelle est plus élevée dans le cas d’une hémorragie intracérébrale que dans celui d’un AVC ischémique ou d’une hémorragie sousarachnoïdienne. Le taux de mortalité liée à l’AVC hémorragique peut atteindre 50 % dans le mois suivant l’accident. Seulement 20 % des clients qui subissent une hémorragie intracérébrale retrouvent une vie fonctionnelle après six mois (Naval & Nyquist, 2008). Les principaux facteurs de risque de l’hémorragie intracérébrale sont l’angiopathie amyloïde cérébrale liée à l’âge et l’hypertension (Rincon & Mayer, 2008).

Étiologie L’hémorragie intracérébrale spontanée résulte le plus souvent de la rupture d’un vaisseau cérébral découlant d’une hypertension chronique (Rincon & Mayer, 2008). Les autres causes possibles de l’hémorragie intracérébrale spontanée sont le traitement anticoagulant ou brinolytique, les troubles de coagulation, l’abus de drogues ou de médicaments et l’hémorragie à la suite d’un infarctus cérébral ou d’une tumeur cérébrale (Lindsay et al., 2010 ; Zivin, 2012).

Physiopathologie La cause de l’hémorragie intracérébrale est une P.A. élevée continue exerçant une force sur de petits vaisseaux artériels déjà endommagés par des changements artériosclérotiques. Ces artères nissent par se rompre, et le sang se propage des vaisseaux au tissu cérébral environnant, ce qui crée un hématome. La PIC augmente soudainement en réaction à l’augmentation du volume intracrânien (Zivin, 2012).

Manifestations cliniques et examens paracliniques Au moment de l’évaluation initiale, le client est généralement en phase critique, inconscient et a besoin

de ventilation mécanique. L’histoire de santé recueillie auprès d’un parent ou d’un proche montre l’apparition soudaine d’une décience localisée souvent accompagnée de céphalées graves, de nausées, de vomissements et d’une détérioration neurologique rapide. Les signes et les symptômes varient, selon l’emplacement de l’hémorragie intracérébrale (Zivin, 2012). Environ 50 % des clients subissent une perte de conscience précoce, une caractéristique qui distingue l’hémorragie intracérébrale de l’AVC ischémique (Morgenstern, Hemphill, Anderson et al., 2010). À leur admission, plus de la moitié des clients ayant subi une hémorragie intracérébrale présentent une lente progression de l’intensité des symptômes neurologiques, ce qui est rare dans le cas d’un AVC ischémique ou d’une hémorragie sous-arachnoïdienne (Morgenstern et al., 2010). Un tiers des clients présentent les symptômes maximaux dès l’apparition de l’hémorragie intracérébrale (Morgenstern et al., 2010). L’évaluation des signes vitaux révèle généralement une P.A. très élevée (de 200/100 à 250/150 mm Hg). Les signes d’une hypertension intracrânienne sont souvent présents à l’arrivée du client à l’urgence. Une TDM permet l’établissement facile du diagnostic. L’angiographie demeure recommandée seulement si le client est candidat à la chirurgie et si la cause de l’hémorragie n’est pas clairement établie (Hsieh et al., 2006 ; Morgenstern et al., 2010 ; Naval & Nyquist, 2008 ; Rincon & Mayer, 2008).

Traitements médicaux L’hémorragie intracérébrale constitue une urgence médicale. Les soins et les traitements initiaux sont axés sur le dégagement des voies respiratoires, le maintien de la ventilation et de la circulation. L’intubation est généralement nécessaire. La gestion de la P.A. doit être basée sur l’évaluation des facteurs individuels. La diminution de la P.A. est généralement nécessaire pour réduire le saignement, mais une diminution trop importante ou trop rapide peut compromettre la pression de perfusion cérébrale (PPC), particulièrement chez le client ayant une PIC élevée. La cible de P.A. dite stable est une pression qui peut spontanément rester inférieure à 180 mm Hg ou être adéquatement maîtrisée à l’aide d’antihypertenseurs. Les clients dont la P.A. est élevée devraient recevoir un traitement visant à maintenir la P.A.S. à moins de 180 mm Hg (Recommandations canadiennes pour les pratiques optimales de soins de l’AVC, 2013). Des résultats probants démontrent qu’il est sécuritaire de viser une P.A.S. inférieure à 160 mm Hg. Il n’existe actuellement aucune donnée permettant d’afrmer qu’une cible inférieure est associée à de meilleurs résultats cliniques. Un traitement vasopresseur est recommandé après un remplacement liquidien si la P.A.S. descend sous 90 mm Hg (Hsieh et al., 2006). L’hémorragie intracérébrale entraîne souvent une augmentation de PIC, qui est l’une des principales causes de décès. Les soins et les traitements recommandés incluent l’administration d’un agent osmotique (mannitol) ou de soluté hypertonique, la sédation et le drainage du LCS (Rangel-Castilla, Chapitre 23

Troubles neurologiques et approche thérapeutique

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Gopinath & Robertson, 2008). Lorsque l’hypertension intracrânienne est réfractaire à ces traitements médicaux, le coma barbiturique, l’hypothermie et la craniectomie peuvent être envisagés (Rangel-Castilla et al., 2008). Les stéroïdes sont à éviter. Bien qu’ils soient utilisés dans le traitement de l’œdème lié à une tumeur cérébrale, les stéroïdes ne présentent pas d’avantages pour le traitement d’une hémorragie intracérébrale spontanée ou d’un TCC et peuvent même se révéler néfastes. À l’exception des cas de TCC, la PPC doit être maintenue au-dessus de 70 mm Hg an d’éviter une ischémie cérébrale secondaire (Hsieh et al., 2006 ; Naval & Nyquist, 2008). Le but du traitement liquidien est l’euvolémie, avec pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO) recommandée de 12 à 15 mm Hg (AANN, 2009 ; Haddad & Arabi, 2012). La température corporelle est maintenue sous les 38 °C à l’aide d’acétaminophène ou de couvertures refroidissantes. L’euglycémie, c’est-à-dire une glycémie inférieure à 7,8 mmol/l est maintenue avec de l’insuline, mais il faut éviter l’hypoglycémie. L’administration de benzodiazépines ou de propofol (DiprivanMD) est recommandée pour traiter l’agitation ou l’hyperactivité. L’intérêt du propofol provient de sa demi-vie courte qui permet une sédation rapide et une évaluation neurologique optimale dans les minutes suivant l’arrêt de l’administration. Des dispositifs de compression pneumatique intermittente sont employés aux membres inférieurs pour réduire le risque

d’embolie pulmonaire. Le traitement anticonvulsif prophylactique est parfois utilisé (Hsieh et al., 2006 ; Morgenstern et al., 2010). Les avantages du traitement chirurgical de l’hémorragie intracérébrale spontanée ne sont pas bien connus. Le retrait chirurgical du caillot est possible selon la taille et l’endroit de l’hématome, la PIC du client et les autres symptômes neurologiques (Morgenstern et al., 2010). Le traitement médical non chirurgical est recommandé pour une petite hémorragie (inférieure à 10 cm) ou une décience neurologique minime (Hsieh et al., 2006 ; Morgenstern et al., 2010). La chirurgie n’offre aucune amélioration de l’état du client qui a obtenu un résultat de 4 ou moins sur l’échelle de Glasgow à son évaluation initiale. L’évacuation chirurgicale du caillot est recommandée pour le client qui a une hémorragie cérébelleuse de plus de 3 cm et qui présente une détérioration neurologique ou une hydrocéphalie avec compression du tronc cérébral ; elle est aussi prônée chez le client jeune qui a une hémorragie lobaire modérée ou importante et qui présente une détérioration clinique (Hsieh et al., 2006 ; Morgenstern et al., 2010). De nombreuses techniques visant à réduire le risque de lésions cérébrales causées par la craniotomie pratiquée au cours d’une hémorragie intracérébrale sont actuellement à l’étude. L’ENCADRÉ 23.7 présente les directives fondées sur des résultats probants pour les soins et les traitements du client ayant une hémorragie intracérébrale.

Pratique fondée sur des résultats probants ENCADRÉ 23.7

Directives de soins et de traitements de l’hémorragie intracérébrale spontanée

Les recommandations suivantes ont été formulées par l’AHA et l’American Stroke Association, ainsi que par les Recommandations canadiennes pour les pratiques optimales de soins de l’AVC (2013). Ce sont des recommandations de classe I relatives à des interventions ou à des traitements dont l’utilité et l’efcacité sont appuyées par des résultats probants et par un consensus. • Le client doit être évalué à l’aide de l’échelle NIHSS s’il est éveillé ou som­ nolent ou avec l’échelle de Glasgow s’il est léthargique, semi­comateux ou comateux an de mesurer la gravité initiale des décits neurologiques. • Une neuro­imagerie rapide par TDM ou IRM est recommandée pour distinguer un AVC ischémique et une hémorragie intracérébrale. • Le client qui a une décience grave d’un facteur de coagulation ou une throm­ bocytopénie grave doit recevoir un traitement de substitution approprié du facteur de coagulation ou de plaquettes, respectivement. • Pour le client ayant une hémorragie intracérébrale et dont le RNI est élevé en raison d’un traitement d’anticoagulothérapie orale, il faut interrompre l’admi­ nistration de warfarine (CoumadinMD, SintromMD), effectuer un traitement pour renverser l’anticoagulation et normaliser le RNI. La coagulopathie sera neutra­ lisée à l’aide d’un concentré de complexe prothrombinique et de vitamine K par voie I.V. Si le complexe prothrombinique n’est pas disponible, le plasma frais congelé et la vitamine K pourraient être une solution de rechange. L’uti­ lisation des nouveaux anticoagulants (rivaroxaban, apixaban et dabigatran) pris par voie P.O. requiert une consultation en urgence d’un hématologue s’il n’y a pas d’agents permettant de les neutraliser directement.

• Le client ayant une hémorragie intracérébrale doit subir une compression pneumatique intermittente aux membres inférieurs en prévention d’une thromboembolie veineuse, et il doit porter des bas de contention élastiques. • La surveillance initiale ainsi que les soins et les traitements du client ayant une hémorragie intracérébrale doivent se faire dans une unité de soins intensifs, préférablement où exercent des médecins et des inrmières spécialisés en soins intensifs neurologiques. • La glycémie doit être surveillée, et la normoglycémie est recommandée. • Il n’existe actuellement aucun avantage à utiliser une prophylaxie aux anti­ convulsivants. Cependant, le client qui présente des convulsions doit être traité avec des médicaments anticonvulsivants. Le client dont l’état mental change et dont l’EEG montre des convulsions électrographiques doit aussi être traité avec des médicaments anticonvulsivants. • Le client qui a une hémorragie cérébelleuse et qui présente une détérioration neurologique ou qui a une compression du tronc cérébral ou une hydrocépha­ lie, ou les deux, en raison d’une obstruction ventriculaire doit subir une chirur­ gie visant à évacuer l’hémorragie dès que possible. • Après une hémorragie intracérébrale, la P.A. doit être bien maîtrisée, sauf s’il y a des contre­indications médicales, particulièrement si l’emplacement de l’hémorragie intracérébrale est caractéristique d’une vasculopathie hypertensive.

Sources : Adapté de Morgenstern et al. (2010) ; Recommandations canadiennes pour les pratiques optimales de soins de l’AVC (2013)

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Partie 4

Système nerveux

Soins et traitements inrmiers Les soins et les traitements inrmiers du client ayant subi un AVC sont axés sur les divers problèmes découlant de sa situation de santé ENCADRÉ 23.8 A . Les interventions inrmières sont axées sur la surveillance des changements neurologiques et hémodynamiques, la surveillance des complications, la gestion de la douleur et le soutien émotionnel du client ainsi que l’enseignement à celui-ci et à ses proches. En phase aiguë, l’inrmière assure le dégagement des voies respiratoires, la ventilation mécanique et le maintien des fonctions hémodynamiques. La surveillance de la glycémie et de la normothermie relève aussi de sa responsabilité. Les soins et les traitements en interdisciplinarité du client ayant subi un AVC sont présentés dans l’ENCADRÉ 23.9.

Surveiller les changements neurologiques et hémodynamiques Les évaluations fréquentes visent la détection précoce d’une détérioration neurologique ou hémodynamique. Une surveillance attentive des signes neurologiques et vitaux du client est essentielle et nécessite une observation presque continue. L’activité convulsive doit être décelée et traitée immédiatement. Il faut que l’inrmière travaillant auprès du client connaisse les paramètres hémodynamiques et neurologiques visés établis par le médecin an que celui-ci soit informé dès le premier signe de changement.

plus débilitantes et conduire à une incapacité d’effectuer des tâches spécialisées ou précises.

Prévenir le saignement et un vasospasme Chez le client qui a un anévrisme cérébral, l’apparition soudaine ou l’augmentation des céphalées, des nausées et des vomissements, une P.A. accrue et des changements respiratoires annoncent une reprise du saignement. Le premier indice d’un vasospasme est généralement l’apparition de nouveaux décits localisés ou généraux. En cas d’hémorragie sous-arachnoïdienne, il faut prendre des précautions pour prévenir tout stress ou effort qui pourrait provoquer la reprise du saignement. Ces précautions sont notamment la maîtrise de la P.A., l’alitement ou la limitation des activités, un environnement sombre et tranquille et la prise de laxatifs émollients. Des analgésiques et des sédatifs à action brève sont utilisés pour soulager la douleur et l’anxiété. Il faut éviter le recours à des mesures de contention. La tête du lit doit être élevée à un angle de 30° durant au moins 24 à 48 heures pour faciliter le drainage veineux cérébral. L’inrmière enseigne au client comment éviter toute activité qui correspond à la manœuvre de Valsalva telle que pousser avec les jambes pour se soulever dans le lit, forcer pour expulser les fèces ou retenir sa respiration. L’ambulation doit être progressive et se faire avec de l’aide. L’inrmière travaille en collaboration avec le client et ses proches pour établir un plan de visite qui répond à leurs besoins. Souvent, les membres de la famille peuvent diminuer l’anxiété du client et aider aux soins (AANN, 2009a ; Bader & Littlejohns, 2010 ; Pillai et al., 2008).

Surveiller étroitement les complications

Éviter une pression intracrânienne accrue

L’inrmière surveille de façon continue le client qui a subi un AVC an de déceler les signes de saignement, de vasospasme et d’augmentation de PIC. Les autres complications de l’AVC sont la pneumonie, la TVP, l’embolie pulmonaire, les lésions de pression, les contractures et les anomalies articulaires telles que la raideur (Venti, 2012). Les mesures infirmières d’évaluation et de prévention de ces complications doivent être mises en application pour toute personne ayant subi un AVC. D’autres complications peuvent être observées en lien avec des lésions cérébrales précises. Le client peut éprouver des difcultés de déglutition nuisant à son apport alimentaire et qui le rendent à risque d’aspiration (Bader & Littlejohns, 2010 ; Pillai et al., 2008). Des dommages à la région temporopariétale perturbent la capacité du client à interpréter l’information sensorielle. Les dommages à l’hémisphère dominant (généralement le gauche) entraînent des troubles de la parole, du langage, des habiletés d’abstraction et d’analyse. Des dommages à l’hémisphère non dominant (généralement le droit) causent des troubles de relations spatiales. Les déciences qui en résultent sont entre autres l’agnosie, l’apraxie et des déciences du champ visuel. Les déciences perceptuelles ne sont pas aussi facilement décelables que les déciences motrices, mais elles peuvent être

De nombreux signes et symptômes permettent de déceler une augmentation de PIC. Une altération de l’état de conscience demeure l’indice le

A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux pro­ blèmes découlant d’un AVC sont détaillés, selon le pro­ blème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traite­ ments inrmiers.

23

Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 23.8

Accident vasculaire cérébral

• Altération de la communication liée à une lésion cérébrale touchant les zones du langage PSTI A.2 • Altération de la déglutition liée à une dé­ cience neuromusculaire, à la fatigue ou à une diminution de l’état de conscience PSTI A.3

• Anxiété liée à une menace contre l’inté­ grité biologique, psychologique ou sociale PSTI A.6

• Décit de compréhension lié à une absence d’exposition préalable à l’information PSTI A.8

• Douleur aiguë liée à la transmission et à la perception d’impulsions cutanées, viscérales, musculaires ou ischémiques PSTI A.14

Chapitre 23

• Héminégligence liée à une perturbation perceptuelle PSTI A.18 • Perturbation de l’image de soi découlant d’un changement dans la structure, les fonctions ou l’apparence du corps PSTI A.24

• Risque d’aspiration PSTI A.25 • Risque d’hypoperfusion cérébrale PSTI A.26

• Risque d’infection PSTI A.31 • Stratégies d’adaptation familiales pertur­ bées par la situation critique de santé d’un proche malade PSTI A.33

Troubles neurologiques et approche thérapeutique

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Interventions interdisciplinaires ENCADRÉ 23.9

Accident vasculaire cérébral

• Déterminer la cause de l’AVC : – ischémique ; – hémorragie sous-arachnoïdienne ; – anévrisme cérébral ; – MAV ; – saignement intracérébral. • Mettre en œuvre le traitement en fonction de la cause du saignement : – ischémique : › traitement brinolytique ; › maîtrise de la P.A. ; – hémorragie sous-arachnoïdienne : › réparation chirurgicale de l’anévrisme ou excision de la MAV ; › embolisation ; › saignement intracérébral ; › maîtrise de la P.A. • Maintenir les voies respiratoires dégagées.

• Fournir une ventilation mécanique au besoin. • Effectuer de fréquentes évaluations neurologiques. • Maintenir la surveillance des complications : – œdème cérébral ; – ischémie cérébrale ou vasospasme ; – reprise du saignement ; – déglutition déciente ; – autres déciences neurologiques. • Offrir des mesures de gestion de la douleur. • Offrir un soutien émotionnel. • Élaborer et mettre en œuvre un programme approprié de réadaptation en partenariat avec le client et ses proches. • Donner de l’enseignement au client et à ses proches en tenant compte de leurs préoccupations.

plus précoce. Les autres indices sont des pupilles de tailles inégales, une réponse pupillaire réduite à la lumière, des céphalées, des vomissements en jet, des changements de la respiration, des réexes réduits du tronc cérébral, l’œdème papillaire et une extension anormale (rigidité de décérébration) ou encore une exion anormale (rigidité de décortication) (AANN, 2009a ; Bader & Littlejohns, 2010 ; Pillai et al., 2008). La triade de Cushing (bradycardie, hypertension systolique et respiration irrégulière) constitue également un signe d’augmentation de la PIC. Cependant, étant donné son apparition très tardive, ce signe est de moins en moins considéré comme un élément de surveillance prioritaire, car des interventions devraient avoir été effectuées avant de l’observer.

Évaluer les dommages à l’hémisphère non dominant Le client qui a une atteinte à l’hémisphère non dominant peut montrer une labilité émotionnelle, avec des périodes d’euphorie, d’impulsivité et d’inattention. Un champ réduit de l’attention, un manque de discernement et un mauvais jugement peuvent entraîner des blessures quand le client tente d’effectuer des activités qui dépassent ses capacités. Ce client peut aussi souffrir d’agnosie, de décience du champ visuel et d’apraxie (AANN, 2009a ; Bader & Littlejohns, 2010 ; Pillai et al., 2008). Des mesures de prévention des chutes et des accidents doivent être mises en place.

| Observer l’agnosie | L’agnosie est une perturbation de la perception de l’information sensorielle familière (p. ex., verbale, tactile et visuelle). L’héminégligence est une forme d’agnosie caractérisée par une

758

Partie 4

Système nerveux

inconscience ou un déni de la moitié touchée du corps. Ce déni peut varier de l’inattention au refus de reconnaître une paralysie. Il se manifeste par la négligence du côté touché du corps ou par le déni de l’appartenance de ce côté ; le client attribue alors le membre paralysé à une autre personne. La négligence peut aussi s’étendre à l’espace extrapersonnel. Cette décience résulte le plus souvent d’une lésion de l’hémisphère cérébral droit qui cause une hémiplégie gauche. Il existe des types d’agnosie autres que l’héminégligence. Certains clients sont incapables de reconnaître visuellement des objets (agnosie visuelle des objets). D’autres ne parviennent pas à reconnaître les visages (prosopagnosie) et peuvent devoir se fonder sur la voix ou sur les manières d’une personne connue pour la reconnaître. L’agnosie tactile est un trouble perceptuel qui rend le client incapable de reconnaître au toucher un objet placé dans ses mains. Cela peut se produire même si le sens du toucher est intact. Si le client peut voir ou entendre l’objet, il le reconnaît généralement. L’orientation spatiale est perturbée, ce qui nuit à la capacité d’évaluer la position, la distance, le mouvement, la forme et la relation des parties du corps par rapport aux objets environnants. Le client peut confondre des concepts tels que « en haut et en bas » ou « en avant et en arrière ». Il peut avoir de la difculté à suivre un trajet et peut même se perdre dans des endroits connus. Le client qui a subi un AVC peut aussi éprouver des troubles de lecture (dyslexie) ou d’écriture (agraphie) liés à la perception visuelle et à des déciences visuospatiales. Un type de dyslexie spatiale est lié à l’héminégligence spatiale. Le client peut ne pas regarder le début d’une ligne du côté gauche d’un texte. Il porte plutôt son attention sur un point situé à droite du début de la ligne et il lit le reste de celle-ci. Si on lui demande de faire un dessin, il en réalise seulement la moitié.

| Détecter les déciences du champ visuel | Des déciences du champ visuel peuvent accompagner l’agnosie, mais non la causer. Une lésion hémisphérique peut interrompre les voies visuelles ; la décience visuelle dépend alors de l’endroit et de l’étendue de la lésion. Au chiasma optique, les bres nerveuses provenant de la moitié nasale de chaque rétine traversent du côté opposé, tandis que les bres provenant de la moitié temporale de chaque rétine ne traversent pas du côté opposé. Ce croisement partiel permet la vision binoculaire. Dans le chiasma optique, les bres de la moitié nasale de chaque rétine se joignent aux bres non croisées de la moitié temporale de la rétine et forment la bandelette optique. Les impulsions transmises à l’hémisphère droit par la bandelette optique droite représentent le champ de vision gauche ; celles transmises à l’hémisphère gauche par la bandelette optique gauche représentent le champ de vision droit. Les radiations optiques s’étendent jusqu’aux lobes occipitaux. Les déciences visuelles limitées à un seul champ de vision, droit ou gauche, se nomment hémianopsies homonymes.

L’inrmière est bien placée pour évaluer cette décience. Le client atteint d’une hémianopsie peut négliger toute information sensorielle provenant du côté atteint. Par exemple, il peut sembler ne pas remarquer l’inrmière qui approche du côté touché, mais être considérablement alerte si elle s’approche du côté sain. Un autre indice de l’hémianopsie est le client qui mange seulement la nourriture d’un côté du plateau. L’hémianopsie peut disparaître avec le temps. De nombreux clients peuvent apprendre à effectuer un balayage visuel de leur environnement pour compenser leur décience, bien qu’au stade aigu d’un AVC, ils peuvent être trop léthargiques pour suivre des instructions sur les méthodes de balayage visuel. Cette décience visuelle peut constituer une source de crainte et de confusion et peut menacer la sécurité du client.

| Observer l’apraxie | Des lésions du lobe pariétal ainsi que d’autres structures corticales peuvent causer l’apraxie, c’est-à-dire une incapacité d’effectuer volontairement un mouvement appris. Même si le client peut comprendre la tâche à effectuer et posséder une capacité motrice intacte, il ne parvient pas à effectuer la tâche, est souvent maladroit et commet des erreurs. Le client atteint d’apraxie de l’habillement peut être incapable d’orienter ses vêtements dans l’espace et s’emmêler dans ceux-ci quand il essaie de s’habiller.

Évaluer les dommages à l’hémisphère dominant Les dommages à l’hémisphère dominant causent des troubles de la parole et du langage. Une communication déciente découle de la difculté du client à exprimer et à échanger ses pensées, ses idées ou ses besoins (AANN, 2009a ; Bader & Littlejohns, 2010 ; Pillai et al., 2008). Il semble que les fonctions motrices et réceptrices du langage ne soient pas situées entièrement dans des régions distinctes, mais que le langage soit plutôt un processus sensorimoteur intégré, dont le centre de commande est réparti dans certaines régions de l’hémisphère cérébral dominant. Par conséquent, il existe de grandes variations du degré de décience de la communication entre des clients ayant des lésions dans une même région du cerveau. La région temporopariétale postérieure contient le centre récepteur de la parole appelé aire de compréhension du langage (aire de Wernicke). Le centre de perception du langage écrit se situe dans une région antérieure aux régions visuoréceptrices. L’aire motrice du langage (aire de Broca), aussi appelée centre moteur de la parole, est située à la base de l’aire motrice du lobe frontal et légèrement à l’avant de celle-ci. Ces régions sensorielles et motrices sont reliées par un gros faisceau de bres nerveuses. Les fonctions très complexes de la parole et du langage dépendent d’autres régions associatives du cerveau et de leurs connexions avec le thalamus. L’aphasie est une perte des aptitudes langagières causée par une lésion cérébrale, généralement à l’hémisphère dominant. Ce trouble touche plus que

la compréhension de la parole ou l’expression verbale. Le terme « langage » est très vaste ; il désigne ce qu’une personne tente d’interpréter ou de communiquer par l’écoute, la parole, la lecture, l’écriture et les gestes. La plupart des cas d’aphasie sont partiels plutôt que totaux. La gravité de ce trouble dépend de la région touchée et de l’étendue de la lésion cérébrale. Le réapprentissage du langage est lent, souvent incomplet, voire impossible. Les difcultés engendrées par l’aphasie créent un impact sur la santé psychologique du client en causant l’exaspération, un sentiment d’impuissance et d’incompétence, et parfois du désespoir. L’inrmière fait preuve de patience et encourage les efforts de recherche d’autonomie faits par le client. L’impact sur les proches est aussi à explorer.

| Observer l’aphasie de réception | L’aphasie de réception, aussi appelée aphasie sensorielle, de Wernicke ou « uente », se produit quand la connexion entre le cortex auditif primaire, dans le lobe temporal, et le gyrus angulaire, dans le lobe pariétal, est détruite. La compréhension de la parole est déciente, mais le client parvient à parler si l’aire motrice du langage est intacte. Le client peut parfois être excessivement volubile et faire de nombreuses erreurs dans son utilisation des mots. Il peut entendre la personne qui lui parle, mais est incapable de comprendre ou de répéter ce qu’elle dit. Son discours peut n’avoir aucun sens, être décousu et contenir peu d’information. Le client atteint d’une aphasie réceptive ne parvient pas à lire les mots, mais il peut les voir.

23

| Observer l’aphasie d’expression | L’aphasie d’expression, aussi appelée aphasie motrice, de Broca ou « non uente », est surtout une décience de l’expression du langage ou de la production de la parole. La décience motrice peut uctuer grandement, selon la taille de la lésion et l’endroit où elle se trouve. L’aphasie d’expression peut varier d’une légère dysarthrie (articulation imparfaite en raison d’une faiblesse ou d’un manque de coordination des muscles de la parole) à une intonation et à une formulation incorrectes et, dans la forme la plus grave, à une perte complète de la capacité de communiquer oralement et par écrit. Dans ce dernier cas, le client perd aussi la capacité de communiquer par des gestes classiques tels que hocher ou secouer la tête pour dire oui ou non. Dans la plupart des cas d’aphasie d’expression, les muscles de l’articulation restent intacts. Si la parole est possible, le client prononce occasionnellement des mots, parfois incorrectement. Certains clients peuvent chanter les paroles d’une chanson connue. D’autres, s’ils sont excités ou fâchés, prononcent parfois des jurons. Les clients qui éprouvent des difcultés ou qui hésitent quand ils essaient de prononcer des mots ont du mal à former ceux-ci avec leurs muscles moteurs. Ils sont atteints d’apraxie verbale, un trouble articulatoire caractéristique de certains types d’aphasie d’expression. La Chapitre 23

Troubles neurologiques et approche thérapeutique

759

plupart des clients souffrant d’aphasie d’expression ont également une grave décience des capacités d’écriture. Même si leur calligraphie peut être intacte, ils sont incapables de s’exprimer par l’écriture, une décience appelée agraphie. Si la main droite est paralysée, et c’est souvent le cas, le client peut être incapable d’écrire avec la main gauche. Dans la phase de rétablissement de l’aphasie d’expression grave, le client parvient à parler à voix haute jusqu’à un certain point, mais il prononce les mots lentement et laborieusement. De nombreux clients sont toutefois capables d’apprendre à communiquer des idées dans une certaine mesure. | Observer l’aphasie totale | L’aphasie totale se produit quand une lésion massive touche les aires sensorielles et motrices de la parole. Le client est incapable de transformer des sons en mots et ne peut comprendre les mots parlés. Toutes les formes de langage sont touchées, et la décience est parfois si grave que le client ne peut communiquer de quelque façon que ce soit. Un tel client présente généralement une hémiplégie grave et une hémianopsie homonyme. Il retrouvera rarement une fonction du langage appréciable, sauf si la lésion est causée par un trouble transitoire tel que de l’œdème cérébral ou un trouble métabolique. Certains sites Web offrent de l’information destinée aux clients et à leur famille. Fondation des maladies du coeur et de l’AVC : www.fmcoeur.qc.ca ; Association des personnes intéressées à l’aphasie et à l’accident vasculaire cérébral (APIAAVC) : www.apia-avc.org.

Détecter une déglutition déciente La déglutition normale est régie en grande partie par les nerfs crâniens. Des dommages au cerveau, au tronc cérébral ou aux nerfs crâniens peuvent causer diverses déciences de la déglutition, ce qui risque de mettre le client en danger d’aspiration et de compromettre un apport nutritionnel optimal. Il faut surveiller les signes de dysphagie chez le client qui a subi un AVC, notamment la présence de salive à l’extérieur de la bouche, la difculté à maîtriser les sécrétions orales, l’absence de réexes de hautle-cœur, de toux ou de déglutition, une voix humide qui produit des gargouillis, des mouvements réduits de la bouche et de la langue ainsi que la présence de dysarthrie. Lorsqu’il manifeste un de ces signes, le client ne doit pas être nourri par voie orale. En l’absence de ces signes avertisseurs, l’inrmière et l’orthophoniste évaluent si le client est en mesure de s’alimenter lui-même, s’il a besoin de supervision, d’aide ou s’il doit être alimenté par un tiers. Dans tous les cas, il faut surveiller continuellement les signes d’aspiration et valider que les aides à l’alimentation (membre de la famille, préposé, inrmière auxiliaire) possèdent les connaissances nécessaires pour assurer l’alimentation sécuritaire du client (AANN, 2009a ; Bader & Littlejohns, 2010 ; Pillai et al., 2008).

Informer le client et ses proches

760

La réadaptation commence à l’unité de soins critiques, où une équipe interdisciplinaire élabore et met en œuvre un plan personnalisé an de maximiser le potentiel de réadaptation neurologique du client. Dès le début du séjour du client au centre hospitalier, il faut informer celui-ci et ses proches sur l’AVC, ses causes et son traitement ENCADRÉ 23.10. Partie 4

Système nerveux

Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 23.10

Accident vasculaire cérébral

L’inrmière aborde les sujets suivants : • physiopathologie de l’AVC ; • modication des facteurs de risque ; • importance de la prise de médicaments ; • stratégies d’aide aux activités de la vie quotidienne ; • mesures de prévention des blessures et des chutes ; • utilisation des dispositifs d’aide aux déciences résiduelles (p. ex., des orthèses, un déambulateur) ; • techniques de réadaptation adaptées aux besoins du client ; • plan d’activité adapté aux besoins du client et à son environnement.

À l’approche du congé, l’enseignement est axé sur les interventions nécessaires pour prévenir la récurrence de l’accident et maximiser le potentiel de réadaptation. Il faut encourager les proches à participer aux soins du client ; ils doivent apprendre à le nourrir, à l’habiller et à le laver ainsi que se familiariser avec certaines techniques élémentaires de réadaptation. L’importance de la participation à un programme de réadaptation neurologique ou à un groupe de soutien, ou aux deux, doit être soulignée.

23.1.3

Syndrome de Guillain-Barré

Le syndrome de Guillain-Barré (SGB) était auparavant considéré comme une seule entité caractérisée par une neuropathie périphérique inammatoire. Il s’agit en fait d’une combinaison de caractéristiques cliniques qui prennent diverses formes et qui suivent de multiples processus pathologiques. Il s’agit donc d’un spectre de neuropathies postinfectieuses rares. La description détaillée de ce syndrome complexe dépasse le cadre du présent chapitre. La plupart des cas de SGB ne nécessitent pas une admission à l’unité de soins critiques. Toutefois, le SGB type, appelé polyradiculonévrite démyélinisante inflammatoire aiguë (PDIA), entraîne un dysfonctionnement nerveux périphérique ascendant à progression rapide, qui provoque une paralysie et peut causer une insufsance respiratoire. Puisque le client atteint a besoin de ventilation mécanique, la PDIA est l’une des rares maladies nerveuses périphériques qui nécessitent des soins dans un environnement de soins critiques (Yuki & Hartung, 2012). La PDIA est associée à 90 % des cas de SGB en Europe et en Amérique du Nord (Hadden, Cornblath, Hugues et al., 1998). Ainsi, les deux termes peuvent être utilisés de façon synonyme. La section ci-après traite exclusivement de la forme PDIA du SGB.

L’incidence annuelle du SGB est de 1,8 cas par 100 000 personnes (Yuki & Hartung, 2012). Ce syndrome touche plus les hommes que les femmes, et il représente la neuropathie démyélinisante acquise la plus commune. On rapporte occasionnellement des groupes de cas, comme cela s’est produit après les vaccinations contre la grippe porcine de 1977 (Yuki & Hartung, 2012).

Étiologie La cause exacte du SGB n’est pas connue, mais ce syndrome comporte une réaction à médiation immunitaire qui comprend l’immunité à médiation cellulaire et la formation d’anticorps de l’immunoglobuline G (IgG). La plupart des clients mentionnent une infection virale survenue de une à trois semaines avant l’apparition des manifestations cliniques, généralement dans les voies respiratoires supérieures (Van Doorn, Ruts & Jacobs, 2008 ; Yuki & Hartung, 2012). Un grand nombre de causes ou d’événements déclencheurs ont été associés au SGB, notamment les infections virales (p. ex., causées par le virus de l’inuenza, le cytomégalovirus, les virus des hépatites A, B et C, le virus d’Epstein-Barr, le virus de l’immunodécience humaine), les infections bactériennes (p. ex., Campylobacter jejuni gastro-intestinale et Mycoplasma pneumoniae), les vaccins (p. ex., contre la rage, le tétanos et l’inuenza), le lymphome, une chirurgie et un trauma (Van Doorn et al., 2008 ; Yuki & Hartung, 2012).

Physiopathologie Le SGB touche les voies sensorielles et motrices du système nerveux périphérique ainsi que les fonctions autonomes des nerfs crâniens. Le principal résultat du SGB de type PDIA est une démyélinisation segmentaire des nerfs périphériques. Le SGB semble être une réaction auto-immune aux anticorps formés en réaction à un événement physiologique récent. Les lymphocytes T migrent vers les nerfs périphériques, ce qui cause de l’œdème et de l’inammation. Les macrophages envahissent alors la région et dégradent la myéline. L’inammation de cette région démyélinisée cause davantage de dysfonctionnement. Certaines lésions axonales se produisent aussi (Van Doorn et al., 2008 ; Yuki & Hartung, 2012). La gaine de myéline des nerfs périphériques, générée par les cellules de Schwann, agit comme un isolant de ces nerfs. La myéline favorise la transmission rapide des impulsions nerveuses en permettant le saut des impulsions le long du nerf par les nœuds de Ranvier. L’interruption de la bre de myéline ralentit la conduction de l’impulsion le long des nerfs périphériques, et elle peut même l’arrêter. En cas de SGB, les bres fortement myélinisées des voies motrices et des nerfs crâniens sont plus gravement touchées que les bres sensorielles peu myélinisées de la douleur cutanée, du toucher et de la température (Van Doorn et al., 2008 ; Yuki & Hartung, 2012). Quand la réaction inammatoire temporaire s’arrête, les cellules myélinisantes commencent à isoler de nouveau les parties démyélinisées du système

nerveux central (SNC). Dans ce cas, le client devrait retrouver progressivement son fonctionnement neurologique normal. Mais l’inammation endommage parfois l’axone. Le degré de dommages à l’axone correspond au dysfonctionnement neurologique qui persiste après le rétablissement (Yuki & Hartung, 2012 ; Van Doorn et al., 2008).

Manifestations cliniques et examens paracliniques Les symptômes du SGB incluent la faiblesse musculaire, les paresthésies et d’autres changements sensoriels, le dysfonctionnement des nerfs crâniens (notamment des nerfs oculomoteur, facial, glossopharyngien, vague, spinal et hypoglosse) et un certain dysfonctionnement du système nerveux autonome. L’évolution normale du SGB commence par une faiblesse soudaine des extrémités inférieures qui progresse vers la accidité et monte en quelques heures ou quelques jours. La perte motrice est généralement bilatérale, symétrique et ascendante. Elle commence par une paralysie ascendante qui progresse pendant une période de une à trois semaines, puis atteint un plateau qui dure de deux à quatre semaines (Van Doorn et al., 2008). Dans les cas les plus graves, il se produit une accidité complète en raison de la dénervation de tous les nerfs périphériques, y compris des nerfs rachidiens et crâniens (Randall, 2010 ; Shah, 2010 ; Van Doorn et al., 2008). Un stade plateau est suivi d’une paralysie descendante et d’un retour à un fonctionnement normal ou presque. Le client est admis au centre hospitalier quand la faiblesse des membres inférieurs l’empêche de marcher. L’admission à l’unité de soins critiques devient nécessaire quand la faiblesse menace les muscles respiratoires. À mesure que le client s’affaiblit, il doit faire l’objet d’une surveillance étroite. Une évaluation fréquente des fonctions respiratoires est nécessaire, notamment les paramètres ventilatoires tels que la force inspiratoire et le volume courant. L’arrêt respiratoire est la cause la plus courante de décès des clients atteints du SGB. À mesure que la maladie progresse et que l’effort respiratoire diminue, l’intubation et la ventilation mécanique deviennent nécessaires. Une évaluation fréquente de la détérioration neurologique doit être faite jusqu’à ce que la maladie atteigne un pic et se stabilise (Randall, 2010 ; Van Doorn et al., 2008). Le diagnostic du SGB est fondé sur les résultats cliniques ainsi que sur les résultats d’analyse du LCS et des examens de conduction nerveuse. Les résultats montrent une teneur élevée en protéines du LCS et une numération cellulaire normale (Van Doorn et al., 2008). Après la première semaine, la numération protéique augmente généralement, mais dans environ 10 % des cas, il n’y a pas d’augmentation. Les examens de conduction nerveuse montrent une diminution considérable de la vitesse des impulsions nerveuses, comme l’indique le processus de démyélinisation de la maladie (Randall, 2010 ; Shah, 2010). Chapitre 23

Troubles neurologiques et approche thérapeutique

23

761

Traitements médicaux A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux pro­ blèmes découlant du syn­ drome de Guillain­Barré sont décrits, selon le pro­ blème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traite­ ments inrmiers.

Puisqu’il n’existe pas de traitement curatif du SGB, les traitements médicaux sont limités. Le principal objectif des traitements médicaux est le maintien des fonctions vitales et la prévention des complications (Randall, 2010 ; Shah, 2010). La plasmaphérèse ainsi que l’immunoglobuline intraveineuse (IgIV) sont utilisées pour traiter le SGB (Cortese, Chaudhry, So et al., 2011 ; Patwa, Chaudhry, Katzberg et al., 2012 ; Van Doorn et al., 2008 ; Yuki & Hartung, 2012). Leur efcacité est semblable (Yuki & Hartung, 2012). La plasmaphérèse

consiste à prélever le sang veineux à l’aide d’un cathéter, à séparer le plasma des cellules sanguines et à réinjecter celles-ci avec un plasma autologue ou une autre solution de remplacement. Bien que le nombre d’échanges puisse varier, de quatre à six échanges sont généralement effectués au cours d’une période de cinq à huit jours (Yuki & Hartung, 2012). L’IgIV est devenue le traitement favori en raison de ses avantages et de son accessibilité. La dose habituelle est de 0,4 mg/kg pendant 5 jours (Randall, 2010 ; Shah, 2010).

Soins et traitements inrmiers Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 23.11

Syndrome de Guillain-Barré

• Anxiété liée à une menace contre l’inté­ grité biologique, psychologique ou sociale PSTI A.6

• Décit de compréhension lié à une absence d’exposition préalable à l’information PSTI A.8

• Déséquilibre nutritionnel lié à un manque de nutriments exogènes et à une aug­ mentation de la demande métabolique PSTI A.11

• Douleur aiguë liée à la transmission et à la perception d’impulsions cutanées, viscérales, musculaires ou ischémiques PSTI A.14

• Intolérance à l’activité liée à une immobi­ lité prolongée ou à un déconditionnement

• Respiration inefcace liée à la fatigue musculosquelettique ou à une altération neuromusculaire PSTI A.23 • Risque d’aspiration PSTI A.25 • Risque d’infection PSTI A.31 • Sentiment d’impuissance lié à une percep­ tion de manque de contrôle sur la situation actuelle ou sur l’aggravation de la maladie PSTI A.32

• Stratégies d’adaptation familiales pertur­ bées par la situation critique de santé d’un proche malade PSTI A.33 • Stratégies d’adaptation inefcaces à l’égard d’une situation de crise et liées à la vulnérabilité personnelle PSTI A.34

PSTI A.21

Interventions interdisciplinaires ENCADRÉ 23.12

Syndrome de Guillain-Barré

• Maintenir les fonctions corporelles : – maintenir les voies respiratoires dégagées ; – fournir une ventilation mécanique au besoin. • Commencer les traitements pour limiter la durée du syndrome : – Plasmaphérèse – IgIV • Commencer le soutien nutritionnel. • Surveiller les complications : – infections ;

762

Partie 4

Système nerveux

• • •



– arythmies cardiaques ; – modications de la P.A. ; – èvre. Offrir des mesures de gestion de la douleur. Offrir un soutien émotionnel au client et à ses proches. Élaborer et mettre en œuvre un programme approprié de réadaptation en partenariat avec le client et ses proches. Donner de l’enseignement au client et à ses proches en tenant compte de leurs préoccupations.

Les soins et les traitements inrmiers du client atteint du SGB sont axés sur les divers problèmes découlant de sa situation de santé ENCADRÉ 23.11 A . Bien que le SGB soit réversible, le client nécessite des soins importants à long terme, car le rétablissement peut prendre du temps. Les interventions inrmières visent à maintenir toutes les fonctions corporelles normales jusqu’à ce que le client puisse le faire luimême. Elles comprennent aussi la prévention des complications, la mise en place de la réadaptation, le soutien nutritionnel, la gestion de la douleur et le soutien émotionnel ainsi que l’enseignement au client et à ses proches. L’ENCADRÉ 23.12 présente les soins et les traitements en interdisciplinarité du client atteint du SGB.

Surveiller les complications L’évaluation continue de la paralysie progressive liée au SGB est essentielle pour assurer une intervention opportune et pour prévenir l’arrêt respiratoire et une atteinte neurologique ultérieure. Quand le client est intubé et sous ventilation mécanique, une surveillance attentive des signes de complications pulmonaires telles que l’atélectasie, la pneumonie et le pneumothorax s’impose. Le dysfonctionnement autonome (dysautonomie) du client atteint du SGB peut causer des variations du rythme cardiaque et de la P.A., qui peuvent atteindre des valeurs extrêmes (Mullings, Alleva, Hudgins et al., 2010 ; Van Doorn et al., 2008). L’hypertension et la tachycardie peuvent exiger un traitement avec des bêtabloquants. Il faut observer tous les clients atteints du SGB an de déceler les signes de ce dysfonctionnement (Shah, 2010).

Commencer la réadaptation Le client atteint du SGB peut être contraint à l’immobilité pendant des mois. Même si ce syndrome est en général complètement réversible, le client a besoin d’une réadaptation physique et fonctionnelle en raison de la longue période d’immobilité. La réadaptation commence dans l’unité de soins critiques, où l’équipe interdisciplinaire, en collaboration avec le client et ses proches, conçoit et met en œuvre un plan individualisé visant à maximiser le potentiel de réadaptation du client (Mullings et al., 2010).

Fournir le soutien nutritionnel

23.1.4

Le soutien nutritionnel est mis en place au début de la maladie. Puisque le rétablissement est long, un soutien nutritionnel adéquat s’avère nécessaire pendant une longue période. Le soutien nutritionnel est généralement effectué au moyen de l’alimentation entérale par gavage, jusqu’à ce que le client puisse s’alimenter normalement de façon sécuritaire.

Physiopathologie

Gérer la douleur et soutenir émotionnellement La gestion de la douleur constitue une autre composante importante des soins du client atteint du SGB. Même si celui-ci a une fonction motrice très réduite ou absente, la plupart de ses fonctions sensorielles demeurent, ce qui entraîne des douleurs considérables de type myalgies, rachialgies ou sciatalgies. En raison de la durée prolongée de cette maladie, il faut trouver une méthode de gestion de la douleur à long terme sûre et efcace (Mullings et al., 2010). Le client a aussi besoin d’un important soutien émotionnel. Bien que cette maladie soit presque entièrement réversible, le client peut éprouver des difcultés d’adaptation en raison du manque de maîtrise de la situation, de la douleur ou des malaises constants et de la longue durée de ce syndrome. La maladie affecte également les proches, qui doivent être soutenus. Le SGB n’altère pas l’état de conscience ou la fonction cérébrale. L’interaction et la communication avec le client sont des éléments essentiels du plan de soins et de traitements inrmiers, particulièrement durant le recours à la ventilation mécanique.

Informer le client et ses proches Au début de l’hospitalisation, il faut informer le client et ses proches sur le SGB et sur les traitements possibles ENCADRÉ 23.13. À l’approche du congé, l’enseignement doit être axé sur les interventions qui maximisent le potentiel de réadaptation du client. Les proches sont encouragés à participer aux soins du client, et ils doivent apprendre certaines techniques élémentaires de réadaptation. Il faut souligner l’importance de la participation à un programme de réadaptation neurologique (si nécessaire).

Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 23.13

Syndrome de Guillain-Barré

L’inrmière aborde les sujets suivants : • physiopathologie de la maladie ; • importance de la prise de médicaments ; • utilisation des dispositifs d’aide aux déciences résiduelles (p. ex., des orthèses, un déambulateur) ; • techniques de réadaptation adaptées aux besoins du client ; • plan de réadapation adapté aux besoins du client et à son environnement.

Hypertension intracrânienne

L’espace intracrânien est formé de trois composantes : 1) la substance cérébrale (80 %) ; 2) le LCS (10 %) ; 3) le sang (10 %). Dans des conditions physiologiques normales, la PIC moyenne est maintenue en dessous de 15 mm Hg (Bader & Littlejohns, 2010 ; So, Lee, Leung et al., 2008). Selon l’hypothèse de Monro-Kellie, qui est essentielle à la compréhension de la physiopathologie de la PIC, l’augmentation du volume d’une composante intracrânienne doit être compensée par la diminution d’une autre composante ou plus an que le volume total reste xe. Cette compensation, même si elle est limitée, comprend le déplacement du LCS de l’espace sous-arachnoïdien cérébral vers la citerne lombaire, l’augmentation de l’absorption de LCS vers la circulation veineuse et la compression du système veineux (Eigsti & Henke, 2006 ; March & Madden, 2009). Le TABLEAU 23.3 présente les modications physiopathologiques qui peuvent élever la PIC.

Courbe volume-pression Quand il y a compliance intracrânienne, le cerveau peut tolérer des augmentations importantes du volume intracrânien sans que la PIC n’augmente beaucoup. La compliance intracrânienne a toutefois une limite. Quand celle-ci est atteinte, il en résulte un état de décompensation avec une hausse soudaine de la PIC. Quand celle-ci augmente, la relation entre le volume et la pression change, et de petites augmentations de volume peuvent causer d’importantes élévations de la PIC (Bader & Littlejohns, 2010 ; Eigsti & Henke, 2006) FIGURE 23.5. La conguration exacte de la courbe volume-pression et le point où se produit l’augmentation abrupte de pression varient d’un client à l’autre. L’aspect de cette courbe dépend aussi de la cause et de l’augmentation de volume dans la boîte crânienne. Par exemple, un client qui a un hématome épidural aigu subira une détérioration neurologique plus rapide que celui qui a un méningiome de la même taille (Barker, 2008b). Peu importe la vitesse d’augmentation de la pression, il y a hypertension intracrânienne quand la PIC est supérieure à 20 mm Hg (Eigsti & Henke, 2006).

23

Le site Web de la Fondation Canadienne du Syndrome de Guillain-Barré, à l’adresse www.gbs-cidp.org/french, offre de l’information destinée aux clients et à leurs proches.

Débit sanguin cérébral et autorégulation Le débit sanguin cérébral (DSC), qui s’ajuste physiologiquement aux besoins métaboliques du cerveau, est normalement de 50 ml/100 g de tissu cérébral/min. Bien que le cerveau ne représente que 2 % du poids corporel, il nécessite de 15 à 20 % du D.C. au repos, et il consomme 15 % de l’oxygène disponible. Un cerveau normal est capable de maintenir un DSC constant, malgré les grandes variations de la P.A. générale, et ce, grâce à un processus complexe appelé autorégulation. Quand l’autorégulation fonctionne, une P.A.M. de 50 à 150 mm Hg ne modie pas le DSC. Lorsque cette autorégulation est déciente, ou lorsque la P.A.M. se situe en dehors des valeurs optimales, le DSC devient passivement dépendant de la Chapitre 23

Troubles neurologiques et approche thérapeutique

763

TABLEAU 23.3

Mécanismes de l’élévation de la pression intracrânienne

PHYSIOPATHOLOGIE

EXEMPLE

TRAITEMENT

Surproduction de LCS

Papillome du plexus choroïde

Diurétiques, ablation chirurgicale

Hydrocéphalie communicante causée par l’obstruction des villosités arachnoïdiennes

Ancienne hémorragie sous-arachnoïdienne

Drainage chirurgical par un drain lombaire

Hydrocéphalie non communicante

Tumeur de la fosse postérieure obstruant l’aqueduc

Drainage chirurgical par un drain ventriculaire

Œdème interstitiel

Tous les exemples ci-dessus

Drainage chirurgical du LCS

Hémorragie intracrânienne

Hématome épidural

Drainage chirurgical

Vasospasme

Hémorragie sous-arachnoïdienne

Euvolémie et traitement hypertenseur

Vasodilatation

Pression partielle du dioxyde de carbone dans le sang artériel (PaCO2) élevée

Hyperventilation

Volume sanguin cérébral accru

Hypoxie

Optimisation de l’oxygénation

Masse qui s’étend avec œdème vasogène local

Tumeur cérébrale

Stéroïdes ; ablation chirurgicale

Lésion cérébrale ischémique avec œdème cytotoxique

Lésion cérébrale anoxique due à un arrêt cardiaque ou respiratoire

Difcile à traiter

Taux métabolique cérébral accru qui fait augmenter le DSC

Convulsions, hyperthermie

Anticonvulsivants, antipyrétiques et agents anti-infectieux

Troubles liés au LCS

Saignements intracrâniens

Troubles touchant la substance cérébrale

Source : Adapté de Helfaer & Kirsch (1989)

FIGURE 23.5 Courbe de la pression en fonction du volume intracrânien. A La pression est normale, et les augmentations du volume intracrânien sont tolérées sans hausse de la pression. B Les augmentations de volume commencent à causer des hausses importantes de la pression. C De petites augmentations du volume causent de grandes hausses de la pression.

764

Partie 4

Système nerveux

pression de perfusion, ce qui nuit à la perfusion tissulaire cérébrale (Eigsti & Henke, 2006). Une augmentation de la PIC peut aussi réduire le débit sanguin dans le cerveau et causer des lésions cérébrales. Outre la P.A., les facteurs qui inuent sur le DSC sont les affections causant l’acidose, l’alcalose et des changements métaboliques. Les affections produisant l’acidose (p. ex., l’hypoxie, l’hypercapnie et l’ischémie) entraînent la dilatation des vaisseaux cérébraux. Les affections causant l’alcalose (p. ex., l’hypocapnie) entraînent la constriction des vaisseaux cérébraux. Normalement, une diminution du métabolisme basal (p. ex., causée par l’hypothermie ou l’ingestion de barbituriques) entraîne une réduction du DSC, et une augmentation du métabolisme (p. ex., causée par l’hyperthermie) génère un accroissement du DSC (Barker, 2008b ; Rangel-Castilla et al., 2008). La GSA exerce un effet important sur le DSC. Le dioxyde de carbone, qui inue sur le pH sanguin, est une substance vasoactive puissante. La rétention de ce gaz (hypercapnie) mène à la vasodilatation cérébrale et à l’augmentation du volume sanguin cérébral, tandis que l’hypocapnie conduit à la vasoconstriction cérébrale et à la réduction du volume sanguin cérébral. Une hypocapnie de longue durée, particulièrement si

la PaCO2 est inférieure à 20 mm Hg, peut causer une ischémie cérébrale en raison de la vasoconstriction prolongée. Une faible pression partielle d’oxygène dans le sang artériel (PaO2), particulièrement une pression inférieure à 40 mm Hg, cause la vasodilatation cérébrale, ce qui fait augmenter le volume sanguin intracrânien et entraîne une hausse de la PIC. Il n’a pas été démontré qu’une PaO2 élevée inue sur le DSC (Barker, 2008b ; Rangel-Castilla et al., 2008).

Manifestations cliniques et examens paracliniques Les nombreux signes et symptômes d’une augmentation de PIC sont notamment un état de conscience altéré ou diminué, une diminution des réexes du tronc cérébral, l’œdème papillaire, la rigidité de décérébration (extension anormale), la rigidité de décortication (exion anormale), des pupilles de taille inégale, des vomissements en jet, une réaction pupillaire à la lumière lente ou absente, une respiration modiée et des céphalées. La triade de Cushing (bradycardie, hypertension systolique et respiration irrégulière) constitue, quant à elle, un signe tardif (Bader & Littlejohns, 2010 ; Latorre & Greer, 2009). Le client peut montrer un de ces symptômes ou tous, selon la cause et l’importance de l’élévation de la PIC. Le signe le plus précoce et le plus important d’une augmentation de PIC est une altération ou une diminution de l’état de conscience. Ce changement doit être signalé immédiatement au médecin (Latorre & Greer, 2009 ; Rangel-Castilla et al., 2008). En cas de soupçon d’une HIC, le médecin peut installer un dispositif de monitorage de la PIC dans le crâne du client. Certains dispositifs de monitorage offrent aussi un accès stérile permettant le drainage du LCS en excès. Les quatre endroits d’installation de dispositif de monitorage de la PIC sont : 1) l’espace intraventriculaire ; 2) l’espace sous-arachnoïdien ; 3) l’espace péridural ; 4) le parenchyme. Chaque endroit présente des avantages et des inconvénients. Le type de monitorage choisi dépend de l’affection soupçonnée et des préférences du médecin (AANN, 2005 ; Bhatia & Gupta, 2007 ; Latorre & Greer, 2009 ; Rangel-Castilla et al., 2008) 22 .

Syndromes de hernie Le but de l’évaluation neurologique, du monitorage de la PIC et du traitement d’une PIC accrue est de prévenir les épisodes d’HIC an de minimiser les lésions cérébrales et la formation d’une hernie. Une hernie du contenu intracérébral cause le déplacement de tissu d’un compartiment à l’autre du cerveau et exerce une pression sur les vaisseaux et les centres des fonctions vitales du cerveau. Une hernie cérébrale peut rapidement entraîner la mort par arrêt du DSC et de la respiration (Barker, 2008b).

| Hernie sus-tentorielle | Il existe quatre types de hernies sus-tentorielles, soit : 1) la hernie centrale ou transtentorielle ; 2) la hernie uncale ; 3) la hernie cingulaire ; 4) la hernie transcrânienne FIGURE 23.6.

FIGURE 23.6

Types de hernies intracrâniennes.

Hernie centrale Une hernie centrale (ou transtentorielle) se produit quand l’expansion d’une masse du lobe moyen, frontal, pariétal ou occipital provoque la descente des hémisphères, des ganglions de la base et du diencéphale par le foramen ovale de Pacchioni. Cette hernie est souvent précédée de la hernie uncale et de la hernie cingulaire. Les manifestations cliniques de la hernie centrale sont la perte de conscience, des pupilles rétrécies et réactives progressant vers des pupilles dilatées et xes, des changements respiratoires menant à l’arrêt respiratoire et une exion anormale (rigidité de décortication) progressant vers la accidité. Aux derniers stades, la hernie uncale et la hernie centrale ont les mêmes effets sur le tronc cérébral (Barker, 2008b ; Mortazavi, Romeo, Deep et al., 2012). Hernie uncale La hernie uncale (ou transtentorielle descendante) est la plus commune des hernies. L’expansion unilatérale d’une masse intracrânienne, généralement située dans le lobe temporal, fait augmenter la PIC, ce qui cause le déplacement latéral du bout du lobe temporal (l’uncus). Ce déplacement pousse l’uncus par-dessus la tente, exerce une pression sur le nerf oculomoteur (nerf crânien III) et l’artère cérébrale postérieure homolatérale et écrase le mésencéphale contre le côté opposé. Les manifestations cliniques de la hernie uncale sont notamment la dilatation pupillaire homolatérale, la diminution de l’état de conscience, des changements respiratoires causant l’arrêt respiratoire et une hémiplégie controlatérale entraînant une exion anormale (rigidité de décortication) ou une extension anormale (rigidité de décérébration). En l’absence d’intervention, la hernie uncale provoque la dilatation et la xité des pupilles, la accidité et l’arrêt respiratoire (Barker, 2008b ; Mortazavi et al., 2012). Chapitre 23

23

22 Le chapitre 22, Évaluation clinique du système nerveux et examens paracliniques, traite plus en détail du monitorage de la PIC.

Troubles neurologiques et approche thérapeutique

765

Hernie cingulaire La hernie cingulaire se produit quand une lésion en expansion dans un hémisphère se déplace latéralement et pousse le gyrus du cingulum sous le faux du cerveau. Il s’agit du type d’hernie le plus courant. Un déplacement latéral visible sur une TDM indique qu’une hernie cingulaire s’est produite. Les effets d’une telle hernie sont peu connus, et elle n’est accompagnée d’aucune manifestation clinique permettant son diagnostic. La hernie cingulaire elle-même ne met pas la vie en danger, mais si la masse intracrânienne en expansion qui l’a causée n’est pas contrôlée, une hernie uncale ou centrale suivra (Barker, 2008b ; Mortazavi et al., 2012). Hernie transcrânienne La hernie transcrânienne est l’extrusion du tissu cérébral à travers le crâne. En présence d’un œdème cérébral grave, cette hernie passe par l’ouverture d’une fracture du crâne ou d’une craniotomie (Barker, 2008b).

| Hernie sous-tentorielle | Il existe deux types d’hernies sous-tentorielles, soit la hernie transtentorielle ascendante et la hernie amygdalienne. Hernie transtentorielle ascendante La hernie transtentorielle ascendante se produit quand une masse en expansion dans le cervelet cause la protrusion du mésencéphale et du vermis (aire centrale) du cervelet vers le haut à travers le foramen ovale de Pacchioni. Cela cause la compression du troisième nerf crânien et du diencéphale. Le blocage de l’aqueduc central et la distorsion du troisième ventricule obstruent le DSC. Il s’ensuit une détérioration rapide (Barker, 2008b ; Mortazavi et al., 2012). Hernie amygdalienne La hernie amygdalienne (ou des amygdales cérébelleuses) se produit quand une lésion en expansion dans le cervelet exerce une pression descendante et pousse les amygdales cérébelleuses dans le trou occipital (ou foramen magnum). Cela cause la compression et le déplacement du bulbe rachidien, ce qui entraîne rapidement un arrêt respiratoire et un arrêt cardiaque (Barker, 2008b ; Mortazavi et al., 2012).

Soins et traitements inrmiers Quand l’HIC a été conrmée, le traitement doit commencer rapidement pour prévenir les lésions secondaires FIGURE 23.7. Il n’y a pas de consensus sur la valeur de PIC indiquant une HIC, mais la plupart des données actuelles montrent qu’il faut généralement traiter une PIC supérieure à 20 mm Hg (Bader & Littlejohns, 2010 ; Barker, 2008b ; Rangel-Castilla et al., 2008). Tous les traitements sont axés sur la réduction du volume d’une ou des composantes (p. ex., le sang, la matière cérébrale, le LCS) de l’espace intracrânien. Un des principaux objectifs du traitement est de déterminer la cause de la pression élevée et, si possible, de l’éliminer (Bader & Littlejohns, 2010 ; Rangel-Castilla et al., 2008 ; Solenski et al., 1995). S’il s’agit d’une masse

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Partie 4

Système nerveux

intracrânienne ne pouvant être traitée par chirurgie, l’HIC est prise en charge à l’aide de médicaments. L’inrmière joue un rôle important dans l’évaluation et la mise en œuvre rapide de traitements appropriés pour réduire la PIC. Les interventions inrmières visant à favoriser l’irrigation sanguine cérébrale et à traiter l’œdème cérébral sont présentées dans les ENCADRÉS 23.14 et 23.15. Elles sont réalisées en interdisciplinarité ENCADRÉ 23.16.

Positionner le client pendant les activités de soins Le positionnement du client est un facteur important dans la prévention et le traitement de l’HIC. L’élévation de la tête de lit est depuis longtemps considérée comme une intervention inrmière facile permettant de maîtriser la PIC, en augmentant le retour veineux cérébral vers le cœur. Elle peut toutefois réduire la PPC. Un monitorage attentif de la PIC et de la PPC effectué en fonction du positionnement permettra d’adapter celui-ci de façon à maximiser la PPC et à réduire la PIC (March & Madden, 2009). Les positions qui limitent le drainage veineux du cerveau causent des élévations de la PIC. L’obstruction des veines jugulaires ou une augmentation de la pression intrathoracique ou intraabdominale fait augmenter la pression dans tout le système veineux, ce qui entrave le retour veineux cérébral et fait augmenter la PIC. Les positions qui réduisent le retour veineux systémique (p. ex., de Trendelenburg, ventrale, exion extrême des hanches, exion du cou) doivent être évitées autant que possible (Barker, 2008b).

Limiter les activités de soins Certaines activités inrmières régulières inuent sur la PIC et peuvent s’avérer nocives. Un lien a été établi entre une augmentation de la PIC et l’aspiration, ainsi que la toux qu’elle provoque, une xation serrée du tube de trachéotomie, la manœuvre de Valsalva et une ventilation avec pression positive en n d’expiration supérieure à 20 cm d’eau (H2O). On a rapporté des augmentations cumulatives de la PIC quand les activités de soins sont effectuées l’une après l’autre. Par contre, un lien a été établi entre une diminution de la PIC et le contact et les caresses des proches (AANN, 2005 ; Barker, 2008b).

Maîtriser la température Le métabolisme basal correspond aux besoins énergétiques minimaux nécessaires pour assurer les fonctions de l’organisme ou d’un organe. Le métabolisme cérébral, qui est directement proportionnel à la température corporelle, augmente de 7 % par 1 °C de hausse de la température corporelle (AANN, 2005 ; March & Madden, 2009 ; Rangel-Castilla et al., 2008). Ce fait est signicatif, car lorsque le métabolisme cérébral augmente, le débit sanguin dans le cerveau doit s’accroître pour répondre aux besoins des tissus. Pour éviter l’augmentation du volume sanguin liée à un métabolisme cérébral accru, l’inrmière

23

FIGURE 23.7 Approche thérapeutique de l’hypertension intracrânienne.

Chapitre 23

Troubles neurologiques et approche thérapeutique

767

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 23.14

Maintenir une irrigation cérébrale adéquate

OBJECTIF

• Maintenir une irrigation sanguine adéquate et prévenir des complications pour le client ayant une irrigation cérébrale inadéquate ou à risque d’irrigation cérébrale inadéquate. INTERVENTIONS

• Évaluer la fonction neurologique : état de conscience (éveil et cognition), fonction motrice, fonction pupillaire, réexes. • Surveiller la PPC, la PIC et les réactions neurologiques aux activités de soins. • Surveiller la P.A.M., la PVC, la PAPO et la pression artérielle pulmonaire (P.A.P.). • Évaluer la fonction respiratoire (p. ex., les caractéristiques observables de la respiration, la gazométrie du sang artériel et veineux, l’auscultation des bruits pulmonaires pour déceler des crépitants ou d’autres bruits adventices). • Régler les paramètres de ventilation mécanique et d’oxygénothérapie pour maintenir la pression partielle de dioxyde de carbone (PCO2) entre 35 et 40 mm Hg et la saturation du sang artériel en oxygène (SaO2) > 94 %. • Surveiller les déterminants de l’apport d’oxygène dans les tissus (p. ex., la SaO2, la concentration en hémoglobine et le D.C.). • Maintenir une glycémie normale. • Déterminer la hauteur idéale de la tête du lit (p. ex., à plat, à 15°, à 30° ou plus), en discutant avec le médecin et évaluant la réaction du client au positionnement. • Assurer un alignement cervical et éviter toute exion du cou. • Éviter la exion extrême des hanches ou des genoux. • Consulter le médecin pour déterminer les paramètres hémodynamiques visés. • Maintenir les paramètres hémodynamiques visés : – en administrant et ajustant les médicaments vasoactifs et les agents inotropes, selon la prescription ;

• •

• • •

– en administrant les solutés de remplissage vasculaire appropriés (p. ex., des cristalloïdes, des colloïdes et des produits sanguins) selon la prescription ; – en administrant un agent osmotique (p. ex., du mannitol à faible dose) selon la prescription ; – en évaluant régulièrement la réponse aux traitements avec les mesures appropriées. Surveiller l’hématocrite et viser un taux d’environ 33 % durant le traitement d’hémodilution hypervolémique. Administrer des bloquants des canaux calciques, de la vasopressine (Pressyn ARMD), des diurétiques osmotiques, des diurétiques de l’anse (p. ex., le furosémide [LasixMD]) ainsi que des corticostéroïdes, selon la prescription, et surveiller leurs effets. Administrer des analgésiques au besoin. Administrer des médicaments thrombolytiques, anticoagulants ou antipla­ quettaires, selon la prescription. Évaluer la réponse au traitement : – surveiller les effets secondaires indésirables (p. ex., la présence de sang dans les fèces et dans l’écoulement nasogastrique) ; – surveiller le TP et le TCA du client et les maintenir entre une et deux fois la valeur normale ; – faire le bilan horaire des ingesta et des excreta (I/E) ; – surveiller les signes de surcharge liquidienne (p. ex., les râles et les crépi­ tants, la distension jugulaire, l’augmentation de sécrétions pulmonaires et l’œdème périphérique) ; – surveiller les résultats d’analyses de laboratoire pour déceler des désé­ quilibres électrolytiques.

Source : Adapté de Bulechek, Butcher, Dochterman et al. (2013)

prévient l’hyperthermie chez le client ayant une lésion cérébrale. Des antipyrétiques et des dispositifs de refroidissement doivent être utilisés s’il y a lieu. La cause de la èvre doit être déterminée et traitée par une antibiothérapie appropriée (March & Madden, 2009 ; Rangel-Castilla et al., 2008).

Maîtriser la pression artérielle La maîtrise de la pression artérielle (P.A.) est essentielle pour le client ayant une lésion cérébrale. Une PPC inadéquate réduit l’apport des nutriments et de l’oxygène nécessaires pour répondre aux besoins métaboliques cérébraux. Toutefois, lorsque l’autorégulation cérébrale est déciente, une P.A. trop élevée augmente le volume sanguin cérébral et peut faire hausser la PIC (Rangel-Castilla et al., 2008). La FIGURE 23.8 montre la relation entre la P.A. et la PIC, dans le cas de la perte de l’autorégulation cérébrale. Pour maîtriser l’hypertension, l’administration d’un sédatif peut sufre. De petites doses fréquentes peuvent être sufsantes pour atténuer les stimulus nocifs et les empêcher de provoquer une augmentation

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Partie 4

Système nerveux

de la P.A. Quand la sédation s’avère inadéquate pour maîtriser l’hypertension artérielle, des antihypertenseurs sont utilisés. De nombreux vasodilatateurs périphériques (p. ex., le nitroprussiate de sodium, la nitroglycérine) sont aussi des vasodilatateurs cérébraux, et les antihypertenseurs causent tous une certaine vasodilatation cérébrale. Pour réduire cet effet vasodilatateur indésirable, un traitement concomitant avec des bêtabloquants (p. ex., le métoprolol et le labétalol) peut être prescrit (Barker, 2008b ; Rangel-Castilla et al., 2008). L’hypotension doit être traitée de façon dynamique tout d’abord avec des solutés de remplissage. Des cristalloïdes, des colloïdes et des produits sanguins peuvent être utilisés, selon l’état du client. Si les liquides ne font pas augmenter adéquatement la P.A. du client, des agents vasopresseurs peuvent devenir nécessaires (Barker, 2008b).

Contrôler les convulsions L’incidence des convulsions post-traumatiques parmi les clients ayant subi un TCC est de 15 à 20 %. En raison du risque d’une lésion ischémique

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 23.15

Soins et traitements de l’HIC secondaire et de l’œdème cérébral

OBJECTIF

• Limiter l’apparition d’une lésion cérébrale secondaire causée par l’œdème du tissu cérébral. INTERVENTIONS

• Surveiller étroitement l’état neurologique et le comparer avec les valeurs de base pour reconnaître les changements (p. ex., l’apparition de confusion, de changements de l’état mental, d’étourdissements, d’asymétrie pupillaire). • Surveiller la fonction respiratoire (p. ex., les caractéristiques observables de la respiration, la GSA, la présence de bruits adventices à l’auscultation). • Surveiller les signes vitaux, ainsi que la PVC, la PAPO et la P.A.P., s’il y a lieu. • Surveiller les caractéristiques de l’écoulement du LCS et en noter les caracté­ ristiques : couleur, clarté, consistance. • Surveiller la PIC et la PPC, analyser les ondes de la PIC. • Surveiller les variations de PIC et les réactions neurologiques du client aux activités de soins et permettre à la PIC de retourner aux valeurs de base entre les activités inrmières. • Réduire les stimulus dans l’environnement du client (p. ex., éviter les conver­ sations au chevet, limiter les visiteurs), planier les soins inrmiers de façon à permettre des périodes de repos et noter les changements de réponses du client à des stimulus. • Donner des analgésiques et sédatifs au besoin et administrer un bloqueur neuromusculaire, s’il y a lieu.

• Administrer des anticonvulsifs, s’il y a lieu. • Élever la tête du lit à un angle de 30° ou plus ; éviter la exion du cou ou la exion extrême des hanches ou des genoux et les manœuvres de Valsalva ; administrer des laxatifs émollients. • Limiter l’utilisation de la pression expiratoire positive au minimum. • Restreindre l’ingestion de liquides, éviter les liquides I.V. hypotoniques, faire le bilan horaire des I/E et administrer des diurétiques osmotiques ou de l’anse selon la prescription. • Régler les paramètres de ventilation mécanique et d’oxygénothérapie pour maintenir la PaCO2 = 35­45 mm Hg et la SaO2 > 94 %. • Limiter la durée des périodes d’aspiration à moins de 15 secondes. • Surveiller les osmolalités sérique et urinaire et les concentrations de sodium et de potassium. • Effectuer des exercices passifs d’amplitude des mouvements. • Maintenir une température centrale normale. • Prendre les précautions nécessaires contre les convulsions. • Doser les barbituriques de façon à supprimer l’apparition de salves à l’EEG. • Encourager la famille ou les proches à parler au client. • Établir des moyens de communication efcaces : poser des questions dont le choix de réponses est oui ou non et fournir une ardoise magique, du papier et un crayon, un tableau de communication par images, des cartesquestionnaires ou un appareil VOCAID.

Source : Adapté de Bulechek et al. (2013)

Interventions interdisciplinaires ENCADRÉ 23.16

23

Hypertension intracrânienne

• Positionner le client de façon à réduire le plus possible sa PIC (p. ex., pas de exion du cou, des hanches et des genoux, tête de lit suréle­ vée, pas de pression induisant la douleur). • Réduire les stimulations environnementales. • Maintenir une température centrale normale. • Drainer le LCS surtout si la PIC < 20 mm Hg.

secondaire liée aux convulsions, des anticonvulsivants sont souvent prescrits en prophylaxie pour cette clientèle. Les convulsions font augmenter les besoins métaboliques, ce qui fait hausser le DSC, le volume sanguin cérébral et la PIC, même chez le client paralysé. Un débit sanguin insufsant pour répondre à la demande entraîne une ischémie, l’épuisement des réserves d’énergie cérébrale et une destruction irréversible des neurones (Curley, Kavanagh & Laffey, 2010 ; Rangel-Castilla et al., 2008). Pour prévenir les convulsions, la phénytoïne (DilantinMD) est le médicament recommandé. Un bolus initial I.V. de 15 à 20 mg/kg est administrée par voie I.V. en 30 minutes, puis une dose de 100 mg I.V. toutes les 8 heures, en ajustant la dose

• Régler les paramètres de ventilation mécanique pour permettre une PaCO2 normale (35 ± 2 mm Hg). • Administrer des diurétiques, des anticonvulsivants, des sédatifs, des analgésiques, des bloqueurs neuromusculaires et des médicaments vasoactifs pour permettre une PPC > 70 mm Hg.

FIGURE 23.8 Perte d’autorégulation de la pression artérielle.

Chapitre 23

Troubles neurologiques et approche thérapeutique

769

en fonction de l’effet thérapeutique souhaité, pendant 7 jours (Strandvik, 2009). Des médicaments à action rapide et brève tels que le lorazépam (AtivanMD) peuvent être indiqués pour maîtriser les crises convulsives jusqu’à ce que la dose thérapeutique soit atteinte.

Surveiller le drainage du liquide cérébrospinal Le drainage du liquide cérébrospinal (LCS) peut être utilisé de concert avec d’autres méthodes pour traiter l’HIC FIGURE 23.9. Le drainage du LCS se fait en insérant un cathéter souple dans la corne antérieure du ventricule latéral (ventriculostomie), préférablement du côté non dominant. Un des principaux avantages de la ventriculostomie est son double rôle de monitorage de la PIC et de mode de traitement par drainage du LCS. Une technique stérile s’impose pour toute manipulation du dispositif an d’éviter l’infection cérébrale, comme la ventriculite, qui se produit dans 10 à 17 % des cas (Bhatia & Gupta, 2007 ; Saiki, 2009). Toutefois, l’utilisation d’un onguent nettoyant tel que la bacitracine ou la povidone n’est pas recommandée.

FIGURE 23.9 Système de drainage continu. La chambre compte-gouttes du système de drainage est placée à une hauteur prescrite au-dessus du foramen interventriculaire (ou trou de Monro). Le trou de Monro constitue le zéro de référence. Les repères pour le trou de Monro sont variables : le tragus de l’oreille et le conduit auditif externe, ou entre le tragus de l’oreille et le canthus externe de l’œil (comme illustré ici). L’important est que tous les intervenants utilisent le même zéro de référence pour le client. Le système est laissé ouvert pour permettre le drainage continu du liquide cérébrospinal dans la chambre (qui est reliée à un sac collecteur) contre un gradient de pression qui empêche le drainage excessif et l’affaissement ventriculaire. Il est aussi possible d’utiliser le système de façon intermittente, en fermant temporairement le robinet d’écoulement.

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Partie 4

Système nerveux

Administrer le traitement hyperosmolaire Des diurétiques osmotiques et une solution physiologique salée hypertonique sont aussi utilisés pour réduire une PIC trop élevée, mais aucune ligne directrice claire ne régit leur utilisation (Rauen, Chulay, Brudges et al., 2008). Physiologiquement, une augmentation de pression osmotique permet le déplacement des liquides d’un espace hypoconcentré vers un espace hyperconcentré. Si la barrière hématoencéphalique est intacte, un traitement hyperosmolaire est utilisé pour déplacer du liquide du tissu cérébral vers le compartiment intravasculaire. Par contre, si la situation s’inverse et que le tissu cérébral devient hyperconcentré par rapport aux vaisseaux cérébraux, un phénomène de rebond peut se produire, soit un déplacement des liquides des vaisseaux vers les tissus, ce qui peut augmenter la PIC. Ces agents osmotiques ont peu d’effets directs sur les tissus cérébraux œdémateux situés dans la région d’une barrière hématoencéphalique défectueuse. Pour que l’osmose se produise, la barrière doit être intacte (RangelCastilla et al., 2008 ; Strandvik, 2009). Le diurétique osmotique le plus utilisé est le mannitol. La grosseur des molécules qui le constituent lui permet d’être entièrement retenu dans le compartiment extracellulaire et donc de limiter l’effet de rebond en comparaison des autres diurétiques osmotiques. Le mannitol agit de deux façons. Il augmente le DSC en diminuant la viscosité du sang, et il provoque ainsi la vasoconstriction cérébrale, une réaction autorégulatoire du cerveau visant à maintenir le DSC constant (Curley et al., 2010 ; Rangel-Castilla et al., 2008). Ensuite, son effet osmotique permet de diminuer l’œdème cérébral lorsque la barrière hématoencéphalique est intacte (Shawkat, Westwood & Mortimer, 2012). Les perturbations électrolytiques constituent peut-être le problème le plus courant causé par les agents osmotiques. Il faut porter une attention particulière à la surcharge volémique et à l’équilibre hydroélectrolytique. L’osmolalité sérique doit être maintenue à une valeur de 300 à 320 mOsm/kg. L’administration répétée d’agents osmotiques entraîne souvent l’hypernatrémie et l’hypokaliémie. La PVC et la PAPO doivent être surveillées pour prévenir l’hypovolémie. L’utilisation du mannitol à petites doses est conseillée quand cela s’avère possible (Curley et al., 2010 ; Strandvik, 2009). Une solution physiologique salée hypertonique d’une concentration de 3 à 23,4 % peut aussi être utilisée pour traiter une HIC. En présence d’une barrière hématoencéphalique intacte, le sodium ne pénètre pas les tissus cérébraux, ce qui permet au sodium sérique d’attirer le liquide du tissu cérébral interstitiel vers les vaisseaux, réduisant ainsi l’œdème (Mortazavi et al., 2012). Plusieurs études montrent qu’une telle solution réduit la PIC aussi efcacement sinon plus que le mannitol (Haddad & Arabi, 2012). Les effets indésirables incluent les anomalies électrolytiques, l’hypotension, l’œdème

pulmonaire, l’insufsance rénale aiguë, l’hémolyse, la myélinolyse centrale du pont, la coagulopathie et les arythmies (Strandvik, 2009).

Assurer la diminution des besoins métaboliques Tout stimulus peut provoquer l’augmentation de la PIC. Les stimulus nocifs comprennent la douleur, la présence d’une sonde endotrachéale, la toux, l’aspiration, le repositionnement, le bain et de nombreuses autres interventions inrmières courantes. Les agents utilisés pour réduire les besoins métaboliques sont notamment les benzodiazépines telles que le midazolam (VersedMD) et le lorazépam, les sédatifs hypnotiques I.V. tels que le propofol, les analgésiques opioïdes tels que le fentanyl et la morphine et les bloqueurs neuromusculaires tels que le vécuronium (NorcuronMD) et le rocuronium (ZemuronMD). Ces agents peuvent être administrés seuls ou combinés, en perfusion I.V. continue ou en bolus I.V. administrés au besoin (Barker, 2008b). Les benzodiazépines administrées pour la sédation et des analgésiques opioïdes donnés pour l’analgésie sont les médicaments utilisés en première ligne. Si ces agents n’atténuent pas la réponse du client à des stimulus nocifs, du propofol ou un bloqueur neuromusculaire peut être ajouté. Lorsque ces médicaments sont utilisés simultanément, il est recommandé qu’un dispositif de monitorage de la PIC soit installé, parce que les sédatifs, les analgésiques opioïdes et les bloqueurs neuromusculaires modient ou empêchent la abilité de l’évaluation neurologique. Il ne faut pas utiliser des bloqueurs neuromusculaires sans sédation parce que ces agents peuvent causer une paralysie musculosquelettique, n’ont pas d’effet analgésique et ne protègent pas adéquatement le client contre la douleur et les réactions physiologiques aux interventions douloureuses (Leeper & Lovasik ; 2009 ; Rangel-Castilla et al., 2008). Si ces agents ne permettent pas de contrôler la PIC, l’utilisation de barbituriques doit être envisagée.

Administrer le traitement aux barbituriques Le traitement aux barbituriques a été mis au point pour traiter l’HIC non contrôlée qui n’a pas réagi aux traitements classiques précédemment décrits (Rangel-Castilla et al., 2008). Les deux barbituriques faisant l’objet d’une expérience clinique pour un traitement à doses élevées sont le pentobarbital (NembutalMD) et le thiopental (qui n’est plus disponible au Canada). Le traitement avec l’un ou l’autre de ces médicaments vise à réduire la PIC tout en maintenant une P.A.M. adéquate. Le traitement se poursuit jusqu’à ce que les valeurs de PIC se maintiennent dans les valeurs attendues pendant 24 heures. Il ne faut jamais arrêter soudainement l’administration de barbituriques ; il faut plutôt réduire la dose graduellement sur une période d’environ quatre jours pour éviter les conséquences dangereuses d’un sevrage rapide. Malgré les arguments

théoriques favorables à l’utilisation des barbituriques, les essais cliniques n’ont pas montré qu’ils améliorent les résultats de façon signicative pour tous les clients (Barker, 2008b ; Curley et al., 2010). Le traitement aux barbituriques à doses élevées peut entraîner des complications désastreuses si une méthode précise et structurée d’ajustement du dosage n’est pas utilisée. Les complications les plus courantes sont l’hypotension, l’hypothermie et la dépression myocardique. Si une de ces complications se produit et persiste, elle peut causer des lésions cérébrales secondaires. L’hypotension, qui est la complication la plus courante, résulte de la vasodilatation périphérique. Elle peut être aggravée chez le client déjà hypovolémique à qui de fortes doses d’un diurétique osmotique ont été administrées an de contrôler la PIC. Un monitorage attentif de la volémie à l’aide d’un cathéter veineux central ou d’un cathéter artériel pulmonaire peut aider à prévenir cette complication. La dépression myocardique découle de l’inhibition d’inux au muscle cardiaque et peut être évitée par de fréquents monitorages de la volémie, du D.C. et des concentrations sériques du barbiturique. Si un D.C. adéquat ne peut être maintenu en présence d’une normothermie, la dose de barbituriques doit être réduite, peu importe leur concentration dans le sang (Barker, 2008b ; RangelCastilla et al., 2008).

Procéder à une hyperventilation contrôlée L’hyperventilation contrôlée constitue un traitement d’appoint de moins en moins utilisé chez le client présentant une PIC accrue. Le raisonnement appuyant ce traitement est le suivant : si la PaCO 2 du client atteint d’HIC peut être réduite d’une pression normale de 35 à 40 mm Hg à une pression de 25 à 30 mm Hg, cela entraînera une vasoconstriction des artères cérébrales, une réduction du DSC ainsi qu’un drainage veineux cérébral accru. Cette pratique fait actuellement l’objet d’un réexamen, car il n’existe pas de preuve en démontrant les bénéces réels (Jauch et al., 2013). De nouvelles recherches ont montré qu’une hyperventilation agressive ou de longue durée peut réduire l’irrigation cérébrale et causer une ischémie ou un infarctus cérébraux. La tendance actuelle consiste à maintenir une PaCO 2 légèrement au-dessous de la normale (35 ± 2 mm Hg) en surveillant étroitement les mesures de GSA et en réglant les paramètres de ventilation mécanique en conséquence (AANN, 2005 ; Bhatia & Gupta, 2007 ; Eigsti & Henke, 2006 ; Jauch et al., 2013). Il faut éviter l’hypoxémie, mais une concentration excessivement élevée d’oxygène ne présente aucun avantage. De plus, une fraction d’oxygène inspiré de plus de 60 % sans indication thérapeutique peut causer des changements toxiques dans les tissus pulmonaires. L’oxymétrie de pouls a favorisé une meilleure connaissance des conditions, telles que la douleur

Chapitre 23

Troubles neurologiques et approche thérapeutique

23

771

ou l’anxiété, pouvant causer la désaturation en oxygène et élever ainsi la PIC (Bader & Littlejohns, 2010 ; Barker, 2008b).

23.2

Approche thérapeutique

23.2.1

Craniotomie

Types de chirurgie Une craniotomie est effectuée an d’accéder aux parties du SNC situées à l’intérieur du crâne. Les indications sont la résection ou l’ablation d’une tumeur, la décompression cérébrale, l’évacuation d’un hématome ou d’un abcès et la ligature ou l’ablation d’un anévrisme ou d’une MAV TABLEAU 23.4. La plupart des clients qui subissent une craniotomie pour la résection ou l’ablation d’une tumeur ne nécessitent habituellement pas de soins dans une unité de soins critiques. L’admission dans cette unité

TABLEAU 23.4

d’un client qui a subi une craniotomie témoigne d’un besoin de monitorage intensif en raison du risque de complications cardiorespiratoires ou autres problèmes sous-jacents ou de la méthode chirurgicale utilisée (Ferrara-Hoffman & Krizman, 2011). L’ENCADRÉ 23.17 présente des dénitions des termes neurochirurgicaux liés à la craniotomie.

Soins préopératoires La protection de l’intégrité du SNC est une priorité des soins du client en attente d’une craniotomie. Une oxygénation artérielle, une stabilité hémodynamique et une irrigation sanguine cérébrale optimales sont essentielles au maintien d’une oxygénation cérébrale adéquate. Les soins et les traitements de l’activité convulsive sont indispensables à la maîtrise des besoins métaboliques. Une évaluation ainsi qu’une collecte de données détaillées sur l’état neurologique préopératoire du client sont nécessaires à une évaluation postopératoire exacte. Il faut déterminer et décrire la nature et l’étendue de toute décience neurologique préopératoire. Quand une chirurgie hypophysaire

Types de tumeurs cérébrales de l’adulte

TYPE

PATHOLOGIE

Gliomes • Astrocytomes (grades I à III) • Glioblastome multiforme (aussi appelé astrocytome de grade IV) • Oligodendrogliome (grades I à III) • Épendymome (grades I à IV) • Médulloblastome

Non encapsulés, inltrent généralement le tissu cérébral ; se forment dans le tissu conjonctif cérébral ; inltrent surtout les tissus des hémisphères cérébraux ; sont mal délimités, ce qui les rend difciles à exciser complètement ; croissent rapidement. La plupart des personnes vivent pendant des mois ou des années après le diagnostic ; les tumeurs sont classées de I à IV, la tumeur de grade IV étant la plus maligne.

Tumeurs des structures de support • Méningiomes

Se forment dans les méninges du cerveau ; généralement bénins, mais peuvent devenir malins ; généralement encapsulés, et la guérison par chirurgie est possible ; récurrence possible.

• Neuromes (neurome acoustique, schwannome)

Se forment à partir des cellules de Schwann à l’intérieur du conduit auditif sur la partie vestibulaire du huitième nerf crânien ; généralement bénins, mais peuvent subir des changements cellulaires et devenir malins ; se reforment s’ils ne sont pas complètement excisés ; la résection chirurgicale est souvent difcile en raison de l’emplacement.

• Adénome hypophysaire

Se forme dans divers tissus ; la chirurgie a généralement du succès, la récurrence est possible.

Tumeurs développementales (congénitales) • Dermoïde, épidermoïde, craniopharyngiome

Se forment dans le tissu embryonnaire à divers endroits du cerveau ; le succès de la résection chirurgicale dépend de l’endroit et du caractère envahissant de la tumeur.

• Angiomes

Se forment dans les structures vasculaires ; généralement difciles à enlever par résection.

Tumeurs métastatiques Cellules cancéreuses qui se répandent dans le cerveau par la circulation ; résection chirurgicale difcile ; mauvais pronostic, même avec traitement ; survie rare après un an ou deux. Source : Adapté de Forsyth & Garnett (2007)

772

Partie 4

Système nerveux

est prévue, une évaluation détaillée de la fonction endocrinienne s’impose an de prévenir des complications peropératoires et postopératoires importantes (Swearingen, 2012) 31 . Les examens préopératoires de routine doivent être utilisés de façon judicieuse. Selon le type de chirurgie à effectuer et l’état de santé général du client, le dépistage préopératoire peut inclure une formule sanguine complète, des tests d’azote uréique sanguin, de créatinine et de glycémie à jeun, une radiographie thoracique et un ECG. La détermination du groupe sanguin et une épreuve de compatibilité croisée peuvent aussi être demandées (Delaune, Nanda, Barker et al., 2008). L’enseignement préopératoire est nécessaire pour préparer le client et ses proches à la période postopératoire. Une description des cathéters intravasculaires et intracrâniens qui seront utilisés en période postopératoire permettra aux proches de ne pas être déstabilisés par la quantité de tubes et de se concentrer sur le client. La chevelure du client ou une partie de celle-ci est rasée dans la salle d’opération, et un grand pansement semblable à un turban enroule son crâne. Après la chirurgie, la plupart des clients ont le visage ou les yeux enés et présentent des ecchymoses autour des yeux. Une explication de ces changements temporaires d’apparence aide à atténuer le choc et la peur que de nombreux clients et leurs proches ressentent tout de suite après la chirurgie (Delaune et al., 2008). Tout client qui subit une craniotomie doit recevoir des instructions concernant les activités à éviter en raison des changements soudains de PIC qu’elles provoquent, notamment se pencher, soulever des objets, forcer et effectuer la manœuvre de Valsalva. Les clients font souvent cette manœuvre pendant le repositionnement au lit en retenant leur respiration et en forçant avec l’épiglotte fermée. Pour empêcher cela, il faut enseigner au client à continuer de respirer profondément par la bouche pendant tous les changements de position (Delaune et al., 2008). Le client qui subit une chirurgie transsphénoïdale doit être préparé aux sensations causées par le paquetage nasal. Au réveil, le client s’inquiète généralement d’être incapable de respirer par le nez. Avant la chirurgie, il faut lui mentionner qu’après l’intervention, il devra respirer par la bouche et éviter de tousser, d’éternuer ou de soufer par le nez. Cela facilitera sa coopération postopératoire (Swearingen, 2012). Les problèmes psychosociaux liés à la perspective d’une neurochirurgie ne doivent absolument pas être négligés. Peu d’interventions sont aussi menaçantes que celles touchant le cerveau ou la moelle épinière. Certains clients ont aussi peur, sinon plus, d’une décience neurologique permanente que de la mort. Les étapes permettant de répondre aux besoins du client et de ses proches comprennent le travail en collaboration avec les intervenants sociaux et spirituels, un horaire de visite établi par le client et un environnement offrant le plus d’intimité possible, selon l’état du client. Celui-ci et ses proches doivent avoir l’occasion d’exprimer leurs craintes et leurs

ENCADRÉ 23.17

Termes neurochirurgicaux liés à la craniotomie

• Trou de trépan (trépanation) : acte chirur­ gical consistant à effectuer un orice dans le crâne avec une perceuse et un foret spécial appelé trépan ; sert à retirer le liquide et le sang sous la dure­mère. • Craniotomie : ouverture chirurgicale du crâne avec retrait d’un volet osseux et ouverture de la dure­mère pour retirer une masse, réparer une région, drainer du sang ou soulager l’HIC. • Craniectomie : ablation d’une partie du crâne (volet osseux), qui n’est pas remplacée. • Cranioplastie : réparation d’une anomalie crânienne résultant d’un trauma, d’une malformation ou d’une intervention chirur­ gicale antérieure ; un matériau articiel remplace l’os endommagé ou perdu.

• Sus­tentoriel : au­dessus de la tente du cervelet, qui sépare le cerveau du cervelet. • Sous­tentoriel : au­dessous de la tente du cervelet ; comprend le tronc cérébral et le cervelet ; une chirurgie infratentorielle peut être effectuée pour des lésions temporales ou occipitales. • Chirurgie stéréotaxique : intervention chirur­ gicale peu effractive qui consiste à utiliser un système de coordonnées tridimension­ nelles par ordinateur pour localiser précisé­ ment une structure particulière du cerveau à des ns d’ablation, de biopsie, de dissec­ tion ou de radiochirurgie.

préoccupations ensemble et individuellement (Ferrara-Hoffman & Krizman, 2011).

Considérations chirurgicales Comme pour la plupart des autres types de chirurgies, une exposition adéquate du champ opératoire est nécessaire. Toutefois, le neurochirurgien doit choisir un accès qui cause le moins de perturbations possible au contenu du crâne. Le tissu nerveux est extrêmement fragile. Une partie importante du trauma neurologique et des déciences postopératoires résulte du trajet chirurgical dans les tissus cérébraux, plutôt qu’à l’intervention effectuée à l’endroit même de l’affection. Selon l’endroit de la lésion et le trajet chirurgical choisi, le neurochirurgien a recours à une méthode transcrânienne ou transsphénoïdale pour ouvrir le crâne.

31 Le chapitre 31, Évaluation clinique du système endo­ crinien et examens para­ cliniques, décrit les effets systémiques d’une hypo­ physe qui fonctionne nor­ malement ainsi que les moyens d’en déceler les dysfonctionnements.

23

Méthode transcrânienne La méthode transcrânienne consiste à inciser le cuir chevelu et à pratiquer une série de trous de trépan dans le crâne an de former le contour de la région à ouvrir FIGURE 23.10. Le crâne est ensuite coupé entre les trous avec une scie spéciale. Dans la plupart des cas, le neurochirurgien laisse le volet osseux relié au muscle pour créer un effet de penture. Dans certains cas, le volet osseux est complètement retiré et mis en nourrice dans la paroi abdominale pour être remis en place après la phase aiguë. Il peut aussi être jeté ou remplacé par du matériel synthétique. Ensuite, la dure-mère est ouverte et rabattue. Après la chirurgie intracrânienne, la dure-mère et le volet osseux sont refermés, les muscles et le cuir chevelu sont suturés, et un pansement est enroulé autour de la tête (Ferrara-Hoffman & Krizman, 2011).

Méthode transsphénoïdale La méthode transsphénoïdale est la technique idéale pour l’ablation d’une tumeur hypophysaire qui ne s’étend pas dans la voûte crânienne (Delaune et al., Chapitre 23

Troubles neurologiques et approche thérapeutique

773

FIGURE 23.10 Craniotomie. A Des trous de trépan sont pratiqués dans le crâne. B Le crâne est coupé entre les trous à l’aide d’une scie chirurgicale. C Le volet osseux est rabattu pour exposer le contenu du crâne. D Après la chirurgie, le volet osseux est remis en place, et la plaie est suturée.

2008 ; Swearingen, 2011) FIGURE 23.11. Cette méthode microchirurgicale consiste à accéder à la voûte crânienne par la cavité nasale. On entre par le sinus sphénoïde pour atteindre la paroi antérieure de la selle turcique. Le chirurgien ouvre ensuite l’os sphénoïde et la dure-mère pour avoir un accès

intracrânien. Après l’ablation de la tumeur, le champ opératoire est rempli avec une petite partie de tissu adipeux prélevé dans l’abdomen ou la cuisse du client. Après la fermeture des structures intranasales, des attelles nasales et des tampons hémostatiques nasaux imprégnés d’onguents antibiotiques sont placés dans les cavités nasales. Occasionnellement, des ballonnets pour épistaxis sont plutôt utilisés. Un pansement à la base du nez est placé pour recueillir l’écoulement chirurgical (Ferrara-Hoffman & Krizman, 2011).

Traitements médicaux Les traitements postopératoires du client ayant subi une neurochirurgie varient selon la raison de la craniotomie. Au début de la période postopératoire, ils sont généralement axés sur la prévention des complications. Les complications d’une craniotomie sont notamment l’HIC, l’hémorragie chirurgicale, le déséquilibre liquidien, la fuite de LCS et la TVP.

Hypertension intracrânienne

FIGURE 23.11 Hypophysectomie transsphénoïdale.

774

Partie 4

Système nerveux

L’œdème cérébral postopératoire est généralement maximal de 48 à 72 heures après la chirurgie. Si le volet osseux n’est pas replacé pendant la chirurgie, l’HIC causera le renement du site opératoire. Celuici doit être surveillé étroitement afin d’assurer

l’intégrité de la suture. L’HIC postcraniotomie est généralement traitée par le drainage du LCS, le positionnement du client et l’administration de stéroïdes (Delaune et al., 2008).

Hémorragie chirurgicale L’hémorragie qui survient après une intervention transcrânienne peut se produire dans la voûte crânienne et provoquer les signes et les symptômes d’une augmentation de PIC. L’hémorragie qui a lieu après une craniotomie transsphénoïdale peut être indiquée par un écoulement nasal externe, un écoulement postnasal (arrière-gorge) persistant dont se plaint le client ou une déglutition excessive. La perte de vision après une chirurgie hypophysaire indique une hémorragie en évolution. L’hémorragie postopératoire requiert une chirurgie exploratoire d’urgence (Seifman, Lewis, Rosenfeld et al., 2011).

Déséquilibre liquidien Le déséquilibre liquidien du client ayant subi une craniotomie est généralement causé par une perturbation de la production ou de la sécrétion de l’hormone antidiurétique (ADH). Cette hormone est sécrétée par le lobe postérieur de l’hypophyse (neurohypophyse). Elle stimule la rétention d’eau par les tubules rénaux et les tubules collecteurs en réaction à un faible volume sanguin ou à une osmolalité sérique accrue. Un œdème de l’hypophyse ou de l’hypothalamus, ou une compression de ces structures, peut entraîner une sécrétion insuffisante d’ADH. Il en résulte une perte d’eau importante par les reins même quand le volume sanguin est faible et que l’osmolalité sérique est élevée. Cette affection se nomme diabète insipide 32 1 . La polyurie liée à ce type d’affection est souvent supérieure à 200 ml/h. Une densité urinaire de 1,005 ou moins et une osmolalité sérique élevée indiquent une concentration insufsante d’ADH. La perte de volume circulant peut provoquer de l’hypotension et une perfusion sanguine cérébrale inadéquate. Le diabète insipide est généralement à résolution spontanée, et le seul traitement nécessaire demeure le remplacement liquidien. Dans certains cas, toutefois, il peut être nécessaire d’administrer de la vasopressine (Pressyn ARMD) par voie I.V. pour maîtriser la perte de liquide (Hannon, Finucane, Sherlock et al., 2012). Le syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique (SIADH), courant dans le cas d’une lésion neurologique telle que la méningite ou le SGB ou encore lorsque survient une hémorragie sous-arachnoïdienne, résulte d’une sécrétion excessive d’ADH 32 2 . Il ne faut pas le confondre avec le syndrome de perte de sel d’origine cérébrale. Le SIADH se manifeste sous forme d’une rétention d’eau inappropriée avec hyponatrémie en présence d’une fonction rénale normale. La densité urinaire est élevée, et l’osmolalité urinaire devient supérieure à l’osmolalité sérique. Les dangers du SIADH sont entre autres une surcharge du volume

en circulation et un déséquilibre électrolytique, qui peuvent tous deux nuire au fonctionnement neurologique. Le SIADH est généralement à résolution spontanée, et son principal traitement consiste en la restriction liquidienne (Hannon et al., 2012). Cependant, il est important d’écarter un potentiel syndrome de perte de sel, car la restriction liquidienne dans ce contexte peut être dangereuse à cause d’un volume liquidien déjà diminué (Pillai, Unnikrishnan & Pavithran, 2011).

Fuite du liquide cérébrospinal Une fuite du liquide cérébrospinal (LCS) résulte d’une ouverture dans l’espace sous-arachnoïdien. Elle est indiquée par l’écoulement d’un liquide clair au site opératoire. Quand cette complication survient après une chirurgie transsphénoïdale, elle est révélée par un écoulement nasal excessif et clair ou par un écoulement postnasal persistant (Ausiello, Bruce & Freda, 2008). Un test de glucose permet de distinguer l’écoulement de LCS de l’écoulement sérique postopératoire. Une fuite de LCS est confirmée par des valeurs de glucose de 30 mg/dl ou plus. Dans ce cas, le client doit rester au lit avec la tête faiblement surélevée. Une ponction lombaire ou un cathéter lombaire sous-arachnoïdien peut être utilisé pour réduire la pression du LCS jusqu’à ce que la duremère guérisse. En raison du risque de méningite lié à une fuite de LCS, l’ouverture doit souvent être refermée par chirurgie (Daele, Goffart & Machiels, 2011).

Thrombose veineuse profonde Le client qui a subi une neurochirurgie présente un risque particulièrement élevé de thrombose veineuse profonde (TVP) en raison de la présence de plusieurs facteurs de risque liés à la pathologie initiale et à la chirurgie elle-même tels qu’une faiblesse préopératoire des jambes, l’alitement préopératoire et postopératoire, une procédure chirurgicale de durée prolongée, une position peropératoire ventrale avec exion des hanches ou des genoux, un long séjour à la salle de réveil et un retour tardif de la mobilité et de l’activité postopératoires (Chibbaro & Tacconi, 2008 ; Collen, Jackson, Shorr et al., 2008). Les manifestations cliniques de la TVP sont entre autres de la douleur, de l’œdème au membre atteint, de l’érythème aux jambes ou aux mollets et une sensation de chaleur. Malheureusement, la TVP est souvent asymptomatique, et le diagnostic ne se pose que lorsque le client subit une embolie pulmonaire (Osinbowale, Ali & Shi, 2010). Le principal traitement de la TVP demeure la prévention. Après une neurochirurgie, des bottes ou des bas à compression pneumatique séquentielle (intermittente) réduisent efcacement le risque de la TVP. Cette efcacité est accrue si le recours à ces dispositifs commence en période préopératoire. L’utilisation prophylactique d’héparine non fractionnée à faible dose et d’héparine de bas poids moléculaire est aussi possible quand le risque de saignement a diminué (Gould, Garcia, Wren et al., 2012).

Chapitre 23

32 1 Le chapitre 32, Troubles endocriniens et approche thérapeutique, décrit le diabète insipide central.

32 2 Le chapitre 32, Troubles endocriniens et approche thérapeutique, détaille la physiopathologie du SIADH.

Troubles neurologiques et approche thérapeutique

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23

Soins et traitements inrmiers A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux pro­ blèmes qui peuvent décou­ ler d’une craniotomie sont détaillés, selon le problème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers.

Les soins et les traitements inrmiers du client ayant subi une neurochirurgie portent sur divers problèmes découlant de sa situation de santé ENCADRÉ 23.18 A . Comme dans le cas des soins préopératoires, les soins et les traitements postopératoires du client ayant subi une craniotomie visent avant tout à protéger l’intégrité du SNC. Les interventions inrmières sont axées sur le maintien d’une PPC adéquate, la facilitation de l’oxygénation artérielle, le soulagement de la douleur et le soutien émotionnel, la surveillance des complications, la mise en place d’une réadaptation précoce et l’enseignement au client et à ses proches. De fréquentes évaluations neurologiques sont nécessaires pour évaluer l’atteinte de ces objectifs et pour déceler les problèmes et intervenir rapidement en cas de complications. Une ventriculostomie est fréquemment pratiquée pour faciliter le monitorage de la PIC et le drainage du LCS.

Maintenir une irrigation sanguine cérébrale adéquate Les interventions inrmières visant à préserver l’irrigation sanguine cérébrale incluent notamment le positionnement du client, la gestion de la volémie et la prévention des vomissements et de la èvre postopératoires.

Positionner le client Le positionnement est un élément important des soins du client ayant subi une craniotomie. La tête du lit doit être élevée à un angle de 30° en tout temps pour maintenir la PIC, réduire le risque d’hémorragie et faciliter le drainage veineux cérébral. La PIC peut aussi être maîtrisée en maintenant la tête du client en position neutre en tout temps et en évitant la exion du cou et des hanches. Ces mesures de positionnement doivent être respectées pendant toute la durée des activités inrmières, y compris pendant le changement de literie et le transport du client pour des examens paracliniques.

Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 23.18

Craniotomie

• Capacité adaptative intracrânienne diminuée liée à une défaillance des mécanismes compensatoires intracrâniens normaux PSTI A.7 • Décit de compréhension lié à une absence d’exposition préalable à l’information PSTI A.8

• Douleur aiguë liée à la transmission et à la perception d’impulsions cutanées, viscérales, musculaires ou ischémiques PSTI A.14 • Perturbation de l’image de soi découlant d’un changement dans la structure, les fonctions ou l’apparence du corps PSTI A.24 • Risque d’hypoperfusion cérébrale PSTI A.26

776

Partie 4

Système nerveux

Le client ayant subi une craniotomie peut généralement être tourné en décubitus latéral, avec des oreillers comme soutien, sauf dans certains cas d’ablation d’une tumeur importante, de cranioplastie et de volet osseux non replacé. Dans ces cas, il faut obtenir des directives précises du chirurgien. Il est possible que le client ayant subi une incision sous-tentorielle soit restreint à un très petit oreiller sous la tête an de prévenir les contraintes sur la suture. Pour protéger l’intégrité de ce type de suture, il faut aussi éviter la exion antérieure et latérale du cou.

Gérer la volémie La gestion de la volémie est un autre élément important des soins après une craniotomie. La surveillance horaire des I/E favorise la détection précoce d’un déséquilibre liquidien. La densité de l’urine doit être mesurée en cas de soupçon de diabète insipide. La restriction liquidienne peut être prescrite comme mesure de réduction de l’œdème cérébral ou en tant que traitement des déséquilibres liquidiens et électrolytiques liés au SIADH (Hannon et al., 2012).

Prévenir les vomissements et la èvre Il faut prévenir les vomissements postopératoires an d’éviter les hausses abruptes de PIC et une hémorragie chirurgicale possible. Des antiémétiques sont administrés dès qu’une nausée est apparente. L’alimentation précoce du client s’avère bénéque. S’il est incapable de manger, l’hyperalimentation entérale administrée constitue la méthode idéale de soutien nutritionnel. Elle peut être commencée 24 heures après la chirurgie. La èvre postopératoire peut aussi avoir des effets négatifs sur la PIC et faire augmenter les besoins métaboliques du cerveau. L’acétaminophène est administré par voie P.O. ou rectale ou par un tube d’alimentation. Des mesures de refroidissement externe telles qu’une couverture de refroidissement peuvent être nécessaires.

Surveiller l’oxygénation artérielle Des soins pulmonaires réguliers sont effectués pour maintenir le dégagement des voies respiratoires, prévenir les complications pulmonaires et promouvoir une bonne oxygénation des tissus. Pour parer aux élévations dangereuses de PIC, ces soins doivent être effectués selon une technique appropriée et à des intervalles permettant d’effectuer les autres soins du client. En cas de complications pulmonaires, il faut maintenir une oxygénation adéquate pendant le repositionnement. Il peut être nécessaire de limiter la rotation au côté où le poumon non touché se trouve vers le bas.

Gérer la douleur et soutenir émotionnellement La gestion de la douleur du client après une craniotomie est surtout axée sur les céphalées. De petites doses d’analgésiques opioïdes (p. ex., la morphine)

sont utilisées en soins critiques. L’administration d’analgésiques oraux doit être commencée dès que le client les tolère. Des médicaments non opioïdes tels que le tramadol (DurelaMD, RaliviaMD, TriduralMD, Ultram MD, Zytram XL MD ) peuvent être utilisés comme traitement d’appoint (Nemergut, Durieux, Missaghi et al., 2007). Puisque les analgésiques opioïdes causent la constipation, l’administration de laxatifs émollients et la mise en œuvre d’un programme d’élimination intestinale sont des éléments importants des soins après une craniotomie pour éviter le recours à la manœuvre de Valsalva. La constipation est dangereuse parce que l’effort pour éliminer les fèces peut faire augmenter considérablement la P.A. et la PIC. L’altération de l’apparence corporelle, les décits neurologiques possibles et la crainte de la mort sont des éléments à explorer pour mieux soutenir émotionnellement le client et ses proches à la suite d’une chirurgie cérébrale.

Surveiller les complications Après une neurochirurgie, le client présente un risque d’infection, d’abrasions cornéennes et de blessures causées par des chutes ou des convulsions.

Prévenir l’infection Après avoir subi une neurochirurgie, le client est à risque d’infections diverses, notamment de méningite, d’abcès cérébral, d’infection du volet osseux et d’empyème sous-dural (Dashti, Baharvahdat, Spetzler et al., 2008). En règle générale, le pansement de craniotomie est renforcé au besoin et changé seulement sur prescription du médecin. Un drain est souvent laissé en place pour faciliter la décompression du site opératoire. S’il y a une ventriculostomie, elle est traitée comme une composante du site opératoire. Tous les dispositifs de drainage doivent être xés au pansement pour prévenir un déplacement involontaire pendant les mouvements du client. Une technique stérile est nécessaire pour toute manipulation du pansement ou du cathéter de ventriculostomie, an de prévenir l’infection. Il faut soupçonner une infection postopératoire si le client montre des signes de changements de l’état mental, une céphalée, de la èvre ainsi qu’un écoulement purulent et de l’enure autour de la plaie (Dashti et al., 2008).

Prévenir l’abrasion cornéenne Des soins réguliers des yeux peuvent être nécessaires pour prévenir l’assèchement et l’ulcération de la cornée. L’œdème périorbital, fréquent dans les heures suivant la chirurgie, nuit au clignement et à la fermeture normale des paupières, qui sont essentiels à la lubrication adéquate de la cornée. Les yeux doivent être nettoyés régulièrement, et des gouttes de solution physiologique salée sont instillées toutes les deux heures. Si le client se trouve dans un état comateux, il peut être bénéque de lui couvrir les yeux avec une pellicule de polyéthylène qui s’étend sur les orbites et les sourcils (Marshall et al., 2008 ; Rosenberg &

Eisen, 2008 ; So et al., 2008). L’usage de diachylon pour fermer les yeux est à proscrire pour éviter les lésions cutanées sur la paupière et au pourtour de l’œil.

Prévenir les chutes et les blessures Après une craniotomie, le client peut traverser des périodes d’altération de son état mental. Des mesures de contention peuvent être nécessaires pour l’empêcher de se blesser, bien qu’elles soient à éviter le plus possible. La présence d’un proche ou la musicothérapie aide souvent à calmer le client pendant les périodes d’agitation. Dans de rares cas, lorsque la PIC est élevée, une sédation continue avec ou sans blocage neuromusculaire peut devenir nécessaire pour maîtriser l’activité et les besoins métaboliques du client à court terme.

Favoriser la réadaptation précoce Une activité accrue, incluant la marche, est entreprise dès que le client le tolère en période postopératoire. Les mesures de réadaptation et la planication du congé peuvent commencer à l’unité de soins critiques, mais elles dépassent les objectifs du présent chapitre. Le transfert à une unité de soins généraux ou de réadaptation s’effectue généralement dès que le client est jugé stable et à l’abri de complications.

Informer le client et ses proches Avant l’opération, le client et ses proches doivent être informés de la cause immédiate de la craniotomie et des résultats escomptés de cette intervention ENCADRÉ 23.19. La gravité de la maladie et le besoin de soins et de traitements critiques après la chirurgie doivent être soulignés. À l’approche du congé, l’enseignement porte sur les instructions relatives aux médicaments, les soins de l’incision, y compris les signes d’infection, ainsi que sur les signes et les symptômes d’une PIC accrue. Si le client a des déciences neurologiques, l’enseignement est axé sur les interventions permettant de maximiser son potentiel de réadaptation. Les proches doivent être

23

Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 23.19

Craniotomie

AVANT LA CHIRURGIE

L’inrmière aborde les sujets suivants : • physiopathologie et évolution attendue de la maladie sous-jacente ; • soins et traitements intensifs après la chirurgie ; • soins chirurgicaux préopératoires réguliers. APRÈS LA CHIRURGIE

L’inrmière aborde les sujets suivants : • soins chirurgicaux postopératoires réguliers ;

Chapitre 23

• médicaments après le congé : but, dose et effets secondaires ; • soins de l’incision ; • signes et symptômes d’une infection ; • signes et symptômes d’une augmentation de PIC ; • utilisation des dispositifs d’aide aux déciences résiduelles (p. ex., des orthèses, un déambulateur) ; • techniques de réadaptation adaptées aux besoins du client.

Troubles neurologiques et approche thérapeutique

777

encouragés à participer aux soins du client et à apprendre certaines techniques élémentaires de réadaptation. Il faut souligner l’importance de la participation du client à un programme de réadaptation neurologique.

23.2.2

Pharmacothérapie

De nombreux agents pharmacologiques sont employés pour traiter les troubles neurologiques. Le TABLEAU 23.5 résume les divers agents utilisés et les considérations particulières concernant leur administration.

Pharmacothérapie TABLEAU 23.5

Troubles neurologiques

MÉDICAMENT

DOSE

ACTION

CONSIDÉRATIONS PARTICULIÈRES

Phénytoïne (DilantinMD)

• Bolus initial I.V. : 10-20 mg/kg I.V., puis 100 mg I.V., q. 6-8 h I.V. selon la réponse clinique et la concentration sérique

Prévient l’afux de sodium à la membrane cellulaire.

• Surveiller étroitement la concentration sérique ; la concentration thérapeutique est de 10 à 20 mg/L (en cas d’hypoalbuminurie, surveiller la concentration sérique de phénytoïne libre : la concentration thérapeutique est de 1 ou 2 mg/L. • Administrer la phénytoïne à un taux maximal de 50 mg/min (ce taux devrait être réduit à 25 mg/min chez les personnes âgées ou chez celles qui présentent un risque d’arythmie, celles dont la P.A. est instable et celles dont le D.C. est lent à risque) ; administrer avec une solution de NaCl 0,9 % seulement parce qu’elle précipite avec d’autres solutions. • Peut causer de l’hypotension et plus rarement des arythmies.

Fosphénytoïne (CerebyxMD)

• Bolus initial I.V. : 15-20 mg/kg I.V. • Perfusion continue : de 4-6 mg/kg/24 h I.V. selon la réponse clinique et la concentration sérique

Prévient l’afux de sodium à la membrane cellulaire.

• Il s’agit d’un promédicament de la phénytoïne. • Il est plus coûteux que la phénytoïne. • Surveiller étroitement la concentration sérique ; la concentration thérapeutique est de 10 à 20 mg/L. La dose, la concentration et le taux de perfusion de la fosphénytoïne s’expriment en équivalents de phénytoïne sodique. • Perfuser à un débit de 150 mg/min. • La surveillance cardiovasculaire est suggérée.

Phénobarbital

• Bolus initial I.V. : 6-8 mg/kg I.V. • Perfusion continue : 1-3 mg/kg/24 h I.V.

Cause une dépression du SNC et réduit la propagation d’un foyer épileptique.

• Peut réduire les fonctions cardiaque et respiratoire. • Administrer le phénobarbital à un débit de 60 mg/min ; surveiller étroitement la concentration sérique ; la concentration thérapeutique est de 10 à 40 mg/L.

Pentobarbital (NembutalMD)

• Bolus initial I.V. : 3-10 mg/kg en 30 min • Perfusion continue : 0,5-3 mg/kg/h I.V.

Provoque un coma barbiturique.

• Surveiller étroitement la concentration sérique du pentobarbital ; la concentration thérapeutique pour un coma est de 15 à 40 mg/L. • La vitesse d’administration ne doit pas dépasser 50 mg/min.

Anticonvulsifs

Barbituriques

778

Partie 4

Système nerveux

TABLEAU 23.5

Troubles neurologiques (suite)

MÉDICAMENT

DOSE

ACTION

CONSIDÉRATIONS PARTICULIÈRES

• 1-2 g/kg I.V.

Traite l’œdème cérébral en attirant le liquide de l’espace extravasculaire dans l’espace intravasculaire ; la barrière hématoencéphalique doit être intacte.

• Ses effets secondaires sont l’hypovolémie et une osmolalité sérique accrue. • Surveiller l’osmolalité sérique ; si > 310 mOsm/L, le signaler au médecin. • Réchauffer et agiter le médicament avant de l’administrer pour dissoudre les cristaux.

• 60 mg q.4 h P.O.G ou P.O. pendant 21 jours

Réduit le vasospasme cérébral.

• Ses effets secondaires incluent l’hypotension, les palpitations, les céphalées et les étourdissements. • Surveiller la P.A. fréquemment durant le traitement.

• Bolus initial I.V. : 5 mcg/kg/min sur 5 min • Perfusion continue : I.V. : 5-50 mcg/kg/min selon le degré de sédation désiré

Maintient la sédation et contrôle les réactions au stress des clients sous ventilation mécanique.

• Surveiller l’hypotension. • Surveiller l’apparition d’un syndrome d’infusion au propofol qui peut causer des défaillances cardiaques et rénales mortelles.

• 50-100 mg I.V.

Atténue les effets de la stimulation trachéale sur la PIC.

• Doit être administrée au plus 5 min avant l’aspiration.

Convertit le plasminogène en plasmine, ce qui dissout les caillots.

• Commencer le traitement au plus 4 ½ h après l’apparition des symptômes. • Ne pas dépasser 90 mg. • Ne pas utiliser d’anticoagulants pendant les premières 24 h. • Surveiller le client pour déceler un saignement.

Diurétiques osmotiques Mannitol

Bloqueurs des canaux calciques Nimodipine (NimotopMD)

Anesthésiques généraux Propofol (DiprivanMD)

Anesthésique local Lidocaïne

23

Thrombolytique Activateur tissulaire du plasminogène (t-PA)

• 0,9 mg/kg total dont 10 % de la dose administrée en bolus I.V. en 1 min et 90 % de la dose administrée sous forme de perfusion I.V. continue en 1 h.

Sources : Adapté de Association des pharmaciens du Canada (APhC) (2014) ; Elsevier/Gold Standard (2012) ; Institut pour l’utilisation sécuritaire des medicaments du Canada (ISMP) (2013) ; Pzer Canada inc. (2013)

Chapitre 23

Troubles neurologiques et approche thérapeutique

779

ÉTUDE DE CAS Client atteint d’un trouble neurologique

SOLUTIONNAIRE

http://mabibliotheque. cheneliere.ca

Mise en contexte Grégory Lemelin, un homme âgé de 30 ans, est amené aux urgences, car il présente des céphalées brutales. Il regardait un match de hockey mouvementé avec ses amis à la maison.

Manifestations cliniques En plus des céphalées qui causent des syncopes à monsieur Lemelin, une obnubilation avec des vomissements et une diplopie sont observées à l’examen.

Collecte des données objectives La TDM à l’admission révèle un saignement sous-arachnoïdien. Les signes vitaux de référence de monsieur Lemelin sont les suivants : P.A. à 110/60 mm Hg ; F.C. à 108 batt/min (tachycardie sinusale) ; F.R. à 30 R/min ; T° à 37 °C ; SaO2 à 88 % ; score de Glasgow à 7/15.

Diagnostic médical Le diagnostic est une hémorragie intracrânienne secondaire à une rupture d’anévrisme congénital.

Questions 1. Quels sont les principaux résultats escomptés pour ce client ? 2. Quels problèmes prioritaires ou risques doivent être contrôlés et inscrits au plan thérapeutique inrmier (PTI) pour obtenir ces résultats ? 3. Quelles interventions doivent être mises en œuvre et inscrites au PTI pour surveiller, prévenir, gérer ou éliminer les problèmes et les risques désignés ? 4. Quelles interventions devraient être mises en œuvre pour optimiser le fonctionnement, la sécurité et le bien-être du client ? 5. Quels besoins d’enseignement prévoyez-vous pour ce client ? 6. Quels facteurs liés à la culture et à l’âge du client peuvent inuer sur le plan de soins et de traitements ?

À RETENIR • Les causes du coma peuvent être divisées en deux catégories générales : les causes structurales (p. ex., un accident vasculaire cérébral [AVC] ischémique, l’hypertension intracrânienne [HIC], un trauma, une tumeur cérébrale) et les causes métaboliques (p. ex., une surdose de drogues ou de médicaments, une maladie infectieuse, un trouble endocrinien, un empoisonnement). • Le coma est l’état d’inconscience le plus profond ; l’éveil et la conscience sont absents en raison d’un dysfonctionnement diffus des deux hémisphères cérébraux

780

Partie 4

Système nerveux

ou d’un dysfonctionnement diffus ou localisé du système réticulé activateur. • Les traitements médicaux du coma sont axés sur la détermination et le traitement de la cause de l’affection et sur le maintien des fonctions vitales. • Les soins et les traitements inrmiers du coma sont axés sur le maintien de toutes les fonctions corporelles, la surveillance des complications, la gestion de la douleur, le soutien émotionnel, la mise en place de mesures de réadaptation et l’enseignement au client et à ses proches. • Un AVC est une décience neurologique aiguë qui apparaît soudainement et

persiste plus de 24 heures ; il est causé par une interruption de l’irrigation sanguine du cerveau. • Les AVC se divisent en deux catégories : les accidents ischémiques et les accidents hémorragiques. • Les soins et les traitements inrmiers de l’AVC sont axés sur la surveillance des changements de l’état neurologique et des complications, la gestion de la douleur, le soutien émotionnel, la mise en place de mesures de réadaptation et l’enseignement au client et à ses proches. • Les traitements médicaux de l’AVC ischémique sont axés sur la préservation

du tissu cérébral grâce au traitement brinolytique, à la maîtrise de la pression artérielle (P.A.) et au traitement des complications. • Les deux principales causes de l’AVC ischémique sont la thrombose et l’embolie, qui entraînent une lésion du tissu neuronal causées par une irrigation sanguine réduite ou absente. • Le syndrome de Guillain-Barré (SGB) est un dysfonctionnement ascendant des nerfs périphériques qui progresse rapidement et qui mène à une paralysie pouvant causer une insufsance respiratoire. • Les traitements médicaux du SGB sont axés sur le maintien des fonctions vitales et sur la limitation de la durée du syndrome. • Les soins et les traitements inrmiers du SGB sont axés sur la surveillance des complications, la mise en place de mesures de réadaptation, le soulagement de la douleur, le soutien émotionnel et l’enseignement au client et à ses proches. • L’hémorragie intracrânienne est un saignement qui se produit directement dans le tissu cérébral et qui est généralement

causé par la rupture d’une petite artère cérébrale résultant de l’hypertension. • Les traitements médicaux de l’hémorragie intracrânienne sont axés sur la préservation de la fonction neurologique, la maîtrise de la P.A., le maintien des fonctions vitales et la gestion de l’HIC. • Un des premiers signes d’une augmentation de la pression intracrânienne (PIC) est une altération de l’état de conscience. • La PIC peut être mesurée avec un appareil de monitorage de la PIC, et elle doit être traitée quand elle dépasse 20 mm Hg. • Les soins inrmiers liés à la prévention et au traitement de l’HIC concernent le maintien d’une normothermie, un positionnement adéquat, une diminution des activités de soins et des besoins métaboliques, le maintien d’une P.A. adéquate et le drainage du liquide cérébrospinal (LCS). • Une hernie du contenu intracérébral cause le déplacement de tissu d’un compartiment à l’autre du cerveau, et elle exerce une pression sur les vaisseaux cérébraux et les centres des fonctions vitales du cerveau. Si elle n’est pas traitée, elle cause rapidement la mort.

Chapitre 23

• Une craniotomie a pour but de fournir un accès à des parties du système nerveux central (SNC) contenues dans le crâne an d’effectuer la résection ou l’ablation d’une tumeur, une décompression cérébrale, l’évacuation d’un hématome ou d’un abcès ou la réparation d’un anévrisme ou d’une malformation artérioveineuse (MAV). • Les traitements médicaux postopératoires sont axés sur la prévention des complications, notamment de l’HIC, de l’hémorragie, des déséquilibres liquidiens, des fuites de LCS et de la thrombose veineuse profonde (TVP). • Les soins et les traitements inrmiers postcraniotomie sont axés sur le positionnement du client, la surveillance des ingesta et des excreta (I/E), l’administration de médicaments contre les vomissements et la èvre, la promotion des soins pulmonaires postopératoires, la gestion de la douleur, le soutien émotionnel, la surveillance des complications, la mise en place des mesures de réadaptation et l’enseignement au client et à ses proches.

Troubles neurologiques et approche thérapeutique

781

PARTIE

5 Système rénal CHAPITRE 24

Anatomie et physiologie du système rénal                 784 CHAPITRE 25

Évaluation clinique du système rénal et examens paracliniques            800 CHAPITRE 26

Troubles rénaux et approche thérapeutique                    820

chapitre

24

Anatomie et physiologie du système rénal

Écrit par : Mary E. Lough, PhD, RN, CNS, CCRN, CNRN, CCNS Adapté par : Christine Lapointe, inf., M. Sc., IPSN

O

rganes complexes, les reins exercent de nombreuses fonctions et sont responsables de la formation, de la régulation ou de l’élimination de plusieurs substances nécessaires au maintien de l’homéostasie de l’organisme. Ils ont pour rôles principaux d’éliminer les produits de dégradation métabolique, de maintenir l’équilibre hydroélectrolytique et de contribuer à atteindre l’équilibre acidobasique. Les hormones sécrétées par les reins jouent un rôle important dans le contrôle de la pression artérielle (P.A.), la production d’érythrocytes (globules rouges sanguins) et le métabolisme osseux. Les reins contribuent aussi à l’équilibre intracellulaire et extracellulaire nécessaire au fonctionnement adéquat de chaque cellule. Lorsqu’un client est atteint d’un dysfonctionnement rénal, certaines de ses fonctions rénales – ou l’ensemble d’entre elles – peuvent être réduites ou absentes, provoquant une altération de l’homéostasie. Il est essentiel que l’inrmière en soins critiques sache en quoi consiste une fonction rénale normale pour comprendre la physiopathologie, les signes, les symptômes et l’approche thérapeutique de l’insufsance et des affections rénales. La con­ naissance des multiples rôles exercés par les reins contribue à fournir des renseignements cruciaux sur les soins à prodiguer à toute personne en situation critique de santé.

24.1

Anatomie

24.1.1

Anatomie macroscopique

Les reins sont des organes pairs situés à l’arrière du péritoine, de chaque côté de la colonne vertébrale (entre les vertèbres T12 et L3) (Nielsen, Kwon, Fenton et al., 2011). Le rein droit est légèrement plus bas que le rein gauche en raison de la position du foie. Chez l’adulte, chaque rein a une longueur d’environ 12 cm, une largeur d’environ 6 cm et une épaisseur d’environ 2,5 cm. La taille et le poids des reins varient en fonction du sexe de la personne : de 125 à 170 g chez l’homme et de 115 à 155 g chez la femme (Nielsen et al., 2011). Les reins sont protégés, antérieurement et postérieurement, par la cage thoracique et par une capsule breuse solide qui les enveloppe. Une protection additionnelle est fournie par le coussin de graisses périrénales et par le fascia rénal. À l’intérieur, les reins sont constitués de trois parties distinctes : 1) le cortex ; 2) la médulla ; 3) la colonne rénale FIGURE 24.1. Le cortex représente la couche supercielle du tissu rénal. Il contient les glomérules, les capsules glomérulaires (ou capsules de Bowman), les tubules contournés proximaux, les parties corticales de l’anse du néphron (ou anse de Henlé), les tubules contournés distaux et les parties corticales des tubules collecteurs. Le cortex rénal a une épaisseur d’environ 1 cm. La médulla, quant à elle, représente la couche interne du tissu rénal. Elle est constituée des pyramides rénales, qui contiennent les parties médullaires de l’anse du néphron, les vasa recta et les parties médullaires des tubules collecteurs. Plusieurs tubules collecteurs s’y rejoignent pour constituer les conduits papillaires. Les sommets des pyramides rénales sont les papilles, chacune d’elles étant coiffée d’un calice mineur. Les calices mineurs s’élargissent et se rejoignent pour former les calices majeurs. Chaque rein comprend habituellement trois calices majeurs : 1) supérieur ; 2) moyen ; 3) inférieur. Ces grands calices s’ouvrent dans une cavité plus large en forme d’entonnoir, le bassinet. Celui-ci collecte l’urine et la déverse dans l’uretère (Quérin, Valiquette et al., 2012). La capacité de l’uretère est de 5 à 10 ml. La colonne rénale (ou colonne de Bertin) est la partie centrale du rein. Cette colonne, qui est l’extension médullaire du cortex rénal entre les pyramides rénales, permet au cortex rénal d’être bien ancré dans l’organisme. Le système rénal comporte aussi un système de drainage urinaire : les uretères, la vessie et l’urètre FIGURE 24.2. L’uretère est un conduit bromusculaire qui sort de la partie centrale du bassinet. D’une longueur de 25 à 30 cm, il entre dans la vessie en formant un angle oblique. Une fois produite dans les reins, l’urine s’écoule de l’uretère par péristaltisme. Les mouvements péristaltiques de l’uretère et l’angle auquel celui-ci entre dans la vessie contribuent à prévenir le reux de l’urine de la vessie vers les reins. La vessie, véritable réservoir musculaire

FIGURE 24.1 Coupe transversale d’un rein.

dans le bassin, a une capacité d’environ 280 à 500 ml. L’urine s’écoule de la vessie par l’orice urétral. Elle est excrétée du corps par l’urètre. Chez l’homme, l’urètre fait environ 20 cm de longueur ; chez la femme, il mesure de 3 à 5 cm.

24.1.2

Anatomie vasculaire

Les reins sont fortement vascularisés et reçoivent jusqu’à 20 % du débit cardiaque, c’est-à-dire environ 1 à 1,2 L/min de sang (Munger, Kost, Brenner et al., 2011). Le sang entre dans les reins par les artères rénales, qui naissent de chaque côté de l’aorte abdominale. L’artère rénale se divise en branches artérielles qui se transforment progressivement en vaisseaux plus petits jusqu’aux artérioles afférentes. Une seule artériole afférente offre du sang à chaque glomérule, un amas de capillaires qui constitue la structure principale du néphron, décrit dans la sous-section suivante (Nelson et al., 2011). Le sang sort du glomérule par l’artériole efférente, laquelle se ramie en vasa recta et en capillaires péritubulaires. Les vasa recta pénètrent dans la médulla pour alimenter les fines anses du néphron ; les capillaires péritubulaires fournissent du sang aux parties corticales des tubules des néphrons. Le réseau complexe de capillaires maintient la pression intracapillaire nécessaire au mouvement de l’eau et des solutés (particules) entre les tubules et les capillaires, assurant ainsi la formation, la concentration et la dilution de l’urine. Les capillaires se re joignent, puis forment des vaisseaux veineux de plus en plus larges. Le sang sort des reins par la veine rénale et regagne la circulation généFIGURE 24.2 rale par la veine cave inférieure Structures du système urinaire. (Munger et al., 2011). Chapitre 24

Anatomie et physiologie du système rénal

24

785

24.1.3

Anatomie microscopique : structure du néphron

Chaque rein est composé d’environ un million d’unités fonctionnelles, les néphrons (Nelson et al., 2011). En raison de ce nombre important, les reins peuvent continuer à fonctionner même si plusieurs milliers de néphrons ont été endommagés ou détruits par la maladie ou une lésion. Chaque néphron a la capacité d’exercer individuellement chacune des fonctions des reins. Le néphron se compose de plusieurs structures distinctes : le glomérule, la capsule glomérulaire, le tubule contourné proximal, l’anse du néphron, le tubule contourné distal et le tubule collecteur FIGURE 24.3. Chaque rein est formé de deux types de néphron : les néphrons corticaux et les néphrons juxtamédullaires (Quérin et al., 2012) FIGURE 24.4. Les néphrons corticaux, en nombre plus élevé (85 %), se divisent en néphrons corticaux superficiels et moyens. Les néphrons corticaux superciels disposent de glomérules situés dans la partie supercielle du cortex, ainsi que de courtes anses du néphron. Les néphrons corticaux moyens, quant à eux, sont situés plus bas dans le cortex ; leurs anses du néphron peuvent être courtes ou longues. Ces deux types de néphrons corticaux exercent des fonctions excrétoires et régulatrices. Les néphrons

FIGURE 24.4 Différents types de néphron.

restants, les néphrons juxtamédullaires (15 %), disposent de glomérules situés dans la partie profonde du cortex et s’étendant dans la couche médullaire des reins. Les néphrons juxtamédullaires ont de longues anses du néphron, lesquelles jouent un rôle important dans la concentration et la dilution de l’urine. Les vasa recta entourent la portion médullaire des néphrons juxtamédullaires et aident à maintenir le gradient de concentration nécessaire à la concentration de l’urine.

Glomérule

FIGURE 24.3 Éléments constitutifs du néphron. A Cortex. B Médulla.

786

Partie 5

Système rénal

La première partie du néphron est constituée du glomérule. Il s’agit d’un amas de capillaires où règne une pression élevée et qui a pour rôle de ltrer le sang. La pression de ltration positive dans le glomérule est atteinte en présence d’une P.A. élevée (lorsque le sang arrive dans l’artériole afférente) et de la résistance créée par l’artériole efférente (lorsque le sang sort du glomérule), plus étroite que l’artériole afférente. En raison de ce gradient de pression positive, le liquide et les solutés du sang sont ltrés par les parois du capillaire glomuléraire. Le glomérule comporte trois couches : 1) l’endothélium ; 2) la membrane basale ; 3) l’épithélium. La couche endothéliale intérieure tapisse le glomérule et contient de nombreux pores, qui permettent la ltration du liquide ainsi que des petites molécules contenues dans le sang. La couche moyenne de la membrane basale contrôle également la ltration en fonction de la taille, de la charge électrique et de la forme des molécules, ainsi que de leur capacité à se lier aux protéines. Ce complexe est appelé barrière de ltration glomérulaire. Le glomérule est perméable à l’eau et aux molécules de faible ou de moyen poids moléculaire, mais il empêche les molécules plus volumineuses, notamment l’albumine et les globules rouges, d’entrer dans le ltrat (Menon, Chuang & He, 2012). La présence de molécules de

grande taille dans l’urine (p. ex., des protéines) est un indice d’une membrane glomérulaire endommagée. La couche épithéliale extérieure contient des pores qui permettent au sang ltré d’entrer dans la chambre glomérulaire, ou espace urinaire de Bowman.

Capsule et chambre glomérulaires Le sang ltré par le glomérule, habituellement appelé ltrat, pénètre dans la chambre glomérulaire. Le ltrat glomérulaire ne contient ni les cellules (globules rouges, globules blancs, plaquettes sanguines) ni les protéines plasmatiques du sang, qui ne franchissent pas la membrane glomérulaire. Il contient plutôt l’eau du plasma et ses constituants non protéiques (Quérin et al., 2012). La chambre glomérulaire est entourée par la capsule glomérulaire, une couche membraneuse dure, composée de cellules épithéliales, qui enveloppe complètement le lit capillaire glomérulaire. La chambre glomérulaire est située entre la paroi capillaire extérieure du glomérule et la couche intérieure de la capsule glomérulaire et contient le premier ltrat sanguin. Le liquide, les solutés et les autres substances ltrées par le glomérule sont recueillis dans la chambre glomérulaire, une structure continue qui se joint à la première partie du système tubulaire du néphron, le tubule contourné proximal (Nielsen et al., 2011).

Tubule contourné proximal Le tubule contourné proximal se situe dans le cortex rénal. Il est doté d’une surface large permettant le transport du liquide, des solutés ou d’autres particules. Le tubule contourné proximal réabsorbe la majeure partie de l’eau et du sodium ltrés ainsi que de nombreux solutés que l’organisme n’excrète pas systématiquement. Les solutés qui sont habituellement réabsorbés comprennent le glucose, certaines vitamines hydrosolubles, la presque totalité du phosphate et du bicarbonate, ainsi que la majeure partie du potassium, du chlorure et du calcium ltrés par le glomérule. Les protéines sont réabsorbées dans le tubule contourné proximal par deux récepteurs spécialisés, la mégaline et la cubiline, qui se lient à l’albumine ou à certaines protéines de liaison des différentes vitamines (Nielsen et al., 2011 ; Verroust, Kozyraki, Hammond et al., 2000). La créatinine est minimalement réabsorbée et excrétée dans l’urine. En plus du rôle majeur qu’il joue dans la réabsorption de l’eau et des solutés du ltrat, le tubule contourné proximal sécrète des anions et des cations organiques dans la lumière tubulaire. Le métabolisme de la glutamine dans la mitochondrie des cellules du tubule contourné proximal produit de l’ammoniac. L’ammoniac (NH3) se lie avec l’hydrogène (H+) pour former de l’ammonium (NH4+), lequel est sécrété dans la lumière du tubule contourné proximal (Nielsen et al., 2011). En raison de la quantité élevée de solutés dans le ltrat glomérulaire, le liquide qui entre dans le tubule

contourné proximal est hyperosmotique. Lorsque le ltrat sort du tubule contourné proximal et entre dans l’anse du néphron, il est iso-osmotique. En effet, sa concentration en solutés et en particules est identique à celle du plasma en raison de la réabsorption de solutés et d’eau. La concentration du ltrat est exprimée par son osmolarité, soit la mesure du nombre de particules (solutés) dans une unité de volume de solvant. À ne pas confondre avec l’osmolalité, décrite dans la deuxième section de chapitre, sa valeur est exprimée en milliosmoles par litre (mOsm/L).

Anse du néphron Après la réabsorption sélective de certaines composantes du ltrat dans le tubule contourné proximal, le ltrat iso-osmotique entre dans l’anse du néphron. Celle-ci, en forme de U, est composée d’une portion descendante et d’une portion ascendante, dont la largeur varie selon le type de néphron. Les néphrons corticaux ont de courtes anses du néphron, et les néphrons juxtamédullaires, de longues anses du néphron. Bien qu’ils exercent des fonctions excrétoires et régulatrices, les néphrons corticaux jouent un rôle mineur dans la concentration ou la dilution de l’urine. Les néphrons juxtamédullaires, quant à eux, ont des glomérules situés dans la partie profonde du cortex, à proximité de la médulla, c’est-à-dire dans la région du rein où le cortex et la médulla se rassemblent. Ils contiennent une longue branche ascendante. Ces néphrons pourvus de longues branches ascendantes sont cruciaux : ils concentrent et diluent l’urine grâce à un système à contrecourant. La branche descendante mince est très perméable à l’eau, mais assez imperméable à l’urée, au sodium et à d’autres solutés. Par conséquent, l’eau (mais non les solutés) se trouve réabsorbée dans la circulation sanguine générale, et un ltrat plus concentré est produit. Ce ltrat hyperosmotique dans la boucle de l’anse passe alors dans la branche ascendante mince, imperméable à l’eau, qui assure le transport du sodium, du chlorure et de l’urée contenus dans le ltrat. La branche ascendante épaisse est également imperméable à l’eau, mais favorise la réabsorption par l’organisme du sodium, du chlorure, du potassium, du calcium et du bicarbonate. En raison de la faible réabsorption de l’eau et de la réabsorption élevée des solutés dans l’anse ascendante du néphron, le ltrat quittant la branche ascendante est hypo-osmotique.

24

Tubule contourné distal Le ltrat hypo-osmotique entre dans le tubule contourné distal, situé dans le cortex rénal. La première partie du tubule contourné distal contient les cellules de la macula densa. Ces cellules spécialisées font partie de l’appareil juxtaglomérulaire et jouent un rôle important dans la régulation du volume du ltrat glomérulaire et de la normalisation de la P.A. La première partie du tubule distal est imperméable à l’eau. Elle entre en jeu dans le transport des solutés comme le sodium, le bicarbonate, le calcium et le potassium. Chapitre 24

Anatomie et physiologie du système rénal

787

La partie ultérieure du tubule distal, quant à elle, régule la concentration de sodium, de bicarbonate, de potassium et de calcium en fonction de l’activité hormonale et des besoins de l’organisme en matière d’équilibre acidobasique et électrolytique. La perméabilité de cette partie ultérieure du tubule contourné distal est inuencée par l’hormone antidiurétique (ADH). En présence d’ADH, elle est perméable à l’eau, ce qui permet sa réabsorption par les capillaires péritubulaires et son retour dans la circulation sanguine générale ; le ltrat peut devenir iso-osmotique. En l’absence d’ADH, elle est imperméable à l’eau, mais perméable aux solutés, et le ltrat est hypo-osmotique.

Tubule collecteur Plusieurs tubules contournés distaux se joignent pour former le tubule collecteur, qui naît dans le cortex, s’étend à travers la médulla et se vide dans la papille rénale. L’urine acquiert sa composition nale dans le tubule collecteur, principalement en raison du transport du potassium, du sodium et de l’eau. La perméabilité du tubule collecteur à l’eau est déterminée par la présence ou l’absence d’ADH. En l’absence ou en présence d’une petite quantité d’ADH, l’urine est diluée, alors qu’elle devient concentrée s’il y a présence d’une quantité plus importante d’ADH. Le ltrat est habituellement plus concentré, hyperosmotique, lorsqu’il quitte le tubule collecteur que lorsqu’il y pénètre. L’acidication de l’urine est accomplie par le transport du bicarbonate et de l’hydrogène dans le tubule collecteur. Plusieurs tubules collecteurs s’associent pour former les pyramides rénales. Aucune autre modication dans la composition du ltrat ne survient après la sortie de l’urine des tubules collecteurs. Le TABLEAU 24.1 présente un résumé relatif à la réabsorption et à la sécrétion tubulaires dans les différentes structures du néphron.

TABLEAU 24.1

24.1.4

Innervation du système rénal

L’innervation du rein (et des structures entrant dans le processus d’élimination de l’urine) est assurée par le système nerveux autonome. Les reins captent les signaux du nerf splanchnique imus ainsi que du nerf splanchnique inférieur, lesquels forment le plexus rénal. Le plexus mésentérique inférieur, le plexus hypogastrique et le nerf pudique de la région sacrale desservent la vessie, les uretères et l’urètre. Le contrôle assuré par le système nerveux sur le tractus urinaire inue sur le processus de miction (libération d’urine). Lorsque la vessie est pleine, les mécanorécepteurs musculaires de la paroi de la vessie et d’une partie de l’urètre sont stimulés. Des signaux sont transmis par les nerfs dans la région sacrale ; un signal du système parasympathique vient ensuite contracter le muscle détrusor de la vessie. Lorsque celle-ci est pleine, les contractions sont habituellement assez fortes pour relâcher le sphincter externe. Une fois l’urine libérée, la stimulation du système sympathique permet de recontracter le sphincter externe. Le cortex cérébral et la partie du système nerveux central formée par le tronc cérébral exercent aussi un contrôle sur la vessie. Le système nerveux central régule le réexe de miction, la fréquence des mictions et le tonus du sphincter externe, tout en permettant un contrôle conscient sur la libération d’urine de la vessie.

24.2

Physiologie

24.2.1

Formation de l’urine

Les néphrons ltrent les substances métaboliques et les divers produits de dégradation du sang, tout en conservant les électrolytes et l’eau nécessaires au fonctionnement de l’organisme. Chaque jour, les reins

Réabsorption et sécrétion tubulaires

STRUCTURE ANATOMIQUE

FONCTION

Glomérule

• Filtration du liquide et des solutés du sang

Tubule contourné proximal

• Réabsorption : Na+, K+, Cl−, HCO3−, urée, glucose et acides aminés

Le ltrat en sort iso-osmotique.

Anse du néphron

• Réabsorption : Na+, K+, Cl− • Inhibition de la réabsorption de l’H2O dans la branche ascendante • Dilution ou concentration de l’urine par un système à contrecourant

Le ltrat en sort hypo-osmotique.

Tubule contourné distal

• Réabsorption de manière sélective : Na+, K+, Ca2+, PO3−4 • Réabsorption de l’eau en présence d’ADH • Réabsorption du Na+ en présence d’aldostérone

Le ltrat en sort hypo-osmotique ou iso-osmotique, selon les besoins de l’organisme.

Tubule collecteur

• Réabsorption comparable à celle qui se fait dans le tubule contourné distal • Réabsorption de l’eau en présence d’ADH • Réabsorption ou sécrétion : HCO3− et H+ (pour acidier l’urine)

Le ltrat en sort hyperosmotique ou hypo-osmotique, selon les besoins de l’organisme.

Na+ : sodium ; K+ : potassium ; Cl− : chlore ; HCO3− : bicarbonate ; H2O : eau ; Ca2 + : calcium ; PO3− : phosphate ; H + : hydrogène. 4

788

Partie 5

Système rénal

OSMOLARITÉ DU FILTRAT

ltrent de 60 à 70 fois la quantité totale du sang contenu dans l’organisme humain, fabriquant environ 180 L de ltrat. Le débit de ltration glomérulaire (DFG) est d’environ 180 L/24 h, soit 125 ml/min ou 2 ml/sec. Les reins doivent ensuite transformer ces 180 L de ltrat en environ 1 à 2 L d’urine par jour. Bien qu’une quantité de 180 L de ltrat soit formée, 99 % de celui-ci est réabsorbé dans l’organisme et seulement 1 % est excrété dans l’urine. Les trois processus nécessaires à la transformation des 180 L de ltrat en 1 à 2 L d’urine sont : 1) la ltration glomérulaire ; 2) la réabsorption tubulaire ; 3) la sécrétion tubulaire (Halperin, Kamel & Goldstein, 2010).

Filtration glomérulaire La ltration glomérulaire est la première étape de la formation de l’urine. Elle dépend du débit sanguin glomérulaire, de la pression hydrostatique glomérulaire et hydrostatique capsulaire, ainsi que de la pression oncotique plasmatique (Munger et al., 2011). Le débit sanguin glomérulaire est le premier facteur – et le plus important – qui a une inuence sur la ltration glomérulaire. Il est assuré par un mécanisme d’autorégulation dans les reins (Munger et al., 2011). Ce mécanisme contribue au maintien du débit sanguin rénal et de la perfusion rénale à des taux constants aussi longtemps que la pression artérielle moyenne (P.A.M.) demeure entre 80 et 180 mm Hg. Cependant, les artérioles afférentes et efférentes des glomérules ont la capacité d’augmenter ou de réduire le débit sanguin glomérulaire en se dilatant ou en se contractant de manière sélective. Ainsi, lorsque la P.A.M. est réduite, l’artériole afférente se dilate, et l’artériole efférente se contracte an de conserver une pression plus élevée dans le lit capillaire glomérulaire et de maintenir un DFG de 125 ml/min. La capacité des reins d’autoréguler le débit sanguin diminue lorsque la P.A.M. devient inférieure à 80 mm Hg (p. ex., en cas d’hémorragie ou de déshydratation grave) ou supérieure à 180 mm Hg. La ltration glomérulaire s’arrête complètement lorsque la P.A.M. chute en dessous d’environ 55 mm Hg. Le deuxième facteur qui inue sur la ltration glomérulaire est le gradient entre la pression hydrostatique glomérulaire (soit la pression du sang artériel contre les parois des capillaires glomérulaires) et la pression hydrostatique capsulaire (soit la pression exercée par le liquide et les solutés à l’intérieur de la capsule glomérulaire). En général, la pression hydrostatique glomérulaire est d’environ 30 à 35 mm Hg alors que la pression hydrostatique capsulaire avoisine les 10 à 15 mm Hg. Ainsi, une augmentation de la pression hydrostatique capsulaire réduit la ltration, car elle crée une résistance aux mouvements des solutés et de l’eau. Par exemple, si les tubules des néphrons sont obstrués par des débris cellulaires, une pression en sens inverse est exercée dans la chambre glomérulaire, ce qui a comme conséquence de réduire le DFG sous les 125 ml/min et d’entraîner une diminution de la quantité d’urine produite. Le troisième facteur qui a une inuence sur le DFG est le gradient de pression oncotique plasmatique.

Lorsque la pression oncotique dans le sang diminue (p. ex., en présence d’une affection associée à de faibles taux de protéines plasmatiques), la pression dans le lit capillaire glomérulaire décroît. Une quantité réduite de liquide et de solutés quitte les capillaires et entre dans la chambre glomérulaire, car le gradient de pression oncotique plasmatique y est moins favorable. Il y a tout de même une ltration, mais elle est inférieure aux 125 ml/min normalement attendus. Une réduction de la quantité d’urine est alors enregistrée. La mesure du DFG permet d’évaluer l’état du système de ltration glomérulaire. Pour l’estimer, il faut mesurer la clairance d’une substance librement ltrée par le glomérule, mais sans réabsorption ni sécrétion tubulaire importante, telle l’inuline. Malgré sa très grande précision, la clairance de l’inuline n’est que très rarement utilisée en clinique pour évaluer le DFG puisqu’elle requiert une perfusion intraveineuse. Il est beaucoup plus facile de mesurer la clairance de la créatinine. La créatinine est un produit de dégradation fabriqué par les muscles. Librement ltrée par les glomérules, elle est minimalement réabsorbée ou sécrétée par les tubules. Comme la grande majorité de la créatinine produite par l’organisme est excrétée par les reins, la clairance de la créatinine représente un bon moyen d’évaluation et de suivi du DFG. Sa valeur normale se situe entre 110 et 125 ml/min. Ainsi, une valeur de clairance de la créatinine en dessous de 100 ml/min traduit un DFG inférieur à 100 ml/min et indique une diminution de la fonction rénale. Toutefois, dès que le DFG devient inférieur à 60 ml/min, la proportion de créatinine excrétée par les tubules n’est plus négligeable, et la clairance de la créatinine surestime la ltration glomérulaire. Certaines formules mathématiques peuvent être utilisées pour pallier cette difculté d’interprétation telles que la formule de Cockcroft et Gault ou la formule MDRD (Modication of the Diet in Renal Disease) (Quérin et al., 2012). Un DFG inférieur à 20 ml/min est souvent associé à des symptômes d’insufsance rénale (Quérin et al., 2012) 26 .

26 Les manifestations cliniques ainsi que les examens para­ cliniques permettant de diagnostiquer une insuf­ sance rénale aiguë sont traités dans le chapitre 26, Troubles rénaux et approche thérapeutique.

Réabsorption tubulaire Le second processus entrant en jeu dans la formation de l’urine est la réabsorption tubulaire – le mouvement d’une substance de la lumière tubulaire jusqu’aux capillaires péritubulaires, c’est-à-dire du ltrat vers le sang. Grâce à la réabsorption tubulaire, de 178 à 179 L de liquide (eau) et de solutés ltrés par les glomérules retournent dans la circulation, ce qui permet de réduire les 180 L de ltrat à 1 à 2 L d’urine par jour. La réabsorption tubulaire a principalement lieu dans le tubule contourné proximal et survient grâce à des mécanismes de transport passif et actif.

Transport passif Le transport passif des substances dans les tubules des néphrons ne requiert pas d’énergie et dépend des variations des gradients de concentration. L’osmose et la diffusion représentent les principaux mécanismes de transport passif dans les néphrons. Chapitre 24

Anatomie et physiologie du système rénal

789

24

L’osmose constitue le mouvement de l’eau d’une zone où la concentration de solutés est plus faible vers une zone où elle est plus élevée. L’osmose survient chaque fois que la concentration de solutés d’un côté de la membrane semi-perméable des tubules est plus élevée par rapport à l’autre côté. Par exemple, lorsque la concentration de sodium est plus importante dans les capillaires péritubulaires que dans les tubules, l’eau est transportée passivement des tubules vers les capillaires pour équilibrer le gradient de concentration. La diffusion est le mouvement spontané des solutés d’une zone de forte concentration vers une zone de faible concentration. Ce mouvement se fait à travers la membrane semi-perméable des tubules. Par exemple, lorsque l’eau est réabsorbée dans la circulation sanguine générale, la concentration d’urée dans les tubules augmente. L’urée est alors diffusée dans la membrane semi-perméable du tubule, et elle entre de nouveau dans le sang pour équilibrer le gradient de concentration. Cependant, toutes les substances, en particulier les molécules de taille importante, ne traversent pas la membrane des tubules.

Transport actif Le transport actif de substances, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur des tubules, est un mouvement contre le gradient électrochimique. Ce mouvement requiert de l’énergie, sous forme d’adénosine triphosphate (ATP). Dans le mécanisme de transport actif, la substance se lie à un transporteur, puis se diffuse à travers la membrane tubulaire semi-perméable. Les substances soumises à une réabsorption active comprennent le glucose, les acides aminés, le calcium, le potassium et le sodium. La réabsorption des substances dépend de la disponibilité des transporteurs, de leur saturation et de l’énergie disponible. La concentration seuil d’une substance est un paramètre important dans le transport actif. La valeur de concentration seuil représente le taux plasmatique auquel la substance n’apparaît pas dans l’urine Munger et al., 2011). Lorsque la quantité d’une substance donnée dans le plasma dépasse la concentration seuil, des particules de cette substance apparaissent dans l’urine, car elles ne peuvent pas être réabsorbées. Par exemple, la concentration sérique seuil de glucose est d’environ 10 millimoles par litre (mmol/L). À cette concentration ou sous celle-ci, tout le glucose est activement réabsorbé des tubules rénaux vers la circulation ; aucun glucose n’est excrété dans l’urine. Toutefois, lorsque la concentration sérique seuil de glucose dépasse 10 mmol/L, une certaine quantité de glucose ne peut être réabsorbée par les tubules ; celle-ci se trouve alors excrétée dans l’urine.

Sécrétion tubulaire Le troisième processus qui entre en jeu dans la formation de l’urine est la sécrétion tubulaire, c’està-dire le transport des substances des capillaires péritubulaires vers la lumière des tubules. La sécrétion tubulaire permet à l’organisme d’éliminer toute substance en quantité excessive ; elle survient par diffusion et transport actif et elle est tributaire des

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Partie 5

Système rénal

besoins de l’organisme. Par exemple, le potassium, l’hydrogène, les substances médicamenteuses ou les métabolites des médicaments sont sécrétés dans les tubules an de réduire leur concentration dans l’organisme (Quérin et al., 2012). La sécrétion tubulaire joue un rôle moins important que la réabsorption tubulaire en ce qui concerne la transformation du ltrat en urine.

24.2.2

Autres fonctions des reins

La formation de l’urine par les processus décrits précédemment représente l’une des principales fonctions des reins. Ceux-ci contribuent également à maintenir l’homéostasie grâce à d’autres fonctions essentielles, notamment l’élimination des produits de dégradation métabolique, la régulation de la P.A., la régulation de la production d’érythrocytes, l’activation de la vitamine D, la synthèse des prostaglandines, l’équilibre acidobasique, l’équilibre liquidien et l’équilibre électrolytique.

Élimination des produits de dégradation métabolique Des produits de dégradation sont générés au cours des processus métaboliques qui ont lieu dans l’organisme. Ces produits de dégradation métabolique sont ensuite ltrés de manière sélective à l’extérieur de la circulation par les reins. L’urée, l’acide urique et la créatinine sont des sous-produits du métabolisme des protéines que les reins ltrent à l’extérieur de la circulation et excrètent dans l’urine. Les acides métaboliques, la bilirubine et les métabolites des médicaments sont également éliminés comme produits de dégradation métabolique par les reins (Quérin et al., 2012). L’urée et la créatinine sont les principaux produits de dégradation métabolique évalués an de déterminer la fonction rénale.

Urée L’urée, dont la valeur normale dans le sang est de 2,5 à 8,0 mmol/L, est une molécule formée de 45 % d’azote dit uréique, ou BUN (blood urea nitrogen). La valeur du BUN était auparavant calculée à partir du dosage de l’urée, mais il n’est plus utilisé ni dans le système international d’unités (SI) ni au Québec. Néanmoins, il est encore employé aux États-Unis (Quérin et al., 2012). La valeur de l’urée sérique représente le produit nal du métabolisme des protéines et est due à la dégradation de l’ammoniac dans le foie. La quantité d’urée dans le sang est inuencée par la dégradation des protéines, la quantité de protéines absorbées dans le régime alimentaire, le volume de liquide et l’excrétion rénale. L’organisme forme environ de 25 à 28 g d’urée par jour. L’être humain produit une quantité plus importante d’urée si sa consommation en protéines est élevée ou s’il se trouve dans un état catabolique (baisse des réserves protéiniques de l’organisme). L’urée est principalement excrétée dans l’urine ; par conséquent, si les reins sont incapables de la ltrer hors du sang, elle s’accumule dans celui-ci.

Créatinine La créatinine est un produit nal du métabolisme musculaire. En règle générale, elle est entièrement ltrée par les reins et minimalement réabsorbée par ceux-ci. Elle est donc excrétée dans l’urine. Tout comme l’urée, la créatinine s’accumule lorsque les reins deviennent incapables de la ltrer hors du sang. Ainsi, le taux de créatinine dans le sang constitue un indicateur de la fonction rénale.

augmentant ainsi le volume sanguin en circulation et la pression sanguine. Lorsque la P.A. augmente, le système juxtaglomérulaire réduit la libération de rénine. Le SRAA devient alors moins actif. La FIGURE 24.6 résume les mécanismes principaux du SRAA.

Régulation de la pression artérielle Les reins régulent la pression artérielle (P.A.) au moyen de leur action sur le débit sanguin, par la macula densa, en équilibrant la quantité de liquide à l’intérieur de l’organisme, ainsi que par l’intermédiaire du système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA), en modiant la résistance vasculaire périphérique. La macula densa est une région cellulaire spécialisée située le long de la paroi du tubule contourné distal. Le SRAA intervient à partir des cellules juxtaglomérulaires, localisées dans l’appareil juxtaglomérulaire, une région cellulaire spécialisée située autour de l’artériole afférente, là où le tubule contourné distal et l’artériole afférente entrent en contact (Kurtz, 2011 ; Perlewitz, Persson & Patzak, 2012) FIGURE 24.5. La macula densa régule le mécanisme de rétroaction du tubule contourné distal vers l’artériole afférente, et ce, pour maîtriser le débit sanguin à l’intérieur de cette dernière (Kurtz, 2011). Une augmentation de la quantité de ltrat tubulaire dans les cellules spécialisées de la macula densa provoque la contraction de l’artériole afférente, ce qui entraîne une réduction du DFG et de la quantité de ltrat produite. À l’inverse, une réduction de la quantité de ltrat tubulaire entraîne la dilatation de l’artériole afférente et la hausse du DFG, d’où l’augmentation de la quantité de ltrat produite. L’appareil juxtaglomérulaire synthétise, entrepose et libère la rénine (Perlewitz et al., 2012). La rénine, une enzyme protéolytique produite par les cellules granuleuses de l’appareil juxtaglomérulaire, est libérée en réponse à la réduction de la pression de perfusion rénale dans le glomérule, à la stimulation sympathique des reins et à la réduction de la quantité de sodium dans le tubule contourné distal (Perlewitz et al., 2012). La rénine pénètre dans la lumière de l’artériole afférente et est libérée dans la circulation générale. Elle convertit l’angiotensinogène en angiotensine I, laquelle se trouve par la suite transformée en angiotensine II par l’action de l’enzyme de conversion de l’angiotensine lorsque le sang circule dans les poumons. L’angiotensine II est un peptide qui provoque la vasoconstriction des artérioles afférentes et efférentes, ce qui en retour augmente la résistance vasculaire et, par conséquent, assure le maintien de la pression hydrostatique dans les reins. L’angiotensine II, un vasoconstricteur puissant, accroît également la résistance vasculaire systémique et, ainsi, augmente la P.A. Enn, l’angiotensine II stimule la libération d’aldostérone dans la corticosurrénale. L’aldostérone agit sur le tubule contourné distal pour faciliter la réabsorption du sodium et de l’eau,

FIGURE 24.5 Emplacement de la macula densa et de l’appareil juxtaglomérulaire à proximité du néphron.

24

FIGURE 24.6 Système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA). Na+ : sodium ; H2O : eau.

Chapitre 24

Anatomie et physiologie du système rénal

791

Régulation de la production d’érythrocytes Les reins sécrètent de l’érythropoïétine, une hormone qui stimule la production d’érythrocytes (globules rouges sanguins) dans la moelle osseuse. La libération d’érythropoïétine découle de la réduction d’oxygène dans les reins, notamment dans les cas d’anémie ou d’hypoxie prolongée (Moore & Bellomo, 2011). L’hormone demeure active environ 24 heures après sa libération et stimule l’augmentation de la production d’érythrocytes par la moelle osseuse. Une baisse importante de l’érythropoïétine, par exemple chez les sujets atteints d’insufsance rénale, provoque une anémie grave, laquelle est traitée par l’administration d’érythropoïétine synthétique ou par transfusion sanguine (Moore & Bellomo, 2011 ; Ramanath, Gupta, Jain et al., 2012).

Activation de la vitamine D Les reins transforment par hydroxylation la vitamine D alimentaire en une forme active pouvant être utilisée par l’organisme. L’hydroxylation est une réaction chimique qui consiste à ajouter un groupement hydroxyle (-OH) à une molécule. Sous sa forme active, la vitamine D stimule l’absorption du calcium par les intestins, ainsi que sa réabsorption par les tubules rénaux. Grâce à ce processus, l’organisme peut compter sur la présence de calcium pour assurer le métabolisme osseux et dentaire et toutes les fonctions liées à la coagulation sanguine. En présence d’insufsance rénale, l’organisme est incapable de transformer la vitamine D alimentaire en sa forme active. Le calcium se trouve alors faiblement absorbé, et des affections osseuses et des troubles immunologiques surviennent (Kandula, Dobre, Schold et al., 2011). Une carence en vitamine D peut donc entraîner des modications au système immunitaire, augmentant ainsi le risque d’infection chez les personnes atteintes de maladies rénales chroniques (Sterling, Eftekhari, Girndt et al., 2012).

Synthèse des prostaglandines Les prostaglandines sont des substances vasoactives qui dilatent ou contractent les artères. Les reins produisent deux types de prostaglandines vasodilatatrices, les prostaglandines E (PGE 1) et les prostaglandines I (PGI2), ainsi qu’un type de prostaglandines vasoconstrictrices, les prostaglandines F (PGF2) (Wang, Deng, Yue et al., 2010). Les prostaglandines produites par les reins exercent uniquement une action sur le débit sanguin local ; elles ont peu, voire aucun effet sur le débit sanguin général. Les principales prostaglandines agissent sur l’artériole afférente pour assurer le maintien du débit sanguin, ainsi que la perfusion et la ltration glomérulaires. Les effets vasodilatateurs des prostaglandines E et I contrent aussi les effets de l’angiotensine II et du système nerveux sympathique sur les reins et assurent le maintien du débit sanguin vers les reins en dépit de la vasoconstriction systémique. La PGF2 est une autre prostaglandine qui peut avoir un effet sur la fonction

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Partie 5

Système rénal

rénale, car elle contribue à la vasoconstriction s’il y a diminution du volume liquidien. Le TABLEAU 24.2 présente une liste des effets des prostaglandines.

Équilibre acidobasique Les reins participent activement à l’équilibre acidobasique en réabsorbant ou en excrétant les acides et les bases dans les tubules rénaux. Par exemple, le bicarbonate, qui est le principal tampon du sang, est réabsorbé par les tubules, et l’hydrogène, un acide organique puissant, est sécrété dans les tubules. Par rapport aux poumons, les tubules rénaux ne régulent pas aussi rapidement l’équilibre acidobasique. Par conséquent, les reins s’occupent au quotidien de l’équilibre acidobasique et ne participent pas aux situations urgentes qui requièrent une réponse physiologique immédiate.

Équilibre liquidien La régulation des quantités totales d’eau dans l’organisme constitue l’une des plus importantes fonctions des reins, et elle est capitale à l’homéostasie. En l’absence d’une fonction rénale adéquate, le volume de liquide s’accroît dangereusement et menace l’homéostasie. De manière similaire, si les reins sont incapables de conserver une quantité adéquate de liquide, un décit important du volume liquidien survient, entravant tout autant l’homéostasie.

Compartiments liquidiens L’eau compte pour 45 à 58 % du poids corporel chez la femme et pour 60 % du poids corporel chez l’homme (Rhoda, Porter & Quintini, 2011). L’augmentation des graisses dans le corps entraîne une réduction du pourcentage de liquide, car les graisses contiennent moins d’eau que les muscles. Le liquide présent dans l’organisme est contenu dans des espaces (ou compartiments) internes distincts. Ces compartiments sont séparés les uns des autres par des membranes semi-perméables. Celles-ci sont dotées d’ouvertures (pores) visant à assurer le passage des molécules de taille et de poids moléculaires adéquats et à prévenir celui des molécules plus grandes et plus lourdes. Grâce à cette membrane semi-perméable, le mouvement du liquide entre les compartiments est dynamique et constant.

TABLEAU 24.2

Effets des prostaglandines

PROSTAGLANDINES

EFFETS

PGE1 et PGI2

• Vasodilatation • Augmentation de l’excrétion de sodium et d’eau • Stimulation de la libération de rénine

PGF2

• Bronchoconstriction • Vasoconstriction • Contraction des muscles lisses

Le corps dispose de deux principaux compartiments liquidiens : un compartiment intracellulaire et un compartiment extracellulaire FIGURE 24.7A. Le compartiment intracellulaire correspond au liquide présent dans chacune des cellules, lequel compte pour environ 40 % du poids corporel total (Rhoda et al., 2011). Le liquide restant se trouve à l’extérieur des cellules et compose le compartiment extracellulaire. Ce dernier se divise en deux souscompartiments distincts : le compartiment intravasculaire et le compartiment interstitiel. Le compartiment intravasculaire, qui se rapporte au liquide présent dans les vaisseaux sanguins, compte pour environ 5 % du poids corporel total. Le compartiment interstitiel, qui se rapporte au liquide dans l’espace tissulaire à l’extérieur des cellules et des vaisseaux sanguins, compte quant à lui pour environ 15 % du poids corporel total (Rhoda et al., 2011). Les électrolytes sont des substances dont les molécules se décomposent en particules atomiques porteuses d’une charge électrique, les ions, en présence d’eau. Les ions en solution dans le liquide permettent à ce dernier de faire passer un courant électrique. Il existe un équilibre entre les cations (ions chargés positivement), les anions (ions chargés négativement) et les autres substances qui se trouvent dans les compartiments liquidiens. Le maintien de cet équilibre est important pour assurer le fonctionnement adéquat de tous les systèmes de l’organisme. Les électrolytes sont présents en différentes quantités dans chacun des compartiments liquidiens FIGURE 24.7B.

Mouvements liquidiens Il est important de bien connaître les structures qui contiennent ou qui régulent le liquide et les

électrolytes, ainsi que les forces physiologiques gouvernant leurs mouvements et leur équilibre. Il faut également comprendre les facteurs qui inhibent ou qui augmentent le transfert du liquide et des électrolytes.

| Tonicité | La tonicité désigne la concentration du liquide dans les divers compartiments liquidiens de l’organisme. La tonicité d’un liquide est exprimée par son osmolalité, soit la mesure du nombre de particules (solutés) présentes dans une unité de poids de solvant. Sa valeur est exprimée en milliosmoles par kilogramme (mOsm/kg) d’eau. Selon sa tonicité, ou osmolalité, le liquide peut être qualié d’isotonique, d’hypotonique ou d’hypertonique. Un liquide isotonique présente à peu près la même concentration de solutés que le plasma sanguin. Cette concentration détermine la pression osmotique, soit la quantité de pression requise pour freiner le débit osmotique d’eau. Les valeurs de l’osmolalité sérique varient normalement de 275 à 295 mOsm/kg (les valeurs de l’osmolalité de l’urine, quant à elles, peuvent varier de 50 à 1200 mOsm/kg). Toutefois, il est possible que les laboratoires des différents centres hospitaliers utilisent des valeurs légèrement différentes (p. ex., de 280 à 300 mOsm/kg) (Rhoda et al., 2011). Toute valeur qui est supérieure à 295 mOsm/kg indique une concentration trop élevée de solutés ou une teneur en eau trop faible. Cet état est appelé décit hydrique. Toute valeur qui est inférieure à 275 mOsm/kg indique une quantité de solutés trop faible pour la quantité d’eau ou une quantité d’eau trop importante pour la quantité de solutés. Cet état est appelé excès hydrique. Les deux états sont graves sur le plan clinique.

24

FIGURE 24.7 Répartition et composition des compartiments liquidiens. A Compartiments liquidiens. B Électrolytes par compartiment liquidien. K + : potassium ; Mg++ : magnésium ; Na+ : sodium ; HPO4– – : acide phosphorique ; HCO3– : bicarbonate ; Cl – : chlore ; SO4– – : sulfate.

Chapitre 24

Anatomie et physiologie du système rénal

793

Les cellules sont affectées par l’osmolalité du liquide qui les entoure FIGURE 24.8. Un liquide dont l’osmolalité est équivalente à celle de l’intérieur de la cellule est dit isotonique. La cellule conserve alors sa consistance et n’absorbe pas le liquide qui l’entoure ni ne libère de liquide dans son environnement immédiat. Un liquide hypertonique (hyperosmolaire) contient une concentration plus élevée de solutés que celle présente à l’intérieur de la cellule, ce qui entraîne la libération de liquide (eau) à l’extérieur de celle-ci. Dans une telle situation, une quantité trop importante de liquide peut être libérée, ce qui provoque un étrissement de la cellule (crénelure). Un liquide hypotonique (hypo-osmolaire), quant à lui, contient une concentration moindre de solutés par rapport à celle présente à l’intérieur de la cellule, ce qui entraîne l’absorption de liquide (eau) à l’intérieur de celle-ci. Dans une telle situation, une quantité trop importante de liquide peut pénétrer dans la cellule, favorisant ainsi le gonement et la destruction de cette dernière (hémolyse).

| Pression hydrostatique | La force de la contraction du ventricule gauche du cœur propulse le sang à travers le système circulatoire, ce qui crée une pression du sang sur les parois des vaisseaux. Cette pression hydrostatique favorise le déplacement du liquide et des substances dissoutes vers les espaces interstitiels par un processus de ltration (mouvement du liquide et des substances d’une région à forte pression vers une région à basse pression). Si aucune force ne s’opposait à la pression hydrostatique, le liquide quitterait l’espace intravasculaire jusqu’à ce que ce dernier soit totalement vide. Tandis que la pression hydrostatique favorise le mouvement du liquide et des électrolytes à l’extérieur du compartiment intravasculaire, la pression osmotique colloïdale du plasma retient le liquide et les substances dans l’espace intravasculaire. | Pression osmotique | La pression osmotique est générée par les solutés et d’autres substances (p. ex.,

l’albumine, la globuline, le brinogène) en suspension dans le liquide. La pression osmotique colloïdale est créée principalement par la présence de protéines plasmatiques dans l’espace intravasculaire. Les protéines plasmatiques tirent sur les molécules d’eau et, par voie de conséquence, produisent une pression osmotique, qui a pour effet de retenir le liquide à l’intérieur du compartiment intravasculaire. Cette pression est maintenue parce que les protéines sont grosses et ne peuvent être expulsées ou transportées à travers la membrane semi-perméable, à moins bien sûr que la perméabilité de la membrane ne soit altérée par la maladie ou la présence de lésions (p. ex., des brûlures, des infections). De manière similaire, le contenu en solutés et en protéines de l’espace interstitiel entraîne une pression osmotique colloïdale interstitielle. Puisqu’une réduction des protéines sériques abaisse la pression osmotique dans l’espace intravasculaire, la pression osmotique interstitielle est alors supérieure à la pression intravasculaire. Par conséquent, le liquide tend à sortir de l’espace vasculaire vers l’espace interstitiel, ce qui favorise l’apparition d’œdème.

| Diffusion, osmose et transport actif | Les processus de diffusion, d’osmose et de transport actif permettent d’atteindre l’équilibre dans les divers compartiments liquidiens. Ces trois processus sont constamment à l’œuvre dans les cellules des tubules rénaux et les autres parties de l’organisme pour faciliter le mouvement de l’eau et des solutés et, ainsi, maintenir l’homéostasie entre les compartiments intracellulaires et extracellulaires. | Mouvements de l’eau | Les effets combinés de la contraction ventriculaire (pression hydrostatique), de la pression osmotique colloïdale dans l’espace intravasculaire, de la concentration en solutés du liquide extracellulaire et du liquide intracellulaire entraînent un mouvement constant entre les liquides extravasculaire et intracellulaire des différents compartiments (Rhoda et al., 2011). Au nal, un état d’équilibre est atteint dans les compartiments liquidiens. Une augmentation du volume plasmatique provoque une hausse de la pression hydrostatique capillaire, dirigeant le liquide dans l’espace interstitiel et causant de l’œdème. Une réduction du volume plasmatique, quant à elle, dirige le liquide de l’espace interstitiel vers l’espace vasculaire, car la pression hydrostatique interstitielle est alors supérieure à la pression hydrostatique capillaire.

Facteurs régulant l’équilibre liquidien FIGURE 24.8

Effets de la tonicité (osmolalité) du liquide. A Solution isotonique. La concentration extracellulaire de solutés est semblable à la concentration intracellulaire. Il n’y a aucun mouvement d’eau à l’intérieur ou à l’extérieur de la cellule. B Solution hypertonique. La concentration extracellulaire de solutés est supérieure à la concentration intracellulaire. L’eau se déplace de la cellule vers le compartiment extracellulaire. C Solution hypotonique. La concentration extracellulaire de solutés est inférieure à la concentration intracellulaire. L’eau se déplace du compartiment extracellulaire vers la cellule.

794

Partie 5

Système rénal

| Hormone antidiurétique et aquaporines| L’hormone antidiurétique (ADH), également appelée vasopressine, est sécrétée par l’hypophyse et joue un rôle essentiel dans la régulation du volume liquidien extracellulaire. Les récepteurs osmotiques (récepteurs de l’eau), situés dans l’hypothalamus, envoient des signaux pour libérer l’ADH. Lorsque l’osmolalité sérique augmente au-dessus de 285 mOsm/kg (valeurs normales : de 275 à 295 mOsm/kg), l’ADH

est libérée et transportée de la circulation vers les néphrons. Les tubules contournés proximaux, les tubules contournés distaux et les tubules collecteurs des reins modient alors leur perméabilité à l’eau par l’action de trois aquaporines: 1) l’aquaporine-2 (AQP2) ; 2) l’aquaporine-3 (AQP3) ; 3) l’aquaporine-4 (AQP4) (Knepper, 2012). L’ADH agit par l’intermédiaire du récepteur de l’aquaporine-2 du tubule contourné distal et des tubules collecteurs pour réabsorber l’eau dans l’organisme (Knepper, 2012). En somme, l’action de l’ADH dans les reins est principalement médiée par les aquaporines. Les valeurs normales de l’osmolalité urinaire varient de 500 à 800 mOsm/kg. L’ENCADRÉ 24.1 présente plusieurs autres mécanismes entrant en jeu dans la libération de l’ADH. En plus des stimulus habituels, la présence d’un stress émotif ou physique important peut déclencher la libération de l’ADH par le système limbique entourant l’hypothalamus (Quérin et al., 2012).

|Aldostérone | L’ENCADRÉ 24.2 présente les différents facteurs qui favorisent la libération d’aldostérone, une hormone synthétisée et sécrétée par les glandes surrénales. La relation qui existe entre le sodium et l’eau contribue de manière importante à l’inuence du SRAA sur la régulation du volume de l’eau par l’organisme FIGURE 24.6. Une réduction du volume vasculaire stimule la libération de rénine. Cette dernière permet la formation de l’angiotensine, laquelle est à son tour transformée en un vasoconstricteur puissant, l’angiotensine II. Celle-ci stimule la sécrétion d’aldostérone par les grandes surrénales, ce qui contribue à la réabsorption du sodium de la lumière tubulaire vers la circulation par les tubules contournés distaux. L’angiotensine II contracte également les vaisseaux rénaux : elle réduit le débit sanguin rénal et la quantité de ltrat glomérulaire disponible et envoie un signal au lobe postérieur de l’hypophyse pour qu’il libère l’ADH. Les deux systèmes s’activent ainsi mutuellement pour maintenir l’équilibre liquidien et électrolytique.

ENCADRÉ 24.1

Facteurs stimulant la libération d’hormone antidiurétique

• • • •

Hypertonicité (hyperosmolalité) du liquide extracellulaire Hypovolémie ↑ température corporelle Médicaments – Agents antinéoplasiques – ß-bloquants – Hypoglycémiants oraux – Opioïdes • Stress émotif ou physique important Source : Adapté de Quérin et al. (2012)

| Peptides natriurétiques | La ENCADRÉ 24.2 Facteurs stimulant la famille des peptides natriulibération d’aldostérone rétiques comprend trois peptides de structure semblable : 1) le peptide natriu• Hypovolémie • Hyperkaliémie rétique auriculaire (PNA) ; • Hyponatrémie • Stress émotif ou physique 2) le peptide natriurétique cérébral ou de type B (PNB Source : Adapté de Quérin et al. (2012) ou brain natriuretic peptide [BNP]) ; 3) le peptide natriurétique de type C (PNC). ENCADRÉ 24.3 Facteurs stimulant la La synthèse des PNA a libération des peptides une inuence sur la régulanatriurétiques auriculaires* tion du liquide et des électrolytes. Ces hormones sont sécrétées par les cellules • Hypernatrémie • ↑ précharge et postcharge des oreillettes du cœur en cardiaques • Hypervolémie réponse à une hypernatré• ↑ résistance vasculaire • Vasoconstriction mie, à la stimulation des systémique • ↓ débit cardiaque mécanorécepteurs musculaires (en raison du volume * Plusieurs facteurs stimulant la libération des PNA inuencent également liquidien accru) et à l’augla libération des PNB et des PNC. mentation de la pression Sources : Adapté de Brooker (2001) ; Moe & Sheth (2001) cardiaque ENCADRÉ 24.3. Les PNA ont également une inuence sur l’équilibre eau/sodium en inhibant la production d’aldostérone et d’ADH, favorisant ainsi la vasodilatation et augmentant l’excrétion de sodium et d’eau par les tubules collecteurs des reins. Les effets physiologiques des PNA comprennent aussi la ré duction de la surcharge li quidienne par diurèse, la réduction de la charge de travail cardiaque en raison de la réduction de la précharge et de la postcharge cardiaques. Le PNB se trouve dans les cellules musculaires du cœur, notamment dans les oreillettes en l’absence de pathologie. Cependant, il peut être présent en quantité importante dans les cellules des ventricules dans le cas de certaines situations pathologiques comme l’insufsance cardiaque. Comme le PNA, il possède un pouvoir natriurétique. Le PNC est, pour sa part, dérivé des cellules endothéliales, et, bien que ses fonctions soient moins bien connues, il jouerait un rôle dans la régulation de la fonction vasculaire (Moe & Sheth, 2001).

Équilibre électrolytique Malgré les variations importantes de l’ingestion quotidienne d’eau et d’électrolytes par une personne, l’une des fonctions importantes des reins est d’assurer un maintien constant du volume, de la tonicité et de la composition du plasma et des autres liquides corporels (Quérin et al., 2012).

Potassium Principal électrolyte intracellulaire, le potassium a la responsabilité de nombreuses fonctions physiologiques ENCADRÉ 24.4. La diffusion et le transport actif du potassium à travers la membrane cellulaire aident à maintenir l’équilibre potassique, comme pour de nombreux autres solutés. Le potassium sort Chapitre 24

Anatomie et physiologie du système rénal

795

24

de la cellule par diffusion, se déplaçant vers la zone cellulaire ayant la plus faible concentration, mais Valeurs sériques normales il doit retourner à l’inté3,5-5,0 mmol/L (ou milliéquivalent par litre [mEq/L]) rieur de celle-ci par transFonctions port actif pour assurer la • Transmission de l’inux nerveux stabilité cellulaire (Rhoda • Tonicité (osmolalité) intracellulaire et al., 2011). L’une des fonctions les plus importantes • Réactions enzymatiques du potassium – celle de • Équilibre acidobasique contribuer à la conduc• Contractilité du myocarde, des muscles squelettiques tion de l’inux nerveux et et des muscles lisses à la contraction des muscles – est accomplie par son Source : Adapté de Quérin et al. mouvement à travers la membrane cellulaire. Le tube digestif et la peau excrètent de faibles quantités de potassium. Toutefois, le rein est le principal organe qui s’occupe de la gestion des réserves de cet électrolyte (Rhoda et al., 2011). D’une part, la majeure partie du potas26 sium ltré est réabsorbé par les tubules contournés Les mécanismes d’action proximaux et les branches ascendantes de l’anse du des divers diurétiques sont néphron. D’autre part, le potassium sécrété passiveexpliqués dans le chapitre 26, ment par les tubules contournés distaux et les Trouble rénaux et approche tubules collecteurs, en fonction des besoins de l’orgathérapeutique. nisme, est excrété dans l’urine (Quérin et al., 2012). La réabsorption et la sécrétion du potassium sont inuencées par de nombreux facteurs TABLEAU 24.3. Une proportion de 85 % des 100 mEq de potassium ingérés et absorbés chaque jour est réabsorbée dans les reins avant l’arrivée dans le tubule contourné distal, tandis que le reste est habituellement excrété (Gouroux, 2009 ; Quérin et al., 2012). En dépit des besoins variés de l’organisme en électrolytes et des fonctions distinctes de ces derniers, le potassium et le sodium demeurent en constante compétition (Quérin et al., 2012). Comme ces deux électrolytes sont des cations, l’un intracellulaire, ENCADRÉ 24.4

Fonctions du potassium

TABLEAU 24.3

Partie 5

Sodium Le sodium est l’électrolyte extracellulaire le plus abondant dans l’organisme. Il joue un rôle dans l’équilibre liquidien et a une inuence sur la quantité d’eau retenue ou excrétée par les reins (Rhoda et al., 2011). Le sodium est réabsorbé le long du néphron à partir du ltrat glomérulaire. Il s’agit d’un processus métabolique actif génétiquement régulé (Bernstein & Ellison, 2011). L’administration de certains diurétiques est associée à l’inhibition de l’absorption du sodium et, par conséquent, à son élimination dans l’urine (Bernstein & Ellison, 2011) 26 . Le sodium joue un rôle essentiel dans la transmission de l’inux nerveux par la pompe à sodium (ou mécanisme de transport actif) à l’échelle cellulaire. Enn, le sodium est essentiel à de nombreuses autres fonctions physiologiques ENCADRÉ 24.5. Le corps humain est doté d’un système complexe de mécanismes de protection et de rétroaction qui vise à préserver les taux de sodium dans le liquide extracellulaire. L’équilibre sodique est régulé par les reins, les glandes surrénales (sécrétion d’aldostérone) et le lobe postérieur de l’hypophyse (sécrétion d’ADH). La réabsorption du sodium survient en majeure partie dans le tubule contourné proximal, sous l’inuence de l’aldostérone. En raison de la sensibilité extrême du mécanisme de rétention

Facteurs ayant une inuence sur la réabsorption et la sécrétion du potassium

FACTEUR

EXPLICATION

Équilibre sodique

• Une carence en sodium entraîne une réabsorption de potassium.

Équilibre acidobasique

• L’acidose favorise l’entrée d’hydrogène dans la cellule et la sortie de potassium hors de la cellule, le potassium étant excrété dans l’urine.

Diurétiques

• Diurétiques de l’anse : diminution de la réabsorption de potassium dans l’anse du néphron et augmentation de la sécrétion de potassium dans le tubule contourné distal. • Diurétiques thiazidiques : augmentation de la sécrétion de potassium dans le tubule contourné distal. • Diurétiques épargneurs de potassium : diminution de la sécrétion de potassium dans le tubule contourné distal et dans le tubule collecteur.

Pertes gastro-intestinales

• Les vomissements et les aspirations gastriques peuvent favoriser la perte de potassium.

Insuline

• L’insuline favorise le mouvement du potassium dans la cellule.

Adrénaline

• L’adrénaline augmente la réabsorption du potassium à partir du tubule contourné distal.

Source : Adapté de Quérin et al. (2012)

796

l’autre extracellulaire, ils doivent demeurer en équilibre pour préserver la neutralité électrique de la membrane cellulaire. Par conséquent, lorsque le taux de sodium est élevé, le taux de potassium baisse, et vice-versa. En présence d’aldostérone, les tubules excrètent du potassium, mais retiennent le sodium. Une perte de potassium peut donc survenir même si l’organisme en a besoin. Si les réserves cellulaires de potassium sont faibles, il en ira souvent de même pour les autres électrolytes intracellulaires comme le magnésium et le phosphore.

Système rénal

du sodium, il n’est pas nécessaire d’en ingérer de grandes quantités (American Nephrology Nurses’ Association [ANNA], 2008).

Calcium Le calcium est l’électrolyte le plus abondant dans l’organisme humain, avec des réserves estimées à 1 200 g. Les os contiennent 99 % de la quantité totale de calcium, alors que le reste (1 %) est concentré dans le liquide extracellulaire (Bonjour, 2011). Le calcium contenu dans les os est présent sous une forme inactive, qui assure le maintien de la force osseuse et offre des réserves en cas de déplétion (mobilisation du calcium vers le sérum sanguin) (Bonjour, 2011). En plus de participer au métabolisme osseux, le calcium joue un rôle important dans de nombreux autres processus, notamment la contractilité du myocarde, la coagulation et l’activité neuromusculaire ENCADRÉ 24.6. La mobilisation du calcium osseux est accomplie grâce à l’inuence de la parathormone (PTH). Le calcium existe sous trois formes dans l’espace intravasculaire (calcium plasmatique) : 1) calcium ionisé ; 2) calcium lié aux protéines ; 3) calcium complexe. Le calcium ionisé est la forme active du calcium. Il agit sur la stabilité de la membrane cellulaire et sur la coagulation sanguine. Le calcium lié aux protéines s’ionise plus rapidement que le calcium dans les os. Il est rapidement mis à prot si nécessaire. Le calcium complexe, qui est combiné à d’autres anions, notamment le chlorure, le citrate ou le phosphate, peut quant à lui être ltré par le glomérule en vue d’une élimination potentielle dans l’urine. Le calcium ionisé qui n’a pas été utilisé pour accomplir des fonctions physiologiques est redirigé vers l’os sous l’inuence de l’hormone calcitonine. Sous sa forme ionisée (active), le calcium joue un rôle important dans le maintien de l’intégrité interne de la cellule. Les concentrations sériques de calcium ionisé dépendent des modications du pH sérique et de la disponibilité des protéines plasmatiques, principalement de l’albumine. Comme les modications du pH et des taux d’albumine sont fréquentes, la mesure du calcium sérique total seule peut s’avérer trompeuse. Par conséquent, pour déterminer correctement les quantités de calcium ionisé, il convient d’avoir recours à des analyses de laboratoire spéciques qui visent uniquement cette forme de calcium. Si ce type d’analyse n’est pas disponible, il existe de nombreuses formules basées sur la valeur de l’albumine sérique et sur la valeur du calcium sérique total an de calculer assez précisément celle du calcium ionisé. Les valeurs du calcium ionisé sont de plus en plus utilisées pour guider de manière efcace la prise en charge thérapeutique des personnes en situation critique de santé qui ont une carence en calcium. Les taux de calcium dépendent de l’apport alimentaire individuel et d’une variété de mécanismes physiologiques liés à l’absorption. L’absorption de calcium est inuencée par les taux de phosphore,

de magnésium, de vitamine D, de ses produits de dégradation, de PTH et de calcitonine.

Phosphore

ENCADRÉ 24.5

Fonctions du sodium

Valeurs sériques normales 135-145 mmol/L (ou mEq/L)

Comme pour le calcium et Fonctions le magnésium, les concen• Mouvement et rétention du liquide dans l’organisme trations sériques de phos• Tonicité (osmolalité) extracellulaire phore ne représentent • Mécanisme de transport actif (potassium) qu’une infime partie des • Activité neuromusculaire réserves de l’organisme. • Activités enzymatiques Environ 80 % du phos• Équilibre acidobasique phore se trouve dans les os (Bonjour, 2011). La majeure partie du phosphore restant Source : Adapté de Gougoux (2009) se trouve à l’intérieur des cellules ; le liquide extraENCADRÉ 24.6 cellulaire en contient égaFonctions du calcium lement une très petite quantité. Le phosphore a Valeurs sériques normales pour principale fonction de 2,12-2,60 mmol/L participer à la formation Fonctions de l’ATP, laquelle fournit • Dureté des os et des dents l’énergie intracellulaire nécessaire aux mécanismes • Contraction des muscles squelettiques de transport actif à travers • Coagulation sanguine la membrane cellulaire. Le • Perméabilité cellulaire phosphore a aussi les fonc• Contraction du muscle cardiaque tions additionnelles suivantes : structure de la Source : Adapté de Quérin et al. (2012) membrane cellulaire, équilibre acidobasique, apport d’oxygène dans les tissus, immunité cellulaire et solidité osseuse ENCADRÉ 24.7. Le phosphore est absorbé dans le tube digestif (tractus gastro-intestinal). Les taux de phosphore sériques varient constamment et énormément, en particulier après l’absorption d’aliments riches en phosphore comme le lait, les viandes rouges, la volaille et le poisson. L’excrétion du phosphore a principalement lieu dans les reins. Plus de 90 % du phosphore plasmatique est ltré par le glomérule, et une proportion d’environ 75 à 80 % est réabsorbée par les tubules contournés proximaux. La réabsorption par les reins est accrue lorsque les réserves de l’organisme sont faibles. Le phosphore est associé au sodium et aux ions d’hydrogène en surplus pour ENCADRÉ 24.7 Fonctions du phosphore maintenir l’équilibre acidobasique. La PTH module Valeurs sériques normales (diminue) la réabsorption tubulaire de phosphore 0,7-1,45 mmol/L (Quérin et al., 2012). Fonctions Des taux anormaux de • Production d’énergie intracellulaire (adénosine phosphore sont remartriphosphate) quables dès le début de • Solidité osseuse l’insuffisance rénale • Structure de la membrane cellulaire (O’Seagdha, Hwang, • Apport d’oxygène aux tissus Munter et al., 2011). Le • Régulation enzymatique (adénosine triphosphate) Third National Health and Nutrition Examination Source : Adapté de Gougoux (2009) Survey (NHANES III, Chapitre 24

Anatomie et physiologie du système rénal

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1988-1994, auquel ont participé 14 722 adultes) a révélé que les sujets atteints de dysfonction rénale de légère à modérée (DFG de 50 à 60 ml/min) présentaient déjà une élévation des taux de phosphore et de potassium sériques (Hsu & Chertow, 2002 ; O’Seagdha et al., 2011). En revanche, les taux sériques de calcium ionisé sont demeurés relativement inchangés, et ce, jusqu’à ce que le taux de clairance de la créatinine soit extrêmement bas (DFG inférieur à 20 ml/min) et que l’insufsance rénale atteigne un stade avancé.

Magnésium Le magnésium est le deuxième électrolyte intracellulaire le plus important et abondant dans l’organisme. Environ 60 % du magnésium se trouve dans les os (Rhoda et al., 2011). Le liquide extracellulaire contient environ 1 % du magnésium présent dans le corps ; la quantité restante se trouve dans le liquide intracellulaire. Les concentrations de certains autres électrolytes intracellulaires, notamment le calcium et le potassium, sont inuencées par le taux de magnésium. Par exemple, le calcium et le magnésium sont tous deux en compétition pour leur absorption dans le tube digestif. Si l’apport alimentaire en calcium est supérieur à celui du magnésium, le calcium sera réabsorbé de préférence, et vice-versa. Le magnésium a pour principales fonctions d’assurer le transport du sodium et du potassium à travers la membrane cellulaire et de participer à de nombreuses réactions enzymatiques intracellulaires. Un décit en magnésium entraîne la libération de potassium dans le liquide extracellulaire, ce qui provoque une augmentation de l’excrétion de potassium par les reins et de l’hypokaliémie. Le magnésium joue également un rôle dans le maintien de l’activité neuromusculaire, la synthèse des protéines et la production d’énergie intracellulaire ENCADRÉ 24.8.

Chlorure Le chlorure est principalement présent dans le liquide extracellulaire. Des modications dans les taux de chlorure sériques laissent présager des changements pour d’autres électrolytes ou dans l’équilibre acidobasique. Le chlorure joue un rôle important dans le maintien de la tonicité (osmolalité) sérique, l’équilibre hydrique et l’équilibre acidobasique. Les autres fonctions du chlorure sont listées dans ENCADRÉ 24.8 Fonctions du magnésium l’ENCADRÉ 24.9. Le chlorure est habituelValeurs sériques normales lement ingéré avec du sodium (sous forme de sel), 0,70-1,03 mmol/L puis est réabsorbé ou exFonctions crété dans les tubules • Transmission neuromusculaire contournés proximaux des • Contraction du muscle cardiaque reins. Le chlorure et le • Activation des enzymes pour le métabolisme cellulaire sodium sont conduits par • Transport actif à l’échelle cellulaire transport actif des tubules • Transmission de l’information génétique vers l’espace interstitiel an de maintenir une toniSource : Adapté de Gougoux (2009) cité (osmolalité) élevée

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Partie 5

Système rénal

ENCADRÉ 24.9

Fonctions du chlorure

Valeurs sériques normales 98-108 mmol/L Fonctions • Tonicité (osmolalité) du liquide dans l’organisme (avec sodium) • Équilibre du liquide dans l’organisme (avec sodium) • Équilibre acidobasique • Acidité du liquide dans l’organisme, en particulier des sécrétions gastriques • Oxygénation des érythrocytes et transport du dioxyde de carbone Source : Adapté de Gougoux (2009)

dans l’espace interstitiel tubulaire et de participer au mécanisme de concentration de l’urine.

Bicarbonate Le bicarbonate (HCO3−) est un anion présent dans le liquide extracellulaire. Il a pour fonction essentielle de maintenir l’équilibre acidobasique (Rhoda et al., 2011). Bien que le bicarbonate ne soit pas le seul responsable de l’équilibre acidobasique, il est la principale substance tampon du liquide extracellulaire. Les taux de bicarbonate sont en équilibre avec les taux d’acide carbonique (H2CO3). Cet équilibre bicarbonate/acide carbonique est nécessaire (rapport proportionnel : 1 mEq d’acide carbonique pour 20 mEq de bicarbonate) pour éviter toute perturbation de l’équilibre acidobasique. Lorsque les taux d’acide carbonique sont élevés, une acidose apparaît. Lorsque ce sont les taux de bicarbonate qui sont élevés, une alcalose survient. Les reins régulent la quantité de bicarbonate présente dans le liquide extracellulaire. La réabsorption du bicarbonate survient principalement du tube contourné proximal vers les capillaires péritubulaires. Le bicarbonate est également produit dans le tubule contourné distal et réabsorbé dans le sang lorsque le corps en a besoin ou pour favoriser l’équilibre acidobasique. Les reins réabsorbent ou excrètent le bicarbonate en fonction de la quantité d’ions hydrogène présente (système tampon). Un taux plus important de bicarbonate est réabsorbé en présence de quantités importantes d’ions hydrogène, et un taux plus important est excrété en présence de faibles quantités d’ions hydrogène.

24.2.3

Effets du vieillissement

La fonction rénale diminue graduellement avec l’âge. En l’absence de protéinurie, cette diminution n’a aucun effet sur l’homéostasie chez l’adulte vieillissant en bonne santé (Peters, Beckett, Poulter et al., 2012 ; Verma, Kant, Sunnogrot et al., 2012). La protéinurie est associée à des complications qui touchent les systèmes rénal et cardiovasculaire (Verma et al., 2012). Chez les sujets vieillissants, le DFG baisse

chaque année d’environ 0,75 ml/min (Verma et al., 2012). Toutefois, en dépit de la réduction graduelle du DFG et de la baisse de la clairance de la créatinine qui lui est associée, les taux de créatinine sériques peuvent ne pas augmenter. En effet, comme les per­ sonnes plus âgées ont une masse musculaire réduite, leurs reins excrètent une quantité plus faible de créa­ tinine, ce qui masque les effets généraux du vieillis­ sement sur les reins. Par conséquent, chez les sujets vieillissants, des taux sériques relativement plus faibles de créatinine peuvent être associés à une réduction du DFG et de clairance de la créatinine. En règle générale, le déclin graduel de la fonction rénale associé au vieillissement ne représente pas une menace pour l’homéostasie, car le DFG reste adéquat. La mesure de la clairance de la créatinine par une analyse d’urine effectuée sur une période de 24 heures et par un prélèvement sanguin constitue une méthode précise pour déterminer le DFG. Cependant, cette méthode est contraignante pour le client et sujette à des erreurs au moment du recueil des urines. De plus, dès que le DFG devient inférieur à 60 ml/min, la proportion de créatinine excrétée par les tubules n’est plus négligeable. Dans ces condi­ tions, la clairance de la créatinine surestime le DFG. En pratique, la mesure de la clairance de la créatinine s’avère donc peu utile lorsque celle­ci est inférieure

à la moitié de la normale. Il existe néanmoins des formules mathématiques qui permettent de pallier les difcultés d’interprétation de la mesure de la clairance de créatinine, et ce, sans recueil d’urine. Premièrement, la formule de Cockcroft et Gault, qui prend en considération l’âge du client, est uti­ lisée pour estimer le DFG (Verma et al., 2012). Toutefois, cette formule nécessite de mesurer le poids du client et de soustraire 15 % (ou de multi­ plier la valeur obtenue par 0,85) chez la femme pour tenir compte d’une masse musculaire proportion­ nellement plus faible. Cette formule n’est donc que très rarement utilisée. Deuxièmement, la formule MDRD (Modication of Diet in Renal Disease), plus complexe et fréquem­ ment utilisée en clinique, est considérée comme plus able lorsque le DFG estimé est inférieur à 60 ml/min. Elle donne une estimation de la ltration gloméru­ laire corrigée selon la surface corporelle et ne requiert pas de mesurer le poids du client. Le calcul est assez complexe, et la valeur obtenue doit être multipliée par 0,742 chez la femme et par 1,212 chez les per­ sonnes noires (Quérin et al., 2012). Toutefois, il convient de noter que le déclin de la fonction rénale peut être accéléré chez les personnes âgées en mau­ vaise santé. Les personnes âgées sont donc particu­ lièrement susceptibles de présenter une dysfonction rénale aiguë et chronique.

À RETENIR • Les reins sont des organes pairs situés à l’arrière du péritoine, de chaque côté de la colonne vertébrale (entre les ver­ tèbres T12 et L3). • Les reins reçoivent environ 20 % du débit cardiaque total. Ce très grand débit sanguin permet aux reins de modier continuellement la composition du plasma et des autres liquides corporels, qui y sont ltrés plusieurs fois par jour. • Chaque rein adulte est constitué d’envi­ ron un million de néphrons. • Le néphron est l’unité fonctionnelle du rein et contient le glomérule, la capsule et la chambre glomérulaires, le tubule contourné proximal, l’anse du néphron,

le tubule contourné distal et les tubules collecteurs. • Les trois processus nécessaires à la trans­ formation des 180 L de ltrat gloméru­ laire en 1 à 2 L d’urine sont : la ltration glomérulaire, la réabsorption tubulaire et la sécrétion tubulaire. • Les reins jouent un rôle important dans le maintien de l’homéostasie. • Les reins ont pour principales fonctions d’éliminer les produits de dégradation métabolique, d’assurer l’équilibre électro­ lytique et liquidien et de maintenir l’équi­ libre acidobasique. • Les hormones produites par les reins par­ ticipent à la production des érythrocytes (globules rouges sanguins) par la moelle

Chapitre 24

osseuse, à la régulation de la pression artérielle (P.A.) systémique et à la miné­ ralisation osseuse. • La fonction rénale décline graduelle­ ment avec l’âge. Les personnes âgées sont donc particulièrement susceptibles de présenter une dysfonction rénale notamment lorsqu’elles sont en mau­ vaise santé. • À mesure que la fonction rénale diminue, les différentes fonctions des reins s’effec­ tuent moins bien : les produits de dégrada­ tion métabolique s’accumulent, l’équilibre hydroélectrolytique est perturbé, et la pro­ duction des hormones rénales diminue.

Anatomie et physiologie du système rénal

799

chapitre

25

Évaluation clinique du système rénal et examens paracliniques

Écrit par : Mary E. Lough, PhD, RN, CNS, CCRN, CNRN, CCNS Adapté par : Christine Lapointe, inf., M. Sc., IPSN

L

e corps émet de nombreux signes et symptômes cliniques indicateurs d’un trouble rénal. Toutefois, ceux-ci sont souvent subtils, et même si certains symptômes désignent directement les reins, plusieurs d’entre eux peuvent aussi mettre en cause d’autres systèmes.

La connaissance de l’anatomie et de la physiologie du système rénal permet de comprendre les manifestations cliniques d’un trouble rénal ou rénovasculaire. Une entrevue détaillée, un examen physique attentif et des examens paracliniques contribuent à déterminer si les reins sont à l’origine des symptômes observés.

25.1

Entrevue

L’entrevue vise à recueillir des données subjectives et objectives qui orientent et complètent l’examen physique et les examens paracliniques. Elle permet de poser un jugement clinique sur l’état de santé du client et de formuler un constat d’évaluation, ou une impression clinique (Jarvis, 2009). L’entrevue détermine l’ensemble de l’évaluation clinique. Elle peut inclure un questionnaire sur les antécédents du client, ou histoire de santé. Le tableau clinique est très important puisqu’il dénit la rapidité et la direction de l’entrevue. En effet, lorsqu’un client se trouve en état de détresse importante, l’entrevue doit être adaptée et limitée à quelques questions sur le symptôme principal du client et sur les facteurs l’ayant déclenché. Dans ce cas, une fois les données sociodémographiques du client recueillies, l’inrmière explore la raison de la consultation ou de l’admission à l’unité de soins critiques, incluant le principal symptôme signalé par le client (Jarvis, 2009). Inversement, lorsque le client ne se trouve pas en situation d’urgence, l’entrevue est plus

détaillée et porte sur cinq points importants : 1) l’histoire de la maladie actuelle ; 2) le survol de l’état général du système atteint (p. ex., le système rénal) ; 3) l’évaluation de l’état de santé général ; 4) la revue des antécédents personnels, familiaux et sociaux ; 5) la description des symptômes actuels (Baid, 2006 ; Jarvis, 2009). Une entrevue qui explore les symptômes et les stratégies employées pour les soulager est essentielle à une bonne évaluation clinique. La description des symptômes, dans les mots du client, peut être facilitée par le recours à l’outil mnémonique PQRSTU ENCADRÉ 25.1. Plusieurs symptômes susceptibles de révéler un trouble rénal devraient être explorés, par exemple une altération de l’état mental ou des modications de la fonction cognitive, des céphalées, des démangeaisons, une dyspnée, toute faiblesse ou fatigue, un gain de poids rapide, un goût métallique dans la bouche, des nausées et vomissements, la nycturie, l’œdème périphérique, la peau sèche et squameuse, une perte d’appétit. Tout particulièrement, l’apparition récente de nausées et de vomissements ou d’une perte d’appétit attribuable à une perturbation du goût (l’urémie entraîne souvent un goût métallique)

Collecte des données ENCADRÉ 25.1

Exemple d’un symptôme d’origine possiblement rénale évalué selon l’outil PQRSTU

L’inrmière questionne le client an de documenter les caractéristiques des démangeaisons ou du prurit qu’il présente. P : PROVOQUER/PALLIER/AGGRAVER

• Moment d’apparition du symptôme • Facteurs déclencheurs (p. ex., une alimentation riche en phosphore, des allergies, une insufsance rénale, la peau sèche) • Mesures prises pour traiter le symptôme (p. ex., des crèmes hydratantes, des crèmes pharmacologiques telles que les dermocorticoïdes, l’eau froide, des émollients, des antihistaminiques ou tout autre médicament, un traitement ultraviolet) • Facteurs aggravants (p. ex., un détergent parfumé, l’eau chaude, le grattage, des produits d’hygiène irritants tels qu’un savon ou un gel de toilette forte­ ment parfumé, la peau sèche, la présence d’animaux, le stress, la sueur, certains tissus). Q : QUALITÉ/QUANTITÉ

• • • • •

Sensation de brûlure Sensation d’engourdissement Sensation irritante de picotement donnant envie de se gratter Sensation de piqûre Évaluation sur une échelle de 0 à 10 (p. ex., 7 la nuit en lien avec de l’insomnie ; 3 durant la journée ; 8 au cours d’activités physiques intenses)

R : RÉGION/IRRADIATION

• Région touchée par le symptôme (p. ex., l’abdomen, le cuir chevelu, le dos, les membres inférieurs, les membres supérieurs, les organes génitaux)

S : SYMPTÔMES ET SIGNES ASSOCIÉS/SÉVÉRITÉ

• • • • • • • • •

Allergies Chaleur, écoulement ou rougeur sur la région touchée Douleur Écoulement ou rougeur des yeux Fièvre Lésions de grattage Perte de cheveux Piqûres d’insectes Troubles cutanés (p. ex., une dermatite, de l’eczéma, de l’urticaire, la varicelle, le zona) • Autres pathologies (p. ex., un dérèglement thyroïdien, le diabète, une insufsance cardiaque)

25

T : TEMPS/DURÉE

• Apparition soudaine ou graduelle • Changement au l du temps (p. ex., le symptôme augmenté la nuit, augmenté par le grattage, augmenté au l de la progression de l’insufsance rénale, augmenté lorsque la concentration de phosphore sanguin est élevée) • Durée du symptôme • Présence constante ou intermittente (p. ex., de cinq ou six heures par nuit) U : (UNDERSTANDING) COMPRÉHENSION ET SIGNIFICATION POUR LE CLIENT

• Perception et signication du symptôme pour le client (p. ex., une diminution de la qualité de vie) • Inuence sur ses émotions (p. ex., la colère, l’impatience, l’obsession, un sentiment de gêne et de malaise social, voire un problème d’isolement)

Sources : Adapté de Cloutier, Delmas & Dall’Ava-Santucci (2010) ; Jarvis (2009) ; Ordre des inrmières et des inrmiers du Québec (OIIQ) (2007) Chapitre 25

Évaluation clinique du système rénal et examens paracliniques

801

Le génogramme est pré­ senté plus en détail dans le chapitre 15 du manuel de Potter, P.A., & Perry, A.G. (2010). Soins inrmiers – Fondements généraux. Montréal : Chenelière Éducation.

peut aider à déterminer la présence de troubles rénaux (Schira, 2008). Il convient également d’explorer les symptômes révélateurs d’une augmentation rapide du volume hydrique. Par exemple, un gain de poids de plus de 1,45 kg en 1 ou 2 jours ou de plus de 2,5 kg en 1 semaine, l’utilisation d’oreillers additionnels durant le repos au lit et la nécessité de dormir en position assise indiquent une surcharge volumique et un stress cardiaque possible lié au dysfonctionnement rénal. Au l de ses questions, l’inrmière invite le client à décrire les traitements utilisés pour soulager le ou les symptômes. Ainsi, l’entrevue permet de repérer les facteurs prédisposant à l’insufsance rénale aiguë (IRA), dont l’utilisation de médicaments offerts en vente libre, les infections récentes ayant nécessité une antibiothérapie, la prise d’antihypertenseurs et tout examen paraclinique réalisé au moyen d’un produit de contraste radio-opaque (Schira, 2008). En effet, les anti-inammatoires non stéroïdiens (AINS) (p. ex., l’ibuprofène [AdvilMD]), les antibiotiques (particulièrement les aminoglucosides), les antihypertenseurs (surtout les médicaments qui bloquent l’angiotensine) (Wadel & Textor, 2012) et les produits

de contraste iodés peuvent causer une insufsance rénale aiguë ou chronique. En plus de déterminer la raison immédiate de l’admission à l’unité de soins critiques, l’inrmière relève les antécédents médicaux et sociaux complets du client. Les symptômes et les problèmes similaires ainsi que les traitements pour des événements comparables dans le passé peuvent aider à établir la cause du problème actuel ou fournir des indices pour le traitement. Par exemple, des antécédents de troubles urinaires obstructifs, des infections rénales fréquentes ainsi qu’une IRA antérieure peuvent constituer des facteurs de risque pour le trouble rénal actuel. Le client ou ses proches sont incités à donner le plus de détails possible pour établir l’histoire de santé complète du client. Les antécédents familiaux peuvent fournir des renseignements additionnels permettant une évaluation juste de la fonction rénale. L’inrmière peut avoir recours à un génogramme an de dresser le portrait des antécédents familiaux du client et de mettre en évidence les problèmes liés à la fonction rénale. L’outil mnémonique AMPLE s’avère également très utile à cette étape de l’entrevue ENCADRÉ 25.2.

Collecte des données ENCADRÉ 25.2

Histoire de santé : antécédents rénaux courants évalués selon l’outil AMPLE

L’inrmière recueille les antécédents du client. A : ALLERGIES/RÉACTIONS

• Allergies connues • Type de réaction allergique (anaphylactique ou non) M : MÉDICATION (OU PRODUITS NATURELS OU AUTRES SUBSTANCES)

• Traitement médicamenteux actuel, prescrit ou non (p. ex., des antibiotiques, des AINS, des antihypertenseurs, des diurétiques, des immunisations telles que la vaccination antigrippale annuelle ou le vaccin antipneumococcique) • Prise de produits naturels, de vitamines, de suppléments nutritionnels • Consommation d’alcool ou de drogues ainsi que de caféine : type d’alcool ou de drogue, durée et quantité, efforts pour cesser la consommation, besoin d’une consommation quotidienne, commentaires de l’entourage sur la consommation P : PASSÉ MÉDICAL

• Maladies rénales infantiles (p. ex., une hypoplasie rénale, une infection à streptocoques, un syndrome néphrotique, une uropathie obstructive) • Maladies rénales à l’âge adulte (p. ex., des calculs rénaux, des infections urinaires fréquentes, une vascularite, l’utilisation de produits de contraste à base d’iode en radiologie, l’utilisation d’AINS) • Autres problèmes de santé pouvant constituer des facteurs de risque d’une insuf­ sance rénale (p. ex., le diabète, l’hypertension, un épisode antérieur d’IRA) • Autres problèmes de santé (p. ex., des problèmes cardiovasculaires, pulmo­ naires, musculosquelettiques, neurologiques, immunitaires, néoplasiques) • Examens antérieurs du système rénal (p. ex., une analyse d’urine, incluant la recherche de protéinurie et la clairance de la créatinine, une radiographie des reins, de la vessie et de l’uretère, un pyélogramme intraveineux (PIV), une écho­ graphie rénale, une artériographie rénale, une biopsie rénale) Sources : Adapté de Jarvis (2009) ; Ordre des inrmières et des inrmiers du Québec (OIIQ) (2007)

802

Partie 5

Système rénal

• Autres examens paracliniques antérieurs (p. ex., une radiographie du thorax, une échocardiographie, un doppler des membres inférieurs) • Antécédents chirurgicaux : nombre et type de chirurgies • Antécédents familiaux : âge et cause du décès des membres de la famille, exploration plus spécique des problèmes de santé d’origine rénale (p. ex., l’hypertension, le diabète, une maladie rénale polykystique, un œdème chronique des extrémités), mais aussi des problèmes d’origine non rénale (p. ex., des problèmes cardiaques, des accidents vasculaires cérébraux et des cancers) L : (LAST MEAL) DERNIER REPAS

• Moment du dernier repas • Composition du repas Note : il est pertinent de poser ces questions an de savoir si le client s’alimente bien, car il peut être incommodé au point de ne plus se nourrir. Il importe aussi de noter la présence d’une diminution de l’appétit, de nausées, de vomissements et de perturbation du goût puisque ces symptômes peuvent être liés à une urémie découlant d’une insufsance rénale. E : ÉVÉNEMENTS/ENVIRONNEMENT

• Environnement professionnel : nature du travail, dangers environnementaux, changement d’emploi dû à la maladie, problèmes nanciers attribuables à la maladie • Environnement familial : situation matrimoniale, nombre de personnes vivant avec le client et liens entre ceux­ci, enfants (nombre, état de santé), fonction sexuelle (p. ex., une diminution de la libido, une aménorrhée), lieu de vie (p. ex., la présence d’escaliers) • Impact du problème de santé sur les activités de la vie quotidienne : présence d’une situation anxiogène, activités et loisirs

25.2

Examen physique

Une évaluation rénale juste et approfondie contribue à faire le lien entre les autres systèmes et le système rénal, non seulement lorsque l’état du client est stable, mais également en situation d’instabilité. À l’unité de soins critiques, l’évaluation par l’inrmière ne comprend pas systématiquement un examen physique complet des reins et de l’appareil urinaire. Il s’agit essentiellement d’évaluer l’état volumique du client et de détecter les signes et les symptômes associés à une dysfonction rénale. Pour ce faire, de nombreux paramètres de la fonction rénale sont utiles.

25.2.1

Inspection

L’inspection consiste à observer de façon attentive le client.

Hémorragie L’inspection visuelle relative aux reins porte sur les ancs et l’abdomen du client. Un trauma rénal est soupçonné en présence d’une coloration bleutée sur les ancs (signe de Grey-Turner) ou à proximité de la face postérieure des côtes 11 ou 12 (Seidel, Ball, Dains et al., 2010). Des ecchymoses, une distension abdominale et une défense abdominale peuvent également indiquer un trauma rénal ou un hématome autour du rein. L’inrmière examine attentivement un client qui présente une lésion traumatique an de déceler les signes d’un trauma rénal.

État volumique L’inspection est particulièrement utile pour repérer les signes d’une déplétion ou d’une surcharge liquidienne pouvant révéler ou entraîner des problèmes rénaux. L’évaluation de l’état volumique commence par l’inspection des veines jugulaires du client 12 . La position couchée de celui-ci permet normalement une distension veineuse jugulaire normale. L’absence de distension, lorsque les veines du cou sont plates, indique une hypovolémie. L’évaluation se poursuit en élevant la tête du lit pour que le client soit en position semi-assise dans un angle de 30 à 45° (Seidel et al., 2010). Une surcharge volumique est présente si les veines du cou demeurent distendues plus de 3 à 4 cm au-dessus de la fourchette sternale (Parker, 2006), ce qui équivaut approximativement à une pression veineuse centrale (PVC) de 8 à 9 cm d’eau (H2O). En effet, pour estimer la PVC, l’inrmière ajoute 5 à la distance approximative entre l’angle sternal et le niveau de l’oreillette droite, ou pression veineuse jugulaire. Si cette dernière est supérieure à 4 cm, c’est-à-dire qu’elle correspond à une PVC de plus de 9 cm H2O, elle pourrait être considérée comme élevée (Jarvis, 2009). L’évaluation de la turgescence cutanée ou du signe du pli cutané permet d’obtenir davantage d’information pour reconnaître les problèmes de nature hydrique. Pour évaluer la turgescence, l’inrmière pince la peau de l’avant-bras, puis elle la

relâche (de Vries Feyens & de Jager, 2011). Une élasticité et un état hydrique normaux permettent à la peau de reprendre presque immédiatement son aspect normal lorsqu’elle est relâchée. Toutefois, en cas de décit du volume liquidien, la peau demeure surélevée et ne reprend pas sa position normale avant plusieurs secondes (de Vries Feyens & de Jager, 2011). En raison de la perte d’élasticité cutanée chez les personnes âgées, l’évaluation du signe du pli cutané ne constitue pas une méthode précise d’évaluation de leur état volumique. L’inspection de la cavité buccale fournit également des indices quant à l’état volumique. En cas de décit du volume liquidien, la muqueuse de la bouche s’assèche. Le fait de respirer par la bouche et la prise de certains médicaments (p. ex., des antihistaminiques) peuvent toutefois assécher les muqueuses temporairement. La façon la plus précise d’évaluer la cavité buccale est d’inspecter la bouche à l’aide d’un abaisse-langue et d’une lumière. Une sécheresse de la cavité buccale est plus indicative d’un décit du volume liquidien que le fait qu’un client se plaigne de sécheresse buccale (Parker, 2006).

Œdème L’œdème correspond à la présence d’un excès de liquide dans l’espace interstitiel, et il peut être le signe d’une surcharge volumique. En présence d’un volume excessif, un œdème déclive peut se développer, par exemple aux pieds et aux jambes d’une personne ambulatoire ou au sacrum dans le cas d’un client alité. Un œdème peut aussi apparaître aux mains et aux pieds, autour des yeux et aux joues. Chez les clients alités ou en fauteuil roulant, l’œdème est plus susceptible de survenir dans les zones déclives, tels les pieds et le sacrum. Cependant, la présence d’un œdème ne révèle pas systématiquement une surcharge volumique. La perte d’albumine dans le compartiment vasculaire peut également entraîner un œdème périphérique malgré une hypovolémie ou une volémie normale. Ainsi, un client gravement malade peut afcher une faible concentration sérique d’albumine (hypoalbuminémie) à cause d’une alimentation inadéquate consécutive à une chirurgie, à une brûlure ou à un trauma craniocérébral, et il peut présenter un œdème dû à la diminution de la pression oncotique plasmatique et non en raison d’une surcharge volumique. L’œdème peut aussi indiquer des troubles de circulation. Dans le cas d’un état hydrique équilibré, mais d’un faible retour veineux, le client peut présenter un œdème des pieds lorsqu’il demeure en position assise de façon prolongée, avec les pieds en position déclive. De même, un sujet atteint d’insufsance cardiaque peut présenter un œdème puisque le ventricule droit est incapable de pomper le sang efcacement. Une caractéristique importante permet de distinguer l’œdème dû à un volume excessif ou à une hypoalbuminémie d’un œdème attribuable à une mauvaise Chapitre 25

25 12 La technique d’inspection des veines jugulaires est décrite dans le chapitre 12, Évaluation clinique du sys­ tème cardiovasculaire.

Évaluation clinique du système rénal et examens paracliniques

803

circulation ; en effet, dans le premier cas, l’œdème ne disparaît pas à l’élévation de la jambe. L’inrmière peut évaluer l’œdème en appliquant une pression avec le bout d’un doigt sur une protu­ bérance osseuse dans la zone enée, telle que la che­ ville, la zone prétibiale (tibias) et le sacrum. Si la marque laissée par le doigt ne disparaît pas en l’es­ pace de 10 à 15 sec., il s’agit d’un œdème à godet. Ce dernier révèle un accroissement du volume interstitiel, et il n’est habituellement pas obser­ vé avant un gain de poids important. Une façon de mesurer le degré d’œdème est l’utilisation d’une échelle subjective de 1 à 4, où 1 correspond à un godet très léger (trace d’œdème), et 4, à un godet grave (Cloutier & Pilote, 2011 ; Seidel et al., 2010 ; Jarvis, 2009) TABLEAU 25.1. D’autres échelles d’éva­ luation et de mesure de l’œdème à godet peuvent être utilisées. Il peut s’agir de mesurer la profondeur de l’œdème en centimètres, de tenir compte de l’aug­ mentation de la pression exercée ou de quantier le délai requis pour que l’œdème reprenne sa forme initiale après la pression exercée (Cloutier & Pilote, 2011 ; Jarvis, 2009).

25.2.2

Auscultation

L’auscultation des reins ne révèle presque aucune information utile. Les artères rénales peuvent toute­ fois être auscultées à la recherche d’un bruit, tel qu’un soufe ou un sifement rappelant un soufe cardiaque FIGURE 25.1. L’inrmière recherche des bruits au­dessus du nombril, ainsi que de part et d’autre de celui­ci (Seidel et al., 2010). La présence d’un bruit au niveau de l’artère rénale indique habi­ tuellement une sténose, qui peut entraîner une

FIGURE 25.1 Sites d’auscultation pour les bruits en lien avec le système rénal.

insufsance rénale aiguë ou chronique en raison d’un débit sanguin compromis dans l’un des deux reins ou dans les deux. Un bruit dans la portion su­ périeure de l’aorte abdominale peut révéler un ané­ vrisme ou une zone sténosée susceptible de réduire le débit sanguin vers les reins.

Collecte des données TABLEAU 25.1

Échelles des œdèmes à godet

ŒDÈME

SCORE SUR L’ÉCHELLE SUBJECTIVE

ÉQUIVALENCE APPROXIMATIVE DE LA PROFONDEUR DU GODET (cm) ET DU DÉLAI AVANT LA REPRISE DE SA FORME INITIALE

DESCRIPTION SUBJECTIVE DÉTAILLÉE

Très léger (trace d’œdème)

+1

• ≤ 0,5 cm • Non persistant : retour rapide en moins de 10 sec.

Godet très léger, trace d’œdème, empreinte minime, œdème du membre souvent non perceptible

Léger

+2

• De 0,5 à 1,5 cm • Persistant jusqu’à 10 à 15 sec.

Godet de léger à modéré, l’empreinte disparaît rapidement

Modéré

+3

• De 1,5 à 2,5 cm • Persistant jusqu’à 1 à 2 min

Godet de modéré à profond, l’empreinte demeure pour une courte période de temps, le membre semble ené

Grave

+4

• ≥ 2,5 cm • Persistant jusqu’à 2 à 5 min

Godet très profond ou grave, l’empreinte dure longtemps, le membre est très ené

Sources : Adapté de Cloutier & Pilote (2011) ; Jarvis (2009)

804

Partie 5

Système rénal

L’auscultation cardiaque et pulmonaire est particulièrement utile pour obtenir de l’information au sujet du volume liquidien extracellulaire. La recherche de bruits précis au niveau du cœur (B3 ou B4) et des poumons (bruits respiratoires absents, bruits respiratoires atténués, bruits bronchiques projetés et bruits adventices) renseigne l’infirmière sur la présence ou l’absence d’un volume hydrique accru dans l’espace interstitiel ou le compartiment vasculaire. En cas d’hypervolémie, une quantité anormalement élevée de liquide dans le secteur extravasculaire pulmonaire (interstitiel ou alvéolaire), liée à une augmentation de la pression hydrostatique capillaire pulmonaire, entraîne certains bruits à l’auscultation pulmonaire tels que les crépitants. De plus, en cas d’hypervolémie, le volume sanguin est excessif et peut entraîner une surdistension du ventricule pendant sa phase de remplissage rapide et causer un B3.

Cœur L’auscultation du cœur consiste à évaluer la fréquence et le rythme cardiaques et à rechercher les bruits surajoutés. Une fréquence cardiaque accrue seule offre peu d’information sur le volume liquidien, mais lorsqu’elle s’accompagne d’une hypotension artérielle, elle peut révéler une hypovolémie (Jarvis, 2009). Une surcharge liquidienne, elle, s’accompagne souvent d’un troisième ou d’un quatrième bruit cardiaque (Seidel et al., 2010) 12 . Un B3, ou bruit de galop ventriculaire, peut être reproduit dans la prononciation du mot Kentucky. Il est dû à une surdistension d’un ventricule pendant sa phase de remplissage rapide. Il s’agit d’une conséquence d’un volume sanguin excessif ou d’une charge trop grande pour un ventricule dont la compliance est fragilisée. Un B4, ou bruit de galop présystolique, correspond à l’augmentation de la pression télédiastolique ventriculaire. Il est mieux perçu avec la cloche du stéthoscope et précède le B1 tout en étant séparé de lui par un intervalle silencieux. Il peut être reproduit dans la prononciation du mot Tennessee. Le B4 est pathologique en cas de non compliance du ventricule gauche et indique une dysfonction cardiaque diastolique (Jarvis, 2009). L’auscultation du cœur permet de rechercher la présence d’un frottement péricardique. Celui-ci est mieux perçu au niveau du troisième espace intercostal à la gauche du bord du sternum, alors que le client se trouve légèrement penché vers l’avant (Seidel et al., 2010). Un frottement péricardique est produit par les deux feuillets du péricarde se frottant l’un contre l’autre pendant une réaction inammatoire ou infectieuse. C’est un signe inconstant, mais typique de la péricardite avec ou sans épanchement (Jarvis, 2009). Il peut aussi être causé par une urémie chez un client atteint d’insufsance rénale. En effet, en cas d’urémie très grave, les

déchets azotés s’accumulent et entraînent une péricardite inammatoire. Si cette urémie n’est pas traitée, un épanchement peut apparaître dans le péricarde et entraîner une péricardite hémorragique qui peut conduire au décès du client par tamponnade cardiaque.

Signes vitaux orthostatiques Les modications de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque sont très utiles pour évaluer un décit du volume liquidien (Wadel & Textor, 2012). Chez un client stable, mais gravement malade ou chez un client sous télésurveillance, la mesure des signes vitaux orthostatiques fournit des indices sur la perte sanguine, la déshydratation, une syncope inexpliquée et les effets de certains antihypertenseurs 12 . Ainsi, une chute de la pression artérielle systolique de 20 mm Hg ou plus, une chute de la pression artérielle diastolique de 10 mm Hg ou plus, ou une augmentation de la fréquence du pouls de plus de 10 battements par minute au moment du passage de la position allongée à la position assise ou de la position assise à la position debout indique une hypotension orthostatique (Frenette, Cloutier & Houle, 2009 ; Jarvis, 2009). Bien qu’elle puisse aussi être idiopathique, l’hypotension orthostatique survient généralement en raison d’une précharge insufsante durant un changement de position. La fréquence cardiaque augmente alors pour tenter de maintenir le débit cardiaque et la circulation. L’hypotension orthostatique entraîne une sensation de faiblesse, des étourdissements ou un évanouissement. Elle peut aussi survenir en raison du vieillissement, d’une hypovolémie, d’un alitement prolongé ou des effets indésirables de médicaments agissant sur la pression artérielle ou le volume sanguin (Jarvis, 2009).

12 La mesure des signes vitaux posturaux (orthostatiques) est expliquée dans le cha­ pitre 12, Évaluation clinique du système cardiovasculaire.

12 Les caractéristiques des bruits cardiaques sont dé­ crites plus en détail dans le chapitre 12, Évaluation clinique du système cardiovasculaire.

25

Poumons L’évaluation pulmonaire est essentielle pour déterminer l’état hydrique du client. La présence de crépitants peut indiquer une surcharge hydrique. Une dyspnée au cours d’un effort léger, une dyspnée nocturne qui empêche le client de dormir en position couchée (orthopnée) ou une dyspnée qui réveille le client (dyspnée paroxystique nocturne) peuvent indiquer une accumulation de liquide dans les poumons. Une respiration haletante et supercielle accompagnée de périodes d’apnée révèle un déséquilibre acidobasique grave (Jarvis, 2009).

25.2.3

Palpation

Bien qu’elle soit rarement effectuée chez les clients gravement malades, la palpation des reins chez ceux dont l’état est stable fournit de l’information sur la taille et la forme des reins. La palpation des reins est réalisée avec les deux mains. Pour palper le rein droit, situé plus bas que le rein gauche en raison de la position du foie, l’inrmière place ses mains en

Chapitre 25

Évaluation clinique du système rénal et examens paracliniques

805

position de bec de canard sur le anc droit du client. Elle applique une pression ferme avec les deux mains, et le client inspire profondément. Le plus souvent, l’inrmière ne décèle aucun changement. Cependant, il arrive qu’elle perçoive le pôle inférieur du rein droit comme une masse ronde et lisse qui glisse entre les doigts (s’abaisse à l’inspiration). Ces deux possibilités sont normales. Le rein gauche, qui se situe environ 1 cm plus haut que le rein droit, n’est normalement pas palpable, car la rate loge directement au-dessus de lui. Pour le chercher, l’inrmière passe sa main gauche par-dessus l’abdomen et la place en arrière du anc gauche an de soutenir le client. Ensuite, elle appuie fortement sa main droite sur l’abdomen et demande au client d’inspirer profondément (Jarvis, 2009) FIGURE 25.2. Un trouble doit être soupçonné à la palpation du rein droit ou gauche si une masse (tumeur cancéreuse) ou une surface irrégulière (polykystose rénale) est décelée, si le rein s’étend signicativement plus bas que la cage thoracique d’un côté ou de l’autre ou en présence de signes de trauma contondant récent (Seidel et al., 2010).

25.2.4

Percussion

Comme la palpation, la percussion des reins ne fait pas partie de l’évaluation habituelle réalisée par l’inrmière aux soins critiques. Toutefois, les renseignements obtenus grâce à cette technique peuvent s’avérer importants pour les soins prodigués au client. La percussion permet de déceler une douleur à un rein ou la présence d’une accumulation excessive d’air, de liquide ou d’un corps solide autour des reins. La percussion des reins fournit également de

FIGURE 25.2 Palpation du rein gauche.

806

Partie 5

Système rénal

l’information sur leur localisation, leur taille et les anomalies possibles.

Reins La percussion des reins s’effectue alors que le client est allongé sur le côté ou en position assise. L’inrmière place une main au niveau de l’angle costovertébral (bordure inférieure de la cage thoracique sur le anc) (Seidel et al., 2010). Le fait de frapper le dos de cette main avec le poing de la main opposée produit normalement un bruit sourd. Une douleur peut révéler : 1) une infection (p. ex., une infection urinaire s’étant étendue aux reins) ; 2) une lithiase urinaire − la douleur est alors due à la distension brutale de la capsule rénale et des voies urinaires en amont de l’obstacle (Quérin, Valiquette et al., 2012) ; 3) un trauma. La présence d’une lésion rénale traumatique doit être évaluée en cas de plaie abdominale pénétrante, de trauma abdominal contondant ou de fracture du bassin ou des côtes.

Abdomen L’observation et la percussion de l’abdomen peuvent aider à évaluer l’état hydrique. La percussion de l’abdomen alors que le client est allongé produit habituellement un bruit sourd (matières solides ou liquides dans l’intestin) ou un son creux (présence de gaz dans l’intestin) (Seidel et al., 2010). L’ascite, soit l’accumulation excessive de liquide et la distension de la cavité abdominale, est une observation importante durant l’évaluation de la surcharge hydrique. Le signe du ot permet de distinguer une ascite d’une distorsion causée par la présence de matières solides dans l’intestin. Le signe du ot nécessite la présence de deux examinateurs ou encore l’aide du client lui-même. Il est obtenu en plaçant une main sur le anc droit ou gauche du client tandis que le rebord ulnaire de la main du client ou d’un autre examinateur est placé fermement sur la ligne médiane de l’abdomen (pour empêcher la transmission, au travers de la peau, du coup qui sera porté). Ensuite, un coup ferme sur le anc opposé du client est effectué à l’aide de l’autre main. En cas d’ascite, il se produit un ondoiement du liquide accumulé qui peut être ressenti par les mains (Jarvis, 2009) FIGURE 25.3. Un abdomen rebondi et protubérant et des vergetures abdominales sont d’autres signes d’ascite (Seidel et al., 2010). Un client atteint d’insufsance rénale peut présenter une ascite en raison d’une surcharge volumique, laquelle entraîne l’accumulation de liquide dans l’abdomen consécutive à l’augmentation de la pression hydrostatique capillaire. L’ascite n’est toutefois pas nécessairement attribuable à une surcharge volumique. Un client dont la fonction hépatique se trouve compromise peut présenter une ascite grave causée par une diminution des protéines plasmatiques. L’ascite survient alors parce que l’augmentation de la pression vasculaire associée à la dysfonction hépatique chasse le liquide et les protéines plasmatiques du compartiment vasculaire

le client est pesé quotidiennement, et l’inrmière compare son poids à la valeur consignée la veille. La pesée s’effectue à la même heure tous les jours. Il faut s’assurer que le client porte des vêtements d’un poids comparable et que la même balance est utilisée. Le poids corporel constitue une donnée importante pour l’inrmière procédant à la dialyse chez un client atteint d’insufsance rénale aiguë ou chronique. Les différences de poids d’un jour à l’autre sont utilisées pour calculer la quantité de liquide à retirer au moment de la dialyse (Daugirdas, Blake & Ing, 2007 ; Purcell, Manias, Williams et al., 2004).

25.3.2

FIGURE 25.3

Percussion visant à détecter le signe du ot.

vers la cavité abdominale et l’espace interstitiel. Même si le client peut être aux prises avec un œdème marqué, l’espace intravasculaire peut présenter une déplétion volumique, et le client, être hypovolémique.

25.3

Évaluations complémentaires

Puisque l’examen physique propre à la néphrologie est assez sommaire et souvent peu réalisé en contexte de soins critiques, l’inrmière travaillant auprès de clients atteints de problèmes rénaux sait interpréter d’autres types de données (p. ex., des manifestations cliniques, des paramètres hémodynamiques, des analyses de laboratoire, des examens paracliniques).

25.3.1

Mesure du poids corporel

Le poids du client constitue l’un des signes les plus importants pour évaluer l’état volumique et celui de la fonction rénale. Une variation notable du poids corporel en l’espace de une journée ou deux relève habituellement de facteurs hydriques, plutôt que nutritionnels, et indique une perte ou un gain hydrique. Une perte ou un gain de poids soudain ne devrait pas dépasser plus de 1,45 kg en 1 ou 2 jours ou 2,5 kg en 1 semaine (Fondation des maladies du cœur et de l’AVC, 2010). Si possible, le client est pesé à son admission à l’unité de soins critiques. Il est important de noter au dossier si le poids actuel diffère signicativement du poids avant l’hospitalisation. Par la suite,

Suivi des ingesta et des excreta

Comme le poids, les ingesta et les excreta sont surveillés chez tous les clients à l’unité de soins critiques. Ils peuvent être comparés au poids du client an d’évaluer avec plus de précision les gains et les pertes hydriques. Le débit urinaire et les pertes hydriques insensibles (transpiration, fèces et vapeur d’eau par les poumons) peuvent varier de 750 à 2 400 ml par jour. Lorsque les ingesta excèdent les excreta (p. ex., en raison d’une quantité excessive de liquide intraveineux [I.V.] ou d’une diminution du débit urinaire), un équilibre hydrique positif est observé. En présence d’une insuffisance rénale, l’équilibre hydrique positif entraîne une surcharge volumique. À l’inverse, si les excreta excèdent les ingesta (p. ex., en cas de èvre, de respiration accélérée, de transpiration abondante, de vomissements, de diarrhée, d’aspiration gastrique, de traitement diurétique), un équilibre hydrique négatif est noté, lequel entraîne une hypovolémie. En l’espace de 24 heures, la èvre peut accroître les pertes hydriques par la peau et par la respiration jusqu’à 500 ml pour chaque degré Celsius additionnel au-dessus de 37 °C. Les clients atteints d’une IRA présentent souvent une diminution du débit urinaire, ou oligurie (moins de 0,5 ml/kg/h chez les adultes ; moins de 1 ml/kg/h chez les nourrissons et les jeunes enfants). Toutefois, aux stades précoces de l’IRA, un débit urinaire à peu près normal ou légèrement réduit peut reéter une élimination de l’eau sans élimination des solutés. Même si le débit urinaire constitue un indicateur sensible de la fonction rénale, cette dernière ne peut être évaluée avec précision par cette seule mesure 26 . L’élimination anormale du liquide corporel crée des déséquilibres hydriques et cause des perturbations de l’équilibre acidobasique et électrolytique. Par exemple, l’aspiration gastrique ou la diarrhée peuvent entraîner un déficit hydrique, une carence en sodium et en potassium et une acidose métabolique en raison d’une perte excessive de bicarbonate. Lorsque les ingesta et les excreta sont notés quotidiennement, tous les gains et toutes les pertes doivent être consignés. Une liste uniformisée des volumes des divers contenants (p. ex., une boîte de Chapitre 25

25

26 Les manifestations cliniques ainsi que les examens para­ cliniques liés à l’IRA sont dé­ taillés dans le chapitre 26, Troubles rénaux et approche thérapeutique.

Évaluation clinique du système rénal et examens paracliniques

807

lait, des contenants de jus) accélère cette étape. Il est nécessaire de discuter avec le client et ses proches de l’importance de noter avec précision les ingesta et les excreta; il est alors possible d’améliorer la précision de l’évaluation des volumes ingérés et excrétés.

25.3.3

13 Les pressions et les valeurs hémodynamiques calculées sont décrites plus en détail dans le chapitre 13, Examens paracliniques du système cardiovasculaire.

Suivi hémodynamique

Les mesures des paramètres hémodynamiques cardiovasculaires reètent avec précision l’état hydrique de l’organisme. Les mesures telles que la PVC, la pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO), l’index cardiaque (I.C.) et la pression artérielle moyenne (P.A.M.) offrent un tableau clair des augmentations et des diminutions du volume vasculaire retourné au cœur et éjecté (Davison, Patel & Chawla, 2012) 13 . Une déplétion et une surcharge volumiques peuvent être décelées par l’utilisation de cathéters veineux centraux ou artériels, grâce auxquels l’inrmière peut mesurer les pressions hémodynamiques TABLEAU 25.2. Un cathéter veineux central est souvent utilisé pour mesurer la PVC et évaluer l’état volumique. La PVC correspond à la pression auriculaire droite (précharge du cœur droit). Elle varie en fonction des uctuations de l’état volumique. La PVC est normale lorsqu’elle est de 2 à 6 mm Hg. En cas d’hypovolémie, la PVC est inférieure à 2 mm Hg, tandis qu’en cas de surcharge volumique, elle peut être supérieure à 6 mm Hg. Si le client est atteint d’une maladie cardiopulmonaire comorbide ou s’il s’avère nécessaire d’obtenir plus d’information sur la fonction hémodynamique, un cathéter artériel pulmonaire, ou cathéter Swan-

Ganz, peut être mis en place. Ce cathéter permet d’obtenir des données sur les pressions de remplissage du ventriculaire gauche et sur le débit cardiaque. La PAPO correspond à la pression auriculaire gauche (précharge du cœur gauche) et sa valeur normale est de 6 à 12 mm Hg. La PAPO augmente souvent au-dessus de 18 mm Hg en présence d’une surcharge volumique. Lorsqu’au contraire il y a une déplétion volumique, la PAPO diminue sous 6 mm Hg (Davison et al., 2012). L’I.C. correspond au débit cardiaque, c’est-à-dire à la quantité de sang éjecté par le ventricule gauche en une minute. Des valeurs standards de l’I.C. ont été établies en fonction du poids corporel. L’I.C. normal varie de 2,5 à 4 L/min/m 2. Au début d’un choc hypovolémique, des mécanismes compensatoires maintiennent l’I.C. à des valeurs normales ou près de la normale. En cas de perte hydrique prolongée, l’I.C. diminue. La surcharge volumique augmente la fréquence cardiaque, ce qui accroît le débit cardiaque, mais jusqu’à un certain point seulement. Une insuffisance ventriculaire gauche peut résulter d’une surcharge volumique massive, comme cela se produit en présence d’une in suffisance cardiaque aiguë attribuable à une insufsance rénale ; dans un tel cas, l’I.C. diminue. La sepsie grave est la cause la plus courante de l’IRA ; un suivi hémodynamique s’avère alors indiqué (Davison et al., 2012). La P.A.M. est régulée par le débit cardiaque et la résistance vasculaire systémique, et elle représente la pression artérielle moyenne du système artériel. Les modications du débit cardiaque ou de la résistance vasculaire systémique entraînent

Collecte des données TABLEAU 25.2

Évaluation hémodynamique de l’état hydrique

MESURE

VALEURS NORMALES

VALEUR EN CAS DE DÉPLÉTION VOLUMIQUE

VALEUR EN CAS DE SURCHARGE VOLUMIQUE

PVC

• 2-6 mm Hg (3-8 cm H2O)

• < 2 mm Hg

• Élevée • Souvent > 6 mm Hg

PAPO

• 6-12 mm Hg • Grandement variable selon l’état du client

• < 6 mm Hg

• Élevée • Souvent > 18 mm Hg

I.C.

• 2,5-4 L/min/m2 • Variable selon l’état du client (p. ex., en cas d’anémie, de sepsie, au repos)

• < 2,5 L/min/m2

• > 4 L/min/m2

P.A.M.

• 70-100 mg Hg

• ↓

• ↑

Source : Adapté de Edwards Lifesciences (2002)

808

Partie 5

Système rénal

inévitablement une variation correspondante de la P.A.M. Par exemple, une augmentation de la résistance vasculaire systémique durant les premiers stades d’un choc hypovolémique génère une élévation de la P.A.M. Une perte hydrique continue se traduit tôt ou tard par une réduction du débit cardiaque, ce qui suscite une diminution de la P.A.M. L’effet nal de la chute de la P.A.M. sur les reins est la réduction du débit sanguin réel, ce qui peut occasionner une IRA.

25.3.4

Observations additionnelles

Un dysfonctionnement rénal entraîne souvent des déséquilibres hydrique et électrolytique et la rétention de produits de dégradation métabolique. Certains déséquilibres dans les concentrations de uides, d’électrolytes et de produits de dégradation sont accompagnés de manifestations cliniques moins apparentes ou mesurables que celles mentionnées précédemment, mais qui indiquent une altération de la fonction rénale normale ENCADRÉ 25.3. Une modication soudaine ou lente de la fonction cognitive et de l’état mental du client doit

faire l’objet d’une évaluation. En effet, une acidose entraîne souvent une désorientation. La léthargie, la diminution de l’attention ou de la mémoire, un coma et la confusion peuvent être causés par un décit ou un excès en sodium, en calcium ou en magnésium, ou par la rétention de produits de dégradation métabolique. Un décit en sodium, l’évacuation de liquide du plasma vers l’espace interstitiel ou des modications de la respiration attribuables à une surcharge volumique peuvent occasionner de l’appréhension ou de l’anxiété. Chez les personnes âgées, une confusion d’apparition récente ou une chute alors que le client était auparavant mobile et alerte peuvent indiquer un décit volumique en l’absence d’une maladie aiguë apparente (Faes, Spigt & Olde Rikkert, 2007). Un client atteint d’insufsance rénale qui présente une augmentation générale des électrolytes, des uides et des produits de dégradation métabolique peut montrer des signes d’apathie, d’agitation, de confusion et un comportement de retrait (Schira, 2008). La rapidité de l’apparition de ces signes dépend de la vitesse à laquelle l’insufsance rénale évolue et modie l’homéostasie.

Collecte des données ENCADRÉ 25.3

Évaluation hydrique et électrolytique

ÉTAT HYDRIQUE

ÉTAT ÉLECTROLYTIQUE ET DÉGRADATION MÉTABOLIQUE

• • • • • • • • • • • • • • • • • • •

• Concentration sérique de l’urée • Concentrations sériques des électrolytes • Démangeaisons (modication des concentrations de calcium, de phosphore et d’urée) • Force musculaire (modication des concentrations de potassium et d’urée) • Formule sanguine complète • Modications des sensations périphériques (p. ex., un engourdissement, des tremblements − modication des concentrations de calcium, de potassium et de sodium) • Modications du comportement et de l’état mental (modication des concentrations de sodium et d’urée) • Modications gastro-intestinales (p. ex., des nausées et des vomissements, une modication des concentrations d’urée) • Signes de Chvostek et de Trousseau (modication des concentrations de calcium) • Tracés électrocardiographiques (modication des concentrations de calcium, de magnésium et de potassium) • Traitements pouvant altérer l’état électrolytique (p. ex., une aspiration gastro-intestinale, des antihypertenseurs, des bloqueurs des canaux calciques, des diurétiques)

Bruits cardiaques (B3, B4) Bruits pulmonaires (crépitants) Céphalées Dyspnée Engorgement des veines du cou Hypertension ou hypotension I.C. < 2,5 L/min/m2 Ingesta et excreta Modications de l’état mental Muqueuses Œdème papillaire Osmolalité sérique Présence d’œdème ou d’ascite PAPO < 6 mm Hg ou > 12 mm Hg PVC < 2 mm Hg ou > 6 mm Hg Tachycardie Turgescence cutanée ou signe du pli cutané Vertiges durant le passage à la position debout Vision brouillée

25

Sources : Edwards Lifesciences (2002) ; Jarvis (2009) ; Quérin, Valiquette et al. (2012)

Chapitre 25

Évaluation clinique du système rénal et examens paracliniques

809

25.4

Analyses de laboratoire

Il n’existe pas de marqueur ou d’analyse de laboratoire unique et idéal qui permet de détecter une diminution de la fonction rénale (Farwell & Taylor, 2010). Les analyses de laboratoire (sérum et urine) utilisées pour déceler et diagnostiquer une dysfonction rénale présentent des limites, mais lorsque leurs résultats sont passés en revue quotidiennement an d’observer les tendances ou les modications, elles fournissent des renseignements précieux au sujet de l’état de la fonction rénale. De petites modications de la fonction rénale ont des répercussions à court et à long terme chez les clients hospitalisés (Bellomo, 2011). Combinés à l’entrevue et à l’examen physique, les résultats des analyses de laboratoire s’avèrent extrêmement utiles pour le diagnostic, l’approche thérapeutique et l’évaluation continue de la dysfonction rénale.

25.4.1

Analyses sériques

Urée

24 L’urée est plus précisément dénie dans le chapitre 24, Anatomie et physiologie du système rénal.

810

Partie 5

La mesure de l’azote uréique sanguin, ou BUN (blood urea nitrogen), est fréquemment réalisée aux États-Unis, mais elle n’est plus employée dans le système international d’unités. Ainsi, au Québec, la concentration sanguine de l’urée, dont les valeurs normales se situent de 2,5 à 8,0 millimoles par litre (mmol/L), est calculée. La détérioration de la fonction rénale accroît cette valeur, tout comme elle augmente celle de l’azote uréique sanguin 24 . L’azote uréique sanguin était auparavant établi à partir du dosage de l’urée, la molécule d’urée étant formée à 45 % d’azote, dit uréique. L’azote uréique sanguin est un sous-produit du métabolisme des protéines et des acides aminés. Sa valeur normale est de 5 à 20 mg/dl. En présence d’une dysfonction rénale, le taux d’azote uréique sanguin est élevé en raison de la diminution du débit de ltration glomérulaire (DFG) et de la réduction subséquente de l’excrétion d’urée. Une élévation de la concentration sanguine de l’urée peut être corrélée par les manifestations cliniques de l’urémie (p. ex., une anorexie, de l’asthénie, des nausées, du prurit). Lorsque la concentration sanguine de l’urée augmente, les symptômes d’urémie deviennent aussi plus prononcés (Schira, 2008). Toutefois, la chute du DFG et l’augmentation de la concentration sanguine de l’urée peuvent également être attribuables à une hypovolémie et à une déshydratation, à des médicaments néphrotoxiques ou à un épisode hypotensif soudain. Dans ces cas, l’augmentation de la concentration sanguine de l’urée est causée par une diminution du DFG malgré une fonction rénale normale. Ce taux s’accroît également en réponse aux modications du métabolisme des protéines qui surviennent au cours d’un apport excessif en protéines et du catabolisme. Un état catabolique peut survenir

Système rénal

en cas d’inanition (alimentation insufsante chronique chez un client gravement malade), d’infection grave, de chirurgie ou d’un trauma. La concentration sanguine de l’urée peut également être élevée en raison de la résorption d’un hématome, d’un saignement gastro-intestinal, d’une ingestion excessive de réglisse ou d’un traitement stéroïdien par tétracycline. Une diminution de la concentration sanguine de l’urée peut indiquer une surcharge volumique, une insufsance hépatique, une malnutrition grave (résultant d’une déplétion des réserves protéiques), une utilisation de phénothiazines ou une grossesse.

Créatinine La créatinine est un sous-produit du métabolisme des cellules normales et des muscles, et elle apparaît dans le sérum à des concentrations généralement proportionnelles à la masse musculaire. Même si les concentrations de créatinine sont généralement plus élevées chez l’homme que chez la femme, une concentration sérique normale de créatinine est environ de 60 à 125 micromoles par litre (μmol/L). La créatinine est librement ltrée par le glomérule, puis minimalement réabsorbée dans les tubules rénaux et excrétée dans l’urine (Schira, 2008). Relativement constantes, les concentrations de créatinine sont inuencées par moins de facteurs que la concentration sanguine de l’urée. Ainsi, les concentrations sériques de créatinine constituent un indicateur plus précis de la fonction rénale et propre à celle-ci que la concentration sanguine de l’urée (Quérin, Valiquette et al., 2012). Un excès de créatinine survient le plus souvent chez les personnes atteintes d’insufsance rénale, en raison d’une excrétion défaillante. Toutefois, la production et la libération de créatinine par l’organisme peuvent varier au cours de la fonte des muscles qui survient en cas de maladie grave, ce qui engendre une concentration sérique de créatinine faussement basse. Des concentrations élevées de créatinine sont également observées en l’absence d’une dysfonction rénale, dans les cas de troubles de la croissance musculaire tels que l’acromégalie, dans les cas de lésions traumatiques des muscles squelettiques et lorsqu’il y a prise de certains médicaments qui diminuent l’élimination de la créatinine (p. ex., la cimétidine [Teva-CimétidineMD], un antibiotique ou la triméthoprime [Apo-TrimethoprimMD], un antagoniste des récepteurs H2 de l’histamine). La malnutrition peut entraîner une élévation transitoire des concentrations de créatinine, puisque le catabolisme musculaire rapide associé à la malnutrition libère des quantités accrues de créatinine dans la circulation.

Rapport urée/créatinine Le rapport azote uréique sanguin/créatinine, utilisé aux États-Unis, est utile au diagnostic d’un trouble rénal. Au Québec, il a été remplacé par le rapport

urée/créatinine plasmatique. Une modication de ce rapport peut indiquer un dysfonctionnement rénal. Si le rapport urée/créatinine plasmatique est inférieur à 0,05, alors le trouble sera de nature rénale. Par exemple, si la valeur de la concentration sanguine de l’urée est de 9,25 mmol/L et la valeur de la créatinine plasmatique, de 210 μmol/L, alors le rapport urée/créatinine plasmatique est de 0,04, c’està-dire inférieur à 0,05, ce qui indique que l’origine de l’IRA est probablement de nature rénale. Inversement, si le rapport urée/créatinine plasmatique est supérieur à 0,1, la cause est plus probablement de nature prérénale (p. ex., une hypovolémie). Dans l’insufsance rénale de nature prérénale, la créatinine se trouve excrétée par les tubules fonctionnels, mais l’urée est retenue en raison d’un faible DFG et d’une hémoconcentration, ce qui entraîne une augmentation du ratio. En cas d’insufsance rénale de nature prérénale, le rapport est un indicateur plus utile de la fonction rénale que les analyses séparées de l’urée et de la créatinine.

substance synthétisée et libérée par la plupart des cellules à une vitesse constante (Weekley & Peralta, 2012). Comme la créatinine, la cystatine C est facilement ltrée par le glomérule et n’est pas sécrétée ni réabsorbée par les tubules. Ce marqueur a pour avantage d’être métabolisé par les tubules. Lorsque la fonction rénale est normale, les taux de cystatine C sont très bas parce que le glomérule ltre cette substance et que les tubules la métabolisent. En cas de dysfonctionnement rénal, la ltration glomérulaire de la cystatine C est réduite, et son métabolisme par les tubules devient donc impossible. Les taux de cystatine C sont inuencés par moins de facteurs (p. ex., l’âge, le sexe, la masse musculaire) que ceux de la créatinine, et une modication des taux de ce marqueur peut être décelée plus rapidement que celle des taux de créatinine en cas d’IRA (Weekley & Peralta, 2012). La cystatine C et d’autres biomarqueurs de la fonction rénale pourraient être plus utilisés à l’avenir comme marqueurs de la fonction rénale (Weekley & Peralta, 2012).

Clairance de la créatinine

Osmolalité

La clairance urinaire de la créatinine est la mesure de la capacité des reins à éliminer celle-ci. Comme la créatinine est produite à une vitesse relativement constante et qu’elle est presque complètement éliminée par les reins lorsqu’ils sont en bonne santé, la capacité de ces derniers à éliminer (soit la clairance) la créatinine du sang est un indicateur du bon fonctionnement des glomérules et des tubules. La mesure de la clairance de la créatinine – quantité de créatinine excrétée dans l’urine et quantité de créatinine dans le sang durant 24 heures – offre une estimation able et précise du DFG et donc de la fonction rénale (Schira, 2008). La valeur normale de la clairance de la créatinine est environ de 110 à 125 ml/min. Des valeurs inférieures à 60 ml/min indiquent un dysfonctionnement rénal important. La clairance de la créatinine peut être mesurée dans des urines recueillies sur une période de 24 heures et dans un échantillon sanguin. D’autres méthodes utilisent un échantillon de sang et un échantillon d’urine plus petit prélevés au hasard. La clairance de la créatinine peut également être estimée à partir des concentrations sériques de créatinine, méthode couramment employée à l’unité de soins critiques ENCADRÉ 25.4. La clairance de la créatinine estimée ou calculée est souvent utilisée pour déterminer les modications à apporter à la posologie des médicaments en cas de dysfonctionnement rénal, puisque de nombreux médicaments sont excrétés par les reins.

Cystatine C Même si elle est surtout employée en recherche et qu’elle ne fait pas partie des mesures couramment utilisées en pratique, la cystatine C constitue un autre marqueur sérique de la fonction rénale. Il s’agit d’une

L’osmolalité sérique reète la concentration ou la dilution du liquide vasculaire et mesure les particules (solutés) dissoutes par kilogramme de liquide (mOsm/kg). Elle ne doit pas être confondue avec l’osmolarité, qui désigne le nombre de particules (solutés) par litre de liquide (mOsm/L). L’osmolalité diffère légèrement de l’osmolarité dans le cas du sérum sanguin et de l’urine, qui ne sont pas des solutions parfaitement aqueuses (Quérin, Valiquette et al., 2012). L’osmolalité sérique normale est de 275 à 295 mOsm/kg (Wadel & Textor, 2012). Une hausse du taux d’osmolalité indique une hémoconcentration ou une déshydratation, tandis qu’une baisse de ce taux révèle une hémodilution ou une surcharge volumique. Lorsque le taux sérique d’osmolalité augmente, l’hormone antidiurétique (ADH), ou vasopressine, est libérée par le lobe postérieur de l’hypophyse et stimule une réabsorption hydrique accrue par les tubules rénaux. Il s’ensuit une expansion du compartiment vasculaire, le retour à la normale du taux sérique d’osmolalité, une urine plus concentrée et une augmentation du taux urinaire d’osmolalité. La situation inverse survient lorsque le taux sérique d’osmolalité diminue, ce qui inhibe la production d’ADH. La diminution du taux d’ADH entraîne une excrétion accrue d’eau dans les tubules, d’où une urine diluée de faible osmolalité, ce qui ramène le taux sérique d’osmolalité à la normale. Le sodium (Na) représente de 85 à 95 % de la valeur de l’osmolalité sérique ; la multiplication par deux de la concentration sérique de sodium donne une estimation du taux sérique d’osmolalité chez les personnes en bonne santé. D’autres solutés dans le sérum peuvent accroître l’osmolalité et doivent être pris en considération chez les sujets atteints de

Chapitre 25

Évaluation clinique du système rénal et examens paracliniques

25

811

Collecte des données ENCADRÉ 25.4

Calcul de la clairance de la créatinine

MESURE : PRÉLÈVEMENT D’URINE PENDANT 24 HEURES AINSI QU’UN SEUL PRÉLÈVEMENT SANGUIN DE LA CRÉATININE

Clairance de la Créatinine urinaire (mmol/L) × Volume d’urine (ml par 24h) = créatinine (ml/min) Créatinine sérique (μmol/L) ESTIMATION CHEZ L’ADULTE

Formule de Cockcroft-Gault La formule de Cockcroft-Gault permet de tenir compte d’une masse musculaire plus faible chez la femme pour un poids donné. Cependant, cette formule estime la clairance de la créatinine et non le DFG. Elle a été établie à partir de dosages de créatininémie non standardisée IDMS (Isotope Dilution Mass Spectrometry). Elle sous-estime la fonction rénale du client âgé et surestime celle du client obèse ou du client jeune ayant une diminution du DFG. De plus, la valeur de la clairance de la créatinine obtenue n’est pas indexée en fonction de la surface corporelle (Groupe de travail de la Société de Néphrologie, 2009). ■

Chez l’homme 1,25 × [(140 − Âge [années]) × Poids corporel (kg)] Clairance de la = créatinine (ml/min) Créatinine sérique (μmol/L) Chez la femme Clairance de la 1,04 × [(140 − Âge [années]) × Poids corporel (kg)] = créatinine (ml/min) Créatinine sérique (μmol/L) Formule MDRD (Modication of Diet in Renal Disease Study) La formule MDRD est plus complexe que la formule de Cockcroft-Gault et nécessite de recourir à un calculateur de poche ou en ligne*. Cependant, elle ne requiert pas le poids du client et s’avère préférable à la formule de Cockcroft-Gault lorsque le DFG estimé est inférieur à 60 ml/min. Formule MDRD simpliée Chez l’homme Estimation du débit × 0,0113)− 1,154 = 186 × (Créatinine plasmatique [μmol/L] − 0,203 de ltration glomérulaire × (Âge [années]) (ml/min/1,73 m2) Chez la femme : multiplier le résultat par 0,742. Chez les clients d’origine africaine : multiplier le résultat par 1,21. Si le dosage de la créatinine est calibré ID-MDS : multiplier le résultat par 0,95.



Formule MDRD complète La formule MDRD complète inclut les concentrations sériques de l’urée et de l’albumine dans l’équation. Elle a été validée pour les clients âgés de 18 à 70 ans et est probablement valide pour les clients au-delà de 70 ans. De plus, l’équation ne requiert pas le poids du client et est normalisée pour la surface corporelle moyenne chez l’adulte (1,73 m2). La formule MDRD complète est donc supérieure en clinique à la formule de Cockcroft-Gault ; après confrontation à la mesure de la clairance de la créatinine sur urines prélevées pendant 24 heures, la formule de Cockcroft-Gault doit encore être utilisée dans certaines circonstances particulières, incluant une production basale de créatinine anormale et une masse musculaire anormale (p. ex., dans le cas d’une amputation, d’apports diététiques inhabituels tels qu’un régime végétarien ou des suppléments en créatine, de dénutrition importante, d’obésité, de paraplégie). Cependant, en cas de valeur supérieure à 60 ml/min/1,73 m2, il est recommandé de ne pas indiquer la valeur exacte, mais seulement l’interprétation suivante : > 60 ml/min/1,73 m 2 (Froissart, Rossert, Jacquot et al., 2005 ; Groupe de travail de la Société de Néphrologie, 2009). ■

Formule CKD-EPI (Chronic Kidney Disease-Epidemiology Collaboration) Il s’agit d’une formule encore plus précise que la formule MDRD pour estimer le DFG. Elle devrait peu à peu remplacer la formule MDRD en usage clinique de routine. Elle s’avère plus correcte pour les valeurs de clairance de la créatinine dépassant les 60 ml/min/1,73 m2 (Froissart et al., 2005 ; Groupe de travail de la Société de Néphrologie, 2009). Néanmoins, elle est aussi très complexe et nécessite un calculateur électronique (Levey, Stevens, Schmid et al., 2009)*. ■

ESTIMATION CHEZ L’ENFANT

Chez l’enfant, la clairance de la créatinine doit être corrigée en fonction de la surface corporelle. Clairance de la créatinine 1,73 × Clairance de la créatinine = corrigée (ml/min) Surface corporelle Clairance de la créatinine (ml/min) = U × 1 000 × V/P × 1 440 Surface corporelle = 0,007 184 × Taille (cm)0,725 × Poids (kg)0,4255 U : Concentration urinaire de la créatinine exprimée en mmol/L pour plusieurs calculateurs ; V : Débit urinaire exprimé en ml/24 h (soit 1 440 min) ; P : Concentration plasmatique de la créatinine exprimée en μmol/L.

* La National Kidney Foundation et la Société de Néphrologie offrent des calculatrices en ligne aux adresses respectives www.kidney.org/professionals/kdoqi/gfr.cfm et www.soc-nephrologie.org/eservice/calcul/eDFG.htm.

troubles comorbides courants. Une estimation plus précise de l’osmolalité sérique peut être obtenue avec la formule suivante : Osmolalité 2 × Na sérique (mmol/L) + sérique calculée=Urée (mmol/L) + Glucose (mmol/L) (mOsm/kg) Le calcul du taux sérique d’osmolalité constitue un outil pratique dans l’attente des résultats com­ plets des analyses de laboratoire. L’osmolalité sérique mesurée est un paramètre utile pour déterminer l’équilibre hydrique et le traitement de remplace­ ment liquidien chez les clients gravement malades. Il s’agit également d’une mesure pertinente pour

812

Partie 5

Système rénal

déceler les troubles de sécrétion de l’ADH qui peuvent survenir chez ces clients. Une diminution de l’osmolalité sérique peut indiquer un syn­ drome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiu­ rétique (SIADH), ou un taux excessif d’ADH, tandis qu’une élévation de l’osmolalité sérique peut révéler un diabète insipide, ou un taux insufsant d’ADH.

Écart anionique L’écart (ou trou) anionique correspond à la diffé­ rence de concentration mesurée entre les cations plasmatiques extracellulaires (sodium [Na +] et potassium) et celle des anions (chlorure [Cl −]

et bicarbonate [HCO−3 ]) (Wadel & Textor, 2012). Dans le plasma, le sodium est le cation prédominant, et le chlorure, l’anion prédominant. La concentration plasmatique extracellulaire de potassium demeure si faible qu’elle est généralement ignorée, d’où la formule suivante pour le calcul de l’écart anionique : Écart anionique = [Na+] − ([Cl−] + [HCO−3 ]) L’écart anionique normal se situe entre 8 et 16 mEq/L, plage conrmée auprès d’une population d’adultes en bonne santé. Le « trou » reète les ions non mesurables présents dans le liquide extracellulaire (phosphates, sulfates, cétones, lactate). Dans la pratique clinique, l’écart anionique détermine si l’acidose métabolique est due à un excès d’acide ou à une fuite de bicarbonates. Ainsi, une acidose métabolique avec une augmentation de l’écart anionique signie que l’acidose est due à une surcharge en acide xe (p. ex., dans le cas d’acidocétose diabétique, d’urémie). En revanche, une acidose métabolique avec un écart anionique normal révèle plutôt une perte excessive de bicarbonates (p. ex., dans le cas de diarrhée grave, de stule pancréatique). L’insufsance rénale chronique ou aiguë peut accroître l’écart anionique en raison de la rétention des acides et de l’altération de la réabsorption du bicarbonate (Abramowitz, Hostetter & Melamed, 2012). L’écart anionique est également accru dans l’acidocétose diabétique causée par la production de corps cétoniques. La mesure de l’écart anionique est une façon rapide de repérer un déséquilibre acidobasique, mais ne peut être utilisée pour en déterminer la source précise.

Hémoglobine et hématocrite Les taux d’hémoglobine et d’hématocrite peuvent indiquer des augmentations ou des diminutions du volume hydrique intravasculaire. Les valeurs de l’hémoglobine et de l’hématocrite varient en fonction du sexe. Le taux d’hémoglobine chez l’homme est normalement de 135 à 170 g/L, et, chez la femme, de 115 à 155 g/L. Le taux d’hématocrite est de 40 à 54 % chez l’homme et de 34 à 46 % chez la femme. Les taux d’hématocrite sont plus élevés chez les nouveau-nés (jusqu’à 65 %) et diminuent pour atteindre les valeurs observées chez l’adulte entre l’âge de 4 et 10 ans. L’hémoglobine transporte l’oxygène et le dioxyde de carbone et est importante pour le maintien du métabolisme cellulaire et de l’équilibre acidobasique (Wadel & Textor, 2012). L’hématocrite, exprimé en pourcentage, correspond à la proportion ou à la concentration de globules rouges (GR) par rapport au volume total de sang. Le taux d’hématocrite équivaut à environ trois fois le taux d’hémoglobine chez un sujet dont l’équilibre hydrique est normal. Une augmentation du taux d’hématocrite indique souvent un état volumique décitaire, qui entraîne une hémoconcentration. Bien que rares, les troubles véritables de production de GR, tels que la

polyglobulie, peuvent entraîner une hausse du taux d’hématocrite. À l’inverse, une diminution de ce taux peut indiquer un état volumique excédentaire, puisque la surcharge volumique a un effet de dilution. Une anémie, une perte de sang, une lésion hépatique ou des réactions hémolytiques peuvent également entraîner une diminution du taux d’hématocrite. Chez les clients atteints d’IRA, une anémie peut survenir tôt dans la maladie (Ramanath, Gupta, Jain et al., 2012). Une réduction du taux d’hématocrite peut indiquer une anémie associée à l’insufsance rénale ou reéter une surcharge volumique. Si le taux d’hématocrite diminue, mais que la concentration d’hémoglobine demeure constante, la cause est généralement une surcharge volumique. Une réduction des taux d’hématocrite et d’hémoglobine indique une perte réelle de GR. L’entrevue et l’évaluation au chevet du client aident à déterminer si la modication du taux d’hématocrite est attribuable à un déséquilibre hydrique ou à un état pathologique, ou aux deux, chez un client gravement malade.

Albumine L’albumine sérique représente un peu plus de 50 % des protéines plasmatiques totales. Synthétisée par le foie, sa concentration sanguine normale est de 35 à 50 g/L. L’albumine est principalement responsable du maintien de la pression osmotique colloïdale, dont la fonction consiste à retenir le li quide dans le compartiment vasculaire. Comme les parois des vaisseaux sanguins sont imperméables aux protéines plasmatiques, elles empêchent l’albumine de sortir du compartiment vasculaire. Toutefois, dans certains états pathologiques, par exemple en cas de brûlures graves (destruction de la membrane cellulaire) ou de syndrome néphrotique (accroissement de la perméabilité des capillaires glomérulaires aux protéines et passage des protéines dans l’urine), l’albumine s’échappe du compartiment vasculaire. Une diminution des concentrations d’albumine dans le compartiment vasculaire entraîne un déplacement hydrique du plasma vers l’espace interstitiel, ce qui crée un œdème périphérique. La réduction de la concentration d’albumine peut être attribuable à une malnutrition protéinocalorique, courante chez de nombreux clients gravement malades dont les réserves d’albumine sont épuisées. Il s’ensuit alors une diminution de la pression oncotique plasmatique, et le liquide passe du compartiment vasculaire à l’espace interstitiel. Une maladie hépatique ou une lésion grave au foie peuvent également causer une baisse des concentrations d’albumine, puisque le foie ne parvient alors plus à synthétiser sufsamment d’albumine. Une hypertension portale grave peut forcer le passage de l’albumine et d’autres protéines plasmatiques dans la cavité abdominale, entraînant une ascite. Des concentrations élevées d’albumine sont rares. Le corps utilise une quantité xe de protéines Chapitre 25

Évaluation clinique du système rénal et examens paracliniques

25

813

pour le remplacement des cellules de l’organisme et l’énergie, et il convertit les protéines excédentaires en réserves de graisse. Si les concentrations plasmatiques en protéines sont élevées, un décit du volume hydrique (hémoconcentration) est possible.

25.4.2

Analyse d’urine

L’analyse d’urine fournit d’excellents renseignements sur la fonction rénale du client et sur les troubles de nature hydrique ou électrolytique. Les composantes de l’analyse d’urine sont présentées dans le TABLEAU 25.3. Chez un client gravement malade, un échantillon d’urine peut être recueilli de façon systématique en vue d’une analyse afin d’écarter la présence de glucose ou de protéines dans l’urine. Une culture d’urine stérile peut être demandée si une infection des voies urinaires est soupçonnée.

Apparence de l’urine L’examen physique de l’urine consiste à inspecter de façon générale sa couleur, sa clarté et son odeur. La couleur normale de l’urine est jaune pâle, mais celle-ci peut varier en fonction des aliments consommés (p. ex., des betteraves, des carottes, de la rhubarbe), de la prise de certains médicaments (p. ex., la nitrofurantoïne, la phénazopyridine [PyridiumMD], la phénytoïne [DilantinMD], le propofol [DiprivanMD]) ou des sous-produits du métabolisme (bilirubine, méthémoglobine). La clarté de l’urine peut être troublée par les bactéries (pseudomonas), les GB ou l’urate. Une urine normale est peu odorante ; une odeur prononcée peut être causée par une urine concentrée (dans les cas de déshydratation), une infection, la prise de médicaments (particulièrement les vitamines) ou d’aliments (p. ex., des asperges, du brocoli) (Lerma & Rosner, 2012).

pH urinaire Le pH urinaire indique l’acidité ou l’alcalinité de l’urine. Un pH urinaire normal est acide, mais il peut varier de 5 à 8 (Quérin, Valiquette et al., 2012). Les reins contribuent à réguler l’équilibre acidobasique et excrètent plus d’ions hydrogène que d’ions bicarbonate, ce qui explique l’acidité de l’urine. Des modications de la fonction métabolique et de la fonction rénale entraînent des changements du pH urinaire. Une augmentation de l’acidité urinaire (diminution du pH) va de pair avec une excrétion accrue des acides de l’organisme, mais aussi avec une rétention du sodium et des acides en excès dans l’organisme, ce qui survient en cas d’IRA de type rénal. Une augmentation de l’alcalinité urinaire (accroissement du pH) se produit lorsque la concentration de bicarbonate dans l’organisme est excessive. En présence d’une fonction rénale normale, le pH urinaire est plus inuencé par l’alimentation et les

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Partie 5

Système rénal

médicaments. Certains groupes d’aliments, dont les agrumes et les légumes, entraînent une urine alcaline, tandis qu’une alimentation riche en protéines produit une urine acide. À l’unité de soins critiques, le client qui reçoit une alimentation parentérale ou une alimentation par sonde hyperprotéinée peut présenter une urine acide en raison de l’apport élevé en protéines.

Densité de l’urine La densité, ou poids spécique, de l’urine exprime le rapport entre le poids de l’urine et celui d’un volume équivalent d’eau distillée à la même température. La densité de l’urine est un indicateur de la concentration des substances dissoutes dans l’urine. Elle ne dépend pas uniquement du nombre de particules dissoutes, mais aussi de leur poids. La densité de l’urine peut varier de 1,005 à 1,030 (Lerma & Rosner, 2012). En comparaison, la densité de l’eau distillée est de 1,000. Comme l’urine est composée de nombreux solutés et d’un bon nombre de substances en suspension dans l’eau, sa densité devrait toujours être plus élevée que celle de l’eau distillée. La densité reète l’état d’hydratation et indique la capacité des reins à diluer ou à concentrer l’urine. Une diminution de la densité de l’urine révèle l’incapacité des reins à excréter la charge osmotique habituelle dans l’urine qui est moins dense, car elle renferme moins de solutés. Une augmentation de la densité de l’urine peut être causée par la déshydratation ou par une concentration accrue en glucose (diabète) ou en protéines (dysfonction glomérulaire), qui accroissent la densité de l’urine (Lerma & Rosner, 2012). Une urine est isosthénurique si sa densité demeure xe (ne varie pas en fonction de l’apport hydrique) et atteint une valeur approximative de 1010, soit la densité du plasma. Ce phénomène suggère un dysfonctionnement rénal grave, car il signie que les reins ont perdu leurs mécanismes de concentration et de dilution urinaires et sont incapables d’excréter ou de réabsorber l’eau et les solutés.

Osmolalité urinaire L’osmolalité urinaire peut être mesurée en même temps que l’osmolalité sérique. La mesure simultanée des taux d’osmolalité sérique et urinaire permet une évaluation précise de l’état hydrique. Le taux d’osmolalité urinaire normal varie entre 500 et 800 mOsm/kg et dépend de la réabsorption ou de l’excrétion de l’eau dans les tubules rénaux. Le taux d’osmolalité urinaire augmente (et le débit urinaire diminue) en cas de décit du volume hydrique en raison de la rétention du liquide par l’organisme. Le taux d’osmolalité urinaire diminue (et le débit urinaire augmente) en situation d’excès volumique, puisque les reins éliminent alors le surplus hydrique. L’osmolalité urinaire varie de 50 à 100 mOsm/kg dans des situations de diurèse aqueuse abondante,

Collecte des données TABLEAU 25.3

Résultats de l’analyse d’urine

ANALYSE

VALEURS NORMALES

CAUSES POSSIBLES DE VALEURS PLUS ÉLEVÉES

CAUSES POSSIBLES DE VALEURS PLUS BASSES

pH

5,0-8,0

• Alcalose

• Acidose • IRA de type rénal

Densité de l’urine

1,005-1,030a

• • • •

• Surcharge volumique • IRA de type rénal

Osmolalité urinaire

500-800 mOsm/kg

• Décit volumique • IRA de type prérénal

Protéines urinaires

< 150 mg/24 h

• • • •

Créatinine

9-18 mmol/24 h ou 1-2 g/24 h

• Insufsance rénale chronique

Urée

300-700 mmol/24 h ou 15-40 g/24h

• Insufsance rénale chronique

Sodium (électrolytes urinaires)

40-220 mmol/24 h

• • • •

Cylindres

Aucun à très peu (surtout cylindres hyalins)

• Glomérulonéphrite (cylindres érythrocytaires, cylindres leucocytaires) • Pyélonéphrite (cylindres leucocytaires) • Maladie glomérulaire (cylindres érythrocytaires) • Syndrome néphrotique (cylindres graisseux) • Nécrose tubulaire aiguë (cylindres épithéliaux, cylindres granuleux)

Décit volumique Glycosurie Protéinurie IRA de type prérénal

• Excès volumique • IRA de type rénal

Effort (valeur transitoire)b Trauma Infection Maladies glomérulaires (p. ex., glomérulonéphrite) ou tubulaires

Alimentation riche en sodium IRA de type rénal Syndrome néphritique Syndrome néphrotique

Myoglobine (myoglobinurie)

Absente

• Lésion par écrasement • Rhabdomyolyse

GR (hématurie)

0-5c

• • • • •

GB (leucocyturie)

0-5c

• Infection

Bactéries

Aucune à très peu

• Infection • Contamination

• IRA de type prérénal

25

Effort intense Trauma IRA de type rénal Infection Thrombose de l’artère rénale

a Valeurs chez

l’enfant et l’adulte. Les valeurs chez le nouveau-né sont légèrement inférieures : 1,001-1,020. valeurs plus élevées sont généralement observées après un effort physique ; des valeurs plus basses sont observées au repo s. c Cellules par champ à faible grossissement. b Des

Chapitre 25

Évaluation clinique du système rénal et examens paracliniques

815

comme en cas de surcharge hydrique ou de diabète insipide, et peut dépasser 1 100 mOsm/Kg en état de déshydratation (Quérin, Valiquette et al., 2012).

Protéines et créatinine urinaires L’urine est normalement exempte de protéines, puisque les molécules des protéines sont trop grosses pour traverser la membrane des capillaires glomérulaires lorsque celle-ci est intacte. Des taux de protéines urinaires supérieurs à 150 mg/24 h indiquent une membrane glomérulaire compromise et une lésion rénale (Lerma & Rosner, 2012). Traditionnellement, la mesure quantitative de la protéinurie nécessitait la collecte des urines de 24 heures (Lerma & Rosner, 2012). Un échantillon d’urine prélevé au hasard peut également être utilisé, puisque la corrélation entre les deux examens est très forte (Lerma & Rosner, 2012). Les quantités de protéines et de créatinine dans l’échantillon d’urine sont mesurées simultanément. Le rapport protéines urinaires/créatinine urinaire est exprimé en mg/g ou en mg/mmol (1 mmol de créatinine urinaire = 0,11 g de créatinine urinaire). Par exemple, si la valeur de la protéine urinaire est de 300 mg/24 h et la valeur de la créatinine urinaire, de 1,5 g/24 h, alors le rapport protéinurie/créatininurie est de 200 mg/g, soit 22 mg/mmol. Un rapport protéines urinaires/créatinine urinaire supérieur à 100 mg de protéines/1 g de créatinine est anormal et indique une perte de protéines par les reins. Un rapport compris entre 100 mg/g et 2 000 mg/g est fréquent dans le cas de nombreuses maladies rénales. Un rapport supérieur à 2 000 mg/g révèle une protéinurie de type néphrotique, ce qui indique une perte protéique rénale grave (Quérin, Valiquette et al., 2012).

Glucose urinaire

26 Le chapitre 26, Troubles rénaux et approche théra­ peutique, explique l’étio­ logie de l’IRA selon son type : prérénal, rénal ou postrénal.

La glycosurie correspond à la présence de glucose dans l’urine. Normalement, le glucose est complètement réabsorbé par les tubules rénaux, et l’urine devrait être exempte de glucose. Une glycosurie apparaît lorsque le seuil de réabsorption rénale du glucose est atteint et correspond à une concentration urinaire de glucose de 10 mmol/L, voire moins en cas de dysfonctionnement tubulaire (Quérin, Valiquette et al., 2012). Un test par bandelette urinaire permet de détecter une glycosurie lorsque la concentration en glucose varie de 5,5 mmol/L, ou 1 g/L (trace), à 110 mmol/L, ou 20 g/L. En présence d’une insufsance rénale aiguë ou chronique, la glycosurie ne constitue pas un indicateur able du degré d’hyperglycémie en raison des lésions aux néphrons. À l’unité de soins critiques, il convient de mesurer le taux de glucose dans le sang, mais non dans l’urine.

Cétones urinaires La présence de cétones dans l’urine est anormale et révèle une hyperglycémie causée par un diabète de type 1 ou par une acidocétose, ou cétose d’inanition (Lerma & Rosner, 2012).

816

Partie 5

Système rénal

L’acidocétose est l’accumulation de corps cétoniques (acides acétoacétique et bêtahydroxybutyrique), substances produites pendant la dégradation des graisses, qui résulte d’un manque d’insuline et de l’absence de métabolisme glucidique. Cette accumulation entraîne une cétonurie (excrétion de corps cétoniques dans l’urine). L’acidocétose s’observe lorsque l’organisme puise ses réserves énergétiques à l’intérieur des graisses en brûlant celles-ci au lieu d’utiliser le glucose, normalement sa source habituelle d’énergie. Ce phénomène se produit en cas de diabète, car l’organisme ne possède plus l’insuline qui lui permet habituellement de puiser le glucose comme source d’énergie. L’acidocétose est présente, mais modeste durant le jeûne ; elle devient toutefois beaucoup plus importante dans le cas du diabète sucré déséquilibré ou chez l’alcoolique dénutri (Quérin, Valiquette et al., 2012).

Électrolytes urinaires Les taux urinaires d’électrolytes ne sont pas mesurés aussi souvent que les taux sériques, mais ils peuvent fournir de l’information sur la fonction rénale. Pour mesurer les taux urinaires d’électrolytes, un échantillon d’urine de 24 heures peut être requis, quoique les taux de potassium et de sodium puissent être mesurés dans un échantillon recueilli au hasard. L’électrolyte le plus couramment mesuré dans l’urine est le sodium. Le sodium urinaire reète l’action de l’aldostérone et la rétention ou l’excrétion subséquente du sodium par les tubules rénaux an de maintenir l’équilibre hydrique. En présence d’une hypovolémie, les tubules rénaux retiennent le sodium (et l’eau), et la quantité de sodium dans l’urine et l’excrétion fractionnelle du sodium sont très faibles. L’inverse s’observe en cas de surcharge volumique et de maladies rénales causant une perte en sodium. La quantité de sodium dans l’urine peut aider à déterminer la cause de l’IRA, dans la mesure où aucun diurétique n’a été administré. En cas d’IRA de type prérénal attribuable à une circulation inadéquate jusqu’aux reins, le taux urinaire de sodium est faible. Inversement, si des dommages aux tubules rénaux causent l’IRA, le taux urinaire de sodium sera alors normal ou élevé 26 .

Sédiments urinaires La présence de sédiments tels que des cellules épithéliales et des cylindres dans l’urine aide à cibler les problèmes liés aux reins (Lerma & Rosner, 2012). Il est important d’examiner un échantillon d’urine récent, de 30 à 60 minutes après la collecte (Lerma & Rosner, 2012). L’urine devient plus alcaline après sa collecte, ce qui entraîne une modication des sédiments urinaires (p. ex., une dissolution des cylindres, la lyse des cellules). La présence ou l’absence de sédiments urinaires peut aider à déterminer la cause de l’IRA. Dans l’IRA de type prérénale, les reins ne sont pas endommagés,

et il n’y a pas de sédiments urinaires. Dans l’IRA de type rénal, toutefois, les tubules ou les glomérules rénaux sont atteints, et cela fait en sorte que des sédiments (cylindres, cellules épithéliales) se retrouvent dans l’urine (Lerma & Rosner, 2012). Les cylindres sont essentiellement composés de mucoprotéines (protéines de Tamm-Horsfall), qui sont sécrétées par les cellules épithéliales tapissant les anses des néphrons (ou anses de Henlé), les tubules distaux et les tubules collecteurs. Des cylindres peuvent se former en présence de cellules épithéliales, de GR ou de GB dans la lumière tubulaire. Ces cellules ou amas de produits de dégradation cellulaire peuvent adhérer à la matrice formée de brilles de mucoprotéines ou en être entourés, et les cylindres qui en résultent sont évacués des tubules rénaux par le ux urinaire. La composition et la taille des cylindres diffèrent en fonction de la gravité et du type d’insufsance rénale. Par exemple, des cylindres formés de GB peuvent indiquer une pyélonéphrite ou survenir en présence d’une glomérulonéphrite aiguë. Des cylindres composés de GR révèlent une glomérulonéphrite. Les cylindres hyalins, formés de protéines de Tamm-Horsfall, sont associés à une néphropathie parenchymateuse et à une inammation de la membrane des capillaires glomérulaires. La présence constante de cellules épithéliales provenant de la membrane tapissant les néphrons peut indiquer une néphrite. Même si un petit nombre de cellules épithéliales est normal dans l’urine et qu’un cylindre peut y être décelé à l’occasion, leur présence constante devient anormale (Lerma & Rosner, 2012).

Hématurie Une hématurie macroscopique ou microscopique peut indiquer une atteinte rénale. Même si la présence d’un petit nombre de GR dans l’urine s’avère normale, une urine visiblement sanglante indique habituellement un saignement dans les voies urinaires ou un trauma rénal. Il est normal d’observer une hématurie microscopique après un effort vigoureux ou à l’insertion d’un cathéter, mais celle-ci devrait disparaître en l’espace de 48 heures. La myoglobine peut donner une couleur rouge à l’urine, sans qu’il y ait de GR. La présence de myoglobine dans l’urine peut être attribuable à une atteinte des muscles squelettiques (p. ex., une lésion traumatique par écrasement) ou à une rhabdomyolyse. Celle-ci peut apparaître chez les clients admis à l’unité de soins critiques pour de nombreuses raisons, dont un syndrome de perfusion au propofol, un trauma, la consommation de cocaïne, un status epilepticus, un épuisement par la chaleur ou un collapsus à la suite d’une activité physique intense (p. ex., un marathon par temps chaud). La myoglobine est libérée par les cellules musculaires et bloque les tubules, ce qui peut causer une IRA.

25.5

Examens paracliniques

Il est essentiel pour l’inrmière en soins critiques de connaître les indications et l’interprétation des examens paracliniques en néphrologie. Ces examens doivent être orientés par les symptômes signalés par le client et être aussi complets que possible. Ils permettent d’appuyer ou encore d’inrmer un diagnostic différentiel et ainsi de guider les traitements.

25.5.1

Analyse toxicologique de l’urine

L’urine peut être analysée pour dépister la présence d’alcool, de drogues illicites, de médicaments d’ordonnance ou offerts en vente libre et d’autres substances excrétées par les reins (Markway & Baker, 2011). Ce type d’analyse est souvent indiqué pour dépister la drogue dans l’urine (Markway & Baker, 2011). Les analyses toxicologiques de l’urine réalisées au service d’urgence ou à l’unité de soins critiques sont considérées comme des tests de dépistage et ne permettent pas de diagnostiquer un état pathologique (Markway & Baker, 2011). Ces analyses sont généralement effectuées pour fournir de l’information sur les causes d’une altération de l’état de conscience plutôt que pour déterminer la nature d’un problème rénal.

25.5.2

Examens d’imagerie

Même si les analyses de laboratoire sont très souvent utilisées pour diagnostiquer les problèmes rénaux, les examens d’imagerie peuvent conrmer ou clarier les causes de certains troubles. Ces examens comprennent l’échographie et les évaluations radiologiques. L’échographie est une technique d’imagerie non effractive disponible dans la plupart des centres hospitaliers. L’échographie rénale s’avère particulièrement utile pour visualiser la présence, la taille, la forme et le contour des reins, la présence de masses ou de kystes, ainsi que celle d’une sténose de l’artère rénale (Rosen & Simpson, 2012). Les évaluations radiologiques peuvent être simples ou plus complexes et fournissent de l’information au sujet des masses anormales, d’une accumulation anormale de liquide, des obstructions, des altérations de l’apport vasculaire et d’autres troubles touchant les reins ou les voies urinaires TABLEAU 25.4 (Rosen & Simpson, 2012). Certains examens radiologiques nécessitent l’utilisation d’un produit de contraste ou l’injection d’une solution radio-opaque. Comme de nombreux produits utilisés en radiologie sont potentiellement néphrotoxiques, il convient de faire preuve de prudence dans leur emploi chez des clients atteints d’insufsance rénale aiguë ou chronique (Isaac, 2012 ; Stacul, van der Molen, Reimer et al., 2011). Pour prévenir la néphrotoxicité induite par les produits de contraste, il est toujours indiqué Chapitre 25

Évaluation clinique du système rénal et examens paracliniques

25

817

Collecte des données TABLEAU 25.4

Examens d’imagerie du rein

EXAMEN

DESCRIPTION

Échographie

• Consiste en la transmission d’ondes sonores de fréquence élevée aux reins et aux voies urinaires • Permet la visualisation de l’image sur oscilloscope • Est non effractive • Sert à repérer l’accumulation de liquide, les calculs, les kystes, les masses et les obstructions • Est utile pour évaluer le rein avant une biopsie

Radiographie des reins, des uretères et de la vessie

• Est une radiographie par capteur plan de l’abdomen • Détermine la position, la taille et la structure des reins, des voies urinaires et du bassin • Est utile pour repérer la présence de calculs et de masses • Est habituellement suivie d’examens complémentaires

Pyélogramme intraveineux (PIV)

• Consiste en l’injection I.V. d’une solution de contraste avec radiographie • Permet de visualiser l’appareil urinaire

Angiographie

• Consiste en l’injection d’une solution de contraste dans le sang artériel irriguant les reins • Permet de visualiser le débit sanguin rénal • Peut également permettre de visualiser une sténose, des kystes, des caillots, un trauma ou un infarcissement

Tomodensitométrie (TDM)

• Consiste en l’administration par voie I.V. et l’absorption par les reins d’un radio-isotope, suivies par une scintigraphie réalisée sur différents plans • Offre une imagerie rapide grâce à la TDM hélicoïdale • Permet, grâce à la densité de l’image, d’évaluer les vaisseaux des reins et leur perfusion ainsi que les calculs, les hémorragies, les kystes, la nécrose, les traumas et les tumeurs

Imagerie par résonance magnétique (IRM)

• Consiste en la production d’images tridimensionnelles en réponse aux ondes de radiofréquence dirigées sur les tissus • Permet la production d’images claires • Révèle, grâce à la densité de l’image, des calculs, un kyste, une malformation des vaisseaux ou des tubules, une masse, une nécrose ou un trauma

de bien hydrater le client avant et après l’examen, et de surveiller attentivement la fonction rénale (Isaac, 2012 ; Stacul et al., 2011).

25.5.3

Biopsie rénale

La biopsie rénale est l’intervention de référence pour diagnostiquer les processus pathologiques touchant le parenchyme rénal. La biopsie à l’aiguille percutanée consiste à introduire une aiguille dans le anc

818

Partie 5

Système rénal

pour prélever un échantillon de tissu rénal médullaire et cortical (Corapi, Chen, Balk et al., 2012 ; Whittier, 2012). La biopsie ouverte nécessite une intervention chirurgicale ; elle est rarement réalisée chez un client gravement malade. Dans un cas comme dans l’autre, la biopsie constitue le dernier choix pour poser un diagnostic chez un client gravement atteint en raison du risque de saignements périopératoires, d’hématome et d’infection (Corapi et al., 2012 ; Whittier, 2012).

À RETENIR • L’entrevue contribue à repérer les facteurs prédisposant à l’insufsance rénale aiguë (IRA), y compris l’utilisation de médicaments offerts en vente libre, les infections récentes ayant nécessité une antibiothérapie, la prise d’antihypertenseurs et tout examen paraclinique réalisé au moyen d’un produit de contraste radio-opaque. • Le débit urinaire peut être réduit ou normal, en fonction de la cause du dysfonctionnement rénal, mais un faible débit urinaire ne peut à lui seul indiquer une IRA. • Le dosage de l’azote uréique sanguin n’est plus utilisé dans le système international d’unités. Il est remplacé par le dosage de l’urée, qui est aussi un sous-produit du métabolisme des protéines et des acides

aminés. La détérioration de la fonction rénale accroît le taux d’urée sanguine.

phosphate, du calcium, du chlorure et du bicarbonate.

• La créatinine sérique est utilisée pour évaluer la fonction rénale chez les clients gravement malades, puisqu’elle n’est pas réabsorbée par les tubules rénaux et que son taux augmente lorsque la fonction rénale se détériore. La mesure ou l’estimation de la clairance de la créatinine sont aussi employées pour évaluer le débit de ltration glomérulaire (DFG).

• L’écart (ou trou) anionique est accru en présence d’une insufsance rénale en association avec des modications électrolytiques et acidobasiques.

• La cystatine C est un biomarqueur sérique de plus en plus utilisé pour la détection rapide de l’IRA. • Les déséquilibres électrolytiques sont fréquents dans l’insufsance rénale, dont ceux du sodium, du potassium, du

Chapitre 25

• L’analyse d’urine peut fournir des renseignements précieux sur la fonction rénale, mais les résultats ne sont pas ables si le client a récemment reçu un diurétique. • L’échographie, la tomodensitométrie (TDM) et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) sont des examens non effractifs utilisés pour obtenir des images du rein. • La biopsie rénale est rarement réalisée chez un client gravement malade en raison du risque de saignements périopératoires, d’hématome et d’infection.

Évaluation clinique du système rénal et examens paracliniques

819

chapitre

26

Troubles rénaux et approche thérapeutique

Écrit par : Mary E. Lough, PhD, RN, CNS, CCRN, CNRN, CCNS Adapté par : Christine Lapointe, inf., M. Sc., IPSN

L

’insufsance rénale aiguë (IRA) touche environ 5 % des clients hospitalisés, dont 20 % sont admis aux soins intensifs (Bouchard, Leblanc & Gagné, 2012). Normalement, un diagnostic d’IRA seul n’entraîne pas l’admission d’un client à l’unité de soins critiques. Généralement, il est atteint d’une affection hémodynamique, cardiaque, pulmonaire ou neu­ rologique comorbide pour y être admis. Ainsi, de nombreux clients hospitalisés présentent des changements sous­jacents de leur fonction rénale tels qu’une concentration élevée de créatinine sérique, mais puisqu’ils n’ont aucun symptôme, ils ne savent généralement pas que leur fonction rénale est compromise. En cas de complications dans tout autre système de l’organisme, le manque de réserve des reins expose ces clients à un risque accru d’IRA. L’IRA a longtemps été perçue comme une maladie ayant peu de conséquences à long terme, mais elle peut entraîner des effets néfastes et possiblement mortels dans certains cas. Par exemple, l’IRA causée par une nécrose tubulaire aiguë favorise une détérioration progres­ sive de la fonction rénale chez certains clients, en particulier chez ceux déjà atteints d’insuf­ sance rénale chronique sous­jacente (Bouchard et al., 2012). L’approche thérapeutique de l’IRA vise à admettre au centre hospitalier les clients atteints d’une maladie rénale sous­jacente et d’un dysfonctionnement multisystémique qui complique leur évolution clinique. L’inrmière en soins critiques porte une attention particulière à chaque client an de prévenir et de traiter l’IRA le plus efcacement possible.

26.1

Troubles rénaux : insufsance rénale aiguë

L’insuffisance rénale aiguë (IRA) désigne un ensemble de troubles rénaux soudains variant de la défaillance rénale bénigne à la défaillance rénale aiguë, qui nécessite une thérapie de suppléance rénale (Bellomo, 2011 ; Singbartl & Kellum, 2012). Une IRA grave se caractérise par une diminution soudaine du débit de ltration glomérulaire (DFG) et par une rétention subséquente de substances du sang normalement excrétées par les reins, ce qui perturbe l’équilibre électrolytique, acidobasique et liquidien. Le client en situation critique de santé est souvent atteint d’un trouble comorbide non rénal qui augmente sa vulnérabilité à l’IRA. Les troubles comorbides à risque élevé incluent l’état de choc, l’insufsance cardiaque, l’insufsance respiratoire et la septicémie. Les causes les plus fréquentes d’IRA chez le client gravement malade sont liées à la septicémie et à la chirurgie cardiaque (Bellomo, 2011). Ainsi, l’inflammation causée par la septicémie explique près de 50 % des cas d’IRA observés dans les unités de soins critiques (Bellomo, 2011). Une étude de l’incidence et de l’évolution de l’IRA grave chez 618 clients de 6 centres médicaux universitaires a révélé que l’IRA était accompagnée d’une défaillance multisystémique chez la plupart des clients, même chez ceux qui n’avaient pas besoin de dialyse (Mehta, Pascual, Soroko et al., 2004). Dans le cadre de cette étude, 64 % des clients ont eu besoin de dialyse, 37 % des clients hospitalisés sont décédés, et 50 % des clients n’ont pas retrouvé leur fonction rénale antérieure (dialyse permanente) ou sont décédés (Mehta et al., 2004). Dans les cas où quatre systèmes de l’organisme ont subi une défaillance, le taux de mortalité a dépassé 50 % (Mehta et al., 2004). D’autres études cliniques rapportent des résultats semblables avec des taux de mortalité également élevés (Singbartl & Kellum, 2012). Les clients en situation critique de santé atteints d’IRA nécessitent une plus longue hospitalisation, présentent davantage de complications et ont un taux de mortalité plus élevé que ceux qui n’ont pas d’IRA (Bellomo, 2011 ; Singbartl & Kellum, 2012). Lorsque celle-ci survient en soins critiques, en contexte d’atteinte multisystémique, les taux de mortalité se situent entre 50 et 90 % (Bouchard et al., 2012).

26.1.1

augmentent articiellement le débit urinaire, sans toutefois corriger la défaillance rénale de base. Il est de ce fait difcile d’estimer précisément l’incidence de l’IRA dans les unités de soins critiques.

Dénition Critères RIFLE Un groupe multinational de néphrologues a élaboré une classication du risque pour le client en phase critique de voir se développer une IRA (Bellomo, 2011 ; Singbartl & Kellum, 2012). Cette classication, appelée RIFLE (Risk, Injury, Failure, Loss, End-stage kidney disease), se fonde sur cinq éléments : 1) le risque ; 2) la lésion ; 3) l’insufsance ; 4) la perte ; 5) l’insuffisance rénale terminale (Singbartl & Kellum, 2012). Elle classe l’IRA en trois catégories de gravité croissante (R, I, F) et selon deux critères de résultats (L, E) fondés sur le DFG (Singbartl & Kellum, 2012) TABLEAU 26.1. Si l’IRA s’ajoute à une atteinte rénale déjà en place, le terme chronique est

Collecte des données TABLEAU 26.1 ACRONYME

CRÉATININE SÉRIQUE*

DÉBIT URINAIRE

Risque (Risk )

• Créatinine sérique 1,5 fois supérieure à la valeur de base ; ou • ↑ créatinine ≥ 27 μmol/L ; ou • ↓ DFG de plus de 25 %

• Diurèse < 0,5 ml/kg/h pendant 6 h

Lésion (Injury )

• Créatinine sérique 2 fois supérieure à la valeur de base ; ou • ↓ DFG de plus de 50 %

• Diurèse < 0,5 ml/kg/h pendant 12 h

Insufsance (Failure )

• Créatinine sérique 3 fois supérieure à la valeur de base ; ou • Créatinine sérique ≥ 350 μmol/L ; ou • ↑ aiguë de la créatinine sérique ≥ 44 μmol/L ; ou • ↓ DFG de plus de 75 %

• Diurèse < 0,3 ml/kg/h pendant 24 h ; ou • Anurie pendant 12 h

Perte (Loss )

• IRA persistante = perte complète de la fonction rénale pendant plus de 4 semaines.

Insufsance rénale terminale (End stage kidney disease)

• IRA persistante pendant plus de 3 mois

Étiologie

Le diagnostic de l’IRA découle principalement de modications du débit urinaire et de l’augmentation de la créatinine sérique, considérant que ces changements reètent une diminution du débit de ltration glomérulaire (DFG) (Bellomo, 2011 ; Singbartl & Kellum, 2012). L’évaluation de la fonction rénale est indirecte, et l’utilisation de la mesure du débit urinaire s’avère parfois problématique, car les diurétiques

Critères RIFLE de l’insufsance rénale aiguë

26

* De nombreux clients admis aux soins critiques sont déjà atteints d’une affection rénale, mais ils ne le savent pas ; ils ont donc une créatinémie plus élevée que la normale. Aussi, toutes les analyses de la créatinine sérique sont fondées sur des changements par rapport aux valeurs de base (à l’admission) et non par rapport aux valeurs normales de créatinine. Source : Adapté de Kellum, Bellomo & Ronco (2008) Chapitre 26

Troubles rénaux et approche thérapeutique

821

juxtaposé aux critères RIFLE pour indiquer une cause aiguë sur une insufsance rénale chronique (Singbartl & Kellum, 2012).

Critères AKIN 24 L’inuence du débit san­ guin glomérulaire sur la ltration glomérulaire est décrite dans le chapitre 24, Anatomie et physiologie du système rénal.

Les critères AKIN (Acute Kidney Injury Network) sont comparables à ceux de la classication RIFLE ENCADRÉ 26.1. Les deux systèmes de classication démontrent que, chez le client en phase critique, de petits changements de la créatinine sérique et du débit urinaire peuvent indiquer une importante détérioration du DFG et de la fonction rénale FIGURE 26.1.

Typologie L’IRA peut être classée en fonction du siège de l’atteinte par rapport au rein. Ainsi, l’IRA peut être de type prérénal (avant), de type rénal (dans) et de type postrénal (après) ENCADRÉ 26.2. L’IRA de type rénal est également appelée IRA parenchymateuse. Cette typologie fait le lien entre l’anatomie et les atteintes fonctionnelles des reins, bien que la corrélation avec les résultats des examens du client atteint d’IRA ne soit pas évidente. À l’inverse, les classications RIFLE et AKIN associent la gravité de l’IRA à sa mortalité (Bouchard et al., 2012).

Insufsance rénale aiguë de type prérénal

Collecte des données ENCADRÉ 26.1

Critères AKIN de l’insufsance rénale aiguë

DÉFINITION

• L’IRA est une diminution soudaine (en 48 h) de la fonction rénale dénie par : – ↑ absolue de la concentration de créatinine sérique ≥ 27 μmol/L ; – ↑ pourcentage de créatinine sérique ≥ 50 % (1,5 fois les valeurs de base) ; – ↓ débit urinaire (diurèse < 0,5 ml/kg/h pendant plus de 6 h). NOTES EXPLICATIVES

• Créatinine sérique : les critères AKIN incluent un changement absolu et un changement du pourcentage de la créa­ tinine pour tenir compte des variations liées à l’âge, au sexe et à l’indice de masse corporelle et pour réduire la nécessité de connaître la concentration de créatinine de base, mais ils nécessitent

au moins 2 valeurs de créatinine sérique en 48 heures. • Débit urinaire : le critère de débit urinaire a été inclus en fonction de l’importance pré­ dictive de cette mesure, mais en considé­ rant le fait que le débit urinaire peut ne pas être mesuré régulièrement hors d’une unité de soins critiques. Le diagnostic fondé sur ce critère seul nécessite l’exclusion d’une obstruction des voies urinaires, qui réduit le débit urinaire, ou d’autres causes facile­ ment réversibles de la réduction du débit urinaire. • Contexte clinique : les critères AKIN doivent être utilisés en milieu hospitalier et après une réhydratation adéquate s’il y a lieu. • État physiologique : l’IRA peut s’ajouter ou mener à une maladie rénale chronique sous­jacente.

Sources : Adapté de Mehta, Kellum, Shah et al. (2007) ; Valette, Terzi Du Cheyron (2010)

FIGURE 26.1

Évolution de l’insufsance rénale aiguë (IRA).

822

Partie 5

Système rénal

Toute affection qui réduit le débit sanguin ou la pression artérielle (P.A.) avant que le sang atteigne l’artère rénale peut être anatomiquement décrite comme une IRA de type prérénal (Bellomo, 2011). Lorsque l’hypoperfusion artérielle due à un faible D.C., à une hémorragie, à la vasodilatation, à une thrombose ou à toute autre cause réduit le débit sanguin vers les reins, la ltration glomérulaire diminue, ce qui entraîne une diminution du débit urinaire ENCADRÉ 26.2 24 . C’est l’une des principales raisons pour lesquelles l’inrmière en soins critiques surveille le débit urinaire toutes les heures (Macedo, Malhotra, Claure-Del Granado et al., 2011 ; Prowle, Liu, Licari et al., 2011). Initialement, au stade prérénal de l’IRA, l’intégrité de la structure et du fonctionnement du néphron peut être préservée. Si l’irrigation sanguine et le D.C. normaux sont restaurés rapidement, le rein se rétablira et ne subira pas de dommage permanent. Toutefois, si l’atteinte prérénale n’est pas corrigée, le DFG diminuera, et la concentration d’urée sérique augmentera (urée prérénale) (Bellomo, 2011). L’urémie désigne une augmentation soudaine de la concentration d’urée sérique souvent liée à l’IRA de type prérénal (Bellomo, 2011 ; Rachoin, Daher, Moussallem et al., 2012). Une oligurie se développe ensuite, et le client pourrait subir des dommages importants aux reins. L’oligurie, qui se définit comme un débit

urinaire inférieur à 400 ml/jour ou à 0,5 ml/kg/h (Prowle et al., 2011) avec une créatinine sérique élevée, est un résultat classique de l’IRA. L’urémie prérénale est liée à une plus faible mortalité que d’autres formes d’IRA (Rachoin et al., 2012).

Insufsance rénale aiguë de type rénal Toute affection qui cause une atteinte ischémique ou toxique directe dans le parenchyme du néphron expose le client à un risque d’IRA de type rénal (Bellomo, 2011) ENCADRÉ 26.2. La cause la plus fréquente d’IRA de type rénal est la nécrose tubulaire aiguë (NTA). Une réduction de la perfusion rénale (p. ex., due à une hypotension, à un faible D.C.) qui se prolonge sufsamment longtemps entraîne une ischémie, puis une NTA. Ainsi, un processus d’IRA de type prérénal peut se transformer en type rénal s’il est soutenu. Les deux troubles doivent donc être considérés comme un continuum (Bouchard et al., 2012). La NTA peut également être causée par des substances qui endommagent l’endothélium tubulaire des reins telles que certains médicaments antimicrobiens et les produits de contraste utilisés pour les examens radiologiques. L’atteinte peut toucher le glomérule et l’épithélium tubulaire.

Insufsance rénale aiguë de type postrénal Toute obstruction qui nuit au ot d’urine dans les voies urinaires en aval des reins peut entraîner une IRA de type postrénal. Il ne s’agit pas d’une cause commune d’insufsance rénale chez le client en phase critique (Bellomo, 2011). Quand le monitorage révèle une diminution soudaine du débit urinaire dans le cathéter urinaire, il peut y avoir un blocage. En cas d’anurie soudaine, l’inrmière vérie si le cathéter urinaire est obstrué.

26.1.2

ENCADRÉ 26.2

Causes possibles de l’insufsance rénale aiguë

INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË DE TYPE PRÉRÉNAL (DIMINUTION DE LA PERFUSION RÉNALE)

• Vasodilatation périphérique, qui s’accom­ pagne d’une vasodilatation intrarénale et d’une hypotension prolongée (en raison de l’administration d’agents vasodilata­ teurs puissants ou d’une anaphylaxie) • Vasodilatation de l’artériole efférente (liée à l’administration d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine [IECA] ou d’antagonistes des récepteurs de l’angio­ tensine [ARA], si concomitante à une autre perturbation hémodynamique) • Vasodilatation intrarénale (par des média­ teurs endogènes en cas de septicémie ou par des agents exogènes comme les anti­ inammatoires non stéroïdiens [AINS], la cyclosporine [NeoralMD], le tacrolimus [PrografMD] ou les vasopresseurs) • Réduction du débit cardiaque (D.C.) (en raison d’un choc cardiogénique, d’une insufsance cardiaque gauche ou droite ou d’une tamponnade cardiaque) • Séquestration de volume (due à la for­ mation d’un troisième espace après une chirurgie abdominale extensive ou une pancréatite, à la formation d’ascite en cas de cirrhose ou à la formation d’un œdème généralisé chez un client néphrotique)

• Perte de volume extracellulaire (p. ex., par des brûlures extensives, la déshydratation, une diarrhée profuse, une hémorragie ou une diurèse excessive) • Thrombose rénovasculaire (thromboembolie) INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË DE TYPE RÉNAL (OU PARENCHYMATEUSE)

• Ischémie rénale (stade avancé de l’IRA de type prérénal) • Toxines endogènes (entraînant une rhabdo­ myolyse ou un syndrome de lyse tumorale) • Toxines exogènes (p. ex., par un produit de contraste radiologique, des médicaments néphrotoxiques) • Atteintes inammatoires (p. ex., une glomé­ rulonéphrite, une néphrite interstitielle aiguë) et atteintes vasculaires (p. ex., des athéroembolies, une crise sclérodermique, des dissections de l’artère rénale principale avec infarctus rénal, une hypertension arté­ rielle maligne, un purpura thrombotique thrombocytopénique, un syndrome hémo­ lytique et urémique, des thromboses et embolies rénales, des vasculites) INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË DE TYPE POSTRÉNAL

• Obstruction vésicale, obstruction urétérale, obstruction urétrale • Autre cause, rare, d’IRA en soins critiques

Source : Adapté de Bouchard et al. (2012)

Physiopathologie : comorbidités

De nombreux clients qui arrivent à l’unité de soins critiques ont une maladie qui les prédispose à l’IRA. D’autres sont déjà atteints d’une affection rénale, mais ils ne le savent pas.

Insufsance rénale chronique sous-jacente L’insufsance rénale chronique (IRC) constitue un important problème de santé publique au Canada (Vallée, 2011). Il est estimé que 2,6 millions de Canadiens sont à risque de voir se développer une maladie rénale ou en sont déjà atteints (Fondation canadienne du rein, 2011). Une hausse de l’incidence et de la prévalence de l’IRC est également anticipée pour les années à venir en raison du vieillissement de la population canadienne. La prévalence de l’IRC augmente fortement avec : 1) l’âge de la population (Zhang & Rothenbacher, 2008) ; 2) la hausse de l’incidence du diabète de type 2 (Association canadienne du diabète, 2009) ; 3) l’allongement de la survie des personnes atteintes d’IRC (Tu, Nardi, Fang et al., 2009 ; Vallée, 2011). Selon la Fondation canadienne du rein (2014), le diabète de type 2 est l’une des principales causes d’IRC.

26 L’IRC est divisée en cinq stades TABLEAU 26.2. En raison du nombre élevé d’adultes atteints d’un dysfonctionnement rénal (diagnostiqué ou non), il faut évaluer la fonction rénale de tout client en situation critique de santé qui présente un risque de déséquilibre liquidien et électrolytique. En effet, la plupart des clients qui en sont aux premiers stades de l’insufsance rénale ne sont souvent pas conscients de leur état (Nickolas, Frisch, Opotowsky et al., 2004).

Insufsance cardiaque Il existe un lien étroit entre l’insufsance rénale et l’insufsance cardiaque (Carubelli, Metra, Lombardi et al., 2012). Des études effectuées auprès de clients gravement malades atteints d’IRA ont montré que 54 % d’entre eux étaient atteints d’une IRA et d’une insufsance cardiaque (Mehta et al., 2004). Il est reconnu que les clients ayant ces deux affections ne présentent pas tous les mêmes manifestations, et les interactions cœur-reins – ou syndromes cardiorénaux – sont classées en cinq catégories (Ronco, McCullough, Chapitre 26

Troubles rénaux et approche thérapeutique

823

TABLEAU 26.2

Stades de l’insufsance rénale chronique

STADE

DÉBIT DE FILTRATION GLOMÉRULAIRE

1

> 90 ml/min/1,73 m2 (DFG normal), mais présence d’autres anomalies (p. ex., une albuminurie)

2

60-89 ml/min/1,73 m2

3

30-59 ml/min/1,73 m2

4

15-29 ml/min/1,73 m2

5

< 15 ml/min/1,73 m2 ou besoin de dialyse

Source : Adapté de National Kidney Foundation (2002)

Les cinq syndromes cardio­ rénaux sont décrits en détail à l’adresse suivante : www.consensus­ online.fr/IMG/article_PDF/ article_a928.pdf.

Anker et al., 2010). Ce système de classication permet de déterminer les biomarqueurs et les traitements pertinents ainsi que les possibilités de recherche futures (Ronco et al., 2010). Plusieurs des facteurs de risque d’une athérosclérose cardiovasculaire sont aussi nuisibles aux reins à long terme, notamment l’hypertension et le diabète. Le maintien d’une P.A. inférieure à 130/80 mm Hg et d’une glycémie normale réduit le risque de voir se développer à la fois une IRC et une athérosclérose cardiovasculaire, telles une maladie coronarienne ou une maladie artérielle périphérique.

Insufsance respiratoire Il y a un lien étroit entre l’insufsance respiratoire et l’insufsance rénale. Des études effectuées auprès de clients gravement malades atteints d’insufsance rénale ont montré que plus de 50 % d’entre eux avaient une insufsance respiratoire (Mehta et al., 2004). La ventilation mécanique peut modier la fonction rénale. La ventilation à pression positive réduit le ot sanguin vers les reins, le DFG et le débit urinaire (Koyner & Murray, 2010). Ces effets sont accrus par l’ajout d’une pression expiratoire positive (Koyner & Murray, 2010). L’IRA augmente l’inammation, rend les vaisseaux pulmonaires plus perméables et contribue au développement du syndrome de détresse respiratoire aigu. Le client atteint d’IRA est plus susceptible d’avoir besoin d’une ventilation mécanique de longue durée (Pan, Kao, Lien et al., 2011 ; Vieira, Castro, Curvello-Neto et al., 2007).

Septicémie La septicémie est responsable de près de la moitié des cas d’IRA des clients en situation critique de santé (Bellomo, 2011). La septicémie et le choc septique créent une instabilité hémodynamique et réduisent l’irrigation sanguine des reins. Des facteurs immunologiques, toxiques et inammatoires peuvent modier le fonctionnement des microvaisseaux rénaux et des cellules tubulaires. Les directives cliniques pour le soutien hémodynamique en cas de septicémie soulignent la nécessité d’une réplétion

824

Partie 5

Système rénal

liquidienne adéquate ; le renversement de l’hypotension et le rétablissement de la stabilité hémodynamique sont souvent possibles avec l’administration de solutés intraveineux (I.V.) seulement (Dellinger, Levy, Rhodes et al., 2013). Malheureusement, dans le cas d’une septicémie grave, l’inammation augmente la perméabilité vasculaire, et une bonne partie des solutés administrés peut aller dans le troisième espace (espace interstitiel). Si la P.A. est réfractaire à la réplétion du volume liquidien et reste basse, l’utilisation de vasopresseurs est recommandée an de l’élever (Dellinger et al., 2013). Les vasopresseurs font augmenter la P.A. et la résistance vasculaire systémique, mais ils peuvent aussi accroître la résistance des microvaisseaux rénaux. Pour renverser les effets nocifs de la septicémie, il est aussi possible de maintenir la concentration d’hémoglobine du sang de 70 à 90 g/L et la glycémie inférieure à 8,3 mmol/L et d’assurer une hydratation optimale, indiquée par une pression veineuse centrale (PVC) supérieure à 8 mm Hg (Dellinger et al., 2013).

Trauma Les données démographiques liées aux clients ayant subi un trauma diffèrent de celles des autres populations de soins critiques. Ces clients, généralement plus jeunes, sont toujours admis à l’urgence, il s’agit plus souvent d’hommes, et ils présentent moins de maladies comorbides (Bagshaw, George, Gibney et al., 2008). Dans une étude rétrospective ayant couvert cinq années et ayant porté sur 9 449 admissions de victimes d’un trauma en soins critiques (en Australie et en Nouvelle-Zélande), les critères RIFLE ont été utilisés pour déterminer l’incidence de l’IRA dans les 24 heures suivant l’admission : une IRA s’est développée chez 18 % des victimes de trauma (Bagshaw et al., 2008). Chez les clients plus âgés ou ayant une maladie comorbide préexistante, le risque d’IRA était de 35 % (Bagshaw et al., 2008). Cependant, la réelle incidence de l’IRA a probablement été sous-estimée parce que l’étude ne tenait pas compte des clients chez qui une IRA s’était développée plus de 24 heures après leur admission à l’unité de soins critiques (Bagshaw et al., 2008). Le client ayant subi une blessure importante par écrasement présente un risque élevé de rhabdomyolyse, c’est-à-dire une insufsance rénale causée par la libération de créatine et de myoglobine par les cellules musculaires endommagées (Delaney, Givens & Vohra, 2012). Une grande quantité de myoglobine est toxique pour les reins. L’un des principaux objectifs du traitement du client ayant subi un trauma est de prévenir l’IRA causée par la rhabdomyolyse. Le taux de mortalité demeure faible, pourvu qu’un volume adéquat de cristalloïdes soit administré tôt au cours du traitement (Shapiro, Baldea & Luchette, 2011). Il importe de surveiller l’évolution de la concentration sérique de potassium. Une hyperkaliémie potentiellement mortelle peut survenir si la lyse cellulaire permet la libération de potassium intracellulaire dans le sang (Parekh, Care & Tainter, 2012).

Le client ayant une rhabdomyolyse présente une concentration accrue de créatine kinase (CK), un marqueur des dommages musculaires. Selon Brown et ses collaborateurs (2004), parmi 2 083 victimes de trauma admises dans un service de traumatologie, 85 % présentaient une concentration élevée de CK, et une IRA due à une rhabdomyolyse s’est développée chez 10 %. Une concentration de CK de 5 000 unités/L (valeurs normales : 30-213 unités/L) était la valeur anormale la plus basse des clients atteints d’une IRA due à une rhabdomyolyse (Brown et al., 2004). Le rétablissement du volume liquidien par l’administration de cristalloïdes est le principal traitement pour préserver une fonction rénale adéquate et prévenir l’IRA. Les liquides I.V. sont souvent alcalinisés par l’ajout de bicarbonate, et le débit urinaire est accru par l’administration I.V. de mannitol (OsmitrolMD), un diurétique osmotique, même si ces stratégies sont controversées (Bouchard et al., 2012). Ce type de traitement au bicarbonate et au mannitol est entrepris pour prévenir l’acidose et l’hyperkaliémie, deux complications fréquentes de la rhabdomyolyse. Chaque heure, l’inrmière vérie le débit urinaire et la couleur de l’urine, qui peut être brun foncé ou couleur thé (Shapiro et al., 2011), la concentration de CK, de créatinine sérique et de potassium sérique, ainsi que tout signe de syndrome de loge du client admis aux soins critiques avec ce diagnostic.

Néphropathie associée aux produits de contraste Chaque année, de nombreux examens radiologiques sont effectués avec des produits de contraste radioopaque injectés par voie I.V. Environ 1 % des clients subissant ces examens ont besoin de dialyse en raison de la néphropathie associée à ces produits (Weisbord, Hartwig, Sonel et al., 2008). Les clients les plus à risque sont : 1) les personnes atteintes d’une IRC préexistante ; 2) les clients présentant une concentration de créatinine sérique de base supérieure à 132 μmol/L, une déshydratation, du diabète ou une insufsance cardiaque ; 3) les personnes âgées de plus de 75 ans (Isaac, 2012 ; Stacul, van der Molen, Reimer et al., 2011). La dénition clinique de la néphropathie associée aux produits de contraste est une augmentation de la créatinine sérique de 44 μmol/L ou plus, ou une augmentation de 25 % des valeurs de base du client dans les 3 jours suivant l’exposition à un produit de contraste, sans autre explication clinique que le développement de l’IRA (Stacul et al., 2011). Les effets d’une IRA réversible due à un produit de contraste peuvent ne pas se limiter à une hospitalisation immédiate ; la mortalité est accrue dans les cinq années suivant l’IRA réversible comparativement à des clients dans une situation semblable, mais qui n’ont pas subi de lésion aux reins (Goldenberg, Chonchol & Guetta, 2008). Les produits de contraste de haut poids moléculaire sont particulièrement susceptibles de causer une néphropathie. Pour la prévenir, l’une des stratégies

recommandées consiste à utiliser une plus faible quantité de produit de contraste par examen et à opter pour des produits non ioniques, à basse osmolarité ou iso-osmolaires (p. ex., l’iohexol [OmnipaqueMD]), qui sont moins néphrotoxiques (Stacul et al., 2011). De plus, l’hydratation dynamique avec une solution physiologique salée (NaCl) pendant et après l’examen est la meilleure manière de prévenir la néphropathie associée aux produits de contraste (Stacul et al., 2011). En l’absence de contre-indication, après certains examens paracliniques effectués avec un cathéter intravasculaire et utilisant un produit de contraste néphrotoxique, il est également demandé au client éveillé de boire plusieurs litres d’eau pendant une période de 12 heures an d’éviter la déshydratation et de protéger ses reins. Le bicarbonate, en raison de son effet alcalinisant, et l’hydratation avec une solution physiologique salée peuvent offrir une protection aux reins vulnérables (Stacul et al., 2011). D’autres stratégies telles que l’administration de N-acétylcystéine (MucomystMD) ou l’hémoltration comme traitement d’appoint ont obtenu des résultats contradictoires à l’occasion de projets de recherche et ne sont pas recommandées (Stacul et al., 2011). La prise de médicaments potentiellement néphrotoxiques doit être interrompue avant l’examen. Dans de rares cas, un lien a été établi entre l’acidose lactique et la metformine (GlucophageMD), un médicament qui diminue la résistance à l’insuline dans le diabète de type 2 (Stacul et al., 2011). Pour le client ayant une concentration élevée de créatinine sérique, la prise de metformine doit être arrêtée le jour précédant tout examen avec produit de contraste et ne doit être recommencée que 48 heures plus tard, lorsque la créatinine est revenue aux valeurs de base (Isaac, 2012). Au besoin, un traitement de remplacement peut être entrepris par le médecin an de prévenir tout problème lié à la glycémie du client.

26

Infection des voies urinaires due au cathéter Un cathéter urinaire est inséré chez la plupart des clients en situation critique de santé an de mesurer précisément leur débit urinaire (Institute for Healthcare Improvement, 2012). Cette utilisation du cathéter urinaire est appropriée. Toutefois, en raison du risque d’infection des voies urinaires due à un cathéter (IVUC), celui-ci doit être retiré dès que cela est cliniquement possible (Centers for Disease Control and Prevention, 2009). Le client gravement malade ayant un trouble de longue durée présente un risque important d’IVUC, particulièrement si le cathéter est en place pendant plusieurs jours (Burton, Edwards, Srinivasan et al., 2011). De plus, les clients en phase critique atteints d’une IVUC présentent un taux de mortalité plus élevé et sont hospitalisés plus longtemps que ceux qui n’ont pas cette infection (Chant, Smith, Marshall et al., 2011). La prévention est essentielle pour éliminer l’IVUC et, dans ce but, de nombreuses unités de soins critiques ont mis en place des Chapitre 26

Troubles rénaux et approche thérapeutique

825

normes de pratique (Marra, Sampaio Camargo, Gonçalves et al., 2011 ; Titsworth, Hester, Correia et al., 2012) ENCADRÉ 26.3.

26.1.3

18 Les concentrations sériques normales du bicarbonate sont présentées dans le chapitre 18, Examens paraclini­ ques du système respiratoire.

Manifestations cliniques et examens paracliniques

L’IRA n’est pas une maladie en soi, mais plutôt une réponse rénale à une variété d’agressions qui déclenchent des mécanismes physiopathologiques et des manifestations cliniques différents. Les

causes d’IRA sont généralement regroupées en trois grandes catégories (prérénale, rénale ou postrénale) et peuvent inuer sur les examens paracliniques de façon différente (Quérin, Valiquette et al., 2012).

Analyses de laboratoire Dans le cas d’une IRA soupçonnée, le degré de lésion est évalué par une analyse sanguine TABLEAU 26.3 . La concentration de la plupart des électrolytes sériques augmente à mesure que l’IRA se développe 18 24 . L’IRA modie

Gestion des risques liés aux soins ENCADRÉ 26.3

Prévenir l’infection des voies urinaires due au cathéter

ÉVITER L’UTILISATION INUTILE D’UN CATHÉTER URINAIRE À BALLONNET

Indications pour les soins critiques • Nécessité de mesurer précisément le débit urinaire • Nécessité en cas d’immobilisation de longue durée (p. ex., une colonne thoracique ou lombaire possiblement instable, des lésions traumatiques multiples telles que des fractures du bassin) Indications périopératoires • Au cours d’une chirurgie des voies génito-urinaires • Au cours d’une longue chirurgie (le cathéter qui est inséré pour cette raison doit être retiré en salle de réveil) • En cas de perfusion de grands volumes de liquides ou d’administration de diurétiques pendant la chirurgie • Pour la surveillance peropératoire du débit urinaire Autres indications • En cas de rétention urinaire aiguë ou d’obstruction de l’orice de sortie de la vessie • Pour la guérison des plaies ouvertes du sacrum ou du périnée du client incontinent • Pour l’amélioration du bien-être du client en n de vie INSÉRER LE CATHÉTER URINAIRE EN UTILISANT UNE TECHNIQUE ASEPTIQUE

Hygiène des mains • Procéder à l’hygiène des mains avant et après toute activité de soins du client. • Porter des gants stériles pour toucher le site d’insertion du cathéter ou le méat. Technique et matériel stériles • Utiliser une trousse de matériel standard qui contient tous les éléments nécessaires : gants, champs et éponges stériles, solution antiseptique pour le nettoyage du méat et paquet jetable de gelée lubriante pour l’insertion. • Utiliser le plus petit cathéter possible pour réduire au minimum les lésions à l’urètre. • Faire une seule tentative d’insertion avec un même cathéter urinaire. • Si une deuxième tentative d’insertion du cathéter est nécessaire, utiliser un nouveau cathéter. UTILISER LE CATHÉTER URINAIRE SELON DES NORMES FONDÉES SUR DES RÉSULTATS PROBANTS

Utilisation d’un système de drainage fermé • Maintenir le système de drainage fermé stérile. • Maintenir un ot urinaire libre (éviter les boucles déclives). Sources : Adapté de Gould et al. (2009) ; Ouimet Lebau & Valiquette (2012)

826

Partie 5

Système rénal

• Garder la poche de drainage sous le niveau de la vessie en tout temps. • Ne pas laisser la poche de drainage toucher le plancher. • Vider la poche de drainage régulièrement, en utilisant un contenant distinct pour chaque client. • Ne pas laisser le robinet de la poche de drainage toucher le contenant collecteur. • Ne pas ouvrir le système pour recueillir un échantillon d’urine. Utiliser un point de prélèvement prévu dans les tubulures, désinfecter ce point et recueillir l’urine en utilisant une technique aseptique. • Ne pas irriguer le cathéter, sauf s’il est obstrué ; effectuer une échographie de la vessie pour déterminer s’il y a de l’urine dans la vessie. • Éviter le remplacement régulier du cathéter, qui n’est pas recommandé. Fixation du cathéter et hygiène • Bien xer le cathéter urinaire pour éviter son déplacement et son frottement sur l’urètre. • Ne pas nettoyer la région périurétrale avec un antiseptique. Le nettoyage du méat urinaire pendant un bain est approprié. ÉVALUER ET DOCUMENTER CHAQUE JOUR LE BESOIN DE CATHÉTER URINAIRE

• Consigner la date et l’heure d’insertion du cathéter. • Évaluer le besoin de cathéter urinaire chaque jour (inrmière et médecin) et le retirer le plus tôt possible. Stratégies du centre hospitalier pour garantir le retrait rapide du cathéter urinaire • Chaque unité de soins critiques doit s’assurer que tous les médecins et toutes les inrmières connaissent les statistiques d’IVUC des clients de leur unité et communiquer les stratégies utilisées pour prévenir l’IVUC. • De plus, les professionnels de la santé savent qu’un cathétérisme de longue durée augmente le risque d’IVUC. Plusieurs mesures permettent de le rappeler : – des alertes dans les systèmes informatisés de prescription ou de notes au dossier ; – des arrêts automatiques de la prescription des cathéters à 24 heures, 48 heures et 72 heures selon la situation clinique ; – l’élaboration de protocoles inrmiers standardisés qui permettent à l’inrmière de retirer les cathéters urinaires de façon autonome si des critères prédéterminés sont satisfaits.

TABLEAU 26.3 PERTURBATION ÉLECTROLYTIQUE

Perturbations électrolytiques et manifestations cliniques associées VALEUR SÉRIQUE

MANIFESTATIONS CLINIQUES

Hypokaliémie

< 3,5 mmol/L

• • • • • • • •

Hyperkaliémie

> 5 mmol/L

• • • •

Hyponatrémie

< 135 mmol/L

• • • • • • • • •

Céphalées, étourdissements Contraction musculaire Convulsions, hypotension orthostatique Crampes abdominales, nausées, vomissements Désorientation Oligurie Peau froide et moite Signe du pli cutané réduit (turgescence cutanée réduite) Tachycardie

Hypernatrémie

> 145 mmol/L

• • • •

Convulsions (stades tardifs) État mental modié Muqueuses sèches et collantes Soif extrême

Hypocalcémie

< 2,12 mmol/L

• • • • • •

Changements de l’ECG Crampes musculaires, tétanie D.C. réduit (contractions réduites) Irritabilité Saignement (coagulation réduite) Signes de Chvostek ou de Trousseau positifs

Hypercalcémie

> 2,60 mmol/L

• • • •

Anorexie Douleur osseuse profonde Faiblesse musculaire, léthargie Soif excessive

< 0,70 mmol/L

• • • •

Arythmies cardiaques Crampes musculaires Spasme carpopédien (tétanie) Spasticité, tics faciaux

Potassium Anorexie Changements de l’ECG Distension abdominale et atulences Confusion et étourdissements Faiblesse musculaire Paresthésie Réexes réduits Sensibilité accrue à la digitale

24 Les concentrations sériques normales du potassium, du sodium, du calcium, du phosphore, du magnésium et du chlorure sont décrites dans le chapitre 24, Anatomie et physiologie du système rénal.

Anxiété Changements de l’ECG Crampes abdominales Engourdissements et fourmillements (bout des doigts et autour de la bouche) • Faiblesse • Irritabilité et agitation • Nausées, vomissements

Sodium

26

Calcium

Magnésium Hypomagnésémie

Chapitre 26

Troubles rénaux et approche thérapeutique

827

TABLEAU 26.3

Perturbations électrolytiques et manifestations cliniques associées (suite)

PERTURBATION ÉLECTROLYTIQUE

VALEUR SÉRIQUE

MANIFESTATIONS CLINIQUES

Hypermagnésémie

> 1,03 mmol/L

• • • • • •

Bradycardie Changements de l’ECG Coma Dépression du système nerveux central Dépression respiratoire Léthargie

Hypophosphatémie

< 0,7 mmol/L

• • • • •

Anémies hémolytiques Anorexie Fonction réduite des globules blancs Nausées, vomissements Saignement (agrégation réduite des plaquettes)

Hyperphosphatémie

> 1,45 mmol/L

• • • •

Crampes abdominales, diarrhée, nausées Faiblesse musculaire, paralysie asque Réexes accrus Tachycardie

Hypochlorémie

< 98 mmol/L

• Hyperirritabilité • Tétanie ou excitabilité musculaire • Respiration lente

Hyperchlorémie

> 108 mmol/L

• Faiblesse, léthargie • Inconscience possible (stades tardifs) • Respiration profonde et rapide

< 35 g/L

• • • •

Phosphore

Chlorure

25 1

Albumine

Le chapitre 25, Évaluation clinique du système rénal et examens paracliniques, fournit plus d’information sur les résultats normaux des analyses de laboratoire de la fonction rénale, dont le rapport urée/créatinine plasmatique.

25 2 L’écart anionique est déni dans le chapitre 25, Évaluation clinique du système rénal et examens paracliniques.

Hypoalbuminémie

Atrophie musculaire Mauvaise cicatrisation des plaies Œdème périphérique (déplacement du liquide) Résistance réduite à l’infection

Source : Adapté de Quérin et al. (2012)

également les valeurs électrolytiques de l’analyse d’urine, mais ces valeurs anormales ne permettent pas de prédire les résultats cliniques dans le contexte d’une maladie grave TABLEAU 26.4. Les électrolytes de l’urine sont donc rarement mesurés (Bellomo, 2011) 25 1 .

pH 18 L’interprétation de la gazométrie du sang artériel, incluant la mesure du pH, est décrite dans le chapitre 18, Examens paracliniques du système respiratoire.

828

Partie 5

L’acidose non compensée (pH inférieur à 7,35) est l’une des caractéristiques de l’IRA grave 18 . L’acidose métabolique est due à l’accumulation de déchets non excrétés. Les déchets acides contiennent de forts ions négatifs (anions), des concentrations élevées de phosphore sérique (hyperphosphatémie) et d’autres ions qui ne sont normalement pas mesurés (p. ex., le sulfate, l’urate et le lactate) et qui

Système rénal

réduisent le pH sérique. Une faible concentration d’albumine sérique, courante en cas d’IRA, a un léger effet alcalinisant, mais n’est pas sufsante pour compenser l’acidose métabolique. Même la compensation respiratoire et la ventilation mécanique permettent rarement de renverser celle-ci. De plus, l’acidose liée à une IRA est complexe, et de nombreux clients atteints d’IRA maintiennent un écart anionique normal 25 2 .

Urée sérique La concentration sanguine de l’urée n’est pas un indicateur able d’une lésion rénale en tant qu’examen individuel (Bellomo, 2011). L’ingestion de protéines, la présence de sang dans le tube digestif et le catabolisme cellulaire modient cette concentration. De

plus, elle est diluée par l’administration de solutés. Cependant, le rapport urée/créatinine plasmatique peut être calculé pour déterminer la cause de l’IRA TABLEAU 26.4. Il est particulièrement utile pour le diagnostic de l’IRA de type prérénal où la concentration d’urée sérique est très élevée par rapport à la concentration de créatinine sérique (Rachoin et al., 2012).

Collecte des données TABLEAU 26.4

Créatinine sérique La créatinine est un sous-produit du métabolisme musculaire qui est formé sans l’intervention d’enzymes à partir de la créatine des muscles (Endre, Pickering & Walker, 2011). Quand les reins fonctionnent normalement, la créatinine est complètement excrétée (Endre et al., 2011). Inversement, lorsque les reins ne fonctionnent pas, la concentration de créatinine sérique augmente. Même une petite augmentation de celle-ci indique une importante diminution du DFG (Endre et al., 2011). En soins critiques, la concentration de créatinine sérique doit être évaluée quotidiennement an de suivre l’évolution de la fonction rénale et de déterminer si elle demeure stable, si elle s’améliore ou se détériore.

Clairance de la créatinine Si le client produit sufsamment d’urine, la clairance de la créatinine urinaire peut être mesurée. Une clairance normale se situe aux environs de 125 ml/min, mais cette valeur diminue en cas d’insufsance rénale. Cependant, le client en situation critique de santé atteint d’une IRA grave présentera une concentration élevée de créatinine sérique et, possiblement, une oligurie. Aussi, la clairance de la créatinine urinaire est rarement mesurée en cas de situation critique de santé (Endre et al., 2011).

Excrétion fractionnelle du sodium L’excrétion fractionnelle du sodium (FENa) dans l’urine peut être mesurée tôt au cours de l’IRA pour distinguer l’IRA de type prérénal de l’IRA de type rénal (parenchymateuse). Une valeur de FENa inférieure à 1 % (en l’absence de diurétiques) indique une atteinte prérénale, parce que la réabsorption de presque tout le sodium ltré est une réaction appropriée à une irrigation sanguine réduite vers les reins. Si des diurétiques sont administrés, l’examen devient inutile. Une valeur de FENa supérieure à 2 % signie que les reins ne peuvent concentrer le sodium et que l’atteinte est rénale. La FENa n’a aucune valeur prédictive dans le cas d’une maladie grave, et elle est rarement mesurée (Bellomo, 2011). Le sodium urinaire est mesuré en millimoles par litre (mmol/L) dans le système international et varie selon les apports nutritionnels. Dans le contexte d’un régime nord-américain typique, les valeurs normales sont généralement de 50 à 100 mmol/L. L’interprétation des résultats est semblable à celle de la FENa. Une concentration en sodium urinaire inférieure à 20 mmol/L (faible) indique une atteinte prérénale. Une concentration supérieure à 40 mmol/L (en présence d’une concentration élevée de créatinine sérique et en l’absence d’un apport élevé de sodium) signie

Résultats initiaux des analyses d’urine en cas d’insufsance rénale aiguëa

ANALYSE

TYPE PRÉRÉNALb

TYPE RÉNALc

TYPE POSTRÉNALd

Densité de l’urine

> 1,015

< 1,010

1,000-1,010

Osmolalité de l’urine

> 500 mOsm/kg

< 400 mOsm/kg

300-400 mOsm/kg

Sodium urinaire

< 20 mmol/L

> 40 mmol/L

20-40 mmol/L

Excrétion fractionnelle du sodium (FENa)

2à3%

1-3 %

Rapport urée/ créatinine plasmatique

> 0,1

< 0,05

Analyse microscopique de l’urine (sédiments urinaires)

Normale (de aucun à très peu de cylindres) ou présence de cylindres hyalins surtout en cas de déshydratation

Présence de cylindres urinaires larges et pigmentés, de cylindres granuleux, de cylindres érythrocytaires, de cylindres épithéliaux en cas de NTA de type ischémique ou toxique

Normale (aucun à très peu de cylindres)

a

Les résultats des analyses d’urine sont valides seulement en l’absence de diurétiques.

b

En cas d’insufsance de type prérénal, l’urine est concentrée et a une faible teneur en sodium.

c

En cas d’insufsance de type rénal, des indices d’atteinte rénale (cylindres) sont visibles dans l’urine, car les néphrons ne peuvent concentrer l’urine ou conserver le sodium.

d

En cas d’insufsance de type postrénal, les résultats des analyses d’urine varient parce qu’ils dépendent initialement de l’état d’hydratation du client plutôt que de celui des reins.

une atteinte rénale. Comme pour les autres analyses d’urine, l’utilisation de diurétiques invalide les résultats. En effet, puisque les diurétiques modient la réabsorption d’eau et produisent une urine diluée, les résultats ne reéteront pas la fonction rénale réelle.

26

Monitorage hémodynamique Le monitorage hémodynamique est important pour analyser l’état du volume liquidien du client en situation critique de santé atteint d’IRA. Il inclut la surveillance de la PVC, de la pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO), du D.C et de l’index cardiaque (I.C.) (Davison, Patel & Chawla, 2012).

Mesure du poids quotidien et examen physique ciblé La mesure quotidienne du poids et l’examen physique ciblé constituent une méthode moins perfectionnée que le monitorage hémodynamique, mais tout aussi importante pour surveiller l’équilibre liquidien. Le poids quotidien combiné à un monitorage précis des ingesta et des excreta (I/E) est un indicateur important des gains ou des pertes de liquide au cours d’une période de 24 heures. Un gain de poids Chapitre 26

Troubles rénaux et approche thérapeutique

829

de 1 kg en 24 heures représente une rétention de 1 000 ml de liquide pendant la même période. Les signes et les symptômes physiques permettent également d’évaluer l’équilibre liquidien du client. Les signes de déplétion du liquide extracellulaire, ou hypovolémie, sont entre autres la léthargie, la soif et la turgescence cutanée réduite. Les signes d’une surcharge du volume liquidien intravasculaire, ou hypervolémie, sont notamment la congestion pulmonaire, l’insufsance cardiaque accrue et la P.A. augmentée. Le client atteint d’une IRA non traitée peut également être œdématié. Plusieurs facteurs contribuent à cet état, dont la rétention de liquide causée par un débit urinaire inadéquat. De plus, une faible concentration d’albumine sérique entraîne une diminution de la pression oncotique dans les vaisseaux, et une plus grande quantité de liquide s’inltre dans les espaces interstitiels, causant de l’œdème périphérique. L’inammation due à l’IRA ou à une maladie comorbide non rénale augmente la perméabilité vasculaire et facilite le mouvement de liquide des vaisseaux vers les espaces interstitiels. En cas de maladie grave, même si le client a de l’œdème périphérique et a pris, par exemple, huit litres de liquide par rapport à son poids sec de base, il peut présenter une sécheresse intravasculaire et une instabilité hémodynamique parce que le liquide retenu ne se trouve pas dans une loge vasculaire et ne peut contribuer au maintien de la stabilité hémodynamique. Il faut examiner fréquemment le client atteint d’IRA an de vérier la présence d’œdème à godet sur les proéminences osseuses et les parties déclives du corps.

26.1.4

Traitements médicaux

Les objectifs du traitement du client atteint d’IRA sont axés sur la prévention, la compensation de la détérioration de la fonction rénale et la régénération de la capacité fonctionnelle des reins. Par conséquent, la clé du traitement réside dans des stratégies qui visent à prévenir ou à rétablir le déséquilibre liquidien et électrolytique, à traiter l’anémie et à gérer la médication administrée au client.

Prévention Une prévention efcace de l’IRA requiert la connaissance de ses causes les plus fréquentes ainsi que l’évaluation du risque de ce trouble chez le client en situation critique de santé. Diverses mesures sont d’importance capitale an de prévenir l’IRA : 1) la correction de tout facteur prérénal par le maintien d’une euvolémie et d’une bonne oxygénation tissulaire ; 2) l’arrêt temporaire de certains médicaments tels que les diurétiques, les IECA ou les ARA en situation d’hypovolémie ; 3) l’administration parcimonieuse et judicieuse des médicaments potentiellement néphrotoxiques, particulièrement chez le client à risque ; 4) l’hydratation ainsi que l’administration néanmoins controversée de N-acétylcystéine avant l’utilisation d’un produit de contraste

830

Partie 5

Système rénal

radiologique ; 5) la levée de l’obstruction lorsqu’une cause postrénale est établie (Bouchard et al., 2012).

Rétablissement liquidien L’insufsance prérénale, suceptible de mener à une insufsance rénale, est causée par une baisse de la perfusion rénale. Elle est souvent liée à une diarrhée profuse, à une hémorragie, à une hypotension ou à une perte majeure de liquide. Les objectifs du remplissage vasculaire sont de prévenir et de compenser les pertes liquidiennes et électrolytiques. Si un produit de contraste est utilisé, une hydratation dynamique avec du NaCl est recommandée. De plus, une thérapie liquidienne de base par voie I.V. est entreprise ou maintenue si l’ingestion par voie P.O. s’avère déconseillée. Les besoins hydriques du client sont calculés en tenant compte de sa surface corporelle. Un adulte a besoin d’environ 1 500 ml/m2/24 h ; la èvre, les brûlures et les traumas augmentent considérablement les besoins hydriques. Les autres critères importants pour le calcul des besoins liquidiens de remplacement sont notamment le métabolisme basal, la température ambiante et l’humidité. Le débit de remplacement dépend de la réserve cardiopulmonaire, de la capacité rénale, du débit urinaire, de la perte en cours et du type de liquide de remplacement utilisé.

Administration de cristalloïdes et de colloïdes Les solutés de remplissage en médecine d’urgence sont nombreux et se divisent en deux grandes catégories : les cristalloïdes et les colloïdes. Ainsi, ces solutés sont les liquides de remplissage I.V. utilisés pour le maintien de la volémie du client en phase critique. Ils peuvent être utilisés pour tout client et ne sont pas réservés à celui atteint d’IRA. La pertinence du remplissage vasculaire I.V. dépend d’une évaluation stricte et continue et d’un ajustement fréquent. Un monitorage répété de la concentration d’électrolytes sériques est nécessaire. De plus, les I/E doivent être rigoureusement consignés et mis en corrélation avec le poids quotidien. Dans le cas d’un choc septique, il faut prendre des mesures hémodynamiques fréquentes. Après un déséquilibre liquidien, une diminution minime de la PVC signie qu’un autre remplissage vasculaire est nécessaire. Une diminution continue de la PVC, de la PAPO et de l’I.C. indique des pertes de volume en cours. En soins critiques, le choix d’un soluté I.V. de remplissage chez un client en instabilité hémodynamique est source de controverse (Myburgh, Finfer, Bellomo et al., 2012). Celle-ci porte sur les différences entre les solutions cristalloïdes et colloïdes. Les cristalloïdes, qui sont des solutions équilibrées, demeurent largement utilisées pour maintenir une perfusion de base, mais aussi comme thérapie de suppléance liquidienne. Il s’agit notamment de la solution physiologique salée (NaCl 0,9 %), de la solution physiologique salée diluée de moitié (NaCl 0,45 %) et de la solution de lactate Ringer TABLEAU 26.5. Si le client souffre d’insufsance

TABLEAU 26.5

Liquides de remplissage intraveineux

SOLUTION

ÉLECTROLYTES

INDICATIONS

Dextrose dans l’eau (D5W), isotonique au plasma sanguin

• Aucun

• Maintien du volume • Remplacement des pertes légères • Apport minimal de calories

Solution physiologique salée (NaCl 0,9 %), isotonique au plasma sanguin

• • • •

• Maintien du volume • Remplacement des pertes légères • Correction de l’hyponatrémie légère

Solution physiologique salée diluée de moitié (NaCl 0,45 %), hypotonique

• Sodium : 77 mmol/L • Chlorure : 77 mmol/L

• Remplacement de l’eau libre • Correction de l’hypernatrémie légère • Remplacement de l’eau libre et des électrolytes (contre-indiqué en cas d’insufsance cardiaque et de rétention hydrosodée)

Solution de lactate Ringer

• • • • • •

Sodium : 130 mmol/L Potassium : 4 mmol/L Calcium : 2,7 mmol/L Chlorure : 107 mmol/L Lactate : 27 mmol/L pH : 6,5

• Remplacement liquidien et électrolytique (contre-indiqué pour le client atteint d’une maladie rénale ou hépatique ou d’acidose lactique)

Albumine 5 % (dérivé du sang)

• • • • • •

Albumine : 50 g/L Sodium : 130-160 mmol/L Potassium : 1 mmol/L Osmolalité : 300 mOsm/L Pression osmotique : 20 mm Hg pH : 6,4-7,4

• Expansion du volume • Modération du remplacement des protéines • Atteinte de la stabilité hémodynamique du client en état de choc

Albumine 25 % (faible teneur en sel)

• • • • •

Albumine : 240 g/L Globulines : 10 g/L Sodium : 130-160 mmol/L Osmolalité : 1 500 mOsm/L pH : 6,4- 7,4

• Déplacement du liquide des tissus vers l’espace vasculaire pour la diurèse (forme concentrée d’albumine parfois utilisée avec des diurétiques à cet effet)

Hydroxyéthylamidon (VoluvenMD) (polymère de synthèse : solution 6 %)

• • • •

Sodium : 154 mmol/L Chlorure : 154 mmol/L Osmolalité : 310 mOsm/L Pression osmotique colloïde : 30-35 mm Hg

• Expansion du volume • Remplacement du volume hémodynamique après une chirurgie cardiaque ou une brûlure

Hydroxyéthylamidon (VolulyteMD) (polymère de synthèse : solution 6 %)

• • • • • •

Sodium : 137 mmol/L Potassium : 4 mmol/L Magnésium : 1,5 mmol/L Chlorure : 110 mmol/L Acétate : 34 mmol/L Osmolalité : 286,5 mOsm/L

Cristalloïdes*

Sodium : 154 mmol/L Chlorure : 154 mmol/L Osmolalité : 308 mOsm/L pH : 4,3

Colloïdes

*

26

Pour les solutions cristalloïdes contenant des électrolytes, les concentrations précises d’électrolytes et le pH varient selon le fabricant.

Chapitre 26

Troubles rénaux et approche thérapeutique

831

rénale, le lactate Ringer est généralement à éviter parce qu’il contient du potassium. Le dextrose (5 ou 10 %) dans l’eau (D5W, D10W) est une solution cristalloïde qui peut également être perfusée (Marsh & Brown, 2012). Les colloïdes sont des solutions contenant des particules oncotiquement actives utilisées pour augmenter le volume intravasculaire an d’atteindre et de maintenir la stabilité hémodynamique. L’albumine (5 et 25 %) et l’hydroxyéthylamidon notamment sont des solutions colloïdes TABLEAU 26.5. Les colloïdes augmentent le volume intravasculaire et peuvent agir pendant 24 heures. Cependant, leur utilisation pour le rétablissement du volume liquidien est généralement déconseillée en soins critiques en raison de l’absence d’avantages évidents (The SAFE Study Investigators, 2004). La controverse concernant l’efcacité des solutés de remplissage de type colloïdes et cristalloïdes semble avoir été désamorcée par une série d’essais cliniques aléatoires et de méta-analyses. L’étude SAFE (Saline versus Albumin Fluid Evaluation; évaluation des solutions salées par rapport aux solutions d’albumine) était un essai prospectif aléatoire à double insu visant à déterminer si le choix d’un liquide de remplissage à l’unité de soins critiques inuait ou non sur la survie au 28e jour d’hospitalisation (The SAFE Study Investigators, 2004). Cette étude d’envergure portait sur près de 7 000 clients en soins critiques répartis aléatoirement en deux groupes similaires. Un groupe a reçu de l’albumine 4 %, et l’autre groupe a reçu du NaCl 0,9 % pour maintenir la volémie (The SAFE Study Investigators, 2004). Les clients des deux groupes étaient semblables en matière de dysfonctionnement des organes, de ventilation mécanique (64 % des clients) et de thérapie de suppléance rénale (1 % des clients). Les résultats de l’étude SAFE n’ont montré aucune différence entre les deux groupes quant au taux de mortalité et au nombre de jours passés à l’unité de soins critiques, sous ventilation mécanique ou en thérapie de suppléance rénale (The SAFE Study Investigators, 2004). Les chercheurs ont conclu que les solutions d’albumine et de sel peuvent être considérées comme des traitements cliniques équivalents pour l’augmentation du volume intravasculaire du client en situation critique de santé (The SAFE Study Investigators, 2004). Une exception a été notée pour les clients ayant subi une lésion cérébrale traumatique ; dans ce cas, l’albumine a été associée à un taux de mortalité plus élevé (SAFE Study Investigators, Australian and New Zealand Intensive Care Society Clinical Trials Group, Australian Red Cross Blood Service et al., 2007). Les résultats de cette recherche ont été validés par une revue systématique d’essais aléatoires comparant les cristalloïdes et les colloïdes. Cette revue n’a montré aucune différence fondée sur le type de liquide de remplissage utilisé entre le taux de mortalité des clients en phase critique et celui des clients ayant subi un trauma (Perel & Roberts, 2007). Par

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Partie 5

Système rénal

conséquent, les colloïdes ne sont pas conseillés en raison de leur coût plus élevé, et les cristalloïdes sont donc recommandés pour la réplétion liquidienne en soins critiques. De plus, Santé Canada (2013) a publié un avis au sujet de l’innocuité des solutions contenant de l’hydroxyéthylamidon. Des essais ont démontré que l’utilisation de solutions à base d’hydroxyéthylamidon entraînait des risques accrus de lésions rénales, d’insufsance hépatique et de décès (chez les clients victimes d’un choc septique) (Brunkhorst, Engel, Bloos et al., 2008 ; Myburg et al., 2012 ; Perner, Haase, Guttormsen et al., 2012). Ainsi, pour les clients nécessitant des soins intensifs ou d’urgence, l’utilisation des cristalloïdes plutôt que des solutions à base d’hydroxyéthylamidon devrait être fortement considérée. Les monographies des produits VoluvenMD et VolulyteMD ont été modiées, et les solutions à base d’hydroxyéthylamidon sont désormais contre-indiquées pour les clients ayant une septicémie, des troubles hépatiques graves ou une décience rénale avec oligurie et anurie, non liée à l’hypovolémie. Chez les clients atteints d’hypovolémie nécessitant des soins intensifs ou des soins d’extrême urgence, une évaluation détaillée du risque de subir une lésion rénale ou une insufsance hépatique devrait être effectuée avant d’entreprendre un traitement avec le Voluven MD ou le VolulyteMD, et les cristalloïdes devraient être utilisés au lieu de ces deux produits chez les clients considérés à risque d’effets indésirables (Brunkhorst et al., 2008 ; Myburg et al., 2012 ; Perel, Roberts & Ker, 2013 ; Perner et al., 2012 ; Zarychanski, Abou Etta, Turgeon et al., 2013).

Restriction liquidienne La restriction liquidienne est essentielle au traitement médical de l’IRA. Elle est utilisée pour prévenir la surcharge volémique et le développement d’œdème interstitiel quand les reins ne peuvent éliminer le liquide excédentaire. Les besoins liquidiens du client sont calculés en s’appuyant sur les volumes urinaires et sur les pertes insensibles quotidiens. La mesure quotidienne du poids et la consignation exacte des I/E sont essentielles. Le client atteint d’une insufsance rénale a généralement une restriction liquidienne de 1 L de liquide par 24 heures si son débit urinaire est de 500 ml ou moins. Les pertes insensibles varient de 500 à 750 ml/jour en fonction, entre autres, de la surface corporelle.

Élimination du liquide en excès dans le sang L’IRA cause la rétention d’eau, de solutés et de toxines potentielles dans le sang. Il faut donc prendre des mesures immédiates pour réduire la concentration de ces substances. Des diurétiques peuvent être utilisés pour stimuler l’excrétion d’urine aux stades précoces de l’IRA. Une thérapie de suppléance rénale (hémodialyse ou hémoltration) constitue une autre possibilité, comme expliqué dans la deuxième section de ce chapitre, particulièrement si la surcharge volémique exacerbe l’œdème pulmonaire ou l’insufsance cardiaque.

Rétablissement électrolytique Potassium Les concentrations d’électrolytes doivent être vériées fréquemment, particulièrement aux phases critiques de l’IRA quand le potassium peut rapidement atteindre des concentrations de 6,0 mmol/L ou plus TABLEAU 26.3. L’hyperkaliémie entraîne des changements électrocardiographiques tels que des ondes T abruptes, un élargissement de l’intervalle QRS et, ultimement, une tachycardie ou une brillation ventriculaire (El-Sherif & Turitto, 2011). En cas d’hyperkaliémie, il faut immédiatement interrompre l’administration de tout supplément de potassium I.V. ou P.O., ainsi que des diurétiques épargneurs de potassium. Il faut cesser tout autre médicament contribuant à augmenter la kaliémie, que ce soit en modiant la redistribution transcellulaire du potassium ou en diminuant son excrétion rénale (ARA, AINS, IECA) (Gougoux & Nawar, 2012). Si le client produit de l’urine, trois substances qui favorisent l’entrée du potassium dans la cellule peuvent lui être administrées par voie I.V. : 1) l’insuline ; 2) le bicarbonate ; 3) des bêta-2 agonistes. Une hyperkaliémie aiguë peut être traitée rapidement, mais temporairement, par l’administration I.V. de 10 à 20 unités d’insuline à action rapide (p. ex., l’HumulinMD R ou le NovolinMD GE Toronto), combinée, si le client n’est pas hyperglycémique, à 50 à 100 g de glucose sous forme de dextrose 50 % (25 g dans 50 ml) pour prévenir l’hypoglycémie. L’administration de 1 ou 2 doses de 50 mEq de bicarbonate diminue aussi la kaliémie et corrige en partie l’acidose métabolique qui accompagne souvent celle-ci. Enn, l’administration par voie I.V. ou par nébulisation de bêta-2 agonistes, comme le salbutamol (ou albuterol) (VentolinMD), abaisse aussi la kaliémie (Gougoux & Nawar, 2012). Les hausses de potassium sérique peuvent être durablement traitées en augmentant l’élimination du potassium du liquide corporel, et ce, par trois voies différentes : 1) le rein ; 2) le tube digestif ; 3) la dialyse. Premièrement, une amélioration de la fonction rénale, si c’est possible, et l’administration d’un diurétique comme le furosémide (LasixMD), si le client urine, peuvent augmenter l’excrétion urinaire de potassium. Deuxièmement, l’excrétion digestive de potassium peut être renforcée en administrant de 20 à 30 g d’une résine échangeuse de cations, soit des chélateurs du potassium, qui agit dans le colon (Kessler, Ng, Valdez et al., 2011). Ces résines liantes peuvent être administrées oralement, par une sonde nasogastrique ou par le rectum. Les résines échangeuses de cations contiennent du sodium (sulfonate de polystyrène sodique [KayexalateMD]) ou du calcium (ArgamateMD, Ca-ResoniumMD, SorbisteritMD) et échangent respectivement le sodium ou le calcium contre du potassium à travers la paroi gastrointestinale (Charmot, 2012). Il faut parfois y ajouter du sorbitol (SorbitolMD) 20 %, un laxatif destiné à prévenir la constipation et même le fécalome. Le

potassium est alors contenu dans le tube digestif inférieur, puis éliminé dans les fèces. Le traitement par le sorbitol peut toutefois entraîner une nécrose du côlon. Enn, une hémodialyse ou une hémoltration, décrites dans la deuxième section de ce chapitre, permettent de diriger le potassium du liquide corporel vers un liquide de dialyse (dialysat) ne contenant pas de potassium. Les résines qui se lient au potassium et la dialyse sont les seules méthodes permanentes de retrait du potassium pour traiter l’hyperkaliémie (Gougoux & Nawar, 2012).

Sodium Des modications de la concentration de sodium sont la conséquence d’une insuffisance rénale TABLEAU 26.3 . L’hypernatrémie et l’hyponatrémie sont liées à une mortalité accrue en cas d’insufsance rénale, que le client ait ou non reçu un diagnostic comorbide d’insuffisance cardiaque (Kovesdy, Lott, Lu et al., 2012). Le traitement de l’hypernatrémie est avant tout étiologique et il faut notamment corriger le décit en eau. Pour le traitement de l’hyponatrémie, les signes et les symptômes neurologiques sont plus importants que la natrémie. Ainsi, une hyponatrémie profonde et chronique chez un sujet asymptomatique ne nécessite pas le traitement agressif d’une hyponatrémie moins marquée, mais symptomatique.

Calcium et phosphore Dans le cas d’une insufsance rénale, la concentration de calcium sérique est réduite (hypocalcémie) TABLEAU 26.3. Cette réduction est due à de multiples facteurs, dont l’hyperphosphatémie qui survient assez tôt en IRC. Des concentrations de phosphore sérique chroniquement élevées, supérieures à 1,78 mmol/L, sont liées à de forts taux de mortalité parmi les clients atteints d’insuffisance rénale (Hutchison, Smith & Brenchley, 2011 ; Molony & Stephens, 2011). Les concentrations de calcium et de phosphore sont régulées par un mécanisme de rétroaction physiologique complexe faisant intervenir la parathormone (PTH) et le facteur de croissance broblastique (FGF-23) (Molony & Stephens, 2011). Normalement, la PTH favorise la réabsorption du calcium dans le sang au tubule contourné proximal et au néphron distal, et elle aide l’excrétion de phosphore par les reins an de maintenir l’homéostasie. En cas d’insufsance rénale, ce mécanisme ne fonctionne pas : la concentration de phosphore sérique augmente donc, et la concentration sérique de calcium diminue (Hutchison et al., 2011 ; Molony & Stephens, 2011).

26

| Remplacement du calcium | La majeure partie du calcium du sang est liée à des protéines. Malheureusement, cette liaison protéines-calcium complique la mesure exacte de la concentration de calcium. Celleci se mesure de deux façons : le calcium total (Cat) ou le calcium ionisé (Cai). Les calculs estimant les quantités de calcium lié à des protéines et de calcium non lié à des protéines se sont souvent avérés inexacts. Le calcium non lié à des protéines, qui est métaboliChapitre 26

Troubles rénaux et approche thérapeutique

833

quement actif, se nomme calcium ionisé ; il constitue la meilleure méthode de calcul (Gauci, Moranne, Fouqueray et al., 2008). Sans une quantité adéquate de calcium sérique, un mécanisme de compensation vole le calcium aux os, ce qui rend le client atteint d’une insufsance rénale plus vulnérable aux fractures. Par conséquent, il est important de maintenir des réserves adéquates de calcium dans le corps par l’administration de suppléments de calcium et de vitamine D (Molony & Stephens, 2011).

| Élimination du phosphore | La méthode qui consiste à réduire la concentration de phosphore dans le sang est utilisée de concert avec les suppléments de calcium pour atteindre des concentrations normales de calcium (Hutchison et al., 2011). Le phosphore est présent dans de nombreux aliments, particulièrement ceux à forte teneur en protéines ou contenant des additifs alimentaires tels que les produits laitiers, les viandes transformées, certaines boissons gazeuses et les noix (Kalantar-Zadeh, Gutekunst, Mehrotra et al., 2010). Après l’ingestion de ces aliments, le phosphore libre passe du tube digestif au sang, ce qui fait augmenter la concentration de phosphore sérique. Les médicaments qui se lient au phosphore alimentaire dans le tube digestif, ou chélateurs de phosphore, sont administrés oralement ou par une sonde nasogastrique. La substance liante doit être prise avec le repas. Lorsque le phosphore alimentaire est lié à cette substance dans les intestins, il se trouve éliminé avec les fèces, ce qui réduit la concentration de phosphore dans le sang (Hutchison et al., 2011). Les premiers chélateurs de phosphore utilisés ont été les sels d’aluminium (hydroxyde d’aluminium [p. ex., l’AmphogelMD]) qui se lient efcacement au phosphore alimentaire dans le tube digestif, mais qui sont toxiques puisqu’une partie de l’aluminium est aussi absorbée et s’accumule dans l’organisme. Aussi, les chélateurs de phosphore à base d’aluminium ont été en grande partie abandonnés (Hutchison et al., 2011). Les liants du phosphore alimentaire de deuxième génération, qui sont encore largement prescrits, sont formés de sels de calcium, soit le carbonate de calcium (OscalMD) ou l’acétate de calcium (PhosLoMD), et ils se lient au phosphore alimentaire dans le tube digestif. Les médicaments à base de calcium sont plus sûrs, mais une concentration élevée de calcium sérique et des dépôts de calcium dans d’autres parties du corps (calcication extraosseusse), tels que la calcication des artères coronaires avec association possible d’athérosclérose coronarienne, sont problématiques. Il existe une troisième génération de médicaments qui se lient au phosphore alimentaire. Ce sont des médicaments sans aluminium et sans calcium tels que le chlorhydrate de sevelamer (RenagelMD) ou le carbonate de sevelamer (RenvelaMD) et le carbonate de lanthanum (FosrenolMD). Ces médicaments offrent un bon prol d’innocuité, et ils sont fréquemment prescrits

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Partie 5

Système rénal

pour réduire les concentrations de phosphore sérique chez le client atteint d’IRC (Hutchison et al., 2011).

Maîtrise de l’anémie L’anémie est un effet secondaire attendu d’une défaillance rénale, car les reins ne produisent plus assez d’érythropoïétine (Ramanath, Gupta, Jain et al., 2012). En l’absence de cette hormone, la moelle osseuse n’est plus stimulée à produire des érythrocytes (ou globules rouges). De plus, chez le client atteint d’une IRC et qui est en dialyse, la longévité des érythrocytes, normalement de 80 à 120 jours, diminue à 70 ou 80 jours, ce qui accroît le risque d’anémie (Ramanath et al., 2012). Il faut prévenir la perte de sang du client atteint d’IRA et réduire le plus possible les prises de sang. L’irritation du tube digestif par l’accumulation de déchets métaboliques est probable, et un traitement préventif des ulcères de stress doit être prescrit. Le saignement gastro-intestinal est possible. Il faut vérier fréquemment la présence de sang occulte dans les fèces, l’écoulement de la sonde nasogastrique et les vomissures. L’anémie liée à l’IRC peut être traitée par l’administration d’érythropoïétine humaine recombinée. Ainsi, l’époétine alpha (EprexMD, EpogenMD) et la darbépoétine alfa (Aranesp MD) sont approuvés par Santé Canada (Ramanath et al., 2012). De plus, le méthoxy polyéthylène glycol-époétine bêta (MirceraMD) est en évaluation par Santé Canada. Ces agents stimulent la production d’érythrocytes par la moelle osseuse (Ramanath et al., 2012). Les traitements d’appoint sont, entre autres, des suppléments de fer, de vitamine B12, de vitamine B6 et de folate. Dans le cas d’une anémie symptomatique, une transfusion de globules rouges peut être nécessaire (Besarab, 2011 ; Ramanath et al., 2012).

Pharmacothérapie La première étape du traitement de l’IRA consiste à arrêter toute administration de médicament néphrotoxique. Deuxièmement, si le métabolisme des médicaments administrés au client est rénal, il importe d’en diminuer la fréquence d’administration (p. ex., de toutes les 6 heures à toutes les 12 ou 24 heures) ou de réduire la dose en fonction du DFG et, si cela est pertinent, de surveiller la concentration du médicament dans le sang.

Diurétiques Les diurétiques sont utilisés pour stimuler l’excrétion d’urine du client qui a une surcharge liquidienne et des reins fonctionnels. Ils sont généralement prescrits chez les clients autres que ceux ayant un début d’insufsance rénale. En cas d’insufsance rénale, ils doivent être utilisés prudemment pour éviter les anomalies électrolytiques secondaires TABLEAU 26.6. Les diurétiques réduisent la surcharge volémique et soulagent les symptômes tels que l’œdème pulmonaire, mais rien ne prouve qu’ils préviennent l’IRA (Nigwekar & Waikar, 2011).

Pharmacothérapie TABLEAU 26.6

Diurétiques

MÉDICAMENTS

POSOLOGIE

MÉCANISME D’ACTION

SURVEILLANCE INFIRMIÈRE

Bumétanide (BumexMD)

• 0,5-10 mg/jour P.O ou I.V.

Furosémide (LasixMD)

• 20-600 mg/jour P.O. ou I.V.

• Agissent sur l’anse du néphron pour inhiber la réabsorption de sodium et de chlorure (natriurie).

• Éviter l’administration trop rapide ou avec d’autres médicaments ototoxiques.

• Inhibent la réabsorption de sodium et de chlorure dans le tubule contourné distal.

• Noter leur efcacité avec une clairance de la créatinine de 10 ml/min. • Tenir compte de l’effet accru par une alimentation à faible teneur en sodium. • Tenir compte de l’effet synergique avec des diurétiques de l’anse.

• ↑ débit urinaire en raison de l’osmolalité plasmatique accrue. • ↑ ux d’eau provenant des tissus, ce qui accroît le DFG. • ↑ concentrations de sodium et de potassium sériques.

• Utiliser en cas de traumas craniocérébraux pour réduire l’œdème cérébral. • Utiliser au besoin pour favoriser la sécrétion de substances toxiques dans l’urine. • Utiliser un cathéter I.V. à ltre de 5 µ avec des solutions > 15 % (> 15 g/100 ml), car le mannitol peut cristalliser à basse température.

• Agit sur le tubule collecteur ; retient le potassium et ↑ diurèse de sodium.

• Noter son faible effet diurétique. • Surveiller l’hyperkaliémie ; des suppléments de potassium ne sont pas nécessaires. • Utiliser comme bloqueur de l’aldostérone pour traiter l’insufsance cardiaque.

Diurétiques de l’anse

Diurétiques thiazidiques Hydrochlorothiazide (DiurilMD)

• 250 mg-1 g/jour P.O. ou I.V.

Métolazone (ZaroxolynMD)

• Dose de charge P.O. de 2,5 à 10 mg/jour • Peut être augmentée à 20 mg/jour en cas d’œdème

Diurétique osmotique Mannitol (OsmitrolMD)

• Perfusion I.V. de 0,25 à 1,0 g/kg d’une solution de 15 à 20 % en 30 à 90 min

Diurétique épargneur de potassium Spironolactone (AldactoneMD)

• 12,5-50 mg/jour P.O.

Diurétique inhibiteur des récepteurs de la vasopressine (vaptan) Conivaptan (VaprisolMD)

• Bolus I.V. de 20 mg en 30 min, suivi par une perfusion I.V. continue de 20 mg en 24 h • Après le premier jour, la dose peut être augmentée à 40 mg/24 h • Perfusion maximale de 4 jours

• Bloque les canaux aquaporines V2 du tubule collecteur.

• Utiliser seulement en cas d’hyponatrémie avec symptômes cognitifs et hypervolémie. • Surveiller fréquemment l’état volumique et le sodium sérique.

Sources : Adapté de Brain Trauma Foundation, American Association of Neurological Surgeons, Congress of Neurological Surgeons et al. (2007) ; Yancy, Jessup, Bozkurt et al. (2013)

| Diurétiques de l’anse | Les diurétiques de l’anse sont notamment l’acide étacrinique (EdecrinMD), le bumé­ tanide (BumexMD) et le furosémide (LasixMD) (Wile, 2012). Le furosémide est le diurétique le plus utilisé chez les clients en situation critique de santé. Il peut être administré par voie P.O., sous forme de bolus I.V.

ou en perfusion I.V. continue. Puisque le furosé­ mide entraîne fréquemment des anomalies électro­ lytiques, une surveillance étroite des concentrations de potassium, de magnésium, de sodium et, surtout, de la créatinine sériques est essentielle. En cas d’al­ lergie au furosémide, l’acide étacrinique constitue

Chapitre 26

Troubles rénaux et approche thérapeutique

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26

23 La pharmacothérapie des troubles neurologiques, incluant l’administration de mannitol, est détaillée dans le chapitre 23, Troubles neurologiques et approche thérapeutique.

une solution de rechange valable. Les diurétiques de l’anse bloquent le transporteur Na-K-2Cl sur la branche ascendante de l’anse du néphron, où la majeure partie du sodium est réabsorbée FIGURE 26.2. Cette diurèse est également une natriurie puisque le sodium se trouve excrété dans l’urine. Le client atteint d’une insufsance cardiaque chronique ou d’une IRC et qui prenait des diurétiques de l’anse avant d’être admis au centre hospitalier peut acquérir une résistance aux diurétiques avec le temps (Felker, 2012). Le besoin d’une forte dose de diurétiques indique une résistance à ces médicaments (Felker, 2012).

| Diurétiques thiazidiques | Un diurétique thiazidique, tel que l’hydrochlorothiazide DiurilMD ou la métolazone ZaroxolynMD, peut être administré avec un diurétique de l’anse parce que ces médicaments agissent sur des parties différentes du néphron (Asare, 2009) FIGURE 26.2. En effet, un diurétique thiazidique peut être combiné à un diurétique de l’anse pour compenser une résistance à ce dernier (Felker, 2012). La clairance de la créatinine inue sur l’efcacité des diurétiques thiazidiques. La métolazone constitue un diurétique plus efcace dans le cas d’une insufsance rénale quand la clairance de la créatinine est inférieure à 30 ml/min TABLEAU 26.6. | Diurétiques osmotiques | Les diurétiques osmotiques, tels que le mannitol, sont prescrits pour augmenter le débit urinaire et réduire la surcharge liquidienne. Il est important d’utiliser un cathéter à ltre de 5 µ pour administrer ce médicament par voie I.V. Le mannitol

FIGURE 26.2

Site d’action des diurétiques dans le néphron.

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Partie 5

Système rénal

est fréquemment administré au client ayant une lésion cérébrale ou une pression intracrânienne accrue 23 . Le mannitol est ltré par le glomérule, n’est pas absorbé par le néphron et agit dans le tubule contourné proximal et la branche descendante de l’anse du néphron par l’intermédiaire des aquaporines, des canaux ou pores permettant le passage de l’eau (Wile, 2012) FIGURE 26.2.

| Diurétique inhibiteur de l’anhydrase carbonique | Un seul inhibiteur de l’anhydrase carbonique agit comme un diurétique, et il est utilisé dans des circonstances cliniques très particulières. L’acétazolamide (DiamoxMD) agit sur le tubule contourné proximal où il inhibe l’anhydrase carbonique, ce qui favorise davantage la libération de bicarbonate (HCO3-) dans le ltrat et entraîne une diurèse alcaline FIGURE 26.2. L’acétazolamide est administré pour traiter l’alcalose métabolique qui se produit parfois après une diurèse forte provoquée par les diurétiques de l’anse (Kassamali & Sica, 2011). Lorsque ce médicament est utilisé pour traiter l’alcalose métabolique, il faut surveiller fréquemment l’équilibre acidobasique et les concentrations de bicarbonate sérique. | Diurétique épargneur de potassium | La spironolactone AldactoneMD est un diurétique épargneur du potassium. Elle inhibe le récepteur minéralocorticoïde de l’aldostérone dans le dernier segment du tubule contourné distal et dans le tubule collecteur des reins, ce qui cause la rétention de potassium et l’excrétion de sodium FIGURE 26.2. À forte dose, la spironolactone a un effet diurétique, bien

qu’elle soit rarement utilisée à cette n. Elle est plus souvent administrée comme un antagoniste de l’aldostérone dans le traitement de l’insufsance cardiaque (Pitt, Zannad, Remme et al., 1999).

| Diurétiques inhibiteurs des récepteurs de la vasopressine (vaptans) | Les vaptans inhibent l’effet de l’hormone antidiurétique, la vasopressine, sur les aquaporines V2 dans le tubule collecteur des reins FIGURE 26.2. Le blocage des aquaporines rend les tubules collecteurs imperméables, ce qui cause une excrétion d’eau libre sans solutés (Lehrich & Greenberg, 2012). Les vaptans sont utilisés pour traiter les symptômes de l’hyponatrémie hypervolémique (de dilution). L’objectif clinique est d’éliminer l’eau et de retenir le sodium. Ces médicaments ne doivent pas être administrés pour l’hyponatrémie hypovolémique ou l’anurie. Les affections qui peuvent causer l’hyponatrémie de dilution sont notamment le syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique, la cirrhose avec ascites et l’insufsance cardiaque 32 . Le conivaptan (VaprisolMD), administré par voie I.V., est approuvé au Canada pour une utilisation à court terme au centre hospitalier seulement TABLEAU 26.6. Le tolvaptan (SamscaMD) est seulement offert sous forme de médicament oral (Lehrich & Greenberg, 2012). Il est également disponible au Canada.

Dopamine La dopamine à faible dose (2 ou 3 mcg/kg/min), auparavant appelée dopamine à dose rénale, est souvent administrée pour stimuler le ot sanguin vers les reins. La dopamine augmente efcacement le débit urinaire à court terme, mais il semble qu’une tolérance du récepteur rénal de dopamine à ce médicament se développe chez les clients en phase critique les plus à risque d’IRA. La dopamine ne prévient pas l’apparition de l’IRA, ne réduit pas le besoin de dialyse et ne diminue pas la mortalité (Bellomo, 2011). Cependant, elle peut avoir d’autres usages thérapeutiques que la prévention de l’IRA tels que l’augmentation du débit urinaire, en combinaison avec le furosémide, du client atteint d’insufsance cardiaque (Giamouzis, Butler, Starling et al., 2010).

Acétylcystéine La N-acétylcystéine est un dérivé N-acétyle de l’acide aminé L-cystéine. Elle est utilisée comme agent mucolytique pour favoriser l’expectoration des sécrétions pulmonaires épaisses. Bien que cet usage soit très controversé, elle est aussi fréquemment prescrite au client ayant une concentration de créatinine sérique légèrement élevée avant un examen radiologique avec produit de contraste (Isaac, 2012). Lors d’essais de recherche, l’hydratation avec du NaCl contenant de la N-acétylcystéine n’a pas réduit l’incidence d’IRA provoquée par le produit de contraste (Stacul et al., 2011).

Chélateurs du phosphore alimentaire Plusieurs clients atteints d’insufsance rénale se font prescrire des chélateurs du phosphore alimentaire (Hutchison et al., 2011 ; Molony & Stephens, 2011).

Il existe de nombreux chélateurs du phosphore alimentaire, ayant des particularités importantes et décrits dans la sous-section précédente. Ces produits doivent être administrés au repas. S’ils sont pris deux heures après le repas, ils ne feront qu’augmenter la concentration de la substance liante (p. ex., le calcium) dans le sang et ne réduiront pas la concentration de phosphore sérique. Les questions connexes telles que la quantité de phosphore présente dans les aliments doivent être discutées avec une nutritionniste clinique.

Alimentation La diète ou les suppléments alimentaires prescrits au client atteint d’IRA à l’unité de soins critiques visent à compenser la capacité excrétrice réduite des reins. L’apport énergétique recommandé est de 20 à 30 kcal/kg/jour et de 1,2 à 1,5 g/kg de protéines par jour pour maîtriser l’urée sérique (Casaer, Mesotten & Schetz, 2008). L’alimentation orale est idéale. Si le client ne peut manger, l’alimentation entérale est recommandée plutôt que l’alimentation parentérale (I.V.) (Gervasio, Garmon & Holowatyj, 2011). Il faut restreindre l’ingestion de liquides, et la surveillance de la glycémie est recommandée. Le potassium, le sodium et le phosphore doivent être rigoureusement limités.

32 Le syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique est expliqué dans le chapitre 32, Troubles endocriniens et approche thérapeutique.

Soins et traitements inrmiers Les soins et les traitements inrmiers du client atteint d’IRA peuvent porter sur divers problèmes découlant de sa situation de santé ENCADRÉ 26.4 A . L’inrmière en soins critiques évalue la fonction rénale, le risque d’infection, les déséquilibres liquidiens, les perturbations électrolytiques, la réceptivité à l’apprentissage et le besoin de connaissances du client et de ses proches FIGURE 26.3.

A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux problèmes qui peuvent découler d’une IRA sont détaillés, selon le problème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers.

Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 26.4

Insufsance rénale aiguë

• Anxiété liée à une menace contre l’intégrité biologique, psychologique ou sociale PSTI A.6

• Décit de compréhension lié à une absence d’exposition préalable à l’information PSTI A.8

• Diminution du débit cardiaque liée à des altérations de la précharge PSTI A.12

• Excès de volume liquidien lié à un dysfonc­ tionnement rénal PSTI A.16

Chapitre 26

• Habitudes de sommeil perturbées liées à un sommeil fragmenté PSTI A.17 • Perturbation de l’image de soi découlant d’une dépendance envers de l’équipement d’assistance fonctionnelle PSTI A.24 • Risque d’hypoperfusion rénale PSTI A.30

• Risque d’infection PSTI A.31 • Stratégies d’adaptation inefcaces à l’égard d’une situation de crise et liées à la vulnéra­ bilité personnelle PSTI A.34

Troubles rénaux et approche thérapeutique

837

26

FIGURE 26.3 Approche thérapeutique de l’insufsance rénale aiguë.

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Partie 5

Système rénal

Reconnaître les facteurs de risque de l’insufsance rénale aiguë Certaines personnes présentent un risque accru d’IRA pendant l’hospitalisation. L’inrmière en soins critiques reconnaît les facteurs de risque potentiels et agit dans l’intérêt du client. Les clients à risque sont notamment les personnes âgées, car leur DFG peut être réduit, les personnes déshydratées ayant une hypoperfusion rénale, les personnes qui avaient une concentration élevée de créatinine sérique avant leur hospitalisation et les clients subissant un examen radiologique avec produit de contraste.

Reconnaître et prévenir les complications infectieuses Le client gravement malade et présentant des complications infectieuses a un risque accru d’IRA. Des signes d’infection tels qu’une leucocytémie augmentée, la rougeur d’une plaie ou du site d’insertion I.V. et une température accrue doivent être étroitement surveillés. Un cathéter urinaire est inséré pour faciliter la mesure précise de l’urine et favoriser le bien-être du client. Toutefois, un cathéter à ballonnet est une source possible d’infection. Quand le client ne produit plus de grandes quantités d’urine et est dans un état hémodynamique stable, le cathéter doit être retiré le plus tôt possible. Si le client ne peut uriner spontanément, il faut effectuer un cathétérisme urinaire intermittent pour réduire le plus possible le risque d’infection lié au cathéter à ballonnet et au système de drainage. Cette méthode permet de vider la vessie du client sans laisser le cathéter en place.

Évaluer l’équilibre liquidien L’équilibre liquidien intravasculaire est généralement évalué toutes les heures si le client en situation critique de santé est muni de cathéters hémodynamiques. Les valeurs hémodynamiques (la fréquence cardiaque [F.C.], la P.A., la PVC, la PAPO, le D.C. et l’I.C.) et les mesures du poids quotidien sont mises en relation avec les I/E. Le débit urinaire est mesuré chaque heure au moyen d’un cathéter urinaire et d’une poche de drainage, et ce, pendant toutes les phases de l’IRA, particulièrement en réaction aux diurétiques. Tout liquide extrait par dialyse doit être inclus au bilan quotidien des liquides. La reconnaissance des signes et des symptômes cliniques d’une surcharge liquidienne est importante. Le liquide en excès se déplace du système vasculaire vers les tissus périphériques (œdème déclive), l’abdomen (ascites) et les poumons (crépitants, œdème pulmonaire et épanchement pleural) ainsi qu’autour du cœur (épanchements péricardiaques) et dans le cerveau (œdème cérébral).

Prévenir et contrôler le déséquilibre électrolytique

et des déséquilibres acidobasiques TABLEAU 26.3. Il faut prévenir les manifestations cliniques de ces déséquilibres et maîtriser leurs effets indésirables. Les déséquilibres les plus probables sont l’hyperkaliémie et l’hypocalcémie, qui peuvent entraîner des arythmies cardiaques menaçant la vie du client (El-Sherif & Turitto, 2011). Une hyponatrémie de dilution peut se développer si la surcharge liquidienne empire chez le client ayant une oligurie. Il est important de surveiller la concentration de sodium sérique pour prévenir cette complication. L’hyperphosphatémie cause notamment un prurit grave. Les soins inrmiers sont axés sur le soulagement des démangeaisons par l’application fréquente d’émollients sur la peau et l’administration de chélateurs du phosphore alimentaire. L’inrmière avise également le client de ne pas se gratter. La surveillance des déséquilibres acidobasiques liés à l’IRA est effectuée par des analyses des gaz sanguins artériels. Le but du traitement est de maintenir un pH normal.

Informer le client et ses proches L’inrmière transmet de l’information simple et exacte au client et à ses proches au sujet de l’IRA, du pronostic, du traitement et des complications possibles (Nickolas et al., 2004) ENCADRÉ 26.5. L’enseignement au client peut s’avérer difcile, car son état de conscience peut être perturbé par une concentration accrue d’urée et de créatinine sérique. Des troubles du sommeil et du repos ainsi que des perturbations émotionnelles sont des complications fréquentes de l’IRA, ce qui peut altérer la concentration, la mémoire et la capacité du client à s’orienter. Il faut encourager le client et ses proches à exprimer leurs préoccupations, leurs frustrations et leurs craintes. 26

Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 26.5

Insufsance rénale aiguë

L’inrmière aborde les sujets suivants : • explication de la physiopathologie : – l’IRA grave est une diminution soudaine de la fonction rénale qui cause une accumulation rapide des toxines dans le sang ; • explication de la cause : – prérénale (avant les reins) ; – rénale (dans les reins) ; – postrénale (après les reins) ; • description des facteurs prédisposants et explication du degré de fonctionnement rénal après la phase aiguë ;

• explication de la diète et des restrictions liquidiennes ; • façon de mesurer la P.A., la F.C., la fréquence respiratoire (F.R.) et le poids ; • hygiène personnelle et façons d’éviter les infections ; • besoin important d’exercice et de repos ; • médicaments nécessaires et effets indésirables ; • besoin d’un suivi continu avec les professionnels de la santé ; • but de la dialyse et importance des traitements réguliers.

L’IRA peut entraîner une hyperkaliémie, une hypocalcémie, une hyponatrémie, une hyperphosphatémie Chapitre 26

Troubles rénaux et approche thérapeutique

839

26.2

Approche thérapeutique : suppléance rénale

• Symptômes d’urémie : – Dysgueusie, inappétence, nausées et vomissements – Haleine urémique – Péricardite urémique – Prurit – Saignement gastro-intestinal • Toxicité des médicaments CONTRE-INDICATIONS

Fonctionnement

Indications et contre-indications de l’hémodialyse

INDICATIONS

• Acidose métabolique importante • Altération des fonctions cognitives (p. ex., une somnolence, un coma) • Concentration d’urée sérique > 30 mmol/L • Concentration de créatinine sérique > 790 μmol/L • Contre-indications pour tout autre type de dialyse • DFG < 10 ml/min • Hyperkaliémie • Hyperphosphorémie • Oligurie qui persiste plus de 12 heures • Surcharges liquidiennes intravasculaire et extravasculaire Source : Adapté de Daugirdas, Blake & Ing (Eds) (2006)

Hémodialyse intermittente

Le terme hémodialyse signifie séparation du sang. L’hémodialyse consiste à séparer et à retirer du sang les électrolytes, le liquide et les toxines en excès au moyen d’un hémodialyseur. Il s’agit d’un moyen efcace de retirer des solutés. Les indications et les contre-indications de ce traitement sont présentées dans l’ENCADRÉ 26.6. L’hémodialyse doit être effectuée régulièrement, car les concentrations d’électrolytes et de toxines ainsi que le liquide continuent d’augmenter entre les traitements. L’hémodialyse traditionnelle dure trois ou quatre heures. En cas d’IRA, l’hémodialyse est effectuée quotidiennement. Cette fréquence diminue progressivement, jusqu’à trois fois par semaine si l’état du client évolue vers une IRC. Une technique de dialyse de longue durée à faible efcacité, ou SLED (Sustained Low-Efciency Dialysis), peut aussi être utilisée. Elle est effectuée pendant une période de 8 à 12 heures chaque jour. En cas de maladie grave, elle est parfois utilisée en continu (C-SLED).

Il existe deux types de thérapies de suppléance rénale pour l’IRA : l’hémodialyse intermittente (HDI) et la thérapie continue de suppléance rénale (TCSR).

ENCADRÉ 26.6

26.2.1

• Anticoagulation impossible • Instabilité hémodynamique • Manque d’accès à la circulation

L’hémodialyse consiste à faire circuler le sang à l’extérieur du corps par une tubulure synthétique dirigée vers un dialyseur constitué de tubes en bres creuses FIGURE 26.4. Le dialyseur est parfois appelé rein articiel. Pendant que le sang circule à travers des membranes semi-perméables baignées par un liquide (dialysat), des échanges de liquide, d’électrolytes et de toxines se font, par osmose et par diffusion, du sang vers le dialysat. Le sang et le dialysat circulent dans des directions opposées (à contresens) an d’optimiser les échanges osmotiques et chimiques et donc l’efcacité de la dialyse FIGURE 26.5. Le dialysat chargé de toxines sort ensuite du dialyseur. Pour extraire le liquide, une pression hydrostatique positive est appliquée au sang, et une pression hydrostatique négative est appliquée au dialysat. Ces deux forces réunies expulsent et tirent respectivement le liquide qui se trouve en excès dans le sang. La différence entre ces deux valeurs, exprimée en millimètres de mercure (mm Hg), représente la pression transmembranaire et entraîne l’extraction du liquide, appelée ultraltration, de l’espace vasculaire.

Préparation Anticoagulation De l’héparine ou du citrate de sodium est ajouté au sang juste avant son entrée dans le dialyseur an d’empêcher sa coagulation dans les tubulures (Oudemans-van Straaten, Kellum & Bellomo, 2011). Sans anticoagulant, le sang formerait des caillots, car son passage dans les substances étrangères des tubulures du dialyseur active le mécanisme de coagulation. L’héparine peut être administrée par bolus I.V. ou par perfusion I.V. intermittente. L’héparine a une courte demi-vie, et son action dure de deux à quatre heures. Au besoin, le sulfate de protamine, un antidote de l’héparine, peut facilement en renverser les

FIGURE 26.4 Hémodialyseur.

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Partie 5

Système rénal

effets. Si une thrombocytopénie induite par l’héparine est crainte, d’autres anticoagulants peuvent être utilisés. Le citrate de sodium peut être administré par bolus I.V. intermittent ou en perfusion I.V. continue (Power, Duncan, Singh et al., 2009).

Accès vasculaires disponibles L’hémodialyse nécessite un accès à la circulation sanguine. Divers types de dispositifs temporaires et permanents sont utilisés en milieu clinique. En vue d’assurer la sécurité du client, l’inrmière connaît ces dispositifs et les entretient correctement. La présente section décrit les cathéters temporaires employés en milieu de soins critiques ainsi que les méthodes permanentes utilisées pour l’hémodialyse à long terme.

| Cathéter temporaire | Le cathéter est inséré dans la veine sous-clavière ou fémorale lorsqu’un accès à court terme est nécessaire ou lorsque l’accès par greffon ou stule vasculaire n’est pas fonctionnel chez le client nécessitant une hémodialyse immédiate. Les cathétérismes passant par la veine sousclavière ou fémorale sont régulièrement effectués au chevet du client. La plupart des cathéters temporaires sont insérés par voie veineuse seulement. Le sang se rend au dialyseur et revient au client par la même veine cathétérisée. À cette n, un cathéter veineux à deux lumières séparées par une cloison centrale est fréquemment utilisé. Dans la section sortante (écoulement) du cathéter, le sang est dirigé vers des ouvertures qui se trouvent du côté proximal des autres ouvertures de la section entrante (captage) du côté opposé FIGURE 26.6. Ce système permet de ne pas dialyser le sang qui vient d’être remis en circulation, ce qui réduirait grandement l’efcacité de la dialyse. Un cathéter à deux lumières en caoutchouc de silicone couvert d’un manchon de polyester, conçu pour diminuer les infections dues au cathéter, peut également être utilisé. | Accès vasculaire permanent | La caractéristique commune aux dispositifs d’accès vasculaire permanent est le raccord entre la circulation artérielle et la circulation veineuse. Fistule artérioveineuse Une stule artérioveineuse (FAV) est créée par intervention chirurgicale an de

FIGURE 26.5 Composantes d’un hémodialyseur.

relier une artère et une veine périphérique. Seuls les vaisseaux du client sont utilisés de sorte que la FAV est dite native. Le fort débit artériel provoque le renement de la veine dans laquelle il est possible d’insérer, après cicatrisation, une aiguille de gros calibre pour obtenir un écoulement artériel vers le dialyseur. L’entrée du sang est effectuée avec une deuxième aiguille de gros calibre insérée dans une veine périphérique en position distale par rapport à la stule FIGURE 26.7A. La stule est le mode idéal d’accès en raison de la durabilité des vaisseaux sanguins, du nombre assez faible de complications

26

FIGURE 26.6 Cathéter pour la dialyse temporaire.

Chapitre 26

Troubles rénaux et approche thérapeutique

841

agrandir le nouvel accès. La période minimale rapportée avant qu’une stule puisse être utilisée pour une dialyse est de 14 jours, mais elle peut être plus longue dans de nombreux cas. Idéalement, il faut établir la stule six mois avant le besoin d’hémodialyse pour garantir sa maturité au moment voulu (Kimball, Barz, Dimnd et al., 2011). Au cours des soins donnés au client qui a une stule, certaines interventions inrmières sont prioritaires pour garantir la viabilité de l’accès vasculaire et la sécurité du membre TABLEAU 26.7. L’inrmière en soins critiques évalue fréquemment la qualité de la circulation sanguine par la stule. Une stule perméable produit un frémissement quand elle est palpée doucement avec les doigts et émet un bruit (thrill) lorsque l’inrmière l’ausculte au stéthoscope. L’extrémité du membre où il y a une stule doit être rose et chaude au toucher, et aucune perfusion I.V., aucun prélèvement sanguin ou aucune mesure de la P.A. ne doivent y être effectués.

FIGURE 26.7

Accès vasculaire pour l’hémodialyse. A Fistule artérioveineuse native. B Greffon artérioveineux interne.

qu’elle entraîne et du besoin réduit de surveillance comparativement à d’autres méthodes d’accès. L’inconvénient initial de la stule est le temps nécessaire à la création d’un ot artériel sufsant pour

Greffon artérioveineux Un greffon artérioveineux relie une veine et une artère et fournit un accès vasculaire pour la dialyse dans le cas d’une IRC (Schild, Perez, Gillapsie et al., 2008). Il peut être d’origine biologique, comme un greffon issu de tissu bovin ou une homogreffe, ou d’origine synthétique tel un greffon fait de polytétrauoroéthylène (Gore-TexMD). Le greffon est souvent un tube synthétique, implanté dans le membre par chirurgie. À cette n, le chirurgien pratique une ouverture pour trouver une artère

Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 26.7

Prévenir et contrôler les complications associées aux stules artérioveineuses natives et aux greffons artérioveineux

COMPLICATIONS

INTERVENTIONS

Fistule artérioveineuse native • Flot sanguin inadéquat • Formation d’anévrismes ou de faux anévrismes • Hypertension veineuse • Infection • Syndrome de vol ischémique de la main • Syndrome du canal carpien • Thrombose

• Enseigner au client comment développer un ot sanguin dans la stule par des exercices (p. ex., écraser une balle de caoutchouc) au moins 1 fois par jour pendant 10 ou 15 minutes. • Enseigner au client de ne pas porter de vêtements serrés sur le membre où se trouve l’accès vasculaire. • Enseigner au client de ne pas dormir ni de s’appuyer trop longtemps sur le membre où se trouve l’accès. • Utiliser une technique aseptique pour introduire les aiguilles d’hémodialyse. • Éviter l’insertion répétée des aiguilles sur un même segment de l’accès. • Au besoin, offrir des mesures de soulagement de la douleur en cas de syndrome de vol ischémique telles que des compresses chaudes et des analgésiques prescrits, mais le traitement chirurgical est souvent nécessaire. • Éviter la cathétérisation des aiguilles de dialyse trop précoce dans le cas d’un nouvel accès.

Greffon artérioveineux • • • • •

Formation de faux anévrismes Infection Saignement Sténose artérielle ou veineuse Syndrome de vol ischémique de la main • Thrombose

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Partie 5

Système rénal

• • • • •

Enseigner au client de ne pas porter de vêtements serrés sur le membre où se trouve l’accès. Éviter l’insertion répétée des aiguilles de dialyse sur un même segment de l’accès. Utiliser une technique aseptique pour insérer les aiguilles de dialyse. Surveiller les changements de la pression artérielle ou veineuse pendant la dialyse. Offrir des mesures de soulagement de la douleur en cas de syndrome de vol ischémique et, surtout, aviser le néphrologue et le chirurgien, car le traitement est souvent chirurgical.

et une veine, puis il crée un tunnel dans le tissu où le greffon sera placé. Une extrémité du greffon est ensuite reliée à l’artère, et l’autre extrémité, à la veine, ce qui crée ainsi une anastomose FIGURE 26.7B. Finalement, le chirurgien laisse passer le sang dans le greffon et referme le site d’intervention. Le greffon crée une surélévation qui ressemble à une grande veine périphérique située directement sous la peau. Deux aiguilles de gros calibre sont utilisées pour permettre la sortie du sang du greffon et son entrée dans celui-ci pendant la dialyse. À la n de l’hémodialyse, lorsque l’aiguille est retirée d’un greffon ou d’une stule, il faut appliquer une pression ferme an d’arrêter tout saignement. Les interventions inrmières pour prévenir les complications liées au greffon artérioveineux sont énumérées dans le TABLEAU 26.7. Cathéter tunnellisé Pendant la maturation de la stule ou du greffon, dans l’attente que l’accès vasculaire soit prêt, un cathéter tunnellisé à manchon peut être inséré dans la veine jugulaire interne ou externe de certains clients atteints d’IRC (Coryell, Lott, Stavropoulos et al., 2009 ; Vats, Bellingham, Pinchot et al., 2012). Le manchon et le tunnel sont des barrières physiques visant à réduire les infections associées au cathéter veineux central. Les cathéters modernes sont faits de silicone ou d’élastomères de silastic qui les rendent plus exibles que les cathéters temporaires (Vats, 2012).

Traitements médicaux Les traitements médicaux comprennent la décision de placer un dispositif d’accès vasculaire et le choix du type de dispositif et de l’emplacement les plus appropriés pour le client. Dans le cas d’un client en soins critiques ayant besoin d’un accès vasculaire pour l’hémodialyse, le médecin utilise généralement un cathéter temporaire d’hémodialyse. Pour chaque client, la quantité exacte de liquide et de solutés qui doit être retirée par hémodialyse est déterminée de différentes façons, incluant l’examen physique, les données de monitorage hémodynamique et les analyses de laboratoire pertinentes.

Soins et traitements inrmiers Une inrmière non spécialisée en soins critiques, mais qui a reçu une formation spécialisée en dialyse, peut effectuer l’HDI. L’inrmière chargée de la dialyse se rend généralement au chevet du client avec l’appareil de dialyse et collabore avec l’inrmière en soins critiques responsable du client. Pendant la phase aiguë du traitement, l’hémodialyse a lieu quotidiennement. La fréquence est réduite à trois fois par semaine quand le client atteint un état hémodynamique stable ou un état chronique. Le rôle essentiel de l’inrmière en soins critiques pendant la dialyse est de surveiller l’état

hémodynamique du client et de s’assurer qu’il reste stable ENCADRÉ 26.7 . Le client atteint d’IRA qui subit une hémodialyse dépend de la perméabilité du cathéter d’accès veineux. Quand le cathéter n’est pas utilisé, il faut y injecter de l’héparine non fractionnée pour assurer sa perméabilité. L’inrmière en soins critiques renseigne le client et ses proches sur l’évolution de la maladie et sur le plan de traitement élaboré.

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 26.7

Surveiller et gérer l’hémodialyse

OBJECTIF

• Gérer les paramètres d’adéquation de la dialyse. INTERVENTIONS

• Prélever un échantillon de sang et exami­ ner les paramètres chimiques de celui­ci (incluant la concentration de l’urée, de la créatinine, du sodium, du potassium et du phosphore sériques) avant le traitement. • Consigner le poids et les signes vitaux de base : la température, la F.C., la F.R. et la P.A. • Expliquer au client la technique d’hémo­ dialyse choisie et son but. • Vérier le matériel et les solutions en fonc­ tion des prescriptions médicales, ou des prescriptions de l’inrmière praticienne spécialisée en néphrologie (IPSN), ou du protocole en place. • Utiliser une technique stérile pour insérer les aiguilles de dialyse ou pour brancher et débrancher le cathéter. • Porter des gants jetables, des lunettes et des vêtements de protection pour prévenir le contact direct avec le sang au cours du branchement et du débranchement de la dialyse, que cela soit par FAV ou par cathéter veineux central. • Commencer l’hémodialyse selon les para­ mètres d’adéquation de la dialyse prescrits ou le protocole en place. • Fixer adéquatement les raccords et les tubulures. • Vérier les capteurs du système (p. ex., le débit, la pression, la température, le pH, la conductivité, les caillots, l’air, la pression négative pour l’ultraltration et le capteur sanguin) pour assurer la sécurité du client. • Surveiller la P.A., la F.C., la F.R., la tempé­ rature et la réaction du client pendant la dialyse.

Chapitre 26

• Administrer de l’héparine selon les pres­ criptions ou le protocole. • Surveiller le temps de coagulation et ajuster l’administration d’héparine en conséquence. • Appliquer le protocole approprié si le client devient hypotendu. • Cesser l’hémodialyse selon le protocole. • Comparer les signes vitaux, le poids et les paramètres chimiques sanguins du client avant et après la dialyse. • Éviter de mesurer la P.A. ou d’insérer une aiguille pour un prélèvement I.V. dans le bras où se trouve la FAV. • Effectuer l’entretien du cathéter ou de la FAV selon le protocole. • Travailler en partenariat avec le client et ses proches pour ajuster la diète, les restrictions liquidiennes et les médicaments de façon à réguler les changements liquidiens et électrolytiques entre les traitements. • Enseigner au client et à ses proches à surveiller les signes et les symptômes d’une complication clinique qui néces­ site un traitement médical (p. ex., la èvre, un saignement, la présence de caillots dans la stule, une thrombo­ phlébite, un pouls irrégulier). • Travailler en partenariat avec le client et ses proches pour soulager les malaises liés aux effets indésirables de la maladie et du traitement de suppléance rénale (p. ex., des crampes, la fatigue, des cé­ phalées, des démangeaisons, l’anémie, la déminéralisation osseuse, les change­ ments de l’image corporelle, la perturba­ tion des rôles). • Travailler avec le client et ses proches pour ajuster la durée de la dialyse et la diète, gérer la douleur et les besoins de distraction an d’obtenir les bénéces optimaux du traitement.

Troubles rénaux et approche thérapeutique

843

26

26.2.2

Thérapie continue de suppléance rénale

La thérapie continue de suppléance rénale (TCSR) est un traitement continu et surveillé par l’inrmière en soins critiques qui peut durer plusieurs jours. La stabilité hémodynamique du client est maintenue pendant la TCSR, puisqu’elle permet l’extraction et le remplacement contrôlés du liquide dans le sang plusieurs heures ou plusieurs jours durant. La TCSR est ainsi très avantageuse pour le client en état hémodynamique instable et atteint de troubles multisystémiques. La TCSR consiste à faire circuler le sang veineux dans un hémoltre très poreux. À l’instar de l’hémodialyse intermittente, la sortie et le retour du sang se font par un grand cathéter veineux (veinoveineux). La TCSR permet l’extraction continue de liquide du sang. Le débit sanguin du client est de 100 à 200 ml/min, et le débit du dialysat est de 20 à 40 ml/min. Le taux d’extraction du liquide varie en fonction de la méthode particulière de TCSR utilisée TABLEAU 26.8. Le liquide extrait est appelé ultraltrat. Dans une situation idéale, la pression hydrostatique exercée par une pression artérielle moyenne (P.A.M.) supérieure à 70 mm Hg enverrait un ot sanguin continu dans l’hémoltre pour l’extraction du liquide et des solutés. Toutefois, puisque de nombreux clients en phase critique sont hypotendus et ne peuvent envoyer un ot sanguin adéquat dans l’hémoltre, une pompe à galet électrique est utilisée pour augmenter le ot. Si de grandes quantités de liquide doivent être enlevées, des solutions de remplacement sont administrées par voie I.V. Le moment où commencer la TCSR, la dose optimale de dialyse, les clients à qui cette thérapie est le plus bénéque et le moment où elle doit être arrêtée ne sont pas uniformément établis. Concernant la dose optimale de dialyse, deux essais cliniques n’ont montré aucune différence de mortalité entre les clients en phase critique recevant une dialyse

TABLEAU 26.8

intensive ou non intensive (RENAL Replacement Therapy Study Investigators, Bellomo, Cass et al., 2009 ; VA/NIH Acute Renal Failure Trial Network, Palevsky, Zhang et al., 2008), mais la dose de dialyse utilisée pour cette recherche était plus élevée que celle normalement employée en milieu clinique (Kellum & Ronco, 2010). L’ENCADRÉ 26.8 présente les indications de la TCSR. Plusieurs méthodes de TCSR sont utilisées dans les unités de soins critiques : 1) l’ultraltration continue lente, ou SCUF (slow continuous ultrafiltration) ; 2) l’hémoltration veinoveineuse continue, ou CVVH (continuous venovenous hemoltration) ; 3) l’hémodialyse veinoveineuse continue, ou CVVHD (continuous venovenous hemodyalisis) ; 4) l’hémodialtration veinoveineuse continue, ou CVVHDF (continuous venovenous hemodialtration) (Cerdá & Ronco, 2009). Le choix de la méthode se fonde notamment sur l’évaluation clinique, l’état métabolique, la gravité de l’urémie et la disponibilité de la méthode de traitement.

Fonctionnement et préparation La TCSR permet d’extraire les solutés du sang par diffusion, par convection ou par absorption. Ces trois processus retirent du liquide et des solutés de différentes tailles.

Diffusion La diffusion désigne le mouvement des solutés le long d’un gradient de concentration, d’une forte concentration vers une faible concentration, à travers une membrane semi-perméable. Il s’agit du principal mécanisme utilisé dans l’hémodialyse. Les solutés tels que la créatinine et l’urée traversent la membrane de dialyse, du sang vers le dialysat.

Convection La convection se produit lorsqu’un gradient de pression est établi an que l’eau soit poussée ou pompée à travers le ltre de dialyse et qu’elle transporte les solutés du sang avec elle. Cette méthode d’extraction

Comparaison des thérapies continues de suppléance rénale

TYPE

TAUX D’ULTRAFILTRATION

REMPLACEMENT DU LIQUIDE

MODE D’EXTRACTION DES SOLUTÉS

INDICATIONS

SCUF

100-300 ml/h

Aucun

Aucun

Extraction du liquide

CVVH

300-2000 ml/h

Prédilution ou postdilution, calcul de la perte horaire nette

Convection

Extraction du liquide, extraction modérée de solutés

CVVHD

300-2000 ml/h

Prédilution ou postdilution, soustraction du dialysat et calcul de la perte horaire nette

Diffusion

Extraction du liquide, extraction maximale de solutés

CVVHDF

Variable

Prédilution ou postdilution, soustraction du dialysat et calcul de la perte horaire nette

Convection et diffusion

Extraction maximale du liquide et des solutés

SCUF : ultraltration continue lente (slow continuous ultraltration) ; CVVH : hémoltration veinoveineuse continue (continuous venovenous hemoltration) ; CVVHD : hémodialyse veinoveineuse continue (continuous venovenous hemodialysis) ; CVVHDF : hémodialtration veinoveineuse continue (continuous venovenous hemodialtration).

844

Partie 5

Système rénal

des solutés, appelée entraînement par solvant, est communément utilisée pour la TCSR.

ENCADRÉ 26.8

Absorption Les solutés sont attirés par le ltre de dialyse auquel les molécules de solutés se lient et par lequel elles peuvent être absorbées, ou extraites par diffusion ou convection, selon leur taille TABLEAU 26.9. La taille des molécules de solutés se mesure en daltons (Da). Les petites molécules telles que l’urée et la créatinine sont enlevées autant par diffusion que par convection. Pour les molécules de taille supérieure à 500 Da, la convection est la méthode la plus efcace.

Liquide de remplacement En général, une partie de l’ultraltrat est remplacée dans le circuit de TCSR par un liquide stérile. Celuici peut être ajouté avant le ltre (dilution préltre) ou après le ltre (dilution postltre). Le but est d’augmenter le volume de liquide traversant l’hémoltre et d’améliorer la convection des solutés.

Anticoagulation Puisque le sang qui circule à l’extérieur du corps est en contact avec les tubulures et les ltres articiels, la cascade de coagulation et les cascades du complément sont activées. Pour prévenir l’obstruction de l’hémoltre par la coagulation, de faibles doses d’anticoagulants doivent être utilisées. La dose doit être assez faible pour ne pas inuer sur les paramètres d’anticoagulation du client. L’anticoagulation systémique n’est pas visée. Parmi les anticoagulants typiques gurent l’héparine non fractionnée et le citrate de sodium. Ce dernier est un anticoagulant préltre efcace, dont un effet indésirable est la chélation (xation et élimination) du calcium du sang. Par conséquent, lorsque le citrate de sodium est utilisé comme anticoagulant, il faut vérier les concentrations de Cai et remplacer le calcium selon les indications du protocole.

Méthodes de thérapie continue de suppléance rénale En fonction de la condition clinique du client, le médecin peut avoir recours à différentes méthodes de TCSR. La présente section décrit les plus fréquentes en milieu de soins critiques.

Ultraltration continue lente La méthode d’ultraltration continue lente (SCUF) enlève lentement le liquide (de 100 à 300 ml/h) par un procédé d’ultraltration FIGURE 26.8A. Ce procédé consiste en un mouvement de liquide à travers une membrane semi-perméable. La méthode SCUF a un impact minimal sur l’élimination des solutés. Elle n’est pas ou peu utilisée en milieu clinique, car elle nécessite à la fois un accès artériel et un accès veineux pour être efcace, et elle présente plus de risques de thrombose (coagulation) que les autres méthodes de TCSR à débit plus rapide. Puisque de petites quantités de liquide sont retirées lentement, on a initialement espéré que la SCUF conviendrait au client œdémateux ayant une insufsance cardiaque

Indications et contre-indications de la thérapie continue de suppléance rénale

INDICATIONS

• Administration d’une alimentation parentérale totale • Anticoagulation impossible • Contre-indication de l’hémodialyse et de la dialyse péritonéale • Gestion des liquides du client nécessitant un grand volume quotidien de liquide • Substitution pour l’oligurie

TABLEAU 26.9

• Instabilité hémodynamique et nécessité de retirer un grand volume de liquide • Hypervolémie ou œdème qui ne réagit pas au traitement diurétique • Syndrome de défaillance multisystémique CONTRE-INDICATIONS

• Hématocrite > 45 % • Maladie terminale avec un pronostic sombre

Taille des molécules extraites par la thérapie continue de suppléance rénale

SOLUTÉ

TYPE DE MOLÉCULES

TAILLE DES MOLÉCULES

MÉTHODE D’EXTRACTION DES SOLUTÉS

Urée, créatinine

Petites molécules

< 500 Da

Diffusion, convection

Vancomycine

Moyennes molécules

500-5 000 Da

Convection meilleure que la diffusion

Cytocines, complément

Petites protéines (protéines de faible poids moléculaire)

5 000-50 000 Da

Convection ou absorption dans l’hémoltre

Albumine

Grosses protéines

> 50 000 Da

Élimination minimale

26 aiguë et une irrigation sanguine réduite des reins et ne réagissant pas aux diurétiques. Cependant, l’ultraltration intermittente effectuée avec un cathéter veineux périphérique est plus susceptible d’être utilisée pour enlever le volume en excès du client atteint d’une insufsance cardiaque décompensée aiguë lorsque ses reins ne réagissent pas aux diurétiques (Felker & Mentz, 2012 ; Freda, Slawsky, Mallidi et al., 2011).

Hémoltration veinoveineuse continue La méthode d’hémoltration veinoveineuse continue (CVVH) est indiquée lorsque l’état clinique du client permet l’extraction de volumes importants de liquide et de solutés. Le liquide est enlevé par ultraltration au rythme de 5 à 20 ml/min ou de 7 à 30 L/24 h. L’extraction de solutés tels que l’urée, la créatinine et d’autres toxines non liées à des protéines est effectuée par convection. Comme pour les autres appareils de TCSR, le sang qui se trouve à l’extérieur du corps est anticoagulé, et l’ultraltrat est drainé par gravité ou par l’ajout d’une succion à pression négative dans une grande poche de drainage. Chapitre 26

Troubles rénaux et approche thérapeutique

845

FIGURE 26.8 Thérapie continue de suppléance rénale (TCSR). A Ultraltration continue lente (SCUF). B Hémoltration veinoveineuse continue (CVVH).

Puisque la CVVH permet d’extraire de grands volumes de liquide, une partie du volume d’ultraltrat enlevé doit être remplacée chaque heure avec une perfusion continue (liquide de remplacement) pour éviter la déshydratation intravasculaire. Le liquide de remplacement peut être une solution standard de bicarbonate, une solution de lactate Ringer sans potassium ou une solution d’acétate ou de dextrose. Des électrolytes tels que le potassium, le sodium, le chlorure de calcium, le sulfate de magnésium et le bicarbonate peuvent être ajoutés. Le débit du liquide de remplacement dans

846

Partie 5

Système rénal

l’appareil de TCSR peut être modié pour atteindre le taux voulu d’extraction de liquide et de solutés sans causer d’instabilité hémodynamique. Le liquide de remplacement peut être ajouté avant ou après l’hémoltre FIGURE 26.8B. Le volume de liquide retiré du client se calcule avec la formule suivante. Ultraltrat dans la poche + autre excreta – (liquide de remplacement + ingesta I.V./P.O./N.G. tube gastrique) = excreta

Hémodialyse veinoveineuse continue La méthode d’hémodialyse veinoveineuse continue (CVVHD) est techniquement comparable à l’hémodialyse traditionnelle, et elle enlève les solutés par diffusion grâce à un lent écoulement (de 15 à 30 ml/min), à contresens, du côté membranaire de l’hémoltre FIGURE 26.9A. Le sang et le dialysat se déplacent à contresens dans l’hémoltre, c’est-à-dire que le sang circule dans une direction, et le dialysat circule dans le sens opposé. Comme pour les autres types de TCSR et d’hémodialyse, l’accès vasculaire veinoveineux est

le plus communément utilisé, bien que l’accès artériel soit toujours possible. La CVVHD est indiquée lorsqu’il faut extraire un grand volume en raison d’une urémie grave ou de déséquilibres acidobasiques majeurs ou lorsque le client est résistant aux diurétiques. Si une P.A.M minimale de 60 mm Hg est nécessaire, une P.A.M. d’au moins 70 mm Hg est souhaitable pour une extraction du volume et une dialyse efcaces. Cette technique s’avère plus efcace si elle est utilisée pendant des jours plutôt que des heures. L’utilisation d’un liquide

26

FIGURE 26.9 Thérapie continue de suppléance rénale (TCSR). A Hémodialyse veinoveineuse continue (CVVHD). B Hémodialtration veinoveineuse continue (CVVHDF).

Chapitre 26

Troubles rénaux et approche thérapeutique

847

de remplacement est facultative et dépend de l’état clinique et du plan de soins du client. L’inrmière en soins critiques calcule les I/E chaque heure, détermine les tendances du liquide et remplace les pertes excessives. Ce traitement est idéal pour le client en phase critique qui présente une instabilité hémodynamique, car il n’entraîne pas les changements soudains de liquide et de solutés qui peuvent se produire au cours d’une hémodialyse standard.

Hémodialtration veinoveineuse continue La méthode d’hémodialtration veinoveineuse continue (CVVHDF) combine les méthodes CVVH et CVVHD pour permettre une extraction maximale de liquide et de solutés FIGURE 26.9B. Une forte pression transmembranaire est appliquée à l’hémoltre pour pousser l’eau à travers le ltre. De plus, une pression négative est appliquée de l’autre côté pour tirer le liquide à travers la membrane et produire de grands volumes d’ultraltrat et créer un entraînement par solvant (méthode CVVHD). Le sang et le dialysat circulent à contresens, ce qui permet l’extraction du liquide et des solutés par diffusion (hémodialyse). La CVVHDF peut enlever de grands volumes de liquide et de solutés grâce aux gradients de diffusion et à la convection.

Complications Les complications peuvent être liées au circuit extracorporel, à la pompe du système de TCSR ou au client ENCADRÉ 26.9. Elles sont souvent dues au débit dans le circuit extracorporel. Si les tubulures d’accès sont tordues ou que le client devient hypotendu, le taux d’ultraltration diminuera, ce qui peut accroître la formation de caillots dans l’hémoltre. Lorsque la surface de l’hémoltre est chargée de caillots, elle n’offre plus une clairance efcace du liquide ou des solutés. La TCSR doit alors être interrompue, et un nouveau circuit, mis en place. Les raisons les ENCADRÉ 26.9

Complications de la thérapie continue de suppléance rénale

COMPLICATIONS LIÉES AU CIRCUIT EXTRACORPOREL

• • • • • • • •

Accès compromis Déplacement du cathéter Embolie gazeuse Filtre défectueux Fuites de sang Hémoltre obstrué Mauvaise ultraltration Recirculation ou débranchement

COMPLICATIONS LIÉES À LA POMPE

• Alarme de pression du circuit • Alarme du détecteur de bulles d’air • Défaillance mécanique

848

Partie 5

Système rénal

• • • •

Interruption de l’alimentation électrique Pression d’entrée réduite Pression de sortie réduite Résistance accrue à la sortie

COMPLICATIONS LIÉES AU CLIENT

• • • • • • • •

Code ou situation d’urgence Déséquilibres acidobasiques Déséquilibres électrolytiques Déshydratation Hypotension Hypothermie Infection Perte de sang ou hémorragie

plus courantes de l’interruption de la TCSR sont la coagulation et des complications cliniques (Vesconi, Cruz, Fumagalli et al., 2009). Les autres complications possibles comprennent les modications liquidiennes et électrolytiques, le saignement dû à l’anticoagulation ou des problèmes liés au site d’accès tels que le déplacement de la tubulure ou l’infection (Finkel & Podoll, 2009).

Traitements médicaux Le choix d’une méthode de purication du sang pour traiter l’IRA dépend du médecin. Il n’existe aucun consensus clinique ou scientique concernant la meilleure méthode de dialyse entre l’HDI ou la TCSR. De plus, les études cliniques n’ont montré aucune différence de résultats (Karvellas, Farhat, Sajjad et al., 2011 ; Lins, Elseviers, Van der Niepen et al., 2009). L’âge, le sexe et une maladie chronique préexistante sont peu utiles dans le choix de l’une de ces deux méthodes. En général, un diagnostic d’IRA, la préférence du médecin, la disponibilité de l’appareil de TCSR et la présence d’inrmières et de médecins spécialisés dans le centre hospitalier sont les facteurs déterminants. L’HDI ou la TCSR doit être amorcée le plus tôt possible au cours de l’IRA (Macedo & Mehta, 2011). Auparavant, la dialyse ne débutait que lorsque l’urée sérique dépassait 30 mmol/L ou que la concentration de créatinine sérique était supérieure à 790 μmol/L. Désormais, dans de nombreuses unités de soins critiques, le seuil de début du traitement est beaucoup plus bas (Macedo & Mehta, 2011). Si le client a un déséquilibre électrolytique ou une surcharge liquidienne grave, une intervention encore plus précoce peut s’avérer nécessaire.

Soins et traitements inrmiers L’inrmière en soins critiques joue un rôle essentiel dans la surveillance du client en TCSR. Généralement, le système de TCSR est mis en place et fonctionne ensuite jour et nuit sous la surveillance d’inrmières en soins critiques ayant reçu une formation supplémentaire. L’inrmière en soins critiques surveille les I/E, détermine les tendances des valeurs d’analyses de laboratoire des électrolytes sanguins, s’assure du fonctionnement sûr du matériel de TCSR, prévient et détecte les complications possibles (p. ex., les saignements, l’hypotension) et renseigne le client et ses proches sur l’état de celui-ci et sur l’utilisation de la TCSR. En particulier, l’inrmière surveille, sur le moniteur de l’appareil TCSR, la pression positive de liquide qui entre dans l’hémoltre (entrée) et les pressions qui en sortent an de s’assurer qu’il ne se forme pas de résistance à la traction de pression négative du liquide à travers la membrane de l’hémoltre TABLEAU 26.10.

Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 26.10

Prévenir et contrôler les complications de la thérapie continue suppléance rénale

COMPLICATION

CAUSES POSSIBLES

MANIFESTATIONS CLINIQUES

INTERVENTIONS

Taux d’ultraltration réduit

• • • •

Cathéters pliés Déshydratation Hypotension Présence de caillots dans le ltre • Tubulures tordues

• Flot minimal de sang dans les tubulures • Taux d’ultraltration réduit

• • • • •

Obstruction du ltre (par des caillots)

• Héparinisation (anticoagulation) insufsante

• Taux d’ultraltration réduit, même si le contenant collecteur a été abaissé

• Ajuster l’anticoagulation du circuit extracorporel (héparine ou citrate). • Maintenir un apport continu d’anticoagulant. • Appeler le médecin ou l’IPSN. • Remplacer le circuit extracorporel. • Irriguer les cathéters de solution d’anticoagulant. • Hépariniser le nouveau système puis le brancher. • Commencer la prédilution avec 1 000 ml de NaCl 0,9 %/h. • Ne pas utiliser de robinets à trois voies.

Hypotension

• Débranchement accidentel d’une des tubulures • Fuite de sang • Ultraltration demandée trop importante

• Saignement

• Appeler le médecin ou l’IPSN. • Diminuer ou même cesser la quantité d’ultraltration demandée. • Contrôler les sites d’accès. • Serrer (clamper) les tubulures à l’aide de pinces.

Changements liquidiens et électrolytiques

• Dialysat inapproprié • Extraction de liquide excessive ou insufsante • Remplacement inapproprié des électrolytes

• • • • •

↑ ou ↓ P.A. et F.C. ↑ ou ↓ PAPO ↑ ou ↓ PVC Changements de l’ECG Changements de l’état mental • Concentration anormale des électrolytes

• Surveiller : – changements de PVC ou de PAPO ; – changements des signes vitaux ; – changements de l’ECG dus à des anomalies électrolytiques. • Surveiller les valeurs des excreta chaque heure. • Contrôler l’ultraltration.

Saignement

• ↑ dose d’héparine • Débranchement du système

• Suintement au site d’insertion ou à une connexion du cathéter

• Vérier le temps de coagulation activée au moins toutes les heures (héparine). • Ajuster la dose d’héparine selon les spécications pour maintenir le temps de coagulation activée. • Surveiller le calcium sérique si l’anticoagulant utilisé est le citrate. • Vérier s’il y a du sang sur le pansement de l’accès vasculaire. • Vérier s’il y a du sang dans le ltrat (fuite du ltre).

Déplacement du cathéter d’accès ou infection

• Faille de la technique stérile • Mauvaise xation du cathéter ou des raccords • Mouvement excessif du client

• Écoulement au site du cathéter • Fièvre • Perfusion inappropriée • Saignement au site d’insertion ou aux raccords du cathéter

• Vérier le site d’accès au moins toutes les deux heures. • S’assurer que les pinces sont faciles d’accès en tout temps. • Utiliser une technique stérile stricte au cours du branche­ ment du circuit extracorporel et de la pose du pansement sur l’accès vasculaire.

Vérier le ltre et le circuit artérioveineux. Contrôler le ot sanguin. Contrôler le temps de coagulation. Placer le client sur le dos. Abaisser le contenant collecteur.

26

Source : Adapté de Daugirdas et al. (2006)

Chapitre 26

Troubles rénaux et approche thérapeutique

849

26.2.3

Dialyse péritonéale

La dialyse péritonéale (DP) est une méthode principalement utilisée pour le client atteint d’IRC (Sinnakirouchenan & Holley, 2011). La DP est utilisée pour traiter une IRC terminale à long terme. Elle n’est jamais employée en tant qu’intervention de soins aigus de première ligne. Dans de très rares cas néanmoins, elle peut être tentée chez un client hospitalisé à l’unité de soins critiques. Si un client a recours à la DP à domicile, cette méthode de dialyse sera utilisée pendant son hospitalisation en soins aigus, à condition que la raison de son admission au centre hospitalier ne soit pas un trouble rénal ou abdominal. Lorsqu’un client sous DP est admis à l’unité de soins critiques à cause d’une maladie aiguë d’origine non rénale, la DP peut être poursuivie, mais elle est le plus souvent remplacée temporairement par l’hémodialyse ou la TCSR en raison de la maladie aiguë. La DP consiste à introduire un liquide de dialyse stérile par un cathéter inséré dans la cavité abdominale. Le dialysat baigne alors la membrane péritonéale, qui entoure les organes abdominaux, et couvre les lits capillaires alimentant les organes. Par les processus d’osmose, de diffusion et de transport actif, le liquide et les solutés en excès dans les capillaires péritonéaux traversent les parois capillaires et la membrane péritonéale et se rendent dans le dialysat. Après une période déterminée, le dialysat est drainé de l’abdomen par gravité et est ensuite jeté FIGURE 26.10. Ce procédé est ensuite répété à intervalles réguliers. La structure de la membrane péritonéale et le ot du sang capillaire vers le péritoine expliquent la lenteur relative de la DP. Les petits pores capillaires, la membrane capillaire, l’interstitium, le mésothélium péritonéal et les pellicules liquides dans les capillaires et la cavité péritonéale constituent des barrières au passage du liquide et des solutés (Bargman, 2012). La perméabilité de la membrane péritonéale est différente d’une personne à l’autre, et le régime de dialyse péritonéale doit être ajusté en fonction de celle-ci. Un test d’équilibrage péritonéal peut être effectué an de déterminer le taux de clairance des solutés et d’évaluer la perméabilité de la membrane péritonéale du client. Le volume de dialysat instillé dans l’abdomen inue aussi sur la clairance. Le client dépendant de la DP doit connaître la quantité, le type et la fréquence du dialysat instillé dans son abdomen et du liquide de drainage qui s’écoule ensuite par gravité dans une poche collectrice. La principale préoccupation de l’inrmière est d’éviter la contamination du site d’accès et de surveiller les signes vitaux du client pendant ce processus. Le dialysat instillé doit être à la température corporelle an de ne pas incommoder le client et de permettre une certaine vasodilatation ainsi qu’un transport accru de solutés dans le péritoine. La période pendant laquelle la solution reste dans la cavité péritonéale, appelée durée de stagnation, et la composition de cette solution

850

Partie 5

Système rénal

inuent sur les résultats. La durée de stagnation a un impact sur la quantité de liquide retirée des capillaires péritonéaux. Une plus longue durée n’enlève pas une quantité supplémentaire proportionnelle de liquide, et ce, en raison de l’équilibre osmotique à travers les membranes. Effectivement, si la solution demeure trop longtemps dans la cavité péritonéale, un phénomène de réabsorption se produit, et une moins grande quantité de liquide est drainée. Le taux d’extraction du liquide varie également en fonction des diverses concentrations de glucose du dialysat inséré dans la cavité péritonéale. La plupart des cathéters utilisés pour la DP sont formés de quatre segments : 1) un segment externe situé hors de l’abdomen ; 2) un segment tunnellisé qui traverse les tissus et les muscles sous-cutanés ; 3) un segment avec manchon permettant la stabilisation au niveau de la membrane péritonéale ; 4) un segment interne comportant de nombreux trous qui permettent le transport et le drainage rapides du dialysat FIGURE 26.11. La perfusion et l’extraction du dialysat sont des procédures stériles.

Complication : infection Le plus important risque auquel est exposé le client en DP est l’apparition d’une péritonite, due le plus fréquemment à la contamination du cathéter et à l’infection subséquente. Une infection grave est l’une des raisons de l’hospitalisation d’un client en DP (Lafrance, Rahme, Iqbal et al., 2012). L’inrmière en soins critiques connaît les signes et les symptômes de la septicémie tels qu’une augmentation soudaine de la leucocytémie, une température corporelle accrue et une sensation de malaise généralisée. L’équipe de soins surveille les signes d’infection au site de sortie du cathéter ou d’infection abdominale indiquée par une rougeur ou une enure au site du cathéter (tunellite), par un liquide de drainage trouble après la durée de stagnation et par une sensibilité ou une douleur abdominale.

Soins et traitements inrmiers Les soins et les traitements inrmiers du client en DP sont complexes ENCADRÉ 26.10. L’inrmière porte une attention particulière à la prévention et à la détection de complications liées à la DP TABLEAU 26.11. Elle surveille les signes et les symptômes d’infection, vérie la quantité et l’aspect de la solution de dialyse infusée, perfuse la solution de dialyse selon les normes et les prescriptions, observe la quantité et l’aspect du liquide de drainage, prévient les complications liées au cathéter de DP et fournit de l’enseignement au client et à ses proches. Le client qui utilise la DP est un partenaire bien informé dans le maintien de sa santé en raison de son énorme engagement dans la gestion quotidienne des soins liés à sa dialyse (Sinnakirouchenan & Holley, 2011).

FIGURE 26.10

Dialyse péritonéale A Entrée. B Sortie (drainage par gravité).

26

FIGURE 26.11 Cathéter Tenckhoff utilisé pour la dialyse péritonéale.

Chapitre 26

Troubles rénaux et approche thérapeutique

851

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 26.10

Surveiller et gérer la dialyse péritonéale

OBJECTIF

• Administrer et surveiller une solution de dialyse dans la cavité péritonéale et hors de celle-ci. INTERVENTIONS

• Expliquer la méthode de dialyse péritonéale choisie et son but. • Réchauffer la solution de dialyse avant son instillation et surveiller son état. • Évaluer la perméabilité du cathéter et noter toute restriction de l’entrée ou de la sortie de la solution de dialyse. • Consigner la quantité de liquide infusé et la quantité de liquide drainé, calculer l’ultraltration obtenue pour chaque échange et consigner l’ultraltration cumulative de la journée. • Éviter le stress mécanique excessif sur les cathéters de dialyse péritonéale (p. ex., une toux répétitive, des changements de pansement trop fréquents, une xation du cathéter avec traction, la perfusion de trop grands volumes, le transport de lourdes charges). • Surveiller la P.A., la F.C., la F.R., la température et les réactions du client pendant la dialyse. • Manipuler le cathéter péritonéal et les raccords selon une technique aseptique. • Prélever des échantillons de laboratoire et analyser les paramètres chimiques du sang (p. ex., les concentrations d’urée, de créatinine, de sodium, de potassium et de phosphate sériques). • Obtenir des cultures et un dénombrement cellulaire du liquide de drainage péritonéal s’il y a lieu.

• Consigner le poids et les signes vitaux de base : la température, la F.C., la F.R. et la P.A. • Mesurer et consigner le tour de l’abdomen. • Mesurer et consigner le poids quotidien. • Fixer adéquatement les tubulures et les raccords. • Vérier le matériel et les solutions selon les prescriptions médicales, ou celles de l’IPSN, ou encore selon le protocole en place. • Administrer les échanges de dialyse (entrée, durée de stagnation et sortie) selon les prescriptions ou le protocole. • Surveiller les signes d’infection (p. ex., un liquide de drainage trouble, une inammation, un écoulement au site de sortie). • Surveiller les signes de détresse respiratoire. • Surveiller les signes de perforation de l’intestin ou les fuites de dialysat. • Travailler avec le client et ses proches pour ajuster la durée de la dialyse et la diète, pour gérer la douleur et les besoins de distraction an de tirer les bénéces optimaux du traitement. • Enseigner au client à surveiller lui-même les signes et les symptômes qui indiquent un besoin de traitement médical (p. ex., de la èvre, un saignement, une détresse respiratoire, un pouls irrégulier, un liquide de drainage trouble, une modication de l’aspect de la peau de l’abdomen, une douleur abdominale). • Enseigner la méthode de dialyse au client qui a besoin de DP à domicile, ainsi qu’à ses proches.

Pratiques inrmières suggérées TABLEAU 26.11

Prévenir et contrôler les complications de la dialyse péritonéale

COMPLICATION

INTERVENTIONS

Péritonite

• Évaluer les signes et les symptômes suivants : liquide de drainage trouble, douleur abdominale, nausées et vomissements, èvre. • Prélever un échantillon du liquide de drainage péritonéal pour effectuer des cultures et un dénombrement cellulaire. • Administrer des antibiotiques selon la prescription ou le protocole en place. • Enseigner au client et à ses proches les signes et les symptômes à surveiller ainsi que les mesures de prévention.

Infection au site de sortie du cathéter

• Surveiller le site quotidiennement pour déceler les signes et les symptômes d’infection : induration, érythème, purulence, hyperthermie. • ↑ fréquence quotidienne de nettoyage du site. • Appliquer des antibiotiques topiques selon la prescription ou le protocole en place (néanmoins controversé). • Dire au client et à ses proches de ne pas appliquer de crèmes non prescrites et de lotions autour du site de sortie du cathéter.

852

Partie 5

Système rénal

TABLEAU 26.11

Prévenir et contrôler les complications de la dialyse péritonéale (suite)

COMPLICATION

INTERVENTIONS

Tunnellite

• Évaluer les signes et les symptômes d’infection suivants : présence d’un érythème, d’une induration, d’un œdème, d’une douleur le long du trajet sous-cutané du cathéter (tunnel) ou d’un écoulement purulent ou sanguin (à la pression du manchon). • Enseigner au client et à ses proches les signes et les symptômes d’infection. • Enseigner au client et à ses proches comment éviter les tractions sur le cathéter ou sur les lésions au site de sortie. • Insister sur la nécessité de toujours bien nettoyer le site de sortie du cathéter.

Problèmes liés à l’ultraltration

• • • •

Douleur rectale

• S’assurer qu’il y a un réservoir sufsant de liquide. • Utiliser un débit d’infusion plus lent.

Douleur à l’épaule

• Vérier que l’air est complètement évacué de la tubulure d’infusion. • Tenter de drainer le dialysat quand le client est en position genupectorale. • Administrer un analgésique léger selon la prescription.

Hernie

• Surveiller l’apparition d’une augmentation de la taille de la hernie ou de la douleur dans la région de celle-ci. • Effectuer la dialyse quand le client est en décubitus dorsal. • Utiliser un bandage ou un support abdominal pour la hernie (ne pas bander la sortie du cathéter).

Surcharge liquidienne

• • • • • •

Déshydratation

• Évaluer le client pour la turgescence cutanée, les crampes musculaires, l’hypotension, la tachycardie et les étourdissements. • Discontinuer l’administration de solutions hypertoniques et ainsi drainer moins de liquide. • ↑ ingestion de liquide par P.O. • Prolonger la durée de stagnation.

Liquide de drainage teinté de sang

Changer la position du client (debout, couché, sur le côté, position genupectorale). Traiter la constipation du client. Irriguer le cathéter. S’assurer d’un apport liquidien sufsant dans l’abdomen (nécessite parfois un réservoir résiduel d’environ 50 ml).

↑ utilisation de solutions de dialyse hypertoniques an de drainer plus de liquide. ↓ ingestion de liquide par P.O. ↓ durée d’infusion de la solution de dialyse an d’éviter la réabsorption. Peser le client quotidiennement ainsi qu’avant et après la DP. Surveiller les bruits pulmonaires et l’œdème périphérique. Si elle est persistante, effectuer un test d’équilibrage péritonéal pour évaluer la modication de la perméabilité de la membrane péritonéale du client et ainsi pouvoir ajuster le temps de stagnation entre les échanges.

26

• Surveiller un changement de couleur du liquide de drainage (de jaune clair à rose ou rouille). • Administrer de l’héparine, selon la prescription ou le protocole en place, pour prévenir la formation de brine. • Obtenir l’histoire de santé du client sur les traumas du cathéter (p. ex., une traction du cathéter) et l’activité du client avant l’apparition de la complication.

Chapitre 26

Troubles rénaux et approche thérapeutique

853

ÉTUDE DE CAS SOLUTIONNAIRE

http://mabibliotheque. cheneliere.ca

Cliente atteinte d’un trouble rénal Mise en contexte Marylène Laamme, une femme âgée de 32 ans, a été trouvée dans une rue près du centre hospitalier. Elle est éveillée, mais désorientée. Elle est incapable de décrire ses antécédents médicaux et ne sait pas pendant combien de temps elle est restée dans la rue.

Manifestations cliniques À son admission à l’unité de soins critiques, madame Laamme présente des douleurs musculaires et une urine foncée et peu abondante. Elle est toujours désorientée, mais ses résultats d’examen neurologique sont normaux. Elle répète sans cesse aux inrmières qu’elle est fatiguée, qu’elle a mal partout et qu’elle veut seulement dormir. Elle peut bouger toutes ses extrémités et ne montre aucun signe de lésion au cours de l’examen cutané.

Collecte des données objectives Les résultats des analyses de laboratoire sont les suivants : CK à 40 400 unités/L, myoglobinémie à 2,5 mg/L, myoglobinurie à 300 mg/L et concentration de potassium sérique à 4,8 mmol/L. Les signes vitaux de base sont les suivants : P.A. à 85/60 mm Hg, F.C. à 128 batt./min (tachycardie sinusale), F.R. à 18 R/min, T° à 38,5 °C et SaO2 à 98 % à l’air ambiant. Le dépistage toxicologique a montré des résultats positifs pour la cocaïne. Le résultat de l’échelle de Glasgow était de 14.

Diagnostic médical Madame Laamme reçoit un diagnostic de rhabdomyolyse.

Questions 1. Quels sont les principaux résultats escomptés pour cette cliente ? 2. Quels problèmes prioritaires ou risques doivent être contrôlés pour obtenir ces résultats ? 3. Quelles interventions doivent être mises en œuvre pour surveiller, prévenir, gérer ou éliminer les problèmes et les risques désignés ? 4. Quelles interventions devraient être mises en œuvre pour optimiser le fonctionnement, la sécurité et le bien-être de la cliente ? 5. Quels besoins d’enseignement prévoyez-vous pour cette cliente ?

854

Partie 5

Système rénal

À RETENIR • Les facteurs de risque de l’insufsance rénale aiguë (IRA) comprennent la septicémie, la chirurgie cardiaque et le diabète. • Une IRA se développe chez de nombreux clients en situation critique de santé comme complication d’un trouble initial. La raison de l’admission du client à l’unité de soins critiques peut avoir été une septicémie, un choc hypovolémique, un trauma ou une chirurgie importante. Si une IRA se développe, les taux de morbidité et de mortalité augmentent.

• L’infection des voies urinaires due au cathéter (IVUC) est un risque important en cas de maladie grave. Les stratégies de prévention consistent notamment à éviter l’utilisation inutile d’un cathéter urinaire, à insérer le cathéter urinaire selon une technique aseptique, à entretenir le cathéter urinaire selon des normes fondées sur des résultats probants, à examiner quotidiennement le besoin d’un cathéter urinaire et à le retirer le plus tôt possible s’il n’est pas nécessaire.

• Une hydratation dynamique avec une solution physiologique salée (NaCl) demeure l’intervention la plus efcace pour prévenir une néphropathie associée aux produits de contraste et une IRA.

• Les diurétiques augmentent le débit urinaire, mais ils n’empêchent pas le développement d’une insuffisance rénale. Les diurétiques sont divisés en différentes classes fondées sur leurs effets

Chapitre 26

pharmacologiques et sur leur site d’action dans le néphron. • Les diurétiques les plus utilisés sont les diurétiques de l’anse, les diurétiques thiazidiques et les diurétiques osmotiques. Deux diurétiques de classes différentes qui ont une action sur des parties différentes du néphron peuvent agir en synergie pour augmenter le débit urinaire. • Les thérapies de suppléance rénale en soins aigus comprennent l’hémodialyse intermittente (HDI) et la thérapie continue de suppléance rénale (TCSR). Ces deux techniques sont efcaces pour traiter l’IRA et sont équivalentes en matière de mortalité ou de rétablissement de la fonction rénale.

Troubles rénaux et approche thérapeutique

855

PARTIE

6 Système gastro-intestinal CHAPITRE 27

Anatomie et physiologie du système gastro-intestinal           858 CHAPITRE 28

Évaluation clinique du système gastro-intestinal et examens paracliniques           872 CHAPITRE 29

Troubles gastro-intestinaux et approche thérapeutique          890

chapitre

27

Anatomie et physiologie du système gastro-intestinal

Écrit par : Kathleen M. Stacy, PhD, RN, CNS, CCRN, PCCN, CCNS Adapté par : Lyne Cloutier, inf., Ph. D.

L

a principale fonction du système gastro-intestinal est la digestion. Elle convertit les nutriments ingérés en éléments simples pouvant passer de la lumière du tube digestif (tractus gastro-intestinal) à la circulation porte, pour servir ensuite aux processus métaboliques. Le système gastro-intestinal joue également un rôle vital dans la détoxication de l’organisme et l’élimination des bactéries, des virus, des toxines chimiques et des drogues. Un trouble du système gastro-intestinal lui-même ou des systèmes hormonaux ou neuraux complexes qui le régulent peut gravement perturber l’homéostasie, c’est-à-dire l’équilibre métabolique, et compromettre l’état nutritionnel de la personne. Toute perturbation du mécanisme nutritionnel normal peut altérer les processus de la digestion ou entraîner une malabsorption. En soins critiques, une connaissance complète de l’anatomie et de la fonction normale du système gastro-intestinal est nécessaire pour bien évaluer, analyser et interpréter les données, ainsi que pour intervenir de façon adéquate auprès des clients atteints d’un dysfonctionnement gastro-intestinal.

27.1

Tube digestif

Le tube digestif se compose de la bouche, de l’œsophage, de l’estomac, de l’intestin grêle et du gros intestin FIGURE 27.1.

27.1.1

Bouche

La bouche et les organes accessoires, qui comprennent les lèvres, les joues, les gencives, la langue, le palais et les glandes salivaires, accomplissent les premières étapes de la digestion, à savoir l’ingestion, la mastication et la salivation (Huether, 2010).

Ingestion et mastication La bouche est le début du tube digestif ainsi que la voie d’ingestion et d’entrée des nutriments. Les dents coupent, broient et mélangent la nourriture, la transformant pour la préparer à la déglutition. Cette première transformation augmente la surface disponible de la nourriture, qui sera mélangée avec les sécrétions salivaires. Une dentition saine est essentielle à ce processus.

Salivation La salivation joue un rôle important dans la première étape de la digestion parce que la salive lubrie la bouche, facilite le mouvement des lèvres et de la

langue pendant la déglutition et élimine les bactéries. La salive est composée d’environ 99,5 % d’eau (Mandel, 2011), et elle contient : 1) une grande quantité d’ions comme le potassium, le chlorure, le bicarbonate (Huether, 2010), le thiocyanate et l’hydrogène (Mandel, 2011) ; 2) de l’immunoglobuline A, essentielle à la destruction des bactéries buccales (Huether, 2010) ; 3) du mucus. Chaque jour, 3 paires de grandes glandes salivaires produisent environ de 1 000 à 1 500 ml de salive ; il s’agit des glandes submandibulaires, des glandes sublinguales et des glandes parotides. Les glandes parotides, notamment, sécrètent des enzymes, dont l’amylase (ptyaline), qui amorce la décomposition chimique des gros polysaccharides en dextrines et en sucres. La bouche et le pharynx sont également tapissés de petites glandes salivaires qui procurent une lubrication accrue (Mandel, 2011). Les glandes salivaires accessoires (glandes muqueuses, séreuses et mixtes) contribuent à lubrier la nourriture et à assurer sa distribution sur les papilles gustatives (Canaan, 2005). Les glandes salivaires sont gouvernées par le système nerveux autonome (SNA), les effets parasympathiques étant prédominants. Une stimulation parasympathique accrue entraîne une sécrétion abondante de salive aqueuse, alors qu’une réduction de l’activité parasympathique inhibe la salivation (Huether, 2010 ; Mandel, 2011).

27

FIGURE 27.1 Anatomie du système gastro-intestinal. S : supérieur ; G : gauche ; I : inférieur ; D : droit.

Chapitre 27

Anatomie et physiologie du système gastro-intestinal

859

27.1.2

Œsophage

L’œsophage est un tube musculaire creux sans cartilage. Chez l’adulte, il est d’une longueur de 23 à 25 cm et d’une largeur de 2 à 3 cm. L’œsophage constitue le segment le plus étroit du tube digestif et il passe derrière la trachée et le cœur ; il s’attache au laryngopharynx et au segment cardial de l’estomac, sous le diaphragme. Il commence au niveau des vertèbres C6 à T1, descend verticalement dans le médiastin et traverse le diaphragme jusqu’au niveau de la vertèbre T11 (Oezcelik & DeMeester, 2011). L’œsophage possède deux sphincters : le sphincter supérieur de l’œsophage et le sphincter inférieur de l’œsophage (Oezcelik & DeMeester, 2011). Le sphincter supérieur de l’œsophage empêche l’air d’y entrer pendant la respiration. Le sphincter inférieur de l’œsophage permet l’entrée de la nourriture dans l’estomac et empêche le reux du contenu gastrique (Huether, 2010).

Déglutition L’œsophage a pour fonction d’accueillir un bol alimentaire de la bouche en passant par l’oropharynx et de l’acheminer par gravité et péristaltisme jusque dans l’estomac à travers le sphincter inférieur de l’œsophage. Ce processus est appelé déglutition

FIGURE 27.2 Anatomie macroscopique de l’estomac.

860

Partie 6

Système gastro-intestinal

(Matsuo & Palmer, 2008). Le péristaltisme consiste en des ondes de contractions et de relâchements des muscles circulaires. Le péristaltisme induit par la déglutition est appelé péristaltisme primaire, alors que le péristaltisme induit par une distension œsophagienne se nomme péristaltisme secondaire. Les ondes péristaltiques débutent dans le pharynx et voyagent vers l’estomac à une vitesse de 2 à 6 cm par seconde (Huether, 2010).

27.1.3

Estomac

L’estomac est un sac allongé qui mesure de 25 à 30 cm de longueur et de 10 à 15 cm de largeur à son diamètre maximal. Partant du cardia, situé à la jonction œsogastrique, il descend en oblique jusqu’au sphincter pylorique, avant l’intestin grêle FIGURE 27.2 . Les segments anatomiques de l’estomac sont le cardia (extrémité proximale), le fundus (portion située au-dessus et à gauche du cardia), le corps (portion moyenne), l’antre (portion rétrécie et allongée) et le pylore (extrémité distale reliant l’antre au duodénum) FIGURE 27.3. Deux sphincters régulent le débit du passage des aliments à travers l’estomac : le sphincter inférieur de l’œsophage, ou cardia, à la jonction œsogastrique ainsi que le sphincter pylorique à la jonction gastroduodénale (Soybel, 2005).

La paroi de l’estomac est formée de quatre tuniques FIGURE 27.4. La tunique la plus externe, la séreuse, est constituée d’un tissu épithélial squameux et se prolonge au-delà du bord inférieur de l’estomac, formant une double tunique, pour couvrir l’intestin. La deuxième tunique, la musculeuse, s’étend du fundus à l’antre et est composée de trois couches de tissu musculaire lisse, soit la couche longitudinale, la couche circulaire et la couche oblique. La troisième tunique, la sous-muqueuse, est faite de tissu conjonctif qui contient des vaisseaux sanguins, des vaisseaux lymphatiques et des plexus nerveux. La tunique la plus interne, la muqueuse, est constituée d’une couche de tissu musculaire qui forme des plis gastriques, c’est-à-dire des plis longitudinaux qui peuvent se détendre lorsque l’estomac se remplit (Soybel, 2005). Cette tunique contient également des glandes sécrétant le suc gastrique (Hall, 2011). Les cellules épithéliales de la muqueuse gastrique sont très serrées les unes contre les autres et servent de barrière protectrice en empêchant la diffusion des ions hydrogène dans la muqueuse. Les cellules épithéliales de surface produisent un mucus alcalin et sécrètent un liquide riche en bicarbonate. Le mucus assure une protection additionnelle à la muqueuse gastrique en retardant la rétrodiffusion des ions hydrogène et en les piégeant pour les neutraliser avec le bicarbonate sécrété (Hall, 2011). Les cellules de la muqueuse gastrique peuvent compenser la destruction cellulaire. Les cellules épithéliales croissent, migrent et se détachent constamment à un rythme de un demi-million par minute. La muqueuse gastrique a également la capacité d’augmenter le ux sanguin, procurant ainsi un tampon additionnel pour neutraliser l’acide et favoriser l’élimination des métabolites toxiques et des ions chlorure de la muqueuse en cas de lésion. Les cellules de la muqueuse gastrique synthétisent une famille d’acides gras insaturés appelés prostaglandines. Celles-ci facilitent la sécrétion du bicarbonate muqueux et inhibent la sécrétion acide en bloquant l’activation des cellules pariétales par l’histamine (médiateur biochimique local). Certaines substances liposolubles, comme l’alcool, l’acide acétylsalicylique (AspirinMD) et les anti-inammatoires non stéroïdiens, la bile régurgitée et les toxines urémiques peuvent franchir la barrière muqueuse et pénétrer les cellules, provoquant leur destruction, de l’œdème et des saignements (Hall, 2011). Concernant l’irrigation sanguine de l’estomac, c’est le tronc cœliaque qui apporte le sang nécessaire à ses activités motrices et sécrétrices. La veine splénique assure le drainage veineux de la portion droite de l’estomac, alors que la veine gastrique draine la portion gauche (Huether, 2010). De nombreux vaisseaux lymphatiques naissent dans la sous-muqueuse et débouchent dans le conduit thoracique. L’estomac est innervé par le SNA. Les bres sympathiques proviennent du plexus cœliaque, alors que les bres parasympathiques sont issues de la branche gastrique du dixième nerf crânien, le nerf vague (Soybel, 2005).

FIGURE 27.3 Vue endoscopique de l’estomac.

27

FIGURE 27.4 Structure de la muqueuse gastrique.

Chapitre 27

Anatomie et physiologie du système gastro-intestinal

861

Sécrétion gastrique L’estomac compte deux types de glandes : les glandes gastriques ainsi que les glandes pyloriques. Ces glandes contiennent différents types de cellules qui, selon l’alimentation et d’autres stimulus, sécrètent de 1 500 à 2 400 ml de suc gastrique par jour dans la lumière de l’estomac (Hall, 2011). Le suc gastrique est composé d’acide chlorhydrique (HCl), de pepsine (nécessaire à la dégradation des protéines), de mucus, du facteur intrinsèque (nécessaire à l’absorption de la vitamine B12), de sodium et de potassium. L’environnement acide de l’estomac convertit le pepsinogène en sa forme active, soit la pepsine (Huether, 2010).

TABLEAU 27.1

Les glandes gastriques contiennent des cellules pariétales, qui sécrètent le HCl et le facteur intrinsèque, et des cellules principales, qui sécrètent le pepsinogène. Les glandes gastriques sont stimulées par voie parasympathique et par la gastrine ; elles sont inhibées par le peptide inhibiteur gastrique et par l’entérogastrone. L’histamine et l’entéro-oxyntine induisent également la production d’acide dans les cellules pariétales, alors que la sécrétine induit la production de pepsinogène dans les cellules principales (Huether, 2010). Les glandes pyloriques contiennent des cellules muqueuses, qui sécrètent le mucus et le pepsinogène, et des cellules G, qui sécrètent la gastrine (Soybel, 2005) TABLEAU 27.1.

Hormones digestives*

HORMONE

INDUCTEUR DE LA SÉCRÉTION

ACTION

Gastrine

Présence de protéines partiellement digérées dans l’estomac

Induit la sécrétion de l’acide chlorhydrique et du pepsinogène par les glandes gastriques ; fait croître la muqueuse gastrique ; facilite la motilité gastrique.

Histamine

Présence d’acide dans l’estomac

Induit la sécrétion de HCl.

Somatostatine

Présence d’acide dans l’estomac

Inhibe la sécrétion de HCl et de pepsinogène et la libération de gastrine.

Acétylcholine

Nerf vague et nerfs gastriques locaux

Inhibe la sécrétion de HCl et la libération de pepsinogène.

Peptide de libération de la gastrine (bombésine)

Nerf vague et nerfs gastriques locaux

Induit la sécrétion de HCl ainsi que la libération de la gastrine et du pepsinogène.

Motiline

Présence d’acide et de graisses dans le duodénum

Augmente la motilité gastro-intestinale.

Sécrétine

Présence de chyme (acide, protéines partiellement digérées et graisses) dans le duodénum

Induit la sécrétion de suc pancréatique alcalin par le pancréas et de la bile par le foie ; réduit la motilité ; inhibe la gastrine et la sécrétion d’acide gastrique.

Cholécystokinine

Présence de chyme (acide, protéines partiellement digérées et graisses) dans le duodénum

Induit la libération de bile par la vésicule biliaire et la sécrétion de liquide alcalin par le pancréas ; réduit la motilité gastrique ; contracte le sphincter pylorique ; inhibe la gastrine ; retarde la vidange gastrique.

Entéroglucagon

Présence de graisses et de glucides dans l’intestin grêle

Inhibe faiblement les sécrétions gastriques et pancréatiques et augmente la libération d’insuline, la lypolyse, le cétogenèse et la glycogénolyse ; retarde la vidange gastrique.

Peptide inhibiteur gastrique

Présence de graisses et de glucose dans l’intestin grêle

Inhibe les sécrétions gastriques et la vidange gastrique, induit la libération d’insuline.

Peptide YY

Présence de graisses et d’acides biliaires dans l’intestin grêle

Inhibe les sécrétions postprandiales d’acide gastrique et pancréatiques ; ralentit la vidange de l’estomac et de l’intestin grêle.

Polypeptide pancréatique

Présence de protéines, de graisses et de glucose dans l’intestin grêle

Diminue le bicarbonate pancréatique.

Peptide intestinal vasoactif

Muqueuse et muscle intestinaux

Relâche les muscles lisses de l’intestin, augmente le ux sanguin.

Muqueuse de l’estomac

Muqueuse de l’intestin grêle

* Les hormones digestives ne sont pas sécrétées dans la lumière gastro-intestinale, mais plutôt dans la circulation sanguine, d ’où elles atteignent les tissus cibles. Plus de 30 gènes d’hormones peptidiques sont exprimés dans le tube digestif, et plus de 100 peptides sont actifs sur le plan hormonal. Sources : Adapté de Johnson (2007) ; Schubert & Peura (2008) ; Wren & Bloom (2007)

862

Partie 6

Système gastro-intestinal

Le pH du suc gastrique est de 1,0, mais lorsqu’il est mélangé aux aliments, il peut augmenter jusqu’à une valeur de 2,0 à 3,0. Le suc gastrique dissout les aliments solubles et a une action bactériostatique contre les micro-organismes ingérés. La composition des sécrétions gastriques dépend de divers facteurs, dont le débit, le volume du bol alimentaire et la période de la journée. La douleur, la peur et la colère peuvent inhiber la sécrétion gastrique, alors qu’une agression ou un sentiment d’hostilité sont susceptibles de la stimuler (Huether, 2010).

Motilité gastrique La motilité gastrique est régie par le SNA, les hormones digestives et des réexes neuraux. La gastrine, la motiline et les stimulations parasympathiques augmentent la motilité gastro-intestinale, alors que la sécrétine, la cholécystokinine, l’entérogastrone, le peptide inhibiteur gastrique et des stimulations sympathiques la réduisent TABLEAU 27.1. Le réexe iléogastrique inhibe la motilité lorsque l’iléon est distendu (Rostas, Mai & Richards, 2011).

Digestion et absorption Les fonctions de l’estomac comprennent le stockage, la digestion et la vidange des aliments. L’estomac reçoit la nourriture par le cardia, l’emmagasine pendant un certain temps et la mélange aux sécrétions gastriques. La nourriture est alors broyée en une substance semiliquide appelée chyme, qui passe par le pylore pour entrer dans le duodénum.

27.1.4

Intestin grêle

L’intestin grêle, tube replié et enroulé mesurant environ 7 m de longueur, va du sphincter pylorique au cæcum et occupe la majeure partie de la cavité abdominale. Il comprend trois segments anatomiques : 1) le duodénum ; 2) le jéjunum ; 3) l’iléon. Le duodénum, empruntant la forme de la lettre C, commence au sphincter pylorique de l’estomac et se termine au ligament suspenseur de l’angle duodénojéjunal. Il mesure 30 cm de longueur et 4 cm de largeur (Androulakis, Colborn, Skandalakis et al., 2000). Le jéjunum, d’une longueur de 2,50 m et d’une largeur de 4 cm, se trouve dans les régions iliaque gauche et ombilicale. L’iléon, d’une longueur de 3,75 m et d’une largeur de 2,5 cm, se situe dans les régions hypogastriques, iliaque droite et pelvienne. Bien que la démarcation entre le jéjunum et l’iléon soit plutôt arbitraire, l’iléon est plus étroit que le jéjunum. La valve iléocæcale, située à l’extrémité distale de l’iléon à la jonction du cæcum et du côlon, permet le passage du contenu de l’intestin grêle vers le gros intestin et en empêche le reux (Huether, 2010) FIGURE 27.5. La paroi de l’intestin grêle est formée de quatre tuniques FIGURE 27.6. La tunique la plus externe, la séreuse, est le prolongement de la tunique séreuse qui recouvre l’estomac. La deuxième tunique, la musculeuse, est constituée de deux couches de tissu

FIGURE 27.5

Anatomie clinique de l’intestin grêle.

musculaire lisse, dites longitudinale et circulaire. La troisième tunique, la sous-muqueuse, est faite de tissu conjonctif qui contient des vaisseaux sanguins, des vaisseaux lymphatiques, des glandes et des plexus nerveux. La tunique la plus interne, la muqueuse, est formée d’un épithélium cylindrique simple (Matsuo & Palmer, 2008). La muqueuse et la sous-muqueuse comportent des plis circulaires (Matsuo & Palmer, 2008), qui sont plus gros et plus nombreux dans le jéjunum et la partie proximale de l’iléon (Huether, 2010). Ces plis sont couverts par une deuxième série de replis en forme de doigts appelés villosités, lesquels sont constamment en mouvement (contraction, allongement et raccourcissement ou mouvements villositaires). Les quatre à cinq millions de villosités donnent un aspect de velours à l’intestin FIGURE 27.5 ; elles sont plus nombreuses et plus grosses dans le jéjunum que dans l’iléon. Les villosités contiennent un réseau de capillaires et de vaisseaux lymphatiques aveugles appelés chylifères. La couche extérieure de chaque villosité est composée de microvillosités. Les plis circulaires de l’intestin grêle, ainsi que les villosités et les Chapitre 27

Anatomie et physiologie du système gastro-intestinal

27

863

FIGURE 27.6 Coupe transversale de la paroi intestinale.

microvillosités, augmentent de 600 fois la surface d’absorption et de digestion de l’intestin grêle (Androulakis et al., 2000 ; Society of Gastroenterology Nurses and Associates (SGNA), 2008). L’artère gastroduodénale irrigue le duodénum ; des branches de l’artère mésentérique supérieure irriguent le jéjunum et l’iléon. La veine mésentérique supérieure assure le drainage de l’intestin grêle (Lin & Chaikof, 2000). De nombreux vaisseaux lymphatiques naissent dans la sous-muqueuse et débouchent dans le conduit thoracique. Le SNA innerve l’intestin grêle de manière extrinsèque. Des bres du système sympathique proviennent du plexus cœliaque, alors que des bres du système parasympathique proviennent des rameaux gastriques du nerf vague. L’innervation intrinsèque de l’intestin grêle, qui induit ses fonctions motrices, est assurée par le plexus myentérique, ou d’Auerbach, et le plexus sous-muqueux de l’intestin, ou de Meissner, tous deux situés dans la paroi intestinale (Huether, 2010).

Sécrétion intestinale L’intestin grêle possède deux principaux types de glandes : les glandes duodénales, ou de Brunner, et les glandes intestinales, ou cryptes de Lieberkühn. Les glandes duodénales logent dans la muqueuse du duodénum et sécrètent du mucus, un liquide alcalin (pH de 9) qui neutralise le chyme et protège la

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Système gastro-intestinal

muqueuse (SGNA, 2008). Les glandes intestinales se trouvent dans les creux de la sous-muqueuse. Elles sécrètent deux ou trois litres par jour d’un liquide jaunâtre qui contient des enzymes participant à la digestion des nutriments (Hall, 2011) TABLEAU 27.1.

Motilité intestinale La motilité intestinale s’effectue en deux mouvements distincts : le péristaltisme et la segmentation haustrale. Le péristaltisme consiste en contractions et en relâchements alternatifs de courts segments de l’intestin grêle qui ont pour but de faciliter la digestion et l’absorption. La segmentation haustrale consiste en des contractions rythmiques qui ont pour objectif de mélanger et de propulser le chyme. Elle est gouvernée par le plexus myentérique. Des réexes neuraux situés le long de l’intestin grêle agissent également sur la motilité intestinale. Le réexe intestino-intestinal, activé par une distension de l’intestin grêle, inhibe la motilité, alors que le réexe gastro-iliaque, induit par une motilité gastrique accrue, stimule la motilité intestinale (Smout & Fox, 2012).

Digestion et absorption Les fonctions de l’intestin grêle comprennent la digestion et l’absorption. La digestion, qui implique le fractionnement des grosses molécules en petites, est essentielle à l’absorption des nutriments par l’intestin grêle FIGURE 27.7. Le maintien du pH et de

27

FIGURE 27.7 Digestion et absorption de produits alimentaires.

Chapitre 27

Anatomie et physiologie du système gastro-intestinal

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l’osmolalité est essentiel à la digestion dans l’intestin grêle. L’entrée du chyme dans le duodénum induit la production de sécrétine, qui stimule le pancréas qui sécrète alors un liquide hautement alcalin dans le duodénum. Dans l’intestin grêle, le chyme se mélange à des enzymes pancréatiques, à des enzymes intestinales et à la bile provenant du foie et de la vésicule biliaire, puis se décompose en éléments absorbables de protéines, de lipides et de glucides. Les nutriments sont absorbés par les villosités et transportés jusqu’au foie par le système porte, où ils subissent d’autres transformations. L’intestin grêle absorbe jusqu’à huit litres de liquide par jour, ne laissant passer qu’une petite partie de liquide dans le gros intestin. Outre les nutriments, les électrolytes, l’eau, les composantes de la salive, le suc gastrique et la bile, l’intestin grêle absorbe également les sécrétions intestinales et pancréatiques (Huether, 2010).

27.1.5

Gros intestin

Le gros intestin, qui va de la valve iléocæcale à l’anus, mesure environ de 90 cm à 1,50 m de longueur et de 4 à 6 cm de diamètre. Il est divisé en côlon ascendant, angle colique droit, côlon transverse, angle colique gauche, côlon descendant, côlon sigmoïde, rectum et canal anal (SGNA, 2008) FIGURE 27.8. La paroi du côlon est composée de quatre tuniques. La tunique la plus externe, la séreuse, est formée du péritoine viscéral et couvre la majeure partie du gros intestin, à l’exclusion du côlon

FIGURE 27.8

Gros intestin.

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Partie 6

Système gastro-intestinal

sigmoïde. La deuxième tunique, la musculeuse, est constituée de deux couches de tissu musculaire lisse : les muscles longitudinal et circulaire. Ces muscles travaillent ensemble pour propulser la matière fécale dans le côlon et pour la pétrir en un bol compact. Le muscle longitudinal consiste en trois bandes musculaires qui s’étirent du cæcum à la portion distale du côlon sigmoïde. Ces bandes musculaires créent des haustrations, c’est-à-dire des bosselures. Il s’agit d’importantes caractéristiques cliniques du côlon, normalement apparentes avec un lavement baryté. Les haustrations favorisent la segmentation permettant l’absorption du liquide contenu dans le bol fécal. La troisième tunique, la sous-muqueuse, est formée d’un tissu conjonctif qui contient des vaisseaux sanguins, des vaisseaux lymphatiques, des glandes et des plexus nerveux. La tunique la plus interne, la muqueuse, est tapissée de cellules épithéliales cylindriques simples et présente des cryptes de Lieberkühn garnies de cellules caliciformes productrices de mucus. Le mucus facilite le passage de la matière fécale et protège la surface muqueuse des traumatismes (SGNA, 2008). Le rectum commence à mi-hauteur du sacrum, a une longueur de 12 à 15 cm et présente des inexions latérales. Ces inexions, aussi appelées valves de Houston, sont importantes dans le processus de défécation parce qu’elles ralentissent le passage de la matière fécale dans la voûte rectale, ce qui contribue au mécanisme de la continence.

Des branches des artères mésentériques supérieure et inférieure irriguent le rectum. Des branches des veines mésentériques supérieure et inférieure drainent le rectum jusque dans le système porte. Le plexus myentérique, qui régule les sécrétions et la motilité, innerve le côlon de manière intrinsèque, alors que le SNA l’innerve de manière extrinsèque. Des branches sympathiques et parasympathiques du SNA innervent le côlon, régulant sa motilité. Une stimulation du système sympathique inhibe l’activité du côlon et fait en sorte que les sphincters anaux se contractent, alors qu’une stimulation du système parasympathique augmente l’activité et les sécrétions coliques et relâche les sphincters anaux (Androulakis et al., 2000).

Motilité colique La motilité colique est faite de mouvements d’haustration et de péristaltisme. Les mouvements d’haustration, variation de la segmentation haustrale, consistent en une contraction et un relâchement du muscle circulaire. Ils appliquent un mouvement de va-et-vient au contenu du côlon, facilitant ainsi le broyage des masses alimentaires et l’absorption de liquide. Le péristaltisme est principalement produit par les muscles longitudinaux, et il propulse le bol fécal. Le mouvement de masse consiste en une contraction lente et puissante du côlon sigmoïde qui propulse le bol fécal dans le rectum (Wald, 2012).

Réabsorption Les principales fonctions du côlon sont : 1) la réabsorption de l’eau, du sodium, du chlore, du glucose et de l’urée ; 2) la déshydratation des résidus non digérés ; 3) la putréfaction bactérienne du contenu ; 4) la propulsion du bol fécal ; 5) l’élimination de la masse fécale. Le côlon reçoit environ de 1 000 à 2 000 ml de chyme par jour, qui sont complètement absorbés dans le côlon ascendant et le côlon descendant, sauf de 50 à 250 ml (Matsuo & Palmer, 2008). Le côlon contient des milliards de bactéries anaérobies qui putréent les protéines qui restent et les résidus indigestes, elles synthétisent l’acide folique, la vitamine K, l’acide nicotinique, la riboavine et certaines vitamines B, et elles convertissent les sels d’urée en sels d’ammonium et en ammoniaque qui sont absorbés dans la circulation porte (Huether, 2010). Les bactéries coliques les plus courantes comprennent des bactéroïdes, des lactobacilles et des clostridiums (Macfarlane et Macfarlane, 2012).

27.2

Organes accessoires

Les organes accessoires de la digestion sont le foie, les voies biliaires et le pancréas FIGURE 27.9.

27.2.1

Foie

Le foie est le plus volumineux organe interne de l’organisme. D’un poids de 1,2 à 1,6 kg, il est friable,

FIGURE 27.9 Foie, vésicule biliaire et pancréas.

rouge foncé et a une consistance solide molle. Situé dans le quadrant abdominal supérieur droit, il épouse la partie intérieure droite du diaphragme. Le foie est enveloppé d’un tissu conjonctif appelé capsule de Glisson, laquelle est couverte par la séreuse et contient des vaisseaux sanguins et lymphatiques. Le péritoine qui enveloppe le foie forme le ligament falciforme, qui xe le foie à la partie antérieure de l’abdomen entre le diaphragme et l’ombilic, et le divise en deux lobes principaux, le gauche et le droit. Le lobe droit, six fois plus gros que le gauche, comporte trois sections : 1) le lobe droit proprement dit ; 2) le lobe caudé ; 3) le lobe carré. Le lobe gauche est divisé en deux sections. Chaque lobe comporte de nombreux lobules (Misdraji, 2010 ; SGNA, 2008). Le foie reçoit le tiers du débit cardiaque total en provenance de deux sources majeures : l’artère hépatique, qui lui achemine le sang oxygéné, et la veine porte hépatique, qui apporte le sang riche en nutriments provenant des intestins, du pancréas, de la rate et de l’estomac FIGURE 27.10. La veine porte hépatique, qui compte pour 75 % de l’irrigation sanguine du foie, se ramie en sinusoïdes pour transporter le sang vers chaque lobule. Contrairement aux capillaires, les sinusoïdes ne possèdent pas de paroi de cellule dénie, mais sont tapissées de cellules phagocytaires (de Kupffer) et de quelques cellules non phagocytaires d’épithélium modié. Les sinusoïdes drainent le sang dans une veine intralobulaire au centre du lobule. Les veines intralobulaires abouchent dans des veines plus grosses puis dans les veines hépatiques. Les veines hépatiques drainent alors le sang dans la veine cave inférieure. L’artère hépatique se divise et se subdivise également entre les lobules, apportant le sang oxygéné aux sinusoïdes avant de se déverser dans les veines hépatiques. Les cellules hépatiques sont séparées par Chapitre 27

Anatomie et physiologie du système gastro-intestinal

27

867

FIGURE 27.10 Structure microscopique du foie. A Position des lobules du foie par rapport à la circulation hépatique. B et C Vues agrandies de plusieurs lobules montrant comment le sang provenant de la veine porte hépatique et des artères hépatiques circule dans les sinusoïdes et, donc, traverse les lames de cellules hépatiques vers une veine centrale (intralobulaire) située dans chaque lobule (èches noires). Les cellules hépatiques produisent la bile, laquelle circule dans les canalicules biliaires vers les conduits hépatiques qui drainent la bile du foie (èches jaunes).

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Système gastro-intestinal

des espaces lymphatiques. La lymphe se draine dans les vaisseaux lymphatiques qui entourent les veines hépatiques et les conduits biliaires (Misdraji, 2010).

Métabolisme des nutriments Le foie joue un rôle clé dans le métabolisme et le stockage des glucides, des graisses, des protéines et des vitamines. Le glycogène, forme stockée du glucose, peut être synthétisé à partir de glucose ou de protéines, de graisse ou d’acide lactique. Le foie décompose le glycogène en glucose pour maintenir une concentration normale de celui-ci dans le sang. Il joue également un rôle vital dans le métabolisme des acides aminés, qu’il peut également synthétiser à partir de métabolites provenant des glucides et des graisses ; il peut aussi désaminer des acides aminés pour produire des cétoacides et de l’ammoniaque, entrant dans la composition de l’urée. Dans le métabolisme des graisses, le foie hydrolyse les triglycérides pour former du glycérol et des acides gras dans le processus de cétogenèse, et il synthétise les phospholipides, le cholestérol et les lipoprotéines (Misdraji, 2010 ; SGNA, 2008).

Fonction hématologique Le foie synthétise les protéines plasmatiques, comme les globulines et les albumines, qui sont importantes pour le maintien de l’équilibre osmotique normal du sang. Il synthétise également un certain nombre de facteurs de coagulation, dont le brinogène et la prothrombine. Les cellules de Kupffer détruisent les globules rouges usés, alors que les hépatocytes conjuguent la bilirubine (sous-produit de la destruction des globules rouges) en vue de son excrétion (Misdraji, 2010 ; SGNA, 2008).

Détoxication et stockage Le foie conjugue les hormones stéroïdes et désactive les hormones polypeptides. Il stocke les vitamines liposolubles, la vitamine B12, ainsi que le fer et le cuivre. La détoxication des drogues et des toxines a lieu dans les cellules de Kupffer (Misdraji, 2010 ; SGNA, 2008).

Production de la bile La production de la bile fait du foie un organe essentiel à la digestion et à l’absorption des aliments. La bile est principalement composée de pigments biliaires, de sels biliaires, de cholestérol, de graisses neutres, de phospholipides, de sels inorganiques, d’acides gras, de mucine, de bilirubine conjuguée, de lécithine et d’eau. Elle contient également des traces d’albumine, de gammaglobuline, d’urée, d’azote et de glucose. Les principaux électrolytes de la bile sont le sodium, le chlorure et le bicarbonate (Misdraji, 2010). La bile émulsionne les globules graisseux et absorbe les vitamines liposolubles. Les sels biliaires servent également de voie d’excrétion pour la bilirubine, le cholestérol et diverses hormones.

Environ 80 % des sels biliaires sont activement réabsorbés dans la partie distale de l’iléon et recyclés vers le foie par la circulation entérohépatique ; 20 % seulement sont éliminés dans les fèces (Huether, 2010).

Transformation de la bilirubine Le principal pigment biliaire, la bilirubine, est formé de la partie hème de l’hémoglobine pendant la dégradation des globules rouges par les cellules de Kupffer. Lorsqu’elle est libérée dans le sang, la bilirubine se lie à l’albumine comme bilirubine non conjuguée liposoluble. Les hépatocytes du foie la capturent alors et la conjuguent à l’acide glucuronique pour former la bilirubine conjuguée hydrosoluble, laquelle est excrétée par les conduits hépatiques dans le gros intestin. Si le foie reçoit une quantité excessive de bilirubine, sa capacité à la conjuguer peut être compromise ; il y a alors présence de bilirubine non conjuguée ou indirecte libre dans le sang. Un taux élevé de bilirubine non conjuguée dans le sang indique un dysfonctionnement hépatocellulaire, alors qu’un taux élevé de bilirubine conjuguée indique une obstruction des voies biliaires (Huether, 2010).

27.2.2

Voies biliaires

Les voies biliaires sont constituées de la vésicule biliaire et de ses conduits connexes, y compris le conduit hépatique, le conduit cystique et le conduit cholédoque FIGURE 27.11. Le conduit hépatique, provenant du foie, se joint au conduit cystique, provenant de la vésicule biliaire, pour former le conduit cholédoque, qui se draine dans le duodénum. Le conduit cholédoque est entouré du sphincter d’Oddi qui régule le passage de la bile vers le duodénum. La vésicule biliaire est un organe en forme de poire mesurant de 7 à 10 cm de longueur et de 2,5 à 3,5 cm de largeur ; elle se trouve sous la face inférieure du foie FIGURE 27.9. Elle est xée au foie par un tissu conjonctif, le péritoine et des vaisseaux sanguins (Adkins, Chapman & Reddy, 2000 ; SGNA, 2008).

27

Concentration de la bile La vésicule biliaire a pour principales fonctions de recueillir, de concentrer, d’acidier et d’emmagasiner la bile. Le foie forme continuellement de la bile et l’excrète dans le conduit hépatique, qui l’amène à la vésicule biliaire par le conduit cystique. La vésicule biliaire peut emmagasiner jusqu’à 90 ml de bile et la concentrer de 15 à 29 fois en extrayant environ 90 % de l’eau qu’elle contient. Le cholestérol et le pigment sont également concentrés. La bile, qui est de couleur dorée ou orange-jaune dans le foie, devient brun foncé lorsqu’elle est concentrée dans la vésicule biliaire. En modiant sa forme et son volume, la vésicule biliaire régule la pression dans les voies biliaires. La contraction de la vésicule biliaire et le relâchement du sphincter d’Oddi sont coordonnés par la cholécystokinine. Des facteurs comme la vue, l’odorat et le goût peuvent induire une contraction de la Chapitre 27

Anatomie et physiologie du système gastro-intestinal

869

FIGURE 27.11 Vésicule biliaire et pancréas.

vésicule biliaire, alors que la peur ou l’énervement peuvent en diminuer la contraction (Misdraji, 2010). Après un repas, la quantité de bile déversée dans le duodénum augmente en raison de la sécrétion hépatique accrue et de la contraction de la vésicule biliaire. Les sécrétions intestinales de cholécystokinine et de sécrétine, des taux élevés de sels biliaires dans le sang et une stimulation vagale augmentent la sécrétion biliaire (Misdraji, 2010).

27.2.3

Pancréas

Le pancréas est une glande molle lobulée ayant la forme d’un poisson FIGURE 27.11, située sous le duodénum et la rate FIGURE 27.9. Cet organe jaune rosâtre mesure de 15 à 20 cm de longueur et 5 cm de largeur. Ses divisions anatomiques sont : 1) la tête, enchâssée dans le cadre duodénal auquel elle est xée ; 2) le corps, partie principale de la glande, qui traverse horizontalement l’abdomen et se cache en grande partie derrière l’estomac ; 3) la queue, mince portion en contact avec la rate. Le conduit pancréatique principal, ou canal de Wirsung, traverse l’organe sur toute sa longueur. Ce conduit draine les sécrétions exocrines dans l’ampoule de Vater, qui est la même

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Partie 6

Système gastro-intestinal

lumière qui draine le conduit cholédoque, à l’entrée du duodénum (SGNA, 2008). L’unité structurale interne du pancréas est le lobule, constitué de nombreux petits canaux comportant des cellules sécrétrices appelées cellules acinaires. Chaque acinus possède un petit canal qui se draine dans les conduits lobulaires. Les lobules sont rassemblés en lobes par du tissu conjonctif, lesquels s’unissent pour former la glande. Les conduits de chaque lobule se drainent dans le canal de Wirsung (SGNA, 2008). Le sang artériel arrive au pancréas par des branches de l’artère mésentérique supérieure et par les artères cœliaques. Le drainage veineux de la tête du pancréas passe par la veine porte hépatique, alors que le drainage du corps et de la queue se fait par la veine splénique. Le pancréas est innervé par le SNA. Une stimulation du système sympathique diminue la sécrétion pancréatique, alors qu’une stimulation parasympathique l’augmente (SGNA, 2008).

Fonctions exocrines Les fonctions exocrines du pancréas se limitent à la digestion. Les cellules acinaires sécrètent le suc pancréatique, constitué d’eau, de bicarbonate de

sodium et d’électrolytes, qui est fortement alcalin. Le pancréas produit des enzymes comme la trypsine, la chymotrypsine, la carboxypeptidase, l’amylase et la lipase. Il produit également un inhibiteur de la trypsine qui empêche l’activation du trypsinogène (forme inactive de la trypsine), ce qui inhibe l’autodigestion. Celle-ci est la cause sous-jacente de la pancréatite aiguë 29 . La fonction exocrine du pancréas est régulée par des hormones digestives. Les signaux principalement transmis par les hormones intestinales que sont la sécrétine et la cholécystokinine induisent la sécrétion du suc pancréatique par le pancréas. Chacune de ces deux hormones potentialise

les effets de l’autre sur le pancréas (Chen, Unnikrishnan, Anajana et al., 2011).

Fonctions endocrines Le tissu endocrine du pancréas est constitué d’îlots sphériques, appelés îlots pancréatiques ou de Langerhans, qui sont enchâssés dans les lobules du tissu acinaire occupant tout le pancréas, particulièrement dans la partie distale du corps et dans la queue. La production endocrine comprend l’insuline, produite par les cellules bêta, le glucagon, produit par les cellules alpha, et la gastrine. Toutes ces hormones sont sécrétées directement dans la circulation sanguine (Chen et al., 2011).

29 La physiopathologie de la pancréatite aiguë est dé­ taillée dans le chapitre 29, Troubles gastro-intestinaux et approche thérapeutique.

À RETENIR • Le tube digestif est constitué de la bouche (lèvres, joues, gencives, langue, palais et glandes salivaires), de l’œsophage, de l’estomac, de l’intestin grêle et du gros intestin.

• Les fonctions de l’estomac comprennent le stockage, la digestion et la vidange de la nourriture.

• Les organes accessoires de la digestion sont le foie, les voies biliaires et le pancréas.

• Le système nerveux autonome, des hormones digestives et des réexes neuraux gouvernent la motilité gastrique.

• La principale fonction du système gastrointestinal est la digestion.

• Les fonctions de l’intestin grêle comprennent la digestion et l’absorption des aliments.

• La digestion est la transformation des nutriments ingérés en des formes simples pouvant passer de la lumière du tube digestif à la circulation porte, puis être utilisés dans les processus métaboliques. • La bouche et ses organes accessoires accomplissent les premières phases de la

digestion, qui sont l’ingestion, la mastication et la salivation.

• La motilité intestinale consiste en péristaltisme et en segmentation haustrale. • Les principales fonctions du côlon comprennent la réabsorption de l’eau, du sodium, du chlorure, du glucose et de l’urée ; la déshydratation des résidus non

Chapitre 27

digérés ; la putréfaction bactérienne de son contenu ; la progression du bol fécal dans le côlon ; et l’élimination de la masse fécale. • La motilité colique consiste en mouvements d’haustration et en péristaltisme. • Les fonctions du foie comprennent le métabolisme et le stockage des glucides, des graisses, des protéines et des vitamines ; la synthèse des protéines plasmatiques ; la détoxication des drogues et des toxines ; et la production de bile. • Les principales fonctions de la vésicule biliaire sont de recueillir, de concentrer, d’acidier et d’emmagasiner la bile. • Les principales fonctions du pancréas sont la digestion et la régulation du glucose.

Anatomie et physiologie du système gastro-intestinal

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27

chapitre

28

Évaluation clinique du système gastro-intestinal et examens paracliniques

Écrit par : Kathleen M. Stacy, PhD, RN, CNS, CCRN, PCCN, CCNS Adapté par : Sophie Longpré, inf., M. Sc., IPSPL

L

’évaluation du client atteint de ces troubles et dont l’état de santé global est critique comprend l’entrevue, un examen physique ciblé et l’analyse des données de labo­ ratoire propres à la situation. Des examens paracliniques effractifs et non effractifs peuvent aussi compléter les données. L’entrevue inclut un questionnaire sur la maladie actuelle, et doit être la plus complète possible an de préciser les symptômes, la chronologie de ceux­ci ainsi que l’impact sur l’état de santé global. L’examen physique de l’abdomen demeure important, mais est souvent moins évident à interpréter. D’une part, les différentes structures peuvent por­ ter à confusion (une masse, une organomégalie, ou la présence de fèces [selles] peuvent être détectées) et, d’autre part, la douleur étant souvent présente, l’examen devient alors plus dif­ cile à exécuter. Les analyses de laboratoire permettent de mettre en évidence certains troubles organiques tels qu’une hépatite ou un diabète qui auraient échappé à l’histoire de santé et à l’examen physique. Finalement, les examens paracliniques sont prescrits an de conrmer le problème de santé pressenti. (Bates & Bickley, 2010 ; Jarvis, 2010).

28.1

Entrevue

La consignation de données complètes et pertinentes recueillies au cours de l’entrevue avec le client représente un élément extrêmement important du processus d’évaluation. L’objectif global est d’exposer les manifestations cliniques pertinentes du client qui orienteront le reste de l’évaluation, à savoir l’examen physique, le choix des analyses de laboratoire et des examens paracliniques prescrits par le médecin. De telles données contribuent par la suite à déterminer la cause sous-jacente de l’affection et à élaborer un plan de traitement approprié. Une évaluation initiale brève de la situation détermine l’orientation de l’entrevue. Par exemple, pour un client en situation de détresse aiguë, qui manifeste une douleur soudaine, intense et persistante à l’abdomen ou au bas-ventre (abdomen aigu) ou qui présente des signes d’instabilité hémodynamique (pression artérielle [P.A.] basse) et symptomatique (Rakovich & Ostiguy, 2006), l’évaluation doit se limiter à quelques questions portant sur la principale plainte du client et sur les événements déclencheurs : Avez-vous une maladie intestinale connue, avez-vous subi un trauma important ou mangé quelque chose d’inhabituel, à quel endroit se situe la douleur exactement, depuis quand la douleur est-elle apparue ? Durant le questionnaire, il est important que

l’inrmière évalue la présence d’alertes cliniques comme une douleur non périombilicale, des vomissements répétitifs, une diarrhée grave chronique (depuis plus de trois ou quatre semaines), des rectorragies, de la constipation, des défécations nocturnes, une douleur qui réveille le client la nuit ou des symptômes généraux comme une èvre récurrente, une anorexie ou une asthénie (Déry, 2007). Chez le client qui n’est pas en situation de détresse au moment de l’évaluation, l’entrevue doit mettre l’accent sur ses symptômes actuels, son alimentation, ses habitudes de défécation ou sa médication ainsi que sur son histoire médicale et familiale (Déry, 2007). L’utilisation exhaustive des outils PQRSTU et AMPLE n’est pas systématique en soins critiques, mais dépend de la gravité et de l’urgence de l’état du client (Barkauskas, Ciofu Baumann & Darling-Fischer, 2002 ; Seidel, Ball, Dains et al., 2010) ENCADRÉS 28.1 et 28.2.

28.2

Examen physique

L’examen physique aide à objectiver certains éléments de l’histoire de santé (Bates & Bickley, 2010 ; Jarvis, 2010 ; Seidel et al., 2010). L’abdomen s’étend du diaphragme jusqu’au pelvis et est divisé en quatre quadrants : 1) supérieur droit (QSD) ; 2) supérieur gauche (QSG) ; 3) inférieur droit (QID) ;

Collecte des données ENCADRÉ 28.1

Symptômes de douleurs abdominales évaluées selon l’outil PQRSTU

L’inrmière questionne le client an de documenter les caractéristiques de chacun des symptômes qu’il présente (p. ex., la douleur abdominale). P : PROVOQUER/PALLIER/AGGRAVER

• Qu’est-ce qui déclenche ou aggrave la douleur abdominale ? Est-ce un repas (p. ex., un repas riche), certains mouvements, une inspiration profonde, le stress, les menstruations, la prise de certains médicaments (p. ex., un anti-inammatoire non stéroïdien [AINS]) ? • Qu’est-ce qui calme ou soulage la douleur ? Est-ce l’alimentation, une position (p. ex., la position chien de fusil, le décubitus latéral droit, se pencher vers l’avant), les vomissements, l’éructation, l’évacuation de gaz ou de fèces, certains médicaments (p. ex., les protecteurs gastriques) ? Q : QUALITÉ/QUANTITÉ

• Pouvez-vous décrire la douleur que vous éprouvez (p. ex., un spasme, une sensation de brûlure, une crampe, une pesanteur) ? • Quelle est l’intensité de la douleur sur une échelle de 0 à 10 ?

S : SYMPTÔMES ET SIGNES ASSOCIÉS/SÉVÉRITÉ

• Y a-t-il des symptômes associés (p. ex., de la diarrhée, de la constipation, des nausées, des vomissements, de l’anorexie ou une perte d’appétit, des éructations, une sensation de ballonnement, du pyrosis, du reux gastroœsophagien, de la toux, de la dysphagie, de l’odynophagie, du ténesme ou un malaise anal) ? • Y a-t-il des signes associés (p. ex., une perte pondérale, de l’hyperthermie, des lésions buccales, de l’hématémèse, un changement de la couleur ou du contenu des fèces [fèces décolorées ou goudronneuses, présence de méléna, de mucus ou de nourriture non digérée], de l’incontinence fécale) ? T : TEMPS/DURÉE

• • • •

Depuis quand la douleur est-elle apparue ? La douleur est-elle apparue progressivement ou brutalement ? La douleur est-elle intermittente ou constante ? Combien de temps la douleur dure-t-elle ?

R : RÉGION/IRRADIATION

U : (UNDERSTANDING) COMPRÉHENSION ET SIGNIFICATION POUR LE CLIENT

• Où se situe la douleur exactement ? Pouvez-vous l’indiquer avec un doigt ? • Cette douleur s’est-elle déplacée ou étendue depuis son apparition ? • Éprouvez-vous des douleurs ailleurs, par exemple une irradiation au anc droit jusqu’au dos (dans le cas de coliques biliaires) ou jusqu’à la cuisse et aux organes génitaux (s’il s’agit de coliques néphrétiques) ?

• Selon vous, quelle est la signication de votre douleur (de quel problème croyez-vous qu’il s’agisse) ? • Comment la douleur inuence votre ressenti, vos émotions ? • Quel est l’impact de la douleur sur vos activités de la vie domestique et sur vos activités de la vie quotidienne ?

Chapitre 28

Évaluation clinique du système gastro-intestinal et examens paracliniques

873

28

Collecte des données ENCADRÉ 28.2

Histoire de santé : antécédents gastro-intestinaux courants évalués selon l’outil AMPLE

A : ALLERGIES/RÉACTIONS

• Le client a-t-il des allergies connues ? • A-t-il des types de réactions allergiques (anaphylactique ou non) ? • A-t-il des intolérances ou des allergies alimentaires ? M : MÉDICATION (OU PRODUITS NATURELS OU AUTRES SUBSTANCES)

• Le client prend-il des médicaments prescrits par le médecin ou offerts en vente libre ? Quels sont les noms des médicaments, les doses et les fréquences d’administration (p. ex., des laxatifs, des émollients, des antiémétiques, des antidiarrhéiques, des antiacides, des antihistaminiques de type H2, des inhibiteurs de la pompe à protons, de l’acide acétylsalicylique (AspirinMD), de l’acétaminophène (TylenolMD), des AINS, des corticostéroïdes) ? • Prend-il des produits naturels, des vitamines ou des suppléments nutritionnels (de quel type, en quelle quantité, à quelle fréquence) ? • Quelles sont ses habitudes quant au tabagisme (actuel ou antérieur) : type de tabac (cigarettes, cigares, pipe ou tabac sans fumée), durée et quantité (début du tabagisme, inhalation de la fumée, quantité utilisée actuellement et par le passé), paquets-années (nombre de paquets consommés par jour multiplié par nombre d’années de tabagisme), efforts pour cesser de fumer (tentatives antérieures et intérêt actuel) ? • Quelle est sa consommation d’alcool ou de drogues, de caféine : type d’alcool ou de drogue (spiritueux, marijuana, cocaïne), durée et quantité (début de la consommation, quantité utilisée actuellement et par le passé), efforts pour cesser la consommation (tentatives antérieures et intérêt actuel), besoin d’une consommation le matin, commentaires de l’entourage sur la consommation ? P : PASSÉ MÉDICAL

• Quels sont les antécédents médicaux ou chirurgicaux du client : maladie chronique, gain ou perte de poids, extractions dentaires ou traitement orthodontique, troubles gastro-intestinaux (p. ex., un ulcère gastroduodénal, une maladie inammatoire de l’intestin, des polypes, la cholélithiase, une maladie diverticulaire, une pancréatite, une occlusion intestinale), hépatite ou cirrhose, ascite, hypertension portale, varices œsophagiennes, chirurgie abdominale, trauma abdominal, cancer touchant le système gastro-intestinal, lésion touchant la moelle épinière, épisiotomie ou lacération de quatrième degré durant l’accouchement chez la femme, exposition à des agents infectieux (p. ex., un déplacement à l’étranger, une source d’eau contaminée) ?

• Quelles sont ses habitudes sur le plan de l’élimination intestinale : fréquence habituelle des fèces, consistance et couleur habituelles des fèces, capacité à maîtriser l’évacuation des gaz et des fèces, tout changement sur le plan des habitudes d’élimination intestinale, recours à des lavements ou à des laxatifs (p. ex., la raison et la fréquence de l’utilisation, le type de lavement, la réponse au traitement) ? • Quels sont ses antécédents familiaux : maladie de Hirschsprung, obésité, troubles métaboliques, maladies inammatoires, syndrome de malabsorption, èvre méditerranéenne familiale, polypes du rectum, polypose colique, cancer du tube digestif (tractus gastro-intestinal) ? L : (LAST MEAL) DERNIER REPAS

• • • •

Quand le client a-t-il mangé pour la dernière fois ? Qu’a-t-il mangé à ce moment ? Quel est son poids habituel ? Quelles sont ses habitudes alimentaires : nombre de repas et de collations par jour, apport quotidien en liquides, apport en nutriments, type de nourriture consommée aux repas et aux collations, aliments appréciés et détestés, restrictions alimentaires de nature religieuse ou médicale ? • Quelles sont les perceptions et les préoccupations du client en ce qui a trait à la pertinence d’un régime et au poids santé ? • Quels sont les effets du mode de vie du client sur l’apport alimentaire et sur le gain ou la perte de poids ? E : ÉVÉNEMENTS/ENVIRONNEMENT

• Comment est l’environnement de travail du client : nature du travail (p. ex., un camionneur mangeant sur la route, un travailleur de nuit ayant un régime alimentaire non régulier), stress au travail, assurance et avantages sociaux (p. ex., pour les soins dentaires) ? • Comment est son environnement familial : stress, choix alimentaires, restrictions alimentaires, allergies ? • Quel est son environnement socioéconomique : choix alimentaires ? • Quel est son environnement culturel : choix alimentaires, restrictions, modes de cuisson ?

4) inférieur gauche (QIG). Le nombril en est le point central, an de préciser l’emplacement des observations de l’examen FIGURE 28.1 et ENCADRÉ 28.3. L’examen doit être réalisé alors que le client est couché sur le dos dans une position aussi confortable que possible ; cependant, la position peut être adaptée si elle cause de la douleur. Pour prévenir la stimulation de l’activité gastro-intestinale, la séquence de l’examen physique doit suivre un ordre précis : inspection, auscultation, percussion et palpation (Bates & Bickley, 2010 ; Jarvis, 2010). Pendant l’examen physique, il est important que l’inrmière porte attention à la reconnaissance d’alertes cliniques telles que la présence de certains bruits intestinaux anormaux à l’auscultation (ex: absence de bruits

874

Partie 6

Système gastro-intestinal

intestinaux, bruits de tintement aigus), une perte pondérale, une hépatosplénomégalie, une douleur localisée qui n’est pas périombilicale, des anomalies périanales, un ébranlement rénal positif, des douleurs vertébrales, une atteinte articulaire ou une hernie (Déry, 2007).

28.2.1

Inspection

L’inspection s’effectue dans un environnement où la température est confortable et l’endroit, bien éclairé ; le client doit être confortablement installé, et son abdomen, exposé dans sa totalité. L’examen du système gastro-intestinal débute par l’inspection de la cavité buccale du client pour

déceler toute anomalie. Les anomalies buccales comprennent une sensibilité à l’articulation temporomandibulaire, une inammation gingivale, des dents manquantes, des caries dentaires, des prothèses mal ajustées et une mauvaise haleine. Au cours de l’inspection de l’abdomen, l’inrmière observe la peau pour déceler la présence de pigmentation anormale, de lésions, de stries, de cicatrices, de pétéchies, de signes de déshydratation et du réseau veineux. La pigmentation peut varier de façon considérable et être tout de même dans les limites normales, en tenant compte de l’origine ethnique du client, mais l’abdomen est généralement plus pâle que les autres régions exposées de la peau. Les constatations anormales comprennent une jaunisse, des lésions cutanées ainsi qu’une peau à l’aspect tendu et luisant. Les stries anciennes (vergetures) sont habituellement argentées, tandis que les stries pourpres rosées peuvent indiquer un syndrome de Cushing (Barkauskas et al., 2002 ; Bates & Bickley, 2010 ; Jarvis, 2010). Une décoloration bleutée du nombril (signe de Cullen) et du anc (signe de Grey-Turner) indique la présence d’une hémorragie rétropéritonéale (Bates & Bickley, 2010 ; Jarvis, 2010). L’inrmière examine l’abdomen pour en évaluer le contour, en notant s’il est plat, légèrement concave ou plutôt rond ; elle observe s’il y a sy métrie et décèle tout mouvement. Une distension marquée est une constatation anormale. Plus particulièrement, une ascite peut causer une distension généralisée et le renement des ancs. Une distension asymétrique peut indiquer la présence d’un organe hypertrophié ou d’une masse. Les ondes péristaltiques ne doivent pas être visibles, sauf dans le cas de clients très minces. Dans le cas d’une occlusion intestinale, les ondes péristaltiques hyperactives peuvent être observées. Une pulsation dans la région épigastrique représente souvent une constatation normale, mais une pulsation accrue peut indiquer la présence d’un anévrisme aortique. Chez les hommes, un mouvement symétrique de l’abdomen avec les respirations est habituellement observé (Bates & Bickley, 2010 ; Jarvis, 2010).

28.2.2

Auscultation

FIGURE 28.1

A Représentation anatomique des quatre quadrants de l’abdomen. B Auscultation pour déterminer

les bruits intestinaux.

ENCADRÉ 28.3

Corrélations anatomiques entre les quatre quadrants de l’abdomen

QUADRANT SUPÉRIEUR DROIT

QUADRANT SUPÉRIEUR GAUCHE

• • • • • • • •

• • • • • • • •

Foie et vésicule biliaire Pylore Duodénum Tête du pancréas Glande surrénale droite Pôle supérieur du rein droit Angle hépatique du côlon Portion du côlon ascendant et transverse

Lobe gauche du foie Rate Estomac Corps du pancréas Glande surrénale gauche Pôle supérieur du rein gauche Angle splénique du côlon Portions du côlon transverse et descendant

QUADRANT INFÉRIEUR DROIT

QUADRANT INFÉRIEUR GAUCHE

• • • • • • • •

• • • • • • • •

Pôle inférieur du rein droit Cæcum et appendice Portion du côlon ascendant Vessie (si distendue) Ovaire et trompes de Fallope droites Utérus (si distendu) Cordon spermatique droit Uretère droit

Pôle inférieur du rein gauche Côlon sigmoïde Portion du côlon descendant Vessie (si distendue) Ovaire et trompes de Fallope gauches Utérus (si distendu) Cordon spermatique gauche Uretère gauche

28

Sources : Adapté de Barkauskas et al. (2002) ; Bates & Bickley (2010) ; Jarvis (2010)

L’auscultation de l’abdomen fournit des données cliniques sur l’état de la motilité intestinale. Tout d’abord, l’inrmière écoute les bruits intestinaux en plaçant le diaphragme du stéthoscope audessous et à droite du nombril, dans le QID, tout en y exerçant une pression. L’examen est accompli de façon méthodique, soit en soulevant le diaphragme du stéthoscope et en le repositionnant contre l’abdomen pour chacun des quadrants FIGURE 28.1B. Les bruits intestinaux normaux comprennent des gargouillements aigus survenant environ toutes les 5 à 15 secondes ou à un rythme de 5 à 34 par

minute. Le TABLEAU 28.1 présente une liste des bruits abdominaux anormaux. Pour déceler la présence de soufes artériels, l’inrmière ausculte l’abdomen en posant délicatement la cupule du stéthoscope sur les différents sites FIGURE 28.2. Les soufes sont créés par un écoulement turbulent dans une artère partiellement obstruée, et ils sont toujours considérés comme une constatation anormale. Pendant l’examen de l’abdomen, l’aorte, les artères rénales droite et gauche, les artères iliaques droite et gauche ainsi que les artères

Chapitre 28

Évaluation clinique du système gastro-intestinal et examens paracliniques

875

TABLEAU 28.1

Bruits abdominaux anormaux

BRUITS INTESTINAUX

CAUSE*

Bruits intestinaux hyperactifs (borborygmes), forts et prolongés

Faim, gastroentérite, diarrhée ou occlusion intestinale précoce

Bruits de tintement aigus

Air et liquide intestinaux sous pression ; caractéristique d’une occlusion intestinale précoce

Bruits intestinaux réduits (hypoactifs) ou bruit rares et anormalement faibles

Possible péritonite, appendicite, pyélonéphrite, constipation chronique, irritation péritonéale ou anesthésie

Absence de bruits intestinaux ou iléus (conrmée seulement après l’ausculta­ tion des quatre quadrants et à la suite d’une auscultation continue pendant cinq minutes)

Iléus mécanique (occlusion intestinale complète par obstruction ou strangulation), iléus paralytique (péritonite), perturbation de l’équilibre électrolytique, ischémie intestinale.

Friction ou frottement

Troubles pathologiques comme des tumeurs ou des infections causant une inammation de l’enveloppe péritonéale de l’organe

Bruits aigus entendus au­dessus du foie et de la rate (QSD et QSG), synchronisés avec la respiration

Troubles pathologiques comme des tumeurs ou des infections causant une inammation de l’enveloppe péritonéale de l’organe

Soufes artériels pouvant être entendus au­dessus des artères aortique, rénale, iliaque ou fémorale

Anomalie du débit sanguin (requiert une évaluation additionnelle pour déterminer le trouble précis)

Soufe veineux audible dans les régions épigastrique ou périombilicale

Circulation collatérale accrue entre le système de la veine porte et le système veineux général

* Cette liste n’est pas exhaustive. Sources : Adapté de Bates & Bickley (2010) ; Doughty & Jackson (1993) ; Jarvis (2010)

fémorales droite et gauche doivent être auscultées (Bates & Bickley, 2010 ; Jarvis, 2010). L’auscultation des artères fémorales est mentionnée ici puisqu’elle s’effectue régulièrement au cours de l’évaluation de l’abdomen, mais elle contribue davantage à la détection d’une problématique autre qu’abdominale telle que l’artériopathie des membres inférieurs.

28.2.3

Percussion

La percussion est utilisée pour obtenir de l’information sur les organes situés dans l’abdomen tels que le foie, la rate ou les intestins. La percussion est effectuée avant la palpation an de garder la méthode la plus douloureuse pour la n. Une tension musculaire provoquée par la douleur ou ressentie au cours des techniques de percussion ou de palpation peut interférer avec l’évaluation. La percussion aide à délimiter la position et la grosseur de certains organes et à détecter la présence de liquides, de distension gazeuse et de masses dans l’abdomen (Bates & Bickley, 2010 ; Jarvis, 2010). Une meilleure qualité sonore est obtenue au cours de la percussion lorsque seul le doigt percuté touche l’abdomen, les quatre autres doigts devant être soulevés FIGURE 28.3. La percussion doit être effectuée systématiquement et délicatement dans les quatre quadrants. Les constatations normales comprennent un tympanisme au-dessus d’un estomac vide, un tympanisme ou une hypersonorité au-dessus de l’intestin et un son mat au-dessus du foie et de la rate. Des zones anormales de matité peuvent indiquer la présence d’une masse sousjacente. Des masses solides telles la présence de selles, des organes hypertrophiés ou une vessie distendue produisent aussi des zones de matité. Une zone de matité au-dessus des deux ancs peut

FIGURE 28.2

A Position pour l’auscultation permettant de déceler les soufes artériels. B Sites d’auscultation des artères aortique, rénales,

iliaques et fémorales.

876

Partie 6

Système gastro-intestinal

FIGURE 28.4

Palpation de l’abdomen. A Supercielle. B Profonde.

Cependant, aucune analyse employée seule ne donne un aperçu global de l’état fonctionnel des divers organes, et aucun résultat d’analyse ne représente à lui seul une valeur prédictive. Les analyses de laboratoire utilisées dans l’évaluation des fonctions gastro-intestinale, hépatique et pancréatique (fonction exocrine) sont présentées dans les TABLEAUX 28.2, 28.3 et 28.4, respectivement.

FIGURE 28.3 Position pour la percussion de l’abdomen.

indiquer la présence d’une ascite, et elle nécessite une évaluation plus approfondie (Bates & Bickley, 2010 ; Jarvis, 2010).

28.2.4

Palpation

La palpation est une technique d’évaluation utile pour déterminer les caractéristiques d’un organe et pour détecter certaines affections abdominales. La palpation supercielle ne dépasse pas 3 cm de profondeur et sert à évaluer, par exemple, la température ou la texture de la peau ainsi que la présence d’une douleur supercielle FIGURE 28.4A. La palpation profonde nécessite une dépression de 4 ou 5 cm, généralement effectuée avec les deux mains, et est plus utile pour délimiter les organes et pour détecter les masses abdominales FIGURE 28.4B. La palpation supercielle précède toujours la palpation profonde, et les endroits où le client se plaint de sensibilité doivent être palpés en dernier (Bates & Bickley, 2010 ; Jarvis, 2010). Les constatations normales comprennent l’absence de régions sensibles ou douloureuses, l’absence de masses et de zones indurées. Une défense musculaire persistante et involontaire peut indiquer la présence d’une inammation péritonéale, particulièrement si cette défense musculaire persiste même après l’utilisation de techniques de relaxation. Une douleur provoquée à la décompression brusque de la paroi abdominale après palpation révèle un péritoine enammé (Bates & Bickley, 2010 ; Jarvis, 2010).

28.3

Analyses de laboratoire

L’accent a souvent été mis sur la valeur des différentes analyses de laboratoire utilisées pour diagnostiquer et traiter les affections du système gastro-intestinal.

28.4

Examens paracliniques

Pour compléter l’évaluation d’un client hospitalisé en soins critiques atteint d’un dysfonctionnement gastrointestinal, les examens paracliniques doivent être passés en revue. Bien qu’il existe de nombreux examens pour diagnostiquer les affections gastro-intestinales, leur utilisation chez ces clients est limitée. Seuls les examens auxquels les unités de soins critiques ont actuellement recours sont présentés dans ce chapitre, du moins effractif au plus effractif.

Soins et traitements inrmiers 28

Les soins et traitements inrmiers prodigués à un client au cours d’un examen paraclinique nécessitent une variété d’interventions. Les actions prises par l’inrmière comprennent la préparation psychologique et physique du client en vue de l’examen, le monitorage de ses réactions pendant l’examen et son évaluation après celui-ci. Pour préparer le client, l’inrmière lui donne de l’information sur l’examen et répond à ses questions. Dans le cas de procédures effractives, même si le médecin est tenu par la loi de s’assurer que la personne donne son consentement en toute connaissance de cause, l’inrmière peut servir de témoin et s’assure alors que le client comprend très bien le document de consentement qu’il doit signer. Enn, l’inrmière aide au transport et au positionnement de la personne en vue de l’examen. Le monitorage des réactions du client durant l’examen permettra à l’inrmière de détecter des signes de douleur, d’anxiété, d’hémorragie ou de complications. La surveillance des signes vitaux fait aussi

Chapitre 28

Évaluation clinique du système gastro-intestinal et examens paracliniques

877

Collecte des données TABLEAU 28.2

Analyses de laboratoire courantes de la fonction gastro-intestinale

ANALYSE

RÉSULTATS NORMAUX

SIGNIFICATION CLINIQUE DES RÉSULTATS ANORMAUX

Culture des fèces

• Micro-organismes résidents : Clostridia, entérocoques, Pseudomonas, quelques levures

Détection de : Salmonella typhi (èvre typhoïde), Shigella (dysenterie), Vibrio cholerae (choléra), Yersinia (entérocolite), Escherichia coli (gastro-entérite), Staphylococcus aureus (empoisonnement alimentaire), Clostridium botulinum (empoisonnement alimentaire), Clostridium perfringens (empoisonnement alimentaire), Aeromonas (gastro-entérite)

• Graisses fécales : < 5 g/jour

Stéatorrhée (valeurs plus élevées) résultant d’une malabsorption intestinale ou d’une insufsance pancréatique

• Pus : aucun

Association de grandes quantités de pus à une colite ulcérative chronique, à des abcès ou à une stule anorectale

• Sang occulte : aucun (examen au gaïac ou test Fit)

Résultats d’examen positifs associés à des saignements

• Œufs et parasites : aucun

Détection d’Entamoeba histolytica (amibiase), de Giardia lamblia (giardiase) et de vers

Absorption de D-xylose

• Excrétion urinaire 5 h postingestion de D-xylose : > 5 g • Analyse sanguine 2 h postingestion de D-xylose : > 1,7 mmol/L

Différentiation de la stéatorrhée pancréatique (absorption normale de D-xylose) et de la stéatorrhée intestinale (absorption altérée de D-xylose)

Gastrine

• < 100 picogrammes (pg)/ml

Détection des ulcères duodénaux, du syndrome de ZollingerEllison (résultats élevés), d’une atrophie gastrique, d’un cancer de l’estomac (résultats faibles)

Manométrie*

• Variation des valeurs à différents endroits de l’intestin

Déglutition, motilité ou fonction sphinctérienne inadéquates

Culture et sensibilité du contenu du duodénum

• Aucun pathogène

Détection de Salmonella typhi (èvre typhoïde)

Examen respiratoire au glucose ou au D-xylose

• Résultat négatif pour l’hydrogène ou le dioxyde de carbone

Présence possible d’une prolifération bactérienne intestinale

Examen respiratoire à l’urée

• Résultat négatif pour du dioxyde de carbone isotopiquement marqué

Présence d’une infection à Helicobacter pylori

Examen respiratoire au lactose

• Résultat négatif pour l’hydrogène expiré

Intolérance au lactose

* Utiliser avec des cathéters remplis d’eau branchés à des transducteurs de pression passés dans l’œsophage, l’estomac, le côlon ou le rectum pour évaluer la contractilité. Sources : Adapté de Bailleu & Brière (2009) ; Furger et al. (2012) ; McCance & Huether (Eds) (2010) ; Wilson (2010)

partie du monitorage. L’évaluation du client après l’examen comprend l’observation en vue de déceler des complications liées à l’examen et l’administration de médicaments an d’atténuer tout malaise consécutif à la procédure. L’inrmière signale immédiatement au médecin toute donnée indiquant la présence d’une hémorragie digestive, et des mesures d’urgence visant à maintenir l’état de santé du client doivent être amorcées.

28.4.1

Radiographies abdominales

Bien qu’il existe de nombreux examens radiologiques destinés à l’étude approfondie du dysfonctionnement gastro-intestinal, plusieurs d’entre eux

878

Partie 6

Système gastro-intestinal

ne sont pas utilisés chez les clients dont l’état de santé est critique. L’examen radiologique le plus courant est la radiographie abdominale, ou plaque simple de l’abdomen FIGURE 28.5. Cette radiographie permet la visualisation des différentes structures abdominales et celle de plusieurs anomalies telles que la présence de liquide péritonéal (ascite ou hémorragie péritonéale), une dilatation de l’ensemble du tube digestif (occlusion intestinale, iléus paralytique), la présence d’air sous le diaphragme (pneumopéritoine), une anse unique et distendue contenant de l’air ou du liquide (associée à une cholécystite, une pancréatite ou une appendicite), des anses dilatées (occlusion intestinale, hernie, volvulus cæcal ou volvulus du sigmoïde, affection

Collecte des données TABLEAU 28.3

Analyses de laboratoire courantes de la fonction hépatique

ANALYSE

VALEUR NORMALE

SIGNIFICATION CLINIQUE DES VALEURS ANORMALES*

Phosphatase alcaline

• Hommes : 45-115 U/L (0,75-1,92 microkatal [µkat]/L SI) • Femmes : 30-100 U/L (0,5-1,67 µkat/L SI)

Augmente en présence d’une obstruction biliaire, d’une cirrhose, d’une hépatite ou d’un cancer du foie

Aspartate aminotransférase (ASAT) (auparavant sérum glutamooxaloacétique transaminase [SGOT])

• Hommes : 10-40 U/L (0,17-0,67 µkat/L SI) • Femmes : 9-25 U/L (0,15-1,42 µkat/L SI)

Augmente en présence d’une lésion hépatocellulaire (et de lésions à d’autres tissus, comme aux muscles squelettique et cardiaque), d’une cirrhose, d’une hépatite ou d’un cancer du foie

Alanine aminotransférase (ALAT) (auparavant sérum glutamopyruvique transaminase [SGPT])

• Hommes : 10-55 U/L (0,17-0,91 millikatal [mkat]/L SI) • Femmes : 7-30 U/L (0,12-0,5 mkat/L SI)

Augmente en présence d’une lésion hépatocellulaire, d’une nécrose hépatite, d’une hépatite, d’une cirrhose ou d’une obstruction biliaire

Déshydrogénase lactique (LDH)

• LDH total : 100-210 U/L (1,83-3,50 µkat/L SI)

Taux élevé de l’isoenzyme déshydrogénase lactate 5 (LDH 5) en cas de lésion hépatique hypoxique et primaire

5’nucléotidase

• 1,5-5,5 UI/L

Augmente avec la hausse du taux de phosphatase alcaline et avec la présence de cholestase, d’hépatite ou d’obstruction biliaire

Bilirubine sérique indirecte (non conjuguée)

• 1-17 µmol/L

Augmente en cas d’anémie (anémie à hématies falciformes, auto-immune hémolytique, pernicieuse), de cirrhose ou d’hépatite

Bilirubine sérique directe (conjuguée)

• 0-7 µmol/L

Augmente en présence d’une lésion hépatocellulaire, d’une obstruction biliaire, d’une cirrhose ou d’une hépatite

Bilirubine sérique total

• 5-17 µmol/L

Augmente avec une obstruction biliaire ou de toute atteinte hépatique

Bilirubine dans l’urine

• 3,4 µmol/L

Augmente avec une obstruction biliaire, une cirrhose ou une hépatite

Urobilinogène dans l’urine

• 0-6,8 µmol/L

Augmente en cas de dysfonctionnement hépatique ou de processus hémolytique

Albumine

• 35-50 g/L

Diminue en présence d’une lésion hépatocellulaire

Globuline (quatre types)

• 20-40 g/L

Augmente en cas d’hépatite

Protéine total

• 60-80 g/L

Augmente lors d’infection ou d’inammation, diminue en présence de malnutrition ou de malabsorption

Rapport albumine-globuline (A/G)

• 1,5-2,5:1

Inversion du rapport en cas d’hépatite chronique ou d’autres maladies hépatiques chroniques

Transferrine

• Hommes : 2,15-3,65 g/L • Femmes : 2,5-3,8 g/L

Augmente dans le cas d’anémie ferriprive et diminue dans le cas de maladie hépatite chronique

Alpha-fœtoprotéine

• < 15 µg/L

Valeurs élevées dans les cas de carcinome hépatocellulaire primaire

Temps de prothrombine (TP)

• 11-12,5 sec.

Augmente en présence d’une maladie hépatique chronique (cirrhose) ou d’une carence en vitamine K

Rapport normalisé international (RNI)

• 0,8-1,2

Valeurs supérieures indiquent un risque élevé d’hémorragie ; utile pour le monitorage des effets des médicaments comme la warfarine

Temps de céphaline ou temps de céphaline activé (TCA)

• PTT : 60-90 sec. • TCA : 25-35 sec.

Augmente en cas de maladie hépatique grave, de carence en divers facteurs de coagulation ou de traitement à l’héparine

Excrétion de la bromsulphaléine

• Test de scintigraphie : < 6 % de rétention en 45 min

Augmentation de la rétention en présence d’une lésion hépatocellulaire

Enzymes sériques

Électrophorèse des protéines

28

Coagulation

* Cette liste n’est pas exhaustive. Sources : Adapté de Bailleu & Brière (2009) ; Furger et al. (2012) ; McCance & Huether (Eds) (2010) ; Wilson (2010) Chapitre 28

Évaluation clinique du système gastro-intestinal et examens paracliniques

879

Collecte des données TABLEAU 28.4

Analyses de laboratoire courantes de la fonction pancréatique

ANALYSE

VALEUR NORMALE

SIGNIFICATION CLINIQUE DES VALEURS ANORMALES

Amylase sérique

• 53-123 U/L (0-2,17 µkat/L SI)

Niveaux élevés en cas de pancréatite aiguë

Lipase sérique

• 0-160 U/L (0-2,66 µkat/L)

Niveaux élevés en cas de pancréatite aiguë ou chronique (les niveaux peuvent être élevés avec d’autres troubles ; différencier avec l’amylase, examen des isoenzymes)

Amylase dans l’urine

• 0-375 U/L (0-6,25 µkat/L SI)

Niveaux élevés en cas de pancréatite aiguë

Examen à la sécrétine

• Volume : 1,8 ml/kg/h • Concentration de bicarbonate : > 80 mmol/L (mEq/L) • Production de bicarbonate : > 10 mmol/L/30 sec. (mEq/L/30 sec).

Réduction du volume en cas de maladie pancréatique, car la sécrétine stimule la sécrétion pancréatique

• < 5 g/jour

Mesure les acides gras : une diminution de la lipase pancréatique augmente la teneur des fèces en lipides

Graisses fécales

Sources : Adapté de Bailleu & Brière (2009) ; Furger et al. (2012) ; McCance & Huether (Eds) (2010) ; Wilson (2010)

intestinale ischémique) ou un anévrisme de l’aorte abdominale. De plus, les radiographies abdominales sont utilisées pour vérier le positionnement d’une sonde nasogastrique ou d’autres dispositifs d’alimentation entérale.

Soins et traitements inrmiers Une série de radiographies abdominales au chevet du client peuvent être obtenues en utilisant un appareil de radiographie portable. Une telle série de radiographies comprend deux vues de l’abdomen : une en position couchée et une en position verticale. Pour les clients incapables de s’asseoir bien droit, il est possible de prendre une radiographie en décubitus latéral gauche. Il est important que l’inrmière demeure au chevet de la personne pendant la procédure an de poursuivre son évaluation et d’aider aux manœuvres au besoin. Aucune intervention spéciale n’est requise avant ou après l’examen (Pangana & Pangana, 2011).

880

Partie 6

Système gastro-intestinal

FIGURE 28.5

Radiographie abdominale à l’aide d’une plaque simple. À noter, l’air dans l’estomac du client.

28.4.2

Échographie abdominale

L’échographie abdominale est utile pour évaluer l’état de la vésicule biliaire, du système biliaire, du foie, de la rate et du pancréas. Elle joue un rôle clé dans le diagnostic de nombreux troubles abdominaux aigus comme la cholécystite aiguë et les obstructions biliaires, car elle permet de détecter les lésions obstructives et les ascites. L’échographie est employée pour déceler les calculs biliaires et les abcès hépatiques, les candidoses et les hématomes. Les gaz intestinaux, les ascites et les cas d’obésité morbide peuvent interférer avec la transmission des ultrasons et limiter la portée de l’examen (Godfrey, Rushbrook & Carroll, 2010). L’examen utilise des ultrasons pour produire des échos qui sont convertis en énergie électrique et transférés vers un écran aux ns de visualisation. Un transducteur, qui émet et reçoit les ultrasons, est déplacé lentement au-dessus de la région abdominale soumise à l’examen. Les tissus de densités variées produisent des échos différents, ce qui se traduit par les diverses structures afchées à l’écran (Cogbill & Ziegelbein, 2011).

Soins et traitements inrmiers Il est possible d’effectuer une échographie au chevet du client à l’aide d’un appareil portable. L’échographie est facile à réaliser, elle est non effractive et bien tolérée même par les clients atteints d’une affection grave. L’examen nécessite seulement que le client demeure immobile pendant 20 à 30 minutes. Aucune intervention spéciale n’est requise avant ou après l’examen (Pangana & Pangana, 2011). Il est par ailleurs important que l’inrmière poursuive l’évaluation du client pendant et après la procédure.

28.4.3

Tomodensitométrie abdominale

La tomodensitométrie (TDM) abdominale est un examen radiographique qui fournit des images en coupe transversale des organes et des structures de l’abdomen FIGURE 28.6. Elle peut être utilisée pour évaluer la vascularisation abdominale et pour déterminer si des points focaux observés sur des images de scintigraphie sont des structures solides, kystiques, inammatoires ou vasculaires (Cogbill & Ziegelbein, 2011). La TDM détecte de petites masses et permet la visualisation et l’évaluation de nombreux aspects des affections gastro-intestinales. Elle est particulièrement utile pour déceler de l’inammation, des kystes, des pseudo-kystes pancréatiques, des abcès abdominaux, des obstructions biliaires et plusieurs lésions néoplasiques gastro-intestinales telles que le cancer du foie, de la vésicule biliaire, du pancréas, de la rate ou des reins (McSweeney, O’Donoghue & Jhaveri, 2010 ; Wilson, 2010). Le client est étendu sur une table mobile qui glisse à l’intérieur de l’appareil de TDM. De nombreux balayages sont réalisés à différents angles, et un ordinateur synthétise les images des structures analysées. Il est possible d’administrer un produit de contraste par voie intraveineuse (I.V.) ou gastrointestinale pour faciliter l’imagerie des vaisseaux sanguins ou du tube digestif, respectivement (Cogbill, Ziegelbein, 2011).

Soins et traitements inrmiers Avant l’examen, l’inrmière interroge le client à propos de toute réaction à un produit de contraste dans le passé. L’examen prend habituellement 30 minutes sans produit de contraste et 60 minutes avec un produit de contraste, et le client doit rester immobile durant cette période. Aucune intervention spéciale n’est requise avant ou après l’examen ; l’inrmière s’assure toutefois de l’hydratation adéquate du client an de favoriser l’élimination du produit de contraste une fois l’examen terminé (Pangana & Pangana, 2011).

28.4.4

FIGURE 28.6 Tomodensitométrie abdominale chez un client présentant beaucoup A et peu B de graisse intraabdominale. 1, pancréas ; 2, vésicule biliaire ; 3, piliers du diaphragme ; 4, aorte ; 5, artère mésentérique supérieure ; 6, veine cave inférieure avec la veine rénale gauche ; 7, rein gauche ; 8, rein droit ; 9, foie ; 10, intestin ; 11, conuent splénoportal.

la mébrofénine (TMBIDA). Une série d’images est alors obtenue à l’aide d’une caméra gamma (scintillation). Les cellules du foie absorbent de 80 à 90 % du radiotraceur, lequel est ensuite sécrété dans la bile et transporté dans le système biliaire, ce qui permet la visualisation des voies biliaires, de la vésicule biliaire et du duodénum (Society of Gastroenterology Nurses and Associates [SGNA], 2008). Une accumulation de l’agent iminodiacétique autour du foie indique une faible absorption et un dysfonctionnement hépatocellulaire (Lambie et al., 2011).

28

Soins et traitements inrmiers

Scintigraphie hépatobiliaire

La scintigraphie hépatobiliaire est utilisée pour évaluer l’état du foie et du système biliaire. Cet examen peut détecter les anomalies gastrointestinales comme une cholécystite aiguë ou chronique, une obstruction biliaire et des fuites de bile, et il fournit de l’information additionnelle sur la dimension des organes (Lambie, Cook, Scarsbrook et al., 2011). La scintigraphie nécessite l’injection par voie I.V. d’un agent iminodiacétique (ou radioactif) marqué par le technétium 99m (99m Tc) (radiotraceur), comme la disofénine (DISIDA) ou

La scintigraphie hépatobiliaire est relativement non effractive et sécuritaire, bien que le client doive être transféré au service de médecine nucléaire. Il ne doit rien prendre par voie orale (P.O.) quatre heures avant l’examen. Une sédation n’est habituellement pas nécessaire, mais le client doit être en mesure de rester couché sans bouger pendant 60 minutes durant l’examen. Aucune intervention spéciale n’est requise après l’examen (Pangana & Pangana, 2011).

Chapitre 28

Évaluation clinique du système gastro-intestinal et examens paracliniques

881

28.4.5

Scintigraphie d’hémorragie gastro-intestinale

Le recours à une scintigraphie d’hémorragie gastrointestinale s’avère utile pour détecter la présence d’un saignement actif, pour déterminer le site de l’hémorragie et pour évaluer la nécessité d’effectuer une artériographie (Mellinger, Bittner, Edwards et al., 2011). La scintigraphie gastro-intestinale est sensible à de faibles débits hémorragiques (0,1 ml/min), mais elle est able uniquement quand le client présente une hémorragie active (Mellinger et al., 2011 ; SGNA, 2008). La scintigraphie est habituellement effectuée avec l’administration I.V. de soufre colloïde marqué au 99m Tc ou de globules rouges marqués au 99m Tc (radiotraceurs). Pour marquer les globules rouges, un échantillon sanguin est prélevé chez le client. Les globules rouges sont isolés, marqués au 99m Tc puis réinjectés au client. Des séries d’images sont ensuite obtenues à l’aide d’une caméra gamma (scintillation). L’extravasation et l’accumulation de radiotraceurs dans la lumière intestinale indiquent la présence d’une hémorragie active et facilitent la détermination de son emplacement (Mellinger et al., 2011 ; SGNA, 2008).

stimule les protons du corps. L’introduction de radiofréquences provoque la résonance de ces protons, lesquels émettent ensuite une image qui peut être reproduite par un ordinateur aux ns de visionnement. L’administration I.V. d’un produit de contraste non iodé améliore l’image en modiant l’environnement magnétique et l’intensité du signal (Cogbill & Ziegelbein, 2011).

Soins et traitements inrmiers L’IRM est un examen assez long, et il nécessite le transfert du client vers l’appareil d’imagerie. Le client doit rester couché et immobile dans un espace clos (si un appareil d’IRM fermé est utilisé), et une sédation peut s’avérer nécessaire. Il est essentiel de retirer tous les objets métalliques du corps du client, car l’IRM utilise un champ magnétique. Les clients qui ont des corps métalliques implantés ne sont pas des candidats potentiels pour cet examen. Aucune intervention spéciale n’est requise après celui-ci (Pangana & Pangana, 2011).

28.4.7 Soins et traitements inrmiers La scintigraphie gastro-intestinale est non effractive et sécuritaire, même si le client doit être transféré au service de médecine nucléaire. La sédation n’est habituellement pas nécessaire, mais le client doit être en mesure de rester couché sans bouger pendant au moins 60 minutes durant l’examen. Aucune intervention spéciale n’est requise après l’examen (Pangana & Pangana, 2011).

28.4.6

Imagerie par résonance magnétique

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est utilisée pour déceler des tumeurs, des abcès, des hémorragies et des anomalies vasculaires. Les petites tumeurs, dont la densité tissulaire diffère de celle des cellules environnantes, peuvent être détectées avant qu’il soit possible de les déceler par tout autre examen radiographique (SGNA, 2008). L’angiographie par résonance magnétique (ARM) est une forme d’IRM utilisée pour évaluer les vaisseaux et le débit sanguins (Cogbill & Ziegelbein, 2011). La cholangiopancréatographie par résonance magnétique (CPRM) est une forme d’IRM employée pour évaluer les conduits biliaires et pancréatiques (Maccioni, Martinelli, Al Ansari et al., 2010). Durant l’IRM, le client est placé dans un grand champ magnétique qui

882

Partie 6

Système gastro-intestinal

Endoscopie

Disponible sous plusieurs formes, l’endoscopie à bre optique est un examen paraclinique qui permet la visualisation et l’évaluation directes du tube digestif. L’endoscopie peut fournir de l’information sur des lésions, des changements sur le plan de la muqueuse, des occlusions ou d’une dysfonction de la motilité, et il est possible de réaliser une biopsie ou d’autres interventions durant un tel examen. La principale différence entre les diverses formes d’examen endoscopique est la région anatomique qui peut être examinée. Une œsophagogastroduodénoscopie permet de visualiser le tube digestif supérieur, de l’œsophage jusqu’à la partie supérieure du duodénum, et elle est utilisée pour évaluer les sources d’hémorragies digestives supérieures FIGURE 28.7. La coloscopie permet de visualiser le tube digestif inférieur, du rectum jusqu’à l’iléon distal, et elle est employée pour évaluer les sources d’hémorragies digestives inférieures. La coloscopie virtuelle est aussi utilisée pour évaluer des hémorragies digestives et peut servir à dépister le cancer colorectal (Gosselin, 2008). L’entéroscopie permet de visualiser l’intestin grêle au-delà du ligament de Treitz ; elle est employée pour évaluer les sources d’hémorragies digestives qui n’ont pas été établies au préalable par une œsophagogastroduodénoscopie ou une coloscopie. La cholangiopancréatographie rétrograde endoscopique permet de visualiser les conduits biliaire et pancréatique ; elle est utile pour évaluer un ictère, pour diagnostiquer un ictère par obstruction, un cancer du pancréas ou des conduits

perforation comprennent une douleur abdominale intense et subite (OIIQ, 2011).

28.4.8

FIGURE 28.7 Apparence endoscopique d’un syndrome de Mallory-Weiss avec un léger écoulement. Il faut noter que la déchirure commence à la jonction gastro-œsophagienne (grande èche) et qu’elle se prolonge sur le plan distal dans la hernie hiatale (petite èche).

biliaires, ou encore pour localiser des calculs ou une sténose des conduits pancréatiques ou de l’arbre hépatobiliaire. Durant cet examen, un produit de contraste est injecté dans l’ampoule de Vater par l’endoscope, puis des radiographies sont prises (SGNA, 2008 ; Wilson, 2010). L’endoscopie offre aussi des bienfaits thérapeutiques pour une variété de troubles, incluant les hémorragies digestives (Hwang, Fischer, Ben-Menachem et al., 2012).

Angiographie

L’angiographie est utilisée en tant qu’examen paraclinique diagnostique et thérapeutique. Du point de vue diagnostique, elle permet d’évaluer l’état de la circulation gastro-intestinale FIGURE 28.8 (SGNA, 2008). Lorsqu’il est spéciquement question de visualisation des artères, le terme artériographie est préférablement employé (Wilson, 2010). Sur le plan thérapeutique, l’angiographie est utilisée pour maîtriser une hémorragie digestive par cathétérisme (Walker, Salazar & Waltman, 2012). On y a recours pour le diagnostic des hémorragies digestives supérieures seulement quand l’endoscopie ne permet pas de poser un tel diagnostic, et elle est utilisée pour traiter les clients (environ 15 %) dont l’hémorragie digestive n’est pas enrayée par des mesures médicales ou par un traitement par voie endoscopique (Walker et al., 2012). L’angiographie sert aussi à évaluer la cirrhose, l’hypertension portale, l’ischémie intestinale et d’autres anomalies vasculaires (SGNA, 2008). Le radiologiste procède à la canulation de l’artère fémorale jusque dans l’aorte. L’aiguille est enlevée, et un cathéter angiographique est inséré sur le l-guide. Le radiologiste fait progresser le cathéter dans le vaisseau qui alimente la portion du tube digestif qui doit être examinée. Une fois le cathéter en place, un produit de contraste est injecté, et des

Soins et traitements inrmiers Le client ne doit rien prendre par voie P.O. dans les 12 heures qui précèdent l’endoscopie du tube digestif supérieur. Une préparation intestinale, c’està-dire un nettoyage complet de l’intestin grâce à divers types de laxatif pour libérer toute matière fécale, est nécessaire avant l’endoscopie du tube digestif inférieur an de favoriser une meilleure visualisation de la muqueuse intestinale (SGNA, 2008). Dans certains cas, l’examen est réalisé au chevet du client, en particulier s’il présente une hémorragie active ou si son état est trop instable pour permettre son transfert vers la salle d’endoscopie. L’endoscopie à bre optique peut représenter un risque pour le client. Bien qu’elles soient rares, les complications potentielles comprennent la perforation du tube digestif, une hémorragie, une aspiration, une stimulation vasovagale ou une atteinte de l’état de conscience et de la respiration liée à l’administration d’une sédation trop importante (ministère de la Santé et des Services sociaux [MSSS], 2011 ; Ordre des inrmières et des inrmiers du Québec [OIIQ], 2009, 2011 ; SGNA, 2008). Les signes de

28

FIGURE 28.8 Artériographie de l’artère mésentérique supérieure montrant une hémorragie diverticulaire. À noter, la région d’extravasation du produit de contraste.

Chapitre 28

Évaluation clinique du système gastro-intestinal et examens paracliniques

883

radiographies sont prises. Si l’examen a pour but de maîtriser une hémorragie, de la vasopressine (PitressinMD) ou un matériau embolique (GelfoamMD) est injecté après avoir localisé le site de l’hémorragie (Walker et al., 2012).

Soins et traitements inrmiers Les complications associées à l’angiographie comprennent une hémorragie franche ou inapparente au point d’insertion fémoral, une atteinte neurovasculaire du membre inférieur touché et une réaction au produit de contraste. Avant l’examen, l’inrmière interroge le client à propos de toute réaction à un produit de contraste an de prévenir des réactions allergiques à l’iode pouvant être contenu dans ces produits. L’évaluation après la procédure comprend le monitorage des signes vitaux, l’observation du point d’injection an de déceler toute hémorragie et l’évaluation de l’intégrité neurovasculaire distale par rapport au point d’injection toutes les 15 minutes pendant 1 heure, puis toutes les 30 minutes pour 1 heure et finalement toutes les 4 heures pendant 24 heures après l’examen. Selon la façon dont le site d’insertion est stabilisé après l’examen, le client doit rester en position couchée pendant un certain temps. L’inrmière signale immédiatement au médecin tout signe probant d’hémorragie ou d’atteinte neurovasculaire (Pangana & Pangana, 2011).

28.4.9

Mesure de la pression intraabdominale par voie vésicale

La mesure de la pression intra-abdominale (PIA) suscite un intérêt de plus en plus marqué, car il est maintenant reconnu que son augmentation a un impact délétère sur les systèmes cardiaque, respiratoire, rénal et neurologique (Papavramidis et al., 2011). Cette mesure vise deux objectifs : assurer la surveillance de la PIA et prévenir l’hypertension intra-abdominale ainsi que le syndrome du compartiment abdominal (Mari, Dupas & Vallée, 2009). La PIA équivaut à la pression contenue à l’intérieur de la cavité abdominale et est mesurée en millimètres de mercure (mm Hg). En soins critiques, chez l’adulte, les valeurs varient entre 5 et 7 mm Hg. L’hyperpression intra-abdominale se caractérise par une PIA soutenue ou répétée égale ou supérieure à 12 mm Hg. Elle se dénit selon quatre niveaux : classe I : PIA entre 12 et 15 mm Hg ; classe II : PIA entre 16 et 20 mm Hg ; classe III : PIA entre 21 et 25 mm Hg ; classe IV : PIA > 25 mm Hg. Le syndrome du compartiment abdominal se caractérise par une PIA soutenue supérieure à 20 mm Hg (1215 mm Hg chez l’enfant) associée à une défaillance

884

Partie 6

de plusieurs organes ou à une nouvelle défaillance d’un organe (Kirkpatrick et al., 2013). L’hyperpression intra-abdominale et le syndrome du compartiment abdominal compromettent l’irrigation des organes abdominaux et peuvent causer une défaillance des organes, voire la mort. De nombreuses causes sont à l’origine d’une augmentation de la PIA telles qu’une chirurgie abdominale récente, un état septique, une défaillance de un ou de plusieurs organes, la ventilation mécanique, des changements de position ou un trauma abdominal ou pelvien. Il existe plusieurs méthodes pour mesurer la PIA, dont la méthode directe (cathéter placé dans la cavité abdominale) et la méthode indirecte (au moyen d’une sonde intravésicale). La mesure de la PIA par voie intravésicale par une sonde est considérée comme un standard de pratique (American Association of Critical-Care Nurses [AACN], 2011). La vessie agit comme réservoir passif lorsque son volume est inférieur à 100 ml et permet de transmettre la PIA. La FIGURE 28.9 illustre le système d’appareillage utilisé pour la mesure de la PIA par voie intravésicale. L’ENCADRÉ 28.4 liste une série de principes de base pour assurer une meilleure fiabilité de la PIA au moment de la prise des mesures. En présence de contre-indications à la mesure de la pression par voie vésicale (par ex., un trauma vésical ou pelvien, une vessie neurologique, une chirurgie prostatique, une chirurgie urologique basse avec adhérences pelviennes), il faut alors préférer la mesure de pression par voie gastrique (Mari et al., 2009).

Système gastro-intestinal

FIGURE 28.9 Cathéter et appareillage utilisés pour la mesure de la pression intra-abdominale par la voie intravésicale.

Collecte des données ENCADRÉ 28.4

Principes de base pour assurer une meilleure abilité de la mesure de la pression intra-abdominale

• Prise de la mesure à la n de l’expiration : – ↓ PIA à l’expiration ; – ↑ PIA à l’inspiration. • Client en décubitus dorsal avec la tête du lit à plat : – selon la tolérance du client. • Absence de contraction des muscles abdominaux. • Instillation d’un maximum de 25 ml de NaCl par la sonde urinaire : – distension de la vessie et résultats faussés si administration d’une quantité supérieure : › aucun minimum requis : aucun consensus à ce sujet dans les écrits scientiques. • Attente de 10 à 60 secondes après l’instillation avant la prise de mesure (AACN, 2011) : – relaxation des muscles de la vessie.

• Mise à niveau du capteur à pression idéalement en position couchée au niveau de la ligne mi-axillaire et de la crête iliaque (AACN, 2011) : – si la condition du client ne permet pas la position couchée : placement du capteur à pression au niveau de la ligne mi-axillaire et de la crête iliaque selon le degré d’inclinaison de la tête du lit. • Dans certains cas particuliers, l’administration au client d’un médicament de type curare (bloquant neuromusculaire) peut être requis : – diminution de la contraction des muscles abdominaux ; – selon l’ordonnance médicale.

Source : Malbrain et al. (2006)

Soins et traitements inrmiers Les soins inrmiers comprennent l’installation de la sonde urinaire et des différentes irrigations pendant et entre les mesures ainsi que la surveillance. Le client, à jeun, est installé en décubitus dorsal. Plusieurs facteurs peuvent inuer sur la valeur obtenue au cours des mesures de la PIA (p. ex., une élévation de la tête du lit, la respiration, une toux ou de l’agitation). L’inrmière prête donc attention à ces divers éléments. Les mesures, prises au chevet du client, sont effectuées généralement toutes les 4 à 6 heures ou toutes les 2 à 4 heures si la PIA est supérieure ou égale à 12 mm Hg ou selon l’état clinique du client. L’inrmière surveille les signes précurseurs d’une augmentation de la PIA tels qu’une diminution de la P.A. et du débit cardiaque, une anurie ou oligurie, une augmentation de la pression maximale inspiratoire ou une augmentation de la pression intracrânienne (PIC). De plus, il est important de surveiller les signes d’infections urinaires comme une hausse de la température (AQESSS, 2013).

28.4.10 Biopsie hépatique percutanée La biopsie hépatique percutanée est un examen paraclinique utilisé pour évaluer les affections hépatiques. Des analyses morphologiques, bacté riologiques et immunologiques sont réalisées sur

l’échantillon de tissu an de diagnostiquer des troubles hépatiques tels qu’une cirrhose, une hépatite, des infections ou un cancer. Une biopsie peut fournir de l’information sur la progression de la maladie d’un client et sur sa réponse au traitement (SGNA, 2008). Il est possible d’effectuer une biopsie hépatique percutanée au chevet du client ou au service d’imagerie, et une telle biopsie nécessite l’utilisation d’une aiguille guidée par imagerie (Karamshi, 2008). Avant la biopsie, le client ne doit rien prendre par voie P.O. pendant six heures, et un prélèvement sanguin doit être effectué pour des analyses de coagulation. L’examen est réalisé en anesthésiant le tissu péricapsulaire, en insérant une aiguille à forage ou à ponction dans le foie entre le huitième et le neuvième espace intercostal tandis que le client retient son soufe en expiration, puis en retirant l’aiguille avec l’échantillon et en exerçant une pression pour arrêter le saignement (SGNA, 2008).

28

Soins et traitements inrmiers Durant la biopsie du foie, le client peut éprouver une sensation de grande pression ou une douleur sourde qui irradie vers l’épaule droite. Après la biopsie, l’inrmière positionne le client sur son côté droit pendant deux heures, et celui-ci doit rester au lit et au repos complet pendant six à huit heures (Rustagi, Newton & Kar, 2010 ; SGNA, 2008). L’hémorragie est la principale complication associée à la biopsie

Chapitre 28

Évaluation clinique du système gastro-intestinal et examens paracliniques

885

hépatique, bien qu’elle survienne chez moins de 1 % des clients. Les autres complications compre n­ nent des dommages aux organes environnants (p. ex., aux reins, aux poumons, au côlon, à la vésicule biliaire), une péritonite biliaire, un hémothorax et une infection au point d’insertion de l’aiguille. La perforation de la vésicule biliaire peut provoquer une fuite de bile dans la cavité abdominale, causant ainsi une péritonite (Rustagi et al., 2010). L’inrmière reste donc à l’affût de tous les signes de choc (p. ex., une chute de la P.A., de la pâleur, une altération de l’état de conscience), des signes d’hémorragie (p. ex., une chute de la P.A., une hausse de la fréquence cardiaque, un hématome), des signes de péritonite

(p. ex., une douleur abdominale), des signes d’hé­ mothorax (p. ex., de la dyspnée) ou des signes d’infec­ tion (p. ex., une hausse de la température, une rougeur et un écoulement au site d’insertion).

28.5

Résultats d’évaluation d’affections courantes

Le TABLEAU 28.5 présente différentes affections gastro­ intestinales courantes et les résultats d’évaluation qui y sont associés.

Collecte des données TABLEAU 28.5

Résultats d’évaluation fréquemment associés à des affections gastro-intestinales courantes

AFFECTION

PERSONNES À RISQUE OU FACTEURS DE RISQUE

HISTOIRE DE SANTÉ : SYMPTÔMES

EXAMEN PHYSIQUE : SIGNES

RÉSULTATS DES EXAMENS PARACLINIQUES

Appendicite

• Enfants (sauf les nourrissons) et jeunes adultes

• Anorexie • Nausées • Douleur épigastrique, péri­ ombilicale ou généralisée diffuse et précoce après 12­24 h ; QID au point de McBurney

• Absence possible de signes au stade précoce : – Faible èvre (38 °C) – Vomissements – Défense musculaire localisée au QID et sensibilité après 12­24 h – Signe de Rovsing positifa – Signe du psoas positif à droiteb – Signe de l’obturateur positif à droitec – Hyperesthésie cutanée dans le QID – Toucher rectal positifd

• Numération leucocytaire > 10 000/mm3 • Proportion des neutrophiles pouvant être > 75 % • Opacité dans le QID ou disten­ sion localisée démontrée par radiographie de l’abdomen, échographie et tomodensito­ métrie (TDM)

Ulcère duodénal perforé

• Antécédent d’ulcère gastro­duodénal, prise d’AINS ou d’anticoagu­ lants chez les personnes de plus de 65 ans, tabac, alcool, stress

• Apparition de douleur soudaine dans la région épigastrique ou dans le QID • Irradiation possible dans les épaules (surtout à droite)

• Sensibilité dans la région épigastrique ou dans le QID à la palpation • Signes d’irritation péritonéalee • Vomissements • Présence de sang dans les fèces • Hypotension • Tachycardie

• ↑ numération leucocytaire • Anémie ferriprive

Volvulus cæcal

• Plus fréquent chez les adultes plus âgés

• Douleur abdominale soudaine et intense

• • • •

• Distension du côlon observée aux radiographies abdomi­ nales en position couchée et debout • Examens barytés contre­ indiqués

QID

886

Partie 6

Système gastro-intestinal

Distension Sensibilité localisée Tympanisme Bruits intestinaux aigus

TABLEAU 28.5

Résultats d’évaluation fréquemment associés à des affections gastro-intestinales courantes (suite)

AFFECTION

PERSONNES À RISQUE OU FACTEURS DE RISQUE

HISTOIRE DE SANTÉ : SYMPTÔMES

EXAMEN PHYSIQUE : SIGNES

RÉSULTATS DES EXAMENS PARACLINIQUES

Hernie étranglée

• Possible à tout âge – Femmes : fémorale – Hommes : inguinale

• Douleur intense localisée • En cas d’occlusion intes­ tinale : douleur généralisée

• En cas d’occlusion intesti­ nale, distension abdomi­ nale, bruits intestinaux aigus et tympanisme

• Quantité de gaz et de liquide révélée à la radiographie abdominale

Hépatite

• Possible à tout âge, souvent les jeunes • Utilisateurs de produits sanguins • Toxicomanes

• • • • •

• • • •

Sensibilité hépatique Hépatomégalie Jaunisse Hyperthermie légère

• Taux élevé de bilirubine • Lymphocytose dans le tiers des cas • Taux élevé d’enzymes hépatiques • Hépatite A ou B ou détection possible des anticorps viraux

Congestion hépatique aiguë

• Habituellement les adultes plus âgés atteints d’insufsance cardiaque aiguë ou de maladie péricardique • Antécédent d’embolie pulmonaire

• Symptômes d’insufsance cardiaque aiguë tels que lipothymie, fatigue, palpi­ tations, diaphorèse, dyspnée

• • • • •

Hépatomégalie Ascite Bradycardie ou tachycardie Hypotension artérielle Si conséquence d’une décompensation cardiaque, signes d’insufsance cardiaque tels que ↑ pression veineuse centrale et reux hépatojugulaire positif

• ↑ bilirubine (prédominance de la bilirubine conjuguée) • ↑ transaminases (de 10 à 20 fois) • Atteinte de la coagulation • Thrombopénie • Hypoglycémie

Lithiases biliaires et colique hépatique

• Personne corpulente dans la quarantaine (90 %), mais peut être âgée de 30 à 80 ans • Diabète

• Anorexie • Nausées • Douleur intense dans le QSD ou dans la région épigastrique • Durée des épisodes : de 15 minutes à quelques heures, souvent après un repas copieux

• Sensibilité dans le QSD • Douleur pouvant irradier à l’épaule droite • Jaunisse possible

• Perturbation de la fonc­ tion hépatique (bilirubine, transaminases, gamma­ glutamyltransférase [GGT], phosphatases alcalines) et des facteurs de coagulation • Lithiases démontrées par radiographie et échographie abdominales

Cholécystite aiguë

• Personne corpulente dans la quarantaine (90 %), mais peut être âgée de 30 à 80 ans

• Douleur intense épigastrique ou dans le QSD • Épisodes prolongés pouvant durer jusqu’à 6 h

• Vomissements • Sensibilité dans le QSD (liée à l’hypertrophie de la vésicule biliaire) • Signe de Murphy positiff • Signes d’irritation péritonéale

• ↑ numération leucocytaire

Ulcère gastro­ duodénal perforé

• Tout âge

• Douleur soudaine dans le QSD

• Sensibilité dans l’épigastre, le QSD ou les deux • Signes d’irritation péritonéale • Air libre dans l’abdomen

• ↑ numération leucocytaire • Anémie ferriprive

• Trauma contondant au QSG de l’abdomen

• Douleur dans le QSG de l’abdomen, souvent désignée comme irradiant à l’épaule gauche (signe de Kehr)

• Hypotension artérielle • Syncope • Dyspnée accrue

• Anémie • Hypertrophie de la rate montrée par examens radiographiques

QSD Fatigue Malaise généralisé Anorexie Douleur dans le QSD Possibilité de maladie foudroyante grave avec insufsance hépatique

28

QSG

Trauma splénique

Chapitre 28

Évaluation clinique du système gastro-intestinal et examens paracliniques

887

TABLEAU 28.5

Résultats d’évaluation fréquemment associés à des affections gastro-intestinales courantes (suite)

AFFECTION

PERSONNES À RISQUE OU FACTEURS DE RISQUE

HISTOIRE DE SANTÉ : SYMPTÔMES

EXAMEN PHYSIQUE : SIGNES

RÉSULTATS DES EXAMENS PARACLINIQUES

Pancréatite

• Abus d’alcool • Obstruction du conduit pancréatique (p. ex., une lithiase) • Infection virale (p. ex., le cytomégalovirus), parasitaire (p. ex., une helminthiase), rarement bactérienne • Cholécystite

• Douleur dans le QSG ou dans la région épigastrique irradiant vers le dos ou la poitrine, soulagée par l’antéexion (position chien de fusil)

• Fièvre • Rigidité abdominale • Douleur provoquée à la décompression brusque de la paroi abdominale • Nausées • Vomissements • Jaunisse • Signe de Culleng • Signe de Turnerh • Distension abdominale • Bruits intestinaux réduits

• ↑ taux de lipase et d’amylase • ↑ numération leucocytaire

Occlusion ou sténose pylorique

• Ulcère duodénal

• Malaises gastriques • Sensation de ballonnement après les repas • Perte d’appétit

• Vomissements abondants • Perte de poids involontaire > 5 kg ou > 5 % de la valeur initiale • Signes de déshydratation tels que peau sèche, diminution de la turgescence • Matité accrue dans le QSG • Ondes péristaltiques visibles dans la région épigastrique

• Possibilité de déséquilibre électrolytique

Colite ulcéreuse

• Antécédents familiaux • Ancêtres d’origine juive • Émaciation

• Anorexie • Fatigue

• Fièvre • Perte de poids involontaire > 5 kg ou > 5 % de la valeur initiale • Diarrhée aqueuse chronique avec présence de mucus sanguin

• Anémie • Leucocytose

Diverticulites

• Personnes de plus de 39 ans • Régime à faible teneur en résidus

• Douleur récurrente dans le QSG

• • • • •

• Évidence de diverticules montrée par radiographie avec lavement baryté, TDM ou endoscopie

QIG

a

Fièvre Vomissements Frissons Diarrhée Sensibilité au niveau du côlon descendant

Douleur au QID au moment de la décompression brusque du QIG. Douleur au QID lors de la rotation externe de la hanche droite alors que la hanche et le genou du membre inférieur droit sont p liés à 90°. c Douleur au QID au moment où la personne tente de échir la hanche droite contre résistance. d Douleur abdominale provoquée lors du toucher rectal. e Douleur abdominale lors de la décompression brusque. f Douleur importante sous le rebord costal droit à la ligne médio-claviculaire lors de l’inspiration profonde contre résistance. g Représente une décoloration de type ecchymose dans la région péri-ombilicale. h Représente une décoloration de type ecchymose au niveau des ancs. Sources : Adapté de Barkauskas et al. (2002) ; Bates & Bickley (2010) ; Jarvis (2010) b

888

Partie 6

Système gastro-intestinal

À RETENIR • Pour bien connaître l’histoire de santé d’un client, il est important de passer en revue sa maladie et ses symptômes actuels, y compris la présence d’hémorragie, de douleur abdominale et de dysphagie, son apport nutritionnel et son élimination intestinale.

• Les méthodes de palpation supercielle et profonde sont employées pour détecter des affections abdominales.

• Pour prévenir la stimulation de l’activité gastro-intestinale et pour limiter la douleur, la séquence de l’évaluation doit être appliquée comme suit : inspection, auscultation, percussion et palpation.

• Une radiographie abdominale est utile pour diagnostiquer une occlusion ou une perforation intestinale.

• L’inspection doit inclure l’examen de la cavité buccale, de la peau et de l’abdomen.

• La tomodensitométrie (TDM) fournit des images en coupe transversale des structures et des organes abdominaux, et elle est utilisée pour évaluer la vascularisation abdominale et pour déterminer si les structures visualisées sont solides, kystiques, inammatoires ou vasculaires.

• L’auscultation permet d’obtenir des données cliniques sur l’état de la motilité intestinale. • La percussion est utilisée pour obtenir de l’information sur les organes situés en profondeur, tels que le foie, la rate et le pancréas.

• Les analyses de laboratoire peuvent fournir de l’information pertinente sur la qualité du fonctionnement des organes abdominaux.

• L’échographie abdominale sert à évaluer l’état de la vésicule biliaire, du système biliaire, du foie, de la rate et du pancréas.

• La scintigraphie hépatobiliaire est employée pour évaluer l’état du foie et du système biliaire.

Chapitre 28

• On a recours à une scintigraphie d’hémorragie gastro-intestinale pour détecter la présence de saignement actif, pour déterminer le site de l’hémorragie et pour évaluer la nécessité d’effectuer une artériographie. • L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est utile pour déceler des tumeurs, des abcès, des hémorragies et des anomalies vasculaires. • L’endoscopie à bre optique est un examen paraclinique qui permet la visualisation et l’évaluation directes du tube digestif. • Sur le plan diagnostic, l’angiographie est utilisée pour évaluer l’état de la circulation gastro-intestinale ; sur le plan thérapeutique, elle est employée pour maîtriser une hémorragie digestive. • La mesure de la pression intra-abdominale (PIA) par voie vésicale permet d’assurer la surveillance de la PIA ainsi que la prévention de l’hypertension intra-abdominale et du syndrome du compartiment abdominal.

Évaluation clinique du système gastro-intestinal et examens paracliniques

889

chapitre

29

Troubles gastro-intestinaux et approche thérapeutique

Écrit par : Sheryl Leary, MS, RN, CCNS, CCRN, PCCN, PhD Adapté par : Gisèle Besner, inf., M. Sc., ICSG (C)

P

armi l’ensemble des troubles gastro-intestinaux, certains peuvent mettre en jeu la vie du client, qui requiert alors les soins de l’inrmière à la salle d’urgence, mais aussi aux soins intensifs. Le présent chapitre traite de l’hémorragie digestive aiguë, de la pancréatite aiguë, de l’insufsance hépatique aiguë, mais aussi des chirurgies gastro-intestinales importantes, des interventions endoscopiques et de la pharmacothérapie. Une inrmière en soins critiques qui connaît bien la physiopathologie d’une maladie, les paramètres à évaluer ainsi que les traitements médicaux à mettre en œuvre peut se préparer adéquatement et planier ses interventions dans l’intérêt du client.

29.1

Troubles gastro-intestinaux

29.1.1

Hémorragie digestive aiguë

L’hémorragie digestive (ou gastro-intestinale) aiguë constitue une urgence potentiellement mortelle qui demeure une complication fréquente des maladies en phase critique. Au Québec, pour 10 000 hospitalisations chez des personnes âgées de 50 ans et plus, l’incidence des hémorragies digestives hautes est de 14, et celle des hémorragies digestives basses, de 6 (Rahme, Roussy, Woolcott et al., 2013). Malgré les progrès de la médecine et des soins inrmiers, le taux de mortalité au cours d’une hospitalisation est de 5,6 % (Rahme et al., 2013). De plus, dans le cas d’hémorragies du petit intestin, les réadmissions sont plus fréquentes, et le taux de mortalité s’avère plus élevé (Rahme et al., 2013). L’hémorragie digestive consiste en des saignements dans la partie supérieure ou inférieure du tube digestif (tractus gastro-intestinal). Le ligament suspenseur de l’angle duodéno-jéjunal (ligament de Treitz) sert de division anatomique entre ces deux parties. Un saignement qui survient en amont de ce ligament est appelé hémorragie digestive haute alors qu’un saignement en aval du ligament porte le nom d’hémorragie digestive basse (Acosta & Wong, 2011 ; Cappell & Friedel, 2008).

Étiologie L’ENCADRÉ 29.1 énumère les différentes causes de l’hémorragie digestive aiguë (Barnert & Messman, 2009 ; Strate, 2005). La présente section décrit les trois principales causes observées dans les unités de soins critiques : les ulcères peptiques (ou gastroduodénaux), les ulcères de stress et les varices gastro-œsophagiennes.

Ulcères peptiques Les ulcères peptiques (c.-à-d. les ulcères de l’estomac et du duodénum), qui résultent d’une dégradation de la muqueuse gastrique, constituent la principale cause d’hémorragie digestive haute, comptant pour environ 40 % des cas (Ghassemi, Kovacs, Jensen et al., 2009 ; Schubert, 2010). Il existe normalement plusieurs mécanismes de protection de la muqueuse gastrique contre les effets digestifs des sécrétions gastriques. Premièrement, la muqueuse gastroduodénale est recouverte d’une barrière muqueuse formée de glycoprotéines qui protège la surface du tissu épithélial contre les ions hydrogène et d’autres substances nocives présents dans la lumière du tube digestif (Schubert, 2010 ; Schubert & Peura, 2008). Cette barrière muqueuse doit absolument recevoir un apport sanguin adéquat pour conserver sa fonction protectrice. Deuxièmement, les cellules épithéliales de la muqueuse gastroduodénale sont assemblées très serrées de sorte que l’acide ne peut y pénétrer, ce qui confère une protection structurelle à la muqueuse gastrique contre les dommages causés par l’acide et la pepsine. Troisièmement, les

ENCADRÉ 29.1

Causes de l’hémorragie digestive aiguë

HÉMORRAGIE DIGESTIVE HAUTE

HÉMORRAGIE DIGESTIVE BASSE

• • • •

• • • • • • • • • •

• • • •

Ulcères peptiques (ou gastroduodénaux) Ulcères de stress Varices gastro-œsophagiennes Syndrome Mallory-Weiss (déchirure de l’œsophage inférieur) Œsophagite Néoplasie de l’estomac Fistule aorto-intestinale Angiodysplasie

Diverticulose Angiodysplasie Néoplasie et postpolypectomie Maladies inammatoires de l’intestin Trauma Colite infectieuse Colite radique Ischémie Fistule aorto-intestinale Hémorroïdes, ssures anales, ulcères rectaux

prostaglandines et l’oxyde nitrique protègent la barrière muqueuse en induisant la sécrétion de mucus et de bicarbonate et en inhibant la sécrétion d’acide (Schubert, 2010 ; Schubert & Peura, 2008). Les ulcères peptiques surviennent lorsque ces mécanismes de protection cessent de fonctionner, déclenchant une dégradation de la muqueuse gastroduodénale. Quand l’acide traverse le revêtement muqueux, les sécrétions gastriques autodigèrent les couches de l’estomac ou du duodénum, ce qui entraîne une lésion des couches muqueuses et sousmuqueuses. Cette lésion peut atteindre des vaisseaux sanguins et provoquer une hémorragie aussi bien qu’une perforation. Les deux principales causes de la dégradation de la résistance de la muqueuse gastroduodénale sont liées à l’activité bactérienne de Helicobacter pylori et aux anti-inammatoires non stéroïdiens (AINS) (Ferri, 2013).

20

Ulcères de stress L’ulcère de stress est une gastrite érosive aiguë qui comprend les deux types de lésions à la muqueuse souvent observées chez les personnes en situation critique de santé : les lésions liées au stress et les ulcères de stress discrets (Ali & Harty, 2009 ; Marik, Vasu, Hirani et al., 2010). D’autres termes sont utilisés pour décrire cette pathologie : érosions de stress, gastrite érosive, gastrite hémorragique, gastrite de stress et syndrome érosif lié au stress. Les ulcères de stress apparaissent dans les heures qui suivent l’admission du client en soins critiques (Porath, 2010). Variant d’érosions supercielles de la muqueuse à des lésions focales profondes, elles atteignent habituellement la partie supérieure du tube digestif (Porath, 2010). Les mécanismes physiopathologiques des ulcères de stress sont les mêmes que ceux des ulcères peptiques, mais la principale cause de dégradation de la résistance de la muqueuse gastrique est une hausse de la production acide en même temps qu’une détérioration du revêtement muqueux. Elles surviennent après une diminution du ot sanguin à la muqueuse ayant entraîné une ischémie (Porath, 2010). Les personnes qui ont subi une chirurgie Chapitre 29

Troubles gastro-intestinaux et approche thérapeutique

891

importante, celles qui sont atteintes de stress physiologique élevé – comme dans les cas de ventilation mécanique pendant plus de 48 heures –, de brûlures étendues, de trauma grave, de choc, de septicémie, de coagulopathie ou de maladie neurologique aiguë y sont vulnérables (Pilkington, Wagstaff, Greenwood et al., 2012). Les cas d’ulcères de stress diminuent grâce à l’administration prophylactique d’inhibiteurs de la pompe à proton et d’antagonistes des récepteurs H2 de l’histamine chez les clients à risque (Wheinhouse, 2013).

Varices gastro-œsophagiennes

34 Le choc hypovolémique et la défaillance multiorganique sont expliqués dans le cha­ pitre 34, Chocs, sepsie et syndrome de défaillance multiorganique.

Les varices gastro-œsophagiennes sont des vaisseaux sanguins gorgés et distendus situés dans l’œsophage et la partie haute de l’estomac. Elles résultent d’une hypertension portale causée par une cirrhose hépatique (maladie chronique du foie) qui entraîne des lésions aux capillaires sinusoïdes du foie FIGURE 29.1. Sans un bon fonctionnement des sinusoïdes, la résistance au ot sanguin dans les vaisseaux portes augmente et fait grimper les pressions dans le foie. La pression dans les vaisseaux du système porte s’accroît alors (hypertension portale), entraînant la circulation portale des zones de pression élevée du foie vers des

zones adjacentes de pression basse à l’extérieur du foie, comme dans les veines de l’œsophage, de la rate, des intestins et de l’estomac. Les minuscules vaisseaux de la ne paroi de l’œsophage et de la partie supérieure de l’estomac qui reçoivent ce sang dévié n’ont pas la même protection que celle de la muqueuse. Ces vaisseaux se gorgent et se dilatent, formant des varices gastro-œsophagiennes vulnérables aux effets de sécrétions gastriques qui peuvent entraîner une rupture et une hémorragie massive (Stevens, Parsi, Walsh et al., 2009). Le risque de saignement variqueux grimpe avec la gravité de l’affection et le volume des varices ; en général, un saignement survient dans 25 à 30 % des cas dans les 2 ans suivant le diagnostic, et le taux de mortalité à chaque épisode de saignement est de 20 à 30 % (Bamba, Kim, Pedersen et al., 2008 ; Cat & Liu-DeRyke, 2010).

Physiopathologie L’hémorragie digestive aiguë est un trouble potentiellement mortel caractérisé par un saignement massif. Quelle qu’en soit la cause, elle entraîne un choc hypovolémique, un état de choc et le développement d’un syndrome de défaillance multiorganique si elle n’est pas traitée (Huether, 2010) 34 . Cependant, ce qui provoque le plus fréquemment la mort dans les cas d’hémorragie digestive, c’est l’exacerbation d’une maladie sous-jacente comme une insufsance cardiaque ou une cirrhose, et non uniquement la gravité du choc hypovolémique.

Manifestations cliniques et examens paracliniques Le client chez qui survient une hémorragie digestive aiguë présente d’abord un choc hypovolémique, qui dépend de la quantité de sang perdu (Huether, 2010) TABLEAU 29.1. Une hématémèse (vomissement de sang rouge vif ou brun et qui a l’apparence du marc de café), des fèces sanglantes (selles rouge vif) et du méléna (selles noires, d’aspect goudronneux ou rouge foncé) sont également caractéristiques d’une hémorragie digestive (Ghassemi et al., 2009 ; Jessee, 2010).

Hématémèse

FIGURE 29.1

Varices associées à l’hypertension portale. Veine porte, ses principales branches collatérales et anastomoses les plus importantes (veines collatérales) entre les systèmes porte et cave.

892

Partie 6

Système gastro-intestinal

Chez une personne qui vomit du sang, la source du saignement se situe habituellement en amont de la jonction duodéno-jéjunale (ou ligament de Treitz) : il s’agit d’un saignement digestif haut. Un saignement digestif bas, en aval de cette zone, réussit rarement à inverser le péristaltisme pour entraîner une hématémèse. Celle-ci peut être rouge vif ou avoir l’apparence du marc de café, selon la quantité de contenu gastrique au moment du saignement et le temps durant lequel le sang a été en contact avec les sécrétions gastriques. L’acide gastrique transforme l’hémoglobine rouge vif en hématine brune, ce qui explique l’apparence de marc de café du vomissement. Inversement, un vomissement rouge vif est le résultat d’un saignement abondant ayant eu peu de contact avec les sécrétions gastriques (Goldman & Schafer, 2012).

TABLEAU 29.1

Classication clinique des hémorragies

CATÉGORIE

PERTE SANGUINE

SIGNES ET SYMPTÔMES CLINIQUES

1

≤ 15 %

• Appréhension • Fréquence du pouls : normale ou < 100 pulsations/min (en position couchée) • Temps de remplissage capillaire < 3 sec. • Hypotension orthostatique • Diurèse : normale (30-35 ml/h)

2

15-30 %

• • • • • •

Fréquence du pouls : élevée (> 100 pulsations/min) Amplitude de la pulsation : faible ou lante Temps de remplissage capillaire : lent Pression artérielle (P.A.) : normale (en position couchée) Tachypnée Diurèse : réduite (25-30 ml/h)

3

30-40 %

• • • • • •

Confusion Peau : froide, pâle, cyanosée Fréquence du pouls : ≥ 120 pulsations/min (en position couchée) Hypotension (P.A. systolique < 100 mm Hg) Hyperventilation Diurèse : oligurie (5-15 ml/h)

4

≥ 40 %

• • • •

Confusion, léthargie Fréquence du pouls : ≥ 140 pulsations/min Hypotension importante Diurèse minimale ou anurie

Source : Adapté de Klein (1990)

Fèces sanglantes et méléna

Résultats des examens paracliniques

La présence de sang dans le tube digestif augmente le péristaltisme et cause la diarrhée. Les fèces, ou selles, sanglantes sont causées par une hémorragie digestive basse massive et, si elles sont particulièrement rapides, elles peuvent résulter d’une hémorragie digestive haute. Le méléna survient au cours de la digestion de sang provenant d’une hémorragie digestive haute et peut prendre plusieurs jours à s’éliminer après l’arrêt du saignement.

Pour isoler et traiter la source du saignement, le médecin procède d’abord à un examen endoscopique d’urgence dans les 24 premières heures (Huang, Fisher, Ben-Menachem et al., 2012). Avant l’examen, il faut stabiliser le client sur le plan hémodynamique (Sudheendra, Vendrux, Noor et al., 2011). En cas de saignement digestif bas, d’autres examens peuvent être prescrits par le médecin comme une angiographie par tomodensitométrie (TDM), une scintigraphie aux globules rouges marqués, si elle est disponible, ou les deux an d’aider à circonscrire et à traiter une lésion sanglante lorsque le saignement ne peut pas être visualisé clairement ou que l’état du client ne lui permet pas de subir une coloscopie (Cherian, Mehta, Kalyanpur et al., 2009 ; Goldman & Schafer, 2012 ; Scottish Intercollegiate Guidelines Network [SIGN], 2008 ; University of Pennsylvania Health System [UPHS], 2009).

Résultats des analyses de laboratoire Les analyses de laboratoire peuvent aider à déterminer l’ampleur du saignement, bien que les taux d’hémoglobine et d’hématocrite soient de mauvais indicateurs de la gravité de l’hémorragie quand le saignement est aigu. Étant donné que du sang complet est perdu, le plasma et les globules rouges sont perdus dans les mêmes proportions ; ainsi, si l’hématocrite est de 45 % avant un saignement, il sera de 45 % plusieurs heures après celui-ci (Huether, 2010). La redistribution du plasma de l’espace extravasculaire vers l’espace intravasculaire peut nécessiter de 24 à 72 heures avant d’entraîner une diminution du taux d’hémoglobine et d’hématocrite (Goldman & Schafer, 2012).

29

Traitements médicaux Pour prévenir les ulcères de stress et réduire la mortalité associée à l’hémorragie digestive aux soins intensifs, il faut déceler tôt les personnes à risque et intervenir rapidement pour réduire l’acidité gastrique et soutenir les mécanismes de défense de la Chapitre 29

Troubles gastro-intestinaux et approche thérapeutique

893

19 Dans le chapitre 19, Troubles respiratoires, la pneumonie nosocomiale est traitée plus en détail.

muqueuse gastrique. Le traitement des personnes à risque d’hémorragie digestive doit comprendre une administration prophylactique d’agents pharmacologiques neutralisant les acides gastriques. Ces agents comprennent les inhibiteurs de la pompe à protons, les antagonistes des récepteurs H2 de l’histamine, les agents cytoprotecteurs et les antiacides (Ghassemi et al., 2009 ; Jairath & Barkun, 2011). Bien que le traitement prophylactique soit efcace pour prévenir l’hémorragie secondaire à un ulcère de stress, il peut accroître la vulnérabilité du client à la pneumonie nosocomiale en raison de l’augmentation du pH gastrique (Wheinhouse, 2013) 19 . La prévention du saignement des varices gastro-œsophagiennes passe par l’administration de bêtabloquants sur une base régulière, la pose d’un shunt intrahépatique portosystémique transjugulaire (transjugular intrahepatic portosystemic shunt [TIPS]) et la sclérothérapie par élastique, et ce, bien avant l’apparition des symptômes (Garcia-Tsao, Sanyal, Grace et al., 2007). Lorsqu’une hémorragie digestive survient, les interventions à exécuter en priorité comprennent la protection des voies respiratoires, la réanimation liquidienne pour rétablir la stabilité hémodynamique, le traitement des affections concurrentes (p. ex., la coagulopathie), les examens paracliniques pour établir la cause exacte du saignement et les interventions médicales et chirurgicales pour réduire ou arrêter celui-ci (Ghassemi et al., 2009 ; Sudheendra et al., 2011).

Stabilisation hémodynamique

20 Les principes thérapeuti­ ques ainsi que les modes d’administration de l’oxy­ génothérapie sont expli­ qués dans le chapitre 20, Approche thérapeutique du système respiratoire.

La priorité initiale du traitement de l’hémorragie digestive consiste à restaurer un volume sanguin sufsant pour traiter ou prévenir le choc. Pour ce faire, le médecin prescrit une perfusion intraveineuse (I.V.) de cristalloïdes isotoniques (NaCl 0,9 % ou solution de lactate Ringer) et de produits sanguins (Jairath & Barkun, 2011). Ces derniers sont administrés en suivant le protocole d’hémorragie massive, s’il y a lieu, et en tenant compte de l’âge, de la condition et du taux d’hémoglobine du client. Idéalement, un taux d’hémoglobine de 70 à 90 g/L est visée en l’absence de pathologie ischémique cardiaque (Barkun, Bardou, Kuipers et al., 2010). Un monitorage hémodynamique peut guider le remplacement liquidien, particulièrement chez les personnes à risque d’insufsance cardiaque (Huether, 2010). Le médecin entreprend une oxygénothérapie d’appoint pour augmenter l’oxygénation et améliorer la perfusion tissulaire (Huether, 2010 ; Jairath & Barkun, 2011) 20 . L’insertion d’une sonde nasogastrique de gros calibre permet de conrmer le diagnostic de saignement actif, de faciliter le lavage gastrique s’il est demandé, de diminuer le risque d’aspiration et de préparer l’œsophage, l’estomac et le duodénum proximal à une évaluation endoscopique (Ghassemi et al., 2009).

Arrêt du saignement Les interventions visant à arrêter le saignement arrivent au deuxième rang dans la priorité de traitement de l’hémorragie digestive.

894

Partie 6

Système gastro-intestinal

| Ulcères peptiques | Chez le client ayant une hémorragie digestive associée à un ulcère peptique, il est possible de restaurer l’hémostase par une injection endoscopique en association avec la coagulation thermique ou la pose de clips hémostatiques (Huang et al., 2012). L’injection endoscopique, décrite dans la deuxième section de ce chapitre, fait appel à divers agents pharmacologiques comme une solution saline hypertonique, l’adrénaline, l’éthanol et des agents sclérosants pour induire une constriction localisée du vaisseau qui saigne. De plus, le traitement endoscopique peut faire appel à la chaleur pour cautériser le vaisseau qui saigne (coagulation thermique) ou pour larguer un clip, qui saisit une quantité de tissu dont provient le saignement, puis se referme an de l’arrêter (pose de clips hémostatiques) (Schubert, 2010). Pendant l’artériographie, en radiologie, il est également possible de pratiquer une perfusion intraartérielle de vasopressine (PressynMD) dans l’artère gastrique ou une injection intra-artérielle d’un agent d’embolisation (p. ex., du GelfoamMD, des particules d’alcool polyvinylique, des spirales de platine) pour arrêter le saignement après la découverte de sa source (si l’expertise de radiologie interventionnelle est disponible dans l’établissement) (Goldman & Schafer, 2012). | Ulcères de stress | Une hémorragie digestive causée par un ulcère de stress est traitée de la même façon qu’en cas d’ulcère peptique. Toutefois, l’avantage d’utiliser des traitements endoscopiques est minime en raison de la nature diffuse de l’affection (Goldman & Schafer, 2012). | Varices gastro-œsophagiennes | En cas d’hémorragie variqueuse aiguë, il est d’abord possible de réduire le saignement à l’aide d’agents pharmacologiques et de traitements endoscopiques. L’administration I.V. d’octréotide (SandostatineMD) peut réduire la pression dans la veine porte et ralentir l’hémorragie variqueuse en induisant une constriction du lit artériolaire splanchnique (Cat & Liu-DeRyke, 2010). De plus, la ligature endoscopique des varices, l’application de colle (N-butyl-2-cyanoacrilate) ainsi que la sclérothérapie endoscopique par injection sont des interventions endoscopiques fréquemment utilisées (Yoshida, Mamada, Taniai et al., 2012). La ligature endoscopique consiste à installer des élastiques autour des varices pour créer une obstruction qui arrête le saignement. La sclérothérapie endoscopique réduit le saignement par l’injection d’un produit sclérosant à l’intérieur ou autour des varices. Toutefois, cette injection provoque une réaction inammatoire qui induit une vasoconstriction et entraîne la formation d’une thrombose veineuse (Opio & Garcia-Tsao, 2011). Si ces premiers traitements échouent, un TIPS, décrit dans la deuxième section de ce chapitre, peut s’avérer nécessaire. Cette technique consiste à créer un canal entre le système veineux général et le système porte pour dévier le sang du système porte vers la grande circulation, réduisant ainsi l’hypertension

portale et la pression dans les varices pour maîtriser le saignement, mais aussi pour en prévenir la réapparition (Opio & Garcia-Tsao, 2011 ; Yoshida et al., 2012) FIGURE 29.2. Lorsque les interventions endoscopiques et le TIPS sont insufsants pour maîtriser l’hémorragie, le médecin peut décider d’appliquer une pression au site du saignement au moyen d’un tube de Sengstaken-Blakemore ou d’un tube de Minnesota. Il est alors préférable d’intuber le client an de protéger ses voies respiratoires. Avant d’insérer la sonde, l’inrmière vérie si les ballonnets gastrique et œsophagien de la sonde sont fonctionnels et les immerge dans l’eau pour s’assurer qu’il n’y a pas de fuite d’air. Le client est couché sur le dos, et la tête du lit est élevée à 30 à 45°. Ensuite, le médecin insère la sonde bien lubriée dans l’estomac jusqu’à au moins 50 cm, gone le ballonnet gastrique avec 50 ml d’air. Il vérie la position du tube en aspirant le contenu de l’estomac, en injectant de l’air tout en écoutant au stéthoscope au niveau de l’estomac, puis il conrme la position par une radiographie. Il ajoute 200 ml d’air au ballonnet gastrique, car la capacité de celui-ci est d’environ 250 ml. Le médecin clampe le ballonnet gastrique, puis il applique doucement une tension sur le tube, et ce, jusqu’à ce qu’il sente une résistance, et il xe la sonde solidement à la narine avec un bouchon qui agit à la manière d’un frein. Si le saignement persiste après avoir goné le ballonnet gastrique, le médecin gone alors le ballonnet œsophagien avec environ 50 à 70 ml d’air. La pression exercée sur celui-ci devrait être d’environ 25 mm Hg et ne doit pas excéder de 30 à 45 mm Hg an d’éviter une nécrose ou une rupture de l’œsophage. Si le saignement s’arrête, la pression peut être réduite de 5 mm Hg. Si le saignement reprend, la pression est augmentée de 5 mm Hg. La sonde peut être laissée en place de 24 à 48 heures. Les ballonnets sont dégonés toutes les 12 heures pour vérier si le saignement est arrêté. Le tube lui-même est irrigué toutes les heures ou toutes les deux heures an d’éviter l’obstruction, et une marque est ajoutée au tube à la sortie de la bouche ou de la narine pour reconnaître tout déplacement du tube (Bajaj & Sanyal, 2013).

Intervention chirurgicale Une instabilité hémodynamique qui persiste peut nécessiter une intervention chirurgicale urgente, mais il est nécessaire d’avoir déterminé la provenance du saignement au préalable (Strate, 2013). | Ulcères peptiques | Dans une minorité de cas d’ulcères peptiques, une intervention chirurgicale s’impose pour arrêter le saignement (Garcia-Tsao & Bosch, 2010). L’intervention de choix est la vagotomie et la pyloroplastie. La vagotomie consiste à sectionner le nerf vague innervant l’estomac, ce qui élimine le stimulus autonome vers les cellules gastriques et réduit la production d’acide chlorhydrique. Étant donné que le nerf vague stimule

FIGURE 29.2 Emplacement anatomique du shunt intrahépatique portosystémique transjugulaire.

également la motilité, une pyloroplastie assure la vidange gastrique (Lundell, 2011). | Ulcères de stress | En raison de la prophylaxie pratiquée contre les ulcères de stress, l’incidence des hémorragies associées à ces lésions a diminué de façon marquée (Jairath & Barkun, 2011). | Varices gastro-œsophagiennes | Si le traitement médical échoue et si l’installation par angiographie d’un TIPS ne peut être effectuée dans l’établissement, le client doit être transféré dans l’un des centres qui l’offrent, car ce traitement est beaucoup moins effractif qu’une chirurgie. Celle-ci joue d’ailleurs un rôle très limité puisque les traitements endoscopiques s’avèrent efcaces dans 90 % des cas d’hémorragie variqueuse aiguë (Garcia-Tsao & Bosch 2010). Une stratégie chirurgicale optionnelle consiste en d’autres interventions de dérivation du ot sanguin de la veine porte pour réduire la pression et rediriger le sang loin du foie. Cela contribue à réduire le moment d’apparition des varices œsophagiennes, mais augmente le risque d’encéphalopathie hépatique (Garcia-Tsao, Sanyal, Grace et al., 2007). Ces interventions de dérivation sont rarement utilisées au Québec.

29

Soins et traitements inrmiers L’inrmière considère tous les clients en situation critique de santé comme étant vulnérables aux ulcères de stress et, par conséquent, aux hémorragies digestives. Ainsi, un traitement prophylactique qui consiste à maintenir le pH gastrique entre 3,5 et 4,5 contribue à prévenir les saignements (Ali & Harley, 2009). De plus, l’inrmière effectue une surveillance des personnes à risque à la recherche de vomissement Chapitre 29

Troubles gastro-intestinaux et approche thérapeutique

895

28 Le chapitre 28, Évaluation clinique du système gastro­ intestinal et examens para­ cliniques, traite en détail de la collecte des données objectives et subjectives auprès d’un client à risque de trouble gastro-intestinal.

A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux problèmes découlant d’une hémorragie digestive aiguë sont détaillés, selon le problème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traite­ ments inrmiers.

rouge vif ou ayant l’apparence de marc de café, de sang dans le liquide drainé de la sonde nasogastrique ainsi que de fèces rouge vif, noires ou rouge foncé (Manning-Dimmit, Dimmit & Wilson, 2005) 28 . Tout signe de saignement doit être rapidement signalé au médecin. Par la suite, les soins et les traitements inrmiers en cas d’hémorragie digestive aiguë sont associés à divers problèmes découlant de la situation de santé du client ENCADRÉ 29.2 A . Les interventions infirmières sont réalisées en interdisciplinarité ENCADRÉ 29.3. Elles comprennent le remplacement du volume liquidien, l’arrêt du saignement, la surveillance des complications, le réconfort et le soutien émotif, et l’enseignement au client et à ses proches FIGURE 29.3.

Remplacer les liquides Les mesures destinées à faciliter le remplacement volumique comprennent l’installation d’un accès I.V. ainsi que l’administration des liquides sous forme

Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 29.2

Hémorragie digestive aiguë

• Décit de compréhension lié à une absence d’exposition préalable à l’information PSTI A.8

• Décit de volume liquidien lié à une perte relative ou absolue PSTI A.9 • Déséquilibre nutritionnel lié à un manque de nutriments exogènes et à une aug­ mentation de la demande métabolique PSTI A.11

• Diminution du débit cardiaque liée à des altérations de la précharge PSTI A.12

• Risque d’aspiration (fausse route) PSTI A.25

• Risque d’infection PSTI A.31 • Sentiment d’impuissance lié à une percep­ tion de manque de contrôle sur la situation actuelle ou sur l’aggravation de la maladie PSTI A.32

• Stratégies d’adaptation familiales pertur­ bées par la situation critique de santé d’un proche malade PSTI A.33

de cristalloïdes isotoniques (NaCl 0,9 % ou solution de lactate Ringer) et des produits sanguins. L’installation de deux cathéters I.V. périphériques de gros calibre est nécessaire pour faciliter l’administration rapide des liquides prescrits (Cappell & Friedel, 2008).

Contribuer à l’arrêt du saignement L’intervention la plus efcace pour arrêter le saignement digestif haut est l’intervention endoscopique ; elle doit être offerte dans un délai de moins de 24 heures (Barkun et al., 2010 ; Laine & Jensen, 2012 ; SIGN, 2008). Une équipe composée d’un médecin endoscopiste et d’une inrmière devrait être disponible pour répondre à ces urgences. Le but est de traiter la lésion, d’établir le niveau de risque du client et d’orienter les soins en conséquence. Le lavage gastrique constitue une autre mesure visant à arrêter le saignement actif haut et à augmenter la visibilité au moment de l’intervention endoscopique. Il permet de diminuer le ot sanguin dans la muqueuse gastrique et d’évacuer le sang de l’estomac. Le lavage gastrique consiste à insérer une sonde nasogastrique de gros calibre dans l’estomac et à l’irriguer avec une solution saline normale ou avec de l’eau jusqu’à ce que la solution rejetée soit d’apparence claire. Il est important de noter avec exactitude les quantités de liquide instillé et de liquide retiré, et ce, pour déterminer le volume réel du saignement (Cappell & Friedel, 2008). Traditionnellement, une solution saline refroidie était de préférence utilisée pour le lavage. Cependant, la recherche a démontré que les liquides à basse température déplacent la courbe de dissociation de l’oxyhémoglobine vers la gauche, diminuent l’oxygénation des organes vitaux et prolongent le temps de saignement et le temps de céphaline activée. De plus, la solution saline refroidie peut aggraver le saignement ; par conséquent, il est préférable d’utiliser de l’eau ou une solution saline à la température ambiante pour le lavage gastrique (Gilbert & Saunders, 1981).

Surveiller les complications Interventions interdisciplinaires ENCADRÉ 29.3

Hémorragie digestive aiguë

• Entreprendre une réanimation liquidienne pour rétablir la stabilité hémodynamique: – cristalloïdes (NaCl 0,9 % ou solution de lactate Ringer) ; – produits sanguins . • Établir la cause du saignement. • Arrêter le saignement : – interventions endoscopiques ; – TIPS ;

896

Partie 6

– administration d’octréotide (SandostatineMD) et de vasopressine (PressynMD) ; – Intervention chirurgicale (dernier recours). • Surveiller les complications : – choc hypovolémique ; – perforation gastrique. • Prodiguer du réconfort et du soutien émotif au client et à ses proches.

Système gastro-intestinal

Il faut constamment surveiller le client à la recherche de signes de perforation gastrique. Bien que cette complication soit rare, une perforation gastrique constitue une urgence chirurgicale. Les signes et les symptômes comprennent une douleur abdominale soudaine, intense et généralisée accompagnée d’une douleur de rebond et d’une rigidité importantes à la palpation. L’inrmière soupçonne une perforation gastrique lorsque la èvre, la leucocytose et la tachycardie persistent malgré un remplacement volumique adéquat (Milosavljevic, Kosti-Milosavljevi, Jovanovi et al., 2011).

Informer le client et ses proches Tôt pendant le séjour au centre hospitalier, il est préférable de renseigner le client et sa famille au sujet de l’hémorragie digestive aiguë ainsi que sur ses

29

FIGURE 29.3 Approche thérapeutique de l’hémorragie digestive.

causes et ses traitements. À l’approche du congé, l’enseignement doit se concentrer sur les interventions nécessaires pour prévenir la réapparition du trouble déclenchant. Si le client fait des abus d’alcool, il faut lui conseiller de cesser sa consommation et l’orienter vers un programme d’aide en la matière ENCADRÉ 29.4.

29.1.2

Pancréatite aiguë

La pancréatite aiguë est une inammation du pancréas entraînant un dysfonctionnement de la glande exocrine et endocrine qui peut également atteindre les tissus environnants, des organes éloignés ou les deux. Elle peut évoluer d’une légère affection spontanément résolue à un processus généralisé caractérisé par une défaillance organique, une septicémie

Chapitre 29

Troubles gastro-intestinaux et approche thérapeutique

897

Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 29.4

Hémorragie digestive aiguë

L’inrmière aborde les sujets suivants : • physiopathologie de l’hémorragie digestive ; • étiologie propre au client ; • modication des facteurs déclenchants ; • prévention de futurs épisodes de saignement ;

Plusieurs organismes ou sites d’intérêt peuvent compléter l’enseignement de l’inrmière : • Fondation canadienne du foie (http ://liver.ca/fr) ; • PasseportSanté.net (www.passeportsante.net/fr) ; • Éduc’alcool (www.educalcool.qc.ca).

34 Le syndrome de réponse inammatoire systémique est décrit plus en détail dans le chapitre 34, Chocs, sepsie et syndrome de défaillance multiorganique.

• importance d’adhérer au traitement ; • changements des habitudes de vie : – gestion du stress ; – modications de l’alimentation ; – arrêt de la consommation d’alcool ; – abandon du tabac.

et la mort. Dans environ 80 % des cas, elle prend la forme bénigne d’une pancréatite interstitielle œdémateuse, alors que dans les autres 20 % des situations, elle évolue en pancréatite nécrosante aiguë grave (Khan, Latif, Eloubeidi et al., 2010). Au Canada, 15 100 cas de pancréatite aiguë sont diagnostiqués chaque année. Le taux de mortalité lié à cette inammation est de 5 %, alors que le taux de mortalité lié à la pancréatite nécrosante aiguë est de 17 % (Teshima, Bridges, Fedora et al., 2012).

Étiologie Les deux principales causes de la pancréatite aiguë sont la migration d’un calcul biliaire et l’alcoolisme (Wang, Gao, Wei et al., 2009). Ensemble, elles sont à l’origine d’environ 80 % des cas de pancréatite aiguë (Goldman & Schafer, 2012). Plutôt variées, les causes moins fréquentes comprennent un trauma chirurgical, une hypercalcémie, la présence de diverses toxines, une ischémie, des infections et la prise de certains médicaments ENCADRÉ 29.5. Dans près de 20 % des cas de pancréatite aiguë, il est impossible de déterminer le facteur étiologique (Goldman & Schafer, 2012 ; Khan et al., 2010).

Physiopathologie Dans la pancréatite aiguë, les enzymes digestives normalement inactives s’activent prématurément à

ENCADRÉ 29.5

Causes de la pancréatite aiguë

• Maladie biliaire (calculs, boue, obstruction du conduit cholédoque) • Toxines (alcool éthylique, alcool méthy­ lique, scorpion, venin, parathion) • Tabagisme • Médicaments • Hypercalcémie (hyperparathyroïdie) • Hyperlipidémie • Tumeurs • Infections (bactériennes, virales, parasitaires)

• Trauma (abdominal, chirurgical, endoscopique) • Hypoperfusion • Vasculite • Grossesse • Hypothermie • Dysfonctionnement du sphincter d’Oddi • Maladies auto­immunes • Sténose d’origine ampullaire • Cause idiopathique

Source : Adapté de Goldman & Schafer (2012)

898

Partie 6

Système gastro-intestinal

l’in térieur même du pancréas, ce qui entraîne une autodigestion du tissu pancréatique. L’activation de ces enzymes suit divers mécanismes, dont une obstruction ou une lésion des conduits pancréatiques, une altération du processus sécrétoire des cellules acinaires, une infection, une ischémie et d’autres processus inconnus (Huether, 2010 ; Wang et al., 2009). La trypsine est l’enzyme qui s’active la première. Elle amorce le processus d’autodigestion en déclenchant la sécrétion d’enzymes protéolytiques, comme la kallicréine, la chymotrypsine, l’élastase, la phospholipase A et la lipase. La sécrétion de kallicréine et de chymotrypsine augmente la perméabilité de la membrane des capillaires, ce qui entraîne la fuite du liquide dans l’espace interstitiel et la formation d’un œdème et d’une hypovolémie relative. L’élastase est l’enzyme la plus nuisible quant aux lésions inigées aux cellules. Elle dissout les bres élastiques des vaisseaux sanguins et des canaux, provoquant une hémorragie. La phospholipase A, en présence de bile, détruit les phospholipides des membranes cellulaires, causant une pancréatite grave et une nécrose des tissus adipeux. La lipase pénètre dans le tissu lésé et est absorbée dans la grande circulation, ce qui entraîne une stéatonécrose du pancréas et des tissus environnants (Huether, 2010 ; Muniraj, Gaijendran, Thiruvengadam et al., 2012). L’ampleur des lésions aux cellules pancréatiques détermine le type de pancréatite aiguë. Si les lésions à ces cellules sont légères et sans nécrose, la pancréatite sera de type œdémateux. Les cellules acinaires paraissent alors structurellement intactes ; les petits capillaires et les veinules maintiennent le ot sanguin. Cette forme de pancréatite aiguë évolue spontanément vers la guérison. Si les lésions aux cellules pancréatiques s’avèrent importantes, une pancréatite nécrosante aiguë se développe (Muniraj et al., 2012 ; Tonsi, Bacchion, Crippa et al., 2009). Dans ce cas, la destruction cellulaire entraîne une libération d’enzymes toxiques et de médiateurs inammatoires dans la grande circulation, provoquant des lésions aux vaisseaux et à des organes éloignés du pancréas ; cette situation peut provoquer le syndrome de réponse inammatoire systémique, le syndrome de défaillance multiorganique, voire la mort (Goldman & Schafer, 2012 ; Wang et al., 2009) 34 . Les lésions localisées des tissus entraînent une infection, un abcès et la formation d’un pseudo-kyste, une rupture du conduit pancréatique ainsi qu’une hémorragie et un choc graves (Goldman & Schafer, 2012).

Manifestations cliniques et examens paracliniques Les manifestations cliniques de la pancréatite aiguë varient de légères à graves et ressemblent souvent à celles d’autres troubles ENCADRÉ 29.6. L’apparition soudaine d’une douleur abdominale, les nausées et les vomissements en sont les symptômes caractéristiques (Goldman & Schafer, 2012 ; Muniraj et al., 2012 ; Tonsi et al., 2009). D’autres manifestations cliniques peuvent inclure la diaphorèse, une faiblesse, la

tachypnée, l’hypotension, la tachycardie et la èvre. Selon la quantité de liquide perdu et d’hémorragie, le client peut également présenter des signes de choc hypovolémique (Goldman & Schafer, 2012 ; Muniraj et al., 2012). La douleur des régions épigastrique à périombilicale peut varier de légère et tolérable à intense et invalidante. De nombreuses personnes disent éprouver une sensation de torsion ou de coup de couteau qui irradie vers le bas du dos. Elles peuvent obtenir un certain soulagement en se penchant vers l’avant ou en adoptant une position semi-fœtale.

Observations au cours de l’examen physique L’évaluation physique révèle habituellement des bruits abdominaux très faibles ainsi qu’une sensibilité, une défense, un ballonnement et un tympanisme abdominaux. Les observations qui peuvent indiquer une hémorragie pancréatique comprennent le signe de Turner (décoloration gris-bleu des ancs) et le signe de Cullen (décoloration de la région ombilicale). Cependant, ces signes demeurent rares et apparaissent habituellement plusieurs jours après la survenue de la maladie (Goldman & Schafer, 2012). Une masse abdominale palpable indique la présence d’un pseudo-kyste ou d’un abcès (Goldman & Schafer, 2012).

Résultats des analyses de laboratoire Les résultats des analyses de laboratoire révèlent habituellement des concentrations élevées d’amylase et de lipase sériques. La lipase sérique est plus particulière au pancréas que l’amylase, de sorte qu’elle constitue un marqueur plus exact de la pancréatite aiguë. L’amylase est en effet présente dans d’autres tissus de l’organisme, et d’autres troubles (p. ex., des urgences intra-abdominales, une insufsance rénale, un traumatisme des glandes salivaires, une maladie hépatique) peuvent en élever les concentrations. Contrairement à d’autres enzymes sériques, l’amylase est excrétée dans l’urine, et sa clairance augmente en cas de pancréatite aiguë. Une comparaison des taux d’amylase urinaire et sérique doit être envisagée à la lumière de la clairance de la créatinine. Le taux d’amylase sérique peut être élevé pendant trois à cinq jours seulement ; si la personne ne consulte pas tôt, l’analyse peut alors indiquer un taux normal (résultat faux négatif). Un indicateur de gravité peut être établi avec un taux de protéine C-réactive sérique (Chernecky & Berger, 2008 ; Goldman & Schafer, 2012). Une leucocytose, une hypocalcémie, une hyperglycémie et une hypoalbuminémie peuvent également être présentes (Chernecky & Berger, 2008 ; Goldman & Schafer, 2012 ; Wang et al., 2009) TABLEAU 29.2.

Résultats des examens paracliniques Les examens paracliniques comprennent, entre autres, une échographie abdominale visant à établir la présence de calculs biliaires ENCADRÉ 29.7. La TDM avec injection de contraste est considérée comme la référence pour le diagnostic de la pancréatite et l’établissement du degré général de l’inammation et de la nécrose pancréatiques (Goldman & Schafer, 2012 ; Tonsi et al., 2009).

ENCADRÉ 29.6

Manifestations cliniques de la pancréatite aiguë

MANIFESTATIONS DE LÉGÈRES À MODÉRÉES

• • • • • • • •

Douleur Nausées Vomissements Fièvre Ballonnement abdominal Réaction de défense abdominale Tympanisme abdominal Bruits intestinaux faibles ou absents

MANIFESTATIONS GRAVES

• • • • •

Signes péritonéaux Ascite Ictère Masse abdominale palpable Signe de Turner (ecchymoses apparaissant sur les ancs en 24 à 48 heures) • Signe de Cullen (ecchymoses apparaissant autour de l’ombilic en 24 à 48 heures) • Signes de choc hypovolémique

Source : Adapté de Krumberger (1993)

Collecte des données TABLEAU 29.2

Analyses de laboratoire pour la pancréatite aiguë

ANALYSE DE LABORATOIRE

RÉSULTAT EN CAS DE PANCRÉATITE

Amylase sérique

Élevée

Isoamylase sérique

Élevée

Amylase urinaire

Élevée

Lipase sérique (si disponible)

Élevée

Triglycérides sériques

Élevées

Protéine C-réactive sérique

Élevée

Glucose

Élevé

Calcium

Diminué

Magnésium

Diminué

Potassium

Diminué

Albumine

Diminuée ou élevée

Numération leucocytaire

Élevée

Bilirubine

Possiblement élevée

Enzymes hépatiques

Possiblement élevées

aPTT ou rapport normalisé international (RNI)

Prolongé

Gaz sanguins artériels (GSA)

Hypoxémie, acidose métabolique

29

Source : Adapté de Krumberger (1993)

Indices pronostiques Il existe plusieurs systèmes d’indices pronostiques pour prédire la gravité d’une pancréatite aiguë. Ainsi, le score APACHE-II, utilisé à l’admission au centre hospitalier puis quotidiennement pendant les trois jours suivants, permet de distinguer la forme légère Chapitre 29

Troubles gastro-intestinaux et approche thérapeutique

899

Collecte des données ENCADRÉ 29.7

• • • •

Examens paracliniques pour la pancréatite aiguë

Échographie abdominale TDM Imagerie par résonance magnétique Cholangiopancréatographie rétrograde endoscopique (CPRE)

• Radiographies abdominales (plaque simple en position debout ou en décubitus) • Radiographies thoraciques (postéroantérieure et latérale)

Source : Adapté de Krumberger (1993)

7 L’administration d’une alimentation entérale est détaillée dans le chapitre 7, Altérations et gestion de l’état nutritionnel.

de la forme grave de la pancréatite aiguë (Banks & Freeman, 2006) TABLEAU 29.3. Si le score APACHE-II est supérieur à 8, le risque de mortalité se situe entre 11 et 18 %. Si le score augmente dans les 48 premières heures de l’hospitalisation, cela suggère une forme grave de pancréatite aiguë. De plus, l’hématocrite sérique est dosé à l’admission, puis 12 et 24 heures après celle-ci (Banks & Freeman, 2006). Un taux d’hématocrite égal ou supérieur à 44 et qui ne diminue pas pendant les 24 premières heures suggère également une forme grave de pancréatite aiguë. La reconnaissance rapide d’une forme grave de pancréatite permet de diriger le client dès le début vers les soins qu’il requiert.

Traitements médicaux 19 Le SDRA est décrit plus en détail dans le chapitre 19, Troubles respiratoires.

Les traitements initiaux en cas de pancréatite aiguë grave comprennent le remplacement adéquat des liquides et des électrolytes, le soutien nutritionnel et la correction des changements métaboliques (Munsell & Buscaglia, 2010). Un monitorage étroit à l’affût de complications généralisées ou localisées est essentiel.

Maintien de l’équilibre liquidien Étant donné que la pancréatite est souvent associée à d’importants dérèglements liquidiens, le médecin prescrit sur-le-champ des cristalloïdes isotoniques (NaCl 0,9 %, solution de lactate Ringer) par voie I.V., et ce, de manière agressive (250-300 ml/h pendant les 48 premières heures) pour prévenir un choc hypovolémique et maintenir la stabilité hémodynamique (Munsell & Buscaglia, 2010). L’inrmière surveille étroitement les électrolytes, et le médecin corrige les anomalies, comme l’hypocalcémie, l’hypokaliémie et l’hypomagnésémie (Muniraj et al., 2012). Si une hyperglycémie apparaît, l’administration d’insuline exogène peut être requise.

Soutien nutritionnel Si le client atteint de pancréatite aiguë ne reçoit pas d’alimentation par voie orale durant plus de cinq à sept jours, le médecin devrait lui prescrire un soutien entéral, ou parentéral s’il ne tolère pas la nutrition entérale, ou lorsque les objectifs nutritionnels ne

900

Partie 6

Système gastro-intestinal

sont pas réalisés dans les deux jours (Al-Omran, Albalawi, Tashkandi et al., 2010 ; ASPEN Board of Directors and the Clinical Guidelines Task force, 2009 ; Banks & Freeman, 2006 ; Moraes, Felga, Chebli et al., 2010 ; Muniraj et al., 2012 ; Siow, 2008). L’alimentation entérale est désormais privilégiée, car elle est associée à moins de complications septiques et métaboliques que les autres méthodes (Banks & Freeman, 2006 ; Moraes et al., 2010 ; Siow, 2008) 7 . De plus, l’alimentation entérale améliore la modulation du système immunitaire, entretient la barrière intestinale, prévient les complications systémiques et réduit la mortalité. L’évaluation du soutien nutritionnel requis devrait se faire trois ou quatre jours après le début de la maladie. Dans le passé, l’aspiration nasogastrique était également recommandée, mais les bienfaits de cette intervention n’ont jamais été démontrés de sorte qu’elle devrait être mise en place seulement lorsque le client présente des vomissements persistants, une obstruction ou une distension gastrique (Muniraj et al., 2012).

Prévention des complications systémiques Une pancréatite aiguë peut avoir un impact sur tous les systèmes de sorte qu’il est essentiel de déceler les complications systémiques pour traiter le client ENCADRÉ 29.8. Les complications les plus graves sont les suivantes : choc hypovolémique, syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), lésion rénale grave et hémorragie digestive. Le choc hypovolémique résulte d’une hypovolémie relative découlant de la séquestration dans le troisième espace du liquide intravasculaire et d’une vasodilatation provoquée par la libération de médiateurs de l’immunité inammatoire. Ces médiateurs contribuent également au développement du SDRA et des lésions rénales graves 19 . L’épanchement pleural, l’atélectasie et la pneumonie font partie des autres complications pulmonaires possibles (Muniraj et al., 2012).

Prévention des complications localisées Les complications localisées comprennent la formation d’une nécrose pancréatique infectée et d’un pseudo-kyste pancréatique (Chernecky & Berger, 2008 ; Goldman & Schafer, 2012 ; Tonsi et al., 2009). Les parties nécrosées du pancréas peuvent entraîner une infection pancréatique étendue (nécrose pancréatique infectée), qui augmente considérablement le risque de décès. L’administration d’antibiotiques en prophylaxie ne permet pas de réduire la mortalité chez les personnes soupçonnées d’avoir une pancréatite nécrosante (Dellinger, Tellado, Ashley et al., 2007). L’administration I.V. d’antibiotiques ne doit pas être utilisée en prophylaxie, sauf si la présence d’une septicémie, d’un abcès ou de calculs biliaires est évidente (Muniraj et al., 2012). Cependant, en cas de nécrose infectée, un débridement chirurgical s’impose (Wang et al., 2009). La technique de choix est une nécrosectomie minimalement effractive, qui

Collecte des données TABLEAU 29.3

Score Apache II de gravité de la pancréatite aiguë

CRITÈRE

SCORE

Points attribués

Évaluation physiologique

+4

+3

+2

+1

0

+1

+2

+3

+4

1. Température rectale (°C)

≥ 41

39-40,9

s.o.

38,5-38,9

36-38,4

34-35,9

32-33,9

30-31,9

≤ 29,9

2. P.A. moyenne (mm Hg)

≥ 160

130-159

110-129

s.o.

70-109

s.o.

50-69

s.o.

≤ 49

3. Fréquence cardiaque (batt./min)

≥ 180

140-179

110-139

s.o.

70-109

s.o.

55-69

40-54

≤ 39

4. Fréquence respiratoire (R/min)

≥ 50

35-49

s.o.

25-34

12-24

10-11

6-9

s.o.

≤5

5. Oxygénation Si FiO2 > 50 %, utiliser le gradient A-a (mm Hg).

≥ 500

350-499

200-349

s.o.

≤ 200

s.o.

s.o.

s.o.

s.o.

s.o.

s.o.

s.o.

s.o.

> 70

61-70

s.o.

55-60

< 55

s.o.

s.o.

s.o.

s.o.

> 70

61-70

s.o.

55-60

< 55

7. pH artériel

≥ 7,7

7,6-7,69

s.o.

7,5-7,59

7,33-7,49

s.o.

7,25-7,32

7,15-7,24

≤ 7,15

8. Sodium sérique (mmol/L)

≥ 180

160-179

155-159

150-154

130-149

s.o.

120-129

111-119

≤ 110

≥7

6-6,9

s.o.

5,5-5,9

3,5-5,4

3-3,4

2,5-2,9

s.o.

< 2,5

10. Créatinine sérique (µmol/L) (doubler le score en cas d’insufsance rénale aigue)

≥ 305

170-304

130-169

s.o.

54-129

s.o.

< 54

s.o.

s.o.

11. Hématocrite (%)

> 60

s.o.

50-59,9

46-49,9

30-45,9

s.o.

20-29,9

s.o.

< 20

12. Numération leucocytaire (109/L)

> 40

s.o.

20-39,9

15-19,9

3-14,9

s.o.

1-2,9

s.o.

≤1

Si FiO2 < 50 %, utiliser la PaO2 (mm Hg). 6. Pression partielle d’oxygène (mm Hg)

9. Potassium sérique (mmol/L)

Âge

Points attribués

≤ 44 ans

0

45-54 ans

+2

55-64 ans

+3

65-74 ans

+5

≥ 75 ans

+6

Antécédents de défaillance orga­ nique grave ou immunodépression

Points attribués

Client non opérable

+5

Client ayant été opéré en urgence

+5

Client ayant subi une chirurgie élective

+2

29

s.o. : sans objet. Source : Adapté de Knaus, Draper, Wagner et al. (1985)

Chapitre 29

Troubles gastro-intestinaux et approche thérapeutique

901

ENCADRÉ 29.8

Complications possibles de la pancréatite aiguë

COMPLICATIONS RESPIRATOIRES

• • • • • •

• Psychose • Encéphalopathie et coma

Hypoxémie précoce Épanchement pleural Atélectasie Inltration pulmonaire SDRA Abcès médiastinal

COMPLICATIONS OPHTALMIQUES

• Rétinopathie de Purtscher (cécité soudaine) COMPLICATIONS DERMATOLOGIQUES

• Adiponécrose sous-cutanée

COMPLICATIONS CARDIOVASCULAIRES

• Hypotension et choc • Épanchement péricardique • Modication du segment ST et de l’onde T COMPLICATIONS RÉNALES

• Néphrite interstitielle aiguë • Oligurie • Thrombose de l’artère ou de la veine rénale COMPLICATIONS HÉMATOLOGIQUES

• Coagulation intravasculaire disséminée • Thrombocytose • Hyperbrinogénémie COMPLICATIONS ENDOCRINIENNES

• Hypocalcémie • Hypertriglycéridémie • Hyperglycémie

COMPLICATIONS GASTRO-INTESTINALES OU HÉPATIQUES

• • • • • • • • • • • • •

COMPLICATIONS NEUROLOGIQUES

Dysfonctionnement hépatique Ictère obstructif Ulcères de stress Gastrite érosive Iléus paralytique Obstruction duodénale Pseudo-kyste du pancréas Phlegmon du pancréas Abcès du pancréas Ascite pancréatique Infarctus de l’intestin Saignement intrapéritonéal massif Perforation – Estomac – Duodénum – Intestin grêle – Côlon

• Embolie graisseuse Source : Adapté de Muniraj et al. (2012)

liquéfaction d’une collection de suc pancréatique ou d’une obstruction directe du conduit pancréatique principal (ou canal de Wirsung) (Muniraj et al., 2012). Un pseudo-kyste du pancréas peut : 1) se résoudre spontanément ; 2) se rompre, entraînant une péritonite ; 3) éroder un gros vaisseau sanguin, provoquant une hémorragie ; 4) s’infecter, causant un abcès ; 5) envahir des structures voisines, entraînant une obstruction. Le traitement consiste en un drainage du pseudo-kyste par voie chirurgicale, endoscopique ou percutanée (Muniraj et al., 2012 ; Stevens, Lowe & Scott, 2009 ; Wang et al., 2009).

Soins et traitements inrmiers Les soins et les traitements inrmiers du client atteint d’une pancréatite aiguë peuvent porter sur divers problèmes découlant de sa situation de santé ENCADRÉ 29.9 A . Les interventions inrmières comprennent un soulagement de la douleur et un soutien émotif, la surveillance des complications ainsi que l’enseignement au client et à ses proches. L’inrmière collabore avec l’équipe interdisciplinaire ENCADRÉ 29.10.

Soulager la douleur Le soulagement de la douleur est une grande priorité en cas de pancréatite aiguë. À cette n, l’administration ininterrompue d’analgésiques demeure essentielle. Les analgésiques opioïdes les plus fréquemment utilisés sont la morphine, le fentanyl ou l’hydromorphone (DilaudidMD) (Muniraj et al., 2012). Des techniques de relaxation et la position fœtale peuvent également aider à soulager la douleur.

Surveiller les complications A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux pro­ blèmes découlant d’une pancréatite aiguë sont décrits, selon le problème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traitements inrmiers.

permet un débridement soigné du tissu nécrosé à l’intérieur et autour du pancréas. Un pseudo-kyste du pancréas est une collection de suc pancréatique contenu dans une enveloppe de nature non épithéliale. La formation de kyste peut résulter de la

Il faut systématiquement surveiller le client à la recherche de signes de complications systémiques ou localisées ENCADRÉ 29.8. Un monitorage intensif de chacun des systèmes de l’organisme est impératif parce que la défaillance d’un organe constitue un

Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 29.9

Pancréatite aiguë

• Anxiété liée à une menace contre l’intégrité biologique, psychologique ou sociale PSTI A.6 • Décit de compréhension lié à une absence d’exposition préalable à l’information PSTI A.8 • Décit de volume liquidien lié à une perte relative ou absolue PSTI A.9 • Déséquilibre nutritionnel lié à un manque de nutriments exogènes et à une augmentation de la demande métabolique PSTI A.11

• Diminution du débit cardiaque liée à des altérations de la précharge PSTI A12 • Douleur aiguë liée à la transmission et à la perception d’impulsions cutanées, viscérales, musculaires ou ischémiques PSTI A.14 • Respiration inefcace liée à une diminution de l’expansion pulmonaire PSTI A.23 • Stratégies d’adaptation familiales perturbées par la situation critique de santé d’un proche malade PSTI A.33

902

Partie 6

Système gastro-intestinal

indicateur important de la gravité de la maladie (Goldman & Schafer, 2012). L’inrmière surveille étroitement le client à la recherche de symptômes et de signes d’infection du pancréas, lesquels comprennent une intensication de la douleur et de la sensibilité abdominales, la èvre et une élévation du nombre de globules blancs (Goldman & Schafer, 2012) ENCADRÉ 29.11.

Informer le client et ses proches Tôt pendant l’hospitalisation du client, celui-ci et sa famille doivent recevoir un enseignement sur la pancréatite aiguë, ses causes et son traitement. À l’approche du congé, cet enseignement devrait porter sur les interventions nécessaires pour prévenir le retour du trouble déclencheur. En cas de lésion permanente au pancréas, l’enseignement au client devra porter sur la modication de son alimentation et sur la prise de suppléments d’enzymes pancréatiques. Un enseignement sur le diabète peut également s’avérer nécessaire. Si le client abuse de l’alcool, il faut lui conseiller de cesser sa consommation et l’orienter vers un programme d’aide en la matière ENCADRÉ 29.12.

29.1.3

Insufsance hépatique aiguë

L’insufsance hépatique aiguë est une affection potentiellement mortelle caractérisée par un dysfonctionnement grave et soudain des cellules hépatiques, une coagulopathie et une encéphalopathie hépatique (Foston & Carpentar, 2010). Bien qu’elle demeure rare, l’insufsance hépatique aiguë est associée à un taux de mortalité aussi élevé que 40 %, et elle survient bien souvent chez des personnes n’ayant aucune maladie hépatique préexistante (Foston & Carpentar, 2010). Étant donné que la transplantation du foie est l’un des traitements dénitifs, il faut transférer le client atteint d’une insufsance hépatique aiguë dans une unité de soins critiques et envisager de l’orienter vers un centre médical qui effectue des transplantations (Foston & Carpentar, 2010). Au Québec, par exemple, le Centre hospitalier de l’Université de Montréal et le Centre de santé McGill pratiquent ces interventions.

Interventions interdisciplinaires ENCADRÉ 29.10

• • • •

Pancréatite aiguë

Maintenir le volume circulant adéquat. Fournir un soutien nutritionnel. Corriger les modications métaboliques. Réduire au minimum la stimulation pancréatique.

ENCADRÉ 29.11

Symptômes et signes de l’infection pancréatique

SYMPTÔMES

• Douleur abdominale persistante • Sensibilité abdominale SIGNES

• • • •

• Prodiguer un réconfort et un soutien émotif. • Surveiller les complications. • Être à l’affût de toute défaillance multiorganique.

Fièvre prolongée Ballonnement abdominal Masse abdominale palpable Vomissements

RÉSULTATS DES EXAMENS

• Résultats des analyses de laboratoire – Numération leucocytaire élevée

– Élévation persistante de l’amylase sérique – Hyperbilirubinémie – Taux élevé de phosphatase alcaline – Culture et coloration Gram positives • Résultats de la TDM simple ou de contraste – Inammation ou hypertrophie pancréatique – Nécrose – Lésions kystiques ou expansives – Accumulations liquidiennes – Abcès lié à un pseudo-kyste

Source : Adapté de Krumberger (1993)

Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 29.12

Pancréatite aiguë

L’inrmière aborde les sujets suivants : • physiopathologie de la pancréatite ; • cause propre au client ; • modication des facteurs déclenchants ; • prévention de futurs épisodes ; • importance d’adhérer au traitement ;

• changements des habitudes de vie : – modication de l’alimentation ; – gestion du stress ; – arrêt de la consommation d’alcool ; – contrôle du diabète, au besoin.

29

Étiologie Les causes de l’insufsance hépatique aiguë sont les suivantes : infections, médicaments ou toxines, hypoperfusion, troubles métaboliques et interventions chirurgicales ENCADRÉ 29.13. Cependant, l’hépatite virale et l’intoxication médicamenteuse sont les principales causes de cette affection en Amérique du Nord (Foston & Carpentar, 2010). Les clients étaient habituellement en bonne santé avant l’apparition des symptômes, car l’insufsance hépatique aiguë a tendance à toucher les personnes n’ayant aucun antécédent de maladie hépatique. Il est essentiel d’établir les antécédents complets en matière de médication

et de santé pour déterminer la cause possible de l’insufsance hépatique aiguë. Il faut interroger le client sur les sujets suivants : exposition possible à des toxines environnementales, hépatite, consommation de drogues I.V., antécédents sexuels, hépatite virale, toxicité de médicaments et intoxication. Il faut également envisager d’autres causes d’origines vasculaires, comme une thrombose, une ischémie et le syndrome de Budd-Chiari, ainsi que des troubles métaboliques, comme le syndrome de Reye, la maladie de Wilson, la galactosémie et l’intolérance au fructose (Foston & Carpentar, 2010). Chapitre 29

Plusieurs organismes peuvent compléter l’enseignement de l’inrmière, dont la Fondation canadienne de la santé diges­ tive (www.cdhf.ca/fr) et les Alcooliques Anonymes (www.aa­quebec.org/ AA_Quebec/index.htm).

Troubles gastro-intestinaux et approche thérapeutique

903

ENCADRÉ 29.13

Causes de l’insufsance hépatique aiguë

INFECTIONS

HYPOPERFUSION

• • • • • •

• Obstructions veineuses • Syndrome de Budd-Chiari • Maladie veino-occlusive du foie (obstruction des sinusoïdes) • Ischémie (état de choc)

Hépatite A, B, C, D, E, non A, non B, non C Virus herpes simplex (types 1 et 2) Virus Epstein-Barr Virus varicelle-zona Virus de la dengue Virus de la èvre de la vallée du Rift

MÉDICAMENTS OU TOXINES

• Substances industrielles (hydrocarbures chlorés, phosphore) • Amanita phalloides (champignons) • Aatoxine (mycotoxine produite par des champignons microscopiques) • Médicaments (isoniazide, rifampicine, halothane, méthyldopa, tétracycline, acide valproïque [DepakeneMD], inhibiteurs de la monoamine-oxydase, phénytoïne [DilantinMD], acide nicotinique [NiacinMD, NiaspanMD], antidépresseurs tricycliques, isourane, kétoconazole [NizoralMD], triméthoprime-sulfaméthoxazole [BactrimMD], sulfasalazine, pyriméthamine, octréotide [SandostatinMD]) • Dose toxique d’acétaminophène (TylenolMD) • Cocaïne

TROUBLES MÉTABOLIQUES

• • • •

Maladie de Wilson Tyrosinémie Coup de chaleur Galactosémie

INTERVENTIONS CHIRURGICALES

• Dérivation jéjuno-iléale • Hépatectomie partielle • Échec de la transplantation hépatique AUTRES CAUSES

• • • • •

Syndrome de Reye Stéatose hépatique Stéatose hépatique aiguë gravidique Cancer du foie massif Hépatite auto-immune

Sources : Adapté de Foston & Carpentar (2010) ; Goldberg & Chopra (2013)

Physiopathologie L’insufsance hépatique aiguë est une détérioration de la fonction hépatique apparaissant chez une personne non atteinte de cirrhose ou de maladie hépatique préexistante. Une anomalie de la coagulation (rapport normalisé international [RNI] supérieur à 1,5) est observée et associée à une détérioration de l’état mental (encéphalopathie). L’insufsance hépatique aiguë se différencie de l’insufsance hépatique chronique par une évolution rapide de la maladie, qui se développe en moins de 26 semaines. La cause sous-jacente est une nécrose massive des hépatocytes (Lee, Larson & Stravitz, 2011 ; Mahajan & Lat, 2010). L’insufsance hépatique aiguë entraîne un certain nombre de dérèglements, dont une perturbation de la conjugaison de la bilirubine, une réduction de la production des facteurs de coagulation, une diminution de la synthèse du glucose et une réduction de la clairance du lactate. Ces dérèglements entraînent un ictère, des coagulopathies, une hypoglycémie et une acidose métabolique. Les autres effets de l’insuffisance hépatique aiguë com prennent un risque accru d’infection et une altération du métabolisme des glucides, des protéines et du glucose. L’hypoalbuminémie, un déséquilibre hydroélectrolytique et une hypertension portale aiguë contribuent à la formation d’ascite (Foston &

904

Partie 6

Système gastro-intestinal

Carpentar, 2010). L’encéphalopathie hépatique résulte d’une incapacité du foie à détoxier différentes substances présentes dans le sang et peut être aggravée par un déséquilibre métabolique et électrolytique (Foster, Lin & Turk, 2010). Le client peut présenter une variété d’autres complications, dont un œdème cérébral, des dysrythmies cardiaques, une insufsance respiratoire aiguë et une septicémie. Une insufsance rénale aiguë peut également survenir et avoir diverses causes. Elle peut être secondaire à une hypovolémie (en cas d’hémorragie, de diarrhée, d’administration de diurétiques), à une néphropathie du parenchyme rénal (en cas d’intoxication médicamenteuse), à une infection bactérienne sans choc septique ou à un syndrome hépatorénal (en cas d’intense vasoconstriction de la circulation rénale, d’hypertension portale et de vasodilatation artérielle splanchnique) (Ginès, Fernández, Durand et al., 2012). Une détérioration de la barrière hématoencéphalique et le gonement des astrocytes entraînent la formation d’un œdème cérébral et une élévation de la pression intracrânienne. Une défaillance circulatoire ressemblant à une septicémie est fréquente dans l’insufsance hépatique aiguë et peut aggraver une faible pression de perfusion cérébrale (Ginès et al., 2012). L’hypoxémie, l’acidose, le déséquilibre électrolytique et l’œdème cérébral peuvent précipiter le déclenchement de dysrythmies cardiaques. Une insuffisance respiratoire aiguë, évoluant vers un SDRA, un shunt pulmonaire, une perturbation de l’équilibre ventilation-perfusion, une septicémie et une aspiration peuvent être attribués à l’hypoxémie artérielle (Ginès et al., 2012).

Manifestations cliniques et examens paracliniques Il est essentiel de déceler l’insufsance hépatique aiguë de façon précoce. La surveillance doit tenir compte d’affections potentiellement réversibles (p. ex., une hépatite auto-immune) et différencier l’insufsance hépatique aiguë de l’insufsance hépatique chronique décompensée. Il faut évaluer les indicateurs pronostiques, comme la profondeur du coma, la bilirubine sérique, le RNI, les facteurs de coagulation ainsi que le pH et rechercher les causes potentielles de leurs variations (Foston & Carpentar, 2010). Les signes et les symptômes de l’insufsance hépatique aiguë sont les suivants : céphalée, hyperventilation, ictère, modications de l’état mental, érythème palmaire, angiomes stellaires, ecchymoses et œdème (Goldberg & Chopra, 2013). Il faut également rechercher la présence d’astérixis, décrit comme une incapacité de maintenir volontairement les membres supérieurs dans une position fixe (Goldberg & Chopra, 2013). L’astérixis se reconnaît par un battement des mains vers le bas lorsque la personne allonge les bras et exécute une dorsiexion des poignets et des doigts en extension. En fonction des manifestations cliniques observées, un système de

cotation permet d’établir le stade de l’encéphalopathie hépatique ENCADRÉ 29.14. Les résultats d’analyses de laboratoire comprennent un RNI élevé ainsi que des taux élevés de bilirubine sérique, d’aspartate aminotransférase (AST), de phosphatase alcaline et d’ammoniaque sérique, mais des taux réduits d’albumine sérique (Mahajan & Lat, 2010). Une analyse des GSA révèle une alcalose respiratoire, une acidose métabolique ou les deux. Une hypoglycémie, une hypokaliémie et une hyponatrémie peuvent également être présentes (Ginès et al., 2012 ; Mahajan & Lat, 2010). Les facteurs I (brinogène), II (prothrombine), V, VII, IX et X sont produits exclusivement par le foie. Le RNI peut s’avérer le plus utile de ces examens pour évaluer l’insufsance hépatique aiguë. Les résultats des analyses révèlent une diminution des taux de plasmine et de plasminogène ainsi qu’une élévation des taux de brine et des produits de dégradation de la brine. La numération plaquettaire peut être inférieure à 100 000 mm3 (Mahajan & Lat, 2010).

Traitements médicaux Les interventions médicales visent la prise en charge des conséquences multiples de l’insufsance hépatique aiguë sur l’organisme.

Réduction de la production d’ammoniaque Les antibiotiques, comme la néomycine, le métronidazole (FlagylMD, NidagelMD) et le lactulose (EuroLacMD, Gen-LacMD), sont des références pour éliminer ou diminuer la production de déchets azotés dans le gros intestin. En effet, ils réduisent la ore bactérienne du côlon. La diminution de l’activité bactérienne sur les protéines des fèces qui en résulte contribue à réduire la production d’ammoniaque alors que le foie n’est plus capable de détoxier l’ammoniaque produite par la digestion des protéines et qu’il la laisse en circulation, ce qui affecte le cerveau. Les effets indésirables de ces médicaments sont une toxicité rénale et une perte de l’ouïe. Le lactulose, un cétoanalogue synthétique du lactose qui se scinde en acide lactique et en acide acétique dans l’intestin, est administré par voie orale au moyen d’une sonde nasogastrique ou comme lavement de rétention. Il s’ensuit la formation d’un environnement acide qui entraîne l’extraction de l’ammoniaque de la circulation porte. Le lactulose a un effet laxatif qui favorise l’évacuation des fèces (Ginès et al., 2012 ; Mahajan & Lat, 2010).

Prévention des complications La prévention est le meilleur moyen d’éviter les saignements. Si une intervention effractive (p. ex., l’installation d’un cathéter veineux central) est prévue ou si un saignement survient, l’administration de doses de vitamine K, de plasma frais congelé (pour maintenir un RNI raisonnable) et de plaquettes s’avère nécessaire (Garcia-Tsao & Bosch, 2010). Les troubles métaboliques, comme une hypoglycémie, une acidose métabolique, une hypokaliémie et une hyponatrémie, doivent faire l’objet d’une surveillance et être traités

ENCADRÉ 29.14

Stades de l’encéphalopathie hépatique

I. Euphorie ou dépression, légère confusion, trouble de l’élocution, perturbation du sommeil, léger astérixis et électroencé­ phalogramme (EEG) normal II. Léthargie, confusion modérée, astérixis marqué et EGG anormal

III. Confusion importante, discours incohérent, client endormi, mais peut être réveillé, astérixis et EEG anormal IV. Coma ; au début, réaction aux stimulus de douleur ; plus tard, aucune réaction ; absence d’astérixis et EEG anormal

Source : Adapté de Foston & Carpentar (2010)

adéquatement. Le médecin prescrit des antibiotiques en prophylaxie lorsque le client est très vulnérable aux infections (Garcia-Tsao & Bosch, 2010). D’autres interventions visant à faire baisser la pression intracrânienne consistent à élever la tête du lit à 30°, à traiter la èvre et l’hypertension intracrânienne, à réduire au minimum les stimulations douloureuses et à corriger l’hypercapnie et l’hypoxémie (Garcia-Tsao & Bosch, 2010). Une insufsance rénale survient chez 70 % des personnes atteintes d’insufsance hépatique aiguë ; les traitements d’hémodialyse procurent alors un soutien rénal (Garcia-Tsao & Bosch, 2010). L’instabilité hémodynamique est une complication fréquente qui nécessite l’administration de liquides et de médicaments vasopresseurs an de prévenir des épisodes prolongés d’hypotension. Un cathéter artériel pulmonaire, ou cathéter Swan-Ganz, peut aider à guider le traitement clinique (Mahajan & Lat, 2010) 13 . Si l’insufsance hépatique aiguë persiste et si le client ne présente aucun signe immédiat d’amélioration ou de récupération, il faut envisager une transplantation hépatique. Un transfert rapide à un centre de transplantation doit être hautement prioritaire dans le cas d’une personne atteinte d’insufsance hépatique aiguë (Foston & Carpentar, 2010 ; Garcia-Tsao & Bosch, 2010).

13 Le monitorage de la pression artérielle pulmonaire est décrit dans le chapitre 13, Examens paracliniques du système cardiovasculaire.

Soins et traitements inrmiers Les soins et les traitements inrmiers prodigués à une personne atteinte d’insufsance hépatique aiguë peuvent porter sur divers problèmes découlant de sa situation de santé ENCADRÉ 29.15 A . Les interventions inrmières comprennent la protection du client contre les chutes et les lésions de pression, la surveillance des complications, le réconfort, le soutien émotif ainsi que l’enseignement au client et à ses proches. Elles sont réalisées en interdisciplinarité ENCADRÉ 29.16.

29 A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux problèmes découlant d’une insufsance hépatique aiguë sont détaillés, selon le pro­ blème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traite­ ments inrmiers.

Protéger le client contre les chutes et les lésions de pression L’état de dénutrition avancé du client atteint d’insufsance hépatique aiguë ainsi que celui de sa peau, qui est souvent sèche, parcheminée et à risque de déchirure, le rend vulnérable aux lésions de pression, lorsqu’il est immobilisé au lit, et aux Chapitre 29

Troubles gastro-intestinaux et approche thérapeutique

905

Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 29.15

Insufsance hépatique aiguë

• Altération de l’état mental liée à une surcharge sensorielle, à une privation sensorielle ou à une perturbation du sommeil PSTI A.1 • Altération de la déglutition liée à une décience neuro­ musculaire, à la fatigue ou à une diminution de l’état de conscience PSTI A.3 • Altération des échanges gazeux liée à un déséquilibre ventilation­perfusion ou à un shunt intrapulmonaire PSTI A.5

• Capacité adaptative intracrânienne diminuée liée à une défaillance des mécanismes compensatoires intracrâniens normaux PSTI A.7 • Décit de compréhension lié à une absence d’exposition préalable à l’information PSTI A.8 • Déséquilibre nutritionnel lié à un manque de nutriments exogènes et à une augmentation de la demande métabolique PSTI A.11

Interventions interdisciplinaires ENCADRÉ 29.16

• • • • •

Insufsance hépatique aiguë

Diminuer les concentrations d’ammoniaque. Arrêter le saignement. Corriger les altérations métaboliques. Prévenir l’infection. Préparer le client à la transplantation hépatique, au besoin.

• Protéger le client des chutes. • Prévenir les lésions de pression. • Surveiller les complications : – œdème cérébral ; – insufsance rénale. • Fournir un réconfort et un soutien émotif.

déchirures de peau, lorsqu’il se déplace et se blesse par inadvertance en heurtant un objet ou au moment du retrait d’un pansement adhésif. L’administration de benzodiazépines et d’autres sédatifs est déconseillée chez une personne atteinte d’insufsance hépatique aiguë parce que ces médicaments peuvent masquer des changements neurologiques pertinents et ainsi exacerber une encéphalopathie hépatique (Ginès et al., 2012). Il est souvent difcile de traiter

Enseignement au client et à ses proches ENCADRÉ 29.17

Insufsance hépatique aiguë

L’inrmière aborde les sujets suivants : • physiopathologie de l’insufsance hépatique aiguë ; • cause propre au client ; • modication des facteurs déclenchants ;

906

Partie 6

• prévention de futurs épisodes ; • importance d’adhérer au traitement ; • changements des habitudes de vie : – modication de l’alimentation ; – arrêt de la consommation d’alcool.

Système gastro-intestinal

• Diminution du débit cardiaque liée à des altérations de la précharge PSTI A.12 • Diminution du débit cardiaque liée à des modications de la fréquence ou du rythme cardiaque PSTI A.12 • Respiration inefcace liée à une diminution de l’expansion pulmonaire PSTI A.23 • Perturbation de l’image de soi découlant d’un changement dans la structure, les fonctions ou l’apparence du corps PSTI A.24

• Risque d’infection PSTI A.31 • Stratégies d’adaptation familiales perturbées par la situation critique de santé d’un proche malade PSTI A.33

ce type de clients parce qu’ils peuvent éprouver de la difculté à se rappeler les consignes, être désorientés et parfois extrêmement agités ou combatifs (Ginès et al., 2012). Une surveillance constante peut être requise et, s’il y a lieu, le recours à une mesure de contention physique peut s’avérer utile pour prévenir les chutes, dont les conséquences pourraient se révéler beaucoup plus graves en raison d’anomalies de la coagulation.

Surveiller les complications L’inrmière observe la uctuation des signes d’encéphalopathie dans le temps. Elle vérie également la présence d’astérixis en demandant au client d’allonger les mains et les poignets en extension devant elle. Si elle observe un tremblement lorsque le poignet est mis en extension, il s’agit d’une anomalie motrice, car le client ne peut maintenir la position, et ses mains battent comme les ailes d’un oiseau. Des changements de comportements et d’humeur peuvent également être notés. À mesure que l’état neurologique s’aggrave, une dépression et un arrêt respiratoires peuvent survenir rapidement. Un monitorage continu de la saturométrie et une analyse des gaz artériels sont utiles pour évaluer l’efcacité de la respiration. Une évaluation neurologique systématique doit être effectuée au moins toutes les heures. L’observation des signes de saignements et l’évaluation du RNI sont requises toutes les huit heures.

Informer le client et ses proches Tôt pendant le séjour au centre hospitalier, il est préférable de renseigner le client et sa famille au sujet de l’insufsance hépatique aiguë ainsi que de ses causes et des traitements ENCADRÉ 29.17. À l’approche du

congé, cet enseignement doit porter sur les interventions nécessaires pour prévenir la réapparition des facteurs déclencheurs. Si le client est candidat à une transplantation hépatique, il faut lui enseigner, ainsi qu’à sa famille, la procédure et les soins associés. L’évaluation en vue d’une transplantation hépatique peut comprendre la recherche de contre-indications médicales, comme une infection par le virus de l’immunodécience humaine, l’adhésion attendue du client aux traitements et le système de soutien social. Il est nécessaire de consulter l’équipe interdisciplinaire, dont un psychiatre et d’autres spécialistes, pour bien évaluer si le client est un bon candidat pour une transplantation du foie 36 .

29.2

Approche thérapeutique gastro-intestinale

29.2.1

Chirurgie gastro-intestinale

La chirurgie gastro-intestinale fait référence à une grande variété d’interventions chirurgicales visant l’œsophage, l’estomac, l’intestin, le foie, le pancréas ou les voies biliaires. Les indications pour ce type de chirurgie sont nombreuses et comprennent un saignement ou une perforation causé par un ulcère peptique, une obstruction, un trauma, une maladie inflammatoire de l’intestin et une tumeur maligne. Le client peut être admis à l’unité de soins critiques à des ns de monitorage après une chirurgie gastro-intestinale rendue nécessaire en raison de la maladie sous-jacente ; cependant, la présente partie du chapitre traite surtout des interventions chirurgicales qui requièrent fréquemment des soins critiques postopératoires.

l’expérience du chirurgien. Après l’opération, pendant que le client se trouve sous ventilation mécanique, il est important d’éviter l’aspiration nasopharyngée ou oropharyngée pour ne pas endommager l’anastomose récente. Pour la même raison, il faut éviter de manipuler la sonde nasogastrique. Étant donné que le client ne pourra pas se nourrir pendant quelques jours, il peut recevoir une nutrition entérale par jéjunostomie, selon l’avis du chirurgien

36 Les indications, les contreindications et la sélection des candidats à une transplantation hépatique sont décrites dans le chapitre 36, Don et transplantation.

FIGURE 29.4 Aperçu d’une œsophagectomie transhiatale. A Avec mobilisation gastrique. B Avec rétablissement gastrique. C Pour une anastomose œsogastrique cervicale.

Œsophagectomie L’œsophagectomie, ou résection de l’œsophage, est habituellement pratiquée pour un cancer de la partie inférieure de l’œsophage et de la jonction œsogastrique. Cette intervention difcile d’un point de vue technique consiste à exciser une partie ou la totalité de l’œsophage, une partie de l’estomac et les ganglions lymphatiques environnants. L’estomac est remonté à l’intérieur du thorax et xé à la partie restante de l’œsophage. Si l’œsophage et l’estomac sont retirés en totalité, une partie de l’intestin peut remplacer l’œsophage (Smith, 2011). Il existe deux approches pour la résection de l’œsophage : la chirurgie transhiatale FIGURE 29.4 et la chirurgie transthoracique FIGURE 29.5. Ces deux approches comprennent un déplacement de l’estomac dans le thorax à travers une incision abdominale. L’anastomose entre l’estomac et l’œsophage est pratiquée dans le cou (transhiatale) ou dans le thorax (transthoracique). Le choix de l’approche dépend de l’emplacement de la tumeur, de l’état de santé général et de la fonction pulmonaire du client ainsi que de

29

FIGURE 29.5

Aperçu d’une œsophagectomie transthoracique. A Avec résection de l’œsophage et mobilisation gastrique. B Avec anastomose intrathoracique. C Pour une tumeur midœsophagienne.

Chapitre 29

Troubles gastro-intestinaux et approche thérapeutique

907

(Mackenzie, Popplewell & Billingsley, 2004). De plus, le client ayant subi une œsophagectomie transthoracique a des drains thoraciques (Smith, 2011).

Pancréato-duodénectomie L’intervention normalisée pour un cancer du pancréas est la pancréato-duodénectomie, aussi appelée opération de Whipple. Cette intervention consiste à exciser la tête du pancréas, le duodénum, une partie du jéjunum, le conduit cholédoque, la vésicule biliaire et une partie de l’estomac. Une anastomose de la partie résiduelle du pancréas, du conduit biliaire et de l’estomac vers le jéjunum assure la continuité du tube digestif (Smith, 2011) FIGURE 29.6.

Chirurgie bariatrique La chirurgie bariatrique fait référence à toutes les interventions du tube digestif visant à provoquer une perte de poids. Les interventions en chirurgie bariatrique sont divisées en trois grands types : 1) restrictive ; 2) malabsorptive ; 3) restrictive et malabsorptive combinées (Apau & Whiteing, 2011). Les interventions restrictives, comme la gastroplastie en bande verticale FIGURE 29.7A, l’agrafage de l’estomac FIGURE 29.7B et la gastrectomie verticale calibrée FIGURE 29.7C, réduisent la capacité de l’estomac, limitant la quantité de nourriture pouvant être consommée. Les interventions malabsorptives,

comme la dérivation biliopancréatique FIGURE 29.7D, consistent à modier le tube digestif pour réduire la digestion et l’absorption des aliments. La dérivation gastrique avec anse de Roux-en-Y combine ces deux stratégies en créant une petite poche gastrique et en y abouchant le jéjunum FIGURE 29.7E. Cette dérivation contourne l’estomac et le duodénum, entraînant une diminution de l’absorption des matières digestives (Apau & Whiteing, 2011). La plupart des interventions bariatriques peuvent se pratiquer par une approche ouverte ou par laparoscopie. Bien que le recours au robot chirurgical ou l’utilisation des approches laparoscopiques soient plus difciles d’un point de vue technique, elles ont largement remplacé les approches ouvertes parce qu’elles sont associées à une réduction des complications pulmonaires, des douleurs postopératoires, de la durée du séjour au centre hospitalier et des complications de plaie (p. ex., une infection, une hernie cicatricielle) ainsi qu’à une reprise plus rapide de toutes les activités (Apau & Whiteing, 2011 ; Smith, 2011). Les approches ouvertes sont pratiquées chez les clients ayant déjà subi une chirurgie abdominale haute, qui sont atteints d’une obésité morbide ou qui ne peuvent tolérer une augmentation de la pression abdominale associée aux techniques laparoscopiques (Smith, 2011).

FIGURE 29.6

Opérations de Whipple standards et avec préservation du pylore. A L’opération de Whipple standard implique la résection de l’antre gastrique, de la tête du pancréas, du conduit cholédoque distal et de la totalité du duodénum avec une reconstruction comme l’illustre la gure. B L’opération de Whipple avec préservation du pylore n’implique pas la résection de la partie distale de l’estomac, du pylore ni du duodénum proximal.

908

Partie 6

Système gastro-intestinal

FIGURE 29.7 Techniques de chirurgie bariatrique. A La gastroplastie en bande verticale consiste à créer une poche gastrique. B L’agrafage de l’estomac fait appel à une bande gastrique ajustable pour créer une poche gastrique. C La gastrectomie verticale calibrée consiste à créer un estomac ayant la forme d’un manchon en enlevant environ 80 % de l’estomac. D La dérivation biliopancréatique avec commutation duodénale consiste à créer une anastomose entre l’estomac et l’intestin. E La dérivation gastrique avec anse de Roux-en-Y consiste à construire une poche gastrique dont la sortie en Y passe dans l’intestin grêle.

Complications et traitements médicaux Plusieurs complications peuvent être associées à une chirurgie gastro-intestinale : insufsance respiratoire, atélectasie, pneumonie, fuite anastomotique, thrombose veineuse profonde et embolie pulmonaire, saignement. Les clients atteints d’obésité morbide sont plus susceptibles que les autres de subir des complications postopératoires (Apau & Whiteing, 2011). Un bilan préopératoire complet est donc effectué pour évaluer l’état physique du client qui subira une chirurgie gastro-intestinale et déceler les facteurs de risque susceptibles d’altérer son évolution postopératoire. En cas de chirurgie bariatrique, un bilan plus exhaustif peut être requis puisque l’obésité est associée à une prévalence accrue de troubles comorbides, comme les troubles cardiovasculaires, l’hypertension, le diabète, le reux

gastro-œsophagien, l’apnée obstructive du sommeil et l’insufsance cardiaque (Cannon-Diehl, 2010 ; Poirier, 2011 ; Smith, 2011).

29

Complications pulmonaires Le risque de complications pulmonaires s’avère considérable après une intervention gastro-intestinale ; de plus, en cas d’obésité, la probabilité d’événements respiratoires indésirables comme l’atélectasie et la pneumonie est doublée (Cannon-Diehl, 2010). Des exercices respiratoires agressifs doivent être entrepris immédiatement après l’opération. Une mobilisation précoce postopératoire et un soulagement adéquat de la douleur contribuent à réduire le risque d’atélectasie. L’aspiration des sécrétions, la physiothérapie thoracique ou les bronchodilatateurs peuvent être nécessaires pour optimiser la fonction pulmonaire. Il faut surveiller étroitement le client à la recherche d’anomalies de l’oxygénation. Le traitement doit viser

Chapitre 29

Troubles gastro-intestinaux et approche thérapeutique

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20 La ventilation mécanique, effractive ou non, est pré­ sentée dans le chapitre 20, Approche thérapeutique du système respiratoire.

A Les soins et les traitements inrmiers adaptés aux pro­ blèmes découlant d’une chirurgie gastro­intestinale sont détaillés, selon le pro­ blème, dans l’annexe A, Plans de soins et de traite­ ments inrmiers.

19 La physiopathologie de l’embolie pulmonaire est décrite dans le chapitre 19, Troubles respiratoires.

à favoriser une ventilation et un échange gazeux adéquats. Une ventilation mécanique peut être requise en cas d’insufsance respiratoire 20 .

Fuite anastomotique Une fuite anastomotique constitue une complication grave de la chirurgie gastro-intestinale. Elle survient quand la suture d’une anastomose chirurgicale se rompt, entraînant un écoulement du contenu gastrique ou intestinal dans l’abdomen ou le médiastin (Smith, 2011). Les signes et symptômes cliniques d’une fuite peuvent être subtils et passent souvent inaperçus. Ils comprennent la tachycardie, la tachypnée, la èvre, des douleurs abdominales, l’anxiété et l’agitation (Smith, 2011). Chez les personnes ayant subi une œsophagectomie, une fuite de l’anastomose œsophagienne peut se manifester par un emphysème sous-cutané au thorax et au cou (Smith, 2011). Si elle n’est pas détectée, cette fuite peut entraîner une septicémie, une défaillance multiorganique, voire la mort. Les personnes présentant une tachycardie et une tachypnée progressives doivent subir un examen radiologique (examen du tube digestif haut avec gastrograne ou TDM avec injection de produit de contraste) visant à écarter une fuite anastomotique (Cannon-Diehl, 2010). Le type de traitement dépend de l’importance de la fuite. Si celle-ci se révèle légère et bien limitée, il est possible de la traiter de manière classique en continuant de ne rien donner au client par voie orale, en lui administrant des antibiotiques I.V. et en drainant le liquide par voie percutanée. Si l’état du client se détériore rapidement, une laparotomie en urgence est indiquée pour réparer la brèche (Cannon-Diehl, 2010 ; Smith, 2011).

Thrombose veineuse profonde et embolie pulmonaire L’embolie pulmonaire est une complication très grave associée à n’importe quelle intervention chirurgicale 19 . Elle peut, entre autres, découler d’une thrombose veineuse profonde devant faire l’objet d’une prophylaxie avant l’opération. La prophylaxie se poursuit jusqu’à ce que le client soit pleinement capable de marcher an de réduire le risque de formation de caillots. Habituellement, des appareils de

compression séquentielle sont utilisés, et de l’héparine non fractionnée ou de l’héparine de bas poids moléculaire est administrée par voie sous-cutanée. D’autres médicaments peuvent être utilisés : le fondaparinux (ArixtraMD) en injection sous-cutanée ou les anticoagulants par voie orale (P.O.) incluant l’apixaban (EliquisMD), le dabigatran (PradaxaMD) ou le rivaroxaban (XareltoMD) (Falck-Ytter, Francis, Johanson et al., 2012). L’installation prophylactique d’un ltre dans la veine cave inférieure peut être utile en cas de risque élevé d’embolie pulmonaire (Smith, 2011).

Saignement Le saignement digestif haut est une complication rare, mais potentiellement mortelle, de la chirurgie gastro-intestinale. Un saignement survenant peu de temps après l’intervention se situe généralement à l’anastomose et se traite habituellement par endoscopie. Une reprise chirurgicale peut s’avérer nécessaire en cas de saignement persistant non maîtrisé. Un saignement survenant plus tard résulte habituellement de la formation d’un ulcère de stress. Le traitement médical vise à prévenir cette complication par l’administration d’inhibiteurs de la pompe à protons ou d’antagonistes des récepteurs H 2 de l’histamine (Ghassemi et al., 2009).

Soins et traitements inrmiers Les soins inrmiers prodigués aux personnes ayant subi une chirurgie gastro-intestinale peuvent porter sur divers problèmes découlant de leur situation de santé ENCADRÉ 29.18 A . Ils incluent des interventions visant à optimiser l’oxygénation et la ventilation, à prévenir l’atélectasie, à soulager la douleur et à offrir du soutien émotif, ainsi qu’à surveiller les complications, décrites dans la soussection précédente.

Optimiser l’oxygénation et la ventilation Les interventions inrmières au cours de la période postopératoire consistent à faciliter la ventilation et à favoriser une oxygénation adéquate, ainsi qu’à

Problèmes découlant de la situation de santé ENCADRÉ 29.18

Chirurgie gastro-intestinale

• Altération des échanges gazeux liée à une hypoventilation alvéolaire PSTI A.5 • Anxiété liée à une menace contre l’intégrité biologique, psychologique ou sociale PSTI A.6 • Décit de compréhension lié à une absence d’exposition préalable à l’information PSTI A.8 • Diminution du débit cardiaque liée à des altérations de la précharge PSTI A.12

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Partie 6

Système gastro-intestinal

• Douleur aiguë liée à la transmission et à la perception d’impulsions cutanées, viscérales, musculaires ou ischémiques PSTI A.14 • Respiration inefcace liée à une diminution de l’expansion pulmonaire PSTI A.23 • Perturbation de l’image de soi découlant d’un changement dans la structure, les fonctions ou l’apparence du corps PSTI A.24

prévenir les complications comme l’atélectasie et la pneumonie. Après l’extubation, le client doit com­ mencer des exercices d’inspiration profonde et de spirométrie et les faire régulièrement. L’inrmière encourage le client à marcher tôt après l’opération pour favoriser au maximum l’expansion pulmonaire, réduisant ainsi le risque de complications pulmo­ naires et d’embolie pulmonaire.

fuite anastomotique éliminé, la personne peut com­ mencer à prendre des analgésiques par voie P.O. Les interventions non pharmacologiques, comme le positionnement, l’application de chaleur ou de froid et la distraction, peuvent également s’avérer utiles. Si la douleur n’est pas assez soulagée, l’aide du service d’analgésie postopératoire peut être requise (Cannon­Diehl, 2010 ; Smith, 2011).

Soulager la douleur Il est impératif de soulager adéquatement la dou­ leur après une chirurgie gastro­intestinale. Une analgésie adéquate est nécessaire pour favoriser la mobilité du client et réduire les complications pul­ monaires. Le soulagement initial de la douleur peut se faire par administration I.V. d’un anal­ gésique opioïde (p. ex., la morphine ou l’hydro­ morphone) au moyen d’une pompe d’analgésie contrôlée par le patient ou d’une perfusion épidu­ rale continue d’un analgésique opioïde et d’un agent anesthésique local (p. ex., la bupivacaïne [MarcaïneMD]) (Smith, 2011). Une fois le risque de

29.2.2

Intubation gastro-intestinale

Une sonde gastro­intestinale ainsi que divers cathé­ ters sont très souvent en place chez les clients hos­ pitalisés dans les unités de soins critiques. Il est donc important que l’inrmière connaisse les indications cliniques et les responsabilités inhérentes à leur uti­ lisation ENCADRÉ 29.19 . Les trois catégories de sondes gastro­intestinales sont basées sur leur fonc­ tion : 1) sondes nasogastriques d’aspiration ; 2) sondes intestinales longues ; 3) sondes d’alimentation.

Gestion des risques liés aux soins ENCADRÉ 29.19

Éviter l’erreur de raccordement, un problème potentiellement mortel

Les erreurs de raccordement de sondes et de cathéters constituent un problème important qui devrait être davantage signalé dans les établissements de soins de santé. Elles sont fréquentes et, dans un certain nombre de cas, elles ont des conséquences mortelles. Généralement, ces erreurs sont détectées et corrigées avant que le client ne subisse un préjudice. En raison de leurs conséquences réelles et potentiellement fatales, une prise de conscience accrue et une ana­ lyse des erreurs (y compris les erreurs évitées de justesse) peuvent grandement améliorer la sécurité des clients. TYPES D’ERREURS DE RACCORDEMENT

Analyse de neuf erreurs ayant conduit à huit décès Neuf cas impliquant de mauvais raccordements de tubulures ont été signalés en 2006 à la Joint Commission, l’organisme américain équivalant à Agrément Canada. Ces erreurs, ayant touché sept adultes et deux enfants, ont entraîné huit décès et un cas de perte de fonction permanente. Les types de sondes et de cathéters en cause comprenaient des cathéters veineux centraux, des cathéters veineux périphériques, des sondes d’alimen­ tation nasogastriques, des sondes d’alimentation entérale par voie percutanée, des cathéters de dialyse péritonéale, des canules de trachéotomie à ballonnet et des tubulures de brassard d’appareil à pression automatisé. Les erreurs de raccordements dans ces cas impliquaient : 1) une alimentation entérale par sonde insérée dans un cathéter I.V. ; 2) une injection de sulfate de baryum (milieu de contraste gastro­intestinal) dans un cathéter veineux central ; 3) une sonde d’alimentation entérale insérée dans un cathéter pour dialyse péritonéale ; 4) une sonde à ballonnet pour pression sanguine branchée à un cathéter I.V. ; 5) une injection de liquide I.V. dans la tubulure du ballonnet de la canule de trachéotomie.

• Des perfusions I.V. branchées à des perfusions épidurales et des solutions épidurales (destinées à une administration épidurale) branchées à des cathéters veineux périphériques ou centraux • Des solutions d’irrigation vésicale utilisant une tubulure I.V. primaire branchée en perfusions secondaires à des cathéters I.V. périphériques ou centraux • Des perfusions destinées à une administration I.V. branchées à des sondes vésicales à ballonnet • Des perfusions destinées à une administration I.V. branchées à des sondes nasogastriques • Des solutions I.V. administrées avec la tubulure d’administration de sang et produits sanguins transfusant dans une tubulure I.V. primaire • Des solutions I.V. primaires administrées au moyen de différents cathéters destinés à d’autres fonctions comme des cathéters pour dialyse externe, un drain de ventriculostomie, un cathéter pour une transfusion dans le sac amniotique et la voie d’accès distale d’un cathéter artériel pulmonaire CAUSES FONDAMENTALES ÉTABLIES

Recension de plus de 300 erreurs En 2006, la United States Pharmacopeia a analysé plus de 300 cas signalés dans ses bases de données et trouvé les erreurs de raccordement suivantes.

Implication des raccords Luer Nombre de ces erreurs impliquaient les raccords Luer, qui sont de petits méca­ nismes servant à relier de nombreux dispositifs médicaux. Il existe deux types de raccords Luer : les manchons et les vis. Un raccord à manchon est constitué d’une partie dite mâle conique qui se glisse dans une partie dite femelle pour créer un branchement sûr. Un raccord à vis présente un collier leté sur la partie mâle et une bride sur la partie femelle qui se vissent l’un dans l’autre pour créer un branchement encore plus sûr. Les exemples d’erreurs suivants impliquent les raccords Luer : 1) tubulures d’échantillonnage de la capnographie branchées à une canule I.V. ; 2) nécessaire d’alimentation entérale branché à un cathéter veineux central ; 3) nécessaire d’alimentation entérale branché à une tubulure d’hémodialyse ; 4) tubulure d’oxygène branchée à un accès veineux sans aiguille ; 5) tubulure d’appareil de compression séquentielle branchée à un accès en Y sans aiguille d’une tubulure de perfusion I.V.

Chapitre 29

Troubles gastro-intestinaux et approche thérapeutique

911

29

ENCADRÉ 29.19

Éviter l’erreur de raccordement, un problème potentiellement mortel (suite)

Les raccords Luer sont en cause dans un grand nombre des erreurs de raccorde­ ment, ou ils y contribuent, parce qu’ils permettent le raccordement de sondes ou de cathéters destinés à des fonctions différentes.

Autres causes D’autres causes incluent l’utilisation régulière de sondes et de cathéters à des ns pour lesquelles ils ne sont pas destinés, comme des tubes de rallonge de perfusion I.V. pour la perfusion épidurale, l’irrigation, les drains et les tubulures centrales ou pour allonger des sondes d’alimentation entérale ; et le rangement des tubes ayant des fonctions différentes à proximité les uns des autres. Dans les cas signalés à la Joint Commission, les facteurs contributifs comprenaient également le transfert du client d’un milieu ou d’une unité vers un autre et la fatigue du personnel qui travaille pendant deux quarts de travail consécutifs. PRATIQUES SUGGÉRÉES

Stratégies générales de réduction des risques Aucune norme restreignant précisément l’utilisation des raccords Luer à certains appareils médicaux n’a été publiée. Par conséquent, un vaste éventail d’appareils médicaux, destinés à diverses fonctions et à différentes voies d’accès dans l’orga­ nisme, sont souvent équipés de raccords Luer qu’il est facile de mélanger. Des organisations en Amérique du Nord et en Europe travaillent à l’élaboration de normes visant à restreindre les types d’appareils pouvant être raccordés avec les raccords Luer an de réduire ce risque. Il est important de mettre en place des mesures d’ingénierie respectant la conception des produits et des appareils et garantissant l’incompatibilité par design, mais aussi de réorganiser les prati­ ques de travail. Les autres solutions comprennent un enseignement et une formation traitant spécialement de ce problème pour tous les professionnels de la santé et la simple précaution de la part de chacun d’éclairer dans une chambre sombre avant de raccorder des tubulures ou des appareils. Le risque de réveiller le client est bien minime en comparaison des conséquences du risque d’erreur susceptible de se produire. Des erreurs de raccordement sont également sur­ venues lorsque des clients ou des membres de leur famille ont tenté de dé­ brancher et de raccorder eux­mêmes des appareils. L’inrmière rappelle à tous les clients l’importance de demander l’aide d’un membre de l’équipe de soins lorsqu’il faut débrancher ou raccorder un appareil. Certaines méthodes employées pour réduire le risque de mauvais raccordement peuvent avoir des conséquences non souhaitées : • l’étiquetage de toutes les sondes et de tous les cathéters peut ne pas tou­ jours se révéler pratique et, par conséquent, mener à une mise en place incohérente. Cependant, l’étiquetage de certains cathéters à haut risque (p. ex., épidural, intrathécal, artériel) devrait toujours être effectué ; • l’utilisation de codes de couleurs pour les sondes et les cathéters peut mener les utilisateurs à se er uniquement au code plutôt qu’à bien comprendre quelles sondes et quels cathéters sont raccordés aux bons sites d’entrée du

corps. Par ailleurs, la formation et l’enseignement de tout le personnel (y compris du personnel temporaire des agences et du personnel mobile) sur le système de code de l’établissement nécessitent une attention constante. Les choix de code de couleurs varient souvent d’un établissement à l’autre dans la même localité, ce qui augmente les risques lorsque du personnel mobile ou du personnel d’agence est engagé.

Recommandations de la Joint Commission L’organisme propose les recommandations et les stratégies suivantes aux établissements de santé an de réduire les erreurs de raccordements. • Ne pas acheter du matériel pour usage non I.V. équipé de raccords pouvant physiquement s’insérer dans un raccord Luer femelle d’une tubulure de perfusion I.V. • Effectuer des mises à l’essai (en matière de performance, de sécurité et d’utilisation) et, selon les besoins, d’évaluation du risque (p. ex., une analyse des modes de défaillance et de leurs effets) à l’achat de nouvelles tubulures et de nouveaux cathéters an de déceler les mauvais raccords potentiels et de prendre les mesures préventives appropriées. • Toujours suivre une sonde ou un cathéter en partant du site d’entrée du client jusqu’à son point de départ avant de raccorder tout nouveau dispositif ou toute nouvelle perfusion. • À l’arrivée d’un client dans un nouveau service ou une nouvelle unité pendant un transfert, vérier à nouveau les raccordements et remonter toutes les sondes et tous les cathéters jusqu’à leur source. Systématiser cette méthode de réconciliation des tubulures de perfusion. • Orienter les sondes et les cathéters ayant des fonctions différentes dans des directions différentes standardisées (p. ex., les tubulures de perfusion I.V. orientées vers la tête ; les tubulures d’alimentation entérale orientées vers les pieds). Cette pratique est particulièrement importante en soins néonataux. • Aviser le personnel non clinique, les clients et les membres de leurs familles qu’ils doivent demander l’aide d’un membre de l’équipe soignante s’ils cons­ tatent ou perçoivent le besoin de raccorder ou de débrancher des appareils ou des tubulures de perfusion. • Étiqueter tout cathéter qui représente un risque élevé (p. ex., épidural, intrathécal, artériel) ; ne pas utiliser des cathéters munis de sites d’injection. • Ne jamais utiliser une seringue Luer standard pour l’administration de médicaments par voie P.O. ou pour l’alimentation entérale. • Mettre l’accent sur les risques de mauvais raccordement de tubulures dans le programme d’orientation et de formation du personnel. • Déterminer et gérer les conditions et les pratiques qui peuvent contribuer à la fatigue des travailleurs de la santé et prendre les mesures nécessaires. La Joint Commission recommande également aux fabricants de produits d’adopter l’incompatibilité par design dans les cas qui le nécessitent an de prévenir toute erreur dangereuse de raccordement entre les tubulures et les cathéters.

Source : Adapté de The Joint Commission (2006)

Sondes nasogastriques d’aspiration Les sondes nasogastriques d’aspiration permettent d’enlever des liquides régurgités dans l’estomac, de prévenir l’accumulation d’air avalé, de partiellement décomprimer l’intestin et de réduire le risque d’aspiration dans les bronches (fausse route). Les sondes nasogastriques peuvent également servir à prélever

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Partie 6

Système gastro-intestinal

des échantillons, à détecter la présence de sang et à administrer des gavages. Les plus courantes sont les sondes à lumière simple (Levin) et les sondes à lumière double (Salem). La sonde à lumière double comporte une lumière qui sert à l’aspiration ainsi qu’au drainage et une autre lumière qui permet à l’air de pénétrer dans l’estomac pour empêcher la sonde

d’adhérer à la paroi gastrique et d’abîmer la muqueuse. Chaque sonde nasogastrique est introduite par le nez, traverse le nasopharynx, puis descend dans le pharynx jusque dans l’œsophage et l’estomac. La période pendant laquelle une sonde nasogastrique demeure en place dépend de son utilisation. La sonde est alors drainée par gravité, pour une succion intermittente basse ou pour une succion continue basse et, dans de rares cas, elle est clampée (Noble, 2003).

L’inrmière s’assure également que la prise d’air bleue de la sonde à double canal (Salem) est dégagée et maintenue au-dessus du niveau de l’estomac, et elle effectue des soins buccodentaires et aux narines fréquents (Noble, 2003). La façon d’entretenir les sondes gastro-intestinales est présentée dans l’ENCADRÉ 29.21.

Pratiques inrmières suggérées

Soins et traitements inrmiers Les soins et les traitements inrmiers se concentrent sur la prévention des complications fréquemment associées à l’utilisation d’une sonde nasogastrique d’aspiration, par exemple, une ulcération et une nécrose des narines, un reflux œsophagien, une œsophagite, une érosion et un rétrécissement de l’œsophage, une érosion gastrique, une sinusite, une sécheresse de la bouche et une parotidite associée à la respiration par la bouche (Gomes, Lustosa, Matos et al., 2012). Une interférence avec la respiration et la toux, une aspiration bronchique (fausse route) et une perte de liquide et d’électrolytes peuvent constituer des problèmes sérieux. Les interventions comprennent la vérication de position de la sonde ENCADRÉ 29.20, puis son irrigation toutes les quatre à huit heures avec une solution saline ou de l’eau courante froide, selon le protocole de l’établissement. Une solution stérile est utilisée lorsqu’il s’agit d’un client immunosupprimé.

ENCADRÉ 29.20

Vérier la position d’une sonde nasogastrique d’aspiration

• Vérier que la sonde nasogastrique ne s’est pas déplacée (la marque sur la sonde est restée à l’entrée du nez). • Vérier l’emplacement de la sonde avant d’administrer un gavage ou un médicament lorsque la sonde a été installée à l’aveugle en obtenant une conrmation radiographique de sa position dans l’estomac, le duodénum ou le jéjunum. C’est la seule façon de s’assurer de la bonne position d’une sonde. • Se rappeler que plusieurs méthodes ont déjà été utili sées dans le passé pour vérier la position des sondes

nasogastriques, mais aucune n’est aussi able qu’une radiographie. Il faut donc éviter de les utiliser. Ces méthodes sont : l’auscultation épigastrique à la recherche du bruit d’injection d’air, la détection de bulles dans un verre d’eau, l’utilisation d’un détec teur de dioxyde de carbone (plusieurs faux positifs), l’inspection visuelle des caractéristiques du liquide drainé (peu de abilité) et la mesure de son pH (plusieurs faux positifs dus à l’utilisation des inhibiteurs de la pompe à protons), ainsi que les tests de bilirubine du liquide de drainage.

Source : Adapté de Bourgault & Halm (2009)

Pratiques inrmières suggérées ENCADRÉ 29.21

Entretenir une sonde gastro-intestinale

OBJECTIF

• Suivre un client portant une sonde gastro-intestinale. INTERVENTIONS

• Veiller à ce que la sonde soit bien installée et vérier sa position par radiographie lorsqu’elle a été mise en place à l’aveugle. • Raccorder la sonde à l’appareil de succion, si c’est indiqué. • Fixer la sonde à la partie du corps appropriée en tenant compte du confort du client et en protégeant la peau. • Irriguer le tube selon le protocole de l’établissement. • Surveiller et dépister les sensations de plénitude, de nausées et de vomissements. • Surveiller les bruits intestinaux. • Surveiller la présence de diarrhée. • Surveiller l’état des liquides et des électrolytes.

• Noter la quantité, la couleur et la consistance du liquide de drainage gastrique. • Remplacer les liquides de drainage gastro-intestinaux par la quantité appropriée de solution I.V., selon la prescription. • Effectuer des soins à la bouche et au nez trois ou quatre fois par jour ou au besoin. • Encourager le client à sucer un bonbon dur ou à prendre de la gomme à mâcher sans sucre pour humidier sa bouche, au besoin, si son état de conscience le permet. • Commencer et surveiller l’alimentation entérale par sonde selon le protocole de l’établissement. • Enseigner au client et à sa famille comment entretenir la sonde, lorsque c’est indiqué. • Apporter des soins à la peau entourant le point d’insertion de la sonde. • Retirer la sonde au moment indiqué.

29

Source : Adapté de Bulechek, Butcher, Dochterman et al. (2013)

Chapitre 29

Troubles gastro-intestinaux et approche thérapeutique

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Sondes intestinales longues Les sondes de Miller-Abbott, de Cantor et d’Andersen sont quelques exemples de sondes intestinales longues (nasojéjunales) avec extrémité lestée, qui sont installées avant ou pendant l’intervention chirurgicale. La sonde de Debhoff est une autre sonde avec extrémité lestée, celle-ci étant placée dans le deuxième ou le troisième tiers du duodénum. Leur longueur considérable permet la vidange du contenu de l’intestin en vue de traiter une occlusion ne pouvant être atteinte à l’aide d’une sonde nasogastrique. Ces sondes permettent de décomprimer l’intestin grêle et de le soutenir pendant ou après l’intervention. Étant donné que la progression de la sonde dépend du péristaltisme, son utilisation est contre-indiquée chez les personnes atteintes d’un iléus paralytique ou d’une occlusion intestinale mécanique grave.

Soins et traitements inrmiers

20 Le chapitre 20, Approche thérapeutique du système respiratoire, décrit les soins buccodentaires du client se trouvant en situation critique de santé.

7 L’emplacement et les types de sondes d’alimentation entérale sont décrits dans le chapitre 7, Altérations et gestion de l’état nutritionnel.

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Partie 6

Les interventions inrmières auprès d’une personne portant une sonde intestinale longue sont semblables à celles associées à une sonde nasogastrique ENCADRÉ 29.21. De plus, il faut observer le client et être à l’affût : 1) d’un gonement gazeux de la section du ballon, ce qui rend le retrait difcile ; 2) d’une rupture du ballon ; 3) d’un gonement excessif du ballon, ce qui peut entraîner une rupture de l’intestin ; 4) d’une invagination inversée si la sonde est retirée trop rapidement. Le retrait d’une sonde intestinale doit se faire lentement, habituellement au rythme de 15 cm à l’heure (Noble, 2003).

Soins et traitements inrmiers Les soins et les traitements inrmiers d’une personne portant une sonde d’alimentation consistent à prévenir les complications et à vérier si le client tolère les gavages. Une aspiration trachéobronchique (fausse route) du contenu gastrique est une complication potentielle grave (Bourgault & Halm, 2009 ; Guenter, 2010). Avant d’administrer des médicaments ou un gavage, il est important de s’assurer que la sonde se trouve dans l’estomac ou le duodénum. Une vérication de la marque de sortie tracée sur la sonde aide à déterminer si elle est demeurée en place. L’inrmière vérie l’enroulement de la sonde dans la bouche ou la gorge an de détecter un déplacement de la sonde vers le haut, qui peut s’être produit à la suite d’un vomissement. La méthode traditionnelle qui consiste en une auscultation épigastrique après injection d’air dans la sonde pour en vérier la position n’est ni able ni recommandée (Bankhead, Boullata, Brantley et al., 2009 ; Bourgault & Halm, 2009). En cas de doute au sujet de la position de la sonde, une autre radiographie s’impose. Pendant le gavage, la tête du lit doit être élevée à au moins 30° pour réduire au minimum le risque d’aspiration bronchique ; les résidus gastriques doivent être vériés toutes les quatre à six heures (Guenter, 2010 ; Martindale, McClave, Vanek et al., 2009). Des résidus gastriques importants, des crampes et un ballonnement abdominal peuvent indiquer une intolérance aux gavages ; il faut en aviser le médecin (Guenter, 2010). Les autres interventions comprennent les soins buccodentaires et des narines ainsi que le rinçage de la sonde avec de l’eau avant et après l’administration de médicaments pour prévenir les obstructions (Guenter, 2010) 20 .

Sondes d’alimentation

29.2.3

Habituellement, des sondes d’alimentation souples de petit calibre (de 8 à 12 FR [French]) sont installées au chevet d’un client qui ne peut pas se nourrir par voie orale. La sonde peut être insérée par le nez ou la bouche pour que son extrémité se retrouve dans l’estomac ou le duodénum 7 . Pour faciliter le passage dans le tube digestif, l’extrémité de ce type de sonde est lestée avec du tungstène, et un l-guide est nécessaire pour l’empêcher de se recourber vers le haut à l’arrière de la gorge. Avant de commencer l’alimentation, il faut vérier la position de la sonde par radiographie (Bourgault & Halm, 2009). Il est également préférable de tracer une marque à l’encre indélébile sur la sonde, au niveau de la sortie de celle-ci, afin de vérifier toutes les quatre heures qu’elle demeure en place (Bourgault & Halm, 2009).

L’injection endoscopique permet d’arrêter le saignement des ulcères. Elle peut être pratiquée dans des situations d’urgence, dans des cas non urgents ou en prophylaxie. Le médecin insère un endoscope par la bouche pour visionner l’œsophage et l’estomac à la recherche de varices ou d’ulcères qui saignent. Un injecteur muni d’une aiguille de calibre 23 à 25 est inséré dans le canal de travail de l’endoscope. Le médecin insère ensuite l’aiguille à l’intérieur ou autour des varices ou dans la région voisine de l’ulcère, puis injecte un agent liquide FIGURE 29.8. L’agent le plus fréquemment utilisé est l’adrénaline, qui entraîne une vasoconstriction localisée et augmente l’agrégation plaquettaire. Des agents sclérosants, comme l’alcool, peuvent également être employés, mais plus rarement aujourd’hui. Ces agents

Système gastro-intestinal

Injection endoscopique

provoquent une réaction inammatoire dans le vaisseau qui entraîne une thrombose et crée une bande breuse. Des sclérothérapies à répétition entraînent la formation de tissus cicatriciels supporteurs autour des varices. Des agents emboliques sont utilisés : une colle biologique à base de brinogène et de thrombine (TissealMD) qui réagissent pour former un caillot brineux actif lorsqu’ils sont injectés ensemble, une colle synthétique de N-butyl-2-cyanoacrilate (HistoacrylMD et LipiodolMD) qui fonctionne comme un scellant pour

FIGURE 29.8 Sclérose endoscopique des varices.

arrêter l’hémorragie des varices gastriques plus particulièrement et la poudre hémostatique TC-325 (HemosprayMD) (ASGE Technology Committee, 2013 ; Barkan, 2013 ; Holster & Kuipers, 2011 ; Huang et al., 2012 ; Opio & Garcia-Tsao, 2011 ; Prachayakul, Aswakul, Chantarojanasiri et al., 2013).

29.2.4

Ligature endoscopique des varices

La ligature endoscopique des varices consiste à appliquer des élastiques ou des pinces de métal autour des varices qui saignent pour obstruer la veine et arrêter le saignement. Cette technique a remplacé la sclérothérapie endoscopique dans les cas de varices hémorragiques FIGURE 29.9. Un ou deux jours après cette intervention, la nécrose et la formation de tissu cicatriciel favorisent le détachement de l’élastique et du tissu. Les dépôts brineux à l’intérieur de l’ulcère en guérison permettent la fermeture des vaisseaux. La ligature avec un élastique se fait par endoscopie, plusieurs élastiques pouvant être posés pendant une même séance (Cat & Liu-DeRyke, 2010). L’intervention peut être répétée chaque semaine ou toutes les deux semaines chez les clients en consultation externe ou les personnes hospitalisées, et ce, jusqu’à ce que toutes les varices soient oblitérées (Holster & Kuipers, 2011). La ligature endoscopique des varices permet d’arrêter le saignement dans environ 80 à 90 % des cas (Holster & Kuipers, 2011). La complication la plus fréquemment associée à cette intervention est la formation d’ulcères superciels de la muqueuse. Les varices peuvent réapparaître, car la ligature locale n’a pas d’effet sur la pression portale (Cárdenas, 2010 ; Cat & Liu-DeRyke, 2010).

29

FIGURE 29.9 Ligature endoscopique avec des élastiques.

Chapitre 29

Troubles gastro-intestinaux et approche thérapeutique

915

29.2.5

Shunt intrahépatique portosystémique transjugulaire

Le shunt intrahépatique portosystémique transjugulaire (TIPS) est une intervention exécutée par angiographie an de réduire l’hypertension portale. Il est indiqué pour : 1) les personnes atteintes d’hypertension portale qui présentent un saignement actif ou qui ont peu de réserve hépatique ; 2) les greffés ; 3) les personnes présentant d’autres risques opératoires (Cárdenas, 2010 ; Garcia-Tsao & Bosch, 2010). Cette intervention est habituellement pratiquée par un hépatologue, un gastro-entérologue, un chirurgien vasculaire ou un radiologiste d’intervention. L’hypertension portale est conrmée par une mesure directe de la pression dans la veine porte (gradient supérieur à 10 mm Hg). Une canule est installée par la veine jugulaire interne, et un cathéter angiographique est inséré dans la veine hépatique moyenne ou droite. Le spécialiste introduit alors un cathéter dans la veine hépatique moyenne, et une nouvelle voie est créée, reliant les veines porte et hépatique à l’aide d’une aiguille et d’un l-guide muni d’un ballon gonant. Une endoprothèse vasculaire aussi appelée tuteur (stent) enduit de polytétrauoroéthylène est ensuite positionnée dans le parenchyme du foie pour maintenir cette communication FIGURE 29.10. Cette intervention permet de contourner la résistance élevée dans le foie (Garcia-Tsao & Bosch, 2010 ; Riggio, Nardelli, Moscucci et al., 2012). Cette intervention peut être

pratiquée chez les personnes ayant des varices sanglantes, des varices sanglantes réfractaires ou pour maintenir les personnes en attente de transplantation hépatique dans un meilleur état de santé si leur hémodynamie devient instable. Les soins infirmiers après l’intervention consistent à observer le client à l’affût de saignement apparent (au site de la canulation) ou occulte (au site intrahépatique), de lacération de la veine hépatique ou de la veine porte (entraînant une perte rapide de sang) et d’une perforation accidentelle des organes voisins. Les autres complications comprennent une encéphalopathie hépatique, une insufsance hépatique, une bactériémie et une sténose de l’endoprothèse vasculaire (Garcia-Tsao & Bosch, 2010 ; Riggio et al., 2012).

29.2.6

Pharmacothérapie

De nombreux agents pharmacologiques interviennent dans les soins du client atteint d’un trouble gastrointestinal TABLEAU 29.4.

Agents antiulcéreux Les unités de soins intensifs utilisent régulièrement différents agents antiulcéreux, comme des inhibiteurs de la pompe à protons gastriques, des antagonistes des récepteurs H 2 de l’histamine, des agents protecteurs de la muqueuse gastrique. Lorsque l’état du client le permet, des antiacides peuvent être utilisés.

FIGURE 29.10 Shunt intrahépatique portosystémique transjugulaire. A Aiguille dirigée dans le parenchyme du foie vers la veine porte. B Aiguille et l-guide descendus jusqu’au milieu de la veine porte. C Gonement du ballon. D Déploiement de l’endoprothèse vasculaire. E Shunt intrahépatique de la veine porte à la veine hépatique.

916

Partie 6

Système gastro-intestinal

Pharmacothérapie TABLEAU 29.4

Troubles gastro-intestinaux

MÉDICAMENTS

POSOLOGIE

EFFICACITÉ CLINIQUE

SURVEILLANCE INFIRMIÈRE

• Diminution de l’acidité gastrique en raison de l’inhibition de la pompe à protons qui forme l’hydrogène, ce qui bloque la sécrétion d’acide chlorhydrique par les cellules pariétales gastriques

• Veiller à ce que les capsules soient avalées intactes. • Surveiller les interactions médicamenteuses : peuvent diminuer les taux de phénytoïne, de diazépam et de warfarine ; peuvent être administrés en concomitance avec des antiacides.

• Réduction du volume et de la concentration des sécrétions gastriques

• Surveiller les effets indésirables : toxicité du système nerveux central (confusion ou délirium) et thrombocytopénie. • Garder un intervalle de une heure entre l’administration d’un antiacide et d’un antagoniste de l’histamine P.O. • Ajuster la posologie telle que prescrite pour les clients atteints d’une insufsance rénale modérée (clairance de la créatinine < 50 ml/min) ou grave (clairance de la créatinine < 10 ml/min).

• Formation d’un complexe avec les exsudats protéiques qui adhère aux ulcères • Recouvrement et protection de l’ulcère de l’acide, de la pepsine et des sels biliaires

• Ne pas administrer dans les 30 min suivant l’administration d’un antiacide, car son activation nécessite un milieu acide. • Surveiller les effets indésirables, notamment une constipation grave. • Surveiller les interactions médicamenteuses : peut diminuer l’absorption de certains médicaments.

Agents antiulcéreux Inhibiteurs de la pompe à protons gastriques Ésoméprazole (NexiumMD)

• 40 mg q.12-24 h P.O. • 30 mg sur 30 min q.24 h I.V.

Lansoprazole (PrevacidMD)

• 15-30 mg q.24 h P.O.

Oméprazole (LosecMD)

• 20-40 mg q.12 h P.O.

Pantoprazole (PantolocMD, Panto IVMD)

• 20-40 mg q.12-24 h P.O. • 80 mg q.8-12 h I.V.

Rabéprazole (ParietMD)

• 10-20 mg q.24 h P.O.

Antagonistes des récepteurs H2 de l’histamine Cimétidine (TagametMD)

• 300 mg q.6 h I.V. ou P.O.

Famotidine (PepcidMD)

• 40 mg/jour P.O. ou 20 mg q.12 h I.V.

Nizatidine (AxidMD)

• 150 mg q.12 h P.O. ou 300 mg q. 24 h P.O.

Ranitidine (ZantacMD)

• 150 mg q.12 h P.O. ou 50 mg q.8 h I.V.

Agent protecteur de la muqueuse gastrique Sucralfate (SulcrateMD)

• 1 g q.6 h par voie nasogastrique (N.G.) ou P.O., administré une heure avant les repas et au coucher

Antiacides Sels d’aluminium (AmphogelMD)

• 30-60 ml q.1-2 h P.O. ou N.G.

Sels de magnésium et d’aluminium (DiovolMD, MaaloxMD)

• Titrage possible au pH de N.G.

• Atténuation de l’acide gastrique et élévation du pH gastrique

• Surveiller toute diarrhée ou constipation ainsi qu’une perturbation des électrolytes. • Irriguer la sonde nasogastrique avec de l’eau après l’administration, car les antiacides peuvent obstruer le tube.

Octréotide Octréotide (SandostatinMD)

• Bolus I.V. de 25-50 mcg, suivi par une perfusion I.V. de 25-50 mcg/h pendant 48 h

• Diminution du ot sanguin splanchnique, réduisant la pression portale

Chapitre 29

• Surveiller les effets indésirables, notamment une hyperglycémie ou une hypoglycémie au début de la perfusion et au changement de dose.

Troubles gastro-intestinaux et approche thérapeutique

917

29

TABLEAU 29.4

Troubles gastro-intestinaux (suite)

MÉDICAMENTS

POSOLOGIE

EFFICACITÉ CLINIQUE

SURVEILLANCE INFIRMIÈRE

• Bolus I.V. de 20 unités en 20 min, suivi par une perfusion I.V. de 0,2-0,4 unité/min

• Diminution du ot sanguin splanchnique, réduisant la pression portale

• Surveiller les effets indésirables : vasoconstriction coronarienne, mésentérique et périphérique. • Administrer, au besoin, en concomitance avec la nitroglycérine pour réduire les effets indésirables.

Vasopressine Vasopressine (PressynMD)

Source : Adapté de Canadian Pharmacists Association (CPhA) (2011)

Les inhibiteurs de la pompe à protons diminuent la sécrétion d’acide gastrique en se liant à la pompe à protons, bloquant ainsi la sécrétion d’acide par les cellules pariétales de l’estomac. Ces inhibiteurs sont puissants et sont plus en mesure de réduire efcacement le taux de saignement ultérieur que les antagonistes des récepteurs H2 de l’histamine (Bardou, Martin, Barkun et al., 2009 ; Quenot, Thiery & Babar, 2009). L’ésoméprazole (NexiumMD), le pantoprazole (PantolocMD, Panto IVMD) et le rabéprazole (ParietMD) peuvent être administrés par voie I.V. Les inhibiteurs de la pompe à protons oraux se présentent sous forme de comprimés gastrorésistants ou de capsules à libération prolongée contenant des granules gastrorésistantes. L’absorption se produit dans un milieu alcalin et commence seulement après que les granules ont quitté l’estomac pour entrer dans le duodénum. Les antagonistes des récepteurs H2 de l’histamine diminuent le volume et la concentration des sécrétions gastriques et contrôlent le pH gastrique, diminuant la fréquence des saignements digestifs hauts liés au stress. Ils agissent en bloquant la stimulation de l’histamine par les récepteurs H2 situés sur les cellules pariétales de l’estomac, ce qui réduit la production d’acide (Quenot et al., 2009). Bien que ces médicaments puissent s’administrer par voie P.O. ou I.V., ils sont habituellement administrés par voie I.V. en soins critiques. Contrairement aux antagonistes des récepteurs H2 de l’histamine ou aux inhibiteurs de la pompe à protons, le sucralfate (SulcrateMD), un agent protecteur de la muqueuse gastrique, n’a aucun effet sur la concentration d’acide gastrique, mais exerce plutôt son action localement. Il réagit avec l’acide chlorhydrique pour former une substance pâteuse collante qui adhère à la surface de l’ulcère et le protège de la pepsine, de l’acide et de la bile. Le sucralfate se lie de manière prédominante à la muqueuse gastro-intestinale lésée et adhère peu au tissu normal (Quenot et al., 2009). Il est administré par voie P.O. ou par une sonde nasogastrique. Le sucralfate ne doit pas être broyé, mais peut être dissous dans 10 ml d’eau pour former une bouillie. Il est également offert en suspension.

918

Partie 6

Système gastro-intestinal

Octréotide L’octréotide, analogue synthétique de la somatostatine à action prolongée, est un peptide administré par voie parentérale chez les personnes présentant un saignement aigu et atteint d’une cirrhose. Il réduit la vasodilatation splanchnique et la pression portale en inhibant la sécrétion de diverses hormones vasodilatatrices ; il est aussi efcace que la vasopressine pour traiter le saignement variqueux avec un minimum d’effets indésirables. Associé au traitement endoscopique, l’octréotide constitue le traitement de choix pour rétablir l’hémostase (Cat & Liu-DeRyke, 2010).

Vasopressine La vasopressine permet de réduire les ulcères gastriques et le saignement des varices. Elle est administrée par voie intra-artérielle, au moyen d’un cathéter inséré dans l’artère gastrique droite ou gauche (par l’artère fémorale, l’aorte et le tronc cœliaque) ou par voie I.V. Elle provoque une vasoconstriction splanchnique et généralisée, réduisant ainsi le ot sanguin et la pression dans la circulation porte (Foster et al., 2010 ; Miñano & Garcia-Tsao, 2010 ; Opio & Garcia-Tsao, 2011). Un effet indésirable important de ce médicament est la vasoconstriction généralisée, qui peut entraîner une ischémie cardiaque, une douleur thoracique, une hypertension, une insufsance cardiaque aiguë, une dysrythmie, une phlébite, une ischémie intestinale et un accident vasculaire cérébral. Il est possible de compenser ces effets indésirables par l’administration concomitante de nitroglycérine (Foster et al., 2010 ; Opio & Garcia-Tsao, 2011 ; Walker, Salazar, Waltman et al., 2012). D’autres complications comprennent une bradycardie et une rétention liquidienne. Dans le cadre de ce traitement, les responsabilités de l’inrmière sont le maintien de la perméabilité de la voie d’accès et le monitorage continu à l’affût d’une vasoconstriction liée au traitement. En raison des effets indésirables connus, la vasopressine ne constitue pas un traitement de première intention (Foster et al., 2010 ; Walker et al., 2012).

ÉTUDE DE CAS Cliente atteinte d’hémorragie digestive haute

SOLUTIONNAIRE

http://mabibliotheque. cheneliere.ca

Mise en contexte Sylvie Lemaître est une femme âgée de 70 ans et souffre depuis longtemps de douleur dorsale chronique. Elle prend des AINS depuis plusieurs années. Elle a récemment commencé à prendre de la warfarine pour traiter une brillation auriculaire.

Manifestations cliniques Madame Lemaître est admise à l’unité de soins intensifs parce qu’elle vomit du sang rouge vif. Elle est pâle et diaphorétique et se plaint de douleur épigastrique.

Collecte des données objectives Les signes vitaux de madame Lemaître sont les suivants : P.A. à 70/40 mm Hg, F.C. à 130 batt./min (tachycardie sinusale), F.R. à 30 R/min et T° à 38,5 °C. Sa diurèse est à 15 ml/h, son taux d’hémoglobine est à 90 g/L, et son RNI est 5,3.

Diagnostic médical Madame Lemaître présente un saignement digestif haut.

Questions 1. Quels sont les principaux résultats escomptés pour cette cliente ? 2. Quels problèmes prioritaires ou risques doivent être contrôlés pour obtenir ces résultats ? 3. Quelles interventions doivent être mises en œuvre pour surveiller, prévenir, gérer ou éliminer les problèmes et les risques désignés ? 4. Quelles interventions devraient être mises en œuvre pour optimiser le fonctionnement, la sécurité et le bien-être de la cliente ? 5. Quels besoins d’enseignement prévoyez-vous pour cette cliente ?

À RETENIR • L’hémorragie digestive aiguë peut être • L’insufsance hépatique aiguë est une causée par des ulcères peptiques, des maladie potentiellement mortelle caraculcères de stress ou des varices gastrotérisée par un dysfonctionnement grave œsophagiennes et peut entraîner un choc et soudain des cellules hépatiques, hypovolémique. une coagulopathie et une encéphalopathie hépatique. • Les traitements médicaux de l’hémorragie digestive aiguë se concentrent sur la res- • Les traitements médicaux de l’insufsance tauration de la stabilité hémodynamique et hépatique aiguë se concentrent sur la l’arrêt du saignement. Les interventions réduction des taux élevés d’ammoniaque inrmières comprennent le remplacement et le traitement des complications comme du volume liquidien, l’arrêt du saignement le saignement, les perturbations métaboet la surveillance des complications. liques, l’instabilité hémodynamique et • La pancréatite aiguë peut être causée par des l’insufsance rénale. Les interventions calculs biliaires et l’alcoolisme ; elle peut inrmières comprennent la protection du entraîner une autodigestion du pancréas. client contre les blessures et la surveil• Les traitements médicaux de la pancréalance des complications. tite aiguë se concentrent sur la gestion des • Les complications liées à la chirurgie gastroliquides, le soutien nutritionnel et le intestinale comprennent l’atélectasie, la contrôle des complications généralisées pneumonie, la fuite anastomotique, la thromet localisées. Les interventions infirbose veineuse profonde et le saignement. mières comprennent le soulagement de la douleur, la surveillance des complica- • Les interventions inrmières postopérations ainsi que le soutien émotif. toires à une chirurgie gastro-intestinale Chapitre 29

comprennent le soulagement de la douleur et la prévention des complications. • Les sondes nasogastriques et les sondes intestinales longues sont souvent utilisées dans le traitement des troubles gastro-intestinaux. • Les interventions endoscopiques pour traiter le saignement comprennent l’injection endoscopique et la ligature endoscopique des varices. • Le shunt intrahépatique portosystémique transjugulaire (TIPS) est une intervention angiographique visant à réduire l’hypertension portale. • Les agents pharmacologiques couramment utilisés dans le traitement des troubles gastro-intestinaux comprennent les inhibiteurs de la pompe à protons, les antagonistes des récepteurs H2 de l’histamine, les agents protecteurs de la muqueuse gastrique, les antiacides, l’octréotide et la vasopressine.

Troubles gastro-intestinaux et approche thérapeutique

919

PARTIE

7 Système endocrinien CHAPITRE 30

Anatomie et physiologie du système endocrinien              922 CHAPITRE 31

Évaluation clinique du système endocrinien et examens paracliniques            936 CHAPITRE 32

Troubles endocriniens et approche thérapeutique           946

chapitre

30

Anatomie et physiologie du système endocrinien

Écrit par : Mary E. Lough, PhD, RN, CNS, CCRN, CNRN, CCNS Adapté par : Annick Jutras, inf., M. Sc., Ph. D. (c)

L

e maintien de l’équilibre dynamique entre les cellules, tissus, organes et systèmes du corps humain est un processus hautement complexe et spécialisé. Deux systèmes régulent ces relations essentielles : le système nerveux et le système endocrinien. Le système nerveux communique au moyen d’impulsions nerveuses qui gouvernent les muscles squelettiques, les tissus musculaires lisses et le tissu musculaire cardiaque. Le système endocri­ nien assure ses fonctions de contrôle et de communication en distribuant de puissantes hormones partout dans le corps. La FIGURE 30.1 présente la liste des glandes endocrines ainsi que leurs hor­ mones, leurs tissus cibles et leurs actions. Lorsque les glandes endocrines sont stimulées, elles produisent et sécrètent des hormones dans les liquides organiques avoisinants. Grâce à la cir­ culation, ces hormones se déplacent vers des tissus cibles précis, où elles exercent leurs effets. Les récepteurs présents sur les cellules des tissus cibles spécialisés, ou à l’intérieur de ces cellules, sont dotés de molécules qui reconnaissent l’hormone et qui permettent la liaison de celle­ci avec la cellule, ce qui entraîne une réponse précise.

30.1

Pancréas

30.1.1

Anatomie

Le pancréas est un long organe triangulaire. Il est décrit comme étant constitué d’une tête, d’un corps et d’une queue. La tête de l’organe s’appuie sur la courbure en forme de C du duodénum, tandis que la queue s’étend derrière et en dessous de l’estomac en

direction de la rate. Le pancréas mesure de 15 à 20 cm de longueur et 5 cm de largeur. Le pancréas a deux fonctions principales : une fonction exocrine digestive et une fonction endocrine hormonale.

Irrigation sanguine du pancréas Le pancréas reçoit un apport sanguin artériel en provenance de nombreuses sources. La tête du pancréas reçoit du sang artériel par les deux artères

30

FIGURE 30.1 Emplacement des glandes endocrines avec les hormones qu’elles sécrètent, les cellules ou les organes cibles et les actions hormonales.

Chapitre 30

Anatomie et physiologie du système endocrinien

923

pancréatico-duodénales : par l’artère pancréaticoduodénale supérieure, qui est une branche de l’artère hépatique (provenant du tronc cœliaque), et par l’artère pancréatico-duodénale inférieure, qui est une branche de l’artère mésentérique supérieure. Ces deux apports sanguins s’anastomosent. L’irrigation sanguine du cou, du corps et de la queue du pancréas est assurée par de multiples branches de l’artère splénique (une autre branche du tronc cœliaque). Le drainage veineux s’effectue par les veines qui correspondent aux artères et qui se déversent nalement dans la veine porte inférieure en direction du foie.

Cellules exocrines

27 L’anatomie exocrine du pancréas et les sucs pancréatiques digestifs sont abordés dans le chapitre 27, Anatomie et physiologie du système gastro-intestinal.

Les cellules exocrines spécialisées du pancréas sécrètent des enzymes digestives dans un conduit de 3 mm de large qui traverse le pancréas sur toute sa longueur. Le conduit pancréatique (canal de Wirsung) rejoint le canal cystique, transportant la bile du foie et de la vésicule biliaire, avant de se déverser dans le duodénum au niveau de la papille duodénale majeure. Cette sortie canalaire commune pour les deux organes met en évidence le risque qu’un calcul se loge dans la papille duodénale et bloque la vidange d’enzymes pancréatiques 27 . La majorité du tissu pancréatique sert à la production exocrine de sucs digestifs.

Cellules endocrines Le pancréas contient des cellules endocrines spécialisées qui sécrètent des hormones directement dans la circulation sanguine. Le tissu endocrinien représente moins de 5 % du volume total du pancréas. La discussion qui suit porte sur la fonction des hormones pancréatiques.

30.1.2

Physiologie

Traditionnellement, la physiologie du métabolisme du glucose mettait exclusivement l’accent sur le pancréas. Avec l’amélioration des connaissances, l’étude de la physiologie de ce métabolisme comprend maintenant les protéines qui assurent le transport du glucose dans les cellules (GLUT), ainsi que les incrétines, des hormones provenant du système gastro-intestinal. Dans le pancréas, des amas de cellules qui semblent former de petits îlots parmi les cellules exocrines accomplissent les fonctions endocrines pancréatiques. Ces amas sont appelés îlots de Langerhans et sont composés de quatre différents types de cellules : 1) alpha; 2) bêta; 3) delta; 4) PP. Les emplacements de ces cellules qui produisent des hormones distinctes sont indiqués dans la FIGURE 30.2. Les cellules alpha sécrètent le glucagon, les cellules bêta sécrètent l’insuline, les cellules delta sécrètent la somatostatine, et les cellules PP sécrètent le polypeptide pancréatique. Ces hormones sont sécrétées dans les capillaires sanguins environnants se déversant dans la veine

924

Partie 7

Système endocrinien

FIGURE 30.2

Structures macroscopiques et microscopiques du pancréas et des îlots de Langerhans.

porte. Elles sont tout d’abord distribuées vers des cellules cibles dans le foie et passent ensuite dans la circulation systémique pour atteindre les autres cellules cibles dans l’organisme.

Insuline L’insuline est une puissante hormone peptidique produite par les cellules bêta pancréatiques. Une concentration élevée de glucose dans le sang stimule la production et la sécrétion d’insuline. L’insuline est la seule hormone produite dans l’organisme qui abaisse directement la glycémie. L’insuline est responsable du stockage des glucides, des protéines et des lipides. De plus, elle augmente le transport du potassium dans les cellules, diminue la mobilisation des lipides et stimule la synthèse des protéines TABLEAU 30.1. L’ENCADRÉ 30.1 présente les termes employés pour décrire le métabolisme du glucose. L’augmentation de la glycémie est le principal stimulant de la sécrétion d’insuline. Plus l’augmentation de la glycémie est importante, plus un pancréas sain produit de l’insuline. D’autres hormones inhibent la sécrétion d’insuline TABLEAU 30.2.

Glycémie Au Canada, la glycémie (concentration de glucose dans la circulation sanguine) est mesurée en millimoles par litre (mmol/L), ce qui représente l’unité de mesure du système international utilisé partout dans le monde. L’intervalle de la glycémie normale est de 3,9 à 5,6 mmol/L (de 70 à 100 mg/dl). Aux États-Unis, la glycémie est mesurée en milligrammes par décilitre (mg/dl). Inversement, pour convertir des mmol/L de glucose en mg/dl, il suft de multiplier la valeur en mmol/L par 18. Pour convertir des mg/dl de glucose en mmol/L, il suft de diviser la valeur en mg/dl par 18.

TABLEAU 30.1

Propriétés des hormones pancréatiques

HORMONE

CELLULE SÉCRÉTRICE

FACTEUR STIMULANT LA LIBÉRATION

Glucagon

Alpha

• • • •

Insuline

Bêta

Somatostatine

TISSU CIBLE

RÉPONSE OU ACTION

• Cellules hépatiques • Cellules adipeusess

• • • • •

↑ glycémie ↑ gluconéogenèse ↑ glycogénolyse ↑ mobilisation des lipides ↑ mobilisation des protéines

• ↑ glycémie

• Cellules musculaires (squelettiques et cardiaques) • Cellules adipeuses • Cellules hépatiques

• • • • • •

↓ glycémie ↓ mobilisation des lipides ↓ mobilisation des protéines ↑ synthèse des protéines ↑ glycogénèse ↑ stockage des lipides

Delta

• Hyperglycémie

• Cellules alpha • Cellules bêta

• ↓ glycémie • ↓ sécrétion de glycogène • ↓ sécrétion d’insuline et de glucagon

Polypeptide pancréatique

PP

• Hypoglycémie aiguë

• Vésicule biliaire • Cellules musculaires lisses

• ↑ contraction de la vésicule biliaire • ↓ sécrétion d’enzymes pancréatiques

ENCADRÉ 30.1

Termes employés pour décrire le métabolisme du glucose

↓ glycémie Exercice ↑ acides aminés circulants Stimulation du système nerveux sympathique

• Anabolisme : phase du métabolisme durant laquelle l’organisme transforme des substances simples en composés plus complexes, en utilisant de l’énergie • Catabolisme : phase du métabolisme durant laquelle l’organisme décompose des substances complexes pour former des substances plus simples, en utili­ sant de l’énergie • Gluconéogenèse : formation de glucose à partir de nutriments autres que des glucides (p. ex., des lipides, des protéines) ; ce processus a lieu dans le foie

Anabolisme des glucides

• Glycogène : forme de stockage du glucose dans le foie et les muscles • Glycogénèse : formation de glycogène à partir du glucose et d’adénosine triphosphate (ATP) après un repas, quand ces deux éléments sont abondants • Glycogénolyse : conversion du glycogène stocké dans le foie et les muscles en glucose utilisable • Osmolalité : mesure du nombre de particules dans une solution ou concentra­ tion d’une solution

Le glucose entre dans les cellules des muscles squelettiques et cardiaques ainsi que dans les cellules adipeuses en présence d’insuline, et ce processus est facilité par un transporteur du glucose (GLUT). Le déplacement du glucose de la circulation vers le compartiment intracellulaire diminue sa concentration dans la circulation sanguine et aide à préserver l’osmolalité du sang. En même temps, le glucose est disponible dans les cellules en tant que principale source d’énergie. L’excédent de glucose est stocké sous forme de glycogène dans le foie et les cellules musculaires en vue d’être utilisé ultérieurement. Dans le muscle squelettique, 90 % du glucose présent dans les cellules est transformé en glycogène à des ns de stockage à long terme (Greenberg, Jurczak, Danos et al., 2006). Le glycogène hépatique peut représenter jusqu’à 10 % du poids total du foie (Greenberg et al., 2006).

TABLEAU 30.2

Agents qui favorisent ou qui inhibent la libération d’insuline

LIBÉRATION D’INSULINE

INHIBITION DE L’INSULINE

Hormones

30

Adrénaline

Noradrénaline

Corticotrophine

Somatostatine

Glucagon

Somatotrophine

Glucocorticoïdes

TSH

Incrétines Médicaments Acétylcholine

Stimulants bêta­adrénergiques

Bêtabloquants

Sulfonylurées

Métabolisme des lipides

Diazoxide

Théophylline

Des concentrations adéquates d’insuline ont une incidence sur le métabolisme des lipides. Des

Phénytoïne

Thiazide ou diurétiques sulfamidés

Chapitre 30

Anatomie et physiologie du système endocrinien

925

32 La physiopathologie, les manifestations cliniques ainsi que les soins et les traitements de l’acidocé­ tose diabétique sont abor­ dés dans le chapitre 32, Troubles endocriniens et approche thérapeutique.

dyslipidémies sont fortement associées au diabète de type 2. Celui-ci est caractérisé par une surproduction de grosses lipoprotéines de très basse densité (VLDL) riches en triglycérides (Adiels, Olofsson, Taskinen et al., 2008). Les troubles du métabolisme des glucides et des lipides sont également associés au syndrome métabolique (Brunzell, Davidson & Furberg, 2008). Ce syndrome est un regroupement de facteurs qui accroissent le risque de développer une maladie cardiovasculaire et le diabète de type 2 7 . Ces facteurs de risque comprennent l’obésité abdominale (circonférence de taille élevée), un taux élevé de triglycérides sériques, un taux bas de lipoprotéines de haute densité (HDL) sériques, une hyperglycémie à jeun et une pression artérielle élevée (Alberti, Eckel, Grundy et al., 2009 ; Després & Lemieux, 2006).

des protéines essentielles et le transport des acides aminés dans les cellules. Le corps utilise des protéines comme source énergétique uniquement dans les cas d’hyperglycémie aiguë qui surviennent au moment de l’acidocétose diabétique ou dans les cas de malnutrition (p. ex., un état de jeûne prolongé) 32 .

Glucagon

ÉQUILIBRE ENTRE L’INSULINE ET LE GLUCAGON

DIMINUTION DE L’INSULINE ET AUGMENTATION DU GLUCAGON

↑ utilisation du glucose par les cellules

↑ glycémie

↑ déplacement intracellulaire du potassium

↑ gluconéogenèse

↑ métabolisme des glucides

↑ glycogénolyse

↑ stockage du glycogène

↑ lipolyse

↑ stockage des lipides

↑ mobilisation des lipides

↑ synthèse des protéines

↑ métabolisme hépatique des lipides

↓ gluconéogenèse

↑ cétogenèse

Le glucagon, synthétisé par les cellules alpha pancréatiques, a un effet contraire à celui de l’insuline. Le glucagon est libéré lorsque la glycémie descend sous la normale an d’induire la libération de glucose hépatique et ainsi éviter les effets délétères de l’hypoglycémie. Puisque le glucagon s’oppose en plus à la régularisation du taux d’insuline et augmente la glycémie, il s’agit d’une puissante hormone gluconéogénique. Par l’entremise de la gluconéogenèse, le glucagon permet la production de glucose à partir de sources non glucidiques comme des lipides ou des protéines, au besoin. La libération de glucagon par le pancréas est stimulée par de bas taux de glucose sérique, le jeûne, l’exercice ou la stimulation du système nerveux sympathique, comme l’indique le TABLEAU 30.3 (Cryer, 2012 ; Taborsky, 2010). Pour répondre aux besoins énergétiques à court terme, le glucagon stimule la libération de glycogène stocké dans le foie et les cellules musculaires. Par un processus appelé glycogénolyse, le glycogène stocké dans le foie est transformé en glucose qui est libéré dans la circulation sanguine et qui peut être utilisé par les cellules (Cryer, 2012). Pour répondre aux besoins énergétiques à long terme, le glucagon stimule la libération de glucose par un processus plus complexe appelé gluconéogenèse. Au cours de ce processus, les lipides et les protéines sont décomposés puis transformés en glucose (Cryer, 2012). Le rapport entre l’insuline et le glucagon permet de maintenir une glycémie normale dans un corps en santé. Quand la glycémie est élevée, l’insuline est libérée, et le glucagon se trouve inhibé. Quand la glycémie est basse, du glucagon est libéré au lieu de l’insuline an d’augmenter la glycémie. Le cerveau a des réserves très limitées en glucose, et le glucagon est essentiel pour le protéger contre les effets de l’hypoglycémie (Cryer, 2012 ; Thorens, 2011).

↓ glycogénolyse

↑ mobilisation des protéines

Somatostatine

↓ lipolyse

↑ protéolyse

↓ mobilisation des lipides

↑ lipoprotéines

↓ mobilisation des protéines

↓ utilisation du glucose par les cellules

7 Le chapitre 7, Altérations et gestion de l’état nutrition­ nel, présente les résultats d’évaluation nutritionnelle possiblement associés à une maladie cardiovasculaire.

Conservation des protéines Le métabolisme des protéines bénécie également d’un apport adéquat en insuline. L’insuline et les GLUT (voir ci-après) facilitent conjointement le transport du glucose à travers la paroi cellulaire, comme nous le verrons plus loin. Le fait que le glucose soit disponible comme source d’énergie pour le corps permet d’éviter l’utilisation des protéines à cette n. Ces dernières sont donc disponibles pour leur rôle, c’est-à-dire pour la synthèse

TABLEAU 30.3

Effets du rapport entre l’insuline et le glucagon sur le métabolisme des glucides, des lipides et des protéines

↓ déplacement intracellulaire du potassium ↓ stockage du glycogène ↓ stockage des lipides

926

Partie 7

Système endocrinien

La somatostatine est une hormone produite dans les cellules delta pancréatiques. La somatostatine réduit la sécrétion de glucagon, et lorsqu’elle est présente en quantité importante, elle diminue la libération d’insuline TABLEAU 30.1. L’hyperglycémie stimule l’activité des cellules delta. L’hypothèse est que la libération d’insuline permet à la somatostatine de contrôler l’activité des cellules bêta. La somatostatine participerait aussi à la régulation de l’afflux postprandial de glucose dans les cellules.

Polypeptide pancréatique Le rôle du polypeptide pancréatique, synthétisé par les cellules PP pancréatiques, n’est pas entièrement élucidé. La libération du polypeptide pancréatique peut être stimulée par une hypoglycémie aiguë ou par un apport alimentaire à teneur élevée en protéines et à faible teneur en glucides. L’effet de l’hypersécrétion ou de l’hyposécrétion du polypeptide pancréatique n’a pas été déterminé. Cette hormone limite la sécrétion exocrine d’enzymes pancréatiques et décontracte le tissu musculaire lisse de la vésicule biliaire.

Transporteurs du glucose Les cellules humaines absorbent le glucose par l’entremise de protéines transmembranaires facultatives assurant le transport du glucose ; ce type de protéines est désigné par le terme générique transporteur du glucose (GLUT). Actuellement, 14 GLUT distincts (GLUT 1 à GLUT 14) sont répertoriés à la surface cellulaire des différents tissus de l’organisme. La physiologie de la majorité de ces transporteurs de glucose n’est pas encore complètement élucidée. Les GLUT 1 à 4 les sont mieux connus et ils possèdent quelques spécicités fonctionnelles les particularisant (Thorens, 2012). À l’échelle cellulaire, le glucose traverse la membrane plasmique

TABLEAU 30.4

de la cellule à travers des pores aqueux formés par les GLUT (Thorens, 2010).

Incrétines Les incrétines, qui sont des hormones libérées par le tube digestif après un repas, augmentent la production d’insuline par les cellules bêta pancréatiques. Deux incrétines ont une importance clinique particulière : le GIP (glucose-dependent insulinotropic polypeptide) et le GLP-1 (glucagon-like peptide-1). La physiologie des incrétines a été utilisée pour mettre au point de nouveaux médicaments qui abaissent la glycémie postprandiale dans les cas de diabète de type 2 32 . En raison de la libération des incrétines intestinales, l’ingestion d’une quantité donnée de glucose par voie orale entraîne la libération de plus d’insuline que si cette même quantité de glucose est administrée par voie intraveineuse (Ahrén, Carr & Deacon, 2010 ; Phillips & Prins, 2011). L’augmentation de la sécrétion d’insuline stimulée par les incrétines peut représenter jusqu’à 70 % de la réponse insulinique, selon la grosseur du repas (Ahrén et al., 2010 ; Phillips & Prins, 2011). Cet effet des incrétines est altéré chez les clients atteints de diabète de type 2 (Ahrén et al., 2010 ; Phillips & Prins, 2011). Les effets physiologiques du GIP et du GLP-1 sont indiqués dans le TABLEAU 30.4.

32 Le chapitre 32, Troubles endocriniens et approche thérapeutique, décrit l’uti­ lisation des incrétines par la médication dans le traite­ ment du diabète de type 2.

Impact des incrétines sur le métabolisme

ACTIONS SUR ORGANE/SYSTÈME

GIP

GLP-1

Pancréas

• Stimule la synthèse et la libération de l’insuline par les cellules bêta pancréatiques après un repas quand la glycémie est élevée.

• Stimule la synthèse et la libération de l’insuline par les cellules bêta pancréatiques après un repas quand la glycémie est élevée.

• Maintient la masse et la fonction des cellules bêta pancréatiques. • Retarde la mort régulée (apoptose) des cellules bêta pancréatiques.

• Maintient la masse et la fonction des cellules bêta pancréatiques.

• Augmente l’expression de GLUT2 dans le pancréas.

• Augmente l’expression de GLUT2 dans le pancréas. • Augmente la libération de somatostatine par les cellules delta pancréatiques. • Réduit la libération de glucagon par les cellules alpha pancréatiques.

• Retarde la mort régulée (apoptose) des cellules bêta pancréatiques.

Foie

• Diminue la libération de glucose par le foie.

Système gastrointestinal

• Retarde la vidange gastrique.

SNC

• Diminue l’appétit. • Procure une sensation de satiété après un repas.

Muscle

• Augmente l’absorption du glucose dans les muscles.

Tissu adipeux

• Augmente l’absorption du glucose dans les adipocytes. • Augmente la synthèse des acides gras libres en triglycérides.

Os

• Augmente la formation osseuse. • Diminue la résorption osseuse.

• Augmente la formation osseuse. • Diminue la résorption osseuse.

Chapitre 30

Anatomie et physiologie du système endocrinien

927

30

Les incrétines ont d’autres effets physiologiques bénéques, incluant la prolifération de cellules bêta pancréatiques, le retard de la mort régulée (apoptose) des cellules bêta et l’augmentation des protéines GLUT2 dans les îlots de Langerhans. Les incrétines amplient les effets de l’insuline en augmentant l’absorption du glucose et des acides gras et leur stockage sous forme de triglycérides (Campbell, 2011).

30.2

Hypophyse et hypothalamus

30.2.1

Anatomie

L’hypothalamus est lié à l’hypophyse de deux manières : un réseau vasculaire relie l’hypothalamus au lobe antérieur de l’hypophyse, et une voie distincte de bres nerveuses relie l’hypothalamus au lobe postérieur de l’hypophyse. Pour bien saisir la relation entre l’hypothalamus et l’hypophyse, il est nécessaire de comprendre la proximité qui existe entre ces deux organes. L’hypothalamus repose à la base du cerveau, audessus de l’hypophyse. Il est composé de tissus nerveux spécialisés responsables de la fonction intégrée du système nerveux et du système endocrinien, à savoir le contrôle neuroendocrinien. L’hypothalamus pèse environ 4 g, forme les parois et la portion inférieure du troisième ventricule cérébral. La surface composant le plancher du ventricule s’épaissit au centre et s’allonge. C’est à partir de cette portion en forme d’entonnoir (infundibulum), appelée tige pituitaire, que l’hypophyse est suspendue, comme l’illustre la FIGURE 30.3. La tige pituitaire contient un important approvisionnement vasculaire et un réseau de neurones de communication qui vont de l’hypothalamus à l’hypophyse. Le réseau vasculaire et les voies neurales transportent des signaux chimiques et neuraux, et ils assurent une communication constante entre le système nerveux et le système endocrinien. L’hypophyse est aussi appelée glande pituitaire. Attachée sous l’hypothalamus, elle est située à la base de la boîte crânienne dans une dépression creuse de l’os sphénoïde appelée selle turcique. Logée dans un tel environnement protégé, l’hypophyse est l’une des glandes endocrines les plus inaccessibles chez les humains. Cependant, en raison de son emplacement, elle est susceptible de subir des lésions en cas de chirurgie ou de trauma accidentel au visage ou à la tête. L’hypophyse est composée du lobe antérieur et du lobe postérieur FIGURE 30.3. Chacune de ces composantes a une origine, une morphologie et une fonction distinctes.

Lobe antérieur de l’hypophyse Le lobe antérieur de l’hypophyse, aussi appelé adénohypophyse, est la plus grosse portion de la glande. L’hypothalamus communique avec celui-ci par un

928

Partie 7

Système endocrinien

FIGURE 30.3 Anatomie de l’hypothalamus et de l’hypophyse.

réseau vasculaire. Le tissu glandulaire du lobe antérieur produit plusieurs hormones, incluant l’ACTH, la TSH, les gonadotrophines (telles que la FSH et la LH), la somatotrophine (STH ou hormone de croissance [GH]) et la prolactine. La FIGURE 30.1 présente de l’information sur toutes ces hormones, sur leurs tissus cibles et sur leurs actions respectives.

Lobe postérieur de l’hypophyse Le lobe postérieur de l’hypophyse est aussi appelé neurohypophyse. L’hypothalamus est relié à celui-ci au moyen de bres nerveuses qui traversent la tige pituitaire. La neurohypophyse n’a aucune propriété glandulaire, mais elle fonctionne en tant que prolongement de l’hypothalamus. Elle recueille, stocke puis libère des hormones produites dans l’hypothalamus. Il s’agit de l’ocytocine et de l’ADH.

30.2.2

Physiologie

L’hypothalamus est connu comme étant la « glande chef d’orchestre » en raison de son inuence sur tous les aspects du fonctionnement du corps humain. Il gouverne l’action et la réponse de l’hypophyse en sécrétant des substances appelées facteurs inhibant la sécrétion. Ces facteurs contrôlent la libération ou l’inhibition d’autres hormones. L’hormone de libération de la thyréostimuline (TRH) est un exemple de facteur de libération. Presque chaque fonction nécessaire au maintien du corps humain dans un état d’équilibre dynamique est régulée de cette façon. La fonction de l’ADH est

l’une des plus importantes à comprendre au moment de prodiguer des soins à des clients gravement malades.

Hormone antidiurétique L’hormone antidiurétique (ADH), aussi appelée vasopressine, est une importante hormone responsable de la régulation de l’équilibre hydrique du corps. Elle agit par l’entremise de récepteurs spécialisés de la vasopressine (récepteurs V) dans certains tissus cibles : • les récepteurs V1 dans la paroi artérielle ; • les récepteurs V2 dans les tubes collecteurs des reins ; • les récepteurs V3 dans le tissu hypophysaire. L’ADH a deux fonctions : par l’entremise des récepteurs V1, elle entraîne la constriction des muscles lisses de la paroi artérielle, et par l’entremise des récepteurs V2, elle régule l’équilibre hydrique en modiant la perméabilité à l’eau des tubules rénaux. Ce faisant, l’ADH contribue au maintien du taux de sodium dans le liquide extracellulaire en contrôlant l’osmolalité plasmatique 25 . La concentration d’ions sodium dans le plasma détermine en grande partie l’osmolalité plasmatique. Les récepteurs osmotiques situés dans l’hypothalamus sont sensibles aux variations de l’osmolalité du plasma en circulation (Sinke & Deen, 2011).

Les troubles du métabolisme de l’eau sont divisés en deux catégories, à savoir les troubles hyperosmolaires et les troubles hypo-osmolaires. Les troubles hyperosmolaires sont associés à une carence en eau corporelle par rapport au nombre total d’ions et de particules non dissociées présentes dans le plasma (p. ex., le glucose). Les troubles hypo-osmolaires découlent d’un excès en eau corporelle par rapport au nombre total d’ions et de particules non dissociées dans le plasma (Adler & Verbalis, 2006). Les métabolismes du sodium et de l’eau sont régulés par des systèmes corporels différents, mais complémentaires. Le métabolisme du sodium est principalement régulé par le système rénineangiotensine-aldostérone (SRAA), tandis que le métabolisme de l’eau est régulé par l’ADH 24 . Un faible taux de sodium est associé à une faible osmolalité plasmatique (état hypo-osmolaire). Quand le taux de sodium augmente, l’osmolalité plasmatique s’accroît elle aussi (état hyperosmolaire). L’ADH est alors libérée pour stimuler la réabsorption de l’eau dans le néphron an de maintenir l’équilibre sodique. Ce processus diminue la perte d’eau par le corps et entraîne donc la concentration ainsi que la réduction du volume urinaire. Le liquide conservé de cette façon est retourné dans le plasma en circulation, où il dilue la concentration (osmolalité) du plasma FIGURE 30.4.

24 Les mécanismes du sys­ tème rénine­angiotensine­ aldostérone sont décrits dans le chapitre 24, Ana­ tomie et physiologie du système rénal.

25 Le chapitre 25, Évaluation clinique du système rénal et examens paracliniques, aborde également le con­ trôle de l’osmolalité plas­ matique et explique l’effet de l’ADH sur la rétention ou l’élimination de l’eau par les reins.

30

FIGURE 30.4 Physiologie de la libération et de l’inhibition de l’hormone antidiurétique (ADH).

Chapitre 30

Anatomie et physiologie du système endocrinien

929

TABLEAU 30.5

Facteurs ayant une incidence sur le taux d’hormone antidiurétique

STIMULATION DE L’ADH

• • • • •

INHIBITION DE L’ADH

↑ de l’osmolalité du plasma Douleur Hémorragie Hypovolémie Vomissements

• • • • • •

↓ de l’osmolalité du plasma Anomalie congénitale Froid Hypervolémie Inhalation de dioxyde de carbone Intoxication hydrique

Dommages au système hypothalamus-hypophyse • • • • • • • • •

Infections aiguës Stimulation des barorécepteurs Stress physique et émotionnel Trouble du sommeil nocturne Trauma accidentel Trauma chirurgical Traumatisme pathologique Troubles pulmonaires bénins Tumeurs malignes

• Trauma accidentel • Trauma chirurgical • Traumatisme pathologique

Médicaments • • • • • • • • • • • • •

Acétaminophène Amitriptyline Anesthésiques Barbituriques Carbamazépine Chlorpropamide Cyclophosphamide Diurétiques épargneurs de potassium Glucocorticoïdes Isoprotérénol Nicotine Ocytocine Vincristine

13 et 24 Les chapitres 13, Examens paracliniques du système cardiovasculaire, et 24, Anatomie et physiologie du système rénal, traitent également du métabo­ lisme du calcium et des conséquences physiolo­ giques d’un déséquilibre de la calcémie.

930

Partie 7

médicaments. Le TABLEAU 30.5 dresse la liste de différents facteurs ayant une incidence sur les taux d’ADH.

• • • • • • • • •

Chlorpromazine Déméclocycline Éthanol Lithium Noradrénaline Opiacés Phénytoïne Réserpine Tolazamide

La libération d’ADH augmente en présence d’hypovolémie. Ce sont principalement la pression osmotique du plasma et le volume du sang en circulation qui régulent la libération d’ADH. Les mécanorécepteurs musculaires situés dans les oreillettes sont sensibles aux changements de volume circulant qui peuvent être causés par des vomissements, de la diarrhée ou une perte de sang. Une hémorragie assez importante pour faire baisser la pression artérielle ainsi que des vomissements assez importants pour réduire le volume de liquide peuvent stimuler la libération d’ADH. Les autres facteurs pouvant avoir une incidence sur la sécrétion d’ADH sont la douleur, le stress, la présence d’une tumeur maligne, une intervention chirurgicale, l’alcool et certains

Système endocrinien

30.3

Thyroïde

30.3.1

Anatomie

La thyroïde pèse de 15 à 25 g chez un humain adulte (Mohebati & Shaha, 2012). La taille de cette glande chez l’adulte varie en fonction de la disponibilité de l’iode de source alimentaire dans les différentes régions du globe (sel iodé ou poissons). La glande recouvre partiellement la trachée et enrobe la région du deuxième au quatrième anneau trachéal sur les faces antérieure et latérale, et elle est située au niveau de la sixième et de la septième vertèbre cervicale sur la face postérieure. La thyroïde repose sous le cartilage thyroïde et la surface articulaire du cartilage cricoïde. Cette glande en forme de nœud papillon possède deux lobes latéraux partiellement recouverts par les muscles sternohyoïdien et sternothyroïdien. L’isthme thyroïdien, l’étroite bande de tissu thyroïdien qui relie les lobes latéraux, repose directement sous le cartilage cricoïde FIGURE 30.5. Deux nerfs importants associés à la parole et à la déglutition passent près de la thyroïde : le nerf laryngé récurrent et le nerf laryngé supérieur sont des branches du nerf vague. L’importante variation anatomique sur le plan de l’emplacement de ces nerfs augmente le risque de lésion durant les interventions chirurgicales, comme dans le cas d’une thyroïdectomie (Mohebati & Shaha, 2012). La thyroïde a une importante irrigation sanguine provenant des artères thyroïdiennes supérieure et inférieure. L’artère thyroïdienne supérieure est la première branche de l’artère carotide externe. Le drainage veineux est assuré par les veines thyroïdiennes supérieure, moyenne et inférieure. Le drainage lymphatique suit la voie des veines thyroïdiennes (Mohebati & Shaha, 2012). Les unités fonctionnelles de la thyroïde sont des cellules sphériques appelées follicules. Les follicules sont remplis d’une protéine appelée la thyroglobuline (Stathatos, 2012). Les parathyroïdes (habituellement au nombre de quatre) sont étroitement associées à la surface postérieure de la thyroïde. Ces glandes tirent leur nom de leur proximité anatomique avec la thyroïde, mais elles ont une fonction complètement différente. Les parathyroïdes maintiennent l’homéostasie du calcium 13 et 24 .

30.3.2

Physiologie

Le fonctionnement de la thyroïde varie selon plusieurs facteurs qui répondent à une interaction hormonale délicate ; l’hypothalamus, lobe antérieur de

FIGURE 30.5

Anatomie générale de la thyroïde humaine.

l’hypophyse, l’apport alimentaire en iode et les corps protéiques en circulation dans le sang. Ces éléments ont tous une incidence sur la fonction de la thyroïde.

Hypophyse et thyréostimuline Le lobe antérieur de l’hypophyse sécrète de la TSH. Celle-ci stimule ensuite la thyroïde an qu’elle produise et libère des hormones thyroïdiennes.

Iode et iodure Par un processus complexe, l’iode alimentaire provenant majoritairement du sel iodé (sel de table) est absorbé et concentré dans les follicules thyroïdiens. Environ 100 microgrammes (mcg) d’iode sont nécessaires sur une base quotidienne pour générer des quantités sufsantes d’hormones thyroïdiennes. Dans les follicules thyroïdiens, l’iode est oxydé en iodure par une enzyme, la thyroïde peroxydase. Par un transport actif, la tyrosine lie l’iodure à la thyroglobuline, produisant ainsi de la tri-iodothyronine

(T3) et de la thyroxine (T4). Plus de 99 % de la T3 et de la T4 présentes dans la circulation sanguine sont liées à des protéines de transport : la globuline liant la T4, la préalbumine et l’albumine. L’inme quantité d’hormones thyroïdiennes libres qui ne sont pas liées à une protéine est responsable de l’activation des réponses thyroïdiennes dans l’organisme.

30

Thyroglobuline La thyroglobuline est un précurseur clé dans la biosynthèse d’hormones thyroïdiennes. La thyroglobuline est stockée dans les follicules thyroïdiens jusqu’à ce que le corps en ait besoin. La libération de TSH stimule la sécrétion de thyroglobuline dans la circulation sanguine (Stathatos, 2012).

Tri-iodothyronine et thyroxine La TSH stimule l’activité des cellules thyroïdiennes qui, en présence d’iode dans les follicules thyroïdiens, produisent des hormones thyroïdiennes (T3 et T4). Dans une thyroïde normale,

Chapitre 30

Anatomie et physiologie du système endocrinien

931

une proportion de 10 % des hormones thyroïdiennes sont produites sous forme de T3, et 90 % sous forme de T4. Ces hormones sont nommées d’après le nombre d’atomes d’iode présents dans leur structure ; la T3 a trois atomes d’iode tandis que la T4 en possède quatre (Stathatos, 2012). La majeure partie de la T4 est par la suite convertie en T3, laquelle est plus active sur le plan biologique. La majorité de la T3 présente dans la circulation sanguine résulte de la conversion de T4 en T3 dans les tissus périphériques, le foie et les reins. La T3 agit plus rapidement que la T4 sur les tissus cibles, et son action s’avère plus puissante. Ces deux hormones thyroïdiennes ont une incidence sur le taux d’utilisation de l’oxygène dans le corps ; par conséquent, elles modient tous les processus métaboliques.

Calcitonine

13 Le chapitre 13, Examens paracliniques du système cardiovasculaire, traite des valeurs normales du taux de calcium sérique ainsi que des conséquences d’un déséquilibre de la calcémie.

932

Partie 7

La thyroïde produit une troisième hormone, la calcitonine, aussi appelée thyrocalcitonine. Cette hormone est produite par des cellules parafolliculaires, ou cellules C, qui sont dispersées parmi les follicules thyroïdiens. La calcitonine agit de concert avec l’hormone parathyroïdienne pour maintenir des concentrations normales de calcium dans le sang 13 . La calcitonine diminue la calcémie par l’entremise de l’excrétion urinaire de calcium et en favorisant l’absorption du calcium dans les os. En revanche, l’hormone parathyroïdienne limite la perte urinaire de calcium et stimule les os an qu’ils libèrent du calcium. Dans le reste de la présente discussion, le terme d’hormones thyroïdiennes désigne la T3 et la T4, et non la calcitonine.

FIGURE 30.6 Boucle de rétroaction de l’axe hypothalamus-hypophyse-thyroïde.

Ces récepteurs déclenchent une réponse du système nerveux sympathique et libèrent de la noradrénaline par les terminaisons nerveuses sympathiques (Silva & Bianco, 2008). Cela entraîne la stimulation du tissu cardiaque, du tissu nerveux et du tissu musculaire lisse, ainsi que l’augmentation du métabolisme et de la thermogenèse (production de chaleur corporelle). L’ENCADRÉ 30.2 énumère les principales actions des hormones thyroïdiennes.

Boucle de rétroaction de l’axe hypothalamus-hypophyse-thyroïde

30.4

Glande surrénale

L’axe hypothalamus-hypophyse-thyroïde assure la régulation des mécanismes de la synthèse et de la sécrétion d’hormones thyroïdiennes. La production et la sécrétion d’hormone thyroïdienne sont régulées par un mécanisme de rétroaction qui limite la quantité d’hormone en circulation aux besoins cellulaires à tout moment FIGURE 30.6. En réponse à une diminution du taux de T3 et de T 4 en circulation, l’hypothalamus libère de la TRH. Cette hormone entraîne la production et la libération de TSH par le lobe antérieur de l’hypophyse. À son tour, la TSH stimule la thyroïde an qu’elle produise et libère de la T3 et de la T4 en présence d’iode (Stathatos, 2012). Quand les taux sériques de T3 et de T4 sont élevés, l’hypothalamus limite la relâche de TRH, ce qui inhibe la production de TSH additionnelle par l’hypophyse. Quand les taux de T3 et de T4 sont faibles, l’hypothalamus augmente la relâche de TRH an de stimuler l’hypophyse à sécréter de la TSH additionnelle. L’objectif de cet axe de communication est le maintien des taux d’hormones thyroïdiennes stables dans le sang. La T4 entraîne l’activation de récepteurs bêtaadrénergiques dans les différentes régions du corps.

30.4.1

Anatomie

Système endocrinien

Les glandes surrénales, aussi appelées surrénales, sont de petits organes jaunâtres et bilatéraux de forme pyramidale ou semi-lunaire situés au-dessus des reins. En tant que voisins des reins, les surrénales sont situées dans le rétropéritoine et intégrées dans le coussinet adipeux des reins. Une glande surrénale normale mesure de 3 à 4 cm dans son axe le plus long et pèse environ 5 g chez l’adulte FIGURE 30.7. Sur le plan fonctionnel et histologique, la surrénale est divisée en deux glandes : la corticosurrénale et la médullosurrénale. Ces deux régions sécrètent des hormones qui font partie intégrante de la réponse du corps au stress.

Corticosurrénale La corticosurrénale est la région externe plus épaisse, et elle représente jusqu’à 85 % de la glande. Elle se compose de trois différentes couches de cellules, chacune ayant une fonction endocrine particulière : la zone glomérulée, la zone fasciculée et la zone réticulée. La corticosurrénale sécrète principalement du cortisol, assure la régulation de l’homéostasie des

ENCADRÉ 30.2

• • • • • • • • • • • •

Principales fonctions des hormones thyroïdiennes

Interagissent avec la somatotrophine (STH). Favorisent la maturation du squelette. Participent au développement du SNC. Stimulent le métabolisme des glucides. Augmentent le taux d’absorption du glucose par le tube digestif. Augmentent le taux d’utilisation du glucose par les cellules. Accélèrent le métabolisme des lipides. Augmentent la dégradation du cholestérol dans le foie. Diminuent le taux de cholestérol sérique. Augmentent l’anabolisme et le catabolisme des protéines. Mobilisent les protéines et libèrent des acides aminés dans la circulation. Augmentent l’énergie provenant des protéines par la gluconéogenèse.

liquides au moyen de l’aldostérone et sécrète éga­ lement, en faible concentration, des androgènes aussi appelés gonadocorticoïdes, tels que la déhydro­ épiandrostérone (DHEA) et des précurseurs des œstrogènes.

Médullosurrénale La région interne de la glande surrénale constitue la médullosurrénale. Celle­ci fait partie du système ner­ veux sympathique, et elle ressemble davantage à un regroupement de neurones qu’à une glande endo­ crine au point de vue histologique. La médullosurré­ nale contient des amas de cellules chromafnes spécialisées qui sont en fait des neurones prégan­ glionnaires sympathiques modiés (Díaz­Flores, Gutiérrez, Varela et al., 2008 ; Pérez­Alvarez, Hernández­Vivanco & Albillos, 2010). Les différents ensembles de cellules chromafnes contiennent des granules chromafnes propres à chacune des caté­ cholamines (adrénaline ou noradrénaline) (Díaz­ Flores et al., 2008). Les granules pour chaque catécholamine apparaissent dans différents ensembles de cellules dans la médullosurrénale. Une cellule chromafne contient habituellement des gra­ nules seulement pour une des catécholamines (Díaz­ Flores et al., 2008). La médullosurrénale est stimulée par le système nerveux sympathique au moyen des faisceaux pré­ ganglionnaires de bres nerveuses sympathiques qui proviennent de la moelle épinière (Díaz­Flores et al., 2008). Le rôle des cellules chromafnes est de sécré­ ter des catécholamines, soit de l’adrénaline et de la noradrénaline. En présence de stress physiologique, ces neurotransmetteurs, qui agissent en tant qu’hor­ mones, produisent de vastes effets excitateurs décrits comme étant une « poussée d’adrénaline » ou une « réaction de lutte ou de fuite » (Pérez­Alvarez et al., 2010). L’adrénaline tend à faire augmenter la

• • • • • • • •

• • • •

Augmentent la demande en vitamines du corps. Augmentent la consommation et l’utilisation d’oxygène. Augmentent le métabolisme basal. Ont des effets chronotropiques et inotropiques marqués sur le cœur. Augmentent le débit cardiaque. Stimulent la contractilité et l’excitabilité du myocarde. Augmentent le volume sanguin. Augmentent la fréquence et l’amplitude respiratoires nécessaires pour assurer un réexe respiratoire normal contre l’hypoxie et dans le cas d’hypercapnie. Favorisent l’hyperactivité sympathique. Stimulent l’érythropoïèse. Augmentent le métabolisme et la clairance de plusieurs hormones et agents pharmacologiques. Stimulent la résorption osseuse.

glycémie. Au cours de l’évolution, cette réaction s’est avérée très utile pour affronter les divers prédateurs.

Irrigation sanguine de la glande surrénale L’importante irrigation sanguine de la glande surré­ nale provient de trois sources : 1) de l’artère surrénale

30

FIGURE 30.7 Glande surrénale. A Coupe transversale de la glande surrénale montrant la corticosurrénale, externe, et la médullosurrénale, interne. B Relation anatomique entre les glandes surrénales et les reins.

Chapitre 30

Anatomie et physiologie du système endocrinien

933

14 Le rôle neurohormonal du SRAA ainsi que les mé­ canismes de compensation neurohormonale en cas d’insufsance cardiaque sont abordés dans le chapitre 14, Troubles cardiovasculaires.

supérieure qui est une branche de l’artère diaphragmatique inférieure ; 2) de l’artère surrénale moyenne tirant son origine directement de l’aorte ; 3) de l’artère surrénale inférieure, une branche de l’artère rénale FIGURE 30.7. Le drainage veineux est habituellement assuré par une seule veine à partir de chaque glande surrénale. La veine provenant de la glande surrénale droite se déverse directement dans la veine cave inférieure, et la veine provenant de la glande surrénale gauche se déverse dans la veine rénale gauche.

30.4.2

Physiologie

La corticosurrénale et la médullosurrénale sécrètent des hormones importantes et très différentes. Chaque partie de la glande fonctionne de façon indépendante.

Hormones de la corticosurrénale

15 Les effets pharmacologi­ ques des catécholamines sont présentés dans le chapitre 15, Approche thérapeutique du système cardiovasculaire.

36 Le chapitre 36, Don et transplantation, décrit le rôle des corticostéroïdes administrés en prévention du rejet d’une greffe d’organe.

934

Partie 7

La corticosurrénale (couche externe) sécrète trois différentes classes d’hormones, lesquelles sont toutes des hormones stéroïdiennes à base de lipides : 1) les glucocorticoïdes ; 2) les minéralocorticoïdes ; 3) les androgènes. Le cortisol est le principal glucocorticoïde sécrété par les cellules de la zone fasciculée et de la zone réticulée. Le cortisol est sécrété suivant un cycle circadien. De plus, il est libéré en réponse à un stress physiologique causé par une infection, un trauma ou un état de jeûne. En situation d’hypoglycémie, la libération de cortisol stimule d’autres cellules du corps à produire de l’énergie à partir des lipides et des acides aminés (protéines) pour s’assurer que le cerveau reçoit un apport constant en glucose. Le cortisol favorise donc une augmentation de la glycémie. Dans certains contextes cliniques, des doses pharmacologiques (doses élevées) de glucocorticoïdes sont utilisées pour réduire la réponse inammatoire et pour inhiber le système immunitaire. Des corticostéroïdes pharmacologiques sont aussi administrés pour prévenir le rejet d’organes solides nouvellement greffés 36 . Les corticostéroïdes sont également utilisés pour traiter des troubles inammatoires aigus ou chroniques, et ils sont administrés quand la glande surrénale présente une insufsance. L’aldostérone, le principal minéralocorticoïde, est sécrétée par les cellules de la zone glomérulée. La réponse physiologique qui suit la sécrétion de l’aldostérone constitue l’étape finale du SRAA.

Système endocrinien

L’aldostérone est sécrétée en réponse à une hypovolémie intravasculaire, et ses cibles sont les tubules distaux des reins an de retenir plus de sodium et d’eau dans la circulation sanguine. Chez une personne en santé, l’aldostérone contribue à maintenir l’équilibre entre l’eau et le potassium dans le corps. Les clients atteints d’insufsance cardiaque se voient souvent prescrire des médicaments visant à bloquer l’effet de l’aldostérone sur les reins. Le médicament le plus souvent utilisé est la spironolactone (Aldactonemd) 14 . Certains androgènes comme la DHEA sont également sécrétés par la zone réticulée de la corticosurrénale. La fonction de la DHEA n’a pas été entièrement élucidée.

Hormones de la médullosurrénale La médullosurrénale (région interne) libère deux importantes catécholamines : l’adrénaline et la noradrénaline. La médullosurrénale agit comme un prolongement fonctionnel du système nerveux sympathique. L’excitation de celui-ci stimule les cellules chromafnes situées dans la médullosurrénale à sécréter principalement de l’adrénaline et une certaine quantité de noradrénaline dans la circulation sanguine. Une telle situation entraîne une poussée d’adrénaline décrite comme étant la « réaction de lutte ou de fuite ». En soins critiques, des perfusions intraveineuses d’adrénaline et de noradrénaline (Levophedmd) sont utilisées dans les cas d’état de choc pour faire augmenter la pression artérielle 15 .

Boucle de rétroaction de l’axe hypothalamus-hypophyse-surrénale Les glandes surrénales sont physiologiquement liées à l’hypothalamus et à l’hypophyse. Quand le cerveau perçoit une situation stressante ou menaçante, l’hypothalamus sécrète de l’hormone de libération de la corticotrophine, laquelle agit sur le lobe antérieur pour libérer de l’ACTH qui passe dans la circulation sanguine pour atteindre la corticosurrénale et stimuler la libération d’hormones glucocorticoïdes. En l’absence de situation stressante, le cortisol est sécrété selon un schéma diurne, et les taux sont les plus élevés tôt le matin et ils chutent à leur plus bas tard en soirée (Mesotten, Vanhorebeek & Van den Berghe, 2008). La maladie ou les traumas perturbent cette physiologie normale et dérèglent ce schéma diurne (Mesotten et al., 2008).

À RETENIR • Le pancréas est un organe long et triangulaire qui mesure de 15 à 20 cm de longueur et 5 cm de largeur. Il est situé dans la courbure en forme de C du duodénum, et il s’étend derrière et sous l’estomac en direction de la rate.

• L’hypophyse est attachée à l’hypothalamus, et elle est logée à la base de la boîte crânienne dans une dépression creuse appelée selle turcique. Cette glande est divisée en deux lobes, le lobe antérieur et le lobe postérieur.

• L’insuline est libérée par les cellules bêta pancréatiques. L’augmentation de la glycémie est le stimulus principal qui entraîne la sécrétion d’insuline par le pancréas. Plus la glycémie est élevée, plus un pancréas normal produit de l’insuline.

• L’hypothalamus est essentiel au maintien des taux de plusieurs hormones par des boucles de rétroaction : il sécrète l’hormone de libération de la thyréostimuline (TRH) qui stimulera le lobe antérieur de l’hypophyse à sécréter de la thyréostimuline (TSH) ; il sécrète aussi de l’hormone de libération de la corticotrophine, laquelle stimulera le lobe antérieur de l’hypophyse à sécréter de la corticotrophine (ACTH).

• Le glucagon est synthétisé par les cellules alpha pancréatiques. Son effet est contraire à celui de l’insuline. La libération de glucagon est stimulée par la diminution de la glycémie, et elle induit la libération de glucose par le foie. • En plus de l’insuline, les cellules humaines peuvent absorber du glucose par l’entremise de protéines facultatives assurant le transport du glucose appelées GLUT. • Les incrétines sont des hormones, libérées par le tube digestif après un repas, qui augmentent la production d’insuline par les cellules bêta pancréatiques.

• L’hypothalamus produit des hormones qui seront libérées par le lobe postérieur de l’hypophyse, soit l’ocytocine et l’hormone antidiurétique (ADH), aussi appelée vasopressine. • Les métabolismes du sodium et de l’eau sont régulés par des systèmes corporels complémentaires ; le métabolisme du sodium est régulé par le système rénineangiotensine-aldostérone (SRAA), et le métabolisme de l’eau est régulé par l’ADH.

Chapitre 30

• La thyroïde est un organe en forme de nœud papillon. Elle enrobe les faces antérieure et latérale de la trachée et repose directement sous le cartilage cricoïde. • Les cellules de la thyroïde sont stimulées par la TSH à sécréter les hormones thyroïdiennes, à savoir la thyroxine (T4) et la triiodothyronine (T3). La majeure partie de la T4 est convertie dans les tissus périphériques, le foie et les reins en T3, une forme dont l’action biologique est plus active. • La thyroïde produit une troisième hormone, la calcitonine, qui agit de concert avec l’hormone parathyroïdienne pour maintenir des concentrations normales de calcium dans le sang. • Les glandes surrénales sont de petits organes en forme de pyramide situés audessus des reins. • La glande surrénale contient la corticosurrénale et la médullosurrénale qui représentent deux zones endocrines fonctionnellement différentes. Sous l’inuence de l’ACTH, la corticosurrénale sécrète le cortisol et l’aldostérone. La médullosurrénale libère l’adrénaline et la noradrénaline.

Anatomie et physiologie du système endocrinien

935

chapitre

31

Évaluation clinique du système endocrinien et examens paracliniques

Écrit par : Mary E. Lough, PhD, RN, CNS, CCRN, CNRN, CCNS Adapté par : Annick Jutras, inf. M. Sc., Ph. D. (c)

L

’évaluation d’un client atteint d’un dysfonctionnement endocrinien est un processus systématique qui comprend l’entrevue, l’examen physique et les examens paracliniques. Comme il a été vu dans le chapitre précédent, la plupart des glandes endocrines sont nichées profondément dans le corps humain. Bien que ce positionnement assure leur protec­ tion, l’inaccessibilité à ces glandes limite l’examen clinique. Néanmoins, il est possible de les évaluer de façon indirecte. La connaissance des actions hormonales attendues sur l’ensemble du métabolisme permet au personnel inrmier d’évaluer l’activité d’une glande en surveillant le tissu ciblé par l’action de celle­ci. Le présent chapitre décrit l’évaluation clinique et diagnos­ tique du pancréas, de l’hypophyse, de la thyroïde, ainsi que des glandes surrénales.

31.1

Entrevue

ENCADRÉ 31.1

L’état de santé initial du client détermine la rapidité et l’orientation de l’entrevue. Pour un client en détresse aiguë, l’entrevue se limite à quelques questions portant sur sa principale plainte et sur les événements déclencheurs. Chez un client sans détresse évidente, l’évaluation du système endocrinien met l’accent sur cinq éléments distincts : 1) l’état de santé actuel et les habitudes de vie ; 2) la description de la maladie actuelle ; 3) l’histoire médicale et chirurgicale ainsi que l’état général du système endocrinien ; 4) les antécédents familiaux ; 5) la pharmacothérapie. L’outil mnémotechnique PQRSTU permet de recueillir des données subjectives sur les symptômes qui ont amené le client à consulter. L’outil AMPLE permet de recueillir l’histoire de santé ou les antécédents du client 4 . Plusieurs signes et symptômes peuvent se manifester en présence de troubles endocriniens et toucher divers systèmes. L’ENCADRÉ 31.1 énumère des signes et des symptômes pouvant se manifester chez un client atteint de diabète.

31.2 31.2.1

Pancréas Examen physique

Les désordres du pancréas touchent à la fois sa fonction exocrine et sa fonction endocrine 27 . Cette dernière comprend la synthèse et la libération hormonale. L’insuline, une hormone peptidique sécrétée par le pancréas, a un impact majeur sur le métabolisme du glucose. Le glucagon, une autre hormone pancréatique, inuence aussi le métabolisme du glucose. Les manifestations cliniques d’un métabolisme anormal du glucose comprennent l’hypoglycémie, mais le plus souvent l’hyperglycémie, laquelle constitue l’évaluation initiale prioritaire pour un client ayant un désordre pancréatique endocrinien (American Diabetes Association [ADA], 2012a, 2012b). Les clients atteints d’hyperglycémie peuvent ultimement recevoir un diagnostic de diabète de type 1 ou 2 ou souffrir d’hyperglycémie associée à une maladie grave (ADA, 2012a, 2012b).

Exemples de signes et de symptômes liés au diabète

• Variations inexpliquées de la masse corporelle, de la soif, de l’appétit • Changement inexpliqué des habitudes urinaires (p. ex., le jour et la nuit, la fréquence, le volume) • Céphalée, vision embrouillée • Changements comportementaux ou mentaux (l’inrmière interroge aussi les proches) : – Perte de mémoire – Orientation

• Changements sur le plan de l’énergie et de l’endurance • Douleurs aux membres inférieurs, engourdissement • Faiblesse • Fatigue excessive et inexpliquée • Infection ou plaie persistante et non guérie • Prurit • Vaginite

hypoactifs. La palpation génère une sensibilité abdominale. La percussion peut révéler une diminution des réexes tendineux profonds. Étant donné que l’hyperglycémie entraîne une diurèse osmotique, il faut estimer le volume liquidien du client. De plus, l’hyperglycémie est présente dans les cas d’urgence médicale tels que l’acidocétose diabétique et le syndrome d’hyperglycémie hyperosmolaire (SHH) 32 . Au fur et à mesure que l’hyperglycémie s’aggrave, une détérioration progressive du niveau de conscience est observée, passant d’un état alerte à un état léthargique ou comateux. La section suivante aborde les principales analyses de laboratoire à réaliser à l’occasion de l’examen de la fonction endocrine du pancréas.

31.2.2

Analyses de laboratoire

Des analyses de laboratoire pertinentes permettent d’évaluer la fonction pancréatique endocrine. En effet, il est possible de doser les concentrations de différentes hormones dans le sang, telles que l’insuline et le glucagon. Puisque celles-ci sont responsables du métabolisme du glucose inuant sur le taux de celui-ci dans le sang, la glycémie demeure une analyse critique.

Insuline

Hyperglycémie Puisque l’hyperglycémie grave cause des répercussions systémiques, les différents systèmes doivent être évalués séparément. Le client peut se plaindre d’une vision embrouillée, de céphalées, de faiblesse, de fatigue, de somnolence, de nausées et de douleur abdominale. À l’examen, le client est susceptible d’avoir la peau rouge ; il peut être atteint de polyurie, de polydipsie, avoir des vomissements et manifester des signes de déshydratation. L’auscultation de l’abdomen peut révéler des bruits intestinaux

L’insuline est produite et sécrétée par les cellules bêta pancréatiques. Cette hormone peptidique est hypoglycémiante. Elle facilite l’entrée du glucose sanguin dans les cellules. Le pancréas est stimulé à la sécréter lorsqu’il y a augmentation de la glycémie. Le dosage des taux d’insuline dans le sang permettra d’apprécier la fonction pancréatique et le métabolisme du glucose. Ainsi, la sensibilité à l’insuline et la résistance à celle-ci pourront être évaluées (Wallace, Levy & Matthews, 2004). Une sensibilité à l’insuline réduite contribue à la pathogenèse des désordres métaboliques tels que le diabète de type 2 et l’obésité. La résistance à l’insuline contribue au dysfonctionnement endothélial précipitant la survenue d’athérosclérose (McFarlane, Banerji & Sowers, 2001). Les valeurs normales de l’insulinémie varient de 43 à 186 picomoles par litre (pmol/L).

Chapitre 31

4 Un questionnaire d’évalua­ tion complet présente les outils mnémotechniques AMPLE et PQRSTU dans le chapitre 4, Enseignement au client et à ses proches.

32 Les mécanismes physiopa­ thologiques, les manifesta­ tions cliniques et la prise en charge du syndrome d’hyperglycémie hyper­ osmolaire sont présentés dans le chapitre 32, Troubles endocriniens et approche thérapeutique.

27 Le chapitre 27, Anatomie et physiologie du système gastro-intestinal, détaille la fonction exocrine du pancréas.

Évaluation clinique du système endocrinien et examens paracliniques

937

31

La différence essentielle entre le diabète de type 1 et le diabète de type 2 repose sur la synthèse et sur la sécrétion d’insuline par le pancréas. Le peptide C est un dérivé de la pro-insuline et peut être mesuré dans l’urine ou dans le sang (Pagana, Pagana & MacDonald, 2013 ; Patel & Marcelo, 2010). Ce test permet de distinguer le diabète de type 1 et le diabète de type 2.

Glucagon 32 Le chapitre 32, Troubles endocriniens et approche thérapeutique, décrit en détail la physiopathologie du diabète et la prise en charge de l’hyperglycémie, et il présente un exemple de protocole de traitement de l’hypoglycémie ainsi qu’un exemple de protocole d’ad­ ministration continue d’insu­ line en perfusion.

Le glucagon est une hormone peptidique synthétisée et sécrétée par les cellules alpha du pancréas. Il s’agit d’une hormone hyperglycémiante, car elle stimule la glycogénolyse et la glyconéogenèse. Elle est sécrétée durant un jeûne et en période d’hypoglycémie. La concentration en glucagon diminue normalement après un repas. Son dosage sérique est utilisé dans l’évaluation de certains cas de diabète où la concentration de glucagon demeure élevée malgré une glycémie postprandiale en hausse. Une concentration élevée de glucagon pourrait aussi indiquer la présence d’une tumeur des cellules alpha des îlots de Langerhans (glucagonome). La plage normale chez un client à jeun varie de 50 à 100 nanogrammes par litre (ng/L) (Pagana et al., 2013).

Glycémie

32 Les critères diagnostiques du diabète sont présentés dans le chapitre 32, Troubles endocriniens et approche thérapeutique.

La glycémie, c’est-à-dire la concentration de glucose dans le sang, est évaluée à partir d’un échantillon sanguin prélevé par ponction veineuse après que le client est demeuré à jeun pendant huit heures, l’eau étant toutefois permise (Canadian Diabetes Association [CDA], 2013). Une glycémie à jeun normale se situe de 3,9 à 5,6 millimoles par litre (mmol/L). Une anomalie de la glycémie à jeun, se situant de 6,1 à 6,9 mmol/L suppose un état prédiabétique (CDA, 2013). Une glycémie à jeun supérieure ou égale à 7 mmol/L est l’un des quatre critères permettant d’envisager le diagnostic de diabète 32 . Le TABLEAU 31.1 présente les différentes valeurs de la glycémie ainsi que leur interprétation. La glycémie peut aussi être mesurée par ponction capillaire. Il faut mesurer fréquemment la glycémie des clients en milieux de soins critiques. En effet, la dysglycémie n’est pas rare chez les clients atteints d’une maladie grave ; elle peut être causée par la sécrétion d’hormones de contrerégulation induite par le stress

TABLEAU 31.1

Glycémie

ÉTAT DU CLIENT

GLYCÉMIE À JEUN

Hypoglycémie

≤ 3,9 mmol/L

Valeurs cibles normales

3,9-5,6 mmol/L

Prédiabète, dysglycémie

6,1-6,9 mmol/L

Hyperglycémie

≥ 7,0 mmol/L

Source : Adapté de Canadian Diabetes Association (CDA) (2013)

938

Partie 7

Système endocrinien

et par les effets de certains médicaments, par exemple des corticostéroïdes (Donihi, Raval & Saul, 2006). L’hyperglycémie est possible chez le client n’étant pas atteint de diabète. Par contre, chez le client en situation critique de santé et ayant un diabète préexistant, les valeurs optimales de glycémie recommandées doivent être maintenues de 8,0 à 10,0 mmol/L pour ainsi limiter les risques d’hypoglycémie (CDA, 2013). L’hypoglycémie est dénie comme une glycémie inférieure ou égale à 3,9 mmol/L (CDA, 2013 ; Moghissi, Korytkowski, NiNardo et al., 2009). Les valeurs cibles pourront être maintenues grâce à l’administration continue d’insuline en perfusion. Dans ce cas, l’inrmière mesure la glycémie et règle le débit d’insuline conformément au protocole du centre hospitalier an d’atteindre et de maintenir une glycémie située dans la plage cible (Moghissi et al., 2009) 32 . Il est intéressant de noter qu’un client atteint de diabète de type 2 ne s’injectant pas d’insuline à domicile peut en recevoir lorsqu’il est hospitalisé. Cela ne signie pas systématiquement qu’il devra continuer à en recevoir lorsque son état de santé se sera stabilisé. Au cours d’un épisode de maladie grave, le maintien d’une glycémie dans la plage des valeurs normales est associé à une diminution des complications à long terme (Cryer, Axelrod, Grossman et al., 2009).

Hémoglobine glycosylée Le dosage de la glycémie tant capillaire que par ponction franche est utile pour assurer la gestion de l’hyperglycémie et de l’hypoglycémie. Cependant, une autre analyse sanguine est employée pour obtenir une mesure objective de la glycémie au cours d’une période prolongée. Le dosage de l’hémoglobine glycosylée, aussi appelée hémoglobine glyquée (HbA1c ou A1C), fournit de l’information sur la concentration moyenne de glucose présente dans la circulation sanguine du client pendant les trois ou quatre mois précédant le prélèvement. En effet, au cours de la durée de vie moyenne de 120 jours des globules rouges (ou érythrocytes), le glucose excédentaire disponible dans le sang se lie à l’hémoglobine par un processus appelé glycosylation. Ainsi, le taux d’HbA1c est en corrélation avec la glycémie (ADA, 2012a, 2012b). Habituellement, de 4 à 6 % de l’hémoglobine est glycosylée. Chez une personne n’ayant pas d’épisodes d’hyperglycémie, une valeur normale d’HbA1c est inférieure à 5,4 %, tandis qu’une HbA1c supérieure à 7 % indique la présence d’épisodes d’hyperglycémie au cours des trois ou quatre derniers mois. La cible thérapeutique d’HbA1c pour la majorité des personnes atteintes de diabète de type 1 et de type 2 devrait être inférieure ou égale à 7 % pour réduire les complications microvasculaires liées à l’hyperglycémie (CDA, 2013). La valeur cible d’HbA1c inférieure à 6,5 % peut être envisagée chez certains clients pour limiter les risques de rétinopathie, mais il est judicieux d’estimer les risques d’hypoglycémie engendrée par une thérapie trop agressive (CDA, 2013 ; The ACCORD Study Group and ACCORD Eye Study Group, 2010 ;

The ADVANCE Collaborative Group, 2008). Des cibles d’HbA1c moins difciles (de 7,1 à 8,5 %) peuvent être acceptables pour les personnes ayant entres autres une espérance de vie limitée, des antécédents importants d’hypoglycémie ou plusieurs comorbidités (CDA, 2013). La CDA recommande le dosage de l’HbA1c durant l’évaluation initiale menant au diagnostic de diabète, au cours des examens de suivi pour évaluer l’efcacité du traitement et tous les trois mois au moment des ajustements de la médication (CDA, 2013).

est une hormone peptidique produite par l’hypothalamus, mais sécrétée par le lobe postérieur de l’hypophyse.

31.3.1

Corps cétoniques Les corps cétoniques (ou cétones) sont des sousproduits de la dégradation des lipides. Dans l’acidocétose diabétique, la lipolyse durant la gluconéogenèse survient si rapidement que le métabolisme des lipides est incomplet ; les corps cétoniques (acétoacétate, bêta-hydroxybutyrate et acétone) s’accumulent alors dans le sang et sont excrétés dans l’urine 32 . La cétonémie et la cétonurie devraient être mesurées s’il y a altération de l’état de conscience (Kitabchi, Umpierrez, Miles et al., 2009). Les concentrations sanguines de cétones augmentent dans les cas de maladies aiguës, en état de jeûne, de famine, en situation d’hyperglycémie soutenue dans les cas de diabète de type 1 en absence d’insuline, mais aussi lorsqu’une personne consomme une diète riche en protéines. Quant à elle, la cétonurie est rétrospective. Par exemple, une cétonurie élevée indiquera que les concentrations de cétones dans le sang ont été élevées et peuvent l’être encore (Arora, Henderson Long et al., 2011 ; Kitabchi et al., 2009). Il s’agit donc d’un indicateur indirect. Parallèlement, une haleine sucrée et fruitée peut révéler des concentrations élevées de cétones dans le sang. Cette haleine à l’odeur distinctive (haleine cétonique) provient de l’élimination de l’acétone entraînée par la réponse compensatoire visant à maintenir un pH sanguin normal.

31.2.3

Examens paracliniques

Certains examens paracliniques comme l’échographie, la tomodensitométrie (TDM) et la cholangiopancréatographie rétrograde par endoscopie (CPRE) permettent de visualiser les différentes structures et l’éventuelle présence d’un pseudokyste ou d’un abcès pancréatique, mais aussi d’un nodule ou d’une tumeur et d’une cholélithiase bloquant l’excrétion des sucs pancréatiques dans l’intestin 28 .

31.3

Hypophyse

L’hypophyse, logée à la base du crâne, n’est pas accessible par un examen physique. En connaissant les effets systémiques d’une hypophyse qui fonctionne normalement, l’inrmière est en mesure de déceler un dysfonctionnement 30 . L’hormone antidiurétique (ADH), aussi appelée vasopressine,

Examen physique

L’ADH contrôle l’équilibre hydrique, c’est-à-dire la quantité de liquide excrété par les reins et celle retenue dans le corps. Un dysfonctionnement aigu du lobe postérieur de l’hypophyse ou de l’hypothalamus peut entraîner une production insufsante ou excessive d’ADH. Les signes cliniques d’un dysfonctionnement du lobe postérieur de l’hypophyse se manifestent alors par un volume liquidien insufsant (production insufsante d’ADH) ou trop élevé (production excessive d’ADH). Cela se reète généralement sur la pression artérielle (P.A.). Le volume liquidien renvoie à l’ensemble des liquides corporels des divers compartiments (plasma, lymphe, liquide interstitiel, voire liquide intracellulaire).

État d’hydratation L’inrmière détermine l’efcacité de la production d’ADH en procédant à une évaluation de l’hydratation qui comprend l’observation de l’intégrité de la peau, de la turgescence cutanée et de l’humidité de la muqueuse buccale. Une muqueuse buccale luisante et humide indique un bilan hydrique satisfaisant. Une peau souple qui reprend sa position d’origine en moins de trois secondes après qu’elle a été pincée ou soulevée révèle une élasticité cutanée adéquate. La peau du front ou celle au-dessus de la clavicule et du sternum sont les plus ables pour l’évaluation de la turgescence cutanée. La peau de l’aine et des aisselles est légèrement humide au toucher chez un client bien hydraté. Chez les clients plus âgés, ces observations objectives typiques peuvent être manquantes. L’absence de soif n’est pas un indicateur sûr d’hydratation chez les personnes qui ont des mécanismes de la soif diminués, comme les personnes âgées ou les clients atteint d’une maladie grave. Les autres indicateurs d’une hydratation normale comprennent l’absence d’œdème, une masse corporelle stable et une urine dont la densité est située dans les valeurs normales, soit de 1,005 à 1,030 (Pagana et al., 2013). De ce fait, il sera aussi important de tenir compte du volume urinaire puisque des troubles de la sécrétion d’ADH modient la diurèse. Cela peut même occasionner une hyponatrémie en éliminant un excès de sodium par une diurèse augmentée (Milionis, Liamis & Elisaf, 2002).

32 L’acidocétose diabétique est décrite dans le chapitre 32, Troubles endocriniens et approche thérapeutique.

28 Le chapitre 28, Évaluation clinique du système gastro­ intestinal et examens para­ cliniques, explique plus en détail les maladies de la fonction exocrine du pancréas et la CPRE, qui permet de visualiser les conduits biliaire et pancréatique.

Signes vitaux Les changements sur le plan de la fréquence cardiaque, de la P.A. et de la pression veineuse centrale (ou de l’estimation de la pression veineuse jugulaire en l’absence de dispositif pour mesurer la pression veineuse centrale) sont utiles pour déterminer l’état du volume liquidien corporel. Une P.A. élevée associée à un pouls rapide et saccadé peut indiquer une Chapitre 31

30 Le fonctionnement normal de l’hypophyse est décrit dans le chapitre 30, Ana­ tomie et physiologie du système endocrinien.

Évaluation clinique du système endocrinien et examens paracliniques

939

31

hypervolémie tandis qu’une diminution de la P.A. accompagnée d’une augmentation du pouls est caractéristique de l’hypovolémie. L’hypotension orthostatique peut survenir lorsque la volémie diminue.

Variation de la masse corporelle, apport et élimination 32 Le chapitre 32, Troubles endocriniens et approche thérapeutique, fournit plus d’information sur le SIADH et sur le DI.

Des variations quotidiennes de la masse corporelle coïncident avec la rétention et la perte liquidiennes. Des changements soudains à la pesée peuvent découler d’une modication du bilan hydrique ; puisqu’un millilitre d’eau pèse un gramme, on peut estimer qu’un litre de liquide perdu ou retenu équivaut à environ un kilogramme de masse corporelle perdu ou gagné. Pour utiliser la masse corporelle en tant que véritable déterminant du bilan hydrique, il faut éliminer toutes les variables extérieures et utiliser la même balance à la même heure chaque jour. La mesure précise ainsi que la consignation de l’apport et de l’élimination (bilan ingesta et excreta) peuvent être utilisées comme critères pour un traitement de remplacement liquidien.

31.3.2

Analyses de laboratoire

Un diagnostic de dysfonctionnement de l’hypophyse est habituellement posé d’après l’entrevue et l’histoire de santé du client, mais aussi grâce aux paramètres permettant une évaluation indirecte. En effet, le dosage de la corticotrophine (ou hormone corticotrope) (ACTH) sérique permettra l’évaluation de la fonction de l’axe hypothalamus-hypophyse-surrénale.

Hormone antidiurétique sérique La plage normale de la concentration sérique d’hormone antidiurétique (ADH) est de 0,9 à 4,6 pmol/L (Pagana et al., 2013). Cette analyse est souvent réalisée lorsqu’un client présente de la polyurie ou de la polydipsie, chez qui une modulation de l’osmolalité urinaire et sérique est notée, en plus d’un taux de sodium sérique déséquilibré. Certains médicaments modient la libération d’ADH et devront être arrêtés au moins huit heures avant son dosage. Il s’agit des opioïdes, du lithium (CarbolithMD), de l’hydrachlorothiazide, de la carbamazépine (TegretolMD) et des inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS). La nicotine, l’alcool, la ventilation mécanique et le stress émotionnel inuent aussi sur les concentrations d’ADH. Les concentrations sériques d’ADH peuvent être augmentées en présence d’une pneumonie, d’une tuberculose, d’une infection, d’une tumeur, d’un stress important, d’une déshydratation importante, d’un choc hypovolémique, du début d’un choc septique et d’autres maladies endocrines telles que le myxœdème ou la maladie d’Addison (Pagana et al., 2013 ; Russel, 2011). Les concentrations sériques d’ADH sont aussi évaluées par rapport à l’osmolalité du sang et de l’urine an de différencier le syndrome de sécrétion

940

Partie 7

Système endocrinien

inappropriée d’hormone antidiurétique (SIADH) et le diabète insipide (DI) central. Une concentration élevée d’ADH dans la circulation sanguine combinée à une faible osmolalité sérique et à une osmolalité urinaire élevée conrme un diagnostic de SIADH. Une concentration réduite d’ADH chez un client qui présente une osmolalité sérique élevée, une hypernatrémie et une concentration urinaire réduite désignent un DI central 32 .

Osmolalité sérique et urinaire Les mesures de l’osmolalité reètent la concentration de particules dissoutes dans une solution. Chez une personne en santé, une variation de la concentration des particules dissoutes dans une solution déclenche une suite d’événements pour assurer la dilution adéquate du plasma. Alors, l’analyse de l’osmolalité sera réalisée en présence de déséquilibres électrolytiques. Les résultats seront perturbés dans le cas de déshydratation ou d’hyperhydratation (Pagana et al., 2013). Pour obtenir l’évaluation la plus exacte possible du bilan hydrique, il faut prélever simultanément les échantillons sérique et urinaire pour y mesurer l’osmolalité. Les valeurs pour l’osmolalité sérique varient de 280 à 300 milliosmoles par kilogramme d’eau (mOsm/kg H2O) chez l’adulte (Pagana et al.,, 2013). Une augmentation de l’osmolalité sérique entraîne la libération stimulée d’ADH, ce qui réduit la quantité d’eau éliminée par les reins. Ce mécanisme compensatoire permet au liquide corporel d’être ainsi retenu dans les tubules rénaux et les tubes collecteurs an de diluer la concentration des particules dans la circulation sanguine. Quant à elle, une diminution de l’osmolalité sérique cause une inhibition de la libération d’ADH. La perméabilité des tubules rénaux augmente, et le corps élimine plus de liquide en vue de rétablir des concentrations normales de particules dans la circulation sanguine. Chez un client ayant une fonction rénale normale, l’osmolalité urinaire varie selon l’apport liquidien. Quand l’apport en liquide est élevé, la dilution des particules dans l’urine reste faible, mais elle augmentera si l’apport en liquide est limité. Par conséquent, la plage attendue pour l’osmolalité urinaire est vaste, variant de 50 à 1 200 mOsm/kg H2O sur un échantillon aléatoire (Pagana et al., 2013).

Test de l’hormone antidiurétique Les tests de l’hormone antidiurétique (ADH) sont utilisés pour différencier le DI central (neurogène) et le DI néphrogénique, mais aussi pour distinguer le SIADH. Le test de provocation à l’ADH consiste à administrer de 0,05 à 1,0 ml d’ADH exogène par voie intranasale sous forme de desmopressine (aussi connue sous l’abréviation DDAVP). Le volume urinaire et l’osmolalité sont mesurés avant, durant et après le test (Dashe, Cramm, Crist et al., 1963 ; Di Iorgi, Napoli, Allegri et al., 2012). Chez un client dont le lobe postérieur de l’hypophyse fonctionne normalement, l’ADH exogène stimule la résorption d’eau dans les tubules rénaux et

augmente légèrement l’osmolalité urinaire. Dans les cas de DI central grave, où l’hypophyse est touchée, l’osmolalité urinaire augmente de façon signicative (l’urine devient plus concentrée), ce qui indique que les sites des récepteurs cellulaires sur les tubules rénaux répondent à l’ADH. Les résultats d’analyse où l’osmolalité urinaire demeure inchangée indiquent un dysfonctionnement rénal puisque les reins ne répondent plus à l’ADH, et ils orientent le diagnostic vers celui de DI néphrogénique. Quant à lui, le test de suppression de l’ADH permet de distinguer le SIADH des autres causes d’hyponatrémie et d’états œdémateux. Une surcharge hydrique (environ 20 ml/kg de masse corporelle jusqu’à 1,5 L) est administrée en 10 à 20 minutes. Durant les six heures suivantes, l’osmolalité sérique ainsi que le volume urinaire seront évalués. En cas de SIADH, le volume urinaire excrété ne sera pas modié par la surcharge hydrique (Pagana et al., 2013). Ces tests sont rarement utilisés dans les unités de soins critiques en raison de l’instabilité de l’état hémodynamique et volémique chez la majorité des clients.

31.3.3

Examens paracliniques

En plus des analyses de laboratoire, les examens radiographiques, la TDM et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) sont utilisés pour diagnostiquer des lésions structurelles comme des fractures du crâne, mais aussi des tumeurs ou la présence de caillots sanguins dans la région de l’hypophyse. Bien que ces examens ne permettent pas de diagnostiquer le DI ou le SIADH, ils s’avèrent utiles pour découvrir une éventuelle cause sous-jacente.

Examen radiographique Un examen radiographique simple de la portion inférieure du crâne permet de visualiser la selle turcique et la formation osseuse connexe. Les fractures osseuses ou la tuméfaction des tissus à la base du cerveau, qui sont apparentes sur une radiographie, indiquent une interférence avec l’approvisionnement vasculaire et les impulsions nerveuses vers le système hypothalamus-hypophyse. Un dysfonctionnement hypophysaire peut survenir en cas d’atteinte de l’hypothalamus, de la tige pituitaire ou directement de l’hypophyse.

Tomodensitométrie La tomodensitométrie (TDM) de la base du crâne permet de déceler la présence de tumeurs à l’hypophyse, de caillots sanguins, de kystes, de nodules ou d’autres masses de tissus mous. Si le client ne présente pas de risque d’allergie à l’iode, un produit de contraste peut être administré par voie intraveineuse pour mettre en évidence l’hypothalamus, la tige pituitaire et l’hypophyse 21 . La TDM permet de déterminer la grosseur et la forme de la selle turcique ainsi que la position des différentes structures (Ouyang, Rothfus, Ng et al., 2011).

Imagerie par résonance magnétique En raison des tissus mous du cerveau et du liquide cérébrospinal (liquide céphalorachidien) environnant, le cerveau est particulièrement bien adapté pour l’imagerie par résonance magnétique (IRM) (Ouyang et al., 2011). L’hypophyse saine y est clairement visible. Si l’hypophyse n’apparaît pas de façon franche, cela suggère un désordre de celle-ci, par exemple une tumeur (Di Iorgi et al., 2012).

31.4

Thyroïde

31.4.1

Évaluation clinique

L’histoire de santé du client doit être aussi détaillée que possible. Le client représente la meilleure source pour l’obtenir. S’il est incapable de répondre aux questions, il faut obtenir auprès des membres de la famille, d’amis ou de proches de l’information concernant les manifestations cliniques de dysfonctionnement thyroïdien. L’ENCADRÉ 31.2 présente un modèle pour recueillir l’histoire de santé selon l’outil AMPLE. L’ENCADRÉ 31.3 énumère les symptômes indicateurs d’hypothyroïdie et d’hyperthyroïdie.

Examen physique La thyroïde, située dans le cou, est palpée pour en déterminer la sensibilité, pour déceler des nodules et une hypertrophie. Une thyroïde de taille normale n’est habituellement pas visible ni palpable dans la partie antérieure du cou (Ellis, 2007 ; Jarvis, 2011). La palpation peut être réalisée par une approche antérieure ou postérieure. L’auscultation de la thyroïde s’effectue en utilisant le pavillon du stéthoscope pour déceler tout bruit ou soufe provenant de la circulation dans la glande. La présence d’un soufe indique une hypertrophie de la thyroïde démontrée par l’augmentation du ux sanguin dans le tissu glandulaire. Un goitre peut également être visible à l’œil nu.

31.4.2

Analyses de laboratoire

L’American Thyroid Association recommande la mesure de la fonction thyroïdienne chez tous les adultes à compter de 35 ans et tous les 5 ans par la suite. L’évaluation plus fréquente chez les personnes symptomatiques ou qui présentent un risque élevé est aussi recommandée (U.S. Preventative Services Task Force, 2004). Aucune recommandation particulière n’a été faite en ce qui a trait à l’évaluation de la fonction thyroïdienne chez les clients en soins critiques. En effet, il est possible que l’analyse des concentrations des hormones thyroïdiennes chez les clients atteints d’une maladie grave non thyroïdienne ne soit pas concluante en raison du dérèglement hormonal causé par la maladie (Mebis & Van den Berghe, 2011). L’évaluation de la fonction thyroïdienne comprend les mesures des concentrations des hormones thyroïdiennes dans la circulation, de la thyréostimuline (TSH) ainsi que de l’hormone de la libération de la thyréostimuline (TRH). L’intégrité de la rétroaction Chapitre 31

31

21 Le chapitre 21, Anatomie et physiologie du système nerveux, présente les dif­ férentes structures du système nerveux central.

Évaluation clinique du système endocrinien et examens paracliniques

941

Collecte des données ENCADRÉ 31.2

Histoire de santé : antécédents thyroïdiens évalués selon l’outil AMPLE

A : ALLERGIES/RÉACTIONS

• Avez-vous des allergies connues ? • Si oui, pouvez-vous décrire le type de réaction allergique que vous avez ?

Note : il est pertinent de poser ces questions an de savoir si le client s’alimente bien, car celui-ci pourrait être incommodé au point de ne plus s’alimenter, et de déterminer s’il est à jeun en prévision de certaines interventions.

M : MÉDICATION (OU PRODUITS NATURELS OU AUTRES SUBSTANCES)

E : ÉVÉNEMENTS/ENVIRONNEMENT

• Prenez-vous des médicaments pour traiter un trouble thyroïdien ? Si oui, quel est le nom du médicament et quelles est la dose et la posologie ? • Si votre médecin vous a prescrit des médicaments pour traiter un trouble thyroïdien, prenez-vous ces médicaments sur une base régulière ? Si non, pourquoi ? • Prenez-vous des médicaments pour traiter des troubles mentaux (p. ex., le lithium) ou des troubles du rythme cardiaque (p. ex., la cordarone ou l’amiodarone) ? • Consommez-vous des produits naturels contenant de l’iode ou des ingrédients qui en sont riches comme certaines algues par exemple ? • Quelles sont vos habitudes de consommation d’alcool ? Combien de consommations prenez-vous par semaine ? P : PASSÉ MÉDICAL

• Avez-vous déjà reçu un diagnostic de thyroïde hyperactive, d’augmentation du métabolisme et d’hyperthyroïdie ? • Avez-vous déjà reçu un diagnostic d’insufsance de la thyroïde, de métabolisme ralenti ou d’hypothyroïdie ? • Avez-vous déjà été traité pour de l’hyperthyroïdie ou de l’hypothyroïdie ? • Avez-vous déjà subi une opération pour un trouble thyroïdien ? • Avez-vous déjà reçu de l’iode radioactif pour traiter un trouble thyroïdien ? L : (LAST MEAL) DERNIER REPAS

• Quand avez-vous pris votre dernier repas ? • Qu’avez-vous mangé ?

ENCADRÉ 31.3

• Quand avez-vous noté pour la première fois la sensation d’agitation continue ou de fatigue extrême ? • Votre poids a-t-il changé ou est-il resté le même au cours de la dernière année ? • Votre appétit a-t-il changé au cours des six derniers mois ? • Avez-vous perdu du poids en dépit du fait que votre appétit a augmenté ? • Avez-vous pris du poids ou votre poids est-il resté le même en dépit du fait que vous avez l’impression de ne pas avoir mangé au cours des six derniers mois ? • Avez-vous toujours chaud ? • Gardez-vous les fenêtres de votre maison ouvertes, même en hiver ? • Portez-vous des vêtements légers, même quand les autres personnes portent plusieurs couches de vêtements chauds ? • Avez-vous toujours froid ? • Portez-vous plusieurs couches de vêtements même par temps chaud ou en dépit de l’utilisation d’un système de chauffage ? • Utilisez-vous plusieurs couvertures en plus de garder les fenêtres fermées, même par temps chaud ? • Vous plaignez-vous de ne jamais être capable de vous « réchauffer » ? • Avez-vous été exposé à des sources de radiations au cours de votre vie ? • Au cours des 6 à 12 derniers mois, avez-vous présenté l’un des symptômes ou troubles suivants ENCADRÉ 31.1 ?

Symptômes d’hypothyroïdie et d’hyperthyroïdie

INDICATEURS D’HYPOTHYROÏDIE

INDICATEURS D’HYPERTHYROÏDIE

• Bradycardie • Changements sur le plan des menstruations ; diminution de la fertilité • Constipation grave • Douleur musculaire et articulaire (mains, poignets, pieds) • Fatigue, léthargie, dépression • Gain pondéral malgré une perte d’appétit • Peau sèche/prurigineuse • Perte de cheveux épais et secs ; perte des extrémités extérieures des sourcils • Sensibilité accrue au froid

• Amincissement des cheveux • Changements sur le plan des menstruations ; diminution de la fertilité • Diarrhée • Faiblesse ou perte musculaires ; tremblements • Insomnie, nervosité, anxiété • Intolérance à la chaleur, sudation • Œdème (visage, yeux, jambes) • Peau chaude et humide • Perte pondérale malgré un appétit accru • Tachycardie, brillation auriculaire

hormonale négative dans l’axe hypothalamushypophyse-thyroïde est ainsi estimée. Il existe une relation linéaire inversée entre la TSH et les hormones thyroïdiennes, c’est-à-dire la triiodothyronine (T3) et la thyroxine (T4) (Demers, 2004). Quand l’axe hypothalamus-hypophyse est sain, la production

942

Partie 7

Système endocrinien

de TSH est inhibée en présence d’hormones thyroïdiennes sériques en concentration optimale, et ainsi la valeur de la TSH demeure normale (Demers, 2004). Les analyses diagnostiques de laboratoire pour l’hyperthyroïdie et l’hypothyroïdie sont habituellement fondées sur la mesure concomitante des concentrations de TSH et des hormones thyroïdiennes (Hepburn, Farid, Dawson et al., 2012). • Hypothyroïdie primaire (myxœdème) : concentration élevée de TSH et faible concentration sérique de T4. • Hyperthyroïdie primaire (thyrotoxicose) : très faible concentration de TSH, concentration sérique élevée de T4 et rapport triiodothyronine/ thyroxine (T3:T4) accru (Seigel & Hodak, 2012).

Thyréostimuline Au cours de la dernière décennie, les analyses de laboratoire mises au point pour mesurer la thyréostimuline (TSH) sont devenues de plus en plus sensibles, ce qui permet d’obtenir des résultats plus exacts pour de faibles concentrations. Le TABLEAU 31.2 présente les plages de référence pour la TSH chez les adultes (Pagana et al., 2013 ; Ross, 2001). Puisque les valeurs diffèrent légèrement selon les laboratoires,

il est essentiel de connaître les valeurs de référence normales utilisées dans celui où est analysé l’échantillon. Par conséquent, la comparaison entre des résultats mesurés dans différents laboratoires sera ardue. De plus, il y a une variation diurne dans les concentrations de TSH ; ainsi l’heure du prélèvement doit être considérée au moment de l’interprétation du résultat. Par ailleurs, le résultat de l’analyse de la TSH participe à la distinction entre le déséquilibre des hormones thyroïdiennes d’origine primaire (lié à un trouble de la thyroïde en soi), d’origine secondaire (lié à un trouble de l’hypophyse) ou d’origine tertiaire (lié à un trouble de l’hypothalamus). La concentration sérique de TSH augmente au cours du vieillissement, ce qui pourrait suggérer une diminution de la fonction thyroïdienne (Demers, 2004). En effet, la concentration moyenne de TSH varie en fonction de l’âge (Ross, 2001) :

Collecte des données

• 1,60 mUI/L après 50 ans ; • 1,79 mUI/L après 60 ans ;

TABLEAU 31.2

Analyses de laboratoire pour la fonction thyroïdienne

NOM

ABRÉVIATION

VALEUR DE RÉFÉRENCE*

Thyroxine sérique totale

T4 T

• Chez l’homme : 51-154 nmol/L • Chez la femme : 64-154 nmol/L • Valeur critique < 26 nmol/L, coma myxœdémateux possible • Valeur critique > 250 nmol/L, crise thyréotoxique possible

Thyroxine

T4

• 10-36 pmol/L

Triiodothyronine sérique totale

T3 T

• 1,2-2,7 nmol/L

Triiodothyronine

T3

• 1,7-5,2 pmol/L

Thyréostimuline

TSH

• 0,4-4,0 mUI/L • Valeur critique < 0,1 mUI/L

Thyroglobuline

Tg

• Chez l’homme : 0,5-53 mcg/L • Chez la femme : 0,5-43 mcg/L

• 1,98 mUI/L après 70 ans ; • 2,08 mUI/L chez les personnes âgées de plus de 80 ans. La plupart des personnes asymptomatiques qui ont une thyroïde normale présentent une concentration de TSH de 0,4 à 2,5 mUI/L (Almandoz & Gharib, 2012). Dans les cas de maladies graves, la mesure de la concentration de TSH est habituellement la première analyse de laboratoire réalisée en lien avec la fonction thyroïdienne.

mcg/L : microgramme par litre ; mUI/L : milli-unité internationale par litre ; nmol/L : nanomole par litre ; pmol/L : picomole par litre. * Les valeurs de référence diffèrent entre les laboratoires. Sources : Baloch, Carayon, Conte-Devolx et al. (2003) ; Pagana et al. (2013)

Médicaments et analyse de la fonction thyroïdienne Les analyses de laboratoire sont également complexiées par la prise concomitante de certains médicaments qui interfèrent avec la fonction thyroïdienne et qui diminuent les concentrations sériques de certaines hormones (Kundra & Burman, 2012). La sécrétion de TSH est modiée par plusieurs médicaments administrés régulièrement dans les unités de soins critiques. L’administration de doses élevées de glucocorticoïdes peut diminuer la concentration sérique de T3 et inhiber la sécrétion de TSH (Demers, 2004). Les perfusions de dopamine à une dose supérieure à 1 microgramme par kilogramme par minute (mcg/kg/min) bloquent directement la libération de TSH (Kundra & Burman, 2012). L’amiodarone (CordaroneMD), un médicament antiarythmique, est un composé riche en iode qui a une structure semblable à celle de la T3 et de la T4. Aux doses administrées couramment, l’amiodarone contient de 35 à 140 fois l’apport quotidien recommandé en iode, soit 150 mcg par jour (Cohen-Lehman, Dahl, Danzi et al., 2010). Plusieurs médicaments augmentent la concentration sérique de T4 (Arora et al., 2011). Ces médicaments, incluant l’héparine non fractionnée et les héparines de faible poids moléculaire, causent une augmentation des concentrations sériques de cette hormone (Kundra & Burman, 2012). L’acide

acétylsalicylique (AspirinMD) et le furosémide (Lasix MD) augmentent aussi les concentrations sériques de T4 (Kundra & Burman, 2012). Le TABLEAU 31.3 présente une liste plus exhaustive des médicaments qui modulent les concentrations sériques des hormones thyroïdiennes et de la TSH.

31.4.3

Examens paracliniques

Les examens paracliniques commencent souvent par une échographie de la thyroïde pour visualiser tout nodule ou toute tumeur (Henrichsen & Reading, 2011 ; Sholosh & Borhani, 2011). Pour diagnostiquer l’hypothyroïdie, il peut être nécessaire de réaliser une scintigraphie au service de médecine nucléaire avec un isotope radioactif d’iode administré par voie orale (Intenzo, Dam, Manzone et al., 2012). L’examen de la thyroïde peut aussi détecter la présence de tissu thyroïdien ectopique et de carcinomes thyroïdiens ainsi que la quantité de tissu glandulaire thyroïdien viable après l’irradiation thérapeutique.

31.5

Glande surrénale

La glande surrénale est en fait constituée de deux glandes, ce qui complexie la présentation et l’investigation de son dysfonctionnement 30 . La corticosurrénale (couche externe) produit trois classes d’hormones ; si elles sont sécrétées en quantité insufsante ou excessive, elles peuvent causer des symptômes cliniques.

Chapitre 31

31

30 Les deux couches de la glande surrénale sont dé­ crites dans le chapitre 30, Anatomie et physiologie du système endocrinien.

Évaluation clinique du système endocrinien et examens paracliniques

943

Pharmacothérapie TABLEAU 31.3

Médicaments ayant un effet sur les concentrations sériques des hormones thyroïdiennes, de la TSH et de la TRH

Triiodothyronine (T3) AUGMENTATION

DIMINUTION

• • • •

• • • • • • • •

Amiodarone (CordaroneMD) Œstrogènes Méthadone (MetadolMD) Progestatifs

Androgènes Lithium (CarbolithMD) Phénytoïne (DilantinMD) Propranolol (InderalMD) Propylthiouracile (Propyl-ThyracilMD) Salicylates Stéroïdes anaboliques Sulfonamides

Thyroxine (T4) AUGMENTATION

DIMINUTION

• Acide acétylsalicylique (AspirinMD) • Amiodarone (CordaroneMD) • Certains anti-inammatoires non stéroïdiens (AINS) • Clobrate • Contraceptifs oraux • Corticostéroïdes • Furosémide (LasixMD) • Héparine • Phénylbutazone • Propranolol (InderalMD)

• • • • • • • •

Chlordiazépoxide (LibraxMD) Chlorpromazine Lithium (CarbolithMD) Phénytoïne (DilantinMD) Réserpine Stéroïdes Sulfonamides Sulfonylurée

Thyréostimuline (TSH)

Les deux hormones produites par la corticosurrénale et pertinentes du point de vue des soins critiques sont le cortisol, un glucocorticoïde, et l’aldostérone, un minéralocorticoïde. Le cortisol est libéré selon un rythme circadien. La sécrétion de cette hormone stéroïdienne est augmentée au cours d’un stress psychologique, mais aussi pendant un épisode de stress physiologique associé à une infection, à un trauma physique ou à une hypoglycémie. Quant à elle, l’aldostérone est sécrétée en réponse à l’hypovolémie. Il s’agit de l’étape nale du système rénine-angiotensine-aldostérone 24 . Cette hormone stéroïdienne participe donc au maintien de l’équilibre hydroélectrolytique et de la P.A. Certains désordres de la sécrétion d’aldostérone peuvent se présenter en soins critiques, par exemple l’hyperaldostéronisme. La prise de corticostéroïdes peut également inuer sur la sécrétion d’aldostérone 32 . Quant à elle, la médullosurrénale (couche interne) libère deux catécholamines qui ont une action endocrine. Elles causent des symptômes cliniques si elles sont libérées en quantité insufsante ou excessive. Il s’agit de l’adrénaline et de la noradrénaline ; elles sont toutes deux sécrétées par la glande surrénale en réponse au stress. Par exemple, l’adrénaline intervient au cours d’épisodes d’hypoglycémie dans l’objectif de rétablir une glycémie normale. Il est rare qu’un client soit admis dans une unité de soins critiques en raison d’un trouble primaire lié aux glandes surrénales. Le terme « primaire » indique que le principal problème provient la glande. Un dysfonctionnement surrénalien secondaire peut être causé par un trouble dans une autre glande, par un trouble clinique comme une septicémie ou par l’administration d’un médicament.

AUGMENTATION

DIMINUTION DE LA TSH ET DIMINUTION DE LA RÉPONSE À L’HORMONE DE LA LIBÉRATION DE LA THYRÉOSTIMULINE (TRH)

31.5.1

• • • • •

• • • • •

Puisque les troubles endocriniens primaires sont rares, une histoire de santé détaillée peut aider à déterminer les troubles qui peuvent inuer sur le fonctionnement de la glande surrénale. L’histoire de santé liée comprend des renseignements sur la prise de médicaments comme les glucocorticoïdes. En effet, le client ou sa famille doit être interrogé sur la prise de comprimés de corticostéroïdes, sur l’utilisation de crèmes stéroïdiennes pour traiter des troubles cutanés et sur la prise de stéroïdes en inhalateur pour traiter, par exemple, une maladie pulmonaire obstructive chronique.

Iodure de potassium Iodures Lithium (CarbolithMD) Métoclopramide (MaxeranMD) Sulfate de morphine

Acide acétylsalicylique (Aspirin ) Carbamazépine (TegretolMD) Dopamine Glucocorticoïdes Héparine

Globuline liant la thyroxine AUGMENTATION

DIMINUTION

• • • • •

• L-asparaginase • Traitement à l’androgène

944

5-Fluorouracil (5-FU) Contraceptifs oraux Œstrogènes Opiacés Perphénazine

Partie 7

MD

Évaluation clinique

Entrevue

Examen physique Au cours de l’examen physique lié aux effets du dysfonctionnement surrénal, les signes et les symptômes varient en fonction des hormones en cause. Ils diffèrent également si le problème découle de leur libération en quantité insufsante ou excessive. Les signes et les symptômes peuvent donc être très Système endocrinien

hétérogènes. Pour procéder à une évaluation pertinente, l’inrmière connaît les actions spéciques des hormones surrénaliennes 30 . Il est important d’adopter une approche méthodique en vue d’évaluer tous les signes et symptômes, car il est fréquent qu’un trouble surrénalien ne soit pas détecté ou qu’il soit mal diagnostiqué.

31.5.2

Analyses de laboratoire

Les différentes hormones et catécholamines produites par les glandes surrénales peuvent être mesurées pour estimer la fonction glandulaire. Dans le contexte des soins critiques, le principal glucocorticoïde d’intérêt est le cortisol. Son dosage demeure une analyse de laboratoire essentielle pour déterminer la fonction corticosurrénalienne. Le dosage de l’aldostérone permettra de distinguer l’hyperaldostéronisme primaire ou secondaire.

Cortisol Le cortisol est sécrété sur une base circadienne ; les valeurs normales de cortisol sérique varient ainsi selon l’heure du prélèvement : • 8 h : 110-520 nmol/L (< 80 pg/ml) ; • 16 h : 50-410 nmol/L (< 50 pg/ml) ; • minuit : < 140 nmol/L. Puisque les concentrations de cortisol varient au cours d’une même journée, l’interprétation de son dosage sérique doit tenir compte de l’heure du prélèvement. Les taux sérique et urinaire de cortisol sont en corrélation. Ainsi, le dosage des sousproduits du cortisol excrétés dans l’urine sur une période de 24 heures permet de déterminer précisément la sécrétion totale de cortisol reétant

la fonction de la glande corticosurrénalienne, malgré les variations du rythme circadien, par exemple chez le client qui dort selon un horaire atypique. Les valeurs normales du cortisol urinaire sur une période de 24 heures sont inférieures à 276 nmol/jour (< 100 mcg/24 h) chez l’adulte ayant une fonction surrénalienne intacte (Pagana et al., 2013). En présence des signes cliniques, une valeur initiale de cortisol inférieure aux normales permet de suspecter que le client est atteint d’insufsance surrénalienne. Le test de stimulation à la cosyntropine (Cortrosyn MD) est utilisé pour déterminer si la glande corticosurrénale peut répondre au stress en sécrétant plus de cortisol 32 . La cosyntrophine est le nom donné à l’ACTH synthétique. Une mesure initiale du taux de cortisol sérique est d’abord obtenue pour établir une valeur de départ. Le test s’effectue en une seule journée. Après la mesure initiale du cortisol, le client reçoit une dose de 250 mcg de cosyntrophine intraveineuse. Cela aura pour effet de stimuler la surrénale. En réponse à cette stimulation extrinsèque, une augmentation de cortisol sérique inférieure à 267 nmol/L (7 mg/dL) par rapport à la valeur initiale laisse présager que le client est atteint d’insufsance surrénalienne (Marik, Pastores, Annane et al., 2008). Ce test n’est pas valide si le client a récemment reçu des glucocorticoïdes (Marik et al., 2008).

31.5.3

24 Les mécanismes du système rénine-angiotensinealdostérone sont explicités dans le chapitre 24, Ana­ tomie et physiologie du système rénal.

30 Les actions des hormones surrénaliennes sont expliquées dans le chapitre 30, Anatomie et physiologie du système endocrinien.

32 Le chapitre 32, Troubles endocriniens et approche thérapeutique, détaille le test de stimulation à la cosyntropine de même que les affections de la glande surrénale.

Examens paracliniques

La TDM est l’examen le plus utilisé pour l’imagerie des glandes surrénales (Boland, 2011). La biopsie surrénale percutanée demeure rare.

À RETENIR • L’évaluation d’un client atteint d’un dysfonctionnement endocrinien est un processus systématique qui comprend une entrevue, un examen physique et les résultats de ses analyses de laboratoire. • L’évaluation de la fonction endocrine du pancréas inclut le dosage de l’insuline et du glucagon. Ces deux hormones ont un impact majeur sur le métabolisme du glucose. • La glycémie à jeun normale varie de 3,9 à 5,6 mmol/L. Une glycémie à jeun se situant de 6,1 à 6,9 mmol/L indique un cas de prédiabète. Une glycémie égale ou supérieure à 7 mmol/L présage un diagnostic de diabète. L’hyperglycémie

est une constatation fréquente chez les clients hospitalisés aux soins critiques.

dénie par une valeur faible de TSH et par une valeur élevée des hormones thyroïdiennes.

• L’évaluation de l’hypophyse inclut le dosage de l’hormone antidiurétique (ADH) et l’osmolalité sérique et urinaire. Les concentrations sériques d’ADH sont évaluées par rapport à l’osmolalité sérique et urinaire pour différencier le syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique (SIADH) et le diabète insipide (DI) central.

• La glande surrénale participe à la réponse au stress physiologique aigu. Dans les cas de maladies graves prolongées et de choc septique, il est possible que la corticosurrénale ne sécrète pas des quantités adéquates de cortisol.

• Au cours de l’évaluation de la thyroïde, l’hypothyroïdie est définie par une valeur élevée de thyréostimuline (TSH) ainsi qu’une valeur faible des hormones thyroïdiennes, et l’hyperthyroïdie est Chapitre 31

• Les taux de cortisol sériques varient selon un schéma diurne ; il est donc nécessaire d’interpréter le résultat en fonction de l’heure du prélèvement. Le cortisol urinaire est mesuré sur une période de 24 heures et donne une information plus précise de la quantité totale de cortisol sécrété par la glande surrénale.

Évaluation clinique du système endocrinien et examens paracliniques

945

chapitre

32

Troubles endocriniens et approche thérapeutique

Écrit par : Mary E. Lough, PhD, RN, CNS, CCRN, CNRN, CCNS Adapté par : Annick Jutras, inf., M. Sc., Ph. D. (c) Anne-Marie Leclerc, inf., M. Sc.

L

e système endocrinien passe presque inaperçu lorsqu’il fonctionne adéquatement, mais il cause de nombreux dérangements lorsqu’un de ses organes est hypostimulé ou hyperstimulé, se trouve sous l’effet d’un stress physiologique ou subit une ablation. Il en résulte un vaste éventail de troubles possibles ; certains sont rares, tandis que d’autres se manifestent plus fréquemment dans les unités de soins critiques. Les répercussions des désordres endocriniens sont variées. Elles peuvent être d’ordre systémique, voire menacer la vie. Le système endocrinien travaille de pair avec le système nerveux pour maintenir la communication et l’homéostasie. Les systèmes endocrinien et nerveux ont donc des impacts sur les cellules, les tissus, les organes et les autres systèmes de l’organisme. Le présent chapitre traite du stress neuroendocrinien associé aux maladies graves et aux troubles de trois glandes endo­ crines principales : le pancréas, le lobe postérieur de l’hypophyse et la thyroïde.

32.1

Neuroendocrinologie du stress et des maladies graves

D’importants changements neurologiques et endocriniens se produisent lorsqu’une personne vit un stress physiologique causé par une maladie grave ou un événement tel qu’une septicémie, un traumatisme ou une opération importante (Dellinger, Lévy, Rhodes et al., 2013 ; Moghissi, Korytkowski, DiNardo et al., 2009). La réaction de lutte ou de fuite que déclenche naturellement une situation de stress physiologique ou psychologique est exacerbée en raison de l’activation du système neuroendocrinien et surtout de l’axe hypothalamus-hypophyse-surrénale (Dünser & Hasibeder, 2009). En cas de maladie grave, tous les organes endocriniens sont touchés, comme le montre le TABLEAU 32.1.

TABLEAU 32.1 GLANDE OU ORGANE

32.1.1

Réaction neuroendocrinienne aiguë

La réaction aiguë de lutte ou de fuite à une menace physiologique correspond à une libération rapide des catécholamines, soit l’adrénaline (épinéphrine) et la noradrénaline (norépinéphrine) dans la circulation sanguine (Dünser & Hasibeder, 2009). Celles-ci sont libérées par les terminaisons nerveuses du système nerveux sympathique, situées dans la médullosurrénale (partie interne de la surrénale). D’autres hormones surrénaliennes participent également à la réponse au stress, principalement le cortisol, qui est synthétisé et excrété par la corticosurrénale.

Axe hypothalamus-hypophyse-surrénale L’axe hypothalamus-hypophyse-surrénale est une voie de communication qui se trouve surstimulée à la suite d’un stress. Cela entraîne une série de

Réactions endocriniennes au stress HORMONE

RÉPONSE

• Glucocorticoïdes

• ↑ glycémie • ↓ libération d’histamine → suppression du système immunitaire • ↓ lymphocytes, monocytes, éosinophiles, basophiles → ↑ risque d’infection • ↑ leucocytes polynucléaires • ↓ sécrétion d’acide chlorhydrique dans l’estomac

Surrénale Corticosurrénale

– Cortisol (principal glucocorticoïde)

• Minéralocorticoïdes

↑ gluconéogenèse hépatique → ↑ glycémie ↑ catabolisme des protéines ↑ lipolyse ↑ insulinorésistance → ↑ glycogénolyse → ↑ glycémie ↑ sodium → ↑ rétention d’eau pour maintenir l’osmolalité sérique par le mouvement du liquide extravasculaire dans l’espace intravasculaire • ↓ broblastes des tissus conjonctifs → retard de cicatri­ sation des plaies • • • • •

32

• ↑ aldostérone → ↓ excrétion de sodium → ↓ excrétion d’eau → ↑ volume intravasculaire • ↑ excrétion de potassium → hypokaliémie • ↑ excrétion d’ions hydrogène → acidose métabolique

Chapitre 32

Troubles endocriniens et approche thérapeutique

947

TABLEAU 32.1 GLANDE OU ORGANE

Réactions endocriniennes au stress (suite) HORMONE

RÉPONSE

• Catécholamines – Adrénaline et noradrénaline

• • • • • • • • • •

Surrénale Médullosurrénale

↑ glycogénolyse hépatique → ↑ glycémie ↑ métabolisme général ↑ insulinémie (les cellules deviennent insulinorésistantes) ↑ contractilité myocardique ↑ débit cardiaque (D.C.) ↑ vasodilatation des artères coronaires ↑ pression artérielle (P.A.) ↑ fréquence cardiaque (F.C.) Bronchodilatation → ↑ fréquence respiratoire ↑ perfusion du cœur, de l’encéphale, des poumons, du foie et des muscles • ↓ péristaltisme

– Adrénaline

• ↑ endorphines → ↓ douleur

– Noradrénaline

• ↑ vasoconstriction périphérique → ↓ perfusion périphérique • ↑ excrétion de potassium • ↑ rétention sodique

Hypophyse • Toutes les hormones

• ↑ opioïdes endogènes → ↓ douleur

• Corticotrophine (ACTH)

• ↑ aldostérone → ↓ excrétion de sodium → ↓ excrétion d’eau → ↑ volume intravasculaire • ↑ cortisol → ↑ volémie et ↑ glycémie

• Somatotrophine (STH) (ou hormone de croissance [GH])

• ↑ anabolisme des acides aminés en protéines • ↑ lipolyse → ↑ gluconéogenèse

• Hormone antidiurétique (ADH)

• • • •

Cellules bêta

• Insuline

• ↑ insulinorésistance → hyperglycémie

Cellules alpha

• Glucagon

• ↑ glycolyse (catabolisme du glucose pour former de l’énergie sous forme d’adénosine triphosphate [ATP]), s’oppose directement à l’action de l’insuline • ↑ glycogénolyse • ↑ gluconéogenèse • ↑ glycémie

• Thyroxine (T4)

• ↓ métabolisme basal pendant le stress

Hypophyse antérieure

Neurohypophyse

↑ vasoconstriction ↑ rétention d’eau → restauration du volume circulant ↓ diurèse hypo-osmolalité sérique

Pancréas

Thyroïde

948

Partie 7

Système endocrinien

réponses. L’hypophyse comporte deux lobes (a ntérieur et postérieur), dont le fonctionnement est g ouverné par l’hypothalamus. L’hypophyse postérieure (neurohypophyse) libère l’ADH (ou vasopressine arginine) qui participe à la réaction au stress physiologique. Cette hormone a un effet vasoconstricteur puissant (Dünser & Hasibeder, 2009). L’hypophyse antérieure (adénohypophyse) produit plusieurs hormones, dont l’ACTH, qui stimule la libération de cortisol par la corticosurrénale (Moraes, Friedman, Tonietto et al., 2012). La libération de cortisol est une importante réaction protectrice à l’égard d’un stress. L’augmentation des taux de cortisol modie le métabolisme des glucides, des lipides et des protéines en augmentant la glycémie pour que de l’énergie soit immédiatement disponible aux organes vitaux, comme le cerveau. Par contre, une cortisolémie élevée pendant une durée prolongée est délétère pour l’organisme. Quant à elles, l’adrénaline et la noradrénaline sont libérées par les cellules chromafnes de la médullosurrénale, et ce, en plus grande quantité durant un stress. Ces catécholamines augmentent le débit sanguin, la consommation d’oxygène dans le cerveau, le métabolisme général, ainsi que la glycémie (Dünser & Hasibeder, 2009). L’adrénaline, qui hausse la F.C., peut causer des arythmies ventriculaires. Elle fournit également une certaine analgésie ou une inconscience de la douleur pendant un stress physique aigu (Dünser & Hasibeder, 2009). Le mélange d’adrénaline et d’ADH fait augmenter rapidement la P.A., et il diminue également la motilité gastrique (Dünser & Hasibeder, 2009). Toutefois, si l’événement stressant se prolonge, l’axe hypothalamus-hypophyse-surrénale peut être incapable de réagir adéquatement à celui-ci, c’està-dire que la réaction compensatoire entraînée par l’activation de cet axe pourrait s’avérer néfaste pour l’organisme. Une diminution de la fonction surrénalienne peut également être observée en présence de divers états pathologiques présentés à la n de ce chapitre : • Une insufsance surrénalienne primaire, aussi appelée maladie d’Addison, se manifeste par un défaut intrinsèque de la corticosurrénale à produire des glucocorticoïdes et des minéralocorticoïdes endogènes. Une telle insufsance est rare. • Une insufsance surrénalienne secondaire, aussi appelée syndrome de Cushing secondaire se produit principalement à la suite de l’administration prolongée de glucocorticostéroïdes thérapeutiques. En réaction aux glucocorticostéroïdes exogènes, la surrénale cesse de produire des hormones endogènes. • L’insufsance corticostéroïdienne liée à une maladie grave (critical illness-related corticosteroid insufciency [CIRCI]) décrit une situation dans laquelle la médullosurrénale produit des glucocorticoïdes en quantité insufsante pour contrer le processus morbide (Marik, Pastores, Annane et al., 2008).

Foie et pancréas En réaction à un stress physiologique, le pancréas sécrète du glucagon qui stimule le foie à libérer plus de glucose dans la circulation sanguine par la glycogénolyse et la néoglucogenèse. En raison de l’augmentation rapide de la glycémie, les tissus périphériques peuvent devenir résistants à l’insuline, ce qui signie que ceux-ci sont incapables d’utiliser l’insuline disponible permettant le transport du glucose dans les cellules. Les taux de glycémie augmentent alors davantage, ce qui cause une hyperglycémie persistante provoquée par le stress (Fahy, Sheehy, Coursin et al., 2009). Bien que les transporteurs du glucose (GLUT) demeurent actifs pendant un stress physiologique, ceux-ci peuvent être incapables de palier l’augmentation rapide de la glycémie 30 .

32.1.2

Hyperglycémie

La glycémie normale varie de 3,9 a 5,6 mmol/L chez une personne à jeun et en bonne santé. Or, les clients dont l’état de santé est critique ont souvent une hyperglycémie plus élevée en raison des taux sériques plus élevés de catécholamines, de cortisol, de glucagon et des effets de la médication administrée (Canadian Diabetes Association [CDA], 2013).

30 Les protéines transmem­ branaires qui assurent le transport du glucose, les GLUT, sont présentées dans le chapitre 30, Ana­ tomie et physiologie du système endocrinien.

Surveillance fréquente de la glycémie La surveillance fréquente de la glycémie constitue la base pour le maintien de celle-ci dans les valeurs cibles. La glycémie peut être mesurée par ponction veineuse ou par ponction capillaire. Cette dernière peut être l’option initiale la plus simple, bien que les doigts puissent subir des lésions si de nombreux prélèvements sont faits en l’espace de quelques jours. Ces lésions aux doigts sont aussi exacerbées lorsque la perfusion sanguine périphérique est diminuée 31 .

31 La mesure de la glycémie est traitée plus en détail dans le chapitre 31, Éva­ luation clinique du système endocrinien et examens paracliniques.

Perfusion continue d’insuline L’Association canadienne du diabète (Canadian Diabetes Association [CDA]) a rédigé un guide de pratique clinique en 2013 dans lequel elle recommande d’utiliser des perfusions continues d’insuline pour maintenir la glycémie entre 8,0 et 10 mmol/L chez les clients dont la situation de santé est critique pour contrer les effets néfastes de l’hyperglycémie. La vigilance de l’inrmière en soins critiques est essentielle au succès de toute intervention visant à réduire le taux de glycémie au moyen de la perfusion continue d’insuline. L’utilisation de protocoles de perfusion continue d’insuline est préconisée an de minimiser les risques d’hypoglycémie (CDA, 2013). En effet, le maintien d’une glycémie stable par une perfusion continue d’insuline contribue à diminuer la morbidité et la mortalité (Moghissi et al., 2009). Toutefois, un contrôle trop agressif de la glycémie peut également mener à un taux plus élevé de mortalité (Finfer, Chittock, Suh et al., 2009). Chapitre 32

Troubles endocriniens et approche thérapeutique

32

949

Ainsi, de nombreux centres hospitaliers ont adopté des protocoles de perfusion continue d’insuline pour le traitement de l’hyperglycémie (McDonnell & Umpierrez, 2012 ; Moghissi et al., 2009). An de réduire la glycémie tout en la maintenant dans les valeurs cibles, ces protocoles prescrivent la quantité d’insuline à administrer selon deux paramètres, soit le résultat immédiat de la glycémie et le taux de variation de la glycémie depuis la dernière mesure. Lorsque cela est indiqué, la perfusion continue d’insuline est généralement amorcée quand la valeur de glycémie du client dépasse 10 mmol/L. Le TABLEAU 32.2 présente un exemple de protocole d’instauration de la perfusion d’insuline. Lorsque la glycémie ne se situe pas dans les valeurs cibles, sa mesure horaire est effectuée pour permettre l’ajustement du dosage de la perfusion d’insuline (McDonnell & Umpierrez, 2012). Lorsque la glycémie est stable et dans les valeurs cibles, les mesures peuvent être espacées toutes les deux heures, selon les protocoles de l’établissement de soins de santé. Le TABLEAU 32.3 présente un exemple de protocole pouvant être utilisé pour l’ajustement d’une perfusion continue d’insuline. Le principal inconvénient des protocoles de perfusion continue d’insuline est le risque d’hypoglycémie (McCall, 2012). Il est donc important d’avoir un protocole pour la gestion de l’hypoglycémie, car ses conséquences sont graves. Dès qu’une hypoglycémie est détectée (inférieure à 4 mmol/L), il faut cesser toute perfusion continue d’insuline TABLEAU 32.4. À partir du protocole présenté dans le TABLEAU 32.3, voici trois exemples qui illustrent des situations différentes. 1. Le client A a un débit de perfusion d’insuline à 4 ml/h. Son taux de glycémie est à 6,1 mmol/L, mais était à 10,6 mmol/L il y a 1 heure. Il faut diminuer le taux d’insuline de 25 %, pour éviter une hypoglycémie soudaine. Donc, le débit de perfusion d’insuline sera réglé à 3 ml/h. 2. Le client B a un débit de perfusion d’insuline à 4 ml/h. Son taux de glycémie est à 6,1 mmol/L, mais était à 6,3 mmol/L il y a 1 heure. Dans cette

TABLEAU 32.2

Exemple de protocole d’instauration de la perfusion d’insuline

• Diluer 100 unités d’insuline régulière (HumulinMD R/NovolinMD GE Toronto) dans 100 ml de chlorure de sodium (NaCl) 0,9 % (concentration nale = 1 unité/ml). • Amorcer la perfusion lorsque la glycémie capillaire ≥ 10,1 mmol/L. • Cesser toutes les ordonnances précédentes d’insuline et d’hypoglycémiants oraux. GLYCÉMIE CAPILLAIRE

DÉBIT DE LA PERFUSION

BOLUS INITIAL

10,1 - 14,0 mmol/L

1 ml/h

3 ml

14,1 - 18,0 mmol/L

2 ml/h

8 ml

≥ 18,1 mmol/L

3 ml/h

10 ml

950

Partie 7

Système endocrinien

situation, aucun changement n’est apporté au débit de la perfusion d’insuline. 3. Le client C a un débit de perfusion d’insuline à 4 ml/h. Son taux de glycémie est à 10,6 mmol/L, et il était à 11,0 mmol/L il y a 1 heure. Il faut augmenter le débit de 1 ml/h, soit à 5 ml/h an d’atteindre le plus rapidement les valeurs de glycémie ciblées (c.-à-d. de 6,0 à 10,0 mmol/L, bien que ces valeurs varieront selon le protocole de chaque établissement de soins de santé). Chacun des clients décrits dans les exemples cidessus peut avoir le même débit de perfusion d’insuline, malgré des diagnostics différents. Les besoins en insuline d’une personne varient souvent au cours de sa maladie, en réaction aux changements de l’état clinique, comme l’apparition d’une infection, des modications de l’apport calorique causées par l’arrêt ou le début de l’alimentation entérale ou parentérale, ainsi que l’administration de glucocorticostéroïdes thérapeutiques. Il est essentiel d’avoir une méthode qui permet d’apporter des changements graduels (à la hausse ou à la baisse), adaptés à la réalité des variations de l’état clinique, pour ainsi maintenir la glycémie dans les valeurs cibles.

Alimentation Selon la raison sous-jacente à la nécessité d’une perfusion d’insuline, l’alimentation entérale ou parentérale peut être envisagée. Une perfusion contenant 5 ou 10 % de dextrose peut-être administrée au client. Le dextrose offre l’avantage de fournir des calories d’origine glucidique pour le métabolisme, de limiter les uctuations de la glycémie et de réduire le risque d’hypoglycémie. Lorsque la condition métabolique du client demeure stable, il est recommandé de commencer l’alimentation sans glucose (protéines et lipides) et de procéder alors à la transition vers l’administration sous-cutanée (S.C.) d’insuline (American Diabetes Association [ADA], 2008).

Transition vers l’administration intermittente d’insuline La transition d’une perfusion continue à une administration intermittente d’insuline doit être effectuée avec soin an d’éviter qu’elle cause de grandes uctuations des taux de glycémie. Avant cette transition, la perfusion d’insuline doit être stable, et le taux de glycémie doit être maintenu à l’intérieur des valeurs cibles. La transition de l’administration intraveineuse (I.V.) à l’administration S.C. d’insuline dépend de nombreux facteurs, dont la capacité du client à s’alimenter (Dombrowski & Karounos, 2013). Selon les lignes directrices canadiennes, la première injection S.C. d’insuline à action rapide doit être administrée de une à deux heures avant la n de la perfusion d’insuline. Si une insuline à action intermédiaire ou à longue durée est utilisée, celle-ci doit être administrée en respectant une période préalable de deux à trois heures avant la n de la perfusion (CDA, 2013).

TABLEAU 32.3

Exemple de protocole d’ajustement du débit de la perfusion d’insuline

GLYCÉMIE CAPILLAIRE

Si le résultat de la glycémie capillaire par rapport à la précédente afche : • ↓ glycémie < 2 mmol/L • ou aucune variation de la glycémie • ou ↑ glycémie.

≤ 4,0 mmol/L

• Cesser la perfusion et appliquer le protocole de traitement d’une hypoglycémie au cours d’une perfusion continue d’insuline TABLEAU 32.4.

< 4,1-5,9 mmol/L

• ↓ débit de 25 % (p. ex., débit de 8 ml/h ; 25 % de 8 ml/h = 2 ml/h ; donc 8 ml/h – 2 ml/h = régler le débit à 6 ml/h) • Mesure de la glycémie capillaire toutes les heures

• ↓ débit de 50 % • Mesure de la glycémie capillaire toutes les heures

6,0-10,0 mmol/L (cible)

• Ne pas modier le débit

• ↓ débit de 25 %

10,1-14,0 mmol/L

• ↑ débit de 1 ml/h

• Ne pas modier le débit

14,1-22,0 mmol/L

• ↑ débit de 2 ml/h • Si glycémie  14,1 pendant 3 mesures consécutives : ↑ débit de 25 % (p. ex., débit de 8 ml/h ; 25 % de 8 ml/h = 2 ml/h ; donc 8 ml/h + 2 ml/h = régler débit à 10 ml/h) • Mesure de la glycémie capillaire toutes les heures

• Ne pas modier le débit • Mesure de la glycémie capillaire toutes les heures

> 22,0 mmol/L

• ↑ débit de 2 ml/h • Si glycémie > 22,0 mmol/L pendant 3 mesures consécutives : ↑ débit de 50 % (p. ex., débit de 8 ml/h ; 50 % de 8 ml/h = 4 ml/h ; donc 8 ml/h + 4 ml/h = régler débit à 12 ml/h) • Si glycémie demeure > 22,0 après ↑ débit de 50 %, refaire un nouveau sac d’insuline • Mesure de la glycémie capillaire toutes les heures

• Ne pas modier le débit • Mesure de la glycémie capillaire toutes les heures

TABLEAU 32.4

Si le résultat de la glycémie capillaire par rapport à la précédente afche : • ↓ glycémie ≥ 2 mmol/L.

Exemple de protocole de traitement d’une hypoglycémie au cours d’une perfusion continue d’insuline

GLYCÉMIE CAPILLAIRE

TRAITEMENT

FRÉQUENCE DES MESURES DE LA GLYCÉMIE CAPILLAIRE

< 2,7 mmol/L

Administrer 1 seringue de dextrose 50 % (soit 50 ml de dextrose dans une solution d’eau [D50 %W]) (I.V.).

2,7-4,0 mmol/L*

Administrer ½ seringue de dextrose 50 % (soit 25 ml de D50 %W) I.V.

• Toutes les 15 minutes jusqu’à ce que la glycémie capillaire soit > 4,0 mmol/L • Lorsque glycémie capillaire > 4,0 mmol/L : toutes les heures sans reprendre la perfusion d’insuline • Lorsque glycémie capillaire > 6,0 mmol/L : reprendre perfusion d’insuline à la moitié du dernier débit

* Si l’hypoglycémie n’est pas résolue au moment de la troisième mesure de la glycémie capillaire, administrer 1 seringue complè te de dextrose 50 % (soit 50 ml de D50 %W) I.V. et, par la suite, si la glycémie demeure < 3,5 mmol/L après 15 minutes, aviser le médecin.

32

15 minutes après l’administration de dextrose I.V. et glycémie > 4,0 mmol/L

4,1-6,0 mmol/L

Ne pas reprendre la perfusion d’insuline.

• Toutes les heures

> 6,0 mmol/L

Reprendre la perfusion d’insuline à la moitié du dernier débit.

• Toutes les heures

Source : Adapté de Centre de santé et de services sociaux (CSSS) de Trois-Rivières (2010)

Un mélange d’insuline à action prolongée ou intermédiaire (insuline basale) et d’insuline à action rapide ou à courte durée d’action (insuline prandiale) peut être administré par voie S.C. L’insuline prandiale est administrée à l’heure des repas, c’està-dire qu’elle permettra aux glucides provenant des aliments de pénétrer dans les cellules qui pourront

en utiliser l’énergie ou les stocker. De son côté, l’insuline basale, étant de plus longue action, couvre les besoins insuliniques de base, c’est-à-dire indépendamment de l’alimentation. Après la transition vers